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Version finale

37th Legislature, 2nd Session
(March 14, 2006 au February 21, 2007)

Wednesday, May 17, 2006 - Vol. 39 N° 29

Consultation générale sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès : un défi d'équité, d'efficience et de qualité


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-six minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Étant donné que nous avons quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales.

Nous sommes réunis afin de poursuivre notre consultation générale et nos auditions publiques sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, M. Charbonneau (Borduas) va remplacer Mme Charest (Rimouski); M. Valois (Joliette), Mme Champagne (Champlain).

Le Président (M. Copeman): Merci. Nous avons également, aujourd'hui, une journée chargée. Nous débutons dans quelques instants avec l'audition de... avec la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec; ce sera suivi, autour de 10 h 30, par l'Institut économique de Montréal; et terminer la matinée avec le Conseil pour la protection des malades. Il est prévu que nous siégeons cet après-midi, et je ferai lecture de l'ordre du jour à ce moment-là.

Auditions (suite)

Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentantes de la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec. Mme la présidente Bonamie, bonjour.

Mme Bonamie (Lina): Bonjour, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Je vous rappelle nos façons de fonctionner. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et je vais vous aviser quand il vous restera trois minutes. Ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter vos collaboratrices et par la suite d'enchaîner avec votre présentation.

Fédération des infirmières
et infirmiers du Québec (FIIQ)

Mme Bonamie (Lina): Parfait. Alors, à ma gauche, Mme Lucie Mercier, qui est conseillère au volet sociopolitique, à la fédération; à ma droite, Mme Michèle Boisclair, première vice-présidente à la FIIQ+, suivie de Mme Florence Thomas, qui est aussi conseillère pour le volet sociopolitique, à la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec.

Alors, M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, merci de nous permettre, aujourd'hui, de venir échanger avec vous notre point de vue sur le document Garantir l'accès, livre blanc que le ministre nous a présenté.

Nous sommes une fédération maintenant composée de différents professionnels de la santé ? nous en représentons 56 500 ? professionnels qui travaillons pour la plupart, la grande majorité, je devrais dire, dans le réseau public. Notre vision, nos décisions, nos actions comme fédération s'inscrivent toujours dans une préservation des acquis sociaux et d'une justice sociale, et c'est dans cette avenue-là qu'on s'inscrit ce matin, à cette présente commission parlementaire. Donc, les échanges, le questionnement que nous allons faire avec vous aujourd'hui, c'est dans le but essentiel d'améliorer notre système de services de santé.

En réponse au jugement Chaoulli, le gouvernement nous avance une proposition que je qualifierais de deux temps, soit, la première, d'améliorer l'accès aux services de santé par une garantie d'accès et, en parallèle, par une assurance privée duplicative, complétée par ça par deux propositions en matière de financement.

Dans la réponse du gouvernement, nous voyons deux types de garanties: la première, une garantie entièrement publique, qui concerne les services de cardio tertiaire et les services de radio-oncologie, la deuxième garantie étant plutôt ce que nous appellerons, pour fins de discussion aujourd'hui, une garantie hybride, c'est-à-dire une garantie qui couvre trois chirurgies électives, soit celles de la cataracte, du genou et de la hanche, et, pour ce deuxième type de garantie, il y a une introduction des délais. De zéro à six mois, nous pouvons être traités... nous pourrions être traités dans notre établissement local. De six mois à neuf mois, dans un autre établissement public hors de la région ou encore dans une clinique spécialisée affiliée, soit une CSA, et ce, aux frais de l'établissement, bien sûr. Plus de neuf mois, notre choix s'élargit, et là nous pourrions aller dans une clinique privée, cette fois-ci au Québec, hors Québec ou encore hors Canada, mais toujours aux frais du réseau.

n (9 h 40) n

À tout moment cependant, si nous avons bien compris le livre blanc, à tout moment cependant, un patient peut faire le choix de toujours exiger d'être traité, subir les interventions chirurgicales dans son établissement local. Alors, faisons la supposition qu'un patient fait ce choix, donc nous avançons cette hypothèse, qu'arrivera-t-il dans les délais? Le livre blanc nous semble muet sur un délai maximal lorsque le patient fait son choix de rester dans l'établissement local. Qu'arrive-t-il après six mois, neuf mois? Qu'arrive-t-il à ce patient-là? Nous n'avons pas saisi, dans le livre blanc, qu'il y avait un terme au délai de ce côté-là. Et, dans le mesure où il n'y a aucun ajout substantiel dans l'établissement, comment ce patient-là peut-il espérer qu'il va y avoir une amélioration sur les listes d'attente de l'établissement?

Si on veut améliorer l'accès aux chirurgies électives, nous croyons qu'il faut investir dans le réseau public lui-même. Dans certains cas, dans certaines régions, nous pensons qu'il va falloir envisager le déplafonnement de la rémunération des médecins pour répondre réellement aux besoins de la population. Dans un passé récent d'ailleurs, des budgets non récurrents ont été avancés pour diminuer les listes d'attente, et des résultats, je dois dire, positifs ont été enregistrés.

Parallèlement à tout le système, là, où il y a les délais, il va y avoir la possibilité d'avoir une assurance privée duplicative, une assurance privée qui va couvrir tout l'épisode de soins par rapport aux trois interventions chirurgicales ? là, on s'entend. L'utilisation de cette assurance fait en sorte que, si, moi, j'ai acquis une telle assurance, je ne devrais pas être confrontée à des délais, sauf bien sûr les délais de disponibilité de la clinique privée que j'aurai choisie. Ces soins-là seront dispensés dans des cliniques privées par des médecins non participants et ils seront dispensés à tout citoyen qui aura une assurance privée. Mais qui sont ces patients-là qui peuvent avoir ces assurances privées là?

Au dire de plusieurs médecins, la majorité de ces patients qui attendent pour avoir des arthroplasties ne sont pas assurables: chirurgie de la cataracte, arthroplastie, bon, genou, hanche, des pathologies qui ne sont pas exclusivement associées au vieillissement mais souvent rapprochées au vieillissement, donc des patients à peu près pas assurables, ou du moins assurables mais avec des primes d'assurance assez élevées. De plus, les patients âgés ne sont pas vraiment enclins à vouloir changer de région. Les personnes âgées habituellement préfèrent rester dans leur localité. Alors, dans un contexte comme celui-là, comment on pense être en mesure d'améliorer les listes d'attente de chacun des réseaux québécois? Nous croyons que la personne âgée sera probablement la personne perdante dans le plan qui est proposé dans le livre blanc.

L'accès en région maintenant. Comme les cliniques spécialisées affiliées ne s'implanteraient pas dans la même mesure en milieu urbain ou en région, il nous apparaît que le patient de Gaspésie, d'Abitibi peut difficilement espérer avoir maintenant des offres de services accrues à proximité de sa localité. Rappelons qu'en décembre 2003 le gouvernement, sous le bâillon, adoptait la Loi d'agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux. Cette loi a confié aux agences la responsabilité de mettre en place un nouveau mode d'organisation des services dans chaque région, puis basé sur des réseaux locaux justement de services. 95 réseaux locaux maintenant ont été créés au Québec dans l'objectif de rapprocher les services à la population, avec un accès plus accru, une meilleure coordination et finalement des soins continus. Or, voici que la garantie d'accès qui nous est offerte comme solution nous propose d'aller se faire traiter hors région et même hors Québec. Alors, nous, on y voit une contradiction entre la loi votée en décembre 2003 et ce que le livre blanc nous propose.

Depuis, disons, la campagne électorale fédérale de 2004, les listes d'attente sont devenues un enjeu politique tant fédéral que provincial. D'ailleurs, il y a un plan décennal qui a été signé en septembre 2004, qui prévoit une diminution, en tout cas qui veut s'attaquer à une diminution des listes d'attente pour une diminution d'ici mars 2007. 5,5 milliards y sont consacrés. Québec a signé une entente en parallèle lui permettant une certaine latitude dans l'application des mesures par rapport au reste du Canada. Cependant, dans le livre blanc, nous ne trouvons pas la somme qui est confiée au Québec pour s'attaquer à ces listes d'attente et comment le gouvernement, le ministère de la Santé et des Services sociaux s'attend-il à mettre... à appliquer ces sommes-là pour diminuer les listes d'attente.

Des délais plus longs pour le Québec aussi. Des délais d'attente ont été fixés par l'Alliance canadienne. En regard des arthroplasties, trois mois pour une consultation, six mois pour une chirurgie, pour l'intervention comme telle, et le délai commence à courir aussitôt que le médecin de médecine générale fait une consultation à un spécialiste, ce qui n'est pas le cas ici, au Québec, pour nos délais. Pour les chirurgies de la cataracte, l'Alliance canadienne a retenu quatre mois, encore là, un délai inférieur à ceux retenus dans le livre blanc, et nous voudrions comprendre pourquoi les délais québécois seraient plus longs.

Les cliniques spécialisées affiliées et les cliniques privées. On a vu qu'après six mois le patient pourrait être traité dans une CSA, pour aller plus vite, ou une clinique privée qui sera liée au ministère soit par entente ou par contrat. Alors, il n'est pas exclu que les cliniques d'omnipraticiens, soit les GMF ou les cliniques-réseaux, une clinique de soins affiliée... spécialisée affiliée ou encore une clinique à financement privé soient chapeautées par une même entité juridique. Donc, on imagine, si cette possibilité-là est là, la possibilité que ces cliniques-là se retrouvent sous un même chapeau, mais sous une même bâtisse aussi, dans une même bâtisse. Alors, comment on va faire l'arbitrage d'une liste d'attente par rapport à l'autre liste d'attente d'une clinique à l'autre? Est-ce que le patient qui a une assurance privée se verrait en compétition avec le patient qui est référé par le réseau public?

Il semble aussi, tout le long de la lecture du livre blanc, qu'en tout temps les établissements devront débourser le budget pour l'achat de chirurgies privées. Dans un contexte où, à l'heure actuelle, les établissements n'arrivent pas à suffire à la tâche, si on vient leur amputer encore du budget, comment on fait pour faire ça sans les mettre en péril?

Il ne semble pas non plus de la volonté du ministère de la Santé et des Services sociaux de reproduire les ententes de GMF à l'intérieur des cliniques spécialisées affiliées. Donc, les CSA devront voir à l'embauche et à la gestion des professionnels de santé qu'elles requièrent. Mais tout ça dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre. Alors, si on veut établir un système privé de santé, ça peut se faire... ça ne peut que se faire au détriment du réseau public, quand on parle des professionnels bien sûr.

Pour une véritable garantie de soins publique. Le ministre s'est interrogé sur le rôle que devrait jouer le secteur privé. Il ne nous semble pas que le ministre se soit interrogé sur la façon d'améliorer l'accès à l'intérieur même du système public. Or, le gouvernement du Québec l'a assez bien démontré, il est possible de solutionner le problème des listes d'attente à l'intérieur d'un réaménagement du secteur public en y consacrant bien sûr du temps, des efforts, y compris des efforts financiers. Le virage ambulatoire entrepris au milieu des années quatre-vingt-dix, malheureusement dans un contexte de compressions budgétaires, était rempli de promesses. Quant à nous, à la fédération, il serait temps pour le gouvernement d'achever ce virage ambulatoire là.

Les enjeux maintenant, les enjeux du financement du système de santé et de services sociaux. Le document Garantir l'accès propose trois mesures: la toute première, le rehaussement des tarifs... des transferts fédéraux ? je pense qu'il n'y a pas un citoyen québécois ou une citoyenne québécoise qui serait en désaccord avec l'augmentation des transferts fédéraux; la mise en place d'un compte santé et services sociaux; l'instauration d'un régime contre la perte d'autonomie. Ces propositions sont directement tirées, directement inspirées du rapport Ménard, rapport Ménard qui vient réduire le principe de l'équité à un groupe utilisateur-payeur, ce à quoi nous n'adhérons pas. De plus, ce même rapport situe la solidarité essentiellement relative à la contribution financière d'une génération par rapport à l'autre, ce à quoi nous n'adhérons pas non plus.

n (9 h 50) n

Y a-t-il vraiment une faiblesse dans la croissance économique du Québec? La thèse que la situation économique québécoise est en mauvaise posture serait l'une des raisons qui oblige à revoir les dépenses dédiées aux programmes des services sociaux, y incluant bien sûr et principalement ceux de la santé. Pourtant, le PIB québécois est en augmentation depuis 1997 et il rivalise même maintenant avec celui de l'Ontario. Le taux d'emploi dépasse maintenant les 60 %, le niveau le plus élevé depuis 1984. En plus de ces indices qui témoignent d'une vitalité, je pense, de l'économie québécoise, le Québec se démarque aussi par le confort qu'il procure à certains acteurs de l'activité économique.

Le déclin de la natalité et le vieillissement de la population québécoise. Le vieillissement de la population est souvent évoqué comme corollaire de l'augmentation des coûts de santé. À cet égard, plusieurs spécialistes, dont certains ont été entendus au Forum québécois sur le vieillissement et la santé, qui s'est tenu ici, dans la ville de Québec, en septembre 2005, et auquel assistait M. le ministre, sont en désaccord avec de telles avenues.

Certes, on ne peut nier que la population du Québec vieillit. Toutefois, son vieillissement se situe dans la moyenne des pays de l'OCDE. En fait, la complexité du scénario démographique oblige nos décideurs et nous-mêmes, citoyens québécois, à ne pas seulement accuser le coup du vieillissement, mais bien à mettre en place des politiques natalistes, familiales ou encore migratoires.

Un compte santé et services sociaux. Oui, oui, mais on devrait y voir apparaître tous les chiffres. Ce compte doit refléter les dépenses publiques et les dépenses privées qui occupent de plus en plus une place grandissante dans le budget de chacun des citoyens canadiens. À titre d'exemple, en 2002, les Canadiens ont dépensé 3,6 milliards en médicaments vente libre ou encore pour des articles personnels, pour l'hygiène, 3,4 milliards en soins dentaires, 2,9 milliards pour des médicaments d'ordonnance qui n'étaient pas couverts et 2 milliards pour les soins des yeux. Il faudrait donc y voir aussi les frais engendrés par l'assurance privée ainsi que les investissements et les profits de l'industrie pharmaceutique et de l'industrie des technologies. Ce compte devrait contenir, quant à nous, considérer les dimensions comptables bien sûr, économiques, mais aussi sociales et politiques et répondre à des questions comme: Qui paie? Qui reçoit? Qui est rémunéré?

L'instauration maintenant d'un régime contre la perte d'autonomie. Le rapport Ménard fonde la justification d'un régime sur des postulats catastrophiques de la population et son impact sur la performance économique québécoise. Il semble y avoir une confusion entre l'âge, le taux de dépendance en comparaison avec les personnes actives sur le marché de l'emploi et le niveau d'incapacité. C'est un peu comme si être âgé, ne plus travailler conduit forcément à une perte d'autonomie, alors que ce n'est pas le cas. Il y a là, pour nous, une confusion entre soins de longue durée et les soins pour la perte d'autonomie. Il serait donc pertinent d'intégrer au débat du financement d'un tel régime des spécialistes en la question plutôt que de se limiter à des personnes dont l'expertise est exclusivement propre au milieu des affaires. Car, sur la base d'un distinguo assez subtil entre perte d'autonomie et soins généraux, les soins généraux seraient aisément dissociables de l'ensemble des soins pour permettre de dresser une liste de qu'est-ce qui est remboursable, assurable ou non assurable via le régime contre la perte d'autonomie.

Le Président (M. Copeman): Mme Bonamie, il reste un peu moins que trois minutes.

Mme Bonamie (Lina): J'arrive. Cette distinction comptable, quant à nous, ne passe pas l'épreuve du diagnostic clinique et d'une prise en charge globale du patient, ce à quoi nous visons dans les objectifs du ministère de la Santé et des Services sociaux.

On a assisté à la désassurance des soins de physio et des soins dentaires dans les années quatre-vingt-dix, exclus du panier de services. Dans les années... soixante-dix plutôt. Mais, dans les années quatre-vingt-dix, ça a été les soins des yeux et les soins dentaires des enfants qui ont été désassurés. Est-ce qu'on est en train de nous avancer une désassurance des soins de perte d'autonomie?

En conclusion, M. le Président, la FIIQ estime que l'introduction de l'assurance duplicative, qu'elle soit graduelle, progressive, et même l'introduction des PPP pour l'offre, la livraison des soins publics de santé constituent, à l'heure actuelle, les deux menaces les plus importantes au maintien du réseau public, accessible à tous, malgré notre niveau de revenu. La FIIQ croit qu'une véritable garantie des soins publique est nécessaire. Les constats du rapport Ménard semblent avoir été approuvés de facto par le gouvernement. Ils semblent, en tout cas à notre avis, échapper à toute consultation, alors qu'on nous avait promis un débat juste sur le rapport Ménard. Première nécessité, quant à nous: un débat public sur la prise en charge des personnes vieillissantes; deuxième nécessité, trouver des solutions aux listes d'attente à l'intérieur même du système public lui-même; et finalement, MM. les députés et M. le ministre, achevons d'abord toutes les réformes entreprises que nous n'avons pas complétées. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, Mme Bonamie, Mme Mercier, Mme Boisclair et Mme Thomas. Je voulais juste faire une ou deux rectifications sur des éléments de fait dans votre présentation.

D'abord, l'assurance privée n'est en aucune façon présentée comme une façon d'améliorer l'accès, ce n'est qu'une question technique de droit. Vous savez très bien que cette assurance privée, si elle est adoptée, ne crée rien de nouveau. Les cliniques de médecins non participants, ça existe. Au moment même où on se parle, il y a des Québécois qui sont opérés à Montréal pour 12 000 $ pour une prothèse de hanche. Je soupçonne même qu'il y a des membres de votre fédération qui travaillent dans ces cliniques-là. À ce que je sache, votre fédération ne demande pas la fermeture de ces cliniques. Dans le mémoire, je n'ai pas trouvé trace de ça, premièrement. Donc, il n'y a aucun lien entre l'amélioration de l'accès puis l'assurance privée, pour nous. Toute la solution se fait dans le système public, effectivement. La différence entre nous, c'est que, vous, «système public» signifie uniquement «établissements publics», alors que, nous, «système public» inclut le financement public d'une prestation de services privée, comme il existe déjà dans les cliniques d'omnipraticiens, qui sont également des cliniques conventionnées, et vous ne recommandez pas de changement à ce sujet-là non plus.

Les chirurgies visées par la garantie d'accès ne seront pas faites en clinique affiliée ? c'est une autre erreur fréquente dans la lecture; probablement qu'il a été mal rédigé, le document, que ce n'est pas clair ? sauf probablement la chirurgie des cataractes, mais il n'est pas question de faire des chirurgies de hanche et de genou dans des cliniques affiliées, c'est des chirurgies à trop grande infrastructure. C'est des chirurgies à faible infrastructure qui vont être faites là pour dégager de la place dans le centre hospitalier pour faire plus de prothèses de hanche et de genou.

Vous avez dit qu'il y a déjà eu une époque où il y avait des budgets non récurrents pour les listes d'attente. Je voulais juste corriger le fait qu'il y a des budgets récurrents pour les listes d'attente depuis quelques années, et notamment depuis 2003, qui ont été augmentés. On a 80 millions de dollars récurrents par année dans le réseau pour la question des listes d'attente.

Vous avez parlé du plafonnement de la rémunération des spécialistes. En établissement, il n'y en a pas. Il n'y a pas de plafonnement de rémunération des médecins spécialistes en rémunération.

Vous avez également mentionné la question des régions. Vous avez raison, mais, si vous allez voir les statistiques sur le site Internet du ministère, vous allez voir que le problème est très différent justement en région. Le nombre de patients qui, aujourd'hui, dépasse les limites de garantie d'accès est très faible dans les régions. Le gros problème, on le vit dans les régions métropolitaines, urbaines surtout: Québec, Montréal, un petit peu Montérégie, quoiqu'il y a une grosse amélioration en Montérégie.

Je vous donne l'explication que vous demandiez sur le délai d'attente médicalement acceptable pour la chirurgie de la cataracte. Ça a été fait en collaboration avec les ophtalmologistes du Québec, qui sont venus d'ailleurs en commission, ici. La différence, c'est la suivante: c'est que, dans le reste du Canada, ils ont décidé quatre mois, mais pas quatre mois pour tous les patients, quatre mois lorsqu'il y a une atteinte sévère de la vision. Et comment est-ce qu'on définit «atteinte sévère de la vision», comment est-ce qu'on mesure ça, comment est-ce qu'on suit ça? Ça semblait déjà tellement complexe comme système qu'il a été décidé d'aller pour six mois pour tout le monde. D'ailleurs, le délai d'attente canadien ne mentionne pas les autres patients dont la vision n'est pas sévèrement atteinte. Alors, six mois pour tout le monde nous semblait, et aux ophtalmologues également, beaucoup plus adéquat.

Pour ce qui est des cliniques spécialisées affiliées, j'ai compris que vous craignez une coexistence dans le même bâtiment. Il n'y en a pas, parce que ? c'est marqué dans le document ? les cliniques spécialisées affiliées ne sont constituées que de médecins participants au régime d'assurance maladie du Québec, et ça va être encore plus clairement expliqué dans le texte de loi. Donc, il n'y a aucune coexistence dans la même... En fait, il y a un mur d'étanchéité totale entre le monde réduit et très marginal des médecins non participants et celui des médecins participants au réseau de santé.

n (10 heures) n

La question de l'assurance perte d'autonomie, effectivement, c'est une proposition de M. Ménard, mais il ne faudrait pas quand même dire que tous les gens du groupe Ménard étaient des gens du milieu des affaires. C'était quand même plus représentatif que ca. Je pense que quand même... puis même les gens d'affaires ont le droit de s'exprimer sur la société aussi, hein? Et puis le fait que M. Ménard ait pris de son temps pour faire ce rapport-là, nous, on lui en est très reconnaissants, puis il met une pièce au dossier, comme M. Castonguay, hier, a mis une pièce au dossier avec sa proposition de ticket modérateur.

Vous dites: Bien, il faudrait clarifier la distinction entre la... dans la perte d'autonomie, ce qui est couvert puis ce qui n'est pas couvert. Mais c'est déjà assez clair. D'ailleurs, dans la politique de médecin à domicile du gouvernement précédent, qui s'appelait Chez soi: le premier choix, c'est très bien expliqué qu'est-ce qui est du ressort des professionnels du CLSC, qu'est-ce qui est du ressort de l'économie sociale ou des prestataires privés. La ligne est assez clairement définie.

Je voudrais connaître votre avis un peu plus sur cette question d'améliorations de l'accès, parce que vous avez dit vous-même, en fin de présentation, même si elles ne sont pas à la hauteur de nos espérances, on voit qu'il y a plusieurs éléments où l'accès s'améliore actuellement, puis on en est d'ailleurs très fiers puis on veut continuer dans cette direction-là... Mais, pour nous, il n'y a pas de différence fondamentale entre une clinique spécialisée affiliée bien encadrée et définie légalement en termes d'étanchéité avec le médecin participant et non participant, avec des précautions pour justement contrer le phénomène que vous appréhendez, qui est le glissement de personnel, notamment celles que vous représentez et ce qu'on peut appeler la catégorie des infirmières du groupe cardiorespiratoire, là, qui sont en général associées au monde de la salle d'opération... Tout ça va être précisé dans le projet de loi. Mais quelle serait la façon, d'après vous, de contrôler ce déplacement de personnel possible entre l'hôpital public qui est en contrat avec la clinique affiliée?

Mme Bonamie (Lina): Dans un tout premier temps, je veux juste revenir sur le déplafonnement du salaire, parce que, pour nous, ce qui est important aussi, si on veut améliorer l'accès aux soins... des interventions, il faut passer par une amélioration de l'accès au médecin de médecine générale parce que c'est lui qui est le référent au spécialiste, et c'est ces délais-là auxquels il faut s'attaquer aussi. Alors, quand on parle du déplafonnement de la rémunération des médecins, c'est aussi à eux qu'on pense. Vous le savez, des fois, le médecin qui a atteint le plafond, sa disponibilité diminue. Donc, à ce moment-là, si on augmente sa rémunération, peut-être augmentera-t-il sa disponibilité?

M. Couillard: Je veux juste préciser qu'un médecin spécialiste en établissement n'a aucun plafond de rémunération.

Mme Bonamie (Lina): Non, je comprends, ce n'est pas le spécialiste, là, c'est le médecin de médecine générale.

M. Couillard: O.K., mais c'est bien de préciser ça. C'est bien.

Mme Bonamie (Lina): Oui. Parfait. Alors, comment voir à ce que le personnel, il n'y ait pas un dédoublement ou un glissement? Je pense que nous y sommes arrivés avec l'établissement des groupes de médecins de famille. Il y a eu des ententes qui ont été faites. Il y a eu des infirmières qui ont été travailler et qui travaillent encore en groupes de médecins de famille, donc il y a possibilité, s'il y a des ententes avec les gens du réseau, de voir à ce qu'on n'ait pas une... de créer une autre pénurie plus grande. Mais il semblerait... en tout cas, à notre lecture, on ne voyait pas que vous vouliez reproduire les mêmes ententes des cliniques spécialisées affiliées. C'est comme si ces gens-là pouvaient aller faire du recrutement au travers de tous les établissements. Et c'est là qu'on dit: Bien là, il va peut-être y avoir un vide qui va se créer à ce moment-là. Et, pour nous, ce qui est important, c'est d'aller, quand je vous disais, d'aller compléter les réformes qui ont été entreprises. Je pense, très près de moi, le Centre hospitalier Maisonneuve-Rosemont qui a été désigné comme un centre ambulatoire. Une magnifique bâtisse a été construite mais n'est pas vraiment consacrée dans un vrai centre ambulatoire, comme il a été pensé lors de la réforme. Et on y a cru et on y croit encore, à cette réforme du virage ambulatoire. Mais ce que je précisais d'entrée de jeu, c'est qu'elle a été appliquée dans un moment où on a fait en même temps des compressions budgétaires, et c'est là que je pense qu'on a commis une erreur. Alors, complétons ce virage ambulatoire là. Il va dégager du temps de salle d'opération beaucoup en passant par les centres ambulatoires.

M. Couillard: Bien, d'ailleurs, c'est dans cette direction-là absolument qu'on se situe, là. Vous parlez du centre ambulatoire de Maisonneuve-Rosemont. Effectivement, il y en a quelques-uns, de ces centres ambulatoires dans le réseau actuellement, puis on constate qu'il y a une difficulté à bien appliquer le concept sur le terrain pour que ce soit véritablement un endroit où on fait de la prise en charge ambulatoire et non pas une variante de ce qui se fait à l'hôpital. Et ça, on est conscient de ça, puis je peux vous dire qu'on est en étude assez précise sur ces questions-là, pas seulement Maisonneuve-Rosemont, là, parce que c'est un hôpital qui a fait des beaux progrès, puis il ne faudrait quand même pas donner l'impression que ça ne va pas bien à cet endroit-là, mais ailleurs également on veut clarifier ce concept-là.

Vous savez... Finalement, là, j'écoute votre présentation. Moi aussi, j'y crois, au système public de santé, sinon je ne serais pas ici, je serais en train de faire autre chose, et la différence entre nous, c'est la définition de ce que constitue le système public de santé. Le système public de santé, pour moi, c'est les soins et les services financés par l'État comme simple... agent payeur unique, dans un esprit d'équité, qui donne accès à tout le monde aux soins, quel que soit son état de revenus. Une fois ce financement public adopté, la grande majorité des services sont donnés dans les établissements publics. Puis d'ailleurs vous allez voir que la garantie d'accès, elle va s'appliquer, moi, je dirais, probablement à 85 % dans les établissements publics. Les cliniques affiliées, il n'y en aura pas 15 au Québec, là, il va peut-être y en avoir deux, trois à Montréal, éventuellement, une à Québec. La grande majorité des solutions vont être apportées dans le réseau.

Puis vous dites: Bon, on ne devrait pas... Vous disiez: Pourquoi on demande à la personne de se déplacer pour être traitée, éventuellement? Bien, également, pour moi, c'est une question philosophique de ce qu'est le devoir du système de santé, bien sûr respecter le libre choix des gens, mais également offrir des solutions à l'intérieur du régime de santé. La radio-oncologie, c'est comme ça qu'on a fait les progrès qu'on a faits en grande partie, avec des ententes avec les technologues pour la façon de faire le temps supplémentaire, mais également avec des corridors de services où chaque personne qui approche de la...

Une voix: ...

M. Couillard: ...c'est une période de grippe, on dirait, on se penserait en plein hiver.

Chaque personne qui approche de la période où le délai est trop long se voit offrir une solution ailleurs dans le système de santé public du Québec. Pour moi, c'est tout à fait correct de faire ça, et je crois qu'on fait bien de le faire. Mais, comme je l'ai dit également à d'autres personnes qui sont venues ici, si on est prêt à payer x milliers de dollars pour envoyer un patient dans une clinique privée ou hors Québec, c'est probablement moins cher de le faire opérer le soir puis la fin de semaine dans son hôpital, hein? Alors ça, on est d'accord également avec toutes ces solutions-là.

Mais je ne vois pas beaucoup de différence entre nous sur le plan de la foi dans le système public de santé. Cependant, j'ai l'impression... puis je lis votre document où je constate beaucoup de remarques sur la proposition que nous faisons, mais relativement peu de propositions quant à la façon de développer et de maintenir notre système de santé dans l'avenir. Parce qu'on ne peut pas juste dire: Il faut le financer plus, puis il faut continuer à le financer plus. Il y a une impasse, là, qui va nous apparaître assez rapidement.

Alors, quelles sont vos suggestions? Vous dites: Compléter les réformes en cours, ça inclut le virage ambulatoire ? puis celles qu'on a entreprises, je suppose. Mais est-ce que vous voulez que ça reste strictement organisé comme c'est là, alors qu'on est un des seuls pays au monde qui a un système de santé qui est aussi strictement encadré, on peut dire, en termes de prestation de services? Et on ne peut certainement pas démontrer qu'on a le meilleur système de santé au monde actuellement.

Mme Bonamie (Lina): Ce avec quoi je ne suis pas d'accord avec vous, M. le ministre. Pour y être une intervenante aussi, je pense qu'on a un très, très beau système de services...

M. Couillard: ...dit qu'il n'est pas très beau, mais ce n'est pas le meilleur. Allez parler à des Français, des Britanniques, puis dites-leur...

Mme Bonamie (Lina): Justement...

M. Couillard: Quand ils viennent ici, il se trouve que, pour avoir des soins, c'est long, hein?

Mme Bonamie (Lina): Ah! c'est long, c'est long, mais, une fois qu'ils ont les soins, c'est les meilleurs.

M. Couillard: Ah oui! ça, bien sûr.

Mme Bonamie (Lina): O.K. Mais c'est long.

M. Couillard: Mais l'accès, c'est important, vous savez, pour les gens.

Mme Bonamie (Lina): C'est ce que je dis. C'est ce qu'on dit dans notre avis, aussi.

Donc, un accès plus rapide aux médecins de médecine générale, quant à nous, c'est primordial. De plus en plus de médecine familiale aussi, hein, serait aussi essentiel au Québec. Je vous dirais, une meilleure gestion du temps opératoire, des salles d'opération, ce serait bénéfique. Si on a trouvé la façon d'augmenter le temps de prestation dans les cliniques de radio-onco pour la chimiothérapie, etc., on est capable de trouver les mêmes solutions pour augmenter le temps opératoire, quant à moi. Si on met vraiment des centres ambulatoires, on vient dégager aussi du temps pour les salles d'opération pour les plus grandes interventions, comme vous disiez tout à l'heure. Donc, pour nous, ça, ça fait partie des solutions à avancer pour le réseau de la santé.

D'ailleurs, dans cette continuité-là, pour nous, pour la personne... quand on disait nécessaire qu'on fasse un débat sur maintenant la nouvelle prise en charge d'une personne vieillissante... nos concepts d'il y a 20 ans s'appliquent probablement mal aujourd'hui. Et j'ai trouvé dommage que le rapport Ménard n'ait pas repris l'expérience de SIPA, que vous êtes sûrement au courant, que vous connaissez, M. le ministre, qui s'est faite dans la région de Montréal et qui donnait de très bons résultats. Alors, pourquoi on ne pourrait pas étendre ce genre de projet là au Québec?

M. Couillard: La question de...

Mme Bonamie (Lina): Je veux juste compléter.

M. Couillard: Oui. Excusez-moi.

Mme Bonamie (Lina): Lorsque vous avez dit... et la dernière réforme entreprise, qui est la vôtre, qui, un jour, portera votre nom sûrement, la réforme Couillard... Non, vous n'y tenez pas?

M. Couillard: Je n'y tiens pas, non.

n (10 h 10) n

Mme Bonamie (Lina): Où sont les projets cliniques? Où sont les projets cliniques qui étaient prévus dans cette réforme-là? Il y en a quelques-uns, mais ce n'est pas les 95 réseaux, là.

M. Couillard: Ils sont en cours actuellement partout, mais bien sûr ils ne sont pas tous au même niveau d'avancement. Et on a décidé justement, volontairement, qu'on ne leur pousserait pas dans le dos pour que ce soit bâclé, mais on va bientôt faire le point avec eux là-dessus. Il y a des rendez-vous annuels des réseaux, puis on s'en sert pour faire le point sur les projets cliniques actuellement.

Mme Bonamie (Lina): Je vous pose la question: Pourquoi réformer encore alors que les réformes ne sont pas complétées?

M. Couillard: Mais ce qu'on propose, ce n'est pas une réforme d'organisation et de structure, c'est une prise en charge différente. Il n'y a pas de remise en question là-dedans ou de transformation de la gouverne du réseau ou de ce qu'on a entrepris. Vous avez très bien cependant pointé sur un élément qui est la gestion du temps opératoire. Moi, j'irais plus loin que la gestion du temps opératoire, je dirais la gestion de la liste d'attente, parce que... On a eu ici Dr Bolduc qui nous a tous bien impressionnés par son succès à Alma, là, sur la façon de prendre en charge des gens puis de vérifier la liste d'attente. C'est quelque chose qu'il faut apprendre à faire dans le réseau de la santé.

Puis c'est pour ça d'ailleurs que je reviens à une de vos remarques initiales. Une des raisons pour lesquelles on a décidé de commencer avec une garantie d'accès d'ampleur limitée à trois chirurgies, d'une part, c'est que les expériences internationales nous montrent que, quand on commence plus largement, ça ne fonctionne jamais. Deuxièmement, c'est qu'il faut apprendre à faire fonctionner ça. Et une façon d'apprendre à faire fonctionner ça, vous allez le voir quand on va présenter nos propositions plus détaillées sous forme de texte législatif, c'est d'abord une gestion centralisée de la liste d'attente. Puis, comme médecin praticien, je le dis très clairement, les listes d'attente plus ou moins confidentielles dans les poches de sarrau, ce n'est pas comme ça qu'on va gérer les listes d'attente. Et puis ce sont probablement des membres de votre fédération qui vont occuper ces postes de gestionnaires centralisés, là, des établissements, de listes d'attente.

Est-ce que vous ne pensez pas qu'outre la gestion du temps opératoire où on peut toujours faire des gains, là, la gestion même de ce que c'est, une liste d'attente, puis comment est-ce qu'on planifie l'accès, ce n'est pas quelque chose qui fait défaut actuellement dans les établissements?

Mme Bonamie (Lina): Ah! mais ça, d'accord avec vous, M. le ministre, que la gestion des listes d'attente est déficiente. Il y a moyen de travailler là-dessus, là. Mais, si on regarde tous ces problèmes-là, on peut y trouver la solution à l'intérieur même du réseau. Pourquoi faire appel au privé? Oui, mais pourquoi ne pas donner... Non, mais pourquoi ne pas donner au réseau public cette opportunité-là de se revamper à l'intérieur même? Il y a possibilité de le faire, alors que de prendre du personnel du réseau public et de l'envoyer dans des cliniques spécialisées affiliées qui vont faire des soins en parallèle...

M. Couillard: Mais on fait tout ça... Ce n'est pas en parallèle, c'est fait de façon coordonnée avec une entente fixe avec le CSSS ou l'hôpital. Puis je reviens encore là-dessus, pour moi, une clinique spécialisée affiliée, ça fait partie du système public de santé du Québec. C'est financé par l'État.

Mme Boisclair (Michèle): Oui, mais je pousse sur l'idée que Lina apporte. Hier, je vous entendais, en commission parlementaire, disant: Il y aura les contrats de services, auxquels vous faites référence. Ce sera des millions de dollars que vous allez investir, que vous allez transférer dans les sacs du privé. Et pourquoi? Bien oui, la bourse du privé. Écoutez, veux veux pas, vous allez...

M. Couillard: J'ai horreur de la notion de...

Mme Boisclair (Michèle): Bien, vous allez acheter ces services-là...

M. Couillard: Oui, comme on le fait avec les médecins omnipraticiens, comme on le fait...

Mme Boisclair (Michèle): ...avec le même monde du réseau de la santé. Quand j'ai contacté votre adjointe, je lui ai posé la question sur le personnel: Est-ce que ça pourrait être le même principe que les ententes de GMF, auxquelles la présidente faisait référence tout à l'heure? On m'a dit clairement non, qu'on embauchait les gens. Donc, ça veut dire que ces gens-là... on déshabille Jean pour habiller Paul, je les prends du système public, et je vais avoir, au moment où on va nous proposer ça, sûrement des conditions comparables mais à combien de temps? On a entendu, hier, le monsieur de la Clinique privée de Viau disant: Merci de nous avoir donné des budgets parce que nos gens souffraient à cause de leurs conditions de travail.

On a une différence, je pense, entre notre interprétation du système public et votre interprétation quand vous dites: Tout est financé publiquement, mais je peux aller chercher des services quand on est dans un moment où on est en pénurie de main-d'oeuvre. Moi, je ne pense pas, puis je suis convaincue, puis c'est l'idée de la fédération, que c'est le moment d'aller chercher des services ailleurs. Mettez ces millions-là, que vous allez avoir, en achat de services au service du système public, et je suis convaincue qu'on arrive avec un résultat identique sans avoir recours à des services privés. Et ça, la population du Québec, il faut qu'elle le comprenne, c'est important. Moi, si je veux me faire soigner, c'est les garanties d'accès. Mon ami est praticien. Puis, quand on vous a parlé du déplafonnement, c'était pour les omnis. Bien, si je n'y ai pas accès parce que... quand c'est plafonné, il décide de fermer son bureau, il décide de ne plus tenir de clinique, bien c'est là que j'arrive sur une liste d'attente où, là, vous commencez votre décompte de délai. Alors, on a une petite différence sur le système public.

Mme Bonamie (Lina): C'est sur le financement qui est en glissement, M. le ministre. On reprend un exemple, un centre hospitalier comme Maisonneuve-Rosemont. Supposons que, pour fins d'hypothèse ici, aujourd'hui, ça coûte 100 000 $ par année en interventions chirurgicales. Maisonneuve-Rosemont voit 45 de ses patients aller en clinique spécialisée affiliée. Maisonneuve-Rosemont devra payer pour ce transfert-là au privé, mais en plus payer pour l'espace qui vient de se créer et qu'ils vont devoir intervenir, mais ils n'ont pas d'ajout de budget, là. Alors, ils ont payé en double, le temps opératoire dégagé qui se fait plus rapidement, le patient qui est en clinique spécialisée affiliée, et déjà, à l'heure actuelle, la majorité des centres ne sont peut-être pas déficitaires, mais pas loin. Alors, comment on ne les mettra pas dans une situation de péril, là?

M. Couillard: Bien, il va y avoir des ajouts budgétaires. C'est comme ça que ça fonctionne. Le 80 millions actuellement, récurrent, il est tout donné pour des chirurgies qui sont planifiées et dont on rend compte. Et, si on a des contrats de services entre l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont et une clinique affiliée, ce ne sera pas aux dépens des autres activités, c'est pour des activités en plus, donner plus d'accès aux gens.

Tu sais, je réagis toujours un peu négativement lorsqu'on fait toujours cette opposition privé-public. Les omnipraticiens, dans leurs cliniques, c'est des entrepreneurs privés à profits, financés par l'État. À ce que je sache, personne ne s'en scandalise, là, et ça fait partie du paysage, hein? Et il y a parfois l'impression d'une sorte d'horreur, là, du mot «privé» qui...

Pour des Européens, je vous dis franchement, ce genre de discussion qu'on a aujourd'hui, c'est une discussion qui semble extraterrestre. Moi, j'en ai, des amis, puis vous aussi, qui sont en Europe de l'Ouest, là. Pour eux, de nous entendre nous tirer les cheveux en quatre, là ? comme disait M. Bouchard, l'arrachage de poils, là, dans un autre contexte ? sur un concept qui, pour eux, est tout à fait naturel, qu'il y a une variété de prestations de services, alors des prestataires publics, des prestataires privés, puis qu'il est tout à fait possible d'avoir accès aux principes de justice sociale puis d'équité dans ce domaine-là, il y a... Je ne pense pas que vous puissiez me démontrer que les Français, les Anglais, les Scandinaves sont socialement moins avancés que les Québécois, là.

Mme Bonamie (Lina): ...là l'objet de notre présentation.

M. Couillard: Bon. Mais donc...

Mme Bonamie (Lina): Mais rassurez-moi, M. le ministre, dites-moi...

La Présidente (Mme James): Mme Bonamie, pardon, je vais vous laisser conclure rapidement, puis ensuite je dois malheureusement céder la parole à...

Mme Bonamie (Lina): Je comprends. M. le ministre, rassurez-moi.

M. Couillard: Je vais essayer.

Mme Bonamie (Lina): Dites-moi que les contrats que vous allez offrir aux cliniques spécialisées affiliées n'auront pas un minimum annuel, ils vont être vraiment... il y a un patient, ils sont payés pour un patient; ils ont 30 patients, ils sont payés pour 30 patients, et qu'il n'y aura pas un plancher dans ces contrats-là?

M. Couillard: Bien, bien sûr, il va y avoir un plancher. Comment est-ce qu'on peut en faire s'il n'y a pas de plancher?

Mme Bonamie (Lina): Alors, il y aura un paiement en double quelque part.

M. Couillard: Bien non, il y aura plus d'argent pour faire ça.

La Présidente (Mme James): Bon. Sur ça, M. le député de Borduas.

M. Charbonneau: Bien, merci, Mme la Présidente. Alors, mesdames, à nouveau, je vous salue. Je vais poursuivre, et, moi, je vais vous dire, d'entrée de jeu, que je suis plutôt idéologiquement proche de votre position, et pas parce que l'idée des cliniques affiliées spécialisées est une horreur en soi ? le gouvernement du Parti québécois l'avait proposée dans son document, à l'automne 2002 ? sauf que ce n'est pas parce qu'a priori on peut l'envisager qu'on ne doit pas voir dans quelle mesure on ne pourrait pas aller d'abord s'attaquer aux problèmes qu'on a dans le système actuel et prioriser une amélioration de l'efficience. Puis le ministre a rappelé, avec raison, qu'outre une meilleure gestion des salles opératoires dont vous parliez tantôt il y avait aussi une meilleure gestion de la liste d'attente. Puis lui, et moi, et tous les membres de la commission, on a été assez impressionnés, merci, par la présentation du Dr Bolduc. Je ne sais pas si vous avez déjà assisté à cette présentation-là, mais, si ce n'est pas le cas, je vous conseille de vous permettre ça parce que vous allez aller chercher des munitions intéressantes. Mais il a fait dans le fond la démonstration de ce que vous dites aujourd'hui. C'est qu'on pourrait maximiser les capacités opératoires des institutions publiques puis des établissements publics, parce que c'est ça dont vous...

n (10 h 20) n

La question, c'est: Est-ce qu'on peut, oui ou non, aller chercher encore plus d'efficience dans les établissements publics? Si, la réponse, c'est non, c'est clair qu'à ce moment-là il faut se retrouver vers une alternative complémentaire pour ajouter, dans le fond, de l'efficience et une plus grande capacité d'intervention. Mais, si on peut trouver à l'interne plus d'efficience encore... Là, vous, vous avez mis le doigt sur un problème, c'est: Pourquoi on investirait à l'externe avant, dans le fond, de valoriser le système qu'on a? Moi, je veux bien croire que les Européens qui viennent ici, selon la thèse du ministre, et ce n'est pas la première fois qu'il dit ça, trouvent que finalement on a peut-être des débats un peu particuliers parce qu'eux ont fait d'autres choix, mais ce n'est pas parce qu'eux ont fait d'autres choix que le nôtre n'est pas bon et qu'en bout de piste, si on a fait la démonstration... dans certaines régions, on a réglé le problème d'une façon spectaculaire en gérant mieux les listes d'attente, en augmentant la capacité d'utilisation des salles d'opération; en bout de piste, on a quasiment fait la démonstration qu'on n'a peut-être pas besoin de cliniques spécialisées affiliées. Encore une fois, pas parce qu'idéologiquement c'est un péché, là. Simplement parce que ce n'est peut-être pas par là qu'il faut commencer puis ce n'est peut-être pas ça qu'il faut prioriser.

Et, dans ce sens-là, est-ce que... Quand vous dites: Achevez le virage ambulatoire et complétez les autres réformes qui ne sont pas terminées... par rapport à ce dont on vient de parler, est-ce qu'il y a des éléments additionnels dans votre position qui mériteraient, là, d'être clarifiés pour qu'on saisisse bien, là, la portée de ce que vous dites? Parce qu'encore une fois... bon, la thèse, c'est: On va prendre de l'argent public puis on va acheter des services dans les cliniques spécialisées. Vous, vous dites: Attention, là, si on fait ça... Bon, le ministre dit: Je vais en mettre plus. Le problème, c'est qu'il n'y en a pas beaucoup, là. Il en manque, là. Hier, d'ailleurs, il disait qu'il reconnaissait qu'il en manquait. Mais, s'il en manque, ça veut dire qu'à un moment donné, si on veut en ajouter, il va falloir aller en chercher ailleurs, puis, si on en trouve, là... tu sais, par exemple, si le fédéral finit par livrer la marchandise un peu plus, bon, bien là, là, on va-tu l'investir dans le public ou si on va l'investir dans le privé? Je présume que c'est ça, le choix que vous nous mettez sur la table.

Mme Bonamie (Lina): C'est en plein ça, M. Charbonneau. Investissons dans notre système public. Je réitère une question à laquelle je n'ai pas eu la réponse malheureusement, mais je pense que le ministre pourra me la donner tout à l'heure, peut-être hors micro. Du 5,5 milliards dédiés au fédéral dans le plan décennal, il y en a combien qui s'en vient à Québec?

M. Charbonneau: On lui a posé la question, nous autres aussi, puis on n'a pas eu de réponse.

Mme Bonamie (Lina): Vous n'avez pas la réponse, vous non plus?

M. Charbonneau: Non. Non. Bien non. Dites-la, je vais vous donner mon temps si vous me donnez la réponse.

M. Couillard: Tout l'argent est arrivé au Québec. La différence, c'est que, nous, par rapport au Parti québécois, on n'a pas accepté de fonds ciblés.

Mme Bonamie (Lina): Combien on a eu, M. le ministre?

M. Charbonneau: Ce n'est pas ça, là, c'est: Combien? Combien, sur le total fédéral, il y en a qui vient au Québec?

M. Couillard: Environ 25 %, là. C'est plusieurs milliards de dollars, là. Vous avez ça dans le... On vous amènera ça après midi, le chiffre précis. Mais il y a beaucoup, plusieurs milliards de dollars. Mais, nous, on n'a pas accepté que ce soit juste ciblé dans un endroit ou l'autre parce qu'on est maître de notre juridiction. Puis d'ailleurs le soutien des personnes en perte d'autonomie, en santé mentale puis en jeunesse, ça a un lien avec les listes d'attente. Alors, c'est comme ça qu'on voit ça, nous autres.

Mme Bonamie (Lina): Alors, si on complète le virage ambulatoire...

M. Charbonneau: ...les chiffres...

Mme Bonamie (Lina): Oui, merci beaucoup, M. Charbonneau.

M. Charbonneau: ...on pourra valider ça.

Mme Bonamie (Lina): Si on complète cette réforme qui a été entreprise dans les années quatre-vingt-dix, le virage ambulatoire, où... c'est un centre vraiment de jour, et, ambulatoire le disant, les patients retournent à la maison le soir. Il y a des petites interventions chirurgicales qui peuvent se faire, comme les chirurgies de la cataracte peuvent se faire dans un centre ambulatoire, hein? Bon. On vient de dégager du temps pour la salle d'opération pour les autres interventions chirurgicales dont l'arthroplastie, la hanche, le genou, entre autres. Donc, à ce moment-là, on dégage du temps, on ouvre le temps et une meilleure gestion de la liste d'attente parce que... Vous savez, au Québec, il s'est développé, hein ? la nature a horreur du vide ? il s'est développé un réflexe de la population: Je m'inscris parfois sur deux ou trois listes d'attente, et le premier centre hospitalier qui m'appelle, bien, c'est là que je vais aller. Ça, c'est les plus jeunes qui font ça. Du côté des personnes âgées en général, ils demeurent à l'établissement, ils veulent demeurer à leur établissement, c'est moins sécurisant pour eux, ils connaissent tout l'endroit, et tout ça. Mais la population plus jeune, cette préoccupation est moins grande. Donc, ils s'inscrivent sur deux ou trois listes. Donc, ça devient des fausses listes d'attente.

Et d'ailleurs le livre blanc est basé sur des listes d'attente... des chiffres de l'Institut Fraser qui sont contestés depuis l'établissement de ça. On ne comprend pas pourquoi que le livre blanc s'est penché sur ces listes d'attente là. Et pour répondre à... le jugement Chaoulli, mais le jugement Chaoulli, ils étaient sur des listes d'attente antérieures et non pas après que tout le virage a été fait ici, enfin les efforts consentis pour diminuer le temps d'attente ont été faits, puis avec des résultat concrets. Alors, il y a un espace de temps, là, entre... on améliore nos listes d'attente, la Cour suprême sort un jugement en se basant sur des listes d'attente antérieures. On n'est pas obligés de répondre de la façon, je pense, que le gouvernement s'apprête à y répondre.

M. Charbonneau: C'est la raison pour laquelle, nous, en ce qui nous concerne, on n'est pas favorables même à la petite ouverture à l'assurance privée pour répondre au jugement de la Cour suprême parce qu'on pense justement qu'on n'est pas obligés de répondre de cette façon-là au jugement de la Cour suprême, qui, de toute façon, est déphasé par rapport à la réalité. Alors... Et il n'y a rien qui oblige le législateur québécois à aller dans cette direction-là pour répondre au jugement de la Cour suprême, d'une part.

Mais j'aimerais ça qu'on revienne sur la... Parce que le ministre a dit: Je suis conscient qu'il y a une problématique au niveau des salles ambulatoires. Tous les deux, vous avez parlé de Maisonneuve-Rosemont, puis il y en a d'autres, et vous parliez... Moi, je veux juste bien comprendre parce que je ne suis pas au même niveau que vous autres. Vous autres, vous êtes des spécialistes du milieu, un médecin puis des infirmières. Moi, je suis juste un représentant des citoyens depuis un bout de temps, mais je veux bien comprendre. Qu'est-ce qui actuellement fait défaut dans le fonctionnement de ces centres ambulatoires là ou de ces mécanismes ambulatoires là? Et est-ce que je comprends bien en disant que là où ça fonctionne ou si ça pouvait mieux fonctionner, ce serait d'une certaine façon l'équivalent des cliniques spécialisées affiliées? C'est-à-dire que, dans le réseau public, on aurait comme des annexes où les chirurgies légères se feraient, ce qui dégagerait le temps opératoire dans les gros établissements où on ferait les grosses chirurgies qui prennent du temps.

Mme Bonamie (Lina): Vous avez compris, M. Charbonneau. Le citoyen pourrait subir une petite intervention ? bien, on dit «petite», là ? une intervention moins invasive chirurgicalement, pourrait avoir cette intervention-là, chirurgicale, dans un centre ambulatoire qui sont... Les bâtisses sont déjà là, sont montées, mais malheureusement, faute de budget... elles sont financées mais pas dans le sens d'un centre ambulatoire et servent beaucoup à de la clinique externe, alors que ce n'est pas la vocation d'un centre ambulatoire.

M. Charbonneau: On ne répond pas, autrement dit.

Mme Bonamie (Lina): Voilà.

M. Charbonneau: On a transformé ces lieux-là ou ces locaux-là, et là on utilise le financement qui est accordé pour faire des cliniques externes hospitalières plutôt que des véritables centres ambulatoires. Et ça, c'est un peu partout au Québec?

Mme Bonamie (Lina): Je ne vous dirais pas un peu partout au Québec, là, mais, disons, la tendance est vers ça, la tendance est vers ça plus que... Le vrai centre ambulatoire était: tout patient qui ne nécessite pas une prise en charge 24 heures de temps pourrait passer par un centre ambulatoire et, après ça, retourner à domicile. Bon, ça a été fait dans un contexte de compressions budgétaires où, malheureusement, bon, les sommes n'ont pas été livrées tout de suite, elles ont été livrées par après, donc n'ont pas été livrées tout de suite, et on a diminué les lits en centre d'hébergement drastiquement. Il y a eu comme un refoulement, là, qui s'est fait dans les lits... bien, ordinaires, là, de n'importe quel centre d'activité. Donc, il y a eu un refoulement qui s'est fait là. Le refoulement habituellement descend pour aller engorger nos salles d'urgence aussi, parce que les bénéficiaires qui nécessitent des places en centre d'hébergement, ces... les places sont limitées maintenant. Donc, tout est arrêté ou enfin fonctionne de façon saccadée parce que la vocation principale du centre ambulatoire n'est pas vraiment exploitée.

M. Charbonneau: Ça veut dire que, si on avait... si on développait vraiment nos centres ambulatoires, si on y mettait les budgets, si on permettait d'être dans le fond des véritables centres ambulatoires, à ce moment-là, ça dégagerait du temps opératoire et des espaces en haut, si on peut dire, dans le gros... dans la grosse cabane, dans le gros établissement, et ça ferait en sorte que les urgences seraient moins engorgées. Mais en même temps, ce que je comprends, c'est qu'il faut aussi dégager des lits en haut, parce que ça, c'est des grosses chirurgies qui nécessitent une hospitalisation, donc une présence à l'hôpital quelques jours, il faut qu'on dégage... Les gens qui devraient être dans des centres d'accueil, ils devraient être ailleurs pour que la chaîne soit correcte. C'est-à-dire qu'en haut il y ait assez de lits pour faire des opérations lourdes, si on peut utiliser cette expression-là, qu'on n'engorge pas l'urgence en bas, puis, à côté, que le centre ambulatoire ait les moyens de faire les chirurgies légères et d'être un véritable centre ambulatoire, ce qui est dans le fond l'équivalent des cliniques externes affiliées, là, dont on parle. Dans le fond, c'est ça que vous dites, là.

n (10 h 30) n

Mme Bonamie (Lina): C'est en plein ça. Et, nous, on dit: Complétons cette réforme entreprise dans les années quatre-vingt-dix, associons-la à la réforme qui fut imposée en décembre 2003, complétons-le, faisons un mariage de ces deux-là, puis après on verra s'il y a encore de la difficulté dans notre...

M. Charbonneau: Pas la réforme Rochon et la réforme Couillard?

Mme Bonamie (Lina): Voilà.

M. Charbonneau: Un des deux docteurs. Et puis on sera en business. C'est un peu ça que vous dites.

Mme Bonamie (Lina): C'est un peu ça que nous disons, oui. Ça fait partie des solutions, et naturellement l'accès, l'accès plus rapide à un médecin de famille.

M. Charbonneau: Oui, ça, je pense que ça, c'est une clé majeure dans la... Allez-y donc, madame.

Mme Thomas (Florence): J'aimerais revenir à la question de la perte d'autonomie, parce qu'on est passés un petit peu rapidement là-dessus, et juste mentionner que, si on a lu attentivement le rapport Ménard, qui a inspiré le livre blanc, et qu'on a remis en question un petit peu le point de vue qui a été adopté par M. Ménard, c'est parce qu'on trouve que la vision de la perte d'autonomie telle qu'elle est abordée dans le rapport Ménard est extrêmement financière et économique. Je m'explique.

La question de la perte d'autonomie, c'est quelque chose de plus large qu'un nombre de services requis et assurables, et on se rend compte que la proposition de financement est basée sur justement une opération comptable et qu'on ne prend pas en compte la totalité des soins que sous-entend la perte d'autonomie. Alors, il y a aussi une question de portefeuille. On nous parle d'un financement, d'une enveloppe dédiée à la perte d'autonomie, mais on ne nous explique pas de quelle façon ça va s'organiser par rapport au régime général et de quelle façon vont se départager les assiettes ou les portefeuilles pour financer ça. Donc, nous, on voit un danger réel par rapport à la proposition qu'il y a dans le rapport Ménard, telle qu'elle est articulée, parce qu'elle ne prévoit pas le type de services qui vont être assurés. On nous parle de services véritablement requis, mais on sait très bien, quand on est soignant, quand on travaille dans le système de santé, que la perte d'autonomie, c'est global et que c'est une prise en charge mur à mur, du matin jusqu'au soir.

Et, d'autre part, M. Ménard appuie sa thèse sur le fait que les aidants naturels ou les gens qui sont proches vont augmenter l'efficience, en faire baisser les coûts donc, de la perte d'autonomie. Alors, nous, on a un énorme problème avec cette approche-là, cette responsabilisation des individus. On sait que les personnes en perte d'autonomie sont vulnérables et que la prise en charge à la fois en ce qui concerne la gestion de l'épisode de soins doit demeurer dans le giron des professionnels. On voit mal, avec le lien affectif que ça sous-entend, comment les proches aidants devraient prendre ou être responsabilisés par rapport à cette perte d'autonomie. Alors, on a un grand nombre de questions par rapport au régime de la perte d'autonomie tel qu'il est proposé.

Et on sait que, dans certains pays... Il y a plusieurs modèles. Il y a le modèle japonais où on s'est beaucoup endetté. On pourrait prendre aussi le modèle américain où il y a un certain désengagement de l'État, mais aussi la Suède où on a décidé d'augmenter les impôts puis de financer la perte d'autonomie. Donc, ce qu'on trouve un peu difficile dans le rapport Ménard, c'est qu'on a une proposition, et on n'a pas tous les éventails sur la table, et on a un modèle de soins. Et puis, comme on est des professionnels de la santé, bien ça nous préoccupe.

M. Charbonneau: Est-ce que... parce que, là, vous abordez l'autre dimension de la consultation, c'est la question du financement à long terme. Bon, si vous excluez une caisse, un régime d'assurance collective pour perte d'autonomie, pour les raisons dont vous venez de parler, je présume, vous ne devez pas être bien, bien en faveur du ticket modérateur. Alors, on exclut ça. Finalement, comment...

Parce que, moi, je suis conscient qu'on peut régler une partie de la problématique à court terme en faisant en sorte que, les impôts qu'on paie à Ottawa, là, on en récupère plus puis que la part de participation de nos impôts redivisée par Ottawa soit plus importante et réinjectée dans le système de santé. Bon. Mais, à un moment donné, toute la récupération qu'on pourrait faire ne peut pas aller juste à la santé. Ça veut dire qu'à un moment donné il va falloir qu'il y ait une ponction additionnelle dans les poches des citoyens. La question, c'est: Comment on le fait? Vous, ce que vous dites, c'est que, si jamais on a à le faire ? est-ce que je vous interprète bien? ? mieux vaut le faire franchement par la fiscalité progressive puis de dire aux citoyens: Écoutez, on va aller chercher... on a besoin des sommes additionnelles pour donner le niveau de services que vous voulez avoir puis que vous devez avoir au niveau des soins de santé puis des services sociaux, alors on ne vous mettra pas un ticket modérateur, on ne vous imposera pas une prime d'assurance collective pour plus tard et on ne créera pas un fonds dédié pour ça, mais on va finalement, éventuellement, augmenter un peu vos taxes et vos impôts pour que le budget du ministère de la Santé soit augmenté et qu'il ait les moyens dans le fond de remplir sa mission. Est-ce que je vous...

Mme Bonamie (Lina): Comme fédération des infirmières, ce qu'on dit, c'est: Tout citoyenne et tout citoyen québécois a le droit de vivre en santé, qu'importe son niveau de revenus. Alors, ensemble, solidairement, équitablement, nous allons payer un système de santé qui va permettre aux Québécois d'être en santé.

M. Charbonneau: Et pour vous la solidarité et l'équité, c'est plus, à la limite, par le régime fiscal, c'est-à-dire, autrement dit, on paie des taxes et des impôts, on en paie à deux niveaux de gouvernement, récupérons-en plus là où il y a des surplus puis, si ce n'est pas assez, bien posons-nous la question: Est-ce qu'on ne devrait pas, à ce moment-là, augmenter cette ponction-là plutôt que de toute façon d'ajouter d'autres ponctions, hein? Hier, dans le fond, le ticket modérateur proposé par M. Castonguay, c'était une taxe, c'est une taxe à la consommation à l'entrée.

Mme Bonamie (Lina): Une taxe de consommation à l'entrée chez des gens vulnérables, chez le patient malade qui a besoin d'une consultation.

Mme Boisclair (Michèle): Puis, moi, je rajouterais pour le niveau du financement ? on n'est pas des économistes, hein, on est ici des infirmières, des représentantes des professionnelles en soins, cependant on lit beaucoup ? et l'ancien collègue du ministre, M. Séguin, a bien émis des solutions intéressantes quant au financement du gouvernement et du système public en disant: Écoutez, il y a tellement d'évasion fiscale, pourquoi ne pas aller récupérer tous les millions et les milliards qu'on perd en évasion fiscale? On nous dit que les gens qui gagnent 100 000 $ et plus, c'est tellement bas au niveau de l'imposition à cause de toute l'évasion fiscale qu'elles peuvent avoir: au lieu de payer un 50 %, ça tombe à 20 % à cause des remboursements qu'on peut obtenir. Alors, c'est important. Il y a aussi les évasions fiscales offshore ? excusez l'expression anglophone ? mais c'est de 600 millions à 700 millions au Québec, par année, qui sont envoyés à l'extérieur.

Ce n'est pas des solutions de la FIIQ, c'est des solutions de celui qui était là, au gouvernement, il y a à peine un an, qui dit qu'aujourd'hui l'organisation de la société passe par une justice sociale et non pas par une justice économique, et ça, on adhère à ça. Moi, je pense qu'il y a des choses à réviser au niveau de la fiscalité ? sans être des fiscalistes ? que le gouvernement a des outils en main mais qu'il doit avoir le courage politique de les mettre en place, et ça, c'est important. Et ça, là, dans ce cadre-là, les argents, on peut les récupérer de d'autres façons, puis des fois ce n'est pas nécessairement sur la barrette d'impôt que les gens paient, mais sur la façon dont on rembourse les gens et sur les évasions fiscales qui sont créées, de toutes sortes, et qui pourraient être des argents qui reviennent au Québec, en plus des transferts fédéraux qu'on doit aller récupérer. Écoutez, ce n'est pas nous qui l'avons dit, c'est quelqu'un qui est bien connu ici, dans la Chambre.

M. Charbonneau: Moi, je vais conclure en disant deux choses. D'abord, je pense, j'ai hâte de voir si M. Séguin va écrire prochainement une chronique à la suite du dépôt du rapport de la Vérificatrice générale à Ottawa, hier. D'après les nouvelles que j'ai entendues à la télévision ? je n'ai pas eu le temps d'aller plus loin ? mais il semble qu'il y a pas mal d'argent qui n'est pas collecté à Ottawa qui devrait l'être. Et, je vais vous dire, s'ils le faisaient, ils auraient les surprises encore pas mal plus gros, et le ministre de la Santé du Québec aurait peut-être, à ce moment-là, encore plus de possibilités d'espérer avoir des argents additionnels.

La deuxième, je voudrais vous remercier parce que je pense que vous êtes le premier groupe à avoir bien campé ou expliqué la problématique des centres ambulatoires et de la connexion qui devrait se faire et puis le fonctionnement et les difficultés qu'on a. Je pense que ? en tout cas en ce qui me concerne ? c'est assez éclairant pour la suite des discussions parce que ça met les choses dans une perspective plus complète. Alors, je voudrais vous remercier.

n (10 h 40) n

La Présidente (Mme James): Alors, sur ce, Mme Bonamie, Mme Boisclair, Mme Mercier et Mme Thomas, je vous remercie d'avoir fait cette présentation au nom de la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec. Et je demanderais aux représentantes de l'Institut économique de Montréal de bien vouloir prendre place pour leur présentation. Merci.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme James): Alors, bienvenue aux représentantes de l'Institution économique de Montréal. Mme Kheiriddin ? je m'excuse si j'ai mal prononcé votre nom ? et Mme Kozhaya, bienvenue. Alors, je vous avise que vous aurez 20 minutes pour présenter votre mémoire. Par la suite, nous allons procéder à une période d'échange, dans un premier temps, avec le côté ministériel et ensuite un autre bloc de 20 minutes avec l'opposition. Alors, la parole est à vous.

Institut économique
de Montréal (IEDM)

Mme Kheiriddin (Tasha): Merci beaucoup, madame. Moi, c'est Tasha Kheiriddin. Je suis la vice-présidente exécutive de l'Institut économique de Montréal depuis mars dernier. J'assume également la présidence de l'institut de façon intérimaire. Et je veux d'abord remercier la commission d'avoir invité l'Institut économique de Montréal à faire sa présentation aujourd'hui du mémoire qu'on a déposé.

Comme vous le savez probablement, l'institut est un institut de recherche et d'éducation économique indépendant, non partisan et à but non lucratif. Nous avons pour mission de faire l'analyse économique des politiques gouvernementales et de faire connaître nos conclusions au grand public et aux décideurs comme vous. Nos interventions portent sur la fiscalité, le fardeau réglementaire, la performance des institutions publiques, dont les écoles, par exemple, et bien sûr sur l'avenir du système de santé, car la santé, c'est le principal poste budgétaire du gouvernement et, je pense, la principale préoccupation aujourd'hui des Québécois.

Dans le domaine de la santé, nous avons été particulièrement actifs avec, premièrement, nos publications ? dont vous avez une copie en annexe à notre mémoire, d'une publication qu'on a faite en 2003 ? aussi avec nos conférences. Nous avons, entre autres, reçu le fondateur du régime québécois d'assurance maladie, l'ex-ministre Claude Castonguay, et par coïncidence, demain, on reçoit, à Montréal, le président du Parti libéral suisse, M. Claude Ruey, qui est ancien ministre de Santé du canton de Vaud, en Suisse, qui va parler de ce modèle comme un modèle potentiel pour le Québec. On participe aussi aux grandes consultations publiques comme la commission Clair, au Québec, ainsi que les deux commissions fédérales, Romanow et Kirby, au Sénat et aussi on a fait plusieurs sondages d'opinion publique, que nous commandons régulièrement.

Pendant plusieurs années, et je veux souligner ici que l'Institut économique a été parmi les premiers à le faire au Canada, nous attirons l'attention sur les réformes entreprises à Stockholm, en Suède. Ces réformes étaient d'autant plus pertinentes pour le Québec, car elles ont lieu à l'intérieur d'un système de santé qui était essentiellement financé par les fonds publics mais au sein duquel on instaurait une garantie de soins, et aussi on avait la concurrence entre des fournisseurs et publics et privés.

Cette expérience suédoise et d'autres formes de partenariat public-privé demeurent pertinentes pour améliorer la performance de notre système public ici, au Québec. Mais on voit maintenant que l'impasse du financement public de notre système et le rationnement des soins, les listes d'attente que nous trouvons aujourd'hui nous amènent aujourd'hui plus loin dans le débat. La décision historique de la Cour suprême du Canada, la cause Chaoulli, nous amène aussi beaucoup plus loin, c'est-à-dire vers la possibilité d'un vrai libre choix et de traitement et de paiement pour les Québécois, en matière de santé, c'est-à-dire que les patients québécois pourraient potentiellement payer de leurs poches, par choix ou par le biais d'une assurance privée, pour obtenir des soins dans les institutions de santé privées se développant en parallèle au régime public, qui ne répond pas à la demande.

À la lumière de ces décisions, nous avons fait quatre recommandations dans notre mémoire, je vais les résumer brièvement: la première, c'est de permettre une ouverture aux assurances privées pour tous les soins médicalement requis et non seulement pour les opérations de genou, de la hanche et de la cataracte; deuxièmement, de ne pas imposer aux assureurs de facturer des primes uniformes; troisièmement, de lever l'interdiction de la double pratique au personnel médical tout en s'assurant de la préservation des ressources nécessaires pour le bon fonctionnement du système public. Et on veut souligner: on appuie le système public, mais on pense qu'il faut regarder les options qui sont complémentaires. Le gouvernement ne devrait, quatrièmement, pas réglementer la rémunération des médecins dans le secteur privé, mais laisser les prix et les tarifs se fixer librement entre les prestataires de soins privés et les patients.

Maintenant, je vais donner la parole à Norma Kozhaya, notre économiste et la coauteure du mémoire que vous avez devant vous, pour présenter nos propositions en détail.

La Présidente (Mme James): Mme Kozhaya.

Mme Kozhaya (Norma): Merci. Bonjour. Merci encore de nous avoir invitées. Donc, dans cette présentation, nous voudrions attirer votre attention sur le fait, comme l'a mentionné Mme Kheiriddin, qu'une ouverture complète aux assurances privées est souhaitable. Je vais évidemment expliquer, tout à l'heure, pourquoi une telle ouverture serait conforme à la Loi canadienne sur la santé et, contrairement aux craintes existantes, ne menacerait pas le système public, mais au contraire permettrait d'avoir plus de ressources globales pour le système de santé, et donc permettrait d'améliorer la capacité du système à nous soigner mieux et plus rapidement.

Donc, dans ma présentation, il y aurait essentiellement deux parties. La première, donc, c'est l'importance et la nécessité d'avoir des assurances privées pour tous les soins médicalement requis, et non seulement pour, donc, trois interventions. Dans la deuxième partie, donc, je parlerai plus de la réglementation éventuelle, que ce soit du personnel médical ou des assurances en tant que telles, par exemple réglementer les primes d'assurance, de quelle façon, qu'est-ce qui se fait ailleurs également.

Malheureusement, une ouverture complète aux assurances privées semble exclue de l'option privilégiée du gouvernement dans son document de consultation. Or, nous croyons que c'est un débat qui est inévitable et que, si on ne le fait pas aujourd'hui, il faudrait le faire dans quelques années. Pourquoi est-il important et même nécessaire d'avoir une vraie ouverture ou une ouverture complète aux assurances privées tel que l'avis de la Cour suprême avait permis et donc tel que le laissait entendre l'arrêt de la Cour suprême? Tout d'abord, l'impasse du financement public. Donc, comme on le sait, déjà le poste Santé et services sociaux accapare 43 % du budget des dépenses de programmes, contre 35 % il y avait 15 ans, et, même s'il est difficile de prédire avec certitude le futur, tous les experts s'entendent pour dire que, s'il y a un effet, cette part-là ira en augmentant, donc ce qui ne laisserait pas beaucoup de marge de manoeuvre au gouvernement ni beaucoup de dépenses pour les autres missions de l'État.

D'ailleurs, le régime public coûte de plus en plus cher, les dépenses par personne, en tenant compte de l'inflation, n'ont cessé d'augmenter. Par exemple, les dépenses publiques par personne, en termes réels, ont augmenté de 35 % au cours des 20 dernières années. Donc, il y a eu plus de financement public, et parallèlement les listes d'attente ont continué d'augmenter et semblent maintenant constituer une caractéristique structurelle du système, et donc juste ajouter plus d'argent public ne semble pas une solution pour réduire les listes d'attente. Et, comme économiste, je suis aussi à même d'examiner qu'une augmentation du fardeau fiscal des particuliers ou même des sociétés ne semble pas envisageable, puisque les contribuables au Québec sont déjà les plus taxés en Amérique du Nord. Donc, il serait pertinent de profiter de ressources financières additionnelles que pourraient amener des assurances privées.

Dans tous les pays du monde, les assurances privées jouent un rôle plus ou moins important, allant des plus exhaustives à celles qui ont juste un rôle complémentaire ou supplémentaire. Donc, brièvement, l'exemple pertinent pour le Québec serait les assurances duplicatives où, donc, les personnes, tout en restant assurées auprès de la RAMQ et tout en contribuant par leurs taxes et impôt, pourraient payer une deuxième fois pour s'acheter des assurances privées, donc pour s'acheter une option de se faire soigner dans un secteur privé parallèle. De telles assurances existent notamment en Irlande, en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni et dans un tas d'autres pays, et évidemment, donc, elles ne sont pas illégales, sauf au Canada, dans certaines provinces.

Les assurances privées duplicatives permettraient d'ajouter des ressources au système de santé et éventuellement permettraient de réduire les listes d'attente. Évidemment, ce n'est pas une condition suffisante pour réduire les listes d'attente parce que ce problème dépend de la productivité, de la réaction du système public, de l'adaptation du système public, de la réglementation même des assurances privées, comment ça va fonctionner. Donc, ce n'est pas une condition suffisante, mais c'est une condition nécessaire. Et d'ailleurs, dans tous les pays où les ressources ont augmenté, que ce soit public ou privé, on n'observe pas de liste d'attente ou on observe moins de listes d'attente.

n (10 h 50) n

En ce qui concerne le contenu des assurances privées, évidemment aucun pays de l'OCDE, dans ce que j'ai vu, ne limite la couverture des assurances privées à quelques traitements, par exemple à trois traitements comme le propose le gouvernement. Au contraire, en général, on exige qu'un minimum de traitements soit couvert ou qu'un minimum de dépenses soit couvert, mais aucun ne limite à un nombre très limité de traitements. Une telle limitation réduit de façon considérable la flexibilité des assurances et leur attrait, autant pour les assureurs, pour les offreurs de services que pour les demandeurs. O.K. Donc, limiter les assurances privées à trois types d'interventions fait que, bon, l'effet sera évidemment marginal, la demande et l'offre vont être très limitées. Peut-être est-ce que de façon spontanée les assurances vont être plus concentrées vers ces traitements-là parce que c'est là où les besoins sont les plus importants, mais sauf qu'il faudrait laisser plus de flexibilité pour que les gens, que ce soient les patients ou les patients éventuels et les assurances, trouvent un certain équilibre.

Donc, les différents intervenants craignent que les assurances privées ou le secteur privé en général menacent le secteur public et que ça va être la fin du secteur public. Évidemment, ce n'est pas ce à quoi on peut s'attendre. D'ailleurs, l'arrêt de la Cour suprême a clairement indiqué que la participation du secteur privé ne paraît pas entraîner la disparition des soins de santé publique, au contraire.

Et une telle proposition ignore deux aspects importants. Le premier, c'est que la capacité peut être augmentée par l'ajout d'équipements qui peuvent être financés par un secteur privé et par des assurances privées, par exemple plus de machinerie, plus d'IRM, plus de scanners, plus d'échographes et aussi plus de cliniques privées, plus d'hôpitaux privés, donc plus de lits, plus de salles d'opération. Donc, en ce sens, le secteur privé amène un ajout net et ne draine rien du secteur public. L'autre point, concernant les ressources humaines, le personnel médical, donc, on craint que le secteur privé va drainer... ou ce que le privé va gagner, c'est le public qui va le perdre. Évidemment, on a présentement un personnel médical qui est sous-utilisé, de l'avis de plusieurs professionnels de la santé. L'utilisation du personnel médical est limitée par des quotas et par des plafonds salariaux, ce qui nous ramène à la question de la double pratique des médecins.

Au fait, si on lève l'interdiction de la double pratique des médecins ou du personnel médical tout en s'assurant de la préservation des ressources nécessaires pour le bon fonctionnement du système public, on pourrait dans l'immédiat ajouter les ressources disponibles pour fournir plus de soins en général, et donc, contrairement à la proposition du gouvernement actuel de maintenir l'étanchéité entre les secteurs public et privé, nous croyons qu'il faudrait au contraire lever les obstacles qui empêchent les médecins participant au régime public de fournir des soins assurés dans le secteur privé et d'être rémunérés pour ces soins dans le secteur privé.

Et encore une fois, parmi les pays de l'OCDE qui ont des assurances privées duplicatives, pratiquement aucun n'empêche la double pratique. Il y a peut-être le Luxembourg et l'Italie, mais même là il y a des possibilités de double pratique. Mais la majorité des autres pays permettent la double pratique dans le système privé et dans le système public. Évidemment, il peut y avoir certaines restrictions sur la pratique. On exige parfois des médecins de pratiquer un certain nombre d'heures ou de fournir un certain nombre de services dans le système public avant de pouvoir pratiquer au privé ou d'avoir un plafond de revenus au privé, comme au Royaume-Uni, mais ces pays-là permettent quand même aux médecins de pratiquer dans les deux.

Et, si le gouvernement permet aux médecins, au Québec, de pratiquer dans les deux systèmes, on améliorerait la disponibilité des ressources dans l'immédiat, donc on pourrait soigner plus de patients sans que cela affecte le budget de l'État et aussi sans que cela risque de faire perdre des médecins au gouvernement, les médecins qui présentement ont seulement le choix de se désengager ou de rester au secteur public. Par ailleurs, comme, au Québec, les médecins ont déjà la rémunération moyenne parmi les plus faibles au Canada, donc, les revenus additionnels qu'ils pourront faire éventuellement dans le secteur privé pourront être à l'avantage du Québec, et permettre de garder plus de médecins au Québec, et même d'attirer des médecins des autres provinces ou des autres pays vers le Québec. Les médecins gagneraient en termes de flexibilité et de revenus supplémentaires, mais aussi, surtout, les patients gagneraient en termes de plus de soins qui peuvent être fournis. Par exemple, aussi, on pense à un patient qui a déjà son médecin dans le système public et que son médecin se désengage, si ce patient-là ne peut payer de façon privée, donc il va être désavantagé ? déjà que les gens ont de la difficulté à trouver un médecin de famille ou d'autres soignants. Donc, en dehors d'un contrat avec la RAMQ, les médecins pourraient disposer de leur temps supplémentaire pour soigner dans un secteur privé plutôt, par exemple, que de prendre des vacances de facto.

Il est possible évidemment que le secteur privé offre plus de rémunération pour qu'il soit concurrentiel ou pour qu'il soit attrayant pour les médecins. Cette situation-là, au lieu d'être problématique, peut au contraire, encore une fois, être avantageuse parce qu'elle permettrait d'attirer plus de médecins et de garder plus de médecins, et donc, en ce sens, nous recommandons également de ne pas réglementer la rémunération des médecins dans le secteur privé, mais au contraire laisser les prix et les tarifs se fixer librement entre les prestataires de soins et les patients. Par ailleurs, dans le secteur privé, les médecins font face à plus de risques à ce qu'ils font dans le secteur public, et donc c'est un peu normal que des revenus plus élevés compensent en partie ce risque qui est plus élevé.

Finalement, si... Donc, la partie suivante traite plus spécifiquement de la réglementation des assurances privées. Donc, si le gouvernement décide d'avoir une vraie ouverture aux assurances privées, donc une ouverture pour des assurances couvrant tous les soins, tel que l'a laissé entrevoir l'arrêt de la Cour suprême, est-ce qu'il devrait réglementer ces assurances d'une certaine façon pour assurer un meilleur accès à un grand nombre de patients? Au fait, c'est le débat qui se fait et qui s'est déjà fait dans plusieurs pays qui ont des assurances privées duplicatives. Comme M. le ministre le disait tout à l'heure, pour plusieurs pays, le débat qu'on fait n'est pas du tout pertinent, il y a d'autres débats qui touchent plus spécifiquement la réglementation des assurances privées. Donc, en supposant qu'un jour, comme... parce qu'encore une fois je crois que c'est inévitable, on ne peut pas continuer de cette façon-là à empêcher les gens de se souscrire à des assurances privées vu l'impasse du financement public, d'un côté, et, de l'autre côté, la liberté de choix des patients. Donc, quel genre de réglementation est-ce que le gouvernement pourrait imposer ou quel genre de balise peut-on penser pour encadrer ces assurances privées duplicatives?

Au fait, à ce point, permettez-moi juste de vous rappeler très brièvement le concept même d'assurance et le principe même de comment fonctionnent les assurances. Tout d'abord, bon, pour un individu, s'assurer consiste à se couvrir, moyennant des primes, contre certains événements imprévus, évidemment entraînant des pertes financières énormes, donc qu'un individu ne pourrait pas assumer tout seul en principe, et donc les assureurs émettent des polices d'assurance pour leurs déboursés attendus, leurs déboursés à espérer et leurs frais administratifs, plus une certaine marge de profit.

Et par ailleurs des individus peuvent avoir des préférences différentes pour les assurances, indépendamment de leurs revenus, mais selon, par exemple, leur statut familial, selon leur aversion personnelle au risque, selon leur métier, et donc, finalement, il faudrait que les compagnies d'assurance puissent offrir aux différents demandeurs des polices qui leur conviennent plus. Et, comme les compagnies d'assurance vendent une couverture pour le risque, donc normalement elles exigeront des primes d'assurance plus élevées lorsqu'elles considèrent que le risque d'un patient ou d'une catégorie de patients est plus élevé, ou d'individus ou d'une catégorie d'individus évidemment est plus élevé, parce que c'est difficile d'assurer des gens déjà malades.

La Présidente (Mme James): Alors, Mme Kozhaya, juste vous aviser qu'il vous reste à peu près deux minutes.

n (11 heures) n

Mme Kozhaya (Norma): Merci. Donc, des gouvernements ont songé à exiger des compagnies d'assurance d'avoir des primes fixes pour tous les individus, indépendamment de leur niveau de risque. Des expériences pareilles ont eu lieu en Irlande et en Australie, par exemple. Or, de telles exigences, par exemple, ont pour effet d'avoir plus de mauvais risques qui demandent l'assurance et moins de bons risques ou des gens à faible risque qui vont s'assurer, et donc, en bout de ligne, on voit que le risque moyen augmente, les déboursés des compagnies d'assurance augmentent et que donc les primes générales augmentent. Donc, ce n'est pas étonnant de dire que... mais, voilà, finalement, on voit que les primes augmentent. Donc, c'est à cause de certaines réglementations qui contredisent la gestion rationnelle du risque.

Donc, pour conclure, je dirais que l'arrêt de la Cour suprême a ouvert la porte à l'émergence d'assurances privées couvrant tous les soins. Si le gouvernement québécois permet à ce système-là d'émerger, ce secteur plus étendu et plus dynamique bénéficiera directement et indirectement à l'ensemble des Québécois.

La Présidente (Mme James): Alors, merci beaucoup. Nous sommes prêts maintenant à débuter notre premier bloc d'échange avec les parlementaires. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames, merci pour votre communication aujourd'hui et celle de votre organisation. Je voudrais d'abord parler avec vous du recours aux assurances privées pour dissiper d'après moi quelques idées qui ne sont pas supportées par les faits. D'une part, c'est que l'ajout de l'assurance privée n'augmente pas les ressources pour le système de santé, augmente les dépenses totales de santé d'une société par rapport au PIB mais n'apporte pas de nouvelles ressources au système de santé public, qui est utilisé par la majeure partie de la population.

Et d'ailleurs l'expérience internationale que vous avez citée, vous également, montre que, dans tous les pays qui ont des assurances duplicatives, le pourcentage des dépenses publiques n'a pas diminué, et le rythme de croissance public ne s'est pas modifié. Alors, il n'y a pas d'impact... L'introduction de l'assurance privée n'a aucun impact sur le financement du système public de santé autre que d'augmenter le pourcentage global des dépenses santé par rapport au PIB, a comme impact certainement d'offrir une plus grande diversité de choix, plus grande diversité de choix de pratique pour les médecins. Ça, ce sont les autres arguments que vous avez mentionnés, mais on ne peut pas utiliser l'argument d'ajout de ressources pour la justifier.

Vous avez raison cependant que de nombreux pays dans l'OCDE ? qui, comme je le dis souvent, ne sont pas socialement moins avancés que le nôtre ? utilisent l'assurance duplicative et la pratique double. Et d'ailleurs, je le dis souvent, là, certaines de nos discussions, au Québec, qui sont parfois un peu atteintes de dogmatisme, semblent extrêmement bizarres même aux gens de gauche d'Europe; ils ne comprennent pas, là, qu'on ait ce genre de discussions là.

L'assurance pour nous n'est pas également une solution à l'accès parce que le pourcentage de la population qui sont capables de se payer ces primes qui sont très élevées est faible. Est-ce que vous avez déjà fait une évaluation, à l'Institut économique, du pourcentage de la population québécoise, compte tenu que 80 % des contribuables déclarent un revenu inférieur à 50 000 $... Quel est le pourcentage de la population québécoise qui serait capable de se payer même l'assurance limitée à trois procédures et encore plus une assurance plus large pour les services médicaux?

Mme Kozhaya (Norma): Au fait, nous n'avons pas fait cette estimation en tant que telle, mais je vous dirais que, par exemple, présentement il y a pratiquement les deux tiers des Québécois qui sont couverts par une assurance supplémentaire essentiellement à travers leurs emplois. Donc, même si c'est vrai que le revenu personnel moyen est assez faible, mais il y a des mécanismes pour faire que les assurances soient plus abordables et qu'un certain nombre de personnes puissent souscrire à ces assurances-là. Par exemple, ces assurances-là pourraient être offertes à travers l'emploi comme un avantage additionnel. Et d'ailleurs, bon, dépendamment des pays, il y a des pays où l'assurance duplicative occupe seulement... où c'est seulement 10 % de la population qui est assurée; d'autres, en Australie ou en Irlande, où c'est des pourcentages plus élevés qui peuvent atteindre du 40 %, et l'Australie n'est pas un pays beaucoup plus riche que le Québec, donc ça dépend aussi du traitement fiscal qu'on pourrait en faire. Présentement, par exemple, il y a un traitement fiscal aux frais médicaux en général, dont les assurances privées supplémentaires, qui avantage plus les gens à revenus moyens, puisqu'il faut que les dépenses totales dépassent 3 % du revenu pour que les gens aient droit à ce crédit d'impôt non remboursable. Donc, il y a aussi des mécanismes qui font que même des gens de revenus moyens peuvent éventuellement avoir accès.

Encore une fois, comme je dis, plus c'est limité et plus c'est cher, moins il y a des gens qui vont avoir accès, mais peut-être qu'éventuellement ça va devenir plus rentable, il va y avoir plusieurs compagnies d'assurance qui vont être intéressées. Il peut y avoir donc de la concurrence aussi et éventuellement des primes qui seront plus abordables, même pour des gens de revenus moyens. Comme je l'ai dit, présentement, il y a déjà les deux tiers qui ont une certaine forme d'assurance médicaments et puis dentaire, etc., et donc on peut envisager... Et puis, à la limite, même si c'était 20 % ou 30 % de la population qui souscrirait, ça allégerait quand même le fardeau du système public, ça ferait quand même 10 % ou 20 % qui éventuellement, au lieu d'être traités dans le système public, vont se faire traiter dans un secteur privé. Présentement, il y a une très petite minorité de très riches qui peut se payer directement des soins privés, sans assurance. Et c'est sûr qu'avec la possibilité d'avoir des assurances une plus grande partie pourra se payer des assurances et donc des soins privés.

M. Couillard: Bien, justement, l'expérience internationale montre qu'il n'y a aucune réduction de la demande de soins dans le réseau public par l'introduction de l'assurance duplicative parce que la demande est infinie. Alors, on peut en enlever 10 %, mais soyez sûres qu'il y a au moins un 10 % qui attend pour se faire traiter, équivalent, et qui va venir prendre des places. Donc, c'est pour ça qu'il n'y a pas d'impact réel sur les dépenses publiques de santé.

La question de la double pratique, moi, j'ai expliqué souvent, je n'ai pas d'objection philosophique formelle au concept de double pratique. Ce qui nous empêche, actuellement et pour plusieurs années encore ? quoiqu'on prévoie, vers 2015, 3 000 médecins net de plus au Québec ? c'est la question de la pénurie de médecins. Puis là vous avez mentionné qu'il y a des médecins qui voudraient travailler plus. Vous avez raison. Notamment, les chirurgiens voudraient travailler plus. Mais le problème, c'est qu'on n'opère pas tout seul dans une salle d'opération, ça prend un anesthésiste, entre autres. Puis, chaque mois, actuellement, au Québec, il y a des hôpitaux qui ont zéro anesthésiste, qui sont en bris de services. Alors, on a un problème majeur de pénurie de certaines spécialités, pas de pénurie de chirurgiens, on ne manque pas de chirurgiens, mais on manque d'anesthésistes, on manque également d'infirmières, on manque de personnes pour accompagner les équipes chirurgicales. Et, dans l'état actuel des effectifs du système de santé, on ne peut pas prendre ce risque-là. Mais, un jour, si les effectifs deviennent quasi excédentaires, là, comme par exemple en France, les effectifs du secteur de la santé... quoiqu'on annonce, là également, une pénurie pour les prochaines années, mais historiquement, en France, les effectifs ont été au niveau quasi excédentaire. À ce moment-là, il n'y a pas de problème majeur à permettre cette double pratique là. Mais vous ne pensez pas que cette situation de pénurie devrait nous amener à être extrêmement prudents avant d'ouvrir la porte à cette suggestion?

Mme Kozhaya (Norma): Oui. Bon, il y a deux points. C'est que de toute façon, au cours des dernières années, le Québec a perdu de façon nette des médecins vers les autres provinces, notamment, et aussi vers d'autres pays. Il a perdu aussi de façon nette des infirmières. On a entendu beaucoup de reportages sur les infirmières en Suisse, aux États-Unis, en Europe en général. Donc, si le secteur privé peut offrir des conditions plus favorables ? plus de flexibilité, une rémunération plus élevée ? peut-être qu'il pourrait attirer ces gens-là de l'extérieur, que ce soient les médecins, ou le personnel médical, ou même des anesthésistes. Donc, c'est le fait que... Et d'ailleurs, bon, je rappelle peut-être les mises à la retraite pratiquement forcées qui ont eu lieu, les quotas dans les recrutements dans les facultés de médecine et autres, qui, entre autres, ont entraîné ce genre de pénurie là, et que, si on lève ces quotas-là, tout d'abord pour les facultés de médecine et autres, on peut en partie... D'ailleurs, bon, ça s'est déjà fait, mais ça prend du temps.

Mais aussi une solution plus rapide, c'est que, comme je l'ai dit, donc, un secteur privé qui peut-être peut offrir des conditions plus favorables au personne médical va attirer le personnel médical d'autres pays et d'autres provinces sans drainer des ressources du secteur public. Et d'ailleurs l'avantage de la double pratique, c'est justement qu'au lieu de forcer un médecin de se désengager, c'est juste lui donner un peu plus de flexibilité, disposer plus de son temps qu'il n'utilise pas au secteur public.

J'aimerais juste, aussi, par rapport à ce que vous avez mentionné au début, sur l'effet... En fait, pour l'Australie, il y a eu une estimation de l'effet des assurances privées sur finalement les dépenses publiques. Évidemment, les gens qui se font soigner dans le secteur privé, ça ne réduit pas nécessairement automatiquement les dépenses qui se font dans le secteur public, mais peut-être que ces dépenses-là auraient été encore plus élevées dans le secteur public en l'absence d'assurance. Et il y a une étude qui a estimé que quand même, pour l'Australie, il y a eu un gain net de 800 millions de dollars grâce aux assurances privées, même si ça coûte beaucoup parce que c'est très subventionné ? c'est 30 % de remboursement de la prime d'assurance, donc ça a un coût aussi fiscal ? mais que les avantages, en termes de dépenses, par rapport au niveau observé ou à ce qu'on pourrait observer en l'absence d'assurance, sont quand même positifs, c'est quand même un gain de quelques centaines de millions.

M. Couillard: Mais là il faut être prudent parce que l'exemple australien justement est très cité par les opposants aux assurances comme exemple de déviance, notamment, par le traitement fiscal, et, nous, je peux vous dire d'emblée qu'on ne compte pas offrir de traitement fiscal sous forme d'exemption à ces assurances, lorsqu'elles seront disponibles. Bien, je vous remercie.

La Présidente (Mme James): Alors, merci. Nous allons maintenant débuter l'échange avec l'opposition officielle. M. le député de Borduas.

n (11 h 10) n

M. Charbonneau: Bien. Merci, Mme la Présidente. Alors, mesdames, bienvenue à la commission, et, d'entrée de jeu, je vais être très franc, je suis à l'opposé de votre approche, et en plus je ne pense pas d'avoir le mandat politique de me rapprocher de cette approche-là, puis je pense que le ministre non plus n'a pas ce mandat-là. Mais on la responsabilité de vous écouter, et, dans une démocratie, le débat, c'est aussi l'expression de points de vue divergents. Mais je pourrais reprendre les mêmes arguments que le ministre vous a servis pour vous les opposer, mais je trouve que finalement c'est comme s'il y a comme une espèce d'analyse théorique des situations, et on ne prend pas en compte la réalité.

Vous étiez là tantôt quand la Fédération des infirmières et infirmiers a témoigné. Qu'est-ce que vous répondez à leur argument puis à tous ceux qui nous disent: Écoutez, là, pour des investissements qui ne seraient pas si énormes que ça, on pourrait aller chercher des gains d'efficience importants en faisant en sorte de compléter les deux réformes des deux docteurs et de faire en sorte que, par exemple, les établissements publics, au Québec, qui devaient avoir des centres ambulatoires opérationnels, donc de véritables centres opératoires ambulatoires, ces centres-là existent?

Puis à la limite, si, pour une raison ou pour une autre, ce n'était pas suffisant, la proposition ? avec laquelle on n'était pas en désaccord, puisqu'on l'avait même nous-mêmes mis dans un document gouvernemental, il y a trois ans et demi ? de clinique affiliée spécialisée, est-ce que ce n'est pas assez, ça? Pourquoi? Pourquoi, pourquoi ajouter? S'il n'y a pas de plus-value au niveau de l'attente, s'il n'y a pas de plus-value au niveau finalement des ressources financières ? parce que ce n'est pas vrai que ça règle les problèmes financiers ? est-ce que ce n'est pas finalement une conception idéologique? C'est-à-dire vous avez une conception idéologique du libre choix puis de la place... dans le fond, la conséquence que ce libre choix là doit avoir, dans une société, et au plan de l'activité économique puis des services qui sont aussi des éléments de l'activité économique. Un service de santé, pour vous, c'est un service aussi de la même façon qu'une entreprise de production... dans toutes sortes de domaines. Alors, est-ce qu'en bout de piste, là, votre raisonnement ou votre plaidoyer n'est pas beaucoup appuyé sur une conception idéologique, sur des valeurs qui se débattent mais qui ne sont pas nécessairement celles qui ont prévalu pour faire les choix de société qu'on a faits depuis déjà un bon moment?

Mme Kheiriddin (Tasha): Avec tout le respect, je répondrais que c'est vous qui avez fait un choix idéologique, c'est votre argumentation qui est idéologique. Écoutez, le Canada se classe parmi simplement trois pays au monde qui n'ont pas un système de santé mixte, c'est-à-dire public et privé. On est en compagnie avec Cuba et la Corée du Nord.

M. Charbonneau: Je m'excuse, je vous arrête tout de suite, ça, ce n'est pas vrai, ça. Ce qui...

Mme Kheiriddin (Tasha): Oui, c'est vrai. Oui, c'est vrai. Est-ce que...

M. Charbonneau: Non, non, on a un système mixte, il y a 30 % de nos services de santé qui sont produits et dispensés par le privé. La seule chose, c'est qu'on a fait le choix que les services de base des soins médicaux et hospitaliers sont donnés par le public. C'est bien différent, là. Ce n'est pas comme si tout notre système de santé était un système étatique et dispensé par des services gouvernementaux. Ce n'est pas exact, ça.

Mme Kheiriddin (Tasha): Ce sont les seuls pays...

M. Charbonneau: Bien, les services médicaux de base. Bien, oui, mais...

Mme Kheiriddin (Tasha): Ce sont les seuls pays, comme ma collègue a parlé tantôt, qui interdisent qu'on paie par des assurances, par exemple, les services qui sont couverts par le système public. Et là vous ne pouvez pas argumenter, on ne peut pas se payer une assurance couramment pour une opération à la hanche, c'est couvert par le système public.

Si je peux terminer ma réponse au point que vous avez fait, ce n'est pas une question idéologique, c'est une question, oui, économique mais aussi sociale. J'ai entendu ce que les infirmières ont dit, qu'il ne faut pas appliquer la logique économique. Écoutez, on ne peut pas dissocier la logique économique et la logique sociale. La raison qu'on prône, la position qu'on vous explique aujourd'hui, c'est parce qu'on veut effectivement améliorer le système public.

Je ne sais pas si vous croyez à l'éducation publique. Je crois probablement que c'est le cas. Bien, dans ce cas-là, selon votre argumentation avec la santé, vous devriez peut-être fermer toutes les écoles privées. Pourquoi offrir le choix dans le domaine de l'éducation? L'éducation, c'est un droit pour nos enfants, c'est quelque chose, un bien social, quelque chose auquel on croit. C'est la même sorte d'argumentation: on offre un choix parce que ça améliore la capacité du service public à fournir des services. Dans l'éducation, vous savez bien que les subventions gouvernementales à l'éducation, c'est moins que les subventions... c'est moins les subventions privées qu'au système public, ça coûte moins parce qu'une partie est payée par les parents qui font ce choix. Dans le domaine de la santé, c'est la même sorte de chose, on dit simplement que, oui, il y a un côté choix, c'est sûr, on veut offrir des choix, mais aussi que ça va améliorer le système pour tout le monde. Et c'est ce que ma collègue a très bien expliqué.

Et, moi, je serais en désaccord aussi, M. le ministre, avec tout le respect, qu'on n'améliore pas les ressources, parce que des ressources plus efficaces, ça, c'est des ressources qui fonctionnent mieux, et on voit que, si on a des ressources sans liste d'attente ? par exemple, en Europe, il y a des pays qui n'ont pas de liste d'attente ? pas réduire les listes d'attente ? comme les infirmières disaient: C'est bon à réduire les listes d'attente ? mais n'avoir pas de liste d'attente, ça, ça devrait être le but d'une réforme. Et là on ne devrait pas exclure le privé simplement parce qu'on pense qu'idéologiquement ce n'est pas une voie à prendre.

M. Charbonneau: Regardez, moi, je ne comprends pas votre... vous dites votre logique, la logique... Selon la logique économique, ça améliore. Puis vous avez beaucoup parlé de l'Australie. Moi, j'ai une analyse de l'Université de Montréal, du Groupe de recherche interdisciplinaire en santé de la Faculté de médecine, et puis je pourrais vous citer également l'avis du Conseil de la santé et du bien-être du Québec, qui a été déposé au gouvernement du Québec, en décembre 2002, qui, parlant de l'exemple Australie, nous disent: «L'introduction de l'assurance privée en Australie a accru les coûts des services de santé, augmenté l'inégalité du financement des services de santé et n'a eu aucun effet observable sur [l'efficience] des services.» C'est le contraire de ce que vous venez de me dire.

Mme Kozhaya (Norma): Au fait, l'expérience en Australie, je ne dis pas que c'est le bon exemple parce que, vous savez comment ça fonctionne en Australie, dans l'hôpital public, vous pouvez avoir des lits privés et des lits publics. Donc, c'est normal un petit peu que... Si vous avez des assurances privées, ce n'est pas un ajout net. Il y a des hôpitaux privés également, mais qui ont évidemment juste des lits privés. Mais, dans les hôpitaux publics, il y a des lits publics et des lits privés, donc, si c'est limité en quelque sens...

Et puis toutes les expériences, en Australie notamment, c'est relativement récent, et, moi, il n'y a... On n'a pas observé d'amélioration importante, mais quand même c'est encore très limité. Et la façon donc... Le traitement fiscal qui s'est fait, ça ne permet pas... disons, c'est aussi des coûts additionnels pour le gouvernement, et je crois que ça n'a... Il y a eu différentes réformes qui ont été entreprises à différents moments depuis 1984 et 1994, jusqu'à aujourd'hui, il n'y a pas un système qui est en place depuis un bout de temps et qui semble fonctionner.

Et d'ailleurs, comme je l'ai mentionné, ils appliquent le système de tarification uniforme des primes. C'est pour cela que j'ai dit que c'est ça, le débat qui se fait ailleurs, ce n'est pas: Est-ce qu'on permet un traitement ou deux? Et puis ce système-là de prime uniforme pousse les gens qui sont plus à risque à s'assurer plus que les autres, plus que les jeunes, plus que les bons risques, et donc, en bout de compte, ça augmente le niveau moyen de risque pour les assurés, les déboursés moyens des compagnies d'assurance et les primes, qui vont augmenter en conséquence. Et donc, ça, c'est un genre de réglementation qui est très controversée, et on se demande comment on pourrait régler ce problème, parce qu'il y a un certain bien qui se fait et qui pousse automatiquement les primes à la hausse, et, même si on a en contrepartie un traitement fiscal qui avantage, mais finalement les déboursés... Parce que ceux qui vont souscrire, c'est ceux qui se considèrent comme plus à risque, d'une certaine façon.

Pour répondre à vos autres interventions, tout d'abord, comme je l'ai dit au début, l'assurance privée, ce n'est pas une condition suffisante, et évidemment il y a beaucoup de réformes qui peuvent être faites à l'intérieur du système public qui peuvent améliorer l'efficience, et c'est tant mieux, et si le secteur public répond aux besoins, le secteur privé va mourir de lui-même, je veux dire, on n'a pas besoin d'empêcher son émergence. Tant mieux si on peut améliorer et que, le secteur privé, on n'en a pas besoin. S'il n'y a pas de liste d'attente, s'il n'y a pas de risque, si les gens ont assez confiance dans le secteur public, pourquoi vont-ils s'assurer, pourquoi vont-ils payer des milliers de dollars pour s'assurer? Donc, tant mieux, ce n'est pas ça, le problème.

Est-ce que l'ajout de ressources est suffisant? Ce n'est pas de l'idéologie, mais l'expérience passée des 30 dernières années a montré l'inverse. Le Canada est le seul pays où en même temps on a des dépenses publiques élevées et des listes d'attente assez élevées. En général, les pays qui ont des listes d'attente, c'est en général des pays qui dépensent relativement moins que ce soit en pourcentage du PIB ou en per personne, une fois qu'on a converti en dollars. Et le Canada se classe parmi les premiers en termes de dépenses, soit sixième pratiquement, que ce soit par habitant ou... et le Québec, c'est à peu près dans la même situation. Donc, c'est un problème au fait plus canadien que particulièrement québécois.

M. Charbonneau: Vous parliez tantôt... bon, on a parlé de l'Australie, vous avez parlé de la Grande-Bretagne. En Grande-Bretagne, selon les mêmes spécialistes de l'Université de Montréal, ce n'est pas le recours au privé qui a contribué à réduire l'attente pour les soins publics mais un investissement accru dans le système public puis la volonté de gérer avec plus de détermination les problèmes de santé. Encore une fois, je veux dire, quand on les regarde cas par cas, là, on se rend compte que finalement la thèse que ça va bien mieux ailleurs parce que tout à coup eux autres ont permis l'assurance privée, puis, dans certains cas, beaucoup, ce n'est pas démontré, et ce qu'on constate, c'est que non seulement ce n'est pas démontré puis il y en a eu dans bien... Dans certaines sociétés, il y a eu des effets pervers, et, là où il y a des gains, quand on gratte un peu, on se rend compte que ce n'est pas parce qu'on a permis de l'assurance privé, c'est parce qu'il y a d'autres éléments qui sont entrés en ligne de compte, qui ont créé une dynamique favorable à la dispensation des services.

n (11 h 20) n

Mais, tu sais, en bout de piste, là, ce n'est pas compliqué, vous dites vous-mêmes: On ne l'a pas fait, l'étude pour savoir dans le fond combien de gens seraient en mesure de prendre des assurances. Vous dites: On a deux tiers des Québécois qui auraient des assurances complémentaires. Mais ça, c'est une chose, avoir des assurances complémentaires pour des services qui ne sont pas couverts, mais pourquoi les citoyens... C'est deux tiers qui gagnent moins que... pour une très grande majorité, qui ne gagnent pas 50 000 $ par année de revenus, pourquoi on les obligerait à aller s'assurer une deuxième fois pour des services qu'ils paient déjà avec leurs taxes et impôts? Ils ont déjà une assurance publique, puis si on leur fait la démonstration ? puis c'est ça qu'on est en train de faire au Québec ? si on est capable d'améliorer l'efficience du système puis de faire en sorte que finalement ils n'en ont pas besoin, pourquoi on ouvrirait ça?

Mme Kozhaya (Norma): ...les oblige, ça veut dire que ce n'est pas... Comme j'ai dit, c'est bien des assurances duplicatives, c'est-à-dire que le régime universel reste accessible à tout le monde et, comme je l'ai dit, c'est peut-être un 10 % qui va choisir de souscrire à une assurance privée, et ce 10 % là, le pourcentage de ces 10 % qui vont avoir besoin de soins, parce que ce n'est pas tous les 10 % qui vont avoir besoin de traitements, ça va être des personnes en moins qui ne seront pas soignées dans le secteur public.

M. Charbonneau: Ils vont être soignés par du personnel qui n'est pas actuellement en débordement, c'est-à-dire qu'il manque... dans certains cas, on est à niveau, puis, dans d'autres cas, on en manque. On n'est pas dans un contexte où finalement on peut dire: Il n'y a pas de problème, le 10 % de riches puis de gens qui sont capables de se prendre des assurances, là, eux autres, là, ils n'handicaperont pas ou ils ne compromettront pas le service des autres parce que finalement il y a tellement de médecins, tellement d'infirmières, tellement de personnel soignant qu'il n'y a pas de problème. Ce n'est pas ça, notre réalité.

Mme Kheiriddin (Tasha): Beaucoup de médecins qui...

M. Charbonneau: Et il y a une cannibalisation qui va se faire des ressources humaines pour pouvoir soigner ce 10 % de très riches qui vont passer avant les autres, là. Bien, je veux dire, le résultat, c'est qu'à un moment donné il va falloir que... Ce monde-là, ils ne pourront pas être dans les centres ambulatoires ou dans les hôpitaux à soigner en même temps, ils ne pourront pas faire les deux, ce n'est pas vrai, ça.

Mme Kheiriddin (Tasha): Il y a des médecins qui, comme on a parlé tout à l'heure, les chirurgiens par exemple, ne peuvent pas opérer plus qu'une journée et demie par semaine parce que les salles opératoires sont fermées, on n'a pas assez de personnel pour les remplir. Si vous créez un marché pour des soins privés, c'est sûr que des investissements vont être faits par le privé, qui vont attirer des médecins à travailler dans les lieux privés et qui seront aussi disponibles, si on a la réglementation pour travailler dans le public.

Écoutez, on aurait le cas peut-être de créer une industrie pour le Québec, pour le Canada aussi, si les autres provinces changent leurs lois également, où on aurait un secteur privé de santé et là on aurait un développement aussi économique. En tout cas, il y a d'autres chiffres qui ne sont pas dans notre mémoire, mais il y a une estimation, qui a été faite par l'Association des cliniques indépendantes médicales du Canada, qui dit qu'il y a un investissement d'environ 10 milliards à 40 milliards de dollars qui serait fait dans l'économie canadienne si on permettait ce type d'assurance privée ou de pratique privée pour des médecins et des soins privés pour les assurés. Alors, ce n'est pas simplement une question d'efficacité économique pour le système de santé, mais là vous recevrez des impôts de ces investissements privés. Ça bénéficierait à tout le monde.

M. Charbonneau: Mais, moi, ce que je constate, c'est que finalement je ne vois pas pourquoi les citoyens paieraient en double des services et des assurances qu'ils ont déjà, et je ne peux pas me permettre, moi, de prendre le risque qu'une partie des ressources qui sont actuellement essentielles pour donner le service dans les établissements publics soit cannibalisée par les entrepreneurs privés qui voudraient finalement faire du fric. Ce n'est pas ça, la base d'un système de solidarité.

Et, moi, je pense qu'il n'y a pas juste l'impératif de profit puis de développement économique dans le sens où vous venez d'en parler, il y a aussi une responsabilité publique de faire en sorte que tous les citoyens soient sur le même pied d'égalité, et que ce n'est pas parce que vous avez des gens qui gagnent 1 million par année ou qui sont très riches qu'ils ont le droit, eux, de passer avant les autres et d'avoir un traitement privilégié. Moi, je ne veux pas vivre dans une société où c'est ça, la valeur qui installe puis qui fonde le système de soins.

Mme Kheiriddin (Tasha): ...dans cette société. Les gens à 1 million de dollars, eux, ils s'en vont aux États-Unis. C'est les gens qui gagnent 50 000 $ par année, eux, ils ne peuvent pas aller aux États-Unis, mais ils pourraient avoir une assurance, s'ils le choisissaient. Et, vous, vous dites: Bon, c'est idéologique. Ce n'est pas idéologique, c'est simplement répondre aux besoins de la population.

M. Charbonneau: Aux besoins de qui? Des besoins d'une minorité? Qu'ils aillent aux États-Unis s'ils ont les moyens, là, mais on n'est pas obligé de mettre en place le système pour que le système soit organisé structurellement sur cette base-là. Parce que c'est ça que vous dites: Dans le fond, il y a des passe-droits ou il y a des possibilités pour les plus riches, faisons en sorte qu'on institutionnalise le système, qu'on organise le système selon cette philosophie-là puis cette approche-là.

Mme Kozhaya (Norma): Pourquoi ça vous dérangerait d'avoir... Pour vous, c'est ça, l'équité, c'est que tout le monde doit attendre 12 mois. Personne ne doit attendre 10 mois et un, deux mois, il faut que tout le monde attende 12 mois. Mais, oui, c'est ce qui se passe.

M. Charbonneau: Non, ce que je vous dis, c'est qu'on a fait la démonstration ici, par plusieurs intervenants, qu'on peut améliorer les services publics d'une façon significative par une meilleure gestion des listes d'attente, par une meilleure gestion des blocs opératoires, par une meilleure organisation du système puis par une injection de fonds, qui existent déjà mais qui sont actuellement utilisés pour d'autre chose, hein, parce qu'on est dans un pays à deux niveaux de gouvernement puis on paie des taxes à deux niveaux. Bon, bien, ça, là, ça, c'est la réponse. Et la réponse, à notre avis, ce n'est pas dans la direction que vous proposez.

Mme Kozhaya (Norma): Vous avez mentionné, tout à l'heure, le Royaume-Uni. Comme je l'ai dit, le problème, c'est qu'on ne peut pas vraiment comparer avec d'autres pays, parce qu'au Royaume-Uni les assurances privées, ça a pratiquement toujours existé, et donc ce n'est pas le fait... Et par ailleurs, eux, ils dépensent pratiquement 7 % ou 8 % de leur PIB en santé, alors qu'ici on dépense autour de 10 %. À un moment donné, il y avait beaucoup de contraintes et beaucoup de diminutions des dépenses en santé, et maintenant ils ont de nouveau injecté des ressources publiques dans le système de santé. Ils font beaucoup appel aux partenariats public-privé pour la fourniture des soins. Et donc ce n'est pas qu'ils ont introduit des assurances privées et que l'introduction d'assurances privées a fait plus, ça a toujours existé, et ils ont eu d'autres problèmes qui ont fait qu'ils ont des listes d'attente.

Mais, comme je l'ai dit, le Canada est le seul pays qui a en même temps un niveau de dépenses élevé et beaucoup de listes d'attente. C'est qu'en général soit que les pays qui ont des listes d'attente, c'est des pays où en général on dépense moins ou que... Mais les pays qui n'ont pas de liste d'attente... Je vais vous citer, bien, juste une phrase de l'OCDE, donc: «Des délais d'attente tendent à apparaître dans les pays qui se caractérisent à la fois par un système d'assurance maladie public prévoyant une participation financière des patients faible ou nulle et des contraintes sur les capacités chirurgicales.» Donc, les assurances, ce n'est pas la solution magique, mais sauf qu'en l'absence d'assurance, en l'absence de flexibilité on va observer inévitablement des listes d'attente.

Et d'ailleurs la pénurie de médecins que vous avez mentionnée, c'est le gouvernement qui l'a créée par ses décisions de rationnement des coûts, donc de contraintes à l'entrée dans les facultés de médecine, dans la rémunération des médecins. Donc, je veux dire, c'est inhérent à un tel régime, c'est normal. Dans d'autres places, on voit une abondance de médecins. En Belgique, en France, il n'y a pas de pénurie de médecins, ils ne sont pas... donc parce que c'est plus flexible, parce qu'il y a plus d'assurances privées, plus de secteurs privés, en général.

M. Charbonneau: Ils ne sont pas plus flexibles...

Mme Kheiriddin (Tasha): Je pense qu'ils ont la solidarité sociale...

M. Charbonneau: Bien, écoutez, est-ce que vous avez pris connaissance de l'avis du Conseil du bien-être et de la santé de décembre 2002, dont la conclusion, c'est que «le financement privé des services médicaux hospitaliers s'avère au mieux inutile, au pire nuisible»? Quand tu as un avis d'un conseil de cette nature-là, qui a porté essentiellement sur le financement privé des services médicaux et hospitaliers, qui est donné, je présume que ça aussi, ça doit être pris en considération. Autrement dit, il peut bien y avoir le «think tank» de l'Institut économique de Montréal, là, qui a une conception particulière des choses, mais il y a d'autres éléments dans la société, et puis il y a d'autres études, puis il y a d'autres points de vue qui prévalent. Et puis, quand on fait une analyse de ce qui se passe à l'étranger, c'est drôle, tout le monde ne fait pas la même lecture que vous.

Mme Kozhaya (Norma): Moi, je vous cite des choses de l'OCDE et je mentionne que l'expérience donc de certains pays peut être différente, parce qu'ils ont pu avoir une certaine réglementation spécifique des assurances, parce qu'ils ont d'autres problèmes. Franchement, jusqu'à date, je n'ai pas trouvé de système idéal d'assurance santé encore. Et chaque pays... mais sauf qu'il y a quand même des généralités qui se dégagent. Et, comme je l'ai dit, comme je l'ai déjà mentionné, les pays qui ont des listes d'attente, c'est en général des pays qui ont moins d'assurances privées. Il n'y a aucun pays qui a une bonne place au secteur privé, aux assurances privées, qui a des listes d'attente. Donc, c'est un choix. On peut choisir un pays plus solidaire avec plus de listes d'attente ou un pays où on permet, on donne plus de compétition, plus de concurrence, plus de possibilités de participation et où on a moins de listes d'attente.

La Présidente (Mme James): Alors, sur ça...

M. Charbonneau: ...

La Présidente (Mme James): Je suis désolée, M. le député, c'est terminé. Vous avez déjà légèrement dépassé le temps.

M. Charbonneau: Alors, j'espère qu'on aura l'occasion de débattre à nouveau.

La Présidente (Mme James): Sur ça, mesdames, Mme Kheiriddin puis Mme Kozhaya, merci pour votre présentation de la part de l'Institution économique de Montréal. Et je demanderais aux représentants du Conseil pour la protection des malades de venir prendre place pour leur présentation.

Je vais suspendre les travaux de la commission quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 30)

 

(Reprise à 11 h 32)

Le Président (M. Reid): Alors, nous allons reprendre les travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants du Conseil pour la protection des malades. M. Brunet, je vais vous donner la parole, vous avez environ une vingtaine de minutes. Je vous avertirai lorsqu'il restera trois minutes. Par la suite, nous passerons à des questions du côté gouvernemental pour une vingtaine de minutes, questions-réponses, échanges, et de même, par la suite, une vingtaine de minutes avec les députés de l'opposition. Je vous demanderais en commençant, M. Brunet, de présenter les personnes qui vous accompagnent. Je vous passe la parole.

Conseil pour la protection
des malades (CPM)

M. Brunet (Paul G.): Merci, M. le Président. Bonjour, M. le ministre, messieurs dames les membres de l'Assemblée. Je suis accompagné aujourd'hui de Me Delphine Boucher, à mon extrême gauche, et de Me Sophie Marchildon, qui est aussi infirmière, toutes deux avocates donc au Conseil de la protection des malades. Il nous fait plaisir encore une fois d'être invités à cette commission. Nous avons évidemment plusieurs idées à partager avec vous, et je me rends compte que plusieurs d'entre elles sont déjà partagées par au moins l'opposition et le parti du gouvernement. En tout cas, il y a des idées qui ressemblent beaucoup à notre position.

Mais, quand même, si vous le permettez, et sans plus tarder, avant que moi-même je prenne la parole, je vais céder la parole à Me Boucher qui va faire un survol de quelques éléments du rapport, et Sophie Marchildon aussi, et je compléterai la présentation. D'abord, au niveau du traitement des plaintes, Me Boucher.

Mme Boucher (Delphine): Bonjour à tous. Comme Me Brunet l'a expliqué, le premier élément que nous voulions souligner, c'était le traitement des plaintes. Je crois que nous sommes tous ici aujourd'hui pour tenter d'améliorer le réseau de la santé. Nous sommes là aujourd'hui avec des idéaux, mais des idéaux que nous souhaiterions atteindre.

Parmi les plus grands experts qui circulent dans le réseau de la santé, il y a les usagers, ceux qui utilisent les services tous les jours, et peut-être plus particulièrement ceux qui sont hébergés dans le réseau de la santé. Et ces experts, ils ont souvent des choses à dire et, sous forme de plaintes, ils peuvent nous aider grandement à accomplir notre tâche qui est d'améliorer le réseau. Nous avons crucialement besoin de leur «insight», nous avons besoin de leur commentaires et, encore plus, nous avons besoin d'être mis au courant des problématiques qu'ils rencontrent lorsqu'ils utilisent le réseau de la santé. Et c'est pour cette raison que le système de traitement des plaintes doit être constamment amélioré et adapté à leurs besoins.

Le point le plus essentiel que je vais aborder aujourd'hui, c'est au niveau du Commissaire local aux plaintes qui doit être accessible au maximum, donc dans la façon la plus optimale, pour les usagers. Présentement, nous rencontrons des difficultés qui nous sont rapportées par les usagers qui désireraient porter plainte mais qui craignent de le faire. Alors, on doit leur proposer un environnement sécurisant. Concrètement, ce que l'on recommande, c'est une présence accrue de la ou le Commissaire aux plaintes sur le milieu... soit l'installation, l'hôpital, ou le CHSLD, ou toute autre installation du réseau. On souhaiterait qu'il ait un local désigné, publicisé à son effet, qui soit seulement à son effet, qui soit dans un endroit différent des bureaux de la direction avec indications très claires comment on peut le rejoindre, soit sa ligne téléphonique, le courriel ou encore lui laisser un message écrit, avec son horaire, et évidemment on souhaiterait qu'il y ait plus de temps alloué pour chaque installation, pour chaque commissaire qui doit la desservir. Ça conclut pour le régime de traitement des plaintes.

Le Président (M. Reid): Merci, Mme Boucher.

Mme Marchildon (Sophie): Bonjour. Brièvement, pour les visites d'appréciation de la qualité des services, le CPM étant un membre permanent des visites, c'est notre troisième année consécutive, nous aimerions simplement réitérer le fait de l'importance de les poursuivre et surtout de s'assurer d'un suivi rigoureux des visites afin de ne pas leur faire perdre leur crédibilité. Donc, c'est simplement le point que je voulais souligner. Merci.

Le Président (M. Reid): Merci, Mme Marchildon.

M. Brunet (Paul G.): J'ai oublié de présenter l'organisme que nous représentons pour les plus jeunes députés, il commence à y en avoir des plus jeunes que nous évidemment. Le Conseil pour la protection des malades existe donc depuis 1973 et il a été fondé par Claude Brunet, et, son mandat, c'est de protéger, défendre et particulièrement promouvoir la dignité et le droit de toute personne, au Québec, de recevoir des soins adéquats selon les besoins qu'il peut... ou elle peut avoir.

Je passe immédiatement à certaines observations un peu plus centrales au niveau du projet sur lequel cette commission nous a invités à faire des commentaires. Je m'en voudrais de ne pas revenir rapidement sur le fameux arrêt Zéliotis. Nous, on l'appelle du nom du patient parce que, pour nous, on ose présumer que c'est pour le patient que cette cause-là a d'abord été prise et pour laquelle tant de gens, au moins le Dr Chaoulli, en défendent les conclusions. Il est évidemment extrêmement regrettable ? et je m'apercevais récemment que, même au Barreau du Québec, on partageait ce regret ? du fait que le Procureur général du Québec, quand ça a été plaidé en Cour supérieure, en Cour d'appel, aucune preuve d'expert ? ce n'est pas moi qui le dit, c'est la juge Deschamps, entre les pages 48 et 52; qui déplore ? le fait qu'il n'y a aucune preuve qui a été faite sur les dangers et les risques de la venue du privé ou d'un assureur privé alors que, vous le savez, nous le savons, il y a des études non encore contredites sur le fait qu'il y a des effets pervers à... pas que le privé est le diable incarné, mais il y a des effets pervers à la venue d'un assureur privé ou du privé en général dans un système public parce que ce n'est pas un système ou l'offre et la demande fonctionnent comme dans n'importe quel domaine de l'activité économique. Ça, ça m'a fait beaucoup de peine, et je voulais le réitérer aujourd'hui devant les membres de la commission.

Quelques observations. J'entendais tantôt les représentants, tant du gouvernement que l'opposition, là, faire ces mêmes observations que nous, qui proviennent probablement des mêmes études, et je me permets de rappeler que, quand même selon l'OCDE elle-même, il y a toujours bien 30 % des pays où la présence du privé est négligeable, là. Il ne faut pas s'imaginer, contrairement à ce qu'on veut bien promouvoir, que tout le monde a embarqué avec le privé, puis c'est extraordinaire. Et comme vous le dites ? des fois j'ai l'impression de prêcher à des convaincus ou des convertis ? que ce n'est pas sûr, et effectivement nous aussi on observe que, contrairement à ce qu'on dit, l'augmentation des sources de financement du réseau de la santé ou des services de santé... finissent par coûter plus à tout le monde et probablement que quelqu'un fait de l'argent avec ça en plus mais sans qu'on ait pour autant diminué les dépenses publiques, et ça, on partage ça avec vous.

Autre observation, on s'aperçoit aussi que le taux de pénétration du privé tend à croître en même temps que la population qui n'a pas accès aux soins de santé, et les États-Unis en sont probablement le pire des exemples à cet effet. Aussi, autre observation que je n'ai pas entendue faire ici, c'est qu'effectivement le secteur privé ou l'assureur privé a plus tendance ? c'est bien normal ? d'abord à avoir comme clients ou des assurés des gens en santé qui ont de l'argent et qui généralement ont peu de problèmes de santé alors que ? devinez quoi ? on laisse au bon vieil État et au service public les malades plus accablés et les gens plus pauvres. Également, il n'y a pas, disent encore une fois les études, de lien entre la présence du privé et l'amélioration de l'efficience comme telle, et je répète presque les propos que M. le ministre disait tantôt, où effectivement la présence d'assurances duplicatives se traduit au mieux par une disparité dans l'accès aux soins et, encore pire, à la couverture.

n(11 h 40)n

Tout ça pour dire que, pour nous, il y a au moins deux remparts importants qui sont dans le document sur lequel on est invités à commenter aujourd'hui, qui, pour nous, devraient être consacrés dans une loi à venir: c'est que l'offre dans le public et la garantie d'accès soient constamment garanties lorsque l'offre est faite dans le privé, un peu comme il est proposé dans le document d'étude aujourd'hui, et également, encore une fois, on le réitère: que ce soit garanti, cette impossibilité-là, pour un médecin de pouvoir oeuvrer à la fois dans le secteur public et dans le secteur privé au moins jusqu'à ce que la problématique de pénurie ait été réglée.

Mais vous convenez, vous comprenez et vous savez déjà que, nous, au Conseil pour la protection des malades, on n'a jamais eu rien contre le fait d'être aidés par le privé, mais on pense encore ? peut-être qu'on est passéistes ? mais on pense encore que la meilleure manière d'assurer les meilleurs soins à tout le monde en même temps, peu importe où ils se trouvent, c'est que ces soins-là soient payés et financés par de l'argent public. Il n'y a pas un hôpital privé qui va ouvrir à Val-d'Or si quelqu'un ne lui a pas dit que c'était payant de le faire, pas parce que c'est des dangereux bandits, c'est parce que le privé fonctionne avec le but, l'objectif et l'unique raison de faire de l'argent, et ce n'est pas tout à fait cette valeur-là et encore moins la mission d'un système de santé juste, gratuit et universel.

L'autre danger aussi, pour lequel je n'ai pas entendu de commentaire encore, c'est... encore une fois selon certains auteurs dans le domaine, c'est que l'assureur privé devient en même temps l'organisme de «pooling», comme on dit en anglais, et celui de «purchasing», et c'est là le danger. J'ai moins peur quand c'est l'État qui est le «pooler» et le «purchaser», mais, dans le privé ? et on le voit, l'effet pervers de ça, aux États-Unis ? bien, c'est le «pooler» qui décide des services qui vont être achetés, et ce ne sont même plus, nous rapporte-on, les diagnostics qui commandent les interventions médicales ou chirurgicales. Je pense que c'est un autre danger que je voulais signaler.

Et je me demande jusqu'à un certain point, M. le ministre et les membres de cette commission, si, après avoir observé que, dans le fond, on n'est pas plus avancés, qu'on ouvre un petit peu la porte, même si du monde... je lisais, encore une fois, le magazine Les Affaires, qui vous a encensés en vous prêtant toutes sortes d'intentions et en disant que, même si c'est timide, la porte est ouverte, puis il n'y a jamais eu autant d'entreprises et de gens qui veulent investir dans l'éventuel système privé d'assurances ou de soins, je me demande jusqu'à un certain point, M. le ministre, si on ne devrait pas, à l'issue de toutes ces études, et de ces commissions-là, et de ces analyses-là, se requestionner sur l'opportunité de contrer le jugement de la Cour suprême, surtout que vous risquez encore, me rapporte-on, d'être poursuivis parce que, pour des gens, c'est trop et, pire, pour d'autres gens, dont le Dr Chaoulli, ce n'est pas assez, si à un moment donné on ne devra pas refermer la porte, en se donnant comme défi, par ailleurs, et j'ai hâte qu'on le réalise, d'avoir un système de santé public beaucoup plus efficient, beaucoup plus efficace, et je pense qu'on est capables de le faire ensemble.

Puis je pense que le fait, sauf respect pour eux et pour elles, là... qu'on ait diminué le nombre d'accréditations syndicales, je pense qu'il y a un fait objectif, c'est que ça aide à sauver certainement beaucoup de temps en gestion des opérations et des relations syndicales. Pourquoi on ne pourrait pas faire ça aussi, mais non pas, respectueusement soumis, non pas dans une atmosphère de confrontation, mais que tout le monde décide de s'y mettre?

Et je trouve ça ironique parce qu'on reçoit nous-mêmes des délations d'à peu près tous les groupes, hein: les médecins dénoncent certains groupes, les syndiqués dénoncent les managers; et alors, je me dis: Si tout le monde mettait ça ensemble puis qu'on décidait de...

M. Couillard: Tout le monde dénonce les politiciens.

M. Brunet (Paul G.): Je n'oserais pas. Pourquoi on ne pourrait pas faire de ce réseau-là un meilleur réseau et...

Parce qu'on ne s'en sort pas. Là on va me dire que je suis un ardent défenseur du public et un antiprivé, mais je me rends compte, et vous vous rendez bien compte, qu'il n'y a pas vraiment de solution et encore moins avons-nous des exemples patents d'endroits où ça va mieux parce que le privé est plus ou moins impliqué. Je pense que ce n'est pas. Je pense que c'est le monde et les réseaux qu'on décide d'avoir ensemble qui vont, je pense, faire une meilleure job. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Mes Brunet, Marchildon et votre consoeur, rapidement, je m'excuse, ma mémoire me fait défaut, Mme Boucher, je m'excuse d'avoir été lent à trouver votre nom. Vous avez... je vais prendre le relais sur ce que vous avez dit en terminant, Me Brunet, parce que vous abordez la question sur le plan des principes presque philosophiques fondamentaux qui doivent nous guider dans ces discussions-là. Je dirais que, pour ce qui est du journal Les Affaires, ils ont peut-être vu plus qu'il n'y a véritablement dans cette proposition, mais on leur laisse leur opinion, de même que ceux qui trouvent qu'on ne va pas assez loin. Il y a ceux qui trouvent qu'on va trop loin, et en général la position d'équilibre, c'est quelque chose avec laquelle je suis assez confortable. Mais l'équilibre parfois peut être instable, il faut s'assurer de ne pas créer de situation d'instabilité.

Vous savez, lorsque vous avez parlé du jugement de la Cour suprême, vous avez dit: La plaidoirie n'a peut-être pas été suffisante pour, d'une part, des améliorations qui ont été apportées par rapport au contexte de 1997, puis, je pense, là-dessus, vous avez raison. On aurait peut-être, dans la plaidoirie, dans la chaîne de plaidoirie initiale... faire plus d'effet des changements qu'il y avait dans le paysage de maintenant par rapport au paysage de 1997.

Vous avez dit également: On n'a pas suffisamment mis en vigueur ou en lumière les risques inhérents à l'introduction du financement privé, assurances, etc. Ça, ça a été fait. D'ailleurs, si vous lisez le jugement de... majoritaire, ce qu'elle dit, elle ne dit pas que ça n'avait pas été plaidé, elle dit que l'État n'a pas été en mesure de lui démontrer que le fait de maintenir cette interdiction d'assurance privée était un frein, était un outil indispensable au maintien d'un système public et à l'amélioration de l'accès, puisque, comme elle le dit elle-même, et je ne le cite pas dans le texte, mais d'après le message: D'autres provinces canadiennes et d'autres pays, notamment de l'OCDE, qui n'ont pas ces interdictions démontrent des niveaux d'accès qui sont au moins comparables, sinon parfois supérieurs à ceux de notre État québécois, et qu'il doit y avoir d'autres moyens, dit-elle, d'utiliser des méthodes moins attentatoires ? je ne connaissais pas le mot «attentatoire» jusqu'à ce que je lise ce jugement, attentatoires ? aux droits fondamentaux. Donc, dans cette question-là, il y a une question de droits fondamentaux qu'il ne faut pas occulter et banaliser non plus.

Tantôt, les intervenantes précédentes ont posé une question qui est très pertinente et qui est souvent balayée sous le tapis. Elles ont dit: Pourquoi on permet aux gens dans notre société pour l'éducation, l'éducation qui est une valeur fondamentale puis quelque chose d'extrêmement important, peut-être même autant que la santé, pour ça on permet d'avoir recours à des prestations privées, financement privé, mais pour la santé on ne le fait pas? Il y a une raison fondamentale, c'est qu'on peut choisir d'envoyer son enfant à l'école privée ou publique, mais on ne choisit pas d'être malade. Le jour que ça nous tombe dessus, bien, tu sais, ce n'est certainement pas nous qui l'avons demandé.

Il y a également les risques inhérents au privé qui sont nécessairement et fondamentalement des risques de diversion de ressources, d'écrémage, vous l'avez dit très bien également, mais diversion de ressources professionnelles et financières vers un système privé parallèle.

Cependant, j'aime souvent avoir une approche un peu autocritique. Là, dans ce genre de question là, c'est une réponse qui est un peu courte. Et j'en parlais récemment à des collègues, on a un peu l'erreur au Québec, et je l'ai mentionné dans un article que j'ai publié récemment, de mettre toute l'attention sur le système et la structure plutôt que sur le principe moral que le système doit reproduire. Quel est ce principe moral là auquel on croit tous? C'est que personne ne doit être privé de soins ou avoir une différence dans l'accès aux soins selon son niveau de fortune personnelle. Là-dessus, on est entièrement sur la même longueur d'onde.

Ceci étant, si on nous démontre qu'il y a des pays au monde qui ont un système qui est bâti différent du nôtre qui ont un accès supérieur et qui n'ont aucun biais d'accessibilité par rapport à l'état économique de la personne, je ne peux pas être contre. Il y en a, des exemples comme ça. Cependant, dans l'état actuel du système de santé du Québec, étant donné la pénurie de ressources, surtout humaines, ce serait à mon avis un risque irresponsable de le faire puis d'avoir un glissement de ressources.

Mais j'essaie toujours de replacer le débat sur le plan du principe éthique de société qu'on veut défendre et non pas la défense d'une structure puis d'un système bureaucratique ou administratif ou hospitalier. Ce n'est pas ça qu'on défend, c'est le principe d'accessibilité universel pour la population. Je voulais juste faire cette... le ton de votre intervention m'a permis de faire cette mise au point là, puis je pense que c'est important de remettre toujours le débat à ce niveau-là.

Je voudrais mentionner également ma reconnaissance pour le rôle du conseil dans les visites d'appréciation pour les CHSLD. Je vous dirais, oui, on va les poursuivre, puis, oui, on tient, et je tiens personnellement à ce que chaque fois qu'une visite d'appréciation est faite, on ait un plan d'action et un suivi rigoureux. Ce qui m'encourage, c'est de voir des signes que ça marche.

n(11 h 50)n

L'autre jour, j'étais en Mauricie, j'ai rencontré les gens du Trifluvien, vous avez certainement entendu parler de la Résidence Cooke, au CPM, bon, et puis ils sont passés d'un niveau avec une visite d'appréciation tellement inquiétante qu'il y a eu une inspection ministérielle de ce niveau-là où au niveau maintenant où les patients, les usagers, les familles écrivent des lettres de félicitations et des remerciements au personnel puis à l'administration. Alors, il y a là un message d'espoir, puis un message qui nous dit que c'est à ça que ça sert, ces visites-là. Ce n'est pas juste à dire: Bien, toi, t'es bon, toi, tu n'es pas bon. Si, toi, tu as de la difficulté, regarde ce que l'autre a fait, puis tu peux devenir meilleur. Puis, votre rôle là-dedans est essentiel parce que, si vous n'étiez pas là, ces visites auraient beaucoup moins de crédibilité, puis je réalise que, pour que vous y restiez, il faut que vous sentiez que ça fonctionne puis qu'on donne suite à ce qui est noté dans les visites, et je vous assure que c'est le cas.

Je prends note également de vos notes, vos remarques sur le commissaire ou sa disponibilité en termes de locaux, etc. C'est une bonne remarque. Cependant, vous savez, on vient de faire des changements législatifs très importants dans ce domaine-là et on va voir quel en sera l'effet. Monsieur, pour le CPM, quelle est la position du CPM, par exemple, sur la question des cliniques affiliées? Moi, je crois décoder de votre intervention que, si on prend les précautions pour qu'il n'y ait pas de glissement de personnel en tant que principe, vous n'avez pas vraiment d'objections mais vous voulez être certains qu'il n'y a pas de glissement de personnel du réseau public vers ces cliniques.

M. Brunet (Paul G.): Oui, je ne vous cache pas qu'en vous entendant dire tantôt que, quand il n'y aura plus de pénurie, on s'en reparlera, en tout cas, c'est ce que j'ai saisi, j'aurais aimé ça en savoir un peu plus là-dessus. Je ne sais pas si je devrais commencer à m'inquiéter.

M. Couillard: Non, mais on n'est pas à la veille, on aura tous les deux encore plus de cheveux blancs quand ça se produira si ça se produit un peu.

M. Brunet (Paul G.): C'est vrai, c'est vrai. Vous parliez de 2015, M. le ministre?

M. Couillard: Bien, je ne sais pas si, en 2015, on aura encore un problème de pénurie, mais on aura 3 000 médecins de plus au net. Mais peut-être que le besoin va être changé, que le mode de pratique va être changé puis qu'on va être encore dans une situation de pénurie relative. On verra. Ce que je remarque cependant, c'est que, si je prends l'exemple des pays d'Europe de l'Ouest, par exemple, la France, il y en a en masse, des médecins; par contre, ils prévoient des problèmes pour les prochaines années. Mais, actuellement, il y a des médecins, je ne dirais pas qu'ils sont au chômage, mais l'équilibre est très, très positif entre l'offre et la demande.

M. Brunet (Paul G.): Justement, si vous me le permettez, d'ici à 2015, est-ce que vous pensez que les remparts qui pourraient être mis dans une loi pour empêcher les médecins de passer d'un régime à l'autre seraient suffisants ou comparables à ce dont on parlait plus tôt au niveau de la clause «nonobstant» pour nous assurer qu'au moins jusqu'en 2015 il n'y aura pas cette possibilité que, qui sait, un gouvernement qui suivrait serait tenté d'être plus proche de la position de certains médecins?

M. Couillard: Bien, on ne peut pas présumer de ce qu'un gouvernement ferait dans quelques années, là. Les législateurs sont à l'Assemblée puis ils font des projets, mais vous verrez, avec le texte législatif qui va suivre la commission, que toutes ces remarques sont prises en considération. Et ce qu'on a remarqué, nous, en élaborant ou commençant à élaborer notre réflexion suite à ce qu'on entend dans la commission, c'est qu'il y a, dans la situation actuelle, beaucoup de zones grises. Qu'est-ce qui est privé? Qu'est-ce qui est privé-public? Qu'est-ce qui est public? Qu'est-ce qui peut être exigé comme frais? Qu'est-ce qui ne peut pas être exigé? Il y a beaucoup de choses qui sont laissées dans le flou artistique depuis des années, et on va essayer de clarifier ces choses-là. Mais ce qu'on va certainement exprimer de façon très claire, c'est le mur de séparation extrêmement étanche entre le monde des médecins participants et le monde des médecins non participants, là. C'est la réponse que je ferais à votre question.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien, merci beaucoup. Alors, M. Brunet et mesdames, bienvenue à la commission.

Je reprendrais la partie de, disons, de l'énoncé, le principe ou un peu moral du ministre en disant que ce qui est important, c'est d'assurer l'accessibilité et de ne pas être fermé par ailleurs à voir si, ailleurs, l'accessibilité peut être supérieure, et puis à condition de garder les principes d'accessibilité pour tous ici. Moi, je n'ai pas de problème non plus à regarder ce qui se fait ailleurs, mais je dois aussi prendre en considération les messages des gens chez nous qui font la démonstration que l'accès supérieur peut être possible ici, sans nécessairement recourir aux solutions d'ailleurs. Parce que dans le fond, là, la question c'est ça. C'est: Est-ce que c'est possible ou pas d'obtenir une accessibilité accrue puis de diminuer l'attente au maximum en améliorant l'efficience du système que nous avons ou s'il faut nécessairement modifier le système et introduire une autre approche, qui est celle de bien d'autres sociétés?

Et ce n'est pas parce que bien d'autres sociétés ont pris un chemin différent que ce chemin-là doit être le nôtre. Dans le fond, quand on regarde la qualité des soins qui est dispensée ? puis je présume que vous êtes probablement l'association qui peut le mieux témoigner de cette qualité de ces soins là malgré les problèmes dont vous avez parlé d'entrée de jeu, c'est-à-dire il y a des plaintes puis il y a des situations où il faut être vigilant. Et c'est votre raison d'être d'ailleurs, cette protection ou cette défense des citoyens malades, mais il n'en demeure pas moins qu'on reconnaît qu'on a un niveau de qualité de services de santé, de services médicaux hospitaliers qu'on pourrait qualifier de supérieurs, si on regarde ce qui se passe sur la planète. On est dans le peloton de tête de la qualité des services de santé et de services sociaux au niveau de... sauf qu'il reste un problème d'accessibilité.

Et, dans le fond, est-ce que je vous comprends bien, j'ai l'impression que votre message est un peu celui de la Fédération des infirmières et infirmiers a livré tantôt. C'est qu'avant même d'envisager peut-être des cliniques privées affiliées ? et j'ai compris que vous n'aviez pas a priori comme nous, d'ailleurs, de problèmes dogmatiques ou idéologiques ? mais avant d'aller là, vous nous dites: Le gouvernement puis l'Assemblée nationale devraient faire en sorte que des centres opératoires ambulatoires qui existent ou qui pourraient exister dans notre réseau public, dans les établissements, soient là au rendez-vous, efficients, opérationnels, et que peut-être, à ce moment-là, ça plus une gestion adéquate des listes d'attente et la gestion des salles d'opération, on pourrait se retrouver finalement à atteindre le niveau d'accès supérieur dont le ministre parlait puis que l'on souhaite tous.

M. Brunet (Paul G.): Bien, sans être un économiste, et en prenant pour acquis qu'il y a du monde dans le réseau public, même s'il y a des plateaux qui ne sont pas ouverts à cause des conventions collectives, des horaires de travail, ou de manque d'anesthésistes, ou je ne sais trop, je me dis: Comment le privé va réussir, lui... réussirait, lui, ou via les cliniques affiliées, à combler ce manque-là si les ressources étant ce qu'elles sont, c'est-à-dire pas plus disponibles au privé que dans le public? Pourquoi pas alors se retourner vers nos propres infrastructures et rendre peut-être plus flexibles et alléger les dispositions qui empêchent justement ces plateaux-là... de permettre aux médecins, comme le regrettait encore le Dr Lamontagne hier soir, de permettre qu'on opère, qu'on intervienne. On a des plateaux, on a des infrastructures, pourquoi pas travailler là-dessus ensemble, avec nos partenaires syndicaux et «managériaux», pour ouvrir ces lieux-là et, au moins, on va mettre des ressources, on va payer des ressources qui sont déjà là, et généralement même payées, dans des structures que de toute façon on continue de rembourser.

M. Charbonneau: Tantôt, vous avez parlé... vous avez utilisé deux expressions anglaises, vous parlez d'un danger à éviter... ou à prendre en considération les «poolers» puis les...

M. Brunet (Paul G.): Les «purchasers».

M. Charbonneau: Les «purchasers». Est-ce que vous êtes... vous seriez en mesure d'expliquer un peu le danger que vous voyez, là, quand vous parliez de ces deux dimensions-là, là?

M. Brunet (Paul G.): En fait, sans vouloir lire mot à mot l'étude que je lisais et qu'il me ferait plaisir de vous communiquer une copie, c'est qu'effectivement il y a un danger, quand le «pooler», celui qui devient la mutuelle, celui chez qui on envoie notre argent, devient aussi celui qui achète les soins, particulièrement dans le domaine des soins de santé, parce qu'il y a un danger d'effet pervers où le «pooler» devient le «purchaser». Souvent, il y a un lien, il y a un lien incestueux entre celui qui achète... Et d'ailleurs, cet effet-là, cet exemple-là survient aux États-Unis, où ? je le disais tantôt ? les assureurs décident maintenant des interventions plutôt que les diagnostics et les médecins. C'est assez pervers, là, ce sont...

M. Charbonneau: Autrement dit, ce que vous dites, c'est ça: un des effets pervers est de permettre l'ouverture aux assurances privées puis l'entrée en scène, puis le développement, surtout le développement d'un marché... en fait, des assurances privées, c'est que finalement, aux États-Unis, en tout cas, ce que vous dites, c'est qu'on a constaté que ce sont les assureurs qui, en bon québécois, «call» les «shots», là...

M. Brunet (Paul G.): Absolument.

M. Charbonneau: ...médical plutôt que ce soient les soignants, là.

M. Brunet (Paul G.): Si je peux faire un corollaire, c'est la même crainte qu'on exprimait dans le dossier de la carte à puce en 2002 ou 2000... 2002, oui, 2000-2002, où on avait peur, parce que c'était proposé comme ça originalement, que la RAMQ soit l'endroit où on mettrait le serveur des données centrales. On disait: Il ne faut pas que l'assureur soit en possession des dossiers médicaux, hein, de peur qu'il soit tenté d'aller voir, dans les dossiers, l'opportunité de... Et c'est exactement ce qui se passe aux États-Unis, et je pense qu'il y a des distances qu'on doit garder entre ces grands pôles là de l'activité et de l'organisation des soins.

n(12 heures)n

M. Charbonneau: Est-ce qu'à votre connaissance cette pratique américaine existe dans d'autres pays où on a permis justement, par exemple en Australie, où on a permis l'assurance privée, un développement de l'assurance privée d'une façon importante?

M. Brunet (Paul G.): Je ne serais pas surpris que oui, puisque ce sont des observations faites à partir des pays membres de l'OCDE. Mais on nomme beaucoup les États-Unis comme étant un des exemples où il y a un danger et un effet pervers du fait que, quand le «purchaser» est aussi le «pooler», que des fois il est tenté de décider de l'opportunité des interventions parce qu'il connaît les gens chez qui le chèque est en... de qui ils reçoivent le chèque d'assurance.

M. Charbonneau: Est-ce que ce serait possible que la commission prenne connaissance ou obtienne une copie de cette étude-là? Parce que je pense que les membres...

M. Brunet (Paul G.): Ça va me faire plaisir.

M. Charbonneau: En tout cas, moi, en ce qui me concerne, ça m'intéresserait de pouvoir en prendre connaissance.

M. Brunet (Paul G.): Très bien.

M. Charbonneau: Bien, je vous remercie. Vous dites aussi, si je vous ai bien compris, que le gouvernement puis l'Assemblée nationale ? parce qu'ultimement c'est l'Assemblée qui va prendre la décision ? ne devraient pas... devraient maintenir l'interdiction complète à l'assurance privée plutôt que même de l'ouvrir un petit peu, d'autant plus que le ministre reconnaît que l'ouverture est minimale et plutôt cosmétique, et qu'en plus on reconnaît que la démonstration d'efficience n'a pas été faite. En fait, à plusieurs reprises, au niveau gouvernemental, on a reconnu qu'on faisait une ouverture très minime, la plus petite dans les circonstances, et que ça ne porterait pas beaucoup à conséquence, mais qu'au moins, je veux dire, symboliquement, ou pour certains qui pensent que légalement il y a comme une espèce d'obligation, ça répondrait. Mais dans les faits, si je vous ai bien compris, ce que vous dites, on n'est pas obligé de répondre de cette façon-là à la Cour suprême, puis, comme de toute façon ce n'est pas si important que ça, ne le faisons pas et concentrons-nous finalement à répondre autrement à la Cour suprême, d'autant plus, puis je pense que le ministre a reconnu, et je pense qu'il y a une responsabilité de part et d'autre des plaideurs qui étaient sous l'autorité de deux gouvernements qui se sont succédé dans les plaidoiries, là... Mais, je veux dire, si c'est vrai que la démonstration de nos plaideurs n'a pas été assez forte et que la Cour suprême dans le fond considérait qu'elle n'a pas eu cette démonstration qu'il y avait eu des gains et puis qu'il y a des changements significatifs ? bon, bien, nous autres, on le sait maintenant, là, puis ça, c'est notre responsabilité, puis c'est même de notoriété publique ? alors, on ne peut pas faire comme si on était dans un contexte où on ne le sait pas, là, puis on ne le savait pas.

M. Brunet (Paul G.): Je ne suis pas un constitutionnaliste, donc je ne suis pas en mesure de vous dire que je suis assuré des impacts d'une clause «nonobstant», mais je vais être franc avec vous, M. Charbonneau, je me suis demandé, parce que... Si mes renseignements sont exacts, la cause a été plaidée en Cour supérieure alors que c'était le Parti québécois qui était au pouvoir. Ça fait que je me suis dit: Comment ils ont pu faire en sorte qu'il y ait une négligence à cet égard-là? Et je rapporte les propos, là, de la juge Deschamps, à la page 50, juste pour être précis. La juge Deschamps, qui écrit pour la majorité, dit: «Pour vérifier si le Procureur général du Québec s'est acquitté de ce fardeau, j'analyserai d'abord la preuve d'expert présentée devant la Cour supérieure.» Et elle conclut à la page 50: «Il ressort de cette synthèse que, pour chaque menace décrite, aucune étude n'a été produite ou analysée devant la cour.» Je veux dire, c'est majeur, tu sais. Alors, je me suis dit: Comment ils font ? admettons, là, qu'on est machiavéliques ? comment on a pu négliger cet aspect-là puis réclamer la clause «nonobstant»? Ça ne se peut pas que le même groupe ait pu penser une chose aussi horrible et vouloir en même temps s'en dissocier par un outil, un instrument législatif facile à utiliser dans le fond pour un gouvernement. Ça fait que je me dis: Ça ne se peut pas qu'on ait voulu être si négligent, puisqu'aujourd'hui, de votre côté en tout cas, vous réclamez la clause «nonobstant», à moins que je sois mal renseigné sur votre revendication.

M. Charbonneau: En fait, juste pour vous expliquer, on n'a jamais dit que la clause «nonobstant» devait être nécessairement utilisée. Ce qu'on a dit, c'est qu'on devrait l'utiliser, puis c'était dans le contexte où, à ce moment-là, l'interprétation que plusieurs faisaient, c'est qu'il y avait une contrainte de temps. Le délai du mois de juin, après que la Cour suprême ait fait le jugement, on a demandé: Est-ce qu'on utilise la clause «nonobstant» pour nous donner un espace-temps pour faire la discussion? Le gouvernement a choisi autrement. Puis, quand, en début d'année, le document a été rendu public, finalement le gouvernement a dit: Notre compréhension, c'est qu'il n'y a pas une contrainte de temps, même si la cour nous a dit, quand on est allés demander un sursis: Votre sursis... Le sursis se termine au mois de juin 2006, nous, on ne se sent pas l'obligation puisqu'on aura amorcé une réponse. Très bien. À ce moment-là, on n'a pas besoin de la clause «nonobstant» si on considère, tout le monde, que l'Assemblée nationale est le maître du jeu. L'importance pour nous, c'était que le Parlement québécois soit le maître de son échéancier et de l'espace-temps qu'il devait disposer.

Ceci étant, si jamais on devait choisir de ne pas répondre à la Cour suprême en levant l'interdiction partiellement, comme le ministre le fait ou le gouvernement le propose, il y a deux thèses. Une thèse veut qu'on n'a pas besoin d'utiliser la clause «nonobstant», on a simplement dans le fond à faire ce qu'on a à faire et, si jamais quelqu'un veut nous ramener en Cour suprême, bien on fera la démonstration que ça n'a pas été bien fait la première fois, que finalement les changements importants sont intervenus et continuent d'intervenir. L'autre thèse, c'est qu'on aurait besoin de la Cour suprême, parce qu'à ce moment-là il y aurait comme une obligation. Moi, je ne suis pas avocat non plus, vous autres, vous êtes tous les trois avocats, devant nous, là, mais disons que les questions constitutionnelles, quand on est à l'Assemblée nationale depuis pas mal longtemps puis qu'on a été ministre des Affaires intergouvernementales, on connaît ça un petit peu, là. Disons que les deux approches valent.

Mais une chose est certaine, c'est qu'au-delà de cette question de l'utilisation de la clause «nonobstant», de la clause dérogatoire, le fait est que la plaidoirie semble ne pas avoir été à la hauteur, disons, du défi qui était posé. Moi, je sais puis je pense que le problème, c'est souvent que, quand tu es Procureur général, tu ne te mêles pas, je veux dire, d'aller dire aux avocats-conseils du gouvernement comment écrire, là. Tu sais, tu es poigné avec, tu sais, il y a comme un... Tu leur donnes un mandat ou un contrat, dans certains cas, c'est même des avocats de l'extérieur, puis ils font leur job, puis tu es poigné avec... S'ils font bien leur job, ça va; si ce n'est pas bien fait, de toute façon, dans le système de responsabilité ministérielle, c'est de ta faute pareil, tu sais. Bon.

Ceci étant, la question, c'est que la démonstration, qu'elle n'ait pas été faite, les choses se font et se sont faites et continuent de se faire. Et, encore là, la question, c'est: Est-ce que... puis c'est ça que je veux vérifier, si je vous ai bien compris, c'est que dans le fond on ne devrait même pas lever l'interdiction, même partiellement; on devrait se contenter de maintenir notre système, de continuer à l'améliorer, améliorer son efficience, et, s'il y en a qui veulent nous ramener en Cour suprême en prétendant que ce n'est pas suffisant, bien qu'ils le fassent? Est-ce que c'est ça, votre...

M. Brunet (Paul G.): Écoutez, je pense qu'on est pas mal tous d'accord, tous et toutes, de tous les côtés de la commission, et même ici, au niveau des invités, qu'on cherche... et honnêtement, soyons honnêtes avec le niveau de conscience professionnelle et politique que vous avez, on a tous essayé de trouver des arguments, et des études, et des gens qui pouvaient nous dire le contraire, et on n'est pas capables de trouver à l'OCDE, qui est quand même un organisme important, de preuve qu'en ouvrant la porte au privé on va nécessairement faire mieux.

Alors, je me dis: Moi qui suis un croyant de la fonction publique, j'en suis moi-même un membre, comment on peut penser qu'on peut ouvrir la porte? C'est pour ça que je proposais à la commission qu'au moins en regard des deux remparts proposés, que cela soit confirmé dans une loi et que j'espère ? pourquoi pas? ? que ces dispositions-là pourraient être interprétées un jour comme ayant une force supplémentaire au niveau législatif pour qu'au moins ces garanties-là... que, quand on ouvre dans le privé, qu'on ait au moins la garantie d'accès dans le public, ça, j'ai hâte de voir comment on va le réaliser, mais c'est une garantie qu'on nous propose, et l'autre, éviter que les médecins, bien qu'on les aime beaucoup puis qu'on apprécie beaucoup leur travail, ne sont pas en nombre suffisant aujourd'hui pour qu'on leur permette de travailler et qu'ils fassent ce que certains appellent du «double dipping».

M. Charbonneau: Bien. Alors, je pense que ça complète un peu le temps qu'on avait, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Alors, Me Brunet, Me Boucher et Me Marchildon, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom du Conseil pour la protection des malades.

Comme je l'ai indiqué ce matin, il est prévu que nous siégeons cet après-midi, mais nous allons écouter attentivement les avis concernant les travaux de la commission. Et, sur ce, j'ajourne les travaux de la commission sine die. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 10)

(Reprise à 15 h 11)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! La commission poursuit ses travaux. Je vais faire lecture de l'ordre du jour de cet après-midi. Nous allons entendre et échanger avec quatre groupes: dans quelques instants, l'Association des fondations d'établissements de santé du Québec; ce sera suivi par le Regroupement des centres de santé et de services sociaux et du Centre hospitalier affilié de la Montérégie; vers 16 h 30, l'Ordre des optométristes du Québec; et, vers 17 heures, terminer la journée avec la Confédération des syndicats nationaux.

Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association des fondations d'établissements de santé du Québec. M. le président Béland, bonjour. Comme je le fais pour chaque groupe, je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et je vais vous aviser quand il vous reste trois minutes pour mieux vous aider à conclure, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. Je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent et par la suite d'enchaîner avec votre présentation.

Association des fondations
d'établissements de santé
du Québec (AFESAQ)

M. Béland (Claude): Alors, merci, M. le Président. M. le ministre, Mme et MM. les membres de la commission. Oui, je représente ce qu'on appelle l'AFESAQ, qui est l'Association des fondations des hôpitaux du Québec anciennement, et maintenant l'Association des fondations d'établissements de santé du Québec. Nous regroupons 95 fondations qui sont membres de l'association. Et notre but, quand on a pensé à fonder cette association ? ça a été surtout des gens qui venaient du Mouvement Desjardins ? alors, souvent, on disait aux fondations: Votre problème, ce n'est pas d'être petites, c'est d'être isolées. Et on pensait qu'en les regroupant on pouvait les aider à mieux récolter des fonds pour venir en donner davantage dans le réseau de la santé. Alors, aujourd'hui, l'AFESAQ, avec ses 95 membres, remet annuellement dans le secteur de la santé, par l'achat d'équipements et des choses de ce genre, une somme qui dépasse 100 millions par année. Je pense que c'est une contribution intéressante.

Mais, depuis plusieurs années, on se rend compte que la philanthropie au Québec est difficile. Les récentes statistiques nous démontrent que nous sommes même en régression. Ça prend des incitatifs. Il y a quelques années, il y a quatre ou cinq ans, la moyenne des dons par individu était de l'ordre de 127 $. Les derniers rapports nous indiquent que c'est 117 $. Vous allez me dire que ce n'est pas beaucoup, 10 $ par personne, mais, quand on compte ça par millions, évidemment ça fait beaucoup. Et c'est pour ça que, depuis plusieurs années, les membres de l'AFESAQ cherchent par toutes sortes de moyens à accroître la contribution des particuliers au financement de notre réseau de santé et de services sociaux par la sollicitation philanthropique. Et, afin de mobiliser davantage les contribuables québécois, nous estimons qu'un incitatif fiscal est essentiel. Cette idée, nous l'avions d'ailleurs défendue en avril 2004 devant le Comité de travail sur la pérennité du système de santé et de services sociaux, présidé par M. Jacques Ménard.

Mais ce n'est pas la première fois que cette demande était faite. Je vous rappelle, en septembre 1999, le fameux rapport Arpin suggérait au gouvernement, et je cite: «Miser sur le traitement fiscal privilégié accordé sur les dons pour promouvoir le développement de la culture philanthropique et favoriser les campagnes de financement des fondations associées à des établissements de santé et de services sociaux.» Aucune suite n'a été donnée à cette proposition.

Une année plus tard, en 2000, le rapport Clair, non moins fameux, émettait à son tour une recommandation semblable. Je cite: «Pour financer l'acquisition rapide des équipements de haute technologie, nous recommandons [...] la stimulation des fondations hospitalières existantes en vue de mobiliser des ressources pour une corvée d'acquisition de technologies médicales par un recours à la fiscalité.» Fin de la citation. Là encore, aucune mesure n'a été prise par le gouvernement afin de répondre à cette recommandation.

Et plus récemment, le rapport Ménard proposait au gouvernement du Québec en 2005, et je cite, qu'«un traitement fiscal incitatif des dons faits à des institutions du secteur de la santé et des services sociaux soit offert aux donateurs». Fin de la citation.

J'ajoute à ça une enquête qui s'est intitulée l'Enquête nationale sur le don, le bénévolat et la participation. Cette enquête révèle que 49 % des donateurs déclarent qu'ils donneraient davantage si les gouvernements leur accordaient des crédits d'impôt plus élevés. Et, puisque cette enquête a été réalisée auprès de gens ayant déjà effectué un don, on peut présumer qu'une augmentation du crédit d'impôt permettra le recrutement de nouveaux donateurs dont nous avons bien besoin.

Autrement dit, les rapports Arpin, Clair et Ménard ont aussi émis des avis proposant un incitatif fiscal aux dons faits aux établissements de santé, et nous osons espérer que le gouvernement actuel donnera suite à ces recommandations. Et nous recommandons à notre tour que le gouvernement du Québec accorde un traitement fiscal incitatif des dons faits aux fondations d'établissements de santé du Québec.

Nous avons une deuxième demande. Notre seconde requête concerne l'instauration d'un programme de subvention de contrepartie, tel qu'il existe dans les domaines de l'éducation et de la culture, afin de favoriser les dons des individus et des entreprises faits aux fondations d'établissements de santé du Québec. On le sait que, dans le domaine de l'éducation, le gouvernement contribue 0,25 $ par dollar qui est donné par les contribuables. Dans le domaine de la culture, la formule est plus complexe mais plus généreuse à la fois.

Alors, cette proposition de subvention de contrepartie, elle fait également suite à une recommandation du comité Ménard, et je cite. M. Ménard disait qu'«un programme de jumelage par l'État des dons consentis aux institutions du réseau de la santé et des services sociaux pour favoriser l'achat d'équipements coûteux par les institutions soit mis sur pied, en s'inspirant des programmes existants, notamment dans le domaine de la culture» ? mais aussi il faisait un rappel que ça existait dans le domaine de la culture. Fin de la citation.

En l'an 2000, M. François Legault, alors ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse, instaurait une subvention de contrepartie destinée aux fonds de dotation et aux fondations universitaires, et je cite ce qu'il y avait dans le rapport... dans les règles budgétaires, pardon. On disait: «Le ministère apparie 0,25 $ pour chaque dollar de nouveaux dons, jusqu'à concurrence de 1 million par établissement.»

En novembre 2005, Mme Line Beauchamp lançait le programme de Placements Culture pour inciter le secteur privé à s'engager plus intensément dans le financement de la culture et des communications. Par ce programme, le Conseil des arts et des lettres du Québec accorde une subvention de contrepartie aux organismes à but non lucratif des domaines de la culture et des communications. Et, si je ne me trompe pas, après avoir lu les journaux, je pense que la taxe olympique, la taxe des fumeurs, maintenant que le stade va être payé bientôt, va profiter également à la culture et au sport.

Voilà pour une deuxième demande. On pense que ce serait équitable que le secteur de la santé, qui a bien besoin de sous, et de dollars surtout, et de millions de dollars, je pense que le secteur, et ce serait en toute équité, le secteur de la santé pourrait compter sur un régime de la même nature.

Troisième demande, c'est celle de la retenue à la source. Cette demande ou cette recommandation vise à donner l'accès aux fondations d'établissements de santé du Québec au système mis sur pied par le gouvernement du Québec pour faciliter la retenue à la source des employés et retraités des secteurs public et parapublic.

Le 22 août 2005, l'AFESAQ, dans une lettre adressée à la ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, Mme Michelle Courchesne, demandait au gouvernement du Québec de reconnaître à un employé ou à un retraité le principe du libre choix de l'organisme de charité pour lequel il souhaite souscrire par retenue à la source.

n(15 h 20)n

En octobre dernier, Mme Courchesne annonçait que les 18 Centraide du Québec, la Société canadienne de la Croix-Rouge, division du Québec, et les 16 organismes regroupés sous l'appellation Partenairesanté auront accès à la retenue à la source des employés et des retraités des secteurs public et parapublic. De plus, le ministère de la Santé et des Services sociaux nous a informés, en mars dernier, qu'aucun organisme ne pourra être ajouté à cette liste avant 2010. Mais je souligne que Partenairesanté, c'est des subventions qui sont données à la recherche, c'est à un organisme national canadien, siège social à Ottawa, et on ne sait pas exactement quelles parts de ces contributions viennent ici ou retournent ici, au Québec, puisque c'est un organisme pancanadien. On a été surpris et déçus que les fondations d'établissements de santé n'aient pas été incluses parmi les organismes ayant le privilège de la retenue à la source, connaissant les besoins de fonds dans le domaine de la santé.

Considérant que les fondations de notre réseau sont des organismes de charité totalement dédiés à un établissement public qui compte de nombreux employés et considérant que la santé est la première priorité du gouvernement, nous souhaitons que le gouvernement donne accès aux fondations d'établissements de santé du Québec à la retenue à la source des employés et des retraités des secteurs public et parapublic.

Alors, voilà, M. le Président, les trois requêtes que nous soumettons à cette commission parlementaire. Je pense qu'elles sont relativement simples à appliquer et évidemment, si elles étaient acceptées, aideraient grandement les fondations d'établissements de santé à vous donner encore plus de millions que nous le faisons actuellement. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Béland. Alors, afin de débuter l'échange, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Béland, M. Rhéaume, M. Granger, pour votre visite à nouveau. Bien sûr, la participation des fondations est très appréciée partout au Québec, puis notamment dans les projets des grands hôpitaux montréalais, projets où même M. Béland a déjà joué un rôle important. Les fondations ont des rôles très, très majeurs à jouer sous le thème du financement.

Vous avez abordé trois points: d'abord, la stimulation de la philanthropie; ensuite, la subvention de contrepartie; et enfin la retenue à la source. Est-ce que, dans le budget récent, le dernier budget de M. Audet, il n'y avait pas de mesures d'harmonisation pour les contributions aux fondations par rapport aux autres organisations? Peut-être que je fais erreur, là.

M. Rhéaume (Denis): Il y a eu un pourcentage de 4 % qui a été rajouté, là, au montant de base qui était permis. De 20 %, c'est monté à 24 %. C'était un ajustement à ce niveau-là. Ça ne touche pas nécessairement les trois points dont on parle, là.

M. Couillard: Mais ça augmente le potentiel de déduction pour les gens qui font des contributions aux fondations.

M. Rhéaume (Denis): Oui, de façon... Oui, mais de façon limitée. Mais oui.

M. Couillard: O.K. Donc, pas assez, mais ça le fait.

M. Rhéaume (Denis): Voilà.

M. Couillard: J'entends souvent ça dans mon métier. Ça ne me dérange pas.

M. Rhéaume (Denis): Voilà.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Couillard: Deuxièmement, la subvention de contrepartie, j'ai un peu de misère avec ça, parce que vous avez donné l'éducation et la culture, comme vous le savez, comme exemples, mais c'est des domaines dans lesquels le PTI, ou le programme d'immobilisations public, n'est pas de la même ampleur que celui de la santé. Je vous donne un exemple.

Actuellement, dans le réseau de la santé, à part la haute technologie, à part les grands hôpitaux de Montréal, il y a un programme d'immobilisations d'environ 1,2 milliard de dollars qui est en cours. Alors, je dirais que, pour chaque dollar de fondation, il y a 10 $ de fonds publics actuellement en immobilisations puis en équipements, tu sais, mais je ne ferai pas ce raccourci-là, là. Si je prends juste les équipements de haute technologie, on met pour 118 à 120 millions par année. C'est à peu près la parité avec les grandes fondations.

Vous connaissez le problème de la dette du Québec, là; ce n'est pas ici que je dois le répéter. Mais est-ce que vous pensez véritablement que la... vous ne pensez pas que la taille des immobilisations puis de l'endettement public actuellement dans le réseau de la santé n'est pas une contrepartie importante?

M. Béland (Claude): Bien, c'est-à-dire qu'on souhaiterait qu'elle le soit.

M. Couillard: Donc, ce n'est pas assez. Ha, ha, ha!

M. Béland (Claude): Bien, c'est que... c'est vous qui nous dites que ce n'est pas assez. On entend ça tous les jours qu'il n'y a pas assez d'argent dans le secteur de la santé, alors donc ça veut dire qu'il en faut plus, et alors on essaie de trouver des moyens. Nous, tous les bénévoles qui travaillent dans nos 95 fondations évidemment veulent bien solliciter. On se rend compte qu'on a de la concurrence, parce qu'il y a d'autres secteurs qui, eux, bénéficient de certains avantages, et il y a de la concurrence même dans ça, et on cherche des moyens à faire en sorte qu'on... Puisque les besoins prioritaires, à mon point de vue, sont dans le domaine de la santé, on dit: Qu'est-ce qu'on peut faire vraiment pour... S'il n'y a pas moyen de développer la philanthropie uniquement par le don désintéressé ? ça a l'air très rare aujourd'hui, malheureusement ? il faut organiser des tournois de golf puis donner de la visibilité. Quand on demande des dons aujourd'hui, on a toujours en réponse: Qu'est-ce que tu me donnes pour ça? On négocie. Le don complètement désintéressé est de plus en plus rare. Et alors, s'il faut au moins des incitatifs ou des régimes de contrepartie, on vous soumet que ça pourrait être un moyen qui améliorerait le rendement, si je peux employer ce mot-là, sur le plan de la philanthropie québécoise.

M. Couillard: Mais est-ce que ça ne créerait pas potentiellement un déséquilibre puis une inéquité entre les grands établissements qui ont des grosses fondations puis les petits établissements qui souvent sont assez moins bien pourvus en termes de possibilité de philanthropie pour recueillir des dons? Le CHUM est pas mal mieux équipé que, disons, l'Hôpital de Sept-Îles pour...

M. Béland (Claude): Bien, c'est pour ça qu'on est en association, c'est pour faire en sorte... Parce que c'est vrai ce que vous dites, il n'y a pas de doute que, lorsqu'ils étaient isolés... évidemment, là, ils avaient des problèmes, mais c'est qu'on les amène à travailler ensemble. Quand je regarde le président du conseil et le directeur général du CHUQ, mais on siège avec des fondations qui ont 250 000 $, qui ramassent 200 000 $ par année. Mais ça correspond à des besoins de leur milieu: ça peut être un CHSLD, ça peut être une petite fondation, il y en a, je n'aime pas dire «une petite», mais qui répond aux besoins de son milieu. Les gens ne trouvent pas ça inéquitable; tout ce qu'ils demandent, c'est d'avoir les moyens dans leur propre milieu, parce qu'il y en a partout dans la province, dans leur milieu d'être capables d'être les plus efficaces possible. Pour certaines fondations, ramasser 300 000 $, c'est un immense succès.

M. Couillard: Oui, d'ailleurs, je suis toujours impressionné par les résultats des levées de fonds en région, notamment à Roberval, où j'étais il y a quelque temps, 1 million de dollars, levées localement, pour la médecine nucléaire; c'est quand même énorme comme effort collectif. Mais c'est certain qu'il y a une inéquité de départ entre les tailles d'établissements puis les tailles de fondations. Ce n'est pas une véritable inéquité, mais ça reflète les tailles et les missions qui sont différentes également, mais les fonds publics, eux, doivent être distribués de façon équitable. Alors, s'il y avait un programme de contrepartie en provenance des fonds publics, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'envisager hypothétiquement un genre de programme de péréquation, là, via votre association, pour que tout le monde puisse en bénéficier?

M. Béland (Claude): Peut-être qu'on faisait un raisonnement plus simpliste, nous autres, on se disait: Ce n'est pas équitable, ils ont des régimes de contrepartie, et, nous, on n'en a pas. On ne faisait peut-être pas le calcul que vous faites.

M. Couillard: Dans les deux autres ministères: l'Éducation et la Culture.

M. Béland (Claude): Oui, c'est ça.

M. Couillard: O.K.

M. Granger (Roland): Mais, M. Couillard, vous me permettez, oui, ce serait possible qu'il y ait... de trouver une façon de gérer la péréquation entre les fondations pour l'équilibre des régions. Mais on ne serait pas fermés à une hypothèse semblable.

M. Couillard: O.K. Pour ce qui est de la retenue à la source, effectivement vous avez raison, on a fait un premier geste en élargissant à Croix-Rouge et à Partenairesanté. Ce n'est pas entièrement des fonds pour la recherche, il y a également du service direct là-dedans, avec Diabète Québec, par exemple, ou avec la Croix-Rouge. Vous savez qu'on l'a fait de façon très prudente volontairement parce qu'on est inquiet et, en région particulièrement, les gens sont inquiets de l'impact que ça peut avoir sur la levée de fonds de Centraide. Et on sait qu'il y a énormément de groupes communautaires, souvent dans des domaines qui ne sont pas aussi glorieux sur le plan de la levée publique que d'autres, qui dépendent presque complètement des fonds de Centraide chaque année.

Alors, est-ce que vous n'avez pas une crainte que, si on multiplie les... Dans un établissement de santé, par exemple, un gros établissement de santé, si on offre aux employés la possibilité de faire une retenue pour leur fondation, est-ce que vous ne pensez pas que ça pourrait avoir comme effet inverse de diminuer les dons à des organismes comme Centraide?

M. Granger (Roland): La première fois qu'on est intervenu dans ce dossier-là, c'est qu'on voulait la reconnaissance du libre choix, que ce soit l'employé ou le retraité qui choisisse l'organisme de son choix. Mais le problème qui se pose, c'est que le système étant déjà bien organisé, bien rodé par le gouvernement, et qui va solliciter tous les employés et retraités et de toutes les entreprises publiques, parapubliques, à l'intérieur même du centre hospitalier... le système est déjà bien rodé, bien organisé, et, nous, la fondation, on a de la difficulté à aller compétitionner le régime qui est déjà en place. Les employés d'un établissement auraient intérêt à partager leur contribution, mais il y aurait des retombées dans leur propre milieu de travail. Et c'est ça qui est frustrant pour les fondations de ne pas être... d'être en compétition, et ils reçoivent souvent comme commentaire: Je donne déjà à Centraide. Et, quand on organise la sollicitation, il faut le faire en parallèle. Alors, je pense qu'il y a moyen d'avoir notre place à l'intérieur de ce système-là.

Le Président (M. Copeman): M. Rhéaume.

n(15 h 30)n

M. Rhéaume (Denis): Mon commentaire sera plus de l'ordre des besoins puis peut-être un peu un élément d'historique, là. J'ai été moi-même directeur général de Centraide Québec, et évidemment je serais favorable à ce qu'on puisse s'orienter vers une approche comme celle-là, parce que les besoins ont changé. Quand je suis arrivé, moi, d'ailleurs dans le secteur de la santé, à la fondation du CHUQ, à ce moment-là, effectivement, les besoins étaient peut-être moins grands, puis l'État intervenait beaucoup plus. Aujourd'hui, on a des pressions constantes pour être capables de répondre à des besoins. L'ordre de grandeur était 1,5 million, moi, lorsque je suis arrivé il y a huit ans, et maintenant la fondation contribue pour 7 millions par année, mais c'est encore insuffisant.

Alors, c'est sûr que les besoins ? puis ça, je pense, je n'annonce rien évidemment à personne; les besoins ? en santé sont de plus en plus importants, et la pression se fait davantage dans nos propres organismes, de telle sorte qu'on puisse... ce serait important qu'on puisse utiliser des sources comme celle-là, comme celle de la déduction à la source auprès des employés, qui permet d'avoir des résultats supérieurs et qui correspondent vraiment à répondre à des besoins qui nous sont formulés de façon de plus en plus pressante.

Alors, c'est dans ce sens-là, c'est un peu un effet historique. À l'époque, effectivement, où, moi, j'étais à Centraide, effectivement, le gouvernement était en mesure d'assumer davantage l'ensemble des besoins ? c'était perçu comme ça, d'ailleurs ? alors qu'aujourd'hui il y a une perception de la population, que les médias évidemment font connaître aussi, là, qu'il y a des apports privés qui sont de plus en plus importants à apporter.

M. Couillard: Pour ce qui est de la retenue à la source, vous avez raison que la position actuelle, c'est de maintenir le nouvel état de fait jusqu'en 2010 pour en mesurer l'impact, justement. Mais, dans l'intervalle, il y a dans les documents, là, des critères selon lesquels de nouveaux organismes pourraient être ajoutés. Alors, évidemment, 2010, c'est loin et pas loin à la fois, il y a peut-être moyen de se rendre là avec un projet bien construit.

Mais, moi, je dois dire que j'ai été... autant, comme vous, je suis plutôt du côté du libre choix de quelqu'un qui veut faire une contribution, autant je suis craintif également de plonger certains groupes communautaires, notamment dans des clientèles qui ne sont, avouons-le, pas très glamour, là, pour la levée de fonds, dans des difficultés importantes. Et là c'est l'État qui doit venir compenser pour la perte de subventions de Centraide. Vous voyez dans quelle dynamique ça peut nous entraîner.

Je terminerais juste en donnant le résumé de la mesure fiscale dont je parlais au début, là, dans le budget 2006-2007. Effectivement, c'est une mesure qui est globale pour tous les organismes de bienfaisance, dont les fondations d'hôpitaux. Mais là le taux a été relevé à 24 %, ce qui correspond à 12 millions de dollars d'avantages fiscaux supplémentaires.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien, merci beaucoup. Alors, M. Béland et messieurs, bienvenue à la commission à nouveau. Et, j'ai compris, il y avait 95 fondations d'établissements de santé, ça veut dire une par nouveaux établissements, par CSSS, c'est ça? Et est-ce que vous avez le chiffre des donateurs, c'est-à-dire combien de donateurs qui donnent aux 95? Est-ce qu'on a une idée, au total, il y a combien de Québécois qui contribuent à ces 95 et puis le don moyen pour vos fondations? Parce que vous en parliez tantôt, que la philanthropie est difficile, au Québec, et même en régression, mais le chiffre que vous donniez, est-ce que c'est pour l'ensemble du milieu de la philanthropie ou si c'est pour le milieu des fondations d'établissements en santé?

M. Granger (Roland): O.K. Alors, lorsqu'on parle de contributions totales, du 110 millions, c'est pour l'ensemble des fondations, mais le nombre de donateurs, on ne le connaît pas. Mais on sait par contre, par les statistiques, que la moyenne des dons des Québécois... il y a 23 % des Québécois qui font des dons à des oeuvres de charité, et le don moyen par rapport à l'ensemble est de 117 $, alors que la moyenne canadienne est à 259 $. Mais, bientôt, dans quelques semaines, il va y avoir des nouvelles... l'enquête nationale des dons pour la présente année va être connue. Alors, peut-être que la situation a changé. Mais quand vous parlez des dons moyens, ça tourne aux alentours de 36 $.

M. Charbonneau: ...fondations de santé?

M. Granger (Roland): Oui, les fondations de santé.

M. Charbonneau: Parce que je me rappelle, quand j'étais président d'Oxfam-Québec, disons que j'avais moi aussi à faire les levées de fonds, puis on était dans ce marché-là, et c'est clair que les organismes qui font de l'aide internationale, de l'aide humanitaire internationale, ils sont dans... Nous autres, on avait un petit pourcentage de citoyens québécois qui participaient à cet effort-là. La majorité donnent pour des causes d'ici, et c'est clair que, parmi les causes, les problématiques de santé sont très populaires.

Et j'imagine qu'entre la fondation, je ne sais pas, moi, du cancer, de je ne sais pas trop quoi ou la Fondation des maladies du coeur, les gens préfèrent peut-être parfois donner à une fondation qui s'occupe directement d'une problématique de santé plutôt qu'à une fondation d'établissement. Je ne sais pas si c'est à votre avis une résistance à cause du fait que c'est une fondation d'établissement ou si c'est culturellement.

Parce qu'on m'avait déjà dit aussi qu'au Québec il faut faire attention à la statistique pancanadienne parce qu'il y a beaucoup de Québécois qui donnent sans nécessairement réclamer un reçu d'impôt. C'est-à-dire que finalement il y avait peut-être autant de dons au Québec, mais ils n'étaient pas comptabilisés de la même façon. Ça donnait l'impression qu'on était moins généreux.

M. Granger (Roland): Les statistiques canadiennes faites par l'Agence des douanes et revenu du Canada indiquent que la médiane est du simple au double: au Québec est de 110, et au Canada est de 220. Alors, quelque statistique qu'on prenne, c'est à peu près toujours la même chose.

M. Charbonneau: Oui?

M. Rhéaume (Denis): Peut-être à titre d'information. Effectivement, c'est plus difficile de faire une sollicitation pour l'institution elle-même. En tout cas, en ce qui nous concerne, le CHUQ, c'est un peu abstrait, là. À un moment donné, vous demandez à un chauffeur de taxi de vous amener au CHUQ, il ne sait pas trop où aller. Alors, effectivement, ce qu'on fait, nous, on y va beaucoup plus sur le don dédié. Alors, que ce soit pour l'oncologie, que ce soit pour la rhumatologie, le diabète ou le Centre mère-enfant, la pédiatrie, il y a toujours effectivement plus de dons qui sont orientés vers la cause dans l'institution que pour l'institution elle-même, lorsqu'on parle des individus, ce qui n'est pas nécessairement la même chose au niveau des corporations, par ailleurs.

M. Charbonneau: Mais, dans le fond, vous essayez de développer des projets puis vous amenez les gens à financer ou à supporter un projet en particulier, et non pas la fondation elle-même, là?

M. Rhéaume (Denis): Oui, absolument, et que ce soit sensible pour le donateur.

M. Charbonneau: Moi, je le sais, quand j'étais à Oxfam, on avait essayé d'avoir la possibilité, nous autres aussi, d'avoir accès à la retenue à la source, mais on n'avait pas été capables de convaincre. Il n'y avait à l'époque que Centraide qui avait l'exclusivité. Maintenant, il n'y a plus d'exclusivité, mais il y a malgré tout, si j'ai bien compris, une exclusivité limitée, là, c'est-à-dire on a ouvert à deux, plus un troisième qui semble être un organisme canadien, non pas un organisme spécifiquement québécois. D'ailleurs, je ne sais pas pourquoi, il faudrait peut-être poser la question au ministre des Finances, là, pourquoi on l'a ouvert à...

M. Rhéaume (Denis): Le modèle finalement est le même que celui qui a été appliqué au fédéral. J'étais là, moi, à l'époque, à Centraide Québec, quand ça a été traité, ça, entre Partenairesanté ? Health Partners du temps, là ? et c'est exactement le même modèle qui existe au fédéral qui a été implanté au provincial.

M. Charbonneau: O.K. Le traitement fiscal... l'incitatif, c'est-à-dire, actuellement, dans le fond, si je comprends bien, c'est que vous aimeriez que le retour, le reçu d'impôt soit plus élevé, là? Un peu comme les partis politiques, là, on a le droit jusqu'à un maximum de 300 $, alors si tu fais un don de 400 $, tu as reçu d'impôt pour 300 $, mais, si tu fais un don de 1 000 $, tu as encore 300 $. Et puis j'imagine que c'est la même chose pour vous autres, à un autre niveau, là. Et ce que vous dites, c'est que dans le fond on devrait augmenter le niveau de reçu ou de déduction fiscale puis que l'incitatif soit plus élevé, là?

M. Granger (Roland): Il y a deux éléments. D'abord, premier élément, c'est qu'on voudrait avoir l'équité avec... dans le secteur de l'éducation et de la culture. Alors, pourquoi, la santé étant la priorité du gouvernement et aussi de la population, pourquoi que le secteur de la santé serait orphelin par rapport à ça? Alors, équité à ce niveau-là.

Et le second programme, il fait partie d'un plan qu'on souhaite réaliser depuis plusieurs années, c'est de développer la culture du don chez les Québécois, avec un premier don. Et notre projet original, qu'on avait déjà présenté au ministre Legault dans le temps, c'était, pour tous les dons entre 50 et 400 $, de donner un crédit d'impôt de 75 %, pareil comme les partis politiques, 50 $ pour pouvoir hausser la moyenne des dons des Québécois, et le 400 $, bien, il fait référence au crédit d'impôt des partis politiques, en disant: Bien, si le gouvernement est capable de donner un crédit d'impôt à ce niveau-là aux partis politiques, il devrait être capable de le faire pour la santé, parce que c'est la priorité du gouvernement actuel. Alors, c'était ça, notre raisonnement. Mais, lui, il serait dans l'ordre d'une mobilisation de toutes les fondations ensemble pour faire une levée de fonds conjointe et simultanée.

M. Charbonneau: Est-ce que, dans ce contexte-là, si je vous comprends bien, est-ce que... je me posais la question tantôt, est-ce que vous avez déjà envisagé qu'il y ait une espèce de Centraide de la santé, c'est-à-dire, tu sais, un regroupement des 95, et qu'il y ait une levée de fonds unique, un peu comme Centraide, puis après ça l'organisme redistribue à ses 95 partenaires la cagnotte selon des projets ou des critères? Est-ce que ça a déjà été envisagé, ça?

M. Béland (Claude): Ah, bien, évidemment, c'est peut-être la mission qui est donnée au président, ça, d'essayer de créer cette solidarité-là. Ce n'est pas facile non plus parce que le sentiment d'appartenance au milieu est très fort. Il y a de l'historique dans ça. Mais il est certain que, dans le temps... Parce que ça nous permettrait en même temps de faire des campagnes... une campagne de publicité pour enseigner d'abord puis motiver la philanthropie et de mettre le focus là-dessus. Là, on a des campagnes ici et là, un peu partout.

n(15 h 40)n

Écoutez, dans le dossier du CHUM, où j'ai été, on a parlé, pendant les deux ans que j'étais là, d'une campagne conjointe avec McGill, et ça n'a pas été simple. Puis on ne l'a pas faite encore. J'imagine que ça va se faire un jour. Mais, de là à le faire dans les 95, là, moi, je le souhaiterais, mais il y a beaucoup de salive à dépenser pour y arriver.

M. Charbonneau: Remarquez qu'il y a du positif, il y a du négatif, parce qu'il y a des...

M. Béland (Claude): Excusez. S'il y avait justement un incitatif, comme vient de l'expliquer M. Granger, c'est sûr que la solidarité des fondations deviendrait plus évidente.

M. Charbonneau: Plus au rendez-vous, là.

M. Béland (Claude): Bien, c'est sûr, c'est sûr.

M. Charbonneau: Et l'autre dimension, si je comprends bien, la subvention de contrepartie, ça, je me rappelle, René Lévesque avait fait ça pour Oxfam, pour la campagne, il y a plusieurs années, dans les années soixante-dix, milieu des années soixante-dix, quand ça avait été la crise de la famine en Éthiopie. Alors, 1 $ que les Québécois donnaient pour la crise en Éthiopie, et le gouvernement mettait 1 $ aussi. Alors, ça avait été une levée de fonds assez importante à l'époque, justement parce qu'il y avait un incitatif puissant qui était donné, là.

Une voix: 60 millions.

M. Charbonneau: Et c'est ça que vous souhaiteriez finalement, là?

M. Granger (Roland): Mais, bien sûr que... Mais tantôt, M. Couillard faisait référence à la capacité de payer de l'État et à l'impact. On voit, dans le programme à la fois du secteur de l'éducation et le programme de placement en culture, qu'il y a aussi des plafonds pour chacun des niveaux, et, dans le domaine de la culture, il y a quatre niveaux de performance. Mais je pense que ce qui est important, c'est que, de l'accorder, ce programme-là, ça passe un message à la population et aux fondations de dire que la santé est notre priorité, ça nous apparaît important, mais alors que, notre secteur, il n'y a aucun programme actuellement.

M. Charbonneau: Bien, écoutez, moi, je pense que le message a été clairement exprimé. Vous aviez trois revendications, c'était très clair. Je n'ose pas vous poser des questions sur les objets de la consultation proprement dite, je pense que, si vous n'avez pas voulu les aborder, c'est parce que, de part et d'autre... ou peut-être la mission des fondations, ce n'est pas tellement de donner des points de vue sur les enjeux, disons, du livre blanc sur la garantie d'accès, là, mais...

M. Béland (Claude): Dans les fondations, ce qui est notre préoccupation, c'est le financement des services de santé. Dans le rapport, il est question, on s'est attaqué simplement à cette partie-là.

M. Charbonneau: ...dans le passé, qui ont utilisé ce créneau-là pour passer votre message.

M. Béland (Claude): Bien, il y a beaucoup d'organismes qui... Parce que je pourrais vous parler des coopératives de santé, en lesquelles je crois beaucoup, etc., mais ce n'est pas l'objectif.

M. Charbonneau: Mais votre successeur est venu nous en parler pareil, je peux vous rassurer.

M. Béland (Claude): Ah! bon. Bien, oui, je sais, je sais, je lui en avais parlé.

M. Charbonneau: Mais, juste une dernière question: Est-ce que, ce que vous demandez, ça existe ailleurs, dans d'autres États, au Canada?

M. Béland (Claude): D'autres juridictions?

M. Charbonneau: Oui, dans d'autres juridictions.

M. Béland (Claude): J'ai entendu parler de programmes ailleurs. J'ai fait une recherche, mais je n'ai pas trouvé. Dans l'Ouest canadien, il y aurait des programmes mais sur d'autres dimensions. Mais j'avoue que je ne peux pas vous donner d'indications précises sur ce côté-là.

M. Charbonneau: O.K. Puis, bon... et pas plus dans d'autres pays non plus, si jamais... Parce qu'éventuellement, si jamais il y avait des données, ça peut être intéressant parce que ça pourrait être aussi un argument additionnel, dire: Écoutez, voici, ailleurs, comment on fonctionne, et le rendement. Parce que, votre argument fondamental, c'est dire: Nous autres, on est pour des établissements de santé et, dans le fond, des établissements publics, et d'une certaine façon on aide l'Assemblée nationale et les élus parce que dans le fond ce qu'on va ramasser des citoyens directement, c'est une espèce de taxe volontaire, hein, tu sais, comme Jean Drapeau avait déjà utilisé l'expression. Les citoyens contribuent volontairement, outre leurs taxes et leurs impôts, au système de santé, là.

M. Granger (Roland): Ce qui est important, dans les stratégie de philanthropie, c'est d'aller chercher un premier donateur, et c'est ce qu'on veut, avec un incitatif particulier. Mais, une fois qu'on a ce donateur-là, il nous appartient, aux fondations, de l'informer convenablement et de le fidéliser à la cause. Mais acquérir un premier donateur est onéreux, et c'est ça qu'il est important d'aller chercher. C'est le message qu'on souhaite recevoir.

M. Charbonneau: En tout cas, moi, je peux vous dire que c'était ça aussi, à Oxfam, là, c'est-à-dire qu'il fallait chercher, puis une fois qu'on a réussi à convaincre quelqu'un de donner une fois, après ça, notre défi, c'est de le fidéliser, là. Mais il faut d'abord au moins le convaincre une fois.

Moi, je préfère finalement votre approche au ticket modérateur, là. Je préférerais qu'on encourage la philanthropie dans les établissements de santé qu'éventuellement on se laisse tenter par une chimère qui ne nous donnerait peut-être pas les résultats escomptés, qui serait une taxe probablement moins volontaire. Dans le fond, s'il y a des citoyens qui ont les moyens de payer, on est aussi bien de les faire payer volontairement en leur donnant un incitatif et en les amenant à contribuer d'une façon...

M. Béland (Claude): ...Charbonneau, c'est comme le mariage: on travaille fort pour trouver quelqu'un, puis ensuite il faut la fidéliser.

M. Charbonneau: Je sais, M. Béland, vous qui avez réussi à garder la même épouse pendant tout le temps de votre vie adulte, alors vous êtes un exemple aussi. Merci.

M. Béland (Claude): ...de tous les jours.

M. Charbonneau: C'est ça. Vous la saluerez, votre femme, je la connais bien.

Le Président (M. Copeman): Peut-être une dernière question, M. Béland, avant de vous laisser partir. Est-ce qu'il y a des programmes, chez les fondations, ce que j'appellerais des «matching funds», autrement dit, dans les grandes sociétés, dans les entreprises, où un don par un employé est également... Et l'expression française m'échappe, là, mais «matched is»...

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): Apparié par l'entreprise. Est-ce que ça existe? Parce que c'est également une stratégie intéressante. Je sais que, moi, je suis un finissant de McGill, et immédiatement, quand on regarde la campagne de McGill ? je parle de l'Université McGill et non pas de l'hôpital ? ils nous indiquent que, si on travaille à telle et telle place, pour tel et tel bureau, pour telle entreprise, nos dons à McGill sont appariés, «is matched by» une grande entreprise. Est-ce que c'est une stratégie que vous avez examinée dans la société québécoise?

M. Béland (Claude): Je vais demander à M. Rhéaume.

M. Rhéaume (Denis): Oui. Ça existe mais plus particulièrement pour Centraide, United Ways, effectivement, qui ont développé ça à travers l'ensemble des entreprises, là. Ce n'est pas quelque chose qui est encore développé pour la santé. Et on rencontre un peu le même problème, c'est des gens qui sont déjà passablement réservés par Centraide, alors il faut... Et, dans certains cas, ça arrive, là, mais c'est très parcellaire, là. Mais c'est un champ qu'on peut effectivement, aussi, exploiter.

M. Charbonneau: En fait, les entreprises sont comme le gouvernement: ils ont donné longtemps l'exclusivité à Centraide, certaines ont commencé à ouvrir à d'autres, mais...

M. Rhéaume (Denis): On a le même travail à faire effectivement, pour chacune des entreprises. Juste dans la région de Québec, il y a à peu près 700 à 800 entreprises, là, qui sont ouvertes à Centraide, et c'est sûr que ce n'est pas facile pour nous d'entrer là, là.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. Béland, M. Rhéaume, M. Granger, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire, au nom de l'Association des fondations d'établissements de santé du Québec.

J'invite les représentants du Regroupement des centres de santé et de services sociaux et du centre hospitalier affilié de la Montérégie à prendre place à la table. Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 48)

 

(Reprise à 15 h 49)

Le Président (M. Reid): Je voudrais souhaiter la bienvenue aux représentants du Regroupement des centres de santé et de services sociaux et du Centre hospitalier affilié de la Montérégie. Je vais passer la parole à Mme Landry, je crois, qui est ici. Mais, avant, je voudrais vous souligner que vous avez une dizaine de minutes pour faire votre présentation; je vais vous avertir quand il restera trois minutes; et par la suite on passera à 10 minutes d'échange avec les députés du côté gouvernemental, et ensuite un autre 10 minutes avec les députés du côté de l'opposition officielle. Alors, je vous passe la parole, Mme Landry, en vous demandant de présenter les personnes qui vous accompagnent.

Regroupement des centres de santé et
de services sociaux et du Centre hospitalier
affilié de la Montérégie (Regroupement
des CSSS et du CHA de la Montérégie)

Mme Landry (Marie-Claude): Avec plaisir. Alors, bonjour, M. le Président. Membres de la commission. Alors, nous sommes ici, aujourd'hui, pour vous présenter le mémoire préparé par le Regroupement des CSSS et du CHA de la Montérégie, dont je suis la présidente. Ce regroupement est constitué de 12 établissements de santé, et les membres du conseil d'administration sont les présidents et présidentes des établissements de santé et ainsi que les directeurs et directrices générales.

n(15 h 50)n

En ma compagnie, j'ai M. Yvan Gendron, ici, à ma droite; Dr Louis Couture, à l'extrémité; M. Yves Benoit, ici, au centre; et puis, à ma gauche, M. Claude Bouchard.

La volonté des membres de conseils d'administration s'exprime par notre mémoire. Le regroupement s'associe aux politiques et aux orientations du ministère de la Santé. En Montérégie, cependant, nous vivons une réalité particulière qui ne peut être passée sous silence.

Vous avez reçu... donc, je vous dépose et vous avez reçu un addenda, et cet addenda vise la mise à jour des données 2006-2007 à la page 6 de notre mémoire. Nous constatons que l'écart est toujours de plus en plus grand. Et j'inviterais, dans un premier temps, M. Yvan Gendron à vous parler des ententes de gestion et de l'inéquité.

M. Gendron (Yvan): Bonjour. Écoutez, je vais commencer par dire qu'il est très important, là, d'indiquer que nous souscrivons entièrement aux ententes de gestion... aux modèles d'ententes de gestion, parce qu'il est nécessaire d'avoir des outils, là, qu'on peut s'accompagner dans les objectifs et dans les suivis des résultats qu'on obtient au niveau des services. On vise l'atteinte d'objectifs tant au niveau de l'accessibilité que la qualité et la continuité des services pour le bien-être et la santé de notre population. On encourage les gestionnaires, là, vraiment à améliorer constamment les services tant au niveau de l'accessibilité que de la performance.

Au-delà de notre volonté, il est difficile de faire l'adéquation entre la disponibilité des ressources et la capacité d'atteindre l'ensemble des cibles qui nous sont définies ou que nous définissons nous-mêmes, soit régionalement ou localement. Pour réaliser l'ensemble des objectifs, pour atteindre l'ensemble des cibles que le gouvernement nous donne et que nous nous donnons, comme je disais précédemment, il faut qu'on partage beaucoup les services mais il faut aussi en avoir les moyens. Et généralement, les régions les plus pauvres, comme la Montérégie, ont été plus imaginatives, ont développé des alternatives de services de soins afin de s'assurer qu'on puisse offrir le maximum de services à notre population, et ce, avec d'excellents résultats.

Donc, on veut encourager quand même la bonne gestion dans ce sens-là, et il faut poursuivre le développement de ces alternatives-là. Mais, lorsque l'écart budgétaire est très important, il est très difficile d'atteindre des fois, voire même impossible d'atteindre certains objectifs, là, de services. Les conditions de sous-financement constituent une barrière importante.

Quand on regarde les montants qui séparent un peu, par rapport aux moyennes provinciales, sans vous faire une liste de prix et de montants, on constate qu'on est... un écart d'à peu près 126 millions par rapport à la moyenne régionale pour offrir les mêmes services. Bon, bien entendu, on ne prétend pas et on ne désire pas non plus être une région avec l'ensemble des services; il y a des services qui devront demeurer dans les grands centres, ça, c'est évident.

La progression actuelle, avec les modalités, là, depuis quelques années, pour atteindre ce rattrapage-là, les modalités par rapport à la transition et l'équité, nous, on souscrit à ça. C'est bien fait, ça, ça va bien. La seule chose maintenant, c'est le rythme qu'on en est. Nous, on en est au niveau du rythme, pour être sûr de faire un rattrapage, s'assurer que l'ensemble de la population reçoive l'ensemble des services.

Comme vous pouvez constater à la lecture de l'addenda, pour une population en Montérégie, on représente 18,5 % de la population québécoise et on a 50,7 % du sous-financement qui a été calculé, là, par l'équipe ministérielle et régionale. Donc, nous, c'est dans ce sens-là.

Donc, l'objectif qui est le nôtre et qui est le vôtre, celui du gouvernement, pour le bienfait de la population, ils s'apparentent, ils sont vraiment semblables. On en est vraiment au niveau de l'augmentation du rythme de rattrapage de l'équité. Donc, malgré les investissements des dernières années, il est très difficile d'y arriver et voire, peut-être, aussi impossible.

Mme Landry (Marie-Claude): Alors, j'inviterais maintenant le Dr Louis Couture à nous entretenir sur la hiérarchisation différente en Montérégie.

M. Couture (Louis): Alors, bonjour. Je suis directeur des services professionnels à l'Hôpital Charles-LeMoyne et président de la Table des DSP, là, de la Montérégie.

Alors, nous, c'est très clair que nous souscrivons au principe de hiérarchisation des soins et services médicaux. Pour nous, c'est un principe vraiment extrêmement important. Ce qu'on propose comme originalité toutefois, c'est d'y aller avec une réorganisation hiérarchisée avec une notion de pôles sous-régionaux.

L'organisation de services en réseau serait en fait basée sur un pôle qui se définit comme un ensemble de services médicaux et hospitaliers produits par un ensemble de CSS, par trois ou quatre CSS, par exemple, qui s'entraident, s'échangent des services, des ressources pour offrir ensemble une gamme relativement complète de services spécialisés avec des corridors et des ententes de services. Ce concept-là de pôles sous-régionaux ou de regroupement d'établissements en fait, au sein d'une sous-région en Montérégie, repose sur un accès équitable aux soins à partir d'une logique territoriale, oui, et elle tient compte bien sûr de la réalité démographique particulière et surtout géographique particulière de la Montérégie.

Nous retenons la notion de pôles sous- régionaux avec la notion aussi d'un établissement en lien avec un établissement à vocation régionale et en lien aussi avec les centres hospitaliers universitaires, donc toujours à l'intérieur du principe de hiérarchisation. Ces pôles-là favoriseraient la notion de disponibilité de services plus près de la clientèle.

L'accès aux services aussi, en fonction de masses critiques de clientèles, favorise aussi la rétention d'une masse critique de médecins afin de réduire l'isolement des équipes en place et les bris de service. Alors, au lieu d'avoir deux gastroentérologues, par exemple, au sein de trois ou quatre hôpitaux contigus, on regroupe des pools de médecins spécialistes.

Concrètement, ce qu'on a fait, nous, depuis 2005, au sein de la Montérégie, c'est qu'on a travaillé tous les plans régionaux d'effectifs médicaux en tenant compte de cette notion de pôles. Alors, on a identifié, à travers ces pôles-là, des zones de fragilité par pôles, oui, et par spécialités. Et cette démarche-là a débuté en 2005, et ça commence lentement à donner des résultats.

Concrètement aussi, on gère les bris de service à l'intérieur des pôles. Alors, de façon pratico-pratique, ce qu'on a fait, par exemple, lors d'un bris de service récent dans la région de Sorel, c'est les CSS, les CSS contigus du même pôle qui ont supporté l'établissement de Sorel pour la couverture des soins en orthopédie. Ça s'est fait dans quelques autres pôles aussi puis dans certaines autres disciplines.

Alors, c'est une organisation qui favorise le développement d'un continuum de soins et de services à l'intérieur des réseaux locaux, des pôles sous-régionaux et de l'ensemble de la région, en tenant compte bien sûr de la limitation de la disponibilité des ressources médicales spécialisées.

Mme Landry (Marie-Claude): Alors, Yves Benoit, relativement au RUIS.

M. Benoit (Yves): Bonjour. Alors, la Montérégie n'est pas une région dite universitaire. La complexité déjà énoncée à l'égard du modèle montérégien, qui, lui, est basé sur notre notion de pôles sous-régionaux et un établissement à vocation régionale, est amplifiée par une relation inter-RUIS qui mériterait d'être plus encadrée. On parle ici d'une région en lien avec trois RUIS.

L'enjeu majeur pour notre région, c'est de perdre tout cet effet levier dont nous pourrions bénéficier entre le développement des services plus spécialisés à portée régionale et le développement académique. Les effets directs de cet enjeu, il y en a trois: d'abord, le développement de nos plateaux techniques; suivi de la disponibilité de ressources médicales; et enfin la hiérarchisation ? qu'on vient de vous parler ? de services par l'offre de services médicaux spécialisés et ultraspécialisés essentiellement produits par de la médecine universitaire.

Rappelons les attentes exprimées du rôle de notre centre hospitalier affilié à l'Université de Sherbrooke, à vocation régionale, dont les pôles sous-régionaux sont, eux, en lien avec d'autres RUIS.

Les recommandations 4 et 5 qui vous ont été transmises sont définitivement liées à la dynamique inter-RUIS, et nous ne pouvons ignorer la notion de compétition déjà existante entre certains acteurs. À défaut de juxtaposer uniformément les deux composantes RUIS-enseignement, RUIS-services sous un même RUIS, il nous faut trouver une mécanique transparente et efficace de coordination, d'harmonisation, pour un plan de développement régional équitable.

Le Président (M. Reid): ...environ 1 minute et demie.

Mme Landry (Marie-Claude): Dr Couture.

M. Couture (Louis): En ce qui concerne la mobilisation médicale, un des incitatifs importants parmi d'autres est la rémunération médicale adaptée. Et les modes de rémunération actuels, notamment la rémunération à l'acte, la rémunération mixte, ne sont pas adaptés à l'action interdisciplinaire et à la promotion des activités d'enseignement, de recherche et d'évaluation des technologies. Les médecins aussi doivent être rémunérés avec un mode de rémunération adéquat et de façon concurrentielle pour leur participation à des activités de planification des continuums d'intervention, à des réunions d'équipe avec les autres professionnels. Et le chef de département aussi, actuellement, aucune rémunération n'est prévue pour les activités clinico-admnistratives.

Et concrètement, dans la mise en place du plan d'action en santé mentale, il y a eu certaines difficultés pour la mobilisation des médecins psychiatres dans le soutien à la première ligne et dans le recrutement aussi des médecins de première ligne pour la prise en charge de certaines clientèles vulnérables. Alors, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de réserver, de réserver un certain nombre d'heures via une banque d'heures associée à des groupes de médecins omnipraticiens ou à des groupes de médecins spécialistes sous la responsabilité des CSS?

Les modes actuels de rémunération, ça nous apparaît assez clair, ils ne sont pas compatibles avec les responsabilités populationnelles des CSS. Les négociations, à notre avis, actuelles avec les fédérations médicales sont une opportunité de corriger cet état de fait. Le rattrapage salarial des médecins ne pourrait-il pas passer par une rémunération compétitive, incitative au travail interdisciplinaire, à la prise en charge des clientèles vulnérables et les activités clinico-administratives?

Alors, on croit vraiment que cet aspect de rémunération, c'est un élément structurant vraiment incontournable pour répondre aux défis d'équité, d'efficience et de qualité. Merci.

n(16 heures)n

Le Président (M. Reid): Merci beaucoup, M. Couture. Je vais passer la parole maintenant au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Bonjour, madame, messieurs. Merci pour votre visite aujourd'hui, de la part d'une région certainement dynamique dont on se sert souvent comme exemple, d'ailleurs. Peut-être la rançon des années difficiles d'iniquité, c'est toute l'imagination et la créativité, là, que vous avez développées en Montérégie. Puis on le cite souvent.

Et je voudrais dire un mot sur la question de l'équité régionale, parce que vous savez, vous l'avez dit vous-même, il y a un mode de correction qui fait l'objet d'une révision annuelle entre toutes les régions, et bien sûr les modifications ne se font pas unilatéralement, elles se font toutes les régions ensemble, puis, comme c'est un vase communiquant, ce qui est fait à un endroit a un impact sur les autres régions.

Je vais quand même donner certaines données qui m'apparaissent importantes. Et bien sûr, comme je disais tantôt, la phrase qui résume mon métier, c'est: C'est pas pire, mais ce n'est pas assez. Et je l'entends presque à tous les jours, certainement à toutes les semaines. Si je regarde la Montérégie, les développements budgétaires entre 1994-1995 et 2002-2003, en neuf ans, ont été en moyenne de 7,8 millions de dollars. Depuis 2003-2004, ils sont en moyenne 24 millions de dollars. Actuellement, depuis la même période, la Montérégie a reçu plus de 25 % des développements, 95,5 millions, alors que c'est 18 % de la population, tandis que Montréal a reçu moins de développements, 54 millions, pour 25 % de la population. Alors, je comprends que le mouvement, on voudrait qu'il soit plus rapide, mais il y a un mouvement qui se fait, je pense qu'il faut quand même le reconnaître.

La correction se fait également sur la base des infrastructures avec le centre de cancer, à Charles-Lemoyne, avec les investissements en maintien d'actif, etc. Vous connaissez tous ces dossiers-là. Mais je voulais vous dire que, dans les objectifs qu'on poursuit, il faut quand même ? comment je vous dirais ça? ? avoir un peu d'appréciation sur la difficulté à mettre en place de façon équitable un mode semblable dans toutes les régions, y compris les régions perçues comme étant en surfinancement relatif. Il n'y a personne qui est riche, dans le système de santé; il y en a qui sont moins pauvres que d'autres, on pourrait dire ça comme ça. Et ça amène des régions qui historiquement ont développé des habitudes causées par le surfinancement relatif à corriger ces choses-là à l'image de ce que, vous, vous avez fait.

Je prends l'exemple de l'hébergement des personnes âgées. On sait qu'à Montréal il y a 4,4 % de taux d'hébergement pour une population qui n'est pas plus vieille que celle de la Montérégie, pas plus pauvre non plus, où c'est 3,1 %. Puis la conclusion de ça, c'est que, quand on met en place la correction de l'iniquité, bien on annonce dans le journal, puis on le soutient. Ce n'est pas facile politiquement, parce qu'on sait que c'est valable et ça doit être fait, mais c'est des choses difficiles, que, par exemple, les trois prochaines années, il y a probablement 2 200 lits de soins prolongés à Montréal qui vont être transformés ? ce que vous avez fait déjà, vous ? en soins dans les communautés. Alors, il y a une tension, là, qui est là, là. Personne n'aime se voir réduire les budgets.

Puis je suis un peu inquiet de la viabilité de ce que vous suggérez, tu sais. Vous dites dans votre mémoire: Aucun développement pour les régions en surfinancement relatif, puis même réduire leur indexation. Ça ne passera pas, ça, tu sais? Il n'y a pas un ministre de la Santé des 20 prochaines années qui va vouloir, je crois, mettre en place une mesure semblable. Moi, je favorise que ça se fasse encore le plus rapidement possible mais sur la base des développements. C'est la seule façon. Sinon, si on fait des coupes budgétaires dans les régions relativement surfinancées, là, je peux vous garantir que le mode de correction s'arrêtera cette année-là. On aura une victoire morale, parce qu'une année on aura obtenu quelque chose de spectaculaire, mais la correction de l'iniquité va se terminer cette année-là parce qu'il y aura tellement de tensions dans le réseau qu'on ne pourra pas les contrôler.

Est-ce que vous ne pensez pas donc qu'il est plus sage de continuer sur notre bonne lancée que d'aller de façon plus sévère envers vos voisins outre-pont?

M. Benoit (Yves): Peut-être juste un élément de réponse. Définitivement, je pense que, quand on a reçu en tout cas le début de ces éléments-là, pour nous, c'est sûr que ce n'est pas du jour au lendemain qu'on règle, puis je pense qu'il faut être en accord avec ça.

Le problème, par contre, qui devient important à calibrer, c'est les effets pervers de cette situation-là qui fait en sorte que, par exemple, dans la région de Montréal, parce qu'ils ont moins de développement que nous ? hein, c'est ça l'effet, l'élément ? on se retrouve à réduire l'offre de service d'une clientèle montérégienne, donc il y a un effet pervers d'un ajout à la pression actuelle. Alors ça, il va falloir qu'on trouve une façon de calibrer et d'évaluer cet impact-là qui n'a pas été pris en compte, là.

M. Couillard: La raison pour laquelle il y a un centre de cancer qui a été annoncé à Charles-LeMoyne, c'est pour rendre la région autosuffisante dans le traitement du cancer. C'est clairement pour compenser cet effet-là.

M. Benoit (Yves): Tout à fait. Mais encore une fois, puis je veux dire je serais bien mal placé de ne pas applaudir à ça...

M. Couillard: J'espère que vous êtes content.

M. Benoit (Yves): Je suis très heureux à ça. Mais je vous dirais que l'effet est immédiat. Alors, le problème, c'est qu'il est immédiat. Le développement est dans deux ans, trois ans, quatre ans. On a le même problème avec la dialyse présentement, c'est exactement la même chose: zéro nouveau cas de dialyse qui se fait présentement à Montréal, alors qu'avant ça allait... il y avait 40 % de la clientèle qui allait à Montréal. Maintenant, c'est zéro. C'est tout chez nous. Alors, il y a une transition qui est difficile à absorber puis qui... présentement, le financement n'est pas suffisant. Alors, c'est cet élément-là. Moi, je pense qu'à terme ça va être correct, ça va prendre. On a une pression importante immédiate.

M. Couillard: C'est certain que les années de transition sont les plus difficiles, mais elles sont difficiles également des deux côtés. Parce que vous qui siégez, par vos représentants, à la table annuelle ou continuelle de révision du mode d'allocation, vous savez que c'est les mêmes arguments qui sont présentés: les régions qui sont considérées comme riches veulent démontrer que dans le fond elles ne sont pas si riches que ça, puis les régions qui sont considérées comme pauvres veulent montrer qu'en fait elles sont encore plus pauvres qu'on pense.

M. Benoit (Yves): ...puis qu'on est ici.

M. Couillard: Alors, voilà. Alors, le rôle qu'on a, nous, à jouer, c'est de faire l'équilibre, puis, comme vous savez, ce n'est pas un équilibre qui est facile.

Je suis très intéressé par votre proposition sur les pôles sous-régionaux. Est-ce que j'ai compris que c'est quelque chose que vous avez mis en place en Montérégie? Est-ce que vous l'avez formalisé, par exemple, à la table des RUIS ou au ministère? Je trouve que c'est un très beau modèle que vous avez fait là, là.

M. Couture (Louis): ...déjà en 1999, il y avait eu une proposition à cet effet-là, au niveau de la région, et la table des directeurs des services professionnels ont repris cette notion-là, en juillet 2005, et maintenant on travaille nos plans régionaux d'effectifs médicaux en fonction de pôles sous-régionaux. Et on analyse donc spécialité par spécialité les besoins par établissement, par pôles, et on s'assure qu'il y a une couverture adéquate au niveau de chacun des pôles. Alors, écoutez, on n'a pas encore des effets, là, complètement, là, de tout l'ensemble de ces mesures-là, mais l'agence nous supporte dans nos demandes à l'égard de ces orientations-là, définitivement.

M. Couillard: Parce que la raison pour laquelle je trouve ça très prometteur comme formule, c'est qu'on a je crois, pour les premières années, des ajustements à faire pour les PREM, les plans d'effectifs ? pour que les gens à l'écoute sachent de quoi on parle; on a tendance à parler toujours avec nos abréviations du réseau, il faut faire attention. Pour les omnipraticiens, on veut vraiment aller vers une définition sous-régionale. Parce que, même en Montérégie, il y a des grosses différences entre le nombre d'omnipraticiens disponibles de l'est à l'ouest, là, de cette immense région. Pour les spécialistes, il me semble que votre solution est une piste très intéressante, d'y aller par pôles sous-régionaux avec des dessertes de territoires. C'est comme ça?

M. Couture (Louis): Exactement, sauf qu'on aimerait la voir reconnaître peut-être de façon plus officielle, au niveau de l'élaboration des plans d'effectifs, qu'on reconnaisse en Montérégie ce principe de distribution des effectifs médicaux par pôles sous-régionaux. Et je pense que ça permettrait de façon encore plus équitable, à l'intérieur de la région, ces effectifs.

M. Couillard: Vous savez qu'il y a trois interlocuteurs maintenant, à la table des PREM: il y a la fédération et le ministère, mais s'ajoutent les RUIS, maintenant?

Une voix: Les RUIS.

M. Couillard: Alors, voici peut-être une façon. Mais, moi, je trouve ça très intéressant comme formule, puis je vous engage à poursuivre vos représentations.

J'ai bien compris la difficulté, M. Benoit, je pense, vous disiez, dans le cas des RUIS, d'une sorte de bicéphalie «ruisesque», si je me permets l'expression, avec une partie de votre zone de desserte qui est reliée à une université, puis l'autre à une autre. Mais, vous savez, quand on a établi les territoires des RUIS, on ne voulait pas briser ce qui existait déjà en termes de corridors naturels puis de références entre médecins. Mais c'est quelque chose qui peut évoluer un peu. Si vous aviez à le redessiner aujourd'hui, comment est-ce que vous le redessineriez?

M. Benoit (Yves): Honnêtement, je me demande si on ne serait pas mieux avec un seul RUIS qui lui-même pourrait défendre des corridors de services en disant: Bon, bien ? je donne un exemple ? le RUIS de Sherbrooke s'occupe de toute la Montérégie, autant services qu'académique, et c'est au RUIS de Sherbrooke de déterminer, avec Montréal, les corridors de services. Présentement, il faut tirer sur deux, trois couvertures pour soit aller chercher des dérogations médicales, parce qu'il y a besoin, ou soit défendre un dossier de développement, alors que c'est bon pour l'académique mais pas nécessairement bon pour les services. Alors, vous me comprenez, je pense.

Alors, j'ai comme l'impression qu'à défaut d'avoir... comme on disait tantôt, à défaut d'avoir un même RUIS autant académique que services, donc un seul, bien je pense qu'il faut qu'il y ait une mécanique beaucoup plus structurée pour s'assurer de cette interaction-là. On donnait les exemples tantôt, avec juste le volet des PREM; je pense qu'effectivement on peut utiliser les RUIS. Mais, quand les sous-régions font affaire avec... une sous-région avec le RUIS de McGill, deux avec Montréal, puis une avec Sherbrooke, c'est tout un exercice.

M. Couillard: Effectivement. Puis en fait ça reflète la taille énorme de cette région-là puis son caractère très hétérogène, hein?

M. Couture (Louis): Tout à fait.

M. Couillard: Et je pense que c'est difficile de penser qu'on en viendrait à un seul RUIS pour la région, ne serait-ce qu'à cause de la réalité incontournable que la partie ouest de la Montérégie a des habitudes de consultation puis de corridors de services déjà établis avec les hôpitaux du réseau de McGill. Et ça, ce serait... Mais je comprends le message, puis je vais certainement relayer. D'ailleurs, je suis certain que les collègues du ministère liront votre proposition aujourd'hui puis verront l'échange qu'on a eu. Je pense que vous soulevez un point qui peut être très certainement aplani.

n(16 h 10)n

Dernier point, avant de terminer. Le plan de la rémunération, je dirais qu'on est en négociation, c'est le temps de faire passer vos messages à votre fédération. Puis, pour ce qui est du niveau de rémunération, sachez que mon comptable se demande encore chaque année qu'est-ce qui m'a pris, en 2003, de changer d'orientation professionnelle.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Reid): Si vous voulez commenter rapidement.

M. Couture (Louis): La même chose pour moi, Dr Couillard.

Le Président (M. Reid): Alors, nous allons passer la parole au député de Borduas, qui est le critique de l'opposition officielle.

M. Charbonneau: Alors, merci, M. le Président. Alors, madame et messieurs, moi, qui est député de la Montérégie mais député depuis longtemps, alors les médecins qui sont pauvres parce qu'ils sont dans le service depuis quelque temps, imaginez-vous combien les députés qui sont là depuis longtemps se sentent, eux autres.

Ceci étant, moi, je crois que vous venez de faire l'illustration en fait du problème du sous-financement à court terme. Et dans le fond, soyons clairs, là, dans le fond le ministre a donné la réponse, hier, à des journalistes ? on en a parlé un peu, tantôt, à l'Assemblée nationale ? mais il ne peut pas y avoir de règlement ou de correction... ou d'augmentation du rythme de correction adéquat tant qu'il n'y aura pas une injection supplémentaire de fonds dans le système de santé public du Québec. Et ça, bien, à court terme, je veux dire, il va falloir qu'on accepte qu'il y ait un rapport de force qui s'établisse avec le gouvernement fédéral, là, puis que le règlement du déséquilibre fiscal se fasse à notre avantage pas mal.

Et, si on ne fait pas ça, là... Puis le ministre l'a reconnu hier, en point de presse, là, tu sais, quand il a répondu à l'ancien ministre de la Santé, M. Castonguay, qui nous proposait, lui, de régler le problème par l'imposition d'un ticket modérateur. Le ministre a rappelé que dans le fond, à court terme, la réponse se situe ailleurs. Mais, si elle se situe ailleurs puis elle n'arrive pas, bien on va tous être poignés encore un sacré bout de temps à devoir subir ce que vous dites.

Puis, quand tu regardes les montants dont vous parlez, je présume que vous endossez la déclaration de l'Association des établissements de santé et de services sociaux, qui, lors de la présentation du budget, dit: Finalement, l'augmentation, cette année, n'est pas suffisante pour nous permettre de déployer les plans d'action gouvernementaux. C'est clair juste en santé mentale, là, tu sais?

Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'action qui se fait, mais on ne peut pas tenir deux discours, là. Ce n'est pas vrai que, je veux dire, la mise en oeuvre des plans d'action se fait selon les objectifs puis en correspondance avec le niveau de besoin. Si c'est le cas, je veux dire, j'imagine que vous ne seriez pas devant nous pour nous signaler des problèmes.

C'est parce que, dans la Montérégie entre autres, on se retrouve avec des problématiques de sous-financement chroniques depuis très longtemps qu'on n'arrive pas à corriger. Et une des raisons, c'est parce qu'on a créé une dynamique qui fait que, si on la corrige, on donne... on prend... enfin, on joue au Robin des bois, puis on le prend aux plus riches, puis on le donne aux plus pauvres. Les plus riches, ils sont riches d'une façon relative. Et alors la conséquence de ça, c'est que, c'est clair, ça va crier, là.

Alors, c'est vrai qu'il n'y a pas un ministre de la Santé qui est en mesure de déshabiller ou de dépouiller... Ça va être des guerres même dans les caucus politiques, hein, je veux dire, des députés du même parti, de régions différentes, qui vont être en concurrence puis qui vont se faire des crises de nerfs parce qu'à un moment donné, dans certaines régions, on va avoir coupé des budgets pour pouvoir en donner dans une région. Ça, c'est comme... ce n'est pas gérable, tu sais, ce n'est pas politiquement gérable. Puis à quelque part c'est bien difficile humainement d'expliquer ça à des gens, aussi.

Alors, la seule façon, c'est qu'il y ait une augmentation globale du financement, là. Et, je regarde le montant que vous avez identifié, et vous le dites, c'est quoi: c'est la moitié du financement global... du sous-financement global ou de l'inéquité interrégionale calculée pour l'ensemble du territoire québécois, là. Ce n'est pas rien, là, hein?

Quand vous parlez d'effets pervers, je voudrais que vous reveniez peut-être pour que vous élaboriez un petit peu plus sur la difficulté de transition, là, dont vous parliez tantôt. Parce que, ce que je comprends, c'est qu'il y a des mécanismes de correction qui ont été établis, on avait commencé et ça se poursuit. Mais il semble que, ce que vous dites, c'est que de la façon dont les corrections se font dans certaines situations, en ce qui nous concerne en Montérégie, ça a un effet pervers et ça complique la situation. Et est-ce que je comprends bien que non seulement ça complique, mais que ça aggrave les problématiques, là, de dispensation de services?

Mme Landry (Marie-Claude): Je vais laisser Yves Benoit répondre à cette question-là, mais je peux d'emblée vous dire qu'il y a une chose qui est certaine: même si on admet qu'il y a eu une injection de fonds en Montérégie, elle n'est pas suffisante. On la reconnaît, cette cette injection de fonds là, mais ça ne change pas actuellement l'élargissement de l'écart qui nous met dans une difficulté particulière et majeure, mais particulière à la Montérégie. Yves.

M. Benoit (Yves): J'ajouterais peut-être des éléments tels que... Je pense, c'est reconnu, puis on nous le souligne souvent, on est une région dynamique, une région qui travaille beaucoup à créer des initiatives, puis on trouve des façons de s'organiser. Moi, je pense que ce qui est mis de l'avant depuis quelques années, en termes de réformes puis tout ça, c'est vraiment la ligne qu'il faut poursuivre, puis la Montérégie adhère beaucoup à ces éléments-là. C'est le chemin par lequel on s'en va.

Quand on parle du volet d'effets pervers, je vous dirais, par exemple, que, quand on regarde la carte du sous-financement des régions, il faut la regarder en termes de programmes-clientèles, et on va s'apercevoir rapidement que, par exemple, en Montérégie, le sous-financement est surtout, par exemple, dans des axes comme la santé mentale, des axes comme le dossier des déficiences intellectuelles ? bon, c'est cette clientèle-là qui est très, très, très pénalisée ? et qui viennent engorger, si vous voulez, notre fonctionnement, là, interprogrammes.

Quand on regarde l'effet pervers, on le regarde en fonction de dire que, par exemple, dans la région de Montréal, ils ont moins de développement dans un secteur, et probablement que la façon la plus facile, pour eux, de corriger ça, c'est probablement d'attaquer davantage et de réduire davantage le secteur de la santé physique. Alors, quand on réduit le secteur de la santé physique et que, dans une autre région, on injecte ailleurs que dans la santé physique, il est là, l'effet pervers, là. C'est qu'on va, par exemple, d'une façon plus facile, couper des services de santé physique dans une région, mais, cette population-là, ils vont venir en Montérégie la chercher, mais les injections ne se font pas en santé physique. On a donc un écart là-dessus. Il y a donc un jeu à faire dans ces éléments-là sur lesquels il faut...

Puis l'autre élément que je dis, c'est qu'il y a une transition qui se fait. La transition en Montérégie, parce que ça fait longtemps qu'on travaille avec justement des impacts de sous-financement, bien, on s'aperçoit qu'on est probablement en avance sur beaucoup d'autres régions pour implanter des volets, et le restant ne suit pas. Donc, on est vraiment dans un écart. C'est à ça qu'on fait référence, là.

M. Charbonneau: ...avez-vous l'impression que, d'une certaine façon, il n'y a pas une prime au rendement qui vous est accordée? Autrement dit, est-ce que je décode bien en disant que, nous autres, en Montérégie, à cause de notre situation, on a été obligés d'être imaginatifs et faire des efforts de performance énormes, et qu'en contrepartie d'autres l'ont moins fait, et on ne reconnaît pas ces efforts-là puis on se retrouve, nous autres, à...

M. Benoit (Yves): Je fais quand même un bémol. C'est-à-dire qu'il y a la reconnaissance qui se fait, c'est évident. Je pense qu'il y a une démonstration qui est claire qu'il y a eu de l'argent additionnel en Montérégie, par rapport à une autre. Alors, par rapport à ça, il y en a une, reconnaissance. Ce qu'on trouve un peu difficile, c'est la vitesse à laquelle ça arrive par rapport à la vitesse où on peut aller. Puis, bon, la contrainte, on la comprend, elle est là, mais en même temps... Alors, je vous dirais que c'est là que ça se situe.

Est-ce qu'il y a moyen, par exemple, dans un volet de transition, de trouver des fonds qui pourraient être plus sous une forme non récurrente, sur une période de trois à cinq ans, le temps que ça se fasse? Bien là, il s'agit de voir si, du côté gouvernemental, il y a des incitatifs ou des méthodes à faire ça. Parce qu'une transition peut durer trois, quatre, cinq ans, ce qui fait que, par la suite, la situation se replace puis on peut remettre l'argent. Alors, je ne sais pas, là, je n'ai pas la mathématique, là, pour ça, mais je pense qu'il faut peut-être viser plus dans ces formules-là.

M. Charbonneau: Si vous aviez dans le fond... Parce que vous avez devant vous le ministre, vous avez des décideurs politiques et gouvernementaux, là, puis la... Est-ce que, si vous aviez à choisir en termes de priorités, le règlement de la question d'une équité interrégionale devrait être considérée de façon plus prioritaire que ça l'est, pour que la qualité et le niveau de services ? je pense en Montérégie, mais dans les autres régions où on est affecté aussi ? soient plus rapidement, là, standardisés pour l'ensemble du Québec? Parce que sinon on continue à... tu sais? Je présume que, bon, les problématiques de santé mentale, là, si on n'arrive pas à avoir les moyens d'y répondre, bien, je veux dire, elles se détériorent, ces réalités-là, là.

M. Gendron (Yvan): Moi, je répondrais à cette question-là: un, pour nous, ce n'est pas une compétition entre les régions, ça, c'est un élément; deuxièmement, c'est qu'on...

M. Charbonneau: ...je parlais de priorisation gouvernementale pour l'ensemble de la problématique pour l'ensemble du Québec, pas juste pour la Montérégie, là.

n(16 h 20)n

M. Gendron (Yvan): Bien, je compléterais en disant que, nous, on ne veut pas qu'on touche à l'accessibilité et à la qualité des services, c'est évident. Sauf qu'il y a des régions qui doivent accélérer le mouvement dans la transformation de leurs services, là, pour offrir des services souvent à moindres coûts, qui, la plupart du temps, offrent des meilleurs services et sont plus proches de la clientèle de première ligne, comme on a fait en Montérégie. Et, de cette façon-là, on éviterait les effets pervers de transferts de clientèle entre les régions, et donc, avec des sommes tout aussi présentes, donner les meilleurs services, meilleure accessibilité dans ces régions-là et nous permettre de faire une étape de plus, une transition plus rapide. Parce qu'on ne peut pas la faire de toute façon en un an; on n'aura pas les ressources disponibles pour le faire et on va déstabiliser le système, de toute façon. Ça fait que c'est juste de trouver la bonne transition pour le faire.

M. Charbonneau: Parce que, quand on parle...

Le Président (M. Reid): La période des questions est terminée.

M. Charbonneau: Comment ça, terminée?

Le Président (M. Reid): On a fait 10 minutes du côté de l'opposition également.

M. Charbonneau: On avait juste une demi-heure? Bon.

Le Président (M. Reid): Alors...

M. Charbonneau: Bien, écoutez, comme député de la Montérégie, on va continuer... j'en ai parlé à l'étude des crédits, on va continuer de surveiller ça.

Le Président (M. Reid): Si je peux me permettre un commentaire. J'ai été à même de constater depuis longtemps que la Montérégie est une région extrêmement dynamique, et vous pouvez être assurés qu'il y a des oreilles très attentives à la Montérégie au gouvernement du Québec. Merci beaucoup, Dr Couture, M. Benoit, M. Gendron, Mme Landry et M. Bouchard.

J'inviterais maintenant les invités qui représentent l'Ordre des optométristes du Québec à prendre place. Et je suspends les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 21)

(Reprise à 16 h 22)

Le Président (M. Reid): Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Ordre des optométristes du Québec. Je vais passer, dans quelques instants, la parole à Mme Lise-Anne Chassé, qui est la présidente. Dr Chassé. Et je voudrais simplement vous dire que vous avez environ 10 minutes pour faire votre présentation; je vous avertirai lorsqu'il restera deux, trois minutes. Par la suite, nous passerons un 10 minutes d'échange avec les députés du côté gouvernemental, et nous allons terminer avec 10 minutes d'échange avec les députés du côté de l'opposition officielle. Alors, je vous passe la parole, Mme Chassé... Dr Chassé, pardon.

Ordre des optométristes du Québec

Mme Chassé (Lise-Anne): Oui, merci. Bonjour, M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs membres de la commission et députés. C'est avec plaisir que nous nous présentons évidemment devant vous ? on n'a pas tant d'opportunités que cela, les optométristes, de venir parler au ministre de la Santé, alors nous apprécions l'événement ? pour vous présenter nos quelques positions et préoccupations particulières à l'Ordre des optométristes du Québec, dans le cadre de l'avis transmis en mars relativement au document Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité.

Alors, vous m'avez déjà présentée, je vais présenter les gens qui sont avec moi: alors, à ma gauche, nous avons Me Marco Laverdière, qui est secrétaire et directeur général de l'ordre, et Mme Louise Mathers, qui est vice-présidente, optométriste, de l'Ordre des optométristes du Québec.

Il faut mentionner bien sûr que nous souscrivons à l'objectif de rehaussement de l'accessibilité. Toutes mesures qui vont viser à augmenter la productivité de notre système de santé, les optométristes ont toujours été collaborateurs d'améliorations de ce système. Alors, l'intérêt de l'ordre et des optométristes à l'égard des mesures proposées est évidemment lié ? la portion de notre allocution ? de façon spécifique aux services oculovisuels, ce que nous connaissons, de cette garantie d'accès, particulièrement en qualité de la chirurgie de la cataracte.

C'est précisément sur les modalités liées à cette mesure que nous souhaitons attirer votre attention. Et le document que nous avons déposé devant vous, en avril, parlait justement de ce cas... parlait justement de cette modalité particulière, et notre allocution aura le mérite à la fois d'être courte et, je l'espère, précise.

Alors, le premier point. Le point de départ de la garantie d'accès en matière de chirurgie de la cataracte doit être la référence par le médecin généraliste ou par l'optométriste. Dans la vraie vie de tous les jours des soins oculovisuels, l'un des premiers aspects est cette condition à remplir d'avoir... pour que le patient puisse bénéficier de cette garantie d'accès nous apparaît surprenamment devoir passer par une référence par un médecin généraliste. Il y a 1 271 optométristes au Québec, on est dans 1 000 points de services, et il est très courant, dans toute notre pratique de tous les jours, d'identifier une cataracte chez l'un de nos patients, à un stade où la chirurgie pourrait s'avérer indiquée, et de la diriger directement vers un ophtalmologiste afin que celui-ci confirme ou non l'indication de la chirurgie et, le cas échéant, planifie et réalise l'intervention. Dans ces cas, le patient n'aura généralement pas à consulter un médecin généraliste.

Alors, je vous reporterais à la page 46 du document de présentation pour commentaires, et le tableau est très explicite à ce sujet: le point d'entrée est la consultation chez l'omnipraticien. Alors, on a juste pensé que vous nous aviez peut-être oubliés et que ça pouvait se corriger facilement, on l'espère. Alors, dans cette garantie d'accès, il serait impensable qu'on demande un... d'abord un temps au patient d'avoir à repasser chez le médecin généraliste avant d'avoir accès à l'ophtalmologiste. Et vous conviendrez devant moi qu'il s'agit aussi de coûts additionnels au système, d'avoir à payer, au niveau de la Régie de l'assurance maladie du Québec, une consultation chez le médecin ophtalmologiste.

Remarquez bien qu'il ne s'agit pas ici de prétendre que l'optométriste va déterminer l'indication de la chirurgie mais va plutôt... c'est plutôt de reconnaître le fait que l'optométriste est le professionnel de la santé qui est très exposé à identifier et à voir l'évolution d'une condition de la cataracte, considérant le nombre d'examens oculovisuels qu'il réalise au quotidien, et qu'au moment opportun il est souhaitable qu'il puisse, comme un médecin généraliste, référer directement son patient à l'ophtalmologiste pour l'évaluation et l'indication de la chirurgie, comme je le disais précédemment, et l'inscription sur la liste d'attente.

Et, à ce sujet d'ailleurs, je voudrais juste souligner que c'est déjà reconnu dans le cadre du régime d'assurance maladie du Québec, la référence du patient par un optométriste vers l'ophtalmologiste est spécifiquement... donne spécifiquement droit à ce dernier au versement d'honoraires, comme ce serait le cas si le patient avait été référé par le médecin généraliste.

Nous soumettons donc que, parmi les règles de qualification pour une garantie d'accès aux fins de la chirurgie de la cataracte, il est essentiel que la consultation préalable à la référence puisse se faire soit chez le médecin généraliste soit chez l'optométriste avant la consultation en ophtalmologie.

Le deuxième point qui n'avait pas été... que nous n'avons pas souligné dans notre premier mémoire que nous avons déposé devant vous, et un élément qui nous est apparu important par la suite, aussi, c'est l'impact sur l'accessibilité des autres services ophtalmologiques. Alors, il est aussi très important que les services de nos ophtalmologistes au Québec soient disponibles pour tous les autres genres de pathologies, souvent à bien plus grande morbidité que la cataracte.

Alors, on vit, chez nos patients, particulièrement dans certaines régions, certaines difficultés parfois à obtenir un rendez-vous en ophtalmologie pour les suivis de glaucome ou en tout cas particulièrement au début, où il y a une possible identification d'un cas à risque de glaucome par un optométriste. Et ce n'est pas toujours facile d'avoir un rendez-vous en ophtalmologie, alors on ne voudrait pas que les cliniques affiliées, ou les cliniques privées, ou encore même le réseau public deviennent des usines à cataracte et qu'on oublie toutes les autres disponibilités pour des pathologies tout aussi importantes que ce cas-ci. D'ailleurs, on se joint à l'Association des médecins ophtalmologistes du Québec, qui le soulignait dans son mémoire auprès de vous également.

Que se passerait-il aussi si la pratique en clinique médicale en financement privé, donc à titre de médecin non participant, devenait à ce point intéressante que plusieurs ophtalmologistes décidaient d'emboîter le pas de certains de leurs confrères ? on vit avec cette situation dans le cas des chirurgies réfractives ? et sortir du régime public carrément?

On n'a pas de réponse à toutes ces questions, mais nous craignons que le résultat net puisse être qu'on aurait amélioré significativement l'accessibilité à la chirurgie de la cataracte, mais qu'on aurait détérioré du même coup l'accessibilité à d'autres services ophtalmologiques. En ce sens, nous rejoignons, comme je vous le disais, les préoccupations de l'Association des ophtalmologistes et nous demandons au ministre de configurer le système de façon prudente afin que les conditions soient mises en oeuvre pour éviter que la situation se présente.

Alors, ce qui compléterait mon allocution, et nous sommes disponibles tous les trois pour répondre à vos questions.

n(16 h 30)n

Le Président (M. Reid): Merci, Dre Chassé. Je vais passer la parole maintenant au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Mme Chassé, Mme Mathers, M. Laverdière, merci d'être avec nous. Je dois dire que je me suis découvert deux liens récemment avec l'optométrie: un que je ne soupçonnais pas puis un que je découvre tous les jours. Celui que je découvre tous les jours, c'est le recours aux lunettes de lecture de façon maintenant obligatoire. C'est triste. Comme disait de Gaulle, la vieillesse est un naufrage. Je commence à m'enfoncer sous la ligne de flottaison. Et deuxièmement, j'ai su que mon père allait être honoré, à titre posthume, par l'École d'optométrie de l'Université de Montréal. Je n'avais absolument aucune idée de la raison pour laquelle... Il était professeur de biologie à l'Université de Montréal. Et, comme moi, quand on lui disait: Bien, tu devrais faire ça pour le bien commun puis y aller, aller sur un comité, il disait oui. Je suppose qu'il a dû me passer ça dans ses gènes, pour le meilleur et pour le pire.

Deux points que je voudrais toucher avec vous, là. La question de... L'étape préalable, vous avez raison, ce n'est pas... on n'a pas fait ça, on ne l'a pas écrit comme ça pour dire que ça ne peut pas être un optométriste. Alors, il n'y a aucun caractère exclusif à ça, je vous l'assure, là. Puis on sait qu'il y a beaucoup de patients ? d'ailleurs, c'est une bonne chose, hein ? qui vont voir l'ophtalmologiste après avoir vu l'optométriste, puis souvent ? je vais peser mes mots ? vous êtes, disons, au moins aussi bons pour diagnostiquer des problèmes oculaires puis décider si l'ophtalmologiste doit intervenir ou pas. Vous avez fort aimablement dit que ce n'est pas vous qui posiez l'indication opératoire, mais je soupçonne que vous avez une bonne idée quand une chirurgie peut être nécessaire ou pas.

Une voix: ...

M. Couillard: C'est ça. Dans la deuxième partie de votre intervention, vous avez émis certaines craintes. Je dirais que, pour la médecine à l'écart du système d'assurance maladie, les craintes seraient fondées si on ouvrait la porte de quelque façon que ce soit à une pratique mixte, parce que, de plus en plus, on sait que les médecins, surtout dans une situation de pénurie d'effectifs, où l'offre de soins est inférieure à la demande, auraient tendance à glisser. On maintient totalement l'étanchéité. La vaste majorité des médecins du Québec, ils veulent rester dans les confins de la Régie de l'assurance maladie du Québec, et ça, c'est clair pour les ophtalmologistes également.

Ce que leur association est venue dire, on le partage également. On n'a jamais voulu dire que les cliniques associées, si elles étaient nécessaires dans certaines régions, devraient se limiter à la chirurgie de la cataracte. Il est fort possible de faire l'ensemble de la chirurgie ophtalmologique non seulement là, mais dans les hôpitaux publics. Je viens d'annoncer 15 millions de dollars ici, à Québec, pour le centre de l'oeil, pour cinq nouvelles salles d'opération à Saint-Sacrement. Le P.D.G. de l'agence me disait: Bien, nous, on ne pense pas qu'on va avoir besoin, pour l'ophtalmo du moins, de recourir à une clinique affiliée, là. La plupart des gens vont être traités dans les délais, puis toutes les spécialités ophtalmologiques vont être faites là, sauf la neuro-ophtalmologie puis l'ophtalmologie pédiatrique. Alors, on voit qu'il y a plusieurs solutions, mais on n'envisage pas de pratique mixte, là. Mais c'est certain que, dans le domaine de l'ophtalmologie, il y a une clientèle pour l'extérieur ou les soins non assurés, notamment dans la chirurgie pour la réfraction, qui n'est pas sans risque d'ailleurs, hein, il faut être prudent avec ce type de procédure là, et également pour certains cas très rares dans la chirurgie de la cataracte. Mais la vaste majorité des ophtalmos, je n'ai pas le chiffre sous la main, là, mais la vaste majorité des ophtalmologistes au Québec sont dans l'assurance maladie du Québec.

Il est certain que, dans la description de la mécanique de la garantie de services, pour ce qui est de la chirurgie des cataractes, on va introduire de façon explicite l'optométriste, là. Il n'était pas question pour nous de l'en retirer, loin de là, parce que Dieu sait que, dans certaines régions où l'accès aux ophtalmologistes est difficile, c'est souvent l'optométriste qui est la seule personne accessible rapidement pour avoir un diagnostic oculaire. Alors, je voulais vous donner ces précisions. Je pense qu'essentiellement c'est ce que vous vouliez entendre comme précisions de ma part.

Mme Chassé (Lise-Anne): Merci.

Le Président (M. Reid): Merci, M. le ministre. Est-ce que vous voulez commenter, Mme Chassé?

Mme Chassé (Lise-Anne): Oui, bien, je suis rassurée qu'on me précise la situation, mais je pourrais juste apporter un exemple devant vous, parce que... Quand on établit des règles comme celles-là, je nous reporterais à tout le programme d'assurance médicaments. Il existe des médicaments d'exception, et, dans le cas... mais vous savez que les optométristes, aujourd'hui, peuvent prescrire des médicaments topiques, et tout, et on vit une situation de difficulté au moment où un optométriste prescrit un médicament d'exception à cause du formulaire en lui-même qui parle que ça prend un diagnostic pour avoir le médicament d'exception. Il est arrivé certaines difficultés récemment, dans les mois précédents, par cette simple technicalité là de formulaire. On ne reconnaît plus maintenant aux optométristes le droit de prescrire des médicaments d'exception. C'est un exemple des oublis, j'appelle ça des oublis. Je sais qu'on n'est pas un gros groupe. Alors, on a des prérogatives, puis on aide la population, mais la population arrive... On pourra, dans un autre moment, ou avec les personnes appropriées, ou la régie peut-être, régler ce problème-là, mais il y a un petit problème de ce côté-là. C'est des exemples où, comme je le soulignais gentiment, on nous oublie. Mais on ne nous oublie pas vraiment, mais, quand on écrit le document, on se dit: Bien, ça, on l'a, puis ça va continuer. Mais, quand on arrive dans les faits, et les écrits sont d'une telle façon... Alors, vous m'avez rassurée à ce point-là, vous saurez sûrement me rassurer pour l'autre point aussi, à un moment donné. Merci.

M. Couillard: Merci de votre confiance, madame.

Mme Chassé (Lise-Anne): Merci.

Le Président (M. Reid): Merci, Dre Chassé. Je vais passer la parole maintenant au député de Borduas, critique de l'opposition officielle en matière de santé et services sociaux.

M. Charbonneau: Alors, mesdames et monsieur, bon après-midi. Écoutez, je n'ai pas grand-chose à dire parce que finalement, comme le ministre a reconnu le bien-fondé de votre mise en garde ou de votre signal d'alarme, je considère que la réponse est positive. Et, moi, je n'ai pas le problème d'être un médecin. Alors, je pense que, d'entrée de jeu, je peux dire que je suis convaincu que vous êtes probablement plus qualifiés parce que... Quand je vais voir mon optométriste puis je vais voir mon médecin de famille... Quand j'ai des problèmes d'yeux, ce n'est pas mon médecin de famille que je vais voir, c'est mon optométriste, puis c'est en général lui qui me dit d'aller voir mon ophtalmologiste, ce n'est pas mon médecin de famille. C'est bien rare qu'il me regarde les yeux, l'autre, puis ce n'est pas parce qu'il n'est pas bon, c'est juste parce que... Qu'est-ce que vous voulez, là?

Une voix: ...

M. Charbonneau: Pardon? Il y en a pas mal plus grand à regarder, alors je me... Ces deux petits bouts là, je les réserve à quelqu'un d'autre. Et je regarde les équipements d'un et de l'autre, je pense qu'il y en a un qui est mieux équipé pour regarder ces deux petits bouts là, là.

Alors, ceci étant... Puis l'autre crainte que vous aviez, bien, c'est une crainte qui avait été déjà exprimée par les ophtalmologistes qui, eux aussi, nous ont mis en garde. Donc, tu sais, l'expression... on ne veut pas que finalement on se retrouve avec des fabriques ou des usines à cataractes. C'est clair que ça ne peut pas être l'objectif, là. Le débat, maintenant: Est-ce que, puis je pense qu'on va plus le faire avec le groupe qui va vous suivre, est-ce que ce sont des... la formule des cliniques affiliées spécialisées ou bien des centres de jour... des centres ambulatoires des hôpitaux, où on devra faire ces chirurgies légères? Ça, c'est une autre dimension, puis je pense que ce n'est pas celle-là que vous avez voulu aborder. Alors, je ne vous emmènerai pas sur ce terrain-là, je respecte le choix que vous avez fait de ne pas aborder ces questions-là.

Écoutez, compte tenu des réponses que vous avez eues et des assurances que vous allez être considérés selon les honneurs dus à votre rang, alors je pense que...

Une voix: ...

M. Charbonneau: Bien, écoutez, moi, je pense que, dans la vie, des fois, là, il vaut mieux s'assurer que les choses soient comprises, parce que parfois ça prend bien du temps à obtenir des corrections qui nous apparaissent tellement évidentes. Comme député, j'ai eu souvent à me battre bec et ongles pour obtenir des choses qui m'apparaissaient tellement évidentes, mais l'appareil qui est gouvernemental, au-delà des partis qui dirigent en haut, là, je veux dire, c'est bien compliqué en bas, souvent, de faire juste... de faire changer ou admettre qu'on a fait une erreur, admettre qu'un formulaire n'est pas précis, admettre que finalement il y avait une chose qui n'était pas claire et qui aurait dû être claire dès le départ, ça aurait enlevé bien des problèmes. Mais en tout cas je pense que néanmoins la capitale n'est pas un mauvais lieu pour venir faire un tour de temps en temps.

Mme Chassé (Lise-Anne): Puis en plus les optométristes sont d'accord avec les ophtalmologistes.

M. Charbonneau: Bien, c'est ça. Là encore...

Mme Chassé (Lise-Anne): Alors, c'est quand même quelque chose aussi, hein?

M. Charbonneau: Il y a une convergence, à ce moment-là, entre des médecins spécialistes et des optométristes.

Mme Chassé (Lise-Anne): Voilà. Parfait. Merci.

Le Président (M. Reid): Alors, Dre Chassé, est-ce que vous avez un dernier commentaire?

Mme Chassé (Lise-Anne): Non. Merci de l'accueil, et puis on est toujours heureux de venir vous jaser.

Le Président (M. Reid): Alors, Dre Chassé, Dre Mathers, M. Laverdière, merci beaucoup de votre présence.

Je vais inviter les représentants de la CSN à prendre place et je vais suspendre les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 39)

 

(Reprise à 16 h 41)

Le Président (M. Reid): ...représentantes de la CSN. Je vais passer la parole à Mme Carbonneau, mais avant je voudrais vous signaler que vous avez une vingtaine de minutes pour faire la présentation. Je vais vous avertir quand il restera environ trois minutes. Par la suite, on aura un échange de 20 minutes avec les députés du côté gouvernemental et une autre période d'une vingtaine de minutes avec les députés du côté de l'opposition officielle. Je vous demanderais, Mme Carbonneau, de présenter les personnes qui vous accompagnent, et je vous passe la parole.

Confédération des syndicats
nationaux (CSN)

Mme Carbonneau (Claudette): Alors, merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, c'est un plaisir pour la CSN d'être présente à cette commission parlementaire pour débattre des suites que le gouvernement entend donner au jugement Chaoulli, mais plus largement sur la pérennité et la qualité du réseau de santé et de services sociaux.

Alors, oui, d'entrée de jeu, je vous présente les personnes qui m'accompagnent. Alors, à ma gauche, il s'agit de Josée Roy, qui est adjointe au comité exécutif de la CSN; à ma droite, Denise Boucher, qui est vice-présidente, responsable du dossier des politiques de santé et de services sociaux au sein de la confédération; et Andrée Lapierre, qui est rattachée au service... enfin, au module recherche du Service des relations du travail à la CSN.

Alors, je vous dirais que ce qu'on aborde aujourd'hui, c'est à mon sens une question tout à fait fondamentale que celle du financement public exclusif. Je rappelle que ce financement n'était à peu près pas remis en question au Québec avant la décision du tribunal dans le jugement Chaoulli. On le retrouvait même en tête de liste du programme du Parti libéral. Et je pense que cet attachement à un financement exclusivement public pour ce qui est du réseau de la santé et des services sociaux n'a rien d'idéologique, mais on voit là un bon élément pour garantir l'accessibilité universelle, l'équité entre l'ensemble des citoyens, un système qui répond aux besoins des personnes et aussi un excellent moyen de contrôler les coûts de santé et de services sociaux.

Je vous dirais qu'au niveau de la CSN nous considérons qu'il n'appartient pas aux tribunaux de changer des règles aussi fondamentales, nous pensons que tout ça relève du débat démocratique et, en ce sens-là, nous saluons l'existence de la présente commission qui permet d'aller plus à fond dans ce débat tout à fait fondamental. Par ailleurs, je reconnais, d'entrée de jeu, que le seul mérite du jugement, c'est de reconnaître l'existence d'un problème qui est réel, qui est le problème d'accès à un bien public très important: la santé et les services sociaux. Et je dirais que de prime abord la solution mise de l'avant dans le document de consultation par le gouvernement du Québec peut sembler très prudente, très balancée, dans le sens où on y va de façon très graduelle, on vise trois chirurgies, on parle de garantie d'accès, on parle d'assurance duplicative mais en maintenant le fait que ça ne peut s'appliquer que dans les cas des médecins non participants. Cependant, malheureusement, je dois vous dire, d'entrée de jeu, que la CSN se sent incapable de souscrire à cette solution essentiellement pour deux raisons de fond.

La première, c'est que, d'une part, le gouvernement nous annonce qu'il a l'intention d'élargir la gamme des chirurgies qui sont visées un peu plus tard dans le temps et de le faire par simple décret du Conseil des ministres. Or, déjà là, on pense que ça soulève un débat beaucoup plus large, un débat de société. Et, d'autre part, il nous semble que cette mesure-là, tout aussi limitée et prudente qu'elle puisse apparaître, nous place dans un paradoxe total. On serait dans une situation où plus on travaille à améliorer notre réseau de santé et de services sociaux, plus, au fond, on risquerait de faire une place importante aux services privés, et tant sur le plan du financement que sur la dispensation des services. J'ajoute à ça une troisième raison qui est peut-être plus conjoncturelle mais qui, dans la situation actuelle, vaut son pesant d'or. On sait qu'on est en pénurie de professionnels, plusieurs professions, et, de ce côté-là, c'est clair qu'un changement radical risquerait d'entraîner un transfert... hémorragie des ressources du secteur public vers le secteur privé.

Nous insistons sur l'importance d'un financement public, et je pense que, de ce côté-là, notre point de vue est appuyé sur de nombreuses études; je pense, entre autres, à celles de l'OCDE sur toute la question de l'augmentation des coûts. Ce qu'ils constatent, c'est que le glissement vers un financement privé augmente les coûts sans pour autant soulager le régime public, il y a davantage de consommation de services, il y a moins de contrôle des coûts et des activités livrées par le secteur privé, le mérite d'une formule de payeur unique crée un certain rapport de force en négociation pour contrôler les coûts, pour assurer une meilleure qualité et, dans tous les cas de figure, les cas lourds demeurent au secteur public. Or, déjà, on sait qu'au Québec il y a une grande part de nos dépenses de santé qui sont financées par le privé, c'est 30 %. Quand on regarde la tendance, c'était 20 % dans les années quatre-vingt. Et ce qu'on est obligé de constater, c'est que ce changement au plan du financement n'a pas conduit à une amélioration de notre réseau public de santé et de services sociaux.

Alors, en clair, sur cet élément-là, nous demeurons opposés à la levée de l'interdiction du recours à des assurances duplicatives essentiellement pour des raisons d'équité, de coûts, de règles d'accès et parce que nous sommes convaincus qu'il faut trouver des réponses satisfaisantes à ces maux de notre réseau de santé et de services sociaux, quitte à suggérer qu'on recoure, pour ce faire, à la clause dérogatoire si besoin en est. Je n'amène pas ça, là, à titre... appuyé sur un avis juridique, mais, s'il fallait passer par là, nous vous suggérons que ça puisse être une voie appropriée.

Alors, moi, je m'arrêterais là, à ce moment-ci, et je demanderais à Denise Boucher d'aller plus loin sur la garantie d'accès, sur la question des cliniques spécialisées affiliées, et je reviendrais en conclusion sur la question du financement.

Mme Boucher (Denise): Alors, pour la CSN, la garantie d'accès à un service dans un délai fixe constitue une amélioration importante parce qu'elle vient préciser quand un service doit être rendu et constitue ainsi un engagement concret. Le dispositif veut contribuer à redonner confiance au système de santé en fixant des objectifs de résultat pour trois types de chirurgies électives. Par ce choix des traitements de la cataracte et du remplacement articulaire de hanche et de genou, le gouvernement cible ainsi des domaines où les besoins sont en grande croissance depuis plusieurs années et qui le demeureront encore dans la perspective du vieillissement de la population. Globalement, dans une optique d'efficience, les garanties d'accès mettent donc le réseau public au défi de mobiliser tous les efforts et moyens pour que chaque personne soit traitée à l'intérieur du délai fixé, sans avoir à recourir à l'extérieur du système public.

Mais, pour nous, en même temps, il faut aussi qu'on puisse agir en amont et, pour agir en amont, cela veut dire s'attaquer aux pénuries de médecins et aux déficiences dans l'organisation des services. C'est principalement aussi avoir accès partout à un médecin de famille, car la garantie d'accès, quand on regarde le document, débute seulement au moment où le spécialiste inscrit le patient, et on sait aussi qu'au Québec il y a 27 % de Québécois qui ont un médecin de famille contre 9 %... 27 % qui n'ont pas de médecin de famille, je m'excuse, contre 9 % au Canada. C'est renforcir aussi et organiser les services de première ligne en favorisant les regroupements de médecins et l'intégration d'infirmières, avec des horaires élargis, des services de garde, l'établissement de liens avec les autres professions. Il faut aussi revoir la rémunération à l'acte des médecins de façon à soutenir une transformation de la pratique médicale pour plus de prévention, pour plus de travail en équipe, pour une meilleure utilisation de l'information.

n(16 h 50)n

Il faut aussi viser à organiser la gestion des listes d'attente par établissement et par région, soutenir une utilisation optimale des équipements et plateaux techniques des hôpitaux et des ressources médicales. Pourquoi ne pas aussi lever les quotas de pratique des médecins quand ceux-ci réduisent le nombre de traitements disponibles pour des personnes en attente? Enfin, par souci d'équité interrégionale relativement à ces besoins, il importe d'améliorer l'offre en région pour éviter de déplacer indûment la clientèle loin de chez elle. Alors, Mme la présidente.

Mme Carbonneau (Claudette): Bien. Alors, sur les questions du financement, je vous dirais que la CSN rejoint des études qui ont été faites par différents comités gouvernementaux, et nous constatons aussi que les besoins de financement du réseau de la santé et des services sociaux sont malheureusement plus grands que la croissance du PIB, que la croissance des revenus de l'État. Alors, selon les études, là, on le sait, PIB et revenus de l'État, il y a un taux de croissance de l'ordre de 3,2 %. Le rapport Ménard parlait de besoins de financement de 5,4 % pour le réseau de la santé et des services sociaux. Bref, ça joue un peu dans ces eaux-là. Alors, il est clair qu'on ne pourra pas éternellement, sans trouver de solution structurante, continuer dans cette direction-là parce qu'on le ferait au détriment des autres missions de l'État, et on ne peut pas concevoir que l'État québécois, c'est un hôpital et une école. C'est un non-sens, là. Ça, c'est clair. Et d'autre part, pour améliorer l'accès au réseau de la santé et des services sociaux, je pense que c'est un peu incontournable de recourir aussi à de l'argent neuf, à du financement. Or, en ce sens-là, la CSN préconise qu'à court terme le gouvernement renonce à toute velléité de baisser les impôts, engage un débat public large sur la question du remboursement de la dette.

Et, de façon plus précise, quant aux trois hypothèses qu'on retrouve dans le document de consultation, je dirais... Sur le déséquilibre fiscal, bien je rappelle, dans le sens du document de consultation, il y a un consensus sur cette question-là au Québec. Les surplus sont énormes à Ottawa, les besoins sont criants au Québec. Et on a vu l'engagement du nouveau premier ministre du Canada à régler, dans un délai relativement rapide, cette question-là. Je pense qu'on va être très attentifs à la conduite de ce débat public là. Nous préconisons, quant à nous, toujours le recours à remise de points d'impôt, transferts, plutôt que des formules d'amélioration de la péréquation.

Quant à l'autre hypothèse avancée dans le document de consultation, tout ce qui est le compte santé, moi, je vous dirais qu'on ne peut pas être contre la vertu, on ne peut pas être contre l'information aux citoyennes et aux citoyens. Malheureusement, l'information n'a pas pour effet de résoudre les problèmes de financement.

Et, pour ce qui est de la troisième hypothèse, la question de la mise en place d'une caisse contre la perte d'autonomie, bon, le rapport Ménard donne des balises à cet égard-là en suggérant, là, un modèle qui n'est pas repris dans le fin détail dans le document de consultation. Je rappelle que, pour la CSN, ce n'est pas le seul moyen d'améliorer le financement du réseau de la santé et des services sociaux et c'est même un moyen qu'il faut prendre avec beaucoup de réserve, qu'il faut mettre en perspective avec d'autres hypothèses pour améliorer le financement. J'admets que cette hypothèse-là, elle a un avantage, c'est celle d'apporter de l'argent neuf et surtout de viser à financer toute une section du réseau qui est en grande lacune et qui est peu couvert par la Loi canadienne de la santé et des services sociaux.

Il y a beaucoup d'inquiétude sur l'avenir des CHSLD. Je rappelle qu'on ne répond qu'à 68 % des besoins des patients. Services à domicile, il y a des déficiences extrêmement importantes, et c'est très lourd pour certaines clientèles. Quand on pense que 80 % des proches aidants fournissent les services à domicile aux personnes qui en ont besoin, c'est un signal d'alarme qu'on ne peut pas ignorer. C'est 60 000 personnes, c'est en majorité des femmes et c'est des gens qui consacrent au-delà de 20 heures par semaine à soutenir des proches. C'est très exigeant.

Par ailleurs, le rapport Ménard, à notre point de vue, présente une difficulté importante, entre autres celle de morceler le réseau et le système de protection qu'on s'est donné en matière de santé et de services sociaux. Et je vous dirais que, de ce côté-là, ça nous rend très, très, très craintifs par rapport à ce genre d'approche là. À notre sens, ça donne aussi plus d'ouverture vers le secteur privé. Et on critique aussi l'aspect suivant, qui est celui de permettre au fond aux patients d'acheter eux-mêmes les services. Il nous semble qu'il y a là un non-sens et que ça milite carrément contre la mise en place d'une offre intégrée de services de qualité. Et on critique aussi le volet de s'adresser aux personnes, y compris les personnes à faibles revenus, pour apporter des cotisations à ce genre de programme.

Or, bien sûr, la CSN souhaite qu'on complète notre offre de services publics de santé et de services sociaux et qu'on complète au fond la Loi d'assurance maladie, la Loi d'assurance-hospitalisation, qui sont de vieilles lois ? les besoins s'expriment différemment aujourd'hui. Et je vous donne une indication: si jamais le gouvernement du Québec décidait d'aller de l'avant avec un financement du type de celui qui est mis de l'avant dans le rapport Ménard, je vous indique qu'à la page 20 de notre mémoire nous vous suggérons de revoir fondamentalement un certain nombre de balises:

D'abord, il doit être garanti que la gestion et la prestation de services relèvent des centres de santé et de services sociaux.

D'autre part, le financement des particuliers doit être progressif et en fonction des revenus, pas en fonction de l'âge. Ça nous apparaît nettement discriminatoire.

D'autre part, on pense que les employeurs doivent être mis à contribution, ça ne peut pas reposer que sur les seuls particuliers, et, de ce côté-là, bien sûr, il y a toutes sortes de débats sur la fiscalité des entreprises. Alors, nous vous indiquons que l'avenue de la taxe sur les bénéfices est probablement celle qui a le moins d'effets pervers pour le développement de notre économie.

D'autre part, pour ce qui est des versements en espèces, on pense que ça doit être limité aux proches aidants, certainement pas, là, à un plat de bonbons où tout le monde est amené à compléter, comme ils le souhaitent, l'offre de services.

Et d'autre part la gestion du nouveau régime doit garantir son utilisation aux seules fins poursuivies.

Alors, on s'arrêterait là. On est bien sûr disponibles pour vos questions.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Carbonneau. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Mme Carbonneau, mesdames, pour votre visite, puis, je dois dire, la qualité de votre mémoire. Il y a beaucoup de points de fond qui sont abordés, puis des suggestions également. Et je suis particulièrement heureux lorsqu'un groupe présente également des opinions en termes de suggestions ou de modifications par rapport à ce qui est proposé.

Juste une brève remarque. J'ai probablement mal compris, Mme Carbonneau, mais ce n'est pas juste depuis le jugement Chaoulli qu'on parle du financement de la santé. Ce n'est pas ce que vous avez voulu dire, là. Ça fait au moins 20, 25 ans, là, que... Ce n'est pas ce que vous avez...

Mme Carbonneau (Claudette): Non, non. Je dis: Avant le jugement Chaoulli, il n'y avait pas de remise en question du financement public du réseau, hein?

M. Couillard: O.K.

Mme Carbonneau (Claudette): Et honnêtement, là, c'était peu présent, ça, dans le débat public au Québec.

M. Couillard: Je comprends.

Mme Carbonneau (Claudette): Et, en ce sens-là, oui, oui, des problèmes de financement...

M. Couillard: Parce que je me dis...

Mme Carbonneau (Claudette): ...je suis bien placée pour savoir que ça dure depuis un certain temps. Il y a des maux de dents qui sont très longs, oui.

M. Couillard: Et puis, effectivement, le jugement Chaoulli et Zeliotis avait le potentiel ? et certains y ont vu beaucoup plus qu'il n'y a réellement dans ce dossier-là ? d'ouvrir une porte très large à un financement privé accru dans le système de santé.

Le deuxième point de fond que vous avez abordé, c'est la question du rôle des tribunaux. Et, moi-même, je me suis exprimé publiquement sur cette question à une reprise, puis j'ai été un peu réprimandé par certaines personnes dans le milieu judiciaire, doucement et gentiment. Mais j'ai dit: Écoutez, les tribunaux ont fait leur travail; maintenant, les élus de l'Assemblée nationale vont faire le leur.

Mais on ne peut pas non plus balayer le rôle des tribunaux. Eux, ils ont abordé la question, vous voyez ? puis nos citoyens et concitoyens sont sensibles à ça ? ils ont abordé la question sous l'angle des libertés et des droits. Et il ne faut pas non plus créer la perception que cet angle d'analyse que les tribunaux ont pris, c'est quelque chose qu'on balaie et qu'on ne juge pas significatif. Il y a effectivement des gens qui ont fait une démonstration basée sur un contexte qui date déjà de plusieurs années, et qui a changé d'ailleurs depuis, que des questions de libertés et de droits fondamentales étaient soulevées, et le tribunal leur a donné raison.

Maintenant, les élus vont faire leur travail, puis on n'a pas l'intention de bousculer le processus ? je l'ai déjà indiqué à notre collègue de l'opposition, là. On va faire la commission, on va déposer un texte législatif qu'on n'adoptera certainement pas dans cette session, et on reviendra avec une étude parlementaire pour l'étude du projet de loi à l'automne. Pour la partie financement du document, le débat ne se clôt pas avec ce document et cette commission, il se poursuit par la suite sur la base des suggestions qui nous seront faites.

n(17 heures)n

Il y a un élément également de précision que je pourrais vous dire, peut-être, parmi les trois points que vous avez mentionnés, qui justifiaient votre opposition à certains des aspects du projet qui est présenté, vous disiez: On ne peut souscrire à l'élargissement par voie réglementaire seulement du panier de l'assurance privée. Là-dessus, je dois dire que ça a été une recommandation qui nous a été faite par beaucoup de groupes, et je dois dire qu'on a déjà exprimé ici la nécessité que ce ne soit pas le cas, que, s'il y avait éventuellement une augmentation du panier relatif à l'assurance privée, que ça nécessite un autre débat à l'Assemblée nationale et une autre modification législative. Je crois que notre collègue et nous, là-dessus, également, on est d'accord sur ce principe-là.

La pénurie de professionnels, une des raisons, vous avez raison, et on prend les actions qu'il faut. Je vous dirais d'être prudents dans l'évaluation du 70 %-30 %, on entend souvent cet argument du 30 % de dépenses privées dans le système de santé. Notons que ce pourcentage est à peu près le même que les pays de l'OCDE, 70-30, mais la composition du 30 % est très différente. Comme vous le savez, au Canada, il y a, à toutes fins pratiques, pas de soins médicaux hospitaliers dans le 30 %. Alors, on ne peut pas utiliser comme argument, de part et d'autre, qu'il y a déjà 30 % de privé, donc ça prouve qu'il y en a beaucoup. En fait, il y en a presque zéro ou 1 % dans le domaine des soins médicaux hospitaliers. Je pense qu'il faut faire... Est-ce que vous faites cette distinction?

Mme Carbonneau (Claudette): Oui, je constate ça. Cependant, je maintiens aussi que, disons, les 20 dernières années ont été des années d'accélération de la présence des dépenses privées de santé. Et, bon, on peut aimer ça, on peut ne moins aimer ça, mais on est obligé de regarder et se dire: Il y a peut-être là un laboratoire. Et j'aimerais pouvoir vous dire: Bien, on s'est trompé, on est parti en croisade idéologique, et ça a permis effectivement une amélioration du réseau de santé. Ce n'est pas le constat qu'on fait.

Andrée, peut-être?

Mme Lapierre (Andrée): Bien, je pense, la remarque importante, je pense, quand vous dites qu'il n'y a pas beaucoup de... il n'y a pas de contribution privée en services médicaux, on a le cas de la radiologie. Il y a quand même une situation ici où le Vérificateur général ? la note est dans notre mémoire ? en 2000, au tournant de l'an 2000, il y avait 134 départements d'hôpitaux qui faisaient de la radiologie, mais déjà 105 cliniques privées de radiologie en contexte de pénurie. Et on entend parfois le président des radiologistes du Québec dire: On ne peut pas rentabiliser le service de radiologie. Je comprends bien, on est déjà pris avec la situation où les 105 cliniques veulent se rentabiliser. Et on le paie, et en fait il y a beaucoup de zones grises de ce côté-là.

Alors, moi, je pense que ce côté-là, l'ouverture des services médicaux, d'abord il y a la loi canadienne qui est très claire, on ne doit pas avoir de facturation, c'est prévu que c'est entièrement public. Alors, moi, je vois mal pourquoi à la fois vous faites des professions de foi en disant: On veut un financement exclusivement public, et maintenant cette question. Pour nous, c'est déjà problématique, le taux de privatisation qu'il y a en radiologie.

M. Couillard: Attention, parce que le cadre de la loi canadienne, c'est ce qui se fait dans l'hôpital. Nulle part dans la loi canadienne ce qui se fait à l'extérieur de l'hôpital doit être couvert par... C'est des choix provinciaux. D'ailleurs, les actes radiologiques en cabinet, dans presque toutes les provinces canadiennes, sauf deux ou trois exceptions, ne sont pas inclus dans le panier de services publics. Examen par examen... Prenons l'exemple de la résonance magnétique, par exemple, il y a 14 cliniques environ au Québec qui existent depuis plusieurs années, ce n'est pas nouveau, ce n'est pas arrivé depuis 2003, ça, en passant, ça arrivait auparavant, mais on voit que le développement a arrêté, et on n'a plus de nouvelles depuis deux ou trois ans. Pourquoi? Parce que le nombre d'appareils de résonance magnétique augmente très rapidement dans les établissements publics. Hier, il y a eu une annonce à Alma. Alors, on a maintenant accès à la résonance magnétique dans des régions qui ne pouvaient même pas en rêver il y a quelques années. Et je veux juste ramener ça dans le bon contexte. On ne partage pas votre interprétation que le financement de la radiologie en cabinet privé est dans le périmètre de la Loi canadienne sur la santé.

Une voix: ...bonne question de...

M. Couillard: Oui.

Mme Carbonneau (Claudette): Il y a cette question: Est-ce conforme ou non conforme à la loi? Mais ce qu'on observe aussi sur le terrain, il y a quand même un jeu de vases communicants qui est un peu complexe quant à l'accessibilité et à l'équité pour l'ensemble des citoyens, et ça, ça peut nous poser problème. Alors, ça dépasse le débat juridique.

Si vous me permettez, je souhaiterais juste apporter deux compléments à vos remarques préliminaires par rapport à notre exposé. Bon, d'une part, sur les tribunaux, je vous dirais qu'on est les premiers, à la CSN, de reconnaître, et je crois l'avoir reconnu aussi en exposant notre point de vue, que malgré tout les tribunaux avaient ciblé un vrai problème. Le problème de l'accessibilité, c'en est un, et je ne pense pas qu'il faut se cacher comme des autruches par rapport à ça; au contraire, il faut travailler de façon positive à tenter de le régler. D'autre part, j'entends très bien quand vous me dites: Écoutez, ne vous inquiétez pas, ça ne se fera pas par voie réglementaire, si on doit élargir... Bon, tant mieux, j'accueille cette réponse-là de façon positive. En même temps, ça ne règle pas l'ensemble de l'inquiétude que je soulevais parce que, par- delà la modalité, il y a quand même une intention très claire affirmée par le gouvernement de ne pas se limiter à ces trois chirurgies-là et à faire évoluer la question des garanties de services et conséquemment de l'accès à des assurances privées. Alors, en ce sens-là, oui, c'est satisfaisant sur la modalité, mais, sur l'ampleur d'un débat qui se présente tout petit, je ne suis pas certaine qu'on soit sur la même longueur d'onde.

M. Couillard: Là-dessus, également, je veux apporter des précisions, c'est-à-dire que ce qu'on veut augmenter, c'est la garantie d'accès. Il faut d'abord qu'on apprenne ? vous l'avez vous-même dit dans votre exposé ? il faut qu'on apprenne à faire fonctionner une garantie d'accès, notamment par la gestion des listes d'attente, ce qui nécessite de la gestion centralisée dans l'établissement public de listes d'attente, et c'est ce qu'on va mettre en place. Et on voudrait qu'éventuellement, comme ça a été le cas ailleurs dans d'autres pays, un plus grand nombre de chirurgies soit inclus dans ce qu'on peut appeler le panier de la garantie de services. Mais ce n'est pas la même chose pour l'assurance privée. Jamais on n'a dit que, chaque fois qu'on ajouterait une opération dans la garantie de services, automatiquement il y aurait l'ajout similaire dans l'assurance privée, c'est loin d'être certain.

Mme Carbonneau (Claudette): Alors, pouvez-vous nous rassurer et dire à ce moment-ci... Est-ce qu'on peut s'attendre, au moment que vous allez adopter le projet de loi, que vous dites: C'est trois, et point final?

M. Couillard: C'est-à-dire que ça va être dans un texte législatif, vous verrez le texte législatif. Et s'il y avait, pour un gouvernement ultérieur, une modification, ça devrait être fait par mode législatif. On verra les autres... Vous savez qu'il y a des gens qui nous demandent d'être beaucoup plus libéraux, sans jeu de mots, sur cette question-là, et on résiste aux appels des sirènes parce qu'on est dans une situation où certains nous disent qu'on en fait trop, d'autres disent qu'on n'en fait vraiment pas assez. Aujourd'hui même, on a eu la démonstration de ça entre deux groupes qui se sont littéralement succédé à l'endroit où vous êtes actuellement.

Les autres éléments que vous avez mentionnés. La pénurie de médecins, et, comme vous savez, les facultés de médecine maintenant sont pleines, et on va produire ces médecins-là. L'offre en région, je crois, est devenue plus satisfaisante.

Le financement maintenant. Je suis content que vous ayez abordé spécifiquement... puis je ne voudrais pas abuser du temps, puis je ne sais pas combien de temps il nous reste actuellement. Vous avez également bien campé le problème de déséquilibre entre les revenus puis les dépenses annuelles en santé. Moi, je dirais que, même sans baisse d'impôt, le déséquilibre fondamental va demeurer. Vous dites: Au moins, ne faites pas la baisse d'impôt. C'est ce que j'entends de votre message. Mais la baisse d'impôt, qu'elle soit présente ou pas, ne changera pas ce déséquilibre mathématique qui existe fondamentalement.

Le déséquilibre fiscal, vous avez raison ? puis j'en ai parlé souvent ? oui, mais il ne faut pas en faire une solution magique puis un paravent devant le problème de fond. Même si le déséquilibre fiscal s'améliore, il va encore rester le déséquilibre des finances publiques lié à la dette, lié à l'ensemble des programmes sociaux. Il faut savoir qu'au Québec ? puis je pense que les syndicats sont bien placés pour le savoir ? il y a des programmes sociaux en beaucoup plus grande quantité qu'ailleurs au Canada, on s'en félicite, c'est bien. Mais qu'on prenne, par exemple, le programme de garderies à frais réduits ou le programme d'assurance médicaments, il y a là grosso modo 5 milliards de dépenses publiques que beaucoup d'autres provinces ne font pas. On a choisi de les faire, et c'est bien, mais ça explique pourquoi également les marges de manoeuvre sont difficiles dans plusieurs domaines.

Les remarques que vous faites au sujet de la proposition de M. Ménard, moi, je les partage beaucoup. Ce que vous avez mentionné... D'ailleurs, j'ai souvent mentionné qu'on reçoit ici des arguments pour puis des arguments contre cette proposition; vous avez un peu repris les deux dans votre exposé. Moi, ce qui m'inquiète un peu effectivement, c'est le morcellement d'une partie du réseau. Alors qu'on veut l'intégrer actuellement, qu'on le morcelle sur le plan du financement, c'est un élément. D'autres nous ont dit: Bien, vous surévaluez l'impact du vieillissement de la population sur la demande de soins. Moi, à ça, je réponds: Il ne faut quand même pas mettre des lunettes roses, il va y avoir un impact, mais personne ne peut dire quelle sera son ampleur réelle.

M. Ménard, pour lui rendre justice, dans sa proposition ? puis il viendra la défendre ici même, en commission ? indique que les services qui seraient... qu'on pourrait obtenir par cette assurance, cette caisse perte d'autonomie, seraient déterminés, évalués par le CSSS, par les professionnels du réseau. Je pense qu'il l'indique de façon claire. Bien sûr, cependant, dans sa proposition, il dit: Bien, c'est le patient ou c'est le citoyen qui est bénéficiaire qui va pouvoir utiliser pour des services qui seraient certifiés ou contrôlés par le centre de santé et de services sociaux.

Je comprends votre crainte sur cette question de la qualité des services qui seraient obtenus dans ce contexte-là. Mais, vous savez, les citoyens, quand ils nous parlent de cette question-là ? je vais m'exprimer comme eux, là ? il dit: Je suis un peu tanné que c'est toujours le gouvernement qui me dit comment je dois m'organiser, comment je dois prendre mes services; pourquoi on ne me laisse pas, moi, dans un éventail de services offerts par l'État, choisir moi-même selon mes priorités, celles de ma famille, par exemple? Il y a un argument qui résonne chez les citoyens du Québec là-dedans. Vous ne pensez pas qu'il y a peut-être un équilibre à trouver, là?

n(17 h 10)n

Mme Carbonneau (Claudette): Écoutez, moi, je pense, à cet égard-là, que les gens se plaignent davantage de l'absence de services, se plaignent de la lourdeur que ça entraîne pour leurs proches, beaucoup plus que d'une volonté... Puis, écoutez, des marges de liberté et des marges de choix, il en reste dans le réseau. On choisit son médecin, et c'est correct qu'on choisisse son médecin. On choisit l'établissement où on veut obtenir des services, et c'est correct. En même temps, ce serait développer de façon tellement incohérente des services. Et on ne se cachera pas la réalité, il y a là-dedans aussi une bonne dose de clientèles vulnérables qui peuvent être sensibles à toute sorte de chantage un petit peu éhonté, et je dirais qu'à cet égard-là un État a aussi un rôle de surveillance ou de contrôle. Puis on n'est pas à Big Brother, là, c'est autre chose, là.

M. Couillard: Oui, vous avez raison sur le fond de cette question-là, je crois. Vous avez mentionné également la situation des proches aidants. Je crois, moi, que, dans le contexte des finances publiques, là, mis à part toute considération politique d'un côté ou de l'autre et seulement sur la mécanique des finances publiques, il me semble que la proposition Ménard par contre nous donne peut-être la seule solution concrète et potentiellement réelle de mieux supporter les aidants naturels. Dans le contexte de la croissance des revenus de l'État, là, des prochaines années, des dépenses publiques, je vois difficilement comment on pourra aller au-delà des mesures fiscales de soutien qu'on a déjà mises en place. Si on veut aller vers des allocations de soutien plus importantes, il me semble que cette proposition-là ? comme vous le dites vous-même, dans les garde-fous que vous suggérez, là ? de conserver les versements en espèces pour les proches aidants, moi, je trouve que c'est intéressant comme remarque.

Mme Carbonneau (Claudette): Oui, oui. Ça, je trouve que c'est... et, de ce côté-là, liberté, souplesse, oui, pour les proches aidants, il y aurait moyen de faire plus. En même temps, je ne peux pas souscrire au jugement qu'il n'y a qu'à travers la position Ménard qu'on puisse améliorer les choses. Là où on peut se rejoindre, on a besoin d'argent neuf. Ça, c'est clair, on a besoin d'argent neuf. Le déséquilibre fiscal en est un. Bon, on peut regarder d'autres formules, mais il n'y a pas que la formule Ménard qui puisse amener de l'argent neuf. Or, de ce côté-là, là...

M. Couillard: Je n'ai pas dit que c'était la seule qui apporte de l'argent neuf, il y a plein d'autres formules qui apportent de l'argent neuf.

Mme Carbonneau (Claudette): Oui. Voilà.

M. Couillard: Mais, pour la question des proches aidants spécifiquement, moi, ça fait trois ans et plus que je navigue dans les dépenses publiques, là, je peux vous dire que le jour n'est pas proche où on pourra rehausser de façon importante les allocations de soutien aux proches aidants, outre que les mesures fiscales qui sont quand même augmentées, là, qui sont présentes. Je vois là une façon de protéger des sommes spécifiquement pour les proches aidants. C'est ce que je voulais dire, là. Je ne veux pas dire que c'est la seule façon d'améliorer le financement de la santé.

Mme Carbonneau (Claudette): Andrée.

Mme Boucher (Denise): Mais en même temps ? avant de laisser la parole à Andrée ? il ne faut pas donner aux proches aidants toute la responsabilité des soins, parce qu'il y a une tendance lourde de vouloir faire ça, et on pourrait voir... Si on se rappelle les articles, en fin de semaine, dans La Presse, en regard des points de CHSLD, la diminution de lits... en même temps, on se dit: Oui, mais les proches aidants vont faire ça. En même temps, ça va avoir ses limites, ça aussi, en même temps, parce que maintenant on peut peut-être se retrouver avec des familles où il y a quatre, cinq enfants, mais on a plusieurs familles qui commencent à être d'un seul enfant. Alors, je ne suis pas sûre que ce seul enfant là va vouloir prendre la responsabilité du soin. Alors ça, je pense que ce n'est pas la solution qui est magique. Oui, il y en a, des proches aidants, il y a des gens qui le font par le choix, il faut les supporter, mais en même temps il y en a qui le font aussi parce qu'il n'y a pas d'autre choix, puis ils sont liés. Alors, il ne faut pas voir là un espace pour se désengager.

M. Couillard: Puis ce n'est pas de cette façon... les financements augmentent. D'ailleurs, l'article dans La Presse auquel vous faites allusion ? qui est une bonne orientation, en passant, de l'Agence de Montréal ? montre que le financement pour les personnes âgées va s'accentuer au cours des prochaines années. Donc, ce n'est pas un retrait; au contraire, c'est une augmentation de financement mais mieux ciblée. Personne ne peut soutenir, par exemple, que les personnes âgées sont moins bien traitées en Montérégie qu'à Montréal alors qu'il y a une différence énorme de taux d'institutionnalisation entre les deux. Mais ça, c'est un autre débat qu'on pourra refaire éventuellement. Oui.

Une voix: Il y a Mme Lapierre qui voudrait...

Mme Lapierre (Andrée): Bien, écoutez, dans le domaine des services de longue durée, je pense que notre choix de discuter de cet élément-là, c'est parce qu'effectivement il y a un sous-financement important dans ce secteur-là, et l'intérêt... puis, dans l'optique aussi de ce débat-ci sur la garantie d'accès, c'est effectivement de passer de la théorie à la pratique. C'est bien beau de dire: Les services à domicile, c'est tout ça, etc., mais on sait très bien que la réponse est absolument très loin des besoins actuellement et on ne voit pas de si tôt les développements. Aussi, on est beaucoup dans des services qui sont proches du social aussi et on est dans une machine qui est très étroitement médicale, infirmier, et tout le reste justement tombe dans le flou. Et c'est particulièrement pour cette raison-là que, nous, on veut le mettre en lumière, on veut essayer que ce soit une offre intégrée puis que les gens savent à quoi s'attendre. Parce qu'on sait très bien que, dans ce domaine-là, actuellement, la notion de choix pour les personnes à faibles revenus, c'est complètement théorique, ça n'existe absolument pas, puis c'est pour ça qu'il faut encadrer les résidences privées, qu'il faut accélérer les investissements de ce côté-là, et ça, on ne le voit pas, hein? L'ajustement que vous venez de faire au PEFSAD, c'est 1 $. On demandait quatre pour juste solvabiliser juste pour l'aide domestique. Alors, il reste encore d'énormes terrains à couvrir de ce côté-là.

M. Couillard: Les entreprises étaient assez satisfaites, remarquez bien, là. Évidemment, la satisfaction se mesure différemment, là. C'est une caractéristique de notre société.

Un point, Mme Carbonneau, vous avez mentionné sur la mécanique de l'assurance perte d'autonomie prévue par monsieur... ou proposée par M. Ménard, c'est la question de l'âge et du revenu. Vous savez que M. Ménard prévoit également que les cotisations seraient ajustées selon le revenu, mais ce qu'il ajoute, ce que vous avez noté, c'est qu'elles devraient l'être selon l'âge, parce qu'il y a une logique fondamentale à tout régime d'assurance, c'est que le temps entre le début de la contribution et le moment où on en récolte les bénéfices doit servir de calcul quant aux prestations. Est-ce qu'il n'y a pas quelque chose qui est inévitable là-dedans?

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, moi, je pense que ça reste une formule profondément inéquitable pour gérer un réseau et financer un réseau de santé et de services sociaux, et totalement inacceptable. D'autre part... Nous, on s'est présentées en commission parlementaire en vous donnant quand même une réaction, je dirais, d'ordre préliminaire par rapport au rapport Ménard, O.K.? mais je pense que, de ce côté-là, on est restées beaucoup sur notre appétit en voyant votre document de consultation, et on souhaite que le gouvernement du Québec pousse beaucoup plus loin la réflexion et le débat public. Ça ne devrait pas être que sur la base de cette consultation-là.

J'ai bien constaté combien les groupes ont été ultradiscrets sur la question du financement. C'est une question qui est fondamentale à la fois pour avoir un réseau de qualité, résoudre des problèmes d'accessibilité importants, puis c'est au coeur de la justice sociale, hein? Alors, ça a trop de conséquences pour qu'on puisse se limiter à une consultation, là, très...

M. Couillard: On n'a jamais prétendu qu'on faisait le débat juste maintenant puis qu'il n'y en aurait plus après, là. On se sert de la question d'accès parce que l'accès est clairement lié au financement. On est tous d'accord là-dessus?

Mme Carbonneau (Claudette): Tout à fait.

M. Couillard: Et au moins, là, on commence à en parler. Puis ce que je remarque... évidemment, on n'a pas fini la commission, mais, parmi toutes les solutions possibles ? vous avez vu M. Castonguay, hier, qui est venu avec sa proposition de contribution directe ? parmi les autres propositions qui au moins semblent recueillir un certain écho, il y a celle de M. Ménard. Je ne dis pas qu'elle est unanimement reconnue, mais au moins il y a peut-être là de quoi, comme vous le dites, faire des travaux supplémentaires, des définitions, des analyses, et refaire encore une fois une discussion au moment où, si c'est le cas, la proposition devenait mieux définie. Mais on n'a jamais dit: Voici le débat sur le financement, vous en avez pour quelques semaines, et c'est fini après, là. Dieu sait qu'il va se poursuivre encore plusieurs mois. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci. M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Alors, mesdames, bon après-midi. Il y a 30 ans ou à peu près, quand j'ai commencé à l'Assemblée nationale, je pense que les délégations de la CSN et de bien d'autres centrales syndicales étaient pas mal masculines, mais, aujourd'hui, la tendance, si je pourrais dire, s'est totalement inversée, au moins sur ce dossier-ci.

Une voix: ...

M. Charbonneau: Alors, il y a sans doute une évolution des moeurs, au Québec, intéressante. Bon.

On partage le même point de vue sur... À mon avis, la levée de l'interdiction des assurances privées, nous, on pense que ce n'est pas la façon de répondre au jugement de la Cour suprême, mais, à cet égard-là, nous sommes tous sur la même longueur d'onde. Et, moi, comme ancien président de l'Assemblée, qui ai beaucoup travaillé au niveau aussi des institutions démocratiques, je pense que, dans une démocratie, la responsabilité de faire les choix politiques appartient aux élus et non pas à des juges nommés. Si compétents soient-ils, je crois qu'il y a une responsabilité qui est différente. Les tribunaux peuvent bien interpréter les questions de droit et faire des rappels en disant qu'il y a des droits qui peuvent être, disons, menacés ou questionnés, mais les choix, les moyens puis les choix d'organisation du bien commun, ça appartient, au plan démocratique, aux élus et non pas à une instance non élue, à un pouvoir dans l'État qui n'est pas le pouvoir élu.

n(17 h 20)n

Vous avez parlé tantôt d'un paradoxe. J'aimerais ça que vous développiez un petit peu sur ce paradoxe-là, c'est-à-dire plus on va améliorer le réseau public, plus on va ouvrir la porte aux services privés. Parce que, même si le ministre dit: Je ne veux pas faire ça automatique, j'ouvre la porte à trois... à l'assurance privée pour trois catégories de services, je suis prêt éventuellement à en ouvrir à d'autres, mais, avant ça, je vais ouvrir à d'autres garanties de services, puis on verra éventuellement... Je suis content de voir qu'il s'est rendu derrière notre point de vue à l'égard du fait qu'il faut que ça se fasse par législation et non pas par décret, à huis clos, et donc qu'il y aura un débat. Mais, au-delà de ça, à partir du moment où néanmoins on ouvre la porte à ce qu'il y ait un éventuel élargissement, bon, puis c'est ça que vous avez parlé du paradoxe, là, c'est que finalement on va continuer d'améliorer pour pouvoir permettre à ce qu'un jour on s'engouffre dans une... ou on ouvre la porte à nouveau à de l'assurance privée dans un autre... pour d'autres services, là.

Mme Carbonneau (Claudette): En fait, vous avez raison. À mon sens, il y a deux ordres de problèmes. Un problème que je n'ai pas soulevé au moment de la première présentation, c'est d'accroître la judiciarisation du système. Hein, si, au fond, on a pu aller devant les tribunaux pour dire: J'ai des problèmes d'accès pour une chirurgie, bon, là, tu règles le problème de trois, bien, n'importe quelle autre chirurgie élective va réouvrir la porte des tribunaux. Alors, il y a là un risque de judiciarisation qui est réel, avec toutes les remarques que j'ai pu faire sur le rôle des tribunaux sur une question aussi au coeur de la vie démocratique.

D'autre part, quand je soulève la question du paradoxe, même si ça ne devait pas s'étendre par-delà les trois chirurgies qui sont mentionnées, je pense qu'on est dans le paradoxe. On ouvre, pour ce faire, à des assurances privées, donc il y a là un espace qui est occupé par le privé, qui ne l'était pas auparavant, et évidemment on assortit à ça une garantie d'accès. Il y a des choses qui sont louables dans la garantie d'accès. Or, on va travailler à améliorer pour qu'il y en ait le moins possible qui aillent vers le service privé, mais néanmoins il va y avoir des individus qui vont mettre leurs argents dans des assurances, dans du financement privé. Et d'autre part ça risque aussi, pour un certain résidu, que je ne suis pas en mesure de quantifier maintenant, de déborder sur les services privés. Or, c'est ça qui est un peu paradoxal, on se place sur un axe où on dit: on travaille à l'amélioration du réseau de santé, mais en même temps plus on le fait, plus on ouvre vers le secteur privé.

M. Charbonneau: Je crois qu'il faut le rappeler, puis le ministre l'a dit très franchement à différentes reprises, mais c'est la raison pour laquelle c'est encore plus questionnable, le choix qui est fait, c'est-à-dire: À partir du moment où on reconnaît que c'est une ouverture minimale et plutôt cosmétique pour le moment, pourquoi, dans ce cas-là, l'ouvrir et pourquoi ouvrir la porte et créer une dynamique, parce que... Aujourd'hui, c'est une chose; dans cinq ans, dans 10 ans, dans 15 ans... Je crois que, si on ne veut pas aller dans cette direction-là puis si on ne doit pas y aller, on doit concentrer les efforts sur l'amélioration du système public.

Et là ça m'amène à l'autre question. Vous avez, puis peut-être parce que, de la façon dont vous avez choisi de faire votre présentation, ça vous a amenée à peut-être passer sous silence, à moins que j'aie eu un moment d'inattention... Vous avez beaucoup parlé de la garantie d'accès dans des délais fixes, avec un certain nombre de conditions, mais vous n'avez pas beaucoup élaboré sur votre opinion sur les cliniques spécialisées affiliées. La FIIQ, aujourd'hui, ils sont venus, puis ça a été intéressant parce qu'ils ont expliqué que dans le fond l'alternative, c'est de développer les centres opératoires ambulatoires qui avaient été prévus dans la réforme Rochon puis qui malheureusement n'ont pas décollé et été installés comme ils auraient dû l'être, pour différentes raisons, là. Mais le fait est que, si... Et puis il y a des expériences. On l'a fait dans certains cas, on a des centres ambulatoires qui existent puis qui fonctionnent bien, mais... À ce moment-là, peut-être que c'est dans cette direction-là, sauf que vous n'en n'avez pas beaucoup parlé. Est-ce que...

Mme Carbonneau (Claudette): ...grandeur et misère des présentations en 20 minutes. Mais c'est présent dans notre mémoire.

M. Charbonneau: Oui, je sais, c'est pour ça que je vous donne l'occasion d'en parler.

Mme Carbonneau (Claudette): Puis Denise va vous répondre là-dessus.

Mme Boucher (Denise): C'est vrai, peut-être à cause de la présentation, mais on est d'accord avec les cliniques mais publiques et non pas l'ouverture à des cliniques privées. Et effectivement on cite d'ailleurs, dans notre mémoire, entre autres des centres ambulatoires où, faute d'argent, ils ne sont pas efficaces et pourtant ils sont bien... ils ont des bons plateaux techniques, tout est organisé, mais, faute d'argent, ils ne sont pas là. Alors, pour nous, il y a une inquiétude en regard de ça, d'ouvrir au privé. Utilisons ce qui est dans le public, qu'on regroupe aussi des spécialités ou qu'on regroupe tel que ça s'est fait pour des cataractes dans la région de Montréal, où on a concentré, ça a été un plus, ça a diminué les délais d'attente.

On est d'accord avec ça, on n'est pas contre, mais on dit: Il y a une mauvaise utilisation actuellement qui se fait à travers des argents qui ont été mis dans des centres ambulatoires publics, il faut renforcir là, et pour effectivement... Et on le dit aussi dans l'aménagement, dans l'organisation même du travail; on sait qu'à certains endroits, le fait d'avoir augmenté d'une demi-heure la journée, hein, de faire une demi-heure de plus de travaux, au lieu de finir à 4 heures, d'avoir fini à 4 h 30, ça a fait en sorte qu'on a diminué les listes d'attente. Donc ça, nous, là-dessus, on est tout à fait d'accord, sans problème.

M. Charbonneau: Vous avez abordé une autre question, mais vous en avez juste... vous l'avez effleurée, puis la plupart des gens qui viennent ici l'effleurent ou n'en parlent pas du tout, c'est toute la question de la rémunération, le mode de rémunération. Est-ce qu'il ne serait pas temps, est-ce que l'heure n'est pas venue, au Québec... puis, je veux dire, j'imagine que c'est une patate chaude pour n'importe quel parti politique, là, le nôtre autant que ceux d'en face ou même des nouveaux venus sur la scène, là... Mais est-ce qu'il ne serait pas temps qu'on la fasse, la discussion, franchement?

Mme Carbonneau (Claudette): Ça, vous avez parfaitement raison. En fait, notre objectif derrière ça, là, ce n'est pas de diminuer pour le plaisir la rémunération des médecins, c'est d'arriver à une organisation qui nous permette une utilisation adéquate, optimale de l'ensemble des ressources qui élimine un certain nombre d'effets pervers. Et, de ce côté-là, oui, j'ai souvent le sentiment, moi, de radoter avec un truc comme ça, mais, si on le ramène à chaque fois, c'est qu'on est convaincue qu'il y a là un élément majeur dans le contrôle des coûts, la capacité de faire plus avec les ressources qu'on peut consacrer au secteur de la santé et des services sociaux. Alors, je suis obligée de constater avec vous qu'il y a des débats plus coriaces que d'autres. Ça a l'air que c'est plus dur de passer à travers ce débat-là que de féminiser une délégation.

M. Charbonneau: C'est vrai, mais, écoutez, je fais une offre à la CSN, parce que vous avez une tradition et une... disons, comment je pourrais dire, une réputation d'être une organisation qui, sur certains débats, est capable de produire une documentation et alimenter une discussion. Moi, je crois que ce qui manque actuellement au Québec, c'est... Ce débat-là, on l'a mis de côté pendant des années, en fait on ne l'a peut-être vraiment jamais vraiment fait, là. Tantôt, face à un autre groupe, le ministre disait: Bon, bien, c'est une bonne occasion, parlez-en à votre fédération, elle est en discussion, parce qu'eux autres aussi l'avaient abordé. Mais dans le fond le ministre ne nous a pas dit comment, lui, il voyait le problème de la rémunération. Alors, on peut bien dire à des médecins: Parlez-en à votre fédération qui... eux vont en discuter avec nos porte-parole, mais, dans le fond, au bout du compte, il y a un choix politique: On veut-u ou pas ouvrir ce débat-là avec les fédérations puis avec la société en général et poser le problème? Puis, encore une fois, l'idée, ce n'est pas d'appauvrir les médecins, là, je ne pense pas que ce soit l'objectif, c'est peut-être d'organiser la prise en charge autrement, puis dans le fond dire: À la limite, vous allez être même mieux payés, mais vous allez faire une prise en charge populationnelle différente de la prise en charge traditionnelle. Quand on regarde la résistance que beaucoup de médecins de Montréal ont à s'engager, par exemple, dans la formule des groupes de médecine de famille ou même des cliniques-réseaux, ils préfèrent garder leur petite pratique traditionnelle, pépère, tranquille, individuelle. C'est clair qu'il faut qu'on trouve une façon de créer une dynamique incitative, puis, moi, ce qu'on m'a expliqué, je ne suis pas un spécialiste de ça, mais qu'en bout de piste il pourrait même y avoir amélioration, dans certains cas, de la rémunération, là.

Mme Carbonneau (Claudette): Ça, c'est le coeur de ce débat-là, c'est vraiment une question d'organisation des services, de viser plus d'équité, plus d'efficience, ce n'est pas de rationner qui que ce soit.

Mme Lapierre (Andrée): Bien, écoutez, c'est ça, c'est les positions, nous, qu'on ramène à l'occasion. On voulait le développement de la première ligne, on est d'accord avec une certaine intégration des services, y compris même, bon, malgré tout, de certaines structures, encore qu'on est dans un chambardement qui dépasse ce qu'on n'a jamais vu, donc ça va être prudent de voir ce que ça va donner comme résultat. Mais le côté de la rémunération des médecins, c'est central dans la transformation de la pratique médicale. C'est évident que c'est dans le sujet, ce qu'on aborde maintenant. Le problème qu'on a, c'est qu'on est devant une proposition où... on l'a proposé en mode privé, peut-être parce que les médecins sont plus preneurs de ça maintenant, mais c'est évident que ce n'est pas une solution dans l'optique de l'efficience publique. Le problème qu'on a, c'est d'avoir des incitatifs qui sont cohérents pour que les gens donnent un appui. Je pense que, dans le suivi que j'ai pu faire de la commission, plusieurs groupes de médecins, de RUIS, etc., sont venus dire ce type de choses là, qu'il ne s'agit pas de distraire à ce moment-ci les médecins de l'effort collectif qui est convié. Donc, nous, on est dans ces balises-là. Et la place de la rémunération, c'est un élément parmi d'autres, mais c'est sûr, il y a une conjoncture, il manque de médecins, ils sont peut-être au dernier rang à l'échelle du Canada, puis en plus on a, au niveau de l'effectif, beaucoup moins que les pays de l'OCDE avec lesquels on se compare couramment. Bon. Il faut travailler à partir de ça.

n(17 h 30)n

M. Charbonneau: Vous avez abordé, bon... bien sûr, l'autre grand thème, c'est le financement à long terme, mais il y a aussi le financement à court terme. En fait, on a comme mêlé les deux discussions, c'est un peu inévitable, c'est qu'on a besoin d'argent, on a besoin d'argent maintenant, puis on va en avoir encore besoin plus tard peut-être encore plus. En tout cas, il va y avoir une pointe de besoins dans quelques années; les baby-boomers, là, on est pas mal dans cette catégorie-là... Alors, quand on va être un peu pas mal plus vieux, on va être pas mal dans ce groupe-là à avoir besoin de services, et c'est clair qu'à ce moment-là on va avoir besoin d'un financement accru à la hauteur des besoins des citoyens qui seront, à ce moment-là, en situation de devoir obtenir des soins plus significatifs.

Bon, vous avez dit: On va être attentif à la conduite du débat sur le déséquilibre fiscal. Là, on a une espèce de situation où finalement on a de la misère à en parler, comme si c'était une affaire de souverainiste, là, puis, quand on pose la question puis qu'on arrive à avoir une réponse, on n'est pas capable de savoir à quel niveau, à quel niveau il faut réclamer, jusqu'où il faut réclamer, parce que les... On parle des surplus, mais, au-delà des surplus... à la limite, il n'y en aurait pas, de surplus, puis on les ferait disparaître, les surplus, il y a une responsabilité, c'est que... Quand on a mis en place le système de santé public dans un contexte ou dans... on est dans une fédération et non pas dans un pays unitaire, là, Québec n'est pas encore un pays, il y avait presque 50 % du financement du réseau public qui venait de l'État fédéral. Je ne sais pas si les surplus à l'époque existaient comme ils existent aujourd'hui, je n'ai pas l'impression, mais il y avait une reconnaissance qu'il y a une responsabilité d'un autre niveau de gouvernement, où on paie des taxes et des impôts, je veux dire, de faire en sorte que des fonds soient transférés aux provinces pour qui... eux ont, selon la constitution, la responsabilité de dispenser les services sur le terrain. Et là on est à pas mal moins que 50 %, je pense que ça a baissé à moins de 20 %, on est peut-être monté à 22 % ou autour de, là, mais il va falloir qu'on établisse, à un moment donné, une règle parce que... Ce n'est pas juste la question de dire comment on va se partager les surplus, c'est qu'à la limite il n'y en aura plus, de surplus, parce qu'on peut prendre toutes sortes d'astuces pour les faire disparaître: on peut baisser la TPS cette année, puis l'année prochaine, puis dans... puis à chaque année jusqu'à temps qu'on n'en ait plus, là. Mais la question, c'est: Une fois qu'il n'y aurait plus, de surplus, est-ce que ça voudrait dire que le fédéral ne devrait plus être appelé à contribuer plus qu'il ne le fait aux services de santé, dans un contexte où il y a une loi fédérale qui en plus... ils se sont arrogé la responsabilité, l'espèce de prétention de dire: On va vous donner de l'argent à certaines conditions. Quelque part, là, il y a quelque chose d'un peu tordu dans ça, là.

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, dès l'instant où un déséquilibre fiscal devient un déséquilibre politique, il y a deux, trois questions à se poser, ça, c'est... pour rejoindre la dernière remarque que vous faites. Écoutez, moi, je prends la question du déséquilibre fiscal comme étant une question qui a fait consensus de tous les partis politiques. Il y a eu combien de réunions de la société civile avec l'ensemble des partis politiques? Il me semble qu'il faut prendre pour acquis qu'il y a un consensus au Québec autour de cette question-là. Vous avez raison, les transferts fédéraux à l'égard de la santé ont terriblement diminué, malgré une légère augmentation. Je pense qu'il ne faut pas considérer que c'est clos. Et on ne peut pas, de façon responsable comme gouvernement, se désengager et voguer entre 50 % et 23 % d'engagement. Ça n'a pas de bon sens.

Par ailleurs, j'indique ma préoccupation à l'égard du règlement du déséquilibre fiscal. Une des choses qui m'inquiètent, c'est l'insistance qu'on met sur le dossier de la péréquation. Je suis une de celles qui va être attentive aussi au dossier de la péréquation; on ne doit pas déshabiller Paul pour habiller Pierre, puis il ne s'agit pas de se faire des entourloupettes pour croire qu'on règle un problème en se reprenant sur l'autre canal. Par ailleurs, la péréquation est une mesure d'assistance, je dirais, au sein de la Confédération canadienne, et les besoins de santé, comme les besoins au niveau de l'éducation supérieure, comme les besoins à l'égard de la pauvreté, de l'aide sociale, sont d'un autre ordre. Et, de ce côté-là, oui, il y a eu des engagements pris à l'échelle de la Confédération, et il faut travailler, il faut travailler à les régler, et il faut le faire dans un avenir prochain, et il faut le faire à la hauteur aussi que ça suppose. Moi, écoutez, que ça prenne une modalité de remise de points d'impôt ou de dégagement, par le gouvernement fédéral, d'un certain nombre de champs fiscaux pour que le Québec puisse les utiliser, ça peut être une façon adéquate aussi de régler les choses, mais il faut un règlement substantiel, il faut un règlement de fond de cette question-là. Et ce serait assez dramatique de se retrouver au terme de ce débat-là en se disant: Nous devrons, pour les 30 prochaines années, organiser aux cinq ans, aux huit ans ou aux 10 ans un nouveau pèlerinage à Ottawa pour aller chercher ce qu'il faut pour financer des besoins essentiels, que ce soit en santé ou en éducation.

M. Charbonneau: Est-ce que vous êtes d'accord avec moi que, dans le fond, ce que... plus j'y réfléchis, plus je me rends compte qu'on a créé une espèce... on s'est piégé un peu dans la discussion publique depuis quelque temps en associant le dossier du déséquilibre fiscal au dossier des surplus, parce qu'à la limite il n'y en aurait plus, de surplus, comme je vous disais, parce qu'ils les feraient disparaître puis ils feraient des choix politiques différents. Est-ce que la responsabilité dans la fédération et non pas dans la Confédération ? je pense, la CSN est une vraie confédération; je ne pense pas que le Canada est une vraie confédération... Mais, dans la fédération canadienne, est-ce qu'il n'y a pas, à partir du moment où la loi fédérale existe, il n'y a pas une responsabilité de l'État fédéral à faire en sorte qu'une partie de la fiscalité des citoyens de ce pays qui va au niveau fédéral aille pour faire en sorte que les États qui ont la responsabilité de donner des services de santé aient les moyens de le faire? Encore une fois, comment on peut accepter qu'on ait mis sur pied un système à une époque où le financement était à peu près quasiment à 50-50 puis, aujourd'hui, c'est si déséquilibré... En fait, le déséquilibre, c'est aussi la part de un par rapport à l'autre et des responsabilités finalement, là.

Mme Carbonneau (Claudette): Moi, j'ai toujours prétendu que les responsabilités à l'égard de la santé ou à l'égard de l'éducation sont des responsabilités qui devraient revenir en propre aux provinces. Il y a eu un geste qui n'était pas un geste insignifiant que d'instaurer ces programmes à frais partagés, et je pense que tout État responsable ne peut pas se désengager allégrement d'une responsabilité comme celle-là. Alors, il faut savoir... La maturité, là, c'est aussi savoir assumer son histoire. Ça, pour moi, c'est assez incontournable et c'est la raison pour laquelle je pense qu'il faut continuer à revendiquer un meilleur financement à l'égard de la santé. Par ailleurs, le concept même de déséquilibre fiscal, au fond, c'est d'être en situation où un État prélève davantage auprès des citoyens, par toutes sortes de modalités ? taxes, impôts ? que les sommes nécessaires à remplir ses propres missions dévolues par la Constitution, et, en ce sens-là, ça a peut-être donné une emphase particulière aux débats sur les surplus. De toute façon, là, il ne faut pas tomber dans le problème virtuel, là; il y avait 86 milliards de surplus, hein, déclaration des libéraux en novembre 2005, alors, de ce côté-là, il y a un peu d'argent.

M. Charbonneau: Il y en a, de l'argent, là. Vous avez fait le lien entre le débat, la discussion que nous avons actuellement depuis quelques minutes et aussi le dossier de la dette. Parce qu'on va étudier, là... il a été déposé un projet de loi où on nous propose une approche pour la dette. Mais vous avez fait un lien, là. Comment on devrait aborder... parce que je crois que tout ça c'est lié aux finances publiques, là. Le service de la dette, c'est une chose, les services de santé, ça en est une autre, puis en quelque part, finalement, c'est le même contribuable, là.

Le Président (M. Copeman): Succinctement, Mme Carbonneau.

Mme Carbonneau (Claudette): Oui. Quand on manque beaucoup de moyens, c'est évident que, si on en retire pour les mettre à rembourser la dette, ça peut poser un problème, et, dans l'actuel débat sur le Fonds des générations, ça semblait être une toute petite chose. Là, il y a le dépôt de la politique énergétique, hein, il peut y avoir un virage, il peut y avoir... Ce qui semblait des surplus peut-être virtuels d'Hydro-Québec hier risque de devenir des surplus beaucoup plus importants si tout ce qui est dans la politique énergétique devait s'appliquer comme tel. Or, moi, je pense qu'on est mûrs pour un débat public sur l'utilisation des richesses collectives, où sont nos valeurs, où est-ce qu'on veut les affecter.

Le Président (M. Copeman): Merci. Mme Carbonneau, Mme Boucher, Mme Lapierre, Mme Roy, merci pour votre contribution à cette commission parlementaire au nom de la Confédération des syndicats nationaux.

Et, étant donné que ça termine notre journée, j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à demain, le 18 mai, à 9 h 30, ici, en cette même salle. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 39)


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