(Neuf heures trente-deux minutes)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales.
Je vous rappelle que nous sommes réunis afin de ? je change de verbe ? non pas de poursuivre, mais de compléter les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 125, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions législatives.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Champagne (Champlain) sera remplacée par Mme Caron (Terrebonne).
Le Président (M. Copeman): Merci. Je rappelle à tous ceux qui sont présents que l'utilisation des téléphones cellulaires et autres appareils semblables est défendue pendant les séances de la commission, et je prierais tous ceux qui en font l'usage de bien vouloir les mettre hors tension.
Nous avons une dernière journée très chargée. Nous allons avoir les auditions avec trois groupes ce matin: dans quelques instants, débuter avec le Protecteur des usagers en matière de santé et de services sociaux; suivi par l'Association des centres jeunesse du Québec, à 10 h 30; et, à 11 h 30, le Groupe de recherche et d'action sur la victimisation des enfants et Alliance de recherche en développement des enfants dans leur communauté. Je ferai lecture de l'ordre du jour de cet après-midi au moment de la reprise de nos travaux. Et je vous rappelle que nous allons terminer la journée avec les remarques finales. Il est prévu que nous siégeons passé 18 heures, ce soir. Je pense que tout le monde est au courant.
Auditions (suite)
Alors, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue au Protecteur des usagers par intérim. M. Veilleux, bonjour.
M. Veilleux (Pierre-Paul): Bonjour.
Le Président (M. Copeman): Vous avez 20 minutes pour votre présentation, et ce sera suivi par un échange d'une période maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous demanderais de présenter les personnes qui vous accompagnent et par la suite de débuter votre présentation.
Protecteur des usagers en matière
de santé et de services sociaux
M. Veilleux (Pierre-Paul): Très bien. D'abord, à ma droite, Mme Fernande Rousseau, coordonnatrice aux plaintes au bureau de Québec, et, à ma gauche, Me Pierre Bourbonnais, secrétaire général et responsable des services juridiques du Protecteur des usagers.
D'abord, M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs, membres de la commission, je vous remercie de l'occasion qui nous est donnée de commenter le projet de loi n° 125. Le Protecteur des usagers se sent concerné par ce projet de loi, puisqu'il reçoit et examine plusieurs plaintes qui mettent en cause l'application de cette même loi. Nos propos sont basés sur l'expérience acquise de l'examen des plaintes. Je ne reprendrai pas par ailleurs l'ensemble du mémoire que nous avons déposé.
Je vous rappelle les principales fonctions du Protecteur des usagers. Nous traitons, en deuxième et dernière instance, les plaintes individuelles des usagers portant sur les services de santé et les services sociaux, dont ceux offerts par les centres jeunesse. Nous recevons et traitons également les demandes d'intervention qui concernent habituellement plus d'un usager et révèlent des problèmes de nature systémique.
Au cours des deux dernières années, les centres jeunesse ont été visés par environ 15 % des plaintes reçues au Protecteur des usagers. Pour l'année 2004-2005, le Protecteur des usagers a examiné 60 plaintes et adressé 87 mesures correctives. Les insatisfactions proviennent majoritairement des parents et concernent les aspects cliniques et professionnels des soins et services dans une proportion de 35 % des motifs de plainte. Les droits particuliers, c'est-à-dire les manquements au droit à l'information, la violation de la confidentialité des dossiers et les lacunes dans le traitement des plaintes, comptent pour 31 %, alors que les difficultés liées à l'accessibilité et la continuité des services sont considérées être de l'ampleur de 22 %. Le Protecteur des usagers souscrit aux modifications introduites à la loi au chapitre des principes généraux, notamment le recours aux approches consensuelles, le partage de la responsabilité de la protection de l'enfant avec l'ensemble des acteurs et finalement l'affirmation de la finalité première de l'intervention du directeur de la protection de la jeunesse.
D'entrée de jeu, je vous fais part de notre réflexion sur la possibilité de créer un poste de protecteur de l'enfant. Selon les constats de l'analyse des plaintes que nous recevons, nous ne croyons pas que la création d'un protecteur de l'enfant ou d'un ombudsman spécifique en matière de protection viendrait corriger les lacunes qui nous sont soumises sur le système. Nous ne croyons pas non plus qu'il y a un chaînon manquant dans la structure en place. Les mécanismes de recours pour assurer le respect des droits de l'enfant existent déjà. La Commission des droits de la personne et de la jeunesse a ce mandat. Le Protecteur des usagers exerce le mandat de l'examen des plaintes dans les centres jeunesse et l'ensemble du réseau; il a ce regard horizontal qui lui permet d'identifier des lacunes dans les services en amont de l'intervention du DPJ comme en suivi de son intervention. Les tribunaux ont pour leur part le droit de regard sur les décisions du DPJ et le pouvoir de sanctionner tout manquement des droits des enfants et des parents. Finalement, les centres jeunesse ont des comités d'usagers, et maintenant la Loi sur les services de santé et les services sociaux fait obligation au directeur général de s'assurer du bon fonctionnement de ce comité.
Notre réflexion et notre propos se situent dans le contexte de l'application de la loi et du rôle du DPJ au sein de ce système. Nous croyons que nous devons travailler à donner au DPJ davantage de moyens pour jouer correctement son rôle. Ceci signifie de mieux départager les rôles et les responsabilités des acteurs. Ces acteurs sont ceux qui agissent en soutien à la famille et travaillent à la prévention des causes qui conduisent à des interventions de protection. Nous pensons que le rôle du DPJ doit être bien circonscrit et que celui-ci doit pouvoir compter sur l'appui des autres réseaux: les réseaux scolaire, santé et services sociaux et petite enfance.
Nous considérons que le DPJ doit être imputable de ses décisions lorsqu'il intervient en application de la Loi sur la protection de la jeunesse. L'introduction des délais dans la loi exige que le DPJ rende compte des moyens utilisés pour s'acquitter de ses responsabilités. Ainsi, nous croyons que la loi doit clairement énoncer l'imputabilité du DPJ eu égard aux responsabilités de ses partenaires lorsqu'ils interviennent en soutien au DPJ. De plus, il doit avoir l'autorité nécessaire auprès de ses partenaires pour exiger que les services et les soins ordonnés ou identifiés soient effectivement donnés.
Nous recommandons de reconnaître dans la section des principes généraux et droits des enfants de la Loi sur la protection de la jeunesse la responsabilité du DPJ de rendre compte des moyens utilisés pour mettre fin à la compromission afin d'assurer le respect des principes et l'atteinte des objectifs de la loi.
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(9 h 40)
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Nous recommandons plus précisément que l'article 70 de la Loi sur la protection de la jeunesse prévoie que le DPJ, lorsqu'il demande la nomination d'un tuteur à l'enfant, rende compte des moyens utilisés pour mettre fin à la compromission, notamment pour développer les capacités parentales.
Le Protecteur des usagers ne se prononce pas sur le moyen approprié pour soutenir le DPJ, c'est-à-dire lui permettre de s'assurer que les services et les soins ordonnés ou identifiés soient effectivement donnés. Comment assurer l'accès aux services pour les parents de l'enfant? Faut-il donner priorité aux services de première ligne ou donner un droit de recours aux parents? Chaque situation, nous la considérons comme étant une situation d'espèce qui ne peut souffrir une application paramétrique.
Nous recommandons que le ministère de la Santé et des Services sociaux s'assure que les ressources disponibles aux centres jeunesse, établissements ou organismes dispensateurs ne limitent pas les droits des parents à assumer leurs responsabilités auprès de leurs enfants.
L'examen des plaintes montre que les difficultés d'application de la loi sont le résultat de plusieurs facteurs. Bien que le plus grand nombre de motifs de plainte concernent le travail des intervenants, l'examen de l'ensemble des plaintes reçues révèle que les difficultés d'application ne sont pas toutes attribuables aux façons de travailler. Des améliorations doivent cependant être apportées. Elles doivent être apportées dans les suivis, les contenus des plans d'intervention, les plans des services individualisés. Ces outils de travail doivent permettre à l'intervenant de suivre l'évolution du suivi, de suivre le cheminement des parents, de déterminer les objectifs et s'ils ont été atteints. Ces outils sont des moyens privilégiés à la portée du DPJ pour rendre compte des moyens utilisés pour mettre fin à la compromission et s'acquitter de sa responsabilité de s'assurer de l'application des mesures, notamment celle de prêter aide, conseil et assistance aux parents.
Nous constatons malheureusement que les pratiques sont inégales en dépit du travail fait par l'Association des centres jeunesse du Québec. Aucune disposition de la Loi sur la protection de la jeunesse n'oblige les établissements à se doter de ces outils de travail. Compte tenu des délais introduits dans la loi, l'utilisation du plan d'intervention et du plan de services individualisé prend toute son importance et la loi doit être plus précise à cet égard.
Nous recommandons donc que la Loi sur la protection de la jeunesse réaffirme les énoncés des articles 102 et 103 de la loi sur la santé et les services sociaux, sur l'obligation d'élaborer un plan d'intervention et un plan de services individualisé, ainsi que de l'article 10 de la loi sur la santé et les services sociaux, sur la participation de l'usager à son plan d'intervention ou à son plan de services individualisé.
Maintenant, nous aimerions aborder un des éléments de notre mémoire qui porte sur des manquements souvent constatés lors de l'examen des plaintes, soit l'information et la participation des parents. Des efforts supplémentaires doivent être faits pour informer correctement les parents et favoriser leur participation aux étapes de l'orientation et de la révision. Les parents se disent mal informés et expriment le sentiment d'être hors contrôle de ce qui leur arrive. Confrontés à un système complexe, ils ont besoin d'être mieux informés sur les différentes étapes du processus d'intervention du DPJ, de mieux connaître le rôle de la chambre de la jeunesse. Des questions nous sont adressées souvent: Comment les procédures s'y déroulent? Quelles sont les conséquences des ordonnances du juge? Quelle est l'importance des délais lors du placement de leur enfant?
Les parents connaissent mal ou peu leurs droits: le droit de porter plainte sans crainte de représailles, le droit de recevoir des services. Nous croyons que ce rôle d'information appartient aux intervenants responsables du dossier, qui doivent expliquer, plusieurs fois s'il le faut, et ceci dans les termes de l'enfant et dans les termes des parents.
Le projet de loi propose qu'au moment du prononcé de son ordonnance le juge explique à l'enfant le sens de son ordonnance. Cet ajout, bien que positif, nous semble incomplet. Nous croyons que le juge devrait également expliquer clairement aux parents les délais prévus dans la loi, les conséquences de la décision de procéder au placement de l'enfant, de même que les changements attendus dans leur comportement. Le rôle d'autorité du juge lors des procédures judiciaires peut selon nous avoir un effet positif pour susciter la collaboration et favoriser une plus grande implication des parents.
Pour bien marquer notre préoccupation à l'égard du respect de ces droits, le droit à l'information et le droit à la participation, et aussi contribuer à corriger des lacunes, nous formulons quatre recommandations.
La première: que la loi soit modifiée pour que le DPJ rende compte du respect des principes énoncés à l'article 2.4 quant à l'obligation des intervenants de s'assurer que les renseignements et les explications donnés à l'enfant et aux parents ont été compris et qu'ils ont favorisé la participation de l'enfant et des parents.
Deuxième recommandation: modifier l'article 57 pour y prévoir que le DPJ doit s'assurer des moyens pris pour favoriser la présence des parents à l'étape de la révision de la situation.
Troisième recommandation: modifier le Règlement sur la révision de la situation d'un enfant pour y prévoir que le rapport doit contenir des indications suffisantes sur la nature de la coopération avec les parents en référence à des approches consensuelles, une évaluation de l'atteinte des objectifs du plan d'intervention, de même que les interventions réalisées.
Et finalement la quatrième recommandation: modifier l'article 89 de la loi pour y ajouter que, lors d'une ordonnance prévoyant une mesure d'hébergement, le juge de la chambre de la jeunesse doit informer les parents des délais impartis ainsi que des suites possibles à l'expiration de ces délais.
Le Protecteur des usagers accueille favorablement les modifications apportées pour favoriser aux intervenants l'accès à l'information nécessaire pour l'évaluation du signalement. Nous sommes par contre préoccupés de voir l'application des nouvelles règles prévues aux articles 35.4 et 36 être limitée aux établissements du réseau. Doit-on comprendre que le DPJ ne pourrait avoir accès aux dossiers constitués par des organismes ou un professionnel en cabinet privé concernant l'enfant, ses parents ou une personne mise en cause par le signalement? Nous demeurons préoccupés par une telle orientation qui ne permettrait pas selon nous au DPJ de détenir toute l'information nécessaire à l'exercice de sa responsabilité.
Nous proposons que la loi soit modifiée afin que le DPJ puisse avoir accès à l'information nécessaire à l'application de sa loi et qui est contenue dans les dossiers médicaux et sociaux de l'enfant et de ses parents constitués par les professionnels dans des organismes ou des cabinets privés.
Avant de conclure sur cette section de notre mémoire, nous voulons attirer votre attention sur notre préoccupation à l'endroit de la violation de la confidentialité au regard de la plainte formulée par l'usager. En effet, il arrive de retrouver dans les notes d'évolution des intervenants et parfois même dans un rapport d'analyse de la situation de l'enfant l'information selon laquelle le parent était insatisfait des services reçus et a fait une plainte. Il arrive aussi que la plainte déposée par le parent soit considérée sur le plan clinique comme une non-reconnaissance de ses difficultés ou comme l'expression de ses réticences à collaborer. Cette information est particulièrement inquiétante lorsqu'elle se retrouve dans un rapport déposé à la chambre de la jeunesse et dont une copie est remise aux parties concernées. Je tiens à préciser que le non-respect de la confidentialité inhérente au droit de porter plainte contrevient à la loi. Nous sommes d'avis que ces erreurs sont plus attribuables à une méconnaissance par les intervenants des règles de confidentialité qu'à de la mauvaise foi.
Nous recommandons que le ministère de la Santé prenne les mesures pour que le personnel des centres jeunesse et du DPJ possède ou reçoive une formation sur les sujets suivants: les règles de confidentialité des dossiers et de rectification des dossiers, le rôle et les responsabilités de la personne responsable de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels et le régime d'examen des plaintes en matière de santé et de services sociaux.
En conclusion, nous vous réaffirmons notre appui aux modifications proposées par le projet de loi. Le Protecteur des usagers croit que l'énoncé des principes et des objectifs dans la loi doit être appuyé par plus de moyens consentis au DPJ afin de lui permettre de jouer le rôle central pour la protection de l'enfant. Par ses commentaires et ses recommandations, le Protecteur des usagers souhaite travailler à l'amélioration des façons de faire. L'action concertée des différents acteurs engagés dans la protection de l'enfant est indispensable à l'atteinte de l'objectif. Plus les acteurs sociaux travailleront à aider les familles à assurer les besoins primaires des enfants, moins l'intervention du DPJ sera nécessaire. Le DPJ doit pouvoir compter sur l'appui de ses partenaires, et sa capacité à remplir son mandat ne peut être compromise par les limites de ces derniers. Merci.
La Présidente (Mme James): Alors, merci. Nous sommes maintenant rendus à la période d'échange avec les parlementaires. Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation, la parole est à vous.
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(9 h 50)
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Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. Madame, messieurs, bienvenue. Ce matin, on entreprend notre neuvième et dernière journée de consultation générale sur le projet de loi n° 125. Sachez que nous sommes tous aussi intéressés aujourd'hui que nous l'étions lors de la première journée.
Si vous permettez, je vais reprendre quelques éléments que nous retrouvons dans votre mémoire. Sachez qu'on l'a lu, là, puis on va certainement tenir compte de l'ensemble de vos propositions. Mais je vous dirais qu'il y a des intervenants, il y a des groupes, des personnes qui se sont présentés devant nous et qui nous ont fait part de leur grande insatisfaction ou de leur inquiétude par rapport au mécanisme de plainte. J'ai lu évidemment et je vous ai entendu dans vos... Lorsque vous avez commencé à nous parler, tout à l'heure, vous avez fait référence au pourcentage de plaintes que vous recevez qui viennent du réseau de la protection de la jeunesse. Vous avez mentionné également que vous aviez fait des recommandations, en fait que vous avez adressé 87 mesures correctives donc à l'endroit des centres jeunesse.
Il y a des jeunes qui sont venus ici. Il y en a qu'on a rencontrés, qui ne se sont pas présentés à cette table-ci mais qui étaient derrière; d'autres qu'on rencontre, que, moi, j'ai rencontrés lors de mes tournées régionales. Le mécanisme de plainte les interpelle beaucoup. Ils ont l'impression qu'ils ne peuvent pas se plaindre, parce que la personne qui reçoit la plainte est la même personne qui est payée par le centre jeunesse puis que finalement la plainte va être filtrée.
Nous recevons également, je ne leur parle pas personnellement, mais il y a plusieurs parents et des jeunes, mais c'est surtout des parents qui appellent au ministère, et qui n'ont pas l'impression, malgré que le Protecteur des usagers, le Protecteur du citoyen, le Commissaire aux plaintes, le comité des usagers... Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de mécanisme en place pour les aider à porter plainte lorsqu'ils la croient justifiée, c'est qu'ils ne savent pas comment porter plainte, ils n'ont pas confiance dans le réseau des plaintes, les jeunes ne sont pas informés. Je ne dis pas que c'est généralisé, mais il y en a plusieurs qui nous ont dit: On ne connaît pas nos droits, les centres jeunesse... Puis, vous l'avez dit tantôt, ce n'est pas généralisé, là, alors ce n'est pas le procès de personne ici, là, sauf qu'il faut que, nous aussi, on s'imprègne, là, de comment ça fonctionne, pour évidemment s'assurer que la loi que nous allons adopter ce printemps en soit une qui reflète évidemment la réalité du terrain.
Qu'est-ce qu'on peut changer à la fois dans la perception, dans la mécanique pour les jeunes qui entrent en centre jeunesse, qui sont insatisfaits, avec tout ce que ça comporte évidemment de nuances, mais qui se considèrent justifiés de porter plainte, pour x raison, et aux parents qui, eux, souhaitent porter plainte? Quelles sont les mesures, parce que vous en parlez, quelles sont les mesures qui devraient être mises en application, que vous avez proposées? L'ont-elles été, mises en place? Et sinon qu'est-ce qui doit être fait?
M. Veilleux (Pierre-Paul): En fait, effectivement vous soulignez un point très juste, Mme la ministre: nous n'avons pas beaucoup de jeunes qui portent plainte au bureau du Protecteur des usagers. Les gens qui portent plainte au bureau du Protecteur des usagers agissent plutôt comme représentants des jeunes. Donc, ce sont majoritairement les parents. Nous avons très rarement des jeunes qui portent plainte chez nous. On nous dit que les jeunes portent davantage plainte à la Commission des droits.
Nous, ce qu'on a constaté par ailleurs dans le traitement des dossiers de plaintes, c'est souvent l'expression de se sentir sans contrôle de ce qui se passe. On dit que le système est trop complexe. Les parents disent ne pas comprendre ce qui leur arrive. On peut comprendre que c'est des situations très chargées d'émotivité. Lorsqu'une personne arrive, puis on te dit que tu n'as pas la capacité parentale pour t'occuper de ton enfant, on peut comprendre qu'est-ce que ça veut dire comme émotions de la part des parents qui entendent ça. C'est un élément qui est très, très important.
Nous, on constate qu'il n'y a pas beaucoup d'information donnée aux intervenants pour expliquer des systèmes. D'ailleurs, on a réalisé que... dans l'analyse de nos traitements de plaintes, de la façon qu'on analyse les plaintes, on regarde les dossiers. Les délégués qui me représentent, qui nous représentent comme organisation, se rendent sur le terrain et rencontrent les parents, analysent les dossiers, et souvent, dans les dossiers, il n'y a pas beaucoup d'information complète sur comment les parents sont suivis, comment ils sont appuyés. Les parents reprochent beaucoup que souvent l'intervenant prend trop la partie de l'enfant. Les parents disent: Lorsque l'intervenant a décidé de retenir le signalement, il a juste écouté le point de vue de mon enfant; moi, il ne m'a pas parlé, je ne l'ai pas rencontré, je ne suis pas entendu; ce qu'il dit, je ne comprends pas tout. Il y aurait une volonté... il y aurait une invitation à vulgariser peut-être plus facilement, trouver des expressions où les gens vont comprendre plus qu'est-ce qui se passe. Les gens disent: On ne comprend pas tout. Et on croit que, s'ils pouvaient davantage comprendre le processus de plainte, ils pourraient faire référence davantage au processus de plainte.
Dans le projet de loi qui a été sanctionné récemment, le projet de loi n° 83, il y a obligation faite au directeur général de mettre sur pied des comités d'usagers et de s'assurer de leur bon fonctionnement. Il a aussi été décidé que le Commissaire aux plaintes va relever directement du conseil d'administration, qu'il y aura un comité de vigilance. Pour nous, c'est intéressant, puisque dans le fond ça confirme le fait qu'il y a des gens qui ont été entendus à l'effet que... lorsqu'on dit: On ne porte pas plainte parce qu'on a peur que les gens ne nous écoutent pas, la décision a été prise à l'effet que les gens qui doivent les écouter vont relever des conseils d'administration, et il y aura un comité de vigilance qui va les entendre.
Mme Delisle: Le point que vous venez de soulever, que le responsable du comité des plaintes va relever du conseil d'administration, on a entendu des jeunes... une jeune, entre autres, qui est venue nous parler, et il m'est apparu qu'il serait peut-être intéressant de regarder la possibilité de faire siéger un jeune sur le conseil d'administration. Je comprends qu'il faut avoir 18 ans, mais est-ce qu'on ne pourrait pas trouver une mécanique où le jeune... est-ce qu'il doit siéger au conseil d'administration ou peut siéger sur le comité des usagers?
J'essaie de trouver un moyen où un jeune pourrait, au nom de ses pairs... C'est sûr qu'on ne demandera pas un jeune de huit ans de faire ça, mais que... Moi, j'en ai rencontré beaucoup, de jeunes qui étaient très articulés. C'est surprenant, là, on s'imagine... Il y en a plusieurs qui sont sous-scolarisés, mais il y en a d'autres qui, une fois qu'ils ont décidé de se prendre en charge puis qui comprennent pourquoi ils sont là, de façon très étonnante ? puis je le dis avec beaucoup de simplicité, là, moi, ça m'a ébahie, là ? ces gens-là sont capables de représenter les jeunes en centre jeunesse. Est-ce que vous pensez que ça pourrait être une solution, si ce n'est que d'éveiller le conseil d'administration à ce qui se passe, aux préoccupations que les jeunes ont, quitte à avoir un point sur l'ordre du jour? Je sais que je suis rendue dans la mécanique, mais on a entendu beaucoup de choses depuis neuf jours qui nous obligent presque à rentrer dans la mécanique, alors... Je sais que la loi ne permet pas à un jeune qui n'a pas 18 ans de le faire. Est-ce qu'on ne pourrait pas trouver une mécanique qui le permettrait?
M. Veilleux (Pierre-Paul): Je vais passer la parole à Me Bourbonnais.
M. Bourbonnais (Pierre): C'est une solution intéressante. Vous avez soulevé au départ la difficulté pour les jeunes d'avoir accès au mécanisme de plainte. Ils ne le savent pas, ils ne le connaissent pas, ils ne connaissent pas leurs droits. Moi, je pense que ce type de solution est de l'ordre des structures, et toute participation des jeunes dans la structure est une solution. Mais je pense qu'au-delà de ça il faut... parce que ça, c'est un constat qu'on a fait et qu'on fait, les jeunes effectivement ne portent pas plainte, et il faut aller... il faut les rejoindre. L'institution du mécanisme de plainte est relativement jeune, aussi, ça fait quelques années que c'est mis en place. Des campagnes d'information sur les droits, la façon de rejoindre cette clientèle particulière qui n'est pas, je dirais, de la même catégorie que d'autres types de clientèles... On parle des personnes âgées, on peut parler des personnes dans les services... les centres hospitaliers, ce sont des clientèles que l'on connaît peut-être mieux.
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(10 heures)
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La clientèle des jeunes est une clientèle particulière, et il faut développer, je pense, des moyens, et je ne suis pas certain que c'est la loi qui a la solution à ça beaucoup plus que dans nos façons de rejoindre cette clientèle-là. Personnellement, je pense que le mécanisme de plainte, pour celui qui veut loger plainte, ce mécanisme est simple. La plainte, elle est... elle peut être verbale. Et le plaignant doit s'adresser au commissaire local. C'est toute une question de confiance dans l'institution qui est en cause ici, c'est quelque chose qui est à développer, qui est à bâtir, et c'est à ça qu'on va travailler bientôt avec le Protecteur du citoyen.
Mme Delisle: J'ai rencontré beaucoup de jeunes qui, malgré ce qui leur arrive, sont des jeunes qui sont quand même bien dans les centres jeunesse, dans les centres de réadaptation. Ce n'est pas la solution idéale, ce n'est certainement pas ce qu'ils souhaitaient qu'il leur arrive dans leur vie, mais on en rencontre. Je ne veux pas que les gens qui nous écoutent croient que tout le monde qui est là porte plainte, là. C'est vraiment lorsqu'il y a des situations où les jeunes, où les parents se sentent complètement... peut-être lésés ou écartés sans comprendre. Parce que j'en ai vu, des jeunes qui étaient contents, qui me disaient: Moi, je sors dans deux semaines, puis, si je n'étais pas venu ici, je ne serais pas ce que je suis devenu, je le dois au centre jeunesse. On a eu plein de lettres de gens et de témoignages de gens qui apprécient, et de parents aussi qui apprécient ce qui s'est fait lorsque leur enfant a été pris sous la protection de la jeunesse. Mais, pour ceux et celles pour qui c'est problématique, je pense que c'est important qu'on puisse trouver une mécanique.
J'ai été aussi... je suis interpellée par votre remarque à l'effet qu'au Tribunal de la jeunesse les juges devraient mieux informer les parents et les enfants de ce qui arrive, de ce qui est déposé: pourquoi on doit les retirer du milieu familial, pourquoi on les envoie dans une famille d'accueil, pourquoi ils sont obligés de s'en aller en centre de réadaptation. Très candidement, je vous avoue que ça me perturbe beaucoup d'entendre dire ça, parce qu'il me semble que c'est «basic», là, il me semble qu'on devrait dire aux parents ce qui se passe puis on devrait dire aux enfants qu'est-ce qui se passe.
Si on veut susciter l'adhésion des enfants et des parents dans des circonstances qui sont très difficiles à vivre... Tu sais, un parent qui, pour toutes sortes de raisons, se voit enlever son enfant ne pense pas qu'il est un mauvais parent, là. C'est sûr qu'on a une obligation, nous, l'État... dans les circonstances à risque et dans les circonstances où ce sont des situations très vulnérables, il faut retirer l'enfant. Une fois qu'on a fait ça, il faut s'assurer que tout le monde explique bien. Je considère que c'est vrai qu'il y a des situations où ça va vite, mais ce n'est pas dans l'ensemble des cas.
Est-ce que vous avez réfléchi à une façon finalement d'intervenir auprès de la magistrature... je sais qu'on ne touche peut-être pas à la magistrature, mais passer des messages? Est-ce qu'une formation ne devrait pas être faite? Je veux bien qu'on dise que les travailleurs sociaux devraient être mieux formés, mais je pense que tous les acteurs du réseau doivent travailler aussi à mieux informer les parents. Non pas que le tribunal ne fait pas bien le travail qu'il a à faire, mais c'est quand même étonnant ? vous n'êtes pas les premiers à nous le dire, mais vous l'avez dit de façon beaucoup plus directe ? que... On est quand même en 2006, là, tu sais, il me semble qu'on devrait avoir assez d'empathie pour prendre le temps... Peut-être que ça va trop vite, mais le temps a une valeur qui est importante, puis peut-être qu'on épargnerait aux parents et aux enfants une détresse supplémentaire. Qu'est-ce que vous suggérez?
M. Veilleux (Pierre-Paul): Vous comprenez qu'on n'a pas pensé à une stratégie pour savoir comment interpeller la magistrature.
Mme Delisle: Mais vous l'avez quand même soulevé.
M. Veilleux (Pierre-Paul): Oui, on l'a soulevé parce que les parents nous disent: M. le juge, il ne l'a pas dit. M. le juge, il parlait à l'enfant. Souvent, les parents nous disent: Bien, moi, j'ai-tu à faire quelque chose là-dedans? Est-ce que j'ai une contribution à apporter? Ils ne le disent pas comme ça, mais ça veut dire ça. J'ai-tu quelque chose à faire? Donc, on entend souvent les parents, qui veulent bien faire, qui n'ont pas tout suivi la démarche... On s'attend qu'ils amendent certains de leurs comportements pour convaincre la DPJ et la cour qu'ils ont maintenant développé des capacités parentales pour retrouver la responsabilité de leur enfant. Et souvent ils s'aperçoivent, à terme d'un délai, qu'ils avaient des choses à faire. Ils n'ont pas compris qu'ils avaient des choses à faire. Et on se dit: Est-ce qu'il y aurait une façon de communiquer directement aux parents pour leur dire: Monsieur, madame, c'est votre enfant, on va vous aider, puis vous avez des choses à faire; vous allez aller à tel endroit, vous allez pouvoir bénéficier des services de psychothérapeutes, de gens qui vont traiter vos problèmes d'alcoolisme, de toxicomanie; allez là, on va vous aider, on se reverra plus tard? Les gens ne comprennent pas ça comme ça.
Mme Delisle: J'aurais, parce qu'il me reste très peu de temps... Sur les recommandations que vous avez faites, il y en a quelques-unes qui concernent le directeur de la protection de la jeunesse. Vous souhaitez obliger les DPJ à rendre compte des moyens utilisés pour mettre fin à la compromission lorsqu'ils demandent la nomination d'un tuteur. Vous dites: Obliger le DPJ à rendre compte du respect des principes tels que de s'assurer que l'enfant et les parents ont compris l'information fournie et qu'ils ont besoin de participer aux décisions prises en cours d'intervention; prévoir une obligation pour le DPJ de s'assurer que les moyens ont été pris pour favoriser la présence des parents à l'étape de la révision. Et il y en a d'autres: Permettre au DPJ d'avoir accès à l'information contenue dans les dossiers médicaux et sociaux des professionnels oeuvrant dans des organismes ou des cabinets privés.
Certains sont venus nous dire que le DPJ avait beaucoup trop de pouvoirs. D'autres nous disent: Bien, écoutez, il faut que le DPJ s'assume. Je caricature, là, je mets des mots dans la bouche des gens, mais c'est à peu près ce que les gens nous ont dit. Quels sont les moyens que vous croyez que le DPJ doit prendre? Lorsqu'il est question de la nomination d'un tuteur, vous dites: Les obliger à rendre compte des moyens utilisés pour mettre fin à la compromission. À qui ils doivent rendre compte de ces moyens-là et de quels moyens parlez-vous? Je comprends qu'on parle des services, l'intensité de services peut-être... J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Veilleux (Pierre-Paul): Ce qu'on constate dans l'analyse des dossiers qui nous sont soumis, c'est qu'il y a beaucoup d'étapes, mais on ne va jamais à définir les moyens pour atteindre ces étapes-là. On va dire, par exemple, pour aider le DPJ, le DPJ peut désigner un tuteur, mais ultimement le DPJ, c'est une loi d'exception. Ce qu'on veut tous, c'est que les enfants retournent aux parents. Il faut développer les capacités aux parents. Ce qu'on dit, c'est que ce serait important que le tuteur ou le délégué désigné par le DPJ puisse rassurer le DPJ, ce qu'il a fait pour aider, pour aider le jeune à réduire la compromission ou enlever la compromission. Ce qu'on s'aperçoit, tant dans les plans d'intervention que dans les plans de services individualisés, il n'y a pas beaucoup de rigueur dans la reddition de comptes des moyens qu'on prend pour redonner la confiance.
Mme Delisle: Vous avez choisi le tuteur et vous n'avez pas parlé d'adoption?
M. Veilleux (Pierre-Paul): Chez nous, on ne traite pas de dossiers d'adoption, nous.
Mme Delisle: Non, mais ce que je veux dire, c'est que, dans la loi, il y a des outils, hein? Un enfant est retiré de sa famille et ne pourra pas y retourner, là. On a tout fait et on a tout essayé, ça ne fonctionne pas. Il ne retourne pas. Il y aura évaluation, recommandation au tribunal. Le tribunal décidera si l'enfant doit rester dans sa famille d'accueil jusqu'à sa majorité, si l'oncle Antoine devient le tuteur ou s'il doit être adopté. Je simplifie, là. Vous nous dites que le DPJ doit s'assurer de rendre compte des moyens utilisés pour mettre fin à la compromission lorsqu'il demande la nomination du tuteur, mais vous n'incluez pas l'adoption ou le fait que l'enfant va être en famille d'accueil jusqu'à sa majorité, si c'est ce que le tribunal propose. Est-ce que tous ces outils-là devraient être... avant d'arriver à ces étapes-là, pas juste au niveau du tuteur.
M. Veilleux (Pierre-Paul): On ne l'a pas éliminé parce qu'on ne l'a pas marqué.
Mme Delisle: Parfait. C'est ce que je voulais savoir. Merci.
La Présidente (Mme James): Alors, merci. Mme la députée de Rimouski, la parole est à vous.
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(10 h 10)
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Mme Charest (Rimouski): Merci, Mme la Présidente. MM. Veilleux, Bourbonnais et Mme Rousseau, je suis très heureuse de vous recevoir ici, aujourd'hui. Écoutez, votre mémoire est vraiment très important. Ce que j'ai pu comprendre de ce mémoire, il est rattaché à la vie quotidienne de ce qui se passe dans le réseau et il relève surtout de l'application de la loi. Parce que, depuis le début, j'ai comme préoccupation que l'application reflète bien à la fois l'esprit et la lettre de la loi, et j'ai pour mon dire que l'application et la couleur en quelque sorte de la loi, sur le terrain... et je trouve ça important. Et sachez que votre mémoire me plaît à plusieurs égards et que, de nombreuses recommandations que vous faites, j'abonde dans le même sens que vous sur plusieurs éléments, et je vais sûrement m'en inspirer beaucoup lors de l'étude du projet de loi article par article. Tout comme le Protecteur du citoyen... Vous savez, vous êtes des institutions très importantes: Protecteur du citoyen, Protecteur des usagers. Ça m'apparaît fondamental pour que nous puissions continuer à avoir confiance dans nos réseaux, dans nos systèmes et dans l'application de nos lois, et je pense que votre rôle est fondamental, entre autres dans celui de la protection de la jeunesse.
Vous dites que vous examinez les plaintes en dernier recours, et vous avez discuté avec la ministre aussi, là, comment ça se passait, de la structure, et tout ça. Mais, nous, ce que les gens sont venus nous dire, autant les jeunes que leurs parents et que même des partenaires du réseau, qu'ils soient issus de groupes communautaires, familles, des organismes de défense de droits, et tout ça, ces gens-là trouvent les processus de plainte beaucoup trop lourds, beaucoup trop difficiles. Vous savez, on est parfois avec des gens qu'il faut vraiment accompagner, et j'ose même dire materner, jusqu'à un certain point, puis je suis pourtant une de celles qui réclament l'autonomie des individus, là, mais je suis consciente que, compte tenu des capacités de certaines personnes, il faut aller jusqu'au maternage dans certains cas.
Et j'aimerais ça voir avec vous... Lorsque vous dites que vous êtes de dernier recours et que 15 % de vos plaintes sont issues de l'insatisfaction des usagers des centres jeunesse ? 15 %, ça reflète ce que vous avez reçu ? mais est-ce que vous avez une idée de ce qui pourrait être reçu et qui ne vous est pas acheminé parce que les gens trouvent ça lourd, ont peur, n'osent pas parce qu'on interprète aussi une plainte comme un refus de collaborer, on interprète une plainte comme des comportements agressants vis-à-vis les intervenants?
M. Veilleux (Pierre-Paul): Non, c'est difficile de mettre un nombre sur des données qui ne sont pas portées à notre attention. Par ailleurs, c'est important de préciser que, lorsqu'on parle de 15 % des plaintes qui sont traitées, les commissaires locaux dans les centres jeunesse traitent, eux, 764 plaintes. Dans le réseau de la santé, en 2004-2005, il y avait 12 655 plaintes. Donc, 6 % des plaintes du réseau ont été traitées par les centres jeunesse. Nous, c'est 13 % de notre charge de travail, le 15 %... c'est 15 % de notre charge de travail.
On parle de plaintes... Il y a un équilibre fragile à maintenir, et ce n'est pas sans raison que c'est compliqué, aussi. Ce n'est pas parce qu'on le veut, mais en même temps il faut comprendre que... plaintes... on donne accès à des dossiers confidentiels d'individus. Ce n'est pas n'importe qui qui peut porter plainte, c'est une personne directement impliquée ou un représentant. On parle d'un dossier d'une personne, d'un diagnostic médical. Au départ, ça limite beaucoup l'accès à ces dossiers-là, et heureusement, puisque dans le fond on est dans la vie des individus.
Par ailleurs, le système de plainte, on parle aussi de l'assistance. On parle ici de 15 %, mais, dans le grand système de plainte, le commissaire local peut décider de faire de l'assistance, et on sait très bien que c'est une étape avant les plaintes qu'on reçoit, et les commissaires locaux assistent les plaignants. On n'a pas de données sur l'assistance du réseau. Donc, on peut comprendre que ce n'est pas parce que c'est seulement 15 % de nos dossiers qu'il n'y a pas d'autre travail fait par le commissaire local. Ce qu'on sait par ailleurs, c'est que l'assistance qui est traitée dans le premier niveau ne donne pas droit à un recours au Protecteur des usagers, l'assistance reste au niveau local. Mais on n'a pas la donnée provincialement sur l'assistance localement.
Mme Charest (Rimouski): Dans votre rôle de Protecteur des usagers, vous pouvez donner des avis au ministre de la Santé, aux instances du réseau quant aux questions, là, qui relèvent du respect des usagers et de leurs droits, de l'amélioration de la qualité des services, etc. J'aimerais ça savoir jusqu'à quel point vous avez exercé ce pouvoir que vous avez en regard de la protection de la jeunesse. Et est-ce que vos recommandations, vos avis ont été suivis? Est-ce que vous avez senti que vos avis avaient été tenus en compte pour la suite des choses?
M. Veilleux (Pierre-Paul): Depuis deux ans, moi, je n'ai pas déposé d'avis au ministère sur la protection de la jeunesse. Est-ce qu'on en a déposé?
M. Bourbonnais (Pierre): Il y a eu un avis sur la contribution parentale, qui a été formulé il y a quelques années, où il y avait un certain nombre de plaintes, et là on a estimé important de saisir le ministre des problématiques reliées à la participation des parents, à la contribution parentale, dans un contexte où les parents sont en difficulté. Il y a eu cet avis-là, ça ressortait de façon, je dirais, récurrente des plaintes que nous recevions...
Mme Charest (Rimouski): Par rapport à l'obligation financière.
M. Bourbonnais (Pierre): De l'obligation financière. Alors ça, ça a été un avis qui a été formulé parce que nous étions devant un phénomène répétitif de plaintes, et nous trouvions important d'en saisir le ministre, et il y a eu des ajustements, parce qu'effectivement des plaintes se sont résorbées sous cet élément-là.
J'aimerais peut-être simplement dire... Vous parliez d'assistance des plaignants. Sur le plan du cadre légal, on est quand même devant un système qui assure une assistance. Est-ce que ça s'applique? On sait que les commissaires locaux ont l'obligation d'assurer l'assistance aux usagers, aux plaignants. Nous avons cette obligation-là comme Protecteur des usagers. On sait également parce qu'on a parlé, bon, d'une crainte ou d'une méfiance à l'égard des commissaires locaux, de certaines partialités ou... Il y a des centres d'assistance et d'accompagnement aux plaintes, par région, qui peuvent assister les usagers, et c'est même une obligation faite dans la loi pour les commissaires locaux de référer à ces centres d'assistance et d'accompagnement aux plaintes. Et je dois dire que ces centres d'assistance et d'accompagnement aux plaintes développent des habilités, j'allais dire un know-how, d'approche et d'accompagnement, qui n'enlèvent pas non plus l'obligation pour le commissaire local, mais il a cette distance et peut-être cette crédibilité parce qu'il est capable de faire plus de connivences, je dirais, avec le plaignant, alors que le commissaire local peut être perçu comme étant une personne, malgré les améliorations à la loi, comme une personne non indépendante. La loi cherche à assurer une indépendance aux commissaires locaux, tout comme elle cherche à assurer une indépendance de notre institution.
Mme Charest (Rimouski): Vous qui êtes Protecteur des usagers, dites-moi... Dans le cadre des approches consensuelles qui vont faire partie des mesures qui pourront être utilisées, plusieurs sont venus nous dire qu'il y aurait un risque de déséquilibre des forces en présence parce que la loi, c'est une loi d'exception, le DPJ a un mandat d'État, hein, d'exécuter toute mesure, tout moyen pour mettre fin à la compromission. Comment vous voyez les approches consensuelles? Est-ce que vous partagez ces craintes ou si selon vous l'exercice de la pratique va faire foi que ça se passe bien?
M. Veilleux (Pierre-Paul): Nous accueillons très positivement l'approche consensuelle. Pour faire un retour sur notre mémoire, ce qu'on constate: les parents ne se sentent pas associés, les parents ne comprennent pas toujours ce qui se passe. Nous, on croit qu'avec l'approche consensuelle, nécessairement les parents devront être plus associés, nécessairement ils devront comprendre plus qu'est-ce qui se passe, parce qu'ils vont collaborer, par une approche consensuelle, à la démarche, et en même temps ça peut avoir l'avantage aussi que tout ne doit pas nécessairement se rendre au tribunal. Nous, on accueille très favorablement l'approche consensuelle.
Mme Charest (Rimouski): Mais vous mettez dans votre mémoire, à la page 10, que les parents... attendez: «Les parents se sentent mal à l'aise dans un processus où ils ont très peu de place.» Alors, l'approche consensuelle devrait corriger cela en autant qu'il est accompagné de moyens pour informer les parents et les enfants de leurs droits. C'est ça?
M. Veilleux (Pierre-Paul): Mais adéquatement.
Mme Charest (Rimouski): Adéquatement. Et ce serait quoi, le moyen? Parce que, là, on parle de s'assurer qu'ils reçoivent l'information, mais on procéderait de quelle façon, selon vous?
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(10 h 20)
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M. Veilleux (Pierre-Paul): En fait, ce qu'on constate, c'est que les parents nous disent ne pas être assez souvent en contact avec les intervenants de leur enfant. Par conséquent, puisqu'on suggère que les intervenants qui ont un rôle privilégié dans leur relation entre l'enfant et le parent pourraient profiter de l'occasion qu'ils ont de rencontrer les parents pour informer les parents des mécanismes, également informer les parents du suivi du traitement de l'enfant et de l'implantation du plan d'intervention... Donc, il y a déjà des gens qui sont en relation avec les parents. On pourrait profiter de cette opportunité-là pour informer les parents du suivi également de l'approche... et de l'intérêt de l'approche consensuelle.
Mme Charest (Rimouski): En langage simple, accessible, pas nécessairement dans un langage, comment je dirais, de milieu, là, parce que chaque milieu a son langage, c'est bien connu. Alors ça, je pense que c'est une préoccupation qui est majeure.
Moi, j'aimerais aussi vous entendre sur toute la question de l'imputabilité du DPJ. Plusieurs sont venus nous dire que le DPJ n'a pas le contrôle sur les ressources du réseau de la santé et des services sociaux, puis c'est vrai, là, je veux dire, il n'est pas le patron de tous les services sociaux auxquels il a besoin pour répondre aux enfants. Par contre, plusieurs disent que le DPJ n'a pas toute sa marge de manoeuvre parce qu'il fait partie des employés-cadres des centres jeunesse, et plusieurs suggèrent qu'il soit à l'extérieur des centres jeunesse, puis d'autres disent non. Et d'ailleurs, quand on regarde le mémoire, certains mémoires, on voit, là, c'est quoi, la position de la table des DPJ, la table des centres jeunesse, des directeurs de centres jeunesse, il y a aussi l'association qui a un point de vue là-dessus ? on pourra en reparler avec eux tout à l'heure. Mais est-ce que vous pensez que le DPJ, avec son mandat, même s'il est à l'intérieur, il n'y a pas de contraintes? Parce que, vous savez, des contraintes financières, des fois c'est pesant, c'est puissant.
M. Veilleux (Pierre-Paul): À votre première question, sur l'imputabilité du DPJ, on considère, nous, que... La façon qu'on comprend le rôle du directeur de la protection de la jeunesse, c'est la personne qui va évaluer la compromission, qui va évaluer si l'enfant doit rester avec ses parents ou s'il devrait être pris en charge par d'autres intervenants spécialisés. Pour nous, on considère qu'il faut absolument que le DPJ ait tout en main l'information pour faire une recommandation adéquate à la cour. Donc, en termes d'imputabilité, si, par exemple, on dit aux parents: Pendant huit mois, on vous demande de suivre une thérapie, par exemple, pour vous redonner une capacité d'agir comme parents... Lorsqu'on parle de contrôle, je ne vois pas tellement, par ailleurs, le directeur de la protection de la jeunesse dire à un CSSS: Tu vas donner tant de temps de thérapie à cette personne-là. Par ailleurs, ce que la loi dit, du moins c'est notre compréhension, lorsque le DPJ revient à la cour, il faut qu'il fasse rapport: Est-ce que le parent a acquis des habilités qu'il n'avait pas? Est-ce que les gens qui devaient l'aider l'ont aidé? Lorsque je parle donc d'imputabilité, il l'a, l'imputabilité, le DPJ, c'est-à-dire que lui-même doit rendre compte, savoir dans le meilleur intérêt de l'enfant: Est-ce que les parents sont plus capables de s'occuper de leur enfant? Je crois que c'est nécessaire que le directeur de la protection de la jeunesse puisse apprécier ça justement, cette situation-là.
Quant au rattachement du DPJ au centre jeunesse, on le considère comme cadre. Par ailleurs, ce que je comprends également, c'est que les projets qui sont avancés par le directeur de la protection de la jeunesse doivent être déposés au conseil d'administration. Et le directeur de la protection de la jeunesse souvent confie à un centre jeunesse l'enfant; ça me paraît drôlement important que le DPJ sache comment l'enfant est pris en charge par le centre jeunesse. Moi, je ne vois pas vraiment de contradiction. Je trouve, entre autres, que c'est intéressant que les gens de DPJ et centres jeunesse puissent travailler étroitement pour faire un rapport du meilleur intérêt de l'enfant.
Mme Charest (Rimouski): Merci, je vais laisser mon collègue vous poser des questions.
La Présidente (Mme James): M. le député de Vachon.
M. Bouchard (Vachon): Oui, merci, Mme la Présidente. Bonjour. J'aimerais revenir sur les pages 8 et 9 de votre mémoire et continuer cette conversation sur la question de l'imputabilité et des moyens dont dispose le DPJ. Votre recommandation se lit comme suit: «Que le ministère de la Santé et des Services sociaux s'assure que les ressources disponibles aux centres jeunesse, établissements ou organismes dispensateurs de services ne limitent pas les droits des parents à assumer leurs responsabilités auprès de leurs enfants.» Vous invoquez donc une partie de l'équation que vous décrivez, là, dans la page 8, à l'effet qu'on doit s'assurer que les ressources mises en place sont suffisantes pour répondre aux besoins et respecter les droits des parents. Votre recommandation ne touche pas cependant aucunement le pouvoir des DPJ et les moyens qu'il a à sa disposition pour quelque part s'assurer que les ressources qui doivent être mises à la disposition des familles ou des enfants le soient vraiment. J'ai été surpris de voir que votre recommandation ne touche que la présence ou non de ressources et ne touche pas le rôle du DPJ. Est-ce que vous voyez un petit peu ce que je soulève comme problème, là?
M. Veilleux (Pierre-Paul): En fait, l'objectif de notre recommandation est à l'effet que le DPJ, puisqu'il doit s'occuper strictement du meilleur intérêt de l'enfant... Ce qu'on constate, c'est, à défaut du service de première ligne de prendre en charge adéquatement, les enfants devront être pris en charge par le DPJ. C'est une question d'équilibre. Donc par conséquent ce qu'on souligne, c'est: Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, dans certaines situations, de dire: Qu'est-ce qui est préférable? Est-ce qu'on devrait d'abord davantage aider les parents avant que l'enfant soit pris en charge au DPJ? Là où on n'est pas à l'aise, c'est de dire: Les ressources doivent être principalement et exclusivement pour le DPJ. Mais, si on focusse sur les ressources pour le DPJ, ça veut dire qu'on enlève des services de première ligne qui éviteraient que peut-être que les jeunes se ramassent à la DPJ.
M. Bouchard (Vachon): Mme la Présidente, moi, je suis tout à fait d'accord avec votre analyse. Ce que je ne comprends pas, c'est comment il se fait que, dans votre recommandation, vous n'ayez pas touché le pouvoir de contraindre les ressources, quelque part, à des demandes du DPJ en fonction des besoins des parents et des enfants qui leur sont confiés. Autrement dit, ce que vous nous dites, là, moi, je suis d'accord avec ça: des ressources devraient être mises en place pour qu'il y ait le moins possible de jeunes qui arrivent à la protection de la jeunesse. Donc, vous parlez de l'amont, mais j'aimerais revenir là-dessus tout à l'heure.
Mais, lorsque l'enfant est signalé, vous nous dites: Il faut s'assurer que les ressources soient suffisantes pour que les droits des parents soient respectés et les besoins des enfants. Ça, c'est votre recommandation 4. Mais l'analyse que vous faites en page 8, premier paragraphe, a deux dimensions, présente deux dimensions: la question de la disponibilité des ressources et la question du pouvoir de contraindre les établissements et les organismes. Or, le DPJ est imputable devant le tribunal. C'est lui qui va devoir répondre de sa responsabilité d'offrir les ressources. Mais il peut avoir une ascendance légitime auprès de ses partenaires communautaires, auprès de ses partenaires du réseau, mais il n'a pas de pouvoir légal, quelque part, de demander le service et de l'exiger dans la loi. Et vous n'abordez pas cette question, ça me surprend un petit peu.
M. Veilleux (Pierre-Paul): On ne l'aborde pas sciemment parce qu'on ne voulait pas intervenir dans les moyens.
M. Bouchard (Vachon): Intervenir dans les moyens, tout le long de votre mémoire?
M. Veilleux (Pierre-Paul): Mais dans le moyen, à savoir, si on demande, si on suggère au DPJ, on donne le pouvoir au DPJ de contraindre les gens, ça va se faire à l'intérieur des masses qu'ils ont. Si les gens sont contraints de donner un service spécialisé pour le DPJ, nécessairement ils ne pourront pas les offrir pour les services de première ligne, et, la Loi sur la protection de la jeunesse, c'est un service d'exception.
M. Bouchard (Vachon): Oui, mais, écoutez, il y a... mes collègues me font remarquer, là, que dans certains cas il y a des priorités qui sont accordées en vertu des lois de services, par exemple pour la CSST, la société des accidents d'automobiles du Québec a priorité dans les services. En tous les cas, je trouve qu'on devrait se poser cette question, parce qu'il me semble que c'est... quelque part, l'équilibre que vous évoquez n'est pas atteint, alors que nous avons un directeur de la protection de la jeunesse qui est imputable mais qui n'a aucune espèce de pouvoir reconnu par une loi dans ses exigences de services. Et il me semble qu'il y a un manque d'équilibre quelque part dans le système, là, sur lequel on ne s'entend manifestement pas mais que vous évoquez quand même dans l'analyse de la situation.
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(10 h 30)
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Maintenant, revenons à la question des services en amont. Il y a plusieurs personnes.. puis je pense que ça existe depuis longtemps, cette fameuse analyse, la conclusion à laquelle on vient, c'est que la direction de la protection de la jeunesse a servi trop longtemps de porte d'entrée à toutes sortes de services qu'on ne pouvait pas avoir autrement pour les parents et les enfants qui sont dans des zones de risque ou de vulnérabilité. Lorsque vous abordez la question, pas dans votre mémoire mais dans votre présentation tout à l'heure, de l'inutilité d'un ombudsman, je pense que là on a affaire à une question de sémantique importante, là, ou de représentation de ce qu'on veut dire par «ombudsman». Mais n'êtes-vous pas d'accord avec moi, et je pense qu'il y a une préoccupation alentour de cette table, des deux côtés, à l'effet que nous ne réglerons rien avec cette loi en termes de la surutilisation des services de protection à la jeunesse si quelque part nous n'introduisons pas un droit reconnu à tous les enfants qui sont dans des situations de vulnérabilité et de risque de recevoir des services de prévention, des services d'intervention précoce afin qu'ils n'arrivent pas dans les services de protection de la jeunesse? Et...
La Présidente (Mme James): Alors, M. Veilleux.
M. Bouchard (Vachon): Et, je complète...
La Présidente (Mme James): Je dois vous interrompre, le temps est déjà épuisé. Alors, rapidement, en conclusion.
M. Bouchard (Vachon): Oui, deux secondes. Je complète ma question en disant: Si la loi l'exigeait à quelque part, nous aurions, à ce moment-là, besoin de quelqu'un envers qui tous les intervenants du milieu sont imputables de cette offre de services en amont. Comment réagissez-vous à cela?
M. Veilleux (Pierre-Paul): C'est d'abord traité dans la loi de santé et services sociaux, cette disposition-là, plus que dans la Loi de la protection de la jeunesse. Et, lorsqu'on a commenté le fait qu'on ne croyait pas qu'un protecteur des enfants était nécessaire, c'était à la lumière des plaintes qui nous sont soumises. Nous, on est partis, dans le mémoire, à l'effet de qu'est-ce que nous enseigne l'analyse des plaintes qui nous sont soumises, et on n'a pas de plaintes sur ces réalités-là.
La Présidente (Mme James): Alors, M. Veilleux, merci, Mme Rousseau et M. Bourbonnais, on vous remercie de votre présentation de la part du Protecteur des usagers en matière de santé et de services sociaux. Et j'inviterais maintenant les représentants de l'Association des centres jeunesse du Québec à venir prendre place pour leur présentation à la commission. Et je suspends les travaux de la commission quelques instants.
(Suspension de la séance à 10 h 31)
(Reprise à 10 h 33)
Le Président (M. Copeman): Alors, la commission reprend ses travaux. Et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de l'Association des centres jeunesse du Québec. M. Thériault, président du conseil, bonjour. Comme je fais pour chaque groupe, je vous indique nos façons de fonctionner: vous avez 20 minutes pour faire votre présentation; je vais vous avertir quand il reste trois minutes pour mieux vous aider à conclure; et puis ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Sans plus tarder, je vous prierais de présenter les personnes qui vous accompagnent et d'enchaîner avec votre présentation.
Association des centres
jeunesse du Québec (ACJQ)
M. Thériault (Jean-Nil): Alors, je vous présente Me Pascale Berardino, qui est conseillère juridique à l'Association des centres jeunesse du Québec; M. Jean-Pierre Hotte, qui est le directeur général de l'association; et M. Camil Picard, qui est directeur général du Centre jeunesse de la Montérégie.
Mme la ministre, M. le Président, Mmes, MM. les députés, je tiens d'abord à remercier les membres de la Commission parlementaire des affaires sociales de nous recevoir pour entendre notre position concernant le projet de loi n° 125. Cela fait plus de trois ans que l'Association des centres jeunesse du Québec travaille sur ce projet de loi, il était donc fort attendu dans notre réseau.
Il est important de souligner que l'Association des centres jeunesse appuie le projet de loi dans son ensemble, à quelques exceptions indiquées dans notre mémoire. Ce projet de loi devrait interpeller toute la société, car les enfants sont sous sa responsabilité. Nous avons donc des obligations collectives envers l'intérêt de l'enfant et l'importance de la famille.
Le projet de loi nous préoccupe plus particulièrement dans ses particularités, car c'est notre outil de travail pour protéger les enfants. Nous tenons à réaffirmer que nous le trouvons bien fait, juste, et surtout nous sommes heureux de constater que l'intérêt de l'enfant a été tenu en compte et qu'on saisit l'importance du moment de l'enfant dans la construction de sa vie d'adulte, car la principale solution des enfants, c'est de grandir. Ce projet de loi améliorera le sort des enfants, et c'est à eux que nous devons penser.
Je vous rappelle que les 16 centres jeunesse du Québec sont des établissements de services sociaux spécialisés à vocation régionale. Dans chacune des régions du Québec, un DPJ reçoit les signalements des enfants en grande détresse. Plus de 63 000 enfants ont été signalés aux directeurs de la protection de la jeunesse la dernière année. Il est important que la loi qui les protège soit remaniée avec les nouvelles réalités sociales ainsi que les connaissances et les pratiques, qui ont beaucoup évolué depuis sa mise en application, il y a déjà 27 ans.
Nous ne reprendrons pas l'ensemble des recommandations qui sont exposées dans notre mémoire, mais nous insisterons sur quatre points importants qui ont été soulevés tout au long de la présente commission parlementaire: le premier point, les délais de placement et le ballottement des enfants; l'approche consensuelle; l'imputabilité d'un surveillant des intérêts des enfants; ainsi que le rôle du DPJ à l'intérieur du centre jeunesse.
Sur ce dernier point, je tiens à préciser, à titre de président bénévole de l'Association des centres jeunesse du Québec et à titre de membre du conseil d'administration du Centre jeunesse du Bas-Saint-Laurent, que je me sens légitimé de vous exprimer la position très claire quant au rôle du DPJ à l'intérieur du centre jeunesse.
Les enfants ont avantage à ce que le DPJ reste à l'intérieur du centre jeunesse, car celui-ci est à son service et lui permet d'offrir des services sociaux spécialisés et l'expertise dont les enfants, les jeunes et les familles ont besoin. Il est important de rappeler que chaque décision prise par un DPJ en regard de ces responsabilités qui lui sont confiées ne peut être renversée ni par le directeur général ni par le C.A. et, en tout respect, ni par le ministre responsable. La loi est très spécifique à cet effet, et nous la respectons rigoureusement. Chacun a son rôle à jouer à l'intérieur du centre jeunesse.
Je peux affirmer que la dernière chose dont les enfants et les familles ont besoin, c'est un changement de structures. Amélie, Samuel et leurs parents ont besoin d'une loi conçue pour eux qui leur permettra, avec des personnes compétentes, de tout mettre en place pour les aider, que tout soit mis en place pour qu'ils puissent demeurer avec leurs parents. Sinon, nous devons leur donner un projet de vie stable dans un autre milieu de vie, mais pour les mêmes raisons: pour qu'ils soient en sécurité, aimés et où ils pourront se développer.
En somme, vous nous conviez à réaliser le mandat le plus précieux que vous nous avez confié, soit contribuer à la construction de la santé sociale au Québec. Je laisse donc la parole à M. Camil Picard, directeur général du Centre jeunesse de la Montérégie. M. Picard.
M. Picard (Camil): M. le Président, je vais aborder avec vous une des pièces maîtresses du présent projet de loi: l'introduction des délais lors de décisions d'hébergement pour des jeunes enfants, délais qui ont pour but de stabiliser la situation de plusieurs enfants très vulnérables et de réduire ainsi le ballottement d'une ressource à une autre.
Pour vous illustrer la position des centres jeunesse, je vais vous présenter la situation réelle d'un jeune garçon, dont évidemment l'identité a été modifiée, et qui fut l'objet d'interventions au moment où j'étais directeur de la protection de la jeunesse. Il s'agit de Michaël. Il a 16 ans. Il est né de jeunes parents vulnérables. Son père et sa mère ont vécu une adolescence fort active mais pas plus perturbée que la normale. Pas de délits, pas d'abus, mais pas plus de grandes réussites scolaires. Ses parents ont eu à faire face à une grossesse non nécessairement planifiée. Ils ont décidé de la mener à terme malgré les inquiétudes et les préoccupations de leurs propres parents.
L'enfant est né, et les parents ont eu vraiment l'intention et la volonté de bien s'en occuper. Il semblait clair cependant qu'ils avaient besoin d'aide et de support. Malgré de nombreuses tentatives de l'infirmière du CLSC pour les soutenir et les inciter à participer à des programmes volontaires, les parents n'ont pas donné suite. Lors d'un deuxième signalement, le DPJ propose alors un répit à ce jeune couple et place l'enfant temporairement chez un des grands-parents, avec le consentement de tous. Après quelques mois, malheureusement le couple se sépare; les conflits éclatent entre les familles. Le DPJ doit alors placer l'enfant en famille d'accueil, encore une fois avec le consentement de toutes les parties.
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(10 h 40)
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Après quelques mois d'intervention, la situation se dégrade. Le père disparaît de la situation et la mère sombre dans une dépression profonde. Le tribunal ordonne alors le placement en famille d'accueil avec un projet de réintégration dans un délai d'un an. La mère s'implique effectivement dans divers programmes des CLSC, du centre jeunesse. Une tentative de réinsertion est alors tentée: malheureusement, un échec.
À huit ans, Michaël avait donc à son actif 10 placements dans six familles d'accueil différentes, autant de tentatives de réinsertion avec la mère, soit en mesures volontaires ou en mesures ordonnées.
Évidemment, vous comprendrez, Michaël développe à ce moment des problèmes de comportement et doit être placé en centre de réadaptation. Quelques semaines, un répit. S'ensuivent de nombreux allers et retours entre le centre de réadaptation et le milieu maternel, qui finissent habituellement en catastrophe. Les séjours deviennent de plus en plus espacés et courts chez la mère.
Tout à coup, le père réapparaît dans la situation de Michaël, lorsqu'il a 12 ans. Il dépose alors une requête au tribunal pour reprendre son fils, mais, après quelques semaines de vécu entre ces deux inconnus, père et fils, le père ramène son fils à la DPJ. Depuis, aucune nouvelle. À 16 ans, malgré de multiples allers-retours auprès de ses parents, une quinzaine de déplacements en famille d'accueil, des déplacements en unité de réadaptation nombreux, cet enfant ballotté souhaite toujours retrouver un toit, et en priorité avec sa mère.
Quelques jours avant ses 16 ans, lors d'une discussion de cas, la mère, accompagnée d'une professionnelle d'un organisme communautaire, annonce à Michaël qu'elle ne le reprendra jamais mais qu'elle demeure quand même disponible pour l'accueillir en quelques occasions. Amèrement déçu, Michaël ne fait pas de crise, il n'en a jamais fait devant sa mère. Il fugue quelques jours plus tard et se pend. Michaël avait 16 ans.
Évidemment, tous les enfants et adolescents vivant des troubles graves d'attachement ne décident pas de mettre fin à leur vie, heureusement. Certains développent des problèmes les amenant jusqu'à une lourde délinquance et d'autres vers des dépendances importantes. De plus, les situations comme celle de Michaël ne se comptent pas par milliers à l'intérieur des centres jeunesse, mais c'est justement pour ces jeunes immensément vulnérables que nous appuyons toutes les mesures de stabilité insérées dans le projet de loi.
Nous sommes tous en accord avec l'introduction de bornes, aux articles 22 et 52 du projet de loi, visant la stabilité dans la vie de ces enfants ballottés. De plus, nous croyons que le projet de loi vise juste en insistant pour intervenir tôt dans la vie d'un enfant. La notion de temps, pour lui, étant naturellement fort importante.
Nous sommes conscients du débat actuel de valeurs entre des groupes de pression, des professionnels, les chercheurs qui opposent leurs positions, leurs craintes, leurs idéologies et leurs expertises autour des choix de priorités, soit en faveur de l'enfant ou de la famille. La question qui se pose est la suivante: Devons-nous investir massivement auprès des familles, avec leurs forces et leurs limites, ou prenons-nous partie pour l'enfant, son présent, son avenir?
Les problèmes d'attachement sont complexes et demandent des interventions variées, des solutions multiples. Le projet de loi actuel vient réaffirmer l'importance d'investir nos forces, nos services, nos actions pour aider prioritairement les familles. Nous croyons qu'il faille tout faire pour donner plus d'une chance à ces jeunes adultes de se prendre en main au profit de leurs jeunes enfants. De plus, un encouragement à l'investissement de la famille élargie ? les grands-parents, par exemple ? doit être souligné. En ce sens, nous encourageons vivement la notion de tutelle subventionnée qui a été intégrée dans le projet de loi et qui à notre avis est un gain important pour les enfants.
Nous avons donc choisi, réseaux communautaires, centres de santé et services sociaux, centres jeunesse, d'aider les familles les plus souffrantes, de croire en elles et en leurs capacités. Cependant, tous ces efforts, louables mais toujours pas assez nombreux et intensifs, ne doivent pas s'effectuer au détriment d'un enfant, sa santé, son intégrité et son avenir. Nous croyons donc qu'au lieu de diviser nos forces il est possible de s'associer, de combiner nos actions pour répondre aux besoins des enfants et des familles qui vivent des troubles graves d'attachement. Cette partie du projet de loi devient donc un outil supplémentaire indispensable pour viser la stabilité dans la vie de ces jeunes enfants.
Enfin, nous sommes conscients que cette introduction dans la loi obligera un réel investissement de certains parents, le développement d'expertises encore plus rigoureuses et un niveau de diagnostic et d'intervention qui exigera une présence ainsi qu'une intensité de services. Nous croyons fermement que les Michaël du Québec en valent la peine, l'investissement, et nous y sommes prêts. Je vais laisser la parole à Mme Berardino.
Mme Berardino (Pascale): M. le Président. Je voudrais vous entretenir de l'importance de l'inscription des délais dans la loi. D'abord, ces délais empêcheront certainement le ballottement de l'enfant entre sa famille naturelle et la famille d'accueil. Je peux vous affirmer que ce type de ballottement existe encore aujourd'hui, et cela s'explique par le fait que la loi le permet et même l'encourage.
En effet, l'article 4, dans son libellé actuel, oblige tous les décideurs à tendre au maintien ou au retour de l'enfant dans son milieu familial. Ce n'est que lorsqu'un tel maintien est impossible que l'on pourra rendre une décision tendant à assurer à cet enfant la continuité des soins et la stabilité de ses conditions de vie. Or présentement les enfants sont soumis à la subjectivité des principes que décide d'adopter chacun de ces décideurs quant au degré d'impossibilité et au moment où ce degré est atteint. Le statu quo ne permet pas de protéger adéquatement les enfants les plus vulnérables sous la gouverne de la loi.
La présence des délais dans la loi est donc nécessaire pour que les décisions soient prises au bon moment dans la vie de l'enfant, afin d'éviter que des dommages irréparables ne lui soient causés, et la seule modification à l'article 4 est insuffisante pour assurer cet objectif.
Les délais permettront également d'éviter le ballottement plus tard dans leur vie, alors que ces mêmes enfants qui ont passé de leur famille naturelle à des familles d'accueil se retrouvent à l'adolescence avec des troubles de comportement dus à leurs troubles d'attachement qui font en sorte qu'ils se mettent à voguer d'une famille d'accueil à une autre ou d'une famille d'accueil à un foyer d'accueil ou à un centre de réadaptation.
D'aucuns vous diront que les articles qui introduisent les délais dans la loi compromettent la règle de droit en limitant trop la discrétion judiciaire. Or, avec respect pour l'opinion contraire, il n'en est rien.
Au moment où le DPJ se présente devant le tribunal, à l'expiration de ces délais, il y aura un débat sur le projet de vie de l'enfant. Le directeur présentera sa recommandation, et chaque partie ? l'enfant et chacun de ses parents ? pourra faire valoir son point de vue au tribunal, qui tranchera.
Comme dans d'autres domaines du droit, le législateur ici fait le choix de donner priorité à un principe clinique qui est celui de la théorie de l'attachement et d'en faire la pierre angulaire des modifications proposées.
Par ailleurs, le tribunal pourra passer outre au délai prévu si le retour de l'enfant dans son milieu familial est envisagé à court terme ou si l'intérêt de l'enfant l'exige, pour des circonstances exceptionnelles ou des motifs sérieux. La question soulevée durant cette commission était de savoir si cette exception était assez large pour permettre à la discrétion judiciaire de s'exercer. Nous soumettons que oui. En effet, nous ne pouvons souscrire à la prétention à l'effet que le critère des circonstances exceptionnelles signifie «presque jamais». Ce critère, connu en droit, s'apparente à l'impossibilité d'agir, et il en est de même du critère des motifs sérieux.
En matière de protection de la jeunesse, le parent qui n'a pas eu accès aux services nécessaires à sa réhabilitation parentale ou qui s'est retrouvé plusieurs mois sur des listes d'attente pourrait très bien invoquer ce fait à titre de circonstance exceptionnelle ou de motif sérieux justifiant de passer outre au délai, dans la mesure où il a continué de maintenir un lien significatif avec son enfant. D'où l'importance de l'investissement dans l'intensité de l'intervention sociale.
Plusieurs craignent que ces délais favorisent l'adoption des enfants au détriment de l'aide que le DPJ devrait apporter aux parents. C'est bien mal connaître l'état du droit actuel et l'effet du projet de loi sur celui-ci.
D'abord, il faut savoir que la procédure en matière de protection de la jeunesse est séparée de celle de l'adoption; la première étant régie par la Loi sur la protection de la jeunesse et la seconde par le Code civil. Or, le projet de loi ne comporte aucune modification aux articles du Code civil sur l'adoption, incluant l'article qui établit les conditions d'adoptabilité, c'est-à-dire que, pour qu'un enfant soit déclaré adoptable, il faut que ni son père ni sa mère n'aient assumé de fait les soins, l'entretien ou l'éducation de cet enfant depuis au moins six mois. Le projet de loi n° 125 ne touche pas à cette disposition et ne modifie pas les pouvoirs du tribunal en protection de la jeunesse, qui ne peut pas ordonner une adoption.
De plus, les tribunaux du Québec se sont prononcés à plusieurs reprises à l'effet que le DPJ ne peut créer artificiellement une situation d'abandon d'un enfant. Il ne pourrait, par exemple, limiter ou interrompre sans raison les contacts parents-enfants dans le seul et unique but de faire adopter un enfant.
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(10 h 50)
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Un petit mot sur les approches consensuelles. Le 9 février dernier, la Cour supérieure rendait un jugement en faveur de la légalité des conventions intérimaires en cours d'évaluation. L'honorable juge André Denis s'exprimait ainsi: «Toute l'économie de la Loi sur la protection de la jeunesse et du corpus législatif québécois en matière de protection de l'enfance veut que l'intervention sociale et thérapeutique précède l'intervention judiciaire. Elle vise même, dans la mesure du possible et dans le plus grand intérêt de l'enfant et de sa famille, à éviter la judiciarisation d'une situation de crise pour y préférer l'intervention sociale et thérapeutique. L'intervention judiciaire, malheureusement essentielle en certains circonstances, doit être réservée aux cas qui ne peuvent être réglés autrement de façon amiable. Comme dans toutes les circonstances de la vie.» Fin de la citation.
Les approches consensuelles s'inscrivent, aussi, dans la foulée d'un virage amorcé dans le monde juridique depuis quelques années. Avant de céder la parole, je voudrais mentionner que les avocats des centres jeunesse ont été consultés et ont participé activement à l'élaboration du mémoire et des recommandations de l'Association des centres jeunesse, qui reflètent leurs points de vue professionnels unanimes. Sans plus tarder, je passe la parole au directeur général de l'Association des centres jeunesse du Québec, M. Jean-Pierre Hotte.
Le Président (M. Copeman): M. Hotte, je veux vous indiquer, il reste 3 min 15 s à peu près.
M. Hotte (Jean-Pierre): Excellent. Merci. Nous avons beaucoup entendu parler de l'imputabilité du DPJ tout au long de la commission parlementaire; il est donc devenu important de vous donner notre point de vue à ce sujet.
Le DPJ est déjà sous très haute surveillance, le Tribunal de la jeunesse en premier lieu, sans oublier les avocats des jeunes et des parents, le Commissaire aux plaintes, le Protecteur des usagers, le ministère de la Santé et des Services sociaux, le Vérificateur général, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, le comité des usagers, auquel s'ajoute maintenant le nouveau Commissaire à la santé et aux services sociaux, ainsi qu'un comité de vigilance relevant des conseils d'administration, sans compter les nombreux rapports déposés au ministre responsable et évidemment les médias, sans négliger bien sûr les parlementaires. Le débat soulevé nous mène cependant plus loin.
Certains ont parlé de créer un autre surveillant pour les enfants, un ombudsman, comme certains l'ont dit, afin de veiller à l'intérêt des enfants, mais au sens plus large que seulement centré sur les responsabilités du DPJ. Nous croyons que nous pouvons atteindre cet objectif sans toutefois pour autant créer de structures additionnelles. En effet, en plus des entités déjà mentionnées, certaines existent actuellement et pourraient exercer de façon plus précise ce rôle d'assurance, si le gouvernement le précise.
En tout premier lieu, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a le mandat, selon l'article 23 de la loi actuelle, de faire état de ses recommandations auprès du ministre de la Santé et des Services sociaux mais aussi envers le ministre de la Justice et de l'Éducation. À vous d'exiger que la commission exerce pleinement ce rôle. Jusqu'à présent, il a été maintes fois question de la DPJ mais trop peu des autres instances pourtant aussi responsables du sort réservé aux enfants et aux familles québécoises.
En second lieu, la loi n° 83, modifiant la Loi sur les services de santé et services sociaux, vient de créer le Commissaire à la santé et aux services sociaux, qui fait rapport au ministre en titre. Ce commissaire pourrait aussi se voir confier un rôle de vigie dans l'intérêt des enfants et des familles, il ne faudrait pas l'oublier.
De plus, le Protecteur du citoyen, qui inclut désormais le Protecteur des usagers, fait rapport à l'Assemblée nationale. L'enfant étant un citoyen à part entière, grâce notamment à la Loi sur la protection de la jeunesse, le Protecteur du citoyen pourrait aussi exercer un rôle accru et plus large d'alerte concernant la situation des enfants et des familles en difficulté. En effet, pourquoi ne pas demander une attention spécifique du Protecteur du citoyen, dans son rapport annuel, en regard tant des politiques gouvernementales que du rôle des centres de petite enfance, les milieux scolaires, les municipalités, les milieux de la justice, les organismes communautaires et aussi, évidemment, du réseau de la santé et des services sociaux, incluant les centres jeunesse? Une autre façon, selon nous, de mieux informer la population.
Enfin, pour la troisième année consécutive, les DPJ du Québec vont produire leur bilan annuel, au cours duquel ils rencontrent tous ensemble les médias pour dresser un portrait de la détresse des enfants et des familles en difficulté. Ils visent ainsi à éveiller la conscience et la responsabilité collectives à la souffrance et aux besoins des familles vulnérables. Les DPJ, affirmant leur rôle social, ont ainsi choisi d'agir volontairement, parce qu'ils veulent que toute la société québécoise connaisse, partage leurs préoccupations face à l'avenir des enfants et aussi pour mieux faire connaître leur rôle auprès de cette société.
C'est pourquoi, si vous y voyez là une proposition intéressante, nous vous invitons à considérer l'introduction dans le projet de loi n° 125 d'un ajout afin que cette démarche, jusqu'ici volontaire, devienne obligatoire et que ce bilan annuel des DPJ soit déposé de façon officielle directement au ministre responsable de la protection des enfants. Nous pensons que ceci apportera encore plus de transparence et répondra aux attentes d'une reddition de comptes accrue de la part des DPJ auprès de la population et auprès des parlementaires. Je vous remercie de votre écoute. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. Hotte. Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation.
Mme Delisle: Alors, merci, M. le Président. Madame, messieurs, bienvenue. Je sais que vous avez suivi très scrupuleusement et très religieusement les échanges que nous avons eus depuis le début des travaux de cette commission parlementaire. Je tiens d'entrée de jeu à dire que personne ici, dans les neuf journées où on a entendu des groupes... on n'a fait le procès de personne. On a entendu les gens, les groupes venir nous dire ce qu'ils considéraient améliorable dans le projet de loi, d'autres déplorer ce qui n'y était pas. Mais grosso modo je pense que tous ceux et celles qui se sont présentés devant nous avaient et ont toujours comme objectif premier la protection des enfants.
J'ai, comme tout le monde, lu votre mémoire. Je ne reviendrai pas sur les 58 ou les 59 recommandations que vous avez faites. Qu'il me suffise de vous dire que nous sommes en train de les analyser, comme nous analysons les autres, et que ce qu'il sera possible d'introduire dans la loi, lorsque nous reviendrons en commission parlementaire... On va faire des débats, j'en suis certaine, très enrichissants.
Vous avez entendu comme moi des groupes, des personnes, des jeunes se questionner sur certaines pratiques. La base de la loi, c'est sûr, une des pierres d'assise, c'est l'introduction des durées maximales de placement. Ça a permis de faire un débat évidemment sur les interventions qui sont faites auprès des familles, l'intensité des services, l'application des mesures, quelquefois la mécompréhension que les familles ont... pas quelquefois, je pense que, les familles, ça ne doit pas être facile pour les familles lorsqu'on débarque d'autorité.
D'ailleurs, la première fois que j'ai rencontré l'Association des centres jeunesse, on m'a bien fait comprendre que c'était une intervention d'autorité et que ce n'était pas plus facile pour la DPJ de débarquer dans une famille que ça l'était pour la famille d'ouvrir la porte, puis de voir arriver ces gens-là, puis de se faire dire: Bien, il y a une situation de compromission ici. Puis je pense qu'il faut que les gens qui nous écoutent comprennent que c'est une loi d'exception et qu'on ne fait pas ça pour le plaisir de le faire. C'est parce que l'État a décidé un jour, il y a bientôt 27 ans, de se doter d'une loi qui protégeait les enfants.
L'évolution des connaissances, des pratiques sociales et même juridiques fait en sorte qu'on nous a fait des commentaires et on nous a fait aussi des propositions. J'aimerais discuter de quelques-unes avec vous.
Vous nous avez bien fait comprendre le lien qu'il y avait entre le DPJ et le directeur général des centres jeunesse. Je pense que vous l'avez étayé, vous nous l'avez expliqué. De toute façon, on n'a pas introduit dans la loi de dispositions pour changer cette structure-là.
Par contre, je vous dirais, après avoir entendu plusieurs commentaires, je pense entre autres en ce qui touche les approches consensuelles, la crainte que les parents, les grands-parents ont, si je veux soulever cette réalité-là, et les enfants, mais surtout que les enfants et les grands-parents ont est à l'effet que, lorsqu'on s'assoit pour trouver des mesures volontaires ? dans les circonstances où ce n'est pas possible, bien là, ça, c'est une autre paire de manches ? dans les circonstances où on doit... on veut travailler avec la famille, qu'on ne cherche pas nécessairement un placement, qu'on veut s'assurer que tout se fasse correctement, mais qu'il y a une période où il y a des gens qui vont devoir prendre charge de cet enfant-là, pour toutes sortes de raisons...
Vous nous avez dit tout à l'heure ? je ne me souviens plus qui a dit ça, je l'ai noté, attendez un petit peu... ? que vous souhaitez un encouragement à la famille élargie. Ce n'est pas ce que nous ont dit les grands-parents. Les grands-parents nous ont dit: Il faut que nous soyons impliqués. On a fait admettre aux grands-parents que, ceux qui n'ont aucun lien dans la vie des enfants, ce n'est pas de ceux-là qu'on parle, on parle de ceux qui ont déjà des liens d'attachement significatifs avec leurs petits-enfants et qui sont complètement exclus de toute intervention.
J'aimerais savoir de votre part comment on peut faire pour les inclure dès le départ? Ça, c'est ma première question. Je vais vous demander si vous pouvez répondre... parce que j'en ai beaucoup, de choses à vous demander.
M. Hotte (Jean-Pierre): D'accord, je vais essayer de faire rapidement.
Mme Delisle: Excusez-moi, là.
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(11 heures)
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M. Hotte (Jean-Pierre): Bien, effectivement, déjà, d'entrée de jeu, on l'a répété à maintes reprises, le meilleur projet de vie stable pour un enfant, d'abord, c'est avec ses parents, et il faut tout mettre en oeuvre. Et là ça requiert une intensité d'aide auprès de ces parents-là qui ont souvent de grandes difficultés. Et ça, ce serait déjà, je trouve, un gain extrêmement important si on peut aller dans ce sens-là. Ensuite, lorsque, dans le projet de loi n° 125, vous introduisez à la fois la notion de personne significative, là, je pense que ça, c'est une ouverture extrêmement intéressante, parce qu'effectivement les grands-parents, comme d'autres membres de la famille élargie, oncles, tantes, parrains, marraines, peuvent faire partie des personnes qui devraient être considérées, parce que, là, il y a un lien aussi. Et la notion de tutelle, que vous avez ajoutée dans le projet de loi, nous paraît doublement intéressante parce qu'elle permet que certaines de ces personnes-là qui ne pouvaient pas s'investir jusqu'ici pourront désormais, je pense, le faire avec un appui additionnel.
Mais déjà il y a une préoccupation qui existe, il y a déjà un grand nombre d'enfants qui sont confiés à des grands-parents, à des oncles, des tantes, des membres de la famille élargie. Mais d'introduire ces notions-là dans la loi, je pense, nous donnerait des outils supplémentaires, additionnels pour leur faire une place aussi. Ce que nous ne voulons pas, ce serait d'aller sur des automatismes. Il y a d'excellents grands-parents, au Québec, tout comme il y a d'excellents parents. Heureusement, c'est la grande majorité. On parle d'une loi qui s'adresse à une clientèle qui est toute petite mais qui est malheureusement importante, et c'est important aussi donc de considérer chacune de ces situations-là, de les apprécier.
Mme Delisle: Les grands-parents nous ont dit qu'ils souhaitaient être partie prenante de la décision là où c'est possible. On comprend que le lien biologique n'est pas nécessairement synonyme de lien de compétence, on se l'est fait dire par l'ordre des psychologues, par l'ordre des psychoéducateurs aussi, mais je pense que, si j'avais un souhait à faire à la clôture de ces travaux, c'est qu'on trouve le moyen dans la pratique, lorsque c'est possible ? moi, je pense que tout le monde comprend, là, lorsque c'est possible ? qu'on puisse... que ce soient les grands-parents ou un membre de la famille élargie, ça peut même être, de façon sécurisante pour un enfant, ça peut même être un éducateur, ça peut être quelqu'un qui l'a suivi dans sa démarche et en qui le jeune aurait pleine confiance. Je ferme la parenthèse là-dessus, mais je pense que ce qu'on a entendu sur la pratique dans les centres jeunesse ? et il y a des centres jeunesse qui le font automatiquement ? on a entendu plusieurs personnes nous dire qu'il n'y avait pas d'uniformisation dans la formation et que les intervenants y allaient de bonne foi, là, mais avec leur perception, leur façon de voir les choses.
Je vous dirais sincèrement que, s'il y a une chose que je retiens de l'ensemble de ces travaux, c'est que, malgré le fait qu'il faille, oui, encadrer dans une loi, hein ? on n'a pas le choix, il y a des éléments qui doivent être là ? je pense qu'il faut aussi comprendre qu'il faut faire confiance à de nouvelles méthodes, de nouvelles façons de voir. J'en ai vu dans les régions du Québec, des collaborations extraordinaires entre le centre jeunesse, les organismes communautaires, les CSSS. J'ai aussi entendu des gens me dire que c'était très difficile d'avoir la collaboration de certains centres jeunesse; ça vient des organismes communautaires, que ce soit en toxicomanie, qui hébergent des jeunes, qui cherchent à ne pas nécessairement les retourner dans les centres de réadaptation. Ils veulent donner la chance aux jeunes, puis cette collaboration n'est pas là. Ce n'est pas nécessairement une question, c'est un commentaire que je passe. Et il serait souhaitable à mon avis qu'on puisse s'ouvrir, dans l'ensemble du Québec, dans l'ensemble des régions du Québec, s'ouvrir à ces nouvelles pratiques, à ces nouvelles... Il faut se faire confiance, à mon avis. On a trop l'impression, puis c'est la même chose dans ce qu'on fait, nous, qu'on a la bonne réponse puis qu'on sait où on s'en va, puis on a de la difficulté des fois à s'ouvrir à de nouvelles façons de faire.
M. Picard (Camil): Vous savez, Mme la ministre, le plus grand drame pour des enfants, c'est justement les situations où il n'y en pas, de grands-parents, il n'y a pas de famille élargie puis il n'y a pas de personne significative, et c'est un peu la situation qu'on peut démontrer, pour un certain nombre d'enfants, où il n'y a pas de réseau familial ou social auprès de cet enfant-là.
Nous avons entendu, nous aussi, les craintes et les préoccupations des grands-parents, des familles élargies, et vous avez raison de souligner qu'il y a des pratiques de plus en plus courantes pour faire en sorte dès le début, dès les mesures d'urgence ? le nom va changer, là, mais dès les mesures d'urgence ? de solliciter la famille élargie, de solliciter les grands-parents, de solliciter l'animatrice dans un CPE ou une personne significative pour l'enfant, et, dans les pratiques, partout au Québec, nous avons le même souhait, et il est clair, que, dans les régions possiblement où les pratiques sont plus avancées, ça devrait être des maîtres-d'oeuvre de cette pratique-là.
Par contre, il y a aussi des situations où, en protection de la jeunesse, des parents, des jeunes parents vivent des drames ou vivent des situations difficiles, il y a aussi des situations de conflit à l'intérieur des familles, et, même si notre souhait serait d'impliquer des membres de la famille élargie à des discussions de cas ou les impliquer dans des pratiques, il en demeure que le droit du parent à ce moment-là, c'est de dire oui ou non. Et il arrive aussi, par contre... Possiblement que les grands-parents ne le disent pas à ce moment-là, mais ils ont beaucoup de peine, ils ont beaucoup de préoccupations, ils voudraient s'occuper de leurs tout-petits, mais ils vivent un conflit de famille ou un conflit où leur propre enfant est en conflit avec un conjoint ou un autre ami. Donc ça, il faut faire attention.
Mais la préoccupation, et le souhait, qu'on a entendu partager par tout le monde, ici, au cours des neuf dernières journées, elle est partagée, et c'est clair que des efforts doivent continuer dans ce sens-là.
Mme Delisle: Je voudrais vous parler de la formation. On nous a soulevé ici... Puis, moi, je l'ai entendu dans mes tournées de la part de gens à l'extérieur des centres jeunesse, des gens... que ce soient certains avocats, que ce soient des intervenants du milieu mais qui ne relèvent pas des centres jeunesse, la grande difficulté que ces gens-là voyaient, c'était le manque d'uniformisation dans la formation des intervenantes. On a soulevé en commission qu'il y avait un grand roulement de personnel, que les intervenants étaient jeunes, que c'étaient des gens qui manquaient d'expérience de vie. Bon, on ne peut pas leur reprocher ça. C'est l'emploi qu'ils ont choisi, ils ont été formés là-dedans. Il n'en demeure pas moins que...
Je sais qu'il y a le programme national de formation, qu'il y a beaucoup de gens qui ont été formés, là, à partir de votre programme à vous, mais est-ce qu'il n'y a pas lieu de peaufiner peut-être davantage ce programme-là pour apprendre davantage ? puis là je n'ai pas suivi votre cours de formation, là, mais ? à comment mieux intervenir auprès des familles? Et là je ne parle pas juste de l'intervention immédiate, lorsqu'on doit rentrer dans la famille, on retire un enfant, mais dans la suite des choses. On ne voit pas les choses de la même manière, qu'on ait mon âge ou qu'on en ait 25, on vit dans des situations économiques et sociales qui sont différentes. Moi, c'est quelque chose que j'ai souvent entendu, que les intervenants veulent imposer leurs façons de faire plutôt que de chercher à comprendre. Ils ont peut-être raison. Ils ont peut-être tort.
Mais qu'est-ce qu'on peut faire pour changer ça? Parce que, moi, ce que je trouve le plus intéressant puis le plus important, c'est qu'on cherche l'adhésion des parents. Les enfants qui sont retirés de leurs familles, j'en ai vu en centre jeunesse, ils sont bien, ils ne sont pas malheureux, ils auraient aimé rester dans leurs familles. On a même entendu, hier, je pense que c'était à TVA, je crois, un jeune qui disait: Bien, moi, mon plus grand souhait, c'est de retourner chez moi, à la maison. Mais c'était comme clair qu'il ne pouvait pas y aller, parce que le père n'était pas là ? je n'ai pas tout compris, là ? mais ou la mère n'était pas là. Mais c'est leur souhait. Leurs parents demeurent leurs parents. Alors, comment on peut amoindrir, tout en sachant... je sais que c'est une grosse commande, mais que les parents ne se sentent pas lésés là-dedans puis mis de côté? Ils ont l'impression d'être écrasés. Puis je ne dis pas que c'est par tout le monde, là. Sincèrement, ce n'est pas ça que je dis. Mais on a l'opportunité de vous avoir aujourd'hui pour en parler.
M. Hotte (Jean-Pierre): Plusieurs éléments là-dessus. D'abord, je pense que vous avez eu l'occasion de le constater, vous êtes allée visiter plusieurs centres jeunesse: les hommes et les femmes qui travaillent dans le réseau de protection, dans le réseau des centres jeunesse sont d'abord et avant tout des gens de coeur. Et il faut aussi dire qu'effectivement nous avons été très rigoureux depuis la création des centres jeunesse, depuis 1993, pour que toute personne maintenant qui est embauchée d'abord ait une formation de base, soit technique, diplôme d'études collégiales, ou universitaire. Et il y a de plus en plus de gens qui ont des diplômes universitaires, il faut aussi le rappeler.
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(11 h 10)
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Ceci, ça n'assure pas effectivement la dimension des attitudes ce que vous soulevez. Ça, c'est à travers les programmes de supervision et de formation. Il faut se rappeler malheureusement qu'on a sabré, il y a eu des compressions budgétaires, il y a eu aussi le déficit zéro, avec une perte d'expertise, et ça... Parce que, pour de jeunes intervenants qui veulent bien, qui sont engagés, qui sont dédiés, qui aiment ce métier-là, qui l'ont choisi et qui sont passionnés effectivement au début de la carrière ? je l'ai assumé, ce rôle-là ? ce n'est pas un métier facile. Et c'est tellement important d'avoir des gens aussi qui ont du métier, qui ont de l'expérience, qui sont en mesure de nous aider, d'objectiver des choses et de développer ces attitudes-là d'écoute, de compréhension, d'empathie dans des situations où il y a des tensions extrêmes, très fortes. Lorsqu'on arrive dans une famille, dans des situations de violence conjugale, de violence physique, d'abus sexuel, ce ne sont pas des situations faciles. Et le programme national de formation que nous avons mis en place vise ce double objectif, à la fois, oui, des connaissances mais aussi des habiletés et du savoir-être, du savoir-faire, mais pas uniquement du savoir-faire. Il faudra intensifier.
Et je pense qu'on a un programme remarquable. C'est clair que nous n'avons pas atteint tous les objectifs, parce qu'évidemment il y a une question de coût. Il faut aussi quand même se dire que les centres jeunesse, malgré que la loi impose 1 % du budget de la masse salariale qui soit consacré à la formation, dans la dernière année, je regardais les chiffres, c'est plus de 2,5 %, c'est plus du double que nous avons consacré. Mais il y a des limites aussi, on ne peut pas tout mettre en formation au moment où on a tant de jeunes et de familles à qui il faut venir en aide. Alors, si on peut avoir de l'aide de votre part à ce niveau-là, nous serons les premiers heureux, pour donner encore plus de soutien. Et aussi, au niveau de la supervision, on a beaucoup coupé du côté de l'encadrement, et ça aussi, ça a eu des répercussions. Il ne faut pas se cacher cette réalité-là.
Mme Delisle: Deux points rapidement. Un commentaire qui est dans la foulée de ce qu'on vient de discuter, les femmes victimes de violence conjugale et les groupes de défense des droits de gens qui souffrent de santé mentale sont venus nous dire qu'il y avait une grande méconnaissance des symptômes de cette affliction-là ? c'est juste un commentaire que je passe. Je pense qu'il faudra peut-être travailler là-dessus pour s'assurer que ceux qui travaillent en première ligne, là je parle par rapport aux centres jeunesse, puissent essayer de trouver des moyens d'être davantage sensibilisés à ce que ça signifie, ce que ça veut dire.
La question que j'ai par contre ne relève pas de ce que je viens de vous dire, elle touche l'adoption. Je ne vous questionnerai pas sur la pertinence d'avoir l'adoption simple, l'adoption plénière, on est en train de réfléchir là-dessus. Mais certains nous ont soulevé une apparence de conflit d'intérêts lorsque l'intervenante ou le travailleur social s'occupe d'une famille et d'un enfant qui est placé en Banque-mixte, s'occupe à la fois de ce dossier-là, de cette famille-là, mais travaille aussi à faire adopter l'enfant par la famille qui souhaite l'adopter. Est-ce qu'il n'y a pas lieu de revoir cette façon de faire? Est-ce que ces gens-là se trompent? Je vous pose la question puis... C'est ça.
Mme Berardino (Pascale): Mme la ministre, alors, quand un intervenant considère l'adoption comme une option pour un enfant, c'est une option parmi tant d'autres. Alors personnellement je ne vois pas le conflit d'intérêts. Il n'y a pas de conflit d'intérêts, parce qu'il n'y a pas... l'intervenant n'a pas d'intérêt personnel à faire valoir, il n'a que l'intérêt de l'enfant à faire valoir. Alors, pour faire primer cet intérêt-là, il doit considérer toutes les options possibles pour l'enfant. Et il faut se rappeler que l'adoption, c'est l'option ultime, c'est l'option finale, c'est l'option pour un enfant qui est en état de fait d'abandon de la part de ses parents. Alors, le conflit, je ne le vois pas.
Mme Delisle: Mais, si l'enfant est en Banque-mixte, donc, en Banque-mixte, c'est parce qu'on s'en va vers l'adoption, possiblement, moi, c'est ce que je comprends, là, depuis un an... Donc, on place l'enfant en Banque-mixte, mais la mère ou le parent doit donner, au bout d'un certain temps... en fait donne la permission, c'est-à-dire, pour que son enfant soit en Banque-mixte, donc la possibilité que son enfant soit adopté. Ce qu'on nous dit, c'est que l'intervenante, le travailleur social doit travailler à la fois... je veux dire, les parents doivent recevoir les services, parce qu'en fonction de la loi, lorsqu'elle sera appliquée, bien il va falloir qu'on travaille aussi sur les capacités parentales puis la possibilité pour l'enfant, si c'est possible, de retourner là, mais on travaille aussi... parce qu'on a trouvé des parents qui souhaitent adopter des enfants, donc des parents dans une situation d'adoptabilité de l'enfant. C'est là-dessus que les gens nous ont dit qu'il semblait y avoir un conflit d'intérêts.
M. Hotte (Jean-Pierre): Si vous me permettez, M. le Président. En fait, Mme la ministre, c'est qu'il y a peut-être une prémisse qui n'est pas tout à fait exacte dans votre affirmation. Lorsque l'on songe à recourir à la Banque-mixte, effectivement ce sont des enfants pour lesquels on pense qu'il pourrait y avoir un projet d'adoption, et donc évidemment ce sont des enfants pour lesquels déjà on constate des limites extrêmement importantes, donc des incapacités souvent persistantes, graves et persistantes du côté des parents. Nous n'irons jamais confier un enfant en Banque-mixte au moment où on pense qu'il y aurait un projet de vie qui serait tout à fait possible, probable, d'un retour éventuel dans sa famille. À ce moment-là, si jamais on devait le retirer temporairement, on va penser à une famille d'accueil régulière, je dirais, mais pas du tout une famille d'accueil sous l'angle Banque-mixte. Alors, je pense que c'est important d'au moins clarifier ces zones-là.
Mme Delisle: C'était sur le conflit d'intérêts, mais on reviendra une autre fois là-dessus.
Le Président (M. Copeman): On s'approche de la fin du temps imparti, mais j'ai une question pour M. Picard. M. Picard, vous avez effleuré tout le phénomène du suicide. Moi, je pense qu'on peut le décrire comme un fléau au Québec. Nous avons un taux de suicide chez les jeunes... en tout cas, si ce n'est pas le plus élevé au pays, c'est parmi les plus élevés au pays. Avez-vous un portrait du taux de suicide ou de tentatives de suicide chez les jeunes qui sont sous la Loi sur la protection de la jeunesse, comparé à la population en général? Et, si oui, avez-vous une stratégie d'action pour tenter de contrecarrer ce fléau?
M. Picard (Camil): Oui. Vous savez que les jeunes confiés aux centres jeunesse sont les plus vulnérables de notre société. Donc, des recherches qui ont été faites au cours des dernières années, en particulier par des groupes de recherche de Trois-Rivières, ont démontré le niveau de vulnérabilité et du fait qu'on retrouve à l'intérieur des centres de réadaptation un groupe de jeunes beaucoup plus vulnérables à ce type de passage à l'acte. Alors effectivement on a une clientèle très à risque, pour laquelle à l'occasion on doit prendre des mesures pour les arrêter, pour justement éviter qu'ils mettent fin à leur vie.
Depuis les dernières années, effectivement il y a une stratégie d'intervention dans chacune des régions du Québec, de plans qui ont été mis en place avec l'accord des agences, des CSSS, des groupes de médecins pour mettre en place dans chacun des centres jeunesse des intervenants spécialisés en intervention de suicide qui vont aider nos intervenants à bien détecter les symptômes que les jeunes pourraient leur transmettre lors de rencontres ou à l'intérieur d'un groupe et d'intervenir aussi... pas juste de détecter, mais aussi d'intervenir auprès de ces jeunes-là. C'est un programme qui fonctionne bien. C'est un programme qui est dans toutes les régions du Québec. Il y a trois niveaux d'intervention: niveau d'intervention premier, pour nos intervenants, de formation, de détection; deuxième niveau, avec les médecins des anciens CLSC, là, de première ligne, qui nous aident; évidemment pour des jeunes qui malheureusement passeraient à l'acte, soit en famille d'accueil ou en centre de réadaptation, des protocoles avec les hôpitaux de chacune de nos régions. C'est un processus qui fonctionne bien. Mais vous avez raison de croire que, dans nos centres jeunesse, nous avons des jeunes extrêmement vulnérables à ce niveau-là.
Le Président (M. Copeman): Merci. M. le député de Vachon.
M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Bonjour, madame. Bonjour, messieurs. J'ai eu l'occasion, je dirais la chance d'être un observateur participant des travaux de l'association durant un petit bout de temps dans ma vie, et, lorsqu'on vous reçoit ce matin, il y a quatre mots qui me viennent à l'esprit: «rigueur», «ingéniosité», «générosité» et «vulnérabilité».
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(11 h 20)
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M. le Président, je voudrais témoigner quelques secondes de cela, parce que ce que nous voyons apparaître très souvent sur la page frontispice de nos journaux, c'est le nom de l'association ou des intervenants qui sont accolés à des dérapages, à des drames, à des cas de détresse dont on se scandalise. L'association, ses membres, les intervenants font très rarement la page frontispice pour les nombreuses victoires quotidiennes, hebdomadaires, mensuelles et annuelles qu'ils remportent dans un contexte d'extrême urgence et de besoins extrêmes aussi de la part des enfants et de la part des parents. Et je voudrais que vous receviez ce témoignage avec toute l'intensité que je peux y mettre.
Je pense que la rigueur est au rendez-vous chez vous; l'ingéniosité, étant donné très souvent les moyens du bord ? et vous avez fait état de certains événements antérieurs, et c'est vrai ? la générosité avec laquelle vos membres ? et particulièrement je connais des bénévoles qui siègent sur vos conseils d'administration ? se penchent sur les problèmes de cette jeunesse en difficulté, de ces enfants en difficulté; et votre vulnérabilité. Et je pense que l'on devrait vous protéger à la fois dans nos réflexions, dans nos interventions et dans la modification de la loi.
Ceci étant dit, j'ai une seule question, parmi 25 que je peux vous poser, parce que j'ai des collègues qui brûlent de vous poser des questions aussi, alors c'est à propos de la nouvelle mouture de l'article 4 de l'ancienne loi, qui de fait comporte à mon avis deux améliorations importantes: d'abord, le rappel... enfin le recours, dans cet article, à la contribution des personnes significatives, c'est important, et le dernier alinéa: «Lorsque, dans l'intérêt de l'enfant, le retour dans son milieu familial n'est pas possible, la décision doit tendre à lui assurer [...] la continuité des soins et la stabilité» à plus long terme. Ce sont deux ajouts qui m'apparaissent importants.
Cependant, je m'interroge toujours, avec d'autres intervenants qui vous ont précédés, sur la séquence avec laquelle on introduit cet article-là. On nous dit: «Toute décision prise en vertu de la présente loi doit tendre à maintenir l'enfant dans son milieu familial.» On aurait pu choisir de dire: «Toute décision prise en vertu de la présente loi doit assurer la continuité des soins et la stabilité des liens, des conditions de vie appropriées à l'enfant en privilégiant le maintien dans son milieu familial.» Et j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que l'enjeu, ça a toujours été ça... Un des enjeux, c'est cette ambivalence dans laquelle on place les intervenants entre choisir la protection d'un enfant ou son maintien dans son milieu familial, et j'ai comme l'impression que, dans l'article 4, il y a encore des traces de cette ambivalence-là. J'aimerais vous entendre là-dessus parce que vous n'avez pas fait de commentaire, je pense, à ce propos-là ni dans votre mémoire ni ce matin.
M. Hotte (Jean-Pierre): Bien, je peux peut-être amorcer, puis peut-être que mes collègues pourront compléter. Effectivement, je pense qu'on est arrivé à un tournant à ce niveau-là, et une des failles de la loi actuelle, malgré toute la bonne volonté qu'on a pu y mettre, c'est qu'elle n'a pas suffisamment mis l'intérêt de l'enfant de façon claire, nette et précise au-dessus de toutes les autres notions de droit que nous pouvons retrouver effectivement dans cette loi, et c'est ce qui explique en grande partie qu'on s'est retrouvé avec les situations qui ont été largement dénoncées, de ballottage, parce que c'est comme si le droit et les responsabilités des parents et de l'enfant oscillaient.
Et effectivement je pense que vous soulevez là un point extrêmement important. Il me semble qu'on a là l'opportunité d'affirmer encore... mais c'est un débat éthique qui est difficile, je pense que vous l'avez vu au cours des neuf journées, ce n'est pas facile à trancher. Mais je pense qu'il faut arriver, comme société, à se dire qu'évidemment en mettant toutes les balises de sécurité autour de ça... mais donc de vraiment faire en sorte que, dans les situations où les décisions sont effectivement difficiles, l'enfant, lui, ne soit pas sacrifié. Et ça, ça me paraît primordial.
Alors, qu'on mette dans un article ou dans l'autre, je ne suis pas juriste, mais, si on peut au moins s'assurer que c'est ce que l'on recherche et que l'on mette... Évidemment, que l'on mette tout en place pour permettre aux enfants d'être dans leurs familles, j'en suis, mais on le sait que, dans certaines situations, l'impasse est telle, le chemin sera tellement lourd à parcourir que l'enfant, lui, va payer cher cette absence de clarté dans la loi.
Mme Berardino (Pascale): Est-ce que je peux compléter, M. le Président?
M. Bouchard (Vachon): Si le président vous dit oui...
Mme Berardino (Pascale): Nous avions vu un peu ce problème au niveau des priorités des droits dans la loi, et c'est pour ça qu'à la page 7 de notre mémoire on faisait la recommandation d'instaurer plutôt à l'article 3 que le but premier, c'est de maintenir la stabilité des liens de l'enfant. Et la façon dont vous l'avez formulé tout à l'heure, je pense, rejoint la façon dont on travaille, c'est-à-dire que le projet de vie, le premier projet de vie d'un enfant, c'est le maintien avec ses parents, et ensuite on regarde les autres possibilités si ça, ce n'est pas possible.
Le Président (M. Copeman): M. le député de L'Assomption.
M. St-André: ...M. le Président. Une réflexion et trois questions assez précises. Je trouve d'abord que ? on complète aujourd'hui les audiences publiques, la consultation générale, là ? on a entendu beaucoup de choses au cours de cette commission parlementaire là, puis franchement, à l'issue des audiences, il me semble qu'il y a encore plus de questions que de réponses encore sur bien des éléments, dont, entre autres, celui de la durée maximale de placement. En tout cas, en vous écoutant, moi, il y a une bonne... il y a au moins deux douzaines de questions qui ont germé dans mon esprit. Je vais me contenter de vous en poser trois, mais je soumets tout de même aux membres de la commission parlementaire que j'ai l'impression que le débat n'est pas fermé aujourd'hui. Puis, moi, il me semble que ce serait prématuré d'entreprendre l'étude article par article sans revenir sur des témoignages qu'on a entendus au cours de cette commission parlementaire là, parce qu'il y a vraiment eu des points de vue très divergents qui ont été exposés, là, puis, moi, en tout cas, je pense qu'on n'est pas mûrs pour prendre des décisions définitives dans ce dossier-là.
Alors, ma première question. Vous nous avez parlé longuement, vous nous avez présenté un cas réel, le cas du jeune Michaël. On a entendu beaucoup d'autres cas au cours des audiences de cette commission, une mère de famille, entre autres, qui s'est plainte de la façon dont elle a été traitée par les intervenants de la direction de la protection de la jeunesse. On a aussi entendu les propos, hier, en fin d'après-midi, d'un ancien cadre des centres de protection de la jeunesse qui était aussi, il faut se le dire, assez dur à l'égard des centres de protection de la jeunesse. On ne peut pas faire abstraction de ça, c'est là. Et, moi, je reviens toujours, encore, sur une des questions, là, sur cette fameuse durée maximale de placement. Je vous écoutais relater le cas du jeune Michaël tantôt. J'aimerais ça savoir qu'est-ce qui dans la loi actuelle empêchait un centre de protection de la jeunesse d'offrir un projet de vie permanent à cet enfant-là.
Si les dispositions actuelles avaient été en vigueur, sur la durée maximale de placement, puis qu'après un an on aurait retiré la garde de cet enfant-là à sa mère ou à ses parents, qu'est-ce qui aurait fait en sorte que cet enfant-là n'aurait pas été ballotté d'une famille d'accueil à une autre ou qu'on aurait trouvé instantanément une famille d'adoption qui aurait pu lui permettre d'avoir un projet de vie permanent? Moi, je m'excuse, là, mais, dans la durée maximale de placement, je ne vois aucune garantie encore, une fois que le tribunal va avoir tranché, que le projet de vie permanent va émerger comme ça, du Saint-Esprit. Pour moi, il y a... Puis ça, ça a été illustré par l'intervenant en fin de commission, hier. Il faut tout de même faire une distinction entre ce qui va être dans la loi puis de la façon dont ça va être appliqué puis des réalités qui sont vécues par les familles, aussi, là, des réalités concrètes.
Ma deuxième question porte sur la formation académique des intervenants en protection de la jeunesse. J'aimerais ça savoir si vous avez des données précises en ce qui concerne les niveaux de formation académique des intervenants qui oeuvrent dans les centres de protection de la jeunesse, s'ils ont un diplôme collégial, universitaire, une maîtrise, un doctorat. Et j'aimerais savoir aussi si vous avez des données sur la proportion des intervenants qui oeuvrent en protection de la jeunesse qui sont membres d'ordres professionnels, comme les travailleurs sociaux par exemple.
Puis ma troisième question. Le Barreau, lorsqu'il est venu faire sa présentation ici, nous a dit qu'il avait invité des avocats qui oeuvrent en centres de protection de la jeunesse à participer aux travaux d'un comité, mais que ça leur avait été interdit par les directeurs généraux des protections de la jeunesse. J'aimerais savoir si c'est vrai et, si c'est vrai, pourquoi.
M. Picard (Camil): Laissez-moi vous faire plaisir pour votre dernière: je suis directeur général.
M. St-André: Je savais que je posais la question à la bonne personne.
M. Picard (Camil): J'ai 14 avocats qui travaillent, en Montérégie, pour la directrice de la protection de la jeunesse. Ma collègue, tout à l'heure, dans son dernier paragraphe... et, si elle peut le relire, ça vous aiderait à bien saisir... Jamais je n'oserais, comme psychologue et administrateur, donner un ordre comme ça à un avocat. Je ne le pourrai pas, je ne le ferai pas, et aucun de mes 15 autres collègues directeurs généraux ne ferait ce genre d'interdit là.
Si vous permettez, elle va relire son dernier paragraphe, parce que vous avez votre réponse, et après ça on pourra parler...
M. St-André: ...le dernier paragraphe, et c'est pour ça que je vous ai posé la question.
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(11 h 30)
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M. Picard (Camil): Alors, il y a eu une consultation des avocats des centres jeunesse, et qui ont participé au mémoire des centres jeunesse, et qui, je crois, font consensus sur le contenu du rapport.
Mme Berardino (Pascale): M. le Président, si je peux compléter sur cette question, l'invitation aux avocats des centres jeunesse s'est faite, en bout de piste, par le Barreau, après que le Barreau ait fait valoir son point de vue sur le projet de loi en conférence de presse. Alors, on peut ici se poser plusieurs questions sur le processus, mais je pense que ça n'avancerait pas le débat de la commission, et je pense que Me Létourneau vous a dit, la semaine dernière: Gardez-nous d'une confrontation avec nos collègues de la pratique privée, avec qui nous pratiquons tous les jours et pour qui nous avons beaucoup de respect.
Ceci étant dit, nous avons une collègue des centres jeunesse qui a participé aux travaux du comité, et, lorsqu'elle a voulu enregistrer sa dissidence, le Barreau a élégamment offert d'inscrire au mémoire ? et vous le voyez au mémoire du Barreau ? d'inscrire une note à l'effet que le mémoire du Barreau reflétait l'opinion de la corporation professionnelle et non l'opinion personnelle de chacun des membres du comité.
Le Président (M. Copeman): Sur les autres sujets soulevés par le député de L'Assomption, s'il vous plaît.
Une voix: La question des délais et de la formation académique.
Mme Berardino (Pascale): Oui. Alors, si je peux me permettre, à la question: Comment la loi actuelle fait en sorte que ça crée des situations où l'enfant est ballotté?, je vais vous lire le tout début de l'article 4 dans son libellé actuel: «Toute décision prise en vertu de la présente loi doit tendre à maintenir l'enfant dans son milieu familial.» Ce qui veut dire que, lorsque le DPJ ou le tribunal doit rendre une décision par rapport à un enfant, et on va parler surtout des jeunes enfants ici... Disons qu'on se présente pour la première fois devant le tribunal, dans le cas d'un enfant, et on dit: Bien, voici, monsieur et madame ne peuvent pas prendre l'enfant pour l'instant, le tribunal va rendre une ordonnance, et là il a pleine discrétion pour rendre une ordonnance de la longueur qu'il estime raisonnable pour l'instant, dans l'état du droit actuel. Ça peut être deux ans, trois ans, quatre ans.
Au bout de ce quatre ans d'un enfant, par exemple, qui a passé très peu de temps dans sa famille naturelle, au bout de cette période-là, cet enfant-là pourrait se voir confié à sa famille naturelle, qui pourrait s'être reprise en main durant cette période. Sauf que, durant cette période-là ? on parle de trois ans, quatre ans dans la vie d'un enfant qui a le même âge que le temps de son placement ? cet enfant-là a créé des liens ? et je pense que les médecins de la clinique d'attachement, hier, vous ont très bien expliqué le phénomène qui se passe chez cet enfant-là ? et l'importance des délais dans la loi, c'est qu'il faut respecter l'enfant dans la création de ces liens-là et dans son développement qui a été assuré par cet attachement qui s'est créé. L'état du droit actuel ne permet pas de le respecter, et c'est ça que les délais dans la loi vont permettre de changer, parce qu'on va tenir compte du temps, qui ne se compte pas de la même façon dans la vie d'un enfant.
M. Hotte (Jean-Pierre): Sur votre question au sujet de la formation académique, suite à la création des centres jeunesse en 1993, donc au milieu des années quatre-vingt-dix, tous les postes de professionnels, donc toutes les personnes qui ont été engagées à partir de ce moment-là, depuis une quinzaine d'années, ont soit un diplôme d'études collégiales, donc une technique ? par exemple, il y a des gens dans le secteur de la réadaptation, où les postes sont des postes d'éducateur ou éducatrice spécialisé, ils doivent avoir un diplôme collégial ? ou alors, par exemple au niveau des services plus psychosociaux, autant en protection qu'en délinquance, etc., les gens, le titre d'emploi, c'est «agent de relations humaines», là, ARH, mais les gens doivent avoir minimalement un bac, donc un bac en psychologie, un bac en service social, un bac en criminologie, en psychoéducation. Alors, ce ne sont pas toutes les formations qui sont reconnues, là, ce n'est pas des cumuls de certificats.
Mais, par exemple ? j'avais des statistiques ? même pour les gens où on requiert, par exemple, minimalement, un poste, de diplôme d'études collégiales... Par exemple, au Centre jeunesse de Montréal, il y a 1 200 éducateurs, ce sont des postes «éducateur spécialisé». Malgré cela, pour 50 % de ces 1 200 là, là, pour 600, les gens ont un bac, et même une cinquantaine d'entre eux ont un niveau de maîtrise. Alors, je pense, on peut au moins affirmer qu'il y a des qualifications essentielles, de base, là, qui sont présentes à l'intérieur des centres jeunesse.
Au niveau des ordres professionnels ? on a le temps, oui?
Le Président (M. Copeman): Allez-y rapidement, M. Hotte.
M. Hotte (Jean-Pierre): ... ? évidemment tous les postes où c'est obligatoire, par exemple, les membres, les avocats, 100 % sont membres du Barreau, les psychologues, 100 %, les médiateurs, 100 %. Du côté des ARH, nous n'avons pas de statistique. Mais évidemment ce que je pense important de vous dire, c'est qu'il n'y a aucune objection du côté des centres jeunesse à ce que les professionnels soient membres des ordres professionnels. Au contraire, ça apporte encore plus de rigueur et plus d'assurance, une garantie de sécurité et une meilleure application des règles pour la population.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Rimouski et porte-parole de l'opposition officielle en matière des services sociaux.
Mme Charest (Rimouski): Merci beaucoup.
Le Président (M. Copeman): En vous signalant, madame, qu'il reste à peine quatre ou cinq minutes.
Mme Charest (Rimouski): Ah! c'est ça quand on est généreux et qu'on laisse la place à ses collègues! Écoutez, merci beaucoup d'être là, madame, messieurs, et nous savons que vos porte-parole ont été présents avec nous durant toute la durée de la session parlementaire.
Moi, j'aimerais savoir combien d'employés par cadre. C'est quoi, le taux d'encadrement? Parce que vous avez parlé de formation, vous avez parlé du nombre d'employés, là, et j'aimerais avoir une petite idée, rapidement. Est-ce que vous l'avez, ce taux d'encadrement là? Oui?
M. Hotte (Jean-Pierre): Oui. Pour environ 13 000 employés dans l'ensemble du réseau des centres jeunesse, il y a environ 900 cadres.
Mme Charest (Rimouski): Alors, ça veut dire 900 pour 1 300. Mais ça donne une moyenne de combien d'employés sous un cadre, là? Combien de soldats pour un chef?
M. Picard (Camil): Vous comprendrez que ça dépend un petit peu des secteurs. Si on prend un exemple dans le domaine de la santé, par exemple, il y a des standards en soins intensifs qui sont un peu différents que dans d'autres secteurs. Dans notre secteur, par exemple, à l'évaluation, c'est environ un cadre pour huit à neuf professionnels. Dans d'autres secteurs, ça monte un peu plus, à 12 et 15.
Mme Charest (Rimouski): Parfait. Écoutez, M. Hotte, je pense que vous pourriez nous acheminer les informations concernant le portrait de la formation et de l'encadrement, parce qu'on a eu des commentaires sur le besoin d'encadrement. Et c'est normal, vous avez des jeunes travailleurs, ils ont besoin d'être encadrés, et ça, c'est tout à fait... Un intervenant a besoin de savoir qu'il a fait un bon coup, qu'il est encouragé et qu'il est supporté. Alors ça, ça va avec l'encadrement, et je pense que ce serait intéressant d'avoir ce genre de données.
Dites-moi, quand vous avez des plaintes d'un usager, quelles mesures vous prenez pour ne pas que ça se reproduise? Dans le sens suivant, parce que les gens ont le sentiment que les plaintes n'aboutissent pas, que ça tourne en rond. Écoutez, je ne vous dis pas que c'est vrai, je vous dis ce qu'on a entendu. Et, moi, je vous donne l'occasion de nous expliquer: Vous, comme DPJ, avec vos employés délégués, s'il y a une plainte, qu'est-ce qui se passe? Comment vous faites pour corriger les situations?
M. Thériault (Jean-Nil): Dans un premier temps, Mme Charest, je me permettrais, comme membre du conseil d'administration, de vous faire part du processus qui est effectivement effectué. Il y a un rapport qui est déposé au conseil d'administration, et le conseil d'administration demande minimalement deux choses: évidemment de voir la nature de la plainte, et particulièrement de voir si les recommandations qui ont été faites à ce moment-là ont été effectivement suivies par un plan d'action et un plan de mise en oeuvre pour bien s'assurer que ce mécanisme-là, évidemment au-delà du respect des droits des personnes, serve aussi comme un mécanisme d'amélioration continue des services à l'intérieur de chacun des centres jeunesse.
Mme Charest (Rimouski): Parfait. Alors, dites-moi ? je vais vite parce qu'il ne reste pas beaucoup de temps et je saute d'un sujet à l'autre, c'est ce que je trouve de plus malheureux: Comment qualifiez-vous vos relations avec les intervenants du réseau de la santé et des services sociaux puis aussi avec les organismes communautaires? Parce que, là aussi, on a eu des commentaires, et ce qu'on nous a laissé comme message, c'est que ça dépendait des individus. Alors, on pense que ça ne doit pas dépendre des individus, parce que le réseau a quand même le même mandat, d'un début à l'autre, de tous ses partenaires, de tous ses intervenants également.
M. Picard (Camil): Vous savez, madame, on est dans une société où on ne peut pas... On travaille avec les individus, on ne peut pas faire abstraction de leurs intérêts, on ne peut pas faire abstraction de leur expertise et de leur mission.
Mme Charest (Rimouski): ...on convient qu'avec 13 000 employés tout ne peut pas être parfait.
M. Picard (Camil): C'est vous qui l'avez dit, et je partage votre avis.
Mme Charest (Rimouski): Bon. Si vous la partagez, ça me rassure.
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(11 h 40)
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M. Picard (Camil): Je vais vous donner un exemple. Dans Le Devoir de ce matin, on relate un nouveau projet, novateur, pour les enfants zéro à six ans, un thème qui a été beaucoup utilisé ici au cours des neuf dernières journées, d'un partenariat et d'une alliance entre le communautaire, deux centres jeunesse, des chercheurs et la Fondation André-Chagnon.
Écoutez, il y en a plein comme ça, des projets au Québec. Évidemment ? et je suis assez dans le réseau depuis assez d'années pour le souligner ? il peut arriver des situations où il y a des... Par exemple, des familles d'accueil, qui sont des partenaires essentiels pour les enfants, les familles puis les centres jeunesse, il peut arriver à l'occasion que les gens ne soient pas contents ou qu'ils vivent des préoccupations. L'important, c'est de s'asseoir, de se parler, de ne pas couper le lien avec ces organismes-là.
C'est la même chose avec les organismes communautaires. Plusieurs organismes communautaires soulignent qu'on devrait faire plus d'actions pour des jeunes de 16-18 ans qui ont passé de longues années de leur vie en centre de réadaptation et qui vont arriver, à 18 ans ? je n'aime pas le terme, là, mais c'est comme ça qu'on me le souligne ? avec leur sac vert, puis dire: Bon, bonne chance. On est tous d'accord avec ça, on est tous d'accord avec ça. Je vais faire un clin d'oeil à la ministre en lui disant qu'il y a un très beau projet, qui s'appelle Qualification des jeunes, qu'on souhaiterait qui soit dans toutes les régions du Québec. Ça montre qu'il y a une volonté d'aller plus loin, par exemple, avec ces jeunes-là. Si on prend les organismes communautaires qui ont décrié des faiblesses par rapport à ça, on est d'accord avec eux. Le souhait que nous avons, c'est de travailler non pas un contre l'autre, mais travailler ensemble pour répondre à ces besoins-là.
Mme Charest (Rimouski): C'est très rassurant, ce que vous nous dites, honnêtement, là. J'aimerais que vous nous parliez, selon la DPJ, à quel moment on considère qu'un enfant est abandonné. Ça, je pense que ce serait important, là, que ce soit vraiment clairement exprimé.
Le Président (M. Copeman): Et ce sera le dernier échange, malheureusement.
Mme Charest (Rimouski): Ah! M. le Président, vous êtes dur avec moi.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Copeman): Bien, je dirais, c'est... En autant que mon épouse ne le sache pas!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Copeman): Le chronomètre est dur. Nous avons déjà dépassé le temps imparti, Mme la députée. Je vais permettre ce dernier échange, puis après ça on va être obligé de mettre fin au dialogue.
Mme Berardino (Pascale): Alors, Mme la députée, les intervenants ont une balise légale à respecter au niveau de l'abandon, et c'est le Code civil qui nous les donne. Je l'ai mentionné tout à l'heure, mais je vais vous citer le texte de l'article 559, qui nous dit: «...l'enfant dont ni les père et mère ni le tuteur n'ont assumé de fait le soin, l'entretien ou l'éducation depuis au moins six mois.» C'est ça, la définition de l'abandon légal.
Mme Charest (Rimouski): Et vous n'avez pas de marge de manoeuvre par rapport au six mois, qui est inscrit, là?
Mme Berardino (Pascale): C'est le Code civil qui l'édicte. Mais ça, on parle bien d'adoptabilité, on s'entend. Alors, il faut mesurer où en est la situation de l'enfant au niveau de son abandon. Mais le six mois, c'est un six mois au niveau de la déclaration d'adoptabilité.
Le Président (M. Copeman): Et là nous n'avons plus de marge de manoeuvre, malheureusement. M. Thériault, M. Hotte, M. Picard, Me Berardino, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire au nom de l'Association des centres jeunesse du Québec.
Et j'invite immédiatement les représentants du GRAVE-ARDEC à prendre place à la table. Je suspends les travaux de la commission quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 44)
(Reprise à 11 h 47)
Le Président (M. Copeman): Alors, la commission reprend ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants du Groupe de recherche et d'action sur la victimisation des enfants et l'Alliance de recherche en développement des enfants dans leur communauté, GRAVE-ARDEC. Monsieur, mesdames, bonjour. Je ne sais pas qui est la porte-parole principale?
Mme Chamberland (Claire): Je vais commencer.
Le Président (M. Copeman): Alors, vous avez 20 minutes pour faire votre présentation; je vais vous indiquer quand il en restera trois. Par la suite, il y aura une période d'échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de vous présenter et présenter les personnes qui vous accompagnent et d'enchaîner avec votre présentation.
Groupe de recherche et d'action sur la
victimisation des enfants et Alliance de recherche
en développement des enfants dans leur
communauté (GRAVE-ARDEC)
Mme Chamberland (Claire): Alors, bonjour, M. le Président et les membres de la commission. Je suis Claire Chamberland, professeure-chercheure à l'École de service social depuis 25 ans, c'est-à-dire un an après l'implantation de la loi 24, en 1979. Je suis également codirectrice scientifique du Centre d'excellence pour la protection des enfants et directrice de l'équipe GRAVE-ARDEC.
Je suis accompagnée de deux collègues également membres de l'équipe, Marie-Andrée Poirier, professeure-chercheure à l'École de service social et qui travaille depuis les dernières années sur les questions relatives au placement; et M. Nico Trocmé, professeur-chercheur à l'Université McGill, directeur du Centre d'excellence pour la protection des enfants, directeur de la Chaire Fisher et directeur du Centre de recherche sur l'enfance et la famille. Je vais commencer à parler et je vais céder la parole à mes deux collègues par la suite.
Alors, pour le GRAVE-ARDEC, c'est important de participer à cette commission afin de réitérer notre engagement envers les enfants vulnérables. Depuis près de 15 ans, notre équipe se centre sur l'étude et la promotion des conditions qui favorisent la sécurité et le développement de ces enfants. Notre position s'appuie bien sûr, évidemment, sur les données de la recherche. Alors, cette position repose sur le postulat suivant: pour assurer la stabilité et la continuité des soins, qui, je vous rappelle, est la finalité de cette loi, les enfants ont le droit de vivre dans des environnements familiaux et communautaires qui répondent à leurs besoins. Et on pense que c'est pour ça qu'il faut soutenir d'abord et avant tout leurs familles, et c'est le plan A qu'on privilégie. Cependant, il y a des plans B. Nous ne souhaitons pas nous inscrire dans une logique de position de droit des enfants et des parents. Il est clair pour nous qu'on parle dans cette loi du droit des enfants. Cependant, le soutien à la famille est un droit inhérent à l'enfant, mais ce soutien pose d'énormes défis auxquels seuls les services de protection ne peuvent répondre.
Deux approches de système de protection sont perceptibles dans le projet de loi. Il y a l'approche «sauvons les enfants» et l'approche plus communautaire, axée vers le soutien de la famille. Selon nous, il est dans l'intérêt de l'enfant de tenter le plus possible d'actualiser la seconde approche. Cependant, l'approche «sauvons les enfants» devrait s'appliquer dans une minorité de cas, on le croit. Pourtant, on constate dans ce projet de loi que les mesures de sauvetage des enfants sont plus précises et opérationnalisées, alors que les mesures de soutien aux familles ne sont pas suffisamment bien définies. Nous développerons nos arguments autour de quatre messages clés et, pour chacun, nous aborderons les données de la recherche sur laquelle on s'appuie, les modifications à la loi que l'on propose ainsi que les changements de pratiques qui d'après nous devraient en découler.
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(11 h 50)
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Alors, le premier message, c'est: pour offrir une aide pertinente, il faut analyser les besoins ? ça a l'air simple. Les familles qui se retrouvent dans les systèmes de protection ont des besoins variés et complexes qui nécessitent des réponses diversifiées et adaptées à chaque situation. Pour trois quarts des enfants, ce n'est pas tant la sécurité qui est en jeu, c'est leur développement qui est en danger.
Qu'est-ce que nous dit la recherche? Alors, les enfants négligés, qui représentent la moitié des cas signalés et près de 60 % des enfants pris en charge par la direction de la protection de la jeunesse, vivent des situations familiales complexes. Un nombre croissant de recherches nous disent que ces parents ont aussi d'autres problèmes, comme la toxicomanie, les problèmes de santé mentale, de la violence conjugale, de la criminalité, des problèmes de santé physique ou des déficits cognitifs. Je vous rappelle qu'un des facteurs importants qui prédit la récurrence du signalement, d'après l'étude de Sonia Hélie, est le nombre de problèmes que vit le parent. Ces parents sont souvent isolés, ont des revenus précaires ou insuffisants et sont exclus du marché du travail. Ils ont souvent subi des mauvais traitements dans leur enfance. Ces expériences difficiles les amènent à se méfier des intervenants et à agir de manière hostile, ce qui rend la collaboration avec eux particulièrement épineuse. Les enfants ont également besoin de soutien et d'intervention directe. Plusieurs ont des problèmes de santé physique, de santé mentale, des retards cognitifs ou des problèmes de comportement. En plus des besoins de services pour réduire les séquelles engendrées par les mauvais traitements, ces enfants ont aussi besoin de grandir, de s'épanouir et d'avoir accès à des lieux d'appartenance.
Tant pour les parents que pour les enfants, les enjeux de protection ne sont pas les seuls qui doivent nous mobiliser. On doit bien souvent réparer les effets du passé et aider le parent à panser les plaies et guérir les souffrances accumulées. On doit aussi prévenir l'apparition de problèmes chez l'enfant, qui sont, dans les cas de maltraitance, hautement probables: le décrochage scolaire, l'itinérance, la délinquance, la criminalité, on a parlé aussi du suicide. Les services de protection ne peuvent à eux seuls répondre à tous ces besoins. On insiste beaucoup sur la gestion du risque, moi, je voudrais peut-être mettre un peu plus d'emphase sur les besoins. Les réseaux d'aide, tant pour les adultes que pour les enfants, de première ou deuxième ligne, doivent absolument assumer une partie de la responsabilité dans la vie de ces enfants-là. Les secteurs de l'éducation, du logement social ou de l'employabilité doivent aussi être conviés à soutenir ces familles.
Alors, au niveau de la modification de la loi, afin d'offrir des services intensifs et diversifiés ? pas seulement intensifs, mais diversifiés ? avec une analyse systématique et nuancée des besoins des parents et des enfants, nous proposons d'apporter des précisions suivantes à l'article 4. Premièrement, il faut élargir l'offre de services faite aux parents et aux enfants à tout établissement et tout organisme ayant des responsabilités envers eux, après l'analyse des besoins; et, deuxièmement, que ces services tiennent compte des contextes de vie de l'enfant et de la famille, qu'il y ait une problématique adulte, par exemple déficience intellectuelle, toxicomanie, troubles de santé mentale, violence conjugale, tenir compte de leur niveau de pauvreté, leur isolement et de leurs caractéristiques culturelles, ce qu'on ne retrouve pas beaucoup dans la loi.
Nous souhaitons insister qu'une analyse exhaustive et systématique des besoins de l'enfant et des parents devrait entraîner la mobilisation des acteurs clés du réseau. Pour l'enfant, cela doit aller au-delà des centres jeunesse et du milieu scolaire, tel que stipulé actuellement dans le projet de loi. Pour les parents, on fait référence à la Loi des SSSS dans le projet de loi. Celle-ci existe depuis longtemps et n'a manifestement pas eu force de loi dans plusieurs situations familiales suivies par la DPJ. Et les besoins, rappelons-le, dépassent le strict secteur des services sociaux et de santé.
Alors, au niveau des changements de pratiques, on pense qu'une loi peut être très, très bien faite, mais, si elle n'entraîne pas les changements de pratiques qui doivent en découler, elle risque de créer plus d'effets pervers. Donc, il est essentiel que les intervenants en protection de la jeunesse développent des habilités à travailler en partenariat ? et vous en avez largement évoqué, Mme la ministre ? avec d'autres acteurs du réseau des services sociaux et en réseau. L'évaluation des capacités parentales n'est qu'une facette de la réalité de ces familles. Une attention plus grande doit être accordée au potentiel de développement des enfants, aux réalités adultes du parent ainsi qu'à leurs contextes communautaire, culturel et économique.
Ce partenariat devrait permettre de mettre en place concurremment une diversité de stratégies protectrices, curatives, préventives et promotionnelles. Les interventions en solo devraient être, la plupart du temps, évitées. Compte tenu que la Loi de la protection de la jeunesse est une loi d'exception, lorsque le DPJ se retire d'une situation et ferme un dossier, elle doit s'assurer que le réseau continue à s'impliquer pour favoriser l'intégration sociale et économique des familles et pour prévenir la récurrence d'un signalement. Les CSSS seraient à cet égard des acteurs clés pour assurer une cohérence dans le soutien apporté à ces familles. Ces familles, en plus, ne sont pas très ouvertes à recevoir de l'aide; on parle tout le temps du fait qu'elles ne sont pas très volontaires. Les intervenants qui travaillent dans le réseau et sous l'égide de la Loi des SSSS n'ont pas l'habitude et n'ont pas souvent les pratiques pour travailler avec les populations non volontaires, et on pense que ça, ça doit être plus développé aussi, en termes de formation, en dehors des cadres des services de protection.
Le second message découle logiquement du premier. L'offre de soutien doit être non seulement centrée sur les besoins, c'est-à-dire être pertinente, mais aussi être déployée de manière cohérente. Pour assurer cette cohérence, il faut mieux s'organiser. Compte tenu de la complexité des besoins des familles, l'organisation de l'aide doit être assurée et prescrite. Cela implique, dans plusieurs cas, une action intersectorielle qui pour être efficace doit reposer sur une lecture collective des besoins impliquant le parent et l'enfant, une planification adaptée des actions, une mise en oeuvre responsable des solutions ainsi qu'un suivi régulier permettant l'ajustement d'un plan de services initial.
De plus en plus de chercheurs, tant au Québec qu'au Canada et dans plusieurs pays, soulèvent l'importance de revoir nos façons de faire en protection de la jeunesse. Plus particulièrement, la nécessité de développer des plans de soutien intégrés est au coeur des discussions dans ce domaine. L'expérience britannique est inspirante à cet égard. Le Royaume-Uni s'est doté d'un cadre unificateur pour l'évaluation, la planification de services et l'intervention auprès de tous les enfants et leurs familles dans le besoin. Ce cadre de pratique s'applique autant pour les enfants en danger ? c'est ce qui est très intéressant dans cette loi-là ? que pour des enfants qu'ils appellent en besoin, vulnérables ou à risque, selon le terme. Ce cadre permet d'évaluer le niveau de développement de l'enfant, les capacités parentales mais aussi les facteurs d'influence familiaux et sociaux qui influencent le développement des enfants, ainsi que la capacité du parent à répondre aux besoins de développement des enfants. Et la participation des parents et des enfants est au coeur de cette approche, ils en font même une question éthique.
Les résultats disponibles actuellement de l'évaluation de cette approche indiquent que les interventions se font moins en situation de crise, les références inutiles sont moins nombreuses, les informations échangées entre les établissements sont plus précises, détaillées et se centrent davantage sur les besoins des enfants et les forces des familles. Les signalements au système de protection diminuent significativement, la réponse aux besoins des enfants... dont les enfants ne sont pas en danger est davantage assumée par les établissements non régis par des lois d'exception, et enfin le travail d'équipe est plus fréquent. Ça, je trouve ça intéressant comme effet.
Alors, en lien avec ces constats, nous souhaitons inscrire explicitement dans la loi une prescription claire qui renforce les pratiques de planification structurée et collective de l'intervention en fonction d'une lecture systématique et exhaustive des besoins. Alors, d'abord, dans l'article 4, nous recommandons d'identifier un processus de soutien personnalisé pour les parents, adapté à leurs besoins particuliers, et nous voulons insister sur l'importance de la présence d'un gestionnaire de cas pour assumer la coordination des services fournis à ces parents et à leurs enfants. À l'article 19, au-delà de l'échange d'information où on oblige... où le DPJ doit référer, si les parents l'acceptent, on souhaiterait que des mécanismes de référence systématiques et personnalisés soient établis pour s'assurer que les familles reçoivent vraiment l'aide dont elles ont besoin. Et finalement, à l'article 24, on devrait insister davantage sur la responsabilité collective de tous les acteurs du réseau, et la formulation proposée est dans notre mémoire, je ne la relirai pas.
Finalement, en lien avec ce message, le changement de pratiques. Alors actuellement la loi sur la santé et des services sociaux prévoit clairement que tout établissement doit élaborer un plan d'intervention, l'article 102, et, si besoin est, un plan de services individualisé lorsque plus d'un établissement est requis pour répondre aux besoins d'un usager, article 103. De plus, il est fait explicitement mention que cette planification doit se faire en concertation avec l'usager, les articles 10 et 104.
Nous réitérons avec fermeté et vigueur la pertinence de ces outils législatifs qui peuvent devenir des outils cliniques pour planifier l'offre de services à ces familles. La coordination de l'aide doit être sous la responsabilité d'un intervenant pivot qui travaille en centre jeunesse lorsque l'enfant est pris en charge par la protection de la jeunesse, ou par un CSS ou autre établissement dans le cas où le signalement n'est pas retenu ou fondé ou que l'enfant est à risque et n'a pas été signalé. Nous convions le réseau à mettre en place ces changements de pratiques, et nous ne sommes pas assurés encore qu'il soit bien installé, et surtout éviter d'intervenir en silo, alors que les situations familiales commandent qu'on agisse de manière plus concertée.
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(12 heures)
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Les équipes intégrées jeunesse, les EIJ, sont une initiative gouvernementale mise à l'essai depuis près de trois ans. Nous la saluons, et d'après nous c'est un pas dans la bonne direction.
Le projet AIDE est une innovation sociale que des collègues et moi sommes en train d'implanter dans quatre territoires au Québec, et ce projet-là s'inspire du modèle britannique et s'inscrit dans la logique d'action que je viens d'évoquer. Merci.
Mme Poirier (Marie-Andrée): Le prochain élément sur lequel nous aimerions échanger concerne les balises de durée de placement maximum incluses dans la loi.
Nous reconnaissons le besoin, pour une minorité d'enfants pris en charge par la protection de la jeunesse, l'importance de mettre des limites de temps afin d'actualiser un projet de vie, tel que le placement à majorité, la tutelle ou l'adoption. Toutefois, nous devons nous préoccuper sérieusement des changements de pratiques nécessaires afin de s'assurer que, pour la majorité des enfants, nous serons en mesure de prévenir le placement ou encore d'assurer la réunification afin que leurs projets de vie permanents se concrétisent dans leurs familles. Nous devons consentir tous les efforts possibles afin d'éviter de conclure que des parents sont incapables de prendre soin de leurs enfants parce que les services auront été incapables de prendre soin de leurs parents.
La décision de retirer l'enfant de son milieu familial est l'une des décisions les plus importantes qu'un intervenant de la protection de la jeunesse doit prendre. Mais a-t-il réellement le choix? L'absence d'une action intersectorielle cohérente et complexe, tel que ma collègue vient de vous présenter, ainsi que la non-disponibilité de ressources de répit ou d'intervention en situation de crise amènent souvent l'intervenant à recourir à un placement dans des situations où le maintien dans le milieu familial aurait été souhaitable.
Lorsque, dans le meilleur intérêt de l'enfant, il a été décidé de le retirer, des interventions visant son retour dans le milieu familial doivent être entreprises dès le début de son placement. Les travaux de recherche sur la réunification familiale mentionnent l'ambivalence des parents; leurs problèmes multiples et les difficultés des enfants peuvent diminuer les chances de réunification. Toutefois, les études démontrent également qu'une approche axée sur la famille, que des mesures concrètes pour faciliter l'implication des parents, que des interactions continues entre la famille et l'intervenant ainsi qu'un maintien de l'aide après le retour de l'enfant favorisent le succès de la réunification familiale.
En lien avec ces constats de recherche qui démontrent qu'il est possible d'assurer, pour la majorité des enfants, le maintien dans le milieu familial ou le retour après un placement, nous considérons important que soit précisé dans l'article 22 de la loi que, lorsque l'on saisit le tribunal pour obtenir une ordonnance visant à assurer un projet de vie permanent à l'enfant, qu'un plan de service individualisé ait été planifié et réalisé auprès des parents et de la famille. Dans ce contexte, les balises de temps indiquées dans la loi pourront aider à mobiliser les parents, mais elles rappelleront également à l'ensemble des acteurs du réseau l'importance de tout mettre en oeuvre rapidement et de façon intense pour soutenir ces parents.
Comme nous l'avons déjà mentionné, des changements de pratiques doivent favoriser la prévention du placement mais également la mise en place de programmes de réunification familiale. Il n'en existe en ce moment, au Québec, aucun. Les approches les plus prometteuses dans ce domaine sont celles qui misent sur les forces des familles, qui adoptent une approche holistique pour répondre à leurs besoins, qui prévoient des mesures de maintien des liens parents-enfants, qui sont sensibles aux différences culturelles et qui reconnaissent les besoins des enfants et des familles en fonction de l'âge.
À l'instar de ce que ma collègue a dit, les travaux réalisés dans ce domaine rappellent que les activités essentielles dans le processus de réunification familiale impliquent une évaluation approfondie, une planification adéquate de l'intervention, un service de coordination, le maintien des services après le retour de l'enfant dans sa famille.
L'échec de réinsertion familiale est l'un des motifs premiers du phénomène que vous appelez le ballottement des enfants. Il est important de comprendre que cet échec de réunification est en grande partie lié au fait que les services ne sont plus offerts à ces familles lorsque l'enfant revient dans son environnement familial.
Nous croyons important de rappeler que le recours à la déchéance d'autorité parentale dans le but de confier l'enfant à un tuteur ou à une famille adoptive s'adresse à une minorité d'enfants. Il ne faut pas y voir une solution aux difficultés de l'ensemble des enfants et des familles qui interpellent la protection de la jeunesse. Si des efforts concrets de soutien ne sont pas consentis aux familles, il y a un risque réel de glissement.
À cet effet, les données américaines sont éloquentes. Depuis l'entrée en vigueur des projets de loi visant la permanence pour les enfants, on observe une diminution constante des efforts consentis pour favoriser et soutenir la réunification familiale. Conséquemment, les données démontrent une diminution du taux de réunification familiale, un taux alarmant d'enfants qui sont replacés après la réunification familiale, et il est aussi très préoccupant de constater qu'un nombre d'enfants sont en attente d'adoption, suite à une déchéance d'autorité parentale, parce qu'il n'y a pas suffisamment de familles prêtes à les adopter.
Le Président (M. Copeman): Mme Poirier, il reste un peu moins que trois minutes.
Mme Poirier (Marie-Andrée): Parfait. Merci beaucoup. En terminant, nous voulons également attirer votre attention sur l'importance de répondre aux besoins... qui seront confiés à des familles d'accueil pour de plus longues périodes de temps. L'État n'a pas le droit d'être un mauvais parent. Lorsque nous décidons de nous substituer aux parents, nous devons nous assurer d'offrir à ces enfants des opportunités de se développer et de s'épanouir. Pour assurer ceci, nous devons nous préoccuper du soutien que nous offrons aux familles d'accueil.
M. Trocmé (Nico): Merci. Alors, un petit deux minutes pour enchaîner les commentaires de mes collègues. Je vais parler un tout petit peu de l'importance, puisque nous sommes chercheurs, l'importance d'ajouter un bon volet recherche.
J'ai participé, en Ontario, à des changements de la loi ontarienne sur les services de l'enfance. En 1997-1998, le ministre avait, comme ici, voulu revoir la loi pour à peu près le même genre de raisons, et on avait introduit à l'époque un certain nombre de changements, en particulier l'introduction de temps limites pour le placement temporaire des enfants, donc, comme ici, des balises de temps spécifiques, 12 mois, 24 mois, dépendant de l'âge de l'enfant.
À l'époque, on avait fait ça en partie parce qu'il y avait un sentiment que le problème du ballottage, le problème des délais était un problème énorme. Mais, comme comité qui était en train de revoir la situation, nous étions frustrés par le fait qu'on n'avait aucune donnée à ce sujet. Ce qui était difficile pour nous, c'est que les gens venaient nous dire: C'est un problème, mais on n'avait pas de données.
Alors, une chose qu'on avait demandée au moment de l'implantation de la loi, c'est qu'il y ait une révision régulière de la loi tous les cinq ans pour s'assurer que l'intention, qui est une intention de stabilité, d'intervention sans trop de délai, une intervention de support pour les familles, pour les enfants, s'assurer que cette intention, telle qu'elle était dans la loi, serait appliquée. Et on avait également demandé que des données soient ramassées de manière systématique pour qu'on puisse ensuite voir quel a été l'impact de la loi. Parce que c'est toujours ça, le problème qui est... l'intention de la loi et l'impact, c'est deux choses très différentes.
J'ai ensuite participé, cinq ans plus tard, à la révision, pour le ministère, de la loi, et j'ai été choqué de découvrir, après cinq ans, qu'on n'avait toujours aucune donnée. Donc, on a implanté cette loi, on a dit: 24 mois, 12 mois, on a fait d'autres changements, mais, cinq ans plus tard, on n'avait toujours aucun sens de l'impact des changements qu'on avait faits. Je suis sûr que ça a été une bonne loi, je suis sûr que les enfants en ont profité, tout le monde nous assure que c'est le cas, mais, comme membres du comité, on était de nouveau frustrés par le fait qu'on n'avait aucune information sur l'effet de la loi.
Donc, de ce côté-là, nous avons une recommandation assez simple qui est de s'assurer, si on met sur pied une nouvelle loi, de s'assurer, premièrement, qu'on ait un bon sens du «base line», de l'état de base, du niveau de base actuel. Vous avez entendu un nombre de gens qui sont venus à cette commission vous parler des problèmes de manière donc individuelle, mais est-ce que vous avez, pour le moment... Par exemple, nous, il y a trois questions très simples qu'on s'est posées, en Ontario, et qu'on continue à se poser, et que je vous suggère également de poser. La première, c'est: Quel est le délai moyen? Donc, vous voulez passer à 12 mois, 6 mois, 24 mois, dépendant de l'âge des enfants? Mais quel est pour le moment le délai moyen? Est-ce que ça prend deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans, six ans pour déterminer le futur d'un enfant? Donc, quel est le délai actuel, pour qu'on puisse savoir s'il y a des progrès.
Secundo, quel est le taux de ballottage? On parle beaucoup du ballottage, mais je crois que, si vous vous tournez vers les centres jeunesse ou vers le ministère, j'ai l'impression qu'ils seraient incapables de vous dire quel est le taux actuel de ballottage. Comment pouvez-vous déterminer l'impact de la loi sans savoir quel est le taux de ballottage maintenant, en 2006, et quel sera le taux en 2012, quel sera l'impact?
Et finalement une chose toute simple, c'est se demander: Quel est le fonctionnement de ces enfants à l'école? Si on va prendre... Si on a une certaine responsabilité... Là, je ne demande pas qu'on aille chercher des données qui sont complexes, avec des nouvelles mesures, mais c'est une question également très simple, c'est de savoir: Les enfants qui sont placés, comment fonctionnent-ils en moyenne, maintenant, en 2006, ensuite en 2012?
Donc, de bien établir d'avance un niveau de base sur lequel vous pouvez évaluer l'impact de la loi et vous assurer que, dans cinq ans, vous revoyiez la loi en fonction de ce genre de données. Merci.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup. Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation.
Mme Delisle: Alors, merci, mesdames, M. Trocmé, bienvenue à cette commission. Je trouve très intéressant évidemment le fait que vous soyez ici, aujourd'hui. Vous avez fait beaucoup de recherche dans le domaine de la maltraitance des enfants, chacun, chacune d'entre vous, donc je pense qu'on devrait se sentir privilégiés de pouvoir échanger aujourd'hui sur la révision de la Loi sur la protection de la jeunesse.
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(12 h 10)
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Je ne reprendrai pas l'ensemble des propositions que vous avez faites. Nous allons nous y attarder et voir de quelle façon on peut intégrer certaines de vos propositions dans la loi. Ce sera sujet à débat évidemment avec nos collègues parlementaires lorsqu'on fera l'étude article par article.
Je suis... vous m'interpellez beaucoup, là, avec cette notion que vous avez abordée concernant la stabilité des enfants. Je crois décoder, mais vous me corrigerez si je me trompe, que ce n'est pas une mauvaise idée que d'inscrire les durées de placement ? j'ai volontairement omis le mot «maximales», parce que vous auriez souhaité, je pense, qu'il y ait un peu plus de souplesse dans l'introduction de ces bornes-là. Bon.
Ceci étant dit, nous, on est législateurs. Ma collègue se répète à dire, depuis neuf jours, que ce qui n'est pas dans la loi n'est pas là, puis ce qui est dedans est dedans. Je le dis très crûment, mais c'est comme ça que ça se passe.
En tenant compte de ce que vous nous avez dit, en étant très conscients que ça touche une infime partie des enfants ? quelqu'un soulevait l'autre jour que c'était 7/10 de 1 %, je pense, des enfants qui sont concernés finalement non pas par la protection de la jeunesse, mais par ces balises ? comment peut-on à la fois donner aux intervenants, aux travailleurs sociaux, aux avocats, au Tribunal de la jeunesse, à la chambre de la jeunesse, des éléments sur lesquels se guider et introduire aussi une souplesse qui permet de rencontrer non seulement vos inquiétudes, mais ce sur quoi vous venez de nous entretenir?
Mme Poirier (Marie-Andrée): Je pense, en partie dans l'article 91, c'est inscrit dans cette idée de souplesse par rapport au travail qui sera déjà fait avec les parents. Je pense par contre que ça doit davantage... Dans le rapport Dumais, les gens parlent de l'importance du «concomitant planning», c'est-à-dire d'avoir une planification de deux projets pour un enfant. Puis c'est un aspect. Mais ils insistent beaucoup sur l'importance que soit inscrit clairement pour le parent à quoi on s'attend de lui, qu'est-ce qu'on lui demande de modifier, pour qu'on soit en mesure de ne pas aller vers... d'appliquer ces délais-là. Et ça, je pense que ça, c'est essentiel.
Dans les travaux qu'on a faits auprès de parents, je pense qu'une des premières préoccupations que ces parents-là nous disent, c'est qu'on ne sait pas clairement ce qu'on attend de nous. Alors, je pense que notre idée d'inclure dans cet article-là l'idée d'un plan de services, d'indiquer clairement quel type de plan on a fait avec les parents, qu'est-ce qu'on a exigé, quel type de soutien on leur a offert, sera une mesure pour avoir une meilleure idée du travail qui a réellement été fait avec ces parents-là et dans le but aussi, probablement, d'aller chercher l'adhésion des parents à un projet.
Vous en avez parlé tout à l'heure, arriver à aller chercher l'adhésion d'un parent pour un projet de tutelle ou d'adoption à majorité ou voire d'adoption n'est pas une adhésion facile, c'est extrêmement complexe et délicat. On pense par contre que, si on s'assoyait avec le parent pour discuter avec lui de ses besoins, de ses désirs et que c'est inscrit directement et qu'on est capables de documenter ce qui a été fait avec ce parent-là, on sera davantage en mesure d'outiller la cour, le juge, la personne qui devra prendre la décision non pas seulement sur ce qu'on a désiré pour cet enfant-là, mais ce qu'on a offert réellement aux parents dans le but de se reprendre en main. Et à ce moment-là...
Habituellement, tout ce qu'on considère, c'est le maintien des liens. Habituellement, lorsqu'on se présente, c'est: Est-ce que le parent a maintenu des liens avec son enfant, oui ou non? Pour nous, c'est beaucoup trop limite comme considération, parce que le maintien des liens dépend d'une série d'autres circonstances: qu'est-ce qu'on a fait comme efforts comme intervenants, comme services.
Et je reviens à l'idée qu'il n'y a aucun service, il n'y a aucun programme qui vise la réunification familiale, dans aucun de nos centres jeunesse. Jamais cette aide-là est organisée formellement pour aider ces parents-là à reprendre leurs enfants. Donc, je pense qu'il faut, d'un côté, offrir l'aide aux parents, d'un autre côté, documenter clairement ce qui a réellement été fait et ce qui n'a pas été fait, pourquoi ça n'a pas été fait, où étaient les réticences, et à ce moment-là on sera en mesure de départager qui sont vraiment des parents difficilement mobilisants dans un projet de parents, qui l'auraient été, et c'est juste qu'on n'a pas fait ce qu'il fallait pour les mobiliser.
Je ne sais pas si ça répond à votre question? On n'est pas législateurs et on n'est pas non plus des juges, c'est un peu complexe. Mais, pour nous, c'est cette idée de dimension clinique à l'intérieur qu'il faut aussi... La loi devrait prévoir des dimensions de réflexion clinique, à notre avis. Tu veux ajouter, Claire?
Mme Delisle: Vous vouliez ajouter quelque chose, madame?
Mme Chamberland (Claire): Oui. En fait, je pense que c'est... Un élément. Que ce soit avant le placement ou après un placement, à l'intérieur d'un délai qui serait planifié ou pas, je pense qu'il faut être très proactif à partir du moment où un système reçoit un enfant pour lequel on est préoccupé. Et d'une certaine façon on doit avoir le même réflexe quel que soit où il entre, par où il entre, c'est-à-dire être proactif à offrir des services qui impliquent plus que la protection de la jeunesse.
J'ai entendu, ce matin, que, dans certaines régions du Québec ou chez certains intervenants, les pratiques de collaboration avec les organismes du milieu allaient bien. Mais on se préoccupe qu'elles ne soient pas généralisées et qu'elles ne soient pas spontanées et institutionnalisées, d'une certaine façon, à tous les endroits. Je pense que c'est un obstacle important, ces lacunes de pratiques et toute l'idée que...
Le réflexe que je vois parfois chez les intervenants en protection, c'est de dire... ils vont analyser des besoins, ils se rendent bien compte qu'ils ne peuvent pas répondre à tout, ils se rendent bien compte que leur mandat est aussi plus au niveau des capacités parentales que la toxicomanie, ou la violence conjugale, ou quelque autre problème connexe qui peut arriver, et ils ont parfois le réflexe de dire: On va les référer à tel endroit, on dit aux parents qu'il faut qu'ils aillent chercher ce service-là.
Or, dépendant du niveau de mobilisation du parent, du sens que ce diagnostic-là fait à ses yeux, il va y aller ou il ne va pas y aller. Mais les processus d'accompagnement, l'implication de d'autres acteurs dans la lecture des besoins, c'est toutes des approches et des processus qu'on pense qui pourraient aider à faire en sorte qu'un nombre d'enfants pour qui on aurait envisagé un projet de vie en dehors de sa famille... pourrait être évité.
M. Trocmé (Nico): Je veux ajouter juste un autre commentaire également. Ce n'est pas toujours facile de créer la loi parfaite. D'ailleurs, c'est impossible. Et une partie de la souplesse à mon avis vient justement de prévoir dans la loi une période de révision régulière et de s'assurer que les informations nécessaires pour faire du monitoring de l'impact de la loi soient en place. Et c'est vraiment ça où...
Si on vous demande de modifier la loi et la remodifier tous les 25 ans, sans aucune opportunité d'ajuster et sans aucune information sur l'effet de la loi, vous êtes en effet dans une position extrêmement difficile, je ne vous envie pas du tout. Au niveau des intervenants, au niveau des chercheurs, on a l'occasion de changer de plan beaucoup plus rapidement, beaucoup plus facilement. On a beaucoup plus de souplesse.
Mais je crois qu'il y a un juste milieu entre une révision qui se fait rarement et une révision plus régulière qui est basée sur un monitoring de l'effet. Donc, vous êtes clairs sur vos intentions; le problème, c'est comment contrôler contre les effets pervers. Et c'est toujours... c'est un peu ça, l'anxiété de notre côté, c'est: Oui, les intentions sont excellentes, mais est-ce que les services seront en place pour éviter les effets pervers?
Ça, vous ne pouvez pas répondre nécessairement à la question des services, mais vous pouvez vous doter des instruments qu'il faut pour vous assurer qu'il y ait une façon ensuite de revenir et dire: Mais, écoutez, on avait voulu telle et telle chose, ça ne s'est pas passé; changeons la loi, s'il le faut, de nouveau.
Mme Delisle: Vous n'avez pas répondu à ma question, je suis désolée. Peut-être que je n'ai pas été assez claire. On introduit des balises, des bornes pour un enfant de zéro à deux ans. Au bout d'un an... tout en ayant la prémisse que les parents reçoivent les soins, les services. Mettons, on est dans un monde idéal. Pour un enfant de deux à cinq, c'est 18 mois puis, pour un enfant de six ans et plus, c'est deux ans. Il y a huit provinces sur 10 qui le font. Vous nous dites: Ça prend de la souplesse, il faudrait qu'il y a un peu plus de souplesse. Mais votre souplesse s'exprime-t-elle par un allongement de ces durées-là? Est-ce que c'est une question de cas par cas... de discernement de la part des intervenants?
Parce que, vous avez une expertise, là. On n'a pas affaire à des gens, là, qui ont décidé... Vous n'êtes pas des «fly by night», là, qui arrivez ici pour nous dire que le projet, bien, il est bon, mais. Vous avez de l'expertise. Alors, pour nous, c'est important, on a un travail à faire. Est-ce que les durées maximales peuvent rester? Mais ce que vous nous dites, c'est que ça prend de la souplesse. Ça prend de la souplesse. Comment on l'introduit dans la loi? Puis est-ce que c'est du cas par cas? C'est un peu ça.
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(12 h 20)
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J'ai tout compris, M. Trocmé, sur la question de s'assurer qu'il y ait un suivi aux cinq ans, puis je suis d'accord avec vous, je pense que c'est très important. Parce que c'est quand même assez, je dirais, courageux, je pense, de la part du législateur d'y aller avec les durées maximales de placement. Est-ce que quelqu'un peut me répondre rapidement?
Mme Chamberland (Claire): Je vais juste répondre puis je vais laisser... C'est évident que la question des délais a fait l'objet d'un gros débat dans notre équipe. Il y a du pour, il y a du contre, et c'est pour ça que peut-être que vous voyez notre propre ambivalence même qui transparaît à travers nous trois. Et ce n'est pas quelque chose de simple.
Évidemment, moi, je n'ai pas le langage du législateur. J'aimerais bien pouvoir vous dire comment on devrait libeller. Quand on vous a dit: On devrait s'assurer qu'il y ait un plan de services individualisé qui est dès le départ proactivement défini, qu'on soit capable de le réviser de manière à... par exemple, après six mois, pour un enfant qui aurait un an, par exemple, et de savoir effectivement où on en est rendu, si les efforts intensifs ont suffisamment été faits... J'ai envie de vous dire, très honnêtement, que j'aimerais que ce soit plus un repère que quelque chose qui soit figé dans le temps.
En même temps, en même temps, je comprends l'intention qui est derrière, de dire: Il faut, à un moment donné, aussi, aider tout le monde à mettre un peu de pression. Mais, nous, la position qui nous a ralliés d'une certaine façon, c'est qu'on dit: Peut-être que ces délais-là ne doivent pas juste mettre de la pression sur les parents, ils doivent mettre de la pression sur le système de soins pour être sûr que chacun... il y a un contrat qui est pris entre les deux sur les changements. Je ne sais pas si ça peut vous aider. Je n'ai pas le vocabulaire légal. Mais j'aimerais que la pression ne soit pas juste sur le parent, si on impose des délais systématiques.
Mme Delisle: O.K. Combien il reste de temps?
Le Président (M. Copeman): Il reste sept minutes et demie; 20 minutes pour l'opposition, évidemment.
Mme Delisle: Concernant l'adoption, plusieurs ont vu dans l'introduction de ces durées maximales de placement un genre de «fast-track» pour l'adoption. Ce n'est certainement pas la base de la loi, ce n'est certainement pas ce qu'on a voulu dans la loi. Par contre, ça m'amène à vous interpeller sur l'adoption telle qu'on la connaît ici, au Québec.
Nous introduisons la notion de tutelle ? vous en avez parlé vous-même dans votre mémoire ? qui est un outil. En tenant compte évidemment de toutes les prémisses que vous nous avez exprimées ce matin, est-ce que vous croyez que l'adoption dite simple ou ouverte, qu'on ne connaît pas au Québec, pourrait être un outil facilitateur dans les circonstances où c'est vraiment impossible pour les parents de... dans une circonstance, là, vraiment extrême où, les parents, c'est impossible pour eux d'exercer leur capacité parentale, mais qui hésitent à céder, à donner leur enfant à quelqu'un? Des fois, ce n'est pas de leur faute, là.
Je n'ouvre pas un débat sur l'adoption, mais je sais que ça nous a été soulevé, et vous en parlez un petit peu dans le mémoire, alors je me demandais si vous aviez une opinion là-dessus. Écoutez, vous n'avez pas fait d'études là-dessus probablement. Je me demandais si c'était quelque chose qui pouvait... Je ne veux pas vous mettre sur la sellette.
M. Trocmé (Nico): Ah, ça, non, non. Je commencerai simplement par noter que, de mon opinion personnelle en fonction de l'adoption ouverte, puisque j'ai participé dans une équipe qui a appuyé l'introduction d'un système d'adoption ouverte également, en Ontario, et c'est vu comme étant surtout avec les enfants plus âgés, c'est vu comme étant un des outils essentiels pour certaines situations. Pour un enfant qui a déjà une relation bien établie avec sa famille mais, pour une raison ou une autre, qui ne peut pas vivre avec sa famille, lui donner un statut permanent dans une situation de tutelle ou d'adoption ouverte me paraît absolument essentiel. C'est un des instruments.
Et je crois que vous aviez tout à fait raison quand vous parliez, un peu plus tôt, de ne pas nous laisser pousser dans une position ou une autre. Ce n'est pas une question de dire: L'adoption ou une approche «fast-track», c'est la solution. C'est très clair, ce que les intervenants ont besoin d'avoir, c'est d'avoir un maximum d'options devant eux. Et ça me paraît problématique de ne pas voir l'adoption ouverte comme étant de ces options dans les circonstances où c'est approprié.
Mme Delisle: Merci.
Mme Poirier (Marie-Andrée): Entre autres pour les enfants plus vieux. Mais ça va aussi poser par contre le problème du recrutement de familles d'adoption qui sont prêtes à s'embarquer dans un processus d'adoption ouverte. Donc, ça va demander un accompagnement particulier de ces familles-là, au même titre que les familles d'accueil Banques-mixtes font face à un défi particulier quand elles accueillent des enfants avec un mandat d'accueil, avec une instabilité de ne pas savoir si l'enfant va demeurer avec eux.
Moi, je suis très préoccupée par l'accompagnement qu'on va faire de ces parents-là, et à la fois des parents adoptifs, quand on considère les enfants qu'ils vont accueillir. C'est-à-dire, au-delà du petit bonhomme de six mois, beau, rose et en santé, les situations de protection de la jeunesse nous indiquent que les enfants qu'on va confier à l'adoption, à la tutelle ou à l'adoption ouverte seront des enfants qui auront des besoins extrêmement criants
Et on ne peut pas se permettre de ne pas soutenir ces familles-là, oui, financièrement, mais à mon avis de façon beaucoup plus large, au niveau de la qualité des services qu'on va leur offrir. Sinon, je ne suis pas certaine que les problèmes de ballottement qu'on invoque depuis les débuts de cette commission-là seront réglés.
Mme Delisle: Merci.
Le Président (M. Copeman): Mme Chamberland.
Mme Chamberland (Claire): Je voulais simplement évoquer que je trouve que ça peut être une option, dans l'idée des cas de figure variés, qu'il y ait plusieurs trajets.
Quand on parle de permanence, notre collègue anglaise, Helen Jones, évoquait, l'année dernière, l'importance de voir la permanence à trois niveaux: émotionnel, physique et légal et, d'une certaine façon, dans les approches, ce qu'on appelle «inclusive care». C'est-à-dire qu'il peut y avoir autour de cet enfant-là plusieurs personnes dont des familles qui ont des responsabilités légales, avec lesquelles physiquement ils vivent. Mais, dans les cas où il y a des figures d'attachement qui existent, quels sont les aménagements qui permettent qu'on peut maintenir ces liens-là dans certaines situations lorsque c'est dans l'intérêt de l'enfant? Bien, je pense que l'adoption ouverte est une solution intéressante.
Et je voudrais rappeler ? parce que tu ne l'as pas évoqué ? pour venir sur la question de l'adoption en général, les recherches tendent à démontrer que les enfants qui ne sont pas adoptés sont des enfants qui ont des difficultés de comportement, aux États-Unis, parce que... les enfants noirs et les garçons les plus vieux. Alors, c'est les facteurs qui prédisent la difficulté de trouver une adoption. Juste vous le rappeler.
Le Président (M. Copeman): Merci. Avant de céder la parole à Mme la députée de Rimouski, je présume qu'il y a consentement pour dépasser 12 h 30? Consentement. Mme la députée de Rimouski, porte-parole de l'opposition officielle en matière des services sociaux.
Mme Charest (Rimouski): Merci beaucoup, Mme Chamberland, Mme Poirier et M. Trocmé. Honnêtement, j'aime beaucoup votre mémoire. Ça me nourrit ma réflexion. Et je trouve que vous avez, oui, une préoccupation de recherche, d'évaluation, mais vous avez aussi une sensibilité, et elle est palpable de par vos commentaires. Et ce que vous proposez, en quelque part, ça nous rejoint beaucoup.
Alors, moi, j'aimerais vérifier, parce qu'à la page 8 de votre mémoire vous parlez d'un gestionnaire de cas qui serait, bon, nommé par un directeur de la DPJ, qui assumerait la coordination des services fournis aux parents et à leurs enfants. En quoi ce gestionnaire de cas là se distingue du rôle et du mandat du DPJ actuel?
Mme Chamberland (Claire): En fait, ce qu'on souhaiterait, c'est que le DPJ, dans le cas où c'est une situation de prise en charge ? mais je vous rappelle qu'on a aussi vu un peu plus largement dans les cas aussi qu'il y a un signalement qui n'est pas retenu mais qui pose problème... Le gestionnaire de cas est un peu ce que j'ai évoqué, l'intervenant pivot, un intervenant pivot qui s'assure qu'il y a vraiment une analyse des besoins qui est faite, qui est exhaustive, qui est bien faite, qui interpelle le parent, l'enfant et d'autres acteurs dans le milieu. Donc, vous voyez que le DPJ ne pourrait pas faire ça pour tous les enfants qui sont sous sa responsabilité. Donc, c'est l'idée d'un intervenant pivot qui s'organise de mettre en place un système d'aide cohérent. Quand je dis «système d'aide», ce n'est pas pour rien, c'est de dire qu'il va y avoir plus qu'une personne dans ce système d'aide là.
Et, dans les pratiques ? et, quand on a pensé à venir ici, on s'est dit: On ne peut pas juste parler de modification de la loi, de la justification comme chercheurs, il faut absolument parler des pratiques qui devraient suivre les changements législatifs qu'on propose ? c'est que justement je peux vous dire que pour l'instant ce n'est pas bien installé. Et, dans le projet que nous faisons, AIDE, c'est ce qu'on essaie de mettre en place. Et je crois qu'il y a une ouverture réelle à ces approches-là, mais c'est extrêmement minoritaire.
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(12 h 30)
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Donc, un gestionnaire de cas serait comme un peu un chien de garde, une sentinelle pour s'assurer qu'il y a des services, qu'il ne se fasse pas... Parce que des fois, dans ces familles-là, on peut voir huit intervenants, mais chacun ne se parle pas, on ne sait pas ce qui est fait; des fois, ils peuvent s'annuler, se neutraliser. Alors, tout le monde est animé de bonnes intentions, mais il n'y a pas de vue d'ensemble. Et c'est ça que je crois qui serait la génération de services que, moi, j'aimerais bien voir s'implanter avant de prendre ma retraite.
Mme Charest (Rimouski): On va tenter de vous aider là-dessus. Dites-moi, est-ce qu'avec votre vision ça permettrait d'avoir une meilleure coordination des services au niveau local? Parce que ce qu'on remarque de par les commentaires et ce qu'on a vérifié aussi sur le terrain à plusieurs endroits, c'est comme si on se lance la balle en termes de services. Je ne sais pas si je suis trop sévère, trop méchante vis-à-vis le réseau, mais on a nettement le sentiment qu'on se lance la balle. On fait, oui, selon le mandat de chaque établissement, mais ici, maintenant; c'est fini après, c'est à un autre à prendre la relève. Et, comme les gens ne se parlent pas et travaillent en silo, je vois que votre intervenant pivot, votre gestionnaire de cas serait en quelque sorte, là, pas un ombudsman, mais en quelque part une autorité qui, à l'intérieur d'une équipe multidisciplinaire... C'est-u bien ça?
Mme Chamberland (Claire): Et intersectorielle...
Mme Charest (Rimouski): Et intersectorielle.
Mme Chamberland (Claire): ...c'est-à-dire interorganisationnelle. Ça, je pense que c'est l'élément qui est important, parce que... Les gens, on travaille à l'intérieur d'organisations. Juste pour vous donner un exemple, comme... le temps que je passe dans une situation qui n'est pas exactement dans mon mandat, qui se fait à la frontière de ce qui est prescrit par mon organisation, il y en a qui le font, puis depuis 25 ans j'ai vu des gens qui faisaient des pratiques délinquantes, mais il reste qu'il faut que les organisations acceptent de soutenir le travail qui est fait au carrefour entre les organisations, les études de cas ensemble, et, pour en faire un peu, là on commence à en faire, je peux vous dire que c'est du sport.
Mme Charest (Rimouski): Je comprends votre intervention et je ferais un parallèle rapide, c'est comme quand on travaille avec les municipalités, mais, entre les municipalités et l'espace entre deux municipalités, là, qui s'en occupe et comment on se... Et je fais un... le parallèle est boiteux, j'en conviens, mais c'est l'image que ça me projette, et ça me permet de bien comprendre ce que vous voulez dire.
Quand vous dites que vous travaillez à mettre cette expérience-là sur pied et que vous avez des difficultés, ce n'est pas pour du placoting que je vous parle de ça, mais expliquez-moi: D'où viennent les réticences? Je veux dire, elles se manifestent comment, là? À cause de quoi? Puis pourquoi? Il semble y avoir des difficultés, là... pour qu'on puisse être conscients que, si on met ça sur pied, là, il va falloir travailler en priorité sur ces éléments-là.
Mme Chamberland (Claire): Mais, moi, d'abord, loin de moi l'idée de vouloir blâmer les intervenants.
Mme Charest (Rimouski): Non, ce n'est pas...
Mme Chamberland (Claire): Ça, j'espère qu'on est clair, je pense que les gens font en général le maximum qu'ils peuvent. Là, je vais prendre un jargon scientifique, c'est un changement de paradigme que ça demande. C'est-à-dire que les gens se représentent la situation des familles et de leur solution autrement. Ce n'est pas d'avoir juste plus de ressources, quoique, je crois, ici, on pourrait s'en reparler, qu'il y ait plus de ressources de consenties, mais pas «more of the same», il faut faire plus... avoir plus pour faire la même chose.
Et, quand je vous dis... dans les projets de vie, par exemple, la question, c'est de dire: O.K., moi, comme intervenant en protection, par exemple, il faut que je m'assure... j'ai une délégation, moi, du DPJ qui me dit: Moi, il faut que je m'assure que le parent a les capacités parentales. C'est son mandat. O.K.? Cependant, il se réalise que ce n'est pas la seule difficulté, parce qu'il y a des facteurs qui viennent influencer cette fameuse capacité parentale. Alors, lui n'a pas nécessairement tous les moyens ou les ressources pour pouvoir travailler sur les facteurs d'influence. C'est qui, les complices qui vont les aider? Et là ça appelle que l'intervenant en protection réfléchisse sur: Oui, mais c'est vrai que, dans ce cas-ci, il laisse son enfant sans surveillance trop souvent, je suis très préoccupé. O.K.? Comment est-ce que j'interpelle un complice dans le réseau? Qui fait que le parent fréquente un groupe de soutien, que peut-être le problème de toxicomanie soit adressé, peu importe, et qu'il soit capable de voir le problème de manière plus holistique, plus important, tout en ne prenant pas tout sur ses épaules. Et c'est, je vous dirais, d'abord une vision des problèmes qui appelle la capacité de voir plus largement que son propre mandat.
Mme Charest (Rimouski): Alors, c'est une vision globale, un partage...
Mme Chamberland (Claire): Plus globale.
Mme Charest (Rimouski): ...un partage de la responsabilité intersectoriel, multidisciplinaire et...
Mme Chamberland (Claire): Mais focussé. Moi, quand on parle, ces mots-là, ça fait longtemps que je les entends dans les rapports, mais ce qu'il faut, c'est une démarche systématique, claire et d'où l'intervenant pivot... On pratique ces approches-là d'une certaine façon auprès des personnes âgées depuis plus de 20 ans, avec la coordination des services. Il y a des pratiques comme ça dans le réseau qui existent. Dans le domaine de la jeunesse, les équipes intégrées jeunesse ont commencé depuis trois ans, et c'est extrêmement intéressant, ce qu'ils ont réalisé en trois ans. Et, pour notre part, un des territoires sur lesquels on implante le projet AIDE, c'est le territoire à Montréal, où ils ont l'expérience des EIJ, et on voit très bien comment on part, je vous dirais, avec des gens qui sont habitués, qui en ont fait, des PSI ensemble, puis qui commencent à avoir un peu le réflexe de partage des responsabilités.
Mme Charest (Rimouski): M. Trocmé, vous nous avez parlé des questions fondamentales pour s'assurer d'avoir des bases d'évaluation, si on met des délais maximaux dans le projet de loi. Est-ce que c'est parce que, non seulement en Ontario, mais ailleurs, là où les délais ont été inscrits dans la législation, il n'y a pas d'études disponibles qui nous permettent de voir l'efficacité de ces mesures-là? Est-ce qu'on met ça, là, puis qu'on n'est pas en mesure de valider avant le degré de résultat ailleurs?
M. Trocmé (Nico): Exactement. Exactement.
Mme Charest (Rimouski): Oh! c'est une grosse...
M. Trocmé (Nico): On fait passer les lois et on est en mauvaise position ensuite de déterminer si l'effet voulu s'est déroulé. Dans un certain sens, ça reprend d'une façon un peu différente la question que vous avez demandée à Mme Chamberland, parce que ce n'est pas facile de «législer» la coordination. Ce n'est pas facile de dire aux gens: Voici comment on voudrait le faire. Et il y a une tendance, on a une tendance à surréglementer, et on devient de plus en plus orienté sur: Bien, il nous faut cette règle, il faut cette règle si on veut arriver à tel et tel résultat, il faut... Prenons la collaboration comme exemple, il faut une loi qui dit que les gens doivent collaborer. Ce n'est jamais une stratégie qui marche à long terme.
Ce qui me frappe plutôt, pour revenir un peu à l'exemple britannique ? je m'excuse de devoir passer toujours aux Anglais, parce qu'on a une autre alternative, c'est d'aller voir chez les Américains, qui est un modèle un peu différent... Mais, si vous allez sur, et je peux vous envoyer le site Web, il y a un site Web britannique sur lequel vous pouvez aller, où vous pouvez inscrire le nom de n'importe quelle communauté, et vous aurez immédiatement des détails sur le nombre d'enfants placés, le nombre de délais, sur le succès scolaire des enfants, donc à un niveau communautaire, et également on a de l'information immédiate sur la qualité des services d'aide à l'enfance dans cette communauté par rapport à la moyenne nationale, par rapport aux autres communautés, et ça, je vous assure que ça mobilise les gens. C'est bien gentil de dire: C'est vous qui allez gérer la collaboration, c'est vous, c'est votre responsabilité. Mais, quand on est devant des résultats où la région d'à côté arrive à s'organiser et votre région n'arrive pas à s'organiser, ça, ça a un effet. Ça, vraiment, ça pousse les gens. Donc, s'orienter de plus en plus vers les résultats et peut-être un peu moins sur la surréglementation, c'est également une stratégie importante.
Mme Charest (Rimouski): Merci. J'aurais d'autres questions, mais je vais permettre à mon collègue de pouvoir, lui aussi, vous questionner.
Le Président (M. Copeman): M. le député de Vachon.
M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Bonjour, tout le monde, content de vous revoir. Je retiens trois choses, puis j'ai une question à vous poser, puis je pense qu'on aura fait le tour du jardin.
Premièrement, la question du gestionnaire de cas me paraît intéressante, là, comme proposition. Il faudra voir comment on pourra éventuellement la traiter dans le projet de loi.
Deuxièmement, la question du suivi après le retour des enfants dans leur milieu familial. Vous êtes sans doute le premier groupe à le mentionner de façon aussi explicite. J'en ai manqué des bouts, là, je dois dire, mais je ne pense pas qu'on l'ait souligné avec autant d'accent auparavant. Il y a entre 24 % et 28 % de récurrence dans le réseau, c'est-à-dire des enfants qui reviennent après avoir été signalés et que leurs dossiers auraient été fermés. De fait, la fermeture du dossier est un moment extrêmement important dans la prédiction de la récurrence. Le système, tel qu'il est fait maintenant, permet une surveillance de vigilance de la part du réseau lorsque l'enfant est suivi à travers les services de la protection de la jeunesse ou les services connexes. Mais, quand on ferme le dossier, on voit qu'il y a une résurgence très importante de la récurrence. Et cette histoire du suivi après le retour de l'enfant est aussi inspirée de beaucoup de recherches, dont l'équipe de Trois-Rivières, hein, qui montrent que certaines familles auront besoin qu'on intervienne pour de très, très, très nombreuses années si on ne veut pas voir l'enfant revenir dans le système et continuer ou tenter enfin de se développer normalement. Il me semble qu'on devrait réfléchir, en tant que parlementaires, à cet aspect-là de façon très sérieuse.
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(12 h 40)
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Le troisième item, c'est l'ajout que vous faites à l'article 8, qui m'apparaît intéressant, donc qui ouvre la porte du droit à l'enfant à recevoir des services de santé et des services sociaux et qui interpelle directement les établissements autres que les services jeunesse. Je pense que c'est un pas dans la bonne direction. Cependant, je me demande s'il est suffisant pour arriver aux attentes que vous exprimez en rapport avec l'expérience britannique. L'expérience britannique se fait aussi en amont, hein? L'idée qu'il y a moins de signalements, c'est parce qu'on est intervenu avant que l'enfant soit signalé, donc que cette approche multimachin dont vous parlez, là, s'est manifestée bien avant qu'il y ait un signalement auprès d'enfants à risque et d'enfants vulnérables. Tel qu'on peut lire le projet de loi actuel, l'article 8, il est imbriqué dans un projet de loi de protection de la jeunesse, et le droit des enfants qu'on évoque... ce sont ceux qui sont signalés au système, ce ne sont pas tous les enfants de la communauté. L'expérience britannique déborde largement ça. Alors, je voulais tout simplement le signaler, M. le Président, parce qu'on pourrait penser que l'ajout que vous faites à 8 correspond aussi aux attentes que vous auriez pu avoir vis-à-vis de l'expérience britannique, alors qu'on est contraint dans un espace de services du système, une fois que l'enfant est signalé, telle que la structure de la loi est faite maintenant. Ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas le sortir de la structure, là, mais ça veut dire que, telle que la loi est faite maintenant, elle s'applique aux enfants qui sont déjà signalés. Donc, il y a un petit problème, là, qui se présente, je pense.
Dernière remarque... finalement, je pense que je n'aurai pas de question. Mais dernière remarque, dernière remarque, et vous pourrez...
Le Président (M. Copeman): Je ne suis pas sûr, M. le député, qu'il n'y aura pas de commentaire de la part de nos invités, par contre.
M. Bouchard (Vachon): Ça, je n'ai pas fait référence à ça, M. le Président.
Dernière remarque, c'est sur la puissance des données. Je comprends...
Une voix: La puissance...
M. Bouchard (Vachon): ...des données, «power of data»... On n'insistera jamais assez là-dessus, je pense. Vous avez, je pense, présenté... insisté sur cet aspect du problème, les parlementaires en tiendront compte, j'en suis sûr, cette capacité de monitorer ce qui se passe une fois la loi adoptée, mais en tenant compte de où on en est maintenant, là. Alors, on en prend bonne note aussi. Merci.
Le Président (M. Copeman): Bon, allez-y.
Mme Poirier (Marie-Andrée): Peut-être juste ajouter. Les taux de récurrence que vous mentionnez pour les enfants... sont près de 40 %, lorsqu'on parle d'une réunification non surveillée, non accompagnée, et le problème vient du fait qu'on considère un épisode de placement comme une solution quand c'est un moyen, et c'est loin d'être une solution, que ça doit s'inscrire dans une stratégie d'aide qui est beaucoup plus globale. Et ça vient aussi de la difficulté de dire... quand la compromission de l'enfant... c'est toute l'idée de la compromission. Quand il y a arrêt de compromission, on retourne l'enfant et c'est comme si on se désengageait, et, au niveau de la réunification familiale, c'est là que le travail commence, c'est là que le réel accompagnement des parents doit se faire, et ça sollicite beaucoup l'appui des familles d'accueil. On a peu parlé des familles d'accueil dans cette commission, et je trouve ça dommage parce qu'ils sont des participants actifs de ce processus de réunification familiale.
Le Président (M. Copeman): M. le député.
M. Bouchard (Vachon): Oui, M. le Président, ce n'est pas une nouvelle question, mais c'est un commentaire à l'intention de la ministre. L'opposition a rarement l'occasion de présenter des amendements qui impliquent des frais ou des...
Une voix: Des quoi?
M. Bouchard (Vachon): ...des investissements budgétaires de la part du gouvernement.
Le Président (M. Copeman): Des dépenses.
Une voix: ...
M. Bouchard (Vachon): On n'a pas le droit, mais la ministre peut le faire. Et, moi, je fais tout simplement l'observation ici que la continuation des services postplacement dans la famille nécessite des investissements, un. Deux, cette idée de travailler non pas en silo, mais en partenariat avec les ressources fait partie d'un «benchmarking» rigoureux d'une organisation qui, si elle veut livrer ces services-là, ça doit rentrer dans la couverture du temps requis pour ce type de partenariat, la couverture du temps requis doit rentrer dans le calcul des budgets, et ça, je pense que c'est une question de crédits.
Le Président (M. Copeman): Mme Poirier, Mme Chamberland, M. Trocmé, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom du Groupe de recherche et d'action sur la victimisation des enfants et l'Alliance de recherche en développement des enfants dans leur communauté. Et, sur ce, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 45)
(Reprise à 14 h 5)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux. C'est le dernier après-midi de la dernière journée de nos consultations, et je vais faire lecture de l'ordre du jour pour donner un aperçu de l'après-midi. Nous allons commencer dans quelques instants avec les représentants de La Ligue des Noirs du Québec; ce serai suivi, autour de 15 heures, par le Comité provincial pour la prestation des services de santé et des services sociaux aux personnes issues des communautés culturelles; autour de 15 h 30, la Concertation jeunesse Hochelaga-Maisonneuve; 16 h 30, M. Terry Bockus et Mme Loretta Bockus; 17 heures, M. George Stamatis et Mme Pamela Berardi; et il y aura les remarques finales à la fin de l'après-midi. Je vous rappelle qu'il est convenu que nous dépassions 18 heures afin de terminer nos travaux aujourd'hui.
Je vous rappelle également que l'utilisation des téléphones cellulaires est interdite dans la salle, et je prierais tous ceux qui en font l'usage de bien vouloir les mettre hors tension.
C'est avec plaisir que nous recevons les représentants de La Ligue des Noirs du Québec. Mr. Philip, good afternoon.
M. Philip (Dan): Good afternoon.
Le Président (M. Copeman): M. Narcisse, bonjour.
M. Narcisse (Édouard): Bonjour.
Le Président (M. Copeman): Comme je le fais pour chaque groupe, je vous avise que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation; je vais vous aviser quand il vous restera trois minutes, pour mieux vous aider à conclure, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Sans plus tarder, messieurs, nous sommes à l'écoute.
La Ligue des Noirs du Québec
M. Philip (Dan): Oui, merci, M. le Président, pour nous donner cette opportunité-là sur la réflexion du projet de loi n° 125. J'ai avec moi M. Édouard Narcisse, qui est membre de notre conseil. Nous allons discuter ou présenter quatre points que nous pensons, à la ligue, qui sont très importants: c'est la prévention, l'éducation populaire, l'intervention et la participation des différentes communautés pour essayer d'améliorer possiblement le sort des jeunes dans notre communauté, particulièrement la communauté noire. Après que M. Narcisse aura fait une grande synthèse de ce que nous sommes en train de présenter, je vais revenir pour amplifier certaines situations. M. Narcisse.
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(14 h 10)
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M. Narcisse (Édouard): Il faut dire que nous apprécions beaucoup l'initiative gouvernementale qui veut apporter des changements à cette loi, c'est primordial. Si nous parlons de la prévention, c'est que, durant plusieurs années, on a vu une grande augmentation des jeunes de la communauté noire qui sont placés dans les centres d'accueil. Jusqu'à présent, il n'y a jamais eu un système de prévention en place pour aider ces jeunes et les familles de la communauté pour traverser des périodes de crise, des périodes difficiles. Pour nous, à La Ligue des Noirs du Québec, c'est fondamental de mettre en place un projet de prévention pour aider l'ensemble des familles québécoises, non seulement les Noirs, mais toutes les familles. C'est qu'il ne faut pas attendre que la crise arrive avant qu'on prenne les décisions. La prévention a été toujours mieux. J'ai eu le privilège de travailler dans la prévention avec l'Organisation mondiale de la santé, et je peux vous dire que la prévention vaut mieux que guérir plus tard. Nous devons comprendre que, dans les cas où les jeunes sont placés dans différents centres d'accueil, ce n'est pas seulement un problème pour les jeunes, mais c'est un problème pour les familles de l'ensemble de la société.
Donc, nous recommandons, dans le cas de la prévention, que les organismes communautaires comme le centre Batshaw et d'autres instances communautaires pour la prévention s'associent avec les organismes que le gouvernement a déjà en place. C'est nécessaire d'impliquer les groupes communautaires qui travaillent avec les familles, impliquer aussi les jeunes, parce qu'il y a un lien de confiance entre les organismes et les familles.
Dans plusieurs cas, le CLSC, qui est la porte d'entrée entre les jeunes et les organismes de placement gouvernementaux, le CLSC est mandaté pour aider les familles durant les périodes difficiles. Mais les jeunes de la communauté voient le CLSC plutôt comme un organisme de répression que d'aide, tandis que les organismes communautaires pourraient faire ce lien qui manque entre la communauté et les familles.
On parle d'éducation populaire. Pourquoi nous parlons de ça? Nous voulons faire une éducation populaire pour aider les gens à comprendre leur rôle et leurs devoirs dans la société. On sait déjà que la famille, c'est la base de toute société. Quand les familles sont brisées, c'est une part de la société qui est brisée. Et, quand vous placez de force certains enfants, vous brisez toute une famille. Nous devons adapter l'aide aux besoins de ces familles-là par des interventions, par des sensibilisations dans la situation réelle des familles. Cela évitera les interventions automatiques de l'État qui brisent, sans le vouloir, en voulant protéger les enfants, qui brisent aussi des familles.
Nous constatons que dans bien des cas l'État, sur ordre des juges, arrache des enfants dans des familles pour les placer dans des foyers qui ne sont pas adaptés à ces enfants-là. Ça ne devient pas une aide, ça devient une brisure. Bien souvent, au lieu d'aider ces enfants, on les conditionne à devenir forcément des délinquants. Et plus, les parents sont obligés d'engager parfois des avocats puis payer pour les aider à récupérer leurs enfants, parfois ils n'ont pas... ils sont obligés de laisser leur ouvrage pour se présenter. La Ligue des Noirs pense que la prévention et l'éducation populaire peuvent aider les familles à prévenir ces difficultés au lieu de les aider à guérir ces difficultés.
La ligue reçoit beaucoup d'appels des familles, et nous organisons des séances de formation, mais cela ne suffit pas. C'est pour cela qu'on a besoin vraiment d'une sorte de... d'une sorte d'accord pour qu'on puisse collaborer étroitement avec les organismes gouvernementaux. On a besoin de support du gouvernement. Mais les interventions... On parle des interventions. Qu'est-ce qu'on doit faire? Assez souvent, il y a des malentendus entre les travailleurs sociaux, que les familles jugent arrogants. Les familles ethnoculturelles poussent... et les tribunaux, assez souvent, prennent toujours position pour les travailleurs sociaux, jamais pour les familles. Ils ne comprennent pas les besoins de ces familles-là. Nous ne voulons pas dire que les familles ont toujours raison, ce n'est pas cela, mais ils ne comprennent pas les besoins spécifiques de ces familles-là. Nous constatons beaucoup d'abus de pouvoir de la part des travailleurs sociaux.
Nous voyons que c'est un aspect magistral dans ce projet de loi et, pour cela, nous demandons une équité. Cette équité sera sur la base d'un ombudsman, une personne qui est à part, qui n'a aucun rapport avec le gouvernement, aucun rapport avec les familles, un protecteur du citoyen, comme recours pour les familles contre l'injustice sociale qu'ils voient dans l'intervention gouvernementale. Cela donnera un sentiment de sécurité à tout le monde, une vraie justice pour tout le monde. Le protecteur du citoyen sera indépendant, transparent pour des gens qui pensent être victimes des abus de pouvoir.
Enfin, nous voulons parler de la participation. La Ligue des Noirs avec le Centre de recherche et de culture de la communauté noire se lient ensemble et mettent déjà à la disposition des CLSC, s'ils veulent, des intervenants qui connaissent bien les communautés, communautés ethnoculturelles. Il suffit que le gouvernement accepte de les intégrer pour travailler ensemble, avec les CLSC et les autres intervenants sociaux, pour protéger nos enfants, pour protéger la société, surtout pour garder ensemble la famille.
C'était là le but de notre intervention, et je laisse la parole à M. Philip.
M. Philip (Dan): Comme Édouard Narcisse a dit, ce que nous avons donné, c'est vraiment un portrait de la situation comme telle, mais nous devons examiner les problématiques qui existent, particulièrement à Montréal, avec les jeunes de notre communauté. Faute de mettre en place un système de prévention, faute de mettre en place une compréhension des problématiques des jeunes de la communauté, on n'a pas eu jusqu'à présent une baisse des situations graves comme telles, et ça augmente toujours. Je pense que, M. le Président, à ce point-là, vous devez demander vous-même qu'est-ce qu'on doit faire pour changer les choses. Est-ce que nous allons continuer comme avant ou nous allons examiner les problématiques et voir quelles sortes de changements nous pouvons apporter pour aider les gens de la communauté et l'ensemble de la société?
Je peux signaler... À Toronto, il y a eu des situations graves. Souvent, ici, à Montréal, les gens agissent seulement quand il y a une crise. La ville de Montréal nous a appelés pour essayer de voir qu'est-ce qu'elle peut faire pour améliorer la situation. Tout de suite la réunion finie, c'est déjà oublié comme tel. Je dirais qu'on n'a pas en place une politique vraiment pour aider et pour améliorer la situation, la situation sociale de notre communauté et l'ensemble de la société. Quand il y a des problèmes comme tels, nous sommes visés, et ensuite, comme vous le savez, quand quelque chose arrive, ils vont dire que c'est commis par les gens de la communauté noire. C'est une tâche... que nous voulons essayer à améliorer dans un certain... mais il faut qu'il y ait une vraie politique, une vraie responsabilité, une vraie forme de conscientisation de ces problèmes-là pour voir quelles sortes de mesures nous pouvons prendre.
Nous avons fait ces propositions-là, nous savons peut-être que vous avez, M. le Président, votre propre guide et direction, mais nous aimerions bien que cette suggestion que nous avons donnée, on mette quelques points en place pour essayer d'aider les gens. Particulièrement, comme Édouard avait dit, nous avons eu beaucoup de plaintes, et, nous, quelquefois nous intervenons dans des situations très difficiles et pénibles, mais nous n'avons pas des pouvoirs pour agir. Ce que nous demandons de vous, c'est de mettre en place cette indépendance, pour avoir une certaine justice pour des gens de notre communauté. Merci.
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(14 h 20)
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Le Président (M. Copeman): Merci, M. Philip et M. Narcisse. Alors, afin de débuter l'échange, Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation.
Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, messieurs, bonjour, bienvenue à la commission. J'ai bien entendu ce que vous nous avez soulevé comme problématiques que je sais pour être très réelles dans votre communauté. Vous avez fait référence à la possibilité d'instaurer un système de plaintes indépendant. Je vous dirais que mon collègue le ministre de la Santé et des Services sociaux a fait amender la loi sur la santé et les services sociaux et a fait introduire dans la loi l'obligation pour chaque établissement d'avoir un commissaire à la santé qui va relever directement du conseil d'administration de l'établissement et non pas du centre jeunesse. Je ne sais pas si ça vous satisfait, si vous considérez que c'est assez indépendant, j'aimerais peut-être vous entendre là-dessus. Et, si ça ne vous satisfait pas, auriez-vous des propositions à nous faire en tenant compte de votre réalité, celle que vous vivez dans vos communautés? Est-ce que vous voyez une façon différente de porter plainte? J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Philip (Dan): Ce que nous demandons, c'est quelqu'un qui est indépendant, parce que ça ne va pas... Quand nous parlons de transparence, nous devons également regarder des pensées des gens. Dit-on... s'il y a quelqu'un qui peut intervenir dans des situations graves, et cette personne est établie dans le même bureau avec ces gens-là qui sont impliqués dans la situation, je pense que ça ne va pas aider dans cette situation-là, parce que, même, la perception, l'indépendance n'est pas là.
Mme Delisle: Est-ce que vous voulez dire que ça devrait être quelqu'un de votre communauté plutôt que quelqu'un qui relève...
M. Philip (Dan): Non.
Mme Delisle: Non. Vous souhaitez quelqu'un qui soit totalement neutre et qui peut recevoir les plaintes et les diriger et agir en fonction de ces plaintes-là. C'est ça que vous nous dites?
M. Philip (Dan): Oui, oui.
Mme Delisle: Donc, est-ce que ça, ça vous satisfait?
M. Philip (Dan): Oui, oui. Nous ne demandons pas quelqu'un de notre...
Mme Delisle: Non, non, mais je voulais juste bien comprendre ce que vous nous demandiez, puis je vous posais la question à savoir si le mécanisme qui vient tout juste d'être mis en place, là, qui a été adopté d'ailleurs unanimement par les partis politiques ici, là, par l'opposition et le gouvernement... Il y aura un mécanisme. Il y a un commissaire qui va être responsable et qui ne relèvera pas du centre jeunesse mais bien du conseil d'administration. Alors, on verra à l'usage si c'est... vous pourrez peut-être faire des recommandations à ce moment-là pour voir comment on peut mieux adapter cette mécanique de plainte là aux propos que vous avez tenus.
On a beaucoup entendu parler durant cette commission de l'importance de changer nos façons de faire, nos façons étant... on a des devoirs à faire, nous aussi, mais les intervenants sur le terrain, en tenant compte de différentes réalités... Les femmes autochtones sont venues nous rencontrer cette semaine pour nous dire qu'elles souhaitaient qu'on adapte nos pratiques à leur réalité, que la réalité des familles blanches ? excusez-moi de dire ça, là ? n'est pas la même que les familles autochtones, et vous nous dites que les réalités que vous vivez sont aussi différentes, et on doit tenir compte, dans les interventions qu'on fait, de ce que vous vivez dans vos communautés.
J'ai compris également que vous avez eu à quelques reprises des entretiens ou des rencontres avec les centres jeunesse, probablement que c'est surtout celui de Montréal, et que vous n'avez pas l'impression que ça a changé grand-chose. C'est ce que j'ai compris de ce que vous avez dit tout à l'heure. Est-ce que vous croyez que, s'il y avait un projet ? je pose la question comme ça ? où on pourrait mettre en place des intervenants du centre jeunesse, des gens de chez vous, pour essayer de travailler davantage en amont, donc avec vos familles... est-ce que ce serait une façon novatrice et qui permettrait peut-être davantage d'aller chercher des résultats, c'est-à-dire d'essayer d'éviter non seulement l'affrontement, les placements, mais essayer de travailler davantage avec votre communauté?
M. Philip (Dan): Oui, ça va aider, mais ce que nous voulons, c'est que cet intervenant social puisse travailler avec, dit-on, des organismes et également avoir un lien avec les groupes de la jeunesse et aussi la famille. Ce n'est pas quelque chose que nous pensons que ça peut se faire... indépendant les uns et des autres. C'est que...
Une voix: Oui.
M. Philip (Dan): C'est qu'on doit travailler ensemble, dit-on. On peut avoir un intervenant dans, dit-on, La Ligue des Noirs, mais également ces gens-là peuvent travailler avec les centres jeunesse et aussi avec la famille, avec des familles. Autrement dit, ça va être quelque chose qu'ils travaillent ensemble et essaient d'améliorer la situation. Et de plus, qu'est-ce que nous demandons aussi, que la famille ou des familles ne doivent pas attendre quand il y a une situation de crise pour agir. Dit-on, s'il y a quelques problèmes, peut-être minimes, ces gens-là peuvent rejoindre les gens de la communauté et ensuite trouver des solutions et essayer d'aider les gens. Et ensuite ça va éviter des situations graves où nous allons être dans des crises, et aller à la cour, et tout ça. Ça va sauver beaucoup des sous, comme tel.
Le Président (M. Copeman): M. Narcisse.
M. Narcisse (Édouard): Comme vous le souligniez, l'intervention que vous dites, c'est justement ça que nous cherchons. C'est que, si nous sommes... nous nous impliquons avec vous, pas tout seuls, ce n'est pas que nous voulons imposer, parce que, dans chaque... Le Québec est devenu un pays ethnoculturel. À Montréal, il y a des familles de toutes, presque, les nations, qui viennent, que ce soit d'Asie, d'Amérique ou d'Amérique centrale, les Amérindiens. C'est devenu vraiment cosmopolite. Donc, les besoins de chacun ne sont pas pareils. Je ne peux pas demander à une famille arabe de vivre comme une famille haïtienne. On ne peut pas demander à une famille québécoise de vivre comme une famille africaine. Ce n'est pas pareil.
Par contre, en connaissant les besoins, en ayant des ressources humaines de chaque famille, on peut aider ces familles-là. La façon qu'ils ont été élevés, les parents, je veux dire, ils ne sont pas pareils avec les familles québécoises. Moi, je vis ici depuis 35 ans, presque 40 ans même. Je me suis impliqué dans la communauté québécoise et je me suis intégré totalement, mais je ne peux pas demander à quelqu'un qui vient d'immigrer maintenant de s'intégrer pareillement. Mais par contre on peut chercher à comprendre les besoins de cette personne-là. C'est justement ça qu'on cherche. Avant de prendre des dispositions de placement pour ces enfants-là, d'apprendre à connaître leurs familles, de parler avec leurs familles, connaître leurs besoins et leur faire comprendre, eux aussi, comment ils peuvent s'impliquer dans la société québécoise et pour le bien-être de tous.
Mme Delisle: Une dernière question très, très rapide, et puis je vais céder la parole à ma collègue la ministre responsable des Communautés culturelles. Il y a eu un dépôt d'un plan d'accès aux services pour les clientèles issues des communautés ethnoculturelles, 2003-2006, et, suite à ce plan d'accès, les centres jeunesse de Montréal ont mis en place différentes propositions, réalisations, et je me demandais si vous en aviez pris connaissance et si vous avez vu ou avez commencé à apprécier certains changements. Il y a eu la mise sur pied d'un comité aviseur avec l'intégration des représentants de la communauté, l'utilisation importante et croissante des interprètes linguistiques, formation interculturelle à plus de 500 membres du personnel, plusieurs éléments comme ça. Est-ce que vous avez commencé à voir une différence ou vous ne l'avez pas sentie du tout?
M. Narcisse (Édouard): Personnellement, je peux dire non, parce que... Si vous constatez, la communauté noire se plaint d'avoir plus de 60 % de ses fils qui sont incarcérés, pas parce qu'ils sont plus délinquants que les autres, pas parce qu'ils sont plus pourris, c'est que le système ne va pas avec eux autres. Quand ils sont placés, ils ne deviennent pas meilleurs, ils deviennent pires, ils sont révoltés. Il faut une autre approche. L'approche n'est pas bonne, vraiment pas bonne. Ça ne fait pas du bien pour nos enfants. Nous aimerions qu'ils s'intègrent, qu'ils changent de bord, mais ça prend le dialogue avec les parents pour les faire changer. Nous-mêmes... l'État dépense beaucoup d'argent pour le placement de ces enfants-là, ça coûte cher à l'État. La prévention coûterait beaucoup moins cher si on fait la prévention... que la correction.
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(14 h 30)
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Mme Delisle: Merci.
Le Président (M. Copeman): Est-ce qu'il y a consentement pour que la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles puisse prendre part à nos débats? Consentement. Mme le ministre, allez-y.
Mme Thériault: Merci, M. le Président. Moi, je serais intéressée à vous entendre sur peut-être... Bon, vous, vous disiez que ça fait 40 ans que vous êtes ici, vous êtes bien intégré. Est-ce que vous pensez que, comme gouvernement, on devrait essayer d'avoir les moyens ou se donner les moyens pour que nos nouvelles familles, puisque l'immigration est une réalité qu'on vit ici, qui s'accentue évidemment, donc il y a des familles qui proviennent de tous les pays... Est-ce que vous croyez que les nouveaux arrivants sont suffisamment informés par rapport au système québécois, notamment au niveau des systèmes de protection pour les jeunes? Parce qu'effectivement il y a des codes culturels dans à peu près n'importe quel domaine, et je me demande qu'est-ce que vous pensez sur cet état-là? Est-ce qu'on devrait peut-être donner plus d'information?
M. Philip (Dan): Je ne pense pas que les gens sont suffisamment informés, et c'est pour cette raison que nous avons, dans notre proposition, de mettre en place une certaine forme d'éducation populaire. Et je pense que c'est nécessaire de faire ça dans tous les niveaux, comme tel. Et aussi, pour donner des informations, on a des journaux communautaires, on a certaines personnes qui ont des radios, télévisions communautaires. Mais il n'y a jamais une certaine forme d'information communautaire, comme tel, qui vient des gouvernements pour sensibiliser les gens sur différents sujets. Je pense que ça, c'est un manque dans la communauté, dans la société également.
M. Narcisse (Édouard): Je peux ajouter, Mme la ministre. C'est que l'effort du gouvernement est louable, mais les centres COFI, qui passent une semaine ou deux semaines à donner cette information primaire, comme la géographie du Québec, les lieux, les organismes gouvernementaux où qu'ils peuvent... ne suffisent pas. Parce que les familles, quand elles viennent, ont toujours tendance à se replier sur d'autres familles qu'elles connaissent, et ça crée une sorte de ghetto. Ils n'ont pas d'information réelle sur ce qui se passe au Québec. Ce que nous demandons, ce n'est pas plus, c'est que le gouvernement permette ou aide les organismes communautaires à véhiculer des informations sur ce que fait vraiment le gouvernement pour les aider. Les gens ne sont pas au courant, la plupart. La plupart, vu qu'ils ne parlent pas parfaitement le français ou la langue du pays, ils auront tendance à se replier, à demander des informations à des personnes qui ne sont pas informées, et ces personnes les induisent toujours en erreur. Donc, les enfants ont tendance qu'ils sont rejetés par les autres et puis ils se replient sur eux-mêmes. Ils font des amis avec des enfants qui sont déjà délinquants, ils deviennent des délinquants. Ce que nous voulons, ce n'est pas de faire une formation parallèle, ce n'est pas ça, mais aider les organismes en place à véhiculer les informations qui sont déjà là. Nous avons besoin d'une plus proche collaboration avec vous. C'est ça qu'on veut.
Mme Thériault: D'accord. Merci.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Nelligan, en vous soulignant qu'il reste cinq minutes.
Mme James: Je vais essayer de faire très rapidement, merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. C'est encore un plaisir de vous revoir. Puis merci de participer dans le cadre de cette consultation sur le projet de loi n° 125. Vous savez comme moi qu'on a eu la chance d'échanger à plusieurs reprises déjà, dans le cadre de la consultation, du mandat que la ministre nous a donné, sur la pleine participation des différentes communautés noires. Évidemment, il y a plusieurs choses qui me viennent à l'esprit lorsque je vous écoute aujourd'hui, mais ce que je retiens surtout, c'est la question de la perception. Quand je dis «perception», je pense, entre autres, par rapport aux différentes communautés. Parce que, M. Narcisse, vous avez raison de souligner le fait que, pour les différentes communautés, africaines, haïtiennes, anglophones... et de faire encore la différence entre les réalités de ceux qui sont d'une première, deuxième et troisième génération comparativement à ceux qui arrivent au Canada.
Je souligne ça, cette question de perception, parce que, pour moi, ça s'enchaîne par rapport à ce que j'ai vécu et ce que d'autres ont apporté, par rapport à la confiance que tu vas avoir au réseau, par rapport à ton intégration. À mon sens et d'après ce que je comprends de ce que vous dites, c'est interrelié. Pour une communauté qui a... ou pour une personne qui vient au Québec, qui vient au Canada, qui veut bien, comme jeune, participer à la société, tu vas vouloir s'assurer que tu aies confiance dans le réseau.
Puis, j'ai écouté, M. Philip, lorsque vous nous avez parlé, particulièrement par rapport au cas des jeunes qui se retrouvent devant les tribunaux, hein, et que, selon les signalements ou, s'ils n'ont pas de signalement, selon les plaintes que vous avez reçues, souvent les gens disent que c'est sûr que les juges, à chaque fois ils vont trancher toujours du côté du travailleur social et jamais du côté de la famille. Et à mon sens c'est triste de vous entendre dire ça, puis c'est triste que les gens disent ça, puis, si ça, c'est la réalité, il va falloir faire en sorte que ça change.
Et je vois que vous avez proposé comme correction ? puis vous allez voir où est-ce que je m'en vais avec ça ? la question de l'ombudsman. Mais mon commentaire et ma question à ça, c'est de dire, premièrement, si un juge devrait être impartial et devrait être neutre dans la façon qu'il va interpréter la loi et les faits, qu'est-ce qu'on a à faire à votre avis, en tant que société et en tant que gouvernement, pour corriger cette perception-là ou, dans certains cas, cette réalité telle que vous nous l'apportez, par rapport à ça? Et est-ce que c'est vraiment un ombudsman ou un autre mécanisme qui va corriger cette situation-là si à prime abord les gens n'ont pas confiance?
Une voix: ...
Mme James: Je sais. Je veux juste... une autre question, sous-question à ça, puis ensuite je vais vous laisser.
J'ai trouvé ça important, parce que j'ai entendu et j'ai rencontré à quelques reprises Batshaw. Et j'ai vu ? puis la ministre l'a mentionnée tout à l'heure ? la question de la formation interculturelle des membres du personnel. Ça, de l'avis de plusieurs gens dans le réseau puis des jeunes aussi, il me semble que c'est important d'avoir ça, parce que, déjà là, on parlait de la question de vouloir se comprendre et vouloir comprendre la réalité que vivent les jeunes Noirs au Québec. Et je veux vous demander, plus précisément par rapport à cette mesure-là, ce que vous avez ressenti sur le terrain, en quoi que ça a consisté. Parce que, s'il y a une formation qui se fait par rapport à l'interculturel, puis vous dites que ça n'a aucun changement, peut-être qu'il y a quelque chose qui ne se fait pas correctement. À votre avis, qu'est-ce que vous proposez par rapport aux correctifs ou par rapport à votre sensibilisation?
M. Philip (Dan): Quand quelqu'un est devant le tribunal, il faut savoir que le juge ne cherche pas si cette personne est correcte ou pas correcte, mais est-ce que cette personne est capable de faire une présentation qu'il va, lui, accepter comme: Ces gens-là, ils ont raison. Autrement dit, vous pouvez avoir des raisons, mais, devant un juge, il va regarder les faits, qu'est-ce qui est présenté devant lui, et ensuite vous devenez victime de la justice, comme tel. Ce que je peux vous dire: que, dans cette situation, la justice n'est pas parfaite, comme tel. Et ensuite c'est pour cette raison... Beaucoup de gens de notre communauté se sentent des victimes de ce système de justice. C'est pour cette raison, quand nous parlons d'un ombudsman, voilà, il y a quelqu'un qui peut regarder les situations indépendamment et évaluer des situations avant que cette personne est placée devant un juge... ou que ce soit. Ça va être comme un «buffer», comme tel, pour aider la personne qui est... Des fois, la personne n'a pas de ressources pour avoir le meilleur avocat, et peut-être que l'avocat que la personne a eu, ce n'est pas quelqu'un qui est très brillant, il va perdre sa cause. Et ça arrive très souvent.
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(14 h 40)
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M. Narcisse (Édouard): Ce n'est pas que nous sommes contre la justice. Au contraire, nous aimons la justice, nous luttons pour la justice. Mais le juge, comme l'a souligné M. Philip, agit sur des faits, ce que lui rapportent les faits. Les travailleurs sociaux préparent toujours leurs dossiers en leur faveur, jamais en faveur de la famille. Ils ne voient pas les besoins, les ressources, les difficultés que les familles rencontrent avec l'enfant. La loi est faite pour la protection de l'enfant, ça, c'est formidable, mais elle le protège à l'encontre de la famille. Les besoins des familles ne sont pas tous pareils. Les familles ne sont pas uniformes. Même les familles québécoises ne sont pas uniformes. Le milieu, la façon, l'éducation, tout joue un rôle dans une famille.
Donc, ce que nous voulons dire, ce n'est pas que la justice n'est pas bonne, mais le juge ne fait qu'appliquer la loi. Et j'apprécie beaucoup l'initiative gouvernementale qui veut changer cette loi-là, qui était néfaste, qui n'était pas bonne pour nous. Nous apprécions beaucoup cela. Par contre, ce que nous demandons, avant d'arriver devant un juge, nous voulons suivre des étapes de prévention d'arriver devant un juge. Nous voulons des conciliations, nous voulons des ententes, parler avec la famille, les faire changer de bord. Ce sont des adultes, ce ne sont pas des animaux, ils peuvent comprendre si on leur parle.
Le Président (M. Copeman): Merci. Nous avons déjà dépassé de quelque peu le temps imparti. Mme la députée de Rimouski et porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux.
Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Bienvenue, messieurs de La Ligue des Noirs du Québec. J'apprécie que vous soyez là. Ma collègue, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, m'avait déjà sensibilisée au fait que les jeunes Noirs étaient surreprésentés dans les dossiers de la protection de la jeunesse, et je vous avoue que je n'aime pas cela. Je n'aime pas ça, parce que, pour moi, il y a un problème. Il y a un problème de fonctionnement, il y a un problème d'application de la loi, et je trouve que ce n'est pas normal, parce que je suis persuadée qu'il n'y a pas plus de délinquants ou de personnes avec des difficultés dans votre communauté que dans les autres communautés.
Alors, ceci étant dit, je pense qu'il y a un problème de confiance, puis un chat échaudé craint l'eau froide. Vous connaissez cet adage qui est typiquement québécois mais qui... sûrement l'équivalent existe ailleurs aussi, là. Alors, quand on a été échaudé, on s'organise pour ne pas l'être une autre fois.
Moi, je comprends très bien le fait que vous voulez qu'il y ait des services préventifs dans la communauté, en collaboration avec le réseau, avec ce qui existe, ça, ça va. Je pense que ça pourrait partir de l'école, des services de garde, ça pourrait être dans les organismes communautaires, à travers les activités de la communauté. Je pense que là-dessus il y a déjà suffisamment de choses en place pour que la... ? comment je dirais? ? les relations s'établissent et qu'il y ait une concertation, puis une coordination, là, de mesures, puis de programmes qui pourraient, à partir du milieu, s'adresser à la communauté des Noirs du Québec.
Moi, ce que je vous propose, je ne sais pas, j'explore cette idée, toute personne... Parce qu'il faut faire attention: une famille qui a des difficultés, ça ne veut pas dire qu'elle doit automatiquement aller à la protection de la jeunesse. Ça, je pense qu'on est clairs là-dessus. Si le CLSC fait sa job correctement, ce qui est maintenant les centres de services santé et sociaux, et les intervenants à l'école aussi, le jeune a moins de chances de se rendre à la DPJ, le jeune et sa famille.
Mais, s'il se rend à la DPJ, qu'est-ce que vous diriez qu'il y aurait comme une personne, puis je ne parle pas d'ombudsman, mais plutôt d'une personne qui accompagnerait les parents pour s'assurer qu'on se comprend bien, que ce que la DPJ demande et exige des parents, que les parents comprennent ce que ça veut dire, que les parents sachent les délais qui leur sont imposés puis quelles actions exactement ils doivent poser pour ne pas que le dossier s'envenime? Et qu'est-ce que vous diriez que cette personne-là aussi informerait le parent et le jeune de ses droits? Et, lorsqu'il y aura discussion pour des mesures pour résoudre le problème, que cette discussion-là se fasse avec cette personne neutre en quelque sorte qui accompagnerait les parents ? parce qu'on parle d'approche consensuelle aussi dans le projet de loi n° 125 ? et pour éviter qu'il y ait un déséquilibre dans le rapport de force entre ceux qui ont le mandat d'État d'exercer la loi, d'appliquer la loi et ceux qui ? j'allais dire subissent, mais ce n'est pas le bon terme; qui ? doivent recevoir l'application de la loi? Est-ce que c'est quelque chose qui vous rassurerait et qui pourrait contribuer à améliorer la confiance que les gens de votre communauté pourraient avoir vis-à-vis le réseau de la protection de la jeunesse et des DPJ comme tels?
M. Narcisse (Édouard): J'aimerais dire que la perception des gens concernant la DPJ, c'est comme un ennemi qui vient arracher ou détruire la famille. C'est une mauvaise perception, tandis que la DPJ est là pour protéger les enfants. Ce n'est pas cette perception-là qu'on doit percevoir dans la communauté, mais c'est une perception qui est visible. Les gens voient toujours la DPJ comme un ennemi. On ne veut pas ça. C'est pour cela que votre proposition est très, très bonne. On peut toujours avoir quelqu'un qui renseigne. C'est le manque de renseignements... L'ignorance, ça crée beaucoup de problèmes. Même dans les couples, quand on ne se parle pas, là, on crée des... La communication, c'est la meilleure des choses. S'il y a une communication, que les représentants de la DPJ peuvent essayer de comprendre la personne, qu'on essaie de comprendre la DPJ, c'est une bonne chose. On l'apprécierait. D'ailleurs, c'est pour cela qu'on parle de prévention. On n'est pas là pour dire que tout ce que vous avez mis sur place n'est pas bon, ce n'est pas ça, que le gouvernement a mis... Au contraire, nous voulons collaborer avec le gouvernement pour améliorer la situation. Ce qu'on veut, c'est qu'il y ait moins de jeunes qui se placent. Avant d'arriver au placement, essayons les autres étapes, au lieu de placer. Ce que vous dites, on l'apprécie beaucoup.
M. Philip (Dan): Un point que j'aimerais faire, c'est que vous parlez des accompagnements, mais nous parlons de quelqu'un qui a une certaine indépendance d'agir, quelqu'un qui a un certain pouvoir, quelqu'un qui est respecté par les deux bords, comme tel. Et, si c'est quelqu'un qui va accompagner la personne, donner des informations, pour nous ça ne marche pas.
Mme Charest (Rimouski): Ce n'est pas suffisant?
M. Philip (Dan): Quoi?
Mme Charest (Rimouski): Ce ne serait pas suffisant que ce soit quelqu'un qui informe et qui traduise dans un langage accessible l'information comme telle?
M. Philip (Dan): Non. Non, non. Pour nous, la personne, avant que nous arrivions à l'étape où des gens doivent amener à la cour différentes choses, si la personne a la perception qu'elle avait raison, il faut avoir certaines étapes où la personne a confiance en la personne qui va intervenir dans son cas.
Mme Charest (Rimouski): Donc, vous voudriez qu'en plus de l'informer elle la conseille peut-être, qu'elle lui donne des conseils par rapport à ce qu'il faudrait faire une fois rendue devant le juge, ou avant d'y aller, ou... Est-ce que c'est ça que je devrais comprendre? Parce que, si je traduis ce que je comprends de ce que vous venez de me dire, c'est que dans le fond vous voudriez quelqu'un qui non seulement informerait, mais qui prendrait parti pour. Et ça, dans l'application de la loi, je veux dire, on n'en est pas là. Parce que la loi, elle s'applique à tout le monde. Nous sommes d'avis qu'il faut tenir compte des différences culturelles, qu'il faut tenir compte de... mais la loi s'applique quand même. Et j'aimerais mieux... j'aimerais vous entendre, là. Est-ce que je vous interprète bien?
M. Philip (Dan): Ça ne veut pas dire que la personne est là pour prendre parti de la famille. La personne est là pour donner une certaine indépendance de pensée et ensuite pour dire que cette famille-là: Regardez, votre cas, je ne peux pas m'engager dans votre cas, parce que vous avez tort. Et également, si, dit-on, que c'est des gens qui... des travailleurs sociaux qui ont raison, ils vont dire: Vous avez raison. Mais nous devons avoir de cette étape-là.
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(14 h 50)
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Tout à l'heure, j'avais parlé de la loi et la justice. Je peux vous dire qu'il y a quelqu'un qui était juge aux États-Unis, et un avocat vient pour plaider un cas ? et je vais le dire en anglais parce que c'était en anglais que ça s'est dit ? il dit que: We the people. Et le juge L. Warren dit: Quel peuple vous parlez? Et il dit que: J'ai parlé pour la loi. Et il dit que: La loi, je connais, mais est-ce que c'est juste? Ce que nous cherchons ici, là: Is it just? C'est vrai que vous allez amener la personne à la cour. La cour va le trouver coupable, comme tel, parce qu'il n'a pas de réseau, il n'a pas de force, il n'a pas de moyen pour se défendre. Et il est coupable bien sûr, mais est-ce que... Vous allez me dire que c'est la justice, mais est-ce que c'est juste?
M. Narcisse (Édouard): Alors, ce que je veux souligner, juste brièvement, c'est que l'étape de l'ombudsman, c'est la dernière étape. C'est quand quelqu'un se croit victime. Les conciliations, comme la proposition que vous faites, c'est une des étapes qu'on fait pour ne pas arriver jusqu'au juge. Ça, c'est formidable. Mais, pour le dernier cas, on aimerait avoir quelqu'un d'indépendant vraiment, s'il y a un cas qu'on trouve que c'est injuste. Mais on ne veut pas arriver jusqu'à ce cas-là. On veut prévenir avant.
Mme Charest (Rimouski): Merci, messieurs.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Bonjour. Une petite question. Vous avez parlé beaucoup dans votre mémoire au niveau des plaintes des familles. Leurs principales plaintes, lorsqu'elles vous en font part, c'est à quel niveau? Elles se plaignent surtout de quoi?
M. Philip (Dan): C'est des abus, des... Je ne peux pas aller... parce qu'il y a tellement des détails comme tels, mais c'est des abus de pouvoir, abus de pouvoir des travailleurs sociaux. Et des fois, comme j'ai dit, nous faisons des appels, et c'est à voir quelle sorte d'amélioration nous pouvons trouver. Mais, comme j'ai dit, moi, à la ligue, nous n'avons pas les pouvoirs pour changer que ce soit.
En tout cas, c'est... Nous intervenons dans une situation que nous trouvons que quelquefois c'est très injuste. Et c'est pour cette raison que nous sommes ici. Et vous voyez que nous sommes basés, de notre présentation, sur des préventions et ensuite des interventions et des conciliations pour essayer d'améliorer la situation et de ne pas avoir un grand nombre de personnes qui vont être dans les centres d'accueil. Si vous regardez... si nous pouvons peut-être éviter à des gens d'arriver au centre d'accueil, le gouvernement va être capable de sauver beaucoup d'argent. Peut-être, dans ce point-là, vous pouvez même aider notre communauté pour travailler dans une façon où nous pouvons aider des familles.
Dans un certain point, nous ne voulons pas des lois ou des règlements particulièrement pour la communauté noire. Nous voulons quelque chose en place pour améliorer la situation, comme tel. On ne veut pas des lois pour... Nous sommes des Québécois et Québécoises. Nous voulons avoir des lois qui vont aider à améliorer la situation pour l'ensemble de la société.
Parce qu'il y a quelqu'un ? moi, je pense que c'est la dame ? qui dit qu'il y a des gens qui... Sa position, ce n'était pas comme la position d'autres Québécois. Notre position est commune, notre problème est commun. Nous avons des situations particulières, et ensuite, quand nous regardons des situations comme ça, nous devons regarder également des positions socioéconomiques qui sont des situations qui frappent les gens de notre communauté.
Mme Caron: Merci.
Le Président (M. Copeman): Mr. Philip... Mme la députée, allez-y, oui.
Mme Charest (Rimouski): Je reviens à la charge parce que vous venez de souligner un élément important: la capacité économique des familles noires. C'est parce que j'ai vu des statistiques qui me disaient que les jeunes Noirs avaient moins accès à l'emploi que pour les jeunes de même âge de d'autres communautés, et, dans les cas de négligence, on sait très bien que la pauvreté joue un rôle majeur, et ça, je pense que c'est important de se rappeler aussi ces éléments-là lorsqu'on a à traiter des dossiers de négligence, entre autres. Dites-moi, est-ce que vous vous sentez respectés par les intervenants lorsqu'il s'agit de l'application de la loi comme telle?
M. Narcisse (Édouard): La réalité, vous la touchez. C'est vrai, on n'est pas respectés, il faut le dire. Les gens sont arrogants, méprisants. S'il y a quelqu'un d'autre qui est là, ils nous parlent bien, mais, quand ils sont seuls avec nous, c'est comme si on n'est rien. C'est une sorte de révolte contre nous. Nous ne luttons pas pour parler pour parler. Ça nous révolte.
Ce n'est pas normal que 40 % des jeunes Noirs ne trouvent pas d'ouvrage. Même s'il y a de l'ouvrage, le système est comme ça, il les refuse, il ne donne pas de chances égales. Il n'y a pas de chances égales. Il y a d'autres jeunes qui sont plus égaux que nous. Ce n'est pas que nous sommes révoltés pour ça, nous voulons changer les choses, nous voulons... C'est pour cela que les Noirs, on dit qu'on doit travailler deux fois plus qu'un Blanc pour arriver, et c'est ça dans le système. Mes enfants sont nés ici, ils sont élevés ici, ils n'ont pas la même chance que les jeunes Blancs qui sont nés ici, au contraire. Ils sont peut-être... Deux d'entre eux ont été obligés de s'enfuir de la province, d'aller dans une autre province pour avoir une chance égale. Ça, ce n'est pas que je les blâme, ils ont raison, j'ai vécu la situation moi-même. Ce n'est pas ça que je me plains. Je sais qu'on peut l'améliorer en faisant mieux.
Dans ce cas-ci, on n'est pas venus pour parler de ces cas spécifiques. On veut aborder cette question de placement des enfants qui touche plus la communauté noire que d'autres communautés. Et ça nous touche, ça nous blesse, parce qu'on aime vivre avec nos enfants. Nous aimerions que la famille soit unie. Quand une famille est brisée, la société est brisée. Donc, ça crée... À Montréal-Nord, à NDG, où il y a beaucoup de Noirs qui vivent en communauté, ce n'est pas possible que des divorces, des séparations, il y a d'autres cas, pour les raisons... À cause des placements, ça crée beaucoup plus de problèmes.
On aimerait prévenir ça en donnant des informations qu'ils peuvent avoir accès, qu'ils n'ont pas, que les gens ne prennent pas le temps de les donner... Au CLSC, là, quand vous venez, si c'est un Noir, ils ne le reçoivent pas comme un être humain à part entière. Ils sont comme ci: Allez vous asseoir, on va vous donner ça. Ils ne donnent pas les informations qu'ils ont besoin, vraiment. C'est méprisant. C'est pour cela... Nous ne sommes pas révoltés. Nous voulons donner cette même chance à tout le monde, nous voulons collaborer avec les CLSC. Arrivez dans un bureau... Les gens, s'ils en ont besoin, ils ne vont pas poser la question au CLSC, ils vont venir à La Ligue des Noirs pour poser la question. Ce n'est pas juste. Les services gouvernementaux sont là pour tout le monde. C'est ça qu'on veut avoir. On veut s'associer avec eux autres pour qu'ils peuvent donner l'information.
Mme Charest (Rimouski): Bien, je vous remercie d'être venus témoigner de la situation que vous vivez, et je pense que vous ne devez pas hésiter à prendre toutes les tribunes pour en parler et sensibiliser les Québécois aux situations que vous vivez, que ce soit en matière de protection de la jeunesse ou en toute autre matière. Et il n'y a pas de raison pour qu'on ne vous respecte pas, au Québec, parce que je pense que c'est la règle de base de tous les professionnels du réseau de la santé et des services sociaux que de respecter les citoyens, qui paient des taxes et des impôts pour avoir des services. Alors, je vous encourage à poursuivre.
Le Président (M. Copeman): Mr. Philip, M. Narcisse, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de La Ligue des Noirs du Québec.
Et j'invite les représentants du Comité provincial pour la prestation des services de santé et des services sociaux aux personnes issues des communautés culturelles à prendre place à la table. Je suspends les travaux de la commission quelques instants.
(Suspension de la séance à 14 h 59)
(Reprise à 15 h 1)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons et souhaitons la bienvenue aux représentants du Comité provincial pour la prestation des services de santé et des services sociaux aux personnes issues des communautés culturelles. M. le président Amouzou, bonjour. Je crois que d'un commun accord vous et nous avons entendu sur une période de temps d'une demi-heure pour l'échange. Alors, ça vous donne 10 minutes pour la présentation ? je vais vous aviser quand il vous en reste deux ? et par la suite il y aura un échange d'une durée maximale de 10 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter votre collaboratrice et d'enchaîner avec votre présentation.
Comité provincial pour la prestation
des services de santé et des services sociaux
aux personnes issues des communautés culturelles
M. Amouzou (Comlan): Bonjour, M. le Président. Je m'appelle Comlan Amouzou. Je suis le président du comité provincial. Donc, je suis accompagné de Mme Marielle Beauger, qui est la vice-présidente du comité.
Alors, notre comité a été créé en 2004 par M. Couillard. Donc, c'est un comité aviseur qui donne des recommandations au ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec sur l'accessibilité aux soins de santé et des services sociaux pour les personnes issues des communautés ethnoculturelles. Et puis nous avons aussi comme mission de veiller à ce que la diversité soit respectée au sein du réseau de la santé.
Alors, c'est un honneur pour nous de participer à cette consultation sur le projet de loi n° 125. Alors, la révision de la Loi sur la protection de la jeunesse intéresse notre comité et tous les membres, à plusieurs titres. Alors, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté, en 1989, la convention sur le droit des enfants, et le Canada, en ratifiant cette convention, s'est donné une plus grande priorité en ce qui concerne la protection des enfants.
Alors, pour nous, membres des communautés culturelles, les enfants constituent la richesse et l'avenir du Québec. Alors, les parents doivent assurer la sécurité et le développement de leurs enfants. S'ils ne le font pas, l'État s'en charge. Alors, les enjeux pour les communautés culturelles, c'est quoi? C'est que les communautés culturelles viennent de pays différents, avec des cultures différentes, et, quand ils arrivent ici, alors la première des choses, c'est le choc culturel. C'est une autre culture, donc une autre façon de faire, et, en matière d'éducation des enfants, chaque parent transmet à ses enfants le modèle qu'il a lui-même reçu.
Alors, les communautés culturelles qui viennent ici, pour la plupart, bon, en plus de pouvoir eux-mêmes lutter pour leur intégration, qui des fois peut se passer bien, des fois mal, parce qu'ici on sait que c'est un véritable parcours du combattant quand on est immigrant, bon, ces immigrants sont confrontés aux problèmes de chômage, aux problèmes d'isolement. Ce qui fait que des fois ils oublient, à travers leur parcours, de s'occuper de leurs enfants, et cela amène des problèmes pour eux. Alors, les parents immigrants ont des réticences face au système. Des fois, ils refusent de collaborer parce qu'ils ne comprennent pas comment fonctionne le système. Et des fois aussi, pour eux, bon, c'est comme une ingérence de l'État dans leur vie privée, l'État qui leur enseigne comment éduquer leurs enfants.
Alors, l'échec de l'intégration, la discrimination raciale... Parce qu'il faut le dire ici, certaines communautés, surtout les communautés ethniques, les minorités visibles vivent une sorte de discrimination qui est une sorte de perception négative des immigrants qui arrivent ici, et alors l'incompréhension aussi du système, la peur des autorités, tout ça constitue pour eux un cocktail Molotov qui finalement, bon, finit par avoir raison de ces parents.
Alors, nous sommes d'accord sur les propositions, ici, que vous formulez et nous sommes aussi d'accord sur le fait que nos enfants soient protégés par la loi. Nous voulons qu'ils réussissent et qu'ils deviennent de bons citoyens du Québec. Seulement, la différence pour nous se situe au niveau des approches. Donc, pour aller vite, nous avons ici quelques recommandations que nous allons vous soumettre.
Mme Beauger (Marielle): Alors, c'était un plaisir pour nous d'être avec vous cet après-midi. Au niveau des recommandations, nous nous sommes dit, en tant que comité et de par la mission que nous confie notre comité, qu'au-delà de la loi il faut que les personnes qui offrent les services soient sensibilisées à la problématique des communautés ethnoculturelles. Et on demanderait également que la loi, dans l'article 2.3, au point b, privilégie la conciliation à l'approche consensuelle qui permet «à l'enfant et à ses parents de participer activement à la prise de décision et au choix des mesures qui les concernent». Pour une meilleure participation à la décision, les parents doivent parler et comprendre le français, d'où le recours aux banques d'interprètes.
Et, au point 3, la loi permet que les parents soient accompagnés par une ou plusieurs personnes de leur choix. La loi le permet actuellement, mais on sait très bien que l'application est très difficile, et c'est très peu d'endroits où on met cette loi en application, ou du moins cette mesure.
Les méthodes éducatives des parents qui viennent d'ailleurs sont souvent considérées comme déraisonnables, et on parle d'abus physiques très souvent pour corriger. Les normes que nous avons ici ne sont pas du tout... les valeurs, du moins, ne sont pas du tout différentes des valeurs des autres pays, sauf que les mesures que l'on utilise sont parfois différentes. Donc, ce qu'on voudrait, dans cette loi-là, que les parents puissent être informés, guidés, conseillés, voire même accompagnés pour pouvoir utiliser d'autres mesures qui pourraient être acceptables par la société d'accueil. Et, dans certaines communautés, donc ce qui revient à dire culturelles, il existe des programmes de soutien aux parents. Malheureusement, ces programmes ne sont pas financés. Il en existe à Mariebourg, à Montréal-Nord, il en existe également à la Maison d'Haïti. On en donne, mais ce n'est pas offert à tout le monde. Et ce sont les endroits qui ont décidé de par eux-mêmes d'offrir ces cours-là, et ce sont des cours d'accompagnement pour les parents, et on voudrait que ce soit accessible à toutes ces familles-là qui font face à des difficultés.
Il y a une certaine réalité qu'on voudrait porter à votre attention. C'est la réalité que vivent les jeunes des communautés noires, en particulier. Il y a une étude qui a été faite un peu récemment, l'étude de Bernard, qui a fait sa thèse de doctorat là-dessus, qui a trouvé que les enfants des communautés noires ont été vraiment, par le signalement... il y a eu beaucoup plus de signalements pour ces enfants-là. Et, quand il y a eu un signalement, automatiquement on prend ces signalements-là comme vraiment devant être traités d'une manière urgente. Et ces enfants-là qui rentrent dans la filière de cette urgence, c'est une urgence qui perdure, donc ce sont des enfants qui restent dans le système, et ces enfants sont retirés de leurs parents, et on connaît la suite. Ce sont des enfants qui très souvent développent des comportements peut-être peu acceptables par la société dans laquelle nous vivons. Nous n'avons malheureusement pas... On a quelques statistiques que Bernard avait signalées dans sa thèse et nous aimerions qu'une attention particulière soit portée à cet égard-là.
M. Amouzou (Comlan): Alors, quand on parle de Bernard, c'est Leonel Bernard ? son prénom, c'est Leonel ? qui a fait sa thèse de doctorat sur Les trajectoires des jeunes d'origine haïtienne dans le système québécois de protection de la jeunesse. Alors, c'est l'Université de Montréal.
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(15 h 10)
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Alors, ici, les parents interprètent la loi selon leur entendement. Et ce que nous demandons ici, c'est au fait que les parents et les enfants soient accompagnés. Un exemple: un enfant des communautés culturelles qui se fait arrêter par la police. Alors, l'enfant, lui, se pose la question: Pourquoi, moi, on m'arrête? Alors, est-ce que c'est parce que je suis Noir ou parce que je suis arabe? Mais ici la loi de la société d'accueil existe, que, quand la police vous arrête, vous ne montrez pas d'attitude, vous devez obéir.
Alors, nous demandons aussi donc qu'une campagne de sensibilisation à large échelle soit organisée pour que ces parents qui viennent ici comprennent de quoi il s'agit, qu'est-ce qui se passe. Parce qu'actuellement, pour les parents, c'est un système qui fonctionne unilatéralement et qui ne tient pas compte des partenaires locaux, ni des familles, ni de la communauté.
Le Président (M. Copeman): Il vous reste deux minutes.
M. Amouzou (Comlan): Deux minutes? Oui, oui, on a fini. Alors, il est impératif aussi que, quand on s'occupe des enfants, il ne faut pas oublier les parents. Mais jusqu'à présent on a l'impression que c'est les enfants seulement qui intéressent le gouvernement, mais, le sort des parents, personne ne s'en préoccupe.
Nous préconisons également aussi le maintien du patrimoine familial, parce que, par exemple pour des gens qui sont sur le bien-être social, quand on leur arrache leur enfant, ça amène à des réductions de leurs prestations, donc ces parents sont obligés de déménager pour aller louer une maison plus petite. Alors, pour reprendre les enfants, on exige que vous ayez l'espace, donc ça devient un cercle vicieux.
Alors, pour conclure, bon, il est bien vrai qu'il faut protéger les enfants, mais il est primordial aussi que nous bâtissions une société équitable, juste, égalitaire pour tout le monde. Nous vous remercions.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, M. Amouzou, Mme Beauger. Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation.
Mme Delisle: Merci. Alors, madame, monsieur, bienvenue. Très rapidement, puisqu'on n'a pas grand temps et que je voudrais que mes collègues puissent avoir un échange avec vous, je voudrais avoir un échange sur les approches, ce qu'on appelle les approches consensuelles. Je vous entendais et, si je m'étais fermé les yeux, j'aurais eu l'impression que j'entendais aussi beaucoup d'autres personnes issues des communautés, soit des communautés... d'autres communautés culturelles, ou même des gens des familles québécoises, là ? vous êtes des Québécois, mais des familles...
Une voix: ...
Mme Delisle: ... ? «pure laine», je n'aime pas ça dire ça, mais de souche, bon ? et nous dire la même chose, qu'ils souhaitaient être accompagnés, mieux informés, que, lorsque l'enfant est sorti de la maison ou, vous avez fait référence tout à l'heure, s'il est arrêté par la police, ils voudraient bien savoir pourquoi. Mais on ajoute à cela, dans votre cas, évidemment toute la question autour de la dimension ethnoculturelle, c'est ce que je comprends de ce que vous nous dites. Alors, je vous demanderais: Avez-vous réfléchi à une façon autre que de demander finalement aux centres jeunesse ou aux intervenants d'avoir un accompagnateur, un membre de la famille élargie? En tout cas, il y a beaucoup de personnes qui peuvent être impliquées là-dedans. Avez-vous réfléchi à comment on pourrait mieux le faire pour vos communautés?
Mme Beauger (Marielle): Quand on parle d'approche consensuelle, premièrement, il faut que l'enfant soit informé de ce qui se passe, il faut que la mère soit informée également ? oui, je parle des parents ? et, une fois que les deux sont informés, ils sont informés du processus également, et on pourrait, d'une manière beaucoup plus réfléchie, entrer dans le système. Et je crois que le problème de base également, c'est le signalement. On est un peu trop pressé à faire entrer l'enfant dans le système. Et il faut que les gens soient informés non seulement en ce qui a trait à une... après coup, mais c'est avant qu'on doit informer les gens.
Mme Delisle: Mais, si on parle de signalement, c'est qu'il y a des gens qui signalent. Est-ce que vous avez remarqué dans votre communauté... est-ce que ce sont des gens de vos communautés qui signalent? Qui signale les enfants? Ça ne vient pas juste, là, de la sécurité publique. Ou peut-être que oui. Mais souvent ce sont les familles elles-mêmes qui se signalent, ou il y a un membre de la famille qui signale, ou un voisin. Est-ce que vous sentez qu'il y a de l'exagération par rapport au nombre de signalements issus de vos communautés et qui seraient dus finalement à une mauvaise... ou une méconnaissance de votre culture, de vos habitudes? Parce que c'est vous qui avez soulevé la question du signalement. Il y a donc quelqu'un qui prend le téléphone puis qui signale. Qui signale tant que ça?
Mme Beauger (Marielle): Particulièrement, il y a l'école. Il y a les intervenants aussi. L'enfant qui se présente à l'école, par exemple, et qui a des difficultés scolaires, automatiquement on est moins tolérant face à cet enfant-là...
Mme Delisle: Ah, c'est vrai? Ah oui?
Mme Beauger (Marielle): ...avant qu'on fasse un appel, un signalement. Et des fois on va... Pourquoi il y a surreprésentation? Parce que, quand on signale pour un enfant, il y a d'autres enfants dans la maison. Automatiquement, on se dit: Ah! Il y en a d'autres aussi. Et c'est vraiment l'escalade des signalements qui...
Mme Delisle: Allez-y.
M. Amouzou (Comlan): Et puis aussi je peux rajouter: Ici, effectivement on est dans ce qu'on appelle aussi l'interculturel, hein? Alors, les intervenants aussi doivent comprendre la culture de ces familles aussi qui viennent ici. Par exemple, moi, j'ai vécu en France, et je sais qu'en France, par exemple, la fessée ou bien une petite gifle à un enfant, bon, il y a des parents qui le font, mais, ici, par exemple, la loi l'interdit. Et, comme je dis, bon, il faut voir aussi qu'est-ce qui est acceptable, dans les limites, et qu'est-ce qui ne l'est pas.
Alors, un enfant n'appartient pas seulement à son père, à sa mère, un enfant appartient à son réseau familial, un enfant appartient à la communauté, un enfant appartient à la société tout entière. Alors, ici, bon, ce que nous demandons, l'approche consensuelle, c'est que le gouvernement doit travailler d'un commun accord avec les parents, avec les partenaires locaux et essayer, bon, de faire en sorte que les parents et les enfants soient informés, de savoir qu'est-ce que les uns et les autres doivent faire, qu'est-ce qu'ils ne doivent pas faire, bon.
Mme Beauger (Marielle): Si, M. le...
Le Président (M. Copeman): Mme Beauger, allez-y.
Mme Beauger (Marielle): Oui. Merci, M. le Président. Je voudrais bien... je voudrais dire également, pour les signalements, quand on appelle, par exemple, l'infirmière de l'école, ou bien un professeur appelle à la maison, que les parents ne retournent pas les appels parce que les gens ont peur du système. Et pour cause. Parce que le système est toujours prêt à leur enlever leur enfant. Et il y a une certaine méfiance, pas seulement des parents envers les intervenants, mais également des intervenants envers les parents. Donc, il y a une méfiance mutuelle, d'où la nécessité de vraiment une éducation au niveau des deux partenaires.
Le Président (M. Copeman): Mme la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles. Il reste quatre minutes à peu près.
Mme Thériault: Ce ne sera pas long. Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Dans le document que vous aviez déposé, vous recommandiez aussi de prendre en considération, dans les décisions, trois facteurs qui concernent un enfant: sa langue, ses origines ethniques et sa religion. J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Amouzou (Comlan): Oui, effectivement. Bon, alors, on a mis ça parce que d'abord la langue, si les parents viennent ici... D'abord, il y a des études qui ont montré qu'à peu près, je crois, plus de 12 % des familles Québécoises ne parlent pas français ni anglais dans leurs familles. Alors donc, la langue est très primordiale. Il faut que les gens puissent d'abord comprendre de quoi il est question, donc pouvoir se parler et communiquer.
Bon, ensuite, au niveau de la religion, je crois que, quand on parle de religion, il y a ici ce qu'on appelle aussi les interdits, ce que certaines religions permettent et ce que d'autres ne permettent pas. Alors donc, quand on arrive dans une société d'accueil, il faut essayer aussi de se conformer, bon, quand on vous explique: Voilà ici ce que la société permet, ce que la société ne permet pas.
Alors, pour ce qui est de l'aspect culturel «at large», moi, je crois que c'est très important. Comme j'ai dit tout à l'heure, c'est un modèle, hein, que des parents ont acquis et qu'ils veulent transmettre à leurs enfants. Au nom de quoi l'État peut s'ingérer, moi, dans ma vie? On a eu des parents qui nous ont dit: Moi, je perds mon autorité, je vois mes enfants qui m'échappent. Parce que, bon, les modèles qu'ont utilisés leurs parents, c'est des modèles qui ont réussi, parce qu'ils ont essayé de frayer leur chemin, d'arriver ici. Alors, pourquoi ne pas transmettre le même modèle à leurs enfants?
Et quelquefois des parents, ils se trouvent en difficulté, même des fois ils n'arrivent pas à s'en sortir. Et il faut les aider. Ils ont besoin d'aide aussi, ces parents, pour comprendre ce qui se passe autour d'eux.
Le Président (M. Copeman): Allez-y, Mme la députée, rapidement.
Mme James: Merci, M. le Président. Bonjour. Ma question va être directe, concernant l'accès, compte tenu du fait que vous êtes un comité aviseur sur la question d'accès en santé et services sociaux. Dans le cadre de notre consultation, on a eu des groupes, notamment de la communauté noire anglophone, qui nous ont dit, malgré le fait que la loi leur permet d'avoir certains services pour les jeunes... bien, des services en général, des services sociaux, par rapport aux CLSC, en anglais, que ce service ne se donnait pas par les intervenants dans le réseau. Moi, je voulais savoir, en tant que comité aviseur sur l'accès, si vous avez déjà regardé cette question, si vous avez déjà... si vous avez entendu, de votre bord, des plaintes à cet égard ou si vous avez des suggestions par rapport à comment on pourrait s'assurer que le service se donne à ceux qui en ont besoin.
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(15 h 20)
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M. Amouzou (Comlan): Oui. Bon, donc, je peux commencer. Moi, je pense que, quand on donne les services, un, il faut que les services soient donnés; deux, il faut que les services soient compris, bon, par ceux qui les reçoivent et aussi par ceux qui les donnent, et en fait qu'il y ait communication entre les deux parties. Alors, pour moi, la langue n'est qu'un moyen, un moyen qui véhicule des informations. Alors, est-ce que ça va s'exprimer en français, ça va s'exprimer en anglais, ou en ourdou, ou en créole? Ce n'est pas important. L'important, c'est que les gens puissent se comprendre. Alors, d'où, nous, en début de l'intervention, on a parlé de l'utilisation des banques d'interprètes. Ces banques existent, seulement il faut savoir les utiliser pour pouvoir offrir le bon service.
Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée de Rimouski et porte-parole de l'opposition officielle en matière des services sociaux.
Mme Charest (Rimouski): Merci. Et bienvenue, madame et monsieur du comité provincial pour la prestation des services en santé.
Dites-moi, quand vous dites qu'il faut se comprendre, ça, c'est une chose. Est-ce que vous avez le sentiment que les intervenants du réseau de la santé et des services sociaux ont une attention particulière pour les gens que vous représentez, ou si on vous traite un peu de la même façon que n'importe quelle autre personne? Je voudrais voir avec vous: est-ce qu'il y a vraiment une attention particulière des intervenants pour s'assurer qu'ils répondent vraiment à vos besoins?
Mme Beauger (Marielle): Il y a peut-être un élément important à considérer, c'est la culture. Parce que, compte tenu de la culture, les choses ne se présentent pas... n'ont pas la même signification. Et je regarde, même au niveau des services que l'on reçoit, des fois il y a les services, les services sont là, mais, dans certaines cultures, les gens n'ont pas l'habitude d'aller vers les services. Donc, comme j'ai eu à conseiller à quelqu'un d'une garderie, j'ai dit: Les enfants ont des problèmes, on s'est rendu compte que les enfants avaient des problèmes, que les parents n'utilisaient pas les services. J'ai dit, moi: Ce qu'il faudrait, c'est qu'il y ait quelqu'un, comme un accompagnateur, qui apprendrait ces services-là, qui accompagnerait ces parents-là pour que les parents puissent utiliser les services.
Au niveau de la compréhension, de la manière bien... de base, c'est la langue, quelqu'un qui puisse parler la langue de la personne. Ce que, nous-mêmes, nous recommandions également, c'est qu'il y ait au moins, dans un secteur donné, des gens qui puissent parler la langue de cette communauté culturelle qui est dominante, au moins dans les services.
M. Amouzou (Comlan): Quelque chose que je rajouterais, bon, pour répondre à votre question, c'est que d'abord, dans le réseau de la santé et des services sociaux, c'est ce réseau qui est un des plus gros employeurs du Québec. En termes de plaintes, c'est zéro, du côté des communautés ethnoculturelles. Et ce chiffre, zéro, en lui-même est problématique. Les communautés culturelles ne se plaignent pas. Alors donc, nous, ce qu'on a dit: Si vous n'êtes pas contents, plaignez-vous. Là, on aura des éléments sur lesquels travailler. Ça, c'est le point de départ.
Alors, pour le deuxième aspect, nous, nous mettons l'accent surtout sur l'interculturel, le rapprochement culturel. Alors effectivement, nous, on vient d'ailleurs, on vient dans un pays comme le Québec, et effectivement chaque pays a son code. Alors, quand on arrive en tant qu'immigrant, il faut d'abord décrypter ce code pour pouvoir communiquer avec les gens. Donc, l'interculturel, très important. Qu'est-ce que je dois faire par rapport à l'autre? Qu'est-ce que je ne dois pas faire? Comment je dois me comporter? Comment je ne dois pas me comporter? Donc, c'est sur ça que nous travaillons actuellement au niveau du réseau.
Mme Charest (Rimouski): À votre connaissance, les gens des communautés culturelles qui ont des signalements à la DPJ, est-ce que les motifs invoqués par la DPJ pour retenir un signalement, ce sont des... pour négligence ou si c'est pour des abus physiques ou abus sexuels? Quel genre de motif de compromission est retenu, la plupart du temps, dans vos communautés?
Mme Beauger (Marielle): Pour les communautés culturelles, règle assez générale, c'est la négligence, c'est la pauvreté. C'est la pauvreté ou bien la santé mentale, des fois. C'est un peu ce qui se trouve.
Mme Charest (Rimouski): Dans le fond, la pauvreté, qu'elle soit dans une communauté ou l'autre, qu'elle soit chez la majorité blanche ou chez les communautés ethnoculturelles, elle a les mêmes conséquences sur la vie de famille, ce qui peut entraîner parfois des tensions, des stress qui vont amener à certains types de négligence par rapport aux enfants. C'est ce que je comprends.
M. Amouzou (Comlan): Mais aussi, quand on voit chez les communautés ethnoculturelles, c'est le manque, aussi, de ce réseau des aidants. C'est-à-dire, quand vous immigrez, vous n'êtes pas toute la famille...
Mme Charest (Rimouski): Il y a moins de réseaux.
M. Amouzou (Comlan): ...donc là c'est le manque de réseau qui fait qu'automatiquement, bon, les parents sont confrontés au strict minimum, le père, la mère. Donc, quand il y a un problème, automatiquement ça sort. Or, dans d'autres communautés... Bon, il y a une vieille tradition au Québec, on sait que le réseau est élargi, c'est la tante qui intervient, c'est l'oncle qui intervient, on calme le problème. Mais, chez les communautés, surtout les minorités visibles ici, comme on le dit, le facteur essentiel, c'est la pauvreté, hein? C'est des gens qui essaient de se battre...
Mme Charest (Rimouski): Pour la survie.
M. Amouzou (Comlan): ...mais qui n'arrivent pas à trouver de support, et ça devient un cercle vicieux, et les enfants sont entraînés dans ce combat.
Mme Charest (Rimouski): Quand vous dites à vos communautés, aux membres de vos communautés de se plaindre, de porter plainte, est-ce que selon vous le système de plaintes est adéquat pour le type de personnes qui pourraient s'y référer?
Mme Beauger (Marielle): Il y a tout l'aspect culturel là-dedans, comme je venais de dire. C'est qu'il y a des gens qui, de par leur vécu antérieur, n'ont pas l'habitude de se plaindre. Donc, la personne qui vient ici, qui a vécu jusqu'à 40, jusqu'à 50 ans même, pour qui il ne fallait pas se plaindre, donc il faut vraiment tout un travail pour porter cette personne-là à vraiment porter plainte. Et la personne doit se dire: Écoute, si je porte plainte, probablement je ne recevrai pas ce à quoi j'ai droit.
Mme Charest (Rimouski): Oui. Ma question était plutôt dans le sens de: Est-ce que vous avez une bonne connaissance du système de plainte qui existe et, les gens dans vos communautés, est-ce qu'ils les connaissent, même s'ils n'ont pas l'habitude... Mais, vous, des leaders du milieu, vous en parlez, vous incitez les gens à se plaindre lorsqu'il y a lieu de le faire. Est-ce que selon vous ce système-là est adéquat ou s'il est trop lourd, trop bureaucratisé, trop formel? C'est ça que j'essaie d'évaluer avec vous.
M. Amouzou (Comlan): Oui. Bon, on a abordé ce problème, et ce que beaucoup de gens nous disent, c'est qu'il ne faut pas oublier que les gens viennent ici de pays qui sont des pays qui ont connu la dictature. Alors, dans des pays dictatoriaux, vous vous plaignez, et c'est la prison pour vous. Et les gens viennent ici avec cette idée: Surtout, il ne faut pas se plaindre contre l'autorité. Alors, ici, l'État, c'est l'autorité. Il ne faut pas se plaindre. Ça, c'est un.
Alors, deuxième chose, alors vous arrivez en Amérique du Nord, dont le Québec fait partie, il y a une loi qu'il faut comprendre. Alors, si vous vous plaignez, c'est un signe de faiblesse. Donc, ces communautés culturelles font preuve de résilience. Même si c'est dur, il faut tenir, il ne faut pas montrer notre misère à l'extérieur. Alors, c'est ça aussi, ce qu'il faut comprendre dans la mentalité des communautés culturelles qui arrivent ici. Si bien que, bon, des fois ils sont débordés. Ils souffrent chez eux, mais, à l'extérieur, sourire aux lèvres. Et ici, bon, ce que j'ai constaté, quand vous avez faim, si vous ne dites pas aux gens que vous avez faim, les gens vont vous regarder, ils vont vous respecter parce que vous n'avez pas manifesté votre désir de manger. Donc, c'est ça.
Mme Charest (Rimouski): Alors que ça va à l'encontre des habitudes en tout cas des Québécois et des Québécoises, à un point tel que, quand je vous entends, je me dis: Mon Dieu, je pense que je vais vous référer quelques Québécois pour qu'ils apprennent à moins se lamenter. Mais peut-être qu'ils vont vous montrer à vous lamenter un peu plus. Mais, blague à part, je prends très au sérieux ce que vous nous dites en termes de différences et je comprends ce que vous nous avez expliqué. Merci beaucoup pour votre témoignage.
Mme Caron: Une petite question.
Le Président (M. Copeman): Une petite question avec une petite réponse.
Mme Caron: Vous êtes revenus souvent, et le groupe précédent aussi, sur l'importance d'être informés, donc avant les signalements, finalement de nos lois, d'être informés des coutumes, ici, qu'on retrouve par rapport à cette loi-là. Qui serait le mieux placé pour donner cette information-là, avant qu'il y ait signalement?
Mme Beauger (Marielle): Je dirais les organismes communautaires. Parce qu'on a cité le cas de Mariebourg, on a cité le cas, dans le cas de la communauté haïtienne, de la Maison d'Haïti, et on pourrait également, au niveau des CLSC, au niveau d'autres organismes communautaires et qui pourraient vraiment accompagner les parents, les informer, les accompagner, essayer vraiment, bon, de leur montrer comment agir pour pouvoir être un peu plus conformes aux exigences du milieu d'accueil. Et je crois que ce milieu-là... on souhaiterait fortement que ce milieu-là, dans leurs façons de faire, dans les programmes qu'ils ont en cours, ils soient vraiment financés.
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(15 h 30)
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M. Amouzou (Comlan): Et puis j'ajouterais que... Bon, moi, je pense qu'ici tout le travail doit se faire effectivement au niveau communautaire, donc un partenariat entre l'État et les différents associations ou organismes locaux qui existent. Et, l'État, ici, son rôle devrait être un rôle d'accompagnateur. L'État ne doit pas venir imposer, l'État ne doit pas interférer. L'État doit accompagner, d'où financer ces organismes pour que ces organismes puissent faire leur travail à la base. C'est ça, l'affaire.
Le Président (M. Copeman): M. Amouzou, Mme Beauger, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire au nom du Comité provincial pour la prestation des services de santé et des services sociaux aux personnes issues des communautés culturelles.
Et j'invite immédiatement les représentants de la Concertation jeunesse Hochelaga-Maisonneuve à prendre place à la table. Je suspends les travaux de la commission quelques instants.
(Suspension de la séance à 15 h 31)
(Reprise à 15 h 33)
La Présidente (Mme James): Alors, bonjour, bienvenue aux membres de la Concertation jeunesse Hochelaga-Maisonneuve à la commission parlementaire sur le projet de loi n° 125. Je vous rappelle en partant que vous aurez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, et par la suite nous allons passer à la période d'échange avec les parlementaires.
M. Godin, je comprends que vous allez être le porte-parole pour le groupe, je vous cède la parole, mais je vous demanderais avant de bien vouloir présenter les gens qui vous accompagnent aujourd'hui.
Concertation jeunesse
Hochelaga-Maisonneuve (CJHM)
M. Godin (Pierre-André): Alors, bonjour. Merci beaucoup à la commission parlementaire de nous recevoir malgré les multiples demandes qu'on a faites à Me Lamontagne pour déplacer des choses, merci beaucoup encore une fois.
Alors, je vous présente les gens qui m'accompagnent: Marie-Hélène Bohuon, qui est directrice du Revdec et du Petit Revdec, qui est un organisme communautaire qui travaille contre le décrochage des jeunes de 12 à 16 ans, dans le quartier, depuis 20 ans; Brigitte Gendron, qui est directrice du Centre des jeunes Boyce-Viau, qui est un organisme d'intervention en HLM; Geneviève Coulombe, qui est au comité de coordination avec moi, qui représente... il y a un comité qui chapeaute un peu les membres de notre concertation jeunesse, qui est avec moi à la coordination et qui travaille au Carrefour jeunesse-emploi jeunesse d'Hochelaga-Maisonneuve. J'ai Jacinthe Paquette, qui est intervenante au Revdec, qui travaille avec Marie-Hélène; et Marie-Ève Plante, qui est directrice de l'auberge du coeur L'Escalier. Et, moi, je suis Pierre-André Godin. Je suis psychoéducateur dans une école secondaire, pour des jeunes de 16 à 22 ans, et je suis au comité de coordination de la table de concertation jeunesse, avec Geneviève.
Donc, rapidement parce qu'on a juste 20 minutes, on va commencer à faire la lecture de notre nouveau mémoire. J'espère que ça vous a été remis comme il faut. Il y avait un ancien mémoire, et nous avons pondu un nouveau mémoire, différent, avec des recommandations, pour que ce soit plus clair pour tous les gens.
Donc, Concertation jeunesse Hochelaga-Maisonneuve, qui sommes-nous? Une table de concertation jeunesse qui existe depuis maintenant 20 ans, depuis 1985, et qui a pour mission d'améliorer la qualité de vie des membres de la communauté, particulièrement des jeunes de 12 à 30 ans du quartier Hochelaga-Maisonneuve. Plus précisément, par le partage de notre expertise, nous travaillons à élaborer une approche novatrice et planifiée d'action sociale et effectuons l'analyse de l'ensemble de la problématique des jeunes localement en vue de se donner une vision d'ensemble.
Nos membres sont des organismes des horizons communautaire ainsi qu'institutionnel qui interviennent sur l'ensemble des problématiques jeunesse dans notre communauté: éducation, économie et emploi, loisirs et culture, hébergement, services sociaux, de santé et civiques. À ce jour, nous avons effectué des états de situation qui ont permis aux institutions du quartier de positionner les enjeux des jeunes et d'en extraire des plans d'action locaux. D'ailleurs, cette année constitue un temps fort pour nous, puisque nous en sommes à planifier, pour l'automne, des états généraux sur l'insertion socioprofessionnelle des jeunes. Je vais passer outre, là, la liste de nos membres et des délégués à notre table pour aller à l'autre page.
Le contexte. Le vendredi 2 décembre 2005, des membres des tables de concertation jeunesse et enfance-famille du quartier Hochelaga-Maisonneuve se sont réunis à la Maison de la culture Maisonneuve. Les invités présents à ce forum de discussion étaient M. Réal Ménard, député fédéral d'Hochelaga à la Chambre des communes du Canada, Mme Louise Harel, députée provinciale d'Hochelaga-Maisonneuve à l'Assemblée nationale du Québec, M. Daniel Duranleau, commissaire élu à la commission scolaire de Montréal, M. Gary Furlong, directeur général du CSSS Lucille-Teasdale, et M. Yves Mathurin, directeur enfance-famille-jeunesse, prévention et promotion, de la santé et services communautaires du CSSS Lucille-Teasdale également.
En tout, une soixantaine de participants et d'invités étaient conviés afin de venir témoigner de leurs réalités respectives en regard des thèmes proposés à l'ordre du jour: la maltraitance, l'exclusion, les facteurs psychosociaux et la pauvreté ainsi que le système public d'aide à la jeunesse. Ces thèmes ont été dégagés à partir du documentaire réalisé par Paul Arcand, intitulé Les voleurs d'enfance. Ce fut l'occasion pour les différents intervenants de partager la réalité observée auprès de leurs clientèles et de réfléchir à des pistes de solution concrètes à mettre en place dans le quartier afin de se mobiliser pour contrer principalement la négligence et la maltraitance. Cela nous a par la suite permis de prendre position concernant le projet de loi n° 125 visant à modifier l'actuelle Loi sur la protection de la jeunesse.
Nous pouvons affirmer et espérer que ce premier mouvement n'est que le début d'un processus visant à permettre la révision de certaines priorités d'intervention et la planification d'actions concertées pour le milieu communautaire du quartier Hochelaga-Maisonneuve. Les recommandations et pistes de solution soumises par les différents participants offrent plusieurs possibilités d'interventions futures et soulignent l'expertise et le pragmatisme des intervenants communautaires auprès de la jeunesse du quartier Hochelaga-Maisonneuve.
Pour débuter, nous présenterons d'abord les constats relevés lors des discussions. Par la suite, nous dresserons les recommandations soulevées par les intervenants lors de cette journée de réflexion, certaines particulièrement en lien avec le projet de loi n° 125. Ces recommandations constituent des balises pour la refonte de la Loi sur la protection de la jeunesse et énoncent les conditions que nous trouvons favorables à toute loi qui vise la réduction de la maltraitance et de la négligence auprès des enfants et des jeunes de la société québécoise.
Mme Coulombe (Geneviève): Les jeunes qui vivent à l'ombre de la tour olympique. En tant qu'agent de développement local, Concertation jeunesse Hochelaga-Maisonneuve se sent interpellée au premier chef lorsqu'il est question de négligence, de pauvreté, d'exclusion, de maltraitance, parce que les jeunes touchés par ces problématiques composent en grande partie la jeunesse de notre quartier. Le visionnement du film de Paul Arcand, Les voleurs d'enfance, a suscité beaucoup d'émoi dans notre communauté et a engendré un rassemblement des intervenants jeunesse et enfance-famille. Cet événement nous a permis de réviser l'état de situation des jeunes, et nous avons pu constater que malheureusement les choses n'ont pas beaucoup changé. Nous sommes à constater que derrière la revitalisation économique évidente de notre quartier se cachent en trop grand nombre des jeunes victimes de négligence ou ayant vécu un parcours dans les centres jeunesse. Il y a encore beaucoup à faire. Une grande partie des gens de notre quartier souffrent de pauvreté endémique, présentent des contraintes sévères à l'emploi, un déficit de scolarisation important. Bref, notre population connaît de grandes contingences à l'intégration sociale et professionnelle.
Des jeunes qui fréquentent nos organismes, il n'est pas rare de constater que certains vivent ou ont vécu de la négligence parentale ou de la violence de tout type. Cette maltraitance peut engendrer par la suite une faible estime de soi, du stress, de l'angoisse, de la faim, des carences affectives, des difficultés avec l'autorité, des problèmes au niveau de l'implication et de l'engagement, et de la méfiance. Le manque de modèles positifs fait en sorte que les jeunes se retrouvent dans une culture de l'échec, avec des comportements malsains acquis et répétitifs. Souvent, ces jeunes sont regroupés dans des classes composées de leurs semblables, sont exclus et par la suite font face à des difficultés à intégrer le marché du travail. Concrètement, cela se traduit par des difficultés à trouver et conserver un emploi, un pessimisme face au marché du travail, des problèmes relationnels et une attitude de rejet et de fuite.
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(15 h 40)
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Dans le même ordre d'idées, nous observons que l'exclusion peut être vécue de différentes façons par les jeunes du quartier. Premièrement, certains jeunes n'ont tout simplement pas de sentiment d'appartenance à leur milieu familial ou social. Nombreux sont ceux qui n'ont plus de contacts avec leurs parents, particulièrement ceux qui, à 18 ans, se retrouvent en maison d'hébergement après un passage dans les centres jeunesse. De plus, certains vivent une absence complète de réseau social personnel. De ce fait, ce sont des jeunes qui vivent beaucoup de solitude, qui ont besoin de soutien, et ce, à toutes les heures de la journée, non seulement à l'intérieur des heures normales d'ouverture de bureau.
Dans notre quartier, certains jeunes sont étiquetés parce qu'ils fréquentent une école de quartier à la réputation peu enviable, où les parents ne se sentent pas nécessairement les bienvenus dans l'école. De par leur sous-scolarisation, certains jeunes ne maîtrisent pas bien le langage ou n'ont pas les compétences pour prendre la parole, se défendre ou simplement s'exprimer quant à leurs dossiers d'intervention. Par conséquent, l'autosabotage devient souvent un mode de vie, une zone de confort: toxicomanie, alcoolisme, jeu, etc. En plus, des jeunes vivent l'exclusion par le biais des orgaismes communautaires et des institutions parce qu'ils sont placés sur des listes d'attente ou encore parce qu'ils font face à des programmes avec des critères trop restrictifs.
C'est bien connu, le quartier Hochelaga-Maisonneuve figure parmi l'un des quartiers les plus pauvres de Montréal. En effet, plusieurs jeunes qui fréquentent nos écoles ont des parents bénéficiaires de l'assistance-emploi. Nous côtoyons une jeunesse blessée qui présente en forte proportion des problèmes de santé mentale et de la pauvreté chronique.
Mme Plante (Marie-Ève): Le système public d'aide à la jeunesse tel que perçu par les membres du CJHM. De notre point de vue, depuis plusieurs années, les acteurs qui gèrent et appliquent la Loi sur la protection de la jeunesse se sont éloignés des espaces de concertation. On a aussi assisté à un virage milieu qui a amené les éducateurs des centres jeunesse à être davantage des gestionnaires de cas plutôt que des intervenants de terrain. On constate désormais que les jeunes sont abandonnés à l'atteinte de leur majorité. On observe un accroissement du délai de réponse dans le cas d'urgence ou un besoin d'intervention. On subit l'intensification de la bureaucratie et l'éloignement de l'État en regard de ce qui se passe réellement dans les familles. On rencontre des jeunes sous-scolarisés au terme d'un séjour en institution, des jeunes anxieux, malades, en mésestime d'eux-mêmes. On voit s'accroître les attentes envers les parents, sans égard à leur capacité réelle à prendre en charge leurs engagements, et qui manquent souvent d'appuis nécessaires pour développer leurs habiletés parentales. On rencontre des enfants bousculés d'une famille d'accueil à l'autre et un trop grand nombre d'intervenants autour d'un même dossier. On a vu s'intensifier l'intolérance envers les enfants qui sont touchés par la négligence et envers les comportements engendrés par ce genre de situation: indiscipline, absentéisme, hyperactivité, etc.
Sept recommandations. Évidemment, le CJHM est d'accord avec le principe directeur de la loi qui réitère que la Loi sur la protection de la jeunesse est une loi d'exception et que le bien de la jeunesse est une responsabilité collective. De plus, à plusieurs égards, le projet de loi n° 125 peut recevoir notre assentiment, lorsqu'il est question, par exemple, de favoriser la continuité et la stabilité pour les enfants, de promouvoir le recours à des approches consensuelles entre les enfants, les parents et les intervenants et lorsqu'on parle d'effectuer un encadrement plus rigoureux au recours à l'hébergement dans un lieu contraignant. Cependant, nos observations nous amènent à énoncer sept recommandations.
Constat 1. Depuis plusieurs années, les centres jeunesse sont en constante réorganisation: fusion des établissements, virage milieu, etc., mais, malgré tous ces changements, la perception des usagers, des partenaires institutionnels et communautaires ainsi que des citoyens en général a évolué d'une certaine méconnaissance à un regard critique négatif vis-à-vis la DPJ et ses intervenants. Les relations administratives ne semblent pas non plus avoir amélioré la situation
Alors, recommandation n° 1: Mettre en place une étude exhaustive, en collaboration avec tous les partenaires du milieu, sur les pratiques cliniques et rééducatives des centres jeunesse du Québec afin d'identifier les forces et les points à améliorer et de restaurer le partenariat des centres jeunesse avec le milieu.
Mme Gendron (Brigitte): Constat 2. Nous voyons bien que la DPJ voudrait relayer vers les organismes communautaires des responsabilités à l'égard du soutien à nos enfants négligés. À l'égard de ce genre de disposition, on s'interroge quant aux liens structurels et financiers qui permettraient une telle alliance et on se demande quelle opinion a le gouvernement de l'autonomie de nos organismes. Nous venons en appui aux besoins de prise en charge de la communauté, mais nous ne sommes pas responsables de la prestation des services gouvernementaux.
Recommandation 2: Baliser le partenariat entre les divers organismes institutionnels et communautaires et d'autre part les différents services des centres jeunesse pour établir des mécanismes clairs de partenariat non seulement au niveau des structures, mais surtout au niveau des intervenants directement impliqués dans les dossiers.
Constat 3. Beaucoup de reproches des milieux et des partenaires sont reliés à des carences des intervenants dans l'exercice de leurs fonctions. Des situations non conformes à l'esprit de la loi qui encadre leurs interventions se reproduisent trop souvent. De plus, on évoque souvent le manque de formation des intervenants du milieu institutionnel.
Recommandation 3: Baliser la qualité des interventions des centres jeunesse en exigeant notamment qu'un professionnel membre d'une corporation professionnelle soit responsable et imputable de chacun des dossiers sous sa responsabilité.
Constat 4. La violence psychologique est un des grands traumas subis par la jeunesse du Québec et ne se retrouve pas actuellement dans les motifs de signalement de la Loi sur la protection de la jeunesse. Également, un des plus grands facteurs d'exclusion sociale est la sous-scolarisation, et il faut absolument s'assurer que chaque jeune doit fréquenter l'école ou une ressource alternative jusqu'à 16 ans ou jusqu'à l'obtention d'un diplôme terminal.
Par ailleurs, dans des cas de crise, la médiation parents-enfants ne donne pas toujours des résultats escomptés. Les motifs de signalement pour non-fréquentation scolaire, des difficultés relationnelles parents-enfants et la fugue devraient être conservés dans la loi et reconnus recevables par tous les centres jeunesse du Québec. Toutefois, ces situations engorgent assurément le système de protection de la jeunesse. Par contre, il faut les traiter de façon impérieuse. Faute de service d'accompagnement de qualité disponible dans le milieu ou dans l'école, on disqualifiera d'avance un bon nombre de familles qui, soit par des carences au niveau des habiletés parentales soit par ignorance des moyens adaptés pour atteindre les objectifs fixés par les intervenants, ne pourront pas, pas plus qu'aujourd'hui, résorber les situations de compromission en cause. Les familles et les jeunes doivent compter sur une aide de proximité qui leur facilite l'identification des moyens à prendre pour régulariser leur situation avant même la judiciarisation.
Recommandation 4: Introduire la violence psychologique comme motif de signalement en reconnaissant les effets néfastes de ses manifestations; maintenir les motifs de signalement pour non-fréquentation scolaire, difficultés relationnelles parents-enfants et fugue dans la loi et que ceux-ci soient reconnus recevables par tous les centres jeunesse du Québec. Nous recommandons aussi que les services disponibles aux jeunes et aux familles en amont et en aval des centres jeunesse, organismes communautaires, écoles, CSSS, pédopsychiatrie, etc., soient renforcés rapidement pour leur permettre de pouvoir agir de manière plus préventive.
Mme Bohuon (Marie-Hélène): Constat 5. On assiste à une hiérarchisation des intervenants et des organismes: un intervenant communautaire n'a pas la crédibilité et le poids d'un intervenant de la DPJ ou d'un travailleur social du CSSS. Cependant, les intervenants du milieu scolaire et communautaire jouent un rôle de première ligne lorsqu'il est question de dénoncer des situations de négligence. Avant de faire appel à la DPJ, ils ont, la plupart du temps, épuisé les moyens d'intervention dont ils disposent. Ils sont des interlocuteurs privilégiés qui sont au coeur de la vie quotidienne de ces jeunes et de ces familles.
Recommandation 5: Reconnaître les intervenants des organismes institutionnels et communautaires, particulièrement ces derniers, du milieu comme crédibles dans le processus de signalement et qu'a priori leurs paroles soient entendues.
Constat 6. Plusieurs des faits reprochés aux intervenants des centres jeunesse sont conséquents à un usage inadéquat des pouvoirs coercitifs actuels. Il en découle une perception négative de leurs interventions et une opinion de la population qu'ils n'exercent pas toujours avec la circonspection attendue leurs pouvoirs extraordinaires. Par ailleurs, les centres jeunesse doivent continuer à avoir un statut d'enquête particulier dans notre système social, notamment au niveau de l'évaluation des signalements, mais personne ne veulent qu'ils aient des droits trop étendus sur l'enfant et les familles.
Recommandation 6: Ne pas entériner d'ajout de pouvoirs à la DPJ et aux centres jeunesse dans le projet de loi n° 125.
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(15 h 50)
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Constat 7. Depuis de nombreuses années, l'accompagnement des jeunes sous la responsabilité des centres jeunesse, à l'aube de leur majorité, est déficient. Pour diverses raisons, ces jeunes sont bousculés et éjectés du système avec une préparation souvent inadéquate. Trop d'entre eux se retrouvent dans nos maisons d'hébergement sous-scolarisés et bien mal préparés pour affronter leur vie de jeunes adules.
Recommandation 7: Faire en sorte que, dès l'âge de 16 ans, les jeunes accompagnés par les centres jeunesse jusqu'à leur majorité aient un plan de services individualisé, mis en place avec l'aide de tous les intervenants impliqués, leurs parents, si applicable, et les organismes de la communauté qui les accueilleront, dans le but de bien préparer leur insertion sociale et leur passage à la vie adulte.
Mme Paquette (Jacinthe): Une proposition: le virage communautaire. Bien sûr qu'il n'est pas de notre responsabilité d'appliquer la loi, mais il est de notre engagement d'appuyer toute disposition ou réglementation qui viserait à réduire la maltraitance et la négligence dont sont victimes un trop grand nombre de jeunes de notre communauté. La DPJ, au fil du temps, s'est malheureusement portée à leur secours en deuxième ligne, malgré le virage milieu qu'elle a voulu opérer il y a de cela une dizaine d'années. Devant le projet de loi n° 125, qui a des assises positives, nous souhaitons que les intervenants que nous sommes et la communauté d'intérêts que nous représentons soient reconnus davantage comme acteurs privilégiés dans la mise en place de conditions favorables aux nouvelles orientations que le gouvernement souhaite donner à la Loi sur la protection de la jeunesse.
En fait, nous vous proposons une expérience de virage communautaire. Cette proposition repose essentiellement sur l'allocation de ressources stables et récurrentes qui agiraient en tant qu'agents de milieu dans les différents lieux ou espaces d'habitation où se regroupent généralement les individus ou les enfants qui sont acteurs ou victimes de négligence. Pas assez d'importance n'est accordée au travail de proximité qui est réalisé par les travailleurs de rue, les agents de milieu en maison des familles, en maison de jeunes et en HLM. Si nous n'avions qu'un souhait ou une recommandation à faire pour le quartier Hochelaga-Maisonneuve, ce serait qu'il y ait davantage d'intervenants sur le terrain. Après 20 ans d'expertise auprès de la jeunesse du quartier, nous croyons qu'il devrait y avoir plus d'allocation des ressources et de présence auprès des citoyens à des heures de monde. Nous souhaitons mettre en place un réseau des ressources de proximité afin de créer des liens de confiance à travers des échanges informels, établir des relations qui ne soient pas nécessairement cliniques, offrir un soutien, un appui, une valorisation aux citoyens, être près d'eux lorsqu'ils en ont besoin.
Par ailleurs, vous pourriez compter sur une communauté concertée qui assurerait une bonne coordination des efforts des multiples ressources attribuées aux organisations aux vocations de proximité. Actuellement, malgré la lourdeur de notre clientèle, nous ne pouvons compter que sur trois travailleurs de rue dans Hochelaga-Maisonneuve. Nous souhaitons donc que le travail de milieu soit reconnu comme un vecteur de solution, une présence bienveillante dans l'environnement. Nous faisons le pari que prendre le virage communautaire permettra aux citoyens de notre quartier d'être moins isolés, de vivre moins de crises et d'anxiété et d'éviter d'avoir recours à des services sociaux ou de santé plus coûteux.
Plus largement, pour permettre une meilleure prévention des facteurs de risque et un meilleur support aux jeunes 0-30 ans et à leurs familles, nous recommandons de promouvoir l'instauration de tables de concertation jeunesse locales et intersectorielles, comme CJHM, de les soutenir financièrement en leur assurant un budget de fonctionnement adéquat récurrent ainsi qu'un budget local d'investissement jeunesse récurrent autogéré, ciblant les besoins identifiés localement par consensus par tous les organismes qui oeuvrent auprès de cette clientèle. La synergie qui émane de la concertation et du partenariat entre les divers organismes institutionnels et communautaires d'Hochelaga-Maisonneuve est une preuve tangible de l'efficience de ce genre de regroupement local connecté directement au milieu. Nous déplorons l'absence des centres jeunesse de Montréal à notre table de concertation depuis cinq ans. Selon nous, il est essentiel que tous les centres jeunesse du Québec soient membres des tables de concertation jeunesse et y participent au même titre que bien des CSSS et des écoles primaires et secondaires qui le font déjà.
La Présidente (Mme James): Alors, merci. Nous sommes maintenant rendus à la période d'échange avec les parlementaires. Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation, la parole est à vous.
Mme Delisle: Alors, merci, mesdames, monsieur. D'abord, je voudrais vous féliciter pour l'initiative que vous avez prise de vous réunir, de réunir les principaux acteurs, les gens qui sont sur le terrain pour préparer cette présentation. La réflexion qui m'est venue, c'est que... non pas qu'on n'a pas entendu les gens nous parler de l'implication des organismes communautaires, ce n'est pas ça que je veux dire, mais on a beaucoup parlé de la collaboration qui doit exister à la fois entre les organismes communautaires, organismes communautaires et centres jeunesse, organismes communautaires-centres jeunesse-milieu scolaire-milieu des CPE. Bon, on pourrait en rajouter d'autres aussi.
Et on a également entendu plusieurs personnes, des groupes, représentants des groupes nous dire qu'il fallait changer nos façons de faire, qu'il fallait qu'il y ait un certain encadrement ? c'est sûr, là ? dans des circonstances où c'est nécessaire de le faire, mais que, si on voulait diminuer le nombre de placements, il fallait aussi apprendre à travailler à la base. Et je retiens de ce que vous venez de nous lire et de nous communiquer, de nous témoigner que c'est ce que vous faites depuis 20 ans. Vous êtes peut-être un des secrets les mieux gardés non seulement dans votre secteur, mais peut-être... Moi, je ne suis pas de Montréal, donc, je me confesse, je ne connaissais pas votre organisme, mais par contre j'en ai visité dans votre comté, dans votre secteur.
Et donc c'était mon préambule pour vous féliciter d'avoir pris cette initiative-là. Je pense que, si d'autres le faisaient, on arriverait peut-être à mieux se comprendre, à mieux comprendre ce qu'est la Loi sur la protection de la jeunesse. Tous les gens nous ont dit ici: On comprend que c'est une loi d'intervention de l'État, c'est une loi d'intervention de l'autorité puis c'est une loi d'exception. Maintenant, comment on l'applique? Comment tient-on compte des réalités du terrain, des réalités des différentes communautés, qu'elles soient ethnoculturelles, qu'elles soient des communautés autochtones, etc.?
Moi, si vous permettez, je voudrais d'abord corriger une... vous avez fait une recommandation, mais je voudrais corriger une erreur d'interprétation que vous avez faite. Je prends d'abord la recommandation 4. Vous nous demandez d'introduire la violence psychologique comme motif de signalement. Je veux juste vous dire que nous l'avons introduite dans 38.2c... dans 38, c'est ça, 2c. Pardon?
M. Godin (Pierre-André): C'est une coquille de dernière minute, ça devait être appuyé, mais ça va, c'est clair.
Mme Delisle: Ah! ce n'est pas grave, écoutez, ce n'est pas grave, mais je veux juste le dire.
M. Godin (Pierre-André): Ça va.
Mme Delisle: La question de la fugue et de l'abandon scolaire, si vous avez suivi nos travaux: 38.1. Ça fait que je n'ai pas besoin de le relire, mais je trouve que c'est important que vous le sachiez, parce qu'il y a des gens qui de bonne foi ont présumé que parce que ce n'était pas repris, ce n'était pas dans la loi. On n'a corrigé que les... on n'a amendé que les articles qu'on trouvait qui correspondaient davantage à la vision que peut avoir le législateur, là, de la révision de la Loi sur la protection de la jeunesse.
M. Godin (Pierre-André): Est-ce que je peux répondre à votre précision?
Mme Delisle: Oui.
M. Godin (Pierre-André): O.K. C'est qu'en ce moment, dans la Loi de la protection de la jeunesse, le signalement pour non-fréquentation scolaire existe et, à Montréal notamment, il n'est pas utilisé, il n'est pas retenu, et c'est pour ça qu'ici on a Mme Bohuon, qui travaille au Revdec, qui va pouvoir vous expliquer davantage pourquoi on l'a maintenu. C'est que, oui, vous l'avez peut-être remis dans le 1, mais il n'est plus spécifique.
Mme Delisle: On ne l'a pas bougé, il est là où il était. Mais peut-être qu'elle peut m'expliquer pourquoi il n'est pas...
M. Godin (Pierre-André): Bien, dans le document qu'on a, là, d'hier...
Mme Delisle: 38.1.
M. Godin (Pierre-André): Bien, je vais aller fouiller pendant qu'elle va vous expliquer quelque chose.
Mme Delisle: Non, mais dans la loi actuelle, pas dans la nouvelle.
M. Godin (Pierre-André): Dans la Loi de la protection de la jeunesse actuelle, ça existe, ça, c'est clair, mais ce n'est pas appliqué, ce n'est pas un motif reçu, à Montréal. O.K.?
Mme Delisle: Correct, ça, j'aimerais ça comprendre pourquoi.
M. Godin (Pierre-André): Puis, dans la nouvelle loi, il est enlevé.
Mme Delisle: Non, on ne l'a pas enlevé, c'est qu'on a 38, on a redéfini l'article 38 de la loi actuelle, mais on n'a pas touché 38.1. Donc, la loi comporte des amendements à certains articles, de nouveaux articles. Mais je veux juste que vous sachiez qu'on ne l'a pas enlevé. Mais je serais très intéressée à savoir pourquoi ce n'est pas retenu comme motif.
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(16 heures)
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Mme Bohuon (Marie-Hélène): Bien, d'abord, il est plus dilué dans la nouvelle loi, je vous dirais. Et dans les faits, effectivement, pour les jeunes, bien on peut dire, à partir de 14 ans, quand on fait un signalement pour non-fréquentation, ce n'est pas retenu. Ça, c'est clair, on ne le retient pas, il faut qu'il y ait d'autres choses. Revdec a été parti par la table de concertation, entre autres, pour travailler avec des jeunes décrocheurs de 12 à 16 ans en se disant, dans le temps: Il y a autre chose à faire avec des adolescents que de les placer en centre d'accueil quand ils ne fonctionnent pas à l'école. Donc, le milieu a mis des mesures.
Et on dessert tout Montréal, nous. Souvent, le milieu, les écoles vont nous référer. On tente de travailler, de faire des propositions, mais parfois on a besoin d'un intervenant de la protection de la jeunesse qui va dire à l'adolescent: Regarde, là, il y a une loi, tu es supposé d'être à l'école, on te propose une belle mesure, fais un petit peu ton effort, O.K.? Les intervenants de CLSC... mais on travaille tous, nous, sur une base volontaire. Dans les faits, on rejoint un jeune, on nous réfère un jeune, il ne vient pas chez nous, il ne va pas à l'école, on veut le signaler, ils ne sont pas acceptés parce qu'on n'a que la non-fréquentation scolaire. Et là, nous, ça nous inquiète, parce que, si ça commence chez les 14, 15, 16 ans, on se dit: Où ça va arrêter? Comprenez-vous...
Mme Delisle: Vous permettez? Je ne comprends pas. Je suis désolée, là, je suis... Première chose, ce n'est pas... Vous avez dit tout à l'heure que c'était dilué dans la loi. Vous me permettrez de vous lire ce qui est écrit dans la loi actuelle, pas la 125, là, celle qui est en force actuellement. Mais je veux que vous m'expliquiez, je ne comprends pas pourquoi le signalement pour la non-fréquentation scolaire n'est pas retenu. Mais j'y vais avec la loi ? vous permettez? ? 38.1 ? on vous fera une photocopie si vous voulez: «La sécurité ou le développement d'un enfant peut être considéré comme compromis:
«a) s'il quitte sans autorisation son propre foyer, une famille d'accueil ou une installation maintenue par un établissement qui exploite un centre de réadaptation ou un centre hospitalier alors que sa situation n'est pas prise en charge par le directeur de la protection de la jeunesse ? ça, c'est la fugue;
«b) s'il s'est d'âge scolaire et ne fréquente pas l'école ou s'en absente fréquemment sans raison;
«c) si ses parents ne s'acquittent pas des obligations de soins, d'entretien et d'éducation qu'ils ont à l'égard de leur enfant ou ne s'en occupent pas d'une façon stable, alors qu'il est confié à un établissement ou à une famille d'accueil depuis un an.» Ça, on ne l'a pas bougé, la fugue est là, l'abandon scolaire, ou décrochage, est là aussi. Bon, maintenant ? bien dur de comprenure, excusez-moi ? pourquoi le signalement de l'abandon scolaire n'est pas accepté par le centre jeunesse? Je ne comprends pas.
Mme Bohuon (Marie-Hélène): Moi non plus!
M. Godin (Pierre-André): C'est pour ça qu'on...
Mme Bohuon (Marie-Hélène): Mais c'est des faits.
M. Godin (Pierre-André): C'est ça. Aujourd'hui, là, on est ici pour vous expliquer. On a fait un bilan, tous les organismes, et ce n'est pas juste du communautaire. Je vais réitérer, là, c'est: tout le monde, à part les centres jeunesse, font partie de la table dans Hochelaga-Maisonneuve. Moi, je suis à la coordination depuis cinq ans, j'ai rencontré Mme Unetelle, M. Untel...
Mme Delisle: Non, mais ça, j'ai compris, on ne partira pas de débat, j'ai compris.
M. Godin (Pierre-André): ...O.K., la roue qui tourne, là, parce que les centres jeunesse, c'est en éternel recommencement et en restructuration, et jamais ils n'ont voulu revenir à la table depuis cinq ans. Et la dernière personne qui a siégé, c'était un intervenant qui de lui-même, parce qu'il travaillait dans le quartier, un intervenant DPJ, un éducateur qui avait décidé d'être membre de la table parce qu'il trouvait que ce serait profitable de travailler en partenariat. Ça a été la dernière personne. Et, à chaque année, j'ai relancé les centres jeunesse, et à un moment donné on a démissionné. Cette année, on ne les a pas relancés.
Et on est ici pour vous dire que, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve et dans Montréal ? et on a vérifié avec du monde, plein de monde ? à chaque fois qu'il y a un signalement... Puis il y a une feuille, il y a un document qui a été préparé pour toutes les écoles. Moi, je travaille dans une école secondaire, j'ai consulté mes collègues des écoles primaires: chaque fois qu'on fait un signalement pour non-fréquentation scolaire puis que c'est le seul motif, c'est automatiquement rejeté. Et ça... Ici, on est pour le dire haut et fort, parce que je l'ai dit à plein de monde, et plein d'intervenants l'ont dit à plein de monde, haut et fort: Ça suffit! Nous autres, on travaille avec des jeunes puis on essaie de les amener à devenir des bons citoyens, et, si on ne les oblige pas, ceux qui ne veulent vraiment pas comprendre malgré notre accompagnement... Puis on est 25 organismes, là, ça fait du monde, ça, dans un quartier, puis Enfance-Famille, ils sont ? vous êtes combien?
Mme Bohuon (Marie-Hélène): 26, je pense.
M. Godin (Pierre-André): ... ? 26 organismes, donc c'est 50 quelques organismes qui tout haut, tout fort crient: Les centres jeunesse de Montréal ? et je suis convaincu qu'ailleurs... je ne suis pas sûr, moi, que ça ne se ressemble pas ? il faut reconnaître les signalements pour la non-fréquentation scolaire, parce qu'à long terme on scrape l'adolescence, et ça, il faut que ça arrête.
Moi, je travaille dans une école 16-22 ans, c'est moi qui les reçois après. Tous ceux qui essaient de se raccrocher, tous ceux qui essaient de se reprendre, quand ils sont au carrefour jeunesse-emploi, qu'ils utilisent différentes mesures, il faut les amener à être capables de fréquenter l'école tous les jours. Et, à Montréal, malheureusement, malgré diverses rencontres avec plein de monde, les centres jeunesse de Montréal refusent de façon presque systématique de retenir ces signalements-là. Et, pour compléter l'exemple, Jacinthe peut vous présenter l'exemple d'une petite fille qui ne va pas à l'école depuis?
Mme Paquette (Jacinthe): Depuis un an et demi, une petite fille de 14 ans, c'est ça, qui ne va plus à l'école, qui nous a été référée par l'école, à Revdec. C'est une jeune fille avec qui on a fait beaucoup, beaucoup de démarches. On a réussi à introduire une intervenante, un travailleuse sociale du CLSC pour travailler avec elle. On a essayé de l'amener à fréquenter Revdec par divers moyens: lui payer un taxi, lui payer des billets d'autobus, aller la chercher directement, l'accompagner avec des intervenants, et puis, malgré tous ces efforts-là, elle n'a pas réussi à fréquenter l'organisme. Elle ne fréquente pas l'école non plus, ça, depuis un bon bout de temps. Un signalement a été fait pour non-fréquentation scolaire, et il a été rejeté automatiquement. Il n'a pas été retenu.
Et puis, malgré tous les efforts que Revdec a faits, que le CLSC a faits, que divers intervenants, on s'est mis ensemble pour essayer de l'accrocher à quelque chose, ça n'a pas fonctionné. Aujourd'hui, à 14 ans, elle est encore chez elle, elle est complètement isolée, elle ne fait pratiquement... Elle ne sort plus, elle ne voit plus personne. Elle est toujours à la maison, et puis voilà. Et puis elle n'est pas à l'école depuis un an, là. Tu sais, déjà, c'est depuis 13 ans à peu près qu'elle serait chez elle à ne rien faire, et puis le signalement n'est pas retenu. Donc, nous, malgré tous les efforts qu'on veut bien faire, c'est quand même des mesures volontaires, donc, si la jeune fille ne veut pas fonctionner, si ses parents ne sont pas en mesure de lui apporter l'appui, on est limités rendus là, là.
Mme Delisle: Oui, je comprends. Oui?
Mme Gendron (Brigitte): Bien, je voulais juste porter à votre attention, là, à moins qu'il y ait eu une modification sur le mémoire qu'ont déposé les directeurs et directrices de la protection de la jeunesse sur le projet de loi, ils ont eux-mêmes... je peux vous citer une seule phrase dans leur document, puis je sais que vous l'avez: «La majorité des situations d'absentéisme scolaire le plus fréquemment soumises à notre attention ne sont pas retenues à l'étape de la réception et du traitement des signalements si aucun autre motif n'est invoqué», et ainsi de suite, c'est dans le même sens. Alors, vous voyez, même là, les directeurs de DPJ de la province... Donc, on n'a pas inventé ça, je pense.
Mme Delisle: Ah! non, non, ce n'était pas mon intention de vous faire penser que je...
M. Godin (Pierre-André): Donc, là vous nous dites que, dans la nouvelle loi, O.K., on avait probablement mal compris, là, parce que j'avais compris 38, et ça enlevait tout, puis il était remplacé par tous les nouveaux articles, donc 38.1 tombait. C'est mon erreur, parce qu'au départ c'est moi...
Mme Delisle: Ce n'est pas grave, monsieur, c'est correct, vous n'êtes pas tout seul à avoir fait cette...
M. Godin (Pierre-André): Non, non, mais je voulais juste mettre ça clair. Et vous nous dites que ça va être reconduit. Tant mieux. Mais est-ce que ça va être appliqué?
Mme Delisle: Il faut que ce soit appliqué. C'est ça. J'ai compris. Si vous permettez, votre recommandation 5: «Reconnaître les intervenants des organismes institutionnels et communautaires du milieu comme crédibles dans le processus de signalement et qu'a priori leur parole soit entendue.» J'aimerais vous entendre là-dessus. Remarquez que vous venez de nous parler de la non-réception, si vous voulez, du signalement pour la non-fréquentation scolaire. Mais est-ce qu'il y a d'autres exemples? Est-ce qu'il y a d'autres exemples où vous sentez que l'expertise que vous avez développée à l'intérieur de vos organismes communautaires n'est pas retenue ou n'est pas significative, finalement? Est-ce que vous cherchez aussi à faire davantage dans l'accompagnement des familles, dans l'accompagnement des jeunes? J'aimerais vous entendre, j'aimerais que, ça, vous élaboriez là-dessus, parce qu'il y en d'autres qui ont soulevé cette réalité-là.
M. Godin (Pierre-André): Juste avant de faire une passe à Brigitte pour qu'elle vous réponde. Du communautaire, vous avez probablement remarqué que la CSDM, la commission scolaire de Montréal, a fait un communiqué avant-hier, une résolution extraordinaire pour vous dire, à tout le monde, que les intervenants scolaires devraient être entendus et reconnus quand ils ont fait un signalement. Donc, s'ils ont pris la peine de faire ça, c'est parce que des gens qui travaillent à la CSDM, dont moi, vous disent en partant: Ça ne marche pas, on n'est pas entendus, on remet puis on requestionne, requestionne.
n(16 h 10)n Je comprends qu'il faut questionner. J'ai déjà travaillé à la DPJ dans une vie antérieure, je comprends qu'il faut signaler... qu'il faut questionner. Mais il faut quand même croire les gens qui sont sur le terrain et non pas constamment... Vous savez, l'image que je pourrais vous donner, c'est qu'on a tout le temps l'impression, quand on appelle, que ce soit moi ou le communautaire, que les gens qui nous répondent cherchent des moyens de ne pas retenir le signalement. Ce qui devrait être l'inverse. Mais ça, c'est la perception qu'on a parce qu'on n'est pas à l'intérieur du système. Puis, pour donner peut-être plus d'exemples du communautaire, je vais demander à Brigitte.
Mme Gendron (Brigitte): Bien, nous, on fait de l'intervention jeunesse en HLM, et il y a 200 foyers à peu près qu'on... on est donc situés, nous, dans un des appartements. Ça fait qu'on est vraiment dans le milieu de vie, ce qui fait qu'on côtoie les gens non seulement, justement, dans des heures de bureau, mais on les rencontre le matin, le soir et à des moments où ils souhaiteraient peut-être pas toujours nous croiser. On a donc des avantages d'être dans le quotidien de ces gens-là. Et en même temps les gens qui travaillent chez nous, à l'image de beaucoup, beaucoup, beaucoup de groupes communautaires, c'est des gens qui ont des formations, c'est des gens qui ont des diplômes collégiaux, universitaires. Donc, par rapport à ça, des fois on ne sent pas nécessairement, là, que... Tu sais, des travailleurs sociaux, on en a chez nous, on a même des gens qui ont des bacs en psychologie, etc. Bon. Mais ce n'est pas ça qui va faire le bon intervenant.
Bref, généralement, dans nos organismes, on n'est pas des prosignalement, vous le savez, je pense qu'on ne peut pas... on n'invente rien non plus, et, quand on fait appel à la DPJ, c'est parce qu'on a essayé toutes les avenues, on a essayé tous les moyens, à la hauteur des ressources dont on dispose évidemment, on est vraiment rendus en bout de ligne, on a utilisé aussi, généralement, les autres ressources qu'il y a autour de cette famille-là. Et, quand on arrive en bout de ligne et qu'on ne retient pas ou même qu'on a l'impression que la personne déjà qui répond au téléphone, c'est évident que ce n'est pas une intervenante, là... est-ce qu'elle est capable aussi de recevoir cette demande-là, d'une part, et de l'acheminer?
Chez nous, ce que je peux témoigner, ça fait huit ans, là, que je suis dans ce HLM là, et c'est parce qu'on a réussi à créer des ponts avec des individus qu'il se fait des interventions qui sont beaucoup plus globales, qui sont aidantes pour la famille et pour le milieu. Parce qu'on est comme un petit village, hein, dans un HLM. S'il n'y avait pas ces liens-là avec ces individus-là en particulier, il n'y en aurait pas, tout simplement, il n'y aurait pas de suivi qui se ferait, c'est clair. Et il y a des familles qui maintenant sont capables, qui préparent des dossiers, qui peuvent avoir notre aide, et on les amène à prendre leurs responsabilités de citoyen et même, eux-mêmes, à faire un signalement. Évidemment, c'est encore moins reçu. On peut même se faire répondre: Bien, on sait bien, vous vous tirez dessus entre vous autres! Vous voyez déjà le préjugé qui accueille, là, une demande d'aide pour un enfant dont le développement est compromis. Ça fait que ça va jusque-là, une fois étiré, là. Donc, s'il n'y a pas de ponts de faits avec des individus en particulier, ça n'existe pas, cette possibilité-là. Et puis d'ailleurs, souvent, quand il y a des ponts de faits, malheureusement, avec tout le roulement qu'il y a à la DPJ, on les perd aussi, ces liens-là avec ces individus.
Mme Delisle: Je vous remercie. Ça va.
La Présidente (Mme James): Merci. Alors, Mme la députée de Rimouski.
Mme Charest (Rimouski): Merci. Bienvenue, monsieur et mesdames. Oui, c'est impressionnant de voir la démarche que vous avez faite avant de vous rendre ici, et ça donne aussi le ton à votre mémoire, et ça lui donne toute sa valeur, parce que vous ne parlez pas en tant qu'individus, mais vous parlez vraiment au nom de la population de votre quartier, et je pense que c'est ce qui fait la richesse, là, de votre intervention, et vraiment on vous en est reconnaissants. Je pense que la ministre a apprécié, puis je peux vous garantir que j'apprécie beaucoup.
Dites-moi, on parle beaucoup de relations avec DPJ, centres jeunesse, on parle de votre reconnaissance comme intervenants... Ah! mais, avant de dire quelque chose là-dessus, je veux revenir sur la question de l'abandon scolaire. Vous savez, l'obligation d'aller à l'école jusqu'à 16 ans, ça relève de la Loi de l'instruction publique, et, compte tenu que ça relève de la Loi sur l'instruction publique, les centres jeunesse, eux, ont comme ? puis ça, c'est l'association qui me l'a dit, là, l'Association des centres jeunesse ? ...ne reconnaissent pas l'abandon scolaire, parce qu'ils ont pour leur dire que ce n'est pas à eux à faire appliquer la Loi sur l'instruction publique. Alors, ça explique pourquoi vos demandes de signalement ne sont pas retenues lorsqu'il n'y a que ce motif-là. Alors, ça peut éclairer un peu les discussions, là, et le contexte. Moi, c'est l'information que j'ai par rapport à ça.
Ceci étant dit, j'aimerais que vous nous parliez un petit peu plus spécifiquement. Là, on a parlé de relations, de concertation. Donc, le niveau de collaboration, à ce que je vois, est dépendamment des personnes. Ça confirme ce que d'autres nous ont dit au cours des neuf journées de consultations que nous avons eues. J'aimerais que vous nous parliez des délais qui sont prévus dans la loi. Est-ce que vous avez réfléchi à cela, les délais maximaux d'hébergement? Est-ce que vous avez réfléchi?
M. Godin (Pierre-André): Il y a deux niveaux de délai dans le projet de loi n° 125. Il y a les délais d'hébergement puis aussi les délais qu'on va accorder aux parents avant de se réapproprier, entre parenthèses, leurs capacités parentales pour un retour éventuel des enfants au domicile familial. Pour les délais de placement, je dois vous avouer qu'on l'a mis un peu de côté. En les regardant, je pense que c'est logique selon les... Ce qui est dangereux, c'est l'autre partie, il manque de ressources. Là, en ce moment, dans Hochelaga ? puis j'imagine que c'est partout pareil, là, mais on va parler d'Hochelaga ? dans les écoles, on est topés, hein, on est au maximum de ce qu'on peut faire. Au CLSC, avec la nouvelle refusion des CSSS ? comme, nous autres, ça s'appelle maintenant CSSS Lucille-Teasdale ? le projet clinique a été accepté, vendu. On avait des réserves, mais en tout cas on s'est entendus sur des choses. C'est topé. Il y aura...
Mme Charest (Rimouski): Vous avez été consultés?
M. Godin (Pierre-André): Pardon?
Mme Charest (Rimouski): Vous avez été consultés?
M. Godin (Pierre-André): Oui...
Mme Charest (Rimouski): O.K.
M. Godin (Pierre-André): ...parce qu'on se parle. Ils sont membres de la table, n'est-ce pas? Ça fait que ça va très vite pour se consulter.
Mme Charest (Rimouski): Vous êtes privilégiés, en quelque sorte.
M. Godin (Pierre-André): Probablement. Probablement, puis on a des bonnes alliances, puis on est tous... La commission scolaire, le CSSS, tout le monde ? vous verrez au début, là ? tout le monde est là, sauf les centres jeunesse, hélas!
Mais ça a été accepté, mais il y a des ressources qui ne sont pas là. Et, si on demande à des gens... Puis ça, c'est historique, là. Moi, j'ai travaillé à la DPJ. Quand on prend un enfant, on le retire, pour x raisons, puis on dit au parent, on lui donne une commande: Tu dois atteindre tel objectif. Qui s'occupe de lui montrer les moyens? Parce que, s'il n'est pas capable d'atteindre l'objectif, c'est parce qu'il ne sait pas, souvent, comment s'y rendre. Quelqu'un qui... Puis souvent, si on faisait un historique des parents à qui on retire des enfants, à la DPJ, c'est souvent des jeunes qui ont été accompagnés voilà 20 ans, 25 ans à la DPJ. Moi, j'en connais plusieurs, là, je suis rendu aux enfants des enfants de ceux que j'ai eus au début. Et ça veut dire qu'en quelque part il y a un manque d'accompagnement privilégié avec, et non pas au-dessus, à côté, c'est avec.
Puis, ces parents-là, moi, j'en ai accompagné dans le quotidien, puis tous les gens qui sont ici travaillent dans des organismes où on travaille la main dans la main avec ces parents-là, peu importent leurs carences, et la DPJ s'est retirée de plus en plus.
Il y a eu un virage milieu. J'étais là dans le temps, au Mont Saint-Antoine, le virage milieu, je ne le sais pas où ce qu'il est, parce qu'il n'est pas revenu. Il n'y en a plus, d'intervenants dans le milieu. On ne les voit pas. S'ils sont là, ils ne viennent pas dans les écoles, parce que, moi, j'ai consulté toutes les écoles du quartier Hochelaga-Maisonneuve, on ne les voit pas. Il faut que je coure après pour leur parler. Les parents dont les enfants sont placés vont peu ou pas au CLSC parce que la liste d'attente est longue, les services ne sont pas toujours là, puis des fois ils ont de la misère à se mettre en marche. Ça prend du monde pour les aider à se prendre en marche, parce que la pire affaire...
Au bout, là, si on respecte le 12-24-42... je ne me souviens plus, 36 mois, là, mais, pour les bébés notamment, il n'y a rien de pire que de retirer un enfant de chez lui à long terme. Toutes les études scientifiques, cliniques le prouvent. L'attachement, là, s'il y a un attachement à la mère, c'est là qu'il faut travailler, sur la notion d'attachement. Mais, si on ne permet pas à cette mère-là de hausser ses capacités parentales puis de devenir une mère comme la société voudrait, si on ne l'accompagne pas puis on ne lui donne pas les moyens, on est aussi bien de lui dire au début: C'est fini, tu ne l'auras plus, ton flo. Puis ça, des fois on fait accroire à du monde que, si... Mais ils ne comprennent pas toujours.
Ce n'est pas facile de changer les habitudes parentales, là, de se développer. C'est facile, là: Ah! je vais arrêter de consommer. Bien oui! Ça ne s'arrête pas comme ça. Donc, les délais, pour nous autres, sont trop courts pour permettre à ces gens-là, compte tenu des ressources puis compte tenu d'où ils partent, d'être capables de se réapproprier leurs enfants. Ça veut dire qu'à la fin on les disqualifie. Ça, c'est la position quartier.
Mme Charest (Rimouski): Une personne qui a travaillé en santé publique le moindrement sait très bien que changer les habitudes de vie, ça ne se fait pas comme ça ? je m'excuse du bruit, là, mais je veux être très claire. Ce n'est pas vrai qu'on change les habitudes de vie juste parce qu'on veut que ça change. Ça, là-dessus, là, j'ai... La montée, la bouffée de chaleur me vient quand on tente de me faire croire que ça va se régler de soi-même. Ma petite colère de la journée est passée. Je vais revenir à des meilleurs sentiments. Dites-moi: Qu'est-ce que vous pensez des approches consensuelles?
M. Godin (Pierre-André): Il y a quelqu'un qui veut intervenir là-dessus, ou je peux le faire?
Mme Bohuon (Marie-Hélène): Bien, je voudrais revenir, si vous permettez, sur l'instruction publique.
Mme Charest (Rimouski): Oui, allez-y.
n(16 h 20)nMme Bohuon (Marie-Hélène): Vous avez raison, sauf qu'il n'y a personne... Quand on est pris dans un cas où les lettres sont envoyées à la maison, où il y a des intervenants, ou le CLSC, il n'y a personne, à part la protection de la jeunesse, qui a des pouvoirs pour aller chercher l'enfant à la maison et dire: Ta place est à l'école. Ça fait que dans le fond, oui, la loi est là, ce qu'on dit, c'est qu'on a besoin d'aide pour l'appliquer, de un. De deux, l'autre affaire, c'est qu'on dit qu'un enfant est en compromission quand il ne va pas à l'école, parce que c'est le premier symptôme de problème dans un milieu, et, ensuite de ça, bien on fait des gens qui vont être sur l'aide sociale, je m'excuse, ou on travaille très fort chez les 16-24 ans pour les réintégrer à l'école. On a laissé aller nos jeunes sans instruction. Ça fait que c'est dans l'application qu'on a un problème: Qui va avoir le pouvoir d'appliquer cette loi-là et d'aller le chercher dans la famille, dire: Tu t'en vas à l'école? C'est ça.
Mme Charest (Rimouski): Et ça me fait réfléchir, parce qu'on a entendu des gens nous dire que, de génération en génération, on reproduit les mêmes modèles, et ça peut servir parfois de motif pour ne pas que la famille élargie soit mise à contribution pour exercer certaines mesures pour le support à l'enfant qui est sous la protection de la loi. Oui?
M. Godin (Pierre-André): ...que je continue sur vos approches consensuelles?
Mme Charest (Rimouski): Oui, s'il vous plaît.
M. Godin (Pierre-André): On est très d'accord avec ça. Notre problème, il revient à notre recommandation 1. Parce que, là, il faut comprendre, là, on parle de la loi n° 125, on parle de la loi, mais qui l'applique, cette loi-là? Ce sont les centres jeunesse, qui ont été fusionnés. On a fusionné les services de la DPJ avec tous les centres d'accueil qu'il y avait puis on a fait une belle machine froide et de moins en moins connectée au milieu, notamment chez nous. O.K.? Donc, c'est beau, dire: On va faire des approches consensuelles, mais les intervenants, puis ça, je parle... ? puis là ils me voient probablement à la télé, hein? Où est-ce qu'ils sont passés, les gens qui étaient connectés à leurs jeunes? Maintenant, quand on parle à des intervenants ? puis on leur parle souvent au téléphone, hélas! ils ne se déplacent plus ? mais ils nous parlent de jeunes manipulateurs, méchants. C'est tout le temps du négatif. On n'entend plus de positif. Comment vont-ils faire pour s'asseoir, s'ils ne changent pas leurs orientations, leurs points de vue cliniques, leurs points de vue... Quand tu t'assis avec un partenaire, un collaborateur, une mère, un enfant, un oncle, une grand-mère, comment tu fais pour ne pas te braquer ces gens-là quand tu arrives comme un matamore puis que tu rentres dans la famille, puis: moi, je connais ça, je vais régler ça? Ça, si les centres jeunesse veulent faire quelque chose de bien, là, il va falloir que...
Au-delà de la loi puis de tous les articles qu'il y a dedans, c'est le coeur qu'il faut changer. Moi, je suis un psychoéducateur, j'ai appris à vivre avec. Les intervenants qui sont ici, ce sont tous des professionnels, nous vivons avec nos clients, avec... pas des bénéficiaires: des personnes. Puis en ce moment, là, la DPJ, de plus en plus... Ce n'est pas pour rien que ça sort partout, Arcand, les autres témoignages qu'il y a eu avant, ça sort de partout parce que le lien de confiance puis d'attachement aux intervenants, il est pas mal entaché, et ça, si on ne rétablit pas ça, ça va juste se rempirer. Ça ne fera pas d'autre chose. C'est pour ça qu'avant... C'est correct, on va la changer, la loi, on va s'arranger pour que, les enfants qui sont vraiment dans des situations précaires, on puisse faire un vrai plan de vie puis qu'on arrête de se promener au tribunal, là ? j'ai vu ça longtemps dans ma pratique ? mais ça ne changera pas le coeur des intervenants.
Il faut redevenir des partenaires avec nous. Là, nous autres, on dit: Venez-vous-en, on vous attend, on veut travailler ensemble. Mais, surtout, s'ils veulent faire des approches, puis des contrats, puis des ententes, il faut qu'ils arrêtent d'être au-dessus. Je comprends qu'ils ont un mandat, mais, quand on intervient, on ne peut pas être au-dessus puis ami. Ça ne se fait pas, ça. Ça fait qu'il y en a qui seront au-dessus puis il y en a qui vont les aider, puis, si on veut que les enfants s'en sortent puis que les parents s'en sortent, il faut les aider, pas les encadrer.
Mme Charest (Rimouski): Ce qui est différent. Je vais vous laisser ma collègue, qui veut vous poser des questions également. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme James): Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci beaucoup. Alors, mesdames, monsieur, merci beaucoup de votre présence. D'ailleurs, certains groupes, hier, nous ont dit que dans le fond ce qu'il fallait changer, c'est plus que la loi, c'étaient les attitudes. Et je pense que vous l'avez exprimé dans d'autres mots, mais ça revient à cet élément-là.
Moi, je vais revenir à votre recommandation 2, parce que je suis porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine, mais plus récemment on m'a ajouté l'action communautaire. Donc, cette recommandation-là, effectivement elle revient régulièrement aussi dans d'autres dossiers, donc cette importance de s'assurer que les organismes communautaires gardent une autonomie, en respect avec leur mission, et qu'ils ne soient pas considérés finalement comme les responsables de la prestation de services que l'État doit donner. Donc, vous recommandez de baliser le partenariat. Quelles sortes de balises? Quelles balises? Qu'est-ce que vous mettriez, vous, si on vous confiait le mandat de définir les balises du partenariat entre les organismes institutionnels et communautaires et avec les centres jeunesse? Qu'est-ce que ce serait pour vous?
M. Godin (Pierre-André): O.K. Je vais essayer de baliser ça comme il faut. En ce moment, tous les organismes institutionnels et communautaires ? sauf les centres jeunesse ? du quartier Hochelaga-Maisonneuve travaillent en partenariat. Il y a des protocoles, on s'est entendus ensemble, depuis 20 ans, à collaborer, et c'est vraiment très bien concerté, maillé, et c'est de nos réunions mensuelles, au comité qu'on s'est donné, jusqu'au dernier des intervenants qui vient d'arriver dans un organisme. À chaque fois que quelqu'un rentre dans Hochelaga-Maisonneuve, dans un organisme, la première affaire qu'il se fait dire, c'est: Nous sommes membres de Concertation Hochelaga-Maisonneuve, ici on fait ça, mais il y a ça, ça, ça, et telles personnes pour travailler ensemble pour le bien-être d'un jeune ou d'une famille, ou peu importe.
Ce qu'on dit, c'est: Avec les centres jeunesse, ça ne fonctionne pas. Donc, première chose, ramenons les centres jeunesse partout où il y a des tables de concertation ? à la fin, on vous dit que ce serait le fun qu'il y en ait partout, là, O.K.? ? qu'ils reviennent, puis on va s'entendre sur comment on peut travailler ensemble. Puis on va faire des échanges, là, face à face et non pas par la bande, face à face, sur c'est quoi qu'on fait, chacun. On va déterminer, première des choses, là, le terrain, le territoire de chacun, puis, s'il y a des espaces vides, comment on peut faire pour s'assurer qu'il n'y en ait pas, de vide.
Puis, après ça, la deuxième étape, c'est... Moi, c'est facile, dans mon école, il y a 35 profs, trois, quatre intervenants professionnels, le personnel de soutien, ça fait au maximum 60 personnes. C'est facile à revirer de bord. Combien sont employés aux centres jeunesse de Montréal? Je n'ai aucune idée. Ça doit être assez effarant, là, comme nombre, et la structure hiérarchique est tellement large que je ne suis pas sûr que ça se rend jusqu'en bas. Puis, moi, je les connais, les gens qui travaillent aux centres jeunesse, depuis longtemps, et ces gens-là, ils seraient ouverts à faire ça. Mais est-ce que le leadership est là? Et je ne parle pas juste à Montréal, partout, là.
Travailler avec les autres, ça implique de se mettre au niveau des autres. Et ne jamais oublier ? puis, là-dedans, je vais vous mettre quelque chose de clair: les centres jeunesse touchent 4 % à 5 % des enfants, au Québec, par année; nous autres, on touche à 95 %. Je suis un peu tanné ? et je ne suis pas le seul ? de me faire dire que les experts de la jeunesse au Québec, c'est les centres jeunesse. Ça, c'est un peu... Puis, quand on vient travailler avec, si quelqu'un arrive avec son institut universitaire dans sa poche... Je n'ai rien contre la recherche, au contraire, je suis prorecherche, mais, si quelqu'un arrive puis qu'il se met sur la position de savant, de celui qui a toutes les réponses, ça commence mal un partenariat. Donc, définissons le territoire puis entendons-nous pour que chaque jeune qui a un besoin x ait la réponse nécessaire disponible. Mais en ce moment ce n'est pas ça.
Ça va prendre des ressources, là. On ne fera pas ça de façon magique. Je vous l'ai dit tantôt, les organismes communautaires d'Hochelaga-Maisonneuve, notamment le Revdec, sont en péril ? je ne me trompe pas? Ils sont en survie, puis, à chaque année, là, il faut se battre pour survivre. C'est notre bébé, Revdec, c'est nous autres qui l'a mis au monde, puis on y tient parce qu'il y a un besoin, mais il faut que les ressources continuent à arriver pour qu'on soit capables de fonctionner. Puis il faut que les centres jeunesse redeviennent des partenaires, car ils l'ont déjà été voilà un certain temps. J'ai-tu répondu ou je suis passé... Oui, ce n'est pas pire?
Mme Caron: Oui.
M. Godin (Pierre-André): O.K. Merci.
Mme Caron: Je pense qu'il y en a qui voulaient ajouter.
M. Godin (Pierre-André): Oui. Ah! Oui.
Mme Gendron (Brigitte): Bien, je voulais juste, peut-être... Pour moi, là, déjà de nous recevoir comme vous le faites depuis plusieurs jours, c'est déjà, je pense, une façon déjà d'être capable de poser des balises qui reposent ? en tout cas, tu viens bien de le dire ? sur le fait qu'il faut le faire ensemble, qu'il n'y a pas une instance qui détient, malheureusement ou heureusement, toute la vérité.
D'autre part, il faut aussi peut-être s'attarder au mot utilisé, «partenariat», qui sous-entend des rapports égalitaires, et c'est peut-être ça qu'il faut réussir, là, au niveau de la balance, à équilibrer. Il y a des négociations libres et égales qui doivent se faire entre les différents intervenants auprès des jeunes.
n(16 h 30)nMme Bohuon (Marie-Hélène): Quand on parle... Ce n'est pas tous les intervenants, hein? Il y en a que ça va très, très, très bien, là. Le problème, c'est l'entente avec la structure, là, de façon générale, et je pense que ça paraît qu'ils ne sont plus sur les tables.
Comme forme de balise, j'aimerais ça donner une entente qu'on a dans Hochelaga-Maisonneuve, qui s'appelle l'entente Coeur-à-Coeur, avec le CLSC Hochelaga-Maisonneuve, où le milieu... Quand on a besoin, mettons, d'un service, d'une travailleuse sociale pour une famille, normalement, dans un CLSC, tu dois aller à l'accueil faire ta demande, qui est référée... le cas est évalué, c'est référé à Enfance, Famille ou Jeunesse. Nous, on a une entente, qu'on appelle Coeur-à-Coeur, où notre expertise est considérée. On va à l'équipe jeunesse, par exemple, ils vont évaluer; s'ils peuvent donner le service, ils vont le donner, les gens n'ont pas besoin de passer par l'accueil; s'ils ne peuvent pas, on regarde ce qu'on peut faire ensemble pour la famille.
Ça fait que ça, c'est un genre de balise ou d'entente qu'on aimerait avoir, qui sauve dans le fond plein de démarches à des familles et qui nous amène à travailler ensemble plutôt qu'à se tirailler.
Mme Caron: Merci beaucoup. Oui?
M. Godin (Pierre-André): ...compléter. Je vais parler pour les écoles, parce que je n'en ai pas beaucoup parlé. Chaque intervenant qui a un jeune sous sa responsabilité devrait contacter le professionnel ou l'intervenant scolaire pour mettre... Parce que, dans un plan d'intervention... Moi, ça fait huit ans que je suis à Eulalie-Durocher, qui est une école pour jeunes décrocheurs, 16-22; je n'ai jamais un intervenant qui m'a appelé pour me dire: Je suis après faire le plan d'intervention puis je voulais savoir... Ça fait que, qu'est-ce que tu en penses de... Jamais. Écoutez, ils passent huit heures par jour chez nous. Jamais.
Ce qui est important, c'est: Est-ce qu'il fait son lit comme il faut dans l'unité? Est-ce qu'il respecte les demandes des éducateurs? C'est ça qu'on entend quand ils nous parlent de ça. Puis ce n'est pas des farces, là. Puis, cette dame-là, elle travaille dans une maison d'hébergement pour jeunes adultes, et, quand ils quittent les centres jeunesse, ils ne savent pas se faire à manger, ils ne savent pas laver leur linge, ils ne savent pas... etc., quand, voilà 15 ans, avant le virage milieu, ils savaient tout ça.
Mme Plante (Marie-Ève): C'est ça que je ne comprends pas. Ils savent très bien qu'à un moment donné ils vont avoir 18 ans, ils doivent quitter, donc pourquoi qu'ils ne les prépareraient pas à ça? Vraiment, comme Pierre-André dit, quand ils arrivent chez nous, ils ne savent quasiment rien faire, là. Donc, on doit les prendre quasiment par la main, faire l'épicerie avec eux, faire... Ils ne savent pas comment faire un spaghetti, etc. Mais ça ne devrait pas être comme ça. Ils devraient apprendre la vraie vie avant de sortir. Ce n'est pas comme: Surprise!, ils ont 18 ans. Ils vont avoir 18 ans, c'est certain. Voilà.
La Présidente (Mme James): O.K. Alors, merci. Mme la ministre.
Mme Delisle: ...écouter très religieusement, j'aurais peut-être plus... c'est plus un commentaire qu'une question. Et je ne veux pas me retrouver, moi, en porte-à-faux, c'est sûr, avec le centre jeunesse de Montréal et vous autres, puis ce n'est pas le but de l'exercice non plus. Mais, quand vous nous dites que c'est généralisé puis c'est partout pareil, je dois vous avouer, moi, j'ai fait 13 régions au Québec, je ne suis pas l'experte que vous êtes, alors je n'ai pas cette prétention-là, mais ce n'est pas ça que j'ai vu sur le terrain. Puis je ne veux pas me faire dire, là, qu'on m'a caché des choses. J'ai parlé avec des intervenants. Il y a des centres jeunesse qui ont des ententes, qui travaillent avec le milieu... Il y en a ? je vois madame hocher la tête, là. Mais je ne parle pas du centre jeunesse de Montréal, là, je vais vous parler d'autres régions que j'ai visitées.
Donc, c'est bien facile pour les Arcand de ce monde puis certains gérants d'estrade qui ne viennent pas ici, là, mais qui dénoncent puis ne font pas de propositions, mais de dire que tout est sans nuances, que tout est... qu'on s'occupe davantage des structures... C'est sans doute vrai à certains endroits, puis ça, je pense que les gens vont devoir faire un grand examen de conscience pour se ramener à l'application finalement de leur mission première. Mais, de mettre tout le monde dans le même paquet pour l'ensemble des centres jeunesse puis l'ensemble des régions du Québec, je me sentais obligée, sincèrement, de dire que, moi, ce n'est pas ça que j'ai vu. Alors...
Mme Plante (Marie-Ève): ...dire que tout est mauvais. C'est certain que ce n'est pas tout mauvais.
Mme Delisle: Non, non, mais c'est parce que monsieur a dit que c'est dans tous les centres jeunesse.
La Présidente (Mme James): Alors, malheureusement, je dois vous interrompre, le temps est écoulé...
M. Godin (Pierre-André): J'ai quand même le droit de répondre à ce petit bout là.
Mme Delisle: Oui. Je ne vous ai pas attaqué, monsieur, je voulais juste vous dire que je me...
M. Godin (Pierre-André): Je ne veux pas me défendre sur l'attaque, ça ne me dérange pas, ça. Je veux juste dire: Moi, j'ai travaillé au Centre jeunesse de la Montérégie, et je suis obligé de dire comme vous: Il y a des centres jeunesse où ça va beaucoup mieux, O.K., notamment le Centre jeunesse de la Montérégie, qui était sous-financé puis que les gens faisaient du partenariat parce qu'ils n'avaient pas le choix. Mais ça, je veux juste ramener ça, puis... C'est ça.
La Présidente (Mme James): Alors, sur ce, je dois vous interrompre parce qu'il y a d'autres groupes qui nous attendent. Malheureusement. Alors, je vous remercie pour votre présentation de la part de la Concertation jeunesse Hochelaga-Maisonneuve. Et je demanderais immédiatement à M. Terry Bockus et à Mme Loretta Bockus à prendre place pour la présentation de leur mémoire. Et je suspends les travaux de la commission quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 35)
(Reprise à 16 h 37)
Le Président (M. Copeman): Alors, la commission reprend ses travaux. C'est un plaisir pour nous de recevoir M. Terry Bockus, Mme Loretta Bockus. Good afternoon. You have 10 minutes for presentation; I'll remind you when there's about two minutes left to help you conclude within the required time; and then there'll be a period of exchange of a maximum of 10 minutes with the members from each side of the table. Clearly, you can make your presentation in either English or French, as you like. My suspicion is that parliamentarians may ask questions in the language of their choice, and we'll hope that we can, all of us, be understood together. Go right ahead.
M. Terry Bockus et Mme Loretta Bockus
M. Bockus (Terry): Thank you very much. Members. I will start with my recommendations or suggestions. Concerning the DPJ or the Youth Protection Service, the complaint services should be independent from Les centres jeunesse de la Montérégie management and location. They should have the authority to make and enforce recommendations and reprimands with Youth Protection employees. This would eliminate bias within the complaint service. Filing a complaint about the DPJ to the DPJ doesn't work, nor does it makes sense.
Also, children should be not placed in smoking foster homes, and not be given the means or the funds to smoke under the responsibility of Youth Protection, respecting all the provincial laws concerning tobacco and alcohol with minors.
Interviews by social workers with parents must be audio-recorded for the protection of both parties, or a third neutral party, not connected with Youth Protection, to be present to monitor the meetings and to ensure proper conduct and that information is given to parents. This to avoid private interviews where a social worker could abuse their authority.
Total financial reimbursement to families when improper investigations or false accusations are found. This should include family contribution placement cost, lawyer fees, lost work days and expenses directly related. Why do parents and their children have to pay the price for mistakes made by Youth Protection?
n(16 h 40)n Polygram tests should be given if requested by parents or Youth Protection in difficult cases. Two tests should be given by two different examiners, one selected by parents and the other by Youth Protection, both at the expense of Youth Protection.
Psychological evaluations should be given by two experienced psychologists, one again chosen by the parents and the other by Youth Protection, both at the expense of Youth Protection. This to ensure fairness and to avoid any possible bias by the psychological service connected to Youth Protection.
Prior to any legal action by Youth Protection, parents must have the right to be present at discussions with the persons or committee in which the social workers present their findings and opinions. Currently, parents have no representation at this level.
Parents forced to pay payment contributions for a child must not be pushed into financial jeopardy which will directly affect other children within the remaining family. All avenues should be given to parents to arrange methods of affordable payments, without legal threats by the financial department of Youth Protection.
Also, the Ombudsman for Health and Social Services must be an elected individual, not appointed by the Health Minister. To ensure transparency, members of Parliament must elect this individual, such as the civil Ombudsman is elected by members of Parliament.
Directors and managers should make themselves available if requested by parents, not remaining behind locked doors or refuse appointments and phone calls.
Social workers must not be permitted to involve themselves on their personal time, including vacation, this to avoid any possibility of a social worker who may be acting in bad faith to control children and situations.
Investigations must be completely documented and with the assistance of the police department, this to avoid prejudgment by social workers and Youth Protection. The involvement of police would ensure expertise and a thorough investigation.
Children claiming abuse must be examined by a medical physician in all cases. When an intervening party observes injury and to avoid interpretation of their seriousness, extent and cause, that party require an evaluation by a physician and base his or her judgement on the strength of that evaluation. This was stated August 4th 2003 by Sylvette Grenier, representative of Health and Social Services Ombudsman.
Psychological and emotional aid to children must be immediate and not based on availability, budget cost or the personal opinion of a social worker.
Parents rights and authorities must be respected at all times concerning their children under the care of Youth Protection. This... as an example: visits outside the country, sleep overs, minors permitted to leave in vehicles with young adults not known to the parents or family. Parents must be informed immediately when runaway children are found and fall under the care of Youth Protection.
And lastly, visitation with the child or children must be maintained with the parent not being accused.
Le Président (M. Copeman): Thank you. Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation.
Mme Delisle: Thank you and welcome, Mr. and Mrs. Bockus. I'll make my mother proud and do this in English. Hopefully she's not watching, so she won't be able to correct me tonight, when she talks to me.
I don't know whether you're here because you've had to deal with the Youth Protection system. If so, I just wanted to alert you to the fact that we're on television, that this is televised, so I don't think you should go into personal...
M. Bockus (Terry): ...the details.
Mme Delisle: O.K. I'm presuming that if you chose to come here and made this list of suggestions, it's because at one point in your life you had to deal with someone. Is this a right assumption?
M. Bockus (Terry): We had an encounter with the big machine of Youth Protection, yes.
Mme Delisle: O.K. I really don't know where to start, to be perfectly honest with you, because there's... Some of these proposals obviously come from you witnessing this situation... or these situations. And I was wondering, other than what you've proposed here in your... what you've developed here, is there anything that you could tell us about how could we better ameliorate our families' situations or families having to deal with la DPJ? I know you've given us a list of... you know, children should not be placed in smoking foster homes. I understand that this is something personal for you. And I have a tendancy to think that nobody should some anymore, but anyway, this is a personal opinion. But people, you know... people still...
M. Bockus (Terry): Yes, it's just, in all fairness, that, I guess, the amount of money that is spent by all levels of Government that promote non-smoking within teenagers and young adults, that it seems a little ironic that children under the care of the Government don't seem to have a strong rule about that, and...
Mme Delisle: Your third recommendation, «interviews by social workers with parents must be audio-recorded for the protection of both parties»... Many people came before us, whether representing groups or individuals, saying that when, you know, the child is removed from the family, the social worker sits down with the family and sometimes the child is not there, would be old enough to understand but the child's not there, and many have suggested that we should have a different approach concerning... we call it «les approches consensuelles»«. You're suggesting that we go... first of all, that we audio-record. But, do you agree with the fact that we should change our ways of informing parents or even dealing with the situation and trying to find, within the scope of what parents are ready to do and what a child understands, what should be done in order to help alleviate and change the situation? Are there any suggestions that you could give us concerning this stage or this step of the... I was going to say «of the game»», but it's not a game, it's... of the situation?
M. Bockus (Terry): Yes. It's to have some confidence, I guess, within the initial involvement, if you will, of a social worker or Youth Protection. They should be more open and listen to parents as well. I understand that they represent children, and that's what they're supposed to do, so they need to take the children's side firstly, but they need to be very involved in the investigation to...
Mme Delisle: What do you mean by «involved»?
M. Bockus (Terry): ...well, the social workers and the service themselves, and not prejudge a situation. And it would make it easier as well, if there was any acting of bad faith, if you will, from a particular social worker or somebody involved, that, if you do have the opportunity to file any complaints against this, that you have some proof other than your word against a professional's word that happens to be employed by the Government. I think it would be a little more fair and more just.
n(16 h 50)nMme Delisle: You mentioned that, at point 8: «Parents forced to pay placement contributions for a child must not be pushed into financial jeopardy which will directly affect other children within the remaining family. All avenues should be given to parents to arrange methods of affordable payments, without legal threats by the financial department of Youth Protection.» Obviously, this is something that you had to deal with.
M. Bockus (Terry): Yes, we had to deal with this, and...
Mme Delisle: O.K. So, what would you propose?
M. Bockus (Terry): What exists now is you have the opportunity to speak with a clerk, whoever is the person responsible for your file, that sends invoices to a family, if you will. It clearly states that, if you have problems with this, that they give you every opportunity to meet with that individual and discuss the situation. It doesn't always happen.
Mme Delisle: Do you find that there's enough flexibility in the...
M. Bockus (Terry): In my own personal situation, no, there wasn't. It seemed to be ruled with an iron fist.
Mme Delisle: What would you change in the whole approach?
M. Bockus (Terry): In the whole approach, I think one change would be not to put additional stress on a family financially until maybe the situation has come to an end and the facts are actually there, rather than if they come involved and a child is placed, for example, that right away families are forced into payment, family contribution payments and things like that, prior to court or during court. That is just an additional burden and stressful situation on a family that has other issues with a child than getting caught in the big financial game of the legal system and Youth Protection.
Mme Delisle: You've mentioned... your first proposal concerns the complaints services, that should be independent. You named which centre jeunesse, but I imagine it could apply to all of the centres jeunesse?
M. Bockus (Terry): Well, yes, I guess. Maybe.
Mme Delisle: Would you be satisfied if I told you that, in December, last December, the National Assembly unanimously voted on a bill, which was Bill 83, which is la loi sur la santé et les services sociaux, which included a new article, a new... not article...
Une voix: Clause.
Mme Delisle: ...clause, a new clause concerning complaints: each establishment ? so it means each centre jeunesse, or hospital, or whatever ? will now have the obligation to have un commissaire aux plaintes which will... the responsibility will be... this person will be... I don't even know how to say this. He will... How should I say it?
Le Président (M. Copeman): Report to?
Mme Delisle:«Report to» is the right word. Well, he will have to report to the board of directors, and not the centre jeunesse. This is a new initiative that was included in Bill 83. Is this something that reassures you? This is a neutral person, by the way.
M. Bockus (Terry): O.K. Are they associated? They're not associated directly with...
Mme Delisle: Well, it could be someone...
M. Bockus (Terry): Are they in...
Mme Delisle: But they have to report to the board. Which means that, on that board, you'll have representatives from the Users Committee, you'll have people from outside the centre jeunesse, whoever sits on that board. So this is something... This is new. Is this something that you think would be independent enough?
M. Bockus (Terry): It sounds like it probably would help the situation. Any other people involved that have maybe a past history of working with the service... It's just they seem to have a very strong brotherhood amongst themselves. And the reason why I said that is not to name anybody, but I had many discussions with the commissioner of complaints, and at one time she had mentioned herself that she used to be a social worker herself from Youth Protection and showed and expressed sympathy towards the social worker that we had made complaints against, saying that we all make mistakes. And that's absolutely true. But, having said that, it definitely makes you feel a bias within that connexion. So it sort of makes you wonder. And we had many legitimate complaints that were always handled in damage control or in the... protected by the shield of Youth Protection Law, if you will.
Mme Delisle: I want to thank you. It takes a lot of courage to come here. It's not everyone that, you know, finds it's that easy to come in and to sit au salon rouge à l'Assemblée nationale.
M. Bockus (Terry): If I look nervous, it's because I am.
Mme Delisle: I'm nervous, and I've been doing this for 11 years, almost 12. So, thank you very much for coming. Have a safe return.
M. Bockus (Terry): Thank you very much.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Rimouski.
Mme Charest (Rimouski): Thank you, Mr. President. And welcome. My English isn't good, I'm sorry. But, I'm asking to you, please, explain me why you said, at your point 10: «Directors and managers should make themselves available if requested by parents, not remaining behind locked doors or refuse appointments and phone calls.» Why do you say these things?
M. Bockus (Terry): The reason I said this is because of the difficult situation that we had with the service. We thought we'd have a better opportunity, in some cases, at different levels of the service, to directly communicate with a manager or a director responsible for whatever service it was. And it's very difficult, frankly, concerning financial contributions from the financial department of Youth Protection, for example. We had prior arrangements with that service and they sort of fell apart, and we needed to discuss the situation with these individuals, and phone calls would never be returned and appointments would never be accepted.
It seems like they really want you to go away if you have some strong concerns. And this is why I included this, because I felt it's necessary. I think everybody in any occupation hopefully has an open door policy to... whether you work for a company and it's with the president, that if you need to see that person you can walk in and see that person if it's of some importance. And we never had the opportunity. That's why I say this.
Mme Charest (Rimouski): Thank you and thank you for your presentation.
Le Président (M. Copeman): Mr. Bockus, Mrs. Bockus, thank you for your contribution to this Parliamentary Committee. And it's good to see that individuals take the time to prepare briefs for us and come and see us, that it is not limited to just community organizations, and lobby groups, and government agencies. So, we really appreciate your presence here today.
M. Bockus (Terry): Thank you very much.
Le Président (M. Copeman): Thank you. J'invite maintenant M. George Stamatis et Mme Pamela Berardi à prendre place à la table. Je suspends les travaux de la commission quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 59)
(Reprise à 17 heures)
Le Président (M. Copeman): Alors, la commission reprend ses travaux, et nous souhaitons la bienvenue à M. George Stamatis et à Mme Pamela Berardi. Bienvenue à cette commission parlementaire. Comme je l'indique à tous les groupes, vous avez 10 minutes pour votre présentation, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 10 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. La parole est à vous.
M. George Stamatis et
Mme Pamela Berardi
M. Stamatis (George): M. le Président de la commission, Mme la ministre et Mmes et MM. les députés et chers membres du public. Je me nomme George Stamatis, étudiant en sciences politiques, et je suis accompagné aussi de Pamela Berardi, bachelière en droit et étudiante à l'École du Barreau du Québec, au centre de Montréal.
Nous sommes devant vous aujourd'hui en tant que citoyens et personnes qui s'inquiètent beaucoup sur le sort des centres jeunesse et aussi le projet de loi n° 125. Durant les dernières années, j'ai personnellement exercé différentes fonctions comme jeune ambassadeur canadien pour le comité jeunesse des Nations unies, depuis 2002, et aussi ancien vice-président d'un comité jeunesse de centre jeunesse.
Je commencerai donc cette présentation en vous exposant notre mémoire, qui porte sur plusieurs aspects dont l'utilisation d'unités sécuritaires pour les jeunes faisant l'objet d'une ordonnance en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse. Depuis 1975, l'utilisation des unités sécuritaires est devenue pratique courante et abusive au sein des centres jeunesse. Cette dernière a fait l'objet de plusieurs discussions et controverses, et ce, à deux niveaux législatifs: premièrement, au niveau des amendements apportés en 1984 à la LPJ et, deuxièmement, aux niveaux constitutionnel et quasi constitutionnel, par rapport à la charte des droits et la charte canadienne.
Comme vous le savez peut-être, ces unités sécuritaires et salles d'isolement existent dans chaque centre jeunesse du Québec. Notre opinion est très claire là-dessus. À ce sujet, il est complètement illégal, immoral et anormal de placer un jeune dans une telle situation lorsque celui-ci n'a commis aucune infraction criminelle. On le restreint sans voir du personnel qualifié et formé pour intervenir convenablement, par exemple psychologues et psychiatres. Les centres jeunesse prétendent également que ces jeunes sont placés dans ces unités pour leur garantir un minimum de sécurité envers eux-mêmes et envers les autres, pour des raisons cliniques. Logiquement, s'il n'y a pas de personnel formé en psychologie ou en psychiatrie, qu'il n'y a pas non plus de personnel, de professionnels de santé, cette mesure qui nous semble abusive ne peut avoir lieu sous prétexte qu'elle est utilisée à des fins cliniques.
Au cours des années, différents rapports ont été faits à cet égard. Ils critiquent tous la mauvaise utilisation de cette pratique. En 1975, le rapport Batshaw du Comité d'étude sur la réadaptation des enfants et adolescents placés en centre d'accueil, présidé par Manny Batshaw, Manuel Batshaw, ancien travailleur social notoire, recommandait qu'aucun enfant faisant l'objet d'une mesure de protection en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse ne puisse être admis dans un centre ou unité sécuritaire.
En 1982, le rapport de la Commission parlementaire spéciale sur la protection de la jeunesse, dont la présidence était assurée par Jean-Pierre Charbonneau, actuel député, et la vice-présidence, par Christos Sirros, ancien député à l'Assemblée nationale, du comté de Laurier-Dorion, invoque: «Il nous apparaît [...] d'affirmer très clairement dans notre législation que ces "unités sécuritaires" ne doivent jamais devenir des "prisons pour adolescents".» Aussi, différentes instances judiciaires ont aussi eu diverses opinions par rapport à l'utilisation de ces unités sécuritaires. En fait, il faut se rapporter à une importante décision rendue par le juge Jacques Dugas, de la Cour supérieure du Québec de Montréal, en 1986. Le juge Dugas confirmait que de mettre un jeune dans une unité sécuritaire était contraire et violait les garanties juridiques qu'accorde l'article 24 de la charte québécoise.
De plus, une opinion juridique, faite en 1998, de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec concluait que, «compte tenu de la rédaction actuelle de la Loi sur la protection de la jeunesse, des modifications législatives apportées à cette loi en 1984, qui ont supprimé toute référence aux unités sécuritaires et aux sauvegardes procédurales qui encadraient le recours à ce type d'hébergement, l'encadrement intensif dit statique, qui se caractérise de mesures restrictives de liberté de telle sorte que l'enfant, dont la liberté est déjà restreinte pour des motifs prévus par la loi et selon la procédure prescrite à la suite d'une ordonnance [dite] d'hébergement obligatoire, se retrouve privé de sa liberté résiduelle, ne respecte pas les droits garantis à l'enfant par l'article 24 de la Charte[...], et, en conséquence, ne respecte pas les droits qui lui sont reconnus par les articles 3 et 8 de la LPJ.» Finalement, nous sommes d'avis que le libellé de l'article 11.1.1 ne devrait pas comporter des mesures d'encadrement intensif ou d'unité sécuritaire. Nous croyons que, si le Québec ne retire pas les mesures proposées à l'article 11.1.1 et approuve toujours l'utilisation des unités sécuritaires... ? comment je pourrais dire, là? ? que le Québec ne pourra plus se conformer et respecter la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations unies, comme il s'y est engagé en ratifiant, le 9 décembre 1991. Par conséquent, le Québec démontrera à la société le statut peu important qu'il accorde à la Charte des droits de la personne du Québec, document dit quasi constitutionnel.
Selon nous, aucune mesure disciplinaire ou de contrôle en situation de danger ne peut être mise en place dans l'intérêt d'un jeune si elle va à l'encontre d'un droit reconnu par la charte ou la charte canadienne. Cependant, si le gouvernement du Québec, par le biais de sa ministre, prétend que quelques jeunes en difficulté puissent, comme dernier recours et pour la période minimum requise, être placés dans des unités sécuritaires, des dispositions doivent être établies afin de régir et encadrer cette mesure de dernier recours. Une liste de critères d'évaluation clairs doit aussi être annexée à la LPJ. Nous estimons que:
1° ces dispositions doivent être fondées sur le droit actuel, être assorties de critères stricts et ne constituer qu'un dernier recours, et ce, pour une période minimale requise;
2° un recours devrait être prévu pour permettre aux parents et à l'enfant de faire réviser la décision discrétionnaire du directeur en matière de mesures d'isolement et d'utilisation d'unités sécuritaires...
Le Président (M. Copeman): Je veux juste vous aviser, M. Stamatis, il reste deux minutes.
M. Stamatis (George): Oui.
3° la durée d'une telle mesure ne devrait pas être laissée à l'appréciation ainsi qu'à la discrétion du directeur sans qu'il y ait de mesures de contrôle strictes. Si c'était le cas, il devrait y avoir un droit de révision prévu par la cour dans les 48 heures qui suivent l'intervention;
4° le directeur de la protection de la jeunesse ou son représentant prenant la décision d'envoyer un jeune en unité sécuritaire ou appliquant ces mesures d'isolement devrait immédiatement aviser l'enfant de son droit à un avocat, informer son avocat, aviser ses parents, la commission ainsi que le tribunal si la durée de l'isolement est supérieure à 48 heures et prévoir dans la LPJ une révision fréquente du dossier du jeune;
5° les locaux doivent être adéquats, et les jeunes dans cette situation doivent être entièrement tenus à l'écart des jeunes contrevenants, jeunes criminels contre lesquels des accusations ont été portées ou qui ont été reconnus coupables d'une infraction prévue au Code criminel ou à une loi pénale statutaire;
6° de fréquentes inspections indépendantes de même qu'un contrôle impartial devraient être exercés;
n(17 h 10)n 7° de plus, tout jeune devrait avoir accès en tout temps à un téléphone pour communiquer avec ses parents, travailleur social, avocat, psychologue, psychiatre ou médecin, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et tout autre organisme qui promouvoit les droits des jeunes. On doit leur donner accès à leurs effets personnels aussi, comme par exemple musique, livres, et il ne devrait pas y avoir de règlement de prohibition, comme une interdiction d'écouter de la musique, de lire, de parler avec ses pairs, même lorsqu'il participe à des activités de groupe. Et aussi, le législateur devrait abolir tout type de punition du genre de prendre son repas à l'écart du groupe;
8° de plus, fournir aux jeunes le soutien et les outils nécessaires afin de s'assurer que les droits des jeunes sont revendiqués ou maintenus, selon le cas.
Toutes ces mesures sont essentielles, car, après tout, nous ne ferions qu'emprisonner un jeune qui n'a pas été reconnu coupable d'un crime.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. Stamatis. Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation.
Mme Delisle: Alors, je vous remercie tous les deux d'avoir pris le temps de nous préparer ce mémoire étoffé. J'ai pris bonne note de vos commentaires concernant toute la question de l'hébergement. Je n'ai pas l'intention d'entrer dans un débat là-dessus, parce qu'il y a beaucoup de choses qui ont été dites, et je partage en grande partie l'opinion de ceux qui croient qu'on doit trouver des façons alternatives à aider un jeune qui est en situation de crise aiguë. Parce que c'est bien beau, écrire tout ça, mais il faut avoir entendu le cri primal d'un jeune qui ne sait pas qu'est-ce qui lui arrive pour essayer de tenter de comprendre comment on peut lui venir en aide.
Je suis parfaitement d'accord avec vous aussi que ça ne peut pas être pour des mesures disciplinaires. On pourrait faire un long débat sur pourquoi les cliniciens pensent que c'est une bonne idée, pourquoi d'autres pensent que ça n'en est pas une. Chose certaine, c'est qu'il y a des balises actuellement, il y a des contrôles qui sont faits, mais ça n'exclut pas qu'on doive, à la fois comme gouvernement mais aussi comme praticien sur le terrain, dans un centre jeunesse, dans une région, faire tous les efforts nécessaires pour éviter, c'est certain, une utilisation... Vous, vous dites: Pas d'utilisation de cet ordre-là. Certains disent: Bien, il faudrait... il faut le baliser. D'autres disent: Trouvons donc d'autres façons finalement de... Il y en a qui le font. On a vu des reportages récemment où on avait trouvé par le ludique une façon finalement de canaliser cette crise. Parce qu'il y en a qui en font. Il ne faut pas s'imaginer, là, que... Moi, j'ai eu connaissance, dans un centre jeunesse, j'étais là en visite, puis j'ai entendu un terrible cri, je me suis demandé ce que c'était. Ce n'était pas quelqu'un qui se faisait battre, c'était un jeune à qui on venait de parler quelques minutes auparavant et qui, pour une raison inconnue, a fait une crise incroyable et était incontrôlable. Est-ce que c'est la bonne formule? Je pense qu'on va laisser aux experts la responsabilité de trouver des mesures alternatives. Mais j'ai très bien compris votre point de vue.
Si vous permettez, parce que le temps file, j'aimerais peut-être vous... J'aurais une question en fait sur les jeunes qui fuguent, les jeunes qui vivent des situations préoccupantes, mais qui fuguent à répétition les centres de réadaptation, ou qui commettent des délits, ou font de la prostitution pour subvenir à leurs besoins. Souvent, ce sont ces jeunes-là qu'on retrouve en centre de réadaptation. Et j'aimerais savoir de votre part comment vous voyez leur séjour en centre de réadaptation, par rapport à ceux qui sont là pour autre chose. Est-ce que vous avez réfléchi sur... Plusieurs nous ont parlé qu'il ne fallait pas qu'il y ait de cohabitation. Il y en a qui ont dit qu'il ne fallait pas... qui en avaient contre la mixité. Il y en a qui ont dit: Bien, écoute, on ne peut pas mettre des... écoutez, madame, on ne peut pas mettre des jeunes qui font de la prostitution avec des jeunes qui sont là parce qu'ils ont eu des problèmes d'attachement. Avez-vous réfléchi à cette...
M. Stamatis (George): Effectivement, j'ai réfléchi à ça, puis je me suis dit aussi qu'effectivement il y a des exceptions. L'affaire là-dedans, dans tout ce dossier-là, dans tout cet aspect d'unités sécuritaires, c'est qu'à la fin de la journée ces jeunes-là n'ont pas commis de crime, premièrement. Deuxièmement, il va y avoir des exceptions, si un jeune est vraiment en danger. Effectivement, je sais qu'il y a des jeunes qui sont en danger vers eux-mêmes, suicide, etc., qu'il y a des tentatives, et ces jeunes-là effectivement doivent être encadrés. Mais, dans cette situation-là, il n'y a pas de psychologue, il n'y a pas de psychiatre, il n'y a pas de personnel formé pour faire face à cette situation-là. C'est ça, la grande question là-dedans. Et, si on veut faire une exception à ça...
Mme Delisle: Mais vous feriez quoi? Nous, là, on est... Vous êtes notre avant-dernier intervenant. On a entendu des gens qui nous ont fait des propositions, d'autres qui ont soulevé des interrogations, puis c'était le but de l'exercice aussi. Mais, dans vos contacts professionnels, vous nous avez fait état de vos états de service à divers degrés, est-ce que vous avez pu comparer les méthodes? Est-ce que vous... Qu'est-ce que vous feriez? Que nous suggérez-vous pour essayer de composer avec ces situations-là?
Mme Berardi (Pamela): D'après moi, ce qu'on voit aussi surtout au niveau judiciaire, c'est que chacun est un cas d'espèce. Donc, à ce niveau-là encore, je pense que chaque jeune est un cas d'espèce, il faut étudier son dossier, il faut voir qu'est-ce qui l'a poussé à fuguer, qu'est-ce qui a généré toute cette révolte-là contre l'autorité. Si vous avez lu le mémoire, vous avez vu aussi qu'on a parlé de d'autres aspects, au niveau des délais, qui peuvent aussi générer des problèmes d'application. Donc ça, je pense que manifestement ça se trouve à être un problème d'application, au point de vue pratique. Donc, je pense que ce qui est dans l'intérêt des enfants et des jeunes, c'est que tous leurs dossiers soient évalués, que le législateur établisse des balises, soit, encore une fois, au niveau d'un libellé indépendant, ou avec des annexes, ou par dispositions réglementaires, et à ce moment-là on va établir quelles sont les balises, on va pouvoir évaluer le dossier et on va pouvoir déterminer si le jeune peut, oui ou non, cohabiter avec le reste des pairs dans un centre jeunesse ou dans une famille d'accueil.
M. Stamatis (George): Revenons à la question plus directe, si vous me demandez aujourd'hui: Si vous étiez là, qu'est-ce que vous allez faire avec ces jeunes-là qui reviennent de fuguer, qui se... qui essaient de tenter de se suicider? Moi, je n'ai pas de problème. Ce que je dis, c'est que, s'il y a des cas d'exception, puis si ces jeunes ont besoin d'encadrement direct, puis s'il faut les enfermer pour qu'ils évitent qu'ils se suicident, il n'y a pas de problème, mais on doit me donner les ressources, là-dedans, puis les ressources, c'est la psychologue, c'est le psychiatre, c'est ça qui manque là-dedans.
Mme Delisle: Merci.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Rimouski et porte-parole de l'opposition officielle en matière des services sociaux.
Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Madame, monsieur, bienvenue. À la page 18 de votre mémoire, vous parlez, dans la section de la juridiction, de la modification qui est apportée à l'article 74 de la Loi de la protection de la jeunesse: on remplace le terme «mesure d'urgence» par «protection immédiate», et vous dites qu'en modifiant cette expression on minimise la portée de cet article. J'aimerais vous entendre: en quoi nous minimisons la portée de l'article comme tel.
Mme Berardi (Pamela): C'est que l'interprétation qu'on doit accorder à l'expression «mesure d'urgence» est beaucoup plus... est beaucoup plus grave, si on veut. Donc, la gravité de l'expression, le sens qu'on donne à cette expression-là est beaucoup plus grand que peut l'être... à celle de l'expression de «protection immédiate». «Protection immédiate», ça veut dire qu'on va intervenir immédiatement, tandis que «mesure d'urgence», il y a tout l'aspect rapidité de l'intervention, puis aussi tout l'effet de logistique qui va se retrouver en arrière de tout ça. Donc, ce qu'on veut, c'est d'agir rapidement avec une grande efficacité, et puis ça peut avoir un impact au niveau de l'interprétation éventuellement de la loi, si l'article est maintenu tel quel.
n(17 h 20)nMme Charest (Rimouski): Dites-moi, vous nous parlez, à la page 12, des mesures qui devraient accompagner le fait qu'on puisse isoler un jeune comme mesure de dernier recours. Vous nous dites qu'on doit «se fonder sur le droit actuel [...] assorties de critères stricts et ne constituer qu'un dernier recours [...] pour une période minimum requise». Bon. Et je ne veux pas revenir sur les points, les six points que vous avez énumérés, mais est-ce qu'à votre connaissance, dans le cadre de l'application de la Loi de la protection de la jeunesse, est-ce que les jeunes ont tous les... on a tous les outils pour s'assurer que l'application de la loi respecte les droits des jeunes, ou si vous avez pu identifier d'autres endroits dans l'application de la loi, pas seulement sur les mesures d'isolement, mais dans d'autres pratiques, des possibilités de brimer les droits des jeunes?
M. Stamatis (George): Vous savez, je suis allé faire des visites dans différents centres jeunesse: Montréal, Batshaw, Montérégie, Laval, Lanaudière. Il y a des centres jeunesse qui effectivement ont des outils, il y en a d'autres qui n'en ont pas. Il y a des unités qui... Ça prend toute une étape avant d'appeler la Commission des droits de la personne, ça prend un travailleur social pour accepter qu'un jeune puisse téléphoner à la Commission des droits de la personne, et des fois le travailleur social n'est pas disponible à prendre ce téléphone-là pendant au moins trois, quatre jours avant. D'autres outils... Si un jeune veut faire une plainte concernant les derniers recours, les unités sécuritaires... sa seule option, c'est de faire une plainte, et la plainte, c'est la commission qui est responsable ou, en vertu du nouvel article, le comité de plaintes, là, au ministère. Mais, à part de ça, il peut se retourner au conseil d'administration du centre jeunesse. «Good luck» pour qu'il se rende là! Puis, ces jeunes-là ne sont pas informés dans un papier disant: Regardez, ça, c'est vos recours. Ça n'existe pas, ça. Ça n'existe pas au centre jeunesse, ça. Je n'ai jamais vu ça. J'ai parlé, j'ai demandé à différentes personnes, des intervenants, des travailleurs sociaux, ils me disent: Non, monsieur, ça n'existe pas, ça; ça n'existe pas, puis on espère; mais, quand ça va venir le temps, ça va venir le temps.
Mme Charest (Rimouski): Est-ce que vous avez parlé à des jeunes?
M. Stamatis (George): Oui, effectivement.
Mme Charest (Rimouski): Et qu'est-ce qu'eux vous disent par rapport à cela?
M. Stamatis (George): C'est la même réponse que je vous ai donnée, ils disent qu'il n'y a rien, il n'y a aucun papier qui existe, il n'y a rien; on ne peut pas rien faire. La seule affaire, c'est: il faut appeler le travailleur social pour que le travailleur social communique avec la commission, pour que la commission, après, parle avec le jeune.
Mme Charest (Rimouski): Et, si le travailleur social refuse, il n'y a plus de possibilité?
M. Stamatis (George): Il n'y a plus de possibilité: Arrange-toi avec les problèmes! Et, spécialement quand vous êtes en unité sécuritaire, les téléphones, dans les centres, à unité sécuritaire sont contrôlés. Ça veut dire que vous ne pouvez pas appeler le chum de la blonde puis la grand-mère de l'autre. Ils sont contrôlés, ça, il n'y a pas de problème, mais au moins il devrait y avoir dans les unités des téléphones, comme la commission, comme le bureau du directeur général du centre jeunesse, le bureau du président, au moins quelqu'un, qu'il y ait une liaison entre le conseil d'administration et les jeunes ou...
Mme Charest (Rimouski): J'attrape au vol votre suggestion qui serait à l'effet d'avoir des lignes directes pour ces ressources-là, accessibles aux jeunes en tout temps.
M. Stamatis (George): Ça veut dire, les lignes directes... on ne dit pas avoir un téléphone, puis, ce téléphone-là... vous prenez le téléphone et ça communique direct, mais au moins des numéros de téléphone qui existent dans un papier, où un éducateur n'a pas besoin de communiquer avec un travailleur social ou un chef d'équipe pour avoir le droit de communiquer avec la commission. Il doit y avoir une liste dans chaque centre sécuritaire ou isolement pour que ces jeunes-là, au moins... puis, les éducateurs ont les numéros de téléphone pour qu'ils disent au jeune: Je te compose ton numéro de téléphone, tu peux parler avec quelqu'un.
Mme Charest (Rimouski): Est-ce qu'il n'y aurait pas là un risque de, comment je dirais, un jeune qui appelle, puis en réalité ce n'est pas approprié, il n'y a pas de quoi faire une plainte? Est-ce qu'il n'y a pas un risque?
M. Stamatis (George): Il y a des situations effectivement, il y a des situations où il y a des jeunes qui vont abuser. J'ai entendu, à un moment donné, un enquêteur à la commission qui disait qu'un jeune l'appelait au moins six fois par jour, et l'enquêteur a dit à un moment donné: Bien, on a d'autres choses à faire. C'est vrai, il y a des jeunes qui vont en abuser. Mais est-ce que ça veut dire que 99 % des jeunes vont en abuser parce que... Je ne pense pas.
Mme Berardi (Pamela): Le risque est trop grand à ce niveau-là, on ne peut pas se permettre de prendre le risque de ne pas répondre à un appel, au détriment de l'appel qui pourrait générer une plainte, qui pourrait générer...
Mme Charest (Rimouski): Qui pourrait être un abus.
Mme Berardi (Pamela): Pardon?
Mme Charest (Rimouski): O.K., je veux dire, on ne peut pas prendre le risque de ne pas donner accès à ces numéros pour que les jeunes appellent, sous prétexte que quelques jeunes pourraient abuser de ces numéros de téléphone. C'est dans ce sens-là?
Mme Berardi (Pamela): Exactement, puis le... d'où vient la possibilité d'avoir quelqu'un qui filtre les appels aussi dans ces organismes-là, ou chez le directeur, ou la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, il pourrait y avoir quelqu'un qui pourrait faire ça, filtrer les appels, puis avoir, encore là, une liste de critères d'évaluation, évaluer quels sont les enjeux, puis voir si ça pourrait éventuellement générer une plainte auprès de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse ou... bien, peu importe l'organisme ou le...
M. Stamatis (George): Receveur de la plainte.
Mme Berardi (Pamela): ...le directeur, oui.
Mme Charest (Rimouski): Bien, moi, je vois tout de suite... Écoutez, si je fais une plainte, là, et on filtre ma plainte en partant, je ne suis pas sûre qu'elle va se rendre, là.
Mme Berardi (Pamela): Bien, pas nécessairement de filtrer la plainte, mais vous savez pareil comme moi qu'il peut y avoir des jeunes qui pensent avoir quelque chose tandis qu'ils n'en ont pas, ou qui veulent juste faire perdre le temps. Ça se peut, aussi.
Mme Charest (Rimouski): Oui.
Mme Berardi (Pamela): Quand je vous dis: On ne peut pas prendre le risque de ne pas répondre à l'appel, même s'il peut y avoir des jeunes qui ont plus un caractère quérulent, à ce moment-là on ne peut pas prendre ce risque-là.
Mme Charest (Rimouski): Merci.
Mme Berardi (Pamela): Bienvenue.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Terrebonne, il reste deux minutes.
Mme Caron: Oui, merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup. Je trouve intéressante votre proposition concernant l'hébergement obligatoire, de s'assurer que, si la famille d'accueil... si c'est le temps de retirer l'enfant mais que l'année scolaire n'est pas terminée, de vraiment la terminer.
Puis ma question est sur la tutelle. Vous nous posez une question à l'effet... si on doit modifier les règles de droit de... en droit des personnes et de la famille du Code civil du Québec. Autrement dit, est-ce qu'il faut nommer un conseil de tutelle, si on décide d'aller du côté de la tutelle? Pouvez-vous m'expliquer?
Mme Berardi (Pamela): Bien, en fait, le mécanisme serait exactement le même comme on le connaît en vertu du Code civil du Québec, lorsqu'il y a un conseil de famille ou un conseil de tutelle. On pourrait nommer trois personnes, ce serait ratifié par un tribunal, et, à ce moment-là, quoiqu'il arrive avec le jeune, le conseil de tutelle aurait un mot à dire, pour justement pas qu'il y ait des abus au point de vue de... ou de son éducation, ou de peu importe... à quel endroit, par exemple, on voudrait placer le jeune pour aller à l'école. C'est sûr que le conseil de famille ou le conseil de tutelle aurait des comptes à rendre plus haut. C'est clair. On fonctionne avec les mêmes règles du Code civil, donc qui pourraient s'appliquer, avec les changements nécessaires à faire en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse. Et puis, à ce moment-là, bien on prendrait des décisions dans l'intérêt du jeune, sans penser à nos propres intérêts avant ceux de la personne qui en a vraiment besoin.
Mme Caron: Je vous remercie.
Le Président (M. Copeman): Allez-y, Mme la ministre, brièvement.
Mme Delisle: Combien il me reste de temps?
Le Président (M. Copeman): Une minute à peu près.
Mme Delisle: Justement sur la question de la tutelle, je trouve ça intéressant, ce que vous proposez. Il me restait un petit peu de temps. Moi, je croyais que, quand on a... Nous, on a introduit la notion de tutelle justement pour permettre au jeune d'atteindre une stabilité dans sa vie. Le tuteur aurait les mêmes droits parentaux que le parent, mais on ne brise pas le lien filial. Et, si, pour toutes sortes de raisons... bon, les parents se reprennent en charge, et tout ça, et que l'enfant veut retourner chez ses parents, dans les circonstances qui le permettent, le tribunal peut révoquer la décision, là, que M. Untel, ou madame, ou la tante soit le tuteur ou la tutrice.
Vous, ce que vous nous dites, c'est que, pour s'assurer que le tuteur n'ait pas son intérêt à lui d'abord puis pas l'intérêt de l'enfant comme priorité, vous suggérez qu'il y ait trois personnes qui... un conseil de famille à trois. Vous ne trouvez pas qu'il faut faire une distinction entre un conseil de famille ou... les dispositions qu'on retrouve dans le Code civil? Parce que, là, on parle d'administrer des biens, dans le cas du Code civil, alors que, dans le cas du tuteur, c'est pour assurer une stabilité à l'enfant. L'enfant qui va arriver là, il n'y aura pas nécessairement des biens à gérer. La faites-vous, cette distinction-là?
Mme Berardi (Pamela): Absolument. Absolument. Le but principal de cette proposition-là, de cette recommandation-là, c'est pour justement veiller à ce que la personne du jeune soit... que ses intérêts soient... que toute décision, pardon, du tuteur soit faite dans son intérêt. C'est sûr que ça se peut qu'il y ait des jeunes qui aient des biens. À ce moment-là, on met un bémol à la disposition, dans ces cas-là, mais le but principal de cette recommandation-là, ce n'est pas de gérer les biens de l'enfant, c'est vraiment de gérer sa personne physique.
n(17 h 30)nMme Delisle: C'est pour ça que je vous dis ça, c'est que le Code civil, lui, c'est surtout en fonction de gérer les biens, à moins que j'interprète mal la disposition du Code civil, alors que, nous, on l'introduit comme un outil pour permettre à un enfant d'avoir une plus grande stabilité dans sa vie. Mais, en tout cas, on pourrait faire un long débat là-dessus, mais je trouve ça intéressant que vous y ayez pensé.
Mme Berardi (Pamela): Par contre, c'est sûr que la personne qui va être nommée in loco parentis après la déchéance parentale, c'est sûr que cette personne-là va essayer de maintenir le jeune puis de lui fournir une maison, de la nourriture, puis une stabilité. C'est clair, ça. C'est sûr que, si le parent... un coup qu'il est déchu, c'est sûr que les possibilités sont moins là pour pouvoir éventuellement effacer, si vous voulez, le conseil de tutelle, sauf que, selon moi, selon notre opinion, la personne qui est nommée in loco parentis va justement s'assurer du bien de l'enfant au point de vue physique, ses besoins fondamentaux par exemple, puis, le conseil de tutelle, c'est sûr qu'il va y avoir une espèce de supervision qui va se faire, puis, le cas échéant, s'il y a des biens, bien, là, à ce moment-là, le conseil de tutelle aura son mot à dire.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. Stamatis, Mme Berardi, pour votre participation à cette commission parlementaire. Et j'invite immédiatement M. Pierre Foucault à prendre place à la table. Je suspends les travaux de la commission quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 31)
(Reprise à 17 h 32)
Le Président (M. Copeman): Je souhaite la bienvenue à M. Pierre Foucault, psychologue. Bonjour, M. Foucault. Il y a l'expression, en anglais, qui s'apparente en français également: «You're the last but not the least», le dernier mais pas le moindre. Vous êtes dans la situation... parfois, les gens, ils disent «quelque peu enviable» d'être le dernier, mais, quand même, vous avez l'attention complète des membres de la commission. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, je vais vous aviser quand il en restera deux, et il y aura par la suite un échange d'une durée maximale de 10 minutes avec les membres de chaque côté de la table. La parole est à vous.
M. Pierre Foucault
M. Foucault (Pierre): Mme la ministre, MM. et Mmes les députés, je vous remercie de me recevoir. La dernière fois que j'ai paru devant une commission parlementaire, c'était en 1977, pour la loi 24, qui est devenue la Loi sur la protection de la jeunesse, et mon expérience est donc un peu limitée à cet égard. Ce qui m'amène devant vous, ce sont les quelque... 1 000 et quelques enfants avec lesquels j'ai eu le privilège de travailler depuis maintenant plus de 35 ans, leur souffrance, leur désarroi, leurs espoirs trop souvent déçus, dans certains cas leur angoisse et leur dépression face à un abandon des leurs qu'ils sentent, mais qui n'est vraiment jamais dit et qui empêche tout deuil véritable, tout réinvestissement dans leur vie. C'est au nom de ces enfants que je tiens à vous dire qu'à mon avis le projet de loi est bon, il pourrait être excellent.
Je pense que c'est une excellente, bonne mise à niveau, qui rend légal ce qu'on fait ou ce qu'on tente de faire aujourd'hui, et ce n'est pas rien. À mon avis, le réseau de services ? et, quand je parle du réseau de services, je parle des gens qui sont en contact direct avec les enfants, avec les parents ? à mon avis, le réseau de services a besoin aujourd'hui d'une orientation qui provoque un changement, qui provoque un guide pour les 25 prochaines années, comme la loi 24 l'a guidé dans les 25 dernières. La loi n'est pas souvent ouverte, vous avez cette opportunité, je pense que vous ne devriez pas la manquer.
Je me permets de vous le dire de trois façons, la première étant de toute évidence la plus importante, à mon avis: tout devrait tourner autour de la notion de l'intérêt de l'enfant. Si, dans 25 ans, on pouvait dire: On a autant parlé d'intérêt de l'enfant depuis 25 ans qu'on avait parlé de droits de l'enfant dans les 25 premières années, je pense que vous auriez fait une oeuvre remarquable, mémorable. Je n'invente rien, je cite simplement un arrêt de la Cour suprême du Canada qui disait que l'intérêt de l'enfant est devenu, en droit québécois, la pierre angulaire des décisions prises à son endroit. Ça ne veut pas dire ignorer ses droits, au contraire, pas du tout, mais c'est prioriser différemment.
Je suis conscient que c'est une modification qui imposerait des changements de mentalité majeurs aussi bien chez les intervenants sociaux que judiciaires. Les résistances ne manqueraient pas, c'est assuré. Le rôle de l'aide juridique, les règles de fonctionnement des tribunaux en seraient affectés, mais aussi la façon d'intervenir du DPJ et des personnes qui donnent suite aux décisions qui sont prises. Je reprends en particulier, à ce titre, la formulation de l'article 3 de la loi actuelle, faire de l'intérêt de l'enfant le motif déterminant, ultime de toute décision prise à son sujet, ce qui n'exclurait pas, pour moi, qu'on puisse garder l'article 3 actuel sous un autre alinéa.
À cet égard-là, je me permets un exercice un petit peu plus élaboré sur le temps qui est accordé au DPJ et au tribunal pour penser à un projet de vie permanent pour l'enfant, qui me semble avoir été très mal compris par la presse et par plusieurs intervenants qui semblent être passés ici, dans la mesure où leurs propos ont été bien rapportés. Je n'ai jamais compris qu'il était question de regénéraliser l'adoption. On n'est pas en train de retourner dans la grande noirceur, là, sous aucun prétexte, mais de donner aux décideurs le moyen de poser, dans l'intérêt de l'enfant, les gestes nécessaires, dans 3 % ou 4 % des cas, de manière à ce que le parent qui n'a pas, et ici j'insiste, le parent qui n'a pas la capacité d'exercer ses responsabilités et ses devoirs envers l'enfant ? je ne parle pas de compétence parentale mais bien de capacité ? se voie retirer ces responsabilités-là pour qu'elles soient confiées à d'autres qui les assumeront pour l'enfant. Si le parent dispose de la capacité d'apprendre, mettons les moyens nécessaires à sa disposition pour lui permettre d'apprendre à s'occuper adéquatement de son enfant. J'en suis sans la moindre réserve. Mais, s'il n'a pas la capacité d'apprendre, et on peut le mesurer aujourd'hui, on dispose des instruments qui nous permettraient de faire ces mesures-là et relativement rapidement, si le parent n'a pas la capacité d'apprendre, il est inutile de passer des années à tenter de faire comme si on voulait le sauver, alors qu'on est en train de brûler des enfants, d'où le sens de ma proposition.
Vous proposez, par exemple, un an si l'enfant a moins de 24 mois. Je me réfère à mon expérience personnelle, je me réfère à ce que j'ai lu et entendu du Dr Paul Steinhauer, maintenant décédé malheureusement, à ce que le Dr Gauthier, pédiatre de Sainte-Justine qui, compte tenu de son âge, aurait droit à une retraite méritée mais qui continue toujours d'aider les enfants, disait encore, il y a quelques jours: les 18 premiers mois de la vie d'un enfant sont absolument déterminants pour tout le reste de son existence. Je suis moins nuancé qu'eux; à mon avis, les 30 premiers mois de la vie d'un enfant sont tout à fait déterminants, les deux premières années et demie sont cruciales, et, si on ne prend pas à ce moment-là le moyen de lui assurer la stabilité et la continuité des soins dont il a besoin pour créer les liens qui vont lui permettre d'entrer en relation avec autrui, avec l'autorité, avec ses pairs, avec... de se sentir bien dans sa peau, on handicape tout son avenir. En ce sens, à mon avis, en tout respect, la règle d'un an n'a pas de sens.
n(17 h 40)n Prenons un enfant de 15 mois qui serait placé depuis qu'il a l'âge de trois mois, probablement déplacé à une ou deux reprises, et, quand on arrive à 15 mois, le DPJ constate qu'il a 12 mois de placement, et là il a le droit d'intervenir. L'enfant a passé les trois quarts de sa vie en placement. Je suis probablement un des plus vieux dans la salle. Si on me disait que vous avez passé 45 ans de votre vie en prison, savez-vous que ce serait très long? Mais, les trois quarts de la vie d'un enfant d'un an ou d'un an et demi, c'est aussi important pour lui que les trois quarts de ma vie. Ce n'est pas parce que mon temps adulte à moi, je le compte en années et que les années, j'en ai plusieurs... puis que ça n'a pas le même sens que pour un enfant... que pour l'enfant, la proportion de temps qu'il a vécue n'est pas aussi importante. La moitié de la vie d'un enfant, c'est aussi important pour lui que la moitié de ma vie. Et, si je vous disais, à 50 ans: Dans 25 ans, on prendra une décision pour vous permettre de... vous allez dire: Aïe! je vais avoir 75 ans, c'est quoi, ça? Mais, quand on dit à un enfant de trois ans: Dans un an et demi, on prendra une décision pour savoir si tu vas avoir des parents ou si tu n'en auras pas, on lui dit à peu près la même chose, toutes proportions gardées.
Et le nombre de développements que l'enfant fait pendant cette période-là, le nombre de situations dans lesquelles il est placé, le nombre de stimulations qui le confrontent font en sorte qu'il est dans la position d'avoir besoin de stabilité et de continuité. Ça aurait un impact immédiat sur le DPJ et le tribunal, je le sais. Cela aurait des impacts majeurs sur leur façon de travailler. Mais ce que le juge Jasmin écrivait déjà dans son rapport serait à mon avis un grand bond en avant.
Le Président (M. Copeman): M. Foucault, il vous reste deux minutes.
M. Foucault (Pierre): Merci. Je prends un exemple. Le juge Gobeil nous disait, à un moment donné, dans une conférence: 95 % de vos recommandations sont retenues par les tribunaux. Il dit: 950 de moyenne au bâton, c'est quand même respectable. Mme Ruffo, je pense, disait 98 %, dernièrement, à la télévision. Pour moi, je trouve ça extrêmement ambigu comme clinicien. Parce que, si c'est 98 % de mes recommandations qui sont retenues, est-ce que c'est parce qu'elles sont toutes très bonnes et elles sont toutes dans l'intérêt de l'enfant ou si je présente au tribunal uniquement ce que je sais qu'il va retenir? Et, pour avoir été témoin expert au tribunal pendant plusieurs années, pas loin de 10 ans, je peux vous dire qu'il y a un certain nombre de recommandations qui sont présentées parce qu'on sait que le juge va les accepter, pas nécessairement parce que c'est ce dont l'enfant a besoin.
Deux points. À mon avis, vous devriez faire attention, à l'article 11.1, pour ne pas faire de la mesure d'encadrement intensif un lieu, pour la même raison que l'enfant ne doit pas changer de famille d'accueil à tout bout de champ. Si vous faites de l'encadrement intensif un lieu, quand l'encadrement intensif n'est plus nécessaire, on change l'enfant de lieu. Or, qu'est-ce qui fait que l'enfant sort de l'encadrement intensif ? et j'ai travaillé presque toute ma vie avec ces enfants-là ? c'est qu'il crée un lien avec une personne qui devient significatif, et il n'a plus besoin de la mesure d'encadrement intensif. La structure physique de la bâtisse reste la même, mais on ne l'utilise plus; il peut aller à l'école, il peut sortir, il peut... dans certains centres, il dispose même de la clé. Mais il n'a plus besoin de la mesure, mais il a encore besoin de l'adulte qui est avec lui, par exemple. Et, si on lui enlève l'adulte, on lui fait perdre tous les acquis que la mesure d'encadrement intensif lui a permis d'acquérir. C'est un désastre. À mon avis, ça doit être identifié comme une mesure, pas comme un lieu.
Dernier point. Tel que formulé, l'article qui modifie le trouble de comportement, l'article 38, me paraît ambigu et dangereux. Je ne sais pas si la remarque vous a été faite, mais les jeunes de 12 ans et plus qui portent atteinte à la sécurité ou à l'intégrité de quelqu'un d'autre deviendraient tous des délinquants avant qu'on puisse faire quelque chose avec eux autres. Il y a quelque chose qui ne marche pas, je veux dire, je ne sais pas si ça a glissé ou si... je ne sais pas c'est quoi, l'intention qui est en arrière de l'article, mais il m'inquiète beaucoup. Je vous avoue que je souhaiterais qu'il soit modifié.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. Foucault. Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation.
Mme Delisle: Bienvenue. Puis j'ai l'impression qu'on s'est fait un beau cadeau comme dernier intervenant. Bienvenue, Dr Foucault.
Malheureusement, on n'a pas grand temps, mais sachez qu'on a tous lu votre mémoire, puis, à vous entendre, on a le goût de le relire, et je veux que vous soyez assuré que les éléments que vous soulevez là-dedans... on va faire un petit débat entre nous, puis, si ça correspond finalement à la philosophie derrière le projet de loi mais aussi aux objectifs qui sont visés par la loi 125... sachez qu'on apprécie énormément votre intervention ici, en fin de journée.
Moi, je dois vous dire qu'il y a une chose qui m'a... qui est venue me chercher beaucoup, c'est dans votre mémoire, à la page 6, concernant l'autorité parentale, quand vous dites: «Celui qui n'exerce pas ses devoirs et responsabilités de parent ne dispose a priori d'aucun droit et ne peut se réclamer d'aucun droit sur l'enfant.» J'entends, même si on est seuls ici, là, des voix crier, des gens venir ? puis je comprends ce que vous dites, là... Mais j'entends beaucoup de voix s'élever pour nous dire: Écoutez, il y a des femmes qui sont victimes de violence conjugale, il y a des répercussions majeures sur elles et sur leurs familles et leurs enfants, il y a des femmes et des hommes qui souffrent de santé mentale, ce n'est pas facile pour ces gens non plus. Et, lorsque, parce que ces situations-là existent, les enfants sont momentanément pris en charge par l'État parce qu'il y a un signalement, parce que, bon, il y a abandon, négligence, en tout cas, peu importent les motifs, l'État intervient donc, retire l'enfant. Et on nous a beaucoup dit ici, depuis neuf jours, qu'il fallait s'assurer d'accompagner les parents pour qu'ils puissent se reprendre en charge et qu'on puisse, s'il y a lieu, retourner l'enfant à la famille. Comment, comme législateurs, on concilie ça, là? C'est drastique, là.
Remarquez qu'on a fait un autre choix. On a fait le choix de dire: Oui, maintien dans la famille à la condition que les parents puissent exercer leurs capacités parentales. Vous, vous nous dites: S'il n'est pas capable, bien il n'a pas d'affaire à s'occuper de ses enfants. Est-ce que j'exagère, là, quand j'interprète ça comme ça?
M. Foucault (Pierre): Il faut faire attention. S'il n'a pas la capacité parentale, c'est-à-dire que, si, l'apprentissage, il ne le fera pas ou il ne le fera pas dans un délai qui est suffisant pour permettre à l'enfant de bénéficier de ce qu'il pourrait lui offrir, je pense que, même si c'est souffrant, même si c'est politiquement très délicat, et j'en suis très conscient, l'intérêt de l'enfant exige qu'il soit remis entre les mains de parents qui vont pouvoir le desservir correctement. Si le parent est capable d'apprendre, même si ça peut prendre du temps, mettons les services à sa disposition et soyez prêts à payer, ça va coûter très cher parce que ça prend des services continus et ça prend de l'accompagnement continu des parents, dans certains cas. Et je suis d'avis qu'il faut le faire, là. Homebuilders existe comme programme, je le connais, on met des professionnels dans la maison, et on peut apprendre à des parents à être parents, mais encore faut-il qu'ils aient la capacité d'apprendre. S'ils ne l'ont pas, pour un motif ou pour un autre, je pense qu'il est préférable que l'enfant soit retiré, même si ça fait mal, que de le voir se... lui-même... souffrir lui-même et faire souffrir ses propres enfants éventuellement parce qu'il n'aura pas eu de modèle parental satisfaisant.
C'est très peu d'enfants qui sont visés. Il ne faut pas se faire trop d'illusions, vous savez, ce n'est pas une masse de parents qui sont incapables. Malheureusement, il y en a.
Et je me souviens d'avoir accompagné, si je peux me permettre un exemple dans le sens inverse... Je me souviens, j'avais accompagné une jeune fille de 15 ans qui a décidé qu'elle gardait son bébé, qui a accouché, et elle était en centre sécuritaire. Et l'accompagnement qu'on a fait avec elle, c'est de lui faire saisir, dans le cadre de la grossesse et dans ce qui a suivi, qu'elle ne pouvait pas s'occuper de l'enfant, elle n'en était pas capable. Ça a été une souffrance énorme pour cette enfant-là que d'accepter finalement de confier l'enfant à l'adoption. Elle l'a fait. Elle l'a fait avec beaucoup de larmes. Puis il y a bien des éducateurs et des éducatrices qui ont pleuré, je peux vous le dire, aussi. Ce qui m'a consolé le plus, c'est la lettre que j'ai reçue il y a... 1999, ça fait sept ans maintenant ? ça commence à passer ? où elle me dit: Je n'ai pas été capable de rejoindre les autres éducateurs, je ne sais plus où ils sont rendus, mais, vous, je suis capable de vous rejoindre, alors je vous écris, puis je veux que vous sachiez que maintenant j'ai quatre enfants, j'ai un mari, et je suis heureuse, les enfants sont heureux, et que, si j'avais gardé le premier, rien de ça serait arrivé; je veux vous remercier puis je voudrais que vous remerciiez les autres pour moi.
On n'a pas souvent ce genre de témoignage là, mais je vous avoue que ma décision ou la décision qu'on avait prise de dire: Non, tu n'es pas capable, fille, ça ne marche pas, que c'était une bonne... C'était une décision difficile, c'est des décisions tragiques, mais c'était une bonne décision, et il faut pouvoir les prendre.
Ce que je dis, dans le texte de la loi, c'est sûr que... je ne pense pas que vous alliez jusque-là, je ne me fais pas d'illusions... l'idée étant que ce n'est pas... Le parent qui rebondit deux ans après s'être absenté puis ne pas avoir rien fait pour l'enfant, puis qui dit: Je réclame mon droit de parent... Tu sais, avant de dire: Il a le droit parce qu'il est parent... Une seconde, là, es-tu capable de t'en occuper?
Mme Delisle: C'est ça.
n(17 h 50)nM. Foucault (Pierre): Et, si tu n'es pas capable de t'en occuper, là, on ne te remettra pas l'enfant parce que tu es parent, ça ne marche pas de même. Et ce n'est pas parce que tu es disparu tout à coup après la naissance du bébé, puis, là, ta femme fait placer l'enfant parce qu'elle n'est plus capable de s'en occuper, mais, toi, tu décides que tu le reprends... Aïe! Wo! Une seconde, es-tu capable de t'en occuper? Et c'est dans ce sens-là que le DPJ ou le tribunal, qui va suivre, parce qu'inévitablement ça va aller au tribunal, aurait une grille de lecture qui serait beaucoup plus pointue, dans le sens de dire: Il faut d'abord établir la capacité de celui qui demande la garde, et ce n'est pas parce qu'il est parent statutaire ou parent biologique que ça lui donne le droit. Ce n'est pas vrai que ça lui donne le droit.
Mme Delisle: J'ai une autre question avant que le président me dise que je n'ai plus de temps. Sur la durée, les durées de placement, vous faites une proposition, à la page 13, qui dit qu'il faudrait reformuler 53.0.1. Vous dites: «La moitié [...] de la vie de l'enfant, s'il est âgé de 30 mois et moins; 18 mois, si l'enfant est âgé de 30 à 72 mois; 24 mois, si l'enfant est âgé de six ans et plus.» Je comprends très bien que le temps n'a pas la même valeur pour un enfant que pour un adulte. Pourriez-vous juste nous expliquer la rationnelle derrière le 30 mois et moins? Et en fait le 18 mois... donc, 30 à 72 mois, vous étirez... Non, vous n'étirez pas. Vous le laissez là où on l'avait mis. Oui, vous étirez. Vous le mettez jusqu'à six ans au lieu de le mettre jusqu'à cinq ans.
M. Foucault (Pierre): Jusqu'à ce qu'il entre à l'école.
Mme Delisle: Alors, j'aimerais vous entendre, s'il vous plaît, là-dessus.
M. Foucault (Pierre): Oui, deux choses. Le 30 mois, c'est parce que, dans le moment, ce que j'ai... J'ai travaillé un tout petit peu sur l'attachement de façon intensive dans les huit ou 10 dernières années, et ce que j'ai lu m'amène à croire que la période névralgique pour l'attachement se situe en quelque part entre neuf et 20 mois, et, dans la période de 10 mois qui suit, l'enfant fait ce qu'on appelle l'intégration de son processus d'attachement, il l'intègre dans sa personnalité, et il se structure avec un mode d'attachement qui va lui permettre de vivre avec pour le reste de ses jours. Alors, 30 mois, pour moi, c'est une période névralgique. Je ne reprends à cet égard-là que le Dr Paul Steinhauer, qui faisait sa thèse d'opportunité entre six et 30 mois: Si vous avez à placer un enfant, placez-le avant qu'il atteigne six mois et placez-le pour 24 mois; ne le déplacez plus avant 30 mois, qu'il soit stable pendant cette période-là. Je reprends la même logique en disant: Si un enfant doit être placé, faisons-le de telle sorte qu'il ait les conditions de stabilité et de sécurité puis qu'il ne bouge plus. Entre 30 et 72 mois, je veux dire... entre 30 et 72 mois, je réduisais... j'augmentais le temps à 18 mois. C'est un peu arbitraire, je vais vous le concéder.
C'est que vous sembliez vouloir avoir des délais qui étaient juridiquement mesurables ou juridiquement identifiables. Personnellement, je serais toujours porté à dire: Quand ça fait plus que la moitié de la vie de l'enfant que l'enfant est placé, c'est le grand temps qu'on fasse quelque chose. 18 mois, ça m'apparaît énorme pour un enfant qui a trois ans.
Mme Delisle: Ah oui?
M. Foucault (Pierre): C'est beaucoup.
Mme Delisle: O.K. Parfait.
M. Foucault (Pierre): Pour un enfant qui a cinq ans, 18 mois, ça commence à être beaucoup. Je fais une enquête actuellement puis je rencontre des enfants de sept, huit ans. Ça fait un an et demi que les événements se sont passés, et, quand on leur rappelle les événements qui sont souffrants, c'est étonnant comme l'enfant a une mémoire qui est difficile, qui est défaillante et qui n'est pas si facile que ça à aller rechercher. Quand on le fait parler de choses agréables, il est capable de tout vous raconter. Alors, 18 mois, ça compte dans la vie d'un enfant de cet âge. Quand il arrive à l'école, deux ans, c'est... C'est déjà beaucoup, deux ans. Mais il reste que personnellement je suis porté à réduire les délais dans toute la mesure du possible.
Mme Delisle: Une petite information pour vous concernant votre inquiétude par rapport aux enfants de 12 ans et plus. On considérait que les enfants de 12 ans et plus, dans le cas des motifs graves, là, étaient pris en charge par la loi sur la justice pénale pour les adolescents. Trop de gens nous ont soulevé ce point. J'annonce ici qu'on va en tenir compte, et puis qu'il n'était pas de l'intention du législateur d'échapper ces enfants-là. Alors, ce sera réécrit.
M. Foucault (Pierre): J'ai passé la majorité de ma carrière à travailler avec des adolescents, et leur façon de manifester leurs troubles profonds, c'est des troubles de comportement, ils commencent par fuguer, ils commencent par ne pas aller à l'école, ils font un petit vol ici, ils bousculent les voisins. Et, si on n'intervient pas dans ces cas-là, ça veut dire qu'on échappe...
Mme Delisle: Vous avez parfaitement raison. Merci.
Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée de Rimouski et porte-parole de l'opposition officielle en matière des services sociaux.
Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Bienvenue, Dr Foucault. Oui, votre mémoire est tout à fait intéressant et pertinent. Et j'ai beaucoup apprécié entendre votre introduction, j'ai eu le sentiment de m'adresser à une personne... d'entendre une personne qui, toute sa vie, a eu comme préoccupation, là, vraiment l'aspect humain de sa pratique, et ça, ça me réconforte beaucoup comme parlementaire, comme législateur.
J'essaie de retrouver dans votre mémoire là où vous parlez de changer le rôle du DPJ vis-à-vis le tribunal, que le DPJ serait le représentant, l'avocat, même, de l'enfant, et qu'il n'aurait pas le même rôle, donc on diminuerait la confrontation en quelque sorte entre les différentes parties, mais qu'il deviendrait le défenseur expert pour protéger l'enfant.
M. Foucault (Pierre): Si je peux me permettre, madame. Je reprends presque complètement la proposition que le juge Jasmin faisait. Soyons très honnêtes, j'ai participé beaucoup à la commission Jasmin pour la préparation du rapport, il y a un peu d'influence dans ça, là. Mais le juge Jasmin avait retenu le fait qu'une fois que le juge est maître des faits bien sûr, une fois que le juge a entendu les faits et qu'il a déclaré sécurité-développement compromis, on se trouve dans une situation légale où l'enfant passe sous la protection de l'État.
Avoir un débat contradictoire à ce moment-là pour savoir quelles mesures on va prendre pour aider l'enfant, ça m'apparaît, et je m'excuse d'être aussi brutal, là, mais ça m'apparaît aussi fou que de dire: On va discuter avec le médecin puis on va discuter avec les parents pour savoir lequel est d'accord sur la mesure, puis on va prendre une espèce de «mid-term» entre les deux pour savoir comment est-ce qu'on va faire pour aider l'enfant. On ne fera pas ça. Si l'enfant a besoin d'être opéré, il va être opéré, ça finit là. Et c'est la même chose au plan social. Le problème, c'est qu'on n'est pas aussi rigoureusement mesurables dans toutes nos interventions, et la tentation, c'est de dire: Bien, on pourrait faire ci puis ça va être bon, puis on pourrait faire ça puis ça va être bon. Oui, alors, prenons une mesure conciliatoire. Le juge devient, à ce moment-là, le conciliateur. L'enfant a son avocat au besoin, le parent a son avocat, et le DPJ n'est pas l'avocat de l'enfant, le DPJ devient le défenseur de l'intérêt de l'enfant. Sa responsabilité, à ce moment-là, c'est de représenter l'intérêt de l'enfant devant la cour et de faire en sorte que le juge saisisse bien c'est quoi, l'intérêt de l'enfant. Les avocats de l'enfant et des parents vont faire valoir leurs points et, si l'argument de... l'intérêt ultime de l'enfant est retenu comme motif déterminant les décisions, bien il va trancher. Mais, en ce sens-là, le DPJ n'est plus une partie à l'instance, il n'a plus de cause à gagner. Dans le moment, il présente ce que le juge veut entendre puis ce que le juge va recevoir.
Ce n'est pas ça que je veux. Je voudrais qu'il présente au juge ce dont un enfant a besoin. Le juge décidera ce qu'il veut faire après. Et c'est en ce sens-là que ma proposition, c'était de changer son rôle à partir du moment où la «sécurité et développement» est déclarée par la cour.
Mme Charest (Rimouski): Et, si je comprends bien, ça permettrait peut-être de changer le paradigme judiciaire versus le paradigme social. Parce que ce que j'entends depuis le début de ces audiences, c'est qu'il y a vraiment deux façons de voir...
M. Foucault (Pierre): Un clivage.
Mme Charest (Rimouski): Pardon?
M. Foucault (Pierre): Il y a un clivage.
Mme Charest (Rimouski): Un clivage, vous avez le terme. Depuis le début en tout cas, ça a été marquant, frappant, et c'est comme si on tombait dans deux univers totalement différents, mais pourtant c'est la même cause. Et peut-être que... Mais je ne comprends pas... Si le rapport Jasmin recommandait cela, le rapport Jasmin, il date quand même de quelques années...
M. Foucault (Pierre): 15.
Mme Charest (Rimouski): Oui. Je l'ai feuilleté, là, avant d'arriver en commission. Expliquez-moi pourquoi on n'en est pas rendu là encore aujourd'hui, en 2006? Compte tenu que la loi a 25 ans, compte tenu des objectifs de la loi et...
M. Foucault (Pierre): Si M. le président me donne le temps d'ouvrir cette porte-là, je vous promets qu'on peut en parler, mais on ne fera pas ça en deux minutes. Il y a des questions... une politique... Vous savez, changer le rôle du tribunal et changer le rôle du juge, changer le rôle de l'avocat, changer le rôle de l'avocat de la DPJ, changer le rôle de l'avocat de la défense, c'est changer des choses importantes et c'est évidemment modifier des modes de pratique et des façons de penser qui sont extrêmement importantes. En ce sens-là, je dis: Je ne peux pas m'attendre à ce que ça se fasse sur un coup de dé. Mais je dis: Pour l'intérêt de l'enfant, je pense que ce serait bien que ça se fasse. C'est possible de le faire, et on pourrait y arriver. C'est des changements de mentalité qui sont suggérés, vous savez. Il est plus philosophique que pratique, mon mémoire, mais il y a des changements de philosophie importants dans ça. Si on appliquait ça, je veux dire, ça modifierait singulièrement la façon de...
Remarquez que l'intervenant social qui se présenterait là pour aller présenter c'est quoi, l'intérêt supérieur d'un enfant, il a besoin d'être bien préparé parce qu'il va se faire questionner sur un moyen... Et ça obligerait une qualité de pratique et une rigueur clinique qu'on n'a pas toujours actuellement, soyons honnêtes. En ce sens-là, on améliorerait notre réseau de façon très, très marquée. Mais il serait obligé d'aller présenter c'est quoi, la réalité de cet enfant-là et ce pourquoi il exige, il demande ça.
Mme Charest (Rimouski): Et tout serait justifié par rapport à ce qu'il recommanderait.
n(18 heures)nM. Foucault (Pierre): Parce que, je ne veux pas être trop réductionniste non plus, mais il y a quand même un certain nombre de cas, surtout dans les cas complexes, ou dont j'ai été témoin, où, il faut être bien honnête, ça se décide dans le bureau du contentieux du centre jeunesse, qu'est-ce qu'on va présenter au tribunal. Je veux dire: Si on présente ça au tribunal, ce ne sera pas accepté, on ne le présente pas. Puis je peux comprendre le contentieux de réagir comme ça. Je veux dire, s'ils perdent leurs causes à répétition, ils n'auront pas une carrière particulièrement brillante, ces avocats-là. Je me mets à leur place, ce serait... Établissons les faits. S'il n'y a pas de faits, on ne peut pas discuter. Mais, une fois que les faits sont là, si on enlève la dimension judiciaire et qu'on en fait une dimension conciliatoire devant la cour, là on change le rôle du DPJ, mais il n'a plus besoin d'avoir un avocat pour parler en son nom, il va parler comme clinicien à ce moment-là. Et ils sont experts, ils sont capables de faire leur travail, ils peuvent le faire. Ça va les forcer à plus de rigueur, et ils vont être obligés d'apprendre, eux autres aussi. Mais ce n'est pas grave, ils sont...
Mme Charest (Rimouski): Tout le monde doit apprendre, de toute façon. Merci beaucoup. Dommage que nous n'ayons pas plus de temps, on aurait pu approfondir plusieurs éléments de votre mémoire qui m'apparaissent très pertinents, mais qui va continuer de nourrir notre réflexion avant qu'on puisse aborder les articles un par un. Merci beaucoup.
Le Président (M. Copeman): Alors, M. Foucault, merci pour votre contribution à cette commission parlementaire. Et je suspends les travaux de la commission quelques petits instants.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
(Reprise à 18 h 2)
Mémoires déposés
Le Président (M. Copeman): Alors, chers collègues, avant de procéder à la toute dernière étape, pour les rendre publics et pour valoir comme s'ils avaient été présentés devant la commission, je dépose les mémoires des personnes et des organismes suivants: M. André Desaulniers, M. Steves Desponts, Mme Sylvie Fournelle, Mr. Harold Geltman, Mme Julie Kovacs, Mme Jacinthe Mercier, l'Office des personnes handicapées du Québec et M. Pierre Roy.
Remarques finales
Sans plus tarder, on procède à la dernière étape, c'est celle des remarques finales, et, dans l'ordre, nous allons débuter avec Mme la ministre... pardon, Mme la députée de Rimouski et porte-parole de l'opposition officielle en matière des services sociaux. Vous avez un droit de parole d'une durée maximale de 15 minutes, Mme la députée.
Mme Solange Charest
Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Alors, mes premiers mots seront de remercier tous ceux et celles qui ont présenté un mémoire devant cette commission. Pour plusieurs, ce fut un effort exigeant et qui leur a demandé beaucoup en termes d'énergie et, je vous dirais, d'implication personnelle, parce qu'on a entendu à la fois des organismes, des organisations, des institutions, mais aussi des individus qui, de près ou de loin, ont connu l'application de la Loi de la protection de la jeunesse.
Je veux remercier tous les membres de la commission, des deux côtés de la table. Je pense qu'il y a eu un travail de collaboration. Nous avons cherché à comprendre, à saisir les enjeux et à aussi scruter les propositions qui nous ont été faites à l'intérieur des mémoires pour s'assurer que ça pouvait être utile lors de la discussion et de l'adoption des articles article par article.
Je veux remercier aussi le personnel de l'Assemblée nationale, le personnel du ministère de la Justice, du ministère de la Santé et des Services sociaux. Je suis persuadée que votre expertise, votre expérience saura nous alimenter et nous nourrir pour un travail de qualité une fois que nous aurons adopté ce projet de loi là.
Dans les témoignages qui nous ont été transmis, j'ai remarqué plusieurs éléments, et, ces éléments-là, ça nous a permis de cerner des enjeux qui au premier abord n'étaient pas nécessairement évidents, entre autres celui qui parle du déséquilibre des forces qui peut exister compte tenu du mandat qu'on confie à la DPJ et versus les personnes qui ont à travailler ou à se conformer à l'application de la loi comme telle. Il y avait aussi des enjeux éthiques, déontologiques et toute la question des communautés culturelles, autochtones, jusqu'à quel point certains éléments sont pointus et que parfois, dans la foulée de la réflexion globale, on aurait pu oublier, mais qu'avec les témoignages que nous avons reçus ça nous permet de cerner vraiment des enjeux qui pour nous n'étaient pas évidents.
Je redis l'importance de la Loi de la protection de la jeunesse comme une loi d'exception. Je pense qu'on ne le redira jamais assez, parce que, dans le passé, hein, jusqu'à aujourd'hui, je pense qu'à quelques occasions plusieurs... et même nous, je pense, on a été portés à oublier que c'était une loi d'exception. C'est un mandat d'État qui est confié à un individu, à un DPJ, et non à une institution, et il faut reconnaître que la responsabilité et les conséquences de cette responsabilité sont énormes, sont lourdes, et enfin, moi, je leur dis tout de suite que je ne voudrais pas être DPJ, là, parce que ce n'est pas évident. Mais je reconnais quand même le travail qu'ils font, la qualité du travail qu'ils font, les tentatives qu'ils font pour améliorer leurs pratiques, et je pense que là-dessus on aura de toute façon à se pencher parce qu'il reste des choses à améliorer.
C'est sûr que c'est une intervention d'autorité de l'État, et, qui que ce soit, personne n'aime voir arriver la DPJ dans sa vie. Pourtant, ça pourrait être une bonne nouvelle, surtout pour des enfants qui sont mal pris, qui ont des situations difficiles. Malheureusement, ce n'est pas toujours le cas, parce que la perception du travail, du rôle, du mandat n'est pas nécessairement connue, bien connue, et on ne part pas tous sur le même niveau d'information par rapport à cette loi.
Un autre constat que je me dois de faire, c'est le fossé existant entre le volet juridique et les intervenants sociaux. L'approche de compréhension des problèmes, je vous dirais, n'est pas nécessairement la même, le paradigme de l'un n'est pas celui de l'autre. Et ce qui est frappant dans l'exercice que nous avons tenu, c'est de constater qu'au sein même du volet social le discours, la vision, les approches, les façons de faire, le regard de l'un sur l'autre soient si différents, tant celui du volet institutionnel que celui des ressources communautaires, que celui des ressources alternatives, que ce soient des organismes familles, des organismes jeunes, on dirait deux mondes, deux grands discours, et je pense qu'on va devoir tenter, de par ce que l'on va adopter, à rejoindre ces gens et à les rapprocher.
Maintenant, j'aimerais aborder les enjeux de la loi n° 125. Le projet de loi n° 125 sera aussi fort que la volonté politique du gouvernement d'y accorder les ressources nécessaires à sa mise en application. Je pense que beaucoup de partenaires, et c'est unanime ? oui, c'est unanime ? ...il y a un large consensus à l'effet que les ressources nécessaires à l'application de la loi vont faire foi de la qualité du projet de loi et de son application.
n(18 h 10)n C'est sûr que ça remet en question l'organisation de la première ligne des services sociaux. La DPJ n'est pas la première ligne, ça, je pense qu'on est unanimes là-dessus, tant au gouvernement que dans l'opposition, et ça... Je pense que la première ligne, par contre, n'est pas là partout présente avec la même intensité, et avec la même qualité, et les mêmes types de services partout sur le territoire du Québec, et ça, c'est un problème majeur. Et je pense que l'absence ou la relative absence de mesures préventives auprès des clientèles plus vulnérables, alors que l'intervention est reconnue comme moyen de diminuer la prévalence des problèmes sociaux... Et, si on veut vraiment mettre fin au transfert intergénérationnel de la misère humaine, parce que j'appelle ça comme ça, des problèmes sociaux, on se doit d'agir tôt dans la vie des gens. Parce que tout le monde reconnaît la pertinence de l'approche... du dépistage précoce et de l'approche... le fait qu'on intervienne tôt dans la vie des gens, et je pense que, pour résumer ma pensée sur cela, je vais redire ce que nous avons entendu souvent durant cette commission: Dans le fond, c'est le bon service à la bonne personne au bon moment et au bon endroit qui est réclamé par tous, hein? Après tout, c'est cela dont il est question.
Par contre, je me dois de souligner, malheureusement, qu'il existe encore l'approche silo, pas juste en santé et services sociaux, là, on pourrait voir la même chose affaires municipales, transports, etc. Mais l'approche silo du réseau ne favorise pas la prise en charge par le milieu de la protection des jeunes. On aura beau mettre toutes les ressources que l'on veut, si l'approche globale, si la concertation, la multidisciplinarité, l'intersectorialité n'est pas au rendez-vous, dans 10 ans, bien on fera les mêmes constats qu'aujourd'hui, c'est-à-dire que ça ne va pas tout à fait comme on voudrait que ça aille.
Moi, je pense que ça va prendre un leadership politique très fort pour s'assurer que dans 10 ans nous ne soyons pas au même niveau. Ça remet en question, entre autres, toute l'imputabilité du DPJ et du réseau des centres jeunesse, incluant tous les intervenants de la première ligne, parce que je pense qu'il faut que les arrimages se fassent. Et la responsabilité, elle est autant sur la première ligne que sur la deuxième, c'est une responsabilité partagée... et, là-dessus, c'est une responsabilité partagée autant au niveau de l'institutionnel que du communautaire, et je pense que, là-dessus, il faut être très clair. Moi, je n'ai pas cherché de coupable, mais je n'hésite pas à dire qu'il y a des ratés dans le système et que c'est dû à un mauvais arrimage dans bien des cas. Et, si les gens se parlaient plus, je pense qu'on aurait des réussites, puis ça, ça ne demande pas de l'argent, ça ne demande pas nécessairement des ressources nouvelles. Ça ne veut pas dire qu'il n'y en a pas besoin à certains endroits ? j'ai de la suite dans les idées, Mme la ministre ? mais je suis consciente que ce n'est pas juste une question de ressources, également.
Concernant la théorie de l'attachement, je vous dirais qu'elle est à la base de l'esprit du projet de loi n° 125, et tout le monde est d'accord pour mettre fin au ballottage. Ça, c'est unanime. Qui que nous ayons entendu, de quelque origine qu'il soit, de quelque milieu qu'il soit, tout le monde partage cet objectif. L'opposition officielle reconnaît l'amélioration, l'évolution des connaissances scientifiques dans ce secteur, et nous pensons que la théorie de l'attachement, ce n'est pas une mode, c'est vraiment une théorie qui supporte l'approche clinique qui est développée et qui doit se développer au sein du réseau des centres jeunesse.
Cependant, la Loi de la protection de la jeunesse est une loi d'exception, et il s'agit d'aider les enfants en situation exceptionnelle. Alors, tout le monde convient que la meilleure situation pour un enfant, c'est de demeurer avec ses parents, sauf, là, dans des cas d'abus sexuels, de cas criminalisés, je pense aux abus physiques également. Alors, pourquoi ne pas inclure dans le projet de loi n° 125 des dispositions pour accorder une aide exceptionnelle aux parents d'enfants qui ont des situations exceptionnelles? Je pense qu'il y a des équivalences, là, qu'il faudrait regarder. Pourquoi ne pas donner ou accorder ce caractère d'exception aux parents en difficulté?
En regard des délais maximaux ? mon Dieu qu'on en a entendu parler! ? l'inquiétude a été suffisamment manifestée par un grand nombre de partenaires pour que cet article soit revu, retravaillé et repensé, là, en termes de: Est-ce qu'il n'y aurait pas un libellé qui refléterait l'esprit qui a été véhiculé par rapport aux délais maximaux?
En regard de l'approche consensuelle, nous sommes d'accord si l'équilibre des forces est respecté. Le Protecteur du citoyen propose l'ajout d'un article pour contrer les représailles. Ça m'a beaucoup frappée, cet élément-là. Je pense que le Protecteur du citoyen n'a pas parlé pour rien. Il a dû se fier sur son expertise et ses expériences. Et je pense que, là-dessus, le droit à l'information des parents et des jeunes doit être respecté en tout temps et que les parents... Parce qu'ils ne sont pas en confiance, parce qu'ils ne se sentent pas en sécurité et qu'ils ont des réactions qui sont plus ou moins bien interprétées, il ne faudrait pas que ça se retourne contre les parents, par rapport aux mesures de représailles.
Une voix: ...
Mme Charest (Rimouski): Mon Dieu, pas juste trois minutes! J'ai beaucoup de choses à vous dire. Je voudrais aussi que... L'adoption plénière me pose problème, compte tenu de ce que les grands-parents nous ont dit. La décision de rompre le lien biologique est lourde de conséquences. Nous avons une chance d'éviter de reproduire des erreurs qui se sont malheureusement produites dans le passé. Ma réflexion n'est pas terminée sur cet élément-là, et, là aussi, je suis persuadée que ça va prendre des balises à réfléchir encore ? hein, j'ai marqué «à réfléchir» là, avec trois petits points. Donc, il faut continuer de réfléchir.
Sur la circulation de l'information, il faut s'assurer que l'équilibre va prévaloir entre le droit à la vie privée et le besoin de connaître des intervenants, qui est tout à fait approprié à mon sens. On a besoin de savoir qu'est-ce qui se passe pour pouvoir intervenir le plus adéquatement possible, mais il faut toujours s'assurer de l'équilibre.
En regard des troubles de comportement chez les 12 ans et plus, que deviennent ces enfants? Et là Mme la ministre vient de nous rassurer. Alors, on va s'en occuper, on va voir ça lorsque nous allons faire article par article.
18 ans, pour les jeunes qui arrivent à la majorité, c'est clair que la préparation du jeune à une autonomie doit faire partie des obligations du DPJ et que le projet de loi n° 125 malheureusement est encore muet à ce sujet. Continuons de réfléchir pour trouver un moyen de s'assurer que les jeunes, arrivés à leur majorité, soient des personnes autonomes et qui sont aptes à assumer leurs responsabilités pleines et entières de citoyenneté.
La tutelle. Les enfants et les jeunes doivent avoir leur mot à dire. La mise sous tutelle doit s'accompagner de services. La mise sous tutelle ne doit pas être synonyme de bris de services, parce que nous pensons que ces enfants ont encore besoin d'un suivi et que seule la DPJ peut s'assurer qu'ils reçoivent les services auxquels ils ont besoin.
Sur les mesures d'isolement qui restreignent la liberté de mouvement, tout en tenant compte de certains cas, que je pense à l'automutilation ou à l'agressivité excessive qui pourrait être dangereuse pour des tierces personnes, ça, je comprends, mais cependant il faut éviter à tout prix de victimiser à nouveau et d'augmenter leur niveau de douleur, aux jeunes, parce qu'on utilise à titre punitif des mesures d'isolement. Ce ne sont pas des criminels, ces jeunes-là, mais des victimes, des blessés relationnels. Alors, je pense qu'il faut s'en souvenir pour trouver un moyen de contingenter l'utilisation.
La confiance de la population vis-à-vis de la DPJ, ça pose des questions sur le statut du DPJ à l'intérieur des centres jeunesse, sur l'exercice de ses pouvoirs, sur son imputabilité en termes d'intervention clinique, parce que l'imputabilité en termes budgétaires, ça, je n'ai pas de problème, je suis persuadée que ça se fait et que ça se fait très bien, mais c'est sur la question en termes d'intervention clinique.
Et, sur la formation et l'encadrement du personnel, le travail est dur, difficile, mais l'encadrement est nécessaire pour encourager, supporter et motiver le personnel, parce que la lourdeur de la tâche... C'est évident, là, qu'ils ont besoin d'être encadrés. Et ce n'est pas parce qu'on est un jeune intervenant qu'on n'a pas le droit de travailler, et, surtout quand on travaille avec foi, avec coeur, je pense qu'on a besoin d'être encouragé, et c'est l'encadrement professionnel qui peut permettre de faire de ces professionnels des professionnels de qualité. Alors, on a une responsabilité aussi par rapport à ces intervenants-là. Beaucoup sont prêts ? je pensais aux gérants d'estrade quand j'ai écrit ça ce matin; beaucoup sont prêts ? à leur dire quoi faire, mais peu feraient le travail, le travail exigeant et de qualité que ça requiert. Alors ça, je pense qu'il faut le souligner fortement.
C'est vrai que le projet de loi est loin de régler tous les problèmes. En conclusion, je rappelle à Mme la ministre que j'attends toujours les règlements qui accompagneront l'application du projet de loi n° 125. J'ai besoin de les étudier pour mieux évaluer les enjeux du projet de loi n° 125.
n(18 h 20)n Et, en terminant ? pour de vrai cette fois, M. le Président ? je tiens à réitérer que vous pouvez compter sur le travail sérieux, de bonne foi de l'opposition officielle pour que le projet de loi n° 125 soit un bon projet de loi, c'est-à-dire qu'il s'applique le plus aisément possible, et que la clientèle, c'est-à-dire les jeunes et leurs familles, puisse en bénéficier, puis qu'on en fasse, comment je dirais, une population, des citoyens, des citoyennes à part entière. Merci.
Le Président (M. Copeman): Merci de votre collaboration, Mme la députée de Rimouski. Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation, pour une période maximale de plus ou moins 15 minutes.
Mme Margaret F. Delisle
Mme Delisle: Alors, M. le Président, chers collègues, nous voilà au terme d'un exercice démocratique très important. La Commission des affaires sociales a entendu, depuis le 24 janvier dernier, dans le cadre de ses audiences publiques, plus de 60 groupes et personnes, des jeunes, on a eu des jeunes qui ont eu le courage de venir nous dire ce qu'ils pensaient, comment ils vivaient à l'intérieur de ce réseau, des individus aussi qui l'ont fait, des groupes, donc plus de 60 groupes et personnes, sur les propositions contenues dans le projet de loi n° 125, projet de révision de la Loi sur la protection de la jeunesse. Cette loi d'exception qui intervient d'autorité dans la vie des familles afin de protéger les enfants qui sont en situation de risque pour eux-mêmes et/ou les membres de leurs familles est un maillon important de notre système des services sociaux. Cette commission nous a permis d'entendre des personnes et des organismes qui ont tous à coeur l'amélioration des services que nous offrons comme société aux enfants et aux familles les plus vulnérables.
Nous avons cherché, comme parlementaires, à bien comprendre tous les points de vue exprimés, qu'ils soient en accord ou en désaccord avec les orientations que nous avons proposées. Nous avons, comme parlementaires, écouté les commentaires et les recommandations de celles et ceux qui ont pris le temps de rédiger un mémoire et de venir nous rencontrer. Je remercie toutes ces personnes pour leur contribution. Il y a des gens qui ont préparé des mémoires aussi qui ont choisi de ne pas venir nous les présenter. Je tiens à les rassurer et à leur dire que nous avons lu leurs mémoires avec beaucoup d'attention et que nous tiendrons compte de leurs commentaires.
Je veux saluer tous ceux et celles qui ont suivi les travaux de la commission parlementaire par l'entremise de la télévision ou d'Internet. Leur intérêt les honore. D'ailleurs, je dois vous dire que je suis très fière de constater le grand intérêt que nos concitoyens et concitoyennes ont manifesté à l'égard de la modernisation de la Loi sur la protection de la jeunesse. Ils ont participé à leur façon à ce grand débat de société. J'espère qu'ils se sont sentis interpellés et concernés par ces échanges et que nous pourrons compter sur leur pleine participation citoyenne.
Permettez-moi aussi de saluer également ces femmes et ces hommes qui oeuvrent dans le milieu et qui ont largement contribué par leur expertise, leur générosité, leur passion, à mieux nous faire comprendre la réalité de la maltraitance à l'égard des enfants ainsi que les conséquences qu'ont sur leurs familles les effets découlant de la violence conjugale et familiale ainsi que des problèmes reliés à la santé mentale.
Cette loi, qui nous est chère, a eu 27 ans cette année et elle est toujours reconnue comme un outil précieux et indispensable pour garantir la protection des enfants du Québec. Ainsi, je retiens de cet exercice démocratique que le projet de loi n° 125 répond globalement à nos grands objectifs d'ajuster la Loi sur la protection de la jeunesse à l'évolution des connaissances et des pratiques. Bien entendu, elle ne répond pas à tous les problèmes qui ont été portés à notre attention durant ces neuf jours d'audiences publiques, et je crois que ce serait en demander beaucoup trop à une seule loi. Ces problèmes, quoique bien réels, dépassent parfois le simple cadre d'application de la Loi sur la protection de la jeunesse. Je tiens cependant à vous assurer que tous les commentaires reçus seront pris en considération.
D'emblée, je reconnais que certaines des propositions du projet de loi n° 125 font suffisamment consensus pour qu'elles soient considérées comme incontournables. Par exemple, toutes les personnes que nous avons entendues partagent le grand objectif d'assurer plus de continuité et de stabilité aux enfants placés. Si cet objectif est vraiment partagé, certains cependant questionnent les moyens pour y arriver.
Je retiens aussi que l'introduction dans la loi de la tutelle comme nouvelle option pour garantir plus de permanence à un enfant est une innovation très bien accueillie. Je tiens par ailleurs à vous rappeler que nous soutiendrons financièrement les personnes qui feront le choix de devenir tuteurs. Cette nouvelle alternative nous permettra donc d'offrir plus de stabilité aux enfants et d'inclure, tel que demandé, les membres de la famille élargie qui souhaitaient et qui souhaitent toujours prendre la charge, quand c'est possible, de leurs petits-enfants. En cas de placement temporaire, on pourra envisager un projet de vie permanent. La mise à contribution des personnes les plus significatives, dont les grands-parents et la famille élargie, répond à un souhait largement exprimé. Pour ma part, je tiens à vous dire et à leur dire que j'ai bien saisi cette réalité.
Aussi, la révision complète des motifs d'intervention pour mieux identifier les enfants qui ont vraiment besoin de protection reçoit un accueil favorable. Pour les jeunes qui présentent des troubles de comportement sérieux, plusieurs, plusieurs, plusieurs personnes nous ont demandé de revoir la définition proposée. Notre proposition tenait compte du fait qu'un jeune qui présente un danger pour autrui est habituellement poursuivi en vertu du Code criminel, s'il a plus de 12 ans, et peut recevoir des services en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Cette compréhension n'est pas partagée par tous... n'est pas partagée en fait, et nous en avons pris bonne note.
La nouvelle définition des mauvais traitements psychologiques dispose aussi d'un très bon appui. De même, la volonté de favoriser, dans la loi, le recours à des approches consensuelles a plusieurs fois été saluée parce qu'il permettra à l'enfant et à ses parents de participer activement aux décisions qui les concernent. Plusieurs toutefois questionnent l'application de ces approches.
Pour favoriser un meilleur arrimage entre les services, il ne fait aucun doute que l'obligation faite au DPJ d'informer et d'accompagner les enfants et les parents vers d'autres ressources, s'ils y consentent, est considérée comme une mesure importante et concrète pour orienter les familles vers les services appropriés.
Je prends aussi bonne note des divergences qui ont été exprimées sur certaines dispositions législatives proposées. On se rappellera que l'introduction dans la loi de durées maximales de placement a suscité des réactions diamétralement opposées. D'une part, certains y voient un moyen indispensable pour réduire de façon importante le ballottement des enfants entre sa famille d'origine et son milieu d'accueil, ou entre plusieurs familles d'accueil, ou entre le milieu naturel et le centre de réadaptation. Pour ces personnes, le Québec devrait privilégier ce moyen pour garantir la continuité et la stabilité à un enfant placé, comme le font déjà huit autres provinces canadiennes. D'autre part, certains s'opposent à de telles durées maximales de placement, qui risqueraient d'écarter trop rapidement des parents aux prises avec des difficultés importantes et de ne pas tenir suffisamment compte de la nécessité d'évaluer les situations cas par cas. Des doutes ont aussi été soulevés quant à la capacité du réseau social de garantir l'accès et l'intensité des services pour venir en aide à ces parents. D'autres personnes ne remettent pas en cause cette mesure mais souhaitent que les durées prévues soient appliquées avec plus de souplesse.
À la fin de ces consultations, il semble nécessaire de se poser des questions quant à l'application des durées maximales de placement. Cette mesure m'apparaît toujours comme un des meilleurs moyens pour favoriser la stabilité des enfants. Cependant, nous devons tous travailler ensemble dans les semaines à venir afin de s'assurer que cette mesure soit appliquée avec toute l'attention et la souplesse nécessaires que requièrent des situations qui sont souvent très complexes.
Un autre thème a fait l'objet de commentaires divergents. Il s'agit de modifications proposées aux règles de confidentialité. Si la création d'un registre des enfants signalés et l'augmentation des délais de conservation des dossiers du DPJ sont des propositions généralement bien acceptées, certaines balises soulèvent cependant des interrogations ou demeurent encore à clarifier. Ainsi, l'accès à l'information par le directeur de la protection de la jeunesse pour prendre des décisions éclairées a donné lieu à des points de vue différents, tout comme les moyens de divulgation d'information proposés en vue de favoriser les actions concertées. Tout en reconnaissant qu'il faudra agir avec prudence, il m'apparaît indispensable d'améliorer la communication de l'information pour mieux assurer la protection de nos enfants.
Quant aux dispositions proposées pour mieux baliser le recours à l'encadrement intensif pour un jeune hébergé en centre de réadaptation, il ne fait aucun doute dans mon esprit qu'elles font encore l'objet de très sérieuses réserves. Il est vrai que ces mesures restrictives de liberté ont soulevé, depuis plusieurs années, de nombreux débats. Il n'en demeure pas moins qu'il faudra parvenir à trouver un équilibre satisfaisant entre le droit d'un jeune à être protégé et celui d'avoir le moins d'entraves possible à sa liberté.
n(18 h 30)n Comme je le disais précédemment au cours de cette commission parlementaire, on a porté à notre attention différentes problématiques qui ne sont pas nécessairement abordées par le présent projet de loi. Certains souhaitent que le législateur identifie davantage de moyens pour contrer les difficultés du passage à la vie adulte des jeunes suivis en protection de la jeunesse lorsqu'ils atteignent 18 ans. Je vous avoue franchement que cette question me préoccupe grandement. D'autres se sont interrogés sur la place que le directeur de la protection de la jeunesse doit occuper à travers le réseau de la santé et des services sociaux. La complexité de différents mécanismes de plaintes a également été évoquée par certains.
Enfin, plusieurs demandes ont été formulées pour améliorer l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse. Certaines demandes s'adressaient davantage aux établissements du réseau de la santé et des services sociaux, particulièrement aux centres jeunesse, tandis que d'autres étaient adressées au ministère. Ces demandes devront également être prises en considération pour assurer le succès des changements proposés. Rappelons quelques-unes de ces demandes: la bonification des services en amont pour éviter un recours trop hâtif à la Loi sur la protection de la jeunesse; la mise sur pied d'un modèle novateur d'intervention dans le milieu en étroite collaboration avec tous les acteurs communautaires, services de garde, commissions scolaires, centres jeunesse, CSSS, et combien d'autres; la révision de notre régime d'adoption pour mieux répondre à l'évolution de la société québécoise; la poursuite des efforts pour mieux adapter nos interventions aux réalités des communautés autochtones et ethnoculturelles; l'amélioration du soutien aux familles d'accueil; et la diminution des charges de cas pour les intervenants des centres jeunesse. Je préciserai d'ailleurs que nous avons déjà un petit bout de chemin de parcouru en ce sens, car nous sommes passés de 27 familles ou enfants par intervenant à 23, et nous entendons continuer en ce sens.
Je peux assurer mes collègues et toute la population que nous allons procéder à une analyse rigoureuse de tous les commentaires reçus. À la lumière de cette analyse, nous proposerons certaines modifications afin de bonifier le projet de loi n° 125 et de l'ajuster à la réalité dont on a entendu parler ici, en commission parlementaire. Comme parlementaires, nous aurons des décisions importantes à prendre. À l'image de celles et ceux qui ont la responsabilité d'appliquer cette Loi sur la protection de la jeunesse, nous prendrons les décisions dans l'intérêt de l'enfant et dans le respect de ses droits. Ce principe fondamental guidera les choix que nous ferons. Aussi, nous garderons toujours à l'esprit que les parents sont responsables en tout premier lieu de leurs enfants et que, pour exercer adéquatement cette grande responsabilité, ils ont besoin d'être soutenus, dans la mesure où ils ont les capacités de le faire. Malheureusement, nous savons que ce n'est pas toujours le cas, et c'est pourquoi la société doit prendre le relais.
Je me permets de rappeler que la situation des enfants les plus vulnérables de notre société nous invite à leur donner, sans partisanerie politique aucune, un présent et un avenir plus prometteurs. D'ailleurs, je voudrais signaler, sincèrement, ça fait 11 ans et demi, M. le Président, que je suis députée, j'ai rarement vu une commission travailler sans aucune partisanerie, et chacun et chacune d'entre nous a travaillé dans le sens d'aller chercher la meilleure information possible, pour nous permettre d'avoir le meilleur éclairage possible afin de pouvoir leur donner cette loi qui représente finalement... qui va les protéger le mieux possible mais qui va aussi refléter l'évolution des connaissances et des pratiques ? j'achève, M. le Président.
Je termine en remerciant à nouveau toutes les personnes qui ont pris le temps de nous communiquer leurs points de vue. Par leurs propositions, elles auront contribué à améliorer les moyens que nous nous sommes donnés pour mieux protéger nos enfants.
Je remercie aussi les collègues de ma formation politique ainsi que ceux des formations de l'opposition pour avoir contribué au bon déroulement de cet exercice démocratique essentiel, ainsi que tout le personnel de l'Assemblée, des ministères de la Justice et de la Santé et des Services sociaux qui ont participé à ce processus. Cette commission aura été une réussite, car nous aurons ensemble démontré de l'ouverture, posé les bonnes questions et partagé le même objectif de mieux protéger les intérêts de nos enfants.
Enfin, je vous remercie, vous, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, à mon tour de vous remercier, chers collègues, pour votre collaboration habituelle et exemplaire. Et, sur ce, la commission ayant accompli son mandat, j'ajourne les travaux sine die. Merci.
(Fin de la séance à 18 h 34)