(Onze heures douze minutes)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales.
Consultations particulières
sur le projet de loi n° 112
Je vous rappelle que nous sommes réunis afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 112, Loi modifiant la Loi sur le tabac et d'autres dispositions législatives.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Non, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Pas de remplacement. Je vous rappelle, chers collègues, ainsi qu'à tout le monde ici présent dans la salle, que l'utilisation des téléphones cellulaires est interdite. Je prierais en conséquence tous ceux qui en font l'usage de bien vouloir les mettre hors tension pour ne pas entraver les travaux de la commission.
Nous avons deux groupes à l'ordre du jour ce matin. Dans quelques instants, nous débuterons avec MM. Pierre Ouellette, Pierre-Yves Crémieux, Patrick Petit et Mme Valérie Carter; par la suite, l'Association des marchands dépanneurs et épiciers du Québec et Association des détaillants en alimentation du Québec; une suspension autour de 12 h 45, pour reprendre nos travaux à 15 heures. Je ferai lecture de l'ordre du jour à ce moment-là.
Alors, il nous fait plaisir de souhaiter la bienvenue aux représentants du premier groupe, c'est-à-dire Pr Ouellette, M. Petit, Mme Carter, bonjour. Je vous rappelle nos règles de fonctionnement. Vous avez 20 minutes... pardon, 15 minutes pour faire votre présentation, et c'est suivi par un échange de 15 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Sans plus tarder... Je ne sais pas, c'est Pr Ouellette qui commence?
M. Ouellette (Pierre): Je commence.
Le Président (M. Copeman): Très bien. Alors, vous pouvez peut-être brièvement, juste pour les fins de transcription, présenter vos collaborateurs et par la suite enchaîner avec votre présentation.
Auditions (suite)
MM. Pierre Ouellette, Pierre-Yves Crémieux,
Patrick Petit et Mme Valérie Carter
M. Ouellette (Pierre): Très bien. Alors, je me présente: Pierre Ouellette. Je suis professeur titulaire de sciences économiques à l'UQAM. Mon collègue Pierre-Yves Crémieux est professeur associé de sciences économiques à l'UQAM ? il est absent ce matin. Il est aussi associé directeur du Groupe d'analyse. Et les deux autres personnes qui m'accompagnent ce matin, Patrick Petit et Valérie Carter, sont tous deux économistes au Groupe d'analyse. Nous sommes tous les quatre l'équipe qui a été mandatée par le gouvernement, par le ministère, pour mener à terme l'étude d'impact du projet de loi.
Alors, le mandat nous a été confié en juin 2004 et consiste en l'évaluation de l'impact des modifications proposées à la Loi sur le tabac, la loi n° 444, telles qu'envisagées par le ministère de la Santé et des Services sociaux. L'évaluation repose sur les méthodes d'analyse, proposées par le Secrétariat à l'allégement réglementaire, qui prescrivent de comparer les coûts et les bénéfices des mesures proposées.
Pour ce qui est des coûts, nous proposons d'aborder les mesures en trois temps. Premièrement, nous mesurons l'impact des mesures touchant l'usage du tabac en nous concentrant sur les établissements affectés par les mesures proposées relatives à l'usage du tabac dans les lieux publics. Dans un deuxième temps, nous analysons l'impact des mesures touchant l'interdiction de la vente du tabac dans certains types d'établissements commerciaux. Et, troisièmement, l'impact des mesures d'encadrement des pratiques d'étalage et de promotion est évalué pour les établissements qui continueront à vendre des produits du tabac. Ça, c'est pour les coûts.
En ce qui concerne les bénéfices des mesures proposées, nous évaluons l'impact de l'ensemble des mesures proposées sur le tabagisme dans la société et des coûts-économies qui y sont associés. Naturellement, les bénéfices sont en termes de réduction des dépenses de santé associées à l'usage du tabac. Cette section additionnelle s'appuie sur la méthode et les conclusions de l'étude d'impact de la Loi sur le tabac de 1998 qui donnait un estimé de l'impact de la loi en fonction de la réduction du tabagisme.
Finalement, nous comparons les coûts économiques des mesures proposées aux bénéfices attendus. Cette comparaison permet de conclure qu'au niveau de l'ensemble de la société les bénéfices liés à la baisse du tabagisme dépassent largement les coûts encourus par certains secteurs économiques. C'est probablement la conclusion principale de notre étude.
En termes de méthodologie, le projet propose une multitude de mesures, et toutes ne peuvent être étudiées par la même méthode. Nous avons donc regroupé les mesures par catégories et avons établi une méthodologie de calcul d'impact particulière pour chacune d'entre elles.
Dans chaque cas, le principal défi a été de trouver des données de qualité. Nous avons entrepris une démarche d'obtention de données qui a pris plusieurs formes. Dans tous les cas où cela a été possible, nous avons privilégié les données spécifiques aux établissements touchés plutôt que des sources indirectes, tels que les estimés provenant d'autres études ou d'autres régions.
Pour ce qui est des mesures touchant l'usage du tabac dans les lieux publics, nous avons procédé par sondages et entrevues. Un premier sondage touchait tous les établissements commerciaux où il est permis de fumer dans les espaces communs ouverts à la clientèle, tels les bars, restaurants, hôtels, motels, de même que les salons de quilles et billard. Un deuxième sondage touchait spécifiquement les bingos. Nous avons procédé par entrevues pour les secteurs ayant très peu d'intervenants, tels les gares, centres commerciaux, centres des congrès, lieux de divertissement culturel, et ainsi de suite.
Dans le cas des mesures interdisant la vente de tabac dans certains types d'établissements, nous avons utilisé des données fournies par le gouvernement sur les montants de vente de tabac pour ces catégories de commerces.
En ce qui a trait à l'encadrement des pratiques d'étalage et de promotion, nous avons utilisé un sondage touchant les bénéfices des détaillants de tabac reliés aux pratiques suivantes: contrat d'exclusivité, étalage favorable et événements spéciaux.
Finalement, toutes les mesures proposées ont fait l'objet d'une revue de la littérature afin de documenter l'impact des lois similaires mises en oeuvre récemment dans des juridictions comparables et touchant le même type d'établissements. Les bénéfices des mesures proposées ont été calculés en termes de baisses du taux de tabagisme. Ces baisses sont associées à une réduction des coûts de santé, et les bénéfices sont d'autant plus importants que la baisse du tabagisme est grande.
Pour la suite de la présentation, mon collègue Patrick Petit va passer en revue les différentes mesures.
M. Petit (Patrick): Merci. Alors, tel que l'indiquait le professeur Ouellette, la méthodologie est assez simple: le coût et le bénéfice. Maintenant, ce que je vais faire avec vous, c'est de passer en revue les différents résultats que nous avons obtenus par les différentes méthodes d'évaluation que nous avons utilisées. Alors, je vais passer en revue les résultats par ordre d'établissements et ainsi que par ordre de types de mesures qui ont été mises de l'avant.
Alors, si on commence maintenant par les mesures qui ont trait à l'usage du tabac dans les lieux publics, il y a des mesures qui touchent trois types d'établissements... des établissements que nous avons regroupés en trois types: donc, hébergement touristique, restaurants, bars, quilles et billard, dans un premier cas; suivent, dans un deuxième cas, les bingos; et, finalement, les centres commerciaux, sportifs, culturels, gares et centres de congrès.
Si on commence par la première catégorie, en ce qui a trait à l'usage du tabac, nous avons procédé par sondages afin de déterminer l'impact sur les établissements touristiques, restaurants, bars et quilles et billard. Maintenant, pour ce qui est des hébergements touristiques, nous avons trouvé que la majorité des établissements étaient déjà conformes aux mesures proposées ou entendaient le devenir dans un avenir proche. Il s'avère donc que seule une minorité d'établissements voie les mesures comme une contrainte, et, lorsque nous avons mesuré l'intensité de la contrainte que ces mesures représenteraient pour ces établissements, on se rend compte qu'il n'y a pas vraiment de contrainte. Donc, les établissements ne voient pas ces mesures proposées comme étant des contraintes fortes qui les affecteraient. Ce sont des conclusions qui rejoignent là la littérature sur le sujet. Donc, nous concluons que, pour les hébergements touristiques, il n'y a pas d'impact des mesures proposées.
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(11 h 20)
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Des conclusions similaires sont obtenues, à propos des restaurants. Donc, la majorité des établissements sont déjà conformes ou entendent le devenir au cours des prochaines années. Et l'impact pour les établissements qui devront devenir conformes est assez faible en termes d'impact sur la clientèle. Et nous concluons donc tout ça encore une fois en revoyant également la littérature sur le sujet qui mentionne très peu d'impacts, que les restaurants ne seront pas touchés par les mesures proposées. Certains restaurants d'ailleurs ont déjà mis en oeuvre des mesures de façon anticipée.
Le portrait est très différent dans le cas des bars. Dans le cas des bars, l'impact des mesures proposées est moins clair. Ainsi, le pourcentage d'établissements anticipant être affectés par les mesures proposées est nettement plus élevé ? environ 69 % des établissements ? que pour les autres catégories. Ainsi, bien que les expériences internationales démontrent qu'il n'y a pas d'impact négatif sur la clientèle, la littérature scientifique aux bars est rare malgré tout. De plus, les répondants du sondage se sont montrés plus défavorables aux mesures proposées et leur attribuent une baisse réalisée ou anticipée de leur clientèle.
Les expériences des villes de Toronto, Vancouver et Ottawa permettent toutefois de fixer une borne maximale à l'impact de la loi. Les répondants de Toronto disent avoir subi en moyenne une baisse de 5,8 % de leur chiffre d'affaires. Une telle borne ne permet toutefois pas de conclure que l'impact serait négatif, puisque les bars de la ville de Vancouver ont enregistré une hausse moyenne de leur chiffre d'affaires de 0,7 %, et ceux d'Ottawa, une baisse de 1,6 %. De plus, les études scientifiques aux bars... spécifiques aux bars, pardon, ne documentent pas de baisse de vente, suite à des mesures antitabac, et la littérature fait mention de biais négatifs des établissements touchés quant à leur appréciation des effets des politiques régissant l'usage du tabac. Toutes ces considérations amènent à conclure qu'il pourrait donc y avoir un impact sur le revenu d'une interdiction éventuelle, mais que celui-ci sera sans doute faible.
Les quilles et billard ont quant à eux un comportement à mi-chemin des restaurants et des bars. D'une part, la moitié répond qu'elle se conformera d'elle-même aux mesures proposées d'ici cinq ans, ce qui indique que leur viabilité économique ne semble pas mise en cause par les mesures proposées. D'autre part, les réactions aux mesures proposées sont généralement négatives. Ainsi, bien que la littérature suggère que l'effet des mesures proposées sera négligeable, le calcul de l'impact se baserait malgré tout sur les appréhensions que les répondants ont manifesté lors du sondage afin de fournir un portrait conservateur de la situation.
Dans le but d'évaluer un montant maximum pour l'impact financier que la loi aura sur les bars, salles de quilles et billard, nous avons évalué la chute de revenu en cas d'interdiction. Pour ce calcul, nous supposons d'abord que l'impact sur les revenus d'une éventuelle interdiction est égal à la moyenne de ce qui a été constaté pour les villes de Vancouver, Toronto et Ottawa pour les bars et tavernes, les pubs de même que pour les quilles et billard, soit des baisses de 2,5 % dans le cas des bars et de 4,8 % du chiffre d'affaires pour les salles de quilles et billard.
Cet impact sur les revenus est ensuite multiplié par le taux de profit sur les revenus des restaurants et bars en nous basant sur des chiffres de Statistique Canada. Nous sommes ainsi en mesure de calculer que l'impact global sur les bars du Québec devrait être d'environ 3 millions de dollars en perte de clientèle et de 2,8 millions de dollars pour les quilles et billard.
Si on passe maintenant à la catégorie d'établissements suivante que sont les bingos, on réalise que beaucoup de bingos permettent le tabagisme, mais qu'un nombre très élevé de bingos anticipe de contraindre l'usage du tabac au cours des prochaines années, même s'il n'y a pas de mesures proposées. Donc, la loi ne représente pas pour ces établissements une contrainte forte. Toutefois, le sondage ? nous avons procédé par sondage ? le sondage démontre que certains établissements pourraient être fortement affectés ? certains établissements très particuliers. Et donc nous avons, grâce à des mesures de profit des bingos et grâce au nombre de bingos affectés, calculé un impact global de 1,5 million de dollars, lié à une baisse de clientèle possible des bingos, avec la particularité importante qu'il semble, d'après le sondage, que les bingos des régions pourraient être beaucoup plus affectés que les bingos des grands centres urbains.
En ce qui a trait aux centres commerciaux, centres sportifs, culturels, gares et centres de congrès, nous avons procédé par entrevue, étant donné la nature de ces établissements. Et il s'avère, après analyse des résultats, qu'il n'y a aucun effet anticipé des mesures proposées. Nous concluons donc qu'il n'y aura pas d'impact au niveau de ces établissements.
Un autre train de mesures proposées par le projet de loi a trait à l'interdiction des ventes. Pour calculer l'impact de l'interdiction des ventes dans certains types d'établissements, nous avons procédé, avec l'aide du gouvernement canadien et du gouvernement québécois, afin de retracer les montants de cigarettes vendues par ces établissements. Il s'avère que ces établissements ne vendent qu'un très faible pourcentage des cigarettes vendues au Québec et que ce pourcentage, lorsqu'on le multiplie par un taux de profit, représente un très, très petit montant de profit, donc un très faible impact économique. On parle de 1,5 million de dollars à 2,6 millions, mais avec un estimé beaucoup plus proche du 1,5 million.
Un autre train de mesures touche la question de la promotion et du marketing. Alors, c'est les pratiques de mise en marché. Nous avons, pour ce faire, évalué la situation avec un autre sondage sur les questions de l'exclusivité, donc les contrats d'exclusivité qui lient les fabricants ou les fournisseurs aux détaillants, l'étalage et les événements spéciaux.
Alors, nous avons ainsi demandé aux répondants de nous donner les montants qu'ils recevaient, les bénéfices qu'ils recevaient au titre de ces avantages, de ces... pardon, de ces pratiques, et nous avons, pour les fins de l'étude, fait l'hypothèse que tous ces montants disparaîtraient dans le cas de l'interdiction. Et donc les montants correspondants sont de 1,5 million de dollars liés à l'exclusivité, 5,5 millions liés à l'étalage et 0,5 million en événements spéciaux, pour un total de 7,5 millions sur les mesures qui ont trait à la restriction des pratiques d'étalage et de marketing.
Comme nous discuterons tout à l'heure, ces montants n'incluent pas certains items. Par exemple, nous savons qu'il y a des réductions de prix qui sont consenties à certaines chaînes de détaillants moyennant un étalage favorable, et nous ne récupérons pas ces montants par le biais du sondage. Donc, nous avons inclus des montants qui sont publics, de cet ordre-là, des montants versés par les fournisseurs aux détaillants, en analyse de sensibilité, dans notre analyse finale, pour vérifier la solidité des résultats. Nous en ferons part tout à l'heure.
Enfin, si on récapitule maintenant tous les coûts, donc on parle en termes d'usage, coûts d'usage... pardon, coûts de restriction à l'usage du tabac, coûts quant à l'interdiction des ventes et coûts quant aux restrictions quant aux pratiques de marketing, on parle d'un total d'environ 16 millions de dollars comme étant le coût total des mesures proposées. Et, lorsque nous incluons une analyse de sensibilité pour inclure certains montants que les compagnies de tabac versent aux détaillants du Québec, le montant monte à 40 millions que nous utilisons en analyse de sensibilité.
Ces montants ? de 16 à 40 millions ? sont comparés maintenant aux bénéfices qu'engendreront le projet. Le projet a des bénéfices qui sont difficilement mesurables en termes de réduction de tabac. Ce que nous avons donc fait, c'est de calculer la réduction du tabagisme minimale qui était requise pour compenser les coûts des mesures proposées, et nous arrivons au résultat suivant, à savoir qu'une simple diminution de 0,3 % du taux de tabagisme suffirait à compenser les coûts des mesures proposées. Et, à la lumière des baisses du tabagisme récentes et à la lumière de l'impact qu'a eu le précédent projet de loi, il semble qu'une baisse de 0,3 % est tout à fait conservatrice et dans l'ordre du possible.
Sur ce, je redonne la parole au Pr Ouellette pour conclure.
M. Ouellette (Pierre): Oui, rapidement, c'est un rappel des principaux résultats et des conclusions. Alors, notre étude conclut que l'impact des mesures proposées est minime en comparaison de certains des bénéfices attendus. Ainsi, il est estimé que les mesures restreignant ou interdisant le tabagisme dans certains lieux commerciaux fréquentés par le public n'auront aucun impact négatif sur la clientèle, sauf peut-être dans le cas des bars et des salles de quilles et de billard. Dans le cas des bingos, il est peu probable qu'il y aurait un impact dans les régions urbaines, mais l'adaptation de la clientèle aux mesures proposées pourrait poser certains problèmes à certains bingos des régions.
Il est de plus calculé que les restrictions relatives aux points de vente auront un impact négatif presque négligeable de par le faible niveau des ventes de tabac des établissements qui pourraient se voir interdits de vendre du tabac au public. L'impact des mesures proposées touchant les pratiques promotionnelles est faible, lui aussi, même en incluant une analyse de sensibilité.
Pour tous les calculs que nous proposons ce matin, nous avons toujours adopté une approche conservatrice qui consistait à sous-estimer les impacts positifs et à surestimer l'impact négatif, et donc nous sommes d'avis que les bénéfices calculés dépassent largement les coûts et constituent un minimum, et donc que le projet de loi est sans doute rentable socialement.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup. Alors, afin de débuter l'échange, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Pr Ouellette, M. Petit et Mme Carter, pour votre visite. Je pense qu'effectivement, si on avait à résumer le message fondamental de votre étude, c'est que, sur le plan de la société, la réduction du tabagisme est excessivement rentable, puisque vous le dites, et je me permets de le répéter parce que le chiffre est très frappant, que, pour annuler les coûts hypothétiques de certains secteurs économiques, il ne s'agirait que de diminuer le taux de tabagisme de 0,3 %, ce qui est, en regard des progrès que nous avons accomplis au cours des dernières années, un objectif certainement qui sera dépassé au cours des prochaines années, une fois ce projet de loi adopté.
Lorsque vous calculez les bénéfices économiques de la réduction du tabagisme, s'agit-il des coûts de santé directs ou incluez-vous également les coûts indirects tels que l'absentéisme et baisse de productivité?
M. Ouellette (Pierre): Les deux, à la fois les coûts directs et indirects. Et le pourcentage, si je me permets de faire un commentaire, en fait un tiers de point, c'est minime par rapport à l'impact qu'a eu la loi n° 444, qui était de plusieurs points de pourcentage. Et donc, en fait... Et le tiers de point, c'est dans le cas le plus défavorable, parce qu'en fait le cas le plus probable, c'est non pas une baisse de 1/3 de point de pourcentage, mais de 1/6 de point de pourcentage, ce qui est en fait très, très faible, par rapport aux attentes qu'on peut avoir par rapport au projet de loi.
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(11 h 30)
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M. Couillard: Oui. Il faut rappeler que la première loi de 1998 a permis de passer de plus de 30 % d'utilisation du tabac à environ 25 %, donc très supérieur à ce que vous envisagez comme étant le seuil minimum pour être rentable socialement.
C'est une question que je posais, hier, au président de la Fédération canadienne des entreprises indépendantes: Est-ce qu'il y déjà eu des études d'impact sur les entreprises du tabagisme, à votre connaissance, en termes d'absentéisme, baisse de productivité liés à la maladie et aux problèmes de santé reliés?
M. Ouellette (Pierre): Je m'excuse, je n'ai pas bien compris. Est-ce qu'il y a eu une étude sur les entreprises?
M. Couillard: Oui, spécifiquement l'activité économique dans... parce que les entreprises, certaines entreprises sont inquiètes des coûts associés aux mesures de contrôle du tabac. Mais ce que j'essayais de faire ressortir, hier, c'est que... Et je ne crois pas que ce soit dans votre étude. Je vous demande une question, comme ça, en dehors de votre étude. J'essayais de faire ressortir qu'il est très probable que le tabagisme lui-même comporte des coûts importants pour les entreprises, compte tenu de l'absentéisme, des problèmes de santé que cela comporte, et il doit être possible de faire ressortir ça.
Une voix: Je pense que Patrick...
M. Petit (Patrick): Oui, je peux me permettre de répondre à cette question. Je pense que le Conference Board du Canada avait, il y a quelques années, fait une étude là-dessus, à l'époque, dans les années quatre-vingt-dix, je pense, sur l'absentéisme ainsi que sur les coûts de productivité du tabagisme au travail. Et les conclusions étaient qu'effectivement il y a des coûts importants, pour les entreprises, au tabagisme. Donc, les gens sont moins productifs lorsqu'ils fument, et il y a une simple question mathématique dans le fond qui est toute simple, c'est que les gens, lorsqu'ils fument, doivent sortir la plupart du temps pour fumer et donc perdent du temps de cette façon-là.
Une voix: ...
M. Petit (Patrick): Les coûts de santé des employés, pardon, sont aussi beaucoup plus élevés, dans le cas des employés qui fument comme pour tout le monde dans la population, d'où des coûts indirects à certaines entreprises en termes de remplacement d'employés qui peuvent partir en congé de maladie lorsqu'ils ont des traitements à l'hôpital par exemple ou ce genre de choses là.
Donc, on n'a pas, à la portée de la main, ici, toutes ces études, mais il est clair qu'il y en a plusieurs qui ont été faites, à la fois aux États-Unis, bien entendu, et au Canada qui a été beaucoup étudié.
M. Ouellette (Pierre): Puis il y avait aussi des coûts en termes de réduction des primes d'assurance ou des frais d'entretien encourus par les entreprises. Donc, le tabac, ça brûle les tapis, ça fait augmenter les primes d'assurance, ce genre de choses. Donc, cet aspect a été documenté. Ça ne faisait pas partie du mandat qui nous a été confié, mais effectivement il y a une littérature portant sur ces coûts.
M. Couillard: O.K. Il y a eu une critique qui nous a été adressée, hier ? pas à nous, mais aux études d'impact en général ? de la part des propriétaires de bars, c'est qu'ils disent qu'en général on n'a pas fait la ségrégation ou la distinction entre les bars, d'une part, et les restaurants, d'autre part; la plupart des études les regroupent dans une vaste catégorie.
Je vois que, dans votre étude, vous avez fait un effort pour les séparer; vous l'avez bien expliqué dans votre présentation. On nous fait également état d'une étude qui est citée à plusieurs reprises par les représentants du milieu des bars, c'est le rapport Evans ou l'étude Evans qui, je crois, n'était pas publiée au moment où vous avez préparé votre étude d'impact. Est-ce que vous avez eu l'occasion de la regarder?
M. Ouellette (Pierre): Oui, on a eu l'occasion de la regarder il y a peu de temps. En fait, effectivement, notre rapport a été remis en février et le rapport Evans a été aussi déposé en février, donc on n'avait pas en main ce document au moment où on a rédigé notre rapport. En fait, la lecture du rapport Evans soulève un certain nombre de questions. Fondamentalement, il n'y a pas d'incompatibilité globale. Il y a des différences, au niveau de l'évaluation de l'impact, pour différentes raisons.
Alors, premier point. Effectivement, notre étude a singularisé les bars parce qu'effectivement, dans beaucoup de cas, les bars ont été étudiés conjointement aux restaurants, aux restobars. Des conclusions qui portaient sur l'ensemble, on pouvait les remettre en question en se disant que peut-être les bars avaient une situation particulière spécifique assez différente de celle des restaurants à cause de la nature du commerce.
Alors, quand on a étudié la question, au début, on s'est dit qu'il fallait effectivement aborder la question de fond, et donc c'est la raison pour laquelle on a étudié spécifiquement les bars, comme on a rapporté les résultats en disant que ça se pouvait qu'il y aurait effectivement un impact légèrement négatif en se basant sur l'expérience de villes canadiennes comme Vancouver, Toronto et Ottawa.
Quand on a fait notre choix de recension de littérature scientifique, on avait plusieurs préoccupations. En fait, quand on regarde la nature des études portant sur l'impact du tabac, bien ça va du journal à potins à la revue la plus scientifique possible, et donc, en fait, il faut faire un choix sur la nature de ce qu'on accepte comme étant une étude valable et ce qui ne l'est pas. Alors, dans le rapport ? dans notre rapport ? on fait mention des critères visant à déterminer ce qui était une étude recevable de ce qui de l'était pas.
Notre principale préoccupation en fait, c'est que, dans beaucoup de cas d'études faisant état d'impacts négatifs, les études étaient biaisées. Autrement dit, les gens qui disaient qu'il y avait un impact négatif important se contentaient d'étudier seulement qu'un sous-ensemble des bars, souvent sur une base volontaire. En fait, c'étaient ceux qui étaient les plus affectés qui rapportaient qu'il y avait des impacts négatifs. Et donc on a établi des critères visant à éliminer les études qui avaient une base échantillonnale qui était déficiente, c'est-à-dire qui ne respectait pas des critères minimaux de qualité. Et, à partir de ce moment-là, bien, effectivement, il y a peu d'études qui étudient le cas des bars séparément. Nous, on a complété cette littérature par des études portant spécifiquement sur ce secteur au niveau canadien. Il s'avère que l'impact est légèrement négatif.
Dans le cas de l'étude Evans, on rapporte un impact négatif, ce qui n'est pas nécessairement incompatible avec nos résultats, mais l'ampleur du résultat négatif était extrêmement importante. Et notre façon d'interpréter les résultats, à notre avis abusivement négatifs, de l'étude Evans, c'est encore une fois la base échantillonnale qui est biaisée. Et donc ils se sont contentés d'étudier un certain nombre de bars, ceux dont on peut penser qu'effectivement ils vont être plus affectés négativement que l'ensemble... que la réalité. Et donc ils ont mis de côté un certain nombre d'aspects qui seraient en fait moins défavorables à la loi, et donc ils se sont concentrés sur un sous-échantillon qui à notre avis est biaisé.
Mais, à partir du moment où on corrige pour les biais de l'étude d'Evans, les résultats ne sont pas nécessairement incompatibles avec les nôtres. On a fait plus que ça, en fait, on est allés chercher les données d'Evans et on a refait le travail économétrique qui est à la base des résultats d'Evans. Il s'avère en fait que les résultats ne tiennent pas la route. Ils sont extrêmement instables. Il suffit de modifier de façon marginale les études économétriques qu'ils ont faites pour arriver à la conclusion tout à fait inverse, c'est-à-dire qu'il n'y aura pas de baisse significative liée à la Loi sur le tabac. Et donc, quand on refait le travail de façon plus adéquate étant donné les standard scientifiques, la conclusion du rapport Evans ne semble pas tenir la route.
M. Couillard: Donc, une fois cette étude consultée, elle ne modifie pas les conclusions auxquelles vous en venez, auxquelles vous venez dans votre rapport.
M. Ouellette (Pierre): Absolument pas.
M. Couillard: Merci.
Le Président (M. Copeman): Juste là-dessus, Pr Ouellette, vous indiquez: «De plus, les études spécifiques aux bars ne documentent pas de baisse des ventes suite à des mesures antitabac.» Alors...
M. Ouellette (Pierre): On parle toujours de moyenne, hein? Il se peut qu'il y ait des bars qui soient affectés, d'autres qui vont être affectés négativement, d'autres affectés positivement. Nos résultats sont tout le temps des résultats moyens pour l'entreprise. Donc, on ne documente pas le fait que peut-être certains pourraient être affectés négativement, mais globalement l'industrie ne le sera pas.
Le Président (M. Copeman): M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
M. Bernard: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs madame. Une question très simple: Les données que vous avez, d'impact, est-ce qu'elles sont sur la première année de la mise en place? Quand vous prenez par exemple les répondants de Toronto qui ont une baisse de 5,8 %, est-ce que cette baisse-là, de 5,8 % en moyenne, est sur la première année et, après ça, les commerces rattrapent leur rentabilité habituelle, c'est-à-dire un impact à court terme et par la suite, à long terme, il n'y a plus d'effet sur le tabagisme?
M. Petit (Patrick): C'est dans le sondage. Dans le fond, la question qu'on posait, en fait vous la retrouvez en annexe du rapport. Pour vous épargner tout ça, ce qu'on pose comme question aux gens, c'est: Depuis qu'il y a eu l'interdiction, quel a été l'impact sur votre chiffre d'affaires? Donc, les gens nous donnent une réponse en valeur annuelle. Donc, dans le fond, on peut dire que c'est une moyenne annuelle depuis qu'il y a eu interdiction. Donc, les gens vont se prononcer sur la période qui sépare le moment du sondage du moment où il y a eu interdiction, par exemple à Toronto, à Ottawa, dans ce cas-là. Ils vont dire: J'ai perdu tant de pour cent de mon chiffre d'affaires par année, en moyenne.
M. Bernard: Donc, à ce moment-là, c'est la bonne foi. Donc, ça veut dire qu'eux... Moi, personnellement, j'aurais cru, par exemple, que la mise en application de la loi a eu un impact la première année, mais par la suite que la clientèle se rétablit, par exemple, en arrivant... que les non-fumeurs maintenant commencent à aller dans ces établissements-là; donc, son niveau de rentabilité, il reviendrait. Mais, selon votre étude, ça voudrait dire que la baisse serait à long terme également.
M. Petit (Patrick): Dans certains cas, oui, dans certains cas, non. Je vous rappelle que, pour les établissements de Vancouver par exemple, les gens disaient avoir connu une hausse de leur chiffre d'affaires, tandis qu'à Toronto c'était une baisse assez prononcée, et, à Ottawa, une légère baisse. Et tout ça, encore une fois, est sur une période qui sépare le moment du sondage du moment de la réglementation. Donc, c'est une période qui varie dépendamment de la législation.
Donc, la question de la baisse à long terme ou du choc à la baisse, si on veut, sur le chiffre d'affaires des bars, elle est probable. Le problème qu'on a et ce à quoi faisait référence le Pr Ouellette, c'est qu'elle est très difficile à documenter, dans la littérature, sur une base scientifique. Quand on regarde les études qui ont été faites avec un certain nombre de critères scientifiques qui remplissent certains critères de qualité, ces études-là disent: Il n'y a pas d'impact. Nous, dans le sondage, on trouve qu'il y a un impact négatif, et c'est la raison pour laquelle on y va de façon conservatrice en faisant l'hypothèse, pour les fins du calcul d'impact ici, qu'il va y avoir un impact léger négatif, et, dans le calcul qu'on prend ici, on prend la moyenne de l'impact à Vancouver, Ottawa et Toronto. Mais, sur la base du sondage, je répète, sur la base du sondage, il semble qu'il y ait eu, dans le cas des bars, en moyenne, un impact légèrement négatif, oui.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Chambly et adjointe parlementaire au ministre de la Santé et des Services sociaux.
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(11 h 40)
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Mme Legault: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Sur les bingos, là, vous avez... c'est-à-dire, au sujet des bingos, vous avez procédé par sondages, hein, auprès des détenteurs de licence? Pouvez-vous nous en parler un petit peu, de l'outil comme tel, là, et commenter un peu les résultats que... interpréter les résultats dont vous faites état?
M. Petit (Patrick): Certainement. Alors, comme vous le savez peut-être, il y a différentes catégories de licences de bingo. Donc, on a sondé trois types de détenteurs de licences: donc, les détenteurs de licences de bingo en salle, qui sont la très grande majorité des détenteurs de licences; on a également sondé les détenteurs de nature communautaire, qui souvent sont des regroupements; c'est des salles, dans le fond, communautaires qui sont des regroupements de détenteurs de licences de bingo en salle, qui se mettent ensemble pour prendre une salle, si on veut, puis tenir leur bingo ensemble; et on a sondé également les détenteurs de salles privées, qui typiquement fonctionnent dans des milieux plus urbains, à grande échelle.
Et ce qu'on trouve généralement dans les réponses, c'est que les gens permettent l'usage du tabac dans les bingos, donc le tabagisme est très répandu présentement dans les salles de bingo, mais que ? et ça, en fait, ça nous a beaucoup surpris ? les gens anticipaient, même sans le projet de loi, mettre en place des mesures contre le tabagisme au cours des cinq prochaines années.
Donc, on posait la question aux gens: Premièrement, permettez-vous le tabagisme présentement? Si les gens répondaient oui: Entendez-vous l'interdire au cours des cinq prochaines années? Et là une majorité répondait oui. Alors, le projet de loi, de ce point de vue là, ne représente pas une contrainte nouvelle pour ces gens-là, puisqu'ils s'en allaient déjà dans cette direction-là.
Ceci dit, parmi un certain nombre d'établissements qui n'anticipaient pas interdire le tabagisme au cours des prochaines années, il y a des établissements qu'on a, nous, pu identifier comme étant vulnérables. Et on a essayé, dans l'étude, de dresser un portrait de ces établissements-là. Et grosso modo il s'avère que les détenteurs de permis de salles communautaires, et donc ça veut dire également, derrière ça, tous les gens qui ont des permis de bingo en salle qui utilisent ces salles communautaires, donc ces gens-là, qui sont dans des régions éloignées, donc des régions à faible densité de population, donc des petits bingos, peuvent avoir des difficultés ou ont des craintes, à tout le moins, sur l'impact des mesures contre le tabagisme.
On peut penser... Enfin, il y a trois régions, je pense, qu'on identifie dans l'étude, de par les réponses qu'on a eues et de par les statistiques sur la rentabilité des bingos qu'on a consultés grâce au ministère. Je pense que c'est la Côte-Nord, si je ne m'abuse, les Îles-de-la-Madeleine et la Gaspésie...
M. Ouellette (Pierre): La Gaspésie.
M. Petit (Patrick): ... ? c'est ça ? qui ont des petites populations très dispersées. Il y a des petites salles communautaires qui tiennent un bingo une fois de temps en temps, et eux pensent que, s'ils ne permettent pas le tabagisme, à ce moment-là ils pourraient perdre des clients qui ne voudront pas faire le déplacement.
Alors, grosso modo, pour les bingos, si je récapitule rapidement, tout le monde fume, la plupart des gens s'en vont vers un environnement non fumeur, et un sous-groupe des gens qui ne s'en vont pas vers là sont à risque, surtout les gens des régions.
Le Président (M. Copeman): M. le ministre.
M. Couillard: Oui. Très brièvement, je vais revenir sur la question de la productivité puis des coûts des entreprises. J'ai retrouvé la référence... on m'a donné la référence sur l'étude du Conference Board, de 1997 en fait, à laquelle vous faisiez allusion d'ailleurs, lors de l'étude d'impact de la première loi, en 1998. Et brièvement on estime ? puis c'est les chiffres de 1997, là ? que l'accroissement de l'absentéisme coûtait 230 $ par travailleur; la baisse de productivité, 2 173 $; les primes d'assurance vie, 75 $; le coût des aires pour fumeurs, 85 $; c'est environ 2 500 $ par fumeur. Donc, il y avait, déjà à l'époque, des coûts, pour les entreprises, assez substantiels qui étaient rapportés avant votre étude.
Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, Mme la députée de Rimouski et porte-parole de l'opposition officielle en matière des services sociaux.
Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Je constate quand même que votre étude va sûrement rassurer de nombreux partenaires.
Ceci étant dit, je reviendrais sur la question des bars, parce que c'est quand même ça qui soulève les passions, là. Dans votre paragraphe, vous nous dites que Vancouver a enregistré une hausse moyenne de son chiffre d'affaires de 0,7 %; Ottawa, une baisse de 1,6 %; et Toronto disent avoir ainsi subi une moyenne... une baisse de 5,8 %.
Comment vous expliquez qu'à Vancouver on ait une augmentation, à Toronto, une baisse et à Ottawa, une baisse beaucoup plus légère? Est-ce que... Cette différence d'impact là, elle est attribuable à quoi, selon vous? Et est-ce que c'est en lien avec la présence ou l'absence de fumoirs? Est-ce que vous avez vérifié ce genre de choses? Et est-ce que la hausse du chiffre d'affaires des bars de Vancouver est due aussi ? puis je vous pose plusieurs questions en cascade, vous me les répondrez au fur et à mesure ? est due au délai entre l'application de la loi et l'étude comme telle que vous avez effectuée ou est-ce que c'est le niveau d'acceptabilité de la loi qui a pu jouer un rôle dans ces différences-là? Est-ce que vous avez des explications?
M. Ouellette (Pierre): Honnêtement, là, pour commencer, vous êtes sur la frontière de ce que, nous, on a fait, donc jusqu'où on s'est rendus. En fait, nous, notre mandat, c'était plutôt de quantifier les impacts. Il y a certainement une étude sociologique qui peut être menée pour comprendre pourquoi, dans les différentes villes, on a réagi différemment.
Je vous mentionne qu'à Ottawa à ma connaissance il n'y avait pas de fumoir comme dans la loi prévue au Québec et donc que la baisse n'était que de 1,6 %. Alors, pourquoi expliquer qu'à Toronto ils ont réagi plus... plus négativement que dans les autres villes? Bien ça, en fait, je ne pourrais pas vous donner de réponse crédible. Ce ne serait que des préjugés que je pourrais émettre. Mais en fait il y a clairement des notions sociologiques qui peuvent expliquer pourquoi les gens vont réagir plus négativement dans une ville que dans une autre, et je ne pourrais pas répondre de façon satisfaisante à votre question parce que...
M. Petit (Patrick): Oui, je pense, moi, j'aurais peut-être un élément de réponse supplémentaire. Comme on disait, tout à l'heure, dans le sondage, dans l'interprétation des résultats, on a fonctionné de façon très conservatrice et on a remarqué qu'à Toronto on avait, si je me souviens bien, deux réponses non cohérentes. Donc, il y a certainement des gens qui étaient très fâchés des mesures, qui ont répondu que l'impact sur leur chiffre d'affaires c'était la disparition quasiment complète de leur chiffre d'affaires. Donc, autrement dit, on a des répondants qui ont répondu des choses qui sont des... un impact beaucoup... très exagéré, et, parce qu'on a voulu être conservateurs et ne pas décider d'inclure ou d'exclure tel répondant ou tel répondant, on a laissé ces gens-là dans le sondage. Donc, la réponse de Toronto sur laquelle on base notre calcul, 5,7 % ou 5,8 %, c'est en fait un chiffre qui est trop élevé. Donc, je pense qu'on descend... de mémoire, là, j'ai essayé de retrouver la page, là, mais je pense qu'on descend à 2 % ou 3 %, dans le cas de Toronto, si on élimine ces deux individus qui ont déclaré avoir connu un impact beaucoup trop élevé.
Maintenant, comme le disait le Pr Ouellette, mon impression, c'est qu'effectivement il y a différents types de législations. Enfin, d'une part, on peut attribuer à différentes mesures... Bon, vous me parlez des fumoirs, on peut parler du type de législation, on peut essayer de voir qu'est-ce qui, dans ces mesures-là, crée tel impact, ou tel impact, ou tel impact, mais mon impression aussi, c'est que ? puis je pense qu'il ne faut pas sous-estimer ça ? il y a des facteurs culturels importants. Si les gens ont des habitudes de consommation à différents moments de la journée ou avec différentes habitudes de consommation alcool-tabac ensemble, il est clair que l'impact va changer, par exemple. Donc, il y a toutes sortes de facteurs là-dedans qui nous amènent dans le domaine de la sociologie. Et là c'est clair qu'on n'est pas... nous, on n'a pas regardé cette question-là particulièrement à ce niveau-là.
Mme Charest (Rimouski): O.K. Quand même, c'est important de faire préciser ce genre de chose parce que dans le fond vous avez fait votre étude aussi sur soit des revenus déclarés et non pas validés à partir d'états financiers, là. C'est ce que je comprends des données que vous avez compilées. C'est bien ça?
M. Petit (Patrick): Oui.
Mme Charest (Rimouski): Parce que la perception peut jouer dans ce qui est déclaré versus la réalité, et je tenais à ce que vous me le précisiez parce que c'est important, là, de faire la distinction.
M. Ouellette (Pierre): Il y a deux éléments de réponse à ce que vous venez de mentionner. Alors, du côté des sondages, on avait partitionné les gens en trois groupes. Autrement dit, il y avait ceux qui étaient déjà conformes à la loi, qui s'étaient déjà mis conformes dans le passé; il y avait ceux qui étaient en cours de validation, de conformité, de mise en conformité par rapport à la loi; il y a ceux qui n'avaient pas comme objectif de le devenir. Et effectivement la réponse n'était pas nécessairement la même et le degré de validité de la réponse n'était pas le même.
Autrement dit, quand on demande à quelqu'un: Quel a été l'impact rétrospectif alors que ça fait cinq ans que vous êtes non-fumeur? Ce n'est pas la même chose que de demander à quelqu'un qui ne pense pas devenir non-fumeur quel sera l'impact. Et donc, effectivement, les gens qui n'étaient pas conformes avaient des attentes beaucoup plus négatives que ceux qui étaient déjà en conformité avec la loi.
Par ailleurs, ce que vous mentionnez, c'est tout à fait... c'est important. Donc, les sondages, ce n'est pas la même chose que des rapports financiers. C'est la raison pour laquelle on a complété... tous les sondages ont été complétés par des études... des revues de littérature portant sur des cas réels de législations, de mise en oeuvre de législations antitabac dans les autres provinces, ou dans d'autres pays, et dans plusieurs États américains. Et donc on a passé en revue toutes les études qui étaient à notre avis scientifiquement valables, rapportant quel serait l'impact d'une législation antitabac ou quel a été l'impact d'une législation antitabac sur le revenu ou les profits, ou l'emploi, ou le chiffre d'affaires de différents types de commerces, et ces études se caractérisent par le fait qu'effectivement c'était basé sur des chiffres financiers et non pas sur des sondages. Et il s'avère en fait que la littérature était encore plus favorable à la loi que les sondages.
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(11 h 50)
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Autrement dit, même dans les cas où, nous, dans les sondages, on retrouvait des impacts négatifs, les études basées sur les rapports financiers, sur les chiffres réels, les chiffres d'affaires réels, ne dénotent jamais d'impact négatif. Et donc, en fait, les études basées, à l'extérieur du Québec cependant, sur des chiffres financiers sont en fait plus favorables à la loi que notre rapport ne l'est. Et c'est un... Comment dire? Notre point de vue là-dedans, c'était qu'il fallait adopter toujours un point de vue conservateur, et donc, lorsque les sondages étaient plus défavorables que les cas réels, on prenait comme référence les sondages, et donc nos chiffres en fait sont plus défavorables à la loi que ne le sont les cas réels. C'est la raison pour laquelle on dit que notre étude est conservatrice, et donc, autrement dit, notre point de vue, c'est probablement qu'on surestime les coûts et qu'on sous-estime les bénéfices de la loi.
Mme Charest (Rimouski): Parfait. Ce qui serait intéressant, compte tenu de tout cela, c'est qu'une fois la loi adoptée, que certains bars ou certains partenaires qui sont touchés par la loi acceptent de nous fournir leurs états financiers vérifiés et qu'on pourrait valider dans un an, dans deux ans, dans trois ans pour avoir vraiment une idée de la courbe des profits, soit à la hausse ou à la baisse, dépendamment de ce qui pourra se passer.
M. Ouellette (Pierre): C'est une suggestion très intéressante que vous formulez. Il y a une réponse en partie rétrospective qu'on peut formuler à ce sujet. Je vous rappelle la loi n° 444 qui a été adoptée en 1998, le tollé qu'il y avait eu contre la loi n° 444, y compris par les restaurants qui étaient violemment opposés à la loi antitabac et les mesures proposées par la loi n° 444, à tel point que le ministre Rochon de l'époque, qui était le promoteur du projet de loi, avait dû édulcorer le projet de loi. Et, maintenant, ce qu'on constate, c'est qu'il y a des chaînes de restaurants qui en bloc adoptent des mesures antitabac, sans même de coercition. Donc, je vous mentionne par exemple Les Rôtisseries St-Hubert, mais d'autres chaînes aussi ont suivi le mouvement avant même qu'il y ait une loi déposée.
Donc, en fait, souvent, ce qu'on constate, nous, c'est qu'il y a une attitude extrêmement négative avant la loi. Ça s'explique, en fait. Ce sont des gens d'affaires qui sont très réticents à voir une partie de leur clientèle disparaître. Mais en fait l'expérience passée démontre toujours que ce n'est pas le cas, où, alors que, s'il y a une partie de la clientèle qui disparaît, elle est plus que compensée par de la nouvelle clientèle, par exemple les non-fumeurs qui se mettent à fréquenter les restaurants, qui font plus que compenser la perte d'éventuels fumeurs qui décident de bouder et de ne plus aller au restaurant.
Donc, en fait, c'est une suggestion certainement intéressante qui a été prise au pied de la lettre, dans beaucoup de cas aux États-Unis, par un certain nombre de chercheurs qui ont vérifié a posteriori si la loi avait eu un impact. Et, dans tous les cas d'études scientifiquement valables, toujours, la loi n'a pas eu d'impacts négatifs. Et, lorsqu'il y a eu un impact, s'il n'était pas non significatif, il était significativement positif. Et donc il y a eu des bénéficiaires, en fait. Donc, il n'y a pas de cas négatifs documentés sur la base d'une méthodologie scientifique valable.
Mme Charest (Rimouski): Dites-moi, en ce qui concerne... Puis ça, je trouve que c'est très pertinent d'amener ces commentaires et ces réflexions sur le sujet. Sur les centres commerciaux, sportifs, culturels, gares et centres de congrès ? c'est parce que le temps court et je veux vous poser d'autres questions... Est-ce que les centres culturels entre autres ont été... Ont-ils rencontré les propriétaires des centres et des promoteurs d'événements culturels? Est-ce que vous les avez rencontrés, posé les mêmes types de questions? Comment ça s'est passé?
M. Ouellette (Pierre): Je vais laisser répondre M. Petit, c'est lui qui était en charge de cette section.
M. Petit (Patrick): Oui. Très bien. Alors, dans le fond, ce qu'on a fait pour ces établissements, qui étaient difficilement rejoignables par sondage, c'est qu'on leur a téléphoné. Donc, on a identifié ? c'est écrit dans l'étude ? un certain nombre d'établissements à qui nous avons téléphoné et nous leur avons posé des questions qui étaient basées sur les sondages que l'on avait faits mais qui ne reprenaient pas évidemment mot à mot le sondage et qui laissaient beaucoup plus de place à des commentaires venant de la personne à qui on parlait. Et le sentiment principal de ces gens-là, c'est qu'il n'y a pas de problème au niveau de la législation antitabac. Donc, ou bien les établissements permettent le tabac dans des endroits très restreints, par exemple, parfois, il y a des restaurants à l'intérieur d'un centre culturel, donc les gens vont pouvoir fumer à l'intérieur de ça ou dans une aire réservée, ou encore les gens interdisent le tabac complètement.
Le seul commentaire qu'on a eu dans le cadre de ces... pour ces établissements-là du moins, c'était que certains voulaient permettre ou aux artistes ou aux employés de pouvoir fumer, avant une présentation par exemple. On nous a mentionné le nom de certains artistes qui doivent fumer leurs cigarettes avant leur show, et on me disait: Bien, il faut que ces gens-là puissent le faire. Mais, au niveau de la clientèle en tant que telle, et c'est ça qui est important pour le projet de loi, les gens n'avaient aucune réticence à interdire le tabac complètement.
Mme Charest (Rimouski): Mais il faudrait leur rappeler, soit dit en passant, que, le tabac, il est néfaste pour tout le monde, qu'il soit pour un artiste ou pour un citoyen client d'une activité culturelle ou sportive.
Mais, ceci étant dit, vous avez parlé des bingos, et tout le monde sait comment un peu ça se passe dans ces salles où ça regroupe quand même passablement de citoyens, de citoyennes, et que, bon, les fumées, les nuages de fumée au-dessus des joueurs... est quand même importante. Vous savez, nous, les politiciens, on a souvent à rencontrer les gens dans des activités de ce type-là, et, quand on sort, il faut presque, enfin, secouer le linge parce que ça sent le tabac.
Dites-moi, les bingos qui anticipaient de mettre des mesures antitabac, est-ce que vous avez pu avoir, au cours des échanges avec eux... Quels motifs les amenaient à faire ça? Est-ce que c'était le fait que la loi s'en venait ou s'il y avait d'autres motifs que celui de l'application future de la loi, de la loi actuelle, mais le durcissement ou enfin la consolidation de la loi de 1998 par la loi n° 112?
M. Petit (Patrick): Oui. Dans le cas des bingos, nous n'avons pas procédé par entrevue directe avec les gens. Donc, nous avons procédé par sondage pour les bingos, et le sondage ne comportait pas de questions sur les motifs en tant que tels.
Ce qu'on sait par contre, c'est qu'on a demandé aux gens qui avaient déjà interdit le tabagisme quel avait été l'impact sur leurs affaires, et beaucoup d'établissements ont répondu qu'il n'y avait eu aucun impact. Certains ont répondu qu'il y avait eu une baisse, d'autres ont répondu qu'il n'y avait aucun impact. Et ce que l'on sait également, c'est que, parmi, comme je le disais tout à l'heure, parmi les établissements qui permettent le tabagisme, plusieurs nous ont dit que, même sans la loi proposée, ils iraient de l'avant et interdiraient le tabagisme.
Il semble donc que, du point de vue du sondage, il soit difficile de départager les gens qui y vont d'eux-mêmes ou ceux qui y vont parce qu'ils pensent que la loi va y aller. Il semble... enfin, ce qui se dégage de... ma compréhension des choses, si on veut, après avoir procédé aux entrevues et après avoir eu des résultats des sondages, c'est que tout le monde anticipe que... La direction que tout le monde prend, c'est un monde sans fumée, et les gens s'enlignent vers des mesures de ce type-là et ont déjà inclus dans leur planning des mesures qui interdiraient le tabagisme et sentent que leur clientèle, voyant ça venir, va s'adapter et va prendre le chemin avec elle, pour la plupart des cas.
Mme Charest (Rimouski): O.K. La clientèle a déjà une sensibilité.
M. Ouellette (Pierre): C'est sans doute un... Je m'excuse.
Mme Charest (Rimouski): Oui?
M. Ouellette (Pierre): Je dirais que c'est un des principaux bénéfices de la loi de 1998. Ça a changé la norme sociale, et en fait les gens internalisent en fait cette nouvelle norme à l'effet que la société québécoise doit tendre vers une société non fumeur, et donc peu à peu les gens intègrent cette notion et y vont plus ou moins spontanément.
J'ai mentionné tantôt le cas de chaînes de restaurants qui se rendent compte qu'effectivement, entre 1998 et 2005, il s'est passé quelque chose: on est devenu non fumeur, et la norme a changé.
Mme Charest (Rimouski): Dites-moi, est-ce qu'on peut chiffrer l'impact de l'encadrement des pratiques d'étalage sur la vente des produits du tabac? Est-ce que vous avez...
M. Petit (Patrick): Oui, c'est un des items que l'on mentionne dans l'étude. Donc, au niveau... Attendez, je retourne dans mes...
Mme Charest (Rimouski): ...entendre plus largement que ce qui est écrit dans le document. Peut-être que vous avez des informations qui seraient intéressantes à avoir, qu'on ne retrouve pas dans votre...
M. Petit (Patrick): Pour ce qui est de l'étalage dans le fond, on a deux sources dans le fond qu'on a utilisées dans l'étude. Mais c'est ça, on les a mises dans l'étude parce que ce sont les choses que l'on connaissait. La première, c'est évidemment le sondage dont on a fait mention précédemment, et on parle donc d'un ordre de grandeur... si je ne m'abuse, c'était 5,5 millions, à propos de l'étalage, en termes de bénéfices qui disparaîtraient suite à l'implantation des mesures proposées.
Toutefois, ces chiffres-là sont beaucoup plus bas que les montants recensés par Santé Canada, des montants qui viennent des compagnies de tabac, si je ne m'abuse. Donc, on parle, dans ce cas-là, d'environ 30 millions de dollars que les compagnies de tabac disent verser, en tout et pour tout, aux différents intervenants, détaillants qui ont affaire au tabagisme... aux ventes de cigarettes au Québec.
Mme Charest (Rimouski): Pour l'ensemble du Québec?
M. Petit (Patrick): Pour l'ensemble.
Mme Charest (Rimouski): Pas pour l'ensemble canadien, là? Pour l'ensemble du Québec seulement.
M. Petit (Patrick): Du Québec seulement.
Mme Charest (Rimouski): 30 millions déclarés. O.K.
M. Petit (Patrick): Déclarés, exactement. Ceci dit, la teneur exacte de ces montants ne nous a pas été donnée dans le détail. Donc, il peut s'agir de présentoirs, il peut s'agir de différents programmes, à gauche et à droite, qui ne touchent pas nécessairement les détaillants mais qui pourraient s'appliquer également au niveau des sièges sociaux. Donc, il faudrait préciser la nature de ce 31 millions.
Par contre, dans l'étude, ce qu'on a fait, c'est qu'on a dit: Disons qu'on intègre ce 31 millions de dollars là et qu'on le fait nôtre, on dit: C'est ça, l'impact au niveau de l'étalage, 31 millions. Ce n'est pas 5,5, c'est 31. On a calculé, à ce moment-là, la réduction de tabagisme qui était nécessaire pour compenser ce coût-là, et c'est la nature du 0,3 point de pourcentage.
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(12 heures)
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Donc, l'étude table sur 1/6 de point de pourcentage, quand on inclut ce 30 millions, on monte à 1/3. Donc, même avec un scénario du pire, comme 30 millions de dollars, on arrive à une réduction de tabagisme nécessaire très faible pour compenser l'impact négatif que pourraient avoir certaines mesures proposées.
Le Président (M. Copeman): Malheureusement, c'est tout le temps qui est imparti à cet échange. Alors, Pr Ouellette, M. Petit, Mme Carter, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire.
Et j'invite les représentants de l'Association des marchands dépanneurs et épiciers du Québec et l'Association des détaillants en alimentation du Québec à prendre place à la table. Je suspends les travaux de la commission quelques instants.
(Suspension de la séance à 12 heures)
(Reprise à 12 h 4)
Le Président (M. Copeman): Alors, la commission poursuit ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de l'Association des marchands dépanneurs et épiciers du Québec et l'Association des détaillants en alimentation du Québec. Messieurs, bonjour. Comme je le fais pour chacun des groupes, je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 15 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je ne sais pas qui est le porte-parole principal ou qui va commencer, là? Qui va commencer?
M. Servais (Yves): Étant donné qu'on a beaucoup de matériel à livrer et puis que notre temps est limité, on a décidé de se partager la tâche.
Le Président (M. Copeman): Très bien.
M. Servais (Yves): Donc, au niveau de l'AMDEQ, nous allons commencer, là, prendre le premier sept minutes, et l'ADA va clore la présentation.
Le Président (M. Copeman): Aucun problème. Alors, M. Servais, c'est...
M. Servais (Yves): Oui, effectivement.
Le Président (M. Copeman): Je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent, puis par la suite allez-y avec votre présentation.
Association des marchands dépanneurs et
épiciers du Québec (AMDEQ) et Association
des détaillants en alimentation du Québec (ADA)
M. Servais (Yves): O.K. Donc, je me présente, Yves Servais, directeur adjoint pour l'AMDEQ, l'Association des marchands dépanneurs et épiciers du Québec. Je vous présente M. Ziad Khalil ici, à ma droite, qui est le président du conseil d'administration de l'AMDEQ, et M. Khalil est également propriétaire de dépanneur ici, dans la région de Québec, plus précisément à Val-Bélair; M. Gravel se présentera peut-être... Oh, allez-y, M. Gravel.
M. Gravel (Florent): Florent Gravel, président-directeur général de l'Association des détaillants et ex-marchand Métro de ville Saint-Laurent. Je suis accompagné de Pierre-Alexandre Blouin, qui est notre coordonnateur des affaires publiques.
Le Président (M. Copeman): Nous vous écoutons.
M. Servais (Yves): Comme mentionné tout à l'heure, il y a plusieurs points dans le projet de loi n° 112; on s'est partagés la tâche. Nous, au niveau de l'association, on est très préoccupés par un élément qui ne se retrouve pas comme tel dans le projet de loi n° 112, mais qui risque d'apparaître au cours des prochaines semaines probablement, c'est concernant les étalages de tabac. Ça ne se retrouve pas dans le projet de loi n° 112. Par contre, je sais que les groupes antitabac vous ont parlé ou vont vous parler des étalages de tabac, donc, nous également, on se doit de vous en parler. Et, dans notre présentation, dans le mémoire qu'on vous a présenté, comme on est limité dans le temps, je vais strictement aborder le point au niveau de l'intervention quant à l'étalage aux points de vente de tabac.
Alors, M. le ministre, M. le Président, MM., Mmes les députés, l'AMDEQ est très préoccupée par de futures réglementations venant régir les étalages de tabac. Comme nous ne retrouvons pas, dans le projet de loi n° 112, de dispositions relatives aux étalages des produits du tabac aux points de vente, nous demandons ici au ministre d'agir avec transparence et de déposer, avant même l'adoption du projet de loi, la réglementation concernant les étalages de tabac aux points de vente. Je suis convaincu qu'au niveau du ministre vous avez déjà une idée où vous voulez aller actuellement au niveau des étalages; on aimerait en savoir un petit peu plus.
M. le ministre, les étalages dans un dépanneur sont non seulement utiles pour faire connaître aux consommateurs les produits disponibles en magasin, mais sont aussi des moyens permettant au propriétaire de percevoir des revenus de location d'espace auprès de ses différents fournisseurs. Le détaillant offre ainsi à ces derniers, contre rémunération, la possibilité d'utiliser tout espace de plancher, mural ou comptoir pour montrer leurs produits à sa clientèle. Cette pratique s'applique autant auprès des compagnies de bière, de croustilles, par exemple, qu'auprès des compagnies de tabac. Les détaillants en profitent pour ainsi rentabiliser au maximum le moindre pied de plancher de leur commerce.
En interdisant les étalages de tabac, il ne fait aucun doute que les détaillants perdront des revenus provenant de la location d'espace auprès des compagnies de tabac. Cette perte de revenu nuirait considérablement à la rentabilité économique de plusieurs points de vente. Et cela entraînerait sûrement des pertes d'emploi et peut-être même la fermeture de certains établissements.
Actuellement, les étalages de produits du tabac font l'objet de certaines réglementations. En effet, aucun produit du tabac ne peut être placé dans un étalage permettant au consommateur de se servir lui-même. La réglementation oblige l'intervention d'un préposé à la vente. C'est donc pourquoi les produits du tabac se retrouvent sur l'espace mural derrière le comptoir-caisse. Il existe donc déjà des restrictions quant à l'emplacement et à la façon dont les produits du tabac sont présentés aux consommateurs adultes ainsi qu'à leur accessibilité. Les groupes contre le tabac ont tort de prétendre que les produits du tabac sont traités ou présentés comme n'importe quel produit, parce que, si le produit du tabac serait du lait ou du pain, on le retrouverait en tablette ordinaire. Étant donné que c'est un produit qui est nocif pour la santé, il est réglementé, et actuellement on le retrouve à l'arrière du comptoir-caisse, et il est accessible seulement que par l'entremise d'un préposé.
Comme d'autres réglementations empêchent également les compagnies de tabac de faire de la publicité en faveur des produits du tabac, et ce, autant à l'extérieur qu'à l'intérieur des points de vente, il ne reste que les étalages du détaillant pour permettre aux compagnies de tabac d'influencer un adulte fumeur à choisir une marque plutôt qu'une autre. L'étalage des produits du tabac n'influence pas la décision de fumer, mais plutôt la décision liée à l'achat d'une marque. Les étalages de produits du tabac demeurent donc l'un des derniers moyens par lequel le fumeur ? je dis bien «le fumeur» et non «le non-fumeur» ? est informé quant aux prix et à la disponibilité des produits actuels et nouveaux offerts aux points de vente.
Nous aimerions porter à votre connaissance qu'une récente étude des Canadiens qui fréquentent les dépanneurs révèle que 99 % de ceux qui achètent des cigarettes ont décidé de faire cet achat avant même d'entrer dans le dépanneur. Les étalages n'ont donc rien à voir avec leur décision d'acheter des cigarettes et ceux-ci ne peuvent être considérés comme des produits impulsifs tel que le prétendent encore une fois à tort les groupes antitabac.
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(12 h 10)
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Outre cette étude, nous aimerions porter à la connaissance du ministre certains résultats issus même de la récente consultation. Dans le rapport synthèse des mémoires des individus, c'est-à-dire de M. et Mme Tout-le-monde, il y est mentionné que «la majorité des répondants s'oppose à toute intervention en ce qui a trait à l'étalage [au tabac]». On y mentionne également que «ceux-ci considèrent [...] l'exposition à la vue du public des produits du tabac n'influe pas tant sur la décision de fumer que sur celle de choisir une marque en particulier. Ils sont aussi d'avis que l'exposition des produits du tabac à la vue du public, aux points de vente, constitue l'un des derniers moyens par lequel les fumeurs peuvent obtenir des renseignements sur [le] prix et l'offre des produits, tant anciens que nouveaux. Ils insistent sur le fait que les fumeurs ne sont pas des acheteurs impulsifs.» Les groupes antitabac sont biaisés et errent complètement lorsqu'ils associent produits du tabac et produits impulsifs.
Compte tenu des faits précédents, M. le ministre, il faut arrêter de prétendre que les étalages de tabac ont un impact quelconque sur la décision de fumer. Le gouvernement n'a donc pas à intervenir en interdisant les étalages des produits de tabac. Nous nous opposons à toute réglementation visant à interdire la visibilité des étalages, et les raisons, en résumé, en sont les suivantes:
Le tabagisme est à la baisse au Québec, autant auprès des jeunes que des adultes;
Différentes études montrent que la visibilité des produits du tabac par le biais des étalages n'incite pas les consommateurs à fumer ou à acheter du tabac;
L'interdiction des étalages des produits de tabac, seul moyen qui demeure pour informer les fumeurs des produits disponibles en magasin, vient de nouveau brimer les droits des fumeurs. Ils n'ont pas à être brimés en tant que consommateurs; ils doivent avoir les mêmes droits que tous les autres consommateurs quant à l'achat de leurs produits;
L'interdiction des étalages de tabac brimerait également les droits des détaillants à commercer librement. Cette interdiction leur fera perdre des revenus provenant de l'allocation d'espace de présentation. Ces pertes seraient assez importantes pour nuire à la rentabilité économique de plusieurs détaillants;
L'interdiction de toute visibilité des produits du tabac entraînerait aussi des problèmes importants quant au service à la clientèle: temps pour servir le client, hausse des vols à l'étalage;
Et finalement l'interdiction des étalages brime également les droits des compagnies de tabac à se concurrencer sur la base des marques de cigarettes.
Donc, je vais m'arrêter ici, parce que le temps est limité. Je vais céder la parole à M. Gravel.
M. Gravel (Florent): M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, merci de nous permettre de nous exprimer ce matin. L'ADA ne s'oppose pas au contrôle de la vente du tabac, bien au contraire, nous croyons que la vente du tabac doit se faire uniquement par des commerçants soucieux de se conformer aux contraintes de ce commerce. Les restrictions sont nombreuses. Enfin, la complexité des mesures de mise en marché du tabac et les sanctions qui y sont reliées sont sans commune mesure pour aucun autre produit légal. Il faut ajouter à cela la problématique récurrente de la contrebande, la multiplication des vols de cigarettes et la contrefaçon. Il devient évident que beaucoup de travail doit être effectué hors des commerces de détail pour s'assurer d'un véritable contrôle du produit.
Nous croyons que plusieurs des amendements proposés dans le projet de loi n° 112 ne garantissent en rien la diminution du tabagisme. Les principales demandes que nous vous faisons, M. le ministre, se résument donc ainsi. Nous aimerions avoir: le dépôt des règlements avant l'approbation du projet de loi n° 112; le maintien des présentoirs de produits de tabac dans les points de vente; une instauration de mesures coercitives contre les fumeurs mineurs; l'élimination de la suspension du droit de vente, dès une première offense, pour vente de tabac à un mineur; la sensibilisation des Québécois à l'importance de l'opération cartage ainsi qu'à l'importance de ne pas fournir de tabac aux mineurs.
Les enjeux comme les étalages ou l'affichage des produits de tabac n'ont pas été visés par le document de consultation qui a été soumis par le ministère de la Santé et des Services sociaux. L'ADA craint maintenant que les règlements avancés à l'été 2004 soient implantés sans qu'elle ne puisse se prononcer pour défendre les intérêts de ses détaillants. C'est pourquoi l'ADA demande le dépôt des règlements avant l'approbation du projet de loi.
Même si l'approche répressive a donné des résultats, elle démontre aussi qu'elle est insuffisante, puisqu'une part importante de jeunes continue malheureusement de s'approvisionner en tabac. Les détaillants font face à des responsabilités fort complexes. Le haut taux de roulement du personnel du détail complique la formation des commis. De plus, il n'existe aucun programme de formation intégré et uniforme à l'échelle de la province afin de s'assurer que tous les employés soient aptes à accomplir l'opération cartage. Cette situation crée des disparités importantes entre les grandes chaînes possédant des programmes de formation efficaces et les petits commerces indépendants laissés à eux-mêmes. Cette porte d'entrée de prédilection pour beaucoup de jeunes fumeurs met en déroute l'ensemble du système. Par ailleurs, personne ne peut nier que tous les exploitants de points de vente de tabac sont sujets à l'erreur humaine. Les détaillants, pour la grande majorité, font preuve de bonne foi et font tout ce qu'ils peuvent pour s'assurer que les jeunes n'achètent pas de tabac et pour éviter les amendes.
Le gouvernement du Québec devrait avoir le courage d'adopter une loi qui interdit aux jeunes de posséder et de consommer des produits du tabac, comme l'a fait l'Alberta. Cette province a compris qu'il faut responsabiliser les fumeurs mineurs et non seulement les vendeurs légaux de tabac. La législation doit être cohérente afin d'atteindre l'objectif commun, soit d'enrayer le tabagisme chez les mineurs.
Avec le projet de loi n° 112, dès la première infraction pour avoir vendu ou donné du tabac à un mineur ou encore pour avoir vendu du tabac à une personne majeure alors qu'elle achète le produit pour un mineur, un détaillant se verrait interdire la vente de tabac pour une période d'un mois. L'application de cette mesure prévue dès janvier 2006 nous apparaît totalement injustifiée. Nous ne disposons pas de chiffres qui démontrent la nécessité d'une intervention aussi drastique et encore moins de son efficacité éventuelle. Par contre, il est certain que cet amendement risque de mettre en sérieuses difficultés financières plusieurs petits commerces. La seule explication plausible d'une telle mesure est une volonté de réduire le nombre de points de vente. Sa sévérité et le temps de réaction laissé aux commerçants ne leur permettent pas de s'y adapter.
Il est très préoccupant que les jeunes arrivent à se procurer du tabac, mais encore plus que leurs parents tolèrent la situation ou les fournissent en tabac. D'autres problèmes récurrents que l'ADA a maintes fois mentionnés ont été écartés du projet de loi n° 112. D'abord, plusieurs adultes québécois acceptent mal de devoir fournir des cartes d'identité. De plus, les commis sont fréquemment victimes de menaces ou de violence lorsqu'ils demandent aux clients de prouver leur majorité.
L'ADA encourage fortement le gouvernement à faire sa part et croit que l'initiative du président sortant de la RACJ, Charles Côté, de former un comité de concertation sur la vente aux personnes d'âge mineur est une bonne piste. Différents intervenants gouvernementaux et associatifs, dont l'ADA, y joignent leurs efforts afin d'aider les détaillants d'alcool, de tabac et de produits de loterie à lutter contre leurs accès aux mineurs. Cependant, à ce jour, plusieurs ministères et intervenants gouvernementaux hésitent à y participer. Nous croyons que la Commission des affaires sociales devrait recommander à tous les intervenants gouvernementaux de participer activement aux activités de ce comité, car il en va de la santé publique et du contrôle de substances proscrites aux mineurs.
En conclusion, afin de diminuer l'incidence du tabagisme chez les mineurs, une attitude de collaboration avec les détaillants serait plus efficace que la répression envisagée à leur endroit. La démarche que semble privilégier le gouvernement donne une obligation de résultat aux entreprises sans pour autant leur fournir les moyens d'y parvenir. Des mesures aussi drastiques ne peuvent de toute façon s'appliquer du jour au lendemain sans une période de transition. La question de l'affichage en magasin demeure en suspens et l'application de certaines mesures n'est pas garantie. La suspension du permis de vente dès la première offense est une conséquence démesurée qui risque de faire disparaître plusieurs points de vente avec les emplois qu'ils procurent. Pour toutes les raisons énoncées précédemment, l'ADA doute que les pistes de solution du projet 112 visant les points de vente arrivent à garantir l'atteinte de l'objectif annoncé, soit la diminution du tabagisme, et ce, plus particulièrement chez les jeunes.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Khalil, M. Servais, M. Gravel et M. Blouin pour votre visite. M. Servais, j'ai remarqué que vous étiez également intervenu lors de la première commission parlementaire pour la loi de 1998. Donc, vous êtes un vétéran de l'argumentation sur les lois de contrôle du tabac.
Je voudrais d'abord saluer votre visite en rappelant que nous sommes conscients du fait que le milieu que vous représentez est un milieu de petits commerçants qui travaillent très fort avec le problème de roulement de personnel que vous avez mentionné et également des marges de profit qui sont souvent minimes, et on est conscients de ça.
M. Servais (Yves): Ça a rapetissé également avec les années.
M. Couillard: Et on est conscients de ce phénomène, mais on est également conscients du phénomène social important qu'est le tabagisme. Et pour nous l'essentiel du travail d'équilibre qu'on fait ici, c'est de mettre les deux...
M. Servais (Yves): On en est conscients aussi puis tous nos détaillants...
Le Président (M. Copeman): M. Servais!
M. Servais (Yves): O.K.
Le Président (M. Copeman): Au moins, on va laisser le ministre terminer une phrase avant d'intervenir. Je crois que ce serait de mise.
M. Couillard: Non. Ne vous en faites pas, je n'ai pas...
Le Président (M. Copeman): Peut-être même deux phrases, peut-être même un paragraphe, on verra. Mais allez-y, M. le ministre.
M. Couillard: Vous allez voir, je n'ai pas l'intention de prendre tout mon temps pour faire un discours. Je veux juste faire quelques remarques d'introduction, puis ensuite on va échanger ensemble. Puis je vais notamment vous informer sur la question de l'étalage, là. C'est ce que vous veniez chercher comme information principale aujourd'hui.
Alors, effectivement, donc quelques points, là. Le tabac effectivement est un produit légal, mais c'est un produit qu'on considère à part des autres pour plusieurs raisons, on l'a expliqué, et vous les connaissez.
Nous disposons d'études qui montrent que l'étalage est un outil de marketing en fait très efficace, et c'est une façon directe pour le fabricant de communiquer avec sa clientèle actuelle ou prospective, sinon pourquoi consacrerait-il des sommes pour obtenir des surfaces d'étalage importantes dans vos commerces?
La question de la vente aux mineurs, et là effectivement vous avez raison, il ne faudrait pas déresponsabiliser l'ensemble de la société sur cette question et la faire reporter uniquement sur vos épaules... des détaillants. Cependant, il faut remarquer un fait, c'est que, lorsqu'on observe ce qu'on appelle le taux de compliance, c'est-à-dire le pourcentage de respect des réglementations pour la vente aux mineurs, malheureusement le Québec se trouve au dernier rang. Lorsqu'on fait des études aveugles, où on teste les commerces, en Colombie-Britannique, c'est plus de 60 %, alors qu'au Québec c'est seulement un peu plus de 30 % des commerces qui effectivement respectent la réglementation. Je n'en fais pas un blâme vis-à-vis votre milieu, j'en fais juste une constatation.
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(12 h 20)
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Il y a, dans le projet de loi, comme vous le savez, un effort pour régir les points de vente et qui va avoir comme pratique, je vous le signale en passant, de concentrer beaucoup la vente de ces produits dans vos établissements, ce qui en soi pourrait avoir, je le souligne, un impact économiquement positif. Il faudrait que vous envisagiez également cette question-là.
On a également... puis là je faisais ressortir vos démarches... vos remarques de 1998 ou de 1997, je ne sais pas quand la commission avait eu lieu, mais vous disiez: «Écoutez, ce n'est pas juste à nous de nous occuper du problème de la vente du tabac aux mineurs», puis vous avez également le même message. Je souligne que, dans le projet de loi, on interdit la vente aux mineurs à quiconque et non pas uniquement aux gens qui sont dans votre situation commerciale. Donc, on a élargi la responsabilité à des groupes de société plus larges qu'uniquement des détaillants d'alimentation.
Bon. Passons à l'étalage, parce qu'effectivement c'est le point qui, je crois, sur le plan pratique, doit faire l'objet du plus grand nombre de communications entre vous et vos membres. Un élément de contexte d'abord, et, pour vous rassurer, nous n'irons pas dans cette direction. Nous essayons, malgré que certains nous trouvent sévères et rigoureux ou insistants, disons, dans la lutte contre le tabac, nous avons décidé d'adopter une position d'équilibre, mais un équilibre biaisé par la santé publique, si je peux m'exprimer ainsi. Il y a des provinces canadiennes, comme vous le savez, qui ont interdit complètement l'étalage des produits du tabac: Saskatchewan, Nunavut, Manitoba. C'est prévu dans le projet de loi ontarien qui est à veille d'être adopté. Dans les cas où il y a eu des contestations judiciaires, comme vous le savez, ces contestations ont échoué, notamment en Saskatchewan.
Cependant, nous n'avons pas l'intention d'aller jusqu'à cette extrémité. Alors, déjà, voilà un principal objet d'information pour vos membres. Nous voulons conserver l'étalage des produits du tabac, mais cependant le réglementer. Et je vais vous donner un aperçu de la réglementation. Lorsque vous me dites tantôt... vous nous dites: «Bien, écoutez, c'est comme le pain» ? je ne me souviens plus exactement ? quand je rentre dans un dépanneur, j'ai de la misère des fois à trouver les pains, mais, le tabac, je le vois ce n'est pas long, parce qu'il est souvent très coloré puis très visible, vous le savez très bien, c'est les murs d'étalage qui sont disponibles.
Alors, le type de mesures qu'on envisage donc par règlement ? vous allez voir que d'autres vont nous demander non seulement que ce soit un règlement, mais de l'inclure dans la loi, de le rendre encore plus formel ? c'est: la limitation du tabac à un seul présentoir fixe d'une surface limitée; l'intégration de la publicité protabac au présentoir lui-même et non pas dans le reste du commerce; l'absence d'effets promotionnels pour attirer l'attention du public; l'affichage de l'interdiction de vendre du tabac aux mineurs, puis on pourra revenir et échanger là-dessus, sur le type d'affichage, parce que vous savez que notre position est d'avoir un affichage uniforme, qui atteint véritablement son objectif; et l'affichage, au centre de la partie supérieure du présentoir, de la mise en garde du ministère, là, qu'on va faire circuler par opposition ? j'en profite pour aborder la question avec vous avant que vous ne le fassiez ? par opposition aux affiches qui sont actuellement distribuées dans le cadre de l'Opération Carte d'identité.
Pourquoi? C'est une opération qui globalement a des effets positifs. Tout l'aspect d'éducation et de formation, c'est quelque chose qui est excellent, auquel on ne s'objecte pas. Cependant, lorsqu'on marque d'un produit que ce n'est pas permis avant 18 ans, en général c'est l'effet contraire qu'on obtient. Je me souviens encore de mes 16, 17 ans, puis tout ce qui était pour les plus de 18 ans, ça m'attirait pas mal. Alors, on sait également que, sous des dehors de ? puis ce n'est pas un reproche qui vous est adressé, je veux être bien clair là-dessus, là ? sous des dehors de bonnes intentions, en fait ce type d'affichage là peut avoir l'effet totalement inverse que celui qui est recherché. Le type d'affiche que nous voulons mettre en circulation, peut-être en avez-vous vu des échantillons, vise essentiellement à insister non pas sur l'interdiction ou l'âge limite où on peut ou ne peut pas consommer le tabac, mais sur les effets sur la qualité de vie et sur la santé des gens. Et c'est dans cette direction-là qu'on va aller.
Donc, je vous ai donné, là, vous voyez un aperçu de ces mesures-là. Je ne crois pas qu'il s'agit de mesures extrêmes, comparé à ce qui s'est fait dans le reste du Canada. Je pense que vous nous reconnaîtrez au moins un souci d'équilibre. Mais cependant notre souci également est de réglementer cet étalage, parce que tout ça rentre dans notre objectif de dénormaliser et de débanaliser le produit extrêmement nocif qu'est le tabac. Comment réagissez-vous à ce genre de mesures là?
M. Servais (Yves): Bien, disons que, comme nous ce qui est important surtout, c'est que, premièrement, comme vous le savez, les détaillants, puis je ne sais pas, Ziad, tu peux le confirmer, on a un souci, premièrement, économique, il ne faut pas se le cacher. Les détaillants perçoivent certains revenus au niveau de la location de l'espace, comme ils reçoivent de tous les différents types de produits. Et puis c'est sûr que perdre ces revenus-là, pour nous... ça nous ferait mal ou ça ferait mal aux détaillants. Puis l'autre souci également, c'était au niveau du service à la clientèle, parce que c'est sûr que, sur le nombre ou le volume de produits qui existent au niveau du tabac, il y a trois compagnies majeures, il y a des petites compagnies, chacun a leur propre marque de commerce. Le consommateur ou le fumeur... le fumeur, parce que, d'après nous, les étalages de tabac n'ont aucun impact, premièrement, sur un non-fumeur. Un non-fumeur, peu importe la grosseur de l'étalage, ne se mettra pas à fumer à cause qu'il voit des étalages, c'est un non-fumeur. On pense que la majorité ici alentour de la table, c'est des non-fumeurs, puis voir un paquet de cigarettes, ça ne nous fera pas mourir, là, O.K.?
M. Couillard: Mais ce n'est pas vous qu'on vise là-dedans.
M. Servais (Yves): Non, mais les fumeurs, ça prend autre chose que... Quand le fumeur va être décidé d'arrêter, il va arrêter. Ce n'est pas l'exposition à la vue... Je peux comprendre que vous puissiez brimer ou limiter les droits des fumeurs dans des endroits publics, comme les restaurants, mais, au niveau d'un point de vente, le fait de voir un produit du tabac, ce n'est pas primordial, là, ce n'est pas... Je ne vois pas pourquoi vous devez réglementer à outrance l'étalage, là.
Le Président (M. Copeman): M. Gravel désire ajouter quelque chose.
M. Gravel (Florent): Oui. Vous avez parlé, M. le ministre, de conformité tantôt, qu'au Québec on n'avait pas un haut taux. Mais vous avez, dans vos chiffres, au Saguenay?Lac-Saint-Jean, où le programme de carte d'identité a été mis en place pour les mineurs, où on a un taux agréablement surprenant de conformité chez les marchands.
De plus, dans le cahier que vous nous avez fait parvenir, 77 % des fumeurs ont débuté à l'âge mineur. Alors, nous, les commerçants, nous sommes très réglementés, alors que vous avez vu, dans les entrevues à la télévision, il y a de cela quelques semaines, où la contrebande prend beaucoup de place, où, sur l'île de Montréal, on voit des gens qui vendent des paquets de cigarettes à 4 $.
Je pense que, si on veut atteindre l'objectif de diminution des fumeurs, il faut viser les mineurs. Et un mineur va-t-il venir dans nos commerces acheter une cartouche en haut de 60 $ quand il peut se la procurer sur la rue à 22 $? Je pense qu'il y a un effort de ce côté-là à faire aussi. Puis, si le mineur n'a pas le droit de se promener avec une bouteille de bière sur la rue mais il peut le faire avec une cigarette, on n'atteint pas l'objectif de diminuer le tabagisme au Québec.
M. Couillard: J'apprécie puis je trouve intéressants les arguments que vous présentez. On pourra vous donner copie des études de marketing qui montrent qu'en fait l'étalage, c'est un puissant outil de commercialisation, notamment pour les mineurs justement, parce qu'on fait des associations qui sont plus ou moins subliminales ou plus ou moins liminales ? si je peux me permettre d'inventer le terme ? en des activités sportives, le plaisir, des liens qu'on fait entre des annonces pour des événements sportifs ou culturels. Vous savez que c'est assez perfectionné, ces techniques de marketing là ? bien, vous en savez quelque chose ? puis, si ce n'était pas efficace, je ne pense pas que les compagnies de tabac vous les financeraient.
La question de la carte d'identité, je reviens à l'Opération Carte d'identité, à la partie affichage. Si j'avais à résumer le but qui est poursuivi par là, par cette opération-là, c'est de dire: Fumez pas avant 18 ans. Après, c'est correct. Nous autres, c'est: Fumez pas pantoute. C'est ça. C'est ça, le but qu'on poursuit. Puis ce n'est pas de votre faute, ce n'est pas vous qui êtes responsable de ça. Puis je veux être bien clair là-dedans, on ne vous la reproche pas, là, cette affaire-là. Mais je veux vous expliquer pourquoi, nous, on considère que c'est une opération qui, sous des dehors de communication et de prévention, à la limite peut sembler même perverse sur certains points, tu sais. Alors, c'est ça qui nous préoccupe.
Le Président (M. Copeman): M. Khalil.
M. Khalil (Ziad): O.K. M. le ministre, moi, j'aimerais juste rajouter quelque chose. Moi, ça fait 16 ans je travaille dans le domaine. J'avais des franchises avant, puis présentement j'ai un commerce. Je n'ai pas vu un client qui rentre dans le commerce... puis, moi aussi, je suis non-fumeur puis je n'ai jamais été influencé par les étalages.
Mais justement les étalages, c'est un document, c'est un excellent document de marketing, mais c'est pour les compagnies qui se concurrencent entre elles. Alors, les compagnies, ils veulent augmenter leurs parts de marché, ils veulent miser sur la teneur, sur le prix. Alors, ils font faire des étalages pour faire cette promotion-là et, pour ne pas se le cacher, pour augmenter leurs parts de marché, comme les compagnies de chips font, comme les compagnies de bière qui le font, qui paient des positions.
Alors, nous autres, déjà les ventes de cigarettes sont en chute libre à augmentation par augmentation, l'augmentation des prix, des taxes. Alors ça, ça vient juste un peu... Les ristournes qu'on reçoit des compagnies, ça vient un peu éponger. Alors, c'est des revenus qui sont très intéressants pour nous, puis je trouve qu'il sont pas mal réglementés. Déjà, le client, il n'a pas accès à ces produits-là. Il y a déjà des messages, à 50 % du paquet, qui sont vraiment dissuasifs, là.
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(12 h 30)
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M. Couillard: Mais je rappelle qu'on ne veut pas interdire l'étalage, là. On ne veut pas aller dans cette direction-là. On veut le réglementer et le rendre le plus neutre possible, parce que... C'est le seul point de désaccord que j'ai avec votre déclaration, c'est que je ne crois pas que l'étalage actuel soit neutre sur le plan de l'information ou sur le plan du message qui est véhiculé. Puis encore une fois ce n'est pas votre message, là. Vous avez raison, ce n'est pas votre message à vous. C'est le message des fabricants.
Pour ce qui est de l'impact sur vos activités en termes de revenus, on en a parlé tantôt un peu, dans l'étude d'impact, juste avant vous. C'est une théorie, mais vous allez me dire que vous connaissez ça mieux que moi, là, si elle est fondée ou pas, il y a un principe de physique qui dit que la nature a horreur du vide, hein, vous le savez. Est-ce que vous ne pensez pas que, si on réduit le volume ou la surface d'étalage pour les produits du tabac, il y a d'autres types de produits pour lesquels les commerçants vont être extrêmement contents de vous offrir des primes pour la visibilité puis l'étalage?
M. Khalil (Ziad): ...comme les petites surfaces, moi, je parle des petites surfaces. Mettons, les grandes surfaces, elles vendent du pain, boulangerie, toutes sortes d'affaires. Alors, nous, les petites surfaces, 30 % de notre chiffre d'affaires, c'est des produits de tabac, 30 %. Alors, je ne vois pas qu'est-ce qu'on peut vendre à la place pour remplacer... ça peut être quoi pour une petite surface. Déjà, on est vraiment limités. Alors, je ne vois pas d'autre chose qui peut remplacer.
M. Couillard: Mais il va falloir de toute façon faire cette adaptation-là parce qu'on sait que, historiquement puis dans le futur, le taux de tabac va continuer à diminuer. Alors, de toute façon, vous allez vendre... puis vous le dites vous-même, vous vendez moins de produits du tabac. Alors, il faut que votre industrie s'adapte également. C'est un changement de société. Yolande... Mme la députée de Nelligan voulait...
Le Président (M. Copeman): Alors, Mme la députée de Nelligan.
Mme James: Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, messieurs, merci pour votre présentation ce matin. Écoute, en vous écoutant et aussi en regardant le mémoire que vous avez présenté, je vous dirais que j'étais quand même un peu frappée par votre suggestion, la proposition justement d'instaurer des mesures coercitives contre les jeunes fumeurs.
J'ai compris par l'échange que vous avez fait avec le ministre et aussi par ce que vous avez dit que c'est important que ce ne soit pas juste vous qui soyez responsables, qu'on doit responsabiliser les jeunes également, et je suis d'accord avec vous. Mais en quelque part quand vous dites... Et je suis très au courant qu'en Alberta ils ont mis en vigueur cette proposition, cette initiative dans leur législation. Mais je me dis en quelque part... Parce que vous faites aussi la promotion de l'éducation, de la sensibilisation de la population. Pourquoi pensez-vous vraiment qu'une des solutions serait justement de dire qu'on va interdire de façon coercitive, là, la possession du tabac chez les jeunes et que ça va vraiment aboutir à un moyen qui va faire en sorte que moins de jeunes vont fumer?
Je m'explique dans le sens que le ministre l'a dit, par rapport à l'exemple qu'il a donné, quand on est jeune, souvent ce qu'il y a de prohibé, souvent ça nous attire. On peut... pas tous les jeunes surtout, là, mais on peut être un peu rebelle face à ça. Puis l'objectif, on s'entend là-dessus, c'est de diminuer le nombre de fumeurs. Puis il y a étude après étude qui démontre qu'une fois qu'on est dépendant, c'est difficile... C'est difficile pour quelqu'un de dire, une fois qu'on est... ça fait 30 ans qu'on fume, je veux arrêter, puis de dire: J'arrête. Je ne suis pas d'accord à dire que ça se fait si facilement que ça de dire... Souvent on veut, mais on ne peut pas. Ça fait que l'objectif, c'est justement de ne pas commencer.
Alors, je reviens à ma question initiale. Pourquoi pensez-vous... Y a-tu des statistiques? Qu'est-ce qui vous dit qu'une des solutions serait vraiment de dire: Bon, on va l'interdire, puis ça, ça va amener à des solutions? J'aimerais juste que vous approfondissiez sur ce point-là.
M. Gravel (Florent): L'habitude du tabagisme, comme on l'a dit dans vos chiffres tantôt, 77 % des fumeurs ont commencé à l'âge d'adulte... à l'adolescence. Donc, si on s'attaque vraiment au problème du mineur, on va diminuer le tabagisme. Puis une mesure qui est très importante pour le gouvernement aussi, c'est: Est-ce que le gouvernement va être présent pour diminuer la contrebande du tabac? Parce qu'un jeune qui fume, qui a la possibilité d'avoir des cartouches de cigarettes à 22 $, il n'ira pas l'acheter dans un dépanneur ou à l'épicerie à 60 $. Donc, si le gouvernement ne prend pas d'action contre la contrebande au Québec, c'est une difficulté qu'on va avoir. Puis, si le jeune a cette facilité d'accès et s'il commence son habitude jeune, ça va être plus difficile d'arrêter plus tard. Mon père a été un fumeur pendant plusieurs années, puis, quand je lui parlais d'arrêter de fumer, il aimait ça, il était aucunement question qu'il arrête. Ça fait que l'adulte qui a pris une habitude jeune est difficile à arrêter. Donc, l'origine du problème est à l'adolescence. Le gouvernement devrait s'attaquer à l'adolescence et à la contrebande.
Le Président (M. Copeman): Merci, c'est tout le temps... on a déjà même dépassé légèrement le temps. Alors, Mme la députée de Rimouski.
Mme Charest (Rimouski): Merci. J'écoute avec attention cet échange et... Bienvenue, messieurs, merci pour vos mémoires. Je reviendrais sur toute la question de l'Opération Carte d'identité scolaire, parce que ce que j'en comprends, c'est que la carte d'identité, elle ne fait pas la promotion de réduire le tabac, hein, sur l'utilisation du tabac, mais elle dit surtout que le tabac, c'est pour les adultes. Alors, c'est ça en gros quand on résume la publicité, et ça a prouvé, là, que ça n'a pas diminué la vente du tabac aux mineurs, ces programmes de carte d'identité là.
Et ce qu'on s'aperçoit, c'est qu'au niveau de Chicoutimi et de Jonquière entre autres, en septembre 2000, l'Opération Carte d'identité a en réalité mené à une diminution du respect de la loi plutôt qu'à une augmentation, et cela, malgré une participation affichée de 93 % des détaillants. Ceux qui vendent du tabac aux mineurs sont passés de 28 %, à l'été 1999, à 36 %, à l'hiver 2000-2001, selon les enquêtes de Santé Canada.
Alors, et ce qu'on remarque, c'est que l'industrie du tabac... Puis, les affiches, vous les avez, vous les connaissez, hein? Les affiches, les collants, les dépliants de l'Opération Carte d'identité disent toujours que le tabagisme est une habitude réservée aux adultes, et il n'y a aucune mention des effets néfastes du tabac sur la santé ni sur la dépendance, alors qu'on sait très bien maintenant que la nicotine dans les cigarettes a quelque chose comme 40 produits cancérogènes et qu'en plus ça crée la dépendance au même titre que l'héroïne ou la cocaïne. Alors, il n'y a aucune mention dans les affiches, dans le message que le tabagisme, c'est mauvais, puis que fumer, ce n'est pas une habitude de vie qu'il faut conserver.
Alors, moi, j'aimerais savoir: Est-ce que vous avez évalué, hein, le succès de l'Opération Carte d'identité pour l'ensemble de vos partenaires, là, l'ensemble des personnes qui participent à cette opération-là?
M. Gravel (Florent): Les chiffres que nous avons, c'est qu'à Montréal le taux de conformité est à 33 % en 2003, 34 % à Sherbrooke, 50 % à Québec, puis avec l'Opération Carte d'identité au Saguenay, c'est 68 % en 2003.
Mme Charest (Rimouski): De?
M. Gravel (Florent): De conformité.
Mme Charest (Rimouski): À la loi.
M. Gravel (Florent): Oui.
Mme Charest (Rimouski): Alors, comment ça se fait que les chiffres de Santé Canada, entre autres, pour Chicoutimi-Jonquière, n'infirment pas ces chiffres-là?
M. Gravel (Florent): Quelle année vous avez, vous?
Mme Charest (Rimouski): Je viens de vous le dire, à l'été 1999, ils étaient de 28 %, hein, ceux qui vendent... Les détaillants qui vendaient du tabac aux mineurs étaient de 28 % à l'été 1999, a passé à 36 % à l'hiver 2000-2001, selon les enquêtes de Santé Canada.
M. Gravel (Florent): En 2003, c'est rendu à 68 %, au Saguenay?Lac-Saint-Jean, en conformité, avec la Carte d'identité. Très belle progression.
Mme Charest (Rimouski): J'ai de la misère... Qu'est-ce qui expliquerait ce revirement de situation?
M. Gravel (Florent): La sensibilisation des commerçants et le cartage. Et tantôt aussi on parlait d'uniformité. M. le ministre a parlé qu'il y a une affiche qui s'en venait. On aimerait ça aussi que le gouvernement regarde la possibilité d'avoir une affiche pour tout ce qui est illégal, non seulement le tabac, mais aussi une affiche qui serait bonne pour la loterie et l'alcool pour ne pas qu'on soit peinturé d'affiches partout, là, que ce soit: uniformité dans les affiches. Mais au Saguenay?Lac-Saint-Jean, comme vous voyez, en 2003, très belle progression. Donc, on pense que, si Carte d'identité était développée à travers la province, il y aurait une augmentation de conformité.
Mme Charest (Rimouski): Vos chiffres, vous les avez collectés comment? Est-ce que c'est à partir des déclarations des détaillants qui participent au programme ou si c'est une enquête Santé Québec, Santé Canada qui l'a fait? Comment vous les avez colligées, ces données-là?
M. Blouin (Pierre-Alexandre): Si vous me permettez, ça vient des chiffres d'A.C. Nielsen, de l'étude commandée par le ministère de la Santé du Canada. Cette année, les résultats ne sont pas encore disponibles, c'est malheureux, parce qu'on avait pu constater qu'en 2003 il y avait des diminutions dans la plupart des régions par rapport aux années précédentes, alors que peut-être que, cette année, la situation s'est retournée, mais on ne le sait pas encore, on attend les résultats d'ici le mois de juin.
Mme Charest (Rimouski): Alors, vous allez nous transmettre une copie de cette étude, qu'on l'examine, qu'on l'étudie, qu'on puisse savoir de quoi il en retourne exactement?
M. Blouin (Pierre-Alexandre): Ce sont les résultats de 2003 qui sont disponibles sur le site de Santé Canada. Je crois même que c'est disponible sur le site du ministère de la Santé provincial.
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(12 h 40)
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Mme Charest (Rimouski): Parfait. Alors, on va vérifier tout ça pour voir de quoi il en retourne. Vous parlez... et je voudrais revenir, moi, sur l'étalage, l'étalage de la publicité, l'étalage des cigarettes comme telles, des paquets de cigarettes comme tels. Contrairement à ce que vous avez affirmé tout à l'heure, vous avez dit que «ce n'était pas un geste impulsif, que c'était plutôt un geste raisonné», moi, je ne partage pas tout à fait ça, parce que, si je pars de moi, comme individu, comme personne qui a touché à la cigarette, là, à l'adolescence, de façon sociale, hein, on fumait socialement, et j'avoue que, quand je rentre dans un dépanneur et que je vois ces étalages-là, des fois ça me donne le goût de dire: Ah, je vais peut-être m'acheter un paquet de cigarettes. Mais mon raisonnement, c'est de dire: Non, c'est tellement néfaste pour la santé, il n'est pas question que j'achète cette cochonnerie-là, puis je m'excuse, mais c'est ce qui me vient à l'esprit.
Alors, moi, ce que je voudrais valider avec vous, la question des étalages, vous dites que ça vous ferait perdre des revenus, mais oui, c'est vrai, les compagnies de tabac vous financent pour avoir ces étalages-là, vous n'avez pas évalué d'autres produits, des produits plus sains qui pourraient prendre cet espace-là et pour lesquels vous pourriez avoir autant de revenus, sinon plus? Est-ce que l'association a fait un travail dans ce sens-là?
M. Khalil (Ziad): Bien, écoutez, Mme la députée, on a déjà parlé, surtout pour la petite surface, je ne sais pas qu'est-ce qu'on peut remplacer un produit qui déjà c'est 30 % de notre chiffre d'affaires. Alors, déjà, on le sait, c'est un produit qui est en plein déclin dans nos magasins; les ventes s'en vont en baissant. C'est sûr, on essaie d'introduire d'autres produits, des accessoires pour compenser, mais c'est trop dur, à 30 %, faire remplacer ça, là. Quand c'est 30 %, c'est 400 000 $ à peu près dans un petit chiffre d'affaires. Alors, je ne sais pas qu'est-ce qu'on peut rentrer d'autres produits pour compenser.
Mme Charest (Rimouski): Vous n'avez pas expérimenté aucun produit?
M. Khalil (Ziad): Bien, on essaie de rentrer...
Mme Charest (Rimouski): Vous n'avez pas validé?
M. Khalil (Ziad): On essaie de rentrer, mais, comme vous le savez, la compétition est tellement forte dans tous les domaines, alors on ne peut pas rentrer des produits, n'importe quoi, qui ne sont pas compatibles avec notre commerce. On ne peut pas vendre des marteaux, on ne peut pas vendre des... Alors, il faut qu'on reste un peu dans notre domaine.
Le Président (M. Copeman): M. Gravel.
M. Gravel (Florent): C'est pour ça aussi que ce qu'on demande, c'est un peu de temps dans la loi. Si on regarde, le ministre a statué qu'au 1er septembre... dans les cours d'école primaires et secondaires, ça va être exclus à partir du 1er septembre. On donne le temps à ces gens-là de se positionner. Nous, la loi rentre le 1er janvier. Et autant pour nous, les commerçants, si le ministre avait pris la décision de bannir la cigarette du Québec au complet, un, on aurait eu une contrebande qui va se monter, qui est très bien positionnée pour vendre un produit, on ferait face à la prohibition.
Est-ce que le gouvernement est prêt à mettre une croix sur les revenus que rapporte le tabac pour le gouvernement? Parce que ça sert à payer certaines choses sociales avec ça. Ça fait que, là, autant le gouvernement que nous avons besoin d'un délai pour modifier nos petites surfaces, pour trouver des produits qui vont remplacer, parce que, quand vous rentrez au dépanneur, c'est sûr que ça prend de la place mais... un peu un étalage comme ça mais pas en profondeur. Donc, un paquet de cigarettes, c'est ça d'épais. Qu'est-ce qu'on peut remplacer dans un espace, qui a un prix aussi élevé, qui représente à peu près 30 % des ventes? Et, juste aujourd'hui, avec la contrebande, là, certains de nos dépanneurs dont leur chiffre d'affaires est 30 % des cigarettes ont perdu 30 % du volume à cause de la contrebande. Ça fait que c'est sûr que, dans le projet de loi qui s'en vient, il faut nous donner le temps de modifier nos départements. Un peu comme quand on l'a vu avec les heures d'ouverture, les dépanneurs, nos petites surfaces se sont réadaptées à l'ouverture des grandes surfaces, mais ça s'est fait tranquillement, ça s'est parlé longtemps. Donc, on a besoin d'un peu de temps pour modifier nos magasins.
Mme Charest (Rimouski): Si je comprends bien, vous êtes d'accord à ce que l'étalage soit revu en autant que vous ayez des délais. Si je décode bien ce que vous venez de me dire, ça ressemble à ça, parce que étalage, c'est une chose, les délais, c'est autre chose, et là vous me dites que, pour vous conformer à la loi, pour vous adapter aux nouveautés que la loi peut avoir comme impact sur votre commerce, vous seriez d'accord en autant que vous ayez des délais.
M. Gravel (Florent): On s'est toujours conformés à la loi qui nous a été présentée, et c'est sûr que, si le ministre arrive avec sa loi, on n'ira pas sur la 20 emprunter des cochons à Laurent Pellerin pour bloquer l'autoroute. On peut en louer, mais on ne les louera pas. Mais présentement...
Mme Charest (Rimouski): Ça non plus, ça n'a pas bonne presse, les cochons.
M. Gravel (Florent): Mais on s'est toujours conformés à la loi, sauf qu'on ne veut pas non plus que la vente du tabac soit transférée complètement à la contrebande, parce que vous nous donnez des mesures trop restrictives.
Mme Charest (Rimouski): Mais l'étalage comme tel remplacé par autre chose, ce n'est pas ça qui va amener la vente... à la contrebande?
M. Gravel (Florent): Je dirais que ce n'est pas la diminution des étalages. Malgré l'opinion du ministre tantôt, ce n'est pas ça qui va diminuer le tabagisme si on ne s'occupe pas du point précis, à l'adolescence, d'inciter la jeunesse par l'information, que ce soit par Carte d'identité ou autres. Ce n'est pas la diminution des étalages qui va atteindre l'objectif.
Mme Charest (Rimouski): Quand vous affirmez ça, monsieur, comme vous affirmez, dans votre mémoire, que les étalages des détaillants... «Il ne reste que les étalages des détaillants pour permettre aux compagnies de tabac d'influencer un adulte fumeur à choisir une marque plutôt qu'une autre.» Est-ce que vous... et ce que vous venez de dire, vous aussi, là, que ce n'est pas ça qui va changer le fait de fumer ou de ne pas fumer, sur quoi vous vous reposez pour affirmer ça? Est-ce que vous avez des données, des études, des informations, là, scientifiquement reconnues qui nous permettent de dire que vous avez raison d'affirmer ça?
M. Gravel (Florent): Non, mais un peu comme vous tantôt, vous, quand vous rentrez dans un magasin, vous regardez ça, peut-être ça vous tente. Nous autres, les garçons, quand on est plus jeunes, une bonne bière, avec une bonne cigarette, c'est très bon. Puis, aujourd'hui, quand je rentre à l'épicerie ou je rentre dans un dépanneur, j'ai cessé de fumer, ça ne m'attire pas du tout, du tout.
M. Servais (Yves): Pour répondre à votre question, dans notre mémoire, il y a un paragraphe qui parle d'une étude ? je ne peux pas vous dire quelle page ? qui dit: «Nous aimerions porter à votre connaissance qu'une récente étude des Canadiens qui fréquentent les dépanneurs révèle que 99 % de ceux qui [...] achètent des cigarettes ont décidé de faire cet achat avant même d'entrer dans le dépanneur», c'est-à-dire...
Mme Charest (Rimouski): Avez-vous les coordonnées de cette étude-là?
M. Servais (Yves): Vous avez le nom de l'étude qui apparaît en bas de page, O.K., la référence.
Une voix: Meyers Research.
M. Servais (Yves): O.K. Donc, pour moi, encore une fois, il y a quand même 25 % de fumeurs qui existent au Québec. Ces 25 % là, je pense qu'ils ont un droit d'avoir de l'information sur les produits qu'ils achètent, et, peu importe la grosseur d'étalage, là, qui nous restera après que le ministre aura déposé sa loi, le consommateur fumeur doit avoir l'information, doit savoir quel produit qui est en vente dans le commerce, doit avoir de l'information sur les prix. Ça fait que c'est pour ça qu'un étalage... il devra toujours y avoir un étalage au niveau des produits du tabac. Ça, c'est certain.
Mme Charest (Rimouski): Moi, quand vous me dites ça... comment vous différenciez, vous, selon votre expertise, la publicité de l'information? Parce que c'est deux choses, puis comment vous différenciez ça?
M. Servais (Yves): Oui, c'est sûr qu'à un moment donné lorsqu'on parle d'étalage, on est peut-être sur, excusez le terme en... le borderline, là, qu'est-ce qui est de la promotion, qu'est-ce qui est de la publicité, qu'est-ce qui est du merchandising. Et c'est sûr qu'au niveau des compagnies de tabac, on en a parlé tout à l'heure, ils investissent, c'est vrai, des millions, mais ce n'est pas pour faire fumer quelqu'un, c'est pour dire aux fumeurs: «Regarde, moi, j'ai une marque puis mon compétiteur a une autre marque. Donc, quelle marque que tu veux?» Ça fait que la...
Mme Charest (Rimouski): Mais est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'ils ne disent pas aux gens non plus de ne pas fumer?
M. Servais (Yves): Pardon?
Mme Charest (Rimouski): Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que les compagnies de tabac ne disent pas non plus aux gens de ne pas fumer?
M. Servais (Yves): Ah non, ça, je suis d'accord avec vous, puis, eux, les compagnies de tabac, défendront leur position. Puis, pour revenir aussi au niveau du programme Opération Carte d'identité, c'est sûr que, nous, comme détaillants, là, on a un rôle à jouer, mais on n'a pas un rôle d'éducation à faire au niveau de la population, c'est au gouvernement de le faire. Par contre, on a un rôle à jouer en termes de policiers, si vous voulez, si vous voulez, de police. Effectivement, la loi nous demande de jouer à la police et de ne pas vendre aux mineurs, puis le programme Opération Carte d'identité a été conçu pour ça également. C'est cette facette-là que, nous, on retire de l'Opération Carte d'identité, parce que ça nous permet de sensibiliser à la fois les détaillants et leurs employés à exercer un meilleur contrôle. Puis, à ce niveau-là, on a le même objectif que le gouvernement: on veut hausser le taux de conformité.
Puis c'est pour ça, si le ministre n'entend pas accréditer, si vous voulez, Opération Carte d'identité, bien on invite le ministre à participer au comité de vente aux mineurs, avec Loto-Québec, et la Régie des alcools, et les détaillants, pour... Puis un des objectifs du comité, c'est de créer un programme de formation pour nous aider à faire respecter la vente aux mineurs sur ces trois produits là. Puis actuellement le comité s'est réuni à trois ou quatre occasions, et on a eu la présence d'un membre... d'un fonctionnaire du service au tabagisme une fois. Est-ce que le ministre a l'intention d'assurer une présence plus active au niveau du comité et d'y participer? C'est peut-être une question qu'on peut lui poser également.
Mme Charest (Rimouski): Vous parlez que c'est de la responsabilité du gouvernement. Comment vous définissez votre responsabilité corporative par rapport au tabac, par rapport au tabagisme?
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(12 h 50)
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M. Servais Yves): Nous, c'est justement de contrôler la vente aux mineurs, c'est de faire en sorte que nos membres respectifs ne vendent pas aux mineurs, puis on a besoin de l'aide du gouvernement à ce niveau-là. Si vous ne voulez pas reconnaître une initiative privée, bien, au niveau public, prenez l'initiative de nous aider également. Puis nous autres, ce qui est important, là... Parce que les antitabac, O.K., dans la défense de leur position, ils nous accusent, c'est comme si on vendrait, comment dire donc... on ferait par exprès pour vendre aux mineurs. Ce n'est pas le cas. Ce n'est pas vrai. Nos détaillants sont sensibilisés. Nos détaillants font tout ce qui est en leur possible pour faire respecter la loi. Premièrement, ils ne sont pas 24 heures en arrière de leur comptoir, ils doivent déléguer à leurs employés. Puis, moi, j'aimerais savoir... Je ne sais pas s'il y a des statistiques qui existent, mais, à ma connaissance, moi, je pourrais vous dire qu'il y a peut-être 75 % à 80 % des ventes aux mineurs qui se font quand même par l'entremise des employés. Puis c'est un problème. C'est un problème.
Mme Charest (Rimouski): Qu'est-ce que vous faites pour contrer que vos employés vendent malgré que la loi l'interdit?
M. Servais (Yves): Bien, c'est toujours, c'est toujours de la formation. Là, le ministre, le ministre vient de mettre un nouveau règlement qui est à dire... qui pénalise l'employé qui vend aux mineurs. C'est un règlement qui existait au niveau fédéral, maintenant le ministre l'inclut dans son projet de loi. Effectivement, c'est malheureux qu'on en arrive à ce point-là, parce que c'est sûr que ça ne fera pas l'affaire de nos employés, puis même recruter ou engager un employé devra être encore plus difficile, à ce moment-là, parce que, lorsque l'employé va voir qu'il est responsabilisé puis qu'il devra payer une amende... Pour un jeune qui gagne ses études en travaillant dans un dépanneur au salaire minimum, payer une amende de 100 $ ou 200 $, c'est quand même assez élevé. Mais je ne vous dis pas que ça ne pourrait pas nous aider à faire en sorte que tout le monde dans le dépanneur, autant détaillant qu'employés, on essaie de...
Le Président (M. Copeman): Alors, merci, MM. Servais, Khalil, Gravel et Blouin, au nom de l'Association des marchands dépanneurs et épiciers du Québec et l'Association des détaillants en alimentation du Québec. Et, sur ce, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 52)
(Reprise à 15 h 3)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Alors, la commission poursuit ses travaux. Et, cet après-midi, nous allons entendre et échanger avec trois groupes. Nous allons débuter, dans quelques instants, avec la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac; c'est suivi par le Regroupement des exploitants de distributrices de cigarettes; et nous allons terminer l'après-midi avec l'Association médicale du Québec.
Je vous avise, chers collègues, que nous siégeons également à 20 heures, mais sur un autre mandat, hein, je vous rappelle. Je ferai avis de cela à la fin de la séance de cet après-midi. Et, juste pour votre information et votre gouverne, la séance se poursuit à 20 heures sur un autre mandat, et ce, jusqu'à 24 heures.
Alors, c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. M. Gauvin, bonjour.
Coalition québécoise pour
le contrôle du tabac (CQCT)
M. Gauvin (Louis): Bonjour.
Le Président (M. Copeman): Je vous rappelle nos façons de faire: vous avez 15 minutes pour faire votre présentation; ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 15 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table.
Avant de vous céder la parole, je vous rappelle, chers collègues ainsi que tous les membres du public ici présents dans la salle, que l'utilisation des téléphones cellulaires et d'autres appareils semblables sont défendus et... ou l'utilisation est défendue plutôt, et je vous prierais en conséquence de mettre ces appareils hors tension.
Alors, M. Gauvin, je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent et débuter par la suite votre présentation. Les cloches vont arrêter de sonner à un moment donné ou on va fermer la porte, on va les entendre moins. Mais gênez-vous pas de cela, c'est normal.
M. Gauvin (Louis): La porte doit être fermée, nous les entendons moins.
Le Président (M. Copeman): Exact.
M. Gauvin (Louis): Je débute. Alors, il me fait plaisir, M. le Président, de vous présenter les gens du panel réunis aujourd'hui avec la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac: à ma gauche, Janie Blouin-Grondin, étudiante de cinquième secondaire, au collège Jésus-Marie de Sillery; à l'extrême gauche, Me Robert Cunningham, de la Société canadienne du cancer, conseiller juridique et expert des questions du tabagisme; à ma droite, Jeffrey Gottheil, qui est président et directeur de la création de la firme Gottheil Communications Marketing, de Toronto; et, enfin, à l'extrême-droite, ma collègue, Heidi Rathjen; et moi-même, Louis Gauvin, de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac.
Au début de notre présentation, permettez-nous tout d'abord, M. le ministre, de vous dire toute notre satisfaction, au nom de nos quelque 1 300 membres corporatifs et individuels, pour votre détermination à réduire l'usage du tabac dans notre société.
Nous étions présents hier, lors de la première journée d'audience de la commission, et nous avons été heureux de constater que le ministre et l'opposition sont sur la même longueur d'onde sur la question du tabagisme.
C'est le reflet, croyons-nous, du consensus social qui s'est développé chez nous, au fil des ans. On constate que les opinions entendues, à l'exception de celles des représentants des propriétaires de bars, étaient somme toute modérées et représentent bien où nous en sommes rendus. Tous reconnaissent les dangers de la fumée de cigarettes, ce qui n'était pas le cas en 1998, lorsque nous nous sommes présentés devant cette commission.
On voit qu'à l'instar de la plupart des autres provinces, de bien des États américains et de plus en plus de pays dans le monde, les citoyens et leurs élus mettent les fabricants de cigarettes au banc des accusés, eux qui empoisonnent encore 25 % de nos concitoyens qui sont encore dépendants de la nicotine.
Un autre consensus aussi, celui sur l'inefficacité des fumoirs. C'est pourquoi, étant convaincus que le ministre de la Santé est un homme conséquent, nous nous attendons à ce que la commission recommande au gouvernement d'interdire tous les fumoirs, puisque, de l'aveu même du ministre, il faudrait créer des tornades dans tous les bars, restos et autres bingos pour que soient respectés les impératifs de la santé publique en ce qui concerne la fumée secondaire.
Outre cette modification concernant les fumoirs, nous déposons également à la commission plusieurs autres propositions d'amendements que nous avons préparées avec la collaboration de nos principaux partenaires. Et je demanderais à Mme la secrétaire, s'il vous plaît... Alors, je les dépose à la commission.
Parmi ces changements, un à nos yeux est d'une importance capitale pour que les jeunes ne commencent pas à fumer: il concerne ces murs excessifs de paquets de cigarettes, derrière les comptoirs-caisses dans les commerces, que nous demandons d'interdire.
En fait, tous les intervenants qui se sont présentés devant vous jusqu'à maintenant s'entendent sur les objectifs de la loi et plus particulièrement sur le fait qu'elle doit servir à convaincre un plus grand nombre de personnes d'arrêter de fumer, et surtout d'inciter les jeunes à ne pas commencer.
C'est pourquoi, si l'on s'entend tous là-dessus, le projet de loi comporte une faille fondamentale, une grande absente pour l'atteinte de ces objectifs: elle n'interdit pas la mesure la plus efficace et actuellement la plus répandue pour la promotion du tabac: les étalages de cigarettes. C'est un enjeu fondamental pour les cigarettiers, qui touche directement leurs ventes, leurs revenus, leurs profits. Soyons clairs, ces étalages, montages et murs de cigarettes, ce sont des publicités. Elles jouent un rôle important pour favoriser le tabagisme. C'est pourquoi nous réclamons que la révision de la Loi sur le tabac inclue l'interdiction de leur existence.
Nous avons été très déçus d'entendre, ce matin, le ministre indiquer qu'il n'avait pas l'intention d'interdire totalement les murs de cigarettes. Au cours des prochaines minutes, M. le ministre, nous tenterons de vous convaincre qu'il ne peut être question d'équilibre entre les intérêts économiques des distributeurs multimillionnaires et milliardaires de cigarettes et les intérêts de la santé publique. Vous avez été très clair, hier, là-dessus, au moment de la présentation et des interventions sur la fumée secondaire, vous devez être très clair là-dessus, aujourd'hui aussi.
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(15 h 10)
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Les étalages tape-à-l'oeil, les éclairages sophistiqués des présentoirs de comptoirs ? et nous en verrons, des exemples, tout à l'heure, au moment de la présentation de mon collègue ? ainsi que l'ensemble de la promotion aux points de vente ? PPV, publicité, point de vente ou promotion aux points de vente, dans le langage du marketing ? sont des outils qui servent à communiquer directement avec le consommateur, qui servent aussi à mettre en scène le produit pour mieux le vendre. C'est un outil qui fait vendre. Les étalages fidélisent la clientèle, mais servent aussi à recruter de nouveaux jeunes clients, car un produit vu est un produit qui a plus de chance d'être acheté. C'est bien connu dans le milieu du marketing, le rôle de la promotion aux points de vente est primordial dans la vente: elle attire le regard du consommateur, rappelle et renforce l'image derrière le produit et finalement pousse le produit vers le consommateur.
Cette publicité est d'autant plus importante que de vastes enquêtes ont démontré que la majorité des décisions d'achat se prennent aux points de vente et même pour le tabac. Selon les experts en marketing, les étalages et la promotion aux points de vente des cigarettes entraînent des achats non planifiés, des achats spontanés, c'est-à-dire qui n'étaient pas prévus au moment de l'entrée chez le commerçant.
Mais l'effet le plus pervers de la publicité aux points de vente, c'est la banalisation du produit, ce qui entraîne une sous-estimation du risque posé par les cigarettes. Cette publicité envoie le message que le tabac est socialement acceptable. Elle minimise l'ampleur et la sévérité des risques de l'épidémie du tabagisme, de la présence du tabac dans notre environnement quotidien, contredit le message de dangerosité du produit et tous les avertissements des autorités. Dans nos dépanneurs, les cigarettes sont étalées parmi les bonbons, les friandises et autres produits de consommation courante.
Bien sûr, les lieux de vente permettent de desservir les fumeurs, comme se plaisent à le répéter ? ils le répétaient, ce matin ? les dépanneurs et les cigarettiers. Mais peut-on sincèrement argumenter qu'une telle omniprésence de la publicité de cigarettes dans notre environnement quotidien n'encourage pas des achats pour les fumeurs occasionnels, qu'elle ne véhicule pas l'idée aux enfants, aux adolescents et à la population que le tabagisme et les produits du tabac sont beaucoup plus répandus dans la société qu'ils ne le sont vraiment, qu'elle ne crée pas une incitation puissante face à une envie irrépressible pour la nicotine pour des fumeurs en voie de sevrage, soit de multiples occasions pour faire une rechute?
Nous connaissons tous quelqu'un qui a arrêté de fumer, et c'est difficile. Ces fumeurs en sevrage sont donc constamment sollicités par ces murs promotionnels. Évidemment, il est dans l'intérêt de l'industrie du tabac que ces tentatives de cessation échouent. Mais, M. le ministre, vous payez pendant trois mois l'aide à l'arrêt tabagique, ça représente de 12 à 15 millions de dollars à chaque année. Ne croyez-vous pas que permettre l'omniprésence de la publicité en points de vente est une contradiction absurde?
Du côté des fabricants de cigarettes et de leurs partenaires ? les chaînes de dépanneurs, les supermarchés d'alimentation, les grandes surfaces ? tous ont traité de l'importance des étalages dans les mémoires qu'ils ont déposé en consultation publique.
Quant aux aspects économiques, nous ne croyons pas que la survie des détaillants soit menacée par la perte des revenus reliés à l'allocation d'espace d'étalage, puisque la majeure partie des distributeurs sont des entreprises multimillionnaires et milliardaires. Les grandes chaînes de dépanneurs, les pétrolières qui vendent des cigarettes, les épiciers de grande surface ne sont pas particulièrement à plaindre dans le domaine des affaires. Quant aux petits dépanneurs indépendants, ils ont la possibilité de hausser le coût du paquet de cigarettes de quelques sous, comme devront de toute façon le faire les grandes chaînes, et, dans tous les cas, ces espaces devenus disponibles pourront être offerts moyennant rémunération pour l'étalage d'autres produits, comme en a fait référence Mme Charest ce matin.
En terminant, M. le ministre, permettez-moi de rappeler quelques-uns des propos que vous avez tenus, hier, lors de votre allocution d'ouverture, parce que, je vous cite, «la masse des nouveaux fumeurs sont des enfants et des adolescents»; parce que, je vous cite, «le tabagisme a atteint une omniprésence dans la société». La toxicomanie associée au tabagisme et un habile marketing de l'industrie ? et c'en est une, démonstration ? du tabac en ont été les déterminants; parce que, je vous cite, «le tabagisme ne doit pas être considéré comme souhaitable ni [même] revêtir un caractère de normalité», ce que les étalages contribuent à faire.
Nous vous demandons, M. le ministre, de continuer à défendre les intérêts de la santé publique du Québec ? vous l'avez fait de façon si éloquente, hier, dans le cas de la fumée secondaire ? en interdisant la présence d'étalages et de présentoirs. Nous demandons de les interdire dans un délai raisonnable pour permettre aux petits dépanneurs de trouver un nouveau commanditaire pour cet espace si convoité.
Je demande maintenant à mon collègue Jeffrey Gottheil de faire sa présentation. Jeffrey est un expert en marketing et en merchandising-étalage aux points de vente. Il travaille dans le domaine depuis 25 ans. Il a conçu des étalages pour La Baie, Sears, les grandes chaînes de distribution au Canada et les petits dépanneurs. Il s'est déplacé de Toronto à notre demande pour venir témoigner devant vous et nous faire part de son expertise. Merci.
Le Président (M. Copeman): M. Gauvin, M. Gottheil, je veux vous signaler, il reste cinq minutes pour votre présentation.
M. Gottheil (Jeffrey): Parfait. Cher M. le Président, cher Dr Couillard, chers membres de la commission parlementaire, merci beaucoup pour cette occasion pour vous parler. J'aimerais d'abord vous présenter mes excuses pour la qualité de mon français. Je suis en effet un fier Montréalais, mais 25 années à Toronto m'ont fait perdre mon français. Alors, si vous me permettez, j'aimerais faire ma présentation en anglais. Merci de votre compréhension. Je vais essayer de parler lentement.
Point of Purchase displays are one of the most powerful and influential forms of advertising there is today. It is the only advertising medium that can influence the customers when they have cash in hand and are ready to make a purchase decision.
Point of Purchase is designed to capture your attention and influence your purchase decision. Point of Purchase is designed to physically fit within the retail environment and be perceived as an endorsement by the store itself. If I trust the store, then I trust the products that they sell.
If we look at Tobacco Powerwall Advertising in convenience stores, we see a product that is strategically placed in the most influential spot in the store: the back wall behind the cash counter. Think about it: anyone that walks into a «dépanneur» today is exposed to a wall of cigarettes anywhere from four feet to 16 feet across. We take for granted this wall of cigarettes, but please don't estimate its effect, especially on our children.
«Dépanneurs» are playing a significant role in informing children about tobacco products. According to a study by Brown & Williamson, an affiliate of Imperial Tobacco, «the store environment, especially displays inside stores, is the biggest source of advertising awareness [of] all cigarette trademarks». Is this having an influence on our children? 85 % of kids from non-smoking households spontaneously name convenience stores as a place that sells cigarettes. Over 40 % of kids from non-smoking households can name brands of cigarettes. There are thousands of «dépanneurs» located across Québec: in residential areas, schools, and mostly within walking distance, thus the name «convenience stores».
The corner store is very much part of our life and culture. 77% of kids go to convenience stores at least once a week and many two to five times a week: during lunch time, after school for a snack or on the weekend. For a child, it's the «right of passage» to spend their allowance and buy something for themselves like a chocolate bar. Do they have to be exposed to this wall of cigarettes every time they walk into a convenience store?
Tobacco companies spend $88 million a year just for the right to position their product on the particular back wall itself. We must realize how scary the idea of that much exposure over that much time can have on a child. Tobacco companies claim that their Point of Purchase advertising is intended only to smokers who might switch brands. They also maintain that their Point of Purchase advertising has no impact on non-smokers, particularly the youth smoking.
We analyzed the tobacco companies' definition of brand switchers and found their interpretation to be: People that don't smoke a brand to those that now smoke a brand, they consider brand switchers.
Did you know that, according to an AC Nielsen report, convenience stores nearest schools have significantly more tobacco ad presence? Children today know where to purchase cigarettes. They know how cigarettes are merchandised. They know the brands and names. They know the colors of the package. They know the graphics being used. They feel that tobacco wall advertising provokes them and encourages them to smoke. They know far too much. Two-thirds of children believe that tobacco wall advertising will encourage other kids to try smoking. All this, when tobacco companies claim that «we have no effect on non-smokers», yet alone children.
We have opened up a Pandora's box, and have limited tobacco companies to in-store advertising, and given them the key to the most powerful advertising medium today, with no restrictions. If the product is restricted, so should the message. We must protect our children and the influence Tobacco Powerwall Advertising has on them. We must restrict the message by putting the product out of sight, out of mind, below the counter, hidden and non visible. Thank you.
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(15 h 20)
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M. Gauvin (Louis): Vous permettez, M. le Président, rapidement, que Janie fasse une courte présentation?
Mme Blouin-Grondin (Janie): Alors...
Le Président (M. Copeman): M. Gauvin, moi, je suis là à la disposition de mes collègues, là. On va dépasser le 15 minutes, s'il y a consentement. Consentement? Allez-y, mademoiselle.
M. Gauvin (Louis): Merci. Merci.
Mme Blouin-Grondin (Janie): Merci. Alors, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, chers membres de l'Assemblée, la semaine dernière, j'ai eu l'occasion de vous remettre, M. le ministre, une pétition d'environ 1 500 signatures en provenance de différentes écoles de la région de Québec. Cette pétition réquisitionnait notamment l'abolition des murs d'étalage de produits de tabac dans les points de vente.
Lors de notre entretien, vous aviez mentionné que votre projet de loi tenait effectivement compte de la problématique. Hélas! je suis amèrement déçue de constater la faiblesse de votre loi en ce qui concerne les murs d'étalage. Selon moi, la mesure la plus rigoureuse, voire la disparition de ces murs, s'impose.
Les campagnes de lutte au tabagisme les plus efficaces sont celles qui s'attaquent à la dénormalisation du produit. Il est toutefois bien difficile de faire comprendre aux jeunes qu'un produit mortel telle que la cigarette puisse se retrouver à la vue de tous et qu'on en fait l'exposition comme si cela était un produit tout à fait ordinaire.
Les compagnies de tabac possèdent une arme pour entrer en contact avec les jeunes. Situées derrière les comptoirs-caisses, à proximité de l'entrée des commerces, les différentes étiquettes des compagnies ont une place de choix et sont à la vue de tous. Au moment de payer leurs achats, de nombreux adolescents se retrouvent, tous les jours, argent en main devant ce mur de publicité. À mon avis, cette situation démontre bien le pouvoir des compagnies de tabac et les stratégies de recrutement et de persuasion plutôt douteuses qu'elles emploient. Sans l'adoption d'une telle mesure, l'efficacité de votre projet de loi est certainement remise en doute.
M. Gauvin (Louis): Merci, M. le Président.
Document déposé
Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, dans un premier temps, j'autorise le dépôt des amendements proposés sur le projet de loi n° 112 modifiant la Loi sur le tabac, par la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. Et, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, pour le début des échanges.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Gauvin, M. Gottheil, Mme Rathjen, Me Cunningham. Et, Janie, félicitations pour cette belle manifestation d'implication précoce dans la vie démocratique du Québec. Beaucoup de jeunes qui vont te regarder, j'en suis sûr, ce soir, probablement pas en direct parce qu'il y a de l'école, mais, ce soir, pour être en admiration devant ce que tu fais pour tes concitoyens, c'est très bien.
M. Gauvin, je voudrais toucher deux points, parce qu'on n'aura pas le temps de tous les toucher en 15 minutes: la question de l'affichage, que vous venez d'aborder, également la question des fumoirs.
Bon, la question de l'affichage, vous avez bien sûr entendu ma position ce matin. Évidemment, une partie de cette position est le fait de dire que nous n'allions pas interdire complètement l'étalage. Mais vous aurez remarqué que, dans les aperçus de règlements que j'ai donnés, c'était cependant très restreint et très encadré. Le mot est bien choisi, puisqu'on parle d'un périmètre de un mètre carré avec absence totale de mécanisme promotionnel dessus.
Advenant le cas où, malgré votre éloquence, vous ne pourriez me convaincre de la nécessité d'aller plus loin, est-ce que vous pensez qu'on devrait laisser la disposition de type réglementaire ou intégrer le type d'affichage dans le cadre du projet de loi? Je vous mets dans l'hypothèse. Je ne vous demande pas de reconnaître que c'est ce que vous souhaitez; je vous mets dans l'hypothèse.
M. Gauvin (Louis): C'est une question piège, quand même.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gauvin (Louis): Parce que c'est d'aller dans le sens de l'hypothèse. Notre position est à l'effet que c'est l'interdiction totale qui doit prévaloir. La Saskatchewan, le Manitoba, et l'Ontario prochainement, l'Islande, d'autres juridictions dans le monde l'ont interdit totalement.
La raison pour laquelle on a beaucoup de difficulté avec la réglementation, c'est que vous connaissez aussi bien que nous les capacités de l'industrie du tabac. Ils sont passés maîtres dans l'art de... en anglais, on dit «stretch the law», hein, c'est-à-dire d'étirer au maximum le cadre législatif, et dans ce cas ils font preuve d'une imagination qu'il faut admirer. Il faut reconnaître que ce sont des opposants intelligents. Et je crois que le moindre bout de ficelle que nous allons leur consentir, vraiment ce ne sera plus une ficelle avec eux, ça va être un élastique. Alors, c'est la raison pour laquelle on insiste pour une interdiction totale.
Et je serais difficilement à l'aise... J'aimerais vous répondre... Si on était en conversation, comme ça, privée, je n'aurais pas de problème, mais je ne suis pas à l'aise à répondre à votre question, dans ce sens-là, parce que j'ai...
Écoutez, nous affrontons l'industrie du tabac ? maintenant dans ces termes ? depuis bientôt une quinzaine d'années. Nous les voyons à l'oeuvre, nous les respectons énormément comme opposants, et nous savons qu'ils vont tout faire pour étendre au maximum toutes les générosités que vous voudrez leur consentir, si minimes soient-elles.
M. Couillard: Bien, en fait, le terme «générosités» est peut-être plus ou moins bien choisi, mais je respecte très bien votre décision de ne pas répondre directement à la question.
Cependant, vous manifestez une certaine ouverture en citant des exemples où on a fixé un délai plus lointain. Parce que ce qui me préoccupe, moi, ce n'est pas la situation économique des compagnies pharmaceutiques, ou des pétrolières, ou des grandes surfaces, c'est le fait qu'on avait, ce matin, avec nous des gens qui sont des petits commerçants, qui travaillent très fort, qui ont une marge de profit très réduite. C'est bien vrai, la firme ou la chaîne Couche-Tard, que ça va bien, leurs affaires, mais, le franchisé lui-même, il n'est pas dans une situation économique favorable. Et il me semble que, là, vous ouvrez la porte en disant: Bien, là, on pourrait prévoir des délais d'application. Quel serait ce délai, d'après vous? Vous avez mentionné 2008. Est-ce que c'est suffisant pour permettre à de tels commerçants de réajuster ou de transformer leurs commerces?
M. Gauvin (Louis): Je demanderais à Rob, qui a une bonne connaissance des aménagements ou des modalités ailleurs, dans ce cas-là.
Le Président (M. Copeman): M. Cunningham.
M. Cunningham (Robert): Merci. Par exemple en Saskatchewan, après que la Cour suprême du Canada, le 19 janvier 2005, a affirmé que la loi de Saskatchewan était valide et constitutionnelle, c'était... avait une application, dans la province, immédiate, donc ça a pris aux détaillants quelques jours ou quelques semaines parce que la loi était en vigueur. Donc, on a cet exemple. Quand on a besoin de faire les choses vite, on peut le faire. Mais l'Ontario, avec leur projet de loi, a une période de transition de trois années. Donc, vous avez deux exemples de deux autres provinces, qu'est-ce qu'ils ont fait.
M. Couillard: Passons maintenant aux fumoirs, là, et essentiellement c'est des fumoirs dans les milieux de travail dont je voudrais qu'on discute. Pourriez-vous nous expliquer le sens de votre recommandation dans les amendements proposés? Parce que bien sûr on est sensibles aux arguments que les entreprises pourraient nous présenter quant aux difficultés de ne plus avoir ces tels fumoirs en termes de perte de productivité des employés qui quittent les locaux de l'entreprise pour s'adonner à cette habitude que nous regrettons tous mais qui fait partie également de la réalité et de la nature humaine. Comment est-ce que vous pensez que nous devrions aborder cette question des fumoirs?
M. Gauvin (Louis): Parlez-vous des...
M. Couillard: Des fumoirs en milieu de travail.
M. Gauvin (Louis): Est-ce que vous parlez des fumoirs existants ou les fumoirs que vous proposez d'implanter en général et que tout milieu de travail serait autorisé à implanter?
M. Couillard: Bien, les deux. Commencez par les fumoirs existants puis ensuite votre position, que je devine, là, mais que j'aimerais que vous développiez, sur la possibilité d'avoir des nouveaux fumoirs.
M. Gauvin (Louis): Les fumoirs existants sont des installations qui pourraient éventuellement disparaître et ne plus servir dans un délai raisonnable, le délai ici étant le fait que la présence de fumoirs continue à livrer le message à la société que le tabagisme est toléré, mais qu'il est toléré, dans le milieu de travail, d'une certaine façon. Et ça rend difficile et ça peut rendre inéquitable aussi le fait qu'il y ait des fumoirs qui soient présents dans certains milieux parce qu'il y a eu des acquis, parce qu'ils ont utilisé la loi qui les autorisait, ces fumoirs-là. Mais éventuellement qu'il y ait un «phasing out» qui soit proposé à ces entreprises serait une avenue qui serait pour nous intéressante, d'autant plus que je crois qu'hier le regroupement avec l'Association pour les droits des non fumeurs ont fait éloquemment la preuve que les fumoirs ne garantissent pas la protection de la santé publique, qu'ils demandent des normes d'utilisation, de construction maintenant très poussées. Avec les expériences en particulier que nous avons à York, en Ontario ou ailleurs, des fumoirs ont été installés parce qu'on croyait, à ce moment-là puis de bonne foi, que c'étaient des mesures qui protégeaient efficacement la santé publique, ce qui s'avère ne pas être le cas. L'expression du Dr Turcotte a fait image et a fait aussi la presse d'aujourd'hui.
Concernant la présence de fumoirs dans les milieux de travail, pour les employés, tel que présenté dans le projet de loi, les bars, les restaurants, c'est de continuer à perpétuer le fait que des installations inefficaces seraient maintenues dans notre société, et, dans ce cas-là, de façon permanente et indéfinie. Et les expériences menées à York sur le suivi à donner à de tels fumoirs, sur la construction, sur l'inspection, sur les compétences particulières que ça prend et sur l'inefficacité même, pour nous... on ne va vraiment pas dans le sens de proposer que les fumoirs soient maintenus. C'est qu'ils soient totalement éliminés, ce que d'autres provinces ont fait, d'autres États. Nous serions vraiment dans le sens des progrès que l'on fait à l'égard de la lutte contre le tabagisme.
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(15 h 30)
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M. Couillard: On nous signalait même deux provinces ? sauf erreur, c'est la Nouvelle-Écosse et l'Ontario ? dans le projet de loi actuel, qui, ayant déjà permis les fumoirs, maintenant décident de les interdire. Est-ce que j'interprète correctement?
M. Cunningham (Robert): C'est absolument correct pour la Nouvelle-Écosse: on va avoir un projet de loi qui va être adopté à l'automne. Pour l'Ontario, les fumoirs sont permis par les règlements municipaux dans beaucoup de municipalités comme Toronto, York, à peu près un tiers de la population ontarienne, et on a à peu près 800 bars, maintenant, en Ontario, qui ont les fumoirs qui vont être interdits.
M. Couillard: Très bien.
Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, Mme la députée de Rimouski et porte-parole de l'opposition officielle en matière des services sociaux.
Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Bonjour et bienvenue à la coalition. Je suis très heureuse de vous entendre.
Ma question s'adresserait à madame ? excusez, je cherche son nom ? alors à la jeune demoiselle, Janie Blouin-Grondin, hein? Je ne sais pas si Mme Grondin accepte de nous dire quel âge elle a et si ses amis fument. Est-ce que vous avez des amis qui fument? Et à quel endroit ils fument? Et à quelle occasion ils utilisent la cigarette, si tel est le cas?
Mme Blouin-Grondin (Janie): Oui. Alors, j'ai 17 ans. Alors, non, dans mon cercle d'amis, on n'a pas beaucoup de fumeurs. C'est certain qu'entre les jeunes on se tient avec ceux qu'on se ressemblent, puis je n'aime pas la cigarette, je me tiens avec des gens qui ne l'aiment pas non plus. Mais par contre je peux constater, dans l'ensemble des jeunes de mon âge, les jeunes qui fument habituellement fument sur les heures de récréation à l'école, sur l'heure du dîner. Dans leur milieu de travail, je suppose qu'ils fument dans leur pause. À la maison, ça doit être la même chose aussi. Certain que, dans les soirées et entre amis aussi, là, c'est certainement une pratique qui est plus courante.
Mme Charest (Rimouski): À quel endroit surtout la cigarette est utilisée? Est-ce que c'est dehors, à l'extérieur de l'école ou à l'intérieur de locaux? Est-ce qu'il y en a qui tentent de contrer la loi, et tout ça?
Mme Blouin-Grondin (Janie): Ah! c'est certain que, même s'il n'y a pas de fumoir sur le terrain de l'école, plusieurs personnes vont s'essayer de fumer à l'entrée des portes. Mais l'exemple n'est pas vraiment donné toujours par le personnel enseignant des écoles. Donc, je crois qu'en interdisant justement de fumer dans un certain rayon entourant les bâtisses, ça va contribuer à enrayer le problème.
Mme Charest (Rimouski): Est-ce qu'autour de votre école il y a des dépanneurs, des stations d'essence, des épiceries? Est-ce qu'ils sont proches de l'école ou, s'ils sont quand même assez éloignés, ça demande une démarche spécifique pour aller se chercher des cigarettes?
Mme Blouin-Grondin (Janie): Personnellement, mon école est située en bordure de la rue Maguire, à Sillery, et donc il y a un dépanneur à environ 45 secondes de marche. Je n'ai jamais essayé de me procurer des cigarettes à cet endroit-là. Je sais qu'ils en vendent, par contre. Donc, je suppose que, pour quelqu'un qui peut s'en offrir, bien, ça ne doit pas être si compliqué que ça.
Mme Charest (Rimouski): O.K. Et cette idée que vous avez de ne pas aimer la cigarette, elle vous est venue comment? Par quoi vous avez été sensibilisée au fait que fumer, c'était... c'est un choix que vous avez rejeté?
Mme Blouin-Grondin (Janie): J'ai toujours trouvé curieux d'acheter quelque chose qui pouvait contribuer à détruire ma santé. Investir dans ma propre destruction, je trouve que c'est plutôt un choix qui ne serait pas naturel.
Mme Charest (Rimouski): Est-ce que tous les jeunes pensent comme vous? Ou en tout cas beaucoup de jeunes pensent comme vous ou si... Est-ce que, dans votre milieu, là, est-ce que la majorité des jeunes, ils fument ou s'ils ne fument pas?
Mme Blouin-Grondin (Janie): Dans mon milieu, non. Mais mon milieu ne représente peut-être pas l'ensemble de la population.
Mme Charest (Rimouski): O.K. Ce que je veux dire dans votre milieu, c'est à l'école. Est-ce que, dans votre école, la majorité des étudiants fument ou ne fument pas?
Mme Blouin-Grondin (Janie): La majorité des étudiantes ne fument pas à mon école. On est seulement que des filles, et c'est la première année, en 2005, qu'il n'y a aucune fumeuse dans la promotion de cinquième secondaire.
Mme Charest (Rimouski): Merci. Ça a été intéressant, ce que vous avez partagé avec nous.
Moi, je voudrais demander à M. Gauvin... Vous nous avez transmis, M. Gauvin, vos amendements proposés au projet de loi n° 112, et le sixième amendement proposé: étendre l'interdiction de fumer sur les terrains des écoles aux terrains des cégeps, puisque ces lieux sont aussi fréquentés par des mineurs. Moi, j'ai une préoccupation, c'est les centres jeunesse.
Les centres jeunesse, ce sont tous des mineurs, parce qu'après 18 ans, là, il y a autre chose pour les jeunes en difficulté, et je ne vois pas, en aucun endroit, l'interdiction ou enfin quelque chose qui établirait clairement que, même si c'est un milieu de vie, c'est quand même un milieu de vie réservé à des mineurs. Et j'aimerais vous entendre là-dessus parce que ça pourrait être une suggestion qu'on pourrait faire, en collaboration, au ministre pour faire un ajout au projet de loi.
M. Cunningham (Robert): Certainement, les groupes de santé... inquiets avec l'usage du tabac et l'exposition à la fumée de tabac parmi les jeunes. Et l'appui d'une modification dans cette direction va... des groupes de santé.
Mme Charest (Rimouski): O.K. Alors, je ne sais pas s'il y a d'autres qui ont des questions. Non, ça va? Alors, merci. Je pense que vous avez été très clairs, et vos documents parlent beaucoup. Alors, merci beaucoup.
Le Président (M. Copeman): À ma droite, je crois qu'il reste du temps. Mme la députée de Nelligan, allez-y.
Mme James: Merci. Je voulais profiter de la présence de Mme Blouin-Grondin pour vous poser une question. Je sais qu'il y a énormément de pression justement sur les jeunes, justement par rapport au marketing. On a entendu la présentation des collègues là-dessus. Mais, en tant que jeune femme, j'ai été sensibilisée moi-même, ça ne fait pas si longtemps que ça que j'ai été au secondaire, parce que, quand on est adolescentes surtout... Mais, vous, en tant que jeune femme surtout, par rapport au challenge ou aux pressions qui seraient là pour des femmes à maigrir, à garder un certain corps, j'essaie de voir si, dans votre entourage, vous avez été sensibilisée face à cette problématique-là, face à fumer pourrait amener à maigrir. Je m'exprime mal, là, mais vous comprenez le lien qui se fait. Est-ce que vous sentez, peut-être pas personnellement mais dans votre environnement, cette pression-là? Est-ce qu'il y a beaucoup de jeunes qui commencent... jeunes femmes commencent à fumer justement pour garder ce poids ou pour maigrir?
Mme Blouin-Grondin (Janie): Alors, personnellement, je fréquente un collège de filles, alors je peux vous dire que les dispositions ont été prises, là, spécialement par la direction pour justement sensibiliser l'ensemble des élèves à ce problème-là. C'est une avenue, je pourrais dire, qui a certainement été explorée par plusieurs filles que je côtoie, la possibilité, là, d'avoir recours à la cigarette dans le but de maigrir.
Mme James: Malgré le fait que ces jeunes femmes-là sont quand même sensibilisées au danger du tabac...
Mme Blouin-Grondin (Janie): Exactement.
Mme James: ...elles vont quand même se soumettre à cette pression-là. C'est une option pour elles?
Mme Blouin-Grondin (Janie): Exactement. Alors, l'image que l'industrie du tabac envoie aux jeunes filles de mon âge, aux jeunes femmes, alors ça peut certainement les affecter en ce sens-là.
Mme James: Merci.
Le Président (M. Copeman): M. Gauvin, avez-vous une idée sur combien les compagnies, les fabricants de tabac dépensent pour placer leurs produits en étalage, en arrière, tel qu'ils le font actuellement?
M. Gauvin (Louis): Oui, j'ai une idée, mais je demanderais à mon collègue ici, spécialiste de ces questions, de répondre, s'il vous plaît.
M. Gottheil (Jeffrey): They spend $88 million a year just for the positioning rights. That's not for Point of Purchase material or any of the fluff, that's just for positioning rights. That translates to anywhere from $2 000 to $10 000 per retail store.
In addition to that, it's in the hundreds of millions of dollars they spend in Canada, a year, on other related items: advertising, incentives, promotions. So, well over $300 million a year.
M. Gauvin (Louis): Cela répond à votre question?
Le Président (M. Copeman): Absolument.
M. Gauvin (Louis): Merci.
Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, M. Gauvin, Mr. Gottheil, Mme Rathjen, Mlle Blouin-Grondin, M. Cunningham, merci beaucoup de votre... M. Gauvin, oui?
M. Gauvin (Louis): Nous laissons pour les membres une compilation d'études, réalisées par la Société canadienne du cancer, sur les preuves de l'influence du marketing sur la consommation de tabac, et ce ne sont pas huit études, c'est un... il y a 16 colis comme celui-ci. Si jamais quelqu'un vous demande: Il n'y a pas de preuve, vous pourrez le référer à un de ces onglets.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. Gauvin. Alors, merci à la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac pour votre participation à cette commission parlementaire.
J'invite immédiatement les représentants du Regroupement des exploitants de distributrices de cigarettes à prendre place à la table.
Et je suspends les travaux de la commission quelques instants.
(Suspension de la séance à 15 h 40)
(Reprise à 15 h 44)
Le Président (M. Copeman): Alors, la commission reprend ses travaux. Et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants du Regroupement des exploitants de distributrices de cigarettes. Messieurs dame, bonjour.
Je vous rappelle notre façon de fonctionner: vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, et c'est suivi par un échange d'une durée maximale de 15 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table.
Je comprends, M. le président Patenaude, vous allez débuter. Par la suite... Bien, immédiatement, je vous demanderais de présenter les personnes qui vous accompagnent et par la suite enchaîner avec votre présentation.
Regroupement des exploitants
de distributrices de cigarettes (REDAC)
M. Patenaude (Pierre E.): Merci. Alors, à la gauche, Mme Diane Lamb, opérateur de distributrices, comme tous les membres qui sont assis ici; à l'extrémité, M. André Pichette; à ma droite, le deuxième vice-président Raymond Laporte; Luc Fontaine et M. Robert Cadrin.
Alors, je commence. Mmes et MM. membres de la Commission des affaires sociales, permettez-nous, au nom de nos membres, de vous remercier de bien vouloir nous accorder la possibilité de présenter notre position au sujet du projet de loi n° 112, Loi modifiant la Loi sur le tabac et d'autres dispositions législatives.
En premier lieu, nous aimerions vous présenter notre association, le Regroupement des exploitants de distributrices de cigarettes. Le REDAC regroupe uniquement les exploitants de distributrices de cigarettes du Québec. Nos membres font partie d'une association indépendante dont le but est de représenter exclusivement leurs membres et les activités de l'industrie. Nous sommes donc autonomes et entièrement indépendants face aux divers groupes et intervenants représentant l'industrie du tabac. Nous ne recevons aucune subvention ou gratuité de leur part et ne faisons pas de publicité pour eux.Chacun de nos membres est une PME qui contribue à la création d'emplois. Le conseil d'administration du REDAC est composé de cinq membres, tous propriétaires de distributrices de cigarettes.
Notre position. Le REDAC souscrit à l'objectif visé par le Service de lutte contre le tabagisme du ministère de la Santé et des Services sociaux d'interdire l'accès au tabac aux personnes de moins de 18 ans. Avant même l'adoption de la loi n° 444 sur le tabac, au printemps 1998, nos membres avaient tous ajouté un dispositif de contrôle électronique à toutes leurs distributrices situées dans un lieu qui se voulait accessible aux moins de 18 ans. Il y a donc vérification de la preuve d'âge du client, comme chez tous les détaillants du tabac, avant que l'appareil distributeur ne puisse être actionné par un employé de l'établissement, et ce, à chaque transaction, sans exception. De plus, grâce aux efforts de l'ensemble de nos membres, les distributrices se trouvent loin des entrées et des lieux publics réservés aux plus de 18 ans, tels les bars et les tavernes.
Ce sont là deux mesures qui démontrent notre bonne foi et la volonté ferme de notre industrie de limiter, de façon non équivoque, l'accès aux produits du tabac pour les jeunes de moins de 18 ans. Si l'article 19 et 20.6 du projet de loi n° 112 modifiant les articles 16 et 17 de la présente Loi sur le tabac sont adoptés tels que libellés, notre industrie n'existera plus. De façon directe, abusive et injustifiée, on poussera le réseau d'exploitants de distributrices de cigarettes à la faillite. Nos membres subiront de lourdes pertes. Que fera-t-on des emplois perdus?
En fait, ce que nous demandons, c'est d'être traités au même titre que les autres détaillants du tabac. Tant et aussi longtemps que l'usage du tabac sera légal dans la province de Québec, nous revendiquons le droit légitime de faire des affaires. Nos membres ont des capitaux d'investis dans cette industrie, et il est du devoir du REDAC d'entreprendre toutes les démarches nécessaires pour protéger leurs intérêts. En plus de subir de lourdes pertes, nos membres perdront leur seule source de revenu et leurs emplois.
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(15 h 50)
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Permettez-nous de vous parler de la vente de cigarettes par appareil distributeur. À la page 16 du document de consultation pour le développement de la législation québécoise contre le tabagisme, déposé le 11 janvier 2005 par le ministre de la Santé, M. Couillard, il est clairement mentionné ceci, et je cite: «La consommation et la fabrication de cigarettes ne peuvent être interdites compte tenu du fait que, au Québec du moins, le quart de la population âgée de 15 ans et plus vit une dépendance à ce produit; une interdiction dans ce contexte entraînerait certainement des problèmes sociaux à grande échelle ? consommation illégale, contrebande, criminalité, etc. ? qui constituerait un prix trop élevé pour les effets réels obtenus sur le tabagisme. Le maintien de la légalité est donc un "mal nécessaire", et une fourniture doit être assurée à ceux qui fument.» Fin de la citation.
À la question: «Doit-on interdire la vente de tabac par appareil distributeur?», nous répondons par d'autres questions: Doit-on interdire la vente de tabac dans les dépanneurs? Doit-on interdire la vente de tabac dans les épiceries et les supermarchés? Doit-on interdire la vente de tabac dans les postes d'essence? Doit-on interdire la vente de tabac par les cantines mobiles? Etc. Si la réponse à cette question est non, la réponse à la question: «Doit-on interdire la vente de tabac par appareil distributeur?» doit être non également.
Les membres du REDAC ont le droit de propriété, le droit d'être en affaires. Nos opérations sont en tout point similaires à celles des autres détaillants ? dépanneurs, épiceries, bars, garages, postes d'essence et cantines mobiles. Tous nos membres ont un certificat d'inscription au fichier de la taxe de vente, produits du tabac. Ils respectent à la lettre la Loi sur le tabac et plus particulièrement l'article 16 qui régit l'exploitation d'appareils distributeurs de cigarettes.
Pour nous, il est clair que, dans un esprit démocratique, une loi ne doit pas être discriminatoire mais plutôt juste et équitable pour tous les intervenants de la société. On ne peut, de façon totalement discriminatoire, éliminer un réseau de distribution tout à fait conforme à l'esprit de la loi, possédant tous les permis requis du ministère du Revenu, et ceci, au profit d'autres détaillants. Cette mesure se voudrait excessive et inutile.
Le réseau de distributrices de cigarettes du REDAC, qui dessert la quasi-totalité des bars de la province de Québec, contribue largement à éviter la prolifération de la vente de cigarettes contrefaites dans ces établissements. À cause des taxes élevées, nous accusons une baisse significative de nos ventes qui est causée principalement par la vente illicite de produits du tabac contrefaits ou volés. En interdisant la vente de cigarettes à partir de distributrices, on encourage la criminalité. Facilitant ainsi le développement d'un réseau parallèle de vente de produits de contrebande à la grandeur de la province de Québec, il sera impossible d'empêcher que des paquets de cigarettes se retrouvent entre les mains de fumeurs mineurs, car les criminels ne demandent pas de pièces d'identité. Nous sommes de fidèles et honnêtes collecteurs de taxes pour le gouvernement.
Certaines personnes croient qu'un appareil distributeur est un véhicule de promotion. Nous admettons d'emblée que nos appareils ne sont pas esthétiques et surtout pas modernes, mais ils sont fonctionnels et fiables, même avec un mécanisme électronique de contrôle. Qu'on se le dise une fois pour toutes, nos clients propriétaires de bars ou de restaurants licenciés permettent l'installation d'une distributrice de cigarettes uniquement parce qu'ils doivent répondre aux besoins de leur clientèle de s'approvisionner en cigarettes.
Le prix d'un paquet de cigarettes est environ 1 $ supérieur à celui payé chez un autre détaillant, ce qui constitue à la base une appréhension vis-à-vis l'appareil distributeur. Ça ne contribue pas certainement à populariser cet équipement.
Nous n'appliquons aucune affiche publicitaire de quelque marque de cigarettes que ce soit, sur ou au-dessus de nos appareils. Seuls de petits fac-similés de 23 mm par 48 mm sont utilisés pour permettre aux fumeurs de faire un choix.
L'usage du tabac dans les bars et les restaurants licenciés. L'interdiction de fumer dans les bars et les restaurants licenciés constitue un moyen tout aussi efficace pour éliminer le réseau de distributrices de cigarettes de ces établissements.
Qu'il s'agisse d'un projet de loi, ou de règlement, ou d'un programme gouvernemental, il faut s'assurer qu'il n'entraîne pas de restrictions injustifiées aux libertés individuelles. Toute limitation des libertés doit être justifiée par un bien supérieur, lequel doit être établi de manière concluante. On doit toujours avoir à l'esprit de concilier droits individuels et droits sociaux.
Nous reconnaissons la primauté du droit à un air sain sur le droit de fumer à n'importe quel endroit. Nous ne devons pas non plus oublier que plus de 25 % des Québécois sont fumeurs. Toute action de la part des autorités en place doit tenir compte des intérêts de chacun. On doit s'assurer que chaque composante est bien analysée, chaque action bien pesée. Une chance égale doit être accordée à chaque partie de se prononcer, de présenter leurs argumentations. Chaque intervention, que ce soit de la part des activistes antitabagisme ou des fervents défenseurs des droits des fumeurs, doit avoir la même écoute.
Or, l'étude des ouvrages sur la fumée de tabac ambiante ou fumée secondaire ne permet pas de conclure hors de tout doute que la FTA ? fumée de tabac ambiante ? risque de causer le cancer du poumon. Une récente étude, publiée dans le British Medical Journal, n'a révélé aucune augmentation du risque d'être atteint du cancer du poumon et d'une maladie coronarienne chez les personnes exposées à la FTA. Chacune des parties présente ses études préférées. Bon nombre d'entre elles sont contradictoires, ce qui rend impossible de faire la preuve, de manière concluante, de la nocivité de la FTA.
À l'heure actuelle, nos clients propriétaires de bars et de restaurants licenciés s'objectent fermement à l'interdiction de l'usage du tabac dans leurs établissements. Leurs clients fumeurs n'apprécient vraiment pas la venue d'une loi interdisant de fumer dans ces endroits, même si les clients non fumeurs de ces commerces considèrent ce projet comme une atteinte aux droits fondamentaux de la personne. Contrairement à ce que prétend la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, les employés qui sont exposés à la FTA ne tiennent pas à une réglementation qui bannirait l'usage du tabac dans les bars et les restaurants licenciés. Nous pouvons l'affirmer, nous les côtoyons à tous les jours. Ils craignent tous de perdre leur emploi, car, faute de clients, des fermetures d'établissements surviendront. La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac prône une approche d'interdiction totale sans tenir compte des droits des fumeurs, car elle ne leur en accorde aucun.
Le REDAC croit qu'il est possible de concilier les attentes de chaque partie ? les antitabac et protabac. Une ventilation adéquate installée dans ces lieux publics permettrait de concilier les revendications des fumeurs et des non-fumeurs. Des études réalisées au Black Dog Pub, à Scarborough, en Ontario, révèlent que la qualité de l'air obtenue à l'aide d'un système de ventilation adéquat est similaire à celle de l'aire de restauration du Toronto Eaton Center, qui est non fumeur.
De plus, nous croyons qu'un non-fumeur devrait être avisé qu'un établissement licencié permet l'usage du tabac, avant qu'il choisisse d'y entrer. À cet effet, nous suggérons qu'un article soit incorporé au projet de loi et que le libellé traduise cette obligation d'aviser en permettant au tenancier de bar et de restaurant licencié d'interdire l'usage du tabac dans son établissement et en obligeant celui qui en permet l'usage d'afficher à l'entrée du commerce un avis réglementaire indiquant que l'usage du tabac est autorisé dans ce local.
En laissant agir la loi naturelle des affaires, un réseau de bars non fumeurs devrait s'installer graduellement, il en serait de même pour les restaurants licenciés. D'ailleurs, la chaîne de Rôtisseries St-Hubert a récemment fait un choix sans tabac. D'autres établissements emboîteront le pas, c'est la loi du marché. Cette approche témoigne d'une ouverture d'esprit et concilie les droits individuels et droits sociaux.
J'aimerais peut-être, si j'ai quelques minutes encore, passer la parole à certains de ces messieurs, qui y tiennent, là. Pour nous, c'est notre survie.
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(16 heures)
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Le Président (M. Copeman): Je comprends, M. Patenaude. Je fais la même observation que j'ai faite tantôt: nous sommes rendus à 15 minutes, si mes collègues sont disposés à accorder du temps supplémentaire, on va le faire. Est-ce qu'il y a consentement?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Copeman): Quelques minutes seulement.
M. Patenaude (Pierre E.): Bon. J'aurais M. Cadrin.
M. Cadrin (Robert): D'entrée de jeu, je tiens à vous préciser qu'à aucun point on ne s'objecte totalement à l'esprit de la loi, M. Couillard. On est tous conscients ici que le tabagisme, c'est un problème pour la santé des gens. On est ici pour vous dire que, nous, on est à la veille, avec le projet de loi, de nous enlever non seulement une portion de nos revenus, mais la totalité de nos revenus. L'interdiction des distributrices automatiques représente pour nous 100 % ou à peu près 100 % de nos revenus. Donc, ça signifie pour nous la mort. Pour la majorité des gens qui sont ici, ça constitue notre patrimoine, notre unique source de revenus, ce qui signifie pour nous des années et des années de retard et la valeur de nos patrimoines qui s'envole avec un projet de loi, de la façon qu'il est libellé actuellement.
M. Patenaude (Pierre E.): Ça va, merci.
Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, merci beaucoup. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Patenaude, madame messieurs, pour votre visite. Effectivement, il est important que vous vous exprimiez sur les conséquences que vous percevez pour votre industrie. C'est tout à fait naturel que vous le fassiez. J'aimerais qu'on concentre la discussion sur cet aspect. Les autres aspects du projet de loi ont été couverts dans la commission parlementaire, puis je voudrais vraiment qu'on prenne le temps pour discuter de la situation de votre industrie.
J'ai des chiffres ici de Revenu Québec qui m'indiquent que, sur des ventes totales de cigarettes, de juillet 2003 à juin 2004, de presque 3 milliards de dollars, 2 916 000 000 $, la vente par exploitant de distributeurs automatiques représente 0,2 % du volume total de ventes, soit un peu plus de 6 millions de dollars. C'est les chiffres de Revenu Québec. Ça exclut bien sûr les fabricants de cigarettes qui ont leur propre réseau de distributrices, uniquement les distributeurs indépendants, et ça exclut donc ceux-là. Donc, il y a là un volume de ventes effectivement qui est présent.
Maintenant, le problème qu'on a ici, c'est un problème de cohérence. J'ai compris que vous vous objectiez à l'interdiction du tabac dans les restaurants et les bars, mais, sans présumer de la suite des travaux parlementaires, j'ai l'impression que c'est pas mal là que ça va se terminer en termes de projet de loi. Donc, comment est-ce qu'on est cohérent une fois qu'on est dans la situation où on interdit la consommation du tabac dans ce type d'établissement, compte tenu du fait qu'il y a 95 % de vos distributrices, sauf erreur, qui sont dans les restaurants et dans les bars? On ne peut pas d'un côté dire qu'on n'a pas le droit de fumer puis laisser des distributrices là. On a un problème de cohérence manifeste, là.
Et j'ai compris que vous n'étiez pas d'accord qu'on interdise la cigarette dans les bars. J'ai bien compris ça, mais ce que je vous dis, c'est faisons comme si c'est ça qui allait arriver: Y a-tu d'autres endroits où vos distributrices pourraient s'installer, où votre industrie pourrait survivre?
Une voix: Je vais laisser monsieur...
Le Président (M. Copeman): M. Laporte.
M. Laporte (Raymond): Alors, M. le ministre, si on a interdiction complète de fumer dans les bars puis dans les restaurants, nos machines ne valent absolument rien, il faut les ramasser. Il va falloir défrayer pour aller les chercher. Il va falloir liquider nos inventaires à des prix inférieurs, parce que, quand on achète nos cigarettes, elles sont toutes en cartouche, on ne peut pas retourner paquet par paquet au grossiste, il ne voudra pas les recevoir. Donc, on va trouver des dépanneurs pour acheter nos cigarettes à escompte puis les vendre, les liquider. On va avoir une perte sur les inventaires, il va falloir... des frais de manutention pour les enlever. Ensuite de ça, il va falloir... La valeur de la distributrice, c'est une perte, c'est du capital investi, et, en plus de ça, on n'a aucune source de revenus. Tout le monde ici, on n'a plus une source de revenus, aucun sou de revenus de la part de notre entreprise. Ça fait qu'on est tous en Faillite.
Présentement, on a 30 membres au niveau de l'association. On ne prétend pas regrouper tous les distributeurs de cigarettes au Québec, parce que, vous savez, quand c'est le temps de collecter des cotisations, ce n'est pas tout le monde qui veut embarquer. Alors, on est 30 distributeurs dans l'association et on évalue qu'il y en a à peu près une vingtaine d'autres. Et, quand le ministère du Revenu dit qu'il y a 5 800 distributrices de cigarettes au Québec, c'est faux. Nous, dans nos membres, on en a 1 280 puis on évalue un autre 1 000 distributrices de cigarettes dans les autres, ceux qui ne sont pas membres. Donc, on parle grosso modo d'environ 2 300 à 2 500 distributrices à cigarettes à travers le Québec. Mais, chose que je peux vous dire, c'est que le chiffre de ventes d'une distributrice à cigarettes, selon la moyenne qu'on fait dans nos commerces, est de 11 500 $ par année, par distributrice. Si vous multipliez par 2 500 distributrices, on parle d'un chiffre d'affaires de 27 à 28 millions de dollars.
Dans l'étude d'impact qui vous a été remise ce matin, à la page 31, on évalue l'exploitation des distributrices de cigarettes de 6 millions de recettes. Alors, nous, on a fait la preuve... D'ailleurs, on a déposé ce document-là à votre ministère, et on parle de 26 220 000 $ de ventes dans notre industrie. Alors, c'est sûr que, demain matin, nous, s'il y a une interdiction, on ne peut plus absolument rien faire avec notre équipement, et c'est une perte totale, et on est tous en faillite, puis, tous, on perd tous notre emploi.
M. Couillard: M. le Président, merci. Pour information, sauf erreur, il y a des provinces comme l'Ontario, la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard ainsi que le Nunavut qui interdisent déjà la vente au moyen de distributrices. Qu'est-ce qui est arrivé dans ces provinces-là?
M. Laporte (Raymond): Malheureusement, M. le ministre, je ne peux pas vous répondre, je n'ai pas l'information.
M. Couillard: Est-ce que vous savez, par exemple, si ces détaillants ou ces propriétaires de distributrices ont transformé leur industrie ou leurs activités? Vous n'avez pas d'information sur ça?
M. Patenaude (Pierre E.): Ils nous les ont vendues, M. le ministre. Ils nous les ont vendues. Parce qu'on était encore... c'était encore légal. Alors, il n'y a plus... On est à la limite avec ces distributrices-là. C'est quand même des équipements qui sont plutôt démodés, mettons, même si très efficaces. Pour tous les autres produits à distribution, il y a toutes sortes de nouvelles machines beaucoup plus sophistiquées que les nôtres, et puis les nôtres sont faites uniquement pour distribuer des cigarettes, les paquets, exactement la même forme. Il n'y a rien d'autre qui peut entrer dans ces distributrices-là.
M. Couillard: Je ne vous demande pas de chiffre précis à moins que vous l'ayez, quelle est, d'après vous, la... je sais que vos appareils ne sont en général pas récents, là, c'est des appareils souvent qui sont âgés, quelle est la valeur du parc d'équipements actuellement de votre industrie?
M. Cadrin (Robert): Si on parle... Parce que, moi, je suis aussi un manufacturier de distributrices automatiques, l'un des seuls au pays d'ailleurs. Ça dépend. Le parc des distributrices automatiques actuellement en opération, je vous dirais que, dans certains cas, il y a des appareils qui ont 20 et même 25 ans d'existence, qui fonctionnent toujours. Alors, c'est un peu difficile de leur mettre une valeur. C'est sûr que, dans nos valeurs aux livres, c'est amorti, mais acheter un équipement neuf aujourd'hui, c'est des équipements qui se détaillent à 3 500 $ environ, dépendamment des équipements qu'on met dedans. Donc, on a des appareils qui ont 20 ans à aller jusqu'à des appareils d'aujourd'hui. Si on fait une moyenne, c'est des appareils qui ont une valeur d'à peu près 2 500 $, minimum, chaque.
M. Couillard: C'est M. Cadrin, je crois? Est-ce que vous fabriquez d'autres types de distributrices dans votre...
M. Cadrin (Robert): Je fabriquais un autre type de distributrice mais je vous dirais que les appareils que je fabrique, à 90 %, sont utilisés principalement pour vendre du tabac.
Le Président (M. Copeman): Ça va?
M. Couillard: Bien.
Le Président (M. Copeman): Est-ce qu'il y a consentement afin que le député de Sainte-Marie? Saint-Jacques intervienne dans le débat?
M. Couillard: On va y penser. Oui.
Le Président (M. Copeman): Ça n'a pas pris trop de temps. Alors, M. le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques, à vous la parole.
M. Boulerice: Je remercie mes collègues. Ils ont eu beaucoup de sens politique. C'eût été une erreur de me faire taire.
Je vous remercie de votre présence. Bon. Je ne vous parlerai pas de l'Islande et de la Saskatchewan, tout le monde sait que tous les peuples de la terre veulent immigrer dans ces deux endroits où règne une joie de vivre tout à fait exceptionnelle, climat magnifique. Les plages en Saskatchewan sont tellement belles, les cafés-terrasses sont très agréables à fréquenter, vous le savez comme moi. Mais Montréal est la ville en Amérique du Nord qui a, au prorata de sa population, le plus grand nombre de restaurants ? je n'ai pas les statistiques pour les bars mais pour les restaurants.
Et, dans le cas de Montréal, la circonscription électorale qui a le plus grand nombre de restaurants ? et vous savez fort bien comme moi que ce sont les meilleurs ? c'est la circonscription de Sainte-Marie? Saint-Jacques que je représente depuis 20 ans. Alors, vous allez comprendre forcément que ce débat m'intéresse. Et ce débat me préoccupe parce que ce sont des dizaines de milliers d'emplois. Toute l'industrie de la restauration, donc j'inclus forcément les bars, les hôtels, cette industrie-là représente plusieurs dizaines de milliers d'emplois. Et ce n'est pas uniquement dans ma circonscription, il s'en trouve ailleurs. Il y a sans doute d'autres restaurants dans d'autres circonscriptions, du moins je vous le souhaite bien.
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(16 h 10)
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Et on m'interpelle dans la rue. On m'interpelle dans la rue. On me pose des questions: Est-ce qu'elle va être votée? Que va-t-il arriver? Etc. Et il y a ceux qui les fréquentent qui m'interpellent et il y a ceux qui les possèdent, les administrent et y travaillent qui également me questionnent. Et, dans le cas de ces derniers, ils ont les mêmes interventions que vous, monsieur ? je m'excuse, je ne me rappelle pas de votre nom ? ils ont les mêmes interventions que vous face à moi: Mais c'est mon gagne-pain, et, à venir jusqu'à date, c'est légal, là, hein? Qu'est-ce que je vais faire demain? Qu'est-ce que je vais faire demain?
La première question que j'aurais le goût de vous poser, c'est que, si c'est interdit de vendre avec ces automates sans doute assez discrètes, hein, plus discrètes qu'une annonce de McDonald's ? avec son taux de cholestérol élevé, qu'il faudrait peut-être songer à bannir également ? mais est-ce que vous allez demander une compensation au gouvernement du Québec pour ces pertes d'emploi, ces pertes de revenus?
M. Patenaude (Pierre E.): Monsieur, si je peux répondre, j'ajouterai que nous sommes ici pour notre survie. Au moment où on se parle, nous n'avons rien en échange, et notre patrimoine est complètement éliminé, il ne nous reste plus rien. C'est vraiment la faillite et ce n'est rien de drôle. Puis ce n'est pas des farces, je n'ai rien d'autre. J'ai investi dans ces distributrices-là depuis des années, c'est mon patrimoine. C'est exactement comme si j'arrivais pour vous dire: Bien, vous avez des REER cumulés depuis des années et, à compter du 1er janvier, vos REER ne valent rien. C'est identique au moment où on se parle, c'est la même chose. On a travaillé des années pour arriver et puis on a toujours été légal, là, ce n'est pas un produit illégal qu'on revend. Et là, du jour au lendemain, ça ne vaut plus rien, on ne peut plus rien faire avec ces distributrices-là non plus. Si ça répond à votre question.
M. Cadrin (Robert): J'ajouterais, pour répondre à votre question directement «est-ce que vous allez demander une compensation financière?», c'est sûr que notre premier objectif, c'est de demeurer vivant, mais, dans la mesure où on ne pourra pas, en vertu des règlements, il va de soi qu'on espérait une compensation. Il y a une problématique importante aussi ? puis je parle en mon nom: J'ai 40 ans, ça fait 18 ans que j'administre mon commerce, de le perdre demain parce que j'ai fait une erreur de gestionnaire, ça passe, mais le perdre demain parce qu'un produit n'est, du jour au lendemain, plus socialement acceptable, c'est une autre histoire.
Et là où le bât blesse, c'est que je vais me retrouver demain avec aucuns capitaux financiers pour remettre au travail mon âme d'entrepreneur, mon âme de créateur d'emplois, et c'est ça qui est difficile. Alors, on va se retrouver sans aucune ressource financière, avec un paquet de dettes, alors que, si nous avions, à tout le moins, une compensation financière, vous ne tueriez pas l'âme d'entrepreneurship des Québécois que nous sommes. Et en plus vous savez très bien que l'entrepreneurship, c'est le moteur économique du Québec. Alors, avec une compensation, si on doit envisager ça, je pense sincèrement que, nous ici, nous serions en mesure à tout le moins de se sortir de tout ça sans les dettes et d'avoir des ressources nécessaires pour refaire fonctionner l'économie du Québec et se repartir en affaires dans d'autres domaines.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Rimouski.
Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, messieurs du Regroupement des exploitations de distributrices. Nous sommes conscients quand même de la situation qu'engendre le projet de loi n° 112 pour vos entreprises. Et ce que j'aimerais vérifier avec vous, mon collègue vous a demandé si une compensation pourrait vous aider à repartir vos entreprises, est-ce que vous avez évalué ça pourrait être de quel ordre, ces compensations? Est-ce que ce serait uniforme pour l'ensemble des cigarettiers, là, les distributeurs, ou si vous avez évalué des modulations, des choses comme ça?
M. Laporte (Raymond): On n'a pas vraiment évalué le montant qu'on pourrait considérer comme réclamation ou dédommagement. C'est parce qu'on voulait toujours poursuivre nos opérations. Le but ultime, c'était de rester en affaires parce que c'est nos jobs, là. Demain matin, on n'en a plus, il va falloir faire d'autre chose. Alors, demain matin, si ça ne fonctionne plus, on va s'asseoir puis on va évaluer le montant. Le montant définitif n'est pas fait. On a une idée qu'une machine à cigarettes, on vient de le dire, c'est 2 500 $ à 3 000 $. Allez cueillir ces machines-là, les amener, les transporter, c'est un autre 400 $, 500 $ de frais par machine. Maintenant, il y a une perte de revenus. Il y a des employés qu'on va être obligé de licencier, des employés que ça fait des années qui travaillent pour nous.
Mme Charest (Rimouski): ...
M. Laporte (Raymond): Pardon?
Mme Charest (Rimouski): Combien de personnes dépendent de vos entreprises?
M. Laporte (Raymond): Là, on évalue, nous, d'emplois directs et indirects, à peu près 300 employés dans l'industrie, dans notre industrie.
Mme Charest (Rimouski): O.K. Et ça veut dire combien d'investissements? Parce que vous avez une moyenne d'expérience dans ce secteur d'une dizaine, d'une douzaine d'années.
M. Laporte (Raymond): On a dit qu'il y avait 2 280. Parce que les chiffres que le ministère du Revenu a présentés, de 5 800, ce n'est pas réaliste, parce que... Je vais vous expliquer pourquoi. Ils se basent sur les vignettes qui sont accolées sur les distributrices de cigarettes. Ces vignettes-là, nous, quand elles sont détériorées ou tout simplement volées, on en met une autre. On demande au ministère de nous en envoyer d'autres, puis, eux, ils ne tiennent pas compte, j'imagine, des vignettes qui ont été endommagées ou quoi que ce soit. Le montant réel, le nombre réel de distributrices de cigarettes est d'environ selon nous 2 300, en partant. Ça fait que, là, si on dit qu'il y a une moyenne de 3 000 $, faites la multiplication, ça va donner la valeur du parc de distributrices à cigarettes.
Ça, ce document-là, on pourrait peut-être l'élaborer puis vous le déposer dans une prochaine étape. Pour le moment, on n'est pas au point d'évaluer ça parce qu'on croyait pouvoir sauver nos emplois, sauver nos entreprises.
Mme Charest (Rimouski): Est-ce que certains de vos collègues ont commencé déjà à se retirer de ce type d'entreprise? Compte tenu que vous saviez quand même que le projet de loi s'en venait, là, est-ce que les gens...
M. Laporte (Raymond): Non, pas vraiment. Parce qu'en 1998, là... On était là en 1998. On s'est présenté ici en 1998. Et, lorsqu'on a expliqué la façon qu'on fonctionnait... Parce qu'en 1998 on demandait encore d'abolir le réseau de distributrices de cigarettes. Quand on a fait la preuve que... Parce que la raison dans ce temps-là, c'est que les jeunes apparemment de moins de 18 ans s'approvisionnaient directement dans nos machines. Mais, antérieurement à ça, nous, on avait fait une entente avec le ministère de la Santé fédéral; on avait installé des mécanismes de contrôle puis on a payé pour ça. Pour chaque machine qui se situait dans un lieu accessible à des moins de 18 ans, un restaurant ou quoi que ce soit, tous nos appareils sont équipés. Donc, il n'y a pas d'approvisionnement automatique dans ces endroits-là. Ça prend l'intervention d'un employé du restaurant pour actionner et, à chaque transaction, c'est automatique, il faut qu'il y ait une activation. Donc, on s'est mis conformes dans ce temps-là. On a dépensé de l'argent pour ça.
Mme Charest (Rimouski): ...combien, ce mécanisme?
M. Laporte (Raymond): Ah! le mécanisme, c'était 100 $ plus l'installation, ce n'était pas un gros montant. Mais, un autre investissement qu'on a dû faire encore à cause des lois...
Mme Charest (Rimouski): 100 $ par appareil?
M. Laporte (Raymond): Par appareil. Et puis un autre investissement qu'on a dû faire dernièrement, vous le savez comme moi, on a introduit une nouvelle pièce de 2 $, donc il a fallu mettre des mécanismes dans chaque appareil. Ça a coûté, avec les frais d'installation, 500 $ par distributrice. Ah! c'est tout des frais qu'on a accumulés, qu'on a accumulés pour suivre la réglementation, pour être conformes au niveau de contrôle d'approvisionnement pour les jeunes, et puis là, on dit: Mais là vous n'êtes plus dans le portrait.
Mme Charest (Rimouski): Et sur une moyenne, mettons, de 10 ans d'exercice de votre entreprise, ça a pu générer en moyenne, je ne demande pas, vous, combien vous avez investi, mais ça veut dire combien d'investissement en moyenne, sur une période de 10 ans, qu'un propriétaire d'appareils, de machinerie a pu investir?
M. Laporte (Raymond): Moi, dans mon cas, j'ai acheté un distributeur qui était en place voilà 12 ans puis j'ai payé 120 000 $.
Mme Charest (Rimouski): Et vous avez rajouté...
M. Laporte (Raymond): J'ai racheté des machines, j'ai ajouté des équipements, ainsi de suite. J'ai constamment investi.
Mme Charest (Rimouski): Est-ce que les compagnies de cigarettes...
Le Président (M. Copeman): Excusez-moi. M. Pichette, allez-y.
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(16 h 20)
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M. Pichette (André): Oui. Est-ce que je pourrais rajouter quelque chose, s'il vous plaît? Moi, ça fait 60 ans tout simplement: mon père, moi, et, en 1999, mon fils, qui a vu qu'on avait passé la loi n° 444 qui nous permettait d'opérer, m'a offert... m'a demandé de lui vendre 50 % des actions. Il va finir de les payer dans quelques mois. Vous demandiez un prix tout à l'heure, eh bien, ces 50 % d'actions là, je lui ai vendues à un prix d'ami: 400 000 $. Mais là, le jeune homme, il trouve ça encore moins drôle que son père. En se fiant sur ce qu'on avait acquis de la présente loi n° 444, lui, il pensait gagner sa vie, tout simplement. Bien certain, si c'était, comme mon ami disait, une question de gestion ? nous autres, ça s'appelle fermeture en grosses lettres, en lettres majeures ? si c'était une question de gestion, pas facile à accepter mais acceptable; si c'était à cause de l'évolution du marché, encore là, ce serait acceptable; mais c'est à cause d'une loi proposée par mon gouvernement. Puis c'est pour ça qu'on est ici, pour les membres qu'on représente, pour essayer de trouver une solution, du moins. Je ne sais pas qu'est-ce que...
Mme Charest (Rimouski): On entend en tout cas ce que vous aviez à nous dire. Je peux vous garantir que, nous, de l'opposition officielle, on entend ce que vous nous dites, et c'est sûr qu'on ne favorise pas les drames humains, là, qui découlent de décisions.
J'aimerais vérifier avec vous, suite à la diminution du tabagisme après l'adoption de la loi en 1998, est-ce que, vous autres, dans les distributeurs de cigarettes, vous avez constaté une diminution de vos ventes?
M. Laporte (Raymond): Oui. Définitivement, ça va avec la proportion de fumeurs. Lorsque la proportion de fumeurs diminue, nos ventes diminuent. Il y a eu une baisse depuis les...
Mme Charest (Rimouski): Avez-vous des chiffres là-dessus, monsieur?
M. Laporte (Raymond): Pas vraiment, mais je dirais de l'ordre de 20 % depuis l'adoption de la loi, en 1998, dans nos...
Mme Charest (Rimouski): C'est votre perception que vous nous donnez. C'est ça?
M. Laporte (Raymond): Oui, c'est notre perception. Par contre, il y a des phénomènes ponctuels. Présentement, je peux vous dire qu'on est affecté de plus de 30 % à cause de la contrebande. Moi, j'ai des machines à cigarettes que je vendais, mettons, 50 paquets par semaine, dans un petit village ? je demeure dans les Laurentides ? et puis, tout d'un coup, je vends 10 paquets. Ne vous demandez pas pourquoi, là. Le bar n'est pas moins fréquenté, c'est parce qu'il y a de la contrebande.
M. Boulerice: ...qui fait du porte-à-porte dans une tour d'habitation en face de chez moi.
M. Laporte (Raymond): Bien, monsieur pourrait vous citer quelque chose.
M. Patenaude (Pierre E.): Un de mes employés, dans sa boîte à lettres, a reçu une carte d'affaires qui était indiquée: Bois de chauffage à vendre et cigarettes, 22 $ le carton, le numéro de téléphone. Il faisait la livraison. Alors, on s'entend qu'il y a de plus en plus de contrebande et puis évidemment que ça affecte nos ventes.
M. Boulerice: Si la corde de bois avait été à 22 $, j'étais preneur.
M. Laporte (Raymond): Moi aussi, moi aussi.
Le Président (M. Copeman): J'imagine, M. Patenaude, que votre employé a immédiatement dénoncé cette situation à Revenu Québec pour qu'on puisse enquêter là-dessus.
M. Patenaude (Pierre E.): Tout le monde est au courant, tout le monde. Disons que je pense que la police a même saisi des gens à cet effet.
Mme Charest (Rimouski): Parce que tout le monde doit payer ses taxes si on veut partager le fardeau fiscal pour s'offrir des services. Alors, là-dessus, je pense que, vous, vous faites... Avec surtout le contrôle automatique, tout est contrôlé, dans le fond.
M. Patenaude (Pierre E.): Tout est conforme.
Mme Charest (Rimouski): Chaque paquet qui est sorti est contrôlé, d'après ce que je comprends. Alors, écoutez, je pense que c'est des choses qui nous portent à réflexion, ce que vous nous avez partagé, et nous allons voir s'il y a des choses qui pourraient être proposées au ministre pour en quelque part que vous ne soyez pas des victimes, là, non recherchées... ou des effets pervers de la loi comme telle. Mais, moi, je dois vous dire que l'opposition officielle, nous appuyons le projet de loi, nous sommes d'accord avec les principes qui sous-tendent ce projet de loi et avec plusieurs des modalités. Cependant, ça ne nous empêche pas d'écouter ce qu'il peut y avoir d'effets pervers et de suggérer des pistes de solution aux problèmes qui sont soulevés. Merci, messieurs, madame.
M. Patenaude (Pierre E.): Merci.
Le Président (M. Copeman): Alors, M. Patenaude, M. Laporte, M. Fontaine, M. Cadrin, Mme Lamb, M. Pichette, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom du Regroupement des exploitants des distributrices de cigarettes.
Et j'invite immédiatement les représentants de l'Association médicale du Québec à prendre place à la table.
Je suspends les travaux de la commission quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 24)
(Reprise à 16 h 29)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre! Alors, la commission poursuit ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de l'Association médicale du Québec. Nouveau président, je crois, Dr Ouellet? Félicitations. Alors, comme je le fais avec chaque groupe, vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par un échange de 15 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table.
En regardant les noms, je devine qu'à votre droite c'est le Dr Noël, qui est vice-président, et Mme Duclos, qui est directrice générale. Je devine bien?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Copeman): Ça va bien à date? Excellent. Oui, bien, c'est ça, j'ai une capacité de déduction assez élevée, merci. Alors, étant donné que les présentations sont faites, Dr Ouellet, nous vous écoutons pendant 15 minutes. Mme Duclos qui va le faire. Bon, voyez-vous...
Association médicale du Québec (AMQ)
Mme Duclos (Claudette): Vous m'avez déjà aidée beaucoup. Alors, merci d'avoir accepté d'entendre l'Association médicale du Québec dans le cadre de ses consultations sur le projet de la loi n° 112. Les membres de l'AMQ ont à coeur la lutte contre le tabagisme. Ils en constatent tous les jours les effets tragiques sur les malades qu'ils soignent.
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(16 h 30)
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Nous profitons de l'occasion pour souhaiter à tous les membres de cette commission une très bonne Journée mondiale sans tabac. Il y a des rumeurs qui circulent que l'OMS aurait voulu souligner de cette manière la comparution de l'AMQ devant cette commission, mais ce ne sont que des rumeurs.
Rappelons que l'AMQ occupe une place unique dans le paysage professionnel médical. Comptant près de 8 000 membres, l'AMQ est la seule association québécoise qui rassemble les médecins spécialistes, omnipraticiens, résidents et les étudiants en médecine. Elle compte sur un vaste réseau de membres pour réfléchir aux enjeux dans le domaine de la santé et se fait régulièrement le porte-parole de ces médecins dans le débat public. Il me fait donc plaisir de passer la parole au Dr Ouellet.
Le Président (M. Copeman): Dr Ouellet.
M. Ouellet (Robert): Merci. En février 2005, l'Association médicale du Québec déposait un mémoire au ministère de la Santé et des Services sociaux dans le cadre de sa consultation sur la révision de la législation québécoise contre le tabagisme. L'AMQ avait alors choisi de répondre à la plupart des questions soulevées dans le document de consultation. Dans le présent mémoire, nous aborderons différentes dispositions du projet de loi, principalement en fonction des commentaires que nous avons déjà formulés dans le cadre de la consultation. L'Association médicale du Québec veut joindre sa voix à celle de tous les organismes et les individus qui luttent contre l'usage du tabac.
Avant d'aborder le contenu du projet de loi, l'Association médicale du Québec désire exposer très brièvement quelques éléments de réflexion. Le contenu de nombreux mémoires soumis dans le cadre de la consultation ainsi que les déclarations de plusieurs intervenants rapportés par les médias d'information nous incitent à replacer le débat actuel sur l'usage du tabac dans sa juste perspective.
Les droits des fumeurs. Concilier la protection du public et l'exercice des libertés individuelles constitue un défi que vivent de façon constante toutes les sociétés démocratiques. Le Québec ne fait pas exception, et l'exercice actuel entourant le resserrement des mesures antitabac en est un exemple éclatant. Ainsi, plusieurs opposants à certaines dispositions du projet de loi invoquent la liberté qu'ils devraient avoir de fumer, qu'ils présentent comme un choix. D'autres vont jusqu'à brandir les droits des fumeurs. Comprenons-nous bien, en ce qui concerne l'usage du tabac dans les lieux publics, les fumeurs n'ont pas de droits, ils ont des privilèges, tout comme les conducteurs d'automobiles. Ceux-ci peuvent se voir retirer leur privilège de conduire une voiture s'ils le font en mettant en danger la sécurité du public. De même, les fumeurs peuvent exercer cette habitude en public seulement dans la mesure où ils ne mettent pas en danger la santé des personnes qui les entourent. Dans ce cas, l'État est parfaitement légitimé d'intervenir comme il le fait avec le présent projet de loi.
Les exemples sont nombreux pour illustrer des mesures prises sur le plan de la santé et de la sécurité publique, qui, lorsque adoptées, ont suscité nombre de réactions négatives. Une fois bien ancrées dans les habitudes, ces mesures nous apparaissent aujourd'hui comme des façons de faire parfaitement normales que nul ne songe plus à contester, à part peut-être quelques irréductibles Gaulois. Le port de la ceinture de sécurité en automobile et l'interdiction de fumer dans les transports en commun et grands transporteurs aériens ne sont que deux de ces mesures.
En somme, il ne faut pas sous-estimer la capacité qu'a la population en général de s'adapter à ce qu'elle perçoit comme des contraintes. Les contraintes reliées à l'usage et à la promotion du tabac contenues dans le projet de loi sont bien réelles, mais elles sont légitimes. La population, y compris les fumeurs, s'adaptera ? c'est ce que l'on pense ? et, dans quelques années, on pensera, en souriant peut-être, à cette période où il était permis de fumer dans les restaurants et dans les bars. Aujourd'hui, nos enfants sont incrédules quand on leur dit qu'il y a 15 à 20 ans à peine on fumait dans les avions, dans les salles de cours des universités et des cégeps et dans les unités de soins des hôpitaux. J'ai vu ça, comme radiologiste.
Restriction de l'usage du tabac dans certains lieux. Dans l'ensemble, l'AMQ reçoit avec satisfaction la plupart des mesures visant à modifier le chapitre II de la loi actuelle sur la restriction de l'usage du tabac dans certains lieux. Nous applaudissons en particulier l'abrogation de l'article 4 sur les aires dites de tolérance. Nous sommes d'accord avec le maintien de l'esprit de l'article 5 concernant l'usage du tabac, notamment par les personnes hébergées au sein de divers types d'institutions. Le législateur reconnaît que le lieu d'hébergement de ces personnes constitue leur chez-soi.
Nous avons cependant des réserves sur le pourcentage maximal des chambres disponibles, en l'occurrence 40 %, où il sera permis encore de fumer. Outre le fait que ce pourcentage arbitraire comporte des difficultés évidentes d'application, il faut bien reconnaître que le droit qu'a une personne hébergée de fumer ne peut tout simplement pas être renié du seul fait que le quota de l'établissement est atteint.
Par expérience personnelle, j'ai travaillé et je travaille encore à l'occasion à l'Hôpital Louis-Hippolyte Lafontaine, et il y a des gens qui sont là depuis 40 ans. Ils vivent là. On ne peut vraiment pas les empêcher de fumer, c'est leur chez eux. Ce n'est pas tout à fait la même chose pour le personnel cependant, et c'est pour ça que maintenant le personnel n'a plus le droit de fumer.
Mais l'une des pièces maîtresses de ce projet de loi, celle qui a fait l'objet de toute l'attention des médias, c'est l'interdiction de fumer dans les restaurants ainsi que dans les brasseries, tavernes ou bars. Nous appuyons fortement cette initiative. L'AMQ est toutefois inquiète de constater que le projet de loi est vague sur l'interdiction de fumer sur les terrasses des restaurants et des bars. Lorsqu'il est fait mention de l'interdiction de fumer dans les établissements où est exploité un permis de brasserie, de taverne ou de bar au sens de la Loi sur les permis d'alcool, doit-on comprendre que cette interdiction s'applique aux terrasses de ces mêmes établissements? Il faudrait mentionner cette interdiction de façon beaucoup plus explicite. Une expérience que l'on a, c'est qu'en Floride, où il y a une interdiction de fumer dans les restaurants, les fumeurs envahissent les terrasses. C'est souvent les meilleures places dans les restaurants, en Floride.
Il faut à tout prix éviter de créer deux catégories de restaurants et de brasseries, ceux chez qui l'interdiction serait totale et les autres, chez qui l'usage du tabac serait permis parce qu'ils abritent une terrasse pour recevoir la clientèle. Ce serait là créer des conditions concurrentielles inéquitables chez les exploitants de tels commerces. Nous préconisons donc l'interdiction totale de fumer dans tous ces types d'établissements, qu'ils exploitent ou non des terrasses.
Enfin, en ce qui concerne l'interdiction de fumer dans les restaurants et brasseries, le gouvernement doit résister de reporter l'entrée en vigueur des dispositions du projet de loi, comme le réclame l'Association des restaurateurs du Québec, l'ARQ ? il faut bien noter que l'ARQ, ce n'est pas l'Association des radiologistes du Québec, même si le sigle est le même. Si le présent projet de loi est adopté avant la fin de la présente session, ce que nous souhaitons ardemment, toutes les personnes concernées auront donc plus de six mois pour se préparer. C'est amplement suffisant.
Certaines dispositions du projet de loi devraient, selon l'AMQ, être revues. Permettre l'installation de nouveaux fumoirs dans les milieux de travail, incluant les restaurants et les bars, constitue selon nous une tolérance excessive qui nous éloigne de l'esprit même du projet de loi. Le message que le législateur devrait lancer est qu'il est dorénavant interdit de fumer sur les lieux de travail, point à la ligne. Nous ne nous étendrons pas sur les lacunes, sur le plan de la santé publique, que recèlent les lieux fermés où il est permis de fumer. Il y en a d'autres qui s'en sont chargés, vous avez vu des études à ce sujet. Contentons-nous de souligner qu'en permettant l'installation de fumoirs le gouvernement lancera un message pour le moins ambigu. De plus, voir au respect des exigences techniques et architecturales imposées aux exploitants d'un lieu ou d'un commerce demanderait l'intervention d'une armée d'inspecteurs. Il nous semble que les fonds publics pourraient être utilisés de façon plus efficace et plus permanente. Enfin, l'AMQ s'inquiète du pouvoir réglementaire qui permettrait au gouvernement de déterminer toute autre catégorie de personnes pouvant utiliser un fumoir sur un lieu de travail.
En somme, toute législation qui s'accompagne d'un ensemble de mesures dérogatoires ne peut qu'en compliquer l'application. Il est beaucoup plus simple, dans le cas qui nous occupe, de maximiser les interdictions de l'usage du tabac, de l'annoncer haut et fort et de fixer une date butoir permettant à tous les intervenants concernés de se préparer et d'appliquer la loi. La population à notre avis s'adaptera.
Promotion, publicité et emballage. Selon l'AMQ, l'interdiction de la promotion du tabac aux points de vente, étalages, présentoirs, affiches devrait être totale. Il est pour le moins contradictoire que la publicité du tabac soit interdite, mais qu'on en tolère du même souffle sa promotion tous azimuts dans les points de vente. L'Ontario s'apprête à interdire la promotion du tabac aux points de vente, imitant ainsi la Saskatchewan et le Manitoba. D'ailleurs, il y a quelques mois à peine, la Cour suprême du Canada a donné raison au gouvernement de la Saskatchewan sur cette question. Le Québec doit aller de l'avant, quitte à prévoir une période de transition raisonnable afin que les commerçants puissent s'ajuster aux nouvelles règles.
Une approche populationnelle. Dans son document de consultation rendu public en janvier 2005, le ministère de la Santé et des Services sociaux avance que son intervention contre le tabagisme devrait se faire sur trois fronts:
1° encourager et soutenir l'abandon des habitudes tabagiques;
2° assurer la protection des non-fumeurs; et
3° prévenir l'adoption du tabagisme.
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(16 h 40)
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Le deuxième front doit nécessairement faire appel à une forme d'intervention législative ou réglementaire. Les deux autres font plutôt appel à des interventions globales reliées aux activités de prévention et de promotion de la santé. Ils peuvent aussi être assurés notamment par des interventions quotidiennes, sur le terrain, effectuées par les professionnels de la santé.
Ceci nous amène à nous interroger sur les meilleures façons de faire le pont entre l'approche santé publique de type macroscopique et les échanges entre le médecin et son patient, tels qu'on les retrouve dans la pratique médicale de tous les jours. On sait fort bien que, lorsque c'est le médecin qui dit à son patient: Il faut que tu arrêtes de fumer, c'est beaucoup plus efficace que de voir une affiche.
De nombreux programmes initiatives ont été initiés au cours des dernières années, visant à favoriser la lutte contre le tabagisme: la mise sur pied de centres d'abandon du tabagisme, le défi J'arrête, j'y gagne!, la ligne de soutien 1-888 et bien d'autres. Ces programmes ont fait l'objet d'une diffusion massive auprès des établissements publics de notre réseau. De l'aveu même de plusieurs responsables de la santé publique avec qui nous avons échangé, leur diffusion est plus timide dans l'ensemble des cliniques médicales et des cabinets privés, où pourtant plus de 75 % de la population se dirige pour une consultation médicale, selon notre dernier sondage.
Nous croyons que le médecin est un acteur clé dans les activités de sensibilisation auprès de la population. Il faut donc faire en sorte que les médecins, peu importent leurs lieux de pratique, aient en main toutes les informations pertinentes sur les ressources antitabac et puissent ainsi référer leurs patients au bon endroit. Il faut aussi développer des mécanismes susceptibles de valoriser les gestes professionnels de prévention et de promotion de la santé.
En conclusion, l'Association médicale du Québec accueille avec beaucoup d'enthousiasme le projet de loi modifiant la Loi sur le tabac. Elle considère toutefois que les dispositions du projet de loi constituent un plancher et sont éminemment perfectibles. C'est le sens des suggestions que nous avons respectueusement soumises dans le présent mémoire. La population est prête à recevoir toute législation visant à interdire l'usage du tabac dans les lieux publics sans exception ainsi qu'à limiter le plus possible les activités commerciales faisant la promotion des produits du tabac. Le Québec doit emboîter le pas à la plupart des sociétés occidentales qui ont choisi de vivre sans fumée. Merci.
Le Président (M. Copeman): Merci. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Dr Ouellet, Dr Noël, Mme Duclos, pour votre présentation. À vous écouter, je me souvenais également de l'époque où les malades fumaient dans leurs chambres, et même d'aller annoncer le diagnostic de maladies liées au tabac à ces gens qui fumaient... en grillaient une dans leurs chambres, avec l'oxygène qu'on enlevait et qu'on remettait, effectivement. Et, à l'époque, l'argument massue, c'était: Ça ne se peut pas que ce soit dû au tabac; mon grand-père a fumé toute sa vie puis, lui, il n'a jamais rien eu. C'était le genre de discussion qu'on avait. Effectivement, on a déjà fait beaucoup de chemin dans la dénormalisation puis la débanalisation du projet, puis ce qu'on voit actuellement, c'est une société qui est prête et mûre à accepter cette évolution-là.
La question des fumoirs, vous y avez fait allusion. Vous êtes un de ces groupes également qui s'ajoutent pour nous demander de ne pas permettre l'aménagement des fumoirs. Même pour les milieux de travail, même pour les employés?
M. Ouellet (Robert): On pense que c'est... Quand on voit les gens qui se réunissent dans les fumoirs, il faut vraiment ? puis il y a une étude qui a démontré ça récemment ? que les fumoirs soient d'une efficacité totale, et ce n'est pas le cas. On regarde, les gens s'en vont dehors, s'en vont à l'extérieur... Par exemple, à notre clinique, les gens s'en vont fumer dans le portique, en avant. Ce n'est pas un fumoir. C'est sûr que c'est ventilé, c'est à l'extérieur, mais, à notre avis, ça ne devrait pas exister.
M. Couillard: Bien, vous avez raison, les professionnels de la santé sont les premiers impliqués dans l'enseignement à la population des effets nocifs du tabac et des bénéfices de l'abandon du tabac. Ce matin, on disait, à l'Assemblée... on soulignait la Journée mondiale sans tabac et on faisait allusion à un programme qu'on a en évolution avec six ordres professionnels, dont les médecins, pour les mobiliser également dans cette entreprise-là. Et je suis certain que vous voudrez peut-être vous associer également à ça, le Collège des médecins avec les pharmaciens, les infirmières, les dentistes, les hygiénistes dentaires, les inhalothérapeutes et des gens impliqués dans cette entreprise de mobilisation.
Est-ce que vous avez des opinions concernant l'étalage également, la vente dans les points de détail?
M. Ouellet (Robert): Bien, c'est ce qu'on a dit tantôt, c'est que l'étalage... On interdit la publicité du tabac à la télévision, on l'interdit en formule 1, on l'interdit un peu partout. Remarquez qu'en formule 1, même si c'est marqué Lucky Strike, je ne suis pas sûr que ça va faire vendre des cigarettes Lucky Strike ici. Mais, quand on entre dans un dépanneur, il y a des affiches qui sont à peu près partout. Nous, on trouve que c'est un peu quelque chose qui est un non-sens. Si on interdit la publicité aux points de vente, cette publicité-là devrait être très minimale à notre avis, et ça ne se fait pas actuellement, il n'y a rien qui tient compte de ça.
M. Couillard: Est-ce que, dans votre pratique... ou celle de vos collègues plutôt qui ont accompagné des gens dans l'interruption du tabac, est-ce que vous trouvez que les outils disponibles sont suffisants? Il y a des outils Internet, il y a les aides pharmaceutiques qui sont défrayées par le régime d'assurance médicaments.
M. Ouellet (Robert): Je demanderais peut-être au Dr Noël, parce que, moi, comme radiologiste, je ne dis pas souvent aux patients d'arrêter de fumer.
M. Couillard: Vous, vous voyez les conséquences du tabac.
M. Ouellet (Robert): Je vois les cancers du poumon.
Le Président (M. Copeman): Dr Noël.
M. Noël (Alain): Je pense que c'est un point important. Le projet de loi, c'est essentiel. En fait, c'est un continuum d'activités qu'on doit entreprendre pour en arriver à un société avec le moins de tabac possible. Et un des aspects auquel on est confronté, c'est effectivement, une fois qu'on a des maladies associées au tabac ou en prévention primaire, de savoir comment aborder ce problème-là. Et je pense qu'on devrait s'inspirer de ce qui se fait, par exemple, avec les cliniques d'enseignement diabétique, avec les cliniques d'asthme. Je pense qu'il devrait y avoir ce genre de clinique d'abandon du tabac dans chacun des territoires de CLSC et surtout que les médecins, que les infirmières puissent y avoir accès, que ce soit quelque chose qui soit connu. Peut-être que c'est connu dans certains GMF, peut-être que c'est connu dans certains milieux mais, de façon... ce n'est pas quelque chose qui est connu pour l'ensemble des médecins qui sont pris avec le patient au jour le jour et qui sont pris avec les problèmes de l'arrêt du tabagisme. Je pense qu'il faudrait absolument que cet aspect-là soit facilité et qu'il y ait des centres de référence qui soient bien, bien, bien identifiés, avec des mécanismes d'action faciles pour référer les patients.
Une voix: ...
M. Couillard: Oui, c'est ça. On m'indique, et puis ça rejoint un peu ce que vous dites... On ne sait peut-être pas assez ce qu'on fait et ce qui est disponible, parce qu'on m'indique qu'il y a 150 centres d'abandon du tabac, en général centrés dans les CLSC, mais ce que vous nous dites montre qu'il n'y a peut-être pas assez d'efforts de publicité autour de l'existence de ces centres-là.
M. Noël (Alain): Oui. Et puis ces centres-là devraient être accessibles non seulement sur prescription médicale mais devraient être accessibles directement par les patients, les gens, par les infirmières. Tout le monde devrait pouvoir référer des gens là. Je pense que le but ultime, c'est qu'il n'y en ait plus, d'usage du tabac, ou que ce soit limité au minimum.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Rimouski et porte-parole de l'opposition officielle en matière des services sociaux.
Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Bienvenue, madame messieurs. Je suis heureuse de constater que l'Association médicale du Québec joue un rôle important dans les débats publics qui touchent la santé des citoyens et des citoyennes du Québec, et c'est tout à l'honneur des praticiens comme tels.
Moi, je voudrais revenir sur les fameux programmes. Même s'il en existe 150 dans autant de CLSC, et tout ça, est-ce que vous êtes à même de savoir l'efficacité de ces programmes dans la pratique, là, quand ça s'applique sur le terrain? Est-ce que vous avez pu mesurer ou prendre connaissance?
M. Noël (Alain): On n'a pas de données sur l'efficacité de ces programmes-là en particulier. Ce que je peux vous dire pour des programmes semblables, par exemple chez les clientèles diabétiques, c'est des programmes qui fonctionnent excessivement bien parce que c'est des équipes multidisciplinaires qui s'adressent à la problématique. Il y a beaucoup plus d'information qui est donnée, les patients sont beaucoup plus... ont plus de temps à passer. Donc, on sait que ça fonctionne dans d'autres domaines. Je ne peux pas vous dire dans les cliniques d'abandon du tabac, mais je ne vois absolument pas pourquoi ce serait différent avec le tabagisme.
Mme Charest (Rimouski): Dites-moi, est-ce que vous avez des moyens de convaincre vos collègues qui pratiquent en clinique privée? Parce que c'est là que 75 % de la population se dirige. Et vous savez tous, vous comme moi et comme le ministre sûrement, ce n'est pas toujours facile de mobiliser les médecins dans leur pratique privée. Ils vont nous dire que c'est encore de la paperasse, c'est encore des démarches, et ils ne sont pas toujours prêts à faire ces démarches-là, parce que, bon, dépendamment des individus, c'est normal, dans tout groupe de professionnels, il y en a qui sont prêts à agir, il y en a d'autres qui sont moins prêts, il y en a d'autres qu'il faut insister plus. Est-ce que vous avez une idée des moyens qui pourraient être mis en oeuvre pour vraiment les inciter à tous participer?
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(16 h 50)
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Mme Duclos (Claudette): De par une expérience antérieure en santé publique, je sais qu'il y a des programmes très intéressants qui ont été développés et qui ont continué d'être développés. Et j'ai échangé avec des directions de santé publique, là, au courant des dernières semaines, et souvent, la difficulté, c'est au niveau de la diffusion. Ça se fait assez bien lorsque c'est en établissement, mais heureusement, grâce à la réforme, les cliniques médicales seront peut-être plus aptes à être branchées sur cette information. Et, lorsqu'on communique avec aussi les médecins à l'intérieur de ces cliniques-là, souvent ce qu'on nous dit, c'est que l'accès à des ressources, pour eux... ils ne savent pas trop non plus comment orienter. Donc, une bonne boîte à outils pourrait être très intéressante. Comme disait M. le ministre tantôt, les ordres se sont avancés pour donner un coup de main à ce niveau-là, et l'AMQ aussi, pour essayer de bien informer ces médecins-là qui reçoivent justement à peu près 75 % de la population dans un premier rendez-vous.
Mme Charest (Rimouski): Pour différentes problématiques, il existe des guides de pratique et, comme le tabagisme est reconnu comme un problème de santé publique, est-ce que les directions de santé publique ont en quelque sorte des kits, je m'excuse du terme, qui est diffusé ou qui pourraient éventuellement être diffusés, vraiment terrain, là, sur l'ensemble de leur territoire, pour les médecins praticiens. Parce que, moi, si je pense à mon comté, Rimouski, capitale régionale avec un centre hospitalier de courte durée, un autre de longue durée, un CLSC ? tout ça a été unifié, ce n'est pas là que se pose le problème ? c'est le médecin qui a décidé, à Lac-des-Aigles, de fonctionner seul et de faire une pratique carrément et totalement privée. Et, lui, il reçoit autant de travailleurs, d'ouvriers de la forêt, bon, agricoles et de tous les secteurs d'activité, et c'est ce récalcitrant-là que j'aimerais bien comprendre comment on pourrait l'amener à diffuser l'information, parce qu'on perd quand même un bassin de population quand même important.
Mme Duclos (Claudette): Probablement, dans un premier temps, c'est de le sensibiliser à des données informatives. Tout probablement que les directions de santé publique ont la responsabilité de monitorer l'état de santé de leur population. Donc, si chaque médecin avait cette information-là concernant son territoire, il pourrait peut-être mieux évaluer l'avancement des données des gens qui cessent de fumer et des impacts à la maladie aussi. Je sais aussi qu'en santé publique les premières expériences qui se sont passées après la première loi, en 1987, ont donné des résultats très, très intéressants. Ils seraient mieux placés que nous pour vous donner, là, l'inventaire des produits qu'ils ont, là, à date et à ce jour, mais nous sommes au courant quand même que ce qui a été mis en place actuellement, il y a des succès, là, qui sont assurés.
Mme Charest (Rimouski): Maintenant, si on parlait de la promotion du tabac aux points de vente. Vous réclamez qu'elle soit complètement abolie, qu'elle soit interdite, et vous trouvez que c'est contradictoire, là, qu'on interdise le tabac mais qu'en même temps on tolère la promotion. J'aimerais quand même vous entendre par rapport à ça, parce qu'il y a promotion, publicité, information. Qu'est-ce que...
M. Ouellet (Robert): Bien, écoutez, l'information, c'est sûr que, si on prend les petits messages sur les paquets de cigarettes, c'est peut-être de l'information de dire de ne pas fumer, mais, lorsqu'il y a des affiches à pleine grandeur dans les dépanneurs ? et il faut être allé dans un dépanneur pour le voir, il y en a partout ? on trouve que c'est vraiment excessif de permettre ça et de dire: Non, on veut encourager les gens d'arrêter de fumer et on l'interdit dans tous les médias, mais on le tolère sur les lieux où, quand la personne rentre, là: Ah! Tiens, c'est vrai, j'ai oublié ? je ne connais même plus les marques de tabac ? mais j'ai oublié mon Du Maurier ou je ne sais pas quoi, ça me le rappelle. Et, si les annonces sont là... Vous savez, la publicité, si on met des annonces, c'est parce que ça marche. C'est mon avis, en tout cas.
Mme Charest (Rimouski): Est-ce que vous seriez d'avis aussi qu'on devrait diminuer les points de vente? Parce qu'il y a énormément de points de vente. Et, moi, je fais un parallèle avec tous ceux qui sont accros d'un problème, que ce soit l'alcool, que ce soient les jeux pathologiques, et tout ça. Plus il y a d'accès à des points précis où on peut avoir accès à ce type de problème... On nous dit qu'entre autres pour le jeu pathologique plus il y a d'accès, plus ça favorise le jeu. Je ne peux pas faire le parallèle puis je n'ose pas faire le lien, là, parce que je n'ai pas d'études qui me le prouvent, mais est-ce que vous avez réfléchi là-dessus, sur la question du nombre de points de vente versus la prévention et la protection?
M. Ouellet (Robert): Bien, c'est sûr que, si on rend quelque chose de moins accessible et plus difficile à aller chercher, c'est probablement qu'on va rendre ça plus difficile pour les gens. Les gens qui veulent fumer en trouveront toujours, c'est bien évident, mais de diminuer les points de vente, c'est peut-être une façon de faire ça.
Mme Charest (Rimouski): Merci. On sait, parce qu'on a vu ça, ce matin, avec l'étude d'impact économique, on sait que 1 % de moins de fumeurs représente 115 millions d'économies en soins de santé. Alors, j'aimerais savoir: Quels sont les impacts dans les soins eux-mêmes? Est-ce que sur la prévalence de maladies aussi associées au tabagisme, comme sur les cancers du poumon... Vous en parliez tout à l'heure, vous être radiologiste, vous les voyez, vous les...
M. Ouellet (Robert): Écoutez, c'est évident que, si on enlève le tabagisme... Vous savez, le tabac, ce n'est pas seulement que le cancer du poumon, c'est toutes les maladies cardiaques, c'est toutes les maladies vasculaires, c'est tout ça. Et je vous donnerais un exemple. J'ai déjà fumé, il y a fort longtemps, j'ai arrêté de fumer le 1er octobre 1968 à minuit.
Mme Charest (Rimouski): La référence à Du Maurier nous donnait un indice.
M. Ouellet (Robert): Ça ne se vend peut-être plus, je ne le sais pas. Et j'ai pris une gageure, à ce moment-là, avec un de mes confrères qui a été journaliste à La Presse. Et je suis allé, l'an dernier, au salon funéraire, parce que mon confrère a eu une semaine qu'il a arrêté de fumer, et il a continué de fumer par la suite, et il est mort d'un cancer du poumon il y a un an et demi. Alors ça, c'est... S'il avait tenu sa gageure avec moi, ce serait peut-être une personne de moins qui aurait fait ça.
Mais, d'un autre côté, il y a tellement de choses qui sont liées. On a beau l'écrire sur les paquets de cigarettes: C'est dangereux, ça nuit à votre santé... Les femmes enceintes, est-ce qu'une femme enceinte devrait fumer? C'en est épouvantable. On le sait, que ça donne des bébés plus petits. Il y a toutes sortes de choses. Et ce n'est pas des inventions, c'est des choses qui sont très connues, et on le dit aux gens. Il faut le dire encore plus et encore plus mais, même si, les gens, on leur dit... Puis il y a des gens qui travaillent... On a des employés qui voient des gens qui ont des cancers du poumon, qui ont toutes sortes de choses relativement jeunes et ils continuent à fumer quand même.
Je vous dirais que les femmes, qui sont protégés par leurs hormones pour bien d'autres choses, sont en train de nous rejoindre au point de vue mortalité ? nous rejoindre, les hommes, je parle ? à cause de la cigarette. C'est catastrophique. Et, quand on voit que les jeunes commencent à fumer très jeunes, on les voit sur la rue, on passe en auto puis on voit les jeunes qui fument, il faut faire quelque chose.
Et c'est un problème de santé qui est majeur. Ce n'est pas juste de dire: On va sauver de l'argent. Oui, on va sauver de l'argent, mais on va sauver des vies, on va sauver des conditions, des conditions de vie qui vont être bien améliorées. Au lieu d'être emphysémateux ou d'avoir un problème vasculaire, se faire opérer, des choses comme ça, pour des problèmes vasculaires ou cardiaques, ça change beaucoup de choses dans le système de santé si on enlevait la cigarette, pour ceux qui fument et pour ceux qui ne fument pas à côté.
Mme Charest (Rimouski): Oui, la fumée secondaire.
M. Ouellet (Robert): Voilà.
Mme Charest (Rimouski): C'est ça que je comprends. Dites-moi ? là, je fais un parallèle et je pense que je peux me permettre ? je vous écoute et c'est comme si de nombreux Québécois et Québécoises de plus en plus connaissent... et cessent de fumer. Ils changent leurs habitudes de vie, mais le fait de fumer, c'est un peu comme les accidents de la route, on pense que ça arrive toujours aux autres, les conséquences néfastes en termes de traumatismes, de mortalité, de morbidité, mais on ne pense pas que ça peut nous arriver. Alors, c'est comme si ce n'est tellement pas palpable, au moment où on en parle, pour quelqu'un qui fume. Et c'est sûr qu'on fait affaire présentement aux 25 % des gens les plus difficiles à convaincre. Mais, vous, est-ce que vous avez d'autres alternatives? En plus de l'interdiction totale, est-ce que vous avez d'autre moyens qui nous permettraient d'aller chercher ces gens qui sont de plus en plus difficiles à convaincre? Ils sont vraiment la dernière catégorie de citoyens, là, à convaincre.
M. Ouellet (Robert): C'est encore une fois... c'est de la promotion, c'est d'essayer d'informer, d'éduquer les gens de plus en plus. Et c'est difficile, je suis d'accord avec vous. Comme je vous dis, j'ai des employés, des gens qui sont avec nous, qui voient les effets de ça, qui voient, par exemple, qu'on diagnostique, chez une jeune femme de 35 ans, un cancer du poumon, et ma technicienne lui demande: Est-ce que vous fumiez? Eh oui! Elle n'a même pas besoin de lui demander, la réponse, c'est sûr que c'est oui. Et malgré ça elle continue à fumer quand même. Alors, c'est des irréductibles. Il y a de la difficulté avec ça, mais il ne faut pas lâcher prise. Au contraire, il faut essayer de mettre de plus en plus de moyens. Ce n'est pas juste l'interdiction. Si on fait seulement qu'interdire... C'est de continuer à faire de la promotion antitabac, et de le faire chez les jeunes, et d'essayer de faire passer le message. On le connaît, le message, mais c'est d'essayer de le faire comprendre. Et ce n'est pas facile à faire parce que c'est une habitude et, comme vous le dites, les gens se disent: Bof, moi, ça ne m'arrivera pas, je suis immunisé. Ce n'est pas vrai.
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(17 heures)
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Mme Charest (Rimouski): Une dernière question. On sait que la fumée de tabac contient des produits cancérigènes, une quarantaine, entre autres, et on sait aussi que ces mêmes produits, lorsqu'ils se retrouvent dans des milieux de travail pour d'autres utilisations que celle d'être mis dans la nicotine, sont reconnus comme maladie du travail, et tout ça. Et ce que je ne comprends pas, c'est comment se fait-il que là-dessus on n'attire pas l'attention de la population sur cet élément-là, qui fait que ces 40 produits cancérigènes sont reconnus comme tels, et, en quelque part, on ne les reconnaît pas non plus comme maladie au travail ou comme maladie suite à l'absorption du tabac. Maladie... Je ne sais pas comment la définir, ce n'est pas une maladie industrielle, c'est une maladie qui est suite à une habitude de vie, là, qui est néfaste, mais...
M. Ouellet (Robert): Écoutez, les 40 produits ne se retrouvent pas probablement au même endroit à chaque fois, mais on sait que c'est identifié au niveau de la cigarette. Il y a certains produits qui sont utilisés dans certaines industries qui sont sûrement cancérigènes, on le sait, ça aussi. Il y a du travail qui se fait là-dessus, mais commençons par concentrer... Si on enlevait le tabac, on en règle beaucoup, de choses, avant d'aller toucher tous les autres points. Ça ne veut pas dire qu'il faut les négliger, les autres points, mais on le sait, le tabac, on le sait, la cigarette, qu'est-ce que c'est.
Mme Charest (Rimouski): C'est bien. Je vous remercie beaucoup, madame, messieurs. Merci beaucoup.
Le Président (M. Copeman): Allô? M. le ministre.
M. Couillard: Oui, brièvement, des points d'information pour des questions auxquelles on a rapidement apporté une réponse ici. Les services disponibles, les centres d'arrêt du tabac et les lignes 1-800 vont faire l'objet, de même que les aides pharmacologiques, d'une évaluation par l'Institut national de santé publique en termes de résultats et de déploiement. Et il y a également des kits pour médecins à venir en lien avec ces centres d'arrêt du tabac. Il y en a déjà pour les centres existants mais pour les médecins également. Donc, ça va nous aider à rendre ces outils plus accessibles.
Le Président (M. Copeman): Très bien. Alors, Dr Ouellet, Dr Noël, Mme Duclos, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de l'Association médicale du Québec.
Sur ça, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 20 heures, afin d'effectuer un autre mandat, c'est-à-dire la poursuite de l'étude détaillée du projet de loi n° 57, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 3)
(Reprise à 20 h 9)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission poursuit nos travaux.
Étude détaillée du projet de loi n° 57
Je vous rappelle qu'entre un peu passé 17 heures et aujourd'hui nous avons changé de mandat. Nous sommes réunis afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 57, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles.
Mme la secrétaire, pour ce mandat, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Non, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Aucun remplacement. Je vous rappelle, comme je le fais à chaque poursuite ou début de séance, que l'utilisation des téléphones cellulaires n'est pas permise, alors je prierais tous ceux qui en font l'usage de bien vouloir les mettre hors tension.
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(20 h 10)
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Il a été convenu, compte tenu des circonstances un peu particulières, de permettre des remarques, de part et d'autre, avant de poursuivre l'étude détaillée. Je ne pense pas il est utile de fixer nécessairement du temps maximal. Normalement, ça ne devrait pas dépasser 20 minutes. Je ne crois pas que c'est l'intention de la ministre ou le porte-parole de le faire. Alors, basé sur cette entente-là, Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, la parole est à vous.
Remarques préliminaires (suite)
Mme Michelle Courchesne
Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Alors, chers collègues, merci beaucoup encore une fois de m'accompagner dans l'étude de ce projet de loi, c'est très apprécié. Votre présence est appréciée, de même que tous ceux qui nous accompagnent, y compris les techniciens, à ces heures tardives.
Et vous me permettrez... ce n'est pas non plus, M. le Président, dans l'habitude de le faire, mais je veux remercier les représentants des médias qui sont avec nous. Je sais que c'est une heure tardive, mais vous comprenez que c'est aussi hors de notre contrôle, cet horaire chargé de cette commission. Mais j'apprécie leur présence, et je me rendrai disponible, dès la fin de ces remarques ou quand ce sera possible, parce que je comprends que vous avez un travail à faire, et j'essaierai de vous offrir toute ma collaboration.
J'ai beaucoup hésité entre lire et ne pas lire mes remarques. Très franchement, vous le savez, que c'est rare que je lis, mais, ce soir, je le ferai parce que je pense que c'est important, étant donné que ce projet de loi a une histoire, qu'il y a déjà eu des débats, notamment à la session précédente, qui ont suscité quand même beaucoup de commentaires, certaines controverses.
Je crois qu'il est important que je puisse vous présenter l'essentiel des amendements de façon ordonnée et structurée. Mais je veux d'emblée vous témoigner de mon entière sincérité à l'égard de l'importance pour le gouvernement d'apporter un changement dans nos façons de faire, d'apporter une nouvelle philosophie dans notre façon de travailler pour et avec des personnes démunies et vulnérables.
Les amendements qui sont proposés ce soir témoignent fermement de notre volonté de passer d'une approche que nous appelions coercitive à une approche incitative. Moi, je vous dirai que le mot clé de ce projet de loi, parce qu'il y en a un, c'est le mot «accompagnement». Et les amendements qui vous sont proposés font en sorte que ce soit, tant à la Sécurité du revenu qu'à Emploi-Québec, bien... feront en sorte qu'au lieu de parler d'agent je crois que nous pourrons fièrement parler d'accompagnateur.
Il y a, chez moi et chez le gouvernement, une volonté forte, sincère, honnête, d'humaniser nos services et de pouvoir aborder les questions de la sécurité du revenu, de l'aide aux personnes et aux familles avec toute la compréhension et la compassion qu'il se doit ? qu'il se doit ? dans le respect de la dignité humaine. Cela dit, bien sûr nous devons aussi être guidés par un principe d'équité, c'est important. C'est important, parce que nous sommes un gouvernement, parce que nous avons la responsabilité aussi et l'imputabilité de ce que nous avons à gérer.
Alors, voilà, c'était un court préambule, et, maintenant, bien, je vais plonger de façon plus précise dans ce que nous avons à vous proposer.
Je voudrais tout simplement dire que j'exercerai ces responsabilités ministérielles au meilleur de mes connaissances, en ayant toujours à l'esprit ces hommes et ces femmes du Québec qui ont droit à toute notre reconnaissance et à tout notre respect, quelles que soient leurs conditions.
D'ailleurs, je tiens à féliciter tous les membres de la Commission des affaires sociales pour l'immense travail de consultation et d'écoute qui a eu lieu ici même, à l'Assemblée nationale, au mois d'octobre dernier, sous votre présidence. La qualité du travail accompli transparaît et transparaissait dans les lectures attentives que j'ai faites du Journal des débats, depuis le 18 février dernier.
Près de 80 mémoires ont été déposés. Une soixantaine de groupes et d'associations de tous les horizons sont venus ici, à Québec, dans cette maison du peuple, nous dire à nous, les parlementaires, ce qu'ils pensaient de la proposition du gouvernement. Leur participation n'a pas été vaine. Leur dévouement auprès des personnes en situation de pauvreté, victimes des circonstances de la vie ou du destin, est remarquable et nécessaire dans notre société moderne.
Je veux remercier tous ces groupes et toutes ces associations pour le formidable travail qu'ils ont fait pour nous éclairer, pour nous faire réfléchir, pour nous aider à améliorer ce projet de loi sur l'aide aux personnes et aux familles, et, comme certaines d'entre elles sont ici présentes ce soir, je les salue et je les remercie encore une fois d'être présentes.
J'en profite également pour remercier la formidable équipe du ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale pour leur dévouement et le colossal travail d'analyse qui a suivi la consultation générale. Chaque mémoire, sans exception, a fait l'objet d'un examen sérieux, rigoureux et minutieux.
Bien sûr, je le disais tout à l'heure, le projet de loi a suscité beaucoup de commentaires. Cependant, plusieurs critiques très sévères, dont celles de l'opposition officielle, allaient même jusqu'à demander prématurément le retrait pur et simple du projet de loi. Je leur demande de considérer avec attention et objectivité les amendements que nous allons proposer et déposer aujourd'hui.
Je le dis, à notre avis il n'y a pas de meilleur moyen de donner suite à la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale et au plan de lutte contre la pauvreté. Il n'y a pas de meilleur moyen d'arriver enfin à commencer à changer l'approche, la culture et les façons de venir en aide aux personnes et aux familles en situation de pauvreté. Il n'y a pas de meilleur moyen de favoriser les initiatives, moderniser nos façons de faire et surtout, surtout, d'introduire plus de souplesse dans nos programmes.
Il n'y a pas de meilleur moyen de mettre frein à la coercition, aux punitions, en adoptant un premier barème plancher dans l'histoire des programmes sociaux au Québec, après des années de lutte, de pétitions, de persévérance, de patience et d'espérance, de la part notamment du collectif et de sa porte-parole, Mme Vivian Labrie, que je voudrais saluer et remercier, mais ce qui n'exclut pas l'effort des autres groupes et associations qui se sont joints à elle.
Aujourd'hui, comme parlementaires, nous avons la lourde tâche, des deux côtés de cette Chambre, de démontrer notre capacité et notre volonté d'améliorer non pas simplement le texte du projet de loi, mais aussi, au-delà des mots et des articles de loi, le sort des personnes en situation de pauvreté.
Ensemble, ensemble, M. le Président, nous pouvons améliorer ce projet de loi et le rendre plus acceptable, plus juste, plus proche des préoccupations que nous avons entendues. C'est pourquoi je dépose devant cette commission une série d'amendements que j'estime utiles et nécessaires. Ces amendements permettront de clarifier la portée réelle de ce projet de loi et donneront, et c'est mon voeu le plus cher, sincère, une réponse rassurante aux pires craintes exprimées à l'endroit du texte du projet de loi tel que déposé.
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(20 h 20)
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J'ai offert à mes collègues ministériels ainsi qu'à mon collègue le député de Vachon, porte-parole de l'opposition, une séance de travail, immédiatement après ces remarques, avec les experts du ministère, sur l'ensemble de la proposition gouvernementale. Mais je vous résumerai rapidement l'essentiel. Parmi ces amendements, on retrouve une vingtaine d'amendements majeurs qui s'inspirent principalement des témoignages entendus devant la commission.
Ce que je demande donc à l'opposition, c'est de ne plus retarder l'adoption et vraiment de voir comment, ensemble, nous pourrons nous assurer que nous répondons aux besoins de ces hommes et de ces femmes qui nécessitent notre intervention.
Les principaux amendements visent à:
Préciser que l'introduction de programmes dits spécifiques dans le projet de loi n'empêchera jamais l'accès à notre filet de sécurité sociale, qui demeure universel et accessible en tout temps à tous ceux et celles qui y ont droit. Les programmes spécifiques ne seront pas obligatoires, et les citoyens seront libres d'y participer. Ainsi, nous répondons aux critiques très sévères qui affirmaient que le projet de loi, tel que déposé, était l'occasion d'un retour en arrière. D'ailleurs, M. le Président, je veux assurer que toutes les mesures du projet de loi sont facultatives. C'est très important, il n'y a rien d'obligatoire. Chaque personne, chaque citoyen, citoyenne aura le libre choix d'y adhérer ou pas;
Garantir qu'une personne participant à tout programme spécifique, incluant Alternative jeunesse, recevra une prestation équivalente à celle à laquelle elle aurait eu droit. À défaut, un supplément sera versé à cette personne à même les programmes réguliers;
Clarifier également que les citoyens inscrits à un programme ou une mesure spécifique pourront également utiliser les mécanismes de traitement des plaintes et les mécanismes de révision et d'appel au Tribunal administratif du Québec pour les réclamations. En somme, les citoyens inscrits à un programme spécifique auront droit aux mêmes recours que ceux offerts à ceux et celles qui participent aux mesures d'aide à l'emploi. Ainsi, les programmes d'aide sociale et de solidarité sociale proposés constitueront, pour l'ensemble des Québécois, le filet de sécurité du revenu dont l'accès demeurera universel en tout temps. Une fois assuré un filet de sécurité du revenu accessible à tous, l'ouverture vers des programmes spécifiques d'aide financière permettra une plus grande souplesse et une meilleure adéquation entre l'offre de service du ministère et les besoins de la population concernée.
Par exemple, le programme Alternative jeunesse a pour but d'offrir une alternative aux jeunes adultes de moins de 25 ans. Cette alternative leur permettra de recevoir bien davantage qu'un chèque d'aide sociale grâce à une aide active et personnalisée, comme les stages, la conciliation travail-études, la recherche d'emploi dirigée. La participation à ce programme sera facultative. Ainsi, les programmes spécifiques ne pourront jamais priver aucun prestataire des droits qui lui sont garantis par la loi.
Le projet de loi n° 57 propose à cet égard un formidable défi à l'Administration publique: le défi de la transparence, de l'imputabilité et de l'innovation; le défi de la souplesse, de l'écoute et de l'allégement administratif. Et je m'engage devant vous à m'assurer que ce défi pourra être relevé.
Par ailleurs, les amendements que je dépose aujourd'hui visent à:
Confirmer ce virage majeur dans l'aide gouvernementale aux plus démunis, dans la foulée de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale et du plan de lutte, une approche nouvelle, unique en Amérique du Nord, une approche plus humaine axée sur la réalisation et le développement de la personne au lieu de la coercition, de la punition, de la sanction. Si ce projet de loi est adopté, l'État du Québec misera davantage sur la dignité, la liberté ? la liberté ? et la volonté d'agir des personnes;
Favoriser l'intégration en emploi des personnes handicapées et préciser qu'elles auront accès aux emplois des entreprises adaptées, qu'elles participent au programme d'aide sociale ou aux programmes de solidarité sociale;
Supprimer la prime à la participation destinée... supprimer la prime à la participation, je le répète, destinée à inciter les personnes à participer à des activités communautaires ou sociales et la remplacer par un renforcement de la fonction d'accompagnement destinée aux personnes plus éloignées du marché du travail. Et j'y reviendrai lors de l'étude détaillée. En effet, il convient de souligner que, de l'avis des organismes communautaires, la création d'une prime à la participation risquait de leur faire subir une pression indue, se sentant, d'une part, la responsabilité de mettre en place les projets permettant aux prestataires d'avoir accès à une prime sans recevoir aucun financement à cette fin, tout en sachant, d'autre part, que l'accès à une telle prime serait, en raison de l'indexation partielle, nécessaire pour couvrir les besoins des prestataires aptes à l'emploi. Dans les faits, on constate un alourdissement de plus en plus marqué des prestataires qui sont par ailleurs considérés aptes au travail. En effet, une part croissante de ces prestataires font face à d'importantes difficultés d'intégration en emploi, en plus de vivre des problèmes de tout ordre qui rendent particulièrement difficile toute démarche d'insertion.
Je me propose donc de mettre en place un programme grâce auquel les prestataires de l'aide de dernier recours, qui, compte tenu de leur profil socioprofessionnel, en ont besoin pour se préparer ? j'insiste, pour se préparer uniquement ? à entreprendre une démarche d'insertion, pourraient recevoir un soutien, un accompagnement personnalisé par l'entremise d'organismes communautaires. Je le dis tout de suite, ces personnes recevront un supplément plus généreux que ce que prévoyait le projet de loi initial n° 57, de même que les organismes communautaires recevront une indemnité pour le faire;
Confirmer le rôle de la Commission des partenaires du marché du travail et d'Emploi-Québec en matière de main-d'oeuvre et d'emploi dans l'application de la loi.
Assouplir certaines règles d'admissibilité aux mesures, programmes et services d'aide à l'emploi, de même qu'aux programmes d'aide et d'accompagnement social pour permettre de les offrir aux personnes mineures ou aux étudiants en formation professionnelle;
Retirer du projet de loi la possibilité de verser une portion du chèque de l'aide sociale au locateur pour le paiement du loyer;
Confirmer le rôle, l'existence et la présence d'une unité administrative indépendante pour traiter les plaintes et les demandes de renseignements, dans le cadre de l'application de la nouvelle loi;
Permettre à un adulte responsable d'un enfant handicapé d'avoir accès à la prestation pour contrainte temporaire, même si son enfant fréquente l'école;
Rendre plus transparentes la gestion et l'application des programmes spécifiques, en prévoyant notamment la publication de la liste de ces programmes dans la Gazette officielle et en rendant accessibles les normes d'application sur demande;
Enfin, notamment, de se conformer aux dispositions de l'article 15 de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale;
Étendre le principe du barème plancher aux compensations, de manière à protéger partiellement le montant des prestations à l'encontre de retenues de cette nature;
Préciser que le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale sera, dans tous les cas, considéré comme l'employeur en regard de la CSST lorsqu'un prestataire réalisera des activités de travail dans le cadre d'un programme ou d'une mesure, à moins que l'employeur ne bénéficie d'une subvention salariale pour cet emploi.
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(20 h 30)
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M. le Président, voilà l'essentiel de ce que contiennent les amendements qui sont disponibles à partir de maintenant et pour lequel nous offrons aux membres... à tous les membres de cette commission, une séance de travail. Merci, M. le Président.
Amendements déposés
Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la ministre. Alors, j'autorise le dépôt, en liasse, de projets d'amendements, tel que demandé par la ministre. Alors, les projets d'amendements sont déposés.
Une voix: ...
Le Président (M. Copeman): Oui. Nous allons, dès qu'on peut, transmettre copie aux membres. Et, maintenant, pour des remarques, M. le député de Vachon et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi et solidarité sociale.
M. Camil Bouchard (suite)
M. Bouchard (Vachon): M. le Président, il y a un changement de ton très manifeste, un changement de ton qui traduit une ouverture plus grande, une flexibilité plus manifeste aussi, une attention plus marquée, me semble-t-il, à la notion du développement des personnes, dans le discours que je viens d'entendre. J'espère que ce changement de ton se traduira, à la lecture des amendements que nous amène la ministre, par un changement de fond.
Il y a, je pense, dans l'énumération très rapide qu'en a faite la ministre, des promesses d'amendements intéressants, et... des amendements auxquels les députés de l'opposition porteront la plus grande attention et aussi la plus grande ouverture.
M. le Président, nous avons manifesté, lors de la première mouture du projet de loi n° 57, notre désaccord profond vis-à-vis d'un certain nombre de limites, carences ou injustices dont nous pensions qu'un tel projet ne devrait pas être porteur. Nous l'avons manifesté de façon très ferme, nous l'avons manifesté à répétition, jusqu'à demander le retrait du projet de loi n° 57, tellement il nous paraissait éloigné des intentions de surface que nous présentait le ministre d'alors concernant la portée du projet de loi.
Et un certain nombre d'amendements donc que nous annonce la ministre font foi de la pertinence des demandes de l'opposition et des demandes d'un certain nombre de groupes ? et la ministre l'aura constaté en lisant les mémoires et en relisant les débats ? donc des demandes de l'opposition, qui, à la lumière de la liste des amendements qui ont été présentés par la ministre, prennent toute leur pertinence.
La ministre annonce un certain nombre de changements concernant, par exemple... On n'aura pas beaucoup de difficultés, je pense, à accepter le principe d'un bureau de renseignements et de plaintes. On verra sous quelle forme il se présente. La question, par exemple, de la publication, dans la Gazette officielle, de la liste des programmes spécifiques qui pourraient être mis en train m'apparaît aussi comme une intention intéressante. Le retrait de l'article 53, c'est-à-dire sur la question de la clause concernant la saisie du chèque pour fins de paiement du loyer nous apparaît comme une très bonne nouvelle aussi.
J'ai observé aussi qu'à deux occasions la ministre a fait référence à la loi sur la lutte à la pauvreté et à l'exclusion, alors qu'on évitait d'y faire référence auparavant, M. le Président. J'espère que ça se manifestera non simplement dans le discours d'introduction de la ministre, mais aussi dans les amendements.
Il y a quand même un certain nombre d'omissions dans la liste que nous annonce la ministre, notamment l'intention que pourrait porter le projet de loi, dans sa facture même, d'une intention d'augmentation des prestations vers une meilleure couverture des besoins essentiels. J'ai hâte de voir ce qu'il en est.
Toute la question de la suppression de la prime à la participation pour le remplacement par le renforcement de la fonction d'accompagnement. Pour avoir étudié de très près les intentions encore très vagues cependant de la première mouture du projet de loi n° 57 quant à la prime à la participation, tout cela n'annonçait vraiment rien de très, très, très bon, la façon dont c'était présenté, en tous les cas. Le remplacement par un autre concept, celui du renforcement de la fonction d'accompagnement, comme dit la ministre, m'apparaît un remplacement, en tous les cas, prometteur. Nous verrons bien ce qui, dans les faits, il en adviendra, parce que, promettre un accompagnement individualisé correspondant aux besoins des personnes, ça veut dire quelque part se commettre vis-à-vis un certain nombre d'exigences assez importantes. La qualité de l'accompagnement se mesure en termes de ressources et de temps, se mesure en termes de disponibilité, se mesure en termes de variété de ressources, se mesure en termes de respect des orientations des personnes, se mesure en termes non pas simplement de temps d'accompagnement, mais aussi de durée de l'expérience. Il y a un certain nombre de critères donc qui viennent avec cette notion d'accompagnement, et la seule intention d'accompagnement ne porte rien en soi si elle ne correspond pas à ces critères que je viens d'énoncer, et sans doute que j'en oublie quelques-uns.
Je n'ai pas entendu non plus la ministre annoncer quelque changement que ce soit au niveau de la demi-indexation. Et je vous ferais remarquer, M. le Président, que ? on va encore se relancer dans les souvenirs historiques, là, en ce qui concerne qui indexe qui et quand ? mais je mettais très souvent, lors de mes critiques, dans la première mouture de 57, en opposition cette demi-indexation et la prime à la participation. C'est-à-dire que la philosophie derrière la demi-indexation, c'était de faire en sorte que les gens puissent être incités à s'en aller vers la prime à la participation pour compenser pour une absence d'indexation. Cette philosophie-là, qui a été exprimée à divers moments verbalement mais aussi dans des textes administratifs, nous apparaissait tout à fait ? et vous me permettrez l'expression, M. le Président ? tout à fait méprisable et m'apparaissait remplacer la punition par l'aversion. Autrement dit, créons une situation à ce point aversive que les gens voudront éventuellement aller vers une prime à la participation qui, somme toute, n'aurait pas été disponible pour... n'aurait été disponible que pour une très petite fraction des personnes et à un niveau de compensation extrêmement faible, étant donné le montant d'argent qui était consenti.
Alors, on verra, à la lumière des amendements qui nous sont apportés, ce qu'on entend par ce changement de philosophie. Je ferais amicalement remarquer à la ministre qu'à chaque fois qu'il arrive un ministre dans ce ministère et dans une réforme à l'aide sociale ou même dans une réforme réglementaire ça arrive toujours avec une annonce percutante de changement de philosophie. Mais, dans les faits, ce changement de philosophie va se traduire quelque part dans des actions, des dispositions qu'on évaluera à leur mérite.
Dernière remarque, M. le Président ? amicale, celle-là aussi: la ministre dit espérer que nous n'allons plus retarder les travaux. Alors, je ferais remarquer à la ministre qu'on n'a pas eu l'occasion de retarder les travaux: nous n'avons eu que quatre heures de discussion sur la première mouture du projet de loi n° 57 lors de la session antérieure. On n'avait même pas le temps ni l'espace pour retarder les travaux, M. le Président. Ce que je dis à la ministre, c'est que nous allons étudier ses amendements, ses propositions, son approche, avec toute l'attention requise, toute la rigueur requise. Nous allons voir si selon nous les grandes carences de la première mouture de 57 ont été rencontrées avec les projets d'amendements de la ministre.
Nous offrons notre collaboration. Nous sommes prêts à une autre stratégie que celle de demander un retrait de 57 s'il s'avérait que les amendements sont suffisamment substantiels, intéressants et annoncent, au-delà d'un changement de ton, un changement de fond important, M. le Président. Voilà.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. le député de Vachon.
Alors, afin de permettre à la commission de se réunir en séance de travail, je suspends les travaux de la commission.
(Suspension de la séance à 20 h 40)
(Reprise à 22 h 21)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la Commission des affaires sociales poursuit ses travaux. M. le député de Vachon.
M. Bouchard (Vachon): Oui. M. le Président, en vertu de 165, je fais motion d'ajourner nos travaux.
Le Président (M. Copeman): Est-ce que cette motion est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Copeman): Adopté. Merci.
J'ajourne les travaux de la commission sine die.
(Fin de la séance à 22 h 22)