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Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Wednesday, May 4, 2005 - Vol. 38 N° 122

Consultation générale sur le document intitulé Politique du médicament


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Je sais que ça devient répétitif, mais je vous rappelle le mandat. Nous sommes réunis afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le document intitulé Politique du médicament.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Girard (Gouin) va être remplacé par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve).

Le Président (M. Copeman): Au sujet des dossiers qui deviennent répétitifs, je vous rappelle également que l'utilisation des téléphones cellulaires et d'autres appareils semblables est défendue. Alors, je vous prierais, tous ceux qui sont ici présents dans la salle, de bien vouloir les mettre hors tension. Ça s'applique évidemment aux parlementaires et aux membres du public qui sont présents.

L'ordre du jour. J'invite peut-être immédiatement les représentants de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec à prendre place à la table. Nous allons débuter le matin avec eux. Ce sera suivi, autour de 10 h 30, avec la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Nous allons terminer la matinée avec la Conférence des tables régionales de concertation des aînés du Québec. Il est également prévu que nous siégeons cet après-midi, et je ferai lecture de l'ordre du jour à ce moment-là, trois groupes, en après-midi, également.

Auditions (suite)

Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, FMOQ. M. le président, Dr Dutil, bonjour.

M. Dutil (Renald): Bonjour.

n (9 h 40) n

Le Président (M. Copeman): Je vous rappelle, pour fins d'aide-mémoire, simplement que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prierais de présenter vos confrères et par la suite de débuter votre présentation.

Fédération des médecins omnipraticiens
du Québec (FMOQ)

M. Dutil (Renald): Oui, merci, M. le Président. Alors, à ma gauche, le Dr Louis Godin, qui est le premier vice-président de la fédération, et, à ma droite, le Dr Pierre Raîche, qui est le directeur de la formation professionnelle au sein de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Alors, en préambule, je tiens à vous rappeler toute l'importance qu'on attache à ce dossier et, disons-le d'emblée, au maintien du régime général d'assurance médicaments. Ça nous apparaît être une mesure sociale qui est essentielle pour assurer une bonne accessibilité à des soins de qualité. La fédération est néanmoins consciente de la croissance importante des coûts de ce régime, et nous sommes conscients également que, si ces coûts ne sont pas maîtrisés, ils vont devenir, rapidement ou à moyen terme, insupportables pour la société québécoise. Alors, il nous apparaît ainsi important, essentiel de mettre en place une politique du médicament.

La fédération reconnaît que de façon globale les diverses propositions contenues dans ce projet de politique n'empêcheront pas la progression des coûts liés à ce régime, mais qu'elles pourraient, à tout le moins, en freiner la croissance dans l'ensemble du système de santé. Je crois cependant que le but premier de cette politique doit être celui d'une amélioration de la qualité de la prescription et de l'accessibilité aux médicaments. Et nous sommes persuadés qu'une meilleure utilisation des médicaments va se traduire dans les faits par une réduction globale des coûts. Alors, ce sont des commentaires généraux. Un dernier, je rappellerais que, un, les omnipraticiens rédigent près de 75 % des ordonnances médicamenteuses au Québec. Certaines sont initiées par nos collègues spécialistes, l'omnipraticien en assure le renouvellement. Mais l'omnipraticien est le premier prescripteur pour la majorité des ordonnances. Précisons enfin qu'ici, bien sûr, on parle de médicaments, mais la première intervention du médecin traitant devrait être, si possible, non pharmacologique.

Alors, je vais commenter quelques propositions incluses dans la politique du médicament et qui nous interpellent particulièrement. Vous comprendrez qu'en 20 minutes je ne peux pas faire le tour de tout ce qui est dans notre mémoire. Le premier chapitre traite de l'accessibilité aux médicaments. Alors, l'ajout à la liste des médicaments. La fédération recommande une mise à jour plus fréquente de la liste des médicaments. Mais nous proposons que soit notamment prise en compte la plus-value d'un nouveau médicament avant de l'inscrire sur la liste régulière des médicaments. Ce n'est pas toujours le cas. Le Québec, je le rappelle, est la province qui compte le plus de médicaments sur la liste du régime général et celle où les nouvelles molécules sont introduites le plus rapidement. Il nous faut donc trouver un mécanisme intermédiaire, telle l'inscription des nouveaux produits pharmaceutiques sur une liste d'attente, jusqu'à ce que le Conseil du médicament ait conclu à la plus-value, soit de façon générale ou soit ciblée dans certaines situations.

Et ça m'amène à vous parler de la liste des médicaments d'exception. Ce que je viens de vous dire, ce mécanisme intermédiaire, pourrait être un volet de celui de la procédure utilisée pour la liste des médicaments d'exception. Oui, mais attention, il faudra que la procédure actuelle soit modifiée. Elle est beaucoup trop lourde pour les médecins cliniciens qui ont à utiliser une telle procédure pour les médicaments d'exception, et, si on vient ajouter à cette liste, les irritants seront encore plus grands. Alors, ça m'amène à une autre recommandation de la fédération: simplifier la procédure. Et nous avions rencontré le président du Conseil du médicament, il y a un certain nombre de mois, et nous lui avions suggéré l'inscription d'un simple code référant à la pathologie qu'il faut traiter par ce médicament d'exception. La transmission du formulaire en ligne, comme c'est déjà le cas depuis un certain nombre de mois pour 17 ou 18 médicaments, c'est sans doute apprécié par certains, là, qui utilisent, à des fins cliniques, un ordinateur dans leurs bureaux. Ce n'est pas la majorité. Mais c'est encore une procédure trop coûteuse en termes de temps, dans le cadre d'une pratique, là, où le temps d'attente des patients, là, est déjà beaucoup trop long.

Prescription optimale des médicaments, et, je pense que c'est au coeur de la politique, il nous faut s'entendre sur la définition. Au risque de paraître simplistes aux yeux de certains, à ceux qui aiment les définitions qui contiennent au moins deux paragraphes, nous proposons comme définition de l'utilisation optimale des médicaments: le meilleur médicament pour un patient donné, dans une situation donnée, au meilleur coût.

Alors, les mesures que nous proposons pour en arriver à cette fin. D'abord, des mesures qui concernent une meilleure formation, une formation médicale prégraduée, postgraduée et continue en pharmacologie et en pharmaco-économie, donc d'améliorer, à tous les niveaux de formation, les connaissances concernant l'utilisation optimale du médicament et la formation en pharmaco-économie. Ceux qui sont médecins, ici, savent que la formation en pharmaco-économie est très, très faible, et nous devrons attacher davantage d'importance à cela. Bon. Les autres grandes mesures que nous proposons portent sur la collaboration interprofessionnelle médecin-pharmacien, et je pourrais ajouter infirmière, dans plusieurs cas.

Bon. Elle est essentielle, cette collaboration. La fédération, là, n'en nie pas l'importance. Nous avons d'ailleurs participé à l'élaboration d'un atelier de formation continue interdisciplinaire sur ce thème. Nous avons fortement suggéré et obtenu que les activités de formation médicale continue des deux comités de gestion, IPP et COXIBS... Je m'excuse, là, des termes techniques, là, mais le comité de pharmacologie et les gens qui y siègent sont bien au courant de cela, et M. le ministre bien sûr étant médecin lui-même. Alors, nous avons participé à ces comités, et je pense que l'expérience est excellente. La collaboration médecin-pharmacien dans un hôpital où existent des structures, des structures comme le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, les comités de pharmacologie, les comités de revue de l'utilisation des médicaments ? ce sont des comités formés de médecins et de pharmaciens membres du même conseil ? cette collaboration, elle est excellente à ce niveau, et les expertises des uns et des autres sont bien davantage utilisées et mises en commun. Les structures s'y prêtent.

Il n'en est pas ainsi en milieu communautaire. Le cadre d'organisation dans lequel évoluent les médecins de cabinet privé, mais aussi ceux des CLSC et les pharmaciens des pharmacies communautaires ne favorise pas les échanges sur une base constante. J'ajouterais, si j'étais malin, que le rapprochement physique du cabinet de médecin et de la pharmacie peut à cet égard être un bon avantage. Mais je n'entrerai pas dans ce dossier-là.

Alors, favoriser ces échanges, ça nous apparaît important, mais ça nous prend des outils également, là. Entre autres, le premier outil, c'est une meilleure circulation de l'information clinique à l'aide des outils informatiques, et il faut créer un cadre structurel qui va permettre aux médecins traitants et aux pharmaciens de se rencontrer et de discuter des cas plus problématiques. La démarche diagnostique du médecin ne peut pas être dissociée du plan de traitement médicamenteux dans la pratique d'un médecin clinicien. L'un vient avec l'autre, c'est indissociable et c'est l'essence même de la pratique de la médecine au sens de l'article 31 de la Loi médicale.

n (9 h 50) n

Alors, le projet de politique décrit l'intention thérapeutique comme étant une information qui serait inscrite par le médecin sur l'ordonnance et qui préciserait les problèmes de santé à traiter à l'aide de médicaments donnés. Dans certains cas, c'est le diagnostic, exemple, une pneumonie, dans un autre cas, un symptôme. En tout respect pour ceux qui ont proposé cela, nous ne croyons pas à de telles modalités. Le pharmacien qui déciderait de modifier la prescription du médecin sur la base d'un simple symptôme ou d'un diagnostic, sans connaître l'ensemble du dossier médical, serait bien téméraire. Ainsi, diagnostic de pneumonie par exemple: Est-elle acquise dans la communauté? Le patient est-il immunodéficient, alcoolique? A-t-il d'autres comorbidités? Des données, des informations qui vont influencer sur le type d'antibiotique qui est prescrit, sa durée, le bon dosage, et ainsi de suite, là.

Alors, nous proposons d'autres mesures que celle-là pour en arriver à une meilleure collaboration. Nous proposons, entre autres, un mécanisme formel de consultation entre le médecin et un pharmacien en allant vers celui qu'on connaît entre médecins. Alors, le médecin traitant demande par écrit l'opinion d'un autre médecin sur un problème médical et spécifique à cause de sa gravité ou de sa complexité, le médecin consultant soumet son opinion et ses recommandations par écrit au médecin référant. C'est une procédure qu'on connaît depuis toujours au niveau médical, au niveau des médecins. Un tel mécanisme de consultation médecin-pharmacien, qui pourrait jouer dans les deux sens, remplacerait avantageusement l'actuel système d'avis pharmaceutique non sollicité qui est envoyé par un pharmacien à un médecin. Notre expérience et les commentaires de nos médecins nous démontrent que de tels avis non sollicités ne sont souvent ni pertinents ni utilisés, car ils ne reposent pas sur une information adéquate et complète fournie aux pharmaciens.

La fédération propose également la mise sur pied de comités de revue d'utilisation des médicaments, des comités formés de médecins et de pharmaciens bien sûr, pour la clientèle ambulatoire, à l'échelle des réseaux locaux de services. Les structures qu'on se donne actuellement vont de plus en plus permettre la mise sur pied de tels comités de revue des médicaments, et ces comités pourraient être soit rattachés au DRMG et au futur comité sur les services pharmaceutiques, prévu dans le projet de loi n° 83, ou même peut-être au CSSS. Des profils de prescription dénominalisés et par état pathologique seraient ainsi rendus disponibles, selon des modalités à convenir. Il y a déjà des organismes qui possèdent ces banques de données et des banques de données crédibles à cet effet. Alors, les constats que feraient les comités permettraient d'identifier des besoins et d'orienter la formation continue en conséquence.

Nous recommandons également d'expérimenter des projets pilotes de revue des médicaments de certains patients qui sont polymédicamentés, qui ont une pharmacopée particulièrement lourde, non seulement pour des patients maintenus à domicile, mais également en soins ambulatoires. Alors, cette révision fera appel bien sûr au médecin de famille, au médecin traitant, au pharmacien communautaire de la personne, mais également l'infirmière, le cas échéant, puisque souvent, dans le maintien à domicile, l'infirmière est impliquée, mais aussi dans des équipes, là, dans des équipes qu'on retrouve en GMF, on a des infirmières impliquées. Alors, je pense qu'on pourrait débuter avec des projets pilotes et que ce serait intéressant de poursuivre cela un peu sur le modèle, là, de Home Review qu'on voit en Australie.

Nous serions également d'accord, comme fédération, avec l'envoi du profil individuel de prescription d'un omnipraticien, un profil comparé avec celui d'une cohorte de médecins qui ont une clientèle semblable à ce médecin. Bien sûr, le profil collectif doit être dénominalisé, et l'envoi de ce profil devrait se faire sur une base optionnelle, volontaire, à des fins pédagogiques seulement pour que le médecin puisse mieux apprécier sa réalité de médecin-prescripteur, et ne devrait surtout pas être utilisé à des fins de contrôle. Par ailleurs, la fédération est tout à fait d'accord, appuie la mise en place d'un service Info-Médicaments... et de transmettre davantage d'information à la population pour une meilleure utilisation des médicaments. Autre grande question ? la dernière que j'aborde dans cette présentation ? c'est les relations médecin-industrie pharmaceutique, et je l'aborde sous l'angle de la formation médicale continue. Notre fédération, comme plusieurs le savent, est très impliquée dans la formation médicale continue des omnipraticiens. Nous avons mis sur pied ce département à une époque où même nos milieux académiques se souciaient bien peu de la formation médicale continue des omnipraticiens, et j'étais de cette époque, je peux en témoigner. C'était bien sûr il y a plusieurs années. Aujourd'hui, la fédération est un organisme agrée de formation qui produit les deux tiers de la formation médicale continue des omnipraticiens du Québec. Notre expertise est maintenant sollicitée par plusieurs universités canadiennes, plusieurs organismes de formation à l'échelle non seulement du Canada, mais à l'extérieur également, particulièrement en Europe. Alors, la fédération adhère au code d'éthique du Conseil de l'éducation médicale continue, elle en fut d'ailleurs l'un des premiers promoteurs. Ces activités que nous produisons doivent respecter intégralement ce code. Et il est rigoureux, il assure le maintien du principe de l'objectivité et de l'impartialité de la formation offerte. La compagnie pharmaceutique qui subventionne une telle activité n'est pas impliquée dans l'élaboration du programme et n'a rien à dire sur son contenu et sur le processus d'évaluation qui en découle.

L'industrie pharmaceutique subventionne une portion des coûts de la formation médicale continue, et heureusement, car, jusqu'à ce jour, ce ne sont ni le ministère de la Santé, ni le ministère de l'Éducation, ni les facultés de médecine qui ont subventionné la formation médicale continue des omnipraticiens. Ça nous apparaît donc être une source incontournable. Ce sont tous les organismes agréés de formation... Comme nos facultés de médecine, c'est souvent le principal de leurs budgets dans les départements de formation continue de nos facultés de médecine, ces subventions venant de l'industrie pharmaceutique. Notre fédération reçoit aussi de telles subventions, mais la majeure partie des coûts de la formation médicale continue ? et c'est coûteux, je peux en témoigner ? provient de la fédération et des omnipraticiens. Nous y consacrons une part substantielle de nos revenus provenant de la cotisation syndicale.

Le projet de politique fait référence à un fonds particulier de formation médicale continue. Nous sommes très perplexes face à cette recommandation qu'on retrouve... la recommandation n° 24 du projet de politique. On se pose des questions: Sera-t-il géré par le ministère? Ma longue existence m'a enseigné que des fonds particuliers gérés par le gouvernement se retrouvent éventuellement, au fil des années, utilisés à d'autres fins, sinon carrément intégrés au fonds consolidé du trésor public, qui est toujours à l'affût de nouvelles ressources. Alors, je vous fais part de mes craintes, qui sont fondées ou non fondées, mais enfin on a une certaine historique là-dessus. S'il est créé, la fédération recommande de limiter ce fonds particulier de formation médicale continue, financé par l'industrie pharmaceutique, à des seules fins de projets spécifiques qui auraient obtenu l'aval de la table de concertation et du Conseil du médicament. Et seuls les organismes agréés de formation pourraient se prévaloir de ce fonds sur la base de leur expertise et de leur niveau de contribution en formation continue. Sa gestion devra réunir plusieurs partenaires et non pas uniquement le ministère ou des représentants du gouvernement.

Une dernière recommandation touchant cette question. La fédération est d'avis et serait d'accord de mieux encadrer certaines pratiques commerciales qui ont encore cours, comme la visite de représentants aux médecins ou la remise d'échantillons. Dans ce dernier cas, précisons qu'il y a certains échantillons qui sont fort utiles: pour initier une contraception, par exemple, chez la jeune fille qui n'a pas de sous pour se procurer immédiatement ce médicament, ou encore une pompe pour quelqu'un qui est aux prises avec une crise d'asthme. Mais nous serions d'accord de regarder tout ce dossier-là et de mieux encadrer ces pratiques.

Alors, en conclusion, M. le Président, la fédération encore une fois réitère l'importance de se doter d'une politique du médicament. Nous réitérons l'importance d'assurer une grande accessibilité à ces médicaments et nous pensons particulièrement aux personnes démunies, aux personnes âgées qui ont le maximum de sécurité du revenu ? on l'a vu dans le dernier budget. C'est une proposition qui nous plaît, ce qui est proposé. La contribution des omnipraticiens, qui prescrivent encore une fois 75 % des médicaments, est indispensable pour la réussite d'un tel projet. Aussi, faudra-t-il s'assurer qu'ils soient étroitement associés, par le biais de leur fédération, à la mise en place des mesures retenues. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. le président.

M. Dutil (Renald): Je salue également le ministre, que j'avais oublié de saluer au départ.

Le Président (M. Copeman): Je ne pense pas que vous lui avez porté ombrage, mais... M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Vous voyant arriver, Dr Dutil, je me suis senti salué par le fait même. Bienvenue également, Dr Godin et Dr Raîche. Deux précisions avant d'aborder le sujet principal que j'aimerais que nous discutions ce matin. D'abord, la revue de médication à domicile dont vous avez parlé, Home Medical Review, est dans les propositions de la politique, c'est la proposition 19, sous forme de projet pilote. Donc, on pense que c'est très prometteur. Il s'agit, comme vous l'avez dit, de permettre à un pharmacien et à un médecin, le médecin traitant et le pharmacien, de revoir ensemble la médication d'une personne et d'y apporter des ajustements.

Pour ce qui est de la formation médicale continue, écoutez, nous, on ne tient pas à ce que ce soit le gouvernement qui gère ce fonds-là, on en a assez, d'affaires à gérer comme ça, là. La seule chose qu'on veut, les objectifs qu'on veut rencontrer, c'est les suivants. C'est, un, il faut que ce soit un organisme reconnu, alors il y a le Conseil de l'éducation médicale continue, par exemple, qui existe, ou les organismes avec lesquels vous pouvez collaborer, et souvent ces organismes doivent être rattachés à une faculté de médecine ou à des facultés de médecine pour obtenir la crédibilité nécessaire. Et il faut absolument qu'il y ait une distance entre l'industrie qui subventionne le fonds et la mise au point du programme de formation de même que le soutien et le choix des conférenciers. Je pense que c'est principalement dans cette optique-là, et je crois que là-dessus on va se rejoindre assez bien, puisqu'on a le même objectif.

Je pense que votre présence, ce matin, avec nous nous permet d'aborder un sujet qui est particulièrement important, c'est le sujet de la collaboration médecin-pharmacien et comment on peut la concrétiser à l'occasion de cette politique. Bien sûr, on est d'accord que le pharmacien est aussi un expert des médicaments. Je mentionnais, l'autre jour, avec un autre groupe, que le fait que j'ai, pendant 20 ans, prescrit telle classe de médicaments ne fait pas nécessairement de moi un expert sur la pharmacologie de cette classe de médicaments, même si je les ai utilisés, prescrits régulièrement.

Et, de la même façon que vous parliez des appels non sollicités des pharmaciens, j'en ai reçus plusieurs, moi, puis, la plupart du temps, j'étais assez reconnaissant d'avoir reçu l'appel, notamment en milieu hospitalier, parce qu'on m'a empêché, je dois dire, de faire plusieurs erreurs, grâce à ces appels-là. Mais effectivement ce n'est pas toujours le cas. Il faut avoir une attitude, je pense, ouverte, de ce côté-là.

Passons donc à l'intention thérapeutique, parce que, s'il y a un sujet qui symbolise cette collaboration dans la politique du médicament et qui également suscite des désaccords entre la façon dont pharmacien et médecin l'interprètent, c'est dans une intention thérapeutique. Et pour nous il n'est pas question de miner la possibilité pour le médecin d'y faire le diagnostic ou d'initier le plan de traitement, il s'agit de bénéficier au maximum de l'input professionnel du pharmacien et de ses compétences.

n (10 heures) n

Vous semblez souhaiter, dans votre mémoire, qu'on remplace l'intention thérapeutique par un code sur l'ordonnance qui fait référence au problème qui doit être traité. Je vois une différence de degré. Je ne vois pas de différence de principe entre les deux. Pourriez-vous être plus précis à cet égard-là?

M. Dutil (Renald): Bon. D'abord, ce n'est pas l'appel non sollicité. Moi aussi, comme médecin, j'apprécie qu'un pharmacien m'appelle en disant: Bon, il y a deux médicaments ou il prend tel autre médicament. Il y a peut-être des interactions. Je peux, à ce moment-là, en discuter avec le pharmacien. Je parle de l'avis pharmaceutique envoyé à un médecin, sans qu'il l'ait demandé, pour des prescriptions qui ont peut-être été faites il y a deux jours. Le patient n'est plus là. Et cet avis, il ne s'appuie pas sur aucune information transmise au pharmacien, il n'a pas appelé le médecin avant d'émettre cet avis-là. Et je sais que c'est codé et c'est rémunéré dans l'entente ministère-Association des pharmaciens propriétaires. Je n'entrerai pas... Ce n'est pas un dossier qui me regarde, la rémunération. Mais je vous dis que ces avis non sollicités où il n'y a même pas eu d'appel du pharmacien au médecin, c'est ni pertinent ni utile dans la très grande majorité des cas. C'est un irritant. Revoyons ce mécanisme à cet effet.

À l'hôpital, je vous ai dit qu'il y a une structure différente ? M. le ministre, vous le savez, vous y avez travaillé longtemps ? qui nous permet des échanges beaucoup plus faciles. Et l'accès au dossier médical complet également, je veux dire, est plus facile pour le pharmacien, ce qui lui permet de donner des avis, là, plus pertinents parce qu'il connaît l'ensemble du dossier.

Bon. Sur l'autre question, je vais demander au Dr Raîche, qui est le directeur de notre formation continue, d'expliciter, bon, le code pour ce qui est de la liste des médicaments d'exception. Là, on ne parle pas de l'ensemble des médicaments, là, on parle de la liste des médicaments d'exception.

M. Couillard: Je veux juste préciser pour la discussion. Je ne parle pas du médicament d'exception, je parle de l'intention thérapeutique. Peut-être qu'on a mal compris votre mémoire, mais on a l'impression que vous vouliez que l'intention thérapeutique, si on la transmet du médecin au pharmacien, se fasse par codification. Peut-être avons-nous mal compris, là.

M. Dutil (Renald): Oui. À cet égard, on n'était probablement pas assez clairs dans notre écriture. Mais, nous, nous faisons référence, à ce moment-là, aux médicaments d'exception: au lieu d'avoir la procédure actuelle de remplir un formulaire, etc., de mettre un code sur la feuille de prescription. Et là c'est très, très sélectif pour un médicament qui est très pointu. On ne parlait pas de mettre un code pour l'ensemble des médicaments, là. On a d'autres propositions, je vous les ai mentionnées tantôt, là.

M. Couillard: Pour qu'on soit bien sûr de tout utiliser le temps, de façon la plus efficace possible, je voudrais vraiment qu'on parle de l'intention thérapeutique, de votre compréhension de cette notion-là, et comment vous pensez qu'on peut, à travers cette notion-là ou une modification qu'on pourrait lui apporter, assurer une bonne collaboration pour le bénéfice des patients entre le médecin et le pharmacien.

M. Dutil (Renald): Encore une fois, je veux dire, pour nous, la collaboration est essentielle, mais elle devra se faire de façon, là, efficiente. D'inscrire un diagnostic ou un symptôme sur une petite feuille de prescription, ça ne nous apparaît pas pertinent et ce ne sera pas suivi, là. On va se dire les choses telles qu'elles sont, là. Les patients vont s'y objecter et les médecins également, parce que ce n'est pas sur la base d'un simple symptôme, exemple toux, que le pharmacien pourra, je veux dire, à un moment donné, évaluer si notre prescription est bonne ou pas. Ça prend beaucoup plus d'informations que cela. Et on a des patients qui ont parfois, vous le savez aussi bien que moi, M. le ministre, cinq, 10, bon, diagnostics, là. J'aurai besoin de feuilles de prescription de 8 X 14, là, si on va là-dedans. Donnons-nous d'autres moyens. Comités de revue des médicaments à l'échelle des réseaux locaux de services, on en a dans nos hôpitaux, c'est très utile pour déceler, là, où sont les erreurs, où sont les besoins, et également en formation continue. On peut, je pense, avec les structures qui se mettent en place, on peut s'orienter vers ça. Commençons par des projets pilotes, s'il le faut, mais on peut s'orienter vers cela.

Bon. La revue de patients qui ont une médication lourde, plusieurs médicaments, vous avez raison, dans le Home Review, on parle du domicile. Nous, on va plus loin que le domicile. On dit que ça pourrait s'appliquer également à des patients qui sont ambulatoires, ils ne sont pas maintenant à domicile, mais ils ont une lourde pharmacopée. Alors, qu'à un moment donné le médecin traitant, le pharmacien et l'infirmière, s'il y a une infirmière impliquée dans l'équipe de soins, s'assoient ensemble pour ? vous me permettrez de prendre une expression qu'on a souvent dans nos milieux ? qu'on fasse le ménage des médicaments de ce patient-là, bon, alors, ça, je veux dire, ce sera efficient et on pourrait avoir des échanges vraiment professionnels entre professionnels qui traitons le même patient. Mais d'inscrire uniquement un symptôme, je veux dire, d'abord, ce serait... l'ensemble des patients qu'on traite n'ont pas besoin de cela. Concentrons-nous d'abord sur les cas les plus problématiques des patients polymédicamentés, des comités de revue de médicaments, des échanges, là... Des échanges, il y en a déjà beaucoup, là, par téléphone. Il ne faut pas penser qu'on ne se parle pas, là, et ça se fait souvent par téléphone, ce qui est tout à fait correct, là, dans un bon nombre de cas. Il y en a beaucoup, mais, si on veut structurer davantage cette collaboration-là, ce n'est pas la modalité suggérée. On parle d'une modalité; l'objectif, on le partage. Ce n'est pas la modalité suggérée qui nous apparaît, là, la meilleure, loin de là.

M. Godin (Louis): Il est beaucoup plus important de focusser chez des patients à polypathologie et à la polypharmacologie que de se limiter à la notion d'intention pharmaceutique, de marquer un simple diagnostic d'hypertension, s'il n'y a aucune autre pathologie, et de laisser la prescription d'un médicament. Je pense qu'il faut beaucoup plus focusser nos efforts sur les patients qui ont une multiple pathologie et qui prennent plusieurs médicaments. Et c'est pour ça, en ce sens-là, que la notion de la consultation pharmacologique entre le médecin et le pharmacien qui serait beaucoup plus encadrée, beaucoup plus formalisée va nous apporter beaucoup plus d'aide que l'intention pharmaceutique et va permettre d'avoir des meilleurs résultats, comme la revue de la polypharmacologie où, je dois dire, on se retrouve maintenant avec beaucoup de patients qui pourront prendre huit, 10, 12 médicaments avec souvent plusieurs pathologies. À un moment donné, il y a une discussion à avoir à l'intérieur de ça pour être capable de faire un peu le meilleur choix en tenant compte de l'efficacité, les coûts, les différents effets secondaires, etc.

M. Couillard: Et l'idée de la consultation pharmacologique que vous évoquez est intéressante, mais est-ce que vous ne craignez pas que ce soit un outil qui ne soit pas utilisé finalement par le médecin? Quelle serait la plus-value? Une fois qu'on a dit qu'elle existe, qu'elle est disponible, comment ferait-on en sorte que les médecins l'utilisent véritablement, cet instrument-là?

M. Godin (Louis): Bien, moi, je pense qu'elle serait au contraire beaucoup plus utilisée une fois qu'on réussirait à la formaliser, que ce soit à l'intérieur des ententes, autant au niveau des pharmaciens, autant au niveau des médecins omnipraticiens, surtout lorsqu'on est au niveau de la communauté. Lorsqu'on est à l'hôpital, il y a déjà un mécanisme qui est beaucoup plus facile parce que tout le monde se partage les mêmes données. Lorsque le pharmacien est dans son officine et que, nous, on est dans notre cabinet, cette collaboration-là, elle est beaucoup moins installée actuellement. On installe tranquillement des moyens de transmission de l'information, on peut se servir de plus en plus des outils informatiques. Donc, je pense qu'on serait capable de bâtir quelque chose qui serait beaucoup plus efficient.

M. Couillard: La question des échantillons, vous y faites allusion dans votre mémoire, est-ce que vous ne considérez pas que la libre circulation ou quasi libre circulation des échantillons est une façon parfois d'introduire dans les habitudes de prescription des médicaments qui ne seront pas éventuellement listés parce qu'ils n'ont pas de plus-value? Et, vous-même, vous supportez cette question ou vous êtes d'accord avec cette notion de plus-value pour permettre l'inscription à la liste? Quand vous dites qu'il faut encadrer la pratique, j'aimerais que vous soyez un peu plus détaillés ou un peu plus précis à cet effet-là, parce qu'on a tous en mémoire les armoires d'échantillons des hôpitaux. Puis, dans les cabinets également, c'est quelque chose qui existe, et il y a des points négatifs à ça. C'est certain que c'est agréable pour le patient de se voir redonner une boîte de comprimés gratuitement, mais est-ce que par la suite on n'initie pas un traitement qui n'est pas nécessairement supérieur à ce qui existe déjà sur la liste des médicaments et qui ne cause pas plus de problèmes en bout de ligne?

M. Dutil (Renald): Bien, écoutez, M. le ministre, de prescrire un médicament qui est nouveau parce qu'on a trois pilules d'échantillons, là, dans son armoire, ça peut se faire sans doute, là, mais... J'en avais, des échantillons, moi, quand j'étais en pratique. J'en prenais bien peu, je prenais ceux qui pouvaient me servir dans des situations plus urgentes, comme des anovulants, ou le Plan B, là, la pilule du lendemain, ou des pompes, là, pour une crise d'asthme, là, que j'ai de disponibles, là, si ça arrive comme ça, et que je suis encore à mon cabinet à 10 heures le soir, bon, je peux rapidement soulager quelqu'un. Mais, pour le reste, peut-être que, comme Dr Godin, qui est encore médecin clinicien, peut ajouter, on vous a dit qu'on est tout à fait ouverts à regarder et encadrer de telles pratiques, là.

M. Godin (Louis): Vous savez, pour ce qui est des nouveaux produits qui arrivent sur le marché, qui ne seraient pas encore sur la liste des médicaments ou sur la liste des médicaments d'exception, il demeure quand même que le fait que l'on ait accès à une multitude d'échantillons, je ne pense pas que ça initie beaucoup de nouvelles prescriptions, puisqu'une fois que le patient l'aura utilisé pendant deux semaines ou quatre semaines on ne lui dira pas de revenir à notre cabinet pour qu'on lui refournisse à nouveau des médicaments, là, on n'est pas des dispensateurs, là, je veux dire, de médicaments.

n (10 h 10) n

D'autre part, il est clair, je dois dire, qu'il y a certaines classes de produits, malgré le régime d'assurance médicaments qui rend la médication accessible, il y a des gens qui se retrouvent souvent dans des situations où ils n'ont pas accès à des médicaments qu'ils ont besoin immédiatement, soit parce qu'ils doivent attendre encore trois, quatre jours parce que le chèque de paie va arriver le jeudi et on est le lundi matin puis on a besoin d'un peu d'antibiotiques, ou on a besoin d'une pompe d'inhalateur pour traiter la crise d'asthme, ou on veut initier un traitement d'antidépresseur. Donc, c'est en ce sens-là, je veux dire, ça demeure une utilité, là. Et je pense que c'est encore très, très utile que, dans nos cabinets, on ait accès à cet échantillonnage-là pour justement dépanner des patients de façon ponctuelle sur de courtes périodes de temps. Tant qu'à l'effet sur l'habitude de prescription d'un nouveau médicament qui ne serait pas là, je ne pense pas, je vais dire, que ça ait une influence très importante, là, au niveau de la prescription médicale à moyen terme.

M. Couillard: Qu'est-ce que vous pensez de ces études récentes qui montrent que l'information véhiculée sous forme de publicité dans les périodiques médicaux a un impact majeur quant aux habitudes de prescription des médecins, au-delà de l'évidence scientifique disponible?

M. Raîche (Pierre): De fait, il y a sûrement une certaine influence, sinon je pense que l'industrie n'en ferait pas. Ce serait vraiment se mettre la tête dans le sable que de le nier. D'un autre côté, elles se doivent de faire connaître aussi leurs nouveaux produits. Et ce qui va permettre aux gens de faire une utilisation rationnelle est vraiment une formation continue qui ne doit pas, elle non plus, être désincarnée et doit être en lien avec ce qu'il y a de disponible. Or, le but de la formation, ce n'est pas la promotion des nouveaux médicaments, mais c'est beaucoup plus l'utilisation optimale de ce qui existe. Et, dans cette même lignée, d'ailleurs, la première proposition qu'on vous fait est d'attendre avant d'inscrire des produits sur la liste de médicaments accessibles, de façon normale qu'ils aient eu le temps de prouver une certaine plus-value. Or, je ne pense pas que même l'industrie pharmaceutique se rende service en poussant l'utilisation d'un médicament d'une façon non conforme à ce pourquoi il est destiné, c'est probablement la meilleure façon de brûler un produit. On est très conscients que les gens, étant maintenus au meilleur niveau possible de formation, vont recourir, d'une façon bien sélective, à ce qui est le plus approprié à chaque situation, et, en tant que payeurs de taxes au Québec, on est également très conscients qu'il faut y aller, hein, dans la mesure de nos moyens, et pas nécessairement dépenser le prix d'une Cadillac si la Volkswagen fait l'affaire.

M. Couillard: On a un bon principe, et je pense qu'il faut le répéter à nos concitoyens, que ce n'est pas parce qu'on utilise un nouveau médicament que nécessairement le traitement est meilleur ou que le résultat de santé est meilleur. Je pense qu'il faut... ça peut être le cas cependant, mais il faut être clairvoyant et discerner les choses d'après ce qu'on a comme information scientifique disponible.

Je voudrais compléter sur la question des médicaments d'exception qui est, comme vous l'avez dit, une disposition essentielle dans une liste de médicaments. Effectivement, on a commencé à alléger le processus avec la transmission en ligne. Vous avez raison, Dr Dutil, ce n'est pas tous les médecins qui utilisent l'informatique, mais de plus en plus cependant ils et elles sont assez versés dans ces technologies, et, je pense, dans l'avenir, ça va être de plus en plus répandu. Ce que vous proposez, au niveau d'un code pour le médicament d'exception, c'est quelque chose qui peut être envisagé, mais vous savez très bien que les critères de médicaments d'exception, souvent c'est des choses qui ne se résument pas à un code, ce n'est pas nécessairement un diagnostic, c'est une circonstance clinique par exemple. Est-ce que le patient a déjà essayé tel type de médicament avant de passer à celui-ci? Est-ce qu'il y a telle particularité de son évolution qui justifie le médicament d'exception? Ça me paraît difficile de résumer ça dans un code numérique.

M. Dutil (Renald): Oui, vous avez sans doute raison, là, mais, je dirais, tout dépend des modalités, là, hein? Tel code peut tenir compte de ce que vous venez de dire et tel autre code peut tenir compte d'une autre situation. Alors, nous, on a fait ces suggestions au président du Conseil du médicament qui était très intéressé par cela. Il y a des expériences analogues en Ontario là-dessus, sur l'inscription d'un code pour les médicaments d'exception. Alors, on vous propose d'examiner cette mesure qui apparaît très, très simple et qui rendrait moins irritante la procédure actuelle de la liste des médicaments d'exception. Et, si elle est beaucoup plus légère, on pourrait peut-être se permettre d'attendre un peu plus avant d'introduire, dans la liste régulière, des médicaments dont la plus-value générale est loin d'être démontrée. Elle n'est probablement pas là, et on pourrait utiliser des médicaments pas mal coûteux. Mais ce sont des médicaments qui devraient quand même être disponibles dans certaines situations, là, très, très ciblées. Alors, on vous fait cette suggestion, on est prêts à la regarder, mais la demande demeure la même, et je pense que je ne suis pas le seul à l'exprimer, il faut absolument alléger cette procédure. Et ce qu'on utilise en Ontario nous apparaît être intéressant à cet égard.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Dr Dutil, Dr Godin, M. Raîche, bienvenue au nom de l'opposition officielle. Dr Dutil, je me sens un petit peu en manque. Vous avez salué le ministre, vous ne nous avez pas salués.

M. Dutil (Renald): Alors, je vous salue deux fois, Mme Harel. C'est ingrat d'être dans l'opposition, je n'en disconviens pas.

Mme Harel: Ça commence... Sur cette question-là, de médicaments d'exception, dans votre mémoire, vous recommandez une procédure moins lourde, allégée. Vous faites référence à celle en vigueur en Ontario. Pourriez-vous nous la décrire?

M. Dutil (Renald): Bien, on se sert d'un code pour... un code qui réfère à une pathologie ou une situation pathologique donnée. Il y a des nuances entre les deux. Alors, l'exemple que donnait le ministre est pertinent à cet égard, je veux dire, ça peut être un problème ponctuel, ce problème peut être quelque chose à long terme. Il peut y avoir des conditions spécifiques qui font que cette fois-ci je dois prescrire ce médicament-là, mais c'est une condition très spécifique qui n'existerait pas ailleurs. Alors, ils ont différents codes, ils n'ont pas qu'un seul code, hein, par pathologie, là. Ils ont différents codes pour introduire les modalités auxquelles on réfère, et il peut arriver des situations que même là ce n'est pas suffisant, mais là on entre dans quelque chose de plus en plus pointu où là il peut y avoir demande de renseignements complémentaires faits au médecin prescripteur.

Mme Harel: Est-ce que la perception, là, à l'effet que, depuis deux ans, il y a beaucoup plus de médicaments sur la liste des médicaments d'exception, il y en a même qui ont été retirés de la liste générale pour se retrouver sur la liste des médicaments d'exception, est-ce que cette perception-là est fondée?

M. Dutil (Renald): Pierre... là-dessus...

M. Raîche (Pierre): Je pense que Louis est mieux placé que moi.

M. Godin (Louis): Je pense que, par rapport à la liste des médicaments d'exception, qu'est-ce qui est le plus difficile actuellement, c'est que, pour le médecin traitant, c'est une charge, je dirais, administrative qui est quand même importante, tout ce processus-là, et on convient que l'utilisation d'une liste de médicaments d'exception est quelque chose dont on ne peut pas se passer dans un régime, là, d'assurance médicaments comme on a.

Ce que l'on veut, c'est d'être capable justement d'alléger ça, où, à la fois lorsque le patient est dans le cabinet du médecin, le médecin puisse livrer son ordonnance et rapidement pouvoir coder le pourquoi il utilise un médicament qui est sur la liste des médicaments d'exception plutôt qu'un médicament qui est sur la liste régulière. Comme médecin clinicien ? et ça, je veux dire, je n'ai rien de scientifique à vous dire là-dessus ? mais c'est clair qu'on a l'impression qu'au cours des dernières années il y en a de plus en plus. Mais, compte tenu du nombre d'arrivées de nouveaux médicaments et de nouvelles molécules, que cette liste-là devienne plus importante, compte tenu du rythme d'introduction de nouvelles molécules, on n'est pas nécessairement surpris de ça. Mais oui, on a l'impression qu'il y en a plus, et ça ajoute à la lourdeur, je dirais, administrative de la pratique de la médecine. Et la notion d'un code qui se rajouterait à la prescription est quelque chose qui pour nous allégerait tout en réussissant à atteindre les objectifs qu'on se fixe à l'intérieur de ça.

Mme Harel: En fait, ce qui laisse place à l'interprétation, c'est que des médicaments qui étaient sur la liste générale ont été retirés pour se retrouver sur la liste des médicaments d'exception, et ce n'étaient pas des nouveaux, en fait, médicaments, puisqu'ils étaient déjà prescrits et approuvés sur la liste générale.

Sur la durée de la prescription, dans votre mémoire, là, vous intervenez sur cette question. Vous donnez un exemple, là: La prescription d'un extrait thyroïdien qui doit être pris indéfiniment, est-ce que ça devrait donner lieu à 12 renouvellements dans une année? Quand on voit la hausse du coût de médicaments, on se rend compte que c'est particulièrement le nombre d'ordonnances, 60 %, qui explique la hausse du coût; 28 %, c'est le nombre de participants; puis 12 %, je crois, le coût du médicament. Alors, selon vous, la durée de prescription qui est de 30 jours, je pense, au Québec, hein, ailleurs ça peut être 60 ou 90, est-ce qu'il y aurait intérêt à travailler sur cette question-là pour certains médicaments?

n (10 h 20) n

M. Dutil (Renald): Oui, je pense qu'il faut revoir cette question. L'exemple qu'on cite est pertinent. On aurait pu citer d'autres exemples. Il y a des patients dont l'état est bien stable et qui auront besoin, à l'année longue, de prendre un extrait thyroïdien, par exemple, et ils doivent, aux 30 jours, répéter leurs prescriptions. Ce sont des règles administratives qui existent. Ce n'est pas dans une loi, ça, de rendre la prescription caduque après 30 jours, il y a des règles administratives qui découlent tant des négociations ou des discussions entre les pharmaciens et le ministère au niveau de leur entente et qui découlent également du ministère, là, hein? Le ministère... Bon. Par exemple, un extrait thyroïdien, on pourrait fort bien le prescrire pour trois mois d'emblée ou six mois, là, hein? Le médecin habituellement, pour un patient qui est très stable depuis un bon bout de temps, il fait sa prescription pour un an, un comprimé par jour pour un an. Bon. Je pourrais comprendre trois mois ou six mois, là, mais les règles administratives, c'est que le ministère veut s'assurer d'avoir la coassurance à chaque mois et non pas, là, une fois par trois mois. Alors, il y a une base là-dessus. Puis, pour le pharmacien, lui, bien il y a des honoraires professionnels à chaque fois qu'il renouvelle une prescription, là.

Pour bien d'autres médicaments, c'est évident que, surtout un premier médicament, je ne sais pas, moi, d'avoir une ordonnance pour trois mois et d'en donner pour trois mois puis, après trois jours, le patient a des réactions secondaires et il y a une perte, on peut comprendre ça, là. Mais il y a un... Je pense qu'il faut réexaminer cette question-là qui explique pourquoi le nombre d'ordonnances est plus élevé au Québec et que la durée est plus courte qu'ailleurs. Alors, il y aurait, je veux dire, à réexaminer et à mettre les nuances qu'il faut mettre. Et actuellement ce renouvellement aux 30 jours, automatique pour tous les médicaments, à cause de règles administratives encore une fois, devrait être regardé. Parce qu'il y a des coûts, là, qui en découlent aussi là-dedans.

Mme Harel: Le fait est que, s'il n'y a pas de gratuité pour les personnes à très faibles revenus ou à faibles revenus, une prescription aux trois mois supposerait une coassurance qui serait coûteuse, là. En fait, ce ne serait pas plus coûteux que de la payer au mois, mais de la faire à un seul versement aux trois mois, ça pourrait être très exigeant à ce moment-là. Mais, quoiqu'il en soit, merci, là, d'avoir dressé un tableau plus complet.

M. Dutil (Renald): Mais il y a des coûts qui s'ajoutent également parce que c'est aux 30 jours, des coûts que n'assume peut-être pas directement la personne, mais qui vont être assumés par le régime général finalement, là. Alors, il faut regarder de telles modalités également, même si je conviendrais avec vous ou avec le ministre que ce n'est pas là qu'il y a les plus grands coûts, là, non plus, les plus grandes économies à faire.

Mme Harel: Mais du moins, en tout cas, en ayant un tableau complet, il faut prendre en considération les économies qui seraient possibles, mais tout en prenant en considération également une façon de ne pas pénaliser des personnes à faibles revenus qui auraient un versement à faire aux trois mois plutôt que mensuellement. En fait, je vous remercie.

En fait, ce sur quoi je voudrais surtout vous interroger, c'est sur les données IMS. En fait, c'est courant dans le milieu, les données IMS, tout le monde s'y réfère. J'ai suivi un cours sur les données IMS suite à une intervention, faite ici par un organisme qui vous a précédé, sur l'impact qu'ont ces données IMS. J'ai compris qu'il y avait un profil qui était fait, qui est nominalisé. En fait, ce qui est dénominalisé, c'est le patient, mais ce qui est nominalisé, c'est le médecin prescripteur qui en fait se trouve sur des tableaux, là, qu'on m'a montrés, en fait le nom du médecin prescripteur, et puis dépendamment de son niveau de prescription, si vous voulez, pour un médicament donné. Par exemple, c'étaient les maladies lipidiques, n'est-ce pas, dans les cas de cholestérol, puis là on pouvait voir ce qui avait été prescrit, et ce qui est prescrit par les concurrents, et ce qui est prescrit. Donc, déjà, l'industrie a en main le profil nominalisé au nom de chaque médecin prescripteur, son profil de prescription, et puis fait des représentations auprès de ces plus gros médecins prescripteurs. On m'a parlé de la règle du 20-80, vous la connaissez sûrement, cette règle du 20 % qui prescrit 80 %, du 20 % de médecins qui prescrivent 80 % dans certaines cohortes de médicament, et du fait que souvent une partie de l'éducation médicale continue ne s'adresse pas à tous les médecins mais principalement aux gros prescripteurs pour maximaliser, là, la prescription de médicaments. Certainement que vous connaissez toutes ces données que, moi, je vous apporte ce matin. Que pensez-vous de ce profil nominalisé qui est utilisé par l'industrie?

M. Raîche (Pierre): Ah! De fait, IMS nous garantit que les profils qui sont fournis sont des profils de groupes de 15 individus, et, si par malheur les profils nominalisés étaient pratique courante, je vous prédis un désengagement majeur pour la majorité des prescriveurs. Quant à la...

Mme Harel: Attendez. Vous me dites donc: Un désengagement, parce que la loi permet le désengagement...

M. Raîche (Pierre): En «opting out».

Mme Harel: ...seulement à la demande du...

M. Raîche (Pierre): Du médecin.

Mme Harel: ...du prescriveur, hein?

M. Raîche (Pierre): Du médecin, en «opting out». En bon français, là.

Mme Harel: Et, si la preuve vous était faite que c'est nominalisé, comment réagirez-vous?

M. Raîche (Pierre): À ce moment-là, je pense qu'on réagirait très mal. Parce qu'on nous a dit que ces données-là étaient disponibles en regroupement minimalement de 15 personnes. Quant à l'utilisation qu'on peut en faire pour cibler de la formation, lorsque cette formation-là est organisée par un organisme agréé, celui-ci reçoit des subventions non restrictives à la formation, et les invitations ne sont pas envoyées aux médecins qui sont des gros prescriveurs, elles sont envoyées à la population générale. Vous comprendrez que, dans certains cas bien particuliers, les gens qui utilisent plus de médicaments dans un champ donné sont... parce qu'ils ont une pratique qui est plus ciblée et que forcément ils vont être également ceux qui auront le plus d'intérêt de participer à une formation. Ça, ça va de soi. Mais la disponibilité à large échelle, enfin pour tout le monde, se caractérise par une invitation qui est non restrictive, et toutes les activités de formation élaborées par notre organisme, par exemple, sont destinées à tous les membres.

Mme Harel: Est-ce qu'il y a d'autres activités de formation que les vôtres? Vous disiez, dans votre mémoire, être responsables du deux tiers des activités de formation. Alors, l'autre tiers est réalisé par qui?

M. Raîche (Pierre): L'autre tiers est partagé par les quatre facultés de médecine au Québec, l'Association des médecins de langue française et le Collège québécois des médecins de famille. Il y a deux autres organismes agréés au Québec, mais dont la clientèle est plutôt des spécialistes, soit le Collège royal et également la Fédération des médecins spécialistes du Québec.

Mme Harel: Alors, je comprends que, si la démonstration vous est faite que ces profils sont nominalisés au nom du médecin, la FMOQ ne pourrait pas accepter que de telles choses se produisent. Est-ce que je comprends bien?

M. Dutil (Renald): Vous comprenez bien, Mme Harel. Je veux dire, un médecin qui apprend que son profil de prescription est transmis par des pharmaciens de son milieu à une compagnie, que ce soit IMS ou une autre, peu importe, que c'est transmis à son insu, est très irrité, et je peux le comprendre, et nous avons fait des représentations là-dessus. Et il y a eu un projet de loi qui est passé en première, deuxième, troisième lecture la même journée alors que c'était M. Legault qui était ministre de la Santé. On a été tous surpris à ce moment-là, parce qu'il y a des problèmes de confidentialité, qui est importante, là, il faut bien le dire.

Il y a, dans le bulletin d'IMS Canada par exemple, il y a une formule qui paraît régulièrement, donc il y a une option de ce qu'on appelle un «désengagement» ou de l'«opting out», mais ce n'est pas la même chose, l'«opting out» puis l'«opting in», hein, vous savez fort bien cela. Alors, est-ce suffisant de pouvoir être «opting out»? Une chose est certaine, les médecins ne veulent pas, et leurs fédérations non plus, que le profil nominalisé de prescription de nos membres ou des omnipraticiens soit transmis à qui que ce soit. Je veux dire, on a déjà la Régie de l'assurance maladie, là, qui, je veux dire, reçoit des informations. Bon. Il y a dans le projet de loi n° 83 d'autres dispositions concernant toute la transmission de l'information clinique. Pour nous, on préfère se donner un cadre législatif relativement sévère à cet égard, et nous n'avons pas été particulièrement heureux de la rapidité avec laquelle ce projet de loi avait été adopté.

Mme Harel: Est-ce que vous parlez du projet de loi sur l'accès aux renseignements personnels dans le secteur privé?

M. Dutil (Renald): Oui, c'est celui-là, là, je pense. Je ne me souviens pas du titre exact, là, de ce projet de loi, là, mais... qui touchait cette question.

Mme Harel: Alors, concernant le forum, le forum qui est prévu dans le projet de politique du médicament, forum qui met en présence les ministères, notamment Santé et Services sociaux, Développement économique, et l'industrie pharmaceutique, vous y voyez comment la participation du monde médical?

M. Dutil (Renald): Bien, je pense qu'elle est importante, la participation du monde médical. Les médicaments à date sont encore prescrits par les médecins. D'abord, nous, comme fédération, on représente les omnipraticiens, et, à eux seuls, ils prescrivent 75 % des médicaments, soit comme renouvelant une prescription d'un confrère spécialiste ou initiant une prescription. Alors, nous trouvons l'idée intéressante d'avoir un forum permanent d'échange, tel que c'est explicité dans le projet de politique du médicament. Ça nous apparaît quand même important que le monde médical y participe, bien sûr parce qu'il est au coeur, là, de cette question. Le monde médical, c'est les médecins, mais c'est bien sûr également les pharmaciens, c'est d'autres professionnels de la santé également qui ont, je veux dire, une action et une influence là-dedans.

Mme Harel: ...voyez y être représentés par le collège?

n (10 h 30) n

M. Dutil (Renald): Nous, nous croyons que le collège bien sûr doit se retrouver sur ce forum, mais nous pensons, nous, que nous devons nous y retrouver également, parce que notre mandat est quand même un peu différent de celui du collège, et notre implication en formation médicale continue nous habilite certainement, nous donne certainement les crédits voulus pour participer à un tel forum.

Mme Harel: Merci. Merci.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Lotbinière.

Mme Roy: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir à mon tour de vous saluer au nom de l'Action démocratique. Il y a un point sur lequel je voudrais qu'on revienne, vous l'avez abordé dans votre mémoire et dans votre présentation, là, avec Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve aussi, compte tenu de l'importance de cette question, sur les médicaments d'exception. J'ai compris qu'il y avait deux... Vous avez dit que les transmissions de demandes étaient trop longues. J'ai compris que la rédaction de la demande était longue, ardue et lourde administrativement. Je voudrais savoir, parce qu'on l'entend, quel est votre point de vue là-dessus, à l'effet que ce soit si long, si lourd que certains médecins finalement décident de prescrire autre chose que ce qu'ils avaient l'intention de faire. Je voudrais entendre votre point de vue là-dessus.

Et, deuxièmement, quand vous dites: Trop long, est-ce que vous parlez de la réponse à votre demande en tant que médicament d'exception? Admettons, vous demandez une pompe, pour nommer celui-là, combien de temps ça peut prendre avant cette réponse-là? Et est-ce que ces délais-là peuvent nuire au traitement ou à la... Vous comprenez ce que je veux dire, là?

M. Godin (Louis): Bon. Pour ce qui est de la lourdeur et de l'influence que ça peut avoir, c'est sûr qu'on a, nous aussi, entendu ces commentaires-là. Il n'en demeure pas moins que je ne crois pas, je veux dire, qu'un médecin qui est face à un patient et qui juge qu'il doit bénéficier d'une molécule par rapport à une autre s'empêche de la prescrire à cause de cette lourdeur-là. Cependant, qu'est-ce que ça fait, c'est que, le temps qu'il va passer pour compléter ça, pendant ce temps-là il ne verra pas un autre patient, il va avoir moins de temps à consacrer aux activités cliniques, et en bout de ligne, je veux dire, ça a un effet. On est dans une situation actuellement où on est en grande pénurie de médecins omnipraticiens, surtout pour les services de première ligne, donc ça a une influence en bout de ligne sur l'accessibilité, je veux dire, des médecins.

Tant qu'à la réponse, cette situation-là s'est quand même beaucoup améliorée au cours des dernières années, la réponse est beaucoup plus rapide. En général, je veux dire, sur un espace de quelques heures, cette réponse-là va être donnée. Bien que ce serait encore beaucoup plus intéressant si elle serait encore plus courte, parce que, là, je veux dire, ça doit être transmis à la Régie de l'assurance maladie qui retourne au pharmacien. Ce serait beaucoup plus facile si, en quittant le bureau du médecin, il pouvait se rendre directement à la pharmacie, que ce soit introduit avec les différents codes que l'on propose et que la réponse se fasse beaucoup plus rapidement. Je pense qu'on sauverait beaucoup, beaucoup de temps, et on augmenterait beaucoup plus l'efficacité, puis ça nous permettrait d'utiliser beaucoup plus cette façon de faire qu'actuellement.

Mme Roy: Vous pensez à un système comme celui, là, des assurances privées de médicaments où on arrive avec notre carte, puis le pharmacien sait si ce médicament-là est assuré ou pas?

M. Godin (Louis): Écoutez, je ne voudrais pas rentrer, là, dans la mécanique technique, là, qu'il pourrait y avoir parce qu'on n'est pas allés jusque-là dans notre proposition, mais il pourrait très bien arriver que, pour un médicament, il y ait une série de codes qui donneraient accès à ce médicament-là, autant sur un médicament en particulier que sur les raisons qui demandent qu'il soit utilisé plutôt qu'un autre puis de considérer un médicament qui est sur la liste d'exception.

Mme Roy: Merci.

Le Président (M. Copeman): Bien, il reste une minute, Mme la députée de Rimouski. Si vous êtes capable de poser votre question et obtenir une réponse, allez-y.

Mme Charest (Rimouski): Pourquoi pas? Merci, M. le Président. Hier, nous avons reçu des groupes, et on parlait du fonds qui serait dédié à la formation que le ministre a mis dans ses propositions. Eux trouvaient intéressant que ce soit le comité du médicament qui en assume la responsabilité, de ce fonds. Alors, je voulais vous entendre là-dessus compte tenu de ce que vous avez comme recommandations pour la formation médicale. Parce que pour eux ce fonds, s'il était confié à un organisme indépendant, en dehors des firmes pharmaceutiques, des entreprises pharmaceutiques, ça donnerait en tout cas le sentiment d'indépendance, de transparence et d'objectivité scientifique et technique, qu'est-ce que vous en pensez?

M. Dutil (Renald): Bon. Si un tel fonds doit exister ? on est encore perplexes sur sa pertinence ? vous venez d'exprimer les principes qui devraient gouverner, là, je veux dire, encadrer, là, l'utilisation de ce fonds, c'est-à-dire qu'il soit confié à quelqu'un d'indépendant, de neutre, qui a l'expertise voulue pour le faire. On serait inquiets si ce n'était que le seul ministère de la Santé ou le seul gouvernement. Malgré la toute bonne foi des gens qui se retrouvent à ces niveaux-là, on serait inquiets que ce ne soit que le gouvernement qui en ait la gestion complète. Il faudra qu'il y ait un organisme quelque part indépendant, neutre et impartial, ayant également l'expertise voulue, et, nous, on proposait, s'il doit exister, qu'il soit affecté à des projets spécifiques en formation médicale continue et que ce soient des activités également dispensées par des organismes agréés de formation. Un organisme agréé de formation doit respecter d'abord le code d'éthique du Conseil de l'éducation médicale continue et il doit répondre à une série de règles pour s'assurer de la qualité de la formation qu'il dispense. Il y a des crédits qui sont rattachés à la formation, et vous ne pouvez pas avoir de crédits de catégorie un, là, dans notre langage, par exemple, si cette activité de formation n'est pas dispensée par un organisme agréé de formation. Alors, il y a toute la qualité de la formation également, là, qu'on veut préserver, là, quand on dit que, si un tel fonds doit exister, bon, il doit être utilisé pour des activités dispensées par des organismes agréés de formation.

Le Président (M. Copeman): Merci, Dr Dutil, Dr Godin, Dr Raîche, pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

J'invite immédiatement les représentants de la Fédération des médecins spécialistes du Québec à prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Copeman): La commission poursuit ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons le Dr Dugré, président, Dr Hudon, de la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Bonjour, messieurs. Je vous rappelle, comme je fais pour tous les groupes, que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. La parole est à vous, Dr Dugré.

Fédération des médecins spécialistes
du Québec (FMSQ)

M. Dugré (Yves): Bonjour, M. le Président, M. le ministre, Mme la représentante de l'opposition officielle, Mmes, MM. les parlementaires. La Fédération des médecins spécialistes du Québec remercie la Commission parlementaire des affaires sociales de l'occasion qui lui est offerte d'exprimer son opinion sur la politique du médicament.

Je suis accompagné du Dr Gilles Hudon, qui est directeur des politiques de la santé et de l'Office de développement professionnel à la fédération et également radiologiste à l'Institut de cardiologie de Montréal. Nous ferons la présentation conjointement. Je ferai la présentation préliminaire, les grands points sur lesquels nous voulons insister, et mon collègue le Dr Hudon viendra par la suite en suivant à peu près l'ordre des propositions ministérielles.

n (10 h 40) n

D'abord, la fédération rappelle que nous avons toujours été disposés à collaborer avec le Conseil du médicament et des activités connexes comme la table de concertation. Nous avions déjà salué l'introduction de ces tables de discussion et du Conseil du médicament. Pour plusieurs spécialités médicales, particulièrement dans la Fédération des médecins spécialistes, la médication a un rôle prépondérant dans le traitement de leurs patients. Pour plusieurs d'entre eux, les internistes, par exemple, les rhumatologues, les oncologues, la médication est comme le bistouri dans les mains du chirurgien.

Les médecins spécialistes et ces médecins sont perçus par leurs patients comme des professionnels autonomes et les experts dans la connaissance, le diagnostic et le traitement des pathologies complexes et ils se croient habilités à prescrire des médicaments qu'ils jugent appropriés à leurs patients. Les médecins spécialistes donc sont sensibles à des mesures externes imposées qui ne tiendraient pas compte du niveau de spécialisation médicale ayant mené à la capacité de décider eux-mêmes de l'utilisation d'un médicament. Donc, ils sont sensibles ? certaines spécialités en particulier ? à des mesures de restriction à l'accessibilité de certains produits et à des règles d'utilisation imposées sans une participation adéquate au processus décisionnel.

Ce processus d'établissement de normes et/ou d'indication thérapeutique pour certains médicaments ou classes de médicaments est l'élément qui a fait l'objet de très nombreuses interventions de la part d'associations de spécialistes et de la fédération dans les dernières années. Nous croyons sincèrement qu'il y a lieu d'améliorer ce processus. La façon dont la liste des médicaments d'exception est faite et la bureaucratie exigée pour avoir accès à ces médicaments sont les deux éléments principaux à améliorer. La FMSQ convient cependant que cette liste de médicaments d'exception fait partie intégrante d'une liste de médicaments et que c'est un outil inévitable et nécessaire parmi tant d'autres. M. le ministre, vous avez déjà convenu d'apporter des améliorations à ce chapitre.

La Fédération des médecins spécialistes du Québec convient également, comme presque tout le monde, que le coût des médicaments, en raison tant des molécules que du nombre de prescriptions, peut devenir insoutenable si rien n'est fait. Les médecins spécialistes, de par leur formation, sont cependant extrêmement sensibles, je le répète, à des arguments qui mélangent le contrôle budgétaire et la valeur thérapeutique d'un produit. Ces deux éléments coïncident inévitablement mais doivent demeurer identifiables, au risque d'enlever toute crédibilité à l'expertise scientifique. Nous recommandons donc à ce sujet d'utiliser davantage l'expertise externe, si nécessaire, au Conseil du médicament afin de réduire l'apparence de répondre à des commandes budgétaires et économiques.

L'évolution de la pratique médicale vers l'ambulatoire demande également une plus grande cohérence dans la politique du médicament, et mon collègue y reviendra. Et, si le patient déjà sous médication chez lui doit retrouver à l'hôpital la même sécurité lorsqu'il devient hospitalisé et inversement lorsqu'il quitte l'hôpital vers chez lui ou le milieu ambulatoire, je crois comprendre qu'un ajustement sera fait dans ce sens. Les budgets hospitaliers, dans plusieurs cas, en seraient soulagés.

Les membres de la fédération, en raison justement d'un rôle d'intervenants de deuxième et de troisième ligne, sont mal à l'aise avec les décisions passées concernant les restrictions à certains médicaments. En effet, pour certains spécialistes... pour nommer quelques-uns, rhumatologues, oncologues, par exemple, doivent avoir recours quotidiennement, dans leur pratique régulière, quotidiennement à des médicaments sur la liste d'exception. Ne devrait-il pas y avoir des prescripteurs d'exception dans certains cas et reconnaître les niveaux de soins dans tous les mécanismes ou dans les règles administratives que nous faisons?

Également, la thérapie pharmacologique et l'utilisation optimale des médicaments doivent être mises en perspective avec d'autres thérapies et ne pas être regardées seulement, selon l'expression, en silo. Exemple, les autres alternatives peuvent être la chirurgie, la radiothérapie, la physiothérapie et que sais-je. Ainsi, lorsqu'on met en perspective les coûts des alternatives au traitement, il serait plus facile de justifier certains médicaments quand l'autre option est nettement plus chère avec les mêmes résultats.

En conclusion, la fédération est d'accord en grande partie avec le document mais a des divergences sur certains moyens à prendre pour améliorer le système. Entre autres, nous recommandons fortement une révision du Conseil du médicament, tant dans sa composition et dans son rôle. Enfin, et je pense que nous avons été des médecins, entre autres, nous avons demandé également, comme nos collègues qui nous ont précédés, un assouplissement net des mesures administratives sur l'accessibilité. Et là-dessus je laisse le Dr Hudon poursuivre.

M. Hudon (Gilles): Merci. Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires, nous aimerions maintenant vous présenter des commentaires et suggestions plus spécifiques à certaines des propositions ministérielles exprimées dans le document de consultation, nos remarques étant inspirées à la fois par notre étude du document et par la participation des médecins spécialistes à la table de concertation et au comité de gestion associés au Conseil du médicament.

Nous commençons avec la proposition ministérielle 3 dont le volet sur les médicaments d'exception est accueilli avec grande satisfaction. Des difficultés administratives à surmonter afin d'accéder à la prescription des médicaments d'exception ? et ça constitue environ 13 % des médicaments de la liste du régime général d'assurance médicaments ? ces difficultés administratives sont en effet une source constante d'irritation, et la disparition de l'actuelle demande d'autorisation, le formulaire 3633, est certes souhaitée par les médecins spécialistes.

Le document de consultation du ministre propose quatre moyens fort intéressants d'assouplissement pour la prescription des médicaments d'exception, et nous demandons à pouvoir poursuivre rapidement avec vous les discussions afin qu'ils soient mis en application. À noter cependant que le cinquième, c'est-à-dire la transmission des formulaires en recourant davantage aux services en ligne, ne nous apparaît rien changer et ne nous apparaît pas plus acceptable et probablement pire que le formulaire papier. Pour l'instant, en tout cas.

Par la proposition ministérielle 4, le ministre reconnaît la surcharge de travail imposée aux médecins, et nous apprécions qu'il veuille les rémunérer pour cet acte. Cependant, les médecins spécialistes préféreraient de beaucoup que remplir le formulaire requis devienne aussi une procédure d'exception et que cette rémunération proposée reste peu utilisée.

La proposition ministérielle 5, à savoir d'assurer une plus grande transparence du processus et des décisions à l'inscription d'un médicament à la liste, est pour nous le point capital de notre présentation de ce matin. Nous sommes d'avis que la valeur thérapeutique des médicaments de chaque classe doit être évaluée par autant de groupes d'experts différents et reconnus par leurs pairs, cherchant l'évidence basée sur les preuves disponibles à la fois dans la littérature scientifique, en prenant également en compte l'expertise des cliniciens et les attentes des patients. Ce sont les fondements mêmes de la médecine, qu'on dit basés sur les preuves, tels que définis par David Sackett, et ça, au-dessus des considérations économiques et politiques. Ces considérations économiques et politiques seront prises en compte ultérieurement s'il y a lieu par les membres du Conseil du médicament qui auront reçu les comptes rendus des experts ad hoc, experts en pharmacologie.

Nous proposons donc que l'évaluation scientifique de toute nouvelle médication ou indication thérapeutique présentée au Conseil du médicament soit faite par des experts du champ concerné, que cette évaluation soit disponible pour analyse, que les associations professionnelles et le Collège des médecins du Québec soient sollicités pour désigner les experts dans un champ particulier. Quant à sa composition, nous croyons intéressant que le Conseil du médicament soit constitué, comme actuellement, de médecins, de pharmaciens, de membres sociétaux, etc., et à cet effet nous proposons que les nominations au Conseil du médicament fassent l'objet de consultations auprès du Collège des médecins du Québec, de l'Ordre des pharmaciens, des fédérations médicales, de l'industrie pharmaceutique et de la Commission des affaires sociales.

Et je passe maintenant à la proposition ministérielle 8 qui demandait que les avis du conseil soient transmis aux hôpitaux. En corollaire à cette proposition, je crois qu'il serait tout aussi pertinent que les travaux des comités de pharmacologie des établissements, particulièrement des hôpitaux universitaires ou des RUIS en devenir, soient eux aussi transmis au Conseil du médicament. Ces comités de pharmacologie des hôpitaux universitaires disposent d'une expertise considérable dans leur champ d'intervention.

Concernant la proposition 17 et la rédaction de lignes directrices, nous croyons que le recours à une rédaction collégiale par des experts externes reconnus par leurs pairs amènerait crédibilité et acceptation par la communauté médicale. Des critères imposés d'utilisation ont peu de chances d'atteindre leur but. Nous proposons donc que la rédaction scientifique de critères d'utilisation optimale des médicaments devant être présentés au Conseil du médicament pour diffusion soit faite par des experts du champ concerné, que les fédérations de médecins, les associations professionnelles et le Collège des médecins du Québec soient sollicités pour désigner les experts dans un champ en particulier et que ces critères soient disponibles pour analyse avant diffusion.

n (10 h 50) n

La proposition ministérielle 18 est à l'effet de «revoir le mandat, statuer sur la composition de la table de concertation et clarifier son rôle et ses responsabilités afin qu'elle devienne ? et je cite ? le forum privilégié en matière d'utilisation optimale des médicaments». Nous y souscrivons entièrement, car la table de concertation a été trop souvent pour nous source d'une grande déception. Nous proposons aussi que la table relève directement ? et ici il y a une erreur dans notre mémoire ? du ministre ? c'est marqué ministère ? que la table relève directement du ministre de la Santé et des Services sociaux, auquel seront transmis les avis de cette table de concertation.

D'autre part, certaines mesures d'utilisation optimale des médicaments sont proposées. L'essence de la proposition ministérielle 22, à savoir d'informer les citoyens, est parfaitement en ligne avec une suggestion de la FMSQ à la commission Clair en 2000 disant qu'il fallait responsabiliser à la fois le prestataire de soins et le consommateur de soins en termes de consommation de médicaments.

Quant à l'intention thérapeutique, le document de consultation nous la présente comme une information transmise au pharmacien, qui pourrait ainsi ajuster ses interventions à la situation du patient. Ceci n'est pas sans causer une certaine difficulté en milieu hospitalier... Pas en milieu hospitalier, où il existe déjà entre le médecin et le pharmacien une relation de collaboration en tant que partenaires d'une même équipe de soins, mais, en pharmacie communautaire, la situation est différente. Il existe beaucoup moins de relations de proximité entre les pharmaciens communautaires et les médecins spécialistes. De plus, la dualité commerciale et professionnelle du pharmacien communautaire amène une certaine réserve. Les médecins spécialistes sont ouverts aux suggestions et conseils des pharmaciens, mais ils ne veulent pas que le pharmacien se substitue à eux pour proposer un traitement alternatif basé sur sa compréhension du problème du patient. Par ailleurs, les profils de prescription sont présentés comme un moyen de rétroaction auprès des prescripteurs. Ils sont pour nous tout à fait acceptables s'ils sont personnalisés et non utilisés comme unique moyen de contrôle.

Nous soutenons la proposition ministérielle 23 et la proposition ministérielle 24 d'encourager la formation professionnelle continue et la mise en place d'un fonds particulier. Mais, là, je ne m'attarderai pas, disons, aux considérations d'aujourd'hui, mais je vais plutôt parler pour le futur. En ce sens, nous sommes d'accord avec le grand courant international qui se désigne, particulièrement avec l'Union européenne des médecins spécialistes et l'Association médicale canadienne, que le financement du développement professionnel continu des médecins doit être assuré par leur employeur, comme tous ceux des autres employés ou des gens qui travaillent pour un organisme donné, et, dans notre cas, c'est l'État. J'ai bien dit financement et non pas nécessairement gestion.

La fédération souscrit aussi à la proposition ministérielle 26 d'établir des règles claires entourant les pratiques commerciales pour l'ensemble des compagnies pharmaceutiques, cela va de soi. Concernant les échantillons cependant, nous comprendrions un encadrement souple, mais nous nous opposons à leur interdiction pure et simple. Les échantillons sont au contraire jugés utiles et économiques pour la RGAM dans plusieurs circonstances et par plusieurs médecins.

Concernant les ententes de partenariat avec l'industrie pharmaceutique, le document fait état que deux ententes ont été convenues avec les fabricants des inhibiteurs de la pompe à proton et des inhibiteurs sélectifs, des Coxibs. La Fédération des médecins spécialistes du Québec a participé depuis le début à ces comités de gestion mis sur pied dont les résultats ont malheureusement été jusqu'à présent plutôt minces. Elle souhaite néanmoins continuer de collaborer et souhaite une amélioration des mécanismes d'opération de ces comités. La FMSQ souscrit donc à la proposition ministérielle 32 de conclure des ententes générales de partenariat avec les associations de fabricants de médicaments mais aimerait que la proposition indique aussi que le gouvernement investira lui-même dans la création et la tenue d'activités de formation et de recherche sur la thérapie optimale.

En conclusion, la fédération a salué la création du Conseil du médicament lors de sa création en 2002. Elle a aussitôt fait part de son intention de collaborer avec lui dans son mandat de favoriser l'utilisation optimale des médicaments. Nous avons diffusé ce message dans notre journal Le Spécialiste et nous désirons continuer mais dans un climat de collaboration. Les médecins spécialistes veulent ainsi contribuer à maintenir pour leurs patients l'accessibilité aux médicaments requis par leur état de santé, et nous croyons que l'utilisation optimale est un bon moyen d'y arriver. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci, Dr Dugré, Dr Hudon. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Dr Dugré, Dr Hudon, pour votre visite. J'aurais quelques remarques préliminaires puis par la suite des éléments de discussion que j'aimerais aborder avec vous. Je pense que, Dr Hudon, l'État n'est pas l'employeur des médecins. Je pense que c'est important. À moins que vous le souhaitiez. Dans le cadre médical québécois, les médecins sont des professionnels autonomes qui ont des ententes contractuelles avec le gouvernement du Québec, mais il n'y a pas de relation employeur-employés entre le gouvernement du Québec et la profession médicale. Et, si c'est ce qui est souhaité maintenant, je pense que ce serait un changement assez appréciable du monde médical et du monde de la santé au Québec. Mais je ne pense pas que c'est ce que vous vouliez dire, mais je pensais important de remettre les pendules à l'heure.

Évidemment, beaucoup de la discussion porte sur le Conseil du médicament, qui est, comme tout élément de contrôle, comme tout organisme de contrôle, toujours désagréable. Il n'y a pas d'élément de contrôle qui est considéré comme agréable, par définition. Et je crois que certaines mises au point s'imposent, parce que, si on compare le fonctionnement et la transparence... Et encore qu'il faut l'ajouter, on le fait dans la proposition de politique. Si on compare, par exemple, les processus du Conseil du médicament à ceux du Common Drug Review, la plupart des gens s'entendent pour dire que le Conseil du médicament n'a rien à envier, sur le plan de la transparence et de l'accessibilité, à son homologue des autres provinces canadiennes, et la preuve étant que, lorsqu'on mentionne la possibilité d'adopter des politiques similaires au Common Drug Review, en général c'est accueilli avec un certain frisson. Et je pense que, là, il faut reconnaître que du côté de la transparence... Et il faut faire des gains, on va l'améliorer, la transparence. On le fait, là, du côté de la transparence et de l'accessibilité. Le Conseil du médicament a déjà, je pense, des choses intéressantes à son actif, et bien sûr on veut aller plus loin.

Évidemment, la question de l'expertise des médecins spécialistes comme classe professionnelle n'est certainement pas à discuter, et c'est une bonne chose qu'elle soit reconnue. Et, dans un monde idéal, elle serait uniforme, homogène et assurée. Cependant, dans le monde réel dans lequel nous sommes, il y a deux éléments dont on doit tenir compte, c'est que, comme je l'indiquais moi-même lors d'un groupe précédent, le fait qu'on est médecin spécialiste et qu'on a prescrit pendant quelques années une classe de médicaments particulière ne fait pas de nous nécessairement un expert sur la pharmacologie ou la pharmacoéconomique de ce médicament-là, loin de là. Et, deuxièmement, force est de constater, à la lumière des études publiées dans la littérature, que les influences déterminant la prescription du médecin ne sont pas uniquement des influences purement scientifiques ou objectives ? on aimerait que ce soit le cas ? mais il y a des études, dont des études récentes, qui montrent que les pressions en termes de représentation commerciale ont également une influence démontrable en termes de l'acte de prescription du médecin, et il faut mettre ça dans la perspective.

Vous avez parlé, Dr Dugré, de la nécessité de distinguer l'élément budgétaire et la valeur ajoutée du médicament. Ça nous rapporte aux critères utilisés par le Conseil du médicament pour faire ses analyses, critères qui étaient d'ailleurs définis à l'article 57.1 de la loi fondatrice du conseil. Je vais les indiquer parce qu'ils sont très importants. Et il est très important également de faire connaître à nos partenaires et à la population que tous ces critères ne sont pas encore appliqués, ils sont en train d'être appliqués avec la consultation auprès d'organismes tels que la FMSQ, d'ailleurs.

Alors, le premier critère qui est actuellement appliqué, c'est la valeur thérapeutique de chaque médicament sur la base de données scientifiques probantes. Deuxièmement, la justesse du prix ? c'est la partie du deuxième critère qui est actuellement utilisée ? et le rapport entre le coût et l'efficacité de chaque médicament. Ça, c'est plus problématique, vous l'avez bien expliqué. C'est plus problématique à définir, c'est pour ça qu'on a des conversations actuellement. Troisièmement, l'impact de l'inscription de chaque médicament à la liste sur la santé de la population et sur les autres composantes du système de santé. Voilà donc votre préoccupation quant à l'utilisation d'un médicament par opposition à une chirurgie, par exemple, sur l'ensemble du système de santé. Et, quatrièmement, l'opportunité de l'inscription d'un médicament à la liste en regard de l'objectif du régime général qui est d'assurer un accès raisonnable et équitable aux médicaments requis par l'état de santé des personnes. Voici donc les quatre critères que la loi indique, et, pour trois et demi de ces critères, des travaux restent à faire. Et on prévoit leur implantation totale probablement autour du printemps 2006, et vous êtes parmi les associations et les organismes qui sont consultés pour la façon dont nous allons incarner, nous allons appliquer ces critères-là, qui sont de la plus grande importance.

Quant à la composition actuelle du Conseil du médicament ? et on est d'accord avec le fait qu'il faut probablement améliorer les choses et rendre le conseil plus transparent, encore une fois, et plus souple sur certains points ? il faut quand même indiquer que, sur 15 membres du Conseil du médicament, quatre sont des médecins, dont trois des médecins spécialistes, que c'est inexact cependant de dire que c'est une expertise fermée, puisque l'expertise externe est utilisée très largement par le Conseil du médicament. J'ai ici un document de leur part qui indique qu'il y a 120 personnes qui sont utilisées, dont 78 médecins spécialistes. Alors, il y a quand même actuellement des médecins terrains de toutes les spécialités qui sont consultés sur la base de ces différents projets d'évaluation. Il faut d'ailleurs les remercier, ces médecins spécialistes, de participer aux travaux, parce que, compte tenu de la surcharge de travail clinique qui est la leur, qu'ils acceptent de consacrer du temps à cette activité est tout à leur honneur et tout au bénéfice de la société.

n (11 heures) n

Pour ce qui est de la classe des médicaments d'exception, vous avez effectivement, je crois, salué favorablement notre proposition de créer des classes de prescripteurs agréés automatiquement selon certaines spécialités ou certaines circonstances. Je pense que ceci devrait être de nature à améliorer les choses.

Passons maintenant à vos recommandations quant à, par exemple, la composition du Conseil du médicament. Vous demandez que l'on consulte plusieurs organismes pour la nomination au conseil, dont l'industrie pharmaceutique. Ceci, pour certaines personnes, pourrait sembler assez surprenant. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous pensez que l'industrie pharmaceutique devrait être consultée sur la nomination des membres du conseil, compte tenu que la finalité du conseil souvent est de prendre des décisions qui sont difficiles pour ladite industrie?

M. Hudon (Gilles): Disons qu'il y a, si je me souviens bien, quatre organismes dont le nom est mentionné. Si on en consultait trois, ce serait déjà très bien. Ce n'était qu'une proposition ou suggestion.

D'autre part, l'industrie du médicament a certainement un rôle à jouer dans la sensibilisation et des prestateurs de soins et des consommateurs de soins sur l'utilisation optimale des médicaments. Il faut que le message de l'industrie soit concordant entre leur force d'éducation et leur force de vente. Je ne sais pas si l'industrie devait être présente sur toutes les tribunes où nous allons interagir entre le Conseil du médicament et les médecins, mais il faut considérer que fréquemment l'industrie a sa place.

Maintenant, M. le Président, est-ce que je peux prendre l'opportunité qu'on m'ait donné la parole pour quand même répondre à certains commentaires de M. le ministre? D'abord, je reviens au sujet du financement du développement professionnel continu. Le raisonnement de l'Union européenne des médecins spécialistes, qui regroupe maintenant plus de 15 pays, donc avec des systèmes plus ou moins différents, montre qu'en général, d'une part, il y a des coûts au développement professionnel des médecins, et plus on investira, plus ils seront meilleurs, parce qu'on a fini de penser que d'avoir un diplôme, on peut surfer sur la vague pendant 35 ans et qu'on va toujours rester compétent. Donc, c'est une absolue nécessité que d'avoir un développement professionnel continu, qu'il y a des coûts rattachés à ça et que, dans la plupart des systèmes européens ? et je pense que ça nous touche de plein fouet, nous ? le médecin ne peut pas augmenter ses tarifs, par exemple, pour pouvoir compenser pour ses dépenses et ne peut pas non plus augmenter son temps de travail en général parce que même il est souvent à l'intérieur de plafonnements d'activité. Alors, je vous l'ai dit, c'est très futuriste, mais, si on veut que la formation professionnelle des médecins soit complètement séparée de toute ingérence extérieure commerciale, bien il va falloir oser regarder des règlements ou des propositions plus audacieuses.

Pour ce qui est des critères que la loi impose au Conseil du médicament comme tableau de bord, nous sommes en parfait accord. Et nous avons même été déçus de lire dans le document, parce que nous l'ignorions, que les critères 3 et 4, c'est-à-dire ceux qui font vraiment la contextualisation du médicament, n'avaient jamais été pris en compte, hein? Parce que c'est beaucoup plus simple d'accepter un médicament coûteux, par exemple, pour traiter une leucémie myéloïde lorsqu'on sait que ce médicament coûteux est beaucoup moins coûteux que l'autre option thérapeutique qu'il remplace, à savoir la greffe de moelle, et ça, c'est vraiment dans les critères 3 et 4 qu'on peut justifier, à ce moment-là, le remboursement de cette molécule.

Maintenant, j'arrive au conseil. Le conseil, quand on parle de transparence, ce n'est pas par opposition à un obscurantisme dans lequel il aurait à travailler. Mais il est arrivé quand même un incident fâcheux, c'est que, dans ses tout premiers mois ou dans ses tout premiers pas, le conseil, par exemple, a publié des lignes directrices sur l'utilisation optimale des anti-inflammatoires non stéroïdiens, particulièrement inhibiteurs de la sélection de la cyclo-oxygénase, qui ont indisposé la communauté médicale mur à mur, particulièrement les spécialistes, et particulièrement les rhumatologues, qui, ont-ils dit, n'ont pas été, comme groupe, consultés, et ça a fait en sorte que ça nous a retardés dans les travaux. Cette crise de mauvaise humeur nous a retardés dans les travaux pendant, je dirais, deux ans sur la marche en avant de production d'ateliers de formation pour des médecins généralistes et spécialistes sur ce sujet précis.

Alors, ce qu'on veut dire, c'est qu'avec respect, lorsqu'on lit que le Conseil du médicament est composé d'experts en pharmacologie, on aimerait apporter un bémol là-dessus. Le Conseil du médicament est composé de 15 personnes dont, disons, cinq ou six ont une formation scientifique, ce qui ne leur donne pas et ce qui ne donne pas à aucun d'entre nous qui avons une formation scientifique une expertise automatique dans un champ donné, particulièrement en pharmacologie. Alors, quand on regarde l'organigramme, ici, du Conseil du médicament tel que publié dans le rapport annuel de gestion 2003-2004 et qu'on voit ici, bon, le Comité scientifique de l'inscription des médicaments, groupe d'experts ad hoc, en petits pointillés, donc on a la possibilité de se l'adjoindre, ce que nous croyons, c'est qu'on devrait se l'adjoindre à tout coup, et qu'on nomme des gens un peu désincarnés sur la question: Faites une analyse scientifique pure et simple de la valeur thérapeutique de cette molécule, et subséquemment vous la donnerez à des gens qui, eux, jugeront si, même si elle est bonne, on a les moyens de se la payer. Mais, si on veut faire les deux en même temps, je pense que c'est sûr qu'on prête le flanc à la critique.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. le ministre.

M. Couillard: Effectivement, mais il faut revenir sur... Les décisions ne sont pas prises par les 15 personnes, elles sont souvent faites par le recours à l'expertise externe, 120 personnes dont 78 médecins spécialistes. Et je ne veux pas dire qu'on ne peut pas l'améliorer, là, mais il ne faut pas donner l'impression que les discussions ou les décisions se font en vase clos, sans input extérieur, parce que ce n'est pas le cas. Est-ce qu'il faut rendre cet input extérieur plus visible? Peut-être que, là, vous avez certainement un point qui peut nous permettre d'améliorer le fonctionnement.

Je vais donner la liste des qualifications, pour information pour la population, des membres du conseil actuel. Alors, le président, bien sûr qui est en cours de remplacement, est un professeur émérite en pharmacie; un médecin spécialiste en néphrologie; médecin spécialiste en néphrologie; médecin spécialiste en cardiologie; médecin omnipraticien en soins palliatifs; chef adjoint d'un département de pharmacie hospitalier; une pharmacienne en pratique privée; professeur agrégé au Département d'administration de la santé; pharmacienne professeure adjointe à la Faculté de pharmacie; professeur au Département d'administration de la santé; directeur des programmes de bioéthique et professeur titulaire à la Faculté de médecine; Faculté de théologie, sciences religieuses, professeur d'éthique Faculté de pharmacie; infirmière; pharmacienne et directrice générale du Conseil du médicament; et représentante ministérielle.

Donc, il y a, comme vous l'avez dit, un vaste éventail de compétences qui est là pour concentrer les travaux d'expertise. Mais expliquez-nous... Allons vers les suggestions d'amélioration maintenant. Ces 120 experts externes, c'est des vraies personnes. Il y a eu près de 100 000 $ qui ont été versés en honoraires à ces experts externes en 2004-2005, c'est des personnes réelles. Comment est-ce qu'on rend cette participation plus visible? Qu'est-ce que vous suggéreriez que nous fassions pour la rendre plus visible? Parce qu'elle existe, cette participation externe.

n (11 h 10) n

M. Hudon (Gilles): Je suis surpris du nombre que vous nous apportez ce matin. Évidemment, il y a eu amélioration, disons, depuis le Symposium sur l'utilisation optimale des médicaments à Québec, en mai dernier. Les relations se sont améliorées. On a fait assez souvent appel à nous, je dirais, depuis novembre dernier, à la fédération, pour obtenir des noms de médecins. Et je suis fort heureux d'ailleurs de souligner que les gens ont accepté avec enthousiasme et que, du côté du ministère, tout a procédé de manière... pour faire en sorte que le produit a été fait et distribué, et que les acteurs, je pense, les gens qui ont sollicité la collaboration et les gens qui ont collaboré sont contents. Et, si on peut continuer dans une veine comme ça, ça va modifier considérablement ce que, je répète, qui a été la mauvaise humeur engendrée par le dossier Coxibs et le dossier des médicaments pour les asthmatiques, là, où là aussi il y a eu des décisions de prises où il y avait certaines raisons correctes de les prendre, mais ce n'était pas peut-être la manière de procéder, et on a importuné et ennuyé beaucoup de médecins, et surtout beaucoup de patients. Et je pense qu'on n'a probablement pas fait d'économies, on a probablement fait des dépenses additionnelles en termes de rechutes, de retours à la salle d'urgence pour des médicaments qui avaient été mal pris ou pas pris. Alors, ces deux dossiers-là ont empoisonné les travaux, je vous dirais, pendant deux ans.

M. Couillard: Peut-être pourrions-nous rendre plus visible le recours à l'expertise externe dans le compte rendu des décisions. Vous savez qu'on veut maintenant les exposer sur Internet, les décisions. Cependant, je ne suis pas sûr que les experts individuels voudraient, par exemple, avoir leur nom indiqué sur le document public, pour plusieurs raisons. Est-ce que vous pensez qu'on devrait aller jusque-là ou indiquer que, parmi les experts externes, telles classes de professionnels ont été consultées?

M. Hudon (Gilles): Écoutez, quand on fait de la science, je pense qu'on n'a rien à cacher. Moi, je serais très fier d'avoir mon nom sur un document que j'ai produit pour un organisme qui me l'a commandé, où je donne mon évaluation de la valeur thérapeutique d'une molécule. Je ne vois pas en quoi ce serait compromettant. Alors, je pense que, oui, c'est absolument essentiel que le nom des gens qui ont produit des documents soit rattaché à leurs documents, que ceci soit distribué et pour qu'il y ait, par exemple, une période de 15 jours de consultation ou d'un mois de consultation et de critique: Avez-vous des commentaires, suggestions ou critiques à faire? Et puis après on passe. Et, à partir de ça, on peut demander au même groupe d'experts de faire des lignes directrices. Et, en demandant donc aux associations professionnelles ou aux experts pris des associations professionnelles, après consultation avec le Collège des médecins, eh bien, lorsqu'ils ont dit que tel ou tel médicament était bon et celui-ci moins bon, et qu'ils ont fait des lignes directrices, bien ils sont comme partie prenante et ils vont être les moteurs également de dissémination et d'implantation de ces lignes directrices là qui ne seront plus perçues comme imposées par des gens qu'ils ne connaissent pas mais comme ayant été discutées par leurs collègues, où eux aussi auront pu apporter leurs critiques positives ou négatives s'ils le désirent, et après ça on les met en application, et on peut également les tenir imputables du fait que ça fonctionne ou que ça ne fonctionne pas.

M. Couillard: Bien, je pense qu'il s'agit là de suggestions très constructives et intéressantes, là. On a déjà prévu donc la publication des décisions, une période d'appel ou, disons, de commentaires possibles qui suit la décision, et le fait de rendre plus apparent le recours à la consultation externe m'apparaît extrêmement une bonne idée dans l'axe de ce que vous venez de mentionner.

On pourrait terminer l'échange, qui est encore une fois très intéressant, sur la question des Coxibs. Sans être très pointilleux sur le nom des produits, là, parce qu'il ne faut pas heurter les diverses sensibilités des gens qui nous écoutent, pour les citoyens qui nous écoutent, les Coxibs sont des anti-inflammatoires nouveaux qui ont été introduits sur le marché il y a quelques années. Et effectivement il y a eu des lignes directrices qui ont été publiées, et il faudra voir si effectivement il n'y a pas eu assez de liens avec la communauté clinique lors de l'élaboration de ces lignes directrices. Si c'est un point à améliorer, je peux vous dire qu'on veut l'améliorer.

Mais quelle leçon tirons-nous de cet épisode? Je vais vous dire ma lecture un peu qui voudrait voir avec vous comment est-ce qu'entre médecins et gouvernement, Conseil du médicament on peut faire en sorte que ceci ne se reproduise pas ou se reproduise moins. Nous avons là une classe de médicaments qui a été soumise à deux éléments d'évaluation: d'une part, par le niveau fédéral, donc il y a une responsabilité initiale; par la suite, au niveau des diverses provinces. Et, si on regarde les lignes directrices elles-mêmes, parce que vous avez bien dit que ce n'est pas les lignes directrices elles-mêmes mais plutôt la façon dont elles ont été faites et disséminées qui a irrité, les lignes directrices pointaient vers une utilisation de ces médicaments dans des sous-groupes de patients particuliers, dans certaines situations cliniques soit directement associées à leurs douleurs, ou indirectement, ou parallèles. Et ce qui est arrivé dans les faits, c'est qu'on a utilisé souvent ce médicament en première ligne pour une variété de conditions douloureuses qui n'étaient pas nécessairement de nature à recevoir un traitement semblable.

Autre conséquence, le nombre de patients donc qui ont utilisé le médicament a été très important, ce qui, à court terme, est bénéfique pour l'industrie. Mais ce nombre, étant très important, a fait apparaître des effets secondaires cardiovasculaires qui ont été apparents également assez rapidement. Donc, à moyen terme, ça a été négatif pour l'industrie, cette attitude initiale d'en faire, volontairement ou non, une utilisation en première ligne.

Est-ce qu'il n'y a pas une leçon, là, dans cet épisode pour la communauté médicale, pour le Conseil du médicament et également pour l'industrie? Comment est-ce que vous voyez ça?

M. Hudon (Gilles): Bien, je pense que le dossier des Coxibs, tel qu'on l'a connu dans les médias, là, déborde très largement le Québec et notre commission parlementaire d'aujourd'hui, hein? On pensait qu'arrivait là, sur le marché, un médicament extraordinaire qui allait enfin soulager les arthritiques ou les patients qui ont des douleurs articulaires de tout acabit sans leur donner des complications digestives qui parfois pouvaient être assez importantes.

Mais je reviens à la production des critères d'utilisation optimale par des gens bien intentionnés du Conseil du médicament, mais à partir de ce qu'ils ont appelé les données probantes recueillies dans la littérature. Or, comme je le disais tout à l'heure, M. Sackett, dans sa petite bible sur l'«evidence-based medicine» qui maintenant est répandue à travers le monde, un concept d'ailleurs qui est né au Canada en 1992, à Hamilton, M. Sackett dit bien que l'«evidence-based medicine», c'est une combinaison à la fois des évidences que l'on retrouve dans la littérature, couplées à l'expertise clinique et dans le contexte des valeurs des malades. Ce n'est pas juste le premier, et il faut se garder de vouloir faire des analyses de valeur ou surtout des guides thérapeutiques en étudiant uniquement de manière désincarnée ce qui est présent dans la littérature, sachant que ce qui est publié dans la littérature, ça a été commencé il y a parfois quatre ans, parfois deux ans, parfois trois ans avant que finalement cette étude-là finisse par être publiée, qu'au moment où elle est publiée, après avoir passé à tous les comités de revue, etc., puis les attentes de l'imprimeur, il commence déjà à y avoir un peu de débat sur les conclusions, donc il faut la remettre en contexte, cette étude, uniquement faite... Donc, la revue de littérature sèche, c'est un élément, mais ce n'est pas le seul élément qui doive rentrer en ligne de compte dans l'évaluation de la valeur thérapeutique d'une molécule puis encore moins dans la production de guides de pratique.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je vous remercie. Normalement, le temps dévolu au côté ministériel serait terminé, même nous dépassons d'une minute. M. le ministre demande une réplique de 15 secondes, est-ce qu'on a le consentement de l'opposition?

Mme Harel: Certainement.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, M. le ministre.

M. Couillard: Oui, je vais être très bref. Évidemment, mes collègues pourront prendre la relève. C'est que, voyez-vous, dans ce cas précis là, pour nous ramener au sujet de notre commission parlementaire, rétrospectivement ? c'est toujours facile de faire les choses rétrospectivement ? si le Conseil du médicament avait émis une recommandation de médicament d'exception pour cette classe de médicaments là avec de bonnes raisons, je peux présumer qu'il y aurait eu levée de boucliers d'associations de médecins, de groupes de patients qui se seraient vertement opposés à cette décision et qui auraient critiqué le Conseil du médicament pour l'avoir prise, décision qui rétrospectivement aurait été la bonne. Alors, il faut faire attention à... Vous avez raison dans votre description des critères de la médecine basée sur les faits ou l'évidence probante, mais plus on avance vers les deux dernières catégories que vous avez mentionnées, plus on est dans le domaine du subjectif, foncièrement.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, M. Hudon, si vous voulez répondre, la députée d'Hochelaga-Maisonneuve m'indique qu'elle vous laisse un peu de son temps.

M. Hudon (Gilles): Si le Conseil du médicament avait mis cette molécule comme molécule d'exception, ça en aurait fait une autre sur les 600 qui sont déjà là. C'est 13 % des médicaments qui sont sur la liste. Et, je l'ai dit au départ ou Dr Dugré l'a dit au départ, ce n'est pas le nombre de molécules qui est sur la liste, c'est le processus administratif extrêmement lourd et un peu frustrant qui cause problème. Ce n'est pas le nombre. Nous croyons: pour un contrôle des coûts et une utilisation optimale et judicieuse, que la liste des médicaments d'exception soit là. Un des pires cas, un des pires scénarios à ne pas reproduire, c'est celui du retrait de la liste générale et de la remise sur la liste des médicaments d'exception d'un médicament. Ça, je pense que vous êtes mieux de procéder avec des médicaments d'exception que nous allons progressivement permettre ou remettre sur la liste des médicaments généraux que de faire l'inverse.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Je cède maintenant la parole à la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Alors, bienvenue, Dr Dugré, Dr Hudon. La contribution de la FMSQ à cette commission est extrêmement importante, et je vous en remercie. Vous introduisez dans nos échanges une dimension qui doit être évaluée à son juste mérite, et je souhaite que le mémoire que vous présentez et qui contient plusieurs propositions qui pourraient faciliter les choses en tenant compte de toutes les dimensions... mais la première étant ? et ça, je la retiens bien ? la première étant celle d'assurer que le patient reçoive le bon médicament pour la bonne indication et de voir à ce que cette prescription se fasse par la bonne personne.

n (11 h 20) n

Alors, à l'égard des médicaments sur la liste d'exception, vous notez que les coûts d'administration de cette liste d'exception, les coûts d'administration et de gestion des programmes comme les médicaments d'exception ont augmenté de plus de 80 %, en passant de 16 millions à 28 millions entre 2002 et 2003 ? c'est à la page 13 du mémoire que vous présentez ? et qu'il a donc fallu augmenter très sensiblement le nombre, disons, de professionnels qui gèrent maintenant cela. Et vous faites des propositions sur lesquelles j'aimerais qu'on puisse revenir. J'ai un peu simplifié en disant que ce que vous proposez, c'est qu'il y ait en fait une certaine hiérarchisation de manière à ce que la gestion de cette prescription puisse se faire a priori en reconnaissant les prescripteurs plutôt qu'a posteriori. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Dugré.

M. Dugré (Yves): Oui, Mme la députée. Nous avons eu des commentaires par rapport à nos chiffres. On est probablement plus experts en médication, pharmacologie, qu'en états financiers, et je dois dire que nous aurions dû corriger notre mémoire. C'est sûr que, dans la vérification des coûts, nous n'avons pas tenu compte de deux périodes financières, ils ne sont pas de cet ordre-là. Donc, dans ce sens-là, il y a eu une augmentation des coûts, mais ils ne sont pas si grands que ça. On a eu des correctifs à apporter à cette partie-là, bien que vous ayez lu le mémoire et l'endroit où il fallait regarder.

Concernant la deuxième réponse, je demanderais à Gilles peut-être d'aborder...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, M. Hudon, s'il vous plaît.

M. Hudon (Gilles): Alors, M. le Président, lorsqu'on fait partie d'une organisation de presque 8 000 membres, composée non pas de membres homogènes, de pensée homogène, mais faisant partie de 34 associations, il y a toutes sortes d'idées qui nous sont émises, proposées, et l'une d'elles était plus uniforme que les autres, c'était l'assouplissement du mécanisme d'accès à la prescription du médicament d'exception. Mais, dans cet assouplissement-là, là, nous avons eu une panoplie de toutes sortes de mécanismes potentiels, et les uns étaient nécessairement plus faciles d'application que les autres. Et l'histoire de la priorisation, ce que voulait dire l'auteur ici, c'est qu'on devrait prendre pour acquis d'abord que le médecin spécialiste, particulièrement en cancérologie comme c'était son cas, connaissait de quoi il parle.

Mais je proposerais plutôt qu'on revienne sur les moyens proposés par le document ministériel qui nous sont... ont été acquis avec beaucoup de satisfaction et de soulagement, parce qu'on propose cinq mécanismes. Et, parmi ces cinq-là, que ce soit la validation administrative à partir des fichiers de la RAMQ, qu'on peut appeler adjudication en ligne et qui va se fonder sur l'histoire médicamenteuse du patient lorsque la facturation se fait, le regroupement des autorisations dans une classe de médicaments, les autorisations automatiques pour certains prescripteurs, la transmission d'un code ou de l'intention thérapeutique codée ou chiffrée inscrite par le prescripteur, ça nous conviendrait très bien, et finalement j'étais agréablement surpris de retrouver ça ici. Alors, je proposerais, à partir de maintenant, qu'on se rencontre et qu'on voie ce qui est agréable pour les deux pour que ce soit fonctionnel et souple.

Mme Harel: Alors donc, sur cette question, il y a matière à assouplissement dans le projet de politique déposé par le ministre. C'est ce qu'il faut comprendre?

M. Hudon (Gilles): Dans le projet d'accès, de la fabrication d'une prescription qui va être honorée par le pharmacien lorsque le patient va se présenter avec sa prescription dans sa main et qu'il ne se fera pas dire: Ah bien! Ça, non, ça ne marche pas pour telle et telle raison, il va falloir que vous retourniez voir votre docteur, et qu'il remplisse un formulaire, et que ce formulaire-là soit expédié à la RAMQ, et que, là, vous attendiez la réponse écrite qui peut arriver entre deux, trois, cinq et, parfois plus, 10 jours. Et donc ce sont des coûts. Et, même si M. Roy nous a écrit pour nous dire qu'il n'était pas content des chiffres que nous avions mis, personne n'a jamais nié, y compris l'ancien président du Conseil du médicament, qu'ils voulaient à tout prix trouver une manière différente de celle de faire l'adjudication maintenant des médicaments d'exception. Je pense qu'on n'a pas de discussion là-dessus, on n'en a que sur les moyens à prendre pour changer ça, je pense.

Mme Harel: Alors, merci, Dr Hudon. Revenons sur la question du Conseil du médicament. Alors, vous faites également des propositions, dont une m'est apparue très intéressante, à la page 10 de votre mémoire, à savoir que le conseil devrait tenir des audiences publiques sur l'évaluation menant à l'inscription de nouveaux médicaments. Et vous ajoutez que cela pourrait se faire dans un processus donnant à toute personne intéressée, comme c'est le cas aux États-Unis, un droit de parole, que ce soit en soutien ou en opposition, que ce soit pour des considérations statistiques, éthiques, économiques ou carrément cliniques ? et je pensais, entre autres, aux médicaments géniques, là, qui sont en devenir ? et puis que, lors de ces audiences, le conseil assure la présentation d'évaluations scientifiques indépendantes compte tenu de ces comités d'experts que vous souhaitez voir mis en place non plus sur papier seulement, là, mais dans la réalité. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Dugré (Yves): Mais ces recommandations-là font partie un peu d'une réaction donc peut-être aux mauvaises expériences que nous avons eues avec les Coxibs et autres, d'avoir le plus de transparence. Nous avons entendu... M. le ministre nous dit qu'il y avait quand même une transparence, il y avait beaucoup de gens qui participent. Peut-être qu'il a manqué de communication comme dans d'autres domaines, mais cet élément-là a fait qu'on suggère, entre autres, davantage... également avec les experts en pharmacologie, les comités appropriés, les experts appropriés à chacune des classes de médicaments, parce qu'on a beau être néphrologue ou rhumatologue, je ne pense pas qu'on soit versé nécessairement en oncologie. Donc, je comprends qu'avec les 125 experts on devrait en trouver pour la plupart des classes.

Mais également, dans le cas de responsabilisation du patient, comme on l'a mentionné tantôt dans notre mémoire, ça ferait partie de cet élément de connaissance des patients, qu'ils puissent également avoir à intervenir, à participer tant soit peu au processus, et ça rajouterait un élément. C'est sûr qu'il y a une certaine lourdeur. C'est une suggestion que nous faisons dans ce sens-là. Je ne pense pas que ce serait diminuer la démocratie et, au contraire, d'aider les patients à être sensibilisés par rapport à ça.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Hudon, s'il vous plaît.

M. Hudon (Gilles): Il est vrai que la FDA américaine tient des audiences publiques lorsque, par exemple, des compagnies viennent présenter une nouvelle molécule thérapeutique ou un nouvel appareil diagnostique ou thérapeutique. À ce moment-là, c'est pour obtenir un avis de conformité. Ça n'a pas nécessairement à être fait... «Public» ne veut pas nécessairement dire en audience comme ceci. Nous avons demandé par ailleurs qu'il y ait donc des comités externes d'experts ad hoc pour chacune des classes thérapeutiques, pour évaluer la valeur thérapeutique des molécules et pour établir des guides de pratique et nous avons demandé en même temps que les résultats de leurs travaux soient disponibles, disons, pendant un mois avant leur acceptation finale et leur dissémination. Ça, c'est une audience publique aussi, si on veut. Alors, cette possibilité qu'auront des gens, disons, de critiquer ce qui a été fait... Parce que, vous savez, même dans des comités d'experts il peut y avoir quelques experts qui ont été laissés... qui n'ont pas été consultés, et qui ne partagent pas exactement le même avis sur tel petit point pointu, et qui aimeraient en faire part. Alors, cette proposition-là serait tout à fait satisfaite par un mécanisme qui prévoit qu'un rapport fourni au Conseil du médicament est disponible et critiquable pendant une période qu'on aura déterminée.

Mme Harel: Je dois comprendre également de votre mémoire que vous souhaitez que ces comités d'experts ad hoc, qui seraient consultés par le Conseil du médicament, que ces comités soient composés mais suite, je pense, à une consultation faite auprès notamment des associations professionnelles et du Collègue des médecins. Est-ce que c'est bien le cas?

M. Hudon (Gilles): Oui.

n (11 h 30) n

Mme Harel: J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que manifestement vous sembliez surpris des chiffres que vous donnait le ministre. C'est donc dire qu'il n'y a pas eu d'échange, là, sur quels sont ces experts choisis par le Conseil du médicament pour évaluer ou apprécier, si vous voulez, tel et tel médicament. Est-ce que là aussi il ne doit pas y avoir un processus plus transparent?

M. Hudon (Gilles): Bien, je dois vous avouer, comme je vous ai dit, qu'au cours des derniers mois il y a eu beaucoup de sollicitation du Conseil du médicament ou du ministère pour que nous fournissions des experts afin de préparer des documents, par exemple, sur l'utilisation optimale de l'antibiothérapie dans tout le cadre de la difficulté du Clostridium difficile, et que ça s'est très bien passé.

J'avoue aussi que très fréquemment, dans les années antérieures, le ministère, à Québec, a eu tendance plutôt à regarder autour pour connaître quelqu'un, un médecin qui a bonne réputation et qui pourrait, disons, être consulté et amener une expertise ou son avis. La difficulté de ça, c'est que, ce médecin-là, lorsque le ministère le choisit, le ministère ne sait pas quelle position il occupe par rapport à ses collègues nécessairement.

Lorsque vous passez par, disons, un pouvoir politique d'une association professionnelle et que vous leur dites: Dites-nous qui sont vos experts et dites-leur que nous avons besoin d'eux, dites-leur que nous avons du travail à leur faire faire et que nous aimerions qu'ils nous aident et qu'ils nous apportent leur expertise, habituellement, les gens qui vont venir ne seront pas ceux du pouvoir politique parce que ce n'est pas les mêmes pensées. Alors, ces gens-là vont se retourner puis ils vont dire: Qui sont nos leaders d'opinion dans le sujet donné? Ils vont identifier une, deux, trois, quatre... les psychiatres peuvent en identifier 15 parce qu'ils sont... et ils vont vous dire: Bien, voici, voici un pool de gens qui pourraient vous aider, qui pourraient aider le Conseil du médicament ou qui que ce soit de leur expertise. Ça ne veut pas dire qu'ils ont raison sur tout, mais, je veux dire, ce sont les gens qui sont les leaders d'opinion, et ces leaders d'opinion là sont également ceux qui sont habilités, disons, après ça, à édicter des lignes de conduite, et les lignes de conduite faites par ces gens-là auront beaucoup plus de chances d'être adoptées par leurs pairs et leurs collègues qui reconnaissent, là, leurs leaders d'opinion que si elles arrivent même bien faites mais de manière anonyme, quelque part, où personne ne sait d'où elles viennent. Je veux dire, la plupart du temps, l'enveloppe, elle est soit ouverte soit recyclée immédiatement.

Mme Harel: Oui. Ça pourrait donc corriger cette impression générale dont vous parlez dans votre mémoire, à la page 6, à l'égard du Conseil du médicament, à l'effet que... c'est une opinion... qui est perçu comme un «groupe agissant dans un but de contrôle du budget attribué au régime général d'assurance médicaments». Et l'exemple que vous apportez, c'est le... en quelque... par le désintérêt du Conseil du médicament pour ce qui est de l'évaluation des thérapies intraveineuses administrées dans les hôpitaux. En fait, vous donnez un exemple à l'effet que, dans ce cas-là, le Conseil du médicament intervient très peu en fait, porte rarement des recommandations sur la restriction à l'accès aux thérapies intraveineuses administrées dans les hôpitaux. C'est probablement dû au fait que le coût de ces médicaments n'est pas à la charge du régime général d'assurance médicaments. Et cela tend à confirmer que le rôle du Conseil du médicament ? qui lui est attribué ? n'est pas celui de l'intervention visant une utilisation rationnelle des médicaments mais vise à décider des mesures de contrôle du budget.

Est-ce que vous avez également reçu une lettre de M. Roy, à ce sujet?

M. Dugré (Yves): Donc, c'est un peu la recommandation, puis je vois qu'il y a, dans les propositions ministérielles, des éléments, là, pour avoir une plus grande cohérence dans la prescription du médicament tant hospitalier que dans le régime ambulatoire. Il y a eu des cas, exemple, de la Visudyne ou d'autre médicaments qui étaient théoriquement traités à l'hôpital, qui ont été traités en ambulatoire à la charge des patients. Donc, il y a un élément de cohérence, il faut que les deux régimes se parlent. Tantôt, c'est à la charge du patient dans ses assurances privées, s'il en a, ou dans le régime général d'assurance médicaments; tantôt il y a des médicaments qui ont à être administrés à l'hôpital et c'est le patient qui doit se le procurer dans la communauté. Donc, je pense qu'il y a des éléments de proposition pour avoir une plus grande cohérence, c'est là le but de notre intervention dans le mémoire. Donc, notre recommandation, c'est: plus de cohérence dans toute cette prescription-là.

Mme Harel: Je vous remercie d'apporter cet exemple de la Visudyne. Je me suis fait, moi, interpeller sur les trottoirs de la rue Ontario, dans l'est de Montréal, justement par des personnes qui ne pouvaient plus se procurer... c'étaient des gouttes en fait, je pense, hein, alors qu'ils pouvaient recevoir le traitement auparavant, et ce n'était pas couvert par le régime d'assurance maladie. Alors, il y avait le sentiment, chez les gens, de perdre quelque chose, y compris pour des médicaments qui de la liste générale passaient aux médicaments sur la liste d'exception. C'est un sentiment de perdre quelque chose.

Concernant les ententes à partage de risques, vous dites non à ces ententes à partage de risques. Je lisais votre mémoire, c'est à la page 26, je crois. J'aimerais ça vous entendre sur votre position à l'effet que ces ententes, qui sont proposées, entre l'industrie et le ministre ou le ministère en fait ne seraient pas souhaitables.

M. Dugré (Yves): Dans les faits, ces ententes ou l'entente qui a été faite, il y a quelques années, avec un gouvernement précédent, dans les faits, la perception de la fédération, c'est que ça n'a pas beaucoup fonctionné. Donc, c'est dans cet esprit-là qu'on a dit: Ça ne fonctionne pas. C'est un élément de l'arrêter, mais je crois aussi que, si on est capable de faire la preuve que cette collaboration-là peut se faire, je pense que ça peut être poursuivi. Évidemment, ces ententes-là, où il y a un partage de risques, où on mêle également l'éducation médicale continue, nous avions des recommandations à faire dans ce sens-là, que l'éducation médicale continue... M. le ministre l'a abordée d'emblée tantôt, mais il faut minimiser les risques d'investissement de... ou la perception que l'industrie pharmaceutique guide ou dirige la formation médicale continue.

Il y a des mécanismes, que nous proposons, dans lesquels il y a moyen d'être indépendants, mais il faut de toute évidence investir de ce côté-là. À date, il y a eu plutôt un manque d'investissement de ce côté-là. C'est à la charge des médecins, ça fait partie de notre code de déontologie et les médecins en sont conscients, mais il faut regarder sur une approche systémique et utiliser les ressources possibles. Donc, que ça soit géré de façon indépendante de l'industrie et qu'il y ait des retombées pour la société, je pense que c'est des éléments qu'on doit regarder. C'est un peu le sens de notre position, que malheureusement il y a eu des ententes qui étaient porteuses, il y a eu toutes sortes de raisons ou de ratés qui ont fait que ça n'a pas décollé nécessairement à la hauteur des espérances. Soit qu'on l'améliore ou soit qu'on arrête s'il n'y a pas moyen de le faire mieux, c'est un peu le sens de notre intervention.

Mme Harel: Est-ce que vous croyez que... Bon. On a abordé la question des données IMS avec votre prédécesseur. Est-ce que vous êtes d'avis que la situation actuelle n'a pas à être corrigée ou qu'il nous faudrait, législativement, avec la même rapidité que la loi a pu être adoptée à l'unanimité, transformer l'«opting out» en un «opting in», c'est-à-dire le consentement pour être inscrit sur des listes nominatives, c'est-à-dire au nom du médecin avec tout son profil plutôt que l'inverse?

M. Dugré (Yves): Sur le plan des données...

Mme Harel: Le consentement pour ne pas l'être... Excusez-moi.

M. Dugré (Yves): Allez...

Mme Harel: Non, non. En fait, actuellement, c'est le consentement pour ne pas l'être, sur la liste, alors que dans le fond faudra-t-il transformer ça en consentement pour être sur ces listes-là?

M. Dugré (Yves): D'abord, nous devons dire que les données IMS peuvent être d'une grande utilité. D'une part, nous, en tant que médecins spécialistes... Et nos collègues omnipraticiens ont participé dès le départ à ces listes-là, puis il y a un comité consultatif, nous en faisons partie, des médecins spécialistes en font partie. Donc, ça peut être utile pour le médecin d'avoir son profil. On voit que ça fait partie des propositions ministérielles que le médecin ait son profil également via probablement la Régie de l'assurance maladie. Donc, il y a des éléments pertinents. Nous avons déploré effectivement le fait qu'avec des recoupages le médecin peut être ciblé par certains représentants comme étant vraiment un prescripteur intéressant pour l'industrie. Donc, c'est un effet pervers qu'il faut contrer.

Par contre, je maintiens que la façon de l'«opting out»... Et les gens, les médecins sont informés. Nous les avons informés dans LeSpécialiste, que tous les médecins reçoivent, de leurs droits par rapport à ça. S'ils se sentent lésés et ils craignent vraiment que les mécanismes ne sont pas étanches pour éviter cet aspect-là, ils peuvent en ressortir. Plusieurs l'ont fait. Donc, je pense que ça force l'industrie à s'adapter. Et c'est nos commentaires que nous faisons à IMS, entre autres. D'une part, c'est utile; d'autre part, il y a des effets pervers, puis je pense qu'on va garder l'utile pour essayer d'éliminer... limiter l'effet pervers.

n (11 h 40) n

Le Président (M. Copeman): Alors, malheureusement, docteur, il me...

Mme Harel: De consentement, hein, de consentement, Dr Hudon?

Le Président (M. Copeman): Allez-y, docteur, de façon la plus succincte possible.

Mme Harel: ...intéressant, ce que vous dites.

M. Hudon (Gilles): Oui. Deux choses, M. le Président, pour répondre à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. D'abord, au sujet de ce que nous avions dit au sujet de la médication intraveineuse, à la décharge du Conseil du médicament ? qui est tout jeune ? et dans un contexte où, dans les centres hospitaliers, il y a des comités de pharmacologie qui sont très actifs et qui gèrent bien en général les médicaments qui doivent être acceptés par l'hôpital et qui choisissent avec beaucoup d'attention, je pense que le Conseil du médicament n'avait pas, dans un premier temps, à faire ça comme premier devoir. Ce que ça veut dire, c'est que ces médicaments-là, cependant, qui sont donnés à l'hôpital... Et vous savez, ça, c'est dans un contexte par exemple de traitement de patients cancéreux où le cancer devient de plus en plus une maladie systémique qui va être traitée médicalement et non plus chirurgicalement, où il va y avoir moins d'interventions chirurgicales dans le cancer. Toute cette pharmacologie, qui va être initiée à l'hôpital et où souvent les patients, une fois de retour chez eux, doivent retourner à l'hôpital parce que les médicaments sont toxiques, ils doivent être préparés sous des hottes, etc., il faut qu'il y ait une harmonisation dans tout ça. Je pense que c'est un peu ce que ça voulait dire, ça, ce document-ci.

D'autre part, pour ce qui est des données IMS, vous savez, une des propositions du document, c'est de fournir à chaque médecin son profil de prescripteur. Il y a deux sources qui peuvent nous les donner, au Québec, la RAMQ et IMS. Et je pense qu'IMS il faut les encadrer. Je ne suis pas là pour faire la promotion d'IMS, je ne suis pas payé par eux, mais il faut... je pense que leurs données sont valables, et il faut encadrer ce qu'ils font pour que, s'il y a des effets pervers ou des dérives qui sont pratiqués à partir des données IMS, on encadre ça ou qu'on les empêche, mais que d'autre part ces données-là sont nécessaires, je pense, moi.

Le Président (M. Copeman): Alors, Dr Dugré, Dr Hudon, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de la Fédération des médecins spécialistes du Québec.

J'invite immédiatement les représentants de la Conférence des tables régionales de concertation des aînés du Québec à prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Copeman): Alors, la commission poursuit ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de la Conférence des tables régionales de concertation des aînés du Québec.

M. le président Saint-Gelais, M. Voyer, bonjour. Vous avez à votre disposition une période maximale de 20 minutes pour faire votre présentation, et par la suite on va enchaîner avec une discussion d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. La parole est à vous.

Conférence des tables régionales
de concertation des aînés du Québec inc.

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): Merci, M. le Président. Bonjour à tout le monde. Nous vous remercions de nous donner la chance encore une fois de venir nous exprimer devant cette commission parlementaire. D'abord, un peu pour replacer les choses, quand j'écoutais, tout à l'heure, les discussions, ça me faisait penser aux contes de Perrault quand on dit: Chacun son métier, et les chèvres de M. Séguin seront bien gardées. Alors, j'ai envie de vous dire aujourd'hui: Chacun son métier, et la politique du médicament sera bien améliorée.

Nous avons déposé un mémoire il y a déjà quelques semaines. Nous allons vous en présenter une nouvelle façon d'aborder le sujet. La prise de médicaments chez les aînés représente, dans bien des cas, une large part de leur budget. L'énoncé de politique présenté par le ministre Couillard risque d'avoir un impact majeur sur l'accessibilité aux médicaments et sur les choix difficiles que plusieurs aînés auront à faire entre se nourrir ou se soigner.

Nous profitons de l'occasion pour vous remercier de prendre le temps de nous lire et de nous écouter. Notre intention vise essentiellement l'amélioration de la qualité de vie des personnes aînées ainsi que la protection de leur pouvoir d'achat. Nos recommandations sont le reflet des préoccupations des aînés québécois.

La conférence a déposé un mémoire qui touchait plusieurs aspects de la politique du médicament préparée par M. Couillard. Cependant, nous allons prendre une autre approche aujourd'hui. Nous allons nous poser la question: Pourquoi une politique du médicament? Et surtout: Pour qui? En fait, il y a deux groupes touchés par le sujet: le patient ou le bénéficiaire, et les autres. Les autres: ceux-ci peuvent être les gouvernements, les assureurs, les compagnies pharmaceutiques, les prescripteurs, les vendeurs et bien d'autres. Pour nous, le plus important est l'individu, la personne humaine, le patient, souvent une personne âgée pas très riche ou totalement pauvre.

Une politique sur le médicament se résume, pour le patient, à quelques points: l'accessibilité, les coûts et les habitudes de consommation; s'ajoutent en périphérie les prescripteurs, le contrôle et le suivi.

L'accessibilité signifie que la personne peut obtenir les médicaments qu'elle a besoin dans un laps de temps très court et à des prix abordables. L'accessibilité ne veut pas dire à tout prix le dernier modèle le plus cher, elle peut signifier un médicament qui a fait ses preuves et qui satisfait les besoins de la personne. L'accessibilité signifie aussi que les mêmes médicaments se retrouvent sur toutes les listes de médicaments des hôpitaux, excepté pour les centres spécialisés. De cette façon, un patient n'aura pas à changer de médicament parce que cet hôpital ne l'a pas sur sa liste. Nous le répétons, les personnes âgées surtout sont très chatouilleuses sur le changement de médicaments. Elles y tiennent, à leurs petites pilules jaunes qu'elles prennent déjà depuis plusieurs années.

Il est sûr que les coûts ont un impact direct sur les choix que les personnes aux moyens limités doivent faire dans leur vie de tous les jours. Il est important de se rappeler que les personnes âgées sont parmi les citoyens les plus pauvres et les plus démunis de notre société. Il est vrai que la cohorte de baby-boomers va changer des choses, mais il restera toujours un pourcentage élevé de personnes âgées qui auront des choix à faire entre le loyer, la nourriture et les médicaments.

n (11 h 50) n

Une politique de juste prix et raisonnable pourrait être mise en place en se basant sur le modèle que le gouvernement a mis de l'avant pour l'essence. Si on arrive à contrôler d'une certaine façon le prix de l'essence, nous croyons qu'il serait possible de faire de même avec les médicaments. De plus, ça obligerait les compagnies à dévoiler les chiffres qu'ils tiennent cachés sur le marketing et les cadeaux. Il s'agit pour nos gouvernements d'avoir le courage ? et nous l'avons mis en lettres majuscules ? de le faire.

Les habitudes de consommation influencent énormément le comportement des personnes à risque de surconsommer. Les légendes urbaines sont nombreuses sur le fait qu'un médecin n'est pas bon s'il ne prescrit pas quelque chose quand on va le voir. Cette mentalité de la petite pilule qui guérit le bobo fait partie de la croyance populaire. De plus, les personnes âgées ont tendance à cacher leur consommation, de peur que quelqu'un leur enlève leurs pilules. Dans le cas de notre patient ou de la personne humaine, la politique du médicament doit répondre à ses préoccupations: Est-ce que je peux être malade le soir entre 17 heures et 8 heures le matin et pendant les fins de semaine? Comment je vais faire pour me procurer mes médicaments durant ces heures? Ce sont les questions que les personnes âgées se posent, au même titre que n'importe quel citoyen.

Dans une vision globale de l'accessibilité aux services de santé, il faut inclure le pharmacien et la disponibilité des médicaments. En ville, c'est peut-être plus facile à faire, mais, en campagne, dans les petits villages, quelle est la solution? La politique devrait aider à trouver les solutions pratiques et acceptables pour tout le monde.

Il devient urgent de faire de l'éducation à la consommation et de mieux réglementer le domaine. Il ne fait pas de doute que les produits naturels ont une incidence sur les effets des médicaments d'ordonnance. Qu'attendent nos dirigeants pour légiférer dans le domaine et assurer une meilleure protection des malades?

En parlant d'interaction entre les médicaments, il serait grand temps que l'on mette à la disposition des pharmaciens les données relatives à la consommation de médicaments d'une personne. Nous savons tous que les personnes aiment magasiner leurs nombreux médecins pour soigner leurs bobos. Elles font de même pour les pharmacies. Le dossier médicamenteux d'une personne devrait être disponible auprès de n'importe quel pharmacien au Québec pour que ce dernier joue son rôle de spécialiste dans la composition des médicaments. En effet, qui, de tous les intervenants en santé auprès d'un individu, peut et doit avoir le profil de consommation de son client? C'est le pharmacien. Il est la pierre angulaire de la pyramide des prescripteurs, c'est lui qui est le mieux placé pour évaluer les interactions entre les diverses prescriptions que reçoit le patient.

Avoir accès au profil de consommation ne veut pas dire avoir accès au dossier médical. Toutefois, le pharmacien pourrait discuter et aviser un prescripteur des effets encourus par tel médicament sur le cocktail ingurgité par le patient. Ce rôle du pharmacien devrait être amplifié par une politique sur le médicament. Il est entendu que la bataille des chasses gardées ne sera pas facile, mais une volonté politique devrait suffire à ramener les parties dans le bon sens.

Ainsi, la personne qui est en voyage au Québec et qui se voit prescrire des médicaments pourra faire remplir sa prescription sans avoir peur que sa santé soit affectée. Ce mode de fonctionnement est une sécurité supplémentaire pour tout le monde. On peut même affirmer que bien des abus de consommation seraient ainsi évités. Pour ce qui est des prescripteurs, il y aurait avantage à faire un peu le ménage là-dedans: Combien de fois ai-je vu des vendeurs de pilules entrer chez le médecin avec des boîtes pleines d'échantillons, sans parler des cours de formation de quatre heures donnés lors d'un voyage de quatre jours, toutes dépenses payées, aux Bahamas ou à la Barbade?

Une plus grande rigueur et une plus grande discipline dans ce domaine ne pourraient qu'amener la diminution des frais de mise en marché, donc éventuellement la diminution des coûts des médicaments. La formation continue des prescripteurs devrait être assumée par l'État mais financée par les compagnies pharmaceutiques elles-mêmes. Aussi, les échantillons ne devraient plus exister, le prescripteur ne se sentirait pas en redevance envers celui qui lui fournit ces échantillons. Si les compagnies insistent pour continuer leur manège, que tous ces produits gratuits soient remis aux centres hospitaliers; donc diminution des coûts.

Ce qui agace, c'est la volonté du gouvernement de vouloir assurer des profits des entreprises quand il n'assume même pas un niveau de revenus de ses commettants. La politique de non-augmentation du prix des médicaments a fait ses preuves, pourquoi changer une chose qui marche? Les compagnies se sont ajustées à cette politique, ce n'est pas son abolition qui va garantir qu'elles vont demeurer chez nous. Les grandes compagnies pharmaceutiques jouent sur l'échiquier mondial. Le jour où il sera plus rentable de produire leurs marchandises à meilleur prix ailleurs, elles vont partir. En attendant, est-ce que, comme société, on a les moyens de se payer des entreprises qui s'en vont vers un ralentissement marqué dans la recherche et le développement? Le gouvernement n'accorde même pas l'indexation complète à l'IPC, à l'indice...

M. Voyer (Bertrand): ...des prix à la consommation.

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): ...des prix à la consommation, je m'excuse, un blanc de mémoire. Alors, pourquoi demande-t-il aux contribuables de payer pour l'indexation des médicaments à des compagnies qui font des milliards de profits? On n'a même pas indexé les tables d'impôt, l'an dernier, aux coûts de l'IPC.

Nous demeurons convaincus qu'il y aurait lieu de débattre très sérieusement d'un régime universel d'assurance médicaments. Nous connaissons déjà votre position, mais nous aimerions que toutes les données soient utilisées pour démontrer la faisabilité ou pas d'un tel régime. Trop d'éléments ne sont pas pris en considération par les parties qui défendent leurs positions. Le gouvernement s'est cantonné dans une position où seuls les arguments militant en sa faveur ou en la faveur du régime sont véhiculés.

Dans le quatrième axe de la politique, le ministre s'attarde beaucoup sur le dynamisme des compagnies pharmaceutiques au Québec. Notre compréhension fait que cette politique va assurer la rentabilité et les profits exorbitants des compagnies. Mais qui paiera la note? Le contribuable et surtout les assurés du régime général d'assurance médicaments qui paient les primes. Cette politique est décevante pour les individus, puisqu'elle privilégie l'économie au détriment de la personne. Le ministre aurait dû d'abord penser aux patients et voir comment il est possible d'adapter une politique à la réalité de ce dernier. Voyons si on peut améliorer ou proposer des améliorations qui satisferont les parties.

J'aurais terminé la lecture de notre texte. Il y aurait beaucoup de commentaires à y passer, mais j'aimerais surtout répondre aux questions de M. Couillard et... en fait, des deux partis. À vous.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Saint-Gelais. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. Saint-Gelais, M. Voyer. Vous avez à juste titre insisté sur la collaboration entre les médecins, les pharmaciens, vous avez parlé beaucoup du rôle du pharmacien. Je ne sais pas si vous étiez là, ce matin, avec les groupes qui vous ont précédés représentant la profession médicale. Toute cette question de l'intention thérapeutique, on voit qu'il n'y a pas d'accord, là, entre les divers professionnels sur ce que ça signifie et comment la mettre en application. Vous, est-ce que vous avez réfléchi à la question de quelles seraient les façons dont on pourrait favoriser la participation du pharmacien dans le traitement du patient ou de la personne, mais sans bien sûr empiéter sur la prérogative du médecin de faire le diagnostic et d'initier le traitement? Comment est-ce que vous voyez ça?

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): En fait, je l'ai mentionné un peu au tout début à la blague, en disant: Chacun son métier, et c'est un peu ça. Je pourrais vous donner des exemples dans la population, mais je prends mon exemple à moi avec divers spécialistes. Et, quand mon cardiologue me prescrit un médicament, mon néphrologue n'est pas au courant, mon urologue non plus et mon neurologue non plus. Alors, tous les «logues» qui sont autour, là, ils ne sont pas au courant de rien. Et, quand je dis à mon cardiologue: Il faudrait en parler avec mon neurologue, il dit: Non, non, non, moi, je sais qu'est-ce que je te prescris. Alors, le seul qui a le dossier complet de ce que, moi, je dois prendre comme médicament, c'est mon pharmacien et c'est lui qui est en principe le spécialiste de la composition chimique des médicaments. Donc, il est la personne la mieux placée pour savoir si je prends tel médicament avec tel autre prescrits par des spécialistes différents qui ne se parlent pas. Bien, il va pouvoir au moins me dire à moi: Bien, il ne faudrait peut-être pas prendre ce médicament-là à l'heure, le matin, comme prescrit par ton médecin, mais le prendre plutôt le soir, ou: Ce médicament-là qui t'a été prescrit vient en interaction avec les autres et annule d'autres effets de tes autres médicaments.

Donc, dans un cas bien précis, j'ai demandé à mon pharmacien d'appeler mon spécialiste et de lui en parler, et mon pharmacien m'a répondu: Ça ne me donne rien de l'appeler, il ne m'écoutera même pas. Alors, il a fallu que je fasse moi-même la démarche, et, en blague mais quand même très sérieusement, j'ai accroché par le sarrau mes deux spécialistes, dans le corridor, à l'hôpital, et je leur ai dit: Maintenant, parlez-vous, puis qu'est-ce que je fais, moi, là, là, comme patient? Moi, j'ai été capable de le faire, mais il y a combien de personnes qui ne peuvent pas le faire, et c'est là qu'on donne un rôle plus important au pharmacien. On l'a entendu, tout à l'heure, par les spécialistes: Il faudrait que, nous, on garde, là-dedans, notre rôle de... Oui, je veux bien croire que chacun a son rôle à jouer, mais donnons aussi le rôle à celui qui est en position ou en meilleure connaissance pour pouvoir faire le lien entre tout ça.

n (12 heures) n

Et l'autre avantage d'utiliser le pharmacien, c'en est un que je vous ai mentionné dans notre document, c'est que, surtout chez les personnes âgées qui voyagent... Parce qu'on sait que la population voyage aussi, mais les personnes âgées voyagent beaucoup pour aller visiter les enfants qui sont souvent dans d'autres régions à l'intérieur du Québec, et il peut y arriver toutes sortes de problèmes de santé qui se produisent et la personne doit aller voir un médecin qui va lui prescrire des médicaments. Quand elle arrive à la pharmacie, elle n'a pas nécessairement son cocktail dans ses poches puis elle ne sait pas nécessairement tous les médicaments qu'elle prend à part de savoir que c'est une pilule rouge, une pilule bleue puis une pilule jaune. Donc, si le pharmacien avait à sa disposition le profil du dossier de médicaments de la personne, il pourrait savoir si effectivement ce médicament-là peut être pris par la personne et quand, dans la journée, il doit être pris.

M. Couillard: Oui, puis d'ailleurs vous savez que le projet de loi n° 83 contient toutes les dispositions pour qu'on ait ce profil-là. Actuellement, votre pharmacien, il a le profil de ce que vous consommez à sa pharmacie parce que les personnes de plus de 65 ans, dans la grande majorité, sont dans le régime public. Ce qu'on veut faire avec le projet de loi n° 83, c'est de permettre, entre les pharmacies puis entres les pharmacies et les divers professionnels... Et l'exemple que vous donniez avec vos «logues», là, est intéressant, on espère que les «logues» vont entamer un dialogue qui va conduire à un heureux épilogue dans la question...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Couillard: ...et c'est ce que je crois comprendre. Votre intervention musclée, elle aura permis de se réunir.

On a une recommandation, dans le projet de politique, qui est la question de la revue des médications à domicile, particulièrement importante pour les personnes âgées, où on suggère que de façon répétée ? ça s'est fait ailleurs, et on en a entendu parler lors du Symposium, l'an dernier, sur l'utilisation optimale des médicaments ? le médecin et le pharmacien fassent la revue, comme vous avez dit, de tous les médicaments qu'une personne prend, pour, comme vous avez employé dans un terme imagé et très, très justifié, faire le ménage un peu de tout ça et ne conserver que les médicaments essentiels et surtout retirer ceux qui sont en association dangereuse avec d'autres. Je pense que ce genre de disposition devrait être de nature à vous satisfaire, là: d'une part, l'adoption éventuelle de dispositions pour le profil que vous réclamez, le profil informatique que vous réclamez des médicaments, et, d'autre part, la revue à domicile des médicaments.

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): Et éventuellement ça pourrait même amener une diminution de la consommation, parce que souvent il y a des médicaments que la personne va prendre, qui vont avoir des effets secondaires chez elle, et, parce qu'on n'a pas analysé l'interaction entre les médicaments, on doit lui en prescrire un autre pour compenser les effets secondaires. Alors, peut-être que le fait d'avoir l'étude complète du dossier de médicaments va permettre de diminuer aussi la consommation.

Et, comme les personnes âgées de façon particulière, mais aussi on sait que, dans la population, il se passe la même chose, les gens ont tendance à magasiner dans les pharmacies, alors les personnes vont changer souvent de pharmacien, dans le même mois, pour aller chercher des médicaments qui vont coûter un petit peu moins cher dans une pharmacie par rapport à l'autre, et, par le fait même, la trace du dossier médicamenteux n'est pas suivie. Et c'est pour ça qu'on insiste beaucoup sur le réseautage des pharmacies à travers le Québec.

M. Couillard: Dans le domaine des échantillons, les médecins qui vous ont précédés, surtout les omnipraticiens, nous ont expliqué que ça pouvait être très utile pour des personnes et des patients que le médecin ait des échantillons à son cabinet. Ils ont donné comme exemple, bien, si quelqu'un a besoin d'une pompe pour asthme immédiatement, bien je peux lui donner si je l'ai en échantillon, ou d'autres types de médicaments, les anovulants évidemment ça touche moins les personnes âgées, mais, disons, surtout les pompes pour l'asthme, par exemple, ou certains médicaments pour le coeur. Mais, vous, vous vous opposez à la question des échantillons, à la présence des échantillons?

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): En fait, la vertu est toujours dans le milieu, hein? Et, entre l'exagération d'un côté, en avoir trop et ne pas en avoir du tout, il y aurait peut-être moyen d'en avoir un peu. Mais actuellement ce que l'on voit... Et, moi, je le vois chez mes spécialistes chez qui je vais, j'en ai juste sept, des spécialistes, et, chez chacun, c'est des caisses et des caisses d'échantillons. Donc, une pompe, oui, mais des caisses... En tout cas, c'est à regarder sérieusement. Nous, on y va en disant: Il faudrait faire quelque chose. On donne une proposition en disant: Bien, si on tient absolument à avoir des échantillons, qu'on les remette dans les centres hospitaliers où les médicaments coûtent énormément cher, donc on pourrait au moins diminuer... Et les essais pourraient être faits chez les patients à partir de ces échantillons-là, peut-être dans les bureaux de médecins aussi, mais en quantité plus limitée.

Si on se base sur l'article qui est paru dans la revue Commerce du mois d'avril, où on parle des cinq défis des... Et je pense qu'on veut certainement dire que Jean-François Parent est un journaliste de réputation, et on peut se fier probablement sur ce qu'il nous a écrit là-dedans. Et, quand il nous parle des coûts en marketing et de l'augmentation du personnel pour distribuer des échantillons et vendre leurs produits auprès des médecins, augmentation du personnel de ce côté-là et diminution des sommes d'argent en recherche et développement... On va diminuer la recherche et développement de quelque chose comme 12 % ou quelque chose de semblable, et on va passer la recherche et le développement à des sous-contractants, et on récoltera juste les choses qui vont rapporter pour la compagnie. Tout ça mis ensemble fait qu'on croit qu'il y aurait avantage à regarder très sérieusement tout le côté marketing et le côté échantillons en ce qui regarde les médicaments.

M. Couillard: Merci.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Nelligan.

Mme James: Bonjour. Merci, M. le Président. Bonjour, merci. Juste une petite question pour vous. J'ai bien compris que vous êtes favorables à ce que le profil pharmaceutique soit disponible aux professionnels concernés, mais je me demandais aussi si vous étiez favorable à la transmission de l'intention thérapeutique par le médecin au pharmacien.

M. Voyer (Bertrand): Je ne suis pas assez au courant de...

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): Je ne me sentirais pas à l'aise de vous répondre là-dessus, très honnêtement. Il faudrait peut-être laisser aux personnes qui sont plus spécialisées dans le domaine le soin de le faire. C'est sûr qu'il faut garder à l'esprit la confidentialité de l'information et le transfert de l'information avec les mises en garde qui sont nécessaires. Est-ce qu'il y aurait avantage pour le pharmacien à avoir le profil? Peut-être. C'est des conditions que, moi... une question à laquelle je ne peux pas vraiment répondre.

Le Président (M. Copeman): Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, rebonjour, M. Saint-Gelais et M. Voyer. Vous étiez des nôtres, il n'y a pas tellement longtemps, sur, entre autres, le projet de loi n° 83. Alors, je constate que la Conférence des tables régionales de concertation des aînés du Québec est proactive, puisque vous n'avez pas, je pense, hein, de permanence avec des chercheurs, là, qui peuvent vous préparer des documents. Est-ce que je me trompe?

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): Absolument aucune permanence. On n'a même pas de secrétariat. Les dossiers sont dans mon sous-sol, chez moi, à la maison, et on essaie de faire le plus possible avec les moyens du bord, soit par conférences téléphoniques soit par... conférences téléphoniques qu'on paie de nos poches, naturellement, là, et soit aussi par courriels ou autrement. Et, non, nous n'avons aucun spécialiste ou aucune personne vraiment spécialisée dans le domaine. On a fait une analyse la plus honnête possible et la plus terre à terre possible, avec les connaissances que l'on a. Par contre, on doit admettre aussi que, dans nos rangs, il y a des gens qui ont des connaissances dans le domaine et qui nous ont donné leur opinion.

C'est sûr qu'on n'a pas eu tout le temps voulu pour faire le tour de la question à fond, mais on a quand même réussi à obtenir des informations qui font qu'on arrive avec des propositions qui à notre avis seraient au moins des minimums à inclure dans une politique du médicament, en prenant toujours en considération que la personne humaine ? et le patient ? doit passer avant toutes les considérations économiques. Et malheureusement, dans le projet de politique, on a l'impression que le côté économique est beaucoup plus important que le côté de la personne humaine. C'est notre impression.

Mme Harel: Au niveau de la conférence, vous regroupez des présidents et présidentes de 17 tables régionales, là. Vous nous avez d'ailleurs transmis la liste en préambule dans votre mémoire. Mais vous êtes en lien aussi, je crois, avec le Conseil des aînés, qui vous réunit, ou si maintenant vous êtes autonomes? Vous vous réunissez avec le conseil une fois par année ou deux fois par année?

n (12 h 10) n

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): Le Conseil des aînés a eu le mandat d'animer les tables régionales de concertation. Alors, les 17 tables régionales de concertation se sont réunies ensemble pour former la Conférence des tables, et le Conseil des aînés nous réunit deux fois par année. Et d'ailleurs notre réunion, qu'on appelle, du printemps, c'est demain et vendredi, ici, à Québec. Nous sommes en réunion, pour deux jours, pour discuter justement de tous les dossiers qui touchent les aînés, et on aura l'honneur d'avoir la visite de Mme Théberge, vendredi matin, qui va venir s'entretenir avec les 17 tables.

Mme Harel: J'avais eu le plaisir d'être des vôtres, l'année dernière, à l'occasion de votre réunion annuelle, ici même, à Québec, et de pouvoir confirmer pour vous un financement qui était encore incertain. Cette année, le financement est confirmé? Est-ce que je dois comprendre...

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): On attend votre confirmation.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Ah! Bien... Alors, je me tiendrai informée de cela, puisque j'aurai à interroger Mme Théberge, en fait la ministre responsable des Aînés, lors de la commission parlementaire sur les crédits qui sont consacrés aux aînés.

À l'égard du financement du régime public, vous rappeler une réalité, à savoir que la majorité, la très grande majorité des personnes de plus de 65 ans, qu'elles aient travaillé en secteur public, en secteur... en fait, excusez-moi, en secteur privé, et même que, si elles continuent à travailler, en fait la plupart, dans les régimes privés, cessent d'être bénéficiaires du régime collectif après 65 ans et passent, si vous voulez, au régime public. Et vous dites: Cela crée un coût, n'est-ce pas, du fait que c'est une catégorie de personnes... on y sera tous un jour, mais qui ont une consommation de médicaments qui est plus importante que d'autres cohortes d'âge dans la population.

Alors, le gouvernement s'était engagé, il y a deux ans, à ce que l'indexation... Voilà. Donc, ça disait ceci: «Le Parti libéral du Québec mettra en vigueur une politique du médicament qui aidera à contenir le prix des médicaments...» Alors, il visera... «Nous viserons ? plutôt ? à limiter la hausse des coûts des médicaments assumés par les consommateurs à la hausse du coût de la vie.» Donc, la question étant qu'actuellement la hausse des coûts des médicaments est partagée, comme vous le savez, à la hauteur d'un certain pourcentage par les adhérents et par le gouvernement, alors nous attendons... Là, ce sera la troisième fois que le ministre procédera sous peu à la hausse du coût des médicaments suite aux recommandations de la Régie de l'assurance maladie du Québec à son conseil d'administration. Mais la question que tout le monde pose, là, présentement, c'est: Est-ce que le ministre a l'intention de respecter cet engagement d'introduire les modifications pour que cette hausse se limite à la hausse du coût de la vie? Est-ce que vous avez l'intention de rappeler cet engagement qui vous a été fait, là, dans une lettre que le premier ministre ? j'ai cette lettre-là ici ? à l'époque chef de l'opposition, a envoyée la semaine avant l'élection de 2003?

M. Voyer (Bertrand): Bon. Moi, j'aimerais répondre un peu à cette question. C'est parce qu'on n'a pas parlé aussi de l'universalité de la prime pour les médicaments. C'est-à-dire, on n'en a pas discuté du tout, le ministre n'en a pas parlé. Alors, c'est parce que, moi, je me demande comment ça se fait, ça, que présentement on dit que ça coûterait plus cher. C'est parce que, moi, j'ai étudié en mathématiques, puis, il me semble, la loi du grand nombre me dit que c'est l'inverse. Tu sais, normalement, plus on est de monde à participer à des primes, normalement ça devrait coûter moins cher. Parce que les gens justement qui sont exclus, ce sont ceux qui travaillent et nécessairement ne sont pas ceux qui prennent le plus de médicaments. Et aussi on fait l'objection qu'il y a des fois des ententes avec l'employeur: l'employé a fait des négociations comme de quoi une partie de sa prime est payée par l'employeur. Mais je ne vois pas qu'on ne pourrait pas le faire encore, même si c'était universel, qu'on ne pourrait pas aller chercher ces argents-là, la même chose, et aussi que justement tout le monde en profite.

Parce que là aussi on parle des gens qui ont le SRG, là, la sécurité de revenu garanti, que ça devienne automatiquement puis ils n'ont aucun coût. Maintenant, il y a des gens qui ont ça, la sécurité de revenu garanti avec 75 %, 50 % de ce montant-là. Eux, ils sont obligés de payer au complet, selon ce qui est écrit dans le projet. Je ne sais pas, on n'a pas pensé à des modulations là-dedans, de dire, par exemple, que, si tu as 75 % de sécurité du revenu, alors tu pourrais payer simplement 25 % de ta part au niveau médicament et non pas payer au complet. Tu sais, c'est sûr que ça prend des barrières, mais on peut les moduler, ces barrières-là, là. C'est des choses qui devraient être...

Alors, l'indexation, c'est sûr que les coûts des médicaments, si on revient à l'indexation... Mais, là, il y a l'indexation de la prime puis il y a l'indexation des médicaments quand ils sont créés. Il y a deux choses là-dedans, là. On demande l'indexation quand les médicaments... par la pharmacie, là: quand ils décrètent le prix d'un médicament, on demande de l'indexer. Alors, ça, c'est une chose présentement que, comme on dit, on ne donne même pas l'indexation d'abord aux gens qui sont à la retraite depuis une bonne secousse et pour une période de... Et aussi l'indexation complète des tables d'impôt n'est pas là. Alors, pourquoi qu'on indexerait les gens qui sont déjà... Au point de vue argent, là, au point de vue profit, je pense qu'ils sont très parvenus, on n'a pas de problème avec ces gens-là. Et d'ailleurs probablement que le prix qu'ils fixent en partant, sans indexation depuis... ils le font depuis quelques années, 15 ans, ils avaient déjà prévu dans leur prix probablement une indexation. Et, si on accorde une indexation par-dessus, je crois que ça devient un peu trop. Alors, c'est ça.

Mme Harel: M. Voyer, vous rappelez, à la page 10 de votre mémoire, au deuxième paragraphe, qu'il serait utile d'obtenir toutes les facettes de la question d'un régime universel ou général. Et vous dites: «Il est facile de dire que les impôts des particuliers augmenteraient, mais il faudrait le prouver [...] en examinant les alternatives qui incluraient la participation des employeurs ? rajoutez-vous ? au même niveau de leur contribution actuelle dans les régimes privés.» Alors, je comprends que vous êtes parmi ceux et celles qui réclament qu'il y ait une étude qui puisse se réaliser, compte tenu de l'évolution du régime public et privé, pour connaître ce qu'en serait la faisabilité, d'un régime public. Est-ce que c'est ça que je dois comprendre?

M. Voyer (Bertrand): C'est en plein ça que vous devez comprendre, c'est ça que l'on veut. On veut qu'il nous soit prouvé noir sur blanc que ça coûterait plus cher, mais... bien, d'abord, que l'étude soit faite et au complet. Je sais qu'il y a déjà eu des études de faites là-dessus. Mais il y aurait des choses à vérifier, puis que, les gens, on pourrait questionner cette étude-là par après pour voir quels seraient les vrais coûts et qu'est-ce que ça coûterait au contribuable. Parce que, moi, je ne peux pas croire que, si l'ensemble participe, ça va coûter plus cher. Tu sais, j'ai bien de la difficulté à comprendre ça. J'aimerais bien ça, parce que, dans mon raisonnement mathématique, ça ne marche pas.

Mme Harel: M. Gervais.

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): Je voudrais ajouter là-dessus, en ce qui regarde un régime universel: l'un des principaux arguments utilisés par le gouvernement actuel, depuis déjà plusieurs mois, c'est de dire que ce serait une augmentation des impôts chez l'ensemble des contributeurs québécois. En même temps qu'on dit ça, on ne veut pas augmenter les impôts pour l'ensemble, mais, par contre, on augmente les impôts indirects pour un petit groupe très, très particulier qui, lui, est déjà en difficulté au niveau financier. Alors, il y a quelque chose à regarder là-dedans, là, il me semble qu'il y a un genre d'illogisme.

Et, comme d'habitude, c'est pour ça que, nous, on demande de voir des dossiers et à voir tous les documents et tous les arguments. On voudrait qu'il y ait une transparence là-dedans pour qu'on puisse comprendre vraiment pourquoi on dit ça et dans quel sens vraiment ce régime universel là augmenterait de façon drastique les impôts pour l'ensemble des citoyens du Québec. La démonstration ne m'a pas encore été faite. À part des affirmations que l'on pourrait qualifier actuellement de plutôt gratuites, il faudrait peut-être avoir des chiffres bien précis pour qu'on puisse se faire une tête là-dessus. Et par après, si on nous démontre qu'effectivement ça coûterait plus cher, bien on va garder le régime qu'on a là. Mais ne pas juste donner l'argument: Ah! On va augmenter les impôts, non, il ne faut pas le faire. Il y a peut-être d'autres choses que ça, il y a peut-être de meilleurs arguments que celui-là en tout cas pour me le vendre à moi et le vendre aussi à l'ensemble des aînés à qui on en parle.

Mme Harel: Je crois d'autant plus, M. Saint-Gelais, que la situation évolue très vite, hein? Parce que les régimes privés ont connu une explosion en fait de coûts. Encore aujourd'hui, dans Le Quotidien, le journal du Saguenay, je lisais Assurance médicaments: Les retraités d'Alcan, simplement indignés. Puis, là, ils expliquent que, pour un retraité de 65 ans et sa conjointe, les primes d'assurance, entre 2000 et 2005, sont passées de 58 % à 189 %, une augmentation de 225 %. Et ça s'ajoute à beaucoup de témoignages à l'effet que présentement les coûts des régimes privés sont en train d'exploser aussi, beaucoup plus que le régime public.

n (12 h 20) n

Et je crois que l'étude qui a été menée, plusieurs qui vous ont précédés se sont dit très déçus parce que le mandat... enfin, c'était du nom du président, M. Montmarquette. Il semble qu'il n'y avait que quatre pages sur l'étude en question, là, qu'il avait abordé un peu trop rapidement, là, disons, toute la dimension dont vous nous parlez aujourd'hui.

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): Effectivement, dans le rapport Montmarquette, on a un peu escamoté la question. Mais il reste que, dans l'ensemble, quand on regarde tout ce qui pourrait être dit ou évalué sur le coût des médicaments, il faudrait peut-être se référer aussi aux études qui sont faites par les compagnies d'assurance. À titre d'exemple, à l'assemblée générale annuelle de la SSQ, Services financiers, il y a quelques semaines, j'ai posé la question à savoir quelle était l'augmentation des coûts d'assurance pour les personnes de 65 ans et plus auprès de la SSQ. Et les chiffres qui nous ont été donnés... Malheureusement, je ne les ai pas avec moi ici, aujourd'hui, mais les chiffres qui nous ont été donnés nous disaient qu'il y avait une augmentation beaucoup plus grande en proportion du côté du régime public du gouvernement que du côté du régime privé de la compagnie d'assurance et que, même s'il y avait une augmentation du coût des médicaments, les compagnies d'assurance étaient capables d'absorber une partie de ces augmentations-là que le régime public n'arrive pas à absorber. Alors, il y aurait des questions à poser et des choses à regarder plus sérieusement de ce côté-là.

C'est sûr qu'actuellement une personne de 65 ans qui doit payer son assurance médicaments parce qu'elle ne pourrait pas... elle ne voudrait pas aller dans le secteur public, ça va lui coûter presque pas plus cher que l'assurance du public. Donc, elle aura peut-être d'autres avantages que dans le public elle n'aura pas, y compris la chambre semi-privée et d'autres choses semblables. Alors, il peut y avoir éventuellement un désengagement des personnes dans le régime public parce qu'il y aura plus d'avantages dans le régime privé. Et ça veut dire qu'éventuellement le régime coûtera plus cher parce qu'il y aura moins de monde qui va y participer.

Mme Harel: En définitive, M. Saint-Gelais, c'est le contraire qui se produit étonnamment, actuellement, à savoir que, par exemple, le Barreau, hein, peut-être en avez-vous entendu parler, il y a des avocats du Barreau qui ont délaissé le régime collectif pour aller du côté du public. Et les informations notamment que la Centrale des syndicats nationaux ? la CSN ? ont données ici, c'est la difficulté extrême compte tenu de l'explosion des coûts dans le régime privé. Alors, c'est plutôt l'inverse, et, à 65 ans, la très grande majorité des personnes qui ont à choisir s'en vont dans le régime public à cause des coûts. Les coûts sont deux, trois, quatre fois plus cher dans le privé. Peut-être que c'est différent à la SSQ, mais ce n'est pas...

M. Voyer (Bertrand): D'ailleurs, je viens juste de passer à cette étape il y a quelques mois, et alors je l'ai vécu. J'étais avec la SSQ et nécessairement les avantages étaient de passer au régime public plutôt qu'au régime privé. Et d'ailleurs les compagnies privées, ils ne font pas... Rendu à 65 ans... Et ce n'est même plus ce qu'on avait au collectif qui me... Par exemple, dans mon cas, pour mon épouse et moi, c'était 200 $ par mois. Il était rendu... il montait à 300 $, pour... en restant... à 65 ans. Ça n'avait plus de bon sens. C'est sûr qu'il y avait des choses... Bien, j'ai été obligé d'en garder une partie. C'était toute la question de... toute la médecine autour, là, le chiro et l'acupuncteur, puis la chambre semi-privée, puis l'assurance voyage, puis l'assurance... tout ça, ça nécessairement j'ai été obligé de garder ça. Mais, là, on l'enlève, mais, même en payant cette partie-là et la partie publique, je n'arrive jamais avec les primes qu'ils ont présentement. Présentement, on dirait que c'est organisé pour qu'il n'y en ait pas qui restent. Et d'ailleurs il y a quelques aînés qui restent même à 65 ans. Ça, c'est la minorité. Mais ils n'ont pas confiance. Il y en a qui manquent de confiance. Mais c'est très minime. C'est vrai que c'est rendu des prix exorbitants, mais, là, ça, c'est le privé.

Mme Harel: Bon...

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): Ce que je peux vous dire, Mme Harel, c'est que, ce matin, je réalise que je devrai mettre à jour mes connaissances du côté du régime privé et du régime public.

Mme Harel: Mais vous nous avez apporté quand même un beau témoignage, là, sur la nécessité de voir les professionnels de la santé se parler sur le dossier d'un patient, puis c'est le patient actuellement qui est traité en silo. Tu sais, souvent le ministre dit que le ministère gère en silo. Bien, le patient, lui, en fait, il est... l'exercice sur lui se fait en silo, dépendamment des spécialistes. Vous nous avez bien démontré cela.

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): L'importance du dialogue.

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): Pour aller dans le sens du silo: vendredi dernier, justement, à Montréal, la conférence a donné son avis sur le plan d'action que le ministère de la Santé et Services sociaux va mettre de l'avant. Et il y a eu un comité de travail qui a été formé, et la première remarque qu'on a faite sur le comité de travail: il n'y avait pas d'aînés là-dessus, aucune organisation d'aînés n'était là présente. Et c'était pour la préparation d'un plan d'action pour les personnes âgées en perte d'autonomie. Alors, c'est assez particulier.

Et l'autre chose qui nous a frappés là-dedans et dans la question du silo, c'est que ça a été préparé par une direction à l'intérieur du ministère de Santé et Services sociaux, et on ne voit pas les liens avec les autres directions à l'intérieur du même ministère et encore moins à l'extérieur. Parce que, quand on parle du maintien à domicile, dans ce document-là, la première question que, nous, on se pose: Le maintien à domicile, oui, mais la personne qui va devoir, elle, se déplacer pour aller obtenir un service, le transport, on fait quoi? Et la réponse qu'on a: Ah bien! Ce n'est pas notre problème, c'est le ministère des Transports. Pourtant, c'est la personne humaine, c'est la personne qui doit se déplacer. Alors, la question du silo est un problème qu'on a malheureusement partout.

Mme Harel: Bien oui!

Le Président (M. Copeman): Monsieur...

Mme Harel: Juste une seconde. L'exemple que vous me donnez... Moi, ce qu'on m'a donné comme exemple: maintien à domicile dans un troisième étage de la rue Bourbonnière, c'est presque impensable quand la personne vit seule, là. Comment va-t-elle faire son épicerie, etc., puisqu'elle a des petits revenus, là? C'est évident. Je regardais, moi aussi, la composition puis je remarquais qu'il y a sept personnes du ministère sur ce comité-là: quatre députés libéraux, donc 11 sur 15, les quatre autres viennent des agences, en fait. Alors, ça va devoir être regardé sous l'angle des aînés, ce projet-là.

M. Couillard: ...

Le Président (M. Copeman): Alors, M. le ministre, allez-y.

M. Couillard: Oui. Oui.

Le Président (M. Copeman): Oui? Bon. M. Saint-Gelais et M. Voyer, merci beaucoup pour votre participation devant la commission parlementaire au nom de la Conférence des tables régionales de concertation des aînés du Québec.

Et, malgré le fait qu'il est prévu que nous siégeons cet après-midi, j'ajourne les travaux de la commission sine die.

(Suspension de la séance à 12 h 27)

 

(Reprise à 15 h 44)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la Commission des affaires sociales poursuit ses travaux, c'est-à-dire que nous poursuivons la consultation générale et les auditions publiques sur le document intitulé Politique du médicament.

Nous avons trois groupes à l'ordre du jour cet après-midi: l'Association médicale du Québec, l'Association des optométristes du Québec et le Conseil des aînés.

Compte tenu de l'heure qui nous échappe parce qu'on est tributaires des travaux de la Chambre, il va falloir, chers collègues, qu'on soit très disciplinés lors des échanges avec nos invités si on ne veut pas trop dépasser 6 heures.

Alors, sans plus tarder, il nous fait plaisir d'accueillir les représentants de l'Association médicale du Québec. Dr Ouellet, M. le président, bonjour. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation ? encore une fois, je suis obligé d'être sévère ? et ce sera suivi par un échange d'une période maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent et par la suite d'enchaîner avec votre présentation.

Association médicale du Québec (AMQ)

M. Ouellet (Robert): Bonjour. Ici, à ma droite, Mme Claudette Duclos, qui est directrice générale de l'Association médicale du Québec; et M. Robert Nadon, directeur des affaires publiques et professionnelles à l'Association médicale. Je suis, moi-même, le nouveau président de l'Association médicale du Québec depuis un peu plus de deux semaines. Je suis le 67e président de cette association, mais ? ils ont enfin compris ? je suis le premier radiologiste.

Alors, M. le Président, merci. Au nom de l'Association médicale du Québec, je voudrais vous remercier de nous avoir invités à présenter notre point de vue sur l'important projet de politique du médicament déposé par le gouvernement en décembre 2004.

L'Association médicale du Québec, l'AMQ, est la seule association québécoise qui rassemble les spécialistes, les omnipraticiens, les résidents et les étudiants en médecine. L'AMQ compte sur un vaste réseau de membres pour réfléchir aux enjeux auxquels est confrontée la profession médicale, proposer des solutions et innover, pour repenser le rôle du médecin dans la société et constamment améliorer la pratique médicale.

Le projet de politique du médicament se veut une proposition globale et cohérente des orientations et des stratégies concernant l'accès, le prix, l'utilisation optimale des médicaments. Bien que les quatre grands piliers de la politique soient interreliés, pour les fins du présent mémoire, qui est d'ailleurs volumineux, nous limiterons nos commentaires aux deux volets qui interpellent plus spécifiquement la profession médicale, soit l'accessibilité des médicaments et l'utilisation optimale du médicament.

Nous n'avons pas l'intention de reprendre une à une chacune des propositions ministérielles, mais plutôt de soumettre respectueusement certains commentaires d'ordre général sur ces deux volets de la politique. Comme toujours, notre intervention se veut lucide et constructive et elle est guidée par notre souci de contribuer efficacement et positivement à l'amélioration des services à la population.

Premier point: l'accessibilité des médicaments. D'emblée, l'AMQ appuie sans réserve la proposition ministérielle qui vise à ne retenir sur la liste des médicaments que ceux qui, sur la base de données probantes, démontrent une valeur thérapeutique. Le coût important qu'implique l'ajout de nouveaux médicaments à la liste commande une telle approche.

Aborder la question de l'accessibilité des médicaments devrait permettre au ministère de régler certaines ambiguïtés quant à l'application du régime général d'assurance médicaments et des dispositions de la Loi sur l'assurance-hospitalisation. Ces ambiguïtés sont liées principalement à l'administration de médicaments sur une base ambulatoire.

Le développement des pratiques ambulatoires qu'on a vu dans les dernières années a entraîné une diminution importante des durées moyennes de séjour pour un grand nombre d'épisodes de soins. Tous s'en réjouiront. Ces pratiques cependant ont pour effet de transférer sur les épaules des usagers un fardeau financier et personnel considérable. Les périodes de convalescence se font maintenant beaucoup plus à la maison et nécessitent, la plupart du temps, le soutien de la famille et des aidants naturels.

En ce qui concerne les médicaments, l'application stricte des règles actuelles fait en sorte que le patient doit assumer le coût de ses médicaments lorsqu'il retourne à la maison après un épisode de soins dans un centre hospitalier de soins généraux et spécialisés.

Pour ce qui est des services ambulatoires que le patient doit recevoir sur une base périodique dans un établissement, la situation est beaucoup plus confuse. À l'heure actuelle, les pratiques varient considérablement d'un établissement à l'autre. Nos membres, sur le terrain, nous ont fait part de constatations qui illustrent à quel point la situation actuelle est source d'iniquités.

Dans certains établissements, les patients sont invités à se procurer à leurs frais, dans une pharmacie communautaire, les médicaments qui leur seront administrés en établissement; d'autres dirigent le patient vers la pharmacie de l'établissement, et le patient doit débourser de sa poche un montant dont il ne sait s'il est équivalent, inférieur ou supérieur à ce qu'il aurait payé dans une pharmacie communautaire; d'autres enfin, bien que cette pratique soit de moins en moins fréquente, dirigent le patient vers la pharmacie de l'établissement, qui assume le coût du médicament.

n (15 h 50) n

Le constat qui se dégage est que l'accessibilité aux médicaments varie selon la région et selon les pratiques des établissements. Le ministère doit mettre fin à ces iniquités. La proposition ministérielle n° 7 veut modifier les directives actuelles concernant l'administration des médicaments aux clientèles ambulatoires traitées en établissement. L'AMQ est d'avis que les nouvelles directives devraient clarifier les ambiguïtés actuelles.

Deuxième point: l'utilisation optimale du médicament. L'AMQ appuie le principe de la campagne d'information sur l'utilisation optimale des médicaments lancée récemment à l'intention du grand public. Il est important de sensibiliser la population sur une utilisation plus judicieuse du médicament. Cependant, il faut reconnaître les limites de telles campagnes.

La mauvaise utilisation du médicament constitue un fléau qui affecte la qualité, l'efficacité et l'efficience de notre système de soins. Diverses études font état des effets indésirables causés par une utilisation inadéquate de médicaments. Aux États-Unis, on estime que près de 7 % des patients hospitalisés sont victimes d'une erreur médicamenteuse sérieuse ou potentiellement sérieuse. Il n'y a pas de raison de croire que la situation est bien différente de ce côté-ci de la frontière.

Les causes de ces incidents sont multiples mais sont surtout liées à la multiplicité des étapes entourant l'administration du médicament, entre le moment où le médecin décide du choix du médicament et le moment où le patient reçoit effectivement le médicament. À titre d'exemple, on a trouvé qu'il y avait environ 50 étapes entre ces deux moments et que les probabilités qu'une erreur se glisse sont très élevées. Même si les choses se déroulent normalement 99 % du temps, dans un processus qui a 50 étapes, les chances qu'une erreur survienne sont de 39 %. C'est une étude américaine qui a démontré ça. Cela nous amène à nous interroger sur le lien qu'il y a à faire entre cette situation et l'absence d'outils électroniques intégrés pour aider à la prise de décision et pour faciliter l'interaction entre les divers professionnels.

Une des propositions du document de consultation fait état de la volonté du ministère de faciliter la mise en place d'outils informatisés pour les cliniciens soutenant l'utilisation optimale du médicament. L'Association médicale du Québec considère que cette proposition doit devenir une réalité et que son application doit être considérée comme urgente. Une partie très importante des solutions aux problèmes rencontrés dans le processus d'administration des médicaments passe par le développement d'un système informatisé et intégré du médicament. Ce système doit comporter trois volets.

Premier volet, l'élaboration du profil médicamenteux. Raconter les histoires d'horreur que nous confient nos membres sur la difficulté de mettre la main sur cette information dans leur pratique de tous les jours et sur les impacts négatifs de la qualité de leur pratique prendrait des centaines de pages. Vous savez fort bien qu'il y a des gens qui arrivent avec des sacoches de pilules. On ne vous apprend rien. Peu importent les points de services qu'aura fréquentés le patient, le médecin et le pharmacien doivent, en temps réel ? c'est bien important ? avoir accès au dossier pharmaceutique intégral du patient. Les gains d'efficience, d'efficacité, de qualité et de sécurité justifient largement les investissements requis pour atteindre cet objectif.

Deuxième point, l'ordonnance électronique. Comme nous l'avons mentionné plus tôt, il est largement documenté que l'une des causes principales des erreurs médicamenteuses est liée à la lourdeur du processus d'administration des médicaments. Il est donc urgent d'étendre à tous les intervenants professionnels du réseau de la santé un système informatisé d'ordonnance basé sur une requête ? la prescription ? et un résultat ? le médicament servi.

Les outils d'aide à la décision. Les outils électroniques d'aide à la décision servent d'aviseurs thérapeutiques. Ils permettent au médecin de prendre connaissance instantanément de contre-indications médicamenteuses ou d'interactions potentiellement néfastes de plusieurs médications.

Plusieurs composantes de ces trois volets existent déjà sous différentes formes et à des niveaux variables de développement et de fiabilité. Beaucoup de docteurs, on leur parle, avec Hippocrate, dedans, mais ce n'est pas tout à fait intégré comme technologies. Il s'agit de les parfaire, de les compléter, de les intégrer et de généraliser leur accès. On pourrait même, par la même occasion, compléter les aviseurs thérapeutiques en incluant toutes les données probantes sur les médicaments dits naturels qui inondent le marché.

Le 15 avril dernier, dans le cadre de notre congrès annuel, l'AMQ a rendu public un sondage effectué, dans les semaines précédentes, auprès de l'ensemble de la population du Québec, et ce sondage révèle que pas moins de 38 % de la population affirme consommer régulièrement ou à l'occasion des médicaments dits naturels.

Autant dans ses représentations sur le projet de la loi n° 25 que sur le projet de loi n° 83, l'AMQ a fait valoir l'absolue nécessité de faire en sorte que les cliniques médicales et les cabinets privés ne deviennent pas les parents pauvres de la réforme des services de première ligne. Le sondage dont nous avons fait état plus tôt révèle que 76 % de la population fréquente habituellement la clinique ou le cabinet du médecin lorsqu'ils veulent obtenir une consultation médicale.

Nos commentaires sur la politique du médicament vont dans le même sens. Nos recommandations sur le développement d'un système informatisé et intégré du médicament ne sauraient assurer un fonctionnement optimal de la gestion du médicament si elles ne sont pas généralisées à l'ensemble des professionnels, médecins et pharmaciens, quel que soit leur lieu de pratique. Dans cette optique, il est indispensable que tous les outils proposés intègrent le fonctionnement des cliniques médicales, des cabinets privés et des pharmacies communautaires. Toujours selon notre sondage, près de 80 % ? c'est beaucoup, ça ? de la population est d'accord avec le principe de mieux faire circuler l'information clinique entre les différents professionnels du réseau.

L'intention thérapeutique. L'AMQ n'est pas contre le principe de la signification par un médecin de l'intention thérapeutique à un autre professionnel, au premier chef le pharmacien. Il faut cependant convenir que ce geste professionnel comporte de sérieuses limites. Donc, nous y mettons beaucoup de réserves. On peut imaginer facilement la signification de l'intention thérapeutique dans le cas d'un problème de santé ponctuel et bien circoncrit. Toutefois, il nous apparaît difficile d'étendre cette pratique professionnelle dans le cas de multipathologies complexes nécessitant l'intervention d'un grand nombre de professionnels et, par le fait même, d'un vaste éventail de médicaments. Nous croyons alors que l'intention thérapeutique doit s'inscrire dans le cadre d'une prise en charge systématique de ces clientèles et d'un travail interdisciplinaire dont fait partie le pharmacien, mais ceci doit se faire sur une base volontaire.

L'AMQ ne souhaite pas revenir en arrière et remettre en question les récentes décisions concernant la possibilité pour certains professionnels, notamment les pharmaciens et les optométristes, de prescrire ou d'administrer certains médicaments dans certaines circonstances particulières prévues à la loi et au règlement. Cependant, nous réitérons notre position à l'effet que l'acte professionnel de prescrire est indissociable de celui de poser un diagnostic et doit demeurer de façon générale la responsabilité du médecin.

Les pratiques commerciales des compagnies pharmaceutiques. La proposition ministérielle n° 26 fait état de l'intention d'établir des règles claires entourant les pratiques commerciales pour l'ensemble des compagnies pharmaceutiques.

L'Association médicale du Québec considère qu'il est essentiel de maintenir une industrie pharmaceutique forte et dynamique au Québec. Nous sommes donc en faveur du maintien de la protection actuelle accordée à l'industrie du médicament d'origine, la règle du 15 ans. Les sociétés de l'avenir sont des sociétés du savoir, et l'industrie pharmaceutique contribue à faire de Montréal et du Québec les chefs de file mondiaux dans le secteur biomédical.

L'AMQ est cependant très critique quant aux pratiques de mise en marché, d'une éthique très douteuse, qu'adoptent certaines compagnies dans leurs relations avec les professionnels et avec les établissements de santé. Malgré les dispositions de leur code de déontologie, les médecins sont souvent sollicités pour assister à des rencontres socioprofessionnelles organisées sous le couvert d'activités de formation continue.

On a également porté à notre attention des pratiques en vertu desquelles certaines compagnies financent l'achat de médicaments par les établissements, alors que ces médicaments n'apparaissent pas au formulaire, comme par exemple lorsqu'un avis de conformité n'est pas encore émis. Après un certain temps, une fois les pratiques professionnelles solidement implantées, les compagnies se retirent du financement, laissant ainsi aux professionnels et aux établissements l'odieux soit de mettre fin aux traitements, soit d'en assumer les coûts, ou encore d'en faire payer le prix à l'usager.

Ces pratiques à notre avis doivent cesser. L'AMQ est d'avis que le Code de pratiques de commercialisation, élaboré par Les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada, doit être renforcé afin d'exclure explicitement les pratiques semblables à celles décrites plus haut. Quant au Code d'éthique des intervenants en éducation médicale continue, élaboré par le Conseil de l'éducation médicale continue du Québec, il est muet sur ces pratiques commerciales.

n (16 heures) n

Le ministère annonce son intention de revoir le mandat de la table de concertation et de clarifier son rôle et ses responsabilités afin qu'elle devienne le forum privilégié en matière d'utilisation optimale des médicaments. Cette révision nous semble une belle occasion d'élargir le mandat de la table de concertation et de lui confier la responsabilité d'émettre des recommandations au ministère sur les pratiques commerciales de l'industrie pharmaceutique.

Quant à l'industrie du générique, elle peut également contribuer à une utilisation optimale du médicament et à la diminution de la progression des coûts, on en convient. Le Québec est la seule province, au Canada, où le coût des médicaments génériques est le plus élevé. L'industrie du médicament générique dispose d'une marge de manoeuvre et à notre avis devrait faire sa part.

Par ailleurs, l'AMQ réitère sa position très ferme à l'effet que soit maintenue l'interdiction de la publicité sur les médicaments d'ordonnance auprès du grand public. Je reviens des États-Unis, et c'est absolument incroyable, ce qui se passe, quand on regarde la télévision, ça n'a pas de bon sens, et il ne faut pas que ça arrive ici. Bien qu'il s'agisse là d'une juridiction fédérale, le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec devrait faire des représentations auprès de son homologue fédéral sur cette question, et nous allons l'appuyer. Et l'AMQ et l'AMC appuient totalement ce projet-là. L'exemple américain, qui s'est traduit par une explosion des coûts des régimes privés et publics d'assurance, devrait servir de modèle à ne pas suivre.

L'éducation médicale continue. L'éducation médicale continue est un élément clé et un gage de qualité de notre système de santé. De nombreuses organisations, issues tant du milieu médical que de l'industrie pharmaceutique, offrent aux médecins et aux autres professionnels de la santé des activités d'éducation médicale continue. À cet égard, le Code d'éthique des intervenants en éducation médicale continue, élaboré conjointement par les milieux médical et pharmaceutique, est un outil précieux dont il faut souhaiter le maintien et l'amélioration.

Le gouvernement devra investir de façon importante dans le développement des programmes d'éducation médicale continue axés spécifiquement sur l'utilisation optimale et judicieuse du médicament. C'est rendu que les médicaments coûtent plus cher que les docteurs, donc il faut mettre l'énergie où il y en a besoin. Les économies qui résulteront de l'application de la politique du médicament permettront de financer ces investissements. La toute récente étude publiée dans le Annals of Internal Medecine nous rappelle l'importance primordiale de mettre à jour les connaissances des médecins au fil de leur pratique.

En conclusion, les propositions ministérielles sur la politique du médicament, bien qu'elles nous apparaissent ambitieuses, constituent un tout très cohérent et extrêmement prometteur dans le but de mieux encadrer et d'améliorer la gestion du médicament. Ce projet de politique crée toutefois des attentes importantes dans le milieu médical et ses partenaires. Le ministre devra se donner les moyens de ses ambitions, notamment au chapitre des investissements requis dans les systèmes d'information, c'est tellement important, et pourtant ça existe.

L'Association médicale du Québec appuie sans réserve l'approche multisectorielle adoptée par le gouvernement dans ce dossier. L'utilisation optimale du médicament n'est pas que l'affaire du patient ou du médecin, c'est l'affaire des deux. Le succès de la politique du médicament est largement tributaire de la pleine et entière collaboration de toutes les catégories de professionnels, de l'industrie pharmaceutique, de la population en général et du gouvernement. Je vous remercie.

La Présidente (Mme James): Merci beaucoup, Dr Ouellet. Nous allons maintenant débuter la période d'échange avec les parlementaires. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Merci, Dr Ouellet, Mme Duclos et M. Nadon, pour votre visite aujourd'hui. C'est toujours intéressant d'entendre l'AMQ parce que vous représentez des milliers de médecins également mais dans un angle un peu différent des fédérations. Étant donné que vous ne participez pas aux négociations des tarifs et autres missions de type syndical, ça donne toujours un éclairage un peu parallèle, c'est ça. Et, quant au fait que vous soyez le premier radiologiste, je ne sais comment interpréter cette nouvelle, on pourrait émettre différentes hypothèses peut-être au cours des prochains jours.

Vous avez raison, le fait de nous doter d'outils informatiques, c'est majeur, puis vous savez qu'on a posé des gestes importants pour ça avec l'adhésion à Inforoute Santé Canada, avec des projets concrets. Et puis bien sûr il faut, pour aller encore plus loin et plus rapidement, que les dispositions du projet de loi n° 83 qui viennent enchâsser la circulation de l'information soient adoptées par l'Assemblée nationale, et on travaille tous très fort dans cette direction-là.

Pour ce qui est des aviseurs thérapeutiques, vous serez intéressé de savoir qu'il y a déjà des projets pilotes qui sont en évolution. Vous le savez probablement, il y a des projets pilotes dans 10 groupes de médecine de famille. Puis il y a un autre type de projet pilote avec le système MOXXI, que vous connaissez peut-être, à l'Université McGill, qui sont des aviseurs thérapeutiques. Ça va nous enseigner beaucoup sur le bénéfice réel de ces outils-là.

J'ai été intéressé, lors de votre représentation, par votre recommandation sur le Code de commercialisation de Rx & D. Et vous avez touché un problème, qui est un problème réel, qui est l'introduction de médicaments, dans les centres hospitaliers, soit qui n'ont pas eu de certificat de conformité de Santé Canada soit qui ont eu un certificat de conformité mais dont la valeur ajoutée n'a pas été encore évaluée par le Conseil du médicament. Et ce qui se passe, c'est exactement ce que vous avez décrit, c'est que les habitudes thérapeutiques sont prises autant par les malades que par les médecins, et, lorsqu'elles sont bien enracinées, on assiste à un retrait, puis là le financement devient du fardeau public, alors que la valeur thérapeutique n'est pas encore démontrée.

De quelle façon on pourrait resserrer cette pratique-là? Déjà, nous, on demande deux choses. On demande que les conseils d'administration des établissements soient toujours mis au courant de ces activités, parce que souvent c'est par l'intermédiaire d'activités de recherche que ces médicaments sont introduits. Et d'autre part on demande également que les règles quant à l'inscription du médicament soient très connues, très bien connues et explicites pour les participants au projet de recherche, autant les médecins que les patients. Mais quels sont les autres outils qui d'après vous seraient utiles?

M. Ouellet (Robert): Écoutez, je pense que les médecins qui participent à ces études-là parfois sont les premiers qui vont essayer d'introduire ça à l'aide de la compagnie pharmaceutique pour laquelle ils font leurs recherches. Et il faut sensibiliser ces gens-là à la situation qui va arriver après, lorsque le médicament ne sera plus... c'est-à-dire lorsque la compagnie ne sera plus là pour fournir le médicament. C'est sûr que les administrations doivent être prises aussi... Parfois, il se passe des choses, puis les administrations ne sont absolument pas au courant de ce qui se passe dans le centre hospitalier. Et ça m'apparaît important qu'ils soient sensibilisés. C'est peut-être de regarder de plus près les projets de recherche et surtout de sensibiliser les médecins à cette situation-là. Ça arrive, et il est trop tard, un coup que c'est arrivé, on se rend compte qu'on est devant un fait accompli. Et ça nous a été rapporté par plusieurs personnes. Et on trouve ça déplorable.

M. Couillard: Oui, puis on en a encore des exemples concrets actuellement, au Québec, de ces situations-là.

Vous avez touché la question de l'intention thérapeutique, et c'est toujours intéressant d'avoir des médecins pour nous faire part de leur opinion là-dessus. Ce matin, les deux fédérations, j'ai compris qu'elles étaient assez réfractaires à l'idée de l'intention thérapeutique. Évidemment, c'est quelque chose que par ailleurs les pharmaciens voudraient obtenir pour contribuer à bonifier leur rôle auprès du patient, le rôle d'expert-conseil en médicament. Et on retrouve d'autre part le souci justifié des médecins de conserver leur rôle de diagnostic, de considération globale de l'état du patient, surtout dans des situations plus complexes. Comment, sur le plan pratique, vous voyez ça, vous, l'intention thérapeutique?

M. Ouellet (Robert): Comme on l'a dit, je pense qu'on veut laisser ça sur une base volontaire, dans le sens que, dépendant des milieux, il y a peut-être des pharmaciens et des médecins qui ont une très bonne relation et qui peuvent se faire confiance. Le médecin sait à qui il parle comme pharmacien soit dans son établissement soit dans sa communauté, et on pense que ça peut se faire sur une base peut-être locale ou strictement volontaire. Mais il faut que les gens soient en confiance. Il faut que le médecin, s'il envoie le patient au pharmacien, bien, que le pharmacien donne une réponse qui va satisfaire le médecin, non pas seulement de donner ce geste-là gratuitement à tout le monde. Et on pense qu'on vous a dit qu'on était, oui, d'accord, mais du bout des lèvres un petit peu. On a été très restrictif dans ça. Et il faut faire bien attention que ça ne devienne pas... Que le médecin marque: diagnostic, diabète, et que ce soit le pharmacien qui règle tout ça, je pense qu'on n'en est pas là. Mais la façon dont on voit ça, c'est sur une collaboration entre médecins et pharmaciens, probablement par un lien mutuel de confiance qui est établi. Parfois, ça prend un peu de temps avant d'établir ça, mais, quand les gens se connaissent, ça devient plus facile.

M. Couillard: Vous avez également touché la question de la table de concertation. Vous voyez que, dans la politique, on veut la réformer ou l'améliorer. Quelles seraient vos suggestions précises quant à son mandat et à sa composition?

M. Ouellet (Robert): D'abord, nous inviter à un moment donné.

M. Couillard: Je soupçonnais que vous diriez ça.

M. Ouellet (Robert): On en discutait, et il faut faire attention parfois lorsqu'on met des experts. Le mot «expert» peut être pris... Parfois, un expert, c'est ponctuel. C'est-à-dire qu'un expert peut être un expert sur un médicament pendant un certain temps, mais, à un moment donné, il ne devient pas expert pendant 20 ans dans les médicaments, et ça change. Moi, je suis radiologiste. Si vous m'invitez comme expert sur les médicaments, vous vous trompez parce que, moi, j'en suis encore aux thiazides et à toutes ces choses-là d'il y a 20 ans puis il y a 30 ans, parce qu'on n'en prescrit pas. Alors, on n'est pas des experts toute notre vie dans certaines choses, et c'est peut-être à ce niveau-là qu'il faut repenser que les experts ne sont pas éternels, et qu'il faut peut-être réviser des choses, et que l'expert parfois peut être un expert sur un point très précis mais que globalement ça prend aussi des gens qui regardent de façon plus globale les choses.

M. Couillard: Qui devrait financer les programmes d'éducation médicale continue?

n (16 h 10) n

M. Ouellet (Robert): Les docteurs en financent déjà beaucoup, vous le savez. Les fédérations en financent beaucoup. On cogne à la porte du ministère pour dire: Bien, aidez-nous à ça. Parce que les gens, les médecins ? comme moi, j'en fais ? à chaque année, on va à des sessions d'éducation, et c'est sûr que ça vient de nos poches. Les fédérations réussissent à faire des projets, mais le ministère peut nous aider aussi, sans prétendre de dire que c'est complètement le ministère qui doit avoir ce fardeau-là, parce que le médecin doit quand même continuer à avoir de l'éducation médicale.

Si je regarde ? encore là, je vais prendre mon exemple de radiologiste ? lorsque j'ai fait mon cours de radiologie ? et je ne suis quand même pas un patriarche ? il y avait l'échographie, ça commençait à peine, la tomodensitométrie, il y avait un appareil à Montréal, et la résonance magnétique n'était pas inventée. Ce que je fais aujourd'hui, lorsque j'ai fait mon cours ça n'existait pas. J'ai dû investir. Ce n'est pas le ministère qui m'a payé tout ça, là, j'ai dû aller de moi-même apprendre beaucoup de choses, parce que ma pratique a changé énormément.

Alors, c'est sûr que, si on a de l'aide, un peu, à un moment donné, ça peut aider, parce que parfois il faut prendre plusieurs semaines de ressourcement. Lorsqu'on est dans un milieu universitaire, bien il y a des années sabbatiques, ou il y a des pratiques de groupe qui peuvent permettre ça, mais ce n'est pas tous les médecins qui sont dans ces situations-là, et je pense que le ministère pourrait nous aider.

M. Couillard: Vous ne pensez pas que l'industrie, autant l'industrie des médicaments brevetés que celle des génériques, consacre beaucoup d'argent actuellement à des formes d'éducation médicale continue et que, si on recyclait cet argent-là, les mêmes sommes, dans un fonds indépendant, on aurait les mêmes résultats?

M. Ouellet (Robert): Je pense que oui, parce que c'est sûr qu'il y a beaucoup d'argent qui se dépense dans l'industrie pharmaceutique. Autrefois, en radiologie, on en recevait, nous, de l'argent, mais, depuis que vous avez fait des achats regroupés, on n'a plus rien, là. C'est dommage, monsieur. Mais c'est sûr qu'actuellement il y a de l'argent à quelque part, ça s'appelle dans l'industrie pharmaceutique, il y a de l'argent, et, si, ça, c'était distribué d'une autre façon, ça pourrait facilement nous aider.

M. Couillard: Merci.

La Présidente (Mme James): Merci beaucoup. Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole en matière de santé et des aînés.

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Alors, je voudrais, au nom de l'opposition officielle, vous souhaiter la bienvenue, Dr Ouellet, Mme Duclos et M. Nadon. Vous êtes un habitué, M. Nadon, de la commission parlementaire. Moi, Dr Ouellet, je voudrais vous souhaiter tout le succès possible dans vos nouvelles fonctions, et, si vous avez l'occasion de le faire, en fait de saluer pour moi le Dr Senikas, qui est venu à quelques reprises nous donner un point de vue bien intéressant de l'Association médicale du Québec.

Alors, j'aimerais bien revenir avec vous sur cette question de l'intention thérapeutique. Dans le mémoire que vous présentez, à la page 8, j'ai compris ? et c'est ce que je veux vérifier, si c'est le cas, là ? j'ai compris que vous n'étiez pas contre l'intention thérapeutique, vous étiez favorables lorsque cela s'appliquait à des problèmes de santé, vous dites, ponctuels et circonscrits, là. C'est peut-être difficile de qualifier le ponctuel et le circonscrit. Mais finalement vos réserves, là, sont plus lorsqu'il s'agit de multipathologies complexes. Bon. La question est: Comment gérer ça, hein, comment gérer? Parce que tantôt je me demandais, en vous écoutant, dans quel milieu vous exercez votre profession. Dans quelle ville?

M. Ouellet (Robert): À Laval.

Mme Harel: À Laval. Je me posais la question dans le sens où, pour ce qui est des multipathologies complexes, vous sembliez proposer que ce soit laissé sur une base volontaire et vous expliquiez qu'il y a une relation de confiance qui peut s'installer. Mais, si le médecin a affaire avec beaucoup de pharmaciens, il faut qu'il installe des relations de confiance avec pas mal de monde, là. Je pense, entre autres, plus peut-être à l'exercice de la profession à Montréal. Il n'y a pas qu'un pharmacien chez lequel les patients vont, hein, c'est finalement une panoplie de pharmaciens. Alors, comment organiser les choses d'une manière plus systématique?

M. Ouellet (Robert): D'abord, je vous dirais que Laval et Montréal, ça se ressemble beaucoup, là. Je donne l'exemple où je travaille, c'est une polyclinique où il y a quand même 25 omnipraticiens, il y a peut-être une centaine de professionnels et il y a un pharmacien en bas. Les gens, c'est sûr... La relation est très proche entre le pharmacien, les pharmaciens et les médecins. Pour ce qui est...

Mme Harel: Je vous arrête tout de suite. La personne qui va chez vous n'est pas obligée d'aller chez le pharmacien qui est en bas.

M. Ouellet (Robert): Pas du tout. C'est bien entendu... C'est sûr que le pharmacien souhaite ça, mais ce n'est pas toujours ce qui arrive.

Je vous dirais que ce qui aiderait énormément, c'est justement... lorsqu'on aura l'informatisation de tout ça, c'est ça qui va aider. Et c'est facile à faire, l'informatisation, relativement, parce que toutes les pharmacies sont informatisées. Vous allez chez Jean Coutu, et ils savent ce que vous avez pris chez l'autre Jean Coutu ? sans nommer de nom, là. C'est déjà tout informatisé, les pharmacies. C'est les médecins qui ne sont pas informatisés, c'est le lien entre les médecins et l'informatique qui n'est pas fait. Et, lorsqu'on aura ça, ce sera fantastique.

Quelqu'un nous racontait récemment qu'il est allé en... C'est un médecin qui nous donnait un exemple de l'informatisation. Il dit: Je suis allé en Europe, et j'étais à Amsterdam et j'ai manqué d'argent. Je suis allé avec ma carte de débit et j'ai mis ça dans une machine, et la machine m'a répondu: Bonjour, Dr Ouellet. Qu'est-ce que je peux faire pour vous? Le système bancaire l'a fait. Il est à Amsterdam. C'est capable d'identifier ce patient-là. Et, nous, on est ici, et le médecin, tout ce qu'il reçoit... le pharmacien reçoit un gribouillis. Vous savez comment les médecins écrivent. Je trouve que déjà c'est quand même surprenant qu'il n'y ait pas plus d'erreurs que ça avec l'écriture. Comment ils font pour comprendre, les pharmaciens, je ne le sais pas. Je suis médecin moi-même, et il y a beaucoup de choses... On a de la difficulté, nous aussi, avec les prescriptions en radiologie. Alors, les chances d'erreurs sont grandes. Et l'informatisation pourrait se faire facilement parce qu'il y a un côté qui est informatisé, le côté pharmacie l'est.

Et, à ce moment-là, pour répondre à votre question, quand on arrive avec des processus complexes, c'est là que ça devient peut-être plus difficile à faire. Avec des pathologies complexes, le patient qui a une arthrite rhumatoïde, qui a un diabète, qui a tout ça, ça devient complexe. Ce qu'on disait, c'était peut-être quelque chose de ponctuel. Bien, je ne sais pas, moi. Un rhume, une grippe, il n'est pas nécessaire que le médecin peut-être prescrive tel sirop et telle chose comme ça, alors que c'est des médicaments qui peuvent se... Je donne un exemple, là, factice, là, mais c'est des médicaments qui peuvent se faire plus facilement que lorsqu'il y a quatre ou cinq pathologies très complexes.

Mme Harel: Dans le mémoire, toujours à la page 8, vous réitérez votre position à l'effet que l'acte professionnel de prescrire, dites-vous, est indissociable de celui de poser un diagnostic et doit demeurer, vous dites, de façon générale... bon, à quelques exceptions ? pharmaciens, optométristes ? certains médicaments dans certaines circonstances... Par exemple, les infirmières cliniciennes. Quel est le point de vue de l'Association médicale à l'égard des infirmières cliniciennes?

M. Ouellet (Robert): Nous sommes en faveur des infirmières cliniciennes, du principe des infirmières cliniciennes. C'est sûr qu'il faut que la pratique, elle soit réglementée, qu'elle soit limitée, dans un certain sens. Les infirmières cliniciennes ne peuvent pas remplacer complètement un médecin. Et, si elles sont bien encadrées, je pense qu'elles ont leur place, c'est notre position. Il faut que ce soit bien balisé.

Mme Harel: Mais y compris pour diagnostiquer et prescrire.

M. Ouellet (Robert): Il y a des domaines où l'infirmière clinicienne pourrait certainement aider. Et je vous dirais qu'on revient d'un voyage en Californie, où on est allés à l'Institut Kaiser, et ils ont des infirmières cliniciennes là-bas qui sont vraiment, là, très, très bien éduquées et qui font pratiquement le rôle du médecin, qui prescrivent. Mais ces gens-là ont été formés, et ce n'est pas seulement qu'un trois mois de plus, là, c'est des gens qui agissent pratiquement comme un médecin, et là-bas c'est très bien toléré.

Mme Harel: Permettez-moi de vous demander, là... Mais une infirmière clinicienne doit avoir un niveau de maîtrise en sciences infirmières? C'est le niveau de la maîtrise?

M. Ouellet (Robert): Oui.

Mme Harel: Ce n'est pas le doctorat?

M. Ouellet (Robert): Non, pas à ce que je sache, en tout cas.

Mme Harel: C'est un niveau de maîtrise, l'infirmière clinicienne?

Une voix: Oui, c'est ça.

n (16 h 20) n

Mme Harel: C'est un niveau de maîtrise. Bon. Dans le mémoire que vous présentez, j'ai trouvé peut-être un peu court le développement que vous faites sur les médicaments utilisés dans les établissements avant qu'ils apparaissent sur les formulaires, en particulier pour les maladies orphelines. Comment faire pour que ces médicaments, qui souvent vont attendre longtemps, voire... le label, si vous voulez, de la valeur probante, étant donné qu'il n'y a pas de cohorte suffisante, là, pour qu'il y ait les tests qui puissent se faire... Alors, est-ce qu'en attendant on va priver finalement les personnes qui sont atteintes de maladies héréditaires? En fait, c'est souvent des maladies héréditaires. Je pense à la maladie de Gaucher et à la maladie de Fabry; en fait, ce sont des maladies diagnostiquées pour lesquelles des efforts importants ont été faits, en termes de recherche, par l'industrie. Comment imaginer qu'un soignant, si vous voulez, mette de côté ces médicaments qui sont utilisés parfois ailleurs, en Europe ? hein, on le voit bien ? et qui peuvent même être... en Europe ou enfin dans d'autres pays, parfois même qui peuvent être acceptés au fédéral, et, compte tenu du fait que le Conseil du médicament va considérer que la valeur probante n'est pas confirmée parce que les études sur un grand nombre de personnes n'ont pas été réalisées... Est-ce que je comprends que, vous, vous choisissez d'écarter l'usage de ces nouveaux médicaments?

M. Ouellet (Robert): Non. Je pense qu'il ne faut pas écarter l'usage. Il faut vraiment regarder les choses... C'est des cas qui sont plus spéciaux. Il ne faut pas dire: Bon, bien, écoutez... Ce n'est pas parce que ça n'a pas été homologué par je ne sais pas quel organisme, tout ça, qu'on ne peut pas regarder ces choses-là. Il faut cependant être très prudent parce que parfois il y a des traitements qui sont un peu hypothétiques. J'essaie de me souvenir du nom... Il y avait quelque chose sur la leucémie, là, il y a plusieurs années, là, qui venait de France, Nissan ou quelque chose comme ça, là, qui avait un traitement qui était complètement farfelu et qu'on ne pouvait pas introduire ici, ça n'avait pas de bon sens, ces choses-là. Ce n'est pas... Il faut faire attention dans les médicaments qu'on emploie pour que ce soit au moins quelque chose qui soit valable.

Et, à ce moment-là, si on le regarde comme il faut, il ne faut pas priver les gens d'un traitement qui existe. Je pense que c'est important, la santé des patients. Les maladies, quelles qu'elles soient, notre système de santé ne nous dit pas qu'il y a des maladies qui sont exclues, à ce que je sache. Il faut traiter tous les gens, mais il faut aussi être conscient qu'on ne peut pas aller chercher tous les médicaments qui existent pour juste dire: Bien, on pense que ceci doit se faire. Donc, ça doit être fait par une concertation avec le médecin traitant et avec des organismes probablement qui vont se pencher là-dessus, peut-être pour accélérer le processus, si le médicament est valable. Mais il ne faut pas non plus négliger ces patients-là, c'est bien évident. Ce n'est pas parce qu'ils ont une maladie rare qu'ils n'ont pas le droit d'être traités.

Mme Harel: À votre connaissance, est-ce qu'il y a eu, comme ça, des médicaments, par exemple, prescrits à l'étranger, qui n'étaient pas homologués à Ottawa et qui ont été prescrits dans les établissements québécois?

M. Ouellet (Robert): Je ne saurais vous répondre. Comme je vous ai dit, je suis radiologiste et un peu plus loin des médicaments, mais je ne saurais... à moins que mes collègues aient des informations. Je ne sais pas.

Mme Harel: Je pose la question parce qu'à ma connaissance, dans les maladies héréditaires ou orphelines, disons, les situations qui ont été portées à mon attention le sont toutes à partir de médicaments qui sont déjà en fait administrés ailleurs, dans des pays qui nous ressemblent, en fait.

Bon. Dernière question, sur le Conseil de l'éducation médicale continue du Québec. Dans votre mémoire, vous dites à bon droit que les pratiques de mise en marché qui amènent à solliciter finalement, sous le vocable de formation continue, des activités diverses, là, vous dites que le Conseil de l'éducation médicale continue du Québec est muet sur ces pratiques commerciales, lesquelles pratiques finalement détournent... Vous le dites à la page 9, là, de votre mémoire, l'avant-dernier paragraphe. Ce qui m'a surprise, c'est qu'à la page suivante vous recommandez que l'éducation médicale continue... Vous nous dites: «...le Code d'éthique des intervenants en éducation médicale continue, élaboré conjointement par les milieux médical et pharmaceutique, est un outil précieux dont il faut souhaiter le maintien et l'amélioration.» Alors, dois-je comprendre que l'amélioration, ça va consister à introduire des dispositions qui vont interdire ces pratiques de mise en marché dont vous dites d'une éthique très douteuse?

M. Ouellet (Robert): Oui. Je pense qu'il faut que les choses soient clarifiée dans ça. Et c'est sûr que, quand on dit «des pratiques douteuses», ça ne veut pas dire qu'on n'a pas le droit d'avoir des sandwichs quand il y a une présentation médicale qui est faite. Il faut que ce soit mis en considération que... par exemple, qu'il n'y ait pas nécessairement, je ne le sais pas, moi, un congrès, à quelque part, qui est payé par les compagnies pharmaceutiques sur une grande échelle et que finalement on se retrouve que c'est un voyage organisé tout simplement, comme ça s'est produit, vous le savez. C'est ce genre de chose là qu'on ne veut pas faire. Que les gens, par exemple, servent un repas lors d'une présentation, je pense que c'est acceptable. Il y a moyen de baliser les choses et de rendre ça tout à fait acceptable et tout à fait conforme à des bonnes pratiques, mais il s'agit de refaire ces choses-là, de regarder ça de plus près.

Mme Harel: Je vous remercie. C'était votre première commission parlementaire?

M. Ouellet (Robert): Bien, je suis venu comme assistant, mais premier où je parle.

La Présidente (Mme James): C'est très bien. Merci, Dr Ouellet, Mme Duclos, M. Nadon. Merci pour votre présentation de la part de l'Association médicale du Québec.

Et j'inviterais maintenant les représentants de l'Association des optométristes du Québec à prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme James): Bonjour. Bienvenue aux représentants de l'Association des optométristes du Québec. Juste vous rappeler les règles: vous allez commencer votre présentation, vous aurez 20 minutes pour faire votre présentation, ensuite nous allons débuter les échanges avec les parlementaires. Je vous demanderais, avant de commencer, de vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Association des optométristes
du Québec (AOQ)

M. Michaud (Langis): Merci, Mme la Présidente. Mon nom est le Dr Langis Michaud, je suis président de l'Association des optométristes du Québec. Je suis accompagné, à ma droite, du Dr Steven Carrier, qui est trésorier de l'association et également président du Centre de perfectionnement et de référence en optométrie, qui est l'organisme de formation continue des optométristes au Québec; à ma gauche, M. François Charbonneau, qui est notre directeur général, à l'Association des optométristes du Québec; et, à sa gauche à lui, le Dr Mathieu Proulx, qui est administrateur, à l'Association des optométristes et administrateur, à notre comité de formation continue tripartite, ordre, association et école.

Mme la Présidente, M. le ministre de la Santé, Mme la critique officielle de l'opposition en matière de santé, je remercie d'abord la commission de recevoir l'Association des optométristes pour partager notre point de vue sur le document de consultation que le ministère a émis en marge de la politique du médicament.

n (16 h 30) n

Je vous situe d'abord très rapidement, un bref rappel de la profession d'optométrie. Ma collègue de l'Ordre des optométristes est passée, il y a quelques semaines, et vous a mentionné que le mot «notamment» ne devait plus s'appliquer à l'optométrie comme telle, puisque les autres prescripteurs doivent être considérés. Et nous sommes bien d'accord avec ça, l'optométrie étant de plein droit une profession maintenant reconnue et de première ligne en matière de soins oculovisuels, surtout suite aux évolutions des dernières années, en 1992, je vous rappelle, le droit d'utiliser les drogues diagnostiques pour l'examen détaillé de la santé de l'oeil et, en 2003, le droit de prescrire les médicaments, certains médicaments topiques pour traiter certaines maladies de l'oeil. Donc, le mot «notamment», s'il peut... évidemment dans notre cas et nous faire considérer donc des professionnels de première ligne pleins et entiers, nous agrée évidemment très bien.

En termes de mémoire, si on y va directement au coeur du sujet, puisque le temps nous est compté, les optométristes prescrivent. Donc, on est des joueurs relativement nouveaux dans le domaine, on n'est pas nécessairement très volumineux en nombre de volume de prescriptions. Cependant, en soins oculaires, il faut considérer que les optométristes du Québec traitent actuellement... diagnostiquent et traitent des maladies oculaires chez un patient sur trois qui se présente en condition d'urgence oculaire. Donc, quelqu'un qui a un oeil rouge, quelqu'un qui a un corps étranger, quelqu'un a un problème de santé oculaire actuellement au Québec, un patient sur trois est reçu, diagnostiqué et traité par un optométriste. Toutes proportions relativement gardées, ça fait de nous des joueurs nouvellement arrivés. Je vous dirais qu'une nouvelle compagnie qui s'inscrirait en Bourse qui prend le tiers des parts de marché dans deux ans serait relativement bien perçue des analystes. Je pense que nos optométristes ont prouvé sur le terrain la nécessité de leurs soins, leur compétence, la justesse que le gouvernement avait eue... et, de façon unanime, l'Assemblée nationale qui avait reconnu ce droit de prescription au niveau des optométristes.

Au niveau des principales recommandations, évidemment j'irai en trois volets. Nous sommes donc d'accord avec les orientations du document concernant d'abord le partage des informations entre les professionnels, puisqu'il s'agit d'une condition de première importance dans la gestion et l'utilisation optimale des médicaments. Évidemment, nous tenons, comme ma collègue de l'ordre vous l'a mentionné, à ce que les optométristes soient consultés dès l'entrée de nouvelles mesures ou dès que vous pensez, à titre de parlementaires, à modifier quoi que ce soit en termes de médicaments, en termes de prescripteurs, nous avons donc notre mot à dire. Et à ce titre-là nous demandons, comme l'ordre l'avait souligné, une représentation des non-prescripteurs à la table du Conseil des médicaments et la présence d'un représentant de l'association spécifiquement à la table de concertation du Conseil du médicament, où il y a déjà d'autres associations professionnelles qui siègent. Le point de vue clinique que nous pouvons apporter, étant des professionnels de première ligne, pourrait, je pense, bonifier les travaux de la table de concertation.

L'information doit être partagée. On est tous d'accord comme professionnels, je pense, qu'il faut que, pour le mieux-être du patient, le dossier doit être... On parlait d'informatisation il y a quelques instants, il faut que le dossier soit accessible, il faut que l'information soit accessible. Et, à titre de prescripteur, il faut évidemment que l'optométriste ait accès au dossier informatisé, qu'il ait la possibilité d'y inscrire sa propre thérapeutique qu'il prescrit, et évidemment que ce soit fait de façon collégiale avec les autres prescripteurs. Alors, nous partageons cette volonté-là du ministère et nous répondons «présents» à toute invitation éventuelle que le ministère nous fera de discuter donc de l'informatisation, du réseautage des bureaux des optométristes avec ceux des médecins, des pharmaciens et des autres intervenants de première ligne et du monde médical donc qui oeuvrent auprès des patients.

Deuxième élément, nous sommes d'accord sur l'orientation face à la formation des professionnels, la formation continue. On parle de formation des professionnels en fonction d'une utilisation juste de la médication, une utilisation optimale de la médication. Nous souscrivons à cet état de fait là et à cette proposition du ministère. Nous ferons évidemment, là, connaître cette position-là auprès de notre école de formation, à l'Université de Montréal, pour que ce soit... évidemment qu'il y ait une suite à ça. Mais on aimerait pousser la réflexion plus loin en disant que le cursus universitaire devrait aussi parler du volet multidisciplinaire.

Souvent, les professionnels travaillent isolément, par habitude, par méconnaissance de ce que les autres professionnels sont capables de faire, et par méconnaissance des liens possibles avec les autres professionnels. La vraie preuve: je vous donne le niveau rural, le niveau urbain. Les optométristes, en milieux ruraux, ont des liens très étroits avec les médecins de famille, avec les ophtalmologistes, avec les autres professionnels de la santé, avec les pharmaciens notamment, ce qui est beaucoup moins évident dans le milieu urbain. On parlait tantôt des liens serrés qui s'occupent moins... et le travail de l'optométriste est beaucoup plus efficace et beaucoup plus intégré dans ces milieux ruraux là qu'il peut l'être et qu'il pourrait l'être de façon souhaitable en milieu urbain. Donc, par méconnaissance, je dirais, plus que par mauvaise volonté, qui n'existe certainement pas, les professionnels n'oeuvrent pas ensemble. Et le cursus universitaire non seulement devrait parler d'une meilleure utilisation des médicaments, mais devrait d'abord et avant tout parler d'un travail collégial, et de mettre le patient au centre de nos préoccupations, et de le traiter en équipe d'abord et avant tout, et d'apprendre donc à nos futurs professionnels de tous horizons cette facette des choses.

La formation continue doit être obligatoire, et on souscrit à l'idée d'un fonds de gestion de formation continue. Nous avons une particularité en optométrie qui veut que le CPRO, donc notre Centre de perfectionnement et de référence en optométrie, est un organisme tripartite qui est composé de l'ordre, de l'association et de l'école qui s'occupe de la formation. C'est un guichet unique qui s'occupe de la formation des professionnels, qui est financé par les professionnels, avec une cotisation spéciale obligatoire rattachée au permis de pratique. On a réussi, par cette voie de financement là, à éviter, jusqu'à un certain point, l'intrusion des compagnies pharmaceutiques dans le domaine.

Ceci étant dit, nous acceptons tout de même un certain niveau de commandite mais qui ne touche pas la formation spécifique de cours particuliers mais bien l'événement global. C'est-à-dire que, si on organise un colloque, comme il va y avoir à la fin du mois de mai, sur un thème en particulier, le choix des conférenciers, le choix des sujets, le déroulement de la journée, c'est l'affaire des optométristes au sein du CPRO. Cependant, les pauses-café, l'organisation matérielle peut faire l'objet d'un financement, et, à ce moment-là, la commandite est ouverte. Mais en aucun temps la commandite ne peut s'impliquer dans le choix des sujets qui sont adressés, entre guillemets, aux participants. Et notre ordre professionnel est le garant de la reconnaissance des unités de formation continue qui découle de l'assistance à cette journée-là, et il y a un contrôle des présences obligatoire. Il y a un processus très rigoureux à ce niveau-là, on pourra échanger plus longtemps là-dessus.

Je mentionnerai que cette gestion, comme ma collègue vous l'a mentionné au niveau de l'ordre, la gestion de formation continue, devrait, si elle est gouvernementale, à partir de la volonté du ministère, devrait être décentralisée, donc confiée aux professionnels qui en sont les bénéficiaires dans nos ordres professionnels. Dans notre cas, ce serait le CPRO, qui est l'organisme responsable de la formation continue, qui gérerait ce fonds-là.

Je vous demanderais peut-être d'avoir en idée une allocation spéciale pour nos professionnels de régions. Pour un optométriste qui part de Gaspé pour venir à un cours à Montréal, ça ne représente pas le même coût que celui qui est à Montréal comme tel, parce que, pour un cours qui est là le samedi, il faut que lui ferme son bureau le vendredi pour monter en ville. Il y a le coût de transport, il y a le coût d'hébergement, il y a le coût de vie à Montréal. Et il redescend le lundi, donc c'est deux journées de bureau perdues, alors que les autres professionnels qui sont plus près des centres de formation, évidemment eux n'ont pas cette pénalité-là. Alors, avoir un souci de région et de prévoir des mécanismes qui permettent non pas un financement tous azimuts par tête de pipe, là, mais qui permettent à nos optométristes et à nos professionnels de régions de bénéficier en premier lieu de ce financement-là et après ça de l'étendre aux autres, mais de façon plus particulière aux gens des régions.

Le troisième volet que j'aimerais aborder ? je sais que le temps file rapidement ? est peut-être le volet le plus important du mémoire, et c'est sur les propositions 26 et 30 du ministère dans le document, où on parle des journées santé. Vous affirmez, le document affirme d'entrée de jeu que les journées santé ne sont pas considérées comme étant une forme ni de ristourne ni ne doivent être calculées dans le coût global de la médication. Je vous donne l'exemple, nous, des journées santé, en optométrie, qui nous touchent, qui sont les journées organisées par les compagnies en pharmacie pour la rétinopathie diabétique. L'organisation des journées, comme vous l'avez vu dans notre mémoire, tout ce qui entoure cet exercice-là, soulève chez nous suffisamment de questions pour nous inciter à regarder plus à fond ce dossier-là avant d'affirmer que ce n'est pas un élément de ristourne et que ce n'est pas un élément de contrepartie commerciale entre le pharmacien et la compagnie pharmaceutique. Nous n'affirmons pas que c'est nécessairement ça, mais nous disons que le ministère devrait minimalement enquêter de façon un petit peu plus détaillée ce dossier-là avant d'affirmer que ce ne l'est pas.

Et ça soulève évidemment beaucoup d'autres questions d'ordre éthique, au niveau professionnel, des actes professionnels, au niveau du financement comme tel, au niveau de la facturation de ces services-là face à l'adhésion ou pas à la RAMQ. C'est-à-dire, les professionnels qui sont impliqués rendent des services assurés et sont payés, selon nos connaissances, par des tiers et non par la régie pour des services assurés dans le cadre de ces journées-là. Alors, certainement, le ministère aurait des questions à poser à la RAMQ en termes d'enquête à ce niveau-là. Je ne vous dis pas que c'est contraire au règlement, je vous dis juste qu'il faut poser les questions et enquêter pour savoir si ça l'est, de façon à ce que ça se fasse sous la meilleure transparence possible.

n (16 h 40) n

En bout de ligne, il faut mesurer aussi l'impact des journées santé. C'est-à-dire que, quand, chez nous, un patient se présente en pharmacie, il fait prendre sa photo de fond d'oeil et que son optométriste le convoque pour un examen régulier de rappel ? déontologiquement, l'optométriste doit suivre son patient diabétique pour un rappel ? se fait répondre: Ah! Je n'ai pas besoin d'aller à mon examen parce que j'ai passé à la pharmacie, et tout va bien, alors je pense qu'il y a un effet de banalisation de la maladie. Parce que l'identité de la rétinopathie est une chose, mais le diabétique, avec l'oeil, a au moins 15 autres implications qui ne sont pas mesurées par la prise de photo et qui ne sont donc pas vérifiées. Pire, il y a un système de rappel de ces patients-là par les compagnies qui font les journées de santé en pharmacie, et le patient va attendre, l'année d'après, de retourner donc faire prendre sa photo en pharmacie et, en bout de ligne, ne consultera pas un professionnel pendant deux, trois, quatre, cinq ans avant qu'il y ait des symptômes, et alors, évidemment, c'est très tard dans le processus à ce moment-là. Alors, ça, on pose des questions là-dessus, et on trouve ça relativement sérieux en termes de banalisation. Et ça va un peu contraire à ce qu'une journée santé doit être, c'est-à-dire une journée d'information, une journée de prévention, alors qu'actuellement on s'en sert à d'autres fins, selon notre entendement.

Évidemment, la rétinopathie diabétique est un sujet important, et on aimerait que le ministère s'y penche de façon détaillée. On avait déjà eu des discussions, et nous remercions le ministre de l'ouverture qu'il a eue, lors de ces discussions-là, à nos propositions, et essentiellement je pense que la façon d'encadrer cette chose-là... Parce qu'évidemment c'est une question que le ministre avait, avec justesse, posée à ma consoeur de l'ordre: Comment est-ce qu'on peut encadrer ces journées santé là? Eh bien, on a des éléments de réponse qu'on peut vous apporter. La première serait peut-être de se pencher sur une politique globale en termes de diabète. Une journée santé en général est une chose, mais en termes spécifiques c'est une politique globale du diabète qu'il faudrait que le gouvernement développe de façon à encadrer cette initiative de prise de photo. On n'est pas contre la technologie, loin de là. On pourra détailler un peu plus s'il y a des questions à ce sujet-là, mais certainement on n'est pas contre la technologie. Mais il ne faut pas, comme je le disais, banaliser, donner un sentiment de fausse sécurité aux patients et il ne faut surtout pas empêcher le travail des professionnels auprès des patients de se faire.

On a donc un modèle théorique qu'on peut vous proposer comme encadrement qui est très vaste, qui englobe tous les éléments d'inquiétude qu'on pourrait avoir et de conception qu'on peut avoir autant tant en termes déontologiques que de pratique. Il pourrait donc être l'objet de discussions entre le ministère et nous, entre les ordres professionnels. Évidemment, il y a des choix qui peuvent s'opérer à l'intérieur de ça, mais il faut retenir deux choses, c'est qu'il y a deux types de personnes d'impliquées dans les journées santé: il y a les professionnels, et là des ordres professionnels peuvent encadrer leur fonctionnement, si vous voulez, leur prestation professionnelle auprès des patients, mais il y aussi des compagnies, et ces compagnies-là sont soutenues évidemment par un financement des compagnies génériques et pharmaceutiques, et il n'y a pas d'encadrement pour ces gens-là, ils ne sont pas membres d'un ordre professionnel quelconque. Alors, je pense, le ministère aurait tout intérêt à établir un cadre de fonctionnement de façon à rendre transparent la contribution des uns et des autres lors de la journée santé, le financement apporté par les compagnies pharmaceutiques, de sorte à ce que ce soit comptabilisé en bout de ligne dans le coût global de la médication et que, si jamais les activités se poursuivent, ça se fasse en toute transparence et avec une connaissance des contributions des uns et des autres dans le domaine.

Donc, grosso modo, ça découlerait, je pense, de soi qu'il faille se pencher de façon plus globale, au niveau du diabète, sur une politique générale qui encadrerait le travail des professionnels, qui encadrerait le travail des compagnies qui veulent bien y contribuer mais qui placerait donc le patient au centre des préoccupations et qui serait notre première priorité à tous. Ça compléterait notre apport.

La Présidente (Mme James): Alors, merci, Dr Michaud. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec les parlementaires. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, la parole est à vous.

M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. MM. Michaud, Carrier, Charbonneau et Proulx, merci pour votre présentation. On est toujours heureux de vous revoir avec nous. Vous êtes des participants très actifs aux diverses commissions parlementaires, et on l'apprécie.

Il y a plusieurs points intéressants qui ont été touchés dans votre mémoire. Je pourrais peut-être commencer par le profil de prescription, parce que vous y faites allusion dans votre mémoire, et je voudrais clarifier votre position là-dessus. Vous êtes, je crois, d'accord avec l'idée d'un profil de prescription, mais vous suggérez qu'il soit administré par l'ordre professionnel, ou géré, ou transité par l'ordre professionnel. Est-ce que vous ne pensez pas que, là, on risque d'attiser les craintes de ceux qui y verraient potentiellement, dans ce profil de prescription, un outil disciplinaire, ou de surveillance, ou administratif plutôt qu'un outil de rétroaction pour le professionnel lui-même ou elle-même qui reçoit ça et se compare, dans un exercice d'autoévaluation, aux autres professionnels? Il me semble que ça pourrait semer de l'inquiétude que ces profils pourraient éventuellement, par exemple, être utilisés dans des sanctions disciplinaires ou des enquêtes de l'ordre sur la qualité de la pratique.

M. Michaud (Langis): C'est avec justesse, je pense, que vous pointez cet élément-là en particulier, parce qu'il est important. Évidemment, on pourrait vouloir, comme prescripteurs, avoir notre profil, se comparer à d'autres, mais, si évidemment un tel profil m'est rendu disponible, à moi, il peut évidemment être rendu public, jusqu'à un certain point, à d'autres intervenants dans le domaine, et là je pense que ça pourrait être non seulement détrimentaire en termes personnels, mais vous savez tous que, dans l'industrie, il existe des profils de professionnels que les compagnies utilisent à bon ou à mauvais escient. Ce n'est pas moi qui vais juger de la pertinence de la chose, mais ça risquerait plus de se retourner contre les professionnels que d'autre chose.

Il faut bien comprendre la position qu'on prend là-dessus. C'est non seulement l'ordre, mais on dit: C'est le comité d'inspection professionnelle qui devrait être le garant de ce profil de pratique là, comme il a actuellement entre les mains, ce même comité d'inspection professionnelle, mon profil de facturation à la Régie de l'assurance maladie du Québec, de façon à savoir si je suis déviant ou non déviant par rapport à mes collègues sur mon profil de facturation, comme il a mon profil professionnel au niveau de l'Ordre des optométristes. Et l'inspection professionnelle est un outil d'éducation de nos membres, ce n'est pas... On n'est pas en discipline, là, c'est qu'il y a un comité de pairs qui visitent les optométristes à raison d'à tous les cinq ans ? entre cinq à 10 ans, mais on vise plus le cinq que le 10 ans ? et je reçois l'inspecteur dans mon bureau pendant deux à trois heures, on revoit les dossiers ensemble, on discute des cas: Voici mon approche, voici la façon dont je le traite, voici pourquoi j'ai prescrit telle prescription de verres de contact dans telle circonstance. Et c'est des dossiers choisis au hasard, hein? Ce n'est pas moi qui les choisis, l'inspecteur arrive, fait le tour de mes filières, en prend 10, 15 au hasard, et on les regarde, on en discute ensemble. On discute de mon profil de facturation à la régie.

Alors, on se disait: Pourquoi ne pas discuter en même temps de mon profil de prescription thérapeutique, puisque c'est l'occasion, à ce moment-là, de revoir l'ensemble de ma pratique, dont la thérapeutique occupe de plus en plus une partie importante? Et, si jamais je suis déviant dans ce domaine-là, l'inspection professionnelle fait des recommandations particulières à l'optométriste qu'il suit et auxquelles il se conforme, et il y a une visite de contrôle qui est faite par le comité d'inspection quelques mois après. Et, là, si le profil ne s'est pas redressé, si le comportement de l'optométriste ne s'est pas redressé, c'est référé au bureau de l'ordre et après ça en comité de discipline, s'il y a lieu. Mais ce n'est certainement pas en comité de discipline, c'est d'abord des suggestions de stages, des suggestions de cours de formation continue, des suggestions de mise à jour, de mise à niveau.

Alors, via le comité d'inspection professionnelle qui est dépendant de notre ordre, on ne peut pas dire: Dirigez-le directement au comité d'inspection professionnelle, ça n'a pas d'entité légale en soi face au ministère, c'est plus l'ordre qui a le contrôle sur ce comité-là. Mais il faut vraiment, là, orienter vers le comité d'inspection professionnelle le profil de pratique, je pense, et, de cette façon-là, on est absolument garant que l'information est étanche. Le professionnel est protégé, le public est protégé, tout le monde est protégé et tout le monde est gagnant. Et à juste titre, quand vous dites que ce doit être un outil d'éducation du professionnel, je pense que, dans ce cadre-là et non pas en le faisant atterrir, là, de nulle part mais en l'encadrant dans un exercice d'éducation global de la pratique, on sert beaucoup mieux et le professionnel et le patient en bout de ligne.

M. Couillard: Vous avez également des suggestions quant à l'ajout de professionnels autres que médecins et pharmaciens sur, d'une part, le Conseil du médicament et, d'autre part, la table de concertation. Est-ce que vous pourriez nous expliquer comment vous verriez ça?

M. Michaud (Langis): Notamment sur la table de concertation. Et évidemment un problème oculaire traité par un médecin, par un ophtalmologiste ou par un optométriste, c'est le même problème oculaire qui, en bout de ligne, devrait arriver à la même conclusion. Ceci étant dit, il y a certaines applications plus particulières, il y a certaines réalités cliniques, il y a certains comportements de terrain qui sont différents chez les non-médecins que chez les médecins et il y a des difficultés qui peuvent survenir de ça. Alors, si on n'a pas de voix à ce chapitre-là, il est plus difficile de se faire entendre, je vous dirais.

Et, dans une perspective de multidisciplinarité, je vous parlais d'éduquer nos professionnels dès l'université à l'aspect multidisciplinaire, je pense que, dans toutes les tables de concertation, dans tous les comités, dans tous les forums où ça peut s'appliquer, on doit aussi traduire cette volonté, si telle est la volonté du ministère que nous comprenons, peut-être qu'on comprend mal la volonté du ministère, mais d'ouvrir les champs et de permettre aux gens de travailler ensemble. Alors, en favorisant la présence de non-médecins et au Conseil du médicament et à la table de concertation particulièrement, on envoie un signal clair que la santé, et particulièrement la médication et la thérapeutique par médication, c'est l'affaire d'une équipe et c'est une affaire multidisciplinaire. Donc, non seulement on a le discours, mais on a le geste qui va avec, et je pense que c'est un très beau signal à envoyer dans ce sens-là.

n (16 h 50) n

La Présidente (Mme James): Merci. Alors, je cède maintenant la parole à la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole en matière de santé et des aînés.

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Alors, Dr Michaud et les personnes qui vous accompagnent, Dr Carrier, Mathieu Proulx et... bonjour, Dr Proulx, et... Il vous manque juste Colette Matteau, en fait. Elle est là?

M. Michaud (Langis): Elle est ici, Me Matteau, mais elle est à l'arrière.

Mme Harel: Ah! Très bien. Alors, merci pour ce mémoire qui insiste sur certaines pratiques. L'Ordre des optométristes avait, je pense, été le premier à soulever ces questions en commission parlementaire il y a peut-être deux ou trois semaines, et le fait que vous y reveniez d'une manière qui est documentée certainement, là, va nous permettre d'aller plus loin sur ce que vous apportez. Je reviendrai donc sur cette question, là, qui faisait l'objet de l'échange avec le ministre.

Je retrouve, à la page 18, là, du mémoire, des réflexions qui devraient être celles du ministère et du ministre quant au respect de la protection du public. Et je pense en particulier à un aspect, là, qui m'interpelle, moi, pour la première fois, c'est à la page 18: l'usage de la banque de patients du pharmacien utilisée aux fins de l'exercice ? notamment de ces journées santé ? versus le respect des renseignements personnels. Est-ce que je dois comprendre qu'à l'occasion de ce qu'on appelle ces journées santé il y a des patients avec qui la pharmacie en question communique pour les inviter à se présenter?

M. Michaud (Langis): Vous comprenez très bien.

Mme Harel: Oh là là!

M. Michaud (Langis): Le pharmacien utilise sa banque de données pour... En fait, c'est confirmé, là, à la fin de notre mémoire, là. On a eu une entrevue, on a rencontré un des organisateurs de journées santé, et ce rapport a été confirmé par lui, il a reçu son approbation. Et, quand on dit: Le pharmacien donc contacte les... «La pharmacie est contactée par [la compagnie] qui s'occupe de l'organisation de la journée. Les patients sont recrutés via une annonce sur le site, à l'avance, et via une publicité dans les hebdos locaux. De plus, le pharmacien peut inviter des clients qu'il sait diabétiques par sa base de données.» O.K.? Et, un peu plus loin, on dit: «[La compagnie] garde en banque les données des patients afin qu'ils soient rappelés pour un examen dans un an, lors d'une autre journée de dépistage.» Et du même souffle ils nous disent: Oui, mais le dossier appartient au professionnel qui est impliqué dans l'analyse, là, mais sauf que c'est nous qui gardons les images en stock et c'est nous, sur notre serveur, qui gardons tout. Et on dit, un petit peu plus loin ? ce qui est encore plus, je pense, inquiétant pour nous ? qu'ils compilent des statistiques là-dessus, hein, ils font des statistiques, et des rapports, et des choses comme ça sur les atteintes des gens.

Donc, effectivement, c'est le genre de question... Je ne vous dit pas que c'est illégal, je ne vous dis pas que c'est... On n'affirme pas tous azimuts que c'est absolument contre la loi, on dit juste que c'est suffisamment, à notre niveau et selon notre niveau de connaissance concernant... pour qu'on s'y penche de façon très claire, et qu'avant de dire qu'une journée santé, c'est un peu banal et qu'on l'exclut du coût du médicament comme on l'exclut de l'encadrement... Ce n'est pas si banal que ça, là, c'est même fondamental, je pense.

Mme Harel: Cette pratique se fait dans le domaine optométrique. À votre connaissance, est-ce que cela s'est fait aussi à l'égard de d'autres pathologies?

M. Michaud (Langis): Écoutez, expérience personnelle, mon pharmacien de quartier, j'ai vu des journées annoncées sur l'hypertension, j'ai vu des journées annoncées sur le cholestérol. Je ne sais pas si les mêmes pratiques que, nous, on voit dans notre domaine et qui sont inquiétantes se pratiquent à ce niveau-là, mais minimalement c'est un objet d'inquiétude fondamental.

L'autre chose qui est importante et pour comprendre le financement qu'il y a derrière ça, c'est quand on pose la question: Est-ce que de telles journées pourraient s'organiser dans nos bureaux, à nous, en optométrie? La personne répond: Non, parce que ma compagnie qui me finance, moi, pour organiser ces journées-là n'a aucun lien et aucun intérêt commercial avec vous, les optométristes. Alors, ça se passe en pharmacie. On peut poser la question sans nécessairement suggérer la réponse: Quel est le lien alors entre les compagnies qui financent et l'endroit où ça s'effectue, la pharmacie? C'est une question, je pense, que le ministère devrait poser en termes de coûts justes et réels du médicament et en termes d'implication de ces compagnies-là dans l'organisation de ces journées.

Mme Harel: Je crois, Dr Michaud, que vous avez adressé la question à la Régie de l'assurance maladie du Québec pour solliciter en fait leur intervention. Il y a longtemps? C'est récent, en fait?

M. Michaud (Langis): C'est il y a six mois, nous avons adressé... Parce qu'il faut bien prendre en compte que le service qui est donné au patient, c'est un service d'analyse d'une photo du fond de l'oeil, qui est analysée par un médecin ophtalmologiste. Le service de diagnostic d'un fond d'oeil est un service assuré au Québec, donc tombant sous la Loi de l'assurance maladie du Québec. Le patient ne présente pas sa carte d'assurance maladie lors de la journée santé, on s'entend bien, là. Cependant, on sait ? et c'est confirmé dans le document que vous avez en annexe ? que le médecin qui analyse les photos est rémunéré par la compagnie qui organise la journée. Or, il rend donc un service et payé par un tiers, alors un service couvert par la régie. Pour nous, c'est inquiétant, et ça pose une question. On a donc interpellé la régie là-dessus, on est toujours sans réponse.

Mme Harel: Avez-vous reçu un accusé de réception?

M. Michaud (Langis): Oui. Il y a même une personne de la régie qui a demandé un supplément d'information en demandant: Si vous êtes au courant d'une pharmacie où ça a lieu, veuillez nous en aviser. Et on a transmis le nom suite à une annonce dans un journal où on voyait que ça allait avoir lieu, et, depuis ce temps-là, c'est resté sans réponse.

Mme Harel: Nous aurons sans doute l'occasion, là, au moment de l'étude des crédits du ministère, d'interroger la direction de la Régie de l'assurance maladie du Québec sur l'état d'examen, là, dans un dossier comme celui-là. Savez-vous, ce qui me rassure, c'est que vous preniez les choses très au sérieux, que vous considériez qu'il y a matière à un glissement vers des pratiques qui ne sont pas souhaitables en santé publique. Que vous le disiez publiquement, ça donne confiance dans une association. Et votre ordre également a fait ces représentations ici, devant la commission. C'est cette confiance-là dont le lien est brisé par rapport à, disons, d'autres professionnels, et je crois que c'est tout à votre honneur de vouloir maintenir ce lien de confiance avec la population.

M. Michaud (Langis): Mais je vous remercie. Et j'ajouterais peut-être là-dessus que le meilleur garant serait, un peu comme nous le suggérons... Si je traduis bien les échanges que nous avons eus avec le ministère à ce sujet, je pense que le ministère est d'accord avec cette orientation-là d'éventuellement, je ne veux pas prêter d'intention, là, mais, je pense, de définir et d'encadrer à l'intérieur d'une politique du diabète toutes les interventions devant cette maladie absolument endémique et qui représente, en termes de santé publique, justement un fléau incroyable. Et vous avez bien lu notre mémoire en traduisant que c'est le patient qui est au coeur de nos préoccupations. Bien qu'étant un syndicat professionnel, une association représentant ses membres, les optométristes voient chaque année 1,5 million de Québécois dans leurs bureaux. C'est 3 millions d'yeux qu'on a à coeur et qu'on veut garder en santé le plus longtemps possible. Si les gens ont fait la confiance de nous les confier pour un examen, bien on veut mériter cette confiance-là et les placer au coeur de nos préoccupations.

Mme Harel: D'ailleurs, je lisais justement dans votre mémoire qu'il y a un cinquième en fait de toute la population, la population totale du Québec, un cinquième qui vous consulte au cours de l'année.

n (17 heures) n

M. Michaud (Langis): Annuellement. Et, je vous dirais, ça pourrait être encore mieux dans un monde meilleur. Si on prend, par exemple, les enfants d'âge scolaire, il y a à peine 15 % ? et c'est couvert, là, le service est couvert, celui-là ? il y a 15 % seulement des enfants qui consultent avant l'entrée à l'école et pourtant il y a 30 % des enfants qui ne consultent pas qui ont des besoins. L'Alberta a fait des beaux projets pilotes récemment là-dessus, et, en termes de réussite scolaire, décrochage, motivation, si on ne les prend pas là, avant l'entrée à l'école, à partir de huit ans, c'est fini au niveau oculaire, là. L'oeil paresseux, il reste paresseux, puis ça vient de s'éteindre, le patient, l'enfant, il est pénalisé. Donc, ça pourrait être beaucoup mieux, des campagnes d'incitation, de prévention, et tout ça.

Il y a toute une série de services. Je parlais des thérapeutiques, un patient sur trois nous consulte. Ça pourrait être beaucoup plus que ça encore, évidemment par une meilleure connaissance du public, par toutes sortes de mécaniques, par une meilleure intégration avec les autres professionnels de première ligne, une meilleure connaissance de tout le monde des services qu'on donne maintenant. Et on est juste prêts à servir, nous autres. On est sous-utilisés et on est juste prêts à servir.

La couverture publique ? et on sait que ça, c'est conjoncturel, c'est budgétaire ? la couverture de ces services-là peut faire l'objet aussi d'une autre discussion dans un autre forum. Et je sais que tous les gouvernements y ont fait face tôt ou tard, et ce n'est pas l'objet d'un gouvernement plus que l'autre, mais on est certainement ouverts à regarder des ouvertures de ce côté-là et pour mieux servir le patient en bout de ligne.

Mme Harel: Sur la question du fonds de formation continue, je comprends que vous êtes d'accord à ce qu'il y ait un financement... enfin, à ce que la coordination du financement se fasse par le ministère, mais que la gestion puisse être confiée à des ordres, ou des associations professionnelles, ou des écoles. En fait, c'est le modèle que vous souhaitez, je crois, hein?

M. Michaud (Langis): Oui. Bien, vous comprendrez très bien que, si c'est un fonds centralisé, administré par le ministère à la tête de pipe des prescripteurs, on est tellement un petit joueur dans la mer que sont les prescripteurs au Québec qu'on va retirer probablement beaucoup moins que ce qu'on a présentement de la part de nos cotisations de nos membres, ce qui ne nous permettra pas de donner la formation continue adéquate à nos membres. Parce qu'il faut aussi mentionner qu'en optométrie c'est peut-être particulier à d'autres, on a déjà la formation continue obligatoire. Nos membres sont soumis à une formation de 30 heures sur trois ans, donc 10 heures par année, obligatoire chaque année. Il faut donc l'organiser, la donner, la certifier, l'accréditer.

Mme Harel: C'est obligatoire.

M. Michaud (Langis): C'est obligatoire, sinon je ne maintiens pas mon permis. Et on va monter à 45 heures. Si l'office se rend aux demandes de notre ordre professionnel, on veut se rendre à 45 heures à partir de 2006. Donc, 15 heures par année de formation obligatoire. Et il y a deux raisons fondamentales là-dessus. Quand on a obtenu le droit d'utiliser les drogues diagnostiques, le droit d'utiliser les drogues thérapeutiques pour traiter les maladies de l'oeil, certaines maladies de l'oeil, évidemment on a dit: Il faut être sérieux et se renouveler là-dedans. Et c'étaient des conditions afférentes à ce permis-là, et la formation continue actuellement est sur ces permis-là. Or, l'ordre s'est rendu compte qu'il y a peut-être quelques optométristes qui n'ont ni un ni l'autre des permis, qui n'ont que leur permis général, surtout des optométristes en fin de pratique, et qui eux ne sont soumis à aucune obligation de formation continue. Alors, le nouveau règlement de 45 heures va obliger ces gens-là aussi à la formation continue.

Il y a un autre aspect important, c'est la mobilité des professionnels à l'intérieur du Canada. L'optométrie a signé, comme tous les autres professionnels, l'Accord sur la mobilité de la main-d'oeuvre au Canada, et la plupart des autres provinces sont déjà à 45 sinon à 60 heures de formation continue obligatoire dans leurs juridictions. Alors, si je veux aller pratiquer en Alberta demain matin, il faut que j'aie prouvé que j'ai minimalement pratiqué pendant un nombre d'heures x et que j'ai suivi une formation continue pendant un nombre d'heures x au maintien des permis dont je suis... Donc, c'est une obligation qu'on s'est dotés bien avant le temps d'être obligés de le faire, mais, si on veut respecter la mobilité des professionnels à l'intérieur du Canada, il y a beaucoup... il faut regarder aussi ce qui se passe dans les autres provinces, et, de ce côté-là, on n'a pas le choix, il faut y adhérer.

Donc, oui, le financement peut être centralisé auprès du ministère. Si ça favorise une meilleure éducation des optométristes, je n'ai aucun problème avec ça, et, en termes d'association, on va certainement endosser les actions en ce sens-là. Cependant, il faut que la gestion soit décentralisée au niveau des ordres et, dans notre cas, pas nécessairement au niveau de l'ordre mais au niveau de notre comité de formation continue qui comprend l'ordre, l'association et l'école. Ça aussi, c'est un peu unique, dans le sens qu'il n'y a pas de chicane, ce n'est pas l'ordre qui offre un cours, qui l'accrédite, l'association offre un cours, non, non, l'ordre ne l'accrédite pas. Non, on s'entend d'abord, de sorte qu'on a des cours de qualité qui répondent aux besoins de nos membres et on est un peu indépendants, entre guillemets, des pressions de l'industrie qu'on pourrait subir pour engager tel conférencier ou parler de tel sujet plutôt que tel autre. Ça va selon les besoins de nos membres et non selon les besoins de l'industrie. Ceci étant dit, on reconnaît que le support de l'industrie est nécessaire pour tenir ces journées de formation là. Il y a évidemment des coûts afférents si on veut maintenir les coûts de formation.

Et je parlais des régions, à ce moment-là je pense que c'est important de penser à nos gens de régions. Si on ne veut pas que nos professionnels vident les régions, comme malheureusement des fois la population est obligée de le faire pour toutes sortes de raisons, ou attirer nos gens à pratiquer en région, quoiqu'en optométrie on n'a pas de problème, on est exemplairement répartis sur tout le territoire, nos gens de régions doivent effectivement être privilégiés dans ce financement-là. Perdre deux journées de pratique à Gaspé le vendredi, qui est une très bonne journée de bureau, puis le lundi être de retour, avec le coût des avions de Gaspé, pour venir se former à Montréal, je pense que ça vaut un intérêt particulier et un accès privilégié à ce financement-là par rapport aux autres professionnels. Sans faire de discrimination soit dit en passant, mais ce serait un beau clin d'oeil à envoyer, pour parler optométriquement, aux gens des régions.

Mme Harel: Est-ce que c'est terminé? Il me reste encore un peu de temps?

La Présidente (Mme James): C'est terminé, malheureusement.

Mme Harel: C'est terminé. J'aurais aimé vous interroger sur votre position en faveur d'un régime d'assurance universel.

La Présidente (Mme James): Peut-être pour conclure brièvement, allez-y.

M. Michaud (Langis): Assurance médicaments?

Mme Harel: Oui.

M. Michaud (Langis): Oui. Je pense que le régime n'est pas universel actuellement et devrait l'être. C'est la seule façon de le rentabiliser, selon nous. Ce serait un autre débat, mais on a déposé déjà, en marge de la commission Clair, un document assez étoffé là-dessus. Malheureusement, le gouvernement se retrouve avec les pires cas, les bons cas sont ailleurs. Et, pour avoir un équilibre qui permet financièrement et budgétairement parlant d'arriver à une économie et un coût raisonnable, il faut avoir et les bons et les mauvais dans le même régime. Donc, il faut que le régime soit universel, on n'a pas le choix.

Mme Harel: O.K.

La Présidente (Mme James): Merci. Dr Michaud, Dr Carrier, M. Charbonneau et Dr Proulx. Merci beaucoup pour votre présentation de la part de l'Association des optométristes du Québec.

Et j'inviterais maintenant les représentants du Conseil des aînés à prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, chers collègues! Alors, c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants du Conseil des aînés.

M. le président Lalande, bonjour. Je sais que vous êtes familier avec nos façons de faire, mais je vous les répète aux fins d'aide-mémoire. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et, compte tenu de l'heure, je suis obligé d'être assez sévère avec l'attribution des temps. Et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent et, par la suite, d'enchaîner avec votre présentation.

Conseil des aînés

M. Lalande (Georges): Merci, M. le Président. Tout d'abord, M. le vice-président du Conseil des aînés, M. Jacques Demers; et, à ma gauche, Mme Annie Michaud, qui est gérontologue chez nous, au Conseil des aînés, et qui est responsable au conseil pour la documentation et la recherche dans ce dossier; de même, à mon extrême gauche, M. Daniel Gagnon, qui est également gérontologue et qui est secrétaire du conseil.

n (17 h 10) n

Peut-être un petit rappel sur la mission du conseil telle que définie par le législateur. C'est essentiellement de promouvoir le droit des aînés, leurs intérêts et leur participation à la vie collective québécoise. C'est de conseiller le gouvernement, par l'intermédiaire de la ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine, sur toute question qui concerne les aînés, notamment à l'égard de la solidarité entre les générations, l'ouverture au pluralisme et sur le rapprochement interculturel.

La question de la consommation des médicaments chez les personnes aînées figure parmi les préoccupations du conseil depuis sa création, c'est-à-dire depuis 12 ans. Déjà, en mars 1996, le conseil présentait devant la commission parlementaire des affaires sociales un mémoire sur la problématique de la consommation des médicaments au Québec. Un peu plus tard la même année, le conseil déposait un mémoire sur le projet de loi n° 33, qui est la Loi sur l'assurance médicaments. Le conseil s'est également prononcé, en février 2000, sur le rapport sur l'évaluation du régime général d'assurance médicaments. Et enfin le récent guide, le guide pratique de Vivre et vieillir en santé, rédigé par le conseil, lui a permis d'approfondir, entre autres, certains éléments relatifs à la consommation des médicaments chez les aînés. Alors, c'est donc avec beaucoup d'intérêt que le Conseil des aînés a pris connaissance du projet de politique du médicament, sur lequel nous émettons certains avis.

D'abord, le conseil tient à souligner l'excellent travail qui a été accompli afin de couvrir les bases du secteur complexe, très complexe qu'est celui du médicament. Les axes sur lesquels s'articule la politique, à savoir l'accessibilité aux médicaments, l'utilisation optimale des médicaments, l'établissement d'un prix juste et raisonnable et enfin le maintien d'une industrie pharmaceutique dynamique au Québec, nous semblent des plus pertinents.

D'abord, l'accessibilité aux médicaments. On sait que, depuis 1997, au Québec, tout le monde doit être couvert par une assurance médicaments. Étant donné que les régimes privés sont principalement accessibles dans le cadre d'un emploi, il reste que la très grande majorité, 90 % des personnes âgées de 65 ans ou plus, donc qui ne sont plus sur le marché du travail, eh bien, participent au régime public de la RAMQ.

Le montant de la prime annuelle, comme on le sait, varie de zéro à 494 $ par adulte selon le revenu familial net. Certains groupes de personnes, dont les personnes âgées de 65 ans ou plus qui reçoivent le montant maximal du supplément de revenu garanti, sont exemptés du paiement de la prime. De plus, le plafond de contribution est fixé à un niveau inférieur pour les personnes qui reçoivent la prestation maximale du supplément de revenu, pour les personnes âgées qui reçoivent une prestation partielle du supplément de revenu et pour les prestataires de l'assurance-emploi.

Le montant maximal de la prime annuelle payée par les assurés du régime général d'assurance médicaments est passé, entre 1997 et 2004, de 175 $ à 494 $. Or, pour le Conseil des aînés, une hausse aussi importante de la tarification a des effets néfastes et négatifs sur la santé et le bien-être de plusieurs aînés quand on considère que, pour l'année 1997 ? c'est des chiffres que nous avons confirmés et validés ? le revenu disponible moyen chez ces personnes se situe à 17 850 $ par année, soit 14 069 $ chez les femmes et 23 124 $ chez les hommes. Et, comme on sait que la progression dans le vieillissement, à partir de 80 ans, c'est deux hommes pour une femme, donc on se retrouve, là, avec un problème qui devient endémique.

Il faut considérer qu'à chaque augmentation de tarifs de l'assurance médicaments plusieurs personnes aînées diminuent ou cessent tout simplement tout recours à la médication et risquent ainsi de se retrouver rapidement dans le réseau institutionnel. D'ailleurs, l'étude de Tamblyn, en 2001, portant sur l'impact de l'implantation du programme de coassurance médicaments du Québec, confirmait cette présomption en publiant les résultats suivants: d'une part, la diminution des médicaments essentiels chez 9,1 % des personnes âgées, la diminution des médicaments qui sont non essentiels de 15 % des personnes âgées, une augmentation des visites à l'urgence de l'ordre de 43 % et enfin l'augmentation des effets indésirables chez l'ensemble des personnes âgées.

Ainsi, le conseil est évidemment tout à fait d'accord avec la proposition 11, soit de rendre gratuit l'accès aux médicaments pour les personnes âgées qui bénéficient de la prestation maximale du supplément de revenu. L'éventualité d'étendre la gratuité et d'alléger les contributions, selon le cas, aux clientèles à faibles revenus est également des plus importantes pour nous.

Deuxième point, l'utilisation optimale des médicaments. Il importe de définir ce qu'est l'utilisation optimale des médicaments, et nous nous inspirons du Conseil du médicament pour dire que c'est l'usage qui maximise les effets et minimise les risques pour la santé de la population en tenant compte des diverses options possibles, des coûts et des ressources disponibles, des valeurs des patients et des valeurs sociales. Dans cette optique, la surutilisation comme la sous-utilisation constituent des situations d'usage non optimal. De même, l'inefficience, c'est-à-dire payer trop cher ce qu'on peut obtenir à plus faible prix ou payer trop cher pour ce qu'une option de traitement nous rapporte, ne peut correspondre à un usage optimal.

Les facteurs qui sont reliés à l'utilisation optimale des médicaments sont les suivants: d'abord, les problèmes reliés à la pharmacothérapie; deux, les substances autres obtenues sans ordonnance; trois, le non-respect, volontaire ou non, de la fréquence, de l'intensité ou de la durée; et quatre et cinq sont les facteurs liés aux médecins, c'est-à-dire mise à jour des connaissances, influence de la publicité des compagnies pharmaceutiques, etc.; et, six, les facteurs qui sont reliés aux pharmaciens, c'est-à-dire le manque d'effectif en milieu hospitalier notamment, en CHSLD et en CLSC, méconnaissance des changements apportés à la médication lors de séjours hospitaliers, etc.

Par ailleurs, lors de l'évaluation du régime d'assurance médicaments, le Conseil des aînés considérait, entre autres, que les médecins ont une méconnaissance des besoins pharmaceutiques des aînés et prescrivent souvent des médicaments non essentiels. Et, deuxièmement, les médecins et les pharmaciens ne donnent pas l'information ? toute l'information, en tout cas ? sur les produits génériques, ce qui aiderait la population à mieux comprendre la situation et à mieux analyser les impacts lors de leurs prises de décision.

Ces positions du conseil sont encore très valables aujourd'hui et pourraient venir préciser les propositions 21 et 23, propositions sur lesquelles le conseil est par ailleurs en accord.

En regard de la proposition 22, qui est de mettre en place différentes mesures de sensibilisation, le conseil tient à préciser certains points, toutefois. Près de la moitié des aînés acceptent d'emblée leur ordonnance médicale sans poser aucune question quant aux effets secondaires possibles, aux doses, à la posologie et aux autres choix possibles. Il est donc important de sensibiliser les personnes aînées à discuter à fond de leur médication avec leur médecin ou leur pharmacien pour bien comprendre ces divers éléments.

Par ailleurs, on sait que les aînés ont régulièrement recours à des produits dits naturels. Étant donné la multitude de produits naturels disponibles sur le marché, il est important de pouvoir faire des choix éclairés en la matière, soutenus par une information précise, fiable et accessible. Étant donné que ces produits naturels sont vus comme des compléments à la pharmacologie traditionnelle, il est primordial de sensibiliser les gens à consulter un professionnel de la santé avant de consommer un produit naturel. Il faut se rappeler que, bien que ces produits soient dits naturels, ce qui porte à confusion à l'envie, ils ne sont pas dépourvus d'effets secondaires et peuvent causer des interactions médicamenteuses.

n (17 h 20) n

De même, en ce qui concerne la proposition 23, qui est de favoriser l'intégration du concept de l'utilisation optimale des médicaments, le conseil considère qu'une formation d'appoint en gérontologie et en gériatrie s'impose pour les professionnels de la santé, principalement les médecins et les pharmaciens. Les facultés de médecine et de pharmacie des universités devraient en outre accorder une place non négligeable à la formation en matière de vieillissement individuel.

Le conseil tient enfin à souligner le fait qu'il n'y a aucun représentant des clientèles ni sur le Conseil du médicament ni sur les tables de concertation. La présente politique serait à notre avis une excellente occasion d'ajouter un siège réservé à une personne qui représente les aînés au sein du Conseil du médicament ou de la table de concertation, selon le cas.

Troisièmement, l'établissement d'un prix juste et raisonnable. Les coûts du régime public d'assurance médicaments ne cessent d'augmenter. Cette croissance découle, selon nous et selon les experts, de trois facteurs principaux: d'abord, le coût moyen par ordonnance plus élevé; deuxième, c'est l'augmentation du nombre d'ordonnances par personne assurée; et, troisièmement, le nombre de personnes assurées par le régime public qui consomment effectivement des médicaments. L'examen de ces trois facteurs de croissance nous amène à conclure que l'utilisation optimale des médicaments pourrait éventuellement alléger les deux premiers facteurs, soit les coûts moyens et l'augmentation du nombre d'ordonnances. Toutefois, il apparaît inévitable que la hausse du coût des médicaments doive être examinée de très près.

Depuis 1994, une politique de non-augmentation du prix des médicaments inscrits à la liste des médicaments est en vigueur au Québec. Malgré cette politique, une croissance des coûts du régime général de l'assurance médicaments a été et est observée. Étant donné l'importance prioritaire d'empêcher qu'il y ait une nouvelle augmentation des frais reliés au régime général, notamment pour l'utilisation des aînés ? et c'est bien sûr là le sens de toute notre préoccupation, quand ça affecte une des cohortes, un groupe d'âge qui sont les plus fragiles, bien, ça, évidemment il faut tout de suite le soulever et allumer toutes les lumières qu'il faut à cette occasion ? alors, évidemment, le conseil ne peut pas être en accord avec la proposition 12 qui est de mettre fin à la politique de non-augmentation du prix des médicaments et instaurer un mécanisme pour encadrer l'augmentation des coûts des médicaments.

Quatrième point, le maintien d'une industrie pharmaceutique dynamique au Québec. Alors, parmi ces facteurs qui influencent les décisions d'investissement des entreprises pharmaceutiques, les conditions d'accès au marché arrivent au premier rang, et l'accès au marché est grandement influencé par les conditions de remboursement. Or, l'industrie pharmaceutique est l'un des secteurs prioritaires de la stratégie des ministères responsables du développement économique régional et de la recherche. Alors, cela explique sans doute la proposition 31 qui est de maintenir la règle de 15 ans dans sa forme actuelle et de ne pas instaurer un système de prix de référence. Encore là, le conseil ne peut pas être en accord avec cette proposition.

D'une part, la règle de 15 ans assure aux fabricants de médicaments innovateurs le remboursement intégral du prix de leurs produits durant une période de 15 ans à partir de l'inscription du produit à l'une des listes de médicaments, et ce, même si le brevet du médicament est échu et qu'il existe un équivalent générique moins cher. Cette règle prolonge de cinq ans, par rapport au reste du pays, la durée de protection des produits brevetés. Cette mesure implique des coûts pour le gouvernement et pour la population du Québec, mais, selon les évaluations du ministère des Finances, les bénéfices de cette mesure sur l'économie du Québec demeurent supérieurs à ces coûts. Fort bien. Mais, comme la Loi sur la RAMQ le prévoit, le gouvernement verse, depuis 2000, l'an 2000, 10 millions de dollars annuellement au Fonds de l'assurance médicaments pour tenir compte du coût additionnel occasionné par l'application de la règle des 15 ans. Cette compensation n'ayant pas été réévaluée depuis, elle se révèle, aujourd'hui, nettement insuffisante pour couvrir le coût réel qui en découle. D'ailleurs, le Vérificateur général du Québec a évalué une perte pour le régime de l'ordre de 4,7 millions à 12,4 millions de dollars pour les deux dernières années financières.

Ces mesures, à savoir maintenir la règle de 15 ans et ne pas instaurer un système de prix de référence, favorisent à l'évidence les compagnies pharmaceutiques innovatrices. On sait qu'en 2003 le marché des médicaments au Québec, en ce qui concerne le nombre d'ordonnances, était occupé à hauteur de 64,2 % par les fabricants de produits de marque, les innovateurs, et à 35,8 % par les fabricants de produits génériques. La croissance des coûts du régime public d'assurance médicaments étant grandement attribuable au coût moyen par ordonnance plus élevé, dû à l'adoption par les prescripteurs de nouveaux médicaments généralement plus chers en remplacement de médicaments plus anciens, il apparaît clair que ces mesures ont un impact à la hausse important sur le coût du régime.

Alors, tel que l'avait recommandé le Vérificateur général du Québec en décembre dernier, recommandation qui a d'ailleurs été appuyée par l'Ordre des pharmaciens du Québec, le conseil souligne la nécessité de revoir la règle des 15 ans associée à la substitution générique ou thérapeutique lorsque cela est possible, tout en tenant compte de l'impact sur la politique de soutien et de développement de la recherche pharmaceutique.

Enfin, bien que le conseil soit conscient de la nécessité de subventions gouvernementales, il tient à déplorer que les effets néfastes de cette subvention retombent en fait sur le régime général d'assurance médicaments et en quelque sorte viennent interpeller directement les aînés, en tout cas ceux qui sont à faibles revenus.

En conclusion, M. le Président, la lecture et l'analyse de cette politique a suscité en nous bien des réactions mitigées. D'une part, bien que la majorité des propositions soient des plus attrayantes, et des plus intéressantes, et bien pensées, le Conseil des aînés ne croit pas cependant qu'elles seront suffisantes pour empêcher la croissance des coûts du régime en raison des mesures qui sont proposées, comme aux propositions 12 et 31 qui auront pour effet plutôt d'augmenter le coût moyen par ordonnance qui est l'un des principaux facteurs sinon le facteur principal de la croissance des coûts du régime.

Donc, en conclusion, le Conseil des aînés recommande d'abord d'ajouter un siège réservé à une personne représentant les aînés au sein du Conseil du médicament ou de la table de concertation; deux, de sensibiliser les personnes aînées à discuter à fond de leur médication avec leur médecin ou leur pharmacien; trois, de sensibiliser les gens à consulter un professionnel de la santé avant de consommer un produit dit naturel; quatre, d'assurer une formation d'appoint en gérontologie et en gériatrie pour les professionnels de la santé, principalement les médecins et les pharmaciens; cinq, que les facultés de médecine et de pharmacie des universités accordent une place non négligeable à la formation en matière de vieillissement individuel; six, de ne pas mettre fin à la politique de non-augmentation du prix des médicaments; et, sept, de revoir la règle des 15 ans associée à la substitution générique et thérapeutique lorsque cela est possible, tout cela en tenant compte de l'impact sur la politique de soutien et de développement de la recherche pharmaceutique. Voilà. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): C'est moi qui vous remercie, M. Lalande. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, afin de débuter l'échange.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Lalande, M. Demers, Mme Michaud et M. Gagnon, pour votre visite. Vous avez, comme beaucoup de groupes, touché plusieurs points très importants, mais il y en a un que vous êtes les premiers à aborder, c'est la question du prix de référence. Alors, je vais commencer par cet aspect-là, puisqu'on n'en a pas parlé depuis le début de la commission. De façon à éclairer les collègues et les citoyens et citoyennes qui nous écoutent, il s'agirait, ce qu'on appelle le prix de référence, il s'agirait que, pour une classe particulière de médicaments, si on considère que quatre médicaments d'innovation ont la même valeur biologique ou le même effet sur la santé, que l'État ne rembourse que le prix le plus bas de ces quatre médicaments et que, si le citoyen désire ou son médecin désire quand même prescrire un des trois autres, ce soit au citoyen de verser la différence entre le prix de référence déterminé par le prix le plus bas des quatre et celui que finalement on se procure au comptoir.

n (17 h 30) n

Sur le plan économique, ça semble attrayant, on a tout de suite l'impression qu'on va là générer des économies importantes parce qu'il y a souvent des écarts assez importants dans la même classe de médicaments pour des médicaments qui, d'après le Conseil du médicament, n'ont pas vraiment de différence en termes d'effet sur la santé. Cependant, l'application risque d'être beaucoup plus problématique parce que la résultante de l'application du prix de référence, c'est que vous allez avoir de vos membres qui vont être obligés de payer au comptoir les médicaments qui actuellement sont couverts complètement, jusqu'à la contribution maximale, là, au-delà de la contribution maximale, par l'assurance médicaments.

Comment est-ce que vous pensez que vos membres et les citoyens vont réagir à ça? Parce que la relation de confiance médecin-patient, c'est que le médecin prescrit un médicament pour lequel il est convaincu que l'indication est là, le patient fait confiance à son médecin. Le docteur m'a prescrit ce médicament-là, c'est celui-là qu'il ou elle pense que je dois prendre pour regagner ma santé. Et, là, on arrive au comptoir de la pharmacie, on dit: D'accord, on va vous donner ce médicament, puis vous allez payer la différence entre le prix de référence déterminé par le gouvernement et le prix réel. Pensez-vous que ça va bien passer dans la population?

M. Lalande (Georges): Il y a une partie de la réponse que j'ai à vous donner, puis je vais demander à Mme Michaud de rajouter là-dessus.

Dans un premier temps, il faut peut-être aller un peu en aval, parce que ce que nous recommandons, dans un premier temps, c'est que le médecin et le patient discutent plus abondamment de cette question-là, ce qu'on ne fait pas. On sait que les aînés, en particulier pour toutes sortes de motifs de peur ou d'angoisse: que le médecin ne l'aime pas assez puis qu'on ne puisse pas le conserver, parce qu'il y a ce désir d'avoir son médecin... on discute très peu des prescriptions qui sont faites et de cet état. Peut-être que ce serait de forcer un peu plus, à ce moment-là, et de dire: Oui, je peux vous prescrire ceci, mais je pourrais en prescrire d'autres. Faire du client en quelque sorte ou du patient en tout cas, là, de la patiente... le fait qu'elle s'intéresse davantage à cet aspect-là et pour ainsi maintenir ce lien de confiance ? vous avez tout à fait raison, le lien de confiance, il est fondamental ? et amener peut-être le pharmacien, qui est un autre professionnel qui de plus en plus s'installe comme étant une personne de relation de confiance avec le patient, à faire en sorte d'expliquer ces choses.

C'est certain que ça ne peut pas se faire de façon directe et carrée, je vais le dire, même, parce que, là, ce serait aller en contravention avec une prescription. Mais, quand on explique... Ça nous est tous arrivés, moi comme les autres, de nous faire expliquer par le pharmacien que c'est ce qu'on vous a prescrit, mais ce qu'on vous propose en revanche, c'est la même chose, c'est le même équivalent. Le lien de confiance existe avec aussi le pharmacien, de sorte que peut-être ça peut être accepté. Mais, là, je sais que nous sommes sur le... Sur le plan économique, je pense, vous avez bien décrit, là, ce que c'était. Ça paraît assez simple. Dans la pratique cependant, on pense qu'en y allant en aval un peu, pas simplement au moment où on se retrouve au comptoir devant le pharmacien, qu'on pourrait atténuer de façon importante peut-être... et préserver cette relation absolument essentielle du prescripteur, du médecin donc avec son patient. Peut-être que Mme Michaud pourrait ajouter quelque chose à cela.

Mme Michaud (Annie-Marie): En fait, ce qui nous préoccupe surtout, c'est que les aînés ne paient pas plus cher. Donc, je ne suis pas sûre que je comprends pourquoi le prix de référence va faire augmenter le coût au comptoir. Je ne comprends pas vraiment, mais en tout cas...

M. Couillard: Je vais l'expliquer brièvement.

Mme Michaud (Annie-Marie): Oui.

M. Couillard: Parce que c'est clairement un impact, là. Si vous avez quatre pilules identiques, d'après le Conseil du médicament, il y en a une qui coûte 1,25 $, l'autre 1,50 $, une 2,25 $, l'autre 4 $, puis qu'on paie 1,25 $ ou 1 $, puis que le médecin quand même a prescrit celle à 4 $, puis que le patient veut celle à 4 $, bien il va payer 3 $.

Mme Michaud (Annie-Marie): Mais il y a quand même une contribution maximale mensuelle?

M. Couillard: Oui, mais ça va diminuer l'impact sur les autres médicaments puis, au comptoir, ça va être demandé, ça, en argent comptant, là. Je ne suis pas sûr... Parce que, je vais vous dire, ça a été fait ailleurs puis à chaque fois ça a été des levées de boucliers de la profession médicale et des patients. Il faut quand même être prudent là-dedans. Au Canada, il y a la Colombie-Britannique qui l'utilise sur certaines classes de médicaments. Une solution serait peut-être de l'introduire progressivement dans des classes de médicaments où la parité thérapeutique est très solide. Vous savez que la science, ce n'est pas tout à fait aussi solide qu'on le penserait, comme dans ces comparaisons-là. Il y a eu récemment un article, dans un journal médical britannique, sur les statines, les médicaments pour le cholestérol, où on comparait quatre médicaments qui avaient rigoureusement le même effet. Alors, c'est ce genre de situation à laquelle le prix de référence veut s'adresser. Mais vous êtes les premiers qui l'évoquiez, alors je pense que c'est important qu'on en discute.

Vous dites, M. Lalande, qu'il faut que la conversation soit plus détaillée entre le patient et le médecin sur les médicaments. Moi aussi, j'ai souvent mentionné qu'on devrait poser à peu près les mêmes questions lorsqu'on se fait prescrire un médicament que si on se fait suggérer une chirurgie, par exemple. Est-ce qu'il n'y a pas un autre moyen de me traiter que d'utiliser le médicament? Le médicament que vous me prescrivez, est-ce qu'il y en a d'autres équivalents qui auraient le même effet? Quels sont les effets secondaires? Quelles sont les interactions possibles? Et ce sont exactement les mêmes questions qu'on pose lorsqu'on se voit suggérer une opération chirurgicale. Parce qu'il faut que les gens prennent conscience et les citoyens prennent conscience de l'importance d'être informés correctement et de demander l'information. Également, on a une responsabilité collective quant au coût du régime. Il y a des impacts directs sur le coût du régime pour lequel on est tous des contributeurs. Comment est-ce qu'on fait cet exercice d'éducation? On a des campagnes de sensibilisation en cours, qui commencent, pour l'utilisation optimale. Comment est-ce qu'on va directement s'adresser à cette question-là?

M. Lalande (Georges): Bien, d'abord, dans un premier temps, on parle de formation d'appoint dans les facultés, et je pense qu'il y a une sensibilisation qu'il faut faire au vieillissement, à la gériatrie et à la gérontologie. Et ce n'est pas tous des médecins... Je ne sais pas si ceci est enseigné dans les facultés, mais, à ce qu'on dit, j'en doute, là, qu'on le fasse de façon systématique. Pourtant, on a une population qui a un vieillissement individuel et collectif qui est assez prononcé et qui va s'accélérer quasiment de façon exponentielle au cours des prochaines années. Donc, l'importance, dans un premier temps, c'est au niveau de la formation des professionnels de la santé, la même chose pour les pharmaciens aussi.

Les personnes aînées, en général bien sûr, j'en disais un mot tout à l'heure, il y a deux grandes peurs qui les obsèdent. Dans toutes les consultations que nous avons et les rencontres, la première, c'est surtout celles qui sont évidemment affectées, là, dans leur santé, puis, bon, ce qu'on pourrait qualifier du quatrième âge en particulier, les 80 ans et plus, ils ont deux peurs continuelles, celle: Est-ce que je vais toujours avoir accès à mon médecin ou à un médecin? Et puis l'autre peur: Bien, est-ce que je vais avoir une résidence, là, qui va faire en sorte qu'ils vont me protéger, est-ce que je vais être capable de conserver l'endroit? Donc, on pense, on pense à ça. Et le fait de poser trop de questions aux médecins... Peut-être qu'ils vont me trouver fatiguant? Peut-être qu'on prend trop de temps ? parce qu'on est tous pressés? Mais on préfère ne pas poser de questions, on va assez vite, et quelques-uns peut-être vont le faire.

Mais, là, là, on s'attaque à une culture, vous avez tout à fait raison de poser la question, et on ne veut pas y répondre, mais d'abord je pense que l'incitatif doit venir des professionnels parce que les professionnels doivent poser la question, s'informer et prendre le temps de le faire. Demandez, par exemple, à une patiente qui se présente ou à un patient qui se présente: Est-ce que vous consommez d'autres choses? Consommez-vous des produits naturels? Ça, les produits naturels, c'est un problème qui est grandissant, qui est même galopant, je devrais dire, parce qu'on consomme de tout: de la glucosamine dans tout ce que vous voudrez, les annonces publicitaires en sont pleines à la télévision, et tout ça, puis, comme c'est dit naturel, bien ça doit être bon, forcément. Et, là, il y a des incompatibilités assez importantes. Et, si le médecin le savait ou si le pharmacien le savait, il réagirait à ça.

Alors, il y a deux approches, là. C'est l'approche des étaux, là. D'un côté, je pense que les professionnels doivent informer et doivent, eux autres, être conscients de ça. Par ailleurs, il faut, avec une campagne de sensibilisation et de publicité auprès des gens, qu'on agisse d'autre façon, et c'est sûr qu'il y a des moyens, il y a les associations représentant les aînés, il y a des groupes de personnes qui peuvent intervenir pour les toucher, là, de plus près dans cette formation-là. Mais il faut continuer à renforcer, à maintenir cette qualité essentielle de lien, et essayer de dissiper... de lien, là, entre le médecin ou son pharmacien, et le professionnel de la santé et la personne, et essayer d'éliminer ou d'atténuer le plus possible ces fameuses peurs, cette espèce d'angoisse, là, qui semble se maintenir et se propager chez elles.

M. Couillard: Vous avez raison, puis peut-être qu'on n'a pas encore réussi à apprendre qu'un médicament, c'est un peu comme une chirurgie. On pense que c'est moins important parce que c'est dans un bocal, puis on prend ça de façon très simple. Puis, le même changement de culture, on l'a observé pour la question des soins chirurgicaux. Moi, je me souviens très bien, dans ma pratique professionnelle, je suis passé de l'époque où à peu près... pas tout le monde, mais la majorité des gens me disaient: Écoutez, faites ce que vous voulez, c'est vous le docteur, on vous fait confiance... Il y en a qui disent que c'était le bon vieux temps; moi, je ne suis pas sûr de ça.

Par la suite, le niveau de questionnement et d'information a augmenté au point où maintenant les gens arrivent dans le cabinet avec souvent des recherches sur Internet ou des informations qu'ils sont allés prendre, à la bibliothèque, sur le diagnostic qu'on leur a donné, et je peux vous dire que les questions sont avec raison très pointues. Mais on n'a pas encore cette habitude de penser que le médicament également doit faire l'objet de... peut-être pas au même niveau, mais du même genre de conversation.

Et, moi, quand j'étais avec les étudiants, j'avais une règle qui était assez simple, et en général vraie, c'est que plus un médicament est efficace, plus il y a de chances qu'il ait des effets secondaires importants, et il faut se souvenir de ça également. Et il n'y a pas... C'est du donnant-donnant; c'est une balance de risques. Il n'y a pas... Ce n'est jamais tout blanc ou tout noir. Et en général plus on a un impact thérapeutique important, plus on a des effets secondaires à considérer assez importants.

Mais je pense qu'on a une responsabilité commune, certainement le gouvernement mais également les organismes représentatifs des aînés, de faire l'éducation à ce niveau-là. Et ce... Oui. Excusez-moi.

n (17 h 40) n

M. Lalande (Georges): Oui. D'ailleurs, sur ceci, je suis tout à fait d'accord avec vous. Mais, vous savez, quand ça s'inscrit dans les habitudes... Les médicaments, c'est quelque chose que l'on prend régulièrement, bon, etc., dans certains cas, en tout cas. La chirurgie, là, vous avez tout à fait raison, c'était le bon vieux temps, je le sais, bon, je me fie puis... Bon. Comme on montait dans l'avion puis on disait au pilote: Je me fie à toi. Mais c'est un cas qui nous arrive une fois ou deux fois dans sa vie. Alors donc, évidemment ça attire plus l'attention là pour poser des questions: Avant que vous me fassiez ça, docteur, qu'est-ce qui va m'arriver? Et puis je pense que les chirurgiens ont appris aussi à informer davantage, disons, à initier cette relation, et, là, les questions viennent. Il y a une petite ouverture qui vient de la part du chirurgien pour dire: Bon, il peut vous arriver ci, voilà des... Il n'y a pas beaucoup de danger, mais il y a un degré de dangerosité quand même. Vous le faites, vous ouvrez la porte, et les gens participent beaucoup plus. Ça, c'est sûr.

Dans le cas des médicaments, mais, là, encore une fois c'est de l'habitude créée, on dit: Bon, j'en prends, puis un peu plus. Un médicament ne va pas me tuer, quand même, tu sais, bon, etc. Tandis qu'une mauvaise opération, ça peut arriver. Alors, il y a cet aspect-là d'accoutumance, j'allais dire, dans ceci, qu'il faut absolument... Et on ne peut pas demander à des gens qui ont une culture, qui héritent d'une culture de je ne sais pas combien... de changer complètement. Peut-être que l'arrivée des boomers qui s'en vient, ils ont l'habitude de poser beaucoup plus de questions puis sur beaucoup plus de choses, peut-être qu'ils vont les poser, les questions, mais elles vont être de plus en plus pointues.

Alors, là, il y aura peut-être une rencontre à quelque part, mais je demeure, en tout cas pour la connaissance que j'en ai, je demeure persuadé que c'est avant tout... il faudrait que ça fasse partie des règles professionnelles au fond d'être capable d'initier ce genre de choses là en ce domaine, en particulier parce que ça touche la santé des gens dans tous les domaines d'ailleurs des professions. Il y a un rôle de professionnel d'ouvrir, d'atténuer. Le temps où on disait à un architecte: Bâtissez-moi une maison beau, bon, pas cher... Vous risquez de vous retrouver pas avec la maison que vous voulez, alors c'est peut-être mieux de poser des questions.

M. Couillard: Vous réclamez ? puis d'autres l'ont fait également ? que les usagers soient représentés au Conseil du médicament et à la table de concertation. Mais vous spécifiez qu'à votre avis ce représentant des usagers devrait être un représentant des aînés. D'autres groupes de la société pourraient dire: Bien, pourquoi juste les aînés? Pourquoi ce ne seraient pas les usagers en général, la population en général?

M. Lalande (Georges): Oui. Ça pourrait l'être, mais, là, il faudrait qu'on fasse notre nid à quelque part parce que, dans toutes les consultations que l'on fait, on dit que la consommation de médicaments, ça dépend des aînés. Donc, c'est eux autres, le fardeau, c'est eux, le problème. Ce qui n'est pas le cas dans les faits, mais en tout cas c'est une présomption qu'il y a à cet égard-là.

Alors, allons-y un petit peu... un peu plus loin que ça puis disons que les aînés, s'ils sont accusés de tous les fardeaux, en tout cas de ce fardeau-là en particulier, bien au moins qu'il y ait une personne. Et nous avons modifié peut-être un peu par rapport à notre mémoire, en le revoyant. Ce n'est pas un aîné qu'on veut parce qu'il y en a, des aînés, mais une personne qui représente les aînés, donc qui est bien au courant de ces choix-là.

Mais, oui, ça pourrait être pour les autres, mais, comme les médicaments interpellent de façon particulière quand même les aînés, on sait aussi, et vous le savez beaucoup mieux que moi, que les années à venir vont nous amener avec des maladies telles des maladies d'ordre de la démence, ou d'Alzheimer, ou de tout ça, où là de plus en plus le vieillissement de la population nous amène avec un degré en tout cas d'occurrences additionnelles de médication et de maladies. Bien, on dit: Au moins, il y en a un, parmi eux autres, qui sera capable de mieux exprimer ceci.

Mais, cela étant dit, il n'est peut-être pas nécessaire d'avoir des enfants pour comprendre des enfants. Je vous le concède. Mais, pour le gouvernement et pour les aînés, parce que là il y a une image de considération, qu'ils ne soient pas là, qu'ils ne soient pas présents, c'est perçu comme étant un peu une espèce de manque de confiance à leur égard. Peut-être que M. Gagnon a quelque chose à ajouter à ce domaine.

M. Gagnon (Daniel): Il est évident que les problématiques du médicament, les effets secondaires, ça touche beaucoup les aînés. Et il y a une méconnaissance quand même, tant de la part des médecins, que des pharmaciens, que du domaine médical en général, de ces effets secondaires là. Et on dirait des fois que c'est un petit peu occulté, on ne connaît pas trop ça. Donc, la présence d'un aîné, ça permettrait de relever, de dire: Faisons attention sur cet aspect-là.

L'aspect économique aussi peut aussi influencer, dans un groupe de travail comme ceux-là, en disant: Woup! Là, les aînés, ils ont une limite à leur capacité de payer, pour certains d'entre eux, donc il serait peut-être important de considérer ça lors des discussions ou des échanges. C'est surtout sur ces points-là. Puis effectivement il y a beaucoup quand même d'aînés qui consomment des médicaments, puis il va y en avoir plus. Ce serait peut-être un élément intéressant et important.

M. Couillard: Ce que vous disiez, M. Lalande, ça me rappelle un souvenir un peu savoureux: j'étais frais émoulu de la Faculté de médecine, en 1979-1980, tout bardé de mes connaissances et de mon impression d'infaillibilité scientifique ? on se rend compte, avec les années, que ce n'est pas tout à fait ça ? et j'ai rencontré un monsieur de 90 ou 91 ans, dans ces âges-là, puis il venait d'apprendre que je venais d'avoir mon diplôme de médecine, alors il voulait me féliciter. Puis il m'a dit: Pauvre monsieur! Ça va être si difficile, avec toutes les nouvelles maladies!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lalande (Georges): C'est ça qu'on appelle la compassion.

M. Couillard: Et effectivement, des années plus tard, on regarde l'horizon qui est devant nous, puis c'est le cas.

Je vais juste terminer sur la question du soutien à l'industrie parce que, d'une part, dans votre introduction, vous avez dit qu'il était correct d'avoir le versant du maintien de l'industrie pharmaceutique dynamique dans la politique, puis, d'autre part, vous recommandez l'abandon de la règle de 15 ans, l'instauration du prix de référence et le non-dégel, entre guillemets, des prix, qui seraient des mesures qui effectivement vont être perçues négativement par notre industrie et donc pourraient entraîner des pertes d'emplois ou le départ d'industries du Québec, ce qui nuit à la prospérité. Vous avez vu évoluer le Québec pendant des décennies, vous savez que cette prospérité très relative qu'on a chez nous, elle est relativement fragile dans ce contexte de mondialisation là, on a besoin de cette prospérité pour se payer nos programmes sociaux qui sont si coûteux, comme celui de l'assurance médicaments. Est-ce que vous ne craignez pas qu'on aille un peu, comme on dit chez nous, se tirer dans le pied en faisant des choses comme ça?

M. Lalande (Georges): Bien, il importe de faire les distinctions. D'une part, c'est une industrie de pointe, comme d'autres industries, et on n'en a pas à ce point-là, au Québec, pour se permettre d'en ignorer. Et il faut continuer sûrement, là... Il n'est absolument pas de l'intention du conseil de vouloir intervenir, parce que c'est important, peut-être qu'on a besoin d'être subventionnés. Tout ça doit demeurer. Ça, c'est le premier ordre. Mais on ne voudrait pas que ceci au fond qui est une contribution à l'économie du Québec, là, sur laquelle on connaît... de façon générale, que ce soit une cohorte ou un groupe de personnes qui en paient les frais. C'est ça, la réponse. Oui, très bien, l'industrie. Si on pense que c'est bien ainsi, bien supportons l'industrie. Pour être capable de le faire, on n'a pas à juger... Et on pense que c'est bien de le faire. Mais il ne faudrait pas que les aînés... Et, là, on parle, là... Évidemment, vous y avez pensé, on le voit très bien, parce que vous dites que les personnes qui ont le supplément de revenu, là, eux autres, elles n'auront pas de frais à payer. Mais il y en a d'autres, là, qui sont très près, qui n'ont pas le revenu maximal, qui sont là, qui vont se retrouver dans des difficultés évidentes et importantes que vous connaissez: de choisir entre la nourriture et les médicaments. Et on pense que, là, si on doit faire en sorte de soutenir l'industrie, bien qu'il y ait des mesures compensatoires pour permettre que ce soit absorbé par l'ensemble de la population, mais pas par un... particulier de la population qui est là. C'est ça, notre objectif, à l'intérieur de ceci.

M. Couillard: Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Lalande. Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé. Je sais que vous vous connaissez, M. Lalande et Mme la députée.

Mme Harel: J'ai déjà expliqué, M. le Président, un premier élément, à savoir que, greffier de la Cour, à Saint-Jérôme...

M. Lalande (Georges): Protonotaire de la Cour supérieure.

Mme Harel: ...protonotaire de la Cour supérieure, à Saint-Jérôme, M. Lalande m'a mariée, n'est-ce pas, mais ce que je n'ai point dit, c'est que je l'ai connu par la suite, en 1981, au moment où il était député d'Hochelaga-Maisonneuve. Mais je dois ajouter que, pendant les 10 années qui ont suivi le 13 avril 1981, il m'a invitée à dîner pour me remercier d'avoir empêché un divorce.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Vous me disiez que votre femme...

M. Lalande (Georges): Mais vous aviez ajouté qu'en 1981 vous m'aviez démarié...

Mme Harel: Avec la politique.

M. Lalande (Georges): ...d'avec Maisonneuve.

Mme Harel: C'est ça.

M. Lalande (Georges): Oui. Ce qui est vrai aussi.

Mme Harel: On est quand même toujours restés en bon termes, n'est-ce pas, hein? J'ai toujours eu beaucoup de considération pour l'ancien député d'Hochelaga-Maisonneuve.

Alors, je voudrais saluer M. le président du Conseil des aînés, M. Demers, le vice-président, Mme Gagnon ainsi que M. Michaud, qui est un habitué des commissions parlementaires, au nom de mon collègue le député de Vachon et au nom de l'opposition officielle.

n (17 h 50) n

En écoutant votre échange avec le ministre, je me suis demandé s'il y avait déjà eu des représentations pour que les aînés soient représentés, entre autres, en occupant un siège à la Régie de l'assurance maladie du Québec, au conseil d'administration de la RAMQ.

M. Lalande (Georges): Mme la députée, je vais référer à notre mémoire qui est le secrétaire général, mémoire en âge et en connaissances, qui pourrait peut-être mieux répondre que moi à cette question.

M. Gagnon (Daniel): À ma connaissance, non, il n'y a pas eu de demande. C'est sûr qu'il y a toujours eu une demande de représentation maximale des aînés dans tout ce qui est conseil d'administration, au Québec, entre autres dans les ex-régies régionales, mais, non, pas à la régie, à ma connaissance.

Mme Harel: Je sais que le ministre vient de combler, là, des postes qui étaient, je pense, vacants, mais c'est un représentant de l'industrie pharmaceutique puis un représentant des propriétaires pharmaciens. Mais peut-être faut-il insister pour que les aînés soient représentés là où s'administre le programme public qui dans le fond les concerne, comme vous l'avez bien décrit, au premier chef.

Dans le mémoire que vous présentez, il y a justement cette phrase, à la page 5, qui dit: «Près de la moitié des aînés acceptent d'emblée leur ordonnance médicale sans poser de questions quant aux effets secondaires possibles, aux doses, à la posologie et [...] autres...» Et savez-vous à quoi ça m'a fait penser, l'échange que vous avez eu? En fait, à cette idée qu'il y a une culture où on n'explique pas les choses, mais pas simplement chez les professionnels. Ça m'a rappelé encore, il y a un an, l'émoi créé lorsque ma mère et moi-même avons demandé de connaître les médicaments qui étaient administrés à mon père en CHSLD. Ça a été un émoi général, et on m'a dit, je ne sais pas combien de fois: Mais c'est la première fois que ça nous est demandé. Alors, il y a eu toutes sortes de conciliabules, des réunions. Absolument, absolument. Ça a pris trois mois. Alors, ce n'est pas rien, là.

Une voix: ...

Mme Harel: Non. Mais ça a été demandé, si vous voulez, avant Noël, et puis finalement on a pu avoir l'information par la suite. Alors, c'est donc dire que c'est considéré comme faisant partie du diagnostic, la prescription. C'est comme si c'était une compétence exclusive vraiment du médecin. Alors, on m'avait dit: Il faut demander au médecin, comme s'il y avait là, si vous voulez, une sorte d'entorse, là, au fait qu'on n'avait pas à se questionner sur ça. Je pense que ça fait partie de la culture, malheureusement, là, et des institutions et des professionnels. Je ne sais pas... Là, présentement, vous êtes en tournée de consultation sur les aînés à travers le Québec. Est-ce que vous vous en faites parler, de ça?

M. Lalande (Georges): Oui, oui, effectivement, et c'est pour ça que je pense qu'il est temps qu'on puisse avoir ou développer en tout cas une étude sur les considérations éthiques, là, parce que, là, on touche à l'éthique, on touche aux valeurs, on touche aux façons de faire des gens. Les changements de valeurs, c'est une société... qu'on a créé chez les aînés et les plus âgés, là, une instabilité, là, sur le plan des valeurs, d'être capable de s'exprimer.

Mais je reviens parce que je suis un peu obnubilé par ça, là. On nous revient tout le temps à cette espèce de peur, là, de ne plus avoir accès, d'avoir une réaction qui est négative si on demande trop. Puis, bien, vous le savez, la culture, dans notre société, ça a été: Tais-toi puis accepte, hein? C'est un peu ça dans lequel on est, donc. Et puis le médecin, bon, est un phare, à quelque part, et ça, il ne faut pas sous-estimer, là, cet aspect-là, l'espèce de bouée à laquelle on rencontre le médecin. Il va être là pour me conseiller pas juste sur le plan de la santé, mais de façon générale, et c'est pour ça que ça doit passer par eux en particulier. C'est un changement. Mais on nous en parle abondamment, du fait qu'on ne sait pas comment gérer cette relation-là, et on fait confiance aux professionnels. C'est ce que nous constatons.

Il faudrait voir. Le Conseil des aînés a déjà développé un cadre conceptuel sur... un plan d'éthique, là, provincial, et déjà les gérontologues, les théologiens, les gens qui se préoccupent, là, des valeurs des gens puis qui interprètent... les sociologues au fond, qui interprètent les comportements, se sont interrogés de façon importante: Est-ce qu'on n'en demande pas assez? Encore une fois, la nouvelle génération demande beaucoup plus. Mais les autres générations, dans bien des cas, avaient raison. Parce que, écoutez, on a vécu le temps de la médecine familiale vraiment comme on le connaissait dans les campagnes, et tout ça, où le médecin était vraiment la base de référence dans laquelle on est. C'est tout à fait normal qu'on continue un peu dans cette condition-là, d'où l'importance accrue que les professionnels y fassent... Mais, vous savez, je vous réponds, là, avec pas plus de connaissances que vous là-dedans, avec chacun notre contribution puis notre sensibilité à ces choses-là.

Mme Harel: Dans votre mémoire, vous vous réjouissez à bon droit, là, de cette annonce de gratuité qui n'est pas encore appliquée, je pense, hein, pour les personnes âgées qui ont le supplément de revenu garanti, là, le supplément maximal.

M. Lalande (Georges): Je crois que c'est dans le dernier budget, là. C'est ça, là, qu'on...

Mme Harel: Oui. Le 1er juillet. C'est 10 %, hein, des personnes qui reçoivent le supplément de revenu garanti au Québec, hein?

M. Lalande (Georges): Oui.

Mme Harel: Est-ce que vous êtes muet, là, sur le reste de l'engagement d'il y a deux ans? J'avais ici la lettre du premier ministre, qu'il a adressée le 7 avril, donc six jours ? l'élection, c'était le 14 ? sept jours, sept jours avant l'élection, et qui dit ceci: «Nos engagements prévoient l'adoption de certaines mesures urgentes dont la gratuité des médicaments pour les personnes âgées recevant le supplément de revenu ? il n'a jamais été mentionné que c'était pour celles qui recevaient... pour 10 % d'entre elles seulement ? et les personnes assistées sociales.» Bon. Il y avait autre chose sur l'indexation des prestations de dernier recours, etc. Mais je relisais la plateforme électorale du Parti libéral, d'il y a deux ans, à laquelle le ministre a donné son endossement, à l'effet également de limiter la hausse des coûts des médicaments à la hausse du coût de la vie. Alors, est-ce que le conseil a fait des représentations notamment pour que... Cette année, en fait, c'est la troisième fois que l'actuel gouvernement applique des hausses à partir de la loi qui prévoit que c'est le conseil d'administration de la régie qui soumet une proposition au ministre, hein? Ça doit être en cours, là, présentement pour que cet engagement à l'effet de limiter la hausse des coûts de médicaments à la hausse du coût de la vie soit respecté.

M. Lalande (Georges): Écoutez, je vais reprendre, là, la base de votre argumentation. On sait que les gens qui sont admissibles au supplément du revenu maximum, là, bon, maximum, c'est 52 000 personnes sur 400 000, donc c'est à peu près 13 %, là, des personnes qui sont au maximum. Ce que nous préconisons ? et j'en disais un mot tout à l'heure dans la présentation ? c'est qu'on pense qu'en deçà... c'est bien, là, que tous ceux qui sont au maximum du supplément de revenu, là, soient exemptés, que ce soit la gratuité, mais on pense qu'en deçà de ça ? c'est parce que ça tombe après, là ? on pense qu'on devrait établir une gradation par niveaux pour ceux qui sont en deçà du maximum de la sécurité du revenu ? ça, c'est notre position ? peut-être pas tout le monde. Il y en a qui manquent peut-être... On sait ça, quand on établit des marques ou des gradations à quelque part, il y en a qui se retrouvent juste sur le bord d'un côté et sur le bord de l'autre. Mais quand même, si on pouvait établir peut-être par cohortes d'âge, là, ça pourrait être une façon de faire des gradations à l'intérieur de ça, de sorte qu'on ne se retrouve pas avec ceux qui malheureusement n'ont pas le supplément de revenu et qui vont être pénalisés en conséquence. Mais, là, il y a des études assez importantes à faire sur les coûts, que nous n'avons pas encore terminées, mais nous nous interrogeons sur la chose et éventuellement d'y faire des représentations en conséquence.

Le Président (M. Copeman): Avant de poursuivre, je présume qu'il y a un consentement pour dépasser de quelques minutes 18 heures? Consentement. Allez-y, Mme la députée.

Mme Harel: Alors, vous avez des études en cours sur cette question, comptez-vous les rendre publiques incessamment?

M. Lalande (Georges): Sûrement que nous les soumettrons à l'attention de notre ministre.

Mme Harel: Quand avez-vous prévu terminer ces études?

n (18 heures) n

M. Lalande (Georges): Nous sommes dans la rédaction du rapport de consultation qui traite en partie ce dossier-là. Quand nous aurons terminé, ce sera dans une première étape que nous le remettrons. Par la suite, c'est une question... Quand nous avons discuté du mémoire et de la présentation qui est venue en discussion parmi nous... Et on pourra, dans les délais assez courts, parce que c'est important de faire des représentations en ce sens-là... Mais il importe de bien cerner, là, de quoi on parle exactement, et l'étude est complexe.

Mme Harel: Est-ce que c'est un rapport de consultation suite au forum de la population? Et c'est le Conseil des aînés qui en est chargé, de sa rédaction?

M. Lalande (Georges): Non, ce n'est pas le Conseil des aînés, c'est un groupe de travail de 13 personnes. Et il est arrivé par hasard que c'est le président du Conseil des aînés qui préside le groupe de travail. Évidemment, il a l'avantage d'avoir à côté de lui une équipe de personnes très compétentes qui l'empêchent de dire des conneries, donc... de l'écrire dans ce sens-là, mais essentiellement c'est le groupe de travail qui va faire des recommandations dans les meilleurs délais.

Mme Harel: Avez-vous été consultés sur le rapport du plan d'action préparé par le ministère de la Santé et des Services sociaux qui a été rendu en fait public dans les médias au cours des derniers jours? Rapport qui ne parle pas du tout des médicaments, à ma connaissance, là. Je l'ai parcouru, le mot «médicaments» n'est même pas prononcé, n'est pas mentionné. Et j'ai regardé la liste des personnes qui ont travaillé, je n'ai pas vu personne représentant aucune organisation d'aînés, ni conseil, ni personne. Et donc ça s'est fait donc en parallèle au groupe de travail résultant du forum de la population, sur les aînés.

M. Lalande (Georges): Bien, c'est l'exercice sur lequel nous avons été demandés, et on a délégué M. Gagnon, qui est notre secrétaire et encore une fois la mémoire de notre conseil, de contribuer...

Mme Harel: À titre de Conseil des aînés et non pas de comité sur les aînés du forum.

M. Lalande (Georges): Ça, c'est le Conseil des aînés.

Mme Harel: Comme membre du Conseil des aînés. Donc, le forum... le comité des aînés, qui a résulté du forum de la population, n'a pas été consulté?

M. Lalande (Georges): Pas sur cet aspect-là.

Mme Harel: Merci.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, M. Lalande, M. le président, M. Demers, Mme Michaud et M. Gagnon, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom du Conseil des aînés.

Et, sur ce, j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à demain, le 5 mai, à 9 h 30, ici, en cette même salle. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 2)


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