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Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Tuesday, March 8, 2005 - Vol. 38 N° 102

Consultation générale sur le projet de loi n° 83 - Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures quarante minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Chers collègues, ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Je suis heureux de vous retrouver. Je sais qu'il y en a parmi nous qui ont siégé la semaine passée également, mais nous reprenons nos travaux cédulés aujourd'hui.

Pour la bonne marche des travaux évidemment, je vous rappelle, tous et chacun, que l'utilisation des téléphones cellulaires est strictement interdite dans la salle, et je prierais tous ceux qui en font usage de bien vouloir les mettre hors tension.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Auclair (Vimont) va être remplacée par Mme Gaudet (Maskinongé); M. Girard (Gouin) par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve).

Le Président (M. Copeman): Très bien. Évidemment, je vous rappelle le mandat de la commission: nous sommes réunis afin de poursuivre, après un petit hiatus, la consultation générale et les auditions publiques sur le projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives.

Ce matin, nous allons entendre et échanger avec deux groupes: dans quelques instants, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qui sera suivie par l'Association des fondations d'établissements de santé du Québec. Nous allons suspendre autour de 11 h 30. Et évidemment, en suivant probablement l'avis de la Chambre, nous allons continuer nos travaux, cet après-midi, avec deux autres groupes. Je ferai lecture de l'ordre du jour à ce moment-là.

Auditions (suite)

Sans plus tarder, ça me fait plaisir d'accueillir, au nom de tous les membres de la commission, les représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Me Bosset, bonjour. Vous n'êtes pas sans savoir... ou êtes familier avec nos règles de fonctionnement, vous aussi, vous devenez un habitué de nos travaux avec vos collègues, mais je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table.

Je serai assez sévère dans l'application des limites de temps et je vous ferai signe quand il restera à peu près deux minutes, et par la suite nous allons arrêter à 20 minutes. Sans plus tarder, je vous prierais de présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter votre présentation.

Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

M. Bosset (Pierre): Merci. Alors, M. le Président de la commission, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, m'accompagnent deux des trois auteurs du mémoire de la commission: à ma gauche, Me Daniel Carpentier et, à ma droite, Me Claire Bernard. Tous deux sont conseillers juridiques à la Direction de la recherche de la commission. Le président de la commission me prie de l'excuser auprès de vous de ne pouvoir être présent parmi nous ce matin.

Comme vous le savez, la commission est chargée de promouvoir les principes de la Charte des droits et libertés de la personne par toutes les mesures appropriées, y compris l'examen des textes de loi, et la commission a aussi un second mandat, second élément de mandat qui concerne cette fois-ci la protection de la jeunesse, et c'est en raison de ce double mandat que nous sommes devant vous, ce matin, pour vous présenter nos observations sur le projet de loi n° 83.

Nous allons couvrir cinq aspects qui sont, dans l'ordre, la certification des résidences, le traitement des plaintes et le plan d'intervention, qui seront abordés par ma collègue, Me Claire Bernard, en quatrième lieu, la protection des renseignements des usagers, un aspect qui sera abordé par Me Carpentier, et j'interviendrai à la toute fin pour faire quelques brèves remarques sur l'organisation des services et la protection des enfants. Alors, sur ce, je laisse la parole à Me Claire Bernard.

Mme Bernard (Claire): La charte...

Le Président (M. Copeman): Maître, allez-y.

Mme Bernard (Claire): La charte garantit, depuis 1975, aux personnes âgées et aux personnes handicapées le droit à la protection contre l'exploitation. L'article 48 se lit comme suit: «Toute personne âgée ou toute personne handicapée a droit d'être protégée contre toute forme d'exploitation.»

On se rappellera que, suite à la consultation publique sur l'exploitation des personnes âgées qu'elle a menée en 2000, la commission avait conclu que les résidences privées offrant des services aux personnes âgées devaient refaire l'objet d'un encadrement, compte tenu des situations qui avaient été dénoncées au cours de la consultation et du fait que de nombreuses personnes en perte d'autonomie se retrouvent de facto hébergées dans des résidences privées. La commission alors avait recommandé l'instauration d'un processus d'accréditation obligatoire dont la responsabilité devait être confiée aux régies régionales, telles qu'elles se nommaient alors. La commission ajoutait que les régies devaient avoir le pouvoir d'ordonner aux résidences d'apporter les correctifs appropriés et celui de retirer les permis en cas de manquement grave.

Un premier pas a été fait en 2002 avec la constitution des registres régionaux des résidences privées pour personnes âgées. Le projet de loi n° 83 propose d'aller plus loin et d'instaurer un système de certification des résidences pour personnes âgées assorti d'un pouvoir de surveillance reconnu aux agences et au Protecteur des usagers sur ces résidences.

La commission considère que les mesures proposées démontrent une réelle volonté d'améliorer la situation actuelle. Toutefois, la certification volontaire, tout incitative soit-elle, ne pourrait empêcher des résidences inadéquates de continuer à accueillir des personnes âges vulnérables, sauf évidemment les résidences qui exercent des activités qui relèvent de la mission d'un CHSLD au sens de l'article 83 et qui sont donc, elles, assujetties au contrôle actuel de la loi.

La commission continue de penser que l'approche volontaire est insuffisante pour protéger les droits des résidents et prévenir l'exploitation, la négligence, les abus. C'est pourquoi la commission recommande que le projet de loi soit amendé afin de rendre la certification obligatoire pour toutes les résidences privées offrant des services aux personnes âgées.

Par ailleurs, d'autres catégories de personnes également très vulnérables résident et reçoivent des services dans des résidences privées. La commission a constaté, au cours d'enquêtes menées dans ces milieux, que l'absence d'encadrement de ces résidences favorise les situations d'atteinte parfois grave à leurs droits fondamentaux. La commission considère que les résidences privées qui offrent des services à des personnes vulnérables autres que les personnes âgées ? personnes atteintes de maladie mentale, de déficience intellectuelle ou autre forme de handicap ? doivent également faire l'objet d'une procédure de certification obligatoire. Elle recommande donc que le projet de loi soit amendé en ce sens.

Quant au système du traitement des plaintes, lors de la consultation sur l'exploitation des personnes âgées, de nombreux commentaires avaient été formulés à l'égard du système de traitement des plaintes, de nombreuses critiques. Le projet de loi n° 27, qui cheminait devant l'Assemblée nationale au moment de l'adoption du rapport de consultation, répondait à plusieurs des préoccupations exprimées. Toutefois, la commission recommandait d'autres améliorations, notamment le renforcement du rôle des comités des usagers et l'insertion, dans la charte, d'une disposition obligeant le Protecteur des usagers à transmettre à la commission toute information dans les matières qui relèvent de la compétence d'enquête de la commission, au même titre que le Protecteur du citoyen. Ce dernier est en effet tenu à une telle obligation en vertu de l'article 75 de la charte.

Le projet de loi n° 83 prévoit confier au Protecteur du citoyen les fonctions du Protecteur des usagers. La commission prend donc pour acquis que l'obligation qui est imposée actuellement au Protecteur du citoyen par l'article 75 s'appliquerait également aux plaintes qu'il recevra en vertu de la Loi sur le Protecteur des usagers.

En ce qui concerne plus généralement le système de traitement des plaintes, la commission salue les diverses mesures proposées pour renforcer le respect des droits des usagers, en particulier le renforcement du rôle du commissaire local et régional, qui disposerait notamment d'un véritable pouvoir d'intervention, l'obligation d'instituer, dans tous les établissements, un ou des comités des usagers, l'instauration des comités de résidents, etc.

Finalement, quant au plan d'intervention, au plan de services individualisé, la Loi sur les services de santé et les services sociaux prévoit qu'un établissement peut être tenu d'élaborer un plan d'intervention et un plan de services individualisé, mais elle impose cette obligation de le faire uniquement pour les catégories d'usagers qui sont désignées par règlement. Actuellement, le règlement qui a été adopté pour ce faire a été adopté en 1984 et il rend les plans d'intervention obligatoires uniquement pour les personnes recevant des services dispensés dans les établissements offrant des soins de longue durée, de l'hébergement dans les centres de réadaptation et les familles d'accueil. C'est donc dire que le plan d'intervention n'est pas requis pour les autres catégories d'usagers, tels que ceux recevant les services des centres de protection de l'enfance et de la jeunesse.

De plus, actuellement, aucun type d'établissement n'est tenu d'élaborer de plan de services individualisé. Or, dans le cadre d'enquêtes qu'elle mène et qu'elle a menées en vertu de l'article 23 de la Loi sur la protection de la jeunesse, la commission a eu l'occasion de constater les effets de cette lacune sur le respect du droit à des services adéquats qui est reconnu aux enfants en besoin de protection en vertu de l'article 8 de la Loi sur la protection de la jeunesse et elle a déjà fait des recommandations au ministre pour adopter des règlements en ce sens.

n(9 h 50)n

Le projet de loi n° 83 corrige partiellement la situation, puisqu'il propose des modifications qui auraient pour effet de rendre obligatoire le plan de services individualisé dans les situations nécessaires. Cependant, la commission reste toujours préoccupée par l'absence de plans d'intervention dans un certain nombre de dossiers, révélée dans plusieurs enquêtes systémiques qu'elle a menées ou qu'elle mène actuellement en protection de la jeunesse. Par exemple, la commission a constaté l'absence de plans d'intervention dans 54 % des dossiers étudiés dans son enquête sur les services de protection de la jeunesse en Abitibi-Témiscamingue. La commission considère donc que l'élaboration d'un plan d'intervention devrait être obligatoire pour toutes les catégories d'usagers vulnérables, y compris les enfants recevant des services d'un centre de protection de l'enfance et de la jeunesse, et elle recommande donc que l'article 102 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux soit modifiée en ce sens.

Le Président (M. Copeman): Allez-y, M. Carpentier.

M. Carpentier (Daniel): Merci. Sur le point de la protection des renseignements des usagers, deux aspects du projet de loi sont examinés à la lumière de deux droits fondamentaux reconnus par la charte, c'est-à-dire le droit au respect de sa vie privée et le droit au respect du secret professionnel. Il s'agit, premier point, d'abord de la confidentialité du dossier de l'usager. L'article 19, l'actuel article 19 de la loi de santé et de services sociaux établit le principe de la confidentialité du dossier de l'usager. Autrement dit, ce dossier n'est accessible que si l'usager y a consenti.

Le projet de loi n° 83 modifie l'article 19 notamment pour ajouter plusieurs autres situations où le consentement ne serait plus requis. Ces situations sont lorsqu'un usager est dirigé par une instance locale vers un autre établissement, un professionnel de la santé, une entreprise d'économie sociale ou une ressource privée avec laquelle elle a conclu une entente, lorsque le renseignement est nécessaire à l'exercice d'un mandat ou à l'exécution d'un contrat de services, lorsque l'on communique des renseignements nécessaires dans les cas où un plan de services est établi, lorsqu'il y a entente pour la prestation de certains services de santé, services sociaux, entente pour des services de télésanté, entente avec un organisme communautaire subventionné pour offrir des services aux personnes en perte d'autonomie ou lorsque l'agence offre aux établissements des services liés au support technologique ou des services de gestion des ressources informationnelles.

Même si cette approche de services intégrés dans un réseau local emporte la nécessaire communication des renseignements contenus dans le dossier d'un usager, on peut se demander pourquoi on a choisi, dans le projet de loi, d'écarter l'obtention du consentement de façon aussi large. L'accessibilité du dossier dans les établissements regroupés des centres de santé et de services sociaux ne modifie pas la règle actuelle. En effet, cette communication, au sein de l'établissement, des renseignements de l'usager entre personnes pour qui il est nécessaire de les obtenir afin de rendre les services requis respecte le principe du cloisonnement. Toutefois, dans les autres cas où le projet de loi prévoit que le consentement à la communication n'est plus requis, on doit s'inquiéter de la brèche ainsi créée dans le principe de cloisonnement. Cette approche fait en sorte que le réseau local, en matière de communication de renseignements contenus au dossier de l'usager, devient en quelque sorte l'équivalent d'un établissement.

Notre inquiétude est d'autant plus grande que cette communication ne vise pas seulement des organismes publics, mais aussi des organisations ou des personnes du secteur privé. De plus, le projet de loi ne prévoit pas des dispositions créant l'obligation, pour l'établissement détenteur du dossier de l'usager, d'informer ce dernier du contenu et des destinataires de ces communications. Même dans le cas où la loi prévoit l'élaboration d'un plan d'intervention ou d'un plan de services individualisé auquel l'usager doit collaborer, on ne prévoit pas l'obligation d'informer celui-ci du contenu et des destinataires des communications requises par ce plan.

Ce qu'instaurerait le projet de loi, c'est un modèle de communication globale des renseignements des dossiers de l'usager au sein de chacun des 95 réseaux locaux. C'est donc dire qu'une personne qui obtient des services du centre de santé et de services sociaux de son territoire aura non seulement consenti à ce que les membres du personnel de ce CSS aient accès aux renseignements, mais elle aura également consenti à ce que les renseignements requis par tous les autres intervenants faisant partie du réseau local leur soient accessibles sans consentement.

Le consentement à la transmission de renseignements personnels doit, pour être valide, être libre, éclairé, donné à des fins spécifiques et pour une durée déterminée. Cela exige que les informations sur le contenu des renseignements et leur usage soit connu de la personne à qui l'on demande de consentir. Cette obligation d'information est essentielle à la validité du consentement. Or, les mesures proposées dans le projet de loi écartent ce consentement à la communication et ne prévoient pas de mesures d'information. La commission recommande donc que les dispositions prévoyant la communication de renseignements contenus au dossier de l'usager de l'instance locale vers les autres intervenants du réseau local soient assujetties à l'obligation d'informer l'usager des renseignements qui feraient l'objet de cette communication et de l'usage qui en est prévu et à l'obligation d'obtenir son consentement.

Le deuxième point, c'est sur le projet de loi qui prévoit la mise en place de services de conservation et d'échange de certains renseignements médicaux, ce que l'on pourrait désigner comme la création d'un aide-mémoire de renseignements de santé partageables. Dans ce système, plusieurs garanties relatives à la confidentialité des renseignements et au droit d'accès et de correction par la personne concernée sont prévues. Ainsi, les renseignements conservés par une agence ne peuvent être communiqués à un tiers, même avec le consentement de la personne concernée. Le projet de loi propose donc une banque décentralisée de renseignements de santé.

Cette approche diffère des récents projets de carte santé, où la technologie de carte à microprocesseur était centrale et où on prévoyait la constitution d'une banque centralisée de renseignements. À cet égard, le projet de loi propose une approche qui nous semble plus sécuritaire et moins tentante quant à l'utilisation à d'autres fins de ces renseignements. Quant aux aspects relatifs aux principes directeurs et aux règles de confidentialité, le projet nous semble satisfaisant.

Certains aspects par contre soulèvent des interrogations. Ainsi, la période prévue pour l'utilisation des renseignements conservés, autres que ceux sur les médicaments, serait déterminée par règlement, tout comme les profils d'accès qui seront attribués aux intervenants. Nous sommes d'avis que ces projets de règlement devraient faire l'objet d'une large diffusion et de consultations avant leur adoption.

Une dernière question se pose quant au rôle de la Régie de l'assurance maladie du Québec à l'égard des renseignements sur les médicaments qu'elle recueille et conserve. Actuellement, la RAMQ, à titre d'assureur dans le cadre du régime d'assurance médicaments, recueille et détient des renseignements sur les médicaments délivrés aux assurés du régime public. En vertu de l'article 520.15, un pharmacien devra transmettre à la RAMQ une copie des renseignements sur les médicaments délivrés, depuis moins d'un an, à une personne qui a demandé que ces renseignements soient conservés par une agence. L'article 2 de la Loi sur la Régie de l'assurance maladie est modifié par le projet de loi afin de permettre à la RAMQ de recueillir et conserver ces renseignements sur les médicaments délivrés ainsi que les indications thérapeutiques. Dans le cas où cette personne n'est pas assurée par le régime public d'assurance médicaments, la RAMQ détiendra donc des renseignements sur des personnes pour lesquelles elle n'est pas l'assureur.

Quelle est donc la finalité de la conservation de ces renseignements médicaux par la RAMQ? En effet, une fois l'information émanant d'un pharmacien transmise à la RAMQ et une fois que celle-ci la transmet à l'agence qui a le mandat de la conserver, quelle finalité vient justifier la constitution d'une banque centralisée de renseignements sur les médicaments délivrés et les indications thérapeutiques s'y rapportant? De plus, on doit noter que le délai de conservation, limité à cinq ans après la période d'utilisation des renseignements pour les agences, après laquelle ils sont détruits, ne s'applique pas à la RAMQ, aucun délai de conservation n'étant prévu.

En conclusion, sur le projet de conservation et d'échange de certains renseignements aux fins de la prestation de soins de santé, la commission souhaite que les règlements relatifs à la période prévue pour l'utilisation des renseignements et les profils d'accès fassent l'objet de consultations. De plus, elle recommande que les renseignements relatifs aux médicaments et les indications thérapeutiques s'y rapportant ne puissent être conservés par la RAMQ lorsque ces renseignements concernent une personne qui n'est pas assurée par le régime public de l'assurance médicaments.

Le Président (M. Copeman): Me Bosset.

M. Bosset (Pierre): Quelques mots, en terminant, sur l'organisation des services et la protection des enfants. Ces réflexions bien sûr nous sont inspirées par le mandat que la charte... que la Loi sur la protection de la jeunesse, pardon, donne à la commission.

n(10 heures)n

Comme on le sait, le projet de loi modifie de façon importante l'organisation des services en prévoyant la création d'instances locales auxquelles on confiera des responsabilités importantes. La commission se réjouit du fait que les modifications proposées reposent sur une reconnaissance accrue de l'importance des services qu'on appelle courants, qui sont offerts en première ligne à une population, y compris en matière de protection des enfants. La commission a déjà traité ces questions dans le passé, en particulier devant la commission Clair, en insistant sur la nécessité d'une intégration plus poussée des services offerts en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse, services qui sont offerts bien sûr par les établissements de première ligne mais aussi par des organismes du milieu scolaire et même par des organismes communautaires. Pour la commission, c'est vraiment dans cette perspective que la protection des enfants peut devenir une affaire collective.

Cependant, nous sommes frappés, à la lecture du projet de loi, par le manque de précision de certains termes, ou en tout cas certaines contradictions, certaines confusions qui paraissent exister dans l'usage des termes. Le projet de loi emploie l'expression «services généraux», alors que, dans des documents pourtant récents du ministère, on emploie des termes de «services courants», de «services de première ligne» d'une façon qui parfois laisse une certaine confusion pour le lecteur. Pour la commission, il est important, et on le recommande, qu'il soit clair dans la loi que les instances locales seront responsables en première ligne d'offrir des services de santé, y compris des services de santé mentale, et des services sociaux aux jeunes en difficulté et à leurs familles. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup. Alors, afin de débuter l'échange, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Me Bosset, Me Carpentier, Me Bernard, pour votre présentation. La remarque que vous faites en fermeture de votre mémoire est bien accueillie quant à la nécessité de clarifier les termes pour les responsabilités cliniques de l'instance locale. Je pense que c'est une remarque certainement de bon aloi.

Pour tout le chapitre de protection des renseignements, effectivement il y a plusieurs remarques à faire, puis on pourra peut-être échanger sur cette question, pour terminer par la suite sur la question de la certification des résidences de personnes âgées.

Effectivement, votre remarque sur la question de l'absence de consentement explicite à la transmission de renseignements, dans le cadre d'une relation entre l'instance locale et des partenaires du réseau à l'extérieur de l'établissement, c'est quelque chose qui est revenu à plusieurs reprises, par exemple avec vos collègues de la Commission d'accès à l'information ou les gens du Barreau, et on a avec eux convenu jusqu'à maintenant que, si le projet de loi était bonifié de façon à rendre, comme vous le demandez, nécessaire, lors de la conclusion d'un plan de services individualisé, également l'explication très claire à l'usager du type de renseignements qui sont visés et l'obtention d'un consentement explicite à ce moment-là, ça pourrait, je crois, corriger les craintes que ces organismes avaient. Est-ce que c'est la même chose pour vous également?

M. Carpentier (Daniel): Bien, la question qu'il me reste, c'est: Dans les autres situations... L'article 19, j'ai à dessein énuméré la série de situations, et les plans de services individualisé sont une seule de ces exceptions. Les autres cas, lorsqu'il y a eu des ententes de signées ? il y en a, là, une série, je crois; je ne les reprendrai pas ? est-ce que l'obtention du consentement serait également possible? Ce que je comprends, c'est que, une personne qui requiert des services de santé dans un établissement, on lui dit: Voici, on vous donne ce service, et ensuite un organisme communautaire pourrait prendre la relève pour certains soins, par exemple, à domicile, etc. L'usager consent, va accepter ça. Au moment de cette acceptation, on pourrait aussi lui dire: Mais pour ça il va falloir transférer des informations. Est-ce que vous êtes d'accord? C'est tout simplement ça, obtenir le consentement. Dans ce sens, je crois que cette ouverture est certainement très bien, mais est-ce que ça peut être plus large qu'uniquement le plan de services ou est-ce qu'on est toujours dans le cadre d'un plan de services? Ça, je n'en suis pas certain.

C'est qu'actuellement, tel que c'est là, si l'établissement considère qu'il va appliquer une entente qu'il a avec un organisme communautaire, selon le projet de loi, il peut dès lors transmettre des renseignements, alors que la personne peut-être ne voudra pas utiliser ce service. Donc, l'information pourrait être transmise et la personne n'acceptera pas le service. Donc, il faudrait s'assurer de couvrir toutes les situations où il faut obtenir le consentement.

M. Couillard: Mais je remarque avec satisfaction que votre suggestion s'accompagne également d'un souci de ne pas alourdir inutilement le processus, parce que tous s'entendent sur la nécessité que les informations soient transmises pour, en fin de compte, améliorer les services, les rendre plus rapides, plus continus. Mais la nécessité de rendre plus explicite, je crois, la transmission de l'information et le consentement de l'usager, c'est quelque chose auquel on souscrit également, toujours dans cette recherche d'équilibre entre la légèreté du processus, si vous me passez l'expression, et le respect des principes fondamentaux que vous nous soulignez.

M. Carpentier (Daniel): J'ajouterais là-dessus: effectivement, oui, tu sais, on ne cherche pas à alourdir le processus, bien sûr, mais de toute façon le consentement aux soins n'est pas touché. Alors, lorsqu'on consent aux soins, il suffit d'informer, et on obtient, à ce moment-là, le consentement à la transmission de l'information. Ce n'est pas alourdir. J'espère encore obtenir le consentement aux soins. C'est la situation. Or, dans ce contexte-là, ça ne devrait pas alourdir inutilement le processus.

M. Couillard: Par ailleurs, les règlements qui sont prévus pour la définition des profils d'accès, par exemple, ou d'autres éléments sont, par leur nature même, soumis à un processus de prépublication, d'abord de consultation dans leur élaboration et, deuxièmement, de prépublication dans la Gazette officielle pour obtenir des réactions. Alors, je crois qu'il y aura là un espace de réaction quant aux dits règlements. Il serait, je crois, hasardeux de prévoir maintenant, dans la législation, des choses aussi détaillées que les profils d'accès pour tel, tel, tel intervenant, qui doivent faire l'objet de conversations avec les ordres professionnels, par exemple, ou avec ;es organismes de défense des droits des malades ou des usagers.

M. Carpentier (Daniel): Oui. Ici, la commission a souligné l'importance de tenir une... On a parlé de large diffusion et de consultation. Oui, bien sûr on connaît le mécanisme de prépublication dans la Gazette officielle, il y a, oui, un certain nombre d'organismes qui vont consulter ça et faire des commentaires, mais, compte tenu, je pense ? on peut le voir par la participation à la consultation sur ce projet de loi ? des intérêts assez larges que couvre le projet et de la multiplicité des intervenants, c'est à se demander s'il ne serait pas possible d'envisager une diffusion plus large que la Gazette pour vraiment rejoindre une majorité de gens, compte tenu de l'importance. Ça semble très technique, les profils d'accès, mais on est en matière d'échange de renseignements de santé. Je pense que la commission considère qu'il est très important que le projet de réglementation là-dessus et sur la durée de conservation des informations soit le plus largement diffusé afin de permettre des réactions et une bonne connaissance de ce système qu'on veut mettre en place, notamment pour en assurer le succès. Si on veut que ce système marche, il devrait susciter de l'adhésion. Une transparence et une diffusion des modalités de fonctionnement seraient importantes.

M. Couillard: Quant au rôle de la Régie d'assurance maladie du Québec comme réceptacle de données, si vous me passez l'expression, vous saluez positivement le fait qu'on ait abandonné le concept d'une grande banque centrale de renseignements médicaux pour aller plutôt vers le modèle de conservation régionale. Il nous a semblé cependant nécessaire de faire une exception pour la conservation des données pharmacologiques, étant donné que la Régie d'assurance maladie du Québec, comme vous l'avez vous-même souligné, dispose déjà des données pour le public assuré et que chaque pharmacie du Québec est connectée par lien informatique avec la Régie d'assurance maladie du Québec. Alors, c'est là que notre souci de ne pas alourdir inutilement les processus entre en jeu. La Régie d'assurance maladie du Québec servira finalement de courroie de transmission pour transmettre ses renseignements aux différentes banques régionales. Il faudrait, si ce n'était pas le cas, que chaque pharmacie se dote de 16 ou 17 connections avec chacune des banques régionales afin de s'assurer que, lorsque vous êtes en déplacement, par exemple, dans une région ou l'autre, vos renseignements pharmacologiques soient accessibles au médecin qui aurait à vous traiter en cas d'urgence, par exemple.

Alors, je crois que, là, le principe de ne pas vouloir alourdir le processus et le rendre le plus efficace possible a joué dans notre évaluation. Est-ce que vous ne pensez pas que c'est un souci véritable? Est-ce que l'autre alternative à laquelle vous semblez nous amener, c'est-à-dire de ne pas confier à la Régie d'assurance maladie du Québec le rôle de réceptacle ou de courroie de transmission pour la partie non assurée de la population, qui est quand même considérable en termes de nombre, ça nous amène à une complexification, si vous me pardonnez le néologisme, importante des liens informatiques entre les pharmacies et les banques régionales?

n(10 h 10)n

M. Carpentier (Daniel): Je vous dirais là-dessus que je partage votre analyse quant au rôle de courroie de transmission. Ce que nous soulignons ici, c'est son rôle de conservation des informations. Et d'ailleurs la commission le dit dans le mémoire, elle conçoit très bien que, le lien étant établi entre les pharmacies, le lien informatique, entre les pharmacies et la RAMQ, c'est très bien que l'information transite par la RAMQ, qui, elle, va les retransférer aux instances locales... aux agences locales, pardon.

M. Couillard: Régionales.

M. Carpentier (Daniel): Oui. Mais ce que le projet de loi prévoit, c'est la conservation par la RAMQ de ces informations. Et là ce que nous disons: Mais quelle est la finalité? Quand l'agence locale conserve les renseignements qu'elle obtient des médecins, des établissements et des pharmaciens via la RAMQ, il y a une finalité, c'est l'échange de l'aide-mémoire partageable. Mais, quand la RAMQ conserve les informations sur les médicaments des non-assurés, qu'est-ce qu'elle va faire avec? Pour quoi? Ça ne peut pas être pour l'aide-mémoire partageable parce qu'elle ne joue pas de rôle là-dedans, sinon de l'avoir transmis. Mais, une fois qu'elle l'a transmis, pourquoi le conserve-t-elle? Et c'est là-dessus, notre interrogation majeure: Pourquoi la Régie de l'assurance maladie constitue-t-elle une banque globale, s'il y a une forte participation au système d'échange et de conservation, une banque globale sur les médicaments au Québec?

M. Couillard: Mais vous n'avez cependant pas d'objection quant au rôle de courroie de transmission?

M. Carpentier (Daniel): Absolument pas.

M. Couillard: Parce que ce serait simple, informatiquement parlant, que l'information transite par la RAMQ et soit redirigée, en vertu de son rôle de localisation, dans les agences ou les banques de données régionales pertinentes.

M. Carpentier (Daniel): Effectivement, ce rôle-là et le rôle d'exactement localiser où est l'information, ça, c'est parfait, mais c'est la conservation des renseignements sur les médicaments.

M. Couillard: Passons maintenant à la question de la certification des résidences. C'était également un sujet qui est revenu à plusieurs reprises au cours de nos travaux. Bien sûr, vous avez cerné ce que nous faisons en termes de progrès par rapport aux dispositions précédentes, mais vous voulez qu'on aille plus loin encore de façon, si je résume vos propos, à rendre obligatoire la certification de toutes les résidences. Est-ce que c'est toutes les résidences qui accueillent des clientèles vulnérables, telles que personnes en perte d'autonomie, personnes atteintes de problèmes de maladie mentale et autres, ou toutes les résidences privées? Est-ce que vous faites une distinction?

Mme Bernard (Claire): Toutes les résidences qui accueillent en fait les clientèles déficience intellectuelle qui sont par définition vulnérables parce qu'elles reçoivent ces types de services là. Mais je ne sais pas quel autre genre de résidences que celles qui sont visées, là... Ce sont des personnes qui ne seraient pas vulnérables et qui reçoivent ces services. Mais, quand on pense déficience physique, déficience intellectuelle, toxicomanie, ces situations rendent ces gens vulnérables, donc, effectivement, c'est une certification obligatoire pour tous ces types de résidences qui offrent des services.

M. Couillard: Évidemment, la question devient un peu plus compliquée lorsqu'on parle, par exemple, du cas des personnes âgées en perte d'autonomie ou qui sont en processus évolutif de perte d'autonomie, où la perte d'autonomie s'accentue avec les années. La question légale et éthique qui se pose, c'est le fait que ces résidences privées sont en fait le domicile de ces personnes, de la même façon que, si une personne âgée est à la maison avec des soins à domicile, est en perte progressive d'autonomie, on ne fera pas inspecter ou valider son domicile. Alors, à partir du moment où les gens sont en résidence privée, en arrivant souvent à une perte minime ou sans perte d'autonomie, et la perte d'autonomie se déclare par la suite progressivement, à quel moment ce lien de domicile n'est plus suffisant pour restreindre la possibilité pour l'État d'aller intervenir directement? Vous voyez la question qui se pose, là. Comment est-ce que vous voyez ça?

Mme Bernard (Claire): Ceux qu'on recommande qu'ils soient en fait surveillés, c'est principalement les services... Ce ne sont pas des services de type commercial quand même que ces personnes-là vont chercher. Donc, c'est d'assurer un encadrement minimum des services et des personnes qui y travaillent.

Je pense aussi qu'il faut faire attention à la notion de résidence. C'est vrai qu'il y a des petites résidences dans les résidences privées, mais il y a aussi des résidences... Quand on voit la moyenne territoriale, il y a des résidences... Par exemple, sur Montréal, la moyenne d'unités par résidence est d'une soixantaine, donc la notion de domicile devient à mon avis assez... enfin beaucoup éloignée de la réalité de ce que vivent les gens chez eux.

M. Couillard: Remarquez bien qu'on pourrait vous dire que, dans un bloc-appartements avec le même nombre d'unités, la question ne se pose pas. Je pense que vraiment la limite éthique ici, c'est la question de la perte d'autonomie et du moment où des services sont requis, et c'est ça qu'il faut essayer de déterminer, là, et ne pas créer non plus d'effet adverse, parce qu'on sait, par exemple, que, pour le registre, toutes les résidences malheureusement ne sont pas au registre, il y a des résidences qui échappent au registre. Alors, en alourdissant le processus pour toutes les résidences privées, est-ce qu'on ne risque pas d'accentuer le phénomène de clandestinité, étant donné les demandes qui sont faites sur les divers propriétaires?

C'est pour ça qu'on a voulu centrer l'intervention de l'évaluation de la certification sur les résidences qui ont eu des contacts via la référence de personnes avec le réseau de santé et de services sociaux, de façon à ce qu'il existe un lien, là, entre le réseau de santé et de services sociaux et ces résidences. C'est un problème qui, je trouve, est plus complexe que la façon dont on le décrit. On nous présente cette nécessité de faire un processus de certification général, mais, quand on y regarde de plus près, quand vous regardez les implications, la façon d'organiser ledit système et les conséquences de mettre sur pied ce système, à chaque fois ça ajoute à la complexité et ça me fait craindre qu'on y perde dans l'efficacité. Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Bernard (Claire): Je crois que, pour les résidents, les personnes autonomes ne vont pas choisir d'elles-mêmes nécessairement d'aller vers une résidence non certifiée en se disant: Écoutez, là, c'est plutôt ma vie privée, ma résidence, mon domicile. Ces gens, s'ils quittent leur domicile, c'est pour aller chercher des services d'aide. S'ils sont placés par les membres de leur famille, parce que les gens ne sont pas toujours référés par les établissements, ils y vont aussi, bon, soit d'eux-mêmes soit parce que des membres de la famille... Puis on sait aussi que la situation s'alourdit, on sait aussi qu'on a de plus en plus besoin de ce type de résidence. Donc, je pense que le concept aussi de référence par les établissements est insuffisant. Oui, peut-être qu'il y aura encore des foyers clandestins, mais, en exigeant que les résidences à la base soient certifiées, on va quand même s'assurer que la clientèle soit protégée de la façon la plus large possible.

M. Couillard: D'accord. Merci.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Merci. Merci, M. le Président. Alors, Me Bosset, Me Bernard et Me Carpentier, bienvenue, de la part de l'opposition officielle. Mon collègue le député de Vachon va également vouloir échanger avec vous sur les aspects qui concernent plus la protection de la jeunesse.

Alors, je remarque que le ministre, ce matin, manifeste un profil bas. Je ne sais pas si ce sont les compressions budgétaires qui sont imposées à son ministère qui l'amènent à, disons, avoir ce peu d'enthousiasme que je ne lui connais pas, enfin...

Alors, revenons à vous.

M. Couillard: Est-ce que je peux intervenir sur consentement?

Mme Harel: Oui, certainement. Consentement.

M. Couillard: Imaginez-vous donc que j'étais à Montmagny, hier soir, pour une annonce intéressante et qu'on a été bloqués à Montmagny, obligés de coucher là, levés à 5 heures, ce matin, pour se rendre à Québec. Voici l'explication.

Mme Harel: Bon! Voilà.

M. Couillard: Mais mon enthousiasme débridé presque pour ce projet de loi reste tout à fait intact, je tiens à rassurer la...

Le Président (M. Copeman): On est très contents de l'entendre. Mme la députée, si vous voulez bien poursuivre.

M. Bouchard (Vachon): Le verbe «débrider», de la part d'un chirurgien, c'est très important.

Mme Harel: On comprend que vous surfez sur les compressions. On verra si le tsunami ne va pas vous emporter ou en tout cas emporter quelques-unes des mesures que vous aviez promises à la population.

Alors, sur la certification des résidences avec services, c'est une question qui pour moi est extrêmement importante parce qu'en plus d'avoir, pour l'opposition officielle, le dossier de la santé j'ai aussi celui des personnes aînées et je me rends compte que, disons, notre encadrement n'a pas évolué au même rythme que le vieillissement de la population.

n(10 h 20)n

C'est évident que l'absence d'ajout de lits de longue durée pour personnes en perte d'autonomie fait en sorte que, de plus en plus, les personnes vulnérables non autonomes ne choisissent pas un domicile certifié en fait mais se retrouvent dans des domiciles qui peuvent être non certifiés, et je crois que c'est un des aspects les plus importants pour moi du projet de loi. Je rappelle les propos que les porte-parole de l'AQDR, l'Association québécoise des droits des retraités et préretraités, tenaient au siège que vous occupez maintenant, à l'effet qu'il y aura un effet pervers avec cette certification facultative. Elle sera la suivante: il y aura des résidences de pauvres puis des résidences de riches. Les résidences de riches seront certifiées parce qu'elles pourront satisfaire les critères sociosanitaires éventuellement et, parce qu'elles ont ce statut-là, pourront même charger plus. Mais celles qui finalement vont se voir refuser la certification parce qu'elles ne correspondent pas aux conditions sociosanitaires qui seront publiées dans la Gazette officielle, dont on nous avait promis... pour l'étude de cette commission parlementaire, mais en fait ces résidences qui se feront refuser la certification ou qui ne la demanderont pas vont se trouver finalement souvent à charger moins, mais dans des conditions qu'on ne peut pas penser souvent acceptables, telles que vous les avez décrites dans votre rapport de 2000.

Alors, je voudrais vérifier avec vous. Quand vous dites, à la page 3 de votre mémoire, vous dites «de nombreuses personnes en perte d'autonomie se retrouvent de facto hébergées dans des résidences privées», quand vous dites «de facto hébergées dans des résidences privées», il se trouve donc que ces personnes-là n'ont pas le choix de leur domicile. Tout repose dans cet argumentaire de l'actuel projet de loi sur la fiction juridique du lieu de domicile, hein? C'est une pure fiction juridique, à savoir que la personne a choisi son domicile. Puis, comme l'a dit le ministre il y a deux semaines déjà, là, bien il y en a qui vivent à Saint-Henri puis d'autres qui vivent à Westmount. Mais ça, on choisit son domicile quand on est en pleine possession de ses moyens. On le choisit en fonction de ses moyens, j'en conviens, mais on le choisit de façon autonome, alors que les personnes vulnérables et en perte d'autonomie ne choisissent rien, d'une certaine façon. Elles prennent là où on les envoie. Est-ce que c'est ça qu'il faut comprendre par le «de facto»?

Mme Bernard (Claire): À l'époque... Le «de facto» aussi, c'est qu'il y a une autre fiction qui est l'article 83 de la loi. Quand on lit l'article 83 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, c'est que les établissements qui offrent des services qui relèvent d'un CHSLD accueillent des personnes en perte d'autonomie, et puis on s'est mis à dire «en légère perte d'autonomie», «en moyenne perte d'autonomie», maintenant «en lourde perte d'autonomie», et ça aussi, je pense que c'est une fiction, et c'est ce qu'on disait aussi 2000. Écoutez, soit on réalise que, oui, il y a des gens de plus en plus en perte d'autonomie dans les résidences privées, donc de facto le système fait qu'on ne respecte pas la loi, par contre, si le ministère et l'État acceptent que ces gens reçoivent des servies ailleurs, bien il faut reconnaître le statut de ces résidences, ce qu'on est en train de faire. Il faut évidemment aussi leur donner les moyens de le faire.

Je pense aussi que ce serait fictif de dire à toutes ces résidences: Vous allez donner ces services, mais vous n'aurez pas accès à certains types de financement, vous n'aurez pas les... Nous, les recommandations d'accréditation obligatoire, c'était aussi pour assurer des normes minimales de formation des gens qui donnent les services, de l'information sur les droits des usagers, sur le processus de vieillissement. Alors, je ne sais pas si ça répond en partie...

Mme Harel: C'est très, très intéressant parce que ce que vous nous dites, c'est que, dans la loi actuelle, l'article 83, qui traite des centres d'hébergement et de soins de longue durée, prévoit que les personnes qui sont en très grande perte d'autonomie doivent être hébergées dans ces centres d'hébergement et de soins de longue durée. C'est bien cela?

Mme Bernard (Claire): C'est ça. C'est que, si elles ne peuvent plus vivre dans leur milieu...

Mme Harel: Naturel.

Mme Bernard (Claire): ...les services doivent être donnés. Oui.

Mme Harel: Voilà, ce qui signifie que, si on ne leur offre pas un service d'hébergement, comme le prévoit la loi, dans ces centres d'hébergement et de soins de longue durée ? et la loi prévoit qu'on le fasse quand elles ne peuvent plus demeurer dans leur milieu de vie naturel ? alors... Et puis on ne le prévoit pas parce qu'on n'immobilise plus dans des centres d'hébergement et de soins publics ou privés conventionnés, et on les laisse finalement dans des résidences privées, toutes certifiées ou pas qu'elles soient. Elles ne sont plus dans leur milieu de vie naturel, donc on ne peut pas invoquer la fiction juridique du choix du domicile pour dire: Bien, vous avez choisi de vivre dans une résidence pas certifiée qui contrevient aux critères sociosanitaires. Est-ce que c'est ça qu'il faut comprendre?

Mme Bernard (Claire): Effectivement.

Mme Harel: Très, très, très intéressant. Je vous remercie.

Dans votre mémoire, il y a également toute la dimension, à la page 5, des autres catégories de personnes vulnérables. Vous dites, par exemple, les personnes atteintes de maladie mentale, de déficience intellectuelle. Vous dites: L'absence d'encadrement favorise des situations d'atteinte parfois grave à leurs droits fondamentaux.

J'aimerais savoir: Est-ce qu'à l'égard de ces catégories il y a aussi ? je vais me servir de votre expertise ? il y a aussi un dispositif dans la loi actuelle de santé et services sociaux qui prévoit qu'il doit y avoir une responsabilité collective, à la rigueur?

Mme Bernard (Claire): Pas nécessairement en termes d'hébergement, mais en termes de services. J'avoue que je n'ai pas regardé les articles qui donnent les missions de ces résidences dans le même sens.

Mme Harel: Pour le bénéfice de la commission, vous pouvez les faire parvenir au secrétariat.

Mme Bernard (Claire): Les articles de la loi?

Mme Harel: Ceux des articles qui prévoient des services particuliers pour ces catégories de personnes vulnérables.

Mme Bernard (Claire): Bien, je crois qu'ils se retrouvent dans la mission...

Mme Harel: Je vous laisse aller. Excusez-moi, M. le Président.

Mme Bernard (Claire): Je n'ai pas fait l'analyse par rapport à l'article 83, mais, si on est arrivés à cette recommandation, c'est à cause de notre pouvoir d'enquête qu'on exerce toujours en vertu de l'article 48. On constate que ces gens résident et reçoivent des services dans des situations parfois qui sont totalement inadéquates, qui sont intolérables.

Mme Harel: En fait, ce que je découvre, là, avec l'échange que nous avons, c'est que jusqu'à maintenant, dans la loi générale de santé et services sociaux, l'État se donnait, à l'article 83, une responsabilité d'hébergement à l'égard des personnes qui ne peuvent plus demeurer dans leur milieu de vie naturel malgré le support de leur entourage. C'est le texte de la loi. Et donc, à ce moment-là, ces personnes devaient se trouver un centre d'hébergement et de soins de longue durée, tel que le prévoit l'article 83. Là, on dit: On n'a plus assez de places pour tout le monde. Vous allez dans les résidences privées. Si vous avez de l'argent, vous vous payez des services. Si vous n'en avez pas, vous n'en aurez pas. Ça revient à ça, en fait.

Mme Bernard (Claire): Bien, c'est la réalité qu'on a vue au cours des années quatre-vingt-dix. C'est que pourquoi ces résidences se sont développées? C'était pour remplir des besoins. On pense aux CHSLD, mais on pense aussi aux ressources intermédiaires. Dans certaines régions, il n'y avait aucun développement de ressources intermédiaires, donc... de résidences qui ressemblent plus peut-être à des domiciles.

Mme Harel: Mais les ressources intermédiaires et les ressources de type familial, les ressources de type intermédiaire sont quand même en lien étroit avec le secteur public, puisque, pour avoir interrogé la Régie de l'assurance maladie, qui m'a fait parvenir la contribution moyenne, elle est moindre que dans un CHSLD, parce que, dans un CHSLD, c'est environ 48 000 $ à 58 000 $ par année par personne, mais, dans le réseau intermédiaire, c'est presque 20 000 $ par année. Alors, là, on est dans le privé, privé où la personne paie ces services si elle a de l'argent puis n'en paie pas si elle n'en a pas, mais elle est en même situation de perte d'autonomie et de vulnérabilité. En fait, c'est la différence avec les autres ressources qui avaient été introduites par Marc-Yvan Côté, à l'époque où il était ministre de la Santé, mais qui n'étaient pas des ressources aussi lourdes, qui étaient légères mais pour lesquelles il y avait un contrat entre, je pense, le CHSLD ou entre un établissement du moins de santé et la ressource familiale ou de type intermédiaire. C'est bien ça, hein?

Mme Bernard (Claire): Et qui permettait donc d'assurer aussi l'application de certaines normes, notamment en termes de qualité de services, de formation, de respect des droits et de recours.

Mme Harel: Il reste juste une question, puis je voudrais que mon collègue ait aussi du temps pour échanger avec vous. Ça m'a surprise, à la page 5, dans le deuxième paragraphe, là, de votre mémoire. Vous dites: «...l'approche volontaire est insuffisante pour protéger les droits des résidents, car rien n'empêcherait des résidences inadéquates de continuer à accueillir des personnes âgées vulnérables qui pourraient y être dirigées, par exemple, par des membres de la famille.» De quoi voulez-vous parler? De quoi parlez-vous avec ça?

n(10 h 30)n

Mme Bernard (Claire): C'était pour faire opposition au fait que, dans le projet de loi, on parle des établissements qui réfèrent les personnes dans des résidences. Mais, quand les personnes vont dans une résidence, comme je donnais l'exemple tout à l'heure, soit d'elles-mêmes soit parce qu'elles ne sont effectivement plus en état de prendre la décision elles-mêmes mais que c'est des membres de la famille qui les placent, si vous voulez, la barrière, le garde-fou de la référence par l'établissement ne tiendrait plus. Ça ne veut pas dire nécessairement par des membres de la famille qui sont...

Mme Harel: Non, c'est ça. Ce ne sont pas ces personnes-là qui vont diriger la résidence.

Mme Bernard (Claire): Non, non, non. Non.

Mme Harel: D'accord. Très bien. Merci.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. J'aimerais d'abord aborder la question des plans d'intervention et la proposition que vous faites, à l'effet que les plans d'intervention soient obligatoires pour toutes les catégories d'usagers vulnérables, y compris les enfants qui reçoivent les services d'un centre de protection de l'enfance et de la jeunesse. J'aimerais vous entendre plus longuement sur ce qui vous motive à faire cette recommandation.

Mme Bernard (Claire): La raison pour laquelle la commission s'est penchée sur les plans d'intervention, ce n'est pas parce qu'elle a un droit de regard direct, mais c'est parce qu'elle a l'obligation de faire respecter le droit des enfants aux services adéquats et aussi le droit des enfants et des familles de consentir, par exemple, aux soins, à l'élaboration des soins. Ça, c'est un droit qui est reconnu à l'article 5 de la Loi sur la protection de la jeunesse. Le droit aux services adéquats, le droit à des services continus est prévu à l'article 8 de la Loi sur la protection de la jeunesse. Mais, en l'absence de ces plans... enfin le fait que ces plans soient élaborés favorise évidemment l'élaboration des services. Donc, c'est quand elle constate qu'il n'y a pas de plan et qu'elle voit le lien avec le caractère inadéquat des services.

M. Bouchard (Vachon): M. le Président, je comprends le raisonnement, mais est-ce que ce raisonnement-là est fondé sur des données probantes, ou c'est sur une théorie ou un modèle de livraison de services qui serait préférable à un autre?

Mme Bernard (Claire): C'est fondé sur les enquêtes qu'on a faites, qui sont des enquêtes systémiques. Et d'ailleurs certains des établissements d'eux-mêmes exigent des plans d'intervention, mais il n'y a pas encore d'obligation légale de le faire. Donc, on retrouve...

Nous, on l'a vu dans les dossiers des enfants, la Vérificatrice générale, je crois que c'est en 2000-2001 aussi, faisait le même constat, c'est-à-dire qu'on donne des services à des familles avec... Bon, quand on élabore ces services, c'est avec l'objectif de faire collaborer, de faire adhérer les enfants quand ils sont âgés de 14 ans et plus et les parents, et ce qu'on constate, c'est qu'on n'a pas l'outil pour faire cette élaboration-là. Et on constate que par ailleurs on a quand même prévu ce plan d'intervention pour certaines catégories d'enfants qui sont en besoin de protection, qui sont ceux dans les familles d'accueil et dans les centres de réadaptation. Donc, ce n'est pas une théorie, c'est qu'on a fait le lien entre les situations qui ont fait l'objet d'enquêtes en vertu de l'article 8.

M. Bouchard (Vachon): C'est-à-dire que ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que les mauvaises pratiques en matière de protection de la jeunesse sont corrélées et très fortement à une absence de plan d'intervention, ou inversement les bonnes pratiques seraient corrélées à la présence de plans d'intervention? Parce que quelque part je voudrais bien croire à cette théorie, là, remarquez, je ne la mets pas en doute, mais j'aimerais croire qu'en même temps le fait d'écrire un plan d'intervention, d'en établir un, conduit vraiment à des meilleures pratiques, c'est-à-dire conduit à des changements de comportement, chez les intervenants ou chez l'environnement entourant l'enfant, qui améliorent le sort de l'enfant. Autrement dit, ma question, c'est la suivante: Est-ce qu'en rendant obligatoire le plan d'intervention on n'est pas en train de créer une nouvelle fiche, un nouveau formulaire qu'on va glisser dans le dossier de l'enfant sans pour autant s'assurer que le plan d'intervention est appliqué et qu'il a des retombées positives pour l'enfant et sa famille?

Mme Bernard (Claire): Dans les cas où le plan d'intervention est obligatoire, on oblige aussi l'évaluation, la révision périodique. C'est parce que sinon on donne les services, mais à aucun moment on ne s'arrête pour évaluer à quels besoins ils correspondent. Est-ce qu'on doit changer les services? Comme je vous dis, c'est plutôt l'outil, qui est d'ailleurs prévu dans la loi. On prévoit, à l'article 10 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, que l'usager a le droit de collaborer, on réitère ça à l'article 104 et on prévoit, à 102: oui, il peut exister dans les cas où on l'oblige, et puis finalement on a établi seulement 84. On avait prévu de modifier ça et d'élargir les catégories en 1993. Le projet de règlement n'a jamais été adopté, et, comme je vous dis, on a ? c'est à partir notamment du rapport Beaumont ? constaté que ce manque d'outils faisait que ça conduisait à l'allusion du respect du droit aux services adéquats.

M. Bouchard (Vachon): ...

Le Président (M. Copeman): C'est parce que j'ai une demande d'intervention de la part de Mme la députée de Lotbinière. Il reste deux minutes, alors... Ça va?

M. Bouchard (Vachon): Très bien.

Mme Roy: Merci, M. le Président. Alors, ma question va traiter d'un autre aspect, c'est ce que vous avez traité à la page 5, le système de traitement des plaintes. On sait que c'est particulièrement important dans le cas présent parce qu'on parle de personnes qui sont souvent en situation de dépendance ou en situation de vulnérabilité, et puis le processus d'amorcer une plainte et de faire cette bataille est extrêmement difficile pour ces personnes-là dans les circonstances qu'elles vivent souvent.

C'est une réflexion qui m'a amenée à me demander si les plaintes pouvaient toujours être portées par les bénéficiaires mais souvent aussi par d'autres employés qui peuvent apercevoir ou voir des traitements non appropriés pour d'autres bénéficiaires ou des bénéficiaires qui sont sous leur, pas emprise, là, mais sous leurs soins.

Cependant, on a vu, dans l'actualité, des congédiements suite à des dénonciations de mauvais traitements infligés aux personnes. Ma réflexion m'a poussée à chercher une solution qui pourrait un peu envoyer un message clair pour vaincre cette loi de l'omerta, et puis la seule solution que j'ai trouvée, c'est en vertu de la Loi sur les normes du travail: on ne pourrait suspendre ou congédier quelqu'un en raison d'une dénonciation d'un mauvais traitement infligé à un usager des soins de santé.

Avez-vous réfléchi au problème dans cet aspect-là, que ce ne soit pas seulement au niveau du traitement des plaintes, mais aussi une protection pour ceux qui dénonçaient ces situations-là?

Mme Bernard (Claire): Effectivement, c'est ce qu'on appelle les représailles, et, au moment de la consultation, la commission avait reçu beaucoup de commentaires et elle avait fait des recommandations pour améliorer la protection moins le cadre légal. Après ça, l'application, c'est autre chose, mais le cadre légal. Donc, elle avait recommandé que notamment les ordres professionnels s'outillent, intègrent, dans tous leurs codes de déontologie, une protection contre les représailles non seulement contre la personne, le plaignant ou la victime, mais aussi les témoins, par exemple.

Le projet de loi n° 27 prévoyait le droit à la protection contre les représailles dans la modification du traitement des plaintes, donc ce n'était pas nécessaire... Donc, cette protection, elle existe déjà pour les employés qui sont dans le réseau de santé et de services sociaux. La charte, par exemple, prévoit aussi effectivement cette protection. Alors, effectivement, c'était un souci de la commission que les gens qui signalent des situations soient adéquatement protégés par cette protection contre les représailles.

Mme Roy: Merci.

Le Président (M. Copeman): Me Bosset, Me Bernard, Me Carpentier, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de la Commission des droits de la personne et droits de la jeunesse. Et j'invite maintenant les représentants de l'Association des fondations d'établissements de santé du Québec à s'installer à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, chers collègues! Alors, c'est avec plaisir que nous accueillons l'Association des fondations d'établissements de santé du Québec. M. Béland, bienvenue, ainsi que vos collaborateurs. Vous êtes également familiers avec les règles de fonctionnement d'une commission parlementaire. Je vous les rappelle simplement: vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table.

n(10 h 40)n

Je vous prierais de présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter votre présentation.

Association des fondations d'établissements
de santé du Québec (AFESAQ)

M. Béland (Claude): Alors, merci, M. le Président. À ma droite, j'ai M. Denis Rhéaume, qui est président du conseil d'administration de l'Association des établissements de santé du Québec, qu'on va appeler plus rapidement l'AFESAQ, et directeur général de la Fondation du CHUQ ici, à Québec; à ma gauche, M. Roland Granger, qui est le directeur général de l'AFESAQ et membre du conseil d'administration de la Fondation du Centre hospitalier de Lanaudière; et, moi, je suis président de l'AFESAQ, tout simplement.

L'AFESAQ, c'est un regroupement volontaire des fondations d'établissement de santé du Québec. En fait, l'association regroupe 91 établissements. C'est une organisation évidemment sans but lucratif, et chacun des conseils d'administration de ces fondations est composé de citoyens et citoyennes bénévoles, bien entendu. L'objectif des fondations, vous le connaissez, c'est de recueillir des fonds qui permettent, je pense, d'augmenter la qualité des soins et services dans les établissements de santé. Et d'ailleurs on fait appel à elles, à ces fondations, de plus en plus, depuis quelque temps. Actuellement, les fondations réussissent, grâce à leur travail, à investir environ 100 millions annuellement, 100 millions de dollars dans des établissements de santé. Mais je pense que ce serait superflu devant vous d'insister sur les besoins d'aide financière dans le secteur des soins de santé.

Mais toutefois je pense qu'il est important de rappeler et de souligner l'insuffisance des sommes actuellement obtenues par le biais de la philanthropie. Le Québec demeure le parent pauvre de la philanthropie. Selon le dernier rapport de Statistique Canada, novembre 2004, on apprend que le don canadien moyen est de 220 $ par personne, en hausse de 4,8 %, tandis que celui des Québécois et Québécoises n'affiche aucun changement et demeure à 110 $. Le Québec enregistre le plus faible taux de charité au Canada et l'écart avec les autres provinces ne cesse d'augmenter. De toute évidence, la culture philanthropique exprimée en termes de dons en argent est plus faible chez nous, et les besoins financiers par contre sont en croissance.

Alors, les bénévoles qui oeuvrent à recueillir des fonds dans le secteur des soins de santé et qui sont membres de l'AFESAQ veulent évidemment, puis ils ne cessent de nous le dire, ils veulent répondre aux demandes. Toutefois, leur expérience leur apprend par l'exercice de leurs fonctions qu'un peu partout, aujourd'hui, dans le monde, et particulièrement au Canada, on réussit mieux à faire souscrire les gens lorsqu'on peut les sensibiliser et les solliciter directement. D'ailleurs, il y a tellement de demandes aujourd'hui, vous le savez. Il faut être en mesure d'expliquer aux individus, aux citoyennes, aux citoyens vraiment les mérites de leurs contributions. Donc, rejoindre directement les personnes est extrêmement important, et, quand on parle du domaine de la santé et des soins de santé, c'est celles et ceux qui ont, entre autres, profité des soins de santé dispensés par ces établissements. En d'autres termes, les usagers de soins sont un groupe privilégié de la philanthropie dans le domaine des soins de santé.

Donc, cela requiert que les fondations d'établissement de santé puissent avoir accès non pas au dossier de l'usager ? il faut faire la distinction, on n'y tient pas; on ne veut pas savoir de quoi souffrent les gens qui ont fréquenté l'hôpital; il ne s'agit pas de ça ? mais uniquement, au moins, le nom de l'usager, son adresse postale, son numéro de téléphone ainsi que la date à laquelle cette personne a reçu des soins, et, si ce n'est pas la fondation ? et on n'insiste pas là-dessus; ça fait déjà quelques années qu'on vient ici, devant des commissions, diverses commissions, pour soulever la question ? si ce n'est pas possible de transférer l'information à la fondation, au moins que le directeur général de l'établissement de santé puisse faire cette sollicitation au nom de la fondation, j'allais dire comme ça se fait dans bien des endroits depuis déjà quelque temps.

Or, en raison du contexte juridique en vigueur au Québec, les fondations d'établissement de santé ne peuvent avoir accès à de telles informations, et, dans le but de pouvoir mettre en place la meilleure méthode de sollicitation qui soit, notre association a présenté un mémoire à la Commission de la culture, en octobre 2003, et a revendiqué une modification de la loi sur l'accès et la protection des renseignements personnels afin de faciliter la sollicitation de fonds en milieu hospitalier. Or, la Commission de la culture, dans son rapport, après avoir exprimé quand même, je dirais, une réception sympathique à notre demande, a indiqué qu'il appartient à la Commission des affaires sociales d'examiner cette demande, de là évidemment notre présence ici.

Mais, pendant la période d'attente du rapport de la Commission de la culture, l'AFESAQ a suggéré au ministre de la Santé, qui connaît très bien le dossier, je pense, d'obtenir de ses conseillers juridiques un avis afin de clarifier le droit d'un établissement de santé d'utiliser des renseignements d'identité des usagers pour fins de sollicitation, et, suite à cette demande, une note de service à l'intention de tous les directeurs généraux des agences de réseaux locaux de services a été émise de la part du sous-ministre Roger Paquet, dans laquelle il est indiqué, et je cite, qu'«il apparaît légitime qu'un établissement puisse solliciter ceux qui ont bénéficié de ses services au bénéfice de la fondation en utilisant les seuls renseignements relatifs à l'identité nécessaire à cette fin». D'ailleurs, on a reproduit, dans notre mémoire, à la page 5, toute la note du sous-ministre. Autrement dit, la note autorisait les directeurs généraux des établissements de santé à solliciter les usagers de leurs établissements, et ce, au nom de la fondation, puisque, selon la note, et je cite encore, «la fondation et l'établissement partagent [dans ce cas] le même objectif, soit celui d'améliorer les soins de santé».

Toutefois, quelques mois plus tard, le 26 mars 2004, la présidente par intérim de la Commission d'accès à l'information est venue jeter une ombre sur le droit pour un établissement d'utiliser des renseignements contenus au dossier d'un usager aux fins de sollicitation philanthropique en invoquant évidemment le droit des usagers à leur vie privée et à leur droit à la confidentialité de leurs dossiers de santé. En somme, la présidente par intérim de la Commission d'accès à l'information a ainsi relancé le dossier de la sollicitation des usagers des soins de santé.

Toutefois, la présidente a quand même exprimé... ou proposé une solution, et je cite: «Pour la commission, dit-elle, une seule conclusion s'impose: il est devenu évident qu'une intervention du législateur aurait l'indéniable avantage de venir enfin clarifier les règles qui encadrent l'utilisation de renseignements personnels tirés du dossier de l'usager à des fins de prospection philanthropique. En outre, la clarification des règles aurait pour effet de rendre le processus de sollicitation plus transparent, faciliterait fort probablement les activités de financement des fondations d'établissement et favoriserait un meilleur respect du droit des usagers.» Fin de la citation.

Au moment où nous avons pris connaissance de cette suggestion de la présidente de la Commission d'accès à l'information, nous avons exprimé notre accord à ce que cette question soit clarifiée par une législation appropriée. Nous avons cru que cette modification et cette clarification seraient incluses dans le projet de loi présentement devant vous. Il ne semble pas que ce projet de loi contienne des dispositions à ce sujet. L'AFESAQ et ses membres souhaitent qu'un amendement... ou un article soit ajouté à cette loi afin qu'une fois pour toutes les fondations d'établissement de santé ou le directeur général des établissements de santé puissent savoir en toute clarté à quoi s'en tenir. Finalement, tous les intervenants le souhaitent.

n(10 h 50)n

L'AFESAQ et les établissements souhaitent maintenir et développer davantage le programme de sollicitation des usagers en toute transparence ? on n'a rien évidemment contre ça ? tant pour les usagers que pour ceux qui oeuvrent à contribuer à un sain financement des établissements de santé. Les établissements de santé souhaitent obtenir de plus en plus de fonds de leurs fondations. Ils font appel à des partenariats avec les fondations. On l'a vu dans le dossier récent du CHUM, maintenant on fait appel aux fondations non seulement pour l'achat d'équipement ou pour des projets de développement, mais pour des projets de construction. C'est nouveau. On impose de nouvelles demandes, de nouvelles charges aux fondations. Et l'État fait appel dans ce cas non pas à des PPP, mais à des PPC, c'est-à-dire des partenariats avec ses citoyens, avec des bénévoles qui sont tout à fait d'accord pour aller chercher...

Quand on parle de 200 millions dans le dossier du CHUM, ce n'est pas rien. Mais les gens disent: Est-ce qu'on pourrait au moins augmenter nos moyens? En toute transparence, est-ce qu'on ne peut pas inventer cette formule, qui se parle beaucoup dans d'autres provinces canadiennes, du consentement implicite? Autrement dit, quand on reçoit des soins à l'hôpital, ça comprend le droit... ou l'avertissement qu'on sera sollicité. Si on le fait en toute transparence, que ce soit connu, que ce soit publicisé, que, quand on entre dans un hôpital, on peut s'attendre à être ensuite sollicité par la fondation ou par le directeur général au nom de la fondation. En fait, je pense que ce que nos membres demandent, c'est de donner aux fondations les moyens de mieux faire leur travail en permettant de rappeler directement aux usagers qu'ils ont un devoir de reconnaissance, un devoir de responsabilité et un devoir de générosité, bien entendu.

Nous aimerions ajouter à ça, ce qui n'est pas dans notre mémoire, une recommandation que nous avons retrouvée, et qu'on aurait dû mettre dans le nôtre aussi, dans le mémoire de l'Association des hôpitaux du Québec, soit la recommandation 7, qui se lit comme suit, là:

«Que le statu quo soit maintenu pour la composition du conseil d'administration des établissements, en ce qui a trait aux sièges réservés aux représentants de la personne morale et des fondations, et que le nombre de personnes cooptées soit maintenu à quatre dans le cas des établissements universitaires.»

De la façon que nous comprenons la loi, maintenant il n'a qu'un siège, il n'y aurait qu'un siège, deux dans le cas des hôpitaux universitaires, mais ce n'est pas un poste, le siège de la fondation n'est plus assuré. Il pourrait être obligé d'être troqué pour un poste d'une autre personne morale.

Il faut surtout se souvenir qu'avec le regroupement qui s'est fait des établissements de santé les fondations aussi se sont regroupées. Il ne faut pas oublier qu'il y avait des bénévoles, des gens qui oeuvraient dans chacune de ces fondations. Donc, on s'est privé, là, d'une cohorte de bénévoles disposés à solliciter des fonds. Mais, si en plus on prive les fondations d'avoir un siège au CCS d'une façon ouverte et assurée, je pense que ce serait un recul. Alors, on voulait attirer l'attention de la commission sur ce point et dire que nous appuyons fortement cette recommandation de l'Association des hôpitaux du Québec. C'est heureux pour nous de voir que les hôpitaux disent: On aimerait avoir quelqu'un de la fondation sur nos conseils de CCS. Alors, je pense qu'on devrait tenir compte de ça.

Alors, voilà, M. le Président, ce que je voulais vous dire. Mes collègues pourront sûrement répondre à vos questions, et moi aussi peut-être.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, M. Béland. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Béland, M. Rhéaume, M. Granger, pour votre présentation dont l'essentiel tourne autour de la question du consentement pour la transmission de renseignements à des buts philanthropiques.

Une question d'intérêt général, d'abord. Vous avez noté la différence du niveau de dons philanthropiques au Québec par rapport à ailleurs. Par quoi expliquez-vous cette différence? Quels sont les facteurs qui d'après vous sont à l'origine de ça? Il y a des théories sociologiques, là, assez compliquées qui remontent à l'éthique protestante par rapport à l'éthique...

M. Béland (Claude): Je parle pour ma part, quand on fait cette remarque-là devant des gens, souvent la réponse, avec laquelle je ne suis pas d'accord... Les gens disent: Ah oui, mais on est plus taxés, nous. Mais je pense qu'on n'est pas plus taxés, puisqu'on a plus de services ici qu'il peut y en avoir dans les autres provinces. Je trouve que la réponse ne tient pas. D'où ça vient? Je ne le sais pas. C'est culturel, je pense. Et je pense que des... Mon collègue ici qui ici, à Québec, fait de la sollicitation pourrait peut-être mieux répondre que moi.

Le Président (M. Copeman): M. Rhéaume.

M. Rhéaume (Denis): Oui. Depuis un certain nombre d'années, c'est effectivement ce qu'on nous explique en rapport à des situations comme celle-là. C'est effectivement un phénomène culturel, un attachement peut-être davantage aux responsabilités de l'État pour les Québécois qui souvent, je pense, demandent au gouvernement d'assumer un bon nombre de responsabilités. C'est peut-être davantage dans la culture des Québécois que dans d'autres cultures plus nord-américaines où il y a des implications plus grandes sur le plan philanthropique. Enfin, on n'a pas de démonstration absolue de ça, mais c'est les commentaires qui sont émis dans le milieu de la philanthropie en ce qui regarde le Québec plus particulièrement.

M. Granger (Roland): M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Allez-y, M. Granger.

M. Granger (Roland): Je pourrais rajouter aussi en complément: c'est que les fondations au Québec sont beaucoup plus jeunes que les fondations en milieu anglophone. Ça, c'est aussi en partie. C'est aussi la forme de sollicitation et l'approche de sollicitation. Ne serait-ce qu'uniquement au niveau de la formation en philanthropie, il n'existe rien au Québec en formation en philanthropie. Toute la documentation est en langue anglaise et pour plusieurs difficile d'accès. Alors, l'association travaille sur ce côté-là. Mais c'est aussi cet ensemble-là de faits qui fait en sorte qu'on a cette situation-là au niveau de ce que j'appelle, moi, le déficit philanthropique du Québec.

M. Couillard: Pour ce qui est de la question de la transmission de renseignements à des fins philanthropiques, vous avez fort bien, M. Béland, résumé l'évolution de la question. Effectivement, votre souhait, c'est qu'il y ait un amendement explicite dans le projet de loi. On en avait déjà discuté, d'ailleurs, vous et moi, et c'est également le souhait de la Commission d'accès à l'information. Si je résume la position de la Commission d'accès, c'est la suivante, et vous l'avez dit vous-même: si le législateur prévoit que les renseignements peuvent être utilisés à cette fin, que ce soit dit explicitement.

Maintenant, l'opinion autre en fait reflétée dans la note de M. Paquet que vous avez lue, qui est incluse à votre mémoire, c'est que le cadre juridique actuel permet implicitement cette utilisation, puisque la fondation fait partie de l'établissement et qu'elle vise les mêmes buts. Alors, évidemment, c'est un débat de type technique, un peu juridique. Pourriez-vous nous apporter d'autres arguments qui nous amèneraient à inclure l'amendement que vous souhaitez?

Je vous rappellerais que, l'an dernier, vous vous souviendrez qu'il y avait eu quelques articles dans les journaux sur cette question qui avait soulevé beaucoup d'interrogations et de craintes de nos concitoyens quant à l'utilisation de ces renseignements à des fins justement de sollicitation par la suite. Alors, on se trouve un peu entre deux éléments dont il faut faire l'équilibre ici.

M. Béland (Claude): Oui, sauf que la note de la présidente de la commission a été émise après la note de M. Paquet, ce qui fait que les directeurs généraux des établissements de santé qui se sont crus autorisés à solliciter se font dire maintenant par la Commission d'accès à l'information: Ce n'est pas aussi évident. Alors, il faudrait clarifier.

Tous souhaitent une clarification, mais on ne trouve pas le décideur. La Commission de la culture n'a pas voulu le faire, n'a pas voulu demander que la Commission d'accès à l'information le fasse. Tout le monde nous renvoie maintenant ici en disant: Ça devrait être dans la loi des hôpitaux. Alors, c'est pour ça qu'on se trouve ici en disant: Est-ce que c'est possible que, dans la loi n° 83, dans ce projet de loi n° 83, soit insérée cette clarification que souhaite la Commission d'accès à l'information, que souhaitent les membres évidemment de notre association?

M. Couillard: Qu'est-ce que diriez pour rassurer nos concitoyens et concitoyennes sur cette question? Parce qu'il existe une inquiétude dans la population.

M. Béland (Claude): Il faut cesser de parler d'avoir accès au dossier de l'usager. Il ne s'agit pas de ça. C'est sûr que, dès qu'on parle, bien c'est le terme qu'on emploie continuellement. Les gens vont nous dire: Bien, moi, je ne veux pas que les gens sachent pourquoi je suis allé à l'hôpital. Le nom, l'adresse et le numéro de téléphone. Quelques exceptions vont dire: Moi, je ne veux pas me faire déranger. Mais, ceux-là, on leur permet... Dans les lettres, d'ailleurs, on les avertit en disant: Si vous ne voulez pas qu'on continue la sollicitation, dites-nous-le. Mais donnez-nous la première chance de vous solliciter. Et, quand ça se fait, je pense que M. Rhéaume peut témoigner de ça, c'est rare que les usagers qui ont reçu de bons soins, c'est rare que les gens vont dire: Moi, je ne donne pas, j'ai été maltraité. Ça n'arrive pas, à ma connaissance. Les gens répondent positivement, sauf quelques exceptions, mais il ne faudrait pas que l'exception devienne la règle et empêche que finalement on développe petit à petit une meilleure culture philanthropique ici, dans nos milieux.

M. Rhéaume, je ne sais pas si vous pouvez...

M. Rhéaume (Denis): Moi, je rajouterais peut-être là-dessus que la directive du sous-ministre Paquet a été efficace, dans le sens qu'elle a permis aussi de mieux cibler les communications qu'on devait avoir avec la clientèle, dans le sens qu'il est arrivé dans certaines fondations que des sollicitations ont été ciblées et donnaient l'illusion qu'il y avait vraiment des connaissances des dossiers. Et, en ce sens-là, la directive du sous-ministre Paquet a fait en sorte que la communication est vraiment neutre. Ce sont uniquement les informations reliées aux nom, adresse, etc., qui sont maintenant acheminées à la direction générale pour permettre une communication avec l'ensemble des usagers. Alors ça, je pense, dans ce sens-là, c'est quand même une approche qui a été très bénéfique.

n(11 heures)n

M. Couillard: Je pense effectivement qu'il s'agissait d'une clarification souhaitable, parce que le genre de chose que, je crois, nos concitoyens ne voudraient pas voir, c'est, par exemple, que je sois admis pour une chirurgie cardiaque et que je reçoive une lettre, deux, trois semaines plus tard, me disant: Étant donné que vous avez été admis pour une chirurgie cardiaque, nous aimerions que vous fassiez un don pour la technologie. Mais il y a eu des dérives un peu comme ça. Il faut faire attention à ça, là. C'est ça dont les citoyens s'inquiètent.

M. Granger (Roland): À ce sujet-là, M. le ministre, on a émis comme directive, suite à la transmission de l'avis de M. Paquet, une note à nos fondations reconnaissant le droit du retrait de tous les patients, les règles éthiques mais aussi la règle qu'il faut absolument que ce soit la direction générale du centre hospitalier qui sollicite, soit le directeur général ou son adjoint, et non pas les médecins, comme il se faisait autrefois. Puis il n'y a pas ce lien dont vous parlez.

Le Président (M. Copeman): Ça va? M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.

M. Bernard: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. C'est un sujet qui m'intéresse beaucoup, puis votre mémoire soulève des questions puis va aussi dans les réflexions qui se faisaient antérieurement, parce qu'entre autres, je vais prendre l'exemple de Rouyn-Noranda, on a une fondation hospitalière, puis de manière générale les gens étaient habitués de faire affaire avec des fondations de centre hospitalier, et maintenant, suite à la fusion des établissements, la notion d'établissement a changé, c'est-à-dire que maintenant on retrouve des CHSLD, etc. Alors, quand je vois cette notion-là de dire: On devient donc avec un directeur d'établissement... Et maintenant la liste d'usagers devient très vaste. Je vois, moi, dans cette notion-là: Est-ce que ce serait rendu à un point où que les résidents de CHSLD pourraient être sollicités parce qu'ils sont des usagers d'un établissement de santé? Moi, ça me rend un peu...

Je visite souvent des centres d'hébergement, des CHSLD, et de voir des dames... ou des personnes âgées qui pourraient être sollicitées, ça me rend un peu mal à aise, je ne le sais pas. Puis, on voit que, dans la vie de Mme Boissinot, entre autres... puis que M. justement Paquet a mis des balises.

Moi, j'aimerais savoir, de votre point de vue, quelles devraient être les balises pour encadrer cette sollicitation-là. On parle de personnes mineures, on parle des personnes ayant reçu des soins psychiatriques, mais je pense, entre autres, aussi, moi, de mon côté, à des handicapés physiques et intellectuels, O.K., qui sont des personnes qui sont souvent sollicitées ailleurs et d'autres fondations. Je pense, entre autres, aux personnes qui ont des maladies dégénératives, telles l'Alzheimer, la sclérose en plaques, des gens qui sont sollicités et déjà donnent à des fondations pour lesquelles ils souvent reçoivent des services plus personnalisés et dans un champ spécifique. Alors, moi, j'aimerais avoir votre notion de quel est pour vous un établissement, c'est-à-dire qui... à l'intérieur de ça, et votre vision en termes de balises de personnes ou d'individus qui pourraient être sollicités.

M. Béland (Claude): Je vais demander à M. Rhéaume de répondre à ça. Il y a une question d'éthique évidemment qui s'applique.

M. Rhéaume (Denis): Je peux répondre effectivement sur l'aspect éthique et je céderai la parole à M. Granger pour l'aspect des établissements, là. Mais c'est certain que, en rapport à certains soins qui sont apportés, il y a des secteurs pour lesquels on ne doit pas faire d'intervention. Dans nos établissements, il y a un comité d'éthique effectivement qui suit nos opérations là-dessus et qui fait des recommandations de telle sorte qu'on ne puisse pas intervenir dans tous les secteurs, et je pense que c'est une réalité de l'institution de voir à protéger sa clientèle en ce sens-là. Chez nous, de toute façon, au CHUQ, à la Fondation du CHUQ, c'est une mesure qui est en place présentement.

Quant aux établissements, j'inviterais M. Granger peut-être à donner un commentaire là-dessus.

M. Granger (Roland): Votre observation est tout à fait juste parce que se pose le problème dans certains cas de la sollicitation non pas de l'usager à cause de son âge, à cause de sa dépendance, mais, dans le cas du milieu mental ou les personnes âgées, à ce moment-là il faudrait probablement avoir la prudence de mentionner que c'est aussi accès à la liste des personnes responsables ou de la famille de l'usager en question, parce que, dans le milieu de santé mentale, ils ne sollicitent pas parce qu'évidemment ce n'est pas la personne qui est... c'est bien souvent sa famille. Mais encore là ils ont aussi des difficultés de le faire parce qu'ils n'ont pas plus accès à l'information concernant la famille. Mais je pense qu'on est en évolution sur ce côté-là, et il faudrait avoir la prudence de mentionner aussi leur droit de solliciter les familles.

Une voix: Ce qui n'exclut pas les balises, hein?

M. Granger (Roland): Effectivement.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Allez-y, M. le député.

M. Bernard: Oui. Bien, merci, mais, moi, je crois, à ce moment-là, comme monsieur disait, que quelque part, les balises, chaque établissement peut mettre ses règles, mais, moi, je pense qu'éventuellement ça prendrait quand même des balises québécoises à cet égard-là pour garder une certaine équité entre les établissements et ne pas créer des effets. Alors, moi, je penserais important que vous vous penchiez sur des balises qui feraient l'ensemble, là... qui couvriraient l'ensemble des cas au Québec.

L'autre point aussi qui me dérange un peu, c'est qu'aussitôt qu'on crée des listes... Si vous avez accès, par exemple, à des listes provenant des institutions, il va falloir que les fondations s'assurent également que ces listes-là ne deviennent pas accessibles à n'importe qui. Ça, en termes de confidentialité, je pense que c'est un autre sujet important, parce que je vais vous donner un exemple, moi, que je rappelle tout le temps à des personnes. Quand j'avais déménagé à Chibougamau, ça faisait trois jours que j'étais arrivé à Chibougamau, puis les Témoins de Jéhovah ? excusez-moi, là, ceux qui m'écoutent ? mais arrivaient, venaient cogner à ma porte. Alors, ces gens-là avaient accès à des listes qui savaient quels étaient les nouveaux arrivants. Demandez-moi pas comment, mais d'où, à ce moment-là, la diffusion de listes... Aussitôt qu'on constitue des listes de citoyens, que ce soient nominatives, en tant que fondation, il va falloir que vous vous assuriez que vous soyez responsables de cette liste-là, étant donné une diffusion par un autre organisme.

M. Béland (Claude): Mais je voudrais préciser. On ne demande même pas ça, là. On ne demande pas que ce soit transféré à la fondation. Comme je disais tout à l'heure, on a renoncé à ça pour au moins se rallier derrière la note de M. Paquet et autoriser le directeur général de l'établissement de santé à le faire, uniquement ça. Donc, la liste, il l'a déjà, puisqu'il sait qui entre dans son hôpital et qui en sort. Alors, à ce moment-là, c'est lui qui a la responsabilité d'écrire les lettres, de les signer et de solliciter au nom de la fondation. Mais on a renoncé à exiger, là, sine qua non de dire: Vous devriez transférer des listes à la fondation. Là, évidemment, le risque que vous mentionnez existe. Alors, on préfère s'en tenir au directeur général du CCS ou de l'établissement de santé.

M. Bernard: O.K. Merci de la précision. Excusez.

M. Rhéaume (Denis): Peut-être simplement un commentaire lorsque vous parlez de balises. Bien, je pense ça pourrait même être intéressant qu'au niveau de notre association, avec le ministère, on s'entende sur ces balises-là. On travaille sur d'autres dossiers avec le ministère, et je pense qu'on va être capables effectivement de trouver la bonne mesure. En ce sens-là, ça pourrait être positif, je pense, pour tout le monde et peut-être sécurisant de travailler ensemble sur des données comme celles-là.

Le Président (M. Copeman): Si vous me permettez, M. Béland, j'ai noté une petite précision parmi les informations que vous souhaitez avoir. Quand vous avez fait votre présentation, vous avez indiqué le nom de la personne, l'adresse et le numéro de téléphone. Votre mémoire indique le nom de la personne et l'adresse. Non, mais je ne veux pas vous piéger, là. Mais est-ce que vous jugez que... Parce qu'on rentre un peu plus dans les détails, les numéros de téléphone de personnes sont plus ou moins essentiels. Est-ce que c'est une...

M. Béland (Claude): Ah! ce n'est pas une condition sine qua non. C'est moi qui ai été plus généreux que le mémoire de l'association. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Copeman): Bien, on est là pour promouvoir la générosité, mais... Merci beaucoup. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. M. Béland, M. Rhéaume et M. Granger, bienvenue au nom de l'opposition officielle. Je suis contente de vous retrouver, M. Béland, dans cette salle où vous êtes venu à quelques occasions, en fait, comme les autres salles de commission parlementaire. Et, en vous recevant, je souhaite toujours qu'il y ait, comme cela existe dans d'autres sociétés, un haut conseil de développement économique et social composé de gens sages. Ça existe en France et ça existe dans beaucoup, beaucoup de pays du monde où finalement cet éclairage qui nous vient de l'expérience peut être mis à profit par tous les gouvernements qui se succèdent, n'est-ce pas?

Bon, M. Béland, est-ce que les chiffres qui sont contenus dans votre mémoire, à la page 3, concernant la moyenne des dons des Québécois, comprennent également les contributions qui sont faites aux communautés religieuses?

M. Béland (Claude): Je vais demander à M. Granger de répondre à ça, là.

M. Granger (Roland): Quand on cite le rapport de Statistique Canada, c'est le rapport fait à partir des rapports d'impôts des contribuables canadiens. Alors, évidemment, on isole le Québec. Lorsqu'on cite l'enquête nationale sur les dons, c'est un sondage qui a été fait en l'an 2000, et là ça comprend tous les organismes et l'écart aussi. Que ce soit dans ce sondage-là ou dans le rapport de Statistique Canada, les écarts sont à peu près toujours les mêmes, au double à peu près.

Mme Harel: Et ça comprend donc les contributions aux communautés religieuses, hein? C'est bien ça?

M. Granger (Roland): Les fondations privées également.

n(11 h 10)n

Mme Harel: Les fondations privées? Parce que, bon, je ne sais pas si c'est seulement dans le milieu où j'ai grandi, mais il y avait cette tradition de contribuer, par exemple, aux Pères blancs d'Afrique, aux prêtres du Sacré-Coeur et à d'autres. En fait, c'étaient des contributions qui étaient faites pour des oeuvres à l'étranger. Alors, ça aussi, c'est comptabilisé, dois-je comprendre, avec les chiffres que vous nous donnez?

M. Granger (Roland): Au niveau de l'enquête, je ne peux pas vous le garantir.

Mme Harel: Bon. En fait, quoi qu'il en soit, vous nous dites avec raison que les fondations d'établissement de santé et de services sociaux sont quand même encore jeunes, mais elles ont quand même injecté 100 millions de dollars en 2003, et, dans votre mémoire, vous dites que, pour 2004, les résultats de campagne laissent entendre une augmentation de l'ordre de 20 millions, puisque ce serait 120 millions de dollars injectés. Je pense que le ministre de la Santé et des Services sociaux, quel qu'il soit, en a bien besoin, surtout en cette période de compressions budgétaires. Encore aujourd'hui, vous savez, La Presse nous fait état de 500 millions de dollars à trouver et d'une atmosphère lugubre et austère que j'ai imputée à tort finalement à cette situation financière, mais le ministre nous a donné d'autres explications.

Alors, je reviens à votre mémoire. Je crois que tout le monde s'entend pour dire qu'il faut clarifier la situation. La dernière chose que les fondations ont besoin, qu'elles soient des fondations d'établissement de santé et de services sociaux ou quelque autre fondation, c'est des débats puis des controverses autour de la sollicitation, hein? Je pense que ça n'aide pas. Il faut donc que les règles du jeu soient transparentes. C'est une des conditions certainement pour que la sollicitation se fasse sans arrière-pensée, hein? J'imagine que tout le monde s'entend ? je crois aussi que c'est l'unanimité parmi nous, je pense, hein ? des règles du jeu, des balises, comme disait mon collègue Rouyn-Noranda.

Il faut d'autant plus que ces balises soient claires pour ne pas qu'il y ait une sorte d'émulation qui peut être assez négative aussi entre les fondations dans les établissements de santé et de services sociaux, comme l'a exprimé mon collègue aussi, parce que ça jette du discrédit si c'est comme un jeu de poker et que plus on en met, plus on en donne, hein, en quelque part.

Alors, là, vous avez une recommandation, elle est à l'effet que le directeur général de l'établissement puisse utiliser des informations nominatives qui sont les nom, prénom et adresse de l'usager. C'est ce que vous nous recommandez. Bon, la question qu'il reste à poser, c'est la suivante: la capacité de dire non de l'usager, je pense qu'il faut que ça reste à l'usager. Si on va à la famille, là on ouvre, on élargit. Ça supposerait que les usagers, quand ils s'enregistrent, donnent aussi d'autres coordonnées. Je ne sais pas, il y a quelque chose, je pense, qui est malsain, parce que dans le fond ça pourrait dire à la famille que l'usager a utilisé des soins de santé et de services sociaux, et là ça contrevient, je trouve, disons, aux critères, là, de protection des renseignements personnels. Mais en fait je le crois sincèrement, là.

Je voudrais vous entendre là-dessus mais aussi sur la question, je dirais, du renversement du fardeau d'accepter ou de décider. En fait, ce que je comprends, c'est que vous proposez ceci: on écrit d'abord, puis il pourrait refuser par la suite. La Commission d'accès dit: Vous leur donnez le droit de refuser d'abord, puis vous écrivez par la suite, hein? C'est ça, à mon point de vue, qu'il reste à régler, parce que, je pense que le ministre l'a exprimé, il y a un accord pour clarifier la situation. Ce que vous demandez comme information me semble être assez bien encadré, mais la question, c'est de savoir: Est-ce qu'en s'enregistrant à l'établissement l'usager dit immédiatement: Je ne veux pas être sollicité, ou bien c'est lorsqu'il reçoit la lettre de la fondation qu'il dit: Je ne veux pas être sollicité? Je pense que ça, ça reste un point d'interrogation.

En ce qui concerne la présence de la fondation de même que la présence des communautés religieuses à qui appartenaient certains établissements et qui doivent être représentées, en fait je pense que ça fait l'unanimité, je pense que le ministre l'a dit précédemment, mais il faut qu'il y ait deux sièges parce que ce n'est pas les mêmes gens et ça représente historiquement, pour les communautés religieuses, quelque chose d'important. On ne peut pas refaire l'histoire, on ne peut pas nier l'histoire, mais les fondations, c'est l'avenir aussi.

M. Béland (Claude): Je veux simplement vous faire remarquer que, alors que les besoins financiers en matière de soins de santé sont grands et croissants, on est quand même en concurrence avec d'autres secteurs et en particulier celui de l'éducation. Et l'éducation est tout à fait autorisée, et c'est facile pour les universités évidemment de solliciter leurs usagers. Donc, en plus de dire qu'on a de grands besoins, tout ce qu'on cherche, c'est de faciliter quand même la sollicitation des usagers, puisque nos concurrents le font. Et, quand les gens ont donné à l'université, bien c'est facile de dire: J'ai donné à l'université, je ne peux pas donner à l'hôpital. Alors, dans ce sens-là, si on a ce handicap, on ne réussira jamais à remonter la pente, et surtout maintenant que c'est nouveau, là.

Anciennement, bien il n'y a pas tellement longtemps, il n'était pas question que les fondations investissent dans la brique et le béton, et, aujourd'hui, on invite les fondations à le faire. On veut bien, mais, si on ne peut pas même pas solliciter ceux à qui ont a rendu des services parce que c'est très compliqué...

Je ne sais pas si c'est le bon temps, quand quelqu'un rentre à l'hôpital, de lui demander: Veux-tu être sollicité ou pas? Ha, ha, ha! Il a surtout hâte, lui, de recevoir les soins. C'est peut-être à sa sortie. Ha, ha, ha! Mais là il ne signe rien à sa sortie, alors ce n'est pas le bon temps non plus. Je pense qu'il faut trouver une solution. Il faut trouver une solution parce qu'autrement c'est illusoire de demander de simplement aller dans le public en général, sans sollicitation directe, et d'augmenter considérablement les investissements que peuvent faire les fondations dans le secteur de la santé.

M. Granger, il y avait la question sur les familles.

M. Granger (Roland): Oui. Il faut bien préciser que, dans le cas des familles, c'est uniquement pour les personnes âgées, les personnes à qui on ne devrait pas s'adresser, parce que...

Une voix: Elles ne sont pas autonomes.

M. Granger (Roland): Pardon?

Une voix: Elles ne sont pas autonomes.

M. Granger (Roland): ...elles ne sont pas autonomes, et il ne faudrait peut-être pas non plus abuser de leur situation. Ça, là-dessus, on est prêts à mettre des balises. D'ailleurs, dans notre premier mémoire, il y en avait, des balises à ce sujet-là.

Et la demande nous est faite aussi par les fondations en santé mentale où, là, c'est totalement inadéquat de solliciter les personnes. Mais ce serait de pouvoir solliciter la famille. Mais ça se limite à ça. Alors ça, c'est un encadrement. On est prêts déjà à...

Une voix: La pédiatrie aussi, les enfants.

M. Granger (Roland): Évidemment, la pédiatrie et puis les personnes... D'ailleurs, dans notre mémoire, il y a une liste de cas d'exception qui devraient être triés mécaniquement par les ordinateurs pour permettre d'épurer cette liste-là pour que le directeur général de l'établissement ne puisse pas solliciter ces personnes.

Et je tiens aussi à préciser que, dans l'approche, il y aurait une lettre de sollicitation qui partirait du bureau du directeur général. D'ailleurs, dans la missive du sous-ministre Paquet, on dit bien d'avoir une lettre neutre. Une lettre neutre, ça veut dire qu'on ne fait pas appel, comme normalement, aux sentiments pour faire des dons, là. Alors, là, déjà là, on part handicapés avec cette formule-là. Alors, c'est de s'adresser à la personne, de lui rappeler bien souvent qu'elle a eu des bons soins et de lui dire que, si elle veut continuer que son centre hospitalier puisse avoir des bons soins, il faut aussi peut-être qu'elle fasse sa contribution. Mais, si la personne n'a pas donné, il n'y en a plus, de sollicitation. La fondation n'a pas de liste. C'est uniquement dans le cas où elle décide de faire un don à sa fondation que la fondation va saisir son nom. Et après ça il peut y avoir d'autres sollicitations directes de la fondation parce qu'elle a déjà transmis son nom à la fondation. Il y a toujours la possibilité du retrait de son nom de la liste de sollicitation sur ce simple appel ou simple volonté, et les fondations exécutent les volontés des usagers, dans ce cas-là.

n(11 h 20)n

Mme Harel: Je comprends cependant que, si la personne est inapte... moment où il y a l'enregistrement, soit la curatelle publique ou soit la personne qui détient le mandat d'inaptitude qui va être présente. Je trouverais ça bien embarrassant, moi, qu'on fasse appel à la famille de l'usager, parce que, si la personne est enfant ? ça, je peux comprendre ? c'est le parent, de toute façon, pour une personne mineure, là, qui laisse son nom. Mais je pense que c'est à partir de 14 ans, hein, parce qu'il y a la liberté des soins, à partir de 14 ans, selon le Code civil. Je peux comprendre qu'on sollicite l'usager ? je pense que c'est tout à fait légitime ? mais que l'on sollicite l'entourage de l'usager, ça, ça m'apparaîtrait un peu inquiétant.

M. Béland (Claude): Mais le but de notre visite, ce matin, devant le fait que, dans la loi, il n'y a aucune clarification, c'était d'attirer votre attention sur cette question-là. S'il y a lieu de fixer des balises et de faire des exceptions, comme le disait M. Rhéaume, peut-être qu'on peut en discuter par la suite hors cette commission. Mais l'important du message de ce matin, c'est que, la clarification qui est requise par tous les intervenants, on ne la trouve nulle part, et peut-être qu'on peut la trouver dans la loi qui est devant vous.

Le Président (M. Copeman): Peut-être qu'avant de quitter, M. Béland, vous pouvez m'éclaircir sur la situation avec les hôpitaux pédiatriques au Québec, parce qu'évidemment, ici, le sous-ministre parle des personnes majeures, des personnes de 18 ans et plus. Je glissais un mot au collaborateur du ministre. Il me semble, dans le temps ? là, c'est un peu vague ? que j'ai déjà reçu, en tant que parent, une lettre de sollicitation de l'Hôpital de Montréal pour enfants. Je ne sais pas si vous êtes au courant de la pratique à Sainte-Justine et au Children's quant à la sollicitation des parents des enfants qui ont reçu des services dans ces deux hôpitaux-là.

M. Granger (Roland): Je ne peux pas vous dire les pratiques en ce milieu-là. Je suis désolé.

Le Président (M. Copeman): Très bien. Alors, M. Béland, M. Rhéaume, M. Granger, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de l'Association des fondations d'établissements de santé du Québec. Évidemment, il est prévu que nous siégions cet après-midi, nous allons écouter attentivement les avis de la Chambre, mais j'ajourne les travaux de la commission sine die.

(Suspension de la séance à 11 h 23)

 

(Reprise à 16 h 7)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, la Commission des affaires sociales poursuit ses travaux, poursuit depuis ce matin. Nous avons deux groupes cet après-midi. Nous allons écouter et échanger dans quelques instants avec les représentants de l'Office des personnes handicapées du Québec, et ce sera suivi par l'Alliance des communautés culturelles pour l'égalité dans la santé et les services sociaux, l'ACCESSS.

Je fais appel à tout le monde dans la salle, à mes collègues ainsi qu'à tous les gens qui sont ici présents dans la salle, de bien vouloir mettre hors tension leurs téléphones cellulaires, compte tenu du fait que l'usage est interdit dans la salle.

C'est avec plaisir que nous accueillons M. le directeur général. J'étais à la veille de dire «président-directeur général», mais je ne sais pas si c'est toujours le cas ou... De toute façon, bientôt. M. le directeur général de l'Office des personnes handicapées du Québec, M. Rodrigue, bienvenue. Encore une fois, bienvenue, rebienvenue à cette commission parlementaire. Je sais que vous connaissez nos règles de fonctionnement: 20 minutes pour votre présentation, ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Et je suis rendu assez sévère dans le chronométrage du temps, alors je vais compter sur la collaboration... Je sais bien que je peux compter sur la collaboration de tout le monde. Si vous voulez bien présenter les personnes qui vous accompagnent et débuter votre présentation.

Office des personnes handicapées
du Québec (OPHQ)

M. Rodrigue (Norbert): M. le Président, M. le ministre, mesdames messieurs de la commission, d'abord une bonne fin de journée du 8 mars, hein, pour toutes les femmes du Québec et d'ailleurs. Deuxièmement, je voudrais vous présenter celle et celui qui m'accompagnent: Mme Céline Marchand, de l'Intervention nationale à l'Office des personnes handicapées, et Pierre Berger, qui est le chef d'équipe de cette équipe d'intervention nationale, ce qui inclut la recherche, la réflexion, etc.

n(16 h 10)n

L'office, M. le Président et M. le ministre, accueille positivement plusieurs éléments du projet de loi n° 83. Nous croyons de façon générale que les changements proposés devraient permettre une amélioration sensible des mécanismes d'examen des plaintes, un meilleur contrôle de la qualité des services et un fonctionnement plus efficace du système de santé et de services sociaux. L'office tient néanmoins à faire certaines mises en garde et à proposer quelques bonifications au projet de loi.

Plus particulièrement, nous nous interrogeons sur la diminution du pouvoir de l'usager en regard de la circulation des informations qui le concernent et sur la mise en oeuvre de certains aspects du processus d'examen des plaintes. On s'interroge également au sujet de certaines dimensions qui transcendent l'encadrement proposé du plan de services, lequel encadrement soulève la question de la réorganisation et du fonctionnement du système de santé et de services sociaux sous l'angle de la place du citoyen, de l'usager dans celui-ci. L'office formule ainsi autour de 16 recommandations visant à bonifier ou à préciser certaines dispositions du projet de loi.

À l'égard de la circulation de l'information clinique, l'office considère le respect de la confidentialité comme un enjeu important. Il va de soi que lorsque nécessaire la transmission d'informations cliniques concernant un usager exige des précautions. À cet effet, le projet de loi propose différentes dispositions. Par ailleurs, il permet aussi la transmission de renseignements contenus au dossier de l'usager sans le consentement de celui-ci dans différentes circonstances. Afin d'éviter toute situation de dérapage, il apparaît essentiel, du point de vue de l'office, de bien encadrer cette possibilité, et pour cette raison l'office recommande que l'on assure un encadrement adéquat de la circulation de l'information, tel que l'élaboration d'un cadre d'interprétation, en se référant à une expertise pertinente et reconnue à cet effet. On n'est pas des experts, on ne soutient pas qu'on est des experts en la matière, on est soucieux cependant des effets ou de ce que ça peut donner quand on s'engage sur cette route-là.

Concernant les services de conservation de certains renseignements aux fins de la prestation de services de santé, l'office trouve intéressantes les dispositions du projet de loi sur les droits de l'usager d'obtenir communication des renseignements conservés le concernant. Cependant, afin de faciliter la communication avec des personnes ayant une déficience visuelle ou auditive, l'office estime que l'article 520.21 introduit par l'article 173 du projet de loi devrait être modifié pour qu'on y prévoie la communication de renseignements sur un support de substitution. Il ne suffit pas que l'usager ait droit de recevoir communication d'un renseignement qui le concerne, il faut aussi qu'il ait la possibilité réelle d'exercer ce droit. Ceci est d'ailleurs cohérent avec l'introduction, dans la loi sur l'intégration des personnes handicapées, de l'article 26.5 visant à ce que les ministères et organismes publics se dotent de mesures d'accommodement raisonnables permettant aux personnes handicapées d'avoir accès aux documents et aux services offerts au public.

En matière d'examen des plaintes, l'office accueille favorablement les dispositions du projet de loi concernant le régime d'examen des plaintes et constate que la plupart des recommandations formulées par le groupe de travail sur les mécanismes d'examen des plaintes, dont d'ailleurs l'office était membre, ont été reprises dans le cadre du présent projet de loi. Ces dispositions législatives introduisent plusieurs modifications à l'actuel régime d'examen des plaintes, lesquelles, nous l'espérons, viendront corriger en bonne partie certains dysfonctionnements qu'a connus ce régime dans les dernières années.

Un des changements proposés par le projet de loi concerne l'exclusivité des fonctions qui seront dévolues au Commissaire aux plaintes. L'office est favorable à l'exercice exclusif des fonctions de Commissaire aux plaintes, car il appert qu'un des principaux problèmes identifiés au niveau du régime d'examen de ces mêmes plaintes, c'est la capacité des commissaires de jouer pleinement leur rôle, en raison notamment des conflits d'intérêts ou des rôles auxquels ils se trouvent souvent confrontés. Nous soulignons toutefois les difficultés possibles pour certaines établissements, par exemple certains centres de réadaptation, de désigner une ressource dédiée exclusivement à l'examen des plaintes alors que le volume des plaintes à traiter peut être, dans certains cas, on nous dit même pas très nombreuses. L'office recommande par conséquent que soit prévue, dans le projet de loi, la possibilité que les commissaires puissent exercer, lorsque le faible volume de plaintes le justifie, certaines autres fonctions qui n'entrent pas en conflit avec leur fonction première d'examiner les plaintes des usagers, essentiellement des fonctions reliées au respect des droits des usagers ou à la satisfaction de la clientèle.

Le projet de loi prévoit par ailleurs que le ministre pourrait confier un mandat d'assistance, dans le même cadre concernant les plaintes, et d'accompagnement à un organisme communautaire d'une région exerçant des activités de promotion et de défense des droits dans le domaine de la santé mentale pour les usagers à qui il offre des services. Le projet de loi prévoit à cet égard la possibilité pour le ministre de subventionner un tel organisme mandaté à cette fin. L'office soulève deux questionnements sur cet aspect du projet de loi.

En premier lieu, l'office craint qu'en confiant un mandat formel d'assistance et d'accompagnement des usagers aux organismes de promotion de défense de droits il y ait un danger de confusion entre les rôles de promotion et de défense des droits de ces organismes et ceux d'assistance et d'accompagnement aux plaintes. Si toutefois ce pouvoir du ministre devait être maintenu, il faudrait, de l'avis de l'office, l'élargir à l'ensemble des organismes de promotion et de défense des droits qui désireraient offrir aussi un tel service d'assistance et d'accompagnement dans le cadre du régime d'examen des plaintes. On recommande par conséquent que le mandat d'assistance d'accompagnement confié à un organisme communautaire soit davantage balisé avant d'envisager le partage de cette mission avec plusieurs organismes du même territoire.

L'office accueille aussi favorablement les diverses dispositions contenues dans le projet de loi visant à garantir la qualité des services ainsi que la promotion, le respect et la défense des droits des usagers. Le projet de loi prévoit, entre autres, la mise en place obligatoire d'un comité d'usagers dans tout établissement du réseau. Et, dans les cas où un établissement exploite plusieurs centres ou offre des services à des usagers de différentes catégories, il devra mettre en place autant de comités des usagers que nécessaire pour assurer une représentativité adéquate de ces usagers au sein de ces comités.

L'office comprend bien la préoccupation exprimée de vouloir assurer une représentation adéquate de toutes les catégories d'usagers, mais il croit que cette disposition du projet de loi devrait être clarifiée pour la rendre plus opérationnelle. L'office recommande à ce sujet que l'on s'assure de rendre opérationnelle la création de comités d'usagers par centres et par catégories de clientèles en précisant et en encadrant le nombre de comités d'usagers à mettre en place particulièrement dans les établissements à vocation multiple.

Au sujet de la mise en place de comités de résidents dans chacune des installations d'un centre qui offre des services à des usagers hébergés, l'office propose que l'on prévoie des assouplissements pour les installations qui hébergent un petit nombre d'usagers, comme par exemple des foyers de groupe, car sinon une telle obligation selon nous risque de devenir un peu plus contraignante peut-être que même efficace. À l'égard du processus de certification des résidences privées pour personnes âgées mis de l'avant dans le projet de loi et des responsabilités conférées aux agences à cet égard, l'office croit que ces mesures permettront sûrement un meilleur contrôle sur la qualité du service que ces résidences offrent à leur clientèle.

Et selon nous il est devenu impératif que l'État encadre ce secteur d'activité qui est pratiquement soumis, à l'heure actuelle, aux seules lois du marché. L'office souhaiterait toutefois que la certification soit obligatoire et non pas volontaire, comme le propose le projet de loi, ou, à défaut, que des mesures incitatives soient établies afin d'encourager les exploitants de résidence privée à se soumettre en grand nombre au processus de certification. L'office se questionne aussi sur l'application du processus de certification aux seules résidences qui offrent des services aux personnes âgées. Il recommande par conséquent que le processus soit applicable à l'ensemble des clientèles qui vivent en résidence privée. Je pense notamment aux gens avec qui on travaille, les personnes handicapées.

Au niveau de l'organisation et du fonctionnement du système de services de santé et de services sociaux, l'office se questionne sur l'impact réel de certains éléments présents dans le projet de loi, notamment les changements concernant ou ayant un impact sur la pratique du plan de services et conséquemment les responsabilités de l'instance locale par rapport à celles des autres établissements, de même que la place du citoyen et de l'usager dans le système. Aussi, l'office s'interroge sur certains éléments absents du projet de loi en lien avec des politiques gouvernementales récentes, dont les orientations et le plan d'action concernant des services aux personnes ayant un trouble envahissant du développement et à leurs proches et la politique sur l'action communautaire autonome.

Tout d'abord, en regard du plan de services individualisé, l'office recommande que soit maintenue l'obligation de consentement de l'usager pour la transmission de renseignements contenus à son dossier dans le cadre de la démarche du plan de services. Ceci se justifie par le fait que l'office a toujours considéré le plan de services comme un outil clinique qui appartient d'abord à l'usager. Le plan de services étant d'abord l'affaire de l'usager, celui-ci doit en avoir quant à nous le contrôle. L'un des instruments de contrôle est justement la nécessité de son consentement en regard de la circulation de l'information clinique qui le concerne.

L'office recommande aussi que la Loi sur les services de santé et les services sociaux soit modifiée de manière à resituer le plan de services dans une perspective multisectorielle et à garantir la participation des établissements du réseau de la santé et des services sociaux à une telle démarche lorsqu'ils doivent coordonner leurs interventions avec d'autres partenaires tant du réseau que de d'autres secteurs d'intervention. La coordination des services sur une base individualisée ne doit pas se limiter au seul secteur de la santé et des services sociaux. Il est ainsi nécessaire de resituer la pratique du plan de services dans une perspective multisectorielle.

n(16 h 20)n

Également, par souci de cohérence et de clarification, l'office propose que le projet de loi soit modifié ou que le ministère donne des directives pour clarifier à quel intervenant revient la responsabilité d'élaborer et aussi de suivre le plan de services prévu par la loi, en créant une concordance entre les articles 103 et 99.7.3°, parce que l'article 103 accorde à l'établissement qui dispense la majeure partie des services le rôle de coordonner le plan de services alors que l'article 99.7 confère à l'instance locale un rôle d'intervenant pivot en regard de la coordination individuelle des services. À notre avis, il y a là possibilité de conflit de rôles aussi.

Eu égard aux responsabilités de l'instance locale par rapport à celles des autres établissements du réseau, l'office recommande que le projet de loi soit modifié de manière à partager avec les autres établissements certains pouvoirs et certaines responsabilités que le projet de loi accorde aux instances locales, notamment le pouvoir de communiquer les renseignements nécessaires à une prise en charge par un autre établissement, à l'article 19.0.3 de la future version du projet de loi, la responsabilité de susciter et d'animer des collaborations pour agir sur les déterminants de la santé, les déterminants sociaux et améliorer l'offre de service et la responsabilité de définir le projet clinique et organisationnel.

De notre point de vue, d'autres types d'établissements, en l'occurrence les centres de réadaptation, peuvent, eux aussi, avoir besoin de communiquer des renseignements nécessaires à la prise en charge par un autre établissement du réseau, par exemple lorsqu'un usager passe d'un centre jeunesse à un centre de réadaptation en déficience intellectuelle, développer des partenariats et être partie prenante à la définition du projet clinique et organisationnel. L'office souhaite également que soit encadrée davantage la possibilité qu'une instance locale puisse assumer les responsabilités d'une agence de la santé et des services sociaux afin de minimiser les situations potentielles de conflit d'intérêts de l'instance locale par rapport aux autres établissements.

Nous nous sommes aussi questionnés sur la place que le projet de loi fait au citoyen et à l'usager dans le système de santé et de services sociaux. L'office propose que l'on prévoie, dans la loi, des mécanismes pour favoriser la participation de la population, dont les personnes handicapées et leurs proches et les organismes communautaires, à la définition du plan stratégique de l'agence ? nous ne l'avons pas vu en tout cas dans le projet de loi ? de l'agence de santé et de services sociaux et que des moyens adaptés soient prévus à cet effet. De la même manière, l'office recommande la mise en place de mécanismes pour favoriser davantage la participation de la population, y compris les personnes handicapées et leurs proches, de même que les organismes de promotion et les représentants, à la définition du projet clinique et organisationnel et que des moyens adaptés soient prévus à cet effet.

Au sujet des services aux personnes ayant un trouble envahissant du développement et à leurs proches, en cohérence avec les orientations et le plan d'action du ministère par rapport à cette clientèle et leurs proches, l'office recommande que soient mis à jour les articles 84, 86 et 120 de la loi en faisant une référence spécifique aux personnes ayant un trouble envahissant du développement dans la mission des centres de réadaptation et que l'appellation «centre de réadaptation en déficience intellectuelle» soit remplacée par «centre de réadaptation en déficience intellectuelle et en trouble envahissant du développement».

Par ailleurs, nous tenons, M. le ministre et M. le Président, à partager un questionnement que différentes organisations et des membres de notre conseil d'administration nous ont récemment soulevé par rapport aux relations entre les organismes de promotion des intérêts et de défense des droits de personnes handicapées, surtout leurs regroupements régionaux, avec les instances du réseau de la santé et des services sociaux. Plus précisément, certaines instances hésiteraient à entretenir des relations avec des regroupements d'organismes de promotion, compte tenu que ceux-ci relèvent maintenant du Secrétariat à l'action communautaire... c'est-à-dire l'action communautaire autonome, pour leur financement. Et, nous, on pense que ce n'est pas parce que le financement provient maintenant du SACA que ces organisations n'ont plus leur mot à dire en matière de santé et de services sociaux et que leur légitimité représentative sur ces questions ne serait plus valable. Nous pensons que le ministère doit rappeler à ces instances l'importance de créer des consensus avec les organismes du milieu qui représentent les clientèles en question.

En conclusion, M. le Président, avant que vous me le disiez, par son mémoire, l'office espère contribuer à bonificier le projet de loi... bonifier, c'est-à-dire, le projet de loi n° 83, notamment en ce qui concerne le pouvoir des usagers en général et des personnes handicapées et de leurs proches en particulier, en matière de circulation des renseignements qui les concernent, sur la mise en oeuvre de certains aspects du processus d'examen des plaintes, sur l'encadrement proposé du plan de services et sur la place du citoyen et de l'usager dans le système de santé et de services sociaux. Merci beaucoup.

Le Président (M. Copeman): Je vous remercie beaucoup de votre collaboration, M. Rodrigue. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, pour débuter l'échange.

M. Couillard: Merci, M. le Président. M. Rodrigue, Mme Marchand, M. Berger, bonjour, ou bonsoir bientôt. Je poserai une question, par la suite ma consoeur de Nelligan, qui a été extrêmement impliquée dans la préparation du projet de loi n° 56 sur l'exercice des droits des personnes handicapées, poursuivra l'échange avec nos invités.

Je voudrais vous parler du point qui touche les fonctions du commissaire local aux plaintes. Vous savez que la question de l'exclusivité de fonctions du commissaire local était au centre des recommandations, était une des recommandations les plus importantes du groupe de travail sur l'examen des plaintes. Or, vous souhaitez que cette exclusivité de fonctions soit élargie pour permettre à ce commissaire d'exercer d'autres tâches. Je voudrais que vous les définissiez.

Je rajoute cependant qu'il est possible pour un commissaire local, dans deux petits territoires, par exemple, d'exercer la fonction sur les deux à la fois. Donc, «exclusivité» ne veut pas dire «temps plein», là. On peut certainement aménager la fonction de façon à ce qu'elle soit exercée de façon efficace. Mais, advenant le cas où on ouvrait la question de l'exclusivité, pourriez-vous nous donner concrètement ? vous l'avez défini un peu largement ? mais concrètement quel serait le genre de poste qu'une personne pourrait exercer dans un établissement de santé et qui ne nuirait pas à son indépendance d'exercer des fonctions de commissaire local?

M. Rodrigue (Norbert): Bien, d'abord, écoutez, nous ne souhaitons pas ? bien, en tout cas, ce n'est pas ce qu'on veut faire comprendre ? ouvrir l'exclusivité dans le sens que les commissaires aux plaintes d'une manière générale ne soient pas confinés à leurs tâches de commissaire aux plaintes. On pense que c'est important. Cependant, dans certains cas, on se dit qu'ils pourraient peut-être, par souci d'efficacité aussi, là, occuper d'autres fonctions. Je présume que, si vous avez un commissaire aux plaintes dans un établissement qui ne requiert pas tout son temps, il pourrait être affecté à des tâches plus bureaucratiques, par exemple, ou à des tâches plus administratives. Ce n'est pas pour nous évidemment un moyen de revenir aux problèmes qu'on veut régler, là. On ne souhaite pas que ces gens-là aient des mandats qui créent encore plus de confusion, je veux dire, par rapport à leur rôle. C'est simplement: là où c'est possible, on pense que cette exclusivité-là pourrait être examinée.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Nelligan.

Mme James: Merci beaucoup, M. le Président. M. Rodrigue, M. Berger et Mme Marchand, c'est toujours un plaisir de revoir surtout vous, M. Rodrigue, mais le représentant de l'OPHQ, étant donné que j'ai eu l'immense plaisir de travailler avec vous sur le projet de loi n° 56.

J'ai plusieurs questions à vous poser évidemment, mais j'aimerais commencer avec votre deuxième proposition. Vous l'avez mentionnée dans votre présentation. Je parle de la modification à l'article 520.21. Si vous me permettez, je vais juste le relire parce que je suis préoccupée par une ligne en particulier, là. L'article se lit: «L'agence, l'établissement ou l'intervenant donne aussi communication de ce renseignement sur un support de substitution à la personne ayant le droit de le recevoir lorsque celle-ci a une déficience visuelle ou auditive si le renseignement demandé existe sur un tel support ou si son transfert sur un tel support est possible et n'entraîne pas une contrainte excessive pour l'agence ou l'établissement.»

On a eu ce genre d'échange là lorsqu'on a travaillé sur le projet de loi n° 56. Je me demande, étant donné qu'on a déjà la charte qui prévoit justement ce genre de protection là, et la loi maintenant 56 le prévoit également, pourquoi vous avez choisi de faire une recommandation qui demande nommément de parler des déficiences visuelles ou auditives si le renseignement demandé existe sur un tel support. Vous ne croyez pas que cette protection n'existe pas par ailleurs dans les autres législations? Et pourquoi pensez-vous que c'est la meilleure façon de le faire, par un amendement du projet de loi n° 83 à l'instant même?

M. Rodrigue (Norbert): Nous souffrons peut-être d'insécurité, je ne sais pas, mais, vous savez, avec les années et les multiples efforts que nous avons faits... Et nous reconnaissons que la loi d'ailleurs adoptée le 17 décembre ou sanctionnée le 17 décembre prévoit, nous le disons... Et nous voulons nous assurer, le plus fermement possible, de toute la concordance pour faire en sorte que ces moyens-là soient mis à la disposition, qu'ils soient pris en considération par les acteurs du réseau, notamment l'agence ou le réseau local. Nous pensons que sur cette question, vous savez, comment dirais-je, on a eu, nous, à transiger, en tout cas moi, pendant six ans maintenant, avec ces réalités-là et nous nous sommes confrontés souvent à des incompréhensions, pour ne pas dire des résistances. Alors on veut abolir tout ce qui est possible.

n(16 h 30)n

Évidemment, peut-être que, comme législateurs, vous allez considérer que ce n'est pas nécessaire, nous allons le respecter, mais nous pensons vraiment qu'il faut se soucier de ça. Et nous convenons que la charte existe, nous convenons que la loi sur l'intégration prévoit ces choses-là, mais nous pensons qu'une loi sur l'ensemble du système de santé et de services sociaux ne pécherait pas par excès si elle le prévoyait, elle aussi.

Mme James: M. Rodrigue, si vous me permettez, M. le Président, la question que je me pose, étant donné que, vous-même, vous répondez que ces exigences-là existent dans d'autres législations: Est-ce qu'on va y arriver par tout simplement en le répétant ou devrons-nous avoir une certaine obligation, regarder un autre moyen de s'assurer que, dans le réseau, on ait les résultats souhaités que par amendement législatif?

M. Rodrigue (Norbert): Bien, écoutez, c'est certain qu'on peut utiliser d'autres moyens. La législation ne peut pas, comme disaient certaines personnes autour de cette table, il me semble, il y a quelques mois, on ne peut pas légiférer pour imposer le respect, sinon prendre des mesures coercitives de toute nature. Mais nous pensons que ce n'est pas de trop, après ce que nous avons vécu, que d'y penser.

Mme James: J'ai compris. Merci.

Je pourrais, si vous me permettez, passer à votre recommandation face à une obligation de certification. Vous souhaitez que ce soit obligatoire, de un, mais, de deux, vous dites que sinon soient établies des mesures incitatives pour encourager les exploitants de résidence privée. Que voulez-vous dire par des mesures incitatives?

M. Rodrigue (Norbert): D'abord, écoutez, sur l'obligation, vous permettrez à un jeune qui est jeune depuis plus longtemps que vous pas mal de rappeler qu'en 1966 et 1968 j'avais été élu président de la Fédération nationale des services de la CSN qui regroupait le personnel de l'ensemble du réseau. Et, en 1968, c'était un des objets de préoccupation que nous avions, c'est-à-dire faire en sorte que les résidences privées aient un moyen ? on appelle ça la certification et on en convient ? mais un moyen pour que ces gens-là n'aillent pas dans la clandestinité.

Et je me souviens, ma chère madame, qu'un jour, à Thetford Mines, je négociais une convention collective. J'avais invité un représentant du ministère à venir me rencontrer dans cette institution pour constater la réalité. Les travailleurs et travailleuses s'étaient réunis en assemblée et avaient demandé la fermeture de l'institution à cause des conditions qui existaient pour les bénéficiaires, juste pour vous décrire la préoccupation et la durée de vie de la préoccupation. Alors, nous pensons, pour en avoir discuté avec nos collègues aussi, que l'obligation pourrait être envisagée.

Si cette obligation n'existait pas, quant aux mesures incitatives, il nous a passé toutes sortes d'idées par la tête. On a pensé à des incitatifs fiscaux, mais, de ce temps-ci, ce ne serait pas populaire, hein? On sait qu'on a besoin, comme société, de nos moyens. Alors, on pense que, sur les incitations, par exemple, l'information en serait une majeure, c'est-à-dire informer la population, informer les groupes qui existent dans les communautés pour que ces gens-là soient vraiment au courant de cette possibilité-là, parce que l'agence peut, l'agence ne doit pas, elle peut accréditer. Ce n'est pas pareil, hein? Elle n'est pas obligée. Alors, il faut que les populations soient largement informées puis les groupes qui s'occupent des clientèles aussi. C'est un des incitatifs, me semble-t-il et nous semble-t-il, qui seraient probablement parmi les plus efficaces. Je ne sais pas si mes collègues veulent ajouter, mais...

M. Berger (Pierre): Ajouter un élément.

Le Président (M. Copeman): M. Berger.

M. Berger (Pierre): Vous permettez, oui? En fait, si on ne met pas de mesures incitatives, ça risque de demeurer une mesure qui va être carrément sans effet, pour la simple raison que la demande pour l'hébergement sur une population vieillissante risque d'être en très forte hausse, et, à ce moment-là, le fait d'être certifié ne sera pas un incitatif suffisant, pour un organisme qui veut se faire certifier, de... L'idée de la certification risque de ne pas être suffisante, dans le sens qu'il est sûr d'avoir de la clientèle quand même. Donc, il faut créer d'autres types d'incitatifs. Bien sûr, publiciser la qualité des services, j'allais dire des établissements, mais en tout cas des ressources d'hébergement qui vont être là, ça peut être une forme de mesure, offrir une publicité pour informer la population de l'importance de s'adresser à des ressources certifiées peut être une autre façon de le faire, mais je pense qu'il va falloir faire un travail un peu imaginatif pour trouver des façons incitatives, sinon ça risque de demeurer un voeu pieux, le fait de certifier, puisque c'est volontaire de le faire, puisqu'il n'y a pas tellement d'avantages à aller chercher une certification, sauf l'avantage prévu dans le projet de loi de pouvoir référer les gens du réseau de la santé et des services sociaux vers ces lieux d'hébergement là.

Le Président (M. Copeman): M. Rodrigue.

M. Berger (Pierre): Ça risque de ne pas être suffisant.

Mme James: Mais, si vous me permettez, monsieur... Excusez.

Le Président (M. Copeman): Il y a M. Rodrigue qui veut ajouter. Allez-y.

Mme James: Oui, allez-y.

M. Rodrigue (Norbert): C'est un complément. C'est d'autant plus vrai, je vous dirais ? parce que je me sens en confidence ici, là ? je vous dirais que, même nous qui étions et qui sommes encore du système de santé et de services sociaux pour plusieurs, des centaines de personnes, on a été complices un peu de ça. Parce qu'on a été en face d'insuffisance de places, par exemple, dans tel secteur, pour telle clientèle, on a parfois du personnel du réseau même qui a été complice, dans le sens: pas de moyens, alors on développait et on plaçait des gens dans des résidences qui n'étaient pas reconnues formellement ou certifiées formellement. Alors, on s'est permis de réfléchir tout haut avec vous pour vous indiquer que l'avenir nous dit et nous indique que la pression va être extrêmement forte, comme dit Pierre, et qu'à cet égard-là il faudrait peut-être y penser.

Mme James: ...d'accord avec vous sur la question. Ce que... de vous, c'est une question de qualité de services, qualité de services pour non seulement les personnes âgées, mais pour les personnes handicapées en général, et c'est ce que je comprends. La raison pour laquelle ? puis vous me corrigez si j'ai tort ? vous proposez des mesures incitatives, c'est parce que vous pourriez déjà voir certains problèmes avec une certification obligatoire, dans le sens que ça pourrait alourdir le processus, de un, et faire en sorte que déjà ? parce que je le comprends comme vous, que les personnes handicapées ont déjà un besoin d'accompagnement dans le réseau ? que ce processus pourrait rendre ça encore plus difficile. Est-ce que je comprends bien?

M. Berger (Pierre): Si vous permettez, en fait l'idée de la certification, on est d'accord avec.

Une voix: Oui, oui.

M. Berger (Pierre): C'est une mesure qui au fond assure... c'est un moyen pour assurer un minimum de qualité, sauf qu'on ne veut pas que cette mesure-là devienne inefficace, et, dans ce sens-là, on pense qu'il faut qu'il y ait des avantages, puisque c'est volontaire, à moins de le rendre obligatoire, mais, si ça demeure volontaire, il faut qu'il y ait un avantage, pour le lieu d'hébergement qui veut se faire certifier, à se faire certifier, et le seul avantage prévu, c'est la possibilité d'une référence de clientèle, sauf que, la clientèle, il risque d'y en avoir abondamment. Donc, le problème, c'est de trouver un incitatif suffisant pour qu'il y ait un avantage à assurer une qualité de services par la certification, pour se faire certifier qu'on offre des services de qualité. Mais présentement il n'est pas clair qu'il y a un avantage dans le projet de loi, puisque le seul incitatif est quelque chose qui risque de devenir vite désuet, compte tenu de la très forte demande en hébergement qu'il risque d'y avoir. Il faudrait quelque chose de plus.

Mme Marchand (Céline): Si je peux me permettre...

Le Président (M. Copeman): Mme Marchand.

Mme Marchand (Céline): Oui.

Le Président (M. Copeman): Allez-y.

Mme Marchand (Céline): Si je peux me permettre aussi d'ajouter dans le même sens, c'est que, si on considère que la certification en soi ne va pas assez loin, en fait, quand on parle d'incitatifs, je pense qu'il y a des ponts aussi à faire avec les regroupements et les associations d'exploitants de résidence privée qui offrent ces services-là, qui, eux autres... Je pense qu'il y a un partenariat, là, possible avec ces gens-là. Il faut s'asseoir avec ces gens-là puis voir les possibilités que leurs membres adhèrent, si on y va sur une base volontaire, adhèrent à ce processus de certification là et y voient un avantage non seulement au niveau de l'amélioration de la qualité des services, mais aussi y voient un avantage comme exploitants, parce qu'on parle de résidences privées, là. Il ne faut pas se le cacher, là, il faut qu'ils y voient aussi un avantage, une plus-value, au bout de la ligne, là, pour eux, comme exploitants des résidences. Je pense que c'est un peu le sens, là, de notre recommandation.

n(16 h 40)n

Mme James: M. Rodrigue, vous avez touché, lorsque vous avez fait votre présentation sur les centres de réadaptation, à leurs problèmes de communication. J'aurai probablement un complément, après. Je veux vous entendre davantage là-dessus.

M. Rodrigue (Norbert): Excusez-moi?

Mme James: Les centres de réadaptation et les problèmes qui existent actuellement, dans le réseau, avec les communications de renseignements des personnes handicapées.

M. Rodrigue (Norbert): Bien, notre propos, c'est simplement de dire qu'au niveau local la transmission de renseignements, ça ne peut pas se faire à n'importe quelle condition, puis il se peut qu'un client soit en centre jeunesse et doive être transféré à un centre de réadaptation en déficience intellectuelle. À cet égard-là, bien, on pense qu'il doit y avoir un certain cran de sécurité.

Alors, les problèmes dans les centres de réadapt sont passés devant vous, je pense. Je pense à la réadapt physique, par exemple, sur les listes d'attente, etc. Notre propos n'était pas de revenir avec ces questions-là, ils ont assez bien décrit la situation. Mais c'était juste de s'assurer du cran de sécurité nécessaire lorsqu'un client transfère, voyage ou se promène. Et on recommandait bien sûr que, pour les centres de réadaptation en déficience intellectuelle, bien on ajoute les troubles envahissants de développement dans la catégorisation des établissements.

Mme James: Juste une petite dernière question. J'ai remarqué aussi dans une de vos recommandations que vous parlez des plans de stratégie des agences. D'après ce que j'ai pu comprendre, c'est ça que vous demandez, de favoriser la participation des personnes handicapées. Mais, d'après ce que j'ai pu comprendre, vous êtes déjà consultés par rapport à cette stratégie-là. Alors, qu'est-ce que vous demandez? Souhaitez-vous encore d'être impliqués de façon plus active? Qu'est-ce que vous demandez par...

M. Rodrigue (Norbert): Bien, je vais demander à Pierre de compléter, là, mais, si j'ai bien lu ? peut-être que je n'ai pas bien lu, et, de ce temps-ci, je suis prudent parce que j'invite beaucoup de monde à lire bien certaines législations, dont celle que l'Assemblée nationale a adoptée le 17 décembre ? si j'ai bien lu, en ce qui concerne les agences, il n'y a pas de moyen de prévu de participation de la population pour la planification stratégique de l'agence au niveau régional. Notre souci est à ce niveau-là. Alors, on se dit, bien sûr qu'on se dit: À ce niveau-là, il faudrait prévoir des mécanismes, comme on pense qu'au niveau local il faudrait prévoir des mécanismes pour que la communauté puis les personnes handicapées participent puis la population participe, là, à la définition du plan clinique.

Mme James: Mais dans les faits êtes-vous consultés?

M. Rodrigue (Norbert): Dans les faits, si on est consultés?

Mme James: Oui.

M. Rodrigue (Norbert): Bien, écoutez, on a beaucoup de partenariats qui existent, mais on ne peut pas dire qu'on est toujours consultés. Il nous faut être... On a un rôle de veille dans notre loi, ce n'est pas pour rien, alors il faut l'exercer constamment. Et je m'en vais, sans nommer de nom, je m'en vais prochainement notamment dans une agence pour justement essayer d'établir des liens de collaboration entre nous, les groupes et l'agence, parce que ça ne va pas toujours rondement.

Mme James: Je pense que M. Berger voulait compléter?

M. Berger (Pierre): Oui. Peut-être en éléments complémentaires, il y a peut-être deux éléments qu'il faut retenir, c'est que la réforme de 1991-1992, là, au moment de la loi 120, prévoyait beaucoup de mécanismes de participation pour axer le système beaucoup sur le citoyen, pour donner un certain contrôle au citoyen dans les processus décisionnels. Bon, il y a eu les assemblées régionales qui se sont plus ou moins bien passées, qui sont disparues avec le temps. Il y avait quand même des collèges électoraux pour l'élection des conseils d'administration des régies. Tout ça, c'est comme disparu avec le temps. Il y a eu le forum de la population, puis maintenant il n'y a comme plus de mécanisme de prévu pour avoir le pouls de la population. C'est comme si le système s'autosuffisait pour la définition des services.

Et par-dessus ça il y a l'autre problème qui nous préoccupe ici, c'est: dans les mécanismes, il est prévu, dans les deux articles en question, là, concernant la définition du projet clinique, d'aller chercher la collaboration des organismes communautaires, des organismes du milieu, puis il est prévu, par rapport au plan stratégique, de mettre à contribution aussi des établissements et des organismes communautaires. Mais parallèlement à ça il y a des organismes en promotion des intérêts puis en défense de droits qui ne sont plus du tout financés par le réseau de la santé et des services sociaux à cause des orientations sur le financement des organismes communautaires, la politique, là, sur l'action communautaire autonome. Ces organismes-là relèvent maintenant du SACA.

Le problème qu'ils rencontrent ? et ils font de plus en plus de plaintes là-dessus, ils nous interpellent de plus en plus souvent ? c'est: lorsqu'ils s'adressent à une instance locale, lorsqu'ils s'adressent à une agence, lorsqu'ils s'adressent à un établissement du réseau de la santé, on ne veut plus discuter avec eux parce qu'ils ne sont plus du réseau de la santé. Puis effectivement, quand on regarde ce que doit contenir un projet clinique, par exemple, d'un CSSS, c'est très axé sur la prestation de services, de sorte que ceux qui pensent plus en termes de philosophie risquent d'avoir beaucoup plus de difficultés à se faire entendre dans ces processus-là. Ça fait qu'au fond il y a comme une espèce de glissement où on est en train de perdre le pouls de ceux qui vivent les services en gain de peut-être une efficacité de système. Ça fait que, là, il faut faire quand même attention.

Puis ce qu'on vous dit puis finalement ce qu'on vous indique: il y a peut-être déjà des éléments qui sont là, qui peuvent être utilisés. C'est d'être très sensible à voir à aller chercher le pouls de cette population-là, et à la limite on pourrait même prévoir des mécanismes qui pourraient être insérés dans la loi ou être un peu plus clairs dans le libellé de certains articles pour assurer une participation citoyenne plus grande et aussi des organismes qui travaillent au niveau de la promotion des intérêts et de la défense des droits, qui, eux, semblent ne plus avoir droit au chapitre dans ce réseau-là. En tout cas, ils l'ont de moins en moins.

Le Président (M. Copeman): Malheureusement, c'est tout le temps qui est imparti à ma droite. On va aller à ma gauche, puis Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole... Mme la députée de Rimouski, porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux.

Mme Charest (Rimouski): Bonjour. Merci d'être là. Ça nous fait plaisir de vous recevoir.

Moi, je reviendrais sur toute la question de la certification. J'ai écouté religieusement les questions de Mme la députée...

Une voix: De Nelligan.

Mme Charest (Rimouski): ...de Nelligan ? j'allais dire votre nom, mais je sais que je n'ai pas le droit de le dire; alors, c'est la députée de Nelligan ? et vos réponses et je reste un peu perplexe parce que vous dites: Que soit rendue obligatoire la certification ou, si cela pas possible, des mesures. Et, quand vous expliquez pourquoi vous avez des craintes par rapport à la certification, ce que j'en comprends, c'est que la certification pourrait être comme une fin en soi mais ne serait pas la garantie de la qualité, de l'efficacité et du plan d'intervention personnel qui pourrait être appliqué, là, auprès des personnes. Et vous ne me parlez pas seulement des personnes âgées, vous me parlez des personnes handicapées, de différents types de handicap, si je comprends bien.

M. Rodrigue (Norbert): Oui.

Mme Charest (Rimouski): Oui?

M. Rodrigue (Norbert): De différents types de handicap? Oui.

Mme Charest (Rimouski): Oui. Alors, moi, ce que je voudrais comprendre: si c'est votre voeu... Parce que, si vous êtes d'accord avec la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse qui, elle, demande que soit obligatoire la certification et si vous maintenez ce que vous avez écrit au point 7, que soit rendue obligatoire la certification, c'est quoi, les conditions qui feraient que vous auriez confiance et que vous seriez persuadés que la certification a la force ou l'efficacité voulue pour que ça vaille ce que vous réclamez?

M. Rodrigue (Norbert): Bien, dans un premier temps, d'abord, l'obligation de la certification, pour nous ça assurerait d'abord la connaissance du terrain, je veux dire, et la relation du terrain avec le système.

Mme Charest (Rimouski): Parce qu'on ne le connaît pas bien présentement, au moment où on se parle, parce qu'il n'y a pas de certification de résidences.

M. Rodrigue (Norbert): Bien, je vous invite... Je ne connais pas parfaitement votre territoire, mais je vous invite à aller dans votre territoire. Vous découvririez peut-être une résidence quelque part que vous ne connaissez pas.

Mme Charest (Rimouski): Oui, oui.

M. Rodrigue (Norbert): En tout cas, moi, j'ai fait l'expérience déjà. Donc, ça mettrait au clair, ça inciterait les propriétaires ou en tout cas les promoteurs, etc., à s'inscrire dans un processus de reconnaissance. Évidemment, ce n'est pas la garantie de toute la qualité, il y a d'autres mesures pour la qualité.

Mme Charest (Rimouski): C'est là que je vous arrête. C'est quoi, les conditions pour avoir ces garanties-là?

M. Rodrigue (Norbert): Bien, les conditions pour la qualité, il y en a plusieurs. Je veux dire, ça...

Mme Charest (Rimouski): Mais à titre d'exemple.

M. Rodrigue (Norbert): Bon, à titre d'exemple, écoutez, si on est dans un territoire où les agences sont appelées à certifier des résidences, j'espère que l'Inspection des incendies va y aller. Il y a donc des partenariats avec la municipalité. J'espère que le réseau de la santé lui-même, quand il réfère des clients à ces résidences-là, va s'assurer que la résidence correspond à des critères de qualité raisonnables. Alors, dans ce sens-là, on aurait un certain nombre de garanties par la mise en oeuvre puis l'intervention de plusieurs acteurs du territoire, là, qui sont autour de la résidence en question. Si ce n'est pas rendu obligatoire, bien c'est là qu'on propose des incitatifs multiples, dont l'information aux particuliers.

Mme Charest (Rimouski): Mais votre choix premier, c'est de rendre obligatoire.

M. Rodrigue (Norbert): Oui, oui. C'est ça.

Mme Charest (Rimouski): Parce que, tel qu'écrit, c'est un peu les deux.

M. Rodrigue (Norbert): Non, non. Notre choix premier, c'est de rendre obligatoire.

Mme Charest (Rimouski): C'est de rendre obligatoire.

n(16 h 50)n

M. Rodrigue (Norbert): Oui. Mais on est conscients qu'on n'a pas le rapport de force ultime toujours dans la société puis qu'il y a d'autres considérations. Et, si jamais ça ne l'était pas, bien, là, on dit: Il faut avoir des incitatifs.

Mme Charest (Rimouski): O.K. Parce que, vous savez, tout à l'heure, vous parliez d'information autant du public que des personnes concernées, mais, dans la modification du comportement, on sait tous que l'information, c'est bien, ça augmente le niveau de connaissances des individus, mais ça ne change en rien les comportements comme tels et ce n'est pas une mesure de ce type-là qui ferait que ça compenserait l'obligation de la certification parce que ce ne sera jamais aussi fort qu'une certification en bonne et due forme avec un processus qui a des critères et qui revoit ses critères annuellement, ou aux deux ans, ou aux trois ans, peu importe. Alors, on est tous conscients de la même chose, je pense.

M. Rodrigue (Norbert): Oui. Mais par ailleurs je vous dirais qu'il y a des expériences volontaires aussi, là, parce que je pense à... Comment on l'appelle, la reconnaissance, là?

Mme Charest (Rimouski): Ah! la Rose d'or pour les personnes âgées?

M. Rodrigue (Norbert): La Rose d'or? Bon. C'est une démarche volontaire qui donne un certain nombre de résultats. Mais, d'après les gens qui oeuvrent dans ce domaine-là eux-mêmes, ce n'est pas les résultats auxquels ils souhaiteraient s'attendre. Je pense que, eux autres aussi, ils souhaitent une certaine obligation.

Mme Charest (Rimouski): Que ça devienne obligatoire.

M. Rodrigue (Norbert): Alors, dans ce sens-là, c'est certain que pour nous l'obligation est préférable aux autres mesures.

Pierre, tu voudrais ajouter? M. le Président?

M. Berger (Pierre): L'obligation de la condition que ce soit techniquement possible. Les résidences privées d'hébergement...

Mme Charest (Rimouski): ...empêcherait une certification...

Le Président (M. Copeman): Mme la députée. Mme la députée.

M. Berger (Pierre): J'explique...

Le Président (M. Copeman): Excusez. Moi, j'ai de la difficulté à suivre quand et nos invités et vous parlez en même temps. Alors, je préférerais...

Mme Charest (Rimouski): Je m'excuse, M. le Président. Je voulais lui demander quel était l'aspect technique qui empêcherait une organisation privée de se certifier, d'être certifiée.

Le Président (M. Copeman): Je comprends, mais je pense qu'il est préférable de laisser la personne terminer sa phrase puis là, par la suite, demander une autre question. Allez-y, M. Berger.

M. Berger (Pierre): J'y arrivais. En fait, c'est que les résidences privées relèvent du domaine privé. Là où est-ce que j'habite, c'est une résidence privée, même si je n'héberge pas du monde en plus. Jusqu'où on peut aller dans la réglementation? Je ne suis pas un juriste, mais je ne suis pas convaincu qu'on puisse aller très loin. Si c'est techniquement possible, il faut le regarder. Mais par ailleurs, si ça ne l'est pas, s'il n'y a pas moyen de rendre ça obligatoire, bien au moins qu'il y ait un avantage à être certifié. Parce que, là, l'avantage nous semble plutôt limité. Et, à ce moment-là, ce serait de créer plus d'avantages à la certification qui permet, par exemple... S'il y a un intérêt à être certifié, bien ça permet d'avoir un certain nombre de conditions à remplir, ce qui peut assurer une certaine qualité de services.

Mme Harel: M. le Président, j'avais une question.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Alors, M. Rodrigue, M. Berger, Mme Marchand, présentement il y a une majorité de personnes vulnérables qui sont hors établissement public ou privé conventionné. Ces personnes vulnérables peuvent l'être parce qu'elles sont âgées ou peuvent l'être parce qu'elles ont une déficience physique, il y a un problème de santé mentale, ou une déficience intellectuelle, ou autres. Bon.

Là, la question est de savoir, à partir du moment où il y aura des critères sociosanitaires, lesquels critères sociosanitaires seront publiés dans la Gazette officielle, feront l'objet de représentations... Sûrement que l'office sera partie prenante à ces représentations, à défaut d'avoir été consulté avant, au moment de l'élaboration des critères sociosanitaires, mais ces critères-là vont dire ceci comme message à la société: pour vivre en milieu convenable lorsqu'on est une personne en perte d'autonomie et vulnérable, voilà les critères sociosanitaires qu'il faut appliquer.

Vous ne pensez, vous, là, qu'il va y avoir une énorme pression de l'opinion publique pour dire: Si ce sont les critères sociosanitaires élémentaires pour vivre en situation convenable quand on est vulnérable, il n'y a pas de raison que ce ne soit pas à tout le monde que ces critères soient appliqués? Ma question.

M. Berger (Pierre): Écoutez, il y a déjà des réglementations municipales. Elles garantissent un certain nombre de critères sociosanitaires aussi pour la salubrité du logement, etc., pour tout lieu d'habitation, d'ailleurs.

Mme Harel: On parle des personnes en perte d'autonomie. Excusez-moi, là.

M. Berger (Pierre): Et c'est là qu'est la différence. C'est là qu'est la différence. Et, au niveau de la certification, ce qu'on veut, c'est assurer un minimum de qualité, et, parmi ces critères-là, j'imagine qu'on va pouvoir être un peu plus précis que les municipalités et ajouter un certain nombre d'éléments. En tout cas, je le souhaite.

Moi, je pense que la certification, très sincèrement, puis à la réflexion qu'on en a fait à l'OPHQ, c'est que c'est un plus par rapport au fait de ne pas en avoir. Donc, dans ce sens-là, on milite pour ça.

Mme Harel: ...qu'on attendait des porte-parole de l'office. Mais ce qui est surprenant, c'est qu'on pense que des critères sociosanitaires rendus publics dans un processus réglementaire vont pouvoir ne s'appliquer qu'à un certain nombre restreint de personnes; pour tout de suite, seulement les personnes âgées résidant dans des hébergements privés certifiés. Nécessairement, il va y avoir une pression de l'opinion publique qui va aller en s'accentuant à chaque cas, comme ça s'est produit, là, au cours de l'année dernière, de personnes en déficience, en problème de toxicomanie, ou de déficience intellectuelle, ou autres qui vont se retrouver dans des résidences privées, auxquelles malgré tout le secteur public va référer à cause de ce que vous disiez tantôt, c'est-à-dire à cause de la très forte demande en hébergement. On va dire: Mais comment ça se fait que des critères sociosanitaires ne soient pas appliqués, du fait de la situation de vulnérabilité des personnes?

M. Rodrigue (Norbert): Bien, il me semble que les critères doivent être appliqués. Deuxièmement, la pression, elle va s'exercer de toute... elle doit s'exercer, je pense, là, de toute manière. Même dans la situation actuelle, on le sait, on le sait, tous les deux, que la pression doit s'exercer.

Mme Harel: Oui, mais la différence, c'est que, si vous êtes un parent d'une personne en perte d'autonomie, vous allez dans un établissement, vous demandez: Êtes-vous certifiés? Si l'établissement est certifié, ça vous rassure. S'il ne l'est pas, certifié, vous ne pouvez même pas dire que... vous ne pouvez pas nécessairement avoir le choix d'un autre établissement. Ça va dépendre des coûts. Les établissements certifiés nous ont dit, l'AQDR, au siège que vous occupez maintenant, qu'ils vont certainement, du fait de leur certification, alors que d'autres ne le sont pas, charger plus ? la plus-value dont vous parliez, Mme Marchand ? ça se peut qu'ils ne changent rien, mais il y aura une plus-value, juste du fait d'avoir un statut, alors que, les autres n'étant pas certifiés, bien ça va être laissé aux personnes pauvres qui n'auront pas les moyens de payer les résidences certifiées.

M. Berger (Pierre): Et là vous venez de soulever un avantage sur le plan financier: parce que tu es certifié, tu peux charger plus. Ce n'est pas le genre d'avantage qu'on favorise.

Vous avez raison de soulever que les personnes vulnérables, face à un nombre limité de ressources, à un moment donné, elles peuvent se heurter à un certain nombre de difficultés et n'ont pas nécessairement le choix des ressources. Et, compte tenu que la demande en hébergement, à cause du vieillissement de la population, entre autres, risque d'augmenter beaucoup, il n'est pas certain que, s'il n'y a pas de mesures incitatives, il y ait un avantage à aller se faire certifier, et là-dessus j'explique par un parallèle que je vais faire.

Il y a des gens qui s'occupent d'enfants qui sont très turbulents, qui ont parfois une déficience intellectuelle associée à ça, et ces parents-là cherchent des ressources de répit. Le nombre de ressources de répit est déjà très limité, et il y a des gens qui s'improvisent dans la communauté pour offrir des services de répit et qui les offrent sans garantir nécessairement une qualité de services. Mais imaginez le parent d'un enfant très turbulent qui n'est plus capable, qui a de la difficulté parce que toutes les ressources, quand elles l'ont pris, disent qu'on ne veut plus l'avoir. Lorsqu'il y a quelqu'un qui accepte de le faire, pensez-vous qu'il y a une vérification très forte? Pensez-vous que les critères de qualité pour cette ressource-là sont vérifiés de façon ultime? Il y a un certain nombre de compromis que malheureusement le parent fait parfois, et le nombre limité de ressources par rapport à la demande qu'il va y avoir risque de causer ça.

Ça fait que, la certification, oui, idéalement il faudrait qu'elle soit obligatoire. Si ce n'est pas techniquement faisable, il faut absolument créer des incitatifs pour garantir une qualité de services.

Mme Harel: Je pense, M. Berger, que vous auriez intérêt à prendre connaissance de la réglementation qui prévaut en matière de garde en milieu familial, puisque cette réglementation fait en sorte qu'il y a des critères, y compris de sécurité mais aussi sociosanitaires, qui doivent s'appliquer, sinon c'est clandestin. Quelqu'un peut de manière clandestine, mais, à ce moment-là, il ne peut pas déclarer... Alors, il y a tout un système, là. Mais vous le décrivez comme s'il fallait l'accepter. C'est ça que je ne comprends pas dans votre présentation, en fait.

n(17 heures)n

À la page 8 de votre mémoire, vous dites également que vous soulevez deux questionnements à ce sujet, le premier étant l'ouverture qui est faite aux seuls organismes en santé mentale et non pas à l'ensemble des organismes de promotion et de défense des droits qui désireraient offrir un service d'assistance et d'accompagnement. Donc, ça semble nous faire entendre que vous voulez l'élargissement à tous les organismes de promotion et de défense des droits, l'élargissement de services d'accompagnement et d'assistance. Mais, tout de suite après, vous souhaitez que cela soit réservé aux organismes d'assistance et d'accompagnement, du fait qu'il peut y avoir une confusion, et vous la décrivez très bien, la confusion qu'il peut y avoir entre organismes de défense des droits et organismes d'accompagnement et d'assistance. Alors, ici, il y a eu beaucoup de représentations, en commission, justement pour ne pas qu'il y ait confusion et que... L'assistance et l'accompagnement, c'est une fonction dans la société, la promotion des droits, c'en est une autre, et il vaudrait mieux qu'il y ait démarcation entre les deux.

Alors, est-ce que vous nous proposez l'élargissement, ou vous nous proposez de le réserver au seuls organismes d'assistance et d'accompagnement?

M. Rodrigue (Norbert): Nous préférons le réserver aux organismes qui ont la tâche actuellement, là ? communément, on les appelle les CAAP, là ? cette mission-là. Ce que nous invitons à faire, c'est justement parce qu'on a pris connaissance de plusieurs témoignages, plusieurs documents, il y a effectivement beaucoup de questionnement sur cette question-là, et, avant d'aller dans le sens d'élargir ou même de confier, dans le secteur de la santé mentale, à un organisme communautaire... nous, on pense qu'on a intérêt à fouiller davantage cette question-là puis on pense qu'on a intérêt à débattre davantage de cette question-là. Et pour l'instant notre position première, c'est de dire: Il y a des organismes dédiés à ça, gardons cette situation-là. Dans un deuxième temps, avant de faire quoi que ce soit, il faut faire un débat là-dessus absolument parce que ça peut créer effectivement de la confusion. Et on se pose même la question à l'effet que, si les groupes visés ne sont pas eux-mêmes dans une situation ou ils comprennent mal la question... Alors, c'est un peu notre position... Un peu, c'est notre position. Ha, ha, ha!

Mme Harel: Merci.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest (Rimouski): Merci. Par rapport aux organismes de défense des droits et aux organismes de promotion, tout à l'heure, vous en avez parlé, à l'effet que certains maintenant étaient financés par le SACA, et, compte tenu de cette situation, ils sont évincés, là, du dialogue, des échanges, des partenariats avec certaines agences, et là-dessus vous avez tout à fait raison, on en a vu, là, des organismes de ce type-là.

Est-ce que vous avez une solution pour contrer ce nouveau phénomène de non-dialogue, de coupure de dialogue entre ces organismes et les principaux partenaires du réseau de la santé qui vont avoir à appliquer cette loi?

M. Rodrigue (Norbert): Bien, écoutez, moi, je sais que je n'ai pas de solution, comment dirais-je, universelle, mais, chaque fois que ça se produit, nous, l'Office, on intervient et on cherche à rétablir les ponts, on cherche à faire en sorte d'influencer les acteurs, dont l'agence, dans les circonstances, s'il s'agit d'elle, pour que les organismes... Et c'est surtout les regroupements d'organismes de promotion, de défense de droits qui nous témoignent de cette situation-là. Et on nous dit: À cause de la filière de financement, il y aurait comme quelque chose de déplacé dans la reconnaissance de la représentativité. Alors, pour l'instant ce que nous disons: nous pensons, nous, que c'est une règle et c'est un respect à rappeler aux agences, quitte à débattre avec elles. Je veux dire, nous, on le fait, mais on dit au ministère: Vous devriez aussi donner un coup de pouce là-dessus puis le faire pour rappeler aux agences que le regroupement régional qui existe, il est encore crédible, il est encore représentatif, et il nous semble que la transaction avec l'agence doit exister.

Mme Charest (Rimouski): Merci.

Le Président (M. Copeman): M. Rodrigue, Mme Marchand, M. Berger, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de l'Office des personnes handicapées du Québec. J'invite les représentants de l'Alliance des communautés culturelles pour l'égalité dans la santé et les services sociaux de prendre place à la table et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 5)

 

(Reprise à 17 h 6)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, nous poursuivons nos travaux. La commission poursuit ses travaux, et nous recevons les représentants de l'Alliance des communautés culturelles pour l'égalité dans la santé et les services sociaux. Alors, bienvenue, messieurs. Je demande à M. Jérôme Di Giovanni de présenter la personne qui l'accompagne. Vous avez 20 minutes pour nous présenter l'essentiel de votre mémoire, suite à quoi nous procéderons à des échanges avec vous. Alors, soyez les très bienvenus. Allez-y.

Alliance des communautés culturelles
pour l'égalité dans la santé
et les services sociaux (ACCESSS)

M. Di Giovanni (Jérôme): Merci beaucoup. Je désire, au nom d'ACCESSS, remercier la commission de nous avoir reçus. En premier lieu, Mme Carmen Gonzalez, qui est la présidente du conseil d'administration d'ACCESSS, s'excuse de ne pas être ici, aujourd'hui, ce matin... des raisons très personnelles, elle n'a pas pu nous accompagner. Je suis accompagné par M. Pascual Delgado, qui est l'agent de développement à ACCESSS, et, dans la salle, par Mme Adina Ungureanu, qui est l'agente de liaison. Et, s'il y a des journalistes ou des personnes qui veulent avoir un communiqué de presse d'ACCESSS, ils sont bienvenus d'aller voir Mme Ungureanu.

En premier lieu, ACCESSS est une organisation qui existe depuis 20 ans. On a toujours été impliqués dans la restructuration de la santé et des services sociaux. Nous sommes très spécifiques: communautés ethnoculturelles, santé et services sociaux. On ne dévie pas de ce travail-là.

ACCESSS est un regroupement d'environ 60 organismes des communautés ethnoculturelles situés à travers le Québec: Montréal, Montérégie, Laval, l'Outaouais, l'Estrie, Québec, ainsi de suite. On est un regroupement d'organismes qui sont centrés sur la promotion, l'insertion des communautés ethnoculturelles au niveau du réseau de la santé et des services sociaux, l'accessibilité des services, le développement d'expertise, la formation et le transfert de cette expertise-là.

Pour nous, la réforme, cette réforme-là est extrêmement importante pour une foule de raisons. Il est clair que, pour les communautés ethnoculturelles, cette réforme-là doit déboucher non pas sur des voeux pieux, sur des politiques, sur des déclarations de principe, mais sur une réelle, une véritable accessibilité, adaptation des services de santé et services sociaux, et cela, ça implique l'organisation des services, l'établissement des budgets parce que ça ne peut pas se faire de façon magique. Il faut identifier les budgets au niveau de l'accessibilité dans la dispensation des services, dans l'évaluation des besoins. Sans cela, il ne peut pas y avoir de réelle accessibilité.

n(17 h 10)n

Et de quoi parle-t-on lorsqu'on parle de l'accessibilité en termes de population? Quelques chiffres pour illustrer l'importance de la population ethnoculturelle ou immigrante ou communauté culturelle. On ne s'accrochera pas dans les fleurs du tapis au niveau des termes, mais, en 1996, il y a 23 800 personnes qui sont arrivées au Québec comme immigrants, en l'an 2000, 32 500, 2003, 39 600, prévisions pour 2007 du MRCI, 48 000, et ça, c'est des statistiques de Statistique Canada. C'est une population qui est en croissance. N'oublions pas que le présent gouvernement veut éliminer en partie le déficit démographique par l'immigration. Ça, ça signifie avoir de plus en plus d'immigrants au Québec et cela, ça signifie qu'il faut d'ores et déjà commencer à penser d'adapter les services et les rendre accessibles.

Comment le faire? Nous, on propose une série d'amendements au projet de loi, et, tout à l'heure, M. Delgado va vous parler de ces amendements-là. Comment également le faire? Tout à l'heure, avec l'OPHQ, vous avez parlé de la Charte des droits et libertés de la personne. Dans la charte, il y a un outil qu'on considère extraordinaire, qui s'appelle le Programme d'accès à l'égalité. C'est un outil, dans la partie III de la charte, qui a été incorporé en 1985 et c'est des programmes d'accès à l'égalité dans la santé et les services sociaux. Malheureusement, au Québec, on a uniquement développé l'emploi, mais je crois que, si on parle d'accessibilité, ça nous donne les outils de changement, de gestion de changement et d'évaluation des besoins, les besoins de la population dont on peut faire le lien avec l'approche populationnelle dans le projet de loi, au niveau de l'identification de l'organisation des services, au niveau de l'identification de la dispensation des services, au niveau de l'identification aussi du niveau d'accessibilité des services. Et, nous, on préconise qu'on le développe, cet outil-là, pour assurer une accessibilité équitable et selon les besoins des personnes ethnoculturelles.

Avant de passer la parole à M. Delgado, malheureusement on n'a pas pu vous soumettre un mémoire à notre goût en raison des délais, et ça, on peut le comprendre. Il y a un certain nombre de questions qu'on n'a pas incluses dans notre mémoire, et, avant de les oublier dans le feu du questionnement, on voudrait les soumettre à la commission.

Premièrement, qu'est-ce que, nous, on appelle le fameux traitement discriminatoire des immigrants ou, entre parenthèses, délai de carence, où, parce qu'on est immigrant, on doit attendre trois mois avant d'accéder aux services de santé et services sociaux, c'est-à-dire d'être couverts par le régime d'assurance maladie, si on veut augmenter l'immigration, nous, on considère que c'est une pratique inacceptable. Et un exemple. Un jeune couple, avril, mai 2003, suite à un accouchement, s'est vu présenter une belle facture de 10 000 $. Et là on veut augmenter l'immigration au Québec. On considère que c'est discriminatoire. On considère que, sur le Pacte international des droits économiques, culturels et sociaux, c'est également discriminatoire. Je crois que le Québec, aujourd'hui, a une chance pour éliminer cette discrimination.

Le deuxième élément, le vieux débat de la reconnaissance des diplômes, de l'expérience hors Québec dans le réseau de la santé et des services sociaux. Il est temps de solutionner le problème. On manque de médecins, on manque de spécialistes dans le réseau, on manque d'infirmiers et d'infirmières. Quand ACCESSS reçoit l'appel d'un médecin qui dit: Pouvez-vous me trouver un stage pour que je puisse commencer à m'intégrer ou que je puisse aller chercher cette certification pour que je puisse pratiquer la médecine... Ça, c'est il y a deux semaines. Pas il y a deux ans, trois ans, il y a deux semaines. On veut augmenter l'immigration?

Troisièmement, la recherche. Il est important qu'on se donne des outils de recherche sur toute la question de la santé par rapport aux communautés ethnoculturelles. On sait qu'au Québec, dans certaines régions, pour toutes sortes de raisons dues à la consanguinité, dues à un pool génétique très peu diversifié, il y a des maladies qui se sont développées. C'est exactement la même chose au niveau des communautés ethnoculturelles. Il est important de commencer à introduire des critères de recherche qui touchent ces Québécois et Québécoises là.

Quatrièmement, c'est toute la question de ce que, nous, on appelle la médication, l'information de la médication. Lorsque vous achetez votre petite bouteille de pilules ou vos médicaments à la pharmacie, l'instruction est en français et en anglais. Si vous ne parlez pas ces deux langues-là, eh bien, c'est à vos risques et périls si jamais il y a une combinaison de médicaments qui se fait. Il est important de s'adresser à cette question-là également.

Cinquièmement, et on parle de partenariat au niveau du réseau de la santé et des services sociaux, c'est toute la question des organismes communautaires, des communautés ethnoculturelles. Il est important d'établir un véritable partenariat avec ces organismes-là, et là on parle ici de leur rôle et aussi de leur financement. Et il est important qu'ils reçoivent un financement adéquat, même une politique de financement qui s'adresse à cette clientèle-là et qui s'adresse à ces organisations-là. On a une étude qu'on a faite à ACCESSS, qu'on pourrait soumettre, si la commission veut bien, au niveau du financement des organismes des communautés culturelles et du financement des autres organismes communautaires. Il y a un écart phénoménal en défaveur des communautés culturelles. Pourquoi? Bien, on pourrait en discuter possiblement dans un autre lieu.

Sixièmement, comment la loi n° 143, c'est-à-dire la Loi de l'accès à l'égalité en emploi dans des organismes publics et parapublics, va s'appliquer dans cette restructuration-là? C'est qu'ici pour nous c'est extrêmement important parce que ça inclut des emplois pour les membres des communautés culturelles. C'est-u par CSS? Est-ce qu'il y aurait une approche régionale?

Et en dernier lieu, pour nous, si on veut vraiment inclure les membres des communautés culturelles, si on veut vraiment adapter... et si on veut vraiment que les membres des communautés culturelles aient un réel accès aux services de santé et services sociaux, il va être important d'établir un partenariat opérationnel entre le ministère de la Santé et des Services sociaux, entre le ministre des Finances, qui établit le budget, parce qu'il faut identifier des ressources, entre le Conseil du trésor, qui voit à l'application des budgets et des programmes, et ACCESSS. C'étaient les éléments qu'on n'a pas eu le temps d'inclure, qu'on va vous soumettre. Et sur ce je vais passer la parole à Pascual Delgado.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Delgado.

M. Delgado (Pascual): Oui. Merci, Jérôme. Est-ce que ce serait possible... Je ne sais pas s'il y aurait moyen d'avoir un peu d'eau. Je souffre de diabète et puis, sans l'eau, là, à ce moment-là...

Je vais me référer directement au mémoire qui a été présenté à votre comité, surtout à la page 8. Premièrement, j'aimerais vraiment faire attention au deuxième paragraphe. Et là, pour suivre dans la même logique de M. Di Giovanni, l'important pour nous, c'est que, quand soit l'instance locale, l'agence, les CSSSS ou autres établissements concluent des ententes avec différents producteurs de services et partenaires ? les organismes communautaires, entreprises d'économie sociale, ressources privées ? ACCESSS recommande que les organismes communautaires, les entreprises d'économie sociale, les ressources privées et autres intervenants desservant une clientèle multiethnique soient inclus dans lesdits mécanismes et ententes.

Dans l'esprit de la gestion de la diversité, il faut que tous les partenariats ? et là la note 3 en effet est la même que la note 2 ? se réfèrent à l'agence de partenariat public-privé, dont nous avons ajouté une lettre qui a été envoyée par rapport au projet de loi n° 61, où nous avons fait aussi nos recommandations pour que les ententes et les partenariats public-privé tiennent compte de la diversité culturelle du Québec. Donc, la gestion de la diversité, pour nous c'est l'axe principal de recommandation et ça touche aussi évidemment la composition des conseils d'administration, des agences d'assistance locale, des établissements.

n(17 h 20)n

Le dernier paragraphe dans la page 8, ce que nous recommandons, c'est que cette composition du conseil d'administration doit refléter la diversité ethnoculturelle de la population en question, et on cite des articles du projet de loi, plusieurs qui touchent plusieurs conseils d'administration. Là, on a concentré pratiquement tous les C.A. pour démontrer que la question de la diversité ethnoculturelle, surtout dans les régions où il y a une concentration importante, doit se tenir en compte.

Aussi, le paragraphe qui touche la question de l'information, consultation, de développer des outils d'information, des mécanismes pour informer, consulter et mobiliser... Nous croyons ? c'est l'avant-dernier paragraphe ? que, dans les régions où l'on trouve des concentrations importantes de communautés ethnoculturelles, on doit traduire l'information dans les langues maternelles de ces communautés, que celles-ci doivent faire partie des consultations pour mesurer son degré de satisfaction.

Nous sommes d'accord avec l'esprit de la loi et du projet clinique dans le sens de la mesure de la qualité de la performance, la mesure de la satisfaction des usagers, mais nous sommes aussi conscients que beaucoup de communautés cultuelles vraiment n'arrivent jamais à être vraiment des usagers, dans le sens conçu actuellement par le réseau, parce qu'ils ne connaissent même pas le service, et ça, c'est très important de constater que les personnes qui sont aussi protégées par la Charte des droits et libertés du Québec, par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, si elles n'ont pas accédé, à l'heure actuelle, aux services au pied d'égalité avec le reste de la population, c'est votre devoir, comme législateurs, de s'assurer que ces individus-là, soit immigrants, réfugiés ou communautés culturelles qui vivent dans le pays depuis longtemps, ont la même qualité de soins que le reste de la population.

À la page 9, deuxième paragraphe, encore une fois nous remarquons que, l'article 133 qui traite de l'élection des membres du conseil d'administration d'un établissement, ACCESSS observe que, dans l'ancienne loi, dans le même article 133, la composante ethnoculturelle était présente comme l'un des critères de sélection des membres. Cependant, nous sommes troublés de constater que, dans la nouvelle version proposée par le projet de loi n° 83, cette particularité n'apparaît plus, et ACCESSS considère qu'elle devrait continuer de s'y trouver, compte tenu de l'importance pour l'ensemble de la diversité ethnoculturelle dans la société québécoise.

Je veux dire qu'il y a plusieurs articles, évidemment il y a un préambule, les premiers articles de la loi des services sociaux qui parlent de la diversité socioculturelle, ethnoculturelle, linguistique du pays et qu'il faut l'assurer, mais nous croyons fermement que, lors des différents chapitres du projet de loi, on doit revenir à la définition, on doit faire emphase sur la définition parce que techniquement, opérationnellement, au moment de l'application de la loi, nous croyons qu'il y a des lacunes, et on oublie un peu, disons, la diversité du pays. C'est le moment actuel de commencer à penser sérieusement à cette diversité comme composante essentielle de la société québécoise.

L'autre affaire qui touchait un peu dans le même sens que disait mon collègue directeur, M. Di Giovanni, la loi n° 143 qui touche le Programme d'accès à l'égalité en emploi au Québec, c'est excellent, et nous croyons, à la page 10, le troisième paragraphe, que l'article 376.5 remet à l'agence la responsabilité de mettre en place des moyens pour assister les établissements à leur demande ? je souligne «à leur demande» ? dans la planification de la main-d'oeuvre et le développement de leur personnel afin de favoriser la mise en commun par les établissements de services touchant la planification de la main-d'oeuvre, le perfectionnement et la mobilité du personnel. Nous croyons que ceci implique une certaine réduction des pouvoirs de planification des ressources humaines par rapport à ceux de l'ancienne régie.

Les régies régionales anciennement ? j'ai été moi-même privilégié d'être membre du conseil d'administration de la Régie de Montréal ? avaient certains pouvoirs que le projet de loi n° 83 malheureusement semble diluer. Ça va avoir un impact réel sur la gestion des ressources humaines, sur le Programme d'accès à l'égalité en emploi et directement surtout sur les minorités, qui sont le plus vulnérables. Et, comme disait Mme Harel, la vulnérabilité de cette population, c'est ce qui définit carrément son statut minoritaire. Soit qu'il soit vulnérable à cause d'une déficience physique, intellectuelle, à cause de sa race, de son sexe, de son origine nationale et autres, tel que défini par l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne. C'est ces choses qui vont avoir un impact négatif, qui seront vraiment réduites à cause de la décentralisation qu'on voit dans la gestion des ressources humaines, d'après l'article 376.5. Donc, nous croyons que la question de la gestion de la diversité doit être une composante essentielle dans la gestion des ressources humaines, et c'est exactement dans le sens que disait mon collègue: le Programme d'accès à l'égalité en emploi ne peut pas se faire sans une gestion de la diversité.

Et là finalement... Pardon?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Delgado, s'il vous plaît, il vous reste deux minutes.

M. Delgado (Pascual): Bon, enfin je vais en finir parce que vous avez certainement lu le mémoire. Je veux simplement revenir un peu à la question de la recherche. Nous avons fait une étude, une analyse d'une étude de Santé Canada, et je cite un paragraphe de cette étude. Santé Canada dit que le modèle de la santé de la population du Canada nécessite certaines modifications pour tenir compte des difficultés particulières rencontrées par les immigrants récents. Si les taux de maladie des immigrants d'aujourd'hui sont supérieurs à ceux des Canadiens de naissance, le risque accru résulte probablement d'une interaction entre la vulnérabilité personnelle et le stress lié au rétablissement ainsi que du manque de services.

Santé Canada et aussi le Task Force de M. Beiser sur la santé mentale des immigrants recommande que, dans la recherche, la recherche scientifique, on tient compte justement de cette variable pour pouvoir améliorer la santé des immigrants. Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci, M. Delgado. Merci, M. Di Giovanni. Alors, la parole est au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Di Giovanni et M. Delgado. Je trouve, dans mes documents d'accompagnement, un renseignement que je trouve très intéressant et que j'aimerais communiquer à vous et à nos citoyens. Vous savez qu'on a une ? concitoyens ? on a une banque d'interprètes familiers avec ce mécanisme-là, depuis quelque temps, dans le réseau, et on a des statistiques récentes qui nous indiquent quelles sont les 10 langues les plus importantes, en 2003-2004, pour lesquelles le service d'interprètes a été requis. Ça montre le changement un peu des populations d'immigrants qui viennent chez nous. Alors, la langue la plus demandée, c'est le punjabi dans 14 % des cas, ensuite l'espagnol, 11 %, les différentes variétés de chinois ? cantonnais, mandarin ? 7 %, le bengali et le tamoul, chacun 6 %, l'ourdou, 5 %, le vietnamien et le turc, chacun 4 %, l'arabe et le khmer, chacun 3 %, et 37 autres langues se partagent les 38 % restants. Alors, ça montre l'éventail de ce que j'appellerais le kaléidoscope culturel qui, de plus en plus, est présent parmi nous.

Évidemment, vous êtes très présents auprès des communautés de façon à témoigner des difficultés qui sont rencontrées dans l'accès aux services publics, notamment les services de santé. C'est votre mission particulière. Je pense qu'il y a quand même, cependant, des progrès qui se font, pas depuis quelques mois, depuis quelques années. Par exemple, je suis très familier avec la région Côte-des-Neiges, le quartier Côte-des-Neiges, qui a la plus forte concentration d'immigrants au Québec, et là il y a là un CLSC qui fait partie maintenant d'une instance locale qui a une mission universitaire spécifiquement touchant l'aspect multiculturel ou l'adaptation des systèmes de santé à la réalité multiculturelle.

Vous avez parlé de deux sujets qui sont, je sais, au coeur des préoccupations des communautés culturelles, parce que, moi-même, on me fait souvent des recommandations ou des représentations sur les deux, d'abord le fameux délai de carence de trois mois qui est présent depuis quelques années et, il faut le dire, qui s'applique non seulement... Il ne faudra pas donner l'impression que c'est seulement pour les immigrants qui viennent au Québec, c'est également, par exemple, pour un Québécois qui aurait passé quelques années, quelque temps à l'extérieur, à l'étranger, qui reviendrait au Québec. Le même délai de carence s'applique.

La question de la reconnaissance des diplômes, c'est quelque chose qui est excessivement important pour les communautés culturelles, notamment les diplômes des professionnels de la santé pour la question qui nous occupe aujourd'hui. Je vous donne quelques éléments qui nous montrent les progrès qu'on peut réaliser avec l'accompagnement et la préparation de tutorat, la préparation aux examens du Collèges des médecins: le taux de succès des candidats diplômés hors Canada?États-Unis est passé de 20 % à 60 %, seulement en se donnant la peine de les accompagner et de les préparer mieux à l'examen. Le nombre de personnes diplômées hors Canada?États-Unis qui s'inscrivent dans nos programmes de résidence ? vous savez, la résidence, c'est la période pendant laquelle les médecins diplômés deviennent soit des médecins de famille soit des médecins résidents pour les spécialités ? en 2002-2003, trois personnes, en 2003-2004, 30 et, en 2004-2005, 65. Alors, on a encore beaucoup de chemin à faire, on est d'accord, on est encore loin de l'endroit où vous voulez qu'on se dirige, mais je pense qu'il y a des progrès. Il y a une amélioration qui se fait depuis plusieurs années. Tout le monde se rend compte qu'il faut faciliter l'intégration de ces professionnels chez nous.

Il y a également des comités de consultation que nous avons formés, celui sur les services en langue anglaise et celui sur les communautés culturelles. Je crois d'ailleurs qu'un membre de votre organisation siège ? c'est vous-même? je voulais vous laisser le dire ? sur le comité aviseur pour les communautés culturelles. Bon, tout ça, c'est bien, mais on sait qu'il y a encore beaucoup de travail et beaucoup de progrès à faire. Si je vous demandais, dans la vie quotidienne d'une personne d'une communauté culturelle... Évidemment, il y a plusieurs problèmes, mais quels sont le ou les problèmes les plus importants, les plus récurrents auxquels cette personne doit faire face dans son accès aux services de santé et services sociaux?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Delgado?

n(17 h 30)n

M. Delgado (Pascual): En effet. Premièrement, je veux revenir un peu, avant de répondre à vos questions, M. le ministre, sur la question des interprètes. Certain qu'il y a un bureau d'interprètes à Montréal et qu'ils font un travail excellent et certain aussi que le CSSS de Côte-des-Neiges, actuellement c'est un des points principaux de compréhension, recherche et services aux communautés culturelles. Le problème généralement qui se pose par rapport à ça, c'est que, si nous voulons intégrer les communautés culturelles à certaines sociétés québécoises, évidemment, oui, dans certaines régions de Montréal où il y a des concentrations très importantes, on a besoin de faire quelque chose de vraiment urgent. Mais il ne faut pas négliger non plus les régions où les immigrants commencent à s'intégrer à travers le pays et qui auraient besoin vraiment d'une compréhension sur les problématiques, les problématiques vécues par les communautés culturelles. Certainement, ça, c'est une chose qu'il ne faut pas négliger.

Par rapport au fait qu'il y a eu des améliorations pour les professionnels médecins et autres professionnels de la santé par rapport à la reconnaissance de résidence pour les médecins et autres, l'Ordre des médecins récemment l'a dit, ça fait deux, trois semaines, que, le problème énorme de la pénurie dans nos régions, une des solutions possibles ? il l'avait recommandé ? c'est l'accélération et l'assouplissement des critères pour que les médecins diplômés hors du Québec puissent pratiquer. On sait bien qu'il y a des retraites massives actuellement des médecins qui parlent les langues ethniques et autres, et ils commencent à vieillir, à prendre leur retraite, et certains quittent le pays, et c'est très, très regrettable. On sait que ça commence à avoir un impact pour nous. C'est clair qu'il y a un impact direct sur les services au niveau terre à terre, au niveau du terrain. Donc, revenant à votre question, je crois, oui, qu'il y a une amélioration, certainement qu'il y a des efforts à faire, et les problèmes sont flagrants.

Une des principales choses qu'on constate par rapport à la recherche de Santé Canada, c'est le phénomène de ce qu'on appelle l'immigrant en bonne santé. Ce qu'on a découvert, les recherchistes, c'est que l'immigrant, en arrivant au pays, a une très bonne santé, mais, à mesure qu'il reste des années, de plus en plus qu'il reste au pays, la santé de l'immigrant commence à se détériorer. C'est vraiment à se poser des questions pourquoi. Quels sont les facteurs? Soit du stress, soit une mauvaise intégration au marché du travail, soit l'isolement, des solitudes, des manques de ressources de soutien familial et autres qui font que la santé de l'immigrant commence à se détériorer partout au Canada, pas seulement au Québec, et ça, c'est un problème qui a un impact pas seulement au niveau de la santé physique, santé mentale, émotionelle, mais c'est un impact direct sur les services.

Et, comme il ne trouve pas vraiment des fois des services adéquats ou une compréhension du professionnel, malheureusement ces services soit ne sont pas donnés, soit qu'ils sont des barrières de type... et discriminatoires à cause d'origines ethniques, raciales ou autres, soit qu'il se trouve avec des intervenants qui ne comprennent pas c'est quoi... Il n'y a aucune compréhension culturelle, sensibilité culturelle, ce qui fait qu'ils ne savent pas comment donner le service, et il y a le dumping envers les organismes communautaires, des fois, dans les régions, où, les organismes qui n'ont pas les moyens de pouvoir bien servir, l'établissement va dire: Qu'est-ce qu'ils ont fait avec cette madame africaine qui ne parle pas la langue française? Qu'est-ce qu'ils ont fait? Il y a ce qu'on appelle le dumping. Ça veut dire: des fois, ils sont envoyés vers un organisme communautaire qui n'a pas le moyen de pouvoir servir bien comme il faut cette personne.

Donc, je ne sais pas si je réponds bien, mais les problèmes de maladies, c'est constaté, on va fournir un document sur l'immigration et la santé qui parle des problèmes très spécifiques ? tuberculose, sida ? très, très spécifiques, et on constate des problèmes, des phénomènes de barrière de services qui sont flagrants.

M. Di Giovanni (Jérôme): Il y a l'élément aussi, si vous permettez, M. Couillard, de la compréhension du réseau. C'est excessivement complexe. C'est complexe pour quelqu'un qui est né ici; imaginez-vous pour quelqu'un qui arrive tout récemment ou qui ne parle pas bien la langue française ou anglaise. C'est un réseau très complexe, très compliqué. Il faut mettre en place des façons de faire ? et on est prêts à s'asseoir avec votre ministère ? des façons de faire pour diffuser l'information, sensibiliser les gens, expliquer comment le réseau fonctionne. On a un exemple par rapport au cancer du sein, les femmes au niveau de la DSP de Montréal où, nous, on a le mandat de démystifier tout cela au niveau même de l'autoexamen des seins. On a une expertise là-dedans, mais il faut vraiment, là, qu'on s'y penche sérieusement.

Et aussi l'autre volet, c'est les professionnels qui ont un inconfort culturel. La communication est extrêmement importante pour exprimer, de part et d'autre, nos besoins, que ce soient physiques, ou psychologiques, ou sociaux, et ça, c'est un problème. Puis, vous l'avez très bien illustré, la face de l'immigration change continuellement et on n'est plus dans une immigration qui est très près de la culture québécoise, de l'Europe occidentale, sémite asiatique, sémite africaine, et ça aussi, là, il faut s'adresser... Moi, je vois une différence entre un comité aviseur... Pour être un vieux routier de longue date d'un comité aviseur, il y a comité opérationnel où on s'assoit, on regarde les problèmes, on les amène d'égal à égal, de partenaire à partenaire, et on amène des solutions.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Mme la députée de Nelligan.

Mme James: Merci beaucoup, M. le Président. M. Di Giovanni et M. Delgado, bonjour. Merci pour la qualité de votre mémoire et de votre présentation aujourd'hui. C'est sûr que je me sens personnellement mais particulièrement interpellée par le travail que vous faites. Je vous remercie parce que c'est important, ce que vous faites, justement de s'assurer que vous êtes finalement la voix, surtout dans le domaine de la santé, pour les communautés culturelles. C'est sûr, avec le temps limité, que je n'aurai pas l'occasion d'aborder tout ce que j'ai en tête, mais je vais essayer de faire ça assez brièvement.

Je pense que vous l'avez très bien résumé dans l'introduction de votre mémoire, le défi qui nous présente lorsqu'on regarde les communautés culturelles en général. Que ce soit dans le domaine de la santé ou ailleurs, on souhaite l'intégration, hein, on veut une intégration. Mais, pour justement arriver à cette intégration-là, je pense qu'on doit avoir, la majorité, le gouvernement, le réseau doit avoir une compréhension. On doit s'adapter aux réalités des communautés culturelles.

C'est facile à dire mais, je le dis, pas nécessairement, vous le savez aussi, facile à faire. Une des raisons, c'est qu'on parle de communautés culturelles, on parle d'immigrants et, dans notre jargon de tous les jours, même lorsqu'on se parle, on utilise les termes de façon interchangeable, mais ils veulent dire différentes choses. Par exemple, prenons les communautés culturelles ? puis je vais vous laisser répondre là-dessus ? et les immigrants dans le réseau de la santé. De un, je dirais que les réalités, vous conviendrez avec moi, ne sont pas les mêmes. Alors, j'aimerais, premièrement, entendre de vous les différentes problématiques qui existent pour les immigrants et pour une personne qui est issue d'une communauté culturelle mais qui n'est pas immigrante.

L'autre chose ? puis je vais vous laisser aller là-dessus aussi ? c'est qu'en lisant tout ce que vous recommandez ? et je conviens avec vous l'importance de le faire ? mais je questionne aussi la faisabilité, si je le dis correctement, de comment peut-on, avec toutes les données que M. Couillard vient d'expliquer, avec tous les immigrants qui viennent ici, au Québec, comment est-ce que le réseau peut absorber tout ça. Comment peut-on faire en sorte qu'on ait toutes les mesures de traduction, ou d'accommodement, ou d'accompagnement pour les personnes? Parce que je suis d'accord avec vous que le besoin... mais j'aimerais ça si on pouvait revenir au concret. Comment peut-on le faire? Je sais que j'en ai dit beaucoup, mais je vais vous laisser...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Di Giovanni.

M. Di Giovanni (Jérôme): Ah! oui, oui. Je vais répondre à une partie de la question, puis ensuite M. Delgado. On va commencer par la fin. Comment peut-on le faire? Moi, je crois qu'il y a quelque chose au Québec qui existe, qui s'appelle les organismes communautaires des communautés culturelles, qui ont une expertise phénoménale. C'est vraiment phénoménal comme expertise. C'est des travailleurs de première ligne. Même avant que ça se rende au CLSC, ça se rende à l'hôpital puis ça se rende dans le bureau du médecin, au bureau d'une travailleuse sociale, c'est là qu'est la première ligne, l'expertise qui existe, et il faut absolument qu'on reconnaisse cette expertise non pas théoriquement, non pas idéologiquement, mais qu'on la reconnaisse aussi en termes de financement.

n(17 h 40)n

Bien financer le réseau des organismes communautaires des communautés culturelles, c'est faire de la prévention, c'est assurer une stabilité d'expertise dans ce milieu-là, parce que le problème que ces organismes-là vivent actuellement, c'est l'éclatement du personnel, c'est le surtravail, c'est le découragement, et les gens quittent. Je cherchais le terme français depuis tout à l'heure, là, mais c'est, entre guillemets, là, le «turnover» du personnel. Depuis tout à l'heure, là, j'essaie de trouver le terme français par rapport à ça, là, mais ça, il faut le reconnaître puis il faut s'asseoir puis voir comment est-ce qu'on peut bien financer ces organisations-là.

On parle des cadres budgétaires. Lorsqu'on travaille avec des budgets de 90 000 $ puis de 70 000 $ pour faire vivre une organisation, quand on reçoit des gens six jours et sept jours-semaine, en tout cas il faut le faire. Il y a l'expertise qui est là, puis il faut la reconnaître.

Il y a toute la question de l'immigration. C'est vraiment au niveau de la compréhension du réseau ? je vais passer la parole à mon collègue ? c'est la compréhension du réseau, comment ça fonctionne et aussi la formation des intervenants. On parle de formation. Pour nous, c'est à plusieurs niveaux: c'est une formation de base quand les gens sont au cégep et à l'université et ce qu'il y a dans le curriculum des professionnels de la santé: un volet communautés culturelles.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Delgado, vous avez un court commentaire?

M. Delgado (Pascual): Oui. Je voulais revenir à la question de Mme James, qui est très importante, pour vous donner des exemples de la confusion qui existe justement avec les catégories communautaire, interculturel, immigrant ou autres. Je vous donne trois exemples de ce qui affecte les Québécois d'autres origines qui sont des fois de deuxième, troisième génération, pas nécessairement immigrants. Donc, ce n'est pas des personnes récemment arrivées au pays.

La première, c'est très simple, c'est ce qu'on appelle les maladies ethnospécifiques qui touchent certaines communautés et qui sont, au niveau du dépistage, difficiles à faire le dépistage. Justement, moi, étant... je vous dis que les hispanophones, les personnes originaires des pays d'Amérique latine, les personnes d'origine africaine, afro-américaines, etc., sont généralement atteintes de certaines maladies, dont, par exemple, l'anémie falciforme, le diabète et d'autres problèmes d'hypertension qui sont des fois pas bien dépistés, et ça, c'est des personnes des fois qui sont nées ici ou de deuxième génération. Donc, on ne parle pas vraiment des immigrants. Il faut faire attention.

Le deuxième exemple que je vous donne, c'est la question de la maladie Alzheimer. Les personnes âgées qui commencent à vieillir dans nos communautés, de tous les différents groupes ethniques, au moment où elles commencent à avoir les symptômes de la maladie Alzheimer, commencent à perdre le contrôle de la langue maternelle... pas de la langue maternelle mais la deuxième langue apprise. Même si elles sont ici, dans le pays, depuis 30, 40 ans, ces personnes-là oublient le français ou oublient l'anglais et commencent à revenir à leur langue maternelle et sont des fois très difficiles à comprendre parce qu'il y a embrouillement de la langue, etc. Donc, au niveau de la maladie Alzheimer, en tant que ça s'attaque ou ça affecte les communautés culturelles, qui vieillissent comme tout le monde ? il y a un vieillissement de la population assez grand ? c'est un autre exemple.

Et finalement les problèmes de jeunes. Aujourd'hui, on vit des problèmes d'aliénation, d'isolement de jeunes, d'anomie de jeunes, et les conséquences, on le voit clairement, c'est la situation de sentiment d'anomie, d'incompréhension, d'écart avec sa famille et d'isolement, ce qui fait qu'ils tombent dans des pratiques des fois d'attitude criminelle ou autres, et là, des fois, on voit la violence qui s'enclenche dans nos écoles. C'est vraiment une situation de prévention. C'est seulement au moment de la compréhension culturelle que ces jeunes-là pourraient être aidés au niveau des centres jeunesse et autres.

Et finalement, à la deuxième question de Mme James, je veux tout simplement répondre, oui, qu'il y a deux choses qu'il ne faut pas confondre: il y a la question d'équité pour les citoyens du Québec, et ça, je dis partout, là... Et, même s'il y a une question budgétaire, il ne faut pas oublier qu'il y a une question d'équité. En bout de chemin, on est tous citoyens du Québec, citoyens et citoyennes, n'importe quelle soit la race. Donc, les services de santé et services sociaux au Québec doivent être adaptés à cette réalité diversifiée sur le plan ethnique.

L'autre question, c'est l'accessibilité dans certaines régions comme Côte-des-Neiges où il y a une forte concentration démographique. Il faut faire quelque chose de très particulier, oui, mais un grand problème qu'on a vécu depuis 20 ans, depuis la fondation d'ACCESSS, c'est qu'il y a une confusion entre l'accessibilité pour les groupes qui sont dans certaines régions de Montréal et la question de l'équité qui touche l'employabilité, la reconnaissance des acquis professionnels, des diplômes, l'employabilité à l'intérieur du réseau, l'amélioration des services et la participation dans les conseils d'administration pour les personnes issues de toutes sortes de différents groupes. Je crois qu'il y a un chemin à faire, mais c'est très, très lent, on pense, un peu trop lent pour arriver à cette équité ou égalité au point de vue culturel.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, désolé de vous bousculer, M. Delgado, c'est fort intéressant, mais le temps file. Alors, je cède la parole à la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. M. Di Giovanni et M. Delgado, bienvenue de la part de l'opposition officielle. Alors, je suis le travail exemplaire que mène ACCESSS depuis 20 ans et je vous ai connu dans une autre vie, M. Di Giovanni, à Emploi-Québec. Alors, je vois, par la composition des membres du conseil d'administration, la diversité au sein d'ACCESSS, hein? Par exemple, j'ai pu rencontrer la présidente, qui, je crois, est d'origine...

Une voix: Colombienne.

Mme Harel: ...colombienne, hein, c'est ça, et également la vice-présidente du Chantier d'Afrique, Mme Kandula, Mme Del Pozo, qui est de Vision Inter-cultures. Je sais que Mme May Chiu, qui est des Services à la famille chinoise, est très active aussi, et plusieurs autres, alors on voit la diversité au sein même d'ACCESSS.

Dans le mémoire que vous nous présentez ? je crois que c'est aux pages 10 et suivantes, là ? vous faites état de la réforme qui crée les centres des services sociaux, les 12 territoires, hein, de CSS. Alors, moi, ma question est la suivante. Jusqu'à maintenant, vous-même, ACCESSS, et les 60 organismes qui sont membres d'ACCESSS travaillez beaucoup au niveau régional. Par exemple, les Services à la famille chinoise ne travaillaient pas que sur le territoire sur lequel se trouve le CLSC des Faubourgs, même s'il y a une concentration, mais travaillaient pour l'ensemble de la communauté sur tout le territoire. Cela valait aussi pour les autres organismes communautaires financés par le SOC, n'est-ce pas, et en contact direct avec la régie à l'époque et puis qui planifiaient leurs services souvent pour le territoire qu'est l'île de Montréal.

Alors, comment est-ce que ça se présente, là, maintenant? Est-ce que vous allez avoir à signer des ententes avec 12 centres de santé et de services sociaux différents? Comment la coordination va se faire?

M. Di Giovanni (Jérôme): Une de nos craintes, c'est que cette sous-régionalisation-là, territoire par territoire, ce n'est pas uniquement à Montréal, c'est également vrai dans les autres régions où nos membres sont présents, notamment Québec, l'Outaouais et ailleurs. C'est la crainte et c'est plus qu'une crainte. Les organisations ne s'arrêtent pas au territoire du CSS, les communautés culturelles, que ce soit au niveau de la famille chinoise, si on parle de l'île de Montréal ? donnons cet exemple-là ? c'est tout l'ensemble de l'île de Montréal, de la région de Montréal, et les autres organisations, que ce soit au niveau du Chantier d'Afrique, la population issue de l'Afrique n'est pas uniquement cantonnée dans un territoire CSS et telle échelle de la région de Montréal. Ça cause problème. Ça a déjà causé problème où on avait des enveloppes budgétaires régionales qui allaient dans une planification régionale, dans une vision d'opération régionale, et les enveloppes budgétaires allaient à nos organismes membres dans ce sens-là.

Nous avons en tête même l'organisme de notre présidente qui a vu son budget envoyé au CLSC-CSS et qui a dû négocier avec ce CLSC-CSS pendant plusieurs mois pour lui faire comprendre que c'était une activité à l'échelle de la région de Montréal, ce n'est pas uniquement sous-territorial, et ça, il faut vraiment... Et c'est pour ça que, tout à l'heure, on a parlé du financement. C'était pour ça qu'on disait qu'il faut qu'on s'asseoie ensemble dans une perspective d'opérationalisation de cette législation-là pour éviter que ce soit négocié à la pièce, CSS par CSS.

n(17 h 50)n

Imaginez-vous, on vient juste d'ajouter un obstacle majeur. On est étirés en termes de ressources, on est surchargés de travail et là, s'il faut négocier, surtout à Montréal avec 12 CSS, on va vivre des problèmes majeurs. Et, je vous dis, c'est une crainte, un exemple qu'on a vécu, et il y a d'autres soubresauts qu'on commence à recevoir de nos organismes membres, en termes de craintes, et ça, il faut qu'on l'adresse opérationnellement.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Delgado, vous avez quelque chose à ajouter?

M. Delgado (Pascual): Oui, je voudrais ajouter concrètement un exemple, là. On est dans la Journée internationale de la femme aujourd'hui. Je travaille dans un projet de prévention de la violence conjugale dans un milieu multiethnique et je vous jure que la situation actuelle fait qu'il y a deux ou trois CSS à Montréal qui sont identifiés pour travailler pour la prévention et la promotion pour de meilleurs rapports familiaux et la prévention de la violence conjugale familiale.

Avant, c'était la Régie régionale de Montréal qui centralisait un peu le budget et la planification pour la prévention de la violence conjugale. Aujourd'hui, malheureusement, un effet pervers de la réforme, c'est que finalement la décentralisation dans les CSS, dans les installations fait que des fois c'est différent, le traitement sera différent, dépendant si on est à Saint-Louis du Parc ou si on se situe à Côte-des-Neiges.

Une femme haïtienne ici, au Québec, qui est victime de la violence conjugale n'importe où au Québec vit la même situation, et ça ne va pas changer si cette femme haïtienne se trouve à Côte-des-Neiges, à Chicoutimi, à Québec ou à Montréal-Nord. Cette femme-là aurait la même sorte de problèmes. Elle doit vraiment avoir la même sorte de solutions probables. Et c'est pour ça qu'ACCESSS, étant vraiment un point central, peut avoir une conception plus générale de la situation et ajouter les variables culturelles, comprendre un peu comment ça se fait que cette femme haïtienne... pourquoi la femme haïtienne en particulier serait plus ou moins victime de la violence. Et ça, c'est une compréhension culturelle. Ça ne touche pas l'arrondissement X ou l'arrondissement Y, ça touche la culture haïtienne partout au Québec.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée.

Mme Harel: Oui. Merci. Je prends l'exemple des opérations menées sur le territoire de Montréal dans la lutte du cancer du sein, hein? Vous en avez parlé tantôt, mais bon je sais que, pour certains territoires en particulier, là, où il y a une concentration de personnes d'Asie du Sud-Est, il y a même difficulté de faire valoir, hein, la mobilisation dans les programmes. Alors, il y a des approches... En fait, parlons plutôt d'approches distinctes, hein?

Moi, la difficulté... Je vois bien, dans mon quartier où j'habite depuis 24 ans, que c'est un quartier où il y a de plus en plus de concitoyens qui sont, par exemple, d'origine chinoise, d'origine africaine également et arabe, et je ne vois pas comment le CLSC ? en fait, appelons-le le CSSS Rosemont?Hochelaga-Maisonneuve? Olivier-Guimond ? comment ils vont répondre à cette réalité nouvelle, parce que ça peut prendre du temps avant qu'ils s'y ajustent. Et, si vous êtes obligés de signer des ententes CSS par CSS sur les 12 territoires, alors là je dois vous dire que l'énergie que vous allez mettre, c'est essentiellement pour que ces ententes-là soient signées et non pas pour donner des services aux gens.

Quel est le rapport que vous avez avec l'agence régionale, par exemple, à Montréal, présentement, sur ces questions-là?

M. Di Giovanni (Jérôme): Nous essayons de... Nous, on attendait une stabilité au niveau du territoire de Montréal puis... Bon, on parle du niveau du cancer du sein. Prenons cet exemple-là. J'aime mieux parler d'un dossier bien précis pour illustrer ça. Effectivement, vous avez raison, c'est des approches complètement différentes d'une communauté à l'autre, pour une foule de raisons, soit par rapport à des questions religieuses, ethniques et linguistiques. Nous avons actuellement une entente avec la Direction de la santé publique de Montréal où c'est nous qui faisons la sensibilisation au niveau du cancer du sein. On le fait en 23 langues différentes. On a du personnel qui travaille à travers les organismes communautaires pour faire ce genre de sensibilisation là.

La question qu'on pose et qu'on se pose, c'est: Qu'est-ce qui va arriver, une fois que le projet de loi va être adopté, par rapport à ce dossier-là? Est-ce qu'il va descendre dans les CSS? Et là qu'est-ce qui arrive au niveau de l'approche, au niveau d'une stratégie régionale? Est-ce que les CSS vont trouver ça très intéressant comme dossier puis ils vont commencer à intervenir? Parce que, là, on défait toute une approche systémique et toute une approche vraiment, là, d'intervention globale.

C'est également vrai par rapport à ce dossier-là si on reste dans l'île de Montréal. Il y a une stratégie de la DSP de Montréal avec une campagne de publicité dans les télévisions et les radios des groupes ethniques et aussi les journaux pour inciter les femmes des communautés culturelles à faire du dépistage, une fois qu'elles reçoivent la lettre de la DSP d'aller suivre un dépistage. Mais les formations, là, n'arrêtent pas au fleuve puis à Rivière-des-Prairies, là, dans le nord, puis au fleuve dans le sud, là. Il y a des femmes des communautés culturelles sur la Rive-Sud, en Montérégie, il y a des femmes des communautés culturelles de Laval. Ça crée un problème. Qu'est-ce que, nous, on veut dire, ici, là: il faut avoir une vision globale, il faut avoir une approche d'intervention globale. Ça peut être multirégional. Et ça s'est déjà vu dans d'autres dossiers. De grâce, faisons attention, on a des fois des effets pervers au niveau de la sous-régionalisation, parce que ça va être la santé des gens qui va être en jeu.

Mme Harel: Qui devrait orchestrer cette coordination?

M. Di Giovanni (Jérôme): Moi, je crois qu'il y a une partie de responsabilité au niveau de l'agence, il y a une partie de responsabilité au niveau du ministère pour permettre à des agences de travailler ensemble. Il faut que ça se fasse en collaboration opérationnelle. Je souligne «opérationnelle». Je ne suis pas dans une sphère de consultation, on intervient seulement à ce niveau-là avec ACCESSS.

Mme Harel: Qui est votre interlocuteur au ministère?

M. Di Giovanni (Jérôme): Actuellement, nous, on transige, au ministère, avec... Si vous parlez de financement, c'est le programme SOC; si on parle d'interlocuteur direct, c'est avec le bureau du ministre Couillard.

Mme Harel: ...dans l'organigramme du ministère, il n'y a pas un lieu, si vous voulez, là, qui est dédié au fait justement de favoriser des approches systémiques en matière ethnoculturelle. C'est ça?

M. Di Giovanni (Jérôme): Mais, nous, on n'en a pas absolument, là, on n'est pas dans ce cadre-là. C'est pour ça qu'on propose notre Programme d'accès à l'égalité santé et services sociaux...

Mme Harel: ...comité, mais, s'il n'y a pas un répondant ou un interlocuteur au ministère, bien le comité ACCESSS peut frapper le désert.

M. Di Giovanni (Jérôme): Là, je voudrais faire une distinction ici entre un comité consultatif... Moi, ça fait plus de... je ne veux pas divulguer mon âge, là, disons plus de 25 ans que je suis dans le milieu. J'ai vu beaucoup de comités consultatifs. Moi, je ne parle pas de comité consultatif, je parle d'un comité opérationnel. On est assis, ACCESSS, ministères, ministre des Finances, parce qu'il faut parler de ressources. C'est ça que l'expérience m'a divulgué.

M. Delgado (Pascual): Je voulais dire aussi, en tant que membre...

Mme Harel: Faites attention, le ministre des Finances, là, il n'en donne pas, de ce temps-ci, il veut en chercher. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée, j'avais donner la parole à M. Delgado.

M. Delgado (Pascual): Oui. Je voulais dire qu'en tant que membre de ce comité d'approvisionnement de services aux communautés culturelles je crois que l'analyse que le comité a faite du projet de loi n° 83 coïncide complètement avec l'analyse d'ACCESSS. À ce moment-là, les recommandations qui sont acheminées vers le ministre étaient dans le même sens que nous, généralement. Et aussi, ce qui touche le plan clinique, aussi il y a une coïncidence. Cela dit, certainement qu'un comité aviseur a un certain rôle qui n'est pas opérationnel. Ça veut dire: le comité aviseur n'est pas là pour donner des services ou coordonner des services. Un regroupement comme ACCESSS, qui est un organisme-parapluie qui rejoint une soixantaine de différents organismes multiethniques, a pu servir, en un certain sens, opérationnellement comme un pont ou un moyen de véhiculer les programmes spécifiques. Donc, là, on parle de deux choses différentes. Mais c'est certain que consultatif, c'est consultatif. Au point opérationnel, comme disait M. Di Giovanni, c'est certain que ce qu'il nous manque, c'est de trouver un interlocuteur, un pont qui servirait de mécanisme d'opérationalisation des programmes particuliers de projets cliniques, et c'est là que, je crois, ACCESSS peut jouer un rôle très important.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Je comprends qu'il n'y a plus de question du côté de l'opposition. Je remercie M. Di Giovanni et M. Delgado, et la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, mercredi 9 mars, 9 h 30, à la salle Louis... à la salle Louis-Joseph-Papineau.

(Fin de la séance à 18 heures)

 


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