(Neuf heures trente-six minutes)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare ouverte la séance de la Commission des affaires sociales.
Je vous rappelle notre mandat. Nous sommes réunis afin de procéder à une consultation générale et à tenir les auditions publiques sur le projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Auclair (Vimont) va être remplacé par M. Morin (Montmagny-L'Islet); M. Bachand (Arthabaska) par Mme Legault (Chambly); Mme Lefebvre (Laurier-Dorion) par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve). Voilà.
Le Président (M. Copeman): Je vous rappelle que l'utilisation des téléphones cellulaires est strictement interdite dans la salle, et je prierais tout ceux qui en font usage de bien vouloir les mettre hors tension.
Nous avons une journée très chargée. Nous allons débuter dans quelques instants avec les remarques préliminaires; la présentation et l'échange avec trois groupes, ce matin: l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, le Collège des médecins du Québec et l'Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du Québec; une suspension à 13 heures; et nous reprenons nos travaux à 14 heures.
Compte tenu de cet horaire chargé, je vous avise, chers collègues et ainsi à tous ceux qui vont faire des présentations, que je vais être très sévère concernant l'utilisation du temps. C'est-à-dire, à 20 minutes, je vais arrêter les présentations puis à 20 minutes je vais arrêter les échanges entre les parlementaires et les invités, même si on est... bien, mi-phrase, tu sais, peut-être je vais permettre de terminer la phrase, mais je connais du monde qui sont capables de terminer une phrase pendant 10 minutes. Ça fait qu'on va être sévère.
Il y a une petite confusion avec les remarques préliminaires: je vais permettre des remarques préliminaires de 20 minutes de chaque côté de la table, incluant la députée indépendante. Si on n'utilise pas les 20 minutes au complet, nous allons économiser le temps.
Remarques préliminaires
Mais, sans plus tarder, je reconnais M. le ministre de la Santé et des Services sociaux pour ses remarques préliminaires, pour une période d'une durée maximale de 20 minutes.
M. Philippe Couillard
M. Couillard: Merci, M. le Président. Bonjour, chers collègues de l'Assemblée nationale ainsi que mesdames et messieurs. Le projet de loi qui fait l'objet de la consultation qui débute aujourd'hui s'inscrit dans la foulée de la sanction, en décembre 2003, de la loi n° 25, Loi sur les agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux. On se souvient, M. le Président, que cette loi avait pour but de mettre en place une organisation de services de santé et de services sociaux intégrée, qui visait à rapprocher les services de la population et à favoriser le cheminement des citoyens et des usagers dans le réseau sociosanitaire.
La loi n° 25 transférait également, pour une période de transition, les fonctions et responsabilités des anciennes régies régionales aux agences. Ces agences ainsi créées devaient définir et proposer un modèle d'organisation basé sur un ou plusieurs réseaux locaux de services de santé et de services sociaux. On a donc créé de nouvelles instances locales, devenues des centres de santé et de services sociaux, issues de la fusion entre un centre local de services communautaires, un centre d'hébergement de soins de longue durée et, le cas échéant ? pas dans tous les cas, le cas échéant ? un centre hospitalier.
Jusqu'à l'adoption des nouvelles règles soumises à l'adoption des députés par le présent projet de loi, le ministre de la Santé et des Services sociaux s'est vu confier la responsabilité de nommer les 16 membres du conseil d'administration de l'agence et de proposer les 15 personnes agissant à titre de membres provisoires du conseil d'administration de ces centres pour une période de deux ans. En juin 2004, 95 réseaux locaux de services ont, dans ce contexte, été créés par le gouvernement à la suite d'une consultation publique réalisée dans chacune des régions sur la base de propositions formulées dans la région.
Au coeur du réseau local de services, le centre de santé et de services sociaux est la nouvelle catégorie d'établissements mandatés pour agir à titre de palier local de gestion comme un établissement dispensataire de services en tant que centre de coordination du réseau local de services qui inclut des partenaires autour de cet établissement. Et ainsi, M. le Président, le réseau québécois de la santé et des services sociaux est passé de 337 à 199 établissements publics.
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(9 h 40)
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La modification de dispositions législatives existantes et l'adoption de nouvelles dispositions sont donc nécessaires afin de soutenir la mise en place et le bon fonctionnement de ce nouveau mode d'organisation et d'en arriver aux finalités, qui est l'amélioration des services et le rapprochement de ceux-ci de la population. Parce qu'effectivement la plus grande décentralisation des responsabilités vers le palier local de gestion ? le centre de santé et de services sociaux ? rend particulièrement nécessaires la révision et l'adaptation des responsabilités des autres établissements, des agences et du ministre de la Santé et des Services sociaux.
Le projet de loi, M. le Président, concerne quatre éléments: la gouverne, les mécanismes de traitement des plaintes, la certification des résidences privées et enfin la circulation de l'information dans le réseau de santé et de services sociaux. Pour ce qui est de la gouverne, elle demeure structurée en trois paliers d'organisation, soit les établissements, les agences régionales et le ministère. Cependant, nous l'avons prévu depuis le début et c'est dans le projet de loi, un centre de santé et de services sociaux pourra exercer les responsabilités d'une agence lorsque la délimitation territoriale des deux entités correspond et que les conditions sont réunies. Les relations entre ces paliers de gestion doivent être adaptées donc par un nouveau mode d'organisation de services qui doit être mis en place suite à l'entrée en vigueur de la loi n° 25.
Le projet de loi soumis, aujourd'hui, à la consultation propose donc de définir ou de préciser les responsabilités de chacun des types d'établissements et de chacun des niveaux de fonctionnement de notre système de santé et de services sociaux. Le centre de santé et de services sociaux devra notamment définir un projet clinique et organisationnel pour son territoire en collaboration avec ses partenaires, c'est-à-dire les établissement, les médecins des cliniques médicales ou les groupes de médecine de famille et le milieu communautaire.
Et je tiens à ajouter, M. le Président, suite à un article paru dans le journal, ce matin, que l'article 6 de la loi de santé et services sociaux, garantissant à chaque citoyen le libre choix du professionnel d'établissement, n'est en aucune façon modifié par ce projet de loi, et nous ajoutons à cette liberté de circulation et de choix une offre de services mieux établie, le plus près possible des gens.
Donc, le centre de santé et de services sociaux doit faire ce projet ? ils sont actuellement au travail afin d'établir ce projet clinique ? accueillir, évaluer, diriger, accompagner les personnes et leurs proches vers les services de santé et les services sociaux; coordonner les services au palier local; convenir d'ententes et de mécanismes requis pour assurer l'accès aux services spécialisés et surspécialisés; prendre des dispositions nécessaires pour informer la population, la consulter, la mettre à contribution et connaître la satisfaction à l'égard des services offerts et des résultats obtenus; et surtout et de façon très importante, dans la nouvelle mouvance des systèmes de santé, susciter et animer les collaborations intersectorielles afin d'agir sur les déterminants de la santé.
En sus des responsabilités reliées à leurs missions respectives, le centre hospitalier, le Centre de protection de l'enfance et de la jeunesse et le centre de réadaptation devront pour leur part contribuer à la définition du projet clinique, préciser leurs offres de service au niveau des palier local, régional et, dans certain cas, suprarégional, et participer à la mise en place des moyens nécessaires pour assurer l'accessibilité et la continuité des services.
Les agences, qui deviendront, en vue du présent projet de loi, les agences de santé et de services sociaux ? un nom un peu plus simple que le nom actuel ? devront être dotées de leviers de gestion, de coordination et concertation adaptés à leurs nouvelles fonctions. De fait, le palier régional de gestion aura pour mission première de soutenir le développement et le bon fonctionnement des réseaux locaux, d'assurer les arbitrages nécessaires et procéder à l'allocation des ressources financières en lien avec les objectifs régionaux et nationaux poursuivis.
Dans ce nouveau contexte organisationnel, M. le Président, les agences ne sont plus à l'avant-scène de la programmation et de l'organisation des services. C'est donc le palier local, plus près des gens, qui va adapter ses services aux caractéristiques spécifiques de la population dont ils ont la responsabilité. Cependant, bien sûr, les agences continueront cependant d'exercer des fonctions régionales eu égard à la santé publique et aux services préhospitaliers d'urgence, par exemple.
Toujours au chapitre du partage des responsabilités entre les différents acteurs, le projet de loi prévoit que le ministre lui-même concentrera ses actions autour de ses responsabilités que sont la planification, le financement, l'allocation des ressources, le suivi et l'évaluation des résultats.
Et, parce que l'intégration des services spécialisés et surspécialisés s'avère essentielle, il a fallu ? et nous l'avions fait de façon administrative dès notre arrivée au gouvernement, mais ceci est confirmé dans la loi actuelle ? créer quatre réseaux universitaires intégrés de santé, qui associent tous les établissements à vocation universitaire d'un territoire, l'université à laquelle ils sont affiliés, les agences et les autres établissements dans le but d'organiser ces services spécialisés et surspécialisés sur tout le territoire du Québec. La cohérence d'ensemble des activités de ces réseaux universitaires sera assurée par une table de coordination présidée par le ministère et rassemblant tous les acteurs concernés. La création de cette table, M. le Président, ainsi que les modalités relatives à son fonctionnement sont également prévues dans le projet de loi.
Pour ce qui est de la qualité des services, M. le Président, au cours de la dernière année, des travaux importants ont été menés au ministère et avec des collaborateurs externes dans le but d'améliorer la qualité des services offerts dans les résidences privées et pour personnes âgées et de bonifier le régime d'examen des plaintes. À cet effet, comme nous nous étions engagés à le faire, un groupe de travail formé principalement des représentants concernés du milieu a reçu le mandat d'analyser les mécanismes d'examen des plaintes en place et de formuler des recommandations pour en accroître l'efficience. Ce groupe de travail a formulé ses recommandations en tenant compte des difficultés actuelles des usagers lorsqu'ils désirent porter plainte mais également des ajustements nécessaires qui sont requis pour améliorer donc le fonctionnement de ce système.
S'inspirant des résultats de ces travaux, la proposition législative soumise à la consultation publique prévoit, M. le Président, l'adoption de mesures additionnelles visant à garantir la qualité des services offerts par les résidences pour personnes âgées et la restructuration du fonctionnement des mécanismes d'examen des plaintes et des mécanismes devant garantir la qualité des services.
En outre, la population est préoccupée par la qualité des services et des soins offerts dans les résidences pour personnes âgées, et plusieurs organismes publics, tels que le Vérificateur général, le Curateur public, le Protecteur des usagers, ont fait état de cette même préoccupation. Et c'est pourquoi le projet de loi propose la mise en place d'un processus de certification de conformité avec critères sociosanitaires pour l'exploitant d'une résidence privée. Le processus suggéré prévoit une certification d'une durée de deux ans, renouvelable, que les critères sociosanitaires soient déterminés par règlement et que l'agence de santé régionale ait la responsabilité de délivrer ce certificat de conformité.
Les propositions visant l'amélioration du régime des examens des plaintes et des mécanismes devant garantir la qualité ont pour objet, M. le Président, d'axer clairement l'approche du régime d'examen des plaintes sur les besoins et les attentes des usagers, d'améliorer l'information sur les droits des usagers et les recours mis à leur disposition et mettre en place l'ensemble des mécanismes requis à cette fin.
Plus spécifiquement, les dispositions prévoient la création de comités de vigilance relevant du conseil d'administration dans tous les établissements et les agences, ayant pour fonction de promouvoir et d'assurer le respect des droits des personnes et la qualité des services; la présence de comités d'usagers dans tous les établissements et la présence de comités de résidents dans chacune des installations des milieux d'hébergement; la présence de commissaires locaux et régionaux aux plaintes relevant du conseil d'administration de l'établissement ou de l'agence, exerçant des fonctions exclusives avec un pouvoir d'initiative renforcé; l'élargissement du mandat des centres d'assistance et d'accompagnement aux plaintes afin, en particulier, de leur permettre d'assister et d'accompagner les personnes déposant une plainte qui fait l'objet d'un examen devant le Conseil des médecins; et enfin le rattachement du Protecteur des usagers en matière de santé et services sociaux au Protecteur du citoyen. Cette disposition, en plus d'accroître la crédibilité de l'ensemble des mécanismes des plaintes, répondra aux attentes manifestées par plusieurs groupes, dont les usagers, de pouvoir disposer de recours indépendants de notre réseau. De plus, un rapport annuel sera déposé à l'Assemblée nationale par le Protecteur.
Maintenant, il est question également de l'informatisation et de la circulation de l'information clinique. On se souvient, M. le Président, que la mise en place de ces réseaux locaux de santé et de services sociaux avait pour but d'assurer à la population un meilleur accès à des services de qualité, plus continus, et tous se sont entendus sur les leviers nécessaires et les déterminants du succès éventuel de cette opération d'intégration et d'établissement d'une meilleure continuité de services. Et, parmi les leviers et les prérequis nécessaires au succès de ces changements en termes de qualité de service, tous se sont entendus pour parler de façon prioritaire de la plus grande circulation de l'information entre les différents acteurs de notre système de soins et de services sociaux.
Parce que la loi actuelle a été adoptée à une époque où tous les renseignements étaient conservés sur papier, dans un contexte de soins qui ne supposait pas l'intervention de plusieurs professionnels exerçant dans des milieux différents, la législation actuelle pose des contraintes importantes à la circulation de l'information clinique et limite l'action des professionnels du réseau, et limite donc la capacité, à ces professionnels, d'offrir des services plus continus, mieux adaptés aux besoins des gens.
Actuellement, on ne permet pas aux professionnels qui dispensent des services dans le réseau d'accéder en temps utile aux renseignements de santé de la personne qu'ils traitent ? par exemple, les résultats de laboratoire, de radiologie, le profil pharmacologique qu'une personne âgée consomme. Elle interdit la conservation des dossiers des patients par un établissement ailleurs que dans ses murs, ce qui rend difficile et parfois impossible la communication des renseignements de santé d'une personne entre les divers intervenants. Elle ne prévoit pas non plus, la loi actuelle, la possibilité de créer des dépôts de renseignements de santé accessibles aux intervenants oeuvrant dans un réseau local de soins et de services, ce qui limite la capacité des différentes organisations à assurer la continuité des services pour une même personne.
On sait qu'au Québec et ailleurs au Canada la nécessité d'améliorer la circulation des renseignements entre les différents intervenants pour assurer une prestation plus efficace des services, une meilleure utilisation des ressources et la pérennité du système de santé est reconnue. Les commissions Kirby, Romanow et Clair ont toutes noté qu'il n'y aura pas de réelle intégration des services sans système fiable de circulation de l'information clinique respectueux du consentement des patients ? nous y reviendrons au cours de nos débats ? de la confidentialité des données personnalisées et de la sécurité des échanges d'information dans le réseau.
La majorité des 88 mémoires reçus dans le cadre de nos travaux vont dans le même sens, c'est-à-dire: l'opportunité de permettre la circulation électronique de l'information clinique n'est plus vraiment l'objet de débat, ce sont sur les moyens d'y parvenir et l'encadrement de ces moyens que les opinions varient et que porteront nos travaux. Et nous sommes dans une attitude d'écoute et nous sommes bien sûr, M. le Président, ouverts à toute modification qui verrait bonifier les propositions que le projet de loi renferme.
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(9 h 50)
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Le projet s'inspire de nombreux avis qui ont été produits au Québec et au Canada sur le sujet, de même que des travaux en cours dans quatre provinces canadiennes qui ont déjà légiféré en la matière. Donc, le Québec est en retard, doit rattraper ce retard dans le cadre législatif, permettant la libre circulation de l'information. Il s'inscrit aussi dans un courant mondial qui a vu le président des États-Unis commander l'accélération de l'informatisation des soins de santé pour assurer une efficience et une sécurité accrues, et l'adoption, en France, d'une loi sur la création du dossier médical personnel, en août 2004.
Sachez cependant ici, et ça doit être très clair, que le gouvernement ne cautionnera aucun changement qui pourrait compromettre la protection des renseignements personnels et, ce faisant, mettre en péril la confidentialité qui cimente la relation de confiance entre les professionnels du réseau et leurs patients. Je souhaite plutôt que la discussion des prochains jours mette en lumière tous les moyens qui s'offrent à nous pour soutenir cette relation de confiance. Et ces moyens pourront servir à bonifier le cadre légal que nous proposons dans notre projet de loi en regard de la circulation de l'information clinique nécessaire à la mise en opération véritable des réseaux locaux de services.
Le cadre législatif prévoit la mise en place de dépôts régionaux de renseignements de santé, pour les personnes qui y consentent, afin de fournir des informations de base aux intervenants autorisés au moment opportun et quand cela est nécessaire. Le consentement de la personne devra être éclairé et serait révocable en tout temps. Ces dépôts régionaux faciliteraient considérablement la prise en charge des personnes dans les réseaux locaux de services et l'amélioration de la qualité des services qui leur sont rendus. Il importe de comprendre que ces renseignements seraient accessibles seulement pour fournir des soins ou des services de santé à la personne concernée. Personne ne pourrait y avoir accès pour une autre raison, y compris les assureurs privés, la CSST, la Société d'assurance automobile ou toute autre organisation, et ce, même si la personne concernée les y autorise.
Pour garantir aux citoyens la confidentialité de leurs renseignements de santé, des mécanismes rigoureux de contrôle sont proposés afin de: s'assurer que la personne concernée par une demande d'information a exprimé son consentement à la circulation de ces renseignements de santé; vérifier l'identité et les droits d'accès des intervenants qui font une demande d'information; établir et conserver les profils d'accès consentis à chaque intervenant; et garder une trace de tout accès aux renseignements conservés, qui permet de savoir qui a accédé à quel renseignement, à partir d'où l'accès s'est fait et à quel moment il a eu lieu.
La discussion principale, M. le Président, je crois, portera non pas sur les dépôts régionaux, mais la circulation de l'information, à l'intérieur même du réseau de services, entre l'établissement de santé et ses partenaires. Et nous aurons l'occasion, j'en suis certain, d'avoir des échanges très intéressants en la matière, qui pourront, je l'espère, donner lieu à des bonifications de nos propositions législatives.
Comme maillon de la chaîne de soins et de services, la RAMQ, la Régie de l'assurance maladie, serait aussi mise à contribution pour certains éléments, mais certains éléments seulement; entre autres, pour vérifier si une demande d'accès à des données vise une personne qui a consenti à la conservation de ses renseignements de santé, si ce consentement est toujours valide et si la personne qui fait la demande a le droit d'accéder à ces renseignements. Les attitudes et attentes de la population illustrent l'importance critique d'un juste équilibre entre, d'une part, la protection de la vie privée des personnes et de la confidentialité de leurs renseignements personnels et, d'autre part, l'accès à ces renseignements dans le but de fournir des soins et des services.
Si la population s'inquiète de la protection des renseignements personnels, ses préoccupations concernant la qualité et l'efficacité du système de santé et de services sociaux prennent le dessus. Et c'est d'ailleurs ce que révélait une enquête pancanadienne de la firme Ekos sur la protection de la confidentialité des renseignements personnels, réalisée en novembre 2004. Et, lorsqu'il s'agit de la protection de ses renseignements de santé, la population exprime un niveau élevé de confiance envers les professionnels de la santé de première ligne, ceux mêmes qu'ils rencontrent dans leurs démarches quotidiennes dans notre réseau.
À cet égard, le projet de loi reconnaît l'autorité des intervenants cliniques sur la circulation de l'information de santé. Et en effet la gestion des droits d'accès relève d'autorités compétentes en matière clinique, comme les directeurs des services professionnels ou les autorités comparables aux cliniques privées. Dans tous les cas, seuls les renseignements nécessaires à la prestation de soins et de services pourraient être communiqués à des intervenants qui sont habilités à les recevoir, conformément au principe de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.
Le projet de loi prévoit en outre, M. le Président, que le ministre de la Santé et des Services sociaux pourra, de sa propre initiative ou à la suite d'une plainte, faire enquête sur les pratiques et les procédures d'une agence ou d'un établissement autorisé à conserver des données. Des pénalités sévères seront aussi prévues pour toute personne qui ne se conformerait pas aux règles relatives à la confidentialité et à la protection des renseignements.
Je souhaite, M. le Président, qu'au terme des travaux de la commission nous aurons fait converger les points de vue sur les moyens à prendre au Québec pour enfin permettre la communication électronique de l'information clinique en temps opportun aux professionnels qui la requièrent pour et dans le but de livrer une prestation de qualité, et ce, dans le respect de la confidentialité des données.
Je terminerais, M. le Président, sur deux préoccupations qui me tiennent particulièrement à coeur, à savoir les médicaments et les services pharmaceutiques. Des travaux entourant l'élaboration de la politique du médicament, et tout particulièrement la mise en oeuvre qui en découlera, invitent à prévoir, dès à présent, la mise en place de mécanismes qui favoriseront la gestion efficace et efficiente de cet important secteur d'activité. Le projet de loi propose donc à ce chapitre que les ententes de services entre établissements, organismes ou personnes puissent porter sur l'acquisition, la préparation et la distribution de médicaments. Il recommande aussi, M. le Président, la création d'un comité régional sur les services pharmaceutiques, qui rassemblera des représentants des pharmaciens propriétaires, des pharmaciens oeuvrant dans les pharmacies communautaires ou en établissement et des chefs de départements de pharmacie.
Ce comité aura essentiellement pour mandat, d'une part, de faire des recommandations sur la planification de la main-d'oeuvre pharmaceutique et l'organisation des services dans la région, dans la perspective de soutien des réseaux locaux de services, et, d'autre part, donner des avis sur l'accessibilité et la qualité des services pharmaceutiques et sur des projets concernant l'utilisation des médicaments.
Là-dessus, M. le Président, je vous remercie de votre attention et espère que nous aurons des débats fructueux qui amèneront la bonification des modifications que nous suggérons au cadre législatif de notre système de santé.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, tout en rappelant qu'à ma gauche nous avons une période maximale de 20 minutes, et je suis informé, avisé que Mme la députée de Lotbinière désire également faire des remarques préliminaires, il faut que ça rentre dans le cadre du 20 minutes. Je cède maintenant la parole à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Alors, M. le Président, je vous salue. Je sais que nous aurons de nombreuses heures à travailler ensemble. M. le ministre, mes chers collègues, mesdames et messieurs, débute une commission parlementaire extrêmement importante. Il s'agit d'un projet de loi qui contient 282 articles et qui modifie 44 lois différentes. Le projet de loi n° 83 est bien loin du projet de loi d'harmonisation dont a parlé le ministre lors de son dépôt, en décembre dernier. Il y aurait même eu matière à cinq projets de loi distincts tellement les sujets abordés sont différents et tellement les enjeux sont importants.
Je voudrais, M. le Président, tout de suite vous assurer, ainsi que les membres de la commission, de notre volonté de participer à des échanges fructueux pour bonifier un projet de loi qui en a bien besoin, également pour signaler qu'à la demande de dizaines et de dizaines d'organismes communautaires nous réitérons que, compte tenu de la très grande complexité du projet de loi, bien peu de temps a été accordé aux organismes pour se préparer adéquatement. 52 organismes communautaires, syndicaux, religieux et des comités de citoyens ont demandé au ministre de reporter le début de cette commission parlementaire; le ministre a choisi de n'en faire rien.
Mais cependant il faut rappeler que c'est un projet de loi qui, dans le passé, n'a jamais été à la fois discuté et adopté dans la même session. À l'Assemblée nationale, j'ai fait préparer un tableau par la Bibliothèque de l'Assemblée nationale, et on voit bien que, depuis Mme Thérèse Lavoie-Roux jusqu'à maintenant, notamment à l'époque de M. Marc-Yvan Côté ? qui a tenu la plus longue commission parlementaire de toute l'histoire de l'Assemblée nationale sur la Loi des services de santé et de services sociaux ? il a toujours été de soi que c'était un projet de loi qui devait mener à une consultation et qui devait donner du temps aux changements. Alors, je ne voudrais pas que, cette fois-ci encore... Parce que, vous savez, c'est la règle, jamais le ministre de la Santé, depuis son arrivée au Parlement, n'a fait adopter une seule loi en santé ? je ne parle pas de services sociaux ? sans que ce ne fût par le bâillon. Alors, je le mets en garde cette fois-ci: une fois de plus, ce serait une fois de trop.
Alors, que contient ce projet de loi n° 83? Des changements extrêmement importants, notamment sur le consentement de l'usager. La règle devient l'exception. Lorsque le ministre a fait sa conférence de presse, en décembre dernier, il a fait état, et je le cite, d'un avis de la Commission d'accès à l'information, et il a réitéré le fait que cet avis serait disponible au moment du début des travaux de la commission parlementaire. Et il disait d'ailleurs, et je le cite: Nous ne pensons pas que la Commission d'accès à l'information ait actuellement des objections majeures de fond sur aucun des sujets qui sont contenus dans le projet de loi n° 83. Alors, nous avons fait une demande d'accès à l'information pour obtenir cet avis dont le ministre avait dit, et je le cite: «On pourra le rendre disponible [...] certainement lors des commissions parlementaires ou avant.»n(10 heures)n Alors, suite à cette demande d'accès à l'information qui nous a été refusée, on nous a fait valoir que c'était au Conseil exécutif que cet avis avait été requis. Nous avons fait cette demande d'information au Conseil exécutif, qui nous a reportés, et nous avons fait la demande à la CAI elle-même, qui ne nous a pas donné de réponse. Alors, le fait est, M. le Président, que je demande, ce matin, au ministre de donner suite à l'engagement qu'il avait pris le 10 décembre dernier et de nous transmettre cet avis de la Commission d'accès à l'information sur le projet de loi n° 83.
Donc, quand on fait lecture du mémoire de la Commission d'accès à l'information, on se rend compte que dorénavant la règle qui était celle du consentement de l'usager devient l'exception, sauf en conservation. Il y a eu confusion dans les propos du ministre entre la conservation au niveau des dépôts régionaux et la transmission de l'information, la circulation de l'information concernant le patient. Les renseignements contenus au dossier d'un patient pourraient être dorénavant, en vertu du projet de loi n° 83, communiqués sans son consentement, article 19.0.3, non seulement à l'intérieur des établissements du réseau de santé, mais également à un organisme communautaire, à une entreprise d'économie sociale ou à un service privé. C'est là, je pense, un exemple flagrant du virage à 180 degrés qui se fait dans un projet de loi fourre-tout en quelque part et qui n'a pas permis encore un débat public mais qui ne pourra pas en faire l'économie. Il y aura un débat public sur cette question parce que non seulement l'usager perd son droit de consentir à la communication de données le concernant, mais en plus il ne sera pas informé des échanges de renseignements qui vont se produire à son sujet. Alors donc, un dossier extrêmement important pour l'opposition officielle.
Également, celui de la certification facultative des résidences pour personnes âgées. Il faut donc se rappeler que le projet de loi prévoit que les agences de santé et de services sociaux pourront dorénavant délivrer un certificat de conformité aux exploitants de résidences privées pour personnes âgées qui respecteront certains critères. C'est en apparence une mesure très séduisante, mais elle est incomplète et insuffisante. D'abord, on ne connaît pas les critères. Les critères, le ministre avait dit qu'ils pourraient être discutés en commission parlementaire, alors je lui demande également de nous en informer parce que tout ça peut être une coquille vide si on ne sait pas finalement quels sont les critères qui seront appliqués.
Mais, au-delà de cela, il faut se rappeler que cette certification est facultative pour les résidences privées de personnes âgées et qu'elle ne s'applique pas aux résidences privées qui hébergent également des personnes jeunes, âgées ou adultes aux prises avec une déficience intellectuelle, avec une déficience physique ou encore avec un problème de santé mentale. Et il faut donc se rappeler que cela ne permettra pas au Protecteur des usagers, qui relève maintenant du Protecteur des citoyens, mais ça ne permettra pas au Protecteur des usagers, même s'il y a signalement, d'exercer sa compétence, puisqu'elle est restreinte seulement aux résidences privées qui détiennent ce certificat de conformité. Donc, toutes celles qui ne le détiennent pas et qui vraisemblablement pourraient offrir des conditions précaires aux personnes qu'elles hébergent parce qu'elles ne cherchent pas à obtenir ce certificat de conformité ou parce qu'elles ont cherché à l'obtenir et qu'elles ne l'ont pas obtenu parce qu'elles ne répondent pas aux critères, eh bien, le Protecteur des usagers dorénavant ne pourra pas exercer sa compétence auprès des personnes vulnérables qui y sont hébergées.
Également, il y a une confusion dans le partage des responsabilités entre les instances locales, les agences régionales, les RUIS, là, c'est-à-dire ces réseaux universitaires intégrés de services, le ministère et le ministre. Alors, presque tous les mémoires qui nous ont été transmis et dont on a pu prendre connaissance, ces mémoires sont très, très, très sévères. On parle de confusion, manque de clarté, disparités intra et interrégionales, de sectorisation ? j'y reviendrai ? de réduction du panier de services, etc. C'est finalement une question qui va être au coeur... puisque ce projet de loi, dans l'objectif premier, consistait à vouloir redéfinir le partage des responsabilités dans le secteur de la santé et des services sociaux. Alors, qu'en est-il, là, de cette compétence exclusive, de cette compétence clinique exclusive qui est dorénavant attribuée à l'instance locale qu'on appelle le centre de santé et de services sociaux? Alors cela évidemment va demander d'être éclairci parce que, quand c'est tout le monde, c'est personne, et en quelque part il y a une confusion que l'on constate d'une manière très, très généralisée dans tous les mémoires entre le niveau de responsabilités qui est dévolu avec le projet de loi n° 83.
Également, M. le Président, un mot sur la réduction de la participation des citoyens. Le projet de loi n° 83 abolit le forum des populations qui existait depuis peu, là, trois ans maintenant, dans chacune des régions. Beaucoup de mémoires disent au ministre: Oui, il y avait des difficultés de fonctionnement, mais il fallait bonifier et non pas l'abolir. Également, le pouvoir de faire des recommandations, qui, dans la loi actuelle, était également confié aux organismes socioéconomiques, maintenant est exclusivement attribué aux conférences régionales des élus, alors ce sont les CRE dorénavant, les élus municipaux, qui seront les seules à pouvoir faire des recommandations au ministre quant à la nomination des membres du conseil d'administration des agences régionales. Quand on sait que le gouvernement avait considérablement réduit le nombre de conseils d'administration, donc le nombre de citoyens qui siègent sur ces conseils, on comprend maintenant que ce sont dorénavant les élus municipaux qui feront des recommandations quant aux personnes citoyennes qui devront siéger sur ces conseils.
Et puis cette compétence restrictive et limitée du Protecteur des usagers dont j'ai déjà dit deux mots ? on y reviendra, bien évidemment ? puisque le Protecteur des usagers ne pourra plus intervenir auprès des personnes qui voient leur situation précaire... en fait ne plus être sous examen du Protecteur des usagers, si tant est que leur résidence n'a pas un certificat de conformité ou qui sont hébergées dans des résidences qui n'hébergent pas des personnes âgées.
Alors, ce qui m'inquiète également, c'est le changement d'appellation du commissaire local à la qualité de services pour celle de commissaire aux plaintes, local aux plaintes, non pas parce qu'il y a un problème d'appellation, c'est parce que finalement on restreint la compétence du commissaire local aux seules situations qui pourraient être admissibles à une plainte en vertu de la loi et non pas à un examen plus systémique, si vous voulez, d'une situation qui pourrait être améliorée dans l'établissement. Alors, on ne sait toujours pas d'ailleurs ce qu'il advient du Commissaire à la santé et au bien-être dont le gouvernement, au moment de la campagne électorale, s'était engagé à ce qu'il relève de l'Assemblée nationale et qu'il soit impartial et indépendant.
Nous aurons comme opposition officielle l'intention ferme, dans le contexte des prédispositions libérales à la privatisation et à l'élargissement de la tarification pour les usagers, nous aurons, durant l'étude de ce projet de loi ou lors de son examen article par article, cette préoccupation d'introduire, dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux, les principes de gestion publique, d'intégralité, d'universalité et d'accessibilité des services de santé et des services sociaux, qui sont malmenés actuellement.
Alors, M. le Président, il me reste deux minutes pour vous rappeler que nous sommes en février 2005. Il y a deux ans, le chef du gouvernement, M. Charest, disait... en fait, le chef du gouvernement, le premier ministre, disait ceci, et je le cite: «Nous allons combattre l'attente sous toutes ses formes, nous allons répondre aux besoins de tous les Québécois à toute heure du jour ou de la nuit. Afin que les personnes malades quittent l'urgence, nous ouvrirons des lits sur les étages des centres hospitaliers, nous leur trouverons une place dans un CHSLD.» Deux ans plus tard, aucune place de plus dans un CHSLD. Grâce à la loi d'accès à l'information, nous avons maintenant la liste des lits fermés pour une durée indéterminée pour un manque de ressources à Montréal. Nous espérions avoir cette information pour l'ensemble du Québec, nous l'avons pour Montréal. C'est donc au total 514 lits fermés à durée indéterminée à cause d'un manque de ressources à Montréal, dont 52 au CHUM ? hein, on parle de milliards pour la construction, il y a 52 lits fermés actuellement au Centre hospitalier universitaire de Montréal ? et 203 au Centre hospitalier universitaire McGill, pour un total de 255 lits fermés dans les deux hôpitaux universitaires.
n(10 h 10)n Alors, M. le Président, ai-je besoin de vous rappeler que 42 137 Québécoises et Québécois sont en attente d'une intervention chirurgicale hors délai médicalement acceptable. Un total de 113 000 sont en attente, mais le fait est que ce sont ces 42 000 Québécoises et Québécois qui sont en attente hors délai médicalement acceptable en date du 7 février. Nous avons revérifié à nouveau, et la situation, loin de s'améliorer, s'aggrave, puisque, l'an passé, c'était 38 000, cet été, 40 000, et là nous en sommes à 42 000.
Alors, M. le Président, il est certain que nous serons très vigilants dans l'examen de ce projet de loi n° 83. Je vous remercie.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, Mme la députée. Mme la députée de Lotbinière.
Mme Sylvie Roy
Mme Roy: Merci, M. le Président, et, compte tenu du temps qui m'est imparti, je vais concentrer mes commentaires sur un aspect des cinq aspects du projet de loi.
Bien sûr, on a qualifié ce projet de loi, dans certains mémoires, d'hypertrophie de la bureaucratie, du contrôle, de la surveillance plutôt que de l'accessibilité et de l'innovation. Le sujet qui nous tient à coeur, à l'ADQ, est bien la qualité de vie des aînés, la façon dont on traite les personnes qui sont arrivées à ce moment de la vie où elles doivent prendre un repos.
Quant à la question de la certification des résidences privées, l'objectif visé est partagé par notre parti. Cependant, nous croyons que, au-delà d'un certain moment, les mesures coercitives n'ont plus d'effet, la révision des services de plaintes non plus. Tout le monde sait qu'il y a une pression énorme sur les besoins en hébergement, que, dans 20 ans, deux fois plus d'aînés seront âgés de 65 ans. Bien sûr, ici, on va continuer à faire comme on faisait avec les institutions traditionnelles plutôt que d'aller vers des concepts plus prometteurs, plus novateurs. Vous savez, il y a plusieurs années, lorsque cette cohorte qui arrive maintenant au seuil de nos établissements pour personnes âgées arrivait à l'école, on a changé, par une grande commission, les écoles de rang en écoles primaires, secondaires. Avec ce changement-là, on est devenus les premiers au niveau de l'éducation. Maintenant, cette cohorte-là arrive aux portes des résidences pour personnes âgées. Il faut selon nous se pencher sur ce programme et réfléchir au traitement qu'on offre aux personnes âgées, mais par une commission d'enquête. L'ADQ l'a demandé, appuyé de la FADOQ et de la société Alzheimer.
Nous croyons que la façon dont on procède ici, c'est une façon à la pièce, et, sans vision d'ensemble, on ne peut pas réussir à améliorer de façon notable le sort des personnes âgées. On ne peut pas travailler sur seulement une facette, la certification des établissements privés ou la bonification du service de plaintes. Il faut voir le problème dans son ensemble, il faut réfléchir à comment on traite nos personnes âgées. Et, par une commission d'enquête qui va appeler tout le Québec à y réfléchir, je pense qu'on pourrait trouver des solutions qui sont beaucoup plus horizontales, beaucoup moins ponctuelles et qui nous permettraient, comme société, de prendre acte de l'endroit où nous sommes rendus et de l'endroit où nous voulons aller dans le traitement de nos personnes âgées.
Nous croyons que ce n'est pas en complexifiant les structures, en ajoutant des structures, en ajoutant des normes que nous y arriverons. C'est en réfléchissant sur la façon dont on traite nos personnes, la façon dont on devra changer les milieux de soins par des milieux de vie et la façon dont les intervenants veulent s'impliquer dans cette dynamique-là que nous y arriverons.
Donc, ce que nous aurions aimé, c'est d'entendre ces personnes-là sur les aspects généraux de la façon dont les personnes aînées sont traitées plutôt qu'avec un projet de loi noyé dans cinq autres considérations traiter de ce sujet, et rapidement. Comme Mme la députée de Maisonneuve le disait, beaucoup disent que c'est arrivé rapidement, et ce ne sont pas seulement les organismes communautaires. Même le Barreau dit que le projet de loi est arrivé tard, que la commission commence tôt, qu'on n'a pas eu le temps d'y réfléchir. Je pense que les personnes aînées méritent une réflexion plus profonde que ça. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la députée de Lotbinière. Alors, sans plus tarder, j'invite les représentantes de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec à prendre place à la table immédiatement.
Pendant que nos invitées prennent place, chers collègues, il y a deux possibilités. Je sais qu'après la présentation de chaque groupe les parlementaires avaient tendance à les saluer, ceux qui ont participé, et dire bonjour aux nouveaux. C'est toujours possible. Mais je ne suspendrai pas les travaux de la commission entre les groupes. Alors, je vous prierais, si vous sentez que vous voulez aller remercier les gens, ce qui est tout à fait normal, de le faire le plus rapidement possible, dans le calme, parce qu'on va poursuivre un après l'autre très rapidement.
Auditions
Alors, c'est avec plaisir que nous accueillons l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. Mme Desrosiers, Mme la présidente, bonjour. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation qui sera suivie par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prierais de présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter votre présentation.
Ordre des infirmières et infirmiers
du Québec (OIIQ)
Mme Desrosiers (Gyslaine): Merci, M. le Président. Alors, je suis accompagnée, à ma droite, de Me Hélène D'Anjou, qui est conseillère juridique à l'Ordre des infirmières; de Mme Lise Racette, qui est vice-présidente de l'ordre et qui est également infirmière clinicienne au Centre de santé du nord de Lanaudière ? une nouvelle dénomination; et de Mme Carole Mercier, qui est directrice-conseil à notre organisme.
Alors, je remercie la commission de nous recevoir aujourd'hui. Je suis un peu gênée que ce soient nous autres qui casserons la glace. Alors, espérons que ça va bien aller.
Alors, écoutez, on fait face à un projet de loi colossal, d'une très grande importance. Ça nous apparaît être un projet de loi qui met de l'avant quand même des jalons importants. Il met de l'avant plusieurs dispositions dans le but d'améliorer les services et aussi, dans la foulée de la loi n° 25, d'amener, de consolider la décentralisation des services et conférer à chaque instance locale la responsabilité de la réalisation du projet clinique sur un territoire. Je vous dirais que, d'entrée de jeu, je tiens à dire à la commission que nous accueillons favorablement le projet de loi dans son ensemble mais que nous allons vous soumettre un certain nombre d'amendements ou de recommandations en vue d'amener soit des clarifications ou des bonifications au projet qui est sur la table.
Commençons par le régime des plaintes des usagers. Alors, nous sommes d'avis que les modifications proposées par le projet de loi concernant le régime des plaintes nous apparaissent comme une amélioration au traitement des plaintes. D'abord, le fait que le commissaire local et le commissaire régional relèveront désormais du conseil d'administration et qu'ils devront exercer leurs fonctions de manière exclusive, ça nous apparaît répondre à des objectifs importants d'indépendance et d'impartialité. De plus, l'obligation des commissaires de communiquer au conseil d'administration de l'établissement ou de l'agence leurs conclusions et leurs recommandations relativement aux plaintes, ça aura pour effet de rendre le conseil d'administration davantage responsable d'assurer la satisfaction des usagers et le respect de leurs droits. Nous accueillons également favorablement la nomination d'un vice-protecteur du citoyen, là, sur recommandation du Protecteur du citoyen.
Toutefois, on a deux remarques à faire dans cette section-là du projet de loi. D'abord, la création du comité de vigilance, créé par le conseil d'administration d'un établissement ou d'une agence, on s'est demandé pourquoi les membres de ce comité de vigilance là ne seraient que les membres du conseil d'administration. On pense qu'on devrait un peu élargir la composition. Ce comité de vigilance là devrait probablement comporter une, deux ou trois personnes extérieures au conseil d'administration de l'établissement ou de l'agence, histoire d'améliorer la transparence.
Un autre point dans cette section-là puis sur lequel on insiste beaucoup, c'est: le projet de loi n'apporte pas de correctif au fait que présentement chaque établissement doit adopter son propre code d'éthique, et vraiment on considère... Pourquoi chaque établissement doit-il élaborer son code d'éthique, comme s'il n'y avait pas des droits universels ou enfin des éléments qui sont à caractère plus universel dans la protection des patients? La protection de la dignité des personnes soignées devrait faire selon nous l'objet d'un cadre général applicable à chacun des établissements, et on pense que l'ouverture de la loi présente un temps opportun pour ce faire. Donc, nous en faisons une recommandation formelle et qu'on considère importante.
n(10 h 20)n Passons à une autre rubrique, la certification des résidences privées pour personnes âgées. C'est certain que la question de la qualité des lieux d'hébergement, c'est une préoccupation importante pour les personnes âgées, leurs familles. Pour les organismes de protection du public comme le nôtre, ça fait longtemps qu'on réclame une intervention dans ce sens. Bon. Ce n'est pas la panacée, mais c'est certainement un pas dans la bonne direction. Le fait que les établissements publics seront tenus de diriger les personnes qu'ils soignent vers une résidence certifiée, ça devrait inciter la majorité des exploitants de ces résidences privées à obtenir un certificat de conformité, ça nous apparaît clair, et à remplir les conditions pour le maintenir. Que la certification soit rattachée au propriétaire d'une résidence... évidemment, en cas de vente ou de changement de propriétaire, ça va exiger une recertification. Donc, ça aussi, ça nous apparaît un point intéressant de la proposition.
Nous proposons toutefois quelques ajouts au projet de loi. Notamment, relativement aux critères sociosanitaires à respecter par l'exploitant qui demande un certificat de conformité, il nous apparaît qu'il faudrait donner un caractère impératif à la détermination de ces critères par règlement du gouvernement. Parce que, là, le projet de loi dit: «Le gouvernement peut, par règlement, déterminer les critères.» Il nous semble que ça devrait être: «Le gouvernement, par règlement, détermine...» Évidemment, il devrait y avoir une consultation publique sur la détermination de ces critères-là lorsqu'il y aurait un projet de règlement à déposer. Et on estime que des organismes de protection du public comme le nôtre, nous devrions être consultés.
Concernant les actes criminels qui peuvent constituer un motif pour refuser l'émission d'un certificat de conformité ou pour le suspendre, le révoquer ou en refuser le renouvellement, nous recommandons que les articles concernés, là, dans le projet de loi tiennent compte nommément des actes criminels contre la personne ou encore des actes criminels liés à l'abus ou à l'exploitation de personnes, incluant les personnes âgées. Ça devrait carrément y faire référence.
Et finalement on s'est dit que, concernant les droits exigés pour la certification, là, il faudrait que ce soit raisonnable et modulé en fonction de la capacité d'hébergement des exploitants de ces résidences, pour ne pas que ce soit un ticket modérateur, là, afin d'inciter les plus petites résidences à demander le certificat de conformité et à le renouveler.
Et évidemment ? là, ça, c'est plus un souhait qu'une demande d'amendement ? que, dans la mesure où ça prendrait force de loi, il faudrait que le ministère envisage une campagne d'information afin que les personnes âgées et leurs familles réclament des exploitants des résidences privées d'avoir la certification qui deviendrait un gage de qualité.
Passons à la circulation de l'information clinique pour les soins. C'est assurément une pièce de résistance du projet de loi, un élément très important. Tout le monde s'entend sur le fait qu'une des conditions importantes pour améliorer l'efficacité d'intervention d'un réseau de soins, ça repose sur la possibilité pour le personnel soignant, les professionnels soignants d'avoir accès aux informations cliniques. Alors, évidemment, depuis l'application de la loi n° 25, le fait qu'il y a eu fusion d'établissements, bien, automatiquement, d'entrée de jeu, ça permet une meilleure circulation de l'information à l'intérieur des différents points de services fusionnés dans un seul établissement. Bon. Le projet de loi n° 83 propose d'aller encore plus loin en proposant des balises pour étendre la circulation de l'information clinique à d'autres composantes du réseau à certaines conditions. Alors, il y a deux dispositions majeures, là, qui sont mises de l'avant: l'élargissement des motifs d'accès à des renseignements du dossier de l'usager et la conservation au niveau régional et le partage de l'information clinique.
Écoutez, là-dessus, le principe d'une meilleure circulation de l'information clinique constitue à notre avis une condition nécessaire à la continuité et à l'accessibilité aux soins. On reproche souvent de faire des réformes structurelles, et il nous apparaît que la fluidité de l'information clinique justement va dépasser la réforme structurelle pour aller à une réforme qui va vraiment porter fruit dans l'amélioration des décisions cliniques que doivent prendre les professionnels. À première vue, il semble que les mécanismes de consentement de l'usager et de conservation des renseignements cliniques soient respectueux des droits de l'usager, mais on prend pour acquis que l'ensemble des dispositions sont ou seront conformes aux recommandations de la Commission d'accès à l'information et on ne s'inscrira pas, aujourd'hui, comme experts sur cette question-là.
Toutefois, on a un certain nombre d'amendements qu'on souhaite dans l'administration de la proposition concernant les services de certification des professionnels habilités, les intervenants habilités, les gestionnaires d'utilisation. Alors, là, on est comme directement concernés au niveau des services de certification d'un professionnel. Le projet de loi indique que le Conseil du trésor, sur recommandation du ministre, va désigner une personne ou un organisme pour assurer la certification d'une classe d'intervenants qui pourraient être habilités. Et c'est même indiqué que cette agence ou le prestataire de services de certification pourrait recueillir des renseignements concernant un professionnel auprès de l'ordre professionnel dont il est membre.
Bon. On veut vous souligner qu'en ce qui concerne les infirmières il y a un nombre élevé d'infirmières et d'infirmiers au Québec. Dans le réseau public, il y en a à peu près 55 000. On parle de 2 000, 3 000 candidats à l'exercice de la profession et d'au moins... à peu près 12 000 étudiants. D'ailleurs, on s'est posé la question: pour nous autres, la notion de candidat, c'est une notion légale particulière. On imagine que, pour les fins d'application du projet de loi, candidat, ça inclut les étudiants, c'était le sens, j'imagine, du projet de loi. Mais, chez nous, c'est comme des classes légales différentes: les candidats, c'est déjà du monde diplômé; les étudiants... Il faut que les étudiants aient accès aux dossiers, probablement pour avoir certains privilèges de certification, mais enfin on pourrait peut-être échanger avec la sous-ministre, c'est une idée récente qui nous... on s'est posé la question récemment.
Donc, le fait qu'il y a un grand nombre d'infirmières, d'infirmiers et de candidats, d'étudiants, etc., la possibilité que notre organisme devienne un organisme de certification pour ce qui est de nos membres pourrait être un scénario envisagé, sous réserve évidemment d'une entente administrative entre les parties et qui tiendrait compte des moyens à mettre en oeuvre et des investissements requis. De toute façon, si on ne l'est pas, organisme d'accréditation, et si on doit fournir ces renseignements-là à une agence, qui serait l'agence qui ferait l'accréditation, il demeure qu'au minimum le projet de loi devrait prévoir qu'il devrait y avoir entente administrative avec le Conseil du trésor. Je ne peux pas croire que vous allez nous imposer des frais de traitement de nos banques de données. Parce que ça va prendre ça en temps réel. Ça peut quand même présenter des frais de mise à jour des banques de données et après ça le mettre sur une base permanente.
Concernant les intervenants habilités, bien il allait de soi que les infirmières soient mentionnées comme une grande catégorie d'intervenants habilités. Donc, il n'y a pas de surprise là, ça confirme quand même notre position déterminante dans le système de soins. Toutefois, on a été assez étonnées que... Oui, nous sommes des intervenants habilités, mais, en ce qui concerne... Là, c'est un peu compliqué parce que, même moi, j'ai été obligée de relire plusieurs fois le projet de loi. On parle des... gestionnaires qui désignent les personnes à l'intérieur d'un centre de santé ont le droit de communiquer ou transmettre des renseignements. Et, dans la liste des gestionnaires, on parle des gestionnaires médecins... En fait, on prend tous les employés qui sont au service ou qui agissent sous la direction d'un médecin, d'un pharmacien, mais pas d'une infirmière. Quand on sait que les milliers de cadres infirmiers qu'il y a dans le réseau... et la quantité phénoménale d'employés dans le réseau qui sont sous la direction d'une infirmière, mais que là, nous autres, les infirmières, on ne fait pas partie de la catégorie des gestionnaires énumérés, alors on prend pour acquis que c'est sûrement une omission du projet de loi et que ce sera rectifié.
Concernant les techniciens ambulanciers, c'est plus une interrogation que nous avions. C'est clair qu'un certain nombre de techniciens ambulanciers devront pouvoir être des personnes... des intervenants habilités, mais, compte tenu que vous en faites une catégorie nommément identifiée, vous ne les mettez pas dans la grande catégorie des employés susceptibles de, et qu'il ne s'agit pas d'une catégorie homogène, ils n'ont pas d'ordre professionnel, il y a toutes sortes de catégories de techniciens ambulanciers au Québec, alors il nous est apparu... On s'est posé la question concernant le fait qu'ils fassent l'objet d'une désignation particulière, et que ce serait peut-être préférable, en attendant qu'ils aient un ordre peut-être, qu'ils soient dans la catégorie des employés habilités, pour des raisons aussi de code de déontologie, de confidentialité, etc.
Gestionnaires de l'utilisation. Bon. On a compris du projet de loi que les gestionnaires de l'utilisation seront responsables de l'attribution des profils d'accès. On est très étonnées que les infirmières ne soient pas explicitement identifiées comme gestionnaires de l'utilisation au même titre que les médecins et les pharmaciens, pour les mêmes motifs que j'ai invoqués précédemment. Alors, quand on pense qu'il y a 70 % du personnel soignant qui sont des infirmières et des infirmières auxiliaires, sans compter le personnel de soutien, il nous apparaît encore là que c'est une omission. Et souvent les infirmières sont les mieux placées pour gérer l'attribution des profils d'accès et en assurer le bon fonctionnement à l'intérieur d'un établissement. Et nous espérons que ce sera corrigé.
Enfin, nous annonçons un peu nos couleurs: le règlement que le gouvernement entendrait prendre en application de ce projet de loi là sur les profils d'accès, c'est clair qu'on voudrait que ce soit indiqué que les ordres professionnels concernés fassent l'objet d'une consultation quant à ce projet de règlement là.
n(10 h 30)n Je vais aller au plus court, aller directement à la gouverne des établissements. On prend bonne note qu'il y a un statu quo concernant la Commission infirmière régionale, la présence d'une infirmière au conseil d'administration des établissements ainsi que de l'agence. On attire l'attention de la commission, ici, sur certains aspects qui touchent la gestion des soins infirmiers.
Notamment, nous sommes très satisfaites des amendements apportés par le ministre à l'article 206 qui rend obligatoire la nomination d'un directeur de soins dans toute instance locale. Cette modification-là était très attendue de l'ensemble des infirmières du Québec et avait fait l'objet d'une résolution unanime en assemblée générale, cette année, en présence de 850 délégués. Bon. Évidemment, on aurait sans doute préféré que tous les établissements sans distinction, là, à l'exception peut-être des centres jeunesse soient désignés, mais disons que ça nous convient tout à fait parce qu'il est très important que les directions de soins infirmiers puissent contribuer à la prise de décisions, aux orientations cliniques, parce qu'il y a quand même un projet clinique, l'efficacité du projet clinique est en cause. Donc, la présence d'un directeur de soins dans toutes les instances locales, les établissements hospitaliers, etc., tel que proposé par le projet de loi, nous apparaît des plus prometteur pour assurer la qualité des soins infirmiers et des services en général.
Toutefois, on vit avec un petit résidu du passé. Le libellé est très intéressant, mais il perdure encore une petite ambiguïté parce que, dans le premier alinéa, c'est marqué: Les établissements qui doivent avoir un directeur de soins, puis, tout d'un coup, on voit apparaître une petite phrase qui dit: «À défaut d'un tel directeur, le directeur général désigne une infirmière [...] responsable des soins...» Et, nous autres, on sait que, dans le passé, on a été obligées d'émettre je ne sais pas combien d'avis juridiques, parce que la deuxième disposition est interprétée comme... Le premier paragraphe dit «doit», mais le deuxième dit: Bien, peut-être que... si ça ne vous tente pas, vous n'êtes pas obligés d'en avoir. Donc, on voudrait être sûres que ce n'est pas ça que ça veut dire. Et on vous propose que ce soit indiqué que... Le deuxième alinéa serait qu'un directeur de soins peut être nommé par les autres établissements qui ne sont pas visés par l'obligation, autrement dit, et, à défaut d'en nommer un, directeur de soins, bien ils se nommeront un responsable de soins infirmiers, comme c'est le cas présentement. Mais on voudrait que ce soit plus clair. L'ambiguïté dans ce genre de situation n'est pas bonne, n'est pas source d'une bonne gouverne et c'est une perte d'énergie inutile.
Évidemment, nous sommes très satisfaites de l'amendement pour ce qui est du comité exécutif du conseil des infirmières et infirmiers. Parce que c'était comme une erreur historique: le CMDP et le CM avaient droit à au moins quatre représentants, et, nous, c'était quatre tout court, et, croyez-le ou non, il y a des gestionnaires d'établissements qui s'en tenaient à quatre tout court. Et là on va avoir des mégacentres avec plusieurs points de services, c'est vraiment le minimum d'avoir au moins quatre personnes sur un comité exécutif de CECII.
Nous voulons attirer l'attention de la commission sur les instances universitaires, que ce soient les CHU ou les RUIS. Nous, on partage les buts visés par la création des RUIS pour assurer une meilleure intégration, une meilleure complémentarité des services tertiaires et quaternaires, tout en facilitant le cheminement de l'usager. Toutefois, on se surprend qu'un des mandats du RUIS, qui est de faire la prévision des effectifs médicaux universitaires, la formation médicale, la répartition des étudiants dans les facultés de médecine... On remarque que les RUIS n'ont aucune obligation quant à la planification des effectifs des infirmières praticiennes en spécialité, alors que vous savez que c'est une question, j'espère, de jours ou de quelques semaines que les règlements seront adoptés pour les infirmières, par exemple, praticiennes en cardiologie, en néphrologie, en néonatalogie. Il nous apparaît que de faire une planification des effectifs médicaux en spécialité et en surspécialité sans tenir compte des infirmières praticiennes... Ce serait un plus, là, de le prévoir dès maintenant.
Le Président (M. Copeman): Mme Desrosiers, je vous avise, il reste un peu moins que deux minutes.
Mme Desrosiers (Gyslaine): Je conclus à l'instant. Alors, pour terminer, toujours sur les RUIS, j'attire l'attention de la commission sur le fait que ni le conseil d'administration du RUIS, ni le comité de direction, ni ? mon Dieu! ? la table de coordination nationale ne prévoient la présence de représentants des facultés de sciences infirmières ou de l'école universitaire de sciences infirmières. Et, quand on sait que le ministère de la Santé a fixé comme objectif qu'on devrait graduer jusqu'à 1 500 infirmières universitaires par année, puis on a des problèmes magistraux de stages pour les étudiantes, qu'il y a des facultés de sciences infirmières qui ont des chaires de recherche, etc., bref, on pense que le comité de direction et la table de coordination nationale des RUIS devraient prévoir une place pour la doyenne ou la directrice de l'école de sciences infirmières de l'université concernée. Et la même chose, on pense que le conseil d'administration d'un CHU devrait prévoir une place pour la doyenne ou la directrice de l'école universitaire concernée. C'est vraiment un plus pour ces instances-là, compte tenu de la masse critique de professionnels concernés et de la collaboration étroite entre les médecins et les infirmières.
Je suis prête à accueillir les questions. Je vous remercie.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup de votre collaboration, Mme Desrosiers. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Mme Desrosiers et mesdames, pour votre visite, aujourd'hui. Je commence par un point d'information puis ensuite j'aimerais discuter des quelques points que vous avez présentés dans votre discussion.
D'abord, vous avez parlé de la nécessité, intéressante à mon avis, de se doter d'un code d'éthique un peu général qui s'appliquerait sur les mêmes principes à tous les établissements. On reviendra au concept de la charte des droits des patients ou des usagers à laquelle on a fait allusion à multiples reprises. Vous savez qu'actuellement le projet de loi sur le Commissaire à la santé est en cheminement, là. Mais parallèlement on a demandé au Conseil de santé et bien-être et à sa présidente de nous faire une proposition sur cette déclaration ou cette charte des droits des patients. Donc, certainement que vous pourriez collaborer, je crois, avec le Conseil de santé et bien-être si vous avez des idées précises et une façon de libeller cette déclaration-là à laquelle vous avez fait allusion.
Deuxièmement, la question des comités de vigilance dans les conseils d'administration. Vous savez certainement qu'il existe déjà des comités de conseil d'administration, comités exécutifs, comités des finances. Est-ce qu'il ne vous apparaît pas logique que le comité de vigilance qui s'assure à faire le lien entre le traitement des plaintes et l'information aux membres du conseil d'administration sur les plaintes elles-mêmes et le suivi qui leur est donné, est-ce que vous ne pensez pas logique et cohérent que ce comité soit également formé de membres du conseil d'administration?
Mme Desrosiers (Gyslaine): On veut juste l'élargir un peu, un peu comme un comité de vérification de certains organismes qui sont composés de membres du conseil d'administration de l'organisme, mais auquel on peut inviter une ou deux personnes extérieures à l'organisme, tout simplement. C'était plus pour éviter que... en fait, comment je dirais ça? pour avoir une plus grande assurance qu'il n'y aura pas trop de... parce qu'après tout c'est un comité de vigilance du conseil d'administration, pour donner encore plus d'assurance que les plaintes vont faire l'objet d'une attention particulière.
M. Couillard: Parce qu'une des constatations qu'on a tous faites et toutes faites lors des événements malheureux des dernières années et derniers mois dans certaines institutions, c'est de voir qu'il y avait un total manque d'information parfois du conseil d'administration par rapport aux événements qui se déroulaient dans l'établissement...
Mme Desrosiers (Gyslaine): ...dans ce sens-là, oui.
M. Couillard: ...traitement des plaintes, suivi, etc.
Pour ce qui est des profils d'accès ? je passe au sujet de la circulation de l'information ? vous suggérez que les ordres professionnels soient consultés pour établir ou préciser le profil d'accès de leurs membres. Comment est-ce que vous pensez qu'en pratique on devrait faire ça? Est-ce qu'il faudrait faire un exercice séparé avec chaque ordre professionnel ou plutôt une démarche plus collective, là, qui regroupe tous les ordres professionnels concernés? Est-ce que vous pensez qu'il y aurait des différences notables sur les principes entre, par exemple, l'Ordre des infirmières, le Collège des médecins et d'autres organismes professionnels?
Mme Desrosiers (Gyslaine): Bien, c'est clair pour nous autres, pour avoir regardé la situation de près et avoir aussi regardé les expériences régionales qu'il y a eu jusqu'à maintenant, qu'en ce qui concerne le profil d'accès à des médecins, des infirmières, des pharmaciens il devrait être identique. Ça plaide d'évidence. Je ne pense pas que ça va faire l'objet d'une longue analyse. C'est simplement qu'on veut être certain que les trois ordres concernés vont pouvoir émettre leur opinion dans ce sens-là. C'est une question, là, de fluidité au niveau de l'information que les trois professionnels ont besoin. Donc, en fait, on faisait simplement vous annoncer nos couleurs là-dessus, que, un, on voulait être consultées. Je pense que de toute façon, quand vous mettez de l'avant un règlement, ça aurait été probablement... c'est public, là, on aurait eu droit au chapitre, mais on vous annonce un peu nos couleurs à l'effet que le profil d'accès des médecins, des infirmières et des pharmaciens devra être identique.
M. Couillard: Pour ce qui est de la certification des résidences privées, moi, je fais un peu le même pari que vous, c'est-à-dire que l'existence de ce certificat et son aspect conditionnel pour recevoir des personnes référées par le système de santé et de services sociaux va en soi être un puissant instrument de promotion de l'utilité et de la valeur de ce certificat, puisque la plupart des personnes âgées en lourde perte d'autonomie, comme on le sait, transitent, à un moment ou l'autre, dans le système de santé et de services sociaux.
n(10 h 40)n Pour ce qui est des critères sociosanitaires ? on aura l'occasion d'y revenir pendant les travaux, puis on va donner un aperçu des travaux de cette commission ? je relève votre suggestion quant au libellé de «détermine» par rapport à «peut déterminer». Il est certain que ce règlement étant prépublié, il fera l'objet de débats et de remarques de la plupart des gens concernés au moment de sa publication.
Et je suis particulièrement intéressé par votre remarque sur la nécessité d'une campagne de promotion, là, qui amènerait, et c'est ce que je souhaite également, que, lorsqu'une famille, par exemple, se rend visiter une résidence privée pour personnes âgées pour y placer un des leurs ou que cette personne soit transférée à cet endroit, une des premières... je voudrais développer le réflexe que la première question de la famille à la direction de la résidence privée, c'est: Est-ce que vous avez votre certificat de conformité? Montrez-le moi. Alors, comment est-ce qu'on ferait cette campagne-là? Comment est-ce qu'on ferait cette information-là? Est-ce qu'il y a certains groupes particuliers, vous pensez, qui devraient être rejoints? Est-ce qu'il y a d'autres mesures qu'une campagne de publicité, vous pensez, qui pourrait être utilisée pour arriver à cet objectif?
Mme Desrosiers (Gyslaine): Bien, là, à ce stade-ci, on était plus sur le fait qu'il ne faut pas que ça reste une mesure administrative ignorée du grand public, donc qu'on rejoigne le grand public. On sait qu'en ce qui concerne la certification des établissements il y a des regroupements qui existent déjà présentement, comme Roses d'or. Donc, il y a déjà des organismes qui avaient amorcé ce genre d'initiative là de certifier des résidences. Bon. Mais, à ce stade-ci, je pense que quand même, pour que l'intention gouvernementale d'améliorer la qualité de ces résidences-là via un mécanisme de certification dont les critères sont établis par règlement gouvernemental... Est-ce qu'après vous allez vouloir, dans l'application, l'opérationalisation de ça, vous associer à un ou deux organismes existants? Bien, ça, je pense que ça relève plus de l'opérationnel. Mais que le grand public connaisse vos critères, quand ils seront réglementés, et le fait que c'est une... et que tout... Il faut que le grand public le sache. Si quelqu'un de votre famille est hospitalisé, puis on vous dit: Là, ça y est, on le sort, il s'en va dans tel CHSLD, comme vous dites si bien, la première question que la famille devra se poser, c'est: Est-ce un établissement certifié? De toute façon, ça devrait l'être, puisque ce sera obligatoire. Donc, là-dessus, je ne peux pas, à ce stade-ci, m'improviser, là, sur la nature de la campagne publique, mais il faudra que ça rencontre sa cible.
Le Président (M. Copeman): M. le député de Robert-Baldwin et adjoint parlementaire au ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Marsan: Merci, M. le Président. Merci, Mme Desrosiers, Mme Racette, Mme Mercier et Me D'Anjou, pour la qualité de votre présentation.
Je voudrais vous demander si la prise en compte des préoccupations des infirmiers et des infirmières dans les établissements universitaires ainsi que dans les RUIS, là, les réseaux universitaires intégrés de services... Vous proposez plusieurs modifications dont le libellé de l'article 133.8° afin que soit précisée la participation au conseil d'administration d'une infirmière responsable des programmes universitaires et de la formation; de prévoir la participation d'une doyenne de la faculté ou d'une école de sciences infirmières au comité de direction de chaque RUIS; et également la participation de l'ensemble des doyennes de ces facultés à la table de coordination. Est-ce que vous nous faites ces recommandations-là comme un peu une condition de sine qua non, là, pour que puissent bien fonctionner les RUIS ou s'il y a d'autres alternatives qui pourraient être explorées également? Alors, j'aimerais vous entendre sur ce sujet, s'il vous plaît.
Mme Desrosiers (Gyslaine): Ah! C'est clair qu'en ce qui nous concerne on est extrêmement convaincues du bien-fondé de cette demande-là parce que, oui, les RUIS... On parle toujours de l'enseignement universitaire comme étant vraiment focussé sur la formation médicale. C'est clair, c'est l'axe, je vous dirais, majeur, la formation médicale, les services spécialisés, ultraspécialisés. Mais un RUIS, qui est un corridor de services, le CHU lui-même et les tables de coordination... Les médecins, de nos jours, ne sont plus formés en vase clos. On regarde juste la formation, par exemple, des infirmières praticiennes en spécialité à laquelle vont collaborer les facultés de médecine avec les facultés de sciences infirmières. Il peut y avoir des problèmes de déploiement d'une spécialité dans un CHU ou un RUIS qui mettent en cause des infirmières, parce qu'il peut y avoir un problème de qualification des infirmières ou d'ajustement des qualifications des infirmières. C'est très intimement lié. Et on a un gros volume d'infirmières universitaires à pourvoir pour les prochaines années. Les études quantitatives ont été faites par le ministère de la Santé. Donc, c'est clair pour nous que c'est un sine qua non en termes d'amélioration du fonctionnement de ces instances universitaires et ce n'est vraiment pas trop demander, ça plaide d'évidence.
M. Marsan: Toujours dans la gouverne, je constate également votre recommandation sur la nomination d'une directrice des soins infirmiers, alors, qui serait... selon vous, je pense, c'est une obligation. Vous voulez que la loi puisse indiquer. Vous avez mentionné que suite à... en tout cas la dernière loi ou la loi qui est en vigueur, ça a amené certaines interprétations un peu difficiles. En tout cas, moi, je comprends bien l'esprit de la loi, mais il semble que ce n'est pas tout le monde qui va dans ce sens-là. Je ne sais pas si vous pourriez nous donner plus d'indications...
Mme Desrosiers (Gyslaine): Je vais vous donner un exemple.
M. Marsan: ...des difficultés que vous avez eues à connaître sur le libellé actuel de la loi par rapport à ce qui est proposé.
Mme Desrosiers (Gyslaine): Oui. Bien, le libellé actuel de la loi dit: Tout centre hospitalier. Donc, c'est tout centre hospitalier qui, dans le moment, là, est obligé d'avoir un directeur de soins. Les CLSC, les CHSLD, c'était... À défaut d'en nommer un... Ils pouvaient toujours en nommer un, mais il y avait... Le minimum, c'était de nommer un responsable de soins qui n'est pas nécessairement le directeur, qui ne participe pas nécessairement aux décisions de l'établissement, qui n'est pas partie prenante. Même, on a même vu des responsables de soins qui étaient syndiqués, mais ça, je ne veux pas rentrer dans tout ce débat-là.
Mais le problème, c'est que, par exemple, les centres de santé qui ont une mission hospitalière étaient visés par l'obligation d'avoir un directeur de soins, mais, comme le deuxième paragraphe dit: À défaut d'en nommer un, rabattez-vous sur un responsable de soins infirmiers, bien, même les établissements... puis on a même vu certains hôpitaux, qui étaient visés par l'obligation d'avoir un directeur de soins, qui considéraient, à cause du libellé du deuxième alinéa, que c'était optionnel. Et ça amène des dysfonctionnements majeurs. Parce que, moi, j'ai compris que le projet de loi qui est là amène une parité entre le directeur de services professionnels et le directeur de soins infirmiers, et c'est une parité et une collaboration nécessaires entre le DSP et la DSI, et ça doit être d'application générale.
Et on ne peut plus se permettre de perdre du temps. Moi, j'ai des conseils d'infirmières et infirmiers qui appellent à l'ordre pour avoir les avis juridiques là-dessus puis se faire interpréter le deuxième alinéa. Ce serait franchement plus simple, si telle est l'intention du ministre via les amendements qu'il propose au premier alinéa de l'article 206, de s'assurer que, dans le deuxième alinéa, il n'y a pas du monde qui viennent détricoter ce qui est si savamment proposé et si bien fondé.
M. Marsan: Alors, avec les recommandations que vous nous faites, on éviterait cette mauvaise interprétation. C'est ce que je comprends.
Mme Desrosiers (Gyslaine): Tout à fait, et on l'apprécierait énormément.
M. Marsan: Merci beaucoup.
Mme Desrosiers (Gyslaine): C'est très attendu des infirmières du Québec.
M. Marsan: Merci.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Soulanges.
Mme Charlebois: Merci, M. le Président. Bonjour et merci pour la présentation de votre mémoire. Ce que j'en retiens, c'est que vous êtes favorables à l'ensemble du projet de loi, bien que vous fassiez des recommandations. Est-ce que vous considérez que l'ensemble du projet de loi va être un autre pas pour un meilleur service aux citoyens? Parce que je pense que, quand on vote des lois, c'est toujours dans l'optique de mieux servir les patients, les citoyens. Est-ce que vous considérez que c'est un pas important?
Mme Desrosiers (Gyslaine): Bien, écoutez, les orientations mises de l'avant, l'objet même des propositions vise soit la protection du public via le régime des plaintes ou soit l'amélioration des services via la circulation de l'information clinique ou d'autres dispositions touchant la gouverne notamment. Mais, moi, je ne peux pas, à ce stade-ci... On soutient ces orientations-là et on soutient le projet de loi. Mais, de là à vous dire qu'il n'y aura pas de pépin dans l'application, notamment du côté de l'information clinique... On a compris quand même que la conservation de données régionales va demander une certaine architecture électronique, ça va demander de la formation continue, c'est mentionné dans...
Alors, j'émettrais le voeu, aujourd'hui, que, comme tous les projets de loi, s'ils ne sont pas accompagnés des mesures, je vous dirais, administratives ou des moyens nécessaires pour les mettre en application... que ça ne fera pas de miracle. Mais, si les moyens suivent, bien, je pense bien que ça devrait rencontrer les objectifs mis de l'avant. Et notamment j'insiste, oui, on a donné notre appui sur la question de la circulation de l'information clinique, mais on était quand même assez déçues de voir que nous étions omises par-ci, par-là dans la gestion de l'information clinique. Et j'attire l'attention du ministre sur le fait que c'est une omission qui n'est pas acceptable. Il faut qu'on soit vraiment indiquées dans la gestion des profils d'accès, de l'utilisation, etc.
Mme Charlebois: Merci.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.
n(10 h 50)nMme Harel: Merci, M. le Président. Mme Desrosiers, Mme la présidente, Mme Racette, Mme Mercier et Me D'Anjou. Alors, Mme Desrosiers, je voudrais savoir si la condition précaire qui peut exister dans des résidences privées d'hébergement pour des personnes adultes, jeunes ou aînées qui vivent des déficiences intellectuelles, des déficiences physiques, des problèmes de santé mentale vous semble devoir également nécessiter un certificat de conformité des propriétaires de ces résidences privées?
Mme Desrosiers (Gyslaine): Bien, je pensais que c'était ça, l'objet du projet, que ça les visait...
Mme Harel: ...les personnes âgées, exclusivement pour les personnes âgées.
Mme Desrosiers (Gyslaine): Ah! Vous voulez dire pour d'autres personnes. Ah oui! Oui, oui, ça pourrait être élargi à d'autres clientèles, effectivement. Mais là, dans ce cas-là, nous, on n'a retenu que la proposition qui est là parce que... Je ne suis pas assez... Nous autres, on a beaucoup inspecté les résidences de personnes âgées et on est intervenues auprès de la Commission des droits de la personne pour les résidences de personnes âgées parce que, comme il y a des infirmières dans ces établissements-là, c'est des établissements qu'on a pu visiter. On ne connaît pas de première main l'état des résidences touchant les personnes avec déficiences intellectuelles ou physiques, on les connaît moins. Donc, c'est pour ça qu'on ne s'est pas prononcées à ce stade-ci. Ça ne veut pas dire que cette mesure-là ne serait pas pertinente pour eux autres aussi.
Mme Harel: Dites-moi... Donc, je voudrais vous entendre sur les infirmières praticiennes en spécialité. Vous nous avez dit qu'il y aurait très bientôt des décisions importantes à ce sujet. Alors, lesquelles décisions heureuses attendez-vous?
Mme Desrosiers (Gyslaine): Ah! Mais en fait, depuis la révision de la Loi médicale et de la Loi des infirmières, on peut mettre de l'avant les infirmières praticiennes en spécialité, sauf que ça passe par un mécanisme réglementaire qui met en cause les deux ordres concernés. Et on est dans les derniers milles, avec l'Office des professions, de l'adoption de règlements de praticiennes en spécialité pour trois spécialités: cardiologie, néphrologie et néonatalogie intensive. Ça fait juste deux ans que je pense toujours que c'est le mois d'après que les règlements vont être adoptés, mais disons que là on est plus avancé qu'il y a deux ans. Donc, si tout s'ensuit, techniquement, au cours des prochaines semaines, ces règlements-là révisés par l'office feraient l'objet d'adoption officielle par nos deux bureaux, et éventuellement suivrait le processus de publication, etc. Donc, ce serait les trois premières spécialités.
Mme Harel: Je veux bien vérifier que j'ai compris la réponse à la question précédente que je vous posais. Vous jugez que ce serait utile qu'il y ait élargissement de ce certificat de conformité pour les établissements d'hébergement privés des personnes jeunes, adultes ou aînées qui ont des problèmes de déficience physique, intellectuelle ou en santé mentale?
Mme Desrosiers (Gyslaine): Sur le plan du principe, j'estime que oui, parce que c'est des personnes extrêmement vulnérables, sauf que ce ne sont pas des établissements que nous visitons, nous, alors ce n'est pas des établissements avec lesquels on est familières. Mais je serais prête à élargir, comment je dirais ça? le principe même de la vulnérabilité de ces autres personnes là, et sûrement peut-être... c'est un principe qui peut s'étendre à ces clientèles-là, probablement.
Mme Harel: Vous êtes informée qu'en vertu du projet de loi le Protecteur des usagers, qui va dorénavant être appelé autrement, n'a pas la capacité d'intervenir dans les situations où la sécurité et l'intégrité des personnes vulnérables est en cause si, dans le secteur privé, en fait dans l'hébergement privé, s'il n'y a pas de certificat de conformité. C'est donc dire que, dans tous les cas d'hébergement privé pour personnes âgées... Vous parliez tantôt d'abus, vous parliez de questions importantes pour les personnes âgées et leurs familles. Donc, si... conséquente, cela peut apparaître en fait assez irrecevable de considérer que des signalements peuvent intervenir dans des situations d'hébergement privé pour des personnes âgées et aussi des personnes vulnérables, mais, dans des établissements qui n'ont pas de certificat de conformité, qui n'en ont pas demandé, ou même qui ont été refusés, alors le Protecteur des usagers, qui deviendrait un protecteur des... protecteur des citoyens, ne pourra pas intervenir.
Mme Desrosiers (Gyslaine): Sincèrement, personne... mes services juridiques n'ont pas attiré mon attention là-dessus. Moi, j'étais partie du principe que franchement presque toutes les personnes de ces établissements-là, de résidences, doivent transiter tôt ou tard dans un établissement public et que le secteur public ne pourra pas finalement faire circuler les personnes qui reçoivent des soins aigus vers ces résidences-là. On n'a pas attiré mon attention là-dessus. Est-ce qu'il y a un manque dans le projet de loi? Peut-être. Là, je ne voudrais pas obliger Me D'Anjou, là, aujourd'hui, à s'improviser là-dessus, mais...
Mme D'Anjou (Hélène): Sans doute que l'idéal serait peut-être que toute résidence privée doive être accréditée, mais on n'a pas vérifié, là, si juridiquement c'était possible de le faire, là. Mais c'est sûr que c'est l'idéal.
Mme Harel: Revenons aux questions cliniques. Alors, le projet de loi prévoit, à l'article 99.5, que l'instance locale est responsable, de manière exclusive, de la définition d'un projet clinique et organisationnel. Alors, j'aimerais avoir le point de vue de l'ordre sur cette question.
Mme Desrosiers (Gyslaine): On ne s'est pas prononcées de façon explicite là-dessus. Je sais que ça fait l'objet d'un certain irritant par rapport à différentes instances. Mais, nous autres, on a présumé que c'était pour mettre l'accent sur les services de proximité et que franchement ce serait carrément indécent qu'ils le fassent sans parler à des partenaires de deuxième ou de troisième ligne, le cas échéant. Est-ce que ça doit être nommément marqué qu'ils devront les consulter, etc.? Mais, moi, je... On ne s'est pas prononcées explicitement là-dessus parce que, nous, on n'y voyait pas de problème à première vue. Mais je sais que d'autres organismes vont vous faire valoir qu'il y a des problèmes et je vais les laisser vous les faire valoir eux-mêmes.
Mme Harel: Dans le mémoire que vous présentez, vous questionnez le mode de certification des intervenants habilités. C'est dans le cadre de la conservation des renseignements. Il y a, dans le projet de loi, finalement deux, comment dire, deux modes très différents concernant les renseignements. Il y a donc la transmission qui dorénavant n'exigerait plus le consentement de l'usager, et cette transmission pourrait permettre à une ressource privée d'obtenir des renseignements sur l'usager, et il y a la conservation. Vous avez assez longuement, dans votre mémoire, fait état du processus de conservation, peu de la circulation. Ceci dit, si je souhaite échanger avec vous sur le processus de conservation des renseignements, c'est pour connaître votre point de vue sur le fait que c'est une conservation régionale.
Bon. Que se passe-t-il dans le cas, assez fréquent, de centaines de milliers, par exemple, de citoyens qui à la fois résident dans une ville ? mettons, Montréal ? et puis qui, très, très fréquemment, les fins de semaine et les autres jours de congé, vont dans les Laurentides, ou dans Lanaudière, ou dans l'Estrie? C'est donc dire que la conservation régionale ne se ferait qu'à Montréal, et ces personnes... Je me suis retrouvée, moi, avec une pneumonie, au jour de l'An, à Saint-Jovite. Mais j'habite évidemment dans Hochelaga-Maisonneuve. Comment les choses se seraient passées?
Mme Desrosiers (Gyslaine): Bien, justement, nous, notre compréhension du projet de loi, c'est que la proposition du projet de loi amènerait enfin une solution à ce problème, parce que l'information est conservée régionalement, mais il peut y avoir un échange, entre les régions, d'information. Si, moi, je m'en viens faire du ski à Québec puis je me fais frapper en descendant à Sainte-Anne ou à Petite-Rivière-Saint-François, personne ne me connaît ni d'Ève ni d'Adam, bien, automatiquement, il y aurait possibilité pour les intervenants, ici, d'avoir accès à la région, à une autre région où j'aurais des informations d'indiquées, de partager de l'information. Mais, là, nous, on n'est pas allées jusqu'à dire: Ça veut dire qu'on aura un dossier et ici et là-bas; est-ce qu'après ça le dossier serait fusionné? On n'est pas allées jusqu'aux menus détails de ça, mais on imagine que, suite à une hospitalisation, après un traumatisme, dans une région qui n'est pas notre région d'appartenance, qu'après ça les données sont réconciliées. Justement, nous autres, on avait compris que c'est conservé régionalement, mais c'est accessible provincialement. C'est ce qu'on avait compris. Et ça, ça nous apparaissait un gros plus.
Mme Harel: Alors, en conséquence, en conséquence, comment réagissez-vous, là, à ces propos, là, notamment du président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec?
Mme Desrosiers (Gyslaine): De la FMOQ, ce matin, dans Le Devoir?
Mme Harel: Oui, oui. Parce que finalement leur questionnement c'est de savoir où sera le financement. Est-ce que le financement sera à l'instance locale et ne suivra pas le patient? C'est donc dire, à ce moment-là, que la clinique ou l'hôpital en question, de Charlevoix, où vous avez eu cet accident, ne sera pas intéressé à vous soigner parce que dans le fond il n'est pas financé pour ça, il est financé pour sa population seulement.
n(11 heures)nMme Desrosiers (Gyslaine): Bien, j'ai lu Le Devoir, ce matin, donc c'est difficile pour moi d'en savoir plus que ce que j'ai lu, mais j'ai été un peu étonnée du propos, parce qu'il faut toujours partir du statu quo. Quelle est la situation présentement? Si je me fais frapper en faisant le tour de la Gaspésie, bien c'est bien de valeur, il faut qu'ils me soignent. Alors, on part du statu quo. Et là eux semblent dire qu'avec le projet de loi ça va faire en sorte que l'argent ne suivrait plus le patient. Je m'excuse, mais dans le moment il ne suit pas le patient, alors on a accès de façon universelle aux soins et aux services. Alors, je ne vois pas en quoi le projet de loi va nous faire reculer.
Il semblait, pour nous, nous faire faire un bond en avant, peut-être pas le... un pas dans la bonne direction, à savoir que, sur une base territoriale, au moins le financement va être fait par instances locales ou territoriales pour éviter justement le cloisonnement. Les enveloppes par mission, on n'en sortait plus, l'argent de l'hôpital, l'argent du CLSC, l'argent du... on n'en sortait plus. Donc là-dessus, ça m'apparaissait un pas.
Je n'ai pas compris leurs propos peut-être, aussi, sur l'affaire de... Ils semblent prêter une intention au projet de loi de rendre l'inscription obligatoire à un médecin et que peut-être que ça enlèverait le choix du citoyen de choisir son médecin. Mais évidemment, en cas d'urgence, on n'a jamais le choix. Pour un suivi régulier, j'imagine que le choix va perdurer. C'est les éléments qu'on va regarder d'un peu plus près, là, en temps opportun.
Mme Harel: Je vous remercie.
Mme Desrosiers (Gyslaine): Je vous en prie.
Le Président (M. Copeman): Merci. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Oui, je veux prendre un peu de mon temps résiduel, mais pas tout, M. le Président.
Mme Harel: Est-ce qu'il reste du temps?
Le Président (M. Copeman): Bien sûr, madame.
Mme Harel: Du temps pour la partie ministérielle?
Le Président (M. Copeman): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, une chance que ça ne prend pas beaucoup de talent pour gérer le temps, j'ai une excellente équipe qui m'avise...
Mme Harel: D'accord. Dites-moi combien de temps il nous reste.
Le Président (M. Copeman): 6 min 15 s.
Mme Harel: Parfait. Et à l'opposition?
Le Président (M. Copeman): On va vous le dire... Huit minutes.
Mme Harel: Parfait. Merci.
Le Président (M. Copeman): Ça va?
Mme Harel: Ça va.
Le Président (M. Copeman): Allez-y, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Oui, M. le Président. Juste parce qu'il y a des points intéressants qui ont été soulevés et qui méritent une clarification, d'ailleurs on y reviendra avec les prochains intervenants. D'abord, la question de l'exclusivité du plan d'organisation clinique, pourquoi est-ce là? C'est une philosophie fondamentale du projet de loi qui vise à déplacer, vers le niveau local, le plus gros de la responsabilité de l'organisation clinique. Comme dit Mme Desrosiers: Quelle est la situation actuelle? La situation actuelle, c'est que l'organisation vient du haut, puis elle dit aux gens près des citoyens: Voici comment on va vous organiser ça. Nous inversons la logique, la réflexion part de la proximité du territoire local et remonte vers les établissements spécialisés. Et la question ne devient plus: Qu'est-ce qu'on peut vous offrir?, mais, à l'inverse: Nous avons besoin de. Donc, le niveau local doit, et c'est dans le projet de loi, faire des ententes formelles avec les institutions spécialisées et surspécialisées, les centres jeunesse, les hôpitaux universitaires de façon à répondre aux besoins en soins spécialisés et surspécialisés des gens de leurs territoires. Donc, c'est un élément de philosophie qui est là pour une raison assez fondamentale. Mais on pourra bien sûr échanger là-dessus.
Deuxième point, la question des banques régionales. Je pense que Mme Desrosiers a fort bien répondu à la question. Bien sûr, les banques régionales communiquent entre elles, et en fait ce qui arrive dans le cas particulier de Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve qui se présente à Saint-Jovite et a le malheur d'avoir un problème de santé à cet endroit-là, c'est que le médecin qui la reçoit passe par un agent localisateur, qui est la RAMQ, qui lui dit: Ah! Le dossier de Mme la députée est dans telle banque régionale, et là la banque régionale correspond avec celle où la personne est en visite.
Et enfin j'abonde dans le sens de Mme Desrosiers sur les sens, l'interprétation à donner aux propos publiés dans Le Devoir, ce matin, qu'il n'est pas question de limiter la circulation des gens. De toute façon, les professionnels de la santé, sauf certaines exceptions très bien balisées dans la loi de santé et services sociaux, ont l'obligation de recevoir les patients et de les traiter. Il n'y a pas d'obligation dans le projet de loi d'inscrire toutes les personnes d'un territoire à un médecin, ce n'est absolument pas là. Ça, c'est présent lorsqu'on a un groupe de médecine de famille, puis ce n'est pas exclusif non plus. Ce n'est pas parce que vous êtes inscrit comme client d'un groupe de médecine de famille que vous n'avez pas le droit de consulter un autre médecin ailleurs. Alors, je pense qu'il va falloir réétablir les faits, là, mais je pense que les explications de la présidente de l'Ordre des infirmières sont tout à fait dans la bonne direction. Merci.
Mme Desrosiers (Gyslaine): M. le ministre, concernant les hôpitaux universitaires et la question de notre amendement à l'article 206, vous n'avez rien dit là-dessus, est-ce que vous avez une certaine ouverture, ou enfin envisagez-vous de le regarder attentivement?
M. Couillard: Vous savez la grande sympathie que j'ai pour la profession infirmière et comment... alors...
Mme Desrosiers (Gyslaine): Ah bon! Bien, alors, si je pars avec la sympathie, je vais surveiller ça d'encore plus près.
M. Couillard: Certainement.
Mme Desrosiers (Gyslaine): Merci.
Mme Harel: Cette sympathie ne s'est pas manifestée dans le projet de loi.
Mme Desrosiers (Gyslaine): Oui, oui, ça s'est manifesté. C'est juste qu'on veut juste être sûres que la rédaction... Il a répondu à notre demande, mais on pense que la rédaction exige une petite amélioration. Alors, je remercie beaucoup la commission de nous avoir reçues.
Le Président (M. Copeman): Ce n'est pas tout à fait terminé, tout dépend de l'humeur...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Copeman): Non, non, mais je comprends votre empressement de vouloir nous quitter, mais...
Mme Desrosiers (Gyslaine): Je pensais que tout avait été dit. Excusez-moi.
Le Président (M. Copeman): Bien, ça se peut, Mme Desrosiers, on verra, si personne d'autre ne se manifeste, évidemment. Ça a l'air d'être le cas en fin de compte, effectivement, et je ne veux pas présumer, hein? Ceux qui présument, hein...
Mme Desrosiers (Gyslaine): ...finalement.
Le Président (M. Copeman): Je comprends, mais ce n'est pas nécessaire. Mme Desrosiers, Mme D'Anjou, Mme Racette, Mme Mercier, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec.
Et j'invite les représentants du Collège des médecins du Québec de prendre place à la table.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Copeman): Sans trop vous bousculer, Dr Lamontagne, bienvenue à cette commission parlementaire. Je jonglais avec l'idée comment vous présenter. Vous êtes un habitué, et il m'est venu à l'esprit de vous décrire comme faisant partie des meubles, mais, il me semble, ce n'est pas tout à fait... C'est une expression courante, surtout en anglais, mais ce n'est pas nécessairement très flatteur, ça fait que je ne veux pas non plus laisser l'impression que c'est mauvais, au contraire.
Mme Harel: ...tout simplement.
Le Président (M. Copeman): Bien, c'est ça, ce serait mieux, je pense. Comme d'habitude, les conseils de notre collègue la députée d'Hochelaga-Maisonneuve me sont précieux. Alors, Dr Lamontagne, président du Collège des médecins, bonjour. Vous savez comment ça marche, vous avez 20 minutes. Je vais chronométrer très soigneusement votre présentation ainsi que les échanges avec mes collègues, qui seront d'une durée, d'une période maximum de 20 minutes de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter les messieurs qui vous accompagnent et de débuter votre présentation.
Collège des médecins du Québec (CMQ)
M. Lamontagne (Yves): M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les parlementaires, je voudrais d'abord vous présenter le Dr Charles Bernard, qui est vice-président du Collège des médecins, et le Dr Yves Robert, qui est secrétaire général adjoint, et de vous dire, M. le Président: Si on fait partie des meubles, je pense qu'on a des roues au moins en dessous de nos meubles.
Évidemment, on vous remercie de nous permettre de vous présenter le résultat de nos réflexions relativement à ce projet de loi. C'est un projet de loi complexe qui aborde plusieurs sujets d'importance pour le réseau de la santé et des services sociaux. Vous vous rappelez que le projet de loi n° 25 ? que nous avions d'ailleurs commenté ici en décembre 2003 ? laissait espérer de nouvelles perspectives réjouissantes de coopération par la mise en place des réseaux, qu'ils soient locaux ou universitaires ou entre les établissements publics et des cabinets privés. On avait alors appuyé évidemment cela sans aucune réserve. Nous percevions, avec ce projet de loi, comme un message politique fort et nouveau de confiance et de coopération. Il s'agissait selon nous d'un projet qui était mobilisateur et qui s'apparentait à une bouffée d'air frais dans un réseau de santé beaucoup plus familier avec des messages de contrainte et de restriction qu'aux invitations à l'initiative.
Malheureusement, le présent projet de loi amène de notre part une réponse plutôt mitigée. Si plusieurs éléments sont intéressants ? et nous les soulignerons ? d'autres suscitent des interrogations, sinon des appréhensions, en particulier quant à notre avis à une hypertrophie de la bureaucratie dans le système de santé, qui est cette fois-ci davantage centrée sur le contrôle, la surveillance et l'inspection que sur l'accessibilité et la dispensation des services médicaux de qualité dont la population a grandement besoin.
n(11 h 10)n Ce qui attire d'abord notre attention, c'est le paradoxe du message envoyé. D'une part, on confie au réseau local de santé la responsabilité, que l'on précise exclusive, de définir son projet clinique à partir des caractéristiques de la population dont il a charge ? un peu comme si le décideur lui faisait confiance ? mais, d'autre part, le même décideur multiplie les contrôles, qu'ils soient internes, par exemple le commissaire aux plaintes local, des comités de vigilance, les multiples comités d'usagers, et les contrôles externes, par les commissaires aux plaintes régionaux et central, les pouvoirs d'inspection des agences et du ministère, comme si finalement le réseau ne méritait pas qu'on lui fasse plus confiance. Un symptôme de ce paradoxe se traduit dans l'évolution du vocabulaire entre le projet de loi n° 25, où on parle de communication, de réseau et de qualité, et le présent projet, où on parle de plaintes, de surveillance et d'inspection.
En tant qu'ordre professionnel, c'est évident qu'on est familiers avec les mécanismes d'inspection professionnelle, d'enquête et de plaintes disciplinaires, donc nous sommes bien placés pour témoigner de l'abondance des mécanismes de régulation dans le réseau, qui sont nécessaires sans aucun doute, mais avec un dosage approprié. Il faut prendre garde de multiplier, sinon de superposer, les juridictions et les pouvoirs de régulation au risque d'étouffer le système, finalement. Il ne faut jamais perdre de vue que les comportements déviants sont toujours l'exception et non pas la règle.
Alors, nous commenterons maintenant, l'un après l'autre, chacun des termes qui sont présentés par le projet de loi. Le premier, c'est: une nécessaire clarification des concepts d'instance locale et d'établissement. Et, comme remarque préliminaire, certains termes à notre avis mériteraient d'être définis, en particulier «l'instance locale» et «l'établissement». Certains articles distinguent, d'autres confondent les deux termes, et à cet égard nous vous référons aux articles 41 et 45 du projet de loi.
Quant à l'accès à des renseignements qui sont contenus au dossier de l'usager, je vous dirai que les articles numérotés 1, 3 et 5 du projet concernent l'accès à des renseignements contenus au dossier de l'usager. On est d'accord avec les dispositions qui balisent l'accès à cette information dans le cadre d'une prise en charge et du suivi d'un patient ainsi qu'avec les conditions d'exception permettant d'avoir accès à une telle information sans le consentement du patient, tel que précisé à l'article 1. Toutefois, lorsqu'une information est transmise à une personne ou à un organisme dans le cadre d'un mandat ou d'un contrat de services, on stipule que l'information doit être détruite lorsque le mandat est exécuté ou le contrat terminé. Et, à cet effet-là, on attire votre attention sur le fait que cette disposition pourrait contrevenir à des règlements d'ordre professionnel qui nous obligent à la conservation des dossiers médicaux pour des périodes prescrites, soit cinq ou 10 ans.
Le commissaire aux plaintes et les comités de vigilance. Les articles 10, pour le local, 25, 28, pour le régional, précisent les mandats qui sont confiés aux commissaires aux plaintes, et les articles 83 et 148, local et régional également, créent et définissent les mandats des comités de vigilance qui sont chargés d'établir les liens entre les conseils d'administration et les commissaires aux plaintes. D'une part, on constate que les mandats qui sont confiés aux commissaires aux plaintes sont élargis et incluent une situation qui pourrait faire l'objet d'une plainte ainsi que les plaintes verbales. Le message peut-être serait rassurant sans aucun doute pour le public, puisqu'on augmente ainsi la sensibilité du système pour ne rien échapper. Par contre, cet élargissement peut avoir l'effet pervers d'engorger encore plus le système des plaintes et de le rendre ainsi paradoxalement inefficace, en perdant un peu de la spécificité qui permet d'intervenir dans des situations qui méritent vraiment une attention particulière.
Il y a du pour et du contre à la mise en place de ces comités. L'aspect positif repose sur la souplesse que procurent les communications avec les commissaires aux plaintes par rapport à une reddition de comptes devant l'ensemble du conseil d'administration. L'aspect négatif, c'est la possibilité que le comité de vigilance puisse représenter une forme de filtre entre le commissaire aux plaintes et l'ensemble des membres du conseil d'administration. Ce risque selon nous pourrait être atténué si le commissaire aux plaintes pouvait assister aux réunions du conseil d'administration et répondre aux questions des membres.
Enfin, notons au passage l'ajout de l'assistance des usagers par des organismes communautaires lorsqu'une plainte est acheminée au conseil des médecins, dentistes et pharmaciens. Il faut s'assurer que cette assistance, qui est souhaitable et bénéfique, on ne le nie pas, ne devienne pas par contre une façon d'alourdir ou de judiciariser le processus d'analyse d'une plainte par un comité d'étude de plaintes.
Les réseaux locaux. L'article 41 introduit le chapitre sur les réseaux locaux de santé et de services sociaux et les articles qui en découlent. Nous avons quelques interrogations. À l'article 99.5, pourquoi préciser que l'instance locale est responsable de manière exclusive de définir un projet clinique et organisationnel? La pertinence de cette précision est d'autant moins claire que le projet clinique doit être conforme aux orientations ministérielles et régionales. À titre d'exemple, le département régional de médecine générale et d'autres intervenants n'ont-ils pas la responsabilité pouvant influencer de façon significative le projet clinique de l'instance locale? Et l'agence régionale n'aurait-elle pas un rôle de validation et d'approbation des projets cliniques?
À l'article 99.7, on ne peut que se réjouir évidemment de retrouver des outils que nous demandons depuis plusieurs années pour le médecin afin de créer des conditions favorables à l'accès, à la continuité et à la mise en réseau des services médicaux régionaux. On ne peut qu'applaudir à cette obligation, maintenant dans la loi, qui est faite au réseau de soins de santé de permettre au médecin l'accès à des plateaux techniques et aux résultats d'examens diagnostiques, aux profils médicamenteux et aux résumés de dossiers de ses patients. Sans minimiser la volonté politique qui est inscrite dans une loi, il subsiste quand même deux questions opérationnelles qui sont bien sûr non négligeables: Quand et comment ces intentions seront-elles enfin observables sur le terrain?
Enfin, le dernier paragraphe de cet article mentionne l'accès à des médecins spécialistes par les médecins de famille dans une perspective de hiérarchisation des soins. On souligne ici, au passage, la reconnaissance dans la loi du rôle implicite et essentiel évidemment du médecin de famille. Par contre, cet énoncé signifie-t-il également l'obligation d'une demande de consultation par le médecin de famille, qu'il faut nécessairement que le médecin de famille soit obligé de faire une consultation pour avoir accès au médecin spécialiste?
L'article 48 de son côté introduit les articles relatifs aux conditions d'utilisation de la télésanté. Peut-être faudrait-il préciser à l'article 108.1 que l'obligation pour un établissement de conclure une entente ne vaut que si l'utilisation des services de santé est requise. Je pense qu'on n'a pas besoin de ça nécessairement, non plus, partout.
Les conseils d'administration. Alors, plusieurs articles définissent la composition des conseils. Nous soulignons l'ajout de membres reconnus pour leur compétence en gestion dans chacun des conseils envisagés. Je pense que c'est une excellente suggestion, on l'avait faite. Maintenant, moi, je me demande: Comment cela se fera-t-il et qui va décider de leur compétence?
Quant aux privilèges des médecins en établissement universitaire, trois articles précisent que le plan d'effectifs médicaux dans les instituts et les centres hospitaliers universitaires doit indiquer la répartition entre les médecins des tâches relatives à l'activité clinique, à la recherche et à l'enseignement. Voilà une nécessité que nous appuyons et à laquelle il faudrait ajouter fort probablement les activités administratives et l'évaluation des technologies.
L'agence régionale. Alors, l'article 120 définit le mandat de l'agence régionale. L'article 129 transforme le plan régional d'organisation de services actuel en plan stratégique pluriannuel, dont on retrouve l'équivalent, au niveau national québécois, à l'article 155, relatif au mandat du ministre. On note, dans ces deux articles, la disparition d'une référence à la Politique de la santé et du bien-être par les termes moins contraignants de «la promotion d'activités susceptibles d'améliorer la santé et le bien-être de la population». Est-ce qu'on doit comprendre ici qu'il n'y a plus d'objectif à atteindre ni d'échéancier pour le faire?
En ce qui a trait à la certification des résidences pour les personnes âgées, l'article 128 précise l'obligation et les conditions de certification des résidences pour ces personnes. On mentionne que les critères sociosanitaires à respecter seront définis par règlement et que l'organisme responsable d'émettre l'attestation de conformité doit être mandaté par le ministre. Nous partageons bien sûr l'objectif qui est visé par le projet de loi en cette matière, soit d'assurer la meilleure qualité de soins possible à la clientèle vulnérable que sont les personnes âgées. Ce qu'on craint par contre, c'est que le processus de certification ne crée encore une lourdeur bureaucratique et ne puisse garantir vraiment l'atteinte de la qualité souhaitée. L'article 346.0.9 prévoit que l'agence ait le pouvoir de nommer des inspecteurs aptes à vérifier le respect des normes. Il ne faudrait pas consacrer plus de ressources à faire de l'inspection qu'à offrir des services qui sont requis par cette clientèle.
C'est évident que, même si des événements ont fait la manchette l'an dernier ? ça peut expliquer en bonne partie ce désir d'un meilleur encadrement des services dans les résidences de soins prolongés ? je pense qu'il faut constater que les mesures coercitives ont des seuils au-delà desquels elles deviennent inefficaces. Le contexte démographique créera inévitablement une pression énorme sur les besoins en hébergement au cours des 20 prochaines années alors que le nombre de personnes âgées, vous le savez comme moi, de plus de 65 ans doublera. En serons-nous encore à donner des certificats de conformité et à faire des inspections dans des établissements dont le nombre ne suffirait plus à la demande? Et que ferons-nous s'il n'y a pas de conformité mais que les personnes vulnérables sont prêtes à y être hébergées, faute de mieux?
n(11 h 20)n N'y aurait-il pas plutôt lieu d'explorer dès maintenant des voies peut-être plus prometteuses? Pourquoi ne pas soutenir financièrement les familles et les proches des personnes qui sont en perte d'autonomie pour qu'ils puissent choisir eux-mêmes l'aide adaptée à leurs besoins? Il est vraisemblable qu'un tel soutien permettrait des services à notre avis beaucoup plus humains, moins institutionnalisés et beaucoup mieux adaptés, et même de meilleure qualité, et, tout compte fait, possiblement moins coûteux. Le jour approche, vous savez, où les concepts institutionnels traditionnels vont devoir nécessairement laisser la place à de nouvelles formes de solidarité sociale et de services. Il serait intéressant que le réseau de la santé investisse dans l'expérimentation de façons moins lourdes d'offrir les services de soutien de base dont nous aurons tous besoin demain.
Table régionale en médecine spécialisée. Alors, l'article 136 mandate la Commission médicale régionale pour créer une table régionale en médecine spécialisée équivalente au département régional de médecine générale. L'idée n'est pas mauvaise mais pose des difficultés pratiques à notre avis, particulièrement en région urbaine universitaire. Comment vont être choisis les chefs de département de médecine spécialisée, et, dans un tel contexte, quel pouvoir sera réel, de cette table? Évidemment, elle est aussi consultative, comme la CMR. Et, moi, je vous dirai, pour avoir assisté à quelques reprises aux rencontres annuelles de toutes les CMR: Il y a beaucoup de gens qui se plaignaient de travailler pour rien, puisqu'aucune des suggestions qui étaient apportées par les CMR n'étaient retenues au niveau décisionnel.
Le pouvoir d'inspection de l'agence. L'article 151 définit les pouvoirs que peut exercer une personne mandatée par l'agence régionale pour effectuer une inspection. On y précise que l'inspecteur peut examiner tout document relatif aux activités exercées dans cette installation et en tirer copie. N'y aurait-il pas lieu de mieux baliser l'accès au dossier médical du patient? N'y a-t-il pas un risque de superposition de juridiction, par exemple, avec celui des ordres professionnels?
Maintenant, en ce qui a trait aux RUIS, la section sur les réseaux universitaires intégrés de santé est l'une des plus importantes du projet de loi, et l'article 436.6, relativement au mandat des RUIS, a particulièrement attiré notre attention. On y mentionne que les RUIS doivent formuler des propositions sur, et je vous donne le 2° et le 3°:
«2° la formation médicale et la répartition, auprès des établissements membres du réseau, des étudiants de la faculté de médecine de l'université associée au réseau;
«3° l'assistance offerte à la faculté [...] associée au réseau pour le déploiement de la formation médicale en région.» Il nous apparaît utile de rappeler que l'agrément des programmes postdoctoraux de même que l'agrément des milieux de stage et les capacités d'accueil des programmes relèvent du Collège des médecins du Québec. Et à ce titre, compte tenu de sa mission, notamment en matière de formation médicale, nous croyons qu'il pourrait être utile, sinon essentiel que le collège soit présent à la Table de coordination des RUIS, comme défini à l'article 436.8.
Circulation et conservation des renseignements médicaux. Avec la section précédente sur les RUIS, les articles 172, 173 définissant le cadre permettant la conservation et la circulation des renseignements médicaux dans les réseaux utilisant les nouvelles technologies de l'information sont les plus importants de ce projet de loi. Sans ce cadre légal, auquel nous souscrivons pleinement, nous ne pourrons pas offrir au médecin l'accès aux résultats et aux informations médicales qui sont nécessaires pour prendre les décisions appropriées, en temps opportun, pour ses patients. Alors donc, on souscrit en particulier au principe énoncé au chapitre I de l'article 173. Nous nous interrogeons par contre sur deux points. Comment sera-t-il possible de gérer de façon efficace la possibilité de consentement et de refus de l'usager, qui semble illimitée et qui risque d'entraîner de la confusion? Deuxièmement, le cadre légal étant établi et adopté, combien de temps évidemment devrons-nous attendre encore avant l'implantation de ces réseaux d'information?
Comme nous l'avons mentionné, vous le savez, lors de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 25, la communication et la transmission de l'information est l'ingrédient indispensable pour que les réseaux de santé passent du voeu pieux à une réalité clinique utile et fonctionnelle. Donc, on se réjouit évidemment de constater que le cadre légal proposé devrait permettre de passer le plus vite possible à l'implantation d'un réseau de communication efficace. Il sera également important d'informer la population de la constitution de telles banques de données, et sur les mécanismes mis en place pour assurer la confidentialité des données et la sécurisation des accès, et surtout sur les bénéfices concrets dont la population profitera de façon tangible.
De nouveaux rôles pour le Protecteur du citoyen à la RAMQ. Enfin, on approuve également l'intégration du Protecteur des usagers du réseau de la santé au mandat du Protecteur du citoyen ainsi que les nouveaux mandats confiés à la Régie de l'assurance maladie en tant que gestionnaire des consentements d'accès aux renseignements médicaux et d'organisme-support au déploiement des systèmes de conservation des renseignements personnels.
En conclusion, le Collège des médecins réagit de façon mitigée au projet de loi. Parmi les éléments positifs, le collège reconnaît la proposition innovatrice et prometteuse que représentent les RUIS, mais également les embûches qu'il faudra surmonter pour en faire une réalité. Le collège souligne aussi le cadre légal essentiel pour permettre la conservation et la circulation des renseignements médicaux, mais aussi la lourdeur du processus de gestion des consentements et des refus ainsi que les délais à prévoir avant que ces réseaux de communication deviennent évidemment une réalité. Enfin, le collège reste convaincu de la pertinence de la mise en place et du développement des réseaux locaux et de la consolidation des services de proximité amorcée par le projet de loi n° 25 et poursuivie par le présent projet de loi.
Parmi les éléments plutôt négatifs, le collège déplore le message politique ambigu visant, d'une part, à responsabiliser et stimuler les réseaux locaux de santé et, d'autre part, à multiplier les mécanismes de contrôle, d'inspection et de reddition de comptes, au risque de dédoubler les mécanismes existants. Le collège appréhende également une hypertrophie de la bureaucratie nécessaire aux mécanismes de contrôle proposés. Nous souhaitons aussi une clarification des notions et des juridictions des instances locales et des établissements. Nous soulignons les limites de l'autonomie des réseaux locaux, mais surtout celles des mécanismes de certification et d'inspection des établissements pour les personnes âgées. Enfin, le collège observe que l'approche générale est plus défensive que proactive et qu'il serait souhaitable de développer des chantiers d'innovation et de nouvelles façons de faire plus souples pour répondre aux défis qui sont déjà là. Alors, on vous remercie de nous avoir permis de partager nos réflexions avec vous.
Le Président (M. Copeman): Merci, Dr Lamontagne. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Dr Lamontagne et vos collègues, pour votre présence et votre intéressante communication.
Je commencerais par quelques commentaires sur les différents points que vous avez touchés, et par la suite on pourra échanger sur d'autres points plus précis. Je ne voudrais pas répéter ce que je viens de dire. Sans doute avez-vous entendu ce que j'ai expliqué tantôt sur la philosophie du projet clinique par rapport à son orientation du bas vers le haut, et non pas l'inverse. Ça, je pense que je n'ai pas besoin de refaire cette démonstration-là. On peut être d'accord ou pas, mais c'est la façon dont, nous, on aborde l'organisation des soins de santé.
Deuxièmement, bien vous parlez du rôle de l'agence régionale dans l'élaboration des projets cliniques. Pour nous, il est essentiel que ce rôle soit circonscrit justement comme vous l'avez dit, un rôle de validation, de cohérence; s'assurer, par exemple, que le projet clinique d'un territoire n'entre pas en conflit de logique avec celui du territoire voisin ou à côté; s'assurer également de la présence d'ententes de services, parce qu'on dit que les réseaux doivent conclure des ententes de services, donc ça prend quelqu'un qui vérifie ces ententes de services là et s'assure qu'elles sont cohérentes et concrètes. Alors, c'est là le rôle de l'agence régionale.
Vous avez répété, comme vous l'aviez fait d'ailleurs ? je m'en souviens ? lors du débat entourant l'adoption de la loi n° 25, sur le facteur critique que représente la circulation de l'information en tant que garante du succès de l'intégration des services, et on souscrit totalement à cette déclaration-là, et là vous avez dit: Quand allons-nous voir concrètement arriver ces choses-là? Bien, ça commence actuellement. On est en train de déployer la première étape dans nos réseaux locaux, qui est la disposition de banques de données, de résultats de laboratoire et de radiologie, maintenant, avec des sommes appropriées, avec une entente avec Inforoute Santé Canada, qui, comme vous le savez, est en cours. Maintenant, pour aller plus loin, on a besoin du cadre législatif. Je l'expliquais dans mes remarques d'introduction, le cadre législatif actuel est basé sur un système de santé avec des papiers. Il n'y a rien là-dedans, dans la loi actuelle, qui nous permet d'encadrer la télésanté, de faire circuler l'information. Donc, pour aller plus loin, on a besoin de ce cadre législatif là, notamment pour les médicaments, qui est si important en termes de profil de patient.
Non, il n'est pas nécessaire et obligatoire... il n'est pas obligatoire de passer par l'omnipraticien pour voir un spécialiste. Cependant, on devrait tous souhaiter, comme gestionnaires du système de santé, que les spécialistes soient concentrés sur leurs véritables tâches spécialisées et donc que ça passe par une meilleure offre de services en première ligne. Et on sait qu'un des problèmes actuels qui nous empêchent d'y arriver, c'est la pénurie de main-d'oeuvre. Mais notre philosophie, ce n'est pas de dire que c'est obligatoire. Vous savez qu'il y a des pays, comme l'Angleterre par exemple, où la porte d'entrée obligatoire est le médecin de famille. On ne va pas dans cette direction-là. Mais on doit s'assurer qu'il y a une offre de services de première ligne qui permet de concentrer l'effort du spécialiste sur sa tâche.
Moi, je me souviens très bien, quand je faisais des cliniques externes ? puis vous avez eu cette même expérience-là ? je dirais qu'en gros, là, 40 % de ma tâche en clinique externe n'était pas du niveau de ma formation en tant que spécialiste. Beaucoup auraient dû être normalement pris en charge en première ligne plutôt que d'adresser à un spécialiste. Et, si j'avais eu plus de temps pour voir les cas plus difficiles ou plus spécialisés, j'aurais pu donner certainement un meilleur service dans les meilleurs délais. Alors, il faut bien arrimer les deux, c'est très important.
n(11 h 30)n Vous avez parlé des plans d'effectifs universitaires. Vous avez raison, un des problèmes qu'on a, quand on veut planifier les effectifs dans les centres d'enseignement ? il y a des gens qui ont de la misère avec leurs cellulaires, tantôt c'était l'opposition, maintenant on est égaux, 1 à 1...
Le Président (M. Copeman): One strike of each side.
M. Couillard: ... ? le problème qu'on a, c'est de calculer les effectifs correctement. On sait qu'en milieu universitaire on ne peut pas dire qu'une personne est nécessairement équivalente à une tâche clinique pleine parce qu'il y a des tâches d'enseignement, de recherche, d'évaluation.
Vous ajoutez, avec beaucoup de raison, l'évaluation des technologies de l'administration. Le problème qu'on a, c'est qu'on n'a pas d'outil pour mesurer ça, donc il faut s'en donner un législatif. Puis également, à l'intérieur de l'institution, c'est un plan de pratique qui permet de savoir exactement quelle est la distribution des tâches. Moi, j'allais dans un milieu, comme vous le savez, où il y avait un plan de pratique, alors on pouvait dire, pour chacun d'entre nous, de façon très précise et document à l'appui, quel était le pourcentage de tâches reliées à l'enseignement, à la recherche, à l'administration, et ça, ça passe nécessairement par la mise sur pied d'un plan de pratique en milieu universitaire.
Les objectifs et l'échéancier en termes de résultats, vous y avait fait allusion, vous avez raison que ce n'est pas dans le projet de loi. On parle beaucoup de qualité, de continuité quand même dans le projet de loi, il faut le reconnaître, mais la question que vous posez est la suivante: Où est l'aspect concret en termes de garantie de services, d'échéancier, de mesure de résultat? Et ça, c'est dans ce que nous appelons les ententes de gestion, qui est quelque chose qui est parallèle au projet de loi, qui est lié au nouveau mode d'allocations budgétaires, qui est une gestion budgétaire axée sur les résultats sous forme d'ententes de gestion entre le ministère et le niveau régional, entre le niveau régional et les établissements, où on se fixe, au début de l'année, des objectifs en termes, par exemple, de volume de patients opérés pour telle chirurgie ou de nombre de jeunes en difficulté pris en charge dans les centres jeunesse, et on mesure, à la fin de l'année, l'atteinte ou non de ces objectifs-là. Et les sommes d'argent sont associées clairement à l'atteinte de ces objectifs-là.
Vos remarques sur la question des visites en résidence sont, je crois, là, bien fondées de votre part. Vous craignez un alourdissement du phénomène et une bureaucratisation. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas voulu... vers une agence qui émettrait des permis, un peu comme on a pour les établissements touristiques et les autres établissements, là, qu'on connaît au Québec. Il nous semble plus souple de procéder avec ces certificats de conformité. On n'a pas l'intention de transformer le ministère ni les agences régionales en de vastes organismes d'inspection. Cependant, je ne crois pas que vous vous objectez ? et c'est ce que je retiens de votre présentation ? au principe même de l'encadrement et de la vérification. Je pense que, comme vous l'avez dit, le public, là, a soif de ça, il y a eu assez d'événements et de démonstrations qu'on a besoin de donner accès à la mesure de la qualité également dans ces milieux-là.
La table régionale des chefs de médecine spécialisée. Vous savez que c'est quelque chose qui est discuté depuis longtemps, un de mes prédécesseurs avait failli l'introduire dans un projet de loi, et finalement ça n'avait pas été fait. Il s'agit de faire le pendant un peu de la Direction régionale de médecine générale où, nous, comme ministère, et les agences régionales, on a un interlocuteur clairement identifié quand on veut planifier l'organisation des services en médecine générale. La même chose n'existe pas en médecine spécialisée, mais ce n'est pas le même contexte, c'est plus compliqué, la médecine spécialisée. Alors, c'est la raison pour laquelle l'approche est différente. Le DRMG, ou, pour les non-initiés, le département régional de médecine générale, fait partie de la structure, maintenant, administrative de la région, tandis que cette table proposée ? puis on va voir comment on peut l'améliorer ? n'est pas dans la structure administrative, elle a plutôt, effectivement, un rôle consultatif.
Vos remarques pour les RUIS. Je remarque que, jusqu'à maintenant, ce qui est intéressant et qui à mon avis témoigne du bien-fondé et du succès de cette innovation-là, c'est que tout le monde veut être sur les RUIS. Je reçois sans arrêt des demandes de nombreux groupes et organisations qui insistent pour y participer, et bien sûr on veut certainement que ce soit élargi le plus possible, mais on ne veut pas non plus, pour rejoindre votre crainte, faire d'immenses réunions à 65, là, ça va être très difficile d'avancer puis de faire développer les dossiers.
Dernier point que vous avez mentionné, la question des consentements et des refus. Ce qui est proposé, c'est que, pour le dépôt de dossiers médicaux dans les banques régionales, il y ait un consentement écrit de la personne, que ces consentements soient enregistrés au niveau de la... c'est un des rôles qu'on veut confier à la Régie de l'assurance maladie du Québec, d'être dépositaire des consentements. Ces consentements ont une durée limitée dans le temps, cinq ans, et sont révocables en tout temps, c'est-à-dire que vous entrez dans un établissement de santé et vous donnez votre consentement, mais, six mois plus tard, si vous décidez que vous ne voulez plus consentir à la transmission de vos documents, c'est certainement possible de le faire puis de révoquer ce consentement-là. Alors, voilà en gros les commentaires que j'avais à faire sur les nombreux points intéressants que vous avez discutés.
Je voudrais revenir donc sur cette question des RUIS. Vous êtes quand même, je crois... Vous avez comparu à titre d'invité, à plusieurs reprises, à la Table des RUIS. Je crois comprendre donc que ce statut d'invité ne vous suffit pas, que vous voudriez faire plus. Qu'est-ce que vous pourriez faire de plus que ce que vous avez fait si vous étiez partie intégrante de la Table des RUIS? Puis une autre question que je vous poserais ? ça nous arrive, essayez de vous mettre à ma place: Qu'est-ce que vous feriez devant toutes ces demandes de participation à la Table des RUIS? Où est-ce qu'on arrête ça, là, à un moment donné? Parce que sinon, là, tout le système de santé veut s'asseoir là, puis on n'aura pas de réunion, puis on n'aura pas de discussion, puis on ne sera pas capable de faire avancer les dossiers. Alors, où est-ce qu'on fait la limite entre ce qui est pertinent d'avoir de façon permanente à la Table des RUIS puis les gens qui sont bien sûr invités d'y défiler à titre d'invités?
M. Lamontagne (Yves): Je répondrai deux choses là-dessus. D'une part, je pense que tout le monde sait bien ici ma hantise contre la bureaucratie, et évidemment un comité à 60, ce n'est pas pour marcher, je suis d'accord avec vous. Cependant, le seul but pour dire que le collège devrait être assis là, c'est que les agréments, c'est nous autres qui les faisons, et, dans ce sens-là, nous sommes partie prenante avec les universités. Les visites des universités pour les agréments, c'est nous autres qui les faisons, c'est nous autres qui avons tous les permis pour tous les résidents, tous les étudiants en médecine, et c'est un peu dans ce sens-là, et c'est tout. Évidemment, le reste, bien là c'est plus gros. Mais je pense qu'on devrait être là pour cet aspect-là qui est de la formation. Dr Robert, peut-être.
M. Robert (Yves): En fait, sur le plan opérationnel, on pourrait imaginer que les décideurs soient à la table centrale des RUIS et qu'il y ait une fragmentation de certains thèmes. Alors, celui qui nous préoccupe davantage, c'est celui de la formation des étudiants en médecine. Donc, pour ces aspects-là, peut-être y aurait-il un groupe de travail ou un groupe qui relève de la table et où ce sujet-là se discute, et, à ce moment-là, notre participation serait plus active et plus efficace.
M. Lamontagne (Yves): Je vais reprendre tantôt, parce que le Dr Robert vient de dire «la table», hein, ça fait deux, trois fois qu'on parle de table, et, pour aller dans votre sens, M. le Président, pas de problème avec les tables, mais en autant que ça bouge. Alors, c'est ça. Puis, je trouve, des fois on a beaucoup de tables mais qui sont dans le béton armé, et c'est avec ça que j'ai de la misère.
M. Couillard: C'est pour ça que c'est peut-être mieux des belles petites tables en contreplaqué que des grosses tables en bois massif qui ne bougent pas.
M. Lamontagne (Yves): Je suis d'accord avec vous.
M. Couillard: Vous avez parlé de la formation en région, effectivement je pense qu'on y souscrit tous, à l'importance de la formation en région. Puis votre rôle est majeur parce qu'effectivement vous devez certifier les milieux de formation. Les exemples sont de plus en plus répandus: il y a l'ouverture de l'antenne de l'Université de Montréal à Trois-Rivières, et on sait que l'Université de Sherbrooke a le même projet avec la Sagamie pour les prochains mois.
Question sur les plaintes, là. Le système actuel est séparé en deux: il y a les plaintes qui regardent les services en général et puis il y a les plaintes qui ont trait à un membre du CMDP, là, bon, un médecin. J'ai, moi aussi, comme vous, eu à gérer ça localement dans un établissement. Vous savez que ce n'est pas évident, d'abord, de trouver un médecin qui accepte de devenir un médecin examinateur, il peut se passer plusieurs mois avant qu'un volontaire se manifeste et accepte de faire ce travail-là, et là on est obligé de trouver des solutions. Alors, dans le projet de loi, on édicte des solutions.
Et ce que les citoyens me disent quand ils me rencontrent, c'est qu'ils sont déjà intimidés quand ils ont à faire une plainte pour le système de santé en général, les services infirmiers ou administratifs, mais, quand ils vont faire une plainte à l'endroit d'un service médical ou professionnel, ce sentiment d'intimidation et d'impuissance, je dirais, des citoyens est augmenté. Alors, c'est les citoyens qui nous demandent de les aider à présenter leurs plaintes et de les accompagner au cours du cheminement.
Effectivement, vous avez raison, on élargit le concept de plainte à «ce qui pourrait faire l'objet de» ou même une plainte verbale. Parce que c'est une autre barrière que les gens nous disent: Bien, on n'est pas capables puis on n'a pas nécessairement ni la capacité ni le temps de rédiger un long document, on sait que, si on rédige un document, ça va être analysé ligne par ligne. On voudrait avoir la possibilité de nous exprimer sur un problème potentiel, perçu ou réel, puis qu'on soit accompagnés et aidés pour ça. Parce que ce que je mentionne pour les plaintes, et je le fais chaque fois que j'en parle, c'est que, si vous questionnez les gens: Pourquoi avez-vous porté plainte ou pourquoi portez-vous plainte?, je n'ai jamais entendu quelqu'un me répondre: J'ai porté plainte pour punir le docteur Untel ou Mme l'infirmière Unetelle. Les gens disent toujours: J'ai porté plainte parce que je ne voudrais pas que ce qui m'est arrivé, à moi ou quelqu'un de ma famille, se reproduise.
Alors, moi, je vois ça dans la perspective d'amélioration de services. Si quelqu'un a l'impression qu'il y a une situation, là, qui est à sa défaveur puis intervient, bien peut-être qu'on aura le temps de l'ajuster tout de suite, avant qu'on ait des problèmes plus importants, de sorte que, là, vous voyez, on a une vision un peu différente. Je comprends que vous avez l'impression que ça alourdit le processus. Moi, j'y vois là l'évidence d'un système davantage axé sur la prévention en termes de qualité. Mais peut-être que là-dessus on peut différer d'opinion. Mais, sur la question des plaintes médicales, est-ce que vous ne trouvez pas qu'il était nécessaire de mieux soutenir les personnes dans ces démarches-là?
M. Robert (Yves): Moi, j'aurais tendance à dire: On n'a aucun problème avec ce principe. Il ne faudrait pas que, dans le mécanisme par contre, et c'est ça plutôt qui est notre crainte, il y ait un... que ça devienne un mécanisme judiciaire, dans le sens où il y ait une représentation avec des avocats, il y ait des droits d'appel, vous voyez un peu le genre de choses. Donc, un support à l'usager pour formuler sa plainte et présenter sa plainte, aucun problème avec ça.
n(11 h 40)nM. Lamontagne (Yves): C'est peut-être, en même temps, si vous voulez, une espèce de pouvoir que le commissaire aurait, de médiation, là-dedans. On n'est pas obligé de toujours se rendre à l'autre bout du système, parce que parfois c'est en se parlant qu'on se comprend, et peut-être que ça, ça aiderait des fois à diminuer, sinon à éliminer certains conflits qu'il pourrait y avoir, ça pourrait permettre de travailler.
Quand les gens font une plainte, ils sont en colère en partant, alors ils ne sont pas placés en position d'écoute toujours, et ça, ça prend quelqu'un qui discute un peu avec eux autres. Et, si ça, ça ferait en sorte que ça améliorerait les communications, je n'ai pas de problème avec ça, en autant que ce soit efficace. C'est ça, le but de l'opération. Et, dans ces affaires-là, si vous voulez, j'ai un peu toujours cette crainte de grossir, appelons ça comme ça, la judiciarisation du système. Puis là, quand on s'embarque là-dedans, là ? je n'ai rien contre les avocats ? mais l'enfer quand on s'embarque là-dedans, parce qu'il y a des appels de ci puis appels de ça, puis on conteste ci puis on conteste ça. À un moment donné... C'est pour ça que ça prend des fois des mois et des mois pour régler une affaire qui pourrait se régler, pour prendre votre expression, autour d'une petite table avec un plywood. Mais ça vient que c'est tellement gonflé à un moment donné. Ça, c'est un peu cette crainte-là.
Et, en vous écoutant parler tantôt, juste pour vous donner un exemple en rapport avec les GMF... Et je le rementionne ici, les groupes de médecins de famille, vous savez qu'on est pour ça à 100 %. Cependant, les médecins ont encore crainte de s'impliquer là-dedans ? puis ça, j'en ai perdu un bout, là ? et je vous répéterai ce que j'avais déjà dit à un ancien sous-ministre, avant que vous arriviez là, Dr Couillard, que le contrat signé dans les GMF, c'était plus compliqué que le contrat qui a été signé entre l'ONU puis l'Afghanistan. Mais là ça fait peur au monde, ces affaires-là. J'avais été à une présentation du ministère, là, ça avait pris un après-midi puis à peu près 108 diapositives pour le contrat. Les docteurs, là, ces affaires-là, si vous voulez une affaire qui fait peur à des docteurs, c'est une affaire de même. Il faudrait quasiment avoir un fiscaliste, l'avocat avec nous autres, le comptable, puis là tu dis: Signe en bas. C'est ma crainte dans ces affaires-là, puis je vous la réitère ce matin.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Nelligan.
Mme James: Merci, M. le Président. Dr Lamontagne, Dr Bernard, Dr Robert, merci pour votre présentation, votre présence avec nous ce matin. J'aimerais revenir sur le processus de certification des résidences privées pour les personnes âgées. Vous avez dit, dans votre présentation, que vous partagez l'objectif d'associer une meilleure qualité, mais vous avez aussi dit que vous avez certaines craintes par rapport à la bureaucratie. Dans votre présentation, Dr Lamontagne, vous avez proposé d'autres pistes de solution, d'autres voies de soutien aux familles, etc. Mais je retiens ce que le ministre a dit il y a quelques instants, que quand même vous n'êtes pas contre ce processus-là de certification. Alors, la question que je vous pose, c'est: Étant donné qu'on veut assurer le succès de ce processus-là, quelles sont les choses qu'on a besoin d'assurer ou d'éviter, tout en maintenant l'objectif souhaité?
M. Lamontagne (Yves): Est-ce que vous parlez juste de certification? Parce que, certification, je vais vous avouer, si vous parlez de ça, là, je ne connais pas ça. C'est quoi, la propreté puis tout ça, moi, je ne connais pas ça. Alors, ça, je ne peux pas vous répondre là-dessus. Tout ce que je veux vous sensibiliser, c'est que, peut-être à cause que la consommation va augmenter de beaucoup dans les années à venir, je pense qu'il faut réfléchir pour trouver des nouveaux moyens beaucoup plus pour aider les aidants naturels. Ça pourrait être des crédits d'impôt, ça pourrait prendre une certaine forme d'argent qui leur donnait à...
Je vais vous prendre un exemple fort simple: mon propre père, qui finalement est décédé à la maison. Ça a pris huit mois, en passant par le CLSC, avant qu'il y ait quelqu'un qui se pointe parce qu'on avait besoin d'une affaire en particulier. Le CLSC était très ouvert, puis, quand c'est le temps qu'on l'a eu, là, ça faisait deux jours qu'il était mort. Bien, peut-être que, pour des gens ? on l'a pris ailleurs, remarquez ? qui ont moins les moyens que ça, leur dire: Voici, cet argent-là, là, on va vous le donner à vous, c'est ça que vous avez besoin, cherchez-le, ils vont le trouver, et, à ce moment-là, au total ? évidemment je ne suis pas un fiscaliste ou quoi que ce soit ? peut-être qu'on pourrait sauver des sous, on viendrait à une chose qui est beaucoup plus humanitaire, on viendrait avec quelque chose qui respecte beaucoup plus les droits des gens. Ce serait un système qui serait beaucoup plus flexible parce que c'est eux-mêmes qui décideraient l'aide qu'ils ont besoin de façon ponctuelle. On pourrait fort probablement diminuer la bureaucratie, on pourrait diminuer les listes d'attente.
Et, sans vous parler ? puis je ne veux pas trop m'embarquer là-dedans parce que ça, c'est un sujet chaud ? des partenariats privé-public, comment ça se fait que les 75, 77 centres privés conventionnés, il n'y a pas eu trop de plaintes là-dedans jusqu'à maintenant? Comment ça se fait qu'eux autres il n'y a pas personne qui avait les baguettes en l'air là-dedans puis que, dans le système public, là, c'est là qu'il y a les drames? Peut-être qu'il faut penser à développer des choses comme ça aussi.
Moi, c'est des hypothèses que je vous soulève. Mais je pense qu'on ne peut pas arriver et rester au statu quo puis dire que, dans 15 ans, on va juste avoir des CHSLD publics pour le nombre de réponses de la demande de la population, parce qu'il n'y a pas un État qui va être capable de suivre ça de toute façon. Donc, ce que je dis: Interrogeons-nous vers l'avenir en étant proactifs et en essayant d'offrir aux gens des systèmes qui sont plus proches d'eux, et qui font que les gens peuvent finir leur vie... C'est pas mal mieux de la finir chez vous que de la finir entre quatre murs, dans un centre d'accueil. C'est ça, mon argument, et c'est plus humain. Dr Bernard.
M. Bernard (Charles): En complément, ça rejoint la préoccupation de M. le ministre tantôt, de l'organisation par la base. Alors là on a une organisation par la base classique, la famille qui s'organise plutôt que l'institution qui organise la famille.
M. Lamontagne (Yves): Et, vous avez raison, j'ai un autre exemple qui me vient. Vous avez parlé de l'Angleterre tantôt, moi, quand j'étais là, en 1972, il y avait une madame qui restait de l'autre côté de chez nous, qui était une ancienne chanteuse d'opéra, puis, quand elle n'allait pas bien, la rue au complet, on l'entendait, là, bien il y avait des gens qui venaient tout de suite, les voisins, ils appelaient. Puis pas d'ambulance, rien. Un petit camion qui arrivait, les gens étaient là, ils évaluaient la situation sur les lieux. Ils lui donnaient le support: si c'était une question de médication, ils l'amenaient avec eux, des fois ils la gardaient deux, trois jours à l'hôpital pour ajuster, puis ils la ramenaient chez eux. Comme diminution des coûts, c'était beaucoup diminué. Cette dame-là que toute la rue connaissait était bien acceptée par la rue. Tout le monde dit: Bien, là, ça ne va pas ce matin, ils prenaient le téléphone puis il y avait quelqu'un. Et, au niveau des coûts, je suis sûr que ça coûtait meilleur marché que d'aller la mettre dans un hôpital, mettons, psychiatrique pendant trois mois. Alors, c'est ce genre de chose là, un peu pour être dans le sens du Dr Bernard: toujours partir par le bas et d'aider les gens qui sont pris avec cette chose-là de façon quotidienne.
Le Président (M. Copeman): Merci, docteur. Mme la députée de Rimouski et porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux.
Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Messieurs du Collège des médecins, bienvenue. Merci d'être là. Dans votre mémoire, lorsque vous parlez des réseaux locaux, vous avez des craintes par rapport à l'effet que l'instance locale soit responsable de manière exclusive pour le projet clinique, hein, pour la définition du projet clinique et organisationnel. D'après vous, c'est quoi, les risques liés au fait que ce soit l'instance locale qui a l'exclusivité de cette responsabilité ou en tout cas l'exclusivité de définir ce projet clinique et organisationnel?
M. Lamontagne (Yves): Je n'ai pas de problème avec l'exclusivité, madame, mais on peut dire à quelqu'un: Tu es exclusif, je te laisse faire ton affaire, puis là, quand on arrive avec, tu sais: Bien, c'est ça que je veux faire ? oups! ? le régional dit: Non, non, non, ça, tu ne peux pas faire ça, puis le régional, il dit: Bien, non, le local, tu ne peux pas faire ça parce que ce n'est pas marqué dans le papier en haut que tu peux faire ça en bas. Alors, moi, je veux bien que ce soit exclusif, et je serais très content que ce soit exclusif, on revient toujours à la base, un peu comme M. le ministre l'a dit tantôt: il faut donner la capacité aux gens, au niveau local, de s'organiser.
Effectivement, il faut s'organiser, avec de l'allure par exemple. Et c'est sûr qu'il y a des liens, comme vous disiez tantôt, entre le local puis le régional. Si vous avez un hôpital qui est plus spécialisé au niveau régional puis qu'il n'y en a pas dans le local, c'est évident qu'il faut faire des corridors de services, puis ces choses-là, je suis d'accord avec ça, il y a une mécanique là-dedans. Et évidemment, vous, en haut, bien vous ne pouvez pas laisser aller ça non plus tous azimuts puis dire: Bien, c'est exclusif, fais ce que tu veux. Il y a des coûts là-dedans, il y a des choses d'organisation. Mais en même temps de laisser à l'instance locale de dire: Oui, c'est exclusif, vous avez certaines barrières, mais on n'est pas là comme des gardiens pour aller vous picocher à chaque fois que vous avez une idée géniale. C'est dans ce sens-là.
Et, vous savez, tout le monde qui est dans le réseau de la santé, il y a un peu toujours cette attitude de dire: Bien, on veut faire des affaires, on veut être proactifs, mais il y a toujours quelque chose qui nous bloque. Et ma crainte, c'est qu'on n'arrive pas encore avec un truc qui est super intéressant, mais que les gens qui sont à la base disent: Bien, tu sais, au fond ça ne change rien parce qu'ils vont nous bloquer au régional puis ils vont nous bloquer au national. C'est dans ce sens-là.
Mme Charest (Rimouski): O.K. J'aimerais revenir sur la page 6 où vous questionnez quand même l'obligation d'une demande de consultation par le médecin de famille pour avoir accès au médecin spécialiste. C'est quoi, le problème pour vous, là, de procéder de cette façon?
n(11 h 50)nM. Lamontagne (Yves): Il n'y a pas de problème. C'est idéalement, comme M. le ministre l'a dit tantôt ? idéalement, là, mais il ne faut pas rêver en couleurs, on est en pénurie, puis on va être en pénurie encore pour plusieurs années ? idéalement chaque Québécois devrait avoir son médecin de famille. Lui, il s'occupe de l'ensemble du patient, et, quand il a besoin d'une consultation dans une spécialité, le spécialiste devrait être là pour répondre à la consultation. Or, on est en pénurie, et il pourrait arriver ? c'est pour ça que je dis qu'il ne faut pas mettre ça dans le béton, et M. le ministre est d'accord là-dessus ? il pourrait arriver que, si je n'en ai pas, de docteur de famille, puis que j'ai une appendicite, bien je ne suis toujours bien pas pour attendre à la clinique sans rendez-vous qu'ils me diagnostiquent puis qu'ils me réfèrent à l'hôpital pour aller voir le chirurgien. Alors, c'est dans ce sens-là.
Alors, moi, si on avait une main-d'oeuvre médicale complète à travers le Québec, je tiendrais à ça mordicus, pour les mêmes raisons que le Dr Couillard: un spécialiste, il n'est pas là pour faire de la médecine générale. Puis, si on enlevait au spécialiste les gugusses qu'il est obligé de faire en médecine générale, on se servirait à meilleur escient du spécialiste. Mais, quand on est en pénurie de spécialistes puis quand on est en pénurie de médecins de famille, à un moment donné, on ne peut pas laisser le patient en l'air là, puis dire: Ah non! Tu ne peux pas aller à l'entrée voir le spécialiste parce que tu n'as pas de médecin de famille. Puis, vous savez, il y en a des centaines de milliers actuellement comme ça, qui n'ont même pas de médecin de famille. Ça fait que, nous autres, on dit: Vous êtes aussi bien de ne pas couper ça, là, drastiquement, comme ça. Si on était en surplus de main-d'oeuvre, je n'aurais aucun problème avec ça, mais on est en pénurie.
Mme Charest (Rimouski): Dites-moi, sur la circulation de l'information clinique, il y a quand même... Moi, si je suis, mettons, patiente dans un service de santé, je vous avoue que je n'aimerais pas tellement ça que l'information sur mon dossier médical circule sans que je le sache et sans que j'aie autorisé cette circulation-là. Parce que, dans ma vie professionnelle antérieure, j'ai eu l'occasion de consulter des dossiers médicaux, et l'objet pour lequel je consultais me permettait aussi de voir tout ce qu'il y avait d'écrit dans ce dossier-là, l'historique médical du patient, et il y a des choses qui n'étaient pas pertinentes à l'objet de ma recherche, donc on ne l'utilisait pas, mais on le voyait pareil. Mais là c'était bien encadré dans le cadre de la Commission d'accès à l'information, et tout ça. Mais ici, là, il ne s'agit pas de ça, dans ce projet de loi là, on se dit qu'on peut faire circuler l'information clinique sans le consentement des patients, et ça, ça ne vous surprend pas, ça ne vous inquiète pas. Est-ce qu'il n'y a pas des risques liés à cette question-là?
M. Lamontagne (Yves): Moi, je vais vous répondre ? puis je pense que mes collègues sont fébriles également là-dessus, madame ? je vais vous répondre à ça en vous disant ce qu'on a déjà dit, et même à la Commission d'accès à l'information, je vais vous répondre comme un docteur, puis devant un patient. Moi, si un patient venait me voir, je dirais: Écoute, là, qu'est-ce que tu penses avec l'informatisation, puis là-dessus me permets-tu que, quand ton dossier va sortir, moi, j'ai le droit de le voir, l'infirmière a le droit de le voir, puis le pharmacien a le droit de le voir? Si on commençait juste avec ces trois-là? Maintenant ? je n'embarquerai pas trop là-dedans pour compliquer la situation, hein, j'ai été en psychiatrie ? bon, permets-tu à la travailleuse sociale de le voir ou au psychologue de le voir? C'est la relation, ça, qu'on offre. Puis, si j'explique au patient que c'est pour son bien, il va accepter. Il faut que je l'assure que par contre la boîte est fermée là. Avec l'ordinateur, aujourd'hui, on peut pitonner comme ça.
Mme Charest (Rimouski): Permettez-moi de vous arrêter, mais là il ne s'agit pas juste des professionnels dans des institutions publiques, mais on voit, avec le projet de loi, que ça pourrait être transmis, ces informations-là, autant à des organismes communautaires, des organismes d'économie sociale, des entreprises privées avec des mandats, alors le risque potentiel de diffuser de l'information à des gens qui pourraient les utiliser, oui, pour leurs mandats, mais peut-être aussi pour autre chose, sans qu'on le sache, et qui n'apparaît pas bien balisé dans ce projet de loi là.
Moi, ça me surprend que vous n'ayez pas eu de commentaires sur cet élément-là parce que je me souviens très bien des discussions qui ont eu lieu sur toute la question de l'informatisation du dossier médical, sur la carte santé entre autres, dans le passé, et où les médecins étaient très scrupuleux de l'accessibilité aux données médicales par d'autres types de professionnels, hein? On prévoyait que ces renseignements-là seraient, comment dire ? ce n'est peut-être pas le terme qui est reconnu dans l'informatique ? mais par sections, hein? Un médecin avait droit à tous les renseignements, le pharmacien avait droit à certains types de renseignements, le personnel infirmier avait droit à certains autres types de renseignements, et, à l'admission dans un hôpital, on n'avait pas droit du tout à ce genre de renseignements mais strictement à des données nominatives, hein: le nom, l'âge, etc. Alors, je suis un peu surprise de voir que le Collège des médecins ne réagit pas sur la circulation de l'information en dehors des professionnels qui ont l'habitude, là, d'avoir accès à ces données-là.
M. Lamontagne (Yves): Oui, j'ai deux réponses à ça, la première, effectivement, là, peut-être que ça nous a...
Mme Charest (Rimouski): ...un peu plus fort. J'ai une grosse grippe puis j'ai des petits problèmes.
M. Lamontagne (Yves): Oui, bien c'est parce que je ne peux pas le tirer... Je vais me mettre de même.
Probablement que ça ne nous a pas frappés sur le coup, je vais vous avouer. Puis, comme ça, ce matin, là, j'aimerais mieux revoir les affaires avant de vous répondre à ça, premièrement.
Deuxièmement, si vous me dites qu'avant on était très stricts en rapport à sectionner le dossier, bien ça prouve que les choses n'ont pas avancé sur l'informatisation mais qu'au moins les mentalités ont avancé. Parce qu'à cette époque-là il n'y avait pas la loi n° 90 où on fait des actes partagés avec des infirmières et des pharmaciens, entre autres, et là on s'aperçoit qu'on travaille de plus en plus non plus en multidisciplinarité, mais en interdisciplinarité. Et donc, si j'ai à travailler très étroitement avec l'infirmière, très étroitement avec le pharmacien, on juge maintenant fort utile que le pharmacien, quand le patient va se retrouver à la pharmacie puis si lui a des effets secondaires, bien qu'il voie peut-être les autres couples de pathologies dont le patient peut souffrir ? je vous envoie des exemples en l'air ? pour ne pas aller donner la pilule que ça va être plus compliqué. Puis le docteur, quand le patient, il vient, bien c'est utile de savoir que le gars est allé à quatre, cinq pharmacies différentes, puis toutes sortes de produits différents. Alors, vous voyez, les mentalités évoluent avec le temps, et c'est bien.
Mme Charest (Rimouski): Oui, je ne soulève pas la question par rapport à l'interdisciplinarité et à la pratique multidisciplinaire, ça, on est tous d'accord avec ça, c'est beaucoup plus la question que, quand on le confie à des organismes qui ne sont pas des organismes, comment je dirais...
M. Lamontagne (Yves): Oui, bien, je vous dirais, comme on n'a pas regardé plus attentivement, là, je n'ose pas me mouiller ? je vais être bien franc avec vous ? là-dedans.
Mme Charest (Rimouski): Ce serait peut-être bon que vous vous penchiez sur la question, que vous nous fassiez des commentaires.
M. Lamontagne (Yves): Oui. Par contre, je vous dirai aussi, pour avoir eu des choses épiques, c'est qu'à un moment donné, si on ne peut plus jamais rien regarder sous prétexte que tout est secret... Bien, je me souviens d'avoir fait un commentaire quand il y a eu la fameuse carte à puce, qui n'est retournée à rien finalement, là, mais là il fallait que ce soit tellement confidentiel pour le patient qu'il fallait à peu près 8 200 règles à suivre, de telle sorte que c'était complètement inapplicable. Mais, à un moment donné, nous autres, quand on est en pratique, là, «keep it simple», ça existe. Mais là c'était assez compliqué, puis l'éthique là-dedans, puis 350 affaires à remplir. À un moment donné, là, il faut aider les gens. On est là pour aider les gens. Mais je ne m'embarque pas plus que ça là-dessus parce qu'on n'a pas regardé ça en détail.
M. Robert (Yves): Vous me permettrez peut-être juste de vous donner quelques points d'information là-dessus. Je pense qu'à un moment donné il va falloir arriver à démystifier certaines choses. Le dossier papier n'est pas un absolu de sécurité et le dossier informatisé n'est pas un absolu d'insécurité. Donc, à un moment donné, il va falloir faire des «trade-off» et il va falloir que le patient comprenne qu'il va y avoir des règles, ou des acceptations, ou des risques à prendre peut-être, parce qu'on en prend, des risques, d'une façon ou d'une autre. Donc, il va falloir que ces risques-là soient expliqués et qu'on comprenne surtout les bénéfices qu'on va avoir à une circulation rapide d'information. Parce que, si on attend le système informatique parfait avant de le mettre sur pied, il n'y en aura pas. Donc, il va falloir, à un moment donné, doser.
Mme Charest (Rimouski): Merci, messieurs.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, suivie par Mme la députée de Lotbinière.
Mme Harel: Bon. D'abord, je m'excuse, j'ai dû m'absenter. Ma collègue vous interroge sur ce qui nous préoccupe. Et je vous comprends, Dr Lamontagne, d'avoir surtout axé votre intervention sur la conservation parce qu'il y a consentement du patient pour qu'il y ait conservation. Mais ce qui confond, dans le projet de loi, c'est qu'au moment de sa présentation et jusqu'à maintenant jamais la présentation du ministre et du ministère n'a fait état de la circulation qui, elle, n'exige aucun consentement, c'est-à-dire l'article 19 et qui dit ceci: «Un renseignement contenu au dossier d'un usager peut toutefois être communiqué sans [...] consentement.» Et là on retrouve, au paragraphe 7 notamment, que cette circulation peut se faire avec d'autres que des professionnels de la santé.
Parce que la réponse que vous avez faite concernait des professionnels de la santé, et là, avec raison, vous parlez de la loi n° 90 et du partage plus grand qu'avant, si vous voulez, de complémentarité, etc., mais là on ne parle plus de professionnels de la santé, on parle de d'autre chose. On parle de ressources privées en maintien à domicile, on parle d'économie sociale, on parle de gens qui auront accès sans être liés, par exemple, par un code de déontologie, hein? Bon. C'est ça finalement qui fait plus problème, cet aspect-là, là.
n(12 heures)n Parce que je voyais bien que ma collègue vous interrogeait sur la circulation de l'information sans consentement, et sans consentement non plus de la personne à qui tout ça est transmis, et même sans sa connaissance. Vous, vous racontiez que vous disiez à votre patient: Est-ce que tu acceptes? Mais là il n'aura même plus besoin d'accepter, il ne sera pas informé. Vous parliez, vous, vous répondiez sur la conservation, puis elle vous parlait de la circulation. Ça, c'est la première chose.
Puis la deuxième étant: S'il y a des instances locales sur un territoire, comme par exemple la région de Québec ou Montréal, plusieurs instances qui adoptent leur plan clinique, là, comment est-ce que l'agence régionale, advenant qu'il y a un conflit, parce que le ministre avait dit précédemment: Si le rôle clinique entrait en conflit, l'agence va intervenir, comment va-t-elle intervenir? Parce que je ne sache pas que, dans le projet de loi, il y a un pouvoir d'approbation ou de validation. Alors, est-ce que ce sera juste des recommandations, puisque la loi prévoit que l'instance pourrait l'envoyer au diable, mettons? C'est ça, votre perception?
M. Lamontagne (Yves): Pour être bien franc avec vous, je ne le sais pas. Je ne le sais pas.
Mme Harel: Moi non plus.
M. Bernard (Charles): Le financement parlera.
Mme Harel: Ah! L'agence a toujours le pouvoir d'attribuer l'argent.
M. Bernard (Charles): Voilà. Si vous présentez un projet qui est irréalisable, puis il n'y a pas de financement, madame, ils ne vous le donneront pas. C'est facile à comprendre, ça.
Mme Harel: Vous avez le pouvoir mais pas l'argent.
M. Bernard (Charles): Voilà. C'est ça.
Mme Harel: Bon. D'accord. Mais vous voyez bien le double jeu là-dedans, là, ça va faire des...
M. Bernard (Charles): C'est pour ça l'intervention du Dr Lamontagne tantôt concernant le mot «exclusif». Il faut avoir une coordination de tout ça. On vit dans une société. Alors, une personne peut avoir une idée de génie, il y en a souvent qui ont des idées de génie, mais, pour les appliquer, elle doit collaborer avec d'autres personnes pour la mettre en application et trouver le financement. En santé, les meilleures idées souvent viennent dans des cadres qui ne sont pas nécessairement légaux. En médecine... Le ministre, il a travaillé dans des milieux cliniques. Les meilleures idées en clinique, ça vient d'un besoin. Un médecin va trouver une idée ou une infirmière trouve une idée. L'idée va être appliquée si on trouve le financement pour l'appliquer, sinon l'idée va être perdue. Il y a eu beaucoup d'idées perdues dans le passé aussi.
Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée de Lotbinière.
Mme Roy: Merci. J'ai pris note, surtout à la page 8 de votre mémoire, de vos questionnements quant à l'hébergement des personnes âgées. Vos questions sont beaucoup plus larges que seulement la certification. Il y a la question de la main-d'oeuvre restreinte dont vous avez parlé. Il y a la question des soins palliatifs, les aidants naturels qui s'épuisent, qui reviennent dans le système. Il y a le maintien à domicile. Il y a une panoplie, là, de problèmes qui s'interrelient, là, qui sont un petit peu comme un jeu de dominos qui fait qu'on entre souvent au CHSLD par l'urgence puis on ressort à l'urgence aussi, puis ça cause des problèmes partout. Pensez-vous qu'il est temps, là, comme on le propose, de se pencher sur ce sujet-là en général et non pas le faire, là, de façon sporadique, sur une façon qu'on peut aider les personnes âgées? Il ne faudrait pas se positionner, au Québec, là, d'une façon large sur quelle qualité de vie, comment on va traiter nos aînés, surtout eu égard avec la pression qui arrive au niveau démographique?
M. Lamontagne (Yves): Bien, je vous répondrai là-dessus deux choses. Qu'on se positionne sur une façon large, c'est très bien; quand on a un beau plan d'ensemble puis qu'on peut le mettre en application, je n'ai pas de problème avec ça. Le problème qu'on a... C'est gros, ce que vous avez dit, là, il y a beaucoup, beaucoup d'affaires. Mais, je pense, si on le regarde de façon de se positionner largement, ça va prendre encore des années avant qu'on se positionne.
Or, mon argument souvent, c'est de dire: Bien, on est mieux de faire un petit peu pour faire avancer les choses, quitte en parallèle à ce qu'il y ait des gens qui réfléchissent à long terme puis qui proposent des affaires pour venir dans 10, 15 ans, sauf que je voudrait quasiment vous dire que je réagis comme un clinicien: Le patient est malade là. Moi, je ne peux pas attendre 10, 15 ans. Mais c'est la même chose dans ce sujet-là. Et, s'il y a de petites choses qui peuvent être améliorées maintenant, bien c'est l'ensemble des petites choses qui vont faire que ça va au moins avancer. Qu'il y ait des penseurs d'un autre côté pour établir des beaux plans qui vont venir dans 10, 15 ans, je n'ai rien contre ça. C'est le long terme versus le court terme. Nous autres, comme médecins, on est toujours pris avec non seulement le court terme, des problèmes à tous les jours. Puis, si on améliore une petite affaire à tous les jours comme ça, au moins ça donne espoir non seulement aux soignants, mais également aux soignés.
Mme Roy: Mais on peut marcher et manger de la gomme en même temps.
M. Lamontagne (Yves): On peut faire plus que ça, madame, en marchant.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lamontagne (Yves): C'est ça.
Mme Roy: Merci.
Le Président (M. Copeman): Ça va? Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, il reste deux minutes, question-réponse.
Mme Harel: On m'a indiqué qu'il y avait très peu de temps. Bon. En fait, je suggère au Collège des médecins de prendre connaissance du rapport de la Commission des droits de la personne portant sur l'hébergement des personnes âgées pour y constater malheureusement qu'il n'y a pas de statut d'établissement qui protège les personnes hébergées des abus et que malheureusement, l'hébergement privé, il y a là vraiment une situation que la Commission des droits de la personne considère plus lourde en matière d'abus que dans le système public.
M. Lamontagne (Yves): Je vais répondre à ça. C'est sûr, dans le privé, s'il y a des gens qui sont capables de s'ouvrir des chambres dans leur cave... Ce n'est pas ça que je vous ai parlé, moi, tantôt. Je vous ai parlé des centres privés conventionnés. Et on sait bien que ? vous avez tout à fait raison ? il y a un danger si ce n'est pas bien balisé, c'est sûr, puis il va y avoir... exemple, psychiatrie, on a connu ça pas à peu près, nous autres, les foyers clandestins. Puis les gens vont faire ce qu'ils peuvent. Puis, s'ils ne trouvent pas dans le système public puis s'ils ne trouvent pas dans un partenariat privé-public, bien il y a du monde qui vont les prendre dans leur sous-sol comme avant, c'est évident.
Mme Harel: Pensez-vous que des certificats de conformité devraient aussi être émis pour des hébergements privés de personnes en condition précaire ou vulnérables, en santé mentale en particulier?
M. Lamontagne (Yves): Bien, c'est un peu comme Mme Desrosiers vous a dit tantôt, c'est l'aspect qu'on a moins regardé. C'est évident qu'à mon avis, puis je viens de ce milieu-là, si c'est bon pour la santé physique, je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas bon pour la santé mentale. Et vous avez, et je vous l'ai soulevé tantôt, Dieu sait qu'en santé mentale on s'est ramassé avec un paquet d'affaires dans les sous-sols à quelque part où c'était bien pire que la santé physique, je suis d'accord avec vous, sauf que, si on met des polices pour savoir s'ils lavent les planchers à tous les jours, moi, j'aimerais mieux prendre cet argent-là puis mettre du staff qui est compétent là-dedans. Puis, si le staff est compétent puis qu'il ne lave pas les planchers, ils vont leur dire, et ça, ça rapporterait beaucoup plus aux patients que d'engager trois, quatre gars pour laver les planchers ou je ne sais pas quoi. C'est dans ce sens-là.
Le Président (M. Copeman): Alors, malheureusement, ça met fin à l'échange. Dr Lamontagne, Dr Bernard, Dr Robert, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom du Collège des médecins du Québec. Et j'invite le représentant de l'Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du Québec à prendre place à la table.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, c'est avec plaisir que nous accueillons le Dr Yves Bolduc, de l'Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du Québec. Dr Bolduc, vous avez une période maximale de 20 minutes pour faire votre présentation qui sera suivie par un échange d'une période maximum de 20 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. Nous vous écoutons.
Association des conseils des médecins,
dentistes et pharmaciens
du Québec (ACMDP)
M. Bolduc (Yves): Bien, les représentants de l'ACMDP, c'est le représentant, parce que Mme Cloutier, ma directrice générale, avait prévu un voyage à l'extérieur du pays, ça fait que je lui ai dit de ne pas canceller, que je devrais me débrouiller tout seul puis être capable de me défendre.
Mme Harel: On ne va pas vous attaquer.
M. Bolduc (Yves): Ah! On ne sait pas. Puis on ne sait pas de quel côté en plus de ça.
M. le ministre, MM. et Mmes les députés, l'Association des CMDP est une organisation provinciale regroupant plus de 131 conseils des médecins, dentistes et pharmaciens qui, par son expertise médico-administrative, conseille ses membres. La mission de l'ACMDP est de représenter les CMDP et d'en soutenir les membres dans l'accomplissement de leurs fonctions. Vouée à l'excellence et à la qualité des actes médicaux, dentaires et pharmaceutiques, elle est le porte-parole des CMDP auprès des gouvernements, des établissements de santé, des regroupements de médecins ou toutes autres instances qui déterminent des politiques en regard de ses mandats.
Elle a aussi pour objectif d'informer, de former et de conseiller les CMDP en rendant disponibles les ressources et l'expertise nécessaires. Elle favorise ainsi le développement des connaissances et des habiletés médico-administratives essentielles à la qualité des soins.
Je tiens à mentionner que l'Association des CMDP n'est pas là pour défendre les médecins au niveau corporatif. Nous autres, on a vraiment un mandat qualité, donc on se préoccupe de la qualité des soins, et puis, même à ça, je dois vous avouer, de temps en temps, par le traitement des plaintes, on doit même jouer un petit peu à la police pour surveiller nos membres pour s'assurer que tout est bien fait.
n(12 h 10)n D'entrée de jeu, l'Association des CMDP est très, très favorable au projet de loi actuel. On pense que c'est un projet de loi qui est une continuité dans ce qui s'est fait dans le passé. Depuis un an et demi, il y a une grosse transformation du réseau, et on pense que c'est vraiment la bonne voie qu'on a empruntée. Malgré le fait qu'on soit favorable, on aimerait y apporter peut-être quelques bonifications.
En page 4 de notre mémoire ? je vais y aller avec les suggestions, vu le temps qu'on a de disponible ? nous suggérons qu'un ajout soit apporté au projet de loi à l'effet de prévoir que le plan d'organisation d'une instance locale regroupant un CH, un CHSLD et un CLSC doit prévoir la formation d'un département de médecine générale unique. La problématique qu'on a quand on lit le projet de loi: ce n'est pas clair que ça va être un seul département. Quand on parle de sous-entendu, c'est que souvent on dit: Bien, on n'aura pas le choix, il va y avoir seulement qu'un département. Mais déjà, à l'association, on a eu plusieurs questions. Il y a plusieurs personnes, justement pour passer à côté de l'instance locale ou plus souvent pour avoir leur propre voie de communication, qui aimeraient qu'il y ait deux ou trois départements, selon les centres. Ainsi, les gens de CLSC aimeraient avoir leur département ou leur service, les centres hospitaliers veulent avoir le leur. Puis souvent, si vous avez des fusions d'établissements, exemple deux CH, chacun voudrait être géré indépendamment.
Donc, nous considérons que ça devrait être clarifié dans le projet de loi, qu'il n'y aura qu'un seul département de médecine générale. De même, lorsqu'il y a une fusion d'un CHSLD et d'un CLSC, c'est-à-dire sans CH, on pourrait offrir soit d'avoir un service médical ou un département de médecine générale unique, mais il devrait n'y en avoir qu'un. De même, pour la pharmacie ? les pharmaciens sont quand même une catégorie de nos membres ? nous suggérons qu'il n'y ait qu'un seul département de pharmacie. Tant au niveau de la qualité, de l'évaluation que de la gestion, là, au quotidien, nous pensons qu'il ne devrait pas y avoir de division à ce niveau-là.
Au niveau de la mission des centres hospitaliers, on propose une modification, je vous dirais, qui est, d'après moi, majeure, parce que c'est la mission même, c'est: «La mission d'un centre hospitalier est d'offrir des services diagnostiques, des soins médicaux généraux et spécialisés», c'est ce qu'il y a actuellement, et on recommande d'ajouter «et des soins de santé généraux et spécialisés». C'est tout simplement que, quand vous regardez la mission, c'est comme si c'était seulement que médical, alors qu'actuellement, avec la loi n° 90, on parle beaucoup plus de multidisciplinarité, puis on pense que tous les gens devraient être inclus. Alors, on prend un exemple. Quand vous travaillez en santé mentale, maintenant, le rôle des travailleurs sociaux, des psychologues est aussi important que celui des médecins, et puis je pense que la collaboration, là, ça pourrait se démontrer justement dans un changement de mission. Pourquoi on vous dit ça? Parce que, quand on arrive pour travailler pour donner plus de responsabilités à ces gens-là, plusieurs nous ramènent en nous disant: Regarde, dans la mission, ce n'est pas ça qui est déterminé, puis les gens sont très pointilleux.
Au niveau de la représentation des médecins au conseil d'administration, on est très content que présentement il va y avoir deux médecins au conseil d'administration: un du département de médecine générale et un autre désigné par le CMDP. Par contre, lorsqu'il y a une vacance qui se fait durant le mandat, il n'est pas clair que ça va être remplacé encore là par un médecin de la même façon qu'il a été nommé en premier lieu. Ça va de soi, excepté que quelqu'un qui veut interpréter, veut être très pointilleux, ce n'est pas marqué. Donc, on recommanderait peut-être qu'il y ait une modification à ce niveau-là pour clarifier cet élément.
Au niveau des projets cliniques, qui, selon notre association, est vraiment la voie de l'avenir, on pense que c'est là-dessus qu'on doit s'embarquer, tout le système de santé au Québec. On aimerait qu'également, et ce n'est pas clair encore là... on demande peut-être un avis au CMDP par rapport aux projets cliniques. On pourrait le faire indirectement en disant que tout plan d'organisation qui est modifié, toute structure qui est amenée devrait être consultée au niveau du CMDP, mais on aimerait en faire un point précis, compte tenu de l'ampleur que va prendre le projet clinique au cours des prochaines années.
Au niveau des ententes de services, l'ACMDP suggère qu'il soit prévu à l'article 109 de la loi que les ententes conclues en vertu des articles 108, 108.1 et 108.3 doivent être soumises pour approbation par le CMDP. C'est une volonté des membres peut-être d'avoir un certain droit de regard, même, je vous dirais, à la limite un droit de veto, sur les ententes qui vont être faites entre les établissements. Là-dessus, je dois vous avouer, les avis étaient relativement partagés. Puis, je pense qu'il faut quand même le noter, l'association aimerait ça que les CMDP puissent avoir leur mot à dire.
Au niveau du traitement des plaintes et de l'évaluation de la qualité, l'association pense qu'on a fait un grand pas avec les dernières modifications législatives, et, si vous voulez mon avis, on est vraiment sur la bonne voie. Étant moi-même un médecin examinateur, je dois vous avouer, la façon de traiter les plaintes actuellement est beaucoup plus agréable qu'auparavant alors qu'on devait former des comités de discipline. En plus, il faut voir le traitement des plaintes, comme l'a dit tantôt M. le ministre, que c'est un processus d'amélioration continue, dans un premier temps. Et puis je dois vous avouer, pour avoir traité les plaintes localement, que le processus est beaucoup diminué par rapport à ce qu'on avait avant. Et, si vous regardez les recours, il y a quand même un recours au niveau du comité de révision. Donc, il y a plus d'impartialité qu'il y avait auparavant.
Un des éléments qu'on a dans la loi, c'est qu'on parle de médecin examinateur qui souvent vient de l'établissement, mais, quand un médecin examinateur fait... ça peut être lui qui peut être sujet de la plainte, il peut être en conflit d'intérêts, il faudra un médecin examinateur substitut. Mais ça, la loi ne le prévoit pas. Ça fait que, quand on donne la formation à ce niveau-là, ce qu'on dit aux gens: Faites-le, mais la loi ne le prévoit pas. Ce qu'on vous recommanderait, ce serait possiblement d'avoir dans la loi: Le conseil d'administration devrait nommer un médecin examinateur et un médecin examinateur substitut, pour justement permettre d'étudier les plaintes en toute objectivité.
On n'en fait pas mention dans notre mémoire, mais il faudrait également prévoir la même chose au niveau du comité de révision, c'est-à-dire les membres qui sont sur le comité de révision, les membres du CMDP, on devrait prévoir que ces gens-là pourraient être en conflit de rôles ou en conflit d'intérêts; à ce moment-là, ils devraient être capables d'être substitués par un autre.
Au niveau des services de télésanté, bien, écoutez, je pense que le projet de loi clarifie beaucoup de choses. Je pense que c'est très important qu'on sache maintenant que le service va être donné à l'endroit où exerce le professionnel. Ça, c'est un grand dilemme: Est-ce que la plainte serait traitée dans l'établissement où, exemple, la radiographie est faite ou à l'établissement où la radiographie est lue? Le projet de loi clarifie cet élément.
Un élément qu'on n'a pas mentionné mais que je me dois de vous dire, on est très satisfait... puis je pense que c'est très important qu'on regarde la question de l'accès à la communication et la circulation qui se fait en ce moment versus qu'est-ce qu'on devrait avoir qui est prévu dans le projet de loi. J'ai écouté tantôt les commentaires puis je dois vous avouer qu'au niveau de l'association ça a été longuement discuté: on favorise largement l'accessibilité des données. Je pense qu'il faut qu'il y ait des balises. Les moyens informatiques, aujourd'hui, nous permettent de savoir qui consulte l'information. Il faut respecter les droits des patients. Mais je peux vous dire que, comme clinicien, lorsqu'on voit un patient puis on n'a pas ses données, c'est souvent à son détriment. D'ailleurs, ils ne comprennent pas qu'on n'ait pas les données.
Donc, il faut s'entendre ensemble qu'il y ait une plus grande accessibilité. Ça, en passant, quand on fait un jugement de valeur, quand on a un «trade-off» à faire, c'est entre la vie du patient et sa sécurité... de dire: On ne donne pas droit à son information, bien je pense qu'à un moment donné la vie du patient peut prévaloir. Il faut quand même respecter les droits du patient par rapport à ça, puis, moi, je suis très favorable à ce que... Si un patient nous dit, pour raisons personnelles, pour convictions personnelles, qu'il ne veut tout simplement pas que les données soient accessibles, je pense qu'il faut respecter sa volonté, excepté qu'à ce moment-là, bon, il en accepte les conséquences, et c'est son droit. Mais, si vous regardez la majorité des gens, ce n'est pas le discours qu'ils vont avoir. La majorité des gens qui consultent dans nos bureaux, ils veulent qu'on ait un accès facile à l'information. Par contre, il faut avoir un souci de la protéger, puis ça, je pense que les moyens technologiques le permettent actuellement.
Un des éléments qu'on a quand on fait l'étude des plaintes, on parle des conclusions motivées. Vous savez qu'un des problèmes qu'on a au Québec, c'est que les médecins ont trois, quatre, cinq plaintes contre eux autres, puis il n'y a rien dans le dossier professionnel. Ça fait que, quand vous arrivez pour étudier le... soit l'ordre professionnel... ou on arrive à un moment donné où est-ce qu'il faut aller plus loin, c'est que les gens nous disent: Vous n'avez rien dans votre dossier, malgré qu'il y ait eu des choses de faites.
La loi prévoit puis prévoyait qu'on devait déposer des conclusions motivées d'une plainte dans le dossier du professionnel. Notre avis juridique, là, l'avis de nos conseillers juridiques a été que c'était une obligation de le faire, et on était très favorables à ça, excepté que des établissements, justement pour protéger les médecins, ont décidé, eux autres, de demander un autre avis juridique. Puis, vous savez, quand on met deux avocats ensemble puis qu'on les guide un peu, on peut avoir des avis différents. À ce moment-là, il y a eu des établissements qui ont eu comme avis que les conclusions motivées n'avaient pas à être déposées. Quand vous rendez ça facultatif, ce n'est pas compliqué, le médecin examinateur ne le déposera pas. Donc, on arrive avec un problème où on peut avoir des médecins incompétents pendant des années, et il n'y a rien qui est fait.
Moi, ce qu'on voudrait tout simplement, au niveau de l'association, c'est que ce soit clarifié et que ce soit clair. C'est parce que de la façon dont on le lit actuellement, là, il y a deux, trois... la façon dont c'est libellé, on peut l'interpréter d'une façon ou l'autre. Ça devrait être noté: Les conclusions motivées doivent être déposées au dossier du professionnel. Ça, c'est un point qu'on tiendrait parce que, vous savez, les dilemmes qu'on a quand on donne la formation sur le traitement des plaintes, là, les gens nous ramènent toujours ça. Puis ceux qui peuvent passer à côté de la loi le font.
Au niveau du comité de révision, la loi prévoit également qu'il y a une autre instance locale dans la région qui pourrait à la limite traiter la plainte au niveau du comité de révision. On pense que c'est le comité de révision de l'établissement, et non pas de d'autres établissements, qui devrait le faire. Je pense que ce sera un point que, nous autres, on aimerait qui soit corrigé.
Et puis un élément qui serait innovateur. Vous savez qu'on a donné des droits à l'usager en lui disant: Bien, si vous n'êtes pas satisfait de la façon dont le médecin examinateur a traité votre plainte, vous avez un recours au comité de révision, qui, pour moi, est très bien. Ça permet d'avoir une objectivité au niveau du traitement. En plus de ça, ça permet d'avoir une vérification par des personnes extérieures parce que, sur le comité de révision, siègent deux médecins et un membre du conseil d'administration, il est présidé par le membre du conseil d'administration. Par contre, à l'usage, ce qu'on s'est rendu compte, c'est que, quand le médecin examinateur ne faisait pas un bon travail aux yeux de l'usager, lui avait un recours. Mais il arrive que parfois le médecin examinateur n'a pas fait un bon travail également au niveau du professionnel visé. Donc, on pense que le professionnel visé et l'usager devraient avoir un droit de recours au niveau du comité de révision.
n(12 h 20)n En passant, le comité de révision, ce qu'il fait, il regarde si le processus a été bien fait, si la façon dont la plainte a été traitée a été correcte, et puis, à ce moment-là, il va soit confirmer l'avis du médecin examinateur, soit qu'il peut lui redemander de travailler la plainte, ou il peut tout simplement la référer à l'exécutif du CMDP pour un comité de discipline. Je pense que le processus est relativement bien fait, mais on pense que ce travail-là, même si c'est au niveau du professionnel visé, il devrait y avoir une possibilité d'appel. Puis, si c'est bien fait, ça va tout simplement être confirmé par le comité de révision et, s'il y a des lacunes à corriger, le comité de révision va le laisser savoir.
Dans la loi, il y a un élément qui n'est pas toujours clair, c'est au niveau de la création d'un comité de vigilance. C'est que nous croyons que le premier alinéa de cet article devrait préciser que ce mandat vise les rapports et les recommandations du commissaire local aux plaintes ou du Protecteur des usagers transmis au conseil d'administration et portant sur la pertinence, la qualité, la sécurité ou l'efficacité des services rendus. On parle de l'article 181.0.4. C'est comme si ça avait droit également... droit de regard sur le comité de discipline de l'établissement, et on pense que cette partie-là appartient tout simplement au conseil d'administration et non pas au comité de vigilance.
Un autre élément innovateur qu'on vous suggère, c'est qu'on parle de comités régionaux pharmaceutiques. On pense que la pharmacie est un élément majeur, et également c'est un de nos membres très importants. On pense que ça ne devrait pas être seulement qu'un comité, mais ça devrait bel et bien être une commission pharmaceutique régionale avec, selon ce que vous jugez, possiblement un représentant au niveau du conseil d'administration de l'agence.
Au niveau des privilèges aux pharmaciens d'établissements, actuellement, en établissement, lorsque quelqu'un veut pratiquer dans un établissement, il va demander des privilèges... il va avoir un statut et des privilèges. Ça, c'est vrai au niveau des médecins, mais ce n'est pas vrai au niveau des pharmaciens, parce qu'historiquement les pharmaciens faisaient à peu près tous le même travail. Mais la pharmacie est devenue un type d'emploi très spécialisé et ce n'est pas tous les pharmaciens qui peuvent tout faire, comme ce ne sont pas tous les médecins qui peuvent tout faire, comme ce ne sont pas tous les psychologues qui peuvent tout faire. Donc, on pense, à ce moment-là, qu'il devrait y avoir un statut, membre actif ou membre associé, mais il devrait y avoir également des privilèges accordés aux pharmaciens selon les compétences. Ainsi, si vous travaillez dans un centre où il y a de l'oncologie, ce n'est pas vrai que c'est tous les pharmaciens qui sont capables de faire de l'oncologie ou sont formés pour le faire. Il devrait y avoir des privilèges en oncologie pour les pharmaciens, et puis, à ce moment-là, je vous dirais que ça rendrait le système équitable par rapport aux médecins.
Dernier élément puis sur lequel on va insister. On est content parce que la loi a été revue au cours des dernières années, puis, selon nous, les lois se sont améliorées, je vous dirais, au cours des sept à huit dernières années, il y a eu beaucoup d'améliorations, puis les lois sont beaucoup plus conformes à la pratique que ce qui était auparavant. Un élément par contre, ce sont les règlements, les règlements datent de 1984, et puis, nous autres, on nous disait toujours: Bien, les règlements vont être révisés quand la loi va être revue, mais la loi était toujours en train d'être revue. On pense qu'il faut prendre un petit temps d'arrêt et, après l'acceptation, l'adoption de cette loi-ci, il faudrait prendre le temps de revoir les règlements, parce que, là, on est avec des affaires archaïques, qui sont désuètes, puis c'est toujours tannant de dire aux gens que le droit n'est pas conforme à la pratique. Donc, on vous recommanderait que, dès qu'on va avoir fini avec la loi, qu'on embarque dans les règlements, même si c'est un peu de travail. On peut peut-être attendre en septembre, là; faire adopter en juin puis septembre.
Ça fait que c'étaient les commentaires qu'on voulait vous apporter.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, Dr Bolduc. Afin de débuter l'échange, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Dr Bolduc, pour votre présentation fort intéressante. Je retiens des propositions concrètes de bonification la question d'un seul département de médecine générale ? j'ai bien compris la motivation qui est derrière ça ? la dénomination ajoutée aux services médicaux de services de santé pour viser à l'interdisciplinarité et clarifier également le processus lors de la vacance d'un membre du conseil d'administration lorsqu'il s'agit d'un médecin. Je note également votre remarque quant au dépôt des conclusions motivées des comités de révision dans les dossiers professionnels. J'ai moi-même eu à composer avec cette situation, comme vous pouvez vous douter, à plusieurs reprises.
Avant d'embarquer dans les questions qui ont directement rapport avec votre présentation, j'aimerais pour quelques minutes, pas longtemps, ne vous en faites pas, faire un petit retour sur la question du consentement dont on a discuté tantôt parce que je voudrais cadrer le débat. Et encore une fois, sans prétendre nullement que le projet de loi est parfait comme il est, loin de là, on est beaucoup ouvert à des modifications et des bonifications, mais je veux bien expliquer, comme l'a dit la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, de quoi nous parlons et comment est-ce qu'on doit aborder la discussion.
Nous avons d'un côté la conservation, et je vois que madame est d'accord pour... l'aspect du consentement est bien couvert pour la conservation des renseignements. D'autre part, nous avons la question de la circulation de l'information à l'intérieur d'un réseau de services, donc nommément entre l'instance locale qui est l'établissement et les partenaires de cette instance locale que peuvent être, par exemple, les groupes communautaires ou entreprises d'économie sociale.
Donc, examinons la question du réseau local. À l'intérieur de l'instance locale qui... étant donné la fusion administrative des établissements, on comprend tous qu'il n'y a plus de problèmes maintenant à faire passer l'information du CLSC à l'hôpital ou de l'hôpital à l'institution d'hébergement. Donc, quelle est la situation lorsqu'on doit transmettre l'information, par exemple, entre l'instance locale et un groupe communautaire ou entre l'instance locale et une organisation de soins à domicile?
La première chose qu'il faut dire, c'est que ce partenaire n'a accès à rien. Le partenaire ne dit pas: Je vais aller voir l'information de M. ou Mme Unetelle. C'est l'établissement de santé qui, lorsqu'il établit un plan d'intervention ou un projet d'intervention clinique, par exemple un plan de soins à domicile pour une personne, exerce, ce qui est déjà prévu dans la loi, son pouvoir professionnel de jugement quant à la nature des informations qui sont requises et il les transmet au partenaire, et non pas l'inverse. Je pense que c'est très, très important.
Donc, ce que nous avons comme attitude actuellement et qui peut être bonifiée, c'est que nous continuons, comme la loi actuelle le fait, à faire confiance au jugement du professionnel en cause pour déterminer quelles sont les informations qui sont en rapport direct et pertinent par rapport au plan d'organisation de services, au plan de services individualisé pour la personne. Je pense qu'il faut vraiment qu'on concentre le débat là-dessus. Parce que, moi, je suis tout à fait bien sûr ouvert à avoir des échanges, comme d'habitude, fort intéressants avec Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, mais il faut comprendre exactement de quoi on parle. Alors, comment est-ce qu'on peut bonifier cet aspect-là? Ce sera certainement intéressant d'y revenir.
Maintenant, la question des ententes de services. Vous demandez que le CMDP soit consulté sur les ententes de services, mais bien sûr les autres commissions également vont demander, à ce moment-là, d'être consultées, autant la commission infirmière que la commission multidisciplinaire. Comment est-ce que vous voyez ça?
M. Bolduc (Yves): Bien, je pense que c'est l'entente de services qui concerne ce qu'on... les médecins. On devrait être consultés parce qu'on en fait partie prenante, O.K.? La question: Est-ce qu'on doit être consulté ou on a un droit de veto? Nous autres, ce qu'on pense, c'est qu'on devrait participer avec un certain droit de veto parce que, pour les membres, c'est difficile par la suite à appliquer. Par contre, on vous laisse le loisir parce qu'on sait que, de ce côté-là, si on donne un droit de veto, bien ça peut être compliqué un petit peu à appliquer dans certains cas quand les gens ne veulent pas collaborer. Je pense qu'il faudrait juste se trouver un terrain d'entente peut-être avec un certain mécanisme d'arbitrage pour être sûr que les choses soient bien faites.
M. Couillard: Parce que ces commissions ont tout de même des représentants au conseil d'administration qui bien sûr vont participer au débat entourant le projet d'organisation, le projet clinique, et on suppose que ces gens-là qui sont là pour représenter... ou qui sont plutôt délégués par telles instances vont avoir consulté leurs collègues. Mais on verra s'il y a moyen de bonifier...
M. Bolduc (Yves): Oui, oui, mais vous comprendrez que, si vous avez une équipe de neurochirurgiens de cinq puis qu'ils ne sont pas consultés sur des ententes sur ce qu'ils vont être obligés de faire...
M. Couillard: Ça m'est déjà arrivé, ça.
M. Bolduc (Yves): Peut-être que vous étiez dans un système dictatorial, mais, nous autres, on est dans un système démocratique, au Lac-Saint-Jean.
M. Couillard: Bon. La création de commissions pharmaceutiques régionales, on pense que c'est un ajout, une bonification importante, pour clarifier toujours ce concept d'interdisciplinarité. Comment est-ce que vous pensez qu'on devrait bonifier ça? Est-ce que la disposition actuelle est correcte ou est-ce que vous pensez qu'on devrait la bonifier?
M. Bolduc (Yves): Pour la commission pharmaceutique? Bien, on parle, dans le projet de loi, de comité. Nous autres, on pense que ça devrait être un peu l'équivalent d'un CMR, un comité médical régional, où ça devrait être les représentants des pharmaciens. Parce qu'il ne faut pas oublier que vers quoi on s'en va, ce n'est pas seulement que la pharmacie d'hôpital ou d'établissement, mais ça va être également les pharmacies communautaires qui ont un grand rôle à jouer. Donc, ça va être un plus grand groupe, donc on pense qu'à ce niveau-là il devrait y avoir des représentants pour leur donner le droit de parole.
Puis également il faut voir l'avantage d'une commission régionale. Puis, moi, je peux vous le dire au niveau des médecins, c'est que les gens qui embarquent là-dessus, c'est beaucoup plus facile pour eux autres de convaincre les membres d'embarquer dans un projet, ils sont beaucoup plus souvent favorables au projet qu'ils vont être en opposition, et puis ça permet... c'est une table de discussion.
Pourquoi, les pharmaciens, on propose une commission? C'est tout simplement le rôle élargi qu'ils ont présentement et qu'ils vont avoir encore plus dans le futur avec toute la pharmacie communautaire et tous les pharmaciens d'établissement.
M. Couillard: Puis, pour ce qui est... pendant qu'on reste dans le registre pharmaceutique, vous suggérez une innovation. En fait, c'est que, de la même façon que, pour les médecins, on a des privilèges individualisés ou... individualisés, presque individualisés ? moi, par exemple, j'avais des privilèges pour certaines interventions puis peut-être pas pour d'autres dans lesquelles mon expertise n'était pas suffisante ? vous suggérez, pour les pharmaciens, le même exercice. Est-ce que vous pourriez donner un exemple de ce que ça pourrait dire pour les pharmaciens?
M. Bolduc (Yves): Bien, un exemple, c'est l'oncologie, hein? Vous savez que, pour faire de la pharmacie... Quand tu es dans un établissement, il y a des patients en oncologie qui ont besoin d'être traités, et le pharmacien joue un rôle majeur. Mais ce n'est pas tous les pharmaciens qui ont eu la formation de traiter des patients en oncologie. Donc, à ce moment-là, il y aurait probablement... il faudrait qu'ils prouvent leur compétence par rapport à ce domaine, et on leur donnerait des privilèges en oncologie.
Si vous avez des grands départements, je ne sais pas, de 14 ou 15 pharmaciens, il y en a peut-être cinq qui font de l'oncologie. Et ce qu'on dit pour l'oncologie peut être vrai, à un moment donné, pour la cardiologie, peut être vrai pour plusieurs secteurs. C'est sûr que, si vous regardez... ça dépend du type d'établissement. Si vous pratiquez dans un établissement comme le mien, à Alma, au Lac-Saint-Jean, à cinq pharmaciens, c'est très général, avec quelques privilèges dans certains domaines, mais c'est très général. Mais, quand vous tombez dans des établissements spécialisés, les pharmaciens également ont une pratique spécialisée. Donc, il ne faut pas oublier, le but des privilèges, c'est que quelqu'un nous prouve sa compétence pour faire ces actes-là, c'est une protection du public pour s'assurer que les gens sont capables de le faire.
M. Couillard: O.K.
Le Président (M. Copeman): Ça va? M. le député de Robert-Baldwin et adjoint parlementaire au ministre de la Santé et des Services sociaux.
n(12 h 30)nM. Marsan: Merci, M. le Président. Merci, Dr Bolduc, pour cette excellente présentation. J'aimerais ça si vous pouviez élaborer davantage sur le partage des rôles entre le comité de vigilance et le CMDP. Puis j'aimerais ça savoir aussi, par rapport aux plaintes d'ordre médical, un patient qui se plaint d'un acte posé par son médecin, le cheminement actuel versus le cheminement qui est proposé, ce serait quoi, votre opinion sur ça.
M. Bolduc (Yves): Le cheminement actuel est très bien, mais il a besoin d'avoir quelques bonifications. Actuellement, quelqu'un qui porte une plainte contre un médecin, un, c'est que ça va aller au commissaire local aux plaintes, qui va la référer immédiatement au médecin examinateur. Le médecin examinateur va faire l'étude de la plainte, Il y a trois ou quatre possibilités.
La première, si c'est une plainte qui n'a pas de bon sens, puis ça, je vais vous dire, dans nos formations, quand on donne ce côté-là, c'est vraiment quelque chose qui est vraiment... c'est quelqu'un qui est en délire puis qui n'a pas de bon sens. Si c'est quelque chose qu'on pense qui n'est pas justifié, on devrait traiter la plainte. Donc, la plupart, quasiment toutes les plaintes vont être traitées. Il peut soit la traiter, ça veut dire qu'il va s'en occuper lui-même, ou encore il peut la référer à l'exécutif du CMDP qui va former un comité de discipline, puis ça, c'est dans le but d'une mesure disciplinaire, donc c'est quelque chose de beaucoup plus sérieux.
Si on décide de la traiter au niveau du médecin examinateur, lui va rencontrer l'usager, après ça il va rencontrer le professionnel, il va tirer des conclusions, il peut même faire un mécanisme de conciliation, et puis il va faire des recommandations par la suite. Quand il fait ses recommandations, s'il voit que c'est quelque chose de majeur puis il pense qu'on devrait essayer d'aller chercher une mesure disciplinaire contre le médecin, on va le référer encore là à l'exécutif du CMDP. Dans n'importe quel moment du processus, il peut le référer au niveau de l'exécutif du CMDP.
Une fois qu'il l'a traitée, si l'usager qui a porté la plainte n'est pas satisfait, il y a un droit d'appel au comité de révision qui est formé, comme je vous le disais tantôt, d'un membre du conseil et de deux médecins. Eux autres vont faire l'étude encore là de la plainte, du processus, puis si ça a été bien fait, puis si les conclusions ont du bon sens. Si, eux autres, ils disent: Oui, c'est correct, le processus finit là, il n'y a plus de droit d'appel ailleurs. O.K.? Si, exemple, eux autres, ils trouvent qu'il y a eu un vice dans la procédure, ils vont demander au médecin examinateur de le corriger ou ils peuvent demander au médecin examinateur, s'ils trouvent que les conclusions n'ont pas de sens, de corriger le rapport, et puis le médecin examinateur va devoir réétudier la plainte.
Pourquoi ça a été comme ça? C'est qu'à un moment donné on veut que le patient, que ses droits soient respectés. Et puis vous savez qu'il y a des organismes régionaux qui accompagnent les gens pour faire des plaintes, puis, au niveau de l'établissement, le commissaire local a la responsabilité également d'accompagner la personne pour la plainte. Puis ça, je dois vous avouer, c'est important parce que, comme on disait tantôt, ce n'est pas tout le monde qui est capable de faire des plaintes, c'est un processus qui peut être imposant. Mais, moi, je suis médecin examinateur puis je vais vous avouer, quand c'est bien fait, là, les gens se sentent accompagnés, se sentent écoutés, et puis, comme disait M. le ministre, la plupart du temps, les gens, ce qu'ils veulent, c'est que ça ne se reproduise plus, donc on met des processus qualité qu'on va mettre en place pour justement faire de la prévention à ce niveau-là.
Je vous dirais qu'en général, là, ce processus-là est quand même très bien. Où on a une difficulté, c'est dans la façon dont le projet de loi est libellé. C'est que, quand ça s'en va au comité de discipline, c'est comme si le comité de vigilance avait un droit de regard là-dessus, alors que généralement on suit un processus disciplinaire, et c'est le conseil d'administration qui a un droit de regard là-dessus. Donc, on ne voudrait quand même pas mélanger les oranges puis les pommes. Puis, quand c'est rendu disciplinaire, vous savez, c'est rendu avec les avocats, c'est un processus quasi judiciaire, ça peut même aller jusqu'à enlever le droit de pratique de quelqu'un. Quand quelqu'un a vraiment des gros problèmes, je pense qu'on a une obligation de surveiller la qualité, comme CMDP. Puis notre rôle ce n'est pas de dire: Pauvre médecin, il n'est pas bon, mais on va le garder quand même parce qu'il faut qu'il gagne sa vie. On est là pour protéger le public, donc c'est ces mécanismes-là qu'il faut qu'on emprunte.
Le problème qu'on avait au Québec auparavant, c'est que, dès que vous aviez une plainte, ça devait être un processus disciplinaire, et, là, personne ne le faisait. Donc, c'est pour ça qu'on a fait ce processus-là qualité. Mais le processus qualité est compensé que... Si on voit que c'est quelque chose qu'on a besoin de plus, il faut qu'on soit capable de l'envoyer en mesure disciplinaire. Et puis, moi, je peux vous dire, au niveau de l'association, à toutes les fois qu'il y a un problème au Québec, c'est moi qu'on appelle pour dire: Qu'est-ce que tu ferais dans tel cas? En général, les gens font relativement bien ça. La difficulté qu'on avait, c'était de trouver des médecins examinateurs, mais le projet de loi prévoit maintenant que les médecins examinateurs vont pouvoir venir de l'extérieur, puis encore là on va avoir un processus plus objectif et ça va nous permettre de recruter plus facilement des médecins examinateurs.
Puis je peux vous dire, pour avoir lu plusieurs rapports, les gens, ils sont très précautionneux, puis, de toute façon, quelqu'un qui ne le fait pas bien, le discours qu'on a, c'est qu'il ne devrait pas rester médecin examinateur, parce que ça prend aussi des habiletés de communication puis de compréhension. Et puis, moi, les rapports que je vois, là, généralement c'est bien fait. Je ne dis pas que c'est parfait, mais c'est un processus qui date de quelques années, c'est mieux ça qu'un processus où chacun amène ses récriminations puis ses avocats. Moi, personnellement, les avocats, quand ils sont dans le dossier, dans ce processus-là, ils disent juste... ils le suivent, puis, si jamais, plus tard, ils veulent faire autre chose comme des procédures au civil, c'est complètement quelque chose d'indépendant.
M. Marsan: Juste pour m'assurer de ma compréhension, parce que c'est très important. Vous représentez l'Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens. Historiquement, vous vous souvenez, il y a déjà eu des... en tout cas des débats, pour prendre cette expression-là, au sujet de la façon de faire le suivi des plaintes d'ordre médical. Et, moi, ce que je comprends de votre intervention, c'est qu'avec ce qui est proposé dans le projet de loi votre association, vous-même, vous êtes d'accord, là, avec le processus de cheminement des plaintes lorsque nous avons une plainte d'ordre médical. C'est très important.
M. Bolduc (Yves): Oui. Là-dessus, même si vous essayez de trouver une autre façon, c'est soit de judiciariser plus, puis là vous rentrez des avocats puis vous avez le processus... Puis c'est encore pire parce que, quand un patient sent que ça va être un processus judiciaire, il a encore moins tendance, tandis que, là, c'est un processus qualité avec accompagnement. Puis je peux vous dire, puis, moi, je le dis publiquement: Les groupes d'accompagnement régionaux, là, sont fantastiques. Ils viennent avec les gens, ils les guident, c'est eux autres qui rédigent la lettre. Je pense que le processus, il est bien. Les endroits qui sont problématiques, ce n'est pas le processus qui est problématique, c'est l'application, mais là ça devient la responsabilité du conseil d'administration de veiller à ce que le processus soit bien fait.
M. Marsan: Merci beaucoup.
Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue au nom de l'opposition, Dr Bolduc. Merci de nous faire partager votre expertise en matière de l'exercice de l'usager, du patient, de la plainte.
Donc, il y a 131 conseils des médecins, dentistes et pharmaciens qui sont membres, hein, de l'association, et je comprends que cette association fait de la formation. À plusieurs reprises, vous avez parlé de formation, formation des médecins examinateurs, formation de l'ensemble de ce recours. Pouvez-vous nous parler, là, de ce qui se fait en termes de formation?
M. Bolduc (Yves): Il y a deux types de formation. D'abord, l'association elle-même donne une formation depuis, je vous dirais, depuis huit ans, on donne de la formation pour le traitement des plaintes, avant même que le processus ait été changé. D'ailleurs, on a été dans les instigateurs pour changer le processus parce que, un, les gens ne le suivaient pas, on était toujours en illégalité, puis on voulait avoir un processus plus qualité.
Au niveau de la formation, on en donne seulement pour les médecins examinateurs et tout le processus du traitement des plaintes. Et également l'association, au cours des trois dernières années, a donné, en collaboration avec la Protectrice des usagers, leur bureau, de la formation tant aux commissaires locaux qu'aux médecins examinateurs. On se rend compte que, même si la loi est claire, même si les processus sont bien expliqués, si on ne donne pas de formation, les gens ne le font pas, et ça nous permet, à tout le monde, au moins, au Québec... que tout le monde devrait faire la même chose.
L'autre élément important. Notre association et le bureau de Mme Denis, souvent, quand on a des appels, ça concerne les médecins ? ils vont m'appeler pour savoir qu'est-ce qu'on en pense ? on va consulter nos conseillers juridiques, mais on utilise ce qu'on appelle du gros bon sens, puis on est très propatient. Dans le sens que, dans ce processus-là, si on veut que ça fonctionne bien, il ne faut pas aller dans une... pour protéger les professionnels, mais plutôt que les professionnels comprennent que le mécanisme des plaintes, c'est un mécanisme d'amélioration de la qualité pour mettre en place un système qui fonctionne bien. Puis, s'il y a eu des éléments au niveau du professionnel qui étaient... qui a eu des défaillances, il faut le dire, hein? Un peu le même principe que la gestion des risques: ce n'est pas en cachant des problèmes qu'on va les résoudre, c'est le contraire, c'est en les mettant sur la table puis en travaillant ensemble pour les résoudre.
Toute notre association là-dessus est vraiment dédiée à la formation, puis on organise de la formation au moins deux fois par année, dont une qui va se donner dans trois semaines. Puis, quand on va devoir modifier la loi, on peut déjà vous dire que, si la loi est adoptée, mettons, en juin, en septembre-octobre on va redonner une nouvelle formation avec les nouveaux éléments de la nouvelle loi.
Mme Harel: Mais qui finance les coûts associés à cette formation?
M. Bolduc (Yves): Ah! C'est une cotisation, c'est-à-dire que les gens paient, je pense que c'est 245 $ par formation, donc chacun qui s'inscrit paie à ce niveau-là. Et puis ceux qui la donnent, bien c'est l'Association des CMDP, c'est une association où est-ce que les médecins sont bénévoles, c'est-à-dire qu'on n'est pas payés pour participer à l'association, c'est vraiment dans notre processus qualité, là.
n(12 h 40)nMme Harel: Et le projet de loi prévoit un changement à l'égard du commissaire local, qui était un commissaire local à la qualité et qui devient un commissaire local aux plaintes. Ce changement, remarque-t-on, n'est pas simplement au niveau de l'appellation, puisque dorénavant le commissaire local pourrait se saisir, de sa propre initiative, d'une situation mais dans la mesure où elle serait ultérieurement admise comme plainte au sens de la loi. C'est donc dire que ça devient beaucoup plus individuel plutôt que dans une perspective, disons, systémique, là, ça devient plus en fonction d'un usager que d'un groupe d'usagers. Est-ce qu'il n'y a pas là un glissement qui ne permettrait plus au commissaire local... tel que rédigé... il faudrait peut-être voir, ce n'est peut-être pas l'intention du ministre, mais, tel que rédigé dans le projet de loi, est-ce qu'il n'y a pas un glissement vers une gestion de plaintes plutôt que vers une gestion d'amélioration de la qualité du service?
M. Bolduc (Yves): Pas vraiment parce que cette recommandation-là, lorsqu'on a commencé à donner les formations avec Mme Denis ? puis je suis certain que ça vient de Mme Denis, cette recommandation-là ? c'est qu'on s'est rendu compte qu'il y a des gens qui ne voulaient pas porter plainte. Mais, quand vous avez une situation où la personne ne veut pas porter plainte mais qu'on se rend compte qu'il y a une problématique, je pense qu'on a une obligation, comme établissement, de vouloir corriger la situation. Puis, moi, je peux vous dire, j'ai participé aux formations, puis ça a été toujours questionné. On a toujours dit... Les gens lèvent la main, ils disent: Oui, mais ils ne veulent pas porter plainte. À ce moment-là, comme commissaire local, on devrait avoir la possibilité de quand même faire une étude pour corriger la situation dans ce processus-là.
Mme Harel: Et même de la corriger même si cette situation ne serait pas, si vous voulez, conforme aux critères retenus pour la rendre admissible au traitement de plaintes. En d'autres termes, ça peut être une situation... Je vous donne un exemple, là, vécu, mais... Par exemple, durant les fêtes de Noël et du jour de l'An, le personnel qui couche beaucoup, beaucoup plus tôt les patients pour pouvoir manger ensemble. On ne peut pas dire que c'est admissible au sens de la plainte, mais on peut penser que la qualité de l'hébergement est moindre du fait de ces comportements. Est-ce que le commissaire local ne devrait pas pouvoir intervenir là-dessus?
M. Bolduc (Yves): Oui, c'est d'ailleurs... c'est ce pouvoir-là qu'il vient d'avoir. Avant ça, on disait...
Mme Harel: Il ne l'a plus, là. Il ne l'a plus. Le mémoire du Protecteur des usagers, qui a été déposé au secrétariat de la commission, prévoit que c'est beaucoup plus restreint, c'est-à-dire uniquement aux situations où il pourrait y avoir plainte.
M. Bolduc (Yves): Oui, je pense que c'est jouer sur les termes parce que, quand on...
Mme Harel: Je les cite.
M. Bolduc (Yves): C'est ça. Mais je pense que c'est des choses à revoir. Je n'ai pas vu le document, mais je peux vous dire que l'intention, quand on donnait nos formations par rapport à ça, c'était de donner un certain pouvoir à la personne d'intervenir dans une situation où est-ce qu'il n'y a pas plainte, mais on pense qu'il y aurait un processus d'amélioration à apporter. Puis, de toute façon, le commissaire aux plaintes, quand vous regardez, c'est nouveau, puis ce n'est pas tout le monde qui est d'accord, puis les petits établissements disent que ça va leur coûter cher. C'est que... théoriquement, c'est exclusif. Il est supposé de seulement s'occuper de ça et des dossiers en relation avec la qualité.
Ça fait que, moi, je pense que, quelle que soit la porte d'entrée, quand il y a une problématique dans un établissement, il faut que quelqu'un soit capable de la dénoncer et, après ça, s'organiser pour la corriger. C'est le rôle, je pense, de cette personne-là. Dans le libellé, je ne l'ai pas vu. Donc, je ne peux pas tellement me prononcer. Mais l'esprit de la loi devrait être dans ce qu'on se dit tous les deux.
Mme Harel: Ça ajoute beaucoup, le fait que ce soit exclusif, justement, comme vous le mentionniez, et que ce commissaire local relève du conseil d'administration. Je sais que plusieurs se sont questionnés: Est-ce que tous les établissements ou instances locales peuvent se le permettre? Mais je comprends que la loi prévoit aussi que ce commissaire peut exercer pour plusieurs établissements ou plusieurs instances locales, en fait.
M. Bolduc (Yves): Oui, bien, je pense que le sens de la loi, là, c'est... Vous savez, le problème qu'on a dans les établissements, c'est que les gens font cinq types de travaux différents, puis souvent ce qui a l'air le moins urgent, ils le font moins. Donc, je pense, c'est l'importance que le gouvernement voulait accorder au traitement des plaintes.
En passant, c'est de l'argent bien investi. C'est comme l'infirmière en prévention des infections, si vous mettez quelqu'un pour faire de la prévention puis vous évitez des complications... Un patient qui est hospitalisé dans un hôpital coûte entre 300 $ et 450 $ par jour. Quand vous prévenez ces types de maladies là puis l'hospitalisation, vous sauvez à la fin. Moi, je suis convaincu de ça, qu'il y a un travail à faire. C'est comme ça, je pense, qu'on va réussir à sauver notre système, en ayant des méthodes comme ça et comme celle-là.
Mme Harel: En fait, ce que vous nous dites, c'est: Quand vous améliorez la qualité du service, vous pouvez même diminuer les coûts éventuellement du fait des complications qui peuvent survenir.
Alors, je souscris également à votre recommandation, à la page 5 de votre mémoire, à l'effet d'ajouter les soins de santé généraux et spécialisés à la mission d'un centre hospitalier.
Je voudrais, comme l'a fait le ministre tantôt, revenir sur la question du consentement pour la circulation, pour la transmission de renseignements concernant un patient. Dans la loi actuelle, on retrouve cette rédaction à l'article 19. On dit ceci: «Le dossier d'un usager est confidentiel et nul ne peut y avoir accès, si ce n'est avec le consentement de l'usager ou de la personne pouvant donner un consentement en son nom.» Disons, c'est le principe. Donc, la règle générale, c'est le consentement. Cette règle me semble être conservée, si vous voulez, dans le dispositif de conservation du dossier patient au niveau régional. Cependant, là où la règle est totalement modifiée pour devenir non plus la règle générale mais d'exception, c'est par cet amendement qui est introduit dans le projet de loi n° 83 et qui ajoute ceci dorénavant: «Un renseignement contenu au dossier d'un usager peut toutefois être communiqué sans [...] consentement.» Alors, là, la question est de savoir à qui ce renseignement... et quel sera ce renseignement. Bon. Et tout ça est laissé... c'est en suspens. Et ce renseignement, ce que l'on sait par ailleurs ? ça, c'est plus précis dans la loi ? c'est à qui il peut être transmis, et là il y a une longue, longue liste qui suit, et il peut l'être, transmis, notamment à un organisme communautaire, à une entreprise d'économie sociale ou à une ressource privée, les agences, et ça, c'est sans même que le patient soit informé. Bon.
La question va revenir durant tous les travaux de la présente commission parce que la question, je pense, de l'élargissement, là, de la transmission de l'information, je pense que c'est une question très, très intéressante et légitime. Parce que je crois que, du point de vue citoyen, les gens comprennent bien que, pour être soignés adéquatement, il est possible que... Il y a beaucoup de professionnels concernés qui doivent être mis au courant de ce que les uns et les autres ont fait précédemment ou de ce que les uns et les autres font concurremment. Ça, tout à fait. Mais la question reste extrêmement importante, celle de savoir à qui on transmet l'information. Là, vous voyez, c'est une modification majeure, très, très, très, très importante, parce que ce n'est plus entre professionnels, ils sont... les personnes, là, c'est des agences souvent, ils ne sont plus assujettis à des codes de déontologie. On ne peut plus, comme vous le faites avec les médecins examinateurs, avec les comités de révision, on ne peut pas porter plainte. Et puis on ne pourra plus... le Protecteur des usagers n'aura plus cette compétence, là, même si le... appelons-le de... quelle que soit son appellation, ça peut être des agences privées, et il n'a pas compétence sur les services qui sont rendus à domicile. Alors, tout ça va nécessiter un examen beaucoup plus attentif que ce qu'on retrouve, là, comme libellé dans le projet de loi n° 83.
M. Bolduc (Yves): Ce n'est pas la personne qui traite les plaintes qui va vous parler mais l'étudiant. Moi, je suis une formation en éthique, deuxième cycle, à l'université, j'ai quasiment fini ma maîtrise là-dedans, puis je suis président du comité régional de bioéthique, et on s'est penché là-dessus, la question du...
Mme Harel: Mais dans quelle région?
M. Bolduc (Yves): Au Saguenay?Lac-Saint-Jean, avec Stéphan Tremblay. Mais je ne fais pas de politique. Je l'ai dit à M. le ministre, je n'ai pas d'allégeance politique.
Je pense que ce qui est important... puis je pense que, par rapport aux plaintes, ce n'est pas là l'élément, c'est vraiment une question d'éthique. O.K.? Puis, en éthique, le problème qu'on a, c'est que des fois les gens, à un moment donné, sont arrivés puis sont exclusifs, ils disent juste: Le droit du patient, c'est sacré, hein? On a beaucoup entendu ça parler dans les congrès d'éthique, l'avocat qui va dire: Le droit du patient, il est sacré, puis on n'en sort pas. Mais, moi, je suis un praticien également, puis, quand le droit du patient vient en conflit avec son droit d'être bien soigné, je pense qu'il faut qu'on trouve un équilibre. O.K.?
Ce que vous dites là, c'est absolument vrai, il faut que ce soit balisé, et c'est peut-être, dans le projet de loi, la chose la plus difficile, parce que les gens disent: Maintenant, n'importe qui peut avoir accès à mes informations. Je pense que ce n'est pas vrai. Ce que le projet de loi dit là, ce n'est pas ça qu'il dit. Ce qu'il dit, c'est qu'on veut que les professionnels concernés aient l'information. Je suis d'accord avec vous, peut-être que le libellé va devoir être amélioré, bonifié, mais tout le monde au Québec, au moins on doit s'entendre sur quelque chose: Ça n'a pas de bon sens que, quand je suis dans mon bureau, que je vois un patient, je n'aie accès à aucune information sans qu'il signe. Puis vous savez c'est quoi, faire signer un patient? Signer, ce n'est pas un problème. Il faut que je le faxe, il faut qu'il me retourne l'information. Là, j'ai le patient devant moi. Moi, je suis en GMF. Actuellement, le système informatique me permet que... dès que le patient a eu sa prise de sang, il vient me voir deux heures après, et j'ai accès au rapport. Le problème, c'est que, si, moi, je ne suis pas là, le docteur de la clinique qu'il voit le lendemain, lui n'a pas accès théoriquement.
Mme Harel: Mais, vous, vous me parlez, comme tantôt le président du Collège des médecins, de la conservation. Ça, c'est un autre dispositif dans le projet de loi. Ça, c'est un dispositif où dorénavant, au niveau régional, il y aurait conservation.
M. Bolduc (Yves): Moi, je parle de la circulation dans le sens que...
Mme Harel: Mais la circulation, moi, je vous parle d'une circulation qui ne se fait pas entre professionnels.
M. Bolduc (Yves): O.K. J'en viens à ce point-là. Moi, je ne vous parle pas de la conservation, je parle de la circulation, c'est-à-dire quand, nous autres, les professionnels, on doit avoir accès pour ce qui nous concerne. Moi, il y a quelque chose par contre qui est important. Si vous avez donné un élément personnel, puis vous l'avez dit tantôt, un élément personnel de votre vie, vous devriez avoir la protection de ce renseignement-là. Là, il s'agira de déterminer c'est quoi qu'on met, hein? Ce n'est pas tout le monde qui a besoin de savoir, la personne, combien est-ce qu'elle a eu d'avortements. Moi, ça a toujours été la question: Si tu réponds une fois à un docteur que tu as eu trois arrêts de grossesse, hein, ça te suit dans ton dossier partout le restant de tes jours.
n(12 h 50)n Puis, en passant, là, si vous voulez avoir de la confidentialité, ce n'est pas d'avoir du papier, c'est d'avoir de l'électronique, parce qu'un papier, un dossier dans un hôpital, là, tout le monde peut le lire. Puis, si c'est ta voisine qui est hospitalisée... Puis quelqu'un qui viendra me dire: Ce n'est pas vrai, bien c'est comme ça que ça marche, hein? Tout le monde peut lire notre information n'importe quand.
À partir de ça, ce qui est important, c'est de savoir c'est quoi, les informations qu'on a besoin pour traiter? Moi, quelqu'un, trois arrêts de grossesse, que quelqu'un a eu trois aventures dans le passé, là, ça ne me regarde pas. Il faut être capable de baliser ça, qu'il y ait des informations qui ne doivent pas être accessibles à tout le monde. Mais il y a des choses par contre qui doivent être accessibles à plusieurs types de professionnels, et puis, quand ça te concerne comme professionnel... Puis là je vais plus large que ça: si vous faites des soins à domicile, là, c'est peut-être important de savoir l'autonomie de la personne. Cette information-là devrait leur être rendue disponible.
L'autre élément important. On pense toujours qu'une fois que c'est embarqué sur un système informatique n'importe qui a accès à ça. Moi, je peux vous dire qu'avec les systèmes informatiques ça prend des mots de passe, O.K., ça prend des codes, le code du patient pour pouvoir y aller. Et puis, également, moi, je trouve, au niveau technologique, qu'il faut se donner l'obligation d'avoir un mécanisme de surveillance. C'est-à-dire que, quand quelqu'un accède à des données, il faut qu'il y ait un marqueur à quelque part. Donc, un docteur qui irait voir les renseignements sur sa belle-mère trois fois et qu'il n'a pas d'affaire là-dedans, je pense qu'il y a un mécanisme qui doit prévoir qu'il y a quelqu'un qui peut intervenir. Puis, dans la loi, il y avait des pénalités pour ça.
Je pense que l'essentiel puis le rôle... Je pense, le rôle de l'opposition, c'est de bonifier un projet de loi, peut-être le faire rejeter parfois, mais parfois le bonifier. Je pense que le rôle, c'est... il faut s'entendre que la technologie actuellement ne correspond pas à la loi, dans le sens qu'on peut faire beaucoup plus pour bien soigner nos patients que qu'est-ce qui est possible dans la loi. Comment est-ce qu'on fait pour le bonifier? Je pense que ça ne veut pas dire de rendre tout disponible à tout le monde puis le publier dans le journal. Par contre, il faut que les professionnels aient accès facilement aux données, parce qu'il faut voir que, dans 10 ans, on va tous avoir des ordinateurs sur nos bureaux, on va tous avoir accès à de l'information, et ce qu'on veut, c'est bien soigner les patients.
Mme Harel: Effectivement, M. le Président... Il faudrait peut-être, Dr Bolduc, que vous vous rappeliez que c'était l'opposition libérale qui était totalement hostile à la carte santé. Et je dois vous dire que j'ai ici, puis je n'en ai pas fait état ce matin ? si c'est nécessaire, je le ferai à un moment donné ? mais des déclarations mais complètement échevelées du député de Châteauguay sur ces questions-là. Alors, c'est sûr qu'on est ouvert, mais en même temps c'était entre professionnels. Là, il y a une ouverture de transmission de l'information même à des agences privées. De quoi allons-nous finalement parler, là? C'est pour ça qu'il faut des balises.
M. Bolduc (Yves): Je pense qu'il faut en faire la discussion, mais on est tous d'accord qu'il faut qu'il y ait une augmentation de l'information qui va circuler puis que ce soit mieux disponible qu'à l'époque... Je peux vous dire, nous autres, nous aurions été très favorables également à la carte santé parce qu'on pense que c'est pour le bien du patient. Je pense que c'est ça, là, mais il faut baliser, parce qu'il y a des droits à protéger également au niveau du patient.
Le Président (M. Copeman): Ça va? Ça va. Merci beaucoup, Dr Bolduc, d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de l'Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du Québec.
Et, sur ce, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 53)
(Reprise à 14 h 42)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux, en exprimant tout de suite nos excuses et regrets à nos invités pour le délai. Et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de l'Association médicale du Québec. Dr Noël, bonjour. Comme je le fais pour chaque groupe, j'explique les règles de fonctionnement. Vous avez 20 minutes, que je vais faire respecter soigneusement, à faire votre présentation, qui sera suivie par un échange de 20 minutes, une période maximale de 20 minutes, avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prierais de présenter les personnes qui vous accompagnent et d'enchaîner avec votre présentation.
Association médicale du Québec (AMQ)
M. Noël (Alain): Personnellement, Alain Noël. Je suis le trésorier à l'Association médicale du Québec. Je suis en remplacement du Dr Senikas, qui est le président, qui est à l'extérieur. À ma droite, Mme Claudette Duclos, qui est la directrice générale de l'association; et, à ma gauche, M. Robert Nadon, qui est à la Direction des affaires professionnelles.
On vous remercie de l'opportunité que vous nous faites de vous présenter notre mémoire, mémoire qui a pour but de vous démontrer que nous sommes des partenaires essentiels et puis qu'il faut s'assurer, dans la mise en place de la loi future, que cet aspect va être considéré.
L'Association médicale du Québec est la seule association québécoise qui rassemble les spécialistes, les omnipraticiens, les résidents et les étudiants en médecine. L'Association médicale du Québec compte sur un vaste réseau de membres pour réfléchir aux enjeux auxquels est confrontée la profession médicale, proposer des solutions et innover pour repenser le rôle du médecin dans la société et constamment améliorer la pratique médicale.
Le projet de loi n° 83 est très substantiel et vise notamment l'ajustement des responsabilités entre les instances locales, régionales et centrale et la participation de tous les intervenants à la mise en place et au bon fonctionnement des réseaux locaux de services de santé et de services sociaux. Pour les fins du présent mémoire, nous limiterons nos commentaires aux divers volets qui touchent plus particulièrement la profession médicale.
Comme toujours, notre intervention se veut lucide et constructive. Elle est guidée par notre souci de contribuer efficacement et positivement à l'amélioration des services à la population.
Les nouvelles responsabilités dans le réseau. Le projet de loi n° 83 introduit une dimension très particulière à notre système de soins: la notion de réseau local de services de santé et de services sociaux. L'instance locale, selon le projet de loi, coordonne les activités du réseau. Elle est responsable, de manière exclusive, de définir un projet clinique et organisationnel identifiant, pour le territoire du réseau local, notamment l'offre de services requise, les modes d'organisation et les contributions attendues des différents partenaires du réseau.
Notre compréhension des divers articles du projet de loi sur cette question est à l'effet que tout établissement d'un territoire donné fait partie du réseau local de ce territoire, peu importent sa taille ou sa mission. En corollaire, les cliniques médicales et les cabinets privés font partie intégrante du réseau local, pour autant bien sûr que des modalités et des ententes aient été conclues à cet égard.
Qu'il nous soit permis de reprendre les propos que nous avons tenus, lors de notre comparution devant la Commission des affaires sociales, à l'occasion de l'étude du projet de loi n° 25: Toute réforme des services de première ligne ne pourra se faire sans la collaboration étroite des cliniques médicales et des cabinets privés. Selon les régions, entre 70 % et 80 % de la première ligne transite par ce type de ressource. Même si l'instance locale a la responsabilité de coordonner l'action des cliniques médicales dans la définition et l'articulation de son projet clinique et organisationnel, l'Association médicale du Québec est inquiète de l'absence apparente d'incitatifs permettant d'assurer leur pleine et entière participation au projet.
Le nouveau partage des responsabilités prévu au projet de loi n° 83 se traduit par un transfert de pouvoirs et de responsabilités très important vers le palier local et il va de soi que les médecins, surtout ceux oeuvrant en première ligne, sont interpellés au premier chef. Pour adhérer à ce projet d'envergure, les médecins veulent être considérés comme des partenaires essentiels. Les modalités ou les ententes à la base de ces partenariats doivent être à valeur ajoutée, tant pour les autres partenaires du réseau local que pour les médecins eux-mêmes. Les patients en seront les grands gagnants.
L'Association médicale du Québec est d'accord avec la mise en place de tels réseaux locaux pour autant que les conditions de succès de leur implantation qui sont énumérées dans la loi soient en place. Ces conditions sont: l'abolition de cloisons entre des établissements de mission différente par la création d'établissements multivocationnels que sont les centres de santé et de services sociaux; la mise en place de corridors de services bidirectionnels entre les établissements, c'est-à-dire les patients vers les services plus spécialisés, mais également les producteurs de services vers les patients; l'accès, pour les médecins, aux plateaux techniques, à l'information clinique ? résultats d'examen, profils médicamenteux et examens de dossiers ? et à des médecins spécialistes.
Cependant, d'autres moyens qui ne sont pas prévus au projet de loi peuvent être considérés comme des conditions de succès additionnelles. On peut penser à divers moyens incitatifs pour faciliter le travail interdisciplinaire, le partage des ressources dans les différents points de services ? par exemple un travailleur social à la polyclinique une journée-semaine ? aux outils d'aide à la décision, que ce soit pour le diagnostic ou le traitement.
Il ne faut pas perdre de vue que les cliniques et les cabinets privés sont des points de services privilégiés par la clientèle. On n'en compte pas moins de 1 500 au Québec. Les chances de succès des centres de santé et de services sociaux de réussir leur fonction de coordination de l'ensemble des services d'un territoire seraient augmentées si les cabinets étaient soutenus pour l'atteinte des objectifs visés par tous.
Tout comme nous l'avons déjà exprimé dans le passé, nous sommes quelque peu inquiets de voir que les efforts déployés par les CSSS pour la mise en oeuvre des réseaux soient d'abord mobilisés par les réformes structurelles et organisationnelles ? plan d'organisation général ? avant de passer à la réforme du modèle de soins et de services. Nous voulons rappeler l'importance d'impliquer les médecins du territoire dès le début et tout au long du processus. Nous croyons que le DRMG est un excellent interlocuteur. Nous croyons également en l'importance d'impliquer les médecins spécialistes, et l'idée de greffer une table des chefs de département de médecine spécialisée à la Commission médicale régionale est une excellente idée. À cet égard, nous nous interrogeons sur la nature du lien de cette table avec l'agence régionale, qui n'est pas très clair dans le projet de loi.
n(14 h 50)n Le processus de gestion des plaintes. Nous sommes généralement en accord avec le processus mis en place pour l'étude des plaintes et leur suivi, sauf pour ce qui est de la décision de ne doter que le CSSS d'un comité de révision. Bien que deux médecins oeuvrant dans un établissement autre que l'instance locale puissent faire partie de ce comité de révision, il nous apparaît incongru qu'une décision au sujet d'une plainte pour un événement survenu dans un établissement autre que l'instance locale puisse être révisée par une instance qui relève d'un C.A. qui n'administre pas l'établissement où a été logée la plainte. À titre d'exemple d'une telle incongruité, comment la révision d'une plainte au sujet d'un chirurgien cardiaque du CHU pourrait-elle être révisée par le comité de révision du CSSS du territoire sur lequel se trouve le CHU par des personnes qui ne connaissent pas nécessairement le CHU ou encore la chirurgie cardiaque?
Nous recommandons qu'il y ait un comité de révision par établissement, quitte à ce que les établissements puissent conclure des ententes pour former un seul comité de révision si les gens jugent que le volume des plaintes révisées est trop peu important pour justifier la formation d'un comité de révision efficace dans un établissement donné.
Nous sommes d'accord que l'étude d'une plainte concernant un médecin, un dentiste ou un pharmacien demeure la responsabilité du médecin examinateur. Nous sommes d'avis que l'article 42, qui prévoit que le directeur des services professionnels puisse être désigné comme médecin examinateur, fasse tout au moins mention explicitement qu'il puisse agir comme tel sur recommandation du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens.
La lecture de l'article 34 nous interpelle quant à la responsabilité que le processus d'examen des plaintes de l'instance locale puisse s'appliquer à tout cabinet privé de médecins lié par entente avec elle. Nous croyons qu'il est légitime qu'une personne puisse porter plainte contre un médecin si elle le juge nécessaire. Le Collège des médecins du Québec est déjà mandaté par la loi pour procéder à l'examen de ces plaintes et a accès à toute l'information détenue par le médecin pour ce faire. Y ajouter le processus d'examen des plaintes de l'établissement nous apparaît donc redondant. De plus, cela pourrait être perçu comme une menace par les médecins de cabinet privé. Comment cela pourrait-il en être autrement si le commissaire local aux plaintes venait vérifier l'existence potentielle de situations qui pourraient faire l'objet d'une plainte ? article 33 ? et recommander au conseil d'administration de l'instance une réorganisation du travail dans un cabinet privé?
Nous croyons plutôt que les ententes à être conclues prévoient les exigences de l'instance locale en matière de prestation de services et que les cabinets privés rendent des comptes en conséquence.
Le processus d'évaluation de la qualité, de la pertinence et de l'efficience. L'instauration, dans chaque établissement, d'un comité de vigilance formé des membres du comité d'administration soulève quelques questions et amène des suggestions de la part de l'Association médicale du Québec.
L'idée d'améliorer la qualité des services offerts dans les établissements ne peut que susciter notre adhésion. Déjà, les responsabilités du CMDP, eu égard à l'évaluation de la qualité de l'acte, sont entrées dans la culture médicale. Bien qu'il y ait place à l'amélioration, les médecins ne peuvent être contre cette approche. Règle générale, toutefois, l'évaluation faite par le CMDP porte sur des gestes posés par des individus dans un contexte bien précis. Le CMDP n'évalue pas les processus dans leur ensemble. Il est bien documenté, dans la littérature, que les erreurs médicales et les événements indésirables sont plus souvent le résultat d'un processus d'ensemble défectueux qu'une erreur individuelle. Le comité ministériel présidé par M. Jean Francoeur en a fait la démonstration éclatante dans son rapport sur la gestion des risques publié en 2001.
L'idée de confier à un comité de vigilance le suivi des recommandations du commissaire médical aux plaintes ou du Protecteur des usagers pourrait être bonifiée de la façon suivante:
Les sources d'information pour l'amélioration de la qualité ne devraient pas être limitées aux recommandations résultant du traitement des plaintes.
Dans le domaine des services médicaux, d'autres sources d'information, telle la comparaison des taux de décès, des taux de complication, des durées de séjour sont une source éclairante des secteurs d'activité pouvant faire l'objet d'améliorations.
L'analyse des ressources utilisées en lien avec les résultats obtenus est une autre source d'information essentielle pour l'évaluation de la pertinence de l'utilisation des ressources. Cette analyse peut être très stimulante, tant pour les cliniciens que pour les gestionnaires.
La responsabilité première d'évaluer ces informations afin de les transmettre éventuellement au comité de vigilance doit relever des médecins eux-mêmes dans le contexte d'un engagement de tous dans une approche d'amélioration continue de la qualité.
Étant donné que les instruments pour évaluer ces résultats et la pertinence existent, la loi pourrait exiger que les établissements fassent état, sur une base annuelle, de l'écart entre les résultats cliniques attendus et ceux obtenus et du degré de pertinence de l'utilisation des ressources.
Étant donné l'importance des services médicaux donnés dans les établissements avec une mission de centre hospitalier, que les comités de vigilance comptent au moins un médecin ou qu'à défaut le CMDP se voie confier un rôle de vigilance élargi envers le conseil d'administration au regard des services médicaux.
Les renseignements tirés du dossier de l'usager. L'article 19 prévoit les circonstances dans lesquelles un renseignement contenu au dossier d'un usager peut être transmis sans consentement. L'article de loi ne définit pas la nature de ces renseignements, et notre lecture nous permet de croire qu'il puisse s'agir de renseignements tant nominatifs que non nominatifs.
Si tel était le cas, nous soumettons respectueusement qu'il pourrait y avoir de sérieux problèmes d'application de l'article 27.1. Nous comprenons que le législateur, par cette disposition, veuille protéger la confidentialité des renseignements confiés à une personne ou à un organisme dans le cadre d'un mandat qui lui a été confié par un établissement. Nous comprenons notamment que le législateur veuille protéger un usager de l'application de législations étrangères, tel le Patriot Act américain, adopté dans la foulée des événements de septembre 2001. Cette loi permet aux instances gouvernementales américaines d'avoir accès à tout fichier détenu par des organisations ou des groupes américains ou pour toute corporation dont le siège est situé sur un territoire étranger mais dont la propriété est américaine.
Nous sommes totalement d'accord avec la préoccupation du législateur de soustraire les Québécois de cette législation. Nous souscrivons tout à fait avec cette disposition, pour autant que la notion de renseignement contenue à l'article 27.1 porte sur des renseignements nominatifs ou permettant d'identifier un usager ? nom, date de naissance, adresse ? ou encore que la notion de contrat s'applique pour les personnes ou les organismes qui donnent des soins et des services de santé.
Cependant, si tel n'était pas le cas, nous verrions apparaître des embûches sérieuses au déroulement de certaines activités essentielles, comme par exemple l'organisation des services et de la recherche. Les chercheurs québécois ne pourraient plus échanger des données non nominatives dans le cadre, par exemple, d'un protocole de recherche multinational. Un établissement ne pourrait pas évaluer sa performance clinique ou financière en se servant d'applications sur des serveurs américains ou canadiens dont la propriété est américaine si des renseignements non nominatifs sont tirés des dossiers des usagers pour ce faire. Les autorités de santé publique ne pourraient plus partager de renseignements avec leurs collègues d'autres pays pour les mêmes raisons. Nous suggérons donc qu'il soit fait mention de façon explicite, à cet article, de la nature nominative de ces renseignements.
Le rôle du département régional de médecine générale et l'organisation des services médicaux régionaux. La lecture des fonctions respectives de l'agence, des instances locales et du département régional de médecine générale au regard des services médicaux généraux laisse présager une source de confusion quant à l'interprétation que chacun pourrait en donner.
Il n'est pas superflu de rappeler que les départements régionaux de médecine générale, DRMG, est une instance qui a vu le jour en réaction aux nouvelles dispositions législatives introduites en 1995 et qui visaient à inclure les effectifs des cabinets privés dans les plans régionaux d'effectifs médicaux. À l'époque, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec a suggéré que le législateur introduise dans la loi le DRMG. Cela a eu pour effet de confier au DRMG les responsabilités de la régie régionale en matière d'organisation, de mise en place et d'application des services médicaux généraux.
Notre compréhension est à l'effet que les instances locales ont dorénavant la responsabilité, de manière exclusive, de définir un projet clinique et organisationnel pour le réseau local de leur territoire et que la responsabilité de l'agence en sera une de coordination. Ce qui nous inquiète quelque peu, c'est le rôle du DRMG auprès de l'agence et le conflit d'interprétation potentiel des rôles de l'un, DRMG, et de l'autre, CSSS. Le projet de loi prévoit que le DRMG assure la mise en place et l'application de la décision de l'agence après que le DRMG lui ait défini et proposé des plans d'organisation de services et des mécanismes d'accès aux services médicaux généraux.
Notre interrogation est la suivante: Qu'est-ce que les médecins en cabinet privé vont décider lorsque des décisions prises par une instance à qui ils vouent une légitimité, le DRMG, seraient en contradiction avec celles de l'instance locale du territoire où ils pratiquent? N'y aurait-il pas lieu à ce moment que l'instance locale s'allie la collaboration du DRMG pour des questions touchant l'organisation des services médicaux généraux avant de définir, de manière exclusive, les modalités d'organisation qu'elle retient? On pourrait même imaginer que des tables sectorielles du DRMG appliquent des décisions de l'instance locale. Nous croyons que le projet de loi devrait être plus précis à cet égard afin d'éviter les arbitrages stériles et non productifs. Chose certaine, la création de tables sectorielles devrait se faire sur une base volontaire afin de s'assurer de leur bon fonctionnement. L'expérience de plusieurs régions à cet égard est éloquente.
n(15 heures)n En conclusion, l'Association médicale du Québec considère que la réforme actuelle est l'une des plus importantes jamais entreprises. La volonté de rapprocher la prise de décision le plus près possible de là où sont dispensés les services à la population est audacieuse et prometteuse. Le succès de la réforme est toutefois largement tributaire de l'implication des médecins dans la définition et la mise en place des projets cliniques. Ce leadership des médecins, personne ne pourra l'assumer à leur place, mais certaines conditions doivent être mises en place pour assurer l'exercice de ce leadership. Nous avons fait état de ces conditions dans le présent mémoire. L'Association médicale du Québec souhaite que la présente réorganisation du réseau soit l'occasion de mettre en place une collaboration soutenue et permanente entre tous les partenaires de notre système de soins. Merci.
Le Président (M. Copeman): Merci, Dr Noël. Alors, afin de débuter l'échange, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Dr Noël, madame, monsieur, que j'ai connus dans une vie professionnelle antérieure, bienvenue, aujourd'hui, chez vous. Intéressante communication. Je voudrais la concentrer sur quelques points, d'abord avec une remarque d'introduction: la mobilisation essentielle qui suit ce projet de loi là n'est pas la modification de structure. C'est la loi n° 25 qui a amené la modification de structure. La philosophie d'économie de base du projet de loi n° 83, c'est le déplacement vers le niveau local, comme vous l'avez justement mentionné, de la plus grande latitude possible au point de vue décisionnel et l'élaboration d'un projet clinique qui se base sur la notion, comme je l'expliquais ce matin, d'un projet qui part de la base, près des usagers, et qui remonte vers les niveaux spécialisés, avec un rôle préservé au niveau régional bien sûr pour la cohérence et la coordination.
Je fais juste quelques remarques également sur d'autres points avant d'arriver au point précis que je voudrais discuter avec vous. Vous avez parlé de votre inquiétude quant au rôle du comité de révision, quant au lien entre les cabinets privés, par exemple, et le CSSS dans le cadre d'ententes. Il faut être bien clair que le rôle de ce comité de révision n'inclut en rien un regard sur la pratique professionnelle des médecins, mais uniquement sur le bien-fondé et le respect des ententes convenues. Je vous donne un exemple précis. Si, par exemple, un cabinet de médecins ou un GMF a convenu avec un CSSS d'heures d'ouverture de disponibilité puis que le citoyen se rend compte que ce n'est pas ça qui est disponible, bien il faut qu'il ait le moyen de faire part de cette insatisfaction puis que ce soit traité. Alors, je voudrais juste le replacer dans le contexte.
La nature des renseignements transmis, je suis certain qu'on aura une discussion très intéressante avec la Commission d'accès à l'information après vous. Je répète ce que j'ai dit tantôt: Il y a un consentement requis révocable pour les données dans des bases régionales. Le problème de discussion qu'on va avoir est l'équilibre que le Collège des médecins nous demandait d'avoir, ce matin, entre, oui, la protection des renseignements, qui est un objectif très important, et le désir uniforme de tous les intervenants du milieu de santé et des personnes elles-mêmes qui ont les soins et les services que l'information circule plus librement.
Dans le domaine de la transmission d'informations entre l'établissement public et ses partenaires, par exemple groupes communautaires ou autres, nous réitérons le fait que ces informations ne sont pas accessibles à ces partenaires. Elles sont transmises par le CSSS sur la base de la détermination de leur nécessité par le jugement professionnel de la personne qui a à le faire. Par exemple, si j'ai à organiser pour vous des soins à domicile, il est normal que l'organisme qui s'occupe d'aller vous voir à la maison ait accès à votre nom, votre adresse, la présence de limitations physiques ou autres et autres renseignements qui ont trait spécifiquement à cette entente-là. Je note également que vous suggérez de faire en sorte que les renseignements non nominatifs puissent être utilisés. Vous avez donné plusieurs exemples. On pourra revenir là-dessus également.
Mais allons sur le point précis qui touche les personnes que vous représentez, donc les médecins du Québec. Il est clair, et ça avait été suggéré à l'époque par, entre autres, M. Contandriopoulos, qui était venu nous parler ici, en commission, de la loi n° 25, qu'un des éléments de succès de ce changement d'approche, outre l'informatisation, c'était l'engagement et la concertation entre le réseau public et le médecin en cabinet ou le médecin qui exerce à l'extérieur de l'instance. Alors, nous avons fait, je crois, pour cela des mouvements concrets, d'abord en continuant le mouvement d'accréditation des groupes de médecine de famille ? il y en a maintenant autour de 100, là, qui sont accrédités au Québec ? et également en nommant, comme vous le savez, des médecins de cabinet sur le conseil d'administration du centre de santé et services sociaux.
Je ne vous cacherai pas que, pour moi, ma constatation, depuis que j'occupe le poste de ministre de la Santé et des Services sociaux ? et c'est un jugement général, ce n'est pas un jugement spécifique sur des individus ? c'est qu'il y a une certaine tendance à ce que j'appellerais la désolidarisation d'une partie de la profession médicale par rapport à son réseau public de santé, possiblement par découragement, du fait que les informations circulent mal et que les ententes ne sont pas claires. Alors, on essaie de remédier à ça et d'agir de cette façon pour encourager cette réunion essentielle entre le réseau de santé publique et les médecins en cabinet.
Maintenant, vous dites qu'il faudrait avoir des incitatifs pour s'assurer de cette adhésion. Évidemment, tout le monde pense tout de suite aux incitatifs financiers. Je vous demanderais de les mettre de côté parce que c'est l'objet de négociations avec les fédérations, mais pourriez-vous nous donner des exemples du type d'incitatifs qui d'après vous favoriseraient la resolidarisation des médecins du réseau de santé et vraiment une plus grande concertation et un engagement de leur part également dans ce qu'on poursuit tous comme objectif?
M. Noël (Alain): En fait, comme vous le dites, quand on parlait d'incitatifs, on voulait totalement exclure de notre discours les incitatifs financiers, ce n'est pas notre domaine du tout, du tout. Par contre, il y a plusieurs aspects qui sont importants. Pour être en pratique active, je suis à même de constater qu'il y a un problème majeur actuellement de prise en charge des populations, des patients en première ligne. Et puis il y a plusieurs aspects à ça. Ce qu'on voyait, ce qu'on avait vu dans le passé, c'est-à-dire la non-réussite des CLSC à avoir attiré les médecins, je pense qu'on est en train de le voir avec les cabinets privés. Non seulement les nouveaux arrivants n'intègrent pas les cabinets privés, mais en plus il y a une grosse partie des médecins qui sont actuellement en cabinet privé qui sont en train de les déserter, et je ne pense pas nécessairement à des médecins en fin de pratique.
Il y a plusieurs raisons à ça, les AMP en sont une. Quand on voit que les jeunes sont tenus de faire leurs AMP, souvent c'est difficile, dans les structures actuelles, de faire 12 heures dans le milieu hospitalier. Souvent, c'est du 20 heures, 24 heures. Il y a des tours de garde, il y a des nuits, de sorte que les journées ne sont pas travaillées. Ce qui fait en sorte qu'au bout du compte c'est peu intéressant pour les nouveaux arrivants d'aller en cabinet privé. C'est d'autant moins intéressant pour les médecins qui ont des pratiques à temps partiel, et puis c'est une réalité à laquelle on a à faire face.
L'absence de souplesse dans l'octroi des AMP, en termes d'heures, je pense que c'est un frein au fait que les jeunes médecins intègrent les CLSC, et puis ça, on se le fait dire constamment par les médecins en cabinet privé, qu'ils n'arrivent pas ? les plus vieux ? qu'ils n'arrivent pas à recruter. Puis on le voit sur le terrain, on n'est pas capable d'avoir des... quand on a des patients à l'hôpital qu'on veut référer ou qu'on veut qu'ils aient des médecins de famille, il n'y en a pas. Ça, c'est, d'une part, donc faire en sorte que les médecins soient intéressés, d'une part, à aller en cabinet.
Et puis il y a tous les autres incitatifs pour faire en sorte que la pratique en cabinet soit intéressante. Les GMF, je pense que c'était une idée extraordinaire, je pense que ça continue de l'être, mais force est de constater que ce n'est pas tous les médecins qui adhèrent. Et il faudrait faire en sorte que les conditions facilitantes qui allaient avec les GMF puissent être également applicables aux cabinets privés.
Un exemple: il n'est pas normal qu'un médecin doive passer au-delà de 12 minutes à l'heure au téléphone pour essayer d'obtenir des résultats de laboratoire, pour avoir le nom des médicaments qu'il prend ou savoir qu'est-ce qu'il s'est passé avec les épisodes de soins à l'hôpital, hein? Les pratiques ont changé. Les épisodes de soins ne sont jamais terminés à l'hôpital, les patients reviennent en cabinet, le médecin est sans information. Il y a deux possibilités: soit qu'il perde un temps fou à appeler, à obtenir ces résultats-là, à chercher des résumés de dossier ou soit qu'il abdique et puis qu'il dise au patient: Écoutez, on va faire venir les choses, revenez, prenez un rendez-vous. Ça ira dans trois mois, et puis en attendant il n'y a rien qui se règle.
Donc, il faut faire en sorte que l'accès à l'information, que l'accès aux résultats de laboratoire, que toutes ces choses-là facilitent la pratique, et c'est ça, les incitatifs qu'on a. En fait, la fluidité de l'information, faire en sorte que non seulement la pratique... En fait, ce qu'il va arriver, c'est que le patient va y gagner. Les choses vont se faire beaucoup plus aisément de cette façon-là.
Il peut y avoir du support aussi en technologie. Les médecins sont un peu dépourvus. On reçoit des appels constamment de médecins qui nous demandent, au niveau de la technologie: Qu'est-ce qu'on doit faire? Quel genre de système on doit avoir? Il n'y a personne pour les aider. Donc, ce genre de support là aussi aux cabinets privés, c'est des choses qui vont faire en sorte que les cabinets vont reprendre vie et puis qu'ultimement les populations vont être mieux traitées, et le suivi va être meilleur.
M. Couillard: Donc, encore une fois, l'informatisation et la circulation de l'information comme un facteur déterminant du succès de cette chose-là.
J'aimerais échanger avec vous brièvement sur la question des AMP, pour les non-initiés parmi nous, les activités médicales prioritaires ou particulières, là, dépendant le P qu'on choisit. Mme la députée sait qu'il m'arrive souvent de reconnaître le bien-fondé de certaines actions posées par mes prédécesseurs, et voici quelque chose qui était correct, ce qui n'empêche pas les grandes fautes par ailleurs commises dans plusieurs autres domaines du système de santé. Mais, pour ce qui est des AMP, il s'agissait effectivement de s'assurer qu'on avait des médecins en nombre suffisant pour être dans les urgences ou dans les unités d'hospitalisation. J'ai constaté, comme vous, je dirais, le ressac de ça en termes d'absence des cabinets privés puis de prise en charge. Particulièrement, je me souviens d'une visite que j'ai faite en Montérégie où les gens de cabinet sont venus me dire exactement ce que vous avez dit, là.
n(15 h 10)n Cependant, ce que je note, dans la façon dont on essaie d'améliorer le système, et j'aimerais vous entendre quant à des suggestions là-dessus, c'est qu'on a essayé de professionnaliser la gestion de ça en la confiant au DRMG, au département régional de médecine générale, pour que ce soit moins tatillon et moins mécanique comme mesure, qu'on n'ait pas l'impression que le médecin est suivi par quelqu'un qui a un chronomètre et vérifie exactement ce qui est fait. Et, d'autre part, dans le modèle initial, vous savez qu'une fois que les quatre premières catégories sont remplies les autres catégories peuvent être ouvertes, à ce moment-là, pour, par exemple, prendre en charge des clientèles vulnérables.
Alors, ce qu'on a à Montréal actuellement, c'est qu'effectivement les quatre premières catégories sont bien remplies et qu'on commence maintenant à avoir des AMP pour prendre en charge les clientèles vulnérables: patients âgés, malades chroniques, patients atteints de santé mentale. Donc, on voit qu'il y a une question liée à l'effectif. À partir du moment où l'effectif d'une région devient suffisante pour prendre en charge les quatre premières catégories, les autres deviennent possibles. Est-ce que vous trouvez... Comment vous nous conseilleriez de modifier la formule des AMP pour éviter le problème de désertification des cabinets privés?
M. Noël (Alain): En fait, on convient tout à fait que les AMP étaient une nécessité. Il y avait une problématique grave dans les urgences, dans les centres hospitaliers. Mais ce qu'on constate maintenant, c'est que, comme vous le dites, il y a eu un ressac, il y a eu une désertion des cabinets privés. Actuellement, en pratique active, c'est la problématique majeure.
Je vais juste vous donner un exemple. Quelqu'un qui travaille à temps partiel, les AMP, on ne lui reconnaît pas une demi-AMP. Cette personne-là va être obligée de faire des AMP à temps plein, ce qui ne lui laisse pas beaucoup de temps pour faire un cabinet privé. Avoir à charge un cabinet privé, je parle du point de vue financier, ça devient une absurdité. On décourage, à ce moment-là, les médecins qui veulent avoir des pratiques à temps partiel à s'ouvrir des cabinets privés. C'est ce qu'on voit. Les jeunes ou les médecins... on voit beaucoup de femmes, pour des raisons de famille, qui ont des pratiques avec des temps plus limités, se désengagent des cabinets privés, et puis je les comprends tout à fait. Les AMP en fait il faudrait assurer une certaine souplesse pour répondre à cette condition-là.
En ce qui a trait, comme vous le dites, au plan d'effectif, c'est certain que, quand on va avoir atteint les PREM ou les PEM dans chacune des régions, on va arriver à libérer du temps pour les clientèles vulnérables, pour le suivi à domicile, pour les... Mais, d'ici à ce qu'on l'atteigne, on a un problème majeur de prise en charge en cabinet privé. Je pense que, dans certaines régions où il y a des problématiques plus graves que d'autres, je ne pense pas qu'on puisse attendre quatre, cinq ans avant de permettre que ces clientèles vulnérables là soient prises en charge. Je pense qu'il va falloir que les AMP soient modulées de façon plus souple localement pour faire en sorte que les cabinets privés soient inclus dans les AMP. Je pense qu'on ne s'en sortira pas.
M. Couillard: Évidemment, on ne veut pas non plus se retrouver dans une situation où il y a des bris de service dans les salles d'urgence, là.
M. Noël (Alain): Non. Non, c'est clair.
M. Couillard: Alors, un autre aspect, c'est la question du traitement des plaintes. Vous y avez fait allusion dans votre présentation, où vous êtes inquiets, dites-vous, du fait que, par exemple, on pourrait demander au comité de révision d'un établissement de se prononcer sur un événement survenu dans un autre établissement. Est-ce que vous ne pensez pas que dans certains cas c'est une disposition qui peut être de nature à renforcer la confiance du citoyen dans le système de plaintes, puisque parfois les gens nous disent: On porte plainte dans l'établissement puis on a l'impression que tout le monde est là pour un peu protéger l'établissement puis les gens qui y sont? Est-ce que dans certains cas ce n'est pas utile d'avoir ce recours possible là?
M. Noël (Alain): Ce peut être utile, mais je pense qu'il va falloir avoir la compétence pour exercer ce devoir-là. Mais de toute façon, dans le projet de loi, il y a d'autres mécanismes qui viennent renforcer la confiance que la population va avoir dorénavant dans le traitement des plaintes qu'ils vont faire. Je pense qu'il y a beaucoup plus de choses qu'il n'y en avait auparavant pour assurer justement cette confiance-là de la population.
Le Président (M. Copeman): M. le député de Robert-Baldwin et adjoint parlementaire au ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Marsan: Merci, M. le Président. Merci, Dr Noël, Mme Duclos et M. Robert Nadon. Merci de votre exposé. Je voudrais vous demander... Vous nous faites un certain nombre de recommandations, et j'aimerais ça que vous nous disiez laquelle vous apparaît la plus importante. Si on avait une modification à faire au projet de loi, à ce moment-ci, sur quel aspect vous voulez qu'on travaille? Est-ce que c'est les plaintes ou d'autres secteurs? J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. Noël (Alain): Je pense qu'en ce qui nous concerne c'est d'assurer que la prise en charge de la population soit faite en première ligne. Je pense que c'est capital. Actuellement, on a des problèmes. On le vit dans les agences, la majorité des plaintes concernent la non-accessibilité aux services de première ligne. Donc, je pense que, si on oublie cet aspect-là ou si on ne s'y attarde pas de façon absolue, on va continuer à avoir des plaintes et puis on va continuer à devoir avoir des mécanismes pour assurer le suivi des plaintes.
M. Marsan: Je pourrais vous demander également... Vous n'avez pas fait de commentaire sur la certification des résidences privées, sur l'encadrement de la télésanté ou d'autre chose. Je ne sais pas si c'est parce qu'il y avait peut-être moins d'intérêt ou si vous vous êtes concentrés vraiment sur les aspects médicaux du projet de loi. C'est pour ça?
M. Noël (Alain): Oui.
M. Marsan: O.K. Alors, merci bien.
Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, Dr Noël, Mme Dubois, M. Nadon, bienvenue de la part de l'opposition officielle. Dr Noël, votre certitude est absolue sur la question de la désertion ? c'est le terme que vous avez utilisé, je crois, là ? des cabinets privés par les omnipraticiens. Est-ce qu'il nous serait possible d'obtenir des chiffres à cet effet-là? Vous semblez si sûrs, sans doute des études ont été conduites par l'Association médicale, sans doute avez-vous des chiffres. Est-ce que cela provient... est-ce que c'est récent? Simplement depuis les AMP? Est-ce que ça existait auparavant? Et où sont-ils? Quelle est la trajectoire? Faites-nous un peu le bilan de ça.
M. Noël (Alain): Je n'ai pas de chiffre. Ça fait partie de nos projets actuellement. On est en train de s'attarder... En fait, avant même que le projet de loi soit déposé, depuis les derniers mois, c'est l'aspect sur lequel on voulait s'attarder. On a des projets d'étude sur cet aspect-là.
Mais je vous dirais qu'on représente 8 000 médecins au Québec, autant médecins omnipraticiens, médecins spécialistes, résidents, étudiants. On a des contacts avec chacune des régions du Québec, on a des représentants dans chacune des régions, on a des appels constamment. On a eu l'occasion de se prononcer, de faire des sondages auprès des médecins par le passé, à plusieurs reprises, et c'est le message qu'on reçoit, et c'est ce qu'on vit aussi, comme praticiens, là, dans... Je peux vous dire personnellement que, dans la région, là, dans les dernières années, il y a plusieurs médecins qui sont arrivés, il n'y en a aucun qui a ouvert des cabinets privés, et puis le bilan est négatif, il y en a plusieurs qui les ont quittés. Donc, c'est...
Mme Harel: Ils sont allés où, Dr Noël?
M. Noël (Alain): En milieu hospitalier.
Mme Harel: En milieu hospitalier. Vous parlez d'une région. De quelle région êtes-vous?
M. Noël (Alain): Mauricie?Bois-Francs.
Mme Harel: De la Mauricie?Bois-Francs. Parce que les expériences sont tellement différentes. Je pense simplement à Montréal, où les médecins ont vraiment déserté les CLSC et où le nombre de médecins en cabinet privé au-dessus de pharmacies s'est multiplié. Juste dans mon secteur, moi, j'ai au-delà peut-être d'une soixantaine de cabinets privés. Alors, on dit toujours que la pauvreté attire beaucoup, là, mais quand même, ça peut dépendre... Alors, ça m'intéresse beaucoup, là, d'avoir les résultats des recherches que vous mènerez pour voir un peu la trajectoire... parce que les expériences peuvent différer beaucoup d'une région à l'autre, j'imagine.
M. Noël (Alain): Actuellement, le nombre de cabinets ne diminue peut-être pas autant que le nombre de médecins parce qu'évidemment les cabinets pour la plupart ne sont pas des cabinets en solo. La plupart des cabinets sont des cabinets où c'est des pratiques à plusieurs médecins. Mais ce qu'on voit, par exemple, c'est que le nombre de médecins dans chacun des cabinets diminue, et puis ça inévitablement, à moyen terme, ça va signifier la fermeture de certains cabinets.
Mais ça va nous faire plaisir évidemment de vous faire part des résultats de nos études qu'on va entreprendre, là, sur cet aspect.
Mme Harel: Je pense que c'est extrêmement important, pour avoir anticipé un peu les événements, et je pense qu'il faut les mettre aussi en comparaison avec les années quatre-vingt, quatre-vingt-dix et maintenant, là, voir un peu si c'est... le type de pratique, là, qu'on peut envisager pour l'avenir immédiat.
Je voudrais revenir avec vous sur la question des conflits qui peuvent survenir entre les plans cliniques, là, des instances locales et le fonctionnement des DRMG, hein? Dans votre mémoire, vous êtes très explicites sur cette question-là, aux pages 11 et suivantes, là. Alors, vous semblez dire qu'il pourrait y avoir, dans les projets cliniques et organisationnels des réseaux locaux, des objectifs qui ne coïncideraient pas avec ceux, si vous voulez, établis par les DRMG. C'est là une situation qui vous semble potentiellement possible?
n(15 h 20)nM. Noël (Alain): Elle nous apparaît possible effectivement, puis c'est ce qu'on veut prévenir. Quand on parle de tables sectorielles du DRMG, on l'a vécu dans certaines régions, ça fonctionne très bien, les médecins ont confiance, ont apprivoisé le DRMG, lui font confiance, font confiance aux tables sectorielles. Je pense que ça pourrait très bien s'intégrer, que les tables sectorielles soient impliquées justement dans les plans d'organisation des instances locales. Je pense que c'est un... il y a une potentialité de problématique. Je ne dis pas qu'elle va arriver, mais je pense qu'il faut tout faire pour éviter que ça survienne, et puis je pense que ce serait une des façons de l'éviter.
Mme Harel: Donc, vous nous dites: Il faudrait que les tables sectorielles... Vous le proposez sur une base volontaire, je crois, hein?
M. Noël (Alain): Oui.
Mme Harel: C'est-à-dire là où les tables sectorielles le souhaiteraient, dépendamment des régions?
M. Noël (Alain): En fait, quand on met les médecins ensemble, qu'on les place ensemble, qu'ils se parlent entre eux, qu'ils parlent avec les gestionnaires, les choses vont de soi, les choses vont bien. Les médecins ne sont pas là pour mettre des embûches, mais pour faire en sorte que le système avance. Mais ils veulent avoir des explications, ils veulent être partie prenante. Le fait de les placer de façon volontaire, les tables sectorielles, je pense que ça va faire en sorte que ça va avancer et puis que les médecins vont y adhérer. Définitivement.
Mme Harel: Vous dites dans votre mémoire, justement à la page 11, qu'il faudrait que les instances locales s'allient «la collaboration du DRMG pour les questions touchant l'organisation des services médicaux». Par exemple, à Montréal, huit des 12 centres de santé et services sociaux, huit des 12 de ces centres ne sont pas associés avec un centre hospitalier. Alors donc, vous nous dites: Pour qu'il y ait un projet clinique et organisationnel, ça supposerait qu'il y ait une présence, à ce moment-là, du DRMG.
M. Noël (Alain): De la table sectorielle. Le DRMG a l'avantage de regrouper tous les médecins du territoire, qu'ils soient en pratique hospitalière ou qu'ils soient en cabinet uniquement. On rejoint tous les médecins via le DRMG. Donc, l'instance locale va avoir beaucoup plus de facilité à établir son projet clinique en s'associant à une table sectorielle ou au DRMG.
Mme Harel: C'est difficile, vous savez, avec... Il y a une sorte de confusion, là, qui semble régner, en tout cas dans la rédaction même du projet de loi, parce que, quand on dit «de manière exclusive», on nous a fait valoir, ce matin, que l'agence aurait toujours la possibilité de ne pas financer le projet clinique et organisationnel, disons, de l'instance locale, mais auquel cas l'instance locale peut bouder aussi et ne pas donner suite aux objectifs, par exemple, de l'agence. Mais derrière ça il y a aussi le fait qu'il y a une modification qui est introduite: dorénavant, il n'y aura plus de quantification, si vous voulez, des objectifs et de l'échéancier à rencontrer. Il y a un recul sur ce qui se retrouvait dans la loi actuelle pour quantifier les objectifs et l'échéancier. Alors, finalement, on se demande qui va décider de quoi, là. Je ne sais pas si c'est l'impression qui résulte de la lecture du projet de loi, mais c'est l'instance locale... En même temps, le DRMG a quand même un rôle important à jouer, vous le mentionnez dans votre mémoire. Dans le fond, ce que vous nous dites: La solution, c'est qu'il y ait des tables sectorielles.
M. Noël (Alain): Qui dépendent du DRMG. Que le projet d'organisation... En fait, c'est pour faire en sorte qu'il n'y ait pas de confusion. Ce qu'on souhaite, c'est que le DRMG, qui dépend de l'agence, hein, avec ses tables sectorielles puisse participer à l'élaboration du projet clinique dans les instances locales.
Mme Harel: Vous craignez également l'élargissement de l'intervention du Protecteur des usagers, qui portera un autre nom, là, bientôt, mais vous craignez l'élargissement de son intervention, notamment dans la question des cliniques privées. Manifestement, vous semblez craindre que le Protecteur des usagers, du fait de l'élargissement de sa compétence aux ententes qui pourront être signées avec les cabinets privés par les centres de santé et de services sociaux, donne ouverture à l'intervention du Protecteur des usagers. Est-ce que c'est ce qu'il faut comprendre?
M. Noël (Alain): Il y a deux aspects. Dans un premier temps, on pense que, le Collège des médecins, c'est son rôle principal de s'assurer de cet aspect-là, d'une part, mais, d'autre part, ce qu'on craint le plus, c'est que le commissaire aux plaintes ou le Protecteur de l'usager vienne intervenir dans l'organisation du travail de la clinique là où il n'y a pas eu d'entente. En fait, tout ce qui est balisé par entente, et puis c'est ce qu'on dit, on est à l'aise avec ça. Quand les choses sont claires dès le départ, quand l'entente est prise dès le départ, quand les choses ont été ficelées dès le départ, on est tout à fait d'accord à ce que le commissaire ait un droit de regard sur cet aspect-là. Mais encore une fois, pour ce qui est de l'aspect clinique, on pense que le Collège des médecins devrait avoir priorité.
Mme Harel: Bon. Est-ce que de toute façon même le Collège des médecins a une compétence, y compris dans les centres hospitaliers ou dans les établissements de santé qui sont actuellement soumis à l'examen du Protecteur des usagers? Alors, quand vous invoquez le Collège des médecins, vous ne l'invoquez que pour les cabinets privés, alors que, depuis quelques années maintenant, à ce que je sache, il y a des médecins examinateurs. Ce que vous craignez, c'est que ce ne soient pas des professionnels qui fassent l'examen des plaintes qui sont signalées, disons, dans les cabinets privés?
M. Noël (Alain): Non. Ce qu'on craint, c'est qu'on vienne toucher à l'aspect d'organisation du travail du cabinet privé uniquement.
Mme Harel: De toute façon, il n'y a pas ouverture à exercer la compétence du commissaire local ou du Protecteur de l'usager s'il n'y a pas entente.
M. Noël (Alain): Voilà.
Mme Harel: C'est l'entente qui ouvre, si vous voulez, l'hypothèse éventuelle...
M. Noël (Alain): C'est ce qu'on souhaite.
Mme Harel: Mais ce n'est pas ce qu'il y a déjà dans la loi, selon vous?
M. Noël (Alain): On veut le renforcer. Mais ce qu'on disait aussi, en corollaire, c'est que, pour tout l'aspect clinique, on trouvait redondant... en fait, on pensait que le collège devait avoir la priorité dans ça, pour cet aspect-là. Mais, si c'est le souhait, si le projet de loi, c'est le souhait puis on continue dans ce sens-là, on veut s'assurer que le commissaire, ou le médecin examinateur, ou peu importe, mais que le processus d'évaluation de la plainte ne touche que ce qui aura été signifié dans l'entente entre le cabinet et l'instance locale, c'est tout.
Mme Harel: Vous semble-t-il que le projet de loi va donner ouverture à de plus nombreuses ententes entre l'instance locale et le cabinet?
M. Noël (Alain): C'est ce qu'on comprend.
Mme Harel: C'est ce que vous considérez, que ça va donner lieu à une recrudescence du nombre d'ententes?
M. Noël (Alain): Je saisis mal la question.
Mme Harel: Actuellement, il y a très peu d'ententes.
M. Noël (Alain): Oui.
Mme Harel: Très peu. Est-ce qu'il y en a? On dit très peu pour ne pas dire qu'il n'y en a pas. Y en a-t-il une seule qu'on pourrait me citer? En fait, je vous pose la question, mais le ministre sait que c'est à lui que je la pose, cependant. Au moins qu'il y en aurait une qui nous servirait de modèle. Je ne sache pas qu'il y en ait, là, depuis l'adoption sous bâillon du projet de loi n° 25, il y a déjà un an et demi, un an et quelques mois. Je ne sais pas, vous qui êtes le secrétaire général... trésorier de l'Association médicale du Québec, est-ce que vous êtes...
M. Noël (Alain): Je ne suis pas en mesure de vous répondre, non.
Mme Harel: ...informé de l'existence d'une entente entre cabinet privé et centre de...
M. Noël (Alain): Je ne suis pas en mesure de répondre.
Mme Harel: D'accord. Merci.
Le Président (M. Copeman): Est-ce que ça va? Mme la députée de Rimouski.
Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Bienvenue, madame et messieurs. À la page 4 de votre mémoire, vous évaluez entre 70 % et 80 % des services de première ligne qui transitent par les cabinets privés et vous dites que l'Association médicale du Québec, c'est ça, «l'AMQ est inquiète de l'absence apparente d'incitatifs permettant d'assurer leur pleine et entière participation au projet», parce que, là, on parle de toute la question de la responsabilité d'assumer les plans de services cliniques et organisationnels. C'est quoi, les incitatifs, là, qui vous apparaissent incontournables pour s'assurer que 70 % à 80 % de la première ligne qui se fait en cabinet privé va être reconnue, assurée et incluse dans cette réorganisation des ressources, là?
M. Noël (Alain): Bien, c'est un peu comme je mentionnais tantôt, notamment le transfert d'informations. Le transfert de l'information, il faut...
Mme Charest (Rimouski): ...ça, l'incitatif nécessaire pour que ce soit fait?
M. Noël (Alain): Non.
Mme Charest (Rimouski): Non?
n(15 h 30)nM. Noël (Alain): Non, il y en a d'autres.
Mme Charest (Rimouski): O.K.
M. Noël (Alain): L'accès au plateau technique, l'accès à des services spécialisés, l'accès à des professionnels, à des équipes multidisciplinaires, l'accès au suivi systématique, il y a plusieurs aspects, là, qui sont là pour faciliter la pratique, pour la rendre beaucoup plus efficiente, pour faire en sorte qu'ultimement le patient... les choses soient prises en main, prises en charge plus rapidement. Voilà.
Mme Charest (Rimouski): Parce que ce que je... Vous redites ce que vous avez écrit à la page 5, là. Parce que présentement, dans le contexte actuel, l'accessibilité, pour vous, à des plateaux techniques ou à des formations cliniques est difficile, elle n'est pas fluide, elle n'est pas innée, là, en termes de relations interétablissements avec vous ou...
M. Noël (Alain): En cabinet privé, vous pouvez avoir un patient qui sort d'un hôpital, qui a été hospitalisé pendant des semaines et des semaines pour des complications, pour des problématiques extrêmement graves, qui a eu un changement complet de ses médicaments, ce patient-là va arriver en cabinet privé puis le médecin qu'il a devant lui n'a absolument aucune donnée. Ça, c'est la réalité. C'est le «day-to-day».
Mme Charest (Rimouski): Je voulais vous l'entendre affirmer fort, parce que je me dis: À ce moment-là, il y a quand même des questions à se poser, si ça vaut la peine d'aller rencontrer un médecin en cabinet privé s'il n'a pas accès, au moment où on se parle, à ce type de renseignement qui d'après moi devrait suivre le patient et non pas... Je vous remercie.
Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, Dr Noël, Mme Duclos, M. Nadon, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de l'Association médicale du Québec.
Et j'invite immédiatement les représentants de l'Association des hôpitaux du Québec à prendre place à la table.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît, chers collègues! Alors, c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de l'Association des hôpitaux du Québec. Messieurs, madame. Je ne sais pas qui est le porte-parole principal? M. Cadieux?
M. Adam (Daniel): M. Adam.
Le Président (M. Copeman): Pardon, M. Adam, bien sûr. Alors, je vous explique brièvement, et, je sais, vous n'êtes pas à votre première expérience non plus, M. Adam, mais vous avez 20 minutes pour faire votre présentation ? j'insiste beaucoup sur 20 minutes, maximum ? qui sera suivie par un échange d'une période maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prierais de présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter votre présentation.
Association des hôpitaux du Québec (AHQ)
M. Adam (Daniel): Merci, M. le Président. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, Mme la porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, Mmes, MM. les députés. Alors, je suis Daniel Adam, vice-président exécutif de l'Association des hôpitaux du Québec, et vous présente, à ma droite, Me Patrick Molinari, qui est ici comme conseiller juridique de l'AHQ, et, à ma gauche, Mme Huguette Blouin, qui est adjointe au vice-président exécutif de l'Association des hôpitaux du Québec. Et le président de l'association, M. Jean-Paul Cadieux, vous prie de l'excuser, étant retenu à l'extérieur.
L'Association des hôpitaux du Québec remercie les membres de la commission de lui donner l'opportunité, aujourd'hui, de partager ces quelques réflexions sur le projet de loi n° 83 modifiant la Loi sur les services de santé et services sociaux.
En guise d'introduction, et vous le savez sans doute, l'Association des hôpitaux du Québec est dans un processus de rapprochement avec l'association des CLSC et des CHSLD du Québec, qui devrait normalement conduire, à la fin du mois d'avril, à la constitution d'une nouvelle association inclusive regroupant l'ensemble de nos membres. Dans ce contexte, il aurait été normal que nous présentions conjointement un mémoire à la Commission des affaires sociales. Mais, compte tenu des délais très courts dont nous disposions et de la difficulté bien normale que nous avons à arrimer nos processus décisionnels étant donné qu'il existe encore deux structures de gouvernance dans les deux associations, nous avons choisi de déposer un mémoire distinct à la commission mais non opposé sur le fond, car, pour nous, c'est précisément au contenu du mémoire que nous souhaitions accorder de l'importance et moins sur la modalité de son dépôt.
Ceci dit, le projet de loi n° 83 est une forme d'aboutissement législatif d'un ambitieux projet de transformation du réseau de la santé, avec lequel l'Association des hôpitaux du Québec s'est toujours montrée favorable. Beaucoup d'inconnues subsistent, et il nous faudra de la créativité pour faire atterrir ce projet d'intégration et de complémentarité des services. Mais une chose est sûre, et je le veux souligner, à nos yeux, c'est avec un degré optimal et constant de cohérence et de détermination que cette réforme doit se réaliser. Depuis des années, l'AHQ réclamait plus de cohérence, plus de continuité et de transparence dans les orientations et les décisions politiques et ministérielles, et nous pouvons affirmer, aujourd'hui, que son message a été entendu.
Le projet de loi n° 83 procède avec beaucoup de justesse et de façon fort bien détaillée à la mise en place de changements qui, de façon générale, satisfont l'AHQ, à savoir plus particulièrement: la décentralisation des responsabilités vers le palier local de gestion, le renforcement des mécanismes devant garantir la qualité des services et l'adoption de mesures favorisant une meilleure circulation de l'information nécessaire à la prestation des soins et services.
Compte tenu du temps limité dont nous disposons pour vous soumettre nos recommandations, nous insisterons davantage sur certains aspects du projet de loi, ceux qui nous apparaissent plus révélateurs des résultats recherchés par le ministre.
De façon générale, nous comprenons bien l'orientation, les objectifs poursuivis par le ministre dans la transformation actuelle, mais l'analyse du projet de loi révèle une certaine confusion en ce qui a trait aux pouvoirs décisionnels, à la ligne d'imputabilité et aux mécanismes de coordination.
Par exemple, comment les instances locales peuvent-elles définir de façon exclusive le projet clinique, alors que ce dernier concerne de nombreux partenaires du réseau et que plusieurs d'entre eux n'ont aucune obligation légale d'y participer? Quelle est l'étendue de la fonction de coordination des services spécialisés accordée à l'agence et comment s'exercera cette fonction? Comment vont s'arrimer, pour les services spécialisés, les fonctions de coordination des différentes agences faisant partie du territoire de desserte d'un RUIS? Voici quelques exemples de questions de gouvernance que soulève le projet de loi, qui risquent de se traduire, sur le terrain, par de l'incertitude et de l'inefficience. Ainsi, les établissements et autres instances du système de santé risquent fort de passer beaucoup de temps à définir leurs fonctions et leurs responsabilités respectives sans savoir exactement qui est autorisé à trancher.
L'article 5 du projet de loi dispose qu'un établissement peut communiquer un renseignement du dossier d'un usager aux partenaires de cet établissement lorsque la communication de ce renseignement est nécessaire à l'exercice d'un mandat ou à l'exécution d'un contrat. L'AHQ estime que cette disposition, à défaut d'être mieux balisée, est susceptible d'une interprétation fort large qui pourrait favoriser une trop vaste transmission d'informations de nature purement privée à des tiers sans nécessité apparente. Ainsi, l'AHQ propose plutôt que cette disposition soit limitée aux seules situations prévues à l'article 108 de la Loi sur les services de santé et services sociaux, telle que modifiée par le projet de loi n° 83.
L'article 10 du projet de loi introduit des changements inédits qui confèrent au commissaire local aux plaintes des pouvoirs exceptionnels, que l'AHQ estime tout de même souhaitables étant donné que des situations graves peuvent parfois justifier une intervention immédiate du commissaire aux plaintes sans qu'une plainte n'ait été nécessairement portée à sa connaissance. Toutefois, l'AHQ estime que les nouveaux attributs reconnus au commissaire local aux plaintes suscitent des conflits de juridiction avec les responsabilités déjà dévolues au directeur général de l'établissement qui est chargé, sous l'autorité du conseil d'administration, de la gestion courante d'un établissement et du respect des mesures visant à satisfaire les usagers dans le respect de leurs droits. En conséquence, afin de favoriser une plus vaste complémentarité fonctionnelle, l'AHQ propose que le commissaire local, bien qu'il soit nommé par le conseil d'administration, relève du directeur général de l'établissement.
n(15 h 40)n Par ailleurs, le projet de loi n° 83 prévoit que le commissaire local et le commissaire local adjoint devront exercer leurs fonctions de manière exclusive. L'exclusivité fonctionnelle du commissaire et de son adjoint risque d'entraîner des conséquences financières et organisationnelles inutilement onéreuses pour une majorité d'établissements compte tenu notamment du volume relativement restreint de plaintes qui doivent être annuellement traitées par le commissaire local. C'est pourquoi l'AHQ requiert qu'un établissement puisse, à sa discrétion, apprécier s'il est convenable, eu égard à son organisation et aux ressources dont il dispose, de permettre que le commissaire local aux plaintes et son adjoint exercent leurs fonctions de manière exclusive.
Les articles du projet de loi n° 83 modifiant les articles 51 et 52 de la loi sont ambigus et doivent être retirés, selon nous. D'abord, sachant qu'un comité de révision serait dorénavant institué exclusivement pour chaque instance locale, cela revient à dire que tout autre établissement autonome ou universitaire où exercent des médecins, des dentistes et/ou des pharmaciens ne serait pas tenu de constituer un tel comité de révision. Si tel était le cas, l'usager de ces établissements serait, sans raison, privé d'exprimer auprès d'un comité de révision son désaccord avec les conclusions transmises par le médecin examinateur. Advenant que les modifications proposées viseraient plutôt à assujettir l'ensemble des établissements autonomes ou universitaires du territoire d'un réseau local à la juridiction du comité de révision de l'instance locale, il nous semble qu'une telle avenue, qui demeure fort ambiguë d'un point de vue pratique, devrait également être écartée.
L'article 45 du projet de loi n° 83 prévoit que tout établissement doit contribuer à la définition d'un projet clinique et organisationnel initié par une instance locale et conclure des ententes portant sur la coordination des services dans le territoire du réseau local. Or, depuis l'adoption du projet de loi n° 25, portant sur la constitution des réseaux locaux, une instance locale doit assurer l'accès à ses services à la population en complémentarité avec divers intervenants de son territoire, dont des groupes de professionnels, des organismes communautaires, des entreprises d'économie sociale et des ressources privées. Ainsi, en réciprocité, il serait certainement souhaitable que l'article 45 du projet de loi n° 83 interpelle aussi lesdits intervenants afin que leur collaboration soit assurée par le législateur et que les objectifs qu'il a établis soient atteints. Sans les leviers nécessaires, les instances locales éprouveront de réelles difficultés à créer un réseau local comme la loi leur en confie la responsabilité.
Les rédacteurs du projet de loi n° 83 ont choisi de retirer aux fondations et aux personnes morales visées à l'article 139 de la loi la capacité de désigner auprès du conseil d'administration d'un établissement respectivement une personne et jusqu'à trois personnes dans le cas des établissements universitaires. En effet, dorénavant, une fondation et une personne morale devront conjointement désigner une seule personne ? deux pour les établissements universitaires ? comme administrateur d'un établissement.
Cette proposition nous étonne, considérant d'abord qu'il n'y a pas nécessairement une communauté d'intérêts entre une fondation et une personne morale, et ensuite en ce que les fondations et les personnes morales qui composent la communauté externe d'un établissement assument des responsabilités fondamentales quant à l'épanouissement et l'avancement de ce dernier. Cette proposition entraîne donc une dilution non justifiée de l'influence des fondations et des personnes morales des établissements et elle devrait être immédiatement retirée du projet de loi n° 83. Plus particulièrement, quant aux personnes morales, l'histoire du Québec démontre que les fondateurs des hôpitaux, issus non seulement des communautés religieuses, mais aussi de la société laïque, ont joué un rôle de tout premier plan dans le maintien et l'amélioration de la santé des Québécois.
Finalement, afin de maintenir une représentativité de la communauté dans toute sa diversité et afin de profiter de l'apport de personnes ayant des compétences de gestion complémentaires pour les conseils d'administration des établissements universitaires, le nombre de membres cooptés doit être maintenu à quatre et non diminué à trois, comme le propose le projet de loi.
Comme nous le savons, le commissaire local aux plaintes, le Protecteur des usagers et le conseil d'administration d'un établissement, en raison des responsabilités qui leurs sont reconnues, sont déjà tenus de s'acquitter du suivi et du respect des recommandations prises en vertu de la loi et de la Loi sur le Protecteur des usagers. Il est donc étonnant que les rédacteurs du projet de loi n° 83 aient choisi de créer un comité de vigilance, lequel s'ajoute à la structure organisationnelle d'un établissement, qui est déjà lourde, et qui n'aurait certes pas pour effet de simplifier l'exercice des droits des usagers.
Par conséquent, l'AHQ invite le ministre à retirer du projet de loi n° 83 la disposition ayant trait à la constitution d'un comité de vigilance, témoignant ainsi la confiance qu'il a maintes fois déjà exprimée à l'égard des acteurs que constituent le commissaire local, le Protecteur des usagers et le conseil d'administration. À défaut, la mise sur pied d'un tel comité devrait, conformément à l'article 181 de la loi, être laissée à la discrétion du conseil d'administration de l'établissement, qui est l'instance la plus appropriée pour déterminer si le suivi des recommandations du commissaire local ou du Protecteur des usagers devrait faire l'objet d'une plus grande vigilance et pour en confier l'examen à certains de ses membres.
L'ajout d'un comité de vigilance, comme il est proposé dans le projet de loi, nous mène à exprimer notre inquiétude quant au maintien d'une nécessaire convergence entre tous les mécanismes qui existent déjà et ceux qui sont nouvellement créés avec un mandat dans le domaine de la surveillance et du contrôle. Citons-en quelques-uns: le commissaire aux plaintes, le Protecteur des usagers, le comité de gestion des risques, les comités des usagers, les agences et leur pouvoir de surveillance, d'inspection et d'enquête, le Vérificateur général, les inspections professionnelles, l'agrément obligatoire, et bientôt le Commissaire à la santé et au bien-être, et évidemment tous les organismes internes à l'intérieur d'une organisation, comme le CMDP, le CI et le CM. Chacune de ces instances est hautement valable en soi, mais notre interrogation porte sur la multiplication et la superposition de ces mécanismes qui alourdissent le système et qui génèrent des coûts. Sans nier aucunement que ces fonctions de qualité et de contrôle doivent s'exercer, il y aurait lieu de voir à un allégement de toutes ces structures, plutôt que d'introduire le comité de vigilance dont il est question maintenant.
En ce qui concerne les comités des usagers, les changements proposés à l'article 209 de la loi et ceux introduits par les articles 91 et 92 sont tout à fait louables mais mériteraient selon nous d'être remaniés afin de s'assurer que le comité des usagers d'un établissement puisse exercer ses responsabilités de façon efficace et efficiente. Par exemple, dans l'éventualité où les changements proposés par le projet de loi n° 83 étaient reçus, une instance locale aurait l'obligation de mettre sur pied trois comités des usagers, auxquels s'ajouterait un comité central ainsi que, dans certains cas, un comité de résidents ou plusieurs comités de résidents, entraînant ainsi une multiplication de comités poursuivant la même finalité et un alourdissement de leur fonctionnement, le tout au détriment des droits des usagers.
L'AHQ propose plutôt qu'un seul comité des usagers soit institué par établissement, dont la composition devrait obligatoirement refléter, le cas échéant, la nature des centres qui y sont exploités ou des services qui y sont offerts, notamment l'hébergement. Les conseils d'administration des établissements pourraient ainsi se voir investis de l'obligation de mettre sur pied un comité des usagers représentatif de ce qui précède sur une base consensuelle et respectueuse des droits des usagers, leur laissant ainsi toute latitude pour instaurer d'autres comités d'usagers ou de résidents selon leur mode d'organisation ou la dynamique du milieu.
En ce qui concerne les RUIS, il était nécessaire que les RUIS prennent place dans la loi et que leurs responsabilités et leurs obligations y soient précisées. Certaines des responsabilités confiées aux RUIS suscitent des commentaires de la part des centres à vocation universitaire, principalement celles portant sur les ruptures de services appréhendées. En effet, la proposition que doit faire le RUIS sur la prévention des ruptures de services dans les établissements du territoire est assortie d'une obligation d'apporter une contribution dans ces situations de rupture de services. Le manque d'effectifs médicaux dans certaines spécialités des centres universitaires rend difficile d'application cette obligation qui deviendra bientôt vite une source de tensions. Et c'est pourquoi la mention «contribution en fonction des limites de ses ressources» devrait être ajoutée à l'article conséquent du projet de loi.
Par ailleurs, l'AHQ estime que la composition de la table de coordination des RUIS doit, par cohérence, inclure également un représentant des instituts universitaires et un représentant des centres affiliés universitaires. Et, de même, l'AHQ propose que cette table comprenne un représentant de l'association des établissements représentative des instances locales et des établissements à vocation universitaire.
En matière d'actifs informationnels, le projet de loi n° 83 prévoit la possibilité de créer, avec le consentement de la personne, un dossier clinique centralisé pour le territoire d'une agence et que conserverait une agence ou un établissement autorisé à cette fin. L'AHQ souscrit entièrement aux objectifs poursuivis par l'instauration de tels services de conservation, dont l'accès rapide aux renseignements pertinents concernant la santé d'un usager par les divers intervenants appelés à offrir des services de santé à celui-ci de manière continue et complémentaire.
L'AHQ partage également les préoccupations du législateur en matière de protection de la vie privée des usagers et comprend que le projet de loi n° 83 veuille limiter l'accès aux renseignements de santé détenus par l'agence ou l'établissement autorisé à la personne concernée ou aux intervenants habilités, dans la mesure où ces renseignements sont nécessaires à la prestation des services de santé de cette personne.
Cependant, nous nous demandons s'il n'y a pas lieu de prévoir des extensions d'application à l'interdiction de communiquer des renseignements à des tiers. Nous croyons en effet que certaines des exceptions à la règle de confidentialité du dossier de l'usager d'un établissement, prévues aux articles 19 et suivants de la loi, pourraient aussi s'appliquer au dossier clinique centralisé. Il en est ainsi notamment de l'exception autorisant la communication d'un renseignement relatif à l'usager en vue de prévenir un acte de violence, dont un suicide, sans que soit requis le consentement de l'usager, lorsqu'il existe un motif raisonnable de croire qu'un danger éminent de mort ou de blessure grave menace l'usager ou d'autres personnes.
n(15 h 50)n L'AHQ a toujours prétendu que l'une des conditions de réussite du projet de transformation résidait dans le développement des systèmes d'information adéquats qui permettent la libre circulation de l'information entre les professionnels. Elle reconnaît que le projet de loi n° 83 met en place les éléments favorisant une meilleure information et une meilleure circulation de l'information, mais elle ajoute que, sans les investissements nécessaires pour consolider ou développer le système d'information, les établissements ne pourront soutenir convenablement la gestion des services intégrés.
Avant de terminer, nous voudrions vous soumettre quelques autres considérations dont le projet de loi devrait traiter. La loi n° 25, en vigueur depuis le 30 janvier 2004, prévoit la création de nouveaux établissements publics de santé et de services sociaux, à savoir les instances locales. Or, cette loi est silencieuse sur les effets de la récente vague de fusions d'établissements, notamment en ce qui concerne l'organisation interne des établissements. Il en résulte ainsi des préoccupations réelles dont les conseils d'administration des instances locales devront disposer rapidement, particulièrement au chapitre du statut et des privilèges des médecins et des dentistes, de la configuration du plan d'organisation clinique de l'instance locale et de toutes les questions de départements cliniques. Le législateur serait aussi bien avisé de profiter de l'adoption prochaine d'une loi dite d'harmonisation pour disposer de cette problématique dans les meilleurs délais.
À titre d'exemple, il découle de la loi que les statuts et les privilèges qui autorisent un médecin ou un dentiste à exercer sa profession dans un établissement sont accordés par le conseil d'administration de ce dernier pour être exercés uniquement dans cet établissement.
Dans un tel contexte, l'instance locale qui succède aux droits et obligations des établissements existants est tenue de respecter les statuts et les privilèges détenus par les médecins et les dentistes au moment précédant immédiatement la fusion. Ainsi, le médecin qui détenait un statut de membre actif dans un centre hospitalier maintenu par un établissement fusionné conserve ce statut dans un tout autre centre, désormais sous la gouverne de la même instance locale. Il en va de même du médecin détenteur de statut dans un CLSC, et ainsi de suite. Cette situation encourage la pratique médicale en silo auprès d'une instance locale et s'oppose ainsi aux objectifs de complémentarité recherchés tant par la loi n° 25 que par le projet de loi n° 83.
En conséquence, l'AHQ invite le législateur à proposer des aménagements au régime d'attribution d'un statut et des privilèges à un médecin, à un dentiste dans un établissement afin de tenir compte de la nature et du champ des activités médicales et dentaires attendues du professionnel dans l'établissement et non plus dans l'un ou l'autre des centres qu'il exploite.
La loi prévoit aussi qu'un établissement doit avoir un seul plan d'organisation. Plus particulièrement, l'article 184 de cette loi prévoit qu'un tel plan doit être adopté et approuvé dans le cas de chaque centre hospitalier, alors que l'article 185 impose une obligation semblable pour les CLSC et les CHSLD. Ceci laisse entendre qu'une instance locale pourrait devoir constituer deux plans d'organisation, un pour le centre hospitalier et un autre pour le CLSC, CHSLD. Et, pour l'AHQ, il est manifeste que le projet de loi n° 83 devrait permettre qu'une instance locale adopte un seul plan d'organisation pour l'ensemble de ses centres, lequel va réellement refléter l'intégration attendue des services.
Le Règlement sur l'organisation et l'administration des établissements a été établi en 1984...
Le Président (M. Copeman): M. Adam, excusez-moi. Je veux juste vous signaler, il reste une minute.
M. Adam (Daniel): Oui, j'ai terminé. Le Règlement sur l'organisation et l'administration des établissements a été établi en 1984 et n'a subi depuis que quelques modifications superficielles. Pourtant, depuis 1984, des réformes législatives majeures se sont succédé sans que ce règlement y soit adapté. Il en résulte que certains chapitres du règlement sont parfois incompatibles avec la Loi sur les services de santé et les services sociaux, et nous estimons que ce règlement, dans la foulée du projet de loi n° 83, soit réformé et harmonisé avec les lois qui se sont multipliées depuis son adoption.
En conclusion, donc, nous accueillons favorablement les dispositions du projet de loi n° 83. Il nous apparaît que ce projet de loi s'inscrit en cohérence avec le projet de transformation du réseau de la santé et des services sociaux. Et, en raison des commentaires que nous venons de formuler, nous incitons le législateur à ne pas adopter ce projet de loi dans la précipitation, mais de prendre bien le temps de considérer avec attention les commentaires qui lui sont faits à ce propos.
L'Association des hôpitaux du Québec entend bien sûr supporter et apporter sa contribution et son expertise pour soutenir la transformation introduite par cette nouvelle loi. Et elle s'engage aussi à collaborer aux travaux législatifs à venir pour compléter le nécessaire exercice d'harmonisation de la Loi sur les services de santé et services sociaux. Merci beaucoup.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. Adam. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Adam, Me Molinari, madame, d'être parmi nous aujourd'hui.
D'abord, on entend une bonne nouvelle, qu'on entend entre les branches depuis déjà plusieurs mois, c'est celle de cette union entre les deux associations d'établissements, union qui reste à consommer cependant, si je comprends bien, là, même si on est dans la phase préliminaire assez avancée. Mais ce genre d'intégration là, là, on ne l'aurait pas pensée possible, je pense, il y a deux ou trois ans, là. Je pense que c'est un sous-produit, je crois, de la volonté manifeste que nous avons d'intégrer les choses et les services. Et c'est une bonne chose que ça se transmette également dans vos activités associatives.
Un bref mot sur la question de l'exclusivité du projet clinique. J'y ai fait allusion ce matin ? peut-être n'étiez-vous pas ici ? pour expliquer la philosophie que nous poursuivions, c'est-à-dire que le projet clinique parte de la base, de la première ligne, et remonte vers les institutions spécialisées. Et s'y ajoute bien sûr l'obligation de l'assortir d'ententes de services formelles. Et le rôle de l'agence, je retiens ça de votre témoignage et d'autres personnes, qu'il faut probablement clarifier un peu plus le rôle d'arbitrage, de coordination de l'agence régionale en cette matière.
Vous avez également recommandé, si je comprends bien le sens de vos propos, sur le statut des médecins, qu'il y ait un seul CMDP par instance locale. C'est un peu ça que j'ai cru comprendre, lorsque vous parliez des privilèges, ou qu'on ne scinde pas les privilèges entre les privilèges... ou les statuts, plutôt, entre les statuts du centre hospitalier et le statut du CLSC. Il faudrait peut-être que vous précisiez de façon législative qu'est-ce que vous pensez que ça signifie. Sur le plan du concept, c'est certainement essentiel que notre volonté d'abattre les murs puis d'intégrer se reflète également dans l'organisation des professionnels. C'est la même remarque qu'on a entendue tantôt, avec la suggestion qui nous est faite qu'il n'y ait qu'un département de médecine générale plutôt que de laisser s'en former deux ou trois selon les missions respectives des établissements.
Parlons de façon un peu plus approfondie du système de traitement des plaintes. Je vous donne une information qui est une information utile. En 2002-2003, il y a eu plus de 16 000 plaintes dans notre réseau de la santé et de services sociaux. Et, compte tenu de l'ambiance de divulgation, de la plus grande transparence qu'on veut apporter pour tous les éléments qui peuvent y survenir, je crois que ce nombre est appelé à augmenter, non pas parce que le nombre d'incidents augmente nécessairement dans le système de santé et de services sociaux, mais parce que la divulgation en est plus grande, notamment avec la législation qui a été adoptée précédemment sur cette question de la sécurité des actes, également par la préoccupation publique de plus en plus grande quant à la transparence dans ce domaine-là.
Donc, moi, je ne doute pas du tout, là, pour répondre à vos commentaires, de la bonne volonté puis de la compétence des administrateurs d'établissement puis également, il faut le souligner, des bénévoles, ce sont des bénévoles qui sont sur nos conseils d'administration. Cependant, lorsque j'ai eu à intervenir ? puis, comme étant la dernière personne imputable de tout ce qui passe dans le réseau, on me demande souvent d'intervenir lorsque les situations dramatiques se présentent ? j'ai constaté de façon assez régulière que, lorsqu'il y avait eu un gros problème systémique, dans un établissement, qui menait lieu à une circonstance malheureuse médiatisée ? on l'a vu à quelques reprises ? un des points communs... il y en avait plusieurs, mais un des points communs, c'était un conseil d'administration qui n'avait pas eu connaissance de ce qui se passait dans son établissement, du nombre de plaintes, des domaines dans lesquels les plaintes étaient faites et des réponses qui avaient été faites aux plaintes en termes d'amélioration des services.
Donc, la création du comité de vigilance, qu'on ajoute effectivement au comité exécutif, au comité des finances que vous avez dans vos conseils d'administration, vise à assurer cette meilleure communication. Maintenant, si vous avez d'autres moyens par lesquels on pourrait parvenir au même objectif, moi, je suis prêt à les entendre; c'est pour ça qu'on est là, en fait. Alors, peut-être là-dessus d'abord, sur le comité de vigilance.
M. Adam (Daniel): Bon. Sur la question du comité de vigilance, son mandat qu'on veut lui confier pour nous est un mandat qui appartient au conseil d'administration, et on pense que le conseil d'administration de l'établissement a toute la latitude pour juger essentiellement de la mise sur pied ou non d'un comité de vigilance.
Et, nous, ce qui nous inquiète, je pense qu'on l'a répété, c'est toute la cohérence entre tous les mécanismes essentiellement qu'on voit s'ajouter, là, année après année, au niveau des établissements. Et on pense, nous, qu'il faut plutôt travailler... Quand on parle d'un commissaire local au plaintes, nous, on aurait souhaité évidemment que le nom, l'appellation du commissaire local à la qualité soit maintenue et qu'on puisse en arriver à favoriser, notamment à travers les démarches d'agrément qui sont maintenant obligatoires, une culture de qualité dans les établissements.
Et je vais vous donner un petit peu mon expérience à ce sujet-là. Vous savez, j'ai déjà dirigé plusieurs établissements dans le réseau de la santé et je pense que la conclusion à laquelle, moi, j'en suis venu, au fil des années et avec le recul, c'est que ça demande une approche intégrée au niveau de la qualité pour s'assurer que l'ensemble des rapports des ordres professionnels, des rapports d'agrément du Conseil québécois d'agrément ou du Conseil canadien d'agrément, du Protecteur des usagers, de la satisfaction des usagers, les incidents-accidents, les chutes, les erreurs de médicament essentiellement, ça puisse s'intégrer à un seul endroit au niveau du conseil d'administration, et donc que c'est là que le rôle de vigilance en quelque sorte du conseil d'administration doit se jouer. Alors, on parle.... Dans le fond, l'inquiétude, encore une fois, c'est la superposition, là, de la quantité de mécanismes à l'intérieur d'un élément.
n(16 heures)n Et, quand on parlait de l'exclusivité de fonction du commissaire local aux plaintes, là, comme il est libellé dans la loi, je pense qu'on pourrait lui confier un mandat relatif à la qualité et non pas seulement qu'aux plaintes. Et, quand on parle d'exclusivité, je pense qu'on peut élargir son mandat également pour que cette personne-là puisse s'occuper de l'ensemble des mécanismes de qualité à intégrer à l'intérieur d'un établissement.
Le deuxième point, sur la question des statuts et privilèges des médecins, un avis légal que nous avons déposé il y a quelques mois, là, au ministère et à votre cabinet ? et je laisserai Me Molinari, là, donner des détails plus légaux à ce sujet-là ? nous indiquait qu'à partir du moment où les privilèges d'un médecin sont donnés dans l'hôpital ces privilèges sont dans l'hôpital et ne sont pas dans l'instance locale. Et, quand j'ai parlé de l'effet silo, essentiellement ça fait en sorte que, à la fois pour les CLSC, pour les CHSLD, puis où ils ont des médecins qui ont des privilèges, et pour l'hôpital, bien, essentiellement, ça crée cet effet de silo qu'on veut briser, notamment en créant, là, les centres de santé et services sociaux. Me Molinari.
M. Molinari (Patrick A.): Si vous me le permettez, très brièvement, je voudrais revenir sur la question du comité de vigilance. Tout d'abord, son appellation même me laisse un peu perplexe; c'est comme si c'était un comité de surveillance du conseil d'administration qui est constitué de membres du conseil eux-mêmes. Donc, c'était comme si on souhaitait qu'on fasse de l'auto-surveillance par le biais d'un comité, d'une part.
D'autre part, le texte tel qu'il est rédigé, et c'est assez singulier, prévoit que le comité pourra lui-même déterminer les limites de son mandat. Alors, en stricte logique, c'est un peu curieux qu'un comité qui émane du conseil ait la liberté de déterminer son propre mandat. Je pense que, sur l'objectif, M. le ministre, tout le monde s'entendra, je pense qu'il existe une responsabilité réelle des conseils d'administration d'assurer le suivi du traitement des plaintes, d'une part, et de l'amélioration de la qualité. Et, dans beaucoup d'établissements, cette fonction-là par ailleurs est confiée au comité de gestion de qualité du conseil, puisque ceci a été mis en place. Alors, je pense qu'il y a moyen d'atteindre l'objectif sans peut-être donner cette impression qu'on crée un comité qui émane du conseil pour surveiller ce que le conseil fait lui-même. Ça devient peut-être un petit peu redondant.
Sur la question du statut et des privilèges des médecins, je ne voudrais pas être trop long, M. Adam vient de faire état d'une longue opinion qui a été transmise à votre ministère il y a plusieurs mois déjà, mais essentiellement, si l'on veut favoriser la mobilité intraprofessionnelle ou intra-instances des médecins et des dentistes... des médecins tout particulièrement, pardon, il faut impérativement résoudre l'énigme législative que constitue, à l'heure actuelle, le fait que les médecins soient nommés dans des centres et non pas dans des établissements. Ça demande des corrections relativement simples, mais je pense que ceci devrait être fait pour permettre aux médecins de CLSC de rendre des services dans le CH de l'instance locale, ou vice versa, ou dans le CHSLD, et éviter ce cloisonnement-là. Et la même chose serait vraie pour ce qui concerne l'organisation clinique et la départementalisation clinique.
M. Couillard: Pour ce qui est du comité de vigilance, je reviens brièvement là-dessus, l'intention n'est pas de créer un comité de surveillance du conseil d'administration; c'est au contraire un comité dont le rôle de vigilance s'exerce dans l'établissement pour mieux informer le conseil d'administration de ce qui se passe. S'il faut changer de mot, on n'aura pas d'hésitation à le faire.
Parlons du commissaire local maintenant. La question du nom ? parce qu'on en a plusieurs fois parlé déjà depuis aujourd'hui ? ce n'est pas une idée qui vient du ministère, c'est les gens qui ont formé le groupe sur l'examen des plaintes, qui étaient des usagers des comités d'accompagnement, qui ont dit la chose suivante: Il faut appeler un chat un chat.
Quand je suis dans un établissement puis que je cherche où je vais déposer ma plainte, je ne sais pas, quand je vois «comité des...» ou «commissaire à la qualité», que c'est là que je la pose, et je me demande quel est le but de ce commissaire-là, s'il va vraiment entendre ma plainte. C'est la représentation qu'on a reçue. Maintenant, est-ce qu'il y a moyen de l'ajuster puis de mettre les deux? Ça ne me dérange pas, c'est une question de sémantique. Mais les gens nous ont demandé: On aimera ça savoir, dans l'établissement, clairement c'est où qu'on va mettre notre papier ou qu'on va déposer notre plainte.
Pour ce qui est de l'exclusivité, effectivement, un des effets secondaires ? pour parler en termes médicaux ? de la loi n° 25, c'est la réduction du nombre d'établissements. Donc, en pratique, le nombre de commissaires locaux est moins grand. Et il y a même possibilité pour des plus petits réseaux... Je pense au réseau des Basques, dans le Bas-Saint-Laurent, qui a 9 000 citoyens sous sa responsabilité. Bien, lui, il n'a peut-être pas besoin de quelqu'un cinq jours semaine pour faire le travail de commissaire local, donc il pourrait le partager avec un voisin, par opposition à des grands territoires de Montréal, où il y a 140 000 personnes, ou en Montérégie, où clairement c'est une tâche à temps plein. Alors, je pense que cette question-là devrait également être considérée.
Le comité des usagers, je trouve ça intéressant, ce que vous avez dit. Ce que j'ai compris, c'est que vous voulez qu'il n'y ait qu'un seul comité des usagers. Nous, c'est un peu ça qu'on dit également, mais on ajoute quelque chose, c'est que, dans les milieux d'hébergement, il faut qu'il y ait un comité des résidents qui sont en lien avec le comité des usagers. Donc, ce n'est pas plusieurs comités des usagers, c'est un comité des usagers avec des comités des résidents. Parce que, là, encore une fois les personnes hébergées ou leurs représentants, un des effets qu'ils craignaient de la loi n° 25 et de la fusion des établissements, c'est que la représentation des usagers soit à distance de milieux d'hébergement, et, avouons-le, c'est souvent dans les milieux d'hébergement qu'on a des problèmes plus marqués en termes malheureusement de qualité de soin. Donc, c'est pour cette raison qu'on a fait ce changement-là.
Vous, également, demandez la participation au RUIS, et, c'est merveilleux, il n'y a pas une organisation qui ne vient pas ici pour nous demander de s'ajouter à la liste des gens qui sont au RUIS. Ce qui témoigne du bien-fondé, je crois, de cette organisation-là. Vous avez vous-même assisté, à titre d'invités, à quelques rencontres de cette table-là. Est-ce que vous ne pensez pas que ça suffit pour vous pour ajouter votre collaboration? Qu'est-ce que vous pensez de plus... quelle serait la valeur ajoutée qu'il y ait des membres permanents?
M. Adam (Daniel): La valeur ajoutée pour nous, et je l'ai répété à plusieurs reprises, c'est à l'effet que la nouvelle association qui sera créée de la fusion de l'Association des CLSC et des CHSLD du Québec et de l'AHQ va devenir en quelque sorte l'interface entre les établissements qui participent au RUIS et les centres de santé et de services sociaux, et donc je pense qu'on a un rôle.
Évidemment, je pense, on peut le baliser, là, mais il y a un rôle à jouer là-dedans pour pouvoir dans le fond être bien au fait à la fois des préoccupations des établissements universitaires qui participent au RUIS, au niveau des services surspécialisés, donc toute la question des corridors de services, de toutes les questions relatives à l'enseignement, la recherche et l'évaluation des technologies, qui sont des choses dont on s'occupe, nous, à l'AHQ, là, avec les membres des établissements universitaires. Alors, ce rôle-là, il doit dépasser le rôle pour nous d'un rôle d'invités, mais d'avoir une place permanente pour faire en sorte en fait, justement, d'agir... d'être un peu aux confins, si vous voulez, à la fois des centres de santé et de services sociaux et des établissements universitaires qui participent au RUIS.
Sur la question du commissaire local à la qualité, la question de l'appellation, là, j'ai bien compris votre intervention, mais pour nous, quand on parle d'un commissaire local à la qualité, ça a une connotation. Bon. Premièrement, toute la question des plaintes fait partie intégrante des mécanismes de qualité qu'on doit intégrer à l'intérieur d'un établissement, et c'est la raison pour laquelle dans le fond la connotation «commissaire local à la qualité»... Puis il faut trouver une façon, là, que les patients s'y reconnaissent, effectivement. Dans le fond, on vous disait qu'on souhaite plus d'avoir un commissaire local à la qualité parce que ça a une connotation beaucoup plus large que juste commissaire aux plaintes.
Le Président (M. Copeman): M. le député de Robert-Baldwin.
M. Marsan: Merci, M. le Président. Merci, M. Adam, Mme Blouin et Me Molinari, pour les recommandations que vous nous faites. Je voudrais vous mentionner que j'ai peut-être de la difficulté avec une de ces recommandations-là, et c'est celle portant sur le commissaire local aux plaintes, où vous voulez que ce commissaire relève du directeur général.
Loin de moi l'idée, là, de vous dire que le directeur général ne serait pas habilité à bien gérer ce genre de problématique qui pourrait être exposée dans la gestion des plaintes, mais je pense que le législateur souhaite d'abord et avant tout de la transparence et de l'indépendance. Et, si on veut aller plus loin dans ce sens-là, je pense qu'il m'apparaît donc important que le commissaire local aux plaintes ne relève pas du directeur général. Et, de nouveau, là, vous reconnaissez, j'ai déjà été directeur général, je ne pense pas qu'on vise personne, et, bien au contraire, l'apparence de partialité que votre recommandation indiquerait à ce moment-là...
Alors, ma question. c'est: Est-ce que la population est en droit de croire que le processus des plaintes soit beaucoup plus transparent s'il relèverait du conseil d'administration?
M. Adam (Daniel): Je vous dirais que oui, parce que la population est beaucoup plus informée maintenant de ses droits et donc peut s'attendre, de la part... et les conseils d'administration, les directions générales sont extrêmement sensibilisées, depuis, je vous dirais, quelques années ? le C. difficile, les infections nosocomiales dans les établissements, les hôpitaux, notamment, les plaintes. Alors, je pense que les conseils d'administration sont beaucoup, beaucoup, sensibilisés, et je pense que ça fait partie intégrante de leur rôle et que le directeur général a le devoir de faire rapport, avec toute transparence, à son conseil d'administration.
n(16 h 10)n Et ce que je voudrais éviter, c'est que, par exception, on fasse en sorte en fait de faire relever le commissaire aux plaintes du conseil d'administration, parce que ça ouvre la porte aussi à d'autres éléments éventuels, que, si, un jour, le commissaire local aux plaintes relève directement du conseil d'administration, le nommer lui, mais pourquoi pas un autre commissaire, un jour, qui relèverait de lui? Alors, je pense que le directeur général d'un établissement ? vous l'avez été, je l'ai été ? dans le fond est imputable devant son conseil d'administration et doit manifester toute la transparence voulue, d'autant plus, comme je vous le disais d'entrée de jeu, que la population est beaucoup plus informée maintenant de ces droits-là.
M. Marsan: Merci.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Nelligan.
Mme James: Merci, M. le Président. Merci, madame, monsieur, pour votre présentation. Écoutez, peut-être juste une question d'éclaircissement pour moi. J'ai pu comprendre, par la qualité de votre présentation, que vous favorisez une meilleure circulation de l'information nécessaire à la prestation des soins et des services. Mais, à la page 14 de votre mémoire, vous parlez en particulier des règlements particuliers pour protéger les personnes inaptes et les mineurs, et je voulais comprendre, étant donné, d'après ce que je comprends, que les personnes mineures et inaptes peuvent, pour leur bénéfice déjà, permettre le partage d'informations pertinentes. Si vous pouviez élaborer sur ce point-là et comment vous voyez ça.
M. Adam (Daniel): Je vais laisser Me Molinari...
Le Président (M. Copeman): Maître.
M. Molinari (Patrick A.): Pardon. C'est un instant de réflexion pour permettre...
Le Président (M. Copeman): Très bien.
M. Molinari (Patrick A.): ...la concentration des idées en peu de temps. L'idée est, en autant que faire se peut, d'avoir un effet miroir pour permettre que, pour favoriser la circulation de l'information clinique ? et on pourra éventuellement revenir là-dessus ? on ait les mêmes exigences et les mêmes garanties que pour capter cette information clinique à l'origine. Bref, on veut que le même régime s'applique, qu'il s'agisse des relations de l'usager avec un établissement à propos de son dossier, que lorsqu'il s'agit de transférer des éléments d'information de ce dossier-là vers d'autres personnes destinées à lui fournir des services.
Le Président (M. Copeman): Ça va?
Mme James: Oui.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, au nom de l'opposition officielle, M. Adam, Mme Blouin, Me Molinari. Me Molinari, je me disais qu'il serait sans doute possible, plus rapidement qu'on l'eut cru, de vous revoir, mais cette fois à titre de président du conseil d'administration du CHUM, puisque le Conseil des ministres aurait déjà décidé ou serait en instance de décider de tenir une consultation parlementaire sur le dossier du CHUM. Alors, quoi qu'il en soit, le mémoire présenté par l'Association des hôpitaux du Québec est extrêmement exhaustif et substantiel. Et je vous remercie, là, de l'étendue du point de vue que vous nous présentez dans le cadre de ce mémoire.
D'entrée de jeu, là, à la page 1, vous nous rappelez que tout cela peut aussi relever de la pensée magique, hein? Puisque ces projets cliniques, dont la compétence exclusive est attribuée aux instances locales, peuvent n'avoir de valeur que le papier sur lequel ils sont en fait rédigés, étant donné qu'il n'y a aucune obligation légale d'y participer. C'est donc dire que, par exemple, dans le cadre des instances locales, à Montréal, qui ne regroupent que des CLSC ou CHSLD, il serait possible que ces projets cliniques, par exemple à vocation médicale, là, qui concerneraient des cabinets privés, ne donnent pas lieu à des ententes.
Je n'ai pas encore réponse à la question: Existe-t-il une seule entente entre un cabinet privé et un centre de santé et de services sociaux? N'est-ce pas vous, M. Adam, qui êtes au coeur de l'évolution de tous ces établissements? Est-ce que vous en connaissez une, entente?
M. Adam (Daniel): C'est-à-dire que nous savons... Et nous l'avons favorisée, à l'AHQ, la conclusion d'ententes à l'époque entre les hôpitaux et les CLSC pour faire en sorte d'assurer un transfert fluide de clientèles et assurer la continuité. Et donc évidemment, nous, on n'est pas préoccupés par... on est préoccupés par les ententes avec les cabinets privés, mais on a plus focussé... Et ça, je pense que ce type d'entente là, que nous avons faite et très bien documentée, entre les hôpitaux et les CLSC, pourrait servir de modèle pour des ententes entre les centres de santé et de services sociaux et, par exemple, les cabinets privés ou les autres partenaires du réseau local.
Mme Harel: En termes élégants votre réponse négative est dite, n'est-ce pas? Donc, vous n'en connaissez pas, d'entente.
M. Adam (Daniel): Je l'ignore. Entre le cabinet privé et les instances, là, ça, je ne peux pas vous répondre.
Mme Harel: Oui, parce que vous faites référence en fait à un passé qui a précédé l'arrivée du ministre actuel et qui a précédé évidemment les changements structurels auxquels on a assisté depuis deux ans.
Alors, ce que vous nous dites également, c'est qu'il peut s'installer une sorte de confusion en ce qui a trait aux pouvoirs décisionnels, à la ligne d'imputabilité et aux mécanismes de coordination. Le prédécesseur qui occupait la place où vous êtes maintenant disait qu'il fallait des tables sectorielles. Que pensez-vous de cette idée?
M. Adam (Daniel): Oui, définitivement, il peut y avoir des tables sectorielles ou une forme d'arbitrage des agences. Je pense que, nous, on salue avec beaucoup de satisfaction la décentralisation des responsabilités vers les instances locales. Et, quand on faisait ce commentaire-là, il y avait deux préoccupations. C'était de s'assurer en fait que les autres partenaires également y participent ? on a parlé d'ententes et d'arbitrage, là, par les agences de santé et de services sociaux ? et je pense que ça va demander beaucoup de discussions sur le terrain, quand le projet de loi sera adopté, pour arrimer justement, là, les fonctions, les responsabilités et les devoirs de chacun. On a signalé en fait, là... et je pense qu'il y a encore des choses à éclaircir à ce sujet-là.
Mme Harel: À la page 5 de votre mémoire, vous faites valoir, parmi les choses à éclaircir dans les ententes de services, la nécessaire réciprocité qui devrait s'établir à l'égard des groupes professionnels, organismes communautaires, entreprises d'économie sociale et ressources privées, qui devraient, semble-t-il, là, en fait ? est-ce que j'interprète mal la recommandation que vous faites à la page 5? ? être tenus de contribuer à la définition d'un projet clinique et organisationnel initié par une instance locale.
M. Adam (Daniel): Bien, je vais... Dans le fond, encore une fois, compte tenu du fait que la responsabilité exclusive du projet clinique repose sur l'instance locale et qu'on vise, à partir de l'instance locale, à assurer une approche populationnelle et une prise en charge de la population qui dépasse l'instance locale, bien encore faut-il s'assurer d'avoir la participation des groupes communautaires, des cabinets de médecins, des établissements à caractère régional. Alors, dans le fond, ce qu'on soulève, là: Est-ce qu'on peut trouver une façon, dans la loi ou les modifications à la loi, de s'assurer d'une réciprocité essentiellement à cette exclusivité des instances locales?
Mme Harel: Je comprends que, tel que rédigé actuellement, ce seraient simplement les autres établissements sur le même territoire que l'instance locale qui seraient tenus de participer, si vous voulez, ou de contribuer à la définition d'un projet clinique, là, et organisationnel, alors que l'ensemble de ces autres intervenants que vous énumérez ne le seraient pas, en fait. C'est bien cela qu'il faut comprendre?
M. Adam (Daniel): Bien, non. Ce que... Dans le fond, on...
Mme Harel: Ils seraient invités à le faire, mais ils ne seraient pas tenus de le faire?
M. Adam (Daniel): On généralise, là, mais il est évident que les établissements à caractère régional, comme les centres jeunesse, par exemple, évidemment sont des établissements du réseau de la santé et des services sociaux et qu'ils ont une forme de collaboration... une obligation de collaborer, en quelque sorte. Comment peut-on maintenant s'assurer, via les arbitrages de l'agence, qu'on va avoir aussi la collaboration des groupes communautaires ou des entreprises d'économie sociale, là? Nous, on n'a pas de solution magique à offrir évidemment, mais je pense que l'agence a un rôle à jouer là-dedans, au niveau notamment de ce que vous avez appelé ces tables de concertation, entre autres, là.
Mme Harel: Ça vaut pour les cabinets privés, j'imagine, également. Et que se passe-t-il lorsqu'il y a un rôle qui s'avère nécessaire de l'agence à l'égard de conflits de rôles entre instances locales?
M. Adam (Daniel): Bien, c'est justement, à notre point de vue, le rôle de coordination de l'agence de s'assurer justement qu'on règle les conflits entre les différents partenaires pour faire en sorte essentiellement que les choses finissent par atterrir sur le terrain. Et je pense que les agences ont un rôle assez fondamental à cet égard-là.
Mme Harel: Vous le voyez comment, ce rôle? Par défaut, comme certains nous l'ont dit ce matin, du fait d'avoir les leviers budgétaires entre les mains, ou vous le voyez plus proactif?
n(16 h 20)nM. Adam (Daniel): Bien, c'est-à-dire, je vous dirais par défaut, au point de départ, parce qu'il faut faire confiance à l'intelligence des partenaires, où tout le monde en quelque sorte, dans une région donnée ou dans une sous-région donnée... pour la prise en charge d'une population, je pense que les gens doivent, au point de départ, manifester de la bonne volonté pour assurer justement cette prise en charge complète de la population. À défaut, c'est à l'agence d'intervenir. Parce que, si l'agence intervient au point de départ, l'agence va se mettre les mains dans les projets cliniques, essentiellement, qui sont de la responsabilité exclusive des centres de santé et de services sociaux, et ça, pour nous, là, ça, c'est une préoccupation importante. Autrement dit, ce que je suis en train de vous dire, c'est que le projet clinique appartient, au point de départ, à l'instance et qu'il doit s'assurer d'avoir une forme de réciprocité de ses partenaires pour faire en sorte que tout le monde y participe.
Mme Harel: Qu'arrive-t-il aux établissements qui ont été exclus de l'application, par exemple, de la loi n° 25 en raison de leur caractère ethnoculturel ou anglophone?
M. Adam (Daniel): De façon plus générale, je dirais que ces établissements-là, notamment les hôpitaux universitaires, là, dans un territoire donné, sont avant tout... tout en étant des hôpitaux universitaires, sont aussi des hôpitaux de proximité, qui doivent prendre en charge une clientèle sur un territoire, et qui doivent également servir d'assise régionale et évidemment d'assise suprarégionale à l'intérieur des RUIS, là, des corridors de services, et donc ont aussi en quelque sorte à collaborer à l'élaboration d'un projet clinique, même si évidemment, là, ils sont quand même très gros et qu'il y a beaucoup de clientèle qui vient de partout, là, mais, bon, je pense qu'ils ont quand même l'obligation de collaborer au projet clinique.
Mme Harel: Et que se passe-t-il pour les établissements, là, à caractère ethnoculturel ou anglophone qui n'ont pas été associés, si vous voulez, à la loi n° 25?
M. Adam (Daniel): Bien, ce sont aussi, pour ces établissements-là, des établissements de proximité, là, O.K., ils ne sont pas... leur clientèle n'est pas que, par exemple pour St. Mary's, anglaise, ou, Santa Cabrini, une clientèle italienne. Ce sont aussi des établissements de proximité qui, avec les partenaires de la sous-région où ils sont situés, ces hôpitaux-là, doivent participer à la prise en charge de la clientèle pour la partie dite médicale de la chose, là.
Mme Harel: Mais justement ces établissements avaient fait valoir que leur clientèle n'était pas de proximité, qu'elle était beaucoup plus élargie, qu'elle était, si vous voulez, d'origine italienne, dans le cas de Santa Cabrini, ou... Alors, comment cela va n'être possible de le faire que dans le cadre d'une instance locale?
M. Adam (Daniel): Bien, je pense que ça dépasse, dans ce cas-là, l'instance locale et que ce type d'établissements là devraient avoir plusieurs ententes avec d'autres instances locales de d'autres territoires d'où provient la clientèle pour assurer la continuité du service en fait au domicile du patient, par exemple, au CLSC.
Mme Harel: Ce n'est pas prévu, je pense, dans le projet de loi n° 83, hein? Non. Mais, je ne sais pas, est-ce que votre...
M. Adam (Daniel): Nous, ce sur quoi on a balisé, nous, c'est l'obligation des partenaires d'y participer, là.
Mme Harel: Oui. Mais vous avez un expert à côté de vous, alors peut-être peut-il nous dire qu'est-ce que...
M. Molinari (Patrick A.): Je voulais, M. le Président, vous rassurer et vous dire que je suis ici à titre exclusif au service de l'Association des hôpitaux du Québec, cet après-midi en tout cas. Et je vous dis...
Le Président (M. Copeman): On avait bien compris, maître.
M. Molinari (Patrick A.): Je vous dirais, Mme Harel, sur cette question-là, que mon intime conviction, à la lecture du projet de loi n° 83, qui est sans aucun doute perfectible et qui va sans doute l'être au fur et à mesure du déroulement de cette commission, je pense qu'on doit se donner le temps de faire l'apprentissage de ces nouvelles façons de faire dans le réseau. Je note qu'on a beaucoup utilisé ? vous me direz peut-être que c'est de la pensée magique ? du vocabulaire comme «créer des conditions favorables», «susciter», «animer», «mobiliser», «motiver», etc., des termes qu'on trouve assez rarement dans un texte législatif, mais je pense que celui-là est aussi porteur d'orientations et de choix.
Et, moi, je réitérerai ce que disait M. Adam tout à l'heure, je pense qu'il faut fondamentalement faire confiance aux acteurs et aux fournisseurs de services dans un territoire et compter sur eux pour qu'il y ait un projet clinique cohérent. Et, si le ministère et les instances constatent, avec l'écoulement nécessaire du temps, que ça ne convient pas, bien peut-être faudra-t-il alors intervenir. Parce qu'a priori et en amont je vois mal comment on rédigerait une disposition par laquelle on forcerait une pharmacie communautaire de s'engager dans un contrat de services avec une instance locale; il me paraît que ceci va se faire de façon tout à fait naturelle.
Mme Harel: Ce que souhaite cependant l'Association des hôpitaux du Québec, c'est que les nuisances, au moins, à cette intégration que vous décrivez, les nuisances soient retirées en fait du dispositif de la loi. À la page 15, notamment, vous abordez la question des plans d'organisation d'instances locales en rappelant qu'en vertu de la loi «l'article 184 [actuel] prévoit qu'un [...] plan [d'organisation] doit être adopté et approuvé dans le cas de chaque centre hospitalier», et «l'article 185 impose une obligation semblable pour les CLSC». Alors, vous demandez qu'il n'y ait pas deux plans d'organisation et que donc le projet de loi introduise un nouveau dispositif pour «permettre qu'une instance adopte un seul plan d'organisation». Ça, je comprends que c'est une des recommandations que vous faites.
M. Molinari (Patrick A.): Ces textes-là remontent à l'époque de la loi n° 91, où on avait une conception monovocationnelle des établissements, et je pense qu'ils n'ont jamais été conçus ni rédigés pour tenir compte de la nouvelle réalité multifonctionnelle, là ? passez-moi le néologisme ? des nouvelles instances locales. Et je pense qu'il s'agit simplement de faire les raccords appropriés, et ça fonctionnera.
Mme Harel: Je pense que l'expression «multivocationnel», là, qu'on retrouve dans le projet de loi n° 83, est certainement inédite, en regard des textes législatifs passés, précédents. Alors, il y a donc des ajustements à faire dans le projet de loi n° 83 à cet effet.
Cependant, dans un autre domaine, notamment... à savoir celui de la circulation de l'information, vous souhaitez qu'il y ait maintien des dispositions actuelles dans le cas des dossiers centralisés, les dossiers cliniques, là, de patients, là, qui sont centralisés. Je pense que c'est à la page 13 de votre mémoire où vous nous dites qu'il y a... en fait, j'interprète peut-être, mais il y a le chaud et froid: d'une certaine façon, on permet, sans le consentement du patient, la circulation de l'information, mais cependant, lorsqu'il s'agit de conservation, c'est-à-dire de dossiers patients centralisés, il y a très, très peu d'exceptions à la règle de la communication à un tiers. Et on a même biffé les exceptions qu'on retrouvait dans la loi actuelle, soit celle qui concerne la prévention d'un acte de violence, dont un suicide, ou encore celle qui concerne la protection de la santé de la population à la suite d'une déclaration d'état d'urgence sanitaire. Je comprends que vous souhaitez le maintien de ces exceptions. Est-ce que c'est le cas?
M. Molinari (Patrick A.): Bien, par symétrie, c'est-à-dire que seront conservées des informations qui, dans une vaste mesure, proviendront des dossiers d'usagers. Je conviens qu'il pourra y avoir d'autres informations aussi, mais je me dis: Si on a là une source d'information susceptible d'être pertinente pour résoudre des questions comme celle de la prévention des actes de violence ou même pour des questions de santé publique, je pense que l'on pourrait tout à fait utilement prévoir le même type d'exception.
Mme Harel: Notamment, et vous avez été en tout cas parmi les seuls à en parler, ça reste quand même très légitime, c'est cette nécessité de clarifier la portée des décisions concernant la transmission de l'information notamment à l'égard des personnes âgées de 14 ans ou plus, alors ça pour le consentement, et donc en corollaire du sort des mineurs âgés de 14 et moins et des personnes inaptes. Je comprends que vous souhaitez qu'il y ait des précisions dans la loi elle-même à cet effet.
M. Molinari (Patrick A.): On est parti d'une situation, je pense, où l'accès aux dossiers était presque devenu impossible pour toutes sortes de raisons et empêchait la transmission d'informations pertinentes pour le traitement des gens, d'une part, et, comme parfois ceci arrive, pour résoudre cette difficulté-là, on a comme un peu peut-être ouvert la porte un peu grande. Et ce que nous souhaitons au fond, c'est que l'on s'interroge, en aval de la transmission de l'information à d'autres établissements, à d'autres agences, à d'autres partenaires, etc., qu'on s'interroge sur le statut de cette information que détiendront désormais ces partenaires des établissements. Et ça, je pense qu'on ne s'est peut-être pas rendu jusqu'au bout de la réflexion. Ces gens-là vont constituer des dossiers, qu'il s'agisse de groupes communautaires, d'agences... de groupes d'économie sociale, vont constituer des dossiers qui seront eux-mêmes constitués d'informations qu'ils auront tirées d'un dossier d'usagers. Et on n'a pas prévu, je pense, les aspects liés à l'accès à ce dossier-là, au régime juridique spécifique à ce dossier-là, qui sera constitué d'informations qui émanent du dossier de l'usager. Je pense qu'il y a un petit peu de travail à faire en aval.
n(16 h 30)n Il est évident cependant que le principe de la portabilité ? puisqu'on est dans les néologismes ? que le principe de la portabilité de l'information clinique du dossier d'usager, entre son siège principal et des lieux accessoires où des services sont dispensés, c'est absolument essentiel.
Mme Harel: En fait, c'est un peu le jeu du balancier, là, on est allé presque d'un extrême à l'autre, c'est-à-dire d'une quasi-règle générale de consentement nécessaire pour qu'il y ait circulation à une règle d'exception du consentement pour qu'il y ait circulation, sauf dans les cas de conservation. Dans les cas de conservation, c'est autre chose, là. Je ne vous parle pas du dossier patient, je parle de circulation.
M. Molinari (Patrick A.): Non, non. Si vous me... J'irai peut-être... Je ne pousserai peut-être pas le balancier aussi loin que vous ne le faites. Je pense que les mesures qui ont été prévues pour s'assurer que les établissements ne dispersent pas de l'information sans de bons motifs et sans en garder la trace, je pense que c'est correctement fait. Je pense que ce qui manque cependant, c'est: Qu'en est-il de cette information une fois qu'elle est détenue par le tiers? Quel est son statut? Quelles sont ses modalités d'accès? De quelle façon en contrôle-t-on l'utilisation? Et je pense que c'est là qu'il y a peut-être un petit peu de travail à faire.
Mme Harel: Également, je veux rassurer M. Adam: au moment de l'examen des crédits budgétaires du ministère de la Santé et des Services sociaux, qui devrait survenir dès ce printemps, nous serons sans doute encore en commission parlementaire sur le projet de loi n° 83 et nous nous assurerons que les crédits budgétaires prévoient que toutes ces bonnes intentions que l'on retrouve dans le projet de loi, notamment le dossier clinique centralisé, aient les ressources budgétaires pour se réaliser. Alors, nous verrons en temps et lieu ce qui en est.
Là, je retiens également de votre mémoire, parce que c'est un spécifique, là, qui me semble important, la nécessaire présence, et les raisons pour lesquelles il y a cette nécessaire présence, raisons historiques et sociologiques, et autres, à la fois de représentants des personnes morales et des fondations. Oui, M. le Président, c'est tout. Bon. Alors...
Le Président (M. Copeman): Il faut retenir rapidement.
Mme Harel: C'est-à-dire que nous retiendrons, lors de l'étude article par article du projet de loi, cette recommandation.
Le Président (M. Copeman): M. Adam, Me Molinari, Mme Blouin, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de l'Association des hôpitaux du Québec.
Et j'invite les représentants de la Commission d'accès à l'information du Québec à prendre place à la table.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de la Commission de l'accès à l'information du Québec, entre autres M. Saint-Jacques, M. le président. Je ne sais pas ? Saint-Laurent, pardon ? je ne sais pas si c'est votre première expérience en tant que président de la CAI, depuis votre nomination, ça se peut, hein?
M. Saint-Laurent (Jacques): C'est la deuxième.
Le Président (M. Copeman): La deuxième. Déjà...
M. Saint-Laurent (Jacques): J'ai eu l'occasion de faire une présentation auprès de la présidente du Conseil du trésor, sur le projet de loi sur le partenariat public-privé.
Le Président (M. Copeman): Et, moi, je pensais que la Commission des affaires sociales était pour faire une autre première. Mais, que voulez-vous, on est deuxièmes. Ce n'est pas si grave.
Alors, bienvenue à cette commission, M. Saint-Laurent. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. Malheureusement, à cause de l'horaire, je serai très rigoureux dans l'application des 20 minutes. Ce sera suivi par un échange de, maximum, 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter votre présentation.
Commission d'accès à l'information (CAI)
M. Saint-Laurent (Jacques): Merci beaucoup, M. le Président. Alors, d'abord merci aux membres de la commission parlementaire de nous donner l'occasion de faire une présentation du mémoire de la Commission d'accès à l'information.
Il me fait plaisir de vous présenter les personnes qui m'accompagnent, qui ont collaboré très étroitement à la préparation du mémoire. Il s'agit, à ma droite, de Me Madeleine Aubé, qui est la directrice des affaires juridiques de la Commission d'accès à l'information; elle est accompagnée également de Me Danielle Parent, qui est avocate à la Direction des affaires juridiques de la Commission d'accès à l'information; et, à ma gauche, Me Daniel Bourassa, Me Bourassa est directeur de la Direction de l'analyse et de l'évaluation à la Commission d'accès à l'information.
Alors, M. le ministre, Mme la porte-parole de l'opposition officielle, je dois vous dire que j'ai hésité pendant plusieurs minutes sur la façon de vous présenter notre mémoire. J'ai eu la tentation de préparer un texte que j'aurais pu vous lire, et j'ai renoncé à cette tentation-là en me disant: Je vais essayer de faire une présentation sous forme d'échange et de cibler peut-être quelques points. Dans le fond, il y a une trentaine de recommandations, puis résumer 30 recommandations en 20 minutes, c'est tout un exercice.
Et c'est d'autant plus un exercice que le projet de loi touche à des aspects fort différents, selon qu'on parle du dossier de santé physique, tel qu'il existe actuellement, ou du dossier électronique dans les services de conservation régionaux. Alors, j'ai pensé, dans une première étape, essayer de trouver un dénominateur commun du travail de la commission, et assez rapidement le dénominateur commun qui m'est venu à l'esprit, c'est celui du citoyen ou, si vous voulez, celui de l'usager, dans le contexte qui nous intéresse cet après-midi. Et donc la commission a, quels que soient les sujets qu'elle a abordés dans son mémoire, respecté un éclairage citoyen et a eu des préoccupations, cinq ou six, qui étaient directement en lien avec le citoyen.
Par exemple, la première que je serais porté à vous énoncer, c'est celle de dire: Le citoyen doit connaître les règles applicables à la circulation, à l'accès aux renseignements qui le concernent. Cette connaissance-là des règles applicables est essentielle à la confiance qu'il va avoir dans un système, et c'est essentiel aussi à la transparence de l'organisation qui met en place ce système-là, la transparence qui s'exprime par des principes clairement énoncés, clairement élaborés, qui s'exprime par des objectifs aussi qui sont connus de la population, qui sont expliqués aux utilisateurs. Dans le fond, au niveau de la confiance du citoyen, il s'agit pour celui-ci de savoir par qui et comment seront utilisés les renseignements de santé qui le concernent.
Deuxième élément, le citoyen doit comprendre dans quelles circonstances et comment il va être appelé à donner un consentement. Alors, c'est quelque chose aussi d'important de savoir, oui, mais quelles seront les conséquences quand je vais donner un consentement puis comment je vais devoir le donner, au sujet de quels renseignements? Quels sont les intervenants qui vont avoir accès aux renseignements une fois que j'aurai donné mon consentement? Et mon consentement sera valide pour quelle durée? Alors, cet élément-là est le deuxième.
n(16 h 40)n Le troisième était de savoir... Le citoyen doit être certain que les mesures prises seront adéquates pour que les seuls renseignements qui sont nécessaires soient communiqués. Alors, il faut donner une assurance au citoyen que, lorsque celui-ci autorise la communication, sous quelque forme que ce soit, ce ne sera pas une communication élargie ou nébuleuse, si vous me permettez l'expression, mais plutôt une communication ciblée, eu égard au critère de nécessité, qui est d'ailleurs bien élaboré dans le projet de loi. Cette nécessité-là est importante parce que, quand on arrive au niveau des intervenants, on veut savoir: Est-ce que l'intervenant qui aura à apprécier la nécessité du renseignement sera en mesure de bien l'apprécier? On va y revenir d'ailleurs tout à l'heure.
Le quatrième élément que je voulais souligner, c'est qu'on doit aussi, à l'égard du citoyen, lui donner une assurance que la confidentialité des renseignements de santé sera respectée. On va lui donner cette assurance-là en élaborant des règles précises, des règles qui vont le rassurer justement sur la confidentialité, des règles qui vont lui faire comprendre que le secret professionnel va primer et des règles qui vont le rassurer sur le respect de sa vie privée, quel que soit l'intervenant qui a à transiger avec les renseignements de santé qui le concernent.
Le cinquième élément est de donner une assurance, si je peux dire ça de cette façon-là, au citoyen qu'il sera en mesure de savoir qui a pris connaissance des renseignements de santé à son sujet et quand il a pris connaissance des renseignements de santé à son sujet. Vous l'avez sans doute remarqué, dans le mémoire de la Commission d'accès, on y revient à différentes reprises et sous différentes formes, le risque qu'il y ait des zones grises, des endroits où on ne sait pas trop. Est-ce que le renseignement pourra circuler entre les mains de d'autres intervenants? Est-ce que tel ou tel renseignement qui serait, par exemple, relatif à la santé mentale, qui est un sujet quand même passablement plus délicat, est-ce que ces renseignements-là seraient accessibles à des intervenants communautaires, par exemple? Alors, je pense que l'élément à retenir à ce stade-ci, c'est de dire: Il faut vraiment éviter qu'il y ait des zones grises, il faut que la patinoire soit vraiment bien dessinée, à l'égard du citoyen toujours.
Par ailleurs, le sixième point, ce serait de dire: Il faut que le citoyen ait des recours à exercer qui soient simples et qu'ils soient accessibles: des recours pour pouvoir consulter son dossier, et des recours aussi pour savoir qui, comme je viens de le dire, a utilisé les renseignements qui sont dans son dossier, et, troisièmement, des recours pour pouvoir demander une rectification du dossier. On s'entend bien que ce n'est pas une rectification de l'avis d'un professionnel de la santé, c'est une rectification qui porterait sur des faits objectifs et vérifiables à ce moment-là.
Septièmement, le citoyen doit être en mesure d'exiger et s'attend raisonnablement à avoir des garanties de sécurité au niveau des technologies de l'information. Dans le projet de loi n° 83, on introduit des mesures fort importantes, fort intéressantes, qui sont assez nouvelles, avant-gardistes, mais il faut donner une assurance au citoyen que les mesures que l'on propose offrent des garanties de sécurité en proportion du caractère sensible des renseignements qui sont concernés. Alors, ces garanties de sécurité là s'expriment de différentes façons. Ça peut être des garanties relatives à la confidentialité, bien évidemment, mais ça peut être aussi des garanties relativement à l'intégrité dans le système informatique, à l'irrévocabilité des renseignements une fois qu'ils ont été saisis, des garanties relatives à l'authentification des intervenants que l'on ne peut pas modifier, et, au suivi de ces authentifications-là, des garanties relatives à l'imputabilité des personnes qui transigent dans le réseau et qui ont accès à des données confidentielles qui peuvent venir modifier des paramètres de système, et au besoin des garanties relatives à la certification, par des organisations indépendantes, des systèmes informatiques qui sont utilisés, qui sont mis en place.
Huitièmement, le citoyen doit pouvoir compter sur des contrôles externes et indépendants. J'en parlais il y a quelques secondes, au sujet de contrôles sur les aspects technologiques, mais, dans la même logique justement, le citoyen doit pouvoir s'appuyer sur des contrôles externes. On ne peut pas demander au citoyen, à la population en général d'avoir les connaissances et les compétences techniques pour dire: On m'a expliqué comment fonctionnent les transactions électroniques dans le système de la santé, et je comprends ça très bien, je n'ai pas besoin de m'assurer qu'un tiers indépendant qui a des connaissances très spécialisées vérifie tout ça. Dans le fond, c'est justement le contraire, on doit donner une assurance à la population que les personnes qui disposent des compétences spécialisées, techniques, ont fait les vérifications appropriées à l'égard justement de la circulation des informations, à l'égard des consentements obtenus et des validations de ces consentements-là, de la nécessité dont je parlais au début, tout à l'heure, de la confidentialité. Et cet élément-là est d'autant plus important ? on va y revenir tout à l'heure ? à l'égard des établissements de santé ou de la Régie de l'assurance maladie. Je pense qu'on comprend vite que les établissements de santé et la régie, pour ne nommer que ces deux organisations-là, ces deux exemples-là, je devrais dire, n'ont pas nécessairement... même s'ils disposent de très grandes compétences, ne doivent pas être les seuls à déterminer de l'adéquation des mesures qu'ils prennent. Il est essentiel selon nous que les mesures qui sont prises soient également examinées, validées, contrôlées par des organismes indépendants.
Et vous aurez très bien compris que ça m'amène à mon dernier point, sur cette introduction-là, pour mentionner que la Commission d'accès selon nous a un rôle très important à jouer à ce sujet-là, avec l'expertise dont elle dispose, et vous en avez un exemple, cet après-midi, avec moi, je peux vous assurer que je dispose et je peux compter sur une équipe exceptionnelle pour faire un travail de contrôle et de surveillance des activités en matière d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels.
Alors, c'est l'éclairage que je voulais vous mentionner. Naturellement, c'est dans ce contexte-là qu'on a appliqué au mémoire l'analyse du projet de loi, et on est arrivés à différents commentaires. Je ne sais pas s'il me reste un petit peu de temps.
Le Président (M. Copeman): Il vous reste neuf minutes, M. Saint-Laurent.
M. Saint-Laurent (Jacques): Neuf minutes. Bon. Bien, je vais les utiliser. Merci de me le préciser.
Par rapport au projet de loi n° 83, j'appliquerais maintenant ces quelques principes là, et je vais me limiter, en fonction des neuf minutes qui restent, à quelques éléments essentiels. D'abord et avant tout, par rapport aux préoccupations de la Commission d'accès à l'information, permettez-moi simplement de rappeler que la commission est composée de cinq membres dont un président et que la commission est responsable plus spécialement de la loi sur l'accès à l'information. Elle est responsable aussi de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Ça touche bien évidemment aux règles prévues aux chartes, plus spécialement la charte québécoise, au Code civil également, sur la vie privée. Pour exercer ces fonctions-là, la commission compte sur une équipe d'un peu plus de 40 personnes, à Montréal et à Québec. Il y a, c'est très important de le mentionner, au-delà de 2 500 organismes qui sont visés dont 300 dans le secteur de la santé. La commission a été appelée, dans le passé, à traiter plusieurs dossiers en matière de santé, que ce soit par des avis sur différents projets de loi ? on y fait état dans le mémoire ? ou par des décisions rendues dans des cas spécifiques. Donc, on a déjà eu à intervenir dans plusieurs situations en matière de santé.
Autre élément, je pense qu'il faut le souligner, j'en ai parlé il y a quelques secondes, en matière de santé, on a affaire à une catégorie de renseignements qui est très sensible. Quand on parle de renseignements relatifs à la santé physique des individus ou de renseignements relatifs à la santé mentale des personnes, ce sont des renseignements qu'on doit traiter avec une encore plus grande précaution, si je peux le dire de cette façon-là, et ça nous amène, comme organisme, à insister, tout au long de notre mémoire, sur cette sensibilité-là au niveau des renseignements de santé. Par ailleurs, nous pensons que les technologies de l'information constituent un apport précieux dans le traitement des renseignements de santé et dans la possibilité pour les différents intervenants d'avoir accès à des renseignements de santé à jour et complets, ce qui ne peut que contribuer à un traitement adéquat de la population.
n(16 h 50)n Sur le partage des renseignements de santé dans les dossiers physiques, qui est la première partie, les articles 19 et suivants du projet de loi, on propose de lever l'obligation d'obtenir un consentement à la communication lorsque les renseignements de santé doivent être communiqués à l'extérieur de l'établissement. Il y a un équilibre à atteindre à ce sujet-là, et on est très conscient que l'équilibre à atteindre n'est pas facile. Par contre, s'il n'y a pas de consentement et qu'on autorise la communication à l'extérieur de l'établissement, à ce moment-là, le citoyen perd la possibilité d'intervenir pour essayer de restreindre ou d'encadrer la communication et, fait encore plus important, le citoyen perd la possibilité d'être informé préalablement des échanges qui seront effectués. Alors, il y a peut-être possibilité, c'est l'équilibre qu'on essaie de rechercher, d'envisager que, dans certains cas, il y ait des consentements et d'essayer de se donner comme règle, dans tous les cas où il est possible d'obtenir un consentement de l'usager, de se donner comme règle d'aller chercher ce consentement de l'usager. Par exemple, lorsqu'on a un contact avec l'usager, au début, puisqu'on doit obtenir son autorisation, par exemple pour des soins, ne serait-il pas possible, par la même occasion, d'obtenir son autorisation à la communication, à l'extérieur de l'établissement, des renseignements de santé relatifs à son dossier? Lorsqu'on doit rencontrer l'usager pour un plan de services individualisé, de la même façon, il faudrait aussi envisager la possibilité d'obtenir son consentement à la communication.
Naturellement, cette notion de consentement à la communication des renseignements de santé à l'extérieur de l'établissement sous-entend aussi le consentement à la communication lorsque c'est nécessaire. J'en ai parlé un peu tout à l'heure, c'est une tâche très lourde, je pense qu'il faut en être conscients, que d'imposer au personnel, aux intervenants dans le milieu de la santé d'évaluer la nécessité. Encore là, il y a peut-être des éléments qui permettraient de faire en sorte de réduire les cas où la nécessité doit être évaluée par l'intervenant, en faisant intervenir l'usager lui-même et en demandant ou en favorisant la contribution de l'usager, pour faire en sorte que la communication se fasse en toute transparence. Comme le mémoire le mentionne, en cette matière nous invitons le ministre, le gouvernement à la plus grande prudence.
Maintenant, pour les services de conservation régionaux, vous avez été en mesure de constater que la commission se prononce de façon favorable à ce projet intéressant. On s'est posé la question ? d'ailleurs ça ressort du mémoire: Pourquoi ne pas peut-être exporter ? j'allais dire «importer», mais ce serait plus «exporter», je crois ? des éléments de la réforme relatifs aux services de conservation régionaux dans la section portant sur les dossiers physiques de santé que l'on veut faire circuler à l'extérieur des établissements? Il y a des paramètres qui sont proposés à l'intérieur des services de conservation régionaux, qui seraient selon nous des paramètres intéressants à placer dans la section relative aux dossiers physiques de santé.
Cet avis favorable là simplement est basé sur les notions de sécurité et de confidentialité, qui sont encadrées, sur les principes qui sont énoncés plus spécialement à l'article 520.6, et aussi sur, comme je le disais au début, dans les grands principes, les finalités du projet, qui sont bien connues, et sur le fait que la conservation des données sera régionale. Par contre, il y a quelques propositions que nous présentons, propositions qui sont quand même importantes dans ce contexte de transparence et dans le contexte de dire au citoyen: Voici, monsieur, madame l'usager, voici comment le tout va fonctionner. Voici les règles du jeu. Il y a des règles du jeu pour l'instant qui ne sont pas connues. Ce sont celles relatives au consentement. Quelles seront les modalités relatives au consentement? C'est un enjeu majeur. Comment ça va fonctionner? Est-ce que...
Vous allez comprendre très bien. Quand on discute de ça en préparant le mémoire que nous avons présenté, on n'a pas pu faire autrement que de faire des liens entre les consentements dans ce contexte-là, au moment où une personne a besoin de soins, et les consentements qu'on donne à un assureur, qui sont souvent... ça se rapproche à un contrat d'adhésion, pour prendre un vocabulaire juridique, on n'a pas nécessairement le choix, donc on consent. Donc, d'insister sur un éclairage le plus complet possible; d'insister peut-être sur une information générale à la population; ne pas attendre que le patient justement soit en attente de soins pour lui dire: Bien, voici les conséquences de votre consentement; prévenir puis prendre le soin de donner une communication la plus vulgarisée, la plus simple possible.
Le consentement aussi aura pour effet, ce n'est pas nécessairement clair et ça nous apparaît délicat, de ne pas donner de soupape, de ne pas donner de porte de sortie. C'est-à-dire que, si l'usager consent à la communication, on comprend actuellement du projet loi que, s'il y a une information, une seule, qu'il ne veut pas voir inscrite à son dossier électronique, il ne pourra pas. La seule façon d'éviter qu'une information donnée soit inscrite à son dossier électronique, dans notre compréhension actuelle, ce serait de retirer le consentement qu'il a déjà donné. On peut facilement imaginer toutes sortes d'exemples. Il y en a dans le mémoire, là, au sujet des maladies transmises sexuellement. Il pourrait y en avoir bien d'autres, je parlais de la santé mentale tout à l'heure. Il peut nous arriver des incidents dans notre vie qu'on voudrait bien pouvoir effacer ou en tout cas ne conserver que pour la durée essentielle de l'activité professionnelle concernée, et, dans ce sens-là ? je vois que mon temps est terminé ? dans ce sens-là, de pouvoir donner une porte de sortie plutôt que d'exiger une révocation du consentement, ce serait peut-être un élément intéressant. Alors, nous vous soumettons notre mémoire. Merci de votre attention.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. Saint-Laurent. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. Saint-Laurent, Me Aubé, Me Parent, Me Bourassa, pour votre présence, aujourd'hui, et votre mémoire intéressant.
Je vais commencer par la dernière chose que vous avez mentionnée, de façon à être sûr de ne pas oublier, pendant les échanges qu'on va avoir, d'y retoucher, quant à la possibilité pour l'usager de retirer un élément de son profil. C'est une des préoccupations que nous avons partagées et la raison pour laquelle nous avons retiré l'idée que nous avions peut-être eue initialement d'inclure les diagnostics. Alors, il n'y a pas de liste de diagnostics dans ce qui est proposé. Ça, c'est important de le mentionner.
Maintenant, la question suivante, c'est qu'effectivement, si on regarde les résultats de laboratoire, de radiologie, ou autres, on peut inférer ou on peut arriver au diagnostic sans nécessairement avoir une formation médicale complexe. Cependant, si le médecin qui utilise l'outil... Vous venez me voir pour une douleur abdominale, puis je regarde votre profil puis je sais que vous pouvez avoir enlevé un élément qui m'amènerait au diagnostic, je n'aurais plus confiance dans l'outil. Alors, l'outil devient inutile. Vous comprenez? Sur le plan clinique, la réalité quotidienne ? c'est ça, l'élément qu'il faut retenir ? c'est que, si vous voulez que le médecin, l'infirmière aient confiance dans l'utilisation de cet outil, il ne faut pas qu'il y ait le moindre doute, «le moindre doute», dans l'esprit du clinicien qui l'utilise quant au fait que des informations capitales pourraient ne pas y apparaître, et ça, je pense que c'est important. Et, comme vous le dites, il est tout à fait possible pour l'usager de ne donner aucun consentement à la conservation de données, et, à ce moment-là, on procède comme maintenant, on pose des questions, une histoire de cas, puis vous répondez ou vous ne répondez pas. C'est des choses que tous ceux qui font de la clinique ont vécu et vivent encore actuellement.
Ce qui m'amène à l'introduction de mes commentaires à vos propos. Je pense que, pour nos concitoyens qui nous écoutent, il faut décrire un peu l'état actuel des lieux, parce que, dans la perception, des fois on a l'impression qu'on imagine que l'état actuel est une perfection en termes de protection des renseignements et qu'on va en quelque sorte diminuer cet état de perfection en évoluant vers la transmission électronique des renseignements, et je suis content que, dans votre présentation, vous n'avez pas fait cette équivalence, mais, dans la perception populaire, de plus en plus, c'est quelque chose qu'on entend.
Or, pour avoir moi-même travaillé en milieu hospitalier, je peux vous dire que la qualité actuelle de protection de renseignements est pour le moins questionnable. Promenez-vous dans un hôpital: vous allez avoir des dossiers ouverts sur les tables de travail, vous allez voir des gens qui sont transférés d'un établissement à un autre avec des lettres manuscrites du médecin qui expliquent en détail ce qui est arrivé à l'hôpital. C'est la pratique quotidienne depuis des années et des années. C'est ça, la réalité actuellement. Alors, il n'y a pas d'exclusivité de sécurité ou de confidentialité de décrite par rapport au numérique, et probablement que la relation est inverse par rapport à celle que l'on présuppose quand on ne connaît pas l'état actuel des lieux. Pour ce qui est de vos commentaires, je pense à une de mes idoles historiques, Georges Clemenceau, là: «Quand on se regarde on se désole; quand on se compare, on se console.» Si j'ai osé balbutier, au mois de décembre, que je trouvais votre évaluation favorable à notre projet de loi, c'est que, dans l'échelle de Richter que constituent pour moi les évaluations de la Commission d'accès à l'information, sur tous les sujets possibles où on transmet des renseignements, finalement je trouve qu'on ne s'en sort pas si mal, surtout si je compare avec les tentatives préalables dans le même domaine ? sans aller plus loin.
L'équilibre, vous avez parlé de l'équilibre, ça, c'est le terme, je pense, clé de notre discussion, et l'acte politique, l'acte du gouvernement est en soi un acte d'équilibre, toujours. Quel est cet équilibre? L'équilibre est entre le désir que partagent les citoyens du Québec d'avoir des soins de bonne qualité le plus rapidement possible et de façon la plus continue, puis je pense que tout le monde va s'entendre là-dessus, voilà l'équilibre à gauche, et l'équilibre à ma droite, c'est bien sûr tous les principes que vous avez fort bien et éloquemment résumés.
n(17 heures)n Prenons, je pense, ce que j'ai discuté, ce matin, avec Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, j'ai un peu décortiqué en deux l'aspect de transmission de l'information en ce qui ne fait pas trop litige actuellement, ce qui est les banques régionales de données, que vous accueillez assez favorablement, et toute la question essentielle, je crois, pour nos concitoyens qui nous écoutent encore une fois, c'est la question de la transmission des informations à l'intérieur d'un réseau local de services. Donc, prenons un exemple classique, je suis dans un centre de santé et services sociaux, je fais un plan d'organisation de services pour les soins à domicile et je communique certains renseignements à une organisation qui donne ces soins à domicile là pour que ces soins puissent être assurés. L'approche que nous prenons actuellement ? et je vous assure que nous acceptons le fait qu'elle puisse être améliorée ? c'est la suivante, c'est que la personne donne un consentement à ce projet d'organisation de services pour elle, et, comme c'est le cas actuellement, dans la situation actuelle, il y a compréhension implicite que le consentement inclut également la transmission des informations pertinentes et reliées à ce dont on discute, le tout étant soumis au critère de nécessité, qui, comme vous le savez, existe déjà dans la législation sur la protection des renseignements, autant dans le domaine public que dans le domaine privé. Donc, la lecture que nous faisons ? mais encore une fois toute ouverture est là pour améliorer ça ? c'est que, restreignant donc l'utilisation de ces renseignements à ce qui fait l'objet d'un plan de services individualisé, nous soumettons donc le jugement de la nécessité au jugement de la personne professionnelle, ou autre, qui prend en main le dossier et qui décide de transmettre ou non l'information.
Ce qu'il faut répéter absolument, c'est qu'il n'est pas question pour une de ces organisations partenaires dans le réseau d'aller chercher de l'information. Ce n'est absolument pas ça qui est prévu. Les gens de l'instance locale transmettent l'information nécessaire pour le plan de services individualisé, dont ils évaluent effectivement, vous l'avez très bien dit, la nécessité selon leurs critères professionnels de l'évaluation de ce critère-là. Cependant, il est clair pour moi qu'une façon probablement, au moins, de bonifier cet aspect-là, ce serait d'améliorer l'information du citoyen, c'est-à-dire qu'il soit conscient, sur le plan général de la population, lorsque la loi éventuellement sera adoptée et au moment où les transactions se font en clinique, qu'il soit conscient que ces informations-là vont circuler. Parce que, lorsqu'on regarde les sondages d'opinion, les enquêtes d'opinion, la vaste majorité ? on parle de chiffres de plus de 90 % ? la vaste majorité des citoyens s'attendent et en fait demandent que ces informations soient transmises. Mais je pense que le fait qu'ils soient mis au courant de ces informations et de leur nature m'apparaît certainement une façon de bonifier le projet actuel.
Il y a une suggestion que vous avez faite, dès le début de votre présentation, qui m'apparaît très intéressante, c'est celle d'utiliser l'expertise de votre organisation éventuellement, vous avez un peu suggéré ça il y a quelques minutes ? puis on va s'arrêter là pour vous donner le temps de répondre aux quelques points que j'aurai soulevés préalablement, également ? donc utiliser l'expertise de la Commission d'accès à l'information comme un genre d'agent de surveillance externe de toute cette question. Alors, si vous pouviez nous dire concrètement comment est-ce que vous pensez qu'on pourrait d'abord incarner ça dans le projet de loi, donner ce mandat-là, et, sur le terrain, comment ça se présenterait pour les gens qui donnent les soins autant que pour les gens qui les reçoivent.
M. Saint-Laurent (Jacques): Ce qui me vient à l'esprit spontanément comme ça, puis je donnerai l'occasion aux gens qui m'entourent, là, d'apporter des précisions, ce qui me vient à l'esprit, et c'est ce qui me venait à l'esprit en préparant la présentation pour le mémoire, c'est qu'il m'apparaît assez évident, si je peux l'exprimer de cette façon-là, que le citoyen n'a pas nécessairement le temps, les connaissances, l'expertise pour s'assurer lui-même de problématiques parfois techniques et complexes, souvent au niveau juridique d'ailleurs, et je pense que, comme organisation, comme société, nous avons l'obligation de dire aux citoyens: Écoutez, vous avez raison d'avoir cette préoccupation-là sur la protection de vos renseignements de santé et l'assurance que vos renseignements de santé ne circulent pas incorrectement, et on a pris soin de faire en sorte qu'une organisation indépendante fasse des contrôles, exerce une surveillance, donne des avis sur des projets de loi, des projets de règlement pour faire en sorte de protéger cette préoccupation-là.
De la même façon ? vous me permettrez l'analogie un peu simpliste ? lorsque j'utilise mon automobile, je ne me préoccupe pas trop de savoir quelles sont les règles relatives à la construction des freins, là. Je sais que c'est très important que mes freins fonctionnent bien et j'ai confiance qu'il y a des normes nationales qui existent à ce sujet-là et que les fabricants doivent respecter ces normes-là. Alors, dans cette logique-là, je pense que d'avoir une assurance, c'est que le projet de loi réfère explicitement à un avis, ou des avis, ou des interventions en contrôle ou en surveillance de la part de la Commission d'accès sur des activités d'obtention de consentement de nécessité... m'apparaissent une façon intéressante d'aller proposer aux usagers une garantie de sécurité et de respect de normes définies par le législateur.
M. Couillard: Il y a un aspect que vous avez mentionné dans votre mémoire et que vous n'avez pas touché dans votre communication, pour informer encore une fois les citoyens qui nous écoutent, pour qu'ils voient la nature des débats que nous avons à résoudre, c'est la question des renseignements touchant la médication et particulièrement le rôle de la Régie d'assurance maladie du Québec.
M. Saint-Laurent (Jacques): Le temps m'en a privé.
M. Couillard: Alors, voilà, je vous aide, là, puis on va toucher la question, là. Voyons d'abord ce que nous proposons et les raisons pour lesquelles nous le proposons et voyons ce que vous auriez à offrir ou suggérer comme solution alterne.
Ce que nous proposons actuellement, c'est que la Régie d'assurance maladie du Québec serve de courroie de transmission, si je peux m'exprimer ainsi, pour envoyer aux banques régionales de conservation des données portant sur les profils médicamenteux de chaque citoyen. Bon. On sait que, dès qu'on touche cette question, hein ? on en a vu des exemples lorsqu'il était question de la carte à puce il y a trois ans ? dès qu'on touche cette question d'une banque avec un organisme comme la RAMQ, ça élève beaucoup, bien sûr, d'inquiétudes. On imagine la grosse machine gouvernementale qui surveille un peu tout ce qui se passe chez le citoyen.
Mais la raison pour laquelle nous faisons cela, c'est encore une fois que nous voulons restreindre le rôle de la RAMQ à un rôle de transmission, sur la base de la réalité suivante, c'est que toutes les pharmacies du Québec, je pense qu'il y en a 1 600, là, elles sont toutes branchées actuellement par un lien informatique à la RAMQ, et de donner à la RAMQ ce rôle de courroie de transmission vers la base de données régionale nous empêche d'arriver à une situation qui serait très lourde, où chaque pharmacie devrait se constituer 15 liens informatiques avec chacune des banques régionales. D'autant plus que les renseignements sont déjà présents à la RAMQ. Alors, je ne sais pas comment... Je sais que c'est un élément qui a suscité votre interrogation, mais comment pensez-vous qu'on peut encore une fois, là, réaliser l'équilibre?
M. Saint-Laurent (Jacques): Bien, peut-être juste une précision au départ pour mentionner que dans le fond la préoccupation ne vise pas la RAMQ comme organisation mais vise la centralisation des banques de données. Je pense que la RAMQ fait un travail exceptionnel et avec une compétence exemplaire, mais c'est vraiment le principe. Et on la retrouve, cette préoccupation-là de centralisation des banques de données, dans plusieurs ouvrages non seulement ici, au Canada, mais également en Europe, sur le questionnement général de dire: Est-ce qu'en créant des banques de données centralisées comme ça on ne se donne pas un outil qui pourrait, à un moment donné, servir à des fins pour lesquelles on ne l'aura pas créé au départ? Ça, c'est la mise au point que je voulais faire sur la question de la RAMQ.
Par ailleurs, dans notre compréhension du projet de loi, tel qu'il était présenté, tel qu'il est actuellement, c'est qu'on voyait que les renseignements sur les médicaments devaient non seulement transiter par la RAMQ, mais pouvaient être conservés par la RAMQ, et là ça nous amenait à présenter des préoccupations fort importantes, surtout lorsqu'on voyait des renseignements de santé, des renseignements relatifs aux médicaments qui étaient transités par la RAMQ, qui pouvaient être conservés par la RAMQ, à l'égard d'usagers qui ne sont pas assurés par la RAMQ, et, dans ce sens-là, on voulait attirer l'attention du ministre, du gouvernement sur ce danger-là. Et je pense qu'il y aurait lieu, en fonction de ce que vous expliquez, de peut-être apporter des ajustements au paragraphe h2 du projet de loi pour venir justement bien expliquer que c'est juste une courroie de transmission, si je peux le dire de cette façon-là, qu'on se sert de la RAMQ parce que la RAMQ est déjà en lien électronique avec les différentes pharmacies du Québec, pour les fins des différents usagers qui se présentent dans les pharmacies et qui, eux, sont assurés par le régime public et donc doivent transiter par là. Par contre, on se dit que, lorsqu'il y aura les services de conservation régionaux, inévitablement les pharmacies auront éventuellement à se brancher aussi directement avec les services de conservation régionaux, ce qui n'est pas le cas actuellement, mais ce qui risque de devenir le cas éventuellement.
M. Couillard: Un autre point, que je n'appellerais pas conflictuel, mais un point de discussion des derniers mois que vous touchez dans votre mémoire, c'est la question de la sollicitation de la part des fondations hospitalières. Je vais essayer de vous donner ma compréhension de votre position en tant qu'organisme, puis peut-être que je me trompe, vous allez la corriger puis m'aider à progresser dans cette réflexion-là.
n(17 h 10)n Les gens sont en général un peu inquiets du fait qu'on puisse utiliser leurs données pour faire la sollicitation de la fondation de l'établissement hospitalier qui les a traités. Bon. Il y a des bonnes raisons pour ça. La fondation fait partie de l'organisation hospitalière, l'information ne se transmet qu'avec le consentement, il y a toutes sortes de choses, de précautions qui sont déjà en place, mais il me semble avoir compris que vous nous dites: Comme législateur ? vous nous donnez le message suivant ? si vous voulez que les fondations puissent utiliser ça, dites-le clairement dans la législation, mais ne laissez pas la grisaille ou l'ambiguïté actuelle. Est-ce que je résume bien votre position? Et quelle est votre position sur le fond de la question?
M. Saint-Laurent (Jacques): La grisaille puis... Alors, Me Aubé.
Mme Aubé (Madeleine): Oui. En fait, il y a une ambiguïté certaine, et je pense que ça a été très public, l'ambiguïté a été très publicisée, là. Normalement, le principe, c'est que le dossier de l'usager sert à la prestation des soins, de services, ça, la loi le dit clairement, la loi actuelle, puis la loi telle qu'amendée le dira aussi clairement. Et donc c'est vrai que la fondation a des liens particuliers avec l'institution, l'établissement, mais il demeure que les gens sont surpris d'être sollicités à même les données d'identité qui étaient dans leurs dossiers d'usagers, qui devaient ne servir qu'à des fins de recevoir des soins. Or, nous, on disait: Dans la pratique, ça se fait. Nous, on ne dit pas que le dossier de l'usager doit servir à d'autres fins que la prestation de soins et services, on dit: Mais, comme, en pratique, la pratique existe et ça se fait, mais dites-le clairement, comme ça les gens ne porteront plus plainte à la commission en disant: J'ai reçu une lettre de la fondation, puis là ils font un lien avec la dernière hospitalisation dont j'ai bénéficié, donc. Et c'est toute cette ambiguïté-là, et, nous, nous recevons les plaintes, ça fait qu'on disait: Si les gens ne le savent pas, évidemment ils sont surpris, évidemment ils se questionnent. Et là on a dit...
Je comprends que le ministère a cette interprétation-là, mais ce n'est pas clair. Nous autres, on dit: Profitez de l'occasion de l'amendement de la loi pour clarifier une fois pour toutes cette situation-là. Si vous permettez aux institutions, aux établissements de se servir des données du dossier de l'usager, bien c'est un peu en contradiction avec la règle générale qui est à l'effet que ça ne sert pas à ça. Puis aussi il faut comprendre que les fondations, bien qu'elles soient... elles sont une entité distincte de l'établissement et elles seraient soumises à la loi sur le secteur privé, puis, si les fondations devaient le faire elles-mêmes, elles seraient soumises à des règles qui ne sont pas applicables dans... parce que présentement c'est fait par les établissements. Donc, on dit: Tout ça mériterait à tout le moins d'être clarifié pour que la population ait un portrait clair de l'utilisation qui est faite des données d'identité dans leurs dossiers de santé.
M. Couillard: Une dernière ? je pense qu'il nous reste quelques minutes seulement, M. le Président: Qu'est-ce que vous pensez de mon raisonnement tantôt sur la transmission des informations dans le réseau local de services, entre l'établissement puis le partenaire, là? Je vous ai expliqué comment, moi, je comprenais ça: on fait un plan de services individualisé auquel la personne consent, comme c'est le cas actuellement, on pense que ce consentement a une valeur implicite également pour la transmission des informations pertinentes, et on donne le mandat à la personne qui organise le service, professionnel en général, de déterminer la nature des informations requises selon le critère de nécessité et de son bagage professionnel. À cela j'ajoute certainement la possibilité de bonifier sur le sens de l'information, d'informer la personne. Alors, dites-moi qu'est-ce que vous pensez de ça.
M. Saint-Laurent (Jacques): Si ça convient, je donnerais la parole à Me Parent, Me Danielle Parent.
Le Président (M. Copeman): Me Parent.
Mme Parent (Danielle): Oui. Alors, en ce qui concerne la circulation des renseignements entre un établissement et d'autres intervenants dans le réseau de la santé, pris dans son sens large, je crois que le projet de loi dit que ces informations-là peuvent être communiquées sans le consentement. Les mots utilisés dans le projet de loi sont très clairs à cet effet-là. Alors, je pense qu'il faut faire une différence entre une communication sans le consentement de la personne concernée et une communication où il y a un consentement implicite. Alors, dans le cas que vous soumettez, ce serait davantage un consentement implicite. Mais le projet de loi n'utilise pas cette formulation-là, il parle plutôt d'une communication sans le consentement.
M. Couillard: Merci. Ça m'aide beaucoup parce que je vois exactement la façon dont vous venez de clarifier les choses. On sait également que, dans la loi actuelle, il existe plusieurs instances où c'est marqué de façon claire que les renseignements peuvent être transférés sans consentement, il y a des cas particuliers. Mais je comprends très bien votre suggestion puis je pense qu'on la reçoit favorablement. Merci, M. le Président.
M. Saint-Laurent (Jacques): Je voudrais ajouter juste un petit mot très, très rapide sur cet aspect implicite là. Ce qui est intéressant selon moi, c'est d'aussi mentionner qu'à partir du moment où le terme, l'expression le dit, «consentement implicite», on peut, à cette occasion-là, donner quelques informations à l'usager. On sait qu'il y a un consentement implicite qui s'exprime, pourquoi ne pas profiter de l'occasion pour lui dire: Bien, voici, là, dans l'ordre normal des choses, ça va circuler de telle façon? C'est très rapide et ça permet de clarifier les choses pour l'usager.
Le Président (M. Copeman): M. Saint-Laurent, j'aimerais échanger avec vous brièvement au sujet de la conservation des dossiers, puis je ne veux pas laisser l'impression que je suis insensible à toute la notion de protection des renseignements personnels, je suis très sensible, et j'ose croire que ça n'a rien à voir avec le fait que j'ai passé huit ans dans l'opposition. Vous suggérez, dans votre mémoire, que, à défaut de renouveler le consentement à chaque période de cinq ans, que, cinq ans à la suite d'un non-renouvellement du consentement, ces dossiers-là soient détruits. Je dois vous dire que je suis un peu embêté par cette proposition-là, et je vous donne des exemples vécus. Dans ma famille ? je pense qu'on peut tous même faire appel à des exemples ? où mon regretté père avait eu des difficultés de santé, mais il y a des périodes, des intervalles, pas de façon constante, j'étais avec lui à l'hôpital, le médecin me demande d'aller chercher son dossier d'une chirurgie qui a eu lieu il y a sept ans ou même il y a 10 ans. Et je comprends, la mécanique de renouvellement du consentement reste à être définie, sauf que, l'article 520.14, on indique que la personne doit manifester par écrit son consentement auprès d'une instance locale ou à d'autres catégories de personnes qui, elles, avisent la RAMQ. Ce qui est implicite là-dedans: il faudrait que quelqu'un avise la personne, après cinq ans, qu'il faut renouveler le consentement. Ce que je ne sais pas, c'est: Est-ce que ça va être la RAMQ? Probablement. Ça, on peut le savoir.
Mais j'arrive à mon point. Souvent, avec surtout les personnes âgées, la communication avec des instances gouvernementales est plutôt ? il y a une expression en anglais ? «hit-and-miss». Mon père, il ne portait pas beaucoup d'attention à chaque lettre qu'il a reçue, même de la RAMQ, même des instances très importantes du gouvernement. Et parfois ? je pense qu'on l'a vécu, beaucoup de collègues, lors de nos bureaux de comté, hein ? il y a des personnes âgées qui se présentent chez nous, leur carte d'assurance maladie est expirée. Ce n'est pas par négligence, c'est parce qu'ils ont reçu un avis, ils n'avaient pas tout à fait compris l'avis, ils ont coché à la mauvaise place, puis là ils ont... Ça arrive dans la vraie vie, ça arrive souvent même. Ce que je crains avec la possibilité de détruire les dossiers conservés, sans le renouvellement, c'est qu'on peut perdre des informations très utiles au patient plutôt par négligence, dans le sens que, pour toutes sortes de raisons, la personne a oublié ou a négligé de renouveler le consentement. J'oppose ça à la révocation, ça, je comprends, si la personne révoque, il me semble tout à fait normal qu'après un certain temps, pour permettre la prescription selon le Code civil, on peut détruire. Mais il me semble qu'on va loin en disant: Cinq ans après le non-renouvellement, on va détruire automatiquement. Je vous le soumets, je ne sais pas si vous avez des commentaires.
M. Saint-Laurent (Jacques): Oui, j'aurais effectivement un commentaire, puis peut-être que le ministre souhaitera apporter des précisions à cette question ou à cette réponse-là. C'est que, dans notre compréhension des choses, il faut distinguer le dossier usuel de l'usager, si vous voulez, généralement un dossier passablement physique, là, de moins en moins, mais surtout physique, du dossier régional, le dossier électronique qui est proposé dans le contexte du projet de loi. Dans le fond, lorsqu'on parle de destruction d'un dossier au bout de cinq ans, ce serait le dossier électronique, le dossier régional, alors que le dossier usuel, lui, normalement devrait continuer, dans notre compréhension des choses, peut-être qu'on n'a pas une compréhension complète de la situation, mais c'est la compréhension que nous avons. Et éventuellement ce qu'il est important de comprendre, c'est qu'à l'intérieur de ce délai de cinq ans là, qui est le délai de prescription du Code civil, la personne peut toujours renouveler son consentement pour réactiver le dossier électronique. C'est notre compréhension.
M. Couillard: M. le Président, ma compréhension est tout à fait superposable à celle de M. Saint-Laurent.
Le Président (M. Copeman): S'il y a quelque chose, on va poursuivre la discussion, j'imagine, au moment de l'étude détaillée du projet de loi.
Mme Harel: Mais ça reste intéressant... M. le Président, vous me donnez la parole, j'imagine, à ce moment-ci?
Le Président (M. Copeman): Oui, bien sûr, Mme la députée, avec grand plaisir. C'est à votre tour.
Mme Harel: Ça reste intéressant, votre distinction entre révocation et renouvellement, pour les raisons que vous mentionniez tantôt.
n(17 h 20)n Alors, je voudrais vous saluer ? merci, M. le Président ? je voudrais vous saluer, M. le président de la Commission d'accès à l'information du Québec, Me Aubé, Me Parent, Me Bourassa, et vous dire que votre présentation me rassure compte tenu de son équilibre et de ce qui m'apparaît être sa perspective très sage, qu'on retrouve d'ailleurs dans votre mémoire. Cet équilibre, d'une part, j'en veux à preuve, là, à la page 3 du mémoire, vous dites: «...il est évident que les règles de protection des renseignements de santé ne doivent pas empêcher les professionnels de la santé d'avoir accès aux renseignements qui leur sont nécessaires pour dispenser des soins de qualité, en continuité et en complémentarité avec ceux dispensés par d'autres professionnels de la santé. Mais cet accès aux renseignements doit se faire dans le respect des droits de la personne.» Et là vous ajoutez: «Un bris de la confidentialité des renseignements de santé peut porter atteinte à la réputation d'une personne, à son droit à la vie privée, violer son droit au secret professionnel ou encore favoriser la discrimination fondée sur son état de santé.» Et à cet effet je pense qu'il est important aussi de se rappeler, comme vous le mentionnez à la page 6 de votre mémoire, que les objectifs poursuivis, qui sont des objectifs de santé publique, peuvent être finalement le contraire de ceux recherchés s'il advenait que, par une sorte de trop grande libéralité, hein, dans la circulation des renseignements personnels relatifs à la santé, le patient cesse de divulguer les renseignements qui le concernent, avec la crainte, n'est-ce pas, de les voir circuler, et puis s'abstienne en fait de consulter même un professionnel de la santé ou de subir des examens pour éviter que ce soit consigné. Alors, il y a un équilibre à maintenir parce que, malgré tous les objectifs les plus légitimes qui sont poursuivis par les professions de la santé, il se pourrait que ce soit la situation inverse qui se produise s'il n'y a pas cet équilibre. Je pense que la CAI a un rôle extrêmement utile à jouer.
Et je peux comprendre que la situation actuelle a besoin d'être améliorée, mais il ne faudrait pas que les conséquences de ce qu'on fait viennent l'aggraver. Alors, cela mériterait un projet de loi distinct. Je le dis tout simplement, je ne vois pas la raison pour laquelle l'ensemble de ce dispositif se retrouve dans le projet de loi n° 83 qui porte sur le partage des responsabilités à la suite, là, des changements de structures introduits par les projets de loi nos 25 et 30, les projets de loi antérieurs. Bon. Ça nécessiterait un projet de loi distinct, et je le répète parce que cela va demander énormément d'attention au moment même où nous allons discuter de l'adoption article par article des dispositions contenues dans le projet de loi n° 83 à cet effet. La preuve en est que votre présentation, je ne dis pas qu'elle est superficielle, mais n'a pas vraiment abordé les recommandations que vous faites dans votre mémoire, à partir de page 37 et suivantes.
Alors, première question incontournable: Est-ce que la CAI a déposé un avis sur cette question? Parce que le ministre, en décembre dernier, le 10 décembre dernier, lors de la présentation du projet de loi, a fait état d'un avis que la CAI avait préparé, et je veux le citer, il disait: On pourra le rendre disponible certainement lors des commissions parlementaires ou avant. Alors, y a-t-il avis ou s'il... Parce que nous avons fait une demande d'accès à l'information à la CAI, et ce qu'on nous a transmis, c'est le mémoire ? mais ça, c'est public ? alors qu'on demandait l'avis. Est-ce qu'il y a un avis ou il n'y a pas d'avis?
M. Saint-Laurent (Jacques): Le fonctionnement de l'analyse des projets de loi par la Commission d'accès l'amène à être sollicitée à l'occasion par les comités du Conseil exécutif, les différents comités permanents, pour faire un examen préliminaire de projets. Et il faut bien comprendre que ces projets-là, au moment où ils sont soumis à la commission ou à d'autres organisations, ne sont pas des projets qui seront éventuellement réalisés. Et effectivement la commission est appelée à donner des avis sur des projets de ce genre et la commission a été consultée sur un projet de modification de la loi sur la santé et les services sociaux cet automne.
Mme Harel: Je vous remercie. J'abrège, M. Saint-Laurent, parce que je comprends maintenant que l'avis, c'est au ministre que je dois le demander alors. Parce que l'examen en a été fait dans le cadre des comités ministériels, j'imagine, alors il existe, cet examen, là, et je demanderais au ministre de donner suite à sa déclaration en conférence de presse à l'effet que l'avis serait disponible lors des commissions parlementaires, l'avis de la CAI. Je pense qu'il faut être transparent, dans ce domaine-là, hein?
M. Couillard: Vous savez toute l'importance, j'en ai donné preuve aujourd'hui, que j'accorde à la transparence, mais...
Mme Harel: En autant qu'on ait une commission parlementaire sur le CHUM. Pas une consultation privée, ça va être contraire à la transparence.
M. Couillard: Là-dessus, il va falloir voir l'aspect réglementaire législatif, et tout ça, mais je n'ai pas d'objection préalable, là, je veux vous dire ça.
Mme Harel: Bon. De toute façon, on va y revenir. Alors, moi, je voudrais aborder le contenu de votre mémoire sur un certain nombre d'aspects qui me semblent importants. Justement parce que, dans le domaine de la santé publique, il faut qu'il y ait des garanties de respect de la confidentialité des renseignements et que tout cela est associé au droit à la vie privée, au droit au secret professionnel et que tout cela fonde la relation de confiance entre professionnels de la santé et le patient, vous recommandez, parmi plusieurs recommandations, mais j'aimerais vous entendre sur celle-ci en particulier, «que soit analysée la possibilité d'inclure un mécanisme qui permettrait d'éviter l'inscription de certains renseignements sans qu'une personne n'ait à renoncer à son dossier de santé régional». Puis vous dites ensuite: «...il serait souhaitable de prévoir des mécanismes automatiques d'élagage de l'information, le cas échéant, à l'expiration d'un délai préétabli.» C'est à la page 38, là, de vos recommandations.
M. Saint-Laurent (Jacques): Nous en avons parlé quelques minutes, tout à l'heure, dans la conception actuelle du dossier électronique régional, lorsque l'usager consent à la création du dossier électronique partageable, il consent à ce que l'ensemble de l'information, des renseignements de santé qui sont mentionnés à 520.9, si mon souvenir est bon, soit inscrite au dossier électronique. Dans ces informations-là, il y a effectivement les renseignements relatifs, entre autres, aux médicaments, mais ça pourrait être aussi des renseignements relatifs à d'autres diagnostics. Et nous avons soulevé la problématique, comme nous en discutions tout à l'heure, de la rigidité de cette règle-là, dans le sens où l'usager n'aurait pas la possibilité, soit par un mécanisme d'élagage, comme le mentionne la recommandation, soit en évitant carrément que le renseignement soit inscrit au dossier électronique... Dans la conception actuelle, l'usager n'a pas la possibilité de demander qu'un renseignement ? prenons exemple de la santé mentale, comme je le faisais tout à l'heure ? relatif à sa santé mentale ne soit pas inscrit. C'est dans ce contexte-là que nous avions fait la recommandation, en exposant le fait que, s'il n'y a pas d'assouplissement de cette rigidité-là, si je peux le dire de cette façon-là, ça aurait pour effet qu'on place l'usager dans la situation de choisir le moyen, quand même assez drastique, qui est celui de dire: Je révoque mon consentement à un dossier électronique régional.
Mme Harel: Ou je refuse. Ou je le refuse, ce qui fait qu'on n'est pas mieux placés sur le plan de la santé publique ou sur le plan des professionnels de la santé, parce qu'ils auraient encore moins d'information que s'il y a élagage de l'information du dossier volontairement par le patient.
M. Couillard: Sur consentement, est-ce je peux...
Mme Harel: Oui. Oui, oui.
Le Président (M. Copeman): M. le ministre, oui, sur consentement.
M. Couillard: C'est que c'est un point extrêmement important ? très brièvement, je ne veux pas enlever de temps à Mme la députée. C'est que, reprenons l'exemple de la santé mentale, il n'y aura pas de diagnostic de santé mentale. Par contre, sur la liste des médicaments, on pourrait inférer que quelqu'un a eu, par exemple, une dépression sévère parce qu'il y a des antidépresseurs dans la liste des médicaments. Cependant, il faut réaliser qu'un renseignement manquant peut être dangereux pour la santé de la personne.
Mme Harel: Mais elle peut refuser son consentement.
M. Couillard: Bien, elle peut refuser le consentement en général.
Mme Harel: En général.
M. Couillard: Mais, si on choisit de dire que tel élément peut être absent, là ça devient un outil inutile sur le plan clinique.
Mme Harel: Bon. À ce moment-là, on voit qu'il y a un choix, là, du côté ministériel. Il préfère ne pas avoir de dossier, donc préfère le refus du patient de consentir à un dossier centralisé régional, plutôt que d'accepter la possibilité d'inclure un mécanisme qui permet d'éviter l'inscription de certains renseignements. Et il y a un choix, là, mais ce choix-là, on va devoir en débattre parce qu'il est certain... Par exemple, j'imagine, les maladies transmises sexuellement, il est très possible que quelqu'un ne veuille pas que ça apparaisse à son dossier ou que, les avortements, la personne puisse choisir que ça n'apparaisse pas à son dossier. À ce moment-là, elle va refuser complètement de consentir. Est-ce que ce choix est préférable? Oui?
n(17 h 30)nM. Saint-Laurent (Jacques): Madeleine Aubé aurait peut-être une précision, un commentaire à apporter.
Mme Aubé (Madeleine): Écoutez, nous, notre compréhension des choses, c'est que le service de conservation permettait aux médecins d'avoir des informations précises qui s'ajoutent par ailleurs au dossier usuel du patient. Cette information-là va toujours être disponible, comme elle l'est actuellement. Puis, si on pense à tous ceux qui ne consentiront pas à la création du dossier régional, il faut comprendre qu'eux autres aussi vont avoir des soins de santé de qualité, là. Il ne faut pas voir la concentration de l'information par le biais de services de conservation régionaux comme étant la seule source à laquelle peut puiser le médecin pour donner un acte professionnel de qualité, là.
Mme Harel: Mais, vous voyez, dans ces choix qui seraient tout ou rien, ça va être souvent rien. Parce que les gens vont choisir que ce soit rien. Il peut y avoir un mouvement d'ailleurs important dans ce sens-là. On aura l'occasion d'en reparler, mais je pense que c'est un aspect important, là, de toute la problématique.
Moi, j'aimerais également profiter de votre présence parmi nous, là, pour vous entendre sur la création du numéro d'identification unique. Personne d'autre n'en a parlé. Alors, de quoi s'agit-il?
M. Saint-Laurent (Jacques): Bien, en fait, c'est la question que nous posons dans notre mémoire et que je n'ai pas abordée, tout à l'heure, dans la présentation, là, par manque de temps. On introduit la notion de numéro d'identification unique en y faisant référence dans quelques articles du projet de loi. Mais, dans l'état actuel du projet de loi, où on n'a pas d'information sur quelle est la raison de la création de ce numéro-là, quelle sera son utilisation et est-ce qu'il y a des distinctions à faire entre le numéro d'identification unique auquel on fait référence et le numéro traditionnel d'assurance maladie, on croit décoder, par expérience, que ça peut être un numéro important pour les fins d'identifier le bon usager, surtout que, là, si on a un dossier électronique régional, ça va être drôlement important de verser les bonnes informations dans le bon dossier, c'est fondamental. Alors, on a décodé, interprété que ça pouvait être une des raisons justifiant la création de ce numéro d'identification unique, mais il faudrait peut-être donner l'occasion, là, à M. le ministre d'apporter des précisions, s'il le souhaite, là.
Mme Harel: Mais le numéro d'identification unique remplace-t-il le numéro d'assurance maladie?
M. Saint-Laurent (Jacques): On n'a pas cette information-là à ce moment-ci.
Mme Harel: Alors, peut-être le ministre peut-il... Je vais consentir à ce qu'il prenne du temps sur notre temps pour...
M. Couillard: Je veux bien. Je veux bien.
Mme Harel: Oui, allez-y.
M. Couillard: Alors, en fait...
Le Président (M. Copeman): Moi aussi, mais, à un moment donné, il faut...
Mme Harel: Conclure.
Le Président (M. Copeman): ...il faut, je pense, profiter...
Mme Harel: De leur présence.
Le Président (M. Copeman): ...du passage de nos amis.
Une voix: Chacun son numéro.
Mme Harel: C'est ça, chacun son tour.
Le Président (M. Copeman): Mais allez-y, M. le ministre.
M. Couillard: Bien, parce que, dans un projet de loi qui est passionnant, c'est un sujet particulièrement intéressant.
Mme Harel: Tellement intéressant qu'il aurait dû faire l'objet d'un projet de loi distinct.
M. Couillard: Et là on nous aurait accusés de disperser nos efforts et d'agir sans intégration, mais...
Mme Harel: Oh, non, non, non!
Le Président (M. Copeman): Et, je soupçonne, on va en parler longtemps, mais si on peut avancer...
M. Couillard: O.K. Le numéro d'identification complète le numéro de l'assurance maladie pour la raison que vous avez indiquée et compte tenu du fait que le numéro d'assurance maladie d'une personne peut changer pendant sa vie. Changement de nom, par exemple, ou etc., ou d'autres éléments plus rares, là, mais ça arrive que quelqu'un change de numéro d'assurance maladie.
Une voix: Ça arrive?
M. Couillard: Bien oui, si on change son nom.
Mme Harel: Pourquoi est-ce qu'on change de nom?
M. Couillard: Si on change son nom légalement ou si on change même de sexe.
Mme Harel: Ça fait déjà 24 ans que je suis dans ce Parlement, puis on n'a jamais encore adopté un bill privé pour transformer un homme en femme.
M. Saint-Laurent (Jacques): Je dois vous avouer, Mme Harel, que j'ai eu l'occasion de rendre plusieurs décisions à ce sujet-là.
Mme Harel: À titre de registraire?
M. Saint-Laurent (Jacques): À titre de Directeur de l'état civil au cours des trois dernières années.
Mme Harel: De l'état civil? Ah! D'accord, d'accord. Très bien. Alors, autre question, celle de la transmission de l'information aux partenaires. Bon. Que feront-ils de cette information? Je voudrais d'ailleurs, M. le Président, que mon collègue puisse également intervenir, alors vous me ferez signe, hein, que je ne prenne pas tout le temps. Cette information qui est transmise aux partenaires, y aura-t-il un registre des informations transmises? Est-ce que les informations transmises seront également... seront détruites? Alors, est-ce que vous avez réfléchi sur ces questions-là? Parce que vous avez attiré l'attention ? c'est encore dans les journaux ce matin, là ? sur cette question-là. C'est finalement un des aspects, là, très névralgiques du projet de loi.
M. Saint-Laurent (Jacques): Je ne suis pas certain de bien comprendre votre question.
Mme Harel: Alors, je la précise. La conservation, c'est une chose, mais la circulation des instances locales vers les partenaires ? agences privées, chantiers d'économie sociale et autres sources ? a attiré votre attention dans le projet de loi. Alors, comment pensez-vous que les modifications devraient être faites au projet de loi pour que ce soit conforme à l'intérêt public?
M. Saint-Laurent (Jacques): Mais en fait la proposition que je serais porté à réitérer, à réexprimer, ce serait celle d'essayer d'apporter plus de précision sur la circulation pour faire en sorte que les citoyens sachent davantage à quoi s'en tenir. Actuellement, on a des principes qui sont établis, des règles qui sont définies, qui ouvrent la porte à ce que nous interprétions ces principes-là comme donnant des possibilités quand même passablement larges. C'est sûr que normalement on va être portés à dire non. C'est sûr que, par exemple, une ressource communautaire, on ne s'attendra pas normalement à ce que cette ressource communautaire là se voie remettre une copie intégrale du dossier, ça va un peu de soi. Et on a la règle de la nécessité, qui existe déjà, qui devrait faire en sorte que cette ressource communautaire là aura les renseignements nécessaires pour les fins de la prestation professionnelle qu'elle doit fournir.
Mme Harel: Est-ce que je simplifierais trop en disant que vous pensez que ce serait plus simple de demander le consentement de l'usager que de se compliquer la vie en trouvant la nécessité.
M. Saint-Laurent (Jacques): En fait, c'est ce que j'exprimais, tout à l'heure, en disant: Dans tous les cas où le consentement peut être obtenu ou peut être, à tout le moins, demandé, ce serait la règle à privilégier. Dans les autres cas où il s'agit d'aller sur la base de la nécessité, bien selon nous il semble que ce serait intéressant de venir, si vous voulez, décrire davantage cette nécessité-là, lorsque c'est possible de le faire, pour justement apporter un peu plus de paramètres qui font en sorte que les interprétations que nous avons, qui sont possibles dans un texte un peu large, disparaîtraient tout simplement et donneraient place à plus de sécurité, à des paramètres mieux définis.
Le Président (M. Copeman): Pour votre information, Mme la députée, ainsi que mes collègues à gauche, j'ai extensionné le temps à ma gauche de cinq minutes afin d'équilibrer le temps réellement utilisé à ma droite, incluant mon intervention. Il reste cinq minutes, M. le député de Vachon.
M. Bouchard (Vachon): Oui. Merci, M. le Président. Une petite question sur la nature du consentement. En page 37 de votre mémoire, vous dites: «La [commission] croit que le consentement à la communication devrait demeurer le moyen à privilégier ? vous venez de le réaffirmer dans votre dernière intervention ? [...] tant qu'il n'aura pas été démontré qu'obtenir un tel consentement est un obstacle pour prodiguer des soins de qualité», etc. J'ai cru comprendre, dans l'intervention et dans les remarques du ministre antérieurement, qu'il considérait qu'il y avait un consentement implicite à la transmission des informations lorsque le patient ou la patiente consentait aux soins et que de ce fait on n'avait pas à demander explicitement le consentement à la transmission. Et j'ai comme l'impression que ce n'est pas ça que vous nous dites, là. Ce que vous nous dites, c'est que le consentement devrait être explicite, c'est-à-dire qu'il y a un consentement aux soins, mais il devrait aussi y avoir un consentement explicite à la transmission des informations. Est-ce que je comprends bien votre position là-dessus?
M. Saint-Laurent (Jacques): Oui. Quand on parle de privilégier le consentement, bien évidemment c'est d'abord et avant tout à un consentement explicite que nous pensons.
n(17 h 40)nM. Bouchard (Vachon): Mais c'est différent du consentement aux soins.
M. Saint-Laurent (Jacques): Bien, en fait, ce que nous abordions, dans ma compréhension, tout à l'heure, c'était de dire: Il semble assez inévitable en pratique que, si la personne qui souffre d'un problème x ou y, en discussion avec un professionnel ou des professionnels de la santé, convient d'un plan individualisé de traitement, de soins, il semble assez inévitable que la personne doit s'attendre à ce que les personnes qui vont participer, qui vont contribuer à la réalisation de ce plan-là consentent à la circulation de l'information. Et c'est dans ce sens-là, je pense, qu'on parlait d'un consentement implicite et c'est pour ça que je me suis permis de suggérer tout à l'heure: Pourquoi n'ajoutons-nous pas à cet implicite-là une description, dire aux gens: Bien, non seulement vous consentez à ce plan de traitement là, mais, par la même occasion, comprenez, madame, monsieur, qu'il y aura circulation de l'information entre nous tous pour vous prodiguer les soins dont vous avez besoin? Donc, là, on remplace, à ce moment-là, l'implicite par l'explicite, justement.
Et l'explicite nous apparaît important parce que, quand on privilégie le consentement, selon nous ça a l'avantage non seulement de bien informer l'usager, mais nous pensons aussi que ça a l'avantage de bien sensibiliser les intervenants du réseau de la santé. Inévitablement, on est tous des êtres humains et, si on peut aller au plus court, surtout avec la charge de travail que nous avons, on va donc rapidement aller au plus court, c'est humain, c'est raisonnable. Et donc, si le plus court, c'est de dire: Mon usager comprend qu'il y a un consentement, je n'ai pas besoin de lui en parler, inévitablement on va sauter à l'étape suivante, il a compris, hein, c'est très humain.
Donc, de venir se donner comme règle, dans le réseau, que, dans les cas où c'est possible, on introduit la règle du consentement et on demande à notre intervenant de prendre le deux, trois minutes qu'il faut pour aller chercher ce consentement-là, si je peux le dire de cette façon-là, et l'expliquer en quelques secondes, bien à long terme on établit une culture qui fait en sorte que notre intervenant comprend la sensibilité de la circulation des informations, des renseignements de santé et en plus que notre usager comprend que ses renseignements de santé vont circuler.
M. Bouchard (Vachon): M. le président, tout simplement pour que les choses soient encore peut-être plus explicites, là, dans votre réponse, je vois deux concepts qui circulent: le concept d'informer explicitement et le concept de consentir explicitement. C'est très différent, d'informer explicitement, c'est-à-dire de prendre deux, trois minutes pour informer la patiente ou le patient en question qu'il pourrait y avoir transmission d'informations, que d'obtenir son consentement explicite, qui requiert un geste de la part de la patiente ou du patient. Je voudrais bien vous entendre là-dessus, là. Qu'est-ce que vous nous dites exactement? Information explicite ou consentement explicite?
M. Saint-Laurent (Jacques): Dans le fond, au moment de l'obtention d'un consentement explicite, dans ma compréhension des choses, c'est qu'inévitablement, si je veux vous convaincre de consentir à la circulation de vos renseignements de santé, je croyais raisonnable de penser que vous allez me poser quelques questions pour dire: Oui, mais ça va circuler comment et auprès de qui? Alors, c'est dans ce sens-là que je disais: L'occasion de vous demander un consentement, c'est aussi l'occasion de vous expliquer le comment et le pourquoi.
M. Bouchard (Vachon): Mais ce n'est pas dans cette direction-là que ça m'inquiéterait, M. le président, c'est dans la direction inverse.
M. Saint-Laurent (Jacques): C'est-à-dire?
M. Bouchard (Vachon): C'est dans la direction où on pourrait donner des informations explicites sans prendre le temps d'obtenir le consentement explicite, c'est-à-dire le geste d'adhésion de la patiente ou du patient à ce transfert des informations.
M. Saint-Laurent (Jacques): C'est difficile pour nous, à ce stade-ci, d'essayer de visualiser comment, dans un cabinet de médecin, dans une salle d'urgence ou autrement, le consentement pourrait être obtenu. Je pense qu'on a exprimé l'importance de nous informer de ça, de décrire, d'informer surtout les usagers de ça. Les gens autour de moi pourraient mieux l'exprimer parce que je n'étais pas à la commission à ce moment-là, mais il y a eu différents tests qui ont été faits dans le passé. Pensons au test avec les cartes de santé qui avait été essayé dans la région de Rimouski, dans la région de Laval. Il y a déjà une expertise de développée, là, que je ne connais pas bien, qui pourrait selon moi être réutilisée et adaptée pour aller solliciter un consentement explicite de l'usager.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps qui nous est imparti. Je sais que c'est un sujet qui va nous intéresser pendant un bon bout de temps. M. Saint-Laurent, M. le président, Me Aubé, Me Parent, M. Bourassa, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de la Commission d'accès à l'information du Québec.
Et j'invite les représentants de l'Association des résidences et CHSLD privés du Québec à prendre place à la table.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Copeman): Alors, la commission reprend ses travaux. Tout de suite, je vais demander le consentement à mes collègues afin de dépasser 18 heures.
Une voix: ...
Le Président (M. Copeman): Oui, ça prend le consentement explicite et non pas...
Une voix: ...
Le Président (M. Copeman): Bien, ça dépend. Si je n'entends pas de non, c'est implicite. Alors, c'est le mélange des deux. En tout cas, il est donné, hein?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Copeman): Bon. Parfait. Alors, c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de l'Association des résidences et CHSLD privés du Québec. M. le président Tardif, Mme Lanthier, bonjour. Je répète nos règles de fonctionnement, comme je le fais pour chaque groupe. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, une période maximale de 20 minutes, qui sera suivie par un échange de plus ou moins 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Et vous n'avez pas à vous présenter, je l'ai fait. C'est plus facile à distinguer qui est qui quand vous êtes deux pas du même genre. Ça nous aide.
Mme Lanthier (Mariette L.): Il n'y aura pas de mélange.
Le Président (M. Copeman): Exact.
M. Tardif (Jean-Rock): J'ai des doutes.
Le Président (M. Copeman): Malgré les bills privés pour changer les hommes en des femmes, et ainsi de suite, là, ça m'apparaît clair. Alors, je ne sais pas qui commence, mais nous sommes à l'écoute.
Association des résidences et CHSLD
privés du Québec (ARCPQ)
M. Tardif (Jean-Rock): Parfait, merci. M. le ministre, membres de la commission, merci de nous offrir l'opportunité de présenter notre mémoire. Je voudrais souligner à la commission que notre mémoire porte sur l'article 128 du projet de loi n° 83, sur la certification des résidences privées avec services pour personnes âgées au Québec. Il nous apparaît important de préciser que nous ne lirons pas l'ensemble du mémoire, mais on va aller à l'essentiel. On va respecter le 20 minutes, même on va le devancer. Alors, j'alternerai avec Mme Lanthier pour la présentation.
Premièrement, l'Association des résidences et CHSLD privés du Québec est un organisme à but non lucratif qui regroupe des résidences et des centres d'hébergement de soins de longue durée privés non conventionnés offrant un milieu de vie aux personnes âgées autonomes de même que des soins et des services d'assistance aux personnes âgées en perte d'autonomie. Sa mission est de regrouper, représenter, soutenir des entrepreneurs, propriétaires et gestionnaires de ces établissements. Par la qualité de leur gestion, bien ces personnes sont responsables du bien-être et de la satisfaction de la clientèle des résidences privées pour personnes âgées.
n(17 h 50)n Notre association compte actuellement près de 500 membres. Il s'agit du plus important regroupement d'organismes d'hébergement privés pour personnes âgées au Québec, puisque ses membres détiennent plus de la moitié des 80 000 unités de logement offertes aux personnes âgées sur le territoire québécois. Notre association occupe donc sans contredit le premier rang de tous les organismes qui oeuvrent dans le domaine de l'hébergement des personnes âgées au Québec. Dans un contexte de vieillissement de la population, le rôle du secteur privé ne peut plus être écarté. Nous vous ferons part ici des préoccupations que le projet de loi suscite.
Une réalité. Depuis l'avènement du privé dans le domaine de l'hébergement des personnes âgées, bien les manifestations d'innovation, d'entrepreneurship, de leadership, de créativité sont de plus en plus nombreuses, puis elles sont recherchées par la clientèle qui vient chez nous. On ne compte plus les projets innovateurs de résidence axés sur différents concepts qui poussent un petit peu partout à la grandeur du Québec. La souplesse qui a cours dans les résidences privées, c'est-à-dire leur capacité d'offrir des infrastructures ou des services sur mesure, adaptés aux besoins actuels et qui s'apparentent de très près à ceux qu'avaient les résidents dans leur domicile privé, à la maison, est une autre force de ces promoteurs qui mérite d'être soulignée.
Il est indéniable que les entrepreneurs privés ont participé à la modernisation de l'État québécois et continuent de le faire. On ne peut nier non plus l'importance de leur contribution au développement de la culture entrepreneuriale et, par le fait même, au développement économique et social du Québec. À la veille de mettre en place un mécanisme de certification des résidences privées pour personnes âgées, il faut non seulement reconnaître ces acquis, mais je crois qu'ils doivent sans contredit être préservés. Notre association considère essentiel que le cadre de la certification laisse aux entrepreneurs toute la latitude requise pour exercer leurs qualités d'innovateurs et de leaders avec un minimum de contraintes.
Il est évident que les résidences privées contribuent directement au maintien à domicile des personnes âgées, une orientation maintes fois réaffirmée par le gouvernement en place ou le précédent. Le ministère de la Santé et des Services sociaux les considère d'ailleurs explicitement comme étant le domicile des personnes qui y résident, celles-ci ayant le droit d'y recevoir des services de santé et des services adéquats offerts de façon continue et personnalisée. La configuration des services rendus aux personnes âgées dans ce contexte permet de retarder leur prise en charge par des établissements publics.
Le meilleur gage d'appréciation de la qualité des résidences privées pour personnes âgées et de l'importance de la préserver demeure très certainement le choix librement consenti que font les personnes âgées autonomes ou en perte d'autonomie qui emménagent dans les résidences privées. Notre association partage avec le ministère l'objectif même que tente d'atteindre l'article 128 du projet de loi n° 83, celui de s'assurer de la qualité du milieu de vie et des services offerts par les résidences privées pour personnes âgées sur le territoire québécois.
Mme Lanthier (Mariette L.): Alors, le souci de gestion de la qualité des services de notre association. Les membres doivent pouvoir se conformer à certains critères d'admissibilité lorsqu'ils intègrent l'association, qui multiplie d'ailleurs les initiatives en vue de renforcer son engagement à promouvoir auprès d'eux les valeurs de respect, d'intégrité et d'excellence. Dans une perspective d'amélioration continue de la qualité des services et des soins, de nombreux documents ont été élaborés, notamment pour doter de normes de qualité les résidences privées avec services pour personnes âgées.
Également, des rencontres ont été organisées entre l'association et des représentants des Conseil canadien d'agrément des services de santé et Conseil québécois d'agrément afin d'élaborer avec eux un cadre d'agrément ou de certification qui tienne compte de la réalité de nos membres et des nouveaux contextes dans lesquels ils sont appelés à offrir des services.
Nous nous sommes aussi appliqués à identifier les compétences à développer chez nos membres, à élaborer et à implanter un programme complet de formation destiné à mieux les outiller et à mieux préparer leur personnel. Nous procédons actuellement à l'harmonisation et à l'actualisation des codes d'éthique des deux associations dont est issue l'Association des résidences et CHSLD privés du Québec.
L'aspect volontaire de la certification. Compte tenu du droit fondamental des résidents à un environnement de qualité où leur sécurité est assurée et de ce rôle complémentaire grandissant des résidences privées, il nous semble tout à fait légitime que celles-ci soient imputables des services qu'elles rendent. L'alourdissement de la clientèle, qui emménage dans les résidences privées à un âge beaucoup plus avancé qu'auparavant et qui est souvent déjà en perte d'autonomie, est un autre argument important en faveur de la certification.
Par ailleurs, nous croyons essentiel que la certification soit et demeure volontaire et qu'elle repose davantage sur la volonté de coopérer des résidences privées pour personnes âgées que sur le contraire. Cette collaboration est à notre avis le meilleur gage de succès de l'implantation de la procédure découlant de l'article 128.
M. Tardif (Jean-Rock): Toutefois, nous entretenons des craintes au sujet de l'augmentation des dépenses et des coûts qui découleraient de l'instauration de ce nouveau mécanisme de certification des résidences privées pour personnes âgées. Sa mise en place occasionnerait nécessairement des coûts directs liés à la demande de certification elle-même et aux démarches préalables à son obtention.
Notre autre source de crainte est que la certification n'entraîne une perte de spécificité du secteur privé, c'est-à-dire que d'énormes pressions s'exerceraient ? ont déjà commencé ? sur les résidences privées avec services pour les inciter à calquer le modèle de l'État. L'arrivée d'une clientèle plus lourde notamment pourrait forcer la mise en place de nouveaux services qui seraient très coûteux pour les résidences et que la clientèle n'a pas la capacité d'assumer. Notre association réaffirme l'importance de préserver la couleur et les forces des résidences privées.
Mme Lanthier (Mariette L.): En outre des préoccupations majeures que nous vous avons fait valoir précédemment, nous croyons important de souligner certaines dimensions du projet de loi qui pourraient s'avérer problématiques, notamment l'élaboration des critères sociosanitaires. Ces critères auxquels devront satisfaire les résidences et qui seront fixés par règlement devront être suffisamment souples pour être modulés en fonction des différents niveaux de services offerts par les résidences privées pour personnes âgées et s'harmoniser avec les cinq aspects déjà visés par les organismes d'agrément existants, soit l'environnement, les ressources humaines, l'information, la direction générale et la prestation de services.
L'attestation de l'appréciation. Les organismes qui délivreront cette attestation aux résidences, après s'être assurés de leur conformité aux critères sociosanitaires déterminés par règlement, doivent avoir comme mission spécifique l'agrément des établissements. Présentement, ces organismes sont le Conseil canadien d'agrément des services de santé et le Conseil québécois d'agrément, mais rien n'exclut la création d'une autre structure qui pourrait être instituée précisément à cette fin.
La durée de la certification. Il serait souhaitable d'harmoniser la durée de la certification des résidences privées avec services avec celle de l'agrément des CHSLD privés qui est prévue à la loi sur la santé et les services sociaux actuellement en vigueur.
L'élargissement du mandat de la Protectrice des usagers aux résidences privées pour personnes âgées et le pouvoir d'inspection des agences. Les résidences privées certifiées accepteront sans nul doute de collaborer avec la Protectrice des usagers comme avec l'agence de développement de la région. Par ailleurs, il nous semble important de rappeler que la clientèle des résidences est constituée de résidents et non d'usagers, c'est-à-dire de personnes âgées qui, lorsqu'elles reçoivent des services, les reçoivent à leur domicile, dans une résidence privée et non dans un établissement public. Dans ce contexte, il est très important, voire essentiel, que l'intimité des résidents soit respectée.
M. Tardif (Jean-Rock): Quelques solutions et recommandations. Le bien-fondé de la certification volontaire des résidences privées pour personnes âgées étant établie, notre association considère essentiel d'être assise à la table où seront déterminées les principales composantes de ce nouveau mécanisme. En plus de reconnaître concrètement l'apport du secteur privé à la résolution du problème de l'hébergement des personnes âgées, cette formule permettrait de mettre à contribution les forces des propriétaires et des gestionnaires des résidences privées qui oeuvrent, depuis une vingtaine d'années, dans ce domaine-là.
Mme Lanthier (Mariette L.): Nous croyons que les autres organismes concernés par la problématique de l'hébergement des personnes âgées devraient, tout comme notre association, prendre part à l'élaboration de la procédure de certification. Nous avons déjà une tradition de collaboration dont le ministère aurait avantage à tirer profit pour jeter les bases de la certification. Il en résultera un processus mieux adapté et plus complet, dont la mise en place serait plus facile et dont l'efficacité serait accrue.
M. Tardif (Jean-Rock): La pression sur l'augmentation des coûts des services associée au vieillissement de la population est forte dans le secteur public, elle l'est également dans le privé. Il serait déplorable que l'application de cette nouvelle exigence se traduise par une hausse de loyer des résidents, découlant directement des coûts de la certification. Il importe que le ministère adopte certaines mesures de type avantages fiscaux, exemption de taxes ou toute autre mesure allant dans ce sens, de façon à compenser les coûts directs et indirects du processus.
n(18 heures)nMme Lanthier (Mariette L.): Il est de notoriété publique que le Québec est à la veille d'une transformation majeure de sa structure démographique. Pour mieux faire face à cette situation, nous proposons que soit créée une suprastructure à caractère consultatif, chargée d'examiner la situation globale et les différents volets des soins et services aux personnes âgées afin de formuler des avis et des conseils portant aussi bien sur les orientations que sur la nature des interventions et leur accessibilité. Cet organisme réunirait les principaux partenaires, tant publics que privés, du domaine des soins et services pour personnes âgées, dont l'hébergement constitue un volet majeur.
Par ailleurs, l'ARCPQ doit avoir une place de premier niveau au sein d'un éventuel organisme consultatif lui reconnaissant la capacité d'intervenir par rapport à l'ensemble de la problématique de la prestation des soins et services de qualité destinés aux personnes âgées.
M. Tardif (Jean-Rock): Notre association, qui fait figure de leader dans le réseau de l'hébergement des personnes âgées, est soucieuse d'aider ses membres à faire face au problème global de prestation des soins et services de qualité dans le contexte du vieillissement de la population. Nous partageons donc l'objectif du ministère de la Santé et des Services sociaux de s'assurer de la qualité du milieu de vie et des services offerts par les résidences pour personnes âgées. Nous sommes aussi d'accord avec la certification volontaire des résidences privées qui auront préalablement dû satisfaire à un certain nombre de critères et de conditions. Mais nous croyons que cette certification doit demeurer volontaire et craignons l'augmentation des coûts directs et indirects découlant de l'instauration de ce mécanisme.
Globalement, notre association souhaite que cette relation plus formelle entre les résidences privées et le réseau public laisse aux propriétaires et aux gestionnaires toute la latitude requise pour qu'ils puissent exercer leurs qualités d'innovateurs et de leaders. De même, il faut continuer à respecter le caractère privé des résidences où un grand nombre de personnes âgées ont choisi d'habiter.
De notre côté, nous comptons accompagner les propriétaires et gestionnaires des résidences privées tout au long de leur démarche de certification, notamment en les informant des nouvelles obligations légales, des meilleures pratiques et des nouveaux outils, en leur offrant de la formation continue en lien avec les notions de conformité et de respect des normes. Nous prenons en somme l'engagement de tenter de rallier nos membres derrière notre objectif commun et de les mobiliser afin que leur collaboration soit assurée à toutes les étapes du processus.
Le secteur privé ne peut plus être écarté du débat sur la prestation des soins et des services aux personnes âgées du Québec. Sa spécificité et son rôle à cet égard doivent être reconnus. C'est pourquoi notre association doit être associée de près à tous les niveaux de l'élaboration, de la mise en place et du fonctionnement de la certification et à l'élaboration des solutions qui devront être envisagées pour faire face au vieillissement accéléré de la population.
Au nom des membres du conseil d'administration de l'association et de tous les membres, des propriétaires, nous tenons à vous remercier d'avoir pris le temps de nous écouter. Merci beaucoup.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. Tardif, Mme Lanthier. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Mme Lanthier et M. Tardif, pour votre présentation. Vous faites bien de nous rappeler un élément de la réalité qui est que, lorsqu'on parle des résidences privées par opposition aux CHSLD, qui sont des établissements qui parfois sont privés, le plus souvent publics mais avec permis spécifique, on parle des résidences personnelles des gens. Les gens sont chez eux. Alors, il ne faut jamais perdre de vue cet élément-là.
Pour ce qui est des critères sociosanitaires qui seront déterminés et qui seraient déterminés par règlement éventuellement après l'adoption de la loi, il faut bien savoir qu'il y a une période de consultation qui va précéder l'instauration ou la proposition d'un règlement, qui lui-même va faire l'objet d'une prépublication avec une période de consultation. Donc, il y a amplement d'occasions pour vous consulter et vous entendre sur cette question-là.
Je donne quelques exemples des critères sociosanitaires qui pourraient être utilisés, et à mon avis il s'agit de critères que tout le monde s'attend à voir respectés déjà dans les résidences. Et il serait très malheureux qu'ils ne le soient pas. Par exemple, la nutrition, incluant l'entretien des lieux où on prépare la nourriture, l'assistance physique, l'hygiène corporelle, l'habillage, déshabillage, l'élimination, des affaires très concrètes mais qui sont, comme vous le savez, le quotidien dans les résidences privées pour personnes âgées. La médication: Est-ce que les personnes reçoivent la médication qui leur est prescrite? La sécurité physique, le respect des droits et libertés, l'environnement sécuritaire.
Je donne ça en gros, là, puis on a encore le temps d'en discuter, mais, vous voyez, il n'y a à mon avis rien, là, de très redoutable en termes de nouvelles obligations. Tout le monde s'attend à ce que ce soit ça déjà dans les résidences privées. Malheureusement, on sait que parfois ce n'est pas le cas et ce n'est pas seulement dans les résidences privées. Il y a également des problèmes dans les établissements publics à l'occasion. Mais il me semblerait logique, en allant dans cette direction-là, qu'on s'attende à ce que ce soit déjà très bien suivi, et on pourra le vérifier avec le certificat de conformité.
Et effectivement vous axez votre présentation sur le volontariat de la certification. Vous savez que d'autres groupes viendront nous voir en nous proposant au contraire d'être encore plus insistants et rendre la certification obligatoire. Je dirais que nous avons une position d'équilibre, puisqu'elle est obligatoire pour recevoir des références du réseau de la santé et des services sociaux. Et vous savez très bien que la plupart des personnes âgées du Québec, qu'elles soient autonomes ou semi-autonomes, souvent vont avoir eu un épisode de soins dans le réseau. Donc, une grande majorité des gens qui vous sont dirigés vont demander... Et c'est le but qu'on poursuit et leur famille également. Le but que je poursuis, c'est que la première question qui vous soit posée, qui soit posée à l'établissement qui vous réfère et qui vous soit posée, à vous, par la famille ou par la personne elle-même, c'est: Montrez-moi ou détenez-vous un certificat de conformité? Est-ce que vous ne pensez pas, là, qu'il y a un équilibre entre le volontariat total et puis l'aspect coercitif que d'autres nous demanderont?
M. Tardif (Jean-Rock): M. le ministre, il n'y a absolument rien de choquant dans tout ce que vous avez dit depuis que vous avez débuté votre allocution. Je peux vous dire que, quand vous parlez des critères, notre objectif, nous, c'est de vous impressionner, tous les membres de la commission. Je veux dire, les portes des résidences privées sont ouvertes, et vous pouvez venir. Puis je vais vous dire une chose: Les critères que vous avez énumérés, c'est des critères, pour nous, qui sont minimaux, et notre objectif, c'est de nous dépasser. Les clients choisissent par choix de venir chez nous. Ils ne sont pas référés. Alors, on est sujets à la compétition. Et d'ailleurs, sûrement, vous qui en visitez, des résidences, qui allez... vous avez des parents, des choses de même, oui, il y a des failles dans notre système, mais il y a des beaux succès aussi, et c'est ces succès-là qu'on veut partager. Et l'objectif de nos membres, c'est de se dépasser, soyez convaincu de ça.
Quant à la certification, M. le ministre, on dit la même chose. On dit la même chose. Nous, on croit fermement que démarrer le processus de certification des résidences sur une base volontaire permet le succès du programme puis limite les irritants. Autrement dit, on peut-u commencer avec les gagnants, ceux qui veulent, ceux qui croient à la qualité, ceux qui pensent que c'est intéressant? Les autres, dans un deuxième temps, ils n'auront pas le choix, ils vont venir. Alors, nous, c'était un peu l'intention. À cette heure, qu'elle soit obligatoire, il y a des gens que ça va les irriter. On peut-u commencer avec les gagnants pour le processus, et les autres suivront? Nous, c'est notre suggestion.
M. Couillard: Évidemment, je comprends votre position. Cependant, le but du certificat n'est pas nécessairement seulement de récompenser les gagnants, c'est d'abord et avant tout d'aller trouver les perdants. Parce qu'on pense avant à tout à qui? On pense avant tout aux personnes hébergées. Je pense que c'est un aspect de perception qui est important. Mais mon collègue de Robert-Baldwin aurait une question à poser.
Le Président (M. Copeman): Alors, M. le député de Robert-Baldwin.
M. Marsan: Merci, M. le Président, et merci à vous, M. Tardif, Mme Lanthier, pour votre présentation.
Vous parlez de la création d'un organisme consultatif sur les soins et services à donner aux personnes âgées. J'aimerais ça vous entendre là-dessus. Mais auparavant je voudrais vous demander si, de façon systématique, vous avez, dans les résidences privées, des comités d'usagers ou des comités de résidents qui sont capables ou en mesure de se réunir pour améliorer leur milieu de vie?
M. Tardif (Jean-Rock): À plusieurs endroits. Vous répondre que c'est à 100 %, je vous mentirais, mais vous dire que c'est à 80 %, oui, définitivement, il y a des comités d'usagers. Puis je vous dirais que grosso modo, là, ça touche l'alimentation puis les loisirs. Ce sont les sujets où les gens veulent s'exprimer. Mais, oui, ça existe dans bien des cas.
M. Marsan: Et, pour votre comité, la création d'un organisme consultatif?
M. Tardif (Jean-Rock): Nous, ce qu'on dit... Écoutez, là, je veux dire, il y a 80 000 personnes dans le privé, hein? Je veux dire, ces gens-là, en moyenne, ont une moyenne de 83 ans. On oeuvre dans ce domaine-là depuis une vingtaine d'années. Je ne vous parle pas des CHSLD privés non conventionnés, mais je vous parle majoritairement de l'industrie des résidences privées qui s'est amorcée il y a une vingtaine d'années. Les gens ont beaucoup d'expérience. Tout ce que je dis, c'est qu'avant de se faire imposer des choses ce serait peut-être intéressant d'en discuter, que ce soit les gens de l'association avec les gens de la FADOQ, avec les gens de l'AQDR, avec les gens du... Tout ce qu'on dit, c'est que c'est un processus qui est consultatif, d'avoir la chance de s'exprimer avant de l'apprendre dans les journaux. C'est ça qu'on dit. On n'est pas méchants, là, tu sais.
M. Marsan: Merci.
Le Président (M. Copeman): M. le député de Montmagny-L'Islet.
M. Morin (Montmagny-L'Islet): Merci, M. le Président. Chez nous, on a des résidences privées qui sont performantes, mais souvent c'est la capacité de payer des résidents, et, si la certification amène à ces gens une augmentation de coût pour les résidents, on va avoir de très gros problèmes.
M. Tardif (Jean-Rock): Je vais vous faire une petite... Puis remarquez, là, quand vous regardez le Québec puis que vous regardez... Regardez le Québec, puis regardez l'Ontario, puis les provinces de l'ouest, puis regardez en Europe. En Europe, quand on parle d'une grosse résidence, on parle de 75 unités. Dans l'Ouest canadien, quand vous avez un 100 unités, là, c'est gros, c'est une grosse résidence. Quand on parle en Ontario, c'est à peu près ça, une taille de 75, 100 unités. Vous arrivez au Québec, il y a des 200 puis 250 unités. Vous savez pourquoi? Bien, lorsque vous regardez les revenus, regardez le coût en Ontario, regardez le coût au Québec, c'est effectivement la capacité des gens à payer. Les gens ont de la difficulté. C'est pour ça qu'on retrouve des résidences d'envergure au Québec, de façon à être capable d'en assumer... d'amortir la composante des dépenses.
n(18 h 10)n En moyenne ? je vais vous donner des chiffres, là ? en moyenne, dans une résidence privée... C'est sûr que, si on va dans le West Island, on va peut-être avoir des... Je ne parlerais pas d'exception, je parle de moyenne, là, je vais vous donner la grosse moyenne: le loyer mensuel est à peu près de 1 200 $ par mois, le loyer mensuel, en moyenne. Si vous voulez prendre un système, mettons, comparable, prenez la composante... Dans le privé, en général, on a du financement sur les propriétés. Je veux dire, c'est comme ça que ça se passe. Regardez, prenez le financement, prenez les taxes municipales, les taxes scolaires, puis prenez la TPS puis la TVQ, qui sont les taxes qui ne sont pas récupérables, parce que nos clients n'en paient pas. Ça, ça équivaut à peu près à 400 $ par mois. Ça, ça veut dire qu'en moyenne il reste 800 $ par mois pour donner tous les services dont vous parlez. Multipliez ça par 12, c'est 9 600 $ par année en général au Québec. 9 600 $, vous devez donner des services, nutrition, loger les gens, l'entretien, les loisirs, l'animation, un service de réception 24 heures par jour, entretenir la bâtisse, payer les... 9 600 $.
Bien, vous comprendrez que, le réseau privé, c'est la raison pour laquelle vous voyez apparaître des résidences aussi importantes, au Québec, pour réussir à amorcer ces frais-là. C'est très, très fragile. Vous avez des pressions énormes, au niveau des soins dans le système de santé public, puis vous resserrez les critères d'admissibilité dans le système public. Ces gens-là sont dans le privé. Dites-vous une chose: Vous avez de la pression, il y en a chez nous aussi. Puis, je veux dire, on réussit à autofinancer ces projets-là, mais il y a une limite à ce que les gens peuvent payer.
Mais vous avez raison et, si vous avez des projets de petite taille, parce que vous vous trouvez dans des... mettons, dans des coins du Québec où la taille de l'établissement ne justifie pas, mettons, un certain volume, on a des problèmes. Effectivement, il y a un problème de capacité à payer.
Puis, juste pour terminer là-dessus, lorsque vous regardez les... Puis remarquez, là, je ne suis pas ici pour parler d'argent, là, mais les créanciers ne financent pas des projets de 50 unités et moins. Puis ça, adressez-vous à la société centrale d'hypothèques et de logement du Canada, ils vont vous dire qu'un 50 unités et moins, ils ne le financent pas parce que ce n'est pas rentable. Ça fait que ce que je veux dire, c'est que les gens des fois pensent que le réseau privé, c'est un système où c'est le Klondike. Je veux dire, il faut être prudent. Il faut être prudent, puis les niveaux sont marginaux.
M. Morin (Montmagny-L'Islet): M. le Président, c'est simplement que, chez nous, c'est plutôt des résidences à neuf personnes et moins, là. Et, si vous changez à 10 personnes et plus, bien, là, les exigences sont... Mais, chez nous, les résidences à neuf personnes rendent des services et... Voilà la problématique qu'on a chez nous.
M. Tardif (Jean-Rock): Je vous comprends.
Le Président (M. Copeman): Ça va? Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, M. Tardif, Mme Lanthier, bienvenue de la part de l'opposition officielle. J'aimerais comprendre la structure de votre membership. Parmi les membres, vous dites 500 membres qui représentent, je pense, un total de 40 000...
M. Tardif (Jean-Rock): Non, 44 000 à peu près, 44 000...
Mme Harel: 44 000 résidents?
M. Tardif (Jean-Rock): Oui.
Mme Harel: Bon. Mais vous êtes une association résidences et CHSLD.
M. Tardif (Jean-Rock): Oui. Privés.
Mme Harel: CHSLD, ce sont des usagers. Ce ne sont pas des gens qui ont un numéro civique, qui ont une clé quand ils rentrent, ce sont des chambreurs.
M. Tardif (Jean-Rock): Ce sont...
Mme Lanthier (Mariette L.): ...des CHSLD privés non conventionnés, c'est-à-dire qu'ils ont un permis du ministère, ils sont dans la loi, ils sont soumis aux mêmes obligations que les CHSLD publics, mais ils sont privés, autofinancés. Entièrement...
Mme Harel: Oui, mais la question étant que... Dans votre mémoire, vous dites qu'il faut faire la distinction entre résidents... et non usagers. Ça, c'est à la page 11.
Mme Lanthier (Mariette L.): C'est parce que le mémoire... l'article 128 du projet de loi n° 83 s'adresse spécifiquement aux résidences privées avec services. Il ne touche pas aux CHSLD. Les CHSLD sont visés dans la loi et ils ont l'obligation d'agrément dans la loi depuis... Ils ont l'obligation de déposer une démarche d'agrément, là, la date ultime est décembre 2005. Ils ne sont pas visés par ce projet de loi ci, par l'article 128. L'article 128 vise spécifiquement les résidences privées avec services. Et également, juste pour terminer...
Mme Harel: Non, allez-y, c'est intéressant.
Mme Lanthier (Mariette L.): Dans notre membership, on a des résidences privées qui ont des personnes autonomes, qui sont de type hôtellerie, conciergerie, ne donnent aucun service, aucun soin non plus.
Mme Harel: Donc, l'article 128, résidences privées avec services, ça ne concerne pas les CHSLD privés. Les CHSLD privés, là, vous m'apportez un nouveau problème. Ça signifie que le Protecteur des usagers n'aurait pas compétence sur les personnes hébergées en CHSLD privé, étant entendu que sa seule compétence ne s'applique que pour les établissements qui ont un certificat de conformité.
On va revenir à cette question-là parce qu'autant on peut penser que le processus d'accréditation volontaire peut être examiné, là où le bât blesse, là, c'est quand on associe la compétence du Protecteur des usagers, qui deviendra, là, adjoint du Protecteur du citoyen, à ce certificat de conformité. Parce qu'il devrait pouvoir intervenir lorsqu'il y a des personnes en état de vulnérabilité qui sont dans des conditions qui sont inacceptables. Ça, ce sera un autre débat.
Dans ce que vous nous présentez, dans le fond j'ai cru comprendre que vous n'êtes pas contre. Au contraire, tantôt vous parliez de vous dépasser. Ce que vous dites, c'est qu'il ne faut pas que ça coûte cher. Mais à combien vous l'évaluez, le certificat de conformité? Parce que ça traverse tout votre mémoire, ça, cette augmentation des dépenses et des coûts qui résulteraient directement ou indirectement de l'instauration de la certification, page 1. Mais, je ne sais pas, de prime abord, avez-vous fait une évaluation? Avez-vous une idée? Est-ce que pour vous c'est une certification qui est coûteuse? Est-ce que le ministère a fait une évaluation des coûts de la certification? Peut-être que j'ai tort, de prime abord il ne m'apparaissait pas que ça allait être très coûteux, la certification.
Le Président (M. Copeman): M. le ministre.
M. Couillard: Bien, compte tenu de l'aperçu des critères que j'ai donné tantôt, je ne pense pas que ce soit très coûteux, là. On demande aux gens de s'assurer qu'ils font ce qu'ils disent qu'ils font ou ce que la plupart des gens s'attendent à ce qu'ils fassent.
Mme Harel: Puis, vous-même, je pense, tantôt, je ne sais pas si je me trompe, mais, M. Tardif, vous-même, vous aviez l'air de trouver que les critères énoncés par le ministre étaient des critères raisonnables.
M. Tardif (Jean-Rock): Vous savez, c'est un petit peu aussi également une mise en garde, en ce sens que le premier pas, c'est une certification, le deuxième, ce sera... Ce que je voulais dire, c'est que, quand on...
Mme Harel: Qu'est-ce que ça va être, le deuxième?
M. Tardif (Jean-Rock): Pardon?
Mme Harel: Qu'est-ce que ça va être, le deuxième?
M. Tardif (Jean-Rock): Je veux dire... Je ne sais pas, là, mais ce que je veux dire, c'est qu'en général, quand quelqu'un s'adresse chez nous, il y a des coûts, et, dans un système privé, ces coûts-là sont assumés par l'ensemble des résidents. Alors, ce que je veux dire, actuellement on ne l'a pas, cette demande-là, je veux dire, on ne l'a pas évaluée. Vous dites: Pour vous, écoutez, c'est peu significatif. Tant mieux, tant mieux. Mais, si, je veux dire, c'est des coûts qui sont, vous savez... C'est ça, puis il y a des inspecteurs, de la réglementation, les gens vont repasser, et tout ça. Si c'est peu onéreux, je veux dire, on... Mais on n'en connaît pas la teneur.
Mme Harel: Ça ne pourrait être onéreux que pour les résidences qui sont...
M. Tardif (Jean-Rock): Qui ne seraient pas conformes.
Mme Harel: Qui ne sont pas conformes, qui ne sont pas conformes à cause... Bien, il y a des résidences qui ne sont pas conformes sur le plan de l'hygiène, ou qui ne sont pas conformes sur le plan de la nutrition ou sur le plan de la sécurité des personnes. J'imagine que ce sont des raisons comme celles-là qui pourraient exiger des investissements pour pouvoir se rendre conforme, hein?
M. Tardif (Jean-Rock): Oui, mais ce n'est pas... Non, c'est associé à la certification.
Mme Harel: Ce n'est pas dans ce sens-là?
M. Tardif (Jean-Rock): Ce n'est pas dans ce sens-là parce que, je veux dire, si quelqu'un n'est pas conforme, ça n'a pas... il faut qu'il se mette conforme, puis la certification n'a rien à voir là-dedans. C'est tous les processus, les mécanismes de certification, ce que ça va engendrer. En tout cas, on a une préoccupation à ce niveau-là, Mme Harel, et on la traduit dans le mémoire.
Mme Harel: Vous avez aussi une recommandation qui me semble émaner du gros bon sens, c'est celle d'ajuster la durée de la certification à celle de l'agrément, c'est-à-dire trois ans. C'est bien cela, hein?
Mme Lanthier (Mariette L.): Oui. Et, dans la loi actuelle, l'obligation d'agrément pour les CHSLD est liée à une période de trois ans. On a des établissements, bon... Et nos CHSLD privés, pour répondre à une interrogation que vous aviez précédemment, ils sont visés par la loi et soumis à des obligations. D'ailleurs, vous avez, en page 7 du mémoire, du côté gauche, le premier encadré, où on dit qu'«à l'ARCPQ la certification et l'agrément, la divulgation de l'information à la suite d'un accident, la gestion des risques et de la qualité, l'utilisation exceptionnelle des mesures de contrôle, la gestion des plaintes et la prévention des chutes ont fait l'objet de cadres de référence». Ce sont toutes des obligations qui sont à nos CHSLD de par la loi sur la santé et les services... qui ne touchaient pas nos résidences privées. Ce qu'on a fait, on a fait la concordance de ces documents-là pour nos résidences avec services, avant même que soit déposé un projet de loi, le projet loi actuel.
n(18 h 20)n L'augmentation des coûts, dans le cadre de la certification, peut être... il y a des coûts directs, il y a des coûts indirects également. Elle peut relever de différents éléments, notamment le fait qu'on demande une certification pour pouvoir envoyer, référer des clientèles dans le milieu privé qui ne sont nécessairement pas des clientèles autonomes. Ça va être des clientèles en plus lourde perte d'autonomie qui vont nécessiter l'embauche de personnel professionnel supplémentaire. Si vous avez plus de clientèles plus lourdes qui nécessitent des soins, on va avoir besoin d'infirmières, d'infirmières 24 heures par jour. Si vous avez 250 personnes dans le milieu, est-ce que vous avez besoin d'une infirmière, ou deux, ou... Il y a des coûts implicites à tout ça.
Mme Harel: Est-ce que vous avez toujours le choix du refus, si vous voulez, des personnes qui vous sont référées?
Mme Lanthier (Mariette L.): Oui, oui.
Mme Harel: Oui? D'accord. Alors donc, ce n'est pas lié à la certification?
Mme Lanthier (Mariette L.): On souhaite en tout cas que... On le demande aussi dans le mémoire, c'est une chose qu'on fait ressortir, qu'on permette, qu'on respecte aussi l'autonomie de gestion de nos gestionnaires dans leurs établissements et le choix du créneau des clientèles auxquelles ils veulent s'adresser. On a des résidences qui n'offrent aucun service, des résidences pour personnes autonomes.
Mme Harel: Mais je ne sache pas que le projet de loi prévoirait de vous imposer des clientèles?
M. Tardif (Jean-Rock): Non.
Mme Lanthier (Mariette L.): Maintenant, pour ce qui est des critères sociosanitaires qui nous sont présentés aujourd'hui, bien, jusqu'à aujourd'hui, ils nous étaient inconnus ou à peu près. Jusqu'à aujourd'hui, ils nous étaient inconnus.
Mme Harel: Mais je suis contente que vous ayez présenté un mémoire. Ça nous a permis de les connaître, nous aussi, parce qu'ils nous étaient restés inconnus.
Une voix: Un petit peu.
Mme Harel: Un petit peu, encore. Vous savez que... Vous avez participé aux travaux du comité, là, interministériel sur l'habitation et vous nous dites toujours participer aux travaux du comité provincial et régional concernant les Roses d'or. Alors, votre recommandation, c'est d'être consultés avant la publication du règlement. Quand un règlement est publié, vous ne pouvez que protester, alors qu'à l'inverse, si le ministre accédait à votre demande, autant avec la FADOQ, que l'AQDR, que les autres groupes, il pourrait vous consulter avant, et ça deviendrait moins un règlement de fonctionnaires, mais plus un règlement d'application de gens sur le terrain. Moi, je lui conseille d'accepter votre offre, puis vous faites ça bénévolement en plus de ça.
M. Tardif (Jean-Rock): Ah! Bien, c'est en plein ça. Vous avez tout dit.
Mme Lanthier (Mariette L.): Je me suis engagée, hier, à...
Une voix: ...
Mme Harel: Pas du tout. Les fonctionnaires ont un mérite, c'est de travailler dans leurs bureaux, mais les gens qui travaillent sur le terrain ont le mérite aussi d'avoir le point de vue des gens avec qui ils sont en contact.
Mme Lanthier (Mariette L.): Alors, on nous a déjà entrouvert la porte, hier, et je me suis engagée, hier, également à fournir une ressource qui participerait, à la condition que ce ne soit pas une ressource à temps plein sur cinq ans, là. Ce n'est pas ça, mais...
Mme Harel: Bon. Vous voyez, le ministre n'avait pas l'air d'être au courant. Au moins, on a pu être informés qu'il y aurait éventuellement cette consultation. Alors, vous voyez...
Mme Lanthier (Mariette L.): Pour participer aux travaux.
Mme Harel: Merci de votre contribution.
Mme Lanthier (Mariette L.): Et ne pas être en réaction à...
Le Président (M. Copeman): M. Tardif, Mme Lanthier, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de l'Association des résidences et CHSLD privés du Québec.
Et, sur ce, j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à 9 h 30 demain matin. Merci beaucoup de votre collaboration, chers collègues.
(Fin de la séance à 18 h 24)