(Neuf heures quarante et une minutes)
La Présidente (Mme Charlebois): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour, mesdames et messieurs. Je devais d'entrée de jeu rappeler que l'usage des téléphones cellulaires et téléavertisseurs est interdit dans la salle de commission. Alors, s'il vous plaît, les personnes qui en font usage, de bien vouloir mettre hors tension, pendant la séance, vos appareils.
Je rappelle le mandat de la commission: la Commission des affaires sociales est réunie afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le projet de loi n° 56, Loi modifiant la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et d'autres dispositions législatives.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Non, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci. Alors, je vous rappelle qu'aujourd'hui nous allons recevoir, ce matin, l'Association des propriétaires d'autobus du Québec. Il y a aussi le Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec et le Regroupement des usagers du transport adapté de Sherbrooke métropolitain.
Nous allons débuter nos travaux par l'Association des propriétaires d'autobus. Mais permettez-moi de vous signaler que... Pour le bénéfice des personnes qui suivent nos travaux, je vous rappelle qu'à la fin des consultations et des auditions publiques de la Commission des affaires sociales sur le projet de loi n° 56, toujours Loi modifiant la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et d'autres dispositions législatives, pour les personnes intéressées, vous pourrez obtenir sans frais l'intégralité des travaux de la commission avec la superposition d'un interprète gestuel ? excusez ma voix ce matin ? en format ruban VHS et/ou en disque laser CD dans le format Windows Media Player, en s'adressant à l'Office des personnes handicapées du Québec.
Auditions (suite)
Alors, les invités ont déjà pris place. Je vous demanderais de bien vouloir vous identifier. Mais je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, suivie d'échanges avec les parlementaires de 40 minutes, soit 20 minutes du côté du gouvernement et 20 minutes du côté de l'opposition officielle. Alors, vous pouvez y aller.
Association des propriétaires
d'autobus du Québec (APAQ)
M. Girard (Romain): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour. Mon nom est Romain Girard. Je suis vice-président exécutif de l'Association des propriétaires d'autobus du Québec.
J'excuse d'entrée de jeu l'absence de notre président du conseil d'administration, M. Hugo Gilbert, qui était d'abord inscrit et qui a dû se désister hier. L'association réunit des entreprises privées opérant des services de transport par autobus sur le territoire québécois, et le président de notre conseil d'administration a eu des intérêts privés à aller défendre sur son territoire. Et, dans ce temps-là, c'est ça qui est prioritaire. Je suis accompagné, à ma gauche, donc à votre droite généralement, de Claire Drolet, la directrice des communications et des relations publiques chez nous, et, à ma droite, donc à votre gauche, de M. Éric Breton, préposé aux services aux membres. Alors, si on veut résumer l'organigramme interne de notre structure, moi, je fais de la relation politique, elle, elle fait de la relation publique, puis, lui, il travaille avec notre base qui nous fait vivre à l'année, c'est-à-dire nos membres. Alors, c'est bien humblement notre structure.
L'APAQ est une association parmi les plus anciennes, au Québec, des associations d'affaires. On a 78 ans. Le transport par autobus sous toutes ses facettes a toujours été associé au développement et à l'occupation du territoire québécois. Et ce n'est pas surprenant que, depuis une trentaine d'années, le transport par autobus, il soit opéré par les entreprises privées ou par les organismes publics. Ce n'est pas surprenant donc que le transport par autobus soit ici, aujourd'hui, pour se préoccuper de l'avenir, de l'évolution ou simplement de l'existence et de la reconnaissance des personnes handicapées comme clientèle. Et c'est probablement le message le plus humain que notre mémoire et que notre association veulent livrer. C'est qu'historiquement, au-delà d'avoir appelé ces gens des handicapés, on s'est donné comme motto de les appeler des personnes handicapées. Dans le temps, ça fait déjà plusieurs années. À l'interne, à l'association et avec nos entreprises membres, on les appelle simplement des clients parce que, qu'ils soient handicapés ou non, les gens qui prennent l'autobus et qui consomment des services de transport public, ce sont des clients. Ce qu'ils apportent chez nous, c'est de l'argent. Alors, quand on fait du développement ou du partenariat avec eux, on parle simplement d'affaires. Ils ont des besoins un peu plus spécifiques que d'autres. C'est à nos entreprises à s'organiser pour donner des services et que ces services soient rentables. Nos entreprises privées qui opèrent des services interurbains ? et là je parle de grands corridors: Québec-Montréal, Québec-le Bas-Saint-Laurent, Montréal-Abitibi, Québec-Saguenay?Lac-Saint-Jean ? ce sont des entreprises qui opèrent sans subvention des services de transport public. Ces entreprises-là, elles ont compris, avec les années, qu'elles devaient offrir des services accessibles, donc que leurs services offerts au public en général soient aussi accessibles à des clientèles à limitations. Donc, il y a déjà huit ans, on a vu apparaître, sur le corridor québécois, des autocars avec des lifts, avec des ascenseurs dans la partie droite arrière, une porte qui s'ouvre. Il y en a une vingtaine, opérés sur le service interurbain québécois. Ces entreprises-là, elles opèrent à risque commercial. Donc, quand un client monte à bord, ça rapporte de l'argent. Et l'installation de lifts avait été aidée, en 1996-1997, par un programme d'aide fédéral-provincial pour aider à l'achat initial de ces immobilisations-là. Depuis ce temps, les services sont utilisés quotidiennement, hebdomadairement. Ça dépend des corridors.
Ces entreprises-là, elles ont aussi ajouté, parmi la panoplie de leurs services, un service qui s'appelle carte québécoise à l'accompagnement en transport par autobus, c'est-à-dire qu'une personne se sentant limitée dans sa capacité de prendre l'autobus interurbain régulier peut être accompagnée, et cet accompagnateur-là aura un billet gratuit. La seule condition, c'est que la personne avec des limitations ait fait reconnaître auparavant par l'association, sur un formulaire prescrit et largement publicisé, ait fait connaître à l'APAQ ses limitations, son besoin d'être accompagnée en situation de transport interurbain. Et l'association émet une carte. Alors, on a au-delà de 3 000 cartes émises à des titulaires ayant démontré le besoin d'accompagnement. Et ces usagers-là se présentent sans réservation au terminus d'autobus et obtiennent deux billets pour le prix de leur billet régulier. Et leur accompagnateur monte à bord gratuitement.
Il y a quelques mois, en collaboration avec le ministère des Transports du Québec et surtout en collaboration avec l'OPHQ, donc avec l'Office des personnes handicapées, on a fait un sondage auprès de ces titulaires de carte, puisque certains sont titulaires de cette carte depuis au-delà de sept ans. On a eu un premier protocole de trois ans. On a maintenant un protocole de cinq ans qui se termine presque. Et on a sondé ces personnes, et ce qu'elles nous ont dit, c'est qu'elles sont extrêmement satisfaites de ce service qui ne leur coûte rien, qui ne coûte rien à l'État, qui ne coûte rien aux entreprises et qui met à la disponibilité des personnes avec des limitations une solution à leur mesure. Alors, ce qu'on offre, c'est la possibilité ? on disait historiquement le privilège, maintenant on dit la possibilité; on a dû revoir notre titre ? mais ce qu'on reconnaît, c'est le fait qu'avec des limitations bien vous pouvez avoir besoin de quelqu'un. Montez à bord avec ce quelqu'un, on va lui donner le transport gratuit. C'est un service minimal que les entreprises privées peuvent rendre. Plus de 3 000 titulaires, lors d'un sondage, il y a quelques mois, nous ont dit: Cette solution, elle est vraiment à notre portée, elle est humaine, elle ne nous coûte rien, et on veut que ça continue.
Alors, dans le rapport de notre démarche d'étude, qu'évidemment on partage avec le ministère des Transports du Québec et avec l'OPHQ, on convient qu'on va reconduire ce programme pour une autre période de cinq ans, normalement à compter de 2005. Dans cette expérience-là d'entreprises privées opérant commercialement des autocars d'un demi-million sur le réseau québécois, ce qu'on veut vous partager, c'est le fait que donner un service accueillant à des gens qu'on qualifie des clients, ça n'exige pas d'appareil très lourd, ça n'exige pas de pénalité, de sanction, d'évaluation, de protocole obligatoire. Et l'industrie du transport par autocar est très fière d'avoir réalisé ça. C'est un message qu'on veut livrer parce que le projet de loi nous apparaît mettre en place des choses plutôt lourdes ou en tout cas qui peuvent le devenir. Et on pense que se pencher sur des solutions simples pourrait bien souvent satisfaire les besoins élémentaires à la base des besoins des personnes.
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(9 h 50)
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Nos entreprises membres donnent aussi des services de transport écolier. Je ne l'aborderai pas très largement ici, mais nos entreprises de transport écolier à contrat avec des commissions scolaires font tout le transport des personnes avec des limitations, qu'on appelle, dans le monde scolaire, EHDAA, alors élèves handicapés en difficulté d'apprentissage et d'adaptation. C'est plusieurs dizaines de millions de dollars qui sont versés, à travers les commissions scolaires, par le ministère de l'Éducation pour le soutien à l'accès à l'école de ces étudiants avec des limitations ou des difficultés d'apprentissage. Nos membres sont aussi des transporteurs à contrat avec des organismes locaux ou régionaux de transport adapté. La plupart de nos entreprises bien impliquées dans leurs régions ont un contrat de services avec les organismes recevant la subvention du ministère des Transports du Québec pour fournir le transport adapté sur le territoire.
Évidemment, le discours de l'association, ici, vous le comprendrez, c'est un discours de faire valoir la productivité des entreprises privées dans le cadre de leurs contrats avec ces organismes publics, ces organisations régionales qui certaines fois sont associés à des OSBL sur le territoire, d'autres fois à des municipalités, d'autres fois à des sous-comités de MRC. Toutes les combinaisons territoriales existent ou à peu près. Donc, les entreprises privées qui veulent avoir le plus de contrats possible ? c'est leur raison d'être ? font beaucoup de promotion pour que les organismes régionaux cessent d'acheter eux-mêmes leurs minibus, cessent de se comporter en transporteurs mais bien se comportent en instances produisant ou étant responsables de services publics et s'assurant qu'un fournisseur les desserve le plus efficacement possible. C'est ce qui fait que des entreprises, dans toutes les régions du Québec, réunissent un groupe d'autobus scolaires, un groupe d'autocars, font du transport nolisé, font du transport adapté, mettent tout ça dans le même garage, réussissent ainsi à optimiser la gestion de leur flotte, la gestion de leurs services mécaniques et, ce faisant, permettent aux organismes régionaux de transport adapté d'avoir le service au moindre coût possible. Alors, voici le sens de nos représentations.
Évidemment, quand on lit le projet de loi, et particulièrement quand on lit l'article 37 qui modifie l'article 67 de la loi pour définir ou encadrer avec un peu plus de précision les pouvoirs du ministre des Transports du Québec ou les pouvoirs des programmes du ministère auprès des organismes régionaux et des sociétés de transport, ce qu'on voit, c'est que, dans la mise en place de ces obligations de rapport et dans le pouvoir qu'on accroît au ministre d'exiger des standards de performance, nous le soutenons tout à fait. Cependant, je veux apporter à l'esprit des membres de cette commission le fait que, dans le programme d'aide du ministère des Transports du Québec, il y a au total des subventions en transport adapté pour l'année 2002 de l'ordre de 49 millions de dollars.
Donc, le programme d'aide de Transports Québec, du gouvernement du Québec, à travers le ministère des Transports, permettait de distribuer, en 2002, 49 millions de subventions à ces organismes locaux ou régionaux de transport adapté. De ce montant, 21 millions n'étaient que pour l'île de Montréal, c'est-à-dire 43,4 % de la subvention de Transports Québec au transport adapté était exclusivement pour le territoire de la Société de transport de Montréal, société de transport qui exploite 89 minibus à l'intérieur de sa structure pour du transport adapté. Ce nombre de 89, il est 89 sur 394 qui sont, elles, exploitées sur tout le territoire québécois. 89 sur 394, c'est bien 22,5 %. En termes de véhicules-heures, sur l'île de Montréal, il y a 24 % des véhicules-heures produits par rapport à l'ensemble du Québec. Il y a, en termes de clientèles sur l'île de Montréal, 14 162 clients admis au service de transport adapté. C'est 22 % des clients admis sur le territoire québécois.
Je pourrais vous défiler ces chiffres ? j'en ai encore une dizaine ? qui tendent tous à illustrer l'écart entre le fait que la ville de Montréal, l'île, la Société de transport de Montréal s'approprient 43 % de la subvention totale du ministère des Transports du Québec pour effectuer 24 % des véhicules-heures, 22 % de l'accueil de clientèles, 18 % des kilomètres productifs, 22 % du nombre de véhicules, ceci nous apparaît être une situation qu'il faut absolument dénoncer. Le ministre des Transports du Québec en est bien au courant. Il y a déjà de la pression qui a été mise sur cet organisme-là afin qu'ils améliorent leur productivité, mais ceci est quant à nous une situation inacceptable et exige que le ministère des Transports et l'office interrogent plus largement ce qui se passe à Montréal par rapport à l'ensemble du territoire québécois.
Ce n'est pas une question théorique quant à nous, c'est une question d'équilibre ou d'équité, bien que j'hésite à moi-même utiliser trop ce mot, il est trop souvent vulgarisé. Mais c'est au moins une question d'équilibre entre les territoires tout aussi vastes, tout aussi complexes à desservir parce que souvent peu denses, qui ont des portions extrêmement infimes de la subvention, et qui doivent quand même produire des services, et qui sont eux-mêmes confrontés à refuser des clientèles parce que la subvention, elle est bien plafonnée et limitée.
Le Programme d'aide sur le transport adapté a été revu en 2003. Les données résultant de la révision ne sont pas disponibles de manière publique à l'heure qu'il est. C'est pour ça que j'invoque des données de 2002. Mais je le fais en soumettant qu'il est essentiel d'imposer de la productivité sur le territoire de l'île de Montréal, ne serait-ce que pour une question d'équité à l'égard du reste du territoire québécois.
Plus simplement, plus délicatement, je veux vous rapporter deux autres participations que l'association et l'industrie ont avec l'univers des personnes handicapées, qui sont nos clientèles, d'abord à travers un programme canadien qui s'appelle le Code de pratique volontaire des autocaristes. Nous avons émis, au cours des dernières années, une procédure selon laquelle tout client se sentant lésé dans l'offre de transport public par une entreprise privée ou autre peut porter plainte selon trois étapes, à l'intérieur de chacune des provinces. Et, si, au niveau où les plaintes sont acheminées, elles ne sont pas réglées, la plainte peut être amenée à l'Office des transports du Canada qui pourrait ultimement, si elle constatait qu'il y avait plusieurs plaintes et que les entreprises de transport par autobus ne donnaient pas le service le plus disponible ou le plus accueillant possible aux personnes avec des limitations, l'Office des transports du Canada pourrait recommander au gouvernement canadien d'imposer, par voie législative, l'accessibilité au service de transport par autobus et par autocar. C'est ce qu'on a sur le territoire américain, une loi qui oblige les services à être accessibles.
Au Canada, on a préféré y aller avec une démarche plus de bonne foi. Et cette bonne foi fait que l'APAQ est la deuxième instance à laquelle une personne avec des limitations peut, au Québec, adresser sa plainte. L'association a une obligation, selon ce protocole, selon ce code, de tenter de régler la plainte à l'intérieur de trois semaines ouvrables. Et, si ce n'est pas réglé à notre niveau, on le réfère à des arbitres qui ont été identifiés au Québec. Et, si ce n'est pas réglé, on le réfère à l'Office des transports du Canada. Ceci est un processus volontaire encore une fois à la hauteur de nos moyens qui a été utilisé six fois au cours des cinq dernières années. Et, lorsqu'un client a porté plainte à chacun des niveaux, la plainte a cheminé, et ça a été réglé à la satisfaction du plaignant avant que ce ne soit acheminé à l'Office des transports du Canada. Donc, pour moi, pour nous, c'est quelque chose de très satisfaisant.
Et c'est une participation presque institutionnelle entre l'APAQ et Kéroul, qui est une des organisations dont vous avez dû entendre beaucoup parler à travers cette commission, Kéroul qui offre des services aux entreprises afin d'aider les entreprises à être plus accueillantes lorsqu'elles font du tourisme ou de la culture, donc inciter ces entreprises-là à être plus accueillantes aux personnes avec des limitations. Alors, à travers des partenariats avec Kéroul, nos conducteurs d'autocar et nos employés de terminus ont tous suivi une formation qui s'appelle Services complices, alors comment s'adresser à un client qui se présente à nous avec des limitations, comment gérer notre gêne, comment donc aider la transparence de l'échange. Et tout dernièrement ? l'étude est disponible aussi sur le site de Kéroul ? on a une étude qui nous a donné une mauvaise note quant à l'accessibilité physique des lieux appelés terminus d'autobus dans les villages, donc les dépanneurs, restaurants, hôtels, tabagies de toute nature qui nous servent de terminus ou d'agences pour vendre les billets de transport interurbain. L'étude donc qualifie nos terminus de pas ou peu accessibles, identifie les déficits à combler. Et, d'ici quelques semaines, on va attaquer, avec nos membres, un plan d'action pour redresser cette situation.
Alors, voici l'ensemble de notre témoignage. J'espère que vos questions nous permettront de compléter votre compréhension à la fois de notre industrie mais surtout de notre message général qui est: Assurons-nous de la productivité et de la contribution réelle des sommes qui sont mises en transport collectif et, deuxièmement, assurons-nous aussi que, si une solution simple est disponible, il y ait de la bonne foi autour de la table pour que celle-ci soit mise en place. Souvent, c'est la bonne solution et c'est celle qui dure le plus longtemps. Merci.
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(10 heures)
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La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. Girard. Permettez-moi, M. Girard et chers collègues, avant de débuter nos échanges, de saluer la présence, en cette salle, de M. El Abdou Boubacar, chef de la Division du protocole à la Direction des relations interparlementaires et du protocole de l'Assemblée nationale de la république du Niger. Bienvenue, et on vous salue, monsieur.
Alors, nous allons poursuivre et débuter les échanges. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Girard pour votre éloquente présentation. Mme Drolet, M. Breton, merci de nous rendre visite aujourd'hui.
Je commencerais d'abord par effectivement reconnaître le travail important qui a été fait par vos membres et votre association. Pour ce qui est de l'accessibilité des transports, vous en avez résumé quelques éléments, dont la carte d'accompagnement, dont l'aménagement de certains autobus pour l'accès. Allons donc directement à la question du transport adapté, puisque c'est, je crois, l'intersection de votre organisation avec le projet de loi qui est devant nous. Je prends bonne note de vos remarques sur la répartition des sommes, et certainement ce sera à étudier.
Pour ce qui est maintenant des propositions telles qu'elles sont libellées dans le projet de loi, vous avez fait allusion, je crois, un peu indirectement au fait que vous trouviez certaines de ces obligations trop lourdes ou trop astreignantes. Vous n'êtes pas sans savoir que d'autres organisations qui représentent les personnes handicapées elles-mêmes ont une vision, je dirais, opposée à votre évaluation et voudraient que des dispositions soient encore plus coercitives et plus contraignantes.
Donc, de façon concrète, ce que nous demandons, c'est qu'à chaque municipalité on se dote d'une entente avec une personne morale pour offrir le service de transport adapté. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette proposition-là ou comment la modifieriez-vous?
M. Girard (Romain): La production d'un service de transport adapté, d'ailleurs comme la production d'un service de transport en commun à l'intérieur d'une ville comme Québec, Montréal, Longueuil ou Saguenay, qui sont des lieux où il y a des sociétés de transport, c'est une production qui peut se faire par une entreprise privée ou non, hein? Dans certaines situations, c'est fait par une entreprise privée; dans d'autres, non, mais c'est toujours sous l'autorité d'élus du territoire, qui sont les dépositaires de ces subventions et de ces programmes d'aide.
Quant à nous, le projet de loi permet peut-être des modalités un peu différentes mais n'améliore pas en soi la situation actuelle. Améliorer n'est pas le bon... Elle ne change pas significativement la situation actuelle qui quant à nous ne posait pas problème. Quant à nous, que l'instance soit une municipalité, un regroupement de municipalités, que ceci soit sous un chapeau d'une MRC ou non, bien il faut que ce soit possible. Il faut que ce soit permis parce que les modalités territoriales de chaque entente, elles vont correspondre à la volonté des élus du territoire de s'en donner un, un service de transport adapté, comme c'est aussi le cas dans le service de transport en commun.
D'ailleurs, on a fait un certain nombre de représentations auprès du ministre des Transports du Québec pour que les programmes de transport adapté déjà réalisés dans le cadre de contrats, puisqu'ils sont ceux qui sont les plus largement présents sur le territoire québécois ? c'est presque tout le territoire qui est couvert... On a souhaité que ces ententes-cadres-là servent aussi au transport du public en général, puisqu'il y a, sur la presque totalité du territoire, des élus recevant des subventions dans le cadre de programmes d'aide dédiés à des objectifs de mobilité, puisque ces organisations-là ont déjà des systèmes téléphoniques, des systèmes de répartition ? en mauvais français, un «mapping» ? du territoire, puisqu'ils ont déjà une cartographie et une organisation de services sur le territoire. Mais on souhaite aussi que ces services-là servent à du transport de personnes non handicapées. Dans beaucoup de territoires du Québec ? et je parle évidemment des territoires peu densément peuplés ? il n'y a pas de service de transport public offert aux citoyens, mais il y a un service de transport adapté offert aux clientèles avec des limitations. Dans de très nombreux cas, ce service de transport de personnes handicapées pourrait servir à du transport de public en général lorsque des sièges sont disponibles, lorsque ça n'engendre pas de coût supplémentaire.
Donc, dans le sens des modifications aux structures municipales ou supramunicipales accueillant les subventions et ayant la responsabilité de mettre en place des services de transport adapté, on considère que plus la solution est simple et plus elle permet que des services soient mis en place, mieux c'est. Et on souhaite même que ces services servent aussi au transport d'autres clientèles.
M. Couillard: Cependant, il y a eu des représentations assez vocales et parfois écrites, et parfois les deux, des associations de personnes avec des limitations qui font état de problèmes dans le système actuel, notamment de discontinuité des services. On est tous familiers avec cette histoire, qui nous a été relatée à quelques reprises, de la personne qu'on descend à un coin de rue parce que notre territoire s'arrête là. Puis là il faut appeler l'autre autobus pour venir nous rechercher, puis Dieu sait quand il va arriver. Et on a voulu, dans le projet de loi, ainsi s'assurer que, sur l'ensemble des territoires, il y aurait également d'abord des transports offerts par des ententes avec des personnes morales et d'autre part former là le terreau pour les ententes entre les régions.
On a eu l'exemple, plus tôt dans la commission, de deux MRC qui se sont organisées ensemble pour que ce problème-là ne se produise plus. Est-ce que vous ne pensez pas qu'à moins qu'on donne ce signal législatif d'obligation de fournir le service, malheureusement, on risque de voir des situations comme celle-là perdurer?
M. Girard (Romain): Nous, ce qu'on avait, comme exemple géographiquement plus dispersé, c'est notre service de transport interurbain par autocar qui prend un client d'une région et qui l'amène dans une région très éloignée où le client avec des limitations admis au service de transport adapté du territoire d'origine n'est pas admis, dans le service de transport adapté, à destination. Voici le problème avec lequel, nous, on était confrontés. On laissait descendre des gens sur des territoires où ils n'étaient pas, de manière intermodale, accueillis sur le transport local.
Quant à nous, ce débat-là, c'est un débat essentiellement d'argent, puisqu'on comprend bien que, puisque chaque déplacement en transport adapté au Québec, dans le cadre du programme d'aide de transport Québec, puisque chaque déplacement coûte 14,65 $ au total par passage et que la personne avec des limitations contribue pour 1,50 $ à 2 $, dépendamment du tarif régional, bien ce qu'on gère, c'est une dépense publique ici. Ce sont des déboursés dont les sommes nous sont rendues disponibles dans le cadre de programmes gouvernementaux. Et je pense que les associations, ou les municipalités, ou les groupements de municipalités limitrophes ou très éloignés les uns des autres n'ont pas de problème à vouloir accueillir les autres, mais ils ont des problèmes budgétaires à ne pas vouloir mettre leurs subventions sur l'accueil de clients d'un autre territoire. Ici, c'est simplement qu'on gère des sommes publiques, et on veut les gérer dans l'intérêt de notre base démocratique régionale.
Donc, ce message d'accueil des autres clientèles, que ce soit de manière limitrophe ou par le biais d'un transport interurbain, nous apparaît essentiel.
M. Couillard: J'aimerais également vous entendre au sujet de la carte d'accompagnement, qui est un projet très intéressant que vous avez mentionné dans votre communication. Et à juste titre vous remarquez que la proportion de personnes âgées de plus de 65 ans va augmenter de façon importante, dans notre société, au cours des prochaines années, et que c'est cette population qui utilise assez fréquemment la possibilité de la carte d'accompagnement.
Comment est-ce qu'on peut envisager donc l'impact du vieillissement de la population, du changement démographique, du recours plus important à cette modalité-là sur les organisations de transport telles que la vôtre?
M. Girard (Romain): Oui. D'abord, en termes de marché en général, nos entreprises de transport par autobus transigent avec le marché de manière générale. En fait, ce que l'on constate, c'est que le vieillissement de la population, enfin le fait qu'on arrive à une croissance de la courbe d'âge qui nous amène sur un plus grand nombre de personnes âgées dorénavant que précédemment, ça nous dit, en termes de l'industrie, qu'on n'aura pas plus de clients liés à ça parce que les gens maintenant accèdent à la retraite avec un permis de conduire valide, avec des sommes leur permettant d'avoir une automobile. Des fois, ils en ont deux par couple. Et donc ce n'est pas le fait que les gens accèdent à la retraite ou soient de plus en plus âgés maintenant qui nous les amène nécessairement comme clients. Ils vont, pour beaucoup, demeurer des automobilistes autonomes. Mais il est vrai, dans la répartition, dans le sondage qui a été fait, il est vrai qu'on constate que de plus en plus de requérants sont des personnes invoquant l'âge. Et c'est cohérent, c'est normal, mais je ne crois pas que ceci va nous donner un accroissement significatif de la clientèle à long terme parce que plus ils sont âgés et limités, moins ils ont le goût d'être mobiles sur le territoire, hein?
Donc, ici, c'est les deux côtés de la bascule. Oui, il y en a plus qui y accèdent. Elles accèdent généralement de manière plus autonome. Lorsqu'elles ne sont plus autonomes dans leur mobilité, généralement elles n'ont plus non plus la motivation de voyager, au moins sur les services interurbains de transport par autocar, hein? Et mon commentaire n'est pas général. Il est associé au fait que, pour qu'une personne handicapée ou une personne âgée souffrant de limitations décide de prendre le transport par autocar pour aller d'une région à l'autre, il faut vraiment qu'elle ait un projet, une mobilisation, il faut qu'elle ait une énergie, un budget. Ces conditions-là étant réunies, elle va prendre l'autocar, et l'accompagnateur va lui être utile. Ils vont être peut-être plus présents parce qu'ils sont plus nombreux, étant donné la courbe d'âge, mais ils ne créeront pas, chez nous, de tension significative.
La Présidente (Mme Charlebois): M. le député de Robert-Baldwin.
M. Marsan: Oui. Merci, Mme la Présidente, et merci à vous, M. Girard, M. Breton, Mme Drolet, de votre exposé. Vous avez mentionné tantôt qu'il y avait beaucoup de terminus qui étaient peu ou pas accessibles. Et tout de suite, là, je pense qu'il y a des lumières qui s'allument pour voir les difficultés que les personnes handicapées peuvent avoir lorsqu'elles se présentent. Vous avez mentionné: Des fois, ça peut être une pharmacie, un dépanneur, un comptoir postal ou en tout cas un endroit dans un village donné ou une ville.
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(10 h 10)
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Et, à ce sujet, comment peut-on améliorer la situation? Selon vous, est-ce que c'est possible de mieux répondre aux besoins des personnes handicapées? Et croyez-vous que votre association aurait un rôle à jouer dans l'établissement peut-être d'un plan d'action de partenariat?
La Présidente (Mme Charlebois): M. Girard.
M. Girard (Romain): Oui, oui et oui. En fait, il y avait comme trois ouvertures possibles à la fin de votre question. Les trois sont généreusement accueillies. Nos entreprises de transport par autocar interurbain, recevant leurs clientèles dans les municipalités par le biais de terminus ou d'agences locales ? hein, c'est un sous-secteur, ça, dans nos gens ? ils ont compris, suite à l'étude, que ce n'est pas parce qu'une porte est large et qu'elle ouvre de telle manière que l'ensemble de l'infrastructure est accessible. Mais aussi nos entreprises de transport par autobus ont compris qu'elles ne connaissaient pas ça, les caractéristiques physiques d'un lieu appelé dépanneur dans son accessibilité. Il y a des documents, il y a des critères, il y a des normes, il y a des standards, il y a des outils pour aider les gens à se conformer. Nos entreprises de transport par autobus, elles opèrent des services, des autobus, et le fait que la pharmacie ou la tabagie ne soit pas accessible, ce n'était pas présent à leur esprit.
Alors, la première action, c'est de faire cette étude et de constater qu'on n'est pas accessible. Donc, on va faire quelque chose. Première action qui va être posée, c'est en collaboration avec Kéroul ? et on est en discussion avec le ministère des Transports du Québec pour qu'il nous soutienne là-dedans ? c'est de rendre alors des gens aux opérations dans les entreprises de transport par autobus, les rendre compétents sur c'est quoi, une toilette accessible, c'est quoi, un comptoir de billets accessible, c'est quoi, une rampe, c'est quoi, la distance entre l'autobus et la porte. Il y a des éléments physiques comme ça qui nous apparaissent acquis parce qu'on connaît des personnes et parce qu'on fréquente des lieux, mais, lorsque vient le temps de correspondre à un standard bien documenté, qu'on mesure avec un ruban au millimètre, bien là on ne l'est plus. Alors, nos entreprises vont apprendre, dans les prochaines semaines, dans le cadre d'une session de formation que l'on est à leur développer, les conditions, critères et standards.
L'étape suivante, ça va être une étape ? et là je ne sais pas où on va sonner des cloches ? mais ça va être de s'assurer avec des municipalités qu'il y a, dans la municipalité, des lieux intéressés à être un terminus d'autobus. Ça peut vous apparaître étrange, mais il y a des municipalités au Québec où nos entreprises sont incapables de se trouver un lieu d'accueil de leurs clientèles. Bon. J'ai moi-même été, pendant neuf années, directeur d'une entreprise de transport par autocar. Les services de l'entreprise que je dirigeais passaient dans des corridors très connus ? je ne vous ne les nommerai pas pour ne pas cibler personne ? et il y avait un village dans lequel nous avions une agence dans un restaurant. On a modifié nos horaires, à un moment donné, quelques heures plus tard, quelques minutes plus tôt, là, comme les entreprises le font pour s'ajuster à la clientèle. Ceci a eu comme effet qu'on a fait passer notre autocar dans ce village, où notre agence était un restaurant, on l'a fait passer à l'heure du repas. On trouvait ça bien brillant de passer à l'heure du repas dans un restaurant, mais le restaurant nous a expulsés en disant: Moi, je suis prêt à accueillir des clients d'autobus, je suis prêt à donner de l'information sur les colis, je suis prêt à dire: Oui, ça coûte 19,94 $ puis, oui, arrivez telle heure, l'autobus passe dans tel sens, dans tel autre, mais pas à l'heure des repas, là. À l'heure des repas, on sert notre monde. Ah, alors là, c'est contre-intuitif comme ça.
Dans le fond, quand on est dans une tabagie, on est en concurrence avec la machine à nettoyer le tapis, le nettoyeur de vêtements, le service de messagerie qui passe ou pas. Donc, les entreprises de transport par autobus sont confrontées à ça dans la réalité de la vie des villages et des villes. Et il va falloir trouver un moyen pour que, dans des municipalités, soient identifiés ? et que ces gens-là collaborent; je ne sais pas comment on va les convaincre ? soient identifiés des lieux significatifs aptes à être accessibles puis qu'on ne changera pas à tous les deux ans, qu'on ne changera pas à tous les trois ans parce que le fait de se trouver un terminus dans un village, c'est complexe. Et ce n'est pas l'entreprise de transport par autobus qui arrive dans le village en disant: Quel est le commerce que je vais récompenser de ma présence? Ça ne marche pas tout à fait comme ça. Les commerces disent: Oui, je vais te prendre chez nous; telle, telle, telle condition. Et, si mon entreprise de transport par autobus dit: Bien, aussi il va falloir que tu changes ta porte, changes ta toilette, changes ton comptoir, baisses ci, baisses ça, là il y a une dynamique de commerce local qui poigne moins, là, tu sais.
Donc ça, ça va être l'étape numéro deux. Elle est plus structurelle. Je ne sais pas comment on va la confronter, mais, minimalement, on aura rendu nos entreprises compétentes. Et, celle-là, on va s'y attaquer et on va s'y attaquer probablement avec l'Office des personnes handicapées du Québec qui a des antennes sur à peu près tous les territoires et qui peut nous aider à convaincre des gens. Déjà, il y a des discussions avec le ministère des Transports du Québec, mais son pouvoir de conviction local est, je dirais, un peu moins dynamique, un peu moins mobilisateur, au moins sur l'existence du service aux personnes handicapées.
M. Marsan: Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Mme la députée de Pontiac.
Mme L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente. Je vous remercie. J'ai apprécié et j'apprécie beaucoup votre mémoire. Ce que j'aime surtout, c'est la dernière phrase, à la page 5, qui dit que, si on réussit, tout le monde, à s'entendre, on va pouvoir considérer les personnes handicapées comme des personnes tout simplement. Et, pour moi, ça rejoint ce qu'on veut au niveau de l'intégration.
La question que j'aimerais vous poser. Tantôt, M. le ministre vous demandait: Est-ce que le transport adapté devrait être géré soit par une municipalité ou plus par les MRC? Là, je viens d'entendre ? soit des difficultés d'avoir des arrêts pour le transport: Ça pourrait être difficile. Des fois, il y a des villages qui veulent, qui ne veulent pas.
L'autre élément que vous avez abordé, c'était de voir à utiliser les transports déjà existants. On peut parler du transport scolaire, mais on sait que les transports scolaires ne sont pas adaptés souvent pour accueillir des chaises roulantes ou pour faciliter l'accès à l'autobus. Est-ce que, ça, vous l'avez déjà abordé avec les transporteurs scolaires qui sont aussi du privé? Et je suis tout à fait d'accord qu'on devrait utiliser tout ce qu'on a comme transports sur un territoire avant de commencer à acheter des autobus adaptés. Mais est-ce que ça, ça a déjà été abordé par les transporteurs scolaires?
M. Girard (Romain): Alors, ça a été abordé, depuis 1998, à de très nombreuses reprises et pas seulement avec les transporteurs. D'abord, il faut qu'on définisse les niveaux de responsabilité dans l'organisation du transport. Dans le transport scolaire, c'est un budget du gouvernement du Québec que le ministère de l'Éducation transfère à des commissions scolaires, et ce sont les commissions scolaires qui sont responsables du service de transport à leurs clientèles. Toutes les commissions scolaires du Québec donnent des contrats à des entreprises privées. Les entreprises, elles produisent les déplacements, mais l'instance responsable, c'est la commission scolaire. Alors, techniquement, chaque commission scolaire détermine combien de minibus elle a ? adaptés ? pour le transport des étudiants handicapés. Ça se fait à l'intérieur de la décision d'une commission scolaire.
Les responsables d'une commission scolaire, ce sont des élus du territoire. C'est exactement la même structure qu'une organisation de transport adapté subventionnée. Ce sont des élus du territoire qui se créent une structure pour mettre sur pied un service de transport puis ils le font produire par des transporteurs. La volonté de mettre ceci ensemble, ce n'est pas la volonté des transporteurs. Les transporteurs, ils reçoivent des contrats, qui d'une commission scolaire, qui d'un organisme de transport adapté. Mais, si les élus du monde scolaire et les élus du monde municipal se parlent pour mettre ensemble des services et les optimiser, c'est eux qui ont le pouvoir de le décider, et nos entreprises vont produire les déplacements commandés. Ce n'est pas plus compliqué d'avoir deux types de clientèle dans un véhicule que d'en n'avoir qu'un seul.
Ce qui semble être irréconciliable ici, ce sont les programmes d'aide en silo, hein? C'est le programme d'aide des commissions scolaires en transport adapté, en transport EHDAA ? ce que je vous disais tout à l'heure ? et c'est le programme d'aide en transport adapté du ministère des Transports du Québec, qui s'adresse à des élus locaux différents qui ne se parlent pas nécessairement ou en tout cas qui préfèrent gérer leurs silos régionalement.
La Présidente (Mme Charlebois): Allez-y, Mme la députée de Pontiac.
Mme L'Écuyer: Une dernière question.
La Présidente (Mme Charlebois): Très rapidement.
Mme L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente. Très rapidement. Est-ce que vous pensez que le projet de loi n° 56 devrait l'aborder, cette problématique-là des différentes enveloppes de transport en silo?
M. Girard (Romain): Je pense que les programmes d'aide des différents ministères s'adressant aux enjeux du transport sur le territoire devraient avoir des conditions d'optimisation qui encouragent la mise en commun.
Mme L'Écuyer: Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va? Mme la députée de Duplessis, porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux.
Mme Richard: Merci. Bonjour, MM. Girard, Breton, Mme Drolet. Tout d'abord, je tiens à vous féliciter pour la qualité de votre mémoire et les propos que vous nous tenez depuis un bon petit bout de temps. Vous êtes connaisseurs dans votre domaine. Vous nous avez fait part, je dirais, moi, des disparités qui peuvent exister entre les grands centres et les régions. Comme je viens d'une région, j'étais très attentive et je comprenais ce que vous disiez très, très bien pour l'avoir vécu. J'aimerais vous entendre un petit peu plus. Quand vous parlez des organismes régionaux... Puis on a parlé beaucoup, bon, des commissions scolaires, des municipalités.
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(10 h 20)
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Puis, si je vous amène sur ce point-là, c'est parce que, bon, comme on parle, dans les régions éloignées, comme c'est difficile d'organiser du transport. Bon. C'est sûr qu'il faut avoir une certaine concertation envers les organismes qu'on a. Je veux dire, s'ils ne se concertent pas, c'est assez difficile d'organiser du transport adapté. Puis on a un faible taux de population, donc ça vient aussi limiter les types de transport qu'on peut avoir. Ça coûte beaucoup plus cher quelquefois pour adapter un véhicule par rapport à la clientèle que ce véhicule-là transportera. Et j'ai cru comprendre que, d'après votre expertise ? en tout cas vous me rassurerez dans vos propos ? pour l'avoir vécu, que différents organismes dans les régions ne se concertent pas et peut-être que, s'il y avait plus de concertation, on serait en mesure d'avoir du transport adapté qui répondrait mieux à la clientèle.
Qu'est-ce que vous pouvez amener, vous, bon, que ce soit du soutien technique ou toute votre expérience, au niveau des régions?
M. Girard (Romain): Depuis 2001 ? je pense que c'est depuis 2000 ? le ministère des Transports du Québec, à l'intérieur de budgets existants, a alloué ? et je n'ai pas la donnée exacte ici, mais c'est autour d'une vingtaine de lieux ? a alloué 20 000 $ par lieu pour financer des efforts de concertation des organisations locales et régionales. Souvent, ces efforts de concertation là se sont faits autour du CLD, se sont faits autour des employés de la MRC, se sont faits autour de l'organisme de transport adapté. Il y a même des lieux où ça s'est fait autour de la commission scolaire. Et le budget alloué par le ministère des Transports du Québec est un budget qui visait à obtenir un portrait des besoins locaux ? satisfaits et insatisfaits ? en mobilité et un inventaire de ce qui est offert et tenter de trouver des solutions au manque de services à partir d'un mixte de ce qui est offert. On a vu, par exemple, une commission scolaire dans le territoire de la Beauce s'asseoir ici, autour d'une table, et dire: O.K., nous, on a un réseau d'autobus scolaires; puis on a des minibus adaptés scolaires; puis, à côté de nous, on a un organisme de transport adapté; puis, sur notre territoire nord-sud, il passe un autocar d'Autocars La Chaudière qui fait le Saint-Georges de Beauce-Québec puis qui arrête sur le territoire; puis on a des taxis.
Donc, prendre une photo de tout ce qui est disponible sur le territoire, demander à la clientèle potentielle qui se plaint qu'il n'y a pas de services pour le transport du public en général: C'est quoi, vos besoins? Vous restez dans quel coin? Vous travaillez dans quel secteur? Est-ce qu'un déplacement qui vous serait proposé à 10 heures du matin, alors que nos autobus scolaires sont tous stationnés puis nos minibus de transport adapté sont aussi généralement inutilisés, est-ce qu'un besoin à cette heure-là serait manifeste? En fait, je connais l'existence de sept ou huit projets concrets qui roulent encore, où il y a de l'énergie de mise en commun pour offrir des services à des gens qui autrement n'en auraient pas.
Là où ça se passe, ça se passe là où il y a des leaders locaux qui croient que l'offre de transport à la population doit être la plus large possible. Parce qu'on est habitués d'entendre de nos sociétés de transport dans les grandes villes que le transport collectif, c'est un besoin essentiel, que ça structure l'occupation du territoire, que ça aide au développement des parcs industriels. À Québec, à Montréal ou à Longueuil, on trouve ça cohérent, mais c'est aussi vrai, à des plus petites échelles, sur tous les territoires. Et la compétence générale en transport passe par un inventaire assez fin de tous les besoins et de tous les services qui existent et qu'on peut mettre à contribution.
Je ne sais pas si Duplessis est un lieu où il y a eu un projet comme celui-là, mais il y en a eu dans plusieurs dizaines d'endroits au Québec. Dans certains cas, il y a encore des efforts qui continuent par la bonne foi des partenaires locaux. Dans d'autres endroits, bien il y a de très beaux rapports qui dorment sur des tablettes. Mais ça va dépendre de la volonté des gens des régions de mettre en commun leurs ressources. Puis on comprend bien que, quand les besoins ne sont pas très élevés, ça n'a pas de bon sens de mettre une infrastructure qui coûte de l'argent du central. Ça ne durera pas longtemps, hein?
Mme Richard: Vous venez un peu de répondre à ma deuxième question. Tantôt, on a parlé beaucoup des terminus régionaux qui sont mal adaptés pour la clientèle dite normale, entre guillemets. Donc, imaginez-vous pour une personne vivant avec un handicap. De quelle façon, en collaboration avec les différents ministères et plus particulièrement avec le ministère des Transports... Vous ne pensez pas qu'il devrait y avoir une politique nationale de rendre au moins conformes même les terminus régionaux? Parce que, moi, je dis: on est ici, tous et chacun, je crois, bon, pour améliorer le sort. Puis j'aime votre approche, en passant, parce que pour vous une personne handicapée, c'est un client en termes d'affaires, mais ça reste un client. Et donc vous avez beaucoup d'estime pour ces personnes-là et vous les respectez. Je vous en félicite. Mais, nous, on est ici pour améliorer la condition des personnes handicapées. Et je pense que le transport adapté, c'est très, très précieux, là, pour ces gens-là.
Même, vous en avez fait mention, dans les restaurants, bon, ils ne veulent plus avoir de terminal d'autobus. Dans les dépanneurs, c'est assez difficile. Est-ce qu'on ne devrait pas avoir une politique nationale pour rendre ça plus accessible possible et que ce soit uniforme?
M. Girard (Romain): Bien. La réplique. J'aime beaucoup ce vocabulaire, comme travailleur dans une association provinciale. C'est le vocabulaire avec lequel je suis habitué de travailler. Alors, c'est: oui, c'est facile. Mais je ne suis pas certain que, sur le territoire, ça va changer la dynamique commerciale des entreprises et des transporteurs. Et je pense que le choix qu'on a fait, à l'association, c'est de travailler avec nos entreprises pour qu'elles servent un discours commercial différent sur les territoires où ils donnent des services publics. Cette approche-là, elle ressemble plus à nos habitudes de faire, hein, celles dont je vous faisais témoignage, et elle risque de donner des ententes plus fertiles à long terme. Bien sûr, une politique québécoise qui serait établie ou édictée par le ministère des Transports du Québec et qui serait soutenue par un budget, ça nous permettrait assez rapidement de rendre l'ensemble des restaurants et dépanneurs accessibles. Mais jusqu'où ceci est finançable, d'une part, et jusqu'où, d'autre part, cette dynamique imposée changera la manière de faire dans l'esprit des entreprises? Parce que ce que, nous, on a réussi avec nos gens, c'est de leur dire que c'est des clients. Arrangez-vous pour les servir. Ce qu'ils vous rapportent, c'est de l'argent. Et un organisme de transport adapté qui me paie 68 $ de l'heure pour opérer un minibus, c'est un client. Je n'ai pas à juger le problème de handicap, ou de la productivité de cette personne, ou de l'objectif de son déplacement. Moi, je suis une entreprise. Que je le desserve le mieux possible, c'est ça, l'objectif. Et on pense qu'en transport interurbain il faut faire évoluer la mentalité des acteurs sur le territoire à travers la bonne foi des entreprises.
Cependant, il est évident qu'on aura besoin d'un coup de pouce, probablement du ministère des Transports du Québec, fort possiblement de l'Office des personnes handicapées du Québec pour encourager cette évolution du discours. Mais, nous, on a convaincu le gouvernement canadien de ne pas légiférer pour obliger les transports par autobus d'être accessibles parce que notre point de vue, c'était: ça va générer de la résistance. Nos entreprises vont appliquer la loi à la lettre, c'est-à-dire avoir un lift, et, probablement, ne jamais l'utiliser fera leur affaire. Ce n'est pas ce qu'on veut. Ce qu'on veut, c'est faire évoluer la perception de nos entreprises à l'égard du client. Et jusqu'à date ça va bien. Ça prend peut-être un petit peu plus de temps que ce qu'on voudrait. On voudrait écrire la conclusion tout de suite, mais on ne sera pas capables.
Mme Richard: Une dernière question. Après, je vais céder la parole à mon collègue député de Vachon. J'aimerais vous entendre, par rapport au projet de loi n° 56, sur l'article 1.3, sur la clause limitative ? vous n'en avez pas fait mention beaucoup ? qui vient faire en sorte que, bon, les ministères, les organismes publics ou privés pourraient se restreindre en disant: Bon, on manque de ressources humaines, ou financières, ou autres.
M. Girard (Romain): Bien, dans le fond on a choisi de ne pas faire de commentaire par rapport à quelque chose d'aussi statutaire que ça. On préfère que notre témoignage d'entreprise avançant de bonne foi ou de secteur avançant de bonne foi, à la mesure de nos capacités, hein, avec des tout petits partenariats, c'est notre manière d'avancer les choses. On pense que c'est un peu ça. C'est un peu une manière pas engagée, pas conférence de presse tout le temps, pas politiquement, pas publiquement populaire, mais c'est comme ça qu'on avance.
Alors, je comprends que, dans certains lieux, on puisse ne pas imposer obligatoirement que ça marche comme ça tout de suite parce que de le statuer, ça ne le règle pas.
Mme Richard: Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va? M. le député de Vachon.
M. Bouchard (Vachon): Merci, Mme la Présidente. Madame, messieurs. J'aimerais revenir sur le dossier que vous avez soulevé concernant une disparité que vous notez entre les budgets attribués à l'île de Montréal et au reste du Québec. En résumé, ce que vous dites, c'est qu'il y a 25 % des besoins sur l'île avec 47 % du budget, si on veut être un peu lapidaire, là. Et j'aimerais vous entendre un peu plus longuement sur comment vous expliquez cette situation.
S'agit-il d'une évolution d'une approche qui, historiquement, aurait été biaisée au point de départ? S'agit-il pour vous d'une question de gestion ou d'efficacité de gestion ou s'agirait-il, comme autre hypothèse, du fait que les services rendus sur l'île seraient meilleurs, donc coûteraient plus cher? Il y a plusieurs hypothèses. J'aimerais vous entendre plus longuement là-dessus.
n(10 h 30)nM. Girard (Romain): Alors, je vais laisser les clientèles de la région vous confirmer que, si ça coûte plus cher, ce n'est pas parce que c'est meilleur. C'est certainement les clientèles des services de transport adapté qui vont vous dire qu'à Montréal plus qu'ailleurs ils ont des problèmes de services: le fait de réserver très longtemps à l'avance; le fait de réserver et de ne pas avoir de service qui se présente à l'heure où on a réservé; le fait de réserver, de s'organiser, de recevoir un appel pour annuler le déplacement parce que finalement on ne peut pas le produire. On peut bien comprendre que Montréal est un territoire plus complexe à desservir, mais les clientèles là-bas sont tout au moins aussi insatisfaites que les autres sur les autres territoires du Québec.
Montréal est un territoire particulier à tout point de vue au Québec, hein, ça, c'est évident, mais c'est certainement ici un lieu pour imposer de la productivité à des gens qui bénéficient, en proportion, plus que d'autres de programmes de l'État central. Et c'est un lieu où il n'y a actuellement aucune sous-traitance à des entreprises. Il n'y a non plus aucune volonté d'y aller. Et ces gens-là considèrent que la manière actuelle de faire, qui est de prélever 43 % de la subvention pour donner à peu près 22 % des services en production, ils considèrent que c'est mérité à Montréal, ce qui quant à moi est une hérésie par rapport à l'ensemble du territoire québécois.
Mais le pouvoir d'aller là analyser ce qui se fait à Montréal, je vais le laisser aux usagers de ce territoire qui s'en plaignent généreusement.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va?
M. Bouchard (Vachon): Mme la Présidente, si vous permettez. Si vous étiez responsable de l'utilisation des sommes sur l'île de Montréal, donc directeur des opérations, comment expliqueriez-vous cette disparité?
M. Girard (Romain): Je pense que, peu importe comment on va poser la question, la réponse, on va l'avoir par le ministère du Travail. Parce qu'ici on est dans un lieu où l'ensemble des conditions de travail et de production des déplacements sont toutes à l'intérieur de conventions collectives des salariés de la Société de transport de Montréal, et il n'y a aucune chance que la société ne revoie ses manières de faire, à moins qu'elle n'aille en sous-traitance ou qu'elle soit tenue d'aller en sous-traitance.
M. Bouchard (Vachon): Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Charlebois): Oui, allez-y, M. le député de Vachon.
M. Bouchard (Vachon): Est-ce que, par votre réponse, vous entendez qu'une grande proportion de cette différence dans les sommes investies serait due aux conditions de travail qui ont été négociées avec l'employeur et aux salaires qui sont versés?
M. Girard (Romain): Je pense qu'on peut au moins s'entendre pour dire qu'il faut l'examiner dans un objectif d'équilibre entre les subventions dans ce programme d'aide distribuées à tout le territoire québécois. C'est inexplicable d'aller chercher 43 % de la subvention pour produire à peu près 22 % des déplacements, accueillir 20 % des clientèles et autres. Il faut absolument avoir une explication à cela et il faut absolument changer ceci. C'est 22 millions qui vont là.
M. Bouchard (Vachon): Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va? M. Girard, M. Breton et Mme Drolet, merci de la présentation de votre mémoire.
J'inviterais maintenant le Regroupement des aveugles et des amblyopes du Québec à prendre place, s'il vous plaît.
Je vais suspendre les travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 10 h 34)
(Reprise à 10 h 36)
La Présidente (Mme Charlebois): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Maintenant, nous allons entendre le Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec. J'inviterais les personnes qui représentent le regroupement à se présenter et faire la présentation de votre mémoire. Vous avez 20 minutes pour faire la présentation. Je vais demander aux parlementaires par la suite de s'identifier avant de procéder aux échanges. Ça vous va? Allez-y. Vous êtes M. Vincent?
M. Binet (René): M. Binet.
La Présidente (Mme Charlebois): M. Binet.
Regroupement des aveugles et
amblyopes du Québec (RAAQ)
M. Binet (René): Merci, Mme la Présidente. Alors, au nom du regroupement, on aimerait remercier la commission, dans un premier temps, d'avoir reçu notre mémoire et évidemment de nous entendre ce matin pour y apporter des précisions. La présentation va se passer de la façon suivante: M. André Vincent, le directeur général du regroupement, va présenter le mémoire en soi, et moi, René Binet, je vais faire l'introduction. Nos fonctions: moi, je suis le vice-président du Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec et délégué de l'Est du Québec évidemment, et, comme je le mentionnais, M. Vincent est notre directeur général.
Alors, le Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec, RAAQ, a été fondé en 1975 par des personnes handicapées visuelles et à limitations visuelles, autant demi-voyantes que non-voyantes, et ce regroupement a été mis en place pour créer un rapport de force, et défendre nos droits, et veiller à la promotion de nos intérêts de façon collective. Les objectifs du regroupement évidemment, c'est de veiller à l'inclusion pleine et entière des personnes handicapées visuelles au Québec. Également, nous travaillons à développer une pensée propre aux personnes aveugles et évidemment nous veillons à la défense des droits et à la promotion des intérêts des personnes handicapées visuelles du Québec.
Le regroupement a actuellement 12 associations, est affilié à 12... c'est-à-dire qu'il y a 12 associations de personnes handicapées visuelles au Québec qui sont affiliées à notre regroupement. Le RAAQ consulte sa base via divers procédés, entre autres via des comités, 10 comités internes. Également, notre organisme siège sur de nombreux comités externes. Et nous travaillons en étroite collaboration avec une trentaine de partenaires en déficience visuelle du Québec, autant dans les domaines économique, culturel et social. Le RAAQ est évidemment membre de la COPHAN, Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec. Et ses associations membres, les 12 associations auxquelles je faisais référence tout à l'heure, elles sont membres des regroupements des organismes de promotion de personnes handicapées des régions, ce qu'on appelle dans notre langage les ROP.
Les associations... pardon, excusez-moi. Le RAAQ aussi joue un rôle de premier plan, auprès de ses partenaires en déficience visuelle, en matière d'emploi, en matière d'accès à l'information, dans le domaine du transport et dans le domaine de l'environnement également. Je tiens à souligner que le RAAQ, après sa fondation, a été reconnu assez rapidement comme le principal organisme de promotion au niveau de la déficience visuelle.
Mme la Présidente, si vous le permettez, maintenant je vous demanderais de passer la parole à mon collègue M. Vincent qui va vous présenter l'essence du mémoire. Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Allez-y, M. Vincent.
n(10 h 40)nM. Vincent (André): Merci, Mme la Présidente. Je tiens tout d'abord à mon tour à remercier la Commission de la santé et des services sociaux de nous entendre ce matin. Et je veux profiter de l'occasion pour vous transmettre aussi les salutations de notre présidente, Mme Brigitte Carrier, qui vient tout récemment, il y a 10 jours, d'être élue à la présidence de notre organisme et qui, malheureusement, à cause de ce délai, là, pour des motifs professionnels, ne peut pas être avec nous ce matin mais qui tient, là, à vous signaler son appréciation sur le fait que vous entendiez nos commentaires sur le projet de loi n° 56.
Je n'ai pas l'intention de faire une lecture du document que vous avez déjà entre les mains mais plutôt d'attirer votre attention sur certains éléments particuliers. Tout d'abord, tout comme c'est le cas pour l'ensemble des personnes qui ont des limitations fonctionnelles, le projet de loi n° 56 interpelle sérieusement les personnes aveugles et amblyopes, d'autant plus que la révision qu'on nous propose actuellement, c'est la première révision très significative qui intervient depuis de très nombreuses années. Et je tiens quand même, d'entrée de jeu, à souligner que le RAAQ note avec satisfaction que certains éléments qu'on retrouve dans ce projet de loi viennent bonifier ce qu'il y avait dans le projet de loi n° 155 qui est mort au feuilleton en février 2003. Toutefois, cette appréciation-là, quand on fait une analyse détaillée du projet de loi, on est obligé d'y apporter des nuances sérieuses.
Je ne ferai pas, ce matin, une énumération complète de ces réserves-là, puisque vous avez pu lire que notre regroupement, qui est membre de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, COPHAN, appuie dans son ensemble les commentaires, les observations, les demandes qui ont été faites par la COPHAN, que vous avez entendue en cette commission, mardi de la semaine dernière. Donc, ils ont présenté un mémoire très exhaustif. Je ne veux pas revenir là-dessus, mais simplement vous dire que notre regroupement appuie notamment les demandes liées à une loi-cadre, une loi avec clauses d'impact, une loi qui parle davantage d'inclusion des personnes ayant des limitations fonctionnelles plutôt que d'intégration, une loi également qui va plus loin ? et c'est un petit peu ce que nous déplorons aussi ? que de revoir, de repréciser les rôles et fonctions de l'Office des personnes handicapées du Québec. En fait, on souhaite une loi qui reverrait dans son ensemble aussi le rôle et les fonctions de cette instance-là au niveau même de sa dénomination, au niveau de son rattachement ou donc de son imputabilité, au niveau de sa composition.
Comme les arguments en faveur de ces éléments, vous les connaissez déjà, vous les avez entendus de la part de la COPHAN et d'autres groupes, je m'arrête là-dessus pour enchaîner avec deux préoccupations principales de notre regroupement. La première concerne l'accès à l'information. Il est étonnant de constater jusqu'à quel point le projet de loi n° 56 est discret en regard de cette problématique, d'autant plus étonnant qu'on sait, hein ? les études l'ont démontré ? que l'accès à l'information, c'est un élément qui joue un rôle clé dans toute l'inclusion des citoyens, hein, au sein d'une communauté, cet accès à l'information de nombreuses personnes ayant des limitations fonctionnelles, et pas uniquement les personnes déficientes visuelles, d'ailleurs. Mais on peut penser à tous ceux qui, pour une raison ou une autre, ont de la difficulté à accéder à l'information. Ça peut être les personnes qui ont une déficience auditive, les personnes qui, à cause de problèmes neurologiques, ont des difficultés d'accès, les dyslexiques, les personnes qui ont des troubles d'apprentissage. Et ça, ça représente plusieurs centaines de milliers de Québécoises et de Québécois. Alors, il est étonnant, hein, de voir que le projet de loi est très discret sur cette question-là.
Il est tellement discret que c'est en vain qu'on cherche, dans le projet de loi même, une référence au ministère responsable de cette question-là au Québec, à savoir le ministère de la Culture et des Communications. C'est quelque chose d'autant plus préoccupant qu'on assiste, dans notre société, à non seulement une émergence, mais une omniprésence de l'information. Et ça s'est accru grâce à l'évolution des technologies.
Le gouvernement actuel a parlé de gouvernement en ligne. En même temps, force nous est de constater que, suite à des études qui ont été menées, notamment une étude auprès de 200 sites Internet menée par la Fondation des aveugles du Québec l'an dernier, les sites du gouvernement du Québec recevaient une notation qui les plaçait pas mal en bas de la moyenne. La situation s'est améliorée légèrement depuis ce temps-là, mais on doit quand même continuer à constater, là, que beaucoup de travail reste à faire pour rendre cette information accessible. Tout comme beaucoup de travail reste à faire pour rendre accessibles davantage les documents gouvernementaux. Dans notre mémoire, nous citons à cet effet d'ailleurs, à titre d'exemple, la législation ontarienne qui fait en sorte que, dans la mesure où c'est techniquement envisageable, on rend accessible, dans des délais raisonnables, les documents gouvernementaux pour les personnes qui ont des problèmes d'accès à l'information. On n'a pas signalé ces éléments-là, mais on sait très bien que, dans d'autres pays, comme aux États-Unis, il y a des législations qui sont en vigueur depuis plus d'une décennie maintenant qui favorisent cet accès à l'information. Le gouvernement fédéral a une politique également en vue de rendre accessibles aux citoyens canadiens les documents à l'usage du grand public dans le médium de remplacement de leur choix, qu'on pense au braille, qu'on pense à l'audio ou à d'autres formats. Alors, on pense que la loi actuelle ou le projet de loi actuel devrait prévoir des éléments qui rendraient cette information davantage accessible.
Je vous cite quelques autres exemples quand on parle d'accès à l'information et qu'on regrette que ce soit demeuré dans l'ombre dans le projet de loi actuel. Imaginez-vous dans la vie de tous les jours, là. Vous avez, par exemple, à vous présenter au guichet automatique des institutions financières, à utiliser les machines pour la carte débit. On annonce de plus en plus ? on parlait de transport tout à l'heure ? que les réseaux de transport en commun vont parler bientôt de cartes à puce. Il faut éventuellement aller chercher cette carte à puce dans des guichets automatiques. Il faut même dans certains cas ? c'est déjà en vigueur sur le réseau des trains sur l'île de Montréal ? il faut même, à un moment donné, aller valider, hein, son lieu de destination. Et tous ces outils qui deviennent d'usage très facile pour l'ensemble de la population ne sont pas accessibles pour les personnes qui ont une déficience visuelle. Il y a d'ailleurs actuellement un cas type, qui est présentement devant la commission des droits et libertés de la personne, où un citoyen de l'île de Montréal a été pris en infraction parce qu'étant aveugle il n'a pas pu valider le billet qu'il avait acheté pour se rendre dans l'Ouest-de-l'Île par train, et on l'a considéré comme étant en infraction.
Alors, je vous donne ces exemples concrets pour illustrer, là, jusqu'à quel point il y a un travail énorme à faire du côté de l'accès à l'information et jusqu'à quel point il devient donc essentiel que la loi actuelle tienne compte de ces éléments-là. Et on verra, au moment de la période de questions, là, de quelle façon on peut en tenir compte.
J'ajouterai, pour conclure sur cet élément, que l'accès à l'information, aussi c'est l'accès aux livres, c'est l'accès aux périodiques. Le gouvernement du Québec vient d'annoncer récemment une initiative heureuse dans ce sens-là, à savoir l'intégration au sein de la Bibliothèque nationale du Québec des services de livres, de bibliothèque pour les personnes ayant une déficience visuelle.
n(10 h 50)n Initiative très intéressante, mais initiative qui risque de demeurer avec peu d'effets si cette mesure d'inclusion au sein de la BNQ n'est pas associée à des décisions pour accroître la production et l'acquisition de nouveaux titres en braille, et en audio, et de plus en plus en audio sur format numérique, puisque c'est actuellement, là, le mode de communication qui est en pleine émergence.
Je conclus sur l'aspect de l'accès à l'information pour me pencher quelques minutes sur la question de l'emploi. Le projet de loi n° 56 fait quelques références à l'emploi, mais, pour nous, du Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec, on constate qu'il ne tient pas suffisamment compte de la diversité qui existe parmi les personnes qui ont des limitations fonctionnelles. Et pourtant c'est très important de tenir compte de cette diversité.
Nous citons, dans notre mémoire, une étude qui a été menée en 1998, une enquête québécoise sur les personnes qui ont des limitations dans leurs activités. Et cette étude démontre, de façon très éloquente, non seulement les écarts importants qui existent entre les personnes qui n'ont pas de limitation, mais aussi les écarts importants qui existent entre les personnes déficientes visuelles et les autres personnes handicapées. Alors, on constate que les personnes déficientes visuelles sont de façon générale plus inactives au niveau de l'emploi que les autres groupes de personnes handicapées, et ce, malgré le fait que, depuis 1976 maintenant, le gouvernement du Québec a mis en place un programme de réadaptation, un programme d'attribution aussi d'aide technique très sophistiquée pour les personnes déficientes visuelles. Force nous est de constater, près de 30 ans plus tard, que, malgré ces programmes-là, le taux d'employabilité des personnes déficientes visuelles ne s'est pas amélioré. On constate même que, dans certains secteurs, au lieu d'avoir fait des acquis, on constate des pertes. Et il y a un questionnement à se faire dans ce sens-là. Il y a peut-être des hypothèses, des pistes de solution qu'on pourra examiner, et je pourrai vous en citer quelques-unes pour répondre à vos questions, dans quelques instants. Mais c'est une réalité, une réalité qui peut être associée à bien des facteurs.
Des études ont démontré, par exemple, que la communication non verbale lors des entrevues entre un employeur puis une personne déficiente visuelle peut amener des discriminations. C'est un élément dont il faut tenir compte, hein? Et pourtant c'est très important, en communication non verbale, pour réagir, hein, des fois à notre interlocuteur. Je vous donne juste à titre d'exemple: je suis en train de vous parler; moi, je ne sais pas présentement ? je le prends pour acquis, j'en suis certain ? mais vous pourriez être distraits par quelque chose, me trouver ennuyeux ou ennuyant, ne pas m'écouter, et je ne saurais pas m'adapter à ce comportement-là parce que je ne le vois pas. En entrevue, face à un employeur, ça peut avoir un impact important. Et il faut savoir donc travailler là-dessus dans nos programmes de réadaptation. Le fait-on suffisamment? Ça reste à voir.
Je termine, pour illustrer mon propos, aussi sur le fait qu'au sein même des programmes qui s'adressent aux personnes handicapées ? je mentionne la question des centres de travail adapté ? au sein même de ces programmes-là on constate une sous-représentation significative des personnes déficientes visuelles qui illustre justement l'importance de tenir compte de cette diversité parmi les personnes handicapées. Alors, je constate, en vérifiant le temps, là, qu'on est presque au bout de notre 20 minutes de présentation. Je conclus là-dessus, Mme la Présidente, et il nous fera plaisir maintenant de répondre à vos questions. Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. Vincent. Je vais, avant de débuter les échanges, je vais demander aux parlementaires de s'identifier. On va commencer par le côté ministériel, en commençant par M. le ministre.
M. Couillard: Vous voulez qu'on commence l'intervention, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Charlebois): Non. J'aimerais ça que tous les parlementaires puissent s'identifier pour faciliter les échanges avec nos invités.
M. Couillard: Philippe Couillard.
M. Marsan: Pierre Marsan, député de Robert-Baldwin.
Mme L'Écuyer: Charlotte L'Écuyer, députée de Pontiac.
M. Bachand: Claude Bachand, député d'Arthabaska.
M. Bernard: Daniel Bernard, député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
La Présidente (Mme Charlebois): Maintenant, du côté de l'opposition officielle.
Mme Richard: Lorraine Richard, députée de Duplessis.
M. Bouchard (Vachon): Camil Bouchard, député de Vachon.
M. Valois: Jonathan Valois, député de Joliette.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci. Alors, nous allons débuter la période d'échange. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. M. Binet, M. Vincent, merci pour votre communication d'aujourd'hui.
J'aimerais d'abord discuter un aspect de la mission de votre organisme qui a attiré mon attention dans l'introduction de votre présentation où vous décrivez cette mission comme étant le développement d'une pensée propre aux personnes aveugles et amblyopes. Et je crois discerner là une préoccupation pour une culture spécifique au type de handicap que vous représentez, un peu comme on retrouve dans la population malentendante.
Chez les sourds, par exemple, il y a certainement l'émergence d'une culture propre à ce milieu, qui bien sûr découle du type de handicap, qui est un handicap de communication, de relations extérieures un peu comme le vôtre. Alors, pouvez-vous détailler un peu ce que vous voulez dire par cette pensée propre aux personnes aveugles et amblyopes?
M. Vincent (André): Bon. Il est très important de se replacer dans le contexte des membres fondateurs du regroupement, donc il y a 30 ans, où, les personnes déficientes visuelles, à l'époque ce sont des organismes privés de services qui parlaient en leur nom. Ces personnes, notamment des groupes d'étudiants, si on remonte aux origines, ont trouvé important de pouvoir d'une part prendre en charge leur propre destinée, leurs propres revendications et ont trouvé important de faire reconnaître, au sein de la société québécoise, la réalité spécifique à la déficience visuelle.
Ce faisant, il est très important quand même de constater, là, qu'il ne s'agit pas d'établir ? parce qu'on entend souvent ce mot-là dans nos sociétés, dans notre collectivité ? il ne s'agit pas de mettre en place des situations qu'on pourrait comparer à des ghettos. Mais il y a bien sûr une réalité propre à la déficience visuelle. Je viens, il y a quelques instants, de vous décrire certaines particularités quand intervient la question de la communication, la communication non verbale entre autres. Cette réalité-là, je pourrais y ajouter beaucoup d'exemples, hein? On va la constater dans nos déplacements, que ce soit à l'intérieur du Québec, que ce soit à l'étranger. Donc, il est important pour le RAAQ, là, de faire bien connaître à la population du Québec cette réalité propre aux personnes déficientes visuelles.
Et, de la même manière, on essaie de le faire aussi au sein de communautés plus larges. Notre regroupement est membre de l'Union francophone des aveugles par exemple afin de pouvoir partager, même au niveau international, les préoccupations des personnes déficientes visuelles et de bien faire connaître cette pensée que vous verrez peut-être. Des fois, des gens emploient, pour la définir, «la pensée typhlophilique», là, d'un mot qui parle de ceux qui sont un peu intéressés par cette question-là, là, alors de bien faire connaître la spécificité de nos membres.
M. Couillard: Pourriez-vous juste me répéter le nom parce que ça m'intéresse, le sens des mots.
M. Vincent (André): Oui. Ça vient de «typhlophile», donc «ami de la lumière», hein? Donc, c'est un terme qui a été développé en France, il y a plusieurs décennies, et donc en venant des mots grecs «typhlos» et «philos». Donc, ça veut dire «ami de la lumière», quoi.
M. Couillard: Vous avez mentionné qu'il y avait certains points qui représentaient une avancée par rapport au projet de loi précédent, le projet de loi n° 155, qui a effectivement été notre base de travail. Vous avez également réclamé, dans les phrases qui ont suivi, la présence d'une clause d'impact. Or, la clause d'impact est incluse dans le projet de loi que nous discutons aujourd'hui et constitue à notre avis une des avancées qui étaient demandées par le milieu associatif.
n(11 heures)nM. Vincent (André): Elle le constitue, dirons-nous, dans sa forme. Ce que nous constatons par ailleurs, comme d'autres organismes qui nous ont précédés la semaine dernière: les choses se gâtent quand il s'agit des moyens. En fait, pour nous, la loi n° 56 actuellement ne va pas suffisamment loin, hein? Vous en avez parlé tout à l'heure, là, en posant une question au groupe qui nous a précédés. Il est bien sûr que, pour le RAAQ, cette loi-là ne va pas suffisamment loin au niveau des moyens, au niveau des... j'hésite à employer le mot «coercitions» puisqu'il fait peur, mais, à un moment donné, pour qu'une loi ait vraiment cet impact sur l'ensemble des législations, sur l'ensemble des politiques du gouvernement du Québec, il faut lui donner des dents. Et c'est à ce niveau-là qu'on constate qu'on ne retrouve pas ces moyens-là.
Je vous donne un exemple. J'ai parlé d'emploi tout à l'heure et de moyens pour améliorer la situation. Dans plusieurs pays d'Europe et ailleurs... J'étais à Tunis justement, il y a quelques jours, pour l'exécutif de l'Union francophone des aveugles que j'ai évoquée, et nous avions le plaisir d'entendre la ministre secrétaire d'État aux Affaires sociales qui venait nous vanter la législation tunisienne en matière d'emploi pour les personnes handicapées. Je sais qu'il y a un questionnement au Québec et que la question n'a pas été vidée, mais est-ce qu'on ne pourrait pas examiner comme possibilité, là, d'être plus contraignant et plus exigeant auprès des employeurs qui ont un nombre x d'employés afin de les inciter, voire même de leur créer une obligation d'embaucher les personnes ayant une limitation fonctionnelle?
La Présidente (Mme Charlebois): M. le ministre.
M. Couillard: Mme la Présidente, merci. Effectivement, toute, je dirais, la difficulté ou l'aspect délicat d'un projet de loi semblable est de naviguer entre les revendications idéales des mouvements associatifs représentant les personnes et bien sûr les remarques que font les autres groupes qui font l'objet de ces mesures-là. Vous en avez eu tantôt un échantillon avec les personnes qui vous ont précédés. Il y a cependant, dans le projet de loi, sans qu'il verse dans la coercition manifeste, il y a quand même plusieurs obligations formelles qui sont incluses pour plusieurs ministères et organismes publics. Et prenons, par exemple, la question des documents publics à laquelle vous avez très justement fait allusion. Il est mentionné ici qu'il y a une obligation au gouvernement d'établir une politique pour l'accès aux documents publics et aux services publics également, et c'est là même où on introduit de façon spécifique la notion d'«accommodement raisonnable» qui est sous-entendue dans le reste du projet de loi puisqu'elle est déjà acquise dans la jurisprudence.
Donc, je voudrais savoir d'abord ce que vous pensez de cette façon d'aborder la question. Il est évident que, quand on parle de documents publics, les sites Web sont inclus dans les documents publics. Et, si vous pouviez donner également, pour le bénéfice des citoyens et des citoyennes qui nous écoutent, un aperçu de ce que ça veut dire, rendre un site Web adaptable pour les personnes aveugles ou amblyopes. Comment est-ce qu'en pratique on fait ça?
M. Vincent (André): Bon. Pour répondre à la première partie de la question, je vous dirais que cet article est intéressant, mais, là où le bât blesse, c'est quand on parle d'«accommodement raisonnable», et même s'il y a eu jurisprudence sur la définition même de ce qu'on entend par «accommodement raisonnable». Malheureusement, on est obligé de constater que très souvent le raisonnable est associé à une question de coût, une question de financement.
Je porte à votre attention un élément très récent. Vous en avez peut-être entendu parler. Mais, il n'y a pas si longtemps, des membres de notre regroupement ont souhaité avoir les documents en braille en provenance de l'instance même qui devrait être très sensible à ça, l'Office des personnes handicapées du Québec. On leur a répondu que, dans le contexte actuel, ce n'était pas possible de répondre à leur demande, puisqu'on n'avait pas l'argent pour le faire. Alors, si «accommodement raisonnable» est associé essentiellement à une question de financement, vous comprendrez bien qu'on risque de ne pas avoir très souvent de réponses positives à nos demandes. C'est pour ça que, nous, on parle davantage d'accommodement équitable pour qu'on puisse davantage avoir accès à cette documentation-là de façon équitable par rapport au reste des citoyens et des citoyennes du Québec.
Pour ce qui est de l'autre élément de votre question, juste me rappeler c'était quoi exactement?
M. Couillard: Si vous pouviez brièvement nous décrire...
M. Vincent (André): Oui, pour les sites.
M. Couillard: ...comment on adapte un site Web pour des personnes aveugles.
M. Vincent (André): Oui. Alors, contrairement à ce que bien des gens pensent, l'accessibilité aux sites Web, c'est une chose qui est relativement facile à réaliser, souvent à des coûts très raisonnables. Bien sûr, si c'est pensé dès le départ, ça coûte un peu moins cher, mais, même après coup, c'est relativement facile, par exemple, d'aller mettre, d'associer aux liens ? et je résume de façon très sommaire ? mais d'associer, par exemple, aux liens graphiques de l'information textuelle, remplacer donc une information image par une information écrite.
Alors, il y a un consortium international qui, depuis plusieurs années maintenant, se préoccupe justement de définir des règles d'accessibilité à ces sites. Et, au Québec, on a des personnes qui se sont spécialisées là-dedans et qui sont des ressources actuellement à ce niveau-là. Je sais que beaucoup d'organismes et présentement certains ministères, depuis l'étude à laquelle je faisais référence il y a quelques instants, là, ont commencé à s'adresser et à recourir à cette expertise en vue de bonifier les choses.
Un autre exemple au niveau des sites Web. On a présentement beaucoup de difficultés, pour des gens, par exemple, qui utilisent des afficheurs braille comme ce que j'ai devant moi présentement, ce matin, afficheurs braille qu'on peut relier à un ordinateur, et donc télécharger des courriels, des fichiers attachés. C'est une information qu'on peut lire très facilement ensuite soit en braille ou au moyen d'une synthèse vocale. Malheureusement, de plus en plus, cette information-là est codée dans des fichiers PDF plutôt que dans des fichiers Word, pour prendre un exemple. Or, pour les utilisateurs de logiciels adaptés pour l'affichage braille ou la synthèse vocale, l'accès aux fichiers PDF, c'est une chose, sinon impossible, pour la plupart des utilisateurs, très difficile. Alors, quand on pense à des ajustements de ce côté-là, c'est quelques exemples qu'on peut utiliser.
Et, comme je le vous dis, encore une fois il y a présentement des ressources qu'on connaît très bien, et tous les ministères québécois peuvent les connaître en communiquant avec nous. Ça nous fera plaisir de référer les webmestres aux ressources appropriées.
La Présidente (Mme Charlebois): M. le député d'Arthabaska.
M. Bachand: Merci, Mme la Présidente. Claude Bachand donc député d'Arthabaska. Bonjour, M. Vincent, M. Binet. Ça me fait plaisir de vous voir. En fin de semaine, j'ai vécu toute une expérience dans Arthabaska. Je ne vous agacerai pas avec mes expériences personnelles, là, mais simplement pour camper un peu mon intervention, j'étais 25e anniversaire, oui, du Club joie de vivre de Plessisville, qui est dans mon comté, et j'ai rencontré M. André Dubois. Je ne sais pas si vous connaissez bien M. Dubois.
M. Vincent (André): Oui, très bien.
M. Bachand: C'est un des fondateurs du Club joie de vivre. Le Club joie de vivre, c'est pour l'ensemble des déficiences physiques. Moi, j'ai été très interpellé par la commission la semaine dernière puis j'ai fait un petit discours, ce qui n'est pas tout à fait dans mes habitudes, là. J'ai pris quelques minutes pour leur jaser. Ça a été vraiment intéressant.
Et puis d'ailleurs je disais au président tout à l'heure, je lui contais un petit peu l'histoire, au président de l'OPCHQ... de l'OPHQ, pardon. Ça m'a interpellé beaucoup quand M. Lavigne, qui vient aussi de mon comté, qui vient de Saint-Paul-de-Chester ? Chesterville en fait, plus précisément ? quand il m'a donné à peu près le même exemple que vous, à savoir que, quand un document était traduit, il n'était pas nécessairement traduit en braille ? puis on avait fait la demande ? et puis, bon, ce que ça pouvait nécessiter comme investissement sur le plan temps, sur le plan financier.
Puis j'ai discuté avec M. Dubois, quelle était son optique là-dessus, parce que, je me disais, bon: Dis-moi vraiment qu'est-ce que tu en penses, toi, parce que c'est énorme comme investissement. Lui, il me disait que, pour un noir ? c'est trois braille en fait à peu près ? ça donnait un volume important de feuilles, bon, etc. Il dit: Tu vois, il dit, moi, j'ai une machine. Vous savez qu'il est vice-président d'une compagnie qui fait beaucoup de technologies de fine pointe, comme le positionnage EPS, pour vous. Vous connaissez ces technologies-là, hein? Bon. Et puis, lui, il me disait, entre autres: J'ai un appareil sur moi. Puis il me montrait l'appareil ? un gars très sympathique, hein? ? il me montrait l'appareil puis il me disait, bon: On peut prendre un CD qui est traduit en braille à partir des données qui ont été traduites, puis ça me permet, moi, sur mon transcripteur braille, d'avoir directement cette lecture-là. Donc, des appareils très adaptés qui sont moins dispendieux.
n(11 h 10)n Moi, ma question à cet effet-là, puis ce que je me suis toujours posé... Vous dites aussi, en termes d'«accommodement raisonnable», que c'est toujours rattaché à une question de coût et de financement. Mais, moi, c'est un petit peu ça: on est toujours interpellé par ce paramètre-là, hein, parce que, c'est plate à dire, là, mais la réalité nous rattrape rapidement. Tout le monde peut dire: Oui, oui, on a tous la bonne volonté de le faire, mais c'est le coût qui nous rattrape.
Je vais vous donner un autre exemple pour bien camper ma réflexion. J'ai vécu beaucoup d'expériences en fin de semaine, n'est-ce pas, enrichissantes. Moi, je me suis informé ? et je vais vous poser la question après. Je me suis informé. Moi, je lui ai donné ma carte d'affaires, à M. Dubois, parce que lui m'a donné la sienne. Puis, moi, il m'a dit: Qu'est-ce que tu veux que je fasse avec ça, ta carte d'affaires? Elle n'est pas écrite en braille, là. Mais sa conjointe pourrait toujours la lire. Ça fait que, moi, je me suis donc informé. Il dit: Fais faire tes cartes en braille, puis quand tu rencontreras M. Lavigne, donne-lui ta carte puis, quand il va voir qu'elle est écrite en braille, il va être drôlement impressionné de ça puis il va te dire: Ça, c'est un bon avancement d'un député. Puis il dit: Ça se peut bien que ça te donne des votes, cette affaire-là.
Moi, ce que je me dis au-delà des blagues, c'est qu'il y a des moyens qui permettraient effectivement, mais il y a toujours un coût rattaché à ça. Je me suis donc informé pour faire faire mes cartes en braille. Mais, pour faire faire 50 cartes en braille, ça coûtait 25 $ pour le plan de mise en place puis tant par carte, ce qui était quand même important, là, comme coût. Je les ai fait faire. Oui, on a donné la commande, mais il y a un seul endroit ? puis c'est à Québec ? qui donne un résultat.
Donc, moi, ma question, elle va être très, très précise: Pensez-vous que tous les députés devraient avoir leurs cartes d'affaires, à un nombre intéressant, en braille? Puis après j'aurai d'autres questions, Mme la Présidente.
M. Vincent (André): Bien, je pense que ce serait effectivement très intéressant que tous les députés aient leurs cartes d'affaires en braille. C'est un moyen de communication intéressant. Au-delà de ça, je pense qu'il est encore plus intéressant de pouvoir avoir, en braille papier ? je déborde, Mme la Présidente, de la question ? mais il est intéressant d'avoir, en braille papier, certains documents à caractère public.
Pourquoi c'est intéressant, les avoir en braille papier plutôt que de lire l'information sur le petit appareil que j'ai ici? Je vous demanderais ou je demanderais aux membres de la commission, Mme la Présidente, de s'imaginer, un seul instant, s'ils avaient toute l'information avec laquelle ils ont à composer actuellement ? les projets de loi, toute autre documentation ? s'ils ne l'avaient que sur ordinateur et qu'ils n'avaient aucune information sur format papier, jusqu'à quel point leur vie et leur efficacité seraient changées.
Et imaginez-vous que, moi, là-dessus, là, je n'ai pas un écran d'ordinateur au complet. J'ai une ligne de 32 cellules à la fois, 32 caractères, alors que, sur ce document, ici, j'ai des pages au complet. Alors, vous vous imaginez que, pour une présentation, pour un travail, pour des études, pour une réflexion sur un projet de loi, sur un document public, il est indispensable d'avoir accès à ce braille papier.
La Présidente (Mme Charlebois): M. le député d'Arthabaska.
M. Bachand: Oui. M. Dubois nous disait qu'il y avait d'excellents lecteurs braille et il faisait mention de M. Lavigne aussi qui était assez extraordinaire dans ce sens-là, comme habileté. Et il me disait que c'est un excellent outil, mais ce n'est pas toujours l'outil adapté. Lui, évidemment il parlait pour sa propre compagnie, là, qui met à la disposition plein de nouvelles technologies. Mais quand même, je reconnaissais là une avancée importante. Le braille, ça fait des années que ça existe, mais, lui, il me disait: Il y a des technologies qui sont à la portée, qui sont beaucoup plus efficaces. Moi, je me dis: Où ça commence et où ça finit? C'est un petit peu ça, là.
Par exemple, au niveau de l'accès à l'information du gouvernement ? moi, c'est un peu toujours ça ? vous dites que c'est toujours rattaché, l'«accommodement raisonnable», à une question de coût. Mais effectivement c'est souvent rattaché à ça. Où est la limite d'accessibilité puis où ça s'arrête? Où ça commence? Moi, j'entends des discours qui sont plus nuancés, comme par exemple M. Dubois; il y en a qui sont un peu plus fermes, comme M. Lavigne, la semaine passée, avec COPHAN. Honnêtement, j'ai de la difficulté à me positionner là-dedans, là. Est-ce que vous pourriez me donner des balises, là, qui me permettraient d'avoir une compréhension raisonnable des attentes, là?
M. Vincent (André): Pour répondre à la question, Mme la Présidente, j'aimerais donner certains faits. Parce qu'on se dit souvent ? on se dit souvent ? là, que la production du braille papier... Et je l'entendais encore, il n'y a pas plus longtemps qu'il y a deux semaines, par des personnes qui sont très impliquées pourtant dans notre milieu et qui véhiculaient encore que produire du braille, produire un livre en braille, ça coûte beaucoup trop cher, ça coûte très cher. Pourtant, en m'adressant au producteur d'ouvrages audio, que ce soit sur support analogique ou, de plus en plus, numérique, si on tient compte de toutes les étapes de modifications, on constate que, pour un ouvrage ayant le même nombre de pages avec le même type de caractères, la même grosseur, le coût d'un ouvrage audio, c'est la même chose que le coût par page d'un ouvrage en braille. Donc, il est important pour moi, Mme la Présidente, de démystifier un peu, là, ce qu'on entend à ce sujet-là parce que ça ne correspond pas à la réalité.
Je comprends en même temps qu'au Québec et ailleurs il n'est pas possible de produire toute documentation, surtout si elle a un caractère très individuel, en braille ou même sur d'autres supports. Mais il me semble, même si je n'ai pas tous les chiffres à vous donner ce matin, il me semble que, si le gouvernement canadien a une politique et l'applique, de rendre accessibles tous ses documents publics aux Canadiennes et aux Canadiens qui ont des difficultés à lire l'imprimé ? c'est pas mal plus de monde que les personnes qui ont le même problème au Québec seulement ? bien, si le gouvernement canadien a cette politique-là depuis plusieurs années maintenant, je crois que le gouvernement québécois a les moyens pour répondre de façon satisfaisante à cet accommodement. Il y a mon collègue, M. Binet, qui aimerait compléter.
La Présidente (Mme Charlebois): Très rapidement, s'il vous plaît.
M. Binet (René): Oui. Juste pour ajouter un élément. Au niveau de l'éducation, il est prouvé très clairement que les gens, les utilisateurs de braille, c'est les personnes qui ont eu le plus de facilité à réussir leurs études. Et, quand je parle d'études, je parle au niveau de cégep, université, des hautes études.
M. Bachand: Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Charlebois): Mme la députée de Duplessis et porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux.
Mme Richard: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Vincent, M. Binet. Tout d'abord, permettez-moi de vous remercier pour la qualité de vos propos. Et, si je peux me le permettre, vous nous amenez tout un éclairage nouveau par rapport aux personnes handicapées. Souvent, on a tendance à voir la personne handicapée plus en fauteuil roulant ou avec vraiment des limitations d'ordre physique. Et là on se rend compte, par vos propos, qu'une déficience visuelle... Et, croyez-moi, je ne pensais pas que vous aviez autant de limitations par rapport au marché du travail. Et ça fait partie des éléments qui vous préoccupent.
Par rapport au projet de loi n° 56, vous vous êtes attardés sur deux choses, soit le marché du travail et l'accès à l'information. Et, à la lecture de votre mémoire, on voit que l'accès au marché du travail est très limité pour une personne ayant une déficience visuelle par rapport à quelqu'un qui souffre d'un autre handicap. Vous ne nous avez pas beaucoup parlé ? vous en avez fait mention mais pas beaucoup ? des centres de travail adapté.
Moi, j'aimerais que vous élaboriez un petit peu plus. Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que vous avez des personnes ? ou des statistiques que vous avez ? qui travaillent dans ces centres-là? Est-ce que, bon, ceux qui les dirigent sont quand même, je vous dirais, ouverts à avoir ce genre d'employés là dans les centres de travail adapté?
M. Binet (René): La problématique, madame, elle se répartit en deux choses: c'est que d'abord, effectivement, comme on le mentionne dans notre mémoire, la clientèle, la fréquentation des CDA par des personnes handicapées visuelles est sous-représentée; mais aussi il y a une problématique de tâche.
La problématique actuellement ? et d'ailleurs, nous, au regroupement à Québec, on travaille sur ce dossier-là ? c'est essayer de voir qu'est-ce qu'on va faire faire à une personne handicapée visuelle, particulièrement une personne fonctionnellement aveugle, dans le cadre d'un centre de travail adapté. La grosse problématique est là. Évidemment, oui, ils sont sous-représentés, mais ? et on pourra le faire tous ensemble éventuellement ? c'est de trouver des tâches, qu'est-ce qu'il est possible de faire.
La Présidente (Mme Charlebois): Mme la députée.
n(11 h 20)nMme Richard: Oui. Dans les centres de travail adapté, le gouvernement verse, bon, des subventions au niveau du salaire. Et, vous savez, bon, plus ça va, plus les centres de travail adapté doivent être concurrentiels. C'est des entreprises. C'est des entreprises qui doivent faire de l'argent, qui doivent être rentables. Et on sait que, bon, ça peut entraîner des coûts substantiels pour adapter tel type de machine dans l'industrie, par rapport à un handicap visuel.
Est-ce que vous avez des exemples à nous donner de ce que pourrait être un investissement dans un centre de travail adapté qui aurait fait en sorte qu'il aurait restreint les personnes souffrant de déficience... je m'excuse, de déficience visuelle à être employées dans des centres?
M. Vincent (André): Bien sûr, Mme la Présidente, la question de Mme la députée démontre qu'elle comprend bien la problématique. En fait, le centre de travail adapté doit viser bien sûr, au-delà de sa mission, et s'il veut réaliser cette mission-là, un certain niveau de rentabilité. Et il est certainement plus facile de faire réaliser certaines tâches très manuelles à des personnes qui sont en fauteuil roulant ou à des personnes qui ont une déficience, une limitation intellectuelle qu'à une personne fonctionnellement aveugle, puisque, pour ces dernières, ça va prendre effectivement des adaptations, des adaptations souvent qui peuvent être relativement simples. Mais toute adaptation entraîne des coûts. Si on doit faire intervenir l'utilisation de certains outillages, certaines machines, bien il faut prévoir effectivement l'installation de gabarits pour éviter à la personne aveugle des risques d'accident dus au fait qu'en manipulant la machine, bien, il ne faut pas qu'elle se mette les doigts à un endroit qui va être plus dangereux. Donc, c'est ce genre d'adaptations qui peuvent représenter des dépenses supplémentaires pour les centres de travail adapté.
En même temps, une partie de la population qui a une déficience visuelle est attirée davantage ou a davantage d'habiletés pour des tâches manuelles plutôt que des tâches à caractère plus intellectuel ou qui amènent à davantage travailler avec les outils, là, qui traitent l'information, puisque c'est quand même un domaine où on a quand même un certain appareillage, même si, je le disais tantôt, là, les résultats démontrent que l'appareillage ne représente pas nécessairement la seule solution. Mais effectivement il y a des personnes donc qui ont besoin d'un contexte comme le centre de travail adapté. Et il est important que la loi facilite l'accès à ces CTA aux personnes qui ont une déficience visuelle, quitte à prévoir des compensations pour les centres de travail adapté qui doivent faire ces modifications de postes de travail.
La Présidente (Mme Charlebois): Mme la députée.
Mme Richard: Merci. Vous aviez autre chose qui vous inquiétait beaucoup ? puis vous en avez parlé précédemment: l'accès à l'information. On sait combien, bon, pour les personnes ayant une déficience visuelle, combien toute l'information, c'est important. Et, dans votre mémoire, vous faites référence à la loi ontarienne, et si on fait un parallèle avec le projet de loi n° 56, vous dites, bon, que la loi ontarienne est plus claire, elle est plus simple concernant l'accès aux documents. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus sur ce qui se fait chez nos voisins?
M. Vincent (André): Oui. Bien, en fait, quand vous lisez les articles auxquels j'ai fait référence, la loi ontarienne, par exemple, prévoit que, dans la mesure où c'est techniquement faisable ? j'attire votre attention sur le mot «techniquement», hein, on fait référence aux technologies, donc on sait que les technologies pour produire du braille ou des documents sur support numérique, maintenant elles existent ? dans cette mesure-là, le gouvernement ontarien s'engage, lui, à fournir aux personnes qui ont des problèmes d'accès à l'imprimé la documentation publique. O.K.? Et c'est ça que nous aimerions, nous, retrouver dans le projet de loi actuel, au Québec: c'est cette ouverture qui ne se limite pas à l'«accommodement raisonnable» ? je crois vous avoir indiqué tantôt ce que je pensais et ce que pouvait véhiculer ce concept de «raisonnable» ? mais qu'on aille vraiment vers une recherche d'une plus grande équité pour les citoyens qui ont une limitation fonctionnelles en regard de ceux qui n'ont pas ces limitations.
La Présidente (Mme Charlebois): M. Vincent? Allez-y, M. Binet.
M. Binet (René): Oui. Juste pour vous donner un exemple par rapport à l'accès à l'information, qui pourrait en fait entériner ce qu'André disait. Moi, je siège sur le comité d'accessibilité au niveau du transport adapté de la région de Québec. Il y a trois ans, j'ai demandé d'avoir la politique d'accessibilité du ministère des Transports en format informatique, en format électronique, en format Word. Et là on ne parle pas de braille, là, O.K.? Et la réponse qu'on a trouvé à me dire ? et je vous rappelle que cette politique-là a été révisée en 1997 ? ce qu'on a trouvé à me dire, c'est: Monsieur, le format électronique, on ne l'a plus, on a seulement un format papier. Je vous laisse réfléchir là-dessus.
La Présidente (Mme Charlebois): Est-ce que vous aviez terminé, Mme la députée?
Mme Richard: Est-ce qu'on a du temps encore un petit peu?
La Présidente (Mme Charlebois): Oui.
Mme Richard: Une dernière question avant de céder la parole à mon collègue. Quand vous avez fait référence tantôt à la loi ontarienne, vous avez dit: C'était techniquement faisable. Donc, on pourrait peut-être aller de l'avant ainsi en disant que ce n'est pas juste des ressources financières. Oui, on pourrait tenir compte des ressources financières. Mais, tout ce qui serait disponible comme nouvelles technologies et qui est faisable, on pourrait y regarder. Ce serait déjà un pas de plus en avant.
M. Vincent (André): Ce serait très certainement un pas en avant, et c'est vraiment le sens de notre demande. Bien sûr, la question va être posée aussi du côté des coûts. Et je reviens à ma remarque de tout à l'heure. Si le gouvernement canadien a jugé qu'il était même financièrement envisageable de prendre un engagement dans ce sens-là ? et c'est le cas depuis plusieurs années ? bien je crois que le gouvernement québécois peut, de façon très réaliste, envisager de faire la même chose, hein? Je pense que, moi, à un moment donné, comme citoyen, si je veux préparer ma déclaration à Revenu Québec en me référant à de la documentation braille... Bon. Depuis des années, on me le fournit ? sur demande ? du côté canadien. Je ne vois pas pourquoi je serais obligé de me battre pour avoir la même chose du côté québécois.
Mme Richard: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Charlebois): M. le député de Vachon.
M. Bouchard (Vachon): Merci, Mme la Présidente. J'aimerais revenir sur ce que vous soulevez concernant les contraintes spécifiques liées à l'incapacité des personnes. Il y a des efforts, je pense, constants et souvent louables qui sont faits pour l'adaptation des environnements ou l'accommodement. Par exemple, dans une usine de recyclage de tissus que je connais bien et qui a un CTA, tout le télémarketing est confié à une personne aveugle. Il y a aussi la sélection des produits. Comme ce sont des tissus, il y a des possibilités qu'il y ait, là-dedans, des tissus qui ne soient pas recyclables parce qu'ils sont trop détériorés. Et la personne qui fait l'accueil, le premier tri est une personne aveugle parce qu'elle peut détecter facilement, lorsqu'elle ouvre un sac, les odeurs de moisi, par exemple. Ça m'avait assez impressionné de constater comment on pouvait mettre à contribution les compétences aussi spécifiques des personnes en cause.
Maintenant, si on regarde l'envers du décor et si on examine, comme vous le faites dans votre document, la question des mesures d'employabilité, est-ce que vous avez à l'esprit des améliorations ? non pas cette fois-là concernant l'accommodement de l'environnement ? mais par ailleurs des approches qui pourraient, dans les mesures d'employabilité, favoriser les personnes qui présenteraient un handicap en tenant compte des contraintes spécifiques à leur incapacité?
M. Vincent (André): Mon collègue pourra compléter, mais je vais me permettre, puisque j'ai l'occasion de le faire, de dire que les seules mesures d'employabilité, même si on les bonifie ? et je pense qu'elles doivent être bonifiées, que ce soit au niveau des contrats d'intégration au travail qui doivent être bonifiés à divers points de vue, et même au niveau de l'enveloppe budgétaire ? mais je voudrais quand même insister sur un fait ? et ça, ce n'est pas en soi une mesure qui amène des subventions mais qui amène un effort de sensibilisation ? parce qu'une bonne partie, hein, une bonne partie de l'explication au fait que les personnes déficientes visuelles sont sous-représentées sur le marché de l'emploi, c'est essentiellement lié à de la sensibilisation et à la perception même de la déficience visuelle tant par les employeurs éventuels, qu'ils soient du secteur public ou privé, que chez les personnes déficientes visuelles elles-mêmes peut-être à l'occasion.
n(11 h 30)n À titre anecdotique peut-être, je vous cite une étude qui avait été menée il y a déjà une vingtaine d'années ? force m'est de constater que ça n'a pas beaucoup changé, comme ça, auprès des Canadiens ? et ça s'intitulait Le pire des handicaps. Et, pour la grande majorité des Canadiens, le pire des handicaps, la chose qu'ils craignaient le plus au monde, qu'ils redoutaient le plus, avant même la menace que peut représenter le cancer, c'était la cécité, c'était d'avoir une déficience visuelle. Alors, ça nous en dit bien long sur la perception qu'ont les employeurs face à des personnes déficientes visuelles. Et donc il y a des énergies et éventuellement des efforts financiers à faire du côté de la sensibilisation par le gouvernement du Québec et par l'instance qui éventuellement sera pressentie pour se préoccuper de la situation des personnes ayant des limitations fonctionnelles, incluant la déficience visuelle. René.
M. Binet (René): Oui. Par rapport au programme d'employabilité, moi, ce que j'ai envie de vous dire là-dessus: Oui, effectivement il faudra que les gouvernements augmentent les enveloppes, mettent de l'argent. Est-ce qu'il ne serait pas plus intéressant de développer des programmes d'employabilité et faire en sorte qu'entre autres, parlons des personnes qui sont en CTA... puissent travailler, puissent connaître la valorisation du travail? Est-ce qu'on ne serait pas mieux de les payer à faire ces choses-là au lieu de les payer peut-être à ne rien faire et être sur la sécurité du revenu? Parce que je pense qu'en déficience visuelle on croit à la valorisation du travail, sauf qu'il y a des gens actuellement qui n'y ont pas accès malheureusement.
M. Vincent (André): Mme la Présidente, juste en 30 secondes, je voudrais compléter en ajoutant un autre élément d'information. Je disais, il y a quelques minutes, que, dans certains cas, plutôt que d'avoir des acquis, il y a eu des pertes au niveau de l'emploi chez les personnes déficientes visuelles.
Deux exemples. Il y a une vingtaine d'années, les personnes qui enseignaient, entre autres, aux personnes déficientes visuelles, qui enseignaient, dans les établissements de réadaptation, le braille aux personnes déficientes visuelles, c'étaient elles-mêmes des personnes déficientes visuelles qui avaient le double avantage à la fois de bien connaître bien sûr leur contenu, ce qui est le cas d'autres intervenants en réadaptation de nos jours, mais de servir aussi de modèle aux personnes déficientes visuelles qui étaient en situation d'apprentissage. Cette situation-là, pour toutes sortes de raisons, n'est plus vraie aujourd'hui. Dans les écoles pour non-voyants, il n'y a plus un seul enseignant non voyant depuis deux ans.
O.K. Autre exemple que je vous apporte. Il y a une vingtaine d'années, on avait une très célèbre école qui formait des accordeurs de piano au Québec. Et ça a permis à au moins une trentaine de personnes, qui, malheureusement, approchent de la retraite aujourd'hui, d'occuper un emploi soit comme travailleur autonome ou dans d'autres entreprises, un emploi très bien rémunéré. Ces gens-là ont gagné, pendant 30, 40 ans, de façon très honorable, leur vie en plus de mener une existence productive. Malheureusement, il y a 20 ans, on a décidé d'abolir ce type de formation là. Ne pourrait-on pas considérer, parmi des mesures d'employabilité, la possibilité de remettre en place ce type de formation?
La Présidente (Mme Charlebois): M. le député de Vachon.
M. Bouchard (Vachon): Ça va. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va aller. Alors, M. Binet et M. Vincent, merci beaucoup pour votre présentation. Et je vais inviter le Regroupement des usagers du transport adapté du Sherbrooke métropolitain à prendre place, s'il vous plaît. Je vais suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 34)
(Reprise à 11 h 38)
La Présidente (Mme Charlebois): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recevons le Regroupement des usagers du transport adapté du Sherbrooke métropolitain. Bienvenue à la Commission des affaires sociales. Je vais vous demander, dans un premier temps, de vous identifier, de procéder ensuite à la présentation de votre mémoire. Vous savez que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, et ensuite on débute la période des échanges avec les parlementaires.
Regroupement des usagers
du transport adapté du Sherbrooke
métropolitain (RUTASM)
Mme Croteau (France): Je me présente: je suis France Croteau. Je suis coordonnatrice du regroupement et je suis membre aussi du conseil d'administration.
M. Beloin (Jean): Jean Beloin. Je suis membre du Regroupement des usagers du transport adapté.
La Présidente (Mme Charlebois): Allez-y.
Mme Croteau (France): Alors, je vais, dans un premier temps, vous présenter notre mémoire, et, dans un deuxième temps, Jean vous donnera un témoignage de son utilisation des transports interurbains.
Alors, le RUTASM, c'est un organisme qui est thématique. Il n'y en a pas beaucoup, d'organismes thématiques. C'est un organisme thématique en transport. On défend les droits des personnes handicapées en transport. On s'est fondé comme regroupement en 1982. Puis, en 1985, on s'est incorporé. Depuis 1982, on a mené plusieurs dossiers au niveau de la Commission des droits de la personne, dans les dossiers de discrimination. Et on a eu des ? contraire de l'échec, là ? des succès par rapport à la reconnaissance des droits des personnes handicapées. Ça nous a donné aussi une expertise dans ce domaine. Et on a appris aussi à faire affaire avec la Commission des droits qui défend la Charte des droits et libertés du Québec, et pour nous, la bible qui assure une protection des droits des personnes handicapées.
n(11 h 40)n Nous avons participé, l'année dernière, à la Commission des affaires sociales. Et, à cette occasion-là, on vous demandait de rajouter les CIT au niveau de l'obligation d'adapter et d'offrir du transport adapté accessible. Alors, on est très heureux, cette année, de voir qu'il y a eu des avancées, bon, des avancées par rapport à la loi de 1978 et des avancées par rapport à la loi de l'année dernière, là, qui avaient cessé au changement du gouvernement. Bon.
Alors, l'article 37. Nous sommes donc heureux, comme organisme de défense de droits, que les CIT et OMIT aient été rajoutés comme organismes, structures de transport devant, au même titre que les sociétés de transport en commun, assurer un service accessible pour les personnes handicapées, de le rendre, leur service, accessible, que ce soit, dans certaines CIT, par la mise en fonction d'un minibus ou d'adapter leurs propres véhicules pour répondre aux besoins des personnes handicapées. On veut aussi dire notre appréciation qui est la grosse avancée par rapport à la loi n° 78. C'est de dire aux municipalités qu'elles doivent offrir le transport adapté par contrat, on ne les obligera pas de se structurer en un organisme municipal de transport mais de signer avec un contractuel un moyen pour offrir du transport accessible aux personnes handicapées des régions, des petites villes, pour que ces personnes-là puissent rester chez elles. S'il y a tant de monde à Montréal, il y a beaucoup, beaucoup de personnes handicapées qui s'en vont dans les grands centres parce qu'il n'y a pas de service dans les régions. Alors, déjà, c'est une avancée d'obliger toutes les municipalités du Québec.
On est contents aussi que l'article 72 ait été abrogé. Maintenant, ce qu'on a pris conscience et que la Commission des droits vous a très bien fait ressortir au début des audiences, c'est que d'un côté vous proposez d'abolir l'article 72. Nous autres, on s'est frappé à cet article-là 72 parce qu'il y a déjà eu des objets de plainte de la part d'usagers au transport adapté qui ont été non recevables par la commission à cause de l'article 72 où on disait: Bon, bien la corporation, elle fait ce qu'elle peut avec le budget qu'elle a. Bon. C'est ça que ça voulait dire, l'article 72. Bon. Bien, là, je vous dis respectueusement que vous avez mis pire avec le 1.3, et nous endossons parfaitement. Et j'espère que vous allez tenir compte de la Commission des droits de la personne qui vous demande de retirer cet article-là. Et puis, si vous voulez absolument garder le début de l'article, bien enlevez «en tenant compte des ressources humaines, matérielles et financières dont ils disposent». C'est un langage pour un non-engagement. Parce que, nous autres, on dit: Toutes les avancées qu'on est heureux de découvrir dans le nouveau projet de loi, ils vont être annulés par cet article-là. Alors, enlever la dernière partie et mettre, comme le conseille la Commission des droits, «en tenant compte du droit reconnu à l'égalité et du concept juridique de l'accommodement raisonnable sans contrainte excessive».
Je pense que, vous l'avez vu ce matin, les transporteurs ne veulent pas avoir de contrainte. Mais on est aussi pour pas les contraintes excessives mais une certaine contrainte. Alors, il y en a qui n'en veulent pas du tout. Avec les personnes handicapées, il faut contraindre un petit peu. Alors, nous autres, on trouve la formule de la Commission des droits parfaite. De toute façon, c'est un concept qui est utilisé au niveau de la charte fédérale. Donc, on espère que vous n'annulez pas 72 pour mettre 1.3.
Maintenant, pour revenir à l'article 37, justement dans l'esprit de la charte, on est heureux, je veux vous le dire, on se réjouit que vous ayez rajouté les CIT, qui sont les structures de transport, un paquet de municipalités qui font des ententes pour offrir du transport urbain. Ça ressemble à la Corporation municipale de transport comme on avait à Sherbrooke, où il y avait cinq municipalités. Bon. Dans d'autres régions du Québec, on les appelle les CIT. Alors, ça unit un paquet de municipalités. Où il y a une structure de transport, comme dit l'article de la charte, quand il y a un service de transport offert, il ne doit pas y avoir de discrimination, c'est-à-dire, on doit l'offrir à tout le monde. Et ça, il y a différentes façons de l'offrir. On ne demande pas le moyen qui coûte le plus cher, mais un moyen qui tienne compte des besoins des personnes handicapées. Donc, on vous demande de rajouter, à l'article 37...
Vous allez trouver qu'on abuse, mais, nous autres, on trouve qu'on n'abuse pas. Oui, vous avez ajouté «CIT». Parfait, mais il faudra un autre petit pas parce que, dans le décret 2002 des subventions du ministère des Transports au transport adapté, on annonce que peuvent être éligibles à une subvention en transport adapté les MRC quand elles sont responsables du transport de leur région, les CIT ? parfait, vous l'avez mis, on est correct ? les CRT, c'est-à-dire les conseils régionaux de transport ? il en existe à Lanaudière ? les régies municipales de transport, les MRT ? il en existe en d'autres. Alors, ce sont des structures de transport. Et puis on vous demande aussi de... quand des transports collectifs s'établiront ? comme le monsieur de l'APAQ a dit, ça s'en vient vers des transports collectifs, et on est pour ça ? mais il faut, si on établit une structure de transport dans une région, il ne faut pas discriminer les personnes handicapées mais voir à ce qu'il y ait un service qui leur est offert. Donc, STC, les sociétés de transport, les CIT, les OMIT, puis il reste à rajouter les organismes que le ministère des Transports finance pour le transport adapté. Il doit y avoir une subvention.
Dans les articles 53, 54, où on fait une autre très grande avancée, c'est de dire que les codes municipaux, la Loi sur les cités et villes vont être changés ? ce que propose la loi ? pour obliger les municipalités. Bravo, merci, on avance. On doit être fier de notre société québécoise.
Le deuxième paragraphe, c'est les points en dehors des municipalités. Là, on sait que c'est compliqué parce que ce n'est pas les mêmes payeurs de taxes, ce n'est pas les mêmes élus, etc. Alors, on suggère deux possibilités. L'obligation de la réciprocité, ça a déjà été demandé par la Commission des droits de la personne en 1991, en disant que, les sociétés de transport qui sont limitrophes, bien ? vous savez, comme Laval ou Longueuil ? il faut trouver des points pour qu'ils puissent circuler. Nous autres, c'est la même chose, Sherbrooke; les gens d'East Angus, Windsor, ils viennent à Sherbrooke parce qu'il y a des hôpitaux à Sherbrooke, parce qu'il y a des gros hôpitaux à Montréal. L'AMT a réglé le problème du transport de la mobilité. La réciprocité est acquise avec l'AMT. La région sherbrookoise, elle n'est pas acquise, là. Sherbrooke, il ne va pas à East Angus puis il ne va pas à Magog. Magog vient à Sherbrooke parce qu'ils sont obligés. Alors, on voudrait qu'il y ait une réciprocité.
Mais on veut vous en proposer une autre ? peut-être que ce serait la solution ? c'est les transports interurbains. C'est pour ça qu'on a écouté avec attention le monsieur de l'APAQ. Oui, on veut une contrainte, que nous jugeons non excessive: obligation pour les transporteurs interurbains de desservir aussi leur clientèle handicapée. C'est pour ça que Jean est ici: pour vous parler du besoin. Puis il y a des antécédents qui sont... Il y a eu un programme de subventions fédéral. Le fédéral, il a fait une grosse étude. Il s'est promené à travers le Canada. Le RUTASM, on est allés se faire entendre et on dit: Il faut accessibiliser les autocars, les autobus interurbains. Bon. Alors, il y a eu un programme d'aide ? cinq ans ? puis le Québec est embarqué aussi. Et ça a débloqué. Il s'est mis à y avoir des autocars adaptés au Québec.
Mais, quand on parle de contrainte, il faudrait dire que, nous autres, on a fait une plainte à la Commission des droits de la personne en 1991, pour dire à notre transporteur interurbain qui faisait la ligne Sherbrooke-Montréal, Sherbrooke-Québec de rendre accessible au moins un autocar. On a fait une plainte qui a duré cinq ans. Mais la commission, la cinquième année, elle a dit au transporteur: Tu vas chercher une subvention ? il y en a ? ou je t'amène au tribunal de la Commission des droits. Or, il y a eu une entente de réglée, et ça a fait reconnaître qu'il ne faut pas pratiquer de discrimination. Et Sherbus, en 1985, s'est acheté un deuxième autocar, et il était fier de dire qu'il avait deux autocars. Et nous avons eu, à Sherbrooke, deux autocars de 1996 à 2002. Alors, c'est un autre précédent.
Les subventions, il n'y en a plus. Ça, c'est un manque. Il va falloir qu'il y ait quelqu'un qui dise au ministère des Transports de reprendre un programme de subventions pour payer les lifts, les plateformes élévatrices.
n(11 h 50)n Et un autre précédent, c'est la décision de la Commission des transports du Québec. Ça, ça a été un précédent qu'on voudrait que vous connaissiez. C'est qu'en Abitibi on a fait des démarches parce qu'il y avait un transporteur interurbain. Il demandait d'avoir des permis, et on a dit à la Commission des transports du Québec, qui relève du ministère des Transports, de tenir compte du transporteur qui proposait d'avoir des autocars accessibles. Et ils l'ont fait. Ça a créé un précédent. Donc, c'est reconnu au Québec qu'il faut qu'il y ait accessibilité dans les autocars.
Actuellement, en 2004, il n'y a pas d'obligation pour les autocars. Si on fait Sherbrooke, entre Sherbrooke-Montréal, Sherbrooke-Québec, vous conviendrez que ça va quand on circule là. Orléans Express, lui, il n'a pas besoin de se faire dire d'obligation. Il a assez un gros chiffre d'affaires qu'il a six autocars adaptés. Mais ici, à Sherbrooke, là, maintenant il n'y en a plus rien qu'un. Puis Intercar Chicoutimi, il en avait deux. Puis là ils n'en ont plus rien qu'un. Puis, quand il brise, il n'y en a plus parce qu'il n'y a pas d'obligation puis il n'y a plus de subventions.
Donc, ce qu'on vous demande, c'est de rajouter, à l'article 67, que «toute entreprise de transport interurbain québécoise doit, dans l'année qui suit, faire approuver par le ministère des Transports un plan de développement visant à assurer, dans un délai raisonnable, le transport des personnes handicapées sur les lignes qu'il dessert» ou bien vous pouvez lui dire de faire approuver par la Commission des transports du Québec un plan de développement visant à assurer, lors du renouvellement de son permis, le transport des personnes handicapées. Vous choisirez la formule que vous voudrez, mais il est temps qu'au Québec... Il y a assez de précédents et de reconnaissance que les structures de transport doivent être accessibles aux personnes handicapées. Je pense qu'il est temps de rajouter cette clause-là. Alors, je passe la parole à Jean, qui va vous donner le vécu d'une personne handicapée en interurbain.
La Présidente (Mme Charlebois): M. Beloin. Allez-y.
M. Beloin (Jean): Merci, Mme la Présidente. Moi, je m'adresse à l'Assemblée en tant qu'usager du transport interurbain, usager depuis à peu près le milieu des années soixante.
Alors, moi, ça se divise en deux parties. Il y a avant 1977, lorsque je n'avais pas à vivre avec mon handicap. Alors, j'ai eu à prendre à plusieurs reprises l'autobus interurbain, particulièrement Sherbrooke-Montréal aller-retour. Et j'ai eu, à cette période-là, à vivre une fois où il y avait trop d'usagers pour la capacité du transporteur. Alors, il restait trois personnes sur le quai. Dans les minutes qui ont suivi, on a amené un autre autobus et on nous a amenés à Sherbrooke, trois personnes dans l'autobus, un deuxième autobus. On ne nous a pas dit: Ce n'est pas payant ou c'est de trop, attendez l'autobus suivant, parce qu'il y en aurait eu d'autres. Mais on nous a considérés comme des clients qui avaient le droit d'être servis et on l'a bien fait. Je ne sais pas présentement si la même chose se vit quand il y a un surplus de passagers.
Après 1977, ça a été une autre chose. J'ai vu la différence comme personne handicapée. Alors, à cette période-là, il n'y avait pas d'autobus interurbain adapté. Alors, j'ai voyagé, plusieurs dizaines de fois, entre Sherbrooke-Montréal, quelques fois aussi entre Sherbrooke et Québec ou Sherbrooke-Chicoutimi. Alors, durant toute cette période, ma seule façon que je pouvais monter dans l'autobus, c'était de monter sur les fesses jusqu'au premier siège parce qu'habituellement on me laissait le premier siège. Alors, les autobus interurbains ne sont pas des autobus à plancher bas. Alors, ça veut dire qu'il y a plusieurs marches à monter, et la hauteur du siège est assez aussi importante. Alors, je n'étais pas capable de le faire sans aide. Alors, habituellement, le chauffeur m'apportait de l'aide, et, comme, moi-même, je pouvais quand même apporter une bonne part d'aide, ça pouvait aller. Mais je connais d'autres personnes qui ont des handicaps plus importants que le mien et que ça a été encore beaucoup plus difficile de faire ces déplacements, là, de pouvoir avoir un siège dans l'autobus.
À partir de 1996, quand on a eu droit à l'autobus interurbain adapté, je dirais que, de 1996 à 2002, je considérerais ça un petit peu, dans mon cas, comme l'âge d'or du transport interurbain adapté, l'âge d'or entre guillemets, parce qu'on avait deux minibus, deux autobus interurbains adaptés et c'était beaucoup plus facile. C'est arrivé très peu de fois où je n'ai pas pu en bénéficier parce qu'un ou l'autre était disponible. Même s'il y avait un bris sur un autobus, l'autre était disponible. Alors, ça a été la meilleure période, où je n'ai pas eu besoin à faire ces transferts-là pénibles de mon fauteuil roulant jusqu'au siège. Ce transfert-là aussi, quand j'ai à le faire, bon, l'été, c'est une chose; l'hiver, c'en est une autre. Vous savez ce que c'est, l'hiver, avec la slush. Alors, dans les marches d'autobus, on en trouve comme partout ailleurs. Alors, c'est des déplacements qui deviennent plutôt désagréables et pénibles.
Depuis 2002, alors, il y a une nouvelle compagnie qui a pris seulement un des autocars adaptés. Alors, ce qui fait qu'on revient plus souvent à des difficultés de transport. Je continue à utiliser l'interurbain à plusieurs reprises et je l'apprécie toujours à chaque fois que je peux l'avoir. L'an passé, il y a eu une occasion où je n'ai pas pu avoir ni l'aller ni le retour, alors j'ai dû revenir un peu à l'ancienne méthode. Cette année, au mois de mai, à la fête des Mères, je voulais aller voir ma mère, qui est hospitalisée à Montréal, mais je n'ai pas pu avoir l'interurbain adapté parce qu'on me disait, bon, qu'il était déjà pris. Il fallait que je me débrouille. Alors, comme je voulais y aller, alors là aussi j'ai repris l'ancienne méthode pour y aller. Pour le retour, j'étais supposé avoir l'adapté, sauf que, quand je me suis présenté, il n'était pas là. Bon. J'ai su par après, en m'informant, que c'était une erreur de répartition dans les remplissages de formules. Alors, le chauffeur, quand je suis arrivé au quai d'embarquement pour le préembarquement ? alors j'étais un peu inquiet de voir que ce n'était pas l'autobus adapté ? il m'a dit: Moi, il dit, je n'ai pas de réservation. Mais j'ai dit: Moi, je l'ai fait, j'ai eu la confirmation, puis l'autobus devrait être là. Alors, lui, il m'a dit que ce n'était pas son problème.
Dans un sens, c'était peut-être vrai, mais, dans un autre sens, moi, je ne savais pas quoi faire. Alors, il n'avait pas de solution vraiment à me proposer. Alors, je lui ai demandé si je pouvais coucher à Montréal, s'ils m'offraient le coucher pour prendre un autobus le lendemain qui pourrait venir me chercher. Bon. On m'a dit que je pourrais peut-être le faire, mais c'est à mes frais. Alors, je n'avais pas l'argent disponible pour payer une nuit quelque part, dans un hôtel, je n'avais plus de transport adapté pour retourner dans ma famille. Il était 23 heures à ce moment-là. Alors, finalement, bon, on a repris la vieille solution de remonter encore avec l'aide du chauffeur. Et ça se reproduit aujourd'hui même, j'ai eu l'autobus adapté pour venir à Québec, hier soir, mais, ce soir, je ne pourrai pas l'avoir parce qu'il est pris à Montréal pour un autre transport, et il ne pouvait pas être à deux places en même temps. Alors, moi, je crois que ce serait très utile d'en avoir au moins deux ou qu'il y ait d'autres solutions.
Comme à une reprise le transporteur m'a offert de venir me reconduire à Montréal en minibus adapté, un minibus qu'ils avaient, leur compagnie, pour d'autres services. Alors, je suis finalement monté à Montréal parce que l'autobus était réservé ? il reconnaissait ça ? sauf qu'il y avait eu, là aussi, une erreur de répartition de leur part. Alors, dans ce cas-là, j'étais arrivé à Montréal mais en retard. Donc, ça veut dire que mon transport adapté de Montréal ne fonctionnait plus; il était venu, mais je n'étais pas là. Alors, j'ai dû rappeler, réattendre quelques heures qu'on puisse revenir me chercher et me ramener dans ma famille.
Alors, chaque fois qu'il y a un maillon de la chaîne qui ne fonctionne pas, c'est tout le reste qui s'ensuit. Et le reste, bon, souvent c'est d'autres transports qui sont coordonnés pour arriver avec celui qu'on avait, ça peut être des rendez-vous qui sont manqués ? j'ai eu à plusieurs reprises à avoir des rendez-vous à Montréal ? ça peut être les aides qu'on a besoin à la maison ? quand on ne revient pas à l'heure, bien l'aide est venue pour rien. Au moment où j'arrive, l'aide n'est plus disponible. Alors, c'est tout un enchaînement qui fait que je pense que, ce besoin de transport là, qu'il soit fiable, bien c'est nécessaire.
Moi, je le prends malgré les difficultés que ça représente. J'arrive près de la soixantaine, je trouve ça beaucoup plus difficile qu'il y a 20 ans. Mais je connais d'autres personnes qui l'utilisent rarement et puis avec, je dirais, beaucoup d'hésitations à cause de ce manque de fiabilité de ce transport-là. Et d'autres ne le prennent tout simplement pas parce qu'ils ne sont pas assurés d'avoir comme l'aller et le retour dans des conditions normales. Alors, ils s'en abstiennent. Ce n'est pas l'idéal parce que ce n'est pas... en tout cas, les personnes que je connais, ce n'est pas simplement pour des loisirs de façon très, très régulière. Ça, c'est des transports occasionnels qu'on a besoin. On ne demande pas un service de limousine, on demande simplement un service de base qui est accessible aux plus démunis de la société, ceux qui n'ont pas leur auto pour se déplacer quand ils veulent, où ils veulent, au moment qui leur convient.
La Présidente (Mme Charlebois): En conclusion.
n(12 heures)nM. Beloin (Jean): Bien, en conclusion, moi, je crois que la différence entre le privé, c'est que son objectif premier, c'est le profit. Il peut avoir d'autres objectifs, mais c'est un peu toujours axé sur cette base-là. Et la clientèle handicapée n'est pas une clientèle, je pense, qui va amener des gros profits aux transporteurs privés. Le transporteur qui est obligé de suivre les lois peut-être imposées, si on veut, par le public va peut-être avoir plus le souci justement de cette universalité que le service soit offert à tout le monde, quel que soit son handicap ou sa limite. Alors, je souhaite que la commission puisse aider à faire accepter cette possibilité d'un transport accessible à tous. Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Alors, merci. On va débuter la période des échanges. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Mme Croteau, M. Beloin, merci pour ce témoignage très concret. Et également, venant de Sherbrooke, je suis sensible à la réalité, là, des transports dans cette région-là. On sait que, notamment entre Sherbrooke et Québec, ce n'est pas facile, hein, c'est long, l'autobus de Sherbrooke à Québec.
Tout d'abord, parlons de la libre circulation des personnes sur le territoire, là, entre les territoires. Vous avez, je crois, demandé qu'on ajoute des organismes à l'article de la loi qui concerne le transport adapté. Et là vous mentionnez deux solutions possibles et vous en choisissez une ? j'ai pris des notes: la première, l'obligation de réciprocité, de sorte que, si on est visité par une entreprise d'une autre localité, on doit, par réciprocité, assurer le retour ou le mouvement inverse ? c'est comme ça que je comprends votre suggestion; et l'autre, qui est, je crois, ce qui a été développé par M. Beloin sur le transport interurbain. J'aimerais que vous reveniez là-dessus pour nous dire vraiment, là, quelle est la modification ou, de façon concrète, qu'est-ce que vous voudriez voir apparaître dans le projet de loi.
Mme Croteau (France): C'est parce que, comme le paragraphe deux de la loi ? 53, 54 ? ça oblige des points de services, O.K., puis c'était recommandé puis c'est recommandable, là... Comme je vous dis, East Angus vient à Sherbrooke; on appelle ça point de services. Mais Sherbrooke n'y va pas, il ne sort pas. Trois-Rivières, il ne sort pas. Puis, si Montréal, il sort, c'est parce qu'il a été obligé par l'AMT. On dit: Oui, il y aurait une solution, c'est de dire: Vous êtes obligés d'avoir des points de services. Mais là on touche deux municipalités indépendantes. Moi, je dis que les CIT, ça couvre un paquet de municipalités. Tiens, eux autres, ils vont êtres obligés d'avoir des points de services, je veux dire, ils sont obligés de circuler entre municipalités. Ça, c'est réglé pour ces municipalités-là, il y a une CIT qui se promène.
Moi, je pense qu'il y a de l'interurbain un peu partout au Québec, alors ça pourrait être le transporteur interurbain qui fait qu'entre deux municipalités... Bien, comme nous autres, pour aller à Magog ? Sherbrooke, il ne va pas à Magog; bien non, il n'est pas obligé, je comprends ça, Magog vient à Sherbrooke... Bon. Mais on peut aller à Magog parce que le transport interurbain passe par Magog pour aller à Montréal. Si on prend le local, on peut aller à Waterloo, on peut aller à Bromont, on peut aller à plein de places. Si on prend le local de Québec, on peut aller à plein de places. Moi, je pense que, l'interurbain au Québec, il faut le développer. Donnez-lui des subventions un peu, là, pour les lifts. L'interurbain au Québec, il se promène. Or, il pourrait assurer une libre circulation des personnes handicapées. Mais là ils vont être obligés d'avoir du transport adapté dans leur patelin, donc ils vont arriver puis ils vont être desservis. Mais ça peut être une solution, que d'exiger que le transport interurbain soit accessible en demandant au MTQ de revenir avec une subvention. Ça assurerait peut-être qu'ils peuvent aller à Montréal, à Québec, dans la ville voisine.
Parce que, nous autres, ce qu'on connaît de notre région, là ? on parle de Sherbrooke ? on le sait, qu'il y a un transport interurbain qui va à Coaticook, qu'il y en a un qui va à Thetford. Comprenez-vous ce que je veux dire? Il y en a, des petits réseaux de transport adapté. Puis, nous autres, bien le transporteur qui va à Coaticook n'est pas adapté, mais par contre il a une entente avec le transport adapté de Coaticook que, s'il y a un Sherbrookois qui veut aller à Coaticook, il va mettre son minibus cette journée-là. Parce que, quand on parle d'accessibiliser le réseau, ce n'est pas vrai que ça n'a pas de bon sens, c'est trop cher. Il y a des ententes qu'on peut faire; comme, nous autres, Limocar, là, il a juste un autocar, mais on lui a dit: Si vous trouvez que c'est trop cher acheter un autre autocar adapté avec le lift parce qu'il n'y a plus de subventions, quand arrivera un bris, mettez un minibus. Ils l'ont fait une fois avec Jean. Ils l'ont fait une fois, nous autres, au colloque. On est allés au colloque du transport adapté. Limocar est venu se promener avec son autocar adapté. Bien, vous comprenez, il a brisé, son autocar adapté. Alors, comme ils étaient très visibles, eh bien, ils nous ont offert leur minibus adapté pour revenir de Montréal à Sherbrooke. Ça fait que c'est arrivé deux fois qu'ils ont compensé. Bon. Ça peut être une formule.
Ce n'est pas souvent qu'il y a deux personnes handicapées qui demandent, à la même heure, le même jour ? peut-être à Noël, peut-être à la fête des Mères ? puis que l'autocar brise. Bien, ils mettront un minibus. Peut-être qu'ils vont s'apercevoir que, comme Sherbus, ce serait plus payant deux autocars. Parce que, si vous achetez un lift qui va dans le milieu de l'autocar, il ne prend pas de banc, il ne fait pas perdre de profit parce que, quand il n'y a pas de personne handicapée, le lift est dans la soute à bagages, puis on ne sait pas que l'autocar est adapté. Mais le lift de Limocar actuel, il est dans le coin, puis il y a des sièges qui enlèvent du profit. Alors, il y a moyen d'avoir des adaptations qui ne font pas perdre de profit. Puis on est ouvert à toutes sortes d'arrangements mais qui soient accessibles.
M. Couillard: Toujours dans le même ordre d'idées, si je comprends bien la différence entre les deux, la réciprocité, c'est d'utiliser des entreprises de transport adapté qui existent déjà, tandis que la deuxième solution, c'est d'utiliser ce qui existe déjà en termes de transport interurbain. C'est ce que vous avez expliqué, là, je crois.
Mme Croteau (France): C'est que ce serait un moyen d'assurer cette réciprocité-là.
M. Couillard: Voilà. Mais, pour les personnes handicapées, en termes de flexibilité d'horaires, par exemple, qu'est-ce que vous pensez qui est le plus utile entre les deux, là? Est-ce qu'en d'autres termes les entreprises de transport adapté n'ont pas des horaires un peu plus flexibles que les routes classiques de transport interurbain? Est-ce que ça ne vous met pas dans une situation où vous...
Mme Croteau (France): Bien, je ne sais pas, au niveau de voyager, quand tu vas à un rendez-vous médical dans l'hôpital voisin, tu as une heure précise. Je ne vois pas... L'interurbain peut offrir autant de services. Parce que le transport adapté, lui, va dire qu'il a sa clientèle puis des fois il dessert les visiteurs mais pas trop parce qu'il veut faire passer ses payeurs de taxes avant. Les deux solutions sont bonnes puis peut-être dans certaines régions. Mais, en soi, si on pouvait faire reconnaître que tous les transports interurbains doivent être accessibles, soit qu'il y ait un véhicule accessible où il y a des ententes ? ça peut être avec le transport adapté... Il faut trouver une solution pour que les personnes handicapées puissent aller d'une ville à l'autre accessible.
La Présidente (Mme Charlebois): M. le député de Robert-Baldwin.
M. Marsan: Merci, Mme la Présidente. Et à mon tour de vous saluer puis de vous remercier. Tantôt, vous avez dit qu'avec les personnes handicapées il faut contraindre un petit peu. Ça m'a surpris, mais j'aimerais ça que vous développiez un peu là-dessus. Et vous allez sûrement nous parler ? vous en avez parlé déjà ? des mesures coercitives. Quelles seraient les mesures que vous pouvez penser qu'on peut inclure dans une loi lorsqu'on veut être coercitif et qu'on souhaite que ça puisse avoir les effets escomptés?
Mme Croteau (France): Ça contraint parce que ça coûte des sous, O.K.? Il y a eu un déblocage des autocars adaptés en 1996 parce qu'il y a eu des programmes de subventions. Ça a payé l'autocar et ça a payé la plateforme, O.K.? Ça a parti le bal. Comme les taxis adaptés, là, ils paient l'adaptation puis la plateforme. Ça a parti un boom dans les taxis adaptés.
Quand on parle de contrainte, c'est parce que ça coûte des sous. Mais, au moins, bien, là, on va contraindre le gouvernement de donner une subvention; c'est lui qui va avoir la contrainte. Et je pense qu'un gouvernement ce n'est pas un organisme qui doit d'abord voir à faire des profits. Un gouvernement doit assurer l'équité puis s'assurer que les clientèles les plus démunies, les plus handicapées ont accès aux mêmes services. Puis il doit voir à faire respecter la charte. Alors, moi, je trouve que demander au gouvernement de donner des subventions à l'adaptation des interurbains comme il fait pour les transports adaptés des villes, comme il va faire pour les CIT, les programmes d'aide, mais là la contrainte, elle va être du côté du gouvernement. Mais, moi, je trouve que ce n'est pas une contrainte, c'est une démonstration d'un bon gouvernement qui cherche à être équitable. T'as-tu...
M. Beloin (Jean): Oui. J'aimerais peut-être rajouter quelque chose. Actuellement, si on prend juste le transport, je pense, interurbain ou urbain, ce n'est pas nécessairement quelque chose de payant. Le transport urbain, entre autres, est subventionné parce que, bon, tous les automobilistes paient une petite partie de l'immatriculation, je crois, là, pour aider au transport urbain. Alors, les personnes qui ont plus de facilité à se déplacer avec leur automobile privée, il pourrait peut-être y avoir une petite partie, comme on fait pour le transport urbain, qui soit attribuée pour permettre aux transporteurs interurbains, entre autres, d'avoir ce qu'il leur faut pour offrir ce service-là, qu'on reconnaît que ce n'est pas de quoi de payant, mais qu'à cause des valeurs qu'on porte comme société bien on y croit puis on est prêt à y investir quelque chose. Ça peut être une façon d'aller chercher ça. L'outil qu'il faut, c'est l'argent. C'est toujours ce qui mène un peu partout. Alors, aider de cette façon-là.
n(12 h 10)nMme Croteau (France): Les contraintes, le monsieur de l'APAQ, il vous l'a dit: On ne veut pas être obligé, contraint ? traduisez ça par contraint. C'est parce que, comme il n'y a pas de subvention, c'est lui qui va être obligé de payer la plateforme. Comprenez-vous? La contrainte, c'est: quand vous construisez un édifice, vous devez avoir une rampe maintenant. Bien, c'est une contrainte parce qu'il faut que tu la paies, ta rampe, il faut que tu fasses ton architecture en fonction de la rampe. Quand vous avez des moyens pour les personnes sourdes ou personnes aveugles, ça coûte des sous. C'est pour ça que la commission parle... Oui, c'est vrai, il y a une certaine contrainte parce que ça coûte des sous de plus.
Le fauteuil roulant est payé par la RAMQ... bien la société avec nos impôts. Mais, moi, je ne trouve pas que les impôts que je paie, c'est une contrainte pour payer la RAMQ puis payer des services aux personnes plus démunies, personnes handicapées, je trouve que c'est une marque de solidarité. Alors, quand les gens vont vous dire: Ah, bien, là, je ne veux pas être contraint, je ne veux pas être obligé, il faudrait peut-être changer le vocabulaire puis dire: Comment on peut être solidaire? Mais le gouvernement devrait donner l'exemple, puis là bien le privé fera sa part en étant encouragé par le gouvernement.
Donc, c'est pour ça que, la loi, vous devriez ajouter un paragraphe qui est que les transports interurbains, comme les STS, comme les CIT, devraient offrir un transport accessible.
La Présidente (Mme Charlebois): M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
M. Bernard: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Croteau. Bonjour, M. Beloin. Dans votre mémoire, vous utilisez l'exemple de l'Abitibi-Témiscamingue, qu'est-ce qui s'est passé, là, à la Commission des transports du Québec en 1994. Puis je vais vous poser la question ? peut-être que vous avez encore l'opinion pertinente sur le dossier: Mais, par rapport à qu'est-ce qui a eu lieu en 1994, qu'est-ce que le transporteur à l'époque, Autobus Maheux, proposait puis le résultat maintenant, 10 ans plus tard, est-ce que le résultat est au-delà des attentes qui avaient été soulevées à l'époque pour le transport interurbain à l'époque pour l'Abitibi-Témiscamingue? 10 ans plus tard, est-ce que vous avez une opinion là-dessus?
Mme Croteau (France): Je n'ai pas de statistique pour combien ils ont voyagé de personnes. Mais, au moins, en ayant des autocars adaptés... Comme dans notre région, à Sherbrooke, il devait y avoir les fêtes de Noël. Ça fait qu'en ayant un lift, s'il a pris le bon lift, là, que ça ne paraît pas quand il n'y a pas de personne handicapée, ce n'est pas onéreux. Il a eu une subvention à cette époque-là, en 1994. Oui, c'était la période des subventions, il y a une période. Maheux a été subventionnée pour avoir son lift. Donc, il a offert...
Je ne suis pas allée voir comment il a voyagé de personnes handicapées, mais ce que je veux dire, c'est que la CIT a... Nous autres, Gilles Coutu a demandé au coordonnateur de l'ARUTAQ d'aller faire une représentation. On a voulu encourager une compagnie qui disait: Moi, je vais offrir du transport adapté. Alors, c'était dans l'air. Puis Maheux, il a dit: Bien, moi, si vous me donnez le permis, je vais offrir un service de transport adapté. Et la CIT a dit oui.
Puis, nous autres, quand Sherbus a passé comme propriétaire d'autobus, il a passé à Autocars National en 2000. On l'a su, là, que ça se manigançait, ça fait qu'on est allés voir la CTQ, on a écrit une lettre qu'on dit: On veut que les deux autocars restent, là, avec la nouvelle compagnie. Et Autocars National, CAN, nous a dit: Oui, on garde les deux autocars. Mais, dans la décision de la commission, ils ont dit: Autocars National doit tenir compte des demandes de regroupement. Puis tout était bien, mais, tout d'un coup, Limocar, lui, il nous a annoncé que c'était fait.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va?
M. Bernard: Oui. Mais est-ce qu'il y a du temps encore, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Charlebois): Oui, mais il y a une autre de vos collègues qui veut intervenir aussi.
M. Bernard: O.K. Juste un petit commentaire. J'écoutais vos propos, comme vous dites, la notion d'obligation et en même temps la notion de subvention pour aider les organismes. Puis, je vous dirais, ma perception personnelle ? peut-être que je suis idéaliste à cet égard-là ? mais normalement, quand un organisme fait un service public, il ne devrait pas avoir ni obligation et ni nécessairement une subvention. Mais, quand tu offres un service public, tu devrais dire: J'offre un service public à tous mes usagers. Donc, quand une entreprise fait du transport interurbain, elle devrait de facto dire: Bien, moi, je l'offre, le service, aux personnes handicapées et je vais avoir au moins un véhicule adapté.
Mme Croteau (France): Mais savez-vous pourquoi il y a des subventions? C'est parce que ça coûte plus cher. Parce que ça coûte plus cher offrir du transport adapté. Là, nous autres, notre corporation de Sherbrooke est partie avec des statistiques, là: puis ça coûte 3 $ pour une personne qui prend l'urbain, ça coûte 14 $ pour une personne qui prend l'adapté. Je vais me servir de ces statistiques. Elle l'emploie à mauvais escient, mais là je vais m'en servir. Ce que je veux dire, c'est: desservir une personne handicapée, ça coûte plus cher parce qu'il y a un lift, parce qu'il y a du porte-à-porte. C'est plus dispendieux, un service adapté. Comprenez-vous?
Parce que bien, une maison, il faut que tu mettes une rampe; c'est plus cher à cause de la rampe. Un service aux personnes handicapées, il y a une partie onéreuse, puis c'est pour ça qu'on ne veut pas le faire assumer par la municipalité. Le MTQ offre, dans le programme des subventions, 75 % des fonds au transport adapté. Parce qu'on demande à la société... Oui, c'est des coûts supérieurs. Il ne faut pas juste un minibus, là, pour faire du collectif, il faut que le minibus, il ait un lift. Ça coûte cher. Puis il faut faire le porte-à-porte; ça prend plus de temps. Donc, le service aux personnes handicapées coûte plus cher. Or, une municipalité qui a des personnes handicapées, elle n'a pas de coût, elle. Puis une municipalité qui en a puis qui n'en a pas, ça lui coûte plus cher. C'est une question de solidarité.
Le 75 % du MTQ, c'est nos impôts. C'est nos impôts qui font qu'une personne a un fauteuil roulant. C'est nos impôts. Ça, les taxis adaptés, on a de la misère à avoir des taxis adaptés parce qu'ils disent: Bien, là, ça va-tu arrêter, la subvention? Ils amènent toutes sortes d'excuses en voulant dire que ça coûte plus cher gérer un taxi adapté. Mais ça, c'est un gros dossier.
Ce que je veux vous dire, c'est qu'il y a des coûts supérieurs pour des services aux personnes handicapées. Et actuellement, au Québec, le gouvernement, en donnant des subventions, ça fait que c'est tout le monde qui assume le coût, le petit coût supérieur. Ça fait que, nous autres, à Sherbrooke, quand ils disent: Le transport adapté nous coûte 2,5 millions à la ville de Sherbrooke, mais là nous autres, le RUTA de Sherbrooke, on dit: Oui, mais il y a 1,5 million qui vient du gouvernement en subventions. Puis là bien le conseiller, il a dit: Oui, mais c'est nos fonds pareil comme contribuables. C'est pour ça qu'il faudrait changer la mentalité, dire: C'est notre façon d'être solidaires de nos plus démunis dans la société.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va?
M. Bernard: Oui. Merci, Mme la Présidente. Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Mme la députée de Pontiac.
Mme L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Croteau, M. Beloin. J'aimerais ça qu'on revienne un peu au niveau de nos MRC. La partie de mon comté, Pontiac, il y a une grande partie qui est rurale. Et j'aimerais ça qu'on regarde un peu l'organisation des services adaptés dans le milieu rural.
Il y a une phrase, à la fin du résumé de votre mémoire, qui m'a frappée, vous écrivez: «Là où il y a du transport, il doit y avoir du transport adapté.» Et là-dessus je suis tout à fait d'accord. Dans un milieu rural, je sais qu'on est en train de travailler, nous, avec l'ensemble des intervenants, à instaurer un transport et pour les personnes handicapées et ainsi que l'ensemble de la clientèle. Il y a des gens qui sont venus présenter des mémoires et où la question leur était posée: Est-ce que l'organisation du transport en milieu rural devrait plutôt être confiée aux MRC qu'à chaque municipalité à cause des coûts, à cause du désengagement possible? J'aimerais ça avoir votre opinion là-dessus.
Mme Croteau (France): Moi, je pense que c'est au milieu à décider, parce qu'il y a des régions qui ont décidé de faire des projets. Je pense que c'est Lanaudière, là. L'ARUTAQ, elle va venir vous présenter puis elle connaît plus ces dossiers-là au niveau des différentes régions. Je pense que c'est aux régions à voir qu'est-ce qui est mieux. Parce qu'en même temps c'est parce qu'il y a la notion de transport collectif. Puis là le gouvernement, il donne des subventions pour faciliter l'instauration de transports collectifs dans les MRC, dans les régions rurales, donc les régions devraient profiter de cette manne-là.
Puis aussi bien il y a la décentralisation où on veut confier plus de pouvoirs aux MRC. Mais il reste qu'il faut quand même dire que la municipalité doit se sentir responsable que la personne handicapée de sa ville ait du transport adapté. Ça, là, ça va plus loin que la charte. De dire: Dans une municipalité où il n'y a pas de transport en commun, que la ville se sente responsable de faciliter du transport pour une personne qui n'a pas d'autre moyen, c'est une avancée, ça. Ça, je n'ai pas de prise légale, mais je félicite le gouvernement d'aller dans le sens de dire que toutes les municipalités au Québec ? parce qu'il n'en manque pas beaucoup, là, mais il y en a quelques-unes qui sont têtues ? toutes les municipalités au Québec devraient s'assurer que leur clientèle a du transport adapté. Et le moyen qu'ils trouveront, bien, O.K., on va tous ensemble aller vers la MRC, O.K.? Qu'elle trouve la solution qu'elle voudra selon son milieu, mais qu'elle s'assure que ses personnes handicapées sont desservies.
Mme L'Écuyer: C'est...
La Présidente (Mme Charlebois): Malheureusement, il n'y a plus de temps.
Mme L'Écuyer: Bon. Ça va. O.K.
La Présidente (Mme Charlebois): Mme la députée de Duplessis.
n(12 h 20)nMme Richard: Merci. Mme Croteau, M. Beloin, bonjour. Je vous dirais que vous avez synthétisé le problème de tout le transport. C'était très intéressant de vous entendre. Quand M. Beloin a parlé, bon, de la mésaventure qui vous est arrivée quand vous êtes allé voir votre mère à Montréal, je vous dirais qu'à ce moment-là vous aviez deux types de transport: un n'était pas au rendez-vous, puis l'autre n'était pas adapté. C'est une réalité pour laquelle vous devez avoir à faire face, j'espère, pas trop souvent pour vous.
Et vous avez amené quelques pistes de solution dans votre mémoire. Et une que j'ai trouvée intéressante, c'est que, si on a du transport... on est en train, c'est-à-dire, d'essayer d'élaborer des plans de transport collectif dans des milieux ruraux où ça n'existe pas, on veut aussi également rendre le transport adapté le plus accessible possible et on a tout le transport interurbain. Comment faire en sorte ? puis là on a toujours... Puis, veux veux pas, c'est toujours relié à une question de coût. Et je m'aperçois que, si on mettait peut-être tout ce monde-là à contribution, en tout cas on aurait peut-être en partie certaines pistes de solution. Et vous en avez fait plusieurs. Vous les avez démontrées.
Je vous dirais que je n'ai pas de questionnement comme tel parce que l'échange a été assez éloquent de votre part. Ce que je retiens cependant, c'est que vous êtes pour ? c'est très clair en tout cas, c'est ce que j'ai compris, là ? le retrait de l'article 1.3 tel qu'il est défini.
Mme Croteau (France): Mais le MTQ propose de mettre en commun l'interurbain, l'adapté, les taxis adaptés. Moi, je félicite le MTQ de dire: On va donner des sous pour faciliter ça. Mais mettez l'obligation, mettez la contrainte qu'il faut qu'il soit accessible, le réseau. Mais le gouvernement reconnaît qu'il y a moyen de mettre tout ce monde-là ensemble. Mais chacun a sa chasse gardée, hein? Ça, c'est dur parce qu'on a affaire à de l'humain.
Mme Richard: C'est à ça que je voulais en venir: ça manque de concertation, et on ne peut pas, là... je veux dire, il y a quand même des limites financières de l'État, et il va falloir que tous et chacun apportent leur contribution, que ce soit de concertation avec les milieux. Et, comme vous avez fait référence, que ce soit au niveau des municipalités ou des MRC, il va falloir se concerter avec ce qu'on a dans chacun des milieux, là, pour rendre de plus en plus accessible le transport.
Mme Croteau (France): Mais, nous autres, on dit: La partie qui est les coûts supplémentaires pour une personne handicapée, c'est la contribution de tout le monde. Il ne faut pas qu'une municipalité soit pénalisée parce qu'elle a plus de personnes handicapées dans sa municipalité. Le coût de plus, c'est 75 %...
Mme Richard: Je suis tout à fait d'accord avec vous.
Mme Croteau (France): ...alors, c'est nous autres, ça, puis c'est vous puis c'est moi, c'est nos impôts. Alors, quand on dit: Capacité de payer du gouvernement, là, c'est d'une société, la qualité qu'on veut donner. Moi, je trouve que la loi, là, en transport... Puis, en enlevant le 1.3, là, on va avoir l'air d'une société d'avant-garde.
Mme Richard: Comme vous disiez tantôt, on paie des impôts, puis c'est pour se doter de services, c'est aussi pour venir en aide aux plus démunis. C'est ça qui fait de nous la société québécoise qu'on veut être juste envers tous nos citoyens et nos citoyennes. Vous avez parlé beaucoup du ministère des Transports, MTQ, bon, de subventions que certains transporteurs pouvaient avoir. Pouvez-vous nous en glisser un petit mot? Puis je terminerais là-dessus.
Mme Croteau (France): Oui. Dans le décret sur le financement du transport adapté, c'est: les municipalités locales, les municipalités régionales, MRC, incluant celles qui sont désignées à caractère rural, les conseils intermunicipaux, CIT, les conseils régionaux, CRT, les régies municipales, RMT, peuvent mettre en place des services de transport adapté et, après approbation du ministre, être admissibles aux subventions. Il y a des subventions, c'est le temps de les obliger. Quand il y a des subventions, c'est le meilleur temps. Mais il faut que les subventions continuent par exemple, sinon arrêtez l'interurbain.
Mais je pense que le ministère est ouvert puis il a reconnu: il faudrait peut-être revenir à des subventions dans l'interurbain. On entend ça au ministère des Transports. Mais il va falloir que quelqu'un le dise, qu'il faut que les transports... Dans la loi n° 9, comme c'était écrit en 1978: Il faut que les STC soient accessibles, l'année d'ensuite, il y a eu un programme de subventions MTQ. Si vous dites dans la loi: Il faut que les interurbains soient accessibles, bien l'année suivante, il va y avoir un programme de subventions d'interurbains.
Mme Richard: Donc, de la cohérence aussi. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va? Alors, je remercie les gens du Regroupement des usagers du transport adapté de Sherbrooke métropolitain. Mme Croteau, M. Beloin, merci de la présentation de votre mémoire. Alors, je vais suspendre les travaux jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 25)
(Reprise à 14 h 6)
La Présidente (Mme Charlebois): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux. Avant de débuter, je vous rappelle que, pour la bonne marche de nos travaux, l'usage du téléphone cellulaire et du téléavertisseur est interdit dans la salle. Alors, je demanderais aux personnes qui en font usage de bien vouloir mettre hors tension pour la durée de la séance.
Je vous rappelle le mandat de la commission: la Commission des affaires sociales est réunie afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le projet de loi n° 56, Loi modifiant la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et d'autres dispositions législatives.
Cet après-midi, nous entendrons le Réseau international sur le processus de production du handicap. Nous entendrons aussi l'Association des établissements de réadaptation en déficience physique du Québec, l'Action des femmes handicapées de Montréal et enfin le Centre québécois de la déficience auditive.
Alors, pour débuter, nous allons entendre le Réseau international sur le processus de production du handicap, qui est représenté par M. Fougeyrollas. C'est ça? Je l'ai bien prononcé?
Réseau international sur le processus
de production du handicap (RIPPH)
M. Fougeyrollas (Patrick): Oui, très bien.
La Présidente (Mme Charlebois): Alors, vous connaissez les règles: 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, qui va être suivie d'échanges avec les parlementaires.
M. Fougeyrollas (Patrick): Très bien. Merci, Mme la Présidente. Merci. Bonjour aux membres de la Commission des affaires sociales. Donc, je me présente: je suis président du Réseau international sur le processus de production du handicap. C'est un organisme sans but lucratif de transfert et de développement des connaissances qui donc, par le biais d'activités de formation, de recherche, de promotion, essaie de faire avancer toute la cause de l'exercice des droits des personnes ayant des incapacités mais par le biais d'une clarification des concepts, des définitions. En fait, notre orientation est de dire que nous faisons face à une grande confusion conceptuelle et que l'harmonisation de la compréhension de ce qui amène une personne à vivre des situations de handicap ou pas, suite à des différences fonctionnelles, est un élément majeur d'harmonisation des politiques et de coordination essentiel en fait à la réponse de transformation sociale nécessitée par ces personnes.
On parle de processus de production du handicap. Tout d'abord, je voudrais dire aussi que notre conseil d'administration est composé à majorité de personnes ayant des incapacités ou de proches significatifs et qu'on essaie de représenter et d'expliquer que la question du handicap, ce n'est pas l'affaire simplement d'une minorité sociale et que ça touche un très grand nombre de personnes. En particulier, quand on regarde toute la question du vieillissement de la population, on est directement dans la problématique du handicap, et tous les types de déficience, quel que soit l'âge, quelle que soit la cause. Alors ça, c'est très important à concevoir, qu'un tel projet de loi, comme le projet de loi n° 56, a une envergure qui est souvent peu comprise, en termes de besoins et de réponses, au niveau de la société québécoise.
Processus de production du handicap, qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire? C'est une affaire d'universitaires? Essentiellement, ça s'inscrit dans l'évolution conceptuelle au cours des 25 dernières années et qui nous amène à comprendre que le handicap, ce n'est pas une caractéristique de la personne, c'est le passage entre une approche essentiellement biomédicale qui avait tendance à situer les problèmes au niveau de l'individu et à rendre la personne responsable non seulement des difficultés qu'elle rencontrait dans son fonctionnement, mais des conséquences sociales qu'elle pouvait vivre dans sa qualité d'intégration, de participation à la société, de vie citoyenne.
n(14 h 10)n Et on passe petit à petit, au cours des 20, 25 dernières années, avec le mouvement d'exercice des droits de la personne, à une approche beaucoup plus sociale, donc qui met la personne en relation avec un contexte, un contexte qui est plus ou moins adapté, qui crée des obstacles, qui crée des facilitateurs. C'est cette relation entre des personnes donc qui vivent des différences fonctionnelles et un environnement qui leur fait plus ou moins la place qui leur est due, qui est adapté à leurs caractéristiques...
Une voix: ...
M. Fougeyrollas (Patrick): ... ? est-ce que je dois arrêter...
Une voix: ...
M. Fougeyrollas (Patrick): ...d'accord ? donc qui va déterminer le fait que ces personnes vivent ou non des difficultés dans leur participation sociale. Donc, cette notion de handicap en tant que telle, elle doit être vue comme quelque chose de relatif. Ce qui appartient aux individus, c'est le fait d'avoir des différences au niveau de leur corps, au niveau fonctionnel, mais le fait d'avoir des difficultés à vivre leur vie de citoyen, à réaliser leurs rôles sociaux est lié à leur relation avec un contexte, avec un environnement social, avec des attitudes, avec une organisation de services, avec nos politiques. Donc, on produit du handicap, hein? Il y a des personnes qui vivent des différences, mais, selon nos contextes, selon nos réponses, selon les types de lois et leur application, on va aussi prévenir ou produire des situations de participation sociale pour ces personnes. Donc, c'est important de le voir ainsi.
J'insiste là-dessus aussi parce que comprendre l'évolution conceptuelle, c'est comprendre tout ce qui entoure la raison d'être d'un tel projet de loi et l'évolution des mentalités, des approches qui sous-tendent les discussions sans doute et les représentations auprès de cette commission-là. On est dans un changement de modèle. On est dans une perspective où on se retourne, on regarde un environnement social, une organisation des services, des systèmes de compensation et on les interroge pour savoir s'ils répondent effectivement aux caractéristiques d'une partie de la population pour que celle-ci puisse exercer sa vie citoyenne et ses rôles sociaux.
Donc, c'est dans ce mouvement-là que l'on est. Et sans doute que de comprendre cela, au niveau de la commission, ça vous permet aussi d'interpréter que, dans cette promotion des droits, il y a tout un continuum qui peut aller à des positions plus radicales et d'autres plus modérées, mais qui, toutes, vont vers l'assurance de l'exercice des droits et une réponse de l'environnement social aux besoins de la population.
Le RIPPH appuie le projet de loi parce que, ce projet de loi, on l'attend depuis très longtemps. Vous le savez. Donc, il amène un ensemble de mesures qui sont nécessaires, qui sont attendues depuis nombre d'années et qui devraient nous permettre de donner une nouvelle impulsion à l'application finalement des politiques que nous avons adaptées depuis pratiquement 25 ans. Il y a des consensus sur nos politiques sociales. Il y a une sorte de retard et de difficulté à la mise en application, et l'adoption d'un tel projet de loi est un signe clair qui va nous permettre une nouvelle relance et d'aller en avant.
Et on a eu beaucoup de discussions au sein de notre conseil d'administration. Le mémoire qu'on a déposé est un mémoire qui est relativement modéré, c'est-à-dire qu'il est pragmatique, et il tient compte aussi d'un ensemble de contraintes et de difficultés qui sont réelles. Et il essaie de cerner les éléments positifs, mais en même temps en sachant bien qu'on pourrait aller beaucoup plus loin et que les éléments qui sont là ne sont pas garantis d'être réalisés sans un ensemble de mesures et d'engagements à la fois au niveau gouvernemental mais aussi des autres acteurs sociaux, de façon à la limite presque coercitive. C'est-à-dire qu'on n'est plus dans les périodes incitatives qu'on a vécues, mais on ne peut que constater que, sans un engagement ferme, des redditions de comptes et un suivi très, très clair, les choses ne se font pas. Et on fait face à un ensemble d'incohérences qui nous amènent à voir des détériorations réelles, même dans des acquis qu'on avait obtenus, au niveau des personnes ayant des incapacités, il y a au-delà de 10 ans, en tout cas dans les 20 dernières années. Donc, il y a une nécessité de nouvelles cohérences et de nouveaux engagements qui doivent être clairement exprimés dans un projet de loi comme celui-là.
Parlons de définitions, puisque c'est la mission première de notre organisme. Donc, quand je disais une position modérée, on parle, par exemple, de personnes handicapées. Ce que je viens de vous expliquer, c'est que normalement la notion de personne handicapée vue comme un statut ne devrait pas exister, puisqu'elle est la relation entre des personnes avec des différences, un contexte créant des obstacles ou des facilitateurs et un résultat qui est relatif, qui est situationnel et qui va changer selon l'évolution des caractéristiques personnelles et aussi l'évolution de la société.
Donc, il n'y a pas de statut de personne handicapée. Donc, en fait, ça, il faut le savoir. C'est pour ça qu'on met toujours des guillemets dans notre mémoire, quand on parle de personnes handicapées. Et je pense qu'il faut se demander, en tant que société québécoise: Est-ce qu'on est assez mûrs pour transformer ce concept de personne handicapée et prendre conscience qu'en soi ce n'est pas un statut, donc parler de personnes ayant des incapacités, parler de personnes ayant des limitations fonctionnelles? Ou est-ce que le fait déjà d'avoir réussi à passer de handicapé à personne handicapée, qui a été tout un combat et qui est peut-être compris par l'ensemble de la population, cette notion de personne handicapée... Est-ce qu'il faut peut-être plus travailler sur la définition que sur le terme général? Alors ça, c'est une question où il peut y avoir tout un ensemble d'opinions.
La définition qui est là ? et on a beaucoup travaillé, le RIPPH, avec le mouvement associatif, avec l'OPHQ, avec le ministère, à la travailler ? elle est minimale, je dirais, mais elle est cohérente. Elle est en deux dimensions. Donc, il faut présenter une déficience ? en fait, on n'a pas ajouté de qualificatif, et c'est important, donc on n'a pas parlé de déficience sensorielle, et tout cela ? donc une déficience entraînant une incapacité significative et persistante. Là, on dit une déficience et une incapacité, hein? Donc, il y a un lien de cause à effet. Ce lien de cause à effet, nous, on avait recommandé qu'il ne soit pas là, parce qu'en fait ça peut être une déficience ou une incapacité significative et persistante. Il y a plusieurs groupes, au niveau par exemple de l'incapacité intellectuelle ou problèmes psychiatriques, qui ne vont pas se reconnaître vraiment au niveau de la déficience mais dans la manifestation de cette déficience-là. Donc, en fait, s'il y avait un «ou», à notre avis ce serait préférable, plutôt qu'un «et» obligatoire.
Le fait d'avoir des déficiences ou des incapacités significatives et persistantes, c'est ce qui permet d'identifier la population dont on parle, hein? C'est les personnes qui ont des incapacités. C'est la première étape. C'est ça qui constitue à la limite un statut, dans le sens où on va l'évaluer, et, à partir d'un certain degré de signification ou de persistance, les personnes sont éligibles à ce statut-là.
Mais le deuxième volet et qui est sujet à rencontrer des obstacles dans l'accomplissement d'activités courantes, ce sont les réponses que l'on obtient par la compensation aux besoins, soit la compensation des coûts, soit par des services. Et, à ce moment-là, c'est ce qui va venir compenser les situations de handicap de la personne. Donc, en répondant à la personne par un ensemble de services adéquats, on vient faire en sorte qu'elle peut réaliser ses activités courantes et, à ce moment-là, elle ne vit pas de situation de handicap. Mais, si vous enlevez ces services-là, immédiatement les problèmes vont revenir. Par exemple, si une personne déménage d'un territoire de CLSC à un autre, actuellement la situation est qu'une personne qui a tous ces services va se retrouver avec des nouvelles situations de handicap simplement par le fait de déménager et d'être dans un environnement qui va répondre à des nouvelles priorités et à des nouvelles problématiques d'accès aux services. Donc, c'est dans ce sens-là qu'elle est sujette à rencontrer des obstacles.
n(14 h 20)n Nous, on préférerait pas simplement parler d'activités courantes, parce qu'activités courantes c'est beaucoup relié aux activités de vie quotidienne, AVD, AVQ, ces choses-là. On préférerait aussi ajouter toute la notion de rôles sociaux, hein? C'est très important d'avoir cette notion d'activités courantes mais aussi de rôles sociaux. C'était une recommandation qu'on a faite, qu'on avait faite et que nous réitérons.
Mais en fait cette définition-là est acceptable dans le sens où elle est compatible avec l'évolution conceptuelle internationale. Et on est capables de travailler avec cette définition-là, mais il n'y a rien qui empêche de l'améliorer. Et en tout cas notre recommandation, ce serait qu'il y ait un cadre d'interprétation de la définition dans les règlements. Et, nous, on propose, là, de s'associer aux mouvements associatifs et aux autorités ministérielles pour travailler sur le cadre d'interprétation et en particulier sur toute la notion de problèmes cycliques ou épisodiques qui doivent être un critère d'interprétation de la notion de «significatif et persistant», hein? Donc, des personnes peuvent avoir des problèmes qui vont venir par moments: les scléroses en plaques, un ensemble de problèmes qui vont être épisodiques. Ça peut être aussi vrai avec des troubles au niveau psychologique.
Modification du titre de la loi. À vrai dire, on ne s'est pas vraiment... en tout cas on s'est demandé pourquoi changer la loi. Nous sommes d'accord avec le renforcement du rôle de vigie de l'OPHQ. En fait, l'OPHQ a travaillé, depuis, je dirais, la fin des années quatre-vingt, avec un ensemble de situations qui étaient difficiles, dans le sens où il n'avait pas les moyens véritablement d'appliquer et de réaliser le suivi de l'intégration sociale, de pouvoir vraiment interroger l'ensemble des partenaires par rapport à leurs responsabilités. Alors ça, c'est un point qui est fondamental parce que, quand les programmes d'aide matérielle ont été transférés, à la fin des années quatre-vingt, il avait été demandé de donner en fait les pouvoirs qui sont décrits dans le projet de loi à l'OPHQ. Et le fait qu'il ne les ait pas eus, ça a amené aussi beaucoup cette situation, en fait, d'attente au niveau du milieu en disant, bon: L'OPHQ devrait être plus actif, plus dynamique et s'assurer de tous ces suivis-là. Alors, je pense que le projet de loi, là, vient corriger des demandes qui avaient été faites depuis au-delà de 10 ans.
Maintenant, il faut être aussi conscient que l'OPHQ doit être un outil. C'est une vigie, c'est des moyens, c'est des expertises, c'est une sorte de conscience, là, au niveau à la fois de l'appareil gouvernemental mais aussi au niveau des autres acteurs pour assurer des suivis, des conseils, des expertises. Mais ça ne remplace jamais la responsabilité première, qui est celle de l'ensemble des ministères et des organismes, de remplir leurs responsabilités. Et ils ont la responsabilité, l'imputabilité et le devoir finalement d'être proactifs là-dedans. Alors, vous avez entendu l'ensemble des positions... en fait, beaucoup de positions par rapport à ça. Mais c'est ce danger-là, un petit peu, toujours de s'en remettre à l'OPHQ plutôt que de voir l'OPHQ comme un moyen de coordination, de concertation en soutien à l'ensemble des acteurs parce que ça prend un point de coordination.
Il y a 20 ans, on disait: C'est un pis-aller d'avoir l'OPHQ, on en a besoin pour faire ce mouvement-là. 25 ans après, on doit constater qu'on a encore besoin d'un outil de concertation intersectorielle mais qui a véritablement des pouvoirs, qui peut être vu comme un allié réel avec les organismes de promotion et un soutien utile, nécessaire pour l'ensemble de l'appareil gouvernemental et aussi les autres secteurs, public, privé et communautaire. Donc, c'est dans ce sens-là qu'il faut le voir. Donc, il ne faut pas que ce soit simplement les devoirs et le pouvoir de l'OPHQ. Il faut que, dans tout le projet de loi, les obligations et les responsabilités de l'ensemble des acteurs soient claires, qu'elles soient, je dirais, obligatoires, qu'on trouve des manières d'assurer des suivis et des progrès, comme il est mentionné à plusieurs reprises dans le projet de loi, mais que l'office soit un soutien par rapport à cela.
Il me reste combien de temps, s'il vous plaît?
La Présidente (Mme Charlebois): Un petit peu moins que deux minutes.
M. Fougeyrollas (Patrick): Deux minutes? D'accord. Le fait d'inclure les orientations d'À part... égale aussi constitue un élément, je crois, vraiment majeur, et il faut souligner la cohérence qu'il y a dans, en fait, toute l'action au niveau du Québec.
Maintenant, il faut passer à l'action. C'est pour ça qu'on a intitulé notre mémoire Le temps de livrer la marchandise. On est un peu dans une situation, là, de crise de confiance dans laquelle on a la possibilité de lancer un message clair, de donner un coup de barre véritablement réel qui va nous amener vers la redéfinition d'une stratégie globale pour l'ensemble de la société québécoise, qui clarifiera à nouveau les responsabilités au niveau des acteurs mais qui devrait nous amener à des changements réels de notre organisation sociale, de nos politiques et de leur mise en oeuvre. Il y a consensus sur les politiques sociales, hein, mais comment ça se fait qu'on voit tant d'incohérences encore et qu'en fait on est dans des situations de cloisonnement, de silo et d'incapacité de voir l'ampleur de la problématique du handicap et comment on doit y répondre de façon structurée et concertée?
Alors, c'est ça, le défi qu'il y a dans ce projet de loi. Et en fait notre organisme, pour tout ce qui est des aspects conceptuels, des définitions et aussi de l'harmonisation par la mise en oeuvre de la classification ? un des rôles de l'OPHQ qui est mentionné, qui est de travailler à la promotion d'une approche uniformisée qui nous permet de mieux nous comprendre et d'arrêter de travailler de façon sectorielle ? le RIPPH travaillera comme d'habitude.
Donc, on repart et on travaillera très fort avec tous les acteurs pour clarifier ces éléments-là et faire en sorte qu'on en arrive à vraiment répondre aux besoins des personnes qui ont des incapacités. Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci. Nous allons débuter la période d'échange. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, Mme la Présidence... Mme la Présidente, pardon. M. Fougeyrollas, bonjour. Évidemment, votre présence ici nous permet d'aborder des questions de fond, et je suis heureux qu'on puisse le faire maintenant. D'abord, sur la définition, je relève effectivement le rapport que vous faites entre la définition telle que proposée qui était essentiellement celle qui apparaissait dans le projet de loi n° 155 également, que nous avons reprise. Je note les modifications ou améliorations que vous suggérez.
J'aimerais qu'on parle un peu de ce que vous proposez, c'est-à-dire le cadre d'interprétation. Il me semble, là, y avoir un élément de risque parce que finalement deux options un peu s'ouvrent à nous: ou se limiter à ce que nous avons fait là, c'est-à-dire une définition très large qui permet à mon avis d'être très inclusive, pour prendre un terme qui revient souvent au cours des conversations qu'on a, et laisser, au fil du temps, la jurisprudence, entre autres, statuer sur la conséquence opérationnelle de cette définition. Vous, vous dites: Dotons-nous maintenant d'un cadre d'interprétation par règlement.
Est-ce qu'il n'y a pas le risque d'une part d'amputer donc cette possibilité d'évolution de la notion, de la définition avec la jurisprudence et l'évolution de la société et également ? et vous y avez fait allusion ? le risque d'arriver avec un catalogue, une liste de conditions de type déficience, handicap? On voit que c'est en sous-main, en filigrane parfois dans certains propos qui sont entendus ici, où chacun essaie de retrouver sa situation, celle de son groupe dans la définition ? un peu comme un miroir ? et, se trouvant déçu de ne pas l'avoir, demande qu'elle y soit clairement énoncée.
Alors, est-ce qu'il n'y a pas un risque, là?
M. Fougeyrollas (Patrick): En fait, l'intention que j'exprimais par le cadre d'interprétation n'est absolument pas d'aller, là, dans une question de catalogue, et tout cela, dans le sens où en fait, très clairement puis dans les perspectives des classifications, le fait de parler de déficience ou d'incapacité et quand on parle de limitation fonctionnelle, c'est important de savoir que c'est un synonyme d'incapacité, hein, et que c'est la même ? en mots universitaires ? c'est la même segmentation conceptuelle. Ça veut dire marcher, entendre, voir, comprendre, et pas aller faire ses courses, là, hein?
n(14 h 30)n Donc, c'est vraiment limitation fonctionnelle en termes d'incapacité. Dans ce sens-là, on n'a pas besoin de qualifier effectivement, et je pense que ce serait un danger de le faire. Et ça amènerait une nomenclature.
Ce dont je parlais, c'était plus des questions de «significatif et persistant». Il y a toute la question, par exemple, des personnes qui ont, dans la terminologie usuelle, des déficiences intellectuelles légères, et qui ont des besoins en lien avec des compensations, des aménagements, une organisation de leur vie quotidienne, des assistances, et qui peuvent craindre, à l'intérieur d'une notion de «significatif et persistant», de ne pas atteindre un certain degré. Donc, je pense que, là, il y a des éléments sur lesquels on doit interpréter «significatif et persistant». J'ai déjà mentionné la question des incapacités épisodiques et cycliques. Je pense que ça, c'est un élément aussi important. Et c'est aussi en termes de durée, hein, la notion de «persistant» en tant que telle, qu'est-ce qu'elle veut dire. Alors, bien sûr, on peut le faire par la jurisprudence, mais il pourrait y avoir un ensemble de balises.
L'autre élément, c'était celui que j'ai mentionné, la notion d'activités courantes. Elle est très neutre, large, mais aussi elle est sujette à être réduite parfois à des interprétations vraiment sur les activités de vie quotidienne et ne pas inclure, par exemple, les dimensions au niveau du loisir, au niveau de dimensions de rôles sociaux. Je pense que ça vaudrait la peine de les clarifier, ces éléments, comme étant directement intégrés dans la définition et dans son interprétation.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va. Allez-y.
M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Alors, ce qui me frappe depuis le début de nos travaux, c'est la difficulté d'arriver à l'équilibre. Et on a l'impression d'être arrivé à l'équilibre, avec ce projet de loi ? et, d'après vos propos, vous semblez également être de cet avis ? entre ce qu'attendent les personnes et notamment leurs organisations représentatives, ce que désirent ou craignent, selon le cas, les organisations et organismes sur lesquels s'appliquent les mesures. Et là l'équilibre est très délicat. On a retenu plusieurs éléments très concrets, très quotidiens de la vie des personnes handicapées qui sont terribles certainement et qui sont autant d'exemples d'obstacles qui pour nous seraient intolérables ? partout autour de la table.
Cependant, où fait-on l'équilibre? Est-ce que l'équilibre est atteint, dans ce projet de loi, entre les attentes concrètes, immédiates, visibles des personnes handicapées et de leurs associations, la réalité et la complexité de notre société? Vous avez dit, dans votre présentation, qu'il y a un pas en avant qui est fait. Est-ce que vous trouvez que c'est un équilibre entre les deux, là, entre les deux côtés de l'équation?
M. Fougeyrollas (Patrick): Alors, la crainte, si vous voulez, c'est de voir effectivement les changements qui sont annoncés et qui sont attendus depuis très longtemps. Actuellement, quand je parlais de crise de confiance, c'est qu'on perçoit, dans nombre de domaines, par exemple, un accroissement de la pauvreté, l'apparition d'un ensemble de conséquences secondaires à l'inéquité des régimes d'indemnisation, des conséquences de l'inaccessibilité des services, où des personnes qui ont certains types de problèmes de déficience et de limitation, par exemple au niveau moteur, au niveau auditif, vont, par la difficulté d'obtenir réponse à leurs besoins, développer des problèmes de santé mentale, par exemple. Tout ça, c'est démontré actuellement par des recherches.
Donc, il y a des conséquences très importantes de l'inaccessibilité des services. Il y a comme des laissés-pour-compte et puis des régimes à plusieurs vitesses. Et en fait la crainte, c'est que l'outil législatif qu'on se donne ne nous permette pas complètement de passer à la résolution de ces problèmes d'inéquité et en fait d'aborder de front la compensation des coûts, l'harmonisation des régimes et, par exemple, toute la question des inéquités entre SAAQ, CSST, RAMQ. Tous ces éléments-là, ils sont connus. Donc, la crainte, c'est que ce ne soit pas suffisant et surtout, en fait, que les acteurs-décideurs de ces situations-là ne soient pas proactifs pour les régler, hein? Donc, c'est dans ce sens-là qu'on dit: Ce n'est pas à l'office de veiller à cela et d'être proactif. C'est au mouvement associatif et à l'office d'assurer un suivi, de donner des expertises aux réseaux de services aussi, les réseaux de services, mais c'est à chacun ? des autorités, décideurs au niveau des organismes, des ministères et des acteurs de la société ? d'être proactif vers cette harmonisation-là. Alors, la crainte est là.
Alors, l'équilibre, il est à trouver en tenant compte de toutes les contraintes qui sont vécues dans notre société. Bon. Il y a toute la question qui est, là, au niveau des ressources. Donc, on affirme quelque chose, mais on dit que c'est dans la limite des ressources disponibles. Alors, on sait pourquoi c'est là, bien entendu, mais d'un autre côté cet argument des ressources disponibles devient toujours un prétexte pour ne pas réaliser les choses ou pour dire qu'une autre priorité est prépondérante sur celle de la réponse aux besoins des personnes. Alors, il faut trouver l'équilibre effectivement entre un projet de loi qui donne des outils, qui donne des leviers et la possibilité d'un suivi de ce que je parlais tout à l'heure, c'est-à-dire l'application. On parle de l'actualisation d'À part... égale. Il y a la redéfinition d'une stratégie globale dans laquelle tous les partenaires doivent être associés. On a la chance, là, de remettre tout ça à l'agenda et finalement que chacun en ait une compréhension renouvelée avec une vision actuelle. Alors, je pense que, là, on n'a pas tout dans le projet de loi, mais on a la possibilité de s'en aller vers une stratégie coordonnée.
M. Couillard: Advenant le cas où le projet de loi serait adopté par l'Assemblée nationale, compte tenu de votre position d'observateur international de la situation des personnes handicapées, comment se situerait le Québec à l'échelle mondiale, en termes de promotion, d'avancées des droits, des possibilités pour les personnes handicapées?
M. Fougeyrollas (Patrick): Oui. Alors ça, c'est une chose qui est frappante, c'est-à-dire que, malgré toutes les critiques qu'on peut faire et qui sont réelles, c'est le paradoxe, hein? C'est que le modèle qu'on vit au Québec est un modèle qui est envié par beaucoup de pays, hein? Et on est très souvent visités. Et on vient regarder le modèle québécois. Ce qui nous gêne actuellement, c'est que, les gens qui viennent nous visiter, on est obligés de leur dire aussi qu'il y a beaucoup de choses qui ne marchent pas, hein? Donc, il faut être francs là-dessus, mais toute la base, toute notre organisation est beaucoup plus cohérente que dans de nombreux pays.
On se situe, disons... on se situait de façon assez similaire aux pays scandinaves, je dirais, il y a quelques années. On a pris du retard un petit peu. Il y a actuellement, par les travaux, au niveau européen, de la Commission économique européenne, des pays qui font des progrès très rapides au niveau de l'Europe, mais on est quand même parmi les leaders. Et c'est justement pour ça: il faut être à la hauteur de notre réputation internationale et poser des gestes cohérents qui nous permettent d'avancer et de rester un modèle où vraiment on construit une société où la différence est respectée.
La Présidente (Mme Charlebois): M. le ministre.
M. Couillard: Vous semblez dire que le délai d'un an pour l'actualisation d'À part... égale est peut-être trop ambitieux. Pourriez-vous...
n(14 h 40)nM. Fougeyrollas (Patrick): Oui. Absolument. C'est-à-dire qu'en fait, bon, j'ai déjà, par le passé, travaillé à des démarches de concertation intersectorielle. On a la chance, par une démarche comme l'actualisation d'À part... égale, justement de remettre, à l'agenda de l'ensemble des décideurs, l'agenda politique, l'occasion d'une concertation intersectorielle entre tous les acteurs et avec les organismes. Et je pense que le faire en un an, c'est vraiment aller trop vite et que ça ne nous laisse pas véritablement le temps, je pense, de mettre en place une concertation, et les événements, et toute la consultation. Vous savez combien c'est important, là, cette écoute, hein? Donc, je pense que cette stratégie-là, au minimum, ce devrait être sur deux ans. Et sans doute, au mieux ? en fait, ça dépend, bien entendu ? mais entre deux et trois ans, je pense, serait souhaitable.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va? Mme la députée de Pontiac.
Mme L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Fougeyrollas. Je me suis arrêtée à la page 1 de votre mémoire, le quatrième paragraphe. Vous avez des mots assez forts concernant la vigie de l'OPHQ: avoir des suivis plus musclés, les moyens coercitifs... Et tantôt vous avez parlé du lien de confiance qui semblait être brisé entre les distributeurs de services et les personnes handicapées. Est-ce que, pour vous, le fait d'avoir un rôle de vigie très défini pour l'OPHQ et peut-être d'inclure, dans la loi, des moyens un peu plus coercitifs pour le respect, soit des différents plans ou des différents programmes, pourrait refaire ce lien de confiance qui semble selon vous être un peu disparu?
M. Fougeyrollas (Patrick): Je pense que c'est certainement un des éléments très importants d'avoir vraiment... C'est ça. Je disais: L'OPHQ doit être un outil avec des moyens qui sont clairs, hein, et le projet de loi clarifie effectivement ces moyens. Mais ce ne doit pas être à l'OPHQ d'être toujours à faire les choses. Donc, c'est important aussi. Et on le voit dans les demandes de reddition de comptes et de responsabilités à l'ensemble des partenaires gouvernementaux et autres.
Il y a plusieurs endroits dans le projet de loi où on pourrait être plus clair en termes de délais, en termes de conditions de réalisation et surtout de conditions de non-réalisation ? en fait, ce n'est pas simplement à l'OPHQ, à ce moment-là, de faire ce suivi-là ? mais qui permettraient à l'ensemble des personnes concernées et à leurs organismes représentatifs d'assurer les pressions nécessaires pour que les responsables remplissent leurs responsabilités.
La Présidente (Mme Charlebois): Mme la députée.
Mme L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente. Dernière question. Tantôt, vous disiez: Nous étions à la fine pointe quant à l'organisation, et la distribution et l'intégration des personnes handicapées, et on semble perdre ou avoir perdu du terrain depuis quelques années. Avez-vous une explication à cette espèce de... ça semble être un problème, là, qui semble se faire. Au lieu de continuer à évoluer, on semble avoir un peu régressé.
M. Fougeyrollas (Patrick): Oui. Bien, il y a plusieurs explications. Un des points majeurs, c'est le cloisonnement entre les divers services aux différents types de clientèles. Un exemple en particulier, c'est la question du cloisonnement entre personnes handicapées puis personnes âgées en perte d'autonomie. Toute la dimension des personnes âgées en perte d'autonomie fait partie de la problématique du handicap, alors qu'on maintient des réseaux séparés. Et il y a également des évolutions des approches dans ces différents réseaux qui sont différents. Actuellement, l'impact du poids politique du vieillissement de la population fait reculer la problématique du handicap parce qu'elle ramène un modèle biomédical, elle ramène des approches qui sont plus centrées sur la fonctionnalité de la personne plutôt que l'exercice de ses rôles sociaux. Et ça, ça a tendance à imprégner. Pensons à l'outil d'évaluation multiclientèles actuellement, qui est à notre avis un réel recul parce qu'il ne traduit pas le modèle de participation sociale mais plus un modèle de dépendance et de perte d'autonomie. Alors ça, c'est une des raisons.
Les autres raisons, c'est la priorisation qui a dû être faite au niveau des services, en particulier de soutien à l'intégration sociale, soutien à la participation sociale, conséquences du virage ambulatoire et aussi des investissements dont on a besoin dans le soutien, donc soutien à l'intégration sociale, maintien à domicile, tout ce qui est soutien aux proches. Alors, il y a beaucoup de progrès qui sont faits, hein, mais en même temps ces progrès-là ne sont pas obligatoirement... On n'a pas un accès équitable, sur l'ensemble du territoire, en fonction des besoins. Il y a beaucoup, beaucoup de disparités, comme il est dit dans le projet de loi.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va? Mme la députée de Duplessis et porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux.
Mme Richard: Bonjour, M. Fougeyrollas. J'espère que je le prononce bien. Dans votre mémoire, vous semblez préconiser une approche que, quand on agit sur l'environnement, ça diminue le handicap. Est-ce que vous pensez qu'avec le projet de loi n° 56 on va dans ce sens-là?
M. Fougeyrollas (Patrick): Oui. C'est clair que le projet de loi est le reflet de l'évolution conceptuelle, comme l'était d'ailleurs la loi de 1978 et comme l'était la politique À part... égale, par le fait qu'elle disait: Pour travailler sur le handicap, il faut supprimer les obstacles à l'intégration sociale, scolaire, professionnelle. Donc, on va dans ce sens-là effectivement, et je pense que ça, c'est une évidence. La question, c'est: Quelles sont les garanties que nous y allions vraiment, hein? Parce qu'en fait le fait d'intégrer l'environnement... Le Québec a influencé l'Organisation mondiale de la santé. C'est par les travaux du Québec que l'environnement est reconnu au niveau international. Donc ça, c'est clair. Mais est-ce qu'on a les garanties pour faire les transformations de notre environnement pour que celui-ci soit adapté aux différences de la population des personnes ayant des incapacités? C'est là qu'il y a cette demande d'effort additionnel.
Mme Richard: Vous savez, quand on a rencontré les groupes, plusieurs nous ont fait mention qu'ils auraient aimé voir, dans le projet de loi, des mesures coercitives. Qu'en pensez-vous?
M. Fougeyrollas (Patrick): Je suis assez d'avis qu'on est rendu là.
Mme Richard: Pardon?
M. Fougeyrollas (Patrick): Je suis d'avis qu'effectivement on est rendu à des mesures coercitives. On a essayé, pendant 15 ans, de faire des mesures incitatives...
Mme Richard: Ça n'a pas fonctionné.
M. Fougeyrollas (Patrick): ...et en plus il faut avoir les moyens d'inspection. En fait, il suffit de vivre une différence fonctionnelle et de sortir dans la rue pour voir que continuellement on crée des nouvelles situations de handicap. Donc, en fait il n'y a pas véritablement d'inspection au niveau des bâtiments, au niveau de l'architecture, au niveau des communications, au niveau de l'adaptation des nouvelles technologies. Alors, tous ces éléments-là devraient être conçus à la base dans une perspective de conception universelle. Et en plus ça créerait beaucoup d'économie.
Mme Richard: Pouvez-vous juste me donner quelques exemples de mesures coercitives que vous auriez voulu qu'elles soient là?
M. Fougeyrollas (Patrick): Bien, c'est-à-dire, par exemple, par rapport aux questions de bâtiments, de transport, de services téléphoniques, à partir du moment où les adaptations ou les aménagements ne sont pas là, ça devrait, après, bien entendu, un ensemble d'avertissements, et de conseils, et d'accompagnement, déboucher sur un changement réel. Donc, il y a besoin, là, d'avoir des outils. En fait, ce qu'on dit au niveau de la question du handicap, là, c'est que, malgré la bonne volonté générale, ça ne suffit pas, hein? Et ça prend un petit peu plus que ça au niveau de la conscience des décideurs et de tout le monde, surtout aussi du secteur privé.
Mme Richard: Donc ? merci beaucoup ? si je comprends bien, il faudrait avoir certaines garanties, il faudrait avoir quelques mesures coercitives, et là on pourrait, comme le dit votre titre, livrer la marchandise. Merci beaucoup. Et je vais céder la parole à mon collègue député de Vachon.
La Présidente (Mme Charlebois): M. le député de Vachon.
n(14 h 50)nM. Bouchard (Vachon): Mme la Présidente, M. Fougeyrollas, je veux profiter de la tribune qui m'est offerte pour donner un petit coup de chapeau au Réseau international. Je pense que vous avez, au cours des années, alimenté la réflexion et en même temps enrichi la culture québécoise à propos de la compréhension du processus de handicap au moyen de recherches et d'études extrêmement intéressantes, de grande qualité, d'une grande rigueur et en même temps d'une grande constance. Je pense que la société québécoise et de fait l'ensemble des personnes concernées au niveau international vous doivent une fière chandelle.
D'autre part, puisque nous y sommes et que vous êtes là, j'aimerais revenir sur la question de la définition parce qu'il me semble qu'on peut profiter de l'occasion peut-être pour faire un pas de plus dans notre propre pédagogie du processus. Et on la rate peut-être, je ne suis pas sûr. Mais je vous ai entendu, tout à l'heure, commenter, avec beaucoup de prudence et d'ouverture, le titre de la loi. Nous parlons, dans le titre de la loi, dans le fond de personnes handicapées comme si quelque part elles avaient un statut de personne handicapée, donc comme si ces personnes-là vivaient le produit ou la conséquence d'un processus qui faisait que leur incapacité n'avait pas été atténuée par un environnement qui aurait pu être adapté à leur déficit.
La définition par ailleurs qu'on nous présente pourrait peut-être ouvrir une porte. Ou bien on ouvre la porte du titre et on parle de limitations fonctionnelles sans qu'on ait là, d'une part, de jurisprudence très forte sur ce que ça veut vraiment dire et, d'autre part, en s'éloignant d'une espèce d'image populaire et culturelle de ce qu'est une personne qui vit un handicap. L'autre porte, ce serait de modifier une petite partie de la définition ? puis je me demandais ce que vous en pensez ? et qui se lirait comme suit: Toute personne ayant une déficience entraînant une incapacité significative ? on parle de la personne handicapée ? toute personne ayant une déficience entraînant une incapacité significative et persistante et qui rencontre des obstacles, et non pas: qui est sujette à rencontrer. Parce qu'une fois que cette personne-là rencontre des obstacles qui n'ont pas été résolus nous avons la production d'un handicap. Est-ce que je fais fausse route?
M. Fougeyrollas (Patrick): En fait, le problème, c'est: Si on dit «et qui rencontre des obstacles», c'est qu'on fait fi de tous ceux qui ne les rencontrent pas par le fait qu'elles ont des compensations et qu'elles reçoivent les services adéquats ou qu'elles vivent dans un environnement qui est adapté à leur différence. Donc, ça n'enlève pas le fait qu'elles sont concernées par la loi, hein? Alors, dans ce sens-là, je ne pense pas qu'il faille modifier la définition en disant «et qui rencontre» parce que le fait d'être sujet à rencontrer et le fait qu'on ait des déficiences et incapacités significatives et persistantes nous rend admissibles à un ensemble de services et de programmes sectoriels qui viennent répondre à notre situation. Enlevons les services, et les situations de handicap sont là.
Cette définition-là, c'est qu'elle maintient une stabilité au niveau de la constante déficience, incapacité significative et persistante, mais on peut très bien avec ça ne pas avoir besoin de programme en tant que tel, hein? On se suit? C'est-à-dire qu'il peut y avoir des gens qui ont des incapacités significatives et persistantes et qui parfois, par choix, décident de ne pas avoir d'assistance personnelle. Donc, c'est toute cette... Mais par contre d'autres, parce qu'elles veulent travailler, elles veulent être actives, à ce moment-là, elles deviennent sujettes à rencontrer des obstacles avec les mêmes caractéristiques. Et, à ce moment-là, elles doivent pouvoir avoir accès, en fonction de leur objectif de vie, de leur projet de vie, à des réponses en termes de services et de compensations.
Donc, moi, je pense que la définition telle qu'elle est là est adéquate à cause des deux phases, et justement ne pas les prendre ensemble. Enfin, ce serait ma réponse.
M. Bouchard (Vachon): Très bien. De fait, ce que je comprends de votre réponse aussi, c'est que vous y voyez une fonction préventive, à cette définition. D'autre part, dans votre rapport, vous évoquez le fait que l'OPHQ pourrait être sous l'autorité du Conseil exécutif au lieu du ministre de la Santé et des Services sociaux. Quelle vertu y voyez-vous?
M. Fougeyrollas (Patrick): Bon. Alors, dans tous ces débats-là, il faut refaire de l'historique, là. Je vais essayer d'aller vite. C'est que, dans les discussions sur le projet de loi 55, le projet de loi 9 en 1975, 1976, 1978, une des conditions qui avaient été mises de l'avant par le mouvement associatif de défense des droits pour accepter qu'il y ait un office, c'était justement qu'il ne dépende pas du ministère de la Santé, enfin le ministère des Affaires sociales à l'époque, pour sortir de ce modèle biomédical puis aller vers un modèle qui concerne l'ensemble de la société dans une perspective intersectorielle. Au cours des années... Et ça a été le cas à l'époque parce que l'OPHQ relevait du ministre Lazure, qui était, je ne sais pas comment le dire, là, mais un superministre au niveau du développement social et donc avec une dimension beaucoup plus large. Ça, ça a été remodifié dans les années quatre-vingt où on a ramené l'office dans la dimension santé et services sociaux.
La question, elle est à la fois réelle et symbolique. C'est que le fait d'être attachés à Santé et Services sociaux nous maintient et maintient les personnes dans une perspective de problématique qui est plus reliée à un modèle de santé puis à un modèle biomédical. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'on n'est pas malades, parce qu'à l'intérieur du handicap il y a aussi beaucoup de maladies chroniques. Mais on n'y est pas pour la maladie, on y est pour les conséquences de la maladie, et des déficiences, et des incapacités. Et, dans ce sens-là, je crois que le rattachement de l'office à une dimension beaucoup plus large au sein de l'appareil gouvernemental, et idéalement au niveau Conseil des ministres ou premier ministre, serait le signal et l'impulsion de la problématique globale et des responsabilités de l'ensemble des décideurs.
Alors, je crois qu'au-delà de la symbolique il y a une véritable fonction de l'office au niveau de la concertation interministérielle et qu'il serait souhaitable qu'il ne relève pas de la dimension santé et services sociaux.
La Présidente (Mme Charlebois): M. le député de Vachon.
M. Bouchard (Vachon): Merci. Je comprends de votre réponse que la vertu que vous y voyez, c'est une fonction ou un positionnement intersectoriel quant à l'autorité que vous recherchez. Je ferai tout simplement un petit commentaire, en passant, qui ne vient pas clore le débat là-dessus, parce que je pense que la commission va y réfléchir plus longuement que juste quelques minutes. Mais je serais curieux d'avoir la réaction du Conseil permanent de la jeunesse à une proposition comme la vôtre. Vous savez que les politiques jeunesse sont nichées au comité exécutif depuis un certain temps, de gouvernement en gouvernement et de premier ministre en premier ministre. Et je ne suis pas sûr qu'on a vu une très grosse différence ou une vertu, une valeur ajoutée très forte à agir de la sorte.
M. Fougeyrollas (Patrick): Il reste le symbolique.
M. Bouchard (Vachon): Oui, mais ce n'est pas le symbolique qui vous manque dans votre cas.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va? Vous aviez une intervention, M. le ministre?
M. Couillard: ...Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Charlebois): Allez-y.
M. Couillard: Oui. Sur ? le point que vous soulevez avec mon collègue est très intéressant ? sur la question du rattachement et de la symbolique du rattachement, je pense qu'essentiellement c'est ce que vous discutez. Je voudrais attirer votre attention cependant sur le changement profond ? encore sous-estimé mais profond ? de culture dans le réseau de la santé qui a été introduit à la faveur de la loi n° 25 qui donne aux établissements locaux de santé non pas une responsabilité de patients ou d'usagers, mais une responsabilité de population. Et c'est unique au monde. Vous qui avez une vue large des questions, vous allez voir qu'on n'a pas fait souvent ça dans les réseaux de santé, de sorte que la vision n'est plus uniquement une vision biomédicale, à mon avis. Mais vous pourrez peut-être étudier la loi n° 25 et puis nous dire ultérieurement ce que vous pensez de ça. Mais je vous recommanderais ça peut-être comme réflexion.
n(15 heures)n Maintenant, je rassure tout le monde. J'en ai assez sous mon ombrelle. Je n'ai pas envie de revenir à l'époque où il y avait le même ministre qui faisait les Affaires sociales, la Justice, même, je pense, à un certain moment. Je pense que la coupe est pleine et on peut la conserver comme elle est là.
Je note, à la fin de votre mémoire, que vous souhaitez, comme ce fut le cas auparavant, que ce projet de loi soit adopté à l'unanimité. J'espère que le message sera bien entendu autour de la table.
M. Fougeyrollas (Patrick): ...espère aussi.
La Présidente (Mme Charlebois): M. le député de Vachon.
M. Bouchard (Vachon): Oui, le message est très bien entendu autour de la table, c'est sûr. Je ferai remarquer cependant, M. Fougeyrollas, tout simplement pour ne pas nous laisser sur une impression peut-être un petit peu erronée, que le changement de culture auquel fait référence le ministre avait déjà été franchement amorcé très sérieusement en la faveur de la création des centres de santé, avant la loi n° 25. Mais c'est tout simplement pour que nos notes de discussion puissent être ajustées à niveau.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va?
M. Bouchard (Vachon): Oui.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. Fougeyrollas, de votre présentation.
Alors, j'inviterais maintenant les gens de l'Association des établissements de réadaptation en déficience physique du Québec à bien vouloir prendre place. Et je vais suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 15 h 1)
(Reprise à 15 h 5)
La Présidente (Mme Charlebois): Nous allons reprendre nos travaux. Maintenant, nous allons entendre le groupe de l'Association des établissements de réadaptation en déficience physique du Québec et, je crois, représentée par M. Jean-Guy Frigon.
Si vous voulez nous présenter vos invités, les invités qui vous accompagnent. Vous savez que vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, et ensuite ça va être suivi d'une période d'échange avec les parlementaires. Bienvenue.
Association des établissements de réadaptation
en déficience physique du Québec (AERDPQ)
M. Frigon (Jean-Guy): Merci, Mme la Présidente. Pour commencer, mon nom est Jean-Guy Frigon, je suis président de l'Association des établissements de réadaptation en déficience physique du Québec. Permettez-moi de vous présenter les personnes qui m'accompagnent: Mme Anne Lauzon, qui est directrice générale de l'association, et M. Errol Paillé, qui est administrateur au sein de notre conseil et ainsi que président du conseil d'administration de Lucie-Bruneau de Montréal.
L'association remercie la Commission des affaires sociales de l'avoir invitée à participer aux audiences publiques portant sur la révision de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées. Rappelons d'abord que le mandat principal de l'association consiste à favoriser et à promouvoir l'accès aux services spécialisés et surspécialisés de réadaptation pour les personnes qui ont une déficience physique, qu'elle soit auditive, visuelle, motrice ou du langage. Celles-ci doivent pouvoir recevoir les services dont elles ont besoin pour optimiser leur autonomie et leur potentiel de participation sociale. Aussi, compte tenu de son mandat, l'association se sent directement concernée par les enjeux de la révision actuelle qui est soulevée. Je tiens aussi à mentionner que l'Association des hôpitaux du Québec et l'Ordre des ergothérapeutes du Québec partagent les opinions et les recommandations contenues dans notre mémoire et se joignent à nous dans son dépôt à la Commission des affaires sociales.
Dans l'ensemble, l'association accueille favorablement les modifications proposées dans le projet de loi. Le projet de loi indique clairement que le gouvernement considère la personne handicapée dans sa globalité et qu'il met de l'avant une vision intersectorielle de l'intégration. L'association se réjouit d'une telle perspective. Dans les faits, la participation sociale des personnes handicapées repose sur la contribution de l'ensemble de la collectivité québécoise et non pas sur la seule responsabilité du ministère de la Santé et des Services sociaux, comme c'est le cas actuellement. Le gouvernement doit toutefois faire preuve d'un véritable leadership pour faciliter la participation sociale de ces personnes, entre autres par l'intermédiaire de l'Office des personnes handicapées, mais il est... excusez-moi, il est important à notre avis que le rôle de l'office ne diminue en rien les responsabilités qui doivent appartenir à tous les organismes publics et privés et, en bout de ligne, à chaque citoyenne et citoyen du Québec.
D'ailleurs, comment imaginer la participation sociale autrement qu'en permettant aux personnes handicapées d'avoir accès à la garderie, à l'école, au travail et aux loisirs? Elles doivent pouvoir utiliser facilement le transport public, entrer dans les édifices commerciaux, communiquer avec les services publics, recevoir des soins de santé courants et spécialisés, bénéficier des services de réadaptation dans leur communauté. Elles doivent disposer d'un revenu convenable pour pouvoir élever une famille, voyager, etc. Bref, la personne handicapée doit pouvoir vivre comme n'importe quel citoyen et citoyenne, malgré ses limitations, et cela n'est possible que si tous les acteurs sociaux assument collectivement leurs responsabilités. C'est dans cet esprit que l'association vient, aujourd'hui, vous présenter ses réflexions sur le projet de loi révisant la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées. Nous souhaitons que la commission prenne en compte nos recommandations dans le but de bonifier les dispositions et les mesures proposées dans le projet de loi avant son adoption.
n(15 h 10)n Tout d'abord, l'association reconnaît l'importance d'inscrire, dans la loi, une finalité: la participation sociale des personnes handicapées. La portée du projet de loi est d'autant plus intéressante qu'elle s'applique à tous les partenaires appelés à collaborer à l'atteinte de cette finalité. Nous croyons cependant qu'il est essentiel que les ressources requises pour réaliser les actions soient disponibles dans tous les ministères et organismes impliqués. En d'autres termes, la volonté d'accomplir des actions intersectorielles doit être appuyée par des moyens en conséquence. Le projet de loi propose aussi plusieurs mesures visant la reddition des comptes. L'association a signalé l'effort réalisé à ce chapitre et insiste sur l'importance d'un suivi rigoureux. Nous considérons que le rôle de vigilance active confié au ministre constitue une valeur ajoutée très significative. Ceci est d'autant plus notable que le ministre est redevable à l'Assemblée nationale par le dépôt, tous les cinq ans, d'un rapport indépendant faisant état de la mise en oeuvre de la loi.
Nous sommes persuadés que le suivi rigoureux de l'application des mesures prévues dans le projet de loi passe par l'élaboration d'un plan d'action global identifiant des résultats mesurables. À cet effet, l'association croit que la révision de la politique d'ensemble À part... égale est une piste pour l'élaboration d'un tel plan. On s'assurera de la sorte une mise en oeuvre cohérente et efficace des orientations contenues dans le projet de loi. Évidemment, nous sommes très intéressés à être associés aux travaux d'actualisation de cette politique d'ensemble, qui inspire nos actions depuis une vingtaine d'années.
Au sujet de l'Office des personnes handicapées, l'association souligne et reconnaît l'effort du gouvernement de préciser et de rehausser, de façon significative, son rôle sur plusieurs plans: coordination, vigie, conseils, etc. L'ajout du devoir de conseiller le ministre, le gouvernement et ses ministères est pertinent et apportera un élément de cohérence dans la mission première de l'office comme dans son rôle de coordination intersectorielle. Il est cependant essentiel que l'office dispose de moyens nécessaires et des ressources requises pour bien remplir ses différentes responsabilités.
Comme nous l'avons mentionné passablement, nous croyons fermement en la participation sociale des personnes handicapées dans tous les secteurs de la société québécoise. À cet égard, l'association estime que des mesures doivent être prévues afin de responsabiliser tous les ministères, le réseau, les organismes publics et privés de même que les municipalités. De notre point de vue, le projet de loi est décevant sur cette question. Certes, il prévoit des obligations pour tous ces organismes de répondre à des demandes de l'OPHQ et de nommer des répondants, mais nous aurions souhaité davantage d'obligations de résultat. Sur ce point, nous rejoignons plusieurs groupes qui se sont exprimés devant cette commission en insistant sur l'importance d'un véritable engagement à ce sujet.
Nous constatons encore trop souvent que l'autonomie des personnes, acquise, entre autres, grâce aux efforts et aux ressources investis dans la réadaptation, se heurte aux nombreux obstacles de la vie quotidienne. Régulièrement, les personnes handicapées sont privées de services à domicile dont elles ont besoin. Elles sont isolées et défavorisées, car elles ne peuvent trouver un emploi à la mesure de leurs capacités. Elles sont limitées dans leurs déplacements par un transport en commun inadapté et un transport adapté défaillant. Bref, elles ne peuvent s'épanouir autant que si toutes les conditions favorables étaient réunies. Par conditions favorables, nous entendons l'élimination ou du moins la réduction des obstacles. Nous pensons aussi aux mesures et accommodements qui devraient être la règle dans tous les secteurs d'activité sociale. Nous n'entrerons pas ici dans le débat sur ce qui est raisonnable ou non en matière d'accompagnement. D'autres groupes ont abordé cette question avec conviction et ont à notre avis bien ciblé les enjeux. Nous dirons simplement que la société québécoise doit aborder avec détermination la question de l'accommodement et que cela concerne tous les acteurs: un centre gouvernemental, organismes publics et privés, employeurs et syndicats, collègues de travail et simples citoyens.
Dans cet esprit, il nous paraît essentiel que la loi favorise au maximum la levée des obstacles, ce qui ne va pas toujours de soi. Ainsi, certaines dispositions contenues dans le projet de loi ne vont pas dans le sens souhaité et entretiennent même l'idée que les personnes handicapées doivent vivre dans les grands centres urbains. Pourquoi les organismes de moins de 50 employés, des municipalités de moins de 20 000 habitants ne sont-ils pas obligés de réduire les obstacles à l'accès à leurs activités? De notre point de vue, la taille ne devrait pas influencer une telle obligation. La barrière du nombre d'habitants a pour effet d'exclure la majorité des municipalités en milieu rural. À titre d'exemple, seulement trois municipalités des régions des Laurentides et de Lanaudière seraient concernées par l'obligation inscrite dans le projet de loi. Faut-il vivre dans une grande ville pour assister aux rencontres du conseil municipal? Un petit organisme offre-t-il des services moins valables qu'un gros? L'association recommande que ces limitations soient retirées du projet de loi afin de ne pas pénaliser les personnes handicapées selon l'organisme avec lequel elles font affaire ou l'endroit où elles résident.
Un autre volet majeur de la participation sociale est l'accès au milieu du travail. La valorisation par le travail est d'une très grande importance dans notre société. Les personnes handicapées ont un potentiel de productivité et représentent un capital humain trop souvent sous-estimé qu'on doit exploiter au sens noble du terme. Elles pourraient être plus nombreuses à payer des taxes et des impôts et en seraient très fières.
Malheureusement, nous savons que les personnes handicapées sont surreprésentées parmi les personnes vivant dans la pauvreté au Québec. Nous savons aussi que les mesures mises en place par le passé n'ont pas produit les résultats escomptés. Par le biais de divers programmes, les établissements de réadaptation contribuent assurément à l'intégration socioprofessionnelle des personnes handicapées, mais la réussite de l'intégration repose surtout sur la mobilisation des employeurs, des syndicats et même des autres travailleurs. Tous ont un rôle à jouer quant aux mesures d'accommodement requises pour que l'accès à l'emploi soit un succès pour toutes et tous. Dans un tel contexte, l'association s'attend à une véritable stratégie gouvernementale en matière d'accès à l'emploi fondée sur un plan d'action visant des résultats significatifs. Et encore nous trouvons les propositions du projet de loi trop timides. Tout n'est pas réglé à ce chapitre, loin de là. Cependant, nous nous réjouissons que les personnes handicapées fassent dorénavant partie intégrante de la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans les organismes publics. Cette loi constitue un avis concret pour favoriser l'intégration des personnes handicapées à l'emploi. Malheureusement, la date d'entrée en vigueur de cette modification n'est pas fixée. Sans un délai précis, le marché du travail continuera d'être difficilement accessible aux personnes handicapées. Cela nous préoccupe sérieusement. L'association recommande donc que l'article 49 du projet de loi entre en vigueur dès son adoption.
Le ministère de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille s'est vu confier l'élaboration d'une stratégie en matière d'intégration et de maintien des personnes handicapées au marché du travail. Mais, tout en fixant certains délais, le projet de loi n'indique pas le moment où le ministre doit déposer sa stratégie comme telle. Étant donné l'importance de l'accès au marché du travail pour les personnes handicapées, nous croyons que l'obligation faite à ce ministère doit être beaucoup plus ferme. Nous recommandons que son ministre responsable dépose la stratégie de l'intégration des personnes handicapées au marché du travail un an après l'adoption du projet de loi et que cette stratégie contienne des objectifs de résultat clairs.
n(15 h 20)n En ce qui concerne les centres de travail adapté, d'autres groupes ont souligné à la commission l'importance de cette mesure d'intégration à la vie active malgré ses limites. Or, le projet de loi entretient un certain flou quant à l'avenir des CTA. Pour éviter les effets négatifs que cela peut entraîner, l'association recommande que la stratégie d'intégration des personnes handicapées au marché du travail contienne des orientations relatives au transfert ou non des centres de travail adapté. Autrement dit, il faut que l'avenir de ce programme fasse l'objet d'une prise de position claire dans l'année suivant l'adoption du projet de loi.
Par ailleurs, l'association trouve judicieux de confier une obligation au ministère du Travail de préparer un rapport sur la problématique de l'accessibilité des édifices publics, et il est prévu que le ministère remplisse cette obligation en collaboration avec l'Office des personnes handicapées et d'autres ministères et organismes publics concernés. L'accès aux édifices publics est un problème récurrent qui appelle selon nous à de véritables solutions. Nous pensons également que la notion d'accessibilité doit être élargie de manière à englober la dimension de l'environnement et de la communication. En matière d'accessibilité d'édifices publics, on constate encore, de nos jours, de nombreuses lacunes pour les personnes ayant une déficience motrice ou sensorielle. À notre avis, le nouveau Code de construction du Québec en vigueur depuis novembre 2000 comporte des réglementations très insuffisantes, notamment pour les personnes présentant une déficience visuelle.
Aussi, à l'initiative du Regroupement des aveugles et amblyopes de Montréal métropolitain, la société Logique et l'Institut Nazareth et Louis-Braille ont élaboré des critères d'accessibilité des édifices publics qui tiennent compte des besoins des personnes ayant une déficience visuelle. Ce sont souvent des moyens simples qu'on propose, comme utiliser des couleurs contrastantes entre les murs, les sols et les portes, employer une signalisation visuelle, tactile et sonore ou encore favoriser les espaces d'entrée, dégager les portes coulissantes automatiques, éviter les tourniquets, etc. Pour faire un véritable pas en avant, nous pensons que de tels critères doivent être sanctionnés dans le Code du bâtiment. À l'avenir, toutes les nouvelles constructions d'édifices publics devraient y répondre d'emblée. En attendant, pour au moins parer à l'essentiel, l'association recommande que tous les édifices publics répondent aux normes et concepts d'accessibilité universelle actuellement établis.
La possibilité de se déplacer est elle aussi une dimension essentielle de la vie en société. La question du transport est donc une autre de nos préoccupations majeures. Comment les personnes handicapées peuvent-elles se rendre à des traitements médicaux, participer à un programme de réadaptation, faire leurs courses ou aller au cinéma si elles se butent à un obstacle lié au transport public? Il est d'ailleurs difficile de comprendre qu'en 2004 le métro de Montréal demeure inaccessible aux personnes ayant une déficience motrice et qu'il soit si peu sécuritaire pour celles ayant une déficience sensorielle. Comment imaginer aussi que, dès qu'elle quitte sa municipalité de résidence, une personne handicapée ne peut utiliser le transport adapté parce qu'elle n'y est pas inscrite? Quel résident de Montréal ne peut prendre l'autobus à Québec ou à Sherbrooke sous prétexte qu'il n'habite pas dans ces villes? À ce sujet, l'association considère que le projet de loi manque... des pas en avant, mais il devait aller plus loin encore. À cet effet, nous recommandons que toutes les municipalités soient obligées de contracter avec une personne afin d'assurer une liaison entre des points situés à l'extérieur de leur territoire autant que sur leur territoire. Cette mesure est fondamentale, car, comme tout le monde, les personnes handicapées doivent pouvoir se déplacer non seulement dans leurs régions, mais également en dehors de celles-ci.
Comme dernier point, nous voulons aborder le volet de la communication. Nous vivons dans une société où la communication est primordiale. Comme tout autre individu, les personnes handicapées doivent avoir accès à la communication et à l'information et, de ce fait, à la connaissance. À bien de ces égards... À bien des égards, dis-je, cet accès nous apparaît tout aussi fondamental que l'accès au marché du travail, au logement et au transport, car, dans notre société moderne, la connaissance est souvent préalable à une participation sociale optimale.
Nous soulignons avec satisfaction les dispositions du projet de loi concernant une politique d'accès aux documents et aux services offerts au public. Nous nous questionnons toutefois sur le sens donné au terme «raisonnables» vis-à-vis les recommandations requises. Doit-on comprendre qu'il existe des secteurs pour lesquels l'accès est incontournable et d'autres non? De notre point de vue, il est essentiel que la politique d'accès détermine clairement des balises. Par exemple, les lois et règlements devraient toujours être accessibles, alors que les rapports annuels d'organismes pourraient l'être à la demande. Mais il importe avant tout de garder à l'esprit que l'exercice du rôle du citoyen passe par l'accès à l'information et qu'il faut donc privilégier l'accès le plus universel possible.
De plus, compte tenu de son importance et de son rôle maintenant central dans notre quotidien, le réseau Internet doit également être accessible aux personnes qui ont des limitations fonctionnelles importantes. Internet représente un facteur d'intégration sociale offrant une grande autonomie à ses utilisateurs. Il faut signaler que des normes internationales ayant trait à la programmation et au design graphique existent et sont de plus en plus connues. Ces normes visent à rendre le contenu des sites Internet compréhensible et navigable pour les personnes handicapées possédant des logiciels spécialisés. Par exemple...
La Présidente (Mme Charlebois): ...M. Frigon, il faudrait aller à la conclusion parce qu'on a déjà écoulé le temps.
M. Frigon (Jean-Guy): Il me reste une petite page, madame, et j'ai fini.
La Présidente (Mme Charlebois): Bon. Bien, allez-y.
M. Frigon (Jean-Guy): On est rendu à la fin.
La Présidente (Mme Charlebois): Consentement? D'accord.
M. Frigon (Jean-Guy): Merci, Mme la Présidente. Par exemple, les personnes ayant une perte de sensibilité des mains ont accès à l'ensemble des sites grâce à une seule touche de clavier. Les personnes ayant une déficience visuelle ont quant à elles accès à l'ensemble du site grâce à l'ouïe et au toucher. Je vais aller directement à la conclusion, à votre demande, madame, parce que je vais sauter un peu, mais j'espère que...
La Présidente (Mme Charlebois): Vous avez eu consentement, M. Frigon, Vous pouvez y aller.
M. Frigon (Jean-Guy): Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Il y a eu consentement de part et d'autre, là.
M. Frigon (Jean-Guy): Très bien. Merci. Je vais continuer dans ce cas-là. Plusieurs organismes de notre association respectent ces normes dans la conception de leurs sites. Cette approche doit être soutenue afin de permettre aux personnes handicapées d'accéder à l'information par Internet. Aussi, à l'heure du gouvernement en ligne, les sites gouvernementaux et ceux des organismes d'intérêt public devraient adhérer aux critères minimaux d'accessibilité établis et devenir ainsi accessibles à l'ensemble de la population québécoise sans exclusion. Cela favoriserait de surcroît une large diffusion de documents publics qui sont de plus en plus souvent acheminés par média électronique.
Nous ne reprendrons pas en conclusion les recommandations que vous avez certainement lues dans notre mémoire. Nous voulons seulement insister sur notre conviction que la participation sociale des personnes handicapées est une responsabilité collective. Tous les ministères, organismes et autres acteurs sociaux doivent se sentir concernés et apporter leur contribution à la réduction des obstacles et à la mise en place des mesures d'accommodement requises. En mot de la fin, nous soulignons que l'association se montre optimiste en constatant une réelle volonté du gouvernement de bonifier la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées de sorte que l'optimisation et leur potentiel de participation sociale soient véritablement réalisés. Nous espérons que nos recommandations contribueront à la réflexion de la commission à ce sujet. Merci de votre attention.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci beaucoup. Nous allons débuter la période d'échange avec M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Frigon, Mme Lauzon, M. Paillé. Vous parlez de participation sociale plus volontiers que d'intégration sociale. Vous semblez faire la distinction entre les deux. Pourriez-vous nous expliquer ce que vous voulez dire par là? Quelle est la distinction que vous faites?
Une voix: Je demanderais à Mme Lauzon de...
Mme Lauzon (Anne): Oui. En fait, c'est un concept aussi qui a évolué au fil du temps. Avant, on parlait d'intégration sociale dans le sens de permettre aux personnes handicapées de rester à la maison plutôt que d'être institutionnalisées, d'avoir accès à l'école, donc d'être intégrées dans la société. Quand on parle de participation sociale, bien c'est d'être un pas de plus, c'est-à-dire d'être à la maison mais aussi de pouvoir exercer tous les rôles sociaux. Et il y a un Américain, Condeluci, qui est très célèbre dans le domaine de la traumatologie, qui dit: C'est la différence entre être au party puis dans le party. Ça, c'est qu'on peut être intégré puis être là, mais participer, ça veut dire faire partie, être vraiment un citoyen à part entière, comme tous les autres.
n(15 h 30)n Donc, c'est dans cette mesure-là que, comme établissement de réadaptation, on contribue à diminuer les incapacités, les compenser, à augmenter l'autonomie, donc à ce que les gens soient le plus possible intégrés et aient le plus possible d'outils pour participer puis exercer leurs rôles sociaux. Sauf qu'une fois que les personnes sont à la maison ou au travail, si elles ne peuvent pas avoir accès aux lieux physiques, ou à l'information, ou à toute autre chose, bien on aura manqué notre but collectivement.
La Présidente (Mme Charlebois): Allez-y.
M. Couillard: Moi, je suis entièrement d'accord. D'ailleurs, le projet de loi fait mention à quelques reprises de participation sociale dans cette signification plus spécifique.
Comment envisagez-vous le rôle de chien de garde de l'office pour l'intégration au marché du travail? Vous y faites allusion également dans votre présentation, dans votre mémoire. Comment est-ce que l'office pourrait jouer ce rôle-là? Puis comment votre milieu de réadaptation s'inscrit dans ce rôle également de chien de garde ou de surveillance, un terme plus pacifique?
La Présidente (Mme Charlebois): Mme Lauzon.
Mme Lauzon (Anne): Oui. Bien, écoutez, il y a plusieurs éléments dans cette question-là. Comment on y contribue, nous autres, plus directement comme établissement de réadaptation? Bien, c'est que, dans nos établissements, on a des programmes d'évaluation des capacités de travail et d'adaptation des postes de travail. Ça, c'est une de nos spécificités, là, comme contribution dans le continuum de services. Donc, ça, c'est une contribution très, très directe. C'est que dans le fond plus rapidement la personne reste ou peut retourner au travail ? c'est vrai pour les accidentés du travail, c'est vrai pour les personnes qui ont une déficience physique suite à un traumatisme ? plus on peut garder le lien d'emploi, plus c'est facile de récupérer son emploi, même si des fois il faut effectivement y faire des adaptations. Donc ça, c'est une première étape qui est assez directe comme lien.
Maintenant, par rapport à l'emploi, ce qu'on trouve, c'est qu'il faut qu'il y ait des mesures de résultats concrètes. C'est sûr qu'on peut donner des obligations de moyens, faire un rapport, déposer une stratégie, et tout ça, mais à mon avis, pour que ça donne des résultats, il faut que ce soit accompagné de cibles de résultats concrets pour les différents types d'organismes et pour tous les types d'employeurs, je dirais. L'emploi est un enjeu important pour notre clientèle parce qu'au Québec ou dans n'importe quelle société souvent, quand on ne travaille pas, on n'a pas le même statut social que les autres. Et ça permet de payer des taxes et des impôts, ce qui n'est pas négligeable. Et ça permet d'avoir une vie plus active, donc c'est vraiment très important. Puis, si le passé est garant de l'avenir, bien, si on n'ajoute pas des mesures plus concrètes pour s'assurer d'atteindre nos objectifs, on pourrait se retrouver dans quelques années puis se dire qu'on a tous voulu, mais que ça n'a pas marché. Alors, dans ce sens-là, je pense que des cibles de résultats et des moyens concrets pour y arriver sont importants.
Quant au rôle de l'office, l'office, à lui seul, ne peut pas jouer ce rôle-là. Il peut effectivement effectuer une vigie, il peut monitorer des choses, mais je ne pense pas qu'on peut compter sur l'office pour qu'il aille, dans chaque entreprise au Québec, pour dire: Bon, bien qu'est-ce que vous avez fait par rapport à votre stratégie d'emploi? C'est pour ça qu'on insiste beaucoup sur le pouvoir de l'office en termes de concertation interministérielle puis d'agir a priori des obstacles. Maintenant, ça prend une responsabilisation de tous les acteurs à cet égard-là. Peut-être M. Paillé.
Une voix: ...complément.
La Présidente (Mme Charlebois): M. Paillé.
M. Paillé (Errol): Oui. Merci. Moi, ce que j'ajouterais aussi comme rôle potentiel de l'office, c'est de se donner des moyens, comme collectivité, d'informer notre milieu du travail. Il y a une méconnaissance du potentiel des personnes handicapées, il y a encore des tabous, il y a encore plein d'aspects qui ne sont pas connus. Et, quand on ne connaît pas quelque chose, on a tout de suite une méfiance. On se dit: Ces gens-là, les personnes handicapées, sont improductifs, ne réussiront pas à atteindre les critères de productivité qu'on a établis, qui sont très, très, très hauts, dans notre société d'aujourd'hui. Et c'est une très grande limitation qui fait que le milieu du travail est tout de suite réticent quand on parle d'intégration d'une personne handicapée en milieu de travail. Je pense que l'office a un rôle, avec tous les acteurs de notre société, pour en arriver à surpasser cet obstacle. Tant que cet obstacle ne sera pas surpassé, on vivra... Nous avons vécu des obstacles, des échecs, et je pense qu'on va continuer à en vivre.
La Présidente (Mme Charlebois): M. le ministre.
M. Couillard: Je suppose que c'est dans cet esprit que vous demandez d'être représentés à la Commission ou à la table des partenaires du marché du travail. Comment est-ce que vous verriez ? parce qu'il y a beaucoup de gens qui voudraient être à cette table-là également ? comment est-ce que vous voyez votre input ou votre participation à cette table-là?
M. Paillé (Errol): ...je pense qu'on pourrait du moins collaborer en signifiant... Parce qu'on a comme travail, dans le réseau de la réadaptation, à amener les gens, des personnes handicapées, à devenir des employés productifs du moins, là, et compétents. Et on chemine avec eux et on connaît le potentiel que peut atteindre une personne, en considérant ses limitations. Et on connaît aussi le support que ces gens-là auront besoin, à certains égards, pour remplir leurs obligations d'employé. Et je pense que, si on joue seulement ce rôle de transmettre cette capacité qu'ont nos personnes handicapées, on aura fait une contribution.
La Présidente (Mme Charlebois): M. le député de Robert-Baldwin.
M. Marsan: Oui. Merci. À mon tour de vous remercier, M. Frigon, Mme Lauzon et M. Paillé, pour l'excellent exposé que vous avez fait.
J'aimerais changer de sujet et tout de suite arriver à votre dernière recommandation. Ce n'est pas la première fois qu'on voit cette recommandation-là, et c'est celle qui recommande que la Loi électorale prévoie des mesures ou des adaptations permettant aux personnes handicapées d'assumer, le jour même du scrutin, leur devoir de citoyen et de citoyenne.
Par expérience, j'aimerais vous mentionner, pour avoir accompagné ? et je suis certain que les collègues ont dû vivre des expériences semblables ? accompagné des personnes handicapées, le jour du scrutin, avec des difficultés au niveau du transport, des difficultés au niveau de l'accessibilité à certains édifices, au niveau des files d'attente, au niveau du vote proprement dit. Alors, je pense que votre recommandation est vraiment intéressante. Nous savons également que le ministre responsable de la Réforme électorale est très, très sensible à permettre aux personnes handicapées et le plus de gens possible d'exercer leur droit de vote.
J'aimerais vous demander quelles seraient les mesures que vous envisagez ou les adaptations qui seraient nécessaires pour vraiment permettre aux personnes handicapées de se prévaloir d'un droit, le droit le plus démocratique que l'on peut connaître?
La Présidente (Mme Charlebois): M. Frigon.
M. Frigon (Jean-Guy): Je pense que, dans un premier temps, monsieur, il faudrait que le monde vote tous la même journée, pas de voter un après l'autre. Ce que, moi, je prévois en tout cas, depuis plusieurs années, c'est qu'on essaie de voir à ce que les personnes puissent toutes aller voter.
Et, pour ce faire, on a toujours ? comme vous venez de l'expliquer ? on a des problèmes de transport, on a des problèmes d'accessibilité et on fait des journées spéciales pour aller voter, et, même là, les édifices ne sont pas accessibles. Moi, je pense que ce ne sera pas plus dispendieux de mettre ça dans toute la même journée et qu'on mette à la disposition des personnes vivant avec une déficience d'aller voter en même temps que les autres. Et, pour ce faire, on a des édifices très accessibles, mais ce n'est pas obligé.
J'ai vécu, chez nous, dans la région de Lanaudière, un vote prépondérant, et puis, quand on a été voter dans des petites cases, ça a tout pris notre petit change. Tout le monde pouvait voir où qu'on votait ou presque. Ça n'avait pas de bon sens. Ça fait que, moi, je pense que, dans la loi, il devrait y avoir une identification à l'effet que les personnes allant voter la même journée que les autres soient dans des bureaux accessibles pour tout le monde. C'est aussi simple que ça, monsieur.
M. Marsan: Peut-être juste un commentaire. Je ne suis pas juriste et je ne sais pas si c'est la loi n° 56 qui doit prévoir ça ou la loi qui devrait être amendée, la Loi électorale, mais je voudrais quand même vous assurer qu'on va transmettre vos préoccupations. Je pense qu'elles sont entendues des deux côtés de la Chambre. Elles sont extrêmement importantes, et j'aimerais ça vous assurer qu'on va tout mettre en oeuvre pour que cette recommandation-là puisse être reconnue rapidement.
La Présidente (Mme Charlebois): M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
n(15 h 40)nM. Bernard: Oui. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, madame. Bonjour, messieurs. Votre recommandation 17 dans votre document qui est celle-ci: «Que le ministre de l'Éducation propose une modification de la Loi sur l'instruction publique afin que la langue des signes soit reconnue comme langue d'enseignement pour les personnes qui le requièrent», concrètement, qu'est-ce que ça changerait? Quels seraient les impacts de cette recommandation-là au niveau de l'éducation?
Mme Lauzon (Anne): Bien, c'est que...
La Présidente (Mme Charlebois): Allez-y, Mme Lauzon.
Mme Lauzon (Anne): C'est que ça fait des années qu'à la fois la communauté des personnes qui ont une déficience auditive et le monde de la réadaptation on demande à ce que cette langue-là soit reconnue comme une langue d'enseignement parce que présentement ce n'est pas le cas. Alors, des enfants qui sont sourds et qui ont comme langage le LSQ, bien ils ne peuvent pas apprendre à l'école, dans cette langue-là, à moins que l'école fasse des efforts et, bon, qu'il y ait des conditions particulières. Alors, on pense qu'au Québec on devrait adopter ça comme également une langue d'enseignement. Il y avait eu des discussions aussi où dans le fond je pense que beaucoup de gens sont d'accord avec ça. C'était les implications à court, moyen terme qu'il restait à voir. Mais, quand on parle d'accès à la connaissance, pour les enfants sourds notamment, ça fait une grosse différence.
La Présidente (Mme Charlebois): Allez-y, M. le député.
M. Bernard: Oui. Merci, Mme la Présidente. Donc, actuellement, vous dites qu'il y a des discussions à cet égard-là. Puis la réponse du ministère de l'Éducation proprement dite, outre que des peut-être considérations financières, quelle est leur réponse, s'il vous plaît?
Mme Lauzon (Anne): On n'a pas d'autre objection que d'objections financières ou d'impact. Il faut aussi former des professeurs. C'est sûr que c'est aussi financier, mais c'est des mesures d'impact qui sont à quantifier puis à mettre en place. Mais, sur le fond, on n'a eu aucune objection.
M. Bernard: Parfait. Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va?
M. Bernard: Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Mme la députée de Pontiac.
Mme L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Frigon, Mme Lauzon, M. Paillé. Merci de votre mémoire. Dans une de vos recommandations, la recommandation 4: «Que le sous-ministre de la Culture et des Communications ou son délégué soit d'office membre du conseil d'administration de l'OPHQ.» Il y a plusieurs mémoires qui ont suggéré fortement cette implication, surtout que vous dites que c'est important au niveau de la communication. Il y a eu aussi toute la question sur l'accès aux documents. J'aimerais ça que vous m'expliquiez un peu plus en quoi la présence de quelqu'un de la Culture et des Communications réglerait dans le fond certains problèmes que vous parlez dans votre document.
La Présidente (Mme Charlebois): Mme Lauzon, allez-y.
Mme Lauzon (Anne): Oui. Bien, en fait, beaucoup de choses qu'on dit dans notre mémoire sont dans l'objectif d'agir a priori sur les obstacles. Et la communication ou le problème d'accès à la communication en est un. Et le fait que plusieurs ministères seront représentés éventuellement sur le conseil d'administration de l'office où les décisions se prennent... Et, dans le rôle de concertation interministérielle, bien, pour nous, le ministère de la Culture et des Communications a comme un rôle un peu horizontal, dans le sens que tous les ministères doivent communiquer à un moment donné. Le gouvernement, tout est communication. Donc, s'il y a quelqu'un qui a le mandat de s'assurer qu'à chaque fois qu'on a des développements de sites Web dans tous les ministères, les édifices publics et tous les autres exemples qu'on a donnés... Bien, si on a quelqu'un qui est sur place pour avoir la responsabilité de s'assurer que le volet de la communication n'est pas oublié et faire les liens avec les collègues des autres ministères, à notre avis ce serait très pertinent et utile, et ça permettrait de favoriser une réalisation plus rapide de ces éléments-là.
Mme L'Écuyer: Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va? Mme la députée de Duplessis, porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux.
Mme Richard: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Frigon, M. Paillé, Mme Lauzon. Dans votre mémoire, vous faisiez référence ? votre recommandation 8 ? à l'article 61.1 où des villes de 20 000 habitants et plus devaient se doter d'un plan d'action. Et, vous, vous dites, bon: Ça devrait être des normes nationales et régionales qui vont permettre de mettre en place des plans d'action. Mais en réalité ce que ça veut dire, c'est: «peu importe où on se trouve sur notre territoire».
Comment voyez-vous ça possible par rapport à des petites municipalités? Est-ce que vous trouveriez acceptable qu'on ait des plans au niveau de la région, parce que, vous savez, il y a des petites localités où il n'y a pas le dépanneur du coin, là? Il n'existe même pas. Ça fait que ces municipalités-là... pour les municipalités ça va devenir très lourd de devoir se doter d'un plan d'action.
M. Frigon (Jean-Guy): Moi, je pense que présentement il y a les MRC qui peuvent faire un regroupement pour ces municipalités-là. C'est aussi simple que ça. Je n'ai pas à élaborer un peu plus...
Mme Richard: Non.
M. Frigon (Jean-Guy): ...parce qu'on sait que, dans notre région, même dans notre région, il va n'y avoir seulement que trois municipalités qui vont avoir... On prend des municipalités entre 6 000 et 7 000 de population. Je pense que c'est les MRC qui vont être obligées de prendre charge là-dessus, vous savez, pour trouver une égalité pour tout le monde, madame, parce que c'est tout le monde qui va avoir accès. On parle de compensations. Tantôt, on va parler d'égalité. Moi, c'est dans ce sens-là que je dis que les MRC vont prendre leurs responsabilités.
Mme Richard: Merci beaucoup. Par rapport à la clause compensatoire, pourriez-vous nous expliquer la différence entre, dans le projet de loi, à l'article 4 et vous en page 8? C'est à peu près le même libellé, sauf que vous dites: «sans égard à la cause». Qu'est-ce qu'il y a de différent par rapport à votre recommandation et à l'article 4 du projet de loi?
Une voix: A.4.
Mme Richard: A.4, je m'excuse.
Mme Lauzon (Anne): ...quel?
Mme Richard: Donc, je le retrouve à la page 10 du projet de loi. C'est à l'article a.4. Vous, le libellé est presque semblable, sauf quand vous ajoutez «visant à éliminer, sans égard à la cause».
Mme Lauzon (Anne): ...vous êtes dans quoi, là? Dans quel libellé?
Mme Richard: Page 8 de votre mémoire à vous en rapport à l'article a.4.
Une voix: Article 5.
Mme Richard: Article 5.
Mme Lauzon (Anne): Oui. Bon. Bien c'est parce que... Si vous me permettez.
La Présidente (Mme Charlebois): Allez-y, madame.
Mme Lauzon (Anne): C'est ça. C'est que la cause des incapacités est une cause de beaucoup d'iniquités, dans le sens que, si on naît avec une incapacité, on n'a pas droit aux mêmes choses que si on a un traumatisme sur le route, autrement dit, si c'est acquis ou inné. Bref, la cause de l'incapacité a une incidence sur les programmes ou les compensations auxquelles les personnes ont droit. Donc, c'est pour ça qu'on a ajouté ça.
Mme Richard: Merci. Je vais céder la parole à mon collègue député de Vachon.
La Présidente (Mme Charlebois): M. le député de Vachon.
M. Bouchard (Vachon): Mme la Présidente. Bonjour. J'aimerais faire référence à votre recommandation n° 9 en page 14 de votre rapport, où vous indiquez: «Que l'article 49, qui a trait à l'inclusion des personnes handicapées dans la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans des organismes publics, entre en vigueur dès l'adoption du projet de loi.» Je veux tout simplement signifier que nous appuierons un amendement ministériel qui viendrait rencontrer vos souhaits à cet effet-là, donc qui viendrait modifier éventuellement l'article 68 du présent projet de loi. Je pense que c'est une disposition qui est sans doute importante, en tous les cas à considérer avec sérieux, et nous serions sympathiques à un mouvement dans ce sens-là.
Par ailleurs, votre recommandation n° 10 aussi nous apparaît intéressante, à l'effet que le ministre responsable du ministère de l'Emploi, Solidarité sociale et Famille dépose sa stratégie un an après l'adoption du projet de loi. Vous faites référence au fait qu'il n'y a pas d'échéancier de fixé dans la loi. Bien que ce ne soit pas là une garantie, remarquez, parce qu'on a d'autres expériences où les échéanciers ne sont pas respectés, mais c'est quand même une indication assez importante pour que le gouvernement et le Parlement puissent agir autour de cette indication.
La recommandation 11. J'aimerais vous entendre sur cette recommandation. Qu'est-ce que vous entendez explicitement par cette recommandation à l'effet que «la stratégie d'intégration des personnes handicapées [...] contienne explicitement des orientations relatives au transfert ou non des centres de travail adapté [...] et à l'intégration des personnes handicapées dans le Programme d'accès à l'égalité»? Pouvez-vous nous expliquer davantage ce que vous signifiez par là?
La Présidente (Mme Charlebois): M. Paillé.
M. Paillé (Errol): Bien, d'abord, à prime abord, on croit que les CTA ont une place dans notre société pour les personnes qui ne seront malheureusement pas nécessairement compétitives tout au long de leur vie, là, sur le marché du travail.
n(15 h 50)n On trouve donc très, très pertinent que la place des CTA dans la stratégie, là, qui sera élaborée, qu'il ait vraiment sa place, et que le transfert du programme existant se fasse, là, de façon la plus harmonieuse possible et qu'on assure aussi un financement équitable et juste pour arriver à ce que tous les CTA puissent poursuivre, là, leurs opérations. Et c'est dans cette idée-là qu'on trouve très, très pertinent, pendant qu'on développe la stratégie, qu'on identifie la place et les budgets nécessaires pour que les CTA puissent avoir toujours leur place, là, au Québec.
La Présidente (Mme Charlebois): M. le député de Vachon, ça va?
M. Bouchard (Vachon): Merci de cette explication. Vous aurez sans doute entendu ou lu, dans les notes afférentes à nos débats, que le projet de loi n° 56 fait mention explicite de la responsabilité du ministre envers les CTA. Mais vous allez un pas plus loin en indiquant que, dans sa stratégie, il devrait expliciter le rôle des CTA. C'est ce que je comprends de votre réponse.
Alors, recommandation n° 12 ? ce sera ma dernière question: «Que le milieu de [...] réadaptation soit représenté par deux personnes à la Commission des partenaires du marché du travail, instituée par le ministre responsable du chapitre III de la Loi sur le [ministère de l'Emploi, Solidarité sociale et Famille] et mentionnée à l'article 33 du projet de loi.» Ma première question, c'est une question qui a trait à mon ignorance, là: Est-ce qu'il y a déjà une représentation à la Commission des partenaires d'au moins une personne handicapée? Non? Il n'y a pas d'obligation? O.K.
Mme Lauzon (Anne): ...handicapées, peut-être, mais pas du milieu de la réadaptation.
M. Bouchard (Vachon): Pardon?
Mme Lauzon (Anne): Peut-être qu'il y a des personnes handicapées ou qui représentent des personnes handicapées, mais pas du milieu de la réadaptation.
M. Bouchard (Vachon): O.K. D'accord. Et, la raison pour laquelle vous en voulez deux, est-ce que vous avez réfléchi à ça spécifiquement?
M. Frigon (Jean-Guy): C'est mieux qu'un.
M. Bouchard (Vachon): C'est parce que c'est mieux qu'un? S'il sont d'accord, oui.
M. Frigon (Jean-Guy): Oui.
M. Bouchard (Vachon): Par ailleurs, je ne voudrais pas éteindre votre optimisme et votre flamme autour de cette recommandation, mais je vous inciterais à lire attentivement le projet de loi n° 57 où la référence à l'obligation du ministre de faire appel à Emploi-Québec et à la Commission des partenaires du travail dans ces programmes disparaît de la loi. Alors, peut-être que je soulève certaines inquiétudes, mais, je pense, c'est important que vous en soyez informés. Alors, merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Charlebois): Bien. Alors, M. Frigon, Mme Lauzon et M. Paillé, merci pour la présentation de votre mémoire. Et j'inviterais l'Association des femmes handicapées de Montréal à prendre place, s'il vous plaît. Je vais suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 15 h 53)
(Reprise à 16 h 5)
La Présidente (Mme Charlebois): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux et nous recevons maintenant l'Action des femmes handicapées de Montréal. Alors, je demanderais à la porte-parole de s'identifier ainsi que présenter les invitées qui vous accompagnent. Et vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire.
Action des femmes handicapées,
Montréal (AFHM)
Mme Hadjabi (Wassyla): Merci. Bonjour, Mme la Présidente, mesdames et messieurs. Donc, je suis Wassyla Hadjabi, coprésidente de l'organisme; Maria Barile, coprésidente de l'organisme; Mme Marie Michèle, membre de l'organisme; et Michèle Blais, membre également de l'organisme.
Donc, je fais une présentation de mon organisme, succincte. Donc, Action des femmes handicapées de Montréal défend les droits et les intérêts des femmes handicapées dans une perspective féministe d'égalité des sexes. Nous sommes un organisme à but non lucratif qui réunit les femmes qui ont un ou plusieurs handicaps, qui proviennent de différentes cultures, de différents milieux ethniques et linguistiques et de toutes les couches de la société.
Donc, lorsque la société parle des personnes handicapées, elle a tendance à nous voir comme des êtres asexués. Mais la réalité est tout autre. Les personnes handicapées sont composées de femmes et d'hommes. Et les femmes représentent 51 % de la population des personnes handicapées, par conséquent la même proportion que dans la population non handicapée. Nous sommes donc, par conséquent, des conjointes, des mères, des citoyennes, tout comme nos consoeurs non handicapées, à la différence: nous vivons avec un handicap. Et vivre avec un handicap est plus qu'une réalité biologique. Vivre avec un handicap est une réalité sociopolitique qui a des répercussions économiques sur la vie des personnes catégorisées handicapées, ce qui m'amène en fait à la reformulation de la recommandation 8 sur la définition de la personne handicapée. Donc, nous recommandons que la définition soit la suivante: «Toute personne ayant une ou des conditions persistantes qui la rend sujette à rencontrer des obstacles dans l'accomplissement d'actions courantes ? sociales, politiques, économiques.» Donc, la personne handicapée, c'est toute personne donc qui a des conditions persistantes et qui rencontre des obstacles à tous les niveaux, donc social, politique et économique. Je passe la parole à Mme Maria Barile.
Mme Barile (Maria): Merci. Est-ce que le monde m'entend?
Une voix: Oui.
Mme Barile (Maria): Comme vous avez pu constater dans notre mémoire, il converge vers deux points principaux. Nous demandons par conséquent que le projet de loi apporte des analyses différenciées selon le sexe, qu'il soit appliqué dans tous les domaines concernant les personnes handicapées pour corriger les inégalités systémiques entre femmes et hommes. Par conséquent, vous savez que c'est déjà un engagement que le gouvernement du Québec a pris en 1995, pendant la Conférence mondiale des Nations Unies et, juste après, ici, au Québec aussi, dans le domaine...
Le deuxième point, c'est que la loi doit prévoir des mécanismes pour assurer que le service disponible aux femmes soit accessible aussi aux femmes handicapées. Pour supporter notre recommandation, nous vous présenterons un portrait général de la situation qu'on vit tous les jours comme femmes handicapées. Alors, je commence avec Mme Marie Michèle.
Mme Michèle (Marie): Notre situation économique est le monde du travail. Comme moi, vous avez souvent entendu dire: Si vous voulez être pauvre, soyez une femme âgée. Je pourrais vous dire: Si vous voulez être pauvre, soyez une femme handicapée. En effet, une étude en 1988 disait que 47 % des femmes handicapées qui ont un revenu autonome recevaient de l'aide sociale, 27 % travaillaient à temps partiel ou à temps plein, 26 % recevaient des prestations de la Régie des rentes et de l'aide sociale. Le total est le même que l'aide sociale. Rien ne nous permet de croire que les statistiques se soient beaucoup améliorées.
En 2002, les femmes handicapées avaient un revenu moyen de 13 906 $ par année, et le seuil de faibles revenus était de 15 907 $ après impôts pour une personne seule, de 24 550 $ pour une famille de trois personnes. Ça fait beaucoup de femmes et d'enfants pauvres. Notre pauvreté s'explique: les femmes en général sont moins scolarisées que les hommes, et les fillettes qui ont des handicaps sont encore moins scolarisées. La plupart des femmes occupent des emplois qu'on appelle féminins, c'est-à-dire mal rémunérés, pas syndiqués. Les revenus des travailleuses sont plus bas que les revenus des travailleurs pour des travaux équivalents. Et de toute façon de nombreuses femmes handicapées ne trouvent pas de lieu de travail qui accommode leur handicap. C'est pourquoi beaucoup de femmes handicapées occupent des emplois à temps partiel, à la pige ou à contrat. Et, dans ces emplois, elles n'ont pas grand pouvoir de négociation.
n(16 h 10)n D'autre part, l'accessibilité n'est pas souvent une préoccupation des employeurs, et, comme la plupart des gens, quand ils pensent handicap, ils pensent fauteuil roulant et parfois chien d'assistance. Il y a beaucoup, beaucoup d'autres formes de handicap. Un exemple tout bête: pas longtemps avant d'être diagnostiquée diabétique, j'ai été blâmée au travail parce que je buvais beaucoup d'eau et que j'allais souvent uriner, ce qui est très exactement le premier symptôme du diabète. Un autre exemple: pour voir et pour bien fonctionner, j'ai besoin d'un éclairage intense. À un moment donné, j'avais un patron qui, dès que je quittais mon bureau, s'en venait éteindre mes lumières et fermer les stores. Puis il me disait: Bien, change de lunettes. Ça posait des problèmes, alors que l'adaptation à mes difficultés aurait été bien simple.
On pense aux nouvelles technologies. Maintenant, beaucoup, beaucoup d'emplois demandent du travail sur Internet ou à l'ordinateur. Mais, particulièrement sur Internet, la plupart des sites sont difficilement accessibles aux femmes qui ont des problèmes visuels, à celles qui ont des troubles d'apprentissage ou de la motricité fine. Pourtant, il existe des moyens, qui ont déjà été décrits et définis, de rendre les sites Internet plus faciles d'accès. Il faudrait que la loi insiste sur cet aspect-là, particulièrement pour les sites du gouvernement.
Les quotas d'embauche. Quand on recommande que la fonction publique québécoise ou tout autre organisme embauche un certain pourcentage de personnes handicapées, il faudrait préciser aussi un pourcentage de femmes handicapées, idéalement 51 %, puisqu'on est 51 % de la population, parce qu'il faudrait s'assurer que le masculin englobe le féminin.
La Présidente (Mme Charlebois): Mme Blais.
Mme Blais (Michèle): Bonjour. Moi, je vais parler brièvement de la santé des femmes handicapées pour dire que, depuis la création de l'office et le grand espoir que ça avait créé de voir les hôpitaux, les cliniques s'adapter à nos besoins, bien on se ramasse 30 ans plus tard, puis les services et les équipements sont toujours inadéquats. Par exemple, les tables d'examen gynécologique dans le bureau du médecin, bien il n'en est pas question. Même pour les prélèvements d'urine, il n'y a vraiment pas de facilités répandues. C'est toujours à la pièce. C'est toujours l'accommodement, la discussion, faire venir le CLSC. En tout cas, c'est très compliqué d'avoir des services adaptés.
Maintenant, les problèmes principaux qui concernent les femmes, ce sont évidemment les services gynécologiques et c'est aussi, entre autres, dans le Programme de dépistage du cancer du sein. Le groupe Action des femmes handicapées a d'ailleurs mené une étude sur l'accessibilité des cliniques qui donnaient le dépistage du cancer du sein, et je pense qu'un des rapports a été envoyé à M. le ministre. J'imagine que vous le connaissez? Et les conclusions de cette étude-là sont sensiblement les mêmes d'une autre étude qui avait été faite par le centre national d'information sur la santé des femmes, qui rapportait, en 1999, que de nombreuses femmes handicapées qui vont dans les cliniques d'examen des seins ne peuvent recevoir les services requis à cause de l'inaccessibilité des lieux ou de l'équipement médical. Alors, Action des femmes handicapées arrive sensiblement aux mêmes conclusions et déplore en plus un manque général de sensibilisation du personnel soignant.
Maintenant, il y a toute la question de la maternité, je dirais, la maternité des femmes qui n'est pas non plus reçue comme une bonne nouvelle, mettons. Quand on se présente avec une grossesse, on est souvent reçues comme ? comment je peux dire? ? avec une sorte de jugement retenu, par exemple. Maintenant, les équipements ne sont pas non plus adaptés pour l'accouchement. Les centres pour l'accouchement naturel, les maisons de ? comment on appelle? ? les maisons...
Une voix: Maisons de naissances?
Mme Blais (Michèle): ...les maisons de naissances, voilà. Quand on arrive puis à l'hôpital, je dirais que l'hôpital, c'est presque le cauchemar. S'il y a un lieu qui n'est pas adapté aux personnes handicapées, ce qui est étonnant, c'est bien les hôpitaux.
Ah oui, je voulais vous dire. Par exemple par rapport... Je pensais aux salles d'examen dans les cabinets réguliers. On remarque que les tables d'examen étaient sensiblement les mêmes que quand j'étais petite. Ça, c'est il y a très longtemps, là. Alors, c'est comme si c'était le même modèle. Mais on a apporté une solution. Je ne sais pas si vous la connaissez. C'est une chaise qui se convertit en table d'examen gynécologique universelle, donc qui pourrait servir la majorité des femmes handicapées aussi bien que les femmes non handicapées. Alors, je ne sais pas si le ministère désire remplacer des équipements, mais ce serait peut-être une idée d'aller vers des équipements universels et penser d'abord plutôt que de toujours avoir le réflexe de trouver la solution à part pour les personnes handicapées. Si on avait une solution de départ dans la réflexion quand on a des équipements nouveaux ou des services, je pense que ça pourrait diminuer des coûts aussi et que les équipements qui peuvent nous être utiles peuvent être aussi utilisés par des personnes non handicapées. Ça, ce serait notre souhait. Merci.
Mme Barile (Maria): Bon.
La Présidente (Mme Charlebois): Mme Barile.
Mme Barile (Maria): Moi, je veux parler de violence vécue par des femmes handicapées. Alors, il y a un cycle... de femmes handicapées. D'un côté, il y a la pauvreté et l'isolement des femmes handicapées créés par les barrières structurelles, qui nous rendent vulnérables aux situations de violence; de l'autre part, à chaque fois qu'une femme est victime de violence, elle a la grande probabilité d'avoir un handicap plus tard ou tout de suite. Donc, la violence faite aux femmes handicapées, ce n'est pas juste le petit pourcentage que vous pouvez penser que nous sommes, les femmes handicapées. Ce cycle est indirectement soutenu par une culture qui dévalorise qui nous sommes comme femmes et comme personnes handicapées.
Les femmes handicapées qui vivent la violence vivent la même forme de violence que toutes les autres femmes au Québec et ailleurs, c'est-à-dire l'abus sexuel, physique, verbal, psychologique, etc. Nous vivons des formes de violence spécifiques à notre vie particulière dans le contexte de notre handicap. Par exemple, l'agresseur peut nous priver de l'aide technique comme les chaises roulantes, les cannes, etc., pour nous rendre plus vulnérables et isolées. Et c'est une façon de contrôle parce qu'après tout la violence est une forme de contrôle. Nous vivons la violence systémique qui est perpétuée par le silence à l'intérieur d'un système social et par une culture qui nous dévalorise à chaque jour. Dans le maintien à domicile en particulier, on trouve, comme vous avez pu le constater dans les derniers jours, la violence faite par des préposés de service, etc.
Donc, l'autre élément qu'il faut savoir, c'est que les femmes handicapées qui ont de multiples handicaps, c'est-à-dire plus qu'un handicap, vivent plusieurs types de violence. Et on parle aussi de la violence économique, que vous pouviez me demander tantôt. En lien avec la recommandation 2 dans notre texte, nous aimerions vous recommander la mise sur pied d'un mécanisme équivalent à SOS violence conjugale, qui permettrait à toutes les femmes et les hommes handicapés en détresse d'appeler pour l'aide. Cet organisme doit être à l'extérieur des systèmes institutionnels.
n(16 h 20)n Et nous recommandons aussi un système pour sensibiliser la police aux problèmes qui peuvent advenir quand il y a une personne handicapée, particulièrement des personnes handicapées intellectuelles qui ont besoin de témoigner ou de s'expliquer vis-à-vis leur vécu de violence.
Mme Hadjabi (Wassyla): Je vais aborder enfin l'accessibilité des lieux et des services aux femmes handicapées. Si plusieurs des barrières que nous citerons touchent toutes les personnes handicapées, donc hommes et femmes, elles touchent plus particulièrement les femmes handicapées à cause d'entraves de leur situation socioéconomique. Nous pouvons donc vous mentionner, à titre d'exemple, quelques propos de nos membres. Par exemple, les écoles que fréquentent les enfants de nos membres, femmes handicapées bien sûr, ne leur sont pas accessibles, particulièrement à celles qui sont en fauteuil roulant. Pour rencontrer les professeurs, elles n'ont pas d'autre choix que de le faire dans la rue. J'ai vécu moi-même la situation avec mon enfant ? et d'autres personnes aussi. Donc, soit on rencontre le professeur dans la rue soit dans un milieu public qui soit accessible ou, si on a un petit mot à dire, comme tous les parents, au professeur, on est obligé d'attendre à l'extérieur. Par temps de neige, ce n'est pas très commode, et on le fait tout le temps.
Autre chose aussi. Il est arrivé un cas particulier à une mère handicapée donc en fauteuil roulant; son enfant a dû être hospitalisé en urgence. Donc, l'ambulance est arrivée, et la mère n'a pas pu être transportée avec l'enfant. Ils ont refusé de la transporter avec son enfant. Donc, imaginez un peu: c'est une mère monoparentale, il n'y avait pas d'autre parent qui pouvait accompagner l'enfant. Parallèlement, les services offerts aux femmes victimes de violence ? comme a parlé Mme Maria Barile de la violence ? les maisons d'hébergement ne sont pas accessibles aux femmes handicapées. Et ils connaissent la réalité. Donc, il y a l'accessibilité fauteuil mais aussi le personnel qui est en place pour différents handicaps auxquels sont sujettes ces femmes-là.
Je citerai aussi autre chose. Le transport adapté de la Société de transport de Montréal n'accepte pas toujours les enfants des mères handicapées parce qu'en fait on a le droit à un accompagnateur adulte, et l'accompagnateur, un enfant seulement. Donc, si la maman a plusieurs enfants, souvent elle se voit refuser le transport. Aussi, la réservation se fait sur le transport adapté. Quand le transport se présente et il voit trois enfants, par exemple, eh bien, il la refuse. Elle reste à la maison. Elle ne peut pas laisser ses enfants; supposons qu'elle est une femme monoparentale ou qu'elle n'a pas d'autre moyen de faire garder ses enfants.
Enfin, je dirai, par rapport aux autobus à plancher surbaissé, les nouveaux pour lesquels on a défrayé beaucoup d'argent: donc ces véhicules ne sont souvent pas utilisables, l'entretien ne se fait pas ou le personnel sur l'autobus refuse d'embarquer la personne, particulièrement ceux qui ont des quadriporteurs. On estime à vue d'oeil qu'elles ne peuvent pas monter. Je vis cette situation tous les jours et je suis toujours en train de rouspéter ? quelque part, on devient professionnel dans ce domaine ? pour me faire monter à bord. Et en plus l'autobus ne prend qu'une personne. Donc, si on est deux et qu'on veut sortir ensemble, comme tout le monde, entre amis, eh bien, on ne peut pas sortir parce que ça ne prend qu'une place, et on doit attendre le tour prochain. Et, le tour prochain, à savoir s'il est accessible, à savoir s'il marche, en tout cas il y a plein de probabilités qui entrent en jeu.
Finalement, je vais vous dire, on aimerait bien que le métro de Montréal soit accessible parce qu'il y a beaucoup de femmes et d'hommes, personnes handicapées, donc, en général, qui souhaiteraient prendre le métro et qui sont capables de le prendre. C'est certain que le transport adapté est très utile ? et je trouve cette idée merveilleuse ? mais il reste qu'on peut, disons, désemboucher un peu le transport adapté si le métro de Montréal était accessible. Il y a des personnes qui sont assez autonomes pour pouvoir voyager toutes seules et sans transport adapté, par exemple.
Tous ces points-là rejoignent en fait l'idée que nous recommandons: que l'accessibilité universelle soit un principe qui soit reconnu par la loi à tous les niveaux, donc. Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci beaucoup. Alors, nous allons débuter la période d'échange avec le...
Mme Hadjabi (Wassyla): ...
La Présidente (Mme Charlebois): ...oui, allez-y.
Mme Hadjabi (Wassyla): Merci, à ce niveau, mais j'ai juste... Excusez-moi, j'ai dit merci trop vite, quoi.
La Présidente (Mme Charlebois): Il vous reste tout juste une minute, là. Peut-être en conclusion.
Mme Hadjabi (Wassyla): Oui, oui, une minute. Oui, oui.
La Présidente (Mme Charlebois): Allez-y.
Mme Hadjabi (Wassyla): En fait, je voudrais juste réitérer nos recommandations principales, à savoir que l'analyse différenciée soit appliquée dans tous les domaines concernant les personnes handicapées, pour corriger les inégalités systémiques entre femmes et hommes, et que la loi doit prévoir des mécanismes pour assurer les services disponibles aux femmes handicapées, à toutes les femmes handicapées, comme ils le sont pour les femmes non handicapées. Donc, nous tenons particulièrement aussi à vous remercier pour l'opportunité que vous nous avez donnée pour apporter notre point de vue et en faisant... en vous faisant part, pardon, de nos recommandations au sujet de la Loi assurant l'exercice des droits et personnes handicapées et les autres dispositions législatives. Merci. Excusez-moi.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, Mme Hadjabi. Ça va. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Mme la Présidente, merci. Merci, mesdames, pour votre présentation. Évidemment, vous l'avez mentionné vous-mêmes, les situations auxquelles on fait allusion dans le projet de loi sont des situations qui touchent les personnes, donc qui touchent autant les hommes que les femmes souvent. Et vous avez apporté, aujourd'hui, l'éclairage spécifique de ce qu'on appelle la santé des femmes ou les enjeux de santé propres aux femmes.
Il faut noter que l'ensemble des organismes et des ministères ont une mission de tenir compte maintenant, suite à l'adoption éventuelle de ce projet de loi, de la réalité des personnes handicapées, notamment dans l'achat de biens et services, ce qui correspond un peu à ce que vous avez mentionné tantôt, ce qui n'était pas jusqu'à présent inscrit dans les façons de procéder pour acquérir des biens et services.
Mais, au-delà de ça, quelle est la façon la plus symbolique par laquelle vous voudriez voir vos préoccupations inscrites dans le projet de loi? Est-ce qu'à chaque fois qu'on parle de personne handicapée il faudrait inclure l'analyse différenciée? Est-ce que vous voulez qu'il y ait un article précis qui en fasse mention ou une précision à chaque mission de l'Office des personnes handicapées? Quelle est la façon la plus visible pour vous de répondre à vos préoccupations?
La Présidente (Mme Charlebois): Mme Barile.
Mme Barile (Maria): J'imagine qu'après l'évaluation que j'ai conduite l'année passée, M. le ministre, sur les centres de dépistage du cancer du sein, moi, j'aimerais voir qu'il y ait quelque chose dans la loi ou une loi à part qui assure que chaque programme qui sort du ministère ait l'élément accessibilité pour les femmes, qui soit une loi sur les femmes en général. Disons un autre programme semblable à celui du dépistage du cancer du sein ou, dans cette loi-là, un élément qui assure que tous les programmes gouvernementaux qui s'adressent à toutes les personnes dans le milieu de santé soient accessibles aux femmes et aux hommes. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va? Mme la députée de Pontiac.
Mme L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. C'est avec intérêt que j'ai lu votre mémoire. Et vous avez bien cerné des problèmes auxquels les femmes handicapées sont confrontées. Je vais commencer par parler un peu de la situation économique. Je regardais, au niveau des statistiques qui remontent en 1991, que 64 % des femmes handicapées étaient absentes du marché du travail. Est-ce que, 12 ans après, la situation est la même ou s'il n'y a pas eu de mise à jour qui a été faite?
La Présidente (Mme Charlebois): Madame.
Mme Michèle (Marie): Bien, très souvent, les statistiques qui sont disponibles sont soit des statistiques hommes-femmes en général, soit des statistiques personnes handicapées sans préciser. On se retrouve invisibles. Pour les femmes qui sont ici, c'est une situation que vous connaissez depuis longtemps, sans doute. Alors, très souvent, il n'y a pas de statistiques qui précisent pour les femmes handicapées, mais, par les femmes qu'on connaît, on sait que le marché du travail, un travail permanent bien rémunéré n'est pas accessible, il n'est pas possible pour la plupart des femmes handicapées.
Mme L'Écuyer: Et c'est aussi difficile en 2004 que ce l'était en 1991.
Mme Michèle (Marie): Je pense que plus le marché du travail est difficile, les difficultés sont d'autant plus grandes pour nous. Et l'employeur qui reçoit 2 000 candidatures pour un poste va-t-il avoir envie de faire l'effort de mettre une lampe supplémentaire dans mon bureau plutôt que d'avoir une autre employée qui va se contenter de l'éclairage régulier? Ce n'est pas sûr.
Mme L'Écuyer: J'aimerais qu'on aborde un peu le problème de la violence. Et ça, je viens de l'apprendre, je vous le dis très honnêtement, que la violence pour... 56 % des cas de violence ont lieu après l'apparition du handicap. Et ça, c'est quelque chose que je viens... Je vous le dis bien honnêtement, là, ça me surprend. Et est-ce que vous pouvez expliquer qu'est-ce qui amène ce phénomène de recrudescence de violence auprès des femmes suite à un handicap, après l'apparition d'un handicap?
n(16 h 30)nLa Présidente (Mme Charlebois): Mme Barile.
Mme Barile (Maria): Si vous me donnez un moment. Madame, vous devez comprendre que la violence faite aux femmes handicapées comme à toutes les autres femmes commence à partir d'un élément de contrôle. Donc, si vous pouvez comprendre que le contrôle est quelque chose que l'agresseur... C'est sûr que plus on est vulnérable, plus on est ségrégué par le reste de la société, plus il y a la possibilité qu'on se fait agresser. On vit, tous les jours, nous autres, dans différents milieux de vie, une forme de maltraitement. On apprend à ne pas se défendre parce que, si on se défend, on a plus encore de maltraitements. Alors... on devient... au moment où on s'est fait battre physiquement, souvent sexuellement, attaquées sexuellement aussi. Dans les lieux de... particulièrement dans les institutions, les personnes n'ont pas autorité pour dire: Vas-y... C'est une forme de contrôle, c'est une question de contrôle. Et on manque de ressources.
Mme L'Écuyer: Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va?
Mme L'Écuyer: À la page 15 de votre mémoire: De 2001 à 2003, il y a eu une évaluation recherche-action sur l'accessibilité des centres de dépistage du cancer du sein. Est-ce que le résultat de cette recherche-là a été déposé, est disponible? Ça a été fait avec la Santé publique de Montréal-Centre. Parce qu'un peu avant dans votre mémoire, vous dites que vous avez de la difficulté d'accès parce que les appareils médicaux sont non adaptés.
Mme Barile (Maria): Madame...
Une voix: On va vous laisser...
Mme Barile (Maria): ...j'ai un fax, ici, qu'on peut vous laisser. Je pense que M. le ministre l'a déjà eu. Je m'excuse; je demande à l'interprète de me reposer la question.
Une voix: Pouvez-vous répéter votre question, s'il vous plaît?
Mme L'Écuyer: De répéter? Je voulais savoir les résultats. Est-ce que vous avez ? brièvement ? des résultats ou un tableau qui indique le résultat de cette recherche-là qui a été faite de 2001 à 2003?
Une voix: Oui, ils sont dans...
Mme Michèle (Marie): On a une copie que nous allons vous remettre.
Mme L'Écuyer: Ah, O.K., c'est là-dedans. Oui, vous pouvez la déposer. Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va? Allez-y.
Mme L'Écuyer: Une dernière question.
Mme Barile (Maria): On peut vous expliquer... La recherche nous... que la plupart des centres ne sont pas accessibles, malgré le fait que le Programme de dépistage du cancer du sein était mis sur place en 1998, après que l'analyse différentielle selon le sexe aurait dû être adoptée par notre pays. Et effectivement le fait que celui-là n'est pas accessible nous montre encore qu'on a besoin de l'analyse différentielle selon le sexe vis-à-vis les personnes handicapées parce qu'il y a plusieurs des programmes qui s'adressent aux femmes qui n'ont pas tenu compte de l'accessibilité. Dans cette recherche-là, on trouve la même accessibilité physique, la même accessibilité plus que d'autres, connaissance de qu'est-ce que c'est, une personne handicapée. Souvent, on se faisait dire: Nous, on ne peut pas servir les personnes handicapées parce que ça prend plus d'un 20 minutes de temps. Ce n'est pas vrai. Une femme handicapée comme moi, peut-être, mais, quelqu'un qui a un problème auditif, ça ne prend pas plus que 20 minutes, ça prend le même temps que n'importe qui. C'est un manque de connaissances aussi. Alors, les résultats; le principal est, oui, c'est sûr, c'est toujours un manque d'argent. C'est toujours un manque d'argent. Je reste là.
Mme L'Écuyer: Dernière question. Merci, Mme la Présidente. Je regardais un peu au niveau de l'accessibilité des lieux et des services et toutes les difficultés quand on veut prendre l'autobus avec les enfants ou des choses comme ça, puis si on est déjà accompagné. Il y a beaucoup de groupes qui ont revendiqué que la loi soit plus coercitive, dans le sens d'obliger, comme font, exemple, les sociétés de transport, d'être plus flexible. Est-ce que vous pensez que, si la loi devenait un peu plus coercitive, ça réglerait une partie de ces problèmes-là ou s'il faut que, dans la loi, ce soit différencié?
Mme Michèle (Marie): Différencié? Quand vous dites «différencié», à quel niveau?
Mme L'Écuyer: Dans le sens que, bien...
Mme Michèle (Marie): Que les autobus acceptent les femmes et pas les hommes?
Mme L'Écuyer: Les femmes avec trois enfants ou des choses comme ça. Aussi, ça va pour tout le monde. Parce qu'il semble qu'il y a beaucoup plus de femmes monoparentales, et c'est beaucoup plus elles qui s'occupent des enfants et qui ont les plus grandes difficultés d'accès au transport en commun ou aux écoles ou des choses comme ça. Et que ce soit plus spécifique dans la loi.
La Présidente (Mme Charlebois): Mme Michèle.
Mme Michèle (Marie): Je pense qu'il faudrait que ce soit le plus spécifique possible et, oui, des mesures coercitives. Bon. Samedi, on entendait l'idée d'une saine émulation entre les ministères. C'est admirable. Mais comment vous allez même créer cette émulation-là? Et, quand vous arrivez au niveau des garderies, des écoles, du transport en commun, des employeurs non gouvernementaux, tous les organismes avec lesquels on fait affaire, la saine émulation, je ne vois pas comment vous l'auriez. Vous êtes bien... Il va falloir, à un moment donné, qu'il y ait des mesures coercitives qui donnent certains délais, que ce soit chiffré et qu'on ait, à un moment donné... Écoutez, l'épicerie de mon quartier n'est même pas accessible. Tu sais, je veux dire, le magasin d'alimentation. Qu'est-ce que je peux faire, là? C'est à deux coins de rue de chez moi et ce n'est pas accessible.
Alors, moi, je m'agrippe après la rampe puis je me tire pour monter les deux marches, mais quelqu'un en fauteuil roulant, quelqu'un qui a des problèmes visuels? Les étiquettes, bien, vous le savez, les étiquettes sur les choses d'épicerie, c'est écrit en un quart de millimètre. Une personne qui est le moindrement myope ? puis on ne parle même pas de handicap, on parle juste d'être un peu myope ? on ne voit rien. Alors, il y a plein de choses comme ça qu'il va falloir, à un moment donné, que quelqu'un légifère, et que quelqu'un mette des normes et que quelqu'un dise: Bien, si vous ne le faites pas, tant pis, vous allez vous... Ça va vous coûter assez cher de ne pas le faire que ça va devenir économique de le faire.
Mme L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente.
Document déposé
La Présidente (Mme Charlebois): Merci. J'autorise le dépôt du document que vous avez présenté, Mme Barile, et il sera remis aux membres de la commission à la prochaine séance.
Maintenant, je vais reconnaître la députée de Duplessis, porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux.
Mme Richard: Merci. Bonjour, mesdames. Vous savez, même dans notre société d'aujourd'hui, ce qu'on peut se rendre compte, c'est que souvent les femmes font face à certaines difficultés. Et je ne veux pas les quantifier ici, là, ni nous sortir des statistiques. Mais, par rapport à la pauvreté, par rapport au peu de scolarisation, à toute la violence que les femmes peuvent subir, on dirait souvent que les services sont mal adaptés ou peu adaptés, tout dépendant d'une région à l'autre, pour venir en aide à ces femmes-là.
Comment voyez-vous ça, vous? Parce que, bon, vous savez que les ministères, les organismes, les municipalités devront se doter d'un plan d'action. Qu'est-ce qu'on pourrait faire pour aller plus loin pour soutenir la cause des femmes handicapées au Québec, dans le plan d'action qui devra être établi par les organismes, les ministères?
La Présidente (Mme Charlebois): Qui veut répondre? Mme Michèle.
Mme Michèle (Marie): Je pense que d'abord il faudrait qu'il y ait une connaissance. On se rend compte d'une méconnaissance. Et Maria l'a vécu. Elle faisait partie de l'équipe qui a fait la recherche sur l'accessibilité des centres de dépistage du cancer du sein et elle demandait à quelqu'un, bon, au téléphone, par exemple: Est-ce que votre centre est accessible aux personnes qui ont des handicaps?, puis les gens répondaient: On ne peut pas recevoir de fauteuils roulants. On revient toujours à ça: fauteuils roulants puis les chiens d'assistance. Mais il faudrait vraiment que la connaissance, et ça, là... Bon. On a fait des campagnes, Tout le monde s'attache au Québec, et maintenant à peu près tout le monde s'attache au Québec.
n(16 h 40)n Est-ce qu'il y a moyen, à un moment donné, d'informer les gens sur les handicaps avec ce genre de campagne là, qui était quand même sympathique, puis en ne tombant pas d'autre part dans le «Pauvres petites eux autres, ils font-u pitié»? On ne fait pas pitié. Bien, des fois, mais comme tout le monde. La plupart d'entre nous avons développé des têtes de cochon pour se débrouiller puis s'inventer des solutions. Mais, je veux dire, si la marche est trop haute, elle est trop haute, puis, si la porte ne se débarre pas, bien elle ne se débarre pas. Alors, je pense qu'il faudrait beaucoup, beaucoup une campagne d'information. Et peut-être que, si les gens comprenaient plus, bien il y aurait plein de choses qui pourraient se faire sans, à ce moment-là, justement prendre de mesures coercitives.
Mme Richard: Est-ce que vous diriez également que la méconnaissance, le manque d'informations peut rendre plus difficile votre intégration à l'emploi aussi?
Mme Michèle (Marie): Définitivement. Définitivement. Si je dis à un employeur... Ça m'est déjà arrivé en entrevue d'emploi, dire à l'employeur, bien: Je suis diabétique, ce qui représente certaines visites à l'hôpital, des tests. Et l'employeur est parti à rire puis il a dit: Moi aussi. C'est fin de la discussion. Il savait très bien de quoi je parlais. Mais, si je dis: «Je suis diabétique» à quelqu'un qui, à 60 ans, a eu une vieille grand-mère diabétique, bien c'était une pure horreur. Alors, la personne va avoir peur que je lui tape des comas dans le bureau ou je ne sais pas quoi. Alors, c'est vraiment, vraiment une question. Puis je parle du diabète parce que c'est quelque chose que je connais, pour cause. Mais c'est ça: vraiment, le manque d'informations nous complique joyeusement l'existence.
Mme Richard: Est-ce que, les centres de travail adapté, je vous dirais, bon, vous avez une entrée, pour ce qui est de votre mouvement et les femmes en général, une entrée assez facile dans les centres de travail adapté?
Mme Barile (Maria): Si on a des centres de travail adapté pour personnes handicapées intellectuelles? C'est ça que vous demandez?
Mme Richard: En général. Handicapées intellectuelles ou un autre handicap.
Mme Barile (Maria): On ne peut pas répondre cette question, je m'excuse. Mais j'aimerais répondre à qu'est-ce que je pense que vous avez demandé avant: Qu'est-ce que vous pouvez faire de façon concrète? Moi, j'aimerais voir une journée où, au Québec, le ministère de la Condition féminine a une représentante de femmes handicapées, comme vous avez des représentantes de femmes ethniques, etc. Celui-là, pour moi, ça va être quelque chose de concret que j'aimerais voir. Même chose à l'Office des personnes handicapées; quelqu'un qui nous écoute et à qui on peut aller dire: Voyez qu'est-ce... avec le gouvernement. Concret.
Mme Richard: Merci beaucoup. C'est très intéressant. Vous parlez aussi d'écoute. Ça va m'amener à ma dernière question. Vous savez, bon, l'office a un rôle, on va dire, plus accru d'un nouveau projet de loi parce qu'au niveau de son rôle de vigie, de son rôle de recommandations... Êtes-vous d'accord avec le nouveau rôle en termes de pouvoir de vigie, si on veut, et de recommandations qui va y être accru, à l'office? Ce que d'autres groupes ont remarqué aussi, c'est qu'on augmentait ces pouvoirs-là au niveau de l'office mais pas nécessairement les moyens de le faire. Est-ce que vous pouvez m'en parler un petit peu? Comment vous voyez ça?
La Présidente (Mme Charlebois): Mme Michèle.
Mme Michèle (Marie): Bien, d'abord, dans le mémoire, vous avez vu qu'on voudrait qu'on assure la présence de personnes et de femmes handicapées tant au niveau des cadres qu'au niveau du personnel. Et déjà ça ne coûte pas plus cher d'avoir une secrétaire handicapée que d'avoir une secrétaire pas handicapée. Mais, à un moment donné, si vous avez un fort pourcentage de personnes handicapées qui travaillent pour vous, il y a un certain nombre de choses qui n'iront pas de soi. Déjà, au départ, vous allez avoir une belle source d'information sur place. Et déjà ça, je pense que c'est une des choses, là, indépendamment des pouvoirs ou des ressources. Mais strictement d'avoir des personnes handicapées qui deviendraient forcément visibles aussi, je pense que ça, c'est déjà une chose qui serait importante et qui serait vraiment importante pour la visibilité des personnes et des femmes handicapées.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va?
Mme Richard: Merci beaucoup. Je vais céder la parole à mon collègue le député de Vachon.
La Présidente (Mme Charlebois): M. le député de Vachon.
M. Bouchard (Vachon): Merci, Mme la Présidente. Votre recommandation 10 veut que la présidence soit occupée par une personne handicapée, que cette personne soit élue par le milieu associatif. Est-ce que vous voyez une vertu à ce que la loi prévoit une alternance homme, femme à la présidence?
Mme Michèle (Marie): Ce serait une bien bonne idée.
M. Bouchard (Vachon): Pourquoi?
Mme Michèle (Marie): D'abord, question de visibilité déjà, au départ, et...
Une voix: À l'OPHQ, ce n'est pas des personnes handicapées, non?
Mme Barile (Maria): Je pense que, comme Marie vient de dire, ça prend une visibilité. On est 51 % de la population des personnes handicapées, 51 % dans l'emploi, ça nous rend visibles. Et, en se rendant visibles, certaines difficultés vont disparaître, certains problèmes vont être réglés.
Mme Hadjabi (Wassyla): Je pourrais rajouter quelque chose? C'est que l'OPHQ, c'est l'Office des personnes handicapées. Donc, idéalement, ce serait bien que ce soit une personne handicapée qui soit à la tête. Qui connaît mieux notre réalité qu'une personne handicapée? Et on a des compétences.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va? Alors, Mme Blais, Mme Michèle, Mme Hadjabi et Mme Barile, merci beaucoup pour votre présentation. Et j'inviterais le Centre québécois de la déficience auditive, s'il vous plaît, à prendre place.
Je vais suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 46)
(Reprise à 16 h 53)
La Présidente (Mme Charlebois): Alors, nous reprenons nos travaux et nous allons entendre le Centre québécois de la déficience auditive. Je crois que c'est M. Bergevin qui effectuera la présentation. Alors, je vous demanderais d'identifier vos invités et de nous faire la présentation de votre mémoire. Vous savez que vous avez une durée de 20 minutes pour faire la présentation.
Centre québécois
de la déficience auditive (CQDA)
M. Bergevin (Martin): Tout d'abord, je souhaite remercier M. Philippe Couillard, le ministre de la Santé et des Services sociaux, ainsi que les membres de la commission pour l'opportunité de se prononcer sur le projet de loi. Alors, merci à vous tous.
Le CQDA, c'est le Centre québécois de la déficience auditive. C'est un organisme provincial de coordination. Notre mandat, c'est la défense des droits et la promotion des intérêts des personnes sourdes gestuelles, malentendantes, devenues sourdes et sourdes-aveugles. Alors, c'est pour ça qu'à ma droite, ici, j'ai M. Daniel Forgues, c'est une personne sourde gestuelle qui s'exprime par les signes; et, à ma gauche, j'ai M. Léon Bossé, c'est une personne devenue sourde, c'est-à-dire qu'il a atteint une surdité à un certain âge; et moi-même, Martin Bergevin, je suis le directeur général du CQDA. Je suis sourd de naissance et j'ai appris à parler plus tard. Alors, ça représente la diversité de la déficience auditive. Est-ce que vous me comprenez bien jusqu'à date? Ça marche? O.K.
Actuellement, le CQDA regroupe plus que 75 associations, organismes et institutions qui travaillent de près ou de loin dans le domaine de la déficience auditive. Nous offrons à nos membres une table de concertation, de l'information, du soutien. Et, depuis bientôt 30 ans, on agit à titre de porte-parole collectif auprès des corps publics et des différents paliers de gouvernement. Donc ça, c'est la fonction du CQDA.
Là, maintenant, je saute directement au mémoire. En étant membres actifs de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, nous appuyons les recommandations de la COPHAN qui ont été présentées la semaine passée. Cependant, pour aujourd'hui, il nous semble pertinent de porter à l'attention de la commission la position de 750 000, et je répète, 750 000 personnes vivant avec une déficience auditive plus ou moins sévère, et, de ce fait, la déficience la plus répandue au Québec. Dans notre mémoire, on ne va pas s'attaquer à chaque article de la loi n° 56. Ça, c'est la COPHAN qui l'a bien présenté dans son mémoire. Ce qu'on veut vous démontrer, c'est l'inefficacité de la loi n° 9, l'impuissance de l'office à assurer l'exercice des droits des personnes handicapées et comment la révision actuelle, telle que proposée par le projet de loi n° 56, demeure à notre avis insuffisante pour permettre la pleine, je dis bien, la pleine inclusion des personnes vivant avec une surdité dans tous les aspects de la société québécoise.
Alors, nos recommandations portent sur l'importance pour le gouvernement de faire de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées une véritable loi inclusive en lui octroyant un réel pouvoir contraignant et transversal, et non seulement la limiter à un pouvoir de consultation, de collaboration et d'incitation, comme c'est le cas actuellement.
Alors, je laisse la parole à M. Bossé qui va vous expliquer pourquoi nous sommes arrivés à une telle conclusion à l'aide d'exemples d'accommodement. Alors, M. Bossé.
La Présidente (Mme Charlebois): M. Bossé.
M. Bossé (Léon): Bonjour. Comme entrée en matière, je vous ferai simplement remarquer que la déficience auditive, c'est une déficience, un handicap invisible, comme on dit, mais, par la grâce de nos interprètes, elle est rendue visible aujourd'hui.
Le CQDA et ses membres s'entendent pour dire que l'inclusion des personnes vivant avec une surdité ne pourra être chose faite que lorsque la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées cessera d'être incitative et créera une obligation de résultat. Autant la loi n° 9 que le projet de loi n° 56 actuel ne confèrent que peu de pouvoirs contraignants à l'Office des personnes handicapées. Pour préciser la mission et les fonctions de l'office, on retrouve dans le projet de loi n° 56: «disposera d'un rôle de coordination, devra évaluer et formuler des recommandations, promouvoir, favoriser, conseiller, donner des avis, faire rapport», etc. Ainsi, le CQDA a dû à plusieurs reprises, pour défendre les droits des personnes vivant avec une surdité, avoir recours à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, à la Commission d'accès à l'information du Québec, au Protecteur du citoyen, n'obtenant de l'OPHQ que soutien moral et encouragement.
Le droit à l'accessibilité et aux mesures d'accommodement a été reconnu par le gouvernement du Québec, suite à une décision du Conseil des ministres, par le décret 88-151 du 29 juin 1988 qui spécifie «d'accepter le principe de la compensation des conséquences financières des limitations fonctionnelles dans la détermination de l'aide matérielle, en autant que l'Office des personnes handicapées et les ministères et organismes concernés ne défraient que les dépenses essentielles à l'intégration d'une personne handicapée», de ne pas tenir compte de la capacité de payer de la personne handicapée ou de sa famille.
n(17 heures)n Ce décret a certes permis, dans plusieurs domaines du vécu des personnes handicapées, des avancées dans l'accès aux mesures d'accommodement pendant que, dans d'autres domaines, ça reste un principe, sans plus. C'est pourquoi le Centre québécois de la déficience auditive demande que la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées reconnaisse aux personnes vivant avec une surdité le droit à des mesures d'accommodement et que ce droit soit inclus dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne pour devenir une obligation d'accommodement.
Un survol de quelques domaines d'application de la Loi des personnes handicapées pour les personnes sourdes.
Les aides auditives. En 1998, le ministère de la Santé et des Services sociaux a mis en place un groupe de travail pour réviser l'ensemble du Programme des aides auditives qui avait subi les foudres des restrictions budgétaires en mai 1997: resserrement des critères d'admissibilité, modification au processus d'attribution, désassurance des réparations, suppression de certaines aides pour les 19 ans et plus qui ne sont pas aux études. Il aura fallu quatre ans de démarches incessantes et ardues pour qu'en décembre 2001 le ministère de la Santé et des Services sociaux remette en vigueur la couverture des coûts de réparation. Pour ce qui est, par exemple, des recommandations concernant l'appareillage binaural pour les personnes malentendantes de 19 ans et plus qui ne sont pas aux études ou l'accès à des prothèses et à des aides auditives de nouvelle génération, il n'y a encore rien de concret à l'horizon.
Dans le domaine de l'accès à l'information, l'adaptation des moyens de communication aux besoins des personnes handicapées est une condition essentielle à leur participation à la société québécoise comme citoyens à part entière. Les personnes ayant une déficience visuelle vous diront: Tout ce qui est visuel, rendez-le sonore. Les personnes ayant une déficience auditive vous disent: Tout ce qui est sonore, rendez-le visuel. Pour les personnes sourdes utilisant la langue des signes du Québec, la LSQ, comme moyen premier de communication, il est essentiel que les personnes puissent avoir accès à l'information par le biais des vidéos signés. Vous avez vu sans doute, dans les publications gouvernementales ou autres, cette mention: «Ce document est accessible en braille, en gros caractères, en cassette sonore, en disquette informatique.» Et c'est bien, c'est très bien. Et nous ne voulons rien... à qui que ce soit. Peut-être avez-vous déjà lu cette mention rarissime: «Disponible en cassette vidéo LSQ». Nous voudrions la voir apparaître un peu plus souvent; en fait, aussi souvent que l'autre mention.
Les services d'interprétation. Pour les personnes vivant avec une surdité sévère, profonde, totale, qu'elle soit innée ou acquise, l'accès aux services d'interprétation gestuelle, orale ou tactile pour les personnes sourdes-aveugles est une condition sine qua non à une communication efficace. Il est parfois vital de comprendre et d'être compris. L'Office des personnes handicapées, responsable depuis les années quatre-vingt des programmes d'aide matérielle, fournissait des services ponctuels en interprétation. Dans les années quatre-vingt-dix, il a élaboré un cadre normatif pour le paiement des services d'interprétation visuelle et tactile et a présidé la mise en place des services régionaux d'interprétation visuelle et tactile. Dans le cadre du transfert des programmes, les services d'interprétation ont été transférés in extremis, en mars 1996, au ministère de la Santé et des Services sociaux. Les imprécisions du ministre de la Santé de l'époque en ce qui concerne les responsabilités qu'il confiait aux régies régionales en matière de gestion intégrale du programme ont fait en sorte que la gestion quotidienne des services administrés par des OSBL, des services régionaux d'interprétation a rencontré de multiples difficultés à fournir les services d'interprétation nécessaires aux personnes sourdes.
Précisons en toute honnêteté que les services d'interprétation pour les besoins d'une bonne communication dans la prestation des services de santé et de services sociaux ? hôpitaux, CLSC, bureaux privés de médecins ? sont généralement et adéquatement accessibles. Mais, face aux multiples difficultés rencontrées dans d'autres domaines, le ministère de la Santé et des Services sociaux a mis sur pied, en septembre 2000, un groupe de travail afin de faire un état de situation sur les services d'interprétation. En février 2002, la rédaction du rapport du groupe de travail, intitulé État de situation et orientations au regard des services régionaux d'interprétation pour les personnes présentant une déficience auditive, est terminée. En février 2003, approbation par Mme Renée Lamontagne, sous-ministre adjointe au ministère de la Santé, pour que le rapport soit diffusé. En novembre 2003, le Centre québécois reçoit une lettre conjointement signée par Mme la sous-ministre et par le président-directeur général de l'Office des personnes handicapées signifiant que le rapport est distribué aux principales organisations intéressées aux services d'interprétation. En décembre 2003, le ministre de la Santé et des Services sociaux, M. Philippe Couillard, donne à l'Office des personnes handicapées le mandat de mettre sur pied un groupe de travail interministériel pour élaborer une politique gouvernementale sur les services d'interprétation. Il semble que ledit groupe de travail interministériel est enfin formé et soit convoqué pour le 26 octobre 2004. Cela fait donc quatre ans que le dossier interprétation chemine à petits pas, j'ose dire, à très petits pas, à trop petits pas.
Les pouvoirs donnés à l'Office des personnes handicapées par le projet de loi n° 56 permettront-ils une accélération du cheminement des procédures? Quand on pense qu'habituellement, après l'élaboration d'une politique gouvernementale, il faut aussi prévoir la rédaction d'un plan d'action et d'un cadre de référence, on se prend à souhaiter que l'Office des personnes handicapées soit doté de pouvoirs presque dictatoriaux pour que ça bouge enfin. Car c'est maintenant que les personnes sourdes ont besoin de services. Qu'on en juge.
Accès à la justice. Un exemple fort éloquent est sans contredit le fait qu'une personne sourde témoignant ou devant assurer sa défense devant un tribunal de juridiction québécoise n'aura le droit aux services d'interprétation que lorsqu'elle sera à la cour. Aucun service d'interprétation ne lui sera fourni lors de la préparation de la cause avec son avocat ou lors du suivi après jugement. Pour une défense pleine et entière, tel que prescrit par les chartes des droits tant canadienne que québécoise, il faudra repasser.
L'éducation populaire. En 2002, le ministère de l'Éducation et l'Institut de coopération pour l'éducation des adultes créent la Semaine québécoise des adultes en formation ? on a des papiers là-dessus: Apprendre, ça vaut le coup!, Mille et une façons d'apprendre. Ces mille et une façons d'apprendre ne sont pas accessibles aux personnes déficientes auditives, car il leur manque un moyen essentiel d'apprendre, soit l'accès aux services d'interprétation. Les mesures d'accommodement ne sont fournies que si le programme d'études est officiellement reconnu et sanctionné par le ministère de l'Éducation, ce qui n'est pas le cas dans la plus grande majorité des cours et sessions de l'éducation populaire.
Dans le domaine de l'emploi, le projet de loi n° 56 traite des responsabilités particulières relatives à l'intégration professionnelle des personnes handicapées. Nous cherchons à savoir comment, par le projet de loi n° 56, seraient dorénavant résolus les cas suivants.
Accès à l'emploi. Un jeune homme sourd ayant terminé sa formation technique en menuiserie de construction doit, pour rejoindre le marché du travail, suivre une session de sécurité sur chantiers de construction exigée par la CSST. Il acquitte les 185 $ de frais de cours, mais ni la CSST, ni Emploi-Québec, ni l'OPHQ, ni aucun autre organisme consulté ne peut, ne veut ou ne sait pas comment couvrir les frais requis pour l'embauche d'une interprète pour la durée des 30 heures de cours. L'emploi pour lequel il s'est qualifié et pour lequel le gouvernement investit des sommes importantes lui est inaccessible.
Perfectionnement et promotion. Toujours dans l'emploi. Une personne sourde oeuvrant depuis 22 ans, dans le domaine de la construction domiciliaire, veut se perfectionner et relever de nouveaux défis. Il s'inscrit. Il est accepté pour une formation en perfectionnement à l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec, le profil 4, gérer une entreprise de construction.
n(17 h 10)n Il paie volontiers les frais de 1 090 $ pour les 86 heures de cours de la session printemps 2004. Vous avez deviné, il n'a pas suivi la session. Avec lui, nous cherchons encore comment avoir accès aux services d'interprétation qui lui permettraient d'accéder à ce perfectionnement et, du même coup, de réaliser son rêve de posséder et de développer sa propre entreprise.
Bref, dans un accès adéquat aux services d'interprétation, les personnes déficientes auditives se voient très souvent, trop souvent refuser l'accès, le maintien ou le perfectionnement en emploi pour lequel elles se sont qualifiées. Lors de communications significatives avec leur patron ou avec leur supérieur ou encore avec les responsables de leur unité syndicale, les personnes sourdes se verront le plus souvent privées de services d'interprétation leur assurant un traitement égal à celui des autres employés de l'entreprise. Et nous n'avons encore rien dit de la qualité de vie familiale ou sociale souvent affectée par une communication déficiente due justement à la non-disponibilité de services d'interprétation de qualité et en qualité suffisante.
Avant de passer aux conclusions, M. Daniel Forgues, pour le domaine de l'éducation.
La Présidente (Mme Charlebois): M. Forgues.
M. Forgues (Daniel): (S'exprime par le langage gestuel).
Mme Gilbert (Nathalie): Bonjour, MM. les députés. En 1986, on a tenu le premier Sommet québécois sur la déficience auditive. On avait dit là-bas que c'était très important, la reconnaissance de la langue des signes québécoise comme langue d'enseignement pour les sourds au Québec. On sait que c'est très important pour un sourd qui est né sourd d'apprendre tout de suite la LSQ parce que cette personne-là n'entend pas, est très visuelle, et doit se développer dans cette langue-là, et pourra avoir la chance d'apprendre le français écrit, ce qui fait qu'elle va être compétente dans les deux langues.
La preuve a été faite déjà. La Fondation des sourds de Québec, qui a créé le Collège des sourds où est-ce qu'on enseignait en langue des signes; pendant plusieurs années, il y a des enfants sourds qui ont appris comme ça la LSQ, qui se sont sentis solides dans leur langue et puis qui ont pu développer le français écrit en même temps. Et il y avait des professeurs sourds très compétents en LSQ, il y avait des professeurs entendant aussi. Et tout le monde était très compétent. On a pu développer les deux langues comme ça.
La Fondation des sourds du Québec et aussi d'autres organismes ont souvent débattu ce point-là pendant plusieurs années, avec le gouvernement, pour faire reconnaître la langue des signes québécoise, mais on n'a pas encore réussi. On se demande pourquoi, à Ottawa, la langue des signes a été reconnue là-bas.
Une voix: En Ontario.
Mme Gilbert (Nathalie): En Ontario. En Norvège, en Suède, en Finlande, au Danemark, dans différents pays, la langue des signes est une langue officielle déjà. Et même, dernièrement, en France, on a reconnu... le Conseil législatif, l'Assemblée législative reconnaît la langue des signes française comme langue officielle.
Le comité des États généraux sur la situation de l'avenir du français. Par rapport à ce livre-là, ici, M. Gérald Larose avait dit, en comité, que la commission recommandait «que le gouvernement du Québec reconnaisse la langue des signes du Québec, [la] LSQ, comme langue première des sourds du Québec et que le ministère de l'Éducation la reconnaisse comme langue d'enseignement dans une relation complémentaire de bilinguisme LSQ/français et que l'article 72 de la Charte de la langue française soit modifié en conséquence, s'il y a lieu». Mais depuis on n'a pas vu d'avancement sur ce sujet-là. En 2003, il y a eu le congrès de la Fédération mondiale des sourds qui s'est tenu, et M. Philippe Couillard, le ministre Philippe Couillard, était venu faire l'ouverture. Et puis il nous avait dit qu'il travaillerait sur la cause du LSQ. Et là ça fait bientôt un an que c'est passé, et puis on n'a pas encore vu, là, l'avancement. Donc, on aimerait avoir de l'aide de ce côté-là. Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): M. Bergevin.
M. Bergevin (Martin): Donc, avec tous ces exemples-là, pour nous, pour les personnes vivant avec une surdité, une participation pleine et entière signifie une participation à la vie sociale, à l'éducation, au travail et à la vie économique à la condition que des mesures, des moyens d'accommodement soient mis à la disposition des personnes qui vivent avec une surdité et que ces moyens d'accommodement soient inclus dans les services publics, parapublics, gouvernementaux, etc. L'inclusion des personnes vivant avec une surdité à la société québécoise permettra un enrichissement collectif parce qu'une participation active sur le marché du travail est synonyme de contribution financière à l'État et à l'économie. C'est une source de richesse collective. On travaille tous. On paie des impôts. Les personnes vivant avec une surdité ne sont pas que des bénéficiaires de services. Elles contribuent aussi à la richesse collective en payant leurs impôts et en achetant des biens et des services, dont des biens liés à leurs limitations fonctionnelles. Comme les interprètes que vous voyez devant vous, il faut les payer. C'est des travailleurs. Eux paient des impôts en retour. La société québécoise et le gouvernement doivent donc cesser de les voir comme une dépense de l'État et de les considérer comme un actif pour l'État et la société. Et c'est ce que la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées devrait leur permettre.
Actuellement, nous doutons que, tout comme la loi n° 9 l'a été dans le passé, le projet de loi n° 56... nous ne croyons pas que ça va permettre une telle participation citoyenne, puisqu'elle ne semble pas être inclusive, contraignante ni transversale. Alors, c'est ça, la conclusion. Merci de votre écoute.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci beaucoup. Alors, nous allons débuter les échanges. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci. Bonjour, messieurs. Merci de votre visite aujourd'hui. Je vais commencer par toucher quelques points précis et pratiques que vous avez abordés pendant votre présentation.
D'abord, la question des prothèses auditives. Comme vous le savez, il y a eu un rapport de l'Agence d'évaluation des technologies et modes d'intervention en santé qui a statué sur la question des prothèses numériques par rapport aux traditionnelles. Et on sait de toute façon que le marché qui est en train d'évoluer vers la ? sinon la disparition ? du moins la réduction importante de ce qui ne sera pas numérique comme technologie de sorte que la Régie de l'assurance maladie du Québec a reçu le mandat de préparer une proposition de révision du Programme des aides auditives à la lumière de ce rapport de l'Agence d'évaluation.
Pour ce qui est de l'interprétariat, du problème de l'interprétariat dans l'ensemble des ministères, comme vous avez mentionné, je suis heureux que le groupe interministériel commence ses travaux, ce qui nous rappelle qu'il est bien effectivement de donner des directives politiques et de manifester une volonté politique pour que les choses avancent, et je crois que les choses pourront avancer dans l'ensemble des ministères du gouvernement et des organismes publics.
Maintenant, vous avez fait plusieurs présentations, représentations qui sont également complémentaires à celles de la COPHAN à laquelle vous appartenez, mais j'aimerais revenir sur certaines d'entres elles, notamment la question des orientations de la politique d'ensemble À part... égale, qui date maintenant de plusieurs années, 1985, je crois. Et une personne en particulier qui vous a précédés a remarqué et a même dit que c'était un point fort du projet de loi n° 56, qu'elle reprenait l'essentiel des orientations d'À part... égale et qu'elle proposait l'actualisation de cette politique suite à son adoption. Cependant, elle nous faisait remarquer qu'à son avis il n'était pas réaliste de donner un an seulement pour faire ce travail qui serait considérable. Alors, quel est votre avis sur cette question?
M. Bossé (Léon): L'interprétation a manqué un petit peu de...
Une voix: La politique À part... égale...
M. Bossé (Léon): Est-ce que vous demandez... que les personnes puissent être... À part... égale... ça ne se fait pas dans un an? C'est un peu ça, là? Non?
Mme Gilbert (Nathalie): Pourriez-vous répéter la question pour que ce soit clair?
M. Bossé (Léon): Si vous reformulez votre question, s'il vous plaît, on va y arriver. Parce qu'il y a eu un moment d'hésitation, là.
M. Couillard: Je vais répéter la question.
Mme Gilbert (Nathalie): S'il vous plaît.
n(17 h 20)nM. Couillard: On a noté, dans d'autres interventions avant vous, qu'un des points forts du projet de loi était d'avoir inclus les orientations d'À part... égale dans le projet, dans le texte proposé et qu'en plus on demandait l'actualisation dans un délai de un an après l'adoption. On nous a dit, aujourd'hui, à une autre reprise également, qu'un an c'était probablement trop court pour faire cette actualisation. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Bossé (Léon): Vous savez, M. le ministre, la patience, on connaît ça un peu. On vous a parlé des aides auditives tout à l'heure. Ça a pris quatre ans simplement pour remettre en vigueur les frais d'assurance, des coûts de réparation. Pendant ce temps-là, les autres handicaps, les fauteuils roulants pour les personnes handicapées motrices, pour les personnes aveugles, les frais étaient couverts. Là, on coupe les frais de réparation. C'est sûr que, croire que tout va se faire dans un an, je suis d'accord avec vous qu'il ne faut pas rêver en couleurs. Mais on se dit aussi qu'avec un peu de bonne volonté il me semble qu'on pourrait arriver à ce que les services... Je prends, par exemple, les services pour les personnes sourdes, les services d'interprétation. Ce sont tout de même des services essentiels. En 1988, le décret disait: Répondre aux services essentiels. Je vous ai dit, tout à l'heure, pas par flatterie, c'est vrai que le ministère de la Santé couvre une bonne partie des services pour l'accès aux services de santé et de services sociaux. Il reste que, dans la vie de tous les jours, il y a d'autres choses que les services de santé, il y a très souvent les personnes qui sont prises dans une situation où, comme j'ai dit, un jeune, la semaine passée, nous arrive, il dit: Question d'immigration, c'est son permis de séjour, etc. Une personne sourde. Et là il a n'a pas accès aux services d'avocat. Il va payer un avocat comme tout le monde, mais les services d'interprétation en plus. Pourquoi, lui, il faut qu'il paie deux fois?
Donc, c'est sûr qu'on ne peut pas imaginer que tout va être fait dans un coup, hein, À part... égale. Mais À part... égale, ça fait 30 ans que ça a été mis en place, il me semble qu'on pourrait espérer que ça puisse avancer au moins dans certains domaines, donner l'accès à la communication pour les personnes qui utilisent la langue gestuelle. Même l'office nous fournit très rarement des documents vidéos. Mais comment voulez-vous que les personnes soient au courant des programmes puis des services quand ce n'est pas accessible dans leur langue coutumière? C'est pour ça que c'est vrai que faire une demande pour... dans un an. Je comprends que ça dépend de quels points il s'agit, mais je pense qu'il y a des points sur lesquels on pourrait s'entendre puis accélérer un peu la procédure.
Une voix: ...
M. Couillard: ...merci, oui. M. Forgues, effectivement, je me souviens très bien du Congrès mondial des sourds. Ça avait d'ailleurs été pour moi une expérience très marquante. Et je me souviens très bien de la discussion sur la langue des signes du Québec. Et effectivement on en a parlé avec le milieu de l'éducation. Et il semble que le problème se situe ? et vous pourrez peut-être m'éclairer là-dessus ? sur le fait qu'il existe également des personnes ayant des déficiences auditives qui ne sont pas de cette orientation. Vous savez, les oralistes, ceux qui veulent avoir recours aux prothèses auditives et aux implants cochléaires particulièrement et suivi d'une réadaptation, qui même s'opposent à cette position que vous défendez. Alors, on a l'impression d'une querelle interne. Qu'en est-il exactement? Quelle est votre perception de cette situation?
La Présidente (Mme Charlebois): M. Forgues.
M. Forgues (Daniel): (S'exprime par le langage gestuel).
Mme Gilbert (Nathalie): Non, je comprends qu'est-ce que vous dites. On n'est pas contre la position d'implants cochléaires, ou tout ça, là. Une personne qui naît sourde, bon, a deux orientations possibles. Elle peut s'en aller vers l'oralisme, vers l'implant cochléaire, mais une personne qui naît sourde profonde, c'est un petit peu plus difficile. Si la surdité est vraiment profonde, on s'en va peut-être plus vers la LSQ. Mais on respecte le choix de chacun. On n'a pas de position par rapport à ça. Et c'est vraiment des choix personnels: la LSQ, l'oralisme ou l'implant. Qu'est-ce que vous en pensez, M. Bergevin?
M. Bergevin (Martin): (S'exprime par le langage gestuel).
Mme Gilbert (Nathalie): Il n'y a pas seulement les personnes oralistes. Les oralistes aussi sont capables de faire les signes. La preuve, c'est ce que je fais présentement, je fais des signes LSQ. Je suis capable de m'adapter à différents moyens de communication. Pour certaines personnes, c'est plus facile d'avoir accès au langage gestuel. Par exemple, une personne veut apprendre l'anglais, elle peut, là. Ça peut lui prendre deux ans, trois ans, et puis la personne peut devenir très bonne en anglais. Donc, si, moi, je suis oraliste puis je décide d'apprendre les signes ou si je suis gestuel puis je décide d'apprendre l'oralisme, là, ça, ça peut prendre... les entendants... Je m'excuse, l'interprète n'a pas compris. Il y a plusieurs Québécois entendants qui ont des cours d'anglais obligatoires à l'école mais qui ne sont pas capables de parler l'anglais aujourd'hui. Est-ce que c'est juste? C'est juste. Donc, c'est pareil, là. Je pense que, pour une personne sourde, une personne sourde est capable de parler. Certaines autres personnes sourdes ne sont pas capables de parler. Elles sont plus vers la voie gestuelle parce qu'elles se sentent plus à l'aise dans ce moyen de communication là.
Pour la CQDA, la position... La position du CQDA par rapport à ça, c'estque tous ces moyens-là sont mis à la disposition de tout le monde.
La Présidente (Mme Charlebois): M. Bossé.
M. Bossé (Léon): Je pense qu'on est devant une situation où on oppose parfois des besoins des uns aux autres. Regardez, là, je suis devenu sourd oraliste. D'accord, les signes, je gesticule, mais je ne signe pas comme les personnes sourdes. Il reste que les besoins des uns, qu'ils soient à l'éducation, en langue des signes, les enfants qui sont devenus sourds peut-être même à deux, trois ans mais qui avaient développé un minimum de langage, une maladie, etc. Les parents ? 90 % ? des enfants sourds sont des entendants. Ils ont peut-être tendance à dire: J'aimerais que mon enfant soit un peu comme moi, qu'il apprenne à parler. C'est possible, remarquez, avec de la réadaptation. Montréal, Québec, probablement que c'est possible, mais, dans les régions éloignées, je vous jure que les services ne sont pas toujours disponibles pour ça. Enfin, il reste que les besoins...
Pourquoi trois genres d'interprète aujourd'hui? Parce qu'il y a trois spécificités différentes. Je suis un oraliste; lui est un peu un bilingue; l'autre est une personne... langue signée ? excusez l'expression ? que j'appellerais pure, propre. C'est un besoin de chaque personne. Mais, même avec les personnes malentendantes, là... J'ai longtemps présidé une association de personnes malentendantes. On fait une réunion. Il y a des personnes qui ont développé l'oralisme, alors on va avoir une interprète oraliste. Il y a des personnes qui portent une prothèse; on va avoir un système d'amplification adapté. Puis il y a des personnes que la prothèse ne donne rien, les personnes âgées entre autres, les personnes d'un certain âge, je m'excuse. La prothèse ne donne rien. Ils n'ont pas développé la lecture labiale. C'est difficile, la lecture labiale. Vous vous amuserez à regarder la télévision puis enlever le son. Vous essaierez de comprendre, vous allez voir. Donc, ces personnes d'un certain âge, il reste quoi? Il reste le texte écrit avec un ordinateur ou avec... Donc, c'est une... qu'on peut appeler malentendant, ça me prend trois moyens. Dans notre cas, le Centre québécois de la déficience auditive qui regroupe des personnes sourdes de naissance, devenues sourdes, malentendantes, sourdes-aveugles, vous vous imaginez les moyens qu'on est obligés de mettre en place pour rejoindre tout ce monde-là pour être capable de dire: Tout le monde va apprendre à signer et tout le monde va apprendre la lecture labiale. C'est impossible.
Est-ce que l'idée de la loi, c'était de répondre aux personnes, que les personnes puissent exercer leurs droits selon leurs besoins et leurs capacités? Donc, souvent, si on donne tel service à ceux-là, on ne pourra pas payer des prothèses pour ceux-là. Je trouve que c'est un petit peu jouer sur les sentiments, tu sais. On ne veut pas opposer quoi que ce soit, pas plus que quand j'ai dit tout à l'heure: Les personnes aveugles peuvent avoir en braille, en gros caractères. Je ne veux pas leur enlever, c'est très bien, ce qu'ils ont. Mais pourquoi l'autre groupe ne peut pas avoir un minimum de communication? Là, vous avez les débats, les débats qu'on a aujourd'hui, à la commission parlementaire. Elle est télévisée sur le canal 32. Heureusement, elle est sous-titrée pour moi. Je peux suivre ceux qui sont venus avant moi. Je peux suivre qu'est-ce qui se passe. Mais, pas de sous-titrage, qu'est-ce que je peux faire, moi? Je n'entends pas. J'entends les bruits, mais je n'entends absolument pas. La parole pour moi, c'est du chinois, là.
Il faut qu'à un moment donné il y ait des moyens. Par contre, la personne sourde gestuelle, la lecture, pour elle, ce n'est pas vraiment... La jeune génération s'en vient bilingue, d'accord, mais les personnes de 40, 50 ans qui ont été élevées en institution, ils ont développé la langue gestuelle et puis ils sont restés avec celle-là. Donc, pour eux autres, ce n'est pas accessible, les débats. Oui, là, c'est signé. Quand ils viennent ici, c'est signé. Mais, quand c'est télévisé à la grandeur de la province, on n'a rien. C'est vous dire: les besoins sont différents. Je le sais, vous le dites: Oui, mais, si on le fait pour ceux-là, est-ce qu'on peut rêver qu'à un moment donné... On dit bien: Je suis une personne déficiente, j'ai une déficience auditive. Je ne peux pas, par exemple, me servir du téléphone ordinaire. M. Bell, même Mme Bell, même si elle a mis bleu, vert, jaune, rouge, je ne peux pas m'en servir. Mais, avec le support de l'organisme, on a obtenu, il y a une quinzaine d'années, le Service relais téléphonique.
n(17 h 30)n Je peux appeler M. le ministre. Le Service relais Bell, c'est moins personnel, hein, il y a une personne; la confidentialité joue, là. J'appelle le Service relais, je dis: Je veux parler à M. le ministre. Un instant, on communique avec lui. D'accord. On a développé certains moyens de communication. Donc, quand j'ai ce moyen-là, je reste une personne déficiente auditive. Je ne peux pas me servir du téléphone, mais le handicap, l'obstacle finalement ? l'obstacle ? c'est que la communication orale... Et l'obstacle est disparu parce qu'on a mis sur pied le Service relais Bell. Donc, je ne suis plus une personne handicapée. Je rêve du jour où on n'aura plus de lois pour assurer le droit des personnes handicapées. On arriverait, à un moment donné, à ce qu'on dise: Les besoins sont comblés pour que les personnes puissent fonctionner le plus normalement possible, dans la société. Je ne serai jamais comme un entendant, j'ai oublié. Que je puisse me servir de ça puis que je puisse écouter de la musique, j'ai mis ça de côté. Même si l'autre, lui, n'a pas connu cette étape-là, moi, je l'ai connue. Donc, c'est des situations différentes. Il faut qu'à un moment donné les besoins spécifiques des personnes... et ne pas opposer mais essayer de répondre.
Je suis d'accord avec vous. Vous avez parlé des prothèses, du travail numérique. Je faisais partie du comité qui a travaillé là-dessus. Je suis d'accord qu'on ne peut pas, demain matin, donner à tout le monde des prothèses mais tranquillement arriver à ce que ceux pour qui c'est le meilleur moyen puissent avoir accès et tranquillement aller dans... Parce que, vous savez comme moi, M. le ministre, bien les compagnies commencent à retirer les prothèses ordinaires. Donc, tranquillement, on va arriver à la nouvelle technologie. Je suis d'accord avec ça. Un an, deux ans, cinq ans, on va y aller. Mais il ne faudrait pas que systématiquement on dise: Parce que c'est la nouvelle technologie, le gouvernement ne couvre plus ça. Il faut continuer à donner des services qui répondent aux besoins selon leurs spécificités particulières.
La Présidente (Mme Charlebois): Oui, M. Forgues.
M. Forgues (Daniel): (S'exprime par le langage gestuel).
Mme Gilbert (Nathalie): Merci. Ce qui est important dans le fond, c'est que les parents décident du moyen de communication de leur enfant, de qu'est-ce qu'ils vont faire: s'ils décident de mettre l'implant, ou de l'envoyer en oralisme, ou de l'éduquer dans la langue des signes. Plus tard, l'enfant va savoir vers quoi il est le plus à l'aise. Si, en oralisme, on sent que ça ne fonctionne pas, l'enfant peut s'en aller vers la langue des signes. C'est comme ça, là, que chaque personne va s'adapter.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va? Il reste quelques minutes. Mme la députée de Pontiac, vous avez une question?
Mme L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, messieurs. Ça va être très court. Je vous écoutais tantôt et je lisais au niveau de l'accès à la justice où il y a déjà eu un jugement de la Cour suprême quant à mettre à la disposition des personnes avec une déficience auditive des interprètes pour leur aider à préparer la cause. J'aimerais que vous me parliez de la situation du Québec, parce que, dans votre mémoire, vous dites que ça ne se fait pas. On a des interprètes au moment où on est à la cour. Mais la situation actuelle, notre situation d'aujourd'hui, là, les gens qui ont une déficience auditive qui se présentent à la cour, est-ce qu'ils doivent de nouveau payer leur interprète ou bien si le ministère de la Justice s'est conformé à la décision de la Cour suprême par rapport aux droits de la personne?
La Présidente (Mme Charlebois): Est-ce que c'est M. Bergevin? M. Bossé.
M. Bossé (Léon): La décision de la Cour suprême concernait spécifiquement les services de santé. Pour ce qui est de la cour au Québec, le ministère de la Justice paie les frais au moment où la personne est à la cour. Il y a un truc: l'avocat va dire à la personne: Rends-toi à la cour une heure avant ou une heure et demie avant, puis là, dans le petit cubicule en arrière, je vais discuter avec toi, avec l'interprète, puis on va réussir à se comprendre. Mais ce n'est pas ce que j'appelle une défense pleine et entière. Il y a des cas où, que ce soit pour toutes sortes de raisons, la personne se présente en cour, elle a un problème x, bon, et habituellement je rencontre mon avocat avant ou je peux expliquer ma situation dans le bureau de l'avocat tranquillement. Mais là ça se fait toujours un petit peu à la sauvette ou la personne va elle-même au bureau privé de l'avocat. Il faut que la personne, si elle veut un interprète, il faut qu'elle paie elle-même. À la cour, quand je mets les pieds à la cour, c'est couvert.
Là, la personne sourde se retrouve avec un jugement, disons, là, question de pension alimentaire, tu sais, avec toutes les conditions. La personne sourde, pour elle, là, l'écriture de ces textes-là ? la personne gestuelle, j'entends ? pour elle, là, c'est: elle lit le texte, oui, le ministre ou le juge décide, mais, de comprendre la vraie signification de ça, oubliez ça. Donc, elle aurait besoin, même à ce moment-là, après le jugement, d'une interprète qui va lui expliquer, peut-être avec l'avocat, les conséquences puis les obligations que ça implique. Puis là on lui livre ça par un huissier, puis alors: Arrange-toi. Ce n'est pas vraiment une situation qui peut permettre à la personne d'avoir ce qu'on appelle... quand je dis «une défense», ou enfin d'avoir un service de justice satisfaisant. C'est toujours un peu par la bande.
Le jugement de la Cour suprême, c'est à propos des services de santé en Colombie-Britannique, mais c'est un jugement qui est valable pour le Canada, qui disait: Pour un bon service médical, ça prend une bonne communication. La bonne communication pour les personnes sourdes passe par l'interprétation, donc gouvernement qui fournit les services de santé, qui est obligé de fournir les services d'interprétation. Ici, au Québec, je l'ai dit tout à l'heure puis je le répète ? pas pour flatter M. le ministre ? les services de santé sont généralement couverts d'une façon satisfaisante. Le gros problème actuellement, c'est qu'un peu partout on manque d'interprètes parce que la formation d'interprètes n'existe pratiquement plus. Il y a eu, à un moment donné, un certificat à l'Université du Québec, autant Montréal que Québec. Mais, question du nombre d'étudiants, etc., donc ça prend des fois cinq, six ans pour faire le curriculum. Alors, dans le mémoire qui avait été déposé, on insistait pour que la formation des interprètes revienne d'une façon formelle, que ce soit au niveau du cégep. Ça se fait, dans les autres provinces, au niveau du collège. Donc, ça prend l'équivalent d'une formation véritablement de base pour qu'après ça les interprètes puissent donner un meilleur service, un service de qualité.
Vous êtes en justice. Pensez-vous que tous les signes existent dans les termes judiciaires? Absolument pas. Donc, là, l'interprète, même si l'interprète est super bonne, elle connaît tous les... La personne sourde souvent ne les connaît pas. Mais quand est-ce qu'elle va, l'interprète... La personne sourde dit: Je ne comprends pas, moi. Il faudrait que la personne sourde avant puisse, avec son avocat puis l'interprète, comprendre exactement qu'est-ce qui se passe pour que, quand on arrive en cour, bien elle puisse se dire: Ah, je comprends parce que l'avocat m'a expliqué ces mots-là avant. Mais là on arrive en cour, puis la personne est souvent dans une situation où les nouveaux termes, des termes qui n'existent pas vraiment en langue des signes, des termes techniques.
Et le gros problème, c'est surtout l'entregent. Vous savez que, l'avocat, à la cour, hein, son rôle, c'est de poser des questions terriblement vite pour faire culbuter les personnes. Mais, avec le service d'interprétation, là, c'est quasiment impossible. Et alors on entend ceci ? je l'ai entendu, bien, enfin, entendu par interprète: Excusez, là, j'ai 12 causes aujourd'hui, là, allez-y, hein, s'il vous plaît, arrêtez de me faire répéter. Tout à l'heure, j'ai été obligé, même avec une bonne lecture labiale et peut-être un peu d'émotion, de... Bon. J'avais de la difficulté à suivre la question de l'interprète. Ça arrive que, même si je dis: M. le juge, voulez-vous demander à l'avocat de répéter?, «Ah, les personnes sourdes, là». C'est des situations qu'on vit assez souvent, et on voudrait que les moyens soient là, donc une interprétation de qualité et en quantité suffisante.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. Bossé. Mme la députée de Duplessis et porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux.
Mme Richard: Merci. Bonjour, messieurs. Tout d'abord, j'aimerais vous entendre sur un peu le rôle de l'office. Vous parlez des limitations de l'office, le transfert de certains programmes. On ralentit l'inclusion pour les personnes vivant avec une surdité. Vous dites même, à la page 7 de votre mémoire, bon, que votre organisme a eu recours à plusieurs reprises, pour défendre les droits des personnes vivant avec une surdité, aux commissions des droits de la personne et de la jeunesse, à la Commission d'accès à l'information, Protecteur du citoyen parce que vous n'obteniez pas de l'OPHQ le soutien que vous auriez voulu. Vous n'aviez qu'un soutien moral et d'encouragement. Comment l'office, avec ces nouveaux pouvoirs, si on veut, qui vont lui être dévolus, autant de la vigie que le pouvoir de recommandation, peut-elle vous supporter suffisamment dans son nouveau rôle?
M. Bossé (Léon): Je reviens au décret de 1988 qui dit: Reconnaître le principe. Mais, quand vous reconnaissez le principe, ça ne veut pas dire qu'il est appliqué automatiquement. Si, aujourd'hui, l'office peut recommander, peut suggérer, peut encourager, peut soutenir, c'est très bien, mais est-ce que je vais avoir le service au bout, disponible?
n(17 h 40)n Même la Charte des droits de la personne, l'article 10 qui dit: Pas de discrimination par rapport au handicap ou aux moyens que j'utilise pour contrer mon handicap. D'accord. Mais là supposons que je vais en cour ? ou je vous donne juste un exemple: Amène ton interprète, je n'ai pas d'objection. Mais qui va payer l'interprète? La charte me dit: Tu as le droit d'avoir un service d'interprétation. Mais qui va payer le service pour que je sois un citoyen à part égale? Je paie les frais de notaire ou d'avocat comme tout le monde, mais en plus il faut que je paie les frais. Vous savez, j'ai donné deux cas tout à l'heure: la personne paie ses frais de cour, mais elle ne peut pas être... parce qu'il n'y a personne qui veut payer les frais d'interprétation.
Je comprends que l'association des contracteurs du Québec, 84 heures de cours à un coût moyen de 40 $ de l'heure, ça vient de faire 3 000 et quelques dollars d'interprétation. Je paie un cours de 1 000 $, mais il fallait que je paie 3 000 $ d'interprétation. C'est vrai que, la CSST, quand il y a des rencontres pour régler des cas de réclamation, les services d'interprétation sont disponibles. Mais là pour le cours, non.
C'est la même chose. On a eu recours aux tribunaux ou au Protecteur du citoyen. Les tribunaux que vous appelez administratifs, Régie du logement, etc., ne fournissaient pas les services d'interprétation. On est allés au tribunal pour dire: Oui, le tribunal dit: Vous êtes obligés de fournir les services. Bon. C'est un cas. Les prothèses aussi. Puis on a été obligés parce que, nous autres, on jugeait que c'était discriminatoire de donner un avantage aux personnes handicapées motrices, de réparer leurs fauteuils puis de ne pas réparer les aides aussi qui appartiennent au gouvernement. La même chose. Je signe un papier: Cette aide appartient au gouvernement. Là, il faut que je la fasse réparer. Non. Est-ce que les citoyens sont traités d'une façon égale? C'est comme ça qu'on a été obligés de... parce que l'office nous disait: Qu'est-ce que vous voulez que je fasse, moi? Je n'ai rien contre les personnes autistes, mais celle-là, elle est...
M. le ministre a décidé qu'alors, qu'est-ce que vous voulez, il faut suivre ça. Oui, mais il nous semble que ça ne répond pas aux besoins des personnes, ce n'est pas... C'est dans ce sens-là qu'on est obligés de recourir à des services judiciaires pour faire avancer les dossiers. Les aides auditives, les réparations ont été remises trois jours avant qu'on se présente à la cour pour une cause. Nos avocats ? excusez, ça peut paraître pédant ? les avocats avaient préparé des subpoenas pour le sous-ministre associé, pour le président de l'office. Bon. L'avocat du gouvernement dit: Pourquoi vous voulez avoir tous ces témoins-là? Parce que nous jugeons que. Et ça, c'était le 8 décembre. Le 21 décembre 2003... les réparations étaient remises. Est-ce qu'il faut toujours aller comme ça ? excusez ? tasser au pied du mur pour dire: Je n'aime pas ça. Je veux qu'on puisse, hein, regarder les besoins. Mais, hier, c'était impossible. Puis tout à coup, parce qu'on est rendus à la porte de la cour, là, oui. Mais ça bloque.
M. Bergevin (Martin): Si vous me permettez. Alors, Mme la députée, moi, je travaille et, dans ma situation d'emploi, je dois rencontrer beaucoup de personnes, comme aujourd'hui, et ça me prend un interprète. Alors, l'interprète, c'est un moyen de maintien en emploi. Je ne demande pas souvent des interprètes, mais j'en ai besoin. Alors, du jour au lendemain, à un moment donné, Emploi-Québec a décidé que je n'étais plus admissible. Il a fallu, à cause de mon travail... Moi, je travaille dans le domaine de la défense des droits, je sais où aller. Alors, j'ai cogné à la bonne porte, au ministère de l'Emploi, plus haut, pour qu'ils puissent m'accorder à nouveau le contrat d'intégration au travail. C'est ça, le moyen. Et l'office n'a pas été en mesure de le faire. Alors, vous voyez, il n'y a pas, comment dire, de pouvoir de dire: Écoutez, vous êtes dans l'obligation de donner le service pour rendre accessible ce service. Alors, c'est le problème actuel, à notre avis.
Et c'est la même chose au niveau de l'éducation comme dans le cas du Collège des sourds, la fondation et plusieurs associations membres. Le CQDA a eu des succès avec le Collège des sourds du Québec. C'était prouvé que ça fonctionnait. Là, on relance la balle à l'office en disant de prendre l'état de la situation sur la langue des signes. Les résultats sont déjà là. C'est déjà fait. Alors, pourquoi réinventer la roue? Alors, c'est ça. Voilà.
La Présidente (Mme Charlebois): M. Forgues, vous aviez quelque chose à ajouter?
M. Forgues (Daniel): (S'exprime par le langage gestuel).
Mme Gilbert (Nathalie): Oui, merci. Premièrement, l'aide auditive. La RAMQ accepte de payer pour la prothèse auditive, accepte de payer une prothèse auditive mais refuse la deuxième. Je ne sais pas, là, si c'est comme les fauteuils roulants. Est-ce qu'on paie seulement une roue puis on ne paie pas la deuxième, là? C'est la même chose d'après moi, là, pour les prothèses auditives. La Fondation des sourds du Québec a toujours payé pour les personnes sourdes la deuxième prothèse auditive. On aimerait avoir de l'aide, là, pour que ce soit payé, là. Comme l'implant, qui est très cher, qui est 20 000 $, tandis qu'une prothèse auditive est 80 $ ou 100 $, puis la RAMQ refuse quand même de payer la deuxième. On ne comprend pas. On trouve que ce n'est pas correct, là.
Par rapport à l'accès à l'interprétation, par exemple, si on veut aller au musée, si on veut aller au zoo, si on veut faire une visite guidée ou quelque chose comme ça, on paie pour l'entrée. Et, s'il y a une visite guidée, s'il y a une conférence qui est donnée, une séance d'information, nous, on ne peut pas comprendre, on ne peut pas avoir d'interprète pour ces services-là. Sinon, il faut engager l'interprète et payer de notre poche. Donc, on sent qu'on est limités, là, pour la vie en société. Comment on peut être égaux, là, comme ça, là?
On en parle beaucoup depuis 1985. On parle de problèmes, on donne des idées, mais on dirait qu'on tourne toujours en rond, on ne passe pas à l'action. Là, aujourd'hui, on demanderait, là, qu'on arrête de parler des problèmes, qu'on arrête de parler des causes, tout ça, puis qu'on passe finalement à l'action. C'est sûr que le gouvernement... On change souvent de gouvernement et on doit toujours répéter les mêmes choses, là, mais on espère que ça va se mettre en branle bientôt.
M. Bergevin (Martin): Et, en conclusion à ce que MM. Bossé et Forgues disent, vous voulez des solutions, et on ne faisait rien avec l'office, avant. Aux États-Unis, il y a une loi qui s'appelle l'American Disabilities Act. Les entreprises sont obligées d'assurer l'accommodement, sinon c'est discriminatoire. Voilà. Ce que la loi actuellement, nous croyons, ne le permettra pas. Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Mme la députée de Duplessis.
Mme Richard: Donc, ce que vous constatez dans le projet de loi, c'est qu'il n'y a pas de mesures qui peuvent être mises en place mais versus une obligation de mettre ces mesures en place si un organisme, ou une municipalité, ou un ministère ne respectaient pas ces mesures-là. Ce que je constate aussi, c'est que vous parlez beaucoup, bon, des moyens financiers. On met souvent des politiques en place et on donne certains pouvoirs, si on veut, entre guillemets, à l'office. Et l'office n'a pas toujours les moyens d'exercer ce pouvoir-là. J'aimerais vous entendre, parce que je ne l'ai pas vu en tout cas dans le mémoire ou il m'a échappé, au sujet de l'article 1.3, un peu une clause limitative qui vient dire aux organismes, aux municipalités que, par un manque de ressources, bon, ils pourraient se soustraire.
La Présidente (Mme Charlebois): M. Bossé.
M. Bossé (Léon): Je vais vous donner un exemple concret. Depuis 10 ans, avec l'office, on se bat pour obtenir des services d'alarme visuelle dans les résidences de personnes âgées parce que, 65 ans et plus, une personne sur cinq a des problèmes auditifs; 70 ans, une personne sur trois. Quand la personne enlève sa prothèse auditive, elle n'entend plus rien.
Le système d'alarme, dans ces résidences-là, est installé au moment de la construction. Remarquez que l'office ou le ministère, par le Programme des aides auditives, fournit des aides techniques: 125 $ pour un moniteur; pour le détecteur de fumée, 125 $; donc, le service global, à peu près 600 $. On dit à la Régie du bâtiment: Pourquoi, dans la loi d'accessibilité ou le Code du bâtiment, ce ne serait pas obligatoire d'avoir des systèmes d'alarme visuelle, parce que déjà le système d'alarme est obligatoire à huit logements et plus? Mais la personne sourde n'a pas la même sécurité que les autres. Elle est discriminée.
Ça fait 10 ans qu'on travaille là-dessus. La semaine prochaine ou dans quelques jours, on rencontre M. le ministre Després pour cette question encore une fois de: Est-ce que c'est possible, est-ce qu'il va falloir attendre, comme un peu pour les plateformes élévatrices, qu'il y ait un tas d'accidents, qu'il y ait beaucoup de morts? Qu'est-ce qui s'est passé? Bien, c'étaient des personnes qui n'ont pas entendu le système d'alarme. Wo!
Comme, avec une rencontre avec les architectes, il y a un architecte qui dit: J'ai demandé, et on m'a dit: Couplez la cloche avec une grosse lumière clignotante. Où est la cloche, monsieur l'architecte? Dans le corridor. Puis là il a mis sa grosse lumière clignotante dans le corridor. Mais, à 3 heures du matin, je ne suis pas dans le corridor, moi, je suis dans ma chambre. Donc, où est ma sécurité? On n'a pas soulevé ce point-là.
n(17 h 50)n C'est pour vous dire que l'office n'avait aucun pouvoir face à la Régie du bâtiment puis au ministère pour dire: Voulez-vous, on va se mettre ensemble puis on va faire changer le code parce qu'elle y est déjà. J'ai ajouté un mot: système d'alarme «visuel»; le mot «visuel». L'architecte, il me dit: Dans le code, c'est marqué «système d'alarme». Mais est-ce que c'est marqué «sonore»? Ce n'est pas marqué «sonore». Vous interprétez «sonore» parce que, depuis toujours... Mais vous ne pensez pas que, si, au moment de la construction, on obligeait le contracteur...
Ce n'est pas une dépense énorme, je vous avoue. Ça pourrait coûter peut-être une cinquantaine de dollars par logement pour la cloche de la porte. Mais là le gouvernement paie 600 $, puis très souvent le système, il est dans le placard parce que, dans les gros édifices, ça ne fonctionne pas. Figurez-vous: il y a deux personnes qui ont le même système. Ça passe par les systèmes de lumières, ça allume, ça allume; à ce moment-là, on décroche le système. On ne sait pas pourquoi. Les personnes âgées ne savent pas pourquoi. «Enlève ça, c'est fatiguant, les lumières s'allument pour rien.» Bon. Alors, on l'enlève. Il faudrait que, dans chaque chambre, il y ait un système visuel, un détecteur de fumée visuel. Ça existe. Si ce n'est jamais demandé, il n'y a pas une compagnie qui va le fabriquer. Figurez-vous que, si, demain matin, c'était dans le code, le nouveau code de 2005, on peut-u espérer qu'on va avoir... Avec le mot, les compagnies vont en fabriquer parce que, qu'est-ce que tu veux, ils sont obligés de le mettre.
Mais c'est un peu essayer. C'est un exemple concret où j'ai beau à dire: Le pouvoir de recommander, mais, tant qu'il n'y a pas d'obligation, le résultat n'est pas là. Il faut dire: Vous êtes obligés d'installer un système d'alarme visuel et sonore. Allons-y. Mais ça ne coûte rien au gouvernement, ça. Mais ça va coûter des fortunes. Pas vrai. Quand vous avez décidé de rendre les édifices accessibles pour les personnes en... motrices, payez-vous la côte que l'architecte ou le contracteur... Bien non... de lui. L'ascenseur, s'il est obligé de la mettre, c'est lui qui paie. Pourquoi, quand on cherche des solutions... Si ça dit: C'est une nécessité puis avec un service simple, allez-y. Bien non. On a des solutions palliatives, oui, de l'intégration pour intégrer faite après. Pourquoi ce ne serait pas fait au moment de la construction, à partir de ce moment-là?
Moi, je ne peux plus visiter mes soeurs âgées qui restent dans une résidence de personnes âgées parce qu'à la porte c'est le téléphone. C'est très bien pour la sécurité. Ma grande soeur, c'est marqué 47. Il faut que je fasse 47, puis là: Qui est là? Bien, c'est Léon. Mais je n'entends pas «Qui est là?», qu'est-ce que tu veux. Donc, on est là à niaiser. Et après ça, bien, si elle est sûre que c'est une bonne personne: Monte, mon appartement, c'est 417. C'est un code de sécurité. C'est très bien pour la sécurité, mais l'accès, l'accès sans obstacle?
Oui, on pense aux fauteuils roulants, une marche, trois marches. Mais, moi, c'est le téléphone à la porte qui me rend maintenant la vie impossible. Avant, il y avait des systèmes de porte électrique qui ? excuse, je vais dire un mot anglais, là ? buzzaient... Aujourd'hui, c'est rendu «ting», puis là je ne l'entends pas. Mais je ne suis pas capable de le sentir, donc je reste dehors. Donc, je n'y vais plus ou il faut que j'avertisse quelqu'un avant: À 3 heures, après-midi, je vais passer, là; si ça sonne, tu m'ouvres la porte parce que c'est moi. L'accessibilité sans obstacle, le code, oui, pour les autres, mais, pour moi? Donc, ce sont des exemples que je vous montre et, si on voulait... Est-ce que dans un... Ça pourrait se régler demain matin. Enfin, le code est en révision. Je comprends que c'est au cinq ans, mais là on arrive. Pour 2005, révision du code.
Si c'était, supposons, pour la question de sécurité, il faut que les personnes se sentent en sécurité à part égale. Là, il y a eu un feu à trois coins de rue de chez moi. La personne âgée vient me voir à l'association: M. Bossé, s'il avait fallu que ça arrive chez nous, là, qu'est-ce que je faisais, moi? Je n'en dors plus. Elle va voir le médecin: Je ne dors plus. On prescrit des somnifères, mais ce n'est pas là, la vraie solution. Ce n'est pas là, le vrai problème. Ça coûte encore des sous, puis je n'ai pas réglé le problème. Si elle avait un détecteur de fumée lumineux, la personne se sentirait en sécurité. S'il arrive quelque chose: ding, ding, ding; voilà, je me sens à l'aise. Donc, je ne fais pas de dépense ailleurs pour dire: Des pilules pour dormir puis des calmants possibles. Voilà. Ce sont des solutions qui peuvent solutionner les problèmes, souvent. Les lumières dans les corridors, j'appelle ça des solutions qui ne solutionnent rien.
La Présidente (Mme Charlebois): Mme la députée.
Mme Richard: Merci beaucoup, M. Bossé et messieurs. Vous venez de nous donner un exemple très frappant que, bon, oui, des fois il faut investir dans des moyens financiers. Mais un détecteur de fumée, écoutez, qui est lumineux, là, ce n'est pas des sommes astronomiques, ça peut sauver des vies. Donc, je pense que tous ces parlementaires qui étaient ici, aujourd'hui, étaient à l'écoute de tout ce qui a été dit. Et on a pu voir combien la vie au quotidien, pour les personnes vivant de surdité, c'est des fois des petits gestes qui pourraient vous faciliter la vie.
Moi, je tiens à vous remercier pour vos propos. Et soyez assurés que, comme opposition officielle et, même au-delà de ça, avec les parlementaires, ici, et avec le ministre, je suis certaine que, tous, nous avons été sensibles à ce que les personnes vivant avec une surdité peuvent vivre chaque jour. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. Bergevin, M. Bossé et M. Forgues, pour votre présentation éloquente. Sur ce, je vais ajourner. Étant donné que l'ordre du jour est épuisé, la commission ajourne ses travaux au jeudi le 30 septembre. Et je rappelle à mes collègues que nous allons siéger à compter de 9 heures, 9 heures le matin. Alors, à la prochaine.
(Fin de la séance à 17 h 56)