(Onze heures neuf minutes)
La Présidente (Mme Charlebois): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je constate le quorum actuellement. Je vous rappelle que... Pour la bonne marche de nos travaux, je vous rappelle que l'usage des téléphones cellulaires et téléavertisseurs est interdit. Alors, je demanderais aux gens, à tout le moins, de fermer leurs sonneries ou carrément fermer leurs téléphones cellulaires, comme je vous faisais part, pour la bonne marche des travaux tout au cours de la séance.
Je vous rappelle le mandat de la commission: la commission des affaires sociales est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 25, Loi sur les agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
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(11 h 10)
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La Secrétaire: Non, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci. Alors, l'ordre du jour. Aujourd'hui, ce matin, nous recevons la Coalition Solidarité Santé. Si vous voulez bien prendre place. Par la suite, nous recevrons Solidarité rurale du Québec, et, après ce groupe, il y aura suspension. Et, cet après-midi, nous allons recevoir Association médicale du Québec; Réseau universitaire intégré de santé; 16 heures, la Fédération des médecins résidents du Québec; 16 h 45, Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec; ensuite, l'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec; et, 18 h 15, nous recevrons la Fédération CJA.
Auditions (suite)
Alors, je vous rappelle brièvement comment ça va fonctionner. Pour le premier groupe, j'inviterais Mme Pelchat à vous présenter et à présenter vos invités. Et je vous rappelle que la commission vous consacre 45 minutes, soit 15 minutes pour la présentation de votre mémoire, ensuite il y aura des échanges du côté ministériel et du côté de l'opposition officielle pour 15 minutes chacun aussi. Alors, si vous voulez bien vous présenter.
Coalition Solidarité Santé
Mme Pelchat (Marie): Bonjour. Je suis Marie Pelchat, de la Coalition Solidarité Santé. La personne qui m'accompagne est Isabelle Matte, de la Coalition, qui est porte-parole de la Coalition aujourd'hui. Et on s'excuse pour l'absence de notre troisième comparse, mais il y a des obligations qui font que des fois la chose n'est pas possible.
Vous me permettrez, vu qu'on a 15 minutes, d'écourter la période de présentation de la Coalition. Je pense que vous savez tous qui on représente. On tenait, même si on a fait des doléances sur le processus, vous remercier quand même du changement de date, qui nous permet plus facilement d'y être.
Pour ouvrir la chose, disons que nous sommes extrêmement étonnés du projet. Il nous semble qu'entre la rencontre qu'on a eue avec le ministre au début juillet et ce qu'il y a sur la table aujourd'hui il y a un écart immense, au point où on s'est demandé s'il y avait eu quelque chose dans l'eau du parlement cet été qui ne nous avait pas contaminés. Mais on s'explique peu pourquoi, en rencontre, on avait beaucoup de préoccupations par rapport au social, par rapport à la prévention, et pourquoi le projet en fait si peu état. En fait, pour nous, le projet pose plus de questions qu'il ne fournit de réponses.
Quand on regarde le projet de loi, on comprend bien qu'il y aurait transformation des régies, qu'il y aurait fusion des C.A. des établissements, mais il nous semble que le projet répond peu aux préoccupations de la population. En fait, on se demande en quoi ça va permettre d'augmenter non seulement la continuité des services, mais surtout la qualité et la quantité de services publics, en quoi ça va améliorer l'accès aux services sociaux et médicaux de première ligne, en quoi ça va permettre de considérer les déterminants de la santé, comment ça va permettre d'augmenter les services à domicile, de répondre aux besoins des personnes hébergées en CHSLD, de régler le problème de la croissance débridée des coûts des médicaments, de regarder la médecine fast-food, comment le privé peut être contre-productif en santé, et comment c'est applicable en milieu urbain ou semi-urbain, et qu'est-ce qui va se passer quand les régies vont être abolies, et qu'est-ce qui va se passer quand il y aura des contentieux entre les différents réseaux locaux. Bref, ce qu'on réalise, c'est que finalement on a tellement peu de réponses qu'on considère que, avec ce projet de loi là, il nous faudra attendre 2005-2006, que l'ensemble du processus soit terminé, pour savoir ce à quoi on nous invite à donner notre aval. Il n'est pas question pour la Coalition bien sûr de donner un chèque aussi blanc.
Par ailleurs, le projet de loi repose essentiellement sur des fusions de conseils d'administration, des fusions d'établissements, et ça nous semble présenté un peu comme une panacée. Vous me permettrez de faire les coins ronds, M. le ministre, le temps qui nous est imparti ne nous permet pas d'aller dans la dentelle. Mais, en effet, on se questionne beaucoup pourquoi cette hypothèse-là avancée, dans la mesure où il y a eu de nombreuses études sur les fusions ? pas rien que les fusions CLSC-CHSLD-CH, mais des fusions même juste CLSC-CHSLD ? qui mettaient en évidence qu'il y avait plus de désavantages que d'avantages à avancer là-dedans. Là, ce n'est pas des études réalisées par la Coalition et pour lesquelles on pourrait dire: Il y a un biais. Il y a l'étude de M. Beaupré, de l'Université Laval, de Sabourin, de Michaud, des HEC, d'une revue de la Fédération de la santé, et toutes convergent sur un élément fondamental, les fusions sont un exercice périlleux dont l'effet sur l'amélioration de la qualité des services est très mitigé, quand ce n'est pas contre-productif.
D'autre part, les propos du directeur public ? du directeur de Coaticook ? nous permettent d'illustrer ce qu'on craint le plus avec le projet de loi, et c'est la vampirisation des services des CLSC, des services sociaux préventifs. On a ici, si vous désirez plus d'information, quelques faits documentés sur le fait que ça se passe au Québec actuellement.
On a aussi réalisé que, quand ça se passe, ça se passe assez subtilement, c'est-à-dire que la partie hospitalière fait un déficit, et après ça toutes les composantes sont appelées à combler le déficit. Donc, même si la partie CLSC n'a pas fait de déficit, elle est mise à contribution. On sait que ce fut le cas en Montérégie, en Estrie et en Outaouais. On sait que les CLSC verront leur mission transformée pour qu'ils deviennent des outils permettant la réduction du temps d'hospitalisation, qu'il y ait plus une approche hospitalocentriste curative qu'une approche sociale de la santé. En plus, on n'a pas vu dans le dernier budget Séguin ? et on espère le prochain ? l'intensification de la mission préventive, mais on sait que ça se fait gruger dans les établissements actuellement fusionnés. Et pour nous la solution est beaucoup plus d'avancer vers une première ligne multidisciplinaire unifiée sous le contrôle des CLSC, comme le recommandait la commission Castonguay. C'est là-dessus qu'aurait dû aller le projet de loi.
On s'inquiète également de la place qui sera faite aux résidences privées, aux ressources privées, aux entreprises privées dans les réseaux locaux. Déjà, on a vu de votre gouvernement apparaître le projet pilote pour la sous-traitance, dans le privé, des services d'hébergement aux personnes en lourde perte d'autonomie. Nous le disons, le redisons, nous n'endosserons jamais des orientations de privatisation dans un contexte de réingénierie, dans un contexte de mondialisation. En fait, toutes les études concluent que les partenariats ont toujours servi à renforcer la suprématie du privé sur le public, et l'OMS disait que le marché de la santé est inefficace. Nous, ce qu'on dit et ce qu'on a discuté avec plusieurs d'entre vous, c'est que pour nous le privé va cannibaliser le public.
Les quatre conditions, M. le ministre, on ne voit pas comment vous allez avoir l'assurance qu'elles vont être respectées dans les réseaux locaux. Et le plan de réingénierie, où on a vu que dans les obstacles il y avait les principes de la loi canadienne, ça ne nous rassure guère. En fait, on vous demande, M. le ministre, de ne pas laisser entrer par le biais des réseaux locaux, donc par la petite porte, ce que la population refuse de laisser entrer par la grande porte, le privé en santé.
Dans le projet, on dit aussi qu'on va réseauter par ententes de services les groupes communautaires. Nous nous opposons à ça. Nous pensons que le gouvernement en a amplement pour son argent avec les sommes qu'il met sur la table et les réalisations des groupes. Les groupes se sont mis en place pour trois éléments: la prestation de services directs, l'éducation populaire et l'articulation d'un ensemble de revendications qui forment l'enjeu politique de l'engagement citoyen. En fait, il faut se rappeler que les groupes ont essentiellement revendiqué que l'État assume son rôle et n'ont jamais demandé à assumer le rôle de l'État. En fait, les groupes ont largement compris depuis longtemps qu'ils répètent qu'ils ne veulent pas être les sous-traitants à rabais des services publics. Ils savent que 1 000 dévouements admirables ne vaudront jamais une bonne politique sociale.
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(11 h 20)
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Enfin, on invite le gouvernement à relire la Déclaration de Jakarta qui précise l'importance des déterminants de la santé ? les conditions de logement, de revenus, l'émancipation des femmes, la justice sociale ? pour faire le lien et voir que, les groupes, c'est précisément sur ces questions-là qu'ils travaillent, donc ils travaillent sur les grands déterminants de la santé.
On ne peut pas s'empêcher non plus de constater que le Parti libéral est en flagrant délit de contradiction. D'une part, vous vous apprêtez à adopter le projet de loi n° 9 au nom de la démocratie, pour permettre les défusions municipales, et vous mettez de l'avant un projet qui imposerait des fusions aux établissements. Bien peu ont dit, autour de cette table, qu'ils étaient d'accord la semaine dernière. Nous, ce qu'on constate, c'est que la cohérence gouvernementale nous échappe à ce moment-ci. En fait, la Coalition identifie cinq conditions gagnantes pour faire une réforme qui permettra d'améliorer les services: un, un réinvestissement; deux, la mise en place de solutions qui ont fait largement consensus; le temps de faire la réforme, ce que nous n'avons pas eu beaucoup depuis le 11 novembre; l'appui des acteurs, des intervenants du réseau; et l'appui de la population.
J'aimerais faire le dépôt d'une déclaration commune que nous avons fait circuler. M. le ministre, en neuf jours seulement, nous avons eu l'appui de 1 280 organisations, personnes et personnalités. Nous vous remettons la liste complète des appuis. Je pense qu'il y a là-dedans de quoi vous demander avec qui vous pouvez faire la réforme.
La Présidente (Mme Charlebois): Je vais prendre connaissance du document, voir s'il est recevable. Et par ailleurs je profite du moment pour vous demander de vous adresser à la présidence, puisque...
Mme Pelchat (Marie): Ah, vos règles protocolaires, il faut dire qu'on est moins familiers. O.K. On retient.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va. Allez-y.
Mme Pelchat (Marie): Dans ce sens-là, il y a 1 280 personnes du réseau, des organismes communautaires, des médecins, des dentistes, des chercheurs, des profs d'université et... Bon, bref, vous regarderez la liste, c'est impressionnant, tous les gens qui demandent le retrait parce que le projet, dans sa forme actuelle, n'a pas donné suffisamment de garanties qu'il permettrait d'améliorer, oui, la continuité des services, mais la qualité et la quantité des services aussi.
Nous ne demandons pas le retrait pour le retrait. Parce que 1 200, 1 300 signataires qui le disent, c'est une invitation plutôt à un geste d'humilité de la présidence de la commission et du gouvernement en place. Parce qu'il faut avoir beaucoup d'humilité et de grandeur pour reconnaître que ça n'a pas été dans le sens souhaité. Nous souhaiterions plutôt qu'on nous dépose quelque chose où il y aurait, d'une part, des réinvestissements, ce qui nous permettrait d'atteindre rapidement la moyenne canadienne, ce qui veut dire 2 milliards dans le prochain budget Séguin, un investissement dans les services sociaux et médicaux en CLSC, la prévention et les services à domicile, des services accessibles 24/7 dans les CLSC, des réinvestissements qui seraient possibles si on cessait l'hémorragie du côté des médicaments. Nous demandons plutôt une médecine de prise en charge où les médecins seront vus comme contribuant aux services publics et non pas comme des entrepreneurs libres de choisir leur lieu et leur temps de pratique. Nous croyons qu'une des garanties d'avenir serait aussi de regarder très sérieusement, monsieur... Bien là c'est parce que c'est lui qui l'a dit au moment de la grève de la FMSQ, de regarder la fin du paiement à l'acte et de favoriser plutôt d'autres modes de paiement qui favorisent plus une médecine multidisciplinaire, de prise en charge.
En fait, quand on regarde ces solutions-là, on pense qu'avec ça il y a moyen d'aller de l'avant et à court terme. Ce qu'il est urgent de réseauter, ce sont les services médicaux et les services sous la coordination des CLSC pour s'assurer que dans toutes les régions du Québec il y a effectivement une première ligne sociale et médicale forte. Merci, monsieur... Merci, madame. Ha, ha, ha!
Document déposé
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, Mme Pelchat. Alors, votre document est déposé, et une copie sera disponible aux parlementaires de la commission. Maintenant, on est à l'étape de 15 minutes pour l'échange avec la partie ministérielle. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Pelchat. Merci, madame, pour votre visite aujourd'hui. J'ai écouté avec attention vos remarques. Il y a plusieurs choses qui, malgré ce que vous pourriez penser initialement, nous rapprochent et sur lesquelles on s'entend très bien, puis je veux essayer de les énumérer au cours de ma réponse et de mes questions autant que les points qui sont peut-être plus difficiles entre nous.
D'abord, la vision qui sous-tend ce projet de loi est la même que celle qui vous avait été expliquée en juillet et qui a été développée pendant la campagne électorale et auparavant. Elle s'inscrit dans la continuité également de travaux tels que la commission Rochon, que la commission Clair. Puis je vous réfère particulièrement à la recommandation 33 de la commission Clair, que vous pourrez voir avec intérêt, sur la façon, justement, dans le but de renforcer les services de première ligne autant en santé qu'en services sociaux, la façon de réorganiser la gouverne des territoires puis de confier la responsabilité de la population à une entité définie. Et je pense que vous allez trouver ça fort intéressant parce que la continuité, elle est là.
Quand on dit: D'où vient le projet de loi? bien, il vient de longtemps. Il vient de Rochon, il vient de Clair puis il vient des constatations du milieu, qui sont essentiellement les suivantes, c'est qu'on a besoin d'un réseau de soins de santé et de services sociaux qui fonctionne de façon plus intégrée, où, la personne, le citoyen ou la citoyenne, on l'aide à cheminer dans ce réseau-là qui est très complexe, passer d'un niveau de soins à l'autre, passer d'un type d'organisation à l'autre, sortir enfin de cette logique d'établissement où on tend à considérer les gens selon qu'ils appartiennent à une clientèle de CLSC, une clientèle d'hôpital, une clientèle de CHSLD, alors qu'on oublie continuellement que c'est la même personne puis c'est la même clientèle qui chemine d'un endroit à l'autre et que notre responsabilité comme gouvernement, c'est de l'amener à passer d'un milieu à l'autre avec le plus de souplesse possible et autant que possible dans le souci de la continuité.
Et, effectivement, il y a des exemples utiles qui ont pris jour partout au Québec, surtout dans les régions, on l'a bien noté. Chaudière-Appalaches, la Matapédia, Laurentides, il y a plusieurs exemples où partout les gens nous disent qu'ils ne reviendraient jamais en arrière, que la continuité des soins, la qualité des soins à la population a été grandement, je dirais, améliorée. Et j'ai eu moi-même l'occasion de voir les résultats concrets sur le terrain, de ces approches-là où, par exemple, la personne âgée est prise en charge par la même équipe. Que ce soit au niveau des soins à domicile, que ce soit au niveau d'un passage bref au centre hospitalier ou de l'accès aux ressources d'hébergement, c'est la même personne qui accompagne... la même équipe pourtant qui accompagne la personne tout le long de son cheminement. Et, en utilisant cette méthode-là, on va au-delà de ces barrières d'établissement et d'étiquette qui à mon avis constituent un des grands verrous de notre système de santé, avec... Je dirais: Les deux autres sont le sous-financement ? puis là je vous rejoins là-dessus ? le sous-financement chronique des dernières années qu'on va essayer de corriger, deuxièmement, la rigidité dans l'organisation du travail, troisièmement, le manque d'intégration des différents acteurs sur le milieu puis le fait que le citoyen est toujours obligé de se démêler dans un labyrinthe sans fin.
Pour ce qui est des missions CLSC, évidemment je prends connaissance avec intérêt des références que vous nous donnez, et, nous, on a plutôt accès, je dirais, selon les informations qu'on possède et qu'on est en train de développer, à une constatation opposée, c'est-à-dire que non seulement la mission CLSC...
Lorsqu'on regarde la mission cardinale du CLSC, qui est les soins de première ligne, les soins à domicile, les missions sociales, la protection de la jeunesse, ce genre de missions là, dans la grande majorité des cas sinon la totalité des cas où il y a eu des regroupements avec d'autres missions ? et là on est d'accord qu'on parle de milieux régionaux avec des territoires mieux définis, puis je vais revenir là-dessus tantôt ? non seulement ces missions-là, ce «core», en anglais, ou ce centre de la mission du CLSC n'a pas été affaibli, mais, au contraire, de façon relative, son poids a augmenté dans l'effort financier de l'établissement, et ça, les données sont absolument intéressantes à ce sujet-là, et, moi-même, je suis surpris quand je les vois émerger, parce que ça va contre les idées reçues. On se dit: Écoutez, on s'attendrait au contraire. Mais non, c'est le contraire qui se passe. Même que, si on regarde le pourcentage de ces missions centrales par rapport à la mission globale des établissements, dans les CLSC isolés, on a tendance à un affaiblissement des missions centrales de CLSC en termes d'efforts concrets, tandis que c'est le contraire qui se passe dans les établissements regroupés.
On parlait tantôt d'aller au-delà des logiques d'établissement et de certaines façons dont a pris l'habitude de procéder dans le réseau. Et là ma remarque ne s'adresse pas à vous personnellement, Mme Pelchat, ni à votre organisation, mais j'entends des remarques du style: Bien là c'est hospitalocentriste, puis on n'est quand même pas pour s'occuper de réduire les temps d'hospitalisation. J'ai même lu dans un article qu'un groupe s'offusquait du fait qu'on allait aider à désengorger les urgences. Je trouve ça un peu bizarre, là, tu sais. Honnêtement, c'est qui qui engorge les urgences? C'est qui qui est dans le corridor des urgences? C'est notre population, la population dont on a tous ensemble la responsabilité. Ce n'est pas une population différente, pour l'hôpital, du CLSC, du CHSLD. C'est justement, comme vous le dites très bien, en renforcissant la première ligne, en renforcissant ces soins de proximité là qu'on va aider les gens à avoir besoin de soins hospitaliers à moindre fréquence puis à moindre densité. Et, moi, je regrette toujours ce genre de raisonnement là qui nous montre encore à quel point on a besoin de sortir de cette logique d'établissement ou cette étiquette d'établissement dans notre réseau de santé.
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(11 h 30)
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Vous énoncez vos préoccupations pour le privé, vous savez que je les partage. On a échangé là-dessus en bas, j'ai écrit là-dessus avant même de poser ma candidature comme député à l'Assemblée nationale. Je vous donnerai la référence, si vous le voulez. Votre constat que dans beaucoup d'expériences internationales le privé a cannibalisé le public, autant pour les ressources humaines que les ressources financières, est tout à fait exact. Il y a beaucoup d'exemples comme ça et il y a une façon beaucoup plus créative et utile de mettre ce secteur-là à contribution. Je vous rappelle qu'au Québec on a actuellement, grosso modo, vous le savez certainement, environ 30 % des dépenses en santé qui sont actuellement faites par le secteur privé aux dépens du secteur public.
Vous avez parlé brièvement des quatre conditions qu'on a établies pour le recours au service privé. Je crois utile de les rappeler parce que la plupart des gens peut-être dans l'assistance ou qui nous écoutent ne sont pas au courant de ces quatre conditions-là, alors qu'on en avait parlé lorsqu'on s'était rencontrés en juillet. Je vais donc les répéter. Première de ces conditions: c'est qu'il n'y ait pas de contribution directe de l'usager, donc que le service pour l'usager soit gratuit, puisqu'il le paie déjà à même ses impôts; deuxièmement, que le coût du service qu'on nous demande, au gouvernement, de rencontrer dans le secteur privé doit être égal ou moindre à ce qui se fait déjà dans le secteur public; troisièmement, qu'il n'y ait pas d'autoréférence. Le but de ça est très clair, c'est pour empêcher des conflits d'intérêts où la personne pourrait, par des voies détournées, se voir diriger de façon préférentielle vers des cliniques privées plutôt que vers le réseau public. Donc, on croit que c'est l'établissement ou la région qui doit diriger les gens, au besoin, lorsque c'est utile de le faire, vers des ressources de type privé, avec les deux autres principes que j'ai donnés auparavant.
Et enfin, il ne doit pas y avoir de capacités non utilisées dans le réseau public. Je vous donne un exemple. Si quelqu'un décidait de faire faire des opérations dans une clinique privée puis ferme deux salles d'opération dans son hôpital après ça, ce n'est pas tellement utile de faire ça. Il faut au contraire préserver et multiplier les ressources qu'on a dans notre réseau public, et je pense que ça, c'est très important.
Évidemment, on est d'accord avec la nécessité d'un réinvestissement. Alors, on ne refera pas l'historique, je l'ai regardé avec intérêt au cours des derniers mois, l'historique des investissements des dernières années en santé et services sociaux, et il y a beaucoup de leçons à tirer de là. Je ne prétends pas qu'on fera les mêmes erreurs, certainement, et on a commencé cette année à réinvestir de façon, je dirais, assez considérable.
Dans la dynamique que ce projet de loi entreprend, là-dedans il y a le fait de permettre aux régions d'émerger ou de proposer les modèles qui leur sont les plus compatibles avec leur réalité, parce qu'on a entendu plusieurs fois depuis le début de la commission, on a entendu l'évidence que tous connaissent, c'est qu'on ne peut pas comparer un milieu rural, compact, homogène, peu mobile avec un milieu urbain où les gens sont très mobiles, passent d'un secteur à l'autre. Et je dois vous dire qu'on est très sensibles à ces représentations-là et qu'on est en train de travailler sur des modifications, je pense, assez significatives qui vont nous permettre de bien refléter cette différence-là.
Je vais terminer mes remarques d'introduction avec les groupes communautaires. Ils sont venus nous voir ici. On a dit de façon ouverte qu'il n'était pas question de revoir leur statut autonome, ce n'était pas du tout comme ça qu'on les voyait. Maintenant, vous avez parlé de façon intéressante de la nécessité, ou de votre proposition d'établir une première ligne unifiée sous la direction du CLSC. Je suis d'accord que ça revient à Castonguay, à l'époque, quand les CLSC ont été conçus, et je pense qu'il y a du bon là-dedans, dans cette idée-là. Mais comment est-ce que vous voyez ça en pratique, compte tenu du fait qu'actuellement 80 % des gens rentrent dans le réseau de la santé et des services sociaux souvent par leur médecin de famille, donc à l'écart du CLSC ou parallèlement au CLSC? Comment est-ce que vous pensez qu'on devrait opérationnaliser, si vous me permettez le terme technique, là, cette idée d'une première ligne unifiée sous la direction du CLSC, compte tenu de la présence des cabinets de médecins, compte tenu de la présence, par exemple, de psychologues en pratique privée, là, dans le réseau, qui peuvent voir des problèmes sociaux également de leur côté sans qu'il y ait nécessairement de lien avec le CLSC? Alors, comment est-ce que vous voyez ça en pratique, cette première ligne unifiée sous la direction du CLSC?
La Présidente (Mme Charlebois): Mme Pelchat.
Mme Pelchat (Marie): Bien, premier commentaire, M. Couillard parlait que ça avait renforcé la première ligne. Nous avons en main, et on n'a pas eu grand temps pour faire une recherche exhaustive, là, on s'entend, mais nous avons en main trois situations où ce n'est pas ça qui s'est passé. Quand on regarde dans le Centre de santé du Pontiac, la part relative à la mission CLSC a diminué entre 2000-2001 et 2001-2002, avec comme conséquence qu'il y a un écart important entre les deux années. Dans le Réseau Santé Kamouraska, c'est la mission hospitalière et principalement les médicaments qui ont occasionné des dépenses, et tous les secteurs ont été appelés à renflouer le déficit. En Estrie, dans le Carrefour de santé de Val Saint-François, le déficit, encore là, est largement attribuable à la mission hospitalière, et ça s'est traduit par des coupures de services de 120 heures par semaine, des services d'auxiliaires familiales, ça s'est traduit par une diminution des heures d'organisation communautaire, des coupures dans le programme Jeunesse, dans les services de diététique. Les interventions sociales ont changé, c'est devenu maintenant de l'intervention uniquement individuelle, et les quelques réinvestissements qui ont été faits étaient destinés aux jeunes parents.
Donc, on a, nous, depuis vendredi matin, avec toutes les difficultés que ça pose, réussi à documenter trois cas, et on nous dit qu'il y en a d'autres. Donc, c'est sûr que ça dépend à qui on pose la question, mais je pense qu'il y a là un élément de réponse. Mais on a trois cas quand même bien documentés sur lesquels la preuve du contraire est faite.
La Présidente (Mme Charlebois): Mme Matte veut dire un mot?
Mme Matte (Isabelle): Oui. J'aimerais ajouter un élément de réflexion. On n'est pas dans un contexte où la mission des CLSC est actuellement très bien protégée et en croissance, on est plutôt dans un processus déjà enclenché de perte de mission de CLSC. Depuis le virage ambulatoire puis depuis la loi antidéficit, les CLSC exercent une pression énorme. C'est-à-dire, les centres hospitaliers exercent une pression énorme sur les CLSC et ils transfèrent rapidement des patients vers les domiciles. Régulièrement, il arrive que les centres hospitaliers ne respectent pas les transferts, les protocoles de transfert interétablissements, les transferts des patients qui ne sont même pas stabilisés. Cette pression-là a fait que partout les CLSC au Québec ont dû y mettre énormément de ressources dans tout ce qui était soins postopératoires. Et ils ont financé comment ces ressources-là parce que les argents ne sont pas venus suffisamment, là, pour faire face à la demande? Alors, beaucoup de CLSC ont coupé des services à la jeunesse, ont coupé des services dans leurs équipes scolaires, par exemple, ont coupé des services en santé mentale, ont coupé des services aussi au niveau de la clientèle, ce qu'on appelle, nous autres, les patients chroniques au niveau des gens qui sont en perte d'autonomie, ont dû financer les gens en postopératoire. Alors, il s'est fait un transfert de mission incroyable depuis les dernières années, ce qui fait que la moitié des budgets actuellement dans les CLSC au Québec va aux soins à domicile.
Dans ce contexte-là, abolir les conseils d'administration, la place des citoyens dans les CLSC, abolir aussi l'établissement qui peut promouvoir le mandat, la mission des services préventifs et communautaires en première ligne... C'est très, très, très périlleux de confier ça à une structure unifiée qui, avec le contexte de sous-financement, va vouloir éponger ces déficits-là en pompant les services dans les CLSC.
Puis actuellement, M. le ministre, vous avez dit que, dans les centres de santé, bon, on a vu qu'il y a des expériences où ça n'a pas été très, très heureux, mais il y avait quand même des conditions qui faisaient que c'était plus facilement, là... moins périlleux. Premièrement, c'étaient des CLSC minoritaires, des centres de santé minoritaires par rapport à l'ensemble de la structure des CLSC au Québec, avec des très petits centres hospitaliers, ce qui n'est pas le cas, là, dans plusieurs régions au Québec. Il y avait une structure CLSC aussi qu'il restait, les établissements CLSC, pour revendiquer cette mission-là de prévention et toute la mission sociale des CLSC, et il y avait des gens dans les conseils d'administration des CLSC qui étaient là en place pour revendiquer ces structures-là. Alors, nous, nous, on n'est pas très, très étonnés que les seuls qui se sont prononcés en faveur de ce projet de loi là, c'est les centres hospitaliers, qui y voient tout à fait leur compte.
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(11 h 40)
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Mme Pelchat (Marie): Pour répondre au deuxième volet sur la première ligne unifiée, il y a des a priori à une première ligne unifiée. Il y a une remise en question du paiement à l'acte qui favorise plutôt une médecine fast-food qu'une médecine de prise en charge. Il y a un plan de répartition des effectifs médicaux. Dans certains quartiers de Montréal plus défavorisés, il y a actuellement disette de médecins, alors que, dans des quartiers plus favorisés, les médecins ne manquent pas. Donc, il y a un problème de répartition non pas juste entre les régions, mais dans les régions aussi, et il devrait y avoir un plan de répartition qui soit équitable pour l'ensemble de la population.
À partir de là, il devrait y avoir des liens, des corridors, des intervenants pivots. Nous favorisons beaucoup plus, dans notre mémoire, l'approche d'intervenants pivots, l'approche où ce sont les intervenants qui se rencontrent plutôt que les C.A. qui sont unifiés. Nous pensons que c'est plus garant d'avenir et que ça permettrait d'établir les liens. Mais il est clair qu'on ne doit pas renforcer, au Québec, la médecine entrepreneuriale.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, Mme Pelchat. Maintenant, nous en sommes aux 15 minutes d'échange. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, porte-parole en matière de santé de l'opposition officielle.
Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Je vous souhaite une bonne journée à titre de présidente de la commission.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci.
Mme Harel: Alors, Mme Pelchat et Mme Matte, vous avez recueilli, nous dites-vous, en quelques jours... En fait, neuf jours, nous avez-vous mentionné?
Mme Pelchat (Marie): La liste des signataires de la déclaration commune, c'est en neuf jours.
Mme Harel: Et donc, il y a 800, je pense, un peu plus de 800 organismes à travers le Québec dont nous avons la liste. Ce sont des organismes qui se sont mobilisés sur le projet de loi n° 25 plus particulièrement que sur le projet de loi n° 30 ou sur les deux.
Mme Pelchat (Marie): En fait, la déclaration commune porte uniquement sur le projet de loi n° 25, bien que nous soyons conscients des liens qui existent entre les deux, et ce sont les instances de ces 836 organismes là qui ont pris des résolutions demandant le retrait du projet.
Mme Harel: Le ministre a parlé tantôt... C'était, je crois, la troisième fois, là, au dire de mes collègues, qu'il parle d'étude, de résultats préliminaires d'étude, et je crois que je vais lui demander, en vertu du règlement, puisque cette étude est suffisamment avancée pour qu'il en parle... et qu'il en parle d'une manière assez précise, là, comme il l'a fait tantôt. On retrouvera ça dans les galées, mais, au minimum, là, pour le bénéfice des membres de la commission, je vais lui demander de déposer cette étude préliminaire, à défaut de quoi on n'a aucune étude pour démontrer ce qu'il prétend.
La Présidente (Mme Charlebois): Est-ce que...
M. Couillard: Bien, il s'agit de documents de travail en cours d'élaboration, Mme la Présidente, qui ne sont pas prêts à être déposés, mais, lorsque ce sera complété, on se fera un plaisir de le disséminer.
Mme Harel: Alors, vous vous rendez compte, lorsque ce sera complété, ça signifie après l'adoption sans doute d'un projet de loi qui a été déposé à la date précise du 12 novembre, et qui n'a été appelé en commission parlementaire, pour entendre les groupes, que la semaine dernière, et qui n'a même pas encore été appelé pour discussion à l'Assemblée. Et nous sommes à, quoi, 12 jours, 13 jours, même pas, en fait, en termes parlementaires, nous sommes à quelques jours de l'ajournement de Noël. Alors, j'aurais souhaité que le ministre accepte de déposer ce document qu'il cite souvent et qui n'a pas de fondement, finalement.
Les fondements, c'est ceux que vous nous apportez ce matin, les trois exemples qu'avec les moyens du bord vous avez identifiés comme ayant connu un certain transfert du médical... du social, plutôt, à l'inverse, vers le médical, et ça confirme dans la réalité ce que l'Association des CLSC et CHSLD, à la page 33 de leur mémoire, mentionnait ici la semaine passée, à savoir que, de toutes les provinces canadiennes, c'est au Québec que la proportion des dépenses publiques de santé consacrées aux hôpitaux est la plus élevée, puisque, en 2003-2004, il s'agit de 50 % de la proportion de dépenses par rapport à la santé qui est consacrée aux hôpitaux, alors qu'en Ontario c'est 40 % et en Alberta, 41 %, Colombie-Britannique, 37,5 %, alors que, au Québec, je le rappelle, c'est un peu plus de 50 %.
Et, dans leur mémoire, l'Association des CLSC et CHSLD faisait valoir que, tel que rédigé, on pouvait conclure à 22 possibilités de fusion avec des établissements de grande taille, des établissements hospitaliers qui comptaient, par exemple, 100, 200 lits de courte durée ? ce sont des budgets d'environ 50 millions, alors que, les CLSC, la moyenne des budgets, c'est 7 millions ? mais que, pour ces 22 centres hospitaliers qui, à travers le Québec, étaient susceptibles, une fois le projet de loi adopté, d'être regroupés avec des CLSC, ils avaient, en date du 31 mars, un déficit accumulé de 70 millions de dollars. Et la question qui était posée, c'est: Comment ne pas s'inquiéter de tout cela? disait l'Association des CLSC et CHSLD.
Ça va dans le sens de votre propos ce matin. Comment ne pas s'inquiéter de ces transferts? Et le ministre ne les légitime pas, parce qu'il dit qu'ils n'auront pas lieu. Mais il nous cite des études qu'on n'a pas vues. Alors, comment, comment... C'est impossible... En langage parlementaire, quand on croit aux études qu'on cite, on les dépose. Alors, comment assurer la continuité des soins? Parce que c'est ça, la vraie question. Parce que c'est prétendument pour assurer la continuité des soins. Alors, comment assurer...
Vous avez parlé d'intervenants pivots. Ça m'a fait penser à un service intégré des personnes âgées, le SIPA, qui a été un grand succès sans qu'on brasse les structures. Cette continuité des soins, comment est-elle possible? Comment l'est-elle avec les médecins qui... Parce qu'une continuité des soins sans les médecins, ça vaut quoi? Et les médecins, finalement, c'est facultatif, leur adhésion. Il n'y a rien d'autre, dans l'énumération qui est faite dans la loi, que celle de médecins, économie sociale, organismes communautaires. Tout ça est finalement dans le même alinéa. Alors, comment vous l'envisagez, vous, la continuité des soins?
La Présidente (Mme Charlebois): Mme Pelchat.
Mme Pelchat (Marie): Je dirais qu'il y a trois éléments qui nous préoccupent. La continuité est un des problèmes auxquels est confrontée la population. L'autre problème, c'est la quantité de services publics. Il y a des gens sur des listes d'attente, et pas rien que dans les urgences, dans les services à domicile, pour des services sociaux. Il y a des gens qui se font d'abord demander quasiment leurs déclarations d'impôts avant d'avoir accès à des services. Et là on n'embarque plus. Dans ce sens-là, pour nous, il faut toujours garantir une qualité de services, garantir une continuité lorsque nécessaire, mais garantir une quantité suffisante de services. À cet égard-là, pour nous, une première ligne unifiée, c'est de dire, comme on le dit dans notre mémoire, des services en CLSC 24/7, sociaux et médicaux, par une équipe multidisciplinaire.
La question que vous abordez est soulevée aussi à la page 16 de notre mémoire quand on dit: On dépense énormément dans l'hospitalier au Québec, comparé à d'autres provinces, alors que nous sommes les seuls à avoir un réseau social et médical. On ne comprend pas comment on peut se retrouver à si peu y croire, finalement, dans cette première ligne là. Et on n'a pas de preuves... Les preuves qu'on a, en fait, sont à l'effet que ça viendrait affaiblir le communautaire, le social, le préventif. On dit: Dans trois ans, on va-tu revenir en commission parlementaire avec un chiffre où ça va avoir passé de 51 % à 55 %? Elle est là, l'inquiétude.
Et, si le projet était fondé, bon, oui, il y aurait peut-être des études qui nous en convaincraient. Nous n'en avons pas vu. Mais nous avons aussi consulté le site du ministère de la Santé pour voir que même sur le site Internet la population y croit peu. Bien qu'il y ait peu de répondants, il y a quand même les deux tiers qui disent qu'ils y croient peu. Donc, il reste un effort pour faire la preuve à la population qu'il y a quelque chose de cette nature-là qui pourrait marcher. En tout cas, les preuves ne sont pas sur la table.
Mme Harel: Mme Matte?
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(11 h 50)
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Mme Matte (Isabelle): Oui. Je voudrais ajouter quelques éléments. Quand on parle de continuité des soins, on y est, pour la continuité des soins. Mais, où elle ne se fait pas actuellement dans le réseau en première ligne, elle ne se fait pas pour les gens qui n'ont pas accès à un médecin de famille ou qui ont un médecin de famille qui n'exerce pas cette médecine de prise en charge là. Parce que, dans les CLSC, les gens sont pris en charge. Il y en a, des intervenants pivots, c'est une pratique qui est généralisée à travers le Québec. Donc, ce n'est pas la clientèle qui est actuellement suivie dans les établissements publics qui pose un problème, c'est ceux qui n'ont pas accès à un médecin de famille et ceux qui ont un médecin de famille qui n'exerce pas cette prise en charge là, ce à quoi le projet de loi n° 25 ne s'attarde pas. Il faut faire en sorte... Et là on inviterait le ministre à faire en sorte de travailler pour que la population ait accès à ces médecins de famille là et que les médecins de famille ? on va se le dire, c'est eux qui travaillent en silo, hein ? que les médecins de bureaux privés travaillent avec les autres établissements de santé et que vous fassiez en sorte que ce soit une nécessité qu'ils travaillent en collaboration.
Mme Harel: Cette semaine, en fait samedi, en fin de semaine, dans le journal La Tribune, il y avait une lettre ouverte de la communauté médicale de l'Estrie qui souhaite du ministre un cadeau de Noël ? ils le disent comme tel ? pas pour eux mais pour la population de l'Estrie. Nous sommes prêts, disent-ils. Et, depuis bientôt six mois, quatre groupes de médecins de famille sont en attente d'accréditation. Et ils rappellent que ces groupes de médecins de famille visent à désengorger les urgences des hôpitaux. Ils donnent accès à la population à des soins de première ligne en tout temps dans les cliniques médicales.
Quoi que l'on puisse en penser, il reste que le groupe de médecins de famille a un lien direct avec les CLSC par le biais des infirmières et par la nécessité de concertation. C'est quand même étonnant d'entendre parler de continuité de soins et d'entendre parler de réinvestissement alors que la première chose que le ministre a fait cet automne, c'est de stopper la certification de 39 groupes de médecins de famille qui à travers toutes les régions du Québec seraient prêts immédiatement à donner les services pour assurer la continuité des soins en dehors des urgences d'hôpitaux.
Vous étiez au colloque de l'Association des CLSC et CHSLD, Mme Pelchat. Vous étiez sur un forum. Il y avait là la directrice de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont, mais il y avait aussi M. Rochon, M. Clair, M. Castonguay, et, malheureusement, le ministre n'y était pas. On a le droit de noter son absence dans un colloque, pas ici, au parlement. Mais est-ce que vous pensez que le message qui a été envoyé par M. Rochon, ou M. Clair, ou M. Castonguay en était un de brassage de structures? Moi, au contraire, l'impression que j'ai eue, c'est qu'ils ont mis en garde le ministre. Quand il cite le rapport Clair, il faut aller jusqu'à la fin. Le même article 33, ou clause 33, qu'il cite dit de ne faire ces regroupements que sur une base volontaire. Alors, il faudrait que le ministre accepte de le citer au complet. Mais qu'en est-il des conclusions que vous avez tirées de ce colloque qui a quand même réuni 500 personnes à Montréal?
La Présidente (Mme Charlebois): Mme Pelchat.
Mme Pelchat (Marie): Bien, je pense qu'il y avait un assez large consensus pour dire que les établissements, les centres de santé où il y a eu... se sont faits dans des territoires immenses avec peu de population et que dans certains cas ça pouvait être une formule adaptée. Je pense que ces gens-là ne souhaitaient pas revenir. Mais, pour la majorité à la fois des gens dans la salle, la majorité des gens qui ont pris la parole, ils arrivent au même constat: le brassage de structures, ce serait le quatrième en 10 ans. Ce n'est pas la priorité. La priorité, elle est à la consolidation des services. Je retiens de ce colloque-là ce qu'on doit retenir, et, dans le fond, quand on fait la liste des cinq conditions gagnantes, elle est non seulement basée sur le bon sens, mais également le reflet aussi des préoccupations des gens qui étaient là.
Mme Harel: Je voudrais... Oui.
La Présidente (Mme Charlebois): Il reste... à votre échange.
Mme Harel: Je voudrais vous les laisser pour que vous puissiez faire la conclusion à cette présentation.
La Présidente (Mme Charlebois): Mme Pelchat.
Mme Pelchat (Marie): J'inviterais la commission et particulièrement la partie au pouvoir, celle qui va avoir la majorité, à ne pas adopter le projet de loi, à aller avec une consultation large. Je vous dirais que, dans la liste d'appui que nous avons déposée, nous n'avons jamais sollicité des citoyens et des citoyennes, et pourtant on a reçu 500 courriels de personnes qui désiraient signer. Je pense qu'on ne peut pas faire une réforme pour la population sans la population. Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Il reste une minute, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, si vous avez toutefois une autre question.
Mme Harel: Non, en une minute, ce serait difficile.
La Présidente (Mme Charlebois): C'est court.
Mme Harel: Peut-être simplement, sur Montréal, sur Québec, sur la Montérégie, dans les milieux urbains, qu'elles soient de villes ou de banlieues, est-ce que les représentations qui vous ont été faites sont à l'effet que ce serait même inapplicable dans ces milieux-là?
La Présidente (Mme Charlebois): Mme Matte.
Mme Matte (Isabelle): Merci. Tout à fait. C'est inapplicable. Les CLSC, par exemple, à Montréal doivent faire affaire avec à peu près une vingtaine de centres hospitaliers différents, avec des centres de réadaptation, et tout ça. Donc, fusionner avec un seul centre hospitalier, ça ne règle pas du tout le cas de tous les autres établissements, et fusionner avec un CHSLD non plus, parce qu'il y a une structure à Montréal qui fait qu'il y a une liste d'attente, et les gens d'un secteur ne sont pas nécessairement hospitalisés dans le CHSLD de leur secteur, mais il y a une liste de priorités à Montréal, et, selon la gravité de la situation, les gens sont envoyés, selon leur priorité, dans le CHSLD de l'île de Montréal.
Mme Harel: ...quartiers entiers qui n'en ont pas, de CHSLD.
Mme Matte (Isabelle): Mais il y en a qui en ont plusieurs.
Mme Harel: Parc Extension... Oui, c'est ça, il y a des concentrations.
La Présidente (Mme Charlebois): Alors, je m'excuse, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: C'est terminé?
La Présidente (Mme Charlebois): Oui.
Mme Harel: Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Oui. On est même un petit peu dépassé. Merci, Mme Pelchat, merci, Mme Matte, d'être venues nous présenter votre mémoire. Alors, j'inviterais maintenant les gens qui représentent le groupe de Solidarité rurale du Québec à bien vouloir prendre place.
(Changement d'organisme)
La Présidente (Mme Charlebois): Bonjour, messieurs. Je vais vous permettre de vous présenter. Et je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire, qui sera suivie d'une période d'échange avec la partie ministérielle de 15 minutes et de l'opposition officielle de 15 minutes aussi.
Solidarité rurale du Québec
M. Proulx (Jacques): Merci bien, Mme la Présidente. Alors, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, je voudrais vous présenter mon vice-président, qui est avec moi, M. Jean-Pierre Fournier, qui en même temps est représentant des services de santé à Solidarité rurale du Québec.
Alors, en décembre 1995, Solidarité rurale du Québec, dont l'objectif est de promouvoir la revitalisation et le développement du monde rural, émettait une déclaration au sujet de la fusion des CLSC avec d'autres institutions de santé en milieu rural. Comme l'actuel gouvernement s'apprête à remettre sur la table le même scénario dramatique pour les communautés rurales avec le dépôt du projet de loi sur les agences de développement des réseaux locaux de services de santé et de services sociaux, il nous apparaît opportun, voire urgent de réitérer les préoccupations, les craintes et les revendications du monde rural en la matière.
Le projet de loi n° 25 déposé à l'Assemblée nationale par le ministre vise à créer des réseaux locaux de services en imposant la fusion administrative des CLSC, des CHSLD et des centres hospitaliers présents sur un même territoire. Le ministre justifie cette fusion forcée par le besoin de rapprocher les lieux de décision des citoyens dans toutes les régions du Québec. Nous comprenons très mal comment le gouvernement peut, d'une part, retirer leur autonomie aux CLSC ruraux et soutenir, d'autre part, vouloir rapprocher les lieux de décision des citoyens. Il y a là, selon nous, une contradiction majeure, surtout pour un gouvernement qui assure vouloir s'engager dans un processus de décentralisation et donner aux régions la maîtrise de leurs outils de développement. Contradiction et manque de vision.
Solidarité rurale du Québec s'oppose énergiquement à une telle fusion parce qu'elle ne tient pas compte des spécificités du monde rural et du rôle joué par les CLSC ruraux dans les communautés. Au surplus, le risque encouru par l'imposition de telles fusions est que les CLSC soient à toutes fins pratiques absorbés par les autres établissements qui ont des missions, des pratiques professionnelles et une approche moins communautaires, ce qui serait une très lourde perte pour le monde rural. Le risque est donc très grand de voir la fusion administrative des CLSC avec les autres institutions de santé menacer leur existence propre et, partant, la mission qu'ils remplissent dans le monde rural.
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(12 heures)
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D'une part, la taille des centres hospitaliers et des centres d'hébergement est beaucoup plus imposante, et leur poids dans les préoccupations des gestionnaires d'une administration centralisée pèsera très lourd en faveur de leurs propres priorités par rapport à celles des CLSC. D'autre part, leur mission axée davantage sur les soins curatifs, qui revêtent le plus souvent un caractère d'urgence, affaiblira graduellement la mission préventive et à plus longue portée des CLSC. De la même manière, les pratiques professionnelles centrées sur les individus domineront facilement les pratiques professionnelles davantage communautaires des CLSC, plus difficiles et plus lentes à produire leur effet mais combien avantageuses et rentables à long terme.
Nous le répétons donc haut et fort et le soulignons, les conséquences de la disparition des CLSC comme institutions autonomes seraient dramatiques pour le monde rural. Ce serait d'abord bien sûr l'affaiblissement de la mission de première ligne des CLSC et ses implications négatives sur ses activités de prévention et de promotion de la santé et du bien-être, sur ses services sociaux locaux et sur sa philosophie d'intervention axée sur le milieu de vie des gens. Les CLSC ont toujours été un lien immédiat avec leur milieu.
Ce qui serait affaibli sinon perdu, ce serait aussi le rôle d'intervenant majeur que joue le réseau dans le développement local par son action communautaire pour la dynamisation des communautés rurales. Cette dynamisation est essentielle pour créer des conditions nécessaires à une meilleure santé et une meilleure qualité de vie des citoyens et des citoyennes, principalement dans les régions les plus défavorisées. Or, les organisateurs communautaires des CLSC sont parmi les meilleurs agents de revitalisation des communautés rurales, et leur action devrait être amplifiée plutôt que minimisée.
Dans la même voie, ce qui serait certainement perdu à la longue est la collaboration privilégiée des CLSC avec les organismes communautaires du milieu, qu'on reconnaît de plus en plus parmi les meilleurs intervenants face à de nouveaux problèmes. Il est difficile d'imaginer que des administrations centralisées, fortement dominées par des praticiens traditionnels des soins de santé, puissent valoriser autant que les CLSC l'apport de ces organismes communautaires à la santé des citoyens et des citoyennes et à leur prise en charge collective. Le développement de solidarité dans la population soutenue par les organismes communautaires et les CLSC est une façon de pallier au désengagement de l'État dont les contours actuels peuvent soulever craintes et questionnements.
Enfin, la fusion des CLSC avec les centres hospitaliers entraînerait certainement une concentration des ressources matérielles et humaines développées au sein de ce réseau vers les villes-centres. Il s'agirait à nouveau d'une perte de vitalité pour les communautés rurales, avec ses conséquences sur la santé et la qualité de vie de leurs membres.
L'autre argument qui milite en faveur du retrait de ce projet de fusion réside dans le fait qu'il entre en contradiction avec le processus de décentralisation promu par l'actuel gouvernement et dont les premières grandes lignes, du point de vue structurel, sont connues dans le projet de loi sur le ministère du Développement économique et régional. Nous avons maintes fois réitéré que la décentralisation était une nécessité pour le monde rural et pour le développement local. Il s'agit d'une façon de revitaliser la démocratie locale en y créant des instances d'expression, de concertation et de décision avec les moyens nécessaires pour assurer le développement global des communautés.
La décentralisation implique le transfert de pouvoirs et de responsabilités du gouvernement central vers les instances régionales et locales, qui peuvent bien sûr être de taille variable. Mais, dans le contexte du monde rural québécois, il est contradictoire par rapport aux objectifs poursuivis par la décentralisation de faire disparaître les institutions qui ont été bâties avec les milieux, qui sont les mieux enracinées dans les milieux et qui ont des pratiques les plus communautaires au profit d'institutions beaucoup plus technocratisées et davantage orientées vers une action de type individuel. C'est à coup sûr non pas servir la démocratisation de l'exercice du pouvoir, mais bien plutôt la desservir.
En vertu de ce qui précède, Solidarité rurale réitère que le réseau des CLSC constitue un des meilleurs outils dont dispose le monde rural pour assurer la revitalisation et le développement de ses communautés locales et favoriser par là la santé et la qualité de vie de leurs citoyens et de leurs citoyennes, demande au gouvernement libéral de modifier son projet de loi en ce qui concerne la fusion des institutions de santé en milieu rural, compte tenu du risque de rendre les CLSC incapables de remplir leur mission dans le monde rural, voire de les faire disparaître, à terme, au profit d'institutions centralisées et plus loin des gens, et enfin demande au gouvernement de bien comprendre la spécificité des CLSC en milieu rural et de maintenir leur existence en tant que réseau d'institutions autonomes administrées par des conseils d'administration issus de leur milieu immédiat en vue de réaliser la mission qui leur est spécifique, de dispenser les services qui leur sont propres en valorisant une approche communautaire tant au plan de la gestion que de la dispensation des services.
Alors, voilà, Mme la Présidente, notre court mémoire qu'on a déposé et, comme je le disais au départ, qu'on avait déjà fait connaître lors d'une autre tentative semblable, en fait, vis-à-vis les CLSC.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. Proulx. Maintenant, je suis prête à reconnaître, du côté ministériel, pour un échange de 15 minutes...
M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Je vais commencer par quelques remarques, puis par la suite j'ai un collègue qui voudra également converser avec nos visiteurs. Merci, M. Proulx. Merci également, monsieur, pour votre visite aujourd'hui.
Évidemment, pour nous, ce projet de loi, ce qui est au coeur de ce projet de loi, c'est deux grands principes, d'abord la véritable intégration des services, qui en passant est inspirée par le monde rural. Les exemples de succès d'intégration, on les retrouve tous dans le monde rural. Il y a une quinzaine ? puis je pense que mon collègue ici va vous en parler d'un bien concret très près de chez lui ? il y a à peu près une quinzaine d'exemples de centres de santé dans le monde rural où le succès en termes d'intégration de services sociaux et d'intégration de services de santé est à toutes fins pratiques retentissant, où les citoyens bénéficient grandement de cette amélioration-là, où il y a un conseil d'administration représentatif du milieu qui est là, qui vient du milieu, qui n'a pas eu de déplacement du tout vers les villes-centres, dans aucun de ces cas-là. Mais je pense que mon collègue vous parlera d'une expérience vécue qui se passe également d'autres descriptions.
L'autre aspect, autre intégration, c'est la véritable décentralisation. Vous avez raison, c'est essentiel, la décentralisation. Mais c'est quoi, la vraie décentralisation? C'est donner au monde des régions puis des communautés les moyens pour mettre en place des ressources, utiliser des ressources pour arriver au résultat qu'on leur demande d'arriver sans être toujours derrière leur dos pour savoir comment faire, puis où donner l'argent, puis combien donner à un, puis combien donner à l'autre. Et cette véritable décentralisation, qui s'exprime en pratique par des enveloppes par programmes, puis une gestion par résultats, puis beaucoup d'autonomie des gestionnaires locaux, elle ne peut se faire que par l'intermédiaire d'une responsabilité de la population et d'un organisme ou d'une unification administrative qui gère cette enveloppe-là de façon responsable et, encore une fois, par un conseil d'administration représentatif du milieu. Je répète qu'au contraire, dans ces expériences dont mon collègue vous parlera, non seulement la mission de CLSC n'a pas été affaiblie, au contraire, elle a été renforcée dans à toutes fins pratiques tous les cas qu'on a pu examiner, qu'on est en train d'examiner actuellement.
Et je ne pense pas non plus qu'on devrait parler de disparition des CLSC. Je le répète, là, nulle part la terre ne va s'entrouvrir pour que le CLSC tombe dans les profondeurs d'un gouffre. Le CLSC va être encore là, il va continuer à donner ses services, mais de façon intégrée avec les autres constituants de ce réseau-là, parce que c'est le même monde qui va d'une place à l'autre. On a encore cette fâcheuse habitude de parler toujours de logique de type d'établissement, d'une population de CLSC, une population d'hôpital, une population de CHSLD, alors que c'est tout notre monde, c'est toute la même population qui va d'une place à l'autre et qui a besoin qu'on les guide là-dedans.
Je ne vois, personnellement, aucune contradiction, au contraire, avec le projet de loi n° 34. Je dirais que les deux démarches se sont inspirées l'une de l'autre. Qu'est-ce qu'il y a en commun là-dedans? C'est le but d'une véritable décentralisation; pas une pseudodécentralisation ou une parole de décentralisation, la véritable pratique de la décentralisation, avec les moyens puis d'autre part la géométrie variable.
Il y a une chose que ce projet de loi n'est pas, c'est un projet mur à mur. Chaque région aura la capacité de venir avec ses propositions qui tiennent compte de leur modèle, de leur réalité respective. Et, encore une fois, les conseils d'administration représentatifs seront maintenus.
Maintenant, vous avez bien parlé de la réalité rurale, puis c'est en grande partie notre inspiration. On est conscients que c'est différent de la réalité urbaine puis, pour la réalité urbaine, on a déjà en tête des modifications intéressantes qui vont pouvoir s'y adapter. Mais je suis personnellement ? et je ne suis pas le seul, puis on va céder la parole à mes collègues ? maintenant convaincu que c'est l'opposé qui se produit, que, s'il y a un milieu qui peut bénéficier d'une intégration comme ça, c'est bien le monde rural puis c'est bien les zones les plus éloignées du Québec. Alors, là-dessus, je vais peut-être céder la parole à mon collègue député.
La Présidente (Mme Charlebois): M. le député d'Arthabaska.
M. Bachand: Merci, Mme la Présidente. M. Proulx, M. Fournier, c'est un plaisir de vous voir à la commission. Je m'adresse à vous comme député mais ex-maire de la municipalité de Saint-Norbert-d'Arthabaska pendant 10 ans, membre de la FQM aussi et préfet de la MRC d'Arthabaska pendant plusieurs années. On s'est rencontrés. J'ai lu votre mémoire, M. Proulx. Honnêtement, je retrouve vos inquiétudes, mais je ne vous retrouve pas dans ce mémoire-là. Je ne sais pas les gens qui vous ont alimenté pour ce mémoire-là, mais, moi, je ne retrouve pas, comme ruraux et comme rural, l'intérêt de mon comté et vos mêmes préoccupations.
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(12 h 10)
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J'ai été en étroite collaboration et relation avec mes quatre directeurs généraux depuis deux semaines, depuis le début des commissions, parce que, moi aussi, j'ai une vive inquiétude, puis c'est important. Chez nous, dans Arthabaska, il y a une expérience d'intégration des services, et, M. le ministre peut confirmer ça, mes inquiétudes se soldaient à plusieurs reprises par d'excellents commentaires de sa part qui me rassuraient, et l'ensemble de ses collègues aussi, ce qui fait en sorte que la priorité, c'est vraiment l'intégration des services. Puis l'intégration des services pour nous...
Nous autres, l'Hôpital d'Arthabaska, là, c'est les Hospitalières qui ont mis ça en place, chez nous. Vous les connaissez sûrement. Donc, le CH, chez nous, c'est quelque chose d'important, ça fait partie de notre vécu, ça fait partie de ce qu'on a fait de mieux en région. Les deux directeurs généraux des CLSC, qui ont des vocations fort différentes aussi, un CLSC à Plessisville qui a une vocation plutôt... qui est multivocationnel, qui assure des services de première ligne mais d'autres services aussi, celui de la MRC d'Arthabaska, qui, lui, a une fonction beaucoup plus communautaire, beaucoup plus de prévention... Vous savez que les groupes communautaires chez nous ? je vous dis toutes des choses que vous savez, là ? que les groupes communautaires chez nous font partie intégrante des partenaires qu'on a au niveau de la santé et des services sociaux.
Tout ça pour vous dire qu'il y a une expérience chez nous qui fonctionne très bien en intégration des services, et ça a été fait par la mise en valeur de chacune des missions, et il n'est pas du tout question d'enlever ces missions-là essentielles des CLSC. Et mes directeurs généraux ne sont pas inquiets mais sont présents dans le débat, et, moi, je les rassure à ce niveau-là en leur disant: Écoutez, on fait en sorte qu'il y ait beaucoup d'écoute à la commission. C'est pour ça, à l'intérieur de la lecture de votre...
Moi, c'est drôle, hein, je n'ai pas de question, M. Proulx, à vous poser. Vous savez tout le respect que j'ai pour vous et l'ensemble du monde rural aussi, vous avez fait beaucoup de travail. Moi, c'est un peu drôle à dire, je suis sûr que les ministres... les propos du ministre, pardon, vous ont rassuré; enfin, je le souhaite. Mais, moi, je tiens à vous assurer que vous avez un allié de taille en ma personne et en celle du ministre pour faire en sorte que le monde rural soit écouté à cette commission-là. Et, je veux vous rassurer tout de suite, il n'est pas du tout question d'éliminer la position qu'ont actuellement les CLSC et le grand rôle qu'ils jouent dans les communautés rurales. Donc, je ne suis pas du tout mal à l'aise avec vos recommandations.
J'aurais cependant une question à vous poser, mais très rapidement. Je demanderais: Qui vous a alimenté pour faire en sorte que vous en arriviez... Mais je ne veux pas des noms, là. Quand je vous dis «qui», de quelle façon vous avez été alimenté pour en arriver à la conclusion qu'il y aurait éventuellement disparition des CLSC dans une mission d'intégration des services en milieu rural?
La Présidente (Mme Charlebois): M. Proulx.M. Proulx (Jacques): Bien, je vous répondrai sur ça que c'est votre projet de loi qui nous a alimentés. Je veux dire, on l'a lu. On l'a peut-être mal compris, et ça restera à faire la démonstration, mais on l'a lu. Il n'y a personne d'ailleurs qui nous a alimentés. On a pris connaissance de ça. Ça ressemblait beaucoup à l'autre tentative qui avait eu lieu sous un ancien ministre de la Santé, où on s'était opposés fortement, parce qu'il y avait eu une tentative. Et, encore aujourd'hui, quand...
Il faut faire attention. On ne critique pas qu'on doit donner des meilleurs services, qu'on doit avoir une meilleure dynamisation au travers de ça. Ce n'est pas ça qu'on conteste dans notre revendication. On conteste la fusion administrative, et ça, on a beaucoup de difficultés à comprendre ça dans le monde d'aujourd'hui. Parce que, moi, je ne veux pas parler de santé, je ne connais rien en santé. Mon vice-président pourrait vous en parler, là. Je ne vous parlerai pas de ça puis ce n'est pas ça. Le projet de loi n° 25, qu'est-ce qui nous agace, c'est la fusion administrative. C'est d'éloigner encore une fois des hommes et des femmes qui font beaucoup de bénévolat dans le milieu... de participer activement à l'amélioration de services, et particulièrement de services de proximité. C'est évident que les directeurs, ils vont être des directeurs d'hôpitaux, puis les directeurs, ils sont toujours d'accord avec ça. Bien sûr qu'ils sont d'accord avec ça, parce que ça vient améliorer... ils considèrent que ça vient améliorer leur façon de fonctionner. Mais arrêtons d'éloigner continuellement les citoyens des prises des décisions.
Quand on parle de la décentralisation, là, ce n'est pas de se redonner des structures puis dire: Ça va être meilleur là. Jusqu'ici, on ne l'a pas prouvé, dans aucun domaine, que c'était meilleur. La décentralisation, c'est de rendre davantage imputables les communautés. C'est ça, une véritable décentralisation. Puis une véritable décentralisation, ça se fait au niveau local. Et on mêle énormément aussi le local avec le régional, parce qu'on parle du régional comme étant le local trop souvent. Le local, puis ça a été reconnu par l'État du Québec, c'est la MRC. C'est ça, le local. C'est dans la Politique nationale de la ruralité et c'est de plus en plus... Vous l'avez endossée d'ailleurs comme parti politique. Nous autres, on est très partisans, on a accepté que le gouvernement local soit la MRC. Alors, partons de là quand on parle du local puis arrêtons d'appliquer ça n'importe comment à la grandeur du régional qui... Le régional ne veut rien dire, en fait, de moins en moins, aujourd'hui, parce que c'est administratif, le régional. Alors, vous avez de tout au Québec, vous avez des petites entités régionales puis vous avez des provinces entières régionales. On parle de la Montérégie, on appelle ça régional. On appelle Gaspésie?Les Îles des régionales. Moi, je vous dis que, à chaque fois que vous fusionnez un conseil d'administration, les décisions s'éloignent des communautés. Elles vont s'éloigner de la communauté, et ça, c'est humain, ça, hein? Ça ne peut pas faire autrement, parce que les décisions vont se prendre dans le milieu rural ? moi, je reste toujours dans le milieu rural ? alors que c'est 80 % du territoire, c'est 20 % de la population. Alors, vous voyez, ici, arrêtons d'avoir peur de rapprocher les gens et de les imputabiliser, en fait. Alors, c'est des conseils locaux qui vont gérer les premières lignes, les services de première ligne, et ainsi de suite, et ça, c'est important, et c'est pour ça...
Vous n'avez pas besoin d'un projet de loi pour fusion administrative. Enrichissez qu'est-ce qui existe à l'heure actuelle, et à partir de là on va s'entendre. On va toujours bien discuter sur quelle vitesse on y va, comment on y va, mais on va s'entendre. Mais, à chaque fois que vous parlez de fusion administrative, quelque gouvernement que ce soit, c'est toujours pour davantage mettre ça dans les mains des technocrates, les décisions qui se prennent avec toute la bonne volonté, encore une fois, mais qui ne répondent pas nécessairement... Oui, il y a des belles expériences, bien sûr que ça ne va pas si mal, et tout ça, partout, puis les problèmes que vous avez à l'heure actuelle puis qu'on a depuis fort longtemps au niveau des engorgements, puis ainsi de suite, on vit, je dirai, très peu de ça dans le milieu rural. Très peu. Oui, il y a eu des projets de mis en place, il y a des choses, mais donnons l'opportunité aux communautés locales de devenir davantage imputables à ce niveau-là.
La Présidente (Mme Charlebois): Mme la députée de Pontiac.
Mme L'Écuyer: Bonjour, M. Proulx, M. Fournier. Écoutez, je comprends vos inquiétudes, j'ai même vécu ces inquiétudes pour avoir participé à des fusions CLSC-CHSLD-CH en milieu rural dans une MRC. Ce que je réalise avec le recul: on est fusionnés depuis cinq, six ans, les CLSC sont devenus un incontournable. Je pense qu'il ne faut pas préjuger ou oublier que les CLSC sont là depuis 30 ans, très implantés dans leur communauté, très présents. Une fusion avec un CH qui, lui, est dans les murs n'enlève pas cette capacité d'intervention hors les murs. C'est deux dynamiques différentes. Mais c'est toujours le même client. Mais ce que j'ai réalisé avec le recul, c'est que le client qui a des services hors les murs et dans les murs bénéficie grandement d'une fusion en milieu rural de petites organisations qui étaient rendues à une étape où elles pouvaient difficilement survivre à cause des compressions budgétaires.
Dans votre mémoire, à la page 2, vous dites que vous avez une inquiétude quant aux pratiques professionnelles, parce que vous dites que les pratiques sont centrées beaucoup plus sur l'individu, si on parle d'un centre hospitalier ou d'un CHSLD, ce qui est tout à fait normal, et que le CLSC est beaucoup plus communautaire. J'aimerais ça que vous me décriviez un peu votre vision quand vous parlez des pratiques, là, en CLSC qui sont davantage plus communautaires.
M. Proulx (Jacques): Je demanderais à Jean-Pierre de répondre parce que c'est...
La Présidente (Mme Charlebois): M. Fournier.
M. Fournier (Jean-Pierre): Merci, Mme la Présidente. Alors, je vous dirais que, la pratique dans la ruralité, il y a deux choses, là, de très importantes. La première: les organisateurs communautaires; et la deuxième: les agents de développement local. Vous savez que nous avons, Solidarité rurale, la mission de la formation des agents de développement rural, et ces deux entités travaillent en lien sur le terrain, c'est-à-dire que, dans la ruralité, ces deux incontournables-là, je pense que c'est quelque chose qu'il y a de plus important, puis il faut les maintenir.
n(12 h 20)n Maintenant, quand vous parlez de la préoccupation par rapport à la pratique professionnelle, je vous dirais que la crainte que nous avons, c'est que ce n'est pas demain matin, là ? je vous dirais que c'est dans cinq ans, six ans, sept ans ou 10 ans ? qu'il y a une espèce de glissement de professionnels qui seront probablement aspirés avec le temps par les grands centres, par les grands centres hospitaliers. Vous savez qu'il y a des médecins qui ont fait un choix, qui ont décidé de travailler en CLSC, et puis pour eux c'est leur mission, puis ils veulent y rester. En tout cas, je ne sais pas, mais il me semble que, dans un avenir rapproché ? quand je dis «rapproché», peut-être jusqu'à cinq ans ? quand il y aura une difficulté, un manque de médecins en grand centre hospitalier et qu'il y en aura dans un CLSC qui sera fusionné, qui sera sur la même entité du même directeur général, probablement qu'on forcera un peu la main par en arrière du praticien professionnel pour aller pratiquer possiblement en urgence parce qu'à la salle d'urgence il manque quelqu'un.
Alors, on voit deux choses: travail communautaire en CLSC, gens impliqués dans leur milieu qui veulent, qui connaissent leur milieu, qui connaissent leur territoire, et pratique professionnelle aussi en médecine. Comme le disait tantôt le président, on soigne les gens de personne à personne au lieu de travailler avec une communauté.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. Fournier. Maintenant, je cède la parole à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, porte-parole en matière de santé pour l'opposition officielle.
Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Alors, au nom de l'opposition officielle, bienvenue, M. Proulx et M. Fournier. En vous écoutant, mes collègues et moi, on se disait qu'heureusement que vous aviez insisté pour être entendus, parce que l'impression générale qui s'est dégagée au début de cette troisième journée de consultation sur le projet de loi n° 25, c'est que les milieux urbains étaient contre, mais que le milieu rural était pour, grosso modo, là. C'est peut-être un peu sans nuance, mais ça ressemble à ça. C'est-à-dire que les milieux urbains sont venus faire la démonstration que le projet de loi passait à côté de la réalité parce qu'un CLSC fait affaire avec au moins une vingtaine d'établissements hospitaliers, comme le disait tantôt Mme Pelchat, de la Coalition Solidarité Santé, et donc que c'est artificiel, c'est comme théorique, une vue de l'esprit, que penser que c'est la même population, parce que ce n'est pas la même population, étant donné le bassin extrêmement, si vous voulez, ouvert que ça peut représenter.
Mais, vous, ce matin, vous venez allumer une lumière rouge qui ne l'a pas été encore. Ça, c'est certain que c'est la première voix que l'on entend. Et là je comprends que les exemples que nos collègues le député d'Arthabaska et la députée de Pontiac ont donnés, c'est des expériences menées dans le cadre de la loi actuelle, qui fait deux choses: protège les missions et protège les territoires de CLSC. Et, à l'intérieur de ces deux protections, il a pu y avoir des regroupements. Dans la perspective où ces protections sont enlevées dans le projet de loi n° 25, et protection des missions et protection du territoire de CLSC, est-ce qu'il y a plus à craindre? Est-ce que c'est un peu de cela dont vous voulez nous alerter ce matin, dont vous venez nous alerter?
La Présidente (Mme Charlebois): M. Proulx.
M. Proulx (Jacques): Bien, écoutez, c'est évident, j'allais le dire un peu plus tard, que ça fonctionne possiblement à certains endroits. Je veux dire, oui, il y a des initiatives, parce qu'il y a une protection, il y a une barrière qui empêche d'aller plus loin.
Je reviens encore à ce que je disais tout à l'heure. L'humain étant l'humain, on est tous pareils quand on a l'opportunité de pouvoir prendre plus de pouvoir, ou ainsi de suite. On va diriger de façon différente. Et c'est contre ça qu'on met en garde, en fait. Pourquoi, pourquoi cette fusion administrative? Alors, qu'on me prouve... Et j'y crois, parce que j'en vois, qu'on peut réussir des choses à l'intérieur de qu'est-ce qu'on a là. Possiblement en l'enrichissant, on va en faire un peu plus. C'est bien sûr, le matin qu'il n'y aura plus de barrières... Et, comme Jean-Pierre le disait, ce n'est pas instantané, c'est évident, là. Mais graduellement on va tirer vers le plus urgent, on va tirer où les besoins sont les plus grands et, à partir de là, on va dégarnir, on va dégarnir qu'est-ce qui peut exister dans le milieu et qui fonctionne. On n'est pas en train de dire que les CLSC sont parfaits, qu'ils ont accompli, je pense... On n'est pas en train de demander de revenir à la totalité de la mission des années soixante-dix, du départ, mais il reste quand même que ça répond encore aujourd'hui assez... en tout cas d'une façon intéressante aux besoins des milieux, tout comme on défendait dans le temps que... d'arrêter aussi de considérer que les CLSC urbains sont comme les CLSC ruraux. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai, parce que c'est tout un autre milieu, c'est toute une autre géographie, si on veut.
Alors, oui, effectivement, et c'est notre grande crainte... C'est qu'en enlevant des obligations de respect, bien, c'est sûr que la tentation va être grande. Et on connaît les urgences, puis le gouvernement nous dit continuellement qu'il ne peut pas réinvestir énormément d'argent. Alors, qu'est-ce qu'on va faire? On va essayer d'utiliser qu'est-ce qu'on a où sont les urgences.
Mme Harel: Une dernière question parce que mon collègue le député de Vachon aimerait également échanger avec vous. Les centres de santé regroupés actuellement particulièrement dans les milieux, disons, ruraux ou semi-urbains, là, des milieux plus homogènes, eux-mêmes craignent que le ministère considère que leur bassin de population est insuffisant et ils craignent d'être emportés dans une autre vague de regroupements. Et un colloque récemment, là, il y a deux semaines, je crois, à Québec a inquiété beaucoup parce que, aux questions posées au ministère, les réponses ne sont pas venues pour les rassurer. Alors, ça signifierait que, sans les balises dont vous nous parlez, ce serait encore, si vous voulez, plus emporté vers un regroupement encore plus grand, une dérive vers, si vous voulez, une direction plus éloignée encore de la population.
Moi, dans votre mémoire, ce qui m'a accrochée le plus, c'est à la page 3. C'est quand vous décrivez c'est quoi, la différence, là... Au premier paragraphe, vous dites: «Les organisateurs communautaires des CLSC sont parmi les meilleurs agents de revitalisation des communautés rurales, et leur action devrait être amplifiée plutôt que minimisée.» Et là ça a éclairé tout votre mémoire. En fait, ce que vous craignez, c'est que, compte tenu des priorités curatives ou hospitalières, ce qui paraîtra moins prioritaire, c'est finalement ces agents, ces organisateurs communautaires. C'est ça qu'il faut comprendre, je crois, hein?
M. Proulx (Jacques): Absolument. Déjà depuis un certain nombre d'années, il y a eu une pression énorme de ce côté-là. Ça fait que, c'est évident, ça va s'accentuer. Je pense que Jean-Pierre veut compléter aussi.
M. Fournier (Jean-Pierre): J'en ai fait allusion tantôt au niveau des organisateurs communautaires puis au niveau des agents de développement local. Puis, si on ressent ça concernant les propos que vous avez cités tantôt concernant les centres de santé...
C'est parce que j'aimerais ça revenir là-dessus, parce que tout le monde utilise cet exemple-là comme si c'était l'exemple... Effectivement, c'est quelque chose qui est existant, et je pense qu'on a raté une belle occasion de faire une recherche très sérieuse là-dessus, concernant ces fameux centres de santé là, avant de passer à autre chose. Moi, il me semble que, s'il y avait eu une recherche, là, exhaustive là-dessus pour être capable d'évaluer: Est-ce que ça a apporté des coûts supplémentaires quand on a fait cette fusion-là, est-ce qu'on a été capable... On pourrait, par exemple, faire une évaluation des services à la population. On pourrait aussi évaluer, comme on le disait tantôt, le déficit démocratique quand on a fait ces regroupements-là. Alors, je me dis que, avant d'aller plus loin, on devrait davantage regarder qu'est-ce qui s'est fait puis être capable de les évaluer, parce que là on fait des changements à répétition et, je vous dirais, on est en train d'installer des modèles un peu uniques.
Puis on veut ? comme, nous, on le disait tantôt dans le mémoire ? on veut éviter aussi le mur-à-mur. Le mur-à-mur, c'est ce qu'il y a de plus dangereux pour nous autres, parce que, le mur-à-mur, ce qui se passe dans les centres urbains par rapport à dans les régions rurales, il me semble que ça ne devrait pas aller de pair. Or, je vous dirais que, moi, ma grande peine là-dedans, c'est qu'on n'a pas été capable d'évaluer, avec le temps... C'est sûr, comme le disait le président tantôt, lorsqu'on va questionner les directeurs généraux des centres de santé, c'est très évident qu'ils vont nous dire que ça va bien, puis c'est une belle machine, puis c'est intéressant, puis on offre des beaux services, et tout ça, et ça, je ne mets pas ça en doute. Mais j'aurais aimé ça, par exemple, que quelqu'un, un tiers vienne, un tiers indépendant vienne faire cette évaluation-là, à savoir: Est-ce qu'on s'en va dans la bonne direction? Est-ce que c'est quelque chose qui nous apporte quelque chose de plus?
La Présidente (Mme Charlebois): M. le député de Vachon.
n(12 h 30)nM. Bouchard (Vachon): Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Proulx, M. Fournier. M. Fournier, votre dernière intervention, je suis persuadé, va trouver une oreille attentive auprès du ministre, parce que le ministre a stoppé le développement des groupes de médecine de famille parce qu'il n'y avait pas d'étude, et il pourrait être tenté de faire la même chose en ce qui concerne la généralisation d'un modèle développé sous une loi, et généralisation qu'il s'apprête à faire sous le chapeau d'une nouvelle loi où la protection de l'identité des missions de chacun des partenaires fusionnés ne serait pas présente. Et, à ce titre-là, je vous remercie beaucoup donc de votre intervention, et à un autre titre aussi, parce que vous avez abordé la question du déficit démocratique, et je ne peux m'empêcher ? et je l'ai fait la semaine dernière à l'occasion d'une allocution à l'Assemblée, d'une intervention à l'Assemblée ? de faire le rapprochement entre l'approche de fusions forcées qu'on s'apprête à opérer en matière de santé, où effectivement le nombre de personnes, de citoyens, entre guillemets, non patentés, je veux dire de citoyens qui représentent les intérêts des citoyens, et des citoyennes ordinaires, siègent sur les conseils d'administration plus nombreux que ceux évidemment qui vont exister suite aux fusions, alors je ne peux pas m'empêcher de faire le lien entre cela, d'une part, et la loi n° 34 qui fait disparaître les CRD au profit des conférences des élus et qui en même temps prévoit que la participation de la société civile sera diminuée au tiers de représentation sur les nouvelles instances, avec un droit de vote qui leur sera accordé ou non par les élus locaux. Et ça me rappelle donc qu'on est peut-être en phase vers une diminution de la participation des citoyennes et des citoyens à la définition de leur propre environnement.
Et je ne peux pas faire non plus abstraction du fait que, dans le même ministère, sous le même ministre, on assiste en même temps à un déploiement de lois en vertu desquelles les syndicats auront moins de présence dans les établissements, notamment les syndicats qui ne pourront pas se créer en vertu de la loi n° 7, et 8, donc un affaiblissement de la capacité des individus d'intervenir sur la définition de leur environnement et de travail et de collectivité. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.
La Présidente (Mme Charlebois): M. Proulx.
M. Proulx (Jacques): C'est évident que... Écoutez, on a de plus en plus un gros déficit démocratique. Toutes sortes de raisons ont joué pour qu'on en arrive là aujourd'hui. Particulièrement dans les 10 dernières années, quand on parle de mondialisation et de globalisation, graduellement on a été obligés de céder des choses, et on a essayé de concentrer ailleurs... pour préserver une partie des pouvoirs. On le sait, comment nos gouvernements, nos propres gouvernements ont perdu justement de pouvoirs à l'intérieur de ça, mais c'est une situation, puis on n'y peut rien. Elle existe, elle est là. Alors, comment on va réussir, à partir de tout ça, à réinstaurer une véritable démocratie à l'intérieur, une démocratie participative, représentative et participative? Pour moi, ça prend les deux, même si je dis tout le temps que la représentative a toujours une certaine autorité. C'est sûr, elle est élue d'une façon très large. Mais la participative aussi.
Et, moi, je pense qu'on a dénaturé énormément par des nouveaux mots, en fait, cette démocratie-là. «Réingénierie», c'est un mot à la mode, extraordinaire. On est supposé d'avoir créé la prospérité avec ça, on est supposé d'avoir augmenté une efficacité incroyable, des retombées aussi incroyables, ainsi de suite. Qu'est-ce que ça donne au bout? Un désintéressement de plus en plus grand des citoyens et des citoyennes qui veulent s'investir dans leur milieu. Et c'est ça, notre crainte, à l'heure actuelle. C'est qu'on est incapable à certains niveaux de comprendre l'apport important de l'infirmière, du notaire, de l'avocat du village, du commerçant, de la ménagère, entre guillemets, la femme au foyer. Ces gens-là, depuis toujours, ont bâti le Québec. On a tout bâti nos grandes institutions qu'on a aujourd'hui à partir de cette volonté du milieu et des hommes et des femmes entre guillemets ordinaires qui n'avaient pas de responsabilités particulières, mais il y en avait une qui était commune, c'était celle de se créer un environnement, un milieu de vie, un mode de vie plus intéressant. Et c'est de plus en plus dur d'avoir ça aujourd'hui, de participer à ça, même si c'est bénévole.
Je pourrais prendre l'exemple de Desjardins, par exemple ? mon exemple préféré ? qui ferme les caisses populaires. Il fusionne, puis, au bout d'un certain temps, ce conseil-là ? et ça s'applique très bien, là; je veux dire, je pense que ça explique, cet exemple-là ? bien là on dit: Ce n'est plus assez rentable. La rentabilité, aujourd'hui, on ne la calcule pas en fonction si tu as fait du profit, on la calcule en fonction: As-tu eu le profit que tu avais budgété? Parce qu'il y a un tas d'affaires qu'on dit que ce n'est pas rentable, mais ça ne fait pas de perte. C'est ça quand on regarde les chiffres. Mais ça n'a pas donné 25 % de rendement, alors tu n'es pas bon, on t'élimine. Et, à partir de là, on a perdu toute cette expertise-là en faisant ça, on perd l'expertise des hommes et des femmes que vous venez de nommer, de toutes les catégories, et qui sont fortement impliqués dans leur milieu, qui sont à l'écoute, ainsi de suite.
Et, quand on se révolte ou quand on s'oppose à ça, on passe pour des passéistes, pour des gens qui veulent vivre dans le passé, puis ainsi de suite. Je ne veux pas me prendre en exemple, là, mais je vous dirai que, nous, on a mené la petite bataille, notre petite caisse de 12 millions. Il y a deux semaines, on a reçu deux prix comme étant les plus efficaces dans des secteurs, deux prix nationaux. Je ne dis pas que c'est parfait, mais je dis qu'il y a d'autres façons de faire les choses. Alors, on vous dit: Dans ce projet de loi là, d'accord, améliorons les choses. Définissons ensemble les besoins, les première ligne, deuxième ligne, je veux dire, les plus urgents, puis ainsi de suite, mais faisons-le avec le monde. C'est quoi, cette peur, cette peur de faire impliquer les gens, de les appeler, en fait, à construire le pays? C'est quoi, cette peur-là?
La Présidente (Mme Charlebois): En conclusion, M. Proulx.
M. Proulx (Jacques): Plus de démocratie, moins de technocratie, madame, et on va se porter pas mal mieux, et particulièrement dans le milieu rural. Parce que, si qu'est-ce qu'on m'a dit, qu'on comprenait que les urbains viennent revendiquer ça, imaginez-nous, nous autres, sur 80 % du territoire, avec 20 % de la population, comment ça va être.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. Proulx, merci, M. Fournier, d'être venus nous présenter votre mémoire. Alors, je vais suspendre les travaux jusqu'à 14 h 30.
(Suspension de la séance à 12 h 37)
(Reprise à 14 h 40)
La Présidente (Mme Charlebois): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux, et je vous rappelle que, pour la bonne marche de nos travaux, justement, l'usage du téléphone cellulaire et du téléavertisseur est interdit. Alors, je vous prie de bien vouloir fermer vos sonneries ou carrément vos téléphones.
Je vous rappelle le mandat de la commission: c'est que la commission des affaires sociales est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 25, Loi sur les agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux.
Alors, dans un premier temps, je vais vous rappeler les groupes que nous recevons cet après-midi: nous avons avec nous l'Association médicale du Québec; ensuite, nous poursuivrons avec le Réseau universitaire intégré de santé, la Fédération des médecins résidents du Québec, la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, l'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec et la Fédération CJA.
Alors, nous allons débuter avec l'Association médicale du Québec. Je vois que les gens ont déjà pris place. Je vous demanderais de bien vouloir vous présenter. Et je vous rappelle que la commission vous consacre 45 minutes, soit 15 minutes pour présentation de votre mémoire, ensuite 15 minutes d'échange avec le parti ministériel et 15 minutes d'échange avec l'opposition officielle. Alors, si vous voulez vous présenter.
Association médicale du Québec (AMQ)
M. Senikas (André): Merci, Mme la Présidente. Je suis le Dr André Senikas, omnipraticien de Saint-Jean-sur-Richelieu; et j'ai le Dr Robert Ouellet avec moi, qui est radiologiste, de Laval.
La Présidente (Mme Charlebois): Bienvenue. Vous pouvez y aller.
M. Senikas (André): Alors, Mme la Présidente, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, mesdames, messieurs membres de la commission des affaires sociales, dans un premier temps, permettez-moi de remercier la commission des affaires sociales de permettre à l'Association médicale du Québec de présenter son point de vue dans le cadre des consultations sur la loi n° 25. Pour ce faire, je suis accompagné encore, comme j'ai mentionné, du Dr Ouellet.
Comme vous le savez, dans un réseau de santé vaste et complexe, les consensus sont rares. Qu'il s'agisse d'organisation des soins médicaux, de financement, de régionalisation, de gestion des ressources humaines ou de tout autre enjeu majeur auquel notre réseau est confronté, les avis sont nombreux et rarement convergents. Toutefois, s'il y a un point qui semble faire l'unanimité, c'est l'absolue nécessité de réorganiser et de renforcer la première ligne. On se rappellera que c'était la recommandation maîtresse de la commission Clair, qui a été reprise peu de temps après par le Conseil médical du Québec. Ce dernier recommande d'ailleurs depuis quelques années de procéder à la hiérarchisation des services médicaux afin de s'assurer que les services soient rendus au bon endroit, par la bonne personne, aux meilleurs coûts possible et avec la meilleure qualité possible.
Pour atteindre cet objectif de mieux organiser la première ligne, le gouvernement précédent a choisi de confier le volet médical des services de première ligne à des groupes de médecine de famille, des GMF, afin de permettre à chaque citoyen d'être pris en charge, d'avoir un accès à un médecin au moment opportun et de bénéficier d'une véritable continuité des services. Étant donné que chacun des réseaux locaux doit comprendre notamment des médecins de famille, nous croyons que les GMF pourraient être une des réponses à cette intégration harmonieuse des médecins de famille à l'offre de service. La prise en charge des clientèles doit cependant s'accompagner d'une plus grande fluidité dans l'accès à des services de consultation et au plateau technologique.
Il est pour le moins étonnant que le projet de loi soit plutôt discret quant au rôle des cliniques médicales et des cabinets privés. Il n'est pas superflu de rappeler que, dans la plupart des régions, la majeure partie de la première ligne du Québec transite par ces instances. Nous croyons que le projet de loi devrait prévoir de façon explicite l'arrimage des réseaux locaux et des cliniques médicales.
Nous exhortons le ministre à faire preuve de souplesse et d'ouverture lorsqu'il recevra les projets des agences régionales. De nombreux médecins et groupes de médecins dans toutes les régions du Québec n'ont pas attendu le projet de loi avant de s'organiser de façon efficace pour le mieux-être de leurs patients. Il serait regrettable que le ministre adopte une approche mur à mur en imposant des modèles qui auraient pour effet de balayer du revers de la main des initiatives locales et régionales qui ont déjà fait leurs preuves. L'époque du bas à pointure unique est bel et bien révolue dans notre réseau.
Il est question, dans le projet de loi, de remodeler l'offre de service locale en fusionnant dans un seul établissement les missions actuellement dévolues aux CLSC, aux CHSLD et aux centres hospitaliers dont le bassin de desserte est d'abord local. Nous voulons attirer l'attention du ministre sur le fait que, peu importe le lieu, y compris les cliniques privées, et peu importent les régimes d'assurance ou d'indemnisation, on retrouve invariablement un tandem quand vient le moment d'évaluer un problème de santé, d'investiguer, d'instituer un traitement ou d'assurer un suivi, et c'est celui formé par le médecin et son patient.
Également, dans le processus de soins et de services de santé, les différents professionnels sont plus souvent qu'autrement en relation directe avec la personne qui éprouve un besoin de santé et qui nécessite des soins et des services de santé. Nous croyons donc que toute réforme structurelle, telle celle qui est actuellement souhaitée, devrait reposer sur une organisation de travail qui vise justement à favoriser cette prise en charge des problèmes ainsi que d'assurer une continuité des services tout au long de l'épisode de soins.
L'une des lacunes les plus criantes actuellement à l'égard de l'accès aux services de santé est celui d'une prise en charge continue des problèmes de santé complexes et chroniques. On ne peut pas quantifier la morbidité et la mortalité reliées à cet état de choses, mais on peut facilement imaginer l'impact que cette morbidité évitable a sur tous les autres guichets d'accès, notamment les services d'urgence et d'hospitalisation. Nous proposons donc au ministre que toute réforme des services de santé et des services sociaux sur une base locale ait comme objectif premier d'assurer cette prise en charge des pathologies complexes et chroniques.
Le premier geste est évidemment de rendre accessible à cette clientèle le plus de médecins de famille possible. L'ajout de nouveaux effectifs par l'augmentation du nombre d'admissions dans les facultés de médecine y contribuerait certainement, de même que la réorganisation du travail des médecins de famille. Nous recommandons donc au ministre de reprendre le mécanisme d'accréditation des groupes de médecine de famille, qui ont comme avantage notamment de permettre à des clientèles vulnérables de s'inscrire auprès d'un groupe de médecins de famille mais également de permettre aux médecins d'obtenir l'appui d'autres professionnels, les infirmières au premier chef, dans la prestation des services de santé.
L'accès aux services de consultation et aux services diagnostiques est un élément essentiel. Nous reviendrons un peu plus loin sur l'importance des technologies d'information pour rendre l'organisation plus efficiente, c'est-à-dire obtenir des meilleurs résultats à meilleurs coûts.
La réforme souhaitée par le ministre vise les services locaux, nous l'avons dit. Partant du principe qu'une personne qui éprouve un besoin de santé quelconque puisse consulter à proximité, il devient alors la responsabilité des médecins d'évaluer la nature de ce besoin et de décider si la réponse peut être apportée localement, régionalement ou ailleurs au Québec. Les responsables des agences régionales de développement, à partir de ce portrait dessiné par les médecins, pourraient alors, en collaboration avec les gestionnaires du réseau, décider du modèle d'organisation nécessaire pour assurer une réponse raisonnable et adéquate, déterminer le niveau d'autonomie de chaque milieu pour chaque service et allouer les ressources en conséquence, le tout évidemment sur la base d'ententes formelles entre les établissements et les médecins d'une même région ou encore entre les établissements d'une région et un réseau universitaire intégré des services.
Cette intégration se ferait non seulement entre les différents niveaux de services d'une même région, mais également entre les différentes régions. Nous recommandons donc que toute réforme structurelle proposée au ministre pour approbation gouvernementale repose d'abord et avant tout sur la mise en place d'un tel modèle d'organisation de services. En somme, l'AMQ aurait plutôt souhaité une approche opérationnelle de la réforme des soins et des services de santé en lieu et place de l'approche structurelle retenue par le gouvernement.
L'AMQ souscrit entièrement et sans réserve à l'objectif du ministre d'assurer une meilleure continuité et une meilleure intégration des soins et services de santé. En fait, dans un réseau de services intégrés, le patient ne devrait même pas savoir s'il est pris en charge par les professionnels et par le personnel d'un CLSC, d'un CHSLD ou d'un hôpital. La fluidité du service devrait être telle que les frontières entre les établissements devraient être invisibles.
Le ministre doit résister à la tentation de céder aux organisations qui réclament le maintien du cloisonnement des missions. Est-il superflu de rappeler que la seule véritable mission des établissements est de donner des services au patient et que la seule façon d'y parvenir, c'est de mettre à contribution les professionnels ? et au premier chef les médecins ? qui quotidiennement oeuvrent auprès de leurs patients?
Plusieurs ont déclaré craindre que les réseaux locaux projetés favorisent de façon outrancière la mission hospitalière, dite hospitalocentriste, au détriment des missions plus légères imparties aux actuels CLSC. C'est là une crainte qui est fort légitime mais qui pourrait être écartée si la fusion des différentes missions au sein d'un nouvel établissement repose sur un projet de proximité et de prise en charge continue des patients.
Le concept qui sous-tend la mise en place des réseaux locaux de services s'appuie justement sur le fait que les missions se fondent et se confondent. Les services s'organisent autour des patients. De plus, différents mécanismes de régulation sur le plan administratif permettent de canaliser les budgets en fonction des priorités et des grandes orientations déterminées sur les plans national et régional.
n(14 h 50)n Enfin, soulignons que la prévention n'est pas l'apanage d'aucun type d'établissement ni d'aucun type de pratique médicale. Partout et en tout temps, dans le cadre de la relation patient-médecin, des médecins prodiguent des conseils sur les habitudes de vie et les meilleures façon de rester en santé. L'AMQ est d'avis que l'allocation des ressources doit favoriser l'accès aux services selon un axe qui part du patient vers les guichets de services et que ces guichets de services reposent sur des modèles intégrés de services et des ententes en conséquence.
La véritable intégration des soins et des services de santé se fera dans la mesure où les individus partout dans le système la considéreront comme étant une priorité. Bien sûr, la réforme des structures pourra être aidante, mais en aval et non en amont. Les changements structurels ne pourront à eux seuls garantir la prestation des services continus et intégrés. On peut même se poser la question: Le ministre pourra-t-il atteindre son objectif de mieux intégrer les soins en retenant des modèles d'organisation ne faisant pas appel à la fusion pure et simple des établissements?
Une autre condition de succès incontournable pour assurer une véritable intégration des soins et des services de santé réside dans la facilité avec laquelle les professionnels vont être en mesure d'échanger et de partager les renseignements de nature clinique contenus au dossier des patients. Le ministre ne peut pas s'attendre à ce que les établissements, avec les ressources dont ils disposent actuellement, développent des systèmes d'information intégrés. De plus, l'expérience dans d'autres systèmes de santé démontre clairement que l'absence du système de requête et de résultats et de dossier patient électronique partageable sont source de duplication, de délais, d'erreurs et, malheureusement, d'accidents. Le ministère devrait investir massivement dans le secteur de la technologie de l'information. Je sais pertinemment que le ministre lui-même a une expérience de très près avec ça et que les résultats sont très, très enrichissants.
L'analyse, même sommaire, de la petite histoire des fusions et des rapprochements dans notre réseau au cours des 20 dernières années est riche en enseignement. Le premier constat général est lié à la très grande résistance qu'on oppose, les groupes de professionnels et le personnel en général, à des fusions imposées par un niveau central. Dans de tels cas, on a assiste à une période d'instabilité importante. À la limite, ce genre d'instabilité peut même avoir un effet néfaste sur la qualité des soins et des services. Certaines fusions ont été des échecs retentissants, allant jusqu'à la défusion. Même dans les cas où la fusion a été maintenue, ce fut souvent au prix de tiraillements internes et de querelles stériles sans fin.
Le deuxième constat est le corollaire du premier. Les fusions ou les rapprochements qui ont été couronnés de succès sont, dans la plupart du temps, issus de projets locaux et régionaux initiés par des représentants des communautés proches du terrain. Ces constats nous amènent à inciter le ministre à beaucoup d'ouverture lorsqu'il aura à juger du bien-fondé des modèles qui lui seront proposés par les agences régionales. L'AMQ est d'avis que le ministre devrait, dans toute mesure du possible, favoriser les modèles qui émergent du niveau local, des communautés près de l'action. Comme nous l'avons mentionné plus tôt, il serait dommage que le ministre adopte une approche rigide et rejette du travers de la main des modèles issus d'une concertation locale et régionale sous le seul prétexte que ces modèles dévient quelque peu du cadre rejeté. Il se peut très bien que des modèles d'organisation proposés par certaines agences aient déjà fait leurs preuves et permettent d'atteindre l'objectif d'intégration des services sans faire appel à des fusions d'établissements. L'AMQ souhaite que le ministre accueille ces projets en tenant compte des résultats obtenus. Souplesse, ouverture et créativité sont de mise.
Le projet de loi prévoit que le ministre fixe une échéance aux agences régionales pour proposer ces modèles. Il faut que les agences aient suffisamment de temps pour travailler adéquatement et surtout pour consulter les professionnels, les gestionnaires et des représentants de la population. Cependant, à compter du moment où le ministre tranchera sur les modèles d'organisation, il se devra d'agir rapidement. S'il choisit la voie des fusions, celles-ci ne pourraient traîner en longueur. S'il y a une période d'instabilité, qu'elle soit la plus courte possible. En somme, pour reprendre un extrait du rapport de la commission Clair, il faut décider, il faut agir, évaluer et ajuster.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit que l'agence régionale doit s'assurer auprès du réseau universitaire intégré de santé que le modèle qu'elle propose s'inscrit dans les orientations développées par ce réseau. Les réseaux universitaires n'ayant pas d'existence juridique en tant que telle, qui fera l'arbitrage en cas de mésentente sur le modèle d'organisation proposé? Il nous semble que l'arrimage des réseaux locaux et des réseaux universitaires devrait être clarifié.
L'Association médicale du Québec a procédé récemment à une consultation éclair auprès de ses médecins sur le projet de loi n° 25. Bien que les résultats n'aient aucune prétention scientifique, il est quand même intéressant de voir comment les médecins se sentent interpellés, si c'est le cas, par le projet de loi. Les médecins considèrent qu'ils devraient avoir leur mot à dire dans la réforme qui s'amorce. Ils veulent assumer un leadership collectif s'exerçant au niveau local et régional, avec les autres acteurs du réseau. Ce leadership, personne ne l'assumera à leur place. Cependant, il pourra s'exercer dans la mesure où les conditions environnantes le permettront. Quelles sont les garanties que les agences entendront les médecins? Et quelles sont les garanties que les incitatifs seront mis en place?
Les médecins connaissent bien les besoins de leurs patients, puisque ce sont eux qui ont la charge de bien les comprendre, de les évaluer, d'y apporter une réponse. Cette charge est assortie d'une lourde responsabilité qui est celle de décider de l'utilisation rationnelle des ressources pour répondre à ces besoins de santé dans un contexte de rationnement. Il est impérieux que l'exercice qui s'amorce repose sur un dialogue et un partenariat entre les médecins et les gestionnaires afin que la richesse collective disponible pour répondre aux besoins de santé soit utilisée au mieux et que les résultats de santé soient au rendez-vous. À cet égard, les médecins, tout comme les gestionnaires dans leur domaine d'expertise, doivent avoir accès à des outils d'aide à la décision. Il faut substituer à l'approche mécaniste de la gestion des soins une approche plus organique, qui se caractérise par les recours aux ajustements mutuels, par la souplesse et la créativité dans la recherche de solutions et par la rapidité de réaction aux changements environnementaux.
La mise en place de réseaux locaux rendra sans doute caduques les commissions médicales régionales, du moins sous leur forme actuelle. Il y a donc lieu de revoir la façon dont les médecins seront mis à contribution. Et, sans vouloir proposer une nouvelle structure, l'AMQ croit que les agences régionales, dans leurs propositions de modèles d'organisation, devraient prévoir des mécanismes formels et permanents de participation des professionnels. Il est ironique de constater qu'à l'heure où le gouvernement ne jure que par l'intégration des services les médecins, eux, n'ont jamais autant travaillé en silo.
L'AMQ recommande la création de tables régionales composées de médecins omnipraticiens et spécialistes dont le mandat serait de soumettre des analyses stratégiques et de collaborer avec l'agence régionale concernée aux discussions et aux décisions entourant toute question reliée à l'organisation des soins dans leurs régions respectives. Ces tables devraient être dotées de pouvoirs réels et non pas uniquement d'un vague rôle consultatif. Alors, la consultation éclair que nous avons effectuée, conjuguée avec la tournée des régions de l'automne 2002, démontre que les médecins du Québec sont prêts à jouer un rôle prépondérant dans la refonte de notre réseau. Même si le niveau d'engagement varie considérablement, les médecins souhaitent être consultés et surtout être entendus de façon continue.
Et, en guise de conclusion, Mme la Présidente, le gouvernement a une chance en or d'établir un partenariat avec les médecins et de leur laisser la place qui leur revient dans l'utilisation de leur environnement professionnel. C'est uniquement de cette façon que nous pourrons garantir à la population des conditions et des soins de santé de qualité. Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, Dr Senikas. Maintenant, nous entreprenons les périodes d'échange, et on va débuter avec la partie ministérielle. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Merci, Dr Senikas, également votre collègue, pour cette présentation. Je vous dirais d'entrée de jeu que l'AMQ est une organisation qui depuis quelques années s'implique de plus en plus dans le débat sur l'organisation des services de santé. Si ma mémoire est exacte, il y a au-delà de 7 000 médecins qui en sont membres actuellement au Québec, autant...
M. Senikas (André): 7 500.
M. Couillard: ...7 500, autant omnipraticiens que spécialistes.
M. Senikas (André): Oui.
M. Couillard: Et vous avez la chance, ou le bonheur ? je mets ça entre guillemets ? de ne pas doubler votre action d'une action de négociation avec le gouvernement, de sorte que votre voix prend une coloration qui est peut-être différente et appréciée, en tout cas, puis je vous remercie beaucoup de votre participation.
Vous avez, je pense, bien saisi les deux principes de bas qui sont la responsabilité populationnelle puis la hiérarchisation des soins, de même que la nécessité de réorganiser et de renforcer les services de base, ou services de proximité, ou services de première ligne. Il y a plusieurs synonymes, mais on peut les choisir comme on veut. D'entrée de jeu, je vous dirais qu'on a réfléchi, dans le début de la démarche, entre l'approche que vous appelez opérationnelle et l'approche structurelle, et notre conclusion a été que, loin de s'exclure, ces deux approches doivent être complémentaires, voulant dire par là que, si on ne fait qu'une approche opérationnelle avec des buts tels que ceux que nous visons dans la structure actuelle, il est probable qu'on n'atteindra pas nos résultats. De l'autre côté, si on ne faisait qu'une approche structurelle sans s'attarder à la mission ou aux buts qu'on poursuit, probablement qu'on serait extrêmement déçus des résultats et également de l'instabilité qu'on pourrait engager dans le réseau, de sorte que notre conclusion a été que les deux approches ne s'excluent pas et devraient être faites en complémentarité, l'approche opérationnelle et l'approche structurelle, un point de philosophie sur lequel on pourra continuer à échanger.
Mais, effectivement, comme vous, on croit que la formule de groupes de médecine de famille en région est prometteuse, est bonne. Sous peu d'ailleurs nous allons reprendre leur accréditation ? je vous rassure là-dessus ? surtout pour les régions qui ont des projets en attente. Puis vous savez qu'il fallait faire une grille d'évaluation de cette formule-là et qu'elle a été complétée, de sorte que maintenant nous allons pouvoir reprendre les accréditations. Il reste à déterminer le modèle le plus approprié pour la pratique médicale urbaine. Là, je pense qu'on pourra également échanger là-dessus parce que je ne crois pas que... Ce n'est pas moi ou juste moi qui ne le croit pas, mais la réalité montre que la formule actuelle ne semble pas recueillir l'aval, ou l'adhésion, des médecins en pratique urbaine, et il faut certainement trouver autre chose.
Souplesse et ouverture pour analyser les modèles, sans aucun doute. Il ne s'agit pas, à notre avis, d'un modèle de type mur à mur, il s'agit de balises très larges. D'ailleurs, quand on nous reproche, parfois avec raison, certaines imprécisions dans le texte du projet de loi, ces imprécisions-là seront là précisément pour permettre un degré d'expression considérable d'une région à l'autre et l'émergence de moyens ou de modèles qui seraient mieux adaptés selon les réalités de chaque région, de chaque milieu de pratique.
n(15 heures)n Les frontières entre les établissements doivent s'effacer, vous avez raison. C'est un point fondamental en ce qui me concerne et en ce qui concerne le groupe au ministère qui a travaillé sur ce projet-là et nos partenaires. Un des problèmes principaux du réseau actuellement, c'est qu'on a encore tendance trop souvent à réfléchir en termes d'établissements, population attachée à un établissement, au lieu de parler d'une population globale qui chemine dans le réseau d'un point à l'autre avec un désir de continuité qui est bien fondé. Et l'élément de proximité et de prise en charge prend alors toute sa signification.
Vous avez également entièrement raison sur deux autres points, d'abord l'importance de doubler cette évolution du réseau de la dotation de systèmes d'information efficaces. Je peux vous dire qu'on travaille très fort là-dessus, et, évidemment, comme vous pouvez vous en douter, il s'agit d'un investissement considérable mais dont, je pense, les gains en termes de fluidité de services et de qualité de services sont également considérables. Mais, comme dans beaucoup de choses, c'est difficile de calculer le gain par rapport à l'investissement qu'on met. Il n'y a pas beaucoup de chiffres au bout de ça. Mais on est convaincus que les réseaux locaux ne verront leur succès établi seulement que si on les dote des systèmes d'échange d'information qui sont à la hauteur des buts qu'on leur assigne.
Enfin, vous avez également mentionné la question de l'arrimage entre les réseaux universitaires intégrés de santé et les réseaux locaux. Vous avez raison. On a déjà, plus tôt dans la commission, fait remarquer que ce n'était pas clair dans le projet de loi, effectivement, d'une part, parce que les RUIS, ou les réseaux universitaires, n'ont pas encore d'assises légales concrétisées. Il va falloir attendre la deuxième phase de la refonte de la Loi de santé et de services sociaux en ce qui concerne cet élément-là. Et M. Contandriopoulos, pour un, nous a dit de façon, je crois, très éloquente qu'il y avait un problème de hiérarchie mal placée entre les deux, qu'on avait placé les réseaux locaux comme étant un peu en dépendance des réseaux universitaires, et non pas l'un et l'autre devant être complémentaires, et je pense que c'est une remarque qu'on a bien perçue.
Maintenant, je voudrais entamer la conversation sur les interlocuteurs médicaux dans les différentes régions, les différents territoires où les modèles vont émerger. De ce que je vois actuellement, sur le plan des médecins généralistes, l'interlocuteur idéal semble être le département régional de médecine générale, avec possiblement une succursale ou une aile territoriale. L'autre problème qui se pose, c'est pour les médecins spécialistes, où il n'y a pas de structure correspondante en termes d'interlocuteurs régionaux. Et vous avez parlé des commissions médicales régionales. Certains nous suggèrent que ce serait là une façon d'avoir ce dialogue avec la partie spécialisée de la médecine dans les régions. Par contre, dans votre mémoire, vous dites que c'est une structure qui est appelée à devenir caduque et vous en proposez une autre.
Alors, j'aimerais ça qu'on commence l'échange là-dessus, comment est-ce qu'on trouve notre interlocuteur chez les médecins spécialistes surtout, tant au niveau régional qu'au niveau du territoire où le modèle va émerger.
La Présidente (Mme Charlebois): Dr Senikas.
M. Senikas (André): Mme la Présidente, M. le ministre, comme vous le savez, les problèmes qu'on a dans les services de première ligne. C'est-à-dire qu'on travaille encore en silo, puis, si on continue à travailler en silo, on va arriver aux mêmes problèmes qu'on avait déjà dans le passé.
Alors, au Québec, les services de première ligne sont non seulement le vase clos des généralistes, mais en grande partie des spécialistes qui sont impliqués. Ils sont impliqués soit directement par l'activité clinique ? et je donne comme exemples les pédiatres, les gynécologues, les internistes qui font de la première ligne; ils le font très bien, ils le font surtout dans les centres urbains ? et aussi par leur soutien, soutien en termes de formation professionnelle. Il faudrait trouver une façon pour que les médecins spécialistes et généralistes travaillent ensemble sur le même territoire ? bien sûr, on a toujours sorti avec les mots «proximité» et «fluidité» ? que l'échange d'information, que l'échange au niveau professionnel se fasse dans une même instance, dans une région toujours à proximité des activités cliniques, mais à proximité surtout des patients, et ça, on ne veut pas proposer une nouvelle structure. Ce n'est pas à nous de le faire. Mais on voudrait trouver une façon de travailler moins en silo.
M. Couillard: Donc, en pratique, Dr Senikas, lorsqu'on va consulter les médecins dans les différentes régions pour établir les modèles, on veut avoir des interlocuteurs définis. Comment est-ce qu'on devrait procéder pour ça?
M. Senikas (André): Alors, Mme la Présidente, un des problèmes qu'on a... Je donne comme exemple la Montérégie. Je viens de la Montérégie. Sorel, Valleyfield, Saint-Jean, il n'y a aucune affinité entre les trois, il n'y a aucun échange d'information entre les trois. Si vous mettez sur pied un conseil quelconque qui dessert le territoire de la Montérégie, il y aura toujours une discordance dans les propos, il y aura toujours un problème dans la continuité des soins parce que les gens de Valleyfield ne connaissent pas qu'est-ce qui se passe à Sorel, ils ne s'intéressent pas non plus, et vice versa avec Saint-Jean-sur-Richelieu.
Il faudrait qu'on trouve une façon où les voies de soins et d'activités cliniques se fassent encore... ils utilisent le mot «opérationnel», puis on «use» aussi le terme «géographique». Il faut qu'il y ait une concordance, une cohérence, une consistance dans ces prestations de services de santé. Et ça prend une nouvelle structure, une nouvelle entité, mais ça prendrait quelque chose...
Dans le bon vieux temps, quand j'ai commencé à pratiquer, l'échange se faisait à l'hôpital. Les omnis, les généralistes, étant là, les spécialistes étant là, on pouvait se parler, on pouvait échanger, on pouvait assurer le suivi d'un patient de façon continue, de façon intégrée. Alors, généralement, le généraliste voyait le patient au bureau, il l'hospitalisait, le spécialiste le voyait en consultation, il faisait l'opération, peu importe, et les deux visitaient l'hôpital puis les deux faisaient partie d'un même organisme, le Conseil des médecins et dentistes, à l'époque, et on avait à ce moment-là la chance de partager nos connaissances, de partager les informations et d'assurer cette intégrité-là, cette continuité-là. Et, depuis les derniers 20 ans, on a des silos, on ne se parle plus.
Les généralistes, ils font leurs petites choses, ils sont souvent dans des structures qui ne sont pas nécessairement hospitalières, et on a un problème à se parler, on a un problème à s'organiser sur le terrain même. Les organisations qui ont été plus cohérentes jusqu'à date, c'est des cliniques privées, et plus tôt c'étaient des cliniques de radiologie qui ont été organisées avec certains types de spécialités et surtout des généralistes dans le même bâtiment, et ça, ça a permis de continuer le même genre d'activités qu'on a faites autrefois. Mais même ça, c'est en train de disparaître.
M. Couillard: Mais je pense que votre exemple de la Montérégie est très judicieux parce que, s'il y a une région complexe, c'est bien celle-là, en raison de la taille puis de la variation des milieux, à partir de Valleyfield jusqu'à Sorel. On dit toujours cet exemple-là. Donc, c'est clair que, si l'interlocuteur qu'on choisissait pour les médecins spécialistes était un interlocuteur régional, on ferait probablement fausse route, ce que vous dites, parce que les milieux sont trop différents les uns avec les autres. Donc, il faut que l'interlocuteur soit au niveau territorial ou au niveau où le réseau local va émerger.
On ne peut pas non plus se fier uniquement au CMDP de l'hôpital du territoire en question, parce que souvent, un, il n'y a pas d'hôpital ou, deux, là on donnerait vraiment un message qu'on est centré sur l'hôpital, à l'organisation des soins. Alors, qu'est-ce que vous penseriez d'une idée où on demanderait à la commission médicale régionale, par consultation, de désigner les interlocuteurs médecins spécialistes dans chaque territoire, selon qu'ils pratiquent en cabinet ou en hôpital, pour participer à cette table de concertation?
M. Senikas (André): Mme la Présidente, je demanderais plutôt à des gens sur le terrain de désigner quelqu'un. Au lieu de demander que ça vienne de haut en bas, j'aimerais mieux que ça vienne de bas en haut, parce que les gens sur le bas, les gens sur le terrain seront plus aptes à décider qu'est-ce qui est le mieux pour eux autres. Ils connaissent mieux le terrain, ils connaissent mieux les conditions locales, ils connaissent mieux la façon que les choses progressent, et je pense que ce serait plus juste de partir de là. Et les gens sont prêts à s'impliquer, les gens veulent juste avoir une chance et les gens veulent avoir un encadrement dans lequel ils peuvent participer.
M. Couillard: Évidemment, il s'agira de trouver à qui on va demander ça. C'est ça, on revient toujours au départ. Si on demande au CMDP de l'hôpital, un, il n'y a souvent pas d'hôpital sur les territoires, deux, bien là la vision, forcément, va être centrée sur la pratique hospitalière. On trouvera une solution, mais, comme vous dites, le principe de base, c'est que ça vienne de la base puis du territoire plutôt que de la région. Ça me paraît important.
Passons maintenant au problème de la pratique médicale urbaine. Vous avez vu dans mon introduction, tantôt, j'ai fait état de l'évidence, là, qui fait que, alors qu'on a 40 groupes de médecine de famille accrédités au Québec dans la plupart des régions, il n'y en a que quatre à Montréal, il y en a 36 en attente d'accréditation. Comme je l'ai indiqué tantôt, on va les accréditer, là, on va recommencer d'ici très peu de temps à les accréditer. Là, on reste pris avec le problème de Montréal, c'est-à-dire qu'on ne semble pas avoir trouvé de réponse urbaine à la formule GMF qui permet aux patients de Montréal de bénéficier du même avantage que ceux des régions.
J'entends souvent dans mes conversations une nécessité d'accès au plateau technique. C'est ce que les médecins veulent. Nous, comme organisation ou comme système de santé, ce qu'on veut, c'est la prise en charge. On ne veut pas des cliniques sans rendez-vous géantes puis des patients, là, orphelins. Alors, quel serait le modèle que vous entreverriez pour la pratique urbaine, pour les médecins de famille, les médecins de première ligne?
M. Senikas (André): Comme j'ai dit dans le mémoire, l'AMQ n'a pas l'intention de proposer un modèle, mais on aimerait bien trouver... Je vais donner, par exemple, le terrain que je connais le mieux, Saint-Jean-sur-Richelieu. Dans la clinique, ou le bâtiment, où je travaille, on a sept pédiatres. Alors, la pédiatrie, ou la pédiatrie de première ligne, ou la médecine de première ligne pédiatrique est faite par des pédiatres, des médecins spécialistes. Ils n'ont pas vraiment de généralistes. Et on est sur la Rive-Sud. Montréal a le même problème, et à Laval c'est la même chose. Il faudra qu'on trouve. Et on travaille dans le même bâtiment, ça fait que c'est facile pour nous d'échanger.
Souvent, moi, je vais voir les parents. Les enfants vont être vus par les pédiatres. On a une clinique sans rendez-vous dans notre bâtiment qui répond aux besoins des gens qui sont des patients de cette clinique-là, et, quand les pédiatres ne sont pas disponibles puis les enfants font 103 ° de fièvre, c'est nous autres qui les voient, les généralistes. Alors, il y a quand même un certain échange puis une certaine intégration.
Il faudrait peut-être utiliser les modèles qui existent déjà ? il y a des cliniques et des cabinets privés qui sont déjà sur place ? et peut-être les ajuster, les encadrer un peu mieux pour permettre un petit peu ce genre de prestation des services de santé, parce que le contexte urbain et semi-urbain n'est pas du tout comme le contexte des régions rurales, des régions éloignées et des régions isolées. Alors, peut-être que la réponse demeure un petit peu dans les structures qui sont déjà existantes, mais il faudra trouver des moyens d'arrimage pour essayer de permettre aux gens de s'organiser ? et je parle des spécialistes et des médecins généralistes ? de se rassembler pour justement assurer la continuité des soins.
n(15 h 10)nM. Couillard: Dans votre mémoire, Dr Senikas, il y a un passage qui est potentiellement révolutionnaire. Je suis certain que vous l'avez noté en l'écrivant. C'est lorsque vous parlez de l'allocation des ressources, c'est que vous allez encore plus loin que l'allocation basée sur une base populationnelle comme, nous, on veut mettre en place. Vous allez un peu selon le modèle britannique, d'après ce que je comprends, où l'ensemble des ressources est délégué au niveau local, première ligne, proximité, et c'est à partir de ce niveau-là que les ressources sont rediffusées dans le reste du système. Est-ce que vous pouvez élaborer là-dessus? Est-ce que ça vous semble quelque chose de pratique à faire, là, possible?
M. Senikas (André): Peut-être pas présentement. On aimerait mieux que d'abord ce soit mis en oeuvre et que par la suite on fasse l'évaluation des objectifs, l'évaluation de comment les choses se sont comportées, et ensuite de ça on pourrait peut-être reparler de l'allocation des ressources, dépendant de comment les choses sont organisées. Mais ça prendrait certainement une période d'évaluation, une période de réflexion puis, après ça, dans une prochaine étape, l'allocation des ressources.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci. Maintenant, nous allons poursuivre l'échange avec Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.
Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Alors, au nom de l'opposition officielle, je voudrais vous souhaiter également la bienvenue, Dr Senikas et Dr Ouellet. Vous pratiquez sur la Rive-Sud de Montréal, à Longueuil, Dr Senikas?
M. Senikas (André): Saint-Jean-sur-Richelieu.
Mme Harel: À Saint-Jean-sur-Richelieu. Et vous-même, Dr Ouellet?
M. Ouellet (Robert): Moi, je pratique à Laval.
Mme Harel: À Laval. Alors, vous recommandez, dans votre mémoire, à la page 6, que le ministre reprenne le mécanisme d'accréditation des groupes de médecine de famille, et c'est intéressant parce que vous dites aussi dans votre mémoire que vous avez fait un sondage, que vous ne prétendez pas scientifique, mais vous êtes allés vérifier l'état de l'opinion de vos membres et vous représentez la moitié des médecins spécialistes et omnipraticiens.
Alors, le ministre a dit «d'ici très peu de temps». «Très peu de temps», dans le langage populaire, ça veut dire dans... Pour mon petit-fils qui a six ans, ça, c'est dans quelques heures seulement. Pour moi, très peu de temps, c'est dans quelques jours. Le ministre m'a dit exactement la même réponse il y a déjà six semaines. Alors, pour lui, très peu de temps, ça se calcule en mois, en années? Ça veut dire quoi? Je voudrais lui laisser la... Me permettez-vous de lui demander...
M. Couillard: Brièvement, là.
La Présidente (Mme Charlebois): Écoutez, je vais vous laisser répondre, mais je veux juste vous rappeler qu'il faudrait favoriser...
Mme Harel: C'est sur mon temps, c'est sur mon temps.
La Présidente (Mme Charlebois): Oui, mais juste favoriser les échanges avec nos invités.
Mme Harel: D'accord.
M. Couillard: En jours, Mme la Présidente.
Mme Harel: En jours.
M. Couillard: Mais les jours forment des semaines puis les semaines forment des mois.
Mme Harel: Bon, vous voyez, hein, vous voyez, on tourne en rond. Mais c'est vraiment un problème, de tourner en rond, parce que comment imaginer la continuité des soins avec un projet de loi où finalement les médecins sont énumérés au même titre que l'économie sociale et les organisations communautaires? En fait, c'est une énumération, comme si on disait «incidemment les médecins». Et vous nous rappelez que cette relation médecin de famille et patient est indispensable. Je ne sais pas si vous voulez dire un mot là-dessus en particulier.
M. Senikas (André): Oui. Comme médecin de famille moi-même, ça fait 30 ans que je suis en pratique. J'ai des dossiers qui sont rendus à leur troisième tome, des patients que je suis.
Mme Harel: Grands-parents et petits-enfants?
M. Senikas (André): Ah oui! Il y a même quelqu'un qui est assis derrière moi, je suis médecin traitant de sa grand-mère. On s'est rencontrés ici, alors le Québec est peut-être un village. Mais cette relation-là, c'est dur à décrire, c'est une relation de couple. C'est une relation qui se forme au travers des années. C'est une relation de crédibilité. C'est une relation de confiance surtout, une absolue confiance. C'est une responsabilité qui est lourde pour les médecins et c'est quelque chose à laquelle je songe à tous les jours quand je pratique la médecine. C'est quelque chose à laquelle je tiens, et je tiens à cette relation, et les gens, je pense, le veulent aussi. C'est très précieux.
Mme Harel: Moi, je suis très, très privilégiée parce que j'ai ce genre de relation depuis 16 ans ? moi-même, mes frères, mes soeurs, mes parents ? avec un médecin du CLSC du quartier où on habite, et je sais qu'est-ce que ça peut représenter comme capacité de prise en charge au-delà simplement de l'événement, là, qui se produit.
Vous dites, dans le mémoire que vous nous présentez, bon, vous dites au ministre de redémarrer. On va partir d'ici aujourd'hui puis on n'en saura pas plus. Et pourtant je crois qu'il y a une sorte d'urgence, sinon, tous les projets qui étaient prêts, les gens vont se démobiliser, là. Ils le sont déjà, mais ça va s'accentuer si on franchit l'année 2003.
Il y a peut-être un élément qui honnêtement me surprend, c'est quand vous parlez de prévention. C'est à la page 8, ça, de votre mémoire. Vous dites: C'est une crainte fort légitime, et vous dites qu'elle pourrait être écartée si la fusion des différentes missions au sein d'un nouvel établissement repose sur un projet de proximité et de prise en charge continue des patients. Faut-il encore être dans un territoire où il peut y avoir un bassin de population homogène? Parce que sinon c'est bien certain que, par exemple, toute la communauté... je ne dirais pas toute, mais une bonne partie de la communauté italienne à Montréal, où qu'ils soient sur le territoire, ils vont aller à Santa Cabrini. Et puis souvent les gens qui habitaient dans les quartiers montréalais puis qui les ont peut-être quittés pour élever leur famille en banlieue reviennent et gardent la relation avec leur médecin traitant. Alors, il y a beaucoup de mouvements quand la population n'est pas sur un territoire homogène.
Le mot «territoire» n'est pas défini dans la loi. Est-ce que le territoire, c'est celui de la MRC, celui de la région, celui du CLSC, qui souvent est un équivalent de celui de la MRC? Ce n'est pas défini. Donc, ça, c'est une grande incertitude, là, qui reste, sur quel est le territoire.
J'aimerais peut-être vous entendre là-dessus, puis aussi sur la prévention. Vous dites: «La prévention n'est l'apanage d'aucun type d'établissement ni d'aucun type de pratique médicale.» Et là vous continuez: «Partout et en tout temps, dans le cadre de la relation patient-médecin, les médecins prodiguent des conseils sur les habitudes de vie et sur les meilleures façons de rester en santé.» Ça, ça reste de la prévention individuelle, mais on peut aller beaucoup plus loin que ça. Par exemple, moi, ce que je vis dans mon quartier, c'est que le CLSC est intervenu avec un organisme qui s'appelle Le Carré et qui intervient pour que les gens apprennent à faire des budgets ? ça, on ne peut pas faire ça dans une relation patient-médecin ? pour que les gens apprennent à faire de la cuisine ? c'est la première cuisine collective; il y en a 800 maintenant à travers le Québec ? pour récolter des effets scolaires quand c'est le début de la rentrée scolaire, pour transformer les presbytères, avec les églises qui ont fermé, en maisons des aînés, en maisons des enfants, en maisons de la famille. Ça, ce n'est pas dans une relation médecin-patient. Et c'est ça, la prévention. C'est ça que...
Beaucoup, beaucoup de gens de bonne foi, c'est l'inquiétude qu'ils ont, que ce type de prévention plus communautaire, plus collective disparaisse. C'est là finalement une grande partie de l'inquiétude qui se manifeste, d'autant plus que la prévention, ce n'est pas quand les services s'organisent autour des patients. Justement, la prévention, c'est pour que les gens ne deviennent pas des patients. Alors, je ne sais pas, je voudrais vous entendre là-dessus.
M. Senikas (André): Mme la Présidente, oui, c'est une situation fort complexe, la relation entre santé et services sociaux. J'avais l'intention de rester uniquement sur le terrain de la santé, mais c'est certain que, comme vous le savez, les déterminants de la santé, c'est des problématiques sociales. Cela étant dit, c'est certain qu'on a besoin des instances pour faire de la prévention dans le cadre de la santé des populations et non pas de la santé individuelle, comme vous avez remarqué. Il demeure quand même que les médecins sont impliqués dans la santé des populations. Ça prend une certaine fluidité et c'est certain que dans certaines situations on va être appelé à bâtir une certaine structure pour donner ce type d'encadrement, ce type de soins préventifs, et, dans une autre région, ça va prendre une autre sorte de soins.
Mais, pour revenir à votre question des populations italiennes, d'homogénéité, etc., vous savez, dans le Québec moderne, on change. Et je parle de mon expérience personnelle. Moi, je suis un immigrant. Je suis arrivé ici, quand j'avais sept ans, d'Allemagne. Mon père est Lituanien. Alors, on s'est installés à Saint-Jean-sur-Richelieu, où mon père était médecin immigrant. Ça lui a pris 10 ans avant qu'il ait commencé à pratiquer à Saint-Jean. Moi, je parle avec un accent parce qu'à mon époque les immigrants étaient garrochés dans le système anglais, même les catholiques ? parce qu'on est catholiques.
Par la suite, j'ai eu l'heureux avantage de faire mon cours à l'Université de Sherbrooke ? Sherbrooke est partout ? et de là j'ai appris mon français. Mais, ce que je veux dire, mes enfants maintenant vont à l'école en français, parlent français, vivent le français, et, je pense, les immigrants en général sont en train de s'intégrer dans cette société, et il faut qu'on sorte de ces silos d'immigrants, il faut qu'on rentre dans un Québec moderne français. Et, je pense, les structures devraient suivre cet arrimage-là aussi également. Alors, je pense que c'est faisable en faisant des structures qui vont englober les gens dans leur entièreté, dans leur ensemble, sans revenir à des problématiques ethniques.
n(15 h 20)nMme Harel: Je partage, là... Vous voyez, j'ai à côté de moi une recherchiste dont le papa est né en Espagne. Vous voyez? Bon, les cas d'intégration sont tellement réussis que justement la réussite fait qu'on ne les identifie plus. Mais là on parle de services à donner et dans un contexte où il manque toujours d'argent. Il en manquera toujours, de l'argent, d'une certaine façon, à cause des technologies nouvelles puis du vieillissement de la population, donc des arbitrages. Et c'est certain qu'il y a des engagements qui ont été pris par le gouvernement de mettre 2,2 milliards pour la prochaine année. On verra s'ils le trouveront, mais, quoi qu'il en soit, même avec ce 2,2 milliards, il y aura des choix, et c'est ça, le danger. C'est: Qui va faire les choix? C'est toujours ça, la question: Qui va décider? Parce que les gens qui vont décider, ce ne sera pas des méchantes gens qui vont vouloir qu'il n'y ait plus de prévention communautaire, ou collective, ou sociétale, mais il va y avoir plus d'urgences quotidiennes. Alors, les choix, ils vont les faire pour aujourd'hui ou demain, alors que, si on n'intervient pas auprès...
Dans la périnatalité, par exemple, dans mon quartier, le CLSC fait une immense campagne pour l'allaitement maternel, par exemple. Mais qui va le faire, maintenant, si c'est les urgences, pas la salle d'urgence, mais quotidiennes, là, qui interviennent?
M. Senikas (André): Vous avez raison, ça va être le défi de nous tous d'embarquer dans cette aventure-là.
Mme Harel: En tout cas, j'ai compris dans votre mémoire que vous la souhaitiez volontaire. C'est bien ça, hein? C'est à la page... Vous savez que c'est dans le mémoire.
Il y a mon collègue de Vachon qui aimerait bien échanger également.
La Présidente (Mme Charlebois): M. le député de Vachon.
M. Bouchard (Vachon): Oui. Peut-être pour revenir sur la question de la prévention et sur la question de la protection des missions préventives dans une nouvelle organisation, un nouvel arrangement administratif entre les établissements, vous connaissez le programme Naître égaux ? Grandir en santé qui est inspiré d'un programme qui a été, de fait, développé à Elmira, dans l'État de New York. Et c'est un programme assez fascinant parce que c'est un programme qui est pris en charge par le personnel médical infirmier, mais le personnel est formé à intervenir à différents niveaux de la vie de la famille, notamment en réinsertion en emploi, en activation des réseaux formels et semi-formels autour des familles et aussi en suivi du développement de l'enfant et de la santé de l'enfant et des parents.
Jusqu'à maintenant, ce sont les CLSC qui ont porté ce projet-là, d'abord dans une phase expérimentale puis ensuite dans une phase de plus en plus formelle et implantée dans les services, mais vous comprendrez que là on arrive dans un espace multisectoriel où la culture médicale, qui est beaucoup plus accrochée à la notion d'habitude de vie en prévention, est relativement loin de toutes ces autres préoccupations que vous appelez les déterminants de vie.
À part la bonne volonté, là ? et on croit qu'il y en a beaucoup, mais on croit que la bonne volonté, aussi, elle peut être facilement éméchée par des systèmes qui contrecarrent la bonne volonté ? quelles sont les dispositions que vous verriez comme indispensables pour que cette mission-là de la prévention... Et là je viens de parler de prévention primaire en milieu familial, mais aussi on peut penser à prévention dans les termes, par exemple, de la santé au travail, où c'est l'environnement qui est très souvent mis en cause, c'est l'amélioration des environnements physiques et organisationnels qui sont très loin de la médecine, d'une certaine façon, mais qui sont mis en cause. Quelles sont les précautions qu'une loi ou qu'un encadrement législatif devrait prendre pour qu'on puisse s'assurer que cette vocation-là, que cette mission de prévention soit non simplement protégée, mais renforcée?
La Présidente (Mme Charlebois): Dr Senikas.
M. Senikas (André): C'est justement le défi. On a souligné le problème, c'est que les hôpitaux peuvent devenir centristes, et c'est un défi. Je ne sais pas exactement comment on pourrait l'approcher. Je pense que ça demeure quand même possible qu'on garde ces programmes-là, que même on aborde d'autres programmes, et peut-être qu'on pourrait faire plus. Et la raison que je dis ça, c'est que, par exemple, sur mon même territoire à moi ? je reviens toujours à Saint-Jean-sur-Richelieu ? on a l'Hôpital du Haut-Richelieu où, nous, on est desservis par quatre CLSC. L'autre journée, j'ai vu une patiente qui nécessitait un certain type d'intervention de qu'est-ce que vous venez de dire, sauf qu'elle venait de Lacolle. Alors, je lui ai demandé: Pourquoi tu ne vas pas au CLSC de Napierville? Elle dit qu'elle n'est pas inscrite à Napierville, ce n'est pas dans son territoire. Elle est inscrite à Henryville qui dessert Farnham. Et l'axe géographique pour cette madame-là, ça a été aberrant. Alors, elle est venue directement à Saint-Jean, sur la clinique... D'ailleurs, elle s'est présentée à l'hôpital, à l'urgence, et, parce que l'urgence était engorgée, elle s'est présentée à la clinique où est-ce que je travaille, à côté, et de là on l'a prise en charge pour l'orienter d'une autre façon. Alors, c'est ce genre de chose là qu'on rencontre quotidiennement dans notre pratique. Et je ne dis pas que ça va solutionner tous les problèmes, mais, certainement, il faudrait qu'on apporte plus de continuité à des patients qui sont face à des problèmes de même, où les structures les empêchent d'avoir des soins fluides.
Et on revient à la notion de proximité de façon que les services soient centralisés. Mais oui, vous avez raison que ça devient trop centralisé puis on va peut-être mettre trop l'accent sur les soins aigus, sur les soins spécialisés, etc. Et le problème toujours, ça va être l'allocation, le rationnement de ces ressources-là. De quelle manière qu'on va le faire, ça, ça va être vraiment des défis, vous avez tout à fait raison.
M. Bouchard (Vachon): Mme la Présidente, est-ce qu'il reste du temps ou il n'en reste pas?
La Présidente (Mme Charlebois): Malheureusement, nous n'avons plus de temps.
M. Bouchard (Vachon): C'est très malheureux, Mme la Présidente, très, très malheureux.
La Présidente (Mme Charlebois): Alors, c'est dommage. Alors, merci, Dr Senikas et Dr Ouellet, de votre présence et de votre présentation de mémoire. J'inviterais le groupe de Réseau universitaire intégré en santé à prendre place.
(Changement d'organisme)
La Présidente (Mme Charlebois): Alors, si vous me le permettez, je vais vous demander de vous présenter. Et je vous rappelle le fonctionnement, c'est-à-dire que la commission vous consacre 45 minutes: 15 minutes de présentation de votre mémoire, 15 minutes d'échange avec la partie ministérielle et 15 minutes d'échange avec l'opposition officielle. Alors, si vous voulez bien vous présenter et nous faire part de vos représentations au mémoire.
Réseau universitaire intégré de santé (RUIS)
M. Durand (Pierre J.): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, mon nom est Pierre Durand, je suis doyen de la Faculté de médecine de l'Université Laval et président du RUIS, du Réseau universitaire intégré de santé de l'Université Laval. Alors, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, mesdames et messieurs, je ferai la présentation au nom des quatre présidents des réseaux universitaires intégrés de santé, soit le Dr Abraham Fuks, doyen de la Faculté de médecine de l'Université McGill et président du RUIS de l'Université McGill, le Dr Denis Roy, directeur général du Centre hospitalier universitaire de Montréal et président du RUIS Université de Montréal, le Dr Michel Baron, doyen de la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke et président du RUIS de l'Université de Sherbrooke. Je voudrais excuser mes collègues qui n'ont pu se libérer pour l'occasion. Et je suis accompagné du Dr Claude Poirier, qui est le coordonnateur du RUIS de l'Université Laval.
Je vous remercie de nous donner l'occasion de vous rencontrer afin d'échanger avec vous sur les orientations que vous entendez donner à l'organisation de notre réseau de la santé et des services sociaux et particulièrement sur le rôle que nous croyons que devraient jouer les RUIS.
Le projet de loi n° 25 porte sur les agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux. Il mentionne le nom des RUIS à deux occasions, tout d'abord à l'article 23, le deuxième alinéa: Chacun des réseaux locaux de services de santé et de services sociaux doit être conçu de manière à garantir à la population de son territoire, par le biais d'ententes et d'autres modalités, l'accès à des services spécialisés et surspécialisés en tenant compte des orientations développées par le réseau universitaire intégré de santé reconnu par le ministère et qui est associé au réseau local de services de santé et de services sociaux.
n(15 h 30)n Le RUIS est aussi mentionné au deuxième paragraphe de l'article 27: Aux fins de garantir et proposer un modèle d'organisation de services conformément à l'article 23, l'agence effectue des consultations, notamment auprès des établissements concernés, du département régional de médecine générale institué en vertu de l'article 417.1 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux et auprès de la population de son territoire par l'entremise du Forum de la population mis sur pied en vertu de l'article 343 de cette loi. L'agence doit de plus s'assurer auprès du réseau universitaire intégré de santé que le modèle d'organisation qu'elle propose s'inscrit dans les orientations développées par ce réseau. Le projet de loi n° 25 ne définit donc pas les RUIS, ne définit pas leurs obligations et ne précise pas non plus leur composition.
L'origine des RUIS et l'évolution de son mandat. D'emblée, nous souscrivons entièrement au concept des réseaux universitaires intégrés de santé. D'ailleurs, la région de Québec s'est dotée d'une telle structure de façon volontaire quelques mois à peine après la sortie du rapport Carignan. Suite à une recommandation de la commission Clair, le Dr Raymond Carignan présidait le Comité sur la vision du réseau d'hôpitaux universitaires. Ce Comité recommandait l'implantation d'un RUIS dans chaque région où se trouve une faculté de médecine. Selon ce rapport, la mission originale du RUIS était de planifier et de coordonner, en collaboration avec le Fonds de recherche en santé du Québec et l'Agence d'évaluation et d'intervention sur les modes... l'Agence d'évaluation sur les technologies et les modes d'intervention en santé, l'enseignement des disciplines universitaires de la santé, la recherche et l'évaluation des technologies de la santé à l'intérieur d'un même réseau universitaire et de les harmoniser avec la planification des services de santé à l'intérieur d'une ou des régions administratives des régies régionales de la santé et des services sociaux concernées.
Le mandat que le ministre confie aux RUIS, dans la lettre qu'il adressait aux quatre présidents et vice-présidents des RUIS le 16 juin dernier, est le suivant: il consiste à dégager, à l'intérieur de chaque réseau, les orientations et à aviser le ministère de la Santé et des Services sociaux sur les services médicaux spécialisés et ultraspécialisés des CHU, des instituts universitaires et des zones d'excellence des centres affiliés universitaires, sur l'enseignement des disciplines universitaires de la santé, sur la recherche et sur l'évaluation des technologies de la santé et des modes d'intervention en santé. De plus, les RUIS devront harmoniser leurs activités avec la planification des services de santé et la hiérarchisation des services médicaux des régions administratives de la santé et des services sociaux qu'ils parrainent.
Plus précisément, les mandats qui étaient confiés aux RUIS sont bien décrits dans le mémoire qu'on a adressé. Il est question d'un partenariat entre les établissements, la confection par l'université d'un plan de déploiement de ses programmes de formation, partenariat avec les régions de parrainage du réseau universitaire, de faire des recommandations aux instances universitaires quant à l'adéquation entre les besoins de la communauté et les programmes de formation, à l'harmonisation entre les chefs-lieux par axes de recherche déterminés par le FRSQ et le déploiement des programmes de formation, coordonner et intégrer les plans de main-d'oeuvre pour la prestation des services médicaux spécialisés et ultraspécialisés à l'enseignement, la recherche et l'évaluation des technologies, promouvoir l'instauration d'un plan de carrière dans les hôpitaux universitaires, favoriser, en collaboration avec le Fonds de recherche en santé du Québec, la coordination et la concertation quant aux plans de développement des centres de recherche des centres hospitaliers de son réseau ayant une désignation universitaire ainsi qu'à l'implantation et à l'accès des plateformes sophistiquées de recherche, favoriser, en collaboration avec l'Agence d'évaluation des technologies et des modes d'intervention en santé, le développement de l'évaluation des technologies et des modes d'intervention en santé dans les hôpitaux ayant une désignation universitaire, faire des recommandations aux autorités concernées sur toute réorganisation des soins de santé pouvant avoir des conséquences sur le déploiement des programmes de formation, les effectifs médicaux et autres effectifs professionnels de la santé requis pour les missions universitaires, l'impact du déploiement des programmes de formation sur l'organisation des services de santé et les divers partenariats ? en termes de bassins de desserte, corridors de services, parrainage régional ? à établir entre les hôpitaux universitaires et les autres composantes des hôpitaux ? les établissements non universitaires, les cliniques médicales ? du réseau de la santé, privilégier des mécanismes d'échange et de concertation avec les autres RUIS, exercer toute autre fonction selon la spécificité et l'évolution de son réseau.
Pour diriger les RUIS, le ministère a opté pour une direction conjointe des RUIS. Il en confie la direction à deux composantes majeures, soit les facultés de médecine et les centres hospitaliers universitaires pour adultes. Les doyens des facultés de médecine et les directeurs des CHU des universités de leur territoire occupent les fonctions de président et de vice-président de leur RUIS. Le ministre a nommé à la présidence des RUIS de l'Université Laval, de l'Université McGill et de l'Université de Sherbrooke le doyen de chaque faculté de médecine de ces universités. Il a nommé le directeur général du Centre hospitalier universitaire de Montréal président du RUIS de l'Université de Montréal. Par la suite, le ministre désire appliquer le principe d'alternance à la présidence des RUIS entre les doyens et les directeurs généraux des CHU aux deux ans. Dans cette fonction, le ministre souhaite que le doyen de la faculté de médecine agisse au nom de tous les secteurs des sciences de la santé de l'université et il souhaite que le directeur général soit porteur des intérêts du réseau des établissements universitaires.
En plus du président et du vice-président qui sont nommés par le ministre, les RUIS sont composés des représentants de l'université, d'un représentant du Fonds de recherche en santé du Québec, d'un représentant de l'Agence d'évaluation des technologies et des modes d'intervention en santé, d'un représentant du ministère de la Santé et des Services sociaux, d'un représentant de la régie régionale de la santé et des services sociaux ? qui sera probablement remplacée par l'agence de développement ? pour les territoires évidemment où il y a une faculté de médecine, des représentants des centres hospitaliers ayant une désignation universitaire, des autres régies régionales concernées ainsi que des représentants d'autres partenaires en fonction des besoins.
Le mandat que le ministre confie maintenant aux RUIS est différent. En plus du mandat original du rapport du Comité sur la vision du réseau d'hôpitaux universitaires, qui était prioritairement de s'assurer d'intégrer la triple mission universitaire de l'enseignement, de la recherche et de l'évaluation des technologies et des modes d'intervention en santé à la mission des soins des hôpitaux universitaires, le ministre souhaite que les RUIS prennent des responsabilités importantes dans l'organisation des services médicaux spécialisés et ultraspécialisés de leur région, qu'ils suscitent un partenariat avec les régions de parrainage de leur réseau universitaire respectif et qu'ils coordonnent et intègrent les plans de main-d'oeuvre pour la prestation des services médicaux spécialisés et ultraspécialisés de leur territoire.
De plus, le projet de loi oblige toutes les agences de développement, et non pas uniquement celles des trois régions universitaires, à s'assurer que le modèle d'organisation qu'elles proposent tienne compte de l'orientation des services spécialisés et surspécialisés développés par les RUIS. Ceci obligerait les RUIS à orienter les modèles d'organisation des services dans toutes les régions du Québec. Non seulement les RUIS doivent-ils maintenant parrainer les établissements en région, mais ils devraient aussi parrainer des régions entières.
Les différences entre les deux mandats sont importantes: on passe d'un mandat dont la principale composante était l'intégration des préoccupations d'enseignement et de recherche universitaires dans le réseau des services de santé vers une mission principalement orientée maintenant vers l'organisation des soins non seulement dans la région universitaire des RUIS, mais dans toutes les régions du Québec.
La question que nous nous posons est celle-ci: Les RUIS doivent-ils aborder tous ces mandats et peuvent-ils les aborder tous en même temps? Nous croyons que les RUIS devraient d'abord orienter leurs actions principalement dans les domaines suivants: d'abord, faciliter le déploiement des très nombreuses cohortes de stagiaires de toutes les professions de la santé dans les milieux cliniques. M. le ministre, le gouvernement du Québec a confié aux universités le mandat de former un nombre supplémentaire considérable de médecins et d'infirmières bachelières au cours des 10 prochaines années. Le nombre des professionnels en réadaptation et en pharmacie devra aussi être augmenté de façon considérable pour faire face à une demande de plus en plus grande des milieux de soins. Les milieux universitaires de formation ? les hôpitaux, les CLSC, les instituts de réadaptation ? ont été passablement perturbés par tous les changements structurels qui ont eu lieu au cours des huit dernières années.
Nous croyons qu'une structure comme le RUIS, qui regroupe, entre autres, les dirigeants des établissements à désignation universitaire, des universités, de la future agence de développement et ceux du ministère autour d'une même table, a le pouvoir de susciter toutes les collaborations nécessaires pour mettre en oeuvre les conditions facilitantes pour assurer la prise en charge par le réseau des établissements à désignation universitaire de ces augmentations importantes de stagiaires. Les RUIS peuvent aussi être la structure idéale pour prévoir l'impact du déploiement des programmes de formation sur l'organisation des services de santé.
Les RUIS doivent être solidaires des besoins des régions et faciliter l'établissement des corridors de services entre les établissements régionaux et les établissements à désignation universitaire.
n(15 h 40)n Les facultés de médecine, à l'instar de plusieurs associations professionnelles, d'établissements et d'éducateurs, et confirmé par la littérature, sont d'avis que le meilleur moyen d'intéresser les médecins et autres professionnels de la santé à oeuvrer en région dans l'avenir et à y demeurer éventuellement est de favoriser le déroulement d'une partie significative de leur formation en région. Les RUIS, par les liens qu'ils devront établir avec les autres régions, doivent devenir des outils privilégiés pour supporter les facultés impliquées par de telles déconcentrations en implantant et consolidant des corridors de formation.
Nous croyons que les futures structures de coordination régionale, surtout celles en région universitaire, telles les agences de développement dont il est fait mention dans le projet de loi n° 25, devraient conserver leurs responsabilités dans l'organisation des services, incluant les services spécialisés et surspécialisés, et celles qui leur sont dévolues dans la planification des effectifs médicaux. Les RUIS ne devraient pas avoir de responsabilités directes dans l'organisation des services. Cependant, les RUIS devraient obligatoirement être consultés par les agences de développement de leur territoire lorsqu'une réorganisation des soins de santé peut avoir des conséquences sur le déploiement ou l'agrément des programmes de formation et ils devraient être obligatoirement associés au processus de planification des effectifs médicaux et ceux des autres professionnels. Il faut éviter les conflits de juridiction entre une agence de coordination régionale et les RUIS.
On a présenté dans notre mémoire aussi quelques considérations sur ce qu'est un réseau, un véritable réseau, mis l'emphase sur le fait que les organisations s'articulent de plus en plus aujourd'hui en réseaux plutôt qu'en pyramides de pouvoirs, en cellules dépendantes plutôt qu'en postes cloisonnés et en systèmes informationnels plutôt qu'en secteurs aux frontières imperméables.
L'élaboration d'un travail en réseau doit incorporer les quatre étapes suivantes: tout d'abord, la légitimité. Un véritable réseau doit être défini comme le regroupement volontaire de plusieurs personnes ou pôles de compétences autonomes en vue de répondre à un besoin et à un problème d'organisation préalablement défini.
Les préoccupations véhiculées sont à ce point importantes qu'elles permettent aux membres du réseau d'oublier une partie de leur sentiment d'appartenance envers leur organisation d'origine. On remplace ainsi les logiques institutionnelles et sectorielles par une logique de complémentarité et de synergie des pratiques professionnelles. La base des travaux d'un réseau repose sur la conviction partagée que la mise en commun des préoccupations, au-delà des frontières des établissements, est supérieure à l'isolement et à la compétition, que la promotion d'une approche réseau doit remplacer celle de la recherche de l'autosuffisance de l'établissement et que la logique de services doit remplacer une logique d'établissement.
L'apprentissage. Les principes de fonctionnement en réseau sont appris et intégrés au fur et à mesure de l'évolution fonctionnement en réseau. Le réseau est construit sur certains grands principes fondateurs, ou fédérateurs. La flexibilité doit prédominer dans la conduite des affaires du réseau.
La temporalité. L'apprentissage du travail en réseau est long. Il faut donner au réseau le temps de travailler ensemble, de bien se connaître et s'apprivoiser.
L'autre principe est celui de la construction dans l'action. Il faut rapidement que le réseau se saisisse d'un dossier qui fait consensus et qui permettra de préciser les règles de fonctionnement. Le défi d'un réseau bien structuré et fonctionnel est de trouver les incitatifs qui permettront d'amener les personnes issues d'établissements autonomes, avec des compétences spécifiques et reconnues, à devenir des partenaires opérationnels complémentaires. Finalement, la confiance mutuelle et la transparence des mécanismes décisionnels soutenant les travaux qui y sont présentés doivent être omniprésentes. Le défi des RUIS sera donc de faciliter l'émergence de nouveaux paradigmes d'organisation de soins et d'organisation médicale en facilitant la création des alliances nécessaires à la pleine exécution des responsabilités de chacun des partenaires.
La planification des programmes d'enseignement universitaire dans les régions universitaires et dans les régions périphériques devrait devenir le catalyseur qui favorisera l'amélioration dans l'organisation des services. Et il y a tout un paragraphe ici, dans le mémoire, sur l'importance du leadership clinique et comment, par le RUIS, on peut réussir à mobiliser la base: la base clinique, la base médicale et les regroupements de médecins spécialistes.
Les difficultés appréhendées. D'abord, devant la pression normalement exercée par les problématiques d'organisation de services, la mission universitaire risque d'être reléguée au second plan. L'occasion d'harmoniser l'enseignement et la recherche avec l'organisation des soins risque d'être supplantée par les très nombreux avis importants sur l'organisation des services que le RUIS devra fournir à l'agence de développement et au ministère de la Santé et des Services sociaux.
Ensuite, un réseau ne peut fonctionner que si chaque établissement connaît et accepte son rôle dans le réseau. Or, la désignation des établissements universitaires en 1995 n'a pas encore permis de bien déterminer les responsabilités spécifiques entre les CHU et les CHA, si bien que tous les CHA du Québec aspirent encore à être des CHU, faisant perdurer auprès des cliniciens enseignants et des CHA et des CHU un doute sur l'avenir de leurs programmes dans le réseau universitaire, particulièrement dans le choix de la localisation future des technologies de pointe des futurs services tertiaires et quaternaires. Cette question devrait être rapidement réglée.
Finalement, un réseau requiert des ressources pour le faire fonctionner. Chaque réseau devrait au minimum pouvoir composer sur un budget de fonctionnement qui lui permette de recruter un coordonnateur, un secrétariat et quelques postes de professionnels.
La Présidente (Mme Charlebois): En conclusion.
M. Durand (Pierre J.): En conclusion, nous réitérons que nous sommes favorables à l'implantation des réseaux universitaires intégrés de santé. Les RUIS constituent une très grande opportunité d'intégrer les quatre missions des établissements universitaires et d'augmenter l'intégration des services interrégionaux. La vision proposée par le ministre a l'avantage d'apporter un regard distinct sur l'organisation des services et sur le rôle du réseau universitaire. On constate une augmentation importante du rôle des universités dans l'organisation des services et nous supportons cette orientation.
Il est cependant très important que les RUIS retrouvent la mission originale que leur confiait le Comité sur la vision du réseau d'hôpitaux universitaires et qu'ils ne soient pas impliqués directement dans l'organisation des soins et services, pas plus qu'ils ne soient impliqués immédiatement dans des processus d'arbitrage difficiles de problématiques d'organisation de services spécialisés et surspécialisés pour lesquels ils n'ont pas la légitimité d'agir. Les agences de développement doivent conserver leurs responsabilités dans l'organisation des services et dans la planification des effectifs médicaux. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, Dr Durand. Maintenant, nous allons débuter les échanges. Je dois vous avouer que nous avons utilisé cinq minutes de plus pour la présentation, alors, de consentement, la partie ministérielle et l'opposition officielle ont accordé le cinq minutes de plus et ça va leur être déduit dans leur période. Alors, nous allons débuter le début des échanges avec M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Merci, Dr Durand. Merci pour votre visite, également à votre collègue. Effectivement, la création de ces RUIS là fait suite au rapport Carignan que vous avez cité à quelques reprises dans votre présentation. Effectivement, on est allés un peu plus loin que les recommandations du rapport Carignan, puis je vais essayer d'expliquer pourquoi, puis on pourra avoir un échange là-dessus.
D'abord, on est en train même d'essayer de pousser plus loin la réflexion, parce qu'on voudrait peut-être ajouter un autre S au RUIS. Je ne sais pas si vous avez eu connaissance de ça, il y a des gens des services sociaux qui sont très intéressés à également s'inscrire dans cette vision universitaire intégratrice hiérarchisée. Des gens des centres jeunesse, par exemple, où il y a beaucoup de gens qui ont leur formation dans les universités, seraient intéressés à être inscrits dans cette démarche-là, puis on ne voit pas ça d'un oeil défavorable, au contraire.
Je dirais cependant que les RUIS, dont il faudra effectivement préciser la nature sur le plan légal, vous avez raison, actuellement c'est une sorte de créature administrative qui est la raison pour laquelle, dans le projet de loi, ils sont mentionnés comme étant des RUIS tels que reconnus par le ministre, parce qu'ils ont été formés de façon administrative. Et également leur composition, comme vous avez mentionné, ça va nécessiter de leur donner une incarnation légale véritable. Et c'est dans la deuxième phase, lorsqu'on va travailler sur la Loi de santé et de services sociaux, qu'on va se livrer à cette chose-là, en prenant bien sûr acte de ce qui se sera passé sur le terrain puis de ce que vous aurez vécu, vous, à l'intérieur de ces nouvelles structures là.
Je dirais cependant que les RUIS ne pourront passer à côté d'un certain rôle dans l'organisation des services, pour les raisons suivantes: c'est que, bien sûr, lorsqu'on parle de l'organisation des services suprarégionaux ? la neurochirurgie, les chirurgies cardiaques, l'oncologie, la radio-oncologie, ce genre de services là ? il faut que l'arbitrage soit suprarégional, et, à mon avis, compte tenu de l'aspect universitaire qui, par définition, est important dans ces disciplines-là, il faut absolument que toute desserte suprarégionale qui soit dessinée s'appuie également sur une validation universitaire, étant donné les besoins en formation des résidents, etc. Ça m'apparaît couler de source.
n(15 h 50)n Deuxièmement, lorsqu'on veut ? et je vois que dans votre mémoire vous êtes également partisans de cette hypothèse-là ? lorsqu'on veut pousser la formation en région ? et vous savez qu'il y a plusieurs facultés de médecine qui ont actuellement des beaux projets, donc qui avaient déjà commencé il y a quelques années mais qui continuent ? la formation en région, qui est un des principaux outils qu'on va pouvoir utiliser pour intéresser les jeunes médecins à s'installer en région, bien, par définition, lorsqu'une faculté de médecine s'installe en région pour faire de la formation, elle ne peut pas rester à distance des impacts que cette décision-là, ou que cette orientation-là, en termes d'organisation de services et d'effectifs... Il faut forcément qu'elle ait un rôle à jouer à ce niveau-là.
Et enfin, le soutien des régions auquel vous avez fait allusion, c'est essentiel également et, à mon avis, un des facteurs les plus porteurs de cette organisation universitaire là, qui est un soutien bidirectionnel, qui est un soutien bien sûr pour recevoir des patients selon les corridors de services, parce que, moi, je considère encore inacceptable le fait que beaucoup de patients au Québec voient leur devenir, lorsqu'ils sont en état de besoins souvent aigus de services suprarégionaux, à la merci d'un magasinage par téléphone, là, qui est pour le moins inélégant. Tu sais, je dis ça comme ça pour en avoir été témoin moi-même et moi-même avoir participé à ce genre de conversation là. Donc, il faut absolument qu'on mette, je dirais, une structuration là-dedans, et vous êtes les partenaires les plus, je dirais, les mieux dessinés pour effectuer ce partage des zones d'influence, si on veut, ou l'établissement des corridors de services dans le Québec, et il faut que ça se fasse en collaboration avec vous dans un esprit de soutien des régions mais également de soutien des médecins qui travaillent en région pour leur servir de ressources de formation médicale continue.
Et tous ces trois aspects-là ont des conséquences incontournables en termes d'organisation de services et d'effectifs. Donc, on ne peut pas, d'un côté, vouloir jouer un rôle là-dedans puis ne pas vouloir s'impliquer sans être le partenaire principal, bien sûr. Parce que le ministère est là, les instances régionales sont là, bien sûr, mais il faut certainement que cette organisation universitaire joue un rôle important dans l'organisation des services.
Vous avez parlé de décisions parfois déchirantes d'organisation de services de type universitaire. Je dois dire que deux dossiers de Québec, à mon avis, montrent que le système actuel, sous certains aspects, est quelque peu dysfonctionnel, par exemple le dossier de l'obstétrique à Québec qu'il a fallu aller régler à partir du niveau ministériel. Bien, il aurait été de loin préférable que ça se règle en région, d'une part avec les centres hospitaliers, puis justement l'organisation universitaire, parce qu'il y avait des impacts très forts autant sur la fourniture de services que l'enseignement. Puis vous connaissez le dossier de la greffe de moelle osseuse, qui, je suis certain, occupe vos soirées et vos journées actuellement. Il faut absolument que l'Université Laval, dans le cas présent, mais les autres universités également, ait son mot à dire et participe à ces décisions-là. On ne peut pas se tenir à distance de ces décisions-là.
Et, vous avez raison, le fait d'asseoir les partenaires à la même table a en soi déjà un effet positif, mais il va falloir aller un peu plus loin que ça puis devenir encore plus proactif et participant dans l'organisation non seulement des services, mais également de l'enseignement, de la formation et de tout ce qui a trait à la circulation des étudiants, des stagiaires et des patients sur le territoire québécois.
Et je lis, par exemple, un extrait de votre mémoire, à la page 8, où vous dites: «Les RUIS ne devraient pas avoir de responsabilités directes dans l'organisation des services. Cependant, les RUIS devraient obligatoirement être consultés par les agences de développement de leur territoire lorsqu'une réorganisation des soins de santé peut avoir des conséquences sur le déploiement ou l'agrément des programmes de formation et ils devraient être obligatoirement associés au processus de planification des effectifs médicaux et ceux des autres professionnels de la santé.» Il y a là, en le disant comme ça, un rôle dans la planification des services, mais je suis d'accord que ce n'est pas le rôle dominant, ce n'est pas les RUIS qui vont déterminer comment les effectifs médicaux se déploient au Québec de façon isolée, là. Ça doit se faire en collaboration avec les autres acteurs, et ce serait dommage que cette voie-là, que cette voie universitaire ne soit pas entendue.
Si on regarde la question de l'horizon de la formation à distance, actuellement on a la cible, pour la formation dans des spécialités de base, de faire autour de 10 % de la formation en région. Est-ce que vous pensez que c'est réaliste? Actuellement, on tourne autour de 5 % selon les facultés. Est-ce que vous pensez que c'est possible de déployer jusqu'à 10 % du temps de formation en spécialités de base en région?
M. Durand (Pierre J.): Ce que je dois dire là-dessus, c'est que les quatre facultés de médecine ont reçu positivement la demande et l'invitation qui leur a été faite d'augmenter la formation dans les spécialités de base dans les régions du Québec. Les vice-doyens au programme post-MD, qui se réunissent régulièrement, ont pris leur mandat très au sérieux, ont rencontré les directeurs de programme concernés, dans les six domaines concernés, pour mettre en place des plans d'action qui augmentent le pourcentage de mois en région à l'intérieur de chacun des programmes. Est-ce que 10 %, c'est réaliste? Je vous dirai que je ne statuerai pas sur un pourcentage, mais on pense qu'il y a de la place pour une augmentation considérable. Il faut voir que les quatre facultés de médecine n'en sont pas au même niveau actuellement. La Faculté de médecine de l'Université Laval est celle qui de loin a le plus de mois-stages en région, et ça nous vient de notre histoire, de notre géographie et d'une tradition d'un enseignement décentralisé en région qui est plus grande que ce que les facultés de médecine de la métropole, de Montréal et de McGill, ont réussi à faire dans le passé.
Est-ce que 10 %, c'est un objectif? Vous savez, c'est un objectif. Est-ce qu'on pourrait aller plus loin que ça même dans certains secteurs? Peut-être. Un peu moins que ça dans certains autres. Mais la commande est prise très au sérieux, d'autant plus que, avec l'augmentation de nos cohortes d'étudiants, qui dans quelques années seront devenus des résidents dans les programmes de formation spécialisée, nous aurons à étendre notre réseau d'enseignement clinique avec une collaboration de plus en plus grande de nos régions partenaires et qu'il va de soi que ce ne sont pas seulement des étudiants à un niveau précoce de la formation qu'on doit envoyer, mais ce sont aussi des résidents dans les programmes de formation spécialisée qui doivent venir en appui au milieu hospitalier, aux cliniciens des régions qui sont engagés dans la formation de nos étudiants. Alors, il y a une cohérence interne, là, et nous avons accepté de relever ce défi-là.
M. Couillard: Mme la Présidente, oui. Merci. Bravo! Puis c'est vrai que c'est l'Université Laval qui a le plus longtemps... le plus de... a montré le plus de propension, en pratique, à envoyer des stagiaires en région. L'Université de Sherbrooke aussi un peu, je dois dire, là. Mais je ne veux pas trop prêcher pour ma paroisse ici. Mais là, à partir du moment où vous allez aller vers cet objectif-là, vous allez avoir besoin des professeurs en région. Ces professeurs-là s'installent pour faire une carrière professionnelle en région. Ils ont un impact forcément sur les effectifs médicaux, sur l'organisation des services. Vous voyez où je voulais en venir, là, le lien, on ne veut pas le voir en vase clos, là. Il y a un lien qui est essentiel.
Pour la médecine de famille, également on vise 30 % à 40 % de formation en région alors que maintenant c'est autour de 20 %. Ça varie selon les facultés. Est-ce que vous pensez que c'est également là quelque chose qui est possible?
M. Durand (Pierre J.): C'est la même chose au niveau de la formation en médecine de famille, où on va vers une augmentation aussi des activités, des stages de formation. On va vers le développement d'unités de médecine de famille dans toutes les grandes régions du Québec, dans les milieux hospitaliers et les CLSC qui peuvent accueillir ces infrastructures de formation là. Il y a un processus de révision actuel du contenu de la formation en médecine de famille pour rendre cette formation-là encore mieux adaptée aux besoins des réseaux de première ligne, aux besoins des populations des territoires.
Puis j'entendais parler tout à l'heure de l'approche avec les milieux communautaires, que, oui, nos résidents soient mieux équipés pour faire l'interface avec ces groupes importants dans la prévention, et aussi pas juste dans la prévention, mais comme filet de sécurité communautaire dans différentes problématiques de la santé. Oui, alors, on s'en va vers un déploiement important de nos milieux de formation qui implique de plus en plus les régions.
Ce que je vous dirai, c'est des nouveaux partenariats qui s'installent entre les facultés de médecine, les universités et les milieux cliniques de formation en région où on a à maintenir, à développer et à consolider des infrastructures de formation, de formation initiale, de formation avancée en médecine, de formation continue, et ces choses-là se font non seulement à l'échelle des établissements, mais aussi à l'échelle des régies régionales, qui vont devenir des agences, c'est-à-dire que... des partenariats qui soient conformes aussi avec les modèles d'organisation de services et la planification à plus long terme des effectifs médicaux, des effectifs professionnels qui sont requis pour assurer cette formation-là.
M. Couillard: Il y a quelque chose pour lequel la région de Québec pourrait servir d'exemple ailleurs au Québec, puis d'ailleurs ça a commencé à faire des petits, c'est la définition de «mandat hospitalier clair». Si vous êtes un citoyen de Québec puis que vous avez le malheur d'avoir besoin d'une chirurgie thoracique ou d'une chirurgie pulmonaire, bien, vous savez exactement quel hôpital fait de la chirurgie pulmonaire parce que la masse critique y est retournée là, y est retenue là. Même chose pour la chirurgie cardiaque, même chose pour la neurochirurgie et même chose pour la pédiatrie spécialisée. Alors, cette définition de «mandat hospitalier», là, c'est très important. D'ailleurs, l'Abitibi a fait la même chose au cours des derniers mois en concentrant l'orthopédie à telle ville, la chirurgie générale et d'autres disciplines dans d'autres, et ça donne, pour le patient, une capacité... pour le médecin référant, de se retrouver dans toutes ces structures-là.
Sur le plan universitaire, comment vous avez vécu ça, ce réalignement, au cours des années, à Québec, à partir du moment, par exemple, où on a décidé que toute la chirurgie thoracique puis toute la chirurgie cardiaque se faisaient à un établissement? Comment est-ce que ça s'est vécu sur le plan de l'organisation de l'enseignement, ça?
M. Durand (Pierre J.): Du point de vue de l'organisation de l'enseignement, on a des programmes de formation reconnus dans plusieurs de ces secteurs-là, évidemment le secteur de la pneumologie, le secteur de la cardiologie. On a un nouveau programme qui vient d'émerger en chirurgie vasculaire aussi, qui prend ses assises non seulement sur la pointe d'expertise en chirurgie cardiaque à l'Hôpital Laval, mais aussi une équipe de chirurgiens vasculaires à l'Hôpital Saint-François d'Assise. Il y a eu une adaptation, et on a réussi à maintenir nos programmes de formation dans la plupart des secteurs où il y a eu une réorganisation de nos services spécialisés et surspécialisés.
n(16 heures)n On voit qu'avec le RUIS ce qui est proposé ici, c'est que la planification même de ces concentrations-là se fasse aussi de pair avec la planification des aménagements qui doivent être faits aux activités de formation, au déploiement du corps professoral et à la concentration des technologies qui sont indispensables aux activités de ces secteurs tertiaire, quaternaire, donc combinées avec la recherche. Et, bien sûr, qui chapeaute tout ça? Un souci d'évaluation des technologies, comme c'est bien identifié dans la mission des établissements universitaires.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, Dr Durand. Je m'excuse, nous allons poursuivre notre échange avec la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.
Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Alors, au nom de l'opposition officielle, bienvenue, Dr Durand. Alors, vous représentez aujourd'hui non seulement le RUIS de l'Université Laval, dont vous êtes le président, mais aussi vous êtes porte-parole, je pense, aujourd'hui des présidents de RUIS.
M. Durand (Pierre J.): C'est ça. Évidemment, le document qui vous a été présenté ici a été circulé, il y a eu une conférence téléphonique ce matin et les gens adhèrent à ce qui est là-dedans.
Mme Harel: Alors, je voudrais également saluer le Dr Poirier.
Écoutez, c'est une toute petite remarque, mais c'est inouï, à quel point ? on a dû déjà vous le dire, Dr Durand ? que votre voix ressemble à celle de l'animateur, M. Archambault, là, de la radio de Radio-Canada.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Non? Jamais on ne vous a dit ça? Non?
M. Durand (Pierre J.): Non.
Mme Harel: Non? Sérieusement?
M. Durand (Pierre J.): Jamais.
Mme Harel: En fait, c'est assez extraordinaire. C'est le dimanche soir. Je vous assure que, si vous le syntonisez, vous allez penser vous entendre vous-même. C'est une très, très belle voix radiophonique.
Une voix: C'est un compliment.
Mme Harel: C'est un compliment, là. C'est un compliment.
M. Durand (Pierre J.): Je le reçois.
Mme Harel: Très bien.
M. Couillard: Aïe! c'est vrai!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Écoutez, je pense que c'est très sage, c'est très sage. Moi, je reçois le mémoire comme ceci. En fait, vous dites: Avant de diriger le trafic, on ne veut pas être frappé mortellement, c'est-à-dire qu'on ne veut pas être la cible de tous ceux qui pensent qu'ils peuvent diriger également. Alors, allons-y étape par étape. Est-ce que je me trompe dans cette analyse?
M. Durand (Pierre J.): C'est vraiment l'esprit qu'il y a derrière ce mémoire-là. C'est qu'on est prêts à relever des défis, on est prêts, oui, à s'associer avec l'ensemble des partenaires, mais on n'a pas la maturité ni la robustesse pour diriger l'organisation des services médicospécialisés et surspécialisés au Québec, en ce 8 décembre 1993.
Une voix: 2003.
M. Durand (Pierre J.): 2003. Excusez-moi.
Mme Harel: Est-ce que ça correspond à une date anniversaire, 1993? Ha, ha, ha!
M. Durand (Pierre J.): Le 8 décembre, oui, c'est la fête de l'Université Laval. Mais pas 1993.
Regardez, on veut cheminer là-dedans. On a fait, je pense, déjà beaucoup de travail depuis quelques mois, on est prêts à prendre d'autres défis et puis à s'engager là-dedans, mais il ne faut pas briser ces rapports de confiance et ces nouvelles façons de fonctionner qui sont en train d'être mises en place progressivement, qui demandent beaucoup de temps. Et c'est là qu'on vous dit: C'est facile de tout faire sauter, vous avez juste à injecter dans le système des dossiers hautement conflictuels, et là ça va tomber à pas grand-chose. C'est le cri qu'on vient vous porter aussi.
Les infrastructures dont on dispose ne sont pas suffisantes aussi pour gérer des dossiers dont le voltage est à ce point élevé qu'il peut faire mourir les apprentis qui ne s'y connaissent pas. Et nos structures de RUIS n'ont pas encore la maturité, le savoir-faire, l'expérience et l'expertise pour se lancer là-dedans, d'où l'importance des régies régionales et des autres niveaux décisionnels de structures qui existent actuellement. Mais on est prêts à relever le défi et, avec ces partenaires-là, de jouer un rôle plus important.
Mme Harel: À la page 7 de votre mémoire, vous dites: «Nous croyons qu'une structure comme le RUIS, qui regroupe, entre autres, les dirigeants des établissements à désignation universitaire, des universités, de la future agence de développement et ceux du MSSS autour d'une même table...» À ce moment-là, est-ce que vous voyez les agences de développement, toutes celles qui sont concernées, dans le corridor de services?
M. Durand (Pierre J.): À maturité, il est bien certain que, si je prends l'Université Laval avec la Gaspésie, le Bas-Saint-Laurent, la Côte-Nord, il va falloir développer avec les agences locales aussi un partenariat très étroit pour que la planification des plans d'effectifs médicaux, par exemple, puisse servir les intérêts optimaux, la réponse aux besoins de la population dans une optique de hiérarchisation des soins, c'est-à-dire une bonne première ligne bien organisée et des services spécialisés qui viennent en appui aux services de première ligne, planifier conjointement les plans d'effectifs médicaux pour que ça puisse servir aussi les intérêts de la formation en région et que, dans ces plans d'effectifs là, on voie apparaître un certain nombre d'individus qui auront une formation en pédagogie, qui seront nos partenaires, nos agents de liaison en région pour la formation de nos cohortes d'étudiants, que ce soit en médecine, en sciences infirmières, en pharmacie, en réadaptation, etc. Oui, il devra y avoir une forme de partenariat.
Ce qu'on vous dit, c'est que le RUIS n'a pas la maturité pour prendre l'hégémonie là-dessus puis gérer ça, actuellement. Mais, oui, c'est un interlocuteur qui pourra aider à nous donner une plus-value d'ensemble sur l'utilisation des ressources rares et des effectifs qui sont à notre disposition.
Mme Harel: Quels sont vos interlocuteurs présentement?
M. Durand (Pierre J.): Il faut voir que les RUIS ont commencé à travailler avec ce que j'appellerais les établissements de santé à désignation universitaire. Alors, dans la région de Québec, pour parler de cette expérience-là, parce que ça fait 18 mois qu'on fonctionne, on a d'abord assis autour de la table le CHU, le CHA et l'Institut en santé physique. Vous voyez que c'était très restreint. Mais il faut se rappeler que ça faisait plusieurs années qu'il n'y avait pas beaucoup de contacts entre ces gens-là, qu'il fallait créer en premier. Par la suite se sont ajoutés un CLSC à désignation universitaire, un établissement mission santé mentale, le Centre hospitalier Robert-Giffard, et aussi l'hôpital Hôtel-Dieu de Lévis, qui est un centre hospitalier affilié universitaire, qui appartient à la région 12 mais qui fait partie du réseau plus intime du RUIS de l'Université Laval.
Il est bien certain qu'on voit déjà apparaître dans la région 12 des liens et des rapports avec l'agence, ou la régie régionale, de la région 12. Il y a déjà des contacts formels qui ont été faits avec les régies régionales de la Gaspésie, des Îles-de-la-Madeleine, du Bas-Saint-Laurent et de la Côte-Nord. O.K.? On voit la volonté d'un réseau d'établissements universitaires et de plusieurs facultés ? médecine, sciences infirmières, pharmacie ? de s'associer avec des partenaires régionaux et de tirer des avantages, dans un échange de réciprocité, qui desservent à la fois les services à la population mais aussi les intérêts de formation, décentraliser la formation de nos étudiants.
Mme Harel: Vous êtes certainement très au fait que, dans les régions, particulièrement les régions ressources, il y avait une certaine inquiétude devant ce que vous appeliez peut-être une hégémonie possible, en vertu du moins du projet de loi, et je disais au début: Je pense que c'est sage, la position, parce qu'il y a une familiarisation qui va se développer au fil des expériences communes, des succès aussi que vous pouvez remporter. Il y a toujours, vous savez, une espèce de scepticisme, hein, qui persiste en région ressource qu'il est possible, dans un milieu universitaire, disons, d'être sensible, là, aux préoccupations, aux attentes, hein, des régions.
M. Durand (Pierre J.): Oui. Je peux vous dire qu'on est très sensibles aux préoccupations de nos régions, et nous avons bien vu, nous aussi, la méfiance qu'il pouvait y avoir vis-à-vis les RUIS, ces espèces de pyramides de pouvoirs qui viendraient siphonner les ressources. Alors, ce n'est absolument pas l'esprit à l'intérieur duquel on veut travailler. D'ailleurs, tout le long du document, vous voyez que le fonctionnement en réseau, ça fonctionne sur la bonne volonté, sur le partage d'information et sur la mise en place de stratégies très concrètes pour résoudre un certain nombre de problèmes qui, pour une bonne partie, sont ceux des régions, mais aussi les problèmes des régions pourvoyeuses de ressources, les régions métropolitaines, etc.
Mme Harel: ....certainement, Dr Durand, un porte-parole très autorisé avec les autres RUIS. Mais quelle est la région, par exemple, de McGill, de l'Université McGill?
M. Durand (Pierre J.): Bon, regardez, c'est le Dr Fuks qui pourrait répondre à ça, mais c'est l'Outaouais qui se trouve à être une des régions désignées, ou privilégiées, pour l'Université McGill, l'Outaouais, dans laquelle l'Université McGill se déploie progressivement, des UMF, des stages dans les spécialités de base. Il faut voir que l'Université McGill a peut-être un peu plus de chemin à faire de ce côté-là avec ses régions, mais je peux vous dire que et de la part du doyen et de ses vice-doyens il y a une volonté très claire et des directives très claires qui ont été données aux directeurs de programme en ce sens-là. Évidemment, je ne suis pas là pour faire la promotion de l'Université McGill, vous comprenez.
Mme Harel: Non, non. Mais on a bien senti que vous aimiez beaucoup l'Université Laval...
M. Durand (Pierre J.): Beaucoup, oui.
Des voix: Ha, ha, ha!
n(16 h 10)nMme Harel: ...ce qui est très bien, ce qui est très bien. Mais, par exemple, dans le cas, là, disons, de l'Université McGill, est-ce que ça peut venir, peut-être pas corriger, mais avoir un effet sur la rétention des étudiants? Je lisais dernièrement des dossiers à l'effet qu'après 10 ans, là, c'est presque 78 %, presque 80 % des étudiants diplômés par McGill qui ne pratiquent plus au Québec. Dans le contexte de pénurie, là, qu'on connaît, est-ce que vous pensez qu'il y a des mesures qui peuvent être introduites, qui seraient de nature à retenir ces diplômés ici? On ne peut pas les retenir de force, évidemment, mais... Parce que c'est énorme, hein, vous savez, presque 80 % qui pratiquent ailleurs, à l'extérieur du Québec.
M. Durand (Pierre J.): On a déjà de la misère à former les docteurs que ça nous prend pour donner les services à la population, surtout il ne faut pas les perdre. Il y a déjà des comités qui ont travaillé là-dessus, et, oui, il y a un ensemble de mesures qui ont été visées, puis je pense que le gouvernement antérieur et le gouvernement actuel ont fait preuve de beaucoup de continuité là-dedans, dans la mise en place de ces mesures-là.
Le déploiement de la formation en région en est un, évidemment. Le fait de prendre une clientèle étudiante qui vient du Québec, c'est certainement une solution qui aide au problème. Le fait de former ces gens-là dans les milieux de pratique qui vont être... les milieux de formation qui sont les nôtres, c'est certainement une solution aussi, d'enlever aussi certaines pénalités qui étaient imposées à des résidents qui devaient sortir du Québec de façon obligatoire. Bien, je pense qu'on est en train de corriger toutes ces choses-là. La Table de concertation sur les effectifs médicaux au Québec se penche activement sur ces dossiers-là, et il y a une très belle concertation qui s'établit entre les fédérations, le Collège des médecins, les universités, le ministère de la Santé et les régies régionales pour trouver les mécanismes qui incitent, obligent parfois un certain enracinement.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va?
Mme Harel: Oui. Alors, je dois donc conclure que ce serait hasardeux et prématuré, en fait, de tout de suite vous confier, si vous voulez, le leadership, là, de tout ça.
M. Durand (Pierre J.): On ne peut pas nous demander d'organiser tous les services médicaux spécialisés et surspécialisés au Québec, mais on a certainement un rôle à jouer et on est prêts à jouer ce rôle-là avec l'autorité qui est la nôtre, avec la responsabilité première qui est la nôtre, celle de la formation de la relève et des programmes, celle de la formation de base des étudiants dans les différents champs professionnels de la santé et des services sociaux, si on nous le demande. Ce qu'on vous dit, cependant: il faut prendre le temps qu'il faut pour consolider ces RUIS là, ne pas enlever les responsabilités qui incombent à d'autres. On travaillera avec ces partenaires-là puis on travaillera dans une optique de partenariat, et on est prêts à répondre aux besoins que la population du Québec et que le gouvernement actuel nous demandent... dans les voies que le gouvernement actuel nous demande de prendre.
La Présidente (Mme Charlebois): Alors, merci, Dr Durand et Dr Poirier, de nous avoir fait présentation de votre mémoire. J'inviterais maintenant les gens de la Fédération des médecins résidents du Québec à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.
(Changement d'organisme)
La Présidente (Mme Charlebois): Alors, je vous rappelle que... Je vous demanderais de vous identifier avant le début de la présentation de votre mémoire. Je vous rappelle le fonctionnement: la commission vous consacre 45 minutes, 15 minutes de présentation de votre mémoire et 30 minutes d'échange, soit 15 minutes avec la partie ministérielle et 15 minutes avec l'opposition officielle. Alors, si vous voulez débuter et vous présenter d'abord.
Fédération des médecins
résidents du Québec (FMRQ)
M. Garceau (Patrick): Parfait. Merci, Mme la Présidente. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, Mme la porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, Mmes et MM. les commissaires, mesdames et messieurs, je me présente, je m'appelle Patrick Garceau. C'est moi qui est président de la Fédération des médecins résidents du Québec. Je suis résident III en cardiologie à l'Université Laval et je compte orienter ma future pratique en région. J'ai, à ma droite, le Dr Pierre-Yves Anctil, qui est secrétaire de la Fédération, et qui est résident II en anesthésiologie à l'Université Laval, et qui également souhaite établir sa pratique en région; à ses côtés, j'ai le directeur de la Fédération des médecins résidents, M. Jean Gouin, lui qui fait partie plus d'une instance nationale que régionale; à ma gauche, j'ai le Dr Daniel Paquette, qui est résident IV en santé communautaire et trésorier de la Fédération; et, à l'extrême gauche, j'ai le Dr Antoine Groulx, qui est président de l'Association des médecins résidents de Québec et résident II en médecine familiale et qui compte également s'établir en Gaspésie à la fin de sa résidence. Alors, voilà pour les présentations.
J'aimerais maintenant remercier la commission d'accueillir la Fédération des médecins résidents du Québec aujourd'hui dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 25 concernant les agences de développement des réseaux de services de santé et de services sociaux et ainsi de permettre à la relève médicale de faire connaître son point de vue en ce qui a trait à la réorganisation du réseau québécois.
Les médecins résidents reconnaissent la nécessité pour le Québec d'assurer une meilleure coordination des soins de santé et des services sociaux. Nous croyons que le projet de loi n° 25 que le ministre de la Santé a déposé à l'Assemblée nationale le 11 novembre dernier se veut un pas dans cette direction, mais les mesures proposées ne font pas l'unanimité. En fait, les craintes qui ont été exprimées dernièrement sont très certainement légitimes. Elles émanent probablement en grande partie du fait que le ministre ne s'est pas vraiment exprimé sur la suite des événements ni sur des modifications encore plus importantes qu'il entend apporter dans le but d'améliorer l'accessibilité aux soins, et ce, partout sur le territoire québécois.
La Fédération a, elle aussi, identifié des éléments qui l'ont amenée à s'interroger sur le bien-fondé des mesures proposées. Nous sommes bien conscients que les changements n'apporteront pas de résultats immédiats. Nous sommes par ailleurs d'avis que le maintien du statu quo est inacceptable et qu'il risque de faire perdre au réseau et à ses intervenants le peu de résilience qu'il lui reste. Ainsi, malgré ses réticences, la Fédération est d'avis que, dans le contexte actuel, c'est l'accessibilité optimale aux soins, et la répartition adéquate des ressources au sein du réseau de la santé, qui doit primer et guider les différents partenaires du réseau dans cette démarche.
L'exercice sera cependant difficile et il faudra faire des choix, car même le plus efficace et efficient des systèmes de santé ne peut offrir tous les soins dans tous les établissements médicaux du Québec. Il doit cependant permettre que tous aient accès aux meilleurs soins possible dans l'établissement approprié et au moment jugé opportun. En fait, ce que ça veut dire, c'est que l'hôpital local ne va pas offrir tous les soins de santé. Ça veut dire que le patient qui va se présenter dans l'établissement local va être dirigé vers le meilleur praticien et traité dans le meilleur établissement pour la pathologie qu'il présente.
La Fédération croit que la structure proposée par le ministre à cet égard devrait permettre une plus grande souplesse dans la gestion des enveloppes budgétaires et répondre plus adéquatement aux besoins de la population dans toutes les régions du Québec en assurant l'imputabilité des intervenants et en préservant également l'équité interrégionale. Elle appuie d'ailleurs cette approche qu'elle a fait valoir dans le cadre de commissions parlementaires antérieures où nous avions prôné la mise en place et la consolidation de corridors de services entre les centres hospitaliers universitaires, les centres hospitaliers régionaux et les centres hospitaliers locaux.
Les médecins résidents réitèrent ici leur accord à l'égard de nouvelles mesures de consolidation dans le but de faciliter le réseautage des centres hospitaliers locaux et régionaux et des centres hospitaliers universitaires sans par ailleurs limiter la liberté de choix des patients, que ce soit pour leur médecin ou pour leur établissement.
La Fédération des médecins résidents du Québec compte environ 2 000 membres, soit plus de 500 médecins résidents en médecine familiale et 1 500 médecins résidents qui poursuivent une formation médicale spécialisée dans les 35 autres spécialités reconnues au Québec. Ceux-ci pratiquent dans tous les centres universitaires, dans les instituts, dans les centres hospitaliers affiliés universitaires, de même que dans certains établissements dans les régions intermédiaires, périphériques et éloignées, par le biais de la formation décentralisée. Nous dispensons des soins à la population en raison de 72 heures en moyenne par semaine. En tant que dispenseurs de soins de première ligne dans ces établissements, nous sommes à même de constater au quotidien les problématiques du réseau.
Déjà en septembre 2000, dans le cadre de la commission Clair, nous avions émis un certain nombre de recommandations à cet égard, dont la mise sur pied de mécanismes pour favoriser le partage d'expertises entre les centres hospitaliers universitaires et les centres régionaux et locaux et développer davantage de corridors de services entre les centres régionaux et les centres universitaires.
n(16 h 20)n Les réseaux universitaires intégrés de santé, les RUIS, que le ministre se propose de mettre sur pied devraient appuyer la démarche des centres hospitaliers universitaires pour fournir un soutien professionnel aux centres régionaux et locaux afin de mieux répondre aux besoins qui seront exprimés par les réseaux locaux de services de santé et de services sociaux. Dans ce contexte, cependant, il faut comprendre que les CHU devront bénéficier des ressources matérielles, financières et humaines afin d'assumer pleinement leur mandat. Le lien qui est proposé dans le projet de loi et qui confère aux RUIS la responsabilité d'établir les orientations des agences de développement doit, de ce fait, être revu. Ce sont les RUIS qui devront adapter leurs orientations aux besoins exprimés par les réseaux locaux et non pas l'inverse.
Dans la foulée de ces changements, la clarification du rôle des centres hospitaliers universitaires et la reconnaissance de leur caractère unique en fonction de leur quadruple mission, soit la dispensation des soins de première, deuxième, troisième et quatrième ligne, l'enseignement, la recherche et l'évaluation des technologies médicales n'en seront que plus essentielles. La consolidation de la structure de formation postdoctorale par la mise en place des pôles régionaux que préconise le ministre facilitera encore plus cette démarche à l'égard des CHU et des médecins qui dispensent de l'enseignement, puisqu'elle permettra la mise en place d'équipes de soins qui respecteront les masses critiques nécessaires à cette formation, de même qu'à la pratique médicale, ainsi qu'au maintien de la qualité des soins.
D'autre part, dans le contexte de regroupement des ressources locales et de hiérarchisation des soins de santé, la Fédération croit que le rôle que l'on réservera au médecin de famille et aux autres intervenants de première ligne devra être précisé. Son rôle est en fait actuellement très vague. Alors que le gouvernement souhaite que tous les citoyens aient accès à un médecin de famille polyvalent qui pourra assumer les soins de première ligne, la prise en charge, la continuité des soins, on remarque que les médecins choisissent assez tôt dans leur pratique de se spécialiser dans un créneau de la médecine. Au moment où le Québec revoit la hiérarchisation des soins et des services de santé qu'il offre, il faut que nous établissions des balises qui permettront de clarifier le rôle de chacun au sein du réseau et surtout celui des médecins de famille qui doivent assumer les soins de première ligne. C'est un exercice auquel le gouvernement, en collaboration avec la communauté médicale, doit se consacrer, et ce, sans tarder.
La contribution des médecins du Québec et la nature des ententes qui seront établies entre les établissements au cours des prochains mois seront déterminantes dans le processus de réorganisation des soins. Mmes, MM. les commissaires, quelles que soient les mesures que le gouvernement mettra en place, une chose est certaine, on ne pourra avoir de stabilité sans partenariat. Et, dans cette perspective, la Fédération considère que toute réorganisation des soins doit être basée sur un certain nombre de principes que nous considérons comme immuables.
Les mesures qui seront mises de l'avant par le biais du projet de loi n° 25 de même que les autres projets de loi qui suivront cette démarche ne pourront réussir que si elles respectent les principes d'accessibilité et de continuité des soins; deuxièmement, si elles favorisent la fluidité des services et la réactivité du système; troisièmement, si elles assurent la responsabilisation des intervenants et l'imputabilité des divers partenaires du réseau; quatrièmement, si le modèle de hiérarchisation proposé respecte les besoins exprimés par la population et qu'au-delà de tout elle garantisse la stabilité du réseau, et ce, dans le meilleur intérêt du patient. Ces principes doivent primer pour toute décision liée à la réforme majeure que le gouvernement se propose de réaliser dans les années à venir.
La Fédération s'interroge également quant à l'avenir des agences de développement des réseaux locaux de soins de santé et de services sociaux, mais elle est encore plus inquiète devant l'ampleur du pouvoir que le ministre se réserve dans le projet de loi n° 25. Alors que le ministre veut responsabiliser les réseaux locaux, il nous apparaît étonnant qu'il souhaite maintenir une telle proximité de gestion avec la structure qu'il veut décentraliser. Et, bien que le ministre soit de fait responsable auprès de la population, la Fédération des médecins résidents croit que, pour certaines décisions qu'il aura à prendre, il serait préférable qu'il reçoive un mandat du gouvernement.
La stabilité du réseau dépend de la personne qui occupe le poste de ministre de la Santé et des Services sociaux. Dans le passé, les ministres ne furent en poste que pour quelques années. Même que certains ne l'ont été que pour quelques mois. Nous avons un devoir envers la population, nous devons nous assurer de maintenir la stabilité du réseau quelle que soit la personne qui assume la responsabilité du ministère.
Enfin, un mot sur la contribution que nous souhaitons apporter à la réforme du système de santé. Les médecins résidents veulent participer activement aux discussions qui façonneront le futur système de santé québécois. Nous sommes d'ailleurs de plus en plus impliqués depuis quelques années, notamment par rapport au plan de planification et de répartition de l'effectif médical au Québec. Dans ce contexte, nous souhaitons que soient maintenus les postes des médecins résidents au sein des conseils d'administration des centres hospitaliers universitaires et des centres hospitaliers affiliés universitaires. De plus, nous croyons qu'un poste devrait également être réservé à un médecin résident au conseil d'administration des pôles régionaux qui dispenseront de la formation postdoctorale.
Les médecins résidents du Québec souhaitent aussi faire partie intégrante des travaux des RUIS dont on entend voir évaluer les orientations quant à la dispensation des soins et des services de santé sur leur territoire de même que sur le plan de la formation doctorale, postdoctorale et de la formation médicale continue. Nous voulons participer activement aux travaux de réorganisation du réseau de la santé et contribuer à élaborer de nouveaux modèles de dispensation des soins et des services de santé.
En terminant, la Fédération aimerait souligner sa préoccupation à l'égard de l'intention du ministre d'imposer un modèle à certains établissements, advenant l'impossibilité pour certains d'entre eux de convenir d'un mode de fonctionnement qui réponde aux attentes du législateur. Cet aspect du projet de loi nous inquiète particulièrement. Selon nous, il est important de donner le temps aux établissements pour atteindre le consensus. La coercition, en fait, ce n'est jamais la solution. Des exemples récents nous l'ont prouvé à travers les projets de loi nos 114 et 142.
Par ailleurs, souhaitons que le ministre ne tardera pas trop à faire connaître les tenants et aboutissants de ce nouveau réseau de santé, car ne pas savoir engendre l'insatisfaction et l'instabilité, les situations mêmes que nous tentons d'éliminer. Les intervenants et les partenaires du réseau de la santé québécois ont besoin d'un horizon. Sinon, à quoi aurait servi le projet de loi n° 25?
Mesdames et messieurs, l'avenir du réseau passe par la volonté des différents partenaires de trouver des solutions, mais, pour cela, il faut participer aux décisions. La Fédération est prête à assumer son rôle dans l'exercice en cours, car, voyez-vous, pour nous, participer, c'est agir. Je vous remercie de votre attention.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, Dr Garceau. Alors, je vais céder la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Merci, Dr Garceau et vos collègues, pour cette présentation. Je pense que tout le monde a remarqué avec beaucoup d'intérêt ? je ne sais pas si c'est une coïncidence ? le fait que vous semblez tous vous diriger vers une pratique en région. Je ne sais pas si c'était planifié de même ou si c'est un reflet de vos orientations de plus en plus fréquentes parmi vous. J'espère que c'est un reflet d'une tendance qui va aller en s'accentuant, parce que Dieu sait que les régions ont besoin d'installations. Puis on y reviendra tantôt, je vais être intéressé à savoir qu'est-ce qui vous a décidés à aller vers une pratique en région. Ça pourrait nous servir d'enseignement utile pour développer d'autres formules. Évidemment, je me sens un peu près de vos préoccupations. Moi, j'ai été résident comme vous entre 1979 et 1985. Ça a l'air de l'ancien temps, là, pour vous autres, je sais bien, mais il me semble, moi, que c'était hier. Je me revois encore, là, j'allais dire sur les bancs de l'école, mais, non, arpentant les corridors à toutes sortes d'heures bizarres et toutes sortes de saisons. C'était l'époque où on travaillait deux jours sur trois à l'hôpital, où on dormait deux nuits sur trois à l'hôpital ? de suite.
Puis, je me souviens, à l'époque, il y avait eu une grosse innovation, le nouveau syndicat des résidents, qui avait commencé, là, quelques années auparavant, avait réussi à obtenir une concession sous forme... que, chaque fois qu'on faisait une garde de plus qu'une journée sur quatre, on avait une journée de vacances supplémentaire. Alors, j'avais reçu une lettre à la fin de l'année ? moi, j'étais résident en neurochirurgie à l'Hôpital Notre-Dame, alors vous pouvez déjà deviner comment mon histoire finit ? j'avais reçu une lettre qui m'informait que j'avais droit à 36 jours de vacances supplémentaires. Ha, ha, ha! Alors, bien sûr, je les ai toujours, là. Ha, ha, ha! Quand est-ce que je pourrais les prendre?
n(16 h 30)n Vous avez raison bien sûr d'insister sur l'accessibilité puis la répartition des ressources, c'est une partie essentielle de ce qu'on doit faire. Vous avez tout à fait raison. Vous avez touché un sujet qui va beaucoup intéresser les gens des régions qui nous écoutent puis qui regardent les transcriptions de nos débats, c'est la question de l'hôpital local. Et, je pense que c'est important de clarifier, c'est une conversation qu'on a déjà eue ensemble puis avec la Fédération des médecins spécialistes également. Je pense que c'est vrai que les citoyens du Québec savent qu'ils ne pourront pas tout avoir partout. Je pense que là les gens sont bien conscients de ça pour plusieurs raisons: la spécialisation de plus en plus grande, le changement de la démographie médicale, les habitudes de vie également des nouveaux médecins qui sont en pratique. Par contre, ils s'attendent ? et à mon avis c'est justifié ? à ce qu'il y ait une desserte locale pour la plupart des activités de base. Ça ne veut pas dire 24 heures sur 24 tout le temps, tout le temps, mais au moins que les gens sachent que tous les jours ils peuvent avoir une clinique externe, des activités chirurgicales ou des activités diagnostiques qui peuvent très bien être organisées à partir du pôle régional. Mais, s'il y a une personne qui se déplace, en général ça devrait être l'équipe médicale et non pas le patient, sauf exception. Je pense que c'est un principe qu'il est important de rappeler à nos concitoyens et concitoyennes, qui sont des contribuables comme les autres, qui veulent le plus possible avoir leurs soins chez eux.
Vous avez parlé de corridors de services. C'est une des conditions, là, qui accompagnent le projet de loi, l'établissement d'ententes de corridors de services soit dans une région elle-même, soit dans un territoire lui-même, soit dans une région, soit au niveau suprarégional, et vous avez mentionné: À la condition qu'il n'y ait pas de limitation d'accès. Il n'est pas question de limiter l'accès, le choix du médecin, le choix de l'hôpital. Ça, ce n'est en aucun cas ce qui nous anime. Il ne s'agit pas d'une limitation d'accès, il s'agit pour nous d'une garantie de services. C'est que c'est une façon tout à fait différente de regarder la chose et c'est de cet angle-là qu'on a voulu, là, bâtir le projet de loi.
Effectivement, les réseaux universitaires intégrés de services devraient appuyer la démarche, et vous avez raison, dans vos remarques, de souligner qu'on devrait mieux définir la relation, la rendre moins dirigiste ou moins hégémonique à partir du réseau universitaire vers la région ou vers l'agence régionale. C'est la même chose que nous disait le Pr Contandriopoulos il y a quelques jours dans la même commission, et on a pris bonne note de cette remarque, et on la trouve tout à fait justifiée.
Vous avez donné vos grands principes de réorganisation: l'accessibilité, la continuité, la fluidité des services, la responsabilisation et l'imputabilité, la hiérarchisation qui correspond aux besoins puis la stabilité du réseau. C'est un bel effort de conceptualisation. C'est très bien puis, à mon sens, c'est exactement ce qu'on poursuit. La philosophie à la base de ça, c'est la responsabilité de la population et la hiérarchisation des soins, et ça va se faire dans un esprit de fluidité puis de continuité. L'accessibilité n'est pas dépendante que de l'organisation, on le sait, vous le savez vous-même, on est en situation de pénurie dont on commence à se sortir. Puis, quand je vous vois, là, j'ai l'impression de voir le début de l'amélioration des pénuries d'effectif dans quelques années, et on espère bien pouvoir tous s'y rendre en même temps.
Vous avez parlé de l'ampleur du pouvoir donné au ministre en tant que fonction, là, vis-à-vis les réseaux locaux. Vous avez raison. On a réfléchi à ça suite à d'autres représentations qu'on nous a faites en commission pour que la formation des conseils d'administration, qui, rappelons-le, sont des conseils d'administration provisoires, là, jusqu'à la mise en place du nouveau mode, qui à notre avis devra contenir une partie essentielle de représentation de la population, soit faite en consultation avec les établissements concernés et non pas de façon unilatérale. C'est un message qu'on a entendu également.
Vous nous recommandez de ne pas imposer un modèle et de donner une souplesse suffisante. C'est le but qu'on s'est poursuivi. En aucun cas il ne s'agit d'un projet mur à mur. S'il y a des imprécisions et des zones vagues dans le projet de loi, c'est volontairement, aussi bizarre que ça puisse paraître, de façon à laisser aux gens sur place et dans les régions toute la latitude possible pour élaborer leurs modèles. Et je dirais que, dans les modifications qu'on entend apporter au projet de loi, cette latitude sera encore plus évidente dans le but d'arriver non pas nécessairement à tous les moyens qu'on avait envisagés, mais certainement à tous les buts qu'on s'était fixés, le but essentiel étant la continuité et l'intégration des services.
Alors, je commencerai par vous demander peut-être de nous expliquer qu'est-ce qui a fait, au cours de votre formation, que vous avez opté pour une pratique en région, autre qu'un intérêt personnel, là, pour la vie en région. Quels ont été les influences ou les épisodes de formation qui vous ont amenés à dire: Bien, moi, je veux aller pratiquer dans une région plutôt que dans un centre universitaire?
M. Garceau (Patrick): Bien, je pense que le facteur le plus important dans le choix d'un lieu de pratique pour un médecin, un jeune médecin, c'est de connaître un peu le milieu de pratique, c'est de connaître la façon dont l'hôpital fonctionne, dont l'équipe fonctionne, donc avoir une équipe suffisante, une masse critique, là, de praticiens. Et puis, le fait qu'on est exposés, au cours de notre formation, à la pratique en région, je pense que c'est ça, le facteur le plus important. C'est que c'est difficile, pour quelqu'un qui a été formé exclusivement en milieu universitaire, d'après ça adapter sa pratique à une pratique qui est différente à Gaspé, à Baie-Comeau qu'à Québec, qu'à Montréal, vous savez. Je pense que c'est ça, le point le plus important. Puis c'est pour ça qu'on voit d'un bon oeil aussi le fait d'augmenter le temps d'exposition en région, là, d'aller jusqu'à 10 % du temps de formation. Pour nous, 10 %, c'est un bon chiffre.
Aussi, on considère que, sur une résidence de cinq ans, c'est à peu près six mois de formation en région. Moi, dans ma formation, je vais faire trois mois justement en région. Ce qu'il faut maintenir, par exemple, c'est la qualité des milieux de formation pour qu'on soit sûr que les médecins en place, bon, y soient suffisamment, qu'ils aient des locaux ? c'est un peu nono, mais que les ressources matérielles du milieu soient disponibles ? puis qu'aussi les gens veuillent recevoir des résidents. Je pense que c'est les conditions importantes, là, avant d'envoyer quelqu'un en région.
M. Couillard: Pensez-vous que, dans la motivation des étudiants, des résidents pour aller en région, ce genre d'exposition là est certainement au moins aussi important et fructueux que les autres mesures de type plus coercitif qu'on pourrait prendre, là, pour amener les gens à s'installer en région? Évidemment, il y a certaines mesures qui restent là, les plans d'effectifs sont là pour rester, mais, au-delà de ça, je pense que, si les gens voient la réalité de la pratique en région, ils ont plus facilement tendance à vouloir s'y engager.
M. Garceau (Patrick): Bien, la Fédération ne s'est jamais opposée en fait aux plans d'effectifs médicaux. Tout ce qu'on s'est dit, c'est qu'il ne faut pas que ce soit fait de manière que ça réponde à des besoins politiques, mais que ça réponde vraiment à des besoins de la population qui est sur place, qu'on identifie bien les besoins de la population et puis qu'on établisse en fonction des besoins de la population les plans d'effectifs. Ça fait que je pense que, le fait d'exposer les jeunes médecins à la pratique en région, je pense que c'est le facteur le plus important, puis ce n'est certainement pas en les obligeant, en leur disant: Vous allez faire tel type de pratique dans telle région, qu'on va favoriser la rétention, en plus, de ces médecins-là.
M. Couillard: O.K.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Madame.
Mme Harel: Oui. Bonjour, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Bonjour.
Mme Harel: On a changé de présidente, oui?
La Présidente (Mme L'Écuyer): Ça arrive.
Mme Harel: Alors, je voudrais, au nom de l'opposition officielle, vous saluer, docteur. On peut dire «docteur»? Oui, hein?
M. Garceau (Patrick): Oui, oui.
Mme Harel: Tout de suite après la licence?
M. Garceau (Patrick): En fait, comment ça fonctionne? On passe cinq ans de formation doctorale, et puis après ça... Donc, on obtient notre diplôme de M.D., et puis après ça, en médecine familiale, c'est de deux à trois ans de formation postdoctorale, et, en spécialité, ça va de cinq à huit ans de formation postdoctorale, en spécialité.
Mme Harel: Alors donc, je reprends. Dr Garceau, n'est-ce pas, bienvenue, Drs Anctil, Paquette, Groulx, et M. Gouin, directeur général. En page 3 de votre mémoire, dernier paragraphe, vous mentionnez: «Nous comprenons que le projet de loi n° 25, c'est une loi introductive qui permettra au ministre de modifier éventuellement le paysage législatif en matière de soins de santé et de services sociaux. Si c'était le cas, nous aimerions en connaître les tenants et aboutissants, car ne pas savoir engendre l'insatisfaction et l'instabilité. Nous avons besoin d'un horizon. Sinon, à quoi servirait le projet de loi n° 25?» Il y a eu plusieurs, plusieurs intervenants, à la fois du milieu médical ? je pense aux fédérations, notamment omnipraticiens mais aussi spécialistes, Fédération des médecins spécialistes ? qui sont venus dire la même chose: On veut savoir où on s'en va. La perspective, on la veut au complet, pas simplement à la pièce. Bon, ça m'a donné l'occasion de dire au ministre que, quand on veut faire des transformations majeures, le meilleur outil, c'est le livre blanc, n'est-ce pas, celui qui contient les orientations du gouvernement et qui permet d'en faire un débat. Parce qu'une loi, ça ne permet pas, ça ne suscite pas vraiment le débat, étant entendu que c'est dans un langage juridique que certains ont de la difficulté ? à moins d'être initiés, là ? à comprendre.
Alors, quand vous dites: «Nous aimerions en connaître les tenants et aboutissants», vous faites référence à quoi? Au libre choix, par exemple, du médecin par le patient? Vous faites référence à quel aspect sur lequel vous aimeriez être rassurés?
La Présidente (Mme L'Écuyer): Dr Garceau.
M. Garceau (Patrick): C'est qu'en fait on parle beaucoup de structures dans le projet de loi n° 25, hein? On réorganise le réseau, on espère que les gens vont arriver à s'entendre pour établir des réseaux locaux. Je pense que, pour le patient, le fait de réunir les centres hospitaliers, les CLSC, les CHSLD ensemble, je pense que ça peut juste être bénéfique pour eux. Trop souvent, on s'en rend compte au cours de notre formation, les hôpitaux, on est vraiment un silo à part du système. Pour vous donner des exemples précis, juste en gériatrie, on se rend compte, bon, que le patient, il est médicalement stable, mais là, après ça, ça prend des services de popote à domicile, ça prend quelqu'un pour aller voir si le patient, si la personne âgée va bien, aussi faire prendre ses prises de sang. Tout ça, c'est des choses qui sont souvent difficiles à organiser puis qu'on parvient à faire avec le projet de loi n° 25.
n(16 h 40)n Ce qu'on ne parle pas beaucoup dedans, c'est par rapport aux RUIS. On en discute un petit peu, mais il n'y a pas beaucoup d'articles de loi par rapport aux RUIS, l'orientation qu'on veut en donner. On a vu le Dr Durand qui en a parlé tantôt. Après ça, bon, par rapport au rôle du médecin de famille par rapport à la première ligne, on dit: Pour nous, c'est important, la première ligne, tous les intervenants de première ligne, mais je trouve qu'on n'a pas assez clarifié justement le rôle pivot, pour nous, du médecin de famille.
Mme Harel: Effectivement, dans la loi, quand on regarde l'article 24, deuxième alinéa, l'énumération qui est faite, c'est une énumération où on retrouve les médecins, les organisations communautaires, l'économie sociale, en fait tout ça comme sur, si vous voulez, une même ligne, hein? L'approche, c'est comme si chacun pouvait de manière assez facultative établir ou pas des ententes avec le réseau local, tel que c'est rédigé, là, présentement.
Tantôt, vous nous donniez l'exemple d'une personne qui est stabilisée, bon, et qui a besoin de revenir dans sa communauté, mais, dans la communauté, si elle revient, ça peut être peut-être dans un troisième étage pas chauffé ou mal isolé, chauffé mais pas bien isolé, ça peut être aussi sans... On m'a dit: 40 % des ménages dans l'ancienne ville de Montréal sont constitués de ménages d'une seule personne. Et, surtout dans les milieux urbains, où l'anonymat est important, il n'est pas toujours évident que cette personne peut compter sur un réseau, etc. Autant c'est légitime, là, cette recherche de popotes roulantes pour un comté, etc., autant également il peut y avoir... il doit y avoir un objectif légitime qui est celui de ne pas faire de personnes en légère perte d'autonomie des patients, en leur offrant les services requis.
Par exemple, encore ce midi, j'en discutais avec la représentante de la Clinique populaire de Pointe-Saint-Charles. Peut-être avez-vous entendu parler de cette expérience qui se mène depuis 35 ans dans un des quartiers très dévitalisés de Montréal, mais où finalement on ne connaît pas la violence urbaine et tous les autres problèmes, malgré qu'il y en ait, c'est évident. Mais il n'y a pas l'ampleur des problèmes qu'un quartier équivalent à New York ou à Liverpool va connaître parce qu'il y a une approche qui est justement celle de faire en sorte que les gens ne se transforment pas en patients. Le problème: quand je lis votre mémoire, c'est une vision où il faut améliorer les choses pour le patient. Mais, quand on ne veut pas devenir patient, il est possible aussi qu'il y ait toute une approche qui soit importante dans une société pour ne pas avoir à passer par l'hôpital. À votre tour, docteur.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Dr Garceau.
M. Garceau (Patrick): Oui. Je suis parfaitement d'accord avec vous, tous ces exemples-là, pour nous autres ce n'est pas quelque chose qu'on remet en question, c'est quelque chose qu'on veut qui se poursuive, puis je pense ça va être possible quand même que ça se poursuive au niveau des réseaux locaux. Ce qu'on veut éviter pour les gens, c'est un peu ce qui est arrivé à l'Hôpital Jean-Talon, là, qu'on a entendu sortir dans les journaux dernièrement. C'était que l'hôpital s'est déresponsabilisé en disant: Regardez, notre patient allait bien, ça fait que, nous autres, on ne savait pas trop, trop à qui qu'on l'a référé, puis là il s'est retrouvé dans une ressource inadéquate qui n'avait même pas été approuvée par le ministère de la Santé pour accueillir ces gens-là. Ça fait...
Mme Harel: Reprenons cet exemple-là, justement. Ils ne sont plus patients, n'est-ce pas? Mais, dans l'allocation des ressources, il y aura toujours des arbitrages. Il y aura toujours des décisions à prendre. Et qu'est-ce qu'on va privilégier? Je pense que la question est là. Prenez l'exemple, là, des six personnes, dont certaines psychiatrisées. Alors, il y a un problème de logement, hein? Il y avait un problème d'insalubrité, mais, en partant, il y a un problème pour des clientèles itinérantes, ou psychiatrisées, ou en très grande difficulté. Premier problème: un problème de logement. Mais il n'est pas suffisant, pour avoir été ministre de l'Habitation... On a beau, dans le cadre d'AccèsLogis, en avoir fait des milliers, s'il n'y a pas de support, s'il n'y a pas de services assez rapidement, les logements deviennent en mauvais état, parce qu'il faut de l'encadrement. Donc, l'encadrement, on va du côté de la santé, du social. Alors, dans l'allocation de ressources, comment les choses vont se passer? Bon, je voudrais partager votre optimisme sur le fait que les décisions vont se prendre en fonction non pas des intérêts immédiats, là, urgents, quotidiens, mais d'une vision à plus long terme. Mais disons que c'est prendre un risque, courir un grand risque.
M. Garceau (Patrick): Mme la Présidente, je pense que j'aimerais juste laisser la parole à mon collègue en santé communautaire, le Dr Paquette.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Allez-y, Dr Paquette.
M. Paquette (Daniel): Oui. Bon, je vais mettre un peu mon chapeau de résident en santé communautaire justement pour répondre. C'est vrai, à la première lecture, disons, que le projet de loi ne montre pas beaucoup d'ouverture au niveau des services préventifs et de promotion, mon Dieu, qui sont effectués, disons, qui sont réalisés par les différentes instances telles que Direction de santé publique, les CLSC et évidemment les organismes communautaires. Il y aurait peut-être effectivement moyen de faire davantage de place à ces organismes-là, d'autant plus que le devenir des directions de santé publique qui existent donc au sein des régies régionales actuellement n'est pas mentionné dans la loi pour ce qui est de leur existence ou non au sein des futures agences. Bon, on sait que la santé publique existait avant la création des régies régionales et va continuer à exister sous une forme ou sous une autre, mais ce serait effectivement une bonne chose d'avoir une idée d'où on s'en va avec les services de santé publique, que ce soient donc les centres d'expertise, qui constituent les directions de santé publique, ou encore évidemment toute l'expertise terrain et, je dirais, les ressources humaines et matérielles qui sont consacrées dans les CLSC pour les aspects préventifs et la coordination avec les différents organismes communautaires.
Mme Harel: Dr Paquette, je pense que c'est un aspect intéressant parce qu'il y a des budgets qui sont dédiés à la santé publique. Publiquement, le ministre a dit qu'il y aurait une protection, si vous voulez, de ce programme de santé publique au niveau des budgets, mais il n'y a rien de mieux, n'est-ce pas, que de l'écrire, parce que, vous le dites vous-même, en fait on ne fait pas des lois pour les appliquer soi-même, mais pour que ceux qui nous suivront ne soient pas obligés de les modifier et puissent continuer à les appliquer. Donc, santé publique, mais aussi le Programme, que vous connaissez sûrement, de soutien aux organismes communautaires, le programme SOC, là, qui est administré au niveau régional et pour lequel je pense que ce n'est pas tout à fait 300 millions qui sont injectés, 285 ou quelque chose comme ça. Mais c'est certain que, sans une garantie de maintien de ces financements pour la santé publique et pour le Programme de soutien aux organismes communautaires, si c'est laissé, si vous voulez, à l'arbitrage, il n'est pas évident, là, dépendamment qui arbitre, mais aussi légitimement, de... On passe toujours comme là où on a les pieds. On finit toujours par passer comme là où on a les pieds. Alors, si on a les pieds dans un quartier défavorisé, en général on passe pour les gens là où on est. Alors, je pense que ce serait un aspect important. Vous êtes le premier à nous en parler.
Et je sais que mon collègue de Vachon veut aussi échanger avec vous, mais, sur le volet de formation décentralisée, à la page 14 de votre mémoire, vous dites quelque chose qui a attiré mon attention. Vous dites: Les médecins résidents, on est prêts à dispenser des soins dans des centres qui sont régionaux, mais dans des pôles régionaux. Donc, vous voyez une sorte de réorganisation des soins au niveau de pôles régionaux. Ça, ça veut dire Sept-Îles, ou Baie-Comeau ou Gaspé, mais pas Maria ou quelque chose comme ça? J'aimerais vous entendre sur la question des pôles régionaux.
Et vous dites aussi «de même que dans les centres hospitaliers locaux, au besoin, dans la mesure où ils y seront encadrés par des médecins en exercice dont le nombre sera adéquat, lesquels seront intégrés au réseau d'enseignement de la médecine». Ceux qui encadrent actuellement le volet de formation décentralisée, est-ce qu'ils sont intégrés au réseau d'enseignement de la médecine? Sont-ils partie prenante, là, de ceux qui dispensent la formation?
M. Garceau (Patrick): En fait, c'est qu'il y a un peu deux structures, là, qu'on parle ici. La première structure, au niveau local, il y en a présentement... Ceux qui nous donnent la formation au niveau local, puis même au niveau régional aussi, c'est des médecins. C'est des médecins qui souvent ajoutent comme tâche l'enseignement à leur tâche clinique qu'ils ont déjà présentement. Sauf que, nous, ce qu'on dit, c'est que, en créant les pôles régionaux, on peut augmenter la masse d'enseignement, à ce moment-là, de cliniciens qui vont être capables de faire de l'enseignement pour avoir une structure d'enseignement adéquate. Parce qu'on ne fait pas juste de la clinique, en tant que résidents, on a des clubs de lecture, on a des présentations cliniques aussi. Ça fait que, pour organiser ça, ça prend une certaine masse.
n(16 h 50)n Je pense que les meilleurs exemples pour ça, c'est les gens comme Dr Groulx qui ont des UMF à Gaspé, une UMF aussi ? une UMF, c'est une unité de médecine familiale ? à Gaspé, à Rimouski, où est-ce que, plutôt que de distribuer avec quelques médecins de famille... on a regroupé au sein de plusieurs médecins de famille la formation, et je pense que, pour le résident, c'est ça qui est l'idéal. C'est que c'est sûr que, nous, oui, on veut offrir des services à la population, mais en même temps on est en formation présentement puis on veut être formés adéquatement pour les besoins de la population.
M. Bouchard (Vachon): ...
La Présidente (Mme Charlebois): Je crois que le député de Vachon voulait faire une intervention. Il faudrait que ce soit une question brève et une réponse brève, malheureusement.
M. Bouchard (Vachon): Merci, Mme la Présidente. Dans leur intervention, les gens qui vous ont précédés, du Réseau universitaire intégré en santé, faisaient allusion, en pages 9 et 10 de leur mémoire, à des caractéristiques des réseaux qui permettaient de fait aux réseaux de se développer, de s'installer et éventuellement de fonctionner convenablement. Ce n'est pas sans rappeler, ça, l'expérience qui a été développée, là, des réseaux en santé au moment où le Dr Michel Bureau était là-bas. C'est un apprentissage qui a été long, laborieux mais extrêmement important. Et, vous, dans votre mémoire, vous mentionnez toute la question du temps requis pour donner au réseau la capacité de s'installer convenablement et de se développer.
La loi prévoit que ce temps-là est fixé par le ministre. Est-ce que vous pouvez le conseiller quant au temps requis?
M. Garceau (Patrick): En fait, je pense qu'il y a plusieurs variables qu'il pouvait avoir identifiées. C'est sûr que, quand... Exemple, si l'Université Laval crée un réseau avec l'Hôpital de Chicoutimi, ça va être beaucoup plus facile que de créer un réseau avec l'Hôpital d'Alma ou de Dolbeau, pour continuer avec le Lac-Saint-Jean. Ça fait que, quand il y a déjà une masse critique d'enseignement, quand il y a plusieurs spécialités, quand on sait que les résidents vont pouvoir faire plusieurs stages dans le même milieu, ça va être beaucoup facile dans ces cas-là. Ça fait que, par rapport au temps, je pense que c'est un peu difficile à dire, là, présentement.
M. Bouchard (Vachon): Excusez-moi, mais je vous parle du réseau...
M. Garceau (Patrick): O.K.
M. Bouchard (Vachon): ...je vous parle des réseaux locaux, là, et non pas...
M. Garceau (Patrick): Ah! O.K.
M. Bouchard (Vachon): Oui. Je suis parti des RUIS, mais je vous ai amenés sur les réseaux locaux.
M. Garceau (Patrick): O.K. Vous voulez dire... O.K. Je m'excuse, je pensais que c'était... Excusez. O.K.
La Présidente (Mme Charlebois): Brièvement, s'il vous plaît, on est en dépassement de temps.
M. Garceau (Patrick): Oui. Bien, je pense que, donner six mois à un an, je pense que c'est raisonnable pour notre système.
M. Bouchard (Vachon): On pourrait en parler au Dr Bureau, il est à l'arrière.
M. Garceau (Patrick): Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Charlebois): Je crois qu'une dernière intervention au ministre de la Santé et des Services sociaux...
M. Couillard: Oui, très courte, Mme la Présidente, pour répondre à quelque chose qui a été mentionné pendant la discussion. Il est écrit dans le projet de loi que les agences de développement conservent tous les pouvoirs des régies régionales. Ceci comprend la direction régionale de la santé publique, ceci comprend le support aux organismes communautaires au niveau régional. Alors, juste s'assurer qu'on ne répand pas plus d'incertitude que nécessaire dans le réseau, là, suite à la discussion qui vient d'avoir lieu. Autant l'organisation nationale et régionale de santé publique demeure en place autant également le support aux organismes communautaires, puisque ce sont déjà les pouvoirs et les juridictions des régies régionales, Mme la Présidente.
Mme Harel: Nous avons les budgets également?
M. Couillard: Comme maintenant, là. Il y a actuellement des...
Mme Harel: Les budgets pour les organisations communautaires également?
La Présidente (Mme Charlebois): Je m'excuse, la priorité est à nos invités, et vous pourrez faire des échanges, M. le ministre, avec...
M. Couillard: Oui. On pourra reprendre la discussion, mais, bien sûr...
Mme Harel: Est-ce qu'il restait du temps...
La Présidente (Mme Charlebois): Il reste six minutes, mais votre temps est terminé.
Mme Harel: Donc, s'il reste six minutes, il pourra nous répondre?
M. Couillard: Bien, les budgets sont déjà comme ça, là. Il y a déjà des budgets étiquetés pour la santé publique régionale puis pour le support aux organismes communautaires. Donc, je ne vois pas pourquoi ça changerait. C'est ça.
La Présidente (Mme Charlebois): Terminé pour les échanges? Alors, Dr Anctil, Dr Garceau, Dr Paquette, Dr Groulx et M. Gouin, merci beaucoup pour votre présentation. Et j'inviterais maintenant la Confédération des organismes de personnes handicapées à prendre place.
(Changement d'organisme)
La Présidente (Mme Charlebois): Bonjour. Je vous rappelle les règles de la commission: la commission vous consacre 45 minutes, 15 minutes pour la présentation de votre mémoire et par la suite 30 minutes d'échange, soit 15 minutes avec la partie ministérielle et 15 minutes avec l'opposition officielle. Maintenant, je vous demanderais de bien vouloir vous présenter et présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.
Mme Roy: Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Charlebois): Oui.
Mme Roy: ...pour le député indépendant, pas seulement pour l'opposition officielle, le 15 minutes.
La Présidente (Mme Charlebois): Je m'excuse. Il y a même... Attendez-moi une seconde. Non, c'est ça, ça fait partie du 15 minutes, oui. Alors, si vous voulez vous présenter, s'il vous plaît.
Confédération des organismes de personnes
handicapées du Québec (COPHAN)
M. Lavigne (Richard): Merci, Mme la Présidente. Alors, mon nom est Richard Lavigne, je suis le président de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, la COPHAN. À ma gauche, Mme Nicole Filion, qui est, entre autres, notre spécialiste des nombreux et complexes dossiers en santé et services sociaux; et, à ma droite, Mme Chloé Serradori, qui, elle aussi, est experte dans ces matières. Alors, je suis très bien encadré.
J'aimerais tout d'abord remercier la commission de prendre ce temps pour nous recevoir. Même si on a été prévenus à la dernière minute, on va essayer de bien rendre notre position. Je crois que vous avez pu lire notre mémoire, alors deux minutes pour vous expliquer ce que c'est que la COPHAN, pour ceux qui ne le sauraient pas. Alors, la Confédération est une organisation qui regroupe une trentaine d'organismes provinciaux qui à leur tour regroupent des centaines d'organismes locaux et régionaux qui se penchent tous sur les questions relatives aux conditions de vie des personnes qui ont des limitations fonctionnelles. On se spécialise plutôt en matière de défense des droits et promotion des intérêts de ces personnes depuis 1985. La COPHAN travaille sous le principe que les experts sont les personnes qui vivent les situations quotidiennes, et, sur cette base-là, lorsqu'on émet un mémoire ou des avis, vous pouvez être assurés que c'est suite à de nombreuses consultations, dans la mesure où on a le temps de le faire, bien sûr, des membres et de nos membres.
Pour ce qui est de notre mémoire, je demanderais à Mme Chloé Serradori de vous présenter brièvement le contenu de notre mémoire, et je reviendrai vers la fin, si j'ai un peu de temps, pour une petite conclusion.
La Présidente (Mme Charlebois): Allez-y, madame.
Mme Serradori (Chloé): Bonjour à tout le monde de la commission. On voulait dans un premier temps vous rappeler un petit peu toutes les actions qu'on avait faites au niveau de la santé et des services sociaux et les travaux sur lesquels on maintient nos recommandations. Tout d'abord, on a tout le temps dénoncé le sous-financement de la santé et des services sociaux et également les impacts de ce sous-financement, entre autres au niveau du soutien à domicile et des aides techniques. Aussi, on a travaillé sur le renforcement des systèmes de première ligne, en particulier des réponses aux besoins de base en santé et en services sociaux pour tous les citoyens et citoyennes du Québec, dont les personnes qui ont des limitations fonctionnelles.
On souligne aussi qu'en termes de solutions il existe déjà des plans d'action, de nombreux plans d'action, entre autres les orientations ministérielles en déficience physique, le plan d'action pour la dysphasie, la déficience intellectuelle, la santé mentale, sauf que ces plans d'action restent souvent de beaux principes, mais, sans financement supplémentaire, à ce moment-là on ne peut pas appliquer les recommandations qui y sont faites pour la mise en oeuvre.
On a également souligné l'importance des ententes complémentaires entre le MSSS et le MEQ. On souhaitait également qu'il y ait une consultation publique. On s'est énormément impliqués là-dedans, dans l'éventualité où il y aurait une carte santé ou carte à puce qui soit mise en place. Ce qu'on a regardé aussi, c'est l'obligation d'assurer la participation de la population, dont les personnes qui ont des limitations fonctionnelles, aux prises de position concernant la santé et les services sociaux.
On a également travaillé sur le rôle et les responsabilités de l'État pour la sauvegarde du système public, et particulièrement dans les ententes telles l'ALENA ou la ZLEA. Enfin, on souhaitait l'intégration des cinq principes de la Loi canadienne de la santé et des services sociaux dans la loi n° 120, à savoir la gestion publique, l'intégralité, l'universalité, l'accessibilité et la transférabilité.
n(17 heures)n Vous savez également qu'on a participé à apporter une recommandation à la commission Clair, et, parmi toutes ces recommandations-là, on était vraiment en désaccord avec de nombreuses, et le projet de loi n° 25 les reprend. Et, dans cette mesure-là, le projet de loi n° 25 ne répond pas du tout à nos attentes.
Pourquoi on pense que ça va aller à un échec? Bien, tout simplement parce que, contrairement à ce qu'on entend, on ne pense pas que la personne est au centre du système. Surtout si on tient compte de la situation actuelle, on a de nombreux exemples qu'elle est loin d'être, la personne, au centre du système.
Ce qu'on souhaite, c'est que la personne participe activement à l'évaluation de ses besoins et à l'élaboration du plan d'intervention avec un professionnel de son choix. Ça, c'est la majorité des personnes qui ont des limitations fonctionnelles. Pour les personnes qui vivent ou qui ont vécu un problème de santé mentale, ce n'est pas... elles réclament un autre mode d'intervention.
Ce que nous voyons aussi dans ce projet de loi, c'est que c'est un modèle purement médical. Nous, on aurait préféré voir un modèle qui se base plus sur la prévention et que ça permette d'agir sur des situations productrices de handicaps et, en fait, que ça favorise l'inclusion. Donc, on ne souhaitait pas une approche médicocurative. À l'époque, lors de la commission Rochon, on disait: Je suis une personne, pas une maladie, et on continue à penser ça.
Ce qui est souhaité par les personnes qui ont des limitations fonctionnelles... Souvent, on nous demande: Bon, bien, à la place, qu'est-ce que vous voulez? On souhaite une approche multidisciplinaire. Ça peut se présenter de diverses façons. Il y a certains de nos membres qui ont déjà expérimenté des journées de clinique spécialisée, où à ce moment-là il y a une évaluation globale de la personne, une réappropriation de l'expertise, il y a des échanges entre les professionnels pour justifier leur choix. C'est sûr que cette approche-là demande un financement adéquat pour des ressources humaines et aussi pour permettre un temps de concertation et d'échange requis.
La porte d'entrée. En principe, pour les personnes qui ont des limitations fonctionnelles, il y a deux possibilités: les centres de réadaptation ou certains centres hospitaliers qui offrent des services, par exemple, aux clientèles, aux personnes qui sont atteintes de fibrose kystique ou de spina-bifida. Mais, généralement, la porte d'entrée, comme pour toutes les personnes qui ont besoin de services de santé et de services sociaux, c'est le CLSC. Le CLSC, son mandat, c'est d'offrir des services de santé et des services sociaux courants à toute la population, dont les personnes qui ont des limitations fonctionnelles, d'offrir des services de nature préventive ou curative, des services de réadaptation et/ou de réinsertion. Pour réaliser ce mandat, le CLSC doit s'assurer que les besoins de la personne soient évalués, que les services soient offerts à l'intérieur de ses installations, mais également à l'école, au travail et à domicile, et, si c'est nécessaire, faire référence à des centres ou à d'autres ressources.
Depuis longtemps aussi, on réclame que, lorsqu'il y a une évaluation qui est faite par un service spécialisé du réseau, bien, cette évaluation doive être reconnue et que la personne n'ait pas besoin de la recommencer chaque fois qu'elle arrive dans un autre établissement.
En ce qui concerne le privé et l'utilisation du privé, on a déjà dit que, d'après nous, l'intérêt principal du domaine privé, c'est de faire des profits et d'assurer la rentabilité. Les impacts que ça a aussi, c'est que la qualité des services est souvent moindre, la formation des travailleurs et des travailleuses est moins importante et également les personnes n'ont pas de recours. Là encore, on a pu voir ce que ça donnait, ces derniers temps, et, entre autres, ça ne date pas d'il y a un mois, ça date de plusieurs années.
On rappelle aussi dans tous nos travaux que les CLSC n'ont pas reçu les ressources nécessaires pour appliquer leur mandat. On a juste à penser au virage ambulatoire puis à l'atteinte du déficit zéro. Donc, ils n'ont pas reçu ces argents nécessaires.
Au niveau des principaux obstacles qui ont été rencontrés au développement d'une approche disciplinaire, c'est qu'encore une fois c'est une approche prioritaire médicale, un mode de... Je voulais aussi prendre un tout petit peu de temps pour vous parler du mode de rémunération des médecins à l'acte. Ce mode ne privilégie en aucune façon une approche multidisciplinaire.
Aussi, dans le projet de loi n° 25, nulle part il n'y a obligation pour les médecins de participer aux réseaux locaux de services intégrés et nulle part non plus on n'a de voie de solution pour la répartition des médecins sur tout le territoire du Québec. Donc, toutes ces propositions ? je ne veux pas vous les citer ? nous amènent aussi à demander le retrait de ce projet de loi.
Vous avez rencontré la Coalition Solidarité Santé, dont on est membres, et vous avez pu... Ils ont également déposé une liste d'organismes et de citoyens signataires, et on a été de nombreux signataires, tant les organismes que les regroupements. Donc, je vais laisser la parole à M. Lavigne pour finaliser...
M. Lavigne (Richard): Rapidement, je pense qu'au-delà de ce que Mme Serradori vous a apporté ce qu'il faut dire, c'est que, les personnes qui ont des limitations fonctionnelles, comme d'autres, d'ailleurs, et pas pour les mêmes raisons, on est très inquiets devant ce projet de loi parce que pour nous ça ne règle rien. Ça ne règle rien parce que les...
On parle d'offrir une gamme large de services à quelque part, là, soit dans les déclarations ministérielles ou dans le projet de loi, je ne pourrais pas vous le dire. En passant, je n'ai rien eu en média substitut, alors je dois me fier sur les autres.
Pour nous, ce n'est pas une large gamme qu'on veut, c'est une gamme la plus complète possible, parce qu'il s'agit, pour les personnes qui ont des limitations fonctionnelles, d'obtenir ce dont elles ont besoin pour participer à la société.
Pour ce qui est des services spécialisés ? on parlera ici des centres de réadaptation, notamment ? si j'ai bien compris, si on a bien compris, c'est assez difficile de retrouver comment tout ça va fonctionner plus tard. On ne voit pas comment on va... Les services spécialisés vont dépendre des RUIS. Tantôt, un intervenant disait que ce serait peut-être bien aussi que les RUIS dépendent de la base. Alors, pour nous, là, on est très inquiets parce qu'on connaît le poids des personnes handicapées dans l'ensemble de la population. On ne donnera pas d'exemple, je pense que vous en avez tous. C'est très difficile à un moment donné d'être priorisé parce qu'il y a beaucoup de priorités, et, comme dirait l'autre, quand il y a trop de priorités, bien, c'est comme s'il n'y en avait plus. Mais on n'a rien de précis là-dessus. On est très inquiets.
Pour ce qui est, avant de terminer, de la place des citoyens dans tout ça, actuellement on a des structures qui ont déjà peut-être été un petit peu plus... qui ont fait plus de place au citoyen, mais, si je comprends encore une fois ce qui s'en vient, ça va être fini pour le citoyen avec un c, là, qui n'aura pas de chapeau de maire ? de maire de municipalité, je parle, là ? ou d'acteur communautaire, ou d'acteur économique.
On voit que le ministre entend procéder à des nominations qui seront certainement très, très intéressantes mais qui ne seront pas sur la base citoyenne nécessairement, et, encore une fois, les personnes qui ont des limitations fonctionnelles, même si on est 15 % de la population, je n'ai pas encore vu au Québec qu'on ait 15 % des places décisionnelles à quelque part et je n'ai pas de garanties à ce moment-ci que ce sera beaucoup mieux. On parle bien sûr des forums des citoyens, les forums locaux ou régionaux, et, encore là, on ne voit pas comment les personnes vont pouvoir se glisser dans ces forums-là pour ensuite être élues ou nommées éventuellement pour siéger sur les instances locales et régionales. Et je ne parle pas des RUIS non plus où se retrouveront bien sûr des spécialistes de tout ordre, sauf des spécialistes des clientèles.
n(17 h 10)n J'aimerais peut-être suggérer que... Pour ce qui est des personnes handicapées, en tout cas, il y a des tables de concertation, il y a des comités de travail qui se sont penchés depuis des années et des années et qui... Ces tables-là ne comprennent pas juste des personnes handicapées, hein, il y a des personnes des réseaux de la santé et des services sociaux, qu'on parle des centres de réadaptation, des CLSC ou des CHSLD et même des hôpitaux. Ces comités-là ont mis en place et ont déposé des plans d'action, des documents qui identifient des solutions en termes d'offres de service, en termes de quantité et de qualité de services. Bien sûr qu'on peut bien dire que ce n'est pas toutes des ressources financières, mais c'est très important, c'est la base de tout.
Les ressources financières dans le réseau de la santé, on est bien conscients qu'il y en a déjà des 18 milliards, mais peut-être de revoir autre chose que ce genre de question-là... Les médicaments, semble-t-il, coûtent excessivement cher. L'approche aussi de rémunération des travaux des médecins, que l'on reconnaît de façon très importante, peut-être pourrait aussi permettre des économies qui pourraient être réinvesties dans les services aux personnes.
La Présidente (Mme Charlebois): En conclusion, s'il vous plaît, M. Lavigne.
M. Lavigne (Richard): Alors, en conclusion, vous avez reçu ce matin une signature de... Dans les signatures, il y avait au-dessus de 70 à 75 organismes de personnes handicapées qui demandent au gouvernement du Québec de surseoir à ce projet-là, peut-être de regarder plutôt à court terme les services, comment on les donne, ces services-là, et peut-être qu'éventuellement on pourrait adapter les structures et permettre aux citoyens non seulement de s'exprimer, mais de participer aux décisions et aussi à la poursuite de leur autonomie en participant à l'élaboration et à la réalisation de leurs plans d'intervention.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. Lavigne. On va passer à la période d'échange. Alors, je vais céder la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Merci, monsieur, mesdames, pour votre communication. Vous savez que la situation des personnes qui ont à vivre avec des limitations a été mentionnée à plusieurs reprises, incluant par moi-même, également par le premier ministre lors de son discours inaugural, et je pense qu'il y a déjà, je dirais, des signes concrets de cette préoccupation-là, d'une part, par les investissements. On parle de la récurrence des montants de 10 millions qui avaient été accueillis, ou accordés, sur une base non récurrente par le précédent gouvernement, qui ont été rendus récurrents, un nouvel investissement de 3 millions pour la dysphasie, récurrent, un nouvel investissement de 18 millions pour les troubles envahissants du développement, et on sait qu'il y a encore plus à faire. On sait qu'il y a 9 000 Québécois environ sur les listes d'attente des centres de réadaptation et on sait qu'il y a eu un retard d'investissement considérable à ce niveau-là.
On a également pris l'engagement et on commence ? je ne sais pas si vous êtes impliqués dans ces travaux-là, parce qu'il y a beaucoup de groupes de personnes avec des limitations qui y travaillent ? par la refonte de la loi sur l'OPHQ qui a été demandée depuis longtemps par le milieu puis, pour plusieurs raisons, ne s'est pas faite, puis on est actuellement en train de compléter ça, et j'espère bien qu'au printemps on puisse avoir un résultat concret de ce côté-là.
Je comprends que vous avez noté, vous également, que beaucoup de ce qu'on fait dans le projet de loi n° 25 provient des recommandations de la commission Clair, mais je comprends que vous n'êtes pas en accord avec certaines des recommandations de la commission Clair, de sorte que ça va être difficile d'aller plus loin de ce côté-là. Je note que vous avez dit avec raison qu'actuellement on ne peut certainement pas dire que la personne est au centre du système de santé et de services sociaux, et vous avez tout à fait raison. Cette personne-là, à notre avis, est prisonnière de deux grandes cages, là, la première cage qui est le manque d'intégration des services, le fait qu'on a cloisonné les services entre les établissements et les intervenants. Malgré toute la bonne volonté et l'énergie des gens, c'est difficile souvent de s'y retrouver puis d'avoir à raconter son histoire, comme vous l'avez dit, à plusieurs reprises, selon le type d'intervenants qu'on rencontre, selon le type d'établissement avec lequel on est en contact. Et l'autre cage, c'est l'organisation rigide du travail, sur laquelle on travaille actuellement, comme vous le savez, via un autre projet de loi.
L'action multidisciplinaire que vous souhaitez, avec raison, elle nécessite, par définition, le décloisonnement des pratiques puis l'abandon de cette logique d'établissement pour en arriver à une logique de service puis de responsabilité vis-à-vis la population, ça, on en est convaincus.
Pour ce qui est des services que décrit, ou que recommande, le projet de loi en termes de réseaux locaux de services, je vais me permettre de vous citer M. Aucoin, Léonard Aucoin, qui est venu nous présenter un mémoire il y a quelques jours ici, à la commission, et il parle de l'article 23. Il dit la chose suivante: «Comme citoyen, cet article me dit: Ton réseau local [...] doit t'offrir des services intégrés de santé et des services sociaux de première ligne allant de la prévention à la réadaptation et au soutien. Ton réseau local doit s'entendre avec les hôpitaux régionaux et universitaires, les centres jeunesse et les centres de réadaptation pour te garantir l'accès aux services spécialisés et surspécialisés. Ton réseau local doit s'assurer que ton dossier ne tombe pas entre deux chaises et que les divers groupes de professionnels travaillent ensemble.» Alors, c'est véritablement l'esprit du projet de loi tel qu'il est expliqué dans l'article 23 en particulier.
Et les centres de réadaptation spécialisés agissent comme des acteurs importants au niveau régional qui doivent établir des corridors de services définis avec les différents établissements locaux, ce qui n'est pas le cas actuellement, comme vous le savez. C'est parfois très difficile pour le citoyen de trouver son chemin là-dedans, à moins qu'il ait, entre guillemets, le bonheur ? puis c'est un bonheur très relatif, là ? d'être pris en charge par une organisation comme la Société de l'assurance automobile ou la CSST. Si la survenue du handicap ou du problème physique ne s'est pas produite dans ce cadre-là, ça peut être extrêmement difficile de se démêler dans tout ça.
Vous parlez de la porte d'entrée du service. Vous avez raison, pour beaucoup de gens c'est le CLSC, mais pour un grand pourcentage c'est également le cabinet du médecin, souvent à l'extérieur du CLSC. Il faut absolument trouver la façon de harnacher ces deux parties du réseau ensemble.
Vous avez noté, tout à fait avec raison, comme d'autres l'ont fait, que la nécessité d'établir une relation fixe avec les médecins n'est pas assez explicite dans le projet de loi. On est d'accord avec ce constat et on a l'intention de remédier à ça. Vous avez parlé du privé également en nous parlant plutôt des principes de la Loi canadienne sur la santé, auxquels on adhère complètement, là, les principes que vous avez énumérés. Le premier principe, c'est la gestion publique, et c'est important, le mot «gestion publique». Ça ne veut pas dire «prestation toujours publique», mais ça veut dire «gestion publique des activités».
Et on a établi quatre principes pour le recours à la dispensation privée des services, que je vais répéter encore parce que c'est très important que la population les connaisse. D'abord, il ne doit pas y avoir de contribution financière du patient, ou de l'usager, le coût du service doit être égal ou moindre à ce qu'on retrouve dans le secteur public, il ne doit pas y avoir d'autoréférence, pour éviter les conflits d'intérêts ou la perception de conflits d'intérêts, la référence doit se faire par l'organisme public ? hôpital, établissement, CLSC ou organisme régional ? et on ne doit pas laisser de capacités non utilisées dans le réseau public. Avec ces, je dirais, balises-là, il est possible à notre avis d'introduire un peu de prestations privées de services sans le faire aux dépens de la justice sociale la plus élémentaire à laquelle on croit, nous, également.
Pour ce qui est de la répartition des effectifs médicaux, il existe effectivement maintenant des outils concrets qui d'ailleurs ont été mis en place par le gouvernement précédent avec la loi n° 142. Les plans régionaux d'effectifs médicaux, qui sont déjà complétés pour les omnipraticiens et qui sont en voie d'être complétés pour les médecins spécialistes, sont probablement la meilleure garantie qui existe pour la répartition uniforme et plus juste des médecins sur le territoire québécois. Et vous avez entendu ceux qui vous ont précédés parler de l'importance de donner plus de formation en région également. Moi, j'ai trouvé ça impressionnant de voir ces quatre jeunes médecins qui étaient là, qui tous se destinaient à une pratique en région et qui nous disaient que le facteur déterminant de leur décision avait été d'avoir accès à une partie de leur formation au moins en région, où ils ont vu quelle était la réalité de la vie, là.
Si on revient, maintenant, si on revient à la réalité concrète des gens que vous représentez aujourd'hui dans votre présentation, quel est, d'après vous, le problème principal ou les problèmes principaux que doivent affronter ces gens dans leurs démarches quotidiennes soit pour avoir les services de base soit pour avoir accès à la réadaptation? Quelles seraient les choses... Bien sûr, il y a les ressources financières, on est d'accord là-dessus, puis on compte mettre les ressources financières. Mais, en termes d'organisation, qu'est-ce qu'il manque actuellement dans le système et qui fait que vous avez la perception juste, d'après moi, que le citoyen n'occupe pas la place qu'il devrait? Alors, qu'est-ce qu'il manque comme ingrédients, là, pour favoriser la vie des gens que vous représentez?
La Présidente (Mme Charlebois): M. Lavigne.
M. Lavigne (Richard): Je vais essayer de répondre de façon rapide. Je pense que ce serait difficile de le dire concrètement parce qu'il y a autant de sortes de besoins, presque, qu'il y a de personnes, parce que les personnes qui ont une limitation fonctionnelle n'ont pas nécessairement les mêmes incidences, deux personnes sourdes n'ont pas nécessairement les mêmes besoins. Alors, je pense que ce qui est le plus important, c'est d'avoir accès à une équipe qui correspond aux besoins de la personne, parce que ce n'est pas nécessairement toujours médical, hein, c'est souvent social et technique. Et elle ne fait pas nécessairement toujours appel à des médecins, mais à des gens qui connaissent ce dont elle parle. C'est sûr qu'on sent venir un sérieux problème au niveau de la relève dans ces organisations-là, un peu comme c'est dans l'ensemble du réseau.
Ce qui est aussi très important, c'est l'accès aux programmes d'aide technique pour compenser les limitations fonctionnelles et aussi à domicile. Ça, c'est majeur. On ne peut pas être un citoyen à part entière si on n'est pas capable même d'avoir un minimum requis à domicile, et il y a énormément d'autres questions: adaptation des domiciles, services à domicile. Ça va jusqu'à l'emploi, ça, aussi.
Vous me posez une question qui demande à elle seule une commission parlementaire, M. le ministre. Mais peut-être que Nicole pourrait être plus précise.
La Présidente (Mme Charlebois): Mme Filion.
Mme Filion (Nicole): Je pourrais juste ajouter ? puis c'est d'ailleurs déjà dans notre mémoire ? que, quand on dit «la personne au centre des décisions», bon, il y a eu dernièrement le colloque de l'AEDPQ, l'Association des établissements en déficience physique, et j'ai assisté à plusieurs ateliers qui portaient, entre autres, sur la définition des besoins de la personne pour être en mesure de répondre adéquatement. Et l'intérêt de ces ateliers-là, ça a été...
n(17 h 20)n En fait, ça m'a fait confirmer que les intervenants comprenaient maintenant l'importance d'accorder toute la place à la personne dans la définition même des priorités d'intervention. Puis ça va même jusqu'à dire: L'intervenant doit même renoncer à un moment donné de faire avancer ce que lui a décidé qui était important pour la personne, mais mettre plutôt de l'avant ce que la personne veut avoir. Bon, je pense que là on parle du réseau plus spécialisé pour répondre à des besoins spécifiques liés aux limitations fonctionnelles, mais je pense que ça doit aussi s'appliquer partout dans le système. On doit être capable de donner la place à la personne pour qu'elle puisse définir ses besoins et les priorités d'intervention qui la concernent. Ça, on ne sera jamais assez large dans l'application de ce principe-là. Et, quand M. Lavigne aussi a expliqué l'importance à accorder à la place du citoyen pour la détermination des priorités dans notre système de santé, c'est aussi une priorité pour les personnes qui ont des limitations fonctionnelles. Ça, on ne retrouve absolument pas ça, aucune trace de ça dans le projet de loi.
M. Couillard: Évidemment, ce qui était prévu dans le texte actuel, c'est de former des conseils d'administration provisoires des réseaux locaux. Ce qu'on a déterminé suite à d'autres interventions que la vôtre et la vôtre également, c'est qu'il est nécessaire de montrer plus de participation du milieu, des établissements qui forment le réseau, d'abord dans la formation de ces conseils d'administration provisoires là, de fixer la date, la période qu'on entend par transitoire. Et déjà, comme orientation, je peux vous dire que, s'il y a un endroit où la représentation citoyenne est importante et justifiée, c'est certainement au niveau des conseils d'administration de ces réseaux locaux de services là, et c'est ce qu'on a l'intention de faire et certainement de faire. S'il y a un endroit où cette participation va avoir toute sa place puis son impact, je pense que c'est au niveau des réseaux locaux de services intégrés, et c'est ce qu'on a l'intention de faire, je dirais, dans l'évolution par la suite de tout ce réseau-là.
Pour ce qui est de la loi, là ? je vous ai vu sourire quand j'ai parlé de la loi sur l'OPHQ sur laquelle on est en train de travailler ? l'orientation qu'on voudrait lui donner actuellement, c'est une sorte d'orientation transversale de l'ensemble des actions gouvernementales et à prendre en compte... les actions ou les besoins spécifiques des gens qui ont à vivre avec une limitation. Est-ce que c'était là la revendication principale? Parce que je sais qu'il y a eu des essais préalables de transformation de cette loi-là qui n'ont malheureusement pas mené à aucun geste concret.
La Présidente (Mme Charlebois): M. Lavigne.
M. Lavigne (Richard): C'est un exercice qu'on a hâte de compléter. En passant, nous, on parle de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et non pas la loi de l'Office des personnes handicapées. Ça, pour nous, c'est très différent. Je pense que l'Office ou toute autre structure qui pourrait être confirmée ou modifiée devra s'assurer de bien représenter et de bien saisir la réalité lorsqu'elle recommandera des choses au gouvernement, d'asseoir ces recommandations-là sur les intérêts, et les droits, et les aspirations de ces personnes-là, ce qui n'est pas le cas au moment où on se parle.
Deuxième chose, nous serons très heureux lorsqu'on aura une instance qui aura un rayonnement transversal, dans la mesure où le gouvernement du Québec... Parce que bien sûr que j'ai vu dans un communiqué de la Journée des personnes handicapées que la participation des personnes handicapées n'est pas l'affaire que du gouvernement. Ça, on est bien d'accord. Mais je pense que, dans un État ou dans une province, ça prend un leader, et pour nous, le 13 avril, on est allés en élire un leader qui s'appelle le gouvernement du Québec, et je pense que le gouvernement se doit de prendre acte de notre intérêt à participer et à se doter d'outils non pas juste de sensibilisation, ça prend des outils qui vont faire avancer les choses. Et, encore une fois, ce qui est très important, c'est que les personnes handicapées, qui se sont donné des structures associatives assez compliquées mais assez efficaces, doivent être impliquées pas juste quand ça tente l'OPHQ, mais toujours, et ça, ça manque beaucoup. C'est un peu comme si vous demandiez à des hommes ce dont les femmes ont besoin. Je ne suis pas sûr que les femmes aimeraient ça longtemps. Nous, on se dit la même chose, les personnes handicapées. On ne détient peut-être pas la vérité, mais on détient notre réalité, en tout cas. Je ne sais pas si ça répond...
La Présidente (Mme Charlebois): Mme Serradori voulait rajouter quelque chose. Non?
Mme Serradori (Chloé): Bien, je voulais rajouter quelque chose par rapport à la question d'avant parce que, effectivement, l'autre question, on est impliqués depuis 1997 et on veut être énormément impliqués dans ce qui s'en vient aussi, puis on aura peut-être le temps d'en parler.
Je voulais vous dire qu'une des principales difficultés aussi, c'était le délestage des responsabilités du gouvernement. Quand on regarde ce qui s'est fait au niveau du soutien à domicile, comme en a parlé M. Lavigne précédemment, ça fait des années que les personnes qui ont des limitations fonctionnelles paient un pourcentage pour obtenir certains soutiens à domicile. Et, concernant les chiffres que vous nous avez cités tout à l'heure, ça fait plusieurs années que tout le monde s'entend que, juste pour rendre les services de soutien à domicile adéquats, ça a nécessité 300 millions, et, avant les élections, tout le monde était d'accord avec ça. Le gouvernement précédent avait promis 120 millions, et nous sommes actuellement avec 50... avec 40. Même pas 50, 40. Donc, c'est une des difficultés aussi.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va? Maintenant, je vais céder la parole à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, merci, Mme la Présidente. Je voudrais vous saluer, M. Lavigne ? ça me fait plaisir qu'on se revoie; on a travaillé ensemble au moment où j'avais la responsabilité en particulier de la main-d'oeuvre et par la suite de l'habitation ? et également les personnes qui vous accompagnent, Mme Serradori et Mme Filion.
Alors, j'aimerais revenir, à la page 8 de votre mémoire, sur le climat présentement qui entoure cette réforme. Vous dites: «Sous le couvert d'un discours qui laisse entendre que cette réorganisation vise à rapprocher les services de la population se cache une réforme qui soulève énormément de questions et de craintes partagées par un large éventail d'organismes», et là vous les énumérez. Ces craintes, vous en faites une description à la page 8: crainte de perdre les derniers espaces démocratiques que constituaient pour les citoyens et les citoyennes les sièges qu'ils occupaient sur les conseils d'administration des établissements locaux.
Bon, c'est certain qu'en politique la bonne foi se présume. C'est sûr. Puis, dans tous les autres domaines de la vie, c'est la mauvaise foi qui se prouve. Mais, en politique, la manière de la vérifier, ça reste le texte de loi, soit par législation, soit par règlement, ou par le budget. Alors, on verra. Parce que tantôt le ministre a donné les garanties qu'il n'y aura pas perte d'espaces démocratiques au niveau des conseils d'administration des réseaux locaux. Cette perte d'espaces démocratiques, ce n'est pas simplement que d'autorité on dise: Toi, tu es le citoyen qui va représenter les personnes handicapées, c'est aussi la capacité, dans des forums appropriés, de désigner des gens pour nous représenter en tant que différents collèges, si vous voulez, électoraux. On verra ce qu'il en résultera, des modifications que le ministre apportera à la suite des travaux de la commission parlementaire.
Mais il est certain que, quand on regarde la loi maintenant, alors on se rend compte que le ministre se donne le droit de reconduire, je pense que c'est pour un an, deux fois...
Une voix: ...
Mme Harel: Il n'y a pas de?
Une voix: Nombre de fois.
Mme Harel: C'est seulement... C'est pour une fois. Il est reconduit pour un an?
Une voix: Oui.
Mme Harel: Donc, après un premier mandat de deux ans. Donc, avant d'aboutir à un processus plus démocratique, tel que rédigé dans la loi, là, ça peut aller jusqu'à trois ans. Alors, si je comprends bien, c'est ce que vous souhaitez devancer pour que ce processus-là se mette en branle maintenant. C'est bien ça, M. Lavigne?
M. Lavigne (Richard): Oui, c'est ça. Oui, mais là j'apprends des délais que je ne connaissais pas. C'est loin, deux, trois ans, là. Tout va être complété. Parce qu'on regarde les mandats de ce que ces comités, ces instances-là auront à faire et, nous, ce qu'on se dit, c'est que les instances qui vont être nommées une première fois vont recommander des choses. Elles vont peut-être être acceptées telles quelles, modifiées ou carrément refaites par le ministre, si j'ai bien compris, et ça, ça va revenir dans la localité en question, dans la région en question, et ça va être bien difficile de travailler pour revoir ça de façon à impliquer les citoyens qui pourraient contribuer...
n(17 h 30)n Vous disiez tantôt que la bonne foi se présume. Nous, on ne parle pas de bonne foi, là, on parle de s'assurer que les personnes les plus aptes, les plus compétentes pour répondre aux besoins des personnes handicapées ? parce que c'est pour ça qu'on est là aujourd'hui ? vont être capables d'influencer. Et c'est sûr que ce que j'apprends là, ça ne me rassure pas. Ça va être long avant qu'on puisse faire les ajustements. Et, lorsqu'on parle d'inclusion, l'inclusion, c'est de faire les choses, au départ, de manière à ce que tous les citoyens puissent exercer leur citoyenneté. Et, si je comprends bien, plus on va attendre pour faire des ajustements, bien, plus on va parler de rattrapage et tout le monde sait que c'est très difficile à obtenir ces temps-ci.
Mme Harel: En fait, vous voulez que l'erre d'aller en partant s'engage dans la bonne direction.
M. Lavigne (Richard): Oui.
Mme Harel: Parce que c'est à l'article 40 de l'actuel projet de loi n° 25 où on dit que «la durée du mandat de chacun des membres provisoires du conseil d'administration d'une instance locale d'un réseau local de services de santé et de services sociaux [...] peut être prolongée par le ministre, pourvu que le délai de chaque prolongation n'excède pas un an». Mais il n'y a pas de limite au nombre de prolongations. Donc, le délai de chaque prolongation peut être d'un an successivement.
D'ailleurs, je me pose toujours la question: Pourquoi une instance locale d'un réseau local? Est-ce qu'il peut y avoir plusieurs instances dans un réseau? Donc, si c'est la même chose, il vaut mieux que ce soit le même nom. Parce que ça a fait plein de discussions sur la différence entre «instance locale» puis «réseau local». Pourquoi deux noms si c'est la même chose? Il vaudrait mieux qu'il y en ait un. On dit «la durée du mandat de chacun des membres provisoires du conseil d'administration d'une instance locale d'un réseau local» comme si c'était, dans le fond, deux choses différentes. C'est un problème de rédaction, mais ça joue dans la compréhension et aussi dans l'inquiétude que les gens peuvent avoir.
Alors, je profite de votre présence, M. Lavigne et la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, qui a fait du très bon travail ? ça, tout le monde le reconnaît ? dans plusieurs secteurs différents d'ailleurs de l'activité humaine, en termes d'accessibilité en particulier, pas simplement au niveau des équipements publics, des bâtiments publics, mais aussi au niveau des bâtiments privés. Moi, ça m'intéresse de savoir. À la page 3, vous nous parlez de l'expérience de journées cliniques spécialisées, et ça a l'air extrêmement intéressant. C'est une approche multidisciplinaire et ça s'applique dans le cas de certaines limitations fonctionnelles. Par exemple, vous donnez l'exemple des personnes atteintes de fibrose kystique, de spina-bifida, de maladie neuromusculaire, maladie polysymptomatique, des personnes de petite taille ou victimes de thalidomide. Alors, vous dites: «L'expérience de journées cliniques spécialisées et multidisciplinaires s'est avérée concluante en termes d'évaluation globale de la personne et de "réappropriation" de l'expertise», parce que la personne peut rencontrer au même moment tous les professionnels et intervenants de la santé et des services sociaux. Alors, racontez-nous qui a organisé ça, quand ça s'est produit. Est-ce que ça va se répéter?
Mme Filion (Nicole): Ce qu'on a livré dans notre mémoire, c'est à la suite de consultations qu'on a menées par le passé avec nos membres. Alors, ce sont des personnes qui sont atteintes, par exemple, de maladie polysymptomatique, puis elles nous ont livré le témoignage de telles journées cliniques qui étaient organisées soit dans des centres spécialisés, des centres hospitaliers spécialisés qui regroupaient effectivement les spécialistes qu'elles ont besoin de consulter... Puis ce qui est décrit là, c'est effectivement ce que les personnes ont... C'est d'une organisation de services que les personnes ont pu bénéficier. Or, ce qu'elles souhaitent, c'est que ça puisse effectivement être reconduit, être poursuivi.
Puis ce qu'on nous a expliqué aussi, c'est que, malheureusement, c'est souvent plus pour les enfants que pour les adultes. C'est que c'est souvent une organisation qui est pensée pour les enfants, mais, quand vient l'âge adulte, l'adulte se retrouve avec l'obligation de magasiner les médecins spécialistes dont il a besoin des services.
Je voudrais revenir sur l'ouverture que le ministre a faite tantôt sur la participation des citoyens. Je pense que c'est important de souligner qu'on ne voudrait pas plus être désignés par le ministre. Parce que l'ouverture qui serait importante pour nous qui soit faite, c'est de trouver une façon que le milieu désigne les personnes les plus compétentes, en tenant compte justement de la composition de la population et des besoins de la population. Alors, on ne serait pas plus satisfaits, je crois, d'être désignés par le ministre pour participer à une instance, parce que finalement ça relèverait de l'arbitraire, en quelque sorte. On ne veut pas dire que ses choix ne seraient pas éclairés, mais on veut dire qu'on préférerait obtenir notre mandat de notre milieu et des personnes qu'on représente. Je trouve ça important de le préciser.
Mme Harel: Alors, pour vous, cette expérience de journées cliniques spécialisées et multidisciplinaires, c'est l'approche clinique que vous souhaiteriez.
Mme Filion (Nicole): Bien, quand on parle d'une approche multidisciplinaire, oui, mais ça dépend des limitations fonctionnelles qui sont en cause. Dans le cas des personnes aveugles, elles n'ont pas besoin d'une telle approche. Mais, dans le cas de maladie chronique, oui, parce qu'elles font... Comme, par exemple, les personnes de petite taille, elles subissent souvent de multiples opérations pour corriger certaines déficiences, certaines limitations fonctionnelles. Alors, elles veulent avoir accès à l'ensemble des professionnels qui peuvent compléter l'expertise pour qu'elles aient accès à l'ensemble des services dont elles ont besoin.
Mme Harel: Et vous dites à la page 4 que ça permet un plan d'intervention global et une expertise appréciable parce que chaque professionnel est appelé à justifier devant ses pairs les choix qu'il propose. Ça reste une approche qui est vraiment intéressante au moins pour celles qui ont des maladies chroniques ou qui connaissent des limitations fonctionnelles pour... Comment appelle-t-on ces... Poly... Je ne sais pas le terme exactement.
Une voix: Symptomatiques.
Mme Harel: Polysymptomatiques. Est-ce que ce serait un peu cette approche-là qu'il faudrait privilégier dans les cas que vous mentionnez?
M. Lavigne (Richard): À partir du moment où on dit que tout doit être autour de la personne, bien, c'est sûr que... Il n'y a pas de modèle égal, il n'y a pas de modèle unique pour chaque personne. Il y a un paquet de facteurs, qu'ils soient médicaux, qu'ils soient sociaux ou qu'ils soient personnels, qu'ils soient familiaux.
Écoutez, lorsqu'une personne obtient un handicap ? on va le dire comme ça ? lorsqu'elle obtient ça, il y a beaucoup de choses qui changent. Ce n'est pas juste: Je t'opère, puis tu t'en retournes chez vous, puis on va te soutenir pendant deux, trois mois, puis «let's go», on continue. C'est plus compliqué que ça, c'est plus long puis ça prend en place beaucoup plus de monde. Puis, ce qui est difficile parfois ? pas toujours ? mais on nous a souvent rapporté le fait aussi que, lorsque la gestion des plans d'intervention est assurée par la même organisation qui donne les services, bien, ça aussi, ça peut constituer un problème. C'est très difficile pour un intervenant d'un centre x de choisir entre ce que l'usager veut et les limites, contraintes, directives et autres de son patron. C'est là aussi qu'il y a un défi. C'est pour ça que, nous, on dit: Allons-y via la personne et adaptons, par rapport aux besoins de cette personne-là et de ses proches aussi...
Parce qu'on ne parle pas des parents puis des aidants là-dedans, là. Je sais bien qu'on veut leur en donner beaucoup, de responsabilités, mais, lorsqu'il y a une famille qui accueille une personne handicapée, même les aidants, et les parents, et les frères et soeurs ont besoin d'aide. Puis, si on parle pour les gens qui deviennent handicapés, la majorité, là, des citoyens, des 1 080 000 Québécoises et Québécois handicapés, la majorité acquiert une déficience. Puis, pour ceux qui sont nés avec, bien, il y a d'autres problèmes.
M. le ministre disait tantôt que semble-t-il que, ceux qui deviennent handicapés à cause d'un accident d'auto ou de travail, ça va mieux. Il y a d'autres problèmes, là aussi, mais là c'est une autre question, la compensation équitable des coûts et des autres choses. Ça fait que c'est tellement compliqué, tout ça, que, nous, on regarde le projet de loi n° 25 puis on se demande comment on va faire pour se retrouver là-dedans, d'autant plus qu'on ne sait pas la deuxième phase, quels seront les impacts de ce qui va se passer pendant la mise en place de ces plans d'organisation là dans les régions et dans les localités, quels seront les impacts sur les autres lois, dont la loi sur la santé et les services sociaux, comment ça va débouler. Et, compte tenu que ça va avoir été décidé par des instances, des structures, quelle sera notre opportunité de venir ici pour se prononcer et sur quelles bases on va pouvoir le faire? C'est assez inquiétant, finalement.
Mme Harel: Parce que les centres de réadaptation, c'est eux qui avaient pris l'initiative de ces journées de cliniques spécialisées et multidisciplinaires?
M. Lavigne (Richard): Suite à des demandes d'usagers... Oui. Faites-vous-en pas, souvent les usagers poussent fort pour obtenir ça. Mais, selon la disponibilité et l'ouverture, ça se fait de telle ou de telle façon. Il y a d'autres modèles qui existent, mais, encore là, c'est de l'ordre de l'initiative des usagers qui, au moment où on se parle, ont encore, même s'il est minime, un poids sur le décisionnel de l'établissement. Et, encore là, ça dépend des centres, ça dépend des clientèles, puis les modèles de ce genre de journées là ou d'ateliers là peuvent changer. Mais l'approche est très bonne.
n(17 h 40)nMme Harel: Merci, M. Lavigne. La COPAN... La COPHAN, mais j'ai toujours dit «COPAN» ou «la COPAN». Elle travaille dans plusieurs secteurs, dans plusieurs domaines. La santé représente quel pourcentage, disons, de votre implication? Parce que je vous ai connus dans le logement, dans la main-d'oeuvre, dans le tourisme.
M. Lavigne (Richard): Je dirais entre 20 % et 25 % de nos énergies. Il faut dire qu'on a beaucoup d'énergie.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lavigne (Richard): On a beaucoup de comités. On a 70 personnes ou représentants d'organismes qui presque hebdomadairement se regroupent pour toutes sortes de questions. Mais, globalement, là, c'est... Il y a deux employés à la COPHAN plus 70 personnes dans les comités, mais on travaille aussi avec d'autres groupes sociaux. C'est que la COPHAN veut travailler de plus en plus avec d'autres groupes de citoyens. On veut la pratiquer, l'inclusion, parmi nos groupes pour démontrer aux décideurs que c'est faisable. On travaille avec Coalition Solidarité Santé, à d'autres moments donnés avec des syndicats, on a mis...
Mme Harel, vous vous souviendrez de notre grand travail au niveau des CAMO. On a travaillé sur toutes sortes de choses pour travailler en équipe avec le monde. On y croit beaucoup, au partenariat décisionnel et au travail de reconnaissance des expertises de tout le monde.
Mme Harel: Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. Lavigne, Mme Serradori et Mme Filion, d'être venus nous présenter votre mémoire. Alors, j'inviterais maintenant l'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale, mais toutefois je demande s'il y a consentement pour une petite pause-santé, avant d'entendre le prochain groupe, de cinq minutes.
Une voix: Cinq minutes? Consentement, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Charlebois): Consentement? On suspend pour cinq minutes. J'aimerais ça que les gens soient disciplinés.
(Suspension de la séance à 17 h 42)
(Reprise à 17 h 48)
La Présidente (Mme Charlebois): Alors, nous allons reprendre nos travaux. Nous recevons maintenant l'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec. Je vous rappelle le fonctionnement: vous avez une période de 45 minutes allouée par la commission, 15 minutes pour présenter votre mémoire poursuivies par 30 minutes d'échange, soit 15 minutes avec la partie ministérielle et 15 minutes avec l'opposition. Alors, je vous demanderais de vous identifier et d'identifier les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.
Association des groupes
d'intervention en défense des droits
en santé mentale du Québec (AGIDD-SMQ)
M. Plourde (Guy): Guy Plourde, président de l'AGIDD-SMQ; à ma droite, Pauline Cyr, et Doris Provencher, coordonnatrice.
Mme Cyr (Pauline): Moi, je suis membre du conseil d'administration de l'AGIDD et je suis aussi coordonnatrice du Groupe de promotion en défense des droits en santé mentale de la région 02, qui est le Saguenay?Lac-Saint-Jean. Je vais essayer de ne pas trop dire de «là, là». Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Charlebois): Vous pouvez commencer votre présentation.
Mme Provencher (Doris): Oui? J'ai été présentée? Oui? Vous voulez je me présente? Oui? Alors, Doris Provencher, coordonnatrice de l'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va. Vous pouvez commencer la présentation de votre mémoire, si vous voulez.
n(17 h 50)nM. Plourde (Guy): Bon. L'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale, l'AGIDD-SMQ, souhaite, par la présence de ce mémoire, participer à la consultation publique et soumettre ses préoccupations et ses pistes de solution, et ce, plus particulièrement en matière de services de santé mentale. Dans un premier temps, nous aimerions remercier la commission des affaires sociales de nous avoir invités à participer à ces consultations particulièrement sur le projet de loi n° 125. Par ailleurs, nous devons informer les membres de la commission que nous avons reçu l'invitation vendredi dernier, 5 décembre, à 3 heures, et c'est ce qui explique que nous n'avons pas pu avoir des copies.
Également, nous tenons à vous souligner que nous sommes totalement en accord avec le mémoire déposé par la Coalition Solidarité Santé, et l'AGIDD-SMQ est signataire de la déclaration commune sur le projet de loi n° 25 élaborée par la Coalition Solidarité Santé. Donc, nous demandons le retrait de ce projet de loi afin de permettre un large débat public et ainsi pouvoir y inclure également le volet de la santé mentale, en tant que personnes directement concernées.
L'AGIDD-SMQ existe, disons, depuis les années quatre-vingt-dix, à la suite, disons, d'une politique de Mme Thérèse Lavoie-Roux dudit même gouvernement. Contrôlés majoritairement par les personnes directement concernées, les groupes de défense de droits se mettent au service des personnes qui, ayant un problème de santé mentale, ont besoin d'appui pour exercer leurs droits. Ces groupes interviennent également au niveau systémique, c'est-à-dire pour remettre en cause des règlements, des politiques ou l'organisation des services de santé mentale. Ces groupes visent à accroître la compétence des personnes elles-mêmes, à défendre leurs droits et à favoriser l'accès et l'utilisation des recours existants.
L'AGIDD-SMQ se donne pour mission de lutter pour la reconnaissance et l'existence, pour les personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale, des droits de tout citoyen et de toute citoyenne à part entière, c'est-à-dire le droit fondamental sur des principes de justice sociale, de liberté et d'égalité.
Mme Cyr (Pauline): Alors, comme vous avez pu le constater, on a intitulé notre mémoire Quand on veut faire bouillir la marmite à partir d'en haut. Alors, les réseaux de services locaux: un fast-food intégré. Depuis plusieurs années, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, le MSSSQ, tente de trouver une solution au cloisonnement des services en santé mentale. En effet, il semble que la collaboration entre les différents acteurs dans ce domaine soit particulièrement difficile à obtenir et qu'en bout de ligne c'est la personne qui vit un problème de santé mentale qui en subit les tristes conséquences. En ce sens, les collaborations et concertations devraient servir à alimenter l'humanisation du réseau, qui en a bien besoin; les différents événements récents, même très récents ? on parle des exemples d'abus au Centre Saint-Charles-Borromée, le quartier Villeray recommandé par l'Hôpital Jean-Talon, on pourrait aussi nommer le Manoir des Pins à Mascouche, pour n'en nommer que quelques-uns ? le prouvent. Plutôt que d'en faire une espèce de système unifié où chacune des ressources, à l'instar des franchises de fast-food, offre la même chose aux mêmes conditions, il s'agirait de favoriser l'accès à différentes ressources, activités et services et non de modeler les usagers à un rôle et à un parcours prescrits par le système, comme l'a si bien écrit le RRASMQ dans son document Position du RRASMQ sur les réseaux intégrés de services en santé mentale.
C'est dans la foulée de la Politique de santé mentale en 1989 que se sont mis en place des comités tripartites ? réseau public, communautaire et intersectoriel ? qui devaient élaborer un plan régional d'organisation des services. Les organismes communautaires et alternatifs ont décidé de s'impliquer à fond dans cette expérience de partenariat avec le réseau public. Ils y voyaient une belle occasion de faire connaître leur approche et ils voulaient influencer les pratiques du système psychiatrique traditionnel. La plupart des participants et participantes ont vécu un véritable choc des cultures lors de cet exercice, et les résultats se sont avérés très décevants en regard, entre autres, du partenariat entre le communautaire et le réseau public.
La Loi sur les services de santé et les services sociaux rendait obligatoire l'une des mesures de la Politique de santé mentale, le plan de services individualisé, qu'on appelait le PSI. Les différents intervenants en santé mentale étaient invités à s'asseoir et à trouver des solutions ensemble en vue d'améliorer les services aux personnes qui vivaient un problème de santé mentale. La personne concernée devait participer activement à son PSI, les services devaient s'articuler autour de ses besoins et les différents intervenants devaient travailler dans un esprit de partenariat, de complémentarité et de continuité de services.
Rapidement, l'AGIDD et le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec ont dénoncé les dangers et les lacunes de cette formule tant pour les personnes vivant un problème de santé mentale que pour les ressources communautaires et alternatives. Il y avait négation du droit au libre choix et du consentement aux soins, la confidentialité des informations personnelles était fortement menacée, c'était un instrument de contrôle social, la personne concernée n'avait pas réellement sa place et finalement on ne reconnaissait pas l'expertise des organismes communautaires et alternatifs. Bref, il n'y avait pas de place pour un changement de pratique, l'approche privilégiée était encore le modèle biomédical. Pour leur part, les intervenants du réseau public ne se montraient pas plus intéressés, car cet exercice exigeait beaucoup de temps et d'implication de leur part. Donc, cet article de loi n'a jamais été actualisé.
En 1998, le MSSSQ lançait le plan de transformation des services en santé mentale et réaffirmait l'importance du principe de continuité des services pour les personnes aux prises avec des troubles mentaux graves et persistants. Pour ce faire, le MSSSQ parlait de «réseaux locaux de services intégrés en santé mentale». Aujourd'hui, on doit dire «réseaux locaux de services en santé mentale».
Le réseau local de services en santé mentale se veut d'abord et avant tout un projet d'intégration des services sur une base volontaire pour les personnes et pour les organisations. Il doit se construire petit à petit sur le développement d'une complicité entre les différents intervenants basée sur un système de valeurs qui vise à accompagner les personnes aux prises avec des problèmes majeurs de santé mentale dans l'exercice de leur pleine citoyenneté. L'intégration des services doit se faire en tenant compte à la fois de l'aspect fonctionnel et de l'aspect clinique.
Pour les personnes aux prises avec des problèmes majeurs de santé mentale, la mise en place d'un réseau local de services peut entraîner un plus grand contrôle social si l'ensemble des intervenants n'adhèrent pas aux principes de l'appropriation du pouvoir. Concrètement, l'appropriation du pouvoir favorise la participation des personnes et de leurs proches aux décisions les concernant directement et leur permet aussi d'influencer davantage l'organisation des services en fonction de leurs besoins tout en étant associés au processus d'évaluation.
Risques, dangers et conséquences de la mise sur pied des réseaux locaux de services pour les personnes qui vivent un problème de santé mentale. L'AGIDD considère que la venue de ces réseaux représente des risques, des dangers et des conséquences importantes pour l'autonomie et le respect des droits des personnes qui vivent un problème en santé mentale. La volonté du MSSSQ de vouloir offrir une continuité dans les services pour les personnes qui vivent des problèmes majeurs en santé mentale est intéressante, mais, comme pour le PSI, il essaie de régler des difficultés organisationnelles qu'on retrouve dans la prestation des services auprès de ces personnes par l'implantation d'une structure complexe qui a une vision de gestionnaire. Par exemple, l'un des buts de ces réseaux est l'efficacité: la bonne ressource qui offre les bons services à la bonne personne au bon moment. Nous craignons que les points de vue des bonnes personnes diffèrent de ceux des différents acteurs impliqués, en ce qui concerne l'efficacité dans les services de santé mentale.
Également, on peut penser que, pour déterminer à qui les services de réseaux locaux s'adresseront, les intervenants vont se fier exclusivement au diagnostic de la personne qui aura été posé par son psychiatre. Si ce diagnostic n'est pas majeur, est-ce que ça veut dire que la personne n'aura pas droit aux services? Est-ce qu'on tiendra compte des changements vécus par la personne, qui pourront modifier sa santé mentale? Il est à noter que, lorsqu'il est fait mention du document du MSSSQ, on fait référence à Lignes directrices pour l'implantation des réseaux locaux des services intégrés en santé mentale, avril 2002.
n(18 heures)n Voici les principaux éléments identifiés.
Aucun lien n'est fait pour démontrer concrètement en quoi les réseaux locaux constituent une condition gagnante pour l'appropriation du pouvoir d'un individu;
Il risque d'être difficile pour les personnes utilisatrices de services d'être considérées comme des partenaires sur les instances de décision du réseau et d'être écoutées, et ce, en tant qu'experts;
Les conditions nécessaires à la participation des personnes risquent de manquer: information, formation, support, présence de plusieurs personnes utilisatrices, etc.;
Étant donné que les réseaux locaux sont avant tout une organisation structurelle administrative face à des besoins humains, on peut se demander si la personne vivant un problème de santé mentale pourra faire un véritable choix, un choix libre et éclairé face aux services et aux intervenants qui lui seront offerts. Ça donne plutôt l'impression que la personne sera dirigée par le réseau vers différents services à prendre ou à laisser, dans un parcours rigide imposé. Une telle organisation de services pourrait même empêcher la création de nouveaux services et ainsi limiter les choix de la personne;
Nulle part dans le document du MSSSQ on n'en fait mention du dossier de la personne. Où sera-t-il conservé? Qui y aura accès? La personne pourra-t-elle en prendre connaissance?
Le modèle d'application des réseaux locaux ? continuité des interventions et concertation entre les différentes ressources ? soulève des craintes quant à la confidentialité des informations recueillies. Le non-respect de la confidentialité est déjà un problème pour les personnes dans le réseau actuel. La confidentialité est une condition gagnante à l'appropriation du pouvoir de la personne. Les réseaux locaux laissent plutôt entrevoir la volonté du ministère de mettre en place la carte à puce, qui, elle, représente une menace catégorique de la confidentialité des personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale. Il ne faudrait pas que, sous le prétexte d'assurer une qualité de service, on mette de côté ce droit fondamental. Les inquiétudes à ce propos se trouvent confirmées dans une annexe du document du MSSSQ, où il est écrit que, lorsque la personne signe un formulaire d'autorisation de communiquer des renseignements, «cette autorisation est valable pour une période illimitée» ? l'AGIDD rappelle sa position concernant la cueillette d'informations pour le suivi de la clientèle interdisant toute forme de communication informatique interétablissements avant de soumettre cette épineuse question à un débat public avec les différents acteurs concernés, incluant obligatoirement les personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale;
Le document parle de participation volontaire pour les personnes et les organisations. On connaît les différents moyens utilisés en psychiatrie pour influencer les personnes: diminuer l'accès à des services, menace d'hospitalisation, etc. En ce qui touche les organisations, on voit déjà que des avertissements concernant le développement financier sont donnés aux groupes qui démontrent une réticence à participer aux réseaux locaux;
L'un des objectifs de la mise en place des réseaux locaux est l'émergence de valeurs communes afin que se développent une culture, une vision et une perspective unifiées des intervenants. L'expérience de partenariat entre les organismes communautaires et le réseau public sur une période de plus de 10 ans a démontré qu'il peut être difficile d'atteindre un tel objectif. Il est à craindre que, le temps que passeront les intervenants à essayer de se rejoindre, c'est la personne qui en paiera le prix et qui sera négligée dans la réponse à ses besoins;
Rappelons que la mise en place des réseaux locaux vise un objectif de type administratif et que le principe de l'appropriation du pouvoir ne fait pas l'unanimité chez les intervenants. Nous croyons que la personne qui vit un problème de santé mentale risque de se retrouver dans un contexte où l'on tentera d'exercer un contrôle sur l'ensemble de sa vie;
L'implantation de réseaux locaux, qui vise à améliorer l'accès, la qualité et la continuité des services tout en respectant l'appropriation du pouvoir de la personne, risque de demeurer à un niveau administratif seulement, car des ententes formelles de direction à direction en vue d'établir une collaboration sont plus souvent sources de résistance pour les personnes travaillant sur le terrain. Une collaboration fructueuse est plus souvent le résultat de bonnes relations interpersonnelles;
On peut craindre que le réseau local, par sa composition ? CLSC, hôpitaux, corps policiers, organismes communautaires ? reproduira la hiérarchie qu'on voit actuellement au niveau des professionnels de la santé. En conséquence, il priorisera l'approche biomédicale et aura une vision médicale du social.
La Présidente (Mme Charlebois): Un petit moment, Mme Plourde.
Mme Cyr (Pauline): Cyr. Mme Cyr.
La Présidente (Mme Charlebois): De consentement... Pardon?
Mme Cyr (Pauline): Mme Cyr.
La Présidente (Mme Charlebois): Mme Cyr. Excusez-moi. De consentement de part et d'autre, vous allez pouvoir dépasser votre 15 minutes, parce qu'on est déjà rendus, là, au 15 minutes.
Mme Cyr (Pauline): Ah oui?
La Présidente (Mme Charlebois): Oui.
Mme Cyr (Pauline): Oh boy! Alors, on peut continuer et...
La Présidente (Mme Charlebois): Oui, puis on va réduire le temps d'intervention avec la partie ministérielle et l'opposition.
Mme Cyr (Pauline): Où on réduit, là?
La Présidente (Mme Charlebois): Vous pouvez continuer.
Mme Provencher (Doris): ...on l'a sorti cet après-midi, à 1 heure, hein, alors on n'a pas eu le temps de l'intégrer pour vous le présenter.
La Présidente (Mme Charlebois): Non, mais vous pouvez y aller, parce que, de consentement de part et d'autre, on va réduire les périodes d'intervention. Mais vous allez pouvoir présenter votre mémoire.
Mme Cyr (Pauline): Orientations pour la transformation des services en santé mentale. L'hospitalocentrisme régnera tant et aussi longtemps que la volonté politique n'édictera pas les moyens pour obliger le redéploiement des ressources financières vers les approches autres qu'institutionnelles, en visant prioritairement les demandes des personnes quant à leurs besoins. Le principe de la primauté de la personne, au coeur de la politique de 1989, aura son réel sens lorsque l'on permettra à ces derniers d'exprimer leur vision des choses.
En 1996, le Vérificateur général concluait que les objectifs de la Politique en santé mentale n'avaient pas été atteints et que l'hospitalisation demeurait le principal moyen d'intervention. Le Vérificateur général ne faisait que confirmer ce que nous savions depuis très longtemps et qui demeure malheureusement actuel. Nous trouvions, à ce moment ? et, déplorablement, encore aujourd'hui ? regrettable que les considérations administratives aient reçu l'écoute du ministre, alors que nos représentations, qui se voulaient les voix des utilisateurs et utilisatrices de services de santé mentale, ne recevaient qu'un accueil froid. Malgré la bonne volonté du Vérificateur général à cette époque, ce dernier ne pouvait se prononcer sur le type de traitement à octroyer, il pouvait simplement nous révéler les dépenses reliées aux différentes approches. 84 % des dépenses en santé mentale étaient encore consacrées aux services hospitaliers. Quand on analysait plus en profondeur les dépenses reliées à la santé mentale, on constatait que seulement 3 % des budgets étaient octroyés aux organismes communautaires.
Aujourd'hui, après tant d'années de chantage, la situation demeure à peu près la même, et nous savons tous qu'en santé mentale l'hospitalisation est le service le plus coûteux et un des moins nécessaires. Cette situation doit changer afin de permettre la consolidation des organismes communautaires et alternatifs et en assurer leur développement. Cela est nécessaire afin de, oui, réduire les coûts des services de santé mentale, mais aussi de proposer aux personnes vivant un problème de santé mentale des services qui tiennent compte de leurs réels besoins, offerts par des personnes qui dans beaucoup de cas ont vécu ce qu'elles vivent et s'en sont sorties.
L'incorporation de dispositions concernant la promotion, la protection et la défense des droits est fondamentale pour la transformation des services de santé et des services sociaux en matière de santé mentale. L'AGIDD insistera sur cet aspect pour permettre notamment d'accroître la reconnaissance du mécanisme d'aide et d'accompagnement en défense des droits en santé mentale.
En 1997, le Bilan d'implantation de la Politique en santé mentale mettait l'accent, comme l'avait fait le Vérificateur général en 1996, sur l'absence de diversification des services. La même année, le ministère de la Santé et des Services sociaux lançait, aux fins de consultation, le document Orientations pour la transformation des services en santé mentale. Une consultation élargie permettait aux regroupements, associations et partenaires de présenter leurs points de vue. Par la suite, en 1998, le ministère rendait public le plan d'action pour la transformation des services en santé mentale. Nous en sommes encore aujourd'hui à l'application de ce plan, qui, nous l'espérons aujourd'hui, prendra en compte la parole des personnes utilisatrices de services en santé mentale, et ce, selon le principe de l'appropriation du pouvoir apparaissant en priorité au plan d'action pour la transformation des services en santé mentale.
La réallocation, la responsabilité de qui? En 2002, la ministre de la Santé et des Services sociaux, Mme Pauline Marois, proposait de transférer certaines ressources vers la communauté. 60 % des dépenses publiques effectuées dans le secteur de la santé mentale devaient être consacrées à des services offerts dans la communauté et 40 % à l'hospitalisation. On attend toujours l'avènement de cette action nécessaire. En donnant la responsabilité de réallouer les argents dans la communauté aux établissements du réseau de la santé, il ne pouvait pas s'agir de véritable réallocation. En fait, il a été demandé aux hôpitaux de créer des services dans la communauté sans même évaluer les ressources déjà existantes.
Il est nécessaire de rappeler qu'il y a une grande différence entre des services dans la communauté et des services communautaires. Il nous apparaît évident que les centres hospitaliers conservent les mêmes budgets tout en créant des ressources dans la communauté. Les organismes communautaires sont laissés-pour-compte mais gardent espoir qu'un jour les argents supplémentaires arrivent par le biais de la réallocation.
De plus, avant de créer des services dans la communauté, il faut s'assurer que ces ressources répondent aux demandes des personnes elles-mêmes. Notre expérience dans le domaine est très éloquente, surtout lorsqu'on se réfère au plan de services individualisé. Le modèle institutionnel prend en charge les personnes plutôt que de favoriser la prise en charge de la personne par elle-même. Aussi, les intervenants des établissements ont tendance à identifier les besoins des personnes à partir du principe du meilleur intérêt plutôt que celui du préjugé favorable. À notre avis, les meilleures personnes habilitées à se prononcer sur le type de services et de besoins en la matière sont les utilisateurs et utilisatrices de ces services.
Malheureusement, les auteurs des différentes orientations et différents plans d'action ne semblent pas préoccupés par l'expertise de ces personnes. Pourtant, le principe de la primauté de la personne est la pierre angulaire de la Politique de santé mentale et du plan d'action pour la transformation des services en santé mentale. L'AGIDD propose qu'il y ait dans chacune des étapes de la transformation de l'organisation des services et du financement en matière de santé mentale, tant au niveau de l'analyse, de la planification et des décisions, la mise sur pied d'un comité aviseur composé de personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale. Je laisse la parole à Doris.
n(18 h 10)nMme Provencher (Doris): Alors, je vais essayer de résumer. Je le connais peut-être petit un peu plus que mes collègues, j'ai participé à son élaboration. Donc, on parle de la question de l'approche au niveau de la santé mentale. L'approche est fort importante. Donc, en 1989, la Politique de la santé mentale reconnaissait l'importance d'accueillir des solutions et recommandait certaines choses ? c'est drôle comme, en 2003, on peut parler encore des mêmes choses ? c'est-à-dire de privilégier la participation active de la personne concernée dans la définition et la satisfaction de ses besoins, créer les conditions nécessaires qui permettent à la personne de se réapproprier le pouvoir sur elle-même, sur sa situation, sur son environnement, tenter de rejoindre l'individu dans son environnement immédiat, s'adresser à des besoins spécifiques ? l'hébergement, la crise, le suivi communautaire, etc. ? privilégier l'entraide, le support mutuel et l'accompagnement comme moyens d'action, s'orienter vers le maintien et la réinsertion de la personne dans son milieu de vie, favoriser la participation et la contribution des personnes ayant vécu une difficulté en santé mentale dans tous les domaines de la vie, démontrer une capacité d'adaptation rapide selon l'évolution des besoins, être de dimension restreinte et personnalisée, accorder une attention particulière évidemment à la promotion et à défense des droits, permettre la contestation par les personnes, individuellement et collectivement, du pouvoir psychiatrique, accueillir la souffrance des personnes, s'impliquer dans les luttes sociales telles que la pauvreté et les abus de pouvoir.
À notre avis, les visions du ministère renforcent le modèle biopsychiatrique en mettant l'accent sur le traitement des personnes, et ce, malgré le discours sur la communauté. Lorsqu'on pousse l'analyse un peu plus loin, on se rend compte que le ministère cherche davantage à institutionnaliser la communauté qu'à modifier les pratiques et les approches des intervenants, un des éléments clés d'une réelle transformation des services en santé mentale. Les services se donneront ailleurs, mais pas autrement. Dans ces conditions, nous croyons que la personne ne pourra pas exercer ses droits au libre choix et au consentement aux soins.
Le projet de loi également légalise la sectorisation des services. La personne devra obligatoirement s'adresser au réseau local de services de santé et services sociaux de sa localité pour obtenir des services. Donc, l'accessibilité aux services n'est nullement assurée, selon nous, par le projet de loi.
On demande au ministère de la Santé et des Services sociaux d'effectuer un véritable virage communautaire dans le domaine des services de santé mentale en reconnaissant et en impliquant de façon claire et ferme les organismes communautaires et alternatifs en santé mentale; c'est-à-dire, reconnaître leur expertise, leur approche et leur philosophie tout en respectant leur autonomie.
La Présidente (Mme Charlebois): Mme Provencher, je me dois de vous demander d'accélérer et d'arriver à la conclusion.
Mme Provencher (Doris): Alors, vous avez le reste... Je voudrais juste amener... On parle de l'intersectorialité ou la cohérence entre les organismes. Évidemment, vous avez toute la partie qui touche les droits. Malheureusement, on ne pourra pas faire le tour, mais j'aurais une question, par contre, à poser à M. le ministre.
La Présidente (Mme Charlebois): Vous allez pouvoir le faire dans la période des questions.
Mme Provencher (Doris): Dans la période de questions. Parfait. Bien, écoutez, je pense que, dans la conclusion, nous, ce qu'on demande, c'est que vraiment les personnes aient vraiment une place, que les personnes soient entendues et qu'elles aient leur mot à dire sur l'élaboration des services qui leur sont offerts.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci beaucoup, Mme Provencher. Je m'excuse d'être obligée de vous bousculer dans le temps. Alors, nous allons débuter la période d'échange avec M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Merci, mesdames, monsieur, pour votre présentation. Je réalise que le temps était court, là, puis que... Je pense que c'est un tour de force d'avoir réussi à nous présenter ça de façon... avec un contexte historique également qui était fort intéressant, parce que vous faites remonter ça à 1989, si ma mémoire est exacte.
Vous savez que, la santé mentale, j'ai eu l'occasion de l'expliquer à plusieurs reprises. Pour moi c'est une grande préoccupation. Puis j'ai plusieurs fois dit que, s'il y a quelque chose que je voudrais laisser de mon passage au ministère, ici, ce serait l'amélioration notable des conditions pour les gens qui sont atteints de maladie mentale ou dont la santé mentale est compromise. Et, quand je suis arrivé au ministère, ce que j'ai constaté tout de suite au niveau du ministère même, c'est le manque d'intégration. Parce qu'on va parler tantôt de réseau, là, intégré.
Quand j'ai fait la visite du ministère, j'ai trouvé des groupes de travail qui s'occupaient de santé mentale un peu partout. Il y en avait dans à peu près quatre, cinq directions différentes, puis on se demandait comment ces gens-là communiquaient ensemble et autour de quoi ils se réunissaient, s'ils se réunissaient, s'ils avaient un objectif commun. Et une des choses qu'on a faites, c'est de mettre en place justement au niveau du ministère un groupe de travail, qui est actuellement à l'oeuvre, en passant, avec des gens de tous les milieux, y compris le milieu communautaire, y compris le milieu non médical, y compris le milieu médical également, pour revoir toute cette approche au niveau de la santé mentale, à partir du niveau ministériel jusqu'au niveau de la prestation des services, parce que ce qui m'apparaît évident ? puis je ne suis pas plus à l'écoute de votre discours qu'à celui d'autres discours que j'ai eu l'occasion d'entendre ? c'est qu'on a assisté, au cours des années, à l'évolution de deux mondes un peu parallèles, le monde qu'on peut appeler médical puis le monde sociocommunautaire, où chacun a ignoré l'autre un peu ? puis la faute n'est pas plus sur un que sur l'autre, ça s'est fait de façon combinée ? où, d'un côté, un groupe tend à nier l'existence même de la maladie mentale alors qu'elle existe et que, moi, j'ai toujours dit que ça ne devrait pas plus être honteux de dire qu'on a quelqu'un de notre famille qui a une schizophrénie paranoïde que quelqu'un de notre famille qui a fait un infarctus puis qui est sur la liste d'attente pour un pontage coronarien... Mais les perceptions sociales sont telles que, ce genre de maladie là, on ne veut pas en parler et on hésite à en parler publiquement.
Et récemment j'étais à une célébration... pas une célébration, une activité, là, sociale de la Fondation pour la santé mentale, dont le Dr Lamontagne est le président, où ce genre de message là revenait, des témoignages qui nous étaient montrés, à quel point c'était encore caché, à quel point c'était encore souvent honteux d'être atteint d'une maladie mentale, alors que, pour les autres maladies de l'être humain, on avait tendance à... certainement pas à en être fier, là, mais au moins en parler plus librement. Et je pense que ça, c'est là, d'un côté, un problème.
De l'autre côté, bien, c'est le contraire, c'est l'ignorance inverse, c'est-à-dire de penser que tout est médical, tout est psychiatrique puis qu'il n'existe pas de facteurs sociaux qui déclenchent ou qui peuvent aggraver ou maintenir le problème de santé mentale. Alors, on a tout avantage à retrouver, à réunir ces deux mondes autour d'une même table, puisqu'ils s'adressent essentiellement à la même personne.
Vous savez, Mme la Présidente, à quel point avec plaisir je reconnais les bons accomplissements du gouvernement précédent. Je le fais de façon fréquente, d'ailleurs. Peut-être un peu moins fréquente récemment, mais, quand même, on me rendra cette justice. Il y a certaines actions, par exemple, pour les urgences qui nous ont aidés pendant l'été dernier, et là on a bien mis en évidence que le concept d'intégration en santé mentale, les réseaux locaux de santé mentale, ça a commencé avant notre arrivée au gouvernement. C'est quelque chose qui était discuté depuis 1998, m'aviez-vous dit, et par la suite également. Et vous avez mentionné Mme Marois, ou plutôt, excusez-moi, la députée de Taillon qui a adopté l'orientation pour le 60-40, 60 % en milieu communautaire, 40 % en milieu institutionnel. Bien, effectivement, il y a eu des changements, depuis ce temps-là, qui ont été commencés par le gouvernement précédent, où on a effectivement transféré les ressources du milieu hospitalier institutionnel vers le milieu communautaire, ce qui fait qu'actuellement, selon l'évaluation qu'on peut faire, on serait à peu près à 57-43, là. Il y a eu un gros changement, en fait, effectivement, depuis l'année 2002, alors que Mme la députée de Taillon a énoncé cette politique-là, en réalité, dans l'affectation des ressources.
Et, ce que je comprends également, vous êtes préoccupés par la sectorisation. Je voulais vous réitérer que nulle part dans le projet de loi il n'est question de la sectorisation, parce qu'on y repense, actuellement, à cette notion même de sectorisation, à travers ce qui est arrivé avec la Montérégie, par exemple. Vous semblez être très familières avec le problème des gens qui ont besoin de services en Montérégie, qui ne pouvaient pas en avoir sur place puis qui n'étaient pas capables d'aller en chercher là où les ressources étaient, et on a mis en place des corridors de services pour améliorer cette chose-là. Donc, encore une fois, ce projet de loi là n'est pas une limitation d'accès, on ne veut pas empêcher les gens d'aller où ils veulent consulter, où ils veulent... mais une garantie de services, c'est-à-dire que sur un territoire donné il y ait une responsabilité de la population qui est donnée, et là les gens ont une garantie de recevoir des services.
Et tous les éléments que vous avez mentionnés, la préservation de l'individu, l'appropriation par l'individu de son problème, la nécessité de prendre en compte l'environnement, la problématique spécifique de la personne, tout ça, pour nous, ce sont des arguments qui visent encore plus à justifier le concept de réseau local de services intégrés, puis on va même écarter le projet de loi n° 25 pour se concentrer sur la notion telle qu'elle s'applique en santé mentale. Alors, moi, j'ai de la difficulté à comprendre en quoi les nobles buts que vous poursuivez sont en contradiction avec la notion d'un réseau de services intégrés, mettons-le pour la santé mentale; au contraire, moi, j'y vois une correspondance tout à fait nette. Alors, expliquez-nous pourquoi ça ne peut pas marcher, un réseau local de santé mentale tel que proposé depuis 1998, selon votre vision à vous.
Mme Provencher (Doris): ...proposé en 1991 dans la loi de la santé et des services sociaux parce que les réseaux locaux de services intégrés, ce sont les plans de services individualisés, selon nous. C'est juste que ça n'a pas marché, les PSI. Donc, à notre avis, ils ont comme modifié un peu les choses et changé les choses.
Le pourquoi que ça ne marche pas, bien c'est pour les raisons qu'on vous a données, et c'est que les personnes... Bon, écoutez, nous, comme on disait, il y a 34 organismes qui font partie de notre Association, donc, et ces organismes-là sont formés de personnes qui vivent ou qui vont vécu un problème de santé mentale. Et ce que les personnes, elles nous ont dit, ce qu'elles craignent, c'est ce qu'on a mis ici et ce que les personnes vivent. Parce que, quand vous dites qu'il y a...
Je vais revenir un peu, si vous permettez... C'est vrai qu'il y a deux visions au Québec ? bien, pas juste au Québec, mais on va s'en tenir au Québec ? au niveau des problèmes de santé mentale, de la maladie mentale ou tout ça. Je ne veux pas entreprendre une argumentation par rapport à maladie ou pas maladie, tout ça, sauf qu'au Québec, depuis 1989, on a une politique de santé mentale, on n'a pas une politique de maladie mentale. Et vous dites que, oui, c'est bien malheureux que les gens qui ont une schizophrénie paranoïde ne se sentent pas à l'aise, là, pour le dire, mais c'est parce qu'il y a une stigmatisation dans notre société. Et, non, moi, je n'aimerais pas aller dire: Bien, vous savez, moi, je suis une malade mentale. Ça a une connotation excessivement péjorative. Et «malade mental» aussi, ça enlève du pouvoir. La personne, elle se sent peut-être moins de pouvoir ? ah, bien, moi, je suis une malade mentale, qu'est-ce que vous voulez ? tandis que, si je suis une personne qui vit un problème de santé mentale, bien, je peux reprendre ma vie en main, je peux travailler pour essayer de la reprendre.
n(18 h 20)n Psychologiquement, ça a un effet très grand, et c'est pour ça que, ces derniers temps, quand on vous entend, effectivement, que l'une de vos priorités, c'est la santé mentale, nous, on trouve un peu malheureux... On entend beaucoup parler de maladie mentale, on n'entend pas parler de problèmes de santé mentale. Donc, on se questionne. Pour vous, ça veut dire quoi? Ça veut dire quoi de transférer au niveau du ministère... Vous avez expliqué un peu, au niveau de la santé mentale, que c'était éparpillé, sauf que le message qui est envoyé: c'est transféré aux affaires médicales universitaires. Bien, le message, là, qui est envoyé: c'est une affaire médicale, ça. Alors, le social, tout ça, oui, on craint, comme dans le projet de loi, oui, on craint que le côté social ne soit pas vraiment présent et soit un peu mis de côté pour les affaires médicales.
Le comité d'experts qui a été nommé, bon, tant mieux, sauf que pour nous, les personnes, à la base, il n'est pas représentatif. Ce ne sont pas pour eux... Ils ne se sentent pas vraiment ? comment je dirais? ? concernés par ce comité-là, mais alors pas du tout. C'est un comité d'experts, le mot le dit. Pour nous, les experts, entre autres, ce sont les personnes qui vivent ou qui ont vécu un problème de santé mentale. Ils ont une expertise, et ça, on ne sent pas que c'est reconnu.
Et, par rapport aux réseaux locaux, sur papier, c'est extraordinaire, ça fait 15 ans que c'est extraordinaire, mais, dans les faits, ce qu'on a vu au niveau de la santé mentale aussi... Les gens, quand ils se ramassent dans des réseaux comme ça... Et, par de bonnes intentions, on décide beaucoup pour eux, on fait pour eux, on fait à leur place pour toutes sortes de raisons. C'est ça, le danger. Nous, chez nous, ce sont les gens qui défendent leurs droits. Nous, notre travail, c'est de les informer, c'est de les outiller pour qu'elle défende ses droits. Pas nous autres. Et, dans ce sens-là, dans un réseau local, pour ce qu'on a vu aussi d'exemples au fil des temps, parce que ce n'est pas nouveau, effectivement, le respect des droits des personnes, on est très, très, très inquiets par rapport à ça. Je ne sais pas si vous...
M. Couillard: Évidemment, Mme la Présidente, quel que soit... Je reviens sur le groupe d'experts. C'est une tâche quasi impossible de nommer un groupe qui va faire l'assentiment de tout le monde. Il y aura toujours des gens qui vont trouver que ce n'est pas représentatif pour une raison ou autre. L'effort qu'on a fait, c'est d'essayer justement de représenter les différents milieux.
Je veux reprendre ce que vous avez dit sur la stigmatisation et puis le témoignage. Moi, j'ai rencontré récemment ? je peux le dire parce qu'il le dit publiquement ? M. Latraverse, là, qui est à la tête du mouvement Revivre, qui dit publiquement: Je suis atteint d'une maladie mentale, la psychose maniacodépressive. J'ai fait même à un certain moment une tentative de suicide ou presque. Voici pourquoi c'est arrivé. Voici dans quelle situation j'étais. Et ce monsieur-là, par témoignage direct, de ce que j'ai vu, a probablement contribué à sauver beaucoup de personnes parce qu'elles ont entendu ça. Elles l'ont entendu dire la réalité qu'il avait vécue, elles sont allées le voir, ont trouvé quelqu'un devant lequel elles se reconnaissaient, et ça les a amenées à traverser une période extrêmement difficile.
Il va falloir se poser la question également: Comment ça se fait qu'au Québec on a le taux de suicide le plus élevé ou un des plus élevés dans le monde industrialisé? Tu sais, est-ce qu'on est si différents que ça des autres, les Québécois? Est-ce que notre société est si différente que ça? C'est quoi, la raison principale de ça, à votre avis? Pourquoi?
Mme Provencher (Doris): ...suicide, écoutez, moi, je serais bien mal placée pour vous répondre.
M. Plourde (Guy): Bien, moi, au départ, j'aimerais répondre à M. le ministre que, oui, un témoignage au point de vue... Comme vous venez de décrire, ça, c'est bien, c'est même très bien. Mais, de là à ce que ce soit une loi qui est identifiée comme ça, ça, c'est une autre chose. C'est une autre chose. Moi, ayant vécu... Moi-même, par mon épuisement total que j'ai fait, j'ai fait... D'autres ont passé à travers aussi pire, même pire que moi, en témoignant, mais ce n'est pas par une loi. C'est des droits, là, que les personnes ont besoin, ce n'est pas des lois. Moi, je trouve qu'on a beaucoup trop de lois au Québec. C'est là où qu'on est différents avec ailleurs. On pense de régler un problème avec une loi, mais on oublie les droits de la personne. La personne est oubliée.
Mme Provencher (Doris): Mais, si je peux dire aussi, il y a des personnes... Je veux juste, par rapport à M. Latraverse... Bien sûr qu'il représente une forme. Mais, nous, les gens qu'on voit aussi, ce sont, comme vous avez dit, des schizophrènes paranoïdes qui n'ont pas été sur le marché du travail, qui sont sur l'aide sociale, qui ont... Bon. Alors, ça, ce n'est pas la même chose, ce n'est pas la même... Je trouve que ça se compare mal, personnellement.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci. On va poursuivre l'échange avec Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Oui. Alors, merci, Mme la Présidente. Je suis assez admirative que vous ayez réussi à nous présenter le mémoire de la qualité de celui que vous présentez cet après-midi en trois jours et demi.
Mme Provencher (Doris): Je vous dirais même une journée parce que, en fait, moi, je l'ai su hier, dans la vraie vie, là. Mais enfin...
Mme Harel: L'aviez-vous préparé d'avance?
Mme Provencher (Doris): Bien, écoutez, on s'est inspirés de choses. Écoutez, c'est sûr que ce n'est pas nouveau. Je veux dire, dans la mesure, oui, où le projet de loi est particulier, mais ça fait un petit peu... ça fait comme 13 ans qu'on répète un petit peu les mêmes choses, alors...
Mme Harel: Surtout dans le contexte où vous venez d'en parler, où le ministre a décidé de confier à la Direction des affaires médicales et universitaires l'ensemble du dossier de santé mentale, et donc y compris l'intervention communautaire. Et, à ce chapitre-là, j'aimerais que vous nous expliquiez, pour le bénéfice de tous les membres de la commission, ce qu'on retrouve à la page 7 de votre mémoire, la grande différence, dites-vous, entre des services dans la communauté et des services communautaires.
Mme Provencher (Doris): Bien, des services dans la communauté, c'est-à-dire que c'est sûr qu'il y a eu...
Il y a deux visions, comme disait M. le ministre. Effectivement, il y a deux visions: le communautaire et le réseau public ou institutionnel. Nous, pour nous, ce n'est pas parce qu'un service se donne dans la rue au coin de chez moi que c'est communautaire. Ça se donne dans la communauté, mais ce n'est pas nécessairement les valeurs, l'esprit, la philosophie du communautaire. C'est différent. Donc, dans ce sens-là, pour nous ce n'est pas un réel 60-40.
À l'époque, moi, je me rappelle ? ça fait quand même un certain temps que je suis dans le domaine ? lorsque est arrivé ça, parce que c'est arrivé aussi avec la Politique de santé mentale, hein, cet esprit de vouloir rapprocher les services de la personne, etc., bien, ce que les hôpitaux ont fait: ils ne sont pas bêtes, ils ont commencé à développer des services en dehors de leurs murs pour donner des services dans la communauté. Donc, c'est dans ce sens-là que, nous, ce n'est pas ce qu'on appelle des services communautaires.
Mme Harel: Donc, c'est plus de la déconcentration, en quelque part.
Mme Provencher (Doris): Si on veut, de la décentralisation ou je ne sais trop, là, oui.
Mme Harel: Parce que, dans la déconcentration, c'est qu'on prend un service qui était dans l'établissement et puis on vient le donner en dehors de l'établissement.
Mme Provencher (Doris): Exact.
Mme Harel: Mais le principe, c'est toujours le principe de donner un service à une dysfonction, c'est-à-dire quelqu'un qui en arrache ou qui, si vous voulez, finalement est mal pris. Alors là on lui donne un service, alors que, le communautaire, on en a parlé ici d'ailleurs la semaine passée, c'est, au contraire, partir des forces des gens et pas de leurs faiblesses, hein? C'est ça, la différence, hein, je pense, la plus importante? Alors, vous nous dites que, le 57-43, il faudrait aller y voir de près, parce que ce seraient plus des services institutionnels décentralisés, ou déconcentrés, comme on veut, que vraiment une approche communautaire où les gens prennent en main, si vous voulez, leur vie.
Mme Provencher (Doris): C'est ça.
Mme Cyr (Pauline): Parce que, quand quelqu'un reçoit des services, au niveau de la communauté, qu'il reçoit d'une infirmière, il ne les recevra pas de la même façon de quelqu'un qui vient du communautaire, qui va provenir d'un organisme communautaire.
Mme Provencher (Doris): Il y a aussi que les gens... Excusez-moi. Dans les organismes, il y a tout ce qu'on appelle le volet entraide aussi, que les personnes s'entraident entre elles aussi.
Mme Harel: ...bel exemple dans votre mémoire, vous savez, l'exemple de la personne psychiatrisée. Je ne sais pas si le ministre et les membres de la commission ont pu en prendre connaissance, mais c'est vraiment, je pense, juste cet exemple-là qu'on retrouve... C'est à la page, attendez...
Mme Provencher (Doris): La page 10.
Mme Harel: À la page 10, hein?
Mme Provencher (Doris): Oui. Ça, c'est une... C'est vrai. C'est vrai, là.
Mme Harel: Oui, et je n'en doute pas du tout, parce que je sais que c'est vrai. C'est donc une personne qui est suivie depuis plus de 30 ans en psychiatrie, et puis elle est locataire chez monsieur Y, là, et puis monsieur Y vit avec un handicap physique. J'ai vu des gens s'entraider comme ça. Après, on appelle ça vie maritale ou... Mais enfin...
Mme Provencher (Doris): C'est de l'entraide.
Mme Harel: Bien oui!
Mme Provencher (Doris): C'est pour ça, entre autres, qu'il faut que les ministères se parlent. Et ça, c'était dans la Politique de santé mentale.
Mme Harel: Alors, vous dites... Vous avez tellement raison. J'en connais beaucoup, de cas, là, comme ça. Et vous dites: Si le monsieur était reconnu famille d'accueil, on lui aurait donné un per diem et foutu la paix, alors que maintenant le ciel lui tombe sur la tête parce que son chèque a été annulé, elle n'est plus admissible à l'aide de juin. Et ses médicaments? Elle a des problèmes avec les médicaments. Elle était très médicamentée, là. J'ai vu ça dans l'exemple. Ça, c'est très, très, très important. C'est dans la vraie vie, ça, des cas comme ceux-là.
Mme Provencher (Doris): Et ce sont des personnes qui sont...
Mme Harel: Ça, travailler en silo, là, c'est ça. Vous voyez, vous travaillez en silo. Le ministère de la Famille, de la Sécurité du revenu puis le ministère de la Santé, ça, c'est en silo. Ou encore la Société d'habitation du Québec qui construit des logements pour des personnes en difficulté, itinérantes ou avec problèmes de santé mentale, mais il n'y a pas de support...
n(18 h 30)nMme Provencher (Doris): Oui, mais ce qu'on craint aussi avec le projet de loi... C'est vrai qu'il y a le travail en silo, comme vous expliquez. Mais là ce qu'on craint, c'est de voir que les gens vont être classifiés par silos, c'est-à-dire par diagnostics: Voici, ici, c'est les paranoïdes, les schizophrènes, les maniacodépressifs. C'est parce que, si ça fonctionne strictement par diagnostics, par maladies mentales, nous, notre crainte, c'est ça.
La personne, c'est une personne, pas une maladie, hein? Le rapport Harnois était très clair là-dessus. Donc, nous, encore une fois, notre crainte, c'est que, si on revient avec cette approche, le Québec va perdre quelque chose qui est unique.
Juste une parenthèse. Ça, j'aime bien ça dire ça, nous vanter, parce que des fois... Le Québec, au niveau du mécanisme de promotion et de défense de droits en santé mentale, c'est un modèle unique au monde et c'est un modèle qu'on espère qui va être préservé, parce que je pense que depuis 13 ans il a fait ses preuves et... C'est ça. J'espère qu'il va être préservé.
Mme Harel: Toujours dans votre mémoire, à la page 12, vous dites qu'il faut changer l'approche et l'attitude de la psychiatrie traditionnelle et vous parlez d'approche biopsychiatrique omniprésente et encouragée par le ministère. Vous voulez dire que ça revient à une approche de médicalisation.
Mme Provencher (Doris): Bien, exactement, de voir les personnes par diagnostics seulement, ou principalement, parce que... C'est ça. C'est ça, le danger. C'est ça, le diagnostic. Et là je ne veux pas rentrer dans des débats, mais tu as des études qui disent une chose, tu en as d'autres qui disent une autre chose. L'Organisation mondiale de la santé a déjà dit qu'il y avait un fort pourcentage de diagnostics psychiatriques qui étaient faux, qu'il y avait des erreurs, c'est-à-dire, au niveau du diagnostic psychiatrique.
Mme Harel: Prenons les cas des personnes qui habitaient dans une maison insalubre, dans des logements insalubres. C'étaient des personnes ex-psychiatrisées?
Mme Provencher (Doris): Bien, qui étaient en lien avec l'Hôpital Jean-Talon, moi, ce que j'ai compris, puisque c'est l'Hôpital Jean-Talon qui les a référées.
Mme Harel: Mais, moi, je n'ai que l'information dans les journaux, puis on y lit que ces personnes-là étaient considérées comme autonomes. Donc, elles devraient vivre avec de l'aide sociale, j'imagine, à ce moment-là?
Mme Provencher (Doris): Je ne suis pas au courant des détails, mais j'imagine aussi. Avant de dire qu'une personne est inapte, il y a tout un processus, hein, médical et psychosocial. Beaucoup de personnes qui vivent des problèmes de santé mentale sont autonomes et aptes à gérer leurs choses, mais vulnérables.
Mme Harel: À ce moment-là, c'est parce qu'il n'y a pas le support qui leur permettrait même de vivre dans un encadrement physique, là, soit une coopérative d'habitation ou un organisme sans but lucratif.
Mme Provencher (Doris): Oui. Oui. Elles sont vulnérables aussi. Elles sont vulnérables. On voit dans ces endroits-là... C'est très facile d'abuser de gens comme ça. Ils sont médicamentés. Probablement qu'ils devaient être fortement médicamentés, sur l'aide sociale. Peut-être...
Écoutez, là, si ça fait 15 ans, 20 ans que je suis psychiatrisée, j'ai perdu certaines habiletés. Ça ne veut pas dire que je ne peux rien faire, mais il y a certaines habiletés que j'ai perdues. Donc, il y a des gens qui se font un plaisir d'abuser de ces gens-là. C'est ce qu'on a vu. Et, vous savez, c'est la pointe de l'iceberg, ça. Il y en a des centaines, des endroits comme ça, je suis persuadée.
Mme Harel: À ce moment-là, on ne peut pas les identifier parce que c'est des logements de chambres. Auparavant, il y avait des logements de chambres sur la rue Saint-Hubert, mais il y a eu beaucoup de rénovations heureuses, hein, n'est-ce pas? Là, maintenant, c'est beaucoup près des métros. En tout cas, toutes les maisons de chambres que je connais, l'hiver, c'est près des métros. Mais certainement que ce sont des personnes dont la vie souvent se réduit à regarder la télévision.
Mme Provencher (Doris): Oui, mais, pour des personnes, vous savez, elles vont nous dire qu'elles sont toujours mieux là qu'à l'hôpital, vous savez, que d'être dans un milieu institutionnel. Elles y vont avec leur... Eux, ils peuvent être très satisfaits.
Mais je veux revenir... Le Manoir des Pins avait un contrat de services avec l'Hôpital Douglas. L'Hôpital Douglas a au-dessus de 150, si j'ai bien compris, résidences comme ça. Il y a quelqu'un qui devait le savoir à quelque part. Mais ce qu'on nous dit, nous, souvent: Bien, écoutez, c'est parce qu'il n'y a pas d'autre place, on n'a pas de place où les référer. C'est ça. Ça fait qu'on les réfère à des Manoir des Pins. La région limitrophe à Montréal, entre autres Lanaudière, les Basses-Laurentides, la Montérégie, il y en a comme ça, des résidences.
Mme Cyr (Pauline): Les personnes aussi n'osent pas se plaindre. Il y a la loi du silence qui est aussi installée dans ces établissements-là, parce que, pour eux autres, c'est se dire: Si je ne suis plus ici, où je vais aller? C'est comme: il n'y a pas d'autre espace, il n'y a pas d'autre endroit où aller. Alors, ils préfèrent subir ces traitements-là que de briser la loi du silence.
Mme Provencher (Doris): C'est parce qu'on leur dit: C'est ici ou l'hôpital.
Mme Harel: D'où la nécessité ? et je termine là-dessus avant qu'on m'enlève la parole ? d'où la nécessité de groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec. Et je ne l'ai pas fait, là, mais je voudrais vous remercier au nom de l'opposition officielle, M. Plourde, le président, Mme Cyr et Mme Provencher, pour votre témoignage et votre présentation.
La Présidente (Mme Charlebois): Alors, M. Plourde, Mme Cyr et Mme Provencher, merci beaucoup d'être venus nous présenter votre mémoire. Maintenant, j'inviterais les gens de la Fédération de CJA à prendre place, s'il vous plaît.
(Changement d'organisme)
La Présidente (Mme Charlebois): Alors, bonjour à vous. Je vous demanderais, dans un premier temps, avant de présenter votre mémoire, de vous identifier. Et je vous rappelle le fonctionnement, c'est-à-dire que la commission va vous consacrer 45 minutes: 15 minutes pour présenter votre mémoire et 30 minutes d'échange, soit 15 minutes avec la partie ministérielle et 15 minutes avec l'opposition. Alors, vous pouvez y aller.
Fédération CJA
M. Orenstein (Avrum): Merci, Mme la Présidente. Moi, je m'appelle Avrum Orenstein, je suis le président de la Commission des établissements publics juifs, et avec moi c'est Me Bram Freedman. Bram Freedman est le directeur ? je pense que le titre va prendre tout le 15 minutes ? directeur de l'administration et des initiatives stratégiques de la Fédération CJA.
Notre mémoire est un mémoire conjoint entre la Commission des établissements publics juifs, qui est elle-même un regroupement volontaire des établissements suivants: l'Hôpital général juif, Centre gériatrique Maimonides, Centre Miriam, Centre hospitalier Mont-Sinaï, Hôpital juif de réadaptation, CHSLD Juif de Montréal et CLSC René-Cassin, et la Fédération CJA, qui regroupe la plupart des agences bénévoles de la communauté juive de Montréal. Je souligne l'importance que notre mémoire ne vient pas seulement de la part des établissements publics, mais aussi des agences, et presque toutes les agences bénévoles de notre communauté.
Notre communauté compte à peu près 100 000 personnes et notre communauté juive a traditionnellement veillé à s'organiser sur une base volontaire afin de venir en aide à ses membres malades et moins fortunés. Pour nous autres, il s'agit d'un principe fondamental de l'éthique du judaïsme. C'est ainsi que la communauté a créé un réseau d'établissements notamment de soins de longue durée et de courte durée, de réadaptation physique et intellectuelle et de services sociaux. Et ces institutions font partie de l'administration publique du Québec.
Notre tradition et la société juives sont axées sur la responsabilité que doit assumer chaque citoyen à l'égard de son voisin. C'est ainsi que la communauté juive continue de soutenir et d'appuyer activement les établissements qu'elle a bâtis.
C'est nécessaire ici de créer une petite parenthèse et de donner des exemples. Pour nous autres, les établissements publics sont une partie enracinée dans notre communauté. Ça veut dire quoi, à la fin? Nous avons des bénévoles qui s'impliquent dans ces... établissements. Nous avons, par exemple, la Fédération... des écoles juives, des écoles juives que chacun des élèves dans ces écoles est comme une partie du curriculum, visite ces établissements. Il doit visiter, il doit adopter une grand-mère au Centre gériatrique Maimonides, il doit écrire, il doit s'impliquer là-dedans. Nous avons un conseil rabbinique du Grand Montréal. Ce Conseil rabbinique regroupe toutes les synagogues de Montréal. Et autrefois ce Conseil rabbinique... Les personnes visitent des malades dans les hôpitaux.
n(18 h 40)n À l'extérieur, nous avons des organisations comme des services pour des aînés, des camps d'été pour les enfants. Une autre fois, je dois ajouter assez vite que les camps d'été pour les enfants prennent aussi des personnes qui sont des patients peut-être dans un établissement psychiatrique ou qui se présentent à des établissements psychiatriques ? et, quand je dis «départements psychiatriques», pas établissements psychiatriques ? ou à un centre Miriam, et ces personnes s'impliquent aussi. Effectivement, ça devient un réseau intégré.
Nous estimons qu'à peu près 10 % des membres de la communauté participent de manière bénévole à la vie de ces établissements par leur travail bénévole au niveau des services à la clientèle, par leurs dons aux campagnes de levée de fonds et par leur implication active au sein des conseils d'administration, des fondations, des comités consultatifs et des corporations propriétaires. Et je retournerai par après à ces corporations propriétaires parce que, pour nous autres, ce n'est pas des vestiges d'une époque passée, mais plutôt quelque chose qui existe actuellement dans notre service.
Nous avons, dans notre mémoire, tenté d'expliquer un peu le rôle des établissements minoritaires. Comme vous le savez bien, il y a eu une affaire en Ontario avec le gouvernement de l'Ontario et l'Hôpital Montfort. L'Hôpital Montfort, c'était le seul hôpital francophone en Ontario, et il y a eu une tentative du gouvernement de fusionner cet Hôpital Montfort avec un autre hôpital qui était, pour la plupart, anglais. Ce qui était prévu par les cours de l'Ontario, c'est de refuser une telle fusion. Ils ont reconnu l'importance de la culture et de la langue dans les établissements publics. Les francophones hors Québec comprennent parfaitement qu'un établissement minoritaire est beaucoup plus qu'un milieu de prestation de services. Dans un contexte minoritaire, un établissement fournit à sa communauté fondatrice l'ancrage qui de population la transforme en véritable communauté. Dans ce sens, le projet de loi dans sa forme actuelle suscite une forte réaction au sein de la communauté juive de Montréal.
Clairement, la communauté ne peut qu'appuyer l'objectif par le projet de loi qui consiste à mettre en place une organisation de services intégrés visant à rapprocher les services et à faciliter le cheminement de toute personne dans le réseau. Cependant, nous aimerions attirer l'attention des membres de la commission des affaires sociales sur certains points qui pourraient entraîner pour nous des importants problèmes. Je dois souligner que cet objectif effectivement d'avoir une organisation de services intégrés visant à rapprocher les services et à faciliter le cheminement de toute personne dans le réseau, ça, ça existe déjà dans notre communauté. Notre crainte au sujet de cette loi, c'est qu'effectivement nous sommes craintifs que ce qui est prévu là-dedans pourra avoir pour effet de déstabiliser ce qui existe déjà dans notre communauté.
Nous ne voulons pas avoir une question d'unification forcée ni un réseau local autre qu'un regroupement volontaire. Nous avons un contact continu entre les établissements, nous avons des protocoles d'ententes de collaboration, nous avons des établissements qui ont des bureaux dans un autre établissement. Nous avons mis en commun des ressources communes et nous avons partagé le personnel et les médecins. Nous ne sommes pas d'avis qu'il soit nécessaire de fusionner des établissements. Un réseau se crée par des liens forts de coordination et non par des liens structurels imposés.
Dans notre mémoire ? et je ne veux pas dépasser notre 15 minutes ? nous avons indiqué qu'il y a des faits que nous devons prendre en considération. Un de ces faits sont que les corporations qui entretiennent les établissements publics ou qui sont propriétaires des biens immobiliers ne sont pas seulement des propriétaires ou des vestiges d'une époque révolue; ces corporations sont elles-mêmes des associations bénévoles très actives et engagées dans leur mission de soutien. C'est précisément par le biais de ces corporations dynamiques que nos établissements publics bénéficient d'un appui communautaire et d'un soutien financier continuels.
Les changements possibles rompent avec une longue tradition consacrée par la loi et qui exige que les établissements, qui constituent pourtant des corporations autonomes au sens du Code civil, consentent à leur dissolution au profit de la constitution d'un nouvel établissement résultant de la fusion. C'est pourquoi nous recommandons qu'un établissement ne puisse être fusionné qu'avec son consentement ou, à défaut, lorsque l'intérêt public le justifie. Le conseil d'administration de l'instance locale proposée sera trop éloigné de chaque établissement. Pour nous autres, une autre fois je souligne que chaque établissement est déjà enraciné dans la communauté, et notre communauté est bien desservie par ces établissements. J'ajouterai assez vite que notre communauté n'est plus accessible. À l'Hôpital général juif, par exemple, à peu près 72 % des patients sont non-Juifs. Ce n'est pas un établissement qui exclut les autres.
Nous sommes convaincus que la structure actuelle des conseils d'administration des établissements publics juifs assure la qualité des services, permet la coordination des services entre les établissements concernés et assure l'adaptation des services aux besoins linguistiques et culturels des usagers.
Me Freedman va vous parler de nos amendements demandés. Nous avons du temps qu'il reste?
La Présidente (Mme Charlebois): Oui, oui, il vous reste environ...
M. Orenstein (Avrum): Cinq minutes? Il va parler lentement.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Freedman (Bram): Merci. Les amendements demandés. Pour nous, si le gouvernement voulait malgré tout faire adopter le projet de loi n° 25, nous notons que le libellé actuel du projet de loi n'offre aucune garantie quant au maintien de l'identité linguistique et culturelle des établissements, qui perdront leur identité légale. Alors, en conséquence, nous demandons quelques petits amendements.
Premièrement, le projet de loi devrait être amendé pour maintenir la possibilité que les conseils d'administration des établissements actuels ne soient pas abolis. Les établissements devraient avoir la possibilité de proposer des alternatives aux agences de développement. Ces formules, qui ont fait leurs preuves sur le terrain, peuvent prendre notamment la forme de protocoles, d'ententes de collaboration, de mises en commun des ressources et de création de guichets uniques. Le projet de loi ne devrait pas, comme c'est le cas dans le libellé actuel du projet de loi, exclure ces options. Une certaine souplesse à l'égard des formules proposées permettrait à chaque établissement de sauvegarder son identité et son implication tout en respectant les objectifs du projet de loi.
Deuxièmement, le projet de loi devrait être amendé afin que toute proposition de regroupement d'établissements faite par l'agence de développement tienne compte des caractéristiques linguistiques et culturelles de chacun des établissements qui composent la nouvelle instance locale proposée, et plus particulièrement les établissements énumérés dans la section 29.1 de la Charte de la langue française.
Troisièmement, le projet de loi devrait être modifié afin que le ministre ne désigne pas tous les membres du conseil d'administration de la nouvelle instance locale proposée. Le projet de loi ne contient aucune indication sur les facteurs que le ministre prendra en considération pour procéder à la nomination d'administrateurs. Et, quant à nous, les établissements qui composeront la nouvelle instance locale proposée, la population ainsi que les fondations devraient avoir le droit de nommer ou à tout le moins de proposer la candidature des membres du conseil d'administration de la nouvelle entité. En outre, la loi devrait être amendée pour s'assurer que le ministre tient compte des caractéristiques linguistiques et culturelles des établissements actuels qui composeront la nouvelle instance locale proposée.
En conclusion, la communauté juive est fière de l'interpénétration qui existe entre elle et le réseau public. Cela étant, la spécificité actuelle et le contexte historique des établissements publics juifs doivent être reconnus. Nous plaidons donc en faveur d'une plus grande diversité des moyens pour mettre en réseau les partenaires au niveau local. Comme on a dit tantôt, ces formules qui ont fait leurs preuves sur le terrain peuvent prendre notamment la forme de protocoles, d'ententes de collaboration, de mise en commun des ressources et de création de guichets uniques. Merci pour votre attention.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. Freedman. Maintenant, nous en sommes à la période d'échange. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
n(18 h 50)nM. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Merci, messieurs, pour votre présentation fort concise et très, très bien construite. Effectivement, on a une préoccupation pour les services aux minorités qui s'est d'ailleurs concrétisée dans la réactivation du Comité pour l'évaluation des programmes d'accès aux services de langue anglaise, comme vous savez, Comité qui a été réactivé il y a quelques semaines déjà.
Personnellement, je connais bien vos institutions, je suis député de Mont-Royal. Dans Mont-Royal, l'Hôpital général juif occupe une place ambiante... je veux dire enviable, pardon ? les paroles commencent à me manquer avec le temps qui s'écoule ? et c'est certainement un des hôpitaux qui est le plus, je dirais, le mieux géré de la province, qui donne également une excellente qualité de services. Je ne me prive pas de citer l'exemple de sa salle d'urgence aux hôpitaux qui ont certaines difficultés à gérer leurs problèmes de salle d'urgence pour montrer à quel point, lorsqu'il y a une volonté commune dans un établissement de faire de l'urgence sa priorité commune, d'engager tous les acteurs de l'établissement dans la solution de ce problème-là, on y parvient, et je pense que ceci a été démontré de façon très éloquente par l'Hôpital juif général de Montréal.
Les caractéristiques sociales, ethniques, ethnoculturelles, si on veut employer des termes, là, sont au coeur de nos préoccupations. On réalise qu'effectivement, dans la version actuelle du projet de loi, ce n'est pas assez explicite, la protection des caractéristiques culturelles et linguistiques, et on a l'intention d'y remédier parce qu'on réalise que les établissements comme ceux que vous avez mentionnés ou ceux que vous représentez servent non seulement d'établissements qui donnent des services, mais également d'ancrages culturels puis d'éléments d'identification pour une communauté, même si la clientèle de ces établissements dépasse la communauté en question. Et vous avez souligné à juste titre qu'il y a beaucoup de la clientèle de l'Hôpital général juif, par exemple, qui n'est pas de la communauté juive comme telle, mais, quand même, cette communauté voit cet établissement comme un de leurs éléments d'identification dans la ville de Montréal puis au Québec également.
Alors, dans la version initiale, ce qu'on avait pensé, je dirais, de façon peut-être un peu naïve, c'était que le terme de «complexité» pouvait être élargi et interprété de façon à inclure ces éléments-là. Les différents témoignages qui se sont succédé dans la commission parlementaire, dont le vôtre, nous ont amenés à conclure que le terme de «complexité» doit être explicité, doit être rendu plus apparent quant à la signification qu'on lui donne et à la façon dont, par exemple, on peut l'utiliser pour ne pas incorporer un centre hospitalier ou une autre institution dans un réseau local au plan administratif. Alors, on a l'intention, dans la version améliorée qu'on va proposer au cours des travaux parlementaires, de suivre essentiellement les recommandations que vous nous faites et d'autres qui ont été faites par d'autres intervenants dans la commission, de mieux définir la complexité en y introduisant de façon formelle la notion de «culturelle», de «communauté culturelle et linguistique».
Par contre, lorsqu'on utilise cet outil de la complexité pour soustraire un établissement d'une fusion administrative, introduire, à ce moment-là ? et je crois que vous y êtes favorables, d'après ce que j'ai entendu et ce qu'on a entendu ailleurs dans la commission ? l'obligation de remplacer cette unification administrative par la conclusion d'ententes formelles de services et de gestion avec les autres établissements de façon à établir, comme vous le dites, la continuité des services ou un guichet unique...
Quant à la langue, nous avons également l'intention d'établir une garantie de maintien de services pour les établissements qui sont énumérés dans la section 29.1 de la Charte de la langue française, donc garantie pour les services en langue anglaise ou pour les langues autres que l'anglais, comme Santa Cabrini, qui a des services en français, en italien, ou l'Hôpital chinois, qui donne également des services dans la langue chinoise, et ceci, on veut absolument le préserver. Mais ce n'est pas uniquement pour répondre à vos préoccupations, c'est également pour répondre aux vastes préoccupations qui nous ont été transmises quant à la réalité, par exemple, de la pratique urbaine ou de la réalité urbaine où c'est beaucoup moins simple, les bassins de desserte et les circulations des personnes, que ça peut l'être en milieu rural.
Alors, j'ai l'impression que les améliorations, ou les modifications, qu'on va proposer plus tard au cours du processus législatif vont être de nature à vous rassurer et à répondre à l'essentiel de vos demandes d'aujourd'hui. C'est ce que j'avais finalement à vous dire là-dessus, à moins que vous ayez quelque chose à ajouter à ce que vous avez dit ou ce que j'ai dit.
M. Orenstein (Avrum): Nous attendons toujours de voir les amendements pour assurer que ça va éviter la plupart des problèmes que nous avons prévus.
La question des fusions administratives, si j'ai bien compris, sera plutôt des ententes au plan des fusions. Parce qu'un des problèmes que nous avons prévus dans la loi, c'était la disparition, effectivement, la dissolution des corporations propriétaires, une chose que nous voulons éviter parce que, pour notre communauté, c'est un investissement, des centaines de millions de dollars pendant des années dans ces établissements, et, effectivement, ce que nous avons voulu au moins, c'est comme un bail net, net, net. Mais, effectivement, à la fin de ça, les campagnes de levée de fonds et les corporations mêmes sont des ajouts des bénévoles qui sont entraînés dans les établissements, et le fait que nous avons des bénévoles dans les établissements sauvegarde jusqu'à un certain point le fait que nous avons des personnes présentes qui ne travaillent pas pour l'administration, qui ne sont pas syndiquées, qui travaillent seulement pour les bénéficiaires, et pour nous autres c'était toujours une chose de grande importance pour éviter des problèmes qui peuvent surgir dans un établissement. Le fait d'avoir des élèves dans les établissements, le fait d'avoir... tous ces bénévoles, effectivement, agissent comme une sauvegarde, et c'est par le biais de ces corporations que nous étions capables d'avoir ces bénévoles dans les établissements.
M. Couillard: C'est que, en même temps qu'on considère l'unité administrative comme une partie essentielle de la responsabilité populationnelle, la responsabilité vis-à-vis d'une population, on constate qu'effectivement il y a plusieurs cas où ce n'est pas possible ou souhaitable que ça se fasse de cette façon-là, dont la question culturelle et linguistique, dont la question de la complexité de la population qui doit être desservie, en termes de mobilité, d'habitudes de, je n'aime pas utiliser le terme, mais de consommation de services. Tout ça doit être considéré, les territoires de desserte qui sont variables, de sorte qu'on introduira là, je dirais, une plus grande latitude pour la question de l'unification administrative, mais avec cependant la nécessité, lorsqu'il n'y a pas d'unification administrative pour les raisons prévues, d'avoir absolument des ententes formelles, là, pour que le cheminement des patients... On arrive au même objectif finalement par le biais d'ententes formelles entre les établissements.
Alors, je serais heureux de céder le reste du temps à Mme la députée.
La Présidente (Mme Charlebois): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Alors, au nom de l'opposition officielle, je voudrais souhaiter la bienvenue à la Fédération CJA, à Me Freedman et Me Orenstein. Alors, dans le mémoire que vous nous présentez, bon, vous faites un historique des établissements publics qui sont fortement impliqués dans l'organisation même de la communauté. Vous nous parlez de patrimoine, de propriété d'actif immobilier.
Est-ce que l'ensemble des établissements que vous avez énumérés tantôt sont toujours propriétaires de leur actif immobilier?
M. Orenstein (Avrum): La réponse, c'est oui. Hôpital général juif, la réponse, c'est oui. Centre Maimonides, Centre hospitalier gériatrique Maimonides, la réponse, c'est oui. Centre Miriam, oui. Le seul qui ne l'est pas, c'est le CLSC René-Cassin. Franchement, il n'a aucune propriété, il loue des espaces à Mall Cavendish. Mais tous les autres sont toujours des propriétés qui étaient levées de fonds, avec peut-être des dons du gouvernement. Mais la plupart des fonds, c'était de notre communauté.
Mme Harel: Je dois vous dire que l'Association des hôpitaux du Québec ont présenté un mémoire à l'ouverture de nos travaux et ont fait valoir dans leur mémoire ces difficultés que vous rappelez, à savoir qu'il s'agit de corporations autonomes, au sens du Code civil, qui doivent consentir à leur dissolution au profit de la constitution d'un nouvel établissement. Alors, ils ont abordé ces questions-là qui vont demeurer pour d'autres établissements, et la question ne sera pas pour autant résolue, pour ceux des établissements qui ne pourront pas brandir la distinction fondée sur la langue... C'est la langue française ou anglaise, j'imagine, à ce moment-là? Ce sont les établissements au sens de la Charte, à l'article 29.1?
M. Orenstein (Avrum): Oui. Chaque...
Mme Harel: Tous vos établissements le sont... Tous vos établissements, tel que mentionné, sont couverts par l'article 29.1 de la Charte?
M. Orenstein (Avrum): Oui.
Mme Harel: Parce que la Charte parle aussi, je pense, à l'article 23, de mémoire, là, d'une garantie de maintien de services en français, et plusieurs représentations m'ont été faites à l'effet que, dans le projet de loi, on rappelle seulement l'accessibilité des services en anglais. Je pense que c'est à l'article 30. Mais la Charte proclame qu'il y a réciprocité, qu'il doit y avoir accessibilité des services en français, et j'imagine que... Vous parliez, tantôt, au Jewish, de 72 % des patients qui sont de communautés autres. Donc, les services se donnent en anglais, ou en français, ou à la demande du patient?
n(19 heures)nM. Orenstein (Avrum): C'est à la demande du patient. Je peux vous assurer que tous nos établissements sans exception peuvent desservir la population en anglais ou en français et, il est fort probable, dans un autre 10 langues. Ça, c'est une des spécialités des hôpitaux, surtout à Jewish General. Nous pouvons desservir la population en grec, en italien, aussi en français, en anglais, hébreu et yiddish. Ce n'est pas un problème de langue du tout, du tout. Si vous habitez dans la région d'Outremont, ce sera assez facile de voir que le Jewish est devenu l'hôpital donc des francophones d'Outremont. Il n'y a aucun problème d'utiliser l'hôpital en français, ça, c'est certain.
Mme Harel: J'ai souvenir d'avoir utilisé les services d'ailleurs de pédiatrie de l'hôpital, habitant à l'époque moi-même à Outremont.
Alors donc, vous dites également: «Le conseil d'administration de l'instance locale proposée sera trop éloigné de chaque établissement, ce qui aura pour effet de diminuer considérablement la capacité du conseil d'administration et de la direction générale de veiller adéquatement à la qualité des services.» Évidemment, dépendamment de ce que ce seront les amendements, il faut savoir que cette constatation vaut aussi pour les établissements qui n'auront pas, disons, qui ne pourront pas invoquer la dimension linguistique et culturelle. «Culturelle», ce n'est pas simple aussi, hein? Il faudrait voir si c'est la culture populaire ou de quelle culture il s'agit, parce que, dans mon milieu, je vous dis qu'ils vont vouloir aussi utiliser tout ce qui est possible dans le bas de la ville de Montréal pour invoquer ce qui leur permettrait de garder aussi le contrôle sur leur établissement local. Alors, on verra, dans les amendements qui seront apportés, quelle est la définition du mot «linguistique» ou du mot «culturelle».
Parce que parfois vous savez que, quand on rédige, on a des bonnes intentions, mais, la rédaction, hein, il faut faire attention, parce que, vous voyez, par exemple, dans le projet de loi actuel, le mot «exceptionnel», vous auriez pu interpréter que vous pouviez plaider l'exception de la règle à l'article 24, mais en même temps ça laisse tellement d'incertitude que ça crée beaucoup d'inquiétude, surtout dans les lois, parce que les lois sont faites aussi pour être appliquées même quand les gouvernements changent ou que les ministres changent. Alors donc, je comprends ? et je sais que c'est partagé par beaucoup de gens ? l'inquiétude d'être dans l'exception de la règle plutôt que d'être dans la disposition comme telle. Alors, voilà, on attendra les amendements du ministre en commission. Et, s'il arrive que vous les trouvez insatisfaisants ou décevants, vous pourrez faire appel à l'opposition.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. Orenstein et M. Freedman, d'être venus déposer votre mémoire. La commission vous remercie.
Mémoires déposés
Alors, avant de procéder aux remarques finales, pour les rendre publics et pour valoir comme s'ils avaient été présentés devant la commission, je dépose les mémoires des organismes suivants: Association des centres jeunesse du Québec, Coalition des impatients des Laurentides, Conseil des partenaires du Bassin Sud des Laurentides, Dynamique des handicapés de l'Estrie, la Fédération québécoise des municipalités, Forum des présidentes/présidents des conseils d'administration en collaboration avec le Forum régional de concertation des directrices générales et des directeurs généraux des établissements de santé et de services sociaux de la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean, Regroupement des CHSLD et des CLSC de la Montérégie. Alors, tous ces mémoires sont déposés à la commission et seront acheminés aux parlementaires.
Maintenant, nous allons procéder aux remarques...
Mme Harel: Si vous permettez, Mme la Présidente, je voudrais demander le consentement pour déposer, à la demande de la Coalition Solidarité Santé, les trois exemples qu'ils ont mentionnés ce matin, soit celui du Centre de santé de Pontiac, celui concernant l'Estrie et celui concernant le Pavillon Saint-Louis.
La Présidente (Mme Charlebois): Je vais examiner la recevabilité.
Documents déposés
Vos documents sont déposés, et nous ferons parvenir des copies.
Remarques finales
Maintenant, pour les remarques finales, à ce que j'ai compris, M. le ministre débutera pour 10 minutes, et ensuite nous entendrons Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Alors, M. le ministre.
M. Philippe Couillard
M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. D'abord, je remercie bien tous les groupes, associations et organismes qui ont voulu accepter l'invitation de venir présenter à la commission leurs idées, leur position quant au projet de loi n° 25, et je dois dire que la qualité de ces présentations a été très appréciée. J'ai également apprécié la qualité des interventions, des discussions des membres de l'opposition de cette commission. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, M. le député de Vachon, souvent la qualité de vos discussions et de vos questions, je crois, nous aura aidés à bâtir un meilleur projet de loi. Vous en serez bien sûr les juges lorsque nous présenterons les modifications que nous suggérerons.
Nous allons donc écouter. Nous avons analysé, nous allons proposer des ajustements au projet de loi n° 25 qui devraient en faciliter la mise en oeuvre tout en respectant la finalité, qui est de créer des réseaux locaux de services de santé et de services sociaux à l'échelle de tout le territoire québécois.
Avant de faire le bilan de ces trois journées, je désire rappeler les motifs qui sont à la base de ce projet de loi, qui est de rapprocher les services de la population, de faciliter le cheminement de toute personne dans le réseau de la santé et des services sociaux. Tout réseau local de services se doit d'offrir à la population de son territoire des services de première ligne allant de la prévention à la réadaptation et au soutien dans le milieu. Il doit également, dans la mesure du possible, selon ce qui est disponible, favoriser l'accès à des services spécialisés qui ont avantage à être présents à proximité du milieu de vie. De plus, ce réseau local de services doit s'entendre avec les hôpitaux régionaux et universitaires, les centres jeunesse et les centres de réadaptation pour garantir l'accès aux services spécialisés et surspécialisés. Ce que nous offrons à la population, ce n'est pas une limitation d'accès mais une garantie de services.
La régie régionale de la santé et des services sociaux devient l'agence chargée de mettre en place les réseaux locaux de services et de proposer des modèles d'organisation qui seront les plus appropriés en fonction de la dynamique propre à chaque région. Tel qu'indiqué dans le projet de loi, l'agence conserve tous les pouvoirs des régies régionales qui sont actuellement détenus par les régies régionales, et ceci inclut notamment la direction régionale de la santé publique et le soutien aux organismes communautaires, qui demeurent à toutes fins pratiques inchangés par rapport à ce qu'ils sont actuellement.
Et je tiens, Mme la Présidente, à réitérer l'engagement de notre gouvernement à maintenir un système public fort dans le respect des valeurs d'universalité, d'accessibilité, d'équité et de gratuité qui le caractérisent. En aucun cas ce projet de loi ne constitue une entorse au principe de l'administration de la gestion publique des services, tel que prévu dans la Loi canadienne sur la santé.
En lien avec les finalités du projet de loi n° 25, je retiens un appui des groupes participants quant à la nécessité de définir un projet clinique qui vise à mieux intégrer les services. Il faut lever le maximum de barrières entre les établissements, comme cela est encore trop souvent dénoncé et apparent.
Nous constatons également, Mme la Présidente, qu'autour des principes qui guident les réseaux locaux, soit la responsabilité de population, la hiérarchisation des services et la plus grande décentralisation, qui vise à donner une marge de manoeuvre aux établissements pour qu'ils assument la responsabilité de la population, beaucoup s'entendent, mais, comme c'est souvent le cas dans toute entreprise humaine, sur la finalité on s'entend et sur les moyens on discute. Comme on dit dans la chanson, tout le monde veut aller au ciel, mais personne ne veut mourir.
On nous a rappelé la nécessité de consolider les services de première ligne pour qu'ils deviennent la véritable assise du système de santé et de services sociaux. Nous partageons cette nécessité. Nous allons y consacrer le maximum des ressources qui seront disponibles au cours des prochaines années. Nous souscrivons à l'importance de mieux mettre en évidence l'implication des médecins dans l'organisation des services en partenariat avec les instances locales et de les associer à la gestion. Les pharmaciens en pratique privée sont également des acteurs importants en première ligne qu'il faut également indiquer.
La nécessité de ne pas assujettir l'organisation locale des services aux finalités des réseaux universitaires intégrés de santé a préoccupé avec raison plusieurs groupes. Il faut plutôt mettre en place un mode bilatéral de relation, un mode complémentaire de relation entre les établissements par la définition de corridors de services fonctionnels où chacun des partenaires doit s'ajuster aux besoins de l'autre.
On ne saurait trop insister sur la nécessaire disponibilité de leviers qui vont garantir le changement et faciliter la gestion. On fait référence ici à une révision du mode d'allocation des ressources financières sur la base de programmes et qui aura également pour but, entre autres, de préserver les programmes qui sont vus comme étant les plus fragiles, à des systèmes d'information en appui à l'intégration des services, à une révision de l'organisation du travail et éventuellement du mode de rémunération des médecins et à une gestion axée sur des résultats attendus, accompagnée d'une reddition de comptes en conséquence.
n(19 h 10)n Et nous comptons également sur le maintien de la présence sur les conseils d'administration des réseaux des représentants de la population, d'usagers, de cliniciens, dont les médecins et les infirmières, de même que des gestionnaires compétents, et tous ces gens doivent demeurer réunis autour d'un projet commun. On nous a rappelé l'importance d'impliquer les gestionnaires et les cliniciens et de soutenir les directeurs généraux, qui joueront un rôle de premier plan pour mobiliser les ressources humaines dans le sens des objectifs poursuivis.
Plusieurs groupes ont exprimé des craintes à l'égard de la fusion des centres hospitaliers avec les CLSC et les CHSLD, particulièrement en ce qui a trait au risque perçu de voir la mission de première ligne diluée au profit des préoccupations plus curatives des centres hospitaliers. Certains milieux cependant semblent prêts à faire ces regroupements au profit d'une meilleure accessibilité aux services et d'une meilleure gestion des ressources. Et, encore une fois, des expériences pratiques montrent que l'affaiblissement présumé des missions de CLSC ne s'est, dans la pratique, pas réalisé.
Comme plusieurs l'ont souligné, la taille du territoire doit tenir compte des dynamiques locales pour faciliter la responsabilité de population en concordance avec les habitudes de déplacement et de consommation de soins de cette population. La définition des réseaux locaux de services sera donc particulièrement complexe dans la région de Montréal, où les adaptations seront nécessaires, et toute la souplesse, Mme la Présidente, sera utilisée dans l'appréciation du modèle proposé.
Il est également important de reconnaître encore une fois, comme nous l'avons souvent fait, l'autonomie des organismes communautaires tout en les considérant comme des partenaires incontournables dans la dispensation des services de première ligne, et nous répétons ce message pour une nouvelle fois aujourd'hui. Je tiens à le rappeler à tous, Mme la Présidente, que le projet de loi n° 25 marque la volonté de changement, ce qui donne un signal clair pour que s'amorcent les travaux dans l'ensemble des régions. Il s'agit d'une démarche de transition qui vise à encadrer la définition de proposition que soumettront les agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux. Il n'est pas question d'imposer des modèles mur à mur, mais plutôt de donner aux milieux l'espace et la latitude pour définir leurs modes d'organisation en fonction des dynamiques locales et selon les particularités de ceux-ci.
Je vous donne mon assurance, Mme la Présidente, que nous allons faire tout ce qui est possible pour mener à terme ce projet en lui associant les conditions qui sont nécessaires à sa réalisation. Pour mieux guider cette transition, nous présenterons un document d'orientation qui balisera la démarche de mise en place des réseaux locaux de services, et ce, après l'adoption éventuelle du projet de loi. De vastes consultations locales et régionales seront menées par les agences auprès de tous les acteurs du réseau de la santé et des services sociaux, de leurs grands partenaires et de la population en vue de donner vie aux réseaux locaux de services dans le respect des particularités des milieux.
Nous allons poursuivre de façon intensive les travaux qui vont soutenir l'organisation et la gestion de ces réseaux, en particulier en ce qui a trait à l'allocation des ressources financières, à l'organisation du travail en lien avec le projet de loi n° 30, au déploiement des systèmes d'information, à la révision des conditions de rémunération des médecins et d'autres préoccupations.
Nous convenons d'apporter des modifications au projet de loi n° 25 pour faciliter sa réalisation. Nous maintenons la création d'une instance locale, qui est l'incarnation administrative de chacun des réseaux locaux de services issus de la fusion d'un ou plusieurs CLSC, CHSLD et d'un centre hospitalier offrant des services généraux et certains services spécialisés. Cette structure est indispensable pour garantir l'accès et la coordination d'un maximum de services qui doivent être accessibles à proximité. Des modalités supplémentaires seront cependant ajoutées au projet de loi n° 25 pour ne pas imposer de regroupement lorsque la situation ne paraît pas réalisable en raison de la complexité de la structure qui serait ainsi créée, selon des critères tels que le comportement de la population en termes de consommation de soins, de bassins de desserte correspondant à des centres hospitaliers et des réseaux locaux de même que de caractéristiques culturelles et linguistiques, comme on vient de le voir. Lorsque le regroupement d'un centre hospitalier n'est pas possible avec une instance locale pour une de ces raisons, la conclusion d'une entente formelle cependant entre les deux entités demeurera obligatoire, toujours dans le but d'assurer la finalité du projet de loi, qui est de maintenir la continuité des services et d'assurer un cheminement harmonieux de la personne dans notre réseau.
Les médecins seront plus explicitement associés au réseau local de services. Ils seraient liés par entente ou par une autre modalité à l'instance locale de concert avec le département régional de médecine générale et d'autres interlocuteurs pour la médecine spécialisée. Il en sera de même des pharmaciens, surtout ceux oeuvrant en communauté, appelés à collaborer au sein du réseau.
Des précisions seront apportées aux modalités guidant la mise en place des réseaux locaux de services pour insister sur la complémentarité des orientations qui seront proposées par les agences et par les établissements associés à un réseau universitaire intégré de santé ou ayant une entente de desserte ou un corridor de services avec une d'entre elles. Le projet de loi n° 25 prévoira également la consultation des établissements concernés pour la formation du conseil d'administration de l'instance locale en période de transition, ce qui devrait également permettre de rassurer plusieurs éléments du réseau quant à la représentation de la mission qu'ils représentent au sein des nouveaux conseils d'administration. Et enfin, nous allons introduire des dispositions additionnelles pour protéger la dispensation des services dans une langue autre que le français.
Je rappelle que la révision de la Loi sur les services de santé et les services sociaux est prévue dans une seconde phase afin de prendre en compte la nouvelle réalité. La redéfinition des rôles et des responsabilités des trois niveaux de gestion ? national, régional et local ? la mise en place de la forme définitive des conseils d'administration, les relations avec les partenaires et d'autres conditions liées à l'organisation et la gestion des services sont des éléments pour lesquels il faudrait probablement de nouveau légiférer.
Je vous remercie, Mme la Présidente, pour, je dirais, la dextérité avec laquelle vous avez mené nos débats aujourd'hui, et je tiens encore une fois à remercier tous les collègues parlementaires qui ont participé aux travaux de cette commission de même que toutes les personnes qui sont venues nous présenter leur point de vue, point de vue qui a été fort utile, dont nous allons retenir plusieurs messages et concrétiser ce message dans des changements apportés au projet de loi. En terminant, je désire remercier l'équipe de soutien du ministère, dirigée par M. Roger Paquet, de même que le personnel de la commission pour l'excellence et la qualité du travail accompli. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. le ministre. Maintenant, je cède la parole à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Alors, nous terminons une consultation qui nous aura permis d'entendre le point de vue de 26 organisations, et je soumets respectueusement que les deux tiers des organismes représentant à la fois le milieu médical, le milieu institutionnel, le milieu communautaire sont venus devant la commission parlementaire dire «non merci» et que, parmi un certain nombre d'autres mémoires qui nous ont été présentés par des organisations, elles sont venues nous dire «oui mais». Et le «oui mais» s'avérait parfois aussi substantiel que les raisons du «non merci». Alors, je pense qu'il va être prudent, n'est-ce pas, d'attendre les modifications, les changements que le ministre nous annonce en fin de consultation. J'apprécie qu'il nous annonce qu'il y aura donc une nouvelle ronde, n'est-ce pas, où on aura l'occasion de regarder les amendements qui seront apportés.
Et je veux simplement cependant lui rappeler que les milieux urbains ? je pense que c'est sans exception, y compris dans les milieux de banlieue; je pense, entre autres, aux Basses-Laurentides, à ce mémoire qui a été déposé par un député ministériel au nom des établissements des Basses-Laurentides, qui se considèrent comme faisant partie notamment de Montréal métropolitain ? le milieu urbain, que ce soit dans la capitale nationale, à Québec, ou que ce soit sur l'île de Montréal, ou que ce soit dans les couronnes, là, telles la Montérégie, Laurentides et Lanaudière, sont venus démontrer que le projet de loi passait à côté de leur réalité parce que leur réalité n'en est pas une de bassin de desserte de population homogène et le territoire ne peut pas être considéré comme un élément fondateur d'une politique de continuité des soins, d'autant plus qu'une bonne partie notamment de la population de l'île de Montréal vit sur des territoires où se retrouvent des hôpitaux affiliés ou universitaires qui sont de toute façon exclus déjà en partant de la réforme proposée par le ministre.
Et on a entendu aussi aujourd'hui l'inquiétude du milieu rural, qui ne souhaite pas se retrouver dans de plus grands ensembles autres que sur un territoire de MRC. Alors, ils l'ont dit très clairement. J'espère que ça va être retenu, parce que, si la notion de «territoire» n'est pas mieux définie que ce qu'elle est présentement dans le projet de loi, l'inquiétude va se poursuivre, parce que même les centres de santé regroupés craignent d'être amenés à devoir se regrouper dans des ensembles plus grands, si le ministère jugeait que la population qu'ils desservaient était insuffisante. Je pense qu'il faut des balises, et on revient aux balises des missions et des territoires. C'est-à-dire, on revient aux balises de la loi actuelle, santé et services sociaux.
n(19 h 20)n Il y a des tantôt où les lois qui ont connu la patine du temps ont ceci de bon, c'est qu'elles été éprouvées. Et, dans la réalité, les centres de santé semblent assez satisfaire les populations et aussi les professionnels qui y travaillent. Je ne dis pas qu'on est satisfait de l'évaluation, parce que c'est quand même surprenant que les groupes de médecine de famille aient été stoppés dans leur élan et aient abouti sur le bureau du ministre, en attente de certification depuis plusieurs semaines, sous prétexte d'évaluation et d'étude, alors que les centres de santé qui se sont développés au cours des 10 dernières années n'ont pas fait l'objet d'une évaluation qui aurait pu être déposée, mise sur la place publique et discutée.
Quoi qu'il en soit, je pense que l'objectif qui est recherché est souhaitable et louable, celui d'une continuité des soins et d'une plus grande intégration des soins, et je crois que les travaux qu'on a menés en commission parlementaire ont permis de distinguer entre l'intégration des soins et l'intégration des établissements. Et certains ont même, je pense, évoqué que, une intégration d'établissements, il pourrait en résulter l'objectif inverse de celui qui est recherché, c'est-à-dire donner des services à la population. Alors, je me réjouis que le ministre ait évoqué de pouvoir associer plus formellement les médecins à cette continuité de soins dans le projet de loi, mais on verra, n'est-ce pas, on verra finalement ce que ça donnera quand on aura les amendements.
J'aimerais rappeler aussi la nécessité d'aborder la question de la prévention et de l'intervention sociosanitaire. Ça aussi, c'est une des grandes dimensions qui ont été abordées durant les travaux de la commission parlementaire, et je n'ai pas entendu le ministre intervenir dans sa conclusion sur le fait qu'il fallait s'assurer que cette mission de prévention allait être garantie, respectée. Alors, on va devoir travailler certainement sur ces questions-là en commission parlementaire.
Moi, je retiens aussi la non-adhésion des 848 organismes. Il y a évidemment un peu plus de 1 200 signatures, mais il y a essentiellement 848 organismes. On est en 2003, et en neuf jours il reste qu'il a fallu qu'il y ait une assez grande inquiétude, parce qu'on est quand même dans le compte à rebours de Noël, alors, pour que les gens de partout à travers les régions du Québec, si vous vérifiez finalement la liste, aient choisi de manifester leur presque désarroi. Quand on lit le mémoire, je pense qu'on ne peut pas mettre ça de côté et considérer que ça n'a pas d'importance.
Et je crois que l'autre élément important, c'est le «non merci» de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec et de la Fédération des médecins spécialistes. Alors, il me semble que c'était assez évident, particulièrement pour les médecins omnipraticiens du Québec, que cette réforme passait à côté de ce qu'ils considèrent être la priorité des priorités. Et tous nous l'ont rappelé et certains ont même dit que, à l'évidence même, c'était la priorité de toutes les commissions d'enquête et de tous les personnels concernés, y compris encore aujourd'hui l'Association médicale du Québec, qui est venue dire «oui mais», mais qui a une approche plutôt positive à l'égard de la démarche du ministre, mais qui est venue rappeler que la priorité reste les soins de première ligne, et en particulier maintien à domicile, groupes de médecins de famille, et en particulier aussi la qualité puis la quantité de services dans les centres de soins de longue durée. Alors, je pense que c'est là où la population attend en priorité des interventions, et la démonstration n'a pas été faite que le projet de loi va en quelque manière favoriser ces services de première ligne.
Plusieurs ont rappelé la nécessité de réinvestissement et attendent, comme le ministre le sait, attendent avec énormément d'enthousiasme les 2,2 milliards que le gouvernement s'est engagé à injecter lors du budget du 1er avril prochain. Alors, nous allons avec intérêt continuer cette évaluation, cette analyse, mais, Mme la Présidente, le temps est important, et je pense que le ministre pense qu'il faut accélérer le tempo, quitte même à aller à l'épouvante vers les objectifs qu'il poursuit.
Si le ministre pense qu'il peut régler avant Noël... Non pas parce que... Notre attitude, je vous le dis tout de suite, ça va être une attitude consciencieuse, studieuse mais positive, constructive. Mais, s'il pense régler avant Noël, dans la précipitation, dans les quelques jours qui viennent, l'examen article par article de deux projets de loi qui ont des effets qu'il sait bouleverser tout le réseau de la santé et des services sociaux... Moi, je lui dis que l'intersession serait certainement une période qui permettrait un examen pas mal plus approfondi. Ça nous permettrait aussi de réviser les amendements qu'il veut déposer. Il me semble que ce serait beaucoup plus sage. Vous voyez comment on est constructifs, on veut vous aider à faire une législation qui ne va pas retrousser dès que vous allez vouloir l'appliquer.
La Présidente (Mme Charlebois): Alors, merci beaucoup, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Merci aux groupes qui sont venus nous présenter leurs mémoires et merci à vous, chers collègues, d'avoir contribué au bon fonctionnement des travaux de la commission. La commission ayant accompli son mandat, j'ajourne les travaux sine die. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 19 h 27)