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Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Wednesday, December 3, 2003 - Vol. 38 N° 25

Consultations particulières sur le projet de loi n° 25 - Loi sur les agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux


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Table des matières

Auditions (suite)

Mémoire déposé

Autres intervenants

 
M. Russell Copeman, président
Mme Lucie Charlebois, présidente suppléante
M. Philippe Couillard
Mme Louise Harel
M. Léandre Dion
Mme Charlotte L'Écuyer
Mme Sylvie Roy
M. Vincent Auclair
M. Camil Bouchard
Mme Nicole Léger
M. Pierre Descoteaux
* M. Yves Lamontagne, CMQ
* M. André Garon, idem
* Mme Carole Trempe, ACSSSS
* M. Alain Marchand, idem
* M. Simon Bussière, idem
* M. Paul G. Brunet, CPM
* M. Jacques Cotton, Association des directeurs généraux
des services de santé et des services sociaux du Québec
* M. Denis Carbonneau, idem
* Mme Danielle McCann, idem
* M. Michel R. Denis, idem
* M. Jean-Yves Julien, Ordre des pharmaciens du Québec
* M. Robert Théoret, TRPOCB
* M. André Tanguay, idem
* Mme Germaine Chevrier, idem
* M. Martin-Pierre Nombré, ACCESSS
* M. Stephan Reichhold, idem
* Mme Carmen Gonzales, idem
 
* Témoins interrogés par les membres de la commission
 

Journal des débats

(Onze heures trente et une minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît, chers collègues. Alors, ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la commission des affaires sociales.

Je vous rappelle, le mandat est de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 25, Loi sur les agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Aucun remplacement.

La Secrétaire: Pas de nouveaux remplacements.

Le Président (M. Copeman): On se rend compte que... On va se rappeler que Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve a été annoncée comme remplacement pour la durée du mandat, pour les gens qui auraient tendance à penser qu'il y a un oubli. Ce n'est pas un oubli, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve est avec nous comme remplacement pour la durée du mandat. Ça nous fait grand plaisir, d'ailleurs.

Je vous demanderais de nouveau de bien vouloir fermer vos téléphones cellulaires ou, à tout le moins, s'assurer qu'il n'y a pas de sonnerie.

Et, à ce moment-ci, nous avons deux présentations ce matin. Si ça se déroule comme il faut, on devrait être capables de suspendre à 13 heures.

Auditions (suite)

Alors, je vois que Pr Contandriopoulos est déjà assis à la table, c'est très bien. Je n'ai pas besoin de vous demander de présenter les gens qui vous accompagnent. Alors, sans plus tarder, M. le professeur, comme vous le savez, vous avez 15 minutes de présentation, qui sera suivie par un échange de 15 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Pr Contandriopoulos, la parole est à vous.

M. André-Pierre Contandriopoulos

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Merci, M. le Président. M. le ministre, membres de la commission parlementaire. Alors, d'abord, merci de m'avoir invité. En introduction, si vous voulez, j'arrive ici d'une façon un peu innocente. J'étais absent la semaine dernière, donc je n'étais même pas au courant de ce qui s'est passé la semaine dernière, et j'ai une lecture qui va être une lecture détachée un peu de l'environnement. J'espère que ça vous conviendra.

Alors, le projet de loi m'apparaît un peu comme, si vous voulez, quelques os d'un squelette d'un animal dont on me demanderait de reconstituer la vie et son habitat en même temps, essayer de me demander un peu qu'est-ce qu'il donnerait... comment il vivait, cet animal-là. Et je dis que c'est un travail à la fois difficile, hasardeux et probablement absolument nécessaire, d'abord, pour apprécier la pertinence de ces morceaux du cadre que constitue le projet de loi mais, aussi, pour identifier ce que disent ces morceaux et ce qu'ils ne disent pas et probablement aussi pour essayer de penser sa mise en oeuvre concrète en vue de l'amélioration du système.

Alors, très brièvement, ma présentation s'organise en quatre points. Je rappellerai très brièvement pourquoi je suis profondément convaincu qu'une réforme en profondeur du système de soins est une nécessité et qu'on n'a pas le droit d'attendre et qu'il faut le faire vite et vigoureusement. Deuxièmement, j'essaierai de voir ce que dit le projet de loi et ce qu'il laisse dans l'ombre, un peu, malheureusement. J'aborderai la question de la mise en oeuvre du changement et j'essaierai de conclure sur le travail qui, de mon point de vue, devrait être fait avant que ce projet de loi devienne loi et soit un élément porteur du changement.

Je n'ai pas, malheureusement, eu le temps de préparer un texte écrit, j'étais absent la semaine dernière. Mais je veux dire que je pourrais faire parvenir à ceux qui pourraient être intéressés des textes qui sont des textes qui, au fond, m'inspirent et des textes sur lesquels nous avions travaillé, c'est-à-dire mes collègues de l'Université de Montréal et du GRIS, et qui pourraient servir de toile de fond à l'exposé que je vais faire.

Alors, pour aller vite, premier point, le statu quo est intenable. Il me semble clair que l'état actuel, la dérive actuelle dans laquelle est engagé le système de soins est intenable. Plus le temps passe et plus le système de soins dérive selon la trajectoire qu'il est en train de suivre actuellement, plus on risque de voir le système de soins nous échapper et avec lui, je pense, le projet de société. Et donc, on a quelque chose qui n'est pas banal. Ce n'est pas simplement de mieux faire le système de soins, c'est aussi de préserver, ce qu'on peut dire, un certain nombre de valeurs fortes de nos sociétés.

Ce qu'il faut comprendre, c'est que la crise qui frappe notre système de santé, notre système de soins, est profonde, complexe. Ce n'est pas quelque chose qui peut se fixer, s'ajuster de façon... avec quelques ajustements mineurs.

D'autre part, il me semble que cet élément-là, cette crise n'est pas propre au Québec. On va la retrouver dans tous les pays développés. J'arrive de deux séminaires qui avaient lieu en France, à Paris, la semaine dernière, et c'est absolument frappant qu'à quelques détails près ? on aurait pu prendre les textes parus dans les journaux, les textes présentés par les collègues, et on aurait pu les avoir ici ? c'était la même chose: les urgences débordent, la première ligne ne répond plus, le recrutement ne se fait pas, c'est fragmenté, il n'y a pas d'intégration, on est dans du médical et le social n'est pas présent, la... Bien, c'est-à-dire, on se retrouve dans les mêmes situations, et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils n'ont pas à leur portefeuille des idées extraordinairement bien organisées sur ce que serait la solution.

Donc, on se retrouve dans quelque chose qui est ouvert. C'est vrai pour la France, c'est vrai aussi dans les autres pays européens que je connais, et on va voir que probablement M. Bush va se heurter aux mêmes difficultés avec les États-Unis. Donc, on n'est pas dans quelque chose d'original tellement, sauf que ce qui est original, c'est qu'il faut que, nous, on le fasse chez nous le plus vite possible. Et ce qui est important, je pense, c'est qu'il n'existera nulle part ailleurs dans le monde une solution qui serait la solution. Et là il va falloir qu'on construise la solution qui, chez nous, est la plus porteuse d'aventures.

Alors, qu'est-ce que c'est que cette crise universelle qui, je pense, frappe les systèmes de soins, et, par contrecoup, frappe nos sociétés dans ce qu'elles ont de plus cher, leurs valeurs? C'est cette idée que, d'une part, on a la conviction très forte qu'être bien soigné quand on est malade est un droit fondamental de la citoyenneté, en gros est une valeur importante. Ça apparaît dans tous les sondages, et, tout le temps, entre 70 % et 85 % des gens disent: Oui, on veut être bien soignés quand on est malades, ce serait juste normal d'être bien soignés.

M. le ministre avait dit dans sa présentation à l'AHQ, d'une façon explicite: Soyons clairs, notre gouvernement s'oppose à tout système reposant sur la contribution de l'usager au-delà des impôts; la population doit conserver sa confiance dans un système de santé public et universel. Il y a cette demande collective très forte sur un système public et universel. Et puis, en même temps, tous nos systèmes sont contraints, disons malmenés, par simultanément le développement des connaissances et des techniques, le vieillissement des populations, tout ça entraînant une demande accrue: faire plus de soins, des soins plus sophistiqués à des personnes de plus en plus âgées, ce qui va demander de plus en plus de ressources, avec en même temps des structures physiques, matérielles qui n'ont pas été vraiment mises à jour et des corps professionnels, médicaux, infirmiers et autres, qui ont vieilli et qui vont demander un renouvellement important. Tout ça converge pour dire: On ne peut pas rester dans cette situation-là. Cette situation est explosive.

Et, à côté de cette situation-là, partout dans le monde aussi, des pressions très fortes liées à la mondialisation, l'exigence de compétitivité économique et l'exigence encore plus pernicieuse d'une rentabilité financière à court terme. Et cette exigence de rentabilité financière à court terme va hypothéquer très fortement les possibilités d'investissements à long terme, qui sont pourtant ceux dont on aurait besoin, à travers l'éducation, à travers la formation, pour garantir demain un système viable. Et donc, là, on est contraint dans tous les sens, et il faut qu'il se fasse quelque chose.

Donc, pour sortir du dilemme, partout, même discours: En gros, on n'aura pas beaucoup plus d'argent, il va falloir faire plus avec moins, et, pour arriver à faire plus avec moins, il faut intégrer. Donc, le concept de l'intégration devient le concept central de toutes formes d'interventions.

n (11 h 40) n

Alors, ce qui me semble intéressant, c'est bien de reconnaître que M. Couillard, dès sa nomination, a exprimé avec beaucoup de force à peu près ce que je viens de dire, et il me semble qu'il y a deux documents qui, moi, en tout cas, m'ont été utiles pour essayer de voir la direction qui était donnée à l'aventure, c'est la conférence du 9 mai à l'AHQ et la conférence du 23 mai au CLSC-CHSLD, dans lesquelles on voit se développer des idées enthousiasmantes, des idées organisatrices.

Et, M. le ministre, vous disiez que ce que nous voyons quotidiennement, encombrement des urgences, délais d'attente, n'est que le symptôme d'un mal plus profond que l'on peut résumer en ces mots: lourdeur excessive, manque d'intégration et d'information, gestion trop centralisée, imputabilité mal définie. Il faut une réorganisation en profondeur, il faut réintroduire la souplesse, la cohésion, la confiance afin de rebâtir un réseau centré sur la population, dans le plus grand respect de ceux et de celles qui offrent des services. Et je pense que c'est cette image-là qui a été l'image qui nous a, en quelque sorte, guidés durant l'été.

Pour arriver à faire ça, il faut fonctionner autour, vous disiez à ce moment-là, de grands principes: il faut pratiquer réellement la décentralisation, il faut rendre explicite la responsabilité du système à l'égard de populations définies, il faut organiser le financement autour de l'idée bien connue: l'argent suit le patient, il faut maintenir le financement public, il faut décentraliser les décisions. Et la résolution des problèmes manifestes, des symptômes de dysfonctionnement que sont le débordement des urgences et les délais d'attente va se faire à travers la réorganisation de la première ligne, en disant: La première ligne est la clé de voûte ? c'était votre terme ? de notre système de santé et de services sociaux; la réorganisation ou la cohésion... la consolidation de cette première ligne sera au coeur de notre action. Et, d'une certaine façon, c'est sur ce projet-là qu'on pensait se voir et qu'on voyait se développer, à peu près partout au Québec, beaucoup d'enthousiasme.

Ce qui nous semble intéressant, c'est, une fois avoir posé ça, de lire le projet de loi n° 25. Et ce sera le deuxième point, le projet de loi n° 25. Et alors, ce projet de loi, tel qu'il est rédigé, dans sa lecture, son préambule, le communiqué qui le précède et le projet de loi tel qu'il est rédigé, ce projet de loi reste très profondément en deçà de ce qui était annoncé en mai. Donc, un décalage important entre les annonces de mai et la réalisation du projet de loi.

On a presque l'impression... Et là je suis peut-être un peu méchant, mais, quand je le lis... Et plus je le lisais et plus j'étais mal à l'aise, et plus j'étais mal à l'aise, plus j'avais l'impression que l'on avait renversé, si vous voulez, la pyramide, si on parle de pyramide. Alors qu'on avait un système qui était structuré sur la première ligne, clé de voûte du système, organisé sur la coopération, la collaboration, la mise en oeuvre des énergies, on voit, à travers les différents articles du projet de loi, s'organiser un système de restructuration de l'hôpital, du système hospitalier, à travers la logique de l'hôpital universitaire et des RUIS, qui vient, disons, dire aux instances régionales que sont ces nouveaux hôpitaux qu'est-ce qu'ils doivent faire et, d'une certaine façon, à l'intérieur des instances régionales, l'hôpital qui dit aux CLSC et aux CHSLD qu'est-ce qu'ils doivent faire pour rendre service à, au fond, la logique hospitalière, la médecine hospitalière. Et donc, on a l'impression d'avoir un projet qui vient intégrer la logique hospitalière au lieu d'être un projet qui met l'hôpital, et en particulier l'hôpital universitaire, au service de ce que seraient les besoins de la population et la base.

Et donc, là, il y a eu une inversion. Alors, peut-être que c'est une maladresse dans les textes, mais le problème, c'est que cette maladresse, elle apparaît dans deux articles, et donc ce n'est pas une maladresse par hasard. On dit bien que chaque instance locale va devoir travailler en cohésion avec le RUIS et on dit plus, qu'il faut que l'agence de transformation, l'ex-régie, elle aussi ne pourra cautionner son plan de développement de sa région qu'à condition qu'il s'inscrive dans le programme du RUIS. Donc, c'est ficelé à deux endroits, on a l'impression que la logique de l'hospitalocentrisme est forte.

On a donc cette impression-là, l'impression que les RUIS considéreront, si on lit la loi... Et j'essaie de voir maintenant comment cet animal dont j'ai les morceaux essaierait de vivre. Il s'agit de voir comment ça marche. Si demain c'était mis en place, qu'est-ce qu'on aurait l'impression de voir? Moi, j'ai l'impression, connaissant mes collègues des hôpitaux universitaires, qu'ils vont considérer les nouvelles instances, les nouvelles instances régionales, comme étant au service de leurs priorités: Écoutez, on va vous déléguer telle affaire, on va vous envoyer ceux qu'on ne veut pas traiter, vous allez vous en occuper.

Et puis on va voir, à l'intérieur des instances régionales, les spécialistes du nouvel hôpital considérer que le CHSLD et le CLSC sont littéralement à leur service, de leur projet médical hospitalier, hein? On va donc utiliser les ressources du CLSC, les ressources du CHSLD pour faire de notre hôpital un hôpital où il fait bon donner des bons services hospitaliers. Mais l'autre côté, qui serait les besoins de la population, les expressions du sociosanitaire, cet appel très fort de cette espèce de sens d'appartenance, ainsi de suite, on ne les voit pas apparaître.

Rien ne permet, dans le projet de loi, de voir comment on peut espérer que la pyramide puisse s'inverser. Et, pour avoir eu... J'ai essayé pendant très longtemps de conserver cet espoir que je lisais mal. Et, pour relire mieux, il aurait fallu que je puisse lire des choses sur le financement, il aurait fallu que je puisse lire des choses sur l'information, que je puisse lire des choses sur les dimensions sociales des soins. Or, ces choses-là ne sont pas présentes dans le projet de loi. Donc, je ne peux pas les lire. Et donc, ne pouvant pas les lire, je ne peux faire de prévisions sur ce que pourrait être le fonctionnement autre que celui que je peux lire.

Les seuls outils opérationnels concrets de décision sont ceux qui visent à la réorganisation du système hospitalier depuis le haut jusqu'en bas. Rien dans le projet de loi ne donne de signification concrète à l'idée de responsabilisation à l'égard de la population. Et là il y a quelque chose d'important.

Une autre chose qui m'a frappé beaucoup, et c'est presque une parenthèse que je vais avoir, ce sont les termes utilisés dans le projet de loi. On essaie, au fond, dans ce projet de loi, si je reprenais les discours du ministre du mois de mai, de redéfinir ce que seraient des lieux, des lieux d'appropriation par les populations des différents villages ou des différente villes du Québec de ce qu'est la santé, des lieux dans lesquels les instances, les groupes locaux, les groupes communautaires puissent avoir l'impression qu'ils ont un lieu qui leur appartient et un lieu qu'ils vont pouvoir modeler en fonction de leurs besoins locaux et qui va pouvoir répondre d'une façon adéquate à ces besoins locaux. Et, au lieu de trouver des termes pour parler de ça, on prend des termes qui sont strictement incompréhensibles.

Les lieux que l'on voudrait que les personnes malades considèrent comme un lieu rassurant, humain, on les appelle «instances locales de services sociaux et de service social». Le réseau, c'est... Et qu'ils soient coordonnés à un réseau tenu en place par une agence. Qu'est-ce que veulent dire «instance», «agence», «réseau», alors qu'on demanderait d'avoir un centre de santé, un lieu dans lequel on se retrouverait? Et donc, il y a tout un travail symbolique à faire sur les mots à utiliser. Tant qu'on ne trouvera pas les mots pour exprimer ce qu'on veut dire, on aura des choses que les gens ne pourront pas s'approprier.

Le Président (M. Copeman): Là, je suis dans l'obligation de vous demander de conclure rapidement.

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Vous voulez que je conclue? C'est bon, je vais couper vite.

Le Président (M. Copeman): Bien, ce n'est pas moi qui le veux, mais malheureusement c'est le temps qui nous impose.

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Alors, je vais quand même dire deux choses là-dessus. Je pense qu'une chose, c'est autour du changement. L'idée fondamentale sur laquelle nous travaillons et sur laquelle je suis profondément convaincu, on pourra y revenir en discussion, c'est qu'on ne peut pas imaginer que les transformations du système qui sont nécessaires puissent être obtenues d'une façon centralisée quand elles s'appliquent sur un système d'une extrême complexité. Les stratégies de changement doivent avoir la même complexité que les systèmes qu'elles veulent transformer. Et donc, il faut avoir des stratégies de changement multiples: court terme, long terme, d'en haut et d'en bas, et ainsi de suite.

Et le dernier morceau, qui était le dernier point, sur lequel on pourra revenir lors de la discussion aussi, c'était ma conclusion: Que faut-il faire pour ce projet de loi? Et je dois dire qu'il me semble qu'il faudrait très fondamentalement remettre très vite sur le chantier le projet de loi n° 25. Il faut qu'il y ait un projet de loi, il faut symboliquement parler clair et dire qu'on a une volonté explicite de changement qui se traduit par un projet de loi. Mais il faudrait que cette loi indique avec limpidité que l'on compte sur les dynamismes locaux, indique avec clarté quels sont les outils de changement que l'on va mobiliser. Et puis on pourrait continuer là-dessus, mais, à mon avis, le projet de loi, tel qu'il est actuellement écrit, est un projet qui va entraîner plus de raidissement, de frustration, de blocage que d'amélioration et risque de nous entraîner dans un système dans lequel on n'aura plus le contrôle.

Le Président (M. Copeman): Merci, professeur. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

n (11 h 50) n

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Contandriopoulos. Comme je l'ai indiqué ce matin, l'utilité de ces séances, c'est d'avoir des suggestions, des éclairages, et le vôtre est particulièrement important, étant donné la renommée que vous avez dans le domaine de la gestion des soins de santé. Je suis heureux d'entendre que vous partagez notre diagnostic, si je peux... J'espère qu'on ne me blâmera pas d'utiliser un terme médical et qu'on ne me qualifiera pas de médicocentriste ou autre qualificatif aussi épouvantable que l'était la lèpre au Moyen Âge ces jours-ci. Mais je pense qu'on partage le diagnostic du caractère urgent d'une restructuration profonde du système de santé et non pas superficielle. Un.

Deuxièmement, dans les éléments de solution, on s'entend également sur la notion de l'intégration et de la responsabilité populationnelle. Et ce que je retiens de votre message, c'est que vous prenez ces objectifs, ce diagnostic et ces objectifs, et vous avez de la difficulté à les retrouver dans le texte de loi tel qu'il est formulé actuellement, de sorte que notre travail maintenant, ce sera, suite à vos remarques et celles de ceux qui vous ont précédé et vous suivront, de faire les ajustements nécessaires pour que cette correspondance se retrouve. Alors, essayons de voir ensemble comment est-ce qu'on pourrait concrètement dans le texte du projet de loi amener ces précisions.

Tout d'abord, vous parlez, je pense, de la nécessité d'exprimer la volonté explicite de changement. Est-ce que vous utiliseriez pour ça l'outil d'un préambule au projet de loi, par exemple, ou de... Quels sont les termes que vous voudriez voir pour que cette volonté explicite de changement soit reconnaissable?

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Il me semble que l'idée d'un préambule est intéressante, c'est-à-dire qu'il faudrait qu'on comprenne, quand on lit le projet de loi, si tel est le cas, qu'il s'agit effectivement d'un morceau d'un puzzle plus grand, que les autres morceaux du puzzle sont ceux qui vont définir ces instruments d'action que sont l'incitation, que sont la loi. Donc, on va essayer de savoir comment ça marche, que sont l'information, et qu'on ait une vision un peu générale de ce que seront les grands morceaux que le législatif va devoir considérer pour mettre en oeuvre cette réforme ? je pense que c'est quelque chose qui est important ? et qu'on comprenne, à travers un préambule qui redécrit ces éléments-là, qu'on va pouvoir... non, qu'on comprenne comment s'établit le morceau sur les structures par rapport au reste, et qu'on comprenne aussi, si je peux me permettre, le fait que ? je n'ai pas le temps de vous en parler suffisamment ? pour que les changements structurels donnent des résultats, il faut en quelque sorte que les demandes de changement des structures proviennent des acteurs qui sont, qui vont être impliqués dans ces structures.

Autrement dit, une fusion est d'autant plus réussie que les gens ont en quelque sorte demandé qu'on s'organise différemment, et que, si on impose les changements de structures, on va se heurter à des oppositions. Puis on n'a qu'à regarder ce qui s'est passé au CHUM de Montréal pour s'apercevoir que ça prend quelques années pour essayer d'aller au-delà de ces vieilles rancunes de relations des uns avec les autres et que, si on s'engage partout au Québec là-dessus...

M. Couillard: On pourrait même utiliser le parallèle du monde municipal, mais je ne me hasarderais pas sur ce terrain.

M. Contandriopoulos (André-Pierre): J'y pensais, mais je ne voulais pas parler.

M. Couillard: M. Contandriopoulos, le projet de loi est appuyé sur deux principes qui nous apparaissent fondamentaux. Le premier de ces principes est la responsabilité populationnelle. Notre évaluation de la signification réelle de ce terme de «responsabilité populationnelle», c'est de créer une véritable décentralisation en termes de moyens, c'est-à-dire que, si vous parliez du financement, ce qui est à la base et qu'on devrait effectivement rendre plus explicite, je crois, dans le texte, c'est de décentraliser les moyens pour permettre aux acteurs locaux de mettre en place les mécanismes qui arriveront à un résultat, qui pourront être fixés d'ailleurs aux niveaux plus élevés du système.

Pour nous, il est clair ? de même que ce l'était également, je crois, pour la commission Clair ? que la notion de responsabilité populationnelle et de décentralisation s'appuie nécessairement sur une unité administrative, c'est-à-dire sur une ? comment dire? ? une entité administrative unifiée. Est-ce que vous pouvez commenter sur cet aspect-là?

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Je pense que, là, le projet de loi, il faudrait qu'il soit aussi, disons, suffisamment, disons, astucieux ? puis je ne sais pas comment ça va s'écrire ? pour pouvoir reconnaître que le Québec est hétérogène. Et, autant il sera possible, on le sait bien, de définir des unités administratives vraisemblables partout ailleurs que dans les villes, autant, entre autres, à Montréal, il ne sera pas possible de définir ces unités administratives là. Il faudrait que le projet de loi soit...

L'élément qui va rendre crédible le projet de loi, c'est que ce soit un projet de loi qui soit aussi sensible au contexte et aussi sensible aux contraintes du contexte. Dire dans un projet de loi qu'on va donner de l'argent dans la région de Montréal en fonction d'une population définie géographiquement, ça n'a pas de sens. Donc, il va falloir trouver les façons par lesquelles on va redire: Oui, il y a le principe général, et ça va se moduler, va s'organiser probablement en tenant compte de réalités qui, à l'échelle du Québec, sont variables. Et il y a vraiment deux réalités très différentes, et il va falloir qu'on joue avec les deux, réellement, là. Et la notion du populationnel dans la région de Montréal ou de Québec n'est pas de même nature, et donc, là, on va se retrouver avec une difficulté de penser la décentralisation ? quelle décentralisation? de quoi? ? dans des espaces différents.

M. Couillard: Oui. Effectivement, c'est le constat que tous font, et d'ailleurs, avant même que ce projet de loi soit discuté, c'est que la réalité urbaine et la réalité rurale est considérablement différente et qu'on devra s'y adapter. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les imprécisions que vous reprochez au texte sont là, parce qu'on voulait également en profiter, par cette disposition transitoire, pour créer un espace de discussion dans les régions, le risque étant que, si on est trop détaillé et trop ? comment dire? ? formel sur les moyens à prendre, on risque d'enfermer justement les régions dans un modèle unique, et c'est ce que nous voulons éviter. Alors, comment réconcilier ce que vous nous recommandez avec cette liberté de décision pour les régions?

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Mais, regardez, même le projet de loi tel qu'il est là, il semble indiquer que nous allons... que vont se créer à Montréal les instances locales de même nature que les instances locales qu'il y a ailleurs. Or, par définition, les instances locales de Montréal ne pourront pas avoir de responsabilités sur la totalité des services hospitaliers, puisque 80 % ou 60 % seront utilisés par les... Alors, même là, on a l'impression que c'est une géométrie variable. Ces instances locales, elles n'ont pas la même responsabilité, le même poids, et on a du mal, dans le projet de loi, à avoir les modulations et les variations de ce que pourraient représenter ces instances locales. Et je ne sais pas comment le faire, hein...

M. Couillard: Je pense qu'il s'agirait de définir exactement le type de services qu'on veut voir gérer par l'instance locale, et je pense que c'est une piste également qu'on a envisagée.

Le deuxième principe qui sous-tend le projet de loi, c'est la hiérarchisation des soins. Et vous avez expliqué le fait que vous êtes mal à l'aise avec la façon dont on a défini, par exemple, le niveau local, le niveau régional avec les instances universitaires telles qu'incarnées dans les réseaux universitaires intégrés de santé. Et je comprends très bien votre perception qu'actuellement, dans le projet de loi, l'impression qui se dégage, même si ce n'est pas l'intention ? et on va corriger pour que l'intention soit reflétée dans le texte ? c'est qu'on a une sorte de relation verticale, là, de haut en bas, entre le réseau universitaire et les régions et les instances locales sans qu'on tienne compte des besoins de ces niveaux-là, qui devraient être acheminés vers le niveau universitaire pour qu'ils soient répondus.

Alors, est-ce que vous avez des suggestions pratiques pour, je dirais, la façon d'exprimer ce que je qualifierais, donc, de relation bidirectionnelle entre les réseaux universitaires et les différents étages du système de santé?

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Moi, je reste très influencé par ce que M. Sinclair, qui était le responsable de la réorganisation des services hospitaliers en Ontario, disait. Et il plaçait le centre universitaire de santé, l'équivalent du RUIS, le centre universitaire de santé et ses programmes, comme étant, au fond, l'aboutissement de l'échec des autres niveaux. Autrement dit, on est vraiment dans une question de subsidiarité: tout ce qui peut être fait au niveau primaire doit être fait au niveau primaire; tout ce qui ne peut pas être fait au niveau primaire va être fait, éventuellement, aux autres niveaux. Donc, c'est vraiment un principe de subsidiarité, et ce n'est pas le haut qui définit ce que va faire le bas, c'est en fonction de la capacité du bas de ne plus arriver à faire que l'on va référer à un autre niveau. Et c'est vraiment... Ce n'est pas... C'est renverser l'ordre de ce qu'est la logique de structuration.

M. Couillard: Et effectivement, même en Grande-Bretagne, on a poussé, à un moment donné, même dans d'autres publications que vous connaissez, cette logique très loin, où on recommandait de confier toute l'enveloppe budgétaire au niveau de première ligne qui, lui, financerait les services de deuxième et de troisième ligne. Mais là on s'engage dans quelque chose qui serait encore plus complexe...

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Dans quelque chose de difficile, hein? Puis je pense...

M. Couillard: ...encore plus complexe que ce qu'on fait là, et ce n'est pas la direction qu'on veut suivre.

Pour ce qui est des missions de proximité, les missions sociales qui sont actuellement accomplies par les CLSC et qui continueront de l'être, l'impression qu'on a ? et ce n'est pas qu'une impression, hein, elle est appuyée sur des faits, en passant ? c'est que, dans les centres de santé qui ont vu le jour au Québec, évidemment dans des régions autres que montréalaises, à nulle part n'a-t-on vu une érosion quelconque de la mission sociale et de la mission préventive ou de la mission soins à domicile de CLSC. Il y a même des indications qui montrent le contraire, et on aura l'occasion d'y revenir.

La façon dont, nous, on pense qu'il faut protéger ces missions-là, qui sont essentielles, c'est d'abord se guider sur les expériences déjà vécues et, deuxièmement, passer à une gestion financière par programmes, avec des résultats à atteindre dans tous les secteurs, y compris les secteurs sociaux, y compris les secteurs de clientèle vulnérable. Est-ce que vous pensez que ceci devrait être inclus au projet?

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Un, on a toujours à choisir entre rigidification grande, hein, par programmes, donc on recrée, du manque d'intégration programme par programme, qu'est-ce qui se passe entre deux programmes, ainsi de suite. Et l'autre élément, c'est plus un élément processuel, c'est-à-dire : Quand ça réussit, quelle a été l'origine de la création de ces centres de santé? Autrement dit: Comment se sont créés ces centres de santé? Sur quelles bases? Quels ont été les acteurs qui ont mis en place les centres de santé? Essayer de retravailler, à travers l'histoire de la création des centres de santé, ce qui s'est passé.

n (12 heures) n

Ce qui me semble... Le risque est un risque qui va apparaître d'autant plus que la fusion, elle est forcée et que les gens ne veulent pas être fusionnés. Et à ce moment-là on sentira des raidissements forts, et des raidissements forts dans lesquels l'enjeu démocratique de la nouvelle instance, ce n'est pas les CLSC qui seront dominants, ce seront les autres. Et donc, on n'a plus de concertation, on n'a plus de dialogue. On a un autre jeu. Et c'est cet autre jeu qui est dangereux. Si on disait: Demain, tous les CLSC et les CHSLD du Québec avec les CH sont d'accord pour fusionner, bien, je vous dirais: C'est parfait, on le fait, il ne faut pas hésiter une seconde, et puis ils vont travailler ensemble. Le problème, c'est la non-volonté de participer à cette fusion, qui risque d'entraîner en conséquence une difficulté à maintenir les programmes qui sont les programmes classiques des CLSC. Donc, on est à la fois dans mettre en place les mécanismes de financement, mettre en place les mécanismes d'information qui vont permettre de s'assurer qu'on fait bien les choses, qu'on est récompensés pour ce qu'on fait bien, et en même temps de comprendre que le processus même d'intégration peut entraîner des difficultés dans le maintien des fonctions.

M. Couillard: Oui effectivement, et c'est, je dirais, un des messages fondamentaux que je retiens de la journée d'hier, c'est que l'aspect trop directif des intégrations administratives pourrait poser problème parce qu'il causerait un problème d'adhésion des acteurs du milieu, là. Et on est conscients de ça, et on veut évidemment s'y attacher, à ce problème-là.

Le problème inverse, cependant, M. Contandriopoulos, c'est qu'il ne faut pas non plus que la non-volonté de s'unifier administrativement serve d'échappatoire pour s'éloigner de l'intégration. Parce qu'il faut que les acteurs travaillent ensemble, il faut qu'on sorte de cette logique d'établissement et il faut qu'on en vienne à une véritable modulation des missions. Alors, comment voyez-vous cette question?

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Je pense que cette question-là ? on rentre alors dans autre chose ? c'est, au fond: Comment mettre en oeuvre l'intégration, comment créer de la coopération et comment inciter à la création de la coopération? Et on est tout le temps dans des jeux difficiles: Est-ce qu'on crée la coopération par l'intégration des structures qui vont inciter à la coopération? Est-ce qu'on favorise tous les efforts de coopération, tous les projets-pilotes, toutes les façons, toutes les expériences de travail ensemble, en donnant, si on veut, des budgets qui seraient alloués uniquement en fonction de projets conjoints CLSC-CHLSD-CH, projets qui émaneraient, qui seraient produits par des cliniciens pour régler les problèmes concrets de leur propre région et que, au bout d'un certain temps, par des phénomènes d'incitation qui ne sont pas présents dans la loi, on en arrive à une demande de la part de ces groupes-là pour intégrer leurs organisations de façon à poursuivre le travail ensemble? On voit qu'on peut arriver à l'intégration non pas en la forçant, mais bien en la produisant.

M. Couillard: Et le problème que je vois... Mais vous avez raison, c'est une approche intéressante. Cependant, à partir du moment où on fait ce que vous dites, qu'on finance ? et je trouve ça intéressant ? des programmes conjoints qui utilisent les trois missions, par définition, il faut que ce financement soit administré de façon unifiée. On ne peut pas confier à chaque institution d'arbitrer la partie du programme que l'un ou l'autre va avoir.

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Ah ça! Je ne veux pas être méchant, mais c'était, au fond, le rôle des régies régionales, qui pouvaient jouer ce jeu-là assez bien et qui géraient ces argents-là sous un certain nombre de buts et de conditions. L'argent ne peut être utilisé qu'à conditions d'avoir les cosignataires qui étaient coresponsables et qui mettaient un comité de pilotage coorganisé par les différentes organisations, y compris ? et là, il faudrait le mettre, parce que le projet de loi là-dessus est... et, je pense, il faudrait travailler là-dessus ? y compris les organisations médicales. Le projet de loi ne parle pas des organisations médicales, parle uniquement des médecins. On ne parle pas des GMF, il n'est pas mentionné, on ne parle pas des cliniques médicales, on ne parle pas des cliniques pivots. Et il me semble que ces organisations médicales devraient être partie prenante de tout projet d'intégration local, sinon ça ne marchera pas. Si le médical n'est pas partie prenante de l'intégration, on sera passés à côté.

M. Couillard: Vous avez raison. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle c'est la tâche à laquelle on va s'atteler dès l'adoption éventuelle du projet de loi. Il y a plusieurs modèles de groupes de médecine de famille en région. À Montréal, il semble que le modèle ne fonctionne pas bien, on irait plutôt vers le concept de clinique réseau ou clinique pivot. D'ailleurs, il y a des projets concrets qui sont en train d'être étudiés actuellement, qui sont très prometteurs de ce côté-là.

Un des bénéfices également que je vois à la responsabilité populationnelle et à la gestion par programmes, c'est de permettre ce que j'appellerais la modulation des missions. C'est-à-dire qu'une fois qu'on a ? et ça, je pense que les régions, particulièrement, sont très intéressées à cette dimension ? défini les objectifs dans plusieurs secteurs, santé physique, santé mentale, soins à domicile, hébergement, etc., il devrait être possible normalement, pour une organisation ou un territoire, de considérer, de vérifier qu'elle a atteint les objectifs dans un des secteurs et que, donc, elle peut rediriger une partie de l'enveloppe vers un autre secteur où il y a plus de travail à faire. Et ça, ça va varier d'une région à l'autre puis d'un territoire à l'autre, je dirais, les changements ou les modulations qu'il faut faire. Et ça, encore une fois, dans mon esprit, cette modulation ne peut se faire que par une unification administrative qui peut prendre plusieurs formes, d'ailleurs. Et j'aimerais savoir ce que vous pensez de ce principe.

M. Contandriopoulos (André-Pierre): L'intégration... Il faut bien comprendre, le concept d'intégration est un concept qui a plusieurs niveaux, et l'intégration doit être simultanément l'intégration des soins, l'intégration des équipes cliniques médicales et non-médicales, l'intégration fonctionnelle et... Bon. L'intégration fonctionnelle veut dire qu'il n'y aura pas d'intégration s'il n'y a pas de cohérence entre l'argent, la distribution de l'autorité et l'information, la nature de l'information. C'est ça qui va...

Alors, une fois qu'on a dit ça, on doit réfléchir sur quels seraient les structures, les modes organisationnels qui permettent ces différentes formes d'intégration. Et il n'est pas évident qu'il n'y ait qu'une seule forme organisationnelle qui permette ces formes d'organisation. Et plus on est dans des organisations complexes, plus, probablement, il y a des formes différentes de relations, de collaborations, de relations existantes entre les organisations pour arriver à mettre en oeuvre ces démarches concertées et créer, de la part des uns et des autres, réellement de la coopération.

Donc, on est dans quelque chose... Oui, l'intégration structurelle semble a priori être une nécessité pour collaborer. Maintenant, on sait aussi que l'intégration structurelle, si elle n'est pas associée à de la confiance, ne sert à rien. Que la confiance, elle n'est pas forcément liée à de l'intégration structurelle et que, si j'avais à choisir entre l'intégration structurelle et la confiance, à tous les coups je prendrais la confiance pour créer de l'intégration, même si je n'unifie pas les structures.

M. Couillard: Est-ce qu'il y aurait consentement? Je pourrais poser une question supplémentaire pour deux minutes puis je donnerais le même... C'est dommage qu'on soit un peu limités dans le temps, on pourra se rencontrer ultérieurement.

Mme Harel: C'est celle que le gouvernement nous a imposée par une motion à l'Assemblée. D'accord.

M. Couillard: Comme nous sommes méchants!

Mme Harel: Non, on consent, on consent.

M. Couillard: Je vais vous poser une dernière question parce que vous avez fait allusion à la présence des médecins, du corps médical, dans ce projet, et la question est très simple, voici: Quel est d'après vous le mode de rémunération le plus adapté à la prestation de services de première ligne pour la profession médicale?

M. Contandriopoulos (Pierre-André): Bien écoutez, M. Castonguay, en 1970, l'avait dit; M. Houde, en 1980, l'avait répété; M. Rochon l'avait dit dans le cadre de ses programmes. Il est clair qu'il faut arriver à trouver un mode de rémunération suffisante, élevée, bonne et forfaitaire pour permettre aux médecins de pouvoir déployer leurs activités professionnelles sans que leurs décisions, elles, soient influencées par le bénéfice relatif d'un tarif plus rémunérateur qu'un autre et sans que le médecin soit obligé d'assumer des risques liés à la maladie de ses patients.

Donc, il faut protéger le médecin de l'économique et protéger le médecin du risque sur lequel il n'a pas de prise, qui est le risque de la maladie. Et donc, il faut trouver les façons de forfaitiser la rémunération médicale. Et plus on aura des professionnels payés à forfait, et bien payés à forfait, plus ces professionnels-là seront à l'aise pour faire leurs activités professionnelles et probablement seront à l'aise pour rendre des comptes sur le résultat collectif obtenu en travaillant comme des professionnels responsables.

Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Oui, merci, merci, M. le Président. Alors, c'est extrêmement intéressant, M. Contandriopoulos, et je dois vous dire que la présentation que vous avez faite va se retrouver, d'ailleurs, sur les galées ? on appelle ça les galées. Déjà, on pourra les avoir cet après-midi. Alors, j'imagine que la secrétaire de notre commission peut même vous les faire parvenir, si vous voulez un texte de votre présentation. Mais j'apprécierais beaucoup, ces documents de référence auxquels vous... nous avez parlé et qui pourraient être transmis ? pas les documents eux-mêmes mais les références ? au secrétariat de la commission, qui nous les fera parvenir.

M. Contandriopoulos (Pierre-André): Je vous les avais envoyés déjà. Je vous avais envoyé déjà par mail, je pense, la semaine dernière, deux documents. Alors, je ne sais pas si vous voulez les refaire circuler, mais je n'ai pas de problème.

n (12 h 10) n

Mme Harel: C'est-à-dire que, si le ministre veut nous les faire parvenir, sinon c'est la commission qui le fera. Parfait. Alors donc, ils nous les feront parvenir.

Écoutez, vous avez référé en entrée de jeu à deux conférences. Moi, j'ai assisté à une seule, c'était la conférence d'ouverture du Congrès de l'Association des CLSC et des CHSLD, le 22 mai dernier. Et, sur la foi de cette conférence, j'ai fait par la suite l'éloge du ministre. Je me suis même retrouvée, dans L'actualité, à faire du ministre un social-démocrate, que j'avais pensé qu'il était à la lecture de cette conférence. J'avais d'ailleurs déclaré à mes collègues et convaincu mes collègues qu'il s'en allait dans la bonne direction, la direction étant de déplacer le centre de gravité en dehors de l'hôpital vers la première ligne. Et c'est ce qui me semblait la priorité des priorités, à titre de citoyenne et de députée et de porte-parole de l'opposition en matière de santé. Et là, par la suite, j'ai utilisé une formule peut-être pas la meilleure, mais Dr. Jekyll est devenu Mr. Hyde, et je trouve que, entre le projet de loi n° 25 et la conférence d'ouverture au Congrès de l'Association des CLSC-CHSLD, il y a un monde, pour moi, de différences, et vous avez mis des mots sur ces différences.

Une des premières choses qu'on peut attendre dans une réforme de transformation majeure, dans le langage parlementaire, ce n'est pas un préambule dans un projet de loi, c'est un livre blanc. Parce que un livre blanc, ça indique les intentions du gouvernement, et ça donne la vision générale, et ça permet d'identifier les grands morceaux de législation qui viendront par la suite. On peut me reprocher ce qu'on veut, là. Le ministre fait toujours allusion à la réforme municipale. Il ferait juste pareil comme j'ai fait, puis je l'applaudirais. Et ce que j'ai fait, premièrement, c'est un livre blanc 10 mois avant l'adoption d'un projet de loi. Dans ce livre blanc ? je vais lui remettre, je pense, je vais lui apporter cet après-midi, si ça pouvait l'inspirer ? il y avait un tableau de toutes les législations qui s'en venaient pour deux ans. Et là... Parce qu'il nous annonce déjà qu'il y aura d'autres législations. C'est une première phase, il y aura une deuxième phase. Il y a les RUIS. On ne sait même pas de quoi il s'agira, mais il subordonne déjà les plans dans la loi... Alors, un, un livre blanc.

Deux, il faut se rappeler un élément majeur qui était la volonté de maires des villes de centralité. Pensez-vous qu'on aurait fait une réforme comme celle-là sans qu'un Jean Perrault de Sherbrooke... Ah non! On y reviendra... sans qu'un Jean Perrault de Sherbrooke... Non, parce que ce n'est pas là-dedans. Non. Le ministre me montre son programme libéral Partenaires. Non, ce n'est pas là-dedans. Là-dedans, c'est l'abolition des régies régionales, et c'est tout à fait autre chose que ce qu'on retrouve dans le projet de loi n° 25.

Mais revenons à l'essentiel. Je lui redemande, lui qui était médecin à Sherbrooke: Pensez-vous qu'on aurait, à Montréal sans Pierre Bourque, à Québec sans Jean-Paul L'Allier, à Sherbrooke sans Jean Perrault et à... tous ces autres maires? Jamais, jamais. La condition, c'était toujours: un maire qui le réclamait. Est-ce que quelqu'un réclame le projet de loi n° 25? À date, personne, y compris l'Association des hôpitaux du Québec. Il faut faire attention, là. Eux-mêmes disent qu'il y a beaucoup, beaucoup de corrections à y apporter. Alors...

Et le troisième élément, je pense, qui est le plus important, c'est consulter. 50 organismes qu'on a entendus... On est à peine au tiers de cela, et, à deux semaines de l'ajournement de Noël... On a même un party de Noël ici même, ce soir, de l'autre côté, au Parlementaire. Ce n'est pas raisonnable, ce ne sera pas jugé raisonnable ni par les partenaires du réseau ni par l'opinion publique, parce que c'est déraisonnable.

Alors, moi, la question que je pose, c'est celle de la confusion entre «intégration de soins», «intégration de structures». A-t-on automatiquement besoin d'intégrer des structures pour intégrer les soins? Ça, ça veut dire qu'on abandonne une partie de la population de Montréal. Hochelaga-Maisonneuve, population d'un quartier dit dévitalisé où j'habite cependant: le seul hôpital de la réforme que fréquente la population, c'est à 5 %, alors... Et, pour le reste, qu'est-ce qu'on fait avec l'intégration des soins? J'aimerais vous entendre là-dessus, délimiter entre l'intégration des soins et l'intégration des structures.

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Bon. Je vais quand même dire un petit mot sur le paradoxe du changement, hein. Le paradoxe du changement, on est dans... Je veux dire, il y a une urgence à changer, et, chaque fois qu'il y a des urgences à changer, on se trouve devant cette situation absolument étonnante, c'est qu'on n'a plus le temps de faire ce qu'il faut pour organiser le changement tel qu'il aurait dû être fait si on avait eu le temps. Mais, quand on avait le temps, il n'était pas le temps de changer, on ne faisait pas les choses. Et donc, quand on fait du changement, on est tout le temps à court de temps, à court d'argent, à court d'idées, ainsi de suite.

En même temps, si on n'arrive pas à développer une idée qui soit une idée cohérente de l'espèce d'utopie vers laquelle on tend, cette espèce de scénario qui nous permettrait de nous raccrocher à quelque chose, on est incapables de le faire, hein. Donc, on est dans ces événements-là. Alors, préambule, livre blanc, je ne veux absolument pas rentrer dans les discussions de ce qui serait bon. Mais il faudrait que les gens, nous autres, on puisse savoir vers quoi, correctement, on s'en va et quelles sont en gros les grandes étapes. Et ensuite, si vraiment on arrive à être convaincus de l'urgence, peut-être qu'on va court-circuiter un certain nombre d'éléments, mais il y a à un moment donné nécessité d'aller vite.

Bon. Pour ce qui est de l'intégration des soins, j'en ai parlé tout à l'heure un petit peu, et je pense que c'est vraiment une idée tout à fait fondamentale. L'intégration n'est pas un concept, si on veut, unidimensionnel. L'intégration, ce n'est pas une chose, simplement. Pour donner des soins continus, globaux, accessibles, de qualité, ce qui est l'objet même de ce que l'on veut faire, et qui soient larges en termes de santé sociale pour pouvoir tenir compte des conditions dans lesquelles les gens vivent, il va falloir que l'on ait, alors, ces différents niveaux. Il va falloir que l'on ait ce qu'on appelle une intégration des équipes cliniques, une intégration de la clinique. Il va falloir que les différents professionnels puissent être amenés à travailler ensemble. Pour que les processionnels travaillent ensemble, il faut qu'ils soient placés dans des environnements qui leur permettent d'avoir confiance les uns dans les autres. Donc, il faut développer ces éléments de confiance.

Pour arriver à faire ça, il faut qu'on soit non pas dans des établissements, mais dans des organisations au sens large ? et les organisations, ça peut être une seule institution puis ça peut en être plusieurs ? dans des organisations dans lesquelles il y a cohérence entre les règles d'attribution du pouvoir, l'autorité, l'information et l'argent. S'il n'y a pas de cohérence entre la façon par laquelle l'argent est donné, l'information que l'on a qui permet de suivre et la façon dont se distribue l'autorité, il n'y a pas d'intégration. Et plus que ça. Si on veut que ces organisations-là fonctionnent au niveau local par exemple, il faut aussi qu'elles soient en cohérence avec les niveaux régionaux et le niveau national. Il y a une intégration systémique.

Alors, l'intégration, ce sont ces éléments-là, ce sont des configurations d'exigences, et, pour qu'on progresse vers l'intégration, il faut qu'on progresse de tout à la fois. Et on peut partir de n'importe quel côté, mais, si ça bloque dans une seule des dimensions, il n'y aura pas intégration. Donc, l'intégration, c'est une configuration d'exigences. Et on peut jouer pour mettre en oeuvre l'intégration, on peut rentrer à n'importe quel niveau, mais, pour pouvoir la poursuivre, il va falloir qu'on bouge simultanément dans tous les sens.

Et c'est là que vient la question de savoir: Est-ce que, stratégiquement parlant, il faut commencer par la structure ou commencer par autre chose? Est-ce qu'il faut commencer par l'argent et l'incitation plutôt que par la structure? Et là on peut avoir des stratégies qui vont dépendre de la compréhension qu'on a de la nature des contraintes, et ainsi de suite, des différents territoires.

Mon expérience du domaine de la santé, qui est quand même depuis au moins 35 ans, c'est qu'on est dans un système qui a un niveau de complexité, je pense, inégalé dans tout autre secteur d'activité d'une société. La santé est probablement ce qu'il y a de plus complexe. Et elle est particulièrement complexe parce qu'on est tout le temps dans l'interface du monde de la clinique avec le monde de l'organisation et que ces deux mondes-là, c'est des mondes qui sont toujours compliqués à organiser l'un par rapport à l'autre et que, dans ce monde de cette complexité-là, il va falloir qu'on accepte de l'hétérogénéité qui va prendre du sens à travers, alors, les livres blancs ou les grandes missions. Mais il faut qu'on accepte de l'hétérogénéité. Et, chaque fois qu'on va essayer d'avoir une mesure unique, on va probablement se casser le nez. C'est un peu rapide comme réponse.

Mme Harel: Ah, c'est passionnant! Écoutez, en vous écoutant, je pensais, par exemple, à mon quartier, hein, parce que c'est là ou j'habite et c'est là où j'ai mes solidarités aussi. Et je me disais: Quand le ministre parle de responsabilité populationnelle, comment l'imaginer, par exemple, sans les cabinets de médecins? Parce que, dans le projet de loi tel que rédigé, les cabinets de médecins sont vaguement associés par le biais d'ententes facultatives. Le...

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Les médecins sont associés, pas les cabinets.

n (12 h 20) n

Mme Harel: C'est les médecins, en plus. Oui, vous avez raison. Mais ils le sont, associés, au même titre que les organisations communautaires.

Dans le projet de loi, vous avez une sorte de liste, là, dans cet alinéa, puis on énumère, une énumération dans laquelle se trouvent les médecins et les organismes communautaires, au même titre. Et là je me suis dit: Mais qu'est-ce que c'est? Comment imaginer une approche populationnelle ou une prise en charge territoriale, par exemple, alors qu'il n'y a plus de clinique après 7 heures le soir, ni le samedi, ni le dimanche, ni à Noël ou au jour de l'An, les Fêtes, etc.? Qu'est-ce que ça va changer pour les gens, cette prise en charge territoriale? Ils vont encore être obligés d'aller où? Ils vont à Maisonneuve-Rosemont ou au CHUM. Bien, je ne peux pas m'imaginer qu'on les obligerait maintenant à aller à Santa Cabrini, alors que 67 % des gens n'ont pas d'auto. Ça veut dire, ça, une heure et demie en autobus.

Alors, c'est ça, la vraie réalité. On peut bien avoir des modèles théoriques, mais, dans la vraie vie, comment on fait une approche populationnelle dans un quartier? Par exemple, prenez-en un autre, si vous voulez. Prenons Notre-Dame-de-Grâce. Parce que, eux, ils vont au CUSM, hein? Ils vont... Moi, c'est le CHUM. Alors, ils ne vont pas... Et ça vaut pour les hôpitaux régionaux, je ne veux pas juste parler de Montréal. Qu'est-ce qui va arriver à Québec? Ça aussi, il faut en parler. Il n'y a que des hôpitaux exclus. Et qu'est-ce qui va arriver, par exemple, à Rimouski, avec l'hôpital régional? Est-ce qu'il va devoir ? parce que la loi dit «devoir» ? s'affilier? Mais l'hôpital régional de Rimouski, il a un territoire qui... une desserte de population bien extrarégionale ou extralocale au sens...

Parce que, là, tous les termes n'ont plus de sens. On ne sait pas quel est le territoire, quel est le local. Le local, auparavant, c'était le territoire d'un CLSC; Là, c'est changé. Le territoire n'est pas défini, celui de la desserte de l'hôpital ou celui de la desserte d'appartenance qui correspond à celui du CLSC. Mais, vous-même, vous aviez raison: les termes «instance», «agence» ? qu'est-ce que c'est, l'autre, là? ? «instance», «réseau», «agence». Ça, ça va parler aux gens, ça! Enfin, je vous laisse la parole.

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Oui. J'aime bien le RLSSSS, ça fait bien comme endroit où on s'en va. Le réseau local des services de santé et services sociaux, le RLSSSS, on dirait une voiture. Mais, O.K., pour revenir à ce que vous dites, je pense... on a... C'est toujours compliqué parce que c'est difficile de réagir vite et de savoir exactement comment répondre à ce que vous dites. Mais ce qui me semble, si on essaie de trouver des réponses, qu'il faudrait peut-être organiser des façons de repenser la loi, c'est qu'il n'y aura pas... il ne peut pas y avoir une seule façon d'imaginer une réponse adéquate aux besoins des populations dans tout le système de soins.

Autrement dit, selon les régions, selon la nature des soins, le périmètre de la responsabilité est variable. Si on a besoin d'une chirurgie cardiovasculaire, on n'appartient pas dans ce besoin-là au même espace géographique que quand on.... Donc, la notion de la responsabilité par rapport à une population fait référence ? et là je pense que c'est un des bons côtés de la loi ? à ce qu'on pourra appeler une responsabilité à l'égard des soins de base et non pas des soins primaires. Et là je pense qu'il y a un ajout du projet de loi, il y a un concept à mettre sur le marché des idées, qui nous fait changer un tout petit peu de ce qu'était le marché des idées il y a une trentaine d'années.

Aujourd'hui, il n'est plus possible de distinguer, d'une façon opérationnelle, les soins de première ligne des soins de deuxième ligne. Tout ce qui va être la prise en charge des maladies chroniques, la prise en charge de la vieillesse, la prise en charge du handicap, c'est un mélange indissociable de ce qu'on appelait traditionnellement la première ligne et la deuxième ligne, ce qu'on pourrait appeler des soins de proximité ou des soins de base. Et ce qu'on essaie de faire, c'est de rendre des ensembles d'organisations au sens large, publics ou non publics, privés, ainsi de suite, cabinets médicaux, CLSC, CHSLD, ainsi de suite, un ensemble d'organisations... de s'organiser pour qu'il y ait, entre ces organisations, une mise ensemble de cette responsabilité pour offrir des soins de base. Et les façons par lesquelles ça va se faire probablement vont être variables par espaces géographiques, par le fait que ce soient des espaces géographiquement identifiables ou ce sont des espaces urbains dans lesquels ces choses se passent.

On peut dire qu'à Montréal il existe de véritables communautés. C'est-à-dire la communauté italienne autour de Santa Cabrini, elle, n'est pas géographiquement organisée, mais elle a une réalité. Peut-être que c'est ce genre de réalités là qu'il faudrait mobiliser à un moment donné pour pouvoir organiser ces services de base à une communauté qui n'est pas une population d'un territoire. Ailleurs, c'est des populations de territoire. Et puis, une fois qu'on a dit ça, il faudrait alors, dans une vision qui va bien des soins de base et les populations vers le reste, il faudrait, dans un principe de subsidiarité, que ce soient bien les différents réseaux locaux qui, en fonction de leurs propres ressources et de leurs propres compétences, puissent avoir accès à du tertiaire et du quaternaire qui va être variable aussi d'un coin à l'autre.

Mme Harel: Je voudrais juste, dans le temps qui nous reste, puisque vous étiez de l'équipe des chercheurs du document Sur la voie du changement: Pistes à suivre pour restructurer les services de santé de première ligne au Canada, que vous avez soumis un rapport sur cette question de la première ligne dans lequel notamment vous insistiez sur la responsabilité... sur les modèles gagnants, n'est-ce pas, vous avez énoncé cette catégorie de modèles gagnants, alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Rapidement, peut-être, pour ceux qui ne le connaissent pas, c'est un travail qui nous avait été demandé par le gouvernement fédéral pour faire une analyse de politiques financées par la Fondation canadienne de recherche sur les services de santé, pour essayer de savoir qu'est-ce qui en était aujourd'hui des politiques sur l'organisation des soins de première ligne.

Et puis, plutôt que de refaire une espèce d'inventaire de ce qu'on peut lire sur la première ligne, on a essayé de développer l'idée qu'il y avait des archétypes d'organisations de la première ligne, c'est-à-dire des façons par lesquelles la première ligne s'organisait, avec deux archétypes qui étaient les premiers, qui étaient des soins de base, des soins de première ligne qui étaient sous la responsabilité médicale principalement et des soins de première ligne qui étaient sous la responsabilité d'équipes multidisciplinaires, médicales et non médicales. Et puis, dans les deux cas, il y en avait qui étaient plus... qui répondaient à des demandes ponctuelles que leur adressaient les gens et d'autres qui avaient des sens de responsabilité à l'endroit soit de clientèles soit de populations.

Et on dit: Les deux gagnantes, ce sont celles qui assument des responsabilités, si on veut. Il y a un modèle gagnant médical qui est relativement facile à mettre en oeuvre, qui est celui qui consisterait à donner à des médecins des responsabilités de ces clientèles et d'assurer du suivi, ainsi de suite, ainsi de suite. Et puis il y a un modèle gagnant plus ambitieux, qui était celui qui est dans l'esprit original des CLSC, celui qui consisterait à constituer des équipes multidisciplinaires réellement en charge d'une population, financées sur la base des besoins de cette population et d'un modèle pur, achetant d'une certaine façon, comme en Angleterre, les services hospitaliers ou universitaires dont ils auraient besoin. C'est un peu ça, l'idée.

Et puis tout le travail se poursuivait sur savoir qu'est-ce qu'il était réaliste de pouvoir faire pour le Canada en se disant que c'était le passage d'une situation actuelle à un modèle, disons, intéressant, qui était le véritable problème. C'est beau, d'avoir un modèle idéal. Si on n'était pas en mesure de le mettre en oeuvre, on n'était pas bien avancé. Tout un travail sur le changement.

Mme Harel: En fait, ce que je... Pour l'avoir vu, moi, ce que vous... la conclusion que j'en ai tirée, c'est que le modèle de sans rendez-vous, qui est un modèle assez répandu, qui est la porte d'entrée, souvent, du système de santé, ça a été un modèle sans suivi. Il faudrait l'appeler sans... Le modèle sans rendez-vous, en fait, il faudrait maintenant l'appeler «et sans suivi». Parce que c'est un modèle où il n'y a pas d'approche populationnelle.

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Alors, on dit: Le système actuel ne peut pas se poursuivre, ne peut pas se poursuivre parce qu'on va se retrouver avec des systèmes qui n'ont pas de sens. Ils sont coûteux, ils sont inefficaces. Ils sont dangereux, éventuellement, pour certaines populations. Ils essoufflent à la fois les gens qui vont de clinique sans rendez-vous en clinique sans rendez-vous et les professionnels qui perdent leur sens à leur travail. Il faut juste savoir qu'à Montréal il y a 20 % des généralistes qui sont des généralistes qui font uniquement de l'urgence et du sans rendez-vous et qui, chaque année, voient 10 000 patients différents. On peut imaginer ce que c'est que la pratique médicale de ces gens-là. Ça n'a pas de sens. Et c'est ce genre de modèle qu'il faudrait arriver à décourager suffisamment pour recréer un véritable sens de ce qu'est le travail médical.

n (12 h 30) n

Le Président (M. Copeman): Et, sur ce, je vous remercie, Pr Contandriopoulos, de votre présentation. Et j'invite notre prochain intervenant à prendre place à la table. Il s'agit de M. Léonard Aucoin, président fondateur, InfoVeille Santé ltée.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Copeman): Chers collègues, j'ai négligé ce matin, en débutant les travaux de la commission, de vous indiquer l'horaire. C'est sûr qu'on l'a sur papier, mais, pour les gens qui nous écoutent parfois, c'est utile. Alors, je vous rappelle, on débutera très bientôt la présentation de M. Aucoin. La suspension viendra vers 13 h 15. À 15 heures, on reprend avec le Collège des médecins du Québec; 15 h 45, l'Association des cadres supérieurs de la santé et de services sociaux; 16 h 30, le Conseil pour la protection des malades; 17 h 15, l'Association des directeurs généraux des services de santé et des services sociaux. Une suspension autour de 18 heures. Et, malgré tout événement qui pourrait se produire ou activités ici, dans l'hôtel du Parlement, on reprend à 20 heures, avec l'Ordre des pharmaciens du Québec; et, à 20 h 45, la Table des regroupements provinciaux des organismes communautaires et bénévoles, secteur santé et services sociaux; à 21 h 30, l'Alliance des communautés culturelles pour l'égalité dans la santé et les services sociaux. Et, en principe, l'ajournement de nos travaux autour de 22 h 15.

Alors, sans plus tarder, M. Aucoin, vous connaissez nos modes de fonctionnement: 15 minutes de présentation, qui sera suivie par un échange de 15 minutes de chaque côté de la table avec les parlementaires. Alors, vous êtes le bienvenu.

M. Léonard Aucoin

M. Aucoin (Léonard): Merci, M. le Président, et M. le ministre, et membres de la commission. D'abord, je remercie la commission des affaires sociales de me donner l'occasion de vous présenter mes commentaires sur le projet de loi n° 25. Vous avez en annexe, là, quelques notes biographiques vous permettant de mieux m'identifier. Alors, je témoigne aujourd'hui à titre individuel, en observateur privilégié d'une scène sur laquelle j'ai été actif pendant plus de 30 ans. Mon exposé se divise en trois parties: mon appréciation du projet de loi n° 25, des suggestions d'amélioration et, troisièmement, l'importance des autres leviers non législatifs de changement.

Première partie, je l'ai intitulée Une impulsion nécessaire dans la bonne direction. Je suis d'accord globalement avec le projet de loi n° 25 et avec l'orientation qu'il donne à l'organisation des services de santé et des services sociaux. Ce projet de loi, même s'il propose de modifier certaines structures d'établissement, c'est d'abord et avant tout un projet qui vise à mieux intégrer les services de santé et les services sociaux à la population. C'est du moins la lecture que j'en fais.

L'article le plus important du projet de loi, celui qui, à mon avis, lui donne tout son sens, c'est l'article 23. Il énonce clairement ce à quoi le citoyen doit s'attendre en termes de services. Et, moi, comme citoyen, cet article-là me dit: Ton réseau local, ou peu importe le nom qu'on lui donnera, ton réseau local doit t'offrir des services intégrés de santé et de services sociaux de première ligne allant de la prévention à la réadaptation et au soutien. Ton réseau local doit s'entendre avec les hôpitaux régionaux et universitaires, avec les centres jeunesse, avec les centres de réadaptation pour te garantir l'accès aux services spécialisés et surspécialisés. Ton réseau local doit s'assurer que ton dossier ne tombe pas entre deux chaises et que les divers groupes des professionnels travaillent ensemble.

L'article 23, tel que je l'interprète, c'est la raison d'être du projet de loi n° 25. Et, de ce point de vue là, le projet de loi donne une impulsion nécessaire dans la bonne direction. Et il va dans la même direction que celle proposée dans plusieurs rapports et études au Québec et au Canada, y inclus le rapport de la commission Clair dont j'ai été un des commissaires. Évidemment, je ne suis pas légiste, mais, sur le plan de la clarté du message, je ramènerais l'essentiel de l'article 23 en lieu et place de l'article 1 et je changerais le titre du projet de loi n° 25 pour «projet de loi sur l'organisation intégrée des services de santé et des services sociaux». En d'autres termes, si c'est la finalité qu'on vise, bien, il faudrait que ce soit clair.

Deux résultats visés, deux moyens. Si la raison d'être du projet de loi est d'offrir une organisation intégrée de services à une population, quels résultats visons-nous et de quels moyens disposons-nous? L'observation de ce qui se fait ailleurs dans le monde nous démontre qu'il n'y a pas de solution miracle applicable partout. Deux résultats visés, on vise essentiellement deux résultats lorsqu'on parle d'intégration des services. On vise une meilleure accessibilité et une meilleurs continuité des services aux personnes qui ont des besoins de santé et sociaux de plus en plus complexes et qui constituent aussi une proportion croissante de la population... de la clientèle, plutôt, des services.

Il y a deux niveaux d'intégration de services. Le premier niveau d'intégration, il est sur le plan local, c'est-à-dire, on tient à ce que les différents professionnels travaillent ensemble, au besoin, sans barrière corporatiste de nature professionnelle ou organisationnelle. Ce travail interdisciplinaire, ce n'est pas uniquement une mode, il est requis par la complexité de plus en plus grande des problèmes de santé et des problèmes sociaux.

Le deuxième niveau d'intégration, il est entre le plan local, régional et national. Donc, les professionnels qui oeuvrent au plan local doivent être capables d'avoir accès, au besoin, aux services et à l'expertise des professionnels oeuvrant dans des organisations de niveau régional ou national dans ce même esprit d'interdisciplinarité. C'est ce qu'on appelle dans le jargon de la santé la «hiérarchisation des services» entre la première, deuxième, troisième et quatrième ligne, dans certains cas.

Le projet de loi n° 25 propose deux moyens pour atteindre cet objectif d'intégration des services: le réseau local de services de santé et de services sociaux, coordonné par une instance juridique qui, dans le projet de loi, s'appelle l'instance locale et, deuxièmement, les ententes ou autres modalités. Si on parle du réseau local, il s'agit ici de décider quelle est la meilleure façon d'assurer la gouverne et la prise de décision en rapport avec l'intégration des services.

Et il n'y a pas de solution unique, il n'y a pas de solution infaillible. Il faut choisir un modèle et s'assurer surtout qu'il y ait une cohérence entre le modèle qu'on choisit et les résultats visés. Et, sur le plan local, on a le choix entre trois modèles d'instance de gouverne ou d'entité juridique, chacune avec conseil d'administration: le modèle actuel, basé sur l'autonomie de chaque établissement; un modèle de type consortium, qui créerait un autre palier additionnel, formel, de coordination des établissements locaux; ou le modèle proposé par le projet de loi n° 25, un modèle de gouverne intégrée, le nouveau conseil d'administration assumant la mission des CLSC, CHSLD et centre hospitalier regroupés, dans les cas où on les regroupe.

Le premier modèle de gouverne, à mon avis, reproduit l'effet silo que l'on veut réduire. Le deuxième ajouterait un quatrième palier de décision, ce qui n'est pas souhaitable. Alors que l'avantage principal du dernier modèle, c'est de donner une plus grande unité de direction et donc de décision sur l'organisation locale intégrée des services et sur l'affectation des ressources à y être consacrées. Et c'est d'ailleurs la recommandation que faisait la commission Clair, d'avoir une entité... une unité intégrée. On ne parlait pas de faire des fusions, on disait: Les fusions ne devraient pas être obligatoires. Mais on voulait qu'il y ait une unité sur le plan de la gouverne.

Est-ce que ce modèle décisionnel de l'instance locale couvre tous les acteurs devant faire partie du réseau local de services? Non. L'instance locale évidemment n'a pas l'autorité directe sur les médecins de famille, les organismes communautaires, les entreprises d'économie sociale et les ressources privées de son territoire. Est-ce que c'est une raison suffisante pour rejeter le modèle de l'instance locale? À mon avis, non. Ce modèle a, sur les autres, je pense, l'avantage de la cohérence avec l'objectif d'une meilleure intégration des services. Ce modèle existe déjà au Québec et donne des résultats intéressants en termes d'accessibilité et de continuité des services. Et je l'ai implanté moi-même aux Îles-de-la-Madeleine en 1975, ça a été le premier centre de santé.

Et ce que je dis, c'est: Laissons les régions l'appliquer sans mur-à-mur et l'adapter aux réalités de leurs différents territoires. C'est évident qu'à Montréal on ne peut pas appliquer le même modèle qu'en Gaspésie ou en Abitibi, mais ce qui est important, c'est de maintenir le cap sur l'objectif d'intégration des services. L'intégration des services que j'ai vécue aux Îles, le printemps dernier, avec mon vieux père de 89 ans, qui est décédé, et que je vis avec ma mère, présentement, de 87 ans, c'est extraordinaire. Donc, sur le principe, les gens, peu importe d'où ils viennent au Québec, ils devraient avoir accès aux mêmes services intégrés. Le reste, c'est des questions de modalité.

Le deuxième moyen d'intégration proposé par le projet de loi n° 25 est la conclusion d'ententes ou autres modalités avec des partenaires associés à l'instance locale. Je vois trois sortes ou trois types de partenaires associés. D'abord, les partenaires qui font partie du réseau local de services, bon, le projet de loi liste les médecins de famille, les organismes communautaires, les entreprises d'économie sociale et les ressources privées. Mais il y a aussi des partenaires qui offrent des services régionaux et dont on parle très peu dans le projet de loi, ce sont les centres jeunesse, les centres de réadaptation et les centres hospitaliers régionaux. Ils ne font pas partie du réseau local, du moins, c'est l'interprétation que j'en fais, mais ils ont certainement une contribution à y apporter. Et il y a des partenaires suprarégionaux ou nationaux, bon, ce sont les RUIS. Eux aussi ont une contribution spécifique à apporter aux réseaux locaux. N'oublions pas que même les CHU offrent des services de première ligne à une population locale, ne serait-ce que par leurs services d'urgence, et donc il faut qu'il y ait des liens sur le plan local avec ces institutions-là.

Je suggère qu'une façon de concrétiser ces ententes avec les partenaires passe par la définition de leurs contributions attendues à des programmes de services pour des clientèles précises. Par exemple, si on prend la clientèle des personnes âgées en perte d'autonomie dans un territoire donné, quelle devrait être la contribution spécifique du nouvel établissement qu'est l'instance locale avec sa triple mission, CLSC, CHSLD, CH? Quelle devrait être la contribution des médecins de famille, des pharmaciens, des organismes communautaires, des établissements privés d'hébergement? Quelle devrait être la contribution du centre de réadaptation, par exemple, dans le cas où les personnes âgées ont des pertes de vision ou d'audition? Quelle devrait être la contribution du CHU ou de l'hôpital régional qui doit parfois intervenir en urgence ou en hospitalisation? Et donc, quand je parle de contribution, elle est double: une contribution en termes de contenu de services, mais une contribution aussi en termes de facilitation des processus, parce que c'est souvent là que ça accroche. Les processus sont complexes, et le monde ne se parle pas. Donc, quelle devrait être la contribution de chacun de ces établissements-là?

n (12 h 40) n

Un dernier commentaire par rapport à l'instance locale. Quels centres hospitaliers devraient ou non faire partie de l'instance locale? Je suggère que l'on laisse les régions en décider, après consultation, à la lumière des exceptions prévues à l'article 24 du projet de loi. Il y a une marge de manoeuvre, il y a une marge d'ouverture là. Évidemment, je n'ai pas vu les critères par la suite, mais, à ma lecture, je pense qu'il y a une marge de manoeuvre là. Quant à moi, une instance locale ne doit pas être trop grosse. On sait que, dans une région, des territoires différents ont des réalités sociosanitaires différentes. On a vu que l'instance locale doit négocier des ententes avec des partenaires locaux. Il faut donc que le territoire couvert par le réseau local facilite cette analyse différenciée des besoins de la population locale et permette une bonne connaissance des partenaires locaux avec qui l'instance locale négociera. Donc, moi, je ne peux pas voir une instance locale qui couvrirait 300 000, 400 000 de population. Pour moi, ça ne ferait pas de sens sur le plan de la faisabilité.

La gouverne régionale. Sur le plan de la gouverne régionale, je suis d'accord avec la mission confiée par l'article 22 aux agences de développement de réseaux locaux. On s'attend donc à ce que ces agences jouent un rôle actif. Et ma compréhension de la notion de développement implique le passage à l'action. Les agences devront donc utiliser la marge de manoeuvre que leur offre le projet de loi n° 25 pour s'asseoir rapidement avec les établissements, les groupes de professionnels et les groupes de citoyens afin d'élaborer avec eux un modèle d'organisation de services dans leurs régions, conformément à l'article 23. En plus des habiletés d'analyse et de planification que l'on reconnaît aux régies régionales, cette nouvelle mission des agences fera appel à des habiletés de leadership clinique et organisationnel, de gestion des pouvoirs et des intérêts, de négociation et d'arbitrage. Ce sont des habiletés essentielles dans un secteur comme celui de la santé, où les professionnels ont un grand pouvoir discrétionnaire sur leurs actions.

Deuxième partie, plus brève, Quelques suggestions d'amélioration. Évidemment, compte tenu de ma lecture du projet de loi n° 25 et de la logique que je viens de développer, quelques suggestions d'amélioration du projet de loi.

Premièrement, faire de l'article 23 la raison d'être du projet de loi et donner à cet article l'importance qu'il convient dans l'économie du projet de loi.

Donner à ce projet de loi le titre de «projet de loi sur l'organisation intégrée des services de santé et des services sociaux».

Requérir des établissements régionaux et nationaux l'obligation formelle de conclure des ententes avec les instances locales. Présentement, dans la loi actuelle, rien n'oblige un établissement à conclure des ententes avec... C'est facultatif.

Créer un mécanisme local de coordination des activités médicales, étant donné l'importance des médecins de famille dans le réseau local. Ce pourrait être une succursale du département régional de médecine générale ou, encore, un département local de médecine générale. Il faut peut-être envisager la création d'un conseil des médecins, dentistes et pharmaciens territorial, regroupant les professionnels des établissements publics et des organisations privées. Bref, l'instance locale doit pouvoir négocier des ententes ou autres modalités avec une organisation médicale mandatée pour représenter les médecins et pouvant coordonner les activités médicales sur le territoire local. Donc, il faut qu'il y ait un mécanisme de coordination des activités médicales sur le plan local.

Cinquièmement, inclure le pharmacien dit communautaire dans le réseau local de services au même titre que le médecin de famille et les organismes communautaires, étant donné, d'une part, l'importance croissante du médicament comme outil thérapeutique et aussi l'importance croissante des coûts associés aux médicaments et, d'autre part, le rôle accru que confère aux pharmaciens la loi n° 90.

Mon dernier chapitre, Une impulsion nécessaire mais insuffisante. La législation seule tout comme les changements de structures seuls ne garantissent en rien qu'il y aura transformation des services sur le terrain. Il y a des leviers non législatifs qui sont tout aussi essentiels pour induire les changements visés. Et, pour que le changement survienne, il faut que tous ces leviers de changement soient conjugués pour aller dans le même sens. Comme je dis souvent, il faut que les planètes soient alignées si on veut que le changement survienne. Et voici donc des leviers additionnels de changement dont certains relèvent du ministère et d'autres relèvent des agences régionales et des établissements.

L'incitation. Il faut que les incitations financières, budget, mode de rémunération, et les incitations organisationnelles aillent dans le sens de l'intégration des services et de la collaboration interprofessionnelle et interétablissements. Il faut aussi dégager des budgets d'investissement pour stimuler les projets émergeant de changements.

Deuxièmement, la négociation. La négociation nationale et locale avec les fédérations médicales et les syndicats doit favoriser le travail interdisciplinaire, la prise en charge des clientèles à besoins complexes et la flexibilité de l'organisation de travail.

L'interaction. Il faut créer au sein des établissements de nouvelles occasions d'échange entre les personnes, cliniciens et gestionnaires, pour qu'elles proposent des moyens de transformer les pratiques cliniques et d'améliorer les services. Et ça, ce sont des choses qui doivent se faire localement, dans les établissements. Ce n'est pas une législation qui peut commander ça.

Le leadership, c'est un autre levier. Il doit y avoir cohérence et alignement entre le leadership politique, administratif et professionnel de même qu'entre le leadership local, régional et national.

Cinquièmement, les connaissances et les systèmes de formation. Les changements proposés dans l'organisation des services seront difficiles à réaliser s'il n'y a pas échange fluide d'informations et de connaissances entre les professionnels et entre les établissements.

Et, sixièmement, la mobilisation. Il faut mobiliser et supporter les gestionnaires et les professionnels dont la contribution est essentielle pour concevoir et mettre en oeuvre les transformations requises.

Le Président (M. Copeman): Alors, en conclusion, s'il vous plaît, M. Aucoin.

M. Aucoin (Léonard): Oui. En conclusion, on évolue dans un système public, et les décisions d'orientation des services de santé et de services sociaux sont politiques, c'est votre rôle et c'est bien ainsi. Mais, comme ce système est complexe, l'implantation des changements requis, peu importe quels seront-ils, exige de la cohérence et de la persistance, ça aussi sur le plan politique et administratif.

Et je formule un souhait pour l'avenir: Peu importe quel gouvernement on aura, c'est que le ministre qui hérite du ministère de la Santé et des Services sociaux en début de mandat d'un gouvernement soit toujours en poste à la fin de mandat de ce gouvernement-là. Je dirais que dans le passé on a eu un peu trop de changements, et ça affecte la cohérence autant des orientations que de l'implantation des changements. Merci beaucoup.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Aucoin. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Effectivement, M. le Président, le poste que j'occupe a été l'objet d'un fort taux de roulement au cours des dernières années, et, en tout cas, on verra ce que l'avenir nous réserve, mais espérons que ce ne soit pas le même cas dans... Parce que ça a causé beaucoup de perturbations dans le réseau. Je peux le dire, à titre d'acteur du réseau également, que ces changements constants d'orientation et de responsabilité ont eu un effet délétère sur les réseaux de la santé.

Il y a quelques points que je voudrais aborder avec vous, M. Aucoin. D'abord, merci pour votre présentation. Évidemment, c'est la question de cette modalité d'unification administrative. Il est certain que, et vous l'avez relevé dans votre présentation, le fait de confier une responsabilité pour une population à un organisme local, en termes de logique, nécessite qu'il y ait une entité administrative unifiée qui puisse allouer les budgets et faire les arbitrages locaux.

Là où le problème se pose, et on sait que ce n'est pas la même chose sur le plan légal et administratif, c'est la marge entre le conseil d'administration unifié, appelons-le comme ça, et la fusion d'établissements. Et je voulais savoir quelle était votre opinion sur la différenciation entre les deux. Et on sait bien que, malheureusement, le terme «fusion» a pris, je dirais, une coloration un peu difficile sur le plan politique.

Mais l'essence de ce qui est derrière ça dans le sens du réseau de la santé, c'est l'établissement unique, l'établissement unique qui permet, entre autres, la modulation des missions et, entre autres, comme vous y avez fait allusion tantôt, la libre circulation des informations. Parce que, là, on est dans le même établissement, et il n'y a pas de limitation dans la circulation de l'information. Donc, la question est la suivante: Conseil d'administration unifié ou évolution d'emblée vers la fusion d'établissements pour la formation d'un établissement unique?

M. Aucoin (Léonard): Mon choix serait d'aller vers conseil d'administration unifié, sauf qu'il y a des... je comprends qu'il y a des difficultés, par exemple... Entre autres, au niveau de l'échange d'informations, c'est clair que, présentement, avec la législation qu'on a, c'est très difficile de faire circuler l'information entre des établissements différents, parce que les dossiers, je dirais, ne suivent pas nécessairement.

Est-ce qu'il faut aller à la fusion? Moi, j'ai beaucoup de réticences aux fusions obligatoires. Bon. Je pense que toute imposition de modèles structurels risque d'avoir des effets pervers. Mais il reste qu'il faut qu'on trouve des modalités qui permettent d'atteindre les objectifs qu'on vise, et les objectifs qu'on vise, c'est la meilleure intégration des services en termes de continuité et de... Mais, personnellement, je préférerais une approche plus de conseil d'administration unifié, et, après ça, on voit... Souvent, les gens préfèrent, après ça, je dirais, s'intégrer de façon plus poussée. Mais...

M. Couillard: Est-ce que je crois comprendre de ce que vous venez de dire que... Si on introduisait la nécessité d'un conseil d'administration unifié, de base, là, dans le projet de loi, avec la possibilité d'évoluer, selon le rythme naturel de chaque région, vers la fusion d'établissements, selon les désirs des acteurs locaux, est-ce que ça vous semblerait une façon de pallier à ce problème que vous voyez là?

n (12 h 50) n

M. Aucoin (Léonard): Ce serait une façon de pallier... malgré, encore là, pour une région comme Montréal et Québec, je pense qu'on ne peut pas avoir le même type de modèle. Je veux dire, il faut nécessairement qu'il y ait, je dirais, des modulations pour des régions urbaines, là, à haute densité de population.

M. Couillard: Et ça m'amène sur la deuxième question, qui est exactement celle-là: la modulation entre le milieu urbain et le milieu rural. Vous voyez, dans le projet de loi, comme vous l'avez vous-même noté, on fait en sorte de laisser beaucoup de latitude et de marge de manoeuvre aux différentes régions et aux différentes réalités pour s'exprimer dans la production des modèles qui nous seront acheminés. Et on pense, avec ça, pouvoir permettre, par exemple, au milieu urbain de s'adapter de façon différente que le ferait le milieu rural.

Et, bien sûr, là, on est entre l'arbre et l'écorce. D'un côté, si on met trop de balises précises, actuellement, dans le texte du projet de loi, on enferme les diverses régions, les diverses réalités dans un type de modèle unique. De l'autre côté, on veut, par exemple, que Montréal ait plus de latitude pour exprimer le modèle qui lui convient le mieux. Alors, où se situe la... Est-ce que vous trouvez que la notion de complexité, par exemple, qui est à l'article 24 du projet de loi, est suffisante pour assurer ce libre choix ou cette libre orientation ou il faudrait ajouter quelque chose de plus?

M. Aucoin (Léonard): C'est-à-dire, moi, j'interprète la notion de complexité comme faisant en sorte, par exemple, qu'un hôpital régional ne serait pas nécessairement intégré dans la même unité administrative. Donc, moi, je l'interprète comme ça. Est-ce que l'intention du législateur est d'avoir une interprétation large du terme «complexité» ou une interprétation étroite?

Moi, je pense, par exemple, que, si je prends Montréal comme exemple, que je connais bien, Maisonneuve-Rosemont ou le CHUM, il faut nécessairement qu'il y ait des ententes de services avec les CLSC, CHSLD sur le plan local, parce que la population va chercher ses services dans ces établissements-là, si je suis une personne âgée qui a besoin... qui a un profil complexe. Bon.

Par ailleurs, on peut avoir, peut-être... on peut décider, à Montréal, que l'Hôpital Jean-Talon, par exemple, je prends ça comme exemple, on ne veut pas lui donner une vocation communautaire, on préfère lui donner une vocation plus spécifique, par exemple sur le plan de la chirurgie, en lien avec l'Hôpital du Sacré-Coeur. Il faudrait que ça puisse être possible.

En d'autres termes, il faut garder une certaine flexibilité tout en maintenant l'intention de dire: On vise à atteindre la meilleure intégration de services possible. Moi, je pense qu'il faut qu'on maintienne une pression, qu'on ne laisse pas uniquement le laisser-faire. Il faut qu'il y ait une pression en termes d'intention. Il faut qu'on arrive à une meilleure intégration de services. Vous proposez un certain nombre de choses, mais je laisserais quand même plus de flexibilité sur les moyens au niveau des régions, quitte à évaluer par la suite si la réponse à ces moyens... si les moyens choisis, bon, ne donnent pas les résultats prévus.

M. Couillard: C'est que, dans mon esprit, et il faudra peut-être l'éclaircir, peut-être, dans le texte du projet de loi, le terme de complexité ne se réfère pas uniquement à la nature de l'établissement qui est... mais également à la nature de la population à desservir. Donc, dans mon esprit, on pouvait utiliser le critère de complexité pour justifier les modèles spécifiques pour Montréal, compte tenu de la mobilité de la population et du caractère multiculturel, linguistique. Trouvez-vous que c'est assez apparent ou il faudrait le rendre plus apparent, cette interprétation large du mot «complexité»?

M. Aucoin (Léonard): Moi, je pense qu'il faudrait... Probablement, il faudrait le rendre plus apparent. Parce que j'écoutais, bon, d'autres mémoires, je pense que tel qu'il est écrit il risque d'être perçu de façon beaucoup trop étroite. La mobilité de la population à Montréal, les dimensions ethniques aussi qui font que, bon, ils ont des habitudes de consommation de services, ça, je pense qu'il faut en tenir compte. La notion de territoire n'a pas le même sens dans une ville comme Montréal que dans beaucoup d'autres régions de la province. Tu as des territoires naturels dans d'autres régions de la province que tu n'as pas... Tu n'as pas le même sens à Montréal.

M. Couillard: Tout à fait, on est entièrement convaincus de ça. Hier, quand on a écouté les gens, effectivement, cette crainte ? et je retiens le message, parce qu'on écoute ce que les gens disent ici, à cette commission ? de l'aspect de fusions forcées est revenue à plusieurs reprises. Vous l'avez vous-même exprimée de même qu'à toutes fins pratiques, sauf exceptions, là, tous les interlocuteurs précédents. De sorte qu'on va réfléchir certainement très activement à cet aspect-là du projet de loi.

Maintenant, la plupart des gens, sauf ceux qui avaient une opposition en bloc, là, qui ne voulaient absolument rien savoir de tout le projet de loi, mais ceux qui, au moins, essayaient d'avoir une approche balancée dans leurs évaluations, disaient: D'accord pour qu'il n'y ait pas de fusion forcée, mais il faudrait, comme vous le dites, qu'il y ait une obligation formelle de créer des ententes. Comment est-ce qu'on écrit ça? Juste comme ça, «obligation formelle» ou... Comment est-ce qu'on traduit ça dans le texte du projet de loi qu'à défaut d'une fusion il y ait une obligation très forte?

Parce que le signal de ce projet de loi, comme vous l'avez noté... Parce que certaines personnes disent: Laissons donc aller la loi comme elle est, puis les gens vont finir par s'organiser. Bien là on peut attendre 10, 15, 20 ans, on verra le temps que ça prendra. Le signal ici est de donner une impulsion au mouvement d'intégration et de changement, comme vous l'avez vous-même noté. Mais comment est-ce que cette impulsion, à partir du moment où on dit: Bien, c'est correct, vous pouvez, au lieu des fusions, faire des ententes, le résultat sur le terrain ne soit pas du: Ah! On est corrects, on peut rester comme on est? Gardons le statu quo, le statu quo est tellement plus confortable que le changement, en général, dans la vie. Alors, comment est-ce qu'on introduit cette dynamique d'entente entre les partenaires?

M. Aucoin (Léonard): Écoutez, je ne suis pas, là, juriste, donc, en termes du vocabulaire... Mais, pour moi, ce qui est clair, c'est que, présentement, dans la loi actuelle, si ma compréhension est bonne, là, si je suis sur le conseil d'administration d'un hôpital, il n'y a rien qui m'oblige à tenir compte de conclure des ententes avec des partenaires. Si je le fais, c'est parce qu'on l'a décidé en région, c'est de façon volontaire. Moi, je pense qu'il faut qu'il y ait une impulsion de donnée dans ce sens-là. De quelle façon l'exprimer? Je ne le sais pas. Mais il faut que la notion de réseau, il faut que l'obligation de travailler en réseau, donc en interdépendance entre l'hôpital, le CLSC, le CHSLD, il faut qu'elle soit, je dirais, claire. Parce que, autrement, ça ne se fait que sur la bonne volonté. Et il y a beaucoup de bonne volonté. Il s'est fait des projets intéressants dans le Québec, mais, moi, je pense que c'est important de passer un message clair sur le plan de l'intégration.

M. Couillard: O.K. Dans les leviers de changement ou les conditions préalables, vous avez, à fort juste titre, identifié le financement, les systèmes d'information. Entièrement d'accord. Je vous dirais que ce sont les deux principaux leviers de changement dans cette entreprise-là.

Un autre également est l'organisation du travail, vous y faites allusion par le terme «négociation». Évidemment, ici, on ne discute pas du projet de loi n° 30, ce sera pour les deux prochaines journées, ou plus tard au cours de la session. La disposition du projet de loi n° 30 qui insiste que certaines dispositions liées à l'organisation du travail soient déléguées au niveau local, est-ce que vous pensez que c'est de nature à favoriser la souplesse et l'adaptation du réseau aux besoins de la population?

M. Aucoin (Léonard): Écoutez, je ne suis pas... le projet de loi n° 30, je l'ai lu mais assez rapidement. Mais, je pense, sur le principe, qu'il y ait le plus possible de négociation, sur le plan local, des modalités d'organisation de travail, pour moi, c'est essentiel. C'est essentiel parce que la nature même du travail, de plus en plus interdisciplinaire, de plus en plus interétablissements, va nécessiter des adaptations et va nécessiter que... va faire en sorte qu'il faut que sur le plan local on puisse avoir des possibilités de collaboration et de coopération entre divers types de professionnels, entre divers types d'établissements. Donc, tout ce que c'est qui facilite la flexibilité sur le plan de l'organisation du travail local, pour moi, va dans le bon sens.

M. Couillard: Absolument. Et vous avez été vous-même membre de la commission Clair, un commissaire dans cette importante commission, et, bien sûr, une des recommandations à laquelle vous avez fait allusion, qu'on essaie de suivre, c'est la recommandation 33, mais qui m'apparaît ambiguë à la lecture. C'est-à-dire que, si on lit l'ensemble du texte de la recommandation 33, elle se lit comme suit, dans son résumé: «Que les établissements de première ligne soient regroupés sous une gouverne unique dans un territoire donné. Celle-ci devrait regrouper, au sein d'un conseil d'administration unifié, les CLSC, CHSLD et, le cas échéant, l'hôpital local.» Voici le texte de la recommandation.

Si on va plus loin dans le texte, on dit même que, ailleurs au Québec, ça a fait ses preuves, on l'a entendu récemment, que les régies régionales devraient donner un délai, passé lequel elles pourraient imposer de tels regroupements. Mais, plus loin, à la fin, on dit: «Il ne s'agit pas de fusionner les établissements à moins que les parties en conviennent d'un commun accord.» Est-ce que l'interprétation du texte, c'est que, dans votre esprit, au niveau de la commission, vous êtes allés jusqu'à imposer le conseil d'administration unifié, mais pas plus loin, la fusion, à moins que les acteurs en conviennent? Est-ce que...

M. Aucoin (Léonard): C'était la position de la commission. Je pense que ce qu'on voulait, c'était qu'il y ait une unité de gouverne unique sur le plan local pour qu'au niveau des orientations à donner, qu'au niveau de l'allocation des ressources et qu'au niveau des décisions à prendre il y ait cette intégration-là. Mais on tenait à ce que les établissements... que la notion de mission d'établissement soit quand même préservée. Et donc, on disait: Une gouverne unique, mais avec des établissements qui gardent quand même leur mission, et c'est au conseil d'administration unique à gérer, je dirais, les interfaces entre les types d'établissements.

M. Couillard: Combien de temps me reste-t-il, M. le Président?

Le Président (M. Copeman): Deux minutes, M. le ministre.

n (13 heures) n

M. Couillard: O.K. Donc, ce conseil d'administration unifié, vous pensez, aurait les pouvoirs ou les leviers nécessaires pour adapter les services? Parce que ce qu'il est essentiel de faire, d'après moi, et j'en discutait avec M. Contandriopoulos ici, plus tôt, c'est de permettre ce que j'appelais la modulation des missions. C'est-à-dire que, si un territoire donné constate qu'il a atteint les objectifs dans un secteur particulier ? prenons les soins à domicile, par exemple ? qu'il puisse rediriger une partie de l'enveloppe vers l'autre secteur où des efforts plus grands sont à faire. Est-ce que, à partir du moment où on concède des établissements distincts, il va être possible de faire ce genre de modulation?

M. Aucoin (Léonard): Moi, je pense que la modulation, elle va venir beaucoup plus avec des modalités de financement et avec une approche, par exemple, de financement par programmes, beaucoup plus qu'une approche traditionnelle de financement par établissements, moi, je dis. On peut regarder les établissements en termes de mission, mais, moi, je crois beaucoup que les modalités de financement par programmes sont beaucoup plus prometteuses pour permettre la circulation des argents à l'intérieur de programmes clientèle entre les établissements. Et je pense qu'à ce moment-là le conseil d'administration qui a un budget pour un programme, mettons, de personnes âgées en perte d'autonomie va pouvoir répartir, à l'intérieur de ce programme-là, les argents entre la partie CLSC, CHSLD et hôpital et négocier avec d'autres types de partenaires.

M. Couillard: Dernière question, M. le Président, et je vais terminer ma période de questions là-dessus.

Mme Harel: Elle est déjà terminée, mais je pense qu'on va consentir.

Le Président (M. Copeman): Non, elle n'est pas encore terminée...

Mme Harel: Il reste combien de temps?

Le Président (M. Copeman): ...et le consentement sera requis dans à peu près 30 secondes...

Mme Harel: Bon, bien, je le donne.

Le Président (M. Copeman): ...et je comprends que c'est donné.

M. Couillard: Bien, là, on vient de m'enlever...

Le Président (M. Copeman): Alors, allez-y...

Mme Harel: J'anticipe la demande de consentement.

Le Président (M. Copeman): Et la réponse est anticipée aussi. Allez-y, M. le ministre.

M. Couillard: Mais la question sera courte et la réponse également, je pense.

Le Président (M. Copeman): Allez-y, M. le ministre.

M. Couillard: Prenons un scénario. Le projet de loi n° 25 n'existe pas. Le ministre dit au réseau: Il faut vous intégrer, intégrez-vous. Je me fie à votre bonne volonté, vous avez déjà un article dans la loi, s'il vous plaît, intégrez-vous. Qu'est-ce qui va arriver, en pratique?

M. Aucoin (Léonard): Si c'est uniquement ça, je ne suis pas sûr que ça aille très loin. Moi, je pense qu'il faut qu'il y ait une impulsion de donnée, mais que ce soit suivi par le reste des leviers dont je parlais. Si c'est uniquement législatif ou structurel, ça n'ira pas plus loin non plus. Il faut qu'il y ait... Il faut que les planètes soient alignées, il faut qu'on définisse exactement ce qu'on veut. Moi, je pense que l'article 23, en tout cas pour moi, il dit clairement où est-ce qu'on veut aller par rapport à l'organisation des services. Et, après ça, c'est d'enligner à la fois le législatif, le budgétaire et le reste, les incitatifs, les modes de rémunération.

Le Président (M. Copeman): Le soleil est couché. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Aucoin. On se rappelait tantôt que vous avez non seulement réussi le regroupement des établissements ? vous avez été un des premiers, je pense, au Québec, hein, à regrouper CLSC, CHSLD et le centre hospitalier des Îles-de-la-Madeleine ? mais vous avez réussi aussi à faire une proposition que les huit municipalités des Îles-de-la-Madeleine ont acceptée, avec un peu d'effort de la part, disons, du gouvernement, là. Mais il a été le mandataire dans le regroupement des municipalités pour former la municipalité des Îles-de-la-Madeleine. Alors...

M. Aucoin (Léonard): Je n'étais pas le seul, remarquez bien.

Mme Harel: Non.

M. Aucoin (Léonard): M. Delaney était là aussi.

Mme Harel: D'autres avant vous s'étaient essayés, d'ailleurs. Mais, quand même, vous avez été celui qui a finalisé la chose. Juste une remarque, en passant...

M. Aucoin (Léonard): Je suis assez cohérent.

Mme Harel: Oui. Et je dois vous dire que la remarque du ministre, je voudrais juste lui rappeler que la connotation difficile actuellement au Québec, ce n'est pas dans le mot «fusion», c'est dans le mot «défusion». C'est ce mot-là...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Bon. Alors, revenons à votre expérience. Vous avez mené cette expérience dans le cadre de la loi actuelle, n'est-ce pas? Et c'était une très belle expérience. Et Mme la députée de Pontiac, qui a vécu un peu l'équivalent de votre expérience sur son territoire, nous en a décrit les modalités hier.

Donc, il est possible. D'autant plus qu'il y en a 44 ? hein, on me dit 44, les chiffres varient, mais, du moins, il y en a plus d'une quarantaine ? de ces centres de santé regroupés. 90 % ont comme caractéristique, cependant, d'offrir moins de 50 lits de courte durée et de s'adresser à une population homogène sur un territoire qui l'est autant. Et la loi actuelle prévoyait deux conditions: respect des missions des établissements concernés ? ce qui faisait que personne n'était tellement dans l'insécurité, parce que la législation elle-même équilibrait les rapports ? et, deuxièmement, territoire de CLSC. Il ne pouvait pas y avoir des regroupements en dehors de ces deux conditions.

Le ministre, tantôt, à la question qu'il vous a posée ? Quel est le scénario qu'il pourrait utiliser pour aller plus loin? ? bien, c'est le 127.2.1 de la loi actuelle, qui dit: «Le ministre peut, de sa propre initiative et après consultation de la régie régionale et des établissements concernés, appliquer, après le délai qu'il a fixé, les mesures prévues aux articles 126.1 et 126.2», c'est-à-dire les articles qui prévoient le regroupement des CLSC, centres hospitaliers, centres de soins longue durée, dans le respect, en protégeant la mission des établissements concernés et sur le territoire équivalent à celui du CLSC. Il peut le faire. Alors, pourquoi un projet de loi, alors que tout est à sa disposition s'il le souhaite?

Pourtant, le projet de loi qui est devant nous ne protège ni la mission des établissements concernés ni le territoire d'appartenance. Et c'est là où le bât blesse, là. C'est que le territoire n'est pas défini. Imaginez-vous l'inquiétude que ça peut provoquer. Le territoire est-il celui de la desserte de l'hôpital régional? Par exemple, Rimouski, qu'est-ce que ça peut donner? Qu'est-ce que c'est, le territoire? Est-ce que les centres de santé dont la population serait jugée insuffisante seraient eux-mêmes tenus à se regrouper parce que ce serait jugé insatisfaisant? C'est ça qui crée, là, si vous voulez, toute l'incertitude actuelle.

Alors, revenons à ce que vous dites. Article 23, intéressant. Le titre que vous suggérez au projet de loi, je pense, correspond à votre intention. Correspond-il vraiment à la réalité du texte tel que rédigé? Votre intention à vous, c'est l'organisation intégrée des services de santé et des services sociaux; ce que fait le projet de loi, c'est une proposition d'intégration des établissements et non pas des services. Auquel cas, comment se fait-il qu'on ait laissé de côté les médecins? C'est quand même la porte d'entrée du réseau. Ils sont énumérés à l'article 24, je pense, ils sont énumérés au deuxième alinéa, dans une énumération qui comprend également l'économie sociale, les organisations communautaires et incidemment les médecins. Est-ce que c'est un projet de loi qui, véritablement, intègre des services, quand les médecins sont vaguement et de façon imprécise associés? Première question.

M. Aucoin (Léonard): Moi, je pense qu'il faut que les médecins y soient associés. D'ailleurs, dans mes propositions d'amélioration, je dis: Il faut qu'on trouve une façon, qu'on trouve un moyen d'intégrer les organisations médicales dans ce projet-là, parce que l'instance locale, le réseau local, il faut qu'on négocie une organisation de services sur le plan local. Et, moi, je pense qu'il faut... Je parlais de département local de médecine générale, mais il faut qu'il y ait un mécanisme quelconque qui permette, sur le plan local, d'avoir les médecins autour d'une table.

Mme Harel: Vous proposez d'ailleurs un département, n'est-ce pas, hein, ou l'équivalent, ou quelque chose de ressemblant, mais quelque chose qui organise.

M. Aucoin (Léonard): Oui.

Mme Harel: C'est bien ça, hein? Vous étiez sur la commission Clair. Bon. Moi, je me réjouis que, dans les citations, maintenant, que le ministre fait du rapport Clair, il le fasse plus au complet qu'auparavant. Parce que, auparavant, il nous citait simplement l'extrait qui disait qu'il fallait qu'il y ait fusion, alors que là je comprends qu'il ajoute aussi à ce qu'on retrouve, là, aux pages 227 et 229 du rapport de la commission Clair, ceci: «Nous ne proposons pas une approche uniforme à tous. [...] Il ne s'agit pas de fusionner les établissements à moins que les parties en convienne d'un commun accord.» Alors donc, si on veut vraiment citer le rapport de la commission Clair, il y a finalement cette dimension-là qui est importante.

Et là la question, c'est celle de l'intégration des services versus l'intégration des conseils d'administration, versus l'intégration des établissements. Alors, prenons le cas, par exemple, d'un hôpital régional. Je ne sais pas si vous connaissez le cas de l'Hôpital de Rimouski. Sans doute, hein? Alors, comment ça se traduit?

n (13 h 10) n

Moi, je peux vous parler de Montréal, là, puis c'est 70 % de la population à qui ça ne s'applique pas. On peut se parler de Québec, Capitale-nationale, c'est 100 % de la population à qui ça ne s'applique pas, parce qu'il n'y a que des hôpitaux universitaires, affiliés et autres. On peut parler de la Montérégie, aussi, où ça provoque d'énormes difficultés. Mais, dans un cas régional comme l'Hôpital de Rimouski, par exemple, est-ce que l'Hôpital de Rimouski devrait être inclus dans le «doit»?

Parce que c'est une obligation qui est faite, à l'article 24: 24 oblige, puis l'exception, après, qui vient. Mais est-ce que l'exception va devenir la règle et que ça va être l'exception, le «doit», puis la règle qui dit d'autre chose? Ça donne quoi, un projet de loi comme celui-là? Alors, comment ça se vivrait à Rimouski? Ce serait un hôpital, par exemple, régional, mais qui pourrait être regroupé avec un CLSC, plusieurs CLSC? Comment ça se...

M. Aucoin (Léonard): Bon. C'est-à-dire, Rimouski, si je prends l'Hôpital de Rimouski, qui joue le rôle d'hôpital régional, moi, je pense que, encore là, ça dépend de la dynamique de la région. C'est un hôpital de, quoi, quelques centaines de lits, c'est un hôpital qui offre des services spécialisés. Bon. C'est limite. C'est limite. C'est limite, parce que, si on fait de l'Hôpital de Rimouski... À ce moment-là, est-ce qu'on l'intègre avec un seul CLSC? Est-ce qu'on l'intègre avec plusieurs? Pour moi, c'est limite, Rimouski. Mais il y en a d'autres, en Abitibi, où je me dis: Je serais plus à l'aise. Il y en a d'autres, en Gaspésie, qui ne sont pas...

Mme Harel: Puis avec Sherbrooke, êtes-vous plus à l'aise avec Sherbrooke? Lui, l'Hôpital de Sherbrooke, de toute façon, il est exclu, lui aussi, parce que c'est un hôpital...

M. Aucoin (Léonard): ...universitaire.

Mme Harel: ...universitaire.

M. Aucoin (Léonard): Mais je me dis: Peu importe la nature de l'hôpital; s'il est exclu, il faut qu'il y ait nécessairement, à mon avis, une obligation, je dirais, d'entrer en entente contractuelle. Je pense, l'important, c'est que l'obligation d'entrer en entente contractuelle, si elle n'est pas... Si l'établissement n'est pas inclus dans l'instance locale, il faut qu'il y ait une obligation d'entrer en entente contractuelle, entre les deux.

Mme Harel: Et ce n'est pas clairement rédigé ainsi dans le projet de loi.

M. Aucoin (Léonard): Non. C'est pour ça que j'ai demandé que... en tout cas, j'ai suggéré qu'on essaie de clarifier cette obligation-là.

Mme Harel: Parce qu'on vit des expériences empiriques qui donnent aux gens le sentiment que la solution n'est pas là, notamment, par exemple, avec... qu'elle n'est pas là pour la continuité des soins. Par exemple, l'expérience de regroupement du CHUM. Ça a beau être un établissement regroupé, le Dr Soulières, qui est venu avec la Fédération des médecins spécialistes, a bien dit qu'il y avait trois établissements auparavant. Il y en a un maintenant, ils sont regroupés, et ça n'a pas facilité encore l'intégration des services. Donc, ce n'est pas un modèle unique qui peut assurer et garantir cette intégration de services.

M. Aucoin (Léonard): C'est-à-dire, il n'y a aucune législation et il n'y a aucun modèle structurel seul qui va garantir l'intégration de services. Bon. Je me répète, là, mais c'est clair, il n'y a aucun modèle unique qui va garantir l'intégration de services. Ce qui est important, à mon avis, c'est l'intention, que l'intention soit claire d'aller vers l'intégration de services. Moi, je pense qu'il faut avoir une forme de pression, O.K., sur le réseau pour que cette intégration-là se fasse, parce qu'il y a des endroits où elle ne se fait pas alors qu'elle devrait se faire. Et il faut qu'il y ait surtout, je dirais, au niveau de l'ensemble des leviers, une cohérence qui fasse en sorte qu'il y ait des incitatifs qui aillent dans ce sens-là.

Mme Harel: Donc, on parle d'incitatifs financiers. J'y reviens tout de suite. Mais le ministre pourrait très bien, par exemple, annoncer ses intentions dans un livre blanc, en disant: Voilà, on vous donne tel délai, et sinon, bien, j'appliquerai l'article 126.2.1 de la loi actuelle et, de ma propre initiative, après consultation des régies et des établissements concernés, j'appliquerai le programme... dans un délai déjà fixé, j'appliquerai la loi actuelle. Mais ce que ça ferait, c'est que ça protégerait les missions des établissements et ça protégerait le territoire local.

Parce que, avant peut-être d'arriver aux moyens financiers, le mot «territoire» n'est pas défini dans le projet de loi. C'est quoi, le territoire? La responsabilité territoriale, est-elle au niveau de l'ancien territoire du CLSC, qui est plus un niveau de territoire d'appartenance, ou... Quel est le territoire? Ça aussi, ça crée d'énormes incertitudes et des inquiétudes réelles, aussi.

M. Aucoin (Léonard): Le territoire, encore là, il se définit différemment en région rurale qu'en région urbaine. Vous avez bien beau avoir défini le territoire d'un CLSC, il demeure une chose, c'est que, à l'intérieur des régions urbaines, les habitudes de consultation médicale ne respectent pas ces limites territoriales là. Et donc, il faut nécessairement tenir compte, je dirais, des habitudes. Et c'est l'espèce de difficulté d'arrimer l'approche populationnelle et l'approche clinique individuelle où, comme patient, je peux choisir d'aller voir mon médecin sur le territoire voisin. Puis 80 % des gens passent par le médecin, d'abord, comme porte d'entrée aux services.

Donc, il faut trouver une façon d'arrimer la nécessité d'une approche populationnelle et d'une approche clientèle avec une approche qui est une approche de choix clinique, qui fait en sorte que je peux choisir mon médecin en dehors de mon territoire de CLSC, choisir mon hôpital en dehors de mon territoire de CLSC. Donc, la notion de «territoire», même si on la définit comme le territoire du CLSC, à Montréal, elle n'est pas... On ne peut pas en tenir compte de la même façon qu'en région.

Mme Harel: Donc, il faut d'abord avoir une approche d'intégration clinique avant d'avoir une approche d'intégration de structures?

M. Aucoin (Léonard): C'est-à-dire, il faut que les deux aillent ensemble, il faut qu'il y ait une cohérence entre l'intégration clinique mais il faut aussi... L'approche d'intégration administrative ou structurelle est aussi un levier. Elle est aussi un levier, et je pense qu'il faut qu'on puisse utiliser ce levier-là. Mais ce n'est pas un ou l'autre. À mon avis, c'est l'un et l'autre avec l'ensemble des autres leviers que j'ai mentionnés tantôt. Si on ne fait qu'un ou l'autre, on n'arrivera pas au changement qu'on veut faire.

Mme Harel: La loi prévoit déjà qu'on peut faire l'un et l'autre. La loi actuelle.

M. Aucoin (Léonard): Écoutez, je veux dire...

Mme Harel: Vous l'avez fait, vous, dans le cadre de la loi actuelle.

M. Aucoin (Léonard): Oui, je l'ai fait dans le cadre de la loi actuelle. Il n'y a rien qui... Il n'y a pas d'empêchement.

Mme Harel: Il peut même y avoir une volonté politique de la part du ministre de prendre l'initiative de le faire dans le cadre de la loi actuelle.

M. Aucoin (Léonard): Il n'y a pas d'empêchement dans la loi actuelle, mais présentement, jusqu'à présent, il n'y a pas eu d'incitatif à le faire. On l'a fait... Quand je l'ai fait, là, j'ai été délinquant, on m'a traité comme un délinquant. Et l'expérience vécue dans beaucoup de régions, c'est que, pour faire ce genre d'opération là, il faut que tu sois un peu délinquant. Donc, Mme la députée, jusqu'à présent, il n'y a rien qui ne stimulait, il n'y a rien qui ne favorisait... Il n'y a rien qui ne favorisait, il n'y a rien qui ne stimulait cette opération d'intégration là des services.

Mme Harel: ...1975? 1973?

La Présidente (Mme Charlebois): Je m'excuse, je dois, Mme la députée de d'Hochelaga-Maisonneuve...

Mme Harel: Excusez-moi. Vous l'avez fait en 1973, je pense, hein?

M. Aucoin (Léonard): 1975.

Mme Harel: En 1975. Merci.

La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. Aucoin. Merci d'être venu nous présenter votre mémoire.

Et je suspends les travaux, chers collègues, jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 h 19)

 

(Reprise à 15 h 12)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît, chers collègues. La commission des affaires sociales reprend ses travaux, et nous avons quatre organismes à entendre cet après-midi, idéalement avant 18 heures. On verra.

Alors, sans plus tarder, nous avons les représentants du Collège des médecins du Québec déjà assis à la table. Dr Lamontagne, vous êtes le bienvenu. Vous êtes également un habitué des commissions parlementaires, vous connaissez nos règles de fonctionnement. Je vous les répète, parce qu'il y a à peu près juste le temps qui peut changer. Vous avez une présentation d'une durée maximale de 15 minutes, et par la suite il y aura un échange avec les parlementaires, 15 minutes de chaque côté de la table. Je vous demanderai donc de présenter les gens qui vous accompagnent et de débuter votre présentation.

Collège des médecins du Québec (CMQ)

M. Lamontagne (Yves): Merci, M. le Président. Alors, je voudrais d'abord vous présenter le Dr André Garon, qui est directeur général et secrétaire général du Collège des médecins du Québec, de même que le Dr Yves Robert, qui est le directeur général adjoint.

Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les parlementaires, je vous dirai d'abord que, dans le projet de loi n° 25, le véritable mot-clé, c'est «réseau». Et, d'entrée de jeu, le Collège voit dans ce projet de loi un signal politique nouveau et fort qui invite les personnes de tous horizons, et non seulement celles travaillant dans le domaine de la santé, à interagir ensemble pour le bien-être du patient, au-delà des structures et des organisations, et ce, quel que soit leur lieu de pratique. Le Collège est donc en accord avec une telle orientation générale.

À première vue, le projet ressemblait, à notre avis, à un autre changement de structures ou peut-être même à un simple changement de nom transférant les régies régionales en agences de développement de réseaux locaux. Mais une lecture plus approfondie nous laisse percevoir un réel désir de changement qui est beaucoup plus profond. Le mot-clé ici bien sûr, c'est le mot «réseau» et non pas le mot «agence».

Développer un système de services, comme cela s'est fait jusqu'à maintenant, est une chose, développer des réseaux est une tout autre chose. Un réseau résulte de l'interaction, de la communication, de la connivence et de la complicité de personnes centrées sur un objectif commun, en l'occurrence le bien-être du malade, et ceci, au-delà des structures, des organisations et des lieux de pratique. Reconnaissons qu'un tel réseau implique des changements de mentalité qui prennent du temps et peuvent dépasser les mandats électoraux de quatre ans.

Bref, un réseau ne peut être le résultat que de la simple fusion d'établissements. Les changements de grande envergure qui ont réussi sont le plus souvent le résultat de la somme de petits succès accomplis par des personnes responsables, tenaces et compétentes sur le terrain. Mais, soyons clairs, il existe déjà de tels réseaux de personnes aussi efficaces qu'informels, et alors prenons garde qu'une application simpliste des structures ne les détruise. Donc, les bonnes personnes aux bons endroits.

Un certain nombre de conditions favorables sont requises évidemment pour que la démarche réussisse. Parmi celles-ci, la constitution des conseils d'administration des agences et des réseaux locaux nous apparaît devoir faire l'objet d'une considération particulière pour donner l'impulsion initiale nécessaire au succès des réseaux locaux. La qualité de la gestion des réseaux va dépendre du bon choix des personnes qui seront nommées administrateurs. Et nous croyons qu'il faut éviter, sous de fausses apparences de démocratie, le noyautage des conseils d'administration par des groupes d'intérêt ou des amis de la politique. Selon nous, ces personnes doivent bien connaître les besoins de leur communauté, provenir de différents milieux, avoir des formations variées et complémentaires, et entretenir une vision du bien commun au-dessus d'intérêts partisans.

Comment se donner les moyens d'identifier et d'aller chercher ces bonnes personnes? Deux éléments peuvent être normalisés: la composition des conseils d'administration et le mode de désignation de leurs membres. Pour leur composition, les conseils d'administration seraient formés de 15 ou 16 membres, incluant quatre postes réservés au P.D.G. et aux groupes professionnels. Les autres membres devraient être attribués, selon nous, à des personnes compétentes, correspondant aux critères énoncés ci-haut. Quant au mode de désignation des membres, nous sommes d'accord pour que le ministre désigne les membres des agences de développement à sa discrétion. Mais nous croyons toutefois que la désignation des membres des conseils d'administration des réseaux locaux revient aux agences, même lors d'une fusion alors qu'il y a lieu de former un conseil provisoire.

Ainsi, une fois la fusion adoptée en principe par le gouvernement, on devrait laisser à l'agence de développement le soin de demander la délivrance des lettres patentes, incluant le nom des 15 administrateurs. L'agence pourrait choisir les administrateurs à partir de listes de noms de personnes intéressées qui auraient été approchées ou qui auraient spontanément manifesté leur intérêt, suite à un appel public de propositions par exemple. On retiendrait les personnes dont la contribution serait jugée pertinente aux besoins identifiés. Une fois nommées, ces personnes devraient disposer d'une marge de manoeuvre suffisante pour maintenir leur motivation à administrer les affaires de l'établissement et à coordonner le réseau local. Plus que jamais, notre système de santé a besoin des bonnes personnes au bon endroit.

Quelles sont les autres conditions favorables? Cinq éléments supplémentaires nous apparaissent essentiels à la réussite de l'implantation des réseaux locaux souhaités. Premièrement, la grille d'analyse des modèles d'organisation de ces réseaux locaux. Les articles 28 et 31 confèrent au ministre le pouvoir d'évaluer la conformité aux prescriptions de l'article 23 des modèles de réseaux locaux proposés par les agences de développement et, s'ils s'avéraient non conformes, de proposer lui-même un modèle d'organisation. Ces articles soulèvent donc l'existence implicite d'une grille d'analyse. Il serait intéressant que tous connaissent à l'avance cette grille d'analyse pour y référer dans le développement des réseaux locaux.

Deuxièmement, la question des réseaux universitaires intégrés de santé, les RUIS. Le paragraphe n° 2 de l'article 23 et le deuxième alinéa de l'article 27 font allusion aux orientations développées par les RUIS et demandent que des modèles d'organisation des réseaux locaux s'inscrivent dans ces orientations et y soient associés par le biais d'ententes ou d'autres modalités. À notre connaissance, ces orientations des RUIS sont encore en cours de développement et n'existent pas dans les faits.

Types de questions à poser: Quelles sont les obligations et les responsabilités des RUIS envers les réseaux locaux? Quels sont les bassins de desserte et les responsabilités territoriales des RUIS? Quels sont les rapports entre les RUIS et les agences de développement? Quelle est la gamme des services spécialisés et ultraspécialisés offerts? Quels sont les services suprarégionaux ultraspécialisés qui devront être confiés à l'un ou l'autre des RUIS pour desservir l'ensemble du Québec? Et enfin, quelle est la participation des réseaux locaux à l'enseignement et à la recherche?

Troisièmement, la préservation des missions. L'idée de regrouper un certain nombre d'établissements d'un territoire sous un même conseil d'administration n'est pas nouvelle. Déjà, la réforme de Mme Thérèse Lavoie-Roux prévoyait la mise en place de conseils d'administration unifiés tout en préservant les entités corporatives. Le projet de loi n° 25 va plus loin en fusionnant des établissements.

Les critiques y verront deux risques importants. Le premier, c'est le risque de réduire la participation du citoyen dans le domaine de la santé. De notre point de vue, ce n'est pas tant la quantité des conseils d'administration, donc des personnes nommées à tous les conseils, qui importe mais leur compétence et leur disponibilité à servir le bien commun.

n (15 h 20) n

Le second risque, c'est d'assujettir les services de première ligne aux priorités de l'hôpital. Il s'agit ici de préserver la mission des établissements actuels, en particulier les services de première ligne, la prise en charge globale des patients et la prévention. D'ailleurs, un système de santé efficace doit prendre appui sur une première ligne forte. Selon nous, ceci pourrait se faire, dans une première étape, par le biais de la programmation budgétaire au livre des crédits. L'allocation par programmes pourrait ainsi protéger et assurer le maintien et le développement des services comme ceux de première ligne. Au surplus, les administrateurs devront prendre leurs responsabilités et être imputables de leurs décisions.

Quatrièmement, le support technologique. Les réseaux sont d'abord et avant tout faits de lien, d'interaction, et de communication entre des personnes. Il faut donc fournir aux professionnels de ces réseaux les outils modernes, indispensables et appropriés à l'échange d'informations utiles à la prise de bonnes décisions cliniques. Ces outils existent. Il existe également des agences de financement prêtes à investir. Il ne manque que la décision politique d'outiller maintenant les cliniciens et un échéancier. Et je vous répéterais ici que ça fait des années que le Collège insiste sur l'indispensable support technologique, et on a encore l'impression parfois, hélas, de parler à des sourds. Sans le support technologique de communication approprié, les réseaux souhaités et nécessaires sont condamnés à ne rester que des voeux pieux et des concepts théoriques sur papier comme plusieurs autres projets qu'on a déjà vus dans le passé.

Enfin, le nerf de la guerre, bien sûr, ce sont les ressources budgétaires. La mise en place des réseaux locaux souhaitée par ce projet de loi ne pourra être réalisée sans un minimum d'investissements qui, à moyen terme, permettront sinon de faire des économies, au moins d'en avoir plus pour notre argent. Nous souhaitons, M. le ministre, que vous puissiez disposer des ressources budgétaires requises par les changements que vous voulez mettre de l'avant.

En conclusion, à l'égard du projet de loi n° 25, le Collège des médecins du Québec est d'avis, d'une part, que ce projet de loi lance un signal fort et nouveau en demandant aux personnes du secteur de la santé de travailler en interaction, au-delà des structures et des lieux de pratique, en se centrant sur les besoins du patient. Il est une étape importante, mais, à notre avis, ce n'est qu'une première étape, vers un changement des mentalités et des pratiques pour un fonctionnement en réseau. Des étapes de consolidation devront nécessairement suivre dans un avenir rapproché.

Deuxièmement, que, parmi les conditions de succès, la nomination des bonnes personnes au sein des conseil d'administration est un élément primordial.

Et enfin, troisièmement, que le partage de la grille d'analyse des modèles proposés, la clarification des responsabilités des RUIS, la préservation des missions de chacun des établissements fusionnés, le déploiement du support technologique et les ressources budgétaires appropriées sont d'autres conditions essentielles au succès de ces réseaux locaux. Nous vous remercions donc de nous avoir permis de nous exprimer sur ce projet de loi et bien sûr nous demeurons disponibles pour répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, M. le président. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Dr Lamontagne et vos collègues, pour cette présentation. Plusieurs des choses que vous avez énumérées au cours de la présentation ont également été mentionnées par les intervenants précédents. Et il y a des éléments de bonification avec lesquels il est aisé d'être en accord parce que ce sont finalement, de toute évidence, des choses qui vont améliorer le projet tel qu'il est actuellement là, sans en perdre l'essence ou le but essentiel.

Parmi ces éléments que je vois qui peuvent, je pense, facilement récolter l'assentiment de la plupart des acteurs, il y a le fait de demander, lors de la proposition de réseaux locaux, qu'on fournisse également une liste d'administrateurs. Je pense que c'est ce que vous avez indiqué, et c'est quelque chose qu'on a également entendu par d'autres intervenants.

Deuxièmement, la grille d'analyse pour l'évaluation des réseaux locaux, ce qu'on nous a recommandé lors d'une autre communication, c'est qu'elle soit déposée de façon concomitante à l'adoption éventuelle du projet de loi. C'est-à-dire que, dès l'entrée en vigueur du projet de loi, cette grille d'analyse soit disponible et diffusée de façon à ce que les gens sachent comment les projets vont être analysés, sur quelle base ils seront jugés.

Troisièmement, la question des obligations et responsabilités des RUIS vis-à-vis des réseaux locaux. Ça a été posé d'une autre façon plus tôt, mais essentiellement ce qu'on veut, c'est que l'un s'adapte à l'autre et travaille dans les deux directions, je pense que c'est un élément important.

Et enfin, la notion de la protection des missions par la programmation budgétaire, je pense que ? c'est également une approche que nous avons actuellement ? la meilleure façon de protéger les différentes missions, c'est d'aller vers une budgétisation par programmes et selon des résultats.

Première question que je vous poserais, c'est que... Vous avez indiqué ce que M. Aucoin ce matin nous disait, c'est qu'il est nécessaire, afin d'amorcer le changement, d'envoyer un signal politique fort, et nous avons choisi la voie législative pour le faire. Certains disent que, dans la loi actuelle, il y a déjà des articles qui visent à permettre les regroupements d'établissements, la preuve étant qu'il existe déjà des regroupements au Québec, et qu'il n'y aurait qu'à évoquer la volonté ou le désir de voir l'intégration se faire et se fier à la bonne volonté des gens sur place et aux dispositions actuelles de la loi pour que ça se réalise. Est-ce que vous pensez que c'est une approche qui peut fonctionner?

M. Lamontagne (Yves): Je vous répondrais brièvement là-dessus en vous disant que, si ça avait pu être fait par la loi actuelle, qu'est- ce qu'on a attendu pour le faire? Il n'y a pas de signe clair là-dedans, il n'y a pas de ligne de conduite en disant: C'est par là qu'on s'en va avec le bateau. Et là, à mon avis, au moins, il y a un signal clair que c'est par là qu'on s'en va avec le bateau. La vision, c'est ça. Et ça, si ça avait pu être fait dans le passé, comment ça se fait que ça n'a pas été fait?

Les seules choses qui ont été faites, c'est un peu comme on est habitué, je vous dirais, malheureusement, à le faire parfois au Québec. On a un ami qui est un copain d'un copain, on s'entend ensemble, woups! ça se fait. Mais, dans les autres endroits où on n'a pas d'ami, où on n'a pas de copain, où on n'a pas de chose, ça ne se fait pas non plus. Or, les patients au Québec sont tous les mêmes, ils devraient tous être les mêmes partout. Et, à mon avis, dans la vision des choses, elle devrait être la même partout et non pas un peu de revenir un peu à cette politique des petits amis, où: on s'entend bien, on le fait; on ne s'entend pas, on continue à travailler en silo.

M. Couillard: Oui. C'est un peu l'opinion que j'ai, et évidemment le désir qu'on a, c'est de voir tous les citoyens du Québec profiter des avantages que l'intégration apporte tout en laissant bien sûr chaque région adapter la formule à ses besoins et ses caractéristiques spécifiques.

Deux questions, là, qui ont été centrales au cours de nos débats depuis hier. La première question, le mode de gouverne. C'est-à-dire que la gouverne unifiée d'un réseau local auquel on confie la responsabilité de la population, sur le principe, beaucoup, pas tous mais beaucoup, d'intervenants sont en accord. Et ça, il reste à déterminer la façon dont on actualise cela. Alors, finalement deux hypothèses sont sur la table: l'hypothèse d'un conseil d'administration unifié tout en conservant des établissements distincts, comme Mme Lavoie-Roux l'avait soumis, ou l'hypothèse de fusion de façon à créer un véritable établissement unique, ce qui a des avantages certains mais qui peut cependant avoir comme inconvénient de ne pas recueillir l'adhésion des gens dans certains milieux, ou une sorte de modèle intermédiaire où on évoluera de l'un vers l'autre selon le rythme de chaque région.

Alors, évidemment, je pense que c'est un point qui est loin d'être un détail. C'est un point qui est essentiel, et autant on veut susciter l'adhésion et avoir la participation des milieux dans l'élaboration des projets, autant nous ne voulons pas perdre le coeur même du projet et son essence, qui est la véritable intégration, non seulement la juxtaposition des missions, mais leur intégration, et certains disent que l'établissement unique est une voie de passage obligée pour arriver à ce résultat-là. Alors, conseil d'administration unifié, fusion en une seule entité légale, qu'en pensez-vous?

M. Lamontagne (Yves): Bien, un conseil d'administration unifié, moi, je suis bien d'accord avec ça. Moi, je trouve qu'on a beaucoup de petits conseils, alors que, quand... Pourquoi on ne peut pas faire mieux avec gros? Il y a un danger à ça, je pourrai vous en parler plus tard, ce que j'appelle la structurite, mais je pense que, si on a des gens efficaces... Maintenant, au niveau du conseil d'administration, moi, je vous dirai: Ce qui pourrait être intéressant, soit dans les agences ou même dans les réseaux locaux, c'est de mettre des gens qui sont, un, crédibles dans leur communauté, deux, qui sont capables de voir la vision d'où on s'en va, et non pas s'arranger justement, là, pour que ce soient des groupes d'intérêt, puis c'est chacun pense à sa poche à l'intérieur de ça, et ? ça a été soulevé par des gens qui ont été avant nous, hein ? pas plus hôpital que CLSC, que soins de longue durée. Alors, il faut mettre des gens qui sont au-dessus de cette mêlée-là.

Je vous avouerai là-dessus, je l'ai déjà dit ailleurs... Et, si jamais j'ai un conseil à vous donner, à vous, les politiciens, allez faire un petit tour à Plattsburgh, à l'Hôpital de Plattsburgh, le Community Center, puis vous allez voir que les Américains ne crèvent pas tous dans la rue. Et cet hôpital-là gère 80 000 de population alentour. Et je vous avouerai que ça vaut la peine de faire le voyage. Ce n'est pas en Suède, ça, ça va coûter moins cher à l'État, et je pense que ça vaut la peine d'aller là.

Juste pour vous donner un exemple, à Plattsburgh, leur conseil d'administration, il est formé de quoi? D'un avocat, d'un contracteur ? s'ils ont à bâtir, hein? ? d'un pharmacien, d'un gars qui est en relations publiques et communications, un représentant du syndicat, un représentant des groupes communautaires, un industriel notable de la place, un comptable, un homme d'affaires en vue et un représentant des clubs sociaux. Je trouve que c'est un bon mixte. Vous amenez la communauté à accepter la vision que vous avez du régime de santé qui est sur votre territoire.

Et je pense qu'on ne se sert pas assez de ça au Québec, dans nos régions. C'est plus compliqué à Montréal et à Québec, là, parce qu'il faudrait diviser ça presque en quartiers, mais je ne vois pas pourquoi on ne serait pas capables d'arriver à ça. Et, quand vous avez les gens qui sont reconnus dans leur communauté et qui ont cette vision au-dessus de défendre leur propre poche, je pense que le potentiel de vente est beaucoup meilleur, je pense que le potentiel de communication est beaucoup meilleur et je pense que, quand on parle de fusion, tout ça, comme c'est plus serré, c'est beaucoup plus facile de le faire comme ça.

M. Couillard: Mais, pour revenir à la question finalement entre le conseil d'administration unifié avec des établissements distincts ou un nouvel établissement unique, est-ce que vous avez une préférence ou vous pensez...

n (15 h 30) n

M. Lamontagne (Yves): Oui, oui. J'irais dans l'établissement unique, je vous avoue ça aussi. Je pense... On a toujours dit, au Collège, hein, que les gens fonctionnaient en silo. C'est vrai pour les professionnels, c'est vrai pour les choses: les CLSC d'un côté, les CHSLD l'autre bord, les hôpitaux dans le centre, j'ai oublié les cabinets, puis tout ça. Tout le monde, il fait chacun sa petite affaire, personne qui se parle, il n'y a personne qui échange.

C'est sûr que des fusions, ce n'est pas toujours agréable ? vous en savez quelque chose avec les municipalités ? mais, à un moment donné, il faut se brancher. Et ça, avec le temps, là, je pense que, quand on sait très clairement que «like it or not», c'est par là qu'on s'en va, bien, à un moment donné, là... On commence à apprendre à se parler, là, quand on n'a plus le choix. C'est quand on est toujours entre les deux, on va-tu l'avoir, on ne l'aura-tu pas... Si on gueule plus fort, peut-être qu'on a des chances de passer à côté, mais ça, c'est la meilleure façon de continuer à faire grossir l'abcès tout le temps, et ça, je pense que ça devrait être fini, ce temps-là.

Le système de santé est en péril. Nous sommes en pénurie à plusieurs niveaux. Il faut, veux, veux pas puis qu'on aime ça ou pas, qu'on apprenne à travailler ensemble, que, chacun, on mette de l'eau dans notre vin pour le bien commun, et non pas chacun d'essayer, passez-moi l'expression, de ramasser le jack-pot pour sa petite affaire. Il faut que ce soit fini, ce temps-là, parce que, de toute façon, on ne s'en tirera jamais à l'avenir si on ne fait pas ça.

M. Couillard: L'autre question qui est souvent revenue dans nos débats, c'est la question des différences dans les milieux, dans la réalité des populations puis, spécifiquement, la différence entre les milieux ruraux, de région et les milieux urbains. On nous fait remarquer, avec raison, que la plupart des 37, 40 ou 44 ? on ne sait plus le nombre, là, ça change ? centres de santé qui existent au Québec sont essentiellement dans les milieux régionaux, avec une population compacte et homogène, alors que, dans la région de Montréal, si on prend l'île de Montréal comme exemple, la population est mobile, multiculturelle, etc., et donc il peut être très difficile de transposer ce modèle-là dans le contexte urbain. Alors, quelles seraient vos suggestions pour le contexte urbain, la population urbaine? Comment on peut transférer ce principe-là?

M. Lamontagne (Yves): Là, je pense, c'est sûr, il faut être réalistes, on ne peut pas comparer une région avec une grande municipalité, mettons comme Montréal, multiculturelle, où il y a plus de toxicomanie, par exemple, qu'en région, bon, et j'en passe, là, la pauvreté, etc.

Les divisions de la ville, moi, je pense que, si on parle de réseaux locaux, on pourrait peut-être faire un peu comme ce qui a été suggéré par le chef du DRMG à Montréal, où il divisait Montréal en six ou sept secteurs différents et qu'à ce moment-là on pourrait peut-être tenter d'organiser un peu le même système en se servant des sous-sections. L'est de Montréal, ce n'est pas la même chose que l'ouest de Montréal puis dans le nord, bon, etc. Et, moi, j'avais trouvé intéressant, au niveau du... en arrivant... qu'il n'appelait pas d'ailleurs... Il n'appelait pas ça des DRMG, là, il appelait ça des cliniques réseaux. Ça fait qu'on pourrait peut-être se servir du même modèle pour diviser Montréal en différents réseaux locaux de santé comme ça et greffer tout ce qui va avec ça dans cette chose-là.

Là, évidemment, je mets de côté, je vous le dis tout de suite, toutes les histoires des hôpitaux supraspécialisés, les CHU. Tout ça, là, c'est une autre paire de manches, ça. Ça, c'est tout le monde qui devra aller chercher des soins ultraspécialisés à travers la province, dans ces choses-là. Mais je pense qu'au niveau local on pourrait toujours s'arranger... Bon. Moi, on me parlait de six secteurs ou six réseaux à Montréal, je trouvais que ça avait un certain bon sens. Moi, j'avais déjà pensé que c'était simple: je divise la ville en quatre, et chacun s'occupe de sa partie de tarte. Mais je n'étais pas assez connaissant pour pouvoir aller dans le détail là-dedans, alors qu'on dit que six sections comme ça, ce serait peut-être plus efficace. Si vous voulez... Et vous permettez que le Dr Garon ajoute...

M. Couillard: Oui, certainement.

Le Président (M. Copeman): Dr Garon.

M. Garon (André): Oui, M. le ministre, c'est sûr que ça réfère à la grille d'analyse dont on parlait tantôt. Je pense que l'AHQ parlait, de son côté, de balises, alors, au fond, on veut dire un peu la même chose. C'est sûr que le Québec est composé de régions, hein, bien différentes l'une de l'autre. Puis c'est un peu embêtant de parler à la place des futures agences. Mais, moi, je connais un grand territoire, qui est la Côte-Nord, pour ne pas le nommer, où il y avait, en 1995, 18 établissements. Ils sont passés à neuf établissements, dont cinq centres de santé, des centres de santé, donc des établissements qui regroupent CH, CLSC et CHSLD. De toute manière, on sait bien qu'en région éloignée les réseaux locaux, c'est la survie. Alors, il a bien fallu qu'ils avancent, hein, puis qu'ils fassent quelque chose.

La journée qu'une région comme celle-là, je ne sais pas ce qu'ils feront, là, bien sûr, mais enverrait au ministre un message disant que le travail a été fait, comment le ministre va recevoir ça, lui? C'est sûr qu'il y a l'article 28, là, puis l'article 31 de sa loi qui lui demandent d'appliquer des critères. Lui, il peut dire: Bien, écoutez, d'accord, c'est vrai, la job est faite, si vous me permettez l'expression, on n'a peut-être juste pas eu le temps de féliciter ceux qui l'ont faite avant, mais c'est vrai.

Ou bien vous dites: Non, je ne suis pas d'accord, la job n'est pas terminée, il faut la continuer. Et, à la limite, ça veut dire quoi? Dans une région comme ça, puis c'est vraiment à la limite, là, ça veut dire: l'ensemble des établissements autour du Centre hospitalier de Baie-Comeau, l'ensemble des établissements autour du Centre hospitalier de Sept-Îles puis le centre jeunesse, donc trois établissements. Bon. Trois établissements, ça peut vouloir dire, à terme, dans une phase II: Une agence régionale, j'en ai-tu besoin? Bon. Donc, c'est quoi, les critères? C'est quoi, la grille d'analyse que vous allez appliquer?

En 1990 ? il y en a qui, j'ai remarqué, en arrière de vous, étaient là au moment où j'y étais moi aussi ? M. Côté avait, à l'époque, défini que des centres de santé, là, ça pouvait amalgamer des établissements dont un CH avec 50 lits, pas plus, pour éviter, justement, d'avaler ? c'était la peur, hein, c'était la peur qu'on vous a communiquée encore ? la mission CLSC. Vous, ça va être quoi? C'est-u 100, 200 lits? C'est-u d'autres critères? Au fond, c'est ça qui est important, je pense, de connaître.

Nous, à la commission Clair, ce qu'on a dit, c'est: 100 lits, là, de courte durée, c'est une cible qui n'est pas bête. 400 lits, là, ça commence à nous faire peur, tout le monde. Bon. Il y a peut-être entre les deux quelque chose de bien aussi. Vous, vous avez peut-être d'autres critères. Vous avez peut-être des critères par rapport à des couloirs de référence, des corridors. Autrement dit, amenez-moi quelque chose qui répond à ces critères-là, puis il va avoir un accueil favorable. À défaut de quoi, bien, c'est sûr que vous allez être obligés d'agir, me semble-t-il. Enfin, ça réfère, donc, votre question, à la grille d'analyse.

M. Couillard: Mais, pour la pratique ou la réalité urbaine, là, est-ce que vous pensez que la grille ne peut foncièrement pas être différente? Parce que les principes d'intégration sont là. Mais le mode de réalisation du mandat d'intégration risque d'être très différent, là.

M. Garon (André): C'est pour ça que je disais tout à l'heure que c'est un peu délicat aussi pour nous de nous prononcer à la place de l'agence que vous allez créer là-dessus. Mais on peut tout de suite imaginer que, à Montréal, en Montérégie, ça va être fort différent des régions éloignées et intermédiaires.

M. Couillard: Maintenant, la question essentielle, la participation des médecins ou la relation entre les médecins et ces réseaux locaux a été soulevée à plusieurs reprises pendant les dernières interventions qui ont eu lieu ici. Et beaucoup de gens ont regretté le fait que ce ne soit pas plus clair dans le projet de loi, qu'on ne dit pas, par exemple, que les réseaux locaux ont l'obligation de conclure une entente avec soit les médecins eux-mêmes soit les cabinets de médecins. Notre position, dans la rédaction du projet de loi, a été volontairement de le laisser imprécis sous plusieurs angles de façon à créer un espace de discussion et plus de liberté au niveau de chaque région pour actualiser les changements. Mais, pour ce qui est spécifiquement de la relation entre les médecins et les réseaux locaux, comment est-ce que vous pensez qu'on devrait exprimer cette relation, qui est essentielle, compte tenu qu'on nous dit depuis plusieurs jours que 80 % des gens rentrent dans le système de santé souvent par leur médecin de famille ou le médecin de première ligne?

Le Président (M. Copeman): Et ce sera malheureusement la dernière question posée. Brièvement, s'il vous plaît, Dr Lamontagne.

M. Lamontagne (Yves): Bien, je vous dirais, c'est évident, puis, pour avoir lu d'autres mémoires qui sont venus hier, les médecins vont vous dire: Bien, mettez-nous partout puis en grand nombre, puis des pharmaciens vont vous dire la même chose, puis les infirmières vont vous dire la même chose. À un moment donné, il faut gérer, là. Puis il ne faut pas faire un autre monstre, là. On a déjà assez un monstre comme ça. Donc, je pense que, oui, les gens... Moi, je pars toujours du principe: Qui est-ce qui a la relation la plus étroite avec le patient? C'est le docteur, l'infirmière puis le pharmacien. Ne passons pas à côté de ces gens-là. Essayons de se mettre ces gens-là de notre côté, ne les écartons pas.

C'était fait souvent, ça, au niveau administratif, que, quand c'était le temps que le clinicien ou l'infirmière disent quelque chose, on jasait dans le désert. Là, si on veut arriver que ça marche, il faut les mettre là et les rendre, eux aussi, partie prenante. Et, s'ils sont assis à des endroits décisionnels, ça va être beaucoup plus facile d'aller chercher une entente avec les autres, à condition d'avoir le bon médecin, la bonne infirmière, le bon pharmacien qui est placé là. Ça va être bien plus facile de leur vendre ça que d'arriver puis dire: Ça ne se discute pas, c'est dans le béton armé puis c'est par là qu'on s'en va.

Ça fait longtemps, vous savez, qu'on entend ça, les gens du milieu de la santé, les gens qui sont sur le terrain, ça fait longtemps qu'on entend dire: Ah! on jase puis on jase, mais, sur le terrain, il n'y a rien qui se passe. Mais là, si on les met à partie et puis qu'on est sûrs qu'il y a quelque chose qui se passe, au moins il va se créer de l'espoir, et je suis sûr que les ententes vont être beaucoup plus facilement négociables que d'arriver dans un contexte d'obligation, les deux mains attachées avec des menottes.

n (15 h 40) n

Le Président (M. Copeman): Merci, docteur. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: M. le Président, merci. Alors, Dr Lamontagne, Dr Garon ainsi que Dr Robert, vous soufflez à la fois, dans votre mémoire, sur le chaud et le froid. J'en prends exemple à la page 2, vous dites: Soyons vigilants. Pour amorcer, bon, les changements, ça implique la mise en place de véritables réseaux. Soyons vigilants. «Prenons garde qu'une application simpliste de structures ne les détruise.» Quand je dis que vous soufflez sur le chaud et le froid, c'est que vous laissez entendre que de tels réseaux existent mais de façon informelle.

J'avais ici ? et ça, ça m'a beaucoup, beaucoup étonnée ? les chiffres des regroupements des établissements de la santé au cours des 13 dernières années. Je vous assure que j'en suis restée médusée. De 1990 à 2003, le nombre d'établissements au Québec est passé de 920 à 468, une diminution de 48 %. On dénombre maintenant 177 établissements publics ayant plus d'une mission, autrement dit, avec aujourd'hui 52 % des établissements publics déjà fusionnés. Alors, ça m'a beaucoup surprise de la part du Collège des médecins, de laisser entendre que tout commençait à partir de maintenant. 13 ans, c'est récent, là, c'est juste hier et c'est la moitié des établissements du réseau qui se sont regroupés entre eux.

Alors, quel est le message nouveau? Moi, pour moi, à partir du projet de loi, la seule chose que je puisse constater comme juriste, que je suis, n'est-ce pas ? je ne porte pas mon titre, mais je suis membre du Barreau ? c'est que la seule chose de différente par rapport à la loi actuelle, c'est qu'il n'y a plus de protection des missions des établissements concernés et c'est qu'il n'y a plus de protection du territoire d'appartenance, le CLSC. Parce que, pour le reste, sur cette question-là, dans la loi actuelle, le ministre a même le droit de prendre l'initiative puis de l'imposer. Alors, qu'est-ce qui est différent?

Je pense que la question se pose d'autant plus que les structures... Tantôt, quand vous avez répondu au ministre que la solution, c'était l'établissement unique, là j'ai pensé au CHUM. C'en est un, établissement unique. Il n'a pas juste un conseil d'administration regroupé, c'est un établissement unique. Est-ce que, pour autant, vous pensez qu'il y a intégration et continuité des soins? Donc, ce n'est pas suffisant. Et là je pense à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont avec son protocole entre l'hôpital et les neuf CLSC de l'est et les 12 CHSLD, et je me dis: Il y a une autre manière de faire.

Alors, la question que je vous pose en regard des régions, l'Hôpital régional de Rimouski, par exemple, qui a un bassin de desserte de population qui n'est pas local: Quelle est la définition que vous donnez au mot «territoire» dans le projet de loi, autant en région qu'à Montréal? Quel est le territoire du quartier, que je connais bien, Hochelaga-Maisonneuve?Rosemont ou du quartier de Notre-Dame-de-Grâce, du président?

Alors, il y a à Montréal 65 % des soins généraux qui sont donnés par des établissements qui ne font pas partie de la réforme. Donc, tout ce branle-bas de combat pour seulement 35 %. Puis, tantôt, vous nous divisiez ça en cinq, six ou sept, si vous voulez, territoires. Où mettez-vous, par exemple, Hochelaga-Maisonneuve, qui, à 40 %, la population, se fait hospitaliser au CHUM, à 30 %, à Maisonneuve-Rosemont et, à 5 %, à Santa Cabrini? Et c'est l'hôpital le plus fréquenté de ceux avec qui il serait possible, en vertu du projet de loi, de se fusionner. Alors, où est la réalité dans ce modèle théorique? Voilà la question.

M. Lamontagne (Yves): Vous en avez posé beaucoup. D'abord, Mme Harel, vous me connaissez bien, vous savez que je ne suis jamais tiède. Je suis froid ou chaud.

Vous dites que tout commence à partir de maintenant. Ce n'est pas vrai. Ça fait 30 ans qu'on bousille le système de santé. Ça fait 30 ans... Le Dr Garon a cité Mme Lavoie-Roux tantôt, qui en a parlé, et je voyais ça en m'en venant: 1989. Ça ne commence pas maintenant, là, ça fait 30 ans que ça ne marche pas, mais ça fait 30 ans qu'il y a des petites affaires qui avancent, dans ce sens-là.

Vous avez parlé beaucoup des CLSC, et je vous comprends et je connais très bien Hochelaga-Maisonneuve pour y avoir travaillé pendant 25 ans. Je comprends qu'il ne s'agit pas de planter les CLSC non plus puis je comprends la crainte des CLSC qu'ils peuvent avoir devant ça. Je comprends la crainte des CLSC, qu'ils puissent se sentir craintifs d'être mangés par l'hôpital, etc. Mais je vous dis que, en partant, le réseau, c'est des personnes, et, si on met des personnes qui vont être capables d'être au-dessus de la mission, le CLSC ne sera pas plus mangé, puis l'hôpital ne mangera pas plus le CLSC. C'est comme je vous dis, c'est de mettre le bon monde à la bonne place.

Le CHUM, quand vous parlez d'intégration du CHUM, les soins, je comprends, le CHUM, juste d'avoir mis les trois hôpitaux ensemble, tout le monde s'est déchiré la tâche dans la rue pendant trois ans de temps à coup d'articles de journaux. Pourquoi? Parce qu'il n'y avait personne au niveau du gouvernement qui disait: Les enfants, ça va faire, c'est comme ça que ça marche. Puis je me souviens très bien, parce que j'étais là, quand M. Bouchard est venu annoncer, à l'Université de Montréal: Il va y en avoir deux, CHUM. J'avais dit à M. Bouchard: Je vous remercie, vous venez de jouer le rôle du père qui a dit: Les enfants, ça va faire, tout le monde dans la cour, c'est de même que ça va marcher.

Puis, tant que ça, ça n'avait pas été fait, là, tout le monde s'entre-déchirait un peu plus, un peu moins, l'«hôtel» des dieux qui se battait avec le vaisseau amiral puis l'«hôtel» du peuple en bas, avec Saint-Luc. Tout le monde voulait être le «king» là-dedans puis là tout le monde se déchirait la toge tout d'un coup, jusqu'à temps que le père arrive puis dise: C'est ça! Bien ça, c'est bien. Mais là il faut qu'il y ait des décisions, à un moment donné, il faut qu'il y ait quelqu'un qui porte ses culottes puis qui dise ça.

Là, après ça, on était pris dans la contamination puis d'autres affaires. Mais ça, c'est les responsabilités que ces gens-là ont à prendre. Mais, quand on a... C'est comme ça, d'avoir de la vision, je trouve. Le gouvernement, ça devrait être de dire: La vision, c'est ça. Maintenant, le «fine tuning» en bas, je vais vous dire que c'est ça, ma vision, arrangez-vous pour que ça marche. Et ça, on n'a jamais fait ça non plus, hein? Vous vous souvenez, vous-même, que, dans les périodes de questions qu'on avait à la télévision ou ici, il s'est réglé des problèmes de bain dans un hôpital. Ça ne peut pas marcher, ça. Que le gouvernement ait la vision, qu'on paie des gens en dessous ou qu'on prenne des gens responsables pour leur dire: C'est ça qu'il faut faire.

Le territoire, je vais être bien candide avec vous, moi, j'ai lâché ça tantôt, ce n'est pas à nous autres à définir le territoire. Que les gens qui sont là, là... Quand il y avait des régies régionales, c'était défini, les territoires, là. Puis Rimouski, ça appartient je ne sais pas à quelle région, puis Rivière-du-Loup en avant. Puis je sais bien que Rivière-du-Loup, c'est plus proche de Québec puis patati, patata. Ce n'est pas à nous autres à définir ça, les régions puis les territoires. Mais peut-être que j'irais plus loin que ça, que les territoires tels qu'ils sont dessinés actuellement, s'il y avait avantage peut-être à en mettre deux pour faire un plus grand territoire puis qu'ils s'entendraient bien, pourquoi pas? Alors, ça, ça demande peut-être... à revoir. Mais ce n'est sûrement pas... En tout cas, je vous avertis d'avance, ce n'est pas le Collège des médecins qui va venir se mettre le nez dans les territoires. On en a assez avec nos affaires, on n'embarquera pas là-dedans, certain.

Mme Harel: Tantôt, vous nous parliez, pour Montréal notamment, de cinq, six territoires, hein, vous avez dit six, je crois, ou sept, là, et là je me disais... Parce que vous le partiez du point de vue des administrateurs, mais, pour la population, là, avec qui... Par exemple, là, dans un projet tel que celui qui est discuté présentement, Jean Talon, Fleury, Santa Cabrini, c'est seulement des hôpitaux, ça, en haut du boulevard Métropolitain. Lachine, Lakeshore, Verdun, LaSalle, Sainte-Marie, c'est seulement des hôpitaux à l'ouest du bout de l'île. Alors, il reste quoi? Il reste quoi, finalement? Québec, c'est encore plus évident, aucun hôpital, hein? N'est-ce pas, les hôpitaux de Québec ne seront pas concernés, parce qu'ils sont superspécialisés et qu'ils desservent tout l'est de la province.

C'est quoi, finalement, une réforme qui laisse de côté 1 million, 2 millions, 3 millions de la population, parce qu'elle ne s'applique pas? Alors, le réseau, c'est pour qui? Le réseau, c'est pour qui quand, dans le fond, les gens qui pourraient en avoir besoin... Tout le bas de la ville de Montréal, il n'y en aura pas, de réseau.

Je reprends, tantôt, ce que vous disiez, et ça m'inquiète encore plus dans un sens, mais j'imagine que ça ne peut pas être possible, qu'on dise à des centres de santé déjà regroupés que, si la population était jugée insuffisante, en vertu du projet de loi, ils pourraient se retrouver dans un regroupement plus grand. Alors, on fait fi complètement de cette dimension qui est celle d'un territoire où il y a une appartenance et où les gens peuvent développer une prise en charge territoriale, mettons, puis une responsabilité populationnelle parce qu'ils sentent que ça les concerne.

n (15 h 50) n

M. Lamontagne (Yves): Je dirai deux choses là-dessus. C'est bien beau, s'occuper de son quartier puis s'occuper de son bout de rue, puis tout ça, mais je pense que, Mme Harel, on ne peut plus penser de même maintenant. Parce que, je veux dire, on n'a plus d'argent, on n'a pas les ressources, puis il n'y a pas personne qui va être capable à l'avenir de trouver tous les soins médicaux à trois coins de rue de chez eux. Fini ce temps-là. Nous autres, on a sorti un truc: on ne peut plus avoir tout partout, il faut faire les choses différemment.

C'est sûr qu'il y a des problèmes, comme vous parlez, dans Montréal, plus au nord, les hôpitaux, puis plus dans l'ouest que dans l'est, puis, bon, on sait tout ça. Les riches sont dans l'ouest, ça fait qu'ils en ont plus. Mais, là aussi, il va falloir s'asseoir puis qu'il y ait des partages qui soient faits et des échanges. Et on sait très bien qu'à Montréal, quand même, quelqu'un qui est dans l'est, parfois il est hospitalisé au Royal Vic., ou à Douglas, ou à d'autres places dans l'ouest aussi. Là, c'est de la mécanique qui sera peut-être «part two» et, à ce moment-là, que cette mécanique-là, dans Montréal, est bien différente que dans le restant de la région. Mais je peux vous dire, pour revenir de venir faire le tour de la Gaspésie, entre autres, qu'un centre comme Rimouski, à mon avis, est très bien organisé, qu'il pourrait prendre une bonne partie de cette région-là. Va-t-il se rendre jusqu'à Maria? Non. Bien là peut-être qu'il va falloir justement ajuster ça, parce qu'il y a des problèmes de distance. Mais, à Montréal, le monde, ça se promène. Il y a même de la clientèle qui vient de Laval puis de la rive sud qui vient à Montréal. Ce n'est pas parce qu'il va y avoir une loi, là, qu'ils vont tous rester chez eux puis qu'ils vont aller aussi à Charles-Lemoyne. Donc, ça, il faut regarder ça.

Mais ce sont des administrateurs qui devront regarder ça, le but ultime étant: Est-ce que, en faisant ça, on donne des meilleurs services à la population? Moi, je pense que oui. Puis je pense que les gens vont pouvoir se rendre compte que, au lieu que c'est le docteur qui est à 10 coins de rue de chez eux, il va falloir qu'ils se déplacent un petit peu plus pour avoir des meilleurs services, avoir des équipes minimales, alors que, nous, on a dispersé sur le réseau un paquet de monde qui travaille tout seul. Puis je pense surtout aux régions en pensant de ça. Parce que c'est bien beau, les gros centres, les CHU puis tout ça, mais les régions, il faut y penser.

Et, dans ce sens-là, moi, je pense qu'il faut faire quelque chose. Quand on va arriver au pont, «step» deux, bien là il va falloir que les gens s'assoient ensemble puis voient lequel, puis, s'il n'y a pas d'hôpital, bien, avec qui tu t'arranges en attendant. Parce que c'est sûr qu'on n'a pas les moyens d'en bâtir 50 encore. Mais je me dis: C'est la deuxième étape. La première vision, c'est: Est-ce qu'on veut donner un meilleur service aux clients? Deuxième chose: Étant donné qu'on est en pénurie de médecins, d'infirmières puis plein d'autres professionnels, est-ce qu'il n'y a pas lieu de rassembler nos forces ensemble pour donner un meilleur service? Et ça, ça inclut justement les corridors avec les CLSC, avec les centres hospitaliers de soins de longue durée.

Vous savez, c'est peut-être mes vieux restants de psychiatre, mais, quand on est dans une équipe puis qu'on est sûr qu'on est dedans, on a toujours de bien meilleurs liens que si c'est juste quelqu'un qui vient faire un tour, de la visite à la maison une fois de temps en temps ou qu'on rencontre dans un meeting. Et ça, je pense, c'est purement psychologique. Et, dans la santé, comme dans n'importe quelle équipe, bien, quand on est dedans, c'est plus facile que si on fait juste passer. Et je pars juste de ce principe-là. C'est pour ça qu'on y tient beaucoup. Quand on vous parle des personnes dans le réseau, c'est ça qui est la base de toute la question.

Mme Harel: Vous parlez beaucoup de pénurie, il s'en est parlé beaucoup. J'ai fait sortir les chiffres du ministère. Par exemple, cette année, il y a 500 infirmières de plus, le solde net, là, quand on calcule celles qui ont quitté pour la mise à la retraite et celles qui sont arrivées. Il y en a 500 de plus cette année seulement, et tout le monde s'en réjouit, bien évidemment. Et je fais juste sortir les chiffres du ratio omnipraticien versus population, 1992-2003. C'est les chiffres du ministère. Ma foi, il y en a un, omni, pour 995 personnes en 2003, je pense, de mémoire. Puis, en 1992, il y avait un omni pour 987, là, ou quelque chose comme ça. Alors, ce qui a changé, ce n'est pas le ratio médecin-population, ce qui a changé, c'est le vieillissement puis c'est le mode de pratique. Parce que les chiffres que l'on a, là, qui sont récents, on a eu ça il y a peut-être deux, trois semaines, c'est des chiffres qui montrent que le ratio n'a pas changé. C'est sans doute le mode de pratique qui a changé. Qu'est-ce que vous en dites?

M. Lamontagne (Yves): Bien, il y a deux choses. Effectivement, le vieillissement de la population. Moi, j'ai un peu de misère quand on parle de ratio, vous savez, puis qu'on dit qu'au Québec on a le nombre de médecins par tête de pipe le plus grand en Amérique du Nord. Ce n'est pas vrai. C'est que, c'est sûr, des gens prennent le bottin du Collège... Puis il y a certaines gens qui ont déjà sorti le bottin puis ils comptaient les médecins morts, puis on en a quatre pages en partant. Si vous prenez ça, il y a 17 000 médecins au Québec. Mais, si vous ne prenez pas ça puis vous enlevez ceux qui travaillent à demi temps, vous enlevez la féminisation, les femmes médecins qui sont en congés parentaux, etc., on a à peu près l'équivalent... si ma mémoire est bonne puis les chiffres de l'an passé que, nous autres, on avait, on en a à peu près 14 000 qui sont actifs. Puis, à ça, vous avez juste ceux qui font de l'enseignement, ceux de la recherche. Donc, ça baisse tout le temps. Et, quand vous regardez... Moi, j'ai d'autres chiffres qui disent qu'on est en bas des pays de l'OCDE. Bien là il faudrait qu'on regarde les mêmes chiffres, en quelque part, en même temps.

C'est sûr, je vous dirais, où je suis d'accord avec vous... Si le système était mieux organisé, si les médecins étaient informatisés, s'il y avait justement ces jonctions-là, comme, par exemple, je sais qu'on s'en vient avec des GMF, mais organisés qu'ils aient de l'allure, il est fort probable qu'on aurait besoin de moins de médecins puis d'aller en chercher à l'étranger ou d'en former, parce que le docteur serait juste tout simplement plus efficace. Mais, comme on ne sait pas, puis que ça fait des années qu'on attend ça, bien là... On sait qu'il serait plus efficace, mais je ne peux pas vous dire combien efficace. Mais je vous jure que, si les médecins étaient mieux équipés...

Puis on en parlait ce matin avec le président de l'Ordre des pharmaciens, nous autres, la principale affaire à avoir: les ordonnances sur «computer». On vous sauverait de l'argent, on sauverait de l'argent à la population, on éviterait plein d'affaires d'effets secondaires, de mauvaises prescriptions. Si on avait les analyses de laboratoire puis les rayons X, on sauverait des millions là-dedans, et le médecin serait plus efficace. Donc, s'il est plus efficace, il pourrait voir plus de patients, moins perdre son temps dans la paperasse, puis peut-être qu'en bout de ligne on aurait moins de pénurie.

Mme Harel: Le mot «réseau», hein, c'est le mot-clé. Est-ce qu'il peut exister sans les médecins? En autres termes, dans ce qui est proposé... Vous avez vu l'énumération, on dit: organismes communautaires, médecins, économie sociale, c'est sur... sont dans le même alinéa. Est-ce qu'un réseau peut exister sans les médecins?

M. Lamontagne (Yves): Non. Moi, je vous répondrais non.

Mme Harel: Donc, le mot-clé et le mot «réseau» ici n'est pas tout à fait adapté avec le projet de loi, puisque les médecins n'y sont pas.

M. Lamontagne (Yves): Oui, oui, dans l'agence, là, il y en a quatre qui sont des incontournables, là, si ma mémoire est bonne. Il faudrait que je ressorte votre texte, là.

Mme Harel: Avouez que ce qui compte, c'est le conseil d'administration.

M. Lamontagne (Yves): Le Conseil des médecins... Non, mais...

Mme Harel: Mais dans le réseau? Dans le réseau?

M. Lamontagne (Yves): Bien, ça va être qu'il va y en avoir un, conseil, je présume, quand... Ça va clencher, ça, à un moment donné. Les réseaux locaux, là, de santé, là, ils...

Mme Harel: Alors, du moment, eux, qu'ils sont sur le conseil d'administration. Moi, je pensais que le réseau, c'était pour soigner les gens.

M. Lamontagne (Yves): Bien, oui, je comprends. Mais, en haut d'un réseau... Vous savez, il y a deux façons de faire: ou on impose la structure d'en haut puis les autres en bas ne disent pas un mot puis suivent, ou on regarde en bas puis on dit: On va monter ça en haut puis on va s'arranger que ça marche. Moi, je vais être bien franc avec vous, appelez-moi comme vous voudrez, moi, je pense qu'il faut être en bas, il faut être en haut, il faut être partout, les acteurs, puis pas juste les acteurs, les infirmières puis les pharmaciens, parce que c'est nous autres qui coûtent le plus cher, parce que nous autres, là, quand on réussit, qu'on réussit le mieux, ces trois-là... Puis débarquez-nous tous les trois de là, puis je vous souhaite bonne chance, là, à part aller à l'oratoire Saint-Joseph...

Le Président (M. Copeman): Et, sur ça, nous sommes dans l'obligation de mettre fin à l'échange. Merci beaucoup, Dr Lamontagne, et les collègues qui vous accompagnent. Et j'invite les représentants de l'Association des cadres supérieurs de la santé et des services sociaux à prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! On vous donne quelques secondes pour vous installer.

Alors, bienvenue aux représentants de l'Association des cadres supérieurs de la santé et des services sociaux. Mme Trempe, vous êtes la porte-parole principale, j'imagine. Mme la directrice générale, alors, vous connaissez nos règles de fonctionnement: présentation, durée maximale de 15 minutes; par la suite, un échange avec les parlementaires, 15 minutes de chaque côté de la table. Je vous demande de présenter les gens qui vous accompagnent et de débuter votre intervention.

Association des cadres supérieurs
de la santé et des services sociaux (ACSSSS)

Mme Trempe (Carole): Alors, bonjour à tous. M. le ministre, bonjour. J'ai apporté des exemplaires du mémoire, qui sont ici, je ne connais pas les règles...

Le Président (M. Copeman): On s'en occupe.

n (16 heures) n

Mme Trempe (Carole): Merci. Je suis accompagnée de M. Alain Marchand, ici, à ma gauche. M. Marchand est le délégué régional, pour la région de Québec, de l'Association. C'est également le trésorier au conseil d'administration de l'Association. À ma droite, Simon Bussière, conseiller en relations professionnelles à la permanence de l'Association. Et, moi-même, je suis la directrice générale.

Alors, merci, d'abord, de nous avoir invités à participer aux travaux concernant le projet de loi n° 25. Nous vous avons soumis un mémoire relativement bref. D'entrée de jeu, je prendrai quelques minutes pour présenter l'Association.

L'Association des cadres supérieurs de la santé et des services sociaux du Québec regroupe des directeurs d'établissements de santé et de services sociaux. Nous comptons environ un millier de membres sur un marché potentiel ? permettez-moi l'expression ? d'environ 1 500 personnes au sein du réseau de la santé et des services sociaux. Principalement, le coeur de notre entreprise est de voir aux conditions de travail et de procurer un milieu de travail favorable aux directeurs d'établissements de santé et services sociaux, de voir à leur formation, de répondre à leurs questionnements et tous autres de même nature. Alors, voilà pour l'Association.

Concernant l'argumentation, je voudrais préciser dans un premier temps que nous abondons dans le même sens que le gouvernement pour faire de la santé et des services sociaux une première priorité. Les principes et valeurs sous-tendus sont partagés par les membres de l'Association de la même façon. Nous souhaitons également avoir un rôle de premier plan. Et, quand nous écrivons «un rôle de premier plan», c'est que nous souhaitons être consultés et s'asseoir à toutes les tables de consultation qui visent ou viseront à l'obtention de consensus. C'est le principe.

Quelques exceptions, et je ferai un bref résumé qui portera d'abord sur les conditions de travail. Actuellement, je me fais un peu le porte-parole des cadres supérieurs pour indiquer à la commission qu'il existe une sorte d'inquiétude ou d'insécurité, et la principale concerne le maintien des conditions de travail des directeurs d'établissement de santé et de services sociaux.

En fait, les gens voudraient... savent, dans un premier temps, qu'ils sont les partenaires, je dirais ? et permettez-moi de le dire ? des partenaires de premier plan dans la mise en oeuvre de la réforme proposée, puisque ce sont des décideurs, ce sont des gestionnaires, et se demandent ce qui leur arrivera. Ils sont disposés à recevoir de l'information, peut-être même des engagements, pour calmer, en fait, ce que je pourrais appeler, entre guillemets, la rumeur, ou l'insécurité, ou l'incertitude qui, actuellement, existe.

Dans un deuxième temps, les gens souhaiteraient recevoir une information de façon plus constante, s'il était possible, de façon à ce qu'ils puissent avoir... avoir ou savoir presque en tout temps qu'est-ce qui se profile, qu'est-ce qui s'enligne. Je pense que plus les gens possèdent l'information, plus c'est possible pour eux de participer et d'être des agents actifs au sein de cette réforme-là. De façon générale, ce sont les deux principaux points que nous portons à votre attention.

Pour le reste, ce que nous disons, c'est que, évidemment, nous avons l'initiative et le leadership de plusieurs décisions. Nous sommes prêts à collaborer, et les membres de l'Association collaborent. Ils collaborent déjà et ils collaboreront dans la mise en oeuvre de la restructuration. Ils sont prêts à procéder aux changements de convention, ils sont prêts à faire le travail, dans la mesure où, comme je le disais, certains engagements sont fournis.

D'une façon sommaire, c'est à peu près la position de l'Association, M. le ministre, messieurs, dames. Mes collaborateurs ont des choses à ajouter? M. Marchand.

M. Marchand (Alain): Peut-être une lecture des recommandations.

Mme Trempe (Carole): Je peux peut-être faire une lecture des recommandations, si vous me permettez, puisque nous avons encore un peu de temps: La première, évidemment, c'est que nous souhaitons obtenir des garanties pour assurer la préservation et le maintien des emplois, comme je le mentionnais; ensuite, que les informations soient diffusées aussi quant à l'assurance et au respect des missions des établissements de santé; que des précisions puissent être fournies sur l'attribution des budgets qui sont à gérer par les gestionnaires également destinés à la réalisation des objectifs visés par les missions; qu'une information juste, transparente et diffusée en temps utile en provenance du ministère puisse être acheminée de façon régulière; et qu'un partenariat soit renouvelé ou précisé entre le personnel d'encadrement supérieur du réseau... dans le contexte de la réorganisation; et, comme je l'ai dit d'entrée de jeu, que l'Association puisse avoir un rôle de premier plan à titre de consultant ou de consulté dans ce contexte.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Trempe. Alors, pour débuter la période d'échange, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Je voulais en profiter d'abord pour vous remercier de votre présence aujourd'hui et également, pour l'ensemble de vos membres, pour le travail que vous faites.

On est conscients du fait, et je l'ai moi-même vécu dans le centre hospitalier où j'exerçais, que le nombre de cadres n'a fait que diminuer au cours des années. Alors qu'on a créé la perception, souvent, qu'il y avait trop d'administrateurs dans le réseau de la santé, dans la réalité de tous les jours, dans nos établissements, on a vu augmenter le ratio entre le nombre d'employés et le nombre de cadres, au fil des années, de sorte que la surcharge de travail, pour ces gens-là également de même que pour les infirmières et les autres soignants, s'est trouvée augmentée.

La première chose que je vous dirais avant de passer aux questions, c'est que, en regard du présent projet de loi, il n'y a aucune suppression de poste qui est prévue. Et laissez-moi être très clair là-dessus, je l'ai déjà dit publiquement dans plusieurs interventions, ce n'est en aucune façon une opération de réduction de personnel ou de mise à pied. On a besoin, au contraire, de tout le monde, là. Je viens de dire qu'on manque de cadres, on va en avoir encore plus. Vous faites allusion, dans votre mémoire, à la moyenne d'âge des cadres du réseau, qui est, je crois, 55 ans? Alors, quelle stupidité ce serait de perdre des cadres, alors qu'on est en manque et que ce déficit va s'accentuer avec les années. Donc, il y a de la place pour tous ceux et celles qui désirent continuer à s'investir dans le réseau dans le cadre du mouvement qu'on entreprend actuellement.

Et, pour concrétiser un peu, je dirais, cet esprit de collaboration que vous souhaitez et que nous entendons également instituer, vous savez probablement qu'un comité conjoint de travail a été mis sur place entre votre Association et le ministère pour concevoir des programmes de soutien pour les hors-cadres, les cadres supérieurs, dans le contexte de la création des réseaux. Alors, on sait que ça va être un moment où vous allez être soumis, encore une fois ? encore une fois parce que c'est déjà arrivé souvent dans l'histoire du réseau de la santé ? à certaines tensions au niveau local, et on pense qu'il est essentiel de vous soutenir. Et votre Association participera certainement très activement aux travaux de ce comité.

Je voudrais également mentionner qu'il n'y aura aucune modification dans les conditions de travail. Et, à ce sujet, le Règlement sur certaines conditions de travail ? je m'excuse du terme technique, mais vous savez à quoi je fais allusion ? applicables aux cadres des régies régionales et établissements de santé et services sociaux actuellement en vigueur sera respecté, entièrement. En regard du replacement, l'article 93 du même règlement prévoit déjà le replacement du cadre. Cet article, comme les autres, sera également et entièrement respecté.

En ce qui concerne la garantie de salaire pendant un certain nombre d'années, s'il y avait rétrogradation d'un cadre supérieur, l'article 104.1 du règlement prévoit déjà le maintien de la rémunération à 100 % sur une période de trois ans. Les deux autres années sont payables par montant forfaitaire, etc. Cet article sera lui aussi respecté. Mais, encore une fois, dans une perspective où on a une moyenne d'âge de 55 ans, le nombre de postes de cadre supérieur qui va s'ouvrir au cours des prochaines année va demeurer probablement plus grand que le nombre de cadres qu'on a pour le combler. Alors, je crois qu'il ne devrait pas y avoir de... je dirais de craintes du tout de ce côté-là, ni pour la sécurité d'emploi ni pour le maintien des conditions de travail, incluant la rémunération. Et j'ai essayé déjà de dire ça à plusieurs reprises, mais je compte sur vous pour... Si vous voulez prendre le verbatim de ce que je viens de dire puis de le distribuer à vos membres, je pense que c'est la meilleure façon d'avoir leur... je dirais, de les rassurer.

Je lis dans votre mémoire que vous êtes d'accord avec les orientations du projet de loi n° 25. Est-ce que, de votre côté, de vos postes d'administrateur, vous avez perçu ce manque d'intégration ou ce manque, je dirais, d'arrimage des missions au cours des dernières années? Et est-ce que vous considérez que la formation des réseaux locaux de services est une bonne façon de corriger ce manque d'intégration?

Mme Trempe (Carole): Peut-être demander à M. Marchand de répondre à cette question-là parce qu'il est vraiment sur le terrain.

Le Président (M. Copeman): M. Marchand.

M. Marchand (Alain): En fait, on a déjà mentionné que, dans la province, il y a des endroits où, en tout cas, le ménage a été fait, c'est-à-dire qu'on retrouvait un conseil par réseau ou territoire géographique. J'ai pratiqué quelques années au Saguenay et ça a été, je pense, la pépinière où ces fusions-là ont débuté, donc Dolbeau, Roberval, etc., La Baie. Donc, je pense que l'exemple à suivre, c'est celui-là. Mais il reste encore suffisamment de places, je pense, dans la province, où cette intégration-là n'est pas faite. On a nommé Baie-Comeau, tantôt; à Baie-Comeau, ce n'est pas fait, pour y venir aussi.

Donc, je pense que deux conseils pour 25 000 de population, c'est trop, trop au sens qu'on se partage les mêmes physiothérapeutes, mais, parce que le physiothérapeute fait partie de l'hôpital, bien, il ne peut pas aller pratiquer dans le CLSC. Donc, je pense qu'il faut à cet effet-là faire en sorte qu'on ne retrouve qu'un conseil qui puisse gérer un noyau d'établissements.

Bon. On a parlé de Québec, où c'était un peu différent. Et on conçoit bien, parce que j'y suis maintenant, de Québec... on conçoit mal que les CLSC et CHSLD puissent être fusionnés avec des établissements universitaires ou affiliés. Sauf qu'il reste encore, je pense, des secteurs géographiques qui gagneraient à n'être supervisés que par un seul conseil. Il y a eu un projet de fusion qui est mort-né, il n'y a pas tellement longtemps, à Québec, et je pense que ça aurait été une bonne chose que cette fusion-là se fasse. Le projet de loi le permettra pour le bien-être, je pense, des services à la population.

n (16 h 10) n

M. Couillard: Je vais être obligé de vous poser notre question fétiche de la commission depuis le début des travaux. Deux grandes options pour assurer l'intégration sur le plan de la gouverne et de l'organisation: un conseil d'administration unifié avec des entités corporatives distinctes, ou aller plus loin avec la fusion des établissements puis la création d'un établissement unique. Quelle est votre opinion, en tant que gestionnaire, sur ces options et la façon de les réaliser?

M. Marchand (Alain): Lorsqu'on a vu le type de projets qui ont été mis de l'avant, pour nommer celui de Québec, le Charlevoix, où actuellement c'est plus un conseil unifié, c'est comme une étape pour arriver à la fusion. Donc, tant qu'à faire cette étape-là, qui m'apparaît être... je ne dirais pas inutile, mais c'est plus pour calmer les ardeurs de chaque intervenant, moi, je pense que la fusion... Si c'est le point ultime: un D.G., un conseil d'administration, une équipe de direction pour gérer l'ensemble des missions, ça me paraît être suffisant, bien suffisant.

Mme Trempe (Carole): J'ajouterais là-dessus, si vous me permettez, M. le ministre, qu'il y a un changement de culture qui doit s'opérer également et que, dans un contexte où les gens doivent s'adapter et adopter les nouvelles conventions, ce que propose M. Marchand m'apparaît tout à fait sage, parce que de passer d'une situation x à la situation z sans disposition transitoire, c'est peut-être un peu difficile.

M. Couillard: Alors, vous, vous suggéreriez qu'il y ait une disposition transitoire ou une évolution...

Mme Trempe (Carole): Une évolution, oui exactement.

M. Couillard: ...vers la destination qui serait l'établissement unifié.

Mme Trempe (Carole): Dans le sens du changement, d'adopter des changements de conventions qui vont permettre l'intégration de la réforme, autrement que l'imposition et un braquage quasiment naturel. C'est bien documenté que les gens, devant le changement, résistent.

M. Couillard: Vous qui êtes encore plus près des équipes, bien sûr, que nous, et des usagers, là ? puis vous travaillez, je suppose, dans les trois types d'établissements dans votre Association ? une autre crainte qui est évoquée, c'est la protection des missions, particulièrement des missions de CLSC: on parle des missions de type social, soins à domicile, jeunesse. Vous les connaissez mieux que moi. Notre position, c'est de dire que les expériences vécues n'ont en aucune façon fragilisé ces missions et qu'une façon de les protéger encore mieux qu'elles ne le sont actuellement, c'est d'utiliser une budgétisation par programme, avec des résultats dans chaque type de mission. Est-ce que vous partagez cette orientation?

Mme Trempe (Carole): Je pense que, dans la mesure où actuellement les gens craignent une espèce de dilution de la mission, par exemple, CLSC, dans un contexte où il y avait un seul conseil d'administration ? les gens ont peur que le CLSC se dilue complètement au profit des soins médicaux à l'intérieur d'un centre hospitalier ? c'est peut-être souhaitable de procéder par l'attribution de budgets restreints, avec des résultats obtenus qui vont permettre encore une fois une évolution vers quelque chose, en fait, qui va sécuriser, qui va permettre la gestion et l'obtention d'un résultat pratique menant vers quelque chose, pour garantir justement que les services seront encore disponibles et pour permettre à ces gestionnaires de rassurer la population. Puisque, entre le gouvernement, la direction générale et la population, il y a les cadres supérieurs, entre autres, qui ont un rapport direct avec les gens de la population, effectivement.

M. Couillard: Je suis certain que, dans votre Association, il y a des gens de tous les milieux du Québec, autant des milieux urbains que des milieux ruraux, puis c'est là la possibilité de travailler ensemble, d'échanger des expériences.

Une autre question classique de la commission, actuellement, c'est de prendre acte ? et il s'agit d'une réalité, donc, comment pourrions-nous la discuter ? de la forte différence qu'il y a entre un milieu de type rural, régional puis un milieu urbain comme Montréal, où la population est mobile, multiculturelle, etc., où les hôpitaux ne sont pas distribués de façon, là, géographiquement parfaite sur l'île de Montréal. On y a fait allusion tantôt. Est-ce que vous avez réfléchi à la façon dont, dans un milieu urbain, on pourrait actualiser cet objectif d'intégration?

Mme Trempe (Carole): À la façon dont on pourrait actualiser l'intégration? Non, il n'y a pas vraiment eu de réflexions qui ont mené vers des suggestions pratiques que je peux vous apporter aujourd'hui. Ce que les gens considèrent, c'est qu'il y a une forme de traitement, je dirais, particulier, compte tenu du fait que Montréal est un grand centre. Si on regarde un peu ce qui se passe en région, on a souvent l'impression que c'est traduit dans une réalité que la réforme que vous proposez est quelque part déjà commencée. À Montréal, peut-être un peu moins, et c'est là que ça grogne ou ça bouge peut-être plus. Je pense qu'il faudra porter une attention particulière à l'intégration de la réforme dans les grands centres de Montréal, là où il risque d'y avoir plus de...

M. Couillard: Un des éléments qui caractérisent le projet de loi, c'est le fait d'avoir été volontairement vague sur certains aspects dans le but de créer un espace de discussion puis de susciter l'apparition de modèles dans les régions, chaque modèle... chaque région ayant la liberté de nous présenter le modèle qui correspond le mieux à sa réalité. Est-ce que vous pensez que, dans votre monde, dans le monde des cadres du réseau, dans les régions, il y a actuellement, je dirais, la mobilisation nécessaire ou le désir de s'investir dans cette démarche-là, actuellement, ou ça va être très difficile compte tenu de vos surcharges actuelles de travail?

Mme Trempe (Carole): C'est sûr que les gens sont surchargés, ils ont des tâches extrêmement lourdes. Est-ce qu'on sent cette mobilisation-là, actuellement? Je vous dirais que non. Puis, principalement, la raison en est que l'information n'est pas suffisamment dispensée. Je pense qu'à partir du moment où les gens vont comprendre davantage et mieux ce qu'on attend d'eux ils vont se mobiliser. Ce sont des gens de très bonne foi, ce sont des gens engagés et qui possèdent une vocation innée de faire ce qu'ils font. Alors, à partir du moment où on les informe correctement puis on leur dit vers où on les mène et ce qu'on attend d'eux, il ne devrait pas y avoir de problème. Au sein de notre Association, on va supporter, on va les aider, on va collaborer justement à faire en sorte qu'ils se mobilisent pour combler la lacune juridique ? appelons-la comme ça ? ou enfin combler la discrétion qui peut encore leur être imputable avant que le ministère décide à leur place.

M. Couillard: Mais ce qu'on voudrait éviter, c'est justement ça, c'est que les gens arrivent avec les modèles. Et, bien sûr, c'est ce qu'on souhaite, c'est que ces modèles-là émergent des régions. Est-ce que vous pensez, donc, qu'une suggestion qu'on nous a faite, qui serait, dès l'adoption du projet de loi, de publier dans un très bref délai après l'adoption les balises qui nous serviront de grille d'analyse et de les diffuser largement dans le réseau, est-ce que vous pensez que ce serait là une façon de susciter l'adhésion et la mobilisation des gens?

Mme Trempe (Carole): Tout à fait. Dans un processus de consultation où la démocratie est exprimée, je pense que, dès que les balises seront disponibles, les gens vont commencer à se mobiliser.

M. Couillard: O.K. J'ai parlé tantôt... On va revenir à vos conditions de travail, parce que je vois dans votre mémoire que c'est un point qui vous préoccupe, à juste titre, et on a déjà déclaré de façon formelle, à plusieurs reprises, qu'il y a une protection vraiment complète à cet égard-là. J'aimerais revenir sur la question de la garantie de salaire pour un cadre qui, pour une raison ou une autre, dans le mouvement de réorganisation du réseau, serait déplacé vers un emploi de niveau moins complexe. Actuellement, l'article du règlement prévoit une protection sur trois ans. Est-ce que vous pensez que, dans le cadre actuel, cette protection suffit? Est-ce qu'on devrait la modifier? Est-ce que vous avez réfléchi à ça?

Mme Trempe (Carole): C'est une question pour M. Bussière, si vous permettez.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. Bussière.

M. Bussière (Simon): Alors, écoutez, moi, bien, d'entrée de jeu, je pourrais vous dire que, comme on faisait remarquer que la moyenne d'âge est de 55 ans, pour des questions de retraite bien techniques, ce serait préférable peut-être que ce soit plus que trois ans, effectivement, étant donné l'âge que ces gens-là ont en moyenne, effectivement.

Si on pense que c'est juste trois ans puis que c'est les trois meilleures années, admettons, qui sont calculées quand tu prends ta retraite, etc., alors que quelqu'un, il peut être très pénalisé, dans ce contexte-là, moi, il me semble que, oui, ce serait quelque chose à bonifier effectivement.

M. Couillard: Qu'est-ce que vous pensez de l'idée ? je lance comme ça une idée, là, ça m'arrive à l'occasion: parmi ces cadres qui seraient éventuellement, là, placés en situation de moindres besoins immédiats suite à la réorganisation, on aurait des gens expérimentés, probablement, là-dedans, de créer une sorte d'équipe avec ces personnes-là qui serviraient de mentors ou de conseillers aux gestionnaires du réseau, avec des D.G. également, ou une sorte de consortium, un peu, de conseil administratif? Est-ce que vous pensez que ce serait utile?

M. Bussière (Simon): Nous, on croit sincèrement, l'Association, on en discute d'ailleurs depuis quelque temps déjà, de ce type de projet là de «mentoring» où je crois que c'est déjà assez... Comment je pourrais dire ça? Ça semble émerger, là, disons, dans le réseau de la santé, actuellement. Nous, on y croit, oui, effectivement, étant donné que de toute façon je crois qu'on n'aura pas le choix, étant donné qu'il manque déjà ? et nous en sommes très heureux, de vous voir ouverts sur ça, aujourd'hui ? effectivement des cadres supérieurs et puis qui occupent ? ça, c'était une statistique, là, d'ailleurs du ministère, voilà un an ou un an et demi ? déjà de deux à trois directions. Alors, c'est beaucoup. Et puis je crois qu'effectivement le «mentoring» va devenir nécessaire parce que les... ça ne veut pas dire que c'est les cadres, nécessairement, intermédiaires qui vont occuper des postes de cadre supérieur et etc.

n (16 h 20) n

Et puis, si je peux ajouter également, M. le ministre, juste dans la même veine, concernant la façon... Parce que, nous, ce qui nous intrigue, parce qu'on tourne autour du pot, c'est la fameuse date ou quand est-ce que ça va être tout mis en branle. Pour la simple raison... C'est que, effectivement, non seulement l'incertitude que ça crée, mais on ne se cachera pas que la plus grande incertitude qui se manifeste, moi, je suis là «day to day» sur le terrain, avec les cadres supérieurs, puis j'allais dire... En tout cas, je vais parler: Entre nous autres, c'est que les réformes, ils en ont ras le bol, là, hein, il ne faut pas se leurrer avec ça, là. Ça fait plusieurs qu'ils ont eues de front, dans les dernières années. Et je crois sincèrement qu'il faudra que la transition de cette réforme-là se fasse, j'allais dire, en douceur si possible, dans le sens de donner le temps d'intégrer le tout.

Parce que, si je vois le projet de loi n° 30, si je ne m'abuse, que vous avez mis sur la table également, et la réforme de l'article 45, il va y avoir du pain sur la planche dans les prochains mois, et ça risque de créer des tensions, aussi, qui vont être en périphérie de cette réforme-là, de la vôtre, du projet de loi n° 25. Alors, moi, il m'apparaît que ce serait... C'est important de mettre l'emphase sur... Ce qu'on veut, si vous voulez la réalisation de votre projet, finalement, c'est de mettre tout le monde de votre bord, évidemment, le plus possible. Est-ce utopique? Ça, c'est une autre question, mais...

Une voix: ...

M. Bussière (Simon): Ça, oui. Mais quand même, disons que les cadres supérieurs sont probablement ceux qui vont la porter, alors ce serait important de leur donner une chance de l'absorber, si je peux m'exprimer ainsi.

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, ça met fin à l'échange. Mme la députée de d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais souhaiter la bienvenue à Mme Trempe et du côté de... Bienvenue, au nom de l'opposition, M. Marchand, qui êtes directeur des services techniques ? c'est bien ça? ? au CLSC-CHSLD Haute-Ville?Des Rivières. Où est-ce que c'est? C'est ici, à Québec?

M. Marchand (Alain): C'est, en fait, l'ancien Hôpital Christ-Roi, regroupement des CHSLD Christ-Roi et CLSC Haute-Ville et Des Rivières. Haute-Ville, qui est au 55, chemin Sainte-Foy, et Des Rivières, qui est dans le secteur Duberger-Les Saules. Donc, c'est un territoire assez grand.

Mme Harel: Alors, bienvenue, M. Bussière également. Alors, écoutez, c'est sûr qu'il faut un peu de temps. Vous savez, quand on a commencé pour la première fois à discuter de ce projet de loi qui est devant nous, là, aujourd'hui... Hier, hier, c'était hier, la première occasion que le gouvernement nous donnait d'en discuter, or la motion sur la procédure de commission parlementaire... Alors, il y a eu deux motions qui disaient qui on devait entendre ? puis le moins possible. Nous, on avait proposé au moins une soixante d'organismes qui avaient communiqué avec l'opposition pour dire qu'ils étaient intéressés à se faire entendre. Finalement, je crois que vous serez peut-être moins d'une vingtaine à être entendus.

Alors, on a commencé hier; on ne peut pas finir demain, hein, parce que rien n'annonçait ce qui s'en venait. Quand je relis le programme libéral de la campagne électorale, aux pages 127 et suivantes, on nous dit: «Au sein de ces réseaux locaux, les directions des hôpitaux, des CLSC, des CHSLD, des centres jeunesse, des centres de réadaptation et des cliniques médicales devront coordonner leurs services.» Il n'y a pas personne encore qui pense que le mot «coordination» signifie le mot «intégration».

Ensuite, ça continuait: «Les dirigeants locaux auront le loisir de trouver des modes d'organisation propres à leur réalité ? ça disait ? comme la fusion de certains ou de tous les établissements d'un même réseau local...» Ça pouvait être un CLSC, CHSLD, par exemple, mais personne ne s'attendait à ce qui, finalement, est venu avec le projet de loi n° 25. Alors, je continue, alors : «...afin d'atteindre une pleine intégration des services.» On parlait d'intégration de services, on ne parlait pas d'intégration d'établissements. Le mot «intégration» a changé de sens, tout à coup. Et ça continuait: «Ce sera leur responsabilité», en faisant référence aux dirigeants locaux. Bon.

Alors, voilà quel était l'état de l'opinion au moment de la campagne électorale et des engagements libéraux. Ça s'est transformé, parce que la seule chose qu'ils abolissaient, c'étaient les régies régionales. Alors là les régies régionales, le motif étant qu'elles n'étaient pas élues et que c'était désigné par le ministre, ça devait être aboli. Je vous le retrouverai, si vous voulez, là, je pense que je l'ai ici, d'ailleurs, pas très loin, et je vous en lirai une partie.

Ceci dit, pourquoi est-ce qu'on est réunis aujourd'hui? Parce qu'il y a un projet de loi dont on ne sait pas tout. Quand on vous dit tantôt, en réponse à vos questions... puis à vos interventions, plutôt, que le ministre pense publier les balises après l'adoption du projet de loi, bien, ce serait bien la première fois, là, que ce qui devait être dans un projet de loi soit connu après l'adoption d'un projet de loi. Comme si ici, là, on était réunis pour parler pour parler, comme si c'était une coquille vide, le projet de loi. Et les choses importantes que tout le monde réclame, ce que certains appellent la grille d'analyse, que d'autres appellent les balises, ça, ça va être connu, pour susciter l'adhésion, après le projet de loi.

Je vous dis, honnêtement, là, il n'y a pas grand précédent comme ça, là. Et c'est pour ça que la manière de procéder quand on veut faire des réformes en profondeur, c'est de publier un livre blanc ou un livre vert. Et on le publie plusieurs mois avant. Alors...

M. Couillard: ...

Mme Harel: Non. Blanc, vert, là... Le ministre peut bien rire, là, mais, s'il confond un programme électoral avec un livre de gouvernement, alors il a encore beaucoup de choses à apprendre dans la vie politique et parlementaire.

Alors, moi, je reviens à votre mémoire. Vous dites: «Quelles sont les garanties offertes par le ministre de la Santé et des Services sociaux quant au respect de ses promesses de ne pas orchestrer une réorganisation qui aurait pour effet, en bout de ligne, la perte d'emplois?»N'est-ce pas? Parlez-vous seulement des emplois de cadres? Ça, c'est ma première question.

Parce que, sinon, aujourd'hui, lors de la période de questions, en réponse à des questions de l'opposition, le premier ministre a répondu ceci, et je le cite, là, à 11 h 5, si vous voulez le retrouver sur le site Internet, là: «Dans le cas de la réorganisation du travail, c'est 40 millions de dollars qu'on pourra réinvestir en soins au lieu d'avoir de la bureaucratie. Ce n'est pas rien [...]. Ce n'est pas rien.» Ah! Ce matin même. 40 millions de dollars d'économie dans le cas de la réorganisation du travail, au lieu d'avoir de la bureaucratie. Alors, 40 millions, tenez donc! Faire des économies, sur le dos de qui? C'est quoi, ça, la bureaucratie? Je pense qu'on a certaines questions à poser, n'est-ce pas, parce que ça commence à être de plus en plus inquiétant.

Donc, là, vous avez des garanties, si j'ai bien compris. Bon, bien, j'apprécie que vous ayez l'air d'être satisfaits. Ces garanties sont à l'effet de maintenir ce qui existait déjà, c'est bien ça? Ce que vous demandez, c'est que ce soit un peu plus, à cause de tous ces chambardements, pas seulement trois ans. Mais vous le demandez à la page 3 de votre mémoire, je crois... ou plutôt ? attendez ? voilà, à la page 3, à la fin: Devrait prévoir que la prestation hebdomadaire reste au moins égale à celle du poste qu'il occupait précédemment. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Trempe (Carole): D'abord, pour répondre à votre première question, le mémoire a été fait pour traduire l'expression des cadres supérieurs de la santé et des services sociaux. Alors, on n'a pas la prétention de déborder, et, quand on parle de maintenir les emplois, ce sont les emplois de cadres supérieurs, auxquels on fait référence ici, et on y fait référence uniquement dans le cadre du projet de loi n° 25.

Évidemment, du point de vue de l'Association, on doit composer avec un projet de loi, et nous n'avons pas l'autorité de changer quoi que ce soit par rapport à ça. Je ne sais pas s'il fallait déposer un livre blanc, vert ou bleu, mais ce que je sais, c'est que les orientations qui sont actuellement prises nous ont été annoncées il y a quelques mois. Le projet de loi n'a été disponible qu'au début ou à la mi-novembre, à peu près. Antérieurement à ça, je pense que les légistes ne l'avaient pas complété. On n'a pas été surpris de la teneur du contenu, et je n'ai pas l'autorité de juger du contenu, non plus de la façon dont il a été écrit. Moi, je suis ici pour exprimer l'opinion des gens qui font partie de l'Association à partir de ce qu'on peut lire et à partir de la réalité qu'on a à vivre.

Quand le ministre dit publiquement qu'il garantit qu'il n'y aura aucune suppression d'emplois, oui, ça nous satisfait. Je dois vous dire, on n'a pas de raison de mettre ça en doute. Quand il réalise qu'à cause de la diminution du nombre de cadres supérieurs dans le réseau leur surcharge augmente et que ce serait un non-sens que d'en diminuer le nombre, oui, ça aussi, ça nous satisfait. Parce que, nous, ce qu'on veut, c'est assurer à nos membres le maintien de ce qu'ils possèdent. Si on peut avoir plus, bien, on est juste humains, et on va essayer de s'asseoir à une table, et puis discuter, et voir de quelle façon on peut obtenir de meilleures conditions. Mais, minimalement, il nous apparaissait qu'on devait obtenir, et rapporter, et diffuser au sein des membres de l'Association, et non seulement des membres de l'Association mais, je vous dirais, à travers les cadres supérieurs de tout le réseau de la santé et des services sociaux, dont nous n'avons pas l'entièreté de membership, l'idée et l'engagement ministériels à l'effet que: Vos jobs vont être conservées et c'est un engagement.

n (16 h 30) n

À partir de là, Mme Harel, quand j'entends le ministre dire: Êtes-vous d'accord pour qu'on publie les balises? J'entends, et peut-être à tort, je ne sais pas, que ce sera sous forme de règlement. Bon. Et peut-être que le règlement articule davantage les précisions que la loi, en principe, élabore. Je ne sais pas. Alors, les balises peuvent être sous forme réglementaire, je ne le sais pas.

Je pense qu'on devrait, du côté de l'Association, rester assez alertes et ouverts à tout ce qui sera discuté. Et, jusqu'à date, je dois vous dire qu'on a une collaboration assez étroite avec le personnel de l'encadrement supérieur du ministère. Alors, c'est ce que j'aurais à vous donner comme réponse pour l'instant, à partir de ce que nous savons.

Mme Harel: Dans votre mémoire, vous demandez le respect et la préservation de la mission des établissements. J'aimerais vous entendre sur ce sujet.

Mme Trempe (Carole): Je l'ai un peu abordé tout à l'heure, quand j'ai exprimé le fait que certaines personnes, entre autres, qui oeuvrent au sein des CLSC craignent de voir leur mission diluée au profit des centres hospitaliers, par l'unification d'un conseil d'administration.

Les gens se disent que, dans les conseils d'administration, on ne va que discuter de questions cliniques, on ne va que discuter ou aborder des questions de salle d'opération ou je ne sais pas, plateau technique ou diagnostic ou des choses de cet ordre-là, plutôt que de discuter aussi de la mission sociale qu'on connaît actuellement. Ça a été défini dans la Loi des services de santé et services sociaux.

À partir du moment où on doit faire face aux changements proposés par le gouvernement, ce que j'ai entendu, c'est qu'il y aurait possiblement des budgets visant des résultats, qui pourraient être attribués pour s'assurer que, d'une certaine façon, la mission sociale ou psychosociale ne sera pas diluée. À moins que je me trompe, là. C'est bien ce que j'ai entendu et c'est ce que j'ai compris. Bon.

Dans ce contexte-là, actuellement, c'est ce qu'on va dire. C'est ce qu'on va dire à nos gens parce que, au risque de me répéter, ces gens-là sont en contact direct avec la population, et il nous semble qu'on doive apporter un message clair pour qu'ils puissent à leur tour donner un message clair à la population.

Mme Harel: Évidemment, ça reste encore hypothétique parce que ce financement par programmes n'est pas dans la loi non plus.

Mme Trempe (Carole): Tout à fait.

Mme Harel: M. le député de Saint-Hyacinthe aimerait dialoguer avec...

Le Président (M. Copeman): Mais, afin que M. le député de Saint-Hyacinthe dialogue, ça prend le consentement parce que M. le député de Saint-Hyacinthe...

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): Non, non. Les remplacements n'ont pas été annoncés ce matin, alors... Mais il n'y a pas lieu de paniquer, M. le député de Saint-Hyacinthe, je crois bien que le consentement sera donné. Mais, à l'avenir, évidemment, si on ne désire pas obtenir le consentement, il faut annoncer les remplacements. Est-ce que le consentement est donné? Voyez-vous? Allez-y, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Je vous remercie, chers collègues. Je tombe de ma chaise qu'il n'y ait pas eu de remplacement annoncé. J'avais eu des informations contraires. Mais c'est vrai que je ne l'ai pas entendu. Donc, vous avez bien raison, M. le Président.

Étant donné que le temps est précieux, j'en viens à la question qui est actuellement sur la table, la question des missions. Vous avez des choses intéressantes à... Évidemment, on ne peut pas passer ça sous silence, c'est sûr. Et M. le ministre a déclaré des bonnes intentions. Je pense que ça, tout le monde est d'accord là-dessus.

Mais vous parlez d'assurance de respect des missions. Assurance, c'est une assurance, c'est une garantie. Vous avez fait allusion à peut-être par un règlement ou je ne sais pas trop quoi. Mais, nous, nous sommes ici, nous sommes en commission parlementaire autour d'un projet de loi, rien ne nous dit que nous serons en commission parlementaire autour d'un projet de règlement.

Donc, la question que je me pose: «Assurance», est-ce que ça veut dire, pour vous, mettre dans la loi une clause qui protégerait les missions, que ce soit pour les CLSC, que ce soit la mission sociale qui s'étend jusqu'aux groupes communautaires, que ce soient les CHSLD? On sait les déficits énormes des hôpitaux et on sait que, dans les services de courte durée, les besoins sont variables et difficiles à prévoir. Dans les services de longue durée, c'est peut-être plus facile de prévoir parce que la clientèle est toujours au maximum, alors...

Mais, quand arrivent des problèmes financiers, est-ce qu'on va tout simplement enlever du personnel dans les CHSLD afin de pouvoir... Enfin, c'est ma question: Est-ce qu'il ne serait pas... il n'y aurait pas lieu de mettre dans la loi une garantie que la mission emportant le budget sera protégée?

Le Président (M. Copeman): M. Marchand.

M. Marchand (Alain): En fait, oui. Donc, c'est ce que l'on voit actuellement dans la réalité de chaque jour. Lorsque les budgets sont versés aux établissements, les budgets sont déjà versés par missions. Alors, est-ce que la loi doit prévoir que les missions soient préservées en ce sens-là? Ça peut être une idée. Mais, dans les faits, concrètement, aujourd'hui, les budgets sont versés par missions au niveau de l'établissement.

Donc, à chaque deux semaines, on reçoit des paiements qui visent une mission donnée. Les budgets de développement qui sont donnés actuellement sont donnés par missions et sont donnés même en fonction de résultats. Pour, par exemple, Famille Enfant/Jeunesse, on vous donne 200 000 $, bien, il faut qu'on fasse la preuve qu'on a engagé des gens dans Famille Enfant/Jeunesse au niveau de la dotation des postes. Donc, je ne sais pas si chaque régie obéit comme ça, mais la Régie de Québec, on nous demande de faire la preuve de la dotation de postes par budget protégé. Donc...

M. Dion: Oui, d'accord, ça a un aspect un peu plus positif. Mais, entre nous, vous êtes d'accord avec le projet de loi en gros parce que ça change des choses qui manquent. Donc, il y a des grands changements qui s'en viennent. Ça se pourrait que ce ne soit plus comme ça ou ça se pourrait que ce soit modulé autrement. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu que ce soit garanti dans la loi, et là ce serait une véritable assurance?

M. Marchand (Alain): S'il fallait en faire une proposition, dans le fond, je ne pense pas qu'on soit contre cette...

M. Dion: Ça ne vous rassure pas?

Une voix: On ne peut pas être contre.

Le Président (M. Copeman): Malheureusement, c'est la fin du dialogue.

M. Dion: Merci.

Le Président (M. Copeman): Alors, je vous remercie de votre participation à cette commission parlementaire. Et j'invite les représentants du Conseil pour la protection des malades de prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Copeman): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, chers collègues! Merci. Alors, nous accueillons les représentants du Conseil pour la protection des malades. Me Brunet, si je comprends, vous êtes le porte-parole principal. Vous connaissez, vous avez une large expérience également, vous connaissez nos règles de fonctionnement: 15 minutes de présentation suivies par 15 minutes d'échange avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous demande de présenter la personne qui vous accompagne et de débuter votre présentation.

Conseil pour la protection des malades (CPM)

M. Brunet (Paul G.): Bonjour, M. le Président, M. le ministre, messieurs dames les membres de l'Assemblée nationale. Je suis accompagné de Me Bianca Laliberté, avocate au Conseil pour la protection des malades. Je suis heureux de vous dire que cette année le Conseil fête ses 30 ans. Claude Brunet serait sûrement fier, et je sais que beaucoup d'entre vous le connaissaient.

n (16 h 40) n

Quelques observations succinctes. Je suis convaincu que vous aurez l'occasion de lire le mémoire, alors je n'ai pas l'intention de le lire intégralement mais attirer votre attention sur quelques éléments. D'abord, la création des agences. En tout respect, et depuis les 30 ans que le Conseil existe, avec toute la documentation et littérature qu'on a pu avoir sur les divers projets de loi, la dernière grande réforme, comme vous le savez, datant de 1991, on n'est pas, sauf respect, vraiment convaincus qu'on avait besoin de recréer de nouvelles structures régionales ou plus proches du monde, mais quand même régionales, si la vraie réforme, comme le Dr Rochon l'avait envisagée suite à son enquête à la fin des années quatre-vingt, avait été véritablement adoptée en 1991 et qu'une véritable décentralisation, plutôt qu'une déconcentration, avait eu lieu dans le projet de loi n° 120.

Si, par exemple, comme le veut la littérature, que ce soit pour des macro-organisations ou plus modestement ailleurs dans le réseau ou ailleurs dans d'autres domaines, si on s'était concentrés sur une réforme qui prévoit, qui devrait ou aurait dû prévoir qu'au niveau du ministère on parle du quoi, au niveau des régions on parle du comment et, finalement, plus localement, on décide du qui, qui soigne qui... C'est simple, ça paraît simpliste, je ne veux pas avoir l'air réducteur, mais c'est de ça dont aurait dû nous parler la réforme de l'époque et avec... En tout respect, si cela avait fonctionné, si on avait fonctionné comme ça avec le projet de loi n° 120, je ne suis pas certain, sauf respect, qu'on en serait encore à parler d'une remise en question des structures. Pourquoi? Parce que je ne suis pas certain que, encore une fois, si le monde n'oeuvre pas à faire le meilleur réseau du monde, du vrai monde, plutôt que des structures, on n'en sera pas là, dans quelques années encore, à reparler de structures.

Encore succinctement, évidemment, on ne peut pas être contre une meilleure fluidité, une meilleure proximité ? dit le projet de loi ? du service à la population. J'ai des craintes, personnellement, et notre organisme, évidemment, en regard des méga-organisations. Parfois, à vouloir centraliser et fusionner les centres de décision et d'intérêt, on y gagne peut-être au niveau du centre des décisions, mais on peut y perdre aussi au niveau de la cohérence, même si les gens oeuvrent pour le même conseil d'administration et sous l'égide du même directeur général. On en a vu quelques exemples non seulement dans le réseau de la santé, mais ailleurs, dans de méga-organisations, qu'elles soient publiques ou privées par ailleurs.

Aussi, une crainte que nous partageons avec d'autres organismes, notamment l'Association des CLSC-CHSLD, le pouvoir traditionnel, historique et financier du milieu hospitalier qui l'a souvent et longuement emporté. Je me rappelle encore d'un colloque où Mme Marois, à l'époque ministre de la Santé, nous avait conviés pour faire en sorte que tout le monde signe des protocoles de complémentarité dans les régions, à Montréal, partout, et on s'était aperçu humblement que, bien que près de 98 % des établissements de santé avaient signé des protocoles d'entente de complémentarité puis d'aide mutuelle, le monde ne s'aidait pas nécessairement plus et n'agissait pas nécessairement moins en silo.

Alors, c'est notre crainte aussi, évidemment, de fusionner et de s'y perdre avec les missions surtout et particulièrement en regard de la mission de soins de longue durée où le législateur, certainement à bon escient, avait voulu prévoir que, désormais, l'hébergement et les soins de longue durée devaient correspondre à un milieu de vie substitut. Et j'ai peine à croire qu'on va réussir à agir comme on aurait voulu le faire, avec tout le discernement, donc qu'on doit constamment agir pour assurer ces missions présentement. Je ne suis pas convaincu, peut-être pour d'autres raisons, qu'on soit véritablement rendus à un milieu de vie substitut. Il y a d'autres raisons qui expliquent ça, mais une de celles-ci, sûrement, c'est qu'on n'a pas vraiment atteint l'objectif pourtant fixé dans le projet de loi n° 120 qui a plus de 10 ans maintenant.

Vous allez voir que dans nos recommandations on insiste beaucoup pour que les comités d'usagers soient renforcés. On a perdu beaucoup au change en 2001 lors de la première vague de regroupement, comme je l'appelle. C'est important d'avoir un comité d'usagers par installation. Il faut arrêter de fusionner les comités d'usagers. Ce n'est pas des technocrates, ce n'est pas des bureaucrates; c'est du monde bénévole, des gens qui sont en perte d'autonomie, de plus en plus, d'ailleurs. Comment voulez-vous honnêtement, honnêtement, vouloir nous rapprocher des usagers en éliminant pratiquement et carrément les comités d'usagers ou en prétendant que, désormais, ce sont des sous-comités, sous-financés par ailleurs? Ça va bien!

Il faut redonner aux comités d'usagers toute la marge de manoeuvre, tout le budget que chaque installation devrait consentir aux comités d'usagers, et non plus 500 $ par sous-comité, avec les craintes, évidemment, que d'autres regroupements fassent perdre encore non seulement des comités d'usagers centraux, mais les budgets qui vont avec. Évidemment, on aimerait ça que le projet de loi enfin parle d'une indexation obligatoire des fameux budgets de 5 000 $ qui sont à la veille de fêter leur 10e anniversaire.

Aux conseils d'administration aussi, que ce soit au niveau des agences ou des prochains organismes, on souhaite qu'il y ait des sièges des usagers, mais des vrais sièges d'usagers, là, du monde qui vient des comités d'usagers. Si vous êtes sérieux puis vous voulez vraiment qu'il y ait du monde des comités d'usagers, du monde qui soit proche des usagers, de grâce, allez les chercher dans ces organismes-là. Ces gens-là, c'est extraordinaire, le travail qu'ils font.

Oui, des fois, on a de la misère à les faire fonctionner, on a de la misère à les aider parce que, vous le savez, ce sont des gens en énorme perte d'autonomie. Le bénévolat, des fois, ce n'est pas évident, particulièrement dans les grands centres. Mais allez les chercher dans ces organismes-là. Des gens qui représentent les usagers mais qui sont l'objet d'une nomination politique, sauf respect, et c'est sûrement des gens de très bonne foi, de très bonne volonté, mais, malheureusement, ils ne savent pas de quoi ils parlent quand ils décident même de faire le bien. Alors que, s'ils viennent des comités d'usagers, qui ont été élus ou nommés, qui ont été des bénévoles reconnus dans les établissements, ces gens-là vont vous aider et, sûrement, vont aider les usagers.

Je terminerais par un élément qui est sûrement aussi d'actualité: toute la question du domaine des plaintes. On ne s'en sortira pas et on n'aura pas l'air bien, bien plus intelligents de ce qu'on a eu l'air la semaine dernière dans le domaine des plaintes, si on n'améliore pas ? et ce serait peut-être un coup de chapeau à donner aux gens ou à des personnes qui nous ont quittés la semaine dernière et d'autres gens qui ont quittés ? la confiance dans le système des plaintes.

Si on décidait ensemble d'améliorer les délais? Ça n'a pas de bon sens. Ça n'a pas de bon sens de dire à des familles qu'on va leur répondre dans 45 jours quand on fait une plainte pour de la mauvaise nourriture ou des mauvais services. Pensez-y deux minutes. Ça n'a pas de bon sens. C'est trop bureaucratique. Il faut améliorer ça, ça n'a pas de bon sens. Je sais que 45 jours, ça permet à tout le monde de faire sa job, mais ça ne répond pas aux besoins. On en a eu un exemple tragique la semaine dernière, à mon avis. L'indépendance du commissaire local à la qualité des soins, il va falloir faire une job là-dessus. Sinon, on ne sera pas crédibles, vous ne serez pas crédibles, et, malheureusement, le Conseil, comme d'autres organismes, va continuer à avoir de plus en plus d'ouvrage, au grand dam de certains anciens ministres de la santé.

Finalement, je pensais à ça tantôt, j'allais vous dire que c'est un fantasme que de souhaiter qu'un jour ces systèmes-là, ces commissaires-là ou ces organismes de plaintes là aient un pouvoir de coercition. Mais, s'il y a un endroit dans l'établissement où on devrait enfin avoir le pouvoir de dire: Ça, t'avais pas d'affaire à faire ça, dehors! ? ou suspendu! ? ça devrait, il me semble, en tout cas en partie, venir d'un organisme de plaintes. Sinon, à quoi sert le système de plaintes s'il n'a pas de pouvoir de régler des choses?

Je sais que, dans le cas de Saint-Charles-Borromée, puisqu'on en a parlé la semaine dernière, c'est la famille elle-même... et je ne veux pas personnaliser le débat, mais c'est la famille elle-même qui avait demandé à ce que le patient soit transféré. Mais imaginez-vous pourquoi. On le sait pourquoi. C'était et ça aurait été... ce serait sûrement devenu impossible pour la personne de continuer à vivre là à cause de l'aura et de l'atmosphère massacrante qui était désormais sur l'unité quand les choses ont été dévoilées. Et ça, ce n'est pas normal.

La raison d'être de l'établissement, ce n'est pas, sauf respect, ceux qui y oeuvrent, mais ceux qui y vivent. C'est vrai qu'on veut faire un milieu de vie de ces endroits-là, il va falloir agir en conséquence, avec le débat de front avec nos partenaires, qu'ils soient professionnels, qu'ils soient syndicaux ou autres. Ce n'est pas normal... Et j'entendais quelqu'un de Saint-Charles-Borromée, puis encore là, je ne veux pas personnaliser, mais la personne me disait: Léon était accusé d'être propatients. Alors imaginez-vous: il y a les patients d'un bord puis les employés de l'autre. C'est ça qu'il faut changer.

Les patients sont la raison d'être des établissements et des jobs qui sont là, et ceux qui y oeuvrent sont des moyens pour y parvenir. S'ils sont devenus des forces qui doivent désormais s'opposer, ça ne marche plus. Ce n'est pas comme ça qu'on devrait, il me semble... Puis je pense vous avoir tous et toutes entendus depuis de nombreuses années. C'est là, entre autres, je pense, qu'il devra y avoir un débat ? et ce serait peut-être une bonne occasion, par le projet de loi n° 25 ? afin d'atténuer certaines craintes, et sûrement les nôtres en tout cas.

n (16 h 50) n

Le Président (M. Copeman): Merci, Me Brunet. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Brunet, madame, pour votre visite et votre communication, qui prend, je dirais, un ton particulier, compte tenu des événements qu'on a vécus au cours des derniers jours. Bien sûr, vous avez fait allusion aux réformes précédentes. Il y en a eu, des réformes dans le domaine de la santé, on en est très conscients, et moi le premier parce que je les ai vécues de l'intérieur du réseau, les réformes, aussi. Puis ce qu'on peut résumer finalement, c'est qu'elles ont été soit non complétées, c'est-à-dire n'ont pas été portées à terme ? vous avez utilisé l'exemple de la loi n° 120, je pense que c'est un bon exemple de ce type d'échec là ? il y en a d'autres qui ont échoué parce qu'on n'a pas mis les ressources qu'il fallait au moment où les réformes avaient lieu. Et, en plus, on s'est délestés d'une grande partie du personnel le plus expérimenté dans le réseau en plein à ce moment-là. Et je pense que ça, encore une fois, on ne peut pas assez dire à quel point ça a été désastreux dans notre réseau.

Vous parlez de votre crainte de voir des mégastructures s'établir. Je vous rassure. Ce qu'on veut faire, c'est laisser les régions déterminer des territoires naturels. On a eu l'occasion d'en débattre, de la signification de ces territoires-là. Le but n'est pas de créer des gros ensembles, là, mais, autant que possible, des ensembles naturels qui correspondent à l'identification des gens.

Vous avez également relaté quelque chose qui est excessivement important parce que ça nous ramène à un point qu'on a discuté au cours des derniers jours, que, lorsqu'on dit aux gens, avec toute la bonne volonté que les gens ont dans le réseau: Vous allez vous asseoir ensemble, puis vous allez faire des protocoles, puis vous allez vous entendre, puis la bonne volonté fait que vous allez vous organiser, puis ça va bien aller, malheureusement, dans la réalité des choses, ça ne se produit pas. Ça s'est produit dans quelques exemples dans les régions. Mais, si on s'attend à transformer un réseau et à imprimer cette culture de collaboration et de complémentarité, malheureusement, l'expérience pratique dont vous-mêmes avez été témoins montre que ça prend un signal plus fort que ça et, à notre avis, le signal législatif est essentiel.

L'orientation de transformer ou d'amener, plutôt, les milieux d'hébergement et de soins de longue durée vers des milieux de vie plutôt qu'une institution, elle est au coeur de ce qu'on veut faire et pas seulement de ce projet de loi là, du reste, donc, de nos orientations en hébergement. Et ce n'est aucunement remis en question par ça, mais je pense qu'il est important de le répéter.

Plusieurs des remarques que vous faites, je crois, sont très utiles, particulièrement celle sur les comités des usagers, de conserver, si j'ai bien compris votre remarque... d'éviter d'avoir un comité d'usagers unique pour un ensemble d'établissements mais de conserver un comité d'usagers par installation ou par mission, de sorte qu'on ait, particulièrement dans le milieu d'hébergement, un comité des usagers distinct à cet endroit-là. Je peux vous dire que c'est une recommandation qu'on accueille très favorablement.

Et l'autre qu'on va étudier également, je dirais, avec intérêt, c'est celle sur la représentation des usagers au conseil d'administration. Vous suggérez que ce soit de véritables usagers. Je sais ce que vous voulez dire. J'ai, moi aussi, siégé sur des organisations, puis des fois tu regardais la personne qui était là comme étant supposément le représentant des usagers puis tu te demandais: usager de quoi, exactement, là? Ce n'était pas tout à fait clair. Je pense que de choisir les gens dans le comité des usagers peut nous amener véritablement une meilleure représentation.

Vous avez également parlé des... Et, encore une fois, c'est tragiquement apparent suite aux événements de la semaine dernière, où il y a deux choses qui m'apparaissent sortir, en plus de beaucoup d'autres aspects humains, là. La question du cheminement des plaintes dans le système, puis, effectivement, ce conflit qui fait que le commissaire local fait partie de l'établissement, n'a pas vraiment de rôle coercitif... Je pense que ça a été une... j'allais dire une... bon, je ne dirais pas une erreur, mais disons que, peut-être, on avait certainement des bonnes intentions, mais, en pratique, c'est certainement associé actuellement à des gros problèmes.

Un, mauvais cheminement des plaintes et problème de statut du commissaire local. Deux, la loi du silence, la loi du silence dans l'établissement. Puis, moi, j'en ai été témoin également, puis il y a bien d'autres cas qui nous sont présentés. Vous savez très bien que les cas comme Saint-Charles-Borromée, il y en a d'autres ailleurs. Et puis la loi du silence, elle ne se fait pas seulement dans l'établissement, elle se fait d'un étage à l'autre du réseau également. Et ça, également, il faut s'occuper de ça.

Il y a une question que vous avez approchée et qui a été discutée au cours des prochains jours, c'est la question ? des derniers jours, pardon ? c'est la protection des missions. Une crainte que les gens ont... Je sais qu'on est un peu loin, là, de vos préoccupations quotidiennes, en tant que représentants des usagers, mais j'aimerais quand même que vous donniez votre opinion là-dessus, qu'on est persuadés de notre côté que la protection des missions du CLSC, style social, style soins à domicile, assistance à la jeunesse, doit être protégée et que la meilleure façon de le faire, c'est d'y aller par enveloppe budgétaire identifiée, avec des résultats. Est-ce que vous croyez que c'est une façon d'arriver à notre but?

M. Brunet (Paul G.): Bien, j'en ai parlé un peu avec M. Adam, de l'AHQ, et c'est ce qu'il semblait dire qu'il favoriserait pour rassurer ceux qui étaient inquiets à cet égard-là. Je vous avoue que je ne sais pas à quoi ça rime d'y aller par programmes et de préserver ou protéger des enveloppes par programmes, mais, si cela, dans le langage du réseau, garantit cette protection des missions, en tout cas, c'est certainement un pas dans la bonne direction.

Mais je sais que, présentement, il y a des missions de longue durée qui sont mêlées, des missions de gériatrie qui sont mêlées avec de la courte durée. Et, quand ça sent l'hôpital sur l'unité où vous êtes supposé vivre, c'est ça que... je ne sais pas comment... à quoi cela rime dans le langage plus bureaucratique, mais il y a des hôpitaux avec des missions de gériatrie, ça n'a pas de bon sens. Vous ne pouvez pas dire sérieusement que vous voulez faire un milieu de vie substitut dans des endroits comme ça, où il y a du monde qui vit, en prétendant que, rendu à cet étage-là, c'est un milieu de vie substitut. Ça n'a pas de bon sens et ça existe présentement.

M. Couillard: Je pense que vous devez faire la distinction, je suppose, entre la gériatrie active, qui est évidemment le traitement médical des personnes âgées, qui est de plus en plus d'actualité compte tenu du vieillissement, ça, c'est une chose ? puis c'est correct à mon avis que ça se fasse dans le contexte hospitalier, parce que ce qu'on veut, c'est traiter activement les gens pour les remettre en bonne santé ? mais par opposition à l'hébergement, où c'est là que le milieu de vie substitut s'applique. Est-ce que c'est ça que vous voulez dire quand vous parlez de gériatrie?

M. Brunet (Paul G.): Il y a des exemples malheureux, et trop nombreux à mon avis, où il y a de l'hébergement de soins de longue durée dans certaines sections d'hôpitaux parce qu'on n'a pas de place ailleurs, ou toutes sortes de bonnes raisons. Mais imaginez comment on va faire si on se met à fusionner les autorités si, déjà, alors qu'elles ne le sont pas, on a certains problèmes à respecter cette philosophie-là.

M. Couillard: Ce qu'on pense, nous, dans le milieu de l'hébergement à longue durée, c'est qu'on a un modèle beaucoup trop institutionnel, justement. Et l'orientation pour les milieux de vie va dans une direction autre, de même que les projets-pilotes, d'ailleurs, qu'on a lancés dans la communauté, qui semblent bien recueillir l'aval des gens, des partenaires dans les différents milieux. Je vais céder la parole à ma consoeur la députée de Pontiac qui a une expérience, comme vous le savez peut-être, très pratique de ce que vous vivez.

Mme L'Écuyer: Me Brunet, madame...

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Pontiac.

Mme L'Écuyer: Merci, M. le Président, je m'excuse. Me Brunet, madame, ça me fait plaisir de vous accueillir aujourd'hui. Depuis 30 ans, dans le fond, que l'Association des comités d'usagers existe, j'ai eu beaucoup de contacts avec eux de par et mes fonctions et... Ma mère a été pendant sept ans dans un centre d'hébergement et j'ai toujours trouvé et j'ai remercié souvent qu'il y ait un comité d'usagers à l'intérieur du centre d'hébergement, surtout pour sa préoccupation envers les personnes âgées qui n'avaient pas de famille.

Et ce que j'ai remarqué pendant ces sept ans-là, c'est que, souvent, le comité ou les représentants ou les gens du comité d'usagers devenaient le pilier ou la seconde famille des gens qui étaient seuls et laissés à eux-mêmes. Au niveau des CHSLD, pour les connaître un peu, il y a eu un travail, pour presque l'ensemble de tous les comités d'usagers dans les CHSLD, immense pour recréer des milieux de vie, pour avoir des activités appropriées, défendre les droits, s'assurer que la personne hébergée était reconnue comme une personne à part entière, se battre... Je pense que vous avez mené des batailles épiques à un moment donné pour l'hébergement dans les milieux hospitaliers, où, dans le fond, ce n'était pas un milieu de vie, et je pense que les comités d'usagers ont contribué beaucoup à créer la notion de milieu de vie.

On sait que, dans les CHSLD, les comités d'usagers existent, fonctionnent bien à des endroits, moins bien à d'autres. Mais j'aimerais ça que vous puissiez, si vous avez des idées... ou que vous puissiez me dire de quelle façon on peut avoir un comité d'usagers actif dans un CLSC et un CH, compte tenu que c'est une clientèle non captive et qui, je veux dire, est là pour un service une journée et le lendemain n'est pas là, compte tenu que l'approche développée par le CHSLD était beaucoup centrée sur les gens hébergés à long terme.

n (17 heures) n

M. Brunet (Paul G.): Écoutez, je vais être honnête avec vous, la grande majorité des comités d'usagers qui sont affiliés au CPM ? il y en a près de 300 sur les 400 avec mission de longue durée ? sont des CU qui sont des CU dans des CHSLD ou des centres avec mission d'hébergement. Mais je vous donne l'exemple du CHUM, le Pavillon Saint-Luc, où il y a un comité d'usagers qui n'est pas obligatoire mais qui est formé et qui est drôlement actif et qui est drôlement impliqué, parfois à ma grande surprise, dans plusieurs débats, directement connecté au conseil d'administration, dans les médias, auprès de la population. Et je suis informé que ce sont des gens qui, généralement, habitent ou sont des usagers, réguliers ou pas, de cet établissement-là et qui sont très actifs. Je sais qu'il y a certaines unités de gériatrie aussi à Saint-Luc. Alors, voilà un exemple un peu surprenant ? mais pourquoi pas? ? qui exige une certaine implication bénévole dans la communauté. Et ces gens-là sont très dynamiques et on collabore régulièrement avec ce comité d'usagers là.

Mme L'Écuyer: Une question additionnelle, M. le Président?

Le Président (M. Copeman): Vous avez le temps, Mme la députée.

Mme L'Écuyer: Merci. Dans la page 5, une de vos recommandations, c'est qu'il y ait un siège qui soit réservé aux usagers au sein du conseil d'administration. À ce que je sache, actuellement on a des membres, sur nos conseils d'administration, qui viennent des comités d'usagers. Est-ce...

M. Brunet (Paul G.): Mais pas tout le temps. Ce n'est pas une règle.

Mme L'Écuyer: Ce n'est pas la règle?

M. Brunet (Paul G.): Non.

Mme L'Écuyer: Ce que vous demandez, c'est que ça devienne une obligation?

M. Brunet (Paul G.): Oui.

Mme L'Écuyer: On sait aussi qu'au niveau des comités d'usagers souvent ce sont des amis des usagers, à cause soit de la détérioration ou des handicaps, ou des parents. Est-ce que, dans votre vision d'avoir un membre qui siège au C.A., c'est quelqu'un qui, dans le fond, représente les personnes hébergées?

M. Brunet (Paul G.): Oui. Dans le fond, on pourrait s'inspirer des mêmes critères qui font que quelqu'un peut devenir membre d'un CU si il ou elle n'est pas un résident ou une résidente de l'établissement, donc bénévole, proche, famille, du monde qui sait de quoi il parle et qui peut savoir de qui il parle quand il va au conseil d'administration. Écoutez, on s'est fait couper nos sièges en 2001. On aimerait ça non seulement les retrouver, mais retrouver des gens qui... Et, encore une fois, je ne dis pas que les gens qui sont nommés là ne sont pas de bonne foi. Au contraire, ils sont très dévoués. Mais, souvent, ils ne sont pas nécessairement connectés comme peuvent l'être les gens qui oeuvrent quotidiennement dans un CU.

Mme L'Écuyer: Merci.

Le Président (M. Copeman): M. le ministre.

M. Couillard: Juste quelques remarques, puis ensuite je pourrais passer la parole à notre consoeur de l'opposition. Vous avez fait allusion aux budgets des comités d'usagers, qui n'ont pas été indexés depuis très longtemps. Je peux vous dire qu'on accueille très favorablement l'indexation, l'idée de l'indexation des budgets des comités des usagers.

M. Brunet (Paul G.): Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Copeman): Voyez-vous, ça se passe tellement bien que les parlementaires pensent qu'ils passent la parole d'un à l'autre. C'est évidemment le président qui...

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): Je comprends que c'est fluide à date, là, mais il va y avoir des moments où c'est moins fluide. Je tiens simplement à rappeler à tout le monde nos règles de procédure. Mme la députée de Lotbinière.

Mme Roy: Alors, je vous ai entendu discuter au niveau de... Il y a deux façons, là, dont les comités d'usagers peuvent s'adresser à leurs instances. Il y a autant par la représentativité au milieu de leur conseil d'administration et, une façon moins agréable, par la plainte. Vous souhaitez que la plainte soit d'une façon, le cheminement de la plainte, peut-être plus parallèle, moins à l'intérieur du système. Ça, c'est un premier aspect. Je me demande si j'ai bien compris ce que vous vouliez dire. Mais vous souhaitez aussi qu'il y ait des mesures coercitives, que celui qui, en bout de ligne, prend la décision puisse faire appliquer ses décisions. C'est ça?

Vous avez aussi mentionné que, pour vous, l'usager n'a pas toujours été au centre du système ou ne l'est pas. Vous avez même parlé presque d'antagonisation entre le patient et l'employé. Et puis j'ai senti, dans votre mémoire puis dans votre présentation, que le projet de loi n° 25, c'est un... vous vous impliquez, là, dans ce processus-là, mais vous avez aussi besoin d'un plus grand débat. C'est ce que j'aimerais savoir: Quel genre de débat puis sur quoi vous voudriez que ça porte, pour faire avancer votre cause? C'est une question large, hein?

M. Brunet (Paul G.): Écoutez, le CPM a été impliqué grâce, probablement, à la confiance ou à la crédibilité sinon au respect que les institutions gouvernementales lui ont toujours accordé depuis 30 ans. Je disais simplement d'entrée de jeu que, à notre avis, si la réforme concoctée après l'enquête Rochon avait vraiment eu lieu en 1991, je ne suis pas sûr... si on avait vraiment départagé... Un simple examen de la loi actuelle sur la santé et les services sociaux démontre qu'on n'a pas véritablement organisé le réseau, décentralisé le réseau, fait que le monde aux bons endroits aient la bonne autorité.

Il y a des choses auxquelles sont assujettis les hôpitaux, les établissements locaux ? malheureusement, je n'ai pas mon analyse, je la cherchais tantôt ? qui démontrent assez clairement que, si on avait véritablement départagé, enlevé une forme d'ingérence, sûrement de bonne foi, de divers paliers pour certaines décisions... Pourquoi ça prend l'autorisation, par exemple, du ministre de la Santé pour emprunter pour rénover ou réaménager des lieux localement?

À mon sens ? parce que j'ai fait une maîtrise en administration, j'ai été chercheur dans le domaine de l'administration, je suis moi-même gestionnaire dans un autre domaine quotidiennement ? il y a certaines incongruités qui sont difficiles à expliquer encore aujourd'hui dans le projet de loi n° 120. Et je me dis: C'est de valeur ? un peu comme le ministre l'admettait presque tantôt ? si on avait fait la job comme on devait la faire puis comme on souhaitait à peu près tous la faire dans le temps ? parce que, dans le fond, c'est M. Rochon qui avait fait son enquête, puis après ça les gens du PQ ont pris le pouvoir, puis on a essayé d'organiser quelque chose ? peut-être qu'on n'en serait pas là aujourd'hui.

Et là il y a une nouvelle réforme qui est proposée, et je pense que ça va avoir un impact majeur. Et, nous autres, ça fait 30 ans qu'on est là-dedans puis on est un peu... Tu sais, on se prête aux consultations, mais on aime ça revenir un peu, dire: Ce serait le fun qu'à un moment donné on arrête de se dire 10 ans après: Si on avait fait la job comme du monde ensemble, peut-être en dépolitisant un peu le débat, il me semble qu'on... en tout cas, on aurait peut-être avancé mieux.

Mme Roy: Je vous remercie.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, au nom de l'opposition officielle, Me Brunet et Mme Laliberté. Me Brunet, vous connaissez bien le milieu de vie substitut qu'est un centre de soins de longue durée. Il me restera toujours cette image qu'on m'a déjà dite de vous: à six ans déjà vous étiez dans les corridors de Saint-Charles-Borromée pour... Et saluer votre frère Claude qui aura fondé le Conseil provincial des malades. Et donc, vous présidez le Conseil provincial des malades.

Et, bon, je comprends que, dans le mémoire que vous nous avez présenté, vos recommandations que nous allons, en fait, suivre avec vigilance, là, semblent avoir été bien accueillies par le ministre, notamment celle de créer des comités d'usagers dans tous les établissements, y compris les centres hospitaliers et les CLSC, ce qui n'était pas le cas dans la loi actuellement.

Vous rappelez aussi... Bon. Je ne veux pas rappeler des mauvais moments, mais j'ai relu la commission parlementaire au moment de l'examen du projet de loi n° 28 déposé par M. Rémy Trudel. Hé qu'il s'en est dit, des affaires! C'est quelque chose d'inimaginable. Tout ça parce qu'il y avait désignation... Mais encore faut-il se rappeler qu'il y avait des catégories avec des collèges qui devaient formuler des propositions à l'intérieur desquelles les gens devaient être désignés. Quoi qu'il en soit, je m'attends, moi, par respect pour tout ce qui s'est dit lorsque le gouvernement était dans l'opposition, que, au minimum, sur le projet de loi n° 25, au minimum, ils introduisent ce qu'ils réclamaient dans le projet de loi n° 28 quand il a été adopté ? au minimum ? juste pour être cohérents et congruents quand on passe d'un côté à l'autre de l'Assemblée.

Mais donc, j'apprécie, là, l'accueil qui a été fait de vos recommandations: comités d'usagers et comité qui est maintenu quand les regroupements se font, d'établissements, et aussi une réforme du système des plaintes. La réforme du système des plaintes, vous nous avez rappelé la loi n° 120. Moi, j'ai souvenir d'avoir siégé ici, en commission parlementaire, et il y avait ce débat: Fallait-il ou pas que le Protecteur du citoyen soit mandaté pour recevoir les plaintes du réseau de la santé ou fallait-il organiser un réseau de plaintes à côté? Vous vous rappelez? Vous étiez là déjà, Me Brunet?

M. Brunet (Paul G.): Je suis conseiller juridique du CPM depuis 1982.

n (17 h 10) n

Mme Harel: Bon. Alors, finalement, si vous aviez une recommandation à faire maintenant, croyez-vous que ce devrait être à nouveau examiné, cette possibilité que ce soit le Protecteur du citoyen plutôt que de continuer avec un système uniquement pour le réseau de la santé?

M. Brunet (Paul G.): Écoutez, j'aurais le goût de vous dire que plus il y a de structures de plaintes, plus le CPM a de l'ouvrage. Je ne veux pas dire que c'est directement proportionnel, mais c'est qu'il y a un problème, il y a un problème de crédibilité. Est-ce que ça devrait être complètement centralisé auprès du Protecteur ou conservé tel quel? Ce que je sais, c'est que c'est trop long, ce n'est pas efficace, c'est bureaucratique. Tout le monde fait sa job, hein. J'ai entendu des gens, des commissaires aux plaintes: Moi, j'ai fait ma job. La plainte est rentrée, je l'ai examinée, je ne pouvais pas rien faire, j'ai écrit à la famille. Ce n'est pas ça. Il faut régler des problèmes. C'est bien le fun de dire qu'on s'en occupe, mais il faut les régler. Et c'est quotidien, souvent, les problèmes.

Quand Claude est décédé, sur sa table de travail il y avait des centaines de choses banales mais qui représentaient des calvaires quotidiens: une lumière allumée dans le corridor inutilement, le lait était trop tiède, le repas n'était pas chaud. Mais c'est ça. Quand les médias nous disent: C'est quoi, vos grands dossiers? Mais c'est des centaines de dossiers comme ça. Des choses comme celles qui sont arrivées à Saint-Charles Borromée, j'en ai 10 sur mon bureau du même acabit dans 10 centres différents. Oui, quand quelqu'un est vulnérable puis il est dépendant, puis il est isolé, puis il a affaire à des gens qui, des fois, pourraient avoir une meilleure formation, des fois ils sont fatigués, bien tout est là pour que ce genre de risque là survienne.

Mais il faut les régler, les plaintes, il faut s'en occuper, il faut que les gens aient le sentiment qu'on les règle. Il y a même quelqu'un qui a dit, après avoir appelé dans un réseau de plaintes officiel: Nous, on ne peut pas rien faire, mais appelez au CPM, ils vont vous aider. Il y a un problème. Je suis en train de plaider contre ma paroisse, dans le fond, mais... Alors, je ne sais pas, Mme Harel, pour être honnête avec vous, ce qu'il faut, mais ce qu'il faut, c'est que ça marche. Et présentement c'est trop long, je pense, honnêtement, sauf respect, là, pour les gens qui sont très dévoués dans les organismes qui sont chargés de s'occuper des plaintes et institués par l'État.

Mme Harel: Est-ce que vous confieriez ça par établissements à ce moment-là, avec un pouvoir plus grand? Et quelle serait la nature?

M. Brunet (Paul G.): Bien, ça, c'est un bon point. Je sens... Il y a eu certains pas qui ont été faits, pas assez à notre goût, chez le commissaire à la qualité des soins. Mais je vous soumets que cette personne-là n'est pas assez indépendante, est encore trop influencée, dans le bon sens du mot, là, par les impératifs de la direction. Et c'est sûr, écoutez, quand même que cette personne-là déciderait de, excusez l'expression, mais de brasser, elle va se faire asseoir assez rapidement par toutes sortes de forces qui sont déjà dans l'établissement.

Je me demande si cette personne-là ne devrait pas être plus indépendante et externe jusqu'à un certain point, tout en sachant de quoi elle parle. J'ai l'impression qu'on ne s'en sortira pas. Quelqu'un me disait que c'était un des éléments d'un ancien projet de loi, mais on n'était pas allé jusque-là, ou on est allé mais on est revenu. Que la personne ne relève que du C.A, ça ne change pas grand-chose, hein, parce que, au C.A., il y a encore là beaucoup de forces qui s'affrontent et qui se parlent, et, éventuellement, je ne suis pas sûr que l'intérêt de l'usager ressort toujours gagnant.

Mme Harel: Évidemment, il y a dans les engagements du gouvernement actuel celui de mettre en place un commissaire à la santé indépendant. On y lit, dans ce programme: «...lui donner l'indépendance et les outils requis pour assurer une pleine défense des droits des citoyens au sein du réseau de la santé et des services sociaux. Il recevra et examinera les plaintes des usagers en regard de tous les droits qui leurs sont garantis par la Charte. Il fera rapport à la population chaque année par le biais de l'Assemblée nationale.» Alors donc, ça, on attend le dépôt de ce projet de loi qui a été promis pour la présente session.

Mais ? il me reste juste quatre minutes ? moi, je voudrais vous entendre sur... Vous étiez un ami de Léon Lafleur. Donc, le directeur général, c'était quelqu'un qui voulait beaucoup, on le sait, vous et moi. Il voulait beaucoup, et pourtant il est arrivé ce qui est arrivé. C'est donc qu'il y a des risques, un peu comme dans une famille aussi parfois, hein, il y a des risques. Bon. Comment on fait quand... On m'a dit, moi: Les employés qui sont impatients, ou exaspérés, ou brutaux, on les identifie rapidement puis ils sont mis de côté. Mais comment on fait?

Parce qu'on dit que le problème, c'est la familiarité. Et c'est une partie du problème. Mais, en même temps, des gens disaient: Ah! il faut introduire le vouvoiement. Mais, moi qui y vais quand même assez régulièrement, je sais très bien que les gens qui y habitent 10, 15, 20 ans, ils ne peuvent pas se faire appeler «monsieur» ou «madame» tout le temps. C'est peut-être, les employés, les seuls avec qui ils sont en relation quotidiennement. Il faut pouvoir dire: Bonjour, Rachel. Moi-même, je lui dis maintenant parce que je la vois quand j'y vais, etc. Comment vous voyez ça, cette question de familiarité?

M. Brunet (Paul G.): Vous êtes partie du commissaire...

Mme Harel: À la santé, oui.

M. Brunet (Paul G.): ...à la santé, vous êtes rendue à...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Copeman): Je pense qu'il y a deux questions là-dedans, M. Brunet.

M. Brunet (Paul G.): Oui. Sur la première question, Mme Harel, je regardais récemment le budget du Protecteur du citoyen, qui est de plus de 7 millions de dollars. Nous, au CPM, depuis 1983, on fait la job avec 300 000 $ par année. Moi, je prétends qu'il y a une grosse partie du commissariat aux plaintes qu'on réalise déjà au CPM. Et, à moins que vous confiiez cette job-là à quelqu'un de l'externe à l'institution et aux établissements et aux réseaux, je ne suis pas sûr que vous allez aller bien, bien plus loin, sauf respect pour toute la bonne volonté qu'on peut y mettre.

Deuxièmement, il y a plusieurs débats au sein des gens qui s'occupent de psychologie, de relations interpersonnelles sur la question du vouvoiement. Nous, on a toujours privilégié le vouvoiement. Je pense que c'est la meilleure marque de respect. Mais vous pouvez vouvoyer quelqu'un et lui être totalement irrespectueux par ailleurs dans ce que... C'est une question d'y mettre le coeur et la volonté d'être bien. Et parfois des gens avec qui on devient tellement ami, qu'on aime tellement... qu'on finit par tutoyer une vieille madame ou un vieux monsieur qu'on aime, et le «tu» est pratiquement plus respectueux qu'un «vous» impersonnel. Alors... Mais, comme position de l'organisme, nous avons toujours privilégié d'abord le vouvoiement. Et, de toute façon, quand cela devient... se transforme dans une sorte d'amitié affectueuse, personne ne se plaint du tutoiement, de toute façon.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Merci beaucoup de votre contribution, Me Brunet et Me Laliberté. Et j'invite maintenant l'Association des directeurs généraux des services de santé et des services sociaux, leurs représentants, de prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Copeman): Oui. La secrétaire me fait remarquer que nous sommes pratiquement dans le temps. Merci, tout le monde, la discipline de tout le monde. M. Carbonneau, vous êtes le porte-parole principal. Non? Bon. En tout cas, M. Cotton.

M. Cotton (Jacques): Oui.

n (17 h 20) n

Le Président (M. Copeman): Excusez-moi. Vous connaissez nos règles de procédure: une présentation de 15 minutes, suivie par un échange d'une durée maximale de 15 minutes de chaque côté de la table. M. Brunet, Me Brunet, nous parlait de familiarité. Je crois qu'on vous voit demain matin, dans le cadre d'un autre mandat, mais on va se contenter du projet de loi n° 25. Et, sans plus tarder, je vous invite, M. Cotton, de présenter les gens qui vous accompagnent et de commencer votre intervention.

Association des directeurs généraux des services
de santé et des services sociaux du Québec

M. Cotton (Jacques): Merci. À ma gauche, Mme Danielle McCann, qui est directrice générale du CLSC et du Centre d'hébergement et de soins de longue durée Centre Rouville; à l'extrême gauche, M. Denis, Michel Denis, qui est le permanent de notre Association, qui est le directeur général de l'Association; à ma droite, M. Denis Carbonneau, qui est le D.G. du CHA ici, à Québec.

D'entrée de jeu, pour l'ensemble des gens qui sont ici, situer que l'Association des directeurs généraux regroupe l'ensemble des directeurs généraux des services de santé et des services sociaux, toutes missions confondues ? c'est les membres que nous représentons ? et que ces gens-là adhèrent volontairement à leur Association et animent bénévolement les nombreux comités qui donnent vie à leur Association.

Peut-être avant de... Au niveau du contexte, pour vous situer un peu le contexte de notre Association. En 1991 nous comptions environ 700 directeurs généraux dans le réseau de la santé et des services sociaux. À cette époque, il y a eu une première réforme qui a fait diminuer le nombre d'établissements par des regroupements. Il y en a eu une autre en 1996. Et actuellement, au 1er décembre 2003, on dénombre 280 directeurs généraux à la tête d'établissements ou de regroupements administrés par un conseil d'administration.

L'objet de l'actuel projet de loi. Pour l'essentiel, le projet de loi propose la création d'agences de développement de réseaux locaux de services de santé et services sociaux. Ces agences auront une période de temps déterminée pour définir et proposer au ministre et mettre en place même sur leur territoire une organisation de services intégrés. Cette organisation de services intégrés n'est pas nouvelle, et sa pierre angulaire doit être le renforcement de la notion de réseau de services. On en a déjà parlé lors de la commission Rochon, lors de la commission Clair. Donc, l'Association manifeste bien sûr son accord avec la volonté gouvernementale de consolider les services de première ligne et de présenter un projet clinique renouvelé. Toute cette activité gouvernementale n'a de sens que si elle répond à des préoccupations de services et à un projet clinique précis.

Le problème montréalais. Or, sans départager l'approche la plus judicieuse, il faut certes concéder que Montréal, avec l'importance de sa population, l'importance de ses divers groupes culturels, le nombre et les valeurs de ses établissements spécialisés, le nombre fort important de professionnels de haut niveau et, de ce fait, le magasinage auquel se livrent tant les Montréalais, les Lavallois et les Longueuillois, que Montréal, donc, mérite une attention particulière en ce modèle, ne serait-ce que par l'importance et le nombre d'institutions traditionnellement reconnues à la communauté anglophone de Montréal.

C'est aux articles 23 et suivants du projet de loi que l'on retrouve les moyens proposés par le gouvernement pour répondre aux préoccupations cliniques. L'article 23, d'abord. Le gouvernement retient l'approche populationnelle. Cette notion de territoire est majeure dans ce projet de loi. Il est à souhaiter que le ministère, les agences donnent un large accès aux études, en faisant de nouvelles, s'il le faut, sur la taille optimale des organisations de santé, d'où notre première recommandation. L'Association...

Le Président (M. Copeman): Voyez-vous ce que ça donne, M. le président, quand je ne donne pas mon avertissement de fermer les sonneries? Allez-y.

M. Cotton (Jacques): L'Association recommande que le ministère, en collaboration avec les agences, rendent publiques, vulgarisent, adaptent et critiquent les études déjà faites sur la taille optimale des regroupements en matière de santé et de services sociaux et en commandent de nouvelles, le cas échéant, pour aider à la réflexion.

Dans le même sens, il y a eu au Québec quelques exemples où des fusions, des regroupements d'établissements ont dû être revus, corrigés ou carrément annulés parce que le projet avait été mal planifié, mal conçu ou reposait sur des données incertaines. A contrario, au Saguenay, en Estrie, en Abitibi et dans le Bas-Saint-Laurent, on nous présente des exemples de fusions de type même de celles envisagées par le projet de loi qui s'avèrent un succès et offrent des garanties de pérennité.

D'où notre deuxième recommandation. L'Association recommande que le ministère, de concert avec les agences, examine et commente les conditions, les circonstances qui ont mené au succès ou à l'échec de regroupements analogues à ceux préconisés par le projet de loi et en assument une diffusion propre à favoriser les discussions et la prise de décision.

D'autre part, une lecture croisée des articles 24 et 25 indique à ce jour que le gouvernement prévoit une fusion d'établissements plutôt que des ententes de partenariat ou des regroupements organisationnels plus légers.

Quelles pourraient être les avenues privilégiées par les régions? Comme on l'a noté dans plusieurs régions, il y a des regroupements CH, CLSC et CHSLD qui fonctionnent de manière efficace et harmonieuse. On dira bien sûr que la population desservie par chacune de ces entités est relativement modeste et homogène et que la taille de l'établissement ainsi regroupé est à dimension humaine, mais cela fonctionne.

En outre, plusieurs directeurs généraux nous ont indiqué que dans leurs régions le consensus était à peu près établi et que le modèle jusqu'à ce jour proposé par le projet de loi serait celui retenu régionalement, généralement sur la base des MRC. Cela étant, on peut imaginer que d'autres modèles organisationnels pourraient mériter une analyse sérieuse. Nous pensons ici à des approches de mises en réseaux de services sans nécessaire fusion, qui, dans les grandes agglomérations surtout, pourraient davantage refléter le magasinage des bénéficiaires que l'approche populationnelle, qui n'est pourtant pas sans mérite, ou, de manière plus prosaïque, à une simple approche par programmes, par pathologies ou par services à rendre.

Aussi, l'Association estime-t-elle qu'à cette étape où le gouvernement entend donner quelques mois aux agences, aux établissements pour s'entendre sur une structure, un modèle organisationnel qui tienne compte de la réalité régionale, sans évidemment rejeter les fusions, la loi pourrait donner plus de latitude, faire plus de place à un brassage d'idées sans nécessaire a priori. D'où notre recommandation d'inviter le gouvernement à faire confiance aux gestionnaires, aux cliniciens certainement capables de soumettre des projets, des modes organisationnels qui rencontreront les objectifs du projet de loi.

L'Association propose, les objectifs de prise en charge d'une population donnée étant clairs, que la loi laisse toute latitude aux établissements, aux directeurs généraux et aux agences de proposer des modèles organisationnels qui correspondent aux besoins régionaux. Plus particulièrement, l'Association propose que l'article 24 du projet de loi soit modifié de façon à permettre cette latitude-là. Donc, qu'on ait les deux options: la possibilité de travailler avec des modèles de réseaux de services et la possibilité aussi, parce que certains sont rendus à cette étape-là, d'accéder à des fusions d'établissements et de regroupements.

L'Association croit que le gouvernement aurait avantage à s'appuyer sur des leviers forts, tels que la mise en place d'incitatifs administratifs, cliniques et professionnels à atteindre les objectifs du projet de loi, la constitution de contrats de gestion qui lient des partenaires complémentaires dans un engagement de coresponsabilité dans l'atteinte des résultats pour une population donnée et renforçant la notion d'imputabilité.

Les réseaux se créent par des liens forts de coordination et non pas par des liens structurels imposés par la loi. De toute façon, indépendamment de la manière dont le réseau sera constitué, il devrait y avoir des liens de coordination forts créés avec d'autres réseaux indépendants et d'autres éléments tels que les RUIS, les centres jeunesse et les instituts.

Nous proposons également certaines modifications à des articles de loi, mais qui... Je vais passer par-dessus ce volet-là, là, pour nous. Vous pourrez en prendre connaissance.

Les conditions préalables, élément important au succès de ce projet de loi là. Il faut vraiment, pour en faire un succès, d'un regroupement, qu'il s'agisse d'un simple rapprochement organisationnel ou d'une fusion, qu'il tombe sous le sens que certaines conditions préalables doivent être remplies, certaines situations, corrigées. Premièrement, il faut en faire un projet mobilisateur. Notre réseau a connu plusieurs réformes et a été secoué par toutes sortes d'événements pas toujours bien planifiés. Ainsi, nous apparaît-il comme essentiel, pour assurer le succès de ce qui vient, de centrer tous les efforts sur le client, de favoriser, dans chaque région, l'émergence d'un projet clinique, social, mobilisateur pour tous, professionnels comme gestionnaires.

Le juste financement également. Je pense que le problème du financement, par ce modèle d'organisation de services là, ne sera pas corrigé, donc il faut vraiment apporter une attention sur l'aspect du financement une fois que ces modèles-là... même, je dirais, en préalable à l'application de ces modèles d'organisation de services là.

Une meilleure collaboration entre les médecins, un aspect ici important. Il est vraisemblable qu'en certains domaines il faudrait revoir le mode de rémunération et surtout trouver une manière pour que les médecins travaillant en cabinet privé, d'une part, et ceux travaillant en milieu hospitalier et en CLSC, d'autre part, coordonnent davantage leurs efforts. Pour y arriver, il est essentiel que les médecins pratiquant en cabinet privé fassent partie du réseau local quel qu'il soit.

n (17 h 30) n

Tout l'aspect du support diagnostique dont les médecins se plaignent beaucoup... d'avoir accès à des plateaux diagnostiques plus rapidement. La réglementation excessive ? on y reviendra demain ? sur les multiplicités des conventions. Et, un élément à ne pas négliger, un système moderne et efficace d'information clinique si on veut éviter la duplication, actuellement, que vivent certaines clientèles puis certains professionnels qui doivent, par manque d'information, répéter des tests et même des analyses.

En conclusion, l'Association, tout en déplorant un peu ce nouvel effort organisationnel imposé à un réseau qui en a connu plusieurs, salue les dispositions du projet de loi relatives aux réseaux intégrés. Elle apprécie l'énergie, la détermination qui s'en dégagent. Elle n'est nullement opposée aux fusions d'établissements, particulièrement lorsqu'elles sont le résultat d'un large consensus. Aussi souhaite-t-elle que le gouvernement fasse confiance aux régions, aux directeurs généraux et laisse une grande latitude aux agences dans la détermination de ce qui est opportun dans une telle situation.

Enfin, l'Association souhaite qu'un peu de temps soit donné aux gestionnaires. Rien de valable, de durable ne se fera à la course. Mieux vaut prendre un peu plus de temps et que tous arrivent en même temps à l'objectif souhaité. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. le président. Alors, pour débuter l'échange, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Oui, M. le Président. Je ne prendrai pas toute la période, mon collègue député de Vimont veut également intervenir auprès de nos visiteurs d'aujourd'hui.

Alors, messieurs, merci de votre visite aujourd'hui. Je ne peux bien sûr pas, en vous voyant, ne pas mentionner la mémoire de M. Lafleur. J'essaie de trouver la façon délicate de le faire, ce n'est pas évident. Saluons sa mémoire ensemble. Je pense qu'on a tous appris beaucoup de choses. Je peux vous dire personnellement ? et ce n'est rien par rapport à ce qu'a vécu la famille, là ? qu'il y a des moments des derniers jours qui resteront indélébiles, je pense, jusqu'à la fin de mes jours.

Je vous remercie encore une fois de votre participation, là, dans cette démarche que nous faisons actuellement. J'en profite pour apporter... rappeler l'importance que vous avez, comme directeurs généraux, dans notre réseau et le fait qu'on compte énormément, bien sûr, sur votre expérience et votre expertise pour mener à bien cette évolution dans le sens d'une intégration de services. Et je vais revenir sur quelques éléments de votre mémoire.

Je voudrais brièvement toucher quelque chose que j'ai mentionné dans une allocution que malheureusement j'ai dû pré-enregistrer, étant donné que j'étais ici, à l'Assemblée. Et vous n'avez pas touché vos conditions de travail personnelles, dans le mémoire, mais je sais que, parmi vos membres, il persiste peut-être de la préoccupation à ce sujet-là. Alors, ce que je vais réitérer, c'est que les conditions qui régissent votre exercice de directeur général, telles que définies par le décret que vous connaissez, seront intégralement maintenues. Et ça, je pense que je l'ai déjà dit une fois et je le répète aujourd'hui encore une fois.

C'est la même chose que ce qu'on disait tantôt aux cadres supérieurs. On manque probablement de gestionnaires, en fait, dans le réseau de la santé, et il est possible que cette pénurie va s'accentuer avec les années, malgré le fait qu'on diminue le nombre d'établissements. Compte tenu du profil démographique déjà en place et de l'évolution possible, on risque d'avoir plus de problèmes à trouver des directeurs généraux que d'en écarter, si je peux m'exprimer ainsi.

La première question que je voudrais vous poser, c'est la question classique de la commission, maintenant. Tous les intervenants se la sont vu demander, à une ou deux exceptions près. Nous avons adopté le principe de la responsabilité populationnelle, c'est-à-dire de confier à une organisation sur un territoire la responsabilité de donner des services de santé et services sociaux à sa population, tel que recommandé déjà par la commission Rochon et surtout par la commission Clair, dont un des membres a témoigné ce matin, M. Léonard Aucoin. Pour nous, il est clair que cette responsabilité populationnelle, qui s'accompagne d'une décentralisation véritable et de l'attribution des leviers financiers, en particulier au niveau du territoire local, nécessite une gouverne unique.

Mais la façon de concrétiser cette gouverne unique ? je suis encore à la recherche de la meilleure formule ? on a finalement entendu deux ou trois options au cours des dernières heures: le conseil d'administration unifié avec des entités légales distinctes qui persistent; ou la fusion d'établissements, qui crée un seul établissement au sens légal; et, évidemment, il y a la solution mitoyenne qui permet de passer de l'un à l'autre selon la rapidité d'évolution des différents milieux.

Alors, quelle est votre position là-dessus, si on veut vraiment être certains d'arriver aux objectifs qu'on poursuit? Parce qu'il est bien sûr qu'on souhaiterait tous ne pas bousculer les gens, mais il faut être prudents également qu'en faisant ça on ne perde pas de vue l'objectif fondamental de ce qu'on poursuit, qui est la véritable intégration. Donc, quelles seraient vos suggestions sur la façon de rendre ça apparent dans le projet de loi actuel?

M. Cotton (Jacques): Juste repréciser peut-être, là, des éléments qu'on a passés rapidement tantôt. Ce que les directeurs généraux disent, c'est: Il faut revenir au projet clinique. Je pense qu'il faut se reconcentrer sur le projet clinique, l'organisation de services. Et, pour les grands centres urbains et semi-urbains, l'approche populationnelle est difficile parce que les gens se déplacent et on peut moins bien définir le territoire que pour les régions. Puis, d'ailleurs, c'est ce qu'on voit à date dans les modèles où il y a eu des regroupements et des fusions d'établissements, c'est beaucoup dans les régions, plus que dans les grands centres.

Donc, au niveau des centres urbains et semi-urbains, ce que les directeurs généraux nous disent: On va développer un modèle clinique, parce que, essentiellement, c'est un modèle clinique, à partir d'une mise en réseau de services sur laquelle il y aurait des ententes de gestion, de collaboration entre les établissements. Ça ne veut pas dire qu'il n'y aurait pas certains regroupements ou fusions d'établissements par missions, mais pas nécessairement sur l'ensemble de ce qui est défini dans le projet de loi: un CH, CLSC, CHSLD. Ça ne veut pas dire qu'on empêcherait certains rapprochements de certaines missions sur des territoires urbains, mais les gens voudraient commencer par définir un projet clinique, au départ, et, à partir de ce projet clinique là, avoir des ententes bien encadrées.

Parce que vous l'avez dit tantôt lors d'une autre présentation, c'est que vous faites le constat que, dans certains cas, les gens n'ont pas livré la marchandise en termes d'intégration des services. Là, je pense que ça va prendre des ententes de gestion formelles entre les établissements, surtout dans les endroits où on ne peut pas retenir l'approche populationnelle, et de s'entendre sur des objectifs cliniques. Je pense qu'il faut revenir au projet clinique, définir des ententes de gestion entre les établissements. Et peut-être que la finalité de ça sera certains rapprochements de certaines missions, mais, avec d'autres, ce sera par ententes de services et par contrats de gestion.

M. Couillard: En fait, vous êtes le premier groupe qui nous donne une piste de solution concrète pour le problème particulier des zones urbaines. Parce que, jusqu'à maintenant, le constat était que ce n'était pas pareil qu'en région. Mais ça, je pense que tout le monde est capable de deviner ça, là. Mais la façon de transformer ce constat en une façon d'organiser tout en maintenant le projet de loi, c'est ça qui nous préoccupe. Et je vois que vous voulez ajouter quelque chose, là.

M. Cotton (Jacques): Je pense qu'il faut faire confiance aux cliniciens qui vont devoir se pencher sur ça, et aux gestionnaires, de nous faire des propositions. Et les gens sont prêts à se faire encadrer à l'intérieur d'ententes de gestion précises, parce qu'ils sont confiants que leur modèle d'organisation de services va probablement atteindre beaucoup plus les objectifs que de forcer un regroupement où les gens sentent que la population ne correspond pas à ces regroupements-là de territoires dans les grands centres.

M. Couillard: Oui, monsieur... Excusez! c'est Mme la présidente qui...

La Présidente (Mme Charlebois): M. Denis, c'est ça?

M. Carbonneau (Denis): Oui, Denis Carbonneau.

La Présidente (Mme Charlebois): M. Carbonneau. Excusez-moi.

M. Carbonneau (Denis): Denis Carbonneau. Excusez, je ne connais pas assez le processus encore, on va s'y habituer. Peut-être, quand on parle de continuité de services, c'est... ce que M. Cotton amène, on a un exemple très clair dans le réseau de la santé, qui, au Québec, est vraiment un modèle. Quand on regarde la continuité des services pour les TCC, traumatisés crâniens ou cérébraux, regardez comment ça fonctionne. Le client est pris en charge, le patient est pris en charge à partir du moment où il rentre à l'hôpital. Il y a des ententes. On sait déjà qu'à partir de telle date, normalement, il va sortir, il y a des ententes avec le centre de réadaptation. Après le centre de réadaptation, il y a des ententes avec les centres de réadaptations régionaux, il y a des ententes entre chacune des régies régionales.

Voyez-vous, je prends un dossier majeur qui démontre qu'avec une volonté et des ententes écrites, formelles, avec des obligations de résultat on peut arriver à ça. Bien sûr, il y a une problématique particulière. Dans la réalité de tous les jours, pour des problématiques moins complexes, si on veut, là, il y a des ententes qui peuvent être faites aussi de cette façon-là, on en est persuadés, sur une base continuité de services.

M. Couillard: Surtout dans les régions urbaines. Et là la question que j'amènerais... Puis je vais vérifier le temps pour être certain de laisser assez de temps pour mon collègue de Vimont, là. Là se pose à ce moment-là... C'est que, pour les zones urbaines, comme Montréal surtout ? essentiellement, c'est de ça qu'on parle, l'île de Montréal ? on délaisse le modèle de gouverne unique pour se fier surtout sur un modèle de contrat de gestion. C'est ce que vous recommandez? Mais là, si on perd la gouverne unique, qu'est-ce qu'on fait avec la décentralisation? Vous comprenez? C'est là, on est toujours entre les deux, là.

La Présidente (Mme Charlebois): Madame...

Mme McCann (Danielle): Oui. J'ajouterais, M. le ministre, l'urbaine et semi-urbaine, comme le disait M. Cotton, parce que, effectivement, même autour... Dans la ceinture de Montréal, et probablement dans certaines régions bien spécifiques, certains endroits bien spécifiques du Québec, le même problème se pose. Et la fusion au niveau d'un certain territoire peut même aller à l'encontre de vos objectifs, je dirais. Parce que, par exemple, un hôpital régional peut traverser des territoires de MRC complètement, et un CLSC peut être en lien, je vous dirais, avec une douzaine de centres hospitaliers. Donc, au niveau des objectifs que vous recherchez, ça peut devenir même artificiel, de faire une fusion à l'intérieur d'un territoire spécifique, donné et précis.

Donc, le modèle des ententes de gestion pourrait convenir beaucoup mieux, et, dans le sens qu'a dit aussi M. Carbonneau, dans le sens aussi des réseaux intégrés, personnes âgées et en perte d'autonomie, nous avons des exemples extrêmement probants qui fonctionnent très bien dans ces réseaux intégrés.

M. Couillard: Tout en laissant, bien sûr, je suppose, la liberté des gens qui voudraient évoluer plus rapidement de le faire, là.

Mme McCann (Danielle): Ah! tout à fait, tout à fait.

n (17 h 40) n

M. Couillard: Parce qu'il ne faut pas non plus créer de circonstances où on empêcherait des gens qui voudraient faire déjà le geste de regroupement... Et on en connaît, en passant, et vous les connaissez aussi, qui pourraient même surprendre d'autres membres de l'Assemblée. Il ne faudrait pas briser leur élan. Parce que eux nous disent, nous écrivent, nous téléphonent: Quand est-ce qu'on a le droit de commencer à s'intégrer tout de suite, de se mettre ensemble?

M. Cotton (Jacques): Et on a pris soin de le noter, qu'il y a de nos membres qui sont prêts à correspondre carrément au projet de fusion. Il y en a.

La Présidente (Mme Charlebois): Je pense que M. Denis voulait intervenir?

M. Denis (Michel R.): Très rapidement, madame. J'ajouterais aussi que le ministre a raison de ne pas être naïf. C'est vrai qu'en se fiant toujours à la bonne volonté, parfois, on est déçus, puis huit ans après on attend toujours la bonne volonté. Mais ceux qui font cette proposition-là, de faire confiance à la région, insistent aussi beaucoup sur le pouvoir de la régie régionale ou de l'agence, un pouvoir d'animation, de vérification de ce qui se fait, pour favoriser justement que ces ententes de gestion là ne soient pas uniquement des voeux pieux. Alors, je pense que, partout où il va y avoir des agences, des établissements plus nombreux, plus autonomes, il faudra renforcer à ce moment-là le rôle de l'agence dans son caractère d'animation de la région.

M. Couillard: Je vais poser ma dernière question puis ensuite céder la parole à mon collègue de Vimont. Puis c'est une question courte. Vous avez parlé qu'il fallait laisser le temps nécessaire aux gestionnaires pour livrer les modèles. Il ne faut pas non plus que ce soit trop long, parce que là le processus, comme vous savez, peut rapidement s'enliser dans les guerres de clochers. Intuitivement, à quoi vous pensez, comme période?

La Présidente (Mme Charlebois): M. Cotton.

M. Cotton (Jacques): Je dirais entre neuf et 12 mois.

M. Couillard: O.K.

M. Cotton (Jacques): Pour préparer les projets cliniques.

M. Couillard: J'ai terminé.

La Présidente (Mme Charlebois): M. le député de Vimont.

M. Auclair: Merci, Mme la Présidente. Moi, c'est plus le volet... On parle beaucoup... Bon. On a parlé beaucoup de structures, de jeu des structures. Mais, vous, vous êtes appelés justement à porter les dossiers, à faire en sorte, dans le fond, que... Bon. Comme directeurs, vous avez aussi le rôle de vous adresser aux employés, vous vivez le quotidien avec les employés qui vont vivre un certain stress, peut-être, sur le terrain. Est-ce qu'il y a des outils, est-ce qu'il y a des moyens qu'on peut vous donner justement pour vous faciliter cette tâche-là?

Parce que c'est bien beau, n'importe quelle idée, bon, tout le processus que nous sommes en train de faire. Mais, en bout de ligne, lorsque la loi, si elle était adoptée... C'est vous qui allez avoir aussi, sur le terrain, besoin d'un certain support. Qu'est-ce qui se serait... De notre côté, qu'est-ce qu'on peut vous donner, comme parlementaires, comme gouvernement, pour vous permettre justement d'atteindre les objectifs?

La Présidente (Mme Charlebois): M. le président.

M. Cotton (Jacques): Moi, je pense que, si, au niveau des directeurs généraux, ils se sentent supportés par le gouvernement et puis par le politique, dans leur démarche de transformation, ça, c'est le prérequis.

Deuxièmement, nos employés, nos cliniciens, nos médecins vont adhérer à un projet ? on en a parlé dans notre mémoire ? qui va être mobilisateur, centré sur le client. Et, si on les écoute et on leur demande de nous faire des propositions pour atteindre les objectifs du projet de loi, si ça émane de la base, s'il y a de l'émergence de l'organisation de ces réseaux clientèles là... Parce que, essentiellement, il faut en venir à... que c'est un projet clinique. Donc, il faut faire travailler notre monde à améliorer le projet clinique, les objectifs du projet de loi. Et, si on les fait contribuer à ce que sera le modèle qu'on mettra en place dans chacune des régions, que les gens vont avoir leur mot à dire sur ça, c'est ça que les gens demandent.

À plus petite échelle, c'est le même exercice qu'on fait dans chacun de nos établissements quand on veut faire un changement majeur: on fait adhérer les gens, puis on les fait participer, puis on les écoute parce que c'est eux qui donnent les services. Donc, c'est un projet clinique. Allons-y avec les gens qui donnent les services, demandons-leur comment ils le voient.

La Présidente (Mme Charlebois): Est-ce que vous avez une autre question?

M. Auclair: Bien, je pense que M. Carbonneau voulait...

La Présidente (Mme Charlebois): Ah! excusez-moi. M. Carbonneau.

M. Carbonneau (Denis): Pas de problème. J'aimerais compléter. Vous demandez, sur le terrain, qu'est-ce qu'on a besoin. Aussi, lorsqu'on parle de continuité de services, bien sûr, il y a un point qui est majeur, c'est la continuité de l'information. Et, à ce niveau-là, tout un réseau d'information est à construire, parce qu'on n'est pas encore, je dirais, en dernier, dernier recours là-dedans, on a beaucoup, beaucoup d'ouvrage à faire dans ce contexte-là.

Pour réussir, aussi, il y a un autre point qui est important. Quand on regarde dans cette continuité de services là, il y a des services pré et posthospitalisation, par rapport à ça. Et, en ce qui a trait à la première ligne, il y a encore selon nous des investissements à faire dans ce contexte-là. Il faut absolument y arriver, sinon on engorge encore le système. On a des exemples très clairs au niveau de ce que, nous, on appelle, dans notre jargon, les hébergements hors secteur, donc les clientèles qui sont en attente d'hébergement et avec lesquelles on n'est pas capables... enfin, on ne réussit pas à les sortir rapidement de nos hôpitaux. Donc, il faut absolument qu'on crée des liens rapides. Et, à ce moment-là, que ceux qui sont responsables du placement entrent dans les hôpitaux, s'il le faut, il n'y a aucun problème là-dessus.

Et, en étant interreliés, à ce moment-là, on peut faire facilement rentrer les gens dans nos hôpitaux puis dire: Bien, écoutez, voici, on a à travailler avec M. Untel, Mme Unetelle pour lui trouver un logement, vous êtes de la première ligne, allez-y et on avance avec ça. Donc, il y a ce besoin, aussi, qui est important: l'investissement en pré- et post-hospitalisation.

La Présidente (Mme Charlebois): Une dernière question rapidement, s'il vous plaît.

M. Couillard: O.K. Une question qui, je pense, va pouvoir avoir une réponse courte pour que je ne dépasse pas notre temps de parole. Certains disent: Les dispositions dans la loi existent déjà pour les regroupements; donnons le message politique qu'on désire de l'intégration puis laissons les gens agir naturellement selon les dispositions actuelles de la loi. Dans votre expérience, est-ce que c'est suffisant pour obtenir le changement souhaité?

La Présidente (Mme Charlebois): M. Cotton.

M. Cotton (Jacques): Je vous dirais que, dans ce qu'on vous propose dans notre mémoire, c'est vraiment de l'aborder sous l'angle des ententes de gestion, pour que ce soit plus formel. Parce que, vous savez, c'est beaucoup les individus qui font que ça va fonctionner. On aura beau mettre les modèles, les structures qu'on veut, à un moment donné il y a des individus dans une région donnée qui vont faire que les projets vont avancer puis que, dans d'autres, c'est plus difficile. Donc, je pense qu'il faut peut-être le formaliser pour ceux qui nous disent: La fusion n'est pas une solution, mais on serait prêts à être encadrés à l'intérieur d'ententes de gestion pour assurer cette continuité-là que le projet de loi veut atteindre.

La Présidente (Mme Charlebois): Maintenant, je vais entendre Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Alors, je voudrais, au nom de l'opposition officielle, vous souhaiter la bienvenue, M. Cotton, de même que les personnes qui vous accompagnent, Mme McCann, M. Carbonneau et M. Denis.

Alors, d'entrée de jeu, dans votre mémoire, vous situez le contexte dans lequel les choses vont évoluer très vite. Et, moi, je citais des chiffres cet après-midi qui nous indiquent qu'au cours des 13 dernières années, donc de 1990 à maintenant, le nombre d'établissements a diminué de 920 à 468. Et vous avez connu également, à l'Association des directeurs généraux des services de santé et des services sociaux, une diminution encore plus importante. Alors, je retiens que, donc, c'est un réseau qui a beaucoup évolué au cours de la dernière décennie et à qui on demande encore d'évoluer dans le sens d'objectifs que tout le monde partage.

Le problème, c'est qu'on ne sait pas où le gouvernement s'en va. Et je répète encore que, si on avait, comme c'est habituellement la tradition, les intentions ramassées, maintenant et pour les phases successives qu'on nous annonce déjà sans nous les définir, si on avait au moins un livre blanc ? livre blanc, c'est parce qu'on est décidé de s'en aller dans la direction ? ou un livre vert, quand même, où au moins on pourrait discuter de l'ensemble de ces scénarios d'intégration de soins, on comprendrait, à ce moment-là, si l'objectif c'est l'intégration de soins, ou l'intégration d'établissements, ou encore, comme en a parlé le ministre aujourd'hui, l'intégration de conseils d'administration.

Mais ce que vous dites, vous, à la page 6 de votre mémoire, c'est qu'«une lecture croisée des articles 24 et 25 tout autant que les commentaires du ministre quant à la naissance d'un "quatrième palier de décision" indiquent qu'à ce jour le gouvernement prévoit une fusion d'établissements plutôt que des ententes de partenariats ou des regroupements organisationnels plus légers». Et: «Ce sont des réseaux qui, dans la grande majorité des cas, remplaceront les établissements actuels.» Bon. On est devant ce scénario. Vous dites: Il est préférable d'en adopter un autre.

Et je comprends que... D'autant plus que ce scénario, on le sait, ne s'appliquera pas pour une grande partie de la population. On a parlé de l'île de Montréal, on parle de Québec aussi, la Capitale-nationale, mais vous nous rappelez la ceinture. Et, Mme McCann, vous avez exactement dit ce que le président du conseil d'administration du CLSC-CHSLD Drapeau-Deschambault, à Sainte-Thérèse ? où mon père maintenant est hébergé ? m'a dit, la même chose: On reçoit des références de 14 hôpitaux, avec qui pensez-vous qu'on peut se regrouper? Et ça, c'est à Sainte-Thérèse, banlieue des Basses-Laurentides.

Alors donc, si on pense: La région métropolitaine, c'est 3 millions de personnes, pour ces 3 millions de personnes, c'est artificiel, c'est un projet de loi qui est artificiel, parce qu'il passe à côté d'un objectif légitime et louable, celui d'intégrer des soins mais par un moyen qui est artificiel. Bon.

n (17 h 50) n

Alors, si on revient, on revient à ce moment-là à d'autres façons de faire, mais on laisse aller, cependant, là où c'est possible, bien évidemment, en souhaitant que ça continue... Il y en a déjà 40, il y a un peu plus de 40 centres de santé regroupés. Et on peut espérer qu'il y en ait au moins une dizaine d'autres ? me disait récemment Jean Rochon ? qu'il serait souhaitable d'organiser. Mais comment faire pour l'atteindre, cette intégration de soins, cette continuité de soins qu'on espère tous? Je pense que c'est là la question.

Parce que, sinon, je regardais juste les chiffres de CHSLD sur l'île de Montréal, il y a des quartiers entiers qui n'en ont pas: Parc-Extension: aucun; Rivière-des-Prairies: aucun; Villeray: aucun. Par exemple, je regardais le secteur de Pointe-aux-Trembles, Montréal-Est: seulement 111, lui, alors qu'il y a des quartiers qui en ont 500, comme par exemple Ahuntsic. Alors, on voit bien tout de suite que c'est tout à fait artificiel que d'imaginer ces regroupements, ce que... Il y a des quartiers entiers ? puis des quartiers, là, ça peut vouloir dire, comme Parc-Extension, 100 000 personnes ? qui n'ont pas d'institution de soins de longue durée. C'est pour ça qu'à Montréal ça a toujours été une planification régionale de l'île de Montréal, celle, si vous voulez, du placement. Alors, comment ça se passerait autrement? Ça, je pense, c'est la question qui reste presque incontournable.

Du côté des directeurs généraux, vous dites: Donnez-nous du temps. Et ce sur quoi j'aimerais vous entendre, c'est: Faut-il une date butoir? Par exemple, introduiriez-vous une date butoir pour que de telles ententes de gestion puissent se réaliser? Introduiriez-vous des incitatifs financiers pour que de telles ententes de gestion puissent se réaliser? Comment procéderiez-vous?

La Présidente (Mme Charlebois): M. Cotton.

M. Cotton (Jacques): Je pense que, dans notre mémoire, quand on reflète la volonté des gens de proposer des modèles d'organisation clinique par des ententes de gestion, comme vous l'avez bien décrit, pour surtout les grands centres urbains ou semi-urbains, on en a parlé tantôt, on parle de entre neuf et 12 mois. Il faut mettre une date, à un moment donné, parce qu'on ne veut pas présumer la mauvaise volonté des gens, mais, dans certains cas, ça pourrait faciliter les discussions. Parce qu'il ne faut pas se le cacher, on est sur un projet d'organisation clinique, on veut améliorer les services à la clientèle. Donc, si on veut vraiment aller de l'avant par un modèle ou par un autre, comme, nous, on le propose, qu'il y ait les deux possibilités, il faut vraiment qu'il y ait une date butoir à un moment donné. Si, dans une région donnée, rien ne se passe, mais que quelqu'un décide, là. Je pense qu'il faut vraiment introduire cette notion-là, sinon on va peut-être revenir au constat qu'on fait que, dans certaines régions, dans certains secteurs, les gens n'ont pas appris à travailler ensemble.

Mme Harel: Mais, à choisir, par exemple, de hausser les investissements publics en hébergement et en maintien à domicile, comme vous le recommandez à la page 12, n'est-ce pas... Et vous faites la démonstraion, à partir des chiffres de l'Institut canadien d'information sur la santé, là, dans votre mémoire, qu'on met beaucoup plus d'argent dans les hôpitaux au Québec, par exemple, qu'en Ontario, mais beaucoup moins d'argent dans le maintient à domicile qu'ailleurs.

Et j'avais des chiffres qui, en fait, complètent les vôtres, toujours de l'Institut canadien d'information sur la santé, à l'effet qu'au Québec la proportion des dépenses consacrées aux hôpitaux en 2003-2004 est la plus élevée, soit 50 %, par rapport à 39 % pour l'Ontario, 41 % pour l'Alberta, 37 % pour la Colombie-Britannique. Et il est difficile de ne pas conclure qu'il y aurait lieu de favoriser, au moins graduellement, un transfert de ressources du secteur hospitalier vers les ressources de première ligne. Ça, il me semble que c'est un constat généralisé. Est-ce que vous le partagez?

M. Cotton (Jacques): On le partage, puis il peut varier d'une région à l'autre, selon le nombre d'établissements ou l'organisation des services. On le partage de façon générale, c'est pour ça qu'on l'a mentionné, et on n'a pas de difficulté à dire qu'il y a des investissements qui doivent se faire, M. Carbonneau en a parlé tantôt, en première ligne, pour soulager justement le milieu hospitalier.

Et, par un projet clinique d'organisation de services clientèle, nous, on pense qu'on serait peut-être encore appelés à mieux préciser où devraient aller les investissements, pour s'assurer justement, par ces ententes de gestion là dans certains cas et par fusion dans d'autres, que les investissements qui vont être faits en première et deuxième vont vraiment porter un effet, vont avoir un effet bénéfique sur le centre hospitalier. Parce que ce n'est pas de dégager juste pour le principe de dégager l'argent dans les centres hospitaliers, mais il faut vraiment s'assurer que l'offre de services est mieux équilibrée puis qu'en bout de ligne c'est la clientèle qui en bénéficie.

Mme Harel: Le premier ministre nous a dit ce matin que le cadre financier qui a été rendu public en campagne électorale va commencer à partir de l'année fiscale 2004-2005. Je le cite: «Nous allons mettre en oeuvre le programme et notre cadre financier.» Le cadre financier prévoit, pour 2004-2005... Vous retrouvez ça, d'ailleurs, dans un tableau intitulé Total des réinvestissements en santé du prochain gouvernement libéral. Le cadre financier prévoit, à partir de 2004-2005, 2,2 milliards de dollars de plus. Alors, si on soustrait les coûts de système et les ententes, là, avec les professionnels, qui sont à peu près de l'ordre de 1,2 milliard, c'est 1 milliard de plus qu'on pourra disposer, en 2004-2005, tel que s'est engagé le programme libéral.

Alors, quand le ministre dit «commencé avant», il contredit son premier ministre. Le premier ministre dit: Ça va commencer en 2004-2005. Il l'a dit encore ce matin. Et lui prétend qu'il a déjà commencé avant. Alors, il va falloir qu'ils réconcilient leurs chiffres.

Mais vous dites ? je veux juste conclure ? que c'est en mettant plus d'argent ? comme vous êtes des praticiens, là, dans le secteur ? dans la première ligne et en s'assurant que cet argent va en maintien à domicile et en hébergement que l'on peut même avoir un effet sur le système hospitalier. C'est bien ça?

M. Cotton (Jacques): Mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas certains investissements pour certaines problématiques bien identifiées dans des listes d'attente en milieu hospitalier. Ça, je pense qu'il ne faut pas... il faut juste être capable de départager par rapport aux priorités de clientèles, là.

La Présidente (Mme Charlebois): M. Carbonneau, vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Carbonneau (Denis): Oui, c'est un peu en complément. C'est exactement ce que M. Cotton vient de mentionner. Oui, absolument, il faut investir par rapport aux services de première ligne, je pense que c'est majeur, en hébergement, en CLSC, par rapport aux services à domicile, et tout ça. Mais il ne faut pas oublier non plus la pression qui est exercée sur le réseau des hôpitaux, due à la population vieillissante, l'effet des nouvelles technologies, et tout ça, comme vous le savez. Ça, je pense que c'est vraiment important de le regarder, aussi.

La Présidente (Mme Charlebois): M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Ce matin, nous avons reçu à votre table le professeur Contandriopoulos, et il rappelait que la position du ministre, la position que j'avais qualifiée d'originelle du ministre, avant qu'il ne conçoive son projet de loi n° 25, concevait une réforme éventuelle ou le fonctionnement éventuel du système de santé autour d'un certain nombre de concepts, comme la souplesse, la cohésion, la confiance, et aboutissait finalement à la conclusion que tout le monde sait, là, qu'il fallait investir davantage en première ligne et réorganiser la première ligne. Et le professeur Contandriopoulos nous disait que la lecture du projet n° 25 l'avait surpris du fait que ce projet était tout sauf un rappel de ces valeurs fondamentales du ministre, et il disait: Dans le fond, le système est réorganisé autour de la logique hospitalière, et la proposition qui nous est faite est autoritaire.

J'ai cru comprendre, dans les remarques du ministre en cours de journée, que, sur cette question d'une approche autoritaire, le ministre commençait à songer à un recul ou à un changement à ce niveau-là ? et ce serait une bonne nouvelle. Cependant, j'aimerais vous entendre sur la question de ce danger de réorganiser le système autour de la logique hospitalière. Il y a d'autres personnes qui ont comparu ici et qui ont témoigné ici qui nous ont exprimé leur inquiétude à l'effet que, une fois regroupés autour d'un... ou fusionnés, ou intégrés dans le même conseil d'administration, la culture hospitalière remporterait le morceau, que, finalement, la première ligne pourrait être menacée dans sa capacité d'influencer le système et de livrer correctement les services là où c'est requis. Est-ce que vous avez une idée de comment on peut éviter cela?

n (18 heures) n

M. Cotton (Jacques): Écoutez, il y a des expériences actuellement au Québec, on en a parlé, même si elles sont actuellement sur des territoires déterminés plus approche populationnelle, où ces trois missions-là sont regroupées et les conseils d'administration, les directeurs généraux respectent les enveloppes de chacune des missions. Et, au contraire, je pense qu'ils sont dans des situations, que ce soit par ces fusions-là ou par des contrats de gestion, des ententes de gestion qu'on a parlé pour les grands centres urbains, ils sont probablement encore mieux placés pour cibler où devraient être les investissements.

Et je ne vois pas comment un conseil d'administration, un directeur général à qui on confie le mandat de gérer une, deux ou trois missions irait en privilégier une au détriment des autres sur un ensemble de services à donner. Je pense qu'il faut vraiment responsabiliser ces gens-là. Si c'est par des fusions, l'expérience, actuellement, d'une quarantaine d'établissements est très positive au Québec. Si c'est par des ententes de gestion, les ententes de gestion, les budgets vont continuer à être séparés, là, par missions d'établissement. Je ne pense pas que...

Quand les hôpitaux disent: On a besoin d'investissement en première ligne pour nous aider, ce n'est certainement pas une approche qui est inquiétante et un message qui est inquiétant, quand ça vient du milieu hospitalier, de dire ça. C'est qu'il y a un constat, dans l'organisation des services, actuellement, qu'il faut travailler ensemble puis qu'il y a des expériences, plusieurs expériences où, quand les établissements apprennent à travailler ensemble, il y a gain pour la clientèle. Mais c'est sûr qu'il faut qu'il y ait des balises, il faut qu'il y ait des contrats de gestion, il faut qu'il y ait des ententes pour protéger un minimum de choses. Oui, ça je suppose...

La Présidente (Mme Charlebois): Mme McCann, brièvement, et M. Denis, très brièvement, parce qu'on est déjà en dépassement de temps.

Mme McCann (Danielle): Oui. Alors, dans le modèle nuancé, là, que nous proposons ? en fait, différents modèles, dépendant de la situation ? le point, comme dit M. Cotton, la coordination et l'imputabilité avec les ententes de gestion, est fondamental. Et, dans ce sens-là, ou bien dans un modèle de fusion, que la première ligne continue de jouer et augmente son rôle en termes, par exemple... On parle beaucoup du maintien à domicile, de l'hébergement ? et effectivement on pourrait en dire long, et je ne le dirai pas, sur le milieu de vie au niveau de l'hébergement ? mais aussi les services ambulatoires, les services ambulatoires en CLSC qui désengorgent les hôpitaux, et tout l'aspect prévention, tout l'aspect social qui est joué, entre autres, par les CLSC, qu'il faut absolument consolider, ça fait partie de la première ligne. Et, dans les différents modèles qu'on propose, c'est tout à fait possible de jouer ce rôle de façon encore plus grande.

La Présidente (Mme Charlebois): M. Denis, rapidement.

M. Denis (Michel R.): Oui, Madame. Alors, je pense, ce qu'a dit le député tout à l'heure, beaucoup de nos membres le disent. Vous savez que, dans le réseau de la santé et des services sociaux, le «et des services sociaux» est souvent oublié. Alors, on lève toujours la main pour le souligner. Alors, ça nous a été dit puis on y est très sensible.

Moi, je suggère trois moyens très rapides. D'abord, faire confiance. Si le projet qui est proposé, si la région sent que le pouvoir public lui demande quel est le meilleur système pour que ça fonctionne et que la réponse du pouvoir public est celle de la région, moi, je pense que c'est déjà une très bonne chose.

Deuxièmement, le conseil d'administration de ce nouvel établissement là, ou le conseil d'administration regroupé, ou l'entente de gestion, qu'est-ce que ce soit, il faut qu'il soit équilibré, il faut qu'il y ait des gens qui représentent des gens sérieux. Et il va falloir en reparler lorsqu'on va amender la vraie loi, ce qu'on nous annonce pour 2005. Si le conseil d'administration est équilibré, s'il représente, par des gens compétents, toutes les facettes du réseau de la santé et des services sociaux... Ça a déjà fonctionné.

Et, troisièmement, on l'a mentionné tout à l'heure aussi, il faut que la régie régionale, il faut que l'agence soit attentive à chacune de ces missions-là, se rappelle les budgets historiques, se rappelle les missions, les forces, les établissements ou les agences un peu plus locales, faire en sorte qu'on tienne compte de toutes les missions.

La Présidente (Mme Charlebois): Alors, M. Cotton, M. Carbonneau, Mme McCann et M. Denis, merci beaucoup d'être venus nous présenter votre mémoire.

Et, cher collègues, je suspends la session jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 4)

(Reprise à 20 h 11)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît!

Alors, la commission des affaires sociales poursuit ses travaux. Nous sommes heureux, ce soir, d'accueillir les représentants de l'Ordre des pharmaciens du Québec. M. Julien, vous connaissez un peu nos règles de fonctionnement, j'imagine. Vous avez un temps, une durée maximale de 15 minutes à faire votre présentation, par la suite un échange de 15 minutes de chaque côté de la table avec les parlementaires. Sans plus tarder, je vous inviterai à présenter les gens qui vous accompagnent et débuter votre présentation.

Ordre des pharmaciens du Québec

M. Julien (Jean-Yves): Alors, merci, M. le Président. Alors, je suis accompagné d'abord, à ma droite, du secrétaire général de l'Ordre des pharmaciens, M. Pierre Ducharme; à ma gauche, M. Jacques Gendron, qui est membre du conseil d'administration et du comité administratif; et M. Gérald Lane, qui est un représentant du public au sein de l'organisation et qui est membre du conseil d'administration.

Alors, notre mémoire, M. le Président, n'étant pas très long et pour le bénéfice aussi des lecteurs qui récupèrent l'information par voie électronique, je vais lire presque l'essentiel, ce qui ensuite nous laissera le temps pour la discussion.

Donc, l'Ordre des pharmaciens vous remercie, d'abord, la commission, de nous recevoir et de permettre d'exprimer son opinion sur le projet de loi faisant l'objet actuellement de réflexions et de délibérations. C'est un projet de loi dont l'importance est grande, puisqu'il ne s'agit rien de moins que de remodeler l'organisation des soins et services sur le territoire du Québec.

Le temps dont nous disposions pour la préparation de ce mémoire étant limité, nous avons limité à deux sujets particuliers, deux suggestions précises qu'on veut vous soumettre. En abordant ces questions, on veut signaler deux éléments de contexte. Le premier, c'est la hausse constante du coût des services pharmaceutiques et des médicaments. Puis le deuxième, c'est le nouveau champ d'exercice qui a été confié aux pharmaciens récemment par une loi adoptée à l'unanimité, en juin 2002, par l'Assemblée nationale du Québec.

D'abord, sur l'aspect financier, rappelons que le régime d'assurance médicaments mis en place en 1997 est aussi, dans les faits, un régime d'assurance de services pharmaceutiques. Notre Ordre avait appuyé cette mesure sociale importante et maintient encore aujourd'hui cet appui. Cette assurance a permis à des centaines de milliers de Québécois et de Québécoises qui en étaient privés auparavant de bénéficier de médicaments et services pharmaceutiques essentiels et a contribué à l'amélioration de l'état de santé général de la population.

Force pourtant est de constater que le coût de ce régime augmente à un rythme qui dépasse de loin l'inflation. Ainsi, le coût global des services pharmaceutiques et médicaments est devenu le plus important poste budgétaire de la santé au Québec, à 2,4 milliards, dans la partie publique pour le régime de services d'assurance médicaments seulement. Si on ajoute 400 millions à 600 millions pour les établissements de santé et qu'on inclut le secteur privé, on en arrive facilement à un volume budgétaire de 5 milliards, ce qui comprend les honoraires et les salaires des pharmaciens qui sont dans ça. Ce qui fait que c'est vraiment une assurance services.

Quelques mesures administratives peuvent sans doute permettre de réduire la croissance de ce poste budgétaire, mais la plus efficace est de nature clinique, puisqu'il s'agit de l'utilisation optimale des médicaments. En effet, utilisé à mauvais escient, tout médicament, même peu coûteux, est toujours trop cher et, à l'inverse, un médicament cher qui donne des effets est efficient et c'est souvent la mesure la moins évasive. La transformation du Conseil de pharmacologie en Conseil du médicament, lequel se voit confier des responsabilités et des moyens visant à favoriser l'utilisation optimale des médicaments, va d'ailleurs dans ce sens. Et, pour nous, le création de ce Conseil constitue un élément-clé d'une politique de médicaments qu'on évoque si souvent et depuis plusieurs années.

Sur le volet services des pharmaciens, j'aimerais rappeler le texte qui a été voté dans la loi. Donc, en confiant expressément aux pharmaciens la mission, et je cite le texte de loi, d'«évaluer et d'assurer l'usage approprié des médicaments afin notamment de détecter et de prévenir les problèmes de pharmacothérapie, [...] dans le but de maintenir ou de rétablir la santé», en lui réservant l'activité consistant à «surveiller la thérapie médicamenteuse» et en lui permettant d'initier ou d'ajuster la thérapie médicamenteuse suivant une ordonnance, la loi qui a modifié le Code des professions pave la voie à une meilleure utilisation des médicaments et ? je dois ajouter ? des services pharmaceutiques. Il est regrettable que le projet, actuel, de loi n° 25 ne mette pas en place les conditions qui permettraient aux pharmaciens d'apporter une contribution encore plus importante.

En effet, ce projet de loi n'accorde aucune place aux pharmaciens dans sa formulation actuelle, pas plus ceux du secteur privé que les collègues du secteur des établissements de santé. Comme si le problème du coût croissant des médicaments et des services pharmaceutiques pouvait se résoudre sans les experts du médicament. Comme si les membres de l'Ordre, dont l'accessibilité et la disponibilité sont inégalées, ne constituaient pas aussi un élément-clé du réseau. Et comme si la législation ayant modifié le Code des professions n'avait pas été prise en considération. De toute évidence, il importe que la réorganisation qui s'amorce fasse une place aux pharmaciens. C'est l'opportunité. Je pense que c'est l'intention des réorganisations.

Si on veut situer la place du pharmacien de façon concrète, on va vous amener à deux propositions. Donc, le projet de loi prévoit la création d'agences de développement de réseaux locaux, lesquelles succéderont aux régies régionales. Nous constatons donc cependant que les agences seront administrées par un conseil d'administration formé de membres des commissions médicales régionales, des commissions médicales infirmières et des commissions multidisciplinaires. La composition de ces commissions est précisée dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Or, aucun de ces articles n'accorde de représentation aux pharmaciens, pas plus ceux des établissements que ceux du secteur privé.

Ainsi, l'une des professions les plus importantes du domaine de la santé, celle qui peut avoir le plus d'impact sur l'optimalisation de la thérapie médicamenteuse, par conséquent sur le coût des médicaments, sera la seule qui ne pourra participer à l'administration des agences, dont le but est pourtant d'impliquer les divers groupes professionnels du territoire et de permettre l'établissement de liens entre eux.

Nous proposons donc... On comprend que cette situation découle de la loi n° 25, et là, encore une fois je répète, c'est l'occasion de la modifier. On propose que le projet de loi soit modifié de façon à inclure à chaque commission médicale régionale quatre pharmaciens élus par les membres et un pharmacien désigné... pas un pharmacien mais une personne désignée par le doyen de la Faculté des pharmacies de chaque région, le cas échéant, et que la dénomination de «commission médicale régionale» soit modifiée en «commission médicale et pharmaceutique régionale».

Cette solution reproduit, au niveau régional, le modèle des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens ? on pourrait d'ailleurs rajouter les dentistes ? qui a fait ses preuves depuis 20 ans dans les établissements de santé. Et, du reste, on peut signaler qu'actuellement il y a déjà des commissions qui, volontairement, initient et font une place aux pharmaciens. À défaut de retenir cette solution, on vous propose une alternative, soit la création pure et simple d'une commission pharmaceutique régionale.

Alors, que la loi soit modifiée de façon à prévoir la commission et de préciser le mandat, donc, qu'elle aurait de conseiller les agences sur les programmes de médicaments, sur la prestation des soins et services et sur la répartition de l'effectif sur le territoire. Que le projet de loi soit modifié de façon à ce que le conseil d'administration d'une agence comprenne un membre de la commission, à ce moment-là. Et, en troisième lieu, les ajustements de concordance, l'article 369 de la Loi sur les services de santé devrait être, de façon à l'appliquer intégralement aux soins pharmaceutiques, modifié.

n (20 h 20) n

Enfin, sur l'aspect des réseaux locaux, un mot pour bien situer la place des pharmaciens. Alors, le projet de loi n° 25 définit bien la mission et les objectifs des futures agences. Notamment, on parle de développer des services intégrés, d'impliquer les divers groupes de professionnels, de favoriser la collaboration et l'implication de tous les intervenants ayant un impact sur les services de santé et les services sociaux. L'observateur le moins perspicace peut facilement comprendre que l'un des objectifs, c'est de mettre fin au fonctionnement en silo, caractérisé par le système. On est d'accord avec ça.

Il est évident que cet objectif ne pourra pas être parfaitement atteint si on ne parvient pas à utiliser l'importante ressource que constituent les pharmaciens de pratique privée, notamment, soit 4 500 professionnels. Ça veut dire plus de 1 600 points de services, 10 fois plus que de CLSC, et ce, pratiquement dans tous les villages et villes du Québec. Ces pharmaciens et pharmaciennes accessibles et disponibles exécutent plus de 100 millions d'ordonnances, ça veut dire 100 millions d'opportunités d'échange entre un client et un professionnel.

Notre société n'a pas le moyen de ne pas les utiliser de façon optimale, et ça, c'est important, et, pour ce faire, de ne pas les considérer comme des partenaires indispensables au réseau, partenariat qui sera facilité par la possibilité, notamment, de recourir aux ordonnances collectives, ce qui est prévu par la loi maintenant. Et la collaboration avec les médecins en particulier, je pense que c'est déjà un fait acquis, on l'a entendu aujourd'hui de la part du Dr Lamontagne.

Alors, j'aimerais terminer. En conclusion, j'ai évoqué, au début, l'importance, pour nous, du Conseil du médicament, qui a notamment pour but de favoriser l'utilisation optimale. L'utilisation optimale doit évidemment, en premier lieu, considérer les aspects scientifiques et cliniques, mais on accepte bien aussi qu'il faut obligatoirement ajouter les aspects financiers et administratifs. Et, en ce qui touche les aspects administratifs, soulignons que la cohérence dans l'application des critères pour le régime d'assurance médicaments et pour les établissements est importante, d'où l'intérêt de reconnaître un rôle de coordination aux futures agences.

En d'autres mots, on ne peut pas avoir des médicaments d'exception dans le public puis que ça ne s'applique pas dans l'hôpital, parce que, sans ça, on a une porte d'entrée qu'on ne contrôle pas. Le pharmacien a un rôle unique à jouer au sein des futures agences, il faut donc qu'il soit présent au même titre que les autres, et les instances régionales doivent de plus être mandatées pour assurer la nécessaire coordination. Alors, merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. le président de l'Ordre. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Effectivement, un rappel qui m'apparaît très justifié, celui de nous montrer encore une fois à quel point la question du coût des médicaments est une des grandes pressions sur notre système de santé, avec bien sûr le vieillissement puis les coûts de la technologie.

D'entrée de jeu, je dois dire que, sur le plan du principe, il m'apparaît justifié que les pharmaciens participent au mode administratif au niveau régional et, possiblement, au niveau local. Je dois dire cependant que le projet de loi n° 25 est une disposition transitoire, qu'il n'a pas lui-même comme objet de modifier la loi sur la santé et services sociaux, où là on aurait la possibilité d'introduire soit une modification de la commission médicale régionale soit une nouvelle commission pharmaceutique régionale, comme vous le suggérez. Il n'empêche pas cependant, d'ici là, même durant la phase transitoire, d'expérimenter certaines formules de représentation des pharmaciens aux organismes administratifs, et on sera heureux d'y réfléchir et d'en discuter avec vous.

Ce qui m'a apparu extrêmement intéressant dans votre présentation, c'est le lien que vous faites entre la présence des pharmaciens à ces niveaux-là et une amélioration dans l'utilisation optimale des médicaments. Pourriez-vous nous donner des exemples concrets où vous voyez cette collaboration résulter en une meilleure utilisation des médicaments?

M. Julien (Jean-Yves): Quand on regarde dans le milieux hospitalier, la dynamique qui s'est organisée entre les médecins et les pharmaciens, avec la participation au Conseil des médecins, amène régulièrement l'intervention sur les protocoles de médicaments, de soins et services, l'intervention auprès des patients et le contrôle de la consommation des médicaments.

L'autre élément, si on le met du côté du secteur privé, la liste de médicaments est un outil extraordinaire, qui est là depuis longtemps, et l'application de cette liste de médicaments là est faite en collaboration. Évidemment, la décision revient aux instances gouvernementales, ministérielles, mais l'application d'une liste de médicaments comme ça se fait par la collaboration des pharmaciens.

M. Couillard: Donc, l'administration de la liste, finalement, au niveau régional mais également au niveau local et niveau de l'établissement.

M. Julien (Jean-Yves): Absolument, la coordination entre les deux éléments, qu'on place les gens sur le milieu. Ce qu'on veut avec cette coordination-là, c'est faciliter le travail d'intervention. L'exemple typique, on ne peut pas... Moi, comme pharmacien, quand je suis à la pharmacie puis que je réponds à quelqu'un: Je n'ai pas l'accès, je ne peux pas vous donner ça, ce n'est pas couvert, le médicament, puis qu'il me répond: Oui, mais je l'ai eu à l'hôpital, je n'ai pas de crédibilité. Il faut que ce soit une connexion entre les deux. C'est prévu dans la loi d'ailleurs, l'article de loi 116, qu'on puisse fonctionner avec ça. Ça fait que je pense que c'est un élément important.

Et, quand on regarde les difficultés d'application, à cause d'éléments plus administratifs qu'autre chose, de vitesse, des fois, de décisions, les éléments récents qu'on a vécus avec les médicaments d'exception, je pense que, si on permet des ajustements en termes administratifs, qu'on laisse le temps puis qu'on assure la coordination entre les milieux, on va favoriser un meilleur contrôle de ce côté-là.

M. Couillard: Également, le problème que vous venez de mentionner, de coexistence de listes hospitalières, si je peux m'exprimer ainsi, puis de la liste plus générale... qui est aggravé par les pratiques que vous connaissez, qui consistent à donner des médicaments brevetés à très bas prix dans le milieu hospitalier et développer là une habitude de consommation de prescriptions qui se reproduit alors à l'extérieur de l'hôpital et là deviennent à charge du régime général d'assurance médicaments ou de l'assureur privé, selon le cas.

M. Julien (Jean-Yves): Donc, l'importance d'avoir la coordination des deux aspects.

M. Couillard: Tout à fait. Oui. Au niveau de l'instance locale, on a parlé, dans les dernières heures, hier et aujourd'hui, de la façon d'impliquer les professionnels, et nommément on a beaucoup parlé des médecins. On a différentes formules d'association entre les médecins et instances locales sur le groupe de médecine de famille ou d'éventuelles cliniques réseaux qu'on veut ou on espère voir naître dans les milieux urbains. Quel sens ou quelle nature prendrait la relation entre l'instance locale et, disons, le pharmacien communautaire, le pharmacien qui est dans le milieu communautaire?

M. Julien (Jean-Yves): On a mentionné, M. le Président, un exemple: la liaison avec les prescriptions, les ordonnances collectives telles que prévues avec la nouvelle loi. Alors, nous, on travaille en collaboration avec le Collège des médecins pour des définitions et se donner un outil. On comprend que tout ce qui touche l'informatique, la carte santé, c'est très complexe, mais on veut absolument développer une partie essentielle, qui est la communication pour favoriser la transmission de l'information.

Et avec... en prenant le modèle... C'est pour ça qu'on suggère «commission pharmaceutique et médicale», parce que, en prenant le modèle des CMDP, ça nous permet à ce moment-là de bâtir sur quelque chose déjà de solide et de se donner l'outil qui va permettre de définir des moyens d'action où le médecin va pouvoir collaborer avec le pharmacien en lui prescrivant... faire le suivi de la thérapeutique. On n'a pas besoin, pour quelqu'un qui vient à la pharmacie à chaque mois, de retourner, d'appeler le médecin pour renouveler s'il a oublié d'indiquer et autres.

Donc, ces outils de communication là et avec une structure qui dépasserait le milieu hospitalier permettraient de mettre les gens en collaboration, notamment les groupes de médecine de famille. C'est pour ça qu'on a insisté qu'il y ait une reconnaissance de ces liens-là. Dans le fond, à notre niveau des structures, il faut permettre le lien et faire confiance aux professionnels, ensuite, qui vont travailler ensemble.

M. Couillard: Et, encore plus nécessaire, cette collaboration, étant donné le changement des pratiques médicales et le fait que, par exemple, des gens se retrouvent à domicile avec des médicaments beaucoup plus complexes que ce qu'on avait il y a quelque temps. Je prends, par exemple, l'antibiothérapie à domicile, où récemment on a conclu une entente d'administration pour le transport entre celui qui le prépare et celui qui administre au client, comme vous le savez, et ce genre de protocole là serait probablement plus facile à suivre dans le cadre que vous proposez.

M. Julien (Jean-Yves): Oui. Un exemple qui peut être donné, c'est ce qui a été adopté par la loi aussi, où il y a eu une modification spécifique dans un domaine de santé publique, pour la contraception orale d'urgence. Et la contraception orale d'urgence, après quelques mois, dans les six premiers mois, on a... les statistiques qu'on avait de disponibles, on avait 1 000 médecins qui avaient prescrit, environ, le premier mois et 200 pharmaciens et puis, au bout de six mois, on avait encore 1 000 médecins puis 1 800 pharmaciens. Alors, il faut mesurer ces choses-là.

Donc, ça, ça fait partie des suivis. Et, si on avait, au niveau local, des interventions puis une responsabilité régionales, on permettrait de se donner des outils qui, ensuite, nous permettraient d'aligner certains correctifs qui nous sembleraient utiles, en vue encore d'améliorer l'utilisation des professionnels et des médicaments qui sont sur le terrain.

n (20 h 30) n

M. Couillard: Donc, pour parler de l'exemple que vous venez de citer, dans la contraception orale d'urgence, en fait, le fait d'avoir l'accord en question ou de permettre au pharmacien de faire la prescription, finalement, du médicament a élargi l'accès, donc, à cette thérapeutique-là, et vous avez les données pour le prouver.

M. Julien (Jean-Yves): Ah oui! Oui, on a les données.

M. Couillard: Dans les leviers de succès de l'établissement des réseaux locaux et des agences, finalement, il y a deux grands leviers qui sont toujours revenus: d'un côté, le financement, comme d'habitude, vous savez que c'est l'éternel problème du réseau, et aussi les systèmes d'information. Si on regarde les priorités à adopter dans le développement de systèmes d'information dans le réseau de santé du Québec, il est certain que la première priorité que tout le monde mentionne, c'est le profil pharmacologique, surtout pour les personnes âgées. Pour les personnes âgées, c'est relativement, entre guillemets, aisé, étant donné qu'on a la banque de données de l'assurance maladie, qui a les bénéficiaires de l'assurance médicaments, et on pourrait donc le croiser comme ça.

Mais comment est-ce qu'on fait donc le croisement avec les pharmacies communautaires? Parce qu'on s'est fait dire qu'il y aurait des problèmes techniques, là, pour que l'information circule librement entre le réseau local, l'assureur privé, par exemple, ou la Régie de l'assurance maladie, et la pharmacie, et le cabinet du médecin. Comment est-ce que... Avez-vous déjà réfléchi sur cette chose-là?

M. Julien (Jean-Yves): Dans le cas pratique, compte tenu que, dans ça, il n'y a pas eu de solution encore, récemment, on est en train de travailler avec le Collège des médecins pour définir une façon puis faire des propositions.

Mais, si je reviens un petit peu en arrière, ces liens-là, quand on a décidé l'assurance médicaments, c'était un défi formidable, de mettre les pharmaciens en ligne avec la Régie de l'assurance maladie. Et la RAMQ, à l'époque, avec M. Dicaire, a remporté des prix au Canada, au Québec et à d'autres... par le succès. Et il y a eu des difficultés une journée, mais, après ça, ça a fonctionné, et c'est en ligne. À quelques secondes d'avis, je sais qu'est-ce que le patient doit payer, qu'est-ce qui est couvert dans son programme, et autre.

À ce moment-là, on avait des assureurs au Québec qui nous disaient: On voudrait, nous aussi, travailler ? et j'en ai été témoin ? dépêchez-vous, au ministère, parce que, nous autres, on a des décisions administratives aussi à prendre. Alors, on a vendu un réseau qui aurait permis de faire ça, qui a été vendu à une organisation canadienne, CAPSS, qui a été vendue à ESI. Et, curieusement, récemment j'ai vu qu'il y avait une entente entre ESI et la RAMQ. Alors, si, pour la transporter, l'information, on est capables d'avoir l'entente, je suis sûr qu'on est capables aussi d'avoir l'accès pour l'utiliser, cette information-là. Puis c'est là.

M. Couillard: Je pense qu'on est bien d'accord là-dessus, puis, encore une fois, vos propositions vont être étudiées avec beaucoup d'attention, là, et autant dans la phase transitoire, pour essayer d'expérimenter des façons de faire, que dans la phase ultérieure, où on va vraiment travailler sur la loi sur la santé et les services sociaux, où le genre de suggestions que vous avez fait pourra être actualisé.

J'aimerais vous amener, si vous le permettez, sur un autre terrain, plus personnel parce qu'il concerne votre expérience professionnelle à vous, M. Julien. Vous avez été, déjà, directeur général d'établissement, je pense, dans la région de Lac-Etchemin.

M. Julien (Jean-Yves): Oui.

M. Couillard: À l'époque, vous avez eu une expérience de regroupement, et j'aimerais ça que vous nous en parliez parce que je crois que c'est intéressant pour les membres de la commission.

M. Julien (Jean-Yves): Oui. Je peux certainement vous dire un petit mot, partager mon sentiment personnel autour de ça.

Un petit point que je veux rajouter par rapport à l'élément parce que ça m'apparaît important. Il y a des mesures transitoires avec une législation, je pense... Parce que, pour nous, l'urgence, c'est... Quand je vois 5 milliards, c'est urgent d'agir, et ça fait partie... Le projet de loi, c'est la même chose, l'urgence.

Mon expérience personnelle... Je dois vous dire que ça me touche, en particulier concernant les éléments récents, mais j'ai entendu vos questions aujourd'hui et je vais vous dire mon expérience. Moi, comme directeur général ? évidemment, c'est en dehors de mes fonctions, ici, de président de l'Ordre ? j'ai entrepris un mandat en 1989, dans un secteur rural, Lac-Etchemin, et où il y avait six établissements, six conseils d'administration. On avait même de la difficulté à trouver des gens pour siéger sur les conseils. Donc, au moment de mon engagement en 1989, j'ai dit: Il faut qu'on regroupe les établissements, il faut qu'on collabore.

Et la loi est arrivée en fin 1990. J'avais déjà amorcé la démarche, et j'ai dû le faire avec toutes les difficultés, malgré la loi, comme le disait M. Aucoin ce matin, qui le permettait, mais on n'a pas eu la poussée dans le dos pour le faire. Alors, j'ai été délinquant, je l'ai fait pareil, grâce à des gens avec lesquels j'ai collaboré à la régie régionale à l'époque. On a fini par atteindre... Ça m'a pris cinq résolutions de conseils d'administration à deux reprises pour faire ça, et j'en étais convaincu, et j'ai fini par perdre ma job à force que j'étais convaincu. Parce qu'on a regroupé six établissements, puis à ce moment-là, bien, c'est sûr que ça prenait des gens qui étaient des gens qui étaient des directeurs et des gens solides qui seraient dans le conflit. Je n'étais pas quelqu'un de conflictuel. J'ai fait ça sans conflit, sans appui du ministère directement, sans appui de la Régie régionale de Québec à l'époque. Ça a été quand on a eu une régie régionale, Chaudière-Appalaches, que j'ai eu des appuis, qu'on a pu finir ça.

Alors, mon message, c'est que, oui, je pense que, dans ces situations-là des régions comme ça, il faut le faire, il faut avoir l'appui des autorités pour le faire, autrement on y laisse notre résistance.

M. Couillard: Je pense que je vais terminer là-dessus, à moins que j'aie un collègue qui voudrait prendre le temps résiduel. Ça va.

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Je voudrais vous saluer, M. le président Julien et les personnes qui vous accompagnent, M. Gendron et M. Ducharme ainsi que M. Lane, et puis saluer votre ténacité à vouloir être entendus par cette commission parlementaire à l'occasion de l'étude du projet de loi n° 25. Vous n'étiez pas prévus dans la motion adoptée à l'Assemblée nationale, et pourtant il était essentiel que l'on vous entende, et j'en suis encore plus convaincue après la présentation que vous venez de faire à la commission.

Vous racontiez l'expérience de Lac-Etchemin, il y a déjà plusieurs années de cela. Moi, j'en ai vécu une encore tout récemment, au printemps dernier, au moment où un très beau projet de regroupement du CLSC Hochelaga-Maisonneuve et du CHSLD Lucille-Teasdale a été refusé par la Régie régionale de Montréal ? c'était il y a quelques mois, n'est-ce pas? On nous a dit qu'il y avait un moratoire sur ces regroupements. Alors, on voit que tout ça est cyclique, et j'espère bien que les regroupements volontaires dans le domaine de la santé, lorsqu'il y a complémentarité de missions, pourront au moins se faire avant qu'on oblige à des regroupements involontaires lorsqu'il n'y a même pas de complémentarité dans les missions. Enfin.

Alors, reprenons votre mémoire. Et je lisais à la page 5 votre appui renouvelé au régime d'assurance des services pharmaceutiques, et vous rappeliez avec raison que l'Ordre avait appuyé cette mesure sociale importante. En fait, il y a 1,3 million de Québécois, je crois, ou 1,1 million qui ne bénéficiaient d'aucune assurance privée personnelle, en fait, quand on sait l'importance que maintenant la médication joue comme rôle dans l'ensemble de l'amélioration de l'état de santé de la population.

Alors, vous mentionniez l'enveloppe globale, le poste budgétaire de 5 milliards. Je vous en remercie, c'est la première fois que je vois cette information. Je savais, par exemple, que l'enveloppe budgétaire des spécialistes et des omnipraticiens au Québec s'élevait à 3 milliards de dollars, mais manifestement, pour le régime public, c'est autour de 3 milliards également, et vous ajoutiez les dépenses privées pour un total de 5 milliards. Alors, c'est donc dire qu'il y a là un élément extrêmement important, d'autant plus que cette médication, surtout avec les médicaments innovateurs, là, entraîne de plus en plus la médecine vers un usage qui doit être à bon escient de la médication.

Alors, le ministre semble accueillir favorablement. Nous allons simplement, du côté de l'opposition, surveiller que, dans les amendements qu'il présentera, cela se retrouvera, n'est-ce pas, puisque nous aurons à faire l'étude article par article de ce projet de loi.

Le mot «invasive», j'en demandais la définition... À la page 6, vous parliez d'une utilisation optimale donc de médicaments, même dispendieux, qui représente la plupart du temps l'option thérapeutique la plus efficiente et la moins invasive. Je ne sais pas, «invasive», ça signifie quoi?

M. Julien (Jean-Yves): Bien, par exemple, je vais vous donner un exemple ou poser une question à tout le monde ici. La dernière fois qu'on a entendu qu'un de nos amis avait eu une chirurgie pour un ulcère d'estomac, ça fait quelques années. Ce sont les médicaments qui permettent justement une alternative. C'est peut-être l'exemple le plus courant qu'on entendait, les gens qui avaient une chirurgie pour l'estomac. Et là on pourrait mentionner d'autres éléments.

n (20 h 40) n

Mme Harel: Ça veut donc, dire, M. le président Julien, qu'il est possible de penser que ce qu'on appelle médicaments, par exemple les tuteurs médicamentés, là, pourraient avoir un effet tel qu'ils diminueraient le nombre d'interventions, disons, chirurgicales nécessaires.

M. Julien (Jean-Yves): Il y a des éléments... Puis je peux vous donner un cas qui est très, disons, spectaculaire, si on peut dire, et en même temps, pour les gens qui sont atteints, c'est dramatique, mais il y a des gens qui sont en attente... Un médicament qui coûte plusieurs dizaines de milliers de dollars par année. Les gens qui sont en attente de transplantation pulmonaire, dans le cas d'insuffisance, et qui, grâce à des médicaments, n'ont pas besoin d'avoir... J'ai vu une patiente qui m'a dit: Depuis que j'ai ce médicament-là, je ne pense même plus à la chirurgie. Alors, c'est des éléments...

Et là moins invasif, c'est aussi moins lourd. Les gens qui souffraient de fibrose kystique antérieurement, peu de médicaments, étaient à l'hôpital, utilisaient beaucoup de lits hospitaliers, on n'en utilise plus. J'étais dans un hôpital psychiatrique où on a coupé, comme lits... comme pharmacien d'abord, j'étais là principalement, c'est mon domaine, et on a diminué les lits. Au Québec, en 1961, on avait plus de 20 000 lits d'hôpitaux psychiatriques. Aujourd'hui, on nous dit: On en manque peut-être quelques-uns. C'est un problème social. On est à 4 000 au maximum grâce aux médicaments.

Mme Harel: Et je crois même comprendre que, dans les cas de schizophrénie, on vient de faire des découvertes assez importantes dans certains médicaments, là, qui pourraient permettre de régulariser la situation aussi.

M. Julien (Jean-Yves): Absolument. Et, je pense, quand... Mais de calculer, faire le lien, la coordination administrative... J'étais dans un hôpital, où je vous ai dit, je vous ai donné mon expérience, je vais vous la réitérer pour l'importance puis l'insistance que je mets et l'urgence d'inclure ça dans ce projet de loi. J'étais directeur général à ce moment-là, je n'étais plus pharmacien. Quand j'étais pharmacien, les médicaments, ça ne coûtait pas assez cher, on disait: Dérange donc pas le docteur pour ça. Maintenant ? c'est le bon côté ? ça coûte cher, on s'en occupe puis on va faire l'évaluation. J'étais dans un hôpital, on a coupé un tiers des lits, et, sérieusement, là, ce que je vous dis là, il n'y a jamais eu une question pour me demander exactement ce que j'avais fait avec l'argent, détaillé. J'ai ça sur une demi-page encore.

Je pense que ça, il faut absolument corriger ça. On ne peut pas demander à nos pharmaciens et médecins de s'investir si on n'est pas capables de faire le lien avec ces éléments-là. Le médecin, le psychologue, le pharmacien, l'infirmière qui permettent de garder des gens à l'extérieur de l'hôpital grâce aux médicaments, il faut absolument qu'on leur remette en retour leur contribution, l'évaluation de ce que ça a donné. La fibrose kystique, on utilise très peu de lits maintenant pour traiter ces gens-là. Donc, il y a des liens.

«Invasif», c'est sur le plan individuel, puis, je dirais, sur le plan administratif, d'avoir quelque chose qui est plus faible, ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas faire de la coordination, c'est essentiel et c'est ce qu'on vise.

Mme Harel: En vous écoutant, je me dis que le médicament aurait intérêt à être mieux connu, pour le progrès qu'il permet, alors qu'on n'en parle qu'en termes de coûts. Et c'est évident qu'à ce moment-là ça ne permet pas de réaliser les améliorations que ça apporte. Il n'y a pas nécessairement de relation directe. Je peux comprendre, par exemple, parce que j'ai plus regardé, la situation du tuteur médicamenté qui a un effet sur la récidive en réduisant de 75 %, avec toutes les conséquences que ça peut avoir. Mais, en même temps, comme chaque enfant qui naît présentement a une espérance de vie de 100 ans, il est certain que ce n'est pas parce qu'on utilise plus de médicaments que ça coûtera moins cher, si tant est qu'on les utilise plus longtemps, n'est-ce pas?

Alors, pouvez-vous aussi... J'ai trouvé ça intéressant, quand vous parliez de disponibilité inégalée, à la page 7. Et là ça m'a fait penser qu'effectivement, si je n'ai pas de médecin dans mon quartier le samedi, le dimanche, Noël, jour de l'An, les vacances, etc., il y a toujours un pharmacien ? vous avez raison ? sept jours sur sept, 365 jours par année jusqu'à 9 heures environ. Expliquez-nous donc ça, pourquoi?

M. Julien (Jean-Yves): ...comme pharmacien, M. le Président, et j'aimais la période de Noël et les vacances parce qu'il y avait des touristes. Alors, quand les gens arrivaient... Puis j'aimais ça, travailler le dimanche en plus, parce que les gens venaient, je rencontrais des gens nouveaux et des gens qui avaient besoin d'un service puis qui me disaient: Je viens du nord de Montréal puis j'aime bien ça venir ici une fois de temps en temps, mais il me manque de médicaments, qu'est-ce que je fais? Est-ce qu'on va le laisser encore... que je vais obliger... dire: Va voir le médecin, cherche une prescription, ou si je vais le dépanner puis je vais lui rendre un service?

L'autre est tombé, il est inapte. Il sort de l'hôpital à 10 heures, il a eu une prescription pour une... pas une chirurgie, mais un plâtre et il dit: Ça ne fait pas mal, je n'irai pas chercher mon médicament. Il vient plus tard puis là il a besoin. On lui donne quelque chose pour passer la nuit puis le lendemain. Il faut intégrer ça dans ce sens-là et il faut favoriser que ça se fasse, pas dire: Il y en a que... ça ne se fait pas partout, dire: C'est ça qu'on veut, on veut donner une vision, on veut organiser des services, de la continuité entre les établissements.

J'ai fait une étude pour la Gaspésie, puis je leur ai dit: Si vous voulez que j'en parle, autorisez-moi, donc c'est clair. Comment est-ce qu'on fait en Gaspésie pour organiser des services? Les pharmaciens en Gaspésie, je les connais, mais, eux autres, ils connaissent tous leurs clients par leurs noms. Est-ce qu'on va les mettre là-dedans pour dire: Vous allez dépanner le soir, vous ne courrez pas à l'hôpital?

Il y a un pharmacien qui est parti de l'hôpital de Murdochville. J'ai dit: Je ne me préoccuperais pas de l'hôpital, je me préoccuperais de celui qui est en communauté. Est-ce qu'il va rester? Il faut qu'on le prenne puis qu'on dise: Oui, il faut que tu restes là. C'est ça, l'intégration des services et la disponibilité en dehors des heures. Puis répondre pour un médecin, parce que les médecins, ils disent: Appelez-nous pas pour ça, on n'a pas le temps. On a modifié la loi pour favoriser l'interdisciplinarité; là, on est en train de modifier la loi pour que les gestionnaires gèrent cette interdisciplinarité-là. Et, croyez-moi, ce n'est pas toujours facile, mais il faut qu'ils le fassent, et c'est dans ce sens-là que je parle de coordination.

On ne peut plus... Moi, je ne suis plus capable d'entendre, comme pharmacien, comme président de l'Ordre, dire: Oui, mais la liste de médicaments, je ne m'en occupe pas. Ça ne marche plus, ça.

Mme Harel: À ce moment-là, ce que vous proposez permettrait-il à la société de suivre de plus près les prescriptions dans les cliniques sans rendez-vous qui, pour l'avoir... pas vécu personnellement, mais pour avoir vu les effets de ces prescriptions sans rendez-vous, ont provoqué des problèmes de santé à des personnes? Est-ce que ça permettrait d'avoir un portrait de cela?

M. Julien (Jean-Yves): L'objectif des groupes de médecine de famille, l'objectif de l'intégration des pharmaciens, c'est dans ce sens-là. Il y a des programmes qui se font dans toutes sortes de choses. On a des exemples: le SIPA, qui a été développé à Montréal, était un beau programme où il y a eu des pharmaciens qui ont participé. Il faut généraliser ces éléments-là. C'est un exemple tout à fait, disons, indiqué, particulièrement pour les personnes âgées.

Mme Harel: Aujourd'hui même, je pense que c'était aujourd'hui, ou hier, le journal La Presse titrait que l'Ordre reprenait son enquête et qu'un juge, je pense, hein, venait de refuser de prolonger l'injonction, là, l'ordonnance qui vous retenait, là, de poursuivre l'enquête. Vous ne savez pas s'il y aura appel, hein? C'est encore sous... Bon. Je ne vous interrogerai pas à ce moment-là. Très bien.

n (20 h 50) n

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, M. le président de l'Ordre, M. Julien, merci beaucoup de votre participation à cette commission parlementaire. Merci aux gens qui vos accompagnent.

Et je demanderais aux représentants de la Table des regroupements provinciaux des organismes communautaires et bénévoles de prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, chers collègues. Alors, M. Théoret, le porte-parole, merci. Alors, bienvenue aux représentants de la Table des regroupements provinciaux des organismes communautaires et bénévoles. Vous avez une durée maximale de 15 minutes pour votre présentation, qui sera suivie par un échange de 15 minutes de chaque côté de la table. Je vous prierais, M. Théoret, de présenter les gens qui vous accompagnent et d'enchaîner immédiatement dans votre présentation.

Table des regroupements provinciaux
des organismes communautaires et bénévoles
(secteur santé et services sociaux) (TRPOCB)

M. Théoret (Robert): Parfait. Merci beaucoup. On veut remercier, d'une part, M. le ministre de nous avoir invités. Ça n'a pas été une sinécure de se retrouver ici ce soir. On le remercie. On remercie aussi les membres de la commission de nous entendre.

J'ai, à ma droite, Germaine Chevrier, qui est la coordonnatrice du Regroupement des cuisines collectives du Québec; et, à ma gauche, André Tanguay de la Fédération des organismes bénévoles et communautaires d'aide et de soutien aux toxicomanes du Québec. Et ces deux personnes-là sont membres du comité exécutif de la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles, qui regroupe 33 regroupements d'organismes communautaires qui oeuvrent dans des domaines très variés qui touchent tout un ensemble de problématiques, aussi bien du côté des femmes, des hommes que des gens qui ont des problèmes de santé mentale, qui souffrent d'alcoolisme, de toxicomanie, qui sont victimes de pauvreté, en fait, tout un éventail de stratégies d'intervention que le milieu communautaire a développé depuis 25, 30 ans au Québec.

Comme organisation, la Table des regroupements provinciaux existe depuis à peu près 1991. Elle est née dans la foulée, si on veut, de la reconnaissance du rôle des groupes communautaires au Québec dans le domaine de la santé et des services sociaux. On a participé à peu près à tous les forums et à nombre de commissions où il a été question de l'organisation des services sociaux et de santé. Lors de la commission Rochon, il faut peut-être rappeler qu'il y a plus de 50 % des mémoires qui ont été déposés à cette occasion-là qui venaient du milieu communautaire et bénévole, ce qui n'est pas inintéressant.

On a aussi participé, comme organisation, à plusieurs travaux avec les gens du ministère de la Santé et des Services sociaux sur toute la question de l'évaluation des organismes communautaires, du travail des organismes communautaires, au milieu des années quatre-vingt-dix. Sur la régionalisation du programme de soutien aux organismes communautaires aussi, nous étions présents et, plus récemment, bien, plus récemment, dans les sept, huit dernières années, sur toute la question de la reconnaissance du travail en matière d'hébergement communautaire.

Les membres de la Table des regroupements provinciaux ont participé aussi à toutes sortes de discussions avec le ministère sur la question des services, par exemple, en violence conjugale, sur la question... sur les forums jeunesse il y a quelques années, sur les travaux sur les services en santé mentale au niveau des personnes handicapées, et je pourrais en nommer d'autres. On a donc une vision assez transversale des problèmes et des impacts des différentes réformes qui se sont succédé. Je pense que c'est la quatrième en l'espace d'à peu près 12 ans, comme réforme au niveau de l'organisation des services de santé et de services sociaux.

C'est sûr qu'on aurait aimé avoir beaucoup plus de temps, on ne vous le cachera pas, pour jauger l'ensemble des impacts du projet de loi. On considère qu'avec tout ce qui s'est passé on n'a pas eu... en tout cas, on n'aura pas pu faire le travail qu'on aurait voulu faire pour être capable de soupeser l'ensemble des impacts sur l'ensemble des problématiques et l'ensemble des groupes sociaux avec lesquels les groupes communautaires travaillent.

On est d'accord aussi sur un point: le statu quo actuel au niveau de l'organisation des services sociaux et de santé, à notre sens, il est inacceptable. On ne peut pas... Ça ne peut pas continuer comme c'est là. On doit améliorer l'accessibilité, la continuité et la qualité des services à la population. Ça, là-dessus, on est tout à fait d'accord. On sait aussi que c'est complexe, que c'est... On touche à un morceau du système et ça a des implications sur toutes sortes d'aspects. On sait aussi qu'il y a des décisions qui ont été prises au cours des 10 dernières années qui ont eu des impacts sur la population mais aussi sur le milieu communautaire.

Les compressions budgétaires, par exemple, elles ont eu des impacts sur les organismes, énormément d'impacts. Les organismes se sont retrouvés avec... Les citoyens et les citoyennes se sont adressés davantage aux organismes communautaires parce qu'ils avaient besoin d'aide. Mais aussi ça a eu comme impact... Parce que, il faut le dire, il y a eu des ajouts financiers assez importants. Il y a eu des dizaines de millions qui ont été rajoutés aux subventions des organismes communautaires pendant cette période-là. Moi, je viens de Montréal, et, je vous dirais, il y a eu 15 millions à peu près de rajoutés provenant des compressions budgétaires ? 8 millions en santé mentale, entre 8 et 9 millions en santé mentale. Sauf que ce dont on s'est rendu compte, c'est qu'on a eu plus de travail ou plus de citoyens et citoyennes que ce qu'on a mis en ajouts financiers.

Les virages ambulatoires aussi, puis les virages du milieu ont lourdement sollicité les organismes communautaires. On est tout à fait conscients aussi... On s'est exprimés à différents niveaux, aussi bien avec les gens qui ont été à la tête du ministère dans les 10 ou 12 dernières années qu'avec les fonctionnaires du ministère, on a souvent déploré le manque de coordination, le manque de cohésion entre les différents paliers: national, régional et local.

On a souvent dit que ça manquait de ligne de conduite, de lignes directrices claires, que, aussi, les régionalismes l'emportaient aussi sur une vision plus globale de ce qui, en tout cas, à notre sens, devrait être au-dessus de tout, c'est-à-dire l'universalité, l'accessibilité pour tous les citoyens et citoyennes, peu importent les régions où ils sont.

On est d'accord aussi avec la décentralisation, on l'a dit. On aurait pu intituler notre mémoire Entre la vertu et la pratique, tout un océan d'incertitude. C'est le titre que de nos membres avaient donné, en mars 1991, aux représentations qui ont été faites face à la réforme Lavoie-Roux?Marc-Yvan Côté. On aurait pu encore situer ça comme ça. On est d'accord avec, mais on a toujours dit qu'il faut que les citoyens et les citoyennes du Québec aient leur mot à dire dans les décisions concernant la planification et l'organisation des services sociaux et de santé. C'est pour ça qu'on a embarqué dans la loi n° 120 à plain-pied. C'est pour ça qu'on était contents d'être reconnus dans la loi de la santé et des services sociaux.

On a toujours dit aussi qu'il fallait que les politiques et les orientations nationales soient adaptées au niveau régional et au niveau local. On croit à ça, nous, que, sur une base territoriale, il faut que ça se modèle aux réalités. Mais on a des inquiétudes, des inquiétudes profondes, entre autres sur toute la vision utilitariste des groupes communautaires qui s'est développée dans, je dirais, les sept ou huit dernières années. On vous rappellera que, pour nous, les groupes communautaires, c'est plus qu'un ensemble de services à des populations spécifiques. C'est une approche, c'est une façon de voir les citoyennes et les citoyens du Québec, c'est une façon de les impliquer dans les solutions qui les concernent face à leurs problèmes.

n (21 heures) n

On rappellera aussi que les organismes collaborent déjà pleinement avec le réseau et avec d'autres acteurs dans la communauté, qu'on pense aux corps policiers, qu'on pense aux organisations municipales, au milieu de l'éducation, aux commissions scolaires. Il y a beaucoup d'organismes qui travaillent en concertation. Il y a des protocoles de collaboration bien souvent, puis, même, il y a des ententes spécifiques, ce qu'on appelle des ententes de services. Il y en a dans certains cas. Donc, on collabore, on est en lien direct. On est ce qu'on appelle ancrés dans la communauté.

Donc, on redoute à l'heure actuelle les impacts que pourrait avoir l'obligation de sous-traitance avec les nouveaux réseaux locaux. On redoute ça parce que les impacts sur les organismes mêmes... On vous le disait tantôt, les organismes, il y a eu plus d'argent au niveau de... Il y a eu plus de responsabilités qui ont été confiées aux organismes communautaires que les réallocations qui ont été mises entre 1996 et 1999. Même si on est convaincus que... Même si, aujourd'hui, on donnait 25 000 $, 30 000 $, 40 000 $ ou 50 000 $ à un organisme dans un territoire pour s'occuper d'un pan ou d'une catégorie de services à la population, dans l'état de sous-financement actuel des organismes, ils ne seraient pas capables de le faire.

Il y a des réalités qui sont à notre avis incontournables. 50 % des organismes, à l'heure actuelle ? M. le ministre le disait en commission parlementaire au mois de juillet, je pense ? sont en bas de 50 000 $, ont des subventions en bas de 50 000 $, selon des estimés, là, tout à fait conservateurs. Si on considère que 50 % du financement des organismes provient de l'État, ça veut dire que leurs revenus se situent autour de 100 000 $. Avec 100 000 $, ils ont de la difficulté à faire ce pour quoi ils existent, leur propre mission. Si on veut les mettre en relation de sous-traitance avec des établissements publics, ils risquent de devoir laisser tomber ce qu'ils font le mieux: la prévention, la promotion et l'aide directe aux citoyennes et citoyens.

L'autre impact aussi que ça risque d'avoir, qui n'est pas négligeable, c'est l'impact du lien entre la population et les organismes. Les organismes communautaires, vous demanderez, il y a eu... À un moment donné on classait, là, les gens pour qui la population avait le plus de... je ne dirais pas de respect, mais avait le plus confiance. Et les organismes communautaires, dans leur milieu, étaient dans les mieux placés. Le jour où les organismes communautaires seront vus par la population comme des appendices des établissements publics, ça va être quoi, la réaction des citoyennes et citoyens? Ils vont-u venir encore? Nous, on est inquiets de ça.

Je vous donnerai un exemple, au niveau des jeunes par exemple. Les maisons de jeunes, si... Le jour où les maisons de jeunes sont vues comme collées, par exemple, sur les centres jeunesse pour faire du signalement de problèmes de dope ou pour faire toutes sortes de choses comme ça puis on signale les jeunes ? signalement des problèmes de violence ? est-ce que les jeunes vont encore venir dans les organismes? Est-ce qu'on va être encore capable de jouer le rôle de prévention et de promotion qu'on est là pour faire?

On pourrait donner aussi des exemples plus concrets, plus actuels. Depuis à peu près trois ans, depuis la commission Clair, en fait, il y a eu beaucoup d'approches pour réseauter les organismes communautaires avec le réseau dans le cadre des réseaux intégrés de services; par exemple, en santé mentale ou au niveau des services aux personnes âgées.

On va parler de l'exemple... Je rencontrais dernièrement des gens des centres d'action bénévole, qui disaient: On a accepté de plain-pied d'embarquer dans les réseaux intégrés de services pour les personnes âgées, mais on s'est rendu compte que depuis ce temps-là ? puis ça ne fait pas tellement longtemps ? on a de la difficulté à recruter des bénévoles. Parce que les bénévoles, ils sont prêts à aller aider les gens selon leur propre disponibilité, selon leur propre volonté d'engagement. Mais, quand on leur dit: Ça fait partie d'un plan intégré de services pour cette personne-là, là, ils se disent: Oups! le niveau de responsabilité n'est pas pareil. Et ils ne sont pas nécessairement prêts à accepter ce niveau de responsabilité là. De sorte qu'on pense que... Nous, la faisabilité de la sous-traitance au niveau des réseaux locaux, on questionne ça énormément.

M. le ministre disait, toujours en commission parlementaire au mois de juillet, qu'il s'attendait à ce que, si on investissait davantage au niveau de l'aide à domicile, des services à domicile, les organismes communautaires étaient pour être mis à contribution. Nous, on pense qu'il faut faire attention avec ces approches-là. On est prêts à collaborer dans la mesure de nos moyens, et surtout dans la mesure où les missions des organismes communautaires, leurs façons de faire vont être respectées et que ça va se faire dans un rapport libre, volontaire, respectueux de l'autonomie des organismes, tout comme les organismes respectent aussi les mandats qui sont confiés aux établissements publics. On pense que le projet de loi, à ce niveau-là, pour nous, il est très imprécis. Il mériterait d'être précisé.

Est-ce qu'on fait une différence entre mieux soutenir les organismes pour qu'ils fassent ce qu'ils font... ou si on va leur demander de faire autre chose que leurs missions?

Le Président (M. Copeman): M. Théoret, je, malheureusement, dois vous inviter à conclure.

M. Théoret (Robert):. Oui, je conclus. Je conclus en disant que toute la question, effectivement, de... Nous, on est plus dans le préventif et dans la promotion. C'est la place que les organismes communautaires occupent dans la société. Nous, on est inquiets des virages curatifs auxquels on pourrait être conviés.

L'autre élément, et peut-être que, dans la période de questions on pourrait y revenir: la place des citoyens et des citoyennes dans les structures de représentation. Nous, on a cru à la loi n° 120, qui mettait le citoyen et la citoyenne au coeur du réseau. On s'est aperçu qu'il y a eu des reculs continus, depuis 1992. Aujourd'hui, c'est le ministre qui désigne les gens qui siègent sur les conseils d'administration. Il y a encore aussi cinq citoyens, par contre, qui sont sur les conseils d'administration des CLSC. Nous, on souhaite que ces citoyens-là puissent continuer de siéger.

On souhaite aussi que les organismes communautaires puissent avoir leur place au niveau des instances régionales et locales, parce qu'on pense qu'on a quelque chose à apporter, on a quelque chose à ajouter au réseau de la santé, au réseau public de la santé et services sociaux. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, monsieur et madame, monsieur, de venir, malgré l'heure tardive, nous présenter vos visions. C'est tard, hein? Mais c'est intéressant de vous entendre. Puis on va aller... Je pense que... Ça m'a beaucoup intéressé, votre présentation, parce que vous vous êtes approchés à plusieurs reprises d'un point qui est fondamental, c'est la relation entre le réseau public puis les groupes communautaires. Et vous allez m'aider à mieux comprendre puis on va pouvoir échanger là-dessus.

La question de l'autonomie des groupes communautaires, moi, j'y crois également, je pense que c'est un principe important. D'ailleurs, vous voyez que vous n'êtes pas inclus, dans le cadre de ce projet de loi, dans l'administration du réseau local; vous êtes des partenaires du réseau local. Maintenant, comment est-ce qu'on définit ce partenariat entre un organisme communautaire, qui est autonome, et un réseau public de santé et services sociaux, qui a des objectifs précis à atteindre puis des comptes à rendre à la population?

La question que je poserais, c'est: Votre êtes autonomes, donc vous avez en vous une existence propre, puis des moyens, puis des choses que vous voulez faire; puis le réseau public de la santé, lui, il a des objectifs précis à atteindre puis des comptes à rendre sur la façon dont il atteint ces objectifs-là. Comment est-ce qu'on arrime les deux? Est-ce que les deux, là, sont condamnés à rester en parallèle puis en s'ignorant un peu? Ou comment est-ce qu'on fait pour réussir à préserver la nature de chacun, là?

M. Théoret (Robert): Je vous dirais qu'ils n'ont jamais été en parallèle. Le réseau communautaire a été en périphérie du réseau public. Donc, en périphérie... Il y a toujours eu une jonction, une jonction qui s'est faite dans les relations avec les CLSC, dans les relations qui sont faites au niveau de la déficience, par exemple, entre les centres de réadaptation, à travers les groupes de parents. Et, pour nous, cette jonction-là doit rester.

Les groupes communautaires, et je le disais tantôt, en tout cas, à notre avis, ne sont pas dans le curatif. Ils sont dans la prévention, dans la promotion, ils sont dans... pour faire en sorte que les citoyens et les citoyennes... Ils sont sur les conditions de vie, ni plus ni moins. Écoutez... Et ils ont aussi des pratiques novatrices. Je pense qu'André voulait intervenir sur la question des pratiques novatrices. Par exemple, en toxicomanie. La réadaptation en toxicomanie, dans le milieu communautaire, elle a précédé de beaucoup ce qui existait dans le réseau public. Avant qu'il y ait des centres de réadaptation publics en toxicomanie, il y avait des organismes communautaires qui s'en occupaient.

n (21 h 10) n

M. Tanguay (André): D'ailleurs, les centres publics de réadapt, ils ont été créés à partir des organismes communautaires qui existaient, principalement les unités Domrémy. Elles ont, avec le temps, changé de nom, mais il reste encore Domrémy Pointe-du-Lac, par exemple, Québec, Saint-François-d'Assise ou Montréal. C'est des unités Domrémy qui faisaient partie de la fédération Domrémy, dont nous avons pris la suite.

Mais j'aimerais rajouter, M. le ministre, quelque chose à votre question. Dans les régions où on a reconnu l'autonomie du communautaire, c'est dans ces régions-là qu'on est allé le plus loin dans les réseaux intégrés de services. Vous ne pouvez pas avoir du partenariat avec quelqu'un qui n'est pas autonome. Si vous êtes intégré, vous n'êtes pas autonome. Si vous êtes autonome, vous pouvez être partenaire.

Puis je vais vous donner un exemple très précis. À Québec, par exemple, on a... la première chose que la Régie régionale de Québec a faite, c'est un document qui reconnaît l'autonomie et les caractéristiques du communautaire. On a dit: Voilà, on vous décrit comme vous êtes; maintenant, on travaille ensemble. Et c'est là que les réseaux intégrés de services ont été les plus efficaces.

Il existe à Québec, par exemple, une association qui s'appelle ? ça va me revenir, il n'y a pas juste les cheveux qui me blanchissent, la mémoire aussi ? Toxicomanie Action Québec, où tout le monde se retrouve autour d'une table. Et le communautaire ne se sent pas menacé, parce que la première chose qu'on a faite, c'est de reconnaître qu'ils étaient autonomes. Et, à partir de là, on peut discuter en adultes.

Dans les régions, à l'opposé, où on a voulu exercer davantage de contrôle pour rendre des comptes, le chiard a pris. Et ça n'a pas évolué, et ça n'a pas avancé, ou avec des aberrations tout à fait extraordinaires où on loue des lits dans un organisme qui fait de l'hébergement, mais on ne les reconnaît pas comme organisme d'hébergement, par exemple. C'est aussi aberrant que ça.

Et je ne pense pas que l'autonomie soit un empêchement, de reconnaître l'autonomie des groupes. Et, à ma connaissance, les groupes n'ont jamais refusé, non plus, de donner l'information nécessaire pour que les comptes soient rendus. Il s'agit juste de reconnaître l'autonomie puis de ne pas tenter de prendre le contrôle des organismes indirectement, pour que la collaboration existe. Et les régions dont je parlais, c'est les cas qui sont flagrants.

M. Couillard: Je suis content d'entendre la fin de votre intervention, parce que, au début, j'ai craint que vous vous opposiez à la reddition de comptes. Je pense que je comprends que...

M. Tanguay (André): Jamais.

M. Couillard: ...vous êtes d'accord avec la notion de reddition de comptes. Parce que, en tant que gestionnaires des fonds publics, bien, bien sûr, on doit également nous-mêmes rendre compte des fonds qui sont...

M. Tanguay (André): Ce que l'on craint dans la reddition de comptes, par contre, c'est la bureaucratie. C'est de passer deux jours par semaine à répondre à un paquet de questions pas toujours utiles. Ça, ça nous inquiète. Mais la reddition de comptes ne nous a jamais, jamais inquiétés et on ne s'y est jamais opposés.

M. Couillard: Parlons un peu du financement, le nerf de la guerre, hein, pour le réseau de la santé puis aussi, certainement, certainement, pour les organismes communautaires.

On est passés, et on en faisait l'historique, l'autre jour, avec les TROC, qui sont venus nous voir ici, d'une époque, en 1973, où il y avait une trentaine de groupes, au Québec, puis un peu plus de 1million de financement global. On est rendus à plus de 3 000 groupes, actuellement, et un financement de plus de 285 millions. Avec le résultat que le financement moyen, si on regarde le moyen, a augmenté: il est rendu autour de 80 quelques mille piastres, maintenant, le financement moyen par groupe. Mais, comme vous le disiez, le nombre de groupes qui est financé à moins de 50 000 $, également, grossit.

Alors, devant ça, compte tenu du fait que les ressources financières ne sont jamais au niveau où on aimerait qu'elles soient pour l'ensemble du réseau, autant pour les groupes communautaires que pour le reste du réseau, qu'est-ce qu'il faut faire? Il faut-u continuer à accréditer puis financer d'autres groupes, ou bien il faudrait plutôt se concentrer sur ceux qui existent déjà, s'assurer qu'il n'y ait pas de duplication puis mieux les financer?

M. Théoret (Robert): Écoutez, là-dessus, je suis content que vous posiez la question, parce que, moi, ça fait longtemps que... depuis, en tout cas, six, sept mois à peu près, qu'on entend ça: Il y a trop d'organismes puis il y a de la duplication. Moi, ça fait à peu près 30 ans, là, que je suis dans le milieu communautaire, dans le milieu social, mais aussi j'ai fait mon stage, aussi, en milieu syndical pendant sept, huit ans dans le domaine de la santé et des services sociaux, et il y avait beaucoup moins d'organismes que ça au, je vous dirais, milieu des années quatre-vingt. Il y a eu, effectivement, une explosion. Pourquoi il y a eu une explosion? Qu'est-ce qui a fait en sorte qu'à un moment donné tout le monde s'est mis à vouloir... ou en tout cas à mettre sur pied, les communautés se sont mises à mettre sur pied des organismes communautaires? Pourquoi?

Il y a des raisons multiples à ça. La modification, entre autres, du marché de l'emploi. Dans les organismes communautaires, dans les années, je dirais, soixante-dix, quatre-vingt, les gens, ils venaient; ils ne restaient pas, par exemple. Mais, à partir du milieu des années quatre-vingt, on a commencé à avoir des gens très formés qui venaient des cégeps, des universités. Les cégeps puis les universités ont même commencé à faire, à mettre sur pied des programmes spécifiques pour travailler dans le milieu communautaire: intervention auprès des jeunes, intervention en toxicomanie, intervention sur la violence. Et ces gens-là, à un moment donné, ils arrivent dans un organisme puis il n'y a pas de place. Bien, peut-être qu'ils vont aller... ils vont essayer, au moins essayer d'en générer un autre ailleurs. Ça, c'est une des raisons.

L'autre raison, écoutez, les problèmes sociaux, malheureusement, ils augmentent, ils croissent plus qu'ils diminuent. Ça, il y a un problème, là, qui nous apparaît, en tout cas, qui... Tant qu'on n'aura pas touché à ça, peut-être qu'il faut s'attendre qu'il va y en avoir de plus en plus, d'organismes. En pauvreté... Germaine pourrait en témoigner, au début des années quatre-vingt, les cuisines collectives, au Québec, il n'y en avait pas. Il n'y en avait pas. La pauvreté, la volonté des gens de faire face à ces situations-là a fait en sorte que des communautés se sont organisées sur des problèmes. Puis effectivement, oui, il y a eu plus de groupes.

Autre chose, par contre, autre nuance que j'apporterais. Quand on se dit qu'on se retrouve avec 3 000 organismes, aujourd'hui, en tout cas, je ne sais pas, en pourcentage, ce que ça donne, là, par rapport à ce que c'était au début du programme de soutien aux organismes communautaires, mais je suis nuancé en disant aussi: Il faut considérer que, dans la croissance de l'enveloppe, il n'y a pas juste eu des ajouts de financement, il y a eu des transferts de fonds.

Au moment de la régionalisation du programme SOC, quand on a pris les organismes en santé mentale qui étaient dans l'enveloppe de santé mentale puis qu'on les a mis dans le programme de soutien aux organismes communautaires, on a fait augmenter de façon artificielle ce qui était l'enveloppe de soutien aux organismes communautaires. On l'a dénoncée, cette situation-là, à plusieurs reprises. Moi, je m'en rappelle, de l'avoir dit au ministre Rochon à l'époque du projet de loi n° 404, 1997-1998. Je pense qu'il faut nuancer les choses. Il faut nuancer les choses.

Il y a une autre réalité, aussi, c'est qu'il y a des stratégies d'intervention qui se sont développées, par exemple, au niveau de la violence faite aux femmes, au niveau de la lutte contre les agressions sexuelles. Au début, il y avait ? ou au niveau du SIDA ? quelques organismes. Bien, à un moment donné, quand on se rend compte que le même problème existe en Gaspésie, qu'il existe en Abitibi, qu'il existe au Lac-Saint-Jean, bien, on développe, on va avec nos stratégies d'intervention dans ces régions-là pour essayer d'aider les gens. Et ça, ça fait augmenter le nombre d'organismes. Ça fait que, moi, je pense qu'il faut nuancer, il faut faire attention, il faut regarder un peu l'histoire des choses.

Dernier élément là-dessus, je pense qu'il faut tenir compte aussi que les organismes communautaires, ils sont très liés à la culture locale, à la culture territoriale d'où ils naissent. Et ça, on ne peut pas jouer dans la structure ou dans l'organisation des organismes communautaires sans considérer cet élément-là. On le dit, on a entendu, de la part d'attachés politiques, de la part de fonctionnaires, au cours des derniers mois: Écoutez, on ne pourrait pas fusionner tel organisme avec tel autre organisme? Nous, on pense que oui, peut-être que ça peut être faisable dans certains cas. Mais ça ne peut pas être une solution appliquée mur à mur. Ça ne peut pas être une solution appliquée mur à mur. On ne peut pas penser que, sur un territoire, par exemple, il va y avoir un répondant auprès du réseau local qui va s'occuper par exemple de la sécurité alimentaire puis qui va à la fois être une banque alimentaire, à la fois des cuisines collectives, à la fois des popotes roulantes.

Le communautaire, il ne s'organise pas comme le réseau, pas plus qu'il s'organise comme l'entreprise privée. Et, sur le plan strictement économique, les économies qui pourraient être réalisées sont tout à fait marginales. Qu'on prenne trois, quatre organismes sur un territoire, qu'on les fusionne, ça ne veut pas dire qu'il n'y aura pas trois, quatre endroits où ils vont devoir continuer d'avoir des points d'ancrage. On va peut-être sauver, quoi, un, deux, trois salaires au niveau de la coordination, qu'on va être obligé de transformer en donnant des responsabilité à d'autre monde. C'est des économies à la marge.

n (21 h 20) n

On n'est pas dans le méga, comme quand on fusionne des entreprises ou même quand on fusionnerait, par exemple, des établissements du réseau. On n'est pas dans cet ordre de grandeur là. On pense qu'à un moment donné il va falloir... On est prêt à s'asseoir pour en discuter, par exemple. Ça, je vous dirais, on est prêt à s'asseoir pour en discuter, les gens sur les territoires sont prêts à le faire. Mais il faut faire très attention pour ne pas faire en sorte qu'on va tout tuer la dynamique.

Les gens qui siègent sur les conseils d'administration des organismes... Moi, je l'ai entendu depuis au moins 1996, cette remarque-là. Je siège, moi, sur deux conseils d'administration d'organismes avec des gens tout à fait compétents mais qui commencent à trouver que c'est très lourd et que les dossiers sont hypercomplexes. Ça fait que, si, en fusionnant les organismes, on complexifie davantage les choses, ça va devenir très difficile d'impliquer les citoyennes et les citoyens dans la gestion de ces organisations-là.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Pontiac, il reste un peu moins de deux minutes pour le parti ministériel.

Mme L'Écuyer: Bon. Je vais essayer d'être très brève. J'ai surtout une question qui me préoccupe. Bonsoir, en partant. J'ai beaucoup d'expérience en communautaire, j'ai été 30 ans dans ce milieu-là, j'ai travaillé avec des milieux, avec des communautés pour créer des ressources communautaires. Et j'essaie de comprendre. Dans votre mémoire, vous dites: Les organismes et les groupes communautaires sont enracinés dans la communauté ? je trouve que tantôt vous aviez un bon exemple, Domrémy, qui est parti de la communauté puis, finalement, est devenu un organisme ? par contre, on ne veut pas être... on ne veut pas avoir... on ne veut pas que vous nous utilisiez pour des services. À la page 6, vous dites aussi: On veut faire de la prévention, on ne veut pas donner des services. On veut aussi décider de ce qu'on va faire, comme orientations, et ces choses-là.

Est-ce que vous pouvez m'expliquer, si les organismes communautaires émanent et émergent des gens de la communauté... créent ces organismes-là pour répondre à un besoin bien précis, comment, à ce moment-là, on peut aussi dire: Bien, l'organisme va décider de ce qu'il veut faire, mais c'est surtout un organisme de prévention, de promotion et on ne veut surtout pas être utiles?

Pour connaître, entre autres, deux organismes communautaires de très près, l'Accès à l'action bénévole, qui sont des gens qui donnent des services directs, les maisons de jeunes, qui ne font pas juste de la prévention mais qui reçoivent les gens, les jeunes en situation de crise, qui vont les accompagner, qui vont s'assurer que ces jeunes-là ne sont pas dans la rue, dans ma tête à moi, c'est des services directs. J'aimerais ça que vous m'expliquiez, là.

M. Théoret (Robert): Oui. Écoutez, il y a des services directs... Faire la prévention, de la promotion, c'est des services directs. Ces jeunes-là dont vous parlez, là, qui sont accueillis par les maisons de jeunes, là, si les maisons de jeunes ne les accueillent pas, où ils vont se retrouver? Dans une urgence d'hôpital ou dans un centre de réadaptation en toxico? Ou ils vont se retrouver dans le réseau des centres jeunesse?

Nous, on pense que, si on les accueille en donnant ces services-là à notre manière, à notre manière, pas dans un objectif, je dirais, d'institutionnalisation des jeunes, pas dans un objectif de... dans un objectif d'aide, d'entraide, on participe à une opération de prévention qui fait en sorte qu'on améliore leurs conditions de vie puis on fait en sorte qu'ils ne retrouvent pas dans le réseau institutionnel. Ce qui n'est pas, en tout cas à notre avis, la meilleure façon.

Je vous donnais... Moi, j'illustrerais avec un autre exemple, il s'est développé, il y a 20 ans, depuis une vingtaine d'année, l'hébergement...

Le Président (M. Copeman): Malheureusement, M. Théoret, il va falloir qu'on passe à l'autre côté de la table.

M. Théoret (Robert): Ah!

Le Président (M. Copeman): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Bon. Alors, M. Théoret, je vous laisserai du temps, d'ailleurs, pour compléter votre réponse.

M. Théoret (Robert): Merci.

Mme Harel: M. le président, je vous accueille au nom de l'opposition officielle, et je sais que plusieurs de mes collègues veulent échanger avec vous. Je voudrais saluer M. Tanguay ainsi que Mme Chevrier. Vous êtes, Mme Chevrier, la coordonnatrice du Regroupement des cuisines collectives au Québec. J'ai la fierté que la première cuisine collective créée au Québec le fut dans Hochelaga-Maisonneuve, et le fut fort heureusement par une très grande collaboration du milieu communautaire et du CLSC. Et on m'a indiqué, mais ça fait déjà un an de ça, qu'il y avait 800 cuisines collectives, maintenant, à travers tout le Québec. Je ne sais pas à combien vous êtes rendus?

Mme Chevrier (Germaine): Bien, on a dénombré plus de 1 300 groupes à travers la province l'année passée, là, puis ça va probablement augmenter encore, là. Donc, c'est des groupes qui sont issus de la participation citoyenne des personnes de vouloir se prendre en main pour avoir une meilleure alimentation. On parle de prévention, de promotion de la santé. Donc, effectivement, c'est une action qui est vraiment issue... c'est vraiment du communautaire, de personnes qui voulaient démarrer des cuisines collectives et se prendre en main.

Mme Harel: Connaissez-vous la cuisine collective d'Hochelaga-Maisonneuve?

Mme Chevrier (Germaine): Bien sûr. Ils sont membres chez nous, on connaît très bien les cuisines, c'est les premiers membres du Regroupement des cuisines collectives.

Mme Harel: Ils sont installés dans une ancienne caisse populaire.

Mme Chevrier (Germaine): Exact.

Mme Harel: Et c'est assez extraordinaire. Comme, à la veille de Noël, là, à chaque année, là, je vais, parce qu'ils vont cuisiner pendant presque un mois, là, de manière à être capables de recevoir. Souvent, c'étaient des gens incapables de recevoir. Vous ne recevez pas avec du Kraft Dinner, hein, il n'y a pas de relations sociales si vous n'avez pas plus à mettre sur la table. Et les cuisines collectives, ce n'est pas que pour les femmes, maintenant. Les hommes seuls aussi, souvent, qui n'ont pas été familiarisés avec leur propre autonomie, hein, surtout les hommes plus âgés, participent aux cuisines collectives dans mon quartier, et les enfants. Et, après l'école, maintenant, les enfants peuvent aller dans certaines cuisines collectives, où ils pratiquent la mathématique. Il faut pouvoir calculer et mesurer pour pouvoir cuisiner. Bon.

Alors, écoutez, d'abord, je suis contente que vous soyez parmi nous. Ce n'était pas tout à fait évident. Il y avait eu confusion, là, de la part du leader du gouvernement. Écoutez, j'habite dans un quartier où il y a 222 organismes communautaires. Alors, quand les gens me parlaient de leur ville-banlieue et de leur sentiment d'appartenance, moi, je leur disais: Vous ne connaissez pas ce qu'est le sentiment d'appartenance dans un quartier comme Hochelaga-Maisonneuve, qui est évidemment une petite patrie, et qui est un sentiment d'appartenance très, très fort.

J'ai compris au fil des années que la grande différence entre l'institutionnel et le communautaire, c'est que l'institutionnel travaille sur ce qu'on appelle les dysfonctions. C'est quand ça ne marche pas, hein, c'est quand il y a de la maltraitance ou encore c'est quand il y a de la délinquance. En fait, c'est quand les gens n'en peuvent plus puis qu'ils abdiquent, quand ils renoncent, finalement. Là, l'institutionnel intervient. Mais, en général, c'est une intervention lourde, n'est-ce pas. Et la différence, c'est que le communautaire ne travaille pas... ne gère pas les faiblesses ou les dysfonctions, mais les forces. Et, dans un milieu, il y a des forces.

J'ai le souvenir d'une table de concertation sur la jeunesse, dans mon quartier, où c'était absolument lamentable, page après page ? parce que tout ça était très institutionnel ? de voir toutes les faiblesses dans lesquelles se retrouvaient les enfants de mon quartier. Mais ils avaient oublié une chose, puis je leur ai dit: Il faut que vous ajoutiez un chapitre, parce que c'étaient des enfants complètement performants dans les sports, dans le hockey, dans le baseball, etc. C'est une force, ça, et à partir de laquelle il fallait commencer à travailler, dans un quartier.

En tout cas, tout ça pour vous dire: Quel que soit le domaine, il en sera toujours ainsi. Et on ne peut pas s'imaginer que les choses seront faites différemment. C'est-à-dire que l'institutionnel n'interviendra que lorsque ça ne marche pas, alors que le communautaire, lui, s'organisera pour que les gens, à partir de ce qu'ils sont, même avec leurs déficiences, trouvent les moyens de vivre une vie dans la dignité. Et ça, c'est fondamentalement la différence.

Et là ? et puis je pourrais vous raconter beaucoup d'expériences, mais je sais que mes collègues veulent intervenir ? le problème du projet de loi n° 25, c'est que le ministre, de bonne foi, j'en suis convaincue, là, parle de l'autonomie des organismes communautaires, sauf que c'est artificiel parce qu'elle est subordonnée à l'instance locale. C'est exactement comme, par exemple, le projet de loi n° 34, qui subordonne la participation de la société civile, là, aux élus municipaux: il subordonne. Alors, l'instance locale, à l'article 24, deuxième alinéa, peut décider ou pas d'établir des ententes avec les organismes communautaires.

n(21 h 30)n

Mais l'instance locale, c'est de l'institutionnel pur. Parce qu'il n'y a pas seulement que le CLSC. Moi, je n'ai jamais accepté non plus que les organismes communautaires relèvent du CLSC. Puis le CLSC, dans mon quartier du moins, a toujours su manifester du respect pour une réciprocité qui n'était pas de l'ordre vertical, mais horizontal, hein? Mais là je vois bien que c'est vertical, là, c'est complètement vertical: c'est l'hôpital, le CHSLD, le CLSC qui auront toujours des besoins immensément non comblés et qui devront prendre un peu de leur budget pour établir des ententes avec les organisations communautaires. C'est sûr que ça met en concurrence des milieux locaux qui vont se confronter. Ça ne peut pas faire autrement, c'est bien évident. Parce que qui va arbitrer? Actuellement, c'est la régie régionale qui arbitre avec un programme qui s'appelle Soutien aux organismes communautaires, qui est dédié dans une enveloppe protégée. Mais là, maintenant, l'arbitrage va se faire au niveau local avec immensément de besoins. Alors, vous comprenez bien que les perdants, ce sera certainement l'organisation communautaire. C'est tellement évident quand on vit dans cette réalité-là. Je ne sais pas si...

M. Théoret (Robert): Je dirais que, au-delà des perdants, nous, on existe... Les organismes communautaires vous le diront: Ils existent pour les citoyens et les citoyennes. Ça fait que ce n'est pas des organisations qu'on protège, c'est des citoyens et des citoyennes. Je vous donnerais un exemple. Par exemple, une maison d'hébergement, il y en a qui l'ont fait, signer des ententes de services, par exemple, pour réserver des places à l'usage des établissements, ça s'est fait en itinérance, ça s'est fait en santé mentale. Quand l'établissement ne met pas personne dans ces lits-là, l'organisme ne pouvait, lui, accueillir des gens venant directement du milieu.

Donc, qui est privé, là? Ce n'est pas l'organisme. L'organisme, lui, là, là, il perd juste l'argent, le per diem qu'il pourrait recevoir. Mais le citoyen, lui, qui en a de besoin, le jeune ou la femme qui est dans la rue, elle, elle est perdante. Parce qu'on disait: On ne peut pas te prendre, on ne peut pas. Ces lits-là sont réservés à l'usage de l'établissement. Donc, si tu veux venir chez nous, il faut que tu passes par l'établissement.

Et il y a une chose qu'il ne faut pas sous-estimer. Dans certaines populations, en santé mentale, en itinérance, il y a une réticence très grande pour les gens à faire affaire avec l'institutionnel. On est souvent... les organismes, dans ce milieu-là, sont la dernière voie, le dernier moyen. S'ils ne viennent pas chez nous, là, ils vont rester dans la rue. Et ça, il y a des coûts sociaux puis il y a des coûts économiques aussi à ces réalités-là. Nous, on est les... Le jour où on est contingentés par des ententes de services blindées qui nous obligent à faire telle chose, on est piégés. On est piégés, on est limités dans notre capacité d'aider directement les citoyennes et les citoyens.

Mme Harel: Écoutez, s'il y avait un seul exemple là et si j'avais à proposer au ministre une seule visite, ce serait celle du Dr Julien. Le Dr Julien, n'est-ce pas? Et le Dr Julien ne peut interagir que parce qu'il n'est pas dans l'institutionnel. Parce que le Dr Julien, qui reçoit environ une centaine d'enfants, ne les reçoit pas, n'héberge pas, il les reçoit dans un contexte de la rue Adam, dans des logements comme ceux qu'ils habitent avec leurs parents ou, en fait, quand ils ont des parents qui sont présents, intervient mais n'a jamais été vraiment supporté ou à peine par l'institutionnel.

M. Théoret (Robert): Non, tout à fait.

Mme Harel: Et, si le communautaire est subordonné à l'institutionnel localement, dans l'arbitrage qui se fera des ressources, bien là ça va être un carnage.

Le Président (M. Copeman): Bon. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Merci, M. le Président. Je suis contente de vous voir ici, M. Théoret, Mme Chevrier et M. Tanguay. L'action communautaire est une richesse absolument importante au Québec. Et, même si on en dénombre beaucoup ? j'entendais le ministre dire le nombre ? vous avez bien, je pense, expliqué le pourquoi de toute cette effervescence-là et le sort des organismes communautaires. Et je suis convaincue qu'il n'y en a pas vraiment beaucoup qui vraiment, je pourrais dire, qui a le double, je pourrais dire... travail ou soutien auprès de nos personnes, nos familles, nos jeunes, nos plus démunis et tous ceux pour qui vous vous donnez corps et âme.

J'aimerais vous poser la question par rapport au financement. Quand le ministre parlait d'une moyenne d'environ 80 000 $, là, peut-être, en santé et services sociaux, cette moyenne-là ne veut rien dire. Elle ne veut rien dire parce qu'il y a des organismes qui se retrouvent avec des montants, des subventions ou de l'aide de l'État de 200 000 $, 250 000 $, puis il y en a d'autres qui sont à 10 000 $ ou à 5 000 $. Alors, quand on fait une moyenne de ça... Il ne fait qu'une moyenne. Ce qui est important, c'est plutôt de voir l'ensemble des organismes et de pouvoir identifier quels sont ceux qui sont à 10 000 $ depuis nombre d'années et quels sont ceux... Alors, je pense qu'il y a un autre genre de travail qu'il faut faire au niveau de l'action communautaire puis au niveau de tout l'ensemble des organismes. Alors, ça, c'est un message que je voulais donner au ministre par rapport à l'action communautaire.

Que pensez-vous par rapport au financement, d'une part, mais vous n'avez pas parlé vraiment, par rapport à la santé et services sociaux... toute l'équité interrégionale qui, pour vous... J'ai entendu souvent de vos remarques et revendications par rapport à ça, et particulièrement en santé et services sociaux. Tous les groupes communautaires ont beaucoup de difficultés d'avoir cette équité-là à travers toutes les régions du Québec. Est-ce que vous pouvez nous dire un petit mot sur ça?

M. Théoret (Robert): Écoutez, traditionnellement, nous, à partir du milieu, en tout cas, quand les regroupements provinciaux se sont mis sur pied, c'était dans l'espoir que, peu importe la région où les organismes qu'il représentent agissent, ils puissent avoir un financement comparable. Au moment de la régionalisation du programme de soutien aux organismes communautaires, d'ailleurs, en 1996-1997 ? ça figure, d'ailleurs, dans la brochure du programme ? on a insisté beaucoup sur le principe de «à ressources comparables, financement comparable». Donc, deux organismes, peu importe l'endroit où ils se trouvent, s'ils doivent soutenir les mêmes choses, devraient recevoir un même type de financement. Pour nous, l'équité interrégionale passe par l'équité interorganismes.

Malheureusement ? et ça, on l'a déploré à plusieurs reprises ? on pense qu'il y a eu des... je n'ose pas utiliser le mot «dérapages», mais, en tout cas, il y a eu des problèmes d'application au moment de la régionalisation du programme, pas parce que les organismes n'ont pas essayé de faire reconnaître leur réalité, mais tout simplement parce que les régions, les régies n'ont pas disposé des mêmes moyens pour soutenir les organismes. Chaque fois que l'argent est venu... On a beau reprocher, par exemple, à l'R des centres de femmes ou aux maisons d'hébergement de négocier leurs affaires au niveau provincial, puis qu'après ça ça descend, puis ça s'en va à peu près pareil dans chacune des régions, on a beau... Sauf que ce n'est pas un secteur où il y a des inéquités à l'heure actuelle. Il y en a mais beaucoup moins grandes que dans d'autres secteurs.

Ailleurs, par contre, je prendrai l'exemple des maisons de jeunes où le cadre, par exemple, de référence sur les maisons de jeunes est relativement récent, à peine un an et quelques mois, les inéquités sont flagrantes. À deux régions voisines, on va avoir un organisme qui va avoir 4 000 $ ou 5 000 $ par année, puis dans la région d'à côté il va avoir 80 000 $. Et ça, on pense que, nous, ça doit être corrigé, là, si on veut que tous les organismes...

Parce qu'on pense que, aussi, il faut penser en termes de stratégie d'intervention. Si on pense à de la prévention, par exemple, puis au rôle des maisons de jeunes en matière de prévention, il faut qu'il y ait une stratégie à l'ensemble de la province. On ne peut pas penser qu'il va y avoir... On va bien soutenir les maisons de jeunes dans une région, puis ils vont être capables, eux autres, d'agir correctement. Puis, dans la région d'à côté, bien, c'est bien de valeur, mais les jeunes n'auront pas accès à l'ensemble des services auxquels ils auraient droit. La prévention, dans ce sens-là, elle n'a pas de sens. Si on ne corrige pas les inégalités à ce niveau-là, ça n'a pas de sens.

Ça fait que, nous, on pense que, effectivement, il faut qu'il y ait ça, il faut qu'on ait des garanties. C'est pour ça qu'on pense... On disait tantôt: Il faut qu'on pense à faire en sorte que, au niveau national, il y ait des directives claires puis qu'après ça il peut y avoir des ajustements selon les différentes réalités aux niveaux local et régional. Et, sans tomber dans le centralisme à outrance ou dans le mur-à-mur, on pense qu'il y a des espaces là pour avoir... il peut y avoir de la marge.

n(21 h 40)n

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Théoret, Mme Chevrier, M. Tanguay, de votre participation ici, à cette commission parlementaire. J'invite les représentants de l'Alliance des communautés culturelles pour l'égalité dans la santé et les services sociaux à prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous accueillons les représentants de l'Alliance des communautés culturelles pour l'égalité dans la santé et les services sociaux. M. Nombré, je comprends que vous allez agir comme porte-parole principal, alors bienvenue à cette commission. Vous avez une durée maximale de 15 minutes pour faire votre présentation. Ce sera suivi par un échange avec les parlementaires, d'une durée maximale de 15 minutes de chaque côté de la table. Je vous demanderais d'identifier les gens qui vous accompagnent et de commencer immédiatement votre présentation.

Alliance des communautés culturelles pour l'égalité
dans la santé et les services sociaux (ACCESSS)

M. Nombré (Martin-Pierre): Bonjour, et merci de nous accueillir. Je serai accompagné aujourd'hui, donc, par Stephan Reichhold, qui est directeur de la Table des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes; et de Carmen Gonzales, qui est de l'organisme COPSI ? on aura l'occasion d'en parler rapidement ? et qui est, donc, vice-présidente à l'Alliance.

Et, comme nous sommes arrivés au Québec les derniers, nous allons aujourd'hui encore parler les derniers. C'est très intéressant de nous inviter, mais on se dit: Plus on va nous écouter plus tard, est-ce qu'on va nous entendre? On va essayer de parler et puis de vous amener, donc, nos éléments qui sont nos préoccupations au niveau des communautés ethnoculturelles.

Aujourd'hui, notre présentation va se dérouler, donc, en cinq points. Dans un premier temps, nous allons présenter rapidement l'Alliance et puis la Table des réfugiés, puisqu'il y en a plusieurs, peut-être, qui ne nous connaissent pas. Ensuite, nous allons vous amener les questions que le projet de loi n° 25 soulève pour nous. Nous allons nous attarder sur des éléments qui, pour nous, sont intéressants si on veut aller de l'avant, donc, avec tout ce qu'on essaie de faire depuis un certain nombre d'années: réorganiser tous ces services. Et, dans ces deux éléments-là, nous parlerons beaucoup de tout ce qui est santé mentale pour les immigrants, parce que ça nous tient beaucoup à coeur. Et nous finirons par une conclusion.

Donc, comme je l'ai dit, l'Alliance des communautés ethnoculturelles pour l'égalité dans la santé et les services sociaux existe depuis 1984, et depuis ce temps nous regroupons plus de 60 organismes à travers le Québec. Pourquoi j'insiste? Parce que, souvent, on pense que les immigrants viennent de Montréal. Il y en a maintenant plusieurs, immigrants, qui sont en Montérégie, il y en a en Estrie, il y en a à Québec, là, il y a la régionalisation qui se poursuit.

Depuis sa création, l'Alliance a travaillé sur plusieurs dossiers, notamment la mise sur pied du Bureau des services aux communautés ethnoculturelles, qui était, donc, rattaché au ministère de la Santé, qui a disparu depuis un certain nombre d'années. Nous avons travaillé aussi au niveau, donc, de l'élaboration de la loi n° 120. Il y a plusieurs éléments qui sont enchâssés dans cette loi qui permettent de parler d'accessibilité et d'adéquation des services à ces communautés.

Nous avons aussi intervenu sur plusieurs éléments dans la matière de politique d'immigration, d'intégration. Nous avons travaillé aussi en matière de suivi de l'entente fédérale-provinciale dans la matière de santé et de services sociaux. Et, finalement, en 2003, nous nous sommes donné comme mandat pour aller voir où était rendue l'accessibilité, donc, au niveau des communautés ethnoculturelles, et nous avons fait une tournée dans toutes les régions où il existe, une masse critique, je dirais, d'immigrants et de réfugiés. Donc, aujourd'hui, notre présentation va beaucoup se baser sur ces différents éléments là. Mais, avant de poursuivre, donc, je vais permettre à Stephan de présenter la Table, et je reviendrai donc sur les différents éléments.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. Reichhold.

M. Reichhold (Stephan): Oui, bonsoir. Bonsoir, M. le ministre, merci beaucoup pour nous donner la parole. Donc, moi, je travaille à la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, qui regroupe 132 organismes à travers le Québec qui oeuvrent plus dans le créneau des nouveaux arrivants, donc au niveau des immigrants et des réfugiés, et donc aussi beaucoup en région. Maintenant, on a des organismes qui sont localisés dans les régions dont parlait Martin-Pierre. Alors, je ne sais pas, toi, tu voulais continuer? O.K.

M. Nombré (Martin-Pierre): Donc, le projet de loi n° 25, comme je le disais en introduction, nous pose quelques questions, et la première des questions qui se posent au niveau de nos membres mais aussi dans plusieurs communautés: on se demande en quoi le regroupement de ces services autour d'un hôpital va apporter plus d'éléments, plus de services, donc, pour nos communautés. En quoi le fait de regrouper aussi ces services-là... Nous, on a peur que toute la question de santé prenne le pas sur les services sociaux, étant donné que, quand on a un nouvel arrivant ici, toute la question de service social, c'est ça qui nous intéresse le plus.

Est-ce que la clientèle des nouveaux arrivants, dont on sait qu'ils cumulent plusieurs types de facteurs qui nous fragilisent... Je vais en citer quelques-uns: la pauvreté circonstancielle ? je pense que tout le monde entend parler du nombre de personnes immigrantes qui augmente sur l'aide sociale ? l'isolement, le fait de ne parler des fois ni français ni anglais, la méconnaissance de certaines ressources, le choc post-traumatique, difficultés d'intégration, etc. En quoi ces personnes-là seront considérées comme des personnes vulnérables et ciblées, donc, dans le cadre de la réforme actuelle, puisqu'on voit qu'il y a les personnes âgées, les personnes en perte d'autonomie, etc., qui sont ciblées? Est-ce que ces personnes seront prises en compte comme étant, donc, des clientèles vulnérables?

Quel sera le rôle aussi des réseaux de santé et services sociaux après deux ans? Pourquoi on pose cette question? Parce que, actuellement, la majorité des dossiers qui sont gérés par rapport à l'accessibilité sont gérés dans les régies. Il y a de l'argent qui est là-bas, il y a une personne des fois qui est désignée soit une journée-semaine, deux journées-semaine, des comités d'accessibilité, etc. Et est-ce que tout ça, ça va disparaître? Donc, ça, c'est une de nos questions.

Sur l'île de Montréal aussi, dans certains arrondissements, nous savons qu'il y a une masse critique, donc, d'immigrants, on prend Côte-des-Neiges, on prend Parc-Extension. Et, si on jumelle, donc, ces territoires avec d'autres territoires qui n'ont pas assez d'immigrants, est-ce qu'on aura assez de place pour discuter de tout ça? Quand on prend, par exemple, le cas des CLE, on a vu la fusion des fois faire dans des arrondissements trois ou quatre quartiers qui n'ont pas nécessairement les mêmes compositions. Est-ce qu'on va oublier le fait qu'il y a beaucoup d'immigrants et est-ce que les services vont être donnés à ces personnes-là comme on le souhaite aujourd'hui? Le regroupement des services, comme je disais, donc, crée à Montréal des amalgames de populations qui n'ont souvent rien en commun en termes de besoins, qui sont très, très dissemblables. Dans ce contexte, comment on va prendre en compte, donc, toute la question des immigrants?

On ne s'est pas seulement attardés à des questions. Comme je vous ai dit, une fois que, nous, on a fait notre tournée en 2003, on avait déjà commencé à amener plusieurs types de réflexions. Donc, c'est ça que nous allons amener. Éventuellement, si on décide d'aller de l'avant, donc, avec la création des réseaux locaux, on aimerait que ces différents éléments soient pris en compte.

D'abord, nous pensons qu'il faudrait désigner une instance locale, surtout en région ? Québec, Estrie, l'Outaouais, etc. ? pour desservir ces nouveaux immigrants. Actuellement, il n'y a pas de spécialités qui soient développées, il n'y a pas de services qui accompagnent les immigrants qui se sont rendus ou qui ont été amenés dans ces régions-là.

Deuxièmement, on pense qu'il faudrait une association, donc, à chaque instance locale désignée, soit de médecins de famille qui sont issus des communautés culturelles ou bien qui ont une certaine sensibilité, qui connaissent ces clientèles-là, surtout au niveau des personnes âgées en perte d'autonomie.

Pas plus tard qu'hier seulement, on discutait des Vietnamiens qui viennent d'arriver qui sont des gens âgés, qui ont beaucoup de difficultés à intégrer les services qui sont là. Et les gens nous demandaient: Est-ce qu'il faut en créer aussi, des services pour eux? Donc, l'idée, ce n'est pas de créer des petits ghettos de services mais c'est de les intégrer dans cette réflexion qui est en marche actuellement.

n(21 h 50)n

Nous pensons qu'il faudrait aussi la signature d'ententes avec les banques d'interprètes qui existent actuellement. Il y en a une à Québec, il y en a en Estrie. Et aussi il va falloir, donc, penser à une forme d'imputabilité qui sera conférée à l'instance locale désignée, concernant l'utilisation, donc, de ces banques-là. Parce qu'il ne faut pas que la banque existe et qu'on utilise autre chose ou qu'on dise: Bon, on n'a pas eu le temps d'aller chercher, et qu'on constate les mêmes difficultés pour interpréter la maladie, mais pour comprendre aussi la maladie ou les besoins, donc, de ces personnes-là. La mise en place, de concert avec les organismes communautaires, de services aux nouveaux arrivants et aux communautés culturelles, de banques d'interprètes là où ça n'existe pas ? on parle ici de Laval, par exemple, où on n'en a pas, de l'Outaouais ? et aussi signer, donc, des ententes intéressantes avec eux.

Au niveau de Montréal, nous avons plusieurs difficultés avec la banque qui existe. Elle est gérée par la régie régionale actuellement, et, nous, on pense qu'il faudrait transférer ça sans doute à ACCESSS pour qu'on puisse travailler avec ça. Dans les autres régions où c'est les groupes communautaires qui les gèrent, on n'a pas de difficulté avec ça, alors que, à Montréal, malgré l'existence de la banque, nous avons toujours des appels d'hôpitaux, de CLSC, et nos groupes sont obligés d'aller interpréter. Et souvent ils n'ont même pas de reconnaissance financière, donc, par rapport à ça.

Nous pensons aussi qu'il faudrait signer des ententes avec les organismes qui travaillent déjà auprès de ces immigrants en matière d'écoute, d'accueil, de référence, de médiation, de prévention, de soutien, etc. Et pourquoi on insiste là-dessus? Parce que la majorité de nos groupes ne sont pas des groupes locaux. Si on commence à fonctionner par des codes postaux, il se peut que les gens qui viennent nous voir ne puissent pas venir nous voir. Et, nous, on pense que... ou bien on parlera donc d'avoir des ententes régionales avec ces groupes-là pour pouvoir desservir un Colombien qui quitte Laval, ou qui quitte Sainte-Marie, ou je ne sais pas quoi pour aller à Hochelaga, parce que l'organisme est là-bas. Il ne faut pas qu'on l'empêche en disant: Vous ne faites pas partie de notre territoire. Je pense qu'il faudrait mettre ça dans notre réflexion quand on pense, donc, redécouper dans les services actuellement.

Il faudrait aussi réserver de l'argent. Actuellement, on a de l'argent, comme je l'ai dit, dans certaines régies. Ce n'est pas des gros montants. Et, quand nous avons fait le tour, il n'y a même pas 500 000 $ qui sont réservés pour l'intégration et l'adéquation, donc, au niveau des services. Il faudrait aller un peu plus loin que ça.

La reconnaissance et le financement des organismes en région. Ça, c'est un gros, gros problème parce que les régies ne reconnaissent pas ces organismes-là. Et, en même temps, au MRCI, on est en train d'essayer d'envoyer les gens en région, et l'objectif est presque 25 %, donc, d'immigrants qui vont aller en région. Donc, il faudrait reconnaître le travail que les gens font en région.

Et, sans doute, un dernier élément, il faudrait commencer à parler, donc, d'un double rattachement des organismes au MRCI mais aussi au ministère de la Santé et des Services sociaux. Parce que là on divise les immigrants en deux. Certains vont intégrer, certains vont faire la francisation, alors que, souvent, quand ils arrivent, ils te posent tous leurs problèmes en même temps. Et on a de l'argent qui vient du MRCI pour telle chose; Santé et Services sociaux, pour telle autre chose. Donc, ça aussi, c'est un élément à regarder.

Le deuxième gros volet qu'on voulait toucher rapidement, donc, c'est toute la question de la santé mentale. Comme je vous ai dit, l'immigrant qui arrive a beaucoup de stress parce que l'inconnu est là, parce qu'il a beaucoup de changements, et nous avons aussi beaucoup de pressions pour eux, ici. Et tous ces stress que nous vivons vont s'accentuer souvent quand nous n'arrivons pas, donc, à trouver les moyens pour nous intégrer. Et, souvent, il n'y a pas de services, donc, qui permettent aux gens soit de diminuer ce stress-là ou bien même, quand la maladie intervient, on n'a que trois hôpitaux à Montréal pour ce qu'on appelle l'ethnopsychiatrie. Donc, ça aussi, c'est des éléments assez importants que nous voulons signaler ici à votre connaissance pour qu'on prenne tous ces différents éléments en compte. Donc, avant de finir mes 15 minutes, je vais demander à Stephan et puis à Carmen de compléter rapidement.

M. Reichhold (Stephan): Juste peut-être pour donner une petite illustration avec quoi les organismes sont confrontés. J'ai devant moi, ici, une facture de l'Hôpital Sainte-Justine qui a été envoyée à une famille, un couple algérien qui ont été sélectionnés par le Québec, dont la petite fille de trois ans, une semaine après leur arrivée, a eu une crise d'appendicite aiguë non détectée parce qu'ils avaient peur d'aller à l'hôpital parce qu'ils n'avaient pas vraiment les moyens. Ils étaient sur le délai de carence, donc ils n'avaient pas accès librement aux services. Alors, 29 880 $, quatre fois, toujours avec: «Un oubli sans doute. Votre remise immédiate serait appréciée.» Puis, la dernière facture: «Compte en souffrance sera transmis à nos percepteurs d'ici le 22 décembre 2003.»

Alors, je veux dire... Bon. J'ai d'autres exemples. Une madame d'un certain âge qui s'est fait amputer la jambe il y a trois semaines, sur le délai de carence. Ils ont arrêté les traitements parce que l'hôpital n'est pas sûr de récupérer son argent. Bon. C'est sûr que cette famille algérienne est anéantie. Je veux dire, ils sont arrivés ici il y a six mois. Qu'est-ce qu'on leur dit? Je veux dire, on est... Bon.

Ça, c'est, je pense, une des barrières les plus importantes pour l'ensemble de la communauté immigrante, c'est l'histoire du délai de carence, que le Parti libéral s'était engagé à revoir, d'ailleurs, durant la campagne électorale. Et, je pense, c'est le moment de regarder ça parce que ces cas affluent de plus en plus, et on est pris avec ça. On ne sait pas quoi dire à ces personnes. Je veux dire, 29 000 $, je veux dire, le monsieur, il est complètement... Ils sont sur l'aide sociale maintenant. Ils vont probablement même le rester pendant des années et des années pour pouvoir rembourser cette dette.

Alors, enfin, tout ça, comme le disait Pierre-Martin ? Martin-Pierre, oui ? en quoi, la réforme va permettre ? réforme qui est proposée dans la loi n° 25, dans le projet de loi ? une meilleure accessibilité aux services et notamment aux services sociaux? Je pense que c'est une grande question qu'on se pose à Montréal. Je pense que l'expérience passée, des différentes réformes qui ont eu lieu, en fait, a démontré à chaque fois une détérioration de l'accessibilité et de la prise en compte de la diversité, qui en même temps, la diversité, surtout dans la grande région de Montréal, a augmenté.

Je pense que tout le monde qui est régulièrement à Montréal se rend compte depuis quelques années, c'est explosif, je veux dire, la diversité, la multiplicité des cultures. Et ce qu'on vit tous les jours aussi au niveau des réseaux communautaires qui traitent avec ces usagers-là: qu'il y a un problème majeur d'adaptation des services. Et on ne voit rien mais vraiment rien qui nous laisse croire que c'est pris en compte quelque part aujourd'hui sur le plan d'action de la Régie régionale de Montréal.

La brique qui a été déposée là, je pense que le mot «immigrant» n'apparaît même plus, je veux dire, c'est complètement évacué. Et, nous, on est très, très inquiets, surtout dans le contexte où on pense accroître l'immigration massivement. Avec le déclin démographique, la pénurie de main-d'oeuvre, tout le monde veut... le Canada veut doubler son niveau d'immigration. On parle de 50 000, 60 000. Le niveau a augmenté de 25 % à Montréal les trois dernières années, mais les ressources ne suivent pas. Je veux dire, les organismes sont saturés, les services... Et je pense, M. Couillard, vous avez été dans un de nos organismes, PROMIS, vous avez vu de vos propres yeux, là, qu'est-ce qui se passe là. On n'est plus capables, là, on ne fournit plus.

Le Président (M. Copeman): Malheureusement, M. Reichhold, le temps est déjà dépassé.

M. Reichhold (Stephan): Dépassé?

Le Président (M. Copeman): Oui.

M. Reichhold (Stephan): Bon. Bien, je pourrai répondre à des questions, si vous voulez.

Le Président (M. Copeman): Oui. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, messieurs, dames, pour votre visite tardive, on le reconnaît, mais, au moins, vous êtes là puis vous pouvez nous donner des informations comme celles que vous nous avez exposées, puis on va aller un peu plus loin. Avant que j'oublie, le cas que vous avez mentionné tantôt, de la facture de Sainte-Justine, si, après la conversation, vous pouviez remettre les détails du cas à M. Peachy ici, en arrière de moi, j'apprécierais. On pourra regarder ça. Quand ont eu lieu ces traitements? Est-ce que c'est un épisode récent?

M. Reichhold (Stephan): Bien, les factures datent de juillet puis la dernière, c'était fin juin, je pense.

M. Couillard: O.K. Alors, on prendra les documents.

M. Reichhold (Stephan): Ce n'est pas mon cas, c'est un cas de PROMIS, justement. Ils m'ont appelé ce matin.

M. Couillard: Oui, on prendra les documents lorsque vous quitterez. Tout de suite pour... Évidemment, je comprends que les services ne sont probablement pas à la hauteur du nombre d'immigrants qui arrivent maintenant au Québec, et je suis bien familier avec la réalité. Moi, je suis député de Mont-Royal, puis Côte-des-Neiges est dans Mont-Royal, puis je suis né dans Côte-des-Neiges aussi. Je connais beaucoup cette région-là. Puis, quand j'y vais, je vois l'augmentation du caractère multiethnique qui est visible, là, c'est vraiment frappant. Puis, effectivement, on ne retrouve pas vraiment de traduction concrète de cette réalité dans beaucoup de choses qu'on a dans le réseau gouvernemental, que ce soit en santé ou dans d'autres réseaux également. Et je pense que, certainement, ces changements qu'on amorce seraient une bonne occasion d'introduire ces choses-là.

Pour ce qui est du programme d'accès dans les régies régionales, notre intention actuellement est de confier aux agences de formation de réseaux, là, dans le projet de loi n° 25, toutes les responsabilités qui sont actuellement dévolues aux régies régionales. Donc, le programme d'accès et d'équité ou d'adaptabilité des services demeurerait au niveau régional actuellement. On ne croit pas, personnellement, que ce soit dans l'intérêt de ce programme-là et ni de la population immigrante de devoir se fragmenter en petits îlots pour des petits nombres de personnes. Il nous semble préférable de le garder au niveau régional de façon à ce qu'on puisse mieux l'administrer puis éventuellement le rehausser. Je comprends que c'est votre souhait aussi.

n(22 heures)n

Il y a deux choses sur lesquelles j'aimerais que vous nous donniez plus d'information. D'abord, c'est la banque d'interprètes. Expliquez-nous comment ça fonctionne, la banque d'interprètes, pour les patients ou les usagers de services sociaux qui souvent ne parlent ni français ni anglais et qui ont besoin d'un interprète. Quelle est la procédure actuellement?

Le Président (M. Copeman): Mme Gonzales.

Mme Gonzales (Carmen): Oui. Voilà, notre organisme, c'est COPSI, c'est le Centre d'orientation para-légale et sociale pour immigrants, et on reçoit des appels parce qu'ils sont des personnes qui ne parlent pas ni le français ni l'anglais. Alors, à l'organisme, nous avons des bénévoles qui viennent et qu'on puisse faire l'accompagnement, mais on demande à ACCESSS de s'organiser pour pouvoir donner les services comme il faut. Parce que, avec les ressources qu'on a, c'est sûr qu'on offre les services, parce qu'on ne peut pas laisser les personnes sans les soutenir dans leur processus et dans leur besoin d'avoir les services de santé, mais il faut restructurer avec... Ce sont des programmes donc avec ACCESSS.

M. Nombré (Martin-Pierre): Pour poursuivre. Au niveau de la banque d'interprètes en tant que telle, bon, pour le cas de Montréal, au niveau, donc, de ce service, c'est la régie régionale qui sélectionne des interprètes, qui donne la formation aux interprètes et met à la disposition du réseau les personnes qui seront, donc, aptes à aller faire de l'interprétariat. Donc, c'est aux établissements d'appeler la régie. Mais la publicité n'est pas très, très forte. Donc, il y a plusieurs qui oublient même que ça existe au niveau de la Régie de Montréal et qui continuent encore à traiter avec des organisations où des fois nous avons de la difficulté à former nos gens, puisque nous n'avons pas de moyens pour les former, et aussi à les rejoindre facilement et à les rémunérer.

Donc, voilà pourquoi on dit qu'il faut soit améliorer cette banque qui existe, puisqu'ils ont la possibilité et même les moyens, je dirais, d'avoir des gens bien formés, parce qu'il y avait une entente aussi avec l'Université de Montréal pour avoir des gens formés qui parlent plusieurs types de langues... Parce que interpréter, ce n'est pas uniquement donner ce qu'on dit, mais c'est aller un peu plus loin pour augmenter la compréhension. Donc, voilà pourquoi, nous, on insiste beaucoup sur cette question d'interprétariat.

M. Couillard: Mais, pour bien comprendre, il y a les interprètes au niveau de la régie régionale, qui sont formés et rémunérés par la régie régionale, c'est ça?

M. Nombré (Martin-Pierre): C'est ça.

M. Couillard: Mais il y a aussi des interprètes dans les organismes communautaires. J'aimerais ça comprendre les deux.

M. Nombré (Martin-Pierre): O.K. La banque d'interprètes qui existe à la régie régionale, c'est des interprètes qui ont été contactés, qui font partie de la banque et qui reçoivent aussi de la formation de la part de la régie. Maintenant, quand un établissement appelle la régie pour avoir tel interprète, la régie réfère l'interprète en question.

M. Couillard: Mais il y a également des interprètes...

Le Président (M. Copeman): M. le ministre, Mme Gonzales aimerait ajouter quelque chose.

M. Couillard: Oui, Mme Gonzales.

Mme Gonzales (Carmen): Oui, il y a ça, mais il y a aussi les organismes communautaires qui se font appeler pour donner les services et qui n'ont pas les moyens ni les ressources nécessaires pour ça, mais on les donne pareil.

M. Couillard: Depuis quand ça existe, cette banque d'interprètes? Parce que ça devait être très difficile, avant que ça existe, il n'y avait aucun service donc, c'est ça?

M. Nombré (Martin-Pierre): Donc, c'est après la loi 120, dans les années... en 1992, que ACCESSS a demandé à ce qu'on ait des banques d'interprètes là où il y avait des immigrants. Et la banque d'interprètes de la Régie de Montréal a été créée suite, donc, à cette loi. Au niveau de Sherbrooke, de l'Outaouais, et tout ça, ça, ça a été créé un tout petit peu après, mais c'est géré par des organismes communautaires.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vimont.

M. Auclair: Moi, vous m'interpellez, à ce niveau-là. Vous parlez de banque d'interprètes pour Laval. Qu'est-ce qu'il en est à Laval exactement?

M. Nombré (Martin-Pierre): Il n'y en a pas.

M. Auclair: Aucune banque d'interprètes au niveau de la régie régionale ou d'organismes communautaires à Laval.

M. Nombré (Martin-Pierre): Au niveau des organismes communautaires, les organismes vont continuer à le faire bénévolement quand on fait appel... ou quand on accompagne des personnes donc à travers le réseau. Mais ce n'est pas une banque d'interprètes organisée. Et, comme je dis, on peut accompagner quelqu'un, interpréter sans donner l'essence de ce que la personne veut dire. Il y a toutes les questions de confidentialité aussi qu'il faut travailler, et tout ça. Et, quand on laisse tout le monde interpréter, bon, je ne dirais pas que ça se fait mal, mais, quand ce n'est pas bien organisé, on pense que ça ne facilite pas, donc, tout le travail au niveau du réseau.

M. Auclair: Vous et moi, on va se parler après. O.K.

M. Reichhold (Stephan): Pour compléter, peut-être juste... Il faut distinguer, en fait, si c'est un service... Par exemple, le CLSC a besoin d'un interprète pour un client. Moi, il appelle à la régie, il commande un interprète pour mardi matin, 10 heures. Le CLSC va payer cet interprète, je pense, 22 $ de l'heure. Mais souvent le CLSC n'a plus de budget pour payer ça, parce qu'ils n'ont pas assez d'argent, alors là ils téléphonent à COPSI, ils disent: Vous ne pouvez pas m'envoyer un hispanophone ce matin, je suis... dépanne-moi, et tout ça. Par contre, si l'organisme communautaire accompagne un client à la SAAQ, ou au CLSC, ou à l'hôpital, comme disait Martin-Pierre, à ce moment-là, c'est l'organisme communautaire, c'est son intervention, c'est son client, c'est lui qui l'accompagnera et fera la traduction. Donc, on fait une distinction si c'est un service qui est fait par le CLSC ou si c'est un service fait par l'organisme communautaire.

M. Couillard: Et, lorsque vous parliez d'un meilleur soutien des organismes en région, vous parliez d'organismes de ce type-là, je suppose, d'accompagnement.

M. Reichhold (Stephan): Généralement, je pense, on peut les compter sur les cinq doigts de la main, les organismes en région. Il y en a un généralement par région, peut-être sauf à Québec et à Sherbrooke, mais, si vous allez à Trois-Rivières, à Victo ou à Drummondville, vous aurez un organisme qui se ramasse avec tout. C'est sûr que les volumes ne sont pas immenses, mais les problématiques... Et surtout c'est beaucoup des réfugiés publics, hein, des réfugiés sélectionnés par le Québec qui sont établis en région. Donc, ça ramène des problèmes supplémentaires, parce qu'un réfugié souvent a vécu des années dans un camp, ramène un certain nombre de problématiques assez spécifiques. Et là bien sûr les réseaux, que ce soit scolaire, santé, tout ça, il y a zéro, il n'y a aucune, aucune, aucune ressource, aucune adaptation.

Et le problème qu'ils mentionnaient, c'est que les régies, par exemple du Centre-de-Québec, refusent de reconnaître les organismes qui travaillent avec les immigrants parce qu'ils disent que ces organismes-là relèvent du MRCI, pas de la régie. Mais l'intervention se fait à 90 % dans le champ des services sociaux, mais les régies ne veulent rien savoir. Dès qu'ils voient un peu de couleur, de l'ethnicité, c'est renvoyé vers le MRCI.

M. Nombré (Martin-Pierre): Pour revenir sur le fait de confier la question de l'accessibilité aux régies régionales ou aux nouvelles agences, je pense que c'est une bonne chose. Cependant, ce que nous voyons actuellement, je pense que le niveau est très, très bas en termes, donc, de services. Même au niveau du ministère, actuellement, il y a une seule personne qui s'occupe de la question des communautés ethnoculturelles au niveau du ministère, et la personne le fait à temps partiel parce qu'elle s'occupe aussi des communautés autochtones. Je pense que, même déjà au ministère, il va falloir commencer à regarder qu'est-ce qu'on peut faire et ensuite, au niveau des régies, aussi commencer donc à travailler autrement. Comme je dis, une personne à une journée-semaine, chaque lundi, avec un comité qu'elle anime, avec un petit budget de 30 000 $ ou 40 000 $, on ne va pas loin.

Le Président (M. Copeman): Mme Gonzales.

Mme Gonzales (Carmen): Je voulais parler du financement des organismes parce que, l'année dernière, il y a beaucoup d'organismes qui travaillent avec des immigrants qui ont été rattachés au ministère de la Santé. Et, depuis le printemps, on a déposé les programmes, les projets, et, jusqu'à date, on n'a pas de réponse comme telle. On ne sait pas qu'est-ce qui va arriver avec les programmes de prévention et de promotion, on attend toujours les directives. Et, en général, tous les organismes communautaires, on s'inquiète pour savoir exactement qu'est-ce qu'on va faire avec les programmes qu'on tente d'offrir si... les nouvelles directives. Ça, c'est une des choses, et l'autre, c'est, on en a déjà parlé, l'accessibilité aux services.

Le Président (M. Copeman): M. le ministre, oui.

M. Couillard: M. le Président, merci. Je veux aborder un sujet que vous avez effleuré, monsieur, il y a quelques minutes, la question de la santé mentale dans la population immigrante. Bien sûr, d'une part, le choc de l'arrivée dans une nouvelle culture, d'autre part, souvent les expériences antérieures dans le pays d'origine, souvent traumatisantes, peuvent avoir des impacts sérieux sur la santé mentale. Je voyais dans le document que vous parliez d'ethnopsychiatrie ou de trois centres hospitaliers à Montréal qui offrent des services. Pourriez-vous nous décrire quels sont ces services en termes de qualité et en termes de quantité?

M. Nombré (Martin-Pierre): Bien, en fait, je n'irai pas dans beaucoup de détails parce que je ne suis pas un médecin, je ne connais pas beaucoup ça. Pour ce que je connais, l'Hôpital Jean-Talon, par exemple, a développé... Il y a une équipe qui s'occupe donc de ce volet-là, un médecin avec des infirmières et puis des travailleurs sociaux qui ont formé vraiment une équipe pour travailler sur ce volet, et la majorité des cas sont référés donc à cette équipe-là.

Donc, nous, on pense que c'est une bonne façon d'intervenir à ce niveau, et ça permet donc une meilleure compréhension des cas au niveau de la santé mentale des immigrants. Parce que même l'interprétation de la maladie mentale n'est pas du tout pareille quand on vient du Sénégal ou quand on vient du Burkina-Faso. Et souvent on parle de possession, de génie, etc., alors qu'on est en plein dans la question de santé mentale. Je pense que déjà la compréhension... cette équipe a développé, donc, du travail autour de ça.

Au niveau aussi de certaines universités, on a vu aussi quelques études qui nous permettent, donc, d'aller un peu plus loin là-dessus, mais, comme intervention, ça ne se fait pas. À Sherbrooke, par exemple, il n'y a pas d'intervention là-dessus; en Montérégie, il n'y a pas grand-chose là-dessus. Donc, voilà pourquoi on dit: Il va falloir, donc, tenir compte de ça, étant donné que, en prévention, nous n'avons pas encore beaucoup de travail qui est fait. Si la maladie dégénère et qu'on ne peut que constater les conséquences ? quand la personne a tué, par exemple, toute sa famille ou a fait ci ? on trouve qu'il faut intervenir beaucoup plus en aval.

n(22 h 10)n

M. Couillard: Je vais terminer là-dessus, M. le Président. Cet aspect du mémoire m'intéresse beaucoup, comme tout le reste, mais plus spécifiquement. Alors, avec votre permission, je vais transmettre votre mémoire à notre groupe d'étude, actuellement, sur la santé mentale, sur l'organisation des services de santé mentale pour être certain que cet aspect-là est pris en compte. Alors, je pense que j'ai terminé mon temps de parole.

Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, même s'il est tard et que nous terminons, n'est-ce pas, ces deux jours de consultations avec vous, au nom de l'opposition officielle, je voudrais vous souhaiter la bienvenue, n'est-ce pas, à cette commission. Alors, M. Martin-Pierre Nombré, Mme Gonzales, M. Reichhold, j'ai déjà eu l'occasion de travailler avec vous. Tantôt, je me demandais ça faisait combien d'années. En fait, déjà huit ans, n'est-ce pas, au moment où j'ai fait un passage au ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

Alors, la question que je me suis posée, c'est à partir de ce que vous affirmez à la page 7 de votre mémoire. Vous dites que vous demandez au gouvernement québécois de retirer le projet de loi n° 25 et d'initier avec les citoyennes, citoyens du Québec, travailleurs et travailleuses du réseau de la santé un débat réellement démocratique. Alors, ça, c'est une position qui, pour vous, est issue d'une réflexion? Vous avez discuté de ces questions et vous avez conclu de la nécessité du retrait du projet de loi?

M. Nombré (Martin-Pierre): Bon. Dans un premier temps, comme j'ai dit, nous, on a pris le temps, en 2003, de faire le tour pour voir en quoi l'accessibilité aux services sociaux et aux services de santé était, donc, une réalité dans les régions où il y a une masse critique d'immigrants. Notre conclusion aujourd'hui, c'est qu'il n'y a pas eu d'évolution en termes, donc, de qualité ni de quantité. Il y a même eu, je dirais, donc, une régression.

À partir de ce moment, nous, on espérait ? quand on a déposé le document, donc, au ministère ? au moins avoir des discussions pour aller un peu plus loin. Mais, quand on nous propose, donc, de faire des structures, on a peur que les structures viennent étouffer cette possibilité de discuter pour voir comment déjà on comprend cette situation et quelles sont les solutions ou les réponses qu'on peut donner.

Mme Harel: Toujours à la page 7 de votre mémoire, vous dites: «L'accessibilité des services de santé et des services sociaux aux immigrants et aux communautés ethnoculturelles doit être garantie, comme c'est le cas actuellement, par un budget réservé à cette fin.» Quelle est la nature du budget et de qui dépend-il?

M. Nombré (Martin-Pierre): Au début des années, je dirais, quatre-vingt-douze, une fois que la loi avait été mise en place et qu'on a enchâssé dans la loi l'obligation pour les régies régionales, donc, de travailler sur l'accessibilité, il y a eu des petits budgets qui ont été envoyés à plusieurs régies, notamment Montréal, Laval, Montérégie, Sherbrooke, l'Estrie et puis l'Outaouais et Québec. Donc, quand on a fait le compte de ces montants, il n'y a pas 500 000 $ qui sont là-dedans en 2002 à peu près. 2002, il n'y a pas plus que 500 000 $.

Voilà pourquoi je disais: Des fois, on a une personne, des fois c'est une personne, une journée. On a la possibilité d'avoir des comités d'accessibilité, de prendre des rapports de l'état de la situation, de donner, d'organiser quelques activités. Donc, ce n'est pas des gros montants, mais, par contre, on se dit: Si le fédéral... Bon. On sait que le fédéral envoie, par exemple, à travers les ententes qui avaient été signées pour qu'on s'occupe des immigrants de 0-3 ans qui arrivent, s'il y a de l'argent qui vient et qu'on doit le gérer, ça devrait aller là-bas.

Mme Harel: C'est-à-dire où?

M. Nombré (Martin-Pierre): C'est-à-dire au niveau des régies, au moins pour qu'on puisse mieux compléter les services qui sont donnés et que ça se reflète aussi dans la formation qu'on peut donner dans le réseau, parce qu'un des éléments importants pour nous, c'est la formation. Les intervenants qui sont là aujourd'hui, s'ils sont sensibilisés donc et formés à l'approche, on pense que c'est un des garants, donc, pour une meilleure accessibilité au service.

Mme Harel: Donc, actuellement, il y a autour de 500 000 $ que le ministère de la Santé envoie dans les régies régionales, et ces budgets sont administrés par les régies. Alors que ce que, au minimum, vous demandez, si je comprends bien, c'est la confirmation qu'un budget sera réservé à l'accessibilité des services de santé et des services sociaux aux immigrants et aux communautés ethnoculturelles. Je comprends que ce budget actuellement n'est pas prévu, il n'est pas protégé, et il n'est pas prévu non plus qu'il soit transmis aux régies et que les régies ne transmettent pas aux instances locales. Alors, c'est évidemment tout ce circuit-là.

M. Nombré (Martin-Pierre): Oui.

Mme Harel: Parce que l'article 23... Je le relisais, là, pour être bien certaine, mais je pense que l'article 23 du projet de loi, qui est vraiment celui de la définition des missions... Pas des missions, mais en fait, comment est-ce qu'on peut dire? Parce que, vous savez, il y a l'instance locale, qui serait le regroupement des établissements, il y a un réseau, qui peut comprendre plusieurs instances locales, puis il y a une agence, qui peut comprendre plusieurs réseaux. On a vraiment quatre paliers: il y a le ministère... Parce que l'agence, par exemple, remplace la régie, mais il peut y avoir plusieurs réseaux sur l'île de Montréal. Il peut y avoir plusieurs réseaux sur l'île ? bien oui, c'est dans la loi ? puis, dans un réseau, il peut y avoir plusieurs instances. Donc, réseau, instance, c'est pareil. Bon.

Une voix: Ce n'est pas évident, hein?

Mme Harel: Ce n'est pas évident. Regardez comment c'est écrit: «Chacun de ces réseaux locaux [...] doit comprendre une instance locale.» En fait, c'est blanc bonnet, bonnet blanc. Un réseau est une instance, une instance est un réseau. Ah! Bon. Imaginez-vous, dorénavant, on n'ira plus se faire soigner... On va aller dans une instance qui est administrée par un réseau.

Bien, enfin, revenons au projet de loi. À nulle part il n'y est fait mention d'objectifs d'accessibilité des services de santé et des services sociaux aux immigrants et aux communautés ethnoculturelles. Nulle part. On nous parle d'assurer à la population une large gamme de...

Une voix: ...

Mme Harel: M. le Président, est-ce qu'on peut intervenir puis demander au député, là, de... n'est-ce pas?

Le Président (M. Copeman): Oui, on peut. C'est fait.

Mme Harel: Très bien. Merci. Je vous en remercie. Il y a plusieurs objectifs qui sont énumérés, mais nulle part cet objectif-là ne l'est. Alors, je comprends que l'accueil favorable qui est fait va amener une modification... va voir. O.K. On va regarder, sinon on déposera un amendement, n'est-ce pas? Ils en disposeront, ils ont la majorité, mais au moins on relaiera votre préoccupation d'ajouter cet objectif-là à ceux qui sont énumérés à l'article 23. N'est-ce pas? Voilà.

Alors, vous avez parlé de délai de carence. J'aimerais ça vous entendre. Ce délai de carence, est-ce qu'il s'applique dans toutes les catégories d'immigrant: la catégorie de réfugié, la catégorie de réunification de la famille? Est-ce que le délai s'applique aussi pour les immigrants indépendants?

M. Reichhold (Stephan): À l'origine, le projet que Mme Marois avait déposé et que M. Trudel a repris par la suite, effectivement c'était mur à mur, tout le monde. On a fait un grand... je crois que vous vous en souviendrez, beaucoup de tapage à l'époque. Et d'ailleurs j'ai ramené un gros dossier, si ça vous intéresse, je pourrai vous le laisser, un peu tout l'historique de ce délai de carence. Et, bon, finalement on a obtenu qu'il y ait comme... bon, toutes les personnes plus vulnérables puissent être exclues du délai de carence. Donc, ça s'applique, globalement, juste aux immigrants indépendants. Donc, tout ce qui est réfugiés...

Mme Harel: Réunification de la famille.

n(22 h 20)n

M. Reichhold (Stephan): Non... Bien, ça dépend dans quel cadre ils viennent. S'ils viennent avec le demandeur principal ou s'ils viennent par la suite, ça peut varier. Par contre, l'exception, et c'est ça, l'absurdité de la chose, c'est que, si on est sur la sécurité du revenu, on n'est pas soumis au délai de carence. Alors, ce qui fait que, nous, même, je dois l'avouer, on recommande aux gens dès qu'ils arrivent: Essayez à tout prix d'aller à l'aide sociale, comme ça, vous serez couverts si jamais il vous arrive quelque chose. En fait, c'est ça, le mot d'ordre maintenant qu'on dit parce que... Avec l'histoire de la petite fille qui a failli mourir, vraiment, c'est ce qu'on leur recommande, parce qu'on n'a pas d'autres solutions.

Mme Harel: Quand ils ont...

M. Reichhold (Stephan): Bon. L'histoire des assurances, et tout ça, en fait, ça ne fonctionne pas, là.

Mme Harel: Mais là vous nous disiez tantôt qu'ils étaient sur l'aide sociale, les parents.

M. Reichhold (Stephan): Non, non, ils sont venus... C'est des personnes justement qui... fières, elles sont venues avec... Normalement, ils doivent venir avec un peu d'argent pour subvenir les premiers mois...

Mme Harel: Ils étaient comme immigrants indépendants.

M. Reichhold (Stephan): Oui, oui, comme indépendants. Oui, oui. Et l'argent s'est vite envolé avec les médicaments, et tout ça, là. Il n'y avait plus rien au bout de très, très rapidement.

Mme Harel: Donc, c'est presque la moitié des immigrants qui sont indépendants.

M. Reichhold (Stephan): Oui, oui, ça touche à peu près, on peut dire, la moitié à peu près, oui.

Une voix: ...

M. Reichhold (Stephan): Les parrainés aussi, oui, voilà.

Mme Harel: Les parrainés...

M. Reichhold (Stephan): Aussi, oui.

Mme Harel: ...sont inclus.

Mme Gonzales (Carmen): Oui, dans les délais de carence.

M. Reichhold (Stephan): Je pense que oui, ça dépend s'ils viennent... en même temps, s'ils sont sur place ou... Bon. Là, on rentre vraiment dans les technicalités d'immigration. Je ne sais pas si vous voulez vraiment entrer là-dedans. Moi, j'aime bien ça, mais ça devient assez complexe, à un moment donné.

Mme Harel: Oui, parce que vous nous disiez tantôt que le gouvernement avait pris des engagements à cet effet.

M. Reichhold (Stephan): L'opposition libérale, là. J'ai une lettre de M. Lamoureux, le député de l'époque, qui nous avait dit qu'ils étaient absolument contre, lorsque le parti au pouvoir à l'époque, votre parti, avait décidé d'aller de l'avant.

Mme Harel: M. Lamoureux était à ce moment-là le député d'Anjou, devenu chef de cabinet de la présidente du Conseil du trésor. Si vous nous laissez la lettre, vous allez voir, on va lui en reparler.

M. Reichhold (Stephan): ...amener, tout documenter.

Le Président (M. Copeman): C'est jamais trop tard de corriger des erreurs, semble-t-il.

M. Reichhold (Stephan): Absolument. Moi, je sors...

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Bonsoir. En bas de la page 3 de votre document, bien que, en bas de la page 7, vous demandiez de retirer le projet de loi, vous avez quand même prévu, au cas où le projet de loi ne serait pas retiré, une disposition à l'effet qu'il y ait une désignation d'une instance locale créée dans chacun des territoires suivants: le Québec, l'Estrie et l'Outaouais pour desservir la clientèle des nouveaux arrivants.

Comment voyez-vous le fonctionnement de cette instance locale? Est-ce que vous voyez cette instance locale là comme étant partie d'un réseau spécialisé pour les populations immigrantes réfugiées et allophones ou est-ce que vous voyez plutôt une instance locale qui a une préoccupation... dont la mission principale serait centrée autour d'une préoccupation de doter un milieu donné de services, bien que les réseaux ne soient pas spécialisés? Comment vous voyez exactement ce truc-là?

M. Nombré (Martin-Pierre): O.K. Si on regarde à Montréal, par exemple, on prend le CLSC Côte-des-Neiges, un CLSC ouvert à tout le monde, mais, par contre, à cause d'une population immigrante assez importante, il y a une forme de spécialité qui s'est ajoutée à ce qu'il fait actuellement. Donc, cette préoccupation est vraiment présente. Donc, c'est plus dans un sens comme ça, on pense, qu'il faudrait aller.

M. Bouchard (Vachon): Maintenant, je vais vous poser une question qui est peut-être d'ordre organisationnel et politique à la fois, là, mais on a eu d'autre groupes communautaires qui sont venus devant nous et qui ont fait une critique du projet de loi n° 25, et il y a une question qui me préoccupait. Et là je m'adresse, à travers le président, au ministre et à vous en même temps. Mais M. le ministre a dit tout à l'heure que l'autonomie des groupes était une préoccupation et qu'il allait tenter de s'assurer que ça demeure comme ça.

Et une des illustrations de son orientation vis-à-vis de l'autonomie, c'est de dire: Vous voyez, ils ne sont pas membres des instances locales, c'est-à-dire qu'ils ne font pas partie des décisions, ils ne font pas partie des gens qui siègent à l'instance locale, donc qui siègent sur un conseil d'administration qui pourrait être unifié ou fusionné ? on verra bien. Quelle est votre position là-dessus? Est-ce que vous pensez que les groupes communautaires devraient faire partie de l'instance locale? Comment vous voyez la situation? Est-ce que vous avez pris une position là-dessus?

M. Nombré (Martin-Pierre): En fait, notre position rejoint, je dirais, la position de la majorité des groupes communautaires qui nous ont précédés. Effectivement, si les groupes communautaires ont été mis en place pour donner des services, on pense que leur utilité est là, mais les fusionner, les faire rentrer dans le service va réduire considérablement leur façon de fonctionner et leur apport donc qu'on a actuellement par rapport au réseau.

Mais cela n'empêche pas les organismes communautaires donc de faire partie de la réflexion, de l'orientation des services qui seront donnés sans doute au niveau des réseaux locaux qui seront créés. Éventuellement, on a été dans les régies régionales au niveau des C.A., on a amené ce qu'on avait comme élément, donc, de travail. Donc, je pense qu'on pourrait aussi travailler dans ce sens-là pour apporter une autre vision, une autre façon de voir la dispensation des services mais aussi une autre façon de voir notre apport, donc, à l'intérieur de ce réseau.

M. Bouchard (Vachon): Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, M. Nombré, Mme Gonzales, M. Reichhold, de cette présentation. Ça met fin à l'échange.

Je prierais les députés de rester sur place, nous avons trois petites choses à régler. Il y a une demande particulière du député de Groulx pour faire un dépôt de document. Ça va lui prendre, on m'assure, à peu près une quinzaine de secondes. Dans un premier temps, y a-t-il consentement pour reconnaître le député de Groulx?

Une voix: Consentement.

Le Président (M. Copeman): Consentement. M. le député.

M. Descoteaux: Merci, M. le Président. Merci à mes collègues d'en face. J'en avais d'ailleurs discuté ce midi avec ma collègue députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Faute de pouvoir être entendu, et je comprends que la commission ici a un délai assez serré, je voudrais déposer le mémoire du Conseil des partenaires du bassin des Basses-Laurentides, qui est composé du CLSC-CHSLD Thérèse-De Blainville, signé par M. Robert Dean, votre ancien collègue, signé par le Centre hospitalier de Saint-Eustache via M. Jules Théoret, qui est son président, et le Regroupement du CLSC Jean-Olivier-Chénier et CHSLD de La Rive et de Mirabel, signé par M. Jules Sauvé. Donc, avec votre permission, avec la permission de la commission, je voudrais déposer le mémoire du Conseil des partenaires.

Le Président (M. Copeman): Ça prend la permission de la présidence. Je vais examiner le document et je rendrai une décision d'ici la fin de nos travaux aujourd'hui.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mémoire déposé

Le Président (M. Copeman): Le document est déposé. Je vous rappelle que nous reprenons les travaux de cette commission sur le projet de loi n° 25, nous reprenons les consultations particulières lundi, le 8 décembre, à 15 heures, de 15 heures à 18 heures. Alors, nous reprenons, au moment où on se parle, les auditions lundi, le 8 décembre, dans la même salle, de 15 heures à 18 heures, afin de compléter le mandat de la commission. Et maintenant j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à après la période des affaires courantes demain afin d'accomplir un autre mandat. Merci.

(Fin de la séance à 22 h 28)


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