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Version finale

36th Legislature, 2nd Session
(March 22, 2001 au March 12, 2003)

Thursday, March 21, 2002 - Vol. 37 N° 46

Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur la carte santé du Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures une minute)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous souhaite la bienvenue. La commission des affaires sociales est réunie afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur la carte santé du Québec.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Non, Mme la Présidente, pas d'autres que M. Fournier.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, je vous donne lecture de l'ordre du jour: à 11 heures, immédiatement, nous entendrons Mme Alice Labrèque, à 11 h 30, la Commission d'accès à l'information, pour suspendre à 12 h 30, reprendre nos travaux à 15 heures avec Option consommateurs, 16 heures, Conférence religieuse canadienne, région du Québec, et, 17 heures, Dr Bruno Tremblay.

Auditions (suite)

Alors, sans plus tarder, Mme Labrèque, je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie de votre collaboration, parce qu'on a dû reporter vos propos quand même à quelques reprises. Alors, je vous cède la parole. Vous avez le temps que... Vous pouvez disposer normalement d'une vingtaine de minutes, étant donné que nous avons écourté. Alors, par la suite, nous pourrons passer à la période des questions. Je vous cède la parole.

Mme Alice Labrèque

Mme Labrèque (Alice): D'accord. Probablement que ce sera plus court, parce que j'avais prévu 10 minutes. Bien, je vous remercie beaucoup de m'avoir invitée à partager mes réflexions avec vous sur l'avant-projet de loi sur la carte santé.

Avant d'aller travailler à la Commission d'accès à l'information, j'ai toujours travaillé dans le domaine de la santé et des services sociaux, que ce soit au ministère de la Santé ou dans la Régie régionale de Québec. En 1984, j'ai commencé à travailler à la Commission d'accès à l'information. J'y suis restée pendant 15 ans. Au cours de ces 15 ans, j'ai conduit, entre autres, des enquêtes dans le domaine de la santé et des services sociaux où des malades se plaignaient que des informations tirées de leur dossier médical avaient été transmises à d'autres personnes sans leur consentement. Certaines de ces plaintes étaient fondées et d'autres ne l'étaient pas.

J'ai participé conjointement aussi avec un informaticien à l'élaboration des mesures de sécurité pour les dossiers informatisés dans le domaine de la santé. Ces mesures ont été adoptées par la Commission d'accès à l'information et sont, je pense, encore en vigueur en 2002. Pendant deux ans, j'ai été aussi membre d'un comité de la Commission qui avait été mis en place pour surveiller le déroulement de l'expérience de la carte santé dans la région de Rimouski et, à ce titre, je participais aussi à un comité qui surveillait une expérience similaire à Namur, en Belgique.

Depuis cinq ans, je suis confrontée à des problèmes de santé majeurs, dont le cancer et des problèmes thyroïdiens, ce qui fait que je suis une personne qui fréquente assidûment des centres hospitaliers ou des cliniques pour rencontrer des soignants. Et c'est un peu aussi pour ça que j'ai décidé de partager avec vous mes réflexions sur la carte santé.

Les trois aspects que je voudrais développer avec vous, c'est la relation médecin-patient, les banques de données personnelles informatisées et les exceptions qui peuvent être prévues à la confidentialité de la carte santé. La relation de médecin-patient constitue une relation privilégiée qui doit être protégée et préservée dans toute la mesure du possible. Je crois profondément que l'utilisation d'un ordinateur peut constituer une menace ou un écran à cette relation dans le contexte actuel où les médecins ont très peu de temps à consacrer à leurs patients. Dans un monde plus idéal, peut-être que cette pratique pourrait s'intégrer, mais, actuellement, nous savons tous que les centres hospitaliers et les cliniques sont bondés de patients. Les médecins travaillent, pour la grande majorité, très fort, mais ne peuvent accorder le plus souvent possible toute l'attention nécessaire au bien-être des personnes qu'ils soignent parce que la demande est trop forte. En général, on est chanceux si on réussit à avoir 15 minutes de relation exclusive avec son médecin généraliste, et mon expérience me dit qu'avec les spécialistes, bien, on réussit à en avoir un petit peu plus. Ce qui m'inquiète, c'est combien de ces précieuses minutes pourraient être soustraites parce que le médecin voudrait lire la carte santé et est-ce que ça pourrait être au détriment des minutes qui doivent être consacrées à l'examen physique fait par le médecin sur le malade.

Mon expérience me dit que la pratique médicale ne pourra intégrer facilement cette pratique. Les médecins, actuellement, ils ne lisent pas notre dossier quand on rentre dans le bureau, ils ne le lisent pas pendant la consultation, puis ils ne le lisent pas avant. Ils s'y réfèrent lorsque c'est nécessaire, mais la plupart du temps, ce qu'ils font, c'est: Bonjour, quels sont vos symptômes, en quoi puis-je vous aider? Ils procèdent par questions et réponses, ce qui les amène fort probablement à poser un diagnostic. Alors, je pense qu'avec la carte santé ce serait à peu près la même chose qu'avec le dossier papier, c'est-à-dire qu'elle ne serait pas vraiment utilisée, sauf en cas de besoin.

Les banques de données personnelles informatisées. Mon expérience à la Commission d'accès à l'information m'a appris à être méfiante lors de la création de banques de données informatisées. Le simple citoyen ne peut pas s'imaginer combien il y a de banques de données personnelles informatisées, autant dans le secteur public que dans le secteur privé. C'est effarant. Dans le domaine de la santé, chaque programme subventionné par le ministère a sa banque de données informatisée attachée au programme, que ce soit en alcoolisme, que ce soit en santé au travail, en cancer du sein, en maladies cardiaques, en nutrition, en DPJ. Il y en a, il y en a énormément.

Si le projet de loi est adopté, je suis convaincue que les mesures de sécurité vont être très bonnes, excellentes, selon les règles de l'art en informatique, mais je sais aussi qu'il y a toujours quelqu'un qui finit pas trouver une faille dans le système informatique. Les journaux sont pleins d'exemples à ce niveau. Et les lacunes dans les systèmes informatisés ont de plus graves conséquences que dans les systèmes dits papiers. Comme M. Elie et moi-même le soulignions en 1992 dans le document de la Commission sur les exigences minimales de sécurité pour les dossiers informatisés ? je cite, là: «Très rapidement, comme jamais auparavant, des centaines, voire des milliers de données, peuvent faire l'objet de traitement grâce à des systèmes informatiques de plus en plus conviviaux, c'est-à-dire de plus en plus accessibles à des profanes. De plus, les interconnexions des systèmes sont relativement faciles et peuvent susciter des besoins d'utilisation d'information personnelle à d'autres fins que celles qui étaient initialement prévues lors de leur cueillette.»

C'est cela qui m'inquiète. Les renseignements personnels, dans l'avant-projet de loi, deviendraient facilement accessibles à des catégories... à un nombre impressionnant de catégories de personnes, soignantes et non soignantes. Sommes-nous vraiment convaincus des avantages de cette carte? Dépassent-ils de loin les inconvénients de cette mise en veilleuse de renseignements très sensibles?

n(11 h 10)n

Les exceptions à la confidentialité de la carte santé ? en fait, je fais un petit peu de prospection. La loi sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels dans le secteur public est en vigueur depuis 1984, près de 20 ans. Des renseignements personnels qui étaient considérés comme confidentiels au moment de l'adoption de la loi sont devenus, au fil des années, plus accessibles, c'est-à-dire disponibles sans le consentement des personnes concernées, à la suite d'amendements à la Loi sur l'accès ou à d'autres lois sectorielles. Qu'on pense précisément, là, aux amendements des lois qui permettent maintenant au ministère du Revenu d'avoir accès à des informations personnelles qui initialement avaient été colligées à des fins précises et qui maintenant sont utilisées à d'autres fins. Je crains qu'il en soit ainsi dans le futur pour la carte santé. Des organismes publics ou privés feront peut-être pression pour permettre l'accès aux informations contenues sur la carte. Aujourd'hui, tout le monde va affirmer que jamais cette situation ne se produira, mais l'histoire de la Loi sur l'accès et de la Commission démontre que les bonnes intentions ne durent jamais longtemps.

N'oublions pas que ces cartes contiennent des informations personnelles fort intéressantes pour des ministères, des organismes et des compagnies, spécialement des compagnies d'assurances, et ça, ce seraient toutes des utilisations légales parce que adoptées par l'Assemblée nationale. Mais, en plus, il pourrait y avoir des utilisations illégales. Comme, actuellement, la carte-soleil, la carte d'assurance maladie, n'est pas seulement utilisée pour recevoir des soins de santé: les clubs vidéo continuent à la demander quand on veut devenir membre d'un club vidéo, quand on veut faire un chèque. Je suis allée récemment chez un opticien d'ordonnances et puis on m'a demandé ma carte d'assurance maladie. Pourquoi en avait-il besoin? C'est parce que leurs dossiers sont constitués avec les numéros d'assurance maladie. On pourrait trouver d'autres systèmes, mais ce que je veux dire, c'est qu'on utilise cette carte, même ici, pour rentrer à l'Assemblée nationale, les mesures de sécurité. La carte-soleil est une carte qui est acceptée parce qu'il y a une photo.

Notre système de santé est fort mal en point. Parfois, on a l'impression qu'on est devant une médecine de brousse, au Québec. J'ai beaucoup de doutes sur le rapport coûts-bénéfices de la carte santé sur notre système. Les argents qui sont investis pour le développement et l'implantation de cette carte devraient être mis à profit dans la dispensation directe de services à la population. Alors, voilà en gros mes interrogations, et je vous remercie de m'avoir écoutée. Je suis disponible pour répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci beaucoup, Mme Labrèque, d'avoir accepté de vous prononcer sur ce sujet. Je cède maintenant la parole au ministre délégué à la Santé, aux Services sociaux, à la Protection de la jeunesse et à la Prévention.

M. Bertrand (Portneuf): Merci, Mme la Présidente. J'aimerais vous remercier également, Mme Labrèque, pour votre participation à nos travaux, vous remercier également pour le mémoire que vous avez déposé.

J'aurais une question en relation justement avec le résumé et son utilisation. Je suis prêt à... Je commencerais par établir certains éléments de contexte. De votre présentation ressort, je dirais, une image prévalente à l'effet qu'il y a beaucoup de tensions dans la relation entre le patient puis le professionnel de la santé en termes de temps, en termes de stress dû au manque de temps peut-être pour que la relation puisse, je veux dire, être approfondie et de qualité. Je dois vous avouer que, sur la base de mon expérience personnelle, bien avant que je sois en politique et jusqu'à maintenant, sur la base aussi de ce que j'entends ? on rencontre beaucoup de commettants dans nos bureaux de comté ? de ce que les gens de ma famille ont vécu ou mes amis, l'idée prévalente que j'aie, moi, ou la conclusion, c'est que, règle générale, les patients sont reçus au cabinet ou, peu importe, dans une clinique quelque part, et la relation entre le patient et le médecin semble être satisfaisante pour les gens, dans cet épisode-là. Et, s'il est vrai que, dans certaines situations, l'encombrement, disons, d'un lieu, d'une clinique peut faire en sorte que, de temps à autre, on puisse se sentir coincé dans le temps, moi, je vous dis, mon opinion, puis je pense que je la base sur mon expérience personnelle, puis ce que j'ai pu observer, depuis huit ans maintenant que je suis en politique, c'est que règle générale les gens sont plutôt satisfaits du contact qu'ils ont eu avec le médecin.

Aussi, quand on parle de résumé, si ce résumé-là existe, est disponible pour le médecin traitant, est-ce que ça ne permet pas d'emblée d'aller plus loin encore dans la relation avec le patient, puisque le médecin dispose déjà d'un certain nombre de renseignements lui permettant de sauver une bonne partie du temps dans cet épisode-là, dans cette rencontre-là, par le simple fait qu'il a ? il ou elle ? a déjà un certain nombre de renseignements? Ça permet avec le patient déjà de pointer sur des aspects plus pertinents à la visite de la personne, et, en soi, donc, le résumé, il me semble, devient un outil drôlement intéressant. Je comprends que, dans certaines situations, c'est trop pressant, on n'a pas le temps. Peut-être qu'effectivement à ce moment-là il pourrait être moins utile, et le médecin réagira de la façon que vous avez expliquée tout à l'heure. Mais dans, j'ose dire, dans la très grande majorité des cas, toujours sur la base d'une expérience personnelle, qui est bien sûr imparfaite, est-ce qu'il n'y a pas quand même une valeur ajoutée importante pour approfondir la relation patient-médecin, ou patient-pharmacien, ou personne versus un pharmacien compte tenu que ça permet justement de faire plus de chemin dans le dialogue à partir du moment où on a au moins une base d'information assez rapidement disponible?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Labrèque.

Mme Labrèque (Alice): Bien, je suis contente que vous parliez de la relation médecin-patient parce que je pense qu'effectivement c'est l'aspect le plus important de notre système de santé. Je suis contente de voir que vous lui accordez toute cette importance. Mon expérience, à moi, et aussi des membres de ma famille et des gens que je connais, me dit que les gens en général ont une assez bonne relation avec leur médecin. Nos médecins, hommes ou femmes, bon, sont des gens corrects, oui, mais ils sont coincés. Mon expérience, en tout cas, me dit qu'ils sont coincés dans le temps parce qu'il y a trop de monde à soigner, pour x, y raison. Et, moi, je ne vois pas comment installer les systèmes d'ordinateurs, mettre les cartes en fonction, comment les résumés de dossiers pourraient augmenter la qualité de la relation. Ce serait, je pense, dans un monde où les médecins auraient plus d'une demi-heure à consacrer à leurs patients, peut-être. Mais, actuellement, quand on va dans une clinique privée sans rendez-vous, c'est à tous les cinq minutes, là, ce n'est pas plus que ça. Alors, je ne vois pas en quoi le résumé pourrait vraiment les aider, sauf dans des cas précis.

Ce qui m'apparaîtrait très utile actuellement, ce serait: Pourquoi les cliniques ne seraient pas mises en réseau avec les hôpitaux pour avoir des accès presque instantanés à des résultats d'examens de laboratoire? Ça, ça m'apparaîtrait quelque chose qui pourrait améliorer l'efficacité du travail du médecin, que de pouvoir avoir accès à ces résultats d'examens.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Oui. Parce que, malheureusement, on a peu de temps, là, j'aimerais en venir à un deuxième ordre de préoccupation dans votre exposé, qui est celle bien sûr de la protection des renseignements personnels. Étant donné, quand même, votre expérience dans le domaine, je comprends que vous soyez particulièrement attachée à ces questions-là et j'honore vos préoccupations de ce côté-là. Ceci étant dit, vous semblez, malgré les intentions manifestées à plusieurs reprises, et dans les textes et tout au long de la commission parlementaire, entretenir des craintes à l'effet que tout ce système-là serve à autre chose qu'à améliorer la relation clinique, justement, ou les services. Bon, je peux bien vous réaffirmer encore une fois que notre intention, c'est vraiment, bon... les objectifs sont vraiment d'ordre clinique, mais je pense que ça a été dit tellement souvent que vous nous avez déjà certainement entendus. Je n'insisterai pas davantage là-dessus.

n(11 h 20)n

Je vous demanderais, plutôt: Avez-vous, vous, des suggestions à faire pour, si c'est possible, vous rassurer davantage quant à l'avenir de l'utilisation de ces renseignements médicaux dans un tel système lorsqu'il serait implanté? Avez-vous des suggestions, compte tenu de votre expérience, dire: Bon, bien, si on doit en arriver là ? supposons, là ? bien, moi, je pense qu'il faut prévoir telle chose, telle chose, telle chose?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Labrèque.

Mme Labrèque (Alice): Bien, je suis sûre et persuadée que, pour vous tous, c'est sûr que la carte santé ne sera utilisée que pour des soins de santé. Malheureusement, je crains que, oui, il y ait d'autres choses qui puissent se passer, comme actuellement ça se passe pour la carte d'assurance maladie.

Ce que je souhaiterais voir implantées de façon plus rigoureuse, ce sont des sanctions pénales ou autres. Comme, par exemple, je sais que la Régie de l'assurance maladie, si on lui dit que tel club vidéo utilise la carte soleil pour faire ses dossiers, ils peuvent faire des choses. Quand j'étais à la Commission, ça, ça venait tous les jours, ces choses-là. Et autant la Commission d'accès à l'information que la Régie de l'assurance maladie sont demeurées très timorées par rapport à ça. Ils ont le pouvoir ou ils pourraient avoir les pouvoirs, mais ils ne les utilisent pas, et je pense qu'il devrait y avoir la capacité d'émettre des sanctions, mais la volonté aussi de les émettre.

M. Bertrand (Portneuf): Très bien. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, il reste deux minutes. M. le député de Maskinongé, vous avez souhaité poser une question?

M. Désilets: Tout petite. Merci, Mme la Présidente. Tantôt, dans votre exposé, vous nous avez parlé de Namur, que vous avez suivi, là, une expérience similaire là-bas. Pourriez-vous nous en parler un peu plus, voir s'il y a des correspondances puis comment est-ce qu'on... Y a-tu des choses qu'on peut appliquer par rapport à ici?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Labrèque.

Mme Labrèque (Alice): Bien, j'ai passé quelques jours à Namur, là, seulement quelques jours. C'était une expérience qui se faisait en même temps qu'à Rimouski, mais sur une beaucoup plus petite échelle. C'était dans un hôpital, en hématologie, avec des enfants. Et je pense que, quand on était là, il y avait à peu près 10 personnes, 10 enfants qui étaient inscrits dans le programme. Alors, nous, notre aspect, c'était plutôt au niveau de la protection des renseignements personnels, qu'est-ce qui devait être contenu sur la carte, là. Mais ça m'était apparu une expérience beaucoup moins évoluée, beaucoup moins importante que celle qui se passait à Rimouski. Il y avait beaucoup plus de choses à apprendre à Rimouski qu'à Namur.

M. Désilets: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci. M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Merci, Mme la Présidente. Mme Labrèque, bonjour et merci de vous joindre à nous pour votre expertise plurielle, je dirais, du fait de votre expérience personnelle et surtout de vos antécédents à la Commission d'accès. J'ai deux questions, considérant le temps que nous avons. D'abord, je voudrais relever la conclusion que vous apportez à la commission. Je vous cite: «J'ai beaucoup de doutes sur le rapport coûts-bénéfices de la carte santé sur notre système de santé. Les argents qui seront investis pour le développement et l'implantation de cette carte devraient être mis à profit à la dispensation directe de services à la population où les besoins sont les plus criants.»

Deux remarques. La partie ministérielle prétend qu'on peut faire les deux: investir dans la carte et dans les soins. Reste que, en attendant, ils investissent dans aucun et que nous sommes au dernier rang en ce qui concerne le financement des soins, ce qui peut laisser certains doutes sur la capacité de faire les deux. Enfin. Par ailleurs, sur les rapports coûts-bénéfices, nous savons que ces études-là sont faites. Malheureusement, ni vous, ni moi, ni personne n'y a accès. Et je pense que, pour avoir une opinion complète, il serait utile que le ministre décide de nous les offrir pour qu'on puisse, nous aussi, profiter de cette information-là. Et je profitais de votre passage devant nous et de ce que vous nous disiez pour peut-être réinsister auprès du gouvernement pour qu'il comprenne que ce serait utile. Ce n'est pas une question d'astuce qu'on veut jouer, c'est simplement une question de pouvoir partager, nous aussi, une réflexion complète et la plus claire possible. Alors, j'en profite pour réinsister là-dessus.

Vous allez me permettre de poser une question qui va m'amener ? ça m'arrive de le faire de temps en temps ? à défendre l'avant-projet de loi. À la page 3 de votre mémoire, vous parlez des précieuses minutes qui seraient consacrées à lire la carte santé. Vous nous dites: «Les médecins ne lisent pas notre dossier lors des consultations, mais procèdent par des questions et réponses.» Peut-être ne lisent-ils pas le dossier parce qu'il est trop volumineux, et je pense que c'est peut-être la gageure que fait le ministre, peut-être liraient-ils le résumé. C'est pourquoi le ministre propose qu'il y ait un résumé plutôt que l'accès au dossier patient partageable tel que le demandait le rapport Clair. Peut-être que c'est pour ça qu'il y a eu un choix comme celui-là.

Mais est-ce que vous pensez que le médecin qui vous rencontre serait en mesure de faire la communication avec le patient tout en prenant connaissance des résumés de renseignements de santé, ce qu'il ne fait pas de toute évidence, selon vous, du dossier? Donc, il y aurait un gain. L'information serait moins grande, mais il irait chercher de l'information qui peut-être ne se retrouvera pas dans l'échange de communications. Et, à cet égard-là, si c'est vrai, peut-être qu'il y a certains éléments positifs dans l'avant-projet de loi.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Labrèque.

Mme Labrèque (Alice): Je n'en suis pas convaincue. Je pense que, dans la pratique médicale, les médecins se basent sur leur jugement clinique pour poser un diagnostic. Ils posent des questions sur les symptômes apportés par le patient ou la patiente et ils ont une formation telle qu'ils sont capables de poser un jugement clinique. Bon, la semaine dernière, moi, j'ai rencontré mon médecin qui est oncologue et, bon, je le rencontre souvent, mais il n'a jamais lu mon dossier, jamais. Le temps d'entrevue avec lui, c'est sur comment je me sens, quels sont les effets, quels sont les problèmes, quels sont les symptômes, puis après c'est l'examen. Et, justement, la semaine dernière, en m'examinant, il a dit: Tiens, il me semble que je ne sentais pas ça d'habitude. Puis il demande à moi: Est-ce que je le sentais? Bien, j'ai dit: Je ne le sais pas si vous le sentiez. Bon, bien, il dit: Je vais peut-être regarder dans le dossier tantôt. Puis là, bien, comme je venais ici, en tout cas... Et il a terminé l'examen puis il a dit: Bof! je n'ai pas besoin de regarder dans le dossier, je le sais très bien ce que j'ai vu. Puis il dit: Vous êtes correcte. Moi, j'étais bien contente. Mais c'est vraiment comme un outil, comme... Peut-être... Moi, je pense pour des résultats de tests, peut-être, mais je vous avoue que non.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Oui, une dernière question, compte tenu du temps. Vous avez parlé ? et là je vérifierais votre expérience et votre expertise ? vous avez eu à évaluer les plaintes qui étaient formulées par des patients concernant le dévoilement de renseignements confidentiels. Parfois c'était fondé, parfois ce ne l'était pas. Vous savez évidemment qu'à l'égard de l'avant-projet de loi c'est tout un débat, de savoir si on va être capable d'assurer la confidentialité, surtout dans un cadre où on centralise toute cette information-là, et, donc, les risques sont bien plus grands, et, en plus, il s'agit de matériel informatisé et non pas de papier, donc le traitement est encore plus simple.

J'aimerais que vous me parliez des plaintes qui étaient fondées, quels étaient les motifs pour lesquels il y avait des dévoilements, quel genre de cas s'est présenté à vous, quelles étaient finalement les motivations qui ont fait qu'il y a eu un bris de la confidentialité. Ce que je cherche, c'est de voir si, dans la pratique papier qui existe en ce moment, il y a des motivations qui pourraient continuer d'exister avec une pratique centralisée, informatisée.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Labrèque.

Mme Labrèque (Alice): Bien, ce qui est surprenant... En tout cas, moi, mon expérience me dit qu'il n'y en a pas tant que ça, de bris de confidentialité, là, voulus, consciemment faits. Il n'y en a pas tant que ça. Quand ça arrive, c'est dramatique. Celle qui m'avait le plus impressionnée, c'était une femme à Montréal qui avait consulté dans un hôpital, et le médecin lui avait annoncé qu'elle avait un cancer, et elle est rentrée chez elle quelques heures plus tard, et elle avait déjà un téléphone d'une maison funéraire pour prévoir les arrangements funéraires. Et la maison funéraire lui a dit: Je l'ai obtenu de l'hôpital. Bon. Et l'enquête que j'ai faite a démontré qu'effectivement c'était quelqu'un à l'hôpital qui refilait ces renseignements-là à une maison funéraire, moyennant probablement de l'argent. C'est épouvantable.

Bon, il y en a d'autres aussi. Souvent, ce que j'ai vu, c'étaient des employés d'hôpitaux qui savaient que des collègues employés étaient hospitalisés, puis là, bien, ils voulaient savoir pourquoi. Ça, c'est les petites mesquineries humaines, là. Ça, oui, ça arrivait. Mais ce qui est un peu plus frappant, c'est que, depuis qu'il y a des ordinateurs dans les hôpitaux, les écrans sont ouverts constamment puis il n'y a pas beaucoup de monde qui vérifie... Je veux dire, on pourrait toucher une note puis tout apparaîtrait, là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.

n(11 h 30)n

M. Fournier: Oui. Merci. En conclusion, sans que ce soit une question, je voudrais mettre en parallèle ce qui vient de nous être dit avec ce que l'Association des hôpitaux du Québec nous disait je ne sais plus trop quand, hier ou avant-hier ? je pense que c'est avant-hier ? sur la façon dont eux voyaient la mécanique de l'application. Parce que c'est assez nébuleux pour savoir comment ça va fonctionner, carte d'accès, carte d'habilitation, tout ça, et, eux, ce qu'ils disaient, c'est que, bon, le patient se présente à l'hôpital, il donne sa carte. Au tri, par exemple, à l'urgence ? c'est l'exemple qu'il donnait ? l'infirmière qui est là, avec son profil d'accès, va chercher un «print», une impression papier du résumé, le met dans le dossier, et là, ensuite, c'est le médecin à l'urgence qui, lui, avec son profil d'accès un peu plus large, va peut-être chercher le petit bout qui manque du support papier, le met dans le dossier. Et là, pour tout l'épisode de soins qui peut durer quelques jours, le dossier se promène avec l'ensemble des renseignements qui, par ailleurs, sont supposément confidentiels, et par profil d'accès, et que, là, il va se retrouver ouvert à tout le monde. Et je voulais juste mettre en parallèle les difficultés qui existaient... qui existent aujourd'hui avec les motivations humaines et mercantiles qui vont continuer d'exister même si on invente des nouveaux systèmes où, de toute façon, l'information papier va continuer d'exister et d'être véhiculée.

Alors, je pense que votre venue pour nous rappeler qu'il y a des motivations qui amènent les gens à faire des bris de confidentialité... doivent nous garder très prudents à l'égard, non seulement des dispositions dans le dossier patient partageable, si jamais on y arrive, mais sur l'ensemble des mécanismes à mettre en place pour s'assurer que ce soit fait le plus convenablement possible. Merci beaucoup, Mme Labrèque.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, Mme Labrèque, d'avoir accepté de participer à cette commission. Alors, je suspends les travaux pour quelques minutes, le temps de permettre aux représentants de la Commission d'accès à l'information de bien vouloir prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 32)

 

(Reprise à 11 h 33)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, la commission poursuit ses travaux quant aux auditions publiques sur l'avant-projet de loi, Loi sur la carte santé du Québec. Alors, nous accueillons maintenant les représentants de la Commission d'accès à l'information, Mme Jennifer-Anne Stoddart. Je vous prierais, Mme Stoddart, de bien vouloir nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Et vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. Je vous cède la parole.

Commission d'accès à l'information (CAI)

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Je suis accompagnée aujourd'hui par les membres du personnel de la Commission: à mon extrême gauche, Mme Sylvie Prigent, informaticienne, qui est spécialiste des questions de protection des renseignements personnels; à ma gauche, Me André Ouimet, le secrétaire et directeur des Services juridiques; et, à ma droite, Me Danielle Parent, qui est spécialiste en droit de la santé.

Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, il me fait plaisir d'être ici aujourd'hui avec vous pour vous entretenir de cette importante question, pour nous et pour vous, de l'avant-projet de la carte santé au Québec. J'aimerais d'abord commencer par vous rappeler le cadre dans lequel la Commission d'accès à l'information opère.

Observatrice privilégiée, voilà plus d'une décennie que la Commission d'accès à l'information est attentive au développement de la carte santé à microprocesseur. Actrice engagée, la Commission a été appelée à rendre des avis et à réaliser ses propres évaluations des projets de Rimouski et de Laval. Curieuse, la Commission a suivi et documenté des projets en Europe, particulièrement en France et en Belgique. Reconnue, son expertise a même été sollicitée pour coordonner des travaux communs menés sous l'égide de l'Union européenne, auxquels participaient des représentants européens, canadiens et québécois. Poursuivant sur cette lancée, la Commission observe aujourd'hui d'autres projets d'initiatives locales et régionales en matière d'informatisation de dossiers cliniques résultant de la fusion d'établissements, du virage ambulatoire, d'un nouveau mode d'organisation des soins, du réseautage, ainsi de suite. Consciente des multiples enjeux techniques, éthiques et légaux de l'inforoute de la santé au Québec, la Commission a organisé, en mai 2001, conjointement avec le Centre de bioéthique de l'Institut de recherches cliniques de Montréal, un colloque sur l'informatisation des dossiers de santé. Elle a aussi publié, en octobre 2001, un document de réflexion pour aider à définir des paramètres en matière de gestion des données cliniques informatisées.

De toute son expérience et de ses travaux dans différents secteurs, la Commission en dégage deux constats. Premièrement, une meilleure circulation des renseignements personnels dans le secteur de la santé pourrait permettre d'améliorer les services offerts aux citoyens. Deuxièmement, le recours aux nouvelles technologies de l'information peut à la fois permettre d'atteindre cette fin et garantir la confidentialité des renseignements personnels.

Ceci étant dit, je n'entends pas procéder à la lecture de notre mémoire, que vous avez en main depuis un certain temps, mais plutôt d'en dégager certains points pour échanger avec vous. Ainsi, la Commission, dans son mémoire, a identifié de nombreuses zones grises: par exemple, les profils d'accès, le nombre d'intervenants, les règles de consentement, qui sont, je pense, bien expliquées dans ce document. Je n'aborderai pas ces questions avec vous aujourd'hui, je voudrais plutôt commenter la portée de l'avant-projet de loi sous deux volets: d'abord, le cadre juridique à l'intérieur duquel s'insère l'avant-projet de loi et, deuxièmement, les finalités poursuivies.

D'abord, le cadre juridique. Plusieurs règles juridiques gouvernent les renseignements de santé et se superposent. Une simple énumération de ces règles hypothéquerait de plusieurs minutes le temps de mon intervention aujourd'hui. Or, il me faut, d'entrée de jeu, constater et déplorer tout à la fois que l'avant-projet de loi ajoute de nouvelles règles juridiques particulières à un cadre juridique largement inadapté aux grandes réformes des dernières années. Ce constat, partagé par des initiés du secteur de la santé, démontre l'urgence de le réviser pour permettre au secteur de la santé de bénéficier de ce qui se fait ailleurs, dans le respect des droits fondamentaux. Et je vous réfère aux pages 23 et 24 de notre mémoire où nous donnons des exemples de comment les patients essaient de se retrouver dans les dédales de règles juridiques actuellement applicables.

Est-ce là le résultat d'une interprétation tatillonne des textes actuels? Si c'est le cas, notre vision est partagée par plusieurs. Je vous réfère particulièrement à de nombreux extraits tirés d'une revue qui s'appelle Le réseau informatique, au printemps 2000, dans laquelle une variété d'acteurs, que ce soient les informaticiens, des hauts fonctionnaires ou des avocats spécialisés en droit de la santé, s'expriment. Bref, non seulement existe-t-il un enchevêtrement dû à la multitude de lois et de codes de déontologie qui se chevauchent dans une même situation de fait, mais les règles actuelles n'ont pas évolué pour répondre aux besoins d'aujourd'hui. Si les spécialistes ne s'y trouvent pas, comment le citoyen peut-il savoir où et quand ses renseignements sont protégés? Sans cadre juridique clair et compréhensible, comment le citoyen peut-il bien évaluer l'impact du projet sous discussion?

Ces voix, jointes à celle de la Commission, souhaitent, vous l'aurez compris, une révision des règles juridiques existantes. Cette révision, préalable à la poursuite du projet carte santé, permettra déjà une circulation plus efficace de l'information. Selon nous, le défi peut être relevé: une meilleure circulation des renseignements de santé dans le respect des droits fondamentaux des individus.

Loin de moi l'idée de dénoncer aujourd'hui des actions entreprises sur le terrain par des acteurs locaux et régionaux du réseau de la santé en vue d'améliorer les soins rendus à la population. Il s'agit plutôt d'illustrer la déception de la Commission devant l'absence de proposition de modification au cadre juridique québécois concernant les renseignements de santé.

J'aimerais aborder maintenant la question des finalités recherchées dans cet avant-projet de loi. Au-delà du titre de l'avant-projet, il faut y voir non seulement le déploiement d'une carte santé pour les patients, mais aussi l'émission d'une carte d'habilitation pour les intervenants et même la création d'un résumé de renseignements de santé. Une lecture attentive du projet permet de constater que tant la carte santé que la carte d'habilitation permettront l'accès à d'autres systèmes de données ou de renseignements personnels dont la Régie de l'assurance maladie du Québec assume la gestion, et vous pourrez lire à ce sujet certains articles de la loi, 2, 7 et 20 notamment.

C'est au chapitre de la protection des renseignements de santé des 7,2 millions de Québécois et Québécoises que le projet soulève sans contredit des enjeux fondamentaux. Sommes-nous à mettre en place une infrastructure d'information, avec, comme pivot principal, l'assureur de tous les Québécois, la Régie de l'assurance maladie du Québec? A-t-on pour objectif la gestion et l'exploitation des renseignements de santé au Québec? Dans la négative, pourquoi proposer un résumé des renseignements de santé et une architecture centralisée?

n(11 h 40)n

Passons maintenant à la question de la nécessité de la création du résumé de santé et d'une banque centrale de données. L'un des volets majeurs de l'avant-projet de loi concerne la création d'un résumé de renseignements de santé pour les personnes. L'ensemble des résumés de potentiellement 7,2 millions de Québécois et Québécoises serait détenu par la RAMQ dans une nouvelle banque de données dédiée à cette fin. Vous ne serez pas surpris d'apprendre qu'il s'agit du principal point d'interrogation de la Commission. Bien que nous convenions de la nécessité d'assurer une circulation plus fluide des informations de santé, nous croyons qu'il existe d'autres façons de les faire circuler à partir des dossiers locaux. A-t-on analysé sérieusement ces autres possibilités? Il aurait été utile à tous les intervenants de le savoir.

De l'avis de la Commission, il faut d'abord rechercher et préconiser les solutions qui privilégient au plan de leur conception le plus grand respect de ces droits. Le fardeau de la preuve doit appartenir à ceux qui proposent des solutions. En tout premier lieu, on doit démontrer la nécessité et le caractère indispensable de cette collecte de renseignements nominatifs qui prendrait la forme d'un résumé de dossier, carte santé. D'autre part, si l'on concluait qu'il est absolument indispensable au plan clinique, de l'avis des experts, de créer un tel résumé, on doit également se poser la question, à savoir s'il est aussi indispensable au plan technologique de le centraliser et, de surcroît, dans un organisme qui exerce une fonction d'assureur public et qui détient déjà plusieurs mégafichiers. On pourrait présumer que le besoin d'échanger est donc modulé par le type d'information nécessaire, le moment où l'information est requise, la situation géographique, les circonstances de prise en charge, la complexité et l'urgence du cas médical à traiter.

Selon nous, la solution sous étude ne répond pas à ces nuances. Nous croyons qu'il est grand temps de circonscrire et d'analyser de façon exhaustive et rigoureuse les besoins et de tenter d'y répondre de la façon la moins intrusive possible pour la vie privée des Québécois. La carte santé propose une approche standardisée et des profils médicaux fort différents qui auraient pour effet de faire circuler l'histoire médicale de chaque Québécois sans certitude que cette circulation réponde aux besoins des soignants. Une approche modulée selon les besoins réels serait, selon nous, moins intrusive de la vie privée.

Nous signalons dans notre mémoire que 92 % des coûts normalisés des services médicaux offerts par les omnipraticiens sont rendus à des personnes venant de la région où ces services sont dispensés. Pour les généralistes, ces coûts sont de 80 %. En outre, le rapport de la commission Clair précise que les cabinets qui ont des effectifs médicaux reçoivent à peu près 80 % des consultations médicales courantes. Les recommandations de cette commission ont été favorablement accueillies et prévoient notamment la création de groupes de médecine de famille auxquels la population serait appelée à s'inscrire. À notre avis, ça démontre une tendance lourde vers la fidélisation de la clientèle et une forme de dispensation de services encore plus à l'échelle locale et auxquels sont appelés à s'engager des intervenants. Les renseignements de santé devraient donc davantage circuler de façon limitative dans un milieu restreint de dispensation de services.

En conséquence, on pose la question: Pourquoi ne pas offrir de façon intégrée au plan national des solutions locales qui se développent naturellement dans le milieu pour répondre aux besoins principaux des citoyens, des intervenants et des établissements et établir subséquemment des ponts de communications interrégionales pour ce qui est de la nature de l'exception? Ces solutions auraient au moins le mérite d'éviter la constitution de gigantesques banques de données qui suscitent toujours la convoitise.

Je passe ensuite à la question importante de la concentration des données de santé au Québec. L'avant-projet de loi prévoit que les résumés de santé des millions de Québécois et Québécoises soit centralisés à la RAMQ. Ces résumés de santé s'ajouteraient aux banques de données que la Régie détient déjà à titre d'assureur et qui résultent, pour la majorité, du processus de réclamations des professionnels de la santé. Ils s'ajouteraient également aux banques de données que cet organisme s'est vu confier plus récemment comme gestionnaire. Citons le fichier MED-ECHO concernant les hospitalisations, le fichier hygiène mental, données sur la clientèle des établissements à vocation psychiatrique, et le fichier des tumeurs malignes. L'avant-projet de loi prévoit également la création d'une nouvelle banque de données de 200 000 intervenants de la santé.

Le regroupement de tous ces fichiers au sein d'un seul organisme soulève de profondes inquiétudes au plan de la protection des renseignements personnels et de la sécurité. Il est certain que le regroupement de mégafichiers ne peut que susciter à court, moyen et long terme le couplage de ces données, c'est-à-dire une utilisation de celles-ci pour des fins différentes de celles pour lesquelles elles ont été cueillies, soit pour des fins de contrôle, d'étude, de recherche ou de commercialisation. Non seulement notre expérience le démontre-t-elle, mais c'est aussi ce que suggère la lecture du plan stratégique 2001-2004 de la RAMQ qui vise à développer des services informationnels par l'exploitation de ses données. Selon ce plan stratégique, et je cite, «le développement des services informationnels se ferait au moyen d'un plan d'affaires définissant la clientèle, les besoins à combler, les produits et les services à offrir et les zones affectées aux différents types de relation ? clients-fournisseurs ou partenariat». La Régie de l'assurance maladie entend accroître d'ici 2004 de 15 % le taux d'utilisation de son actif informationnel.

Au plan de la sécurité, il est certain que regroupement est synonyme de convoitise. Nous sommes loin d'être convaincus qu'une centralisation des résumés de renseignements de santé de 7,2 millions de Québécois et Québécoises est un gage de sécurité. Les risques liés à la constitution d'un mégafichier continuent d'être présents: risques de fuites, de divulgations et de détournements de finalités. Ces risques sont par ailleurs doublés, puisque l'information contenue au résumé se retrouve aussi dans le dossier local. Le plus souvent en matière de sécurité, les bris de confidentialité viennent de l'interne. À cet effet, la non-détention constitue la meilleure garantie de complète confidentialité. Voilà pourquoi le législateur a édicté ce principe: un organisme public ne recueillera un renseignement nominatif que si celui-ci est nécessaire à l'exercice de ses attributions.

La RAMQ jouit d'une excellente réputation en matière de protection des données qu'elle détient, c'est clair. La Commission ne peut que constater que d'autres organismes, tels le ministère du Revenu, la Société de l'assurance automobile, la Sûreté du Québec, ont vécu récemment des événements relatifs à des fuites de renseignements ou des accès injustifiés. Pourtant, nous pouvons en témoigner, ces organismes prennent tout autant à coeur la protection des renseignements personnels et ont mis en place dans leur organisation toute une série de mesures de prévention, de formation et de contrôle. Toutes ces mesures ne pourront jamais empêcher complètement fuites et bris de confidentialité. Malgré tout, c'est inquiétant, il faut le dire, d'entendre certaines révélations à l'effet que plusieurs employés ont été congédiés ou se sont vu imposer des sanctions par suite d'accès injustifiés. Même s'il est rassurant de savoir que des mécanismes ont été mis en place pour déceler ces situations, comme par exemple l'exploitation de la journalisation des accès, je le répète, seule la non-détention des renseignements garantit la confidentialité. C'est pourquoi la constitution d'une banque de données, au demeurant gigantesque, ne devrait être envisagée qu'en cas d'absolue nécessité.

Et je conclus avec les principes fondamentaux que la Commission veut souligner ici aujourd'hui. La Commission reconnaît la nécessité d'améliorer la circulation des renseignements de santé pour un réseau qui a évolué. Elle convient que les technologies de l'information peuvent favoriser une meilleure circulation des renseignements de santé pour des fins cliniques. La Commission rappelle depuis plus de six ans déjà qu'il est possible de recourir aux nouvelles technologies de l'information dans le domaine de la gestion du dossier médical sans pour autant mettre en péril le droit à la vie privée ou la confidentialité des renseignements personnels. Elle estime que le développement et l'implantation de ces nouvelles technologies de l'information doit se faire en y associant une réelle volonté de la sauvegarde de la vie privée. Elle reconnaît que preuve est faite qu'il est non seulement possible d'introduire une carte à microprocesseur dans le domaine de la santé en respectant la vie privée, mais qu'il est également possible d'utiliser cette technologie pour en faire un puissant instrument de protection de renseignements personnels.

La Commission constate qu'il peut exister différents systèmes de partage de l'information de santé. À titre d'exemple, l'index patient, le dossier patient partageable, l'aide-mémoire portable, le résumé de santé, la carte index ou carte pointeur. Elle demande que soit examinée et poussée à fond la réflexion sur différents modèles afin d'épingler celui qui atteindrait à la fois les objectifs répondant aux besoins des patients et des professionnels et la protection des renseignements personnels des patients. Elle propose qu'au terme de cette analyse un projet-pilote d'envergure, suivi d'une évaluation, soit réalisé.

Et, en terminant, la Commission offre sa collaboration à l'atteinte des objectifs reconnus: le besoin de circulation de l'information, d'une part, et le respect de la protection des renseignements de santé, d'autre part. Je vous remercie beaucoup, Mme la Présidente.

n(11 h 50)n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Stoddart, pour la présentation de votre mémoire. Avant de céder la parole au ministre, j'inviterais tous ceux et celles qui ont des portables de bien vouloir les fermer pour ne pas gêner les travaux de la commission. Alors, M. le ministre, à vous la parole.

M. Bertrand (Portneuf): Merci, Mme la Présidente. J'aimerais remercier Mme la présidente de la Commission de même que les personnes qui l'accompagnent pour leur présence ici aujourd'hui et leur contribution à nos travaux. Le mandat de la Commission d'accès à l'information est un mandat d'une importance vitale dans notre société, justement qui est de plus en plus une société d'informations, et ces informations-là circulent rapidement, et donc on doit effectivement s'assurer que la vie privée des gens et les informations nominatives soient le plus possible, je dirais, sécurisées. Je ne sais pas si le terme est français, mais enfin, qu'on puisse donc évoluer dans le contexte le plus sécuritaire possible en ce qui regarde la gestion et la transmission et l'utilisation de ces informations. Et là-dessus, nous nous rejoignons complètement.

Ceci étant dit, il est vrai qu'il existe, je n'en disconviens pas, beaucoup d'environnements sur le plan technologique qui peuvent permettre effectivement d'améliorer la relation clinique entre le patient et le professionnel de la santé. Dans votre conclusion, vous référez à l'index patient, le dossier patient partageable, l'aide-mémoire portable, bref vous les avez cités, et vous avez tout à fait raison. Mais je suis sûr que, si j'arrivais comme ministre responsable d'un dossier en disant: Bon bien, nous, on favorise par exemple l'index patient, je suis sûr que vous auriez également beaucoup de mises en garde à nous faire puis à nous dire: Soyez prudents à telle chose, telle chose, telle chose; il existe également d'autres environnements qui pourraient peut-être répondre à votre besoin, et ce serait tout à fait correct de le faire. Alors, moi, je reçois vos suggestions, vos recommandations, vos mises en garde comme étant autant de paramètres à l'égard desquels vous attirez notre attention pour nous dire d'être excessivement prudents. Et je le reçois de très bonne part.

Un des aspects qui m'a frappé dans votre présentation, c'est... Vous nous dites: Nous sommes néanmoins devant une proposition qui est celle contenue à l'avant-projet de loi qui implique effectivement la centralisation d'un certain nombre de renseignements d'ordre clinique et, par la suite, la distribution de ces renseignements-là aux professionnels qui peuvent en avoir besoin dans leurs relations avec le patient aux conditions qu'on connaît. Bon.

Vous évoquez plutôt à la page 4 de votre mémoire ou simplement du résumé que vous avez présenté le fait qu'on pourrait peut-être aussi envisager la possibilité d'utiliser ce qui se développe déjà à toutes fins pratiques dans différents établissements et essayer de mettre ensemble ces ? je ne sais pas si c'est à la page 4...

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): De notre mémoire, M. le ministre?

M. Bertrand (Portneuf): Oui, oui, c'est ça.

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): D'accord. Mais enfin...

M. Bertrand (Portneuf): Du résumé.

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Oui. Nous reconnaissons...

M. Bertrand (Portneuf): Du discours, pardon, du discours.

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Oui, du discours.

M. Bertrand (Portneuf): Au fond, ce que vous nous dites, c'est: il se développe beaucoup d'initiatives dans ce réseau-là... des systèmes d'information qui se développent. Pourquoi ne cherche-t-on pas plus simplement ? j'essaie de traduire votre idée pour savoir si je l'ai bien comprise en même temps ? de mettre en relation ces différents points là, O.K., pour s'assurer d'une circulation qui pourrait répondre essentiellement aux besoins? Moi, d'après ce que je peux comprendre, jusqu'à présent, dans un milieu comme celui-là, il y a déjà un problème de lier ensemble des technologies qui ne sont pas toujours compatibles, mais supposons qu'il y a moyen de passer à travers pareil, que ça se gère comme problème. Il restera que, dans un système plus décentralisé, plus distribué, en comparaison avec un système plus centralisé, il me semble que le problème de la confidentialité, de la sécurité dans l'utilisation des informations devient multiplié par un facteur probablement exponentiel plutôt que d'avoir justement un système plus centralisé qui assure ? il me semble en tout cas, pour autant que j'en comprenne ? beaucoup plus de sécurité, de possibilités de sécuriser l'environnement qu'un système peut distribuer.

Certains intervenants sont venus nous dire: L'environnement des technologies de l'information et des télécommunications fait en sorte, par exemple, que l'outil Internet va devenir de plus en plus un environnement usité, utilisé, avec lesquelles on prévoira probablement aussi un tas de verrous sur le plan de la sécurité. Mais, moi, je dois vous dire, là, avec mon gros bon sens... je me dis: un système centralisé est probablement mieux sécurisable qu'un tel système très décentralisé, à la limite Internet. Comment est-ce que vous le voyez, vous?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Stoddart.

M. Bertrand (Portneuf): La question est un peu longue, là, mais enfin...

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Mais elle est quand même très importante, est au centre de nos préoccupations. Ce sont des questions aussi que nous nous sommes posées à la Commission d'accès à l'information. Quel est l'impact sur la sécurité des renseignements que la constitution d'une nouvelle banque de données? Ce que nous en retenons, c'est que les données de santé existent quand même dans les dossiers partout, partout où les gens sont soignés. Les données sont donc là. Il y a déjà des problèmes de la sécurité de l'accès à ces données et, avec l'informatisation inévitable, j'imagine, du réseau de santé, d'autres problèmes de sécurité ou d'accès inévitablement vont se poser comme avec tout développement informatique. Ceci donc est déjà dans le paysage.

Nous, où on diverge avec l'analyse que vous proposez, M. le ministre, c'est qu'on dit: non seulement il y a tous ces points de... une miniconcentration de données, qui est mon dossier de santé chez Untel, chez Untel, dans différentes régions, etc., c'est qu'on propose maintenant de doubler une partie de ces informations pour les faire détenir centralement. Étant détenues centralement, l'accès à tous ces dossiers-là, j'imagine, a quelque chose en commun et devient, par le fait qu'on constitue une nouvelle banque de données, tirées des extraits de partout, dans un format standardisé, une nouvelle cible possible, déjà pointue, déjà visible, déjà, en fait, l'existence de ça, que tout le monde au Québec va avoir une partie de ses dossiers de santé, là, dans une certaine part centralisé... devient donc une cible possible pour des fuites d'information, alors que, maintenant, nos dossiers sont saupoudrés un peu partout, ici et là, qui sait, qui on a consulté et dans tel établissement, etc.

Donc, on ajoute plutôt aux problèmes de sécurité plutôt que de les amoindrir. Ce n'est pas une banque de données centrale versus qu'est-ce qu'on fait avec tous les dossiers qui sont déjà... dans nos dossiers quand on voit notre médecin. Il va continuer à griffonner des choses. Il va peut-être bientôt entrer des choses dans l'ordinateur juste pour son bureau. Ce n'est pas tout notre dossier qui va être impliqué, c'est une partie qui va être extraite pour être centralisée. Alors, on ajoute à la circulation d'information, et c'est plutôt ce modèle qui nous est proposé, M. le ministre, qu'on questionne, entre autres, à cause de ça. Et on dit plutôt: Les données de santé sont là, est-ce qu'il n'y a pas une autre façon de faciliter l'échange de l'information essentielle qu'en les faisant sortir pour les collecter, les concentrer dans une banque centrale? Mais je ne sais pas si... Mme Prigent est spécialiste... sur l'essentiel de nos préoccupations. Oui.

Une voix: ...

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Non.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. le ministre.

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Donc, est-ce que ça répond à votre question? En tout cas, c'est notre compréhension, M. le ministre, de l'effet, mais...

n(12 heures)n

M. Bertrand (Portneuf): Oui, oui. Non, mais vous répondez, vous répondez à ma question, manifestement. Mais, en tout cas, je ne suis peut-être pas... vous ne me convainquez pas. Je dirais que, dans un réseau plus décentralisé, disons, on aurait nécessairement des liens plus grands sur le plan de la sécurité de l'information. Dans d'autres univers, par exemple les systèmes financiers, systèmes bancaires, tout ça, il y a également de l'information critique à gérer et des systèmes très centralisés qui fonctionnent avec, à chacun des terminaux, des codes d'accès, puis, mon Dieu, on fonctionne de cette façon-là, on réussit à sécuriser ces systèmes-là, et ils m'apparaissent être dans une logique, effectivement, de systèmes très centralisés et par la suite d'informations redistribuées à ceux qui ont intérêt à avoir accès à ces informations-là et nulle autre personne. Enfin, moi, je ne suis pas expert là-dedans, là, mais je me dis qu'il me semble qu'il doit y avoir, sur le plan technologique, des solutions.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Stoddart.

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Enfin, il y en a sûrement, mais, nous, on a des appréhensions à celle qui est proposée. C'est tout ce qu'on veut vous souligner. Avant d'arrêter votre choix final, peut-être que vous pourriez examiner en autant de profondeur d'autres modèles.

M. Bertrand (Portneuf): Oui. Je reçois très bien cette suggestion-là. Bon, en termes maintenant de performances, je dirais, sur le plan clinique, là, bon, si on considère, d'après les données qui sont à notre disposition, qu'il y a, par exemple, une personne sur quatre qui reçoit des services en dehors de sa région annuellement, qu'il y a plus de 4 millions de personnes qui voient au moins deux professionnels dans différentes organisations, à différentes moments dans le temps, une utilisation également où le résumé pourrait être sollicité quotidiennement dans 300 000 situations de service par jour, ça peut représenter, d'un côté, une inquiétude, si on ne sécurise pas au niveau de l'information, mais est-ce que ça ne représente pas potentiellement de grands avantages quant à la qualité de la prestation de services, dans la mesure où la personne qui se présente dans une autre région ou auprès de deux, trois, quatre professionnels différents, simplement parce que la vie est faite comme ça, là, on n'a pas toujours notre le médecin à notre portée, notre médecin de famille... Est-ce que ça ne permet pas, selon vous, des gains, sous réserve qu'on sécurise, des gains substantiels potentiellement en termes de qualité des services rendus?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Stoddart.

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Oui. Enfin, non, ce projet, tel qu'il est présenté, ne rassure pas la Commission ou ne la convainc pas, je pense ? c'est l'image que vous utilisez ? des avantages de cette situation. Parce que la Commission se pose la question suivante: Si je vais en dehors de ma région pour me faire soigner, c'est notamment le cas peut-être vers les grands centres hospitaliers universitaires pour les grandes interventions, etc., pourquoi je ne peux pas faire disposer à mon bénéfice ou enfin par un échange d'information tout simplement? Il n'y a aucune raison pour laquelle on ne peut pas considérer également ? au moins nous faire la preuve qu'il n'est pas possible d'utiliser le modèle ? que, lorsque je me déplace en dehors de la région, les soignants dans l'autre région communiquent avec mon dossier de base qui est dans ma région de résidence ou la région où j'ai été, sans que ça aille à un point central et que ça revienne. C'est ça, la question.

Et, dans les statistiques que vous avez utilisées, M. le ministre, je pense que vous m'avez dit une personne sur quatre se fait soigner en dehors de la région, je crois, mais la réalité, c'est les trois demeurent là. Donc, ça peut circuler à moins vaste échelle peut-être via moins de points de transit, moins de dépôt central. Et pourquoi les dossiers médicaux ne peuvent pas se parler directement dans les circonstances, dans les temps et pour les informations qui sont nécessaires pour chaque intervention? C'est ça, la question que la Commission se pose. Pourquoi n'a-t-on pas aussi examiné autant à fond cette possibilité ni les résultats de cet examen devant nous avant qu'on aille de façon irrévocable vers la constitution d'une nouvelle banque de données centrale?

Ce n'est peut-être pas possible, je ne sais pas, la Commission ne fait pas d'études à la place du... Mais voilà le paradigme. On vous dit: Il y a des modèles alternatifs, il nous semble. Peut-être que vous pourriez mettre les résultats du déploiement de modèles alternatifs devant nous afin que nous puissions vraiment choisir en conséquence de cause.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Malheureusement, le temps nous presse. J'aimerais aborder une autre question dans le suivi d'une de vos affirmations, à la page 6, de ce que vous nous avez présenté, de votre allocution. Vous dites, quatrième paragraphe, fin du paragraphe: «La Régie de l'assurance maladie du Québec entend accroître d'ici 2004 de 15 % le taux d'utilisation de son actif informationnel», et ceci semble vous causer des inquiétudes.

Je vous mettrais dans le contexte suivant: des informations agrégées, regroupées, dénominatives ou, bon, non nominatives peuvent permettre, dans une perspective de santé publique, disons, d'avoir un portrait de la prévalence ou de l'incidence d'un certain nombre de problèmes, permettant même à des cliniciens ou à des médecins d'urgence ? on les a rencontrés, je les avais interrogés là-dessus ? de tirer grand bénéfice du portrait sociosanitaire d'une région au moment où un patient se présente même à l'urgence. Bon.

Compte tenu des avantages que peut représenter donc l'agrégation d'un certain nombre de renseignements à des fins justement d'études épidémiologiques ou pour des préoccupations d'ordre de santé publique pouvant se traduire par la suite, encore une fois, par une meilleure prestation de services, est-ce que vous ne pensez pas qu'une utilisation plus développée dans cette perspective-là des informations, une fois qu'on enlève le nominatif et qu'on agrège les données, ne peut pas être effectivement une bonne chose pour la santé de la population?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Stoddart.

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Oui, certainement. L'utilisation de l'information très finement peut être un plus pour l'étude des besoins et éventuellement pour la population. Cependant, M. le ministre, ce sur quoi on veut vous attirer, c'est non pas notre récalcitrance aux études dans le domaine de la santé, au contraire, c'est un domaine qu'on connaît assez bien, la question, c'est la finalité, des questions de finalité pour laquelle les informations de santé sont données et détenues et l'utilisation qu'on en fait plus tard et une possible déviation à long terme du rôle de l'assureur vers d'autre chose qui n'est pas peut-être clairement sur la table. Et c'est ça où la Commission pose la question de la finalité, du rôle de la Régie qui s'est modifié de façon importante depuis 30 ans et des questions éthiques qui se soulèvent lorsque l'assureur détient en même temps l'information clinique.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Je comprends, bon, que vous exprimiez des inquiétudes là-dessus. Est-ce que vous auriez des suggestions susceptibles de vous rassurer ou simplement de s'assurer, comme société, qu'on ait l'utilisation la plus correcte et conforme possible à des fins cliniques bien sûr, mais aussi à des fins de santé publique, d'une certaine façon, de ces informations ainsi agrégées?

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Bien, d'accord, je vous remercie de la question parce qu'on fait ces constats, on exprime ces inquiétudes un peu à la lecture de l'histoire récente, non pas ce qui est dans le projet de loi, hein, on en convient donc. Je vous remercie d'avoir pris ces remarques comme étant des remarques quand même faites de bonne foi, mais basées sur ce qui s'est passé récemment. Une des... Bon.

Nous, ce qu'on vous dit fondamentalement, c'est: avant d'aller vers la création d'un mégafichier de données de santé, là, création qui serait irréversible dans le temps, regardez la possibilité d'autres modèles. Prenez un petit peu de temps de plus, là, regardez comment d'autres modèles pourraient fonctionner. Si vous venez à la conclusion que cette création de banque centrale est nécessaire, bon, à ce moment-là, on discutera d'autres choses par la suite.

Cependant, si vous retenez le modèle d'une banque centrale, il est possible de penser que d'autres que l'assureur pourraient détenir cette espèce d'agglomération de données de santé. À ce moment-là, ça nous semblerait un peu créer une distance souhaitable entre l'assureur et l'administrateur du réseau informationnel.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il vous reste trois minutes, M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Je reviendrais peut-être un peu plus tard aux besoins. Mais, je veux dire, l'assureur dont on parle, c'est nous, hein, ce n'est pas une quelconque entreprise perdue dans... Ha, ha, ha! Oui, c'est ça, hein?

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Non, non. En fait, c'est la RAMQ. Nous, les Québécois et Québécoises, on fonctionne à travers différents organismes, lesquels ont le rôle, des rôles très précis dans notre système afin d'assurer au maximum la préservation de nos droits. Alors, notre système, actuellement, l'assureur assure mais ne pose pas de jugement sur le contenu de nos dossiers santé. C'est cette distance qu'on aimerait préserver.

M. Bertrand (Portneuf): Et en même temps on conviendra qu'on a peut-être un monitoring ou, en tout cas, un suivi plus serré de notre assureur, puisqu'il est dans le giron de nos activités, hein, dans le secteur public. Bon. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. le ministre. M. le député de Châteauguay.

n(12 h 10)n

M. Fournier: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue. À mon tour de vous souhaiter la bienvenue, Mme la présidente puis les gens qui vous accompagnent. Vous savez combien nous avons non seulement le plus grand respect pour la Commission, mais surtout comment nous sommes heureux de pouvoir compter sur cette institution pour nous éclairer dans des dossiers comme ceux-là, c'est fondamental et je vous remercie non seulement des mémoires ? parce que je ne peux pas dire juste celui-là, vous avez fait d'autres écrits aussi sur cet enjeu ? mais de la présentation que vous faites aujourd'hui.

Mme la Présidente, vous allez certainement me permettre de souligner trois éléments de la conclusion qui sont autant de recommandations que vous faites et qui, je pense, permettent ou éclairent le ministre sur les suggestions que vous lui faites ? c'est ce qu'il vous demandait. À la dernière page, vous dites que votre Commission «constate qu'il peut exister différents systèmes de partage de l'information de santé ? index-patient, dossier patient partageable, aide-mémoire portable, résumé de santé, carte index ou pointeur».

J'arrête à ce point-ci pour dire que ? et on a eu l'occasion d'en parler hier abondamment, lors d'une motion à l'Assemblée ? la commission Clair, qui a donné, je dirais, un élan nouveau pour amener le ministère à amener ça de l'avant, parlait bien plus de ce qu'on pourrait ici résumer comme étant le «dossier patient partageable», bien plus que le résumé de renseignements de santé qui, lui, n'a jamais été envisagé par la commission Clair. Il n'intervient qu'avec cet avant-projet. Et ce que vous nous dites, avec cette première ou cette recommandation-là dans vos conclusions, c'est que le gouvernement devrait mettre sur la table les différents scénarios qu'il a étudiés pour qu'on puisse faire le meilleur choix.

À ce stade-ci, cela n'a pas été fait, et, conséquemment, on travaille un peu dans le vide. Et, lorsque l'avant-projet tombera, là, parce que l'avant-projet par définition finit par être oublié et transformé soit en projet de loi ou par une nouvelle initiative, il est à espérer, je le souhaite avec vous, que la prochaine initiative soit celle de nous donner les différentes architectures. Je pense notamment à la proposition Sicotte ? il peut y en avoir bien d'autres ? mais l'ensemble des différents scénarios pour qu'on puisse savoir si c'est bien le meilleur.

Vous continuez. Vous demandez que «soit examinée et poussée à fond la réflexion sur différents modèles afin d'épingler celui qui atteindrait à la fois les objectifs répondant aux besoins des patients et des professionnels et la protection des renseignements personnels des patients». Vous touchez ici un autre élément: il y a celui de ce qu'on doit donner comme information, est-ce que c'est le dossier ou un résumé? et il y a celui de: pour savoir lequel on va donner, encore faudrait-il bien savoir à quoi ça va servir, donc s'interroger sur les besoins. Puis je pense que, là-dessus aussi, le ministère devrait faire, avec un peu d'humilité... reconnaître que, là aussi, il est déficient, puisque comme la RAMQ le répondait à Pierrôt Péladeau, ils n'ont pas étudié les besoins ni des patients ni des professionnels.

Et nous, on les découvre ici au fur et à mesure de la commission et on s'aperçoit que, si, pour certains, le résumé ? je pense aux urgentologues ? pourrait être d'une certaine utilité, pour bien d'autres, ils recherchent plutôt le document source. Donc, ils recherchent l'ensemble de l'information. Donc, je pense qu'il y a aussi une recommandation très utile pour le gouvernement. Je suis persuadé qu'ils vont suivre votre recommandation.

Et enfin, vous dites: «...propose qu'au terme de cette analyse un projet pilote d'envergure, suivi d'une évaluation soient réalisés.» Vous n'êtes pas les premiers qui le soulignent, et je pense que c'est obligatoire, je pense que le gouvernement devra suivre encore une fois ces recommandations. Je voulais signaler ces éléments-là et vous remercier de les faire avec autant d'éclat. Il me semble que vous donnez la marche à suivre pour l'avenir.

Et, justement sur cette marche à suivre, je vais référer à votre mémoire et je vais vous demander de nous préciser quelle marche... comment on devrait y arriver. Alors, à la page 5 de votre mémoire, vous nous parlez de... Et je vais vous parler de la centralisation et du résumé, là, à la page 5. Je l'ai en milieu de page: «Une tendance qui inquiète de plus en plus la Commission: la centralisation des renseignements de santé et leur gestion par un seul organisme[...]. Selon la Commission, la nécessité de créer ce fichier doit faire l'objet d'une sérieuse analyse. C'est après cette analyse, si elle s'avère concluante, que les règles de confidentialité et de sécurité devraient être déterminées.» Donc, d'abord, une analyse des mécaniques et des techniques, des architectures.

À la page 8, vous dites: «Aucun rapport ne vient donc démontrer que la création d'un résumé de renseignements de santé, tel que l'envisage l'avant-projet de loi, est nécessaire, voire même utile, pour assurer une meilleure continuité dans les soins de santé dispensés aux Québécois et aux Québécoises.»

Ma première question, elle est à deux volets: Pour l'architecture comme pour les besoins, qui croyez-vous ou quelle instance, quelle l'institution est le mieux en mesure de répondre, de vérifier, par exemple, l'architecture? J'imaginais comme ça l'Agence d'évaluation des technologies. Est-ce qu'elle serait disponible? Est-ce qu'elle est disposée? Est-ce qu'elle a l'expertise pour faire ce genre d'expertise, d'évaluation? Qui peut faire l'étude des ensembles d'architectures pour dire: Voilà celle qui est la plus portante?

Même chose pour les besoins: Est-ce qu'on devrait laisser à la RAMQ le soin de vérifier les besoins? Est-ce que c'est le ministère qui devrait le faire? Est-ce que c'est quelqu'un d'autre qui doit chapeauter ces études qui, jusqu'ici, n'ont jamais été faites et qui sont pourtant fondamentales à cet objectif que tout le monde a, qui est d'avoir une meilleure information pour les donneurs de soins sur les patients?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Stoddart.

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Merci, Mme la Présidente. La question est très intéressante, M. le député. J'avoue que la Commission, dans son mandat, n'est pas allée jusqu'à réfléchir sur qui devrait faire quoi dans la réalisation des études. On laisse ça au gouvernement, dans ses différentes manifestations, de décider lequel ou laquelle combinaison de ces acteurs sont les mieux situés pour réaliser les études. Ce sur quoi on voulait attirer votre attention, c'est que ces études se fassent ? elles sont peut-être faites, je ne sais pas, on ne les a pas vues, elles sont peut-être déjà existantes ? qu'elles se fassent et qu'elles soient rendues publiques de sorte à ce qu'une variété d'experts, de groupes de personnes qui ont des expertises et des intérêts à faire valoir puissent les lire, les commenter et apporter leur propre contribution. Mais, malheureusement, je ne peux pas vous dire qui exactement devrait faire quoi, mais peut-être une combinaison d'organismes. Ce qui est important, c'est que ce soit fait et ce soit mis clairement sur la table pour que les représentants de la population que sont les députés peuvent décider et tenir compte de toutes ces études dans le choix final d'un modèle pour transiter des renseignements de santé.

M. Fournier: Vous considérez que ces études-là, autant sur l'architecture que sur les besoins, devraient précéder et être rendues publiques et qu'on permette un débat public là-dessus avant le dépôt d'un projet de loi?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Stoddart.

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Merci, Mme la Présidente. Oui, il me semble idéalement qu'il n'y a aucune raison de ne pas rendre toutes ces études transparentes. Il y a beaucoup de joueurs: il y a tous les professionnels, les différents ordres professionnels, il y a aussi tous les patients, il y a tous les gens qui travaillent dans le système. Oui, avant de poser un geste qui peut être aussi irréversible que de créer un nouveau mégafichier, s'il faut le faire, bon, on saurait pourquoi, mais on n'aurait pas ce regret de ne pas avoir exploré à fond d'autres modèles. Et on craint que c'est ce qu'on va faire maintenant si on ne va pas dans le sens de vraiment épuiser d'autres solutions avant de retenir celle-ci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Merci. Merci, de votre réponse. À la page 21, vous parlez des banques ? le ministre en a parlé tantôt ? des banques dénominalisées pour fins de santé publique notamment, et vous mentionnez ce qui nous avait d'ailleurs été dit par l'actuel directeur national de santé publique lors de l'adoption de la Loi sur la santé publique, la nouvelle loi. Et vous nous avisez, vous nous éveillez aux problèmes de banques dénominalisées qui, par croisement, redeviennent nominalisées. Et je dois avouer que, lorsque j'avais entendu ça ? et moi, je ne suis pas un spécialiste dans ces affaires-là, loin de là ? mais, lorsque le directeur national de santé publique nous avait fait part de ça, de nombreuses inquiétudes se soulevaient, et je trouve dangereux qu'on puisse lancer des banques, constituer des banques dénominalisées, et que tout le monde a confiance, et qu'on s'aperçoit un peu plus tard que, par croisement, on a abusé de notre confiance. J'aimerais que vous nous expliquiez comment ça arrive. Qu'est-ce que c'est? Est-ce que ce sont des cas qui arrivent fréquemment, ou ça n'arrive pas souvent, ou on s'inquiète pour rien? De quoi on parle, ici? Est-ce qu'on doit faire confiance lorsqu'on nous dit qu'on va constituer une banque dénominalisée puis c'est, bon, pour le bien...

Remarquez que, moi, je suis de ceux qui pensaient, en tout cas qui pensent toujours que, pour la santé publique, il est important qu'on puisse vérifier quelles sont les différentes problématiques dans les différentes régions, et il faut bien constituer des banques là-dessus dans la mesure où on peut être protégé, là. Si on me dit que ce n'est pas possible, là ça m'inquiète.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Stoddart.

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Oui, c'est un exemple intéressant, M. le député, qui est au coeur de nos préoccupations. Et, quand j'ai dit à M. le ministre qu'on faisait aujourd'hui des remarques de bonne foi et basées sur notre lecture du passé récent de la gestion des renseignements personnels non pas peut-être simplement sur la lettre de la loi aujourd'hui... Et c'est ça qui nous permet peut-être ou qui explique pourquoi nous avons des craintes et des appréhensions qu'on pourrait dire qui sont déraisonnables par rapport à ce projet de loi peut-être, mais elles ne sont pas déraisonnables quand on voit comment, une fois un projet de loi adopté, des années passent et, finalement, d'autres projets de loi sont adoptés et, de choses et d'autres, des renseignements gardés dans la stricte confidentialité deviennent tout d'un coup détenus et accessibles sous d'autres conditions.

n(12 h 20)n

Et, justement, la banque MED-ECHO, là, au cours des, quoi, presque 20 ans de son existence, est un bel exemple de ce changement d'utilisation et de ce détournement de finalité de l'information donnée pour une chose; 20 ans plus tard, on trouve que ce serait bien utile pour d'autres choses et c'est ce qu'on craint qu'il puisse arriver si on crée un autre mégafichier. Mais je demanderais au secrétaire de la Commission, qui a suivi l'évolution de ce fichier MED-ECHO, de vous expliquer comment une telle chose a pu arriver.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Me Ouimet.

M. Ouimet (André): Merci, madame. En fait, l'histoire du fichier MED-ECHO est gravée dans la mémoire des membres de la Commission parce que, au début des années quatre-vingt, lorsqu'on a créé ce fichier-là, on a expliqué aux membres de la Commission qu'il n'y avait pas de danger de renominaliser le fichier.

En fait, pour faire une histoire simple, le fichier MED-ECHO, c'est l'histoire des hospitalisations au Québec. Et on nous disait que, pour des raisons de santé publique, des raisons épidémiologiques, il fallait conserver les données de façon dénominalisée. Et c'est à cette époque qu'on nous a parlé d'encryptage de données. Alors, le ministère de la Santé nous disait: Les données du fichier MED-ECHO seront encryptées, et nos connaissances de l'époque faisaient en sorte que ce qui était encrypté n'était plus désencryptable. On n'était plus capables de reconstituer la banque de données de façon nominative.

Quelques années plus tard, il y a des chercheurs qui sont venus à la Commission et qui ont demandé accès à cette banque de données là. Nous, on a dit: Bien, vous n'avez pas à nous demander accès à la banque de données parce que ce ne sont pas des renseignements nominatifs, alors que la loi prévoit que vous vous adressiez à la Commission uniquement dans le cas où ce seraient des renseignements nominatifs. Alors, ils nous ont dit: Oui, mais on a trouvé une technique pour désencrypter les renseignements et les retrouver sous forme nominative. Alors, évidemment, c'est dans ce sens-là que, pour la Commission, ça a été une leçon assez dure.

Les membres de la Commission ont tous été un peu marqués par cette histoire-là et ont dit: Bien, chat échaudé craint l'eau froide. Dorénavant, on sera très prudent avant d'accepter la constitution de telles banques de données et on soulignera, dans notre fonction-conseil aux législateurs, aux gouvernements, les dangers de la création d'une banque de données qui, à une époque x, pour des raisons tout à fait louables, peuvent à une autre époque, pour des raisons tout aussi louables, être reconstituées en des renseignements nominatifs.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: C'est clair. Tout aussi inquiétant mais clair. Je vous remercie.

À la page 7 de votre mémoire, vous nous dites qu'«un patient pourrait donner un consentement général pour l'inscription ou la consultation de données. Le résumé pourrait par la suite être consulté et complété, sans que la carte santé ne soit requise ou que le patient ne soit présent. Seule la personne ayant expressément mentionné son intention de consentir à chaque inscription» devrait être là, là, lorsqu'on va jouer dans le résumé.

J'essaie de faire le lien avec... Parce qu'on parle de confidentialité. Juste avant vous, on avait quelqu'un qui était chez vous avant et qui avait travaillé sur ce genre de bris, qui nous donnait l'exemple de la maison funéraire qui avait, par contact privilégié, obtenu des renseignements. Évidemment, c'était à la pièce, comprenez-vous? Il faut quand même avoir accès au dossier puis, là, le dossier papier est aux archives, ce n'est pas si évident quand c'est à l'unité comme ça.

Mais, dans le cas de dossiers informatiques où tu peux aller chercher beaucoup plus d'information beaucoup plus rapidement, la question que je me posais, c'est: Dans le cas où quelqu'un donne un consentement général ? et on voit qu'il y a plusieurs intervenants qui ont des cartes d'habilitation, là, qui peuvent venir vérifier le résumé ? est-ce qu'on n'est pas, dans une certaine mesure, en train d'ouvrir un potentiel encore plus grand?

Là, je ne veux pas stigmatiser personne. Je vais prendre l'exemple de la maison funéraire; je ne veux pas parler d'elle, je ne veux pas dire que c'est elle, mais qu'un tiers pourrait avoir intérêt à prendre certains contacts, certains arrangements ? même si c'est illégal par ailleurs, même s'il y a des sanctions ? avec certains tiers qui pourraient utiliser le consentement général pour pouvoir aller dans des renseignements hors la présence du patient ou en tout cas du sujet du dossier.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Stoddart.

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Il est clair que, si ou lorsque ce projet a un autre projet, quand... je pense qu'il faut favoriser la circulation des renseignements de santé. Donc, à d'autres étapes, il faudrait essayer de cerner plus précisément toute la question de consentement sur l'accès aux dossiers.

La Commission n'a pas voulu entrer dans cette question dans le détail aujourd'hui parce qu'on pense que la question préalable, c'est la constitution en elle-même d'un résumé de santé détenu centralement.

Mais, ceci étant dit, je vous ai dit qu'il y a plusieurs zones grises; c'en est une et ça rejoint la question très importante que vous évoquez de qui a accès, qui aura accès soit sous ce modèle-là ou un autre. Et une des questions qui préoccupent au plus haut point la Commission dans le projet actuel, c'est les 17 niveaux, les 17 ordres de personnes qui pourraient avoir accès, au total; c'est à peu près 200 000 personnes pour des motifs qui ne sont aucunement explicités dans l'avant-projet de loi ? bon, on peut dire que c'est un avant-projet de loi ? mais dont le mécanisme d'approbation ne serait pas le mécanisme public le plus public possible, c'est-à-dire l'adoption dans une loi, mais plutôt par l'adoption d'un règlement ou de décrets, lesquels ne sont pas vus par le grand public, encore moins par les députés.

Alors, on pense qu'il y a des questions préalables de choix de modèle à décider dans un premier temps. Dans un deuxième temps, une fois le modèle choisi, justement, il faut venir très, très finement sur des questions de consentement et des questions d'accès et, dans la mesure possible, étayer les principes qui seront adoptés pour donner accès à tel type de renseignements dans la loi, peut-être pas le détail de qui a accès mais, au moins, les principes. Et c'est ça qui manque dans l'avant-projet de loi actuellement et qui est un sujet de très grande préoccupation.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Stoddart.

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Je ne sais pas si...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui? Ça va? M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Oui. Merci. J'aimerais vous faire commenter, surtout qu'on parle de consentement... C'est un consentement d'un tout autre ordre dont je vais vous parler, mais, dans le témoignage de Pierrôt Péladeau, il mettait en relief certains éléments, des recoupements que, moi-même, je n'avais pas faits, et il disait ceci: Ainsi, les deux mémoires ? avril et décembre derniers, là, pour les décisions du Conseil des ministres, mémoire au Conseil des ministres ? rendent compte d'avis de la Commission d'accès à l'information. Or, lorsqu'on confronte ces portions de texte des mémoires aux documents sources, on constate qu'ils ne présentent pas un portrait fiable, loin de là. Par exemple, la portion publique du mémoire d'avril 2001 se termine à la page 17 par une citation tirée de l'avis de la Commission d'accès à l'information de juin 1998, qui conclut au potentiel de la technologie pour assurer la protection des renseignements personnels. Pas un mot dans la portion publique ? c'est peut-être dans l'autre portion confidentielle ? mais pas un mot de l'avis du 20 octobre 2000 de la Commission qui, tout en maintenant son opinion quant au potentiel de la technologie, s'inquiétait du projet lui-même, notamment de l'utilisation simultanée de la carte pour des fins administratives et cliniques, qui pourrait remettre en cause la protection des renseignements personnels.»

J'aimerais savoir si vous aviez noté que les mémoires qui sont à la base des décisions au Conseil des ministres ne reflétaient pas l'ensemble de l'avis de la Commission d'accès à l'information et, si vous l'aviez noté, quel geste vous aviez posé par la suite pour informer le Conseil des ministres, là, plus avant de votre opinion complète.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Stoddart.

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Je ne peux pas dire que j'ai relevé exactement cette question-là. Ce qui est arrivé, au cours des différents mémoires que nous avons faits: nous avons réagi à différents projets qui nous ont été posés et nous avons souligné différents aspects des questions actuellement en discussion. Si je comprends bien, M. Péladeau soulève le problème ou il semble avoir un problème avec le fait qu'on n'aurait pas commenté le consentement?

M. Fournier: Non. Essentiellement, c'est que, dans le mémoire d'avril 2001, on réfère à la recommandation ou l'opinion de la Commission de 1998 sur les technologies, qui est valable, mais on a oublié de référer à votre avis d'octobre 2000, donc toujours avant le mémoire d'avril 2001. On est allé référer à un avis de 1998, mais on n'a pas référé à l'avis de 2000 qui, lui, était passablement plus nuancé, disons-le, pour le moins. Et je m'interrogeais, à savoir... parce que c'est un processus quand même de prise de décisions au Conseil des ministres sur la base d'informations qui ne semblaient pas complète. Alors, je me demande si vous l'aviez noté.

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Tous nos avis vont évidemment au Conseil des ministres dans leur totalité, et l'un après l'autre dans l'intégralité. Alors, peut-être que ce que M. Péladeau a et que ce qui est envoyé au Conseil des ministres, qui n'était pas disponible au public, ce n'est pas tout à fait la même chose. M. Péladeau se prononce sur la base des informations qui sont là, et, nous, on a envoyé des informations au Conseil des ministres selon la procédure habituelle, qui ne les rend pas disponibles au public jusqu'à ce que le Conseil des ministres ait pris une décision.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Le temps est écoulé. Deux secondes.

M. Fournier: Il ne reste que deux secondes. On pourrait peut-être rediscuter de cela à une autre occasion. Merci, Mme la Présidente.

M. Stoddart (Jennifer-Anne): Oui.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Merci. Alors, M. le ministre, il vous reste 1 min 45 s.

n(12 h 30)n

M. Bertrand (Portneuf): Très brièvement, vos remarques concernant le cadre juridique, évidemment, je les ai bien lues et retenues au passage. Vous parlez donc d'un enchevêtrement, là, puis d'une multitude de lois. Je voudrais juste savoir: Est-ce que ceci est un peu le phénomène qu'on voit au niveau des lois fiscales, par exemple, très compliquées parce qu'on en a fait un outil important, notamment sur le plan social, je dirais, là, de rééquilibrage et de redistribution? Donc, ça fait une fiscalité compliquée. Est-ce que le cadre juridique dans lequel on est en ce qui regarde l'accès aux informations ne serait pas dû au fait simplement que, comme société, on accorde une telle importance à cette question-là que, effectivement, on est peut-être un peu compulsifs au niveau de la législation et du cadre juridique des différents éléments dans les lois qui visent à sécuriser le plus possible les environnements au niveau de l'accès aux informations? Est-ce que ce n'est pas uniquement ou simplement le reflet d'une certaine préoccupation qu'on a comme société. Et, de façon ancillaire, est-ce que c'est simplifiable?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Stoddart.

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Oui. Je pense que, d'après ce que je comprends, dans le domaine de la santé, les choses sur la santé ont évolué tellement vite avec l'informatisation, l'informatisation du réseau de la santé, que, même la loi sur la santé et les services sociaux, les provisions adoptées il y a 10 ans, seraient maintenant à remettre en question. Ça va très vite, hein, la vie d'une loi. Dix ans, ce n'est rien. Je pense que c'est plutôt ça, la vitesse avec laquelle les choses évoluent.

D'une part, peut-être que les gens, sachant que ce sont des questions difficiles ? pourquoi on est ici aujourd'hui ? c'est des questions extrêmement difficiles à débattre, extrêmement difficiles à comprendre souvent dans leur application technique et technologique, que peut-être on a hésité à réformer ces lois jusqu'à maintenant. Mais on vous dit: Voilà un apport très positif que vous pourriez apporter comme préalable à toute circulation améliorée de renseignements dans le domaine de la santé que de réformer ces lois à courte échéance. Et nous, on pense, en consultation avec des spécialistes du droit de la santé, qu'il serait relativement facile qu'il y ait un assez grand consensus sur la nécessité de cette réforme et la façon de la faire. Et voilà, au moins, la table serait dressée plus clairement pour tout projet ultérieur.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme Stoddart, Me Ouimet et Me Parent, de même que Mme Prigent, merci d'avoir accepté de participer à cette commission. Je suspends les travaux de la commission après les affaires courantes, c'est-à-dire vers 15 heures, dans cette même salle.

(Suspension de la séance à 12 h 33)

 

(Reprise à 16 h 1)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mesdames et messieurs, membres de la commission, nous avons quorum, donc la commission des affaires sociales va donc poursuivre ses travaux. Nous procédons à une consultation générale et nous tenons donc des auditions publiques sur le projet de loi intitulé Loi sur la carte santé du Québec.

Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Non, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vous remercie. Alors, je tiens tout d'abord à m'excuser pour le retard que nous avons pris. Vous comprendrez que les travaux de la Chambre ont toujours préséance et qu'il faut attendre les consentements pour pouvoir procéder. Alors, je m'excuse auprès des groupes que nous allons recevoir ici cet après-midi.

Nous allons commencer par le groupe Option consommateurs, qui est justement installé et qui va pouvoir prendre la parole d'ici quelques minutes, pour poursuivre avec la Conférence religieuse canadienne des régions du Québec, et, finalement, nous allons terminer avec le Dr Bruno Tremblay qui va venir nous déposer son mémoire.

Alors, je demanderais aux représentants d'Option consommateurs de se présenter et, bien sûr, de nous... Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire et qu'il y aura échange.

M. Bertrand (Portneuf): Juste avant, est-ce que vous me permettez?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le ministre. Un instant.

M. Bertrand (Portneuf): Juste au niveau de l'organisation du temps, je crois comprendre que nous avons deux heures pour recevoir trois groupes et qu'il était prévu d'accorder à chaque groupe une heure. Comment souhaitez-vous qu'on puisse passer au travers?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Bien, en fait, écoutez, je pense que les groupes qui sont ici s'attendaient à avoir une possibilité d'échanger avec la commission durant une heure, alors j'imagine que vous savez que la commission, sur consentement, peut prolonger ses travaux. Alors, je présume peut-être qu'il y aura consentement pour qu'on puisse prolonger pour réussir à entendre les trois groupes. Il y aura consentement?

M. Bertrand (Portneuf): En tout cas, moi, je suis disponible pour aller au-delà de 6 heures, là, si vous l'êtes également. Est-ce que mes collègues le sont?

Mme Boulet: Oui, oui, moi également.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, on s'entend. Nous allons maintenir le temps vis-à-vis les groupes concernés. Alors, je vous demanderais de bien vouloir procéder, s'il vous plaît.

Option consommateurs

Mme Michaud (Nathalie): Bonjour. Mon nom est Nathalie Michaud, je suis directrice intérimaire d'Option consommateurs et je suis accompagnée de Me Jacques St-Amant, ici, à ma droite. Alors, tout d'abord, prenons un peu de recul. Il y a plus de 2000 ans déjà, les médecins prêtaient un serment qu'on attribue à Hippocrate et qui contenait notamment les deux passages suivants: «En quelque maison que je doive entrer, je m'y rendrai pour l'utilité des malades.» Deuxième passage: «Les choses que dans l'exercice ou même hors de l'exercice de mon art je pourrai voir ou entendre sur l'existence des hommes et qui ne doivent pas être divulguées au dehors, je les tairai.» Il s'agit de bien soigner et de respecter le droit du patient au secret. Nous sommes convaincus que les mêmes principes doivent guider vos délibérations. Bien sûr, tout le défi est de savoir comment ils peuvent être mis en oeuvre et harmonisés au Québec en 2002.

Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames, messieurs, nous vous remercions de cette occasion de vous faire part de nos préoccupations relatives à la mise en place d'une nouvelle carte santé au Québec. Nous partageons l'objectif fondamental des réformes envisagées. Nous avons cependant de graves inquiétudes quant aux moyens proposés.

Mais, avant d'entrer dans le vif du sujet, permettez-moi d'abord quelques mots pour rappeler qui est Option consommateurs. Nous sommes une association de consommateurs qui existe depuis une vingtaine d'années dans sa forme actuelle. Nous intervenons dans de nombreux domaines, y compris les services financiers et de l'énergie. Nous nous intéressons aussi de près à la santé; qu'il s'agisse par exemple de soutenir des personnes qui ont intenté un recours collectif contre un fabricant d'un implant chirurgical dangereux ou encore d'examiner les effets à long terme des aliments génétiquement modifiés. Et, depuis une douzaine d'années, nous sommes vivement préoccupés par le domaine de la protection des renseignements personnels. Cela nous a donné l'occasion de nous pencher sur l'évaluation des impacts sociaux de projets de haute technologie.

Venons-en maintenant à la réforme. Tout le monde s'entend, il est souhaitable d'améliorer la qualité et l'efficacité des soins de santé. Une meilleure circulation de certaines informations peut y contribuer. Il n'y a donc pas de débat sur les objectifs fondamentaux mis de l'avant par le gouvernement du Québec. Là où il doit y avoir un débat approfondi, c'est au plan des moyens qu'on veut mettre en oeuvre pour atteindre ces objectifs. Un débat éclairé à l'égard des moyens requiert évidemment qu'on dispose d'une information détaillée à l'égard de ce qui est envisagé. Hélas! on sait présentement trop peu de chose quant au projet pour qu'on puisse conclure qu'il produira les résultats espérés.

Comme la plupart des intervenants qui ont déjà comparu devant vous, nous avons des réserves graves quant aux mécanismes qui nous sont proposés dans l'avant-projet de loi sur la carte santé. En fait, nous avons l'impression que le débat est mal engagé. Il ne s'agit pas de savoir s'il faut ou non une carte à puce et à quoi elle peut servir, il s'agit d'abord de savoir quelle information devrait circuler, à quelles fins et sous le contrôle de qui? On verra ensuite quel rouage il faut mettre en place pour atteindre ces résultats. En se concentrant sur la carte elle-même et sur le texte de l'avant-projet de loi, on risque donc de perdre de vue l'essentiel. Au fond, la carte est une clé. Ceci est une clé. On pourrait discuter longtemps de ses caractéristiques, mais cela vous en dirait assez peu sur l'architecture de la maison. Or, c'est d'architecture qu'il faudrait d'abord parler, puis ensuite de liberté.

Le résumé des renseignements de santé constitue un des éléments essentiels de l'avant-projet que vous étudiez. Or, on a un peu l'impression que les fondations ne sont pas très solides et que l'architecte a voulu trop en faire. Voyons plus précisément. Avant de pouvoir l'échanger, il faut d'abord générer de l'information de qualité puis ensuite l'informatiser. Le problème, c'est que la commission Clair notait, en décembre 2000, que 50 % des hôpitaux n'avaient toujours pas de système d'information clinique en laboratoire, en radiologie, en pharmacie ou en soins infirmiers. Elle signalait aussi qu'un groupe d'experts du ministère de la Santé et des Services sociaux évaluait à à peu près 1 milliard de dollars le coût de la mise à niveau informatique du réseau sociosanitaire québécois d'ici 10 ans. La défragmentation informationnelle de ce réseau ne sera pas simple.

Ensuite se pose la question de la qualité de l'information à échanger. Il y aura des erreurs de saisie de données, comme maintenant, il y aura des informations ambiguës. Les terminologies ne sont peut-être pas toutes uniformes. Les soignants devront toujours poser des questions aux patients. Bref, la carte santé n'aura pas d'effet magique et il ne faudrait pas qu'elle conduise des professionnels à soigner non pas le patient mais son jumeau informatique.

Troisièmement, il faut voir comment on échange cette information. Sans entrer ici dans les détails techniques que d'autres experts ont abordés devant vous ou examinerons au cours des prochains jours, il n'est pas du tout évident que l'architecture proposée dans l'avant-projet de loi en matière de centralisation des données ou en matière de déploiement d'une infrastructure à clés publiques soit appropriée. De toute manière, on ne dispose pas d'assez d'information sur ce qui est envisagé pour en faire une analyse critique sérieuse. Il s'agit là d'une lacune décevante dans le processus de consultation actuel.

Quatrième difficulté: le contenu du résumé. Il semble contenir trop d'information pour certains usages et pas assez pour d'autres. Voyons quelques exemples. Pensons d'abord, par exemple, à l'urgentologue. De quoi a-t-il absolument besoin? Les renseignements de base comme le groupe sanguin, bien sûr; la médication actuelle ou récente, sans doute; l'existence de problèmes de santé chroniques comme l'épilepsie ou le diabète; et la présence d'allergies ou d'intolérances, fort probablement. Mais a-t-il vraiment besoin de mon parcours de service depuis 10 ans, des résultats d'un scan réalisé il y a sept ans, qui a indiqué qu'il n'y avait pas de problème grave? A-t-il le temps de consulter tout ça? Sans doute pas. L'essentiel des renseignements dont il a vraiment besoin pourrait donc sans doute résider sur une carte à puce. On n'avait pas besoin d'une infrastructure centralisée avec les coûts qui viennent avec.

Second exemple: une personne traitée pour un cancer du poumon à Rimouski, il y a 11 ans, a déménagé à Montréal et fait une récidive. On voudrait évidemment transférer le dossier médical de Rimouski à Montréal ou du moins la portion oncologique du dossier. Les renseignements sur les deux avortements subis par la patiente à Rimouski il y a 15 ou 20 ans ne sont peut-être pas pertinents. L'informatisation des données dans les deux établissements, un bon réseau de communication et l'autorisation de la patiente donnée grâce à sa carte suffiraient sans doute sans qu'on ait encore là besoin d'une infrastructure centralisée.

n(16 h 10)n

Le même raisonnement vaut à l'égard de l'envoi de résultats de tests de laboratoire à un médecin traitant, par exemple. En sens inverse, l'infirmière d'un CLSC, qui doit intervenir auprès d'une personne qui vient d'être hospitalisée, a apparemment besoin de bien plus de renseignements que ce qu'on trouvera dans le résumé. Bien sûr, on pourrait multiplier les exemples.

Notre propos simplement, c'est que ce débat n'a pas été fait publiquement, que l'on sache. Or, il est fondamental pour établir ce que sont vraiment les besoins, et donc comment on peut y répondre de la manière la plus efficace. Pourtant, on semble ici avoir tiré les plans avant de définir les besoins, en espérant que la solution mitoyenne retenue conviendrait à peu près à tout le monde. Bref, on en fait à la fois trop et pas assez.

Cela soulève au passage une autre question. Plusieurs intervenants ont exprimé le désir d'avoir accès à des résumés de renseignements de santé complets. Il se pourrait bien que la meilleure manière d'y parvenir soit que ces résumés soient plus restreints que ce qu'on envisage dans l'avant-projet, mais de meilleure qualité. Bref, nous ne sommes pas convaincus que ce qu'on veut mettre en place répond aux besoins qui sont exprimés dans le réseau sociosanitaire. C'est d'autant plus vrai que ce réseau se délocalise. Il faudra aussi concilier l'infrastructure qu'on veut mettre en place avec les soins à domicile ou l'intervention auprès d'itinérants qui ont peut-être depuis longtemps égaré leur carte santé.

Abordons maintenant la question de la protection de la vie privée. Il faut dire d'abord qu'elle ne se réduit pas à de simples questions de sécurité, même si elles sont très importantes, c'est d'abord et avant tout une question de pouvoir. Entre autres, une personne doit pouvoir choisir ce qu'on fait des renseignements qui la concernent.

Rappelons quelques principes fondamentaux. Premièrement, la liberté de la personne constitue la valeur fondamentale de notre système politique. Deuxièmement, il appartient donc d'abord à la personne de pondérer librement et de manière éclairée l'application de ses droits à la vie, à la dignité, à la santé, au secret professionnel et à la protection de sa vie privée. Troisièmement, on doit accorder plus d'importance au choix de la personne dans ces matières qu'à l'obligation et à la volonté du personnel soignant de traiter la personne le mieux possible. Quatrièmement, on doit accorder plus d'importance à ses droits et à ses obligations qu'aux besoins administratifs ou aux besoins en matière de recherche. Et enfin, cinquièmement, les mécanismes institutionnels mis en place par l'État doivent se conformer à ces principes.

Le premier principe n'a pas à être démontré. L'Assemblée nationale et les tribunaux ont consacré l'importance du second. On permet, par exemple, à des personnes adultes et lucides de refuser une transfusion sanguine pour des motifs religieux, quitte à y laisser leur vie. On permet à des personnes gravement malades de refuser qu'on poursuive certains traitements. Le citoyen devrait alors pouvoir aussi décider qu'on divulguera ou non des renseignements qui concernent son état de santé, même si le secret pourrait avoir des effets sur sa santé.

La balance doit donc pencher du côté du patient et non du savant. On comprend bien sûr la volonté du médecin et des autres personnels des équipes soignantes d'en savoir le plus possible pour intervenir le plus possible, elle est légitime en soi. Elle l'est aussi parce que ces personnels s'exposent à des risques légaux s'ils commettent des erreurs. Mais, troisième principe, la liberté du patient doit primer. Les défis seront alors de bien lui expliquer les conséquences de ses choix en matière de diffusion de l'information et, au besoin, de mieux baliser les limites à la responsabilité professionnelle. On a évoqué à quelques reprises devant vous le problème de la responsabilité du professionnel qui agirait en se fondant sur un résumé des renseignements de santé incomplet.

Il y a un autre problème juridique de même nature et qu'il faut mentionner. L'article 59 de l'avant-projet oblige le professionnel à inscrire les renseignements pertinents dans le résumé, mais, en vertu de l'article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne, le patient pourrait invoquer son droit strict au secret professionnel et le soignant n'aurait d'autre choix que de se plier à cette demande parce que la Charte a un effet prépondérant sur les autres lois québécoises, à moins que l'Assemblée nationale n'indique expressément qu'une disposition s'applique malgré une exigence posée par la Charte. Ce n'est pas de l'intégrisme, c'est la loi.

La protection de la vie privée et des renseignements personnels au Québec relève de choix qui ont été réitérés fréquemment par l'Assemblée nationale. Bien sûr, on peut réévaluer tout cet édifice normatif, mais alors les discussions seront fort animées parce que la santé touche à ce qu'il y a de plus intime, de plus essentiel à l'autonomie individuelle. Sinon, et dans le cadre actuel, la personne conserve le choix de refuser qu'un renseignement quelconque circule ou d'en aménager l'accès. Redisons-le, c'est la loi.

Il reste à voir comment s'exerce cette liberté? L'avant-projet propose un régime très peu flexible en ce qui a trait à l'inscription de données au résumé des renseignements de santé. Pour l'essentiel, ou on consent à toutes les inscriptions en bloc, ou on se condamne à devoir consentir à chaque inscription détaillée à la pièce, ou encore on s'exclut du régime. C'est fort peu pratique. On peut aussi moduler l'accès aux données par le biais des profils d'utilisation, mais on sait pour l'instant bien peu de chose du régime qui serait mis en place ou de la capacité du patient à déterminer quel type d'intervenants pourrait avoir accès à des informations données.

Signalons à cet égard quelques éléments de l'avant-projet qui ne paraissent pas très clairs. D'abord, la présence d'une personne portant sa carte santé serait-elle nécessaire pour que l'intervenant consulte ou modifie son dossier? Il semble bien que non et cela deviendrait d'ailleurs vite ingérable. Mais alors, le patient doit pouvoir non seulement consulter son dossier, mais exiger sa rectification au besoin parce qu'il aura pu être altéré sans qu'il soit consulté.

Ensuite, tous les intervenants auront-ils accès à l'ensemble du résumé des renseignements de santé d'une personne? Encore là, sans doute pas, mais il faudra alors que l'intervenant qui inscrit des renseignements au résumé leur attribue un code quelconque qui permettra de contrôler la consultation en fonction des profils d'accès. Cela ne sera pas simple, et c'est le moins qu'on puisse dire.

Dans un autre ordre d'idées, et comme nous le notons dans notre mémoire, nous nous inquiétons de certaines dispositions de l'avant-projet qui pourraient avoir pour effet pratique de restreindre l'accès aux soins de santé. Le respect de la dignité et de la liberté individuelle doit évidemment avoir plus de poids que la boulimie informationnelle qui pourrait se manifester dans certains milieux. Certains contrôles doivent bien sûr être exercés, puisqu'il s'agit aussi de gérer des fonds publics, mais ils doivent être maintenus au plus strict nécessaire.

Il faut dire aussi au passage que l'implantation d'une carte à microprocesseur n'aura pas d'effet magique sur la fraude qui pourrait exister dans notre système de santé. Tout au plus déplacerait-elle légèrement le problème. Faut-il le souligner, nous n'avons rien contre la technologie. Au contraire, bien conçue et bien utilisée, la technologie contribuera à l'amélioration de la qualité des soins, à l'augmentation du contrôle des individus sur leur santé et leur dossier, et à l'amélioration de la sécurité entourant les renseignements personnels. Mais l'implantation d'une nouvelle technologie a des conséquences sociales, sinon elle serait inutile. Il faut bien évaluer l'ensemble de ces conséquences. Pour l'instant, et en ce qui concerne la carte santé, nous ne sommes pas convaincus que cette évaluation complète a été réalisée ni que tous les détails importants ont fait l'objet d'un débat éclairé.

Les questions reliées à la gestion de l'information sont très complexes. La restructuration d'un système comme notre réseau de santé est très délicate. Nous recommandons par conséquent au gouvernement du Québec d'avoir la sagesse de prendre en compte les inquiétudes nombreuses et diverses exprimées devant cette commission, d'élargir ses consultations et d'améliorer en conséquence le projet qu'il veut implanter. Il nous fera plaisir de continuer à participer à ce débat et, dans l'immédiat, de répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, Mme Michaud. Alors, c'est ce qu'on va vous permettre de faire. M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Michaud. J'aimerais vous remercier, de même que votre collègue, pour cette contribution à nos travaux, pour le mémoire que vous avez déposé également. Effectivement, la lecture de votre mémoire est fort intéressante, je vous ai écoutée avec beaucoup d'attention. Particulièrement en ce qui concerne l'architecture du réseau informationnel, j'aimerais ça qu'on fouille cette partie-là peut-être davantage. En fait, vous aurez compris que l'architecture qui est choisie dans le projet est en quelque sorte... on peut la qualifier d'hybride, d'une certaine façon, des différents scénarios que vous analysez vous-mêmes dans votre mémoire: d'une part, un résumé centralisé effectivement qui contient des renseignements, une série de renseignements prédéterminés au fond par le milieu et sans contenir pour autant tous les renseignements relatifs au patient; d'autre part, des organisations de services et des professionnels qui continuent à maintenir leurs dossiers patients sous forme électronique ou papier, de sorte que toutes les données détaillées ne sont pas effectivement centralisées et demeurent à leur point d'origine.

n(16 h 20)n

Troisièmement, une carte santé qui ne contient pas toutes les données cliniques, loin de là, qui en fait ne comporte aucune donnée clinique, puisqu'elle ne sert qu'à identifier de façon non équivoque son titulaire. Alors, dans ce contexte-là, est-ce que vous ne pensez pas que cette situation effectivement, que je qualifiais tout à l'heure d'hybride, mais qui est un genre de compromis là où on essaie de trouver le meilleur équilibre, puisse répondre assez largement et j'oserais dire le plus adéquatement possible aux besoins et aux préoccupations manifestés par notamment les professionnels de la santé en ce qui regarde justement les renseignements, l'ordre de grandeur des renseignements qui devraient être à leur disposition pour leur permettre de mieux pratiquer leur science et leur art?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Michaud? M. St-Amant.

M. St-Amant (Jacques): Il y a, je pense, trois éléments qu'il faut évoquer en réponse à votre question. Le premier, c'est dans la structure générale de cette architecture et elle se veut centralisée. Il y a des gens qui ont comparu devant vous. Je pense, entre autres, au professeur Sicotte, mais il y en a d'autres également qui ont évoqué la possibilité que d'autres façons d'organiser l'information pourraient être au moins aussi efficaces, sinon plus. Il y a des débats à faire là qui seraient extrêmement intéressants, à condition d'avoir tous les éléments sur la table pour pouvoir jauger les avantages et les inconvénients des diverses hypothèses.

Il y a ensuite, dans ce qui est proposé, tout le fonctionnement d'une infrastructure avec le public ou quelque chose qui s'y apparente de très près. Encore là, il y a une série de possibilités et une série d'options qui peuvent être envisagées. On ne sait pas actuellement ce qu'on envisage précisément, quels sont les niveaux de sécurité, quelles sont les technologies retenues précisément. Il y a plein de variables, de variantes en matière de façon de faire avec le public et actuellement on ne peut en parler que de façon très générale.

Et il y a la troisième question qui est celle des besoins comme tels. Et, à la lecture des interventions qui ont eu lieu devant vous, j'ai eu le sentiment à tout le moins, comme on l'évoquait tantôt dans l'exposé, qu'il y a beaucoup de besoins qui existent, qui sont réels, mais auxquels ce que l'on propose ne répond pas de façon précise.

Il y a, dans certains cas, trop d'information pour des intervenants; dans d'autres... Et je pense, par exemple, à l'Association des CLSC et CHSLD qui vous a dit carrément: Ce qu'il y a dans ce résumé ne suffirait pas par exemple à une infirmière qui doit aller intervenir à domicile auprès d'une personne qui revient d'une hospitalisation. Alors, on a un peu le sentiment qu'on ne sait pas précisément ce qu'on a à critiquer et qu'on ne sait pas non plus dans quelle mesure ça répond effectivement aux besoins ou à tous les besoins d'une façon vraiment adéquate.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre.

M. St-Amant (Jacques): Et la réponse, c'est que je n'ai pas de réponse.

M. Bertrand (Portneuf): Je vois... Parce que vous nous dites par, exemple: Dans certaines circonstances, on n'aura pas assez d'information; dans d'autres circonstances, on va en avoir trop, compte tenu de ce qui doit être exercé comme jugement, par exemple. Et pourtant, moi, je crois comprendre que, dépendant du professionnel qui consulte le dossier, le résumé, certaines informations lui seront accessibles, d'autres pas, lui ou elle. Par exemple, le pharmacien n'aura pas accès aux mêmes renseignements que, je ne sais pas, moi, l'urgentologue ou... Est-ce que ce sont les informations pertinentes à son métier ou à sa profession? Donc, il y a déjà un effort, je dirais, de rendre l'information la plus pertinente possible disponible pour le professionnel qui exerce. O.K.? Est-ce qu'on doit aller plus loin ou, à ce stade-ci, avoir tous les détails pour juger si la proposition tient la route? Je ne suis pas sûr.

Je fais une comparaison. C'est toujours bancal. Je veux dire, quand j'embarque dans un avion pour me rendre à Montréal ou ailleurs, je n'ai qu'une information incomplète sur les caractéristiques du dispositif, je veux dire: son autonomie de vol, est-ce que le personnel qui opère l'engin est suffisamment préparé ou pas? est-ce qu'on a fait les vérifications habituelles? Je présume que les choses sont faites selon les règles de l'art et qu'un certain nombre de spécialistes du domaine vont s'assurer que l'engin fonctionne adéquatement pour me rendre à bon port. Je n'aurai pas besoin de toutes les réponses à trois décimales près avant de décider de prendre l'avion. Bon. Est-ce que ce n'est pas la situation devant laquelle on se trouve dans le moment, où on souhaiterait a priori avoir toutes les réponses, toutes les réponses?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. St-Amant.

M. St-Amant (Jacques): La raison pour laquelle vous vous sentez en pleine confiance quand vous prenez l'avion, c'est qu'il y a des autorités étatiques qui assurent ces contrôles-là. Il y a des gens qui ont la compétence et qui font l'évaluation.

M. Bertrand (Portneuf): Justement!

M. St-Amant (Jacques): Nous sommes à l'étape de faire cette évaluation préliminaire avant même que l'avion soit autorisé à voler. Nous ne sommes pas ici comme passagers, mais comme, entre guillemets, experts qui essaient de s'assurer que cet appareil-là va être viable. Alors, on est dans une situation très, très différente du simple passager qui demain prendra l'avion pour aller à Vancouver. On est à l'étape de s'assurer que justement cet appareil-là sera fonctionnel.

Je reviens au premier élément de votre question. Pour y répondre adéquatement, il faudrait avoir une idée beaucoup plus claire de ce que seront les profils d'habilitation des personnels. Et, là-dessus, jusqu'à maintenant, ça demeure un peu flou. La préoccupation qu'on a, c'est que, dans la mesure où on constate qu'il y a peut-être trop ou pas assez d'information ? c'est selon ? c'est qu'il y a peut-être, par exemple pour certains besoins, des informations qui pourraient être tout simplement inscrites sur la carte à puce. C'est une stratégie, une architecture concevable qui fait en sorte que des renseignements peuvent être immédiatement disponibles par exemple en salle d'urgence, mais qu'il n'y a que quelques renseignements qui circulent et ils sont sous le contrôle de personnes d'une façon beaucoup plus substantielle que ce qui est envisagé actuellement, qui est une infrastructure centralisée où, en principe, tous les intervenants pourraient avoir accès au dossier.

Alors, il y a des choix à faire. Nous ne sommes pas en mesure de dire si l'un est nécessairement supérieur à l'autre, mais justement nous ne pouvons pas dire non plus que celui qui est proposé actuellement est supérieur aux autres.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Concernant la carte à puce, moi aussi, comme premier réflexe quand on m'a parlé de ces choses-là la première fois, je me suis dit: Mais pourquoi pas le plus de renseignements possible sur la carte à puce? Je me suis fait répondre assez vite: Oui, mais, M. Bertrand, ce n'est pas nécessairement une plus grande sécurité, dans la mesure où ladite carte peut être perdue facilement. Alors, le patient va se présenter sans carte, donc sans renseignements. Il est largement plus fortement avantageux de s'assurer que, quand le patient se présente à un endroit x, l'information puisse être rendue disponible à cet endroit-là sous réserve d'un certain nombre de dispositions sécuritaires, à savoir qu'il puisse...

Par exemple, on sait qu'il y a la carte d'habilitation avec bien sûr un code que doit entrer le professionnel. On connaît toute la mécanique. Mais, en soi, la carte à puce avec des renseignements dessus, ça ne m'apparaissait pas évident après les explications que j'ai eues. Qu'est-ce que vous en pensez?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. St-Amant.

M. St-Amant (Jacques): Si on vole une carte à puce qui ne contient pas d'information et qu'on a par ailleurs accès à un lecteur dans le cabinet d'un médecin par exemple, on a accès à tout le dossier. C'est beaucoup plus grave comme intrusion dans la vie privée que si on n'a accès qu'à quelques informations sur la carte, comme le groupe sanguin, des allergies à la médication prise, par exemple. Alors, il s'agit de voir.

D'autre part, même les informations sur la carte à puce peuvent être sécurisées de façon quand même extrêmement importante. Il y a des technologies ? je pense entre autres au certificat d'attribut ? il y a des technologies de cryptographie qui peuvent faire en sorte qu'on ne peut lire ce qu'il y a sur une carte que si on a accès à un lecteur qui est branché sur le réseau.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, un instant, s'il vous plaît. On a eu un petit problème de même nature cet avant-midi. Je voudrais demander, s'il vous plaît, aux gens qui ont des téléphones cellulaires de bien vouloir fermer leur appareil. Je suis désolée. Alors, M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Merci, Mme la Présidente. Peut-être une dernière intervention, une dernière question. Vos craintes quant à l'accès aux soins, à l'effet que cet accès devienne plus limité, franchement m'ont surpris parce que, au fond, par rapport au système actuel, il n'y a rien de vraiment changé. Actuellement, la carte d'assurance maladie est obligatoire pour obtenir les services de santé sur base gratuite. Alors, il n'y a rien de changé à ces pratiques-là. Puis, d'autre part, la loi prévoit également qu'en certaines situations les soins puissent être obtenus sans présentation de la carte, donc dans des circonstances d'urgence ou exceptionnelles. Et, encore là, dans ce nouvel environnement les mêmes règles s'appliqueraient. Donc, comment pouvez-vous craindre que l'accès aux soins soit plus limité? Au contraire, parce que l'espoir, c'est qu'il le soit encore davantage, et de meilleurs soins, et de meilleurs services parce qu'on aura l'information la plus pertinente possible.

n(16 h 30)n

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. St-Amant.

M. St-Amant (Jacques): Mais alors, pourquoi vient-on amender la Loi sur l'assurance maladie pour exiger la présentation de la carte d'assurance maladie au préalable avant de fournir une prestation de soins de santé? C'est textuellement dans l'avant-projet, ça.

M. Bertrand (Portneuf): C'est le cas actuellement.

M. St-Amant (Jacques): Non. On vient modifier la Loi sur l'assurance maladie et changer une disposition qui dit actuellement qu'on peut demander la carte pour un texte qui dit: On doit demander la carte au préalable. Le législateur ne parlant pas pour ne rien dire, je présume qu'il y a là quelque chose qui ressemble à une intention. Ce n'est peut-être pas la volonté du gouvernement, mais il y a eu à tout le moins un problème de rédaction.

La deuxième crainte que nous avions, c'est que, la façon dont sont présentement aménagés ou seraient aménagés les consentements à inscrire ou non des renseignements au résumé des renseignements de santé, il pourrait être compliqué pour une personne d'aller voir un autre praticien que celui à qui elle a déjà accordé une autorisation. Et, donc, on vient indirectement restreindre possiblement le choix du médecin, par exemple, ou le choix d'un autre professionnel. Parce que de la façon dont les articles 53, 54, etc., sont structurés, je peux dire, par exemple, que certains praticiens auront certains droits sur mon dossier, mais, si je veux voir quelqu'un d'autre, je repars à zéro. Et, pour changer certaines autorisations, en vertu de ces dispositions-là, il faut que je remplisse un formulaire, que je le fasse parvenir à la Régie de l'assurance maladie avec les documents attenants, et tout, et tout. Bref, de façon systémique, on m'incite à toujours consulter les mêmes professionnels. Et là on avait l'ombre d'une inquiétude également.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Juste un commentaire. Moi, en tout cas, je ne reconnais pas ça, ces dispositions-là, dans le projet de loi tel que je l'ai lu et compris. Maintenant, je suis heureux que vous ayez précisé ces points-là, parce qu'on va certainement revérifier pour être bien sûrs, parce que ce n'est certainement pas l'intention de réduire l'accessibilité, au contraire. Donc, je vous remercie de nous avoir sensibilisés à ces points-là. On va faire les vérifications.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. St-Amant.

M. St-Amant (Jacques): Aux articles 54, 55, on parle, par exemple, d'un consentement à ce que certains intervenants, par exemple, puissent ou non faire des choses? Alors, il peut y avoir à un moment donné des obstacles. Une des choses qui nous agaçaient un peu du projet de loi, c'est la lourdeur administrative qu'on vient poser dans la circulation des renseignements et dans les choix que les individus puissent faire à l'égard des renseignements qui les concernent.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, maintenant je voudrais passer la parole à Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Alors, bonjour, Me St-Amant et Mme Michaud. Je voudrais vous remercier de votre présence parmi nous et d'avoir bien voulu présenter un mémoire, que je peux dire que j'ai trouvé très pertinent et que la majorité des intervenants qu'on a vus à l'heure actuelle partagent en grande majorité vos opinions. Et j'ose espérer que le ministre va tenir compte de toutes ces choses-là que les gens disent parce que, la carte à puce, les gens trouvent que c'est peut-être un bel outil technologique, mais, entre la carte elle-même et son application dans notre système de santé, à l'heure actuelle, il y a tout un monde, et j'espère qu'on saura prendre les précautions nécessaires avant de la mettre en application.

Alors, si je fais un peu le résumé de votre sommaire, vous avez beaucoup d'inquiétudes quant à cet avant-projet de loi là. Il y a beaucoup d'inconnues, effectivement, quant aux coûts. On sait que le ministère connaît les coûts d'application pour la carte à microprocesseur, mais, bien évidemment, nous, on ne le sait pas, et vous non plus. C'est quelque chose qui est... c'est un secret bien gardé. Alors, c'est loin de soulager les inquiétudes de la population à ce niveau-là. J'aimerais que le ministère soit plus transparent et qu'on nous donne vraiment les coûts réels associés à ce projet-là.

Il y a également la protection des renseignements. D'ailleurs, on a rencontré, ce matin, la Commission d'accès à l'information, qui est venue nous dire qu'elle avait de nombreuses inquiétudes quant à la banque unique que la RAMQ maintiendrait ou aurait à propos de nos renseignements privés et également quant au nombre de gens ou de professionnels qui pourraient disposer de la carte d'habilitation. Alors, on évalue à peu près entre 100 000 ou 200 000 personnes qui pourraient avoir accès à cette carte-là, ce qui fait que nos informations, nos renseignements, bien, seraient disponibles à beaucoup de gens sur le terrain. Même si la Régie prétend que sa banque à elle va être bien préservée, comment peut-on assurer qu'on aura autant de protection par rapport à tous ces gens-là qui vont disposer de la carte d'habilitation? Comment peut-on garantir que tous les professionnels, les travailleurs sociaux, les dentistes, les optométristes ? bon, la liste est longue ? comment peut-on garantir que tous ces gens-là vont protéger l'information au même titre que la banque... que maintient la... que va détenir la Régie?

Alors, vous dites, ici, à la page 9 de votre mémoire: «Les renseignements vont être colligés, souvent transformés, peut-être transportés, sans doute entreposés, dans certains cas, et consultés.» Ça fait beaucoup de choses, et je pense qu'il n'y a pas grand monde... Ça ne sécurise pas grand personnes, là, de savoir que nos renseignements, qui nous appartiennent, qui sont privés, vont se promener comme ça, là, et que plusieurs personnes vont avoir la possibilité de les consulter via la carte d'habilitation.

Ce que j'aimerais savoir... Et vous dites aussi, également, à juste titre, là, qu'on parle beaucoup d'un contrôle administratif, mais qu'on ne parle pas vraiment d'améliorer les soins de santé. Et tout le monde sait qu'à l'heure actuelle, dans la santé, on vit des graves problèmes, qu'on a des problèmes d'accessibilité, qu'on a des problèmes de pénuries de médecins et que, bon, on est tous très conscient que, la carte à puce, est-ce que c'est ce dont on a le plus besoin, à l'heure actuelle? Est-ce que c'est ce que la population demande, à l'heure actuelle, ou si plutôt on n'aimerait pas qu'on trouve des solutions à nos problèmes d'accessibilité?

J'aurais quelques petites questions par rapport à votre mémoire. Si je vais à la page 5, vous nous dites ici que beaucoup de «projets d'implantation d'infrastructures à clés publiques sont çà et là pratiquement abandonnés sur les planches à dessin». Alors, moi, je ne suis pas quelqu'un de très spécialisée dans la technologie, mais je ne sais pas si vous avez d'autres expériences à nous mentionner ou... Pourquoi vous dites qu'il y en a beaucoup, de projets, qui ont été démarrés puis qui ont été abandonnés en cours de route, là? Est-ce que c'est un fait concret?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. St-Amant.

M. St-Amant (Jacques): C'est un fait concret. Je participe à un comité de travail de l'Association canadienne des paiements, qui se penche sur l'implantation d'une infrastructure à clés publiques dans le secteur financier au Canada. Et disons simplement que les calendriers d'implantation ont été sérieusement décalés au cours des dernières années. C'est une excellente technologie, très intéressante, or il n'est pas du tout évident qu'on peut actuellement la mettre en marché d'une façon qui soit pratique et utile. Et le même genre de problématique se vit actuellement dans le secteur financier, dans d'autres pays, où on se dit: Oui, on a une technologie, on a investi, dans certains cas, des millions, mais on n'est pas prêt à la déployer, on ne sent pas qu'il y a une demande, on ne sent pas qu'on est en mesure de fournir des services.

Et on constate également, après avoir fait beaucoup de travail au plan informatique, qu'il y a des contraintes sociales. C'est bien, d'avoir des clés qu'on peut attribuer à des personnes, mais on a toujours le problème d'identifier ces personnes et de s'assurer qu'on donne effectivement une clé à la bonne personne. C'est d'autant plus sérieux qu'une fois que la personne utilise sa clé, c'est réputé presque irrépudiable. Alors là on vient attacher très sérieusement des opérations à une personne.

Alors, il y a plein de choses qui font actuellement que les gens se disent: Oui, technologie remarquable; quand on vient implanter ça dans la vraie vie, c'est moins simple qu'on pensait, et, donc, on va prendre le temps.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Oui. O.K. À la page 7, vous dites «que le résumé des renseignements de santé, par exemple, constituerait une immense brèche dans le cloisonnement entre les fichiers relatifs au régime d'assurance maladie et à ceux relatifs au régime d'assurance médicaments». Pouvez-vous m'expliquer ça? Parce que, moi, dans ma tête à moi, les deux pouvaient être conciliés. Là, je ne comprenais pas pourquoi qu'il y aurait un problème, entre les deux, d'arrimage, entre les deux programmes, là, de l'assurance.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. St-Amant.

M. St-Amant (Jacques): Je ne suis pas sûr qu'actuellement la Régie de l'assurance maladie combine tous ces fichiers-là et je ne doute pas que la Commission d'accès à l'information aurait posé un certain nombre de questions si la Régie de l'assurance maladie voulait le faire. Dans le résumé de renseignements de santé, par contre, dépendant du contenu qu'il y aura, on se retrouve tout à coup avec des renseignements de toutes provenances, qui sont amalgamés en un seul dossier. Alors, quels impacts ça peut avoir, comment ça peut être utilisé, pour l'instant nous l'ignorons.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, oui, Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: O.K. À partir de ce que vous dites, là, moi, en tout cas, je constate qu'au niveau de la responsabilité professionnelle il y aura, en tout cas, des grandes choses à revoir. Parce que qui va insérer une donnée? Bon, est-ce que le patient va dire: Bien, moi, je ne veux pas que vous le marquiez, celui-là? Puis là est-ce qu'il va falloir commencer à faire une discussion: Bien, écoutez, monsieur, cette information-là, il faut la rentrer parce qu'elle est importante puis parce qu'elle peut nuire, sur votre trajet, ultérieurement, quand vous allez vous promener dans les établissements de santé?

n(16 h 40)n

Alors, si tous les gens qui ont une carte d'habilitation sont aptes à inscrire quelque chose à un dossier, qui va être responsable de quoi quand il y aura une erreur? Le médecin, aujourd'hui, à l'heure actuelle, il a son dossier chez lui et il contrôle en grande partie l'information. Bon, il a son dossier, il est maître de l'information qu'il détient, alors que, là, les médecins vont se promener à travers un paquet d'informations qui vont arriver de toutes parts, de toutes sortes de professionnels. Comment on va imputer la responsabilité professionnelle? Je ne sais pas comment vous le voyez, mais, moi, je pense qu'il y a un grave problème à ce niveau-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. St-Amant.

M. St-Amant (Jacques): Je suis tenté de partager votre inquiétude. Il va y avoir un problème pour le professionnel, d'une part, de déterminer s'il doit, s'il peut inscrire un renseignement, surtout si le patient lui dit: Non, je ne veux pas. Il va y avoir ensuite un problème de finalité. Quand le médecin, le pharmacien, etc., inscrit une donnée dans son dossier qu'il compile pour les fins du traitement qu'il donne, il sait pourquoi il fait, il sait à quoi ça correspond, cette information-là. Comment le renseignement pourra être utilisé dans deux ans à l'autre bout du Québec par quelqu'un d'autre? Bonne question. Alors, ça va être effectivement problématique. Ça va l'être d'autant plus si des personnes qui ne sont pas des professionnels peuvent aussi modifier le dossier, parce que, là, en termes de responsabilité encore là les règles vont être un petit peu différentes.

Mme Boulet: Dans le contexte où on permet l'«opting out», ou qu'on permet aux gens de taire certains renseignements, quand on leur permet également de retirer certains renseignements du dossier de résumé, je me dis: Comment un médecin peut travailler de façon efficace quand il y a un résumé qui est à peu près... Avoir un résumé qui est à moitié, c'est mieux de ne pas en avoir et de faire une propre recherche. Je pense que les gens, ils ne peuvent pas être rassurés par une carte qui n'est pas un portrait fidèle de ce qu'ils sont.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. St-Amant.

M. St-Amant (Jacques): Ce qui pose la question du contenu et de l'utilité du résumé et de sa fidélité. Plus on envisage de mettre des renseignements dedans, plus il y a de risque que des gens disent: Il y a tel ou tel détail que je ne veux pas voir apparaître. Je pense que la très grande majorité des gens n'auraient pas de difficulté à ce que leur groupe sanguin, par exemple, soit indiqué quelque part. Quand on parle de certains diagnostics, là, ça devient nettement plus délicat.

Quant à nous, il est clair que, dans l'état actuel du droit québécois, on n'en sort pas: c'est la personne qui a le choix de déterminer si des informations sont consignées ou pas dans un dossier. Le droit au secret professionnel est inscrit dans la Charte des droits, dans le Code des professions, dans les lois professionnelles, etc. Est-ce qu'on va jouer sur tout ça? Ou est-ce qu'on va se dire: Non, les savants, les médecins, les pharmaciens sont ceux qui vont déterminer, monsieur, madame, si les renseignements qui vous concerne seront dans un dossier centralisé que ça vous plaise ou pas? Pour nous, le choix est clair.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Oui. J'aimerais, en dernier lieu, là, faire... En tout cas, je pense que c'est le point peut-être le plus important de votre... C'est que, finalement, on déplore le fait qu'il n'y ait pas eu de débat public, que cet avant-projet-là soit un peu traité en vase clos. D'accord qu'il y ait une commission parlementaire, mais il y a une commission parlementaire avec des gens qui ont de l'information qui a été filtrée. Alors, je pense que, à partir de ce moment-là où les organismes ne disposent pas de tous les éléments en toute transparence, il y a un problème, là, je pense. Et, comme M. Péladeau le disait, un de ceux qu'on a rencontrés, qui est professeur de bioéthique, là, à Montréal, disait: Ce qui est important, c'est... ce qui devrait être à la base de ce projet-là, ce sont les besoins des citoyens. Il faudrait... ce serait important que le ministère établisse quels sont les vrais besoins des citoyens, des Québécois, aujourd'hui. Est-ce qu'on est rendu... Est-ce que les besoins sont là? Et, s'il y a des besoins dans la santé, est-ce que le débat, il est fait convenablement, en toute transparence? Et est-ce que cette façon de faire le débat... Est-ce qu'il convient, là? Parce que vous dites: L'avant-projet, tel que présenté, ne recevra pas la confiance des Québécois.

Et, moi, je partage cette opinion-là. Je me dis: Comment vous voyez le débat? Est-ce que ça aurait été préférable qu'on ouvre publiquement, qu'on fasse un débat plus large avec plus d'information? Comment vous voyez, là... Pour le ministre, je pense que ce serait un bon conseil à lui donner, comment vous voyez ça. Comment ça devrait être fait? Comment on devrait avancer avec cet avant-projet-là? Parce que, là, je pense qu'on n'avance pas de la bonne façon.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Michaud.

Mme Michaud (Nathalie): Bien, je pense que, effectivement, on n'a pas toutes les informations qu'il nous faut pour prendre des décisions. Je ne sais pas si c'est parce qu'on n'a pas fait les études ou, si les études ont été faites, que l'information n'est pas disponible. Si les études ont été faites, ça nous les prendrait. Là, on n'a pas toutes les données nécessaires pour se pencher clairement sur le problème.

Mme Boulet: Alors, moi, ça me convient, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça va, Mme la députée de Laviolette?

Mme Boulet: Oui.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre, vous aviez un complément ou une question supplémentaire?

M. Bertrand (Portneuf): Oui, c'est parce que ma collègue de l'opposition disait, d'entrée de jeu, lorsqu'elle est intervenue, que, bon, on sait que tout ne va pas très bien dans la réseau de la santé, dans les services de santé, etc. Je veux juste attirer votre attention sur une anecdote, un fait réel qui dépeint un petit peu d'après moi ce que... qui dépeint un petit peu le genre d'aberration dans laquelle on est souvent. C'est une personne, une dame âgée, dans 80 à peu près, qui a eu deux épisodes de soins consécutifs, desquels elle est sortie enchantée, d'excellents services. Alors, sa fille va la visiter ? c'est un cas réel, là ? puis elle lui dit: Maman, comment ça va? Bon. Satisfaite des services, etc., bref, enchantée, la madame. Mais elle dit: Ça va donc mal dans le réseau de la santé, dans le système de santé, et le reste! Et sa fille, un peu surprise, lui dit: Bien, voyons, maman! Tu le sais, t'as eu d'excellents services. Comment peux-tu dire que ça va si mal dans le domaine de la santé? Bien, elle dit: Tu vois ma fille, il ne faut pas penser rien qu'à nous autres, hein, il faut penser aussi aux autres.

Autrement dit, le portrait qui se dégage de plus en plus, c'est que la très grande majorité des citoyens qui reçoivent des services sont satisfaits. Ils estiment qu'ils ont reçu d'excellents services, mais chacun pense que le voisin a eu des mauvais services. Et c'est comme ça qu'on finit par accréditer la thèse que tout va mal dans le domaine de la santé, alors que ça va très majoritairement très bien. Ça ne veut pas dire que tout est parfait. Mais il y a des choses qu'on peut améliorer. Mais je ne veux surtout pas laisser passer l'impression, en me taisant, que je suis d'accord avec ma collègue de l'opposition quand elle dit que tout va mal dans le domaine de la santé. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, oui, il vous reste du temps, Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: J'espère que M. le ministre va aller se promener dans les hôpitaux du Québec. Les gens, c'est vrai que, quand ils réussissent à être soignés, quand ils réussissent à avoir accès à un médecin, c'est vrai qu'ils sont bien soignés, au détriment de la santé des intervenants en santé. Les médecins puis les infirmières travaillent, ils sont surchargés, ils sont épuisés. Il y a des burnout professionnels comme on en n'a jamais vu, jamais vu. Et c'est faux de dire... Moi, je travaille sur le terrain, et des médecins, il n'y a pas. Quand on n'a pas de médecin, on ne peut pas prétendre qu'on a un bon système de santé. Quand il n'y a pas d'accessibilité aux soins, là, quand le médecin n'est pas disponible puis qu'on n'est pas capable d'en trouver un seul pour être un médecin de famille, bien, c'est prétentieux de dire qu'on a un bon système de santé, je regrette infiniment. Et je suis convaincue qu'il y a un grand pourcentage de la population qui partage mon opinion. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, Mme la députée.

M. Bertrand (Portneuf): Je constate, Mme la Présidente, que la très majorité des Québécois et Québécoises sont prétentieux. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, écoutez, M. Michaud... M. St-Amant, Mme Michaud ? je suis toute mêlée moi-même ? alors je vous remercie de votre présentation et de votre participation surtout aux travaux de cette commission. Je vais suspendre quelques instants pour permettre à la Conférence religieuse canadienne de venir s'installer pour qu'on puisse poursuivre.

(Suspension de la séance à 16 h 48)

 

(Reprise à 16 h 52)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, nous allons donc poursuivre avec la Conférence religieuse canadienne, région du Québec. Alors, je demanderais au représentant, celui qui va faire la présentation, de bien vouloir se présenter, de nous présenter aussi les personnes qui l'accompagnent. Et je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire.

Conférence religieuse canadienne,
région du Québec (CRCQ)

M. Fiset (Alain): Merci, Mme la Présidente. Je me présente, père Alain Fiset et religieux de Saint-Vincent-de-Paul. Je suis président de la Conférence religieuse, région du Québec. Et j'ai avec moi des religieux et des religieuses qui travaillent dans le domaine de la santé, qui sont impliqués soit par leur congrégation ou personnellement. Alors: soeur Pierrette Bertrand, qui est membre d'un conseil d'administration d'un établissement de santé; soeur Lucile Goulet, qui est infirmière à l'Hôpital général de Montréal; ensuite, il y a ici Mme Lorraine, qui est responsable, dans notre Conférence, de notre Comité justice sociale, qui travaille donc comme employée à la CRC et qui développe pour nous les documents dont vous avez les exemplaires; ensuite, il y a soeur Huguette, qui est, elle aussi, travailleuse sociale et impliquée dans une institution de santé, à L'Enfant-Jésus, de Québec, et soeur Louise, qui fait partie de notre comité de communication, de telle sorte que, chacun de nous, on représente la Conférence qui regroupe encore, vous le savez bien, 20 000 religieux au Québec, religieux, religieuses. Donc, c'est quand même une portion importante d'éducateurs et de personnes intervenantes dans le milieu qui regroupe encore 140 communautés religieuses différentes. Donc, nous avons un énoncé de mission qui nous caractérise comme hommes et comme femmes engagés dans la société québécoise, et notre préoccupation, vous le devinez bien, c'est la personne. C'est aussi avec un caractère très particulier vis-à-vis les plus petits, les appauvris, les sans-voix. Nous avons un parti pris pour les personnes qui sont un peu mises de côté.

Nos communautés ont été très impliquées dans l'institutionnalisation du Québec dans différentes domaines, autant dans l'éducation que dans le système de santé. Nous pensons donc que nous avons encore une responsabilité de dire notre opinion par rapport à ce qui se développe présentement au Québec. Nous avons aussi, vous l'avez bien compris par le titre de notre document, une préoccupation pour l'humanisation de nos systèmes. Avant de parler de technologie, nous aimerions beaucoup vous donner notre souci, notre inquiétude et nos préoccupations vis-à-vis le système, où il pourrait y avoir beaucoup d'améliorations sur d'abord le contexte humain, et je pense que chacun des intervenants de notre mémoire pourra vous livrer un peu cette dimension-là. Je vais laisser la parole à Mme Lorraine.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Théberge.

Mme Théberge (Lorraine): Oui. Alors, la façon que nous allons procéder, c'est que nous ne ferons pas de lecture du mémoire. Je pense que vous l'avez déjà lu. Nous allons plutôt présenter un peu notre argumentaire qui démontre pourquoi nous sommes en défaveur du projet de la carte à puce.

Alors, dans un premier temps, en préalable, je voudrais vous exprimer que c'est assez difficile pour des citoyens qui veulent se prononcer en commission parlementaire d'entendre, de la part du ministre de la Santé, dire que le projet, de toute façon, on va y aller coûte que coûte, alors qu'on est en commission parlementaire. Et je dois dire aussi que le document du gouvernement du Québec, actuellement, qui en fait la propagande, de ce projet-là, parle déjà des étapes futures de mise en oeuvre. Alors, je me demande, on se demande, dans ce contexte-là, si on comprend que le système de santé est en crise, mais c'est peut-être aussi une crise de démocratie dans laquelle on est actuellement. Alors, je voudrais qu'on fasse attention à ça, en étant en commission parlementaire, qu'on prenne bien soin de considérer les avis et de les colliger et non pas de prendre pour acquis que le projet va être mis, va être déjà mis en oeuvre.

Alors, pour commencer un peu notre argumentation, je voudrais exprimer dans un premier temps que ce projet-là s'inscrit dans un climat social et politique assez particulier qui ne ressort jamais dans les discussions, qui ne ressort pas suffisamment. Entre autres, par exemple, le fait que, malgré les déclarations de nos politiciens et de nos politiciennes sur le fait que le système de santé est public et gratuit, je pense que ce n'est pas la réalité sur le terrain, ce n'est pas vraiment ce qui se passe dans la vie de tous les jours. Alors, peut-être que mes collègues pourraient donner des exemples de cela.

Mme Michaud (Huguette): Si on retourne dans...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je m'excuse.

Mme Michaud (Huguette): Ah! Il faut demander la parole?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, vous êtes... Excusez...

Mme Michaud (Huguette): Michaud.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Vous êtes soeur Michaud.

Mme Michaud (Huguette): Michaud.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, vous comprendrez que c'est pour le bénéfice des personnes qui copient nos propos, en fait.

Mme Michaud (Huguette): On doit se nommer avant de parler?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, ce serait... Soeur Michaud.

Mme Michaud (Huguette): Merci. Elle dit que ce n'est pas un système public. Si on remonte un petit peu en arrière, en 1982, par exemple, où on a déjà enlevé les services dentaires de 10 à 16 ans... c'est déjà parti. On voit que, aussi, pour les optométristes, de 18 à 65 ans, ce n'est plus dans les services publics. Et on pense aussi à toutes les gens qui viennent de l'extérieur, qui n'ont pas accès. Je pense que c'est déjà beaucoup moins public que c'était. C'est dans ce sens-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Goulet? Non...

Mme Bertrand (Pierrette): Pierrette Bertrand.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. Alors, Mme Bertrand.

Mme Bertrand (Pierrette): Ce n'est peut-être pas tant à l'informatisation que je voudrais faire des reproches. Dans un premier temps, c'est une question, pour moi et pour nous, de priorités en fonction des coûts qui sont liés à l'implantation de la carte à microprocesseur. Compte tenu qu'actuellement il manque des argents dans le système, et on le sait, on se demande si c'est la priorité n° 1, ou en tout cas une des priorités.

On a vu, en cours de route, des expériences qui étaient bien parties et qu'il aurait peut-être fallu continuer. Je pense, par exemple, à l'expérience du SIPA, le Service d'intégration aux personnes âgées, parce qu'on considère que le système s'alourdit à cause du vieillissement de la population. Je pense que c'était un modèle d'intervention qui était reconnu comme voie d'avenir et que les conclusions étaient positives quant à l'efficacité, qu'il y avait des coûts d'hospitalisation qui étaient fortement réduits. Il y avait, par le fait même, désengorgement des urgences, il y avait une grande satisfaction des clients et il y avait un 20 % de réduction du temps d'hospitalisation. Et on a laissé tomber, en cours de route, cette expérience qui était très valable. Et, par le fait même, on a été obligé d'héberger des malades et le coût est passé de 15 000 à 45 000 pour une même chose. Alors, c'est une question pour nous de priorité: Est-ce qu'on va accepter des coûts liés à l'implantation de cette carte en technologie, que ça passe avant les soins aux malades? C'est une grosse question.

n(17 heures)n

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Théberge.

Mme Théberge (Lorraine): Oui. Lorraine Théberge. Une autre question qui est complémentaire à celle-là, c'est de dire: Comment ça se fait, en fait, que la demande n'est pas répondue actuellement? Parce qu'il faut comprendre un peu le climat dans lequel s'installe ce projet-là. Si on veut que ce projet-là fonctionne, il faut que les gens soient motivés à le mettre en oeuvre. Alors, comment ça se fait qu'actuellement les gens sont sur des listes d'attente? Qu'est-ce qui s'est passé pour rendre le service à ce point défectueux?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Goulet.

Mme Goulet (Lucile): Oui. J'aimerais poursuivre l'idée de Mme Théberge, toute la question des coûts de l'implantation de cette carte santé. Permettez-moi de vous dire: Moi, je suis infirmière dans le système depuis plus de 15 ans et j'ai appris hier à 3 h 30 que mon unité de soins fermait pour la période de l'été, un temps indéterminé, et qu'on avait un contrôle assez serré sur nos vacances, il fallait prendre tous nos congés statutaires. Et la raison pour cela était un déficit. Alors, on se permet de mettre tant d'argent sur un projet dont on connaît encore beaucoup d'inconnues et qui a de grands risques au niveau de la personne, un gros contrôle au niveau de la personne.

Aussi, est-ce que les personnes vont être culpabilisées avec cette carte santé? Je prends la clientèle des personnes âgées, je prends les jeunes qui souvent sont défavorisés et ont de la difficulté à suivre un peu ce qui se passe dans leur vie. Je trouve qu'il y a beaucoup de pression dans ce projet de carte santé alors qu'on pourrait davantage investir au niveau des ressources dans la santé et rendre le système de santé un peu plus fonctionnel. Il me semble qu'on contourne beaucoup les problèmes réels dans la santé actuellement et qu'on arrive avec toutes sortes de projets, mais finalement on ne règle rien.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Théberge.

Mme Théberge (Lorraine): Pour reprendre un petit peu les idées qui sont amenées, dans le fond, le projet arrive dans un climat pour le moins douteux politiquement parce qu'on s'en va vers un système... on privatise le système de santé alors qu'on nous dit que non.

Le système a été très affaibli actuellement parce qu'il y a eu des coupures puis tout ça. Alors, on nous dit qu'on va préparer ce projet-là de carte à puce et qu'il va mobiliser le monde. Alors, dans un contexte comme on vit actuellement, où est-ce qu'on continue de fermer des services, de concentrer les services, on ne voit pas comment ce projet-là peut prendre vie actuellement. Et aussi, ce projet de carte à puce s'inscrit dans une autre série de mouvements qui est vers la privatisation et on pense qu'il a vraiment davantage de visées administratives.

Quel effet ça va avoir pour limiter l'accès, limiter l'accès aux services pour les personnes qui sont plus vulnérables? Alors, au lieu de contrôler l'accès à la porte des services, comme ce projet-là veut le faire, on pense en fait que le gouvernement aurait intérêt à davantage contrôler les coûts qui font justement augmenter les services de santé, et non pas à vouloir limiter l'accès et à vouloir finalement remettre aux gens un peu comment ça coûte finalement tous les services de santé qu'ils utilisent.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Michaud.

Mme Michaud (Huguette): Quand on parle de faire connaître aux gens les coûts, ce n'est pas du nouveau, ça, ça a été fait au début des années soixante, quand l'assurance hospitalisation est venue en force. On avait, dans les hôpitaux, à remettre des formules jaunes qu'on remettait aux patients où il était inscrit ce que ça avait coûté à l'hôpital. Et si on ne leur remettait pas, il fallait leur maller et leur envoyer ça. Alors, c'étaient déjà des coûts inutiles, puis je ne pense pas qu'on veut revenir à ça. Parce que, le patient, qu'est-ce qu'il en fait? Je ne sais pas si ça vaut la peine qu'on mette de l'argent pour faire une chose... En tout cas, c'est ce que je pense, moi, parce que c'est une chose qui a déjà été faite et enlevée, en ce qui regarde les coûts.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Alors, Mme Goulet.

Mme Goulet (Lucile): Oui. J'aimerais revenir sur l'idée que la carte santé va améliorer les services. Le médecin, quand il voit son patient, tout est au niveau de la relation. Ce n'est pas le fait d'avoir référence à l'informatique qui va faire que la personne qui a besoin de soins de santé va être mieux servie ou non. Dès le départ, le médecin, c'est son rôle de donner des soins de qualité, d'avoir une relation de qualité avec son patient. Ce n'est pas le fait d'avoir un système informatique qui va davantage chercher des données soit sur les allergies ou autre chose, c'est tout ce qui se passe entre le médecin et le patient qui va faire toute la différence. Ce qu'annonce la carte santé est tout autre.

Mme Théberge (Lorraine): Lorraine Théberge.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme Théberge.

Mme Théberge (Lorraine): Parce que, quand on lit vraiment l'avant-projet de loi, on s'aperçoit de la longue série de gestionnaires qui vont devoir agir sur ce projet-là, et c'est un peu ce que disait ma collègue, en fait: Actuellement, ce n'est pas d'augmenter le nombre de gestionnaires qu'il faut mais c'est d'améliorer la relation patient-intervenant de la santé. C'est là qu'il faut miser, je crois.

Ensuite, concernant toutes les conditions d'exercice de cette carte à puce, alors, quand on parle du consentement de la personne. À voir le système de santé qui se complexifie, on considère que ce n'est pas facile d'avoir un consentement en toute connaissance de cause pour le commun des mortels qui n'est pas nécessairement... qui ne connaît pas tous les rouages du système. Et, en plus, est-ce qu'on va expliquer justement dans quoi s'intègre ce consentement? Parce que, il faut le dire, de plus en plus on ouvre la porte à la privatisation du système de santé. C'est le contexte dans lequel ce projet-là arrive. Alors, est-ce que la personne sera au fait de cette question-là?

Et d'autres intervenants vous en ont parlé aussi, toute la question du résumé de l'état de santé. Si la personne consent pour certaines informations et ne consent pas pour d'autres, alors comment est-ce que ce résumé de santé là va être vraiment pris en considération par les intervenants de la santé?

Et aussi toute l'autre question, c'est quand un patient va décider de retirer une information du dossier. Même s'il décide de la retirer, comment peut-il contrôler tous les documents papier qui vont circuler un peu partout dans les bureaux? Donc, il semble qu'il y a vraiment des zones grises dans ce projet-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, j'ai deux personnes qui me demandent la parole, présentement. Je tiens à vous mentionner qu'il reste quatre minutes sur les 20 minutes qui vous étaient imparties pour votre présentation. Alors, je cède donc la parole à Mme Goulet d'abord et à Mme Michaud par la suite.

Mme Goulet (Lucile): Oui. Une de mes préoccupations, c'est qu'on est en train de fusionner les hôpitaux. Et je sais que dans quelques années, entre autres, tout le centre McGill, en 2006, devrait avoir un nouvel hôpital. Alors, je posais une question à un des administrateurs: Dites-moi donc, avec cette belle bâtisse qu'on va construire, est-ce qu'il va y avoir une plus grande disponibilité au niveau des salles d'opération? On m'a répondu non. Alors, si on bâtit du neuf dans l'édifice qu'on va ériger mais qu'on ne fait rien pour changer le fonctionnement à l'interne, je pense que le problème est là, dans la santé, ce qui se passe, de rendre fonctionnel le système de santé à l'interne.

Et j'aimerais rajouter à... M. le ministre qui disait que tout va très bien dans le système de santé, que les patients sont satisfaits. Bien sûr qu'ils sont satisfaits, parce que vous avez une catégorie de professionnels de la santé pour qui ça a été une vocation de soigner les patients. Mais, par contre, ces mêmes professionnels sont essoufflés, sont épuisés. Ils vont donner jusqu'à ce que le souffle ne soit plus là, mais, après ça, quel genre de fierté allons-nous avoir de notre système de santé si on l'appauvrit à ce point?

n(17 h 10)n

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Michaud, brièvement.

Mme Michaud (Huguette): Moi, c'était un peu aussi à propos des coûts, parce que je trouve que les coûts exorbitants que ça semble vouloir amener, c'est peut-être de l'argent qu'on doit mettre pour les soins et non dans des cartes comme ça. On est rendu à... Ça serait une troisième carte, je pense. Alors, c'est dans ce sens-là, les soins auprès des malades, qui manquent. Même si vous dites qu'ils vont bien, ceux qui peuvent se faire soigner vont bien, c'est sûr, mais il faut voir qu'est-ce qui se passe dans nos hôpitaux, pour y être depuis une quarantaine d'années, et l'évolution et la détérioration qui se fait actuellement, pour dire que l'argent doit aller prioritairement auprès des malades et des centres d'hébergement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): En conclusion, Mme Théberge.

Mme Théberge (Lorraine): Peut-être pour conclure sur la question des droits parce que dans l'avant-projet on parle du droit d'être informé des coûts. Alors, nous, on pense que finalement le vrai droit, en tout cas dans l'assurance maladie, c'est le droit juridique d'égalité face à la maladie et à la mort, ce n'est pas le droit d'être informé des coûts et ce n'est pas non plus le droit, comme à la commission Clair on l'a dit, de choisir le privé ou le public. Alors, on pense que ces projets-là dans le fond sont davantage au service du système qu'au service du patient, et plutôt que contrôler l'entrée à la porte des institutions, on devrait contrôler les coûts.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, vous voulez?

M. Fiset (Alain): Conclure.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, est-ce qu'il y a consentement pour que M. Fiset nous ajoute quelques mots? Oui? Alors, M. Fiset.

M. Fiset (Alain): Je ne veux pas prolonger notre temps d'exposé, simplement vous dire que notre recommandation finale de notre dépôt de mémoire, ce serait de dire: Si, en tout cas, on pouvait retirer ce projet pour se concentrer davantage, nos énergies, sur des problèmes actuels qui sont très, très importants à régler à l'intérieur, dans l'interne. Toutes les choses qui ont été dites à cause de l'expérience de chacune des personnes qui y travaillent déjà, nous pensons qu'il y aurait moyen de retirer un projet qui nous semble... Peut-être, dans quelques années, on pourrait le reprendre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. Nous allons donc passer à la période d'échange. M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Merci, Mme la Présidente. J'aimerais remercier donc les porte-parole de la Conférence religieuse canadienne, région de Québec, pour leur présentation. Il y a plusieurs affirmations qui m'ont vraiment surpris dans ce que je viens d'entendre. J'aimerais vous en faire état, au moins partiellement.

Premièrement, corriger peut-être certaines choses. Par exemple, quand on me fait dire que j'ai dit que tout allait très bien ? et je cite entre guillemets ? dans le système de santé, ce n'est pas ce que j'ai dit. Ce que j'ai dit, c'est qu'effectivement, majoritairement les gens sont d'opinion que ça va plutôt bien, qu'ils reçoivent d'excellents services. En termes de services. Je n'ai pas dit qu'il n'y avait pas de problèmes dans le réseau ou dans le système de services, soyons clairs là-dessus. Bon. D'une part.

D'autre part, j'aimerais également rappeler que ce que mon collègue le ministre d'État à la Santé a dit ici, d'après ce qu'on m'a rapporté, c'est qu'on est effectivement en commission pour bonifier le projet. Et, en ce sens-là, ça fait partie d'un exercice éminemment démocratique que de recevoir les commentaires, les suggestions, les critiques mêmes par rapport à l'avant-projet de loi pour éventuellement revenir avec un projet de loi qui pourrait être ajusté en fonction de ce que nous avons entendu. Donc, l'exercice qu'on vit actuellement est un exercice éminemment démocratique.

Je n'aimerais pas inviter... impliquer plutôt nos invités dans cette partie de ce que je vais maintenant dire, je m'adresse à vous, Mme la Présidente. Quand on parle de déficit démocratique, là, ce n'est certainement pas le genre d'exercice qu'on est en train de mener dans le moment, c'est-à-dire dans une institution démocratique évidente, une commission parlementaire qui vise à entendre et à bonifier un avant-projet de loi en route vers éventuellement un projet de loi.

Je vais vous en donner deux exemples, Mme la Présidente, d'un déficit démocratique: quand un autre niveau de gouvernement intervient à tort et à travers en dehors de ses champs de compétence, c'est un exemple de déficit démocratique; quand ce même autre niveau de gouvernement ? puis là je ne mêle pas nos invités là-dedans, O.K. ? intervient dans ces champs de compétences à l'encontre de la volonté unanime du Québec, par exemple, Loi sur les jeunes contrevenants, ça, ce sont de véritables, de mon point de vue, déficits démocratiques. Bon.

On dit d'autre part, sur un autre sujet ? et là je vous reviens, je ne voulais pas vous mêler à cette partie-là de nos échanges ? on revient à la question de la privatisation de ce système. On voit cet avant-projet de loi là, cette initiative, cette proposition-là, comme étant un risque de privatisation du système parce que, d'après ce que je peux comprendre de la logique, d'introduire la carte santé viserait ? d'après ce que j'ai pu comprendre, là, vous me corrigerez si j'ai mal compris ? à créer un genre de barrière ou pourrait créer des situations où on empêcherait un citoyen d'avoir accès aux services. Bien, je peux vous dire que ce n'est pas du tout, du tout, du tout l'intention. Au contraire, on vise à faciliter la relation entre le citoyen et le professionnel traitant, avec des informations, un ensemble d'informations permettant au professionnel d'exercer encore mieux ses responsabilités. La carte santé est plus ou moins l'équivalent de la carte d'assurance maladie actuellement, donc qui donne accès aux services, et la carte d'habilitation vise à permettre à un professionnel dûment autorisé d'avoir accès au dossier. Et, nous, on pense que ça permet, avec une meilleure information, avec plus d'information, d'avoir une meilleure prestation de services, là, et nos objectifs sont vraiment d'ordre clinique.

Est-ce que le système de santé dans lequel on est est gratuit ou ne l'est pas? Je vais vous en donner un exemple, moi, de système de santé qui n'est pas gratuit, le cas très concret d'un couple avec deux enfants aux États-Unis. Il s'agit de gens qui me sont très proches, que je connais très bien. Mensualité: 6 500 dollars américains pour avoir une couverture partielle. Ça fait des sous, ça. 1 000 $ par mois en dollars canadiens, O.K.? 12 000 $ par année. Un déductible au départ de 1 500 $ régressif jusqu'à 100 000 $. À partir de 100 000 $, ça ne coûte plus rien. Deux épisodes de soins depuis deux ans: les gens vont devoir payer, par-dessus leur mensualité, à peu près pendant trois ans pour rembourser ce qu'ils doivent, pour deux petits épisodes de soins: un ménisque puis une autre affaire dont je ne me souviens pas, peu importe. Si on veut parler d'un système qui n'est pas gratuit, on va en parler, mais on va comparer des systèmes où vraiment la majorité des services coûte les yeux de la tête, où, dans un tel système, il y a aussi 40 millions de citoyens qui n'ont aucune couverture: pas assez riches pour se payer de l'assurance puis pas assez pauvres pour être sur le régime public. O.K.?

Que, dans le panier de services, Mme la Présidente, il y ait effectivement des services qu'on n'a pas entrés ou qu'on... Tu sais, il y a une frontière quand même dans le panier de services, plus ou moins en dedans, plus ou moins en dehors, mais l'essentiel de notre système de santé est universellement accessible et gratuit. Alors, je ne voudrais pas non plus qu'on... Bien, là, moi, je ne suis pas prêt à laisser passer des affirmations où on tendrait à faire croire qu'on veut privatiser le système et puis que le système dans lequel on est dans le moment, au fond, n'est pas gratuit, hein, ou n'est pas majoritairement, est presque totalement gratuit en termes d'accessibilité aux services de santé.

Je veux en arriver à mes questions plus directement. Puis SIPA, on pourrait en parler. Si on n'a pas été capable de continuer, c'est que notre grand partenaire s'est retiré du financement du projet-pilote, hein. Puis si on a encore de la difficulté aujourd'hui à financer à hauteur qu'on souhaiterait plus élevée les services de santé, c'est que notre partenaire du début ? vous mentionniez les années soixante, quand on a introduit ces régimes-là, fin des années soixante, début des années soixante-dix ? en finançait 50 %; il est rendu à 14 %. Même pas, à peine 14 %. Là, on a effectivement un certain nombre de problèmes, là.

Bon. Alors, ce qu'on vise à faire par ce projet-là, c'est améliorer la relation entre le patient puis le professionnel en permettant d'avoir des technologies d'information qui répondent aux critères de la société de 2002 et des prochaines années. Ces choses-là sont possibles, on veut les rendre disponibles. Et, moi, je souhaiterais qu'on ne tombe pas trop facilement dans les procès d'intention, là, tu sais. En tout cas, je vous le dis en toute amitié puis je vous livre vraiment le fond de ma pensée là-dessus, là. On dit souvent que les politiciens ont un langage de bois, j'essaie de ne pas l'avoir, là.

Alors, bon, O.K. J'arrive, donc. Il y a une chose sur laquelle je souhaiterais avoir vos commentaires ou aller plus loin dans votre intervention. Quand vous dites: Pourquoi on ne met pas cet argent-là ailleurs? O.K., il y a des services, les gens sont en besoin de services, je rappellerais simplement ce que la Fédération des médecins omnipraticiens disait récemment, là, et je cite: «D'aucuns prétendent que cet argent aurait été mieux utilisé pour améliorer l'action aux services diagnostiques et thérapeutiques. Sans doute y a-t-il urgence à corriger les problèmes actuels d'accessibilité aux soins. L'un ne devra pas se substituer à l'autre mais plutôt l'améliorer.»

n(17 h 20)n

Dans notre conception de ce qui est proposé, c'est un complément qui permet d'améliorer, d'aller plus vite, d'avoir la meilleure lecture possible du besoin du client. On dit souvent: On est capable de mâcher de la gomme puis de marcher en même temps. Ce n'est pas parce qu'on mettrait, disons, 100 millions de dollars dans un système semblable qu'on ne continue pas d'améliorer l'ensemble des services, mais peut-être que les gains d'efficacité que nous apporte ? en termes de performance clinique ? que nous apporte un tel système va faire en sorte qu'au bout de la ligne on va rendre de meilleurs services à la population qu'en se privant de ce genre d'outil. Bref, c'est un peu... Ce n'est pas un cri du coeur, là, mais j'aimerais ça que vous puissiez élaborer un peu là-dessus. Comment voyez-vous un outil semblable, qu'on essaie de rendre disponible pour avoir à notre disposition les outils modernes finalement de travail dans ce secteur comme dans d'autres, peut-il être vu comme étant une espèce de complot pour... le système et pour finalement faire moins que ce qu'on essaie de faire déjà?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Théberge d'abord, puis vous reviendrez, Mme Goulet.

Mme Théberge (Lorraine): Moi, je voudrais peut-être intervenir sur votre intervention sur la privatisation, votre réponse à ce qu'on disait par rapport à la privatisation. Moi, je pense qu'il ne faut pas qu'on oublie qu'actuellement au Québec, toute la question des soins à domicile, hein, qu'est-ce que c'est que... On ne les finance plus et on a mis un genre de ticket modérateur en imposant un coût minimal à des gens pour avoir des soins de services à domicile, O.K.? Alors, c'est quoi, si on ne s'en va pas vers la privatisation?

Par rapport à l'assurance médicaments, on a parlé qu'actuellement les coûts des médicaments ont tellement augmenté qu'on va être obligé de revoir la contribution des usagers et des usagères. Alors, c'est quoi, si on ne s'en va pas vers une privatisation à petit pas de notre système de santé?

Encore aussi, quand on va rencontrer des médecins, qu'est-ce que vous pensez que les médecins nous disent? Si vous voulez avoir un diagnostic rapide et éviter de trop attendre pour avoir des soins, allez consulter au privé. Et c'est ce que les gens font parce que la santé, c'est quelque chose de vital.

Quand on réduit à ce point des services à cause du déficit zéro, à cause de toutes les... des concentrations de services, fermer des lits, on affaiblit un système public pour pouvoir imposer d'aller vers le privé. Alors, on ne dit pas qu'actuellement on a un système de santé privé au Québec, mais, si on continue dans cette voie-là, que c'est la solution qui est celle qui est la plus normale, même dans l'opinion publique actuellement. Alors, c'est les précisions que je voulais donner par rapport à ça.

Et, pour la question de la démocratie, ce que je voulais dire, c'est que, si, en commission parlementaire, les gens vous répètent que ce n'est pas nécessairement que le projet de la carte à puce est un mauvais projet mais qu'actuellement ce n'est pas une priorité, compte tenu de tout ce que le système a besoin que nous fassions pour les patients, est-ce que la démocratie va s'exercer? Est-ce que M. Legault va accepter de mettre le projet sur la glace ou si, plutôt, on va rendre... Là, on est en avant-projet de loi. Est-ce qu'on va tout de suite, à une vitesse vertigineuse, vouloir que ça devienne un projet de loi?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Goulet.

Mme Goulet (Lucile): Oui. À mon avis, on ne peut pas gérer la santé comme on gère une compagnie, on travaille avec des personnes. Et puis ce qui fait la beauté du système de santé, quand on dit: Ça va aller plus vite avec un projet comme la carte santé, au point de vue relations, on va mieux soigner, à moins que la personne soit inconsciente, on doit référer au dossier du patient pour trouver des réponses à nos questions, à part ça, la relation... à mon avis, ce n'est pas un écran qui va me donner des informations. Puis il y a une personne, puis c'est de personne à personne. Alors, je ne vois pas comment on va rendre de meilleurs services en ayant sur un écran plus d'information. À mon avis, ce n'est pas comme ça que ça doit se passer dans la santé. Parce que là on gère des données puis on gère des affaires. Ce n'est pas ça, la santé, c'est une question de personnes.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, d'autres questions, M. le ministre?

Mme Bertrand (Pierrette): J'aurais peut-être aimé revenir...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Bertrand.

Mme Bertrand (Pierrette): ...sur la question du SIPA. Je pense qu'il y a eu imbroglio. Le SIPA a quatre ans ou cinq ans d'existence. Pendant les trois premières années, les gouvernements, aux différents paliers, se sont mis ensemble pour fournir le montant. Quand il a été question d'arrêter, ce ne sont pas les établissements... Il y avait d'ailleurs deux projets-pilotes, il y en avait deux seulement, parce qu'on voulait tester l'expérience avant. C'est que, à un moment donné, en décembre 2001, il a été décidé qu'au lieu d'avoir les 4 millions il y aurait 500 000. Alors, les établissements ont dit: Bon, bien, on va essayer de faire avec mais on va être obligés d'y aller mollo dans certaines choses. Et là la réponse a été: avec 500 000, il fallait faire à peu près comme quand il y avait 4 millions. Alors, les établissements ont dit: On ne veut pas avoir à rendre des comptes pour 4 millions avec 500 000 parce que déjà on a des infirmiers, des infirmières, des personnes qui se retirent. Alors, c'est comme ça que l'établissement s'est retiré, pas en fonction... parce qu'il n'y croyait pas puis qu'il ne voulait pas, c'est que le coût ne pouvait plus donner... Les subventions données ne correspondaient pas aux services à rendre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le ministre. Ça va? Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Merci, Mme la Présidente. Merci, mesdames. Merci, monsieur. Je vous remercie infiniment d'avoir présenté un mémoire et de vous être présentés pour prononcer vos inquiétudes par rapport à l'avant-projet de loi. J'aimerais ça passer un commentaire au ministre. Vous n'êtes pas venus ici pour entendre la plaidoirie du ministère de la Santé mais bien pour émettre vos inquiétudes quant à un avant-projet. Et j'ose espérer qu'il y aura une écoute attentive, c'est le rôle premier des commissions. J'espère que le processus démocratique s'appliquera, nous sommes là pour écouter ce que les organismes ont à dire. Et vous êtes un peu notre fenêtre sur le terrain, notre fenêtre dans la population, et c'est primordial. Ce que vous avez à nous dire, on devrait mettre ça en priorité dans nos considérations.

Alors, ce qui transparaît pour moi dans votre document... Je veux dire, il y a deux questions premièrement qui m'ont un peu allumée au départ, là. À la première page, vous dites: «Est-ce vraiment auprès des usagers et des usagères que le gouvernement devrait renforcer ses contrôles?» Parce qu'on sait que l'avant-projet de la carte à microprocesseur a un rôle administratif qui est très bien défini, beaucoup plus que le rôle clinique, je dirais, et, cette question-là, elle est très, très pertinente, à mon avis.

Vous dites également à la deuxième page: «Comment l'avant-projet de loi sur la carte à puce peut-il annoncer l'amélioration des soins cliniques alors qu'on assiste à une diminution constante des services et des soins depuis plusieurs années?» Alors, c'est un constat qui est très probant et je pense que la majorité des Québécois sont en mesure d'affirmer la même chose, la même situation.

En fait, il y a beaucoup femmes chez vous, et, ce que je trouvais intéressant dans le projet, c'est que le virage ambulatoire qu'on a vécu au niveau du système de santé en a pelleté largement sur le dos des femmes, à mon avis à moi. Je pense que les femmes ont pris une large part de responsabilités quand on a désinstitutionnalisé. Je pense que les mamans, les grands-mamans, bon, beaucoup de femmes gardent des personnes qui ont un handicap, des personnes qui sont malades, et je pense que le virage ambulatoire s'est fait en grande partie sur le dos des femmes, probablement parce qu'on savait que les femmes étaient aptes à le prendre ou qu'elles étaient en tout cas travaillantes et qu'elles étaient consciencieuses et qui le feraient, ce travail-là, convenablement. Par contre, c'est quelque chose qu'on ne pourra pas à long terme accepter. Les femmes ne peuvent pas prendre tout en charge non plus.

Il y a également le réseau communautaire, les organismes communautaires qui en ont pris largement sur leurs épaules. Et on a tendance à pelleter beaucoup de responsabilités sur le dos des organismes communautaires, que ce soit au niveau de la famille, des malades mentaux, que ce soit au niveau de l'alcoolisme, de la violence, peu importe, là, les organismes en place sur le terrain ont des mandats qui sont très larges et souvent ils n'ont pas les ressources financières qui viennent avec le travail qu'ils font. Alors, ça, je trouvais ça important de le mentionner.

n(17 h 30)n

L'autre fait aussi, c'est l'assurance médicaments qui est un bel exemple. Avant, on payait pour tout le monde et ce n'était pas un déficit, c'était un service à la population. Aujourd'hui, on demande aux gens de payer puis on dit qu'on fait un déficit. Alors là il y a quelque chose qui ne fonctionne pas, là. On a sorti les gens des institutions. C'est sûr que, s'ils ne sont pas l'hôpital, bien, il y a une économie, il y a une économie qu'on fait par rapport à ces gens-là qui ne sont plus en institution. Mais bien évidemment qu'il faudrait compenser puis donner l'argent à l'assurance médicaments. Il faudrait qu'il y ait un transfert du ministère de la Santé à l'assurance médicaments parce que ces gens-là qui ne sont pas maintenus en institution coûtent moins cher à l'État, d'une certaine façon. Même si globalement ils prennent leurs médicaments, ils sont mieux suivis à la maison, ils sont beaucoup plus fidèles à leur médication quand ils sont chez eux et il y a une réduction globale au niveau des coûts de société.

Alors, ça, c'est important pour moi de le mentionner et c'est quelque chose que je trouvais qui ressortait de votre document. Je me suis dit, bon: Il y a beaucoup de femmes dans leur institution, et ça paraît, ça paraît. Vous le savez très bien, ce qui se passe sur le terrain.

En fait, une grande inquiétude que vous avez, c'est au niveau du consentement, là. Je pense que le consentement, je ne sais pas si vous pouvez, en tout cas, me donner plus d'explications ou... Quoique ce que vous dites, c'est très clair, très clair. Je pense que tout ce que vous avez apporté, c'étaient des... les notions étaient très claires. Mais, au niveau du consentement puis de l'annulation, là, du résumé de dossier, je pense que ça peut nuire dans la relation entre le médecin puis le patient. Je pense que ce n'est pas clair, ça, le consentement, l'annulation, le retrait des données. J'aimerais savoir comment vous voyez ça, vous, là, qu'on ait, tu sais, cette façon de procéder là pour la carte à microprocesseur, comment on pense que ça peut fonctionner avec autant de, je vais dire ? puis c'est quelque chose qui est normal, là, je pense qu'on a droit à notre confidentialité... mais comment ça peut être efficace, quand on a toutes ces choses-là en place, là, qu'on a le droit à consentir, on a le droit d'annuler, on a le droit de résumer. Je ne sais pas comment vous voyez ça, vous.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Fiset et madame...

M. Fiset (Alain): Je voudrais réfléchir à partir de ce que vous nous dites, madame. C'est que c'est sûr que les religieux et religieuses, actuellement, au Québec, ont des oreilles sur le terrain. Et nous sommes tout près des gens, dans les milieux les plus pauvres et souvent aussi les plus démunis. Et nous vous transmettons aujourd'hui les inquiétudes des personnes parce qu'elles ne savent pas. Elles entendent des choses, les nouvelles qu'elles reçoivent les dépassent et elles sont inquiètes parce que, quand elles y vont, sur le système de la santé, ça leur prend énormément de temps à obtenir juste un rendez-vous, à être dans des listes d'attente interminables. Ces gens-là sont très inquiets sur leur avenir, sur ce qui va leur arriver à eux. Et, quand ils entendent parler de choses informatiques, et tout ça, ça les dépasse. Donc, comment vous voulez que, quand on va leur dire: Tu vas avoir à faire des choix, vous allez avoir à déposer des préférences, alors, à ce moment-là, qu'est-ce que vous voulez qu'ils fassent, ces gens-là? Ils sont démunis devant toutes ces questions.

Alors, c'est un petit peu le langage que, nous autres, on vous apporte aujourd'hui en vous disant: Ça prendrait pratiquement des gens très bien préparés pour répondre à toutes ces questions-là et le monde, la population du terrain, très pauvre, n'ont pas ces possibilités-là. Alors, eux, ils vont être encore ceux qui vont être les défavorisés, hein! On les exclut encore davantage du système.

C'est un peu les porte-parole d'eux que nous nous sommes aujourd'hui fait la voix parce qu'on se dit que, eux autres, ils n'auront pas de possibilité de le dire, nulle part, et on est proches d'eux, surtout à cause du système communautaire, parce que nous sommes dans tout ce réseau-là. Et c'est vrai que nous nous sommes fait pelleter pas mal de choses dans tout le réseau communautaire, on en sait quelque chose.

Les communautés, actuellement, on finance pratiquement tout le réseau communautaire, mais on ne pourra pas le faire longtemps parce que nous autres aussi, nos ressources, elles ne sont pas des puits sans fond, hein? Alors, vous savez que les communautés actuellement sont obligées de se regrouper, de se donner des tables de concertation pour essayer de dire: Bon, qu'est-ce qu'on finance, qu'est-ce qu'on ne finance pas? Parce que tout le monde nous le demande, mais on n'en a pas, on n'en a plus ou de moins en moins, de sorte que ce que nous autres, on a pris à nos charges, ce qui a été mis dans nos lignes à nous autres, on s'est dits: On a une capacité actuellement à payer, on ne sera pas capables longtemps de le faire et on s'en rend compte maintenant. Et on dit, on allume les lumières en disant, là: Si vous vous ne vous en occupez... ne vous préoccupez pas maintenant de ce que nous autres, on ne sera plus capables de faire...

Dix ans, c'est un court terme, là, qu'on vous dit, puis, les communautés religieuses, la courbe est comme ça. On est en décroissance à cause du vieillissement, d'un non-renouvellement. Alors, autant on nous demande de financer des choses sur le plan de la santé dans toutes sortes de domaines, les fondations, n'importe quoi, tout ce qui essaie de venir se financer actuellement, bien, on vous dit, actuellement, nous autres: Préoccupez-vous de ça, parce que les communautés religieuses, qui actuellement mettent un très gros montant, ça s'en va en s'épuisant, puis la courbe est comme ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Bertrand.

Mme Bertrand (Pierrette): Bon. Je vais simplement dire, par rapport au consentement, pour donner un consentement, il faut savoir de quoi on parle, être capable de choisir. Et les gens vulnérables, devant le système de santé, assis dans le bureau du médecin, sont parfois incapables de faire ce choix.

L'autre partie, qui est la préoccupation qu'on a de l'information qu'on mettra sur ordinateur ou qu'on retirera, c'est que, finalement, si on peut jouer aussi facilement dans ce genre de en mettre et en enlever, que vaudra le dossier? Alors, vaut mieux rester avec un dossier papier que d'avoir de l'information retirée et ajoutée, parce que là on ne poursuit plus l'objectif.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Michaud.

Mme Michaud (Huguette): C'est un petit peu dans le même sens. D'abord, premièrement, si je comprends bien, on aura la première carte, qui est la carte santé, et une deuxième carte d'habilitation, d'habilitation et... Ce n'est pas ça? Non? On me fait signe que non. En tout cas, c'est pour les intervenants. Oui, mais les intervenants, justement, c'est un manque de connaissances de tout le monde. Vous voyez, on a certaines connaissances, nous autres, puis on s'en pose, des points d'interrogation. Alors, imaginez, le grand public, comment il peut percevoir ça. Il manque énormément d'information.

Je ne suis pas contre la carte en tant que telle, mais bonifiée et vraiment informée. Je lisais... Parce que je vous dis qu'est-ce que j'ai lu pour venir ici. La plus... santé, si c'était ? comment je dirais ça? ? que tout le monde pouvait prendre des connaissances ? puis c'est assez vulgarisé ? ce serait peut-être beaucoup plus clair, et les craintes, les vraies craintes que nous avons ici, elles seraient peut-être multipliées par je ne sais pas combien de voix. Mais la signature, moi aussi, ça me... C'est difficile, premièrement, surtout quand on dit: La personne devra elle-même... C'est dans le texte aussi, hein, «devra elle-même se présenter pour signer sa carte, là, pour signer son autorisation». Il y a des personnes qui ne seront jamais capables de le faire.

Il y a des choses sûrement à bonifier s'il faut vraiment mettre ça en pratique d'ici je ne sais pas comment, là, le mois de septembre. En tout cas, je pense que c'est...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Madame la... Vous aviez terminé, Mme Michaud?

Mme Michaud (Huguette): Oui.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Oui. Bon, alors, j'aimerais en passant dire que, quand on dit que le système privé n'existe pas, c'est un peu jouer à l'autruche, hein, parce qu'on sait très bien qu'en résonance magnétique, en imagerie médicale on peut avoir un examen en l'espace de deux, trois semaines pour 700, 800 $. Si on attend dans le public, ça va prendre six mois. Alors, il y a des situations qui peuvent très bien ? des problèmes, des diagnostics ? qui peuvent s'aggraver suite à un délai de six à sept mois. Alors, il faut voir les choses telles qu'elles sont.

Une dernière question, parce que je ne veux pas retarder tout le monde non plus. C'est dans la page 4 de votre document. Vous dites: «Nous considérons que la mesure visée par cet avant-projet de loi engendrera des coûts affectés au traitement des symptômes et qu'elle aura comme conséquence l'appauvrissement accru des plus pauvres d'entre nous.» Êtes-vous capable de m'expliquer pourquoi les pauvres deviendraient encore plus pauvres? Ou peut-être parce qu'on devient... on les met à l'écart du processus ou je ne le sais pas, là, dans quel sens que c'était dit, cette phrase-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Goulet.

Mme Goulet (Lucile): Bien, je pense que, si on regarde la population, vous savez que notre classe moyenne ne s'est pas enrichie. Notre classe moyenne s'appauvrit de plus en plus. Et, si vous regardez les personnes âgées, par exemple, qui n'ont pas des ressources très grandes financièrement, parce que c'est des gens d'une certaine époque, plus les coûts de la santé, bien là, il n'en reste plus bien gros, de l'argent. Votre classe moyenne qui travaille est taxée à 50 %. Pour se faire soigner avec des coûts très élevés, il n'en reste pas gros non plus. Et ceux qui sont sur le bien-être social, je ne pense pas que les ressources sont plus grandes à ce niveau-là. Les jeunes qui ont de la misère à... qui ne se trouvent pas du travail et qui auront des besoins de cet ordre-là, comment vont-ils pouvoir?

Alors, la population s'appauvrit de plus en plus et, si on ne fait pas attention avec notre système de santé, on va créer de nouveaux pauvres. C'est dans ce sens-là, madame.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Michaud.

Mme Michaud (Huguette): Je voudrais appuyer davantage qu'est-ce que madame vient de dire. C'est que, surtout pour la résonance magnétique, moi-même, j'ai entendu plusieurs fois que les médecins disent à la personne avec qui j'allais pour prendre un rendez-vous, disant: Bien, madame, avez-vous une assurance? Elle en avait ou elle n'en avait pas. Si vous en aviez une, vous êtes beaucoup mieux d'aller dans le privé ? et il donne l'endroit ? parce que, ici, ça va prendre 37 semaines. Alors, imaginez, quand c'est urgent, qu'est-ce que ça veut dire. Et ça, c'est une incitation à aller au privé.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ça va?

Mme Boulet: Oui. Je vous remercie infiniment.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, mesdames, monsieur, merci pour votre participation à cette commission. Je vais suspendre les travaux quelques instants, le temps de laisser au prochain intervenant... de pouvoir prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 40)

 

(Reprise à 17 h 41)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, la commission va donc poursuivre ses travaux. Je vous souhaite donc la bienvenue, Dr Tremblay, à cette commission. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire et que par la suite la commission procédera à différents échanges avec vous. Alors, si vous voulez procéder, monsieur.

M. Bruno Tremblay

M. Tremblay (Bruno): Merci beaucoup. Donc, je viens ici en tant que médecin omnipraticien, mais en même temps je ne représente pas de groupe particulier. Je suis un médecin sur le terrain depuis à peu près 22 ans. Donc, mon opinion est que la mise en application de la carte santé au Québec n'est pas du tout nécessaire, autant pour les usagers que pour les professionnels de la santé. Je trouve même qu'il serait désastreux ou dangereux d'instaurer un tel système actuellement, et le gouvernement fait encore une fois fausse route dans l'organisation des soins de la santé. Bon.

Dans les objectifs officiels de la carte, on mentionne qu'on pourra éviter les fraudes et les mauvais usages de la carte actuelle d'assurance maladie. Moi, je trouve qu'une carte à puce n'est en aucun cas une façon certaine d'éviter les fraudes en rapport avec son utilisation. Le projet actuel, si je comprends bien, fait mention d'une carte sans photo contrairement au système actuel. Il sera très facile pour les personnes mal intentionnées d'utiliser la carte d'une autre personne. L'usager initial n'aura qu'à refuser de faire mettre des renseignements trop détaillés sur sa carte, donner son NIP à une autre personne voulant utiliser sa carte et, si cette même personne refuse aussi de faire mettre d'autres renseignements sur son dossier, on pourra impunément continuer à se servir de cette carte pour d'autres utilisations illégales.

Pour ce qui est de l'utilisation non frauduleuse mais non autorisée de la carte, comme lorsqu'on a droit à un seul examen visuel par année pour l'ophtalmologiste, actuellement, si ces examens sont faits par des intervenants différents, il peut arriver que le deuxième soit payé par erreur par la Régie, mais ce ne sont que de rares situations qui ne peuvent justifier une nouvelle carte, carte santé. Il est de plus très facile avec le système actuel de demander un remboursement du montant du paiement non autorisé si c'est fait.

D'autres avantages supplémentaires de la carte supposément, c'est que ça pourrait permettre un meilleur accès à des renseignements dans un dossier qui serait centralisé pour chaque usager. Le problème, c'est que rien n'assure qu'en pratique on aura accès à un dossier complet ou mis à jour. Que vaut un dossier dans lequel il peut manquer des renseignements aussi importants que des diagnostics comme le sida, un trouble psychiatrique quelconque, des antécédents de maladies transmissibles comme l'hépatite B, ou le SARM, là, qui est le staphylocoque résistant à tous les antibiotiques? On l'a de plus en plus dans nos patients. Alors, comment faire pour être sûrs que tous les médicaments seront bien inscrits dans le dossier, au bon dosage, sans les vérifier directement avec l'usager?

Dans le projet actuel, une grande proportion de gens sera tentée de refuser de faire inscrire les diagnostics les plus compromettants, d'autant plus qu'il ne sera pas facile de faire confiance à la préservation de la confidentialité d'un système qui sera contrôlé uniquement par le gouvernement. Moi, le premier, désolé, je n'aurai aucune confiance à ce sujet. Rien ne peut assurer qu'un gouvernement n'apportera pas un amendement plus tard pour pouvoir se servir des renseignements à des fins autres que prévues initialement. Si on veut mettre en place un système permettant l'identification des médicaments, des vaccins et des maladies principales, on pourrait très bien favoriser la possession par chaque usager d'un genre de super carnet de santé, du genre qui existe déjà. On n'aurait qu'à l'uniformiser ou l'adapter au besoin.

Quand je parle d'un carnet de santé, pour ceux qui n'en ont jamais vu, il existe déjà sur le... C'est donné par des pharmacies en général. C'est des petits carnets dans lesquels on peut coller les étiquettes des médicaments. Donc, on peut les coller un par-dessus l'autre quand il y a des changements, ça fait que les gens peuvent le faire eux autres mêmes ou, souvent, c'est les pharmaciens. On peut même écrire les autres médicaments, mettons, qui n'ont pas d'étiquette, avec la date qu'on l'a pris ou qu'on l'a arrêté. On peut écrire les chiffres de tension artérielle, les chiffres de certaines prises de sang, des examens radiologiques, etc. Donc, ce n'est pas très compliqué, puis les gens n'auront pas trop de difficultés à traîner ça. D'ailleurs, il y en a plusieurs qui font ça. Moi, je trouve ça très utile pour les personnes âgées en particulier qui ont beaucoup de médicaments. Donc, même sans carte à puce, là, je suis capable de le mettre à jour, là, pour les médicaments. Bon.

Les conséquences prévisibles de la mise en place de la carte. Bon. Moi, je trouve que c'est une dépense énorme que le gouvernement établit actuellement à 159 millions, mais ça, c'est seulement pour la partie gouvernementale. Ça inclut les cartes, les lecteurs de cartes, la sécurisation des données et les liens avec l'établissement de santé. On devra, par contre, ajouter l'achat d'équipement informatique par les hôpitaux ? pour compléter, là ? les pharmacies, les cliniques médicales, les CLSC, les services ambulanciers et les laboratoires. Si on parle pour les cliniques médicales, avec le système qu'on demande, ça voudra dire, finalement, un ordinateur par bureau de médecin. Moi, je fais des visites à domicile, donc ça a bien l'air que ça va me prendre un portable aussi ou le même.

De plus, il faut penser à la rémunération du temps pris pour lire et surtout mettre à jour les données. Moi, j'estime ça à peu près à 400 à 500 millions si on comprend tout au complet. Je pense que c'est un peu réaliste de dire ça. De toute façon, il est absolument impossible actuellement, d'après moi, dans notre système de santé débordé de toute part, de consacrer même un minimum de temps à l'application de ce système. Il est absolument inimaginable qu'une proportion significative de professionnels de la santé ait du temps à consacrer à ce genre de système. Comment imaginer un urgentologue, un médecin spécialiste, un médecin de famille, ou une infirmière, ou un ambulancier qui ait du temps pour cela? Si on prend l'exemple de mon travail de médecin de famille, considérons que, dans une journée de 10 heures, je peux voir 40 à 50 patients, si je mets trois ou quatre minutes de plus pour consulter et mettre à jour un dossier, ça veut dire environ trois heures de moins de contact patient par jour. Donc, il n'y a aucun gain de temps de toute façon, en pratique, pour compenser cette perte, et on assistera alors à l'aggravation de la difficulté d'accessibilité ? déjà rendue à un point critique ? à des soins médicaux de première ligne.

De plus, que fera l'urgentologue qui doit soigner un patient inconscient ou confus pour avoir le NIP? Qu'arrivera-t-il pour les gens suivis à domicile? Est-ce que chaque médecin ou personne soignante devra avoir son ordinateur portable justement pour connecter sur une prise téléphonique de la personne à soigner? Que devrons-nous faire lorsque des changements de médication se feront par consultation téléphonique? En plus que, par exemple, les examens de laboratoire et de radiologie, on ne reçoit jamais ça au moment même qu'on voit les gens; c'est toujours quelques jours ou quelques semaines après que l'examen a été fait. Donc, la difficulté de mettre ça à jour. Et ce ne sont que de simples exemples de la complexité de la mise en pratique de ce système.

Puis, actuellement, à ma connaissance, il n'y a aucune étude sérieuse permettant au gouvernement de soutenir de façon honnête ce système. On ne peut pas prévoir la fiabilité, ni la sécurité, ou la confidentialité à long terme de ce programme. De plus, le ministère de la Santé prévoit le nombre de 100 000 intervenants de la santé qui pourront avoir une carte d'habilitation pouvant intervenir dans ce système. Et là, dans le projet, on liste plein de gens, là: les médecins, les pharmaciens, les dentistes, infirmiers et infirmières, les optométristes, les étudiants en médecine, en pharmacie, en soins infirmiers, les préposés, agents ou mandataires des premiers groupes, les ambulanciers, les préposés de laboratoire, les préposés, agents ou mandataires d'une régie régionale, les préposés au ministère de la Santé et des Services sociaux, les préposés de la RAMQ, les préposés d'un ordre professionnel dont les membres sont intervenants de la santé ou des services sociaux, des personnes également autorisées à utiliser des renseignements personnels à des fins de recherche dans les secteurs de la santé et des services sociaux et, finalement, toute autre personne déterminée par règlement du gouvernement. Que de temps perdu par toutes ces personnes intervenant directement dans les soins des usagers et que de personnes en contact avec tous ces renseignements hautement confidentiels!

En conclusion, contrairement à ce que laissent supposer les défenseurs de la carte à puce ? je suis un peu désolé, moi, il va falloir appeler ça plus la «castonguette», mais plutôt la «legaultoguette» ? seuls les volets administratifs et de contrôle du système ont une place dans ce projet. Sous une apparence de mieux vouloir servir les usagers en centralisant les informations médicales les concernant, il peut facilement se cacher un objectif de ticket modérateur ou toute autre forme de contrôle quantitatif des soins.

La grande difficulté de la mise en pratique de la partie qui pourrait être intéressante pour un intervenant de la santé fait que ce projet est peu désirable. Le prix exorbitant de sa mise en place et de son fonctionnement régulier en contrepartie des sommes récupérées en fait un projet complètement non rentable, quant à moi, et la congestion facilement prévisible de notre système de santé déjà très malade en fait un projet dangereux.

n(17 h 50)n

Il serait plutôt temps que notre très cher gouvernement cesse de favoriser et d'investir continuellement de nouvelles sommes dans la bureaucratie de plus en plus envahissante du système. Et les centaines de millions prévus dans l'application de cette carte peuvent permettre de faire diminuer les délais d'attente scandaleux en chirurgie cardiaque, et même la plupart des chirurgies au Québec, en radiothérapie chez les personnes atteintes d'un cancer, en psychiatrie, pour les soins prolongés.

On ne peut tolérer sans rien faire les reports inadmissibles et traumatisants des chirurgies par manque de budget hospitalier. Et que dire des pénuries en soins infirmiers qui mettent en danger la qualité des soins, surtout à cause des décisions du même gouvernement? Je suggère d'investir directement dans le capital humain des intervenants de la santé plutôt que dans la bureaucratie.

En passant, M. Bertrand, tantôt, vous disiez que, bon... Mon cher président de la FMOQ disait que ce n'est pas parce qu'on investit dans une place que ça empêche d'investir dans l'autre. Mais on n'a tellement pas d'argent actuellement que je ne pense pas que de donner 3, 400 millions dans ce système-là... Je ne pense pas que vous allez avoir beaucoup de sous à mettre dans l'autre niveau qui a affaire directement, là, aux soins de la santé.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, vous avez terminé, M. Tremblay, votre intervention?

M. Tremblay (Bruno): Oui.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Merci beaucoup. Je vous remercie donc d'avoir pris la peine de venir présenter votre mémoire et vos conclusions, vos réactions sur ce projet. Il y a des choses que j'ai de la difficulté à comprendre. Comme, par exemple, dans votre exposé, vous semblez croire que les objectifs du projet sont d'abord et avant tout d'éviter les fraudes et les mauvais usages. J'aimerais savoir à quelle place vous avez pris ça, là. Qu'est-ce qui vous permet de soutenir ça exactement?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Tremblay.

M. Tremblay (Bruno): Oui. Ça, c'était dans les documents que j'ai retrouvés finalement dans le site Internet de votre ministère, et c'était un des buts, là, de cela. Même, à un moment donné, suite au... Je pense que c'est un journaliste, là, qui avait fait un genre d'essai à un moment donné à Montréal puis que, avec sa carte, il avait réussi à aller consulter une dizaine d'endroits avec des cartes différentes, là, puis, bon, supposément que ce projet-là nous permettrait d'éviter ça.

J'avais lu à quelque part, encore une fois dans les documents du ministère, là, qu'il prévoyait sauver quelque chose comme une quarantaine de millions en faisant ça. Ça m'avait fait sursauter, parce que, tant qu'à moi, là, je ne suis pas sûr qu'il y a 40 millions de fraudes par mauvaise utilisation d'une carte d'assurance maladie.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): O.K. Mais on s'entend-tu que... En tout cas, moi, dans le projet de loi, tout ce que j'ai lu par lequel je peux peut-être faire un lien avec vos inquiétudes, c'est l'article 8 qui dit: «L'utilisation de la carte santé permet [...] d'identifier et d'authentifier son titulaire», ce qui, je pense, est un minimum, là, et ce qui correspond aux dispositions actuelles de la carte d'assurance maladie, là. Il faut d'abord qu'on puisse établir si la personne effectivement est une personne qui est admissible au régime d'une certaine façon, et ça, ça apparaît tout à fait normal.

En tout cas, j'aimerais avoir la référence, là, au texte que vous citez, là, pour bien en comprendre le contexte. Quand vous aurez l'occasion de nous la faire parvenir, là, je souhaiterais pouvoir avoir la réponse exacte, étant entendu, cependant, que de vouloir effectivement s'assurer que ce sont les gens autorisés qui profitent du régime, ça m'apparaît être évident. Et, si, de cette façon-là, il arrive qu'on puisse éviter des dépenses inutiles puis injecter cet argent-là aux gens qui sont dûment habilités à recevoir ces services-là, tant mieux, d'une certaine façon, tu sais. Bon. Je ne peux pas arriver à croire, là, que vous soyez contre ça, là, identifier les gens et vérifier leur admissibilité.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Dr Tremblay.

M. Tremblay (Bruno): Vous avez mal compris ce que je voulais dire. Ce que je voulais dire: je suis entièrement d'accord qu'on doit éviter les fraudes, qu'on doit identifier les gens, ce que je dis, c'est que cette carte-là ne permet pas de faire mieux que l'ancienne carte. C'est pareil, là. Il n'y a pas de différence. Donc, je n'investirais pas 0,50 $ sur ce système-là pour améliorer le contrôle d'identification, parce que ce n'est pas mieux. Mais, évidemment, c'est bon de contrôler. Mais, juste... Actuellement, moi, je trouve très bien d'avoir la photo sur la carte d'assurance maladie. Quand tu vois ton patient... En général, on les reconnaît, là. En général, on les regarde, quand même, là. Donc, je suis entièrement d'accord qu'il y ait le contrôle. Bon. Pour moi, là, ce n'est peut-être pas le détail... En fait, c'est un détail qui n'est pas très important. Mais, dans ce que moi, j'ai lu, c'était une des raisons pour laquelle on demandait la carte à puce.

En fait, moi, je pense que la carte à puce, ça existe dans les réflexions, là, du ministère de la Santé depuis quand même plusieurs années. Il y a eu quand même plusieurs études qui ont été faites auparavant dans différents endroits. Je pense qu'on essaie de trouver des raisons pratiques à cette carte-là, mais, originellement, je pense que les besoins sont beaucoup plus au point de vue administratif.

Donc, de ce côté-là, le système de carte à puce, il est excellent pour le contrôle administratif. Avec ça, vous allez pouvoir faire ce que vous voulez pour contrôler. Si ça vous tente éventuellement de mettre un plafond au niveau de ce que vous voulez que les gens reçoivent comme soins, en argent par année, vous allez pouvoir le faire très facilement. Vous allez pouvoir savoir à la seconde même comment ça coûte pour faire soigner... comment est-ce que les gens vont consulter. Mettons, au lieu de le savoir actuellement après peut-être six mois ou un an d'intervalle, vous allez le savoir à la minute même. Mais, par contre... Bon. Puis, donc, ça, je pense que c'est très facilement prévisible que, au point de vue administratif, c'est parfait. Par contre, quand on regarde au point de vue pratique, pour moi, mettons, comme intervenant de la santé, je ne vois pas du tout l'intérêt actuel.

Bon, c'est sûr que, dans les meilleures conditions, O.K. si, mettons, là, j'avais 30 minutes pour chaque personne que je vais voir, j'ai le temps de regarder le dossier tranquillement pas vite, je vais pitonner, puis là, bon, on regarde puis, vous savez, on a amplement le temps, c'est sûr que ça pourrait être quelque chose qui est intéressant. Mais, actuellement, dans mon travail actuel et avec les discussions que j'ai avec différentes personnes qui travaillent dans le domaine de la santé, que ce soient des pharmaciens, que ce soient d'autres médecins, des spécialistes, des urgentologues, etc., quand on est sur le terrain, on ne voit pas comment, vraiment, actuellement, on pourrait vraiment utiliser de façon... mettons, d'améliorer le soin avec les gens, parce qu'on est déjà trop limités dans notre temps, puis, pour ce que ça va sauver, tous les renseignements... En fait, on écoute les gens, là, bon, chaque personne, chaque groupe d'intervenants a besoin de certains renseignements, d'autres, c'est d'autres renseignements. Ce qui arrive, c'est que ce n'est pas un système, d'après moi, qui nous permet... il n'est pas assez au point pour être capable de vraiment être utile.

En théorie, oui, c'est sûr que, si on lit ce que le gouvernement nous dit qu'ils pourront faire avec ça, oui, c'est certain que c'est très beau. Si ça fonctionnait comme ça, je serais bien d'accord, mais je pense qu'il faut être réaliste. Moi, je pense que c'est impossible, dans les conditions actuelles, de pouvoir instaurer un système comme ça qui soit efficace pour les intervenants de la santé. Il faudrait, d'après moi, qu'on règle déjà beaucoup d'autres problèmes et, à partir de là, peut-être qu'on pourra commencer à penser à investir dans ce genre de système.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Oui, Mme la Présidente. Je reçois très bien votre point de vue et je respecte votre opinion là-dessus, là. Cependant, je suis un peu perplexe parce que... O.K. Au fond, ce que vous dites, c'est... Puisque vous êtes convaincu que ce système-là n'a pas d'avantage sur le plan clinique, si je comprends votre point, vous dites: À quoi a sert si ça n'a pas d'avantage sur le plan clinique qui est l'objectif qu'on poursuit? Si ça n'en a pas, à quoi ça sert de dépenser de l'argent là-dedans? C'est ça que vous nous dites. Bon.

n(18 heures)n

Cependant, les associations qui représentent les médecins, en tout cas, pour autant que je comprenne, là, sont venues nous dire qu'elles soutenaient les principes à la base du projet même si, sur certaines modalités, par ailleurs, dont certaines peuvent être considérées comme importantes, il y avait un certain nombre de réserves ou de suggestions de modifications quant à ces modalités-là. Et la majorité de ces gens-là qui sont venus nous voir voient plutôt, je dirais, d'un bon oeil la mise en place de tels outils justement en soutien au volet clinique essentiellement, donc des outils de modernisation en appui à la profession, à la pratique. Comment expliquer votre position quand je la compare à celle de ceux qui, normalement, vous représentent puis nous disent, eux autres, qu'ils trouvent que ça a de l'allure, là? C'est-u qu'ils sont décrochés de la réalité, ou qu'ils vous représentent mal, ou quoi, là? Parce que vos pairs nous disent que, eux autres, ça peut tenir la route sous réserve d'un certain nombre de modifications?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Dr Tremblay.

M. Tremblay (Bruno): Premièrement, à ma connaissance, au niveau de l'association des médecins, la Fédération, il n'y a pas eu de, je ne dirais pas de sondage, mettons, vraiment, là, de vérification auprès de l'ensemble des médecins pour vérifier si on était vraiment d'accord avec ça. On a effectivement des représentants, là, qui, normalement, doivent tenir compte de ce qu'on pense, tenir compte de nos besoins. Mais, moi, j'ai l'impression que plus on s'éloigne de la base, plus on peut être d'accord avec le projet. Je pense que c'est difficile pour une corporation ou un ensemble administratif de dire qu'on est contre un projet qui en théorie peut bien aller, mais peut-être... Moi, j'ai l'impression ? c'est une impression personnelle ? j'ai l'impression que c'est toujours le jeu de la politique un peu, là, que les corporations et fédérations doivent garder des liens avec le gouvernement pour ne pas non plus se faire complètement tasser dans les processus de décision. On se dit: Bien, tant qu'à avoir un projet qui n'est peut-être pas bon, au moins on va essayer de le bonifier en faisant partie du processus décisionnel. Mais, moi, personnellement, je suis bien désolé, mais je ne suis pas d'accord avec ce genre de pensée parce que je pense que... On peut être d'accord avec le principe, mais je ne suis pas d'accord avec ce que je sais que ça va... en tout cas, ce que, moi, je pense personnellement que ça va donner sur le terrain, quoi qu'en disent d'autres personnes qui devraient me représenter normalement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Juste à titre d'information, là, il y a eu quand même une enquête sur les médecins du Québec. On me dit que c'est Rogers Media, d'après ce que je peux comprendre, et c'est apparu dans la revue Actualité médicale, donc un sondage dont le résultat est le suivant: en ce qui regarde la carte à puce, 82 % des médecins sont favorables, 65 % disent que ça va améliorer le suivi des patients puis 49 % pensent que ça pourrait accélérer l'accès aux résultats d'examen. Donc, il y a effectivement eu un sondage. Peut-être que vous n'avez pas eu l'occasion d'être sollicité à l'intérieur de ce sondage-là. Je pense que, majoritairement en tout cas, l'opinion prévalente me semble être plutôt favorable, sous réserve, effectivement, d'un certain nombre d'améliorations qu'on peut comprendre, par ailleurs.

Une dernière question qui concerne la question du supercarnet de santé dont vous parlez et que vous avez évoqué également dans votre présentation. On est obligé de travailler un peu avec nos expériences personnelles. Quand j'avais des enfants, on avait des carnets de vaccination. J'en ai un moi-même que je cherche frénétiquement à chaque fois qu'il est question d'un voyage dans pays un peu exotique. La probabilité de perte d'un tel dispositif ou d'un tel carnet, si bien pensé soit-il, n'est quand même pas négligeable, surtout quand on pense que, effectivement, des personnes peuvent être moins promptes à en assurer, je dirais, la garde ou en tout cas... Bon. Vous pensez vraiment, là, qu'on peut planifier un supercarnet de santé comme ça puis s'imaginer que ça pourrait être un outil efficace dans les circonstances?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Dr Tremblay.

M. Tremblay (Bruno): Oui. Pour répondre à ça, je dirais: Premièrement, c'est que la carte santé ou un résumé de dossier du genre, ce n'est pas nécessaire pour la majorité des patients qu'on rencontre. O.K.? On va s'entendre pour dire que, heureusement encore, la plupart des gens au Québec sont en relativement bonne santé, donc n'ont pas... Ils ne prennent pas tous sept, huit médicaments puis n'ont pas tous sept, huit maladies, là, qu'on doit colliger. En général, ils sont capables... quand tu prends un médicament pour une maladie... Tu fais de l'hypertension, tu prends du Lozide, il y a des chances que tu vas t'en rappeler ou tu vas te rappeler au moins de la couleur de la pilule.

C'est intéressant d'avoir des résumés comme ça pour les gens donc qui sont quand même plus hypothéqués, qui ont plusieurs choses. Un carnet comme ça, si on prend cet exemple-là, pour les médicaments, c'est que, même si on le perd, c'est facile à mettre à jour parce qu'on prend les autocollants qui sont sur le médicament. Donc, on perd notre carnet, donc on en reprend un autre à la pharmacie puis on recolle encore tous nos petits médicaments. Ce n'est pas compliqué, là. Puis, bon, mettons qu'il y a cinq, six diagnostics à écrire, bon, tu vas voir ton docteur, ou même, eux autres mêmes sont capables d'écrire qu'ils font de l'hypertension ou des choses comme ça. Ils vont l'écrire. De toute façon, si on prend un carnet comme ça, il faut le remplacer éventuellement, parce que... ou il y a une des parties à remplacer parce qu'il y a des choses qui doivent être changées.

Maintenant, ça, c'est juste un exemple. C'est sûr que ça ne remplacera pas, jamais, la carte à puce comme vous voulez le faire, mais c'est quand même une alternative qui ne coûte rien, qui permet quand même d'être efficace pour plusieurs des gens chez qui on va cibler... avec la carte santé. Donc, c'est sûr que ce n'est pas parfait. Moi, j'ai vu récemment, il y a peut-être une couple de mois, à mon bureau, un patient qui venait d'Europe. Il avait justement un carnet. C'est de valeur, mais il est reparti, là. Il avait un gros carnet, puis j'ai trouvé ça assez impressionnant parce qu'il y avait vraiment beaucoup de renseignements là-dedans. Il y avait les vaccins, il y avait plein d'affaires, là, que je n'aurais même pas pensé voir, puis, finalement, bien, j'ai dit: Bien, c'est brillant, finalement. Il est venu avec ça, puis il était dans un autre pays, puis il était capable de me montrer qu'est-ce qu'il prenait puis qu'est-ce qu'il avait eu comme problèmes de santé. Puis c'est un adulte, là, c'est un monsieur qui devait peut-être avoir 55 ans. Donc, c'est sûr que ce n'est pas la majorité des gens qui vont utiliser ça, mais ça peut quand même aider plusieurs personnes.

Moi, ce que je vois, c'est le ratio de coût, ce que ça va coûter, qu'est-ce que ça va amener comme amélioration au système de santé. J'ai bien de la difficulté à voir jusqu'à quel point ça va vraiment changer quelque chose. Moi, dans ma pratique à moi, je vous dis bien franchement, je ne vois pas comment est-ce que je pourrais être capable d'avoir mon ordinateur dans mon bureau et m'en servir pour rencontrer les gens.

Une journée type pour moi, au cas que ça fait longtemps que vous n'avez pas été voir un médecin dans son bureau: je vais rentrer à huit heures et demie le matin puis je ressors à 10 heures le soir. Je mange ma sandwich sur mon bureau en faisant des appels puis en écrivant dans mon dossier, je soupe en faisant la même chose, puis je refuse des gens. O.K.? Je suis obligé de refuser des gens parce que là je n'ai pas le temps de les rencontrer. Donc, je n'ai pas cinq minutes à consacrer même par jour et encore moins par patient pour ce système-là. Donc, pour moi, c'est sûr que, dans ma pratique, après 22 ans... Puis je ne suis pas tout seul. Dans mon bureau, là, on est six médecins, puis je n'en connais pas un qui va s'en servir vraiment pour ça.

C'est sûr qu'il va y avoir certaines catégories de médecins qui vont trouver ça bien intéressant. Votre sondage, je serais curieux de savoir quand il a été fait et combien de médecins ont participé au sondage et quelles catégories de médecins aussi ont participé, si ça ne vous dérange pas.

M. Bertrand (Portneuf): C'est en novembre 2001, novembre 2001.

M. Tremblay (Bruno): O.K. Médecins spécialistes et omnipraticiens compris?

M. Bertrand (Portneuf): Je n'ai pas le détail du sondage, là, mais on pourrait vous transmettre effectivement... C'est dans L'Actualité médicale.

M. Tremblay (Bruno): O.K.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. Est-ce qu'il y a d'autres questions, M. le ministre?

M. Bertrand (Portneuf): Non. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Pas pour l'instant. Alors, Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Merci. Merci, Mme la Présidente. Alors, bienvenue, Dr Tremblay, parmi nous. Je vous remercie infiniment pour le dépôt de votre mémoire. Je vais apporter juste une précision. Quand le ministre dit que tout le monde voit ça d'un bon oeil, alors, ce que les gens qui sont venus nous voir voient d'un bon oeil, c'est l'outil technologique pour faciliter le transfert de l'information ou pour que l'information soit transférée d'une place à l'autre plus rapidement. Alors, ça, c'est vrai que tout le monde en convient, que l'outil technologique peut-être intéressant. Mais la grande majorité voit d'un mauvais oeil l'application de cette carte à microprocesseur dans le contexte actuel du système de santé. Alors, la majorité ont un problème avec la façon dont on élabore le projet dans l'avant-projet de la loi. La façon dont on veut mettre en place l'application et tout ça, la façon dont ça va être géré, la façon dont le résumé va être contrôlé, tout ça, la grande majorité des intervenants sont contre et ont émis de grandes réserves et ont bien dit au ministre d'aller pas à pas dans ce projet-là et de ne pas implanter des choses trop rapidement parce que ça va être voué à l'échec.

Alors, dans votre mémoire, je relève en fait que vous parlez... Vous évaluez les coûts environ à 400 à 500 millions. En tout cas, on estime que c'est à peu près ces montants-là mais on ne le sait pas malheureusement parce que la partie ministérielle connaît les montants mais effectivement ils ne l'ont pas dit. Ils ne l'ont pas dit à personne, ils ont gardé ça, c'est quelque chose qu'on ne peut pas savoir. Alors, c'est bien difficile d'évaluer mais on est tous bien conscients que c'est un coût considérable. Compte tenu des grands besoins qu'il y a dans le réseau de la santé à l'heure actuelle, on n'est pas certain... Je pense que vous partagez cette opinion-là, que ce n'est peut-être pas la priorité à l'heure actuelle.

Ce que j'aimerais vous poser comme question, c'est que le ministre Legault a demandé à plusieurs intervenants qui étaient dans la profession, là, dans la profession de la médecine, s'ils étaient prêts à partager une partie des coûts, une partie de la facture. Il ne nous dit pas le coût mais il demande déjà aux gens. Alors, ça veut dire que le ministère est déjà en train de prévoir, là, que si cet avant-projet progresse, si la carte à microprocesseur, elle est mise en place, ils sont déjà en train d'étudier la possibilité qu'une partie des frais soit assumée par les médecins, par les pharmaciens, par tous les intervenants qui vont être obligés d'adhérer à ça. Alors, comment vous voyez ça comme médecin? Est-ce que vous pensez que les médecins vont être d'accord avec le fait de se payer un ordinateur, de se réseauter, de payer tout ça, finalement? Ce qui peut représenter des coûts considérables à chaque médecin, en plus du temps que vous avez estimé tantôt que vous perdriez à le gérer.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Tremblay.

n(18 h 10)n

M. Tremblay (Bruno): C'est évident qu'on n'est pas du tout d'accord. La Fédération n'était pas d'accord. Ils ont demandé, là, probablement que le gouvernement compense pour les coûts que ça peut amener. Probablement que, si jamais ça a lieu, il va y avoir des négociations à ce sujet-là. Ça va probablement faire un peu comme dans le temps qu'on a informatisé les paiements, là, à la Régie, c'est que si vous ne payez pas ou, en tout cas, vous ne participez pas, ça va vous coûter d'autre chose. Ça fait que finalement ils vont nous obliger d'une façon ou d'une autre. On fait confiance à notre Fédération pour que ça ne nous coûte pas trop cher.

Mais c'est bien évident qu'actuellement je ne vois pas la raison pour laquelle on aurait à payer pour un service qui, pour nous, va juste... en tout cas, qui, pour moi, va juste me déranger. Je peux encore une fois vous assurer. À l'échelle du Québec, je veux dire que, pour mes patients, il n'y a pas un patient à qui je vais demander sa carte et je vais regarder son dossier, et je n'ai pas l'intention d'écrire dans son dossier non plus, à moins que ce soit obligé, là. Moi, j'ai toujours privilégié le contact humain avec les gens. J'aime mieux ne pas trop me fier aux diagnostics, même d'autres médecins, parce que, à un moment donné, je pense que c'est important, dans une bonne médecine, de remettre en question parce que des fois tu te fais jouer des tours. À un moment donné, quelqu'un est diagnostiqué avec un certain problème, puis tu te rends compte finalement, oups! que ce n'était peut-être pas ça, à force que tu questionnes puis que tu vois ce qu'il en est. Donc, les quatre, cinq, six minutes supplémentaires que je vais accorder aux gens vont souvent me donner beaucoup plus de renseignements et des meilleurs soins à des gens que de commencer à copier ce que l'autre a fait avant moi, là. Donc, c'est certain que, moi, je ne suis pas d'accord pour investir là-dessus, puis de toute façon je n'investirai pas de temps là-dessus.

Moi, je vous le dis tout de suite, là, mon ordinateur... Je vais être obligé d'en avoir un possiblement pour être capable d'être payé, mais je ne serais pas capable, en restant honnête avec moi-même, de demander à des gens de me permettre d'écrire des renseignements dans un dossier comme ça, d'autant plus que ça ne me tente pas de me chicaner avec quelqu'un pour dire: Bien, regarde, là, tu devrais écrire ça, tu ne devrais pas écrire ça. Puis en plus que je ne suis pas tout seul à écrire dessus. Donc, ça veut dire: moi, je vais mettre des renseignements...

Puis, moi, j'ai aussi beaucoup de difficultés sur des choses comme ça, quand tu sais qu'il y a beaucoup d'intervenants. Je vais vous donner un exemple. Si, mettons, quelqu'un vient me voir, puis, bon, je regarde sa carte et, dans son dossier, il y a des résultats de laboratoire. Mettons, créatinine, 105. On voulait plutôt dire 150. 150, bon. 150, là, il est en insuffisance rénale. Si celui qui a pitonné voulait écrire 105 puis il a écrit 150, bien 105, c'est normal; puis 150, il est en insuffisance rénale. Alors, quand je vais voir le résultat, là... Puis ça, c'est asymptomatique, les gens... Ça ne paraît pas. Ça fait que qu'est-ce que je vais faire avec ça? Je vais dire: Bon, bien, il est en insuffisance rénale, donc je vais commencer à faire toute une investigation pour ça. Ou je vais me dire: Y a-tu pitonné à l'envers?

Je ne sais pas si vous le savez mais, moi, je ne suis pas... La plupart des gens qui écrivent sur la machine à écrire, qui ne sont pas professionnels... Moi, j'écris comme ça: na, na, na. Mais, à un moment donné, 05 puis 50, là, mon doigt, il ne part pas toujours... mes doigts ne partent pas à la bonne vitesse. Donc, c'est des renseignements qui ne sont pas, qui ne peuvent pas vraiment être fiables. Dans la pratique, la vraie pratique, ce n'est pas évident de vraiment se servir d'un système comme ça comme il est là. C'est sûr qu'idéalement ce serait bien plaisant, mais je ne vois pas comment on peut fonctionner comme ça, quoi qu'on en dise.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Alors, une relation entre un médecin puis un patient, c'est souvent une relation qui est privilégiée, une relation qui est particulière. On choisit souvent notre médecin parce qu'on a des affinités avec l'individu. Est-ce que vous croyez que le fait de mettre cette contrainte-là de la carte à microprocesseur entre vous puis le patient, est-ce que vous pensez que les Québécois peuvent perdre confiance en le système de la santé en général, la confidentialité? Et est-ce que vous pensez que ça peut amener, là, finalement de la méfiance des Québécois puis dire: Bien, tant qu'à ne pas être en confiance avec ça, je pense que je n'y adhérerai pas. Parce que là il y a une possibilité d'«opting out» ou finalement de ne pas... Et est-ce que vous pensez que la méfiance que ça peut semer dans la population ou dans les gens, est-ce que ça peut les amener à se retirer? Puis, finalement, s'ils se retirent ou s'ils donnent des dossiers incomplets, bien, je pense que la carte à microprocesseur perd toute sa valeur.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Dr Tremblay.

M. Tremblay (Bruno): La confiance envers le médecin, je pense, ne changera pas, parce que finalement, c'est quand même une relation encore de contact humain. La confiance au dossier puis à la carte, moi, je pense qu'elle va être difficile à acquérir pour les gens. Il me semble que l'étude qui a été faite à Laval, à un moment donné, qui a été arrêtée après un certain temps, ça n'a pas été un énorme succès finalement, il n'y a pas eu beaucoup d'adhérents. Puis même ceux qui ont eu la carte, là, à un moment donné, je me demande s'il y avait peut-être 5 % des gens finalement qui se sont servi vraiment de la carte. Puis on parle juste, là, d'une utilisation qui était, mettons, minime. Moi, je pense qu'en pratique la plupart des gens... Il y en aura toujours qui seront intéressés évidemment à se servir de ça, mais la plupart des gens ne sont pas intéressés à attendre plus longtemps parce qu'on veut se servir de la carte. Déjà, quand une personne attend 3 heures, 3 h 30 pour te voir puis ça te prend cinq minutes pour mettre la carte puis ouvrir ton dossier, je pense que... Puis, après que tu aies finis, là, tu vas dire: Bien, tu vas rester encore un peu parce qu'il faut que je mette des notes là-dessus. Je ne suis pas sûr que les gens vont vraiment être intéressés à ça. Ou: Tu vas revenir pour avoir tes résultats, il faut que je les inscrive dans...

Moi, j'ai aussi de la misère à comprendre pratiquement comment on peut vraiment mettre à jour ce genre de carte-là. Il y a tellement d'intervenants, tellement de choses à écrire à des moments différents. Les examens de laboratoire, ça n'arrive pas en même temps. À un moment donné, on en reçoit. Des fois, ils oublient de nous les envoyer, il faut courir après. On peut les avoir par téléphone, par fax, etc. C'est très difficile à gérer, d'après moi. Même juste quand les gens vont se présenter, si ça prend juste, comme une carte de crédit, là, on fait juste demander, juste prendre une minute de plus par patient, c'est déjà une perte de temps qui ne donne pas grand-chose. Finalement, moi, je pense que, pour les gens en tant que tels, le bénéfice, il n'est vraiment pas très grand. En tout cas.

Donc, la confiance, c'est sûr que c'est l'utilisation qui va... Les gens vont se rendre compte si c'est utile ou non. Moi, je pense que ceux qui vont l'utiliser vont se rendre compte que ce n'est pas si utile que ça. Les seules personnes chez qui ça peut être utile peut-être, là, éventuellement, encore une fois, ça va être une certaine catégorie de gens qui vont rencontrer une certaine catégorie de médecins qui, eux autres, vont trouver peut-être que c'est bien. Peut-être que dans les GMF, à un moment donné, ils vont trouver ça bien. Si on restreint tellement le nombre de patients par médecin, vous allez avoir 1 800 patients, ça fait que vous allez avoir le temps en masse d'écrire ce que vous voulez dans le dossier du patient. Mais, dans les autres personnes qui vont assumer la charge énorme de patients, bien, eux autres, ils n'auront pas le temps de s'occuper de ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Est-ce que, au niveau de la responsabilité professionnelle, ça vous inquiète? Parce qu'on sait qu'il va y avoir beaucoup d'intervenants, beaucoup de gens qui vont être appelés à marquer des données dans un dossier et on sait très bien qu'un médicament peut être prescrit pour une multitude d'indications thérapeutiques. Alors, est-ce que ça vous inquiète de perdre un peu le contrôle de l'information de votre dossier?

M. Tremblay (Bruno): Ça revient à ce que je disais tantôt, oui, parce que, finalement, il peut y avoir des erreurs, puis il faut toujours que tu penses, te dises peut-être que ton dossier n'est pas complet, peut-être qu'il manque... Donc, peut-être qu'il y a des renseignements qui sont inexacts, il y a peut-être des mises à jour qui n'ont pas été faites, des médicaments qui ont été changés, des allergies qui n'ont pas été inscrites. J'aurais beaucoup de difficulté.

Puis, par rapport effectivement à la responsabilité, moi, je pense que c'est un écueil qui est très important. J'ai été un peu déçu de la réponse ? désolé pour mon président ? de la réponse de l'avocat qui l'accompagnait ? j'ai eu la chance de voir sa réponse, je pense que c'est hier ou avant-hier ? qui disait qu'il avait réfléchi au problème. On réfléchit au problème mais ça ne donne pas la réponse. Ça fait qu'il y a effectivement un gros problème. D'après ce que je peux voir, probablement que le gouvernement va s'en sortir en disant: Bien, on va faire le «no fault» pour toutes ces choses-là. Ça fait qu'à ce moment-là il n'y aura plus personne qui va être responsable, il n'y aura pas de problème. Mais, moi, personnellement, si ça reste comme c'est là, je ne pense pas que la Fédération va accepter le projet tel qu'il est à cause qu'on n'a pas du tout les réponses précises, à savoir qui est responsable dans ces genres de choses. Donc, c'est sûr que, quand ça va être mis... Si jamais c'est mis en application ? j'espère que non ? si c'est mis en application, il faut que toutes ces choses-là soient mises au clair. Et si ce n'est pas mis au clair, ça ne peut pas fonctionner. Il va falloir que ce soit évidemment... puis là je vois la chicane parce qu'il va falloir que... Chacune des associations, des fédérations vont tirer un peu de leur côté, Ça fait que, là, c'est qui qui va porter l'odieux de savoir, bien: C'est moi qui est responsable?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Oui. En fait, ce que je voulais dire, c'est qu'on a oublié le but premier de tout ça, qui sont les besoins fondamentaux des citoyens, les besoins qu'on a en services de santé. Les fédérations de médecins sont venues ici puis elles ont dit que, au lieu de s'occuper de la phase I, on est passé tout de suite à la phase III. Et je pense que ce que vous nous dites reflète bien ces inquiétudes-là.

Et, pour ce qui est du sondage dont le ministre parlait, je voudrais vous rassurer en disant que la Fédération des médecins a dit que ce sondage-là n'était pas fiable, que l'échantillonnage était trop petit et qu'il ne fallait pas se fier à ces résultats-là. La Fédération des médecins, c'est ce qu'elle a dit ici, en commission parlementaire. Alors, je voudrais vous rassurer dans ce sens-là. Je vous remercie infiniment de votre intervention. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Dr Tremblay, merci d'être venu échanger avec nous à cette commission. Là-dessus, j'ajourne les travaux à mercredi, le 27 mars, 16 heures.

(Fin de la séance à 18 h 20)

 


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