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Version finale

36th Legislature, 2nd Session
(March 22, 2001 au March 12, 2003)

Wednesday, March 13, 2002 - Vol. 37 N° 43

Élection de la vice-présidente


Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur la carte santé du Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Quinze heures cinquante-quatre minutes)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous souhaite la bienvenue et je déclare ouverte la séance de la commission des affaires sociales. La commission se réunit afin de procéder à l'élection du vice-président de la commission. Alors, est-ce qu'il y a quorum, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Parfait. Alors, je rappelle les règles, la procédure. Le poste de vice-président de la commission étant vacant suite au départ de la commission de M. Beaumier, député de Champlain, nous allons maintenant procéder à l'élection de son remplaçant. Alors, je vous rappelle qu'en vertu de l'article 137 de nos règles ne sont éligibles au poste de vice-président que les membres n'appartenant pas au même groupe parlementaire que le président. Alors, vous avez bien compris qu'il s'agit bien sûr d'un membre du côté ministériel. De plus, selon l'article 135, le président et le vice-président de chaque commission sont élus à la majorité des membres de chaque groupe parlementaire.

Alors, je suis maintenant prête à recevoir des propositions pour le poste de vice-président. Oui, Mme la députée de...

Mme Blanchet: Crémazie.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...Crémazie. Je m'excuse.

Élection de la vice-présidente,
Mme Denise Carrier-Perreault

Mme Blanchet: Ça va. Merci, Mme la Présidente. Oui, j'aurais une proposition à faire au poste de vice-présidente, puisque je proposerais ma collègue députée de Chutes-de-la-Chaudière, Mme Carrier-Perreault.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Est-ce qu'il y a d'autres propositions? Donc, comme il n'y a pas d'autres propositions, je déclare élue vice-présidente de la commission des affaires sociales Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière. Alors, je vous félicite, et vous avez notre entière collaboration.

M. Copeman: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, Mme la Présidente. Malgré le fait qu'il y ait eu une seule et unique proposition, il va de soi qu'on est très contents d'appuyer la proposition faite par notre collègue la députée de Crémazie pour Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière comme vice-présidente de la commission, en remarquant, Mme la Présidente, que maintenant le comité directeur, en la personne de vous, de la vice-présidente et de la secrétaire de la commission, est formé complètement de femmes.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Bravo! Vous devez vous en réjouir.

M. Copeman: On s'en réjouit, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, vous aurez sûrement la vie facile, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Alors, sur ce, la commission des affaires sociales, ayant accompli son mandat, suspend ses travaux avant d'entreprendre un autre mandat. Alors, je demande à tous les membres de la commission des affaires sociales de bien vouloir se déplacer dans la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine afin que nous poursuivions nos travaux. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 57)

 

(Reprise à 16 h 2)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): S'il vous plaît! Bon, alors, je souhaite la bienvenue à tout le monde. Je regrette le léger retard, nous accusons maintenant près d'une heure de retard.

Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements... Oui. Est-ce qu'il y a des personnes...

La Secrétaire: Alors, il y a toujours M. Fournier, député de Châteauguay, en remplacement de Mme Rochefort, mais pour la durée de l'examen de l'affaire.

Consultation générale sur l'avant-projet
de loi sur la carte santé du Québec

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, comme on le sait, la commission des affaires sociales se réunit encore aujourd'hui pour procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur la carte santé du Québec. Alors, je vous donne l'ordre du jour: nous rencontrons, à 15 heures... immédiatement, l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec; à 16 heures, l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires. Nous devions rencontrer à 17 heures la Commission d'accès à l'information. Alors, comme on est un peu bousculés dans le temps et que nous ne pourrons poursuivre nos travaux au-delà de 18 heures, ce que je peux vous suggérer: étant donné que, le jeudi 28 mars, il y a un groupe qui s'est désisté, le Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal, nous pourrions, à ce moment-là, reconvoquer la Commission d'accès à l'information jeudi, 28 mars, 10 h 30, si les membres de cette commission sont d'accord. Alors, j'aurais besoin de votre consentement. Vous êtes d'accord? Alors donc, on prendra les dispositions nécessaires pour aviser les membres de la Commission d'accès à l'information. Je regrette pour les inconvénients que ça leur cause, et bien sûr que nous les recevrons, par contre, avec beaucoup de plaisir à cette date.

Auditions

Alors, sans plus tarder, je cède la parole à M. Charles Fortier, qui est président de l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec. M. Fortier, avant de faire la présentation de votre mémoire, je souhaiterais que vous puissiez nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, et par la suite nous interviendrons à tour de rôle. Alors, je vous cède la parole.

Association des pharmaciens des établissements
de santé du Québec (APES)

M. Fortier (Charles): Merci, Mme la Présidente. Mmes, MM. les membres de la commission des affaires sociales, m'assistent pour cette présentation, à ma droite, Mme Manon Lambert, directrice générale de notre Association, et à ma gauche, Mme Linda Vaillant, notre première vice-présidente.

À titre de président de l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec, je représente les intérêts de 1 056 pharmaciens répartis dans 250 établissements de santé dont la majorité travaillent dans les centres hospitaliers de soins aigus. Nous tenons d'abord à vous remercier de l'occasion que vous nous donnez de communiquer aujourd'hui notre point de vue sur cet important dossier qu'est l'implantation d'une carte santé au Québec, un dossier aux enjeux multiples.

Dans le mémoire que nous vous présentons, notre attention a porté davantage sur des questions préoccupantes pour nos membres en regard d'une circulation accrue des renseignements médicaux provenant d'une relation thérapeutique patient-intervenant de la santé et de l'utilisation qui peut en être faite. Précisons d'entrée de jeu que nous reconnaissons le besoin de meilleure circulation des renseignements médicaux entre les divers intervenants du domaine de la santé pour favoriser la continuité et la qualité des soins aux patients, mais les modalités proposées par l'avant-projet nous conduisent à émettre de sérieuses réserves sur le projet tel qu'il nous est présenté.

Ainsi, l'Association se questionne sur la balance à maintenir entre le besoin de savoir et le droit à la vie privée. Elle se questionne également sur l'équilibre souvent précaire qu'il faut maintenir entre la régulation des pratiques professionnelles et le nécessaire maintien de l'autonomie professionnelle. En effet, comment les modalités de stockage et d'utilisation du résumé des renseignements sur la santé influenceront-elles ces équilibres? Finalement, l'Association s'inquiète de la convivialité du système pour ses utilisateurs. En cette période de rareté des ressources humaines en santé, particulièrement en pharmacie, il nous semble opportun de se questionner sur ce sujet.

Notre premier constat est que les renseignements sur la santé sont des données sensibles interprétables et convoitées. En effet, il existe peu de renseignements aussi personnels et privés que ceux recueillis lors d'un entretien avec un professionnel de la santé. Lors d'une entrevue, un professionnel peut, par exemple, obtenir des renseignements touchant la santé mentale, la vie sexuelle ou la nature des relations familiales d'un patient. En outre, des experts peuvent déduire des renseignements obtenus un grand nombre d'informations qui n'ont pas été sciemment transmises par l'individu. Par exemple, un pharmacien est à même, à la seule lecture du profil pharmacologique d'une personne, de déduire si elle est atteinte du SIDA ou si elle souffre de schizophrénie. Il peut également juger de la gravité de la condition d'une personne en analysant la nature des combinaisons de médicaments et des dosages administrés. On comprendra donc aisément qu'un préjudice important puisse être causé à un individu si ces renseignements sont divulgués à des personnes non autorisées et mal intentionnées.

Par ailleurs, bien qu'elle soit souhaitable, cela nous l'avons déjà mentionné, une plus grande circulation des renseignements médicaux par leur informatisation ne constitue pas une panacée aux maux de notre système de santé. Malheureusement, une meilleure circulation des renseignements ne signifie pas nécessairement une circulation de meilleurs renseignements. En fait, le dossier médical et le profil pharmacologique stockent des renseignements d'intérêt et de fiabilité variables. À titre d'exemple, dans un domaine que nous connaissons bien, celui des allergies médicamenteuses, une étude réalisée par des pharmaciens québécois a permis de démontrer que 31 % des renseignements inscrits au dossier médical des patients sont inexacts. Qui plus est, 55 % des mentions d'allergie ont été classées dans la catégorie «mention incertaine» par les chercheurs.

Dans le cas des renseignements sur les antécédents médicaux ou chirurgicaux, on peut également questionner la fiabilité des données qui y sont consignées. Nous faisons fréquemment face à des antécédents mal nommés, oubliés ou encore dissimulés. De surcroît, ces renseignements, même lorsqu'ils sont exacts, prennent une connotation particulière selon le contexte et la période de temps dans lesquels on les a recueillis. Une donnée peut être rigoureusement exacte au moment où elle a été obtenue mais devenir obsolète très rapidement.

Enfin, nous savons qu'il existe un marché lucratif de l'information médicale au Québec. Des compagnies recueillent des renseignements dénominalisés pour les revendre ensuite, à gros prix, à des tiers tels que les chercheurs ou les compagnies pharmaceutiques. Les compagnies du secteur privé utilisent ensuite les renseignements obtenus pour évaluer le niveau de pénétration du marché de leurs produits ou services, pour vérifier l'atteinte des objectifs de vente et pour faciliter l'élaboration de stratégies de mise en marché. Ces renseignements, qui sont d'une exactitude et d'une précision déconcertantes, sont obtenus facilement malgré le fait que leurs dépositaires sont dispersés partout sur le territoire québécois, qu'ils ne travaillent pas nécessairement en réseau et qu'ils n'utilisent pas nécessairement d'identificateur unique. Qu'arrivera-t-il alors avec la création d'un mégafichier, centralisé à la Régie de l'assurance maladie du Québec, avec un numéro d'identification unique, comme le propose l'avant-projet de loi? Les réponses sont loin d'être rassurantes.

n (16 h 10) n

La grande attention qu'il faut apporter à la gestion et au traitement de ces données nous incite à formuler deux premières recommandations. D'abord, seules les données d'identification devraient être considérées comme neutres pour les fins des informations à transmettre sur les patients. Toutes les autres données devraient être considérées comme extrêmement sensibles. Deuxièmement, dans le débat actuel, il y aurait lieu de se faire une idée de la qualité et de la validité de l'information clinique à mettre en circulation. Cette question, croyons-nous, interpelle particulièrement les politiciens et les gestionnaires. Il faudrait de plus que les professionnels prennent garde à ne pas substituer le double informationnel du patient au patient lui-même pour ne jamais perdre l'oeil critique nécessaire à poser sur les renseignements en circulation.

Ces précisions apportées, permettez-moi maintenant de vous présenter notre position sur les modalités proposées à l'avant-projet de loi sur la carte santé du Québec pour faciliter la transmission de ces informations. Nos préoccupations sur ce plan se situent à trois niveaux: d'abord, le maintien de l'équilibre entre le besoin de savoir et le droit à la vie privée; deuxièmement, la préservation d'un équilibre raisonnable entre la régulation des pratiques professionnelles et l'indispensable respect de l'autonomie professionnelle; enfin, la capacité d'assurer, dès le départ, la convivialité du système retenu pour ses utilisateurs dans un contexte marqué par la pénurie des ressources en santé, et notamment en pharmacie.

Compte tenu de l'extrême sensibilité des données qu'ils recueillent chaque jour, les pharmaciens d'établissements s'inquiètent du risque de créer d'importantes brèches dans la protection dont bénéficiaient jusqu'à présent les données médicales personnelles des individus, tout cela, au nom de la santé publique et de la saine gestion. En fait, malgré la présence des meilleurs systèmes de défense, il est généralement reconnu qu'une majorité des cas de divulgation inappropriée de renseignements provient de l'utilisation à des fins non autorisées des droits d'accès existants ou à l'abus de privilèges des employés. Les amendes prévues dans l'avant-projet de loi pour contrecarrer ces pratiques sont tout à fait nécessaires, mais ne constituent pas une garantie suffisante. Pour prévenir les détournements de renseignements ou du moins restreindre le préjudice éventuel, il nous apparaît tout aussi essentiel d'exercer de plus grand discernement dans l'inscription des renseignements au résumé de dossier.

Les dispositions de l'avant-projet de loi traitant des catégories de renseignements de santé couverts sont actuellement libellées en termes trop larges, elles laissent place à une trop grande discrétion sur la nature des renseignements de santé d'une personne ou sur les intervenants qui peuvent y accéder. Nous croyons aussi que la loi devrait incorporer prioritairement un principe de finalité de l'utilisation des renseignements. Selon nous, ce principe devrait se calquer sur l'avis émis en août 1999 par le groupe européen d'éthique sur la société d'information et qui prévoit notamment que tout professionnel ? ou organisation ? habilité à collecter et à utiliser des données personnelles de santé soit en mesure d'en justifier l'utilité face à la mission qui lui est confiée. Ceci permettrait, entre autres, de restreindre l'accès indu à ces données de la part des employeurs et des assureurs.

Par ailleurs, l'informatisation des renseignements sur la santé n'a pas que pour effet d'en faciliter la circulation mais aussi d'en assurer la pérennité. Se pose alors la question de la conservation des données et à qui ce choix incombe. L'avant-projet de loi est pratiquement silencieux sur ce point. Dans les circonstances, la décision serait alors à la discrétion de la RAMQ, après approbation du ministre de la Culture et des Communications du calendrier retenu par elle. L'Association que je représente estime qu'une trop grande marge discrétionnaire sur ce plan offre une bien faible garantie de préservation de la confidentialité des données recueillies dans le temps et qu'il serait avisé de prévoir spécifiquement dans la loi le calendrier de conservation de ces renseignements.

L'avant-projet de loi ouvre à la personne concernée un droit général d'accès à son dossier de santé. Cela est essentiel. Celui-ci ne prévoit toutefois pas comment cet accès viendra se concrétiser dans les faits. C'est pourquoi nous croyons qu'il faudra prévoir des campagnes soutenues d'information et d'éducation sur ce droit afin que le citoyen puisse juger de l'information qui se trouve dans son dossier et de l'utilisation qui peut en être faite.

Sur le plan de la transparence, il est évident pour nous que toute la question du codage des renseignements a été évacuée des discussions sur la carte santé. Pourtant, l'expérience nous démontre que l'inscription de renseignements et l'utilisation d'un codage des pathologies n'est jamais neutre, comme nous l'expliquons dans notre mémoire. Ce qui se fait actuellement sur ce plan n'est déjà pas satisfaisant et nous allons maintenant nous buter à une difficulté supplémentaire, celle où les milliers de codeurs, principalement des professionnels de la santé, vont se mettre à créer des résumés de renseignements de santé sans système adéquat de codage. Pour éviter d'ajouter encore plus à la confusion actuelle, notre Association croit que la Loi sur la carte de santé devrait intégrer un principe proposé par le groupe européen d'éthique et qui prévoit l'établissement de critères de standardisation les plus transparents possible du codage des pathologies.

En ce qui concerne le comité de surveillance proposé dans l'avant-projet de loi, nous estimons que celui-ci devrait être complètement indépendant du ministère de la Santé et du gouvernement et relever directement de l'Assemblée nationale. De plus, ses membres devraient être nommés non pas par le gouvernement, mais par les organisations qu'ils représentent. Pour nous, ce comité devrait de plus être chargé de la validité et de la neutralité du codage des pathologies.

Finalement, sur cette question de l'équilibre entre le besoin de savoir et le respect de la vie privée, nous reconnaissons d'emblée le droit des personnes à refuser que des renseignements soient recueillis sur leur santé. Cependant, les mécanismes proposés à cet égard dans l'avant-projet de loi sont trop complexes et risquent de mener à des résumés de dossiers incomplets, de type fromage gruyère, qui pourraient entraîner des erreurs de jugement dans le traitement des personnes. Pour éviter cela, nous proposons d'adopter une approche où le consentement du patient est de type tout ou rien.

Passons maintenant quelques instants sur la nécessaire réconciliation entre la régulation des pratiques professionnelles et le respect de l'autonomie des professionnels de la santé. Même si le discours politique parle d'une portée essentiellement clinique de l'avant-projet de loi, on fait également état du besoin de moderniser la gestion des régimes publics d'assurance maladie, d'assurance hospitalisation et d'assurance médicaments. On entend ainsi confier la gestion des banques de données cliniques à la RAMQ, le principal assureur des services de santé. Ce faisant, l'avant-projet place cet organisme dans un rôle où il sera à la fois juge et partie, ce qui, à terme, pourrait mener à une méfiance quant à l'intégrité du système. Dans cette optique, nous croyons qu'il serait mieux avisé de dissocier le rôle de payeur de celui de gestionnaire des dossiers cliniques et de faire en sorte que le dépôt de l'information clinique se fasse à distance de la RAMQ.

Par ailleurs, nous sommes satisfaits des garanties offertes actuellement par l'avant-projet de loi quant au respect de l'intégrité de la pratique clinique. Nous souhaitons tout de même souligner qu'il y a toujours risque de dérapage technocratique sur ces questions et qu'il faudra veiller à ce qu'on ne vienne jamais interférer avec la marge essentielle qu'il y a lieu de réserver au jugement clinique des professionnels de la santé.

Je termine maintenant en soulevant le grand défi technologique qui nous attend. Comme vous le savez, nous faisons face à une mosaïque des systèmes d'information pour ce qui est des logiciels propres aux départements et aux services de pharmacie dans les établissements publics de santé. Ces renseignements sont essentiels pour assurer la continuité de l'hôpital à la maison. Si on veut assurer l'efficacité du projet, on ne pourra faire reposer celui-ci sur la gestion des deux systèmes d'entrées de données, l'un pour le dossier local et l'autre pour le résumé des renseignements de santé. En outre, une application informatique qui aurait pour effet de ralentir la rapidité du traitement des informations ou encore qui aurait pour effet de paralyser les systèmes des pharmacies des établissements serait insoutenable. C'est pourquoi l'Association des pharmaciens des établissements de santé recommande que l'on s'assure de mettre en place un système qui s'intégrera aux pratiques, aux façons de faire et aux outils informatiques de l'ensemble des professionnels impliqués.

Le projet carte santé comporte des défis exigeants à la fois en matière de protection de la vie privée, de respect de l'autonomie professionnelle et de la convivialité du fonctionnement, tout cela sans parler des enjeux technologiques pour lesquels les projets-pilotes n'ont su apporter des réponses adéquates.

L'empressement du gouvernement à aller de l'avant avec ce projet nous inquiète alors que nous ne disposons pas de prérequis essentiels. Dans les circonstances, nous ne croyons pas que les garanties de succès soient réunies. À l'instar de plusieurs autres organisations, nous croyons qu'un déploiement progressif avec diverses étapes de validation serait plus approprié. Comme cela s'est vu ailleurs, ce genre de projet ne peut réussir que si on convainc dès le départ les patients et les professionnels du bon fonctionnement du projet. L'expérience le démontre, le projet ne survivra pas à un demi-succès. Il est question ici de lien de confiance qui, une fois brisé, sera difficile et coûteux à rétablir. Prenons le temps de bien faire les bonnes choses.

Ceci complète notre présentation. Nous vous remercions encore une fois de votre attention et nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

n (16 h 20) n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, M. Fortier, pour la présentation de votre mémoire. Je cède maintenant la parole au ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux. M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Et Prévention.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Je n'ai pas ajouté les autres titres, vous avez compris.

M. Bertrand (Portneuf): La terminaison est particulièrement importante.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui.

M. Bertrand (Portneuf): Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Etc.

M. Bertrand (Portneuf): J'aimerais saluer les représentants de l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec. Je vous remercie, M. Fortin, Mme Lambert, Mme Vaillant, pour votre présentation. Je pense que c'est un mémoire qui est assez dense, il me semble très intéressant sous plusieurs rapports. Et je dois vous dire que nous vous rejoignons en termes de préoccupations à l'égard, notamment, de cet équilibre entre le savoir et le droit à la vie privée. Et c'est un peu dans cette perspective que le projet de loi propose la mise en place d'un résumé des renseignements pour rendre plus efficace la communication d'informations et, j'espère, d'informations de qualité, comme vous le souhaitez, de santé et informations les plus pertinentes possible. C'est aussi dans cette optique que le projet de loi s'accompagne... que le projet, c'est-à-dire, accompagne le résumé de mécanismes de sécurité et de protection de renseignements les plus adaptés possible aux réalités des milieux qu'il propose, et qu'il propose des moyens simples de s'authentifier, et ce, autant pour les usagers que pour les professionnels, ceux qui peuvent avoir accès justement à ces renseignements.

En ce qui regarde le déploiement progressif, je suis sensible à vos préoccupations. Est-ce que vous pourriez nous préciser comment vous le voyez, ce déploiement-là? Je pense que ça fait du sens jusqu'à un certain point de dire... c'est quand même quelque chose d'assez ambitieux comme projet, il faudrait y aller par étapes. Comment vous les imaginez, ces étapes-là, exactement?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, madame.

Mme Lambert (Manon): Je pense que le déploiement pourrait être efficace si on veut tester à la fois l'utilisation à des fins administratives, mais particulièrement au niveau clinique... c'est là que, quant à nous, se pose le défi principal. Ce serait de vraiment y aller avec des régions, de fonctionner avec des régions fermées, de tester des applications au niveau des systèmes locaux. On l'a dit, au niveau technologique, par exemple, le projet de Laval ne permettait pas le transfert direct des informations des départements de pharmacie au logiciel central, donc il fallait faire une double entrée de données. Donc, ce qu'il faudrait faire, c'est effectivement y aller avec des régions où le nombre d'établissements, par exemple, est plus limité, tester, faire les validations et, ensuite, une fois que ça, ça fonctionne, on peut élargir à un certain nombre d'autres régions. Mais ça nous apparaît important parce que l'expérience de Laval nous semble trop limitée et trop différente de ce qu'on vise pour permettre de s'assurer finalement que le projet va fonctionner au niveau clinique encore une fois.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Lambert. M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Quand on parle de régions, avez-vous des exemples de régions qui vous paraîtraient plus représentatives?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Lambert.

Mme Lambert (Manon): Bien, c'est-à-dire, ce n'est pas nécessairement une question de représentativité, c'est une question, bon, de complexité. Dans un premier temps, la région de Laval était une bonne région à ce niveau-là, c'est juste qu'on a restreint à un programme. Mais la région de Laval est une excellente région. La région du Saguenay est une autre bonne région où on a souvent un établissement régional avec quelques établissements de soins généraux et spécialisés, quelques CLSC, donc ça limite le nombre d'établissements, ça limite le nombre d'interfaces à réaliser, le nombre de systèmes en place. Et, une fois qu'on l'a fait dans ces systèmes relativement fermés là, bien là on peut penser expérimenter dans des systèmes du type Montréal ou Québec qui sont d'une complexité, ma foi, plus importante.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Très bien. Sur un autre sujet, en ce qui regarde le résumé des renseignements et son caractère, je dirais, plus ou moins complet, vous manifestez des préoccupations à l'égard de la gestion des consentements qui, dites-vous, pourraient mener à des résumés de dossiers, dites-vous, de type gruyère, si j'ai bien compris. Je pense que l'image est intéressante. Est-ce qu'on doit comprendre que vous êtes en faveur d'un résumé complet, que, si une personne choisit d'avoir un résumé, elle doive accepter par le fait même que tous les renseignements prévus y soient effectivement inscrits?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fortier.

M. Fortier (Charles): C'est exactement ce qu'on propose. C'est la loi du tout ou rien. Si on accepte d'être inscrit à cette carte, on accepte que tout le dossier ou tous les renseignements soient là, mais non pas de cacher une certaine information, une certaine pathologie, la prise de certains médicaments. On se dit aussi que, si le patient les cache, il veut les cacher, il ne veut pas qu'ils soient inscrits sur la carte santé, lorsqu'il va arriver à l'hôpital, il va vouloir encore le cacher. Donc, il faut toujours faire des démarches. Ce qu'on dit, c'est: On inscrit tout ou on n'inscrit rien. La loi du tout ou rien.

M. Bertrand (Portneuf): ...quand même que même une information incomplète est meilleure que pas d'information, dans certains cas?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fortier.

M. Fortier (Charles): L'information est incomplète ou elle peut ne pas être présente aussi. Je ne suis pas obligé d'écrire sur ma carte santé que je fais une dépression majeure, mais je peux écrire que je fais de l'hypertension, que je prends tel médicament, et tous les médicaments que je prends pour ma dépression ne seront pas inscrits sur le résumé de la carte santé. Donc, vous n'aurez pas du tout cette information-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre...

M. Fortier (Charles): Et, pour nous, si l'information n'est pas là, on va être obligés de faire les mêmes démarches. Donc, rencontrer le patient, essayer de savoir les médicaments qu'il prend, fouiller, appeler dans les pharmacies privées, avoir la liste exhaustive des médicaments. Ça apportera peu au système, là, si ce n'est pas la loi du tout ou rien.

M. Bertrand (Portneuf): Très bien. Oui, madame. Mme Lambert.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Un complément de réponse, Mme Lambert.

Mme Lambert (Manon): Je voudrais compléter en disant que, dans la mesure où on a de l'information incomplète et qu'on n'a pas de facilité de vérifier... Actuellement, par exemple, au niveau de nos dossiers médicaux dans les établissements de santé, on a aussi, parfois, ce problème-là. Les informations ne sont pas toujours là. Mais on a le collègue à côté et on peut vérifier. Or, dans la mesure où cette information-là est obtenue à distance par des collègues avec lesquels on n'aura pas de communication, on va avoir tendance, comme professionnel de la santé, à se fier sur cette information-là. Et, nous, ce qu'on dit: Quand on n'a pas l'information, comme professionnel de la santé, notre premier réflexe, c'est de rechercher cette information-là, on va prendre le soin de rechercher, alors que, si on a un résumé de dossier qui, à notre avis, est complet, puis on s'est fait à l'idée que ces résumés-là étaient complets, il y aura peut-être une vigilance moindre à aller questionner et à aller chercher cette information-là. Je comprends que c'est un problème de professionnel, mais c'est un risque qui est important, d'autant que certains patients ne sont pas nécessairement questionnables non plus, là. Donc, on a toute cette problématique-là.

M. Bertrand (Portneuf): Très bien.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Vient s'ajouter, Mme la Présidente, à la préoccupation de l'Association la question de... La question, vous la posez sous l'angle suivant: Une meilleure circulation ne signifie pas nécessairement des renseignements... n'assure pas la qualité des renseignements, somme toute. Bon, ça me surprend et ça ne me surprend pas comme énoncé, parce que je me dis: Même dans la situation actuelle, j'imagine que ce n'est certainement pas la perfection en termes de qualité de renseignements, là.

Par ailleurs, probablement comme les parlementaires ou les législateurs, vous ne parlez pas pour ne rien dire, c'est que votre inquiétude doit s'aligner, j'imagine, à certaines difficultés que vous rencontrez dans votre pratique actuellement, et c'est là-dessus que j'aimerais que vous soyez peut-être un peu plus spécifiques pour nous aider à comprendre la portée de vos inquiétudes. Est-ce que vous auriez justement soit des exemples de choses qui vous inquiètent, où vous vous dites: Oh! là on va avoir éventuellement plus d'informations, ça va aller plus vite, assurons-nous d'avoir une qualité la plus irréprochable possible de ces informations-là, compte tenu ? si je comprends bien ? de la circulation qui pourrait être meilleure à ce moment-là? Donc, on a d'autant plus intérêt à assurer les... Avez-vous un exemple le plus concret possible à nous donner?

M. Fortier (Charles): J'en ai même probablement deux.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. Fortier.

M. Fortier (Charles): Premièrement, on dit que tout le système de la carte santé doit être mis en place pour faciliter le travail des professionnels, d'une part, mais aussi pour nous aider à mieux soigner les patients. Lorsqu'un patient arrive à l'hôpital, et j'ai le renseignement sur sa carte santé qu'on lui a prescrit un médicament X contre l'hypertension qu'il a acheté dans une pharmacie du réseau privé, il arrive à l'hôpital, et je sais qu'il l'a acheté, mais ce n'est pas parce qu'il l'a acheté qu'il le prend. Ce n'est pas parce qu'il les a achetés qu'il les prend comme il faut. Je ne sais pas s'il prend d'autres médicaments qu'on vend sur la tablette, sur le comptoir, des médicaments de vente libre. Il y a peut-être une interaction, des substances d'origine dite naturelle, il y a peut-être des interactions. Donc, je devrais faire tout mon questionnaire. Ça, c'est d'une part.

Deuxièmement, c'est les allergies, de vérifier vraiment. Dans l'étude qu'on cite dans notre mémoire ? c'est une étude de chercheurs québécois ? on dit que l'inscription des allergies, elle est souvent fausse. Dans 30 % des cas, l'inscription est fausse. Donc, ça peut amener... ça peut être plus embêtant et ça peut être même dangereux. Si j'écris que vous êtes allergique à la pénicilline et que, finalement, je me prive de vous donner de la pénicilline, ça n'aide pas le système de santé et ça n'aide surtout pas le patient. On va être obligé quand même de faire une démarche auprès du patient, de vérifier son allergie, savoir c'est quoi au juste le type d'allergie, qu'il nous raconte l'histoire, et ça, il y a des études qui le démontrent.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

n (16 h 30) n

M. Bertrand (Portneuf): Mais auriez-vous des suggestions à nous faire pour assurer qu'on ait la meilleure qualité possible des informations dans ce nouvel univers, je dirais?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Lambert.

Mme Lambert (Manon): En fait, ce n'est pas tant des suggestions pour assurer une meilleure information, parce que je pense que l'information sera toujours de toute façon probablement imparfaite et on aura toujours ces démarches-là. Ce que, nous, on dit par ailleurs, c'est: Attention aux estimés. On a lancé à un moment donné des estimés d'économies qui pourraient être générées parce qu'on aura une meilleure circulation de l'information, qu'on va éviter des hospitalisations, qu'on va éviter de donner tel ou tel médicament. On dit: Faisons attention. Parce que, dans ces estimations-là, on prend pour acquis que l'information est toute exacte et ne mènera pas par ailleurs à des problèmes aussi, ce qui pourrait être le cas. Alors, on ne met pas dans ces coûts-là les problèmes qui pourraient être générés par la mauvaise information.

Donc, ce qu'on dit: Améliorer l'information, c'est un travail de tous les jours, c'est un travail des professionnels de la santé. Je pense que c'est eux qui sont responsables de la qualité de l'information qu'ils mettent dans les dossiers patients. Ceci étant dit, encore une fois, faisons attention aux estimations qu'on fait des économies qui pourraient être générées par la circulation d'information.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Vous vous dites, si je comprends bien, préoccupés également par ce que vous appelez la finalité des renseignements. Encore une fois, à vous comme je l'ai fait pour d'autres groupes, je vous assure que, comme c'est indiqué dans l'avant-projet de loi, les renseignements du résumé ne devront être utilisés que pour les fins reliées à la prestation de services de santé et de services sociaux. Mais auriez-vous besoin de garanties ou de précisions ou de libellés plus clairs? Moi, j'ai l'impression qu'on est clair quand on le dit puis quand on l'indique dans l'avant-projet de loi. Que voudriez-vous de plus pour vous rassurer davantage?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Lambert.

Mme Lambert (Manon): Oui. En fait, ce n'est pas tant sur la nature des renseignements qui sont indiqués dans le projet de loi que sur l'ouverture que donne l'avant-projet de loi à l'adoption de nouvelles catégories de renseignements ou à l'adoption de nouvelles catégories d'intervenants qui pourraient éventuellement avoir accès aux dossiers via l'adoption d'un règlement du gouvernement. Je vous donne un exemple. Dans cinq ans ou dans dix ans devient disponible la carte génétique de chacun des individus. Bien, moi, je pense qu'on ne peut pas, juste par règlement du gouvernement, décider que cette nouvelle information-là va arriver au niveau du résumé de santé. C'est le genre de catégorie de renseignements pour lequel il faut faire un débat élargi. Et, débat élargi, l'Assemblée nationale nous semble être le lieu idéal. C'est ce que nous croyons être...

M. Bertrand (Portneuf): Et en même temps votre réseau, si vous le permettez, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, allez, M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): En même temps, votre réseau est un réseau, je dirais, qui bouge, qui est vivant, qui évolue en termes de pratique ou en termes, par exemple, de délégation d'actes. Il y a une foule de choses dans la vie courante qui font en sorte qu'on doive peut-être ajuster sur une base assez régulière. Et le processus législatif est souvent un processus ? ce n'est pas un défaut, c'est une réalité ? parfois un peu long et des fois lourd. Est-ce que la voie d'un règlement et de la prépublication et du caractère quand même public du procédé ne constitue pas une garantie à cet égard, suffisante?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Lambert.

Mme Lambert (Manon): Alors, écoutez, il y a de ces renseignements qui sont tellement sensibles, je pense que ça vaut la peine qu'on attende, qu'on prenne le temps de réfléchir, qu'on prenne le temps de faire un débat contradictoire, qu'on prenne le temps de bien réfléchir à ce qu'on met. Et l'urgence de la situation, on s'entend, c'est d'assurer une meilleure circulation de l'information parce que cette information-là, elle est déjà disponible et elle circule déjà.

Ce qu'on nous propose ici, c'est un moyen pour faciliter et accélérer, là, le transfert d'information. Donc, moi, je pense que les renseignements de santé sont des renseignements qui sont suffisamment sensibles pour qu'on prenne le temps de faire les débats nécessaires. Et, dans l'ajout de nouvelles catégories, par exemple, de renseignements, je pense que, malgré la lourdeur du processus législatif, je pense que c'est la garantie que les citoyens du Québec doivent avoir pour garantir que finalement les renseignements qui vont être là-dessus, tout le monde va être à l'aise avec ça.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Une précision et ensuite une dernière question. Ce n'est pas le supplice de la question, Mme la Présidente, au contraire. Délais de conservation prévus à la loi. Quels sont les principes à la base de la situation des délais de conservation actuellement? Et est-ce qu'ils sont directement applicables dans un tel nouvel environnement, tel que proposé par l'avant-projet?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Lambert.

Mme Lambert (Manon): C'est-à-dire qu'actuellement, à ma compréhension ? évidemment, je ne suis pas juriste, je ne suis pas parlementaire ? le calendrier de conservation est décidé par le gestionnaire de la base de données, le dépositaire de la base de données qui doit par la suite le présenter au ministre. Nous, ce qu'on pense, c'est que les données de santé sont tellement sensibles... Et, par ailleurs, actuellement, quand on vient qu'on a trop de papiers, on est obligé de les nettoyer, ce qui fait qu'on va se donner un calendrier de conservation qui a de l'allure. On va dire: Après cinq ans, par exemple, on va détruire les données, et on n'accumulera pas les données de santé d'une personne durant toute sa vie. Alors que, là, les banques informatiques, les médiums sur lesquels on stocke l'information vont dorénavant nous permettre de faire ça. Est-ce que c'est ce qu'on veut faire? La question se pose. Et je pense que, là encore, on doit avoir un débat là-dessus. Donc, est-ce que c'est ce qu'on veut faire? Ce n'est pas ce qu'on veut faire? Mais si on le prévoit à la loi, encore là le débat s'applique.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Très bien. Bon. Dernière question, une question qui va vous paraître un peu globale, là, un peu carrée, mais souvent on en reçoit aussi des questions de même. Ha, ha, ha! Votre position, c'est quoi, finalement? Êtes-vous en faveur ou pas quant au principe d'un résumé des renseignements, et, deuxièmement, quant à la centralisation justement, la banque centralisée? Supposons qu'on a passé à travers l'étape transitoire ou expérimentale à laquelle vous référez, est-ce que vous trouvez qu'une banque centralisée comporte suffisamment d'avantages pour qu'on dessine le système de cette façon-là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fortier?

M. Fortier (Charles): Oui. Nous sommes contre l'avant-projet de loi tel qu'il nous est proposé. Une autre chose qu'on est contre aussi, c'est que la banque centralisée soit à la RAMQ. Là-dessus, nous avons beaucoup d'inquiétude, beaucoup de réserve. Mais nous sommes pour la transmission d'information, la transmission... Ça, là, on est pour ça. Mais le projet de loi, l'avant-projet de loi tel qu'il nous est proposé, malheureusement nous ne sommes pas en faveur. Et la banque centralisée, nous croyons qu'elle doit être à l'extérieur de la RAMQ.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, en complément, madame...

M. Bertrand (Portneuf): Très bien.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, est-ce que vous avez...

Une voix: Ça va. Non.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Non, vous ne voulez pas intervenir. Alors, M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Merci, ça va.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, je vous remercie. Alors, maintenant je cède la parole au député de Châteauguay.

M. Fournier: Merci, Mme la Présidente. À mon tour de vous souhaiter la bienvenue. Merci beaucoup de votre contribution à nos travaux. D'entrée de jeu, je me plais à vous dire que vous n'êtes pas les premiers à proposer un déploiement progressif. C'est arrivé, il y a quelques groupes qui ont fait cette proposition. Je note aussi ? ça sera d'ailleurs l'objet de mes premières questions ? je crois, Mme Lambert, vous nous avez parlé de faire attention aux économies qui pourraient peut-être nous être présentées avec cet avant-projet de loi sous prétexte que l'information qui serait contenue dans ce résumé pourrait être erronée et donc à son tour entraîner, plutôt que des bénéfices, entraîner des coûts. Je dois vous dire qu'à cet égard-là vous êtes les premiers qui nous soulevez cette problématique et c'est le sens de mes premières questions.

Le ministre y a fait référence un peu tantôt, mais j'aimerais ça que vous m'en parliez un peu plus. Alors, je vais vous parler entre autres de la page 4, de la page 11. Commençons par la page 4 où vous nous parlez justement de la meilleure circulation de renseignements qui ne signifie pas... Une meilleure circulation des renseignements ce n'est pas nécessairement les meilleurs renseignements. Et vous parlez ? vous l'avez dit tantôt ? des allergies. Je ne peux pas m'empêcher, comme profane, de vous avoir entendu dire qu'il y avait des erreurs, de vous poser la question: Pourquoi? Comment ça se fait qu'il y a des erreurs? Est-ce que on peut corriger ces erreurs? Parce que, si c'est vrai qu'il y a tant d'erreurs que ça puis que ce n'est pas corrigeable, j'imagine que le monde va être obligé de se fier seulement à reposer des questions sans cesse et sans cesse et faire comme s'il n'y avait pas d'information, là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fortier.

M. Fortier (Charles): Il y a des erreurs parce qu'on mêle souvent le mot «allergie» et le mot «intolérance». Je peux avoir des effets secondaires à un médicament et, moi, je vais dire après que je suis allergique parce que c'était épouvantable. Mais finalement ce n'était pas une vraie allergie, c'était plutôt une intolérance ou le médicament me convient moins bien, si vous voulez. Je devrais peut-être pas le prendre. Mais, dans des situations critiques, parfois c'est le seul qu'on peut administrer, donc on va l'administrer quand même. Si on fait vraiment une allergie réelle, on va prendre des précautions beaucoup plus sévères avant de le donner. C'est plus ça, c'est dans la nuance. Une allergie et une intolérance, ce n'est pas la même chose. Mais ce n'est pas facile pour le commun des mortels de comprendre la nuance, et c'est pour ça qu'on est des professionnels de la santé et qu'on va fouiller, qu'on va poser des questions pour vraiment voir.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Est-ce que, dans les documents... Excusez, madame. Vous voulez ajouter?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui.

Mme Lambert (Manon): J'ajouterais que, tout dépendant de qui recueille l'information, par exemple sur les allergies médicamenteuses, il y a des professionnels qui sont plus habiles à les recueillir. Par exemple, le pharmacien habituellement est sensibilisé au fait qu'une intolérance, ce n'est pas une allergie; puis une allergie, ce n'est pas une intolérance. Mais, si c'est recueilli par d'autres types de professionnels, il peut arriver parfois qu'on ne fasse pas nécessairement la nuance, et de là les mauvaises inscriptions.

n (16 h 40) n

M. Fournier: Dans les documents qui existent ? je ne parle pas du résumé d'un éventuel avant-projet de loi qui deviendrait une loi ? dans les documents actuels, le dossier du patient dans un établissement, est-ce que c'est à l'intérieur de ce dossier-là même que l'on peut dénoter les erreurs ou si c'est tout simplement la personne qui vient déclarer: J'ai une allergie, alors que c'est une intolérance, parce que, bon, elle ne le sait pas? Remarquez que ce n'est pas évident, là, tout ça. Pour des spécialistes... Et vous me dites même que, chez les spécialistes, ce n'est pas évident. Est-ce que c'est dans la documentation actuelle qu'on retrouve des erreurs?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fortier.

M. Fortier (Charles): Oui. L'étude a été faite à partir de la documentation actuelle dans les dossiers. La documentation actuelle. Pourquoi? Comme Mme Lambert l'a dit, on pose la question: Est-ce que vous êtes allergique? On ne fait pas la nuance, on ne va pas plus loin pour connaître vraiment la réaction allergique, dépendamment des professionnels, et là on inscrit au dossier «allergie à».

M. Fournier: Je comprends que ce n'est pas l'objet de l'avant-projet de loi et je ne voudrais pas m'étendre là-dessus, mais je ne peux pas m'empêcher que de glisser au ministre que voilà un des éléments qui devraient être étudiés par le ministère ? peut-être que ça a déjà été fait ? et nous documenter sur les pistes de solution pour éviter ou bien contredire ce qui vient de nous être dit, ou bien nous dire quelles sont les pistes de solution qui ont déjà été envisagées pour faire en sorte qu'on minimise ce genre d'erreur. Oui?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Lambert.

Mme Lambert (Manon): Je peux vous dire que dans l'étude que vous parlez, effectivement... Et c'était suivi d'actions ou de mesures correctives, de validation des inscriptions au dossier. Donc, les pharmaciens allaient au dossier des patients, évaluaient, questionnaient le patient, questionnaient le clinicien. C'est de là qu'on s'est aperçu qu'il y avait 31 % des inscriptions qui ont été modifiées. Par contre, vous voyez comment ce n'est quand même pas facile. Il y a de ces allergies-là qui, malgré tout, sont demeurées des allergies incertaines. Alors, dans ce cas-là, on s'abstient plutôt que de créer du tort aux patients.

M. Fournier: 31 %, c'est...

Mme Lambert (Manon): C'est énorme.

M. Fournier: C'est beaucoup. Et puis je comprends que dans votre processus pour corriger ça, c'est de la validation par notamment des pharmaciens d'établissement. Je crois savoir, pour avoir assisté à une partie de votre dernier colloque, que vous n'êtes pas en surnombre. Ça ne doit pas nécessairement être la meilleure solution.

Vous dites à la page 11... Et là je ne sais pas si on est dans le même domaine, mais là on est plus dans le résumé évidemment, on parle du résumé qui envisage l'avant-projet de loi: «L'inscription de données sur un support informatique présuppose une démarche rigide et standardisée d'inscription de renseignements et l'utilisation d'un code des pathologies et autres renseignements. Or, le passé nous a appris que cette démarche de standardisation n'est jamais neutre.» Dites-moi ce que ça veut dire, en termes clairs, pour la confection ? c'est à ça que vous faites référence ? pour la confection du résumé de renseignements de santé. En vous lisant, je suis comme craintif qu'il y ait beaucoup, beaucoup de monde qui viennent jouer dans le résumé puis que finalement ce n'est pas tout le monde qui ont les mêmes définitions pour les termes qu'ils vont mettre dedans. Est-ce que c'est ça?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fortier.

M. Fortier (Charles): L'exemple qu'on pourrait vous donner, c'est: Vous savez, à la sortie de l'hôpital, les archivistes médicales vont codifier, à partir de la feuille sommaire que le médecin complète, elles vont codifier des pathologies. Il y a juste les archivistes qui font ça. Déjà, l'Association des hôpitaux du Québec, qui est un organisme sérieux, forme des archivistes à faire ça, leur offre une formation supplémentaire en plus de leur cours. C'est vous dire que ce n'est pas facile de codifier. Là, on va arriver avec quoi, 20 000 infirmières, 15 000 médecins, 5 000 pharmaciens qui vont codifier? C'est un peu notre inquiétude. Je pense qu'il faut prendre les mesures et il faut vraiment statuer tout de suite dans l'avant-projet de loi comment on va organiser ça, la codification.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Lambert, ça va, oui? M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Oui. Ça milite beaucoup pour un déploiement progressif.

Il y a une autre notion que je voudrais que vous m'expliquiez, c'est à la page 5. Vous parlez d'une espèce d'utilité variable dans le temps, en tout cas, des données: «Une donnée peut être rigoureusement exacte au moment où elle a été obtenue, mais devenir obsolescente ? obsolète, je ne sais pas ? très rapidement.» À quoi vous faites référence?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fortier.

M. Fortier (Charles): Je ne sais pas. L'exemple qu'on pourrait vous donner: Aujourd'hui, j'ai un diagnostic d'insuffisance cardiaque de classe 4, ça veut dire que je suis très, très malade, et on m'inscrit ? c'est écrit dans mon dossier, dans ma carte à puce ? on m'inscrit. je ne sais pas, au programme d'insuffisance cardiaque de l'hôpital Sacré-Coeur et, grâce à ce programme-là, je vais régresser ma classe et je vais devenir une classe 3 ou 2. Lorsque je vais arriver dans un hôpital extérieur, qui n'est pas l'hôpital Sacré-Coeur, et que si ce n'est pas changé sur ma carte... Déjà, ce n'est pas adéquat, je ne suis pas dans la même classe. Je suis moins malade qu'avant parce que le traitement a marché. C'est un peu ça qu'on veut dire.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Mais, à moins que je me trompe, l'idée ? et je me porte ici à la défense la RAMQ ? l'idée de l'avant-projet de loi, c'est de faire en sorte que les données évoluent selon votre propre évolution de votre santé, et même on plaide l'instantanéité de l'inscription de ces nouvelles données dans le résumé. Alors, pourquoi je devrais être craintif du cas que vous me présentez, puisque le projet vise plutôt à ce que ce soit instantané? Dès que vous changez de place ou que vous avez eu un traitement, je vais le voir sur le résumé.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fortier. Mme Lambert.

Mme Lambert (Manon): En fait, la réponse là-dedans, c'est un peu de la même nature que la dernière fois. Ça, c'est à la condition que les gens le codent et le codent bien. Le problème, c'est de s'assurer que la qualité de l'information... Puis, quand on parlait de qualité, c'est à la fois la nature de l'information et le temps ou le moment où l'information est inscrite. Donc, si on inscrit bien la première fois que c'est un classe 4 sur 4 mais qu'on ne fait pas la modification pour différentes raisons ? on oublie de le coder, on ne le code pas, on ne le fait pas ? le patient arrive à l'autre établissement et le changement n'a pas été fait. Donc, ça revient à dire qu'une meilleure circulation de l'information ne revient toujours nécessairement à une...

M. Fournier: Ces problèmes sur la qualité des informations qui sont contenues dans le dossier, qui existent aujourd'hui ou dans un éventuel résumé de renseignements, vous amènent à faire la recommandation où vous dites: «Les professionnels doivent prendre garde que le "double informationnel" du patient ne se substitue pas au patient lui-même, de façon a garder un oeil critique sur les renseignements...» J'ai cru comprendre là-dedans que vous sollicitiez qu'on maintienne la relation de communication entre le professionnel et le patient, et donc l'argument de plus grande rapidité dans la relation patient-médecin, par exemple... En tout cas, si je suis le conseil que vous donnez, on ne fera pas de gain de temps, de ce côté-là. Il faudrait néanmoins maintenir cet aspect, sans compter qu'il va falloir l'inscrire en quelque part.

Peut-être la conclusion, la question que je vous pose ? je crois comprendre que vous êtes pour la communication: Quel est votre pressentiment de ce que ça va donner en termes d'accès aux soins? Certains plaident que ça va être plus vite grâce à ce système-là, que les médecins en pénurie, à ce moment-là, vont pouvoir en voir plus. Est-ce que je dois comprendre que vous êtes plutôt d'avis contraire?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fortier.

M. Fortier (Charles): J'ai analysé ça, je me suis dit: Moi, dans ma pratique de pharmacien d'établissement, qu'est-ce que ça va changer, la carte comme ça? C'est sûr que ça ne remplacera jamais la relation patient-intervenant de la santé. Vous savez, lorsqu'on interroge un patient, dans le ton qu'il utilise pour parler, dans les mots qu'il utilise, dans le choix de ses mots, il y a de l'information qui passe là-dedans, qu'on ne peut pas transcrire sur une carte, c'est sûr. Ça, ça fait partie de la relation.

Donc, je me suis dit: Est-ce que ça va changer quelque chose pour mon travail à moi, ce bout-là? Pas beaucoup, pas beaucoup. Par contre, je pense que ça peut aider le patient si, au sortir de l'hôpital, moi, je peux transférer toutes ces données à son pharmacien du réseau privé qui, lui, va prendre connaissance des médicaments qu'on a cessé, du ménage qu'on a fait dans ses médicaments, s'il y avait du ménage à faire, les nouvelles molécules qu'on a pu lui prescrire. Ça, ça va être aidant pour le patient. Mais est-ce que je trouve que ça va aller plus vite? J'en doute et je ne pense pas. Je suis sûr que non, la carte à puce ne pourra pas remplacer une communication patient-intervenant de la santé.

M. Fournier: L'exemple que vous me donnez, c'est donc de vous placer en tête d'un épisode de soins, si on veut. Vous êtes la première personne et vous dites: Moi, je fais ma relation interpersonnelle, je fais ma communication puis je ne me fie pas simplement à des données et je suis capable d'établir quel est le besoin du patient et quelle est sa situation, je peux faire un diagnostic. Donc, pour moi ? vous vous êtes posé la question à vous-même ? moi, ça ne me donne pas grand-chose, mais ce que, moi, je vais produire comme renseignements à consigner ? vous-même ayant confiance en vous-même sur votre capacité à codifier correctement ? vous amène à dire: Les gens qui vont suivre, eux autres, vont me croire et puis ils vont suivre ça à la lettre. Pourquoi, pour les autres, les inquiétudes que vous avez sur la qualité des renseignements ne jouent pas?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fortier.

M. Fournier: J'ai peut-être mal compris.

M. Fortier (Charles): Ce n'est pas sur la qualité des renseignements, c'est que je vais manquer de renseignements. C'est comme je vous disais tantôt: On a beau prescrire un médicament, mais ce n'est pas parce qu'on le prescrit que ça veut dire que je le prends, ça veut dire que je le prends comme il faut, ça veut dire que je ne prends pas d'autres médicaments qui ont une interaction avec, que je ne prends pas des substances d'origine naturelle. Je vais être obligé d'aller chercher cette information-là quand même. C'est ça que je veux dire. Ce n'est pas que l'information ne sera pas correcte, mais je vais être obligé de faire une démarche, je vais être obligé de faire la même démarche à partir de la banque de données que j'ai et dire: Est-ce que vous en prenez d'autres aussi? Parce que, dans l'avant-projet de loi, on n'est pas obligé de tous les donner. Donc, je vais être obligé de fouiller pour savoir s'il en prend d'autres en plus.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.

n (16 h 50) n

M. Fournier: Je n'ai pas beaucoup de temps puis j'ai quelques questions; mon collègue aussi va en poser. Vous en avez parlé tantôt un petit peu, je voudrais revenir là-dessus, sur la capacité, vous dites, dans le tout ou rien en termes de... On joue le jeu du résumé ou on ne joue pas le jeu. On a soulevé la question notamment avec le Barreau la semaine dernière. Quelle est votre appréciation de la situation suivante? Prenez un exemple. Quelqu'un vous arrive avec sa carte, vous voyez son résumé, et sur le résumé vous voyez, bon ? je ne sais pas comment ça va être appelé, là ? «mention manquante», ou «restriction», ou je ne sais pas trop, là. Ça, ça va être les cas où le patient va avoir choisi d'omettre certains renseignements qui, par ailleurs, seraient là, mais, bon, il a magasiné. Parce que, dans l'avant-projet de loi, il est possible de magasiner ce qu'on met dedans et ce qu'on ne met pas. Quel va être votre comportement à cet égard-là?

Parce que, jusqu'à un certain point, lorsqu'on parle de responsabilité professionnelle, le professionnel qui voit cette mention-là, il peut se faire une idée à partir du résumé qui comporte cette mention-là sans s'enquérir de ce qu'elle cache, auquel cas peut-être qu'on pourrait lui dire: Tu aurais dû vérifier ce que ça cachait, et auquel cas le résumé ne sert plus à grand-chose, ou bien il court après l'information, puis auquel cas ça ne donne pas grand-chose de dire qu'on peut magasiner, et je ne sais pas si le résumé est encore valable. Mais en termes de responsabilité professionnelle, voyez-vous un problème à cause de cette mention manquante qui apparaîtrait?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Lambert.

Mme Lambert (Manon): Bien, écoutez, j'avoue qu'on n'a pas réfléchi à la question légale de façon aussi pointue que ça, mais c'est clair que pour nous, dans la mesure où... Le réflexe professionnel, dans la mesure où il y a une mention manquante, va être d'essayer de la connaître et de la savoir, parce que ça peut avoir un impact. En pharmacie, si on cache toute la médication, par exemple, d'un patient qui est atteint de sida, je veux dire, il nous manque la moitié des médicaments des patients puis des médicaments d'interaction et tout ça. Donc, le réflexe va probablement d'être à la recherche, puis, encore là, ça veut dire que, à cet effet-là, la carte ne nous donnera pas grand-chose, là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Je vais aussi aborder la question de la finalité que le ministre a abordée avec vous. Ce sera ma dernière question. Mon collègue pourra en poser une par la suite. «Le principe de finalité de l'utilisation des renseignements doit être introduit au projet de loi de façon à guider d'éventuelles modifications aux catégories de renseignements et aux catégories de personnes pouvant y accéder.» Le but ? et j'ai entendu ce que vous avez dit tantôt ? c'est pour régler ou réglementer ou éviter l'accès indû. Dites-moi en quoi le fait qu'on indique la finalité va empêcher, restreindre l'accès indû, l'accès indû étant par définition un accès pas supposé, là, pas correct?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Lambert.

Mme Lambert (Manon): Du point de vue de qui? C'est peut-être la question qu'il faut se poser. Donc, le fait d'avoir des critères va peut-être permettre de guider éventuellement des débats. Si on a déjà décidé et donné l'esprit de qui on voulait, qui devait accéder, à quoi il devait accéder, ça donne déjà l'esprit, et ça nous donne davantage d'indications sur le but final du projet. Et donc dans cinq ans, dans 10 ans. On a parlé de pérennité de données, et c'est cette perspective-là qu'il faut adopter dans le dossier de carte santé, c'est que les informations peuvent durer longtemps. Or, dans cinq ans, dans 10 ans, dans 15 ans, qui va être le gouvernement? On ne sait pas, donc il faut s'assurer que les intentions du législateur, de façon initiale, soient claires dans le temps. Et, si on voulait que ces données-là ne servent effectivement que les professionnels de la santé et qu'on assure une meilleure information, bien, je pense qu'il faut le dire clairement. Il faut le dire clairement dans le projet de loi pour que, dans 10 ou 15 ans, quand on sera tenté de faire une modification législative, on saura quelle a été l'intention initiale du législateur.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il vous reste trois minutes, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais peut-être renchérir sur la question de mon collègue député de Châteauguay. À la

page 8 de votre mémoire. Et j'emploie le même terme qu'a utilisé tout à l'heure le ministre délégué. C'est vrai peut-être qu'un parlementaire, le législateur ne parle pas pour rien dire. Mais je présume que l'Association ne parle pas pour rien dire non plus.

À la page 6 de votre mémoire, vous parlez des données convoitées, qu'il y a un marché pour les renseignements dénominalisés. J'ai bien saisi la différence. Vous parlez également que ces données sont «d'une exactitude et d'une précision déconcertantes». Puis à la fin vous dites: «Or, le projet de loi propose la création d'un mégafichier, centralisé [...] ? et ainsi de suite. On comprendra aisément qu'une telle façon de faire est de nature à attiser la convoitise des revendeurs de renseignements!»

Vous avez sûrement des pressentiments de quelque chose, là. Vous avez peur de quelque chose. Et j'imagine que si vous avez peur de quelque chose, vous avez trouvé que le projet de loi ne va pas assez loin pour attiser vos craintes. J'aimerais vous entendre là-dessus un peu plus.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fortier.

M. Fortier (Charles): L'expérience actuelle nous démontre qu'une compagnie pharmaceutique peut savoir le nombre de médicaments vendus dans telle région et pour quelle indication. Ils peuvent savoir, à l'hôpital où, moi, je travaille, quel est l'inhibiteur. Je veux dire, n'importe quel médicament, il y a des inhibiteurs GP2B3A qu'on utilise, et combien de cas j'ai eus, et le nombre de patients qu'on a reçus, etc. Et déjà les banques de données sont disparates. Quand il va y avoir juste une banque de données... Ça nous inquiète. On pense que le marché des revendeurs... Je ne sais pas si ça va être plus facile pour eux, mais quand ils vont avoir accès à la banque, ils vont en avoir, de l'information. Et c'est ça qui nous inquiète.

M. Copeman: O.K.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, une dernière courte question, une minute et demie.

M. Copeman: Mais vous avez entendu le ministre dire que c'est sûr qu'on va utiliser les données uniquement à des fins thérapeutiques. Vous n'avez pas l'air d'être trop rassurés par ça, là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fortier

M. Fortier (Charles): Non, mais on parle ici des revendeurs, on ne parle pas... C'est de ça qu'on parle: les gens qui réussissent à entrer dans les systèmes et à aller chercher des données. C'est ça qui nous inquiète. Parce que, là, ils vont avoir une seule banque de données à entrer. C'est une inquiétude que nous avons.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Oui, vous avez une courte question, monsieur?

M. Bertrand (Portneuf): Il me reste trois minutes, je pense?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, c'est ça, il vous restait trois minutes, effectivement. Alors, M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Bien, je continuerais un peu sur cette piste-là, si vous permettez. Je veux dire, que dans le secteur privé il se fasse des choses qui vous inquiètent, je veux dire, ce n'est pas en soi une justification pour dire que dans le secteur public on se comporterait de façon irresponsable. Non, non, mais est-ce que j'ai mal compris?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fortier.

M. Fortier (Charles): Oui, vous avez mal compris.

M. Bertrand (Portneuf): O.K.

M. Fortier (Charles): Nous n'avons jamais dit ça. Nous avons des inquiétudes. Nous le voyons dans le secteur privé et nous avons des inquiétudes. On n'accuse personne de rien, là, on a des inquiétudes. Vous pouvez nous rassurer, ça va nous faire plaisir, M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Bien, c'est ce qu'on essaie de faire. En même temps, j'enregistre effectivement vos inquiétudes, puis je trouve qu'il est tout à fait légitime de les exprimer. Mais je ne voudrais pas non plus que ça soit reçu ou entendu ou exprimé, disons, comme un genre de procès d'intention. Vous me dites que ce n'est pas ça, parfait.

Un autre aspect qui nous surprend un peu, c'est quand vous dites: L'Association est d'avis qu'aucune loi ? en tout cas, c'est essentiellement ce que vous dites ? qu'aucune loi n'est à l'abri d'amendements législatifs futurs. Mais bien sûr! Bien sûr! Nous ne légiférons jamais de façon... pour l'éternité. Je veux dire, la société change, la réalité change et on doit adapter nos lois. Donc, je comprends que, encore là, c'est une préoccupation que vous nous manifestez sans nécessairement manifester à l'égard des législateurs quelque mauvaise intention que ce soit. Je veux qu'on soit clair là-dessus, là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fortier. Vous êtes d'accord? Parfait. Alors, je vous remercie, M. Fortier, Mme Vaillant et Mme Lambert, merci d'avoir participé à cette commission. Et je suspends les travaux pour quelques minutes, le temps de permettre aux représentants de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 58)

 

(Reprise à 16 h 59)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, la commission va donc reprendre ses travaux. Je voudrais souhaiter la bienvenue à l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires. M. Gagnon, vous êtes le président. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, que par la suite deux périodes de 20 minutes vous sont allouées pour échange avec les deux groupes parlementaires. Avant, je vous demanderais, si possible, de nous présenter les gens qui vous accompagnent.

Association québécoise des pharmaciens
propriétaires (AQPP)

M. Gagnon (Claude): Mme la Présidente, M. le ministre, députés membres de la commission, au nom de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, je tiens tout d'abord à remercier la commission des affaires sociales de nous donner l'occasion de nous exprimer dans le cadre de la présente consultation. Permettez-moi tout d'abord de vous présenter les gens qui m'accompagnent cet après-midi: à ma droite, M. Normand Cadieux, directeur général de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, et, à ma gauche, M. Daniel Larouche, économiste et conseiller de l'Association.

n(17 heures)n

Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais faire trois courtes remarques préliminaires que je crois utiles à la compréhension de mon propos. D'abord, sur le sujet de vos travaux, d'autres avant moi vous l'ont déjà dit, mais l'enjeu véritable de vos travaux, c'est l'information. Les soins de santé sont une industrie du savoir. L'information est la matière première principale de cette industrie. Les progrès accomplis par les technologies de l'information depuis une génération peuvent constituer un formidable levier d'efficacité pour les soins de santé. Je pense à l'efficacité thérapeutique aussi bien qu'à l'efficacité économique. La carte santé n'est donc pas une fin mais un moyen. L'objet véritable est la gestion et l'utilisation de l'information, que celle-ci soit centralisée ou mise en réseau. C'est ce qui doit guider toute réflexion sur l'utilisation des technologies de l'information en matière de soins de santé.

Deuxième remarque préliminaire. Depuis plus de 25 ans, les pharmaciens propriétaires du Québec sont à l'avant-garde de l'utilisation des technologies de l'information, si bien que je crois justifié de dire qu'aujourd'hui la pharmacie québécoise intègre les technologies de l'information à sa pratique et à sa gestion davantage que les autres professions de la santé. Il y a déjà longtemps que tous nos dossiers patients sont entièrement sur support informatique, que nous avons recours à des outils informatiques pour nous alerter aux possibilités d'interaction médicamenteuse ou à certains occurrences d'infidélité au traitement. Depuis déjà cinq ans, nous fonctionnons en mode interactif avec la Régie de l'assurance maladie du Québec et avec plusieurs autres tiers-payeurs.

Troisième remarque préliminaire. L'AQPP constate que l'avant-projet de loi laisse au gouvernement un très large pouvoir de réglementer. Ce pouvoir semble suffisamment vaste pour que le gouvernement puisse changer la portée fondamentale de ce projet de loi sans retourner à l'Assemblée nationale. L'article 50 du projet, qui concerne le contenu du résumé, fournit un bel exemple de la portée de ce pouvoir. Malgré l'énumération qui se trouve à cet article, le gouvernement conserve à toutes fins utiles la capacité de déterminer, par voie de règlement, le contenu du résumé, pourtant un aspect fondamental du projet. C'est pourquoi nos remarques ne portent pas tellement sur des articles spécifiques de l'avant-projet de loi, mais sur les orientations générales qui s'en dégagent.

A priori, l'AQPP est favorable à ce que l'information pertinente sur l'état de santé des patients soit rendue disponible aux soignants dans la mesure où la confidentialité des renseignements est assurée. Nous souhaitons aujourd'hui faire le point sur les conditions qui, à notre avis, sont essentielles à la réalisation d'un tel projet s'il doit voir le jour. De l'avis de l'AQPP, le projet de carte santé doit voir le jour si seulement, si et seulement s'il satisfait à trois ordres de conditions: premièrement, les conditions d'utilité; deuxièmement, les conditions d'acceptabilité; et, troisièmement, les conditions de succès. Le projet de carte santé ne doit être entrepris que si nous avons l'assurance que les conditions des trois ordres seront satisfaites. Je les aborde tour à tour.

D'abord, les conditions d'utilité. La carte santé se réclame de deux missions: une mission administrative et une mission clinique. La première repose essentiellement sur une meilleure identification des assurés et de la couverture à laquelle ils ont droit. La mission clinique, pour sa part, repose sur la mise à la disposition des soignants d'une information fiable sur l'historique diagnostique et thérapeutique de chacun des patients. Une carte santé limitée à sa mission administrative ne serait à toutes fins utiles qu'une carte d'assurance maladie plus. Si tel était le projet du gouvernement, nous n'aurions pas besoin d'être ici aujourd'hui.

C'est la mission clinique de la carte santé qui constitue sa véritable innovation. Cette mission est la plus porteuse mais aussi la plus sensible. Une telle base présente des avantages indéniables. Le soignant saisit mieux et plus rapidement la situation clinique du patient. Elle évite de dédoubler des services déjà rendus, notamment des tests diagnostiques. Elle permet un partage d'information efficace entre plusieurs professionnels de la santé et favorise une meilleure approche multidisciplinaire. Théoriquement, la carte santé a un impact positif non seulement sur les coûts de santé, mais sur la qualité des soins.

Pour passer de la théorie à la pratique cependant la carte santé doit avoir un impact sur le comportement des soignants et des patients: ils doivent l'utiliser. L'AQPP pense qu'en cette matière il n'y aura pas de demi-succès: ou bien les patients et les soignants y auront massivement recours, et l'innovation produira des bénéfices, ou bien ce ne sera pas le cas, et tout cet exercice sera inutile. Les soignants n'utiliseront le résumé des renseignements de santé que s'ils sont assurés d'y trouver une information fiable et complète. Quant aux assurés, ils ne seront disposés à en autoriser l'usage que s'ils ont la garantie que l'information sera utilisée exclusivement à des fins de soins. À défaut, les soignants se replieront sur leurs sources d'information traditionnelles, et les assurés refuseront d'y adhérer.

L'AQPP considère que l'avant-projet de loi donne énormément de discrétion aux assurés quant au contenu de leur résumé. Nous comprenons le souci du législateur de respecter la liberté des assurés et de leur permettre de protéger leur vie privée comme ils l'entendent, mais cette protection doit être assurée par le contrôle de l'accès au résumé non par le contrôle de son contenu. L'idée ne viendrait à personne de permettre à un patient de déterminer le contenu de son dossier patient à l'hôpital, chez son médecin ou à la pharmacie, même s'ils ont un caractère très sensible et hautement confidentiel. Il doit en être de même du résumé: il doit contenir tous les renseignements pertinents.

Il nous apparaît donc essentiel de ne pas laisser le contenu du résumé à la discrétion des patients. En revanche, pour protéger le caractère libre et non discriminatoire du résumé, l'AQPP est d'avis que la possibilité pour un assuré de n'avoir aucun résumé peut être maintenue.

Par ailleurs, malgré le caractère encore extrêmement vague et discrétionnaire de l'avant-projet de loi quant au contenu du résumé de santé, il appert déjà insatisfaisant du point de vue des pharmaciens. Si le résumé de santé veut aider les pharmaciens à améliorer l'efficacité de leurs interventions, son contenu devra être bonifié. Les pharmaciens communautaires considèrent que leurs interventions pourraient être grandement améliorées s'ils avaient accès, dans leur pratique, à l'information suivante: d'abord, l'intention thérapeutique qui sous-tend le choix d'un médicament prescrit ? actuellement, l'ignorance de cette donnée limite la capacité d'intervention du pharmacien; deuxièmement, les résultats de certains tests diagnostiques nécessaires pour l'établissement des doses de médicaments suivant des protocoles bien établis; troisièmement, les informations pertinentes sur l'hospitalisation d'un patient due à l'usage d'un médicament; quatrièmement, les médicaments consommés par un patient lors de son hospitalisation. Alors, ni l'intention thérapeutique ni les mentions d'admission à l'hôpital en rapport avec la prise de médicament ne sont prévues à cet avant-projet de loi. Il s'agit d'une belle occasion manquée de donner aux pharmaciens les moyens d'accroître la qualité et la pertinence de sa contribution au traitement.

Bref, si les soignants n'ont pas l'assurance de trouver au résumé la totalité des informations prévues, celui-ci sera vite traité comme un irritant administratif de plus. L'idée même d'information accessible sera à mettre aux oubliettes pour au moins une génération. Le mieux n'est pas ici l'ennemi du bien, il en est une condition essentielle. Si le volet clinique du projet de carte santé était inadéquat, l'AQPP considère qu'il est inapproprié de déployer tant d'efforts et d'investir tant d'argent dans le seul but d'implanter le volet administratif, soit une carte d'identification plus perfectionnée que l'actuelle carte d'assurance-maladie.

Passons maintenant aux conditions d'acceptabilité. L'implantation d'une carte santé aura des répercussions sur tous les soignants. Pour que le projet soit couronné de succès, ces répercussions doivent être acceptables. Le projet de carte santé aurait trois types de répercussions sur l'exercice de la pharmacie communautaire, à savoir des répercussions sur la responsabilité professionnelle du pharmacien, des répercussions sur les opérations de l'officine et, enfin, la carte santé entraînerait des coûts d'implantation pour le pharmacien communautaire. La responsabilité professionnelle du pharmacien et des autres soignants nous apparaît comme un enjeu important du projet, mais dont on n'a pas beaucoup parlé. Il sera essentiel de faire un examen minutieux des implications de l'utilisation professionnelle du résumé de santé sur le plan des responsabilités professionnelles des soignants. Le cas échéant, il faudra peut-être amender certaines lois professionnelles.

Voyons maintenant les répercussions sur les opérations. À cet égard, l'exercice de la pharmacie en pratique privée diffère de celle de la plupart des autres soignants. La nature du service rendu et la technologie déjà en place doivent être prises en considération dans l'implantation de ce projet. La mise en place du régime général d'assurance médicaments, en 1997, nous a laissé un très mauvais souvenir. Alors qu'ils avaient déjà des systèmes en place, les pharmaciens ont dû investir plusieurs millions de dollars pour adapter la technologie aux besoins de la RAMQ. Ils ont en outre été submergés de tâches administratives, et une bonne partie du fardeau administratif additionnel s'est avéré permanent. Nous le supportons encore.

n(17 h 10)n

Cet épisode nous rend perplexes face à l'éventuelle implantation d'une carte santé. Nous craignons une répétition de ce scénario. Il est essentiel pour nous que l'éventuelle implantation d'une carte santé se fasse en tenant compte des systèmes déjà en place en pharmacie et évite absolument d'ajouter au fardeau administratif du pharmacien. En période de pénurie de main-d'oeuvre en pharmacie, il nous est impossible d'absorber un fardeau administratif supplémentaire sans que cela ait des répercussions négatives sur la qualité de notre service en pharmacie. Or, l'objet premier de la carte santé doit être d'améliorer le service.

J'aimerais, par ailleurs, attirer votre attention sur deux aspects particuliers de la pratique en pharmacie communautaire, qui ne nous semblent pas prévus par l'avant-projet de loi. D'une part, la prestation des services pharmaceutiques s'effectue typiquement en équipe, impliquant plusieurs personnes en peu de temps. Il est essentiel que l'habilitation des soignants puisse être adaptée pour tenir compte de ce fait, sinon la lourdeur du processus aura des répercussions désastreuses sur l'efficacité de notre travail en officine.

En deuxième lieu, les renouvellements d'ordonnances sont souvent effectués par téléphone ou par une tierce personne, notamment dans le cas des personnes à mobilité réduite. L'avant-projet de loi ne semble pas prévoir de mécanisme en pareils cas. Un tel mécanisme est une condition d'acceptabilité non seulement pour les pharmaciens, mais davantage encore pour une portion croissante de la population québécoise qui reçoivent leurs services à domicile.

Quelques mots maintenant sur les coûts d'implantation de la carte santé. Nous comprenons que l'estimation de 150 millions de dollars ne tient compte que des coûts internes à la RAMQ. Elle ignore les coûts assumés par les autres partenaires du système, à commencer par les professionnels de la santé. En fait, personne ne semble s'être préoccupé de déterminer quel sera le coût total de l'opération du projet de carte santé.

En marge de l'entrée en vigueur du régime général d'assurance médicaments le 1er janvier 1997, les pharmaciens ont dû assumer des coûts additionnels de plusieurs millions de dollars pour adapter leur matériel et leur système d'information aux nouvelles exigences de la RAMQ. Si le projet de carte santé devait se concrétiser, il ne saurait être question pour aucune considération qu'un seul pharmacien propriétaire du Québec encoure des coûts supplémentaires reliés à ce projet à moins d'être complètement dédommagé par la RAMQ.

Troisième ordre de conditions, les conditions du succès de l'implantation. Si le projet carte santé passe les tests de l'utilité et de l'acceptabilité, sa stratégie d'implantation fera la différence entre la réussite et l'échec.

Il nous apparaît essentiel de procéder en trois étapes, soit: une première phase d'accès à la technologie nécessaire et le déploiement de la carte santé comme carte d'assurance maladie améliorée sans que la carte d'habilitation intervienne à cette étape; la réalisation d'un véritable projet-pilote incluant la mission clinique; la mise en place à l'échelle du Québec du projet de carte santé dans son ensemble. Nous considérons que ces étapes ne peuvent être prises isolément, elles constituent un tout.

Pour ce faire, il faudra tout d'abord rendre la technologie accessible à tous. Parallèlement à la mise en réseau de l'ensemble des professionnels, un projet-pilote d'envergure doit être réalisé afin de vérifier tous les aspects du projet. Il ne faut pas simplement tester des systèmes, il faut voir comment les humains soignants et soignés les intègrent à leur vie, car ce sont les humains et pas les systèmes qui feront le succès ou l'échec de la carte santé.

Enfin, une fois le projet-pilote conclu, les irritants corrigés, les avantages confirmés, une vaste campagne d'information devra être amorcée afin de démontrer les avantages de cette nouvelle technologie tant sur le plan administratif que clinique. Le déploiement de la carte santé à l'échelle du Québec pourra alors être entrepris tout en continuant d'être supporté par une campagne d'information.

Mme la Présidente, en guise de conclusion, je voudrais résumer mon propos en quelques mots. Un, l'AQPP est persuadée qu'il faut rendre l'information accessible aux soignants. Les impératifs thérapeutiques et économiques militent tous deux dans cette direction. Deux, le changement envisagé par le gouvernement n'est pas principalement technologique, il vise le comportement et les habitudes des soignants et des patients. Pour cette raison, il doit être conçu et implanté avec beaucoup de soin, à défaut de quoi il tournera à vide. Trois, le projet ne se justifie que s'il satisfait à trois ordres de conditions, à savoir les conditions d'utilité, les conditions d'acceptabilité et des conditions de succès. Nous croyons qu'en son état actuel l'avant-projet de loi ne satisfait à aucune. Si le projet n'est pas modifié pour satisfaire à ces trois ordres de conditions, nous sommes persuadés que le projet est voué à l'échec et nous exhortons le gouvernement à ne pas y gaspiller les ressources collectives dont il est le fiduciaire. Nous n'avons pas l'intention de gaspiller les nôtres. En revanche, s'il est modifié pour répondre à ces trois ordres de conditions, le gouvernement peut compter sur la collaboration pleine et entière des pharmaciens propriétaires.

Je vous remercie. Mes collègues et moi sommes à votre disposition.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Gagnon. Nous allons donc passer à la période d'échange. M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Merci, Mme la Présidente. J'aimerais donc remercier pour leur présentation les représentants de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires. M. Gagnon, merci pour votre présentation. Merci d'être là également, M. Larouche et M. Cadieux.

Moi, en tout cas, je suis particulièrement heureux, là, de la compréhension qui se dégage de votre présentation quant à, au fond, l'utilité ou l'importance que je qualifierais peut-être de cruciale, là, des objectifs du projet en ce qui regarde son volet clinique. En ce qui regarde... Je vais y aller dans une question un peu pointue dans un premier temps. Concernant l'identification des usagers dans le réseau, vous reconnaissez le besoin d'un identifiant unique pour chaque usager, là, si je comprends bien. Est-ce que des moyens comme l'adoption du numéro d'assurance maladie, la carte santé puis les services d'identification tel qu'on les utilisent, là, permettent de répondre à ce besoin-là, d'un identifiant unique? Est-ce que des outils à notre disposition permettent de le faire adéquatement actuellement?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gagnon.

M. Gagnon (Claude): En ce qui nous concerne, disons que ce n'est peut-être pas notre volet d'identification. Nous, notre qualité, notre compétence n'est peut-être pas de valider si c'est vrai ou pas vrai, là. Il y a une chose qui est sûre, c'est que l'outil actuel que nous possédons, qui a la photo et qui a le numéro, est un outil suffisamment, actuellement, valide pour confirmer ça. La seule problématique qu'il y a, c'est dans la pratique courante de tous les jours, c'est que la photo n'est pas toujours regardée et que la personne qui a la carte ? je pense qu'on l'a vu dans les hôpitaux assez régulièrement ? n'est pas nécessairement le détenteur de la carte. Donc, est-ce qu'il y a d'autres moyens pour satisfaire à ça? Je pense que l'arrivée de la carte avec microprocesseur ou qui va donner un valideur, autrement dit, qui va faire comme une carte de banque où tu valides le numéro, fait en sorte que l'individu qui est propriétaire de la carte devrait être celui qui va utiliser le service. Si c'est ça que vous voulez me demander, oui, effectivement, ce serait plus concret. Aujourd'hui...

M. Bertrand (Portneuf): ...l'expérience que vous avez déjà, là, sur le terrain.

M. Gagnon (Claude): L'expérience qu'on a actuellement, nous, on n'en n'a pas vraiment connaissance, parce que, en pharmacie, c'est plus difficile pour quelqu'un de venir avec la carte d'un autre puis de faire un service au nom d'un autre pour lui-même, parce qu'on connaît nos clientèles de près. Mais, quand quelqu'un arrive dans un hôpital où que c'est tous des inconnus, où personne connaît personne, la carte qui est là, le patient qui est là, c'est-u le bon, ce n'est-u pas le bon? C'est la carte qui fait foi de l'information. Chez nous, c'est un environnement un petit peu différent. Il y a beaucoup d'intervenants, il y a beaucoup de gens qui connaissent les personnes du milieu, c'est plus difficile.

M. Bertrand (Portneuf): Même dans les grands centres urbains?

M. Gagnon (Claude): Je dirais même dans les grands centres urbains, parce que, évidemment, il y a peut-être des types de clientèles qui sont moins connues que d'autres, mais, en général, les gens sont fidèles à leur pharmacie et ils reviennent régulièrement. Il est clair que, si quelqu'un vient chez moi pour la première fois, qu'il me présente une carte, je ne serai pas certain que c'est la bonne carte, mais, à force de le voir revenir, je vais savoir que c'est le bon. C'est tout ce que je peux vous donner comme information. C'est tout.

M. Bertrand (Portneuf): ...que c'est le même qui revient. Ha, ha, ha!

M. Gagnon (Claude): Surtout.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): O.K. Je note la confiance ? je pense que je peux appeler ça de même, là ? que vous portez à l'égard de la RAMQ comme une entité capable d'assurer la garde des résumés de renseignements de santé dans le respect... selon les règles de l'art de la vie privée. Bon. Vous êtes déjà directement impliqué au quotidien par des opérations, vous l'avez mentionné, d'envergure, là, la communication de l'information sensible... La question des résumés de renseignements de santé par la RAMQ, est-ce que ça vous apparaît une solution vraiment, je ne dirais pas idéale, là, mais suffisamment sécuritaire compte tenu de votre expérience pour effectivement pouvoir s'appuyer sur un organisme? Oubliez que les gens de la RAMQ sont ici, là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gagnon.

M. Gagnon (Claude): J'ai pas de problème à savoir qu'ils sont là. Nous, en ce qui nous concerne, depuis les années qu'on travaille avec la RAMQ, je pense qu'il n'y a jamais eu de problème de confidentialité ni d'interventionnisme de la part de la Régie sur la qualité de la façon dont procédaient les professionnels. Donc, en ce qui concerne les pharmaciens propriétaires, cet interventionnisme-là ne nous fait pas peur. Évidemment, si la Régie était gardien de l'information sans avoir un comité supérieur à elle, indépendant, pour nous, c'est essentiel, le contenu du comité, les gens qui vont le former et les élus qui... ceux qui auront les fonctions de président de ce comité-là, les tâches plus, je dirais, directionnelles de ce comité-là, devraient être indépendants du gouvernement et nommés par les gens qui représentent l'ensemble des participants à ce comité. Nous croyons qu'il y aura assez, disons, d'autonomie pour valider si la Régie applique et respecte les normes et les règlements de la loi qui ont été votés.

n(17 h 20)n

M. Bertrand (Portneuf): ...exactement.

M. Gagnon (Claude): C'est-à-dire que, actuellement, le comité de surveillance devrait être nommé par... Bon, les pairs de chacune des professions intervenant ou des corps professionnels qui vont avoir à travailler avec la Régie vont être nommés par des représentants de chacune des corporations, ou des ordres professionnels, ou selon le mandataire, mais le président, selon le projet de loi actuel, du comité de surveillance, et, je pense, une autre personne du comité, doit être nommé par le ministère. Nous, nous sommes contre ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): O.K. Je comprends. En ce qui regarde l'ajout d'un certain nombre de renseignements au résumé, notamment votre suggestion quant à l'identification thérapeutique, donc je comprends qu'avec l'ajout de certains de ces renseignements... D'après ce que j'en comprends, là, le contenu suggéré dans l'avant-projet de loi vous serait, vous semblerait adéquat dans l'ensemble. Bon. Le Collège des médecins, lui, nous dit que les médecins accepteraient de la communiquer sur les ordonnances. L'Ordre des pharmaciens nous dit, de son côté, ou nous propose ou propose que les pharmaciens l'inscrivent à leurs dossiers patients. Êtes-vous d'accord avec ça?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Gagnon.

M. Gagnon (Claude): Pour avoir écouté les gens de l'APES qui nous ont précédé, si on veut, je dirais, augmenter le risque d'erreurs d'entrées de données d'information, c'est: plus il y a de gens qui manipulent les entrées de données, plus il y a de risque de dédoublement, mais les risques... dans le dédoublement d'information, on en crée une mauvaise. Moi, je pense que le médecin, lorsqu'il rentre une intention thérapeutique dans le dossier du patient, que la mémoire est gardée, que l'accessibilité de cette information-là soit donnée aux professionnels. Si elle est écrite sur une feuille, si on fonctionne avec des codes, s'il y a des erreurs de codes, il y a des erreurs potentielles qui sont plus grandes, et je pense qu'on travaille à faire des duplications de manipulation. Le but de l'informatisation et de la libre circulation de l'information, avec des contrôles, évidemment, en fonction de la confidentialité, c'est de diminuer les actes d'entrées de pitonnage puis de travail inutile, que j'appellerais, clérical, pour faciliter le travail des intervenants. Là, ce qu'on fait, c'est qu'on alourdit cette tâche-là. Alors, je ne pense pas qu'on facilite les choses.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, alors, M. Cadieux, vous vouliez ajouter?

M. Cadieux (Normand): Peut-être pour compléter la réponse du président, là, évidemment, idéalement, si c'est fait électroniquement, c'est plus simple, c'est plus rapide. Mais, par contre, s'il y a d'autres méthodes qui peuvent assurer que l'information soit là, surtout sur l'intention thérapeutique, je ne pense pas que les pharmaciens propriétaires auraient un problème à ce que le médecin lui-même inscrive sur l'ordonnance l'intention, son intention thérapeutique. Idéalement, si ça vient électroniquement, pour nous qui sommes habitués à travailler comme ça, c'est préférable, mais, si c'est inscrit sur l'ordonnance, aucun problème.

M. Bertrand (Portneuf): O.K. Je comprends.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Oui, Mme la Présidente. Peut-être un dernier point pour l'instant, là, quitte à ce que j'y revienne ultérieurement, c'est vos affirmations, ou enfin selon vos inquiétudes, du moins, ce que vous exprimez, là, en ce qui regarde la responsabilité, hein? Vous parlez donc ou, en tout cas, vous craignez que la responsabilité des intervenants puisse être modifiée éventuellement. J'aimerais ça que vous m'expliquiez davantage la source de vos inquiétudes et de quelle manière il vous apparaîtrait possible de baliser ça davantage, si nécessaire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gagnon.

M. Gagnon (Claude): Est-ce que je peux laisser répondre M. Cadieux? Je pense que...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. Alors, M. Cadieux.

M. Cadieux (Normand): Oui, les préoccupations sont des préoccupations d'ordre plus général, hein? C'est sûr qu'avec le projet qui est devant nous, avec la carte Accès santé, là, les pharmaciens, comme professionnels de la santé, auraient des informations à inscrire aux dossiers. Ils pourraient, en vertu d'un article, je pense que c'est le 59 aussi, décider pour certaines raisons de ne pas inscrire des informations. Il y a d'autres situations, où, par exemple, si le pharmacien a à traiter avec l'information qui est au dossier patient et que cette information-là s'avérait incorrecte ou si elle était en conflit avec l'information que lui-même a à son propre dossier, parce qu'on comprend aussi qu'il va travailler avec son dossier à lui et que chaque professionnel va faire ça, si, donc, s'il y a des informations, et qu'il agit en vertu de ces informations-là, et qu'il y a des erreurs, ou qu'il prend une mauvaise décision, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faudrait peut-être regarder quel impact ça aura sur la responsabilité professionnelle. Il faudra faire l'analyse de cet aspect-là. On n'a pas une inquiétude démesurée, là, mais on pense qu'on doit se pencher sur la question et faire une évaluation de l'impact de façon générale sur les responsabilités professionnelles.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ça va? Je vous remercie. M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Je n'interviens que pour vous féliciter de votre nouvelle arrivée comme vice-présidente à notre commission. C'est notre nouvelle vice-présidente. Vous l'étrennez. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je suis très contente de me joindre à vous pour ces discussions fort intéressantes.

M. Fournier: Il va y en avoir plusieurs comme ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mais là vous perdez votre temps, là, monsieur, parce que...

M. Fournier: Et je vous salue, et ma collègue de Laviolette va...

Une voix: ...

M. Fournier: Ha, ha, ha! Oui, c'est ça. Ma collègue de Laviolette va suivre.

Mme Boulet: O.K. Alors, je suis bien heureuse de vous accueillir, messieurs de l'Association des pharmaciens propriétaires. J'ai lu votre mémoire avec beaucoup d'intérêt et je m'y retrouvais abondamment dans le résumé.

M. le ministre semblait dire que ça avait l'air à être bien, que ça allait dans le bon sens, qu'il était heureux de voir ça. Moi, à la lecture, ou en tout cas ce que j'en ai compris, vous me direz si je me trompe, mais vous avez énormément d'inquiétude par rapport au projet de la carte à microprocesseur: au niveau du coût; au niveau de l'application; par rapport au travail des pharmaciens ? le fait qu'on ait une pénurie, le fait que les médicaments d'un patient, bon, des fois il peut avoir plusieurs indications thérapeutiques pour le même médicament, alors ça peut apporter des confusions, même, au lieu d'éclairer des fois ça peut être encore plus mêlant qu'autre chose; le fait également que les patients ne se présentent pas toujours à la pharmacie, comment on va gérer la carte; aussi au niveau du support informatique, comment on va faire, parce qu'on sait que déjà les pharmaciens sont tous déjà informatisés, est-ce que ça va s'arrimer, tout ça; au niveau du comité de surveillance qui serait nommé par la Régie et non indépendant, ce qui serait préférable selon nous également; au niveau de la confidentialité; au niveau de la responsabilité professionnelle.

En fait, tout ça, globalement, moi, ce que j'en comprends de votre mémoire, je pense que je vais dans la même vision que vous, vous avez beaucoup d'inquiétude et vous aimeriez que le gouvernement soit très prudent dans l'application de cette carte à microprocesseur. Alors, j'aimerais que vous me répondiez. Est-ce que j'ai bien lu? Est-ce que c'est bien ça qui en ressort?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Gagnon.

M. Gagnon (Claude): Effectivement, oui. Ce qui en ressort, c'est que, tel que l'avant-projet de loi est présenté, on a beaucoup... D'ailleurs, on dit qu'on a trois conditions qui sont essentielles, et pour nous, ça l'est. Et il y a des craintes. C'est que, si on va trop vite ou si on fait... Nous, on parle de faire le projet-pilote, de mettre... en fait, d'informatiser l'ensemble du réseau, premièrement, de le faire se parler. Vous savez, au Québec, on a dépensé des sommes d'argent énormes, chaque réseau étant indépendant, chaque hôpital ayant mis les systèmes informatiques sans savoir s'il pouvait parler à son voisin, et aujourd'hui on est pris dans un système où on voudrait que tous ces éléments-là se parlent. Il va falloir que ça se parle un jour. Donc, je pense que la première chose qu'il faut faire, c'est commencer à mettre en place l'informatisation elle-même, et, pour ce faire, on dit que la partie administrative est plus facile à mettre en place pour voir si tout va fonctionner.

Mais, en même temps, ce qui, nous, nous fait peur, c'est qu'on ne respecte pas l'environnement actuel, et c'est clair que, pour nous, on a mis à jour nos systèmes pour être capables de fonctionner en temps réel avec la Régie de l'assurance maladie en 1997, on ne voudrait pas revivre une autre mise à jour encore aux frais de nos confrères pour, encore une fois, répondre à un besoin du gouvernement, qui, lui, veut aller de l'avant dans un projet qui devrait être, je pense, bénéfique à la population, mais sans tenir compte des coûts globaux du système. Alors oui, ça, c'est des craintes que nous avons.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet: Merci. Le résumé, M. Gagnon, selon vous, là, moi, je pense qu'on ne peut pas laisser le choix aux gens d'inscrire ce qu'ils veulent, oui ou non, au résumé. Je ne sais pas si vous partagez mon opinion là-dessus, mais un résumé incomplet, c'est mieux que... je veux dire, on est mieux de ne rien avoir qu'un résumé incomplet. Il n'y a pas un médecin qui peut travailler à partir d'un résumé où il manque de l'information.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gagnon.

M. Gagnon (Claude): Bien, c'est exactement la position qu'on a et c'est pour ça qu'on a toujours débattu dans le même sens. C'est que, pour un professionnel de la santé, ce serait faire preuve de négligence, de travailler sur un dossier dont il sait pertinemment et consciemment qu'il est incomplet. Je veux bien croire qu'on peut dire: Vous allez avoir les médicaments, c'est déjà ça de pris, parce que les pharmacies l'ont, on peut le mettre dedans facilement. Mais au-delà du médicament... Et je pense qu'il ne faut jamais oublier que la machine ne remplace pas l'être humain, là, hein? La machine, c'est un outil qui est supposé faciliter le travail, c'est un facilitant pour l'être humain, qui a, lui, le devoir de continuer à avoir la relation avec le patient. Patient, professionnel, la relation va demeurer là et elle est importante, c'est essentiel. Mais, par contre, si, moi, j'arrive puis je veux utiliser un dossier, le contenu d'un dossier, et que le patient me donne l'autorisation d'y avoir accès... Parce que je ne pense pas que c'est le contenu qui est important, c'est l'autorisation des gens qui devront y avoir accès qui est importante, et c'est là que le patient contrôle sa confidentialité et le contenu de son dossier. Mais je pense que c'est dans l'intérêt du patient que le contenu soit complet et sécurisant. Si ça l'est pour le patient, ça l'est pour les intervenants.

n(17 h 30)n

Mais un dossier incomplet, moi, je suis convaincu que c'est voué à l'échec, personne ne va vouloir s'en servir. Et, à ce moment-là, qui va rentrer les données? Pourquoi il est incomplet? Moi, je vais décider si je mets quoi ou je ne mets pas quoi? Ça n'a pas de bon sens. Vous savez, quand on travaille avec de l'informatique, c'est un tout ou tu n'as rien, on apprend à travailler avec une méthode ou on n'apprend pas. Mais, s'il faut que de temps en temps je fasse ça puis que de temps en temps je fasse autre chose, je vais être obligé d'avoir un dossier papier qui va me suivre tout le temps qui va être plus complet que mon dossier informatique. C'est marcher à l'envers, ça.

Mme Boulet: Et, compte tenu que la...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée...

Mme Boulet: Excusez-moi, madame.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...de Laviolette.

Mme Boulet: O.K. Compte tenu que la majorité des patients vont toujours voir le même médecin ? je sais bien qu'en région les médecins voient leurs patients depuis cinq, 10, 15 puis 20 ans ? cette carte à microprocesseur là, elle ne servira pas pour ces gens-là. Finalement, elle ne va avoir une utilité thérapeutique que dans les cas... à l'urgence, des choses comme ça. Son utilisation ou en tout cas ce pour quoi on la met en place, là... L'utilité est très restreinte, selon moi. Dans la pratique courante de la profession, la majorité des médecins ne la prendront même pas, parce qu'ils connaissent les gens depuis belle lurette, là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gagnon.

M. Gagnon (Claude): Je pense que, avec... Écoutez, on a un réseau qui évolue, beaucoup de gens sont appelés de partir de régions pour aller dans les grands centres lorsqu'on parle de chirurgies plus majeures ou de spécialisations plus majeures. J'ai eu à le vivre. J'ai eu à le vivre à Montréal quand j'ai fait un infarctus et j'ai couru après mes dossiers. Si j'avais eu l'accessibilité à mes dossiers, évidemment, en rentrant à l'hôpital de Montréal, ils auraient eu l'information. Moi, je pense que, dans le domaine de la santé, d'avoir un accès rapide à l'information d'un patient, pour un professionnel, c'est vraiment quelque chose d'essentiel, et je pense que là-dessus, c'est un plus. Mais il faut que ça se fasse dans les règles de l'art, dans le respect des droits de la personne, et, évidemment, il y a des choses... Il ne faut pas aller trop vite là-dedans, il faut prendre le temps de le faire comme il faut.

Mme Boulet: O.K. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Oui. Merci, Mme la Présidente. À mon tour de vous souhaiter formellement la bienvenue. Je ne peux pas faire autrement que de prendre certains passages du mémoire ne serait-ce que pour insister parce que je pense que ce sont des choses très importantes. Ce n'est pas à vous que je vais le dire, justement, puisque vous êtes passé à travers une première opération il y a quelques années.

Vous posez la question des coûts: «Quel est le coût total de l'effort collectif global?» Et vous dites: «Nous constatons qu'aucune donnée n'est encore disponible quant aux coûts reliés au déploiement de cette technologie dans les pharmacies du Québec.» En fait, ce n'est pas la première fois que les gens soulèvent la question des coûts associés à l'implantation de l'idée véhiculée par cet avant-projet de loi. Ce que l'on sait, c'est que les coûts, ils ont été estimés, ils existent, ils sont dans le mémoire au Conseil des ministres, mais, malheureusement, on ne peut pas les voir. Alors, je fais juste concourir avec vous et peut-être profiter du fait que plusieurs en parlent pour insister auprès du ministre pour qu'il insiste auprès du ministre d'État pour faire en sorte que nous puissions avoir ces données-là. Il me semble que, dans un contexte de sous-financement de la santé, il me semble tout à fait normal qu'on puisse se dire: Est-ce que c'est la bonne chose à faire? Et ce n'est pas une donnée inimportante, cette chose-là. On parle de plusieurs centaines de millions de dollars, parce qu'on parle d'informatiser les hôpitaux, les laboratoires et autres. Alors, c'est une chose importante.

Par ailleurs, je tiens à souligner, parce que, ça aussi, c'est une question qui me semble mal étudiée par le gouvernement ou enfin... pas communiquée en tout cas. Vous dites: C'est beau, la mécanique, mais il va falloir voir comment l'humain réagit avec la mécanique. Et c'est essentiel. Et c'est toute cette question-là, qui va être soulevée d'ailleurs demain avec Pierrôt Péladeau qui soulève cette notion-là aussi, la question des besoins des donneurs de soins et par catégorie de donneurs de soins. On l'a vu ici, les urgentologues ont des besoins qui ne sont pas les besoins des généralistes. Puis les besoins des patients eux-mêmes sont différents. L'humain face à la mécanique n'agit pas pareil avec quelqu'un qui est à mobilité réduite ou... bon, vous-même, vous l'avez souligné. Et il semble, on aura l'occasion de vérifier ça plus à fond demain, mais il semble que cette étude des besoins n'a pas été faite, les besoins cliniques on s'entend. Les besoins administratifs, ça, ils sont abondamment documentés depuis bon nombre de temps. Mais ce qui est déficient dans cet avant-projet de loi, c'est qu'on ne s'est pas intéressé à l'utilisateur de ce renseignement, qu'est-ce qu'il en ferait, en quoi ça pourrait être utile. Tantôt, vous avez entendu des gens qui vous ont précédés qui disaient: Bien, pour moi, ce ne sera pas utile; l'autre après moi, peut-être, mais, moi, sur le coup, je n'utiliserai pas ça. Alors, j'insiste aussi sur cet aspect que vous avez mentionné de la place de l'humain dans la mécanique parce que je pense qu'il faut aussi se poser la question de la place de l'humain dans le système de santé, l'humain étant le donneur de soins et le patient... incidemment et à l'égard de cet avant-projet de loi, il me semble que ce soit omis. On a omis le principal. Je pense que c'est pour ça qu'on est un peu débalancé avec l'avant-projet de loi.

L'idée qu'il y ait une meilleure circulation de l'information, qui peut être contre ça? Mais qu'en feront ceux qui ont cette information-là? Et la question qui a été soulevée avant, que je veux vous poser, vous en avez parlé un petit peu, puis je vais y revenir... Nous découvrons petit à petit, et ça me fait un peu peur, je vais vous l'avouer, nous découvrons petit à petit, dans ce débat sur une meilleure circulation de l'information, qu'il pourrait peut-être y avoir préalablement une meilleure information et qu'on assiste, des fois, à des données qui ne sont pas conformes. On en a parlé tantôt à l'égard des allergies où les inscriptions ne sont pas toujours conformes. Et, vous-même, vous en parlez à l'égard de l'impact sur la responsabilité professionnelle où vous dites: Bien, il y a des cas ou ? à la page 15, là ? sans doute des situations où l'information contenue au résumé et celle du dossier patient en pharmacie pourraient être différentes ou même conflictuelles. Voulez-vous juste me donner un peu plus d'information sur ce que vous voyez en termes de conflit potentiel? L'avez-vous déjà vécu? Bien... de résumé, là, mais... de résumé, mais qu'est-ce qui vous amène à dire qu'on peut assister à des informations et des inscriptions qui sont conflictuelles?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gagnon.

M. Gagnon (Claude): Merci. Premièrement, ce n'est pas qu'on l'a vécu. Il peut y avoir des interprétations par rapport à ce qu'un patient te donne comme information. Parce que l'échange d'information est toujours entre le patient et le professionnel. Donc, évidemment, dépendant de ce qu'un patient interprète ou a compris dans le bureau du médecin, quand il arrive à la pharmacie, il va nous donner une version. Bon, il y a des cas où on doit écrire le pourquoi, il y a des cas où on n'écrit pas. Les allergies, c'est un bel exemple tout à l'heure, mais il faut faire attention. Le but d'avoir de l'information dans un résumé ne nous enlève pas la responsabilité de faire ce qu'on a à faire, donc le travail de base. On ne m'empêchera pas de questionner. Ça m'allume une lumière, exactement comme on le fait actuellement dans nos logiciels experts, c'est que, s'il y a une allergie, puis que je sais qu'elle est écrite, je vais peut-être aller un peu plus loin moi-même pour m'assurer que c'est bel et bien une allergie plutôt qu'une intolérance, ou vice versa. Donc, ça ne nous enlève pas le travail d'aller vérifier aux sources.

Je ne pense pas que le fait d'avoir de l'information dise: Bien, occupe-toi plus, pose-la plus, la question, ou intéresse-toi plus à ça, là. Je pense que ça me sensibilise à ça, et je dois continuer à faire mon travail. Mais, que, par exemple, moi, je pensais qu'un patient était traité pour telle pathologie parce que le médicament qu'il prenait, c'est un antidépresseur, mais non, c'est un antidouleur, mais il l'avait utilisé en phase I avant d'utiliser d'autres choses. Ça s'est déjà vu. Ça se voit. Alors, moi, si je l'avais su...

Quand j'arrive pour parler au patient, au premier abord, c'est gênant, mais tu dois dire: Est-ce que vous le prenez pour les douleurs ou si vous le prenez pour une dépression? Le patient, des fois, il dit: Je ne le sais pas. C'est bête, mais c'est vrai. Alors, comment je l'aborde, le traitement pour mon patient, moi? Ça fait que là je le questionne encore plus pour savoir pourquoi il est allé le voir puis je finis par conclure que c'est pour la douleur qu'il le lui a donné. O.K.? Donc, pour nous, c'est facilitant. Ça, c'est sauver du temps inutile parce que, si j'ai le diagnostic, évidemment je vais agir différemment et je ne lui ferai pas peur. Si je lui pose une question comme celle-là, en général: Je n'en veux pas, je ne veux pas d'antidépresseur, moi, c'est une douleur que j'ai. Alors, il faut que je reprenne toute mon affaire. Donc, c'est des petits détails qui peuvent faire en sorte qu'on va faciliter là. C'est un cas bien simple que je vous ai montré et, dans d'autres cas où c'est des antibiothérapies ou des médicaments pour la pression ou pour le coeur, ça peut être encore plus important pour nous de le savoir. Donc, je pense que ça, c'est un plus pour les pharmaciens, d'aller chercher de l'information pertinente complémentaire.

Deuxièmement, on évolue vers une médecine où les pharmaciens interviennent de plus en plus sur les modifications de thérapeutiques au niveau des dosages, qu'on prenne des dosages en INR pour les gens qui sont sous anticoagulothérapie. Bon bien, avec des protocoles bien établis, si, moi, j'ai l'information, je peux poser des gestes, j'ai les résultats, j'ai tout de suite la prise de décision. Qu'on prenne juste, par exemple, les médicaments d'exception; la demande est faite, je la vois dans le dossier, dans le résumé, j'ai la réponse immédiatement, je n'ai plus à courir après. Les patients ne sont plus victimes d'un système qui est plus lourd, plus laxiste. Il y a beaucoup de positivisme.

Évidemment, les contraintes, il va falloir qu'on y fasse attention. Mais, oui, l'avancement technologique, si on refuse d'aller de l'avant... Tantôt, on parlait des coûts. Les coûts, ce n'est pas quelque chose qu'on veut dire négatif pour nous. Il faut savoir en prendre considération. Il ne faut jamais oublier que tous les hôpitaux du Québec, tous les CLSC du Québec, toutes les institutions, le gouvernement vient de le voir, font des mises à niveau constantes en informatique. Ce qu'on demande, c'est que la prochaine mise à niveau soit faite pour que tous les systèmes puissent se parler. C'est peut-être différent. Ça ne coûtera peut-être pas plus cher que ça aurait coûté actuellement de juste chacun s'établir, on ne le sait pas. Moi, je pense qu'on devra le savoir puis on devra en parler un jour sur la place publique.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Bien, je pense que de l'autre bord ils ont une petite idée, là ? ha, ha, ha! ? mais, nous autres non plus, on ne le sait pas.

Vous avez attiré notre attention sur l'article 59. Je ne veux pas vous embêter avec ça parce que c'est... jusqu'à un certain point, ça peut être un détail. Mais c'est la première fois qu'on en parle, en tout cas à ce que je me souvienne des autres mémoires qui ont été déposés. Je voudrais vous poser la question, puisque vous avez soulevé le cas... Moi, je ne sais pas ce que ça veut dire, je ne sais pas quand est-ce que ça peut être présenté, puis je ne sais pas si ça peut être présenté chez vous.

n(17 h 40)n

Alors: «Un intervenant habilité [...] doit inscrire les renseignements dans le résumé des renseignements de santé d'une personne, dans la mesure où» il le peut, là.

«Toutefois, lorsqu'il est d'avis qu'il résulterait vraisemblablement de l'inscription d'un tel... lorsqu'il est d'avis qu'il résulterait vraisemblablement de l'inscription d'un tel renseignement un préjudice grave pour la santé de la personne concernée, l'intervenant peut s'abstenir d'inscrire ce renseignement au résumé de cette personne.»

Quand est-ce que ça arrive que l'intervenant, le pharmacien par exemple, omettrait d'indiquer un renseignement parce que d'inscrire un renseignement dans le résumé entraînerait un préjudice grave pour la santé de la personne concernée? Moi, je n'ai aucune idée de ce que ça veut dire dans les faits concrets. Je sais que vous avez fait référence à ça en disant: Il va y avoir un conflit, notre responsabilité professionnelle risque d'être engagée là-dedans. Qu'est-ce que vous voyez comme exemple de ça?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gagnon.

M. Gagnon (Claude): Il faut penser qu'il y a plusieurs intervenants, il y a plusieurs types d'intervenants. En pharmacie, je ne sais pas vraiment si ça pourrait, moi, m'arriver un jour d'avoir à ne pas mettre une information pertinente. Je ne suis pas certain. Mais, dans le domaine... On parlait des intervenants au niveau social, par exemple. Une personne a vécu un viol. Ce n'est pas obligé d'être su par tout le monde. Je ne pense pas que ça doive la suivre pendant 20 ans ou 30 ans. C'est des cas comme ça, en tout cas, moi, quand on a eu à poser des questions d'éthique dans le temps, quand on a eu à questionner sur ces choses-là... qu'on voyait plus des gens ou qui doivent dire que... le professionnel a toujours la liberté de mettre de l'information qui est jugée pertinente pour l'ensemble des intervenants. Mais une information qui est pertinente dans un cas ponctuel, pour un professionnel, et qui ne peut servir vraiment à l'ensemble, bien, je pense que c'est dans ce sens-là qu'on le voyait, comme, moi, je l'ai interprété, que... nous, quand on regardait ça. M. Cadieux peut peut-être rajouter quelque chose.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cadieux.

M. Cadieux (Normand): Oui, peut-être. Merci. Peut-être rajouter que, bon, je pense que, pour plusieurs professionnels, ce n'est pas exactement clair qu'est-ce que ça veut dire et que ça méritera d'être défini. Il y a sûrement des... Le législateur avait sûrement quelque chose à l'idée, une pensée qui méritera d'être clarifiée.

Nous, on a soulevé ce point-là dans le contexte de la responsabilité professionnelle. Alors donc, quand le pharmacien ou un autre professionnel prendra la décision de ne pas inscrire une information, alors sur quelle base il la prendra? À partir de quels critères? Est-ce qu'on lui donnera des outils pour prendre cette décision-là, d'une part? Et, une fois qu'il l'aura fait, de quelle façon engagera-t-il sa responsabilité? Alors, on soulève la question parce que ce n'est pas évident quelle circonstance qui pourrait conduire à une décision comme celle-là. Et, quand elle existera, cette circonstance-là, de quelle façon le pharmacien engagera sa responsabilité? Alors, on soulève la question dans le contexte de la responsabilité plus que d'autre chose. Alors...

M. Fournier: Je comprends que vous vous êtes posé la question, vous ne voyez pas nécessairement comment, pour vous, ça pourrait être un cas qui se présente. Ça nous fait déjà au moins un type d'intervenant qui dit: Moi, ça ne s'applique pas chez moi. Ça fait au moins ça de fait.

Pour ce qui est de l'exemple que vous avez dit, puis je pense que le ministre va intervenir tantôt, je suis loin d'être convaincu que c'était une des notions à envisager à être incluses dans le résumé de renseignements de santé, l'occurrence d'un viol, par exemple. Vraiment, je ne pense pas que c'était un des renseignements, un des éléments qui pouvait être là. Je comprends que je vous demande de vous creuser les méninges, de trouver ce que ça veut dire là, mais...

M. Bertrand (Portneuf): ...intervenir...

M. Fournier: Oui. Oui, oui. Bien oui. Certainement. Profitons d'un débat.

M. Bertrand (Portneuf): ...pour vous permettre de...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Ce que j'ai pu en comprendre d'après les explications qu'on m'a données à cette disposition-là, c'est dans certains cas, dans le cas d'une personne qui est fragile, je dirais, sur le plan émotif, où il y a un problème, et que l'annonce d'un diagnostic pourrait lui être, sans lui être fatale, mais préjudiciable au niveau de sa santé. D'après ce que je peux comprendre, il pourrait arriver effectivement qu'un médecin préfère ne pas révéler tout de suite le résultat du diagnostic, supposons, pour protéger la personne ou pour éviter que...

M. Fournier: Est-ce qu'il inscrirait, à ce moment-là, «mention»... Je ne sais pas ça va être quoi, un peu comme le magasinage du patient, là, il va dire «mention»... Ah! il n'y aura rien.

M. Bertrand (Portneuf): Non.

M. Fournier: O.K., il n'y aura rien.

M. Bertrand (Portneuf): Et on peut penser que cette absence pouvait être temporaire, le temps que la personne se stabilise émotivement, par exemple.

M. Fournier: Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Châteauguay, je vous rappelle qu'il vous reste à peine quelques minutes.

M. Fournier: Vous venez d'assister à un moment de parlementarisme. Nous pouvons, de part et d'autre de la Chambre, convenir, comprendre. J'aime toujours ces moments magiques.

Je termine avec la proposition que vous faites pour le signaler parce que vous suivez un groupe qui a fait la même proposition. Vous n'êtes pas les premiers qui faites cette proposition.

Une voix: Non, et pas les derniers.

M. Fournier: Et me semble-t-il qu'elle fait plein de bon sens. Quant à vous, vous avez identifié une région, là, mais je pense que, lorsque vous dites qu'il serait peut-être bon d'envisager un déploiement d'abord dans une région pour voir comment l'humain, par exemple, va jouer avec la mécanique, comment on pourrait adapter la mécanique, il me semble que ça a beaucoup d'allure. Vous qui avez lu... vous posez la question sur le projet dans le contexte que nous vivons... Comment avez-vous compris que le projet de Laval soit terminé? Pourquoi est-ce qu'il n'est pas allé plus loin? Pourquoi est-ce qu'on n'a pas profité de Laval pour faire le projet-pilote dont vous rêvez un peu, là? Pourquoi on n'a pas poursuivi dans cette ligne-là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, c'était bien sûr votre dernière question, M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Si c'est votre désir, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Gagnon, s'il vous plaît.

M. Gagnon (Claude): Écoutez, le projet de Laval a été arrêté. Nous, on ne sait pas vraiment le pourquoi de l'arrêt du projet Laval, sauf que je pense qu'on voulait vraiment aller de l'avant dans un projet... pour une raison que j'ignore, la vitesse avec laquelle on voulait aller de l'avant là-dedans. Je pense que le gouvernement peut nous le dire; nous autres, on ne le sait pas vraiment. Mais Laval a été coupé sec, parce que c'était un projet, les subventions étaient finies, j'ai l'impression que c'est ça qui est arrivé. Mais, nous, on dit: Laval, c'est un projet pour vérifier si la technologie fonctionnait. Il faut faire attention. Nous, on n'a jamais douté que la technologie pouvait fonctionner, sauf que là on veut savoir, une fois qu'on l'applique, cette technologie-là, quelles sont les conséquences dans la façon dont on pratique... dans la façon dont les citoyens reçoivent les services puis comment la convivialité va se faire entre le système et l'humain, et ça, je pense que ça n'a pas été fait. Alors, nous, on sait que, techniquement parlant, c'est faisable. Maintenant, comment on peut l'adapter à l'humain, comment on peut vivre dans notre pratique de tous les jours sans alourdir la pratique et comment l'humain va le recevoir, lui, en tant que récepteur de services.

M. Fournier: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Gagnon. Alors, M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Maskinongé.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Maskinongé, pardon. Désolée.

M. Fournier: Ah! je veux bien, moi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Désilets: Une deuxième chance?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça se peut que vous vouliez.

Une voix: Belle collaboration.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est une erreur de ma part. Alors, M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: En résumé, en quelques mots, croyez-vous au projet, oui ou non? Si c'est non, pourquoi? Et oui, à quelles modifications et puis à quelle vitesse le partir, en quelques mots?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Gagnon.

M. Gagnon (Claude): En quelques mots, ce ne sera pas compliqué, la conclusion de notre mémoire, je pense, répond exactement à la question que vous me demandez là. C'est oui, nous sommes pour, en autant que les modifications y soient apportées avec les trois conditions qu'on a mises là, qui sont indissociables les unes des autres, et que ça se fasse de façon progressive en faisant en sorte qu'on garde le public, les gens, les bénéficiaires avec nous, les rassurer, les amener dans un projet qui est un projet de société, c'est un projet pour demain. Et je pense que l'avenir est dans la technologie et dans le transfert de l'information, mais il faut que ça se fasse dans les règles de l'art en respectant les droits de la personne, et, nous, je pense que les conditions qu'on a mises là sont des conditions qui respecteraient ça.

M. Désilets: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Oui, Mme la Présidente.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Un instant. M. le député de Maskinongé, vous aviez une question?

M. Désilets: Non, monsieur avait un complément d'information.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui? Alors, M. Larouche.

M. Larouche (Daniel): Pour ramener ça dans une phrase, si vous permettez, on aime tellement le projet qu'on voudrait que, pour réussir, il soit revu de fond en comble.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Bon. Alors, c'était votre complément de réponse.

M. Larouche (Daniel): C'était ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Vous croyez aux vertus de l'image, si je comprends bien.

M. Larouche (Daniel): C'est une partie de mon métier.

M. Bertrand (Portneuf): C'est ça. Néanmoins, ce que je retiens de votre prestation, c'est effectivement que c'est un support au projet dans son ensemble, mais il y a un certain nombre de conditions de réussite ou de conditions d'acceptabilité de réussite, et vous avez très bien dit que c'étaient des conditions nécessaires sinon suffisantes. Enfin, il faut voir.

J'aurais une dernière question. J'ai passé par-dessus tout à l'heure puis je m'en veux un peu parce que vous avez fait des remarques, que je reçois de très bonne part, en ce qui regarde les expériences passées et ce que ça devrait nous inspirer dans l'optique de l'implantation de la carte santé sur le plan des campagnes d'information et de sensibilisation. Je vous le dis, je suis, moi, très sensible à l'expérience que nous avons vécue également ensemble et je pense que votre expérience doit pouvoir nous inspirer, nous servir éventuellement dans l'optique de la préparation d'un bonne campagne d'information. Avec l'expérience que vous avez vécue, quelles seraient vos recommandations ou vos suggestions, le type de campagne, d'angle d'attaque, pour s'assurer effectivement que et les professionnels de la santé et la population en général soient bien informés?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gagnon.

M. Gagnon (Claude): Je pense que j'ai un expert avec moi qui pourra peut-être donner la réponse.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Alors, c'est M. Larouche?

M. Gagnon (Claude): C'est exact.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Larouche.

M. Bertrand (Portneuf): Dans une perspective future.

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

n(17 h 50)n

M. Larouche (Daniel): Non, quand je ne sais pas quoi dire, ça prend plus de temps.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Larouche (Daniel): Écoutez, l'angle d'attaque, tout ça, je pense que c'est prématuré. Je constate deux choses. D'une part, par un paquet d'interventions qu'il y a eu ici avant, par un paquet d'interventions qu'il y a eu sur d'autres tribunes, dans d'autres forums, il y a énormément de méfiance de la part des gens face à ce genre de projet qui évoque Big Brother tout de suite en partant. Il y a, je pense, une incompréhension des bénéfices potentiels.

Il y a aussi, je crois ? et on l'a souligné ? un manque de préparation à l'exécution de ce projet-là. Il faudra, le moment venu, je pense, se prendre d'avance. Une des caractéristiques des comportements gouvernementaux, puis dans d'autres milieux aussi, dans ce genre de projet là, c'est que les campagnes d'information arrivent toujours comme à la toute fin: Ah oui! c'est vrai, il faudrait bien informer les gens qu'on va changer leur vie de bout en bout demain matin. Alors, il faudrait que la dimension information, la dimension sensibilisation soit incorporée, je dirais, dès maintenant dans la planification de l'éventuelle implantation, que ça en fasse partie intégrante, que, toujours, à partir de maintenant et au fur et à mesure que le projet évoluera s'il continue d'évoluer, que toujours les gens soient tenus au courant de ce qui s'en vient, ne pas attendre de dire: Bon bien, là, on est prêt, on a tout réglé les problèmes, on peut commencer à communiquer. Je pense que ce n'est pas comme ça que ça va fonctionner. Parce que, pendant qu'on ne dit rien, la méfiance grandit, la méfiance s'installe, et c'est très, très, très difficile d'aller contre ça après.

Donc, moi, je dirais: Transparence dès maintenant, y compris sur les interrogations, sur les hésitations, sur les expérimentations, sur les fausses directions, sur les «on s'est trompé, on change de côté». Là-dessus, transparence tout le temps, tout le temps, tout le temps, de sorte que les gens vont... Au moins, le processus d'implantation fera partie des facteurs qui inspireront confiance aux gens. Il n'y a rien de pire que de retenir l'information, que de retenir les réponses sous prétexte que tout n'est pas encore prêt, qu'on n'a pas encore toutes les réponses...

M. Bertrand (Portneuf): Ou d'attendre à la dernière minute.

M. Larouche (Daniel): ...ou d'attendre à la dernière minute.

Je vous dirais que non seulement on n'a pas toutes les réponses en matière de ce projet-là, je dirais: On n'a pas encore toutes les questions dans ce projet-là, parce que c'est d'une complexité que je crois que personne ne soupçonne réellement. Mais je dirais: Transparence tout le temps, tout le temps, tout le temps.

M. Bertrand (Portneuf): Au fond, ce que vous suggérez...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Excusez-moi, Mme la Présidente. Au fond, ce que vous suggérez, c'est qu'on fasse en sorte, par l'information, la sensibilisation, que la population et les professionnels aussi d'ailleurs cheminent avec le projet. C'est ce que je comprends.

M. Larouche (Daniel): Oui.

M. Bertrand (Portneuf): Que ce ne soit pas un gros bloc qui nous arrive comme ça, là, tout d'un coup.

M. Larouche (Daniel): Oui, tout à fait.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Larouche.

M. Larouche (Daniel): Tout à fait, que, dans le fond, l'évolution du projet... Quand on regarde l'avant-projet de loi, c'est un projet qui, de toute évidence, en a encore pour... il reste encore énormément de travail à faire pour déterminer tous les tenants et aboutissants, les composantes technologiques, les composantes juridiques même, la réglementation. Il y a énormément de choses qui sont encore dans le vague total. Et c'est bien sûr ça qui nourrit l'insécurité chez les gens. C'est que, dans le fond, on les convie à un projet dont on n'a pas vu ni la couleur ni la forme encore. C'est bien évident que... Puis on a l'impression de dire... que le gouvernement dit aux gens: Écoutez, faites-nous confiance. Les gens ne sont pas si caves ? ne prenez pas ça personnellement là...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Larouche (Daniel): Les gens ne sont pas si caves de faire confiance à qui que ce soit sans que cette personne-là, physique ou morale, leur ait dit, leur ait précisé un peu dans quoi ils veulent les embarquer. Donc, je pense que c'est important que les gens se sentent conviés... qu'on les informe au fur et à mesure de ce qui se passe, non seulement des réponses, mais des questions au fur et à mesure qu'elles se posent. C'est fondamental.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, d'autres questions?

M. Bertrand (Portneuf): Excusez-moi, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre, avez-vous d'autres questions? Très rapidement s'il y en a d'autres...

M. Bertrand (Portneuf): Non, ça va. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...il ne reste pas beaucoup de temps.

M. Bertrand (Portneuf): Ça va. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. Alors, ceci met donc fin à nos échanges pour cet après-midi. M. Gagnon, M. Cadieux, M. Larouche, merci de votre participation.

La commission ajourne donc ses travaux à demain, jeudi 14 mars, à 9 h 30.

(Fin de la séance à 17 h 55)

 


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