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Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Tuesday, September 14, 1999 - Vol. 36 N° 19

Audition du Conseil québécois de la recherche sociale et du Conseil médical du Québec dans le cadre du mandat de surveillance des organismes publics


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Table des matières

Conseil québécois de la recherche sociale

Conseil médical du Québec


Autres intervenants
Mme Monique Gagnon-Tremblay, présidente
Mme Lyse Leduc
M. Russell Williams
Mme Michèle Lamquin-Éthier
Mme Diane Barbeau
M. Russell Copeman
M. Gilles Labbé
M. Yves Beaumier
M. Jean-Claude St-André
*Mme Micheline Ulrich, Conseil médical du Québec
*Mme Marie Girard, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures quarante-deux minutes)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous souhaite la bienvenue, je souhaite la bienvenue à tous les membres et à nos invités. J'espère que vous avez passé un bon été, que vous avez fait le plein d'énergie. C'est la première fois que la commission se rencontre depuis la fin de nos travaux, en juin. Alors, on aura l'occasion de se rencontrer d'ici la prochaine session.

Comme vous le savez, aujourd'hui, la commission des affaires sociales est réunie pour entendre le Conseil québécois de la recherche sociale et le Conseil médical du Québec, dans le cadre de l'examen de leurs orientations, de leurs activités et de leur gestion.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne) sera remplacée par M. Williams (Nelligan).

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, les mandats que s'apprête à exécuter la commission découlent du pouvoir de surveillance des organismes publics que confère l'article 294 du règlement de l'Assemblée nationale aux commissions parlementaires. Bien sûr, ce mandat nous permet d'examiner annuellement les orientations, les activités et la gestion d'au moins un organisme public soumis à son pouvoir de surveillance. Les membres de la commission ont décidé qu'on pouvait examiner aujourd'hui les orientations, les activités puis la gestion de deux organismes, c'est-à-dire du Conseil québécois de la recherche sociale et du Conseil médical du Québec.

Nous consacrerons trois heures à l'audition de chaque organisme, réparties de la façon suivante, c'est-à-dire 30 minutes pour la présentation de l'organisme et 2 h 30 pour les échanges avec les membres de la commission. Est-ce qu'il y aurait des remarques préliminaires, avant que nous puissions convier les invités à prendre la parole? Est-ce qu'il y a des remarques préliminaires de la part des membres? Ça va?

Une voix: Ça va.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Donc, sans plus tarder, j'inviterais notre invité, M. Bouchard, à nous présenter premièrement les personnes qui l'accompagnent et par la suite bien sûr à faire sa présentation. Vous avez une trentaine de minutes.


Conseil québécois de la recherche sociale


Exposé du président


M. Camil Bouchard

M. Bouchard (Camil): Merci, Mme la Présidente. Je salue les membres de cette commission et je vais vous présenter Mme D'Annunzio, qui est directrice générale du CQRS. Elle est accompagnée de Jean-Luc Perrotte, à sa droite, et j'ai, à ma gauche, Nicole Roy. Deux membres du personnel du CQRS.

Mme la Présidente, vous avez sans doute bien suivi le développement du CQRS, puisque vous nous recevez à son 20e anniversaire. Nous sommes donc heureux de célébrer cet anniversaire avec vous. En même temps, vous savez que c'est une année bien spéciale, puisque le CQRS a changé de responsabilité ministérielle, le CQRS, qui est maintenant sous la responsabilité du ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie. Alors, vous nous recevez dans un moment où le CQRS est en pleine réflexion et en plein milieu de son adaptation à un nouvel environnement politique et dans une période très fascinante, je pense, de son développement.

Le CQRS a été fondé, donc, en 1979. Il a été reconnu le 8 août 1979, sous décret, comme un conseil ayant pour mission de donner des avis premièrement au ministre de la Santé et des Services sociaux concernant le développement de la recherche dans le ministère de la Santé et des Services sociaux. Un deuxième objet de sa mission, c'est d'arriver à faire en sorte qu'il y ait plus de recherche et de meilleure qualité dans le domaine de la recherche sociale. Donc, c'est son deuxième objet de mission. Et son troisième, c'est évidemment d'essayer, avec les budgets dont il dispose, de soutenir le plus adéquatement possible les besoins financiers des chercheurs et de leurs équipes dans les programmes qu'ils développent. Donc, la mission globale du Conseil est de développer et de maintenir un haut niveau de qualité dans le domaine de la recherche sociale. D'une part, il le fait en conseillant la ministre et, d'autre part, en établissant des programmes et en les finançant.

Juste en passant, pour vous donner une petite idée de l'ampleur du mandat et des moyens financiers qui sont mis en oeuvre, le Conseil a augmenté de huit fois son budget de transfert depuis 1981 ou à peu près. Nous sommes maintenant dotés d'un budget de transfert qui frise les 11 000 000 $ par année, alors qu'il y a une dizaine d'années nous étions plutôt dans les 1 500 000 $, 2 000 000 $. L'augmentation de ce budget-là s'est faite de façon plus accélérée au CQRS que dans les autres organismes subventionnaires, durant les dernières années. Et le dernier budget consenti par le gouvernement, par le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie, nous a permis d'augmenter notre enveloppe budgétaire de 20 % par année pour les deux prochaines années, ce qui n'est pas banal.

Le CQRS se donne, dans ses grandes orientations, un plan triennal depuis au moins... maintenant nous en sommes rendus systématiquement à notre deuxième, nous sommes en préparation du troisième. Le premier plan triennal qui a été adopté, celui de 1993-1996, je vais le rappeler parce que ça donne encore une bonne idée des assises d'orientation dans lesquelles le Conseil travaille.

En 1993, le Conseil s'est donné premièrement un ancrage dans ses orientations en rapport avec la politique de santé et de bien-être, c'est-à-dire que le domaine couvert par la mission du CQRS est devenu à ce moment-là plus précis, mieux balisé, en ce que les chercheurs étaient invités à fréquenter le CQRS si, et seulement si leurs recherches portaient sur les objectifs qui sont déterminés ou définis par la politique de santé et de bien-être et sur les moyens et stratégies que cette politique favorise pour arriver à atteindre les objectifs. En même temps, ça balise le domaine, mais, en même temps, comme vous connaissez la politique de santé et de bien-être, vous constatez avec moi que les objectifs, les stratégies et les moyens mis en oeuvre pour y arriver couvrent un champ extrêmement large et nous conduisent très rapidement à des projets ou à des programmes de recherche qui sont de type multisectoriel et multidisciplinaire. Donc, ça, c'est une première grande orientation, l'adhésion à la politique de santé et bien-être.

La deuxième, durant ce plan triennal qui a été spectaculaire – et j'en parle d'aisance et de satisfaction d'autant plus que je n'y étais pas et je reconnais là plus une force et un atout de l'organisme que de son président actuel – son président d'alors et son conseil d'administration ont mis sur pied ce qu'on appelle une infrastructure des équipes de recherche en partenariat. Et cette initiative a été reconnue au Canada et en Amérique du Nord comme une innovation dans le domaine du subventionnement des équipes de recherche, l'objet de cette innovation étant de rapprocher les chercheurs universitaires et les chercheurs des établissements, les gestionnaires décideurs des établissements et les décideurs gouvernementaux, de rapprocher ces gens-là dans un même réseau de réflexion, d'analyse et de recherche.

(9 h 50)

Le CQRS a donc établi un programme qu'on appelle des équipes en partenariat. Il investit une bonne partie de son budget à soutenir des équipes en partenariat. L'objectif du plan triennal était d'en construire une trentaine alentour des grands objectifs de la PSBE; nous en sommes à 25 présentement, des équipes qui regroupent au-delà de 1 000 personnes, en tout et partout, si on compte les chercheurs, les décideurs, les gestionnaires, les intervenants, les professionnels de recherche et les étudiants. Donc, c'est une masse critique extrêmement importante, si on fait le constat, par exemple, qu'en 1992-1993 nous avions une trentaine de personnes qui, officiellement, dans nos programmes, collaboraient – établissements et universités – à travers des programmes de recherche. On est parti d'une trentaine de personnes pour aboutir finalement à au-delà de 1 000 personnes en 1999, six ans plus tard, ce qui est, à notre avis, un signe de retombées assez intéressant.

D'autre part, le plan triennal 1993 et 1996 insistait beaucoup aussi sur la relève. Nous avons créé notamment un programme de chercheurs boursiers par lequel le CQRS, en reconnaissance d'une compétence donnée dans un domaine prioritaire, va subventionner une bonne partie du salaire d'un chercheur qui est accueilli dans un établissement, l'établissement, en retour, consentant à assurer à cette personne au bout d'un certain temps – une douzaine d'années, en ce qui nous concerne – un poste dans l'établissement.

Ce programme de relève scientifique dans le domaine de la recherche sociale, pour nous autres, est extrêmement important. On visait une trentaine de chercheurs boursiers, nous en sommes à 15, actuellement. Ce programme-là est particulièrement important parce que, si on parle de transfert de connaissances, il faut qu'il y ait dans les établissements des interlocuteurs vis-à-vis des chercheurs universitaires. Et, la plupart du temps, les interlocuteurs les plus habilités à transférer les connaissances de l'université vers l'établissement et les connaissances de l'établissement vers l'université, c'est le chercheur institutionnel, le chercheur en établissement, qui connaît bien son environnement, qui interagit avec les gestionnaires et les décideurs. Donc, pour nous, c'est un morceau important du casse-tête qu'on est en train de construire.

Un quatrième point du plan triennal 1993-1996, c'était l'intersectorialité. Et là je nomme un programme qui est, disons, ce que les Anglais ou les Américains appelleraient un «pet project» de la directrice générale, c'est un chouchou de la directrice générale, c'est le projet des Actions concertées. Les Actions concertées sont les appels d'offres que le CQRS met sur le marché de la recherche, dans lesquels appels d'offres des partenaires sont nommés. Ces partenaires définissent la question à l'ordre du jour de l'appel d'offres avec le CQRS, mettent des sous dans la cagnotte et s'assurent que la recherche qui est subventionnée par ce partenariat ou ce consortium CQRS et autres contribuants... s'assurent que les chercheurs répondent bien à la question qui leur est demandée. Jusqu'à maintenant, nous avons investi, en tant qu'organisme, 750 000 $ dans ce programme, et nos partenaires ont investi plus de 4 000 000 $, ce qui fait une enveloppe globale de 5 000 000 $ depuis le début de ce programme des Actions concertées. La directrice vous nommera tantôt un certain nombre de partenaires qui ont été ou qui sont encore impliqués dans ce programme.

Le plan stratégique 1997-2000, celui que nous administrons présentement, premièrement, est caractérisé par un objectif de continuité vis-à-vis des grands programmes qui avaient été amorcés dans le plan précédent, notamment au niveau de la complétion de l'ensemble des équipes de recherche en partenariat et des chercheurs boursiers. Mais il y a un accent particulier dans ce plan triennal sur ce qu'on appelle le transfert des connaissances et les retombées de la recherche sociale. Alors, le Conseil a fait des efforts spécifiques pour arriver à opérationaliser davantage ce qu'on entendait par «retombées de la recherche», de telle sorte que les évaluateurs qui viennent siéger sur nos jurys syntonisent la bonne culture.

Parce que le problème qu'on a à rencontrer, dans ce type de programmes où on a des équipes en partenariat et de la recherche-action, de la recherche sur le terrain, de la recherche en collaboration, est le suivant. Il faut assurer une qualité scientifique robuste et extrêmement solide à tous les projets, donc s'assurer que la qualité scientifique y est. Donc, on a besoin de nos chercheurs universitaires pour juger de cela. Mais les chercheurs universitaires font très souvent partie d'une culture où c'est à peu près le seul critère, alors que, pour le CQRS, le critère des retombées, de l'innovation, du renouvellement des pratiques, de l'aide aux intervenants, aux gestionnaires et aux décideurs est important.

Si bien que nous avons dû, durant une bonne année, mettre sur pied un comité, un groupe d'étude sur les retombées pour qu'ils opérationnalisent et mettent à profit leurs connaissances pour pouvoir donner aux évaluateurs de nos comités des critères d'évaluation qui puissent faire justice aux efforts des chercheurs qui font leur demande au CQRS. Donc, ça, c'est fait. Nous avons publié plusieurs fois notre définition des retombées, notamment dans la brochure du CQRS. Les chercheurs l'utilisent, nos évaluateurs l'utilisent, et il y a beaucoup d'autres conseils de subvention maintenant au Canada puis aux États-Unis qui s'en inspirent.

D'autre part, la question des retombées, ça veut dire pour nous, aussi: vulgarisation de la recherche scientifique, transfert de connaissances, communication grand public. Nous avons adopté un plan de communication. Pour la première fois, l'organisme a adopté un plan de communication à cet effet. Et nous avons aussi amorcé un certain nombre d'activités, dont les déjeuners sur la colline parlementaire auxquels certains d'entre vous ont déjà assisté. Et, en passant, je profite de toutes les commissions parlementaires pour annoncer la prochaine réunion, le prochain déjeuner sur la colline. C'est le 27 octobre, et ça portera sur le décrochage scolaire. On aura là un ou deux chercheurs qui viendront répondre aux questions des députés.

Le Conseil contribue beaucoup également à l'établissement de ce qu'on appelle les instituts de recherche universitaire en matière sociale, les instituts universitaires à vocation sociale, qui sont des grands ensembles dont la mission est triple: recherche, formation et développement d'innovations ou d'interventions de pointe dans le domaine des services sociaux ou des interventions sociales. Il y a actuellement, présentement, quatre de ces instituts en opération et aussi des centres de recherche universitaire dans les CLSC. On est rendu à trois, je pense?

Une voix: Trois.

M. Bouchard (Camil): Trois, maintenant. Et le CQRS est chargé principalement de l'examen des programmations scientifiques dans les instituts et les valide. Ça, c'est un premier grand tour de piste pour le plan stratégique 1997-2000 en ce qui a trait d'abord à la continuation de nos activités ou à la pérennité de nos programmes, deuxièmement, en ce qui concerne la maximisation des retombées de la recherche sociale. Puis il y a aussi un troisième objet, Mme la Présidente, c'est d'assumer une fonction intersectorielle en recherche sociale.

Je vous ai mentionné tantôt que la PSBE est une porte d'entrée extraordinaire sur le monde entier, puis c'est vrai. Les déterminants de la santé et du bien-être des populations, notamment aux niveaux social et économique, sont nombreux. Nombreux sont aussi les chercheurs qui s'y intéressent. Nous avons comme mission de couvrir ce champ complexe. Nous le faisons déjà depuis un bon nombre d'années.

Cependant, comme je vous le disais plus tôt, aussi, en même temps, nous sommes à une période charnière de notre développement, étant donné notre transfert au ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie. Et nous voilà maintenant nichés dans un ministère à vocation horizontale, à vocation intersectorielle qui se préoccupe beaucoup d'innovation sociale mais aussi beaucoup d'innovation technologique. Et nous voyons là une occasion pour nous, d'une part, d'affirmer l'importance de l'innovation sociale, de la recherche sociale, et dans le développement social mais aussi dans le développement économique. D'autre part, nous voyons aussi une excellente occasion de nous coordonner davantage avec les autres fonds de recherche. Puis on pourra s'en reparler tout à l'heure. Mais je peux vous assurer, étant donné le nombre d'heures de comité puis de rencontres que j'ai avec les deux autres fonds, que ça a rapproché énormément les fonds et les conseils de recherche, cette opération-là.

Il y a eu évidemment, à l'occasion de cette arrivée d'un nouveau ministère, une injection de fonds supplémentaires – dont j'ai parlé tantôt – à travers l'enveloppe d'Innovation Québec, donc de 2 000 000 $ par année pour les deux prochaines années. Le développement de la politique scientifique et technologique, aussi, du Québec, est à l'ordre du jour de ce ministère. Le Conseil québécois de la recherche sociale y contribue de façon extrêmement importante.

J'ai préparé à l'intention du ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie, cet été, sur le bord du fleuve – c'était beau – un avis ou un mémoire portant sur l'innovation sociale. Le mémoire est confidentiel, pour le moment, il a été déposé pour les fins d'utilisation du ministre dans sa rédaction de politiques, mais ça a été un exercice fascinant à plusieurs égards. Et, dans cet avis, nous soutenons le ministre dans sa volonté de considérer l'innovation sociale au même titre que l'innovation technologique comme des instruments de l'économie du savoir extrêmement importants pour le développement social, politique et économique du Québec.

Enfin, nous faisons aussi partie à titre de membre officiel de Valorisation-Recherche Québec, qui est une enveloppe de 100 000 000 $ qui a été créée par le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie, d'une part, pour la commercialisation des produits de recherche, mais, d'autre part, aussi pour la mise sur pied d'équipes intersectorielles, interdisciplinaires et interuniversitaires dans des domaines de pointe en recherche humaine, sociale et en recherche en sciences pures et autres, au Québec.

Alors, Mme la Présidente, ça fait un tour de piste rapide mais, j'espère, clair de la mission du CQRS, de ses grandes orientations et de ses perspectives d'avenir. Je vais, si vous le permettez, laisser la parole à la directrice générale pour les deux prochains points concernant les activités du CQRS et la gestion du CQRS.

(10 heures)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Bouchard. Alors, Mme D'Annunzio.


Exposé de la directrice générale


Mme Suzanne D'Annunzio

Mme D'Annunzio (Suzanne): Bonjour. Dans les activités du CQRS, je rappellerais peut-être les principales activités en fonction, finalement, des missions qu'on a, dont Camil a parlé brièvement en début de présentation, c'est-à-dire la gestion des programmes de subvention, les activités de diffusion et de transfert et les avis au ministre. Il y a une grosse partie de nos activités, nous autres, qui concerne la gestion des programmes de subvention. Même si on a trois missions différentes ou mandats – notre mandat est divisé en trois – une grosse partie de nos activités concerne la gestion des programmes de subvention.


Document déposé

Au CQRS, pour concrétiser les orientations dont Camil a parlé, on a fait comme quatre types de programmes. J'y vais brièvement parce que Camil les a glissés au passage, puis je déposerai peut-être, si vous le permettez, Mme la Présidente, notre dernière brochure des programmes, que je ne vous ai pas envoyée parce que je trouvais que ça faisait pas mal une grosse brique, mais je la dépose séance tenante. Donc, on a quatre types de programmes qui nous aident à arriver à nos objectifs.

Les équipes en infrastructure, en quelque sorte un nouveau deal, entre guillemets, de la recherche sociale au Québec, où on a comme demandé aux universitaires: Sortez des universités puis travaillez en association avec les milieux de pratique. Ce programme couvre 38 % de notre budget de 11 000 000 $. Donc, on aura compris que c'est des regroupements des masses critiques à la fois de chercheurs et de représentants des milieux de pratique.

On a aussi des subventions de projets qui sont habituellement octroyés à une personne ou deux, de petites équipes, et là, c'est la subvention d'un projet avec une hypothèse, un modèle théorique, une méthodologie puis des résultats. Dans notre budget, c'est 36 % – ça compte pour 36 % de notre budget.

On a aussi la relève où, là, on a trois programmes distincts: les bourses doctorales, les bourses postdoctorales et les bourses de chercheurs-boursiers. Les deux premiers sont vraiment des bourses de formation spécialisée en recherche sociale appliquée, alors que le dernier, comme Camil le disait, ce sont des carrières pour jeunes chercheurs, les gens doivent avoir au moins deux ans d'expérience en recherche, mais on paie du salaire, une bonne partie du salaire, jusqu'à 12 ans, pour ensuite demander à l'établissement d'accueil de donner la permanence ou au moins un contrat ferme à cette personne-là. C'est le troisième programme.

Le dernier, ce sont les actions concertées qui... Bon, les bourses doctorales et postdocs et de chercheurs-boursiers, c'est 17 % de notre sudventionnement. Et le dernier programme, actions concertées, c'est 5 %. Il faut comprendre aussi que c'est 5 % injecté par le CQRS, et on va chercher à peu près cinq fois la mise. Ces programmes d'actions concertées, contrairement aux trois autres types de programmes, sont offerts sur appel d'offres, de façon ad hoc, avec des partenaires de la mission sociale de l'État ou des organismes communautaires, différents partenaires, et l'avantage qu'on y voit est double: d'une part, pour déterminer les objets prioritaires de recherche, quoi de mieux que de demander à des utilisateurs proches; et, d'autre part, on «poole» le financement, donc on a un effet de levier extraordinaire, 1 $ pour 5 $ des partenaires.

J'aimerais peut-être à ce moment-ci vous parler un petit peu... une capsule sur l'historique des demandes puis ce qu'on a réussi à financer à l'aide d'un graphique que je pourrai aussi déposer. Mais je pense que ça va être assez facile à comprendre. C'est que, entre 1990 et 1998...

Une voix: ...

Mme D'Annunzio (Suzanne): Oui, c'est ça. Je n'en ai pas pour tout le monde, mais peut-être un pour deux personnes. Oui, je pense que ça serait plus facile si les gens avaient à leur disposition le graphique en question.

Donc, ce dont je vais vous entretenir, c'est la demande, ce qu'on reçoit comme demandes de projets de recherche au CQRS, ce que nous recommandons, donc nos comités de pairs, et ce que nous réussissons à financer parmi les bonnes demandes que nous recevons.

Donc, ce qu'on observe, c'est qu'au début des années quatre-vingt-dix... bon, la demande croissait à un rythme plus doux que, disons, entre 1992 et 1996; on réussissait, à toutes fins utiles... La première courbe, c'est les demandes, en haut. La deuxième courbe, c'est les demandes qui sont recommandées par les comités de pairs, donc qui ont été jugées excellentes ou très bonnes. Et la troisième courbe, c'est ce qu'on a réussi à financer.

Donc, au début de la période, ce qu'on observe: la demande croissait plus lentement; on réussissait à financer 100 % des projets ou quasi, les trois premières années, qui étaient recommandées, bien entendu. Parce qu'il y a toujours 50 %, bon an, mal an... On voit la différence entre les deux courbes. Bon an, mal an, il y a 50 % des projets qui passent la rampe des comités puis 50 % qui sont refusés, qui ne sont pas de qualité scientifique subventionnable. Et, entre 1992 et 1996, on voit qu'il y a eu une hausse phénoménale de la demande au CQRS et les crédits n'ont pas suivi au même rythme, ce qui fait en sorte qu'on a creusé un écart. On voit l'écart creusé entre les courbes 2 et 3, entre les très bonnes demandes soumises au CQRS et ce qu'on était capable de financer.

Puis, au cours des deux dernières années, on a eu comme un renversement de la situation qui est dû à deux facteurs. D'une part, une diminution de cette demande-là qui est générale dans tous les organismes de subvention, puis il y a plusieurs facteurs qui peuvent expliquer ça, entre autres des mises à la retraite, une certaine démobilisation, je dirais, de la communauté scientifique vis-à-vis des taux de financement très faibles, une compétition finalement des programmes, je dirais, du fédéral. Le fédéral a développé beaucoup de programmes de subvention qui sont venus... bien, les chercheurs, ils ne peuvent pas se diviser en quatre. Il y a une série de facteurs qui fait en sorte que la demande a diminué au CQRS, puis ça a diminué à peu près partout dans les organismes subventionnaires québécois. Le premier facteur, donc. Et le deuxième facteur, c'est que le ministre, au cours de la dernière année, nous a octroyé un budget quand même en hausse de 20 %, ce qui fait en sorte qu'on a pu financer 80 % des demandes qui nous ont été acheminées, les bonnes demandes, les excellentes demandes.

Donc, il m'apparaissait important de faire état à la commission un petit peu où en était la demande, puis finalement qu'on a réussi, à cause de l'injection de nouveaux crédits, je dirais, à satisfaire le taux de demandes, de bonnes demandes, au CQRS. C'est fort encourageant, puis je pense que ça va encourager la communauté scientifique à continuer de fréquenter le CQRS.

Je glisserais peut-être un mot rapidement sur les partenaires de nos équipes CQRS. D'abord, peut-être pour vous dire que les équipes CQRS... je vous avais passé, dans la documentation, sur quelles thématiques travaillent ces équipes-là. Je pense que vous êtes à même de constater que la plupart des objectifs de la politique santé et bien-être – j'ai apporté une copie – sont couverts. Donc, on a une variété de thématiques, que ce soit au niveau de l'adaptation sociale des jeunes, de la santé mentale des personnes, du suicide, de l'intégration sociale des personnes âgées, de l'intégration sociale des personnes qui ont des incapacités, etc. Donc, on a quand même une variété d'équipes qui travaillent sur différentes problématiques.

Parmi les partenaires, ce qu'il est intéressant de constater, c'est que, dans les équipes – Camil mentionnait environ 1 150 personnes qui travaillent – il y en a 300 qui sont représentées par des milieux de pratique de différentes institutions et 800 dans les universités, dont 200 chercheurs universitaires. Dans les établissements partenaires, qui sont au sein de nos équipes, on retrouve beaucoup d'établissements du réseau de la santé et des services sociaux. En fait, il y a 80 établissements, que ce soient des CLSC, des centres de réadaptation, des centres pour personnes toxicomanes... donc, on en a 80 qui proviennent du réseau, on a 25 organismes communautaires, on a 37 autres établissements, dont parfois des organismes centraux comme le Conseil de la famille et de l'enfance, ou des syndicats, d'autres types d'organisations, et la plupart des universités, si je ne me trompe pas, sont représentées; ils disent 20 universités québécoises, les chiffres disent ça. Donc, une variété de thématiques, une variété d'horizons, de partenaires, à la fois d'élaboration de politiques que d'interventions près, près des milieux.

(10 h 10)

Pour ce qui est des actions concertées, les partenaires aussi sont vraiment diversifiés. On a, jusqu'à maintenant, 28 actions concertées; les chiffres... l'argent a été donné par Camil. Je vous ai apporté... je pense que c'est intéressant, à un moment donné, d'avoir des exemples bien concrets à quoi ça ressemble, des appels d'offres. Ça fait que je déposerais peut-être à la commission le type d'appels d'offres que nous lançons. Je donne les titres:

La gestion des insatisfactions et des plaintes en milieu de santé et de services sociaux. On a observé qu'il y a très peu de plaintes parce que les gens ont peur des représailles. On veut aller fouiller pourquoi;

Une revue de littérature sur le développement et l'utilisation d'indicateurs composites visant à mesurer l'évolution sociale dans les sociétés occidentales. On a beaucoup d'indicateurs en santé: l'espérance de vie, etc. Du côté social, on a peu d'indicateurs qui font foi de la santé d'une société. On est en train de lancer un appel d'offres là-dessus;

Les effets du Fonds de lutte contre la pauvreté sur les trajectoires des organismes;

Une revue des écrits sur le revenu de citoyenneté;

Le programme de soutien de la recherche en lecture. Plusieurs organismes sont impliqués;

Le décrochage scolaire.

Ce sont quelques exemples pour constater, en fait, que les partenaires sont multiples. On retrouve dans ces exemples-là le Commissaire aux plaintes, une commission scolaire de l'île de Montréal, d'autres ministères comme la Sécurité du revenu, etc. On retrouve neuf ministères jusqu'à maintenant, l'Éducation, Solidarité sociale... 20 organismes publics, deux organismes de subvention, parce qu'on a aussi des actions concertées avec les autres organismes de subvention.

Le deuxième point que je voulais aborder concernant les programmes de subvention, les quatre programmes que je vous ai mentionnés, la façon d'octroyer les subventions, c'est la façon habituelle qu'on retrouve dans tous les organismes de subvention, c'est l'évaluation par les pairs. On dit toujours que c'est le moins pire des systèmes, ha, ha, ha! Donc, ce sont des pairs qui évaluent les demandes que nous recevons. Donc, notre boulot beaucoup, au CQRS, c'est de monter des comités d'évaluation qui peuvent être en lien justement avec ces demandes-là. Ce qui caractérise peut-être les comités d'évaluation du CQRS, c'est que, en plus des pairs, quand on a des programmes en partenariat, nous invitons aussi des gens des milieux de pratique pour évaluer les retombées dans le milieu, pour qu'il y ait des gens vraiment du milieu qui puissent nous donner aussi une appréciation des retombées dans les milieux de pratique.

Les quatre critères d'évaluation habituellement reconnus dans nos subventions, c'est: la qualité scientifique du projet, qui compte environ pour la majeure partie, 40 % à 50 % des points; la compétence de l'équipe, une vingtaine de pour cent des points, où là on a intégré dernièrement la capacité de l'équipe à transférer des résultats; les retombées – Camil en a déjà parlé, puis ça, c'est innovateur; on est le seul organisme, puis on a une mission aussi qui correspond aussi à... on veut que les résultats soient utiles, donc tous nos programmes incluent un critère de retombées; et, lorsque c'est applicable, le partenariat. On évalue ces critères-là.

Donc, ça, c'était le premier point dans les activités du CQRS, la gestion des programmes et le processus.

Le deuxième point, c'est les activités de diffusion et de transfert. Je vous ai déjà fourni dans la documentation le bulletin Recherche sociale .

Dernièrement, on l'a revampé pour qu'il soit un petit peu plus convivial, plus à la fois dirigé vers les scientifiques mais aussi vers les milieux de pratique. On tient des colloques et on donne des séminaires sur la colline parlementaire. J'ai apporté les résumés des trois premiers séminaires. Bon, autrement dit, on essaie, par notre plan de communication, d'être vraiment conforme à notre mission d'assurer la diffusion puis le transfert dans les milieux de pratique ou d'autres types de milieux.

Enfin, pour les activités du CQRS, je mentionnerais les avis au ministre puis je donne deux exemples peut-être pour illustrer les avis au ministre. Premièrement, l'avis que Camil Bouchard et un groupe de travail ont préparé sur l'innovation sociale; autrement dit, ça va alimenter la politique de la recherche du gouvernement, la politique scientifique que le ministre Rochon va déposer au début de l'an 2000. C'est un premier exemple de type d'avis qui est demandé au Conseil. Un deuxième type d'exemple, c'est que, avant que la politique de la santé et du bien-être sorte, qui est en fait ce vers quoi le ministre Rochon d'alors... vers quel cap, quels problèmes sociaux majeurs et de santé les énergies devront aller, donc, avant que la politique sorte, on a demandé au CQRS de valider, en termes de recherche scientifique: Est-ce que ce qui est dit là-dedans est la fine pointe des connaissances scientifiques? Ce sont deux exemples sur les avis, une partie de notre mandat qu'on fait.

Voilà, rapidement, je couvrirais peut-être, ou j'attendrai les questions... Au niveau de la gestion du CQRS, on est un Conseil qui est sous la gouverne d'un conseil d'administration de 12 membres – 50 % proviennent des universités, 50 % des milieux de pratique – le personnel de la permanence, c'est sept personnes, qui totalise un budget de 597 000 $, donc, cette année, environ 5,4 % des frais de fonctionnement qui sont attribués à la gestion, ce qui se compare avantageusement à ce qui se fait dans les autres organismes.

On a une série d'actions qui visent à harmoniser nos programmes avec les autres organismes de subvention. Par exemple, on a un comité de triage avec le FRSQ, parce qu'il y a des zones grises, hein: la santé mentale, ça peut être en santé physique, ça peut être en intégration sociale. Donc, on a établi un comité de triage avec le FRSQ pour ne pas que le chercheur sache... il nous présente une lettre d'intention, on dirige le trafic. On a deux programmes communs avec le FRSQ, Valorisation-Recherche Québec, ils sont en train de tout regarder le lancement d'équipes, donc, c'est au niveau des présidents. Il y a des appels d'offres conjoints aussi avec les organismes.

On a aussi signé une entente avec le FCAR parce qu'on croit beaucoup que les systèmes d'information peuvent nous aider à améliorer notre efficience. Puis, actuellement, dans les organismes de subvention, le FCAR, c'est le chef de file. Donc, nous, étant plus petits, on fait comme du pouce sur eux autres. Eux autres, je pense, sont 10 juste en informatique, puis, nous autres, on est sept en tout. Donc, on signe un contrat. On va toujours être à la fine pointe, ça va nous aider. Ça va nous aider à être plus efficient. Tout seul, on n'y arriverait pas en termes de système d'information.

On a aussi établi un système d'analyse continue de nos programmes par des bilans de programmes; on en a fait deux jusqu'à maintenant. Des études externes, on a deux études externes qui sont en cours à la fois pour examiner toute la question du partenariat des équipes: Est-ce que ça fonctionne? C'est quoi, les contraintes, puis c'est quoi, les facteurs de réussite? On a aussi une recherche qui va aller voir – parce qu'en fait tout le CQRS met l'accent sur la diffusion, les critères de retombées – est-ce que c'est vrai que les recherches du CQRS sont plus utilisées par les utilisateurs? On a une recherche en cours là-dessus. On a aussi des rencontres régulières qu'on fait avec nos chercheurs.

Pour ce qui est de la reddition de comptes, je mentionnerais trois choses: les rapports annuels, qui nous permettent annuellement de voir où vont les argents, à qui, et qui donnent aussi où on en est dans le plan triennal; l'état d'avancement du plan triennal – au fur et à mesure, on inscrit ça dans notre rapport annuel; on a aussi un suivi du plan triennal régulièrement à tous les six mois avec les membres du conseil d'administration qui sont imputables de certains dossiers.

Et enfin, parce que, vous savez, tout ce qu'on fait dans le fond, c'est pour que ça donne de quoi au bout de la ligne, puis il n'y a rien de plus difficile que de mesurer les impacts de la recherche, donc, là, ce qu'on a fait, on a fait un petit groupe de travail avec les autres organismes et la CREPUQ, qui regroupe les universités, pour essayer d'avoir des indicateurs de la mesure de performance de la recherche. Ce n'est pas chose facile. Puis, ça, ça va couvrir tous les champs, incluant la recherche sociale. Le CQRS y participe.

Donc, en capsule, voici à la fois le côté plus administratif et gestion du CQRS. Ça va me faire plaisir de répondre aux questions que la commission aura.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme D'Annunzio, et je voudrais également remercier M. Bouchard, pour votre présentation très intéressante. Vous nous avez brossé un bon portrait, je dirais, un portrait global non seulement de votre mandat, mais également de vos orientations, et ça a permis, bien sûr, de mettre à jour nos connaissances.


Discussion générale

Alors, maintenant, suite à vos propos, je suis persuadée que les membres de cette commission auront sûrement beaucoup de questions à vous poser. Alors, j'ouvre le débat. Bien sûr, je le permettrai à une première intervenante, qui est la députée de Mille-Îles. Alors, je vous cède la parole, Mme la députée de Mille-Îles.


Évaluation des retombées des recherches

Mme Leduc: Bonjour, M. Bouchard, Mme D'Annunzio. Excusez mon léger retard. Je n'ai pas pu assister au début de votre présentation. Ça me peine d'autant plus que j'étais une des personnes qui souhaitaient vivement vous entendre dans le cadre du mandat de surveillance que nous avions. Et ce pourquoi dans le fond, pour moi, c'est important de vous entendre, c'est que, comme députés, on a souvent le nez collé au quotidien, à court terme, et votre mandat est beaucoup plus large, et, pour moi, c'était comme important de pouvoir vous entendre. Dans le fond, les recherches que vous faites peuvent nous amener, nous, à sortir un peu de notre quotidien, à avoir une perspective. Dans le fond, vous avez un mandat de perspective, et c'était dans ce sens-là que, moi, je souhaitais vivement vous entendre.

Maintenant, évidemment une préoccupation que j'avais – vous l'avez mentionné beaucoup – c'est sur les retombées, parce que c'était... je vois que c'est votre préoccupation aussi. Dans le fond, il y a beaucoup de recherches fort intéressantes. Maintenant, est-ce qu'on en tient compte? Est-ce que c'est utilisé? De quelle façon? Et, moi, ce dont j'aimerais que vous me parliez à ce moment-là, c'est: Quand vous parlez de retombées, qu'est-ce que c'est pour vous une retombée positive? Vous allez dans quel sens quand vous dites que vous êtes un Conseil qui innove en essayant de se préoccuper des retombées de la recherche? Vous allez, dans le fond, aller dans quel sens? Puis, si je regarde différentes recherches que vous avez faites ici, par exemple l'économie sociale, un sujet aussi qui m'intéresse beaucoup, les services de garde, est-ce que vous pouvez, à la lueur de ça, nous dire ce que ça aurait pu être, des retombées, ou comment vous vous en allez pour évaluer ce que c'est qu'une retombée dans son ensemble, une retombée positive? Je n'ose pas dire qu'il y en a des négatives. S'il y en a, vous nous en informerez.

(10 h 20)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. Bouchard.

M. Bouchard (Camil): Oui, il y en a des négatives. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Leduc: Oui, il y en a des négatives? Bon. Ha, ha, ha!

M. Bouchard (Camil): Elles sont plus visibles habituellement que les positives, elles font plus scandale.

Ce que je dirais au point de départ, c'est que la notion de retombées couvre deux grands concepts. Le premier, c'est l'impact de la recherche sur les milieux de pratique, les organisations et les individus qui les fréquentent, et, deuxièmement, les moyens pour arriver à ces impacts. Ce qu'on attend de nos chercheurs lorsqu'ils présentent des demandes de subvention au CQRS, c'est qu'ils puissent exprimer très clairement quels sont les impacts qui sont anticipés et ce qui, dans les recherches antérieures, au niveau international, au niveau national, les amène à poser des hypothèses de retombées comme celles qu'ils identifient et, deuxièmement, quels sont les moyens qu'ils adoptent, les stratégies qu'ils adoptent, concrètes, opérationnelles et dans le temps, pour arriver à favoriser ou faciliter l'expression de ces retombées ou l'atteinte de ces objectifs ou de ces impacts.

Ce qu'il faut voir là, et avoir réfléchi sur l'innovation sociale durant la dernière année que nous avons traversée nous a beaucoup aidés également à cerner le concept davantage, c'est que, un, les chercheurs sont, la plupart du temps, allergiques à se faire dire que leur recherche ne serait bonne que si elle était utile, et les chercheurs prétendent qu'une meilleure connaissance d'un phénomène, d'une question, d'une situation est utile en soi. Et le Conseil québécois de la recherche sociale reconnaît cela. Le premier impact, c'est qu'il y ait une meilleure connaissance des phénomènes. Ce qui veut dire que la validité conceptuelle de l'hypothèse qui est posée et la validité méthodologique qui est mise en place pour répondre à la question sont importantes aux yeux du Conseil. Une connaissance qui serait fragile, qui serait non valide, est une connaissance qui est inutile. Alors, ça, c'est un principe et un concept fondamental au point de départ.

Suite à ça, viennent les autres retombées, puisqu'elles dépendent de la première, lorsque nous sommes en recherche, et ces autres retombées sont multiples. J'ai plusieurs exemples en tête. Dans une équipe de recherche qui fréquente le CQRS, des intervenants sociaux, par exemple, ont posé la question: Nous sommes 10 à 12 dans une équipe de travail social, on intervient auprès des familles qui ont un signalement pour abus et négligence envers les enfants, ces familles sont en crise, puis on dit qu'on fait de l'intervention de crise. Alors, ils se tournent de bord et demandent aux chercheurs: Qu'est-ce qu'on fait? Quel est le modèle auquel on réfère lorsqu'on fait de l'intervention de crise? Nous, on est dans la business quotidienne; êtes-vous capables de nous dire, d'organiser formellement, c'est quoi, une crise, pour nous? Comment on la définit chacun de notre côté: les décideurs, les gestionnaires, les intervenants? Est-ce qu'il y a des différences dans notre façon de définir ça puis d'intervenir, etc.? Puis est-ce qu'on peut améliorer notre pratique vis-à-vis de ce problème-là?

Alors, cette équipe-là a passé un an et demi, deux ans, à observer les intervenants, à les fréquenter, à les interroger, etc., pour découvrir à la toute fin que les intervenants sociaux se rejoignaient à un endroit lorsqu'ils définissaient la crise dans des familles qui étaient l'objet de signalement: c'était leur propre crise, leur insécurité, leur incapacité souvent à changer la situation, leur manque de préparation, le manque de soutien dans l'organisation, etc. Et ça, lorsque l'équipe a constaté cela, ils ont pris le rapport de recherche, ont rencontré les gestionnaires, les décideurs, les intervenants dans des grands forums, et ces gens-là sont à rétablir ensemble une nouvelle configuration des services, une nouvelle façon de voir comment l'intervenant peut intervenir dans ces situations puis avec quel type de formation puis quel type de soutien. Un petit exemple en passant.

Au niveau des politiques sociales, vous n'êtes pas sans savoir que, par exemple, la recherche nord-américaine est extrêmement importante dans l'établissement des très grands programmes d'intervention précoce auprès des jeunes enfants – je pense à Head Start, aux États-Unis – et, dernièrement, les nouvelles dispositions dans la politique familiale du Québec s'en sont largement inspirées. À partir du mandat qu'avait confié le ministre Marc-Yvan Côté d'alors à un chercheur et son équipe québécoise, bon, on avait publié Un Québec fou de ses enfants , dans lequel on recommandait une approche comme celle-là. Mais, essentiellement, Un Québec fou de ses enfants , c'est un résumé de 90 pages de ce que la recherche connaît de mieux sur le développement des enfants et ce qu'elle engendre comme hypothèses de travail au niveau de l'intervention.

Et le Québec a dernièrement adoptée, suite à ce premier mandat de 1991, une politique, une nouvelle disposition en matière de services de garde pour les enfants. Le travail de la recherche est double, là-dedans. De fait, il est triple. Au niveau fondamental il s'agit de savoir comment l'enfant se développe – ce n'est pas tout à fait simple. Deuxièmement, il s'agit de savoir quelle est la meilleure configuration institutionnelle pour arriver à faire en sorte que les enfants se développent de façon optimale. Et, troisièmement, c'est de vérifier si, une fois le modèle mis en place, il fonctionne bien et atteint les objectifs et les impacts en question, et de faire des recommandations pertinentes aux gestionnaires et décideurs qui administrent ces programmes selon l'atteinte plus ou moins claire des objectifs. Deuxième exemple.

On pourrait les multiplier, j'en ai sans doute une vingtaine en tête. Mais l'important pour nous, c'est que, désormais, les chercheurs puissent dire clairement: Voici ce que je vise ou voici ce que nous visons en termes d'impacts dans les organisations, dans les institutions, dans les communautés, et voici comment ça va se manifester. Et, si on a ça sur une demande de subvention, elle devient pour nous pertinente, on peut l'étudier. Elle doit s'inscrire donc dans cette trajectoire-là. Et un chercheur qui, à talent, compétence et travail reconnus égaux au niveau scientifique, ne présenterait pas une telle orientation obtiendrait moins de chances de subventionnement au CQRS qu'un autre chercheur qui, avec le même parcours scientifique, nous présenterait des hypothèses de retombées crédibles.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme D'Annunzio, vous avez un complément de réponse?

M. Bouchard (Camil): Je ne sais pas si ça répond à votre question.

Mme Leduc: Oui, oui, ça m'éclaire, moi, dans le sens, aussi, de comment vous allez procéder, et ça sensibilise les chercheurs. Dans le fond, comme vous m'avez dit, je comprends que toute recherche en soi est utile parce qu'elle fait avancer la connaissance, mais qu'il y a un petit pas de plus, peut-être, à envisager.

M. Bouchard (Camil): Oui. Oh oui!

Mme Leduc: Un petit pas... Ha, ha, ha!

M. Bouchard (Camil): Un gros pas. Ha, ha, ha!

Mme Leduc: Oui, c'est ça.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme D'Annunzio, vous avez un complément de réponse?

Mme D'Annunzio (Suzanne): Oui, juste un complément de réponse, peut-être dans un autre secteur. Quelqu'un m'a demandé dernièrement d'écrire une lettre d'appui pour une personne qui est directrice d'une de nos équipes CQRS – qui est directeur, en fait – c'est dans le domaine de la toxicomanie. Donc, je voulais fournir une lettre d'appui qui puisse être en lien avec ma job; je veux assurer des retombées. Ça fait que j'ai regardé cette personne-là puis ce qu'elle faisait dans l'équipe, tout ça, puis c'est difficile, sur une lettre d'appui, parce que tu ne veux pas faire une demande de subvention. Puis j'ai résumé en trois capsules les retombées.

Parce que, en fait, puis tu l'as très bien exprimé, toi, comme chercheur, c'est que c'est mieux connaître pour mieux agir. Dans le domaine de la toxicomanie, si tu connais mal les clientèles, tu n'agiras pas de la bonne façon, parce qu'une mère toxicomane puis une personne qui vient d'être incarcérée, etc., ce n'est pas la même intervention. Donc, mieux connaître la personne et les problèmes que la personne a. Mieux comprendre aussi, parce que tu peux avoir un programme, mais qui n'est pas du tout la même chose si tu t'adresses à une clientèle ou l'autre. Je vous donne un exemple. Eux regardent beaucoup la persévérance, en toxicomanie; on le sait, hein, la plupart rechutent. Bien là, ils ont découvert que c'était différent selon la personne, selon les contextes sociaux, environnementaux de la personne, puis le type de personne. Une persévérance d'une mère toxicomane, ce n'est pas pareil comme un junkie, mettons. Ça, c'était la deuxième capsule que j'ai trouvée pour les retombées.

Puis la dernière, c'est agir le mieux possible, dans le fond, pour diminuer les souffrances. Puis ça, agir, ça peut être au niveau des politiques – cette équipe-là a eu un impact direct sur le plan d'action en toxicomanie du ministère. Agir sur les programmes – quand ils font un programme pour les clientèles carcérales, ce n'est pas pareil comme... Je donne toujours ces deux exemples-là, mais je pense que ça donne une bonne idée que ce n'est pas du tout la même chose. Donc, agir le mieux possible pour réduire les problèmes.

Donc, moi, j'avais vraiment fait un résumé. Dans le fond, c'est toujours l'agir qui nous intéresse, mais le mieux connaître, il est nécessaire, le mieux comprendre, il est nécessaire, puis l'aboutissant, c'est mieux agir pour diminuer les problèmes. En tout cas, je trouve que, dans une autre clientèle, c'est exactement ce que tu disais pour les jeunes.


Moment propice à l'évaluation des projets

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Je m'interroge sur le délai. Tout à l'heure, vous avez parlé d'équipe qui fait la recherche, par la suite on met le programme en place et on évalue les retombées. Alors donc, il peut s'écouler, dans certains cas, plusieurs années. Donc, est-ce que vous avez une moyenne du nombre d'années, puis, aussi, est-ce qu'on a toujours affaire à la même équipe? Parce qu'on sait très bien que l'équipe qui a fait la recherche, qui a mis en place le programme, et si c'en est une autre qui évalue par la suite, ça peut quand même peut-être être un peu différent. Est-ce que généralement on a toujours affaire à la même équipe qui travaille sur ce projet? Et combien il peut s'écouler d'années, généralement, en moyenne, pour un projet?

(10 h 30)

M. Bouchard (Camil): Il y a plusieurs écoles là-dessus, Mme la Présidente, il y a vraiment plusieurs écoles là-dessus. Il y a des écoles en évaluation de programmes qui prétendent que vaut mieux avoir une autre équipe pour évaluer que celle qui a fait la promotion et l'implantation du programme, qui a des intérêts investis dans le programme. D'autres, par ailleurs, qui sont plus du côté de ce qu'on appelle l'appropriation des connaissances et du savoir, et en même temps du pouvoir, préconisent plutôt que ce soient les équipes d'entrepreneurs qui soient au centre de l'évaluation, donc qui fassent une auto-évaluation ou une évaluation en collaboration. C'était votre deuxième partie de la question.

Quant à la première, ça dépend beaucoup des secteurs. Dans les secteurs comme celui de l'intervention sociale en milieu communautaire, on prétend que, avant qu'un programme que vous évaluez ne soit prêt à l'évaluation, il a besoin d'une période de maturation qui va varier entre quatre et six ans. Donc, les chercheurs sont aussi lents que le projet, d'une certaine façon, parce qu'un des grands démérites de la recherche et là où la recherche peut avoir des retombées nuisibles ou inutiles, c'est d'évaluer d'une façon trop prématurée l'intervention en question.

Les interventions en milieu social sont de nature très complexe, elles impliquent une grande diversité d'acteurs. On le voit dans la transformation des grands ensembles, par exemple la réforme de l'éducation, la réforme de la santé. Ça ne se fait pas sur un dix sous. Il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup d'intérêts qui sont investis dans ces grandes réformes ou dans ces grandes reconfigurations de services et de programmes, si bien qu'avant que ces programmes ne soient rendus à maturité on peut penser à quatre, six ou sept ans.

Maintenant, il y a deux formes d'évaluation, Mme la Présidente, et ça, c'est très important. Il y a des équipes qui sont chargées de faire l'évaluation de l'implantation de ces programmes-là, et eux autres, on s'attend d'elles qu'elles donnent du feedback quasi immédiatement. C'est-à-dire qu'au trimestre, au semestre ou annuellement, ces équipes sont tenues, auprès de leurs partenaires la plupart du temps, de tenir des séminaires, des «workshop», des rencontres, des ateliers de feedback à partir des données qu'elles auront cueillies, colligées auprès de l'organisation pour répondre à une question, c'est: Est-ce que le programme a été implanté comme il aurait dû l'être? C'est ce que les organisations font le plus souvent. Les organisations gouvernementales sont quasiment championnes là-dedans.

Là où les organisations gouvernementales ne sont vraiment pas très championnes, c'est dans l'évaluation des impacts. Et, moi, je fais un grand plaidoyer tout le temps pour dire: Les ministères ne sont pas suffisamment inquiétés ou préoccupés de l'impact des programmes qu'ils mettent en place. On a une culture où on met un programme en place, on se préoccupe de l'implantation puis, la plupart du temps, les scandales des programmes qu'on met en place, c'est lorsqu'ils ne fonctionnent pas dans leur implantation. Puis il n'y a pas grand-monde qui s'interroge si ça a un impact sur la vie quotidienne des gens, si ça les sort vraiment de la pauvreté, si ça les sort de la détresse, si ça les sort de la déprime ou du stress, etc. Ça, on sait ça par d'autres recherches indépendantes de chercheurs qui se sont battus pour aller chercher des fonds.

Vous me donnez l'occasion de faire mon petit discours, mais ce que je veux dire, c'est que, dans le fond... Et ça, vous le voyez, le nombre de lois avec une clause crépusculaire, dans le fond, ce n'est pas la grande pratique courante, et, quand il y en a une, très souvent, on l'allège, on la reporte, etc. Mais, pour les chercheurs, ce qui incombe, c'est de donner du feedback en cours de route sur l'implantation puis éventuellement de donner un feedback sur l'impact.

Dans certains domaines, le feedback sur l'impact peut venir assez rapidement. Je vais vous donner un exemple. Par exemple, les visites de nouvelles mères en milieu défavorisé, les visites à domicile par une infirmière à partir du huitième mois de la naissance jusqu'à deux ans après la naissance, on a eu des données là-dessus quant à une expérience dans les Adirondacks. Une fois le programme implanté à maturité, on a fait une évaluation d'impact et, un an et demi après, on savait que ce type de programme réduisait l'abus et la négligence envers les enfants de 75 %. On le savait un an et demi après. Ce n'est pas long. Maintenant, est-ce que ça va avoir un impact majeur sur le développement de ces enfants-là, sur leur carrière? Enfin, il faut attendre qu'ils vieillissent. Et, 15 ans plus tard, on aura appris – on a appris ça cet été dans le JAMA, Journal of American Medical Association – que les mères de ces enfants s'en sortaient mieux, qu'elles avaient moins d'enfants, que les grossesses étaient plus espacées, qu'elles retournaient sur le marché du travail, etc.

Donc, une très longue réponse pour une question importante et très courte. Je m'en excuse, mais les impacts, on peut... Parce qu'on raffine nos modèles de compréhension aussi, en recherche sociale, puis là on commence à avoir des modèles de comment les processus s'installent. Alors, quand on commence à avoir des modèles de comment les processus s'installent, on est capable de dire: On vise, par exemple, la diminution de la criminalité à 18 ans. Si on intervient en trois ans, on ne va pas attendre jusqu'à 18 ans parce qu'on sait qu'un enfant qui est extrêmement perturbateur et qui ne contrôle pas ses émotions à cinq ans ou six ans a plus de risques éventuellement de tomber dans la délinquance étant jeune; alors, on a tout de suite des indices qu'on peut retracer. Donc, à court terme, on peut avoir des réponses.

Dernier élément, si vous permettez. Les chercheurs sont en même temps les sentinelles et ils surveillent non seulement leurs recherches mais toutes les recherches afférentes à leur domaine. Ils peuvent très souvent agir comme chercheurs-conseils auprès d'organismes, d'organisations, d'associations, de ministères qui veulent avoir un état de la connaissance sur un domaine donné, qui permettent des orientations et qui permettent des décisions. La recherche locale est importante parce qu'elle peut répondre à des questions extrêmement spécifiques et extrêmement actuelles que des décideurs ou des gestionnaires ou des intervenants ont en tête à propos de leur clientèle, de leur population et de leur territoire.

Mais, par ailleurs, nous avons suffisamment de données au niveau international pour nous inspirer un début de réponse à la plupart des questions, même si ces réponses-là sont souvent maladroites.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Réponse très intéressante. Alors, je cède maintenant la parole au député de Nelligan.


Stratégie de diffusion des résultats obtenus

M. Williams: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, M. Bouchard et toute votre équipe pour votre présentation. Particulièrement, M. Bouchard, merci pour votre patience, votre engagement en recherche sociale. Je vous connais et je connais vos études qui ont été très utiles dans le passé. J'ai juste besoin de dire que c'est toute une différence – et je ne commencerai pas un long débat aujourd'hui sur ça – d'une étude comme vous avez sortie, Fou des enfants , et la réalité que nous avons vue dans le rapport du Vérificateur général, cette année, dans le réseau des services sociaux. Peut-être que vous pourriez faire quelques commentaires un peu plus tard sur la réalité, parce qu'on peut avoir toutes les bonnes idées, toutes les bonnes recherches sans avoir les moyens de faire notre travail, nos intervenants ne pouvant pas faire leur travail.

Mais ma question est plus peut-être... J'ai plusieurs questions, mais une question, c'est après votre recherche. J'ai lu quelques-unes de vos petites brochures ici, je trouve ça très intéressant. Un, je demande que peut-être chaque député, comme membre de la commission des affaires sociales, et les remplaçants – parce que je suis en remplacement aujourd'hui – puissent en avoir une copie parce que je trouve ça intéressant. Mais c'est quoi votre stratégie de Conseil pour communiquer votre recherche? C'est assez intéressant, les exemples que vous avez juste cités ou les exemples pour les jeunes à l'école: Est-ce qu'il y a une stratégie proactive de rendre aussi cette information populaire pour M. et Mme Tout-le-Monde, pour les personnes impliquées directement et indirectement?

Moi, je comprends l'importance de la recherche, mais, comme vous avez dit, Mme la directrice, c'est de mieux connaître, mieux comprendre et agir, faire de l'action après. Si on fait la meilleure recherche au monde et qu'on ne fait pas un exercice de communiquer des données utiles, moi, je trouve ça peut-être moins utile qu'on le veut. Avez-vous une stratégie, avez-vous une partie de votre budget privilégiée pour communiquer, pas juste dans les journaux de science, mais de rendre ça accessible à la population?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Bouchard.

M. Bouchard (Camil): Mme la Présidente, moi, je suis particulièrement intéressé par cette question-là parce que je pense que la connaissance est une grande partie de notre pouvoir d'adaptation. Le CQRS est très conscient de cela et il a, durant ses deux derniers plans triennaux, cheminé dans cette direction-là. Au dernier conseil d'administration, nous avons adopté, pour une première fois dans l'histoire du Conseil, une stratégie de communication ou un plan de communication. Ce plan prévoit une approche à la diffusion et à la vulgarisation, une approche qui est beaucoup plus ambitieuse que ce qu'on a fait jusqu'à maintenant. Quoiqu'on n'est pas resté passivement à attendre que le train passe durant les dernières années, on essaie maintenant de se donner un plan d'action plus précis, avec un budget afférent qui, espérons-le, sera à la hauteur.

(10 h 40)

Mais la première chose, je pense, qu'il est important de mentionner, c'est que, ce que nous avons développé jusqu'à maintenant, c'est un goût pour les chercheurs, un changement d'attitude chez les chercheurs à fréquenter ceux et celles qui font face aux problèmes quotidiennement. Ça, c'était notre première étape. La deuxième, c'est d'arriver à mettre sur pied des outils qui vont favoriser le transfert de ces connaissances et la vulgarisation de ces connaissances. Qui sont les meilleurs ou les mieux placés pour le faire? Notre réponse, c'est... Ce ne sont pas les chercheurs. Les chercheurs, on les distrait beaucoup quand on leur demande de faire ça. Leurs principales qualités, c'est d'être patients, d'être tenaces, d'être curieux, d'être rigoureux. On ne leur demande pas d'être d'aussi bons communicateurs que d'aussi bons chercheurs, c'est souvent leur demander de se brûler, de brûler la chandelle par les deux bouts.

Il y en a qui sont très bons, il y en a qui sont beaucoup moins bons, et ce n'est pas là-dessus qu'on devrait les juger. Si bien que le Conseil, dans son plan de communication, prévoit mettre sur pied un programme d'infrastructures de transfert de connaissances où seront mises à profit les compétences, dans les entreprises privées qui font du marketing social, des gens qui sont habitués à la communication de masse, des gens qui sont des clients aussi et qui veulent transférer les connaissances auprès de leur clientèle – comme, par exemple, les grandes associations comme les centres jeunesse qui ont besoin de transférer des connaissances auprès de leurs intervenants – donc qui sont prêts à investir aussi là-dedans et donc à s'impliquer carrément dans l'affaire, et sur une plate-forme en interaction avec les chercheurs. Si bien que, ce qu'on aura trouvé à propos d'un phénomène et qui nous paraît prometteur en termes d'intervention sera traduit de la bonne façon et transféré au bon endroit, au bon moment, pensons-nous. Ça, c'est une première stratégie.

La deuxième, c'est d'informer le grand public. Mais, informer le grand public, ça coûte des sous. C'est extrêmement cher et nous sommes actuellement à la recherche de fonds qui vont nous permettre de mettre sur pied une campagne où les gens se feront dire que, oui, la recherche, ça change le monde, et ça change le monde souvent dramatiquement. Et moi, je pense qu'il n'y a pas seulement les intervenants, les décideurs puis les gestionnaires qui profitent de la recherche, il y a les parents, dans la vie quotidienne; il y a les amis qui supportent la personne qui est en dépression puis qui est en détresse sociale; il y a toute sorte de monde – les bénévoles – il y a plein de gens qui peuvent en profiter. Donc, il y a un effort particulier de ce côté-là à faire.

Il y a un effort particulier à faire également, pensons-nous, dans notre façon de transférer les connaissances auprès des décideurs et des gestionnaires dont vous êtes. Nous avons jusqu'à maintenant tenté quelques efforts. Le Séminaire sur la colline, ça en est un. Mais on peut être plus ambitieux que ça encore. Vous acheminer plus rapidement de l'information de façon plus régulière, ça coûte des sous; on est en train de planifier cette histoire-là.

Dernier élément, Mme la Présidente. Les journalistes scientifiques sont un groupe particulièrement important dans la stratégie. Nous avons dernièrement reformaté notre site Internet de sorte que les journalistes puissent identifier rapidement les nouvelles recherches, les nouvelles données, les chercheurs associés et puissent les rejoindre, et nous voulons aussi – et nous avons commencé – entretenir des liens beaucoup plus serrés avec le réseau des journalistes scientifiques pour qu'ils puissent éventuellement s'intéresser aux résultats de recherche, recherche sociale.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Peut-être juste une petite question sur la publicité, M. le député de Nelligan, si vous me permettez.

M. Williams: Oui, certainement, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Vous parlez de publicité. C'est sûr que la publicité est toujours assez onéreuse. Cependant, il me semble que c'est tellement intéressant, le produit de ces recherches sur la population, sur l'impact que ça peut avoir sur la population, il me semble qu'il doit y avoir moyen d'organiser des tables rondes, soit dans les médias, soit à la télévision, à la radio, et pouvoir échanger sur le sujet.

Et je pense, entre autres, à Télé-Québec, qui est une télévision d'État. Peut-être que ça nous donnerait plus le goût de l'écouter aussi, si on avait des genres d'émissions comme ça. Il me semble qu'on pourrait peut-être s'en servir davantage parce que vous avez les journalistes qui sont spécialisés, au niveau scientifique, mais vous avez aussi, si c'était bien vulgarisé, avec des exemples très concrets sur l'impact que ça peut avoir sur la population...

Tout à l'heure, vous parliez des mères toxicomanes. Par exemple, ça peut être sur les jeunes enfants et ainsi de suite. Il me semble que la population accrocherait, s'accrocherait à ça, et il me semble que ça pourrait avoir un impact important.

Vous voulez ajouter quelque chose, madame?

Mme D'Annunzio (Suzanne): Oui. En fait, je pense qu'on pourrait déposer le plan de communication, puis je vais répondre à votre question. Ce plan-là, le mérite qu'il a, c'est qu'il cible les publics qui sont variés, incluant la population, les chercheurs, les gestionnaires. Je pense que tu as fait une bonne... Et on a toute sorte d'actions visées – puis ça, c'est sur deux ans, on ne fait pas tout la première année – les actions publiques ou la gestion des opportunités, les actions en coulisses, l'influence des décideurs – les petits séminaires font partie de ça – et les actions d'abord dirigées vers les chercheurs mais également profitables aux décideurs et aux médias.

Puis ce qu'on aimerait, nous autres, par rapport à ce que vous dites, c'est de mettre sur pied une équipe de vigie qui gérerait un peu les opportunités. Je donne un exemple. Par exemple, le suicide de M. Girouard. Autrement dit, si on avait eu une équipe de chercheurs prête à rencontrer les journalistes puis parler de la question du suicide ou d'un autre... Je ne sais pas, moi, la fermeture de Boscoville, ou que sais-je, là. Donc, gérer les opportunités. Une équipe de vigie, c'est être toujours prêt au moment où l'actualité, où les gens ont besoin de savoir, un état de situation, un «state of art», comme tu le disais. Qu'est-ce que les connaissances nous disent? Pourquoi les gens se suicident? Qu'est-ce qui est arrivé dans le cas de M. Girouard?

Nous, ce qu'on veut faire – ça serait peut-être dans l'an deux – une vingtaine de chercheurs – ça n'en prend pas 80 000 – qui sont aux aguets puis qu'on puisse rentrer en lien avec des médias puis faire une table ronde pour discuter de sujets qui intéressent la population et auxquels la recherche peut amener des réponses. Pas toutes les réponses, mais les réponses qui nous concernent.


Document déposé

Ça fait que peut-être que je déposerais le plan de communication puis vous allez voir qu'il y a plusieurs moyens.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): D'accord. Merci. Mes propos étaient plus cependant dans une perspective de prévention.

Mme D'Annunzio (Suzanne): Oui.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je cède à nouveau la parole au député de Nelligan.

M. Williams: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Dans la même ligne encore, tout le monde a son propre métier, vous, ce sont chercheurs et recherchistes, je suis politicien, et on parle souvent de communication et tout ça. Vous avez parlé des partenaires, etc., et je pense que, dans chaque étude, vous avez un réseau naturel. Quand on parle des jeunes, il y a toutes les commissions scolaires, il y a le réseau de centres jeunesse, et ça ne prend pas des millions pour dispenser l'information.

Quand vous avez parlé des jeunes mères ou des familles qui gardent leurs parents à la maison – j'ai vu cet article-là – on peut faire des photocopies de ça, qui ne coûtent pas très cher, et on rentre ça dans toutes les salles d'attente dans les CLSC, il y en a 158 partout au Québec. On peut prendre des moyens pour rendre ça plus intéressant et il va y avoir deux impacts: l'un, ça va être de passer l'information d'une façon vulgarisée, mais aussi, en général, ça augmente l'importance de tout le volet de la recherche sociale parce que, effectivement, dans vos chiffres, vous avez montré que, comme les services sociaux, c'est le cousin pauvre du réseau de la santé et des services sociaux, la recherche sociale est le cousin pauvre encore. Malgré que vous avez eu des augmentations, etc., ce n'est pas des gros chiffres que vous avez. Je pense qu'on doit encourager, de plus en plus on doit dépenser de l'argent dans la recherche sociale.

Avec ça, si vous voulez jaser une autre fois sur les... Parce que je suis dans l'opposition. Nous n'avons pas tous les moyens que l'autre côté a. Nous avons souvent des idées qui coûtent moins cher dans les communications. Si vous voulez avoir nos idées sur ça... Ils ne m'écoutent pas aujourd'hui.

Des voix: Ha, ha, ha!


Critères déterminant les recherches prioritaires

M. Williams: O.K. J'ai une autre question plus technique. Dans votre document, combien de projets vous avez reçus, recommandés et financés? Il y a effectivement un écart entre ceux et celles qui sont recommandés et ceux et celles qui sont financés. J'accepte que vous ayez tout un système scientifique afin de décider lesquels vont être recommandés. Ma question n'est pas là. Ma question est plus politique, peut-être: Comment vous allez décider les priorités de choisir parmi les groupes recommandés? Comment vous allez choisir quelles recherches vous allez faire?

Je ne cache mon intérêt, j'ai un groupe de chercheurs de McGill, que j'ai rencontrés, et on discute pendant l'été. Je pense que beaucoup de personnes sont intéressées par l'augmentation de violence que nous avons vue dans notre société. M. Bouchard, vous et moi avons discuté de ça dans le passé. Ce n'est pas plus au Québec qu'ailleurs, je ne dis pas ça, mais ils veulent étudier ça: plus de violence chez les jeunes communautés et tout ça. Nous avons juste commencé à discuter comment on peut approcher cette question. Il me semble que ça va être un sujet intéressant à étudier pour la société.

(10 h 50)

Ma question: Est-ce que les priorités sont décidées par l'actualité, comme nous l'avons vu cette année, ou est-ce que c'est vraiment quelque chose de plus général? Ou, question plus générale: Comment les priorités sont décidées parmi les groupes recommandés? Je ne questionne pas comment vous avez décidé quelle action est scientifiquement bien basée et laquelle ne l'est pas.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Bouchard.

M. Bouchard (Camil): Si vous permettez, Mme la Présidente, un premier élément de réponse. Un, les priorités sont considérées bien avant que le projet ne soit recommandé ou non. Premièrement, un projet qui ne serait pas pertinent, c'est un projet qui ne s'adresserait pas à un objectif comme celui que vous venez de mentionner. La thématique, par exemple, de la violence des jeunes ou envers les jeunes fait partie des objectifs 1 et 4 de la PSBE. Alors, pas de problème, la pertinence du projet est reconnue au point de départ, et il sera donc étudié. Première étape. Deuxième étape: il est étudié et il est recommandé. La troisième étape concerne le conseil d'administration.

Le conseil d'administration reçoit les recommandations des comités d'évaluation. Il les reçoit à l'aveugle, c'est-à-dire qu'il ne connaît pas la provenance. Il n'a qu'un chiffre devant lui, c'est un numéro de dossier. Et le conseil d'administration est devant cette liste en séance et doit décider où passe la barre de financement, c'est-à-dire que nous avons tant de budget à investir, une somme x à investir dans les projets annuels, et on est engagé pour deux ans dans ces projets-là, voici les enveloppes dont nous disposons. Est-ce que nous mettons la barre à 75 %, à 73 % ou à 72 %, dépendant des années et des sommes à investir? Et voilà, c'est tout. Autrement dit, le conseil d'administration entérine le processus, il interroge les présidents des comités d'évaluation sur comment se sont passées les choses. Il y a des conseillers scientifiques observateurs qui suivent les comités d'évaluation. Une fois que les recommandations sont faites, elles sont acheminées au conseil d'administration qui, à l'aveugle, décide où la barre de financement sera placée.

Mme D'Annunzio (Suzanne): J'aurais peut-être, si vous permettez, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme D'Annunzio.

Mme D'Annunzio (Suzanne): Voilà le processus d'évaluation pour les projets de recherche. Comme vous dites, un bon projet sur la violence, un projet... En fait, s'ils sont arrivés au comité d'évaluation, c'est qu'ils sont pertinents dans la mission générale du CQRS. Là où il peut y avoir un choix de priorités, ce n'est pas au niveau des projets de recherche, actuellement c'est plutôt la qualité scientifique, mais au niveau des équipes et des chercheurs boursiers, donc, je dirais, l'infrastructure, où on va développer... Là, dans la brochure, on indique les champs où il commence à y avoir pas mal un peu trop... pas trop de monde, là, mais plus de monde que pas assez. Puis on dit: Voici les champs que le Conseil considère relativement couverts dans les équipes, puis voici où on aimerait avoir du monde. Donc, c'est une façon de promouvoir l'émergence d'équipes autour de thématiques prioritaires choisies par le Conseil.

Et la même chose pour les chercheurs boursiers. On dit: On finance 15 chercheurs boursiers. Les nouveaux, faites attention, n'arrivez pas dans le même champ que les précédents. Voici ce qu'on aimerait avoir. Il nous en manque, par exemple, en itinérance, en violence, puis on nomme les champs. Donc, on a comme deux stratégies. Une qui dit: Pour un projet donné, c'est la qualité scientifique, quand ils ont déjà été admis en comité de pertinence, parce qu'ils ne franchissent pas les comités. Puis la deuxième, c'est de dire où on met les efforts de regroupement ou de carrière en recherche sociale. Là, on indique clairement, dans la brochure, les champs qu'on considère couverts puis ceux à développer. Je ne sais pas si ça répond... Ça complète l'information que Camil...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Nelligan.


Recherche concernant la violence chez les jeunes

M. Williams: Une question très spécifique. Selon vous, la recherche dans la violence et nos jeunes, est-ce que c'est une lacune que nous avons ici, au Québec? Là, le projet n'est pas présenté encore, on va préparer ça comme il faut. Est-ce que, selon vous, ce n'est pas quelque chose qui est déjà commencé?

Mme D'Annunzio (Suzanne): En fait, la violence auprès des jeunes, il y a des équipes qui s'y attardent, mais il y a encore beaucoup de questionnement. Les projets sont les bienvenus.

M. Williams: Merci.

M. Bouchard (Camil): Peut-être un complément de réponse à cette question, Mme la Présidente. Il n'y aurait sans doute pas de place pour un nouveau budget d'infrastructures. Encore une fois, il faut distinguer les budgets d'infrastructures et les budgets de projets. Actuellement – je regardais les chiffres dernièrement – là où on investit une bonne partie de nos argents annuellement... De fait, depuis trois ans, on a investi au-delà de 3 000 000 $ et quelques dans les infrastructures des équipes qui oeuvrent dans le domaine de la violence envers les enfants ou la violence des jeunes. Et c'est notre investissement principal dans les équipes, parce qu'on a des équipes en délinquance, en troubles de comportement, donc des budgets d'infrastructures pour ces équipes, et des équipes en ce qui concerne la négligence, l'abus physique et l'abus sexuel envers les enfants.

Donc, c'est à peu près là où, d'ailleurs, les équipes en recherche sociale du Québec sont les plus fortes. Voilà.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la députée de Bourassa.


Conséquences de la réforme de la santé


Rôle des femmes en tant qu'«aidantes naturelles»

Mme Lamquin-Éthier: Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous tous. Une question. Vous savez que, dans le réseau de la santé, il y a eu une réforme importante, laquelle a été accompagnée de coupures budgétaires qui ont été sans précédent. Il y a eu des impacts, évidemment, qui ont été peut-être plus visibles pour les femmes qui sont devenues – un vocable qui est peut-être très discutable – des «aidantes naturelles», ou peut-être des «aidantes surnaturelles», ou des «épuisées».

Est-ce que vous avez déjà cerné ce champ-là comme étant un champ d'intérêt et pouvez-vous attirer mon attention sur des études, des analyses que vous auriez faites ou que vous allez faire dans ce champ-là, spécifiquement?


Transfert de responsabilités aux organismes communautaires

Et la même question en ce qui a trait aux organismes communautaires qui sont maintenant appelés à prendre en charge les responsabilités d'un État qui s'en décharge. Alors qu'avant c'était eux qui faisaient référence au secteur, maintenant, c'est le secteur qui se réfère aux organismes communautaires pour qu'ils portent les responsabilités. Est-ce qu'il y a déjà eu des études là-dessus?


Partenariat avec d'autres types de ressources

Et, le troisième champ d'intérêt: on parle beaucoup de partenariat, de complémentarité, de privatisation, à peu près à toutes les sauces, là. Est-ce que c'est déjà un champ d'intérêt et pouvez-vous dans les trois cas, et pour les femmes, et pour les organismes communautaires, et pour les distinctions à faire entre ce qu'on appelle complémentarité, partenariat, privatisation, attirer mon attention sur des études, des analyses disponibles ou à être disponibles? Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Bouchard.

M. Bouchard (Camil): Mme la Présidente, on ne sera pas venu pour rien, c'est des grosses questions, toutes. En ce qui concerne le dernier item sur le partenariat, oui, je pourrais citer certainement deux ou trois équipes qui sont à s'acharner sur la question. Une équipe, notamment, qui a reçu des fonds très importants, en collaboration avec le CQRS, d'un organisme fédéral, c'est la Fondation sur l'adaptation des services de santé, s'intéresse à toute la question de l'harmonisation et de la continuité ou du continuum des services en matière de services sociaux envers les jeunes et envers les enfants. Cette équipe est à comparer un certain nombre de territoires québécois entre eux pour voir quelles sont les configurations de services et les stratégies gagnantes. Et ça rejoint votre question sur la collaboration et le partenariat parce que, en effet, il y a des hypothèses, là-dedans, qui ne sont pas très étayées par la recherche puis on se demande ce qui est du mythe et ce qui est de la réalité, là-dedans.

Il y a un autre projet que je connais très bien, avec lequel je suis plus impliqué personnellement, c'est un projet qui se déroule sur le territoire de Montréal et qui s'appelle Un, deux, trois, go, qui a été développé par Centraide et qu'on évalue actuellement sous l'angle aussi de la collaboration et de la concertation entre les ressources.

Il y a d'autres équipes qui, au Québec, s'intéressent à cela, notamment toutes les équipes de recherche qui se préoccupent du programme Villes et Villages en santé qui repose en premier lieu sur cette hypothèse de la concertation et du partenariat. M. Michel O'Neill, de l'Université Laval, est une ressource importante à ce niveau-là. Donc, il existe actuellement des efforts de recherche à travers un programme qui s'appelle le Programme conjoint ministère de la Santé et des Services sociaux et CQRS en matière d'organisation des services sociaux. Il y a quelques équipes ou quelques projets qui sont subventionnés concernant cette troisième dimension.


Transfert de responsabilités aux organismes communautaires (suite)

En ce qui concerne les organismes communautaires, dans les appels d'offres des actions concertées que vous avez vu passer tout à l'heure, il y a un appel d'offres spécifique sur l'impact d'un programme comme celui, par exemple, des fonds sur la pauvreté concernant la mission, le développement et le fonctionnement des organismes communautaires qu'on charge d'une mission d'action à travers ce programme-là. On peut sans doute y voir certaines analogies avec beaucoup d'autres programmes où maintenant les organismes communautaires sont identifiés comme des acteurs de premier plan dans l'exécution du programme, très souvent, et quelquefois dans la planification. Donc, on aura une première réponse plus québécoise de ce côté-là, parce qu'il y a quand même la littérature scientifique d'ailleurs qui nous informe là-dessus.

(11 heures)

On a aussi épaulé une équipe de l'Université du Québec à Montréal, de Jean-François René, qui se préoccupe de cette question et qui est en train de faire une très vaste enquête auprès de 500 organismes communautaires vis-à-vis de leurs positions et réactions et des impacts que ces grandes réformes de la santé notamment et des services sociaux peuvent avoir eu sur leur statut, leur mission et leur fonctionnement. Alors, Jean-François René, de l'Université du Québec à Montréal, a reçu une importante subvention du Fonds canadien pour l'adaptation des services de santé, mais par notre entremise, à cet effet-là, c'est-à-dire suite à nos démarches.

En ce qui concerne la question des femmes, je pense que...

Mme D'Annunzio (Suzanne): Je pourrais peut-être compléter.

M. Bouchard (Camil): Oui, Suzanne.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme D'Annunzio.


Rôle des femmes en tant qu'«aidantes naturelles» (suite)

Mme D'Annunzio (Suzanne): Oui. En fait, dans les programmes officiels, les femmes sont nommées à quelques reprises dans les priorités de recherche. Je regarde, en santé mentale, le volet B, page 91, on dit vraiment: Analyse de la situation des proches et des aidants naturels. On sait bien que c'est les femmes. La même chose pour notre programme sur l'organisation des services et l'organisation... Ça, c'est des programmes plus ciblés, les trois programmes avec des partenaires, le sida aussi. Les femmes sont nommées.

Si je veux vous donner des exemples au cours, disons, de l'année 1997-1998, il y a quand même plusieurs projets, qui ont été financés, qui touchent les femmes. Je donne plusieurs exemples: Mireille Cyr, Facteurs influençant le soutien des mères dont les enfants sont abusés sexuellement . Deuxième exemple, Lina Normandin, Les séquelles psychosociales de l'abus sexuel chez les enfants de 3 à 10 ans: observations en situation de jeu et interaction avec la mère . Francine Saillant, Pratiques de soins et figures du lien: des aidants et des services à domicile dans un contexte nouveau . Ellen Moss, L'attachement, la collaboration mère-enfant et l'adaptation de l'enfant à la garderie – donc, la mère est toujours impliquée – Les interactions mère-nourrisson chez des familles à risque élevé et à faible risque . Ann Pâquet, Entre cinq murs: violence à l'égard des femmes ayant des limitations fonctionnelles dans le cadre des services de maintien dans la communauté . Christiane Piché, Perception du soutien social chez des mères et des pères en situation d'extrême pauvreté . Un dernier exemple concerne plus les femmes qui ont des incapacités.

Donc, j'ai regardé, comme ça, en vrac, je n'ai pas fait le tour d'une année de subvention, mais je pense qu'à la fois dans nos priorités qu'on annonce et à la fois dans les subventions accordées la place des femmes est là. Peut-être pas suffisamment, parce qu'on sait que ça occupe une place importante puis que c'est elle qui a beaucoup le fardeau de tout ce virage milieu là en santé et du côté des services sociaux aussi pour les personnes handicapées, etc. Mais, en tout cas, on pourrait en subventionner encore, je suis d'accord avec vous, il y a encore des besoins énormes.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Complément de réponse, M. Bouchard.

M. Bouchard (Camil): Oui. De fait, il y a une équipe de chercheurs qui a fait son pain et son beurre sur ce sujet-là et qui m'est revenue à l'esprit durant les dernières secondes, c'est l'équipe de Nancy Guberman et de Pierre Maheu, de l'Université du Québec à Montréal, en travail social, qui a beaucoup investigué cette question-là de l'épuisement des femmes dans les réseaux de soutien entourant les personnes qui sont affaiblies, malades ou en détresse. Et ils ont des études fort intéressantes aussi de cette question-là dans les communautés culturelles, notamment. Je pense que leur dernière étude a porté sur la communauté haïtienne, si je ne me trompe pas. Alors, il y a une mine de renseignements, de ce côté-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Oui, madame.

Mme Lamquin-Éthier: C'est d'avoir accès à ces données-là qui représente la difficulté.

M. Bouchard (Camil): Mais écrivez-nous.


Stratégie de diffusion des résultats obtenus (suite)

Mme Lamquin-Éthier: Oui, bien, je pense que je vais prendre l'habitude de vous appeler, effectivement. On est dans une ère où on parle, Mme la Présidente, beaucoup de responsabilisation pour les personnes qui passent à travers le réseau de la santé. Et on parle aussi – enfin, on en parle: il serait souhaitable que les personnes qui reçoivent les services puissent être outillées pour faire des arbitrages importants, ce qui n'est pas le cas.

Alors, je trouve les questions qui ont été posées par Mme la présidente et mes collèges tout à fait pertinentes. Dans une ère où l'information devrait être excessivement disponible, facile à obtenir, comment se fait-il que la population n'ait pas toujours accès à des données qui lui permettraient de comprendre une situation, les éléments qui la composent et quelles orientations pourraient être prises par le ministère ou des personnes responsables pour juger de l'efficacité, si vous voulez, des programmes qui sont mis en place par le ministère de la Santé? On ne peut pas faire ça, la population n'a pas les moyens de le faire, et c'est dommage.

Je regarde, là, vous avez des études sur la violence envers les personnes âgées. Et, oui, c'est un phénomène qui est important, oui, les gens en sont préoccupés. La suggestion pour Radio-Québec, pourquoi pas? Ça permettrait de sensibiliser des gens qui vivent au quotidien ces problèmes-là et, au même moment, de les outiller. Comment faire pour que cette population-là ait accès à des informations qui lui permettraient de faire des arbitrages qui sont importants et qui lui reviennent en quelque sorte?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Des commentaires, M. Bouchard, madame?

M. Bouchard (Camil): C'est parce que, écoutez, moi, je ne peux pas être plus en accord. Ça fait quand même quelques années qu'on examine attentivement tous les scénarios possibles pour arriver à cet objectif que vous mentionnez, que vous entretenez depuis tantôt. Il y a plusieurs façons d'y arriver. Et je dois dire, en passant, qu'il y a plusieurs plates-formes où nos chercheurs interviennent. Moi, j'en connais beaucoup qui sont mis à contribution par les médias, qui sont des bouffeurs de chercheurs, et qui mettent donc à profit leurs connaissances.

Le problème, c'est que ces efforts-là sont souvent non identifiés à la recherche sociale. Alors, les gens voient un chercheur d'université qui vient éventuellement répondre à des questions, mais c'est identifié à un ensemble qui est l'université et non pas à la recherche sociale comme telle, un.

Deux, on sait que, d'abord, vous voulez faire de l'information, mais c'est pour changer, c'est pour améliorer. Et, très souvent, les études qui sont faites sur la vulgarisation et la diffusion concluent que ça n'a pas un gros effet. Il faut qu'on puisse, en même temps, avoir une stratégie de diffusion et de vulgarisation et de soutien à l'action, une fois la vulgarisation et la diffusion faites. Et là on rentre dans un domaine de plus grande complexité.

Moi, je pense que l'information ne nuit pas, puis la connaissance non plus. Mais, si on veut arriver à avoir un impact tangible, éventuellement, sur une dimension comme celle, par exemple, de l'épuisement des aidants naturels, il faut qu'en même temps cette information-là soit partagée par le public, qu'il y ait des représentations auprès des décideurs et des politiques, que les gestionnaires et les administrateurs locaux et régionaux soient aussi, du même élan, atteints par l'information. Donc, c'est à multiniveaux. Et, si on veut être efficients dans notre approche de communication, il faut pouvoir avoir ça en tête continuellement.

Il y a des choses qui sont en train de se développer, là. On espère pouvoir les annoncer d'ici un an. Mais, comme vous, on pense que les gens ont besoin de se référer à de l'information qui est bien encapsulée, qui est bien présentée et qui, éventuellement, est transportable directement dans leur vie quotidienne. Ça, c'est sûr.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la députée de Bourassa, est-ce que vous avez d'autres questions?

Mme Lamquin-Éthier: Ah! j'en aurais beaucoup. La gestion, un excellent choix, hein!

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui? On reviendra. Alors, je vais céder la parole maintenant à la députée de Vanier.


Interaction avec les équipes de recherche à l'étranger

Mme Barbeau: Alors, je vous remercie d'être ici aujourd'hui. C'est très intéressant. Moi, c'est un petit peu... Tantôt, vous avez abordé un peu l'angle de ce qui se fait en Amérique du Nord, les recherches, et tout ça, puis je serais curieuse juste de savoir comment vous fonctionnez. Est-ce que c'est chaque équipe de chercheurs ou le chercheur qui lui-même fait ses démarches et/ou le Conseil a des relations avec d'autres types d'organismes semblables ailleurs, aux États-Unis, en Europe? De quelle façon vous échangez les... Ça m'intéresse de le savoir.

M. Bouchard (Camil): Mme la Présidente, il y a deux niveaux dans la question. Le premier niveau, c'est l'organisation de la recherche. Au niveau de l'organisation de la recherche, le Conseil interagit avec d'autres conseils. Nous sommes en interaction quasi quotidienne désormais avec le FCAR et le FRSQ. Nous sommes en interaction avec le CRSH. On a des partenaires, au CRSH, qui sont très près de nous – le président du CRSH, c'est l'ancien président du CQRS; CRSH, Conseil de recherche en sciences humaines du Canada – avec lesquels nous avons des échanges assez régulièrement.

Je dois vous avouer qu'autrement le Conseil, à l'occasion de stages, par exemple, de notre personnel... L'an dernier, nous avons eu quelqu'un en observation, en France, dans les grands organismes de subvention de recherche en France. Et, à chaque fois qu'on fait un truc comme ça, ça nous inspire parce qu'on voit d'autres perspectives puis d'autres façons de gérer puis d'organiser puis de développer la recherche. Ça, c'est d'une part.

Maintenant, on a de très modestes budgets, et ça ne nous permet pas de financer des missions très fréquemment, surtout en Provence ou à Paris.

Des voix: Ha, ha, ha!

(11 h 10)

M. Bouchard (Camil): Alors, disons que, de ce côté-là, nos efforts sont surtout électroniques, là, et nos échanges avec le monde international, du point de vue de l'organisation de la recherche, sont surtout de ce côté-là. Mais, de ce temps-là, c'est très effervescent. Au Canada surtout, avec les instituts canadiens de recherche en santé, ça bouge énormément. Donc, nous sommes en communication très fréquemment.

L'autre niveau de votre question, c'est: Comment les chercheurs arrivent-ils à connaître ce qui se passe dans le monde de la science, dans leur domaine en particulier? Ça, c'est de l'initiative personnelle. Alors, il y a des équipes qui sont en contact quasiment quotidiennement avec des collègues américains ou européens, d'autres équipes qui sont un petit peu plus sédentaires, un peu moins curieuses. Mais on s'aperçoit que nos chercheurs fréquentent énormément les autres chercheurs au niveau international. On a un niveau d'échanges d'opérations puis de connaissances, à ce niveau-là, qui est assez exceptionnel. Et nos chercheurs sont très bien représentés au niveau international.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Vanier, oui.

Mme Barbeau: Alors, tout ce qui se fait ailleurs est quand même accessible par le réseau scientifique, si je comprends bien.

M. Bouchard (Camil): Oui.

Mme Barbeau: Alors, c'est de cette façon-là que vous essayez d'aller voir ce qui se fait ailleurs.

M. Bouchard (Camil): Oui. Tout à fait.

Mme Barbeau: C'est vraiment de façon... je veux dire, ce n'est pas systématique, j'imagine.

M. Bouchard (Camil): Bien, Mme la Présidente, il n'y a pas un chercheur actuellement, n'importe où dans le monde, qui est capable de faire avancer les connaissances s'il ne connaît pas ce qui se passe dans le monde. Et c'est très facile, maintenant. Vous allez sur le Web, vous contactez qui vous voulez, vous ne savez pas où vous le contactez – il peut être dans sa chambre à coucher – mais vous êtes en interaction directe avec une sommité en recherche, dans un domaine que vous fréquentez. Alors, c'est très, très simple. Pas plus tard qu'hier, moi, j'ai parlé, par la voie d'Internet, à un chercheur qui se situe au fin fond de la Californie, que j'invite à Montréal venir nous visiter pour une question qu'on se pose pour la formation des étudiants. Ça prend deux secondes, maintenant. Alors, nous sommes en contact quotidien avec les chercheurs au niveau international puis avec les résultats de recherche.

Cependant, ce qui compte, très souvent, c'est la lumière qu'on peut porter sur les grandes questions vues dans le contexte dans lequel on opère. Alors, par exemple, je ne veux pas soulever de débat de fond, mais, toute la question de la réforme de l'aide sociale, on peut s'inspirer des recherches américaines puis voir qu'est-ce que ça donne, le «workfare», par exemple, chez les mères qui ont des enfants entre zéro et six ans aux États-Unis. Mais, une fois qu'on connaît les résultats d'impact... Les Américains sont très forts là-dessus, ils font de la recherche évaluative d'impact sur les grandes politiques publiques; ils n'en ont pas beaucoup, alors ils en font beaucoup, de la recherche.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard (Camil): Mais ils sont extrêmement attentifs et bien organisés. Il y a une équipe au Wisconsin qui ne fait que ça, la réforme de l'aide sociale. Ils sont en mesure de documenter ce qui arrive aux mères, aux jeunes mères, à leurs jeunes enfants, etc., suivant cette nouvelle politique du «workfare».

Mais les chercheurs québécois, connaissant ces résultats, se posent la question: Mais est-ce que, dans le contexte canadien et québécois, où on a des politiques sociales qui sont très différentes, des programmes sociaux qui sont très différents, on va avoir les mêmes résultats, étant donné ce contexte-là, étant donné aussi la culture qui est très différente? Alors, il faut s'inspirer de ce qui se passe ailleurs, mais, en même temps, il faut replacer, recadrer cette information-là dans notre contexte et poser la question par rapport à nos institutions, dans notre culture.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme D'Annunzio, vous aviez un complément de réponse?

Mme D'Annunzio (Suzanne): Oui, un complément d'information. Camil, en fait, répond très bien, étant lui-même un chercheur, pour ce qui est du rayonnement international. Par rapport à l'organisation CQRS, c'est vrai qu'on n'a pas beaucoup de moyens, mais peut-être que ce qui serait bien utile puis qu'on est en train d'examiner, c'est un genre de socio-Web qui irait chercher les principaux résultats de la recherche sociale en capsules, puis on pourrait s'aider avec non seulement le CQRS, mais le CRSH et le FCAR, où là il y aurait comme... pas une tribune, mais un lieu, un forum...

M. Bouchard (Camil): Une fenêtre.

Mme D'Annunzio (Suzanne): Une fenêtre pour les principaux résultats de la recherche. Puis on sait que les résultats des recherches québécoises tiennent automatiquement compte de l'avancement des connaissances dans le monde. Donc, ce socio-Web là nous aiderait à avoir un lieu où on a toujours à date les meilleures connaissances puis qui serait alimenté pas seulement par le CQRS, mais d'autres fonds. C'est, en tout cas, un complément de réponse pour l'état des connaissances à la hauteur de la planète qu'on pourrait, nous autres, modestement mettre à la disposition de tout le monde, des chercheurs, mais aussi... Le Web est consulté par tout le monde.

Mme Barbeau: Juste pour terminer...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme la députée de Vanier.

Mme Barbeau: ...je sais, M. Bouchard, que vous faites beaucoup de choses – ce que j'ai entendu dans vos présentations – avec les États-Unis. Vous regardez beaucoup ce qui se passe aux États-Unis. Mais, étant donné ce que vous venez de dire puis qu'il y a quand même une différence culturelle qui est là, est-ce qu'on ne serait pas plus près de ce qui se passe en Europe, par exemple dans les pays nordiques? Ça ne se rapprocherait pas un peu plus de nous? Je pose la question, là. Je suis un peu naïve, là. Mais je ne sais pas.

M. Bouchard (Camil): L'hypothèse, c'est que non. Probablement qu'on a une différence aussi importante, sinon plus, avec les pays européens, avec les pays nordiques. Parce que la culture, ce n'est pas simplement les institutions actuelles et les grandes valeurs contemporaines, mais c'est aussi l'histoire et c'est aussi comment ces valeurs-là sont ancrées et dans quel contexte. Les pays nordiques, par exemple, ont une culture religieuse et protestante beaucoup plus importante que celle qu'on peut retrouver au Québec. Et, dans ce contexte-là, les programmes sociaux prennent une coloration qui est très différente, et leur application est souvent très différente.

J'entendais, par exemple, un chercheur suédois divulguer des résultats à propos des mamans qui ont des congés de maternité prolongés en Suède et dont l'emploi est garanti d'un mur à l'autre. Ces mères-là, très souvent, qui souhaitent demeurer à la maison plus que deux ans se trouvent dans une situation de très grande culpabilité si elles ne retournent pas au travail, parce qu'elles savent que leur société, leur culture, les organisations auront fait un effort extrêmement important pour leur réserver cet endroit de retour dans le milieu du travail. Donc, vous voyez, ça, c'est l'envers de la médaille de ces programmes-là. Et, en même temps, c'est relié à une culture du devoir et à une culture à propos du travail qui est spécifique, sans doute, à la Suède. Je ne sais pas ce qu'on retrouverait au Québec. Mais ça, c'est un exemple.

Mais, cependant, ce serait une erreur fondamentale de dire qu'on n'apprend rien de ça. Au contraire, la façon dont les gens répondent aux questions, les questions qu'ils posent ou qu'elles posent, ces cultures-là ou ces communautés-là qui sont loin de nous, sont très inspirantes, très importantes.

Un dernier exemple, à ce titre-là, c'est la nouvelle politique française en matière de recherche scientifique et de recherche sociale. Ils ont décidé d'embarquer très, très, très fortement dans la multidisciplinarité, et leur objectif, c'est d'arriver à créer de nouvelles disciplines. Alors, ce n'est pas rien. Ça prend une culture forte pour arriver à dire: En posant tous la question, tout le monde ensemble, on va développer non pas simplement une nouvelle réponse, mais une nouvelle discipline parce qu'on va développer une nouvelle façon de voir. Moi, je trouve ça fascinant. Est-ce que c'est transposable ici? Est-ce qu'on peut y arriver? C'est une autre question. Mais, moi, je trouve qu'on est toujours inspiré à fréquenter le monde.

Une voix: Merci.


Recherches sur les aspects sociaux de la santé

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Avant de céder la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce, pour ma compréhension, je voulais peut-être tout simplement vous poser la question suivante. Le Conseil québécois de la recherche sociale a quand même un mandat très, très large. Mais, si je comprends bien, vous vous limitez vraiment à la recherche sociale, vous ne touchez pas du tout – parce que votre mandat est large – à la santé, c'est-à-dire, par exemple, le développement de molécules, ou quoi que ce soit, la recherche sur les molécules. C'est vraiment social, hein? D'accord.

M. Bouchard (Camil): À moins qu'on puisse se trouver un champ de recherche qui s'appellerait «la communauté des molécules et de leur interaction», on n'ira pas là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard (Camil): Cependant, nous avons – une ou deux? – une équipe en particulier que nous subventionnons et qui se préoccupe des aspects sociaux de la santé: l'organisation des services, l'impact des réformes ou des programmes de santé, toute la question, par exemple, du virage ambulatoire et de ses effets ou de ses impacts sur la population, sur les états ou bien de détresse, de fatigue ou d'épuisement, ou alors les états d'accomplissement aussi, là-dedans, ou les effets bénéfiques de ce type de réforme. Ça, ce sont des sujets qui sont acceptés d'emblée pour fins de subventionnement au Conseil. Il y a au Québec au moins trois ou quatre grands groupes de recherche sur les aspects sociaux de la santé qui sont à pied d'oeuvre et, dépendant de l'angle sous lequel ils posent des questions, ils peuvent fréquenter ou bien le FRSQ ou bien le CQRS.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je vous cède la parole.

M. Copeman: Merci, Mme la présidente. C'est toujours un grand plaisir d'accueillir un commettant du comté de Notre-Dame-de-Grâce...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: ...qui fait une aussi grande contribution à améliorer nos connaissances, comme parlementaires et comme Québécois et Québécoises. Voyez-vous, Mme la Présidente, il y a d'autres députés qui disent qu'ils ont le plus beau comté. Là, je ne parle pas de la beauté du comté mais de la qualité des personnes qui en sortent, du comté...

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Sur ce sujet, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je pourrais vous dire: dans le comté de Saint-François, on a d'excellents chercheurs.


Processus d'octroi de subventions

M. Copeman: Oui, oui, je n'en doute pas, Mme la Présidente. M. Bouchard, je suis plus familier avec le domaine scientifique en recherche, mon épouse travaille là-dedans. Et évidemment il y a, dans vos programmes, je dirais, des programmes de subventions plus traditionnels, comme des subventions à la recherche, des bourses, des carrières en recherche sociale. Ce qui m'intéresse le plus, c'est votre programme de subventions de développement d'équipes en recherche sociale.

(11 h 20)

Il me semble que, du côté scientifique, il y a un grand débat: Est-ce que les avancements scientifiques se font par compétition entre différentes équipes qui travaillent en isolation ou est-ce qu'on devrait regarder l'approche plus multidisciplinaire? Le débat se fait actuellement dans le domaine scientifique. Là, je vois que vous – en tout cas – privilégiez une démarche d'équipes en recherche sociale. Pouvez-vous peut-être nous éclairer un peu plus sur cette approche: Elle date de quand? Quel est l'objectif ultime de cette approche? et peut-être nous donner quelques exemples concrets des équipes que vous subventionnez? Et à quoi sert la subvention? Donnez-moi une idée très concrète.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Bouchard.

M. Bouchard (Camil): Mme la Présidente, la subvention sert à créer des emplois. Sur un budget annuel, il y a 150 000 $ ou 120 000 $, dépendant d'où se situe l'équipe au niveau de son évaluation, qui sont essentiellement investis sur l'infrastructure, l'infrastructure étant les outils dont ont besoin des équipes pour arriver à assurer une continuité dans leur programme de recherche. Donc, très souvent, ce sera un, deux ou trois professionnels de recherche qui assurent les opérations de demandes de subvention, de représentations auprès d'organismes subventionnaires, d'organisation des équipes ou des projets de recherche, etc., donc du soutien à l'accomplissement des programmes ou des projets de recherche. Ça, c'est pour répondre à la dernière partie de la question. Ce sont des argents d'infrastructure.

En ce qui concerne le but qui est visé par la constitution des équipes, il est double. Un, c'est de développer des connaissances dans des secteurs stratégiques identifiés à partir de la politique santé et bien-être, dans lesquels les preneurs de décisions, en ce qui concerne les questions de recherche, les priorités de recherche et les retombées de cette recherche, sont à la fois les chercheurs universitaires, les chercheurs d'établissements, les décideurs, les gestionnaires et les intervenants d'établissements. Donc, pour arriver à obtenir une subvention d'infrastructure, il faut que les équipes qui nous sont proposées puissent présenter une composition de diversité – chercheurs universitaires, établissements et intervenants gestionnaires – et puissent en même temps s'entendre sur des priorités de recherche et un plan de développement qui va jusqu'à trois ou quatre ans, dépendant des équipes, mais qui nous projette un peu dans le futur.

L'objectif de ce programme était d'arriver à faire en sorte que non seulement les recherches puissent témoigner des avancées de la société québécoise en regard d'un plan qu'elle s'est donné en termes de politique santé et bien-être, mais aussi d'installer dans les organisations et les institutions et les établissements de services une culture de la recherche. Et là on a vraiment de très grands progrès à faire, surtout dans le domaine de l'intervention sociale.

Dans le domaine de la santé, c'est moins vrai. Il y a des masses critiques de chercheurs déjà dans les établissements, et la population qui fréquente les établissements, la population des patients qui fréquentent les établissements représente la population de référence pour leurs propres recherches, alors que, dans les services sociaux, c'est beaucoup moins évident parce que les intervenants n'ont pas une formation de recherche aussi poussée qu'on peut l'avoir, par exemple, du côté médical, ou pas encore, en tous les cas. Surtout ceux qui sortent des écoles de service social, ils sont moins formés à la recherche et à la science que quelqu'un qui viendrait de médecine. On travaille là-dessus.

Donc, c'est essayer en autant que faire se peut d'introduire et de maintenir une culture de la recherche scientifique dans les établissements et les organisations qui puisse faire en sorte éventuellement que les connaissances qu'on développe en recherche puissent être plus facilement adoptées dans l'organisation. Alors, c'est ça, le but qui est poursuivi, dans le fond.

Mme D'Annunzio (Suzanne): Est-ce que je peux donner...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui? Alors, Mme D'Annunzio.

Mme D'Annunzio (Suzanne): À quoi ça sert? On a fait un sondage sur les impacts, finalement. Ce n'est pas scientifique, dans le sens qu'on n'est pas allé mesurer les impacts, mais on a demandé à toutes les équipes: Dites-nous donc à quoi ça a servi, vos travaux? dans la diversité des équipes qu'on a. Puis je voudrais vous donner des exemples concrets de retombées – puis je reviens peut-être à la question de madame, qu'elle nous avait posée tantôt – pour apporter un peu de concret. Il y a des retombées à la fois sur les programmes, les politiques, la résolution de problèmes puis les services.

Mais je voudrais donner des exemples concrets: La réadaptation fonctionnelle des travailleurs sourds est inutile sans réadaptation sociale, ce qui conduit la CSST à modifier son plan d'action. Les femmes occupent des emplois qui sont autant à risque que ceux des hommes, d'où un nouveau projet de loi à l'étude. Là, je vous donne les capsules à quoi ça sert. Les réfugiés sont très vulnérables à des problèmes de santé mentale s'ils sont séparés trop longtemps de leur famille, ce qui a conduit à repenser les politiques d'immigration. Les jeunes enfants sourds profitent d'un bien meilleur départ dans la vie si on leur enseigne d'abord la langue des signes comme langue maternelle, d'où l'éventuelle adoption de cette langue des signes comme langue officielle d'enseignement. Ça, c'était pour les programmes, les politiques.

D'autres exemples. Les enfants d'une centaine d'écoles primaires à travers le Québec profitent maintenant d'une approche efficace pour contrer la toxicomanie et la délinquance au début de l'adolescence. Un manuel permet la détection rapide des abus envers les personnes âgées; 30 établissements l'on adopté. Dans plus de 20 écoles primaires de Montréal, l'introduction d'un programme favorisant l'apprentissage d'une conduite pacifique a été associée à un meilleur rendement en français et en mathématiques. Une expérience-pilote auprès de jeunes mères en situation d'extrême pauvreté a conduit un CLSC à mieux rejoindre l'ensemble des clientèles et à intervenir avec de nouveaux partenaires. Le raffinement d'un protocole d'évaluation des enfants victimes d'abus a permis de réduire sensiblement le nombre d'enfants qui doivent témoigner devant la cour. La Fondation Jean Lapointe compte sur l'évaluation scientifique des programmes offerts par 40 centres de réadaptation afin d'améliorer la gestion de ses programmes et de réaffecter des ressources en fonction de l'efficacité des services dispensés. Un programme d'aide personnelle, familiale et communautaire permet, dans une région du Québec, de réduire de moitié les placements d'enfants négligés – c'est Trois-Rivières pour ne pas la nommer. L'Association des centres jeunesse envisage de généraliser ce programme. C'est peut-être fait, à l'heure qu'il est?

M. Bouchard (Camil): C'est-à-dire qu'ils sont en train de le disséminer à différents points de service.

M. D'Annunzio (Suzanne): C'est des exemples. Je ne sais pas si ça vous donne un concret des travaux. Puis je pense que l'originalité, dans le fond, des équipes en partenariat, c'est qu'on invite... Il n'y a pas de financement s'il n'y a pas de partenaires des milieux. Ça fait que, quand on parle de retombées, si les partenaires sont déjà là, il y a plus de chance, il y a beaucoup plus de chance que, les utilisateurs directs étant là, il y ait des retombées. Après ça, il peut y avoir des généralisations; et on voit qu'il y en a eu.

Mais, au moins dans un premier niveau, les gens pour qui la recherche s'effectue sont associés, pas juste à la fin, là. La plupart des équipes ont un protocole de partenariat qui implique, au niveau des objets, c'est quoi qui est important? Parce que les gens des milieux, ils le savent. Ils ne le disent pas en mot, «recherche», mais ils connaissent les priorités, les objets de recherche. Puis, dans le courant de la recherche, il y a des fois des méthodologies qui sont peu applicables, trop compliquées ou difficilement applicables dans certains milieux sans que ça coûte une fortune. Ils sont là, les gens, pour nous dire: Wow! avez-vous un autre moyen, une autre méthodologie qui pourrait être plus pratique? Puis, à la fin, les résultats, comme les personnes des milieux ont été impliquées tout au long, bien évidemment qu'elles vont être plus réceptives à dire: Bien, ça a bien de l'allure, on a participé à ça, puis à le généraliser. C'est juste quelques exemples que j'ai donnés, au fil de la lecture...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Je suis très content de cette explication. Et, si je peux vous faire un petit conseil, en tout cas, pour ma part, tout à fait personnel... J'étais un peu perplexe sur cette notion des retombées. Et je suis bien content que la députée de Mille-Îles ait posé la question parce que, pour moi, retombées – là, on parle d'une langue courante – ça a un aspect économique, un aspect financier un peu. On parle souvent des retombées économiques, des retombées...

Si j'ai bien saisi, quand vous parlez de retombées, vous parlez plus de quelque chose qui est appliqué, qui est applicable dans la vraie vie. Et je ne sais pas si c'est devenu à la mode de dire «des retombées». Il me semble, quand j'étais à l'école, on parlait de la recherche appliquée versus... Et, si j'ai bien compris, c'est plutôt la recherche appliquée qui... Quand vous parlez des retombées, vous visez l'application des projets de recherche? À moins que je me trompe.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme D'Annunzio.

Mme D'Annunzio (Suzanne): Mais qui nécessite l'avancement des connaissances.

M. Copeman: Oui, oui.

Mme D'Annunzio (Suzanne): Parce que tu ne peux pas transférer des résultats qui ne sont pas rigoureux. Donc, c'est...

M. Copeman: Non, je comprends.

(11 h 30)

Mme D'Annunzio (Suzanne): ...une interaction entre l'avancement des connaissances et les retombées pratiques.

M. Copeman: J'ai une autre question d'ordre général, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui.

M. Copeman: Je vais laisser peut-être d'autres membres de la commission...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Non, vous pouvez y aller.


Évaluation des programmes

M. Copeman: O.K. Vous avez fait référence, M. Bouchard, à la question d'évaluation des programmes. Il y a maintenant plus de 10 ans, je faisais partie, en stage au Conseil du trésor, d'un centre qui s'appelait le Centre d'évaluation de la productivité dans le secteur public. Notre but était de promouvoir l'évaluation de programmes à l'intérieur du gouvernement du Québec. Dans le temps, on accusait un retard sur l'Ontario qui, avec son Management Board, était beaucoup plus avancée dans des techniques rigoureuses d'évaluation de programmes dans le secteur public. Ce Centre a connu un succès mitigé. Là, on parle beaucoup, ces temps-ci, d'évaluation de programmes. Entre autres, le président du Conseil du trésor et d'autres ministres en parlent, de l'évaluation de programmes. Est-ce que vous êtes au courant, est-ce qu'on accuse un recul dans ce domaine de recherche évaluative de programmes gouvernementaux par rapport à d'autres sociétés ou d'autres États nord-américains?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Bouchard.

M. Bouchard (Camil): Par rapport à la tradition parlementaire et législative américaine, très certainement. Ça a ses bons côtés cependant, mais ça a aussi ses mauvais côtés. Ce qu'il faut dire, c'est que, chez les Américains, à la Chambre des représentants, les deux côtés de la Chambre utilisent vraiment très, très, très, très intensément, d'une façon très intense les résultats de recherche pour étayer leur argumentation. Ça, c'est important quelque part. On assiste souvent à des joutes d'interprétation de résultats de recherche. Donc, c'est une contribution qui est quand même limitée parce que ça passe à travers le filtre des valeurs puis le filtre des intérêts de chacun, mais c'est très présent dans la culture américaine.

Il faut dire en même temps que la culture américaine et le contexte des politiques sociales américaines notamment et des grandes politiques publiques est un contexte très différent. Lorsque les Américains décident, par exemple, d'explorer une question sociale et de voir quels sont les programmes qu'ils vont développer en matière politique, ils ont une attitude très expérimentale vis-à-vis de la question. Et, étant donné le type de structure politique dans laquelle ils sont, ils vont souvent développer des programmes dans deux, quatre, six, 18 États. Ils vont en avoir autant ou ils pourront faire des comparaisons là où ce n'est pas installé puis éventuellement, au bout d'un cycle de cinq, six ou 10 ans, ils vont pouvoir être en mesure de dire: Bon, bien, voici les conditions dans lesquelles on peut installer tel programme ou telle politique, et voici quels en sont les effets positifs et les effets secondaires non souhaitables et comment on peut les corriger.

Ils ont plus une société expérimentale qu'on peut en avoir une ici, où très souvent on adopte des grands programmes et des grandes politiques après une réflexion puis un bilan rigoureux de ce qu'on a, mais sans beaucoup d'expérimentation préalable, ce qui fait que très souvent on demande aux scientifiques de faire les évaluations après coup, trop tard, très souvent, parce qu'ils n'ont pas l'occasion de mesurer ce qui existait avant. Et ça, c'est un grand, grand, grand problème que les parlementaires, très souvent, posent aux chercheurs québécois. Entre nous, c'est qu'on nous pose la question trop tard. On ne peut pas dégager de leçons aussi claires et des impacts aussi évidents et des relations de cause à effet aussi nettes qu'on le souhaiterait lorsqu'une question est posée trop tard.

De fait, les chiffres nous disent que, par rapport à la recherche et développement dans les autres secteurs d'activité de recherche, la recherche et développement en matière sociale au Québec représente 7 % de tout l'investissement. C'est très peu, étant donné que le Québec est un grand réformateur. Nous avons un Parlement et nous avons une société très innovatrice dans les programmes sociaux, dans les grandes politiques publiques. On n'arrête pas d'innover. Mais, normalement, on devrait avoir des budgets afférents aux innovations qui sont beaucoup plus importants que ce qu'on a actuellement.

Sans doute que mon analyse, à vue de nez puis à vol d'oiseau, ressemble beaucoup aux conclusions que vous aviez à ce moment-là, j'imagine, mais il y a une question de culture là-dedans puis il y a une question aussi de décision politique, c'est-à-dire: Quel est le cheminement qu'on fait passer à une idée, à une hypothèse puis à un modèle d'intervention avant qu'il n'atterrisse sur l'ensemble du territoire? Et, lorsqu'on a pris la décision, quelle est la part du budget qu'on construit à même la politique pour pouvoir arriver à en dégager les grandes leçons et les apprentissages? Par rapport aux autres provinces canadiennes, je ne saurais pas où me situer.

M. Copeman: Peut-être juste une dernière, Mme la Présidente, si vous me permettez. Vous avez fait référence à l'équipe de University of Wisconsin qui suit Wisconsin Works, il me semble. Ils ont presque pris l'État du Wisconsin comme laboratoire.

M. Bouchard (Camil): C'est ça.

M. Copeman: Et ils ont le «before» puis le «after» puis ils scrutent à la loupe les impacts du Wisconsin Works, la réforme de l'aide sociale au Wisconsin. Est-ce que cette recherche-là est financée d'une façon vraisemblable par le Conseil québécois de recherche sociale? Est-ce que ces fonds-là sont pris à même les budgets de la réforme du Wisconsin Works? Êtes-vous au courant de comment il est financé?

M. Bouchard (Camil): Non, je ne suis pas au courant comment ils sont financés. Je sais qu'ils sont mandatés par leur Parlement d'État pour arriver à les alimenter là-dessus. Mais le financement, je n'ai aucune idée.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Peut-être une simple question, une question assez courte. Connaissant les politiciens, lorsqu'ils arrivent au pouvoir dans chacun de leur ministère, la première chose, c'est toujours d'innover, de refaire de nouvelles politiques, et bien sûr que le délai est assez court, un délai de quatre ans, mais généralement ça prend quand même presque deux ans avant pour y réfléchir et deux ans pour les mettre en application.

Et, si je comprends bien, finalement, ce qui serait souhaitable, c'est qu'une fois qu'on a pensé une politique, il faudrait, dans un laps de temps relativement court – compte tenu du délai qu'a chaque ministre – voir l'impact que ça pourrait avoir sur la clientèle avant de la mettre en application ou avant de l'annoncer définitivement. Est-ce que c'est faisable, finalement, ou bien si l'impact, on devra toujours l'évaluer une fois que la politique sera en place? Et, justement, si on avait des mécanismes d'évaluation puis ne pas craindre, par exemple, de la mettre de côté après un an ou deux ou d'apporter des modifications, sauf que souvent, au gouvernement, ce dont on se rend compte, c'est que, même si le Conseil du trésor vérifie les impacts financiers, ça dépasse toujours parce que les impacts sociaux, parfois, sont énormes. Donc, on doit ajouter des ressources qu'on n'a pas toujours.

M. Bouchard (Camil): Mme la Présidente, je lisais ce matin – je pense que c'est dans le journal La Presse – un entrefilet sur l'impact de la réglementation en matière d'obtention des permis de conduite automobile au Québec. Cet organisme est muni d'un système d'intégration de données à ce point puissant qu'il peut retourner dans les fichiers des années antérieures et constater ce qu'un changement de règlement peut avoir comme impact sur le taux d'accidents pour des strates de population données, étant donné la nature du règlement en question. Or, le règlement qui est associé avec une diminution la plus dramatique des accidents d'automobile chez les jeunes dernièrement, c'est l'obligation de passer de quatre mois à 12 mois le temps de probation avant d'obtenir le permis de conduite autonome.

Ce que cet exemple-là veut exprimer, dans le fond, c'est l'importance des infrastructures, des données des banques de données, l'intégration des données dans les organismes ministériels, très souvent. Et là, ce qu'il faut regarder, c'est l'effort du gouvernement d'investissement dans ses propres services de recherche. Et ce qu'a constaté le Conseil de la science et de la technologie, c'est que depuis quelques années ça diminue dramatiquement. Et ça, c'est inquiétant parce que, dans la mesure où les grands ministères qui ont des grandes dépenses, dans leurs manoeuvres de réforme, diminuent le financement des activités de recherche, ça veut dire que les banques de données vont diminuer dans leur qualité et dans leur pertinence, et qu'on n'aura pas cet état de fait avant la réforme sur laquelle il nous faut nous pencher si on veut constater une différence. Mais ça, c'est dans les grands effets.

(11 h 40)

Il y a d'autres instances où on peut voir venir les choses. Par exemple, la disposition familiale concernant les allocations. Cette disposition-là a intégré un grand nombre de petits portefeuilles en une seule grande enveloppe, avec un certain nombre d'objectifs très précis. Cette idée ou cette question de l'intégration des différents systèmes de soutien financier aux enfants et aux familles en une seule grande enveloppe, elle est à l'ordre du jour des gouvernements fédéral et provincial depuis 1979. Alors, on a eu le temps de voir venir.

La première étude au Sénat canadien sur cette question-là, ça date de 1979, et là, les machines administratives étaient impliquées là-dedans, durant toutes ces années, à regarder ce qui se passait, quels étaient l'environnement puis le contexte budgétaire possibles, les impacts d'intrants et d'extrants sur les populations, etc., toutes les hypothèses étaient étudiées, durant toutes ces années, dans la machine administrative. Alors, si on veut poser la question: Est-ce qu'une allocation familiale améliorée change la vie des gens? il faut savoir comment les gens vivent avec les budgets antécédents. Pas simplement connaître leur budget. Connaître leur budget, c'est facile, on a tous des données de StatCan puis du Bureau de la statistique du Québec, maintenant l'Institut de la statistique du Québec, etc., on connaît ces données-là.

Mais, si on veut avoir une idée sur la santé sociale des populations et non pas simplement leur santé budgétaire, il faut avoir des enquêtes spécifiques pour arriver à le faire. Alors, ces enquêtes-là, on peut les mettre sur pied bien avant que la loi ne soit formatée dans le livre blanc puis dans le livre vert, etc., mais il faut qu'il y ait une culture de l'évaluation, dans les administrations publiques, qui fasse en sorte que quelqu'un est responsable, imputable de ça dans l'appareil. S'il n'y a personne d'imputable dans l'appareil ou si on ne lui donne pas de moyens, on n'en aura pas.

Alors, c'est une illustration pour tenter de répondre à votre question, Mme la Présidente, mais je pense que c'est possible de le faire dans la plupart des cas.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Nelligan, à vous la parole.


Avantages fiscaux comme moyen de favoriser la recherche

M. Williams: Merci, Mme la Présidente. Effectivement, M. Bouchard, sur la question des moyens, est-ce qu'ici, au Québec, nous avons, pour les chercheurs en recherche et développement dans le volet social, les mêmes avantages fiscaux, les abris fiscaux, etc., que dans la santé? La réponse est non?

M. Bouchard (Camil): Non. Les avantages fiscaux concernant la recherche sont applicables en recherche et développement seulement sur les produits commercialisables. Donc, il va falloir quelque part, ou bien changer les habitudes de nos chercheurs sociaux et leur dire: À chaque fois que vous publiez un vade-mecum, à chaque fois que vous publiez un livret sur comment intervenir dans telle situation, que vous développez des instruments ou des outils de formation, bien, faites-les patenter puis commercialiser parce que, sans ça, vous ne serez jamais éligibles. Ou l'autre, c'est de changer la législation.

M. Williams: Oui, effectivement, c'est ça que je voudrais aborder un peu avec vous parce qu'il y a des avantages fiscaux pour une compagnie à investir en recherche et développement en santé, spécifiquement. Il me semble que j'ai vu votre liste de recherche, quand on parle des problèmes de santé mentale, des problèmes dans le travail: alcoolisme, usage abusif, violence, suicide. Je pourrais continuer à en nommer. Il me semble que, si on pouvait peut-être réfléchir un peu plus sur la législation, la fiscalité et les lois sur les déductions pour les compagnies, ça pourrait être intéressant pour une compagnie qui est directement touchée ou indirectement touchée.

Maintenant, une compagnie, avec son comité des dons, peut donner à une recherche en santé, elle peut avoir une déduction, un avantage fiscal. Selon votre réponse, si elle décide de faire une recherche sociale, elle ne peut pas avoir un avantage fiscal. Avez-vous recommandé, pendant la période de préparation du budget, un changement de cette législation?

M. Bouchard (Camil): Ce que Nicole me fait remarquer, c'est que, comme don de charité, la compagnie, si son don est orienté vers une fondation universitaire ou un truc semblable, ça peut être reconnu comme un don de charité.

M. Williams: Comme un don.

M. Bouchard (Camil): Oui.

M. Williams: Mais pour la recherche...

M. Bouchard (Camil): Mais non pas comme une contribution R & D. Elle ne tirerait pas un avantage fiscal d'une contribution R & D en recherche sociale; d'ailleurs, comme une recherche en santé qui ne serait pas orientée vers le développement d'un produit. Ce ne sont pas toutes les recherches en santé qui sont éligibles.

M. Williams: Êtes-vous entrés en discussion avec ceux et celles qui peuvent changer la loi?

M. Bouchard (Camil): Oui.

M. Williams: Avez-vous commencé à discuter? Parce que, c'est une chose d'augmenter les budgets, comme vous l'avez mentionné, mais c'est une autre chose de créer le climat, la culture – un peu comme vous l'avez pensé – qu'effectivement ici, au Québec, on veut avoir de la recherche. Mme la Présidente a parlé d'un dossier qui intéresse beaucoup le président et qui m'intéresse beaucoup, parce que, dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, nous avons beaucoup de recherche dans le secteur pharmaceutique. Et, pendant des années, pas juste avec de l'argent mais avec la législation et un climat, ils ont créé un climat pour encourager les chercheurs et les recherchistes. Il me semble que ça peut être une des façons qu'on peut passer le message que, ici, au Québec, on veut avoir une recherche sociale. Il y en a une autre pour les chercheurs vraiment scientifiques qui peuvent avoir un congé fiscal pour cinq ans. Là, tout le monde veut avoir...

M. Bouchard (Camil): Est-ce que ça pourrait être rétroactif, Mme la Présidente?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Williams: Malheureusement, non.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je ne peux pas vous répondre, je ne suis pas au gouvernement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Williams: Mais il me semble que ça peut être compliqué dans quelques boîtes de recherche parce que, si vous êtes Québécois, vous n'avez pas ce congé; si vous êtes un chercheur étranger, vous pouvez. Mais, quand même, c'est une approche intéressante pour encourager la recherche. Moi, je voudrais vous entendre un peu plus sur ça. Est-ce qu'ils ont eu des discussions interdépartementales pour avancer ce type d'idées?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Bouchard.

M. Bouchard (Camil): Mme la Présidente, nous avons exprimé notre inquiétude, nos préoccupations à l'égard de cette question-là dans notre dernier plan triennal et nous l'avions, à l'époque, déposé auprès du ministre de la Santé et des Services sociaux, M. Rochon.

Étant maintenant déménagés au ministère de la Science et de la Technologie avec le même ministre, la voie, le dossier est ouvert très amplement là-dessus. Mais ce qui favorise la réflexion sur la question actuellement, c'est le fait que la question est désormais posée dans un environnement qui est réceptif à la question, c'est-à-dire dans un ministère qui est multisectoriel et où les gens de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie sont habitués à cette culture de la facilitation et de favoriser la recherche à partir des avantages fiscaux, ce qui n'était pas le cas auparavant dans un environnement où la question était posée, dans le fonds, dans une culture où le missionnariat puis la bonne volonté faisaient office de déductions fiscales tous les jours.

Mais, pour nous, c'est très important. C'est très important parce qu'on pense que le Conseil devrait se transformer éventuellement en fonds qui pourrait gérer ses propres budgets et qui pourrait également diversifier ses sources de financement. Notre dernier plan triennal en fait état très nettement; il me reste un an en tant que président pour y arriver, le temps presse. Mais je pense comme vous qu'il y a beaucoup d'entreprises privées, beaucoup de grands consortiums financiers qui seraient très intéressés à de la recherche sociale. Je pense, par exemple, à tous les consortiums en communications, tous les consortiums qui, d'une façon ou d'une autre, voient les dégâts qui sont quotidiennement introduits dans leur environnement par le burnout, des trucs semblables. Les grandes corporations sont très intéressées à cela mais elles ne bougeront pas, je pense, tant qu'elles ne verront pas un intérêt budgétaire, un intérêt financier évident quelque part.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci beaucoup. J'espère qu'on pourra continuer cette réflexion parce que, de plus en plus, le milieu du travail est en train de changer, et je pense que le secteur privé va être beaucoup plus intéressé. Ça ne prendrait pas nécessairement mais ça aiderait, les avantages sociaux. Et, de plus en plus, juste comme bureau de comté, nous avons des personnes qui nous visitent avec des problèmes de stress, des changements dans le milieu de travail, l'impact sur notre société, et il me semble que le secteur privé peut être intéressé à subventionner ça, pas nécessairement dans son propre intérêt – certainement, ça aussi, jusqu'à un certain point – mais aussi pour la société. Et peut-être qu'on pourra avancer cette discussion un peu plus tard. Ça ne prend pas nécessairement de grands sous pour cette affaire-là, s'il y a un avantage social.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Nelligan, peut-être que, dans une réunion ultérieure des membres de la commission, la commission pourra en faire une recommandation, lors d'une séance de travail.

M. Williams: Excellente idée.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, on pourrait peut-être se pencher là-dessus et en faire une recommandation.

M. Williams: Merci. Une autre question, si je peux, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui.


De l'appel d'offres à la publication des résultats

M. Williams: Vous avez déposé un document avec quelques exemples d'appels d'offres que vous avez faits; j'ai trouvé ça tellement intéressant. Il y a une analyse des modèles de compensation des coûts supplémentaires entraînés par les déficiences, les incapacités, les situations de handicap. Je pense qu'il y a un modèle pour les appels d'offres, assez clair, avec une problématique, le contexte, les attentes, etc. La problématique, dans ce cas, c'était le niveau de compensation publique accordée aux victimes, etc., je trouve ça tellement intéressant comme projet.

(11 h 50)

Aussi, j'ai vu que, effectivement, la date limite pour le dépôt du rapport final, c'était le mois de mai 1999. Je voudrais savoir: Est-ce que vous pouvez nous informer un peu du rapport final? Est-ce que c'est votre intention de rendre ça public aujourd'hui ou bientôt? Peut-être qu'on peut juste utiliser un exemple concret d'une de vos études, comment ça a marché et aussi qu'est-ce que vous avez étudié, c'est quoi votre intention comme suivi.

M. Bouchard (Camil): Mme la Présidente, quand nous mettons sur le marché un appel d'offres dans le programme Actions concertées, la première chose dont nous nous assurons, c'est la constitution d'un comité de suivi ou d'un comité aviseur qui verra à ce que les engagements des chercheurs dans le dossier et des partenaires qui sont associés au dossier puissent être maintenus tout au long de la démarche.

Cet engagement stipule, dans la plupart des appels d'offres – vous le verrez – qu'il y a des manifestations, des ateliers, des rencontres, des séminaires entre les chercheurs, les partenaires et les populations intéressées au problème tout au long du processus. Dans le cas de cet appel d'offres que vous mentionnez, il est arrivé que l'équipe de recherche et les partenaires accomplissaient un mandat dans le contexte du 20e anniversaire de l'OPHQ qui voulait faire le point là-dessus. Si bien que les résultats ont été divulgués à l'assemblée générale de l'OPHQ à Québec, à l'Hôtel Hilton, il y a quelques mois, et ont ensuite été transmis sous forme d'un rapport officiel aux partenaires en question, à l'OPHQ.

Lorsqu'on transmet les rapports, ils sont versés, comme toutes les subventions du Conseil québécois de la recherche sociale, en 50 exemplaires dans les grands centres de documentation du Québec. Donc, ils sont rendus publics et on peut en tout temps les consulter dans ces centres-là; à la limite on peut vous en faire parvenir une copie, si ça représente un intérêt particulier. Les rapports de recherche sont toujours publics.

M. Williams: Ils sont toujours publics?

M. Bouchard (Camil): Oui.

M. Williams: Ils sont disponibles sur votre site Internet aussi?

Mme D'Annunzio (Suzanne): Ce qui est disponible sur le site Internet: chaque recherche, on fait un petit résumé qu'on publie dans notre bulletin Recherche sociale.

M. Williams: Après ça, on peut commander?

Mme D'Annunzio (Suzanne): Oui. Bien, le consulter dans les bibliothèques, parce que je pense qu'on ne fournit pas les copies. Mais, dans le cas qui nous concerne, dans le cas de cette recherche-là, ce qui a été fait en plus, c'est qu'on est en train de démarrer un programme avec le FRSQ sur la réintégration sociale des personnes handicapées, sur la réadaptation et l'intégration sociale. Ça fait que j'ai pris l'initiative de prendre la recherche puis de l'envoyer aux deux groupes qui font l'objet d'une expérience-pilote parce que, si vous avez remarqué, l'objet de cet appel d'offres était beaucoup multisectoriel.

Puis nous, à nos deux groupes de recherche qui sont en expérience-pilote pour travailler dans ces secteurs-là, le CQRS a dit: On est d'accord pour démarrer un programme conjoint avec le FRSQ, la réadaptation physique, mais il nous semble que, pour nous, l'aboutissant, c'est l'intégration sociale des personnes. Pourquoi les jeunes personnes handicapées réussissent moins à l'école? Pourquoi les taux d'emploi des personnes handicapées sont tellement moindres que pour la population en général, malgré les multiples programmes qui ont été mis en route par les gouvernements successifs depuis plusieurs années?

Ça fait que, moi, ce que j'ai fait, j'ai pris le rapport puis je l'ai envoyé aux deux masses critiques de chercheurs, disant: Vous vous souvenez, au CQRS, on s'intéressait à l'intégration sociale puis multisectorielle? Voilà un rapport qui peut vous aider puis qui va alimenter vos programmes de recherche.

M. Williams: Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, vous avez terminé, M. le député? Oui?

M. Williams: Oui.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il me reste quatre interventions, c'est-à-dire les députés de Masson, Bourassa, Champlain, Notre-Dame-de-Grâce. Alors, M. le député de Masson.


Diversification des sources de financement

M. Labbé: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vais aller un petit peu à une question courte, dans le sens de mon collègue de Nelligan, tout à l'heure, quand on parlait du financement. C'est dans votre plan triennal, en fait. Quand on va à 1997-2000, effectivement, dans la dernière année, l'une de vos priorités, la quatrième dans les faits, si je le lis comme tel: «Dans un contexte d'assainissement des finances publiques, trouver le moyen d'élargir sa propre base de financement sans quoi – et c'est le bout qui m'intéresse – même la consolidation de ces acquis est mise en cause». Donc, c'est quand même très sérieux.

On en a parlé un petit peu tout à l'heure. Vous avez mentionné: Effectivement, écoutez, oui, on est dans notre dernière année; si on avait des avantages fiscaux, ça nous aiderait drôlement. Malheureusement, comme gouvernement, je ne peux pas vous donner des nouvelles aujourd'hui, à ce stade-ci.

Vous avez parlé aussi, quand même, des actions concertées. Ça, ça m'intéresse aussi, puis je me demandais si ça faisait partie de votre plan d'action, quand vous parliez de 775 000 $ du Québec versus 4 000 000 $ du privé. J'aimerais vous entendre un petit peu sur votre stratégie, parce qu'on est quand même dans la dernière année, puis vous m'avez dit: «...sans quoi même la consolidation de ces acquis est mise en cause.» Donc, je trouve que c'est important. Est-ce que c'est simplement le fait d'avoir des avantages fiscaux – c'est sûr que ça ne nuirait pas – ou si vous avez fait d'autres choses, vous avez l'intention de faire d'autres démarches en fin d'année, si vous voulez, pour accélérer ça un petit peu au niveau des investissements privés?

M. Bouchard (Camil): Bon. Mme la Présidente, peut-être pour replacer les choses un petit peu dans leur contexte, les actions concertées, dans le cas du CQRS, je pense pour la totalité – sauf peut-être une exception, mais je ne pense pas – nos partenaires sont des partenaires gouvernementaux et paragouvernementaux. Ils ne sont pas du privé. Tout simplement pour rétablir ça.

Deuxièmement, on a nommé dans le rapport deux ou trois façons de diversifier notre financement. Nous pensons que l'entreprise privée en est une façon. L'autre façon, c'est d'intéresser plus de ministères qui profitent des retombées de la recherche sociale – c'est aux frais d'un ministère jusqu'à ce moment-là, c'est-à-dire aux frais du ministère de la Santé et des Services sociaux – et qui contribuent très peu à la cagnotte, finalement, sauf par les actions concertées. Et ça, c'est notre troisième moyen. Une façon de faire contribuer les ministères, c'est les actions concertées où on répond à des questions que des clients, donc les autres ministères, posent au CQRS.

Mais nous pensons que la transformation du CQRS en fonds – qu'il puisse administrer ses propres avoirs – et en fonds multisectoriel, c'est-à-dire qu'il se préoccupe des questions de la santé et des services sociaux mais aussi de toutes les autres questions – du développement social, du développement des communautés, des conditions sociales du développement économique, qui sont très importantes – nous permettra de multiplier les sources de financement. Et, pour nous, la prochaine étape charnière, c'est la transformation d'un conseil unisectoriel en fonds multisectoriel.

Ce qu'on fait, dans le fond, on joue au-dessus de nos moyens. Actuellement, là, on entreprend, dans le fond, de soutenir des équipes de recherche qui posent des questions à propos de la santé mais qui sont très loin finalement du problème et qui sont dans les déterminants de la santé, donc qui vont jouer dans l'économique, qui vont jouer dans les institutions, qui vont jouer dans les grandes missions de l'État, etc. C'est des objets de recherche qui sont extrêmement complexes et dispendieux et pour lesquels on n'a pas suffisamment de moyens pour les soutenir – c'est pour ça qu'on parlait de perdre des acquis probables – soutenir une recherche de qualité, si on continue comme ça. Donc, autrement dit, on va être les victimes d'un certain succès qu'on aura eu, et ça, ça nous inquiète.

Alors, notre dernière année dans ce plan triennal, l'objectif est très clair, c'est qu'il faut arriver à changer notre statut et changer notre mission, passer de l'unisectoriel au multisectoriel et avoir un engagement des ministères au comité ministériel de la recherche, des ministères au comité du développement social pour qu'ils puissent contribuer de leur input financier au soutien des programmes de recherche. Donc, le privé, mais le gouvernement aussi.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme D'Annunzio, vous aviez quelque chose à ajouter.

Mme D'Annunzio (Suzanne): Moi, je pense que le geste du gouvernement de créer un ministère de la Recherche, on met beaucoup d'espoir là-dedans parce que la politique scientifique, l'avis que Camil a préparé pour le ministre va mettre sur la carte l'innovation sociale puis la recherche sociale. Donc, on ne sera pas toujours obligé de se battre pour dire: Bien, vous savez, la recherche sociale est utile. Je pense que le contexte est favorable puis le fait aussi que Camil siège à la même table que les gens qui pensent science et techno, etc. Il y a quand même un contexte extrêmement favorable où le gouvernement a mis ça à l'ordre du jour puis a dit: Oui, c'est important, la recherche, premièrement.

Deuxièmement, M. Rochon, sur toutes les tribunes, dit... Moi, j'entends «innovation technologique», mais j'entends aussi: Je veux l'innovation sociale. Ça, je pense, ça peut nous mettre au monde dans la variété de moyens que Camil a mentionnés. Ça peut être, je dirais, une bougie pour que les choses avancent. Autrement, c'était très difficile. On avait de la misère à démontrer. Mais là on est à la même table, puis Camil est en train de convaincre ses collègues que l'innovation sociale, oui, ça rapporte à une société. À ce moment-là, qu'on pense à Innovation Québec, qu'on pense à Valorisation Québec. Il y a aussi de l'argent, il y a un 100 000 000 $ juste à Valorisation Québec où on fait partie des partenaires qui peuvent y avoir accès. Ça fait que c'est une variété de moyens avec un contexte extrêmement favorable parce que le gouvernement l'a mis comme une de ses priorités.

(12 heures)

M. Labbé: Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la députée de Bourassa.


Le point sur les programmes conjoints 1999-2000

Mme Lamquin-Éthier: Merci, Mme la Présidente. M. Bouchard, vous évoquiez tout à l'heure le programme conjoint ministère de la Santé et des Services sociaux et CQRS. Je viens de trouver, sous l'onglet K, effectivement, un programme – puis j'en suis d'ailleurs très heureuse, je vous remercie de m'avoir guidée dans ma recherche... programmes conjoints, donc, des thèmes prioritaires de recherche qui ont été retenus, 1999-2000: impact de la réorganisation des services sociaux sur les clientèles et leurs proches, notamment les femmes; impact sur le personnel des établissements; deux, évaluation de l'efficacité et de l'efficience des nouveaux programmes découlant de la transformation du réseau des services sociaux; trois, impact de la réorganisation des services sur les pratiques sociales et communautaires; et, enfin, une étude sur l'évolution historique de la mission des établissements de services sociaux vue à travers les changements et transformations vécus. C'est extrêmement intéressant.

Où sont rendus tous ces projets et où est-ce que je peux trouver la date de dépôt pour les rapports finaux?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Bouchard.

M. Bouchard (Camil): En ce qui concerne la date de dépôt, Mme la Présidente, vous allez pouvoir la trouver dans un an ou deux. Ce sont des équipes qui sont financées depuis assez récemment, et les équipes qui sont financées par le CQRS ont deux ans pour mettre en oeuvre et compléter leur collecte et interprétation des données, et elles ont jusqu'à un an suivant cette première étape pour produire leur rapport de recherche, un.

Deux, vous mettez le doigt sur un des problèmes que nous avons. C'est-à-dire que, pour arriver à rencontrer tous ces objectifs-là, ça prend une masse critique de chercheurs extrêmement importante. Ce que nous constatons actuellement, c'est que les équipes de chercheurs qui sont compétents à répondre à cette question-là sont à peu près tous à pied d'oeuvre et ils en ont par-dessus la tête étant donné les grandes transformations qu'on a vécues durant les dernières années. Donc, il y a beaucoup d'équipes – je pense à l'équipe de M. Larivière, à l'Université de Montréal, à celle de l'ENAP, à Québec, à celle de Richard Cloutier, à l'Institut de recherche sur les jeunes en difficulté, à Montréal, d'autres chercheurs à Sherbrooke – qui sont déjà à pied d'oeuvre dans deux, trois ou quatre grands projets d'évaluation des retombées de la réorganisation des services sociaux. Et ce qu'on constate, c'est qu'on manque un peu de relève dans ce secteur-là. Et ça nous inquiète parce que, quelque part, on a vu baisser dramatiquement les demandes de chercheurs-boursiers au CQRS et au FCAR au niveau du doctorat durant la dernière année. Il y a aussi une attrition des chercheurs seniors dans les universités, pour lesquels on n'a pas beaucoup de remplacements étant donné les budgets d'engagement dans les universités. On a un grand problème de relève scientifique au Québec qui n'est pas particulier à la recherche sociale, mais qui ne nous aide pas.

Donc, c'est une question qui arrive à point nommé, en ce qui me concerne. Nous avons un programme, à mon avis, qui est sur mesure pour aller chercher les impacts, pour étudier ça. Puis on a actuellement quatre grands projets au Québec, mais il y aurait de la place pour 10. Mais là on manque de jeunes chercheurs, on manque de chercheurs seniors qui sont disponibles pour le faire. Puis on a constaté au dernier concours, hein, que c'était le cas.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Est-ce que c'est parce qu'ils sont moins bien rémunérés ou...

M. Bouchard (Camil): Non, c'est parce qu'ils ont 24 heures dans une journée.

Mme Lamquin-Éthier: Ils n'en ont pas assez.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme D'Annunzio.

Mme D'Annunzio (Suzanne): Ce qu'on songe à faire justement pour assurer cette relève-là, on n'a pas encore pris la décision finale, mais c'est d'offrir des bourses de formation qui seraient plus élevées finalement, pour essayer d'attirer plus de chercheurs dans ces domaines-là. C'est un incitatif parmi d'autres, là, mais... Puis aussi de cibler nos bourses, de dire: Bien, ne venez pas tous azimuts. On a des priorités puis on veut des postdocs, on veut des chercheurs-boursiers dans l'organisation puis la transformation du réseau. Ça fait qu'on va essayer par différents moyens. Parce qu'il ne suffit pas de dire que c'est prioritaire pour... Comme tu le dis, il y a un problème de relève.

Mme Lamquin-Éthier: Une autre petite question.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, Mme la Présidente. M. Bouchard, Mme D'Annunzio, tout à l'heure, a tiré d'une publication des exemples d'application de la recherche. Est-ce qu'on a ça ici?

Mme D'Annunzio (Suzanne): Des exemples... j'avais donné les retombées...

Mme Lamquin-Éthier: D'application, là, des exemples...

Mme D'Annunzio (Suzanne): ...d'application qui apparaissent aux pages 12 et 13...

Mme Lamquin-Éthier: De votre rapport?

Mme D'Annunzio (Suzanne): ...du plan stratégique...

M. Bouchard (Camil): Du plan stratégique.

Mme D'Annunzio (Suzanne): Puis les exemples de recherche sur les mères, etc., c'était dans le rapport d'activité, à la fin, les types de subventions qu'on finançait.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, j'apprécie. Donc, pages 12 et 13 du plan stratégique.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, est-ce que vous aviez d'autres questions, Mme la députée?

Mme Lamquin-Éthier: Non, merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Non? M. le député de Champlain.

M. Bouchard (Camil): Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, monsieur.

M. Bouchard (Camil): ...si vous me permettez. J'ai répondu par une boutade à votre question, mais elle est très sérieuse, sur la rémunération. Il y a une culture dans la recherche sociale qui voudrait que les chercheurs fassent plus de bénévolat qu'ailleurs, à mon avis. Je ne dis pas que c'est malsain, mais, si vous comparez sans doute le revenu des chercheurs en social avec ce qui peut être, par ailleurs, en santé ou dans d'autres domaines scientifiques, il se pourrait que vous trouviez une différence. Mais c'est une question qui vaut la peine qu'on étudie attentivement, les aspects économiques ou budgétaires dans lesquels sont placés nos chercheurs. C'est important.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Champlain.


État des recherches sur la question du décrochage scolaire

M. Beaumier: Oui, merci, Mme la Présidente. Alors, M. le président, dans l'optique de parfaire ma compréhension des choses sur le mandat et la façon dont le Conseil s'en acquitte – je dis «parfaire ma compréhension», mais j'ai écouté depuis le début très attentivement ce qui a été dit, ce qui a été échangé – moi, j'aurais une problématique que vous avez déjà touchée tantôt. C'est la question du décrochage scolaire. Je me suis impliqué, de 1994 à 1998, beaucoup, au niveau de l'enseignement, sur la réforme – commission parlementaire, et tout – et la question du décrochage scolaire... Vous disiez tantôt qu'il y aurait un déjeuner, là, sur la colline. Mais, comme, ici, nos travaux sont plus amples parce qu'enregistrés, et tout ça, là, je voudrais faire le point, si vous me le permettez. Ça n'impliquera pas que je n'irai pas quand même au déjeuner si je le peux.

Sur la question du décrochage scolaire, premièrement, l'aspect qui m'intéresse, l'aspect, aussi, scientifique comme tel, de quelle façon vous avez élaboré, parce que j'ai vu tantôt un appel d'offres pour... mais c'est en milieu défavorisé, je ne sais pas si ça s'est élargi par après. Mais, quoi qu'il en soit, de quelle façon le Conseil élabore un plan de recherche sur un sujet bien précis qui est le décrochage scolaire? Et, sur le contenu comme tel – sur l'approche scientifique, ça m'intéresserait, mais sur le contenu comme tel aussi – où est-ce que ça aboutit, en termes... Où est-ce qu'on en est, plus précisément, en termes de connaissances? Et aussi, en reprenant vos paroles, qu'est-ce qu'il en est de l'impact, c'est-à-dire des retombées? Est-ce que déjà, là, il y a des choses concrètes qui peuvent être appliquées par le milieu pragmatique et pratiquant? Merci.

M. Bouchard (Camil): Il y a, au Québec, actuellement, Mme la Présidente, un centre de recherche qui est localisé à l'Université Laval et qui se préoccupe plus particulièrement de cette question et qui réunit une bonne douzaine de chercheurs au minimum. Le CQRS distribue, à travers ses programmes de subventions générales, des sommes importantes à des chercheurs qui s'intéressent à cette question. Le FCAR le fait aussi dans certains de ses programmes, mais d'un point de vue peut-être plus au niveau de la recherche fondamentale. Dans les actions concertées, nous avons aussi investi des sommes importantes, notamment avec le Conseil scolaire de l'île de Montréal. C'est le programme auquel vous faites référence, M. le député de Champlain. Il y a, dans ce dossier-là, des actions très intéressantes qui ont été posées.

D'abord, un, l'équipe de recherche qui se préoccupe du décrochage scolaire avec le Conseil scolaire de l'île de Montréal est une équipe extrêmement compétente, celle de M. Richard Tremblay, qui poursuit des études longitudinales, par ailleurs, sur le développement des enfants québécois, sur de très gros échantillons. Et, dans le contexte de la recherche sur le décrochage scolaire, ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils ont tenté de voir quels étaient, dans le fond, les groupes d'enfants et les écoles qui s'en sortaient le mieux en milieu défavorisé, et tenté d'en comprendre le plus possible les caractéristiques, voir ce qui, dans des milieux semblables, différenciait les écoles gagnantes des écoles perdantes. Ça, c'est une de leurs grandes préoccupations. Et ce qu'on a trouvé dernièrement, c'est que, un, les directions d'école font sans doute une très grosse différence. Il y a des directions d'école qui gèrent les écoles puis il y a des directions d'école qui donnent des directions à des écoles, puis ça, c'est très, très différent, et ça peut être plus ou moins inspirant, une direction d'école. La deuxième, c'est comment les professeurs voient leur clientèle, c'est-à-dire: Est-ce que, au point de départ, ils les voient comme des gagnants ou des perdants? Et il y a des cultures institutionnelles qui se bâtissent alentour de ça et qui sont extrêmement importantes. Ça, c'est deux éléments qui ont été identifiés par les chercheurs et qui sont débattus très largement maintenant dans la communauté des organisations scolaires.

(12 h 10)

Cette équipe-là, avec le Conseil scolaire de l'île de Montréal, a organisé, jusqu'à maintenant, deux grands colloques sur la question, réunissant à chaque fois entre 300 et 400 intervenants du milieu scolaire, des décideurs, des gestionnaires et des professeurs, sur la question du décrochage scolaire, et alimente donc cette communauté-là de ses résultats de recherche et de ses apprentissages à cet effet-là.

L'équipe a aussi été mandatée pour évaluer les retombées du plan Pagé. Les conclusions, c'est que ça n'a rien donné. Ça a tombé comme un caillou dans la mare. Mais ce qu'on pense, nous, enfin ce que les chercheurs pensent, plutôt, c'est que les différentes initiatives n'étaient peut-être pas suffisamment intenses à chaque endroit et suffisamment encadrées et planifiées pour faire... Ça prend très souvent des organisations et des éléments qui sont très percutants pour faire changer des trajectoires d'enfants.

Alors, le premier truc, c'est qu'il y avait peut-être trop de dispersion dans les actions, peut-être pas suffisamment fondées sur l'information rigoureuse et scientifique, parce qu'il y avait beaucoup d'initiatives locales là-dedans qui étaient mises à contribution. Mais l'autre hypothèse, c'est à l'effet que, si on veut faire un gros changement dans le décrochage scolaire, il faut commencer à zéro an; il ne faut pas commencer à six ans. On va faire une différence dans le décrochage scolaire lorsqu'on va faire une différence dans le taux de redoublement dans les trois premières années de fréquentation de l'école, puis la seule façon d'y arriver, c'est que les enfants arrivent préparés.

M. Beaumier: Me permettez-vous une...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Champlain.

M. Bouchard (Camil): Et ça, c'est une conclusion qui est partagée par beaucoup de chercheurs nord-américains et européens.

M. Beaumier: Mais vous avez quasiment prévu ma sous-question sur la question de la politique familiale, c'est-à-dire, l'investissement que l'État québécois fait au niveau de la petite enfance – on peut l'appeler comme ça. Vous avez tantôt parlé brièvement des allocations familiales, mais il y avait deux autres éléments: il y a la maternelle cinq ans à plein temps et il y a aussi tout ce qui est en train de se développer en termes de services de garde, qui au rythme actuel est autour d'à peu près 18 000 nouvelles places par année, alors que la moyenne, il y a quelque temps, c'était 2 000, 2 500. Ça, c'est assez récent quand même, mais je conçois de ce que vous dites que vous aurez l'occasion sûrement de voir concrètement en quoi ces mesures-là auront effectivement aidé la problématique, le temps aidant, du décrochage scolaire. Avez-vous déjà une réflexion assez précise sur ça?

M. Bouchard (Camil): On a plusieurs démarches qui ont été entreprises auprès du ministère de la Famille et de l'Enfance, auprès du ministère de la Santé et des Services sociaux, puis éventuellement auprès du ministère de l'Éducation, pour mettre sur pied une action concertée majeure sur l'évaluation d'impacts des centres de la petite enfance au Québec. Je ne serai pas très long là-dessus, Mme la Présidente, mais je pourrais faire un petit discours, disons. Regardez, nous avons un investissement de 425 000 000 $ récurrent, à terme, par année, dans un système extrêmement important. Alors, combien d'argent mettons-nous pour l'évaluation? Moi, je vous pose la question. Je pense que c'est une question extrêmement importante. Pourquoi? Parce que le monde entier a les yeux braqués sur le Québec là-dessus. Rendons-nous compte que cette opération-là a été faite dans un moment de coupures budgétaires, dans un moment où les autres provinces canadiennes renonçaient à mettre sur pied des services de garde à la petite enfance, où les Américains négligeaient un plan national d'instauration de services de garde envers les tout-petits. Le Québec fait figure là-dedans de boîte à surprises. Les gens disent: Comment ils ont fait, puis pourquoi ils l'ont fait? Puis ils sont vigoureux, ils sont rigoureux, etc., puis ils sont ingénieux. Les gens sont braqués sur nous. Qu'est-ce qu'on aura à dire en cinq ans? Moi, je pense que vous soulevez une question extrêmement importante: Est-ce que ça donne quelque chose?, un. Pour qui ça donne quelque chose?, deux. Pour qui ça fait une différence? Et à quelles conditions ça fait une différence?

Alors, tout ce qu'on connaît en recherche jusqu'à maintenant nous dit que ça va faire une différence surtout et quasi exclusivement pour les enfants en milieu défavorisé. Ça va faire une différence pour les parents qui travaillent et ça va leur simplifier la vie. Et ça va faire une différence à certaines conditions, dont principalement d'offrir aux enfants de milieux défavorisés des environnements de garde avec des curriculums enrichis au niveau de la stimulation. Autrement dit, si on crée 18 000 nouvelles places par année, mais que c'est 18 000 nouvelles places de garde sans préoccupation du développement de l'enfant, ou d'éducation, ou de rattrapage dans le développement cognitif, social, affectif de l'enfant, on n'en verra pas, de différence. Donc, on pourrait en parler longtemps, mais l'essentiel de ma réponse est là.

M. Beaumier: Bien, merci beaucoup.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mais est-ce qu'on avait besoin d'un genre de politique ou si on pouvait travailler uniquement sur les enfants défavorisés?

M. Bouchard (Camil): Non. Il fallait le faire, Mme la Présidente, selon moi puis selon les recherches aussi, parce qu'on s'aperçoit que, dans toutes les législations, les services qu'on ne développe que pour les populations défavorisées perdent rapidement de la qualité parce que la pression populaire n'est pas assez forte pour les maintenir à une qualité supérieure. Et ça, c'est essentiel dans l'investissement. Le deuxième, c'est la ghettoïsation des enfants qui sont vite perçus par leur communauté comme des perdants puisqu'ils fréquentent la garderie.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


Faible part de l'Université McGill

M. Copeman: C'est un sujet absolument passionnant, Mme la Présidente, dont on aura, j'imagine, l'occasion de discuter davantage. J'aurais une petite question très précise pour soit M. Bouchard ou Mme D'Annunzio. À la page 28-29 du rapport d'activité 1997-1998, on indique le versement selon l'origine et le programme de subventions, bourses de carrière, et ainsi de suite, toutes les subventions de recherche, bourses de carrière... J'ai remarqué par simple curiosité qu'entre autres mon alma mater, McGill, dans cette année, n'a reçu qu'une infime proportion du nombre de projets et de pourcentage de budget. Je me demande simplement: Est-ce que c'est pour l'année 1997-1998? Qu'est-ce qui explique ce résultat le moindrement surprenant pour une université de cette envergure qui arrive à 0,65 % en nombre de projets et à 0,50 % en nombre de pourcentage de budget?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, monsieur...

M. Bouchard (Camil): S'il vous plaît, Mme D'Annunzio prendra la parole tout de suite après parce que je pense que le modèle explicatif de ça est très complexe. La première, c'est qu'on ne reçoit pas de demandes. Alors, on ne peut pas subventionner. Est-ce que c'est un problème de langue? Je ne pense pas, parce que le seul critère qu'on demande au niveau de l'expression du projet de recherche qui nous est présenté, c'est d'avoir un titre en français, et un résumé en français, ce qui n'est pas une grosse obligation.

D'autre part, il faut dire que la discipline qui fréquente le plus le CQRS, c'est la psychologie. On a un bassin de chercheurs en psychologie qui est extrêmement vigoureux, qui nous fréquente beaucoup, ils viennent chercher, quoi, peut-être 40 %, 45 %...

Une voix: 45 %.

M. Bouchard (Camil): 45 % du budget. Or, si je regarde qu'est-ce qui se passe du côté de McGill en particulier, ils ont une approche de la psychologie qui est très biologique et neurobiologique, très peu sociale, excepté peut-être deux ou trois «staffs», deux ou trois chercheurs qui sont plus du côté des relations interraciales. Si bien qu'il n'y a pas une masse critique de chercheurs qui s'identifient sans doute beaucoup au CQRS.

La troisième, il y a peut-être plus de proximité entre les chercheurs d'universités de langue anglaise et les programmes fédéraux qu'il n'y en a dans les communautés francophones. Au point de départ, je ne suis pas sûr qu'il y ait un réflexe très fort de nous fréquenter dans les universités d'expression anglophone. Leur proximité culturelle, je pense, est plus serrée du côté fédéral.

Mais, ceci étant dit, il y a certains laboratoires qu'on voit plus que d'autres. Comme à Concordia, par exemple, il y a une équipe de recherche en développement de l'enfant qui vient plus souvent nous fréquenter que les chercheurs de McGill, étant donné leur sujet de recherche. Alors, j'ai trois types d'explication, mais je n'ai pas d'études.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: Pas de recherche évaluative là-dessus.

M. Bouchard (Camil): Pas de recherche évaluative là-dessus.

Mme D'Annunzio (Suzanne): Je compléterais peut-être, un quatrième type qui a tendance à sous-estimer les chiffres qui sont là. C'est qu'il y a des chercheurs... comme vous voyez, nous... Bon, en pourcentage du nombre ou, disons, des dollars, il y a 43 % qui viennent des universités puis il y en a 40 % des établissements, puis il y a beaucoup de chercheurs qui sont à McGill, mais qui font arriver la subvention dans l'établissement, tous les centres de recherche en santé mentale. Donc, il y a quand même une tendance à sous-estimer, mais toutes les explications sont bonnes sur la fréquentation moins grande de McGill par rapport à d'autres universités.

(12 h 20)

M. Copeman: Un dernier commentaire, Mme la Présidente. En ce qui concerne l'hypothèse que, peut-être, les gens de McGill n'ont pas ce réflexe de vouloir vous faire les demandes, on va y travailler.

Ça n'a pas de sens.

M. Bouchard (Camil): Travailler sur les fonds qui vont pouvoir apparier les demandes aussi.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la députée de Mille-Îles.


Évaluation des programmes (suite)

Mme Leduc: M. Bouchard, vous avez parlé tantôt qu'on devait se poser la question sur qu'est-ce qui était dévolu sur un budget de 435 000 000 $ annuellement en évaluation. Est-ce que je comprends par là qu'à votre connaissance il n'y a pas de mécanisme d'évaluation de prévu pour l'implantation de cette politique? En tout cas, c'est ça, moi, que ça me donnait comme message. C'est ça que je veux vérifier, là. Puis, après ça, voir si, comme parlementaires, on peut quand même agir à ce moment-là.

M. Bouchard (Camil): Non, il y a des gens qui travaillent très fort, notamment à l'intérieur du ministère de la Famille et de l'Enfance, à mettre sur pied un programme de recherche évaluative sur les impacts des nouvelles dispositions en matière de politique familiale.

Je vous invite cependant à poser des questions sur l'enveloppe budgétaire. Moi, je n'en connais pas la nature exacte. Cependant, ce que j'ai comme information m'indique très clairement qu'on n'y arrivera pas parce que ce n'est vraiment pas suffisant. Je vous invite également comme parlementaires à poser des questions sur qui pourrait, autrement que le ministère de la Famille et de l'Enfance, contribuer à cette évaluation? Parce que, finalement, au bout du compte, si les hypothèses qui sont soulevées par ces dispositions sont bonnes, le ministère de l'Éducation va sauver des sous, le ministère de la Justice va sauver des sous, le ministère de la Solidarité et de l'Emploi va sauver... enfin, le côté sécurité du revenu va sauver des sous...

Une voix: La Sécurité publique.

M. Bouchard (Camil): Bien oui, évidemment, la Sécurité publique, et Santé et Services sociaux. Si bien que, moi, je pense qu'on a besoin, dans ces grandes manoeuvres de l'État, d'une concertation multisectorielle beaucoup plus affirmée, d'une fonction horizontale lorsqu'on pose la question et d'un budget qui puisse être suffisamment important pour arriver à répondre à la question. Tout simplement parce que c'est enregistré, je n'oserais pas dire le chiffre que je connais sur le budget disponible, mais, à mon avis, si c'est le cas, il est insuffisant.


Moyens d'encourager la relève

Mme Leduc: D'accord, je vous remercie. Maintenant, ma question, quand j'ai demandé le droit de parole, portait sur une remarque que vous avez faite en disant qu'il y avait un manque de relève, et pourtant, dans votre plan stratégique 1997-2000, à la page 6, au numéro 2, c'est marqué: «Quels sont les effets? Une augmentation importante du nombre de chercheurs intéressés par la recherche et le développement.» Ça fait que là je me disais... Bien là, vous nous dites: On manque de relève. Par contre, ici, je vois que c'est passé de 200 à 300, le bassin, jusqu'à 750. Est-ce que vous pouvez m'expliquer un petit peu, là? Pour moi, il y a comme une dichotomie.

M. Bouchard (Camil): Il y a eu une augmentation de la fréquentation du CQRS par le nombre, on peut le voir par un indicateur, c'est le nombre de chercheurs qui font application chaque année. La remarque à l'effet qu'on a un problème de relève a trait principalement aux années 1996 à 1999 où on voit, un, une diminution de la fréquentation du CQRS, mais aussi... Puis là on va réunir nos équipes le 21 septembre, parce que nos équipes d'infrastructure nous ont dit: Là, il faut absolument qu'on se parle du programme, il faut qu'on se parle de notre santé mentale puis de notre santé physique parce qu'on est débordé. Il y a des programmes qui nous viennent de partout, les questions viennent de partout. Les gens commencent à comprendre que la recherche, c'est important. Et on s'inquiète de la relève parce que, lorsqu'il s'agit d'aller chercher un nouveau chercheur dans une équipe, il y a deux façons de le faire: ou bien vous le faites sur votre budget d'infrastructure, puis, nous, on ne permet pas dans notre budget d'infrastructure que des chercheurs s'inscrivent de façon permanente sur un budget d'infrastructure fourni par le CQRS au lieu que les universités ouvrent des postes – donc, on peut toujours aller chercher des agents en recherche professionnelle, mais ça ne fera pas des chercheurs dont la carrière va être uniquement de développer des projets de recherche dans les universités – donc, l'autre façon, c'est d'ouvrir des postes dans les universités et d'ouvrir des postes de chercheurs. Parce que là on est habitué jusqu'à maintenant à réfléchir dans des termes où, pour avoir un chercheur, il faut un professeur. Peut-être qu'il faut réfléchir différemment. Peut-être qu'il faut maintenant penser que les universités pourraient engager des chercheurs qui seraient reconnus comme membres de l'université mais à titre de chercheurs, et qu'on puisse le faire d'une façon ouverte et avec un plan d'action national là-dessus. Et, pour nous, ça, c'est majeur, et le problème est vécu dans tous les départements, dans tous les secteurs.

Mme Leduc: Je vous remercie.

M. Bouchard (Camil): Je vous en prie.


Remarques finales

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il s'agissait de notre dernière intervention. Je vais céder la parole au député de Champlain pour remercier nos invités de la part des membres ministériels.

M. Beaumier: Oui, merci, Mme la Présidente. D'abord, je voudrais remercier M. Bouchard, puis Mme D'Annunzio, puis votre équipe aussi. C'est la première fois que j'ai l'occasion, dans ce domaine-là, d'aller aussi loin. Je veux aussi vous féliciter de la qualité du travail que vous faites, les perspectives, puis de la qualité des échanges qu'on a eus. Mme la Présidente, probablement que c'est dû au fait de votre présidence, mais, de part et d'autre, c'est...

Une voix: ...

M. Beaumier: C'est bien quand même, ha, ha, ha! tout à fait.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Vous m'attribuez des grandes qualités.

M. Beaumier: Ça nous permet de bien travailler.

Alors, moi, je vois que ce que vous faites actuellement a une nécessité de perspective en termes de développement. Je vois aussi qu'en termes de recherche, c'est une approche plus globale, plus intégrée, plus multiple. Et, pour le point que personnellement, moi, j'ai soulevé – et d'autres aussi probablement – on voit jusqu'à quel point ce sera important, le travail que vous faites. Vous saluerez les vôtres également et les féliciterez. Merci.

M. Bouchard (Camil): Merci, monsieur.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. le député de Champlain. Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Mme la Présidente, merci. Alors, à mon tour, Mme la Présidente, au nom de mes collègues, au nom de ma formation politique et en mon nom personnel, de remercier les représentants du Conseil québécois de la recherche sociale, plus particulièrement M. Bouchard et Mme D'Annunzio. Personnellement, ça a été un avant-midi extrêmement intéressant, et je ne doute pas qu'il va être suivi de contacts. Alors, encore une fois, merci beaucoup, beaucoup.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je me joins également à mes deux collègues pour bien sûr vous remercier. Ça a été un échange très enrichissant. Ça nous a aussi appris à mieux vous connaître, et ça, je pense que c'est important. Comme je le mentionnais, possiblement lors d'une séance de travail, les membres de la commission pourront réfléchir sur ce que vous nous avez dit et peut-être qu'on pourrait formuler des recommandations à qui de droit. Aussi, je remarque que ce forum de ce matin est fort différent de celui des crédits. Ça permet davantage...

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...d'approfondir finalement tout ce que vous faites, le travail que vous faites, et c'est un bon exemple, je pense. C'est notre première expérience, bien moi, à titre de présidente, de regarder finalement, en somme, le mandat et les orientations d'un organisme, et ça va nous encourager sûrement à poursuivre dans cette voie. Alors, encore une fois, merci infiniment.

M. Bouchard (Camil): Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je suspends les travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 27)

(Reprise à 14 h 17)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): La commission va débuter ses travaux. Je vous rappelle que le mandat de la commission des affaires sociales aujourd'hui, c'est pour entendre, entre autres, le Conseil médical du Québec dans le cadre de l'examen de ses orientations, de ses activités et de sa gestion.

Alors, le mandat que s'apprête à exécuter la commission découle du pouvoir de surveillance des organismes publics que confère l'article 294 du règlement de l'Assemblée nationale aux commissions parlementaires. Il leur permet d'examiner annuellement les orientations, les activités et la gestion d'au moins un organisme soumis à son pouvoir de surveillance.

Je dois vous dire que, ce matin, nous avons déjà entendu le Conseil québécois de la recherche sociale. Il y a eu un échange très fructueux, ça a été très intéressant, et j'imagine que la même chose se produira cet après-midi. Mme la secrétaire, on n'a pas besoin de vérifier le quorum.

La Secrétaire: Non.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): On avait déjà quorum, puisqu'on a tout simplement suspendu nos travaux. Alors, vous avez une trentaine de minutes pour faire un bref tour de ce que le mandat de votre Conseil... Et par la suite bien sûr les membres pourront poser des questions. Alors, je vous demanderais, M. le président, M. Iglesias, de nous présenter les personnes qui vous accompagnent, et par la suite je vous cède la parole bien sûr pour votre présentation.


Conseil médical du Québec


Exposé du président


M. Juan Roberto Iglesias

M. Iglesias (Juan Roberto): Nous vous remercions beaucoup de nous avoir choisis pour venir vous présenter le Conseil médical, ses orientations et sa gestion. Alors, de façon à vous présenter le Conseil, j'ai amené avec moi le Dr Marie Girard, qui est médecin de famille, qui est maintenant membre de la permanence du soutien du Conseil médical et qui a été pendant six ans également membre siégeant du Conseil; et également un membre du Conseil, Mme Micheline Ulrich, qui est, de formation, infirmière, administratrice des soins infirmiers, et qui siège également, parmi ses autres fonctions, au niveau du bureau de l'Ordre des infirmières. Vous allez voir qu'au niveau du Conseil médical il n'y a pas seulement des médecins, il y a également d'autres professionnels. Alors, on veut être le président avec quelqu'un de la permanence et également un membre, qui pourront vous parler du vécu du Conseil directement.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Je vous laisse la parole pour une trentaine de minutes, et par la suite on échangera, nos travaux devant se terminer à 17 heures.

M. Iglesias (Juan Roberto): On vous a envoyé un petit document qui synthétisait le rôle, la composition et le fonctionnement du Conseil ainsi que ses travaux. Le Conseil médical est né de la volonté des médecins de pouvoir transmettre au ministre de la Santé et des Services sociaux des avis sur l'organisation des services médicaux, sur le nombre de médecins, sur le mode de rémunération des médecins ainsi que sur l'assurabilité des services médicaux. Donc, c'est un champ qui, tout en étant large et bien défini... Ce n'est pas tout le système de santé. C'est vraiment qu'est-ce qui touche les médecins.

(14 h 20)

Le Conseil est nommé par le gouvernement suite aux recommandations que font différents organismes. Vous avez, à la page 2, l'origine des organismes qui suggèrent des noms pour être nommés. Vous remarquez que la majorité doit être des médecins. Et le Conseil est formé de médecins qui représentent différentes spécialités, également les différentes régions du Québec, de façon à avoir une bonne vision de ce qui se passe. On s'arrange également pour avoir une représentation au niveau des spécialités qui peuvent poser des problèmes ou qui sont souvent au niveau de l'avant-garde de l'actualité.

Il y a également d'autres personnes que des médecins. On a le privilège d'avoir une pharmacienne. Nous avons Mme Ulrich, qui est infirmière. Nous avons habituellement également un membre qui est administrateur ou administratrice du système de santé et qui amène le volet administratif.

Il y a également des membres qui n'ont pas droit de vote au niveau du Conseil, qui peuvent êtres les sous-ministres de la Santé et des Services sociaux et le représentant du ministère de l'Éducation. Parce que, étant donné qu'on parle de programmes de formation en médecine, c'est important d'avoir l'opinion du ministère de l'Éducation. Et il y a également d'autres personnes qui peuvent être nommées par le ministre ou la ministre et qui n'ont pas droit de vote. Vous avez, à la page 3 du document, les membres actuels du Conseil, vous avez leur nom avec leur fonction. Ça vous donne une idée de la diversité des horizons des membres du Conseil.

Le Conseil a choisi un mode de fonctionnement qui est un mode participatif. Nous ne voulions pas devenir un organisme d'étude de type donner des commandites de recherche. Nous voulions apporter, au niveau de la personne qui est titulaire de la santé et des services sociaux, des avis qui représentent l'opinion des gens qui travaillent dans le milieu, sur les services médicaux, des gens qui viennent du milieu.

Donc, nous nous sommes organisés pour faire les travaux nous-mêmes. Occasionnellement, nous donnons des commandes de recherche, mais la plupart de nos travaux sont faits par les membres eux-mêmes. Le Conseil, une fois qu'il a reçu des mandats de la ministre ou du ministre, ajoute les travaux qu'il considère qui devront être traités également. Et là on se divise le travail en comité. Le comité est présidé par un membre du Conseil, un membre votant, et supporté par quelqu'un de la petite permanence que l'on a. Et ils reviennent régulièrement au Conseil pour nous exposer l'évolution des travaux et vérifier si le Conseil est d'accord, jusqu'au moment où l'avis est adopté.

Donc, les avis, ce sont des travaux qui émanent directement du travail des membres. C'est seulement occasionnellement que nous allons en appel d'un travail de recherche ou d'une expertise extérieure. Ce fonctionnement-là nous amène à apporter des analyses de la situation puis des solutions qui cadrent bien avec la situation actuelle, qui ne sont pas des travaux théoriques. Ça part toujours d'une analyse qui est une analyse de la réalité de la situation vécue par les gens qui travaillent dans le réseau de la santé et des services sociaux.

Naturellement, le Conseil se considère lié pour donner des avis à la ministre, mais cependant nous avons une indépendance complète, une autonomie de pensée qui peut avoir des avantages. Cependant, nous gardons des liens avec les gens du ministère de la Santé et des Services sociaux pour faire l'arrimage entre les sujets dont nous discutons, compte tenu que les sujets dont nous discutons sont souvent des sujets qu'eux ils traitent sous un autre volet. Donc, on a quand même un arrimage, même si on a une autonomie puis une indépendance.

Vous allez voir, les travaux tantôt que Marie va vous présenter, un petit résumé des travaux, c'est des sujets qui sont très variés. Je peux vous dire que le Conseil a maintenant six ans de fonctionnement. Et l'impact des travaux a été considérable. Ça a amené une discussion, à travers le Québec, assez importante sur l'organisation des services médicaux.

On voit déjà des changements majeurs comme le mode de rémunération des médecins spécialistes, qui est entré en vigueur le 1er septembre, qui est un des travaux du Conseil, donc le mode de rémunération mixte. Et, juste celui-là, c'est un changement majeur, parce que, si on avait pensé, il y a trois, quatre ans, qu'on allait changer le mode de rémunération des médecins spécialistes, ça aurait été un sujet probablement... on n'aurait pas eu la majorité pour dire que les gens étaient d'accord ou que c'était même faisable.

De même, les travaux qui ont été faits sur les effectifs médicaux et les travaux qui ont été faits sur l'organisation des services médicaux, en particulier les travaux sur la hiérarchisation des services, ont été l'objet de nombreux colloques, rencontres et discussions et ils le sont encore actuellement. Donc, nous pensons que notre impact a été sûrement au niveau du ministre ou de la ministre de la Santé et des Services sociaux, mais également c'était un rôle d'animation une fois que les avis sont libellés, un rôle d'animation de la communauté médicale et de la communauté de la santé et des services sociaux, qui examinent les idées qu'on met sur la table, qui en discutent et qui les transposent dans leur milieu d'action, que ce soit leur milieu professionnel, la table de négociation ou d'autres endroits où on peut les concrétiser.

J'aimerais ça peut-être que Mme Ulrich nous dise un petit mot sur l'esprit qui règne au Conseil. Elle le vit... Moi, je suis le président, elle le vit comme un membre, qui a quand même quelques rencontres, d'expérience maintenant avec le Conseil, elle pourra vous dire un petit peu l'esprit qui règne au niveau du Conseil.

Mme Ulrich (Micheline): Bonjour, tout le monde. Ça me fait plaisir d'être ici. Le Conseil médical, c'est un organisme, je pense, de pensée intéressant. Comme participants non-médecins, avec madame... c'est-à-dire il y a une pharmacienne et une directrice générale avec nous. En étant non-médecins, nous avons une autre vision de ce que c'est, le Conseil. Par contre, je dois vous dire, ce qui est très intéressant, c'est la liberté d'expression qu'on retrouve au sein du Conseil, la capacité des gens d'exprimer des avis qui peuvent être différents sans qu'on se sente mis de côté. Je pense que c'est très important, cet aspect de la communication des non-médecins avec les médecins, au sein de ce Conseil.

Et, moi, je vous dirai qu'une des choses les plus importantes que j'y ai trouvée c'est la réflexion et la non-partisanerie et le non-corporatisme des discussions, parce que c'est beaucoup en termes d'enjeux, en termes de système, qu'est-ce qu'on peut faire pour améliorer le système, qu'est-ce que chacun peut apporter. L'analyse aussi des situations qui se passent dans le secteur de la santé et des services sociaux avec les acteurs qui viennent de différents milieux et qui ont différentes expériences est très enrichissante, je pense, à tous les niveaux et permet aussi de participer grandement aux travaux et aux avis.

M. Iglesias (Juan Roberto): Alors, de la façon dont les membres vivent ça, je peux vous dire que la totalité des membres, quand ils quittent le Conseil, ils me font des commentaires semblables. Et on s'est fait un point d'honneur de laisser nos titres et nos considérations particulières lorsqu'on entre au Conseil. Et, maintenant, ça fait partie de la tradition. Au début, ce n'était pas évident, mais là ça fait partie de la tradition.

En ce qui a trait à nos travaux, je voudrais vous dire juste quelques mots d'abord sur les fondements de notre pensée, parce qu'il faut comprendre un peu nos valeurs, nos pierres d'assise, pour que vous compreniez un petit peu où est-ce qu'on veut s'en aller avec nos travaux. Le Conseil médical, jusqu'à maintenant, il est un partisan sans condition d'un système public financé publiquement. Donc, nous avons accepté ça comme étant une base de fondement.

Le deuxième élément, c'est que nous pensons que l'élément essentiel dans les services médicaux, c'est la relation qu'il y a entre le médecin et le patient, c'est entre la personne et le médecin, c'est l'élément fondamental, et que tout doit être fait pour protéger cette relation-là. Nous pensions et nous pensons également que le système des services médicaux doit gagner en efficacité et en efficience. Donc, on part avec l'idée qu'il y a des gains à faire et qu'ils doivent être faits à l'intérieur d'un système public tout en protégeant cette relation patient–médecin. Donc, ça, c'est notre credo de base. On ne veut pas...

Par exemple, on n'a jamais examiné les questions qui feraient de faire du médecin un employé de l'État, un salarié, ou des choses comme ça. Naturellement, ça ne va pas dans notre... Nous acceptons le principe du médecin entrepreneur, autrement dit. Dans notre système, le médecin est un entrepreneur libre qui, par contre, est financé par l'État. Et cette relation-là est un petit peu particulière. Il faut bien la comprendre pour saisir la dynamique des services médicaux au Québec. C'est un entrepreneur qui est un entrepreneur libre, mais dont la majorité de son financement est garantie par l'État. Et souvent il travaille également dans les installations publiques, les installations de l'État. Alors, nous acceptons ça. Nous ne voulons pas changer ces grandes donnes là de réorganiser les services. Par contre, nous sommes persuadés qu'il y a des modifications puis des améliorations parfois majeures à faire de façon à améliorer la qualité puis la quantité des services. Alors, c'est là-dessus qu'on est partis.

(14 h 30)

Vous vous rappelez que, lorsqu'on a parti nos travaux, en 1994, on était à la veille des grandes compressions budgétaires. Nous étions, à ce moment-là, avec un horizon qui était celui de la diminution budgétaire au niveau de la santé et des services sociaux et nous devions composer également avec ça. Cela a certainement teinté nos discussions. Mais, aujourd'hui, dans les travaux que l'on fait, même si on est peut-être dans une autre période ou à la fin de cette période-là, notre pensée n'a pas évolué différemment pour autant. Elle a peut-être une teinte un peu moins angoissée ou un peu moins de panique que dans ce temps-là. Alors, peut-être que Marie va vous faire une énumération, une brève description des travaux qu'on a faits. Je reviendrai, après ça, pour terminer avec quelques points qui ressortent.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Girard.

Mme Girard (Marie): Alors, c'est ainsi que, dans les débuts des travaux du Conseil, il y avait toute la discussion sur le panier de services. Donc, on s'est penché, dans un premier temps, pour définir le médicalement requis. Et aussi on a regardé l'organisation des services et favorisé et proposé la hiérarchisation, c'est-à-dire la bonne personne à la bonne place au bon moment. Et, par la suite, on a travaillé pour développer des propositions de modes de rémunération adaptés à la fois sur la première ligne, les médecins de famille, et à la fois sur les deuxième et troisième lignes, c'est-à-dire les médecines spécialisées et surspécialisées. Et c'est sur ce deuxième volet qu'actuellement on voit que les nouvelles ententes sont en train de se calquer sur les propositions qui avaient été faites. En même temps, on a aussi travaillé sur la pertinence, c'est-à-dire: Les actes faits, les examens proposés sont-ils pertinents? Sont-ils faits dans une perspective adéquate?

Et aussi, il faut se rappeler que le Conseil médical doit, de par sa loi constituante, être consulté lorsqu'il s'agit des politiques de main-d'oeuvre médicale, c'est-à-dire des admissions en médecine ou prédoctorales, des cibles d'entrée en spécialité et aussi des plans de répartition des effectifs médicaux, c'est-à-dire ces fameux plans triennaux par lesquels le ministre donne des ajouts nets, qu'ils soient positifs ou en réduction, pour chacune des différentes régions du Québec.

Donc, au niveau des effectifs médicaux, on a regardé le modèle de projection que, dès lors, on trouvait qu'il était désuet. On a regardé la répartition, comment l'améliorer, comment se doter de leviers. Certaines des propositions ont porté fruit, à l'effet de mieux connaître, de mieux cibler les spécialités à répartir, plutôt que d'y aller en gros groupes de spécialités, par exemple des groupes des spécialités médicales générales. Et aussi, on a proposé une nouvelle manière de planifier les effectifs médicaux. Et aussi, enfin, au moins de juin, on adoptait une proposition sur les cibles en spécialité, c'est-à-dire les mythes et les réalités, comment s'assurer que les Québécois aient les spécialistes pour lesquels ils ont des besoins.

Enfin, à travers ces travaux, on a eu deux avis qui ont porté sur les diplômés hors Canada et États-Unis et dans lesquels on favorisait davantage des mesures d'équité et d'intégration professionnelle de ces médecins.

Finalement, sur les travaux de la dernière année, on a aussi fait un avis sur l'assurance-responsabilité professionnelle qui a fait l'objet de plusieurs débats au cours de la dernière année, pour laquelle on a proposé une assurance-responsabilité de type «no fault», similaire à ce qu'on retrouve en assurance automobile. Et enfin, on a proposé, du côté de l'organisation des services, un avis qui est sur les CHU et les instituts universitaires; donc, toute l'organisation des services médicaux. Alors, ceci fait le tour des avis qui ont été adoptés au cours des dernières années.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Girard.

M. Iglesias (Juan Roberto): Merci, Dr Girard. Nous continuons aussi à travailler, nous sommes en train de finaliser pour cet automne un avis sur la privatisation des services médicaux. Cet avis-là n'a pas paru, il va être présenté au Conseil à la fin d'octobre. Et, également, nous travaillons sur un avis sur le nouveau rôle défini du chef de département médical. Donc, c'est les deux avis qui sont là. Également, nous avons une préoccupation de savoir où en est la satisfaction des patients et des patientes envers les services médicaux. Et, tantôt, Mme Ulrich nous dira un petit mot sur les travaux de ce comité-là, parce que c'est elle qui le préside.

Actuellement, comme Conseil, nous avons presque terminé notre plan de travail que nous nous étions donné, où on fait une nouvelle proposition sur l'organisation des services. Le Conseil a constaté, il a fait une analyse... Si vous lisez l'avis qui porte le nom de La hiérarchisation des services médicaux , c'est un constat de 1994-1995 sur les problématiques qui frappent les services médicaux. Le Conseil reconnaissait qu'au Québec... tout de même, il faut l'admettre, on est bien chanceux d'avoir la qualité du système de santé que l'on a, il ne faut pas tout rejeter ça comme si ce n'était pas... il y a beaucoup de bon dans... Cependant, il y a des problématiques qui entachent sa valeur. Quand on le regarde, il y a probablement 95 % du système qui fonctionne relativement bien ou très bien, mais il y a 5 % qui est très important pour la population, en particulier au niveau de l'accessibilité, de la disponibilité des services, qui est problématique.

Et nous constations ça déjà en 1994-1995, et c'est à partir de là que nous avons proposé des mesures, que ce soit tant au niveau de la main-d'oeuvre, au niveau du nombre de médecins, au niveau des spécialistes versus les médecins de famille, que ce soit au niveau du mode de rémunération qui, pour nous, est un élément central. Le mode de rémunération des médecins est central dans le sens qu'il détermine le lien de contrat qui existe entre l'État qui paie et le médecin qui donne des services. Et nous jugions à ce moment-là que le mode de paiement à l'acte était désuet, il ne correspondait plus à la réalité.

Alors, nous avons proposé deux modes de rémunération pour chacun des niveaux de services, qui étaient basés sur la responsabilité. Celui de la première ligne, qui est le premier contact entre le médecin et les personnes qui ont besoin de services, c'est un mode de rémunération qu'on appelle mixte, où la principale source de revenu était le nombre de personnes que le médecin avait à sa charge et un complément pour le nombre d'actes qui sont posés, de façon à ne pas avoir une baisse de productivité – cet élément-là, pour nous, ça nous semble essentiel qu'il soit reconsidéré – donc un système qui est basé sur le nombre de patients que le médecin a à sa charge. Si on veut avoir seulement des médecins au Québec qui prennent en charge les besoins médicaux des personnes, ce n'est pas pour qu'ils génèrent nécessairement des actes. Ce qu'on veut, c'est que le médecin ait 1 000, 1 200, 1 500, les chiffres peuvent être sujets à négociation, mais un certain nombre où c'est vraiment responsable.

Au niveau des médecins spécialistes, ce qu'on voulait, c'est un mode de rémunération qui permette aux médecins spécialistes d'assumer leurs responsabilités en tant que consultants et médecins de deuxième ligne, de façon à ce qu'ils rendent service à la population en fonction de leur formation qui est très longue et très spécialisée. On ne veut pas que le médecin de deuxième ligne fasse de la consultation en première ligne. On veut qu'il soit là, disponible lorsqu'il y a quelqu'un qui lui est référé par un collègue de la première ligne et lorsqu'il a besoin d'intervenir ou de donner une opinion. Alors, ce mode-là, par contre, il est déjà en train, comme Dr Girard l'a dit, d'être implanté; il s'appelle le mode de rémunération mixte pour les médecins spécialistes, qui porte, je pense, le numéro d'entente 39, et qui est en fonction pour un bon nombre de spécialités à partir du 1er septembre et qui va l'être progressivement dans l'avenir.

Donc, cette dynamique-là que nous voulons établir, c'est une dynamique des responsabilités du médecin envers les services qu'il doit rendre. On veut qu'il demeure entrepreneur libre parce que, en étant entrepreneur libre, il y a une liberté professionnelle qui est très importante pour la relation patient-médecin, comme je le disais tantôt, mais on veut aussi qu'il soit responsable, qu'il assume des responsabilités et qu'il soit payé pour ces responsabilités-là. Ça a été le noeud de notre discussion.

Peut-être, Mme Ulrich, un petit mot sur votre comité dont les travaux sont en cours et qui devaient se terminer après Noël ou au printemps 2000, sur la satisfaction des patients et patientes.

(14 h 40)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Ulrich.

Mme Ulrich (Micheline): Oui, merci. Depuis quelques années, les médias donnent une image assez difficile de toute la capacité des gens de recevoir des soins et des services à leur convenance et par rapport à leurs besoins, et une des préoccupations du Conseil, c'était de regarder... mais il y a, en quelque part aussi, des gens qui sont satisfaits des services qu'ils reçoivent. Nous avons donc un comité, au Conseil médical, qui est composé et de médecins et de non-médecins, qui fouille plus particulièrement ce volet-là. Alors, nous, avec l'aide de l'agente de recherche que nous avons, Mme Ouellet, nous avons, dans le fond, fait un genre de relevé de littérature sur tout ce qui s'est dit et écrit, pas juste au Québec, mais au Canada et un peu en Amérique du Nord, sur les études qui se passaient au niveau de la satisfaction des gens qui recevaient des soins et des services.

Ensuite de ça, nous avons regardé... nous regardons plus particulièrement ce qui se passe au Québec parce qu'il y a beaucoup d'organismes qui s'occupent de vérifier la satisfaction des personnes qui reçoivent des soins et des services, que ce soient des organismes officiels comme l'Association des hôpitaux du Québec, l'Association des centres d'accueil, et tout ça, que ce soient des organismes comme tels comme le Comité provincial des malades, que ce soient aussi des ordres professionnels comme le Collège des médecins, l'Ordre des infirmières. Alors, tout le monde qui est en santé fait des études, en quelque part, de satisfaction. Et ce qu'on voulait essayer de voir... c'est, après avoir fait le tour, faire un avis sur les principaux éléments de satisfaction et de non-satisfaction par rapport aux soins et services reçus, parce que l'objectif premier, c'est d'améliorer le système. Parce que, effectivement, dans notre système public, il y a des gens de très grande valeur qui travaillent à donner des soins et des services, qui le font bien, mais qui ont aussi besoin de suivi par rapport à ce qui se donne comme soins et services.

Alors, chaque organisation aussi, maintenant, ou chaque établissement a des comités: quelques-uns, des comités de patients surtout en longue durée, des comités de service aux usagers qui s'occupent des plaintes, qui reçoivent les plaintes, médicales ou non médicales. Alors, médicales, c'est les CMDP; dans les organisations non médicales, c'est les comités qui sont reliés au service à la clientèle. Alors, il y a le Commissaire aux plaintes, il y a plusieurs organisations. Il y a aussi tout ce qui se passe aux régies régionales, parce qu'il y a quand même des études qui se font à ce niveau-là. Alors, comme vous voyez, il y a beaucoup d'acteurs, puis ce qu'on voulait faire, c'est un peu faire le tour et faire des propositions après ça, par rapport à l'amélioration du système quant aux attentes et aux besoins de la population. S'il faut orienter les effectifs médicaux vers les besoins, il faut faire aussi une étude des besoins et des attentes pour voir si on répond ou pas à quelque part à ça.

Alors, nous sommes en train de colliger nos données présentement. Nous devrions déposer à la ministre, en mars 2000, je pense, le rapport pour finaliser les travaux du comité.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci.

M. Iglesias (Juan Roberto): Merci. Alors, pour terminer la petite présentation, vous avez les ressources du Conseil qui sont résumées à la page 11 de notre petit document. Le Conseil a un budget d'environ 580 000 $, incluant le loyer qui est naturellement administré par le ministère de la Santé et des Services sociaux et qui est imputé au budget. Ça, ça comprend les frais de déplacement, la rémunération du personnel de soutien et des personnes qui sont engagées à contrat. Ça comprend les fournitures, le fonctionnement complet du Conseil.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci beaucoup. Alors, avant de céder la parole à la députée de Vanier, vous me permettrez....

Une voix: ...


Discussion générale


Avis sur la mise à la retraite d'effectifs médicaux

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Ah bon! je m'excuse. Vous me permettrez quelques commentaires et une question à trois volets.

Le Conseil ayant été créé en 1991, j'imagine que la profession médicale souhaitait justement donner son point de vue dans le cadre ou dans la foulée d'une réforme de la santé. Par contre, je regardais les avis que vous avez donnés et plusieurs avis portent, entre autres – j'énumérais le nombre d'avis là – depuis 1991, entre autres sur les effectifs, la rémunération, les inscriptions aussi. Bon, on retrouve quelques autres avis, mais beaucoup en nombre moindre, entre autres sur la pertinence des services médicaux, sur la dispensation des procédures diagnostiques et thérapeutiques et aussi sur l'offre et la demande de services médicaux. Alors, je trouvais que vous aviez fait beaucoup d'avis, entre autres sur les effectifs. Alors, dans cette perspective-là, je me disais: Est-ce que le Conseil, lorsque le gouvernement a décidé de faire... c'est-à-dire de donner des retraites, des mises à la retraite... de faire des retraites... voyons, des mises à la retraite anticipée... est-ce que, à ce moment-là, ça faisait suite à un avis du Conseil, étant donné qu'il y a eu plusieurs avis sur les effectifs? Est-ce que ça faisait suite à ça? Et est-ce que vous étiez d'accord justement... est-ce que le Conseil a donné un avis favorable au ministre de procéder de cette façon? Ça, c'est ma première question.


Rôle auprès de la ministre de la Santé et des Services sociaux

La deuxième. Vous parlez d'une autonomie de pensée, une liberté d'expression. Vous êtes des donneurs de services. Alors, c'est certain que vous êtes au centre des besoins de la population, vous connaissez bien les besoins de la population. Est-ce que pour autant, tout en ayant cette liberté d'expression, est-ce que cependant vous êtes écoutés par le ministre aussi? Alors, c'est beau, donner un avis puis avoir cette liberté, cette autonomie, mais est-ce que vous pensez être bien écoutés?


Avis sur la privatisation

Ma troisième question. Vous parlez de fondements de votre pensée. Un des fondements de votre pensée, c'est le système public, et je me rends compte... Vous avez mentionné tout à l'heure que vous étiez en train de donner un avis sur la privatisation. Alors donc, est-ce que vous pouvez m'expliquer jusqu'où vous avez l'intention d'aller ou c'est quoi par rapport à ce système public que vous défendez?

Alors, c'est une question qui a trois volets, qui est assez... qui demande quand même... Je vous laisse tout le temps pour y répondre.


Avis sur la mise à la retraite d'effectifs médicaux (suite)

M. Iglesias (Juan Roberto): Effectivement, Mme la Présidente, la question des retraites – c'est le premier volet de la question – a été traitée par le Conseil dans un avis de 1994-1995 et, à ce moment-là, le Conseil... Je peux vous dire même que le Conseil est peut-être, entre guillemets, l'initiateur de cette mesure-là, et je vais compléter tantôt parce que l'enfant n'a pas tourné de la même façon qu'on le prévoyait, là. Mais on est au début de la démarche, c'est nous qui avons suggéré... Notre idée fondamentale, c'est qu'il fallait rajeunir le corps médical du Québec et qu'il ne fallait pas procéder uniquement ou surtout par des coupes à l'entrée des jeunes, mais qu'il fallait faire une rotation pour permettre la sortie puis garder l'entrée constante de l'effectif de façon à garder une pyramide d'âge raisonnable. Et nous avions suggéré à ce moment-là la possibilité de retraite, de préretraite, mais avec des modalités souples, c'est-à-dire là où l'effectif puis les besoins de la population le permettaient. Nous parlions même de demi-retraite, nous parlions de retraite progressive ou des fractions de retraite. Nous pensions que ça allait être appliqué de façon plus progressive, ciblée. Bon. La négociation a fait que l'événement n'a pas été fait comme ça, puis c'est une offre de retraite volontaire. Mais nous avions traité ça, et c'était notre orientation. Nous pensions que c'était un bon moyen de rajeunir l'effectif qui avait tendance à vieillir, dans certaines spécialités en particulier.


Rôle auprès de la ministre de la Santé et des Services sociaux (suite)

Le deuxième volet, l'écoute. Moi, je pense qu'un Conseil ne peut pas toujours être écouté. Un Conseil, c'est un Conseil. D'ailleurs, c'est sûr que les avis appartiennent à la ministre en premier puis sont destinés au titulaire du portefeuille. Cependant, après 60 jours, les avis sont libérés, O.K.? Donc, après 60 jours de réserve, les avis sont libérés et envoyés dans l'organisation des services de santé, et il peut y avoir un effet, là. Ce que je veux vous dire, c'est que, oui, nous pensons avoir été écoutés pour plusieurs des volets. Pas tous, pas tous. Il y en a un qui, pour le moment, est demeuré sans écoute, en tout cas qui n'a pas de suite, c'est la rémunération des médecins de première ligne, le mode de rémunération. Lui, il n'a pas été... Pour nous, c'est une pierre importante.

(14 h 50)

Cependant, il y a eu des réactions majeures, à un tel point que la Fédération des omnipraticiens, dont nous avons des gens qui ont été suggérés par eux dans notre Conseil, ils n'ont pas accepté cette proposition-là, ils ne l'ont pas acceptée. Cependant, ils se sont sentis obligés d'en faire une contre-proposition. Parce que, quand on propose quelque chose qui, fondamentalement, a un certain bon sens, on peut perdre la face si on ne fait pas une contre-proposition. Ils ont fait une contre-proposition qui a été les départements régionaux de médecine générale, qui ont été mis dans la loi il y a maintenant un an et quelques mois. Et c'était leur contre-proposition, c'est celle-là qui a passé pour le moment au niveau du ministère et au niveau de la législation. Ces départements-là ont comme rôle de régler certains des problèmes, dont l'accessibilité. Et nous sommes persuadés qu'ils vont aider à régler certains problèmes mais pas tous. Nous sommes également persuadés que notre proposition... puis la leur n'est pas opposée, elle est complémentaire, et que c'est une étape de prise en charge des médecins des services dans une région, et que ça sera ajouté au mode de rémunération qui permettra non seulement l'accessibilité, mais un autre élément qui est très important, la continuité.

Donc, comme je vous dis, on n'a pas toujours été écoutés par nos ministres; ça, c'est certain. Cependant, lorsqu'on additionne l'effet d'écoute du ministre plus l'effet d'entraînement du réseau, bien, ça donne des résultats qui sont acceptables pour nous, cependant avec un grand bloc qui est celui du mode de rémunération de la première ligne qui n'est pas encore passé et qui, pour nous, est un élément fondamental.


Avis sur la privatisation (suite)

En ce qui a trait à la privatisation, votre remarque est très judicieuse. On devrait dire «un avis sur la non-privatisation», c'est surtout ça. C'est un avis qui nous avait été suggéré par le ministre. Il nous avait été demandé un avis sur quel était le rôle du privé dans la dispensation des services médicaux. C'est pour ça que le titre est peut-être un peu trompeur: Quel est le rôle du privé?

Mais, naturellement, nous profitons de l'occasion pour faire le point. Quels sont les avantages puis les désavantages d'avoir un système privé unique ou un système privé avec des composantes de financement ou des composantes d'exécution au niveau du système?

Il faut se rappeler qu'au niveau des services médicaux il y a une grande privatisation déjà au niveau de l'exécution. Tous les cabinets de médecins, c'est des entités privées qui sont financées par le public. Pourtant, c'est des cabinets privés, là. Donc, il y a une grande composante. Il y a également au niveau des soins de longue durée où il y a déjà une composante qui est là. Naturellement, le Conseil n'a pas pris position encore, mais je vois les travaux aller, puis c'est évident que le Conseil, compte tenu de ses racines puis de ses croyances fondamentales, ne changera pas d'idée. Il ne changera pas d'idée par rapport à la position du système, mais il va expliciter les pour et les contre clairement, il va dire jusqu'où on peut aller dans l'exécution et à quelles conditions.

Il y a certains éléments, par exemple, le contrôle de la qualité, que ce soit fait en privé ou en public, il faut le regarder quand même. Ce n'est pas parce que ça va être fait en privé qu'on va laisser tomber le contrôle de la qualité, la protection du public, des choses comme ça. Mais on peut peut-être faire des partenariats qui permettraient peut-être d'étirer le dollar qui est disponible pour les services médicaux. Alors, c'est dans ce sens-là que les travaux sont faits.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous remercie. Mme la députée de Mille-Îles, je vous cède la parole.

Mme Barbeau: Non, Vanier.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Vanier, est-ce que vous m'avez demandé la parole en premier?

Mme Barbeau: Oui, je vous ai demandé la parole. C'est parce que vous avez dit «Mille-Îles», ça fait que je pensais que...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Ah bon! Je m'excuse. Non, c'est parce que je pensais que tout à l'heure vous aviez retiré votre...

Mme Barbeau: Non, non, non, non.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Ah bon! D'accord. Alors, Mme la députée de Vanier.

Mme Barbeau: Je ne pensais pas être la première – c'est juste ça – tantôt.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Ah bon! D'accord.


Choix personnel du médecin par rapport aux besoins collectifs

Mme Barbeau: Je pensais qu'il y avait d'autres personnes.

Merci beaucoup d'être là aujourd'hui. Moi, je vais vous avouer bien franchement, je ne suis pas une spécialiste du fonctionnement du réseau, je n'ai jamais été dans le milieu de la santé. Depuis que je suis députée, et j'étais attachée politique avant, j'ai beaucoup appris, mais il y a encore des choses que je ne suis pas capable de cerner, puis on a des perceptions, moi comme des citoyens qui m'en font part. Vous l'avez dit tout à l'heure, les médecins, c'est des entrepreneurs financés par l'État. Le mot «entrepreneur», pour moi, ça veut dire: faire des choix, des choix personnels ou des choix de groupes, et, à mon avis, en tout cas... par le fait même, est-ce que ça ne peut pas entrer en contradiction avec le bien collectif? Parce qu'un choix qui est fait par une personne ou par un groupe... Mais, en même temps, si tous ces groupes de personnes là mis ensemble doivent répondre à un besoin collectif, est-ce que, des fois, ça ne peut pas être ingérable? C'est un mot que...

J'essaie de comprendre, parce que souvent c'est difficile à suivre. Je vous le dis, là, je veux dire, les citoyens nous le disent, puis je vous le dis comme ils me le disent, la perception est telle qu'on dit: Coudon! c'est-u juste une question d'argent? Parce que c'est toujours de ça que ça a l'air, je vous le dis bien franchement, et honnêtement, et naïvement. Comme députée, c'est souvent les commentaires que je reçois dans mon bureau. Quand on parle d'effectifs en région, des choses comme ça, c'est toujours une question d'argent. Pourquoi ils ne veulent pas y aller? C'est comme si on avait l'impression que les choix, ils n'étaient pas connectés avec le besoin collectif. Mais je vous le dis, ça, c'est la perception. Vous allez peut-être m'expliquer la réalité, je ne le sais pas, là, mais j'aimerais bien comprendre.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Iglesias.

M. Iglesias (Juan Roberto): Écoutez, là, je pense que votre analyse n'est certainement pas complètement en dehors de la réalité. Je pense qu'il faut le constater. Puis d'ailleurs, c'est pour ça que, nous, après avoir fait de l'analyse du système puis constaté ses problèmes, donc des problèmes de répartition, les leviers fondamentaux qu'on a suggérés, c'est des leviers de modes de rémunération, hein, parce qu'il y a quand même... C'est ça. Et, effectivement, ces modes de rémunération là, vous le dites très bien, cherchent à arrimer l'intérêt individuel de l'entrepreneur qu'est le médecin et le besoin collectif.

C'est beau, ça, voir un médecin qui est entrepreneur libre; ça a des qualités, ça a des avantages, dans le sens qu'il a une liberté de traiter son patient comme il veut. Mais ça peut avoir aussi des inconvénients. À un moment donné, il peut décider qu'il s'établit à tel coin de rue, puis ils s'établissent tous à tel coin de rue, puis, dans ce temps-là, il n'y en a pas à tous les autres coins de rue, là. Ou bien ils peuvent décider qu'ils font de la clinique sans rendez-vous, bon, puis qu'ils ne font pas du suivi à l'hôpital, qu'ils ne font pas du suivi à domicile, ou des choses comme ça. Et ça arrive, c'est des choses qui arrivent.

Alors, c'est tellement vrai, ce que vous dites, que toute notre analyse sur le mode de rémunération a été ça: Comment faire pour que le Québec, qui dispose en théorie... Pour la population, si je dis la phrase: «Le Québec dispose en théorie d'un nombre suffisant de médecins»... c'est-à-dire, si vous prenez le nombre total des médecins qui sont enregistrés puis vous le regardez par un nombre de population, en théorie ça devrait donner un nombre, un ratio suffisant. Mais, si vous constatez la réalité, il est insuffisant. On ne peut pas nier la réalité non plus, là. La réalité, c'est qu'il est insuffisant. Alors, il faut conclure: ou bien les chiffres sont erronés – et, selon nous, ils ne sont pas erronés – ou bien les médecins ne font pas toutes les choses qui doivent être faites puis ils font peut-être des choses qui sont faites un peu trop. O.K.? C'est probablement ça qui arrive.

Et c'est ça, la dynamique des services médicaux au Québec. Il faut chercher des moyens. Puis il y a eu des moyens législatifs d'utilisés. Par exemple, par décret, la rémunération différente. Bon, si vous travaillez à Montréal, les premières années de votre pratique, vous avez 70 %; si vous travaillez en région, vous avez plus que 100 % ou 100 %, dépendant des zones. Il y a eu également les plans d'effectifs, qui sont des moyens réglementaires, donc la répartition de l'effectif médical. Mais, malgré tout ça, il semble y avoir un problème. Donc, nous, on s'est dit: Le nerf de la guerre, c'est la façon dont le médecin est payé. Il va être payé parce qu'il va rendre les services dont la population a besoin. Une fois que le contrat est établi, il les rendra comme il le juge nécessaire. Mais il va se rendre disponible pour cette population-là, et c'est ça qu'on a essayé de proposer.

Pour les médecins de première ligne... un médecin de première ligne, c'est qu'il est responsable d'un certain nombre de patients, d'un certain nombre de personnes qui ont besoin de ses services. Si, dans une ville, il y a 10 000 habitants, bien, on s'attend à avoir neuf médecins, 10 médecins. C'est pour couvrir les besoins des 10 000 habitants, ce n'est pas pour couvrir les besoins de 5 600 habitants, là, c'est pour couvrir les besoins de 10 000 habitants. Donc, on va payer ces médecins-là à condition qu'ils prennent en charge les 10 000 habitants au complet puis pendant tous les épisodes de maladie, pas seulement du lundi au mercredi puis pas le jeudi puis pas le samedi. Ils les prennent pour tout, ils s'arrangent entre eux pour faire ça. Et c'est ça qu'on essaie de faire.

Mme Barbeau: Quand vous dites ça, c'est ce dont vous parliez tout à l'heure, le mode de rémunération de première ligne qui n'est pas encore effectif? C'est-u ça?

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est ça.

Mme Barbeau: Ça fait que ce que je comprends, c'est que, par ça, on réglerait beaucoup de problèmes.

(15 heures)

M. Iglesias (Juan Roberto): Bien, nous pensons que c'est l'élément central de la dynamique qui réglerait les problèmes. Naturellement, comme vous voyez, la Fédération des médecins omnipraticiens n'a pas accepté cette chose-là, ne l'a pas acceptée comme telle. Elle a fait une contre-proposition, elle a dit: On va s'organiser en département régional puis, à partir de là, on va dire: Où sont les besoins? Puis on va envoyer le monde. Mais le problème qui va se poser, maintenant: Le département régional, il va les envoyer comment? En faisant des prières, en invoquant je ne sais trop quoi? C'est quoi, les armes qu'il va utiliser?

Ils vont peut-être pouvoir dire: Oui, les besoins sont... ils vont peut-être pouvoir faire une analyse plus pointue de ça, mais, après ça, il va falloir les mobiliser quand même. C'est pour ça que nous pensons que notre proposition est encore cohérente avec la leur, et subséquente et complémentaire.

Mme Barbeau: Mais où ça bloque, là?

M. Iglesias (Juan Roberto): Bien, ça bloque au niveau de la négociation. Écoutez, là...

Mme Barbeau: Ah! O.K. Non, je veux juste savoir. Si c'est de mon bord, je vais m'en occuper un peu, là. Ha, ha, ha! Je ne sais pas...

M. Iglesias (Juan Roberto): Non, non.

Mme Barbeau: Tu sais, je vais faire quelque chose!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Iglesias (Juan Roberto): Les conditions des médecins sont négociées. Quand je dis «la Fédération», la Fédération, ce n'est pas le Collège des médecins, c'est une association professionnelle qui négocie...

Mme Barbeau: Des omnipraticiens? C'est les omnis qui négocient ça? C'est-u eux autres?

M. Iglesias (Juan Roberto): Oui, c'est la Fédération des...

Mme Barbeau: Des omnis?

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est le syndicat professionnel.

Mme Barbeau: Ah! O.K.

M. Iglesias (Juan Roberto): Bon.

Mme Barbeau: C'est là que c'est, c'est là que c'est rendu?

M. Iglesias (Juan Roberto): Oui, oui, c'est là que c'est rendu.

Mme Barbeau: O.K. Mais ça, d'après vous, ça réglerait une grosse partie du problème de gestion territoriale.

M. Iglesias (Juan Roberto): Écoutez, moi, si je suis un médecin de première ligne, un médecin de famille, pour avoir ma pleine rémunération, je dois avoir sur ma liste 1 000 patients. O.K.? Si j'ai 800 patients puis que je les fais tourner plus vite, je n'aurai pas ma rémunération pleine; si j'ai 1 000 patients puis que je m'en occupe comme il faut, parce que... je vais l'avoir pleine. O.K.? Un médecin peut décider actuellement qu'il peut avoir 500 patients puis il les fait tourner plus vite. O.K.? Bon, pendant ce temps...

Mme Barbeau: Mais qu'est-ce que vous voulez dire par «tourner»?

M. Iglesias (Juan Roberto): Les faire venir plus souvent.

Mme Barbeau: Ah! O.K. C'est parce que c'est payé à l'acte.

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est payé à l'acte.

Mme Barbeau: Là, ça serait payé...

M. Iglesias (Juan Roberto): Selon le nombre de personnes et, une partie, c'est le nombre d'actes aussi.

Mme Barbeau: O.K.

M. Iglesias (Juan Roberto): Parce qu'on ne veut pas non plus qu'ils deviennent des gens qu'une fois qu'ils ont la population ils ne les voient plus, là.

Mme Barbeau: Comme mixte, là, ça serait une partie...

M. Iglesias (Juan Roberto): Exactement. Nous, on suggérerait 70 % pour la charge de personnes et 30 % pour le nombre d'actes qui sont posés.

Mme Barbeau: Puis ça, ça a été refusé.

M. Iglesias (Juan Roberto): Ça a été refusé.

Mme Barbeau: Puis la contre-offre était de s'organiser au niveau régional.

M. Iglesias (Juan Roberto): Exactement.

Mme Barbeau: Mais de garder le «tchique-clique»...

M. Iglesias (Juan Roberto): Oui.

Mme Barbeau: ...à l'acte, là. Ha, ha, ha! Excusez l'expression courante.

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est ça. Parce qu'au niveau de la première ligne, les problèmes fondamentaux, c'est l'accessibilité et la continuité, le fait de pouvoir voir un médecin de façon continue, d'être suivi par un médecin quand ça va bien ou quand ça va très mal, tu sais, lorsqu'on est autonome ou lorsqu'on n'est pas autonome. C'est les deux problèmes qu'il faut régler.

Mme Barbeau: Parce que, eux autres... Je m'excuse, je prends du temps, mais j'essaie de comprendre.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Non, non, allez, c'est un sujet très intéressant.

Mme Barbeau: Les omnipraticiens, c'est la première ligne, puis la deuxième, c'est les spécialistes, et tout ça?

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est ça.

Mme Barbeau: O.K.

M. Iglesias (Juan Roberto): La deuxième et la troisième, c'est surtout des spécialistes.

Mme Barbeau: O.K. Ça fait qu'eux autres, c'est la porte d'entrée, autrement dit.

M. Iglesias (Juan Roberto): Exactement.

Mme Barbeau: Ça fait que c'est par là que tout le reste se décide.

M. Iglesias (Juan Roberto): Exactement.

Mme Barbeau: Puis c'est là que ça occasionne des frais ou que ça n'en occasionne pas.

M. Iglesias (Juan Roberto): Bien, c'est surtout...

Mme Barbeau: Compte tenu des actes, là.

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est des actes, mais c'est là aussi que le service commence bien ou ne commence pas. Tu sais...

Mme Barbeau: O.K. C'est lui qui décide s'il va faire d'autres médecins ou pas.

M. Iglesias (Juan Roberto): Exactement. C'est ça.

Mme Barbeau: Tout le reste, là.

M. Iglesias (Juan Roberto): Exactement. Et nous, on suggère dans notre proposition qu'éventuellement le médecin spécialiste ne voit plus directement les patients, qu'il les voit seulement sur référence, sauf dans des cas d'urgence. C'est ce qu'on appelle la hiérarchisation: le patient doit passer par le médecin de famille, il est référé au médecin spécialiste qui le prend en charge, de façon à pouvoir utiliser les ressources du médecin spécialiste comme consultant. Le médecin spécialiste a eu trois années et plus de formation que le médecin de famille, donc c'est une ressource très spécialisée, très rare. Donc, il faut la garder pour régler les problèmes complexes, pas pour les choses courantes auxquelles le médecin de famille doit être capable de répondre. Le médecin de famille a quand même une formation de six ou sept ans; alors, il devrait être capable de résoudre la majorité des problèmes. Quand il a besoin d'un collègue spécialiste, le collègue doit être disponible et doit faire la consultation puis faire le traitement le plus rapidement possible.

Mme Barbeau: Alors, il faut tous envoyer nos énergies positives dans les négociations entre la Fédération des omnis et le ministère.

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est ça. Mais, par contre, écoutez, c'est un changement de mentalité majeur, hein, et ces changements-là... Même actuellement, on voit, depuis deux ans que la discussion est ouverte – au début, c'était une fin de non-recevoir – on voit maintenant que l'esprit commence à s'ouvrir.

Mme Barbeau: Ça progresse.

M. Iglesias (Juan Roberto): Ça progresse. Mais, pour nous, c'est un élément fondamental de l'amélioration de l'accessibilité puis de la continuité au niveau de la première ligne.

Mme Barbeau: En tout cas, merci beaucoup, c'est très intéressant.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Ne croyez-vous pas cependant que votre recommandation peut avoir aussi ses difficultés, dans le sens que le médecin qui a 1 000 patients, il faudrait lui donner par couches d'âge, sinon, à ce moment-là, vous avez un médecin qui peut donner des soins régulièrement... Vous avez des personnes qui retournent continuellement, d'autres font une visite peut-être à tous les cinq ans chez leur médecin. Alors, c'est pris en considération, j'imagine?

M. Iglesias (Juan Roberto): Ah! oui, oui.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Ah bon!

M. Iglesias (Juan Roberto): Je ne suis pas rentré dans la technicalité, mais naturellement on a suggéré une pondération, parce qu'une personne, par exemple, soit à cause de l'âge ou en raison d'une maladie chronique, va être d'un poids beaucoup plus grand. Mais ce n'est pas nouveau dans notre système, ces systèmes sont déjà implantés ailleurs. Autrement dit, ça se fait puis il faut tenir absolument compte de ça.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): D'accord.

M. Iglesias (Juan Roberto): Parce que ça peut être que 500 patients, c'est plus lourd que 1 000 patients en bonne santé, lesquels font des visites de «follow-up».

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la députée de Mille-Îles.


Effets du mode de rémunération sur la répartition des effectifs médicaux

Mme Leduc: Oui, merci, Mme la Présidente. Bon, c'est sûr que ça me fait plaisir de vous rencontrer cet après-midi, puis c'est quand même éclairant de vous entendre, et je dois dire d'une certaine façon aussi rafraîchissant peut-être sur... on peut appeler ça les mythes qu'on avait sur la profession médicale parce que, d'entrée de jeu, dans votre présentation, on sentait que vous étiez conscient que la santé, c'est une responsabilité collective, et vous n'aviez pas nécessairement une approche qui était corporatiste, mais plutôt une approche qui regardait les enjeux globaux. Alors, quant à moi, je trouve ça intéressant parce que je pense qu'il faut avoir cette approche-là.

Je notais que – on parle toujours de la répartition des effectifs médicaux – vous avez d'une certaine façon élaboré là-dessus. Mais je voudrais quand même... Vous avez un avis, qui est en 1995, sur la répartition géographique des effectifs médicaux. Vous avez un avis en 1997 et un avis en 1998. Est-ce qu'il y a une progression? Parce que là, c'est quand même sur le même sujet, et c'est presque à chaque année que vous vous êtes penchés sur le sujet. Je comprends que c'est évident parce que le problème n'était pas réglé; alors, tant qu'une chose n'est pas réglée, il faut s'y adresser. Mais est-ce que vous pouvez plus exprimer votre pensée ou la progression de votre pensée à ce moment-là dans ces différents avis-là? J'imagine qu'il y a une progression.

M. Iglesias (Juan Roberto): Il y a effectivement une progression puis il y a deux types d'avis. Vous avez des avis comme celui sur la répartition, qui est un avis, qui est une critique – critique pas dans le sens négatif nécessairement – des structures réglementaires et administratives pour la répartition des médecins au Québec. Donc, les points forts, les points faibles et les points à améliorer.

Par contre, il y a d'autres avis sur les effectifs médicaux qui sont des avis qui sont donnés suite à la politique qui est adoptée par le gouvernement chaque année. Donc, c'est pour ça qu'il y a des avis qui viennent... Quand le gouvernement va sortir sa politique, il nous demande avis. Donc, on donne avis à chaque année sur les politiques qu'on appelle triennales, mais qui sont révisées à chaque année.

Par rapport à ce dernier élément-là, notre pensée a évolué dans le sens suivant. Naturellement, nous, comme je vous l'ai dit tantôt, on regardait le nombre de médecins disponibles au Québec, puis on disait: On devrait être assez pour donner les services. On est une société où, quand on regarde le nombre de médecins par 1 000 habitants, on n'est pas en reste. Donc, on s'est dit: Ça ne sert à rien d'injecter un grand nombre de médecins dans le système. Même, il y en avait de trop. Il y en avait de trop, des médecins, au point de vue des chiffres, des statistiques.

Et on s'est dit: Si on implantait la nouvelle dynamique avec une nouvelle responsabilisation, on pourrait même baisser... Compte tenu qu'on était dans une période budgétaire difficile, on s'est dit: On va suggérer aussi notre contribution. On n'est pas pour couper les infirmières, couper les techniciens, couper les cadres, couper les directeurs généraux, puis, nous autres, les médecins, on reste là, le train passe puis on est bien. On a suggéré effectivement de couper les entrées en médecine pendant trois années de suite, toujours dans l'idée que la dynamique allait s'implanter puis que les médecins allaient être plus responsabilisés, en particulier au niveau de la première ligne. Or, ce n'est pas arrivé.

C'est un peu comme quelqu'un qui décide: Pour labourer ma terre, je vais passer du cheval au tracteur. Il commande le tracteur, mais l'essence n'arrive pas. Bien, qu'est-ce qu'il fait? Il sort son cheval de la grange pour labourer. Bon. Nous, dans la quatrième année, on a dit à la ministre: Écoutez, là, il faut bien admettre les choses: la dynamique n'a pas encore assez changé, on risque de manquer de médecins. Et, cette année, pour la première fois, on lui a recommandé une augmentation modeste qui s'est avérée. La ministre a décidé autrement avec le gouvernement, ils l'ont augmentée beaucoup plus qu'on avait suggéré. Mais nous, on avait commencé, à partir de cette année, à renverser la vapeur puis à changer le nombre de médecins.

Si on ne change pas complètement la dynamique, on ne peut pas, autrement dit, obtenir les résultats sans faire le travail. Il faut absolument changer la dynamique au complet, ce dont on discutait tantôt, de façon qu'à ce moment-là les médecins soient plus efficaces et assument leurs responsabilités. Sinon, la population va manquer de services. Alors, on n'est pas pour s'en tenir uniquement à des chiffres puis à des principes. Alors, on va dire: Augmentez-le, le nombre de médecins. Au moins, les gens, on ne vous mettra pas en risque.

(15 h 10)

Mme Leduc: Dans le fond, c'est le facteur humain qui est venu un peu fausser les données sur lesquelles vous vous basiez, parce que, évidemment, tout le monde, on le sait, on a certaines habitudes, alors les médecins, comme les autres, ont des habitudes de pratique.

M. Iglesias (Juan Roberto): Exactement. Ça ne se change pas si facilement que ça.

Mme Leduc: Pas si facilement que ça, oui, c'est ça que je comprends.

M. Iglesias (Juan Roberto): Par contre, ce qui a été agréable pour le Conseil, c'est de voir que les gens, ils discutent beaucoup de ça. Le sujet dont on discute ici, en particulier la responsabilisation des médecins, ce n'est plus un sujet tabou comme ça l'était au début des années quatre-vingt-dix. Au début des années quatre-vingt-dix, c'était un sujet tabou. Parler du mode de rémunération, on commençait à parler que la médecine allait devenir, entre guillemets, communisme ou des choses comme ça.

Aujourd'hui, on dit: Bien, il y a des modes qui ont certaines vertus puis d'autres modes... Le mode à l'acte a une vertu sûre, c'est que le médecin n'est pas assis à rien faire, il voit des patients. S'il ne voit pas de patients, l'argent ne rentre pas. Par contre, il peut être incité à choisir le travail peut-être parfois le plus léger en laissant de côté le plus lourd. Si on prenait un mode à la capitation seulement, le mode per capita pur et simple, c'est possible qu'une fois que la population est servie il ne soit pas disponible parce qu'il a son argent. Il a son magot puis il reste là. Bon. Alors, c'est pour ça qu'on avait suggéré un mode mixte.

Et ces choses-là, ça ne se discutait pas. Maintenant, depuis qu'on a lancé ces idées-là, ce n'est plus tabou. Les gens ne sont peut-être pas nécessairement tous d'accord, mais ce n'est pas tabou. Et c'est ça qu'il faut. D'ici quelques mois probablement, on sera de nouveau en train de négocier d'autres modalités de rémunération pour la première ligne.

Mme Leduc: Maintenant, juste selon vos connaissances, si vous le savez, c'est établi pour les deuxième et troisième lignes, le mode de rémunération mixte, est-ce que, selon vous, ça prend? Ça a un certain succès?

M. Iglesias (Juan Roberto): Le mode de rémunération mixte chez les médecins spécialistes.

Mme Leduc: Oui.

M. Iglesias (Juan Roberto): Dr Girard.

Mme Girard (Marie): Oui. Il semblerait que les premières associations qui ont signé actuellement, sur 35 associations, il semblerait qu'il y en a 14 ou 15 qui ont signé. On a déjà au-delà de 500 demandes de groupes de médecins. Donc, il faut croire qu'il y a environ 2 000 médecins qui ont déjà appliqué pour l'entente effective le 1er septembre. Cependant, c'est sûr que les associations qui ont déjà signé sont celles les plus intéressées et les plus gagnantes par ce mode-là. Par ailleurs, ce qui est préoccupant pour le Conseil, lorsqu'il avait fait cette proposition-là, c'était que ça devait s'appuyer sur une première ligne solide et bien organisée. Or, à la lumière de ce que vient de vous dire le Dr Iglesias, ça risque d'être problématique de ce côté-là, la première ligne n'étant pas tout à fait organisée, avec des modes de rémunération adaptés, pour vraiment prendre en charge la population et que le médecin spécialiste puisse véritablement exercer son rôle de consultant et de support au médecin généraliste.

Mme Leduc: O.K. Mais je voudrais juste avoir un éclaircissement. Le mode de rémunération au spécialiste, c'est que le médecin spécialiste, à ce moment-là, il va avoir une certaine base de salaire parce que, normalement, c'est les cas les plus difficiles qui lui sont référés. Si la première ligne ne se prend pas en charge, il va avoir des cas réguliers...

M. Iglesias (Juan Roberto): Bien oui. Et il va avoir un petit peu de difficulté à l'accepter parce que le mode pour le spécialiste, c'est qu'il a un per diem parce qu'il assume une tâche, il est disponible pour être là. Puis, en plus, il a un autre pourcentage qui lui revient parce qu'il pose des actes. O.K.?

Mme Leduc: O.K.

M. Iglesias (Juan Roberto): Bon. Comme vous dites, il a un montant fixe. Alors, on pourrait penser qu'étant donné qu'il a un montant fixe, pourquoi prendre les petits cas? Bien, pourquoi prendre les petits cas? Parce que l'autre ne les prend pas. Bon. Puis, si l'autre ne les prend pas, qui va les faire? Alors, c'est pour ça que le Dr Girard dit: Étant donné que la première ligne n'est pas faite encore, il peut y avoir comme un petit vide entre les deux, là. Mais nous espérons que ça va se faire rapidement, que ça va rentrer en discussion dans les mois qui viennent.

Mme Leduc: Je vous remercie.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Est-ce que ça veut dire qu'on aurait dû attendre pour le mettre en vigueur? Le négocier mais attendre pour la mise en vigueur de la deuxième ou troisième lignes?

M. Iglesias (Juan Roberto): Dans notre logique, oui. Dans notre logique, on faisait d'abord la première ligne solide ou simultanément on faisait la deuxième ligne.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Peut-être que ça aurait permis à la deuxième ou aux spécialistes de deuxième et troisième lignes de mettre de la pression sur la première ligne.

M. Iglesias (Juan Roberto): Effectivement.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Tandis que là...

M. Iglesias (Juan Roberto): Parce que c'est ça, le but. Le but, c'est de dégager... Le mot «hiérarchisation» veut dire que chacun prenne ses responsabilités en fonction des capacités qu'il a d'assumer. Alors, le médecin de famille, on dit, devrait être capable de régler plus de 85 % des problèmes. Il est formé pour ça. Bon. Et le spécialiste devrait être capable de régler les autres. O.K.? Les autres problèmes. Parfois en référant, pour les cas très rares, à un superspécialiste. O.K.? À ce moment-là, normalement, la deuxième ligne devrait référer les cas les plus simples, dire: Occupez-vous-en.

La personne qui va à la première ligne veut que son médecin lui règle son problème. Si le médecin ne règle pas son problème, il va dire: Mon médecin... Écoute, mon ami en a un, médecin qui règle ses problèmes, je vais aller voir celui-là. L'autre va se trouver à être pénalisé, il n'aura plus sa base de population, il va devenir concurrentiel. Il va s'établir une concurrence qui devrait avantager la personne. C'était ça, la dynamique, mais il faut l'établir par ordre.

C'est sûr que, si la deuxième ligne est à rémunération mixte, dégagée de l'acte pas mal, puis qu'ils commencent à déborder, les patients, sur la première ligne puis qu'il ne les assume pas, là il a un problème, tu sais. Mais on espère que ça ne durera pas longtemps, que dans la transition ça va se faire rapidement. Il y a beaucoup de médecins de première ligne qui souhaitent le nouveau mode de rémunération. Ce n'est pas du tout unanime, ce n'est pas un bloc, là, la Fédération n'est pas monolithique. Disons que, pour le moment, la Fédération, qui est l'instance décisionnelle, a dit non à ça mais, par contre, à la base, il y a beaucoup de médecins qui se rendent compte qu'il y a de bons problèmes à résoudre puis qu'il faut changer ça, tu sais. Espérons qu'ils vont pouvoir influencer les dirigeants qui, eux-mêmes, commencent à changer.

Mais, comme je vous dis, l'élément principal, c'est qu'on en discute. Il y a des années, on ne parlait pas de ça, on ne parlait pas de mode de rémunération. Nous, on est très fier parce qu'on a amené ça, on l'a amené d'une façon non corporative, en disant: Ce n'est pas une question de réduire la rémunération des médecins, c'est une question que les médecins gagnent leur argent pour la tâche dont la population a besoin; c'est tout.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Iglesias. Mme la députée de Bourassa.


Mode d'accès au médecin spécialiste

Mme Lamquin-Éthier: Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous tous. Permettez-moi, Dr Iglesias, une petite question rapide, une petite vite en ouverture, en lien avec une observation que vous venez de faire. Le patient, la personne malade, je préfère, est-ce qu'il y a actuellement un accès direct au médecin spécialiste ou s'il doit toujours passer par son médecin de famille qui, lui, le réfère à un médecin spécialiste?

M. Iglesias (Juan Roberto): Dans plusieurs cas, il a un accès direct, actuellement.

Mme Lamquin-Éthier: Bon. Pourriez-vous me donner un exemple de ce cas?

M. Iglesias (Juan Roberto): Par exemple, en pédiatrie, il y a un accès direct.

Mme Lamquin-Éthier: C'est-à-dire que le parent va se présenter à l'urgence de l'hôpital Sainte-Justine?

M. Iglesias (Juan Roberto): Ou bien au pédiatre, dans son bureau.

Mme Lamquin-Éthier: En clinique...

M. Iglesias (Juan Roberto): Privée.

Mme Lamquin-Éthier: O.K. C'est-à-dire que le médecin, à ce moment-là, pratique à l'hôpital puis il pratique aussi en cabinet?

M. Iglesias (Juan Roberto): Oui.

Mme Lamquin-Éthier: O.K.

M. Iglesias (Juan Roberto): Et ce n'est pas seulement dans... L'accès direct est possible...

Mme Lamquin-Éthier: O.K. En cabinet.

M. Iglesias (Juan Roberto): ...dans toutes les spécialités. Il est plus ou moins encouragé par l'ancien mode à l'acte dans certaines spécialités, dépendant combien ça donne au médecin, s'il reçoit le patient directement ou s'il est référé. Mais certaines spécialités sont plus exposées, elles reçoivent plus de premières consultations: la gynécologie, l'obstétrique, la dermatologie, l'endocrinologie, parfois. Il y a plusieurs spécialités qui ont une plus grande charge de première ligne. Quand vous allez dans les cardiologues et hémodynamiciens qui font les cathétérismes, bien là il n'y en a pas beaucoup, tu sais, parce qu'ils travaillent uniquement à l'hôpital puis il faut que le patient passe par un...

Mme Lamquin-Éthier: L'orthopédie?

M. Iglesias (Juan Roberto): Le système n'est pas étanche actuellement, le patient peut aller là. Et c'est sûr que là nous demandons un sacrifice aussi au patient, de dire: Vous allez passer par le médecin de famille, sauf dans les cas d'urgence, naturellement. Dans les cas de situation d'urgence là... Vous allez vous choisir un médecin, que vous pourrez changer une fois par année, deux fois par année, et après ça vous allez rester avec votre médecin.


Avis sur la privatisation (suite)

Mme Lamquin-Éthier: Mme la Présidente, Dr Iglesias, j'ai un petit peu de difficulté à comprendre – je suis certaine que c'est de ma faute – quand je regarde... Vous nous avez fait un résumé de votre présentation en date du 14 septembre. À la page 10, sous le chapitre 4, Comité sur la privatisation des services médicaux, vous dites que «les travaux se poursuivent dans le but de formuler un avis au cours de l'automne 1999». J'ai en main l'agenda des rencontres. Je ne sais pas si on parle du comité Arpin. Non. C'est ça. Tout est mélangé ou me paraît être mélangé. En ce qui a trait à l'agenda des rencontres du comité Arpin, le Conseil médical du Québec a été entendu en janvier 1999 et votre avis n'est pas disponible sur Internet. Est-ce qu'on peut avoir copie de cet avis-là, s'il est disponible?

M. Iglesias (Juan Roberto): Non. Nous, on avait commencé nos travaux un petit peu avant que le comité Arpin soit mandaté. Donc, nos travaux sont indépendants d'Arpin.

Mme Lamquin-Éthier: O.K. Excusez-moi de vous interrompre. Ça, c'est les travaux que vous évoquez dans votre rapport 1996-1997?

(15 h 20)

M. Iglesias (Juan Roberto): Les travaux ont été commencés un petit peu après ça. C'est 1996-1997 ou 1997-1998 que vous avez là?

Mme Lamquin-Éthier: Non, 1996-1997. C'est parce que j'essaie de comprendre. Ici, dans votre rapport annuel, rapport d'activité 1996-1997, page 7, vous dites: «Enfin, le contexte de reconfiguration du réseau...

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est ça.

Mme Lamquin-Éthier: ...on le comprend, de l'accentuation du virage ambulatoire et celui des contraintes budgétaires a amené le Conseil à clarifier sa position en regard des diverses avenues offertes au ministre, et surtout à faire connaître l'ordre ou la séquence dans lequel les choix devaient être faits.

«Et c'est très clair, à cet égard, il a choisi de privilégier la défense de l'universalité et de la gratuité, et de s'opposer à la tarification et au ticket tant et aussi longtemps que l'épuration n'aura pas été faite dans la gamme de services offerts pour y retrancher les services non médicalement requis et que l'utilisation des ressources n'aura pas été améliorée grâce à une gestion plus serrée de la pertinence et à la mise en place d'une organisation des services médicaux plus efficiente. Bref, il y a peut-être encore beaucoup à faire – et c'est ça qui est intéressant – pour réduire le coût des offres de services avant d'en faire porter le prix au client.»

Donc, on parle soit d'une privatisation au niveau du financement ou d'une privatisation au niveau de la dispensation.

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est ça. Mais ce n'est pas l'avis qui est mentionné dans la page 10, ça, c'est un avis antérieur qui portait sur le médicalement requis.

Mme Lamquin-Éthier: Ah!

M. Iglesias (Juan Roberto): O.K.? Mais c'est quand même la base de notre réflexion. Comme je vous ai dit tantôt, nous, on a entrepris, il y a environ un peu plus d'un an, la réflexion sur la privatisation. On a rencontré le comité Arpin parce qu'il savait que nous réfléchissions là-dessus. Donc, il voulait avoir notre opinion, même si notre avis n'était pas publié. Il va être rendu à la ministre tout probablement en octobre 1999, peut-être même à la fin de septembre; si on est chanceux, à la réunion de septembre.

Et le comité Arpin voulait avoir notre opinion comme des gens qui connaissaient le système de santé. On les a rencontrés effectivement deux fois. On les a rencontrés une fois, comme je l'ai mentionné, et également une fois à la fin des travaux du comité Arpin, ou vers la fin des travaux, pour vérifier certaines hypothèses.

Mais nous, nous ne sommes pas en train de changer d'idée, là, dans nos travaux. On continue à dire que le système doit demeurer universel, financé publiquement. Mais, au niveau de la dispensation, il y a peut-être quelque chose à faire – peut-être. À certaines conditions.

Mme Lamquin-Éthier: O.K. Puis il resterait à voir s'il s'agirait de complémentarité de partenariat ou encore...

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est ça. Exactement. Et à quelles conditions.

Mme Lamquin-Éthier: Vous savez toutes les nuances qu'il y a.

M. Iglesias (Juan Roberto): Et à quelles conditions.

Mme Lamquin-Éthier: O.K.

M. Iglesias (Juan Roberto): Mais, encore une fois, nous, ce que nous voulons surtout, c'est empêcher que l'on prenne la privatisation comme la solution magique qui va résoudre nos problèmes. Nous pensons que la solution est ailleurs que là. Ultimement, une privatisation du financement ou un système parallèle, comme on l'appelle, là, ne serait pas un bien pour le système de services médicaux, actuellement.

Mme Lamquin-Éthier: Puis d'ailleurs vous le dites, hein. On peut comprendre.

M. Iglesias (Juan Roberto): Oui, oui. Bien, c'est notre pensée. Cet avis-là, l'avis sur la privatisation, va être une explicitation d'une partie de notre pensée par rapport à la complémentarité qui peut exister. C'est ça que c'est.


Rôle du département régional de médecine générale

Mme Lamquin-Éthier: Tout à l'heure, Dr Iglesias, vous parliez des effectifs médicaux, notamment du DRMG. Vous savez que c'est une structure, une autre belle créature qui a été mise en place avec la réouverture de la Loi sur les services de santé et services sociaux. Vous avez dit, tout à l'heure, que vous êtes persuadé qu'ils vont contribuer à améliorer certains problèmes mais pas tous.

Est-ce que le ministère ou le ministre avait, à l'époque où il songeait à mettre une belle créature en place, une autre qui va venir finalement en parallèle avec une structure qui était déjà dans le réseau puis qui avait déjà cette préoccupation-là, est-ce qu'il a sollicité votre avis quant à la mise en place de ce département régional de médecine générale? Et qu'est-ce que vous pensez? Est-ce que, concrètement, ça va changer la réalité de certaines personnes qui, au moment où on se rencontre, n'ont pas accès aux services auxquels ils ont droit?

M. Iglesias (Juan Roberto): D'abord, le ministre ne nous a pas demandé un avis directement mais il y avait clairement dans nos avis que ce n'était pas notre solution.

Mme Lamquin-Éthier: O.K.

M. Iglesias (Juan Roberto): S'il nous avait demandé un avis, c'était pour lui dire: Bien, c'est évident, ce n'est pas ça qu'on a proposé. Bon. Comme je vous l'ai dit tantôt, cette structure-là a justement été inventée par la Fédération pour contrecarrer ou pour amener quelque chose par rapport à notre... pour contrebalancer notre proposition, donner une alternative à ça. C'était clair puis personne ne s'en cache, même le président de la Fédération quand il fait des discours. Moi, je vais avec lui à des colloques, puis on est présentateurs tous les deux, puis lui, il dit ça, puis devant moi, il ne s'en cache pas. Il dit cela comme c'est, puis ce n'est pas une personne... il n'a rien à cacher puis il le dit clairement comme ça: On a proposé ça parce que le Conseil médical a identifié des problèmes que nous acceptions comme étant réels, qu'il fallait résoudre; cependant, la solution qu'ils amenaient ne nous convenait pas. Donc, on a plutôt misé sur cette structure-là.

Maintenant, la question: Quels problèmes ça va régler? Comme je l'ai dit tantôt, je pense que ça peut régler les problèmes de la coordination du travail des médecins au niveau régional.

Mme Lamquin-Éthier: Des omnis.

M. Iglesias (Juan Roberto): Des omnis. La coordination peut être meilleure, donc l'accessibilité peut être meilleure. Mais, selon nous, ça ne réglera pas la question de la continuité des soins et de la pertinence des services médicaux. Et, d'ailleurs, à certaines conditions, ça va améliorer certains aspects. Ça va améliorer à condition, premièrement, qu'on les arme, ces départements-là; ils ne sont pas armés. Pour le moment, c'est encore une structure sur le papier législatif. Ils ne sont pas armés là.

Mme Lamquin-Éthier: Ils ne sont pas en place.

M. Iglesias (Juan Roberto): Ils ne sont pas en place, opérationnels. Donc, il va falloir que ces départements-là soient armés, avec un responsable, un chef médical. Des moyens aussi, des prises que nous pensons qui vont être la façon dont les troupes vont être payées, vont être reconnues pour leurs services. À ce moment-là, peut-être qu'ils pourront régler certains problèmes. Je pense qu'ils peuvent régler certains problèmes. Ce que nous espérons, c'est qu'une fois le choc des idées passé, bon, la structure est là, puis l'apprivoisement qu'il y a eu par rapport à la discussion du mode de rémunération, les deux se combinent ensemble. Et là il est probable qu'on règle beaucoup de problèmes. Qu'on règle des problèmes d'accessibilité, des problèmes de coordination, des problèmes de continuité puis des problèmes de pertinence. Et ça, ce serait le bon coup. C'est d'ailleurs pour ça que nous, comme Conseil médical, au lieu d'avoir une attitude offensive, une attitude agressive...

Mme Lamquin-Éthier: Quand même...

M. Iglesias (Juan Roberto): ...envers la Fédération, nous avons plutôt utilisé le langage. C'est un premier pas. C'est une démarche. Au moins, vous avez compris les problèmes. Vous admettez qu'il y a des problèmes et vous prenez des actions. Parce qu'ils auraient pu prendre la réaction de se cacher en arrière puis dire: Écoutez, tout est correct, tout est beau dans le monde! Ça aurait été difficile à tenir, là, mais ils auraient pu faire ça. Là, ils n'ont pas pris cette attitude-là, ils ont décidé que, effectivement, il y a des problèmes, donc on fait une proposition. Cette proposition-là, pour nous, c'est juste un pas, mais c'est un premier pas. Puis, étant donné que maintenant ils admettent de discuter d'autres moyens, peut-être qu'il va y avoir une combinaison des deux.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la députée de Bourassa.


Proposition d'une enveloppe budgétaire régionale des services médicaux assurés

Mme Lamquin-Éthier: Je nous le souhaite. J'ai en main, Dr Iglesias, un document qui émane de la Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux, à savoir... ça s'appelle Pour un accès équitable et raisonnable à des services médicaux de qualité – Un nouveau projet médical québécois. On innove beaucoup, il y a bien des nouvelles affaires. J'aimerais savoir si le Conseil a une opinion quant à la proposition qui est faite à la page 8: «Le concept d'une enveloppe budgétaire régionale des services médicaux assurés deviendrait intéressant en ce sens qu'il crée un pouvoir d'attraction sur des médecins intéressés à venir offrir des services médicaux non accessibles en raison d'une mauvaise répartition des tâches, d'une répartition déficiente des médecins ou d'une pénurie d'effectifs.» Quelle est votre opinion à l'égard de la proposition de la Conférence des régies?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Iglesias.

M. Iglesias (Juan Roberto): Écoutez, pour nous, ce n'était pas bien. Ce n'était pas bien dans le sens que la proposition que nous faisions. Nous, nous voulions éviter une bureaucratisation excessive. Nous voulions que le Québécois ou la Québécoise apporte à son médecin l'argent pour avoir le service. Notre proposition, c'était un lien direct. N'oubliez pas que, dans nos valeurs, nous voulons préserver le lien direct entre la personne et le médecin. Alors, la personne, en venant s'inscrire auprès du médecin, lui apporte sa contribution. Elle dit: Voici, moi, je veux recevoir vos services et, voici, je vous autorise à m'inscrire sur votre liste pour que vous puissiez facturer les services dont j'ai besoin à la Régie de l'assurance-maladie. Nous pensions que ça, ce n'était pas bureaucratiser, que c'était un lien. Vous achetez un service. Comme à un professionnel, vous dites: C'est à vous que je fais confiance, puis c'est à vous que je veux payer.

(15 h 30)

La question des enveloppes nous semble d'une complexité administrative et bureaucratique qui va être très difficile à faire marcher au Québec, en particulier quand vous regardez qu'est-ce qui arrive entre les échanges de services régionaux: on est obligé de faire suivre une facture d'un côté, une facture de l'autre – on a quand même la liberté, au Québec, de se promener d'une région à l'autre – et toutes sortes de complexités qui, selon nous, sont une bureaucratisation excessive. Et nous voulions éviter ça.

Nous savions et nous savons que, si le corps médical n'accepte pas une solution de responsabilisation, c'est ça qui va arriver, c'est inévitable. Parce que, à un moment donné, il y a quelqu'un qui va dire: Écoutez, nous, on paie des impôts, on paie des taxes, on veut avoir nos services. Alors, si on veut avoir des services, on est Québécois, on veut en avoir comme les autres, donc on a notre quote-part de ça, cette affaire-là. Donc, la proposition que l'on faisait: essayer d'éviter cette complexité administrative en gardant le lien direct médecin-personne qui demande des services.

La Conférence des régies a fait autrement. Et d'ailleurs toutes les analyses que nous avons présentées des différentes solutions, la solution du Conseil médical, la solution de la Fédération des médecins omnipraticiens, les solutions proposées par les collèges et les solutions possibles, nous identifiions comme une solution autre possible les enveloppes régionales et nous considérions ça comme étant un effet... qu'il y aurait beaucoup d'effets pervers et beaucoup de bureaucratie par rapport à ça. C'était notre vision. Maintenant, on peut se tromper, comme dans d'autres choses, mais, nous, on n'était pas d'accord avec cette position-là avant qu'elle soit exprimée. Nous n'avons pas réagi après, mais nous avions déjà exprimé toutes nos réserves par rapport à ça.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Bourassa, est-ce que vous avez d'autres questions?

Mme Lamquin-Éthier: Une petite dernière, parce que je ne voudrais pas priver mon collègue également d'intervenir.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...la parole.

Mme Lamquin-Éthier: Il ne l'a pas demandée? Bon. Il est gentil.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: Ça s'en vient, Mme la Présidente, ne vous inquiétez pas.


Développement d'outils d'évaluation de la satisfaction de la population

Mme Lamquin-Éthier: C'est sûr qu'on pourrait parler beaucoup de... Quant au comité sur la satisfaction des patients et des patientes, les députés se promènent beaucoup. Vous savez qu'on vit étroitement avec les gens qui sont dans nos comtés, on est donc très souvent présents sur le terrain. On entend, depuis la réforme, depuis ces coupures aveugles qui ont été faites dans le réseau de la santé, de plus en plus que les personnes malades... ou toute personne préfère ne pas être malade. Très souvent, les gens vont me dire qu'ils souhaitent ne pas aller à l'hôpital. Très souvent, on entend dire, et je le regrette, que les animaux sont mieux traités que les patients le sont actuellement dans le réseau de la santé.

Beaucoup d'intervenants dans le réseau dénoncent une espèce de nivellement par le bas. Je vous donne à titre d'exemple le fait qu'une personne âgée reçoive un bain par semaine. Ça semble être devenu la norme, à l'heure actuelle, et ça, c'est compte tenu des services qui sont offerts ou qu'il est possible d'offrir, compte tenu des ressources dont les établissements disposent. Et c'est dommage.

Quand on construit un questionnaire et quand on parle d'attente, vous savez, pour une personne, c'est difficile d'exprimer ce qu'elle aimerait, puis bien souvent elle se contente de ce qu'on lui offre. Donc, les patients, malgré ce qu'on pense, ne revendiquent pas tant que ça. Ils sont très heureux d'avoir passé quatre heures au lieu de sept heures dans le corridor ou ils vont être heureux d'avoir passé une journée au lieu de deux journées. Les gens s'habituent, finalement, en fonction des services qu'on leur offre. Si un instrument est construit, il faut que les attentes soient mesurables, mais réellement, de façon objective.

Un autre exemple. Dans un questionnaire, on peut demander à une personne: Souhaiteriez-vous recevoir plus d'un bain par semaine? Ou on peut lui demander: Recevez-vous actuellement plus d'un bain par semaine? Et c'est sûr que ça va conduire à des actions différentes. Alors, vous dites: Les dimensions de la satisfaction et les pistes de solution des représentants de patients, du personnel du réseau et des chercheurs universitaires quant à l'amélioration des outils d'évaluation et l'amélioration de la satisfaction comme telle seront identifiés. Au moment où on se rencontre, qu'est-ce qui a été fait à ce niveau-là, qu'est-ce que vous pouvez me préciser au numéro... l'identification?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Ulrich.

Mme Ulrich (Micheline): Actuellement, ce qui a été fait par rapport à ça, c'est qu'on a beaucoup travaillé avec les organismes qui déjà fonctionnaient avec des outils particuliers, qui ont déjà fait des enquêtes et des études de satisfaction, des études de besoins aussi, dans certains cas. Alors, c'est beaucoup d'organismes, c'est beaucoup de régies régionales, c'est beaucoup de... Il y a les établissements aussi qui font des études dans ce sens-là. Et on ne peut pas aller à l'infiniment petit, il faut aller un peu plus global que ça. Et ce qu'on essaie de faire, à partir de... On a fait nous-mêmes quelques questionnaires à envoyer aux autres organismes qui, eux, avaient déjà des choses faites et pour lesquels on a déjà eu des retours de ce qui avait été fait dans chacune de leur organisation. Mais on n'a pas terminé nos travaux, on rencontre d'ici deux semaines d'autres organisations.

Alors, à partir de ce qu'on a fait, c'est de regarder ce que ces gens-là ont fait, quelles sont les constantes, quelles sont les préoccupations majeures, les pistes d'amélioration ou de solution pour essayer de regarder à la grandeur... Et je vous parle de la grandeur du Québec, parce qu'on a fait quand même un travail intéressant dans l'ensemble. Puis c'est sûr que ça ne pourra pas être sur des choses aussi pointues, nécessairement, mais on regarde beaucoup en termes d'accessibilité, en termes de continuité de soins et de services. On essaie d'aller rechercher des indicateurs qui nous permettent de parler, qui vont nous permettre de dire: Il y a telle chose ou telle chose à améliorer; ou ça, ça fonctionne bien a tel endroit, mais ça ne peut pas fonctionner dans telle autre place parce que... pour toutes sortes de raisons.

Puis ce dont on se rend compte aussi, à la lecture de ce qu'on reçoit puis aux gens qu'on rencontre, c'est que c'est très territorial, c'est très organisationnel aussi, les choses qui sont... À part la Régie de la santé de Montréal-Centre qui a fait quand même une grande étude par rapport aux programmes à mettre en place, après ça, c'est des petits outils puis des petites études. Puis je pense que ce qui va être intéressant, c'est que, nous, on mette ça ensemble. Parce que personne ne sait ce que Pierre fait ou ce que Jean fait, puis on s'occupe de la même chose mais dans deux endroits différents. Alors, c'est beaucoup le partage et la mise en commun des informations par rapport à ça, avec... Au-delà de l'alerte des médias, au-delà des histoires d'horreur, il y a quand même des choses à améliorer. Il y a des choses qui vont très bien, il y a des choses qui ne vont pas bien, et c'est un peu à l'intérieur de ça.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. Iglesias.

M. Iglesias (Juan Roberto): Comme vous saisissez, nous, dans cette étape-là, on ne veut pas faire nous-mêmes un questionnaire directement. On veut voir l'analyse qu'en font différents prismes de notre système, y compris les organismes communautaires qui sont directement en lien avec les personnes qui sont atteintes, qui sont malades. Après ça, il y a également les établissements, les régies régionales, les regroupements professionnels. Mais l'analyse n'est pas la même chez ces gens-là. Et, nous, ce qu'on veut mettre, c'est superposer ça puis voir où sont les problèmes réellement, ou que les gens s'entendent que les patients ou les personnes ont exprimé des problèmes puis apporter des solutions à ce qui semble être des grands problèmes.

Si c'est nécessaire, dépendant de cet avis-là, nous irons, après ça, plus en détail, directement à la population. Mais, nous, comme je dis, on essaie de ne pas dupliquer les travaux qui sont faits. On ne veut pas se lancer comme des sondeurs dans le territoire, on veut profiter de ce qui est fait puis essayer de donner un nouvel éclairage à tous ces travaux-là, qui parfois ne sont pas connus, qui parfois ont été diffusés seulement dans un... Ça a très bien marché, mais ça a été diffusé seulement dans deux, trois établissements, parfois dans une région. Alors, on va essayer de voir comment les gens ont analysé les problèmes d'insatisfaction, qu'est-ce qu'ils ont identifié puis quelles solutions ils ont trouvées puis lesquelles pourraient être exportables au reste du Québec.

Mme Lamquin-Éthier: O.K. Ça pourrait vous permettre d'aller vous-même, si nécessaire...

(15 h 40)

M. Iglesias (Juan Roberto): Si nécessaire.

Mme Lamquin-Éthier: ...auprès de la population.

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est ça. Mais pas avant d'avoir fait un inventaire puis une analyse profonde de ce qui est fait déjà...

Mme Lamquin-Éthier: Bien, ca serait peut-être intéressant.

M. Iglesias (Juan Roberto): ...pour ne pas engager d'autres fonds puis d'autres ressources.

Mme Lamquin-Éthier: Si je comprends bien, c'est que le Conseil ne s'est pas doté d'indicateurs précis. Par exemple, n'y aurait-il pas lieu que le Conseil développe des indicateurs au lieu d'y aller par sondage d'une région à l'autre, mais des indicateurs pour l'ensemble de la province, étant donné qu'un indicateur, naturellement, c'est bon pour toutes les régions, là? On ne peut pas avoir un indicateur qui est différent d'une région à l'autre, si on veut vraiment avoir un portrait qui est global et qui est vraiment identique.

Là, si je comprends bien, c'est que vous n'êtes pas encore arrivés à ces indicateurs importants, mais plutôt le Conseil actuellement se fie sur les sondages faits par chacune des régions. Parce qu'on sait très bien qu'un sondage peut être très différent de l'autre dépendamment des questions ou dépendamment des indicateurs qu'on se donne. Alors, n'y aurait-il pas lieu, à un moment donné, que le Conseil travaille sur des indicateurs très précis pour l'ensemble des régions? Lorsqu'on fait des sondages il faudrait se fier sur ces indicateurs.

M. Iglesias (Juan Roberto): Bien, d'ailleurs, c'est l'objectif de cette première partie. Si on arrive à dégager des outils, des indicateurs par rapport aux problématiques de satisfaction, à ce moment-là, on va les suggérer pour tout le monde. C'était le but, avant de se lancer dans un sondage qui a été fait déjà par plusieurs et qu'il nous semblait que nous n'étions pas les mieux placés pour faire non plus. Par contre, nous sommes peut-être mieux placés pour avoir une vision d'ensemble de ce qui se fait et développer ces indicateurs-là puis ces problématiques-là qui sont communes, puis les rendre accessibles, puis permettre aux gens de partager ça. Parce que, actuellement, même si notre réseau, c'est un réseau, il y a un gros problème d'échange puis de partage. Alors, on va essayer d'animer le discours par rapport à ça.

L'objectif. C'est sûr que notre objectif ultime, au-delà de l'objectif opérationnel qui est de faire ce que vous dites, c'est quand même de sensibiliser les médecins et le réseau au niveau de l'importance qu'on doit porter à la satisfaction des besoins des patients et des patientes. C'est l'objectif ultime, c'est pour ça que le réseau existe. Donc, on a voulu mettre ça à l'avant-garde, dire: Écoutez, ça, c'est une considération qu'il faut avoir à tous les jours dans chacune de nos actions. C'est ça, notre objectif ultime, parce que c'est pour ça qu'il y a des services médicaux puis c'est pour ça qu'il y a un service de santé.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors M. le député de Masson.


Effets du mode de rémunération sur la répartition des effectifs médicaux (suite)

M. Labbé: Merci, chère madame. Alors, d'abord, je me permets de vous saluer, M. Iglesias, mesdames. Bienvenue. Dans un premier temps, je vais revenir sur quelque chose dont on a déjà parlé, puis j'aimerais ça qu'on aille un petit peu plus loin parce que je veux que vous me convainquiez que c'est la solution, quand vous me dites, à un moment donné, au niveau de ce qu'on appelle les modes de rémunération pour les médecins de première ligne. Puis vous intervenez à plusieurs occasions, je l'ai entendu au moins à trois reprises, c'est fondamental pour vous et pour votre organisation. Donc, j'aimerais revenir, quand vous nous dites... Et je veux m'assurer que c'est la bonne solution. Puis j'aimerais que vous me vendiez ça, comme je sens que vous êtes capable de le faire.

Et, moi, je vais vous dire, je le crois, dans le contexte, ce mode de rémunération là, quand vous parlez en fonction du nombre de patients et de l'acte aussi. Moi, je regarde, de l'autre côté, mes petits problèmes techniques, je me dis: bon, bien, il y a la féminisation de la tâche aussi qui est un impact, il y a aussi toute la notion des changements de modes de pratique qui a un impact, les médecins en région – hein, je vous mets tout ça ensemble. Et là vous me dites: M. Labbé, ne vous inquiétez pas, si ça passe, notre proposition...

Puis j'aime, en passant, votre approche, quand vous n'avez pas une approche de confrontation par rapport à la Fédération des médecins. Au contraire, vous dites: On chemine ensemble et à un moment donné on va arriver à quelque chose ensemble qui va être intéressant. Mais j'aimerais, au moment où on se parle, que vous me disiez: Si vous acceptez ça, comme gouvernement, ou si ensemble on réussit à trouver un consensus, c'est vraiment la solution de l'avenir qui va me régler mes médecins en régions, qui va me régler la pratique, le mode de pratique, qui va me régler un paquet de choses, et puis, finalement, en bout de ligne, on n'aura peut-être pas moins de médecins, mais, je veux dire, on n'aura peut-être pas besoin d'en ouvrir tant de postes que ça parce que les gens vont être tellement motivés qu'on va manquer de patients.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Labbé: J'espère, en tout cas. Ha, ha, ha! Je vous entends.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Iglesias.

M. Iglesias (Juan Roberto): Quand vous dites: C'est l'ultime solution, moi, je pense sûrement qu'à mesure que le temps va passer on va probablement trouver d'autres solutions. Ce qui vous a paru, c'est qu'au moment où on regarde les choses aujourd'hui c'est un outil très important, un outil très important qui permet de considérer les phénomènes que vous dites.

D'un côté, les problèmes de nombre de médecins. Est-ce que le nombre de médecins est suffisant ou pas? Si on a 7 000 médecins omnipraticiens au Québec, est-ce que c'est assez pour 7 000 000 de personnes? Bon. Si vous regardez la littérature, ils disent oui, la réponse est oui. Mais où sont-ils, ces docteurs? C'est la deuxième question. Parce que, s'ils sont 7 000, ils sont 7 000, puis, s'il y a 7 000 000... Ou bien il y a une erreur ou il y a quelque chose qui se passe à la Régie de l'assurance-maladie puis il y a plus que 7 000 000 de bénéficiaires. C'est une possibilité théorique, là. Ça me surprendrait. Il devrait y avoir 7 000 000 de bénéficiaires ou près de ça, hein? Il y a 7 000 médecins qui restent, au niveau de la Fédération, 6 000 et quelques, O.K.?

À ce moment-là, on répond à cette question-là. Si on dit: Chaque médecin, compte tenu du poids de sa clientèle, va avoir une charge plus ou moins de 1 000 – dépendant de la charge de clientèle – alors on devrait être capable de régler le... Puis, si la population grossit tout d'un coup à 9 000 000 parce qu'il se produit quelque chose de fantastique, bien, là, on va avoir des problèmes, c'est sûr. Mais, étant donné qu'on est capable de prévoir la croissance démographique, on devrait être capable de prévoir la croissance du corps médical puis l'augmenter à temps. Bon.

Deuxièmement, si, à Montréal, dans la zone métropolitaine de Montréal, il y a besoin de 3 000 médecins, alors il en reste 4 000 pour le reste de la province. Bon. Puis, si, à Québec, il y a besoin d'un certain nombre, bon, il en reste pour les autres. Donc, il va toujours en rester. Quantitativement, il devrait toujours en rester. O.K.?

Maintenant, c'est possible, là, que ce que vous dites, c'est possible que les médecins, à cause des changements de pratique, des nouvelles valeurs des médecins, de la féminisation... Quoique la féminisation, c'est un problème très discuté au point de vue de l'effet sur la force de travail des médecins. L'impact semble être plutôt limité aux premières années de pratique. Après ça, les femmes semblent travailler plus fort que les hommes, même. C'est ça que les chiffres doivent donner. Donc, il ne faut pas prendre des clichés puis dire: Les femmes vont travailler moins. Elles semblent effectivement travailler moins dans les premières années, mais elles semblent travailler plus après.

Mais, si quelqu'un, pour une raison quelconque, soit parce qu'il a des obligations familiales ou parce qu'il a de nouvelles valeurs de pratique, décide de ne travailler qu'à demi-temps, bien là au moins on va savoir qu'il est à demi-temps, puis on va lui payer une demi-rémunération, puis il va faire une demi-tâche. Tu sais? On ne lui fera pas une demi-tâche où il va s'arranger pour être payé à trois quarts de tâche ou à une tâche complète, là. Il va avoir une demi-tâche. Il va avoir 500 patients puis il va être rémunéré comme ça. Donc, encore là, on va pouvoir savoir sur quel... On ne veut pas dire au médecin qu'est-ce qu'il doit faire avec son patient. On va lui dire: Il faut s'occuper de tant de patients. Tu sais? C'est ça qu'on...

Une fois ceci dit, ça nous permet, à ce moment-là, ça permet à l'État de dire: J'investis tant d'argent dans la masse pour les médecins, je vais avoir l'équivalent de tant de médecins disponibles, puis tous les Québécois vont avoir un médecin pour 1 100 habitants, par exemple. O.K.? Ce qui est acceptable au point de vue international, ce qui est très acceptable. À ce moment-là, à partir de ça, la mécanique devrait fonctionner.

Maintenant, si vous descendez un petit peu plus bas, il y a un médecin, soit parce qu'il a une personnalité difficile, soit parce qu'il utilise un peu moins ses connaissances puis il résout un peu moins de problèmes... il va y avoir une compétition, et il ne pourra pas contrecarrer cette compétition-là autrement qu'en s'améliorant. Il va être obligé d'améliorer son service et la dispensasion de ses soins, parce que, sinon, les gens ne s'inscriront pas à ce médecin-là. Puis, s'il n'y a pas d'inscription, il n'y a pas de rémunération.

Si, à chaque fois que vous téléphonez, au téléphone, la secrétaire dit: Le docteur ne veut pas vous parler, bonjour, ou vous repasserez dans trois semaines, bien, il y a quelqu'un qui va dire: Au prochain changement d'inscription, moi, je magasine un médecin qui va s'occuper de moi, qui me convient, en tout cas, ou qu'on s'adonne mieux. Puis, s'il y a plusieurs personnes qui pensent comme vous, bien, ce médecin-là va se trouver, à un moment donné dans le temps, à dire: Bien, je n'ai plus de clientèle et, quand même que je ferais tourner ma clientèle trois fois plus vite, je n'arriverai pas parce que je suis limité, j'ai perdu 600 patients. Donc, je vais faire tourner les autres, mais je ne peux avoir que 5/11 de ma rémunération parce que j'ai seulement 600 patients.

Alors, à ce moment-là, il me semble qu'il se mettrait une dynamique de pouvoir du patient, qui est un consommateur, en réalité, une dynamique de pouvoir où on dit: Écoute, moi, je viens te voir, j'apporte mes ressources pour que tu me donnes des services, si je ne suis pas content, bien, je peux changer, là. Je peux changer, puis tu vas perdre, tu ne pourras pas remplacer ma visite par deux visites de l'autre patient qui va rester. Il va y avoir une dimension de relation d'affaires.

Dans la médecine, il y a toujours eu une relation patient-médecin, mais il y a toujours eu une relation d'affaires aussi: j'achète des services du médecin. Et on l'a perdu, ça, dans notre système, en bonne partie, on l'a perdu. À ce moment-là, le patient n'a plus de pouvoir non plus, il est démuni. Il est comme à la merci du médecin, qui, en général, est bien, qui, en général, le traite bien puis le considère. Mais ça arrive, puis ça arrive trop fréquemment qu'il ne reçoive pas la qualité de services qu'il doit recevoir.

(15 h 50)

Bon, alors, à ce moment-là, notre proposition était non seulement une proposition qui, de façon organisationnelle, de façon administrative, permettait que les médecins soient répartis et que la population soit prise en charge, mais c'était une proposition qui équilibrait le pouvoir entre le médecin et le patient, hein, qui donnait du pouvoir... Le médecin a tout son pouvoir parce que c'est lui le thérapeute, c'est lui qui dispose de la science. Puis le patient, il a son pouvoir parce qu'il peut amener ou non son montant d'argent, tu sais, puis il peut changer puis, après ça, il peut, autrement dit...

C'est sûr que, moi, comme médecin, quand je ne suis pas content avec un médecin, bien, je le lui dis assez clairement puis je règle mon problème. Malheureusement, pour les autres, ce n'est pas tout le monde qui a cet accès-là et à la connaissance et à la facilité pour s'exprimer, et c'est normal. Bon. Mais, si tout le monde l'avait, il n'y aurait pas de problème non plus, là. Mais ce n'est pas ça, la situation. La situation, c'est que le citoyen, actuellement, il n'a pas beaucoup de prise, hein. Donc, on voulait équilibrer la répartition, l'accès, mais aussi le pouvoir entre le médecin puis le malade.

M. Labbé: Je ne dis pas qu'il n'y a pas des éléments qui ne sont pas intéressants. Je pense que le fait de rapprocher l'identification de client-médecin, ça, c'est excellent. Si on peut revenir à ça, je n'ai pas de problème avec ça. Mais, quand on regarde en termes de l'intérêt pour le médecin, à part de servir son client puis son patient... Ça, je pense qu'il ne faut pas l'oublier quand on parle de chiffres. Mais, malheureusement, quand on parle de chiffres, ce n'est pas toujours évident qu'on parle aussi de la relation puis de la qualité de l'acte qui doit être posé.

Moi, la question que je me dis, c'est que, si, à un moment donné, on répartit ça à 1 000 – une hypothèse – et qu'on dit: Il n'y a pas de nombre magique, et le médecin, pour lui, son intérêt financier – si on parle juste sur cet aspect-là, sans oublier qu'il y a aussi d'autres choses, là, dans sa fonction – c'est de dire: Moi, mon intérêt, c'est d'avoir le maximum de clients puis de poser le maximum d'actes, à un moment donné, il n'y a pas un risque que, s'il n'a plus le temps de poser ses actes ou à la vitesse qu'il va les poser...

Parce que, s'il va trop loin dans sa clientèle ou si encore il a le sens médical tellement développé qu'il dit: Bien, écoute, mon voisin d'à côté, il est en train de tous les perdre, je ne peux pas les laisser tout seuls, surtout en région éloignée, et, moi, je veux monter ça à 1 000, à 1 500, à 2 000... Parce que, à un moment donné, lui, il dit: Je ne peux pas le laisser tomber, l'autre, il ne fait pas son travail, etc. Bien, à un moment donné, vous n'avez pas peur qu'il y ait un genre de débalancement qui va se faire et...

En tout cas, pour avoir parlé à certains médecins, ils disent: Bien, moi, là, si on me donne l'autorisation d'en faire plus, je vais en faire plus. J'ai dit: Écoute, ça me prend x temps pour te rencontrer, tu ne trouves pas que, si tu en faisais plus, à un moment donné, on aurait encore plus de problèmes, et vice versa? Je ne sais pas, là, c'est juste une interrogation que je me pose.

M. Iglesias (Juan Roberto): Oui, oui, c'est...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Iglesias.

M. Iglesias (Juan Roberto): Écoutez, dans notre proposition, on prenait comme acquis que le plafonnement des médecins omnipraticiens qui existe actuellement, le plafonnement qui est actuellement trimestriel pour les médecins omnipraticiens – et anciennement aux six mois pour les médecins spécialistes, mais là c'est une autre question, mais, pour les médecins omnipraticiens, il est trimestriel – demeurait. Donc, au Québec, le médecin omnipraticien est limité dans ses gains. O.K.? Donc, on ne changeait pas ça. Et nous proposions que le médecin qui aurait le nombre, je dirais, négocié de patients pouvait atteindre le maximum de ce plafond-là. Mais il aurait un maximum.

M. Labbé: Ah! O.K.

M. Iglesias (Juan Roberto): Sinon, à ce moment-là, on pourrait tomber qu'il y en a un qui est très ambitieux puis qui dit: J'en prends 3 000. Bon. Tu sais? Puis là il ne les voit plus. Parce que c'est plus payant d'en avoir 3 000 puis ne pas les voir que d'en avoir 1 000 puis les voir comme il faut. Non, c'est ça, on avait le maximum. Puis le maximum permettait d'atteindre le maximum de la rémunération négociée.

Maintenant, le médecin dont vous dites: Lui, il perd ses patients. Bien, deux choses: ou bien c'est quelqu'un qui est détaché des biens de la terre, puis à ce moment-là il vit sans patients, là – c'est possible; ou bien il va dire: Bien, je vais changer ou je vais changer de territoire, peut-être que... puis il va laisser la place à un autre, tu sais, s'il peut changer.

Mais il nous semble que, sans limiter la médecine à un aspect commercial – parce que ce n'est pas ça, il y a d'autres choses que ça dans la médecine, beaucoup d'autres choses que ça – il ne faut pas non plus faire un peu la sainte nitouche puis éliminer cet aspect-là, hein. Il est là. Vous l'avez dit tantôt, il est là. Quand on choisit la médecine, on la choisit parce que c'est une belle profession, parce qu'on veut aider les autres, mais aussi parce qu'il faut gagner sa vie puis parce qu'on sait que c'est un bon moyen de gagner sa vie. Hein, il ne faut pas non plus... Bon. À ce moment-là, il faut remettre la balance de ces choses-là en question.

Nous, ce que nous avions proposé en plus de ça... C'est parce qu'au Québec ce serait une grande nouveauté. En réalité, on parle de mode de rémunération, mais, si vous aviez les avis, l'avis porte sur l'inscription des clientèles, l'inscription auprès d'un médecin. C'est le point central, l'inscription avec le mode de rémunération qui va avec. Étant donné que c'était un changement majeur, nous proposions d'avancer par quelques projets-pilotes où on pourrait explorer les bonnes choses puis les mauvaises choses puis comment les.... Nous ne suggérions pas de se lancer mur à mur à travers le Québec avec un tel mode de rémunération, qui est complexe pas nécessairement dans son application technique, mais dans ses effets qu'il peut avoir sur la population. Et la meilleure façon d'apprendre, c'est d'essayer. Nous proposions...

Et n'oubliez pas que c'était il y a deux ans. Si on avait déjà fait des essais, on aurait déjà des résultats, actuellement. On disait: Procéder par projets-pilotes. Déterminons un certain nombre de projets-pilotes avec des régions qui représentent le Québec – bon, une région qui est plus éloignée, une région centrale, une région où il y a de la difficulté avec des effectifs – puis, à ce moment-là, faisons-en trois essais-pilotes de modes de rémunération pendant une période donnée, puis on va analyser les bons résultats puis les effets pervers qu'il peut y avoir. Puis, si l'opération est positive puis il y a des effets pervers, on les corrigera avant de l'implanter à tout le monde. C'est la façon qu'on proposait de procéder.

M. Labbé: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


Problèmes d'accessibilité aux soins des omnipraticiens

M. Copeman: Merci, Mme la Présidente. Dr Iglesias, il me semble qu'on a un dilemme, au Québec. On a un système public de soins de santé, mais, en ce qui concerne les services de première ligne, entre autres, d'accès aux médecins, on demande à des entrepreneurs d'assurer ces services. Et, en regardant comment résoudre ce dilemme, entre autres, on a pensé au réseau de CLSC dont les médecins ne seront pas payés à l'acte, ils seront essentiellement des employés de l'État. Ça n'a pas l'air trop de fonctionner non plus. Quand je parle avec mon directeur général du CLSC, il a énormément de difficultés à retenir des médecins dans son CLSC.

Une voix: Le mien aussi.

M. Copeman: Il n'y en a pas facilement, des CLSC qui sont capables de retenir des médecins. C'est vrai, il y en a. Souvent, ils restent pour une période limitée de temps puis ils quittent après, et ainsi de suite. Alors, ce n'est pas évident, en tout cas, que les CLSC ont répondu à ce besoin d'améliorer l'accessibilité des services de première ligne.

Vous misez beaucoup sur... Vous avez parlé évidemment des chiffres, les 7 000 omnis pour les 7 000 000 habitants. Vous en arrivez à la conclusion, à la page 8 de votre document, qu'il faudra augmenter l'effectif médical. Pour moi, ça veut dire qu'on n'a pas assez de médecins. Pourtant, en Chambre, à plusieurs reprises, j'ai entendu la ministre de la Santé nous dire que non seulement on en a assez, de médecins, mais on en a plus, comparé à d'autres provinces canadiennes, à la moyenne canadienne, on en a comme de trop. Ce qui fait que, d'un côté, elle nous dit: On en a plus qu'il faut...

Une voix: ...

M. Copeman: Dans la moyenne ou plus qu'il faut. Puis là vous dites: À cause des inefficiences dans le système, l'accessibilité n'est pas garantie tout partout. Puis les inefficiences... En tout cas, on soulève souvent la question de Montréal. On nous dit: En région, c'est plus difficile d'avoir accès surtout à des spécialistes, mais souvent même à des omnis. Je ne sais pas dans quel monde on vit, là, mais, moi, je représente un comté de Montréal, ce n'est pas facile de trouver un omni à Montréal.

M. Iglesias (Juan Roberto): Il y en a beaucoup, là.

M. Copeman: Semble-t-il, il y en a beaucoup, selon les chiffres, là. Mais trouvez une pratique où vous pouvez facilement adhérer... Faites donc une série d'appels, vous allez recevoir: Je regrette, la pratique du Dr Untel est fermée. Je regrette, la pratique du Dr Untel est fermée. Il est sa retraite, il y a des nouveaux médecins. Quand, moi, j'appelle mon omni, normalement, à la réception, ils me donnent un rendez-vous dans trois semaines. Bien, je dis: Dans trois semaines, je vais être soit guéri ou à l'urgence parce que – soit une sinusite, n'importe quoi – ça va se guérir tout seul – ce qui est souvent le cas hein? – ou je vais avoir besoin d'une intervention médicale plus importante, plus vite que... Souvent je n'accepte pas, à la réception, je passe à mon médecin, je dis: Écoute, c'est vrai... puis on s'arrange. Mais c'est un effort supplémentaire qu'il faut que je fournisse pour juste voir mon omni.

Là, vous misez beaucoup sur la rémunération pour tenter de régler cette question-là. Pourtant, on a eu des essais avec le mode de rémunération différent. On diminue à Montréal pour les trois premières années de pratique. Ça ne semble pas avoir touché le mode de rémunération. Je sais qu'on a maintenu l'acte, mais ça n'a pas eu, en tout cas, les effets, je pense, escomptés, le mode de rémunération différent. Moi, j'ai des doutes que c'est simplement le mode de rémunération qui va régler le problème.

(16 heures)

Vous avez parlé de la dynamique du pouvoir. En principe, le patient a la même dynamique du pouvoir. Quand c'est à l'acte, s'il n'y va pas voir un médecin, le médecin n'est pas rémunéré. Là, vous dites: Ils peuvent faire tourner plus vite. Moi, je ne connais pas un médecin qui m'appelle pour me dire: Venez me voir, j'ai besoin de votre clic-clic pour que je sois payé. Peut-être que vous en connaissez, vous. Moi, je n'en connais pas. Moi, c'est l'accessibilité qui manque. Ce n'est pas le médecin qui nous appelle, qui dit: Écoutez, je n'ai pas assez de patients, venez me voir deux fois la semaine prochaine pour que je sois assez rémunéré. Je n'en connais pas beaucoup, en tout cas.

Moi, je pense que le dilemme, essentiellement, est: On demande à des entrepreneurs de fournir un service public. Et je n'ai pas la réponse non plus. Parce que, si on réglemente trop, on peut avoir l'effet pervers des médecins qui quittent la pratique. Les États-Unis, il me semble que c'est un attrait important pour les médecins. Peut-être une réflexion là-dessus, mais je vais vous demander quelques questions précises. Avez-vous de la recherche sur le nombre d'omnis qui touchent leur plafond avant la fin du trimestre? Parce qu'on me dit souvent que c'est une des difficultés. Un médecin m'a dit: Suis la courbe des fins de trimestre; les visites aux urgences vont être plus importantes à ce moment-là parce qu'il y a plusieurs omnis qui ferment leur bureau. Ils ne sont pas là, ils ont touché leur plafond. Puis ça arrive tout en même temps parce que c'est tous le même trimestre, puis ça ferme.

Je ne sais pas, avez-vous des études précises qui démontrent combien d'omnis touchent leur plafond à la fin du trimestre? Avez-vous des études qui démontrent combien de médecins quittent le Québec par année pour aller travailler ailleurs? Puis ça nuit à tout le monde, je pense. On les forme, ça coûte cher, puis ils quittent pour toutes les raisons. Puis, encore une fois, est-ce qu'on a la capacité de réglementer cette profession assez pour qu'on évite ce type de problème-là? Je ne le sais pas. C'est une série de questions que je vous pose, qui ne sont pas faciles nécessairement à répondre, mais j'aimerais vous entendre là-dessus.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Iglesias.

M. Iglesias (Juan Roberto): Vous faites une très bonne analyse, qui ressemble beaucoup à celle que nous avons faite. Peut-être dans d'autres termes, mais ça ressemble beaucoup à l'analyse que l'on fait.

Mais d'abord, par rapport à la médecine en CLSC, c'est une situation fort complexe. Votre analyse est bonne aussi, mais, pour trouver les causes, elles sont très, très multifactorielles, puis c'est tout un dossier à développer. Effectivement, la médecine en CLSC n'a pas eu l'essor qu'elle était prévue d'avoir dans les années soixante-dix. Maintenant, quand vous dites: La problématique fondamentale, c'est les entrepreneurs libres qui doivent assumer les services publics, je vous l'ai dit, c'est notre point de départ. Ça, c'est clair. Nous pensons que c'est une meilleure solution que d'avoir des employés ou des médecins qui sont soumis au «managed care» américain, par exemple, où à ce moment-là la liberté du médecin face au patient a une interférence continuelle avec la compagnie d'assurances ou avec le HMO, avec quelqu'un de l'extérieur. Donc, l'alternative est pire. Donc, on s'est dit: C'est probablement la meilleure alternative, et il faut essayer de la sauvegarder.

Les éléments que vous dites perturbateurs du mode de rémunération à l'acte, je n'ai pas d'étude exacte sur le nombre d'omnis, mais je n'en ai pas besoin, c'est vrai. C'est un phénomène qui est connu par nous. Je ne vous dis pas que c'est un phénomène quantitativement important, mais il joue très bien, puis il joue dans certains endroits plus que d'autres. Je ne sais pas si le Dr Girard a...

Mme Girard (Marie): En effet, ces études-là ont documenté les premiers travaux qui ont été faits sur l'inscription des clientèles pour ce qui est des médecins de première ligne. Donc, elles ont été utilisées. Par ailleurs, en complément, il faut faire attention. Tout à l'heure, vous avez évoqué la question du niveau de rémunération pour les régions universitaires et non du mode. Il faut savoir que, dans certaines régions mieux nanties de médecins de famille, le médecin va avoir tendance, dès qu'un patient vient pour une sinusite, à fixer cinq rendez-vous de contrôle au lieu d'un seul, O.K.? Des visites. De prendre huit rendez-vous pour des verrues plantaires de façon systématique, à toutes les semaines. Ce sont toutes sortes de façons que le médecin a de s'assurer d'être capable de payer le loyer à la fin du mois ou de payer ses employés. C'est tout de même un entrepreneur.

Donc, pendant ce temps-là, la personne qui a besoin de soins de façon épisodique ou en raison d'une difficulté très subite, elle, elle va avoir des difficultés à avoir le rendez-vous dont elle a besoin parce que tout a été comblé avec des choses plus ou moins pertinentes. Et c'est un petit peu ce biais-là que le mode de rémunération à l'acte entretient et qui rend si difficile... d'où la proposition dont le Dr Iglesias vous a parlé tantôt, qui est la proposition du Conseil, qui est de changer le mode de rémunération, pas nécessairement le niveau, si on veut garder les médecins effectivement au Québec. Actuellement, c'est à peu près kif-kif. Il faut dire qu'il y a une barrière linguistique.

C'est qu'il faut que le médecin soit bien payé, mais qu'il fasse ce pourquoi il a été formé. Ce qui appartient strictement à des petits «follow-up» réguliers, ne serait-ce que la pression artérielle, des petites choses, ça appartient à l'infirmière clinicienne qui travaille avec lui. Que les choses spécialisées soient faites par le médecin spécialiste et que le médecin de famille soit vraiment... Si on pouvait dire: Adoptez un médecin de famille. C'est une relation privilégiée dans laquelle la continuité des soins serait préservée, donc souvent moins de prescriptions qui peuvent être contradictoires, moins de tests répétés. C'est un peu tout ça, cette approche-là, globale, de retrouver un médecin de famille qui connaît toute votre histoire. Moins de risques ou autres.

M. Iglesias (Juan Roberto): Quand vous dites: Les médecins n'appellent pas. Le médecin n'appelle pas les gens comme ça, mais il peut prendre des décisions d'entrepreneur libre qui décide que telle pathologie, il la voit tant de fois: une sinusite, ou une infection d'oreille, ou des choses courantes. Une hypertension stabilisée, plutôt que de la voir une fois tous les six mois, il la voit une fois tous les deux mois. À ce moment-là, le temps est rempli. Il y a une limite, comme le disait tantôt votre collègue. Il y a une limite au nombre de visites qu'il peut faire. Une fois qu'il a rempli, il a rempli. Là arrive la demande de l'extérieur puis il n'y a plus de place.

On est parfaitement d'accord avec vous quand vous dites que le problème fondamental, c'est des entrepreneurs libres. Comment, entre guillemets, là, faire que les entrepreneurs libres assument un travail dans un système public? C'est tout un défi. Mais il y a d'autres systèmes de santé qui l'ont résolu, ils se sont approchés de propositions semblables aux nôtres. Bon. Alors, pourquoi on ne l'essaierait pas? On va l'essayer.

En ce qui a trait au niveau de l'émigration en dehors du Québec, je n'ai pas de chiffres par rapport à ce que je vais vous dire, mais, mon sentiment, c'est qu'au niveau de la première ligne ce n'est pas un problème majeur. Là où se manifeste le problème – et même si quantitativement il n'est peut-être pas très important, il peut être qualitativement très important – c'est au niveau de la ligne supérieure. Lorsque, dans une équipe – c'est six personnes – il y en a deux qui s'en vont, ça peut être dramatique. Donc, à la fin, on va peut-être dire: Bon, on a perdu seulement 1 % ou 0,5 %, mais il faut regarder les effets... Et ça, habituellement, c'est des effets qui sont... Je vous dirais, ce n'est pas le mode de rémunération, c'est la quantité de rémunération qui peut jouer, puis également tout l'environnement du système de santé.

Les médecins spécialistes cherchent souvent la possibilité d'utiliser la technologie, cherchent souvent à être à la pointe, à pouvoir offrir puis pratiquer avec un outillage perfectionné. Bon, par rapport à ce point-là – on l'a souligné, entre autres, dans l'avis sur les centres hospitaliers universitaires et instituts universitaires – notre technologie, on a de la difficulté à la renouveler, on a de la difficulté à l'acquérir. Et ça, c'est un effet qui joue beaucoup sur la rétention de médecins des niveaux supérieurs.

Et, encore une fois, il ne faut pas attendre de voir des chiffres astronomiques, des quantités, dire: Il y a 500 médecins qui ont quitté le Québec. On ne voit pas ça. Mais, si on voit, par exemple, que dans tel domaine il y a deux médecins qui sont partis, dans d'autres domaines, il y a deux... ces médecins-là, on les a formés puis des fois ça a pris 10 ans, 12 ans de formation. Un neurochirurgien, ça peut prendre 12 ans de formation, à former; un médecin spécialisé, un rhumatologue avec capacité de recherche clinique, ça prend des fois 11 ans à former. Bon. À ce moment-là, vous les formez, vous attendez. Puis vous n'en formez pas 10 000 non plus parce que vous en avez besoin de cinq au Québec et vous en perdez deux. Ce n'est pas une catastrophe quantitative mais c'est une catastrophe qualitative.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): En somme, ce que vous voulez dire, Dr Iglesias, c'est comme l'exemple à Québec: Si vous avez un cardiologue qui quitte et qui vient chercher quatre de ses collègues par la suite, ça veut dire qu'il y en a cinq dans la ville de Québec, comme ça a été le cas récemment. Ça signifie que, là, ça peut être dramatique.

M. Iglesias (Juan Roberto): Ah! ça, c'est dramatique.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Ce n'est pas le nombre.

M. Iglesias (Juan Roberto): Quand vous regardez 6 000 sur 7 000 spécialistes, ce n'est pas grand-chose, mais quand vous regardez l'effet, c'est catastrophique.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député Notre-Dame-de-Grâce.


Mode de pratique de la pédiatrie

M. Copeman: J'aurais une dernière question ou commentaire sur la hiérarchisation. Pas facile, sortir celle-là.

M. Iglesias (Juan Roberto): Hiérarchisation.

(16 h 10)

M. Copeman: Hiérarchisation. Vous semblez prôner cette approche. J'ai entendu que le médecin spécialiste, peut-être idéalement, devrait être vu sur référence seulement, il est formé pour consulter, ainsi de suite. Moi, je ne suis pas médecin. C'est peut-être vrai dans l'idéal. Je vais émettre un petit bémol en ce qui concerne les pédiatres. Quant à moi, si on veut procéder ainsi, ça prendrait un gros changement dans l'attitude des omnis. Et je m'explique, simplement. Mon pédiatre, qui est renommé à Montréal, est tellement bien organisé. Le matin, à 8 h 30, il y a une clinique sans rendez-vous; déjà, c'est une avance sur tout autre omni, je prétends, probablement au Québec. Presque. Pas besoin de rendez-vous, de 8 h 30 à 9 h 30, on rentre. Il s'assure, parce qu'il est associé avec d'autres médecins, qu'il y a quelqu'un encore jusqu'à 21 heures, déjà, la semaine. À 18 heures, essayez d'avoir un omni à quelque part, ce n'est pas facile. Les fins de semaine et les congés fériés, il y a quelqu'un encore de 9 heures à 17 heures.

Souvent aujourd'hui, avec les familles, la maladie d'un enfant apparaît bien pire le soir, n'est-ce pas? Ceux qui sont parents le savent. À 2 heures du matin, une fièvre qui est à peu près la même chose qu'à 15 heures, là, c'est bien différent. C'est urgent, là. Et souvent on a cette tendance, je prétends, dans beaucoup de familles, pour une petite grippe, un petit rhume qui traîne, à attendre jusqu'à la fin de la semaine pour voir si on ne va pas voir un médecin. Mais ce pédiatre est tellement bien organisé, moi, je n'ai pas besoin de recours ni à l'urgence, ni au CLSC, presque toutes les heures sont couvertes. Moi, je prétends que c'est largement parce que, comme société, on ne veut pas voir un enfant souffrir. Quand un enfant est malade, on veut qu'il obtienne des soins, des traitements le plus vite possible. On n'a pas cette même attitude avec des adultes. L'adulte, on peut le laisser souffrir pendant des journées sans que trop de monde se préoccupe.

Tout ce que je vous dis, peut-être dans la hiérarchisation des soins, faites bien attention avec l'aspect du mode de pratique et de l'humanisation des pédiatres au Québec, qui, à mon égard, n'est pas nécessairement partagée par des omnis au Québec.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Iglesias.

M. Iglesias (Juan Roberto): Vous avez raison, il y a des cliniques pédiatriques qui sont fort bien organisées; c'est des modèles d'organisation. Cependant, vous me donnez l'occasion de donner un exemple. Puis je ne veux pas du tout dire que ces cliniques-là ne donnent pas de la qualité, au contraire, elles donnent de la bonne qualité. Les pédiatres, c'est des spécialistes qui prennent cinq ans à se former, alors qu'un médecin de famille, ça prend deux ans à le former, comme temps. Le service peut être très bon mais, voyez-vous la difficulté... Pas parce que le pédiatre fait ça, c'est probablement parce que quelqu'un d'autre ne le fait pas aussi bien. Quand on arrive au niveau hospitalier, on n'a plus de spécialistes pour s'occuper des départements de pédiatrie parce que les pédiatres sont dans des cliniques.

À Sherbrooke, on a eu toutes les difficultés de la terre à constituer une équipe de pédiatres hospitaliers, ils étaient tous en cabinet privé. Ils donnaient un bon service mais ils donnaient un service... Entre vous et moi, pour diagnostiquer la fièvre d'un enfant, ça ne prend pas un cours de cinq ans après avoir fait un cours de médecine, pour donner des conseils sur la nutrition puis le développement. C'est utiliser des ressources qui sont très lourdes. Ça ne veut pas dire que la qualité n'est pas bonne, elle doit être très bonne, mais c'est vraiment utiliser des machines lourdes. Pendant ce temps-là, le petit qui arrive avec une méningite, avec un trouble respiratoire majeur, on a des difficultés au Québec à avoir des pédiatres hospitaliers, des pédiatres qui ont fait un cours de cinq ans comme les autres mais qui s'occupent de ces cas-là et dont personne d'autre n'est capable de s'occuper. Après ça, là, c'est quoi? C'est Sainte-Justine puis c'est fini. Alors, ça explicite bien le problème où on est.

On a deux solutions. Ou bien on suit notre voie de hiérarchisation et, à ce moment-là, ça suppose que les gens, par exemple, vous accueillent, qu'ils sont disponibles quand vous avez... Parce que c'est normal qu'un enfant... La maladie chez l'enfant évolue différemment que chez l'adulte aussi, elle évolue beaucoup plus rapidement, beaucoup plus dramatiquement. Ce n'est pas seulement une perception, c'est une réalité. Donc, les cliniques se rendent disponibles pour vous accueillir, sont aussi bien organisées pour ne pas vous faire attendre, parce que vous avez votre rendez-vous à 9 h 30, vous allez travailler à 10 heures, vous avez dit que vous seriez absent jusqu'à 10 heures ou 10 h 15. Vous attendez là deux heures; bon, bien, il faut s'arranger pour ça. C'est une solution, une autre solution. Ou bien vous dites: Ça me prend deux fois plus de pédiatres au Québec. Parce qu'il va y en avoir qui vont donner le service de première ligne mais ça m'en prend aussi pour donner le service de deuxième puis de troisième lignes. C'est une ou l'autre solution.

Et c'est ça qu'on remarque actuellement. On regarde le nombre de pédiatres, par exemple, quand on analyse les spécialités; c'est une spécialité qu'on analyse assez souvent. On regarde. Bon, bien, écoutez, on devrait en avoir assez, de pédiatres; il ne devrait pas en manquer nulle part au Québec. Mais il en manque. Il y a plusieurs départements hospitaliers qui n'ont pas de pédiatres pour leurs salles d'urgence, pour les soins intensifs, pour l'étage d'hôpital.

Bon. On sait où ils sont. On sait qu'ils ne perdent pas leur temps. On sait qu'ils donnent de bons services. Dans beaucoup de services de la société, souvent, lorsqu'on achète un service, on essaye d'acheter le service qui est le meilleur pour le meilleur coût. Puis, si on peut s'en passer avec un service moins complexe, on va utiliser un service moins complexe. Puis là, dans ce cas-là, sans aucune mauvaise volonté de personne, on s'est ramassé avec une situation où les ressources superspécialisées font des choses supercourantes. C'est le problème.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Iglesias. M. le député de L'Assomption.


Caractéristiques d'un mode de rémunération mixte

M. St-André: Oui, merci, Mme la Présidente. Je voudrais revenir sur le mode de rémunération mixte que vous suggérez pour la première ligne. C'est simplement deux petites questions qui me semblent être des précisions. J'imagine que serait associé à ce mode de rémunération un plafond à chaque médecin, de patients qu'il pourrait recevoir, et que le patient ne pourrait pas s'inscrire auprès d'un ou de cabinets de médecins?

M. Iglesias (Juan Roberto): Effectivement, nous, on suggérait un plafond qui devrait être négocié. Nous, on n'est pas les parties négociantes, et ça fait partie de la charge de travail, donc on ne voulait pas... On donnait des indications de ce qui se faisait en Hollande, de ce qui se faisait ailleurs dans la vie. On donne des chiffres, et notre chiffre à nous tourne entre 1 000 et 1 500 maximum, donc un plafond.

Et, deuxièmement, effectivement, ça demande une fidélité du patient. Donc, le patient s'inscrit auprès d'un médecin. Il a le droit de changer, par exemple. Il peut changer. Nous, on suggérait, dans les essais-pilotes, on permettait de changer de médecin deux fois par année, parce qu'il peut y avoir des problématiques de choix, de personnalité. Il peut y avoir incompatibilité. C'est très personnel, un médecin. Alors, on permettait que le patient puisse essayer un médecin. Puis on disait: Bien, écoutez, deux fois par année, vous pouvez changer de médecin. Une fois que vous avez fait quelques essais puis que ça ne fonctionne pas entre vous puis la personne qui est médecin, bien, on change. On ne voulait pas non plus l'attacher comme c'était... parce qu'il y a déjà eu des essais en Angleterre, il y a quelques années, alors que le patient n'avait pas le choix de changer de médecin. Et ça, ça n'avait pas été bon. La majorité des patients appréciaient leur médecin, mais il y en avait toujours – et c'est normal – qui ne s'entendaient pas avec leur médecin. Alors, il faut laisser la possibilité de changer de médecin.

Mais il faut qu'il y ait une fidélité, la fidélité pour permettre justement la continuité dans cette relation qui permet souvent même la perception de la maladie. Vous savez, on est tous un peu différents, on exprime nos malaises, puis nos inquiétudes, puis notre angoisse de façon différente. Le médecin vient qu'il sait que lorsqu'un tel lui dit: J'ai une petite douleur dans la poitrine. Ça peut être très grave. Alors que, lorsque quelqu'un d'autre lui dit: Vous savez, j'ai mal partout puis... Bien, il est habitué. Puis habituellement il dit: Bon, bien, écoutez... Il connaît bien les patients, ça fait qu'il regarde déjà ça avec un oeil... parce qu'il connaît la personne.

Ça permet aussi d'avoir la fidélité dans le traitement. Il y a beaucoup de traitements qui sont à long terme, dont l'effet n'est pas immédiat. Quand on regarde les traitements pour les maladies cardio-vasculaires, les traitements pour l'ostéoporose, c'est des traitements à long, long terme. Il faut s'assurer que la personne a compris, qu'elle a confiance que, même si on ne voit pas l'effet immédiat, on va le voir dans cinq ans, dans six ans.

Et ça permet d'éviter la duplication. S'il va voir un autre médecin qui recommence les examens, qui dit: Bien, écoutez, je vais vous faire un test sanguin. Oui, mais mon médecin l'a fait il y a cinq mois. C'est peut-être les mêmes tests. Bon. Plutôt que de faire venir le dossier, on va recommencer les examens.

Et ça permet aussi la garantie que ça doit être accompagné de la disponibilité. J'ai un contrat avec toi. Je ne vais pas voir d'autre médecin, mais, lorsque toi, tu es là, je veux que toi ou quelqu'un de ton groupe soit là. Lorsque je suis avec une compagnie téléphonique, je ne veux pas que quelqu'un me réponde: Écoutez, là, on est fermé jusqu'à demain matin. Nos lignes seront utilisables demain matin à 8 heures.

M. St-André: Je comprends bien que, dans votre conception, à ce moment-là, l'inscription du patient se ferait auprès d'un cabinet de médecins, pas nécessairement...

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est fait au nom d'un médecin mais il peut être assumé en groupe.

M. St-André: Oui, pour assurer un continuum de services, par exemple.

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est ça. Ce n'est pas une question de docteur n° 2 puis de doctoresse n° 3. C'est, oui, doctoresse n° 3, mais elle assume cette responsabilité-là avec le bureau, avec le cabinet ou la clinique ou le CLSC. Pour nous, le médecin de CLSC ne serait plus payé à salaire, il serait payé selon le mode de rémunération mixte.

(16 h 20)

M. St-André: Le même mode de rémunération pour tout le monde.

M. Iglesias (Juan Roberto): Oui, sauf pour des situations particulières. Il y a des situations particulières qu'il faut considérer. Prenez, par exemple – on en nommait quelques-uns dans l'avis – l'obstétrique. C'est sûr que là, c'est un mode de pratique bien particulier. Mais ça, c'est une partie assez limitée des médecins de première ligne qui font de l'obstétrique. Les médecins qui travaillent à l'urgence, c'est bien différent, ça; à ce moment-là, il faut qu'il y ait un mode particulier pour eux. Les médecins qui travaillent exclusivement en centre d'accueil. On avait nommé quelques cas où il fallait moduler le mode.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de L'Assomption.


Cas de spécialistes revenant pratiquer au Québec

M. St-André: O.K. Je voudrais revenir également sur la question des médecins qui quittent le Québec. Vous constatez, si j'ai bien compris, qu'il y a un problème d'ordre qualitatif auprès des médecins spécialistes, notamment. Je ne doute pas qu'il y en ait qui quittent le Québec pour aller soit ailleurs au Canada ou aux États-Unis, mais est-ce qu'il n'arrive pas qu'il y ait des médecins spécialistes qui quittent le Québec pour une période temporaire, pour parfaire leurs compétences, faire de nouvelles acquisitions de connaissances, puis qui après un certain temps reviennent au Québec? Si c'est le cas, à ce moment-là, il s'agit véritablement d'un actif supplémentaire pour le réseau de la santé québécois.

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est vrai, ce que vous dites – d'ailleurs, ceux-là, bien, on les compte comme des retours – il y a des médecins qui vont délibérément passer deux ou trois ans en formation aux États-Unis ou en Europe; ça, c'est clair, c'est prévu, les gens vont passer deux, trois ans et reviennent avec leurs connaissances. Il y en a d'autres qui vont faire des expériences plutôt, qui vont faire des expériences de vie puis ils reviennent aussi pour différentes raisons. Je ne peux pas vous donner des chiffres quantitatifs, mais je rencontre beaucoup de médecins à toutes les semaines puis je vois qu'il y a des gens qui reviennent puis qui disent: Écoutez, oui, c'est vrai, on avait tels avantages, oui, mais...

M. St-André: Autrement dit, ce que vous dites, c'est que vous voyez des médecins qui quittent le Québec mais vous en voyez revenir également.

M. Iglesias (Juan Roberto): Oui, oui. J'en vois qui reviennent de façon planifiée ou non planifiée. Mais, par contre, je peux vous dire que, quantitativement, ceux qui quittent avec un dessein de partir, leur retour n'est pas très grand. Il y en a un certain pourcentage, mais ça, c'est ceux qui quittent de façon... qui disent: Je vais changer de milieu de vie, là. Ceux-là...

M. St-André: C'est une grosse décision, ça.

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est une grosse décision. Quand ils reviennent, c'est des années après. Ils reviennent peut-être en fin de carrière, et on peut imaginer quelle motivation ils ont.


Avis sur le panier de services

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Vous avez terminé, M. le député de l'Assomption? Oui. Avant de céder la parole à la députée de Bourassa, j'aurais une question. Est-ce que vous avez reçu, soit de la part de la ministre ou encore du ministère, une demande d'avis sur le panier de services?

M. Iglesias (Juan Roberto): Non, c'est nous qui avions initié, avec les médicalement requis, cette question-là; ça ouvrait sur le panier de services. En définissant les médicalement requis, on disait: Lorsqu'on aura besoin de restreindre les services médicaux, il faut protéger le médicalement requis, puis on aura une définition pour ça. Puis, après ça, on disait, comme votre collègue le disait tantôt, il lisait le texte: Bien, si ça, c'est fait, il faut augmenter l'efficience avant de réduire ce noyau dur là qui est essentiel. Mais on n'a pas eu de demande après ça. On n'a pas eu de demande officielle mais on a participé – je crois que c'est en 1995-1996 – à une consultation, avec un groupe de travail du ministère et des fédérations, pour éliminer certains actes dans la liste des nomenclatures. Vous vous rappelez qu'il y avait eu certains actes qui avaient été éliminés, et on avait participé, à ce moment-là, comme organisme, pour donner notre avis là-dessus. Mais on ne nous avait pas demandé d'écrire un avis écrit, on nous avait demandé de participer à des travaux pour examiner certains actes qui pourraient être éliminés de la liste de services assurés.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, à vous la parole, Mme la députée de Bourassa.


Avis sur la privatisation (suite)

Mme Lamquin-Éthier: Merci, Mme la Présidente. Je suis bien embêtée parce que, dans le document qui nous a été remis, à la page 10, toujours sur la privatisation des services médicaux, il est dit: «Au fil des années, la partie privée du financement du système de santé québécois a progressé pour atteindre maintenant environ 30 % des dépenses dans ce domaine.» Et je pense que, oui, elle a progressé et, oui, elle continue de progresser, à un point tel que ça dépasse actuellement, je pense, le 30 %. Est-ce que vous avez donné un avis pour freiner cette progression, qu'on observe de façon régulière, constante dans le réseau de la santé au fil des années, comme vous le mentionnez dans le document?

M. Iglesias (Juan Roberto): Sans tout vous donner le contenu – comme je vous le dis, l'avis n'est pas adopté encore – dans une des conclusions, on ouvre sur la possibilité que certains services qui ne sont pas bien assurés actuellement devraient rentrer dans le panier de services publics. Vous avez un petit peu la voie que l'on prend.

Mme Lamquin-Éthier: O.K. C'est intéressant, ça.

M. Iglesias (Juan Roberto): Il y a certains services actuellement que... Prenez, par exemple, juste pour les nommer, les services de réadaptation. C'est des éléments essentiels dans le traitement des maladies, surtout des maladies chroniques, et la disponibilité de ce type de services en établissement, donc assurés – parce qu'ils sont assurés seulement en établissement; je parle de physiothérapie, d'ergothérapie, d'orthophonie – est chaotique un petit peu, est un peu parfois... Les gens sont portés, à ce moment-là, à aller vers le privé; soit qu'ils ont des assurances ou, s'ils n'en ont pas, vont payer directement de leur poche. Et une des voies que l'on dit: Certains services qui sont essentiels, même si ce n'est pas des services médicaux, devraient être couverts au même titre que les médicaments.

Mme Lamquin-Éthier: Très intéressant.

M. Iglesias (Juan Roberto): Ils sont aussi importants que les médicaments. C'est des façons. Et ça, ça pourrait amener un... Parce que, de plus en plus, à cause de la nature de maladies auxquelles la société doit faire face, on doit recourir de plus en plus à ces services-là, donc ça augmente la contribution du financement privé. Alors, c'est une des voies que l'on explore dans cet avis-là.

Mme Lamquin-Éthier: Si vous me permettez, de la même façon, certains services qui sont nécessaires à des personnes âgées qui sont à domicile sont extrêmement importants. Dans certains cas, les CLSC, malgré une bonne volonté évidente, n'ont pas les moyens financiers pour les donner ou ils n'ont pas les ressources humaines. Alors, ce qu'on observe, puis ce que les organismes dénoncent, les parents, les familles, c'est qu'on va tenter de saupoudrer aux personnes en besoin de services certains services et non pas de satisfaire pour l'ensemble des services. De plus en plus, des gens qui sont en résidence que l'on dit pour personnes autonomes se font demander: Avez-vous des assurances? Donc, on les oblige à aller au privé.

De plus en plus, dans mon comté, des personnes me rapportent... Une dame âgée me disait qu'elle avait besoin d'une opération pour une cataracte. Les listes d'attente sont épouvantables, à l'heure actuelle, et cette dame-là était prête – et ça fait déjà un an, me disait-elle – à payer 2 000 $ pour une opération de cataracte. Des gens me disent que, dans un hôpital, on leur dit: Écoutez, vous auriez besoin de passer une résonnance magnétique; malheureusement, les listes d'attente pour cet examen-là sont de plus de huit mois, peut-être que vous pourriez aller dans une clinique et payer le prix.

Donc, de plus en plus on observe à tous les jours dans le réseau de la santé que des citoyens paient de leur poche pour obtenir des services que le réseau devrait leur offrir, et ce n'est pourtant pas le cas. De plus en plus, des gens paient pour des analyses de sang, dans certains cas, des analyses qui sont dispensées par des infirmières qui sont payées par un établissement et prêtées à un autre établissement pour faire la prise de sang, laissant penser qu'il y a un double paiement, d'abord auprès de l'hôpital, puis ensuite par le patient qui paie de sa poche. Qu'est-ce qu'on peut faire? Qu'est-ce que vous avez recommandé?

M. Iglesias (Juan Roberto): Vous arrivez à la conclusion directe, directement. Il faut augmenter l'efficacité puis l'efficience de notre système de façon à rencontrer...

Mme Lamquin-Éthier: Comment?

M. Iglesias (Juan Roberto): ...les attentes de la population. Il faut absolument. Si on n'arrive pas à ça, notre société ne pourra pas tolérer ce phénomène-là, et il va s'ouvrir un système parallèle. Et vous avez le meilleur exemple avec l'ophtalmologie, qui est un exemple qui a permis de se développer vite parce que la technologie l'a permis. Mais ça va arriver dans d'autres domaines. C'est inéluctable, ça va arriver dans d'autres domaines. Vous l'avez pour la résonnance magnétique, à mesure qu'il y a eu des petites résonnances qu'on a pu installer facilement dans les cabinets. Ça ne prend plus des machines assez considérables qui coûtent 3 000 000 $, 4 000 000 $ puis qu'il faut installer. Pour moins de 750 000 $, vous avez une résonnance magnétique dans un cabinet, là. Bon. La technologie va le permettre.

L'ophtalmologie, vous voyez, le fait que l'accès n'ait pas été suffisant dans le système public, le fait que le mode de rémunération pour les médecins spécialistes les ait portés à faire d'autres actes que ça, toutes sortes de choses...

Mme Lamquin-Éthier: Mais là ils sont déplafonnés, là.

(16 h 30)

M. Iglesias (Juan Roberto): Oui, oui, ils sont déplafonnés depuis pas longtemps. Mais auparavant ils pouvaient faire autre chose, ils pouvaient faire des examens de la vue plutôt que de faire des cataractes, les examens de la vue étaient chargés aux patients puis ils n'étaient pas dans le plafond. Bon. Pendant ce temps-là, la liste augmentait puis le patient devait aller chercher le service en privé. O.K. Quand le médecin, il s'en allait le faire dans le privé, étant donné qu'il ne peut pas charger dans le privé sans être désengagé, ça faisait une ophtalmologie de moins dans le système public. C'est comme une chaîne infernale, ça, tu sais. Il y en a moins, tu vas aller chercher ailleurs puis, en allant ailleurs, tu en enlèves aussi, il va y en avoir moins encore.

Qu'est-ce qui va arriver? C'est qu'il va y avoir une partie de la population qui ne pourra jamais être opérée pour la cataracte. Ceux qui ne sont pas capables de payer, ils vont attendre. À un moment donné, là, tu sais, d'autres choses vont arriver avant qu'ils soient opérés, puis ils vont dire: Bien, ça ne vaut plus la peine de les opérer. Bon. Alors, c'est ça qu'on veut éviter. Sinon, il faut absolument augmenter l'efficience puis l'efficacité du système. Il faut corriger les problèmes qui sont présents.

Mme Lamquin-Éthier: Structurants.

M. Iglesias (Juan Roberto): Encore une fois, ce n'est pas tous les problèmes. C'est parce qu'il ne faut pas non plus se mettre un capuchon noir sur la tête puis dire: Tout est mauvais, là.

Mme Lamquin-Éthier: Non, non.

M. Iglesias (Juan Roberto): Regardez, les problèmes qu'il faut corriger, c'est la continuité au niveau de la première ligne et l'accessibilité à la première ligne de façon à avoir une... Il faut, au niveau de... La médecine, l'aspect médecine en hôpital ne fonctionne pas si mal que ça. Quand vous avez besoin d'être hospitalisé pour une condition médicale, vous faites une pneumonie, vous allez être hospitalisé. Il faut régler les problèmes d'attente à l'urgence. O.K.? Mais vous allez être hospitalisé.

Le problème majeur, à l'hôpital, c'est le problème de la chirurgie élective. Il faut régler ce problème-là. Si on ne règle pas ces quelques problèmes-là, qui représentent peut-être, comme je vous le disais au début, entre 5 % et 7 % de toute la globalité... mais c'est 5 % à 7 %, qui tombent sur la tête de tout le monde puis qui vont entraîner une perversion du système, qui vont nous amener au système parallèle, et le système parallèle va aller détériorer encore plus le système public. Bon.

Mais, avec l'évolution de notre société, il va y avoir plus de gens qui vont être à la retraite, qui vont avoir des fonds puis des moyens, qui vont pouvoir choisir. Si on ne leur donne pas un service qui a du bon sens, ils vont dire: Je vais ailleurs le prendre. Puis ça va être irrésistible, là. C'est irrésistible. Je ne pense pas qu'aucun homme politique, aucune femme politique va pouvoir résister à ça, tu sais. Ça va être...

Donc, le remède, c'est qu'il faut faire les transformations et, si nécessaire, mettre un peu plus de ressourcesaprès, de façon à ce que le système public performe. Faire les transformations, on parle ici, naturellement, des choses médicales, parce que c'est notre domaine, je n'aime pas me prononcer sur les autres domaines, mais il y a beaucoup de travail à faire aussi ailleurs. Il y a beaucoup de travail au niveau des conventions collectives, de l'organisation du travail dans les hôpitaux, dans le financement des immobilisations. Il y a beaucoup de travail à faire ailleurs.

Donc, actuellement, là, il ne faudrait pas qu'on laisse tomber le système public en disant: Il y a une autre solution. Puis des promoteurs vont développer une alternative, là. C'est ça qui nous guette. C'est ça. Et, nous, comme Conseil médical, ce qu'on essaie de faire, c'est de dire: Écoutez, là, les changements sont peut-être difficiles culturellement, mais il faut les faire, sinon, regardez où est-ce qu'on va se retrouver.

Tous les médecins un peu plus âgés se rappellent quand les clients n'avaient pas d'argent pour payer. Puis il fallait discuter, là: Bien, écoute, ça serait bien mieux que tu te fasses opérer. Oui, mais, docteur, je ne suis pas capable de me faire opérer, là. Bon, bien, donne des pilules. Parce que c'est tout ce qu'on peut faire, là. Je pense qu'il n'y a aucun médecin qui veut revoir ça, qui veut revoir ce phénomène-là, tu sais. Bon. Alors, à ce moment-là, peut-être que, collectivement, les médecins vont dire: On va se prendre en main. Mais ce n'est pas assez. Quand bien même les médecins se prendraient en main, quand bien même ils changeraient leur mode de rémunération, il y a toute une dynamique du système, en particulier les conventions collectives, qui... ça ne fonctionne pas tellement.

Il y a trois verrous dans notre système de santé, puis il faut les faire sauter tous les trois et simultanément. Il y a le verrou de la rémunération des médecins et de l'organisation du travail. Ça, c'est notre domaine. Puis c'est pour ça qu'on parle de celui-là, c'est notre... Il y a l'organisation du travail puis les conventions collectives, qui est un verrou épouvantable. Puis, troisièmement, il y a le corporatisme interprofessionnel, qui bloque l'avancement, qui empêche des professionnels de faire des tâches, de libérer les tâches d'un autre. Nos lois corporatives sont tellement restrictives que, bon, l'infirmière auxiliaire ne peut pas faire ça, l'infirmière peut faire ça, puis le médecin ne peut pas faire ça. Puis c'est des lignes qui sont très arbitraires, hein. C'est des lignes...

Ces trois verrous-là, c'est des phénomènes qui, si on ne passe pas à travers, eux, ils vont passer à travers notre système. Mais, nous, on s'occupe premièrement de notre cour, qui est les services médicaux. On n'est pas pour aller critiquer les conventions collectives, là, alors qu'on a pas mal de problèmes dans notre cour.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Iglesias. M. le député de Masson... je m'excuse, de l'Assomption.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Vous avez demandé la parole?

Une voix: La députée de Mille-Îles.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Ah! C'est Mme la députée de Mille-Îles. Je m'excuse.


Effets du mode de rémunération à l'acte

Mme Leduc: Oui. C'est juste une réflexion, en tout cas. Parce que, suite à la question de la députée, on a parlé, en ophtalmologie, des chirurgies électives, qu'on avait un problème là. Et vous avez dit: Bon, on a déplaffonné. Mais, moi, je sentais un peu aussi, par votre réponse: si ce déplafonnement-là est utilisé pour faire des actes autres, on n'aura pas réglé le problème. Est-ce que j'ai bien senti ça?

M. Iglesias (Juan Roberto): Oui. Le plafonnement a été pour les actes que le ministère a identifiés comme étant prioritaires.

Mme Leduc: O.K. Bien spécifiés.

M. Iglesias (Juan Roberto): Oui, oui.

Mme Leduc: O.K. Bon. C'était ça, mon...

M. Iglesias (Juan Roberto): Mais ce que je voulais dire, c'est que c'est récent.

Mme Leduc: Oui. O.K. D'accord.

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est un phénomène récent.

Mme Leduc: Non, non, mais vous me rassurez parce que, moi aussi...

M. Iglesias (Juan Roberto): Ça n'a pas encore d'impact.

Mme Leduc: ...je me disais: on a déplafonné, puis ça ne réglera pas le problème. Mais non, puisque c'était pour des actes bien précis, à ce moment-là, ça va aller où on pense que les besoins sont...

M. Iglesias (Juan Roberto): Ça devrait aller là, mais...

Mme Leduc: Ça devrait. Je sens encore votre...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Iglesias (Juan Roberto): ...c'est trop récent.

Mme Leduc: O.K.

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est trop récent. Parce que le mode de rémunération à l'acte, c'est d'une complexité. Vous ne pouvez pas savoir comment est-ce qu'on... On joue avec un bouton puis on pense que ça va sortir vers le haut puis ça sort sur le côté puis c'est, quand je vous dis... Mais j'ai tellement vu de manipulations de ce mode-là que je me dis, là... Moi, j'appelle ça... j'emploie l'expression, avec le Conseil: c'est le coucou, un coucou. Un coucou, c'est – mon père est horloger – plein de broches en dedans. Quand on tord une broche, le petit bonhomme sort à droite, le petit bonhomme sort à gauche, il ne sonne plus les heures. C'est d'une complexité, une mécanique extrêmement complexe, la tarification à l'acte. Donc, quand je semble exprimer des doutes, c'est que ça ne fait pas assez longtemps que c'est là, puis on ne sait pas quels autres effets que ça peut avoir. On ne sait pas quels effets que ça peut avoir.

Il se peut, par exemple, que les ophtalmologistes disent: Dans le fond, pour quoi faire, augmenter les cataractes? Les cataractes, c'est quand même une opération délicate. Bah! Je suis peut-être mieux d'en faire trois de plus puis de faire six examens non assurés de plus. Peut-être que c'est ça, la combinaison, là, tu sais. Alors, j'ai hâte de voir. J'espère que oui. Mais c'est quand même un acte, dans la logique actuelle du système, avec du bon sens. C'est quelque chose qui devrait donner un résultat. Mais je veux le voir, le résultat.


Pénurie de radio-oncologues

Mme Leduc: O.K. Maintenant, on a entendu beaucoup parler de pénurie de radio-oncologues, en radio-oncologie, puis avec les conséquences que ça a. Maintenant, on me donnait, moi, comme information, qu'il y avait eu, dans le fond, pas nécessairement des départs pour aller pratiquer ailleurs, mais vraiment, quand on avait prévu les effectifs médicaux, on en avait prévu un certain nombre et que finalement les étudiants ont abandonné ces études-là ou ont décidé d'aller gagner leur vie dans une autre pratique. Avez-vous des idées comment, dans le fond, ou quelles sont les raisons qui font... Ce n'est pas l'attirance des États-Unis ou autre chose, là, c'est vraiment de dire: Cette pratique-là, finalement, n'attire pas ou ne retient pas les étudiants qui choisiraient cette pratique-là. Est-ce que vous avez des idées là-dessus ou une façon où on pourrait faire que nos prévisions se réalisent finalement? Nos prévisions et les vôtres, parce que c'est toujours de concert.

M. Iglesias (Juan Roberto): Il y a deux éléments en radio-oncologie par rapport... C'est un dossier qui est très complexe, dont un volet est le médecin. Mais, si on regarde ce volet-là, effectivement, il y a eu des abandons au niveau de la spécialité. Puis les causes d'abandon, on les a examinées. Et on les a examinées, les causes d'abandon – pas seulement la spécialité, mais dans les autres – dans un des derniers avis qui porte le nom de Les effectifs médicaux spécialisés: mythes et réalités . Et, dans cet avis-là, on s'attarde: Pourquoi les jeunes médecins qui s'en vont vers les spécialités peuvent abandonner et abandonnent?

Dans le cas de la radio-oncologie, c'est assez évident, les raisons, puis ça rejoint les raisons générales que l'on donne dans l'avis. La radio-oncologie, c'est une spécialité qui, au Québec, jusqu'à tout récemment, n'était pas considérée comme très rémunératrice. Deuxièmement, c'est une spécialité lourde au point de vue type clientèle que l'on traite. C'est quand même lourd. C'est des patients qui ont le cancer, puis ils ont tous le cancer. Sauf quelques exceptions, ils ont tous le cancer. Donc, c'est une clientèle lourde, physiquement puis émotivement, à porter. O.K.?

C'est une pratique également qui est dépendante d'un plateau technique très spécialisé. Ça veut dire que, si vous n'avez pas une machine, vous êtes un radio-oncologue, vous ne faites rien. C'est comme un pilote qui n'a pas d'avion, il ne pilote pas. Déjà, il peut avoir un simulateur chez lui sur son PC. Mais, dans ce cas-là, dans le cas des radio-oncologues, s'il n'a pas de plateau technique, s'il n'a pas d'accélérateur linéaire, puis s'il n'en a pas un dans son sous-sol ni dans sa clinique, il ne pratique pas. Donc, il y a une crainte, d'un côté, que la spécialité soit lourde pour les... il y a une crainte qu'elle ne soit pas trop rémunératrice puis que les places soient très limitées, parce que les plateaux techniques sont quand même assez limités, au Québec. Ça, combiné ensemble, ça fait qu'il y a eu des abandons.

(16 h 40)

Il y a un deuxième phénomène aussi qu'on mentionne dans l'avis Mythes et réalités . C'est qu'il y avait des effectifs qui étaient prévus, qui étaient dans le tuyau de formation, mais ces effectifs-là n'étaient pas pour le Québec, ils étaient pour d'autres provinces, par exemple, au Nouveau-Brunswick, ou les francophones de l'Ontario, pour l'Ontario francophone. Et ils étaient inscrits chez nous, mais ils n'étaient pas pour nous autres. C'était déjà décidé qu'ils s'en allaient ailleurs. Ça fait que, si on les comptait comme des soldats qui allaient arriver au front, bien, ils ont pris le bord soit de la 401 ou bien le bord de l'autre côté. Alors, c'est ces deux phénomènes-là qui se sont combinés.

Maintenant, les conditions se sont améliorées. Les jeunes voient maintenant qu'il y a des plateaux techniques au Québec. Puis il y en a qui sont en construction, donc ça retient. Deuxièmement, ils voient l'intérêt que le public a porté à la spécialité. Puis il y a eu également des améliorations par le mode mixte, justement, par le mode... C'est une spécialité qui va bénéficier... qui va être rehaussée. Alors, j'espère que...

Par contre, il y a des aspects très attirants dans cette spécialité-là. C'est une spécialité qui est en pleine évolution. C'est une spécialité qui a beaucoup de nouveaux moyens qu'elle n'avait pas pour offrir aux patients. Il va y avoir la combinaison de la radio-oncologie avec des médicaments marqués spéciaux qui vont aller se fixer, puis ils vont aller attaquer avec des rayons pour détruire les cellules. Il y a toutes sortes... C'est presque le «star war» de la médecine, donc très technologiquement attirant aussi.

C'est également une spécialité qui peut être modulée en termes d'heures, c'est-à-dire qu'ils peuvent travailler fort, mais ils vont travailler sur des horaires fixes. Par exemple, pour quelqu'un qui veut prendre soin d'une famille, c'est possible d'avoir un horaire qui est assez régulier. Il n'y a pas d'appel le soir, en général. Donc, il peut y avoir des attraits que les gens maintenant apprennent à mettre en valeur aussi. Ils se sont rendus compte qu'il fallait vendre la spécialité aux étudiants et aux étudiantes, qu'il fallait la rendre attirante au point de vue technique, au point de vue professionnel, au point de vue humain, au point de vue rémunération. Puis je pense que les gens ont appris des événements qui se sont passés. Jamais personne n'aurait imaginé qu'on allait envoyer nos patients aux États-Unis. Donc, c'est une espèce, entre guillemets, de gifle dans la face de la médecine québécoise, tu sais.

Mme Leduc: Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la députée de Bourassa.


Postes de résidence postdoctorale non comblés

Mme Lamquin-Éthier: Je reçois de l'Association des médecins multiethniques diplômés hors Canada, une lettre dans laquelle on porte certains faits à mon attention. On dénonce particulièrement qu'il existerait actuellement 742 postes de résidence postdoctorale non comblés. Est-ce que vous pouvez avoir connaissance de ces faits-là? Est-ce que c'est possible, à votre connaissance?

M. Iglesias (Juan Roberto): Certainement pas dans un an. Peut-être que l'Association fait allusion à un certain nombre de postes en spécialité pendant un certain nombre d'années. Donc, x multiplié par y égale 700 et quelque chose. Mais, écoutez, habituellement, il y a... Des entrées en spécialité par année, c'est combien? C'est...

Mme Girard (Marie): C'est 330. Puis on en compte 276, 290, selon les années. Donc, si on prenait sur cinq ans...

M. Iglesias (Juan Roberto): Ça en ferait 200.

Mme Girard (Marie): Ça en ferait 200.

M. Iglesias (Juan Roberto): Il y a environ 40 postes qui ne sont pas comblés, de spécialité, 40 ou 45 postes qui ne sont pas comblés en spécialité. En médecine de famille, ils sont tous comblés, même en surnuméraire. Donc, il faudrait aller probablement sur 12 ans: 45 multiplié par 12, on approcherait le chiffre. Il doit manquer une partie de l'équation.


Manque de médecins dans les centres d'hébergement

Mme Lamquin-Éthier: Est-ce qu'il est plus facile aujourd'hui d'avoir des médecins pour les centres d'hébergement et de soins de longue durée ou est-ce que la situation est à peu près la même, c'est-à-dire que ce n'est pas facile pour les établissements de recruter et de retenir des médecins pour ces établissements-là?

M. Iglesias (Juan Roberto): Ce n'est toujours pas facile.

Mme Girard (Marie): Oui, malgré une bonification du niveau de rémunération qui s'est faite en juin 1998 – c'est-à-dire qu'il n'y a pas la pénalité des trois premières années de pratique, même en région universitaire – il y a tout de même des difficultés à cette clientèle-là.

Mme Lamquin-Éthier: Est-ce qu'il y a des moyens d'arriver à rendre ce lieu ou cette pratique-là plus attrayante? Est-ce qu'il serait mieux de procéder de façon incitative ou est-ce qu'il serait mieux de procéder de façon peut-être plus coercitive? Quel est votre opinion?

M. Iglesias (Juan Roberto): Certainement pas coercitive. C'est des clientèles qui sont particulières, donc ça prend un goût professionnel puis un attrait professionnel pour s'occuper de ça. C'est des clientèles qui sont très importantes, donc il ne faut pas envoyer le service militaire là. On a déjà un peu l'équivalent du service militaire, ce qui s'appelle les AMP, les activités médicales particulières auxquelles sont soumis les jeunes médecins de 10 ans et moins. Ils doivent faire un certain nombre d'activités. Puis ça a aidé à résoudre un certain nombre de problèmes de ce type-là où la régie régionale met sur la liste des activités médicales particulières qui sont prioritaires, les centres d'accueil, les centres d'hébergement. Et, à ce moment-là, ça a résous pas mal de problèmes. Encore une fois, le département probablement va aider là-dedans lorsqu'il va être...

Mme Lamquin-Éthier: Les DRMG?

M. Iglesias (Juan Roberto): Oui. C'est une des choses qu'il peut régler. Là, je vous ai dit tantôt qu'il y avait des choses qu'il pouvait régler, et c'est vrai qu'il y a des choses qu'il peut régler. Moi, j'espère que ça pourrait être réglé, parce que ça prend vraiment... Ça ne prend pas des effectifs énormes pour régler ça. Ça prend un petit nombre d'équivalents temps plein motivés qui dédient une partie de leurs activités ou quelques-unes ou toutes leurs activités à ça. Ce n'est pas l'armée complète des docteurs de la région. Et je pense qu'ils sont capables de régler ça. Surtout que maintenant ils ont quelques mesures incitatives qui sont intéressantes, par exemple, pour un jeune médecin, il va être payé à 100 %, les tarifications horaires qui ont été établies également, qui libèrent de l'acte, ce qui était très lourd, ce qui n'était pas très, très rentable pour ces endroits-là.

Mme Girard (Marie): En plus de la garde en disponibilité aussi, qui est maintenant rémunérée en CHSLD.

M. Iglesias (Juan Roberto): Il y a eu une amélioration. Ce n'est pas encore... C'est un des problèmes qui s'est amélioré avec... Mais il reste encore des endroits où il n'y a pas de disponibilité suffisante de médecins.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


Politique triennale d'inscriptions dans les programmes de formation

M. Copeman: Merci, Mme la Présidente. Au sujet de la planification sur la politique triennale, des inscriptions dans les programmes de formation, les doctorats, les postdoctorats en médecine, vous faites des références, à la page 5 de votre document, à des lacunes à cet égard. Pouvez-vous peut-être nous en parler un peu plus? Vous l'avez signalé en juin 1994. Est-ce que c'est toujours le cas? Quelle est la situation, avec cette politique triennale des inscriptions?

M. Iglesias (Juan Roberto): Nous, on souligne deux types de problématiques principales. Il y en a un qui est l'envers de la médaille d'un avantage. L'effectif médical au Québec est planifié en concertation, c'est-à-dire qu'il y a la table de concertation qui rassemble le ministère avec les régies régionales, les universités, les fédérations médicales, puis il y en a d'autres, là. Ils sont là puis ils décident, ils préparent la politique d'entrée avec le nombre de médecins. O.K.? C'est la base, c'est là que le travail s'est fait en concertation. Et c'est un point très positif que ça se fasse en concertation parce que, s'il y a une augmentation, les gens doivent être d'accord, il y a des conséquences pour tout le monde. S'il y a une diminution, il y a des conséquences pour tout le monde. Alors, c'est très bien que ce soit fait en concertation, puis on espère que la concertation va continuer.

Cependant, on a souligné un problème. C'est que de plus en plus il y avait une tendance, à la table de concertation, à défendre des intérêts très, très pointus et corporatifs. Et, à ce moment-là, ça devenait difficile de planifier, en particulier la répartition dans les spécialités. Les considérations qui sont amenées à la table – et c'est ça qu'on souligne – sont parfois plus de l'ordre des préoccupations d'une association que des besoins du Québec en termes de... On a souligné ce point-là et on disait: Le ministère devrait prendre un leadership plus grand par rapport à cet exercice-là. Soit qu'il mandate quelqu'un comme nous pour le faire ou soit qu'il se crée dans son ministère un groupe d'experts pour préparer les travaux et ne pas dépendre uniquement de l'avis de la table, mais amener un input puis le valider auprès de la table, oui, mais ne pas se laisser uniquement tirer par la table de concertation, qui actuellement, depuis quelques années, semble avoir une tendance plus corporative et plus d'intérêts sectoriels. Ça, c'est le premier problème qu'on souligne. Et la solution, je pense que le ministère l'a adoptée, c'est que, dans la restructuration qu'il fait, il a créé un groupe bien spécifique, une direction sur la préoccupation de l'effectif médical. Donc, je pense que ça, ça été...

Le deuxième aspect, c'est des problématiques d'ordre plus technique. C'est que le modèle de projection québécois part d'une hypothèse qu'en 1986 nous étions à l'équilibre au point de vue des effectifs médicaux. On part de ce point là. On dit: En 1986, on accepte comme un postulat qu'on était à l'équilibre. Et là on projette le nombre de médecins, la démographie des médecins, puis on compare avec 1986 en augmentant les besoins seulement d'un facteur pour le vieillissement de la population. Bon. C'est un modèle purement démographique.

(16 h 50)

Et, nous, on soulève que non seulement il y a des facteurs de vieillissement, mais il y a d'autres facteurs. Il y a des modalités de pratique extra-hospitalière. La façon de donner les soins a changé complètement. La technologie a changé. Les maladies ont changé. Alors, on dit: Est-ce que le modèle de 1986 que l'on a pris, on peut le projeter indéfiniment jusqu'à l'année 2000 je ne sais pas trop combien? C'est difficile à dire, parce que, en plus, on projette très loin. Je pense que c'est Mme la Présidente qui a souligné que ça prenait du temps, former des médecins. Alors, on projette sur 10 ans, 15 ans, 20 ans. Bon, mais il faut faire attention, tu sais. On est déjà 14 ans en arrière, par rapport au point de départ. Et là on se projette 10 ans en avant? C'est 24 ans, là. À la vitesse où la pratique médicale évolue, il faut faire attention. On disait: On devrait faire plus de consensus sur les besoins d'aujourd'hui puis dans cinq ans que de se fier uniquement sur un modèle qui vient de projections de 1986. C'est les deux grands points de difficulté.


Remarques finales

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Dr Iglesias. D'autres interventions? Alors, ceci va mettre fin à nos discussions. Je demanderais à Mme la députée de Mille-Îles si elle veut bien remercier nos invités pour la partie ministérielle.

Mme Leduc: Ça me fait plaisir de vous remercier de votre participation. Et je voudrais quand même, avant de conclure... Dans le fond, vous l'avez dit en réponse sur la table de concertation pour les effectifs médicaux, c'est vrai qu'il y a une direction générale, dans la restructuration du ministère, qui a été formée, qui entre en fonction – c'est tout récent – qui va pouvoir voir à cette réponse-là.

Et, peut-être, il a donné une note personnelle aussi. Quand vous dites: Ça prend du temps à former des médecins, je dois dire que, personnellement, ma fille est dans le domaine médical et, quand elle est entrée en médecine, on lui a dit: Vous allez être les spécialistes de l'an 2000. Pour elle, c'était vraiment trop loin, et elle termine sa formation actuellement, alors c'est vrai que ça prend du temps. Et, dans le fond, j'avais une oreille à la fois de députée, mais à la fois aussi personnelle aux problèmes que vous souleviez dans la façon de former les médecins.

Moi, ce pour quoi je voudrais vous remercier, c'est que, dans le fond, votre discours était clair, les informations étaient précises, et ça a été précieux pour nous, comme députés, d'entendre ces informations-là. Et ce qui m'a aussi... c'est que vous n'occultez pas les difficultés. Mais, moi, aujourd'hui, ce que j'en ressors, après vous avoir entendu, c'est que, oui, il y a des difficultés, il y a des constats qui sont faits, mais, d'après vous, il y a des solutions. Et je pense qu'on va essayer de travailler ensemble à la fois comme députés et comme parlementaires à trouver ces solutions-là. Et je pense que c'est ça qui est aussi important dans la consultation d'aujourd'hui. Pour moi, c'est ce que je retiens de votre présentation. Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme la députée de Mille-Îles. Mme la députée de Bourassa, au nom de l'opposition.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, Mme la Présidente. Donc, au nom de mes collègues, au nom de ma formation politique et en mon nom personnel, merci de nous avoir rencontrés. Donc, merci au Dr Girard, merci au Dr Iglesias et merci également, Mme Ulrich. J'ai bien hâte de lire votre avis, notamment sur... Je sais maintenant que ce n'est pas formellement... Mais le rapport en remet. En tout cas, le comité sur la privatisation des services médicaux...

M. Iglesias (Juan Roberto): ...deux.

Mme Lamquin-Éthier: Oui. J'espère que vous allez pouvoir respecter la date du dépôt. Extrêmement intéressant. Il y a beaucoup d'études, beaucoup de comités, beaucoup de structures. On aurait peut-être effectivement plus intérêt à favoriser la concertation parce que, dans la réalité, les gens n'ont pas toujours accès aux services qu'ils souhaitent et, si oui, pas toujours de façon continue. Je pense qu'il faut encourager les efforts, les initiatives qui visent à satisfaire les besoins et les attentes des personnes qui en ont besoin.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): J'ajoute ma voix à celle de mes collègues pour vous remercier également, vous dire que ça a été une discussion très enrichissante, éclairante surtout et, en même temps, vous dire que, si jamais la commission des affaires sociales pouvait vous être utile dans quoi que ce soit, ça nous fera toujours plaisir. Et je pense qu'on pourrait peut-être vous rencontrer plus souvent, à l'avenir. Je me rends compte que ça nous permet vraiment de nous donner un bon éclairage et de mieux comprendre aussi les difficultés qu'il y a à surmonter. Et, comme Mme la députée de Mille-Îles le disait, il y a également des solutions. Il s'agit maintenant de les mettre en place et de voir à l'évolution du système. Alors, encore une fois, merci infiniment. Ça a été très, très agréable.

Et j'ajourne sine die la commission.

(Fin de la séance à 16 h 54)


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