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Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Wednesday, February 23, 2000 - Vol. 36 N° 26

Consultation générale sur le document intitulé Évaluation du régime général d'assurance médicaments


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Yves Beaumier, vice-président
Mme Pauline Marois
M. Yvon Marcoux
M. Russell Williams
Mme Nicole Loiselle
M. Henri-François Gautrin
M. Gilles Labbé
M. Russell Copeman
*M. Yves Lamontagne, CMQ
*M. André Jacques, idem
*M. André Garon, ide
* M. André Marcheterre, Rx & D
*M. Jean-Michel Halfon, idem
*M. Aldo Baumgartner, idem
*M. Alain Boisvert, idem
*M. Pierre Gauthier, FMSQ
*M. Simon Martel, idem
*M. Jean-Marie Albert, idem
*M. Paul Saba, La Coalition des médecins pour la justice sociale
*Mme Patricia Lefebvre, APES
*Mme Manon Lambert, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Quatorze heures cinq minutes)

Le Président (M. Beaumier): Alors, je constate qu'il y a quorum. Je rappelle que le mandat de la commission est le suivant. La commission des affaires sociales est réunie afin de procéder à une consultation générale et de tenir des audiences publiques sur le rapport d'évaluation du régime général d'assurance médicaments.

Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y aurait des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François) sera remplacée par M. Williams (Nelligan) et Mme Lamquin-Éthier (Bourassa) par M. Marcoux (Vaudreuil).


Auditions

Le Président (M. Beaumier): Merci. Alors, au cours de cet après-midi, nous allons entendre le Collège des médecins du Québec, ensuite Les Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada recherche et développement, la Fédération des médecins spécialistes du Québec, La Coalition des médecins pour la justice sociale, enfin l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec.

Alors, j'inviterais le Collège des médecins du Québec, et puis c'est M. Lamontagne qui est le président?

M. Lamontagne (Yves): Oui.

Le Président (M. Beaumier): Alors, j'aimerais que vous nous présentiez les personnes qui vous accompagnent. Le déroulement sera le suivant: vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire et, ensuite, il y a 30 minutes également partagées entre l'opposition et l'aile parlementaire gouvernementale. Bonjour, M. Lamontagne. On y va.


Collège des médecins du Québec (CMQ)

M. Lamontagne (Yves): M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les parlementaires, d'abord, je voudrais vous présenter ceux qui se sont joints à moi: à ma gauche, le Dr André Garon, qui est le secrétaire général adjoint du Collège aux affaires extérieures; et, à ma droite, le Dr André Jacques, qui est le directeur de l'amélioration de l'exercice.

Je vous dirai d'abord que le Collège des médecins, bien sûr, désire vous remercier de l'invitation que vous nous avez faite de formuler une opinion à l'égard du rapport sur l'évaluation du régime d'assurance médicaments.

Comme vous le savez, le Collège des médecins a d'abord pour mission de promouvoir une médecine de qualité pour protéger le public et contribuer à l'amélioration de la santé des Québécois. Et c'est non seulement en raison de cette mission, mais aussi parce que, bien sûr étant médecins, la prescription du médicament constitue l'intervention thérapeutique de premier choix pour prévenir et traiter la maladie que nous sommes devant vous aujourd'hui, comme ce fut le cas d'ailleurs lors de la mise en place du régime. À ce moment-là, le Collège avait insisté, entre autres, sur les aspects suivants, c'est-à-dire: le système d'assurance doit couvrir tous les médicaments d'ordonnance qui sont médicalement requis; toute contribution éventuelle exigée de l'usager ne doit pas pénaliser les gens à faibles revenus ni limiter leur accès au régime; les médicaments prescrits à un patient doivent être accessibles, que les services soient rendus en établissement ou en ambulatoire; le système doit permettre la collecte des données nécessaires à l'installation de mécanismes de contrôle qui visent une meilleure utilisation des médicaments; et enfin, le médecin doit pouvoir choisir le médicament qu'il juge requis par la condition du patient, à l'intérieur de certaines règles définies par les organismes professionnels responsables.

Tout d'abord, la place du médicament dans le traitement du malade. Je pense que, ça aussi, vous le savez de plus en plus et, au fur et à mesure que la recherche avance, la thérapie médicamenteuse remplace maintenant d'autres approches thérapeutiques. Prenons comme exemple les ulcères d'estomac qui conduisaient à une chirurgie de l'estomac dans le passé, bien ils sont maintenant traités de manière beaucoup plus efficace et efficiente par des médicaments. On pourrait vous donner des exemples pour les maladies cardiovasculaires, en pneumologie, l'asthme par exemple, pour traiter des maladies mentales, etc. Donc, ces conduites thérapeutiques introduites par les nouvelles technologies médicamenteuses sont aussi bonnes pour le malade, et je pense aussi, qu'intéressantes pour la société, et ça, aux plans économique et social. Dit autrement, la place du médicament doit donc être examinée aux côtés des autres composantes du système de soins. L'opportunité d'utiliser un nouveau médicament peut nécessairement supplanter l'opportunité d'utiliser par exemple un lit d'hôpital ou une salle d'opération.

En ce qui a trait aux commentaires généraux sur le régime, bien, brièvement, je vous dirais que le Collège veut d'abord souligner tout l'intérêt de la présente démarche d'évaluation à laquelle on s'est obligé collectivement, par la loi, après trois années d'expérience. Je crois également que c'est une pratique d'ailleurs qu'il y aurait lieu de reproduire en bien d'autres matières parce qu'elle oblige à faire le point. Le Collège est très favorable à l'égard de la portée universelle de ce régime, son caractère privé-public, de même que les objectifs qu'il poursuit, à savoir assurer un accès raisonnable et équitable au médicament requis par l'état des personnes. Le Collège a aussi une perception positive des impacts du régime, à savoir des gains réels au plan de l'accessibilité et de l'équité, en particulier depuis que des correctifs pourtant fort simples mais non moins importants ont été apportés au bénéfice de clientèles particulièrement vulnérables.

(14 h 10)

Cela dit, nous entretenons deux types d'inquiétudes à l'égard du régime. D'abord, l'augmentation rapide des coûts du régime associée à l'arrivée d'un grand nombre de nouvelles molécules, toutes plus dispendieuses les unes que les autres, peut conduire à des retards de l'assureur à inscrire de nouveaux médicaments à la liste. Ce faisant, on pourrait ne plus rencontrer la raison d'être du régime, qui est pourtant d'assurer un accès au médicament requis, selon les normes d'exercice reconnues. Notre seconde inquiétude – et c'est là l'essentiel, je pense, de notre message d'aujourd'hui – concerne le fait que l'administration de ce régime et les scénarios qui sont envisagés pour l'améliorer relèvent d'une approche strictement comptable et actuarielle sans tenir compte d'une approche d'assurance qualité. Aussi, le reste de notre intervention portera donc nécessairement sur la nécessité d'intégrer des mécanismes d'assurance qualité dans la gestion du régime.

Je vous dirai que l'approche ou les réflexes d'un assureur sont bien connus. Pour équilibrer ses dépenses avec ses revenus, il cherchera tantôt à sélectionner la clientèle, tantôt à diminuer la couverture, tantôt à augmenter la prime. Dans le cas présent, le régime interdit la sélection des clientèles. Il a pour objectif d'offrir une couverture adéquate en termes de médicaments assurés, ce qui a pour effet d'ajouter à la liste et d'en accroître les coûts. Il ne reste donc plus qu'une alternative, soit d'augmenter les revenus d'une source ou l'autre, puisque le régime doit s'autofinancer.

Sans banaliser, je vous dirais, cette approche comptable, nous revenons à la charge pour plaider l'opportunité de partager les termes d'un nouveau paradigme. Suivant l'ère des compressions budgétaires des dernières années, désormais les économies à réaliser le seront par le rehaussement de la qualité des soins, et plus spécifiquement par l'amélioration de la pertinence des actes posés et des ordonnances prescrites, de même que par la prévention des complications. En d'autres termes, la maîtrise des dépenses de santé et l'accroissement de la performance clinique iront de pair. Ils requerront la sensibilisation des malades et des médecins quant aux conduites les plus appropriées pour mieux utiliser des ressources à leur disposition.

Pour y arriver, bien sûr il faudra le plus rapidement possible instrumenter les médecins, les Conseils des médecins, dentistes et pharmaciens et les ordres professionnels concernés. Il faudra donc une instrumentation qui prend appui sur le principe d'indépendance professionnelle lequel exige une rigueur dans l'usage du savoir et des ressources disponibles. Nous sommes donc persuadés que l'un ou l'autre des scénarios qui sera retenu pour équilibrer les dépenses et les revenus du régime devra nécessairement être complété d'une approche dont l'objectif premier est la qualité des soins aux malades.

Alors que l'accessibilité est une composante essentielle de la qualité des soins et des services, le corollaire signifie que la qualité ne se résume pas à l'accessibilité. La pertinence, l'efficacité, l'efficience sont d'autres dimensions qui participent à la qualité, voire même à sa composante d'accessibilité. Ainsi, du point de vue des médecins, la pertinence d'une prescription médicamenteuse, en termes de choix de médicament, de posologie d'administration, eu égard à la condition de santé, à d'autres médicaments prescrits et à d'autres approches thérapeutiques, est un élément clé de la qualité des soins médicaux. Nécessairement, un mauvais usage du médicament par le médecin qui le prescrit peut donc conduire à des effets indésirables, à d'autres problèmes de santé et, bien sûr, à d'autres dépenses bien plus grandes. Du point de vue du consommateur de médicaments, les problèmes de fidélité au traitement comptent également pour beaucoup dans l'histoire naturelle de sa maladie et donc dans l'accroissement ou la réduction des dépenses de santé. En conséquence, il est impératif de développer un plan d'action dirigé simultanément à l'endroit du médecin, du malade et de la population en général et visant une utilisation judicieuse du médicament.

Ce plan d'action doit nécessairement comprendre des activités ciblant l'acquisition de connaissances et des changements de comportement. Relativement à la connaissance, le premier aspect a trait à l'information sur la médication prise par le malade. Souvent, les médecins ne savent même pas ce que leurs collègues ont prescrit à leurs patients et certains avancent que 60 % des médicaments utilisés ne sont pas prescrits par le médecin de famille attitré du patient. À ce sujet, la Loi de l'assurance médicaments devrait permettre à la Régie de l'assurance maladie de constituer un fichier permanent où tout médecin pourrait y accéder, conformément bien sûr au consentement du malade, pour connaître toute la médication que celui-ci est censé prendre, qu'elle soit couverte par le régime public ou les régimes privés. Il en va de la protection de la santé et de l'amélioration des soins.

Il faut aussi pouvoir interroger sur une base non nominative un tel fichier pour mieux connaître l'emploi des médicaments en vue de cibler les interventions générales ou particulières qui doivent être faites auprès des médecins ou de la population. Et ces interventions pourraient prendre différentes formes comme, par exemple: l'accès à des aviseurs thérapeutiques au moyen de l'inforoute de la santé; la production et la diffusion auprès des médecins de lignes directrices dont le contenu fait l'objet de consensus, tant chez les pairs qu'auprès de la communauté scientifique; l'envoi d'un profil de prescription permettant de situer le médecin en rapport avec une pratique généralement admise et de lui donner de la rétroaction pour le soutenir dans sa démarche d'amélioration de son exercice; des campagnes d'information aux médecins visant par exemple à baliser le phénomène de la promotion «du dernier médicament à prescrire à tout prix»; des activités de formation décentralisées et adaptées aux besoins des médecins; des lignes d'information 1-800, certaines dédiées aux médecins, d'autres à la population, pour soutenir la meilleure utilisation possible des médicaments; des programmes de soutien à l'observance; et enfin, des programmes de sensibilisation sur l'usage rationnel du médicament en vente libre et sur ordonnance.

À la limite, à partir de consensus scientifiques et cliniques larges, on pourrait se permettre d'examiner s'il y a lieu et dans quels cas, conditions et circonstances il peut être avantageux de moduler la participation financière des malades pour valoriser la bonne utilisation de médicaments.

Actuellement, le Collège a déjà mis en place d'ailleurs des programmes qui visent à améliorer l'usage de certains médicaments, qu'on pense au benzodiazépine par exemple, ou encore aux anti-inflammatoires non stéroïdiens, et, à cet effet, le Collège est bien placé, croyons-nous, pour intervenir auprès de ses membres, tant en raison de sa compétence que de sa crédibilité. De notre point de vue, le Conseil consultatif de pharmacologie réalise des travaux qui méritent d'être soulignés, mais il souffre de sa proximité avec l'assureur public. Concernant le Comité de revue de l'utilisation des médicaments prévu par la Loi sur l'assurance médicaments, nous ne pouvons que constater toutes les limites de son action auprès des médecins. Enfin, nous déplorons que le Réseau de revue d'utilisation des médicaments, dont l'action était tournée essentiellement vers la prescription en établissement, devienne inopérant faute d'un financement.

De façon souhaitable, on pourrait dire qu'on comprend bien que les assureurs, qu'ils soient privés ou publics, aient des agendas qui leur soient propres. Quant à nous, nous avons un mandat qui est essentiellement de protéger le public en améliorant la qualité de la médecine. Quant aux mandats des différents organismes reliés au régime d'assurance médicaments, nous croyons que les améliorations les plus substantielles visant l'utilisation judicieuse du médicament seront apportées en procurant aux gens concernés les moyens qu'il leur faut. Parmi ces moyens, certains doivent miser sur les compétences des ordres professionnels, en particulier l'Ordre des pharmaciens et le Collège des médecins. Individuellement ou conjointement, de notre propre initiative ou à partir de commandites de l'un ou l'autre des assureurs, public ou privés, nous sommes prêts à examiner plus attentivement l'utilisation de certains médicaments en vue d'agir auprès de nos professionnels dans une optique positive et constructive cherchant à les soutenir dans la prescription de médicaments.

En conséquence, nous envisageons d'un très mauvais oeil la proposition apportée dans le document intitulé Les pistes de révision et visant à fusionner le Conseil consultatif de pharmacologie et le Comité de revue de l'utilisation des médicaments. Nous sommes plutôt d'avis qu'une telle fusion, en plus d'alourdir la bureaucratie, deviendra une condition perdante dans la recherche d'une meilleure utilisation des médicaments, et cela, pour deux raisons: premièrement, le manque de crédibilité auprès des médecins d'une structure qui serait reliée étroitement à l'assureur, compte tenu du mandat qu'on lui réserve, et, deuxièmement, le manque d'articulation avec les ordres professionnels qui sont les mieux placés pour intervenir auprès des professionnels, compte tenu de leurs mandats et de leurs expertises.

En outre, nous doutons sérieusement du bien-fondé de faire un lien entre l'utilisation d'un médicament et son inscription ou non à la liste, tel qu'on le suggère en page 12 du même document. Un médicament ne doit pas être inscrit ou retiré de la liste en fonction de la qualité de son utilisation, mais bien plus en fonction de son efficacité thérapeutique.

Par ailleurs, nous croyons que le Conseil consultatif de pharmacologie pourrait avoir un mandat rehaussé si on lui confiait également la responsabilité de la préinscription des nouveaux médicaments en vue d'en faire une évaluation préalable à leur commercialisation. Cela permettrait d'accroître l'efficacité et la rapidité du processus conduisant à en recommander l'inscription à la liste. Également, le CCP devrait réexaminer périodiquement la situation des médicaments d'exception et des patients d'exception pour que les procédures d'autorisation et de contrôle évoluent de plus près en fonction des connaissances et des réalités cliniques. Enfin, le CCP doit avoir un mandat davantage centré sur l'évaluation de l'efficacité thérapeutique et de l'efficience attendue dans l'utilisation d'un médicament et se tourner vers les ordres professionnels concernés pour les soutenir dans l'interprétation de la bonne ou mauvaise utilisation et dans l'intervention appropriée auprès de leurs membres.

En conclusion, il ne suffit pas de dépenser, il faut aussi en avoir pour son argent. Ajuster les contributions sans investir davantage dans l'utilisation judicieuse des médicaments ne pourra que compromettre la viabilité du régime. Le Collège des médecins veut bien faire sa part, mais il ne peut agir seul pour optimiser la prescription et la consommation des médicaments. Je vous remercie.

(14 h 20)

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. Lamontagne. Alors, nous allons procéder aux échanges avec les membres de la commission parlementaire. Alors, Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, je remercie le Dr Lamontagne qui représente le Collège des médecins, de même que ses collègues qui l'accompagnent. Je pense que c'est un mémoire particulièrement intéressant.

D'abord, une petite chose sur laquelle j'aimerais revenir juste pour corriger peut-être une impression. On mentionne le fait, à la page 3 du mémoire, où on dit «des inquiétudes», on dit «deux types d'inquiétudes». D'abord, l'augmentation rapide des coûts, et je pense que c'est le problème auquel on est confronté actuellement qui risque d'avoir des effets évidemment, qu'on le veuille ou non, et c'est pour ça qu'on se penche sur cette question-là. Mais il y a l'autre aspect où on dit que ça peut avoir des retards pour l'assureur qui retarderait ainsi à inscrire de nouveaux médicaments sur la liste.

Peut-être rassurer le Collège de même que nos partenaires à cet égard, je vais vous dire que c'est l'endroit où, je pense, on fait le plus grand nombre de révisions par année, on fait quatre fois par année des révisions. Et c'est plutôt l'inverse qui se passe, les pressions évidemment sont très grandes de la part des malades eux-mêmes qui voient certains avantages à avoir accès à certains médicaments, et donc même le Conseil doit parfois mettre un peu les freins, et ce n'est pas nécessairement lié aux coûts, mais c'est beaucoup plus lié à la capacité qu'il a techniquement d'en faire l'évaluation. Donc, on évalue, c'est-à-dire, on inscrit quatre fois par année les nouveaux médicaments et c'est l'endroit par rapport à d'autres provinces au Canada où on inscrit le plus grand nombre de médicaments nouveaux sur la liste. Donc, dans ce sens-là, je pense que ce n'est pas... Actuellement en tout cas, ça n'a pas joué dans le sens des inquiétudes du Collège, mais je comprends qu'on puisse avoir cette inquiétude.

Par ailleurs, vous allez très loin – je trouve ça intéressant, remarquez, mais il faut voir maintenant ce que ça a comme conséquence au plan de la protection des renseignements et de la vie privée – sur le fait qu'on puisse connaître ce qui est prescrit à un patient pour éviter de lui prescrire des médicaments qui seraient contre-indiqués par rapport à ceux qu'il utilise déjà ou que, dans les faits, il ait déjà un médicament qui donne les effets escomptés, mais que le médecin qui est nouveau dans le dossier puisse ne pas avoir cette information. Alors, dans le fond, dans la présentation que vous faites – puis je vous le dis et je pense que c'est intéressant – vous jugez qu'on pourrait avoir accès donc à des informations sur une base nominative – vous le dites formellement – pour éviter des problèmes ou pour assurer une meilleure utilisation du médicament lorsqu'on est invité à prescrire un médicament comme professionnel, médecin omnipraticien ou spécialiste, et vous êtes prêts à aller aussi loin que de donner accès à des informations sur une base nominative.

M. Lamontagne (Yves): En fait, vous savez, madame, ce n'est pas nous finalement qui donnerions les informations. Je suis convaincu que, si les patients savaient qu'avec leur consentement on pourrait avoir accès à une banque qui nous mettrait bien à jour ce que le patient prend comme médicaments, bien, déjà je pense qu'on aurait une meilleure gestion des médicaments.

Vous prenez une personne âgée qui est vue par son médecin de famille. Elle arrive avec sa tonne de médicaments, quand elle arrive avec sa tonne de médicaments. Quand vous voulez essayer de savoir ce qu'elle prend, elle ne le sait plus, ou quoi que ce soit. Et les gens qui font des visites à domicile, quand ils arrivent chez les personnes âgées, la première chose qu'ils font, ils vont voir dans la pharmacie, et c'est un mélange, un micmac épouvantable. Et, comme on le disait, certains médecins rapportent que parfois 60 % ne savent pas vraiment ce que leurs malades ont comme ordonnances. Bien là au moins il y aurait un tableau clair. Juste au moins on pourrait avoir une meilleure consommation, si vous voulez nécessairement diminuer les coûts, et sans parler des effets bénéfiques au niveau clinique: complications, effets secondaires, surdosage, etc. Et, moi, je pense que la population, les patients eux-mêmes seraient tout à fait d'accord avec le consentement à ce que le médecin puisse aller voir exactement ce qu'ils prennent. Et c'est dans ce sens-là, je pense, qu'on pourrait arriver également non seulement à mieux informer les gens et à mieux informer les médecins, mais peut-être aussi à diminuer indirectement les coûts.

Mme Marois: Alors donc, en ce sens-là, par exemple tous les développements technologiques auxquels on procède actuellement... Je prends l'exemple de l'expérimentation qui se fait à Laval sur la carte permettant l'accès au dossier. Évidemment, l'accès au dossier, il peut y avoir une composante médicaments, une composante traitements ou interventions thérapeutiques d'un autre ordre, et la composante médicaments, vous dites: On devrait évaluer la possibilité de demander une autorisation au patient pour qu'on consulte. Parce que je pense que vous décrivez bien ce qui se passe concrètement dans la vie des gens. La personne âgée, elle arrive plutôt avec sa boîte de médicaments parce que, se souvenir de toutes ces données, elle ne peut le faire. Et, si c'était inscrit dans un dossier auquel on aurait accès, vous dites que c'est ce que vous préféreriez. Je vois un de vos collègues qui veut pouvoir intervenir.

M. Lamontagne (Yves): Oui, Dr Jacques.

M. Jacques (André): Oui. Juste pour vous donner peut-être un peu plus d'information. Merci. Le projet PMA ou MOXXI qui a été mené par l'équipe de McGill il y a une année ou deux – je n'ai pas les résultats finaux parce que je n'étais pas le chercheur principal – a démontré d'abord un accord ou une bonne réception de la part des 15 000 ou 16 000 personnes âgées qui ont participé à ce projet de recherche pour donner accès à leur médecin à la liste de médicaments prescrits par les autres médecins, et donc une bonne réception de la part des malades, et, moi, pour avoir interrogé les médecins qui ont partagé à cette étude-là, une excellente réception. Et surtout, ils ont découvert des problèmes de santé insoupçonnés, que ce soit, par exemple, l'inobservance de certains patients à certains traitements, que ce soit la duplication de certains médicaments à leur insu, et vous comprendrez que les noms des médicaments parfois sont assez confondants pour les patients, de sorte que le même patient peut prendre deux médicaments avec deux noms différents, mais c'est la même molécule. Et c'est lorsqu'on voit tout ça qu'on peut éviter donc des erreurs de médication. Et c'est dans ce contexte-là, donc ça a été testé, ça a été essayé pendant une année auprès de 15 000 ou 16 000 patients, si je ne me trompe pas.

Mme Marois: Bon. Alors, je pense que c'est une piste qu'on devrait se permettre d'explorer.

Je vais assez rapidement parce qu'il y a beaucoup de choses que vous soulevez qui sont particulièrement intéressantes. À la page 6 de votre mémoire, en haut de la page, on dit: «À la limite, à partir de consensus scientifiques et cliniques larges, on pourrait se permettre d'examiner s'il y a lieu et dans quels cas, conditions et circonstances il peut être avantageux de moduler la participation financière des malades pour valoriser la bonne utilisation de médicaments.» Vous avez en tête quelques exemples? Première question.

La deuxième qui est peut-être d'un autre ordre, mais qui est toujours dans la même partie de votre mémoire, c'est-à-dire dans la même page de votre mémoire. Vous soulignez le fait qu'on puisse «examiner plus attentivement l'utilisation de certains médicaments en vue d'agir auprès de nos professionnels dans une optique positive et constructive cherchant à les soutenir dans la prescription de médicaments». Hier, ça nous a été soulevé par les assureurs privés qui nous disaient que l'information que l'on donnait aux professionnels de la santé était souvent donnée par les compagnies pharmaceutiques et qu'évidemment la compagnie pharmaceutique pouvait en toute bonne foi bien informer les médecins quant à la qualité du médicament, ses effets principaux et secondaires, mais qu'évidemment il y avait un intérêt d'abord d'augmenter ses ventes, ça va de soi, et que ça créait un biais finalement parfois dans l'information, et donc il fallait plus agir à cet égard-là sur la formation des médecins, tant dans leur formation universitaire que, éventuellement, dans une formation continue. Et le Collège le mentionne ici. Est-ce que vous croyez qu'on pourrait même aller jusqu'à empêcher ou limiter, si on veut, cette publicité ou cette information qui se fait par les compagnies pharmaceutiques et qui pourrait être faite, elle, par les professionnels, que ce soient le Collège, ou nos universités, ou d'autres intervenants professionnels de la santé?

M. Lamontagne (Yves): À la première partie de la question, c'est le Dr Garon qui va y répondre.

(14 h 30)

M. Garon (André): Mme la ministre, on sait bien que, à peu près tous les jours, il y a des nouvelles molécules qui arrivent sur le marché, qui sont toutes plus sélectives les unes que les autres, plus intéressantes à utiliser. On le disait à quelque part là-dedans que... il y a même un intérêt finalement, quand on se dit «up to date», à les prescrire davantage que les bonnes vieilles molécules, la bonne vieille pénicilline qui est moins utilisée, qui devrait l'être davantage probablement. On devrait garder les nouveaux antibiotiques pour des situations plus périlleuses où, finalement, la pénicilline ne fonctionne pas justement, ce qui nous permettrait également de diminuer peut-être la résistance aux antibiotiques. On se dit: Quand on veut encourager l'utilisation d'une molécule dans une situation donnée, est-ce que finalement il n'y a pas un levier financier aussi qui pourrait accompagner cet encouragement-là? Par exemple, que la molécule soit, dans certaines circonstances, assurée complètement plutôt qu'il y ait un copaiement ou, je ne sais trop, une participation finalement de l'usager. Au fond, ce qu'on plaide, c'est: N'est-il pas possible d'examiner utiliser davantage le levier du paiement pour mieux guider l'utilisation de...

Mme Marois: L'efficacité thérapeutique plus grande ou plus certaine ou plus...

M. Garon (André): Dans certaines circonstances, dans certains cas, exactement. On est convaincu que c'est des choses qui n'ont pas été examinées dans le cadre du régime actuel. Ça ne faisait pas partie, au moment de l'implantation du régime, des... Pour ce qui est...

Mme Marois: O.K. L'autre question.

M. Garon (André): ...oui, du deuxième volet de votre question...

M. Lamontagne (Yves): À travers votre question, vous soulevez évidemment tout le problème de l'information médicale continue, et peut-être que... pas peut-être, sûrement le Dr Jacques va ajouter quelque chose là-dessus, puisque le Dr Jacques siège au Conseil d'éducation médicale continue du Québec. Évidemment, la question que vous soulevez, je vous dirai que déjà, en 1988, il y avait un guide qui avait été fait par le Collège des médecins justement sur... appelons ça les «relations médecins-compagnies pharmaceutiques». Et la Fondation recherche et développement pour les compagnies pharmaceutiques a également un guide qui est encore plus récent.

Bon, vous dire qu'il n'y a pas des petites anicroches de temps en temps, je pense qu'il faut être honnête, puis je vous dis que ça peut arriver. Vous dire que c'est super dramatique, je pense qu'il ne faut pas charrier non plus. Néanmoins, je vous dirais qu'à ce stade-ci le Collège des médecins a rencontré le Dr Hudon à la FMSQ, qui est responsable de ce secteur-là à la FMSQ, dis-je, et ensemble, le Dr Hudon et moi, nous allons rencontrer M. Marcheterre, qui est l'actuel président, le mois prochain, et, si vous voulez, passez-moi l'expression, nous ferons avec ces gens-là du «fine tuning» à ce sujet-là.

Mme Marois: D'accord. Donc, vous pensez qu'il est possible quand même de bien encadrer les pratiques commerciales et d'information des entreprises pour respecter leur liberté de commerce, si on veut, mais en même temps éviter les travers que peut comporter aussi ce mode d'intervention.

M. Jacques (André): Si vous me permettez, il faut, je crois, distinguer les activités de promotion ou, en langage plus clair, de marketing versus la formation médicale, et parfois on a tendance à les mélanger, et parfois certaines personnes font exprès de les mélanger. Je peux vous dire que le Conseil d'éducation continue dont a parlé le Dr Lamontagne tantôt, c'est un organisme qui existe depuis plus de 20 ans – je pense même 25 ans cette année – qui essaie justement de paramétrer les écarts possibles. Et siègent autour de cette table-là tous les principaux formateurs ou personnes ou organismes impliqués en formation continue. Les quatre universités, les deux fédérations, les trois collèges et même le groupe de formation de Rx & D – pas le groupe marketing – siègent sur cette table de concertation là pour justement mettre en place des paramètres plus éthiques pour ces relations-là.

Deuxième niveau que je vous dirais, c'est que le Collège fait l'agrément des organismes en éducation continue, et un des 15 critères, c'est justement les relations avec l'industrie. Je pense que l'industrie est présente en formation, mais elle doit rester un peu éloignée, et le contenu, le contrôle du contenu, le contrôle des intervenants, des personnes-ressources et des sujets doivent être laissés aux organisations, aux organisateurs, aux médecins responsables. Et c'est un peu comme ça qu'on s'assure d'encadrer un petit peu. Et, comme dit le Dr Lamontagne, malheureusement parfois il y a quelques petits écarts, mais on essaie de faire rentrer tout ce monde-là dans le rang.

Mme Marois: D'accord. Bon, je pense que c'est intéressant quand même que vous souleviez cela et, dans le sens où vous le proposez, je pense qu'on pourrait resserrer un petit peu les façons de faire et les approches. Donc, vous avez des échanges en ce sens, si je comprends, avec l'Association des entreprises, et je pense que c'est souhaitable.

M. Jacques (André): Tout à fait.

Mme Marois: Une dernière question pour l'instant, je reviendrai plus tard, M. le Président. Vous mentionnez que «le Conseil consultatif de pharmacologie réalise des travaux méritant d'être soulignés, mais souffre de sa proximité avec l'assureur public». J'avais l'impression qu'il y avait plutôt d'assez bonnes distances et que c'était correct qu'il en soit ainsi. Mais vous allez m'expliquer en quoi vous trouvez qu'il souffre de sa proximité avec l'assureur public. Et évidemment l'intégration des deux fonctions, tant du Conseil que du Comité de revue de l'utilisation des médicaments, nous, on la voyait dans une perspective d'une plus grande efficacité et d'un moindre coût administratif, mais je vous entends.

Le Président (M. Beaumier): M. Garon.

M. Garon (André): Oui, Mme la ministre. Évidemment, les conseils consultatifs à la ministre, on comprend qu'ils ont une certaine distance. Ils ne sont pas l'appareil de la fonction publique.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon (André): Toutefois, en termes d'image, je vous dirais que, quand on se place de l'autre bout, quand on se place du point de vue des médecins, du clinicien qui reçoit finalement à l'occasion des avis fort documentés, bien faits – on le dit d'ailleurs – évidemment dans l'enveloppe du ministère, le réflexe est souvent de dire: Est-ce que finalement on va apprendre à mieux exercer la médecine à partir d'avis, à partir de commentaires ou de suggestions qui vont nous venir de ce genre d'organisme?

Nous, ce qu'on dit, au fond, c'est qu'il y a sûrement une collaboration à établir, étroite, avec les gens qui se questionnent à bon droit sur l'usage des médicaments du côté de l'assureur public puis ceux qui ont une capacité d'intervention auprès de la profession médicale. Je vous dirais qu'il y a comme trois principes à rencontrer. Évidemment, d'abord, il faut avoir une vision claire de la nature des interventions qu'on veut faire auprès des médecins en rapport avec l'usage d'une molécule donnée. Le deuxième, c'est la crédibilité.

Le Président (M. Beaumier): M. Garon, peut-être en terminant parce que notre temps est dépassé.

M. Garon (André): Alors, le deuxième principe, c'est la crédibilité. On pense qu'on peut certainement s'aider mutuellement là-dedans. Et le troisième, c'est la capacité d'intervention, donc le levier auprès des professionnels. Ça, probablement qu'on est à certains égards mieux équipés.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. Garon. Je passerais au député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Bienvenue, Dr Lamontagne. Vous parlez dans votre mémoire de l'importance de rendre accessibles les médicaments, que les services soient rendus en milieu hospitalier ou ambulatoire. On sait que présentement, si un patient est à l'hôpital, ses médicaments sont gratuits. S'il quitte pour chez lui ou encore est traité en CLSC, il doit assumer le coût des médicaments. En oncologie, par exemple, où les médicaments sont très dispendieux ou relativement dispendieux, ça fait une différence importante. Est-ce que vous jugez que les pratiques actuelles permettent d'être équitable vis-à-vis des patients? C'est-à-dire il reçoit évidemment ses médicaments gratuitement à l'hôpital; il sort, il doit les payer. Est-ce que ça peut même peut-être les inciter à revenir à l'hôpital ou parfois à revenir à l'urgence plutôt que d'assumer le coût à domicile ou en CLSC?

M. Lamontagne (Yves): Moi, je vous dirais: D'abord, vous êtes au courant du rapport Tamblyn encore mieux que moi et vous savez que ça a été démontré qu'effectivement, quand, entre autres, des bouts de mois, que les patients ne prenaient pas leurs médicaments , nécessairement ils se retrouvaient à l'hôpital. Je peux vous dire, par exemple, dans ma région des Laurentides, les fins de mois, l'infirmière du CLSC me dit tout le temps: La dernière semaine, c'est l'enfer. Il faut qu'on les décroche des couvertures parce que tous les malades mentaux sont rendus là. Puis la police, on est obligé de les appeler, puis on amène ça à l'hôpital, puis c'est deux, trois jours, une semaine. Donc, c'est sûr qu'il y a des difficultés dans l'arrimage de tout ça, principalement pour les gens qui sont les plus démunis.

On sait très bien que... Entre autres, pour prendre ma spécialité aussi, il y a une étude du Dr Deslauriers qui va être publiée bientôt: si les malades prennent par exemple leurs antipsychotiques, bien on peut atteindre une diminution des hospitalisations et donc une diminution des coûts globaux, comme je vous expliquais tantôt. Mais, dans l'étude du Dr Deslauriers, ça démontre: à condition que ces mesures soient accompagnées de formation et d'information sur l'utilisation des médicaments. Alors, pour vous dire que, oui, ça a un impact quand ils sortent de l'hôpital s'ils ne peuvent pas l'acheter. Mais maintenant, la capacité, il faut suivre ça. Je ne sais pas si, André, tu as quelque chose à dire là-dessus. Oui?

M. Garon (André): Peut-être compléter. On est conscient qu'il y a des difficultés relatives à l'accès puis à l'équité dans les conditions d'accès, notamment par exemple dans les cas d'antibiothérapie parentérale ambulatoire. Tant qu'un malade est gardé hospitalisé, il reçoit ses médicaments sans problème, gratuitement. Mais, dès qu'il voit son séjour hospitalier écourté, il accepte de poursuivre son traitement à domicile, là, les choses évidemment peuvent se compliquer. Et il y a des conditions d'accès qui, on en est conscient, sont variables d'un hôpital à l'autre, d'une région à l'autre. Il y a des décisions très locales qui sont prises à cet égard puis on pense qu'il y aurait peut-être lieu de normaliser le taux un petit peu plus, donc d'être plus équitable, oui. On n'est pas allés plus loin, nous, dans notre propre mémoire là-dessus.

(14 h 40)

M. Marcoux: Un peu dans le même sens, vous mentionnez évidemment qu'avec l'efficacité thérapeutique des médicaments maintenant et des nouveaux qui viennent sur le marché on réduit l'hospitalisation, on réduit la chirurgie, il y a des rapports, d'ailleurs, qui le démontrent de façon claire. Sans doute qu'on réduit également le retour à l'urgence de sorte qu'on doit normalement faire des économies dans le réseau de la santé par rapport à la situation qui existait il y a trois ou quatre ans. Est-ce qu'on n'a pas l'impression que ces économies-là, dans le fond, on n'en tient pas compte, alors qu'on transfère sur le régime d'assurance médicaments ou encore aux patients qui doivent payer des médicaments une partie de coûts additionnels? Et donc on pourrait dire: On devrait financer sur le plan public un peu plus, disons, pour tenir compte des économies qui sont faites dans le réseau hospitalier. Ça donne l'impression qu'on dit: il y a des économies de faites, mais on ne les transfère pas, par exemple, à une nouvelle méthode, en fait une composante importante aujourd'hui qui est celle du médicament.

M. Garon (André): Mais, au bout de la ligne, c'est le citoyen qui va payer sur une base ou l'autre, alors, quelque part, ou bien il paye un séjour hospitalier qui est somme toute plus dispendieux ou bien il va payer des molécules rendu à domicile. Dans le fond, ce qu'on se dit, c'est: Il faut probablement chercher l'équité d'accès. Pour le reste, là, ça va être la même poche au bout de la ligne qui va finir par payer. Ça, on est convaincu de ça.

M. Marcoux: Sauf que, lorsqu'on dit, si vous permettez, dans le régime: On fait un déficit, donc le patient va payer ou celui qui absorbe le médicament va payer, alors que, dans le fond, l'État a fait une économie au niveau du réseau hospitalier, est-ce que c'est équitable, ça?

M. Lamontagne (Yves): Moi, je vais vous répondre là-dessus, M. Marcoux, que, heureusement ou malheureusement, le Collège des médecins et les gens qui sont devant vous ne sont pas de très bons économistes, ni actuaires, ni fiscalistes, et que, dans ce sens-là, vous avez vu que, dans notre mémoire, on n'a pas touché aux piastres pour une raison bien simple, c'est que je suis convaincu que vous allez avoir un tas de gens qui sont venus ou qui viendront devant vous et qui seront beaucoup mieux habilités que nous pour vous dire comment régler ce problème-là, au niveau financier.

M. Marcoux: Même si vous mentionnez que c'est surtout une approche comptable qu'il y a.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Marcoux: Dernière question sur l'utilisation judicieuse des médicaments, ce qui est souhaitable à la fois pour les patients, pour les personnes concernées, et également sur le plan du contrôle des coûts. Vous faites un certain nombre de suggestions à cet égard-là. Et simplement vous rappeler que, en juillet 1997, semble-t-il, le ministre de la Santé de l'époque avait indiqué qu'il allait déposer une politique sur le médicament pour atteindre à peu près les mêmes objectifs que ceux que vous mentionniez. Je ne sais pas s'il y a eu beaucoup d'évolution à cet égard-là depuis 1997, donc ma question, c'est: Est-ce que c'est possible de pouvoir élaborer et mettre en place des moyens qui permettent d'atteindre les objectifs que vous mentionniez sur le plan d'une utilisation plus judicieuse – il n'y a pas grand-chose qui s'est fait depuis trois ans – premièrement? Et deuxièmement, est-ce que ça peut apporter, sur le plan du contrôle des coûts, un impact significatif dans l'ensemble des coûts des médicaments?

M. Lamontagne (Yves): Ma réponse à ça, M. Marcoux, c'est oui, à condition qu'il y ait de la volonté puis à condition que ça se mette en action à un moment donné. Donc, c'est oui.

Si – un peu ce qu'on vous marque là-dedans – les médecins, les pharmaciens avaient les outils nécessaires pour pouvoir appliquer ça, je suis convaincu que – écoutez, on ne mettra pas la note à zéro avec ça, il faut être réaliste aussi – ça serait quelque chose qui aiderait fortement dans le système. Et non seulement ça aiderait au niveau des coûts, on éviterait des complications puis toutes sortes d'affaires, des hospitalisations qui secondairement évidemment viendraient également diminuer les coûts. Et, au-dessus de là, comme Collège des médecins, bien je pense que la qualité de la médecine et la qualité du traitement des malades seraient aussi améliorées.

M. Marcoux: Dernière question, M. le Président. Qu'est-ce que vous suggérez pour dire: On va mettre en place quelque chose qui va marcher? Ça, on en parle depuis trois, quatre ans, et c'est souhaitable. On a l'impression que ça n'avance pas. On dit: Même pour la revue de l'utilisation des médicaments, le Comité, il manque de financement, c'est presque inopérant. Qu'est-ce que vous suggérez ou qui devrait prendre le leadership pour mettre en place des instruments, comme vous dites, qui permettront d'atteindre les objectifs que vous énoncez?

M. Lamontagne (Yves): Bien, je vais vous répéter ce que j'ai dit, puis je trouve ça intéressant parce que, dans la chose, à un moment donné, on retrouve des valeurs sociétales, on parle de ça à quelque part. Moi, je vous dirais que, nous autres, c'est les valeurs médicales. Les valeurs sociétales, c'est à vous autres, les politiciens. Et, à ce moment-là, je veux dire, c'est à vous autres – c'est vous autres qui avez été élus par la société – de faire en sorte que, s'il y a des choses qui doivent marcher, vous devez les mettre de l'avant puis les faire marcher. Alors, ce n'est pas le docteur. Moi, je veux bien, la société puis tout ça, mais je ne peux pas imposer les mains.

Parce qu'il y a des finances publiques qui sont en rapport avec ça et il y a des gens dans une structure qui font qu'ils vont appliquer les choses ou qu'ils ne les appliqueront pas. Ça, c'est en dehors complètement, si vous voulez, du contrôle et du pouvoir du médecin quand il est dans son cabinet. Le médecin, quand il est dans son cabinet, ce qu'il voudrait avoir et qui pourrait aider le système, c'est que, si tout ca, c'était mieux organisé, lui, il ferait une plus belle qualité de pratique de médecine et je pense qu'en bout de ligne on pourrait également faire des économies.

M. Marcoux: Merci.

Le Président (M. Beaumier): M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci, M. le Président. Merci, Dr Lamontagne et le Collège des médecins du Québec pour votre présentation. Deux petits commentaires avant – j'ai deux questions – parce que je sais que mes collègues vont vous demander des questions aussi. La ministre a parlé de l'accès à la liste des médicaments. Elle est toute fière que ce soit disponible quatre fois par année, mais, quand il y a un refus systémique de l'accès... ou le nombre de temps que vous allez avoir l'accès, je pense, n'impressionne pas les patients. Avec ça, je pense, on doit travailler sur les questions d'accès pour les patients.

D'autres commentaires. Un peu la même question que mon collègue a demandée. Vous avez dit, la ministre a dit qu'il y a une augmentation de coûts de programmes, mais nous avons vu que le taux d'hospitalisation pendant le dernier 20 ans a baissé de 30 % à peu près. Il me semble qu'une étude sans avoir une analyse sur l'impact sur le réseau de santé, je pense que c'est une demi-étude, et on peut arriver avec des fausses conclusions si on ne met pas tout ça ensemble. Je comprends que c'est difficile, je comprends que nous ne sommes pas tous des comptables, mais il me semble qu'on doit trouver un meilleur système pour faire ça.

Deux questions. Peut-être une question fort simple au début au Collège. Je comprends mal pourquoi nos médecins ne sont pas formés à demander à leurs patients, quand ils sont devant eux, quels médicaments ils prennent. Je m'excuse, il me semble que, si on fait de la formation, si le Collège insiste sur cette partie de la visite médicale, sans entrer dans l'échange de toute l'information confidentielle, un peu comme la ministre l'a questionné... Peut-être que c'est trop simple de demander des questions comme ça, mais je vous demande: Est-ce qu'on peut encourager nos médecins à demander cette simple question?

M. Lamontagne (Yves): Vous voulez que je vous réponde vite à ça, M. Williams?

M. Williams: Oui, oui.

M. Lamontagne (Yves): Première chose, essayez de demander ça à quelqu'un qui a une démence, qui souffre d'Alzheimer puis essayez d'aller demander ça à un schizophrène. Vous avez beau lui demander, il ne le sait pas parce qu'il n'est pas là. Alors, déjà vous avez un problème, là.

M. Williams: C'est un exemple, là, mais il y en a plusieurs autres.

M. Lamontagne (Yves): Alors, il y a d'autres patients avec qui vous pouvez avoir un meilleur contact et qui vont vous répondre, mais les patients... Prenez juste les noms de médicaments, même les compagnies, c'est dur à retenir, c'est des noms à coucher dehors. Mais le pauvre patient qui arrive là, à moins qu'il traîne ses bouteilles... Puis ce n'est pas tout le monde qui traîne son sac avec ses bouteilles. Puis même les pauvres vieux, quand ils arrivent avec leur sac, il leur en manque la moitié du sac qui est restée à la maison. Alors, quand même que le médecin le demande, quand même il vérifie dans la sacoche de la madame ou du monsieur, vous ne savez pas toujours. Et, en plus, s'il ne les a pas, puis si la semaine d'avant il est allé au CLSC, s'il s'est ramassé à l'urgence deux semaines avant, puis s'il est allé à une clinique sans rendez-vous, essayez donc de trouver l'énigme de ce puzzle-là. Et, s'il y avait comme une espèce de fichier central où on pourrait aller voir puis qu'on saurait exactement, bien, à ce moment-là, au moins le tableau serait clair. Aujourd'hui, on n'est plus rendu au temps du télégraphe, c'est au temps de la télémédecine. Puis, les ordinateurs, vous pesez sur un bouton puis vous pouvez savoir ça comme ça maintenant. Ça, ça vous fait sauver beaucoup de coûts, ça aussi.

M. Jacques (André): Et d'autant plus que, si je suis le médecin traitant – pour avoir pratiqué pendant une vingtaine d'années – puis que j'ai prescrit un médicament dont la couleur de la pilule est bleue, mais que le pharmacien a donné un générique dont la couleur est blanche, puis le patient est allé à l'urgence puis il a reçu une pilule bleue, puis je lui demande: Prenez-vous toujours votre pilule bleue? Il va me répondre: Oui, mais on ne parle pas de la même affaire. Donc, il y a une limite à questionner les malades. Et je pense qu'on fait l'effort, dans la formation prégraduée et postgraduée et même en formation continue, pour améliorer la relation médecin-malade et ça fait partie de la communication médecin-malade.

(14 h 50)

M. Williams: Effectivement, mais...

M. Jacques (André): Mais il y a une limite, et on pense qu'on a maintenant des outils facilement accessibles et rapidement accessibles pour avoir le portrait juste, «on line» – excusez l'expression anglaise – de la médication d'un malade.

M. Williams: Mais il y a beaucoup de...

Le Président (M. Beaumier): M. le député de Nelligan.

M. Williams: Bon, allons-y.

Le Président (M. Beaumier): Oui, M. Garon.

M. Garon (André): Ça m'apparaît important, cette question-là. On connaît votre sensibilité – à juste titre encore là – sur toutes ces questions de fichier.

M. Williams: Oui. Le gouvernement aime échanger beaucoup d'information sur chaque Québécois et Québécoise, oui.

M. Garon (André): À l'époque de l'adoption de la Loi sur l'assurance-médicaments, il y a eu évidemment tout le phénomène de Big Brother qui prévalait. Il prévaut encore, bien sûr, on en est conscient. Mais on sait qu'il y a la moitié des molécules qui sont connues de la Régie de l'assurance maladie parce qu'elle paie pour. L'autre moitié, elle ne l'a pas en main. Et nous, ce qu'on dit, c'est: Dans le fond, ce qui est important, c'est la finalité; et, si la finalité, elle est clinique, au bout de la ligne, le clinicien devrait être en mesure d'avoir accès à cette information-là qui, pour la moitié des molécules, est détenue par la RAMQ. Évidemment, si on a une carte à puce qui contient l'information clinique, là on parle d'autre chose. On peut réussir à avoir peut-être la même information d'une autre manière que de constituer un fichier central, mais disons-nous tout de suite qu'il est à moitié constitué déjà.

M. Williams: O.K. Une brève question parce que je sais qu'une de mes collègues veut demander une question. Si j'ai bien compris votre présentation, vous voulez avoir la décision d'être sur la liste ou de n'être pas sur la liste, purement basée sur l'efficacité thérapeutique, avec aucune considération sur le prix et l'utilisation, si j'ai bien compris votre présentation.

M. Lamontagne (Yves): Bien, comme je vous ai dit tantôt, le fric, là, ce n'est pas notre problème, à nous autres.

M. Williams: O.K. C'est sur l'intervention.

M. Lamontagne (Yves): Nous autres, c'est: Est-ce que c'est efficace et est-ce que les malades sont bien traités? C'est ça qu'on est venus vous dire.

Le Président (M. Beaumier): Alors, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, il reste vraiment une minute, sinon je serai obligé d'en ajouter ailleurs. Oui.

Mme Loiselle: Une minute. Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour. Je vais revenir sur un point. Vous avez fait mention, au début de votre mémoire, du danger de pénaliser les gens avec la contribution financière, les gens qui n'ont pas les argents nécessaires pour se procurer leurs médicaments. Hier soir, j'ai relu votre mémoire, que vous aviez présenté en 1996 à cette commission au moment de l'introduction de la loi du régime d'assurance médicaments, la loi n° 33. À ce moment-là, en 1996, le Collège avertissait le gouvernement, et je vous cite: «Par ailleurs, il faut s'assurer que la participation financière qui sera demandée aux personnes et aux familles ne soit pas telle qu'elle entraîne une inobservance thérapeutique où les patients négligeraient, par souci d'économie, de se procurer un médicament nécessaire.»

Vous avez parlé du rapport Tamblyn, du Dr Robyn Tamblyn, des effets dévastateurs de l'application du régime d'assurance médicaments pour les personnes démunies, particulièrement les personnes assistées sociales et les personnes âgées. Vous avez dit, et c'est vrai, qu'il y a eu un correctif qui a été apporté pour les personnes qui sont soutien financier. Mais il faut toujours se rappeler que, dans le nombre des assistés sociaux, il y a 400 000 personnes aussi qui ont été oubliées, dans le correctif, et il y a plus de 200 000, je crois, personnes âgées de 65 ans et plus qui ont peut-être moins de 14 000 $ pour vivre, qui sont touchées encore par cette mesure de l'assurance médicaments.

Hier, le Regroupement des assureurs nous a dit que peut-être on devrait faire une distinction entre assurance publique et assistance publique. Étant donné qu'à deux reprises vous avez mentionné, Dr Lamontagne, que vous n'avez pas regardé l'assurance médicaments sous l'aspect des piastres et du fric, mais bien des humains, vos patients, qu'est-ce que vous proposeriez au gouvernement, sachant qu'actuellement au Québec il y a des personnes vulnérables, des personnes sans voix, des personnes démunies et âgées qui se privent de leurs médicaments essentiels à cause de l'application de la contribution financière demandée par le gouvernement? Est-ce qu'on ne devrait pas scinder le régime pour avoir une assurance publique pour les personnes qui sont capables de contribuer et de voir, du côté du rôle social, les personnes qui sont pauvres, vulnérables et qui vivent dans la pauvreté, que le gouvernement ait une assistance publique pour ces gens-là?

M. Lamontagne (Yves): Vous me ramenez encore sur les piastres, vous, là.

Mme Loiselle: Je parle des humains.

M. Lamontagne (Yves): Bien, c'est ça. Écoutez...

Mme Loiselle: C'est parce qu'il faut comprendre, Dr Lamontagne...

Le Président (M. Beaumier): Excusez, madame...

Mme Loiselle: ...que, si les gens qui actuellement se privent de médicaments parce qu'ils ne sont pas capables de payer, ils n'ont pas la contribution financière, c'est soit qu'on augmente leurs prestations à l'aide sociale ou soit qu'ils ne paient pas leurs médicaments, mais que ces gens-là n'aggravent plus leur état de santé à cause de l'application du régime d'assurance médicaments.

Le Président (M. Beaumier): Il resterait une minute, M. Lamontagne.

M. Lamontagne (Yves): Bien, écoutez, je vous répéterais ce qu'on a dit en début puis qui était dans le rapport de 1996: Toute contribution éventuelle exigée de l'usager ne doit pas pénaliser les gens à faibles revenus ni limiter leur accès. Et ça, ça comprend les personnes âgées et les personnes à faibles revenus. Bon. Maintenant, est-ce que, pour ces gens-là, ça, c'est gratuit? Est-ce que vous arrivez à un double système où les gens plus riches auraient des assurances privées ou quoi que ce soit? Moi, je vous dirais: C'est à vous d'en débattre, ça. J'ai une opinion là-dessus, personnelle. Mais, comme le Collège ne s'est pas arrêté là-dessus – je pense que je suis ici au nom du Collège... C'est sûr que je vous dirais que, contrairement à 1996, dans le temps, en 2000, la situation économique a changé, l'incidence de la démographie commence à changer. Puis ça va changer encore plus, on va avoir de plus en plus de personnes âgées, etc. Vous avez des variations en ce qui a trait à l'économie, le chômage, l'emploi, etc. Bon, ça reprend un peu dans ce sens-là. Mais évidemment, je pense qu'il faut se remettre dans les conditions économiques des années 2000 et, à partir d'un système qui pouvait avoir de l'allure en 1996, réviser ça en fonction des critères qui tiennent l'ensemble de tout ça pour les années 2000.

Le Président (M. Beaumier): Alors, merci beaucoup, MM. Lamontagne, Garon et M. Jacques. J'inviterais les représentants des Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada Rx & D. Juste signaler, si vous me permettez... On ne me permet pas.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Beaumier): S'il vous plaît, s'il vous plaît! Ça ne paraît pas, mais je parle. Alors, j'aimerais juste signaler un petit peu, avant de passer la parole aux Compagnies de recherche, qu'en ce qui concerne les temps de parole des membres de la commission, ce n'est pas que ça me valorise, mais j'aimerais qu'on respecte davantage les temps qui sont impartis. Parce que, sinon, ça porterait à un déséquilibre de temps qui me donnerait un problème supplémentaire que je ne voudrais pas avoir.

Alors, je comprends que c'est M. Marcheterre qui... Oui. M. Marcheterre, bienvenue. Oui?

M. Gautrin: M. le Président, je voudrais solliciter le consentement de mes collègues pour pouvoir m'adresser à la commission parce que je ne suis pas membre de la commission.

Mme Marois: Vous savez comment je suis accueillante à mes collègues de l'opposition qui veulent intervenir dans notre commission. Alors, je lui souhaite bienvenue, au député de Verdun.

Une voix: On donne notre consentement aussi.

Le Président (M. Beaumier): Votre consentement aussi? J'en étais inquiet.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: Est-ce que l'opposition est d'accord? Est-ce que vos collègues sont d'accord, M. le député de Verdun?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Beaumier): Bon. Alors, je comprends que c'est la dernière récréation pour cet après-midi. M. Marcheterre, si vous aviez l'amabilité de présenter les gens qui vous accompagnent.


Les Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada (Rx & D)

M. Marcheterre (André): Très bien. Je vous remercie. Donc, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés membres de la commission des affaires sociales, bonjour. Je m'appelle André Marcheterre et je suis président de Merck Frosst Canada, et je suis aussi président du conseil des Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada. Et c'est d'ailleurs à ce dernier titre que je m'adresse à vous aujourd'hui.

J'aimerais vous présenter, comme vous le demandez, les personnes qui m'accompagnent. À mon extrême gauche, nous avons le Dr Aldo Baumgartner, qui est président de Wyeth-Ayerst Canada et aussi coprésident du Comité Québec des Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada; à ma gauche, M. Jean-Michel Halfon, qui est président de Pfizer Canada et membre du conseil d'administration des Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada; et, enfin, à ma droite, M. Alain Boisvert, qui est chef de service des relations gouvernementales chez Merck Frosst Canada et rédacteur du mémoire que nous avons soumis à la commission un peu plus tôt cette année.

(15 heures)

Donc, au nom des Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada, nous tenons d'abord à remercier la commission de cette opportunité qui nous est donnée d'exprimer notre point de vue dans le cadre de cet examen du régime général d'assurance médicaments du Québec. Comme je le répète à chaque fois que j'en ai l'occasion, Les Compagnies de recherche pharmaceutique tiennent vraiment à faire partie de la solution et non pas du problème.

L'industrie pharmaceutique innovatrice, qui représente une soixantaine de compagnies, est fortement présente au Québec pour des raisons historiques bien sûr, mais surtout à cause de la politique industrielle très favorable que les gouvernements actuels et précédents ont adoptée à l'égard de notre secteur. Le Québec compte en effet pour environ 40 % des activités de l'ensemble de l'industrie innovatrice canadienne par rapport à un poids démographique de 23 % ou 24 %. Les entreprises membres de notre association, qui sont surtout concentrées dans la grande région de Montréal, ont injecté plus de 1 200 000 000 $ dans l'économie du Québec, et cela, en 1998 seulement. Nos investissements en recherche et développement ont atteint maintenant 320 000 000 $ pour cette même année et, si le climat continue d'être propice à de tels investissements, ceux-ci pourraient totaliser au-delà de 1 800 000 000 $ au cours de la période 2000, 2001 et 2002.

Nous sommes par contre très conscients de la problématique dans laquelle se trouvent le système de santé et le régime général d'assurance médicaments. Nous voulons donc profiter de cet examen public pour proposer et expliciter certaines pistes de solution concrètes.

Dans le mémoire écrit que nous avons soumis à la commission, nous mettons d'ailleurs de l'avant deux grands types de solution: d'une part, des améliorations ponctuelles au fonctionnement du régime et, d'autre part, une approche totalement novatrice, appelée gestion thérapeutique, qui est une solution à moyen terme axée sur la qualité des soins dispensés.

Pour cette présentation, nous mettrons l'accent sur ce second volet, car nous sommes convaincus que la maîtrise à long terme des coûts de la maladie passe immanquablement par une telle approche. Ce faisant, nous voudrions aussi mettre en garde les membres de la commission contre les dangers d'un examen purement administratif et budgétaire du régime d'assurance médicaments. Selon nous, il est primordial de ne jamais perdre de vue que les médicaments ne sont en fait qu'une pièce du puzzle beaucoup plus vaste, soit le système de santé dans son ensemble. C'est d'ailleurs par son impact favorable sur les coûts de santé dans leur ensemble que la gestion thérapeutique s'avère la plus utile. Cette approche permet des gains d'efficience et de productivité au niveau non seulement du programme de médicaments, mais de tout le système de santé.

Au préalable, toutefois, nous voudrions prendre quelques minutes pour commenter deux mesures qui sont proposées dans le document gouvernemental intitulé Les pistes de révision du régime général d'assurance médicaments et, à cet effet, j'aimerais céder la parole à M. Jean-Paul Halfon.

M. Halfon (Jean-Michel): Jean-Michel.

M. Marcheterre (André): Jean-Michel.

Le Président (M. Beaumier): M. Halfon.

M. Halfon (Jean-Michel): Commençons par le prix de référence. Cette méthode qui est assimilable dans les faits à la substitution thérapeutique vise ni plus ni moins à imposer le prix de la molécule la moins chère à l'intérieur d'une catégorie thérapeutique donnée. D'abord, cette méthode, bien que séduisante à première vue, ne livre pas les économies escomptées. Partout où elle a été utilisée, on a observé des impacts positifs seulement à très court terme. Au-delà de cette période initiale, les hausses de coûts entraînées dans d'autres postes, comme par exemple les hospitalisations et les visites médicales, excèdent largement les économies réalisées au niveau des coûts des médicaments.

La deuxième raison pour laquelle nous tenons à dissuader le gouvernement de recourir à la méthode du prix de référence est d'ordre médical. La méthode du prix de référence est basée sur l'hypothèse que toutes les molécules d'une même catégorie thérapeutique sont pratiquement interchangeables, sans aucun risque pour le malade. Or, cette hypothèse est fausse. Une molécule peut s'avérer efficace et sans effets secondaires chez certains patients, mais pas chez d'autres patients. Il est donc essentiel que le thérapeute et le patient puissent disposer d'un choix.

Le troisième argument que nous invoquons à l'encontre de la méthode du prix de référence est de nature industrielle. Cette pratique est en effet incompatible avec la présence d'une industrie pharmaceutique fondée sur l'innovation. C'est bien simple, la méthode du prix de référence annule la valeur de nos brevets et limite sérieusement l'accès au marché de nos molécules développées à grands frais.

À ces trois arguments de fond, on pourrait en ajouter un quatrième, celui-là d'ordre éthique. La méthode du prix de référence ne serait-elle pas le début d'une médecine à deux vitesses en vertu de laquelle les patients les plus fortunés auraient accès à la meilleure molécule pour eux, alors que les moins fortunés devraient se satisfaire de la molécule évidemment la moins coûteuse pour le système?

En terminant sur ce point, j'ajouterais seulement que la méthode du prix de référence ne passe pas tout simplement le test de la réalité, car elle a été, comme vous le savez, abandonnée ou mise en veilleuse presque partout où elle a été essayée. À cet égard, les exemples de l'Allemagne, de la Nouvelle-Zélande, de la Colombie-Britannique sont particulièrement probants.

Et je voudrais maintenant laisser la parole à M. Baumgartner.

M. Baumgartner (Aldo): J'aimerais passer maintenant à la règle du prix le plus bas. Cette règle ressemble à la méthode du prix de référence, sauf qu'elle s'applique à des molécules identiques mais de marque différentes. Comme il y a généralement équivalence presque parfaite entre les molécules en cause, cette règle ne soulève pas de problèmes médicaux ou éthiques. Notre opposition à la règle du prix le plus bas est donc motivée surtout par des motifs essentiellement économiques.

Nous convenons que l'application du prix le plus bas recèle un potentiel d'économies de l'ordre de 14 000 000 $ à 15 000 000 $ par an pour la Régie, soit environ 1 % du budget global de 1 300 000 000 $. Ce n'est pas un montant négligeable certes, mais, avant de prendre une décision en ce sens, il faut aussi mettre dans la balance les impacts négatifs d'une telle mesure.

Ne nous contons pas d'histoires. L'application du prix le plus bas aurait pour effet d'éliminer ipso facto la fameuse règle de 15 ans. Contrairement à ce que certains détracteurs ont laissé entendre récemment, cette règle ne prolonge pas la durée des brevets pharmaceutiques. Elle ne retarde nullement le recours aux versions génériques une fois les brevets expirés. Elle ne fait qu'empêcher qu'un médicament innovateur soit automatiquement exclus de la liste des médicaments dès l'avènement d'une version générique. En fait, ce que la règle de 15 ans offre avant tout, c'est le choix pour le patient et le médecin de décider de poursuivre un traitement avec un médicament d'origine ou un médicament générique. Dans une province qui abrite 40 % de l'industrie canadienne innovatrice, c'est une règle qui se défend fort bien. En fait, bien peu de mesures de soutien industriel offrent un retour comparable, les seules retombées fiscales des nouveaux investissements de 1 800 000 000 $ que nos compagnies prévoient effectuer d'ici l'an 2002 excédant sans doute de beaucoup les 14 000 000 $ ou 15 000 000 $ d'économies qui résulteraient de l'abrogation de la règle de 15 ans.

Pour l'industrie pharmaceutique innovatrice, l'abrogation de la règle de 15 ans signifierait aussi un manque à gagner beaucoup plus élevé, de l'ordre de 60 000 000 $ à 100 000 000 $ par an. C'est donc un sujet très important pour nous. Cette mesure ajoute à la compétitivité du Québec comme pôle d'attraction des investissements de l'industrie pharmaceutique innovatrice, et ceci, dans un contexte de plus en plus global. Auprès de nos sociétés mères respectives, cela nous aide à justifier des investissements en recherche et développement ou en fabrication qui, autrement, dans ce contexte global, iraient ailleurs.

J'aimerais maintenant repasser la parole à M. Marcheterre.

M. Marcheterre (André): Merci.

Le Président (M. Beaumier): M. Marcheterre.

(15 h 10)

M. Marcheterre (André): Ceci m'amène à vous parler maintenant du concept de gestion thérapeutique. C'est une approche de gestion qui est appliquée prioritairement aux maladies les plus répandues dans la population et qui représentent des coûts élevés pour le système de santé. On parle donc ici de grandes maladies comme les maladies cardiovasculaires, l'asthme, l'ostéoporose, le diabète et autres maladies semblables, des maladies qui sont chroniques pour la plupart et qui demandent une gestion continue. Un programme de gestion thérapeutique va donc porter sur l'une de ces grandes maladies à l'intérieur d'un territoire ou d'une juridiction donnée.

En gros, le concept de gestion thérapeutique repose sur trois éléments-clés ou trois prémisses principales. Premièrement, le partenariat. Tout programme de gestion thérapeutique mobilise toutes les parties prenantes du système de santé: les patients, les professionnels de la santé, le gouvernement et le secteur privé, dont entre autres les compagnies pharmaceutiques.

Deuxièmement, la rigueur. Tout programme de gestion thérapeutique s'appuie sur des données probantes qui sont recueillies au début du programme pour établir une base de référence, puis à intervalles réguliers pour suivre l'évolution des paramètres qui ont été ciblés.

Comme troisième prémisse de base, on a l'intégration et la communication. La gestion thérapeutique, ce n'est pas un exercice qui est fait en vase clos. C'est quelque chose de global qui tient compte de toutes les dimensions de la santé. C'est donc une approche qui s'éloigne radicalement de la gestion par silo qui est actuellement utilisée dans les systèmes de santé. Par «gestion par silo», on entend une gestion éclatée qui focalise sur une seule dimension à la fois, sans tenir compte des interdépendances entre les différents secteurs ou silos. Ce genre de gestion conduit parfois d'ailleurs à des aberrations, par exemple une mesure qui génère des économies de 10 000 000 $ dans un silo mais qui engendre des coûts excédentaires de 20 000 000 $ dans un autre.

On peut distinguer trois grandes étapes dans un programme de gestion thérapeutique. Au cours des premiers mois, on établit une base de comparaison en recueillant diverses données, comme l'inventaire des patients dans la maladie étudiée, l'inventaire des pratiques médicales en usage, la mesure des résultats thérapeutiques et la mesure des coûts pour atteindre ces résultats thérapeutiques. Au cours de la deuxième étape, on analyse toute ces données et on identifie les meilleures pratiques, c'est-à-dire celles qui livrent les meilleurs résultats thérapeutiques aux meilleurs coûts possible. Puis, par la formation et la communication, on essaie de faire évoluer le système vers ce modèle identifié comme étant le plus performant. Par la suite, et à des intervalles réguliers, on remesure et on compare avec la base de référence, l'objectif étant bien entendu de fermer progressivement l'écart qui existe entre la situation de départ et la situation optimale axée sur les meilleures pratiques.

Dans les faits, la gestion thérapeutique demande un changement de culture très important de la part de tous les intervenants. Au fond, si on ne gère pas les maladies aujourd'hui de cette façon, c'est tout simplement parce qu'on n'a pas les données objectives nécessaires et qu'on n'a pas non plus la structure qui permet de partager ces données et de faire évoluer le système d'une façon coordonnée. La gestion thérapeutique permettrait de combler ces lacunes.

Plusieurs programmes-pilotes d'ailleurs fondés sur des partenariats entre les gouvernements, les professionnels et Les Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada sont en cours au Canada. Je voudrais vous en donner rapidement deux exemples. Le projet ICONS, en Nouvelle-Écosse, est axé sur des maladies cardiovasculaires. Il s'agit d'un projet de cinq ans de très grande envergure, car il porte sur des cohortes de l'ordre de 50 000 patients. L'objectif est d'améliorer l'espérance et la qualité de vie chez les patients atteints de maladies cardiovasculaires ou à risque élevé, et ça, d'une manière coût-efficacité. Les paramètres évalués incluent la mortalité, la morbidité, l'hospitalisation, la revascularisation, la qualité de vie du patient et sa satisfaction quant aux soins reçus, de même que l'utilisation des ressources en santé, l'emploi et la productivité en milieu de travail.

Déjà, après seulement un an et quelques mois du projet en Nouvelle-Écosse, nous avons des résultats préliminaires qui indiquent une évolution marquée des pratiques. Ces résultats préliminaires font état d'une augmentation de 40 % dans l'utilisation des thérapies identifiées comme les plus performantes, ce qui est très significatif. Dans quelques mois, nous saurons exactement de quelle façon cette amélioration des pratiques se traduit en termes de morbidité, mortalité, réhospitalisation et coûts. Donc, c'est à suivre. En terminant, le projet ICONS est un projet de 6 000 000 $ entièrement financé d'ailleurs par Les Compagnies de recherche pharmaceutique.

Le deuxième exemple que je vais aborder est également axé sur les maladies cardiovasculaires et cette fois en Alberta. Enfin, il s'agit d'un programme très semblable au programme ICONS, mais sur une échelle beaucoup plus modeste. C'est un programme de gestion thérapeutique qui comprend un certain nombre d'interventions concrètes auprès du personnel soignant, des pharmaciens et des patients eux-mêmes. Entre autres, un suivi téléphonique a été exercé auprès des patients afin de s'assurer de leur conformité au traitement. Les résultats préliminaires indiquent une réduction de 103 hospitalisations après seulement 12 mois, ce qui a signifié des économies de près de 2 000 000 $ pour un seul centre hospitalier. En extrapolant ceci à l'ensemble de la province, on obtient des dizaines de millions de dollars d'économies sans aucune restriction en termes d'accès aux médicaments.

En conclusion, selon nous, de tels programmes de gestion thérapeutique constituent la plus sérieuse piste d'action pouvant assister le gouvernement du Québec dans son objectif d'optimiser les soins et la maîtrise des coûts. Parce qu'ils ciblent justement les grandes maladies, ils offrent la possibilité d'une solution au problème de surutilisation, de sous-utilisation et d'utilisation sous-optimale des médicaments. Il existe un large spectre de programmes et de projets générant des résultats à court, moyen et long terme. Les programmes de gestion thérapeutique se présentent ainsi comme un net progrès par rapport aux mesures axées uniquement sur la réduction des coûts. S'il est vrai qu'il est possible d'améliorer à court terme l'efficacité et le fonctionnement du régime général d'assurance médicaments – nous suggérons dans notre mémoire d'ailleurs quelques pistes de solution de cette nature – nous sommes d'avis qu'il faut surtout identifier et mettre en oeuvre des solutions globales, à long terme, comme la gestion thérapeutique.

Le gouvernement du Québec, qui sait innover, se doit de considérer sérieusement cette avenue originale que nous lui proposons. C'est ainsi que nous réitérons aujourd'hui notre opposition à deux des pistes de solution envisagées, soit le prix de référence et l'abolition de la règle de 15 ans. Mais, en contrepartie, Les Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada s'engagent à accroître leurs investissements en recherche et développement au cours des prochaines années au Québec, dans la mesure, bien sûr, où le climat demeure favorable à de tels investissements ici. Nous nous engageons finalement aussi à développer davantage de projets de gestion thérapeutique et à accroître substantiellement nos investissements à ce chapitre, dans la mesure, bien sûr, où les politiques de remboursement des médicaments d'ordonnance nous permettent de dégager les ressources nécessaires. C'est une offre que le gouvernement du Québec ne peut absolument pas refuser. Nous proposons enfin qu'un groupe de travail soit formé immédiatement pour établir dès cette année les premiers programmes de partenariat. Ces programmes permettront ainsi de développer une expertise locale en gestion thérapeutique qui, non seulement nous servira localement, mais que nous pourrions éventuellement exporter.

J'aimerais remercier la commission de l'attention que vous portez à notre présentation.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. Marcheterre. Alors, nous allons procéder aux échanges, 15 minutes de chaque côté, s'il vous plaît. Mme la ministre.

Mme Marois: Oui, merci, M. le Président. Alors, bienvenue à vous tous. J'ai eu l'occasion à un moment ou l'autre de vous rencontrer, M. Marcheterre, il y a à peine quelques jours, déjà, où on a eu la chance d'échanger sur un certain nombre de propositions que vous nous faites aujourd'hui. Évidemment, j'ai quelques questions à poser.

Peut-être juste pour clarifier les choses – parce que je suis persuadée que l'opposition va s'en charger sans ça, alors je me dis que je suis aussi bien de le faire maintenant – et pour ne laisser aucun doute quant à l'interprétation qu'on pourrait faire d'un article qu'il y a eu ce matin où on semblait me mettre en contradiction avec mon collègue des Finances. Vous aurez compris, en lisant l'article, que nous ne sommes pas en contradiction, puisque, de toute façon, il s'agit d'une orientation du Conseil des ministres quant aux pistes à explorer pour voir comment nous pouvons améliorer la situation de notre régime et en réduire ses coûts, cela va de soi. On travaille en ce sens pour l'intérêt de nos concitoyens et de nos concitoyennes, et je pense qu'on serait ici à nous le reprocher si on ne le faisait pas. Mais, en même temps, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, si nous pouvons trouver des avenues nous permettant aussi de continuer à soutenir notre industrie pharmaceutique de pointe, nous en sommes. Alors, en ce sens, il y a des analyses qui sont actuellement en cours au ministère des Finances, auxquelles nous sommes associé comme ministère, et toutes ces démarches se font en parallèle avec la consultation que nous menons ici aujourd'hui et que nous mènerons dans les semaines qui viennent.

Une chose qu'il faudrait peut-être rappeler – puis je pense que l'industrie pharmaceutique le sait bien aussi – c'est qu'il y a déjà des avantages comparatifs au Québec quand on regarde ce qui se passe ailleurs, même en excluant cette protection du 15 ans ou le fait que nous ne recourions pas au prix le plus bas. Parce que, ailleurs, dans les autres provinces, on recourt actuellement au prix le plus bas. Donc, si on le faisait, ça enlèverait un avantage, mais, par comparaison, on se retrouverait au même niveau que les autres, les attitudes ou les politiques qu'ont les autres provinces.

(15 h 20)

Et par ailleurs, c'est une étude de KPMG qui a été faite en septembre 1999, où on a comparé la valeur des encouragements des gouvernements provinciaux pour une entreprise pharmaceutique en prenant une moyenne annuelle sur 10 ans et en la comparant en dollars américains, et on constate qu'il y a un léger avantage, en fait un léger avantage, un avantage qui est quand même assez important au Québec par rapport à ce qui se passe dans une entreprise qui serait installée à Toronto, à Calgary ou à Vancouver – il faut convenir de cela – soit par la réduction d'impôts sur le capital, par l'amortissement accéléré, les crédits d'impôt évidemment qui sont particuliers au Québec, qui sont offerts par le fédéral, mais que, nous, nous soutenons aussi et qui ne sont pas soutenus ou offerts dans les autres provinces.

Donc, ce n'est quand même pas négligeable de le mentionner, parce que je pense que ça marque là la réelle volonté qu'a le Québec de continuer à soutenir une industrie qui, on le sait, est importante pour le développement du Québec, pour le développement de son économie et pour le développement des emplois à haute teneur scientifique. Donc, je pense que, ça, c'est important de se le dire pour ne pas qu'on ait l'air de dire: Bon bien, là, on vous a donné un certain nombre d'avantages puis on va se retirer de cela. On a des intérêts par ailleurs à préserver qui sont ceux des citoyens, payeurs de taxes et utilisateurs de notre régime, et on doit, et c'est une obligation qui nous est faite de leur offrir le régime qui va être à meilleurs coûts ou celui qui va être le meilleur. Bon, on se comprend bien pour ce qui est du tableau de fond.

Maintenant, ce serait intéressant aussi de savoir, en termes de données, quels sont les pourcentages de dépenses ou d'investissements en recherche et développement par rapport aux pourcentages de dépenses en marketing dans une entreprise pharmaceutique. Je pense que ce serait intéressant de savoir cela.

Dans votre mémoire, vous mentionnez qu'évidemment vous procédez à des recherches importantes, ici, au Québec, sur de nouvelles molécules. Quelle est la proportion des nouvelles molécules qui ont été mises au point et développées au Québec par rapport à celles qui sont mises au point et développées dans vos sociétés ailleurs au Canada? Ce serait peut-être intéressant de savoir cela. Ça, c'est plus pour des données un peu factuelles.

Maintenant, si on revient à la gestion thérapeutique. Alors, vous pourrez revenir sur ces questions que je soulève. Je pense que c'est intéressant ce que vous proposez. Vous m'en avez déjà fait état, ça mérite véritablement d'être fouillé. Est-ce que vous croyez – parce que vous représentez plusieurs entreprises – qu'il serait possible que des compétiteurs puissent même s'associer dans des programmes de gestion thérapeutique? Parce qu'on sait qu'il y a, pour certains médicaments, des champs thérapeutiques qui sont similaires et qui pourraient donc permettre à ce que les sociétés s'associent. Est-ce que vous seriez prêts à offrir certaines garanties de résultats qui pourraient ensuite commander, si ce n'est pas le cas, des compensations? Je vais assez loin là, parce que, moi, je cherche...

M. Marcheterre (André): Vous me demandez beaucoup de choses, Mme la ministre.

Mme Marois: ...à ce que le régime, il coûte le moins cher aux Québécois et aux Québécoises, et je ne voudrais pas, je ne voudrais pas réduire la qualité des services, la qualité des produits auxquels ils ont accès, c'est évident. Mais là je suis devant un peu la quadrature du cercle. Je pourrais toujours augmenter les impôts sur les entreprises, on pourrait toujours, comme gouvernement, augmenter les impôts sur les entreprises. Je ne suis pas sûre que vous nous aimeriez beaucoup non plus, hein, bon, parce qu'il y a aussi un avantage comparatif au Québec par rapport à ce qu'on connaît en Ontario.

Le Président (M. Beaumier): M. Marcheterre.

M. Marcheterre (André): Très bien. Je vais prendre dans l'ordre les remarques ou les questions que vous avez amenées.

Au niveau du tableau de fond que vous avez décrit, je crois fermement, Mme la ministre, que le Québec ne compétitionne pas contre les autres provinces canadiennes mais plutôt contre la France, l'Allemagne, le Japon et les États-Unis lorsque vient le temps d'attirer ici des investissements en recherche et développement. Et justement, les incitatifs, comme la règle du 15 ans, amènent l'environnement québécois, si vous voulez, à niveau avec les autres juridictions contre lesquelles on compétitionne pour obtenir justement d'avoir ces investissements ici, au Québec. Je vous dirais par contre que, dans le contexte canadien, les incitatifs, en plus évidemment de la stratégie à long terme de développement industriel qui a toujours ciblé le biopharmaceutique, ont eu un effet énorme. Vous savez peut-être que, au cours des 10 dernières années, Les Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada ont investi – nouveaux investissements en recherche-développement, fabrication, infrastructures – quelque 4,5 milliards de nouveaux dollars. Le Québec, avec 2 200 000 000 $ de ces nouveaux dollars, a reçu presque 50 % de tous les nouveaux investissements. Donc, vous comprendrez que les incitatifs et la stratégie ont fonctionné très bien.

Si vous me permettez un commentaire supplémentaire à ce niveau-là, je vous dirais que vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a maintenant une restructure importante globalement au niveau de l'industrie pharmaceutique. Il y a beaucoup d'acquisitions, fusions, mariages de toutes sortes qui amènent incontestablement une restructure globale des organisations. Vous savez que cette restructure avantage les marchés les plus compétitifs, désavantage les marchés les moins compétitifs. On ne pourrait pas trouver pire moment pour abolir la règle du 15 ans que maintenant. Il faudrait presque déterminer, en abolissant cette règle-là, qu'on se fait hara-kiri. On se met nous-mêmes dans les marchés non compétitifs et on se met très à risque de souffrir de la restructure mondiale de l'industrie pharmaceutique. Donc, non seulement c'est quelque chose qu'on ne devrait pas faire, mais qu'on ne devrait certainement pas faire à ce stade-ci de la dynamique mondiale.

Au niveau des argents qu'on dépense en recherche et développement, vous savez, les ventes des produits pharmaceutiques au Québec sont d'environ 1 400 000 000 $. C'est environ 24 %, 25 % de la part canadienne. Je vous dirais que nos investissements en recherche et développement au Québec sont de l'ordre d'environ 325 000 000 $ à 350 000 000 $ par année. Donc, vous pouvez faire le calcul que nous investissons ici plus de 25 % de nos ventes en recherche et développement, lorsqu'on regarde le Québec.

Vous avez demandé d'autres questions aussi. Au niveau des découvertes canadiennes, vous savez, si on se reporte à 1987, il ne se faisait à peu près pas de recherche et de développement par l'industrie pharmaceutique au Canada, à peine 107 000 000 $ en 1987 au niveau national pour toutes les compagnies réunies. Cette année, nous allons atteindre 1 000 000 000 $ de dépenses de recherche et de développement. Ça fait maintenant 13 ans, 12 ans qu'on a augmenté les dépenses de recherche et de développement substantiellement, étant donné l'environnement beaucoup plus compétitif. On commence seulement maintenant à faire des découvertes, parce que ça prend huit, 10, 12 ans avant qu'on puisse arriver à des molécules qui sont très près d'être lancées. Je peux vous dire avec fierté qu'à notre laboratoire de Kirkland nous avons non seulement une, mais deux découvertes majeures: le Singulair dans l'asthme et le Vioxx dans l'arthrite, qui sont des médicaments qui vont être vendus internationalement et qui sont le résultat des travaux de recherche qui ont été faits au Canada et au Québec et qui sont eux-mêmes le résultat des politiques visionnaires et des incitatifs qui existent jusqu'à maintenant.

Vous avez demandé une dernière chose, Mme la ministre, au niveau de...

Mme Marois: Oui, la gestion thérapeutique, les garanties de résultats et l'association.

M. Marcheterre (André): Oui, et est-ce qu'on est prêts à travailler ensemble? Dans ma qualité de président du conseil d'administration de l'association, je peux vous dire qu'on a eu l'occasion de discuter ce sujet non seulement au niveau des comités exécutifs, mais aussi au niveau du conseil, et c'est un principe que tous les membres présents au conseil supportent de façon très importante. Et, oui, on veut justement travailler ensemble pour monter des programmes qui seraient dans le meilleur intérêt des patients, des travailleurs de la santé, du secteur privé de même que du gouvernement.

Mme Marois: Et quant aux garanties de résultats?

M. Marcheterre (André): Dans les garanties de résultats, vous savez, Mme la ministre, si vous nous passez complètement l'administration de la santé au Québec, on pourrait à ce moment-là se porter garant des résultats.

Mme Marois: Vous pouvez faire une suggestion quand même, vous le savez bien. Ha, ha, ha!

M. Marcheterre (André): Ha, ha, ha! On a des partenaires qui pourraient peut-être avoir un intérêt dans ça.

Mme Marois: Il me reste combien de temps?

Une voix: ...

(15 h 30)

M. Marcheterre (André): La garantie des résultats, je pense que ce qu'on vous propose aujourd'hui est une méthodologie, et cette méthodologie-là, de par le fait qu'elle soit inclusive de tous les participants, de par le fait qu'elle soit basée sur des données qu'on collecte et qu'on peut analyser, je pense qu'on s'assure d'un mécanisme qui peut amener des résultats bien au-delà du mécanisme actuel qui est plutôt par silo et où les décisions sont souvent basées sur des opinions bien plus que des données.

Mme Marois: D'accord. Merci. Je reviendrai, il me reste encore du temps.

Le Président (M. Beaumier): Merci. Alors, M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Oui, merci, M. le Président. Bienvenue, M. Marcheterre et vos autres collègues. Simplement un mot sur les commentaires que la ministre a faits au début de son intervention. Je pense que... en tout cas certainement pour un des membres du gouvernement, le ministre de l'Économie, d'après ce qu'il a dit hier, pour aller gagner quelques dizaines de millions de dollars, perdre notre suprématie en matière de recherche et développement pharmaceutique au Canada serait une très mauvaise affaire.

Par ailleurs, la ministre nous faisait part également qu'une étude serait en cours, semble-t-il, au ministère du Développement économique, peut-être des analyses où son ministre collègue parlait d'une étude bénéfices-coûts macroéconomiques. Je pense qu'il serait intéressant que cette étude ou cette analyse puisse être rendue publique bien avant que la décision du gouvernement soit prise à cet égard-là. Je pense que ce serait un objectif de transparence et qui permet aux différents intervenants de former leur opinion.

Vous avez parlé, M. Marcheterre, de votre concept de gestion thérapeutique que je trouve fort intéressant. Vous mentionniez que des expériences étaient faites présentement, étaient conduites en Nouvelle-Écosse et en Alberta. Est-ce que, au Québec, vous avez déjà approché le ministère pour inviter, dans le fond, le ministère et peut-être les autres intervenants à mettre en place un de ces programmes dans une des maladies données, ou si c'est nouveau, votre offre, celle que vous faites aujourd'hui?

M. Marcheterre (André): Je dois vous dire – et mes confrères voudront peut-être commenter, eux aussi – qu'il y a déjà en place certains projets d'envergure variante, de petits à moyens et plus grands projets. Un projet récent qui a été établi au Québec l'a été par la firme Glaxo, c'est un projet en asthme, qui s'appelle Prisme , et qui a été fait justement en collaboration avec le Réseau québécois de l'asthme, une compagnie pharmaceutique, Glaxo, plusieurs professionnels de la santé, et certainement avec discussions et dialogues au niveau du ministère de la Santé. D'autres compagnies, soit individuellement ou ensemble, sont au début de discussions avec le ministère pour des projets à venir.

M. Marcoux: Et est-ce que ce projet de Glaxo, dont vous parlez, a déjà amené des résultats ou si c'est en voie... l'expérience n'est pas suffisamment avancée pour permettre d'évaluer les résultats?

M. Marcheterre (André): C'est un projet qui est à ses débuts. Je dois vous dire que, moi, personnellement, je n'ai pas eu l'occasion de voir des résultats de ce programme qui est en train d'être mis en place, ce qui ne veut pas dire que ces résultats n'existent pas.

M. Halfon (Jean-Michel): Je voudrais apporter un complément à la réponse de M. Marcheterre, en apportant peut-être aussi une vision légèrement contrastée, dans la mesure où nous avons l'expérience de la proposition d'un partenariat dans le domaine de la maladie d'Alzheimer, fondée sur la formation, l'éducation des médecins et des patients et sur le risque partagé qui n'a pas, jusqu'à maintenant, retrouvé la même résonance.

Le Président (M. Beaumier): M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président, et merci beaucoup, M. Marcheterre, pour votre présentation, et tous les autres membres de Les Compagnies de recherche pharmaceutique du Québec. Un bref commentaire avant de commencer. La ministre essaie de nous convaincre qu'il n'y a pas de différence d'opinions de l'autre côté et qu'il n'y a pas de chicane entre les ministres, pas de chefferie non plus. Mais c'est clair qu'il y a toute une différence d'opinions entre le vice-premier ministre et la ministre de la Santé, et j'ai déjà vu qu'elle est en train de changer sa position. Il me semble que ça va être bon de rappeler que, quand la politique du prix le plus bas plus le 15 ans a été établie pendant le régime du Parti libéral, ils ont eu un comité interministériel. Ce n'était pas nécessaire de parler par la voie des médias. Ils ont eu un comité interministériel des finances, économie, travail et santé. Il me semble que ça va être une bonne façon de travailler, parce que c'est vraiment une question complexe et difficile. Je suis un peu étonné que la ministre veuille être une province comme les autres; ce n'est pas nécessairement la ligne typique de ce gouvernement. Parce que c'est vraiment un avantage québécois que, je pense, nous avons créé avec la règle de 15 ans.

J'ai deux questions. Une première question: Depuis ce temps-là, c'est quoi, l'impact concret sur le BAP plus 15, l'avantage québécois? Et aussi, plus concrètement, parce que vous avez été cités avant-hier, c'est quoi, l'impact, concrètement, si nous n'avons pas cet avantage québécois?

M. Marcheterre (André): Je pense que les faits parlent d'eux-mêmes sur l'impact qu'ont eu non seulement une stratégie consistante de développement industriel qui ciblait le biopharmaceutique, mais aussi une série d'incitatifs de plusieurs natures dont la règle du 15 ans. J'ai fait référence un peu plus tôt au 2 200 000 000 $ qui a été investi au cours des 10 dernières années au Québec par l'industrie pharmaceutique innovatrice et j'ai aussi fait référence, dans notre mémoire, au fait qu'on s'apprête à continuer, au cours de 2000, 2001 et 2002, avec des investissements de l'ordre de 1 800 000 000 $. Je peux vous dire aussi que ce n'est pas à tous les jours qu'on a à défendre un nouvel investissement. Mais, lorsque l'opportunité se présente, bien, évidemment il faut utiliser tous les arguments possibles qui sont à notre disposition pour amener cet investissement-là ici plutôt qu'ailleurs. Parce que la compagnie globale a déterminé de faire un investissement lorsque les subsidiaires se chicanent un peu pour l'amener chez eux. Donc, la décision de procéder est déjà prise.

Mais, par contre, lorsque l'opportunité se présente, c'est là où on va utiliser des arguments sur l'environnement dans lequel on opère. Évidemment, si on vient d'ôter ou d'annuler des mesures incitatives, la lecture que fait une société globale, c'est que l'environnement est en train de prendre une direction différente. Et je ne peux pas vous dire que le fait d'éliminer la règle du 15 ans demain matin aurait un impact sur un investissement, mais je peux vous dire que le message qui serait reçu serait le suivant: Le Québec a toujours ciblé ce secteur industriel là pour la croissance; la réponse de l'industrie a été très éloquente; maintenant, il y a un changement de direction; bien, il y aurait sûrement une réévaluation de la compétitivité du Québec, si une mesure comme la règle du 15 ans devait disparaître.

M. Halfon (Jean-Michel): Je voudrais juste apporter un point supplémentaire. Comme vous le savez, l'industrie pharmaceutique est en profonde mutation, en changement, et l'abolition de la règle des 15 ans lancerait un signal très fort à des preneurs de décisions, ces décisions n'étant pas à prendre dans cinq ans.

M. Williams: Merci. Deuxième question avant que je passe la parole. Vous avez parlé de partenariats beaucoup. Vous avez parlé dans votre mémoire de la création d'une nouvelle section à la liste de médicaments. Parce que tout le monde parle qu'il veut avoir l'accès au prix le plus bas, sauf que, quand il est malade, il veut avoir la meilleure qualité de soins possible, les meilleurs médicaments. Est-ce que vous pouvez expliquer un peu plus l'idée de la nouvelle section de la liste de médicaments et aussi le concept des partenariats, les gestes concrets, qu'est-ce qu'on peut faire des partenariats avec RAMQ, avec CCP, avec le gouvernement?

M. Marcheterre (André): Oui, j'aimerais à ce moment-là demander à M. Boisvert de couvrir ce point, mais, si vous me permettez, je vais faire un commentaire pour finir la discussion sur les partenariats en santé et pourquoi c'est important de les faire.

(15 h 40)

Vous savez, présentement on investit 35 % du budget de la province de Québec dans la gestion de la santé. Je pense que personne ne peut se dire ici qu'on va augmenter ça à 45 %, à 55 % ou à 60 %. On investit déjà en santé autant que dans tous les autres postes budgétaires au niveau de la gestion actuelle. Donc, on est arrivé à un seuil du pourcentage des argents qu'on peut dépenser.

La deuxième chose, c'est que l'autre façon d'avoir du financement serait, par exemple, d'augmenter les taxes, et je pense qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui suggéreraient ces jours-ci d'augmenter les taxes, spécialement dans le contexte où les gens qui génèrent la richesse sont souvent des gens mobiles. Et il ne s'agirait pas de créer un exode à ce niveau-là. Donc, il reste une seule voie de solution, si vous voulez, et c'est d'augmenter la performance des ressources qui sont déjà dans le système. Et je vous soumettrais qu'il n'y a pas d'autre façon d'augmenter la performance des ressources dans le système que d'asseoir à la même table les médecins, les pharmaciens, les infirmières et autres travailleurs de la santé, les patients qui ont des choses à dire dans ce domaine-là, le gouvernement et le secteur privé pour ensemble gérer.

Sur le fonctionnement du système actuellement, Alain peut ajouter.

M. Williams: Je pense que mon collègue a une autre question, et peut-être on peut continuer ça après.

Le Président (M. Beaumier): Oui, effectivement. Moi, je vais demander à M. le député de Verdun – il reste M. le député de Verdun – il reste deux minutes en tout et partout.

M. Williams: Peut-être vous pouvez tricoter la réponse.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je vais vous dire d'une part à quel point nous sommes fiers des industries pharmaceutiques au Québec. Est-ce que je résumerais en un mot ce que vous venez de nous dire en ce qui touche la règle de 15 ans et la question du prix le plus bas ou du prix de référence? Vous venez nous dire: Nous représentons ici les industries de recherche pharmaceutique québécoises et canadiennes, nous devons tous les jours parler avec des conseils d'administration mondiaux et, si nous voulons pouvoir continuer à attirer ici les investissements chacun dans nos propres compagnies, nous avons besoin de démontrer que le Québec a des avantages comparatifs par rapport à la France, la Thaïlande ou la Malaisie et cette règle du 15 ans est un des avantages comparatifs qui nous permet, lorsque nous parlons aux conseils d'administration à Londres, à New York ou à Paris, de pouvoir attirer les investissements au Québec. Est-ce que je comprends votre position?

M. Halfon (Jean-Michel): Dans un environnement stable, c'est vrai, mais, dans un environnement changeant, le nombre de fois où nous avons à intervenir auprès de nos conseils d'administration devient beaucoup plus fréquent...

M. Gautrin: Donc, vous avez besoin réellement de...

M. Halfon (Jean-Michel): ...donc ça devient encore plus important.

M. Gautrin: Ça devient encore plus important.

M. Halfon (Jean-Michel): Voilà.

M. Gautrin: Mais, réellement, vous êtes nos représentants auprès des conseils d'administration. Écoutez bien, j'insiste, vous êtes nos représentants, nous, Québécois, auprès des conseils d'administration des grandes compagnies pharmaceutiques pour maintenir les activités de recherche ici, au Québec.

M. Marcheterre (André): Absolument.

M. Gautrin: Et vous avez besoin d'armes et d'arguments, et c'est pour ça qu'on a besoin de vous.

M. Marcheterre (André): Vous avez parfaitement raison. Et nous disons une deuxième chose aussi, c'est que nous sommes tout à fait conscients de la problématique de la gestion du programme de médicaments et du système de santé et nous voulons aussi travailler en partenariat pour aider à la résoudre.

M. Gautrin: Je vous remercie. Compte tenu du temps...

Le Président (M. Beaumier): Alors, Mme la ministre, vous avez trois minutes et un peu plus.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Il est équitable, comme vous le constatez. Je voudrais rassurer le député de Nelligan quant à ce qui nous caractérise comme différence. Je n'ai pas d'inquiétudes. Il y a plus que notre façon de traiter l'industrie pharmaceutique au Québec, rassurez-vous.

Cela étant, même en retouchant la règle des 15 ans, il y aurait des avantages encore comparatifs intéressants, mais je comprends que M. Marcheterre a bien éclairé l'échange que nous avons eu jusqu'à maintenant en disant: Il faut être compétitif non seulement avec le reste du Canada, mais avec le monde entier. Et je pense que c'est vrai autant dans l'industrie pharmaceutique que dans d'autres industries. Et, en ce sens-là, le Québec a fait des pas de géant à cet égard quant à l'appui aux industries de la nouvelle économie dont on peut dire que l'industrie pharmaceutique fait partie.

Et juste pour se rappeler aussi qu'il est évident que la mission du ministère de la Santé et des Services sociaux, c'est d'abord et avant tout de s'assurer que les gens aient accès aux meilleurs soins possible dans un contexte où nous n'avons pas toutes les ressources que nous voudrions avoir bien sûr, parce qu'on est dans un contexte limité, et donc qu'on peut avoir par ailleurs, comme gouvernement, d'autres intérêts au plan économique et qu'il y a peut-être d'autres mécanismes que le mécanisme que nous connaissons maintenant pour soutenir l'industrie pharmaceutique. Alors, c'est tout ça qu'il faut être capable de regarder ensemble.

Une question plus pointue. Vous avez parlé des mécanismes d'inscription à la liste des médicaments du Québec et vous dites: «Il y aurait probablement lieu de réviser le processus décisionnel menant à l'inscription des médicaments à la liste régulière. Une révision collégiale des critères et des procédures d'inscription des produits permettrait sans doute de clarifier de telles questions ainsi que de renforcer la transparence du processus et la confiance que le public, les professionnels de la santé et les fabricants lui portent.» J'aimerais que vous soyez un petit peu plus explicite sur ce que vous voudriez que nous fassions, sur les recommandations que vous pourriez nous faire à cet égard-là.

M. Marcheterre (André): Je vais demander à M. Boisvert de répondre, Mme la ministre.

Mme Marois: Oui, M. Boisvert.

Le Président (M. Beaumier): M. Boisvert.

M. Boisvert (Alain): À cet égard-là, Mme la ministre, notre mémoire rejoignait le propos de certains autres groupes d'experts qui vous ont conseillée. Le rapport du Dr McGregor, entre autres, et le rapport Doucet faisaient des suggestions qui allaient dans ce sens et qui ont été reprises dans les pistes de solution. Nos propositions sont nombreuses; je vais essayer de les résumer très, très rapidement.

Il nous semble qu'on gagnerait à mieux intégrer la gestion de la liste des médicaments avec un objectif d'usage optimal des médicaments au sein du régime général. C'est un propos auquel vous avez fait écho dans les pistes de solution. Nous reprenons, nous aussi, une constatation qui a été faite dans les rapports McGregor et Doucet, que la transparence du processus doit être améliorée. On a souvent un processus qui est scientifique de nature et pour lequel, une fois une décision rendue, peu d'information nous est donné sur la nature même de la décision et les raisons de la décision. Alors, comme c'est un processus d'évaluation complexe que la tâche du CCP, des échanges plus transparents seraient nécessaires.

La révision des critères est proposée par plusieurs. Et d'ailleurs, les pistes de solution en font écho, on propose de nouveaux critères, nous considérons que ces critères-là sont un pas dans la bonne décision. Il faut bien se rappeler que les critères actuels datent d'il y a 30 ans, qu'ils sont extrêmement généraux, même un peu ambigus dans certains cas, donc cet exercice de révision – et nous souhaitons participer à cette révision-là, non pas au mécanisme d'inscription des médicaments à titre individuel, il faut bien le comprendre, mais au processus de définition des critères – que ce soit fait d'une façon collégiale, en consultation avec les fabricants, mais aussi les patients et les professionnels de la santé, nous semble nécessaire.

Enfin, dans les suggestions ponctuelles que nous faisons, un recours plus fréquent à des expertises externes nous paraît très important. C'est une pratique qui avait cours il y a quelques années de façon systématique au Conseil consultatif de pharmacologie et qu'on observe moins souvent aujourd'hui. Or, malgré toute son expertise, le Conseil ne peut pas être omniscient dans tous les domaines de la médecine. Donc, il y aurait probablement avantage, pour le public et pour la rigueur des décisions qui sont prises, à ce que ces décisions-là soient prises après consultation de sous-comités d'experts médicaux.

Et enfin, il y a le mécanisme d'inscription conditionnelle, que nous avons proposé, qui serait un juste milieu, un mécanisme mitoyen entre l'inscription à la liste régulière, c'est-à-dire l'inscription ouverte, et les mécanismes d'exception qui sont prévus à l'heure actuelle. Cette forme d'inscription prévoirait une inscription à la liste ouverte mais temporaire et assujettie à des conditions qui pourraient être un programme de gestion thérapeutique, ou encore un programme de revue de l'utilisation des médicaments, ou un simple programme de suivi conjoint, entre l'industrie pharmaceutique, les professionnels et le gouvernement, des dépenses et de l'utilisation d'un médicament. Ce serait particulièrement utile dans le cas de médicaments nouveaux qui apportent un avantage considérable au point de vue thérapeutique, mais qui peuvent être plus coûteux ou dont le volume d'utilisation peut être accru par rapport à l'utilisation existante, et qui, par conséquent, vont entraîner des coûts importants pour le système.

Le Président (M. Beaumier): Merci.

Mme Marois: Je vous remercie beaucoup de votre présentation et des éclairages que vous nous avez apportés.

Le Président (M. Beaumier): Alors, merci, M. Marcheterre, M. Baumgartner, M. Halfon, M. Boisvert.

(15 h 50)

Alors, j'invite la Fédération des médecins spécialistes du Québec.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Beaumier): Alors, j'invite les représentants de la Fédération des médecins spécialistes du Québec et nos collègues à venir s'asseoir, s'il vous plaît.

Bonjour, M. Gauthier, j'imagine? Oui. Alors, bonjour. Auriez-vous l'amabilité de présenter les gens qui vous accompagnent et, en 15 minutes, nous faire part de votre mémoire?

Des voix: ...

Le Président (M. Beaumier): S'il vous plaît! S'il vous plaît!


Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ)

M. Gauthier (Pierre): M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission parlementaire, d'abord je dois remercier la commission de nous avoir donné l'occasion qui nous est offerte d'exprimer son opinion, pour la Fédération, sur l'évaluation du régime général d'assurance médicaments. J'aimerais vous présenter mes collègues. D'abord, à ma droite, Dr Jean Talbot, médecin biochimiste et secrétaire de la Fédération des médecins spécialistes; Dr Jean-Marie Albert, vice-président de l'Association des médecins psychiatres du Québec, à ma gauche; Dr Gaétan Houde, secrétaire-trésorier de l'Association des cardiologues; Dr Simon Martel, président de l'Association des pneumologues du Québec; et Dr Michel Normand, vice-président de l'Association des spécialistes en médecine interne. Vous voyez, nous sortons en famille. On pourrait venir plus nombreux, on est 33.

Le Président (M. Beaumier): En fait, c'est une belle famille.

M. Gauthier (Pierre): Une belle famille. Merci. La Fédération des médecins spécialistes du Québec regroupe 33 associations de médecins spécialistes représentant toutes les disciplines médicales, chirurgicales et de laboratoire exercées au Québec. Au total, 7 500 médecins spécialistes sont membres de la Fédération.

La mission de la Fédération est de défendre et de promouvoir les intérêts économiques, professionnels et scientifiques de ses membres. Cette mission ne peut s'accomplir pleinement sans une participation aux décisions entourant l'organisation des soins de santé. Sa vision est à l'effet que les intérêts professionnels et scientifiques des médecins spécialistes se confondent avec ceux de la population. C'est donc dans ce contexte, fermement convaincue de son rôle social et politique, que la Fédération veut participer activement aux discussions entourant l'évaluation du régime d'assurance médicaments.

La loi instituant le régime général d'assurance médicaments, en juin 1996, stipule à l'article 86 que la ministre de la Santé et des Services sociaux doit, au plus tard le 1er janvier 2000, faire un rapport au gouvernement sur sa mise en oeuvre et sur l'opportunité de le modifier. C'est dans cette optique que, en décembre 1999, la ministre, Mme Pauline Marois, déposait à l'Assemblée nationale le rapport intitulé Évaluation du régime général d'assurance médicaments . Le rapport a été suivi, en février 2000, de la publication du document Les pistes de révision du régime général d'assurance médicaments , qui propose des mesures à court et à long terme pour réduire les coûts du régime. De plus, le document propose sept nouvelles pistes de financement. Nous voulons donner notre appréciation, car ces documents nous ont permis de comprendre et d'évaluer l'ampleur de la problématique. La Fédération des médecins spécialistes du Québec veut aujourd'hui exprimer le point de vue de ses membres soucieux de maintenir la qualité des soins aux Québécois, leurs patients.

Grâce aux développements continus en pharmacologie, les patients peuvent bénéficier de molécules de plus en plus spécifiques qui prolongent la vie, les ramènent à la santé plus rapidement, leur permettant ainsi de reprendre le cours normal de leurs activités, ce qui n'est pas sans intérêt, d'un point de vue économique et social. Par contre, la découverte de médicaments plus efficients et donc plus coûteux, mais aussi plus sécuritaires, influence l'augmentation des coûts du régime. Un plus grand volume d'ordonnances généré par le vieillissement de la population contribue aussi à cette hausse des coûts. Dès l'introduction du régime, en 1996, ses modalités d'application ont fait en sorte que l'accessibilité aux médicaments a été diminuée pour les patients les plus démunis de notre société. Par conséquent, leur fidélité au traitement médicamenteux a été moindre, occasionnant ainsi des coûts supplémentaires pour le système de santé. Même si des modifications ont été apportées récemment, heureusement, pour les prestataires de la sécurité du revenu, il n'en reste pas moins que le principe de l'accessibilité est au coeur de nos préoccupations.

La FMSQ veut exprimer son point de vue au nom des médecins spécialistes soucieux de la santé de leurs patients. Nos patients sont en effet utilisateurs de médicaments et toute modification significative au régime d'assurance médicaments pourrait avoir des conséquences sur leur santé et sur la pratique médicale avec potentiellement des répercussions négatives sur les coûts de notre système de soins. Ainsi, la FMSQ s'inquiète certes des coûts des médicaments, mais encore plus des mesures visant à corriger leur dépassement. Toute mesure qui ferait en sorte de réduire l'accessibilité aux médicaments ne peut être avalisée par la Fédération.

La Fédération endosse sans réserve la conclusion du rapport du Dr Robyn Tamblyn à qui le ministère avait demandé d'évaluer l'impact de la hausse de la contribution des usagers pour les personnes âgées et les prestataires d'assistance emploi. Cette conclusion du rapport résume bien nos inquiétudes. Elle se lit: «La baisse de consommation de médicaments essentiels a entraîné des effets négatifs sur la santé des patients et une hausse de la consommation des autres services de santé: visites médicales, visites à l'urgence, hospitalisations et admissions en soins de longue durée.» Les effets pervers de certaines économies sont donc doubles: non seulement les patients sont privés des médicaments essentiels à leur bien-être, avec réapparition des symptômes et signes de leurs pathologies, mais, en plus, les économies potentielles sont annulées par de nouvelles dépenses qui auraient été autrement évitées. On réalise facilement que les dépenses générées par une rechute et nécessitant une réhospitalisation, qu'elle soit de quelques heures ou quelques jours, dépassent largement une possible économie en termes de médicaments.

À noter que les médecins spécialistes, moins présents dans les soins de première ligne, travaillent en général dans un contexte de diagnostics plus avancés et de traitements plus spécifiquement ciblés. De là, les médecins spécialistes sont sans doute les premiers à utiliser des produits nouvellement développés et forcément plus coûteux. Mais l'expérience des dernières années a clairement démontré que l'utilisation de médicaments, même coûteux, génère plus souvent qu'autrement de grandes économies. On n'a pour s'en convaincre qu'à penser au remplacement de la chirurgie digestive par le traitement médicamenteux de la pathologie ulcéreuse de l'estomac, véritable révolution de la pratique médicale au début des années quatre-vingt; une importante réduction des coûts de chirurgie et d'hospitalisation en a résulté, d'une part, et, d'autre part, une amélioration de la qualité de vie pour nos patients.

De nombreux autres exemples pourraient être cités dans quasi tous les secteurs de la médecine spécialisée, dont en pathologie cardiovasculaire, en pneumologie ou en santé mentale, pour n'en nommer que trois des plus probants. S'il fallait pratiquer aujourd'hui les pontages aorto-coronariens selon les critères opératoires des années soixante-dix et quatre-vingt, c'est-à-dire avant l'avènement de médicaments, tels les bêta-bloquants, les inhibiteurs de l'enzyme de conversion et les bloquants des canaux calciques, les délais d'attente en chirurgie cardiaque ne seraient plus évalués en termes de semaines ni de mois, mais en termes d'années. Ces médicaments permettent maintenant de traiter médicalement un grand nombre de patients angineux et de leur éviter une chirurgie.

L'asthme, maladie très répandue, est remarquablement mieux traitée, de manière plus efficace et plus sécuritaire, avec les médicaments mis au point au cours des 10 dernières années. Les asthmatiques peuvent aspirer – on pourrait dire «respirer mieux» aussi – à une vie normale et productive et même pratiquer des sports – Mme Sylvie Bernier étant un exemple illustre, elle a gagné une médaille d'or aux Olympiques. Même chose pour les patients atteints de troubles mentaux qui peuvent aujourd'hui continuer à vivre en société, vaquer eux-mêmes à leurs affaires et travailler. Ce gain de productivité secondaire à l'accès aux médicaments compense à lui seul leur coût, sans compter l'état de bien-être bien sûr consenti aux malades.

(16 heures)

Commentaires sur Les pistes de révision du régime général d'assurance médicaments . Le régime actuel. La Fédération est évidemment d'accord avec le régime d'assurance médicaments. Sa mise en place par la loi de juin 1996 constitue un atout majeur pour notre système de soins et la santé de la population québécoise. La FMSQ est également d'accord qu'une évaluation en profondeur est maintenant nécessaire pour trouver des solutions à une escalade importante des coûts, et ce, afin d'assurer la pérennité du régime et garantir l'accessibilité aux médicaments pour tous les citoyens québécois sans égard à leurs moyens financiers.

Contrôle des coûts, mesures à court terme. Limiter le montant remboursé au prix de la marque commerciale la moins dispendieuse – on a entendu parler de la notion du prix le plus bas. La FMSQ ne veut pas émettre d'opinion sur le bien-fondé de la contestée, entre guillemets, règle de 15 ans. C'est au gouvernement du Québec de décider de la conduite à tenir dans ses relations d'affaires avec les importants partenaires commerciaux que sont les compagnies pharmaceutiques.

D'autre part, la FMSQ souhaite que soient maintenues au Québec des conditions favorables à la recherche fondamentale ainsi qu'à la recherche clinique effectuée dans les hôpitaux québécois par les médecins spécialistes pour les malades. Ces deux niveaux de recherche se traduisent par des retombées positives à la fois pour les patients et les institutions universitaires d'enseignement. Il faut le dire, il y a des retombées économiques également.

Deuxième mesure. Entre deux médicaments dont les effets sont similaires, ne payer que le prix du médicament ayant le meilleur coût-efficacité – la notion du prix de référence. À première vue, ceci semble logique, mais pas nécessairement simple dans la réalité pour le médecin et son patient. Deux médicaments de la même classe peuvent prétendre à la même action thérapeutique, mais les réactions secondaires qu'ils peuvent entraîner, souvent imprévisibles, sont variables d'un patient à l'autre. Pour des raisons encore mal comprises, un patient peut très bien répondre à un médicament donné, alors qu'un autre atteint de la même maladie y réagira très défavorablement. La FMSQ ne peut entériner un système ou un choix rigide et limité de médicaments qui serait contraignant pour le médecin traitant et empêcherait son patient d'obtenir la molécule qui lui convient. N'oublions pas que là encore une petite économie potentielle pourrait être annulée par des réactions indésirables désagréables, potentiellement dangereuses et coûteuses à traiter. N'oublions pas que les réactions indésirables aux médicaments constituent une cause d'hospitalisation importante.

La FMSQ aimerait que le programme permette d'assurer aux malades un traitement médicamenteux optimal et personnalisé. La FMSQ voudrait aussi que soit évitée une vision en «silo» – ça a l'air d'un mot à la mode – des économies à réaliser, ne faisant que transformer les économies d'un régime donné en dépenses pour un autre régime.

Maintenant, les mesures à long terme. Trois mesures sont proposées par le document ministériel: révision des critères de décision pour l'inscription des médicaments sur le formulaire provincial, renforcer les revues d'utilisation des médicaments pour vérifier s'ils sont bien utilisés et pour documenter leur efficacité pratique, intégrer le Conseil consultatif en pharmacologie et le Comité de revue de l'utilisation des médicaments.

La FMSQ est favorable aux deux premières suggestions et souscrit à toute mesure susceptible de rendre le régime plus efficient et moins coûteux, tout en préservant toujours l'accessibilité, l'efficacité et la flexibilité du régime. Elle est prête à répondre à toute demande d'aide qui pourrait être faite en ce sens.

Cependant, concernant la première mesure, la FMSQ s'interroge à la lecture du bulletin Information , été 99, publié par Les Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada. Le bulletin fait état de l'inscription des nouveaux médicaments sur les formulaires provinciaux et compare, entre parenthèses, la générosité des provinces canadiennes. Avec des statistiques portant sur le lancement de 80 produits en décembre 1996 et novembre 1998, on apprend que le Québec a inscrit 40 nouvelles molécules sur son formulaire provincial, alors que les neuf autres provinces y allaient de un à 31 médicaments nouveaux, l'Ontario n'en autorisant que 13.

En rapport avec la deuxième mesure, le problème de la pertinence de la prescription médicamenteuse est une dimension qui s'ajoute à celle des choix diagnostiques et thérapeutiques. Globalement, cette problématique est un aspect à prendre en considération dans l'analyse des augmentations des coûts du système de santé. Seule une formation adéquate des médecins permettra des choix plus judicieux. La sensibilisation à ce problème doit s'exercer tant au niveau des programmes de formation en médecine que par la formation continue des intervenants. Par ailleurs, une plus grande continuité des soins, surtout en première ligne, permettrait une amélioration du problème de la prescription judicieuse tant au niveau diagnostique que thérapeutique.

Concernant la troisième mesure, la FMSQ se questionne sur la pertinence de l'intégration proposée considérant qu'un maillage de la logique économique du Comité de revue de l'utilisation des médicaments avec la logique professionnelle du Conseil consultatif en pharmacologie pourrait être un frein à l'impartialité souhaité de ce dernier. C'est un questionnement.

Les nouvelles pistes de financement. La FMSQ n'a pas ici de prétentions comptables ou actuarielles, loin de là. Aucun des sept scénarios proposés ne lui garantit que l'accessibilité aux médicaments sera maintenue, nous l'espérons par ailleurs. Toute mesure économique qui aurait pour résultat de nuire à l'observance d'un traitement médicamenteux ne saurait être acceptable. Non seulement elle est humainement et éthiquement inacceptable parce qu'elle empêche un malade de maintenir ou retrouver un état de santé satisfaisant, mais en plus elle entraîne des coûts inévitables de visites médicales et de traitements qui auraient autrement pu être évités, amenant ainsi un arrêt de travail ou une convalescence prolongée pour un patient donné.

Par contre, plus spécifiquement concernant les sept scénarios proposés, la Fédération des médecins s'interroge sur la signification d'une étude de la compagnie IMS Santé Canada publiée dans sa revue Innovation , édition hiver 1999. Cette étude nous présente la proportion du nombre total d'ordonnances payées au Canada par les assurances privées. En 1998, cette part était d'environ 12 % au Québec, de 38 % au Nouveau-Brunswick, alors que la moyenne nationale était de 21 %, soit près du double de celle du Québec. Ainsi, dans l'ensemble du Canada, et plus particulièrement au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et en Ontario, le privé contribue beaucoup plus largement qu'au Québec au paiement des ordonnances.

Par ailleurs, selon un document du ministère des Finances, il semble qu'on est moins riches au Québec que nos voisins ontariens. Les Québécois semblent avoir une politique plus généreuse en revanche en termes de remboursement des médicaments via le régime public.

Un plus grand recours au privé, qui permettrait une mise en commun des risques et une répartition équitable des primes à payer entre tous les assurés, pourrait être une piste intéressante, conditionnellement à ce que l'accessibilité soit garantie pour tous.

En conclusion, la FMSQ souhaite que les modifications qui sont apportées au régime général d'assurance médicaments permettent l'accessibilité aux médicaments les plus appropriés à la condition médicale des patients et que les augmentations de coûts du régime ne deviennent pas un frein à cette accessibilité.

Nous vous remercions de votre bienveillante attention et sommes disposés à répondre à toutes vos questions. Nous n'avons pas la prétention de croire que notre mémoire est un remède aux médicaments, mais nous espérons que la commission pourra favoriser que ce soit un médicament au remède financier... d'en trouver un de la bonne façon. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Merci, Dr Gauthier. Alors, Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, merci de votre présentation. C'est toujours intéressant d'avoir des éclairages diversifiés, particulièrement de la part de gens comme vous qui êtes sur la ligne de front et qui connaissez bien ce dont vous parlez.

Juste une petite remarque. C'est intéressant d'ailleurs, parce que vous le soulignez dans votre rapport, que c'est vrai que le Québec, c'est probablement l'endroit où nous avons le régime le plus généreux, si tant est qu'il y a des régimes ailleurs, parce que dans beaucoup d'autres provinces il n'y a pas de régime, si ce n'est des régimes d'assurance catastrophe qui obligent les gens à débourser des sommes considérables avant que le gouvernement ne prenne la relève. Donc, en ce sens-là, on a été très progressiste, il faut se le redire parfois, parce qu'on a tendance à l'oublier.

Vous faisiez référence aussi au rapport Tamblyn. C'est vrai qu'il y a eu des effets indésirables qui, entre autres, ont été largement corrigés évidemment par les modifications qu'on a apportées pour les personnes qui étaient à l'aide de dernier recours, soit 115 000 personnes qui recouvraient beaucoup des personnes ayant des maladies mentales. Et donc ça a permis de ne pas limiter leur accès à quelques médicaments, puisque le régime maintenant est complètement gratuit pour ce qui est de ces personnes. Par ailleurs, et ce n'est pas inutile de se le rappeler, Tamblyn disait aussi que le régime avait fait baisser la consommation de médicaments moins essentiels chez les personnes âgées, ce qui est un effet évidemment positif dans le sens où on a moins consommé de médicaments qui n'étaient pas pertinents et utiles. Alors, c'est intéressant de se le rappeler.

Vous soulevez dans votre mémoire – là, je vais poser quelques questions sur cet aspect-là – une question qui nous a été apportée tout à l'heure par le Collège des médecins – je ne sais pas si vous étiez là – et qu'on a abordée aussi hier. Vous dites que « seule une formation adéquate des médecins permettra des choix [...] judicieux». Et il était soulevé hier le fait qu'on n'avait pas une formation suffisamment longue, dans nos facultés de médecine, à cet égard, et qu'il y avait des problèmes de formation continue. Et on soulevait aussi le fait que c'étaient souvent les compagnies pharmaceutiques qui étaient amenées, en faisant la promotion de leurs nouveaux médicaments, à expliquer l'utilisation et la valeur du médicament, mais que ce n'étaient pas nécessairement des gens ayant une perspective un peu plus objective, comme professionnels, qui le faisaient.

Alors, est-ce que vous croyez qu'on devrait changer à cet égard-là nos modes de pratique, nos façons de faire? Est-ce qu'on devrait intervenir au niveau de la formation continue d'une façon un petit peu plus importante, si on veut? Est-ce que vous avez des pistes concrètes, dans ce sens-là, à nous proposer?

M. Gauthier (Pierre): Oui, Mme la ministre. Nous, à la Fédération – le Dr Lamontagne nous a cités tantôt, nous en étions très fiers – nous avons un office de formation médicale continue qui est très actif et qui se fait par le biais de toutes nos associations. Alors, je pense que la formation, c'est une chose éminemment importante, et on devrait intensifier cela versus la formation universitaire au départ. Je pense que l'aspect de la pharmacologie...

(16 h 10)

Et ça me permet de dire quelque chose, si vous me permettez, de voir un peu l'évolution. Peut-être qu'Hippocrate serait très surpris de voir une commission parler de tant de choses alors qu'il n'avait que des herbes médicinales, à l'époque. Et, plus tard, évidemment, on a parlé aussi de miracles. Il y a eu des thaumaturges, il y a eu bien sûr les sorciers, et Molière s'est gouré de la médecine de l'époque pas à peu près, et c'étaient des lavements, encore des lavements; des saignées et des saignées. Et là on a vu l'évolution – les barbiers, les précurseurs de la chirurgie – pour voir à nouveau, dans le XXe siècle, une chirurgie qui, je pense, s'est développée beaucoup – l'avènement de la pénicilline et de l'insuline. Mais on a évolué beaucoup du côté de la chirurgie, et, grâce à l'avènement d'anesthésiques qui sont maintenant sécuritaires, ils permettent de faire des chirurgies qu'on n'aurait jamais pu faire. Alors, on voit aussi l'évolution de la fibre optique.

C'est une évolution, je pense, qu'on vient de vivre, mais je pense qu'on approche maintenant un sujet qu'on devra rediscuter fréquemment – et c'est une priorité, et nous sommes fiers que vous en parliez: l'ère des médicaments, de la molécule. Si ce fut l'ère de la chirurgie, c'est maintenant l'ère de la molécule. Et qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, vous adressez très bien le problème, c'est qu'aujourd'hui les coûts vont toujours augmenter, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas. Et là la Fédération encourage la formation pour avoir des traitements de plus en plus spécifiques. Et ça, c'est important pour diminuer les coûts: le bon médicament au bon patient, j'espère – surtout – et également de comprendre que...

Regardons, le fonds consolidé de la province injecte de plus en plus d'argent. C'est bien qu'il y ait un filet social, mais du côté des adhérents, y a-t-il eu un sous-financement? Remarquez que je ne suis pas fort en chiffres, je ne veux pas prétendre... mais y a-t-il eu un sous-financement? Peut-être. Il faut se poser la question.

Alors, je pense que ceux qui sont capables de payer – c'est ce que nous disons – doivent payer. Mais on ne doit pas prescrire impunément, il faut qu'il y ait une pertinence. Et j'insiste sur la formation, l'office. Tantôt, on a proposé une gestion de programme...

Mme Marois: La gestion thérapeutique.

M. Gauthier (Pierre): La gestion thérapeutique.

Mme Marois: Oui. Bien, c'était la question suivante que je voulais soulever.

M. Gauthier (Pierre): Ça semble séduisant, à première vue, mais il faudra, de notre part, avoir une réflexion davantage, parce que ça semble une espèce de «managed» de médicaments, un «managed care». Puis on sait, les HMO, au départ, c'était très séduisant puis là tout le monde n'en veut plus. Ça fait qu'il faut faire attention.

Également, il y a un autre aspect, si vous me permettez, c'est la prise en charge du malade, de ses médicaments. Parce qu'on sait que, s'il ne prend pas ses médicaments de façon continue, il va rechuter. Et là-dessus, je me permettrais de demander à mon collègue, le docteur en pneumologie... Ils ont un programme, je dirais, québécois, ici, dans la province de Québec, sur l'asthme, qui permet au malade... Et ça génère, à notre sens, des économies. Je demanderais au Dr Martel de bien vouloir en exposer brièvement.

M. Martel (Simon): Bien, un peu en exemple, c'est le Réseau québécois d'enseignement aux asthmatiques qui a mis sur pied un programme d'enseignement qui a pour but d'enseigner au patient la gestion de sa maladie, dans le fond. Et un des volets importants est évidemment la prise du médicament, la prise adéquate du médicament – parce qu'on sait que les médicaments, pour les asthmatiques, sont souvent sous forme d'inhalations, donc il y a différentes techniques – et la gestion aussi du dosage de la médication. Parce qu'il y a une particularité, dans l'asthme, c'est qu'on demande souvent au patient de faire une autogestion du dosage de sa médication, c'est-à-dire d'augmenter dans les périodes où il va moins bien, de rediminuer par la suite. Et ces programmes d'enseignement là ont été démontrés comme efficaces pour diminuer les visites à l'urgence et diminuer les hospitalisations.

Donc, je pense qu'il faut aussi, parmi les voies d'avenues à explorer, regarder ce qu'on peut faire pour faire de l'enseignement non seulement au médecin mais également au patient pour apprendre à gérer sa médication et aussi à connaître sa médication. Tantôt on avait une question: Est-ce qu'on pourrait enseigner aux médecins à demander à leurs patients quels médicaments le patient prend? Mais souvent, c'est désolant de voir comment le patient arrive dans notre bureau, on lui pose la question, puis il est incapable de nous répondre quels médicaments il prend. Et ça n'a pas besoin d'être nécessairement une personne âgée ou une personne atteinte d'une maladie mentale.

Mme Marois: Je pense qu'il y a mon collègue... Est-ce que vous vouliez ajouter autre chose, Dr Gauthier?

M. Gauthier (Pierre): Je voudrais juste dire un peu sur les silos, si vous me permettez. C'est sûr que nous souhaiterions, la Fédération, qu'il y ait une étude – et je pense que ça se parle beaucoup – multiparamétrique, à savoir que les médicaments, ça coûte plus cher peut-être, mais ça fait sauver combien d'argent dans les hôpitaux. Et ça, ce n'est pas facile, ce n'est pas aisé. Mais dans l'ère, que je viens d'annoncer solennellement, de la molécule, je pense qu'on ne peut plus se soustraire à faire les efforts nécessaires pour en connaître les bienfaits, les coûts-bénéfices. Alors, c'est ce que je voulais dire.

Également, l'investissement des compagnies pharmaceutiques au Québec, qui amène une rémunération assez intéressante des employés et des chercheurs, fait qu'ils paient des impôts ici et ça s'en va direct au fonds consolidé et permet indirectement...

Mme Marois: Puis ça nous permet de payer nos médicaments.

M. Gauthier (Pierre): Bien oui, ça nous permet d'aider les médicaments. Alors, il faut prendre ça en compte aussi de façon multiparamétrique et non seulement en silos. Alors, c'est ça, un petit peu, cet aspect global. Alors, ils investissent ici bien sûr, ils font de l'argent bien sûr, mais ils permettent au fonds consolidé de payer aux personnes âgées et aux plus démunis.

Mme Marois: Ça doit être doux à leurs oreilles, là, de vous entendre. Ha, ha, ha!

M. Gauthier (Pierre): Eh bien, j'aime la musique, j'aime la douceur, hein. Ha, ha, ha!

Mme Marois: C'est bien, c'est bien, Dr Gauthier. J'ai un collègue qui voudrait poser d'autres questions, si vous permettez.

Le Président (M. Beaumier): M. le député de Masson.

M. Labbé: Ah, merci, M. le Président, merci, Mme la ministre. Alors, M. Gauthier, toute votre équipe, félicitations pour la présentation. J'ai remarqué que vous aviez le sens de l'humour tout à l'heure. J'avais l'impression que vous étiez en train de nous servir une nouvelle médecine avec vos citations.

M. Gauthier (Pierre): Ça évite les médicaments, ça.

M. Labbé: C'est ce que je pensais, c'est ce que j'allais vous dire: C'est peut-être une façon d'économiser sur les médicaments. Alors, dans le même ordre d'idées, je vais revenir un petit peu à ce que Mme la ministre nous soulignait tout à l'heure. En deux jours, on a eu cinq mémoires qu'on a entendus et, sur les cinq, il y en a déjà quatre qui nous ont parlé justement de toute la gestion thérapeutique et, d'une façon peut-être plus spécifique, de toute la question de la formation des médecins. J'aimerais revenir avec vous peut-être d'une façon plus pointue, d'autant plus que vous avez cité les assureurs. Tout à l'heure, on parlait qu'au Québec évidemment ils contribuaient peut-être moins que par rapport à d'autres provinces. Eux autres ont fait la même chose hier, ils vous ont cités. Et je vais vous lire un petit peu ce qu'ils nous disaient et je vais accrocher peut-être plus sur une phrase d'une façon particulière. Alors, je cite en conclusion ce qu'il disait, le groupe des assureurs du Québec, hier: «Par conséquent, les assureurs estiment que la seule façon – et je répète "la seule façon" – efficace de mieux contrôler l'évolution des coûts de l'assurance médicaments passe nécessairement par une meilleure formation des médecins.»

Alors, vous comprendrez tout de suite... Et vous en parlez aussi dans votre mémoire, à la page 6, et vous rajoutez... En plus de la formation, vous parlez aussi de la formation continue. Évidemment, moi, j'aimerais ça vous entendre sur comment ça peut se faire. Et est-ce que c'est réaliste de penser que c'est la seule solution pour éviter l'augmentation des coûts de médicaments, selon le groupe des assureurs, de parler de formation des médecins? Si vous êtes d'accord avec ça. Puis on a quand même quatre mémoires sur cinq actuellement qui en parlent. Si c'est ça, la solution, c'est-u applicable? Et est-ce qu'on peut avoir une certaine forme de garantie de résultat par rapport à ce qui était énoncé soit par le groupe des assureurs, par vous-mêmes, par la Fédération des médecins du Québec tout à l'heure?

M. Gauthier (Pierre): C'est de bonne guerre que les actuaires parlent de nous pour dire que ça a coûté plus cher, comme moi, c'est de bonne guerre de dire qu'ils ont peut-être mal compté au départ. Alors, évidemment, ça va ensemble. Et...

M. Labbé: C'est ça. Et j'essaie de voir qui a raison.

M. Gauthier (Pierre): Alors, vous comprendrez que c'est un peu une valse.

M. Labbé: Bien, c'est ça. Ha, ha, ha!

M. Gauthier (Pierre): C'est cela. Alors, pour vous dire que la formation – et je ne suis pas ici en mesure de parler de l'université – devrait peut-être accentuer la formation de base. Il y a eu des modifications dans l'évolution de l'enseignement de la médecine et des cours à l'université au cours des années. Et, évidemment, je pense qu'on devait mettre plus d'accent sur l'aspect de la pharmacologie. Il faut connaître d'abord la science de base pour pouvoir comprendre son application thérapeutique. Alors, ça, ça commence par l'université.

(16 h 20)

Par la suite, je pense qu'il faudra intensifier, en collaboration... Et là je pense que c'est une approche qu'on devra maintenant faire de façon continue, une approche multidisciplinaire. On se souvient à l'époque que les apothicaires brassaient quelque chose avec un mortier, il en sortait quelque chose, mais aujourd'hui ce n'est plus ça du tout. C'est la même chose, la médecine évolue. Il va falloir le faire non seulement en partenariat mais en collaboration avec les pharmaciens. Moi, je me souviens quand le pharmacien au départ – quand j'ai commencé ma pratique – montait sur l'étage, il redescendait rapidement parce qu'il avait eu peur. Aujourd'hui, ce n'est plus ça, c'est la collaboration, que ce soit avec les pharmaciens, en recherche. Dans les hôpitaux, d'ailleurs, il y a beaucoup de pharmaciens et nous incitons à travailler eux. Ce que je veux dire par là: L'approche de la prescription médicale va se faire par un groupe. Quand on parle de molécules qui peuvent coûter 100 000 $ par patient... Et ça, je me permets de souligner que les médecins spécialistes ne sont que pour 30 % de la prescription au total, avec votre permission, évidemment. Alors, je pense qu'il faut accentuer l'idée de la spécificité que le médicament, surtout lorsqu'il y a des coûts – les nouvelles molécules – soit fait avec beaucoup de sagesse, en collaboration avec les omnipraticiens parce qu'ils auront à revoir le patient. C'est une continuité de soins.

Alors, ce que je veux dire, c'est qu'on ne peut plus s'isoler l'un de l'autre. Qu'il y ait des programmes consultatifs, c'est-à-dire qu'on intensifie et qu'on investisse de l'argent dans ce que le Dr Martel... pour aider les patients à comprendre ce que c'est, un médicament. Il y a beaucoup de fois, le patient avale ses pilules, il est mieux, salut, on ne les prend plus. Les hypolipémiants, exemple. Avant, les médicaments n'agissaient à peu près pas. À ce moment-là, on avait reçu, je m'en rappelle, une missive – quelque chose comme en 1990 – de les donner gratuitement. Mais deux ans après, de 10 000 $ que ça pouvait coûter dans un petit hôpital, ça a monté à 60 000 $.

Mais, par contre, le cholestérol est formé à 80 % de notre organisme, il ne reste plus rien que 20 % qu'on peut contrôler avec la diète. Ce n'est pas qu'une petite affaire, c'est un gros projet, c'est un projet d'envergure. Alors, les hypolipémiants fonctionnent et préviennent les maladies coronariennes. Et lorsqu'elles sont associées avec le diabète – maladie insidieuse, hypocrite, perverse, qui atteint non seulement le cerveau, la rétine, les reins, les jambes et les nerfs – bien là il faut faire en sorte qu'il faut investir dans les médicaments. Et c'est pour ça que je disais qu'on est dans une ère... Non seulement vous aurez à revenir, mais je pense que la commission est une étape et il devra y avoir une réflexion plus avancée, voir maintenant qu'il y a un avènement nouveau.

La chirurgie est après disparaître. Peut-être. Là, je n'ai pas de collègues chirurgiens, j'ai fait exprès de ne pas en amener. C'est clair et net que les choses changent avec la fibre optique et la spécificité des médicaments.

M. Labbé: C'est beau. Je vous arrête, parce que c'est intéressant, vous devriez être professeur aussi. En termes de partenariat, vous avez parlé, M. Gauthier...

Le Président (M. Beaumier): Une dernière petite question.

M. Labbé: Petite? Ah oui! Mon doux. Vous m'avez joué un tour là, vous. Alors, en termes de partenariat, on a eu une offre tout à l'heure, entre autres, de Les Compagnies de recherche pharmaceutique. Est-ce que vous considérez que ça peut être un partenariat qui peut être intéressant dans la formation des médecins ou si, pour vous, on s'en tiendrait plutôt aux pharmaciens que vous avez cités ou des choses comme ça?

M. Gauthier (Pierre): Écoutez, toute proposition qui fait en sorte que les coûts peuvent diminuer, et surtout que ce partenariat-là ne soit pas fait uniquement médecin-industrie, je pense que ça, ça serait... il faut que ce soit fait par différents professionnels, il faut que le gouvernement soit de la partie. Parce que le fonds consolidé... Je parlais tantôt des impôts, ce n'était pas pour des industries, je pense que c'est une bonne mesure que le gouvernement paie pour les plus démunis de la société. Alors, c'est dans ce sens-là que j'intervenais tantôt. Je pense que c'est bien important, ça, que toute mesure qui sera proposée, on ne veut pas la rejeter, mais tantôt on voulait agir avec prudence. Il y a d'autres choses peut-être. Nous sommes d'accord avec tout ce qui peut être proposé. Nous allons l'analyser. Nous avons fait une offre, on veut être aidant, participer pour l'avenir dans ce dossier très complexe. Ce n'est pas une petite affaire, là, c'est un gros projet, de contrôler les coûts. Puis moi, je dis qu'ils vont augmenter tout le temps. Je ne suis pas pessimiste, je suis optimiste, les malades vont être moins malades.

M. Labbé: Merci, M. Gauthier.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le député de Masson. M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Bienvenue, Dr Gauthier, et merci de votre présentation et de votre mémoire. Il me reste d'abord à vous dire que je retiens avec beaucoup d'intérêt votre proposition de faire une analyse des économies qui peuvent être faites dans des composantes du système de santé autres que les médicaments, parce que, d'un côté, si le coût des médicaments augmente et que des économies sont effectuées dans les autres secteurs du réseau de la santé, je pense qu'il est intéressant de le savoir, surtout au moment où on veut transférer l'augmentation du coût des médicaments aux bénéficiaires individuellement par mode d'augmentation de primes, de contributions ou de franchise. Alors, je pense que c'est une proposition qui est extrêmement intéressante, et, d'ailleurs, il en a été question hier.

Sur le plan des médicaments, ce que vous semblez mentionner, notamment, je pense, à la page 5 de votre mémoire, c'est l'importance d'avoir un système relativement souple pour permettre au médecin de choisir le médicament qui lui paraît le plus approprié. Et j'imagine que c'est relativement important lorsqu'il y a de nouveaux médicaments qui de plus en plus arrivent sur le marché.

Par ailleurs, à la page 6, vous semblez vous interroger sur le nombre de nouveaux médicaments inscrits sur la liste au Québec par rapport à ce qui semble être le cas dans les autres provinces. Donc, je me dis: Est-ce qu'il n'y a pas un peu, pas une contradiction mais disons une nuance entre ce que vous affirmez à la page 5 et puis à la page 6? Est-ce que, en d'autres termes, vous considérez qu'on inscrit trop de médicaments au Québec?

M. Gauthier (Pierre): Ce n'est pas une contradiction. Ce que nous voulons exprimer, c'est notre souci. Peut-on faire davantage de ce côté-là? Si on prend la moyenne canadienne... On aime à y faire référence, on veut se comparer avec des choses... On ne peut pas se comparer avec ailleurs, d'autres pays, mais la moyenne canadienne nous permet de dire qu'il y a eu plus de médicaments inscrits. Alors, c'est peut-être nous qui avons raison et eux autres ont tort. Parce que, je regarde, dans certains endroits, ils ont l'assurance catastrophe; on dit qu'ils ont tort, parce que je pense que notre programme est beaucoup plus près de la population, des malades, que le programme ailleurs.

Alors, ceci dit, nous, vis-à-vis le choix... c'est important dans le sens que, pour des raisons qu'on ignore, on peut avoir la même molécule pour la même thérapeutique puis avoir des effets indésirables. C'est dur à expliquer. Là-dessus, je demanderais à mon collègue, le président de l'Association des psychiatres qui, eux, ont à gérer beaucoup de médicaments. Alors, Dr Albert, s'il vous plaît.

Le Président (M. Beaumier): M. Albert.

M. Albert (Jean-Marie): M. le Président, je suis seulement vice-président. Je ne voudrais pas de confusion.

M. Gauthier (Pierre): C'est une promotion.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Albert (Jean-Marie): Merci. Je vais vous donner un exemple simple, M. le député. D'ailleurs, ça rejoint ce qu'on enseigne et ce qu'on s'est fait enseigner, faire l'histoire pharmacologique de nos patients. Et ça va, dans l'histoire pharmacologique de nos patients, quand ils peuvent répondre comme il faut, même dans l'histoire génétique. Exemple: vous avez un patient déprimé et, dans son histoire, on se rend compte que, dans la famille, il y a quelqu'un qui a fait une dépression et que ce quelqu'un-là a répondu à un antidépresseur donné. Ça vaut la peine de commencer par celui-là chez notre patient. Question enzymatique probablement. On parle que le génome va être connu d'ici la fin de la décennie et bientôt. C'est important, la question génétique là-dedans. Donc, vous avez un exemple où, deuxièmement – dans la même famille de médicaments parce qu'on va rester dans les antidépresseurs là, pour être simple encore – la personne ne répond pas – et donné à des doses pharmacologiques et non homéopathiques – puis vous changez et ça répond. On peut toujours distinguer: Est-ce que c'est une question de passage du temps, etc.? Donc, c'est important d'avoir des choix, de ne pas être limités trop. Évidemment, ça prend des études bien contrôlées.

Je me permets, M. le Président, sur la question de la formation. Je pense que c'est la question de la formation qui tient ça. Actuellement – je parle de mon domaine que je connais un peu plus, la psychiatrie – c'est surtout le passage... On a un ensemble de connaissances qui ne se rendent pas jusqu'à la base. Ce n'est pas parce que ce n'est pas connu, c'est comment diffuser l'information et la formation. Et j'écoutais mon collègue tout à l'heure parler, avec ses asthmatiques – ce qu'on appelle dans notre jargon, nous autres, la psychoéducation – de former les malades aussi. Pas aller à l'école mais les renseigner. Donc, excusez si j'ai dévié un petit peu pour la formation, c'est bien important. Il y a un degré de connaissances qui est là, c'est de l'articuler et de le passer, comme on disait autrefois, au lit du malade.

M. Marcoux: J'aurais une deuxième question avant de passer la parole à mes collègues. À la page 7, vous vous questionnez sur la pertinence de l'intégration du Comité de revue de l'utilisation des médicaments et du Conseil consultatif en pharmacologie en disant que ça «pourrait être un frein à l'impartialité souhaitée». Est-ce que vous pourriez peut-être élaborer un peu sur cette affirmation-là?

(16 h 30)

M. Gauthier (Pierre): Votre question est bonne. Je ne sais pas comment l'exprimer, la réponse. Ha, ha, ha! Non, c'est une opinion, là. Notre opinion n'est pas arrêtée là-dessus. Ce qu'on voulait dire fondamentalement: Il ne faudrait pas que l'impartialité... C'est qu'il y a une approche scientifique soit... Comment je dirais ça? Ce n'est pas l'idée qu'on a peur qu'il y ait un comité qui parraine ça. C'est peut-être parce qu'il y a un choix sociétal, je pense, à un moment donné. La seule chose qu'on veut dire: Si ce comité-là est mis sur place, qu'il y ait un choix sociétal qui arrive, on ne voudrait pas qu'il y ait une embûche sur le plan scientifique à faire valoir, pour le malade toujours, dire de façon arbitraire... Puis on n'a pas la conviction de ce qu'on dit là, mais on soulève la question. Il ne faudrait pas, par un biais social qui, tout en étant très bien éclairé... Ce qui n'est pas mal là, écoutez, parce que depuis tantôt nous nous préoccupons de la société, d'avoir des médicaments. Mais c'était juste une question que je voulais soulever.

Et ce qu'on voulait dire, ce serait... si cela existe, l'intégration des deux comités, il faudrait que ce soit conditionnel, de façon garantie, que les gens sur le plan, qui sont les pharmaciens, les pharmacologues, puissent jouer leur rôle entièrement. C'est ce qu'on voulait dire. Là-dessus, notre opinion n'est pas arrêtée, mais on voulait le soulever. Ça ne veut pas dire que l'idée n'est pas bonne en soi, mais il faut être prudent.

Quand on revenait tantôt avec l'expérience des HMO, ça a été des désagréments pour le malade de façon importante. Quand il y a eu des guides trop restreints ou encore on disait, ici: Le scan, si on est dans l'état de la patate, l'Idaho, on n'en a pas, allez à New York... Alors, c'est un peu comme ça, il y a des gens qui devaient s'assurer deux, trois fois. Alors, il ne faudrait pas que l'arbitrage soit complètement fait par un biais, comment je dirais ça, qui n'est pas sur des assises fondamentales. Encore une fois, il faut faire quelque chose. C'est bien beau dire qu'on veut que le malade règle tout, mais il y a des coûts. Mais on dit – il va falloir se poser la question – que ça va coûter plus cher.

Alors, c'était la question qu'on voulait soulever, M. Marcoux, de dire d'être prudent, comment le faire, pour qu'il y ait une intégrité scientifique de la pensée qui puisse s'exprimer, comme elle s'exprime actuellement, et même de les intensifier, s'il y a lieu, ces comités consultatifs, ou encore les comités d'utilisation, investir plus de sous là-dedans, c'est peut-être une bonne chose. Et là ils pourraient réviser en collaboration avec les professionnels, et je dis bien le gouvernement et toutes les parties de la société. Et voilà l'aspect sociétal. Nous sommes ouverts à ce que les gens... puisqu'il faut être cohérent et concordant, si on dit qu'on veut que les gens qui prennent des médicaments soient formés, peut-être que c'est par ce biais-là qu'ils pourraient être formés. Alors, on veut demeurer ouvert d'esprit. C'est juste une question, vous me permettez de le dire.

M. Marcoux: Merci, Dr Gauthier.

Le Président (M. Beaumier): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Dr Gauthier, je salue très chaleureusement la préoccupation de la Fédération des médecins spécialistes du Québec quant à la question de l'accessibilité, et vos préoccupations. Vous indiquez très clairement que vous ne voulez pas que des arguments économiques viennent empêcher l'accessibilité aux médicaments qui, je pense, selon tout le monde, font partie maintenant d'un traitement essentiel pour tous les Québécois et Québécoises.

Par contre, à la page 7, vous ouvrez la porte à un plus grand recours au privé sous certaines conditions. Je vous soumettrais très respectueusement – je comprends que vous n'êtes pas comptable ou actuaire, moi non plus d'ailleurs – mais, si j'ai appris une chose, c'est que le financement de notre régime est presque aussi complexe que le corps humain, hein. On a un Fonds de l'assurance médicaments qui est financé par les primes, qui inclut les primes de tout le monde, mais qui ne supporte pas les dépenses des personnes âgées. On a le fonds consolidé qui finance une partie pour les personnes assistées sociales et les personnes âgées.

Quand vous parlez du privé, le message que je voulais vous laisser, c'est qu'on a passé par cette expérience, en 1996, lors de l'implantation du régime, et, entre autres, les regroupements d'assureurs de personnes à charte du Québec ont tout analysé ça, ils ont amené tous leurs actuaires, ils sont arrivés à la conclusion essentiellement que le privé ne pouvait pas gérer un programme, avec les couvertures qu'on a, pour une prime à 175 $. Ils ont dit, il y a maintenant quatre ans, que ça ne marcherait pas à 175 $. Ils sont revenus hier, ils nous disaient: On vous a dit que ça ne marcherait pas à 175 $. Eux autres, ils préconisent une hausse de prime. Ça fait que le privé, ils ont analysé tout ça, puis leur «bottom line», semble-t-il, c'est que ça ne marche pas à 175 $. À moins qu'on veuille augmenter cette prime de façon substantielle, je vois mal comment le privé peut être saisi ou peut être demandé de gérer une partie de notre système, à moins que le fonds consolidé, qui est déjà là-dedans pour l'ordre de 800 000 000 $, commence à payer plus.

M. Gauthier (Pierre): Il pourrait peut-être y avoir une participation, une sélection des risques. Là, actuellement, j'ai l'impression que ça coûte plus cher chez les gens âgés et qui sont démunis et les gens en prestation d'emploi, en assurance emploi. Évidemment, je ne suis pas actuaire pour dire comment faire, mais c'est certain que la prime à 175 $ est une aubaine. Ce n'est pas cher. Devant l'évidence, devant le système public, les adhérents, je pense qu'il serait difficile, à moins de jouer à l'autruche, de ne pas augmenter la prime. Je pense que c'est inévitable, là. C'est une opinion que nous avons. Parce que les actuaires l'ont dit hier, je pense que c'était d'une générosité extraordinaire, et, maintenant, on pense que le système est bon.

J'entendais quelqu'un dire tantôt: Qu'on déleste le côté du fonds consolidé, qu'on fasse de l'assistance sociale. Entre nous autres, c'est parler pour parler parce que ca coûte pareil, la même affaire, qu'on le fasse de n'importe comment de là à gauche. Ça prendrait une source de financement qui serait un peu plus nuancée quand on parle du privé. Et là je ne sais pas si ce que je dis est correct, je n'ai pas l'expertise, mais il m'est arrivé de rencontrer, par accident, des personnes puis de jaser – j'aime ça, jaser – et leur demander: Comment tu paies de prime? Comment, comment je paie de prime? Je n'en paie pas, de prime. Tu n'as pas d'assurance privée? Non, non, je fais mon rapport d'impôts, puis là mon comptable, il dit: C'est correct. Je ne sais pas si c'est vrai ce que je dis, je dis comme il disait. Y a-t-il un glissement du privé vers les adhérents parce que c'est vraiment une bonne prime? Je ne le sais pas. Mais c'est une question avec... deux, trois personnes que j'ai rencontrées, je vais continuer à leur poser la question: Y a-t-il un glissement? Alors, si c'est ça, je pense que le privé devrait prendre plus de risques sur certaines affaires. Mais là c'est tout le public qui... Et, encore une fois, je n'ai pas l'expertise de cela. Mais, si le public absorbe tout, il y a un problème en quelque part, là. Je pense que le privé, s'il prend juste les beaux risques, s'il prend les gens en bonne santé et riches, c'est évidemment plus facile que de prendre les gens... qui vont changer de régime s'ils ont gagné à la loto, ce qui est peu fréquent.

Mme Marois: Je pense que c'est intéressant ce que soulève le Dr Gauthier. C'est vrai que les... enfin, on a plus de mauvais risques au sens actuariel et statistique du terme dans le régime public parce qu'on a plus de personnes âgées qui consomment un grand nombre de médicaments et parce qu'on a aussi des familles à bas revenus et qui doivent, souvent à cause de problèmes associés, consommer des médicaments. Alors, c'est évident que ça, là, ça apparaît et que la différence de hauteur de la prime, elle est très attirante du côté du régime public. Quand vous payez en moyenne 320 $, 350 $ dans le privé et que votre régime arrive à échéance dans votre entreprise, que vous savez que vous allez payer 175 $ pour des bénéfices comparables en ce qui a trait aux médicaments, tirez vous-même la conclusion.

M. Gauthier (Pierre): Bien, c'est ça que l'on veut dire dans notre document et dans notre mémoire. C'est que là peut-être qu'il y a une plus grande part. Et on a regardé des statistiques par rapport aux autres provinces, c'est ça qui... Mais demandez-moi pas mon expertise pour le monter demain matin, ça va peut-être coûter plus cher.

Mme Marois: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Beaumier): Oui, Mme la députée de... M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Je comprends très bien cette préoccupation et je sais fort bien que les personnes âgées sont maintenant sur le compte du fonds consolidé. Mais on commence à payer la prime autour de 10 000 $ au Québec, puis on paie la pleine prime à partir de 15 000 $. Je comprends qu'on est dans des études actuarielles, et ainsi de suite, mais vous ne pensez pas qu'à 15 000 $ ou un peu plus de 15 000 $, si on augmente la prime de façon substantielle, on ne va pas commencer à mettre en question l'accessibilité à un régime d'assurance médicaments?

M. Gauthier (Pierre): Là, c'est sûr que quelqu'un qui gagne 15 000 $, il y a probablement des aménagements. Mais ceux qui gagnent, disons, 45 000 $ et qui tombent sur le public après, là il y a peut-être quelque chose à faire, mettre une écluse, un petit barrage de castors, dire: Houpelaïe! Parce que là il y a un déversement.

Mme Marois: ...c'est pas mal efficace, des barrages de castors.

M. Gauthier (Pierre): Oui. Des fois, ça dérange le niveau, la pêche est moins bonne.

Des voix: Ha, ha, ha!

(16 h 40)

Le Président (M. Beaumier): Alors, merci beaucoup, M. Gauthier, ainsi que tous vos collègues.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Beaumier): S'il vous plaît, un peu de silence. S'il vous plaît! Alors, j'invite La Coalition des médecins pour la justice sociale à venir se joindre, à la table, à nous. Alors, monsieur, vous représentez La Coalition des médecins pour la justice sociale?

M. Saba (Paul): Oui, merci.

Le Président (M. Beaumier): Oui. Alors, si vous voulez vous présenter, c'est pour les fins de notre mémoire et de notre enregistrement aussi. Vous aurez 15 minutes maximum pour présenter votre mémoire et, ensuite, des échanges: 15 minutes avec l'aile parlementaire ministérielle et un autre 15 minutes avec les parlementaires de l'opposition. Alors, bonjour, d'abord.


La Coalition des médecins pour la justice sociale

M. Saba (Paul): Oui, bonjour. Mesdames et messieurs, je vous remercie de me donner la parole comme représentant de...

Le Président (M. Beaumier): J'aimerais juste avoir votre nom, s'il vous plaît, avant.

M. Saba (Paul): Dr Paul Saba, président de La Coalition des médecins pour la justice sociale. Je suis aussi en médecine familiale. Je travaille à Montréal, à l'hôpital St. Mary.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. Saba. Alors, allons-y.

M. Saba (Paul): Je vous remercie d'abord de me donner la parole comme représentant de La Coalition des médecins pour la justice sociale. Mon exposé se divisera en trois parties: la première, une brève présentation de La Coalition; la deuxième, le problème de l'accessibilité aux médicaments essentiels; et enfin, la troisième partie, une meilleure prescription pour le régime d'assurance médicaments. Vous avez le mémoire, alors je vais faire un petit résumé du mémoire en faisant la présentation.

Première partie: description de La Coalition. La Coalition des médecins pour la justice sociale est un organisme à but non lucratif de plus d'une centaine de médecins, qui se donne pour mission de défendre la santé des citoyens les plus vulnérables de notre société, particulièrement les pauvres, les aînés, les personnes atteintes de maladie mentale et les minorités. Un de nos objectifs est d'obtenir la gratuité des médicaments pour les personnes vivant sous le seuil de la pauvreté.

Dans la deuxième partie, je traiterai du problème de l'accessibilité des médicaments en six points.

Premier point: la pauvreté et l'accessibilité. Au Québec, 23 % de la population vit sous le seuil de la pauvreté. Un aîné sur deux vit seul tout en étant pauvre, et la majorité sont des femmes. Presque 80 % des personnes âgées ont un revenu de moins de 20 000 $. Le rapport d'évaluation de l'impact du régime général d'assurance médicaments a démontré que, après la mise en vigueur de la loi n° 33, il y avait une diminution de près de 30 % dans la prise des médicaments essentiels. De plus, une cessation complète de prise de médicaments d'environ 20 % a été confirmée par plusieurs sondages. Aussi, la recherche a démontré une diminution de la consommation des médicaments à cause de l'espacement de la prise des médicaments. Une patiente a raconté que, quand elle se sentait malade, elle prenait ses médicaments, mais que, quand elle avait faim, elle mangeait et laissait tomber ses médicaments.

Deuxième point: les preuves des effets néfastes causés par les coassurances. Recherche internationale. Les études démontrent que des coassurances – aussi, on appelle ça des copaiements – même de 0,50 $, empêchent des gens à faibles revenus de prendre leurs médicaments essentiels. Recherche au Québec. L'évaluation du régime d'assurance médicaments par Dr Tamblyn a démontré jusqu'à 30 % de réduction dans la prise de médicaments essentiels tels que les médicaments pour le coeur, les poumons, le diabète et l'épilepsie. Dernièrement, il y avait une augmentation d'environ 8 000 patients hospitalisés ou transférés en centre d'accueil et au moins 250 décès jusqu'à présent depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

Troisième point: l'importance des médicaments essentiels. Il y a de nombreuses études qui démontrent bien que les médicaments essentiels pour le coeur, la haute pression et le cholestérol sont efficaces en réduisant le nombre de décès et d'hospitalisations de 5 % à 7 %. Donc, l'estimation d'une mortalité de 3 % conclue par le groupe de chercheurs de l'Université McGill est très conservatrice, dont le chiffre de 250 décès.

Quatrième point: l'accessibilité aux médicaments essentiels. L'accessibilité aux médicaments essentiels est importante si le traitement prescrit par le médecin est complet. Il est inutile pour un médecin de prescrire un médicament si le patient n'a pas les moyens de l'acheter. De plus, un patient hospitalisé reçoit ses médicaments gratuitement, mais, à sa sortie, il n'a pas les moyens de les payer, donc il doit les cesser. Ça ne fait pas de bon sens.

Cinquième point: la surconsommation des médicaments. Le médecin doit choisir parmi des médicaments essentiels. Une bonne règle à suivre pour les choisir est ce que l'on appelle «le moins est le mieux», afin de diminuer les effets secondaires et les interactions médicamenteuses. Mais cette décision doit être prise par le médecin et non par le patient. On ne veut pas forcer le patient à cesser ou espacer la prise des médicaments pour des raisons économiques.

Sixième point: le coût des médicaments. L'évaluation du régime général d'assurance médicaments a démontré une augmentation de 15 % annuellement sur le coût du programme du gouvernement. La proposition du ministère de la Santé d'augmenter les primes, la franchise ou la coassurance est déraisonnable et met en péril la santé de la population vulnérable du Québec. Ces mesures réduisent leur accessibilité aux médicaments essentiels.

Troisième partie: prescriptions proposées. Les solutions pour améliorer notre système d'assurance médicaments doivent d'abord mettre la santé du patient comme priorité. L'accessibilité aux médicaments essentiels doit toujours être prioritaire. Sans cette priorité, toute discussion devient les intérêts prioritaires des compagnies pharmaceutiques, des compagnies d'assurances ou du gouvernement. Autrement dit, l'intérêt financier remplace celui du patient. Mais est-ce possible d'avoir un programme qui est abordable et même rentable pour réinjecter plus d'argent dans le réseau de la santé? Nous disons oui. Il est urgent de faire des changements à la Loi de l'assurance médicaments de façon à accorder la gratuité des médicaments aux personnes à faibles revenus et non à augmenter les primes, la franchise ou la coassurance.

La Coalition des médecins pour la justice sociale a quelques prescriptions.

Première prescription: le gouvernement doit immédiatement accorder les médicaments essentiels gratuitement à toute personne à faibles revenus.

(16 h 50)

Deuxième prescription: aucune hausse des primes, de la franchise ou de la coassurance pour toute la population du Québec.

Troisième prescription: les vraies économies doivent être faites sur les prix des médicaments.

Quatrième prescription: une réduction des prix des médicaments brevetés de 10 %, ce qui équivaut aux prix du Mexique faisant partie de l'ALENA, pour engendrer des économies de 100 000 000 $ sur une facture de 1 000 000 000 $.

Cinquième prescription: un changement de la loi de 15 ans sur les brevets ferait une autre économie de plus de 25 000 000 $ par année.

Sixième prescription: une plus grande utilisation des génériques au Québec afin de rejoindre la moyenne canadienne économiserait 70 000 000 $.

Septième prescription: une meilleure formation des médecins à prescrire des médicaments moins cher occasionnera une économie supplémentaire de 10 % ou 100 000 000 $.

Huitième prescription: une formation des médecins à prescrire moins de médicaments pourrait économiser jusqu'à 100 000 000 $.

Neuvième prescription: ces économies brutes de 400 000 000 $ doivent être utilisées pour donner des médicaments gratuits à tout citoyen ayant un faible revenu. Présentement, on dit que c'est 17 000 $; je pense que, dans le mémoire, peut-être on a écrit 15 000 $.

Dixième prescription: c'est un fait bien connu que les compagnies pharmaceutiques réalisent des profits jusqu'à 30 % par année. Aucune autre subvention gouvernementale ne devrait leur être accordée. Merci.

Le Président (M. Beaumier): Merci, Dr Saba. Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, je vous remercie de la présentation que vous nous faites aujourd'hui. Je pense que votre perspective évidemment est empreinte de grande générosité, et c'est tout à votre honneur, bien sûr. Mais, en même temps, vous comprendrez qu'on a un certain nombre de contraintes, et c'est avec cette réalité-là qu'il faut être capable de composer.

Par ailleurs, je pense qu'il y a des choses qu'il faut être capable de se redire aussi très franchement, dont une chose avec laquelle je ne peux être en accord, et ce sont les interprétations qu'on fait du rapport Tamblyn. Je sais que vous faites référence – j'ai lu votre mémoire avec attention – à d'autres études qui viendraient ou tenteraient à venir confirmer certaines conclusions du rapport Tamblyn. Or, le rapport Tamblyn n'a jamais dit qu'il y avait eu des morts liées aux changements dans le programme de médicaments. D'abord, de toute façon, il n'y avait pas de programme auparavant; il y en a un maintenant. C'est sûr qu'on a demandé une contribution plus importante à certaines catégories de personnes qui ne contribuaient pas par le passé, dont des personnes âgées au supplément au revenu maximum, dont des personnes à la sécurité du revenu. Mais, quand on lit les conclusions de Tamblyn, on n'a jamais fait de lien, de cause à effet sur la question de la mort de 250 personnes. Ça a été l'objet d'un grand titre dans les médias, mais, dans les faits, c'est une preuve qui n'a jamais été faite, une démonstration qui n'a jamais été faite.

Deuxième élément. Il faut bien constater qu'il y a eu pour une amélioration très importante en termes d'accessibilité, à l'utilisation des médicaments, il y a eu, donc pour des personnes qui autrement n'y avaient pas accès... pensons aux enfants dont les parents n'étaient pas assurés, et c'est un nombre considérable de personnes; pensons à toutes ces personnes qui n'étaient pas assurées, donc, à ce moment-là, elles n'avaient accès à aucun médicament sans les payer au complet. Elles n'avaient ni assurance privée ni assurance publique. Et, si elles étaient à la sécurité du revenu, et une personne âgée à la sécurité du revenu, bien sûr, ou même sans sécurité du revenu, elles avaient accès à ces médicaments-là, gratuitement dans certains cas. Mais pensons à tous les gens à petits revenus dont les familles n'avaient accès à aucun régime et qui devaient payer complètement leurs médicaments, alors que, maintenant, ils y ont accès, paient une partie, bien sûr, par la franchise ou la coassurance, ça va de soi, et qui y ont accès. Donc, oui, il y a eu des effets indésirables, et ça, on va en convenir ensemble. Mais il y a eu un tel bénéfice qu'il ne faut pas non plus masquer ces bénéfices-là en faisant paraître les effets indésirables.

Je donnais une information tout à l'heure aux membres de la commission qu'il n'est peut-être pas inutile de rappeler. On dit que le régime a fait baisser la consommation de médicaments moins essentiels chez les personnes âgées, ce qui a entraîné une baisse de 18 000 visites médicales, parce qu'il y avait effectivement parfois surconsommation ou mauvaise consommation parce qu'on avait facilement accès. Et même dans le cas d'événements indésirables, parce qu'on a beaucoup mis ça en lumière, puis c'est important de se dire un peu à quoi ça correspond, on dit: Il y a eu une hausse – c'est important, hein, et vous l'avez souligné – des effets indésirables de 66 %. Mais à quoi correspond 66 %? À 391 événements indésirables de plus par rapport à 500 et quelques événements indésirables. Sur combien de personnes, maintenant? Sur 252 000 personnes. C'est sûr que ça apparaît important quand on parle de la hausse en pourcentage, mais, dans les faits, c'est 391 événements indésirables concernant 252 000 individus. Alors, ce n'est même pas 0,1 %, c'est 0,01 %. Pour ces personnes-là, je pense que, si on avait pu l'éviter, ça aurait été souhaitable, mais on ne peut pas tout éviter. Donc, il faut relativiser les choses, sinon on se décourage un peu. Je vous dis comment je le perçois puis je le vis. On se décourage parce qu'on dit: On essaie tous les jours d'améliorer des situations, puis il y a des effets pervers à ce qu'on fait, puis il n'y a pas tout parfait, on ne réussit pas tout parfaitement. Sinon, on se dit: On ne fera rien parce qu'on n'aura pas les moyens de tout faire.

Je vais faire un dernier commentaire puis, après ça, je reviendrai sur des questions plus précises. Vous faites des comparaisons, par exemple avec le prix des médicaments au Mexique. Mais, moi, je suis persuadée que vous ne nous suggéreriez pas quand même le régime de santé ni d'accès aux médicaments qu'il y a au Mexique, hein, sauf qu'ils ont...

M. Saba (Paul): ...ma question?

Mme Marois: Bien, ça va venir, oui. C'est à 11 % de différence dans les coûts. D'abord, on est pris avec les contraintes de l'ALENA, on se comprend bien. Mais 11 % de différence dans les coûts des médicaments, ça coûte moins cher au Mexique, sauf que leur niveau de vie n'est absolument pas comparable au nôtre. Il faut aussi être conscient de cela. Et de la même façon, quand on regarde aux États-Unis puis qu'on voit les analyses américaines qui sont faites de nos régimes, bien, moi, je l'ai faite, la comparaison, j'ai demandé à mon ministère de la faire – j'ai la feuille ici – pour constater qu'effectivement: soit qu'il n'y a pas de couverture, 16 % d'Américains n'ont aucune couverture en termes de médicaments; il y a des personnes qui, même lorsqu'elles bénéficient de Medicare, n'ont aucune couverture pour certains types de maladies. Dans le cas des assureurs privés, c'est une multitude de différences qui souvent ne couvrent pas les mêmes types de médicaments qu'on couvrirait par ailleurs avec un régime comme le nôtre, qui est un mixte de public et de privé, mais où on a établi une base universelle quant à la couverture.

Alors, c'étaient quelques commentaires que je voulais partager avec vous parce que je pense que, sans ça, je le redis, à vouloir tout faire et tout faire parfaitement, on finit par ne rien faire. Et, quand on fait des progrès et qu'ils sont considérables, il faut au moins les constater même si on a l'obligation, et c'est ce que vous faites bien avec nous, de se rappeler qu'il y a en cours de route des gens qui ont peut-être été laissés pour compte et qu'il faudrait mieux traiter. Alors, ça, c'était pour les commentaires que je voulais faire généralement et partager avec vous.

Vous faites maintenant un certain nombre d'évaluations sur le fait qu'on ferait des économies très considérables. Par exemple, si on utilisait les génériques, vous dites: Des économies envisagées de l'ordre de 70 000 000 $ – c'est bien cela? je ne me trompe pas; la Loi sur les brevets, on parle de 25 000 000 $; l'utilisation optimale, une économie supplémentaire de l'ordre de 100 000 000 $. Nous, nos évaluations, quand on parle du prix le plus bas, on va à 18 000 000 $, et même nos évaluations, je dirais, les moins conservatrices, ou les plus optimistes, nous amènent à un peu plus de 20 000 000 $; 22 000 000 $. Alors, j'aimerais ça que vous m'expliquiez un petit peu comment vous arrivez à de telles économies.

M. Saba (Paul): Est-ce que je dois répondre à ces questions ou commentaires?

Mme Marois: Vous pouvez aussi faire des commentaires sur mes commentaires.

M. Saba (Paul): O.K. Je vais commencer avec ça.

Mme Marois: Vous savez, ici, on a un droit de parole complet.

(17 heures)

M. Saba (Paul): D'accord. Oui. Je pense que c'est très bon et je félicite le gouvernement pour la couverture pour les jeunes, les jeunes de deux à 18 ans, parce qu'ils sont couverts; avant, ils n'étaient pas couverts par la Loi de l'assurance médicaments. Pour les personnes à faibles revenus de plus de 65 ans, les personnes âgées, avant 1992, c'était gratuit; ça a été augmenté, en 1992, à 2 $; et, maintenant, les primes et les coassurances ont augmenté. Donc, c'est ça que nous contestons.

Au niveau des chiffres de décès, nous avons mis ça. C'est vrai, le docteur Tamblyn, ils ont parlé des effets néfastes et des effets indésirables, des hospitalisations, de l'hébergement en centres de longue durée. Le chiffre de 3 %, nous avons pris cette évaluation par le docteur Soumerai, de Harvard. Il dit que des médicaments comme des antihypertenseurs, des médicaments pour le coeur font diminuer la mortalité de 5 % à 7 %, dont 3 % plus de protection avec des médicaments essentiels, c'est un chiffre conservateur. Donc, nous avons pris ce nombre de 3 % pour 1 500 effets indésirables du Dr Tamblyn et on a multiplié jusqu'à présent, je pense, jusqu'à aujourd'hui, c'est 240 et quelque chose, et aussi le nombre des effets indésirables. Je veux juste montrer que, si des gens ne prennent pas... j'ai mis ça un peu pour bousculer des choses, pour que vous réagissiez fortement...

Mme Marois: Ça a marché.

M. Saba (Paul): Oui, merci, parce que ce sont des effets vrais si les patients ne prennent pas leurs médicaments. Nous avons eu des patients, j'ai eu des témoins pendant plusieurs conférences, qui étaient hospitalisés, et c'est vrai que vous avez réglé le problème pour des psychiatrisés inaptes au travail. Je sais, c'est le soutien familial, ils ont changé un peu le nom maintenant...

Mme Marois: Soutien du revenu, oui, soutien financier.

M. Saba (Paul): Voilà, et ça, c'est un premier pas. Mais c'est à peu près 115 000 personnes. Et il y a des gens, des assistés sociaux, pas leurs enfants, juste des gens assistés sociaux, qui ne sont pas couverts. Je pense que c'est à peu près 800 000 personnes. Vous pouvez vérifier ces chiffres-là. Pour les personnes âgées à faibles revenus, ça peut être entre 200 000 et 300 000 personnes à faibles revenus, dépendant si vous prenez 14 000 $ comme faibles revenus, ou 15 000 $, ou 17 000 $, ça augmente. Ça peut être jusqu'à 350 000 personnes âgées.

Dans l'essentiel, je vais essayer de répondre à ce que vous avez dit, qu'il ne faut pas nier tous les bons effets... des bons effets des changements. Il y a des bons effets, mais on ne peut pas nier les mauvais effets. Si les gens ne prennent pas leurs médicaments, on ne peut pas justifier des gens qui avaient pris trop de médicaments dans le passé. Et c'est deux choses. Et j'ai essayé, dans le mémoire, de toucher ce sujet, même j'ai fait récemment une présentation aux résidents de ne pas trop prescrire de médicaments, de faire ça justement. Avec les personnes âgées, c'est un art, c'est une science, et on peut faire du mal si on prescrit trop. Mais c'est au médecin de décider et pas au patient de choisir: Je n'ai pas les moyens pour acheter ces médicaments.

La question... il faut répéter la question.

Mme Marois: C'étaient les évaluations. Comment faites-vous pour arriver aux évaluations d'économies? C'est ça, ça m'apparaît assez important.

M. Saba (Paul): O.K. Je vais vous donner les grandes lignes, les chiffres. J'ai laissé ça à quelques étudiants en médecine qui faisaient leur maîtrise et ils ont calculé le chiffre, la moyenne des génériques au Canada, la moyenne...

Mme Marois: C'est au Canada dans le cas présent.

M. Saba (Paul): Oui, au Canada, le chiffre au Canada. On a pris la différence de cette moyenne canadienne. Je peux faire envoyer par fax comment le calcul a été fait – je ne l'ai pas apporté avec moi – le 70 000 000 $ d'économies.

Les autres économies dont nous avons parlé, par exemple les médecins qui prescrivent moins de médicaments, c'est bien connu, c'était un article, juste hier, dans Le Soleil , qui rapportait que 25 % des antibiotiques sont trop prescrits. Et nous avons pris toutes les recherches de surconsommation. Les médecins, nous avons la responsabilité de ne pas prescrire des antibiotiques, par exemple, quand le patient est grippé, et ça fait l'éducation du médecin et aussi du patient. Et la recherche qui a été faite, par exemple, aux États-Unis, avec les HMO – et, moi, je suis contre les HMO, Mme Marois, juste pour vous informer... Mais, quand même, là-bas, ils cherchent toujours à faire des économies. En faisant une meilleure formation des médecins... pour démontrer les prix les plus bas, ils ont démontré que les médecins ont changé leur façon de prescrire les médicaments, qu'ils ont fait des très bonnes réductions. Ils ont fait de la recherche aussi en Suisse, à Freiburg, et ça, je peux vous l'envoyer à votre ministère. Une formation des médecins, ça va prendre un peu de temps. Moi, je suis d'accord avec l'autre intervenant, le président des médecins spécialistes, qu'il ne faut pas forcer des médecins à prescrire un médicament et pas l'autre, mais une meilleure formation, une meilleure gestion.

Mme Marois: D'accord.

Le Président (M. Beaumier): Si vous voulez compléter ou terminer.

M. Saba (Paul): Oui. Avec les prix des médicaments au Mexique, moi, j'ai utilisé ça par un exemple. Moi, je sais les prix aux États-Unis et, moi, je dénonce la situation aux États-Unis. C'est pourquoi j'ai accepté d'examiner des patients pour dénoncer la situation des prix trop élevés des médicaments des compagnies pharmaceutiques. Les compagnies pharmaceutiques font de la recherche, mais seulement 3 % à 5 % de la recherche qui est faite est de la recherche très significative, thérapeutique, et je préfère qu'on subventionne la recherche dans les universités et pas le 95 % de la recherche qui fait souvent un petit changement: enrobage de pilules. Pendant 20 ans, par exemple, je peux prescrire un médicament deux fois par jour et, le lendemain, on dit: On a un nouveau produit, qu'ils mettent encore un breveté pour encore un 20 ans, pour prendre la même pilule une fois par jour. Ça, ce n'est pas de la vraie recherche, et nous, les citoyens du Québec, du Canada et du monde entier, ne devons pas subventionner cette forme de recherche.

Le Président (M. Beaumier): Merci. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. À mon tour de vous saluer, Dr Saba, et de vous dire à quel point on reconnaît votre engagement dans la communauté et votre sensibilité à l'égard des clientèles que vous avez décidé de défendre. Je connais personnellement, évidemment, M. le Président, le travail de La Coalition des médecins pour la justice sociale.

Je voudrais, entre autres, dire, Dr Saba, que, nous, de notre côté, on a, depuis le début de ce système, tenté de faire comprendre aux membres du gouvernement que, combiné aux effets positifs du régime, parce qu'il y en a, on n'a jamais nié ça – jamais, jamais nié que le système actuel donne une couverture à entre 1 200 000 et 1 500 000 de Québécois et Québécoises qui n'en avaient pas... Mais ce qu'on dénonce et ce qu'on a toujours dénoncé, c'est: pour financer cette couverture, le gouvernement a été obligé largement de demander une contribution financière importante des personnes qui sont en marge de notre société et qui ont beaucoup de difficultés à la payer. Je pense aux personnes assistées sociales et aux personnes âgées, pas toutes les personnes âgées, mais les personnes âgées qui reçoivent le supplément du revenu garanti, soit en partie ou au complet. Je comprends votre revendication, et non seulement de rétablir le système essentiellement qui existait avant l'arrivée au pouvoir du Parti québécois en ce qui concerne la gratuité des médicaments pour tous les prestataires de l'aide sociale, mais également pour toutes les personnes qui vivent en dessous du seuil de faibles revenus de Statistique Canada. Évidemment, ça inclut tout près de 400 000 personnes sur l'assistance emploi qui n'ont pas été soulagées par les mesures annoncées par le gouvernement et qui font toujours une contribution jusqu'à 200 $ pour leurs médicaments, et les personnes qui vivent essentiellement sur des revenus fixes.

(17 h 10)

Est-ce que je résume bien votre pensée, de façon générale, Dr Saba, qui, je crois, nous invite à regarder les médicaments comme une extension de notre système d'assurance hospitalisation? Parce que là, depuis le rapport d'évaluation et le document Les pistes de révision , nous sommes, semble-t-il, comme parlementaires, interpellés largement sur la question des coûts, des dépassements, des dépassements dans les crédits du fonds consolidé, des déficits dans le Fonds de l'assurance médicaments. Il me semble, et je vous demande si je résume bien votre pensée, que vous nous invitez à traiter la question des médicaments comme une extension de notre régime d'assurance hospitalisation et à nous préoccuper un peu moins des coûts, dans le court terme en tout cas.

M. Saba (Paul): O.K. Je pense que c'est très essentiel, les médicaments, c'est un traitement pour nos patients, et on ne peut pas diviser le traitement, entre les médicaments, l'hospitalisation – et je pense que le ministère de la Santé est d'accord avec ça – et les soins à domicile – et vous avez déjà parlé de l'importance des soins à domicile – ça fait un continuum, un traitement global du patient. Et, pour cette raison, ça ne fait pas de bon sens que, si le patient est hospitalisé un moment, il ait accès aux médicaments et puis, s'il sort, il n'ait pas accès aux médicaments. Ça ne fait pas de bon sens. Ceux qui nous concernent, c'est les gens à faibles revenus, les gens démunis. Nous ne sommes pas contre la contribution des gens qui sont capables, mais déjà nous sommes des contribuables, on paie des impôts – c'est toujours le débat des impôts – combien juste il faut payer des impôts pour avoir un système de santé. Mais je comprends la difficulté avec le gouvernement, il cherche comment on peut avoir des moyens pour subventionner notre système de santé. J'aimerais vous donner quelques exemples. Et, moi-même, j'ai fait une petite recherche. Hier soir, je suis passé à quelques pharmacies, même j'ai parlé avec un pharmacien qui m'a montré trois tiroirs pleins de factures de gens démunis qui ne sont pas capables de payer leurs médicaments. Il m'a montré ça, il a dit: Ça ne fait pas de bon sens. Ça tombe sur lui de subventionner ces patients.

Les prix des médicaments. Les médicaments contre le cholestérol sont très importants. J'ai trois exemples ici, mais les prix sont différents. Je ne veux pas dire qu'un est meilleur et, comme l'autre médecin dit, qu'il y a des effets secondaires, mais il y a une différence. Sans mentionner les noms – O.K., je ne veux pas mentionner le nom des compagnies – sauf qu'il y a trois médicaments ici.

M. Copeman: Vous n'avez pas l'immunité parlementaire, Dr Saba, il faut être prudent là.

M. Saba (Paul): Oui, je sais. Il y a trois médicaments, et la différence de prix est entre 70 $ pour un et 23 $ pour l'autre. Ce sont tous des médicaments pour le cholestérol; ça, c'est trois marques pour le cholestérol. Donc, si les médecins sont formés, peut-être qu'ils vont choisir le plus cher, mais, en même temps, ils vont dire: Mais, pour nos patients, c'est mieux d'acheter les moins cher. J'ai ici des anti-inflammatoires, trois. Ça, c'est une marque générique: Ibuprofène. Ce sont des anti-inflammatoires, c'est le même groupe thérapeutique, mais un est de longue durée – ces deux-là – et je ne veux pas dire les prix non plus, sauf en disant que les deux ici sont à peu près 40 $ par mois. Et Ibuprofène, c'est un anti-inflammatoire, il faut prendre ça trois fois par jour; par contre, ça coûte 3,50 $. Vous voyez? C'est vrai que, si ça ne fonctionne pas, je peux utiliser le plus cher. Des fois, il y a des prix aussi entre ces trois-là. Mais c'est juste un exemple que les médecins ont besoin de la formation. J'ai fait ça avec un de mes patients, ça prend du temps; peut-être il faut payer des médecins pour prendre un peu de temps pour faire des échanges des médicaments, mais c'est là où seront les vraies économies, à mon avis.

M. Copeman: If you permit, Dr. Saba, you've talked a little bit about some of the research that exists elsewhere in the world with regard to prescription drug medication. Are you aware of any research that would help guide us in terms of the potential or real savings that the health system goes through by an approach that's more therapeutic in terms of medication than in terms of hospitalization or surgery? Because we seem to be dealing with this question kind of in a compartmentalized fashion. No one's been able to say to us conclusively, for example, that the increase use of medication is actually saving the taxpayer, you know, significant amounts of money because they reduce hospitalization and reduce surgeries perhaps. So, I don't know whether you're aware of any other types of research around the world that would guide us in this regard.

M. Saba (Paul): The one that comes to my mind, in terms of health care spending, there was this Harvard study done in the nineties, and it was called Five Hundred Life-Saving Interventions , and it showed that expenditures on health care per year life saved was $19 000. That included anything from open heart surgery, which is fairly expensive in the United States, to vaccinations, which is almost nothing, when you look at the consequence of not vaccinating, in the cost of hospitalizations. In fact, for that study, they showed that the cost for vaccinating, for example, measles was less than zero. Because, if you look at the cost of hospitalizing an unvaccinated child – and never mind that child died, they didn't put any value on life being saved... So it was less than zero for vaccination; $19 000 per year life saved for any medical intervention; for environmental intervention, which is important, it was much more costly, it was $2 400 000. So the conclusion was: If you just want to look at the value of human life, it's much more cost efficient to spend it on health care than in any other areas. So there's no question that medication do save lives.

But the point I brought up is that money should be spent on university centers, where there's no prejudice. You know, companies are driven by profit, you can't blame pharmaceutical companies from wanting to make a profit, and they're going to make as much as they can for their stock holders. So there is a conflict of interests. If we ask them to take over, for example, financing of our health care system or our drug plan, they're going to look at profit as the bottom line. We, as good Samaritans, I hope, and the government, I believe, in many respects, has taken that role of taking care of those who need care... Former times, it was the Church, with their hospitals, with their missions; the government took over that in the 1960s, and I think that that ethic that they took on, that responsibility is a very noble one, and I think we can't get cut up in profit, in money as a bottom line. We need to pay our bills, and that should be our goal.

How do we make it payable? We should not be trying to protect any special industry, we shouldn't be protecting the insurance. I've heard insurance people speaking that they would be interested in taking it over and making it run better. I'm saying no, because the government has a central accounting system that can do a much better job on accounting: you just have to take money off on taxes. The pharmaceutical companies have their interests, vested interests, they want to keep profits high, they can do much better on profits.

And I think Québec is going to be the leader in that fight, and I think Québec will be the leader for Canada and for the world. And I have a lot of hope and that's why I'm fighting so hard because I think people have a real sense of justice in this province. I was born in Montréal, my father was born here, my grandparents were immigrants from Lebanon and they believed in this country. My grandmother was a midwife. Elle travaille comme bénévole, ma grand-mère, comme sage-femme. Donc, moi, mes racines sont ici, au Québec, et je crois qu'on peut améliorer notre système et on peut avoir le meilleur système du monde.

(17 h 20)

Le Président (M. Beaumier): Merci. D'autres intervenants? Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Dr Saba, bonjour et bienvenue.

M. Saba (Paul): Merci.

Mme Loiselle: Vous savez, tantôt, lors de votre échange avec la ministre, j'ai eu un peu de difficultés à entendre la ministre essayer de minimiser certains aspects du rapport du Dr Robyn Tamblyn. La ministre, à deux reprises aujourd'hui, a parlé de la baisse de consommation de médicaments essentiels chez les personnes âgées. Il faut rappeler que, dans le rapport Tamblyn, on disait aussi que la baisse de consommation de médicaments essentiels pour le traitement de l'asthme, de l'épilepsie, des maladies cardiaques, du diabète et du risque d'embolie a fait augmenter les événements indésirables. Je pense que le rapport Tamblyn a démontré les effets troublants et dévastateurs chez les plus démunis de l'implantation du régime d'assurance médicaments. Tantôt également, la ministre, quand elle a discuté avec la Fédération des médecins spécialistes du Québec, elle a dit, et j'ai écrit, qu'elle a largement corrigé les effets dévastateurs pour les plus démunis. Je ne voudrais pas le répéter à nouveau, mais on sait très bien qu'il y a eu plus d'oubliés que de gens qui ont reçu la gratuité des médicaments suite au rapport Tamblyn: 115 000, Mme la ministre, il y a 400 000 assistés sociaux qui, aujourd'hui, paient toujours...

Mme Marois: ...les petits travailleurs, 1 300 000...

Mme Loiselle: ...400 000 assistés sociaux qui paient toujours, et des personnes âgées à faibles revenus qui doivent toujours débourser de l'argent qu'elles n'ont pas dans leurs poches pour obtenir leurs médicaments.

Le Président (M. Beaumier): Dr Saba...

Mme Loiselle: Il ne faut pas oublier également...

Le Président (M. Beaumier): Mme la députée...

Mme Loiselle: Je n'ai pas terminé.

Le Président (M. Beaumier): Vous n'avez pas terminé, mais le temps, lui, est presque...

Mme Loiselle: Je veux seulement une précision. Je n'ai pas posé ma question encore.

Le Président (M. Beaumier): Bien, ça, c'est moins mon problème, mais...

Mme Loiselle: Bien, ça va être difficile pour lui de répondre à une question qui n'est pas posée.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Beaumier): Bien, ce n'est pas mon problème, ça. Mais allez-y, je vous donne une minute pour poser votre question puis il restera une minute au Dr Saba.

Mme Loiselle: Il ne faut pas oublier, Dr Saba, aussi que le gouvernement, avec l'implantation du régime, a fait des économies de 700 000 000 $ sur le dos des personnes âgées, de 100 000 000 $ sur le dos des assistés sociaux.

Alors, ma question est la suivante: Si jamais – parce que, depuis le début de cette commission, on parle plus d'augmentation de prime que de baisse ou de gel de prime, Dr Saba – alors, si jamais le gouvernement allait de l'avant avec une augmentation de prime sans épargner les plus démunis, est-ce que vous pensez que dans quelques mois, au moment où il mettrait ça en action, on aurait un deuxième rapport Tamblyn encore plus dévastateur que le premier pour les personnes pauvres?

Le Président (M. Beaumier): Dr Saba.

M. Saba (Paul): Oui. On est opposé à toute augmentation des prix pour tout le monde, d'abord pour les gens à faibles revenus, aussi pour la classe moyenne, parce que la classe moyenne présentement, elle paie trop pour tout. Il y a des économies qu'on peut faire, on peut faire des économies. Comme j'ai dit, les prix des médicaments... la Canadian Price Review Board , le Québec est parti de la Canadian Price Review ... Nous devons forcément exiger la réduction des prix des médicaments. Moi, je n'ai pas peur... Et j'ai lu hier, dans Le Soleil , un représentant des compagnies pharmaceutiques – c'était dans Le Soleil – a dit que, depuis 1988, les multinationales pharmaceutiques ont investi 2 200 000 000 $ en recherche et développement au Québec. Sans vérifier ces chiffres, ça fait 180 000 000 $ par année. Mais le ministère de l'Industrie, et M. Landry, s'il était ici, il pourrait vérifier... je suis certain qu'elles reçoivent des crédits d'impôt, on m'a dit jusqu'à 50 %, pour la recherche et développement. Ça réduit leurs investissements de moitié. Si on prend 100 000 000 $ comme investissement plus réel, et comme environ 5 % de recherche, ce sont des recherches de produits significatifs, ça donne 5 000 000 $ d'investissement pour améliorer la qualité de vie des gens.

Le Président (M. Beaumier): Alors, je dois malheureusement vous interrompre, mais il y aura peut-être d'autres occasions pour...

M. Saba (Paul): Non, mais juste pour essayer d'expliquer que nous ne devons pas... parce que le grand argument: nous devons protéger les compagnies pharmaceutiques, elles font des grands investissements, ça fait des impôts, ça... Je dis que les compagnies pharmaceutiques, elles ont une responsabilité de diminuer davantage les prix des médicaments, ici, au Québec, au Canada. Au Canada, ça va faire une économie, pour un budget de 7 000 000 000 $, de 700 000 000 $, parce que notre système de santé est en crise.

Le Président (M. Beaumier): En conclusion, M. Saba, c'est bien...

M. Saba (Paul): Oui...

Le Président (M. Beaumier): Je m'excuse...

M. Saba (Paul): D'accord.

Le Président (M. Beaumier): J'ai l'air d'être un méchant, mais c'est ma fonction.

M. Saba (Paul): Oui, d'accord.

Le Président (M. Beaumier): Alors, merci beaucoup, M. Saba, de votre témoignage.

M. Saba (Paul): Merci.

Le Président (M. Beaumier): Alors, j'inviterais l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec, s'il vous plaît, à venir nous rejoindre à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Beaumier): Bonjour, mesdames et messieurs de l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec. Je crois comprendre que Mme Patricia Lefebvre est avec nous. Alors, je vous laisse la parole en vous demandant peut-être de présenter les personnes qui vous accompagnent et, après ça, prendre un quart d'heure pour votre mémoire. Alors, Mme Lefebvre.


Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (APES)

Mme Lefebvre (Patricia): Bonjour. Je voudrais vous présenter les gens qui m'accompagnent: M. Charles Fortier, premier vice-président de l'Association; Mme Manon Lambert, directrice générale de l'Association; et M. Alain Bureau, secrétaire-trésorier.

Mme la Présidente, Mmes et MM. les membres de la commission parlementaire, d'abord, je voudrais, au nom des membres de l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec, vous remercier de nous entendre. Dans un premier temps, nous nous exprimerons sur l'évaluation du régime général d'assurance médicaments puis sur les pistes de solution proposées récemment par la ministre de la Santé et des Services sociaux, pistes qui soulèvent chez nous un inconfort face à l'approche presque exclusivement financière. Enfin, nous proposerons nos propres pistes de solution issues de la réflexion de nos membres, bien branchés sur le quotidien du médicament certes, mais du malade surtout. Vous comprendrez que notre mémoire reflète notre préoccupation: mettre le malade et non la gestion des coûts au centre de nos interventions. En somme, nous voulons plaider pour une véritable accessibilité aux médicaments et contribuer à un système de soins intégrés, un gage de succès, ou mieux encore, notre credo.

Dans un premier temps, évaluons. Dans la perspective où nous créons pour l'avenir, l'évaluation que nous portons, après trois années d'opération du régime général d'assurance médicaments, est mitigée, parce qu'il faut se poser les vraies questions. Assurons-nous, avec le régime général d'assurance médicaments, un accès raisonnable à un outil thérapeutique de première valeur à toute la population québécoise? Éliminons-nous, avec le régime général d'assurance médicaments, les iniquités d'accès observées à l'époque, avant son implantation? Intégrons-nous, avec le régime général d'assurance médicaments, le médicament à la politique de la santé?

Certes, des pas ont été franchis, mais notre inquiétude quant au suivi des choses est manifeste. Sans cesse, les dépenses consacrées aux médicaments augmentent et rien ne permet de croire que cette tendance s'inversera, bien au contraire. Or, le médicament est devenu, au fil des recherches et des années, un outil thérapeutique non seulement efficace et économique, mais incontournable, ne serait-ce que parce qu'il a grandement facilité la mise en place des grandes réformes de notre système de santé. En ce sens, il constitue un point d'appui majeur au virage ambulatoire. Les nouveaux agents anesthésiques à courte durée d'action utilisés en chirurgie d'un jour en sont un bel exemple. Dans ce contexte, est-ce utile de rappeler le rôle grandissant des pharmaciens d'établissements de santé dans la gestion de la pharmacothérapie récente?

(17 h 30)

Mais revenons aux trois questions posées précédemment qui, rappelons-le, constituaient, il y a trois ans, les fondements mêmes du régime général d'assurance médicaments. Premier point de repère pour l'évaluation: l'accessibilité raisonnable. D'abord, entendons-nous bien. Quand on dit «hausse de contribution financière», on dit «frein à l'accessibilité». L'accessibilité, voilà une question soulevée par notre Association lors de l'implantation du régime général d'assurance médicaments, cette accessibilité qui, en dépit de certains gains, est encore et toujours un problème d'actualité important, tantôt parce que le malade n'a pas une pathologie rentable et qu'il est confronté à prendre des médicaments orphelins ou d'urgence non inscrits à la liste générale, des médicaments non seulement coûteux, mais qu'il doit souvent débourser directement de sa poche; tantôt parce que le malade fait les frais d'une transition de l'hôpital à la maison dictée par deux régimes dont les logiques ne se complètent pas: le régime d'assurance hospitalisation et le régime d'assurance médicaments – en d'autres mots, les médicaments à la maison coûtent cher, alors que ceux à l'hôpital ne coûtent rien; tantôt parce que le malade habite la mauvaise région; tantôt parce que le malade reçoit son médicament en CLSC plutôt qu'en centre hospitalier, faute de disponibilité de ressources en centre hospitalier – ici encore, certains paient, d'autres non; tantôt parce que le malade est pénalisé d'avoir participé à une recherche et d'avoir ainsi reçu gratuitement un médicament, alors qu'après la période de recherche les délais avant l'inscription à la liste le forcent à débourser ou à s'en priver.

Alors, pourquoi ne pas donner le mandat au Conseil consultatif de pharmacologie d'entériner ou non l'utilisation des médicaments orphelins après consultation des experts des établissements? Qu'est-ce qui empêche le ministère de délimiter de façon précise les frontières entre le régime d'assurance hospitalisation et celui d'assurance médicaments? Qu'est-ce qui empêche le ministère de recourir aux pouvoirs réglementaires conférés à la ministre pour définir les cas et conditions pour lesquels les établissements de santé pourraient facturer le régime général? Plusieurs de nos membres ont fait de multiples interventions auprès des régies régionales et du ministère de la Santé et des Services sociaux. Leurs requêtes sont restées lettre morte. Pourtant, des questions fondamentales demeurent toujours sans réponse.

Deuxième point de repère pour l'évaluation: Qu'en est-il des iniquités d'accès observées à l'époque? Malheureusement, force nous est de constater que de nombreuses iniquités découlent encore de la mixité du régime général. Des malades à faibles revenus ne peuvent débourser la franchise et la coassurance en l'absence d'un plafond mensuel. Des malades à faibles revenus sont victimes d'un remboursement différé des médicaments. Des malades tombent malencontreusement sur un médicament qui fait partie de la liste d'exception. Les conséquences: interruption de traitement, consommation excessive de temps professionnel à des fins administratives, contrôle illusoirement efficace et évidemment privation pour le malade. En somme, beaucoup de chemin à parcourir pour rencontrer l'engagement d'éliminer les iniquités.

Troisième point de repère pour l'évaluation: Mais où est donc passée la politique du médicament annoncée en 1997 par le ministre Jean Rochon, celle-là même qui témoignait d'une volonté d'analyser l'utilisation des médicaments selon un ensemble de perspectives et non exclusivement sous un angle financier? Le gouvernement a la double responsabilité de maintenir un accès raisonnable aux médicaments et de s'assurer de résultats positifs tant sur la santé que sur la gestion des dépenses consacrées aux médicaments. Soit! Dans ce contexte, il en va de l'intérêt de tous que ce même gouvernement se rappelle que nous, les pharmaciens d'établissements, sommes des acteurs essentiels dans l'utilisation optimale des médicaments.

À cet égard, la gestion intégrée des soins de santé et ses prémisses, la coordination et l'imputabilité, constituent la pierre angulaire pour atteindre ces objectifs d'accessibilité et d'efficacité. De fait, nous sommes les gardiens de l'utilisation optimale des médicaments. Or, il nous apparaît justement que cette vue d'ensemble tout autant que la coordination et l'imputabilité brillent par leur absence.

Un exemple, un seul mais combien éloquent: le cas de la personne âgée en perte d'autonomie dans notre système. D'une part, les hôpitaux de courte durée veulent les voir sortir rapidement afin de conserver les lits disponibles pour les personnes qui nécessitent des soins aigus. De leur côté, les CLSC ne veulent pas de cas trop lourds qui consomment trop de ressources de maintien à domicile qu'ils n'ont tout simplement pas. Et, finalement, on manque de ressources d'hébergement de façon importante. Résultat: des personnes âgées démunies qui vont de porte en porte sans qu'on ne réponde nécessairement à leurs besoins. Nous nous élevons vigoureusement contre la fragmentation actuelle des soins. Chaque professionnel y va de son intervention sans lien avec celle de l'autre. Chaque décision est prise en urgence, le plus souvent pour des raisons budgétaires, et personne ne semble avoir une vision globale de la situation.

Une des solutions à ce manque de coordination et d'imputabilité dans la fourniture de soins pourrait bien être le système de soins intégrés. Un projet en ce sens se déroule d'ailleurs à Montréal, le projet SIPA. Un des principaux attraits de ce projet réside dans le fait que, quel que soit l'endroit où se trouve la personne dans le système, elle demeure sous la responsabilité d'un groupe d'intervenants qui la connaît bien, qui la suit dans son évolution et qui est imputable des soins qui lui sont offerts.

Dans le cadre du projet SIPA, un pharmacien d'établissement qui pratique en CLSC est responsable de la pharmacothérapie de la personne. Ainsi donc, il fait le lien entre le centre hospitalier, le CHSLD et la pharmacie privée, le cas échéant. Pourquoi ne pas suivre avec intérêt ce projet et, si les résultats sont significatifs, l'exporter plus largement?

Y a-t-il des solutions? Bien sûr. Des solutions sommeillent encore dans les tiroirs du ministère, autant d'outils qui renforcent cependant la nécessité de dégager une vision d'ensemble dans une gestion intégrée des soins de santé. Précisons tout de suite qu'il faudrait être bien naïf pour croire que les solutions viendront sans injection de ressources supplémentaires. L'expérience terrain des membres de l'APES est riche et permet d'envisager la suite avec optimisme pour peu qu'au-delà de la créativité on y injecte des ressources.

Notre mémoire fait état d'une dizaine de recommandations spécifiques. Elles portent sur les médicaments d'urgence et orphelins, les problèmes de transition entre l'hôpital et la communauté, la prévention et la promotion, la fourniture de soins pharmaceutiques au sein d'un système de soins intégrés, la fourniture de soins pharmaceutiques au sein d'un programme québécois d'observance thérapeutique.

Nos «pourquoi pas» et nos «qu'est-ce qui empêche», tout autant que la mise en évidence du projet SIPA, ont introduit quelques-unes de nos suggestions. Il faudrait y ajouter celles sur la prévention et la promotion, notamment l'intégration du pharmacien au sein des équipes interdisciplinaires de prévention et de promotion dans les CLSC tout autant que la mise en oeuvre de projets-pilotes comme une ligne Info-Médicaments ou la mise sur pied d'un programme québécois d'observance thérapeutique.

Un mot sur les pistes de solution suggérées par la ministre. Un mot: «réserve» ou très certainement «inquiétude». Nous appelons le gouvernement à la prudence et nous l'invitons à développer une vision globale non seulement dans la gestion des soins, mais aussi dans son contrôle des dépenses. Vous aurez compris que les membres de l'APES s'inquiètent et émettent de sérieuses réserves. Les pistes de solution développées d'abord et avant tout dans une perspective financière font fi des règles élémentaires de gestion axées sur les malades. En conséquence, elles heurtent de plein fouet les principes qui régissent la pratique des pharmaciens des établissements de santé.

Au chapitre des propos exprimés dans le document sur les pistes de solution, nos commentaires ou suggestions expriment une opposition formelle et de sérieux doutes quant à son efficacité et, à long terme, des prix de référence; un accueil favorable mais conditionnel à ce que les critères de sélection des médicaments ne contribuent pas à restreindre l'utilisation des médicaments, mais bien à manifester une ouverture; un accueil réservé au renforcement des revues d'utilisation des médicaments si et seulement si le processus vise la qualité des soins; un accueil favorable à l'intégration des mandats du CCP et du CRUM mais assortis de deux suggestions, soit l'intégration du réseau RRUM et l'élargissement à des experts externes du comité scientifique et du comité de suivi des médicaments.

Quant aux scénarios proposés, compte tenu du relatif succès du caractère mixte, public-privé, du régime général et sous réserve des propos élaborés dans notre mémoire, nous nous questionnons sur la nécessité de remettre entièrement la logique du régime général en question. Ainsi, les cinquième et septième scénarios nous apparaissent comme étant des solutions sans aucune mesure avec les problèmes rencontrés. En outre, les contributions financières totales exigibles n'y sont pas clairement définies. Il nous apparaît donc périlleux de nous prononcer en leur faveur ou non. Nonobstant ce qui précède, il faut s'assurer que la cohabitation public-privé ne résulte pas en un transfert des mauvais risques au régime public, auquel cas l'État aurait à supporter une charge financière indue. Les scénarios qui augmentent la contribution financière au moment du service ou des médicaments nous semblent receler davantage le potentiel de freiner l'accessibilité.

(17 h 40)

Enfin, nous sommes en désaccord complet avec le sixième scénario qui vise à offrir une couverture de type catastrophe à la population du Québec. Ce type de couverture constituerait certainement un frein à l'accessibilité et un retour en arrière bien difficile à justifier.

En guise de conclusion, accessibilité, équité et gestion intégrée des soins pour, par et avec le malade sont sans contredit les mots-clés auxquels devra se référer la ministre dans son ajustement du régime général d'assurance médicaments. Seriez-vous surpris si, au-delà de l'éventail de solutions potentielles énoncées dans ce mémoire ou mises de l'avant par d'autres groupes, nous réclamions d'abord et avant tout la politique du médicament promise depuis longtemps?

Question de donner un peu plus de perspective au débat et de s'assurer que la main droite n'ignorera pas ce que fait la main gauche, question de mettre un terme à l'improvisation dans la gestion des dossiers du réseau de la santé, à cette inefficace gestion en silos qui porte un préjudice incontestable aux malades, nous osons espérer que la ministre intégrera véritablement cette fois-ci les suggestions issues de cette consultation générale et qu'elle témoignera ainsi non pas de voeux pieux, mais d'une réelle volonté politique.

Alors, à l'instar des autres professionnels du réseau de la santé, nous, pharmaciens des établissements de santé, serons au rendez-vous, avec le professionnalisme qui nous caractérise, qui alimente constamment nos réflexions et qui a justifié l'effort investi dans la préparation de ce mémoire. Merci de nous avoir écoutés. Il nous fera plaisir de répondre à vos questions.

Le Président (M. Beaumier): Merci beaucoup, Mme la présidente. Alors, nous procédons aux échanges. Mme la ministre.

Mme Marois: Oui, certainement. Merci, M. le Président. Alors, je vous souhaite la bienvenue à notre commission et je vous remercie pour la qualité de votre mémoire qui est très fouillé à bien des égards.

Avant de le questionner ou de l'aborder, juste une information qu'il serait intéressant de partager avec les membres de la commission. Peut-être que ça va rassurer notre collègue de Saint-Henri–Sainte-Anne. Lorsqu'on a modifié – et c'est important qu'on parte des bonnes informations – le régime pour assurer une couverture gratuite et complète aux personnes qui sont assistées sociales, soutien financier, il fallait savoir que, même si ceux-ci représentent 25 % de tous les prestataires de la sécurité du revenu, donc un quart, ils consommaient cependant 65 % des médicaments. Donc, autrement dit, on a nettement amélioré la situation de ceux qui étaient les plus mal pris devant les problèmes d'accessibilité. Ça a été vraiment un plus considérable parce que, leur proportion étant beaucoup plus importante dans la consommation de médicaments, lorsqu'on a corrigé leur situation, on a favorisé l'accessibilité.

Bon. Maintenant, revenons plus spécifiquement aux questions que vous soulevez. La politique du médicament. Je lisais, je vous écoutais, c'est évident que ça doit être un des prochains chantiers qu'on devrait aborder, étant entendu qu'on en a pas mal d'engagés déjà. Mais on est bien conscient qu'il faut pouvoir le faire. On ne veut pas fixer formellement de date, mais c'est une orientation que nous conservons comme perspective et un objectif que nous voulons poursuivre.

Il faut comprendre que, par ailleurs, sur une autre question que vous soulevez, qui est toute la question des économies et de l'approche en silos, je pense que ça, là, ça a été soulevé par plusieurs autres intervenants jusqu'à maintenant – même si ça ne fait que deux jours, mais déjà c'est venu à quelques reprises – et ça fait partie aussi de l'ensemble de la problématique. C'est évident qu'il y a des études qui sont, entre autres, très complexes et difficiles à faire, hein, parce qu'il y a plusieurs variables à considérer.

Et je reprends quelques exemples que je donnais hier, je pense, à la commission et qu'on a ici. Bon, par exemple, on a diminué le nombre d'hospitalisations reliées au diabète de 30 % depuis 1988-1989 par rapport à 1998-1999, mais les coûts reliés au diabète... les coûts hospitaliers, le nombre d'hospitalisations donc a diminué, les coûts hospitaliers ont eux aussi diminué. Par ailleurs, les coûts de médicaments, eux, ont augmenté bien sûr, pas nécessairement en proportion exacte. Bon. Par ailleurs, dans d'autres cas, les coûts de médicaments ont augmenté plus, mais on a amélioré de beaucoup la qualité de vie des personnes. Ça, c'est un facteur qui n'est pas facile à quantifier, il ne se quantifie souvent pas, mais il y a un net gain à cet égard-là. Alors, je suis très consciente de ça.

Vous avez fait référence à SIPA puis à d'autres expériences comme celle-là. Vous savez qu'on les suit de très près. Il y en a d'autres, ici, à Québec, aussi. Je pense que l'expérience de la haute-ville, c'est autre chose et c'est d'un autre ordre, mais c'est intéressant. Je vous dirais que c'est la philosophie qu'on devrait avoir dans l'ensemble du réseau: de ne pas travailler en silos, de travailler de façon concertée, intégrée et puis de tenir compte des bénéfices que nous retirons d'un investissement qui semble important à un moment, mais qui nous évite des coûts par ailleurs et souvent des coûts humains, hein, pas seulement des coûts financiers, ça va de soi. Et la perspective que vous développez dans votre mémoire, elle va dans le sens de ce qu'on souhaite aussi. Bon.

Sur les médicaments orphelins, nous sommes conscients au ministère, là, qu'il faut revoir toutes les exigences liées à cette question. On a demandé déjà que des commentaires nous viennent des régies. Vous nous en faites un bon nombre ici, dans votre mémoire, et nous voudrions éventuellement avoir une politique précise sur cette question et des orientations, de telle sorte qu'on puisse tenir compte des problèmes que vous soulevez, là, et qui sont réels. Parce que le régime d'assurance médicaments, il visait justement à faciliter le virage ambulatoire puis à s'assurer que tout le monde était traité équitablement selon qu'il était à l'hôpital, ou chez lui, ou dans sa maison soigné par le CLSC. Alors là vous soulevez une espèce de vacuum qui existe à l'égard des médicaments orphelins. Et, éventuellement, j'aimerais ça qu'on vous consulte – je le mentionne, là, formellement – pour qu'on ait un avis peut-être un peu plus éclairé de votre part.

Deux questions maintenant, puis revenir aussi sur d'autres commentaires plus généraux que j'ai faits, là. Le prix de référence, je ne l'ai pas abordé avec d'autres intervenants qui sont venus et qui soulevaient aussi certaines objections. J'aimerais que vous élaboriez un petit peu plus sur cette question du prix de référence. Et l'autre question – attendez un petit peu – c'est l'intégration de nos institutions, là, Conseil consultatif, RUM et aussi le Réseau de revue d'utilisation du médicament. Vous êtes non seulement favorables, vous appuyez cela. J'aimerais aussi que vous m'en parliez un petit peu plus longuement. Parce qu'il y a eu des objections dans d'autres groupes à ce qu'on procède de cette façon-là.

Mme Lambert (Manon): Concernant le prix de référence, l'Association s'y oppose effectivement formellement et je pense que c'est assez clair dans le mémoire. L'expérience vécue ailleurs au Canada... Il y a certaines provinces qui, comme vous le savez, ont adopté la règle du prix de référence. La Colombie-Britannique, entre autres, est une de ces provinces-là et certains autres pays. Et ce dont on s'aperçoit à ce niveau-là, c'est que des économies qui soit peuvent être réalisées à court terme, souvent on en perd en bout de chemin à long terme à cause des mécanismes d'adaptation de l'industrie pharmaceutique, mais ça, je dirais que c'est un argument subsidiaire.

Notre argument principal tient du fait que ça devient une limitation importante au choix du médicament en ce sens que, par exemple, dans certaines provinces, on a dit: Pour hypertension, il y aura un seul médicament de référence. Et on a dit: On va mêler là-dedans toutes sortes de famille de médicaments. Alors, il y a des familles de médicaments. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'il y a des génériques qui sont les mêmes médicaments. Il y a des familles de médicaments qui regroupent ensemble des médicaments différents mais avec des effets similaires, et il y a donc, pour une même pathologie, également différentes familles qui peuvent être utilisées. Alors, dans certains pays, ce qu'on a fait, c'est qu'on a mélangé les familles de référence et on a dit: Voilà le meilleur médicament avec le meilleur rapport coût-efficacité, c'est celui-là, et c'est celui-là qui va être prescrit. Or, la diversité des familles de médicaments fait en sorte qu'on puisse, comme praticien, clinicien, individualiser le traitement en fonction d'un patient. Alors, même s'il est clair – et on l'a mentionné dans le mémoire – qu'on peut parfois, avec des études pharmacoéconomiques, déterminer de façon assez précise quel est le médicament avec le meilleur ratio coût-efficacité, quand on arrive dans la vraie vie devant un patient qui a des caractéristiques multiples cette fois-là et des pathologies multiples, bien, ce n'est pas vrai que c'est toujours ce premier médicament là qui va être le meilleur choix pour ce patient-là.

(17 h 50)

Alors, la présence d'un autre médicament pris en concomitance ou la présence d'une autre pathologie du patient va faire en sorte que ce n'est pas le meilleur choix. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est que ça restreint beaucoup le choix thérapeutique des cliniciens, et on va se retrouver finalement un peu comme avec les médicaments d'exception, on va être obligés de faire des demandes administratives pour justifier à chaque fois, et on va se retrouver finalement avec une situation où, parce qu'on ne trouve pas le formulaire, parce qu'on n'a pas de fax, pour des raisons qui nous apparaissent bien futiles, le patient n'aura pas accès à son médicament. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est: Attention, parce que ça risque de créer beaucoup de problèmes au niveau de la santé, et tout ça peut-être pour des économies qui vont être bien transitoires.

Mme Marois: D'accord.

Mme Lefebvre (Patricia): Pour ce qui est de l'intégration du CCP et du CRUM, nous sommes extrêmement favorables. Je pense qu'il y a également la Revue d'utilisation des médicaments qui se fait dans les hôpitaux depuis plusieurs années, qui a démontré un franc succès. On s'assure que la qualité des soins est augmentée et, en même temps, on s'assure de l'interdisciplinarité au niveau de l'utilisation des médicaments, que ce soit médecins, pharmaciens, le patient au centre de la préoccupation, et il y a également de la formation qui se fait par ces revues d'utilisation des médicaments là. Le gage de succès du réseau RUM était qu'on bénéficiait également, pour chaque pathologie ou quand on déterminait une revue particulière, d'experts. L'intégration, oui, on y croit, mais il faut aller chercher les experts sur le terrain, c'est la façon d'accrocher tous les gens. Quand un expert dit: La Revue d'utilisation des médicaments, moi, c'est ce que je propose ou, en tant que groupe, nous proposons, le travail sur le terrain va y adhérer et tout le monde aura en même temps une formation, et on augmentera en même temps la qualité des soins. Alors, pour nous, c'est tout à fait favorable qu'il y ait cette intégration.

Mme Marois: Ça va. Je pense qu'il y avait mon collègue qui voulait intervenir.

Le Président (M. Beaumier): Oui, alors, M. le député de Masson.

M. Labbé: Merci, M. le Président. Alors, Mme Lefebvre, mesdames, messieurs, félicitations pour le contenu de votre mémoire. Je vais vous dire honnêtement que c'est un mémoire que j'ai beaucoup apprécié lire, et surtout la présentation. Je suis un visuel, alors ça aide beaucoup à ce niveau-là, ça a été très bien fait.

Je voulais vous amener sur une question dont on a parlé tout à l'heure; en fait, c'est toute la question du partage d'informations, les médecins versus la clientèle comme telle. Alors, on a parlé tout à l'heure de fichier central, la Fédération des spécialistes, entre autres, en a parlé. Ils ont dit: Oui, c'est important, il faudrait qu'on ait un fichier central. Par contre, vous autres, vous parlez dans votre mémoire de carte à puce. Vous parlez aussi que, finalement, c'est l'usager qui est le propriétaire des informations. J'aimerais ça vous entendre un petit peu sur l'application de ça, comment vous voyez, là... Parce que justement, d'un côté, j'aurais une ouverture; de l'autre côté, j'ai dit: Oui, il y en a une de votre côté aussi qui est intéressante. Mais l'application de ça puis le fait que c'est le patient qui est responsable de l'information... Le Dr Gauthier et le Dr Lamontagne tout à l'heure mentionnaient: Écoutez, oui, mais ils ne sont pas toujours là quand on leur demande l'autorisation ou quand on leur demande... Alors, j'aimerais voir dans la pratique comment ça pourrait s'instaurer, un système comme ça?

Mme Lefebvre (Patricia): Bien, il y a eu des projets faits avec la collaboration des pharmaciens avec la carte à puce dans d'autres régions. Et ce qui est important dans la carte à puce, je pense, et dans le concept même des soins pharmaceutiques, c'est que le patient, son plan de soins est fait pour les préoccupations du patient et ce que lui attend de sa thérapie. Le fait que le patient soit propriétaire de ces informations et qu'il participe à sa thérapie, je pense que c'est un avenir intéressant. De le mettre au centre de ses soins. Parce qu'on responsabilise le patient, on le conseille sur sa façon de prendre des médicaments, et tout intervenant qui va intervenir au niveau de ce patient-là aura l'information au moment où il en a besoin, et c'est ce qui est tout à fait essentiel. Vous avez le patient devant vous et vous avez l'information devant vous.

On ne s'objecterait pas à un réseau centralisé, mais le réseau centralisé, il faudrait voir, à ce moment-ci, comment on pourrait y avoir accès et est-ce que ce serait disponible en tout temps. Est-ce que, le patient n'ayant pas l'information avec lui, on peut être devant le patient et ne pas avoir l'information? Donc, c'est très important de responsabiliser le patient face à sa pharmacothérapie. C'est un avenir essentiel que ce soit le patient qui décide de ses objectifs de traitement.

Mme Lambert (Manon): Par ailleurs, si vous me permettez, un fichier central, ça a toujours le risque d'avoir des fuites d'information. On l'a vu il y a quelques années où il y a des informations sur les patients ou les personnes qui étaient sorties malheureusement. Et, ce qu'il faut comprendre, c'est que, quand on a de l'information sur des médicaments, on peut en savoir assez long sur la vie des individus. Quand on est professionnel de la santé, on est capable de savoir que, quand tu prends tel médicament ou tel médicament, tu as telle pathologie ou tu as telle autre. Et ça, ça peut être des informations qui sont intéressantes, par exemple, pour les tiers payeurs ou des choses comme ça. Donc, il faut toujours faire attention. Alors, on ne dit pas non à un fichier central, mais attention, si jamais c'était le cas, aux problèmes de confidentialité qui nous préoccupent beaucoup.

M. Labbé: On a vraiment la même préoccupation. Évidemment, on veut éviter que la personne se promène avec son sac de pilules, puis souvent on sait que ce n'est pas toujours évident et c'est une réalité qu'on vit quotidiennement. Chaque fois que quelqu'un est hospitalisé, on se demande toujours... Puis on est même rendu avec des étiquettes sur les frigidaires maintenant, qui disent: Regardez ce qu'il y a dedans. Mais on ne sait pas s'il n'y en a pas ailleurs entre-temps.

Et c'est ça que je cherche actuellement. Ça pourrait être quoi, le système qui protégerait la confidentialité, mais, d'un autre côté, qui pourrait permettre à tout le monde d'avoir un genre de carte à puce ou l'équivalent qui fait que tu sors ça avec l'autorisation du patient quand c'est possible, en espérant que c'est toujours possible, que lui te donne l'autorisation, puis qu'à ce moment-là tu puisses savoir exactement c'est quoi la posologie de tout ce qu'il a comme médicaments? Vous n'avez pas la recette miracle encore?

Mme Lambert (Manon): Non, je pense que la carte à puce, en ce sens-là, est intéressante. Et c'est sûr que parfois on va avoir à prendre des décisions quand le patient n'est pas là, mais il reste que, je dirais, dans une large proportion des cas, habituellement quand on a une intention thérapeutique, le patient n'est pas très loin, là, hein? Donc, on a accès au patient. Donc, c'est peut-être le moindre des maux, je dirais. Avec le risque évidemment qu'il n'ait pas sa carte, qu'il l'oublie et tout ça, là, mais il n'y a pas de système idéal, là.

M. Labbé: Non, non. C'est beau, j'apprécie, merci.

Le Président (M. Beaumier): Très bien. Alors, M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Mme la présidente ainsi que vos collègues. Je voudrais vous remercier pour votre mémoire et vous dire également que je l'ai trouvé très intéressant, bien détaillé et également avec des recommandations fort bien justifiées.

J'ai appris une chose dans votre mémoire, et qui est fort intéressante, à la page 14. C'est qu'il y avait eu une annonce, par le ministre de la Santé de l'époque, en 1997, d'une politique du médicament. Et d'autres groupes, je pense, avant vous, ont parlé aujourd'hui de l'importance de ça. Si je comprends, trois ans après l'annonce – et je ne suis pas un spécialiste du secteur – est-ce qu'il y a eu des progrès dans cette politique-là ou si c'est resté un peu lettre morte?

Mme Lefebvre (Patricia): Pour nous, je peux vous dire que, dans notre secteur où nous pratiquons, principalement dans les établissements, ça a été laissé lettre morte au niveau de la politique du médicament. Donc, les enjeux qui étaient avant la mise en place du régime demeurent les mêmes enjeux présentement.

M. Marcoux: Donc, il n'y a pas eu de développement suite à cette annonce-là, et...

Mme Lefebvre (Patricia): Pas au niveau de notre secteur d'activité.

M. Marcoux: Donc, là on aura un autre chantier pour un autre trois ans, ce que nous a indiqué la ministre tout à l'heure. Je voudrais revenir sur un sujet qui me touche beaucoup, quand vous parlez de l'équité et de la transition entre le réseau hospitalier et le CLSC ou le domicile dans le cadre du virage ambulatoire. Et vous mentionnez qu'il y a des incongruités qui dans le fond sont préjudiciables pour le patient. D'une part, pour certains types de médicaments, dans certaines conditions, s'il va à l'hôpital, ils sont gratuits; d'autre part, à l'extérieur, il doit payer de plus en plus dans un contexte où on veut favoriser le virage ambulatoire. Vous donnez l'exemple de l'Aredia. Je pense qu'il y en a d'autres, notamment dans le domaine du cancer ou d'autres types de pathologies. Comment vous voyez l'établissement? Qu'est-ce qu'on peut changer pour améliorer cette situation-là et être plus équitable vis-à-vis les patients?

Mme Lefebvre (Patricia): Alors, au niveau de l'équité, ce qui est très important pour nous, c'est qu'un patient qui se retrouve dans n'importe quelle région ait à débourser la même chose. L'exemple qu'on voit et que vous avez mentionné avec l'Aredia, c'est que, dans certaines régions, le service est disponible pour la préparation du médicament en mode ambulatoire, et le patient peut recevoir sa médication en CLSC. Toutefois, dans les régions où c'est disponible, le patient doit payer la coassurance et débourse donc 20 % du médicament au comptoir lorsqu'il va le chercher. Si on vérifie dans d'autres régions où le service de préparation des médicaments sous forme intraveineuse n'est pas existant, l'hôpital prend en charge ces patients-là, et comme la Loi d'assurance-hospitalisation dit: «Tout médicament donné sur le lieu doit être fourni par l'hôpital», le patient dans cette région-là ne paie rien. Dans certains cas, il y a des médicaments à 1 000 $ le traitement, puis le patient doit avancer le montant d'argent et est en attente de remboursement. Et, dans ces cas-là, il y a une iniquité, et c'est ce qu'on veut soulever dans notre mémoire, c'est que finalement où on se trouve au Québec peut déterminer combien on paie en médicaments ou non présentement, dans le cadre du virage ambulatoire.

M. Marcoux: Et est-ce que cette situation-là, pour vous autres, peut constituer aussi un frein au virage ambulatoire? Parce qu'évidemment, et c'est normal, je pense que plus on peut favoriser le virage ambulatoire dans nos conditions aujourd'hui mieux c'est pour les patients et, je pense, pour tout le monde. Mais est-ce que, selon vous, ça constitue un frein présentement au virage ambulatoire?

(18 heures)

Mme Lefebvre (Patricia): Bien, il arrive régulièrement que le pharmacien de l'établissement propose au patient de quitter sur une médication pour terminer son traitement. Donc, il n'aura vraiment plus besoin de la surveillance sur le plateau technologique de l'hôpital. Et la question du patient va être: Est-ce que je vais payer mon médicament si je m'en vais à la maison? Ou: Si je reste ici, est-ce que c'est gratuit? Alors, on se doit de l'informer que, s'il reste à l'hôpital, ce sera gratuit, et que, s'il termine à la maison son traitement, il y aura donc une coassurance à payer.

Dans certains cas, et on a des exemples concrets, il y a des hôpitaux qui font de l'assistance – c'est les vases communicants entre l'assistance et l'assurance – il y a des hôpitaux qui paient le copaiement pour pouvoir libérer un lit. Donc, on dit au patient: Oui, vous pouvez quitter pour la maison, mais je vais assurer le copaiement. Il y a des régions à Montréal où l'hôpital se porte garant du paiement du médicament au pharmacien privé parce que le pharmacien privé ne veut pas tenir en inventaire un produit s'il est coûteux sans s'assurer que le patient pourra le payer. Donc, effectivement, on a développé des mécanismes de compensation, que, nous, on appelle vraiment l'assistance hospitalière, pour répondre à ces besoins-là, parce qu'il y aurait un frein. Le patient choisit souvent de rester à l'hôpital puis dit: Bien, moi, je vais rester ici trois jours, ça me convient très bien, et puis il n'y a pas de coût de médicaments.

Le Président (M. Beaumier): Est-ce que, de ce côté-ci, il y a d'autres...

M. Marcoux: Oui, oui, j'ai une autre question.

Le Président (M. Beaumier): Oui, allez-y, M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Au début de votre mémoire, vous avez parlé de SIPA pour, en fait, intégrer la gestion des soins, et vous dites à la page 2: «D'autres solutions sommeillent encore dans les tiroirs du ministère, notamment le programme québécois d'observance thérapeutique, pour s'attaquer aux problèmes de fidélité...» Pourriez-vous élaborer un peu plus sur ce point-là que vous indiquez dans votre mémoire?

Mme Lefebvre (Patricia): Il y a beaucoup maintenant de thérapies qui sont entièrement contrôlées par la médication et beaucoup de ces thérapies sont utilisées en prévention, comme les thérapies pour le cholestérol, pour les problèmes cardiovasculaires, pour l'ostéoporose et autres maladies. Ce qu'on sait, c'est que, lorsqu'on utilise un médicament en prévention et que le patient n'a pas vraiment d'effets – on veut juste prévenir – après un an, ou même certains, c'est après six mois, dans certaines études, il va cesser de prendre sa médication et on perd les bénéfices de l'investissement initial qu'on avait fait. Alors, lorsque la thérapie est la pierre angulaire du traitement, ce qu'on suggère, c'est des cliniques d'observance thérapeutique où le patient rencontrerait le pharmacien pour s'assurer, à intervalles, dépendamment de la pathologie, que le patient continue à comprendre l'importance de prendre sa médication et s'assurer donc que, dans cinq ou dans 10 ans, on aura les bénéfices de l'investissement qu'on a fait en médicaments. Et on le voit dans l'ostéoporose où on a des listes d'attente pour les remplacements de fractures de hanches, et c'est des patients qui ont peut-être cessé de prendre leur médication quand ils avaient débuté à 50 ans. Alors, il y a un bénéfice à long terme de comprendre pourquoi on prend sa médication et les effets bénéfiques de son traitement.

M. Marcoux: Mais, quand vous dites qu'il y a... en fait, vous mentionnez, et je ne veux pas insister là-dessus: «D'autres solutions sommeillent encore dans les tiroirs du ministère...» Vous faisiez référence à...

Des voix: ...

M. Marcoux: Remarquez que, oui, il y a bien des choses qui dorment au ministère, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marcoux: Excusez.

Mme Lefebvre (Patricia): Il y avait également – notamment, on entendait, et la question a été soulevée – de faciliter le transfert d'informations entre l'hôpital et la communauté. Je pense qu'avec succès les pharmacies privées ont été reliées dans un temps assez impressionnant et ça a fonctionné. Je pense qu'en ce moment il y a quand même une importance à ce qu'on puisse assurer la continuité des soins et ça peut passer également par des investissements technologiques. Le transfert des dossiers patients ou du dossier pharmaceutique au dossier privé serait très important. Alors, il y a des investissements également technologiques qui doivent se faire si on veut s'assurer de suivre le patient dans sa thérapie au Québec.

Et l'autre solution également, c'est un projet qui a été présenté dans une régie, ici, à Québec, c'est également d'offrir une ligne Info-Médicaments où des pharmaciens répondraient au téléphone pour les questions qui relèvent de la médication: donc, s'assurer que le patient, s'il a un antibiotique, le prend 10 jours et comprend pourquoi; répondre quoi faire s'il y a omission d'une dose. Toute question qu'un patient pourrait avoir sur la médication, il pourrait composer le numéro et avoir un pharmacien qui répond.

M. Marcoux: C'est intéressant, ça.

Mme Lefebvre (Patricia): Alors, toutes des interventions qui s'assurent que l'investissement qu'on fait dans la médication, qu'on a vraiment les bénéfices de cet investissement-là, parce qu'il faut qu'elle soit prise pour avoir les bénéfices.

Le Président (M. Beaumier): M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci beaucoup, et merci beaucoup pour votre présentation cet après-midi. Est-ce que je peux demander: Est-ce que vous savez combien ça coûte, les médicaments dans nos hôpitaux au total? Est-ce que nous avons un chiffre?

Mme Lambert (Manon): C'est une estimation, je n'ai pas les dernières données, mais, si on considère à la fois les médicaments pour les patients hospitalisés, les patients à l'urgence, salles d'op, et tout ça, qui sont sur des silos différents aussi dans nos hôpitaux, ça doit être autour de 300 000 000 $ à 350 000 000 $, j'ai l'impression. Là, on pourra me corriger du côté du ministère si je me trompe, mais ça doit être autour de 300 000 000 $ à 350 000 000 $, si on inclut en plus les médicaments en oncologie, et tout ça.

M. Williams: O.K. Est-ce que c'est resté stable ou ça a augmenté pendant les années récentes?

Mme Lambert (Manon): Je dirais qu'à venir jusqu'à cette année, on avait un pourcentage d'augmentation moyen qui devait tourner autour de 3 % à 4 %, c'était relativement régional. Cette année, on a connu une augmentation importante, autour de 8 %. Comme pharmacien d'établissement, on se plaît toujours à penser que la moindre augmentation qu'on a connue en milieu hospitalier venait du fait qu'effectivement – on en a parlé tantôt, je pense que les gens de la Fédération en ont parlé – la gestion de la thérapie médicamenteuse en hôpital se fait en équipe interdisciplinaire. Alors, le pharmacien, le médecin, l'infirmière, les gens travaillent en collaboration, et on a un souci, comme pharmacien d'établissement, assez élevé de s'assurer qu'on va consommer adéquatement les ressources. Donc, on a connu... Mais, cette année, on a une augmentation importante. Entre autres, en oncologie, on assiste actuellement à une explosion du coût de traitement, pour différentes raisons: on diagnostique mieux, on traite plus longtemps, on a de meilleurs traitements, on retraite des patients. Donc, on a actuellement un problème majeur au niveau de l'oncologie.

M. Williams: Merci. Vous avez parlé, à la page 13, de toute la question des médicaments d'exception. Vous avez mentionné que ce gouvernement utilise la liste des médicaments d'exception de plus en plus, et vous avez questionné un peu sur ça. Vous avez aussi – parce que je sais que le temps achève, je vais essayer de...

Le Président (M. Beaumier): Oui, allez-y.

M. Williams: L'autre groupe de Rx & D a présenté une idée de nouvelle section sur la liste des médicaments, qui peut avoir une entente d'utilisation des médicaments. Vous avez aussi mentionné, un peu plus tard dans votre mémoire, vous suggérez que le gouvernement utilise un groupe d'experts externes pour prendre des décisions. Le dernier exemple que j'ai eu sur la liste des médicaments d'exception, c'était juste avant Noël et, effectivement, le CCP a demandé à un groupe d'experts, sur le médicament Evista – vous avez parlé d'ostéoporose... Le comité d'experts externes, complètement indépendants, a recommandé unanimement d'inscrire ce médicament sur les listes régulières. Le gouvernement a décidé que non, ce n'est pas ça qu'il veut. Il ne veut utiliser, comme vous avez dit, que la liste des médicaments d'exception. Avec ça, je voudrais juste mentionner que votre idée, que j'aime, d'utiliser les experts externes ne marche pas toujours avec ce gouvernement. Je voudrais avoir plus votre opinion sur la problématique de la liste des médicaments d'exception.

Mme Lefebvre (Patricia): On a des exemples dans nos établissements où le patient vient pour une angioplastie, donc une intervention cardiaque, où il doit continuer, suite à cette intervention, un médicament, qui est sur la liste des médicaments d'exception, pendant trois à quatre jours, suite à l'intervention. Ce qui fait que, si la coordination n'est pas faite entre l'établissement... la demande du médicament d'exception, il faut aviser le pharmacien propriétaire, il faut obtenir la demande, et là, en angioplastie, des fois on n'hospitalise qu'une demi-journée. Il faut tout coordonner ça pour avoir le médicament qui, dans le fond, est indiqué et l'indication a été approuvée. Ne pas prendre cette médication-là, post angioplastie, peut amener des morbidités importantes. Alors, si on sait que le médicament sera bien utilisé et qu'il n'est utilisé que pour cette indication, pourquoi le restreindre? Il faut se fier aux experts sur le terrain, le médecin qui a fait l'angioplastie, le protocole. Il y a des études à 5 000 patients qui mentionnent qu'il faut l'utiliser. Fions-nous aux experts que nous avons dans nos établissements, ils devraient pouvoir le prescrire. Et qu'on s'assure qu'il n'y a pas d'interruption de traitement. Il y a des cas très précis où il y a un danger à interrompre un traitement.

M. Williams: Merci.

Le Président (M. Beaumier): Merci. Alors, il resterait deux minutes à l'aile parlementaire.

Mme Marois: Oui, on me disait que justement... Excusez.

Une voix: ...

Mme Marois: Je vais me discipliner.

Le Président (M. Beaumier): ...M. le député de Nelligan, vous avez 1 min 30 s.

M. Williams: Je m'excuse, mais, avec des présentations de 45 minutes, c'est difficile de passer toutes nos questions. Je vais essayer d'être bref. À la page 22, vous avez parlé du prix le plus bas: En l'absence de conséquences cliniques significatives, le fait d'appliquer cette politique, c'est plus une question économique. Je voudrais savoir un peu plus comment les pharmaciens décident de la «substitutionnabilité» là – je ne sais pas si c'est un mot... Est-ce qu'il sont remplaçables ou non, entre un générique et un autre? Comment on peut décider ça? Je comprends votre point ici et je sais que vous ne voulez pas nécessairement entrer dans un long débat économique, mais, sur la question: Est-ce qu'un générique vraiment peut remplacer l'autre? je voudrais savoir comment le pharmacien décide ça.

(18 h 10)

Mme Lefebvre (Patricia): Au niveau des établissements de santé, de par la loi, il doit y avoir un comité de pharmacologie qui relève du comité des médecins, dentistes et pharmaciens. Et la responsabilité du pharmacien-chef, il est conseillé par ce comité de pharmacologie pour ajouter des médicaments à notre formulaire d'établissement. Donc, il y a vraiment un contrôle sur la sélection des médicaments.

Quand on en vient à utiliser un générique ou non, dans les établissements il y a un système qui est centralisé où il y a des régions qui font des soumissions pour des durées de deux à trois ans ou, dans les cas où le générique est considéré thérapeutiquement équivalent, les gens soumissionnent et le contrat peut être donné au générique pour une période x, qui est le contrat qui est donné au niveau de ces regroupements d'achat là. Donc, les décisions sont faites par région, et il y a un contrôle très important des choix et de la sélection des médicaments qui s'inscrivent à la liste, et ce sont des pharmaciens qui établissent, qui révisent les soumissions. Donc, il y a toujours une révision.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le député de Nelligan. Alors, Mme la ministre.

Mme Marois: Bien, merci. Ça va. Je voudrais remercier l'Association de son mémoire et des suggestions qui sont faites, parce que ce sont des suggestions très concrètes et très précises qui vont nous aider à corriger certains aspects du régime sous d'autres angles aussi que l'aspect du financement. Mais, si on ne réussit pas à le financer, on ne pourra pas corriger le reste non plus. Donc, je pense qu'il faut être capable de travailler sur les deux fronts, et c'est ça, notre responsabilité. Je vous remercie de la qualité de votre présentation.

Le Président (M. Beaumier): Alors, merci, Mme la présidente, ainsi que vos collègues. La commission ajourne ses travaux au jeudi 24 février, à 14 heures.

(Fin de la séance à 18 h 12)


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