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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Tuesday, May 26, 1998 - Vol. 35 N° 125

Consultations particulières sur le projet de loi n° 186 - Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
M. Léandre Dion, président suppléant
Mme Marie Malavoy, présidente suppléante
Mme Louise Harel
M. Russell Copeman
Mme Michèle Lamquin-Éthier
M. Normand Poulin
*M. Henri Massé, FTQ
*M. Jacques Garon, CPQ
*Mme Louise Marchand, idem
*M. Jean-Yves Desgagné, CNAS
*M. Victorien Pilote, idem
*Mme Sylvie Jochems, idem
*M. Denis Lazure, OPHQ
*M. François Perreault, AQIS
*M. Dominic Fournier, idem
*M. Richard Lavigne, COPHAN
*Mme Lucie Lemieux-Brassard, idem
*Mme Chloé Serradori, idem
*Mme Cyd Lamirande, AQRIPH
*Mme Marie Montplaisir, idem
*M. Pierre-Yves Lévesque, idem
*M. Mario Beauvais, RRASMQ
*Mme Ginette Rousseau, idem
* Mme Nancy Neamtan, Coalition des organismes communautaires
pour le développement de la main-d'oeuvre
*Mme Gabrielle Ciesielski, idem
*Mme Lise Fortin, idem
*Mme Claudette Champagne, idem
*M. Claude Filion, CDPDJ
*M. Pierre Bosset, idem
*Mme Lucie France Dagenais, idem
*M. Gratien D'Amours, UPA
*Mme Hélène Varvaressos, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Onze heures dix-sept minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Mme la secrétaire, est-ce que le quorum est constaté?

La Secrétaire: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Je vous rappelle le mandat. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 186, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale.

Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui. M. Paradis (Brome-Missisquoi) est remplacé par M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce).

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Vous avez pris connaissance de l'ordre du jour. À moins d'avis contraire, je le considère adopté.


Auditions

Nous procéderons immédiatement aux rencontres en recevant les représentants et représentantes de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. M. Massé, si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent et débuter votre mémoire.


Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Massé (Henri): Oui. À ma droite, c'est Denis Courteau qui est le président du Syndicat des postiers pour le Québec et vice-président de la FTQ; et, à ma gauche, c'est Louise Miller qui est du service de la recherche à la FTQ.

Je voudrais d'abord vous remercier, messieurs et mesdames de la commission, pour l'opportunité de présenter notre point de vue. D'entrée de jeu, je voudrais vous dire qu'on aurait aimé être un petit peu plus nombreux. Et c'est un petit reproche qu'on fait au gouvernement. C'est qu'on a passablement à la dernière minute les avis de commissions parlementaires et il y avait une instance très importante à la FTQ aujourd'hui qu'on ne pouvait éviter. Donc, ils n'ont pas pu venir.

C'est avec beaucoup d'intérêt que nous participons aujourd'hui à cette commission parlementaire. C'est un projet de loi qui nous préoccupe et qui nous concerne par son impact sur les personnes sans emploi, mais aussi sur les services d'emploi qui sont désormais gérés par Emploi-Québec et auxquels nous sommes associés comme membres de la Commission des partenaires du marché du travail. Enfin, notre réaction au projet de loi tient aussi compte des engagements que nous avons collectivement pris lors du Sommet sur l'économie et l'emploi en 1996 en faveur du développement de l'emploi, mais aussi de la lutte à la pauvreté.

Notre intervention s'inscrit dans la suite du mémoire commun que nous avions déjà présenté avec la CSN et la CEQ en commission parlementaire sur la réforme de la sécurité du revenu en janvier 1997. On pense qu'il y a des questions qui sont toujours sans réponse. Dans le mémoire sur le livre vert, nous jugions que le projet de réforme comportait des éléments intéressants, notamment l'approche de parcours individualisé. Cependant, nous nous interrogions sur son applicabilité, puisqu'il ne nous informait pas sur les moyens qui seraient mis en place pour le réaliser.

(11 h 20)

Nous avons aujourd'hui une idée plus précise des services qui seront offerts ainsi que des sommes dont nous disposerons, mais nous n'avons toujours pas d'évaluations budgétaires de l'impact du projet de loi proposé. Ce n'est pas faute de l'avoir demandé. En février dernier, après avoir pris connaissance du projet de loi, les membres de la Commission des partenaires du marché du travail ont demandé au ministère de produire une estimation des coûts liés au caractère obligatoire du parcours pour les jeunes. Depuis la mi-février, nous avons sans succès réitéré notre demande. Nous avons obtenu un document portant sur l'impact de la loi n° 186 sur les services d'emplois, mais pas de mesures ou de données ventilées.

Nous attendions beaucoup de ce projet de loi. Nous attendions surtout une véritable réforme porteuse d'espoir pour les personnes sans emploi. Malheureusement, le projet met davantage l'accent sur la responsabilité individuelle que collective, sur des contraintes et obligations faites aux prestataires plutôt que sur une offre de services de qualité menant à des emplois durables. La vision de solidarité sociale n'en est encore qu'à l'état de discours, ce qui est décevant.

Quant à l'objectif de lutte contre la pauvreté, le projet de loi n'y répond que partiellement, notamment en garantissant aux personnes qui réaliseront des activités de travail qu'elles seront protégées par la loi sur les normes minimales. Pour les autres, le niveau de prestations actuellement versées demeure nettement insuffisant pour satisfaire les besoins essentiels.

Nous pensons donc être loin d'être persuadés que le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui annonce un changement en profondeur des pratiques qui prévalent à la sécurité du revenu. Nous espérons nous tromper, et c'est pourquoi nous vous demandons de prendre en considération différentes recommandations inscrites tout au long de notre mémoire. Nous espérons que les arguments que nous développerons davantage dans les chapitres de notre mémoire pourront vous convaincre qu'il n'est pas trop tard pour rectifier le tir et redonner son véritable sens à la réforme.

Compte tenu du temps dont nous disposons, nous allons maintenant entrer dans le coeur du sujet en présentant les grands chapitres de notre mémoire, puis nous énoncerons les points sur lesquels nous voulons des changements majeurs et, enfin, nous concentrerons notre intervention sur la question du parcours individualisé.

Contenu du mémoire. Il est divisé en six chapitres suivis d'une conclusion présentant nos principales recommandations. Dans le premier chapitre, nous abordons la question du parcours individualisé, mesure avec laquelle nous sommes entièrement d'accord dans la mesure où les personnes pourront exercer un véritable choix de mesures et de moyens et qu'on y consacrera des ressources nécessaires. Les deux premières recommandations portent sur le parcours individualisé, on va y revenir tantôt.

Troisième recommandation, c'est les nouvelles obligations inscrites dans le projet de loi, et surtout les pénalités qui y sont associées sont disproportionnées au regard des obligations dévolues au ministre. De plus, les pénalités ne tiennent pas compte du fait que les prestations des bénéficiaires sont des prestations de dernier recours et qu'il est impossible de les réduire davantage sans affecter la survie des personnes.

Au chapitre des recours, il y a eu une nette amélioration, mais il y a encore un effort sérieux qui doit être fait pour limiter le plus possible le recours à un tribunal supérieur. Par ailleurs, aucune décision ne devrait être exécutoire tant et aussi longtemps que les personnes n'ont pas épuisé tous les recours disponibles.

Les prestations des bénéficiaires doivent demeurer insaisissables. Le logement étant au centre des besoins essentiels des prestataires, il faut retirer du projet de loi les articles concernant la saisie de la portion du logement et travailler plutôt à développer des logements sociaux plus accessibles. Enfin, nous refusons que l'on pénalise la débrouillardise en coupant les prestations de ceux et celles qui partagent un logement.

Dernière recommandation, c'est sur l'article de loi qui doit prévoir que les économies accumulées dans un régime de retraite individuel ou collectif ne doivent pas être considérées dans le calcul des actifs.

Quant au parcours individualisé, si nous avons décidé de concentrer notre exposé sur la question du parcours, c'est d'abord parce qu'il est au centre de la réforme proposée dans le livre vert et que nous adhérions à cette nouvelle approche. Mais nous étions critiques face au livre vert, entre autres, parce que ce dernier n'identifiait pas les ressources qui seraient consacrées à cette nouvelle mesure. Nous n'en savons pas plus long aujourd'hui, mais nous jugeons essentiel de nous prononcer sur la place occupée par cette mesure dans le projet de loi.

En tant que membre de la Commission des partenaires du marché du travail, la FTQ est associée de près aux travaux d'élaboration des mesures et programmes reliés aux grands volets de la politique active du marché du travail. Les travaux en cours nous permettent d'ailleurs de croire qu'Emploi-Québec disposera d'un éventail intéressant de mesures destinées aux personnes sans emploi. Parmi ces mesures, nous avons reçu avec beaucoup d'intérêt la proposition d'Emploi-Québec portant sur le parcours individualisé, qui nous semble une approche à privilégier pour l'ensemble des usagers des services d'emploi et particulièrement pour les personnes à risque de chômage prolongé.

Conçu comme un processus dynamique pouvant comprendre différentes activités convenues avec un participant à l'assistance-emploi, le parcours s'inscrit dans une approche de relation d'aide plutôt que d'obligation coercitive. Selon nous, le parcours doit viser à ce que les personnes puissent sortir définitivement de l'aide sociale. Il faut à tout prix éviter de reprendre le cercle vicieux qui prévalait jusqu'à présent, les prestataires se promenant d'un programme à l'autre pour se retrouver en bout de ligne de nouveau à l'aide sociale.

Si, pour certaines personnes, on peut envisager des mesures qui permettent d'intégrer rapidement le marché du travail, il faut admettre que, pour d'autres, le parcours pourra comprendre plusieurs mesures et s'échelonner sur plusieurs années, notamment pour celles dont la scolarité est très faible et qui sont exclues du marché du travail depuis longtemps. Nous sommes donc persuadés que, si l'on respecte l'esprit de l'approche du parcours, nous obtiendrons des résultats extrêmement positifs pour les individus touchés ainsi que pour l'ensemble de la société. Toutefois, les ressources qui y seront allouées devront être suffisantes. L'investissement que cette approche suppose est sûrement plus important à court terme, mais le retour sur l'investissement sera majeur à moyen terme.

Nous sommes cependant en désaccord avec l'esprit et la lettre du projet de loi en ce qui concerne l'obligation faite aux jeunes de moins de 25 ans de s'inscrire à un parcours ainsi qu'aux pénalités qui s'y rattachent. Trois grandes raisons motivent notre rejet du caractère obligatoire du parcours pour les jeunes.

D'abord, on pense que ça va entacher la crédibilité de la mesure. La première concerne l'impact négatif que le caractère obligatoire aurait sur l'approche de parcours. Nous croyons que le fait de le rendre obligatoire pour une partie de la clientèle risque de dénaturer, de discréditer la mesure, de briser le lien de confiance indispensable au succès de l'approche et, enfin, de créer un doute quant aux objectifs réels de la démarche. Pour notre part, nous pensons qu'en offrant sur une base volontaire les succès obtenus auront un effet d'entraînement sur ceux et celles qui, au départ, doutaient de la volonté réelle du gouvernement de proposer des mesures qui dépassent le seul objectif de réduction de la dette. Le gouvernement doit d'abord démontrer par la pratique et par des résultats concrets que le parcours est véritablement axé sur les besoins des clients et qu'il produit davantage de résultats en termes d'intégration sociale et d'intégration à des emplois durables.

La seconde raison concerne le caractère discriminatoire de l'obligation, qui laisse croire que l'on doit prendre de telles dispositions parce que les jeunes, contrairement aux adultes, refusent de s'inscrire à des mesures qui faciliteraient leur insertion en emploi. Jusqu'à présent, nombreux sont ceux et celles qui ont manifesté de l'intérêt pour des mesures de formation ou d'insertion en emploi et qui sont toujours sur des listes d'attente faute de place dans les écoles, de mesures d'insertion et d'emplois disponibles.

Nous considérons qu'en maintenant le parcours obligatoire pour les jeunes nous contribuons à alimenter les préjugés à l'égard des prestataires, nous laissons planer le doute sur la motivation des jeunes à sortir de l'aide sociale. Ces préjugés peuvent avoir pour effet de fermer l'accès au marché du travail pour ces jeunes, que l'on présume peu motivés puisqu'on doit les obliger à faire des démarches. Nous croyons que les jeunes ont des responsabilités à assumer face à leur insertion sur le marché du travail, mais la société, encore davantage, elle doit accentuer ses efforts pour leur faire une place. Les jeunes en ont assez d'entendre tous ces beaux discours en faveur de la jeunesse. D'un côté, on leur annonce qu'on travaille à l'élaboration d'une vaste stratégie d'action pour les aider et, de l'autre, on les rend responsables de ne pas avoir d'emploi en maintenant une présomption de refus de travailler pour les jeunes prestataires.

Si nous voulons aider nos jeunes, il faut d'abord leur faire confiance, leur donner la chance de prouver qu'ils veulent et qu'ils peuvent s'en sortir. Ce n'est pas en les discriminant et en les menaçant qu'on doit les accueillir dans la société, mais en leur offrant le support nécessaire à leur insertion. Il faut faciliter le retour aux études des jeunes adultes qui n'ont pas de diplôme tout en leur garantissant des revenus adéquats. Il faut sensibiliser davantage les employeurs pour qu'ils acceptent de donner une chance aux jeunes et, surtout, il faut se mobiliser pour créer de nouveaux emplois.

La troisième raison motivant notre refus du caractère obligatoire du parcours pour les jeunes concerne l'impact budgétaire de la mesure sur l'accès aux services pour les autres bénéficiaires de l'assurance-emploi. En tant que membres de la Commission des partenaires du marché du travail, nous sommes conscients que les ressources financières dont nous disposons ne sont pas illimitées. Bien sûr, nous disposons désormais d'une enveloppe importante provenant de l'assurance-emploi. Cependant, la majorité des jeunes n'ont jamais été en emploi suffisamment longtemps pour pouvoir bénéficier de l'assurance-emploi et, par le fait même, des mesures finançables à même cette enveloppe budgétaire. Ce qui est aussi le cas de la femme qui retourne sur le marché du travail après avoir élevé ses enfants ou suite à une séparation, du travailleur ou de la travailleuse qui n'a pas travaillé suffisamment d'heures pour profiter des mesures et services pour lesquels il ou elle a cotisé à l'assurance-emploi, pour la personne handicapée qui souhaite participer activement dans la société, et j'en passe.

(11 h 30)

Les mesures s'adressant à cette clientèle doivent être assumées presque entièrement par l'enveloppe québécoise allouée aux mesures actives, enveloppe beaucoup moins importante que celle de l'assurance-emploi. Ainsi, pour 1998-1999, l'enveloppe québécoise consacrée aux mesures actives est de 215 000 000 $ alors que celle provenant de l'assurance-emploi est de 489 000 000 $.

Si les ressources québécoises sont principalement investies auprès de la clientèle jeune, nous risquons de pénaliser toutes les autres catégories de prestataires qui ont le droit d'obtenir des services adéquats. Nous devons donc nous assurer que les choix que nous faisons produisent des résultats et n'ont pas pour effet de maintenir dans l'exclusion toutes les autres clientèles. Évidemment, il faudra établir des priorités, et les jeunes sont parmi celles-là, mais nous devons tout faire pour rejoindre les personnes qui, à défaut de soutien important, se trouvent ou risquent de se trouver dans une situation de chômage de longue durée. En favorisant le retour au travail de ceux et celles qui peuvent facilement se trouver un emploi, le système générera des économies qui pourront et devront être réinvesties auprès des clientèles davantage en difficulté.

Nous considérons que c'est l'occasion ou jamais de faire un virage majeur dans le support à offrir aux personnes sans emploi pour faciliter leur insertion sociale et leur insertion sur le marché du travail. La réforme propose une nouvelle approche, de nouveaux moyens d'intervention avec lesquels nous sommes d'accord. Nous sommes aussi d'accord pour qu'on accorde une attention particulière aux jeunes, pour qu'on cible davantage des mesures qui répondent à leurs besoins et facilitent leur intégration en emploi. Mais nous sommes persuadés que la réforme est vouée à l'échec si l'on maintient le caractère obligatoire du parcours pour les jeunes.

Avant de terminer, nous ferons un arrêt sur les nouvelles obligations introduites dans la loi et qui s'inspirent largement de la Loi de l'assurance-emploi. Nous avons toujours considéré que les prestataires de la sécurité du revenu devaient être traités au même titre que les prestataires de l'assurance-emploi, du moins dans l'accès aux mesures actives, mais il nous semble important de souligner que la situation des prestataires est très différente lorsqu'il y a coupure de prestations. Le prestataire de l'assurance-emploi a droit à des prestations dès le moment où il se trouve sans emploi, peu importe qu'il ait des économies ou des actifs ou encore que son conjoint ou sa conjointe dispose de revenus. Le prestataire de l'assistance-emploi, lui, doit épuiser à peu près tous ses actifs pour avoir le droit à une prestation. Si un membre de sa famille travaille ou possède des actifs importants, il n'aura pas non plus accès aux prestations. Ce sont des prestations de dernier recours, je dirais même de survie.

La coupure ou le retrait des prestations de l'assistance-emploi ne doivent donc être envisagés que pour des cas extrêmes, par exemple des cas de fraude manifeste, et lorsque tous les recours prévus à la loi ont été utilisés par le prestataire. Pour tous les autres cas, nous pensons que des étapes devraient être inscrites dans la loi en termes d'avertissement préalable, de rencontre avec le prestataire pour trouver une solution ou proposer de nouvelles mesures avant d'appliquer la moindre pénalité.

Enfin, nous ne pouvons que constater que les obligations faites au ministre sont beaucoup moins contraignantes que celles faites aux bénéficiaires. Ainsi, rien n'oblige le ministre à offrir une mesure active à toutes les personnes qui voudraient y avoir accès. Même en ce qui concerne les jeunes, les fonctionnaires du ministère affirment que le parcours ne sera obligatoire que pour ceux et celles à qui il sera offert. La réciprocité exprimée dans le titre de la section Droits et obligations réciproques nous semble donc pour le moins inégale.

L'État a pris des engagements lors du Sommet sur l'économie et l'emploi, et, bien que des progrès aient été réalisés, le taux de chômage demeure dramatiquement élevé, et l'État doit accentuer davantage ses efforts en matière de création d'emplois, comme il le fait pour la lutte au déficit, avant d'imposer de nouvelles obligations auxquelles les prestataires ne peuvent répondre, faute de disponibilité de mesures.

En conclusion, nous pensions que l'exercice de consultation sur le livre vert aurait porté fruit, nous pensions que le gouvernement aurait entendu le message porté par la grande majorité des organismes qui ont présenté des mémoires, mais le contenu du projet de loi nous démontre le contraire. Et vous allez me permettre d'être sévère, on a l'impression que la partie est déjà jouée. Nous avons presque l'impression d'avoir été utilisés comme des pions qui, même nombreux, ne font pas le poids face à la reine et au roi. Une dernière partie est ouverte, et nous espérons que l'on prendra en considération les avis de tous les joueurs.

Pour la FTQ, la création du ministère de l'Emploi et de la Solidarité et de sa composante Emploi-Québec avait été reçue comme un pas en avant, un pas très important dans la réorganisation des services d'emploi au Québec. La réforme de la sécurité du revenu constituait la dernière pierre à poser dans ce nouvel environnement de services offerts à la population et principalement aux personnes sans emploi. Il serait fort regrettable que l'on ajoute à la structure une pierre à ce point fragile que nul ne peut lui faire confiance et qui risque d'affaiblir l'ensemble de ce qui a été érigé. Il n'est pas trop tard pour agir et pour corriger ces lacunes du projet actuel, ce que nous vous demandons aujourd'hui. Nous, on pense qu'avec le rapatriement des mesures actives du fédéral un grand pas a été fait en avant au Québec, et on est capables de beaucoup mieux réorganiser les services de façon efficace, et on pense que ça prend de bonnes mesures. Encore une fois, on pense que ce n'est pas avec la coercition qu'on va y arriver mais avec une volonté des différents milieux, une volonté politique réelle de l'ensemble des intervenants et une confiance des jeunes et de la clientèle de l'aide sociale dans ces mesures-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. M. Massé, Mme Miller et M. Courteau, là, qui vous accompagne, je viens de prendre connaissance de votre mémoire. Je comprends qu'il a été acheminé au secrétariat de la commission, je crois, ce matin même. Moi, ce qu'on m'indique, c'est que, dès l'adoption de la motion à l'Assemblée nationale il y a plus d'un mois maintenant, le secrétariat de la commission avait communiqué avec toutes les organisations mentionnées dans la motion, c'est-à-dire, je crois, le 23 avril, pour signaler à chacune de ces organisations qu'elle serait entendue en commission parlementaire. Je comprends que la date exacte n'avait pas été confirmée, mais les dates qui étaient celles des auditions étaient connues déjà le 23 avril dernier, à savoir du 19 – c'est bien ça – au 26. Alors, c'est presque un mois, donc, avant le début des auditions, d'une part.

Donc, je prends connaissance de votre mémoire. Je comprends qu'il y a là des questions d'appréciation qui peuvent se discuter, bien évidemment. Là où j'ai beaucoup de difficultés à vous suivre, c'est à la page 17, dans vos conclusions. Je trouve que c'est extrêmement injuste. Je me rends compte qu'il a dû y avoir certainement une absence d'information pour que les modifications introduites suite à la consultation parlementaire sur le livre vert n'aient pas été portées à votre connaissance. Je rappelle que l'ensemble de ce qui était considéré comme irritant, au moment de la consultation, ne se retrouve plus dans les dispositions qui sont présentées dans le projet de loi n° 186. J'ai un document à cet effet, j'en ai demandé copie aux personnes qui m'accompagnent, alors j'aurai certainement ce document d'ici peut-être la fin de notre échange et je souhaiterais pouvoir vous le remettre.

De mémoire, laissez-moi vous rappeler que le livre vert parlait d'une allocation de disponibilité qui passait de 55 à 60 ans; nous l'avons ramenée à 55 ans. C'est là un coût d'environ 28 000 000 $. Nous parlions, dans le livre vert, d'une allocation de disponibilité qui se terminait, pour les familles monoparentales, lorsque l'enfant avait deux ans; elle est maintenue jusqu'à ce que l'enfant ait cinq ans.

Le livre vert abordait la question de l'allocation d'invalidité. Nous avons introduit dans le projet de loi n° 186 – nous en discuterons cet après-midi, d'ailleurs – la passerelle qui est déjà acquise maintenant entre l'allocation d'invalidité et celle pour contrainte sévère à l'emploi. Nous cessons de qualifier les personnes qui ont un handicap ou une déficience, nous cessons de les qualifier d'inaptes, et elles feront dorénavant partie de la main-d'oeuvre au même titre que n'importe quel demandeur d'emploi.

J'ai en tête une des recommandations d'ailleurs que vous faisiez, à la FTQ, qui consistait à améliorer la partie exemptée de la résidence, qui va passer de 60 000 $ à 80 000 $. C'était aussi une autre des recommandations, je crois, qui était celle d'abolir la coupure du partage du logement. Nous y avons fait droit, puisque les familles monoparentales pourront bénéficier maintenant, donc, de cette abolition de la coupure du partage du logement. C'est un début: 16 000 familles, pour un coût total de 16 000 000 $.

(11 h 40)

Nous avons également fait droit à cette revendication de conserver une partie de la pension alimentaire versée. C'est un début; c'est jusqu'à ce que l'enfant ait l'âge de cinq ans. Mais c'est là une mesure qui va bénéficier à 10 000 familles. Le coût en est de 10 000 000 $.

Bon. Alors, ça, c'est de mémoire, là, mais je souhaite bien qu'on puisse, d'ici la fin de nos travaux, vous remettre les diverses modifications qui ont été introduites et qui vont sûrement – je l'espère, du moins – corriger la perception que vous avez qui est que rien n'a été modifié, suite à la consultation menée pendant deux mois sur le livre vert ici même, en commission parlementaire.

J'aimerais peut-être aborder certains aspects de votre mémoire. Bon, des aspects divers, j'y passe rapidement. Par exemple, à la page 13, vous nous dites qu'il y a un pas important dans la démocratisation et vous saluez la mise en place du Bureau des renseignements et des plaintes. Vous nous dites: Il faut accorder aux organismes maintenant les moyens nécessaires à leur participation active – premier paragraphe de la page 13.

En fait, je saisis l'occasion pour vous signaler que, depuis deux ans, compte tenu de la loi adoptée en décembre 1995 et qui prévoit affecter 5 % des profits nets du casino aux organismes communautaires autonomes, nous versons 5 000 000 $ aux organismes de défense des droits, et c'est plus de 1 000 000 $ qui ont été versés l'an dernier aux organismes de défense des personnes assistées sociales. La totalité de celles qui sont venues présenter des mémoires devant cette commission ont pu bénéficier, au cours des deux dernières années, et bénéficieront, cette année également, d'un financement qui est un financement qui a un caractère éminemment démocratique, comme vous pouvez l'imaginer.

J'aimerais aussi vous signaler, à la page 15, quant au calcul des actifs, que les REER ne sont pas comptabilisés dans les avoirs qui donnent lieu, si vous voulez, à un calcul du droit à la prestation et que les FERR ne le sont pas non plus, les FERR ne sont pas comptabilisés. Le capital qui est inclus jusqu'à 60 000 $, évidemment, avec la modification qui sera introduite, ce sera jusqu'à 80 000 $.

D'autre part, il y a diverses questions. On n'aura peut-être pas beaucoup de temps pour échanger, puisque c'est essentiellement la situation des jeunes qui pourrait retenir notre attention, mais peut-être un mot sur la question du non-paiement de loyer. En fait, vous nous dites: Retirez du projet de loi les dispositions qui prévoient non pas une saisie pour les loyers échus – on ne se transforme pas en collecteur de loyers – mais qui prévoient, s'il y a maintien dans les lieux, qu'il y ait une ordonnance de la Régie pour que la partie du barème qui porte sur la location soit dorénavant versée, dans la mesure où il y a maintien dans les lieux. Vous savez ce que ça signifie, retirer les articles du projet de loi? Ça signifie que l'éviction et la rue vont être la solution, parce que c'est certain qu'un propriétaire, dans n'importe quel pays, ici comme ailleurs, n'est pas obligé de garder un locataire qui ne paie pas son loyer. Il y a un dispositif qui prévoit l'éviction. Alors, l'autre solution, c'est l'éviction, parce que finalement les articles dont vous parlez, quand vous nous dites: Oui, il faut faire du logement social...

Je vous rappelle que, depuis cinq ans que le fédéral a cessé d'investir complètement dans le logement social, c'est le Québec, avec la moitié des impôts, qui se paie 100 % du coût du développement du logement social. Ce fut 43 000 000 $ l'an passé, ce sera encore plus cette année et il faut continuer, bien évidemment, sur cette lancée. Mais en même temps on sait que, ce mois-ci, le mois prochain, l'année qui vient, ça ne réglera pas sans doute le défaut de non-paiement d'à peu près 20 000 ménages, dont un certain nombre de ces personnes...

C'est seulement 5 %. 95 % paient leur loyer. Mais on peut comprendre aussi qu'il y a des gens qui ont d'autres problèmes d'administration liés à toutes sortes de situations personnelles qui font que, même dans les loyers modiques, c'est 1 %, dépendamment des offices municipaux; ça va jusqu'à 1,5 % des loyers non payés. Ça vaut aussi pour les coopératives d'habitations. Je reçois de la correspondance de coopératives d'habitations qui me disent que ce qui est difficile évidemment à concevoir, c'est l'idée que... Et c'est ça sans doute qui est l'élément de difficulté, parce que ce n'est pas égalité de traitement, étant donné que les personnes disent au propriétaire: Tu ne peux rien contre moi, j'ai la loi, comme si c'était une permission pour ne pas payer.

Bon, là-dessus, je comprends que, vous, ce que vous dites, c'est: Laissons les mécanismes d'éviction jouer, puis, si le propriétaire n'en veut plus, bien, les gens se retrouveront dans la rue, parce que, maintenant, avec les moyens technologiques, c'est des décisions qui sont d'ordre public. Donc, sur modem, maintenant, c'est très facile d'avoir accès aux décisions de la Régie du logement à travers le Québec. Alors, les personnes sont connues, et, comme, chez la majorité de celles qui ne paient pas, ce n'est pas une seule fois, mais c'est à répétition, elles vont se retrouver à un moment donné à ne plus avoir accès à du logement. Ça, c'est la première, disons, réflexion.

La seconde sur la question des jeunes, c'est que, au moment où on se parle, ce matin, il y a peut-être 350 à 400 intervenants des carrefours jeunesse-emploi qui sont réunis, depuis dimanche d'ailleurs, qui terminent aujourd'hui, mais qui sont réunis à l'occasion d'un grand colloque qui fait le bilan de leurs interventions depuis deux ans. C'est finalement 27 000 000 $ que Québec investira, cette année, dans 83 carrefours jeunesse-emploi. Vous savez que le projet, c'est d'en ajouter 16 autres pour vraiment avoir un réseau qui couvre tout le territoire. Depuis deux ans que l'implantation est en cours, c'est 35 000 jeunes qui ont été rejoints, donc il y a là un effort dans une période, le moins qu'on puisse dire, qui est d'adversité budgétaire. Il y a là un effort assez important pour mettre en place un service de jeunes parce que entre 500 et 600 jeunes de 20 à 30 ans ont pu être engagés comme intervenants dans ces carrefours jeunesse-emploi à travers tout le Québec, qui ont l'appui du milieu et qui ont comme, si vous voulez, plan d'action, lorsqu'un jeune se présente, de lui demander: Qu'est-ce qu'on peut faire pour toi? C'est ça, finalement, essentiellement ce qui détermine, si vous voulez, leur action. Il n'y a pas de cadre normatif autre que le besoin du jeune puis l'aide qu'on peut lui rendre.

Là, vous nous dites, avec raison, que les jeunes qui sont sur l'aide sociale, qui ont moins de 25 ans sont des jeunes en très grande difficulté. Ils le sont. Ils le sont parce que ce sont des jeunes qui, en majorité – 56 % – n'ont pas fini leur secondaire III et puis qui ne pourront pas rentrer dans le monde des adultes par l'école aussi, qui pourraient rentrer dans le monde des adultes en travaillant, comme c'était possible avant. Là, tout le défi, c'est d'être capable maintenant de donner un papier, de reconnaître des acquis et de diplômer les expériences, de permettre, si vous voulez, que l'école puisse se faire en dehors de l'école. C'est ça, vraiment, le grand défi de l'époque qu'on traverse maintenant.

Mais la durée cumulative à l'aide, parce que autant c'est vrai que des jeunes participent beaucoup lorsqu'il y a des mesures d'employabilité, autant la durée cumulative moyenne de ces jeunes à l'aide nous rappelle... vous voyez, quand ils ont 24 ans, c'est 44 mois. C'est quasi quatre ans. Ça veut dire qu'ils ont fait plus que 60 % de leur vie adulte sur l'aide sociale, à 24 ans. Et, vous avez raison, tous les journaux nous le rappellent, aujourd'hui, que l'assurance-emploi n'est quasiment plus admissible, hein? C'est 75 % aujourd'hui. On nous rappelle ça dans tous les journaux, tous les quotidiens. Les jeunes chômeurs n'ont plus droit à l'assurance-emploi à cause des resserrements d'admissibilité. En même temps, vous êtes conscients cependant que, présentés comme vous le faites, les budgets ne donnent pas vraiment pleinement la réalité budgétaire qui est la nôtre, puisqu'on peut convertir maintenant aussi des prestations en mesures actives. Vous voyez, c'est 36 000 jeunes de moins de 24 ans qui n'ont pas de handicap, pas d'enfant, qui n'étudient pas, qui ne travaillent pas. Il y a un coût à ça. Le coût, c'est l'équivalent de 250 000 000 $. C'est 250 000 000 $ pour que ces jeunes-là, dans le fond, soient comme ça, alors qu'on peut penser, dans des stratégies puis des plans d'action, convertir en bons d'emplois, en bons d'apprentissage, en bons de formation, en bons de participation...

(11 h 50)

Ça m'amène à me rappeler aussi que, suite au livre vert et à la consultation, on a introduit l'insertion sociale comme un parcours aussi légitime que celui de la formation ou de l'insertion professionnelle. C'est donc un autre changement. Alors donc, c'est évident qu'il y a là une marge de manoeuvre qui était impossible avant que le RAPC soit aboli, parce que vous le savez, que le RAPC exigeait, pour avoir un partage à 50 % du fédéral, que les gens restent à statut d'assisté social. On pouvait, à l'époque, parler du «work for welfare», tandis que maintenant on peut très bien faire en sorte qu'ils deviennent des étudiants, des apprentis, des stagiaires, des travailleurs. Alors, ça, c'est un champ qu'on n'a pas encore occupé, mais qui est à notre portée.

D'autre part, vous savez aussi que, parmi les prestataires à l'aide sociale, les chômeurs sont de plus en plus nombreux et qu'on évalue à 77 000 le nombre d'entre eux qui peuvent se qualifier, dans les trois années, aux fins des mesures actives financées par la caisse d'assurance-emploi. Ça aussi, c'est un autre champ qui est à notre portée, qu'on n'a pas encore utilisé. Au Nouveau-Brunswick, en Colombie-Britannique, ça fait déjà longtemps que ces chômeurs qui sont sur l'aide sociale sont financés par la caisse fédérale. Alors, pour toutes ces raisons, je me demande s'il n'y a pas une extrême polarisation sur la question des pénalités.

Suite à la commission la semaine passée, j'ai fait sortir c'est quoi exactement. J'ai dit au ministère: Dites-moi, là, sur le budget de 4 200 000 000 $, avec 3 500 000 000 $ à la sécurité du revenu, ça représente quoi, les pénalités? Puis ils m'ont dit: Au total, c'est 15 000 000 $. Vous voyez, c'est 0,3 %. Bon, je sais que les principes sont importants, mais en même temps est-ce qu'il n'y a pas cette idée importante qu'il n'y a pas de pénalité sans qu'il y ait une proposition – c'est dans le projet de loi – de parcours avec, plus que ça, un recours pour des motifs valables de la refuser? Est-ce qu'il n'y a pas là toutes les garanties qu'un jeune qui ne veut pas, finalement, doit avoir à un moment donné une sorte d'encadrement pour lui dire: Écoute, ce n'est pas pour la vie, puis il faut que vraiment tu choisisses de faire quelque chose? On ne te dit pas de faire de la coiffure si tu veux faire de la soudure ou vice versa, mais choisis, toi, de faire quelque chose, puis on va t'aider, pas pour sortir de l'aide sociale, mais pour entrer dans la vie active.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Il reste deux minutes et demie du côté ministériel. M. Massé, s'il vous plaît. Je sais comment vous pouvez être rapide. Ha, ha, ha!

M. Massé (Henri): Sur ça, Mme la ministre, on veut être très, très, très clairs. Nous, la question de l'encadrement des jeunes, là, c'est une affaire qui est regardable. Maintenant, on veut avoir une approche pragmatique. À l'heure actuelle, on n'est pas capable d'offrir à l'ensemble des jeunes un parcours individualisé de qualité. Ça, c'est la première chose. La deuxième chose, on est train de regarder, vous êtes en train, au gouvernement, de regarder ces mesures-là. À l'heure actuelle, une bonne partie de ces mesures-là sont inefficaces, mal organisées et sont à revoir. Tu sais, des parcours individualisés, là, qui vont nous amener de l'alternance, de la sécurité du revenu au chômage à la sécurité du revenu, ça, je pense qu'il faut disparaître ça. Et, dans l'année qui vient, je pense qu'on est en train de réorganiser ces services-là. C'est ce qu'on vous dit, nous, on pense que, si les services sont bien organisés, si on a une approche de plus de relation d'aide que de coercition et puis que les jeunes ont confiance dans le parcours individualisé, on a beaucoup plus de chances de succès que de faire l'inverse que vous proposez dans votre projet de loi.

Si, en bout de ligne, à un moment donné il y en a, des parcours individualisés pour tout le monde puis de qualité puis il y en a qui ne veulent pas les prendre, bien, ça, je ne pense pas qu'on voie ça avant trois, quatre ans, puis peut-être quatre, cinq ans. Eh bien, on regardera ce qu'on fera. Mais il me semble, dans l'immédiat, moi, que ça ne donne rien de soulever la colère puis l'ire chez les jeunes puis de dire: On va se faire imposer des affaires. Si on reste pragmatiques, on a en masse d'affaires organisées sans ça.

Sur le reste, c'est vrai qu'il y a de l'argent qui vient du fédéral, qu'on peut réorganiser, que vous pouvez retourner dans les mesures actives de la sécurité du revenu. Quand je donnais les proportions, tantôt, je ne voulais pas dire que c'est exact puis que c'est tranché au couteau, mais en même temps on sait que, par l'entente qu'on a avec le fédéral, bien, il faut ressortir aussi du monde qui est sur l'assurance-emploi. Si on y va trop sur la sécurité du revenu puis si on oublie l'autre bout, je pense qu'un jour ou l'autre on aura à rendre des comptes.

Dans les changements à votre projet de loi, on a été sévères, Mme la ministre, dans notre présentation, puis je vais vous dire pourquoi. On a appuyé ce projet de loi là dès le départ sur les principes puis on pense que les principes sont encore convenables. Mais, dans le projet de loi, il n'y a pas tout, là. Il y a des projets de réglementation. Tantôt, je vous entendais citer des modifications, c'est prévu dans les projets de réglementation. Nous, les projets de réglementation, on ne les a pas encore devant nous.

Ce projet de loi là, moi, je pense qu'on peut aller très loin avec comme on peut mourir dret-là, et c'est toute la question, encore une fois, de la réorganisation des services, c'est le noeud central, c'est le noeud central de la réforme, et ça, si on passe au côté, là... Nous, on a travaillé sur différents comités à gauche puis à droite et, je vous dis, on est insécures, à ce moment-ci. On est insécures puis on n'est pas convaincus qu'il y a une volonté gouvernementale assez forte encore de virer ça de fond en comble puis vraiment d'arriver à quelque chose. On ne dit pas que ça ne peut pas se faire, mais c'est pour ça qu'on fait des mises en garde sévères, on voudrait bien que ça se fasse. C'est pour ça que le parcours, quand on dit: Il ne faut pas le forcer... Prenons donc de bonnes mesures.

Sur le dernier point, quand vous souleviez tantôt la question, par exemple, de la maison où le patrimoine pourra passer de 60 000 $ à 80 000 $, on est obligés, encore là, d'être sévères parce qu'on a de plus en plus de travailleurs, entre autres, à la FTQ que nous représentons puis de travailleuses qui sont au bout de l'assurance-emploi, qui sont rendus sur la sécurité du revenu et puis qui sont obligés de vendre leur maison ou qui sont obligés d'avoir une perte assez importante. Tu sais, à 80 000 $, là, je ne connais pas beaucoup de maisons, moi, de cette valeur-là à Montréal. Là, on est obligé de vendre la maison puis de s'en aller se payer un loyer. Au niveau de la rente... Puis, à moins que je comprenne mal, je voudrais que vous me réexpliquiez ça parce que je n'ai pas compris ce que vous avez dit, tantôt. Nous, ce qu'on a saisi, parce qu'on avait...

Dans la première démarche qu'on a faite, on disait qu'il y avait une injustice parce que l'argent des REER devait être comptabilisé. Les caisses de retraite ne l'étaient pas, et on demandait que les REER ne le soient pas. Ce qu'on comprend, à l'heure actuelle, c'est qu'on a nivelé par le bas. Même l'argent qui est dans les caisses de retraite, si ça dépasse 80 000 $, ça devrait être comptabilisé pour les fins de la sécurité du revenu, et ça, on trouve que c'est une perte extrêmement importante pour les travailleurs puis les travailleuses qu'on représente puis qui ont accumulé, des fois, 25, 30 années de prestations pour s'assurer une petite retraite, puis qui ont le malheur de perdre leur job à 52, ou 53, ou 54 ans, et qui vont se ramasser avec une retraite amoindrie, amochée parce qu'ils ont eu la malchance de perdre leur emploi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Le côté ministériel, j'ai largement dépassé le 20 minutes. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. À mon tour de souhaiter la bienvenue à M. Massé, à Mme Miller, à M. Courteau, représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Poursuivre avec vous, M. Massé, toute la question des ressources, les coûts et le nombre de places. Certaines confusions là-dessus autour de la table; en tout cas, il y a de la confusion dans ma tête à moi. Peut-être que les ministériels ne sont pas confus, mais ça m'arrive de temps en temps d'être confus avec les choses. Vous faites partie de la Commission nationale des partenaires du marché du travail, si j'ai bien compris. Semble-t-il, lors d'une rencontre qui a eu lieu soit le 4 ou le 11 mai – je ne me rappelle pas lequel des lundis – un de vos collègues, M. Larose, de la CSN, a validé un peu la position que nous avons toujours avancée comme quoi les ressources pour les parcours obligatoires sont limitées au point qu'il y en aura pour à peu près la moitié des jeunes. Je ne suis pas rentré dans le calcul. On a pris le nombre de jeunes aptes et disponibles, le nombre qui sont participants présentement, on a ajouté la somme identifiée par la ministre lors du dépôt de son projet de loi pour arriver à peu près à la moitié. M. Larose, semble-t-il, arrive à 46 %.

(12 heures)

Mme la ministre, la semaine passée, nous a contredits en indiquant que, non, selon elle, nous serons en mesure, comme État québécois, d'offrir des parcours à tous les jeunes et que le 46 % référait plus au nombre total de jeunes sur l'aide sociale, soit 66 000, qu'au nombre d'aptes et de disponibles. Vous étiez ou quelqu'un de la FTQ était là, le lundi, le fameux lundi de la réunion. C'est quoi, votre compréhension sur le nombre de places que, comme État québécois, on sera en mesure d'offrir aux jeunes qui se qualifient pour le parcours obligatoire?

M. Massé (Henri): Moi, je ne le sais pas, je n'ai aucune idée. D'abord, moi, je pense qu'il faut se donner la prochaine année pour – puis il y a des comités qui travaillent là-dessus, puis le gouvernement y travaille aussi – vraiment analyser qu'est-ce qu'on a comme parcours individualisé. Il y a des mesures là-dedans qui sont farfelues qu'il va falloir éliminer, il y a d'autres bonnes mesures qui coûtent plus cher, ça fait que je ne le sais pas, ça va être quoi, le pourcentage, finalement. Mais je sais une chose, par exemple, je sais que le ministère de l'Éducation à l'heure actuelle n'a pas les fonds nécessaires vraiment pour appuyer les parcours individualisés si on veut redonner de la formation, puis une formation valable.

Il y a des jeunes qui sont analphabètes, il y a des jeunes qui ont trois, quatre années de scolarité à parfaire pour finir leur secondaire. Ça veut dire que c'est des parcours individualisés, pas de six mois ou de deux, trois mois comme on en a vu souvent dans le système, des longs parcours. Je pense qu'il faut faire cette analyse-là puis regarder ce qu'on peut faire et, chemin faisant, être capable d'en donner le plus possible.

Mais nous à la FTQ puis, moi, en tout cas, j'ai questionné souvent le ministère là-dessus et je suis loin d'avoir la même certitude que le monde du ministère a. Moi, je suis convaincu que, si on voulait offrir des parcours individualisés valables, de bons parcours individualisés, à l'ensemble des jeunes, d'après moi il ne reste pas une cenne pour les adultes qui sont dans le même problème. Mais, si je me trompe, j'aimerais bien voir des chiffres là-dessus puis très ciblés, puis tout ça, mais on n'en a pas vus à date.

M. Copeman: Je veux poursuivre là-dessus, parce que ça, c'est l'autre hypothèse que nous avons avancée de ce côté de la table, M. le Président, si on consacre les ressources nécessaires pour répondre à l'obligation, est-ce qu'on ne risque pas de dévier des ressources aux dépens des personnes de 25 ans et plus qui ont le désir, un fort désir de vouloir participer?

Là, vous dites que vous avez essayé à plusieurs reprises d'avoir des informations et que vous êtes demeuré sans réponse, moi, ça m'inquiète. La ministre nous dit que la Commission des partenaires du marché du travail est un partenaire fondamental dans l'organisation de ces services, dans l'offre des parcours. Vous, vous êtes membre de cette Commission-là puis vous n'avez pas de données spécifiques là-dessus, est-ce que ce n'est pas... en tout cas, ça m'inquiète. J'imagine que ça vous inquiète aussi?

M. Massé (Henri): Ça nous inquiète, et, bon... Il faut admettre une chose. On a rapatrié du fédéral l'ensemble des mesures actives. Là, il y a Emploi-Québec qui est créé, fusion de trois réseaux. C'est très complexe comme situation, et on s'est donné une année pour justement faire le tour des mesures, voir celles qui étaient valables puis celles qui ne l'étaient pas, essayer d'en proposer une nouvelle. Sur la table à dessin, il y a de très bons travaux qui se font, il y a de très belles mesures qui sont en train de se dessiner, mais à l'heure actuelle on va être obligé de continuer à appliquer, pour un certain temps, l'ensemble des anciennes recettes. C'est pour ça qu'on dit, nous, à ce moment-ci... je ne pense pas qu'on soit capable de quantifier exactement ce que ça coûterait, de véritables parcours individualisés.

M. Copeman: Selon vous, quand est-ce qu'on peut supposer être capable de répondre à ce type de question-là? Parce que ça aussi, ça m'inquiète beaucoup. Quand j'ai questionné, lors de l'étude des crédits, le sous-ministre, le président – lors de l'étude des crédits provisoires – j'ai questionné le président du Conseil du trésor là-dessus...

Je comprends très bien qu'on ait rapatrié 489 000 000 $. Ça, je sais tout ça. Mais j'imagine que nous avons également rapatrié une clientèle qui va avec cette somme-là. On n'a pas rapatrié 489 000 000 $ pour l'aide sociale, on a rapatrié 489 000 000 $ parce qu'il y avait une clientèle auparavant qui était sur l'assurance-emploi, qui va demander des services et qui va utiliser les ressources. Et, quand je demande ce type de questions, on me répond: C'est dans le plan annuel qui est en élaboration, on ne peut pas chiffrer maintenant. Ça aussi, je trouve ça inquiétant, parce que personne ne peut me répondre, à date, de façon adéquate quant à moi. Est-ce que nous avons assez de ressources pour faire la job? Pensez-vous que nous avons assez de ressources pour faire la job?

M. Massé (Henri): Je vais dire la même chose que j'ai dit auparavant. Nous, on pense que, si le parcours individualisé obligatoire est instauré demain matin, d'après nous il est clair qu'on n'a pas les ressources nécessaires pour faire la job, il est clair, à moins qu'on fasse une job superficielle. Ça, c'est une autre affaire.

M. Copeman: L'autre élément qui court de plus en plus, c'est l'idée d'un moratoire – ça dépend si on croit les journaux ou pas – la suggestion a été lancée la semaine passée d'un moratoire pendant, un groupe a proposé quatre ans, un autre groupe a proposé trois ans, etc. Qu'est-ce que vous en pensez, de cette notion de moratoire? Est-ce que ça répond à vos préoccupations, d'insérer dans la loi le caractère obligatoire mais d'imposer un moratoire pendant un bout de temps? Est-ce que ça répond à vos attentes, à vos préoccupations?

M. Massé (Henri): Non. Nous, on souhaiterait qu'il n'y ait pas de moratoire, on souhaiterait tout simplement qu'il n'y ait pas de parcours obligatoire d'inscrit dans la loi. Qu'on fasse notre ménage, là, on a une tâche immense qui nous attend. Et encore une fois, et je le dis devant cette commission parlementaire, si dans quelques années – et, moi, je pense qu'on ne peut pas parler avant trois ou quatre ans, ça va être très difficile de réorganiser l'ensemble de ces services-là pour être efficace, si vraiment on met de bonnes mesures – on en arrivait à la conclusion que, oui, on a des bons parcours et que finalement il y en a pour l'ensemble, qu'on pourrait satisfaire l'ensemble des clientèles puis une partie de la clientèle, les jeunes ou autres, qui décideraient que, non, ils ne l'utiliseront pas, moi, je pense que, oui, la société a une responsabilité, on en a, et les bénéficiaires en ont une aussi, et on serait prêt à regarder à nouveau cette question-là à ce moment-là et faire le véritable débat. Mais on pense que ça ne se posera pas avant plusieurs années, ça.

M. Copeman: M. Massé, vous portez un jugement très sévère dans la conclusion de votre mémoire, jugement auquel Mme la ministre sera obligée, je comprends, de réfuter, de tenter de vous convaincre autrement. Là, vous avez entendu le plaidoyer de la ministre qui répond en grande partie à vos préoccupations. Avec ces explications, êtes-vous satisfait ou est-ce qu'on fait face à une réforme qui risque d'être ratée?

Je comprends que c'est un peu difficile, là, parce que, avec vous, je partage toute l'inquiétude au niveau de la réglementation. Le projet de loi en soi n'est que... On aime bien dire que c'est la dernière étape dans la réforme – il y avait le rapatriement, la création du ministère ou le décloisonnement, la troisième, c'est la réforme – il y a, quant à moi, une quatrième qui s'en vient là, qui est toute la notion de réglementation et de l'organisation des services, qui n'est pas détaillée dans le projet de loi et qui n'a pas le droit de l'être, je pense. Et, vous, vous semblez dire qu'à moins qu'on connaisse quasiment les intentions, les tenants et aboutissants de cette réorganisation et des réglementations on ne peut pas dire que les changements, que la réforme soit un succès. Est-ce que je me trompe?

M. Massé (Henri): Vous avez très bien saisi notre inquiétude.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

M. Copeman: Merci, M. le Président. Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Courte conclusion peut-être, M. le député?

M. Copeman: Je vous remercie, M. le Président. Nous, on n'est pas privilégié nécessairement à la table de la Commission des partenaires du marché du travail. Il y a beaucoup de discussions qui se font là, et, quand un groupe aussi important que la FTQ peut venir témoigner de ses préoccupations, je pense que nous sommes, comme parlementaires, en devoir de vous écouter et d'agir en conséquence. Merci.

(12 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Je m'excuse auprès des députés de Saint-Hyacinthe, Maskinongé et Sherbrooke, je n'ai malheureusement pas le temps du côté ministériel.

Mme la ministre, pour la conclusion.

Mme Harel: Alors, M. le Président, il y aura, jeudi, cette semaine, une très importante discussion à la table de la Commission des partenaires du marché du travail, puisque le plan d'action annuel d'Emploi-Québec sera soumis pour approbation. Il a fait l'objet de discussions, et là c'est finalisé. Je comprends que ce sera donc à partir de jeudi que nous pourrons faire savoir les cibles de résultat identifiées à la fois pour les jeunes, à la fois pour les chefs de familles monoparentales et à la fois pour l'ensemble des travailleurs en emploi et sans emploi. Ça donnera lieu à la signature, donc, d'un plan d'action entre le gouvernement et la Commission des partenaires dans lequel on retrouvera en même temps que la répartition budgétaire également les cibles de résultat. Ce qui est difficile présentement, j'en conviens, c'est, à partir de ce qui existait depuis 10 ans – en fait les vieilles recettes que vous appeliez tantôt – d'envisager comment ça pourrait être autrement. Parce que, très souvent, quand les gens sont venus en commission la semaine passée, c'est le procès de ce qui existait, c'est le procès comme du cloisonnement des chômeurs, c'est le procès des programmes d'employabilité qui tournaient en rond.

C'est ça finalement qui est l'objet souvent d'une critique la plus virulente. Et comment on fait maintenant, puisqu'il y a une gestion par fonds, et plus par programme normé avec des projets que les milieux doivent initier, donc une gestion par résultats, qui ne consiste plus à sortir des gens de l'aide mais à les entrer en quelque part, et non plus à les entrer juste comme c'était le cas en rattrapage scolaire pendant 10 ans, les rentrer pour qu'ils abandonnent en cours de route également. On pouvait valoir qu'il y avait des participants mais aux deux tiers ils abandonnaient avant d'avoir réussi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la ministre, en terminant, s'il vous plaît.

Mme Harel: Oui. Alors, je pense, M. le Président, qu'on a aussi de la difficulté à concevoir qu'il y a beaucoup, beaucoup de chômeurs à l'aide sociale qui se qualifient au sens de la loi fédérale pour des mesures actives, parce qu'il y a de 77 000 à 90 000 chômeurs qui auraient pu recevoir de l'assurance-emploi dans les trois années.

Alors, pour toutes ces raisons, je comprends que la position de la FTQ, qui nous est exprimée ce matin, c'est: Allons-y calmement, mais allons-y fermement. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup et je remercie les membres de la FTQ au nom des membres de la commission. J'appelle maintenant la représentante et le représentant du Conseil du patronat du Québec.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Je fais remarquer justement à tout le monde qu'exceptionnellement on recommence les travaux à 14 heures, alors on va essayer de respecter notre fin de travail pour 13 heures de façon à avoir au moins quelques minutes pour dîner.

Nous recevons maintenant les représentants du Conseil du patronat du Québec. M. Garon, si vous voulez présenter madame, qui vous accompagne, et faire votre mémoire.


Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Garon (Jacques): Merci, M. le Président. Je suis accompagné de Me Louise Marchand, ma collègue au Conseil du Patronat. Alors, M. le Président, le Conseil du patronat remercie la commission des affaires sociales de le recevoir afin qu'il puisse lui transmettre ses commentaires sur le projet de loi n° 186.

Rappelons que le CPQ, en janvier 1997, avait déjà présenté des remarques sur le document de consultation touchant la réforme de la sécurité du revenu et donné son accord de principe aux objectifs de la réforme proposée compte tenu des constats, tout en formulant plusieurs interrogations.

Ce projet de loi concrétise formellement les principes directeurs du document de consultation et fait un lien direct avec les mesures visant à favoriser l'intégration ou la réintégration des sans-emploi sur le marché du travail par Emploi-Québec. L'objectif visé est louable, mais c'est un projet très ambitieux, car il s'agit en réalité d'une triple réforme: la première touche à la façon dont on entend répondre aux besoins des sans-emploi, notamment des prestataires de la sécurité du revenu; la deuxième a trait à la réorganisation des structures; et la troisième au remaniement des services eux-mêmes.

C'est un très grand défi, et nos remarques porteront pour l'essentiel sur les objectifs de la réforme, sur les aspects pratiques de mise en oeuvre du projet de loi et sur quelques articles du projet de loi qui nécessitent des éclaircissements.

En ce qui a trait aux objectifs du projet de loi, on ne peut que souscrire à l'objectif d'un meilleur équilibre entre le recours aux mesures de soutien du revenu et les mesures d'aide à l'emploi. Jusqu'à maintenant les programmes et les services d'employabilité offerts par le Québec et le gouvernement fédéral, les mesures dites «actives», ne représentaient qu'environ 20 % de toutes les ressources consacrées au marché du travail. C'est dire que 80 % des quelque 10 000 000 000 $ de dépenses publiques au titre des programmes du marché du travail sont des prestations d'assurance-emploi ou celles destinées aux prestataires de la sécurité du revenu.

D'autre part, le projet de loi ne fait pas directement référence au fait qu'Emploi-Québec va mettre l'accent sur le transfert financier depuis des mesures de soutien du revenu vers les dépenses d'aide à l'emploi avec obligation de résultat. On doit être d'accord avec cet objectif, mais il faut bien comprendre qu'il ne s'agit pas de savoir combien de sans-emploi auront visité les centres locaux d'emploi, il s'agit plutôt de savoir combien d'entre eux auront effectivement intégré ou réintégré le marché du travail. À cet égard, rappelons que les dépenses publiques consacrées au développement de la main-d'oeuvre contribuant à la préparation, à l'insertion ou au maintien de l'emploi n'agissent que sur l'offre d'emplois. L'autre partie de l'équation, c'est-à-dire la demande de main-d'oeuvre, est tributaire du secteur privé pour l'essentiel et de la conjoncture économique. Il y a encore beaucoup de progrès à faire pour un arrimage plus serré entre l'offre et la demande d'emploi. Il faudra donc être très prudent quant aux objectifs de résultat.

Nous avions déjà fait part de notre accord avec l'objectif d'intégrer les prestataires de la sécurité du revenu aptes au travail à l'ensemble de la main-d'oeuvre, mettant fin ainsi, selon la formulation du document de consultation, et je cite, à «la catégorisation des personnes selon leur admissibilité ou non aux programmes de la sécurité du revenu». Fin de citation. Ce décloisonnement est tout à fait souhaitable. Cependant, les besoins de qualification professionnelle des prestataires de la sécurité du revenu et ceux des chômeurs prestataires de l'assurance-emploi sont bien différents. En effet, une bonne partie des prestataires de la sécurité du revenu doivent parfaire leurs connaissances de base avant même de pouvoir obtenir une compétence professionnelle, et ce, sans compter les problèmes socioéconomiques auxquels fait face une partie de cette clientèle. La formation des conseillers revêt ici une dimension importante, car on n'offre pas les mêmes conseils ou parcours individualisés à des prestataires de la sécurité du revenu qu'à des chômeurs ayant déjà des qualifications.

Alors, maintenant quelques commentaires portant sur certains articles du projet de loi n° 186. Les articles 1 à 10 précisent la panoplie de mesures qui sont et seront offertes par Emploi-Québec aux sans-emploi, mesures qui sont liées à la politique active du marché du travail. Si l'objectif est de décloisonner les services aux sans-emploi, de les simplifier, de les rendre plus efficaces, de rendre plus efficaces les services dont pourront se prévaloir les sans-emploi et les entreprises – objectif par ailleurs louable, puisqu'il est aussi accompagné d'une obligation de résultats – on peut se demander si la nouvelle structure du ministère mise en place ne sera pas un obstacle à l'efficacité recherchée.

En effet, la mise en place d'Emploi-Québec occasionne la fusion des trois instances qu'étaient les centres d'Emploi-Québec, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre et Ressources humaines Canada. Cette mise en place s'appuie également sur le partenariat et la concertation avec de nombreux partenaires régionaux et locaux, publics, patronaux, syndicaux, municipaux et communautaires. Bref, les politiques et les stratégies sont élaborées au ministère, filtrées par la Commission des partenaires du marché du travail, puis acheminées vers les conseils régionaux et enfin vers les centres locaux d'emploi. Et puis il y a les centres locaux de développement de l'emploi mis en place par le ministre d'État responsable du Développement des régions, dont la mission concerne aussi le développement de l'emploi et de l'entrepreneuriat individuel. Il y a aussi les sociétés d'aide au développement des collectivités, les SADC, déjà implantées dans les milieux ruraux et semi-urbains depuis les années quatre-vingt, organismes sans but lucratif dirigés par des administrateurs bénévoles. Les SADC gèrent des fonds de 90 000 000 $ investis sous forme de prêts ou de capital-actions dans des centaines de PME.

Quel sera l'arrimage entre les CLD, les SADC et les CLE? En multipliant les guichets «uniques» ne risque-t-on pas d'amener la confusion dans l'esprit des gens? Il semble qu'il y ait une multiplication des structures qui risque de faire obstacle à l'atteinte de l'objectif d'efficacité. En bout de ligne, le client utilisateur de services d'emploi va-t-il pouvoir s'y reconnaître?

(12 h 20)

Le projet de loi propose, aux articles 5, 6, 53 et 54, un encadrement et un soutien adéquats pour faciliter l'intégration ou la réintégration des sans-emploi au marché du travail; c'est ce qu'on appelle le parcours individualisé vers l'insertion, la formation et l'emploi. L'article 53 précise que ce parcours sera offert en priorité et de façon obligatoire aux personnes de moins de 25 ans, aux hommes et aux femmes qui ne présentent pas de contraintes à l'emploi. Les dispositions relatives au caractère obligatoire du parcours comportent l'obligation de se présenter à une entrevue et d'effectuer les activités prévues au parcours, à défaut de quoi la prestation sera réduite d'un montant fixé par règlement.

Nous avions déjà donné notre accord et nous le maintenons sur le principe de l'imposition d'une pénalité financière à ceux qui refuseraient un parcours individualisé vers l'emploi. Il faut bien comprendre que l'obligation consiste à parfaire ses connaissances générales ou professionnelles et non à se trouver un emploi. C'est un objectif qui est certainement louable mais en même temps un grand défi lorsqu'on constate que, d'une part, en 1997, 55 % des ménages à l'aide sociale invoquaient des raisons reliées à l'emploi pour expliquer leur statut et que, d'autre part, 64 % de tous les ménages étaient sur l'aide sociale depuis plus de deux ans et 31 % depuis plus de 10 ans.

Il est évident qu'une démarche personnalisée auprès de la personne et un accompagnement de celle-ci dans la réalisation de son plan d'intervention offrent les meilleures chances de réussite. Cependant, les employés des CLE disposeront-ils des outils, des systèmes et de l'information nécessaires à l'accomplissement de leur tâche dans le cadre de l'application du parcours? Auront-ils les compétences nécessaires pour évaluer les besoins des jeunes prestataires de la sécurité du revenu qui, bien souvent, ont besoin d'abord et avant tout d'une formation de base adéquate? Auront-ils les qualifications pour guider les jeunes aux prises avec des problèmes sociaux de toute nature?

Est-ce qu'une partie importante des sommes consacrées à la réinsertion des jeunes prestataires de la sécurité du revenu au marché du travail se fera au détriment des mesures accordées aux moins jeunes ainsi qu'aux chômeurs traditionnels?

Quelques commentaires généraux en ce qui a trait aux articles 47 et 50. Ces deux articles édictent ce qui ne constitue pas un emploi convenable et quels sont les motifs qui justifient une personne de cesser d'occuper un poste. Nous nous questionnons sur leur interprétation et leur application éventuelle notamment au titre des impacts sur les employeurs. Nous comprenons que le législateur se serait inspiré des articles 27 et 29 de la Loi sur l'assurance-emploi pour en rédiger les dispositions. Cette même loi lui aura inspiré le recours pour un prestataire, aux articles 127 et suivants du projet de loi; nous comprenons en effet que, et je cite, «toute personne visée par une décision du ministre rendue en vertu de la présente loi peut [...] en demander la révision». Fin de la citation.

Tel que rédigé, il n'est pas évident que l'employeur soit éventuellement considéré comme une personne visée au sens de l'article 127, et nous sommes d'avis qu'il y a lieu d'inclure une disposition prévoyant spécifiquement que l'employeur soit une personne visée. Cette inclusion de l'employeur dans la définition de personne visée est d'autant plus importante lorsque le motif allégué par le prestataire pour abandonner un emploi ou pour refuser de l'occuper en est un qui risque de porter préjudice à la réputation de cet employeur. Dans un tel cas, l'employeur aura-t-il l'occasion d'être entendu avant que ne soit rendue la décision de premier niveau? L'employeur aura-t-il l'occasion de demander la révision de la décision s'il n'a jamais été considéré comme une personne visée et, au surplus, si cette décision ne lui a jamais été communiquée?

À cet effet, nous n'avons retracé dans le projet de loi aucun mécanisme prévoyant l'obligation pour le décideur de notifier la décision à l'employeur. De la même façon, comment sera-t-il possible de déterminer qu'un emploi exige l'accomplissement de tâches ou impose des heures de travail qui, et je cite, «sont nettement supérieures aux attentes prévisibles pour un tel emploi» – fin de la citation – tel que le spécifie le paragraphe 5 de cet article 47?

L'employeur pourra-t-il être entendu? Si oui, par qui et comment? Les retombées de telles allégations peuvent être pernicieuses et entacher sérieusement la réputation d'un employeur. Il y aura donc lieu d'apporter des éclaircissements nécessaires afin que l'employeur soit bel et bien considéré comme une personnes visée et qu'il soit certain qu'il soit entendu en temps utile.

Quant à l'article 50, il établit une présomption absolue qu'un adulte a des motifs sérieux pour abandonner son emploi lorsque certaines circonstances sont établies et que, et je cite «son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas». Fin de la citation. Encore là, il y a lieu de s'interroger. Comment la preuve de ces circonstances sera-t-elle faite? Dans les cas où le motif pour abandonner un emploi serait une violation présumée à un des droits protégés par le Charte des droits et libertés de la personne, nous croyons qu'il sera opportun de préciser que des plaintes devront avoir été portées à la Commission des droits de la personne et que des décisions auront été rendues selon les mécanismes prévus. Encore ici, le projet de loi est silencieux; il y a lieu d'apporter les éclaircissements nécessaires.

Par ailleurs, en ce qui a trait au paragraphe 6 de l'article 50, comment sera-t-il établi que des heures supplémentaires ont été excessives ou qu'elles n'ont pas été rémunérées?

Pour ce qui est des paragraphes 9, 10 et 11 de l'article 50 qui traite, et je cite, «des pratiques de l'employeur contraires à l'ordre public», de «la discrimination relative à l'emploi en raison de l'appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs» et de «l'incitation indue par l'employeur à quitter son emploi» – fin de citation – nous ne pouvons que constater qu'il s'agit, une fois de plus, de motifs susceptibles d'affecter la réputation de l'employeur, et à ce titre nous considérons qu'il est indispensable, par ailleurs, que celui-ci ait l'occasion de donner sa version des faits dans le cadre d'une procédure formelle.

Si l'on se réfère à la Loi sur l'assurance-emploi, des formalités très précises sont édictées, qui obligent l'agent à aviser l'employeur si une personne quitte volontairement son emploi afin de permettre à cet employeur de donner sa version des faits avant qu'une décision ne soit rendue. De même, l'employeur est une personne désignée qui peut nommément faire une demande de révision de la décision, et cette décision doit être consignée.

De ce qui précède, nous concluons donc qu'il est absolument nécessaire d'ajouter des dispositions, comme celles que l'on retrouve dans la Loi sur l'assurance-emploi, au projet de loi n° 186 permettant à l'employeur d'être entendu afin que les règles de justice naturelle soient respectées et que le dossier de l'employeur ne soit entaché sans qu'il n'ait eu l'occasion de donner sa version des faits. Dans ce but, nous proposons, les modifications suivantes.

L'article 127 de la loi pourrait débuter ainsi: L'employeur, le prestataire ou toute autre personne visée par une décision du ministre rendue en vertu de la présente loi, peut par écrit, dans les 90 jours de la date à laquelle elle en a été avisée, en demander la révision. De même, on pourrait ajouter l'article suivant après l'article 47: Dans tous les cas où une décision est rendue aux termes de l'article 47, cette décision doit être motivée par écrit et communiquée à l'employeur concerné.

Il y aurait également lieu d'ajouter les articles suivants après l'article 50: Dans tous les cas où une plainte est logée en vertu de l'article 50, l'employeur concerné doit en être avisé par écrit et l'occasion de faire valoir son point de vue doit lui être donnée. Dans tous les cas où une décision est rendue par le ministre en application de l'article 50, cette décision doit être motivée par écrit et communiquée à l'employeur concerné et au prestataire.

Quelques commentaires particuliers, notamment au paragraphe 6° de l'article 47. Cet article prévoit, et je cite, qu'«un emploi n'est pas un emploi convenable s'il s'agit, notamment, d'un emploi dont les conditions de travail sont susceptibles de porter atteinte à l'intégrité de l'adulte». Fin de citation. Selon la jurisprudence de la Cour suprême, le mot intégrité laisse entendre que l'atteinte à ce droit doit laisser ses marques, des séquelles qui, sans nécessairement être physiques ou permanentes, dépassent un certain seuil. Cette atteinte doit affecter l'équilibre physique, psychologique ou émotif de façon plus que passagère.

Nous nous demandons comment on pourra établir des circonstances qui sont susceptibles de constituer une atteinte à l'intégrité d'une personne avant qu'elle ne se soit concrètement manifestée. Le texte du projet de loi n'exige d'aucune façon que les conditions de travail aient effectivement porté atteinte à l'intégrité de la personne. Tel que rédigé, il s'agit d'un simple doute subjectif, d'une seule appréhension pour que l'emploi ne soit pas convenable. Dès lors, afin d'éviter que cette exception ne serve d'échappatoire, il y aurait lieu d'ajouter à l'article que, et je cite, les conditions de travail sont susceptibles de constituer une atteinte sérieuse à l'intégrité physique de l'adulte. Fin de citation.

En ce qui concerne les paragraphes 7° et 8° de l'article 50, le libellé de ces paragraphes nous laisse perplexes. On y prévoit qu'«un adulte est réputé avoir un motif sérieux pour abandonner son emploi si, compte tenu notamment des circonstances suivantes, son départ ou son congé constituent la seule solution raisonnable dans son cas». Fin de la citation.

Nous sommes d'avis qu'il faut donner à l'employeur l'occasion d'être entendu lorsque les circonstances évoquées à cet article sont alléguées. Nous soumettons d'autre part que la preuve de ces circonstances doit être prépondérante. Nous suggérons donc que le libellé du premier alinéa soit, et je cite: «...adulte est réputé avoir un motif sérieux pour abandonner son emploi si, compte tenu notamment des circonstances suivantes, dont la preuve aura été faite de façon prépondérante, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas.» Fin de la citation.

En ce qui concerne le paragraphe 7° de l'article 50, le texte de cette disposition reproduit celui de l'article 29 de l'assurance-emploi. La jurisprudence interprétant cet article a dégagé un certain nombre de principes qui permettent d'en encadrer l'application, entre autres, quand il s'agit d'un congédiement déguisé. À la lumière de cette jurisprudence et pour une compréhension qui éliminerait les imprécisions, nous suggérons que cet article se lise ainsi: «une modification importante des fonctions qui le rendrait incapable ou inapte à exercer son emploi», ou encore: «une modification des fonctions qui serait objective ou sérieuse.»

(12 h 30)

En ce qui a trait aux articles 95 et 96, ces deux articles qui prévoient que le ministre peut prendre entente avec un ministère ou un organisme du gouvernement du Québec ou d'un autre gouvernement, une personne ou une entreprise, pour recueillir ou communiquer un renseignement nominatif nécessaire à l'application de la loi ou de ses règlements et qui réitèrent quels sont les renseignements dits nominatifs nous semblent ouvrir une brèche très large.

Le premier alinéa de l'article 95 prévoit que, sous réserve du deuxième alinéa où l'on retrouve une liste des ministères ou des organismes avec lesquels une telle entente peut être conclue, le ministre peut prendre entente avec des ministères ou des organismes dont le nom apparaît à la liste adressée par le gouvernement et publiée dans la Gazette officielle du Québec . Nous en déduisons que cette liste sera déterminée à la discrétion du lieutenant-gouverneur en conseil, et il nous semble que, compte tenu de la nature particulièrement sensible des renseignements recueillis ou communiqués, il importe que la loi soit précise pour éviter tout arbitraire. Il sera trop tard pour que les parties intéressées puissent faire valoir leur droit à la confidentialité lorsque la liste sera publiée et que les échanges entre ministères ou organismes publics auront débuté. Nous suggérons donc que le texte de l'article 95 soit remanié et que la liste des ministères et des organismes avec lesquels il sera possible de faire une entente y soit exhaustive et limitée.

Enfin, nous sommes d'avis que les échanges de renseignements doivent être soumis à l'approbation préalable de la Commission d'accès à l'information et que la loi doit prévoir ce contrôle. Dès lors, tant et aussi longtemps que les propositions de la commission ne seront pas intégrée à la législation actuelle, les protocoles entre ministères et organismes gouvernementaux pourront être régis par les articles 69 et 70 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

En conclusion, M. le Président, le CPQ souscrit aux principes de base de la réforme de la sécurité du revenu proposée par le projet de loi n° 186. Il appuie certainement les objectifs de réduction de coûts du régime en canalisant les efforts et les sommes vers des mesures actives plutôt que vers des mesures passives pour la plus grande partie des sans-emploi, notamment les jeunes. Des objectifs de résultat vont dans le sens d'une volonté de réussir cette importante réforme. Le CPQ s'interroge, par ailleurs, sur l'efficacité des résultats attendus, étant donné la complexité des structures mises en place. Il est essentiel, selon le CPQ, de réduire le nombre des intervenants sur le marché du travail qui offrent à un titre ou à un autre des mesures agissant sur l'offre d'emploi.

Enfin, peut-on, de façon réaliste, offrir à tous les assistés sociaux aptes au travail un cheminement individualisé en vue d'éventuellement les intégrer ou de les réintégrer sur le marché du travail? Pour la crédibilité de la réforme, il serait judicieux de bien faire comprendre à la population qu'il s'agit d'un projet à long terme qui nécessite un changement de culture tant de la part des fonctionnaires que des prestataires. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. Garon. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Bienvenue, M. Garon, Me Marchand. Vous présentez dans votre mémoire, dès l'introduction, le grand défi que représente la réorganisation actuelle des services publics d'emploi liée à une réorganisation de la sécurité du revenu. Vous nous dites: C'est un très grand défi, et nos remarques porteront pour l'essentiel sur les objectifs de la réforme, les aspects pratiques de la mise en oeuvre du projet de loi et quelques articles qui nécessitent des éclaircissements. Mais, quant à l'objectif visé, vous nous dites: Il s'agit, en réalité, d'une triple réforme. La première touche à la façon dont on entend répondre aux besoins des sans-emploi, la deuxième a trait à la réorganisation des structures et la troisième au remaniement des services eux-mêmes, n'est-ce-pas? Et vous avez tout à fait raison. D'ailleurs, vous le savez bien, puisque le Conseil du patronat est, comme d'autres partenaires, impliqué dans cette vaste opération.

Par ailleurs, on sait que c'est ça, si on veut aller de l'avant, dans la perspective où justement il fallait mettre fin à des services en matière de main-d'oeuvre au Québec qui mettaient en cause 13 syndicats, 16 conventions collectives, trois réseaux éparpillés, 256 points de services qui n'étaient pas nécessairement des points de services qui donnaient plus de services à la population. Il se trouvait souvent que c'étaient trois adresses sur la même rue, dans la même ville. Et puis aussi ce cloisonnement, n'est-ce-pas, cloisonnement catégorisé selon l'étiquette, ou la couleur du chèque, ou l'absence de chèque. Alors, c'est donc là un défi d'autant plus important qu'il y a derrière tout cela un grand objectif qui est d'investir dans la formation, l'insertion et l'emploi plutôt que d'investir dans le chômage, si je me permets peut-être cette ellipse. Ça a l'air bizarre de dire ça, mais c'est énorme, l'effort public qui était consacré à ce que les gens ne travaillent pas plutôt que d'être injecté pour les aider à se requalifier ou à se qualifier pour le marché de l'emploi.

Alors, vous dites: Bon, il faut arrimer l'offre et la demande. On connaît la demande, il faut travailler à ce que l'offre aussi puisse être connectée. Je vais laisser ma collègue, Mme la députée de Sherbrooke, aborder avec vous la question des structures. Je sais, par ailleurs que, pour un sans-emploi, ou pour un demandeur d'emploi, ou pour un travailleur, ou pour un employeur, le CLE répond à ses besoins en matière de main-d'oeuvre. Le CLD, là, c'est pour de l'entrepreneuriat, et c'était très confus. Vous savez qu'il y avait comme un éparpillement. L'entrepreneuriat, il y avait des petits bouts qui se retrouvaient partout. Par exemple, le soutien à l'emploi autonome, c'était administré par la SQDM, le MICST en avait, le développement régional aussi, puis chaque ministère en avait. L'idée, c'est l'entrepreneuriat. On regroupe ça puis on donne le mandat exclusif – un peu comme, maintenant, les mandats mondiaux dans les grandes entreprises – au CLD d'entrepreneuriat, alors que tout ce qui est politique active de préparation, d'insertion, de maintien, de création, de stabilisation, c'est gouvernemental et c'est le centre local pour l'emploi qui peut faire des alliances avec des ressources complémentaires.

Bon, ceci dit, je crois que vous saisissez vraiment les objectifs de la réforme quand vous nous dites, page 2: «Le projet de loi ne fait pas directement référence au fait qu'Emploi-Québec va mettre l'accent sur le transfert financier depuis des mesures de soutien du revenu vers les dépenses d'aide à l'emploi, avec obligation de résultat.» En fait, il n'y a pas besoin de statuer là-dessus, au sens où on n'a pas besoin d'avoir un article qui dit qu'on peut le faire, étant donné que c'est maintenant possible. Ça l'est d'autant plus que le RAPC est aboli depuis 1996, lui qui nous empêchait d'aller dans ce sens-là à moins d'accepter de perdre 50 % du financement qui venait à ce moment-là du fédéral et qui exigeait le maintien du statut de personne assistée sociale pour avoir un supplément, disons, de mesure active. Alors, là, c'est comme vous le mentionnez, les choses peuvent changer.

Mais vous mentionnez aussi avec, je pense, beaucoup de bon sens le fait que c'est un changement de culture. Le RAPC, ç'a été un carcan pendant 28 ans. Donc, la façon de faire qui était de cloisonner pour avoir du financement était tellement imprégnée dans les structures, les services, les cultures que c'est ça qu'il faut secouer, d'où la cogestion avec les partenaires du marché du travail pour secouer finalement cette façon de faire qui n'était pas que celle du réseau de la sécurité du revenu, c'était le réseau aussi de la caisse fédérale de l'assurance-emploi.

Bon, ceci dit, vous apportez des éléments nouveaux qui n'ont jamais été soumis à l'attention de la commission, et j'aimerais peut-être avoir l'occasion de revenir sur la question de l'échange de renseignements avec vous puis de la notification à l'employeur. On va regarder ça bien attentivement. Au moment de l'article par article, je suis convaincue que, avec la collaboration de mes collègues et du député de Notre-Dame-de-Grâce, on va regarder l'effet concret de ce que vous nous proposez. Par ailleurs, comme vous le dites, s'il y a mise en cause de l'employeur, il faudrait qu'il y ait notification pour qu'il n'y ait pas audi alteram partem. Ha, ha, ha! On va regarder ça très attentivement.

(12 h 40)

Pour ce qui est de toute la question bien intéressante que vous soulevez en matière d'échange de renseignements, on m'a dit que la loi qui crée la Commission d'accès à l'information et la loi sur les renseignements personnels sont actuellement en révision. D'ailleurs, c'est à tous les cinq ans, je crois, que ce processus doit être réalisé et qu'on y est arrivés. Donc, il y aurait une disposition générale qui serait introduite dans les travaux préparatoires à l'effet d'aviser – c'est bien ça? – la Commission d'accès à l'information lorsqu'il y a tout changement qui survient dans l'échange de renseignements.

Mais j'ai compris que nous sommes obligés, nous, de leur transmettre un avis. Cette obligation serait le fait, n'est-ce pas, de la distinction entre ce qui est soumis... C'est-à-dire que nous sommes plus qu'obligés de leur transmettre un avis, nous devons obtenir leur approbation pour toutes les mesures de contrôle. Alors, toute mesure qui a un effet de contrôle doit être soumise pour approbation par la Commission d'accès à l'information, et ça, c'est donc là une obligation qui serait la nôtre en vertu, j'imagine, d'une disposition... C'est la loi sur l'accès, c'est la loi générale, mais qui prévoit qu'un avis suffit si c'est pour ajouter, si vous voulez, quelque chose à un contribuable, mais qu'une approbation est nécessaire – c'est bien ça? – ...

Une voix: Tous les couplages de fichiers.

Mme Harel: ...pour tous les...

Une voix: Couplages de fichiers, les appariements.

Mme Harel: ...couplages ou appariements de fichiers. Mais on va faire vérifier l'application concrète de ce que vous nous proposez. On en discutera d'ailleurs ce soir avec la Commission des droits de la personne, alors on aura sûrement l'occasion, ce soir, de déposer des informations sur les obligations qui nous sont faites en matière de couplage et d'appariement de fichiers. Mais on me dit que ce serait là, donc, une façon de procéder qui déjà serait le cas, qui serait déjà en vigueur, en tout cas dans ce qu'on fait.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. Garon.

M. Garon (Jacques): Oui. Si vous permettez, M. le Président, deux choses auxquelles la ministre a fait allusion. Les 14 et 15 mai derniers, Mme la ministre, on a eu une réunion très importante des partenaires de la Commission – partenaires pas seulement au niveau national, mais à travers tout le Québec – et les instances syndicales et les instances patronales ont eu l'occasion de pouvoir se réunir ensemble. Pour la première fois, on a donc rencontré nos partenaires régionaux. Mais je dois vous dire qu'il y a tout de même beaucoup de questionnement, en ce qui concerne les CLD, qui demeure dans l'esprit de nos partenaires régionaux répartis à travers toute la province. En d'autres termes, les assurances que vous nous donnez, on peut bien les comprendre, mais cette compréhension n'est pas mutuellement partagée par l'ensemble des partenaires régionaux. En d'autres termes, il y a beaucoup de craintes, étant donné que les CLD sont d'abord des créatures politiques, que l'arrimage se fasse plus ou moins bien. En tout cas, c'est difficile de critiquer un projet de réforme qui a commencé le 1er avril, ça, j'en conviens, mais, néanmoins, il y a des points d'interrogation. Alors, peut-être que ça serait une bonne chose de pouvoir... C'est peut-être une question d'information, c'est peut-être une question d'arrimage de l'information entre les gens des CLD et des partenaires régionaux, mais, à l'heure actuelle, disons qu'il y a un questionnement et une appréhension.

L'autre remarque que je voudrais faire, c'est au sujet non pas des parcours individualisés... Je pense que mon prédécesseur, Henri Massé, en a fait un cas, et c'est vrai qu'il va falloir faire attention à ce que, moi, j'appellerais plutôt les «objectifs de résultat» par rapport aux cibles de résultat parce que, encore une fois – et je pense qu'à la Commission on a été assez précis là-dessus – on va bien pouvoir donner des informations ou venir en aide à des centaines de milliers de personnes qui le demandent, mais, en ce qui nous concerne, la véritable question, c'est: À la fin de l'année, combien de sans-emploi auront pu réintégrer véritablement le marché du travail? Ça, ça ne dépend pas uniquement des programmes qui seront mis à l'effet par Emploi-Québec, mais ça dépend dans une bonne mesure aussi de la conjoncture économique et du comportement des entreprises, et ça, il y a beaucoup d'aléatoire là-dedans, et c'est pourquoi nous pensons qu'il faut être très prudent avec les objectifs de résultat. Je ne sais pas si ma consoeur veut rajouter quelque chose sur...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Souhaiter également la bienvenue à M. Garon et à Me Marchand. Je veux aborder toute la question que vous soulevez des structures. Je sais que ça intéresse la députée de Sherbrooke, mais on serait peut-être capables de poursuivre. Là, encore une fois, semble-t-il, c'est la troisième partie d'une vaste réforme: rapatriement, création du ministère et décloisonnement, et mise en oeuvre de la réforme. Toute la question de l'opérationalisation de ces choses-là devient de plus en plus importante. C'est vrai qu'on a une loi-cadre qui est la Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, on va avoir une loi-cadre, si elle est adoptée, sur l'aide sociale, mais, sur le terrain, c'est là où... On dirait, en anglais: «It's gonna make or break», hein? C'est là le test de toutes les choses.

Le Syndicat de la fonction publique du Québec, qui a eu à comparaître devant la commission jeudi, n'avait pas beaucoup d'information. En tout cas, les représentants qui ont été présents, semble-t-il, ignoraient beaucoup, beaucoup des aspects de l'opérationalisation du projet de loi. CSN, FTQ, tantôt on a eu M. Massé, de la FTQ, membre de la Commission des partenaires du marché du travail; pas beaucoup de précisions. Là, si je vous ai bien compris, du Conseil du patronat du Québec, également membre de la Commission, pas beaucoup, beaucoup d'informations qui sortent.

De façon générale, si vous pouvez m'éclairer sur ça et de façon plus spécifique sur la question des structures, moi, ça fait à peu près six mois, en tout cas, depuis la loi n° 150 que j'utilise le terme «la multiplicité des guichets uniques». Mme la ministre s'arrache les cheveux quand je dis ça parce que, écoute, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce ne comprend rien, là. Ce n'est pas plusieurs guichets uniques, c'est: il y a des adresses civiques à l'intérieur de tout un guichet unique puis... En tout cas.

Là, je dois dire honnêtement que je suis un peu soulagé, vous reprenez exactement les termes que j'utilise. Alors, si je suis confus, semble-t-il, vous êtes confus aussi. C'est inquiétant un peu. Vous dites: La Commission des partenaires du marché du travail, ses conseils régionaux... Moi, j'ai fait un petit tableau pour tenter de me retrouver dans les structures. Le ministère a des gros tableaux parce qu'il a de grosses ressources; moi, j'ai un petit tableau, petites ressources. Palier national: le ministère, la Commission nationale, la Commission des partenaires. Au deuxième palier régional, il y a la Direction régionale d'Emploi-Québec qui est une unité autonome de services, la Direction régionale de la sécurité du revenu qui est une unité administrative, il y a des conseils régionaux des partenaires du marché du travail. De l'autre côté, il y a le ministre responsable du Développement des régions et les conseils régionaux du développement, les CRD qui relèvent du ministère responsable du Développement des régions, sauf pour Montréal qui relève d'un autre ministère qui est celui de la Métropole, il y a les centres locaux de développement, les centres locaux d'emploi avec leur module Emploi-Québec, module sécurité du revenu, il y a les carrefours jeunesse-emploi, il y a les corporations de développement économique communautaire à Montréal et à Québec, les SADC. Mais une chance qu'on a fait la réforme pour simplifier les choses, hein, parce que, si on n'avait pas fait pour simplifier, on serait perdu, pas à peu près!

Mais là j'aimerais vous entendre et sur la structure et sur l'information parce que, semble-t-il, l'information ne se rend pas à votre niveau. C'est inquiétant.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Garon.

M. Garon (Jacques): Alors, si vous le permettez, d'abord, M. le député, sur l'information, c'est un petit peu normal, dans le fond, que l'information soit un peu diffuse, difficile pas seulement pour les gens sur le terrain... En fait, les CLE ne sont même pas formées encore, on est en train de les manufacturer; mais il faut bien commencer quelque part.

(12 h 50)

D'autre part, et ça, c'est, moi, ce qui peut-être m'intéresse le plus, c'est qu'on est en train de se pencher en ce moment et qu'on va se pencher, au cours des activités futures de la Commission des partenaires, sur ce qu'on peut appeler la «réforme des services». Il y a déjà eu un effort de rationalisation du nombre de services qui sont offerts, mais je veux donner un exemple. On n'a pas encore fait véritablement, et ça, c'est un travail de longue haleine... – c'est d'ailleurs pour ça qu'il y a une période de transition qui va nous permettre, j'espère, d'y arriver en un an ou moins – sur le fait qu'il y a des programmes qui ne donnent absolument rien au niveau de pouvoir placer des gens en emploi. Exemple, au temps où la Commission d'assurance-chômage, maintenant l'assurance-emploi, avait ses programmes, ce qui était très utilisé, c'étaient des achats de cours de formation qu'on donnait à des gens puis qui allaient parfaire leur formation dans les commissions scolaires puis dans d'autres institutions. Après les recherches qui ont été faites, il s'est avéré que ça, c'est le moins efficace de tous les résultats, au niveau des résultats. Ce qui est le plus efficace, c'est quand on peut placer des chômeurs et qu'on les met directement dans l'entreprise. Ça, ça donne des résultats, au niveau de l'employabilité, après, de ces chômeurs, qui sont beaucoup plus probants. Mais là on est en train de faire l'analyse de cette situation, et une des recommandations qui viendra probablement, c'est que, en analysant service après service, qu'est-ce qu'on peut faire pour changer, pour améliorer, comme pour, je ne sais pas, moi...

On parlait des carrefours jeunesse, il y a 350 organismes communautaires qui fonctionnent à travers le Québec et qui viennent aider quelquefois, et quelquefois de façon très tangible, le fonctionnement, l'arrimage entre l'offre d'emploi et le reste. Bien, ça n'a pas encore été fait, ça, cette analyse de ce qui marche et de ce qui ne marche pas, tant au niveau des services que de tous les organismes. Alors, c'est pourquoi l'information, et même pour nous qui sommes soit dans des comités à la Commission des partenaires, soit sur la Commission des partenaires, c'est un petit peu difficile. Donc, faut donner un petit peu la chance au coureur. Alors, nous-mêmes, on est très critiques. Quelquefois, on trouve que ça ne va peut-être pas assez vite, mais, d'un autre côté, vous comprendrez que c'est une réforme majeure, alors, nous aussi, on est un peu impatients. Mais c'est difficile parce que, à mon avis, ce qui va faire le succès ou non, ça va être d'abord de voir sur le terrain quels services on va pouvoir donner qui soient véritablement efficaces. Ça, c'est la première des choses.

Est-ce que cette efficacité au niveau du service lui-même va être renforcée par la simplicité qu'il va y avoir sur le terrain pour pouvoir donner ces services? Ça, c'est l'autre point d'interrogation. S'il y avait, en bout de ligne, au bout d'un an, véritablement un seul guichet unique, pas de problème. Mais c'est un petit peu plus difficile que ça parce que, comme vous l'avez dit, il y a tout un tas d'intermédiaires qui rentrent dans l'organisation du ministère, et ce que nous espérons, c'est que, en bout de ligne, à chaque fois qu'on passe d'un palier à un autre, il n'y ait pas des interventions qui finissent par gruger sur l'efficacité du système et des services qu'on veut offrir aux clients. Parce que les sans-emploi puis les entreprises, tout ce qu'ils veulent, c'est un point de contact quelque part pour qu'on ne leur renvoie pas la balle, comme ça s'est fait trop souvent dans le passé, d'un organisme à l'autre ou à quelqu'un qui n'était pas suffisamment compétent pour leur donner les réponses. Mais ça, on n'a pas de réponse encore, jusqu'à maintenant, va falloir attendre un petit peu pour voir comment ça va se passer.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Marchand.

Mme Marchand (Louise): Si vous permettez, M. le Président, je ne voulais pas intervenir tout à l'heure concernant les... On discute des structures, et Mme la ministre a signalé que les commentaires plus techniques seront regardés et étudiés de plus près lors de l'étude article par article. Je voudrais simplement souligner, au titre des principes, qu'on a importé des articles de loi de la Loi sur l'assurance-emploi, la loi fédérale, et qu'on n'a pas été cohérent. C'est ce que nous voulions souligner à cette commission, que, si on importe des concepts, encore faut-il les importer complètement de telle sorte qu'il n'y ait pas, comme vous le disiez tout à l'heure, violation des règles audi alteram partem, peut-être, mais, encore là, atteinte à la réputation d'un employeur qui serait dangereuse. Alors, on insiste vraiment beaucoup là-dessus, Mme la ministre.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député.

M. Copeman: Oui. Tout à fait d'accord avec la ministre, je pense qu'on va étudier très minutieusement vos suggestions à l'étape de l'étude article par article parce que, comme la ministre a indiqué, vous soulevez des points qui, à date, n'ont pas été soulevés. On va en prendre connaissance de façon un peu plus approfondie et tenter de nous assurer qu'on ne porte pas atteinte à la réputation et aux droits des employeurs.

Également, au sujet des couplages de fichiers, avec la Commission d'accès à l'information, c'est très clair que la loi oblige le gouvernement du Québec à aller soumettre et à obtenir l'approbation de la CAI en ce qui a trait aux articles 95 et 96. Évidemment, ça fait partie de nos travaux normaux, mais je suis très content que vous l'ayez souligné. On l'aurait fait quand même, la ministre l'aurait fait rendue là dans l'étude détaillée, mais ça vaut la peine, je pense, d'être soulevé dans une commission parlementaire des audiences publiques.

C'est une préoccupation majeure, je pense, avec quelle facilité le gouvernement procède à des couplages de fichiers, va chercher des informations, les informations suivent une personne. L'accès est peut-être conforme à nos lois, mais, en tout cas, c'est un sujet majeur, une préoccupation majeure. Je me souviens, dans le temps, comme étudiant à l'école secondaire, on parlait de 1984 comme d'une date bien lointaine, et, dans un roman tout à fait apocalyptique, presque, 1984 est passé, mais c'est un peu vrai que Big Brother nous regarde de plus en plus souvent. Je ne le dis pas de façon maligne, là, mais le rôle des gouvernements est devenu de plus en plus important dans nos vies quotidiennes et c'est une préoccupation que je pense qu'on doit avoir, comme législateur, tout le monde, d'assurer que Big Brother nous regarde le minimum possible.

Mme Marchand (Louise): Enfin, si je peux ajouter, nous recommandons évidemment que, dans les recommandations de la Commission d'accès à l'information dans le rapport quinquennal, il y ait un contrôle d'opportunité a priori qui soit fait et non pas seulement la spécificité des articles 69 et 78 de la loi sur l'accès à l'information, à l'heure actuelle. Mais nous recommandons également que soit portée à la loi exactement la liste de tous les organismes et ministères qui pourront faire ces appariements de fichiers de telle sorte que les gens puissent le savoir et que ça ne soit pas laissé à la discrétion du lieutenant-gouverneur en conseil, c'est-à-dire par pouvoir réglementaire, parce que, à ce moment-là, ça ouvre une voie trop large et que, comme le disiez, ça risque, à tout le moins... Pour nous, la protection des renseignements personnels est extrêmement importante pour tout le monde, que ce soit pour les entreprises ou pour les prestataires de l'aide sociale.

M. Copeman: Et les députés. Merci, M. le Président.

Mme Marchand (Louise): Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Une dernière intervention par Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Garon et Mme Marchand. J'aimerais revenir sur la question des structures et peut-être vous indiquer qu'il me semble que l'angle sous lequel il faut regarder ce que nous proposons, c'est l'angle que le citoyen ou la citoyenne verra. On peut bien sortir des organigrammes, et puis mettre sur le même pied tout ce qui existe comme structure gouvernementale, et donner l'impression qu'il y en a trop, mais ce n'est pas ça qui est important. Ce qui est important, c'est de savoir qu'est-ce que les personnes qui ont des besoins en termes d'emploi vont avoir comme services et comme accès à ces services. Or, il me semble honnêtement que ce que nous proposons est relativement simple: d'un côté, un centre local d'emploi pour des personnes qui recherchent un emploi. Et, en faisant un effort nouveau et, je pense, très louable d'enlever les étiquettes, c'est-à-dire d'enlever cette espèce d'approche compartimentée que nous avions jusqu'ici en disant: Si vous êtes à l'assurance-emploi, vous avez droit à ceci, vous allez à telle porte, si vous êtes à la sécurité du revenu, vous allez à tel endroit, si vous êtes sans chèque ou si vous provenez d'ailleurs, vous avez droit encore à d'autres types de services, on simplifie.

On dit: Je suis une citoyenne, j'ai besoin d'emploi; je vais au centre local d'emploi, et on m'offre une panoplie de services qui seront beaucoup plus que de l'information, qui seront aussi des efforts importants en placement. Je suis un employeur, j'ai besoin de main-d'oeuvre; je peux, de la même manière, m'adresser au centre local d'emploi et savoir quelles sont les disponibilités en termes de main-d'oeuvre selon les qualifications des personnes.

(13 heures)

Cela dit, la responsabilité de l'emploi n'est pas simplement une responsabilité des personnes qui se cherchent un emploi. C'est pourquoi on met sur pied également dans chaque localité, dans chaque territoire de MRC une structure nouvelle qui s'appelle le «centre local de développement» et qui aura comme mandat de planifier le développement de l'économie et de l'emploi dans son territoire et d'offrir des services spécialisés. Là, je ne suis plus la citoyenne qui cherche un emploi, mais je peux être, par exemple, une citoyenne qui veut démarrer une entreprise et j'aurais besoin de services beaucoup plus spécialisés; c'est au CLD que je vais m'adresser parce que c'est là qu'il y aura des ressources qui vont être capables de m'équiper. Alors, c'est deux besoins différents: d'un côté, un centre local d'emploi pour des gens en recherche d'emploi ou des entreprises en recherche de main-d'oeuvre, avec essentiellement des fonctionnaires qui vont offrir des services d'emploi, et, de l'autre, un centre local de développement qui n'est plus du tout une boîte de fonctionnaires, qui est une responsabilité collective avec, autour de la table, les acteurs d'une localité, autant au plan municipal qu'au plan industriel, qu'au plan agricole, qu'au plan des ressources communautaires, coopératives, etc., avec comme mandat de planifier le développement de l'économie et de l'emploi et d'offrir des services spécialisés.

Il me semble que ce n'est pas si compliqué que ça et que, du point de vue de la personne qui a des besoins, ça indique où il faut aller. Je pense que le reste, ce sont nos affaires à nous; c'est-à-dire, qu'il y ait un conseil des partenaires qui donne des avis, qu'il y ait des structures ministérielles qui existent, c'est nos affaires à nous. Mais l'important, c'est de savoir comment les gens vont se débrouiller très concrètement, par exemple, dans le comté de Sherbrooke s'ils ont des besoins. Il me semble qu'avec ces deux structures relativement simples il y a moyen que des gens s'y retrouvent très bien.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée, merci beaucoup de ces commentaires. Je vous remercie.

Mme Malavoy: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je suspends les travaux jusqu'à 14 heures. Ne pas oublier: 14 heures précises parce qu'on a encore un gros après-midi.

(Suspension de la séance à 13 h 2)

(Reprise à 14 h 6)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recommençons nos travaux. Pour celles et ceux qui en sont à leur première présence dans une commission parlementaire, juste vous rappeler pour votre information qu'on n'a pas le droit dans la commission parlementaire, contrairement à ce que vous voyez à la télévision en Chambre, de faire des applaudissements ou des manifestations quelles qu'elles soient.

M. Desgagné, si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent et débuter votre mémoire.


Coalition nationale sur l'aide sociale (CNAS)

M. Desgagné (Jean-Yves): Bonjour. Au nom de la Coalition nationale sur l'aide sociale, qui est un réseau, hein, une coalition de plus de 55 regroupements nationaux de coalitions régionales, je remercie les membres de la Commission d'avoir accepté de nous entendre. Et je vous remercie, M. le Président, personnellement, pour les efforts qui ont été faits afin de nous accommoder. Alors, je vous remercie de ces efforts-là et j'apprécie beaucoup.

Alors, à ma gauche, dans les porte-parole pour cette présentation, il y a M. Victorien Pilote.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Juste vous souligner que les efforts, je les fais, mais ça me prend toujours des consentements des deux bords de la table. Alors, je présume que, quand vous me remerciez, vous remerciez tout le monde ici.

M. Desgagné (Jean-Yves): Je remercie l'ensemble des membres.

Alors, je vous présente à ma gauche, M. Victorien Pilote, qui est un artiste-peintre, qui va nous aider, là, à faire... et qui travaille également présentement au Regroupement autonome des jeunes, qui est un groupe membre de la Coalition nationale sur l'aide sociale. À ma droite, Mme Sylvie Jochems, qui est de l'Association pour la défense des droits sociaux du Québec métro, également un organisme qui est membre de la Coalition nationale sur l'aide sociale.

Alors donc, en ce qui concerne notre présentation d'aujourd'hui, M. le Président, nous n'avons pas jugé pertinent de produire un mémoire comme tel, parce que je dois vous dire que, lorsque nous avons pris connaissance du projet de loi n° 186, nous avons été très déçus. Très déçus parce que ce qu'on constate, c'est que le projet de loi n° 186 finalement, c'est une copie conforme de la loi 37, loi 37 qui a été adoptée, on le sait, en 1989 et loi qui a été fortement dénoncée à l'époque par... J'ai ici plus de 104 mémoires, j'ai les mémoires qui ont été présentés à l'époque de l'adoption de la loi 37, donc il y a à peu près une centaine d'organismes qui s'étaient opposés à l'époque à l'adoption de cette réforme-là. Je vous rappelle également que Mme Harel, qui est maintenant ministre, était à l'époque porte-parole de l'opposition, s'était fortement opposée à l'adoption de cette réforme-là, s'était fortement opposée au principe même de cette réforme.

Et nous n'avons pas jugé pertinent de présenter un mémoire, parce que vous savez qu'il y a eu des consultations sur le livre vert l'an passé à pareille date, dans la même période, il y avait plus de 140 organismes qui se sont présentés devant cette commission pour faire part de leurs commentaires sur le livre vert Un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi , et la plupart de ces commentaires-là malheureusement, qui étaient défavorables à tout le volet aide financière de cette réforme-là, n'ont pas été entendus.

Donc, nous nous présentons aujourd'hui, nous sommes déçus de ne pas avoir été entendus. Nous avons le sentiment profond de nous être heurtés à un mur d'indifférence. Pourtant, on nous avait dit, lors de la conclusion de cette commission parlementaire, que la pauvreté était entrée à l'Assemblée nationale, que pour la première fois les députés avaient vraiment entendu des témoignages des personnes vivant la situation et que c'était la première fois que ça se faisait.

(14 h 10)

Alors donc, aujourd'hui, on s'est posé la question: Comment faire pour vous convaincre? Comment faire pour vous atteindre? Comment faire pour que vous compreniez que cette réforme-là, la question principale autour de cette réforme-là, c'est la question de la pauvreté? C'est de ça qu'on parle présentement. Il y a, au Québec, plus de 500 000 hommes, femmes, et, si j'inclus les enfants, 300 000 enfants qui vivent dans la pauvreté, qui dépendent des prestations d'aide sociale. Et on parle d'une réforme, dans le fond... nous, ce qu'on espère, c'est que cette réforme-là vienne mettre fin ou contribue à atténuer la pauvreté de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants.

Alors donc, aujourd'hui ce qu'on veut vous lancer, ce qu'on veut lancer comme appel à la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, c'est un cri du coeur. Alors, on s'est dit: Il faut qu'ils comprennent, c'est sérieux, là, c'est très sérieux. Alors donc, la façon dont on a pensé faire, on s'est dit: Peut-être qu'on devrait utiliser l'art, peut-être que par l'art il y a des messages qui sont plus faciles à passer ou qui peuvent être mieux compris.

Alors, nous avons demandé à un peintre et à un poète... Donc, notre présentation va prendre cette forme-là, alors nous allons vous présenter une peinture qui a été produite par Victorien, et ensuite Mme Jochems va nous faire la lecture d'un poème qui a été écrit par M. Christian Brouillard, qui est un militant dans les organisations populaires dans la région de Montréal. Je cède donc la parole à Victorien.

M. Pilote (Victorien): Bien, voilà, comme Jean-Yves le spécifiait, la Coalition nationale n'a pas jugé pertinent de produire un mémoire pour cette occasion-ci, et on vous présente à la place un tableau qui représente le point de vue de la Coalition nationale sur les éléments, en tout cas, essentiels du projet de réforme de Mme Harel.

Le tableau s'intitule Bien naître , avec n-a-î-t-r-e et est accompagné d'un petit texte qui explicite un petit peu les éléments qu'on y retrouve. Je peux vous lire le petit texte; ensuite, je pourrai peut-être m'approcher du tableau pour indiquer les éléments qui sont représentés en gros là-dessus. Je dis donc:

«Pour distraire l'industrie... les jeunes font leur "parcours obligatoire". Au même moment... les proprios courent "saisir" les bonnes affaires. Pendant que... divers presqu'à terre de l'insécurité du revenu "partagent un logement" autour de la cible de la Ministre.»

Si je peux me rapprocher. Enfin, le tableau est assez explicite... C'est un tableau qui dénonce, comme je vous le disais, les éléments centraux de la réforme quand je symbolise les parcours, auxquels vont être, dans un premier moment, astreints les jeunes, par, si vous voulez, tous ces petits bonhommes ici, qui sont plus ou moins des balles de golf, comme vous voyez, qui sont alignés sur un parcours et qui s'apprêtent effectivement à distraire... J'ai symbolisé l'industrie par le golf parce que c'est un sport qui est prisé par cette catégorie de... Je trouvais l'image intéressante et aussi l'idée du parcours, et tout ça, avec les flèches qui enlignent bien nos gens vers cette direction-là, une direction unique; il n'y a pas de choix, hein, on va par là. Et puis on retourne, on revient, on revient se placer à la queue et on recommence. C'est un peu ça.

Évidemment, un autre élément central de cette réforme-là, qui est un élément que moi, en tout cas, personnellement, je trouve particulièrement scandaleux et qui ruine plusieurs des concepts démocratiques de la société, bien, c'est de permettre aux propriétaires de saisir une ponction finalement du chèque d'aide qui était censé être de l'aide de dernier recours, selon les principes traditionnels de l'aide sociale. Donc, je symbolise toute, si vous voulez, l'omniprésence finalement du propriétaire qui va être un élément qui va venir restreindre encore davantage la liberté des gens.

Et puis vous retrouvez les gens, ici, qui sont comme entrés dans le mur, près de la cible de la ministre. On voit le chiffre 37 qui va vers 186, et tout ça, où je me suis dit que la façon de symboliser ça, c'est qu'on partage un logement dans le mur finalement, parce que c'est ça qu'on attrape avec cette réforme-là. En gros, c'est les éléments les plus essentiels du tableau. C'est un tableau qui représente quand même bien le point de vue qu'on voulait exprimer.

Ceci dit, je tiens peut-être en terminant à spécifier que, quand j'ai apporté le tableau ici, on m'a quand même obligé à donner des explications sur le contenu du tableau, et tout ça. On a exigé de le voir, et tout ça. Moi, je trouve ça fatigant, extrêmement fatigant, comme artiste. Je considère que c'est un petit peu... Même, bon, il se retrouve ici, O.K., mais c'est quand même un acte de censure en quelque part. Est-ce qu'on prend la peine habituellement de scruter à la loupe le contenu des mémoires qui seront déposés avant que les gens puissent les lire? Pourquoi un artiste est traité différemment? Est-ce que la liberté d'expression comme telle est quelque chose qui est plus chatouilleux?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je m'excuse, mais vous devez toujours vous adresser au président, premièrement, et rester dans la pertinence, et je pense que vous sortez pas mal de la pertinence. Si vous pouviez terminer votre présentation.

M. Pilote (Victorien): D'accord, merci, M. le président. Je tenais seulement à spécifier, M. le Président, quand même que, d'un point de vue démocratique, ce n'est pas intéressant de se faire recevoir comme ça, comme artiste.

M. Desgagné (Jean-Yves): Nous allons continuer avec le poème, le cri du coeur, par Sylvie Jochems.

Mme Jochems (Sylvie): Je tiens à dire tout d'abord, M. le Président, que le poème a été écrit par M. Christian Brouillard.

«Nous sommes les pauvres mille bouches d'ombre sans cesse muselées, étiquetées, gérées, réformées.

«Mille bouches d'ombre sans voix, sinon ces étiquettes que l'on veut bien nous donner comme une charité tarifée, en chute libre.

«Mille bouches sans voix ni échos, le pouvoir a les oreilles dures, figées dans le silence des privilèges, immobiles comme la mémoire.

«Notre mémoire sans textes ni phares, nos mille mémoires, petites étoiles se déroulant depuis les années 30, brillant sur ces camps de la honte à la soupe trop claire d'une charité bien ordonnée qui se retourne toujours contre nous.

«Une Histoire aux mille mémoires déroulée sans tapis rouge sous nos mille pieds ces pieds usés à chercher le pain à peu près quotidien ces pieds sous lesquels les portes se ferment: "Fermeture d'usine, compression de personnel, rationalisation, restructuration, mise à pied, downsizing, délocalisation» blablabla d'une danse macabre où nos pieds agonisent.

«Nous n'avons pas écrit la musique, la partition vient de Wall Street, nous en serions pourtant coupables. Coupables de nos blessures qui saignent de mille statistiques: suicides, alcool et misère.

«Les statistiques sont des oiseaux bien inconstants qui évacuent femmes et enfants d'abord pour qu'on ne les voit pas du haut des bureaux feutrés et argentés, ministérialisés et bien cotés à la bourse.

«Les grands prêtres de l'économique ont le sermon facile et le couteau aussi. La dette sera acquittée même si nous ne l'avons pas contractée, les six livres de chairs fournies pour apaiser les nouvelles idoles: rentabilité, rentabilité et rentabilité.

(14 h 20)

«Un enfant ou un poème est-il rentable?

«Et sur les autels de l'OCDE, du FMI, de l'AMI, des BMW, de l'APEC, nos corps écartelés corps blessés de mille violences corps couverts de mille blessures sont offerts à rabais, saignant pour des coffres déjà bien remplis.

«Nous ne sommes ni héros ni martyrs nous habitons une blessure qui attend d'être reconnue.

«La pauvreté, c'est cette blessure au fond d'un oeil serein qui est sourd aux plaintes suintant d'une société trouée de toutes parts.

«N'en parlez pas, vous ébranleriez la tranquille assurance de ceux et celles qui veulent notre bien. Cette main tendue cette femme seule cet ado suicidé c'est de la démagogie, n'est-ce pas? Laissez-les s'envoler avec les statistiques. Pour le reste, les gouvernants daigneront nous donner une loi.

«De 37 à 186, la danse des chiffres entonne un langage dont les mots entaillent les mille ventres creux.

«Nos bouches et nos oreilles ne vibrent pas au rythme de vos concepts. Le miracle de l'employabilité résonne bien plus comme servilité.

«Toi locataire muré dans ta solitude, tu auras à choisir entre la faim et les quatre murs de ton désespoir. Les seigneurs des lieux pourront prélever leurs livres de chairs.

«À quand le droit de cuissage?

«Pourtant, toi jeune femme seule avec tes enfants n'as-tu pas assez donné d'un travail que ne peut mesurer aucun mètre à penser?

«Toi vieillard dont on dévalue les souvenirs n'espères-tu pas que la fin des jours sera meilleure que l'aube?

«Toi le jeune, tu marcheras à pied le long d'un parcours ou sur les trottoirs caché à te vendre ou te piquer de faux présents.

«Toi le jeune tu n'as pas le choix, ta dignité est aux enchères pars, cours ou meurs.

«Il est pourtant d'autres chemins à explorer, des chemins à imaginer où la vie n'aurait plus à se justifier par une algèbre économique. Des chemins où ceux et celles qui n'ont eu de cesse de décrire comme les misérables, réécrivent l'Histoire à leur mesure.

«Nous sommes les pauvres mais un jour maîtres de nos vies nous serons humains reconnus.» Merci.

M. Desgagné (Jean-Yves): Alors, après ce cri du coeur, j'aimerais vous dire, M. le Président, qu'il est clair que, pour nous, le projet de loi n° 186 est inacceptable. Je pense que nous ne sommes pas les seuls à l'avoir dit. Je pense que, depuis près d'une semaine, plusieurs des organismes qui se sont présentés ici devant cette commission ont fait part des nombreux désaccords face à cette loi-là. Je pense par exemple à toutes les questions de l'obligation. Je pense que c'est clair, il y a un refus par rapport à cette mesure d'obliger les jeunes à participer à des parcours. C'est clair également qu'on n'en veut pas, de la saisie des chèques; on ne veut pas qu'on ouvre cette porte-là, une porte dans le fond qui pousserait encore à une plus grande pauvreté.

C'est clair également qu'il faut que cette réforme-là permette de s'attaquer... d'envoyer un signal comme de quoi la pauvreté ça n'a pas plus de bon sens au Québec. Ça n'a pas de bon sens qu'une personne seule soit condamnée à vivre avec 490 $ par mois. Ça, c'est une personne seule sur deux à l'aide sociale. Une personne seule sur quatre est condamnée à survivre avec 386 $ par mois. Et là, si j'ajoute les pénalités de 150 $ par mois, si j'ajoute la possibilité de faire une saisie pour Hydro-Québec, etc., il y a des gens qui se retrouvent avec moins que rien. Donc, il y a nécessité, dans le cadre de cette réforme-là, de réaffirmer l'importance d'un revenu décent, d'un barème plancher.

Alors, nous avons une seule question, M. le Président, à poser à la ministre: Compte tenu de l'opposition qui a été manifestée par l'ensemble du mouvement communautaire, populaire, syndical et féministe à l'encontre de plusieurs dispositions de son projet de loi n° 186, est-ce que la ministre est prête à retirer le projet de loi n° 186 et à élaborer une autre réforme, une vraie réforme? Parce que ce n'est pas ce qu'on a devant nous, ce n'est pas une réforme de l'aide sociale, c'est la continuité du système actuel en pire. Donc, est-ce que la ministre est prête à retirer son projet de loi n° 186 et à élaborer une autre réforme fondée sur nos six principes?

Alors, avant que le débat s'amorce, nous aimerions avoir une réponse claire à cette question, une réponse par un oui ou par un non. Nous voulons des réponses aujourd'hui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Avant que l'échange débute, deux petites choses. D'abord, faire remarquer à M. Pilote que vous n'avez pas à être peiné, parce qu'il m'appartient comme président de commission de m'assurer que tout se fait correctement. Je vous donne un exemple: à partir de demain, on reçoit je ne sais pas combien de groupes au niveau de la cigarette et j'ai dû m'assurer... parce qu'il y a des gens qui ont demandé la permission d'emmener différentes choses, etc. Alors, c'est tout à fait normal. Ne vous sentez pas visé par rapport à ça.

Deuxièmement, peut-être juste souligner, avant que l'échange débute, qu'une commission parlementaire, l'objet est de permettre aux parlementaires d'échanger avec des gens du milieu, comme vous êtes. Mme la ministre, je vous invite à débuter l'échange.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Il faudrait, je crois, que les personnes qui ont présenté le mémoire au nom de la Coalition nationale sur l'aide sociale, qui sont accompagnées par des personnes qui les soutiennent, je pense évidemment, en particulier, à M. Desgagné qui est coordonnateur de la Coalition et les personnes qui l'accompagnent, il faudrait aussi, je crois, convenir que la commission parlementaire et ses membres ont vraiment donné des consentements qui sont totalement inhabituels pour trouver la bonne heure d'écoute pour la Coalition.

Je rappelle que ça a été la quatrième proposition, celle de cet après-midi, à 14 heures, qui a été acceptée, les trois autres ayant été préalablement refusées. Les trois autres, je comprends que la première, c'était à 16 heures, le premier jour d'ouverture de la commission. Ensuite, on leur a dit: Écoutez, il reste une possibilité à 22 heures, le soir. On nous a dit: On est scandalisé que vous nous offriez à 22 heures – vous savez qu'on siège, nous, jusqu'à minuit; encore ce soir, la Commission des droits va venir jusqu'à 21 heures et puis l'UPA va venir à 22 heures. Et puis ensuite, on a offert une troisième possibilité, et on nous a dit: Non, ça ne nous intéresse pas, c'est le 26, telle heure que l'on souhaite avoir.

M. Pilote (Victorien): Nous avons posé une question.

Mme Harel: Alors, je comprends que...Moi, je veux insister là-dessus parce que je crois qu'on est une société extrêmement démocratique. Je le pense sincèrement et j'en suis fière. Moi, je suis très fière qu'on puisse... Je ne sais pas M. le Président, est-ce que quelqu'un veut...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je suspends les travaux pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 14 h 29)

(Reprise à 14 h 30)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux.

Mme Harel: Alors, M. le Président...

M. Desgagné (Jean-Yves): Est-ce qu'on pourrait avoir une réponse à notre question, Mme Harel?

Mme Harel: Vous savez, M. le Président, je pense qu'il est assez...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il est de tradition de laisser... quand même, si on veut avoir un échange, là...

Mme Harel: ...inhabituel, d'abord, de vouloir absolument choisir sa journée et son heure en commission, puis ensuite il est assez inhabituel de venir penser que c'est ici que les réponses sont données. Les réponses le seront à la fin de cette commission; il n'y a pas un groupe plus qu'un autre qui peut en réclamer. Alors, on va entendre l'ensemble des mémoires qui nous sont présentés jusqu'à demain, et je ferai rapport au gouvernement sur les auditions que nous aurons tenues pendant cinq jours; nous aurons certainement l'occasion, dans les jours immédiats, de faire le point sur cette question.

J'aimerais, M. le Président, si vous permettez, je vais...

M. Desgagné (Jean-Yves): M. le Président, je dois me retirer. Nous allons nous rendre au bureau du premier ministre parce que nous considérons qu'il y a une rupture de dialogue et nous allons demander au premier ministre d'intervenir sur la question.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je suspends les travaux, et nous allons vérifier si le prochain groupe est arrivé.

(Suspension de la séance à 14 h 31)

(Reprise à 14 h 54)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recevons les représentants de l'Office des personnes handicapées du Québec et l'Association du Québec pour l'intégration sociale. Je vous remercie d'avoir accepté de collaborer ensemble pour faire une présentation mutuelle.

M. Lazure, j'imagine que c'est vous qui allez présenter les gens, et est-ce que c'est vous qui débutez le premier mémoire? Oui.

M. Lazure (Denis): Oui, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, allez-y.


Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ) et Association du Québec pour l'intégration sociale (AQIS)

M. Lazure (Denis): Merci, M. le Président. Membres de la commission, je vais d'abord vous présenter les représentants de l'AQIS, à mon extrême droite, M. Fournier et M. Perreault; deux représentants, deux collaborateurs de notre Office, M. Jean-François Ruel, à l'extrême gauche, et M. Jean-Louis Bertrand.

La place des personnes handicapées parmi l'ensemble des prestataires des programmes d'aide financière est fort importante. À eux seuls, les prestataires de l'actuel programme Soutien financier, qui sont essentiellement des personnes handicapées, comptent plus de 108 000 personnes, en date de janvier 1998. Il faut ajouter à ce nombre des prestataires handicapés soi-disant aptes au travail qui ne sont pas identifiés comme personnes handicapées à l'intérieur des fichiers administratifs du ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Nombre de ces personnes voudraient travailler et sortir du cercle de l'exclusion et de la pauvreté qu'entraînent souvent les mesures passives de protection sociale. La majorité de ces personnes ont la prestation de la sécurité du revenu comme unique source de revenus.

Actuellement, peu de ces personnes participent à des mesures de développement de l'employabilité, car souvent l'évaluation de leur admissibilité aux programmes d'aide financière met l'accent sur leurs limitations et non sur leurs capacités. Pourtant, tout en tenant compte de la situation financière de l'État, il est possible de faire en sorte que les sommes versées à leur égard constituent un investissement pouvant les conduire vers un emploi, comme le montrent bien les projets de création d'emplois Contrat d'intégration au travail-Soutien financier et Centre de travail adapté-Soutien financier, projets développés, entre autres, par l'Office, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, le ministère de la Santé et des Services sociaux et le Conseil québécois des entreprises adaptées pour ce qui est du projet CTA-SOFI. Au cours de la première année d'application de ces projets novateurs, plus de 500 personnes handicapées inscrites au soutien financier ont pu intégrer le marché du travail. Il faut poursuivre et amplifier ces possibilités d'insertion volontaire au travail.

L'Office a de grandes attentes face à la présente réforme de la sécurité du revenu. Ces commentaires s'inscrivent dans une orientation fondamentale inscrite dans la loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et mise de l'avant sans relâche par l'Office depuis sa création, soit de favoriser l'intégration sociale des personnes handicapées, particulièrement leur intégration au travail. Le moyen privilégié par l'Office pour atteindre cet objectif est le plan de service individualisé; nous sommes heureux que ce concept se retrouve au coeur de la réforme proposée par le projet de loi n° 186. Nos commentaires sont présentés en suivant la structure du projet. Nous tenons à souligner que nous avons eu l'occasion d'analyser le mémoire de l'AQIS et que l'Office fait siens les commentaires et les recommandations.

Alors, ces commentaires portent davantage sur les structures qui sont mises en place par la loi instituant la loi du ministère de l'Emploi ainsi que la loi du ministère des Régions. Ces structures concernent directement les personnes visées par le présent projet et peuvent influer de façon importante sur la mise en oeuvre des mesures prévues par celui-ci. Il est important pour l'Office que le parcours individualisé vers l'insertion qu'instaure le projet de loi soit bien intégré dans la nouvelle dynamique locale et régionale créée par la mise en place d'Emploi-Québec, des centres locaux d'emploi, des conseils régionaux des partenaires du marché du travail, qui doivent élaborer le plan d'action régionale en matière de main-d'oeuvre et d'emploi, ainsi que des conseils régionaux de développement et des centres locaux de développement, qui doivent élaborer, en concertation avec les partenaires, le plan local d'action concertée pour l'économie et l'emploi.

Les différents états de situation sur l'emploi négligent souvent de documenter la situation des personnes handicapées qui veulent travailler et qui peuvent travailler. Pourtant, un regard sur leur situation permet de constater qu'elle est peu reluisante. Comparativement au reste de la population, elles sont près de deux fois moins présentes sur le marché du travail, plus de deux fois plus nombreuses à ne pas avoir atteint neuf années de scolarité et elles se retrouvent deux fois plus souvent vivant dans des familles sous le seuil de faible revenu.

Considérant ces données, il est important que les plans d'action régionaux en matière de main-d'oeuvre et d'emploi, élaborés par les conseils régionaux, ainsi que les plans locaux d'action concertée pour l'économie et l'emploi reconnaissent les personnes handicapées comme faisant partie intégrante de la main-d'oeuvre et comme étant une clientèle prioritaire. Afin de garantir que les plans locaux tiennent compte des besoins et de la réalité des personnes handicapées, l'Office réitère sa demande que lui et un représentant des associations locales de personnes handicapées soient présents à l'instance locale qu'est le centre local de développement et que l'Office et un représentant d'un organisme régional oeuvrant principalement dans les domaines de la main-d'oeuvre et de l'emploi pour les personnes handicapées soient présents au conseil régional des partenaires du marché du travail.

(15 heures)

Dans le même ordre d'idées, comme il est apparu important aux rédacteurs du projet d'introduire un représentant d'un organisme oeuvrant en priorité auprès des personnes âgées entre 15 et 30 ans, nous croyons qu'un représentant d'un organisme oeuvrant principalement dans les domaines de la main-d'oeuvre et de l'emploi pour les personnes handicapées soit présent à la Commission des partenaires du marché du travail et que le président de l'Office soit aussi membre, sans avoir droit de vote. L'article 198 devrait donc être modifié.

L'article 3 indique les grands objectifs que peuvent poursuivre les mesures, programmes et services d'aide à l'emploi. L'Office est d'accord avec ces objectifs. Toutefois, un élément important manque, à savoir: influencer l'ouverture du marché du travail aux personnes que ce marché exclut presque systématiquement. Nous pensons particulièrement aux personnes handicapées peu importe l'origine de leur déficience, qu'elle soit de naissance ou à la suite d'un accident de travail ou d'automobile, d'un traumatisme ou d'une maladie.

Le sondage, commandé par l'Office et réalisé par Léger & Léger, à l'automne 1997, nous indique l'ampleur du phénomène. Après 20 ans d'information et de mesures volontaires, y compris l'aide financière, dont le Contrat d'intégration au travail de l'Office, les personnes handicapées ne représentent que 0,5 % des travailleurs oeuvrant dans les entreprises québécoises qui comptent 50 employés et plus. La proportion de ces entreprises ayant à leur emploi au moins une personne handicapée, à temps plein ou à temps partiel, est de 32 % seulement. Bien plus, 96 % des entreprises n'accueillent même pas d'employés handicapés en stage. Pourtant, les personnes handicapées âgées de 15 à 64 ans, ayant une incapacité et se déclarant aptes au travail, représentent 6,3 % de la main-d'oeuvre disponible.

L'article 3 devrait comprendre un objectif supplémentaire pour donner au gouvernement du Québec un outil efficace pour redresser cette situation. Cet objectif serait de fixer pour les employeurs des résultats à atteindre en matière d'embauche et de maintien en emploi pour les personnes handicapées qui peuvent et qui veulent travailler.

L'article 4 prévoit une aide financière, entre autres, pour le remboursement des dépenses ou le soutien du revenu dans les démarches d'intégration, la compensation des coûts reliés à l'emploi – exemple: frais de transport, documentation en braille, ordinateurs, etc. – ou aux besoins spéciaux – lunettes, soins dentaires, prothèses, etc. – est nécessaire et importante pour les personnes handicapées si on veut réellement favoriser leur passage vers le statut de travailleur et travailleuse.

Par ailleurs, pour inciter les employeurs à embaucher des personnes handicapées, la ministre devra miser sur des programmes spécifiques. L'Office offre toute sa collaboration afin de transmettre à Emploi-Québec son expertise dans ce domaine. Le succès du programme Contrat d'intégration au travail de l'Office nous indique que ces mesures devraient être privilégiées. D'autre part, pour un certain nombre de personnes handicapées qui peuvent et qui veulent travailler, mais qui ne peuvent pas compétitionner en entreprise régulière, il faut continuer le développement des emplois adaptés, comme l'Office l'a fait dans les 40 CTA où oeuvrent actuellement plus de 2 000 personnes handicapées.

L'Office, comme nous l'avons déjà indiqué, appuie le principe du parcours individualisé. Compte tenu des besoins particuliers de certaines personnes handicapées et de l'importance de l'accompagnement comme facteur de réussite d'intégration en emploi, l'Office considère que l'accompagnement prévu dans le parcours doit continuer à être disponible une fois la personne en emploi. Cet accompagnement doit être disponible autant pour la personne handicapée que pour l'employeur. D'ailleurs, l'article 1 précise que les mesures, programmes et services visent à aider des personnes dans leurs démarches d'intégration. Le rapport Pelletier considère cet accompagnement comme essentiel pour assurer le succès de l'intégration au travail. On a remis aux membres de la commission une copie de ce rapport Pelletier, tout à l'heure.

D'autre part, il est important que la personne profitant des mesures actives et occupant un emploi ait le statut de travailleur et que ses conditions d'emploi correspondent aux normes du travail. Spécifiquement, l'Office insiste à nouveau pour que les personnes handicapées, notamment les personnes ayant une déficience intellectuelle, ne soient pas cantonnées uniquement dans un statut de stagiaire sans rémunération et que leur parcours s'oriente pour elles aussi vers un emploi et un statut de travailleur.

Lors de sa présentation sur le document de consultation, l'Office a demandé que le libre choix puisse s'exercer dans les deux sens, c'est-à-dire, que, entre le Programme de protection sociale et le Programme d'assistance-emploi, l'Office trouve important que l'on respecte la personne et l'évolution de sa situation qui n'est pas statique. Il faut permettre aux personnes dont les conditions personnelles et professionnelles changent de pouvoir changer de parcours.

L'article 60 précise qu'un adulte admissible au programme peut, à son choix, recevoir la prestation accordée en vertu du programme, et l'article 205, à son tour, précise que, pour l'application de 60, la ministre, ou le ministre, doit, dans l'année qui suit, etc. Nous comprenons, à l'Office, que l'article 60 permet le libre choix. Par contre, son libellé et celui de 205 laissent songeur. La personne a-t-elle un droit de retour ou n'a-t-elle qu'un choix? Il faudrait qu'il y ait plus qu'un choix possible pour tenir compte sur une longue période de l'évolution de la situation de la personne. Par ailleurs, il y aurait lieu qu'un règlement spécifie les mesures de transition, dont le droit au carnet de réclamation et la prise en main, dans un délai précis et court, du dossier de la personne par un conseiller de l'aide à l'emploi.

Lors de sa présentation sur le document de consultation, l'Office s'est interrogé sur le transfert à la Régie des rentes du Québec de ce qui est, dans le projet de loi, le Programme de protection sociale. Le projet de loi ne parle plus de transfert à la Régie. Par contre, l'article 63 précise que l'administration du programme peut être déléguée à un organisme. Alors, à l'Office, nous croyons que la démonstration des avantages et des inconvénients de cette délégation est toujours pertinente et nous pensons qu'elle devrait donner suite à un débat public.

M. le Président, je vais aller aux conclusions, puisque je veux laisser du temps à nos collègues de l'AQIS. Je dis deux mots de la définition. Dans le projet de loi, on fait référence à trois définitions différentes; nous pensons qu'il devrait y avoir une seule définition et que c'est la définition qui est comprise dans la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées qui devrait être retenue.

Je voudrais, en terminant, dire quelques mots de la formation du personnel. On ne saurait trop insister sur la formation de tout le personnel qui va oeuvrer dans les centres locaux. Je voudrais dire un mot aussi sur la reconnaissance des acquis, actuellement, surtout quand il s'agit de personnes avec déficience intellectuelle. Il n'y a pas de reconnaissance formelle des acquis. Alors, nous pensons, en définitive, que la cohésion visée par le projet demande beaucoup de concertation entre les ressources du réseau de l'emploi, tant les ressources gouvernementales que communautaires, mais aussi entre le réseau de l'emploi et ceux de l'éducation et de santé et services sociaux. Ainsi, cette concertation demandera des ajustements et du temps pour que la démarche soit un succès et que des résultats concrets soient observés.

Il est permis de se questionner sur le réalisme de mettre en place à court terme tous les éléments avancés. Il est donc essentiel que les attentes envers les prestataires et les obligations que la loi entend leur imposer suivent la mise en place des divers éléments de la réforme et non qu'elles les précèdent.

Pour les personnes handicapées, ce projet de loi est important: il propose des mesures pouvant favoriser leur intégration sur le marché du travail. Ces mesures devront conserver et amplifier l'expertise développée par les services spécialisés de main-d'oeuvre et de l'Office, les SEMO et l'Office. L'Office croit que les précisions et les recommandations qu'il propose sont essentielles pour assurer la participation à part entière des personnes handicapées prestataires du soutien du revenu. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. Perreault.

M. Perreault (François): Merci. Tout d'abord, j'aimerais remercier M. le président de l'Office des personnes handicapées pour l'opportunité qu'il nous donne de nous adresser à vous, cet après-midi. Alors, M. le Président, Mmes et MM. les députés, brièvement vous dire que l'Association du Québec pour l'intégration sociale est un organisme de promotion qui regroupe une cinquantaine d'associations locales dans tout le Québec et des associations qui oeuvrent à la promotion et à la défense des droits des personnes qui ont une déficience intellectuelle et de leurs familles.

Depuis 10 ans, l'intégration dans la communauté est la politique du gouvernement pour les personnes ayant une déficience intellectuelle. En effet, par le document L'intégration des personnes présentant une déficience intellectuelle: un impératif humain et social , la ministre de la Santé et des Services sociaux de l'époque, Mme Thérèse Lavoie-Roux, confirmait que l'intégration des personnes ayant une déficience intellectuelle était une priorité pour l'État québécois pour que celles-ci puissent bénéficier d'une qualité de vie satisfaisante et épanouissante et accéder aux même droits et aux mêmes privilèges que l'ensemble des citoyens, c'est-à-dire accéder à l'appartenance et à la participation.

C'est ainsi que ces dernières années ont vu l'arrivée, avec toutes les transformations qui ont été vécues dans la foulée de cette politique-là et aussi d' À part...égale , évidemment, qui est venu tracer la ligne avant, d'une nouvelle et importante cohorte de travailleurs potentiels, avec certes des limitations fonctionnelles mais aussi des aptitudes et des capacités indéniables. Or, malgré les efforts déployés par les différents acteurs impliqués auprès de ces personnes et de leurs familles – que l'on ne songe qu'aux centres de réadaptation en déficience intellectuelle, aux services externes de main-d'oeuvre, aux associations de personnes handicapées et, non le moindre, à l'Office des personnes handicapées par ses programmes Contrat d'intégration au travail, Centre de travail adapté – la situation de l'emploi pour les personnes ayant une déficience intellectuelle est des moins enviables.

(15 h 10)

L'intégration en emploi dans un milieu régulier demeure toujours l'exception. On estime qu'elle rejoint moins de 10 % des personnes ayant une déficience intellectuelle de 15 à 64 ans, ce qui représente environ 154 000 personnes au Québec. Certes, le stage en entreprise est assez répandu et tend à le devenir de plus en plus, mais il ne mène que rarement, pour ne pas dire pratiquement jamais, à un emploi régulier et rémunéré. Aussi, un certain nombre de personnes handicapées peuvent bénéficier du soutien de l'Office des personnes handicapées par ses contrats CIT et CTA. Mais, en fin de compte, ces programmes ne sont que des mesures palliatives, faute d'une véritable intégration permanente en emploi dans un milieu régulier de la personne handicapée.

Ainsi, pour les personnes ayant une déficience intellectuelle, le programme de la sécurité du revenu représente le plus souvent la seule alternative. C'est dans ce contexte particulier aux personnes handicapées que s'inscrit la réforme actuelle de la sécurité du revenu. Or, si le fruit de cette réforme, à savoir le projet de loi n° 186, représente un bel effort en vue de favoriser l'intégration des personnes handicapées à la main-d'oeuvre québécoise, force est de constater, à la lumière des commentaires et des recommandations contenus dans le mémoire de l'AQIS, que ce projet de loi est insuffisant en lui-même et qu'il nécessite des aménagements quelquefois en profondeur pour que l'intégration professionnelle des personnes handicapées, notamment la personne ayant une déficience intellectuelle, ne soit plus un voeu pieux mais un réalité profitable à l'ensemble de la société québécoise.

Et là-dessus je pourrais dire qu'on adhère totalement à la position de l'Office des personnes handicapées, notamment en ce qui a trait à la mobilité des personnes entre le Programme de protection sociale et celui d'aide à l'emploi. Pour nous, c'est une condition fondamentale à l'atteinte d'objectifs à long terme, pour les personnes handicapées, qui tiennent compte des contraintes sévères qu'elles ont face à l'emploi.

Globalement, nos inquiétudes tournent autour de la question de l'adaptation des programmes et de leurs mesures à la réalité des personnes ayant une déficience intellectuelle. Pour nous, les programmes doivent prévoir des mesures et aménagements pour que ces personnes puissent en toute équité, face aux autres clientèles de la sécurité du revenu, profiter des services d'aide à l'insertion en emploi, ce qui inclut aussi les centres locaux d'emploi qui sont au coeur de la gestion des services. Mais, pour ce faire, le personnel de ces centres doit pouvoir consacrer le plus possible ses énergies à la personne cliente et non pas en technicalités administratives ou bureaucratiques, mais en véritables services à cette personne, d'où la nécessaire révision de l'ensemble du corpus réglementaire associé à la loi qui, par une simplification de ces dispositions, permettrait à l'agent et au client de s'y retrouver plus facilement, pouvant ainsi libérer l'agent de tâches peu productives afin de trouver de véritables solutions pour et avec son client.

Nous ne pouvons conclure sans souligner une recommandation qui nous tient particulièrement à coeur, soit celle touchant les parents d'une personne, adulte ou enfant, ayant une déficience intellectuelle et en ce qui a trait à la déclaration de certains de ces parents-là comme ayant eux-mêmes des contraintes sévères à l'emploi. Le parent n'a pas la déficience. Par contre, le parent a à assumer la déficience de son enfant, ce qui peut être, dans certains cas – on en a entendu parler d'ailleurs dans les médias au cours des dernières années – une contrainte non seulement sévère à l'emploi, mais aussi mettre carrément en péril la situation de ces personnes-là. Donc, on demande que l'adulte qui s'occupe d'une personne dont l'autonomie est réduite et qui garde un enfant à sa charge ayant une déficience physique ou intellectuelle ne pouvant fréquenter l'école à cause de son jeune âge ou de sa déficience puisse bénéficier d'une allocation de contraintes sévères et indéfinies à l'emploi de 209 $ par mois, avec une réévaluation biannuelle de la situation de l'adulte. Ça, c'est dans notre mémoire.

Alors, en conclusion, donc, cette recommandation est capitale pour l'avenir des familles des personnes ayant une déficience intellectuelle, qui doivent accorder à ces personnes plus d'attention et de soins, menant souvent à la cessation d'emploi pour l'un des deux parents ou pour le parent chef de famille monoparentale qui a à assumer la charge d'une personne handicapée. On vous laisse imaginer les situations pour les familles justement monoparentales ou vieillissantes.

Et, en conclusion, j'aimerais vous lire un petit mot qui a été écrit par Ronald. Ronald, c'est une personne qui nous a écrit ça, c'est un membre d'une association membre de l'AQIS, et il a écrit ça en 1998; ça fait 10 ans. C'est un petit texte qui lui avait été demandé par l'Association par rapport à sa perception qu'il avait du travail et ça s'intitule Je rêve d'un vrai travail . C'est très court: «Ça fait 18 ans que je suis en formation préindustrielle. J'apprends à travailler et j'aime ça. Je ne suis pas intéressé à rester toute ma vie là. Ce n'est pas payant de gagner 21,80 $ par semaine. J'ai hâte d'aller sur le marché du travail pour pouvoir aller travailler comme tout le monde, gagner un vrai salaire, faire un vrai travail. Jusqu'à date, j'ai vécu trois stages de travail. Dans trois ans, j'aurai 40 ans. J'ai vraiment hâte de me placer. Je rêve d'avoir une voiture, j'ai mon permis de conduire depuis deux ans.»

J'ai rencontré Ronald, la semaine dernière. Ce texte-là, il l'a écrit il y a 10 ans. Aujourd'hui, Ronald, il est toujours en plateau de travail à temps partiel. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'inviterais maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Bienvenue. Bienvenue, M. Lazure et les personnes qui vous accompagnent, de l'Office, ainsi que MM. Bertrand et Ruel, en fait, de l'Office également, et MM. Fournier et Perreault, conseillers à l'intégration sociale. Alors, vous nous parlez des plateaux de travail. Les plateaux de travail relèvent cependant du ministère de la Santé et des Services sociaux. Dans les recommandations que vous faites, j'ai compris que vous proposiez de transférer ces plateaux de travail au ministère de l'Emploi de façon à ce que les personnes qui y oeuvrent se voient attribuer un statut de travailleur au sens de la Loi des normes du travail et donc un salaire équivalent, le salaire horaire. C'est bien ça? Bon, ça, c'est la première question.

J'y vais en vrac, là. Je vous remercie de vos mémoires. On n'aura peut-être pas le temps d'échanger sur tout ce que vous recommandez, mais on en tiendra compte au moment de l'étude article par article. Vous représentez des personnes qui, comme vous l'avez mentionné, se retrouvent très majoritairement à la sécurité du revenu. Ce sont, jusqu'à maintenant, des personnes qui se faisaient affubler du qualificatif d'inaptes. Vous avez compris que, dans le projet de loi n° 186, ce qui est le plus important comme changement, c'est qu'il n'y a plus ce qualificatif d'inapte. La personne n'a plus à prouver qu'elle est inapte, mais simplement qu'elle a une contrainte permanente à l'emploi.

Et tout de suite je veux vous rassurer, à l'article 60 du projet de loi, on y dit déjà que «l'adulte admissible au programme peut, à son choix – donc, c'est un choix qui est prescrit par le projet de loi, à l'article 60 – recevoir la prestation accordée en vertu du Programme d'assistance-emploi ou du Programme de protection sociale». Et il est ajouté que cette famille «reçoit la prestation accordée en vertu du Programme de protection sociale si l'un de ses membres adultes a exercé ce choix».

Admettons qu'il y a deux conjoints; l'un demande et obtient d'être connu au titre de l'invalidité et obtient l'allocation d'invalidité ou, à son choix, obtient l'allocation pour contraintes permanentes à l'emploi et donc relève de l'assistance-emploi. À partir de ce moment, comme vous le savez, l'autre conjoint peut aussi être considéré comme un membre adulte dans ce Programme de protection sociale et ne perd pas le droit de participer lui-même dans un parcours et donc d'ajouter les allocations de participation. Je pense que c'est là quelque chose d'extrêmement important. Cette étiquette d'inaptitude était très lourdement vécue par les personnes à qui elle était attribuée.

D'autre part, vous savez aussi – ou je vous l'apprends – que j'ai l'intention d'introduire un amendement, lors de l'étude article par article la semaine prochaine, qui va certainement venir corriger cette interprétation qui pouvait être développée à l'effet que les prestations de base étaient différentes. L'amendement se lirait comme suit: «Les critères d'admissibilité à une allocation d'invalidité sont les mêmes que les critères d'admissibilité à l'allocation pour contraintes permanentes ou d'une durée indéfinie.» Alors, je vois que cela viendra certainement confirmer dans la loi que les allocations sont similaires à la fois pour l'allocation d'invalidité, à la fois pour contraintes sévères.

(15 h 20)

Revenons-en à la définition. Dans le mémoire de l'OPHQ, vous nous dites que les définitions qui étaient contenues aux articles, je crois, 24 et 59 – en fait, de mémoire, là – seraient des définitions qui ne seraient pas les mêmes, mais on va regarder ça de près, de toute façon, parce qu'on est à travailler, vous savez, dans un comité conjoint, présentement, sur l'ensemble de ces définitions et qu'il n'est pas de notre intention d'introduire des définitions différentes, étant donné que les barèmes vont être les mêmes. Alors, vous voyez, les barèmes étant exactement les mêmes, ça nous convient que la définition le soit, bien évidemment. Mais la définition à la Sécurité du revenu, c'est une définition qui est assez large; on m'indique que c'est une définition qui prend en considération pas simplement l'aspect physique, mais aussi socioprofessionnel, les contraintes socioprofessionnelles.

Il y a 110 000 ménages présentement qui reçoivent le soutien financier. Ces 110 000 ménages, comme vous le savez, sont constitués de personnes qui peuvent présenter à la fois un handicap physique, une déficience intellectuelle, un problème de santé mentale ou d'autres contraintes liées à leur statut socioprofessionnel. Ces personnes ont pu bénéficier d'une façon ininterrompue d'une indexation au coût de la vie de leurs prestations; elles ont aussi une allocation qui s'ajoute aux barèmes de base. Alors, je comprends que c'est un chèque mensuel qui totalise 610 $, je pense. C'est bien le cas?

Une voix: ....

Mme Harel: 689 $. Excusez-moi. 689 $ par mois. En fait, c'est presque l'équivalent du salaire minimum. La personne qui est en perte d'autonomie peut cohabiter sans qu'il n'y ait aucune coupure pour le partage du logement, mais la personne qui a des contraintes sévères à l'emploi pourra continuer, comme vous le savez, de cohabiter sans qu'il y ait non plus de coupure pour le partage du logement. Et je comprends qu'une personne qui rend service... Même que la définition va être plus élargie, parce que, jusqu'à maintenant, c'était un parent, alors que, dorénavant, la définition, je pense, par un amendement va être élargie pour que la personne qui rend service à une personne en perte d'autonomie puisse bénéficier de l'allocation pour contraintes temporaires à l'emploi, donc un ajout sur sa prestation régulière. Je souhaiterais qu'on puisse peut-être me remettre l'amendement qu'on a préparé à ce sujet.

M. Lazure (Denis): O.K. M. le Président, est-ce que la ministre me permettrait une question qui est en rapport avec ce qu'elle vient de dire? On a soumis à mon attention récemment le cas d'une personne épileptique qui voulait partager son logement avec une personne non épileptique mais non apparentée. Est-ce qu'une telle situation pourrait être couverte par l'amendement dont vous parlez?

Mme Harel: Alors, jusqu'à maintenant, il fallait être apparenté, comme vous le mentionnez, pour qu'il y ait une allocation qui s'ajoute au montant de base et qui finalement vienne encourager et reconnaître aussi le travail, je dirais, ou le service qui est rendu, et là l'amendement va élargir cette notion de manière à ce que ça puisse être aussi une personne qui soit un ami proche, qui soit peut-être un voisin proche, mais enfin quelqu'un qui va rendre ce service, qui sera reconnu, par ailleurs. Ce qu'on prévoit, c'est que ça pourra l'être par le CLSC ou par un organisme qui confirmera qu'il y a service rendu.

Une voix: Ça va?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui. Allez-y, monsieur.

M. Lazure (Denis): Si vous me permettez peut-être une brève réaction aux commentaires de Mme la ministre concernant les endroits de stage, vous avez raison de dire que ça relève de son collègue le ministre de la Santé et des Services sociaux par le biais des centres de réadaptation. Mais vous-même, Mme la ministre, et le ministre Rochon avez demandé à l'Office, il y a plus d'un an, de conduire une étude qui ferait l'état de la situation de ces 10 000 personnes, la plupart étant des déficients intellectuels qui sont dans des endroits de stage souvent depuis cinq ans, 10 ans, 15 ans, qui reçoivent l'aide sociale et qui reçoivent un maximum de 21 $ par semaine, montant qui n'a pas été augmenté depuis 15 ans.

Alors, le rapport Pelletier, c'est le fruit de cette étude, c'est l'état de la situation, et une des conclusions importantes du rapport Pelletier, c'est de faire en sorte, puisque, parmi ces 10 000 personnes qui sont dans des stages de travail à durée indéfinie, il y en a au moins la moitié qui pourraient intégrer soit le marché régulier du travail par des contrats d'intégration au travail que l'Office administre ou encore être intégrées à des centres de travail adaptés...

Mme Harel: Mais vous êtes conscient que le rapport Pelletier avait été demandé par le ministre de la Santé et des Services sociaux – il lui a été remis – et que les contrats d'intégration au travail ne relèvent pas de ma responsabilité, comme non plus les programmes que l'Office des personnes handicapées administre, c'est-à-dire les programmes de centre de travail adapté, les programmes de contrat d'intégration au travail. Là, dans votre mémoire, est-ce que je comprends que vous recommandez le transfert et les modifications qui y sont mentionnées?

M. Lazure (Denis): Ce n'est pas aussi simple que ça, Mme la ministre. C'est parce qu'il y a toute une structure qui a été mise en place par votre autre loi et que, dans les amendements que vous apportez ici, vous y faites référence beaucoup, à cette structure nouvelle, que ce soient les centres locaux d'emploi ou les conseils régionaux de partenaires.

Ce que nous disons essentiellement dans notre présentation – et il y a 39 recommandations, entre parenthèses, dont vous avez copie, les membres de la commission – nous disons, entre autres, que le réseau nouveau devrait s'assurer que les conseils régionaux de partenaires, par exemple, fassent en sorte qu'il y ait un recensement des personnes handicapées aptes ou inaptes, peu importe, qui veulent travailler, qui peuvent travailler, et nous disons que, dans ce rapport Pelletier, vous avez des pistes intéressantes. Ce nombre de 10 000 personnes qui ont développé une employabilité est disponible, dans bien des cas, pour intégrer le marché du travail.

Mme Harel: Croyez-vous qu'elles reçoivent de la sécurité du revenu?

M. Lazure (Denis): Pardon?

Mme Harel: Croyez-vous que ces personnes qui sont...

M. Lazure (Denis): Elles sont toutes, ces personnes, à la sécurité du revenu, toutes, ces 10 000 personnes.

Mme Harel: Donc, vous avez une recommandation à l'effet de convertir les prestations en subventions salariales.

M. Lazure (Denis): Exactement.

Mme Harel: Et c'est votre recommandation 10.

M. Lazure (Denis): C'est ça.

Mme Harel: Alors, vous nous dites: Pas seulement pour les personnes qui ont des contraintes permanentes. C'est-à-dire que le programme avait été, durant les deux dernières années, grâce à vos représentations, amélioré, dans le sens où les personnes surtout qui avaient un handicap et qui se retrouvaient sur les soutiens financiers ont pu bénéficier de cette conversion en subventions salariales et ont pu aussi garder leur carnet de réclamation pendant quatre ans. Donc, elles travaillent, mais en même temps elles ont un carnet de réclamation pour les services de santé. Elles sont admises aussi à divers autres besoins spéciaux qui peuvent se présenter. Alors, ce que vous dites, c'est qu'il faudrait, d'une manière généralisée, l'offrir à toutes les personnes qui ont des contraintes permanentes à l'emploi, qu'elles soient invalides ou qu'elles aient un handicap – c'est bien ça? – ...

M. Lazure (Denis): Tout à fait.

Mme Harel: ...y compris à celles qui sont sur les plateaux de travail, et qui reçoivent de l'aide sociale, et qui pourraient, de cette façon-là, avoir un statut. Ce statut, vous le jugez important?

M. Lazure (Denis): De travailleur, de travailleuse, oui.

Mme Harel: Je comprends que ça ne donne pas nécessairement beaucoup plus d'argent, mais ça donne un statut qui vous semble un acquis à obtenir. C'est ça?

M. Lazure (Denis): Oui. D'ailleurs, c'était le sens de la lettre qui a été citée par M. Perreault. Vous pouvez ajouter là-dessus, si vous voulez.

(15 h 30)

M. Perreault (François): Oui, bien, c'est ça. Effectivement, je pense que c'est très clair que de quitter la sécurité du revenu pour aller travailler au salaire minimum, comme vous le disiez tout à l'heure, ça ne fait pas nécessairement une grosse différence pour les personnes, mais de donner cette opportunité-là, de créer des emplois à partir des argents que les personnes reçoivent au niveau de la sécurité du revenu leur permet justement d'acquérir ce statut-là de travailleur qui est très important, à nos yeux, étant donné que juste le petit commentaire que je vous lisais tantôt de Ronald est très explicite en lui-même là-dessus. C'est tout là que se retrouvent la normalisation de la personne et la valorisation qu'elle va retirer de ce fait-là d'être un travailleur et non pas un bénéficiaire de services ou un bénéficiaire d'aide financière.

M. Lazure (Denis): Et, M. le Président, le lien que nous faisons, même si ces 10 000 personnes du rapport Pelletier relèvent du ministre Rochon, c'est que nous disons: Avec les deux programmes spéciaux que vous, Mme la ministre, avez piloté avec nous et d'autre partenaires, nous avons embauché plus de 500 personnes en l'espace d'un an. Nous disons: Il y en a 5 000, il y en a 10 fois plus qui sont disponibles dans des stages, dans des plateaux de travail, qui pourraient bénéficier d'une telle mesure.

Mme Harel: Vous savez, en fait, c'est récent qu'on puisse procéder de la façon dont vous nous le recommandez; c'est depuis l'abolition du Régime d'assistance publique du Canada, en 1996, qui exigeait, pour aller chercher un financement à 50 %, depuis 1968... Ça a duré 28 ans. Ça s'est interrompu en 1996 seulement et ça exigeait que les gens aidés gardent un statut d'assisté.

Si la personne allait sur le marché du travail comme apprenti, stagiaire, étudiant ou, en fait, travailleur, à ce moment-là, tout devait être payé à 100 %. Alors, avec l'abolition du RAPC, ça a été évidemment malheureusement remplacé par le Transfert social canadien avec moins d'argent, presque 1 000 000 000 $ de moins dans les transferts du fédéral au Québec en matière d'aide sociale depuis deux ans, mais on a la capacité de bouger, donc de convertir en supplémentation de travail ou en subventions salariales des prestations. Et je crois que la voie que vous nous indiquez est certainement la bonne et qu'il faut s'engager résolument là-dedans.

Il y a un comité qui a été mis en place, là. C'est tout récent, je ne sais pas si les premières rencontres ont eu lieu entre le ministère de la Santé, l'OPHQ et le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sur toute cette question de l'évaluation du fonctionnement de l'intégration au travail. Alors, je comprends que c'est peut-être lors de cette première rencontre qu'on pourrait tout de suite, en priorité, aborder cette question de conversion.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. À mon tour de souhaiter la bienvenue au président-directeur général de l'OPHQ, à ses deux conseillers, M. Fournier et M. Perreault, de l'AQIS. Faut que je sois toujours prudent parce que, de temps en temps, mon sens de l'ironie me fait dire des choses que je regrette dans d'autres venues. Mais je me réjouis simplement de voir à quel point la ministre de l'Emploi et de la Solidarité est consciente de la flexibilité qui a été donnée, avec l'abolition du Régime d'assistance publique du Canada. C'est une bonne chose, ça nous a permis effectivement de changer, d'être plus flexibles, et c'est toujours réjouissant pour moi de reconnaître cette grande flexibilité, semble-t-il, dans nos programmes sociaux au Canada, surtout quand ça vient de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité actuelle.

Mme Harel: Surtout quand c'est après 28 ans de carcan.

M. Copeman: Oui, oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: Un peu de patience, n'est-ce pas, M. le président-directeur général? Vous nous prêchez de la patience à l'égard des droits et privilèges des personnes handicapées au Québec depuis longtemps, alors un peu de patience, c'est une bonne chose.

M. Lazure (Denis): Moi, je prêche de la patience? Non, je prêche de l'action, plutôt.

M. Copeman: Oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure (Denis): Je n'ai jamais prêché la patience.

M. Copeman: Non, je me corrige. C'est exactement vrai.

M. le Président, un commentaire de la ministre me laisse un peu perplexe aussi quand elle a parlé de cette étiquette d'inaptitude dans l'ancienne loi. Moi, je ne trouve d'étiquette d'inaptitude dans la loi nulle part, la loi 37. Aucune référence à l'inaptitude, à moins que je me trompe – le P.D.G. de l'OPHQ va me corriger – dans la loi 37, mais aucune. Alors, il n'y avait aucune étiquette, j'imagine. Il y avait le soutien financier.

Mme Harel: Apte.

M. Copeman: Non, inapte, là, je vous mets au défi, Mme la ministre, trouvez-moi le mot «inapte» dans la loi 37. Faites donc une recherche sur l'Internet avec la loi 37, «input "inapte"», on verra, à moins que je me trompe.

M. le Président, quand on vient me dire que le projet de loi n° 186 change ça, quand on sait qu'on crée, à l'article 23, une allocation pour contraintes permanentes ou d'une durée indéfinie à l'emploi, qu'à l'article 59 on crée une allocation d'invalidité qui est l'équivalent à peu près du programme Soutien financier qui existe dans la loi actuelle, dont les tests sont à peu près les mêmes... L'exigence d'un rapport médical existe toujours à l'article 23 et à l'article 59.

Avec respect, ce n'est pas la trouvaille de la décennie, le Programme de protection sociale. C'est vrai qu'on change de nom, mais on maintient à peu près les mêmes critères. Ce qui est nouveau, tel que je le comprends, c'est qu'effectivement on a maintenant un programme d'assistance-emploi puis un programme de protection sociale et que, au choix de la personne, quelqu'un qui a une contrainte permanente ou d'une durée indéfinie à l'emploi peut choisir de recevoir une allocation d'invalidité. Et il y a l'autre catégorie, évidemment, des gens qu'on appelle présentement «non disponibles en raison de l'âge», 55 ans et plus, qui est transformée en allocation pour aînés. Ce n'est pas, quant à moi – peut-être que je me trompe – des changements majeurs dans notre façon de procéder.

Je ne veux pas être plus catholique que le pape, surtout venant de moi, mais je demande simplement au P.D.G. de l'Office, M. Lazure, aux représentants de l'AQIS: Est-ce que la création d'une catégorie, d'un programme APPORT pour les personnes handicapées, des personnes avec une allocation d'invalidité, ça s'inscrit, ça, dans la continuité de nos démarches au Québec concernant l'intégration des personnes handicapées? Comme je vous ai dit, ce n'est pas à moi de juger, mais il me semble que la création d'un programme spécial qui s'appelle «protection sociale» ne s'inscrit pas nécessairement dans la continuité de nos politiques au Québec qui visent l'intégration des personnes handicapées à tous les points de vue. Est-ce que je me trompe?

(15 h 40)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Fournier ou M. Perreault? Me semble que je vous ai vu lever la main, là.

M. Copeman: Quelqu'un de l'AQIS, le P.D.G. de l'Office.

M. Fournier (Dominic): Bien, en fait, selon l'AQIS, il devrait y avoir seulement un programme qui pourrait permettre d'avoir l'accès au parcours. Faire un programme de protection sociale, c'est un peu condamner les personnes à l'exclusion, à ne pas participer à la vie économique de cette société-là. Nous, à l'AQIS, on verrait très bien un programme intégré de protection sociale et d'assistance à l'emploi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Lazure, vous vouliez compléter?

M. Lazure (Denis): Oui. L'Office serait tout à fait à l'aise avec un seul groupe, mais le fait qu'il y ait des articles dans ce projet de loi qui définissent de quelle manière va être financièrement compensée une personne handicapée qui se juge elle-même – parce que ce sera un geste volontaire, libre et volontaire – invalide ou ayant des limitations sévères et permanentes – prenez le terme que vous voulez, là – ça ne nous cause pas de problème majeur, à l'Office, de la même façon que, par la loi, il y a 20 ans – c'est le vingtième anniversaire de la loi et de l'Office, cette année – nous avons créé un office. On a dit, à l'époque: Est-ce que ce n'est pas marginaliser les personnes handicapées que de créer un office? Oui, ça l'était jusqu'à un certain point, mais c'était nécessaire pour mettre l'accent sur des opérations de rattrapage qu'il y avait à faire en faveur des personnes handicapées. Il fallait aussi qu'on s'entende sur une définition, à un moment donné.

M. Copeman: Oui, oui.

M. Lazure (Denis): Bon. Alors, l'important, c'est que ça soit volontaire, d'une part, que les besoins de cette personne-là soient reconnus, et, troisièmement, qu'il y ait un aller et retour possible, et que les programmes s'appliquent à cette personne-là aussi, et je pense que nous avons dans le projet de loi cette souplesse-là.

M. Copeman: Mais, Dr Lazure, quel est l'avantage d'un programme de protection sociale, dans ce cas-là? Dans l'ancien programme Soutien financier, la personne était éligible à des mesures d'intégration en emploi, mais la... Bien oui, elle était éligible.

Mme Harel: 2 %.

M. Copeman: Écoute, il y a une différence entre éligibilité et en pratique. Selon la loi, la personne était éligible. Alors, quel est l'avantage du Programme de protection sociale, selon vous, M. le président?

M. Lazure (Denis): M. le Président, M. le député dit: La loi, c'est une chose; la pratique, c'est autre chose. On sait très bien que, dans la pratique, ces personnes-là n'avaient pas accès au marché du travail, pour plusieurs raisons, et il est utile que dans une loi il y ait des choses qui soient dites clairement, même si elles vont de soi, à cause de la valeur pédagogique que tout projet de loi peut prendre.

M. Copeman: Oui, ça, c'est très bien pour la défense de la notion d'assistance-emploi, je suis tout à fait d'accord que les personnes handicapées devraient avoir accès à des mesures, que ça soit clair, etc. Mme la ministre me dit: Oui, mais 2 % étaient éligibles. Change donc ça! Mais, moi, je vous le demande: Quel est l'avantage du Programme de protection sociale qui ne vise aucunement l'intégration des personnes handicapées au marché du travail? Quel est l'avantage? Pourquoi est-ce qu'on fait ça?

M. Lazure (Denis): Écoutez, moi, je pense que, dans la réalité, il y a un certain nombre de personnes handicapées et de parents de personne handicapée, notamment, qui désirent une telle mesure, qui, à tort ou à raison, ont la conviction que leur enfant qui est devenu un adulte, disons... Puis, au fur et à mesure que l'enfant devient plus âgé, que les parents deviennent plus âgés, les parents s'inquiètent et disent: Est-ce que mon enfant qui est rendu à 40 ans, quand nous serons partis, aura une protection sociale, socioéconomique? Puis, pour eux, pour ces parents, ça peut être avantageux qu'il y ait une description bien claire de ce qu'est le régime de protection sociale pour ces personnes-là. Est-ce que c'est 15 % des personnes handicapées ou 20 %? Peu importe, ça répond à un certain besoin. Je vous répète que l'Office pourrait très bien vivre avec une seule catégorie, mais que l'Office peut très bien s'accommoder aussi des deux catégories.

M. Copeman: Est-ce que, M. le Président, les représentants de l'AQIS partagent cette vision, ce point de vue de l'OPHQ concernant la protection sociale?

M. Fournier (Dominic): Bien, en fait, si la possibilité de passer d'un programme à l'autre est maintenue et même encouragée, si l'information est donnée clairement, on peut toujours vivre avec deux programmes. C'est sûr que l'idéal, ce serait un programme où l'ensemble des personnes auraient accès à toutes les mesures d'employabilité et surtout au parcours, mais on peut quand même vivre avec deux programmes si le passage de l'un à l'autre est assuré et s'il n'y a pas de transfert des dossiers de protection sociale à un autre organisme que le ministère de l'Emploi et de la Solidarité.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

M. Copeman: Ce n'est pas le plus grand endossement enthousiaste que j'aie jamais entendu, là, «vivre avec»...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: Non, mais je veux bien, on peut vivre avec bien des choses. En tout cas, j'ai des craintes, M. le Président. J'ai parlé avec quelqu'un de l'AQIS qui était prestataire de la sécurité du revenu bien avant que la réforme soit amenée devant la commission parlementaire, et cette personne m'a raconté que son agent dans le champ déjà voulait lui faire signer un papier comme quoi il s'en allait à la Régie des rentes du Québec. Là, on me rapporte que cette formule existe déjà, que cette pratique est déjà là. J'aimerais bien que peut-être les gens de l'AQIS valident ce que je dis, et la question se pose.

On a longuement, ici, à l'Assemblée nationale, débattu la notion de décision éclairée d'une personne; on l'a fait avec les pensions alimentaires, entre autres. Faut s'assurer, avec notre système de pensions alimentaires, que la madame et le monsieur arrivent à une entente basée sur une décision éclairée et... C'est quoi, l'autre mot? Il y avait deux mots. En tout cas. Mme Lemieux-Brassard le sait, en arrière, là, mais elle...

Une voix: Et elle a hâte de le dire.

M. Copeman: Elle a hâte de le dire. Je vais lui reposer la même question, tantôt. Mais ce que je soulève, c'est que c'est une dynamique qui est, quant à moi, un peu difficile. Est-ce que toutes les personnes handicapées ont le même rapport de force? On a vu ce que ça donne quand un agent recommande fortement à des prestataires. Est-ce que je soulève un faux débat? Si je veux bien...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il y a M. Perreault qui voulait vous répondre, M. le député, et M. Lazure.

M. Perreault (François): Pour moi, vous mettez le doigt sur un enjeu majeur, de la façon dont les choses sont actuellement présentées dans la loi, et c'est ce qu'on a dénoncé aussi au départ, dans le sens qu'on a toujours, à l'AQIS, été contre un programme qui serait à la Régie des rentes, étant donné que c'était exclure totalement les personnes. Et on est en train d'offrir cette possibilité-là, mais, bon, à l'intérieur de la loi.

Comme vous le soulignez bien, on n'est pas du tout à l'abri des influences ou des pressions qui pourraient être faites sur des personnes qui sont vulnérables, qui, dans certains cas peut-être, effectivement, ne peuvent pas donner un consentement éclairé, mais même aussi sur des personnes qui peuvent donner un consentement éclairé, comme n'importe quel citoyen peut être influencé à un moment donné et orienté vers un programme qui, lui, n'est pas intégré, dans le fond, avec la possibilité de... et c'est ce qui est notre crainte. On disait, tantôt: Oui, on pourrait vivre avec un système où il y aurait possibilité d'aller et de venir d'un programme à l'autre si la garantie était donnée. C'est sûr que l'idéal serait un système intégré; là, on n'aurait même pas à donner de garantie, la structure serait là, favoriserait ça. Mais, actuellement, de la façon dont les choses sont faites, sont présentées et comme il n'y a pas de garantie, on pourrait vivre avec si... Mais le si, je peux vous dire qu'il y a un enjeu majeur là et que, actuellement, on ne les a pas, les garanties qui nous permettent de croire que ce que vous venez de décrire n'arrivera pas – et même effectivement c'est déjà arrivé – et ne continuera pas à arriver.

M. Copeman: C'est déjà arrivé, selon vous?

M. Perreault (François): Bien, il y a des personnes, effectivement – nous, on a eu des appels, à certaines associations locales – qui ont reçu des documents leur demandant si elles étaient prêtes à s'inscrire dans un régime qui était la Régie des rentes, si vous voulez.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Lazure, commentaire additionnel?

M. Lazure (Denis): Oui. J'engage le député de Notre-Dame-de-Grâce et tous ses collègues, et toutes, à retourner aux pages 23 et 24 de notre mémoire où nous parlons de cette délégation. Nous disons à la ministre – c'est la recommandation n° 27: «Que la ministre de l'Emploi, avant de déléguer l'administration du Programme de protection sociale, fasse la démonstration des avantages et des inconvénients d'une telle délégation et qu'un débat public soit tenu sur la pertinence d'une telle délégation.» Nous répétons ce que nous avons dit il y a un an et nous parlons le même langage avec le milieu associatif, dans la mesure où nous disons: Si vous êtes pour avoir deux programmes, au moins qu'il y ait la garantie d'un va-et-vient possible et que les personnes, si leur condition change ou si leur volonté change, puissent revenir à un statut plutôt qu'à un autre et surtout avoir accès à tous les programmes.

M. Copeman: En terminant, M. le Président, on me fait revenir au point avancé par la ministre de l'Emploi et de la Solidarité que c'est dans l'application d'une loi qu'on trouve vraiment le test de qu'est-ce qui est vivable et non pas vivable.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. le député. Il reste, Mme la ministre, deux minutes à votre groupe parlementaire.

(15 h 50)

Mme Harel: M. le Président, quand je suis arrivée dans le dossier il y a deux ans et demi, il y avait d'autant plus de possibilités d'influence et de pression que c'était le même agent qui faisait en même temps l'aide financière et l'employabilité. Ça faisait déjà 10 ans que ça durait comme ça, et on a pu mettre fin non seulement à ça administrativement, mais vous savez que, avec la loi créant le ministère de l'Emploi, c'est deux modules distincts, Sécurité du revenu puis Emploi-Québec. On a aussi mis fin au cloisonnement des personnes à l'aide sociale qui avaient des mesures d'employabilité et non pas l'ensemble des programmes de main-d'oeuvre. Par exemple, une personne qui avait un handicap, sa seule possibilité pour avoir finalement une allocation majorée, c'était de se faire reconnaître soutien financier.

Je vais vous lire l'article 1, paragraphe 3° de la loi 37 actuelle qui dit: «favoriser l'intégration ou la réintégration au marché du travail des personnes aptes au travail.» C'est donc dire que celles qui n'étaient pas dans la catégorie apte au travail, on ne leur refusait pas, mais il n'y avait aucun plan d'action, aucune stratégie qui favorisait leur intégration ou leur réintégration. Elles n'appartenaient pas à la bonne catégorie dite apte.

Et, si le député de Notre-Dame-de-Grâce pense que le mot «inapte» n'était pas directement, intimement associé à la loi 37, bien, je pense qu'il n'a pas vu l'application qui en a été faite, parce que l'application, c'était: favoriser l'intégration des aptes. Et les autres, appelons-les comme les gens les ont appelés. Ceux qui n'étaient pas aptes, comment les gens, pensez-vous, les ont appelés? Les pas aptes sont devenus les inaptes, et tout ça, ça...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): En conclusion, Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je crois qu'on a vraiment intérêt à aller de l'avant au niveau des groupes de travail qui se sont formés. La décision n'est définitivement pas prise, et il y aura beaucoup de consultations, si tant est que ça ait à rester au ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Je crois que l'allocation de l'invalidité puis l'allocation des aînés à 55 ans... Jamais il n'y a eu de formulaire, jamais il n'y a eu de directive. Non seulement il n'y en a pas eu, mais j'ai l'impression que la confusion vient, quand le député de Notre-Dame-de-Grâce en parle, du fait que son gouvernement avait introduit la rente d'invalidité à la Régie des rentes, donc la nécessité... C'est peut-être comme ça que ça s'est passé, puis, de bouche à oreille, quand ça lui a été rapporté, c'était finalement confondu avec ce qui n'est pas encore appliqué. Mais c'est évident qu'une personne qui demande l'aide de dernier recours, elle doit préalablement avoir été chercher sa rente d'invalidité si elle y a droit ou sa rente du Québec à 60 ans si elle y a droit.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, Mme la ministre. Je vous remercie, les représentants des deux groupes, et j'invite maintenant les représentants et représentantes de la Confédération des organismes provinciaux de personnes handicapées du Québec et l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées à se présenter.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous tenons à vous remercier d'avoir réussi à faire ça en deux groupes. M. Lavigne, je pense que c'est vous qui présentez les gens qui vous accompagnent. Je ne sais pas qui va commencer la présentation, là, mais allez-y.


Confédération des organismes provinciaux de personnes handicapées du Québec (COPHAN) et Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées (AQRIPH)

M. Lavigne (Richard): Merci, M. le Président. Mme la ministre et membres de la commission, l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées et la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec sont très heureuses de vous rencontrer aujourd'hui pour discuter avec vous d'un certain nombre de questions relativement au projet de loi n° 186.

Sans plus tarder, je vais vous présenter mes collègues. Alors, à partir de ma gauche, c'est Mme Marie Montplaisir, de la région Richelieu-Yamaska, de l'AQRIPH; Mme Lamirande du KRTB – demandez-moi pas de dire ce que ça veut dire, je ne m'en souviens pas – ...

Une voix: Kamouraska.

M. Lavigne (Richard): ...Kamouraska–Rivière-du-Loup–Témiscouata–Les Basques – ce n'est pas si pire – de l'AQRIPH aussi; à ma droite, M. Pierre-Yves Lévesque, de l'AQRIPH de la région de Montréal; ensuite – je ne vois pas bien – ...

Une voix: Chloé.

M. Lavigne (Richard): ...Mme Chloé Serradori, la directrice générale de la COPHAN; et, finalement, Mme Lemieux-Brassard, qui, pour les fins de notre discussion, n'a pas d'allégeance religieuse ni autre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lavigne (Richard): Alors, sans plus tarder, je vais justement céder la parole à Mme Brassard; ensuite, il y aura Mme Lamirande, Mme Montplaisir, Mme Serradori; et, en conclusion, M. Lévesque et moi, on va tenter de boucler la boucle avant d'aller aux questions. Merci.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Alors, l'analyse qu'on vous présente aujourd'hui n'a rien de nouveau, de par son orientation comme telle, et surtout moins par rapport à la dénonciation du refus continuel de respecter notre droit à une qualité de vie décente qu'on retrouve encore à nouveau. Elle fait suite à une démarche depuis au moins décembre 1994 soit par la Conférence permanente sur la sécurité du revenu, le sous-comité et tous les autres qui ont suivi.

Par contre, aujourd'hui nous présentons une position commune, et ce qui est nouveau, c'est que la position et l'analyse qui a été faite aujourd'hui sont basées sur l'utilisation de la Charte des droits et libertés de la personne, de la Charte canadienne des droits et libertés, puisqu'on parle d'action gouvernementale, et des nouvelles dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne qui décrètent maintenant l'obligation d'accommodement et élargissent les entités qui sont assujetties à la législation fédérale à toute entreprise qui a des contrats de services et de fournitures avec le fédéral.

On se base également sur le Code civil du Québec au niveau des droits fondamentaux, mais également l'article 285 au sujet de l'ordonnance de tutelle aux biens, le Code de procédure civile en ce qui concerne les choses qui ne peuvent être saisies, la loi et le règlement sur le programme d'aide aux études, l'article 51 de la Loi d'interprétation du Québec, les décisions de la Cour suprême dans les arrêts Andrews, Finlay, Rodriguez et Eldridge, la décision de la Cour d'appel du Québec dans l'affaire Commission des droits de la personne du Québec contre ville de Montréal, où le tribunal a également rendu décision dans l'affaire CDPQ contre Boisbriand, et, bien entendu, les 15 grandes orientations de la politique d'ensemble À part...égale qui ont été entérinées par le Conseil des ministres en mars 1985.

(16 heures)

Force nous est de constater que le projet de loi qui est devant nous aujourd'hui comporte plusieurs illégalités, iniquités, atteintes aux droits des personnes et discrimination qui ne passeraient sûrement pas le test de la raisonnabilité dans une société libre et démocratique. Nommons, entre autres, le non-respect de la décision Finley en ce qui concerne les besoins fondamentaux qui doivent être couverts par tout programme d'aide financière de dernier recours et l'illégalité de couper quelque montant que ce soit de cette somme sans nier les droits garantis par les chartes; la création d'une nouvelle règle de droit, que j'oserai appeler l'émancipation du majeur; la discrimination à l'égard des mères avec nouveaux-nés en créant deux catégories de protection, celles qui sont prestataires et les autres; le non-respect de la décision de la Cour d'appel du Québec en ce qui concerne la définition de «handicap» dans le contexte de discrimination ou d'obstacle en emploi; le non-respect de l'article 285 du Code civil en dérogeant à l'obligation d'obtenir une ordonnance du tribunal déclarant l'inaptitude du majeur avant d'imposer une tutelle aux biens; le non-respect des droits garantis par le Code civil en regard du consentement libre et éclairé, principalement en ce qui concerne le nouvel examen médical; le maintien de situations de handicap et de discrimination en ne priorisant pas la clientèle des personnes ayant des contraintes à l'emploi et en ne créant pas l'obligation d'accommodement, cela créera maintenant deux catégories de situations d'emplois au Québec, les entreprises assujetties à la législation fédérale selon les nouvelles règles des catégories qui doivent répondre à cette obligation et les autres où les seules règles qui existent – et ça c'est lorsque les gens décident d'entreprendre des procédures judiciaires – sont celles qu'on retrouve dans l'affaire Okanagan contre Renaud.

Également, la définition et l'application du libre choix ne correspondant absolument pas aux règles de pratique de droit québécois où le choix libre et éclairé a été maintes fois défini comme étant: accès à toute l'information, une information exacte et une connaissance des conséquences, ce qu'on ne retrouve pas ici. Terminons avec le fait que nous avons de sérieux doutes et préoccupations par le fait que le ministre s'attribue un pouvoir réservé aux tribunaux en se subrogeant les droits du prestataire.

Les revendications et exigences que nous vous présentons sont basées sur une argumentation détaillée que vous trouverez dans notre mémoire et sur un constat navrant, à savoir que: déjà, en 1991 – et on sait que la situation s'est empirée – 54 % des hommes et 67 % des femmes ayant des incapacités avaient un revenu inférieur à 10 000 $, et ce, sans tenir compte de tous les coûts additionnels qui diminuent encore plus la valeur de leur dollar; si nous ... la situation dans les coupures par rapport aux programmes d'aide aux déficiences, nous réalisons une augmentation majeure de ces coûts additionnels, ce qui nous permet de monter des statistiques en parlant des gens qui ont un revenu inférieur à 15 000 $ – qui, pour nous, correspond beaucoup plus à la réalité du 10 000 $ des autres – soit 72 % des hommes et 78 % des femmes; on retrouve également deux fois plus de pauvres chez les personnes avec incapacités, 38 %, que chez celles sans incapacités, 18 %; les personnes ayant des incapacités ne représentent que 6,3 % de la main-d'oeuvre – et ça, c'est dans les bonnes périodes; et enfin que 16 % des personnes ayant des incapacités déclarent ne pouvoir se joindre à la population active à cause de problèmes de formation – et on parle d'accès – 21 % à cause de perte de leurs revenus et 15 % à cause d'absence d'emplois. Alors, nous vous présentons maintenant les résultats de l'analyse, soit nos revendications et exigences.

Mme Lamirande (Cyd): Bonjour. Alors, concernant le Programme d'assistance-emploi, au niveau de l'admissibilité. Puisque l'allocation supplémentaire ne correspond pas au coût réel encouru pour ceux qui désirent accéder au parcours individualisé, elle est complètement omise. Il est impératif d'accroître ce montant et de le maintenir pour les personnes qui se prévalent du Programme d'assistance-emploi. Comment peut-on, d'une part, décréter que l'objectif des nouvelles mesures est d'aider les personnes dans leur démarche d'intégration, de réintégration ou de maintien en emploi et, d'autre part, exclure les activités visant l'acquisition d'une scolarisation supérieure et une formation professionnelle?

L'inclusion de la formation professionnelle collégiale et universitaire dans les mesures du parcours individualisé pour les personnes ayant des contraintes à l'emploi qui ne se qualifient pas au Programme d'aide aux études pour les étudiants ayant une déficience fonctionnelle majeure est essentielle afin de rencontrer les objectifs énoncés par la ministre et, par le fait même, permettre un accès accru au marché régulier de l'emploi.

Tout enfant majeur qui fréquente un établissement d'enseignement, qui ne se qualifie pas pour le programme d'aide aux études ou qui doit cheminer à un rythme qui respecte ses incapacités et qui demeure chez ses père, mère ou autre ne doit pas être la raison de l'exclusion de cette famille du programme. Le règlement doit prévoir la possibilité d'un montant d'avoirs liquides pour toute personne qui possède une ou des aides palliant à sa déficience afin de couvrir le coût de réparation éventuelle et afin de lui permettre la jouissance pleine et entière de cette ou ces aides.

Concernant l'établissement et le versement de la prestation, toute mère ayant des incapacités devra être considérée comme répondant aux conditions prévues par la disposition de l'article 22, paragraphe 3°, et non exclusivement les mères qui ont des enfants à charge ayant des incapacités. Afin de respecter les droits fondamentaux de sécurité, de sûreté, d'intégrité et de dignité garantis par les chartes, toute personne dont l'autonomie est réduite ne doit pas être pénalisée parce qu'elle partage son logement, et le ou la colocataire doit être protégé par la disposition de l'article 22, paragraphe 5°.

Les contraintes à l'emploi ne doivent pas être liées en aucune façon aux caractéristiques socio-professionnelles mais plutôt aux incapacités découlant de la déficience de la personne et des obstacles environnementaux. La notion de contrainte à l'emploi ne doit pas être évaluée selon une liste de diagnostics ni par un service d'évaluation médicale, encore moins s'il est à la solde du ministère. Les contraintes à l'emploi doivent être considérées en fonction non seulement des caractéristiques personnelles de l'individu, mais également de l'environnement. L'attitude des milieux de travail, la difficulté d'accès à tous les accommodements nécessaires et l'insuffisance d'emplois disponibles sont des facteurs environnementaux qui constituent des obstacles et engendrent des situations de handicap. C'est la présence de situations de handicap qui constitue la contrainte à l'emploi.

On ne doit pas soustraire de la prestation les montants non encore réalisés sans porter atteinte aux droits fondamentaux de sécurité, de sûreté, d'intégrité et de dignité des personnes. On ne doit pas soustraire de la prestation les revenus de travail qui auraient été gagnés au cours du mois précédent suite à une perte d'emploi occasionnée par un arrêt de travail dû à un conflit de travail sans porter atteinte, encore une fois, aux droits fondamentaux de sécurité, de sûreté, d'intégrité et de dignité des personnes.

Les règles du Code de procédure civile régissant les choses qui ne peuvent être saisies, donc non réduites, doivent s'appliquer, incluant les biens d'une personne qui lui sont nécessaires pour pallier un handicap – l'article 553, paragraphe 9.1 – ou lui permettre de réaliser une habitude de vie. En application des décisions des tribunaux en regard de l'obligation d'accommodement ainsi que les nouvelles dispositions de la loi canadienne sur les droits de la personne, la disposition de l'article 27, paragraphe 2° doit être modifiée afin de permettre à une personne ayant des incapacités, qui a travaillé à temps partiel, d'être considérée dans cette mesure. Puisque le législateur a clairement établi qu'il fallait une ordonnance du tribunal, donc d'établir clairement l'inaptitude du majeur avant de retirer le droit d'administration de ses biens à une personne, il ne saurait en être autrement de sa prestation de soutien du revenu.

Droits et obligations réciproques. L'obligation pour les personnes qui présentent des contraintes à l'emploi de devoir se soumettre à un nouvel examen médical par le médecin désigné par la ministre déroge aux droits fondamentaux garantis par les chartes, les principes généraux du droit tels que codés dans le Code civil du Québec et est discriminatoire selon la définition établie dans l'affaire Andrews et repris depuis. Il faut donc abolir la disposition prévue à l'article 34. Afin de respecter les droits garantis par les chartes, les règles de droit établies et les décisions des tribunaux, la ministre ne doit pas se subroger les droits d'un adulte prestataire.

Les personnes qui ont des incapacités ou contraintes à l'emploi qui désirent se prévaloir du Programme d'assistance-emploi doivent obligatoirement avoir accès à des services de main-d'oeuvre adaptés à leurs besoins dans leur centre local d'emploi respectif, et tous les employés de ces centres doivent avoir la formation nécessaire, le temps, l'autorité et les outils pour respecter les personnes ayant des incapacités et l'orientation nationale. Il faut que les personnes ayant des contraintes à l'emploi, quelle que soit leur déficience, soient désignées comme l'une des clientèles prioritaires et, par conséquent, qu'on développe et maintienne une expertise spécialisée en main-d'oeuvre et en formation professionnelle.

(16 h 10)

Il faut adopter une orientation nationale et un mécanisme d'imputabilité de la base au sommet dans l'ensemble de la structure en ce qui concerne les services aux personnes qui ont des contraintes à l'emploi. Il faut désigner une équipe responsable du dossier des personnes ayant des contraintes à l'emploi afin d'actualiser l'orientation nationale à Emploi-Québec, au soutien du revenu et à la direction générale des politiques et des programmes.

Il faut désigner dans chaque centre local d'emploi des responsables du dossier des personnes ayant des contraintes à l'emploi, qui devront s'assurer de l'application des mesures actives et des mesures passives. Il faut rendre les centres locaux d'emploi accessibles et adapter des moyens de communication afin de bien desservir la clientèle des personnes ayant des contraintes à l'emploi. Il faut que tout le personnel des centres locaux d'emploi ait reçu la formation adéquate relativement aux besoins diversifiés des personnes ayant des contraintes à l'emploi, on fait ici référence au personnel d'accueil ainsi qu'aux mesures actives et aux mesures passives.

Dans les centres urbains comme Montréal, il faut s'assurer de la présence d'un service spécialisé de main-d'oeuvre par catégories de déficiences, soit la déficience intellectuelle, du psychisme, motrice, visuelle, auditive et organique. En région, il faut s'assurer de la présence d'un service spécialisé de main-d'oeuvre pour les personnes ayant des incapacités et pour toutes les catégories de déficiences au niveau régional. Il faut s'assurer que les services spécialisés de main-d'oeuvre demeurent des organismes sans but lucratif, administrés par un conseil d'administration et que ce dernier soit un regroupement de partenaires.

Il faut que soient abolies les listes d'attente dans les services spécialisés, tout comme dans les CLE. Il faut que les services spécialisés desservent toutes leurs clientèles respectives de personnes handicapées, peu importe la source de revenus, le statut de la personne et ses limitations fonctionnelles. Il faut que le ministère de l'Emploi et de la Solidarité accorde des ressources financières adéquates afin de répondre à l'ensemble des activités nécessaires pour répondre à tous les besoins des personnes ayant des contraintes à l'emploi.

Il faut créer un fonds national et des enveloppes régionales protégées pour la formation professionnelle des personnes ayant des contraintes à l'emploi. Il faut mettre en place les mesures nécessaires afin d'assurer que d'ici cinq ans le taux d'activité professionnelle des personnes ayant des incapacités soit comparable à celui des personnes n'ayant pas d'incapacités.

Il faut établir l'obligation d'accommodement afin d'assurer une harmonie entre les entreprises qui sont maintenant assujetties à la législation fédérale et les autres et assurer l'équité d'accès à l'emploi à l'ensemble des personnes ayant des contraintes à l'emploi qui veulent se prévaloir du programme. Il faut maintenir et transférer à la participation au Programme d'assistance-emploi tous les droits acquis en regard des bénéfices liés aux besoins spéciaux, puisqu'ils constituent une mesure d'accommodement.

Il faut ajouter dans la liste des motifs sérieux pour abandonner son emploi le refus de la part des partenaires du milieu de l'emploi de mettre en place des mesures d'accommodement relatives au poste et au lieu de travail. Il faut harmoniser la disposition de l'article 53 avec nos critères de détermination de contraintes à l'emploi. Il faut également ajouter la fréquentation d'un établissement d'enseignement secondaire en formation professionnelle, collégiale ou universitaire dans les activités à réaliser dans le cadre d'un parcours individualisé pour les personnes qui ont des contraintes à l'emploi mais qui veulent se prévaloir du programme. Il est essentiel que toutes les activités réalisées dans le cadre d'un parcours individualisé respectent les conditions établies dans la Loi sur les normes du travail et que les personnes impliquées dans un parcours aient le statut de travailleur.

Afin de respecter les objectifs du Programme d'assistance-emploi, soit l'intégration, le maintien et la réintégration en emploi, il est essentiel d'assurer la rétention par le participant des équipements qui auront été acquis en tant qu'accommodement et qui lui sont nécessaires pour toute autre participation en emploi.

Considérant tous les arguments présentés dans ce document, notamment les obstacles environnementaux, l'insuffisance de mesures et d'emplois disponibles et les avantages démontrés par les résultats d'une participation volontaire, nous exigeons le retrait de l'obligation de participation pour les 18-30 ans.

Mme Montplaisir (Marie): Au niveau du Programme de protection sociale, il est impératif pour nous de modifier le nom de ce programme. Les personnes qui ont des contraintes à l'emploi n'ont pas besoin de protection mais bien de soutien dans l'accès et le maintien d'une qualité de vie qui respecte les droits qui leur sont garantis par les chartes, donc un programme de soutien au revenu.

Il est tout aussi impératif de retirer le terme «invalidité». Les personnes handicapées avons des contraintes à l'emploi, mais nous gardons cependant d'autres capacités qui peuvent s'actualiser dans d'autres habitudes de vie, quelle que soit l'importance que certains peuvent leur accorder.

Au niveau de l'admissibilité, à défaut de connaître le contenu du règlement, il ne peut être question d'accepter ni même de considérer les dispositions prévues aux articles 57 et suivants. L'hypothèse qui a longtemps circulé et qui circule toujours quant à la désignation de la Régie des rentes comme l'organisme mentionné à l'article 63... Dans la mesure où la culture inhérente à la Régie des rentes du Québec a une portée plus positive que celle de la Sécurité du revenu, nous demandons que tous les éléments de cette culture soient intégrés au programme de soutien du revenu. Nous pensons notamment au droit de poursuivre des études post-secondaires, à la possibilité d'obtenir certains revenus d'emploi sans atteinte au montant de la prestation, un montant qui est indexé annuellement et qui ne tient aucunement compte du revenu familial, un montant qui ne peut être amputé pour le remboursement d'une créance quelconque, un programme où les droits des individus ne peuvent être subrogés par le ministre responsable, etc.

Nous exigeons donc un moratoire sur ce programme jusqu'à ce que la ministre nous soumette les réponses aux questions posées il y a plus d'un an, que nous prenions connaissance du règlement et que l'évaluation par la liste des diagnostics et le service d'évaluation médicale soient remplacés par une démonstration des contraintes à l'emploi fondées sur les caractéristiques personnelles et les obstacles environnementaux. Cette démonstration devra se faire et être reconnue par un comité de pairs tel qu'il en existe en Ontario, au Manitoba et à Terre-Neuve.

Le Président (M. Dion): Mme Montplaisir.

Mme Montplaisir (Marie): Oui.

Le Président (M. Dion): Vous avez déjà terminé la période prévue pour la présentation; si vous souhaitez avoir un échange avec les députés des deux côtés, il faudrait penser à conclure rapidement.

M. Lavigne (Richard): Ça fait à peu près 13 minutes, M. le Président, je fais le calcul. Je sais qu'on a de la misère à respecter notre 20 minutes, mais, moi, je n'ai pas les mêmes sortes de minutes sur ma montre que sur la vôtre.

Le Président (M. Dion): Alors, nous, on a 19 min 22 s. Ha, ha, ha!

M. Lavigne (Richard): Oui? Bon, il n'y a aucun problème.

Le Président (M. Dion): Mais, vous savez, c'est pour vous, cette période-là. C'est dans votre intérêt. Si vous souhaitez continuer, peut-être que je peux demander le consentement des deux côtés. On peut vous écouter tout le temps que vous souhaitez.

M. Lavigne (Richard): Merci, M. le Président.

Mme Serradori (Chloé): Je vais continuer rapidement. Au niveau des dispositions administratives concernant le recouvrement, l'interprétation judiciaire et la reconnaissance du droit à la réparation enchâssées dans la Charte perdront tout leur sens si les sommes obtenues en réparation de préjudices fondés sur les droits fondamentaux garantis par la Charte doivent être remises au ministère. Toute somme obtenue en réparation d'une atteinte illicite à un droit garanti par la Charte doit garder son sens réel de réparation et demeurer à la personne qui a subi des préjudices. Dans la mesure où l'aide financière de dernier recours n'a pas été accordée aux deux adultes composant une famille, la disposition prévue à l'article 108 déroge aux règles et aux principes en matière de responsabilité civile, et il ne saurait être question de l'accepter.

Au niveau des renseignements et plaintes, le ministre doit désigner des membres nommés par les organismes représentatifs du milieu associatif des personnes ayant des incapacités – des personnes handicapées – lors de la constitution du comité conseil relativement au bureau des renseignements des plaintes. Au niveau des recours, la révision doit être faite par un panel de deux personnes dont une est issue de la communauté. Dans le cas d'une demande d'admissibilité à l'allocation pour contrainte permanente, la révision est effectuée par trois personnes extérieures au ministère, dont l'une doit être médecin, l'une doit être issue du domaine de la réadaptation et la troisième doit être désignée par les organismes représentatifs du milieu associatif des personnes ayant des incapacités.

Dans les cas de révision, les auditions doivent s'effectuer en la présence du prestataire, sauf dans les cas où ce dernier demande une mesure d'accommodement. Puisqu'il s'agit de prestation de dernier recours pour laquelle toute coupure risque de mettre la personne ou la famille dans une situation qui compromet leur santé ou leur sécurité ou risque de les amener au dénuement total, la demande de révision suspend l'exécution de la décision, et la décision doit être rendue dans les dix jours.

Au niveau des dispositions modificatives, considérant les enjeux fondamentaux pour les individus et les familles qui font face à une coupure de leurs prestations allouées pour satisfaire les besoins fondamentaux et la quasi-inaccessibilité à une procédure d'appel, à moins de gagner une requête en révision judiciaire contestant le refus du juge de la Cour du Québec d'autoriser l'appel, les dispositions prévues aux articles 180 et 181 doivent être retirées.

Considérant qu'il revient au milieu associatif seul de représenter et d'exprimer la réalité des personnes ayant des incapacités et considérant toutes les préoccupations énoncées dans ce document, la Commission des partenaires du marché du travail doit être composée de quatre membres choisis après consultation des organismes communautaires les plus représentatifs oeuvrant dans les domaines de la main-d'oeuvre et de l'emploi dont un choisi particulièrement après consultation de ceux qui oeuvrent en priorité auprès des personnes âgées entre 15 et 30 ans et un nommé par les instances de concertation nationale d'organismes de promotion et de défense des droits des personnes ayant des incapacités.

(16 h 20)

Considérant qu'il revient au milieu associatif seul de représenter et d'exprimer la réalité des personnes ayant des incapacités, il faut ajouter à la liste des membres de la Commission, sans droit de vote, un représentant du milieu associatif national des organismes de promotion et de défense des droits des personnes handicapées. Il faudra prévoir des modalités de financement suffisant afin d'assurer la participation du milieu.

Considérant qu'il revient au milieu associatif seul de représenter et d'exprimer la réalité des personnes ayant des incapacités et considérant l'importance de prioriser la clientèle des personnes ayant des incapacités, il faut modifier l'article 40 de la Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et instituant la Commission des partenaires du marché du travail en remplaçant le troisième paragraphe par le suivant: «huit membres, quatre choisis après consultation des organismes communautaires les plus représentatifs oeuvrant dans les domaines de la main-d'oeuvre et de l'emploi, dont un choisi particulièrement après consultation de ceux qui oeuvrent en priorité auprès des personnes âgées entre 15 et 30 ans et un choisi particulièrement après consultation et nommé par les instances régionales des organismes de promotion des intérêts et de défense des droits des personnes ayant des incapacités, le ROP.

Considérant qu'il revient au milieu associatif seul de se représenter et d'exprimer la réalité des personnes ayant des incapacités, il faut également ajouter à la liste des membres du conseil régional, sans droit de vote, un représentant du Regroupement des organismes de promotion, ROP. Il faudra également prévoir des modalités de financement suffisant afin d'assurer la participation du milieu.

Considérant qu'il revient au milieu associatif seul de représenter et d'exprimer la réalité des personnes ayant des incapacités, il faut modifier l'article 10, alinéa 1, de la Loi sur le ministère des Régions, 1997, chapitre 91, afin d'y inclure la représentation du milieu associatif des personnes ayant des incapacités et de lui assurer un financement adéquat permettant cette participation.

M. Lavigne (Richard): M. Lévesque va vous adresser la parole et je conclurai. M. le Président, ça achève.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Lévesque.

M. Lévesque (Pierre-Yves): ...jusqu'à temps, voyez-vous, que j'aie eu... Il est essentiel de leur donner les fonds nécessaires pour pouvoir jouer leur rôle et pour aider les personnes handicapées. Il est essentiel de favoriser le partenariat et de donner les ressources aux personnes pour qu'elles puissent jouer leur rôle comme il faut et employer mieux... Quand on lit les statistiques, on peut s'apercevoir que les personnes handicapées doivent être une clientèle priorité et qu'il faut donner les fonds nécessaires aux organismes pour qu'ils puissent nous représenter comme il faut.

J'espère que vous avez compris un petit peu!

Une voix: Une bonne partie.

M. Copeman: Beaucoup même.

M. Lavigne (Richard): M. le Président, membres de la commission, pour conclure, je pense qu'on peut résumer notre présentation assez facilement. D'une part, depuis 1985, le Conseil des ministres a adopté un certain nombre d'orientations, 15 orientations, et toutes ces orientations veulent que les personnes handicapées deviennent de plus en plus des acteurs actifs dans la société. Bien sûr que des gens, pour toutes sortes de raisons, ne peuvent ou peuvent être plus ou moins actifs, mais, s'il vous plaît, prenons pour acquis que les personnes ont besoin de mesures pour faire respecter leurs droits. Notre document s'intitule De la protection à l'exercice des droits , et pour nous ce qui est le droit premier, c'est d'avoir accès aux mêmes chances ou aux mêmes résultats en termes d'emplois pour les personnes handicapées, et bien sûr avec des accommodements.

Depuis plusieurs années, nous avons développé une démarche de partenariat pour développer des stratégies pour bien sûr favoriser l'intégration au travail des personnes handicapées. L'OPHQ a ses programmes, beaucoup de gens ont des programmes, et il est important non seulement que l'on continue à appuyer, mais qu'on encourage le développement de ce partenariat de l'ensemble des acteurs et un partenariat décisionnel. Je fais référence ici à une instance que vous connaissez bien, Mme la ministre.

Il faut développer, encourager et soutenir le milieu associatif des personnes handicapées qui veulent faire valoir leurs stratégies dans les régions. On vous a présenté des suggestions là-dessus aussi, parce qu'on considère que la sécurité du revenu, c'est très important. Mais, nous, on pense que, par défaut, tout citoyen devrait être poussé vers l'emploi et que les mesures autres devraient leur être offertes dans la mesure où il est impossible pour ces gens-là de faire autrement.

Dernière chose, membres de la commission, il est certain qu'il ne faudrait pas nous faire dire qu'on est contre les mesures de protection sociale, on est contre d'aller aux protections sociales par défaut, que ce soit dans les textes, que ce soit dans les règlements et que ce soit dans les façons dont les gens qui sont là pour appliquer les lois travailleront. Je pense qu'on vous en a donné des exemples, je ne vous en donnerai pas d'autres. Malheureusement, les intentions ne sont pas toujours traduites sur le terrain de la bonne façon, et c'est pour ça que, nous, on demande que ce soit clair pour tout le monde, que les personnes handicapées – 13 % de la population, en passant – sont des personnes qui peuvent être des citoyens à part entière et qui ont besoin d'adaptation. Alors, j'aurais fini pour le moment.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup pour la qualité de votre présentation. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Bienvenue à vous, M. Lavigne et aux personnes qui vous accompagnent, une habituée de nos commissions parlementaires, Mme Lemieux-Brassard et Mme Serradori, qui, elle, arrive, je pense, c'est sa première, c'est son baptême de commission. Également bienvenue à vous, M. Lévesque; on a compris que vous plaidiez avec conviction en faveur de la représentation du mouvement associatif, n'est-ce pas?

M. Lévesque (Pierre-Yves): Oui.

Mme Harel: Bienvenue, Mmes Montplaisir et Lamirande. C'est 42 pages qui ont dû vous demander sûrement des mois d'efforts et, croyez-en mon expérience de parlementaire, l'avoir reçu seulement aujourd'hui, ça ne rend pas justice à ce travail que vous avez fait, parce que je n'ai pas pu le faire analyser par le ministère. J'en ai pris connaissance en même temps que vous le présentiez. Vous savez, faire les deux choses en même temps, ce n'est pas facile, évidemment. Alors, soyez convaincus qu'on va l'étudier attentivement.

Il y a un certain nombre de propositions, je pense, comme ça, en vrac, page 8, là, où vous nous dites: «Le règlement doit prévoir la possibilité d'un montant d'avoirs liquides pour toute personne qui possède un ou des aides palliant à sa déficience afin de couvrir le coût de réparation éventuelle afin de lui permettre la jouissance pleine et entière de cette aide.» On va regarder ça attentivement. Il y en a plusieurs autres, là. Je pense à la page 10, l'article 22, paragraphe 3°, à l'égard des mères qui ont des limitations fonctionnelles, qui devraient, nous dites-vous, être considérées comme ayant des contraintes permanentes, c'est bien le cas, permanentes à l'emploi. Remarquez que ce sera possible maintenant; ce ne sera plus nécessaire de se faire considérer comme inapte étant donné que des contraintes temporaires ou permanentes pourront donc venir rendre compte de la réalité des personnes.

D'autre part, il y a différentes choses, je ne sais où on retrouve l'idée qu'il fallait ne pas avoir participé à des mesures d'employabilité depuis sept ans pour avoir droit... Ça, je dois vous dire... attendez, je ne sais pas où c'est dans le mémoire, je l'ai vu tantôt.

M. Lavigne (Richard): Vous n'avez pas le bon document, Mme la ministre.

Mme Harel: Je n'ai pas le bon document?

M. Lavigne (Richard): Bien, je ne pense pas, ça ne me dit rien.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Elle a votre document, pourtant.

(16 h 30)

Mme Harel: C'était votre mémoire, effectivement, j'ai dans mon dossier votre mémoire sur le livre vert. D'accord. Bon, vous avez vu à quel point il y a un effort qui a été fait. Aussi, tenez, juste un autre aspect que vous mentionnez, à savoir la production d'un rapport médical qui peut être demandé à nouveau, puisqu'on prévoit, à l'article, je ne sais pas si c'est l'article 9, non, ce n'est pas l'article 9, mais, en fait, c'est une autre disposition de toute façon du projet de loi, qui prévoit que le ministre peut demander de se soumettre à un nouvel examen médical. Ce n'est pas quelque chose de nouveau, hein? Vous savez, l'article 64 actuel prévoit ça parce qu'il est possible, surtout dans les cas, si vous voulez, de personnes qui ont des difficultés qui peuvent être momentanées, même si ça dure plus d'un an, en matière nerveuse... Je pense à un certain nombre de personnes qui ont été admises au programme Soutien financier parce qu'elles ont vécu un burnout ou ont vécu des situations qui peuvent prendre fin, d'où cette disposition qui reconduit celle qui existe présentement.

Bon, en fait, tout cela étant dit, je prends la page 43 de votre mémoire. Vous dites: «Il est essentiel de bien comprendre la notion de choix libre et éclairé. Ce choix doit être basé sur une information exacte et complète et l'assurance d'une passerelle à double sens entre les mesures actives et les mesures passives.» Alors, vous voyez, il y a même dans le projet de loi une disposition qui n'existe pas depuis 10 ans. Elle avait été retirée de la Loi sur la sécurité du revenu lors de l'adoption de la loi 37. Cette disposition fait obligation au ministre d'informer les prestataires sur ce à quoi ils ont droit. Je crois que cette obligation crée une sorte de réciprocité, puisque cette obligation d'information n'existait pas. Jusqu'à maintenant, vous le savez, il fallait que les gens devinent souvent ou se le fassent dire par des amis ou des voisins parce qu'ils ne l'apprenaient pas nécessairement par leur agent.

M. Lavigne (Richard): Simplement, Mme la ministre, juste pour être sûr qu'on se comprend bien, notre paragraphe aussi réfère à quelque chose de beaucoup plus fondamental. Souvent, on a entendu, hein... Parce que, bon, la question de la Régie des rentes – on va l'appeler comme elle s'appelle, cette question-là – ça fait longtemps qu'on en parle, et les personnes handicapées, en tout cas, qui appellent dans nos associations – il y en a quand même plus qu'une par année – ce qu'elles croient, c'est que, lorsque le programme sera transféré à la Régie des rentes, ces gens-là auront les mêmes droits que les autres prestataires des rentes, ce qui n'est pas tout à fait la même chose.

Nous, dans la mesure où c'est la perception que les personnes handicapées ont, il est excessivement normal que ces gens-là appellent la ministre, ou le président de l'Office, ou même nous pour dire: On veut aller à la Régie des rentes parce qu'il y a des modalités qui s'appliquent à ces gens-là et qui ne sont pas nécessairement avantageuses en tant que telles mais sont sécurisantes, disons. Mais, dans la mesure où le programme serait transféré, mais où les critères et les modalités seraient les mêmes, on dit: Un instant! C'est pour ça qu'on parle d'information: que ce soit clair pour tout le monde, que les gens exercent un choix en toute connaissance de cause. Mais, au-delà de ça, nous, ce qu'on vous suggère – vous aviez sûrement compris – c'est qu'avant d'instaurer tout ça on en rediscute. Et ce que j'ai compris tantôt avec l'Office, j'ai compris qu'il y aurait des discussions qui se feraient, à ce moment-là. Alors, c'était juste pour être sûr qu'on s'entende là-dessus.

Mme Harel: Oui. On s'est écrit d'ailleurs là-dessus, n'est-ce pas?

M. Lavigne (Richard): Oui, on s'est écrit, mais on veut être sûrs que c'est clair pour tout le monde. L'usager, hein, Mme Harel...

Mme Harel: On a une correspondance abondante, et ça a bien permis de faire la différence entre la rente qui est cotisée... À la Régie des rentes, les gens ont payé – c'est un régime d'assurance – alors que le régime dont on parle aujourd'hui sera un régime d'assistance, c'est-à-dire un régime qui est financé à même les impôts et non pas les cotisations, si vous voulez, comme c'est le cas avec le régime d'assurance. Le régime d'invalidité de la Régie des rentes est un régime d'assurance. Nous, ce dont on parle, c'est une allocation d'assistance-invalidité.

M. Lavigne (Richard): On aura sûrement l'occasion d'en reparler, parce que, là, on pourrait rentrer là-dedans, mais on va créer deux sortes... d'invalides? C'est ça qu'on dit?

Mme Harel: On ne crée pas deux sortes d'invalides. Il y a deux sortes de régime. Il y a en un, et ce régime est un régime à cotisations. C'est quand les gens ont payé qu'ils y ont droit. Si quelqu'un n'a pas cotisé à la Régie des rentes, il aura beau avoir toute la condition qui pourrait lui faire reconnaître son invalidité, il ne pourra pas toucher des rentes parce que les rentes, c'est quelque chose qu'on paie. D'accord?

M. Lavigne (Richard): Je suis d'accord, Mme Harel. Mme la ministre, je suis d'accord, mais comprenez-vous l'inéquité que ça va créer? Parce que je suis né handicapé et que je ne peux exercer un emploi à un point tel que je suis reconnu comme étant invalide, j'ai un traitement différent de celui qui – je m'excuse de vous le dire comme ça – a eu la chance de devenir invalide une fois qu'il a eu quelques années d'impôts en arrière de lui pour payer. Et c'est ça qui est dangereux. On va créer ça, et c'est ça que les gens ne veulent pas.

Mme Harel: C'est très, très dangereux de présenter ça comme ça.

M. Lavigne (Richard): Mais c'est la réalité, ça.

Mme Harel: Ce n'est pas parce que la personne est invalide, c'est parce que la personne a cotisé. Ça, là, ça existe dans le monde entier. C'est la différence entre les régimes d'assurance puis les régimes d'assistance. Un régime d'assurance, c'est un régime auquel les gens cotisent. Un régime d'assistance, c'est un régime que les autres paient à même leurs impôts. Et, à ce sujet-là, justement, moi, je pense que la vérité a des droits.

Vous savez, il n'y a pas eu de coupure de programmes, de services à la sécurité du revenu pour les personnes qui avaient des contraintes sévères ou permanentes à l'emploi. Vous voyez, par exemple, actuellement, je fais amende honorable: ce n'est pas 689 $, c'est 699 $ plus 9 $ si la personne ne partage pas ou 13 $ si elle partage. Il n'y a pas de coupure de partage du logement. Donc, c'est soit 708 $ ou 712 $ par mois. Ça, ça ne comprend pas l'aide au logement qui peut s'ajouter, n'est-ce-pas, qui est en moyenne de 65 $. Ça fait donc 773 $ minimum ou 777 $ par mois, et ça, ça ne comprend pas les besoins spéciaux qui peuvent s'ajouter aussi. Alors, les besoins spéciaux doivent s'ajouter quand la personne travaille. Moi, ça, c'est quelque chose auquel je crois énormément.

Je crois que la personne doit pouvoir garder son carnet de réclamation, doit pouvoir garder ses besoins spéciaux parce que ce sont des – comment vous dire? – réalités qui... Le fait est que ça la handicape par rapport au marché du travail. Mais le montant comme tel de prestation versée, en moyenne 773 $ par mois sur 12 mois, c'est 9 276 $. On pourra dire que c'est en bas de 10 000 $, mais c'est plus que le salaire minimum.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Lamirande, ça fait longtemps que vous voulez parler.

Mme Lamirande (Cyd): Oui. Vous comprendrez aisément, Mme la ministre, qu'on puisse se poser des questions sur les avantages d'un passage à la Régie des rentes si, en bout de ligne, les avantages sont exactement les mêmes que les personnes auraient si le programme restait au niveau de la Sécurité du revenu. S'il n'y a pas d'avantages réels, notre préoccupation, nous, c'est de savoir: Est-ce que les gens auront toute l'information nécessaire dans les bureaux locaux pour prendre une décision éclairée sur des avantages qui, au fond, sont inexistants? Parce que la Régie des rentes est avantageuse pour ceux qui y ont cotisé. Donc, pour les personnes que nous représentons, considérant le fait que la plupart n'ont pas cotisé à la Régie des rentes, ça ne change absolument rien pour ces personnes-là.

Mme Harel: Mais, Mme Lamirande, je vais vous dire une chose: on ne peut pas venir plaider une chose et son contraire à quelques mois d'avis. Ici même, dans cette salle, des groupes nombreux sont venus plaider pour qu'il n'y ait pas de différence dans le montant de la prestation, pour que ça ne débalance pas. Ils m'ont dit: Ne favorisez pas les personnes qui pourraient demander leur invalidité, il faut que ça soit neutre. Il faut que la personne puisse le faire volontairement puis qu'elle ne soit ni pénalisée ni encouragée à le faire, comme c'était le cas depuis 10 ans avec Soutien financier où elle était, à cause de l'allocation supplémentaire, encouragée à se déclarer inapte.

Mme Lamirande (Cyd): Mais, Mme la ministre, on n'est pas sur le fait de la différence des prestations. Ce n'est pas là-dessus. Ce que, nous, on se dit, c'est: Si c'est la même prestation, si les personnes ont accès à une passerelle pour les mesures d'employabilité et les services, alors ça sert à quoi de transférer cette part de clientèle là à la Régie des rentes?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'ai Mme Lemieux-Brassard qui veut commenter et j'ai M. Lévesque qui veut ajouter.

(16 h 40)

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Deux ou trois points. Premièrement, quand Mme la ministre dit que les besoins spéciaux doivent rester pour l'emploi, j'aimerais qu'on tienne en compte que des besoins spéciaux, c'est de l'accommodement, puis il n'y a pas juste l'emploi qui fait partie de la participation sociale. C'est à nous de choisir les habitudes de vie et de faire les activités qu'on veut, comme n'importe quel autre citoyen.

Et, à ce moment-là, on questionne toujours le paragraphe 12.3° ou, en fait, l'article 12, paragraphe 3° du projet de loi où on exclut toute personne – et sa famille! – qui poursuit des études postsecondaires, alors qu'on sait qu'avec le décret 831-94 il n'y a quasiment plus personne qui a accès au Programme d'aide aux études, surtout avec déficience fonctionnelle majeure.

L'autre élément, je pense, par rapport à la Régie des rentes qu'il faut aussi regarder, c'est qu'il y a deux définitions d'«invalidité». Il y a une définition formelle, les critères qui existent dans la loi, puis il y a toutes les autres décisions qui ont été renversées par la CAS, puis là, bien, on a une liste de diagnostics, ici. Dans les faits, à l'heure actuelle, on se retrouve avec des règles d'application qui sont différentes, dépendant de la personne qui évalue en avant, et on a le même problème quand on regarde la situation actuelle au niveau du Soutien financier. Si on fait un historique du programme Soutien financier, c'était l'aide aux paraplégiques, au départ, mais maintenant les paraplégiques, ils sont exclus de Soutien financier parce qu'on dit que leurs caractéristiques socioprofessionnelles leur permettent d'aller travailler, qu'ils n'ont pas des contraintes sévères à l'emploi.

Et je me rappelle très bien, l'an dernier, avoir amené un dossier concret à Mme la ministre, la même situation pour laquelle monsieur a eu un article 25 dans les journées qui ont suivi, mais il est toujours aussi refusé puis je reçois encore des dossiers qu'il faut emmener en révision. Ça fait que je pense que c'est la nuance qui nous préoccupe: Comment, dans les faits, l'application va se faire?

Mme Harel: J'ai du regret, mais ce n'est quasiment pas possible, étant donné que la directive a changé, et la directive a été envoyée à tout le réseau. La directive non seulement a été envoyée au réseau, mais elle est appliquée, je l'ai moi-même vérifié. Alors, là, on se dit des choses, puis je me demande sincèrement, Mme Lemieux-Brassard...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Bien, Mme la ministre, je peux vous demander honnêtement: Est-ce que je suis une menteuse ou non? Parce que, moi, je les reçois, les appels au bureau, puis je les ai, les dossiers.

Mme Harel: Bon, bien, écoutez, à ce moment-là, n'attendez pas seulement les commissions parlementaires pour nous faire savoir s'il y a des problèmes. Moi, vous me l'avez dit l'an passé, immédiatement on a travaillé, on a procédé, on a adopté une directive, on l'a envoyée au réseau, et là vous me dites qu'il y en a de nouveau, puis jamais avant cet après-midi... Et ce n'est pas faute d'être en contact. Mon adjointe, Mme Poirier, a fait je ne sais combien de réunions avec la COPHAN en disant: S'il y a des problèmes, dites-nous-le.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Lévesque.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): De toute façon, je pense que ce qui est important, c'est de regarder, par rapport au programme, comment on peut travailler ensemble pour faire un lien entre la pratique et ce qui est par écrit. Je m'excuse, mais...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Lévesque, avant de passer la parole à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Lévesque (Pierre-Yves): Je voulais aborder le volet des paraplégiques, mais Mme Lemieux l'a abordé avant moi. Je vais passer mon tour, pas de problème.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. Lévesque. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: C'est rare que M. Lévesque passe son tour.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: Moi, ça ne m'arrive pas souvent, M. le Président. Moi aussi, je vais souhaiter la bienvenue aux représentants conjoints de la COPHAN et de l'AQRIPH. C'est un plaisir de vous retrouver devant la commission parlementaire. Toute la question de la pratique, puis de l'application, puis de la loi...

Entre autres, M. le Président, je remercie Mme Lemieux-Brassard d'avoir ajouté au mot «éclairé» «libre et éclairé», c'était le mot que je cherchais, tantôt. Elle l'a fait de façon très délicate pendant sa présentation.

La question de l'application, qu'est-ce qui est dans la loi, puis les directives, et ainsi de suite, là, est, quant à moi, fondamentale. Je ne veux pas semer la pagaille ici, mais, le 21 mai – moi, je vous dis ça, là, vous me connaissez un peu, M. le Président, je suis convaincu que la ministre l'a dit en toute bonne foi – elle a dit: Je voudrais rectifier, mais le programme AGIR est aboli. Hein, on se souvient de l'échange autour de l'AGIR, là? C'est ça qu'elle a dit, elle a vérifié avec le sous-ministre. Moi, cet après-midi, j'ai demandé à mon attaché politique de comté d'appeler le CTQ-NDG. On me répond qu'AGIR fonctionne toujours, au CTQ-NDG. Plus, j'ai demandé à mon attaché politique ici, à Québec, d'appeler à la Direction des programmes à Montréal. Ça doit être un problème local, ça. Elle appelle: Non, madame, le programme AGIR fonctionne toujours. Petit problème en quelque part, là. La ministre, elle parle avec le sous-ministre et dit: C'est aboli, cette affaire-là. Bien, le CTQ-NDG n'est pas au courant. Ça fait que, semble-t-il, les prestataires dans Notre-Dame-de-Grâce continuent à fréquenter AGIR, si mon attaché politique a bien fait son travail, sinon on va se parler. Ha, ha, ha! La même chose avec la Direction régionale de Montréal.

Tout ce que je veux dire, là, c'est que ça démontre à quel point de temps en temps les informations, les directives qui se multiplient ont un effet même pervers sur les usagers, sur les personnes. Je suis d'accord avec la ministre, comment est-ce qu'on se protège comme société contre ça? Ce n'est pas évident. La ministre nous dit dans sa loi... Puis je comprends, c'est irréversible.

Je suis convaincu, complètement convaincu que, si ce n'est pas assez clair dans la loi, Mme la ministre va amener un amendement, convaincu de ça. On la connaît un peu, Mme la ministre, elle va amener une loi qui va dire: Le choix entre le RRQ puis les programmes Protection sociale puis Assistance-emploi est irréversible. Ma crainte, c'est que, sur le terrain, ça ne soit pas si clair. Comment est-ce qu'on corrige ça? Je n'ai pas la réponse. Un jour, je vais peut-être être redevable pour avoir la réponse, mais là je ne l'ai pas, la réponse. Mais ça souligne, quant à moi, les difficultés d'application d'une loi complexe sur le terrain, mais une loi dont le but est d'assurer un minimum vital pour que nos concitoyens puissent vivre en dignité. C'est ça, la difficulté.

Je vous pose la question suivante: En termes de protection sociale, êtes-vous aussi enthousiastes que l'AQIS là-dessus? Vivre avec, là, êtes-vous capable de vivre avec? «C'est-u» votre premier choix?

M. Lavigne (Richard): Bien, écoutez, M. le Président, c'est sûr qu'on vivra avec ce qu'il y aura; mais, si vous nous demandez le choix, nous, on va vous en faire un, libre choix – ha, ha, ha! – et le libre choix qu'on ferait, c'est que, dans la mesure où on n'a pas la preuve que c'est mieux pour la personne, pourquoi entretenir des confusions en mettant en place une gestion de programmes gérés par – je ne veux pas me tromper – les CLE d'un bord, la Régie des rentes de l'autre bord, un paquet de monde qui risque de se mélanger? Alors, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il y a moyen de faire une solidarité sociale, une protection sociale et surtout de développer des programmes de participation professionnelle, et, nous, dans ce sens-là, on préfère de loin une mesure qui est la même pour tout le monde et avec une reconnaissance via un programme pour couvrir les coûts additionnels qui pourraient être rencontrés, compte tenu des limitations des personnes. Alors, ce n'est pas une question de revenus, c'est une question de coûts supplémentaires.

Quand une personne handicapée doit réaliser des habitudes de vie, qu'on le veuille ou non, il y a des coûts additionnels. Je ne vous ferai pas une dissertation là-dessus, je ne suis pas un spécialiste, moi, je la vis à tous les jours, cette déficience-là. Mais ce que je peux vous dire, c'est que ce coût additionnel là doit être pris en compte dans un programme de compensation des coûts inhérents aux incapacités, et je pense que, dans un programme tel qu'il est suggéré pour les mesures actives – le programme d'assistance-emploi, c'est ça? – on est capable de faire ça. Et là on n'aura plus deux sortes de citoyens, on aura un citoyen qui ira dans ce bureau pour aller participer à la vie sociale et qui aura droit à des subsides – des subventions ou un chèque additionnel – pour couvrir des coûts additionnels qui sont créés par ses incapacités. Je pense que ça serait une bonne façon de regarder ça. Je suggère qu'on regarde ça éventuellement de ce côté-là, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député.

(16 h 50)

M. Copeman: Oui. Toujours sur la question du transfert, là, on se souvient des discussions lors du rapport sur le livre vert, du Parlement de la rue, et ainsi de suite. On va tenter de parler franchement. Je me suis fait dire une couple de fois par des personnes – pas des personnes handicapées mais des gens dans le réseau, etc. – qu'il y a un avantage dans le régime de protection sociale parce qu'on va foutre la paix à ces personnes-là. On va parler comme le monde en parle, elles ne seront pas obligées d'embarquer dans des mesures d'employabilité, elles ne seront pas contraintes à certaines pénalités. Je ne sais pas si la preuve de disponibilité va continuer de s'appliquer ou pas, on n'est pas rendus là dans l'étude détaillée, mais ce que j'essaie de comprendre, là...

Quel est l'avantage? Est-ce qu'il y a un avantage pour le gouvernement? Mme la ministre veut procéder comme ça, semble-t-il. En tout cas, elle n'a pas démontré qu'elle veut faire autrement. C'était dans le livre vert, c'est repris dans le projet de loi. Pourquoi, selon vous, le gouvernement procède ainsi? Ils ne sont pas malins nécessairement, mais il doit y avoir une raison. Devant plusieurs groupes ici, le gouvernement prétend qu'il fait ça pour aider le monde. C'est la prétention, avec la saisie: ça va aider les prestataires. Le parcours obligatoire va aider les jeunes. Mais est-ce que la ministre veut vous aider encore avec ça?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Lavigne? Ou quelqu'un d'autre? Madame...

M. Lavigne (Richard): Mme Lamirande, oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Lamirande.

Mme Lamirande (Cyd): Notre intention, en venant ici aujourd'hui, n'était de juger des intentions, ou de la bonne volonté, ou de la mauvaise volonté de personne. Nous, ce qu'on veut, ici, c'est présenter la réalité, ce que vivent les personnes handicapées. On veut avoir des clarifications, on veut émettre notre point de vue pour que ces gens-là, comme Mme Lemieux-Brassard l'a dit, puissent exercer un choix libre et éclairé. On veut avoir l'assurance que ces gens-là auront pleinement connaissance de ce dans quoi ils s'embarquent avant de faire le choix, et ce libre choix là, pour nous, il est fondamental.

Qu'une personne veuille éventuellement, comme le député de Notre-Dame-de-Grâce l'a dit, qu'on lui foute la paix – selon ses termes – si c'est son choix, c'est son choix. Nous, on le respecte. Nous, on veut qu'on respecte fondamentalement les personnes. Nous, c'est ça qu'on vient faire ici. On n'est venu juger des intentions de personne.

M. Lavigne (Richard): Juste compléter...

M. Copeman: Très bien. Mais, Mme Lamirande, comment est-ce qu'on s'assure de ça?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député, je pense que, cette fois-ci, M. Lévesque, il veut reprendre son droit de parole.

M. Copeman: Oui? Ah!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lavigne (Richard): Il ne veut pas passer son tour, là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui. Ha, ha, ha! Allez-y, M. Lévesque.

M. Lévesque (Pierre-Yves): Qui va... La personne handicapée ne veut pas être à part de tout le monde. On veut qu'on respecte notre déficience, mais qu'on ait les mêmes droits que tout le monde dans un régime pour tout le monde. Je pense que c'est ça qu'il faut...

On a toujours fait la promotion de nos droits comme personnes handicapées qu'il faut aider, si on ne veut pas avoir une classe pour nous autres. On ne veut pas reculer 10 ans en arrière. Non. On n'est pas là pour juger la ministre, on n'est pas là pour juger le gouvernement, on est là pour vous dire: On ne veut pas être à part de tout le monde. On veut fonctionner avec tout le monde.

Vous avez compris?

Des voix: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Comment est-ce qu'on s'assure, d'abord, de cette décision libre et éclairée? C'est inscrit dans la loi, puis, parce que c'est l'intention de la ministre... Là, nous sommes des législateurs. On va être appelés à voter sur ça. Comment est-ce qu'on s'assure que les personnes exercent ce choix-là librement et de façon éclairée? Qu'est-ce qu'il nous faut de plus?

M. Lavigne (Richard): Je peux répondre, M. le Président?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui.

M. Lavigne (Richard): Bien, écoutez, je pense qu'il y a un certain nombre de règlements de prévus qui doivent mettre un peu de chair alentour de ça. C'est dans ce sens-là que, nous, on demande, on fait appel à Mme la ministre et aux parlementaires de poursuivre la discussion là-dessus. On l'a déjà amorcée. Ce n'est pas la première fois qu'on parle de ça, aujourd'hui. Nous, la seule chose qu'on veut...

Je vais le dire comme en informatique. Les ordinateurs sont réglés par défaut, hein? Quand on achète un ordinateur, il est réglé par défaut. Mais, nous, on veut que par défaut toute personne, handicapée ou pas, lorsqu'elle rentre dans un CLE, elle soit orientée vers les mesures actives. Ça, c'est la procédure pour tout le monde qu'on veut. Pour le reste, faudrait voir. Ce que je peux vous dire, cependant, c'est que, si on vous répète souvent que le choix libre et éclairé n'est pas une chose facile à obtenir, c'est que même nous, les personnes handicapées, il y a du monde qui pense parler à notre place. O.K.? Alors, nous, on se dit: Si tout le monde se met à parler à notre place, qu'est-ce que ça va être, rendu dans le bureau? Alors, on se dit: Non, non, non, on va se mettre des critères, on va se mettre des procédures, à la limite, si on en arrive à ça. Mais, préalablement à ça...

Et ça, ce n'est pas nous qui posions la question, je crois que c'est l'Office des personnes handicapées qui a demandé à obtenir un document qui démontrait les avantages à créer ce transfert. Nous, je pense que, si on nous les démontre, on va comprendre. On ne les trouve pas. On sera éclairés, nous autres aussi, pour... Mais on ne demande pas mieux, et l'objectif, nous, c'est de sensibiliser tous nos élus et les gens qui travaillent avec eux pour éviter qu'éventuellement...

Là, on sait que, bon, actuellement, on a une ministre qui est ouverte aux personnes handicapées et on en est très heureux, mais on ne sait jamais l'avenir, ce qu'il peut nous réserver, et, nous, on ne veut pas que cette loi-là se revire contre nous autres éventuellement. Je ne sais pas si vous comprenez.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui. Je vous remercie. Une dernière intervention, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, ou vous avez terminé?

M. Copeman: Non. Ouais, on ne sait jamais, hein?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: On peut le souhaiter, par contre, mais on ne sait jamais.

M. Lavigne (Richard): Ah, nul n'est éternel, malheureusement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: Juste une dernière question. Comme l'a indiqué la ministre – puis je souscris entièrement à ses propos – le document que vous nous présentez aujourd'hui est très détaillé; beaucoup de contenu. Nous aussi, on va tenter, avec nos moyens un peu plus limités de ce côté de la table, d'évaluer la portée de toutes les recommandations, mais je veux juste peut-être vous entendre sur une dernière question, la question des définitions éparpillées un peu tout partout. On a des critères d'invalidité à la Régie des rentes du Québec, puis je ne veux pas mêler les pommes et les oranges, mais, moi, je sais la différence entre un régime d'assurance puis un régime d'assistance. Je n'ai pas besoin d'un cours là-dessus, je comprends la différence. Mais il y a quand même une définition qui est retenue à la Régie des rentes du Québec concernant le test d'invalidité pour les personnes handicapées, entre autres. Il y a la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées qui, elle, retient une autre définition de qui est une personne handicapée. Il y a dans la loi des contraintes permanentes ou d'une durée indéfinie qui sont, semble-t-il, les critères pour se qualifier à l'intérieur du Programme d'assurance-emploi, à ne pas être confondus avec le critère d'invalidité qui est retenu dans la loi pour la protection sociale.

Y a-t-il une possibilité de conflit de définitions à quelque part? Êtes-vous satisfaits qu'on puisse marcher, au Québec, avec quatre ou cinq différentes interprétations de qu'est-ce que c'est, une personne handicapée? Y «a-tu» un danger qui nous guette, là, ou pas?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Lavigne, vous allez avoir la dernière intervention.

M. Lavigne (Richard): Là, peut-être que j'en ai perdu un bout, mais, moi, je suis en train de me mêler entre invalide puis personne handicapée. Je ne sais pas si c'est moi qui ne comprends pas.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lavigne (Richard): Alors, ça, justement, si, moi, je me mêle, il ne faudrait pas qu'on se mêle, tout le monde, parce que, pour nous – bien, pour tout le monde, j'espère – une personne handicapée et une personne invalide, c'est, dans la majorité des cas, deux personnes différentes. Ça, va falloir qu'on fasse du ménage là-dedans.

Les définitions de «personne handicapée», il y a du monde qui nous en a proposé une. Entre autres, ça fait l'objet de recommandations dans un autre exercice pour réviser une autre loi. Bien sûr qu'une définition de «personne handicapée» sera, espérons-le, bientôt adoptée au Québec, parce que, à un moment donné, il y a une chose que je sais, c'est que, moi, je suis aveugle. Que j'aille dans un ministère ou un autre, je suis handicapé visuel quand même, sauf que, d'un programme à l'autre, il pourrait arriver que, dans certains cas, les gens soient ou ne soient pas handicapés, et ça, ça prendrait, à un moment donné, une logique. Mais je pense qu'il y a moyen d'uniformiser ça.

Ceci dit, il faudra être très vigilant et ne pas relier «handicapé» avec une ligne «invalide». Ça, la majorité des personnes que je rencontre confond encore. Il y en a même qui disent que, moi, comme aveugle, je ne suis pas handicapé, hein? Ça va bien! Je veux bien, là, mais je vis des situations de handicap quand même.

Ceci étant dit, je pense qu'on a encore beaucoup de discussions à faire, et, nous, on encourage le gouvernement du Québec à se donner le temps pour préciser tout ça. Je crois à la bonne foi de tout le monde et je crois qu'on est rendus assez proches les uns des autres pour arriver à un consensus, et tout ça se fait en partenaires. C'est sûr qu'il y en a un qui décide, c'est le gouvernement, mais une bonne décision, c'est souvent pris à la suite de bonnes discussions, et ça, je fais confiance à notre gouvernement pour ça.

Juste avant de vous souhaiter une bonne fin de journée, il y a Mme Lamirande, je pense, qui avait un petit mot, M. le Président.

(17 heures)

Mme Lamirande (Cyd): Très rapidement, dans la présentation faite précédemment par l'Office des personnes handicapées et l'AQIS, on a parlé du rapport Pelletier. Ce que, nous, on voudrait préciser ici, c'est que, à l'heure actuelle, le milieu associatif des personnes handicapées n'a pas eu l'occasion encore de s'asseoir et d'établir un consensus sur les recommandations contenues dans le rapport Pelletier, de sorte qu'on ne se prononcera pas là-dessus, cet après-midi. Mais, au cours des prochains mois, on sera en mesure de le faire. Il y a des choses très intéressantes dans le rapport, mais on veut vraiment que l'ensemble des organismes de promotion du Québec puissent en arriver à un consensus là-dessus. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Au nom de tous les membres de la commission, je voudrais vous remercier pour la qualité de votre mémoire, votre présence et votre présentation. J'invite...

M. Lavigne (Richard): Vous allez m'excuser, M. le Président. C'est que le document, vous n'avez pas pu l'avoir avant parce que la première version qui a été faite a été faite en braille et qu'on a été obligés de le traduire en imprimé pour vous l'apporter.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je pense que et le député de Notre-Dame-de-Grâce et Mme la ministre voudraient dire un petit mot avant qu'on termine. M. le député.

M. Copeman: Oui. Merci, M. le Président. Juste pour encore une fois remercier les représentants de l'AQRIPH et de la COPHAN. Si par inadvertance je mêle des choses – parce que de temps en temps je suis mêlé, moi aussi, hein – personne n'a besoin de me convaincre qu'une personne handicapée est une personne invalide, ça, c'est sûr. Moi, je rencontre beaucoup de personnes handicapées qui peuvent me jouer des tours, des cercles autour de moi, quotidiennement. Alors, soyez assuré, M. Lavigne, que ce n'est pas dans mes habitudes ni dans ma pensée. Je vous remercie beaucoup, vous apportez un éclairage peut-être pas libre, mais un éclairage...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: ...éclairé sur nos travaux, je pense, tout à fait particulier et important, compte tenu des personnes que vous représentez. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la ministre, en conclusion.

Mme Harel: Je souscris aux propos du député de Notre-Dame-de-Grâce, ça va être utile. Mon intention est toujours celle de vous associer étroitement aussi au compte à rebours qui va commencer dès l'adoption de la loi dans la révision de la réglementation.

Et j'ai ici la liste des diagnostics de nature invalidante qui, en date du 21 avril 1997, a introduit la paraplégie comme étant une des dispositions qui donnent droit automatiquement à Soutien financier. Alors, si vous me dites que ce n'est pas appliqué, ça se peut, mais, à ce moment-là, il faut simplement que la personne nous le fasse savoir, parce qu'il y a 7 400 employés au ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Donc, il faut qu'en même temps nos directives soient les plus concises mais les plus claires possible – ça l'est depuis un an. Et, si vous avez des cas, n'hésitez pas.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup et j'appelle maintenant les représentants du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Je rappelle à tout le monde que nous devons absolument terminer nos travaux à 17 h 55 parce que les deux partis ont des caucus. Alors, M. Beauvais, si je comprends bien, c'est vous qui présentez les gens qui vous accompagnent?

M. Beauvais (Mario): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Et c'est vous aussi qui débutez le mémoire?

M. Beauvais (Mario): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va. Allez-y. Est-ce qu'il y a un mémoire? Est-ce que vous avez des copies?

M. Beauvais (Mario): Non. On ne déposera rien, aucun mémoire parce que, pour des questions de délai, on n'a pas eu le temps, mais on pourra vous en faire parvenir le contenu dans les jours qui suivent.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): D'accord. Donnez-moi une seconde.

Allez-y, M. Beauvais.


Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec inc. (RRASMQ)

M. Beauvais (Mario): C'est beau. Mario Beauvais, agent de développement au Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec; M. Pierre Nadeau, vice-président du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec; Mme Ginette Rousseau, administratrice au Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec, Montréal– Chaudière-Appalaches; et notre président du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec, M. Alain Roberge, de Rivière-du-Loup, donc du Bas-du-Fleuve.

La première chose qu'on voulait vous dire, c'est que, pour des questions de délai, on n'a pas pu vous envoyer un mémoire ou en faire des copies. Donc, si vous êtes intéressés par le contenu, on va se faire un plaisir de vous faire parvenir le contenu du mémoire qu'on va vous déposer aujourd'hui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Avant que je l'oublie, là, la commission apprécierait beaucoup le recevoir de façon à pouvoir le transmettre à tous les membres.

M. Beauvais (Mario): C'est beau.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ou un résumé, peu importe.

Mme Harel: Ou bien, si vous préférez, vous savez que tout est enregistré.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, c'est vrai.

Mme Harel: Alors, on peut aussi vous transmettre les galées, comme on dit, en fait, de l'enregistrement, si ça peut vous être utile aussi.

M. Beauvais (Mario): Ah! bien oui!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Beauvais (Mario): Bon, d'entrée de jeu, on doit vous dire que, pour nous autres, ça a été un dilemme aussi. Une des raisons pour lesquelles on a eu de la difficulté à produire notre mémoire à temps, c'est que ça a été un dilemme de savoir: Est-ce qu'on se présente ou non à une commission parlementaire par rapport au projet de loi n° 186? La raison de ce dilemme-là, c'est: d'une part, on représente les personnes qui ont des problèmes de santé mentale, mais ces personnes-là se retrouvent aussi avec des problèmes de pauvreté et c'est souvent aussi des personnes qui sont sur l'aide sociale, et on pense que, à tous les lieux où on peut porter la voix de ces personnes-là qui font partie des plus démunis de la société, on doit le faire. Ça fait que ça, c'est l'aspect qui nous fait dire: Oui, on doit venir en commission parlementaire.

(17 h 10)

Ce qui était l'autre pendant qui disait: Non, on ne vient pas, c'était parce qu'on a l'impression qu'il y a de plus en plus de lieux de consultation, de lieux de concertation, et je pense que tout le monde qui est au courant un petit peu de ce que c'est, l'organisation des services en santé mentale, sait que ça fait plusieurs années déjà qu'on siège dans plusieurs lieux de concertation régionale et provinciale. On a l'impression que plus le nombre de lieux augmente, moins ces lieux-là ont un impact, c'est-à-dire que moins le discours qu'on amène là donne quelque chose, en bout de ligne. On a l'impression que plus il y en a, moins ça a d'importance et que souvent on se retrouve, en venant dans ces lieux de consultation ou de concertation là... et on se sert un peu de nous comme si c'était une manière de cautionner les résultats qui vont sortir finalement de ces consultations-là. Donc, ça, c'est l'élément qui nous faisait être réticents à venir aujourd'hui en commission parlementaire.

Donc, c'est-à-dire que notre présentation aujourd'hui ne représente aucunement un appui d'une quelconque manière au projet de loi n° 186, même amendé. Nous, c'est sur le fond du projet de loi n° 186 qu'on en a, et ce n'est pas uniquement sur certains détails, certains règlements ou certaines bonifications qui pourraient être apportées par rapport à l'actuelle loi 37, c'est vraiment sur le fond.

On ne parlera pas spécifiquement de santé mentale. Oui, on travaille auprès de gens qui ont des problèmes de santé mentale, mais d'abord et avant tout ces gens-là, c'est des citoyens puis, en tant que citoyens, ils se retrouvent avec les mêmes problèmes que l'ensemble de la population, c'est-à-dire avec des problèmes de pauvreté et tout ce qui s'ensuit à travers ces problèmes de pauvreté là, et c'est en tant que citoyens qu'on représente les personnes qui ont des problèmes de santé mentale. On ne voulait pas tomber dans le spécifique de la santé mentale et dire: Bon, les personnes qu'on représente ont tels problèmes particuliers, mais on les considère comme des citoyens et c'est à ce chapitre-là qu'on est venus aujourd'hui les représenter.

Bien que le projet de loi n° 186 vise à améliorer les conditions de vie de certains groupes ciblés, entre autres au niveau des familles monoparentales, il n'en demeure pas moins que, pour nous autres, il y a un calcul qui se fait tout simplement, et c'est très facile. Même si, dans les journaux et un peu partout, on peut dire: Ah oui, mais 14 000 familles monoparentales vont avoir des meilleures conditions de vie ou tel autre groupe d'individus va être mieux protégé, pour nous, le calcul le plus simple à faire – et c'est sur cela qu'on s'appuie – c'est qu'il y a une intention d'atteindre le déficit zéro et d'aller chercher quelque chose – bon, la CSN parlait de 82 000 000 $ – à même les enveloppes qui existent présentement au niveau de la sécurité du revenu. Donc, on n'a pas besoin d'une longue démonstration pour comprendre que, s'il y a le même nombre d'individus qui sont bénéficiaires d'aide sociale – appelons-le autrement s'il le faut – si la tarte diminue pour ces individus-là, bien, en quelque part il y a des gens là-dedans qui vont s'appauvrir. Puis ceux qu'on a ciblés comme étant ceux qui possiblement étaient pour s'appauvrir, c'est naturellement non pas ceux qui sont inaptes, mais donc ceux qui sont aptes, entre autres ceux qui ont entre 18 et 24 ans, à qui on va offrir finalement des programmes des différents parcours. Et, si ces gens-là refusent ces parcours-là, donc on va pouvoir couper leur chèque. Et on pense que c'est à travers ça qu'il va y avoir une économie.

Donc, à partir de cet élément-là d'obligation de participation pour certaines catégories et d'une forte incitation de participation pour d'autres sous peine de coupures, c'est cet élément-là que, nous, on est incapables d'accepter dans le projet de loi n° 186 et c'est ça qui explique finalement qu'on ne vient pas ici demander des amendements mais un petit peu essayer de voir s'il y a d'autres avenues possibles pour contrer la pauvreté.

Nous autres, on ne pense pas que c'est justement en forçant les personnes démunies à participer à divers programmes qu'on va augmenter le nombre d'emplois qui existent au Québec. Je pense que le projet de loi n° 186 nie effectivement le fait qu'il y a un problème présentement au niveau social et économique puis que le nombre d'emplois par rapport au nombre de personnes sans emploi qui en cherchent est complètement démesuré. Le projet de loi, dans le fond, vient dire aux personnes: Si tu n'as pas d'emploi, c'est ta responsabilité et, si tu ne veux pas participer à un parcours, donc tu seras puni par rapport à ça.

Un des problèmes qu'on voit à ça, parce qu'on a des organismes qui sont membres un peu partout dans tout le Québec, c'est que les différents types de programmes de réinsertion sociale ou au travail qu'il y a eu depuis plusieurs années, que ce soient les PAIE, les EXTRA, que ce soit toute la panoplie de programmes comme ça, ce qu'on a toujours vécu, pour notre part, c'est une pénurie de programmes. Il y avait plus de monde qui voulait participer que de programmes qui étaient disponibles. Donc, on ne comprend pas pourquoi présentement on veut en faire une obligation pour les personnes quand les différents gouvernements en place n'ont pas été capables jusqu'ici de dégager les fonds nécessaires pour faire en sorte que... Ceux qui en veulent, donc les premiers qu'on devrait desservir, ceux qui sont motivés à le faire et qui veulent de ces programmes, n'ont pas pu avoir accès à l'ensemble de ces programmes-là, donc on se demande où est cette logique-là.

On pense aussi que le projet de loi n° 186 est un projet d'exclusion, entre autres pour les gens de notre clientèle, c'est-à-dire qu'on est en train de catégoriser les pauvres en deux catégories, c'est-à-dire les bons pauvres et les mauvais pauvres. Un bon pauvre, c'est celui qui, pour des raisons de santé, que ce soit physique ou mental, à cause de son âge ou à cause d'une situation particulière, est dans l'incapacité de travailler puis donc a droit à de l'aide. Ça, c'est le bon pauvre. Puis on offre à une partie, entre autres aux gens de notre clientèle, même de passer au Régime de rentes du Québec en disant: Bon, on ne t'achalera plus à l'aide sociale, puis t'es un bon pauvre. Toi, t'as le droit d'être pauvre, t'as de bonnes raisons pour être assisté par l'État. Donc, c'est la première catégorie.

Nous, on dit que de passer comme ça à la Régie des rentes... C'est sûr que présentement on nous dit: Les gens qui passeront au Régime de rentes pourront, s'ils le désirent, revenir avec leur statut d'assisté social; bon, il y a toute une nouvelle terminologie, mais c'est comme ça qu'on le conçoit, présentement. Nous autres, on n'a pas de garantie de ça, c'est-à-dire que, dans un an, dans deux ans, dans trois ans, est-ce que effectivement ces gens-là vont à nouveau pouvoir revenir à l'aide sociale? Ce qu'on en comprend, c'est que, quand t'es à l'aide sociale, t'as le droit, si tel est ton désir, de participer effectivement à des mesures d'employabilité ou à des parcours, tel que dit. Donc, nous, on pense qu'il y a quelque chose de stigmatisant dans le fait d'éventuellement amener ces gens-là à la Régie des rentes et de les classer effectivement comme invalides ou comme personnes étant incapables à vie de faire quoi que ce soit dans la société.

C'est sûr qu'il y a quelque chose de sécurisant pour bien des personnes. Le statut d'assisté social, depuis plusieurs années, n'a comme pas tellement bonne réputation. Disons que les lignes ouvertes à la radio aidant et les médias aussi souvent font en sorte que l'assisté social moyen est d'abord coupable, est d'abord un fraudeur, est d'abord quelqu'un qui profite de la société et, ensuite, là-dedans il y en a qui sont corrects. Donc, c'est sûr que, pour certaines personnes, d'acquérir juste le statut d'être rentier au lieu d'être assisté social, il y a quelque chose de plus noble là-dedans. Donc, il y a quelque chose d'attirant, mais aussi il y a un danger. Si ce n'est pas réversible, éventuellement, donc il y a un danger. Par rapport à ça, effectivement, on n'a pas eu de réelle garantie à l'effet que les gens pourront revenir un jour à l'aide sociale et réacquérir la capacité finalement de participer à différents programmes. Donc, ça, c'était le bon pauvre, celui qui a des bonnes raisons de demander l'assistance de la société.

Le mauvais pauvre, en contrepartie, c'est celui qui, justement, en raison de son âge ou en raison de sa capacité de travailler, est vu comme un profiteur du système. On est en train de faire un clivage réel entre ces deux catégories-là, on est en train de classer vraiment les gens qui vont être considérés comme des bons pauvres et des mauvais pauvres. C'est comme si le projet de loi faisait effectivement abstraction complètement du fait qu'il y a peut-être du monde qui ne travaille pas parce qu'il n'y en a pas, de jobs. On fait abstraction du contexte socioéconomique. C'est comme si on remettait à la personne la responsabilité de sa propre condition: soit que la personne ne travaille pas parce qu'elle est paresseuse, soit que la personne ne travaille pas parce qu'elle n'est pas débrouillarde ou, dans le meilleur des cas, parce que c'est une personne qui a été malchanceuse dans sa vie.

On n'inclut pas aussi et on ne fait pas attention au fait que c'est bien beau, des parcours, c'est bien beau, des programmes de réinsertion, mais, personnellement, sur le terrain, ce qu'on voit, nous autres, dans la vraie vie, là, c'est le vrai monde qui est aux prises avec ces programmes-là. Pour nous, ces programmes-là, ce n'est pas des abstractions, ce n'est pas des règlements, ce n'est pas des lois, ce n'est pas des enveloppes; pour nous, c'est du monde, là, c'est du vrai monde qu'on voit dans la vraie vie de tous les jours, c'est du vrai monde qui a participé à un programme de réinsertion, à deux, à trois, puis, à un moment donné, c'est plafonné, il a fait le tour puis il se retrouve dans une situation pire après avoir fait ce tour-là parce que c'est un constat d'échec qu'il vit. Ça ne les a pas amenés, ces gens-là, sur un vrai emploi, ils ont été considérés tant et aussi longtemps que, oui, ils étaient subventionnés, mais l'employeur, que ce soit dans l'entreprise privée ou dans d'autres milieux, ne conserve pas ces personnes-là, une fois que le programme est fini. Donc, il y a un constat d'échec, pour ces personnes-là, qui parfois fait en sorte que, après ces programmes-là, elles sont dans un encore pire état psychologique et moral – et souvent financier aussi – qu'elles l'étaient avant d'embarquer sur ces programmes-là.

Il y a des aspects qu'on trouve aussi très irritants dans le projet de loi n° 186. C'est, entre autres, sauf pour les familles monoparentales, où on va permettre la cohabitation... Une des stratégies des personnes démunies en ce qui touche le logement, c'est de partager des logements, et on trouve ça cruel de couper des gens à cause qu'ils ont usé de débrouillardise, d'entraide et de solidarité. On considère que ce genre de mesure là, c'est inconcevable qu'elle ne soit pas appliquée à tout le monde.

(17 h 20)

Un autre élément aussi, c'est naturellement l'aspect de la saisie du loyer qui fait en sorte qu'à un moment donné, dans la vraie vie, dans la vraie réalité, il y a des gens, il y a des familles qui ont à choisir, en plein hiver, entre manger, ou s'habiller, ou payer le loyer et que maintenant c'est par voie de règlement, c'est par voie de loi que le gouvernement va décider que c'est le loyer qu'on paie puis que, si tu n'as rien à manger, bien, c'est de valeur, mais ton chèque va être plus petit, puis, si tu n'as pas de chaussures pour te promener dans la neige, c'est bien de valeur aussi.

Finalement, étant donné qu'il ne reste pas beaucoup de temps – ha, ha, ha! – on pense que le projet de loi, il va déplacer le problème de la pauvreté vers d'autres ministères, dans le sens que d'accepter que les gens s'appauvrissent, ça va faire en sorte que c'est au niveau de la santé, c'est au niveau de l'éducation, c'est au niveau de la justice que ça va avoir des retombées. Nous, on pense que ce n'est pas un bon calcul. On pense que d'investir pour améliorer les conditions des personnes qui sont les plus démunies, c'est d'investir dans la prévention, c'est de faire en sorte que ça coûte moins cher.

Puis ce qu'on est venus faire ici aujourd'hui, finalement, c'est de vous dire que, nous, on est prêts à travailler avec n'importe quel gouvernement qui veut vraiment enrayer la pauvreté et qui a comme objectif principal de permettre à chaque citoyen du Québec de vivre dans la dignité, c'est-à-dire d'être capable, oui, de subvenir à ses besoins de base, puis qu'on est prêts à travailler main dans la main avec n'importe quel gouvernement qui va avoir ça comme objectif et qui va penser à quelque chose qui pourrait ressembler au revenu minimum garanti. On est prêts à s'asseoir, on est prêts à faire les calculs, on est prêts à négocier ce genre de choses là, mais tout en ayant à l'esprit qu'il n'y a aucun citoyen au Québec qui devrait être dans la misère. Il n'y a aucun citoyen au Québec qui devrait se retrouver dans une situation qui fait en sorte que, oui, c'est possible qu'il se retrouve au niveau de la justice, au niveau du décrochage, au niveau de la santé physique ou avec des problèmes de santé mentale. Donc, nous, ce qu'on dit, c'est: Mettons de côté le projet de loi n° 186 et asseyons-nous ensemble, en tant que personnes de bonne volonté, puis essayons d'effectivement travailler sur quelque chose qui va être plus durable qu'un équipement, un modèle «workfare». Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Harel: M. le Président, je comprends que c'est M. Beauvais, je crois, hein?

M. Beauvais (Mario): Lui-même.


Document déposé

Mme Harel: Lui-même, l'agent de développement du Regroupement. Je salue M. Roberge, M. Nadeau et Mme Rousseau. Bon, M. le Président, je crois d'abord important peut-être de distribuer... C'est une fiche qui est d'une page seulement, mais qui comprend tous les éléments qui ont pu bonifier. On peut le déposer aussi au secrétariat de la commission.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui.

Mme Harel: Oui, avec le consentement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Déposé.

Mme Harel: Alors donc, ce sont les améliorations apportées suite à la consultation après le livre vert et donc le projet de loi n° 186. Alors, vous verrez, M. le Président, que ça se chiffre autour de 145 000 000 $, peut-être plus exactement 80 000 000 $ qui ont été retirés de ce qui pouvait être considéré comme les principales critiques exprimées au moment de la commission parlementaire sur le livre vert, et puis des bonifications; vous en verrez le détail. J'ai fait préparer ça cet après-midi. Donc, des bonifications de l'ordre d'environ 65 000 000 $, mais je peux comprendre que ce ne soit pas assez. Ça, je peux le comprendre, et je peux comprendre que la coupure du partage du logement soit considérée comme devant être abandonnée pas simplement pour les monoparentales, mais pour l'ensemble des personnes qui partagent.

Et là je veux rappeler pas seulement à M. Beauvais, mais à l'ensemble de la commission que ce n'est pas le projet de loi n° 186. Peut-être que c'était un lapsus. Tantôt, M. Beauvais a dit: Le projet de loi n° 186 est cruel parce qu'il y a le partage du logement.

M. Beauvais (Mario): Continue à être cruel. Ha, ha, ha!

Mme Harel: Bon, parce que ça fait 10 ans. Ça fait 10 ans.

M. Beauvais (Mario): Oui, oui.

Mme Harel: Et, quand vous parliez, tantôt, je vous écoutais, puis vous nous disiez: Nous, on vit avec les gens qui sont aux prises avec les programmes. Et vous vous référiez, là, à ce qui existait. C'est le procès des mesures d'employabilité, c'est le procès finalement de ces mesures qui les cloisonnaient. Moi, je considère que l'aspect le plus important, qui était le plus prioritaire pour moi, c'était de faire une loi d'inclusion où les personnes sur l'aide sociale n'étaient plus confinées aux mesures d'employabilité comme elles l'avaient été depuis 10 ans, où dorénavant elles vont avoir accès, au même titre que les autres demandeurs d'emploi, aux services, aux ressources, aux conseillers d'Emploi-Québec, aux services de placement d'Emploi-Québec, aux services et programmes d'Emploi-Québec, donc à une politique de main-d'oeuvre qui les excluait.

Avez-vous idée, quand j'arrive ministre, il y a deux ans et demi, et que je réfère des personnes à la SQDM, Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, qu'on me dit: Non, ce n'est pas possible, notre loi... La loi constituant la SQDM excluait qu'elle rende des services aux prestataires d'aide sociale. Alors, j'avais l'impression... Je ne sais pas si ma collègue, Mme la députée de Sherbrooke, va accepter que je dise tout haut la remarque qu'elle me passait tout bas, mais c'est une référence à un système qui s'était très détérioré, qui était le système d'employabilité. C'est justement parce que, moi, ça fait 18 ans que je vis sur la rue Bennett, et que je travaille sur la rue Ontario, et que je rencontre des gens, et que je sais qu'il nous fallait nous en sortir, de ce système-là, que je propose ça.

Vous, par exemple sur le non-paiement de loyer, vous dites: Retirez votre projet de loi ou retirez ces articles-là, parce que vous considérez qu'il sont discriminatoires. Vous savez cependant qu'un propriétaire a le droit, dans n'importe quelle société, de ne pas garder un locataire qui ne paie pas le loyer. Hein, un propriétaire, ce n'est pas obligé de garder un locataire qui ne paie pas. Et il y a l'éviction, puis il peut le mettre à la rue. Puis, maintenant, puisque les décisions de la Régie du logement sont d'ordre public, comme n'importe quel tribunal – par modem, on a accès, maintenant, à travers le Québec, aux décisions des régies comme aux décisions des autres tribunaux administratifs – donc, maintenant et plus qu'avant, il sera possible pour un propriétaire de vérifier si la personne qui lui demande de louer le loyer a été dans le passé l'objet d'éviction, si ça s'est fait de façon répétitive, et il peut s'avérer qu'il y ait des personnes qui de moins en moins trouveront des propriétaires consentants pour les essayer. Alors, ça, vous nous dites: Ce n'est pas notre problème? C'est ce que je comprends.

M. Beauvais (Mario): Est-ce que je peux répondre? Ha, ha, ha!

Mme Harel: C'est à la rue, à ce moment-là?

M. Beauvais (Mario): Non. Moi, je pense que ce n'est pas une question d'à la rue. Je veux dire, les personnes qui vivent des situations... Bon, on me dit: Je fais référence au vieux système, mais c'est celui-là qu'on quitte et on ne voit pas une réelle différence, sauf pour certains éléments, entre l'ancien et le nouveau. Mais des personnes qui sont en situation de survie – je parle de survie, là, une question de nourriture, une question de vêtements, une question d'habitation – parfois veulent... Ou leur dernière stratégie, c'est d'eux-mêmes faire de la stratégie, de dire: Je ne paie pas mon loyer pendant deux mois, mais mes enfants vont avoir des bottes dans les pieds. Parce que c'est de ça qu'on parle. Quand on parle d'un revenu pour trois personnes, je ne sais pas, moi, un adulte et deux enfants, ou trois enfants, ou quatre enfants, quand on parle de ce revenu-là, il faut bien s'imaginer que des êtres humains vivent avec ça, ont un loyer à payer, ont de la nourriture à payer, ont du transport à payer, ont des vêtements à payer, ces gens-là. Donc, c'est de leur retirer une place où c'est leur propre stratégie qui tient lieu, finalement, de dire: Bon, bien, je ne paie pas mon loyer pendant deux mois puis je vais aller à la Régie du logement, je vais gosser, mais, au moins, pendant ce temps-là, je vais pouvoir me nourrir.

Je comprends que ce n'est pas mieux d'être dans la rue que de ne pas manger, peut-être, mais c'est d'enlever cet élément-là de stratégie à la personne. La personne se fait ses propres stratégies avec qu'est-ce qu'elle a entre les mains, mais, je veux dire, c'est de réglementer, le fait de dire: C'est le propriétaire qui va avoir la première partie du chèque, et les autres, ils attendront.

Mme Harel: Vous nous avez parlé d'une personne qui a trois ou quatre enfants. Je souhaiterais bien pouvoir vous indiquer quel est le montant, mais, moi, j'ai une fiche ici pour une personne qui a deux enfants. En fait, c'est une famille de deux personnes. J'ai des fiches, là. On pourrait peut-être me sortir la fiche pour une famille monoparentale, mais prenons le cas de deux adultes, deux enfants sur l'aide sociale. C'est l'équivalent de 1 301,43 $ par mois, et ça, ça ne comprend pas les frais de garde. Pour une famille avec un seul enfant, une famille monoparentale avec un enfant, c'est 1 078,85 $.

(17 h 30)

Ici, j'ai le cas d'une famille monoparentale ayant à sa charge un enfant de quatre ans. Alors, ce qu'elle reçoit, c'est une prestation d'aide sociale qui est à 477 $ plus la majoration pour taxe de vente de 13 $ et puis plus les allocations pour enfant maintenant versées par la Régie des rentes, 189,58 $, allocations familiales, prestation fiscale fédérale, plus l'allocation-logement qui est de 66 $, plus les crédits d'impôt pour TVQ et TPS, qui totalisent 19,30 $, plus les revenus qui sont disponibles pour le remboursement d'impôts fonciers de 23 $, le total, grosso modo, c'est le chèque, là...

M. Beauvais (Mario): Il y a combien de monde?

Mme Harel: Une famille d'une personne et un enfant, un adulte et un enfant, c'est 1 078 $. Ça, ça ne comprend pas ce qui peut s'ajouter avec les frais de garde. Mais 1 078,85 $ X 12, vous voyez, ça fait à peu près quelque chose comme 12 500 $. Bon. 12 500 $, c'est finalement à peu près l'équivalent de ce qu'une personne au salaire minimum va gagner, dépendamment du nombre d'heures travaillées, mais avec les coûts aussi parce qu'il faut que la personne paie maintenant l'assurance-emploi, la Régie des rentes, paie aussi – qu'est-ce qu'il y a d'autre – le fonds d'assurance-maladie, bon, etc. Ça revient à peu près, si vous voulez, au même. Puis maintenant elle pourra ajouter 100 $ pour la pension alimentaire; s'il y a une pension qui est versée, elle aura droit jusqu'à 100 $ par mois qui s'ajoutera à ça. Ça lui fera 1 200 $ de plus, donc autour de 14 000 $ et possiblement aussi, parce qu'il n'y a plus de coupure de partage du logement, ça pourra en fait à ce moment-là lui faire autour... dépendamment s'il y a ou pas pension.

Je dis que c'est très difficile d'arriver, mais c'est bien évident que, quand on compare cette situation monoparentale, un enfant, celle d'une famille de deux adultes et deux enfants, qui va chercher 15 000 $ nets, 15 000 $ nets, il faut gagner autour de 17 000 $, 18 000 $... 17 000 $ à 18 000 $, c'est combien par semaine, ça, à peu près? 300 $ peut-être? Autour... non, 350 $ peut-être ou 400 $, 400 $ par semaine. Il faut gagner environ 400 $ par semaine.

Vous savez, je suis consciente que ce n'est pas simple tout ça, mais en même temps on voyait bien que les personnes qui, entre 1990 et 1995, s'étaient appauvries, c'étaient celles qui étaient dans la classe moyenne alors qu'on voyait – les chiffres de statistiques nous le prouvaient – que celles qui étaient vraiment au bas de l'échelle avaient maintenu entre 1990 et 1996. Mais celles qui ont vraiment pris une débarque, comme on dit en termes peu élégants, ce sont celles qui étaient dans les revenus moyens.

Alors, là, vous nous dites quoi par rapport à ces revenus-là? Par exemple une famille de deux adultes et deux enfants, vous voyez, c'est à peu près, quoi, 15 000 $ de base. Vous voyez que ça serait quoi?

M. Beauvais (Mario): Bien, effectivement, nous, par rapport à ça... L'exemple que vous avez donné, c'est un très bon exemple effectivement, sauf qu'on se demande pourquoi tous les citoyens n'ont pas droit d'avoir minimalement ce genre de revenu là qui leur permet de vivre décemment. Parce qu'effectivement le genre d'exemple que vous donnez fait en sorte que quelqu'un ne vit pas dans le luxe, mais est capable possiblement, s'il est bien économe, de manger trois fois par jour et de faire manger son enfant et d'avoir un loyer et de payer son Hydro-Québec et son téléphone, s'il n'a pas trop de parenté à distance. Mais c'est quand même un revenu effectivement qui permet à quelqu'un de vivre, sauf que ce n'est pas tous les citoyens qui ont ce revenu-là.

Je veux dire, il y a des citoyens de 18, 19, 20 ans, 22 ans, 25 ans qui sont seuls, en appartement, qui ont des besoins, du monde aussi de 30 ans, de 40 ans qui n'ont pas la bonne étiquette par rapport à l'inaptitude ou l'incapacité de travailler – je ne me souviens pas du nouveau terme qui est sorti – mais je pense que, nous, ce qu'on demande finalement, c'est d'étudier une manière de faire en sorte que chaque citoyen ait un revenu minimum garanti. Parce que, nous autres, on pense que des centaines de milliers de personnes qui vivent dans une pauvreté fait en sorte que... vous avez juste à ouvrir le Journal de Montréal ou le Journal de Québec à tous les jours et effectivement la violence, la criminalité, les suicides, des problèmes de toxicomanie, nous autres, on pense qu'en bonne partie c'est relié à la pauvreté qui est vécue, puis on pense que ce qu'on ne paye pas directement par un revenu minimum garanti, bien, on le paye indirectement parce que la violence s'accroît. Que ce soit de la violence conjugale, que ce soit de la délinquance, que ce soient des problèmes de toxicomanie, que ce soient des jeunes qui se prostituent, nous autres on pense qu'une bonne partie de ces problèmes sociaux là, qu'il faut payer «anyway», bien, on serait peut-être mieux de les investir directement dans un revenu minimum garanti, parce qu'on pense que c'est là qu'on va faire vraiment de la prévention. Au lieu d'installer des mesures punitives, essayer au moins d'assurer à tout le monde de vivre décemment au Québec.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Bourassa. Je m'excuse, là...

M. Beauvais (Mario): Oui, c'est beau.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...je dois être assez rigide si on veut terminer dans le temps. Ça me prend le consentement... Oui... non, vous êtes membre, je m'excuse, je n'ai rien dit. Mme la députée... Excusez-moi.

Une voix: ...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est vous qui commencez?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Un peu de confusion, ça se comprend en fin de journée. Ce n'est pas grave. Je veux souhaiter également la bienvenue à nos représentants du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec.

Je comprends votre dilemme de vouloir ou de ne pas vouloir comparaître devant la commission, mais je pense que vous amenez un point de vue auquel, comme parlementaires, on ne peut pas être insensibles. On ne peut pas associer directement des personnes qui ont des problèmes de santé mentale avec l'aide sociale. Moi, je pense que ce serait mauvais de le faire, et, vous l'avez très bien dit au début, là, ce n'est pas tout le monde évidemment qui souffre de problèmes de santé mentale, qui est automatiquement associé aux prestataires de la sécurité du revenu. Mais quand même on peut identifier parmi des groupes vulnérables, des groupes à risque, certainement je pense qu'on peut identifier des personnes avec des problèmes de santé mentale comme un groupe à risque. En tout cas, moi, je le constate à Notre-Dame-de-Grâce; il y a même un regroupement là qui s'implique au niveau de la réforme de l'aide sociale.

Je suis un peu embêté quand la ministre dit que les problèmes que vous décrivez en fin de compte c'est le procès des anciens programmes, des anciens programmes d'employabilité. C'est peut-être vrai, je ne suis pas en mesure vraiment de faire cette analyse-là. Ce que je comprends par contre, c'est que ça va prendre des années avant qu'on ait un vrai changement sur le terrain. C'est ça que je crains en tout cas, dans un premier temps.

Dans un deuxième temps, je suis pas tout à fait convaincu qu'il a fallu procéder de voie législative, aussi, de vouloir changer des programmes en employabilité. On aurait pu procéder autrement que par voie législative, comme l'a fait d'ailleurs la ministre de l'Emploi quand elle nous dépose la liste des améliorations apportées entre le livre vert et le projet de loi à l'étude. Je ne sais pas si vous l'avez vu. Oui, on fait état d'une dizaine – à ce qu'on dit – d'améliorations. Donc, quant à moi, quand je lis la liste, là, à forte majorité, c'est des changements réglementaires qui auraient pu être apportés quasiment à la loi existante: l'allocation de non-disponibilité aux personnes ayant la charge d'un enfant continue à s'appliquer. C'est par règlement, ça. Le partage du logement, on corrige ça par règlement.

Mme Harel: Corriger la loi. Il faut corriger la loi, parce que la loi nous interdisait d'abolir la coupure.

M. Copeman: Oui, oui. Le partage du logement en tout cas, pour les personnes monoparentales, ça s'applique à partir du premier juin, parce que c'est un règlement qui indique que c'est le cas. C'est ça, vous l'avez annoncé, là. Alors, on ne peut pas procéder à abolir le partage du logement pour les familles monoparentales du 1er juin quand la loi n'est pas adoptée, c'est par voie réglementaire que la ministre le fait.

Tout ce que je veux dire, c'est qu'on aurait pu procéder, en bien des cas, à faire des améliorations par voie réglementaire. La prestation spéciale aussi, l'exemption de la valeur nette de la résidence, en tout cas peu importe.

(17 h 40)

Le revenu minimum garanti, Mme la ministre a parlé... vous n'êtes pas le premier groupe qui nous amène cette idée, semble-t-il le gouvernement a déjà tenté de faire l'analyse de qu'est-ce que ça coûterait au Québec puis on arrive à des sommes complètement astronomiques, faramineuses. À chaque fois que la ministre en parle, le total augmente. À un moment donné, c'était 1 000 000 000 $, 3 000 000 000 $, 9 000 000 000 $. En tout cas, il me semble qu'on est rendu à bien des milliards, là.

Mme Harel: On est toujours à 19 000 000 000 $.

M. Copeman: O.K. Voyez-vous, à 19 000 000 000 $.

M. Beauvais (Mario): J'avais 17 000 000 000 $.

M. Copeman: Ah, voyez-vous. On avait 16 000 000 000 $ à un moment donné.

Mme Harel: C'est toujours 19 000 000 000 $.

M. Copeman: En tout cas, peu importe, 19 000 000 000 $. Ça suppose un problème, ça, pour n'importe quel gouvernement au Québec. Comment est-ce qu'on peut envisager un changement aussi dramatique dans notre système quand on n'est même pas, semble-t-il, capable de trouver les ressources nécessaires pour rencontrer les besoins essentiels minimums établis même par le ministère? Comment vous répondez à ça?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Beauvais.

M. Beauvais (Mario): Bon. Effectivement, nous aussi, un des premiers éléments, c'est que le front commun des assistés sociaux dit, quant à lui, que ça coûterait 3 000 000 000 $. Effectivement, nous, les chiffres qu'on avait du ministère, ça nous disait 17 000 000 000 $.

Nous, on est prêt à embarquer là-dedans et dire: Pourquoi on ne commence pas à discuter de ça puis aller vérifier, entre le 3 000 000 000 $ et le 17 000 000 000 $, les méthodes de calcul? Vérifier aussi si on a calculé les économies qui vont être faites. Quand on a dit tantôt que, quand les gens sont pauvres, ils sont plus malades, quand on dit que, quand les gens sont pauvres, il y a plus de violence, quand on dit que, quand les gens sont pauvres, il y a plus de décrochage scolaire, quand on dit que... bon, tous ces éléments-là, qu'il y a plus de criminalité, qu'il y a plus de délinquance, ça coûte combien, ça?

Quand on dit que ça va coûter 17 000 000 000 $, est-ce qu'on a soustrait les frais que ça coûte d'avoir une société où il y a des gens pauvres? Est-ce qu'on a fait ce calcul-là, est-ce qu'il est faisable ce calcul-là, d'une part? D'une autre part, quand des gens sont pauvres, il y a aussi un manque à gagner au niveau des revenus, c'est-à-dire qu'il y a des gens effectivement qui, comme seule solution de survie, vont travailler au noir. C'est un manque à gagner pour les gouvernements, ça. Puis tant et aussi longtemps qu'on vit dans une société où quelqu'un peut se retrouver avec, je ne sais pas, moi, 100 $ par mois de revenus de l'État, puis que c'est son seul revenu, il va se sentir légitimé, oui, de travailler au noir puis il y a des gens qui vont se sentir légitimés...

Puis dans le calcul qu'on a fait aussi, est-ce qu'on a calculé que ce 17 000 000 000 $ ou ce 3 000 000 000 $ là va revenir aussi dans la machine, c'est-à-dire qu'il va y en avoir qui va revenir en taxes? Ça va créer de l'emploi, donc il y en a qui va revenir en impôts. Il y a des gens qui vont quitter l'aide sociale parce que ça va créer de l'emploi. Est-ce qu'on a fait ce calcul-là ou on a juste dit: Tant de personnes à tant de piastres par année, ça coûte 17 000 000 000 $?

Nous, on a le goût de s'interroger. On a le goût de bâtir sur quelque chose de nouveau comme ce revenu minimum garanti là, mais on parle d'un revenu décent, là, qui permet aux gens de vivre. On a le goût d'apporter notre expérience terrain par rapport à ça.

Un gouvernement qui nous dit: Nous, notre orientation, c'est qu'il n'y en ait plus, de pauvreté, au Québec, et on est prêt... Puis je pense qu'on n'est pas des illuminés, là. On est prêt à prendre conscience et dire: Oui, peut-être que demain matin ça ne peut pas se faire, peut-être que c'est sur cinq ans, peut-être que c'est sur 10 ans, peut-être qu'il y a des cultures qu'il faut qui changent, mais effectivement, nous, on dit: Pourquoi on ne s'assoit pas puis qu'on prenne le temps?

Parce que souvent il y a des lois que ça prend 25 ans avant qu'on pense à les changer, puis la journée où on pense à les changer, il faut que tout se passe en deux mois. Nous, on dit: Non, il faut qu'il y ait de plus en plus de partenariat entre les décideurs et les gens qui font partie de la société, les citoyens, puis qu'ensemble on bâtisse des choses. Puis ces choses-là, on est prêt à travailler, puis à les bâtir, puis à apporter l'expertise puis les nuances que ça prend pour être capable de les mettre en application. Et c'est ce qu'on est venu porter comme message principal.

C'est sûr que ce n'était pas le fun. On s'en venait ici puis on ne s'en venait pas juste pour dire des affaires fines. Ce n'est pas le fun. Tu arrives à quelque part, en visite, puis tu t'en viens dire des affaires pas fines beaucoup. Mais l'affaire fine qu'on s'en venait dire, c'est: On est prêt à travailler avec vous autres si vous ouvrez effectivement la porte à un concept comme ça, comme celui du revenu minimum garanti. On en est pas, des experts, mais on a peut-être le goût d'en devenir avec les décideurs.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

M. Copeman: Une dernière question avant de passer la parole à ma collègue, la députée de Bourassa, avec le consentement des membres de la commission.

Question d'assurance-médicaments, je sais que ce n'est pas traité directement, puis, au risque de me faire mettre hors d'ordre par le président, je veux juste vous donner une occasion de passer un mot là-dessus. Ce que je vois, dans Notre-Dame-de-Grâce, il y a un impact réel.

Encore une fois, ce n'est pas tout le monde qui a des problèmes de santé mentale au Québec, qui prend des médicaments, mais il y a un pourcentage important qui le fait pour contrôler ou pour se faire soigner et guérir par des médicaments. Avez-vous remarqué un impact là-dessus avec la loi sur l'assurance-médicaments, le plancher de 100 $, 16,66 $ par mois comme franchise?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Beauvais.

M. Beauvais (Mario): Effectivement, on a entendu un peu partout des histoires de gens qui ne les prenaient plus. Puis ce qui est encore plus tragique – parce que, nous, on défend, le droit des personnes de décider s'ils veulent les prendre ou non, nous autres, on défend le libre choix de chaque personne, particulièrement en santé mentale, je pense qu'on aurait un long discours à faire là-dessus – un des problèmes, ce libre choix là, les gens ne l'avaient plus parfois parce qu'ils n'avaient pas les moyens de l'appliquer. Puis deuxièmement c'est qu'il y avait un réel danger pour la santé, dans le cas de médicaments que tu prends depuis deux ans, quatre ans, cinq ans, 10 ans – des fortes doses – de les arrêter du jour au lendemain parce que tu n'as pas d'argent. Ce n'est pas une super bonne idée. Donc, oui, on a entendu parler; on n'a pas répertorié le nombre, le pourcentage, mais, oui, il semblerait que ça s'est passé un peu partout, cette idée-là.

Puis par rapport aux médicaments, encore là à cette époque-là, quand il y a eu la question sur l'assurance-médicaments, nous, on avait le goût aussi de discuter ensemble puis de dire: Pourquoi que ça ne soit pas les médicaments les moins chers qui soient fournis par l'État? Juste par une telle mesure... On sait que les multinationales, les compagnies ont leur siège social au Québec, ceux qui fabriquent les médicaments d'origine. On aurait aimé ça participer à une discussion pour savoir: Pour le bien de l'ensemble de la société québécoise, est-ce que de fournir les médicaments qui sont les moins chers, qui sont d'une qualité égale, ça n'aurait pas permis de ne pas appauvrir encore une fois plus ces gens-là qui sont obligés de payer – ça a l'air de rien, mais, des fois, un petit 16 $ ou un...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. En une minute et demie, Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Merci. Je vous remercie de votre générosité dans le temps, M. le Président. J'aimerais simplement apporter un autre questionnement par rapport à ce que vous venez de dire concernant soit un barème plancher ou un revenu minimum garanti ou peu importe comment on l'appelle.

Pour moi il y a une question qui tient au coût – c'est ce dont on vient de parler: Combien ça coûte faire ça? Et on pourrait discuter longtemps et valider les chiffres de part et d'autre, mais il y a une autre question qui pour moi est certainement aussi importante sinon plus importante, qui est une question de principe – et honnêtement je ne trouve pas qu'on réponde suffisamment à cette deuxième interrogation dans le cadre des audiences publiques – c'est de savoir si une société bien faite doit accepter l'idée qu'un certain nombre de ses citoyens et ses citoyennes soient des exclus du marché du travail et soient donc condamnés à vivre d'un revenu minimum garanti. Un peu comme si on lançait la serviette et qu'on disait: Dorénavant, on considère qu'il y a tel pourcentage dans la société pour lequel ce n'est même plus la peine de faire des efforts parce que ces gens-là sont condamnés à être en marge.

Vous avez dit en commençant qu'il y avait un manque d'emplois qui était criant. Moi, je veux bien – et je reconnais qu'il y a un manque d'emplois – mais je pense que, si on ne fait rien, si on n'inscrit pas les gens dans des parcours, si on ne leur permet pas tout au moins d'être en cheminement, l'écart va se creuser entre ceux qui auront des emplois et ceux qui n'en auront jamais. Et même si le revenu minimum garanti ne coûtait pas 19 000 000 000 $, même s'il ne coûtait quelque chose de bien plus raisonnable, je ne suis pas sûre du tout que j'aurais envie de passer une loi qui consacre l'exclusion d'un certain nombre de milliers de personnes dans la société. Et à ça, il n'y a jamais personne jusqu'ici depuis deux ans qui m'a répondu quelque chose de satisfaisant. Puis je reviendrai avec ça en quelques occasions parce que tant qu'on n'a pas répondu à ça, moi, je trouve bien plus intéressant ce qu'on vous propose que le revenu minimum garanti.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. J'aimerais, s'il vous plaît – je ne voudrais pas vous prendre par surprise – attirer votre attention sur l'article 117 du projet de loi. Les clientèles que vous représentez, est-ce qu'elles ont l'habitude de se plaindre des situations qu'elles vivent, et est-ce que vous croyez que le Bureau de renseignements et de plaintes, tel qu'il est conçu, prévu, organisé, donc avec une vocation renseignement, une vocation de promouvoir la qualité des services et aussi une vocation d'assurer le respect des droits, va être un plus?

M. Beauvais (Mario): Par rapport à l'ancienne loi 37?

Mme Lamquin-Éthier: Oui.

M. Beauvais (Mario): Bon, c'est évident qu'une bonne partie des clientèles qui fréquentent nos organismes et qui ont des problèmes de santé mentale, avec le projet de loi n° 186, vont avoir effectivement accès au Régime des rentes du Québec. Donc, c'est sûr qu'il y a un paquet de problèmes qui, à ce niveau-là, risquent d'être réglés. Comme je vous disais au début, ça risque aussi d'occasionner d'autres genres de problèmes, c'est-à-dire une exclusion effectivement quasi définitive. En tout cas, il n'y a rien qui nous prouve qu'elle ne sera pas éventuellement définitive, cette exclusion-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Madame Rousseau.

(17 h 50)

Mme Rousseau (Ginette): Oui, moi, j'aimerais ça répondre à madame. Je trouve que c'est une question très intéressante que vous soulevez. Bien, d'abord, j'aimerais ça dire... moi, c'est la troisième fois que je viens à ce genre d'exercice là et je trouve ça intéressant que vous proposiez à nouveau des amendements même si ce n'est pas satisfaisant de ce qu'on souhaiterait. Je trouve qu'il y a comme une ouverture à ce niveau-là. Mais je voudrais amener ça plus loin, l'ouverture, dans le sens... Bon, vous parlez de 17 000 000 000 $ ou 19 000 000 000 $ puis que... Je pense que la question de fond, c'est: à partir d'un revenu minimum garanti qu'on propose des mesures ou des façons de faire pour que les gens puissent retourner sur le marché du travail. L'un ne va pas nécessairement sans l'autre.

Là, on essaie de séparer ça. Si on offre un revenu minimum garanti, c'est que ça sous-entend qu'il n'y a plus de mesures, qu'on n'offre plus rien aux gens. Ce n'est pas ça que l'on souhaite, parce que pour moi donner de l'espoir aux gens... Oui, effectivement, il y a de l'espoir d'un emploi ou d'une façon de se rendre utile dans notre société. Ce n'est pas nécessairement en vivant dans la pauvreté qu'on va y arriver. Je pense que les gens perdent espoir le jour où ils vivent dans des conditions de survie, qu'ils se lèvent le matin et n'ont pas le goût d'aller chercher un emploi, ils sont à savoir: Est-ce qu'on va avoir des sous ce soir pour souper avec les enfants? C'est un débat tout à fait différent dont on parle.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie.

Mme Harel: Est-ce que ce sont les familles avec enfants qui sont les plus démunies présentement ou ce ne sont pas plutôt des personnes seules?

Mme Rousseau (Ginette): Bien, on travaille beaucoup avec des personnes seules, et elles vivent beaucoup dans la pauvreté. Moi, ce qui me frappe énormément, c'est qu'on a perdu espoir. On peut offrir 50 000 mesures, ces gens-là ont perdu espoir.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Bourassa, vous auriez une minute, une minute et...

Mme Lamquin-Éthier: Non, non, ça va, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, conclusion?

M. Copeman: Merci pour le point de vue que vous nous apportez. Ça peut paraître frustrant aussi de votre part, M. Beauvais y a fait allusion: plus on consulte, moins on a l'impression qu'on tient compte des points de vue. Mais je pense que c'était essentiel quand même de faire l'effort. On n'est pas, comme parlementaires, à l'abri je pense d'une notion qu'on sait exactement quoi faire pour tout le monde tout le temps. On a besoin d'être rappelé de temps en temps qu'on n'a pas toujours les solutions, nous ne sommes pas tous des illuminés non plus, et qu'on a besoin d'être éclairé de temps en temps par des personnes qui travaillent sur le terrain comme vous autres.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Courte conclusion, Mme la ministre.

Mme Harel: M. le Président, je me demandais si le Regroupement était membre de la Coalition des organismes communautaires en développement de la main-d'oeuvre.

Mme Rousseau (Ginette): ...si on faisait partie de cette coalition-là.

Mme Harel: En faites-vous partie...

Une voix: Non.

Mme Harel: ...de la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre?

Mme Rousseau (Ginette): On fait partie de plusieurs organismes, mais pas celui-là.

Mme Harel: Pas celui-là? Parce que la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre est l'interlocuteur qui assiste à la Commission des partenaires du marché du travail. Les sièges régionaux qui sont occupés le sont par des représentants de cette Coalition, deux sièges dans chaque région. Au niveau de la commission des partenaires nationale, il y a aussi deux sièges. Je le dis parce que, dans la mesure où il se développera une offre de service différent de celui qu'on connaissait jusqu'à maintenant, qui sera basé non pas sur une gestion par programme mais une gestion par fonds – fonds locaux, régionaux – avec des objectifs de résultats, c'est évident que c'est dans le plan d'action annuel qu'on retrouvera ça.

Le plan d'action est signé à la fois par les partenaires et le gouvernement. C'est comme une cogestion avec une répartition budgétaire. Et il y aura des cibles. On en discute présentement du plan d'action. Cette année, il n'y a pas de cibles. Je le sais pour avoir participé à toutes les dernières réunions avec les partenaires...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): En conclusion, Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme Harel: ...il n'y a pas de cibles particulières pour les personnes qui auraient des problèmes en santé mentale ou qui auraient un handicap ou une déficience. Tout le monde sait cependant qu'il faut arriver à ce qu'il y ait des cibles avec des plans d'action. Une cible, ça veut dire une stratégie, un plan d'action, ça veut dire des moyens qui sont mis à la disposition, si vous voulez, d'Emploi-Québec et de ses partenaires pour arriver.

Alors, moi, ce que je souhaite, c'est que vous y réfléchissiez. De mon côté, moi, je vais réfléchir à l'offre que vous nous faites de participer à un chantier qui porterait sur l'évaluation d'un revenu minimum garanti.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je voudrais juste vous dire en terminant que vous avez devant vous un président qui croit beaucoup dans le travail des commissions. Je crois beaucoup dans le travail des commissions, et vous ne venez pas pour rien. Des fois, ça ne paraît peut-être pas autant que les gens voudraient bien, mais, moi, j'y crois énormément.

Sur ce, les travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 55)

(Reprise à 20 h 18)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, nous reprenons nos travaux en recevant les représentantes de la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre. Mme Neamtan, c'est vous qui allez nous présenter les gens qui vous accompagnent et vous pouvez débuter votre mémoire.


Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre

Mme Neamtan (Nancy): D'accord. Alors, je commence en vous présentant, à ma gauche, Mme Lise Fortin qui, en plus d'être représentante de la Coalition ce soir, est directrice d'une organisation de développement de la main-d'oeuvre dans la région du Saguenay–Lac Saint-Jean, présidente de l'ASEMO, qui est l'Association des services externes de main-d'oeuvre, directrice d'une entreprise d'insertion et également présidente de la Commission des partenaires au niveau régional – alors, elle a plusieurs chapeaux, mais ce soir, c'est son chapeau de la Coalition; à ma droite, Gabrielle Ciesielski qui est directrice d'une organisation dans le quartier Villeray–Saint-Michel à Montréal qui s'appelle ENJEU, qui a travaillé longtemps avec des femmes sans emploi, travaille présentement avec des chômeurs et est aussi représentante à la Coalition du regroupement l'APSEQ; et, à ma droite, Claudette Champagne qui est à quelques jours-semaine permanente à la Coalition; et, moi-même, Nancy Neamtan.

Alors, on voudrait commencer en remerciant Mme la ministre de nous avoir invitées à présenter notre point de vue à l'occasion de ces audiences sur le projet de loi n° 186. Rappelons que, à la suite de la parution du livre vert il y a plus d'un an, notre Coalition avait déposé un mémoire intitulé La réforme de la sécurité du revenu: Un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi. Ce mémoire se voulait une réflexion plus large sur des éléments que la Coalition souhaitait retrouver dans un éventuel projet de loi sur la sécurité du revenu.

(20 h 20)

Notre propos d'aujourd'hui portera principalement sur les mesures actives et les questions d'équité qu'elles soulèvent, parce que nos membres oeuvrent principalement auprès des populations concernées par ce projet de loi. De plus, cette expertise est enrichie par notre participation à titre de représentants du secteur communautaire à la Commission des partenaires du marché du travail et dans les conseils régionaux du marché du travail. Et, peut-être rapidement pour étoffer autour de ce point, vous dire que présentement, depuis la reconnaissance des organismes communautaires et leur pleine participation au niveau de la Commission des partenaires et anciennement la SQDM, nous sommes fiers de constater que, dans deux régions, des présidents des commissions des partenaires sont issus du milieu communautaire. On est maintenant trois ou quatre vice-présidents et/ou vice-présidentes, parce que ce sont surtout des femmes, et moi en tant que membre du comité exécutif aussi. Il y a des membres de la Coalition qui sont des membres actifs de groupes de travail au niveau de différents groupes issus de la Commission des partenaires. Alors, on peut dire qu'on est très bien intégrés dans toute la démarche de la Commission des partenaires et nos commentaires, vous allez trouver qu'ils sont enrichis par cette présence et les réflexions qu'on a pu mener depuis plusieurs années avec nos partenaires syndicaux et patronaux.

Le texte qu'on vous soumettra verbalement aujourd'hui et par écrit demain constitue un résumé de la position de notre Coalition. On y retrouve les divisions suivantes: présentation de la Coalition, notre position sur le parcours individualisé, des problèmes d'équité, une conclusion accompagnée de quelques recommandations.

Bon. Comme je l'ai mentionné, la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre constitue un véritable réseau de groupes enracinés dans les différentes régions du Québec, composée de plus d'une vingtaine de regroupements nationaux et d'organismes dont les plus récents membres – la ministre est très contente de le savoir – sont les carrefours jeunesse-emploi. Ses membres sont impliqués de façon quotidienne dans le développement de la main-d'oeuvre et la relance de l'emploi.

Notre Coalition a été mise sur pied en 1991 lors de la création, par l'ancien gouvernement, de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. À ce moment-là, on avait réclamé et visé à s'assurer que les instances nationales et régionales de la SQDM à l'époque prennent en compte les besoins des populations marginalisées ou exclues du marché du travail. On avait demandé, à ce moment-là, effectivement que toute la question du développement de la main-d'oeuvre pour les personnes prestataires de la sécurité du revenu soit intégrée dans toute la dynamique de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Évidemment, on avait demandé à ce que les organismes communautaires soient présents.

La Coalition tend aussi, et c'est notre rôle en tant que représentants du milieu communautaire, de faire connaître l'apport spécifique des organismes communautaires concernés par le développement de la main-d'oeuvre. Depuis notre première représentation en 1992, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, on a parcouru beaucoup de chemin. D'une situation où, pendant plusieurs années, on était considérés dans la catégorie Autre et, pour plusieurs personnes, souvent je disais que c'était peut-être une autre planète, je pense qu'on a pris notre place. Comme je l'ai mentionné, on a désormais deux sièges dans les instances nationales et régionales de la Commission, reconnus comme des sièges communautaires et reconnus à titre de partenaires socioéconomiques dans la loi.

Les activités des organismes communautaires couvrent un large champ. Elles vont de la formation professionnelle au développement de l'employabilité en passant par l'intégration à l'emploi, l'alphabétisation, la défense des droits des personnes et le développement économique communautaire au niveau local. Donc, on n'est pas uniquement un regroupement d'organismes qui travaillent dans le développement de l'employabilité, mais toutes les réalités qui sont liées au développement de la main-d'oeuvre marginalisée.

Je passe la parole maintenant à Mme Ciesielski.

Mme Ciesielski (Gabrielle): M. le Président, Mme la ministre, Mmes et messieurs, oui au parcours individualisé vers l'insertion, la formation et l'emploi. À titre d'organismes communautaires oeuvrant pour le développement de la main-d'oeuvre, l'idée d'offrir systématiquement à tous les prestataires de la sécurité du revenu un parcours individualisé vers l'emploi nous semble tout à fait pertinente. La plupart des personnes mises à l'écart de la vie active ont besoin d'aide pour s'en sortir. Nous sommes bien placés pour le savoir puisque nous intervenons avec une approche individualisée auprès des chômeurs de longue durée depuis fort longtemps.

Le parcours d'insertion prend tout son sens avec le coffre à outils et sa panoplie de nouvelles mesures. Celles-ci devraient faciliter l'accès à des prestataires de la sécurité du revenu à la formation qualifiante, à la formation préparatoire à l'emploi et à des expériences de stage et d'emploi. Ces mesures sont des éléments essentiels à toute démarche vers l'emploi compte tenu des besoins de formation criants de ces populations. Au Québec, nous avons l'avantage de bénéficier d'une grande variété d'activités de développement de la main-d'oeuvre accessibles à tous les sans-emploi. Nous pensons aux organismes membres de notre Coalition qui offrent des services spécialisés à des clientèles cibles et aux personnes sans emploi dont Nancy vient de parler.

Les conditions de réussite du parcours d'insertion vers l'emploi. La principale condition de réussite d'un parcours d'insertion est la levée des obstacles à la réalisation de ce parcours. Les personnes en démarche d'insertion socioprofessionnelle sont avant tout préoccupées par leur situation financière. La levée des obstacles signifie l'assurance d'un revenu décent et la mise en place de mécanismes facilitant ce parcours menant vers l'emploi.

Les prestataires de la sécurité du revenu ont subi plus que d'autres l'impact négatif des compressions budgétaires et ont vu leurs revenus diminuer ces dernières années. Actuellement, les faibles revenus de prestation font partie des obstacles à un parcours d'insertion vers l'emploi, et cela, même si une allocation de participation est ajoutée à une prestation de base. Cette dernière peut avoir été réduite pour plusieurs raisons. Cette question soulève un enjeu majeur de cette réforme. Nous tenons à rappeler ici que l'ancien Régime d'assistance publique du établissait un montant minimum pour répondre aux besoins essentiels d'une personne prestataire de la sécurité du revenu. Avec ce projet de loi, bon nombre de prestataires ne bénéficieront plus de ce revenu minimum et rencontreront des obstacles importants dans leur parcours.

La participation volontaire. Nous disons non à l'obligation, parce que nous sommes des intervenants communautaires. La plus grande ombre au tableau de cette réforme est la notion d'obligation pour les jeunes âgés de moins de 25 ans qui s'attachent au parcours d'insertion. Nous sommes contre le principe d'obliger les jeunes prestataires de la sécurité du revenu de moins de 25 ans à participer à des parcours d'insertion vers l'emploi. Pourquoi les mettre dans une classe à part en les forçant à un parcours obligatoire? En traitant les jeunes autrement que les autres adultes, c'est comme si on leur faisait porter la responsabilité du chômage, la faillite du système économique à créer des emplois. Pour être inclus dans le monde du travail, les jeunes ont besoin d'être traités sur le même pied d'égalité que les autres prestataires.

Intervenants terrains, nous savons que les démarches d'emploi donnent de meilleurs résultats lorsqu'elles sont faites dans un cadre volontaire. Une telle politique viendra saboter la relation de confiance que nos organismes établissent avec leurs clients lorsque ceux-ci bénéficient de leurs services. Or, c'est grâce à cette relation de confiance si nous obtenons de bons résultats dans notre travail. Les organismes communautaires se différencient justement des services publics parce qu'ils offrent à leurs clients des services adaptés à leurs besoins, physiquement accessibles, ainsi qu'un accompagnement personnalisé dans un cadre volontaire.

Dans l'esprit de la relation de confiance que nous venons de souligner, un élément inquiète bon nombre de nos membres. Il s'agit des mécanismes de contrôle qui seront inévitablement mis en place dans une perspective d'obligation. Étant partenaires d'Emploi-Québec, nous serons, à notre tour, soumis à des procédures de rétroinformation, procédures qui rendent notre rôle ambigu par rapport aux gens que nous desservons. Serons-nous des agents d'aide ou des agents de contrôle? Cela ne crée-t-il pas une brèche dans l'autonomie de nos corporations?

Non à l'obligation, parce qu'elle pourrait mettre en péril la bonne marche de la réforme des services publics d'emploi. Au plan organisationnel, nous croyons que les défis actuels d'harmonisation des structures sont déjà énormes et exigent des efforts de tous les instants. Alourdir cette situation par une loi contraignante nécessite une panoplie de mécanismes de contrôle qui risqueront d'engorger davantage la machine gouvernementale, voire de la paralyser pour de bon.

Dans le cadre de cette année de transition, comment Emploi-Québec pourra-t-il offrir aux jeunes visés par l'obligation les milliers de places requises dans des parcours d'insertion vers l'emploi sans priver les autres clientèles de l'accessibilité aux mesures actives? En termes d'effectifs, nous ne voyons pas, non plus, comment les ressources gouvernementales actuelles pourront gérer les parcours obligatoires. Les ressources actuelles suffisent à peine à la tâche, ayant été dégraissées, entre guillemets, et les groupes communautaires comme les nôtres fonctionnent à pleine capacité.

Au niveau des opérations, les conditions de réussite d'un parcours d'insertion vers l'emploi reposent sur la complémentarité et le partenariat entre les ressources du milieu et les services publics. Les clients inscrits dans un parcours doivent se déplacer d'une ressource à l'autre et ce déplacement doit être bien orchestré pour réussir.

La réforme des services d'emploi battant son plein, il reste beaucoup d'aspects à définir et à organiser pour que le parcours devienne réalité. Dans ce contexte, l'arrivée des parcours obligatoires n'a pas sa place. La réforme de la sécurité du revenu doit s'intégrer à celle des services publics d'emploi et non l'inverse. Il faut se donner du temps pour réaliser cette intégration, ainsi que pour évaluer toutes les étapes de cette réorganisation majeure.

(20 h 30)

L'obligation, un obstacle à la qualité. La réforme actuelle des services d'emploi met en lumière des différences importantes dans la culture de travail des fonctionnaires réunis pour la première fois dans de mêmes lieux. Des efforts énormes devront être consentis pour former le personnel aux nouvelles mesures et à de nouvelles façons de faire. Le parcours d'insertion vers l'emploi fait partie de ces nouvelles approches. Il faudra du temps pour changer les cultures et les anciennes façons de faire. Sans ce changement, cette réforme n'atteindra pas ses objectifs. Si on ajoute à cela l'imposition de mesures obligatoires, il est illusoire de penser à un parcours de qualité. À ce titre, on ne peut s'empêcher d'établir un parallèle entre ce dernier et l'utilisation de certains programmes par le passé. On se rappellera que les programmes Rattrapage scolaire et programme Stages en milieu de travail ont connu des taux d'échec importants parce que appliqués de façon massive auprès de milliers de prestataires. Or, on a critiqué les intervenants des services publics parce qu'ils ne pouvaient consacrer suffisamment de temps à leurs clients.

Pour offrir le parcours aux milliers de jeunes ciblés par l'obligation, il faudra, qu'on le veuille ou non, revenir au travail à la chaîne. Or, la notion de service personnalisé est incompatible avec celle d'intervention massive. Soit que le parcours individualisé vers l'emploi est une approche personnalisée qui exige du temps et s'évalue sur du long terme, soit que c'est du travail à la chaîne et on court tout droit vers l'échec.

Un coffre à outils intéressant, mais une mesure de formation à deux vitesses. Les mesures actives sont des éléments indispensables d'un parcours d'insertion de qualité, puisqu'elles serviront à améliorer les compétences des prestataires de la sécurité du revenu qui s'en prévaudront. Le nouveau coffre à outils d'Emploi-Québec offre de nombreux avantages aux personnes prestataires de la sécurité du revenu et aux chômeurs en général. Parmi ces avantages, soulignons la possibilité d'étendre la durée des études à 36 mois, celle d'étudier au niveau universitaire et d'obtenir le paiement des frais de garde, par exemple.

La mesure de formation Soutien individuel à la formation comporte plusieurs avantages par rapport aux anciennes mesures, tel Rattrapage scolaire. Cependant, elle pose un problème d'équité entre les personnes. Nous tenons notre information de la présentation des mesures actives faite récemment au Comité des ressources communautaires d'Emploi-Québec. Durant sa formation, un prestataire de l'assurance-emploi est assuré d'obtenir du soutien du revenu en fonction de ses besoins réels alors qu'un prestataire de la sécurité du revenu obtiendra la hausse du barème de participation, et cela, même s'il a touché de l'assurance-emploi dans les 36 derniers mois.

Voici un cas fictif démontrant ce qui risque d'arriver bientôt. Jacques est dans la même classe que Pierre et tous deux débutent un cours de niveau secondaire en techniques d'usinage. Jacques reçoit 325 $ par semaine en soutien du revenu parce qu'il touchait de l'assurance-chômage au moment de son inscription. Ce montant, évalué par un conseiller en emploi, inclut les dépenses mensuelles suivantes: 450 $ de loyer, 75 $ de chauffage, 35 $ de téléphone, 200 $ de nourriture et 200 $ de remboursement de prêt automobile, 50 $ d'autres dépenses, pour un total de 1 010 $ par mois.

De son côté, Pierre, un prestataire de la sécurité du revenu assuré ayant touché du chômage dans les trois dernières années, déclare à peu près les mêmes dépenses que Jacques. Cependant, il recevra 150 $ par semaine en prestation de sécurité du revenu et en allocation de formation. Pierre est lésé dans ses droits d'assuré puisque, s'il avait suivi son cours avant le 1er avril 1998, il aurait eu droit à du soutien du revenu.

Peu de temps s'étant écoulé depuis la mise en place des nouvelles mesures, nous ne sommes pas en mesure d'évaluer toutes les conséquences de cette inéquité. Nous espérons seulement que cette situation sera corrigée rapidement vu le nombre élevé de prestataires concernés.

Je passe maintenant la parole à Mme Fortin.

Mme Fortin (Lise): Notre voix s'ajoute à celle du comité d'experts Bouchard, Labrie et Noël et de plusieurs autres regroupements communautaires et groupes syndicaux qui tous revendiquent le retrait de l'obligation et l'attribution d'un revenu décent pour les prestataires de la sécurité du revenu.

Nous espérons que notre expérience terrain aura su alimenter les réflexions des membres de cette commission de manière à assurer le changement de culture tant attendu dans la réorganisation des services d'emploi. Nous vous remercions de votre écoute. Et voici la liste de nos recommandations. Alors, nous en avons trois: la première, l'attribution d'un revenu décent pour lever les obstacles au parcours vers l'emploi, le retrait de la mesure obligatoire pour les jeunes de moins de 25 ans et le rétablissement de l'équité dans l'accès à la mesure Soutien individuel à la formation. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Alors, je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je voudrais souhaiter la bienvenue à Mme Neamtan et à Mme Fortin. Mme Neamtan siège à la Commission des partenaires du marché du travail, au niveau national. Mme Fortin est présidente du Conseil régional des partenaires de Saguenay–Lac-Saint-Jean. Madame – je prononce mal – je vais dire Gabrielle...

Mme Ciesielski (Gabrielle): Oui, c'est bien.

Mme Harel: ...vous êtes à Montréal?

Mme Ciesielski (Gabrielle): Oui, dans votre comté, Mme Harel.

Mme Harel: Exactement, dans un organisme qui s'appelle ENJEU.

Mme Ciesielski (Gabrielle): Oui.

Mme Harel: Et Mme Champagne qui est la coordonnatrice de la Coalition.

Bon, peut-être deux choses, là. Le RAPC, il n'y avait, vérification faite, aucun minimum. Alors, la situation est la même. On ne passe pas d'une situation juridique avec un minimum, un barème plancher, à une situation nouvelle. Il n'y en a jamais eu, ni maintenant ni auparavant.

D'autre part, c'est la même chose aussi pour les prestataires qui peuvent participer aux mesures actives, par exemple formation individuelle. Avant le 1er avril, disons, ceux et celles qui étaient sur l'aide sociale n'auraient pas été admis, si vous voulez, aux mesures actives avec les barèmes de l'assurance-emploi. Moi, j'ai forcé le jeu puis j'ai forcé une négociation qui s'est faite l'an passé pour qu'ils en acceptent au moins 1 000, je pense. C'est bien 1 000 ou 1 200? J'aimerais ça qu'on le vérifie pour vous donner le chiffre exact. Mais on avait signé pour que minimalement les prestataires de l'aide sociale qui auraient pu se qualifier au sens de la loi fédérale des trois dernières années puissent être admis, parce qu'ils ne l'étaient pas et il n'était pas prévu qu'ils le deviennent. Alors, disons que la situation maintenant s'est améliorée dans ce sens que les mêmes mesures s'offrent aux personnes en fonction de leurs besoins et non plus en fonction de leur étiquette ou de la couleur de leur chèque.

Là, vous me dites: Il faudrait que le soutien de revenu, qu'on pourrait appeler frais de subsistance, en fait, soit harmonisé pour que, lorsque la personne suit le même parcours ou bien, en fait, la même formation individuelle, les frais de subsistance, les frais de garde et les autres frais puissent s'équivaloir. C'est ça que vous nous dites. Eh bien, on y travaille. Je dois vous dire que c'est très, très, très enthousiasmant. Donc, je devrais même pouvoir présenter le tout à mes collègues la semaine prochaine. Oui, parce qu'on y a travaillé depuis, évidemment que le transfert est réalisé, l'idée étant évidemment d'harmoniser tout ça de façon à ce qu'il puisse y avoir vraiment une sorte d'égalité de traitement pour l'ensemble des personnes qui font appel à Emploi-Québec. Donc, il y a là matière, disons, à réflexion parce que c'est dans cette direction-là qu'on s'en va.

J'aimerais ça, vous qui êtes des gens de terrain... Le député de Notre-Dame-de-Grâce, souvent il a du bon sens, ha, ha, ha! Mais ça m'a toujours été utile. Chaque fois qu'il m'a fait valoir quelque chose que je pouvais améliorer, je l'ai fait. Il a fait vérifier par son bureau de comté aujourd'hui... Parce que je lui avais dit la semaine passée, convaincue de la chose, l'ayant vérifiée auprès du sous-ministre responsable, que le programme AGIR n'existait plus. Alors, il avait été remplacé par ces nouveaux programmes qui vous ont été présentés.

(20 h 40)

Je comprends que vous avez assisté à une rencontre organisée par Emploi-Québec à l'occasion de laquelle les différents programmes vous ont été présentés, parce que vous êtes des ressources externes à qui Emploi-Québec réfère les prestataires. Je voudrais juste savoir ce qui vous a été dit sur AGIR. D'autre part, ce que j'ai vérifié, ce que j'ai comme information, c'est qu'il restait 2 300 personnes inscrites à AGIR qui étaient en fin de participation, et ça, c'était au 1er avril. Alors, il semble que ce soit en «phasing out» et que, là, on soit en fin de programme pour des gens qui avaient déjà débuté. Alors, je ne sais pas si c'est cette information-là aussi qui vous a été communiquée.

Mme Fortin (Lise): C'est-à-dire qu'on ne nous a pas parlé d'AGIR, on nous a parlé de l'ensemble des programmes. Effectivement, AGIR est disparu dans son appellation, il est regroupé sous les services d'aide à l'emploi. AGIR, tel qu'on le connaissait précédemment, avant le 1er avril, tend à s'éteindre tranquillement. Ce qui veut dire qu'effectivement on semble, dans les régions, finir les groupes AGIR qui ont débuté et reprendre sous une autre forme dans le cadre des services d'aide à l'emploi.

Mme Harel: Ça vous a été présenté dernièrement?

Mme Fortin (Lise): Le 7 mai.

Mme Harel: Le 7 mai. Bon. Cette présentation-là a été faite en vous présentant également ce que pourrait devenir le placement?

Mme Fortin (Lise): Non. La présentation a été faite sur les mesures actives actuellement.

Mme Harel: Transitoires.

Mme Fortin (Lise): C'est ça.

Mme Harel: Celles de la présente année.

Mme Fortin (Lise): Le fameux napperon, là.

Mme Harel: Donc, le placement et tous les changements technologiques, ça ne vous a pas encore été présenté.

Mme Fortin (Lise): Non. Les mesures universelles qui sont l'information sur le marché du travail et le placement n'ont pas été encore présentées parce que les chantiers, ils sont encore en train d'y travailler.

Mme Harel: D'accord. Bon. Vous savez que ce qui est pensé, c'est l'équivalent, si vous voulez, d'un réseau d'arrimage de l'offre et de la demande avec des bornes interactives tactiles où il va être possible pour une personne de savoir, par exemple, où un cours peut se donner, qu'est-ce qu'elle a besoin comme prérequis. Elle va pouvoir scanner – sur ces appareils-là, il va y avoir un scanner – son inscription ou encore son c.v. et l'envoyer en le scannant directement là où est-ce que c'est qu'on reçoit, par exemple, des...

Une voix: Des candidatures.

Mme Harel: ... – oui – où on embauche. Il va y avoir aussi sur ces appareils des imprimantes, par exemple, pour recevoir copie des offres d'emploi ou pour recevoir copie des cours qui se donnent, les heures, etc.

Alors, je comprends aussi que les 3 000 bornes interactives qui sont prévues vont être déployées pas seulement dans les CLE, où les activités sont offertes de 9 heures ou, je ne sais, de 8 h 30 à 16 h 30, mais ça va être aussi dans des espaces publics ou encore dans des ressources externes comme les ressources communautaires. Vous aurez l'occasion sûrement, puisque les technologies ont fait que... Nos exigences font que ce qui devait être retenu comme solution a été reporté, pour être bien sûrs que c'est ce qu'on voulait qui allait être réalisé. Mais je pense que ça vaut la peine d'attendre aussi, parce que tout ça va avoir finalement des effets interactifs qui vont faciliter l'arrimage entre l'offre et la demande.

Bon, revenons aux jeunes. Oui, allez-y.

Mme Neamtan (Nancy): Mais je pense que... En tout cas, ce n'est pas du tout... En tout cas, je pense que c'est souhaitable et c'est extrêmement intéressant, la bonne volonté autant de la ministre, d'Emploi-Québec, des partenaires autour de la table. Mais, si on prend juste la question de l'informatique et de dire: Bien, on va faire scanner des c.v., combien de personnes qui passent dans nos organismes et qui non seulement n'ont pas de c.v., qui non seulement, même si on écrit le c.v. pour eux autres... Les c.v., bon, quand on n'a pas un Diplôme d'études secondaires, l'employeur, c'est une façon de faire du... tu sais, de réduire... Le boulot, quand on va embaucher, tu dis le secondaire puis, si tu ne l'as pas... Et on sait le taux de gens qui n'ont pas de secondaire. C'est-à-dire que l'analphabétisme qui existe est réel, l'analphabétisme par rapport à toute l'utilisation de la technologie. Bon, nous, dans nos bureaux, puis je sais qu'on n'est pas les seuls... D'ailleurs, il y a une initiative d'économie sociale dans le quartier Hochelaga où on va mettre des ordinateurs pour que... Mais on est loin de la coupe aux lèvres dans notre capacité d'offrir des choses qui sont assez accessibles aux gens. Il y a beaucoup de travail.

Alors, je me joins à la ministre pour dire que c'est extrêmement intéressant, mais, un peu ce qu'on dit dans notre mémoire, notre inquiétude, c'est qu'il faut se donner le temps, il faut se donner le temps de bien implanter ça, avec toutes les bonnes intentions.

Mme Harel: Combien de temps vous pensez qu'on a besoin?

Mme Neamtan (Nancy): Moi, je pense que ce qu'on a... En tout cas, nous, on rejoint effectivement ce que d'autres ont demandé, c'est de dire au moins, par rapport à l'obligation, qu'on puisse reporter cette pression-là pour plusieurs années. Comme on va toujours aller en s'améliorant, bien de dire qu'on va vraiment faire l'intégration. On en a pour quelques années, Mme la ministre, on a des cultures, même sur plusieurs années. Et ça, je peux vous le dire, on va toujours avoir à s'améliorer, mais ce n'est pas dans trois, six mois que ces transformations vont se faire. C'est un processus qui est long, c'est une transformation qui est nécessaire, mais qui est profonde. Puis je pense que tous les partenaires au niveau de la Commission des partenaires, on est conscients de cela. Et, ce qui est encourageant, c'est que les gens ne lâchent pas malgré les difficultés. Mais il faut aussi être réalistes par rapport à notre capacité de livrer la marchandise.

Mme Harel: J'aimerais vous entendre tantôt sur les expériences que vous avez menées, l'une ou l'autre d'entre vous, d'accompagnement de personnes non scolarisées qui ont réussi à passer à travers la scolarisation non seulement parce qu'elles en avaient la capacité intellectuelle, mais parce qu'elles ont eu l'accompagnement nécessaire. Ça, je crois qu'il y a là quelque chose d'extrêmement important qui explique en partie les échecs des programmes précédents, comme Rattrapage scolaire ou autre, qui finalement connaissaient un taux d'abandon qui était extrêmement élevé.

Tantôt, par ailleurs, vous nous disiez: Pourquoi les jeunes auraient finalement une attention particulière? Parce qu'on peut voir ça comme une discrimination positive aussi, là, le fait de s'obliger à organiser des parcours pour les jeunes avec un montant qui, comme vous le savez, s'ajoute à leur prestation.

Quand vous pensez que la durée cumulative moyenne – ça, c'est en date de février 1998 – des 18-24 ans... À 18 ans, la durée cumulative est de 7,2, ça veut dire qu'à 18 ans ils ont passé sept mois sur l'aide; à 19 ans, 13,4, c'est-à-dire, donc, presque un an et demi; à 20 ans, ils ont passé 20,6 mois, en moyenne, la durée cumulative, donc presque deux ans; à 21 ans, 26,8 mois; à 22 ans, 33 mois, ça veut dire presque trois ans à 22 ans, la durée cumulative de ceux qui présentement ont 22 ans sur l'aide sociale est presque de trois ans; à 23 ans, c'est 39,2 mois; et, à 24 ans, 44,5 mois. Ça veut dire qu'une personne jeune qui commence à l'aide, elle a comme le risque, à 24 ans, d'avoir passé 44 mois, c'est-à-dire quasiment quatre ans de sa vie.

Et le risque est encore plus élevé, parce que, contrairement à une personne plus âgée... Vous savez, sur l'aide sociale, les chômeurs à l'aide sociale, plus de 50 % d'entre eux ont travaillé plus de six années continues et, même, ce sont souvent ceux qui ont travaillé 20 ans et plus qui ont le plus de difficultés à se retrouver un travail. La situation particulière des jeunes est la même difficulté que celle qu'ils rencontrent dans le marché du travail en général. Ce n'est pas vrai que tout le monde est égal par rapport au marché du travail. Ce n'est pas vrai, on le sait. La preuve, c'est que vous-mêmes, vous travaillez pour des cibles, soit des personnes handicapées, soit des femmes qui veulent retourner sur le marché du travail, soit des jeunes. Vous savez très bien qu'on n'est pas tous égaux par rapport au marché du travail.

Alors, pourquoi des cibles? C'est absolument nécessaire d'avoir des cibles pour être capables justement de corriger ou de remédier, je dirais, quasi à la discrimination systémique de ces personnes. Alors, voilà.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous avez des commentaires? Mme Fortin.

Mme Fortin (Lise): Oui. Moi, j'aurais un commentaire. Entre autres, si on reprend la notion de parcours, effectivement, dans les groupes communautaires, dans nos organisations, il y a des expériences très heureuses où la personne défavorisée a fait un cheminement, mais la notion de parcours existe dans nos groupes et est appliquée aussi depuis plusieurs années. Alors, on peut dire que le fait que cette pratique-là a donné des résultats, on a sensibilisé l'appareil public à utiliser cette pratique. Ce qui nous inquiète...

Mme Harel: Vous avez tout à fait raison, parce que l'idée du parcours, je l'ai prise dans Hochelaga-Maisonneuve, dans les groupes communautaires.

(20 h 50)

Mme Fortin (Lise): Par ailleurs, ce qui nous inquiète, c'est qu'en ayant de l'expérience avec les parcours on se dit également... Et je vous rejoins, Mme Harel, sur le portrait que vous tracez des jeunes avec le taux de présence à l'aide sociale qui est une durée significative dans une courte vie d'adulte. Par contre, ce qui nous inquiète, c'est que le parcours est un outil de taille, mais encore faut-il contrôler l'outil. Et on dit: Lorsque vous vous lancez l'idée d'un parcours dans l'objectif d'une gestion par résultat, lorsqu'on arrive avec le parcours dans un contexte d'obligation, c'est qu'on risque aussi qu'on réponde au résultat également et que le résultat se traduise en nombre, également.

Alors, je peux vous amener même un récent exemple de la semaine dernière où REXFOR a demandé 250 travailleurs forestiers et, en région, on a dit: Cette semaine-là, on a fait 250 parcours. Alors, on se questionne: Est-ce que le parcours va devenir un formulaire avec un nom inscrit, Parcours d'insertion vers l'emploi, ou...

Mme Harel: Qu'est-ce que vous racontez? Qui a dit ça, qu'il y a eu 250 parcours?

Mme Fortin (Lise): C'est dans le réseau d'Emploi-Québec. Alors, ce que je vous dis, c'est que ce n'est pas de mauvaise foi, c'est qu'on dit: L'outil, il est valable, je pense que c'est l'outil qu'il faut utiliser pour se retrouver avec les personnes dont vous décrivez le profil, sauf qu'il faut que, comme ministre, vous vous assuriez que votre réseau est capable de contrôler cet outil et que le parcours qu'on va offrir, et s'il devient...

À mon avis, c'est que, dans une période où on assiste actuellement à une année de transition, où le réseau n'est pas en fonctionnement à pleine capacité, même que, dans les CLE, on pense que la référence ne pourra pas débuter avant septembre dans les différentes mesures actives, alors on peut dire que le parcours risque d'y goûter aussi et risque d'être utilisé à des fins de gestion par résultat. Le réseau est habitué de se faire évaluer sur une gestion de moyen et non pas une gestion de résultat. Alors, un résultat peut probablement se traduire de façon très rapidement par un nombre de placements. On n'a pas encore des indicateurs de performance actuellement parce que le plan annuel va être déposé la semaine prochaine et les régions se sont déjà donné des indices de performance.

Mme Harel: Vous avez travaillé sur les indicateurs de performance au niveau de l'association d'ASEMO. Vous l'avez fait très sérieusement avec des universitaires. Vos travaux ont donné des...

Mme Fortin (Lise): Des résultats intéressants, et ils progressent aussi parce que l'Université Laval a récupéré le discours, et en disant: Bon, bien, si on y va dans une gestion par résultat, il faut s'assurer de la reconnaissance d'une pratique. Alors, il faut que la pratique reçoive un système d'agrément qui reconnaît qu'un parcours s'inscrit dans une pratique et les conditions de réussite à un parcours, il faut y retrouver telle ou telle pratique.

Moi, je pense que le système public d'emploi peut y parvenir, mais encore faut-il qu'il ait les moyens pour le faire. Actuellement – on s'est informé un peu dans le réseau aussi, dans votre réseau – on nous dit: S'il y avait 100 000 parcours obligatoires, déjà ça nécessiterait 250 fonctionnaires temps plein juste pour la gestion du parcours, pas pour le suivi ni l'accompagnement, seulement pour gérer l'opération contrôle de la gestion. Alors, ce qui veut dire que ça prend quand même, en termes de ressources humaines, énormément de temps. D'où l'importance pour nous. On le voit sur deux volets: l'outil est magnifique, est merveilleux, il faut le contrôler, d'une part; et, d'autre part, les ressources humaines disponibles en fonction d'une année de transition, en fonction d'une mise en place. Dans le Québec, je pense qu'on n'a pas assisté encore à une réforme aussi majeure de culture différente.

Mme Harel: Vous savez qu'il y a 3 200 conseillers en emploi qui vont relever d'Emploi-Québec à travers tout le Québec. Ça ne signifie pas leur donner des tâches de contrôle cependant, mais c'est quand même un effectif très impressionnant. Le total sera de 7 400. C'est quand même un effectif important.

Vous avez raison de dire que c'est l'évaluation des résultats qui doit retenir aussi notre attention parce que le résultat, ce n'est pas juste un résultat de sortie de l'aide, il faut que ce soit un résultat d'entrée en quelque part. Et ce résultat, il est évident que ce n'est pas juste individuel, ça peut être aussi par rapport au quartier, ça peut être aussi par rapport à la localité. Le résultat peut l'être en termes de lien social, qualitatif, pas juste quantitatif aussi.

Ça m'intéresse, en tout cas, beaucoup les travaux que vous poursuivez. Vous savez que l'ICEA, l'Institut canadien d'éducation des adultes, va tenir un colloque sur le parcours, les conditions de réussite, je pense – c'est ça? – ...

Mme Fortin (Lise): Oui.

Mme Harel: ...du parcours que le ministère va financer, en fait, que j'ai décidé que le ministère allait financer.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): En conclusion, Mme la ministre.

Mme Harel: Voilà. Mais j'aimerais vous entendre sur les conditions de réussite des parcours.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Très rapidement, le 20 minutes étant écoulé, allez-y.

Mme Neamtan (Nancy): Je pense que ce qu'on dit dans le mémoire, c'est effectivement que les conditions de réussite exigent qu'on puisse investir, et l'ensemble des partenaires, dans une nouvelle façon de faire. Donc, dans les conditions de réussite, ça veut dire des changements de culture, de la formation, la mise en réseau aussi des différentes ressources et la reconnaissance de la variété des ressources.

La question de l'obligation, pour nous, c'est le contraire d'une condition de réussite, parce que ça met une pression et ça nous questionne, par exemple, dans nos organismes. C'est un peu pour ça qu'on a mis l'emphase dans notre mémoire, parce qu'on trouve que, au-delà d'un débat qui est plus abstrait, dans le concret, ça risque de pervertir tous les efforts qui sont tout à fait louables, je crois, d'arriver à faire les choses autrement, ce à quoi tous les partenaires adhèrent.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. À mon tour de souhaiter la bienvenue à la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre. Je tiens immédiatement à m'excuser de mon retard, M. le Président, ce n'est pas dans mes habitudes, et surtout quand on fait des audiences particulières devant les groupes. Alors, je vous prie d'accepter mes excuses, mesdames et chers membres de la commission.

Deux questions, grosso modo, que j'aimerais discuter avec vous: la question de l'équité que vous avez soulevée tantôt puis la question de l'obligation. Peut-être prendre la question de l'équité en premier, parce que je ne comprends rien là-dedans. Ça fait qu'on va prendre le temps qu'il faut pour comprendre. Honnêtement, je n'ai pas saisi votre exemple. J'ai encore moins saisi la réponse de la ministre. Ça fait que peut-être qu'on peut reprendre tranquillement pas vite.

Là, vous semblez dire que, à cause de l'arrimage, l'assurance-emploi, les prestataires de la sécurité du revenu, il y a une différence. Où est la question d'équité? C'est une question de revenu qui est donné? C'est une question de barème? C'est une question d'accès? Reprenez-moi, s'il vous plaît, ça, un peu plus tranquillement.

Mme Ciesielski (Gabrielle): O.K. Je vais reprendre, d'ailleurs, quelque chose que, Mme Harel, vous avez dit tout à l'heure, et formellement je suis obligée de vous contredire. Parce que les prestataires de la sécurité du revenu, entre avril 1997 et mars 1998, qui étaient des personnes assurées au sens de la Loi de l'assurance-emploi, avaient droit au volet 2. Vous disiez le contraire, mais c'est formel, O.K., ils avaient accès, donc. Prenez la mesure étudiant indépendant...

Mme Harel: Extrêmement théorique. C'était très théorique parce que cette participation n'a jamais dépassé 1 000 prestataires.

Mme Ciesielski (Gabrielle): C'est vrai qu'ils n'ont pas été nombreux, parce qu'ils n'ont pas eu, je pense, assez de temps pour connaître la bonne nouvelle et pour se précipiter en formation.

Mme Harel: Non. Au cours des cinq derniers mois, cette participation a toujours été inférieure à 700. C'étaient les chômeurs à l'aide sociale qui auraient eu droit à l'assurance-emploi dans les trois ans en vertu de la loi fédérale.

En Colombie-Britannique, ce n'est pas compliqué, ils leur refusaient l'aide sociale carrément, et encore maintenant ils leur disent de s'en aller à l'assurance-emploi. Et l'assurance-emploi était obligée de les mettre sur des mesures actives en finançant leurs frais de subsistance.

M. Copeman: Avec le très grand respect que j'ai pour la ministre, je préfère entendre les mesdames aussi, là-dessus.

Mme Ciesielski (Gabrielle): Mais c'est vrai que c'est la...

M. Copeman: On va l'entendre, la ministre, à l'étude détaillée, je suis convaincu là-dessus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, on revient à la question posée par le député.

(21 heures)

Mme Ciesielski (Gabrielle): Mais c'est pour ça qu'on a mis un cas concret: Pierre et Jacques. Parce que ce que ça veut dire concrètement: une personne, on parle toujours des prestataires de la sécurité du revenu, ça, c'est la donnée de base, et on parle aussi des prestataires assurés, ça veut dire que c'est une personne qui a travaillé dans les 36 derniers mois, elle est sous la loi, sous le chapeau de la Loi de l'assurance-emploi.

Dans le coffre à outils qui est présenté actuellement, dans toute la panoplie de mesures, il y a une mesure qui a trait à la formation. Le prestataire qui veut se former dans le cadre de cette mesure-là, actuellement, telle qu'elle est formulée, c'est vrai qu'on vient de nous dire qu'on travaille dessus, le cas est tout à fait explicite, il va avoir moins de revenus mensuels, moins de revenus de subsistance parce qu'il est prestataire de la sécurité du revenu et que ce n'est pas réglé, alors qu'un prestataire actif de l'assurance-emploi qui a épuisé ses prestations, lui, aura droit à une prestation en fonction de ses besoins réels. Donc, c'est le 600 $ versus le 1 200 $ par mois.

C'est ça, la différence. C'est ce dont les gens ont besoin pour étudier. C'est très, très important. Qu'une personne ait 1 200 $ par mois ou 600 $, ça fait une très grosse différence au niveau du soutien aux études, parce que c'est la préoccupation principale. Vous dites que c'est en voie de règlement; nous autres, on est heureux de l'entendre, mais, pour l'instant, ça demeure deux poids, deux mesures.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député...

Mme Ciesielski (Gabrielle): Je ne sais pas si j'ai été plus claire, parce que c'est vraiment la langue de bois. On est dans le langage de loi, puis de prestations, c'est très lourd.

M. Copeman: On va poursuivre, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, allez-y.

M. Copeman: Quand vous parlez du coffre à outils, encore ne faudrait pas trop me mêler. On est parti...

Mme Ciesielski (Gabrielle): Ha, ha, ha!

M. Copeman: ...avec la table d'hôte de mesures. Tantôt, madame a parlé du napperon, là on est rendu dans un coffre à outils.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: Est-ce qu'on parle toujours de la même chose? O.K. Mais il faudrait standardiser un peu pour ne pas trop mêler le député de Notre-Dame-de-Grâce, dans nos approches, M. le Président, parce que: table d'hôte, napperon, puis coffre à outils, en tout cas on va se retrouver à un moment donné. C'est bien beau. Merci.

Mme Fortin (Lise): C'est qu'on a mis le coffre à outils sur un napperon pour le visualiser. Ha, ha, ha!

M. Copeman: Ah! Très bien, parfait. Merci. Oui. En tout cas, une chance que je n'ai pas faim. Le changement de culture dont a fait référence Mme Neamtan, je pense, est fort intéressant. La ministre a fait allusion, la semaine passée, avec le Syndicat de la fonction publique du Québec... Quand je rentre dans le CTQ Notre-Dame-de-Grâce...

Mme Harel: La ville de Montréal.

M. Copeman: Oui, la ville de Montréal, oui, mais par entente, en tout cas on entrera dans le détail, mais quand même par entente dévolue à la ville de Montréal. Et, semble-t-il, c'est pareil ailleurs, ce n'est pas restreint à la ville de Montréal.

Ce qui me frappe dès le départ, c'est l'organisation sur le plan physique où toutes les portes sont barrées, tous les gens qui font l'accueil sont derrière des comptoirs vitrés, barrés, il y a du plexiglas épais à peu près de même. Les journées où il y a un achalandage important, il y a un gardien de sécurité pour assurer la sécurité je ne sais pas trop de qui. Ma collaboratrice, qui est ici, à ma droite, qui a travaillé quelques années dans le ministère de la Sécurité du revenu, connaît un peu la nature des agents, la culture, comme vous l'avez décrite.

J'aimerais vous entendre un peu plus là-dessus, parce qu'il me semble que – on a eu cette discussion cet après-midi et on va continuer à l'avoir – ce qui est écrit sur papier dans la loi est peut-être une chose, l'application est tout une autre chose. Mme Neamtan, vous avez déjà fait référence à une période de transition qui va prendre peut-être jusqu'à des années.

Mais est-ce que, effectivement, on ne parle pas d'un changement de culture très, très, très important à l'intérieur du ministère et à l'intérieur même des trois réseaux? Parce que, là, je n'ai même pas ajouté toute la dynamique de trois agences, la SQDM, le fédéral puis Emploi-Québec, qui se mettent ensemble. On nous fait dire qu'il y a même un changement de culture, une adaptation nécessaire entre les trois différents groupes.

J'aimerais vous entendre un peu plus sur ce changement de culture qui s'impose. Et comment est-ce qu'on peut pallier à ça selon vous?

Mme Neamtan (Nancy): Je pense que tout le monde s'entend, puis comme je dis, ce que vous avez discuté cet après-midi et sans doute avec les autres partenaires, tout le monde est conscient de l'ampleur du défi. Et ce n'est pas rien.

On a vécu depuis les 10 dernières années, et même encore avant, des gens qui, un jour, sont des agents d'aide sociale. Après, tout d'un coup, on les appelle les agents d'employabilité, puis on pense qu'ils vont faire d'autre chose, etc. Donc, la réforme des services publics et la proposition avec le rôle des partenaires, c'est quelque chose de très profond, parce qu'on veut dans le fond revenir à une culture qui part du marché du travail, ce qui est la vraie vie dans les entreprises, etc., ce qui exige un niveau, premièrement, d'organisation des milieux pour assumer cette responsabilité. Je trouve qu'on a progressé, mais on a encore beaucoup de progrès à faire.

Une fois qu'on a assumé cette responsabilité en tant que partenaire au niveau local, régional et national, il faut aussi que la machine soit capable de s'adapter à cette réalité-là. C'est des gros morceaux. Moi, je ne vois comment... il n'y a pas de raccourcis par rapport à ça. Tout le monde en est conscient, et c'est pour ça... ce qu'on dit, c'est que sur les principes et sur les idées, quand on a un objectif, il faut prendre le temps que ça prend. Mais notre inquiétude, c'est que nos gens, les personnes sans emploi, ne fassent pas les frais de ça. Ne fassent pas les frais dans un contexte... Ou qu'on ne se leurre pas en disant qu'on a fait le changement parce qu'on l'a marqué sur le papier.

Donc, il y a des façons de mesurer ça et de faire des mesures d'une façon très réaliste. Ce qu'on dit, donc, c'est qu'on appuie la notion des parcours. On est d'accord avec ça. On s'implique en tant qu'organisme communautaire dans tous ces changements de culture, on est prêt à se mettre à la tâche. Ce qu'on demande, c'est d'être reconnu comme partenaire dans toute cette étape-là. Et ce qu'on demande aussi, c'est qu'on ne prenne pas des bouchées trop grosses. La question d'obligation, ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est de dire que ça peut être une menace à la qualité de cette transformation-là, parce que le réflexe naturel de l'agent qui a toujours fait du contrôle, ça va être de revenir à la question du contrôle. Peu importe ce qu'on dit, ça prend des formes... Lise a donné l'exemple de REXFOR. Tout d'un coup, on a 250 parcours. Ce n'est pas 250 parcours, il y a 250 emplois saisonniers. Ce qui n'est pas mauvais en soi, mais en quoi ils s'insèrent dans un parcours?

Comme je l'ai dit, je pense que ce n'est pas de jeter le blâme sur personne, c'est de simplement dire que c'est quelque chose de profond. Il faut le faire et... en tout cas, moi, je vais prêcher pour ce que je crois profondément, c'est la prise en charge par des partenaires, que ça soit les acteurs du marché du travail qui vont faire la différence au niveau local, régional et national, et ça aussi, c'est un changement de culture profond. Où est la place pour la fonction publique et la hiérarchie de cette fonction-là versus l'interface des partenaires? Pour faire ça aussi il y a du toujours du va-et-vient là-dedans, et de bien équilibrer n'est pas toujours évident.

Dans ce contexte-là, nous, on trouve que c'est vraiment extrêmement important de pouvoir avoir le temps de faire ce débat-là. Entre-temps, je pense que tout le monde est de bonne volonté et va continuer à travailler le plus fort possible pour aider les gens. Mais il faut oser. On va prendre des risques, on va faire des erreurs, mais il faut au moins qu'on avance avec les meilleures conditions possibles.

M. Copeman: Juste sur les parcours obligatoires, M. le Président. Là, on a entendu que les choses qui sont obligatoires sont moins efficaces. Je vais lancer trois choses, les trois raisons principales données à date pour s'opposer à des parcours obligatoires. Les trois arguments avancés sont: un, ils risquent d'être moins efficaces parce qu'ils sont obligatoires; deux, ils risquent de priver des ressources à d'autres clientèles parce qu'on les rend obligatoires pour un certain groupe de clientèles; et, troisièmement, «anyway», il n'y a pas assez de places pour tous les jeunes.

Alors, où est la logique de créer une obligation dans la loi quand on sait d'avance, semble-t-il, qu'il n'y aura pas assez de places pour les jeunes? J'aimerais, juste en terminant, que vous me repreniez ces trois arguments-là et j'aimerais bien avoir votre opinion là-dessus.

La ministre, en terminant, M. le Président, a déjà décrit des parcours obligatoires comme un service rendu à des jeunes. On rend service à des jeunes. Ça, c'était la semaine passée. Là, semble-t-il que c'est une forme de discrimination positive pour les jeunes. J'ai bien hâte de demander si le président de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse est d'accord avec cette analyse, que c'est une discrimination positive. Mais ça, ça va venir. Si vous pouviez peut-être me reprendre les trois arguments, j'aimerais bien avoir votre point de vue là-dessus.

(21 h 10)

Mme Neamtan (Nancy): Je pense que toute l'expérience des organismes communautaires démontrent que les gens, quand ils viennent sur une base volontaire, on a de meilleurs résultats. On peut sortir des exemples. Mais je pense aussi... il faut aussi voir, par exemple... je regarde la situation des écoles. On a l'éducation obligatoire jusqu'à 16 ans, mais on est capable de l'offrir à tout le monde. On dit que nos jeunes décrochent à 16 ans, mais dans le fond ils ont décroché avant. Ils sont obligés de rester là. On peut dire que le problème est là, mais le problème est avant et on est pris avec ce problème-là encore une fois qui n'est pas d'hier.

Alors, l'efficacité, les gens qui prennent une décision, il faut qu'ils soient conscients que... Le retour aux études, c'en est un exemple. Quand ça a été le retour à l'école, dans le fond on poussait les gens beaucoup, on donnait un petit peu; ils retournaient sur les bancs d'école, mais on n'a pas du tout abordé le problème réel de la crainte de l'échec, etc., on n'a pas mis les mesures en place, et les résultats étaient extrêmement faibles, tandis que... En tout cas, moi, je le vis dans le sud-ouest où est-ce qu'on le fait sur une base volontaire. On a des taux de réussite avec l'accompagnement qui sont beaucoup plus élevés. Alors, je pense que tout le monde a des exemples et je n'entrerai pas en tout cas dans les détails, mais c'est la pratique du milieu communautaire qui nous a démontré ça.

Mme Fortin (Lise): Je voudrais juste ajouter, moi, que parmi les arguments aussi, pour nous, le parcours volontaire, c'est que la réforme des services publics d'emploi reposent sur le décloisonnement des clientèles. Alors, une personne qui entre maintenant dans un CLE ne devrait pas avoir l'étiquette d'un prestataire de l'aide sociale, la sécurité du revenu, donc sans chèque. Ce n'est pas juste la couleur du chèque qui va faire la différence. Même si tout le monde a un chèque bleu et que le parcours est obligatoire pour le prestataire de l'aide sociale et il ne l'est pas pour l'autre, déjà là on fait un accroc majeur à la philosophie qui guidait la mise en place d'Emploi-Québec par rapport à ça.

Et de se dire aussi, d'être pour le parcours volontaire, c'est qu'il ne faut pas oublier aussi qu'à Emploi-Québec il y a toute l'opération ciblage de clientèle, et à mon avis, lorsque le plan annuel va sortir, c'est que probablement les directions régionales vont se voir aussi conseiller sur des cibles de résultats. Alors donc, identifier des groupes de jeunes ou des groupes de femmes ou des groupes précis, et je pense qu'il va y avoir là une volonté régionale aussi d'aider les plus défavorisés en leur donnant la meilleure mesure possible. Et le ciblage, dans les comités techniques d'Emploi-Québec, on le définit comme étant la bonne mesure à la bonne personne, ce qui veut dire que ça nécessite toute une activité d'évaluation des besoins qui risque d'être un petit peu atténuée par l'effet d'obligation. Alors, les conditions de réussite que Mme Harel nous demandait tout à l'heure, sont là aussi. C'est que l'obligation, on ne présente pas les mêmes choses, même que le jeune ne reçoit pas l'obligation aussi de la même façon qu'il viendrait lui-même à un parcours volontaire.

Ceci étant dit, c'est que toutes les activités incitatives à participer à un parcours vont être faites, et les régions vont se prendre en main là-dessus. Il y a des régions où il y a des forts taux de population jeunes qui sont exclus du marché du travail et marginalisés. Je pense que ça va faire partie des priorités des régions aussi de les prendre en charge.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Le temps... Est-ce que vous avez...

M. Copeman: Juste une petite dernière, j'ai oublié de le mentionner tantôt. Est-ce que pour vous un moratoire est suffisant, parce que cette suggestion est amenée de plusieurs groupes? Le fait de continuer à s'inscrire dans la loi, l'obligation, mais de décréter un moratoire, est-ce que c'est suffisant selon vous?

Mme Neamtan (Nancy): Moi, je crois profondément que, si on est capable de relever le défi qu'on se donne, on n'aura jamais besoin de ces parcours obligatoires. On va pouvoir arriver d'une façon beaucoup plus intéressante. Alors, notre souhait, ça serait de l'effacer complètement, l'obligation.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député, une courte conclusion.

M. Copeman: Oui, merci beaucoup, mesdames, pour votre témoignage, une expertise, quant à moi, incontournable devant cette commission. Et on va poursuivre vos préoccupations lors de l'étude détaillée du projet de loi. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Champagne, je viens juste de vous voir, vous aviez un court commentaire à ajouter, avant de demander à Mme la ministre de conclure?

Mme Champagne (Claudette): J'aimerais juste ajouter deux choses. Quand on parle de changement de culture, c'est auprès de la machine, de l'appareil des fonctionnaires, mais c'est aussi au niveau ministériel lorsqu'on applique des lois. L'obligation, pour moi, fait partie d'un changement de culture, c'est-à-dire que, quand on parle de culture, il faudrait peut-être, dans le cadre d'un parcours individualisé, susciter la motivation par la participation volontaire plutôt que par des mesures coercitives. Quand on parle de changement de culture, ça fait partie aussi de ce volet-là, donc faire confiance aux gens qui sont aux prises avec des situations précaires et démunies face à l'emploi et à leur revenu.

Un deuxième élément, que Mme la ministre a soulevé au tout début de son intervention et qui n'a pas été repris, c'est la question d'un revenu décent, revenu minimum dans le cadre du RAPC. Et, si on pouvait m'accorder cinq, six minutes, j'interviendrais...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je ne peux pas.

Mme Champagne (Claudette): ...sur cette question-là parce que je trouve ça important.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je ne peux pas malheureusement; on a encore des groupes à venir et on est déjà en retard. Malheureusement.

Mme Champagne (Claudette): Je le rajouterai dans notre mémoire...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui.

Mme Champagne (Claudette): ...et je vous conseille fortement de le lire à ce niveau-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'apprécierais, puis on va le lire.

Mme Champagne (Claudette): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je m'excuse auprès des députés de Maskinongé, Saint-Hyacinthe, d'avoir manqué de temps. Mme la ministre, pour la conclusion, très courte, s'il vous plaît.

Mme Harel: Ce sera trop bref, bien évidemment, il y aurait encore beaucoup de choses à dire. Mais c'est peut-être juste une réflexion que je voudrais partager suite à l'intervention de Mme Neamtan qui disait qu'à 16 ans un jeune qui décroche avait commencé son décrochage bien avant. Mais ce n'est pas parce que le décrochage a commencé bien avant, ce qu'on sait aussi, qu'on va pour autant modifier la loi d'obligation de fréquentation scolaire de l'instruction publique. Donc, il y a à la fois une obligation, et l'obligation, ça peut vous surprendre, vous savez pourquoi j'y tiens tant? C'est parce qu'à mon point de vue c'est ça qui va faire reposer la responsabilité sur l'administration, d'offrir des parcours individualisés et cette obligation d'offrir des parcours individualisés. Parce que, dans la loi, vous savez, il y a des recours puis ces recours permettent de refuser s'il y a des motifs valables, et il faut qu'il y ait une obligation d'offrir des parcours. C'est d'abord cette obligation-là qui m'intéresse en premier, que ces parcours soient significatifs, qu'ils soient vraiment des parcours d'accompagnement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. Alors, je vous remercie et j'invite les représentantes et représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse à se présenter.

(Changement d'organisme)

(21 h 20)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recevons maintenant les représentantes et représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. M. Filion, j'apprécierais que vous présentiez les gens qui vous accompagnent, et vous pouvez débuter votre mémoire, tout en vous souhaitant la bienvenue.


Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

M. Filion (Claude): Je vous remercie, M. le Président. Bonsoir, on a presque le goût de vous dire bonne nuit, à ma gauche, Me Pierre Bosset, de la direction de la recherche. Également de la direction de la recherche, à ma droite immédiate, Mme Lucie France Dagenais, et à l'extrême droite, Mme Muriel Garon.

Alors, M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs les députés, l'Assemblée nationale, comme vous le savez, a confié à notre Commission la mission d'assurer le respect et la promotion de la Charte des droits et libertés de la personne et de veiller à la protection de l'intérêt de l'enfant. C'est dans l'exercice de ce mandat que nous nous présentons devant vous ce soir dans le cadre des audiences sur le projet de loi n° 186.

Lors des audiences sur le livre vert, l'an dernier, nous évoquions la responsabilité unique de l'État envers les enfants, les femmes et les hommes touchés par la pauvreté. Cette responsabilité unique, rappelons-le, est celle d'un État qui, par les moyens qu'il détient et des pouvoirs dont il dispose, est et demeure le principal dépositaire de la solidarité sociale. C'est sur cette base qu'aujourd'hui encore nous désirons vous faire part de nos observations sur l'importante réforme de la sécurité du revenu actuellement en cours.

D'entrée de jeu, nous saluons certains changements intervenus dans le projet de loi par rapport au livre vert. En particulier, nous vous savons gré d'avoir reconnu que les prestataires âgés de plus de 55 ans présentaient des contraintes à l'emploi et d'avoir en conséquence renoncé à réduire le montant de leurs prestations. La Commission apprécie l'écoute dont ses recommandations ont fait l'objet. De même, nous constatons que le projet de loi supplée au silence du livre vert en prévoyant l'assujettissement de principes de parcours individuels aux normes minimales du travail. Nous attendons toutefois la réglementation annoncée avant de conclure que ce régime répond définitivement à nos préoccupations en regard de cette importante question.

Dans l'ensemble, la Commission convient qu'il faut favoriser l'intégration des prestataires au marché du travail et en ce sens les inciter à chercher activement du travail ainsi qu'à entreprendre, si nécessaire, des démarches de revalorisation de leurs compétences. Il faut toutefois être conscient que ces démarches se situent dans le moyen et le long terme. Entre-temps, elles ne sauraient se substituer à une aide visant à répondre aux besoins immédiats. Nous réitérons à cet égard nos inquiétudes face aux risques que comporte l'extrême pauvreté des prestataires pour l'exercice des droits reconnus dans la Charte ainsi qu'en regard de la situation des enfants. Nous sommes d'avis à cet égard que les allocations d'aide sociale devraient être haussées de manière à mieux combler les besoins des personnes et des familles. Nous avons d'ailleurs suggéré dans notre mémoire sur le livre vert une approche fondée sur la réduction des coûts liés au logement. La Commission voit toujours là une mesure à privilégier pour apporter une solution à la précarité des budgets des ménages, dont on sait qu'une grande partie, une importante partie, va au logement.

Tout en leur reconnaissant la nécessité de responsabiliser les personnes face à leur insertion sociale, la Commission tient surtout à souligner ce soir l'ambiguïté du projet de loi face à cette idée. En effet, le projet de loi par la multiplication et la précision des contrôles accentue en fait la mise sous surveillance des prestataires, ce qui nous semble incompatible avec un discours prônant la responsabilisation. Il s'agit également d'une approche pouvant renforcer les préjugés extrêmement négatifs à l'égard des prestataires et ainsi risquer, ajoute-t-on, de légitimer la discrimination dont ils sont l'objet. C'est donc sous cet angle que nous souhaitons axer nos commentaires sur le projet de loi.

Donc, d'abord, le contrôle. La Commission désire d'abord formuler des observations sur la question du non-paiement des loyers. Nous avons déjà exprimé nos inquiétudes à l'endroit de la mesure proposée dans le projet de loi, qui ouvre une brèche dans le principe de l'incessibilité des prestations. Or, cette mesure se fonde sur des évaluations subjectives sur lesquelles il est hasardeux, selon nous, de baser une politique. Nous réitérons notre conviction qu'aucune démonstration convaincante n'a été faite d'une prévalence du non-paiement des loyers chez les prestataires, qui dépasserait les défauts de paiement des autres locataires. En l'absence d'une telle évaluation crédible de l'ampleur du problème et de l'impact que pourraient avoir les mesures proposées tant sur les propriétaires que sur les locataires, la Commission demande donc de reporter l'adoption des dispositions du projet de loi relatives au versement direct d'une partie de la prestation au propriétaire locatif.

Dans la même perspective, la Commission réitère son opposition à la pénalité liée au partage du logement, pénalité qui est maintenue pour la majorité des prestataires. Le partage du logement est une manifestation d'autonomie qui permet aux plus démunis de s'en tirer en regard de ce poste budgétaire qui gruge la plus grande part de leurs revenus. De plus, le partage du logement permet de mieux se loger et de contrer, en jumelant deux sources de revenus, la discrimination dont les prestataires sont victimes sur le marché locatif. Aucun prestataire ne devrait être pénalisé, selon nous, en raison de cet acte de solidarité qui cadre bien avec l'objectif de responsabilisation qui sous-tend le projet de loi.

La Commission note par ailleurs que le projet de loi semble indiquer une intention d'assouplir les règles qui président à la prise en compte de la contribution parentale. On sait que les règles actuelles obligent un jeune à démontrer que ses parents manifestent, entre guillemets, un refus persistant de subvenir à ses besoins, à défaut de quoi cette contribution est présumée reçue et donc prise en compte dans le calcul de la prestation. L'absence du mot «persistant» dans l'article 26 du projet de loi répond, a priori, à nos préoccupations sur ce point. Nous réservons toutefois notre jugement final en attendant de voir l'interprétation qui sera faite de l'article 26 par l'administration et les tribunaux. La Commission pourra notamment revenir sur cette question à l'occasion du dépôt, à l'Assemblée nationale, du rapport sur les effets de cette disposition, rapport prévu à l'article 215 du projet.

Toujours au chapitre du contrôle, la Commission constate que le projet de loi encadre d'une manière beaucoup plus stricte les motifs permettant de refuser ou d'abandonner un emploi sans pénalité. Sur ce point, nous avons noté que le projet de loi s'inspirait largement de la loi fédérale sur l'assurance-emploi en énumérant une série de circonstances réputées justifier un abandon d'emploi en l'absence de toute autre solution raisonnable. Malgré le caractère indicatif de cette énumération, la Commission souligne que cette formule comporte un risque, celui de légitimer une application plus stricte du concept de motif sérieux.

La Commission note, par ailleurs, que le projet de loi ne prévoit pas la possibilité d'abandonner un emploi en raison d'une modification des conditions de rémunération. Cette omission semble faire peu de cas de l'esprit de l'article 46 de la Charte québécoise, qui reconnaît à toute personne qui travaille le droit à des conditions de travail justes et raisonnables. En accord avec cette disposition, la Commission recommande, si la formule d'énumération devait être retenue par les légistes, qu'une personne puisse abandonner un emploi sans pénalité pour cause de modification injuste et déraisonnable des conditions de rémunération.

Une autre manifestation importante du contrôle auquel sont assujettis les prestataires réside dans la possibilité donnée au ministère de conclure des ententes d'échange de renseignements nominatifs avec d'autres organismes, privés ou publics. Sur ce point, l'article 95 du projet de loi reprend les dispositions de l'article 65.1 de la loi actuelle, dont la validité est actuellement contestée en justice.

La Commission tient à souligner qu'elle est partie intervenante à ce litige et qu'elle entend y défendre l'idée que l'échange de renseignements nominatifs est a priori contraire à l'un des principes qui sous-tendent le droit au respect de la vie privée garanti par la Charte, soit le cloisonnement des organismes publics.

Dans l'attente d'un jugement définitif des tribunaux, la Commission souhaite attirer l'attention du législateur sur trois des aspects de l'article 95 qui lui paraissent problématiques. Tout d'abord, comme on le sait, la notion de renseignement nominatif désigne un éventail très large de données personnelles touchant souvent des aspects intimes de la vie, tels que des renseignements contenus dans un rapport médical, psychologique ou psychiatrique. L'article 95 n'exclut aucun type de renseignement.

Deuxièmement, le rôle de la Commission d'accès à l'information, dont le processus qui mène à la conclusion d'une entente d'échange de renseignements nominatifs, est extrêmement limitée, puisque cet organisme est privé de la possibilité de se prononcer sur l'opportunité de l'entente qui lui est soumise. Cela va directement à l'encontre du très récent avis de la commission de la culture de cette Assemblée nationale, qui vient de se prononcer en faveur d'un contrôle d'opportunité significatif par la Commission d'accès en pareille occasion.

(21 h 30)

Enfin, et peut-être surtout, un motif raisonnable de croire à une situation de non-conformité ou de non-admissibilité n'est pas requis, le projet de loi semblant, en fait, partir du principe que tous les assistés sociaux sont des fraudeurs potentiels. Cette prémisse nie le lien de confiance qui doit exister dans une société libre et démocratique entre les citoyens et l'État. Sur ce point, nous rappellerons simplement qu'au terme de son examen quinquennal des lois sur la protection des renseignements personnels la commission de la culture, récemment, encore une fois, vient d'exprimer ses doutes sur la pertinence de telles expéditions de pêche dans la vie privée des citoyens. Dans ce contexte, la Commission ne peut que recommander le retrait des dispositions de l'article 95 du projet de loi.

Par ailleurs, nous attirons votre attention sur le fait que la formulation de l'article 142 relatif aux pouvoirs d'enquête et de vérification ne mentionne, à proprement parler, aucun critère de nécessité. En cela, il diffère de l'article 64 de la loi sur l'accès qui prévoit que «nul ne peut, au nom d'un organisme public, recueillir un renseignement nominatif si cela n'est pas nécessaire à l'exercice des attributions de cet organisme». La Commission recommande donc une reformulation de l'article 142, de manière à assurer la concordance entre ces deux dispositions. Vous allez retrouver la reformulation dans notre mémoire principal, d'ailleurs.

Deuxième bloc, en ce qui concerne les jeunes. Bien que ce soit également sur le mode du contrôle que l'inscription des jeunes dans un parcours individuel soit prévue dans le projet de loi, la Commission choisit d'en faire un thème particulier de sa présentation. Il nous semble, en effet, important d'accorder à cette question une attention spéciale en raison des difficultés de toute une génération de jeunes à s'insérer sur le marché du travail. À cet égard, de façon générale, la Commission ne peut qu'appuyer le ministère de l'Emploi et de la Solidarité dans sa volonté d'accorder aux jeunes une priorité. L'idée d'individualiser les parcours d'insertion s'inscrit, d'ailleurs, légitimement dans ce contexte. Si la Commission appuie le principe de tels parcours, elle s'interroge, par contre, très sérieusement sur l'opportunité de les rendre obligatoires, sous peine de pénalité, pour les jeunes de 18 à 24 ans.

Pour avoir une juste compréhension de cette problématique, il faut d'abord rappeler quelques éléments qui permettent de comprendre la croissance du nombre de jeunes sur l'aide sociale. La présence grandissante des jeunes dans les secteurs mous de l'économie et dans des emplois peu protégés et peu syndiqués est un élément important à considérer. Personnellement, j'ai été frappé par les chiffres qui suivent.

La proportion des jeunes de moins de 30 ans dans les bons emplois, comparée à celle de leurs aînés, a baissé de façon significative au cours des 20 dernières années. Par exemple, dans le secteur des pâtes et papiers, les jeunes représentaient 37 %, représentent maintenant 11 %. Dans le secteur de la construction résidentielle, de 35 % à 11 %. On pourrait dire que c'est le secteur privé. Allons voir du côté de la fonction publique québécoise. Dans la fonction publique québécoise, les jeunes représentaient 6 % des employés réguliers il y a cinq ans et, aujourd'hui, 2 %.

Ajoutons que les jeunes sont aussi frappés par le chômage. Par exemple, tandis que les 15 à 30 ans comptent pour moins de 30 % de la population de 15 ans et plus, ils représentent, au Québec, près de 40 % des chômeurs. De surcroît, ils ont été particulièrement touchés par les réformes successives de l'assurance-chômage depuis 1990. Encore tout récemment, selon les études qui ont été rendues publiques, de plus en plus de jeunes chômeurs n'ont plus droit maintenant à l'assurance-chômage.

Si on considère maintenant la situation spécifique des jeunes à l'aide sociale, on constate que ces jeunes n'ont pas commencé leur vie à l'aide sociale, car bon nombre travaillaient avant d'y arriver. En effet, dans 71 % des cas où la raison d'entrée à l'aide sociale est connue chez les jeunes de moins de 30 ans, cette raison est liée à une perte d'emploi, ce qui est comparable aux prestataires de plus de 30 ans aptes au travail.

Autre constat à propos des jeunes sur l'aide sociale. Ils participent plus que leurs aînés, 14 % contre 10 %, aux mesures de développement de l'employabilité et d'intégration à l'emploi. Ils se déclarent aussi davantage disposés à participer que leurs aînés, 13 % contre 11 %, et la non-disponibilité des jeunes à participer aux mesures est attribuable, d'abord et avant tout, à la présence d'enfants à charge et non pas au refus de participer aux mesures.

Enfin, je pense que vous le savez tous, les jeunes quittent l'aide sociale plus rapidement que leurs aînés. En effet, 40 % des prestataires âgés entre 18 et 24 ans quittent l'aide sociale au cours des six premiers mois alors que ce taux n'est que de 24 % chez les prestataires âgés de plus de 45 ans. Les effectifs plus âgés tendent donc à rester plus longtemps ou de façon plus chronique à l'aide sociale. Les données officielles indiquent aussi que c'est une faible minorité de jeunes, soit 18 %, qui ont une présence continue à l'aide sociale, et ce, particulièrement en raison d'un mauvais état de santé ou d'une faible scolarisation.

Ce rappel du contexte général de la situation économique des jeunes puis de la situation spécifique des jeunes à l'aide sociale nous amène à conclure de la façon suivante. À la lumière des informations relevées, la Commission convient qu'il faut faire des jeunes prestataires une clientèle prioritaire dans une perspective de lutte à la pauvreté et de développement de l'emploi. Les évaluations des programmes et des mesures gouvernementales permettent toutefois de constater à ce propos un manque de ressources, en particulier dans le domaine de l'aide à l'emploi.

Dans ce contexte, la Commission considère qu'il serait profitable d'élargir les moyens alternatifs de développement à l'emploi. On devrait, à ce chapitre, compter davantage sur les partenaires en bonne santé économique et éviter d'exercer une pression indue sur les petits partenaires, notamment le secteur communautaire, qui disposent de moyens limités. Pour rejoindre un plus grand nombre de ces partenaires essentiels, on pourrait assurer une plus large diffusion de l'information sur les avantages encore méconnus qu'une entreprise peut retirer de programmes de formation, par exemple le crédit d'impôt existant ou la prise en compte des dépenses de formation de main-d'oeuvre.

Quant au caractère coercitif de la mesure, les études montrent que le succès d'un parcours dépend plutôt de facteurs liés à la motivation, à la détermination et à l'assiduité. L'obligation de participer assortie d'une pénalité ne garantit donc en rien le succès d'une démarche d'intégration.

Finalement, comme les jeunes se retrouvent dans un marché de l'emploi plus précaire encore que leurs aînés, comme ils ont les mêmes raisons qu'eux d'entrer à l'aide sociale, comme ils participent plus qu'eux aux diverses mesures et que leur présence à l'aide sociale est moins chronique, la Commission se demande en vertu de quel principe ils devraient être tenus de participer à un parcours individuel sur la seule base de leur âge et sous peine de pénalité.

Dans la mesure où elle émane d'un texte législatif, cette distinction fondée sur l'âge ne serait pas contraire à la lettre de l'article 10 de la Charte. Cependant, il convient, comme la Commission l'a souligné dans le passé, de se demander si elle repose sur des justifications suffisantes. Cette approche est d'autant plus pertinente que la distinction proposée est susceptible, nous l'avons signalé dans notre mémoire sur le livre vert, d'être contestée sur la base des dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés.

Conformément à la méthode d'analyse formulée par les tribunaux, une limitation à un droit se justifie si elle respecte des critères de finalité, de rationalité et de proportionnalité. Compte tenu de ce qui précède, la Commission estime à cet égard que la distinction proposée entre les 15-24 et les autres ne peut être considérée comme répondant aux critères, notamment de rationalité et de proportionnalité, qui permettraient en l'occurrence de porter atteinte au droit à l'égalité.

Convaincus que le volontariat et l'incitation sont davantage susceptibles de favoriser l'intégration sociale et professionnelle des jeunes, nous recommandons, par conséquent, le retrait des sanctions prévues à l'article 54 du projet de loi à l'encontre des prestataires de moins de 25 ans.

En ce qui concerne les aspects administratifs, rapidement, notre mémoire traite de certains aspects administratifs de la réforme. De manière générale, nous estimons que le projet est compatible sur ce plan avec les grands principes de la Loi sur la justice administrative. Dans une perspective plus large, nous formulons cependant des observations en regard de la révision des décisions administratives de la situation des personnes parrainées. À cet égard, vous retrouverez, au passage de notre mémoire, pages 28 et 30 en particulier, ces observations.

(21 h 40)

En conclusion, M. le Président, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse remercie les membres de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale de nous avoir donné cette occasion de présenter des observations sur le projet de loi n° 186.

Au moment de la dernière réforme de la sécurité du revenu, il y a maintenant 10 ans, nous rappelions que l'exercice des droits fondamentaux est lié à des conditions matérielles de vie permettant d'échapper à la pauvreté. À l'heure où l'accroissement de la pauvreté menace la cohésion sociale et ravage tant de destins personnels, cette réflexion n'a rien perdu de son actualité. La réforme de la sécurité du revenu actuellement en cours marque à cet égard une occasion privilégiée de mieux combattre la pauvreté et l'exclusion sociale et de favoriser ainsi l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne.

Dans ce contexte et compte tenu de notre mandat, la Commission entend suivre de près les présents travaux parlementaires et se réserve la possibilité de faire connaître à nouveau sa position en regard de toute problématique où seraient impliqués les principes de la Charte québécoise des droits et libertés. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. Filion. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. le président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, c'est un plaisir de vous retrouver ici, à l'Assemblée nationale, Me Bosset, conseiller juridique de la Commission qui vous accompagne, de même de Mmes Dagenais et Garon.

Je sais que le député de Saint-Hyacinthe m'a fait un ultimatum. Il m'a dit qu'il voulait absolument que je lui laisse du temps pour échanger avec vous. Alors, je vais tout de suite procéder. Allons-y assez rapidement, si vous voulez. Concernant le non-paiement de loyer, vous nous dites qu'il n'y a pas démonstration convaincante d'une prévalence du non-paiement de loyer chez les prestataires, qui dépasserait les défauts de paiement des autres locataires, donc, un, en nombre.

Moi, j'ai ici une copie d'une étude, de notes, en fait, de Mme Garon qui m'ont été communiquées, qui était, je pense, à l'époque, chercheure à l'UQAM. Ça date de 1994. Ça porte justement sur cette question. En fait, ça s'intitule Notes en marge du sondage du ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle sur le phénomène du non-paiement de loyer . C'est un sondage qui avait été fait par le gouvernement précédent, en 1993. Il y avait une proposition, en fait, qui disait ceci: «Nous suggérons d'établir nos estimés en divisant les pourcentages déclarés par les propriétaires par trois et en multipliant ceux obtenus chez les locataires également par trois. Cela donne, pour le défaut de payer de plus de trois mois, 5,3 % et 6 % respectivement, et, pour les déguerpissements, 10,9 % et 9 % respectivement.»

Bon. Il y a diverses façons, mais, quoi qu'il en soit, je pense que ce n'est peut-être pas quantitatif. C'est peut-être plus l'assertion suivante sur laquelle j'aimerais entendre la Commission et son président, le fait que les propriétaires se font dire par des locataires prestataires – ça pourrait être aussi à la CSST ou à d'autres prestations – ils disent aux propriétaires: Tu ne peux rien contre moi. De toute façon, tu ne peux rien contre moi. Un peu comme si, moi, je suis immunisée parce que, moi, je suis insaisissable. C'est incessible aussi. Alors, essaie-toi si tu veux, mais tu ne peux rien contre moi. Ça, ça porte en soi des germes de zizanie sociale, si je peux m'exprimer ainsi.

D'autre part, quant à diverses choses, je vais passer très vite. Les motifs permettant de refuser ou d'abandonner un emploi sans pénalité. Il y a des amendements qui vont être introduits dès le début de l'étude article par article du projet de loi. Alors, les amendements, je voulais vous en faire part. Par exemple, il y aura un amendement qui va prévoir des situations où une personne serait justifiée de refuser ou d'abandonner un emploi. Par exemple, l'assurance raisonnable d'un autre emploi dans un avenir immédiat ou une modification importante de ses conditions de rémunération. Là, je pense que ça satisfait un aspect sur lequel vous insistez dans votre mémoire. Et puis on ajoute même «toute autre circonstance prévue par règlement», de façon à ne pas être limitatif si l'évolution des choses fait qu'il faille en ajouter.

Il y aura aussi un amendement qui viendra préciser qu'un adulte peut soulever un motif valable lié au contenu d'un parcours pour se soustraire à l'application de la sanction. Alors, c'est l'expression «motif valable». Donc, ça serait qu'un adulte a un motif valable de refuser ou d'abandonner certaines activités prévues dans le cadre d'un parcours lorsque ces activités ne sont pas appropriées à sa situation.

Alors, il y aura comme ça diverses dispositions qui viendront satisfaire des recommandations comme celles que vous nous avez faites dans votre mémoire que nous avons eu vendredi après-midi, je crois. Donc, je ne les passerai pas toutes en revue, mais nous vous les ferons parvenir dès qu'elles seront déposées à la commission au moment où nous débuterons l'étude article par article. Bon.

D'autre part, en ce qui concerne l'article 65.1 qui est repris par l'article 95, alors je vais faire analyser vos propositions. En fait, il s'agit pour vous tout simplement de demander, je crois, le retrait des dispositions. Nous n'allons certainement pas retirer ces dispositions pour la bonne raison que l'article 65.1, qui est repris à 95, a été introduit dans la loi principalement en raison d'avis de la Commission d'accès à l'information qui indiquait que le ministère ne pouvait pas conclure des ententes d'échanges de renseignements par appariement de fichiers si un article de loi facilitant de tels échanges n'était pas introduit. Alors, c'est parce qu'on a eu cet avis de la Commission d'accès à l'information que, je crois, ma prédécesseure, Mme Blackburn, la députée de Chicoutimi avait introduit l'article 65.1. Alors, cet article avait fait l'objet de nombreux échanges avec la Commission d'accès à l'information avant son dépôt pour adoption à l'Assemblée nationale.

Alors, je comprends que cet échange de renseignements au ministère... J'ai requis, moi, la procédure qui est en place et je comprends ceci dans les processus. Le ministère a pris pour politique d'informer la Commission d'accès à l'information officiellement même d'un échange qui ne requiert pas l'avis de la Commission, c'est-à-dire qu'on a pris les devants pour décider, comme politique générale, qu'on allait systématiquement informer la Commission d'accès à l'information, et le faire officiellement par la présentation d'un dossier ou encore par des échanges téléphoniques ou présentation sur demande de la Commission de tous les échanges de renseignements en cours. C'est donc dire que la Commission d'accès à l'information est informée de tous les échanges de renseignements réalisés par le ministère, à l'exception d'un seul échange, et celui-là, c'est celui qui a été approuvé par le gouvernement en 1989 et concerne l'appariement entre les prestations d'assurance-emploi et les prestations de la sécurité du revenu. Donc, c'est le seul qui avait déjà été approuvé par le gouvernement en 1989, mais tous les autres échanges de renseignements, toutes les comparaisons de fichiers ont été approuvés par la Commission d'accès à l'information.

Et j'ai ici un spécimen, si vous voulez, de demande de prestation à la sécurité du revenu. Cette demande de prestation contient une note mentionnant les différents fichiers qui seront sujets à consultation. Et je vais vous dire que, moi, je préfère de loin, beaucoup, beaucoup plus travailler de cette façon-là, parce que, à défaut de quoi, vous savez ce que ça signifie? Ça signifie des vérificateurs puis des contrôleurs qui ensuite vont réclamer a posteriori des trop-payés. Vous savez sûrement que... On a eu pour combien de trop-payés à date, là? Autour de 400 000 000 $ avant que ce dispositif...

Une voix: 545 000 000 $.

Mme Harel: 545 000 000 $. Alors, imaginez finalement 545 000 000 $ de trop-payés à faire rembourser, parce que les personnes... Et ça, c'était avant, si vous voulez. Là, automatiquement, le couplage de fichiers est tel que ça incite finalement à des déclarations qui sont conformes au fait que la personne a ou n'a pas d'automobile, au fait que la personne reçoit ou ne reçoit pas de la CSST, ou reçoit ou ne reçoit pas de l'assurance-emploi, ou reçoit ou pas de prêts et bourses.

(21 h 50)

Vous voyez, moi, je pense que, dans la balance des inconvénients, il vaut beaucoup mieux que les personnes finalement soient informées du fait que l'information est connue que, dans le fond, de laisser entendre que ces informations qui nous sont transmises seront l'objet d'une vérification ultérieure, avec tout l'aspect odieux qui consiste à se faire rembourser de l'argent sur l'aide de dernier recours. En même temps, on doit bien comprendre qu'il y a une question de défaut, finalement, de déclaration. Alors, dans le contexte à choisir entre vérificateur et enquêteur, et trop-payés, et tout le reste, je pense que les couplages de fichiers, mais autorisés, assujettis à l'examen de la Commission d'accès à l'information sont préférables. Je dis toujours dans la balance des inconvénients, l'idéal d'un système étant celui que nous proposait Raymond Lévesque, Quand les hommes vivront d'amour , mais on sait que ce n'est pas pour demain ou après demain.

Et puis, finalement, les jeunes. Alors, vous voyez, on peut faire dire beaucoup, finalement, à des statistiques, parce que je lisais votre mémoire à la page 7, et vous nous dites: Les bons emplois, et vous nous parlez des pâtes et papiers, de la construction résidentielle. Mais, si on parlait de biotechnologie, si on parlait d'infographie, si on parlait d'aéronautique, si on parlait de télécommunications? Les exemples que vous nous apportez sont justement des exemples dans des secteurs où les technologies ont remplacé l'embauche, souvent, de nouveaux travailleurs, mais il y a des secteurs... Je pense à l'aéronautique en particulier ou, à Montréal, à l'informatique ou à l'infographie, je crois que ce sont les secteurs où les jeunes performent.

Je voudrais que les personnes qui m'accompagnent fassent parvenir à la Commission l'étude la plus récente réalisée par la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, avant qu'elle ne soit fusionnée au sein d'Emploi-Québec, sur les tendances les plus récentes d'emplois chez les jeunes. Ce que ça démontre, c'est que les 25-29 ans, aucun problème, cinq points d'activité supérieurs à la moyenne; les 20-24 ans, taux de chômage de 4 points supérieurs à la moyenne; et les 15-20 ans, un taux de chômage de 27,5 %. Et c'est les 15-20 ans qui font basculer. Quand on dit chômage des moins de 30 ans, il est essentiellement dû aux 15-20 ans, puisque les 25-29 ans s'en sortent mieux que la moyenne, que les 20-24 ans ont un problème d'insertion sur lequel il faut travailler, mais que le problème le plus aigu, c'est celui finalement de jeunes qui sont non instruits.

Il faut vraiment lire cette étude pour voir à quel point qui s'instruit travaille. C'est tellement éloquent. C'est inversement proportionnel: plus la scolarisation est élevée, plus le taux de chômage est faible. Et ces jeunes de 15-20 ans, ce sont essentiellement des jeunes qui n'ont pas fini leur secondaire III.

Alors, pour toutes ces raisons, je me dis que les autres sociétés industrialisées... J'ai fait faire une recherche sur toute la littérature, si vous voulez, des régimes qui s'adressent à des jeunes dans les sociétés industrialisées, les pays scandinaves, les pays européens. Systématiquement, je dirai sans exception, je crois, tous ont un régime particulier pour les jeunes de 16-24 ans et ce régime particulier est de l'ordre d'exiger: la France, pas de RMI avant 25 ans, avec le revenu minimum d'insertion, sauf s'il y participe, le parti travailliste pareil, ça vient d'être adopté en Angleterre, le Danemark, la Suède, il n'y a pas d'exception.

Alors, je crois que partout il y a une réalité du non-avenir, du «no future» pour un jeune de 20 ans qui, si vous voulez, n'a pas les qualifications minimales qu'il lui faut pour simplement pouvoir penser s'inscrire à un moment donné sur le marché du travail d'une façon régulière. Et les chiffres que vous avez, je vais les faire vérifier, mais, moi, les données les plus récentes que j'ai, j'ai eu l'occasion de les communiquer à la Commission, donnent une durée cumulative moyenne à l'aide sociale de 44 mois à 24 ans. Et ça, ce sont les chiffres de février, cette année. Alors, on voit que c'est plus que la moitié de leur vie adulte qui a été passée sur l'aide sociale.

La Présidente (Mme Malavoy): Mme la ministre, je voudrais juste attirer votre attention sur votre promesse précédente et indiquer...

Des voix: ...

La Présidente (Mme Malavoy): Enfin, je ne me suis pas permise d'utiliser ce mot, mais Mme la ministre se reconnaîtra. On a déjà pris 16 minutes, je pense, donc, si on pouvait avoir des commentaires de votre part et puis ensuite en alternance, ça me permettrait d'avoir un petit moment pour le député de Saint-Hyacinthe. M. Filion.

M. Filion (Claude): Oui. Il y a plusieurs points qui ont été évoqués par Mme la ministre. D'abord, en ce qui concerne l'échange de renseignements, la loi, c'est une chose, les pratiques administratives en sont une autre. Si les pratiques administratives de votre ministère sont telles qu'aujourd'hui vous procédez de telle ou telle façon, moi, je vous dis autre chose, je vous dis que la loi, elle dit autre chose. Elle va plus loin.

La loi, vous le savez, l'ancien article 65.1, l'actuel article 95 du projet de loi, est un énorme, mais un énorme pan de mur dans lequel le ministère peut aller chercher des renseignements d'à peu près n'importe qui. Alors, évidemment, vous nous dites: Nos pratiques administratives sont autres. J'en prends bonne note. Dans le fond, je n'en ai jamais douté, peut-être, mais il demeure que ce serait peut-être bon d'en profiter pour resserrer les dispositions de l'ancien article 65.1 devenu 95.

Maintenant, cette question-là est devant les tribunaux et la Commission est partie d'ailleurs à ce litige-là devant les tribunaux. Il demeure que, si la volonté est telle que ce qu'on a entendu tantôt, bien, peut-être que c'est l'occasion au moins de resserrer cet article-là. Parce que d'entrer dans la vie privée des prestataires d'aide sociale, comme le mot l'indique un peu, c'est leur droit au respect de la vie privée et puis c'est la dignité, aussi. Ce n'est pas drôle, là, parce qu'on est pauvre, prestataire d'aide sociale, que l'information à son sujet soit accumulée à un endroit et qu'on puisse, de cet endroit-là, à peu près tout savoir, peut-être trop savoir. À la lueur de vos propos, peut-être qu'il y a certaines choses... Bien, au moins, peut-être que le projet de loi serait une bonne occasion pour resserrer en attendant peut-être une décision d'un tribunal, mais je pense bien que... Bon. Alors, ça, c'est en ce qui concerne l'échange de renseignements.

(22 heures)

Deuxièmement, en ce qui concerne le non-paiement des loyers, tout ce qu'on dit essentiellement, d'abord, on ne doute pas qu'il y a une forme de problématique qui puisse exister au niveau du non-paiement des loyers par les prestataires d'aide sociale, mais encore faudrait-il nous documenter. Quelle est l'étendue de la situation actuelle? Quel est l'impact de la mesure proposée? Ces études-là n'existent pas. Elles ne sont pas entre vos mains. Or, malgré cela, le législateur serait en train de créer une règle de droit distincte s'appliquant strictement à des personnes qui sont prestataires d'aide sociale. Il y en a qui sont à défaut parfois d'avoir des revenus. Il y en a qui ont des problèmes de paiement de loyer. Ils ne sont pas prestataires d'aide sociale. Eux auraient un traitement qui est celui prévu aux lois ordinaires. Mais le prestataire d'aide sociale, lui, serait sujet à un encadrement législatif différent. C'est ce qu'on pourrait appeler finalement peut-être le début d'un encadrement de l'exclusion, parce que ces gens-là sont déjà... Alors, à ce sujet-là...

Mme Harel: Oui, mais ils ont déjà une application différente, puisque c'est incessible et insaisissable et que les autres citoyens n'ont pas ce...

M. Filion (Claude): Oui, mais les autres allocations de l'État, Mme la ministre, bénéficient des mêmes... tous les autres prestataires d'aide étatique bénéficient des mêmes bénéfices, il n'y a pas de distinction avec d'autres personnes qui peuvent recevoir des indemnités ou des allocations de l'État. D'ailleurs, en ce sens-là je demanderais à Me Bosset peut-être de compléter sur cet aspect-là.

M. Bosset (Pierre): Bien, c'est simplement pour confirmer qu'effectivement, dans la plupart des lois dites sociales, si je ne m'abuse, on retrouve également cette disposition qui prévoit l'incessibilité et l'insaisissabilité des prestations, quelles qu'elles soient. Alors, sur ce plan-là il y a, à tout le moins, une distinction qui existe entre les allocataires de l'État en général et cette catégorie particulière que sont les assistés sociaux.

M. Filion (Claude): Voilà. Alors, ça, c'est sur le non-paiement des loyers. Il faudrait vraiment que l'ampleur du phénomène soit bien établie et factuellement sur votre table. En tout cas, nous vous le soumettons respectueusement pour vous permettre d'aller plus loin dans ce sens-là. Autrement, encore une fois, le danger est d'encadrer l'exclusion, d'encadrer les exclus de notre société, d'encadrer ceux qui ont peut-être moins de moyens que les autres, et ça, c'est une tentation, il est vrai. C'est une tentation, parce qu'on veut que ça fonctionne, que ça roule, mais dans le fond, à long terme, on déresponsabilise encore une fois. Étant donné que le logement, c'est une partie importante de l'allocation du prestataire d'aide sociale et qu'advenant un défaut... mais ma foi, un défaut, des défauts, est-ce qu'il y a quelqu'un qui a toujours été parfait, toujours? Les locataires sont-ils tous parfaits? Non, mais, là, on s'en va à la Régie du logement puis on obtient une ordonnance puis qui est valable pendant deux ans.

La Présidente (Mme Malavoy): Me Filion, si vous avez d'autres points...

M. Filion (Claude): Oui, d'accord.

La Présidente (Mme Malavoy): ...sur lesquels vous voulez rapidement répondre, ce serait utile, parce que je vais devoir passer au député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Filion (Claude): Bon, bien peut-être je pourrais profiter d'une autre question pour le troisième aspect qui est toute l'importante question de la pénalité pour les parcours obligatoires chez les jeunes.

La Présidente (Mme Malavoy): Si vous voulez bien le faire de cette façon, je pense que ça permettrait au député de commencer, puis effectivement vous pouvez en profiter pour terminer vos commentaires. Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, Mme la Présidente. Me Filion, Me Bosset, Mmes Dagenais et Garon de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, bonsoir.

Je retiens vos commentaires sur l'article 95; on verra, lors de l'étude détaillée, si on peut peut-être circonscrire de façon un peu plus intéressante cet article. Si la ministre nous dit que la pratique dans son ministère est plus limitée que la portée de l'article tel quel, on serait peut-être capable de la convaincre de rendre son projet de loi plus fidèle aux pratiques courantes dans son ministère. On va suivre ça de près.

Je vais revenir sur la question du non-paiement des loyers, et on va en parler, de l'obligation, inquiétez-vous pas, Me Filion. Le non-paiement des loyers. Vous n'abordez pas la question du non-paiement face à une potentielle contestation en invoquant une raison de discrimination, dans votre mémoire. C'est une préoccupation pour ce côté de la table. Nous ne voulons pas du tout, de ce côté, s'associer à un article dans un projet de loi, qui pourrait porter atteinte aux protections contre la discrimination dans la Charte soit canadienne ou québécoise.

Nous avons des raisons de croire, et ce n'est pas uniquement le Front commun ou le FRAPRU qui nous donnent raison de croire, qu'il y a possiblement une atteinte. Il y a même eu des avis antérieurs du ministère de la Sécurité du revenu, qui nous indiquent potentiellement un problème avec la Charte québécoise. Avez-vous des conseils à nous donner là-dessus? Là, encore une fois, je fais une distinction sur l'opportunité de procéder en raison de l'ampleur du problème, mais je vous questionne uniquement sur l'aspect discriminatoire, potentiellement. Je ne sais pas si vous avez examiné cette question-là, puis si vous avez des informations à nous transmettre.

M. Filion (Claude): Oui, je peux laisser la parole à Me Bosset.

La Présidente (Mme Malavoy): Oui, allez-y, Me Bosset.

M. Bosset (Pierre): Pardon?

La Présidente (Mme Malavoy): J'ai dit: Allez-y, Me Bosset.

M. Bosset (Pierre): Oui, merci. Alors, dans le mémoire cette question-là on l'aborde sous l'angle du manque d'études justifiant cette mesure, donc sur le terrain de l'opportunité, comme vous le soulignez. Quant à l'aspect, possible aspect constitutionnel, il est certain que nulle législation n'est à l'abri d'une contestation fondée sur ce motif-là, que ce soit en vertu de la Charte canadienne ou de la Charte québécoise. Si on parle de la Charte québécoise, l'article 10 interdit effectivement d'exercer des distinctions qui soient fondées sur la condition sociale.

Par ailleurs, il y a certaines dispositions de la Charte qui visent à interdire la discrimination dans la conclusion d'actes juridiques qui ont pour objet des biens ou des services qui sont ordinairement offerts au public. Une autre disposition interdit la discrimination dans les clauses incluses dans ces actes juridiques.

Alors, il s'agirait de voir effectivement si une contestation fondée sur ces motifs-là serait justifiée. Nous avons préféré aborder la question en amont plutôt qu'en aval, si on veut, dans la mesure où on jugeait que la mesure, telle qu'elle est, dans l'état actuel des choses en tout cas, elle n'est pas justifiée.

M. Copeman: Oui. Ça, c'est un point de vue qui n'est pas partagé par la ministre, semble-t-il, à date. On peut peut-être la faire changer d'idée. Mais, si jamais en tout cas la Commission peut examiner la question de la possibilité que ces mesures-là enfreignent la Charte, ce serait utile. Je vous demande, en tant que porte-parole...

Mme Harel: On n'a jamais su ce qu'en pensait l'opposition officielle.

M. Copeman: Bientôt.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: Tout est dans le timing, on me dit, en politique. J'ai même offert de commencer avec l'article 31, à l'étude détaillée, si ça soulage la ministre.

Mme Harel: Je suis d'accord.

M. Copeman: Pas de problème.

Mme Harel: Parfait. Je le prends au mot. On commence avec 31, mardi.

M. Copeman: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Parfait.

La Présidente (Mme Malavoy): Poursuivez, M. le député.

M. Copeman: Merci, Mme la Présidente.

Mme Harel: Je déposerai toute la correspondance que j'ai de ses collègues de l'opposition.

M. Copeman: Mme la Présidente, M. le président de la Commission, sur la question de l'obligation de résultat – j'ai tendance à dire à la ministre que les sceptiques seront confondus – une petite question pointue sur une donnée, à la page 7 de votre mémoire, «...71 % des cas où la raison d'entrée à l'aide sociale est connue, chez les jeunes de moins de 30 ans, cette raison est liée à une perte d'emploi, ce qui est comparable aux prestataires de plus de 30 ans aptes au travail.»

Une petite question: Où avez-vous pigé cette donnée-là, que je trouve très intéressante? Parce que la ministre nous fait valoir que les jeunes sont là pendant quatre ans, la durée moyenne des prestataires jeunes, en tout cas il y a beaucoup, beaucoup d'informations là-dessus. Moi, je trouve ça très frappant comme statistique. 71 % des cas de pertes d'emploi comparables aux prestataires de 30 ans aptes au travail.

Mme Harel: 71 % de ceux qui ont déclaré.

M. Copeman: Oui, oui, je veux bien, là, mais...

Mme Harel: C'est 71 % de 15, je pense... Ha, ha, ha!

M. Copeman: Oui, oui, mais en tout cas, j'ai demandé au président où il a pigé, puis...

M. Filion (Claude): Oui.

M. Copeman: ...peut-être qu'il...

M. Filion (Claude): D'abord, je vous réfère à la page 23 de notre mémoire. Évidemment, dans notre présentation on n'a pas repris toutes les citations...

M. Copeman: Non, non.

M. Filion (Claude): ...que vous allez retrouver dans notre mémoire. Maintenant, si vous allez à notre mémoire, vous allez la retrouver à la page 23, en bas, et puis je vais laisser la parole à Mme Dagenais pour lui demander d'établir la différence, je pense qui est la note 84, sauf erreur.

Mme Dagenais (Lucie France): Alors, la plupart des données qui sont citées dans le mémoire, ce sont des données qui proviennent de rapports du ministère, c'est-à-dire le ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Donc, cette donnée est une donnée qui a été prise dans un des documents du ministère.

M. Copeman: O.K.

Mme Harel: Mais c'est 71 % de combien?

Mme Dagenais (Lucie France): 71 % des cas dont on connaît la réponse.

Mme Harel: Et qui sont...

(22 h 10)

Mme Dagenais (Lucie France): Des cas où la raison d'entrée à l'aide sociale est connue chez les jeunes de moins de 30 ans.

Mme Harel: C'est ça. C'est quel pourcentage de cas où ils sont connus.

Mme Dagenais (Lucie France): C'est un peu moins de la moitié des cas pour lesquels on connaît la réponse. Il y a une bonne proportion pour lesquels on ne connaît pas la raison. Les raisons ne sont pas connues dans un bon nombre de cas.

M. Copeman: Mme la Présidente, je suis très indulgent, mais...

La Présidente (Mme Malavoy): Poursuivez, allez-y.

M. Copeman: Merci, Mme la Présidente, bientôt on va me demander de prêter mon temps au député de Saint-Hyacinthe. Il y a quand même des limites, là. Des ultimatums, entre les ministériels, il faut qu'ils se partagent ça, eux autres, qu'ils ne viennent pas m'imposer des choses comme ça.

La Présidente (Mme Malavoy): Ils ne vous ont encore rien imposé, M. le député. Allez-y.

M. Copeman: Tout à fait, Mme la Présidente, avec votre délicatesse habituelle, oui, oui. M. le président de la Commission, la question de l'obligation. Quand je vous ai demandé si vous aviez une opinion sur le potentiel de discrimination du non-paiement, vous me dites que vous n'avez pas abordé la question de cette façon. Mais, là, il me semble que vous abordez la question de l'obligation ou vous avez des conclusions un peu plus claires en ce qui concerne l'obligation faite aux jeunes. Là, vous dites à la page 9 de votre mémoire: «Cette approche est d'autant plus pertinente que la distinction proposée est susceptible, nous l'avons signalé dans notre mémoire sur le livre vert, d'être contestée». Là, c'est un avis simplement, que c'est susceptible. Mais vous allez plus loin, là, vous dites: «Compte tenu de ce qui précède, la Commission estime à cet égard que la distinction proposée ne peut être considérée comme répondant aux critères, notamment de rationalité et de proportionnalité, qui permettraient en l'occurrence de porter atteinte aux droits à l'égalité.»

Si je vous ai bien compris non seulement vous dites: Écoutez, on vous met en garde qu'il y ait une possibilité de contestation, mais là vous nous donnez un peu une opinion là-dessus que, selon la Commission, ça porte atteinte aux droits à l'égalité dans la Charte canadienne. J'aimerais vous entendre un peu plus là-dessus.

M. Filion (Claude): Oui. Vous lisez bien. Vous allez la retrouver à la page 27 également de notre mémoire. L'idée de base, c'est la suivante, pour la réexpliquer peut-être simplement. On sait que les discriminations fondées pour l'un des motifs énumérés à l'article 10 sont interdites. En ce qui concerne la discrimination fondée sur l'âge, c'est un motif de discrimination illicite, et le législateur, en adoptant la Charte québécoise des droits et libertés, a inscrit «sauf dans la mesure prévue par la loi». Donc, en ce qui concerne la Charte québécoise, le législateur peut tracer une ligne.

Cependant, si l'examen est fait en vertu de la Charte canadienne, vous devez vous référer aux trois critères de finalité, rationalité et proportionnalité. Or, avec les données socioéconomiques et l'étude que nous proposons aux membres de cette commission, nous en arrivons à la conclusion qu'il serait pour le moins très plaidable, si vous voulez, entre guillemets, en tout cas il serait sûrement possible d'invoquer devant les tribunaux le fait que cette discrimination fondée sur l'âge n'est pas justifiée, notamment en ce qui concerne les critères de rationalité et de proportionnalité. Parce que ce faisant... Puis l'idée de base, encore une fois, c'est que, bien sûr vous portez atteinte... le législateur, en créant une distinction basée sur l'âge, rompt le droit à l'égalité. 24 ans, ce n'est pas la même chose que 25 ans. Pourquoi? Il faut l'expliquer. Donc, il faut arriver à justifier cette distinction-là.

C'est pour ça qu'il est toujours, comme législateur, extrêmement périlleux de tracer des lignes arbitraires basées sur l'âge ou basées, a fortiori, sur tous les autres motifs énumérés à l'article 10. Vous ne créez pas de distinction selon le sexe, vous ne créez pas de distinction selon la race ou l'origine ethnique, bon, l'âge doit être protégé également. Donc, dans cette mesure-là je demanderais à Me Bosset de compléter sur cette importante question.

M. Bosset (Pierre): Oui, justement sur cette question des critères de rationalité et de proportionnalité, le critère de rationalité veut dire qu'il doit exister un lien entre la mesure qu'on met de l'avant, ici la distinction fondée sur l'âge, et l'objectif qu'on poursuit, qui est l'insertion, et avec lequel tout le monde est d'accord. Or, les études que nous avons citées, qui sont des études d'ordre socioéconomique si on veut, démontrent qu'au contraire des mesures coercitives peuvent avoir un effet contraire à celui recherché. Donc, le lien rationnel n'est pas évident. Quant aux critères de proportionnalité, un élément de ce critère, c'est qu'il ne doit pas exister d'autres mesures moins attentatoires à un droit d'arriver au même résultat. Or, ici encore ce que nous essayons de démontrer, c'est qu'il existerait d'autres moyens fondés sur l'incitation, sur le fait de compter davantage sur d'autres partenaires socioéconomiques. D'autres moyens moins attentatoires au droit à l'égalité existeraient, donc le critère de proportionnalité non plus on peut se demander s'il est vraiment rempli. Donc, c'est ce qui explique notre conclusion.

M. Copeman: O.K. En terminant, Mme la Présidente, si je vous demandais «Selon vous, est-ce qu'on pourrait décrire ça comme une discrimination positive?», qu'en diriez-vous? Et, si je vous disais qu'on utilise cette obligation comme raison – raison n'est pas le bon mot, là – comme explication, comme critère, comme justification pour l'État de fournir des parcours, qu'en pensez-vous? Parce que j'ai entendu ces deux explications récemment, que c'est une discrimination positive et que ça se justifie parce que l'État va même être obligé de fournir des parcours. Qu'en pensez-vous?

M. Filion (Claude): En dehors du cadre des programmes d'accès à l'égalité, la notion de discrimination positive, ça n'existe pas. On peut en parler entre nous, comme, par exemple, certaines catégories de commerçants vont offrir des avantages supérieurs à certaines catégories de la population, bon, mais le terme de discrimination positive je pense qu'il faudrait vraiment le réserver aux programmes d'accès à l'égalité, c'est-à-dire lorsqu'on essaie de corriger une iniquité en favorisant, par exemple, un groupe visé, soit en général les femmes ou les minorités ou les autochtones, dans l'accès à l'emploi. Bon. Alors, en dehors de ce cadre-là, je pense que le terme discrimination positive il faudrait chercher, en tout cas je vous soumets à l'éviter.

En ce qui concerne la deuxième partie de votre question, non, c'est évident que l'obligation de fournir des parcours, c'est une obligation qui découle du fait d'être l'État, d'être donc le dépositaire, comme on disait, de la solidarité sociale en plus d'être le grand récipiendaire des taxes. Donc, à partir de ce moment-là son rôle comme fiduciaire de la solidarité sociale implique une lutte à la pauvreté, qui doit être maintenant et qui va devenir dans les années qui viennent une préoccupation grandissante de tous les gouvernements et de toutes les assemblées en Occident.

Et dans le cadre de cette lutte-là contre la pauvreté, bien sûr l'État doit chercher à mettre sur pied des programmes pour faire en sorte d'inclure les plus pauvres, les plus jeunes à l'intérieur de la totalité de la population. Alors, si le gouvernement voulait, disons, justifier l'imposition d'une pénalité à des jeunes, en disant: Bien, ça va nous forcer à fournir des parcours individualisés, non, je suis convaincu que ce n'est pas... Je ne pense pas non plus que ça soit exactement le sens de ce que j'ai entendu tantôt, personnellement, honnêtement.

Cependant, ça ne change rien au fond de notre point, qu'il faut chercher encore une fois à favoriser l'inclusion des jeunes, d'autant plus que les jeunes dont vous parlez à cette commission parlementaire là ne sont pas des jeunes qui viennent d'une autre planète, ce sont aussi, comme par hasard, des jeunes qui sont victimes des clauses orphelin des conventions collectives. Ce sont aussi des jeunes qui, sur le plan de l'emploi... bien, on l'a vu et Mme la ministre a raison de nous citer tous ces nouveaux emplois technologiques, notamment l'aéronautique, etc., je me souviens...

Tant mieux, si on est capable d'en ... mais il reste aussi que malheureusement dans beaucoup de bons emplois, entre guillemets, il n'y a pas suffisamment de jeunes, et les chiffres sur la fonction publique québécoise sont tout à fait désarmants à ce chapitre-là. C'est 2 % par rapport à 6 %. Bon. Et cette jeunesse-là est aussi la jeunesse où la détresse psychologique est de l'ordre de 35 %, le taux de suicide le plus élevé. Bon. Sur le plan économique, en général le taux de chômage chez les jeunes, vous le connaissez, 60 % plus élevé que chez les autres classes. Bon. Bref, cette jeunesse-là est une jeunesse qui fait partie de l'ensemble de la jeunesse québécoise qui, comme par hasard, elle aussi, n'a pas un avenir des plus brillants et à qui on n'a pas donné le plus grand relais. Les clauses orphelin, encore, je reprends ça comme exemple...

(22 h 20)

Alors, tout ça favorise, si on veut, et conforte la Commission dans notre recommandation de favoriser bien sûr le volontariat qui a fait ses preuves selon les études auxquelles nous référons, et que vous avez également vues, plutôt que des pénalités pour un parcours obligatoire. Encore une fois, de prioriser, c'est excellent, mais c'est la pénalité qui devient extrêmement, dans le sens que nous l'avons dit, injustifiée et possiblement discriminatoire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Le temps est écoulé. Mesdames, messieurs, au nom de la commission, merci beaucoup. J'invite immédiatement la représentante et les représentants de l'Union des producteurs agricoles à se présenter.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît. M. D'Amours, si vous voulez présenter madame qui vous accompagne et débuter votre mémoire, tout en vous saluant. Je vous permets de vous asseoir un peu.

M. D'Amours (Gratien): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): De vous installer comme il faut.


Union des producteurs agricoles (UPA)

M. D'Amours (Gratien): Alors, Mme la ministre, M. le Président, la personne qui m'accompagne, c'est Hélène Varvaressos, elle la coordonnatrice au comité sectoriel de la main-d'oeuvre et de la production agricole. Même à une heure tardive, l'Union des producteurs agricoles remercie la commission parlementaire des affaires sociales de l'invitation qui lui a été faite de venir transmettre ses commentaires concernant le projet de loi n° 186 sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale.

Donc, l'Union s'est toujours préoccupée des questions relatives à la main-d'oeuvre et l'emploi. C'est par son réseau des services d'emplois agricoles présent au Québec depuis 1974 que notre organisation s'est intéressée à recruter et fournir de la main-d'oeuvre aux employeurs agricoles, mais aussi à travailler à améliorer l'employabilité des personnes qui sont intéressées à occuper un emploi en agriculture.

Nos interventions sur les clientèles cibles se sont diversifiées avec les années, mais globalement les actions réalisées concernent l'information sur les possibilités d'emploi en agriculture, le recrutement et le placement de main-d'oeuvre, la référence et le développement des programmes de formation agricole sur mesure, la mise en place des mécanismes favorisant l'insertion au travail, notamment le regroupement d'employeurs pour partager la main-d'oeuvre, et l'organisation du transport de la main-d'oeuvre placée dans les entreprises horticoles.

Alors, nous ne ferons pas ici une analyse critique et détaillée du projet de loi n° 186. L'essentiel de notre réflexion s'articulera plutôt autour des éléments suivants, soit: les besoins du secteur agricole en main-d'oeuvre; les possibilités que certains postes de travail soient offerts aux personnes ayant des difficultés particulières d'accès à l'emploi; les conditions à mettre en place pour que le secteur agricole participe activement à l'insertion des personnes présentant ces difficultés. Donc, bref, ce qui préoccupe plus le monde agricole.

Donc, nous joignons à ce mémoire le document de réflexion préparé par le comité sectoriel de main-d'oeuvre et de la production agricole, intitulé Pour favoriser l'insertion au travail agricole des personnes ayant des difficultés particulières à l'emploi . Et cette analyse exhaustive des conditions à mettre en place pour que le secteur agricole participe activement à l'insertion des clientèles cibles complétera notre vision d'une réforme de la sécurité du revenu, qui tient compte des préoccupations et des besoins du secteur agricole.

Alors, comme contribution de l'agriculture au développement de l'emploi, l'agriculture constitue la plus importante des activités primaires au Québec avec plus de 78 000 emplois directs. Si on ajoute les 50 400 emplois découlant du secteur de la transformation et les quelque 257 000 emplois du commerce de gros et de détail et de la restauration, c'est 386 000 emplois que le secteur agroalimentaire regroupe au total, soit près de 10 % du PIB québécois.

Le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec répertorie, dans son portrait de la main-d'oeuvre agricole, en 1996, 123 972 postes de travail pour l'ensemble de l'agriculture. Sur ce nombre, il faut noter 7 283 postes de main-d'oeuvre engagée, postes qui étaient réservés pour des emplois permanents; 48 671 postes saisonniers étaient disponibles dont 24 177 concernaient des emplois occasionnels et saisonniers de moins de cinq semaines.

J'aimerais attirer votre attention sur la dernière partie de ces emplois qui souvent semblent être moins importants, mais qui, je vous dirais, finalement sont d'une grande importance pour plusieurs productions horticoles, puisque c'est principalement des emplois qui sont affectés à la récolte de la production horticole, et souvent la récolte, comme vous le savez, c'est ce qui fait le revenu de l'entreprise. C'est des emplois qui, souvent, sont des étudiants, des jeunes qui n'ont pas d'autres emplois, des personnes en difficulté d'accéder à l'emploi, souvent des arrivants, des gens qui sont des immigrants, donc pour plusieurs des premiers emplois.

Il y a un autre point peut-être intéressant aussi à noter à ce fait-là. Si ma mémoire est bonne, en 1995, il y a un groupe de travail sur le travail saisonnier et l'assurance-chômage qui avait fait une tournée de consultation et dans son rapport, en conclusion, mentionnait l'importance de ces emplois, puisque ces emplois contribuent à équilibrer la balance commerciale et du Québec, bien sûr, et du pays. C'est parce que les productions agricoles, la pêche, c'est souvent par ces emplois-là qu'on équilibre notre balance commerciale, et ces emplois-là en très grande majorité sont des emplois de très courte durée, donc c'est les emplois qui sont en dernier bout de chapitre, donc c'est les emplois de cinq semaines.

Alors, un rappel des demandes du secteur agricole. C'est pour situer notre intervention face au projet de loi n° 186. Permettez-nous de vous rappeler l'essentiel de nos préoccupations quant à l'insertion des personnes prestataires de la sécurité du revenu. L'UPA a, depuis quelques années, effectué de nombreuses représentations auprès de différents ministères pour que soient allégées les procédures administratives de déclaration des travailleurs mais surtout pour que soient mises en place des mesures qui encouragent les travailleurs disponibles, chômeurs ou prestataires de la sécurité du revenu, à occuper un emploi en agriculture.

(22 h 30)

Donc, ces représentations donnent suite à de nombreuses résolutions adoptées lors des congrès généraux de l'UPA qui demandait, entre autres, aux ministères concernés d'instaurer une exemption permettant aux prestataires de la sécurité du revenu de conserver leur prestation en plus de leur revenu gagné par un travail en agriculture d'une durée de moins de six semaines. Je pense que les producteurs, ce qu'ils recherchaient, c'était de pouvoir, vis-à-vis la main-d'oeuvre dont ils étaient un peu pris en otage... Leur entreprise était comme prise en otage à la période des récoltes. Ils voulaient que ces emplois-là un peu sortent de la noirceur et qu'on puisse avoir des travailleurs qui soient dans une situation qui est normalisée.

Donc, je pense que ce que les gens cherchaient, c'étaient des moyens justement pour régulariser des situations. Parce qu'il faut comprendre que les entreprises agricoles, pour elles, même si parfois les travailleurs étaient au noir, étaient disposées à verser leur contribution d'employeur – il ne faut pas se le cacher, les gens nous l'ont répété à plusieurs reprises – mais la difficulté qu'elles avaient, c'était justement à cause de la captivité qu'elles avaient vis-à-vis cette main-d'oeuvre qui était toujours comme en risque de se faire déclarer. Donc, ces gens-là, à cause d'une situation d'emploi de courte période et d'une insécurité dès qu'ils décidaient de s'officialiser comme travailleurs, faisaient en sorte que les entreprises se retrouvaient, au moment de la récolte, avec pas de travailleurs pour faire la récolte.

Donc, l'UPA a présenté en janvier 1997 à la commission des affaires sociales sa position en regard du livre vert sur la réforme de la sécurité du revenu. Donc, en plus de faire part à la commission de ses interrogations quant au mode de fonctionnement du nouveau réseau de prestation de services publics d'emploi, les CLE, l'UPA demandait que le ministère examine une nouvelle façon de calculer les niveaux de revenu de travail permis aux prestataires de la sécurité du revenu. Il était suggéré, en fait, en tenant compte des possibilités actuelles du régime, de permettre aux assistés sociaux de conserver une partie des gains reçus pour un travail. C'est par l'annualisation des gains permis sans tenir compte des limites mensuelles que nous souhaitions intéresser les prestataires à occuper des emplois en agriculture.

Donc, nous sommes toujours convaincus que cet assouplissement administratif pourrait encourager les prestataires de la sécurité du revenu à occuper un emploi occasionnel en agriculture en toute légalité. Nous constatons que le projet de loi n° 186 ne tient pas compte de cette demande et nous n'avons toujours pas obtenu du ministère les raisons précises justifiant le rejet de cette proposition.

Par ailleurs, le Comité sectoriel de la main-d'oeuvre de la production agricole qui réunit tous les partenaires intéressés par le développement des ressources humaines en agriculture a priorisé ce dossier dans son plan de travail et a mis en place un groupe de travail pour étudier la question. Des recommandations ont été formulées à la ministre de l'Emploi et de la Solidarité dans un mémoire que nous avons annexé à notre réflexion. Elles soulignent l'importance de la mise en place de mesures, programmes et services d'aide à l'emploi qui doivent avoir des retombées concrètes au niveau des individus qui s'intègrent à l'emploi, des entreprises qui sont fournisseurs d'emplois et des services de liaison pour l'application des mesures de soutien à l'intégration.

Une réforme à orienter vers des mesures actives en priorité. Nous avons pris connaissance de la réforme visée par le projet de loi et, d'emblée, nous apprécions le fait que le changement de cap signalé dans le livre vert est maintenu vers le développement de mesures plus actives à la sécurité du revenu. En transformant le régime d'aide sociale en un régime d'assistance-emploi, nous comprenons que le ministère mobilisera en priorité ses ressources à supporter les personnes en difficulté à intégrer ou à réintégrer un emploi, ce qui nous apparaît salutaire dans le contexte actuel où de nombreux chômeurs se retrouvent à l'aide sociale.

Le projet reconnaît aussi la nouvelle réalité des personnes présentes à l'aide sociale. Les nouveaux prestataires ne sont plus seulement des personnes âgées, défavorisées, malades et inaptes au travail, actuellement on recourt à la sécurité du revenu à la suite d'un travail précaire, du chômage ou d'un problème d'emploi. En cela, il devenait impératif que le nouveau régime, en plus de venir en aide aux plus démunis de notre société, tienne compte tout particulièrement des chômeurs à l'aide sociale qui ont des besoins en matière d'emploi.

De même, le projet de loi semble conduire à une simplification majeure du régime pour tous les intervenants concernés, autant les clientèles cibles que les employeurs et les services de liaison, rend le processus moins complexe, facilitera assurément le travail et augmentera les chances de succès. Toutefois, il faut souhaiter que le nouveau langage utilisé dans cette réforme axée sur l'emploi ne se limitera pas au vocabulaire et proposera des véritables moyens pour aider les personnes défavorisées vis-à-vis l'emploi à prendre leur place sur le marché du travail.

Des mesures d'aide à l'emploi. La mesure que nous avons proposée à la commission des affaires sociales en janvier 1997 sur l'annualisation des gains permis n'a pas été retenue dans ce projet de loi. Elle semble avoir été remplacée par une prestation spéciale de 500 $ qui serait versée au prestataire lors d'un retour en emploi. Les personnes pourraient bénéficier de cette allocation spéciale deux fois par année.

Cette idée nous apparaît intéressante, mais est beaucoup trop modeste dans le contexte actuel. Elle s'avérera peu convaincante, à notre avis, quand un prestataire mettra dans la balance un travail saisonnier ou occasionnel déclaré bonifié de 500 $ et un travail au noir sans perte de ses prestations d'aide sociale et des avantages qui y sont rattachés. Le cercle vicieux qui conduit certaines personnes prestataires à préférer demeurer sur les mesures de protection sociale plutôt qu'à occuper un emploi occasionnel ou saisonnier a la vie dure et résulte d'un ensemble d'éléments qui s'accumulent et qui n'encouragent personne à accepter des emplois temporaires. Cet ensemble d'éléments incitent plutôt les personnes à oeuvrer au noir et à cacher leurs revenus.

Il faut donc renforcer les mesures de support financier à l'intégration en emploi de façon à ce que les personnes ne se retrouvent pas en situation de plus grande pauvreté et de précarité lorsqu'elles délaissent l'aide sociale pour occuper un emploi temporaire ou lorsqu'elles sont en attente de prestations en fin de travail. Donc, c'est bien sûr que ce qu'il faut comprendre, c'est que ces gens-là, ils sont à la recherche d'une certaine stabilité. C'est bien sûr que, dès qu'ils se pointent à l'emploi et qu'ils se retrouvent dans une situation où ils perdent leur statut, de retrouver leur statut après que l'emploi qui sera terminé, pour eux, c'est un élément d'insécurité et évidemment ça pèse dans la balance quand ils font le choix.

Nous reconnaissons toutefois qu'un incitatif de cette nature peut aider à maintenir en activité des personnes qui ne peuvent pas trouver ou retrouver un travail permanent dans l'immédiat. Aussi, comme en agriculture la très grande partie des emplois saisonniers et occasionnels ne sont disponibles qu'au maximum six mois par année, correspondant à la saison de production végétative, il nous apparaît donc indispensable de réajuster ce projet de mesure spéciale de la façon suivante. Donc, nous vous recommandons de modifier la condition d'admissibilité à cette prestation spéciale et de la rendre disponible au prestataire intéressé par un emploi agricole qui n'a pas bénéficié de cette allocation dans les trois derniers mois plutôt que dans les six derniers mois. Par ailleurs, cet assouplissement accordé à l'agriculture n'autoriserait pas le recours à cette allocation de 500 $ plus de deux fois par année. Donc, ce qu'on dit, c'est que, pour les 25 000 emplois qui sont là, qui, de toute façon, ont une durée très courte, on le sait, on pense que ça serait un moyen... en fait, ça bonifierait la mesure qui est proposée.

Donc, nous constatons que les revenus de travail permis sans réduction du montant de la prestation ont été relevés, passant d'un maximum actuel de 184 $ à un maximum visé de 222 $ par mois. Cette mesure, revenus de travail permis, doit être maintenue, car elle constitue un encouragement à demeurer actif sur le marché du travail. Nous continuons à penser qu'un assouplissement de la comptabilisation des revenus de travail permis mensuellement serait bénéfique pour tous les intéressés, l'annualisation ou autre mécanisme d'étalement. Il n'est pas rare, en effet, qu'un bénéficiaire d'aide sociale annonce à son employeur qu'il ne peut terminer son travail occasionnel parce qu'il a atteint le maximum de revenus mensuels permis sans être coupé ou encore qu'il demande de ne plus être déclaré à ce moment. Souvent, c'est comme ça que les choses se passent, en pratique.

Nous croyons que l'annualisation des revenus de travail permis pourrait s'avérer plus incitative pour le prestataire à réintégrer l'emploi que l'allocation spéciale de 500 $. En permettant à la personne de gagner le maximum permis annuellement, de plus de recevoir des prestations, on favorisera davantage son intégration au monde du travail, on stimulera son intérêt à au moins accepter un travail saisonnier ou temporaire qui pourrait l'amener à cumuler le nombre d'heures nécessaire pour être admissible à l'assurance-emploi. Donc, nous sommes convaincus que cette mesure contribuerait à diminuer le travail au noir et faciliterait la reconnaissance du développement de l'employabilité du travailleur.

(22 h 40)

Tous les intervenants proches de la clientèle concernée savent bien que l'insertion ou la réinsertion des personnes ayant des difficultés d'accès à l'emploi ne peut se réaliser sans des mesures d'accompagnement et de suivi. De même, il nous apparaît impossible d'atteindre cet objectif sans une politique globale à l'échelle régionale favorisant une meilleure concertation dans les actions d'information, de sensibilisation et de formation pour la mise en place d'un environnement propice aux initiatives visant l'insertion.

C'est pourquoi, dans le contexte actuel de réorganisation des services publics d'emploi, le secteur agricole souhaite que les services d'emploi agricole soient reconnus comme les maîtres d'oeuvre en région pour le secteur agricole pour toutes les questions relatives à l'emploi, à la main-d'oeuvre, en complémentarité dans les actions avec les centres locaux d'emploi et les ressources spécialisées dans l'intégration.

Donc, les services d'emploi agricole sont au service des employeurs et travailleurs agricoles depuis près de 25 ans et s'avèrent la structure régionale la mieux organisée pour répondre aux besoins. Étant localisés dans les fédérations régionales de l'UPA et associés à tout un ensemble de services offerts aux producteurs et productrices, ils sont bien positionnés pour construire des réseaux ou des regroupements d'employeurs afin de faciliter l'accès à l'emploi aux clientèles en demande.

De plus, les services d'emploi agricole sont bien placés pour répondre à des besoins dans un contexte d'urgence. Par exemple, la récente tempête de verglas qui a paralysé tout le Sud-Ouest du Québec pendant un mois illustre bien les possibilités d'intervention à court terme d'un service d'emploi agricole. En effet, avec la collaboration des centres des ressources humaines Canada, il a été possible, dans trois régions, de placer environ 1 350 chômeurs et prestataires de la sécurité du revenu chez 620 producteurs de sirop d'érable dont les arbres ont été sévèrement endommagés par le verglas, et ce, dans une période d'opération ne dépassant pas trois mois.

Soutenir le programme de transport des travailleurs, comme autre mesure. L'insertion des clientèles cibles ne peut se réaliser sans que des possibilités de transport ne soient rendues disponibles. Les ministères concernés doivent donc fournir aux travailleurs un réseau de transport en milieu rural de façon à ce qu'ils puissent se rendre aux lieux de travail.

Le programme de transport des travailleurs financé par le MAPAQ et le DRHC jusqu'en mars 1997 est géré par les services d'emploi agricole et a démontré son utilité autant pour les travailleurs que pour les entreprises. Il est clair, pour les représentants des productions horticoles, qu'il ne peut y avoir croissance et développement de la compétitivité de l'industrie si la main-d'oeuvre n'a pas accès au transport. Donc, c'est pourquoi nous demandons au ministère de l'Emploi et de la Solidarité de financer, en complémentarité avec le MAPAQ, ce programme de mobilité. L'implication du ministère est essentielle si on veut permettre aux prestataires et aux jeunes étudiants de trouver un emploi en agriculture.

Donc, il faut aussi renforcer les mesures d'information et de support aux travailleurs. Dans le contexte de la réforme de la sécurité du revenu, il nous apparaît important de maintenir et de renforcer certaines mesures qui s'avéraient bénéfiques pour la clientèle. Il est donc suggéré principalement pour les emplois de courte durée de renforcer les mesures d'information et de support aux travailleurs.

À cet effet, nous proposons de mieux faire connaître aux prestataires de la sécurité du revenu le processus actuel de réinstallation du dossier des prestataires, donc valide environ six à sept semaines. Aussi, il est important que les prestataires bénéficient du support nécessaire pour réinstaller leur dossier pour une fin d'emploi de courte durée.

Par ailleurs, il nous apparaît essentiel de maintenir la procédure des revenus accessoires aux études de façon à ce que les revenus de l'étudiant membre d'une famille dont les parents sont prestataires ne soient pas intégrés au calcul des gains des parents.

Donc, en conclusion, l'UPA reconnaît la pertinence d'une réforme de la sécurité du revenu et souhaite que le ministère mette surtout l'emphase sur le renforcement des mesures et programmes pour aider les prestataires à intégrer ou à réintégrer un emploi. Donc, le secteur agricole offre de nombreuses possibilités d'emploi qui peuvent s'avérer d'intéressantes opportunités d'insertion au monde du travail, même si les emplois sont de courte durée. Il existe aussi de nombreuses autres possibilités d'accès à des emplois de plus longue durée, mais dont la réussite ne sera possible que si des mesures particulières telles la formation, la préparation en emploi ainsi que des aides à l'entreprise pour compenser un manque de productivité des prestataires soient rendues disponibles.

Enfin, nous croyons que le secteur agricole peut participer activement à cet effort collectif d'insertion au travail des personnes qui ont des difficultés d'accès à l'emploi, mais que des moyens sont nécessaires pour stimuler et faciliter les démarches: de renforcer les mesures de support financier à l'intégration en emploi de façon à ce que les personnes ne se retrouvent pas en situation de plus grande pauvreté et de précarité; de soutenir les services d'emploi agricole en région et les ressources spécialisées dans l'intégration afin de réaliser des insertions en agriculture; de soutenir le programme de transport des travailleurs agricoles en complémentarité avec le MAPAQ; et, de concert avec les ministères concernés, permettre un allégement des déclarations administratives pour les fins fiscales lors de l'embauche de travailleurs agricoles pour des périodes de courte durée. Là-dessus, je vous remercie de votre bonne attention.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue. Je vous suis reconnaissante de nous déposer ce mémoire. Nous vous avions proposé de vous entendre dès la première journée de la commission, mais j'ai compris que vous accompagniez, à ce moment-là, la mission du premier ministre aux États-Unis, en fait que ça amenait l'UPA à souhaiter que ce soit cette semaine. Donc, je regrette, moi aussi, que l'heure tardive ne permette pas à plusieurs autres de nos collègues d'écouter et de recevoir les recommandations extrêmement importantes que vous avez à nous faire.

Moi, je prends tout de suite votre suggestion à l'égard de la prestation spéciale, de façon à ce que, dès demain, je puisse en vérifier l'applicabilité, à savoir que cette allocation puisse être versée deux fois par année, mais dans un délai de trois mois plutôt que de six mois.

M. D'Amours, ce n'est pas réglé, ça, le transport?

M. D'Amours (Gratien): C'est réglé en partie.

Mme Harel: Parce que, écoutez, on en a parlé en février, on a fait des réunions, vous vous rappelez, à Saint-Hyacinthe, je crois, ou je ne sais... En janvier, tenez, juste avant le verglas, on s'était vus, vous avez vu les sous-ministres, vous avez vu... Est-ce que c'est réglé ou si ça ne l'est pas?

M. D'Amours (Gratien): Bon. Écoutez, le programme de transport est un programme qui, bon an mal an, demandait une contribution financière entre 700 000 $ et 800 000 $. Mais, évidemment, l'an passé, DRHC s'est retiré. On s'est retrouvés avec la contribution du ministère de l'Agriculture de 510 000 $ et il a manqué au programme au-delà de 150 000 $. Bien sûr, cette année, il y a une confirmation du même montant du ministère de l'Agriculture, mais on sait que, l'an passé, il a fallu mettre fin de façon prématurée au transport. Évidemment, ca s'est traduit par une baisse d'utilisation, puis on sait que certaines productions ont été comme pénalisées à la fin de la récolte.

Évidemment, je pense que, dans la situation actuelle, on va opérer avec les montants disponibles, mais on sait que ça ne couvre pas la totalité du besoin.

Mme Harel: Bon. Mais il n'y avait pas une entente qui était supposée se faire avec le ministère dont j'ai la responsabilité?

M. D'Amours (Gratien): Oui, le ministère dont vous avez la responsabilité, il y a une entente concernant les services d'emploi, alors qu'au niveau du transport le financement vient du ministère de l'Agriculture, essentiellement.

Mme Harel: Oui. Mais, en même temps, on sait qu'il y a des cultures qui vont changer, des cultures au sens des productions, qui vont se modifier si tant est que les producteurs ne trouvent pas la main-d'oeuvre à temps, parce qu'il y a une question de «just in time» dans ce domaine-là. Est-ce qu'il ne devait pas y avoir un arrimage entre le ministère de l'Emploi, le MAPAQ et l'UPA en matière de transport?

M. D'Amours (Gratien): Bon. Non, finalement, je pense que ce qu'il faut comprendre, c'est que, cette année étant une année de transition, on a convenu avec des gens de votre ministère au niveau de l'emploi de séparer les deux questions. Finalement, l'entente qu'on a avec votre ministère se fait au niveau du placement et l'entente qu'on a avec le ministère de l'Agriculture se fait finalement au niveau du financement du transport des travailleurs.

(22 h 50)

Mme Harel: Écoutez, quoi qu'il en soit, je crois que le secteur agricole est un secteur à coefficient intensif de main-d'oeuvre, surtout d'une main-d'oeuvre non qualifiée. Je le dirais sous toute réserve parce que je sais très bien que, de plus en plus, le travail va exiger une qualification accrue. Mais c'est certainement, en tout cas, un domaine où on peut croire que des personnes... Vous avez parlé tantôt de Québécois d'origine immigrante ou d'autres en région, je pense entre autres aux gens du Saguenay–Lac-Saint-Jean, qui ont voulu participer à la cueillette, par exemple dans la région de Laval l'an passé.

Quant à l'annualisation, je demande aux personnes qui m'accompagnent – il y a Mme Bouchard qui est parmi nous et qui est responsable de la direction de la recherche – je vais leur demander de se mettre en contact avec vous pour vous transmettre les études que j'avais fait effectuer suite à votre présentation en commission parlementaire l'an dernier.

Les études sur l'annualisation nous donnent à penser que, au Québec, ça pourrait toucher jusqu'à 660 000 personnes, c'est-à-dire toutes les personnes qui effectuent un travail dont la durée est inférieure à 12 mois, il y en a même 420 000 dont la durée de travail est inférieure à six mois, et que le coût de l'annualisation pourrait atteindre jusqu'à 240 000 000 $.

Alors, voilà, une personne, finalement, qui verrait son revenu de travail permis fixé autour de 200 $ par mois, annualisé sur 12 mois, c'est un revenu de 2 500 $ à peu près, pourrait à ce moment-là obtenir ce gain, donc, de revenu permis en l'espace de peut-être cinq, six semaines et bénéficier d'une prestation durant ces semaines-là et puis, en même temps, durant le reste de l'année. Alors, ça élargirait énormément le bassin de travailleurs et travailleuses saisonniers soit au moment de l'hiver avec l'ensemble des emplois qui sont liés à la neige, non seulement le déneigement, mais, en fait, au récréotourisme, etc., et à l'ensemble des emplois saisonniers.

Quoi qu'il en soit, moi, je souhaiterais beaucoup qu'on vous fasse parvenir cette étude avec les coûts afférents, qu'on vous la fasse parvenir directement, et puis, si vous voulez compléter en échangeant sur ça, je voudrais que les services soient à votre disposition pour vous rencontrer. Parce que c'est une idée qui apparaît séduisante – et, une fois que vous l'avez exprimée, je l'ai fait étudier – mais elle apparaît difficile d'application à ce moment-ci dans les priorités. Voyez, entre la non-indexation depuis cinq ans qu'il faudrait recommencer, la coupure du partage du logement qu'il faudrait abolir, etc., vous comprenez que l'annualisation, ça n'arrive pas parmi les priorités prioritaires.

Voilà. Alors, je crois que, dans ce que vous nous proposez, cependant, je vous l'indiquais tantôt, il y a des choses qui sont extrêmement concrètes dont on va s'inspirer. Ça, je veux que vous en soyez absolument convaincus. Notamment, je pense qu'il va falloir aller de l'avant avec une de vos recommandations qui est celle d'alléger les déclarations administratives pour les fins fiscales lors de l'embauche de travailleurs agricoles. J'ai compris que, quels que soient les avantages, si pour l'employeur chaque journée, ça suppose la paperasse à l'infini, c'est évident que, des deux côtés, il y a comme un encouragement à ne pas déclarer. Mais je veux vraiment vous remercier pour votre mémoire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Des commentaires?

M. D'Amours (Gratien): Oui. Bien, je voudrais revenir sur l'annualisation. Évidemment, je pense qu'on essayait de faire ressortir que, pour nous, on préférait l'annualisation. Je voudrais peut-être vous dire pourquoi. D'abord, dans notre esprit, on pensait que l'annualisation, ce ne serait appliqué essentiellement qu'au secteur agricole en tenant compte de la particularité du secteur agricole, puis on sait que c'est à cause souvent de l'élément de la récolte. Donc, il y a un élément qui est vraiment différent des autres secteurs: une courte période pour la récolte. Puis on sait qu'ailleurs, dans d'autres pays, il y a des mesures spécifiques pour ces éléments-là. Nous, on pensait que, dans votre projet, vous l'appliqueriez. À mon avis, peut-être la difficulté, ce que je comprenais de vos propos, c'est que vous l'élargissez à tous les secteurs, alors que, nous, on voulait le garder en exclusivité au secteur agricole à cause de l'élément récolte qui finalement est très particulier à l'agriculture, qu'on ne retrouve pas ailleurs, mais qu'on retrouve en agriculture. C'est cet élément-là de distinction.

Nous, la grande valeur qu'on trouve à l'annualisation, c'est que c'est l'élément de sécurité qui fait que le bénéficiaire va y aller, travailler, et il n'aura pas de crainte... Quand je fais la comparaison avec le boni de 500 $, c'est qu'il faut qu'il abandonne une situation pour passer à une autre. Donc, il y a des éléments d'insécurité à l'intérieur de ça qui vont faire que, nous, on craint qu'il fasse plutôt le choix de continuer à aller au noir. C'est ce qu'on craint.

Alors que l'annualisation, quand on regarde les montants que ça représente par rapport aux exemptions qui sont données avant de payer de l'impôt, et tout ça, on ne pense pas que l'État était perdant avec ça, selon les calculs qu'on a faits, peut-être pas tellement scientifiques, mais, en tout cas, c'est ce qu'on pensait. En l'appliquant essentiellement au secteur agricole, en donnant un élément de sécurité aux prestataires et aussi de permettre le plus possible d'allonger l'emploi. Parce que, ce dont on se rend compte dans l'emploi, lorsque c'est juste une petite période courte de travail, on n'incite pas les gens à aller à l'emploi. Donc, il faut les inciter à faire le plus longtemps possible à l'emploi et, à un moment donné, ils se retrouvent à l'assurance-emploi. Donc, ils sortent de ce statut-là de bénéficiaires de mesures sociales et leur emploi se régularise par rapport aux autres dans la société.

Nous, ce qu'on voyait d'intéressant dans l'annualisation, c'est l'élément de sécurité, c'est l'élément d'allongement de l'emploi. À notre avis, on atteignait plus les objectifs de réinsérer les gens à l'emploi par cette mesure-là. Évidemment, le boni de 500 $, c'est un moyen, mais, à notre avis, il n'aura pas les mêmes effets.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, ensuite M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Copeman: Enfin. Merci, M. le Président. À mon tour de souhaiter la bienvenue à l'Union des producteurs agricoles, M. D'Amours et madame qui vous accompagne.

Je souhaite vous dire, d'emblée, que le pauvre député de Notre-Dame-de-Grâce est un peu perdu dans ces questions-là. Ce n'est pas exactement mon domaine. Dans mon comté, il ne reste aucune ferme. Il y en avait dans le temps, beaucoup, et d'importantes compagnies d'exploitation, surtout au niveau des pommes, etc. Mais je ne suis pas très familier avec ce genre de questions, M. le Président. Alors, j'ai beaucoup apprécié la présentation le l'UPA. Ça m'a permis de prendre connaissance un peu des problématiques spécifiques à ce domaine et d'approfondir mes connaissances très limitées du dossier.

M. D'Amours, vous soulevez toute la question de l'annualisation des gains. On s'est penchés un peu là-dessus de ce côté de la table aussi parce que j'ai eu un cas de comté d'une madame qui enseignait, elle donnait un cours au cégep, pendant huit semaines et elle me faisait part à peu près du même phénomène: que, sur la base annuelle, elle ne dépassait pas ses maximums, mais évidemment, à cause de la comptabilisation mensuelle, c'est clair qu'elle perdait la grande majorité de son salaire.

Alors, je suis sensible aux deux côtés de la médaille. Du côté de l'équité, il faudrait s'assurer que, si on ouvre la question de l'annual... – il commence a être tard – l'an-nu-a-li-sa-tion, on traite la question avec le doigté et l'équité nécessaires, mais je suis également sensible à l'argumentation que vous faites comme quoi le secteur agricole, en raison de la période très limitée dans le temps que des travailleurs ont pour effectuer certaines tâches spécifiques, on pourrait peut-être considérer le secteur comme un cas spécifique.

(23 heures)

On va suivre le débat avec grand intérêt. Je vais en discuter avec des collègues mieux connaissants que moi dans ces questions. Là, je formule simplement la demande. La ministre a offert d'envoyer à l'UPA l'étude. L'opposition aimerait en avoir copie aussi. On pourrait peut-être la déposer. Ce serait génial, on prendrait connaissance sur l'annualisation en même temps. On pourrait tous étudier la même question en même temps.

La question de la prestation spéciale pour fin d'emploi, aussi, la ministre a indiqué une certaine sensibilité à cette question. Moi, je m'avance un peu, mais je pense qu'on serait disposés, dépendamment des conclusions de cette analyse, à accommoder ce genre de suggestion qui m'apparaît tout à fait normale dans le contexte particulier du secteur agricole.

Vous amenez la question du transport. Mme la ministre semblait un peu surprise. Encore une fois, c'est la première fois que j'entends parler du dossier. Là, encore une fois, on va suivre le dossier. Et il ne s'agit pas d'une somme, semble-t-il, astronomique d'argent. Mme la ministre gère un important budget en raison des responsabilités qu'assume le ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Si on peut, si c'est même nécessaire de vous aider à la convaincre d'agir, on serait disposés à le faire.

Sur ça, M. le Président, je vais peut-être passer... À moins que M. D'Amours veuille réagir, mais je sais que mon collègue le député de Beauce-Nord a des questions aussi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que vous avez une courte réaction sur ce qui vient d'être dit?

M. D'Amours (Gratien): Oui. Sur le premier commentaire, vous disiez qu'il ne restait plus d'entreprises agricoles dans Notre-Dame-de-Grâce, peut-être juste vous dire que, vous savez, dans la partie des 25 000 emplois disponibles dont je parlais tout à l'heure, la plus grande partie de ces gens-là, ce sont des gens de Montréal, puis à fort pourcentage des ethnies, des gens souvent des immigrants qui arrivent et qui n'ont pas de premier emploi. Ils n'en ont pas de premier emploi. Le seul premier emploi qu'ils trouvent, c'est en agriculture. Donc, le programme de transport, effectivement, c'est à ça qu'il sert. C'est pour permettre à ces gens-là de se rendre dans les entreprises agricoles et de retourner chez eux le soir.

Mme Harel: Vous pourriez, M. D'Amours, peut-être décrire comment ça se passe physiquement.

M. D'Amours (Gratien): C'est que l'embarquement se fait à certains points, principalement au métro. Il y a des points d'embarquement où c'est... Je sais que, pour une région qui est Outaouais-Laurentides, pour elle, des matins, c'est 60 autobus qui se remplissent de travailleurs qui s'en vont travailler chez les entreprises agricoles. Donc, il y a des journées, c'est, on peut dire, des centaines d'autobus qui conduisent les travailleurs pour aller travailler dans les entreprises, parce que ces gens-là n'ont pas de voiture, pour la plupart du temps, n'ont pas les moyens d'avoir une voiture, donc c'est ce qui leur permet de se rendre dans leur milieu de travail.

M. Poulin: Si vous permettez, M. le Président, c'est sur ce point-là que je veux intervenir. Ce serait très court.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Consentement pour le député de Beauce-Nord?

M. Poulin: Quelques minutes. J'aimerais savoir, dans les 25 000 emplois que vous avez, occasionnels, vous avez mentionné tout à l'heure que, suite à des problèmes dans le transport, on a dû écourter, on va dire, ces programmes-là puis ça a affecté certaines productions dans des récoltes. Est-ce qu'ils ont été affectés d'une manière quantifiée? En termes de dollars, qu'est-ce que ça pouvait représenter? Est-ce qu'ils sont comblés, ces 24 000 postes là, facilement actuellement ou vous avez de la difficulté à les combler? Est-ce que c'est réparti d'étudiants, des gens de l'aide sociale? Est-ce que vous avez des données plus précises sur le type de clientèles qui composent ces 25 000 emplois là?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. D'Amours.

M. D'Amours (Gratien): Je demanderais à Hélène peut-être de répondre sur le côté plus technique.

Mme Varvaressos (Hélène): Quand on parle des 25 000...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Si vous voulez me répéter, c'est Mme Hélène?

Mme Varvaressos (Hélène): Varvaressos. Quand on parle des... C'est 25 000 postes de travail ou à peu près qui sont identifiés, répertoriés par le MAPAQ. C'est un déclaratif que font les producteurs à chaque année. Alors, ce sont des postes de travail. Évidemment, les producteurs disent: J'ai 25 000 postes de travail à fournir pour le Québec. En gros, c'est des emplois de moins de cinq semaines quand on parle de ces 25 000 là, alors très, très occasionnels.

On retrouve ça dans la récolte des fraises, des pommes, fruits, les petits fruits, les framboises, les bleuets, les concombres pour la conserverie. Alors, c'est surtout ça. Beaucoup d'étudiants, mais beaucoup aussi de personnes qui... Par exemple, la fraise à l'île d'Orléans. Traditionnellement, il y a beaucoup de gens, de prestataires de la sécurité du revenu qui viennent en camping pendant quatre à cinq semaines sur l'île d'Orléans pour venir travailler aux fraises. D'ailleurs, dans le passé, il y avait la mesure du mois boni. Ils avaient le droit de garder leurs prestations pendant presque un mois. Ça les aidait justement à accepter ce travail-là puis à travailler sur la ferme.

Au niveau du transport, le transport est organisé pour les entreprises horticoles seulement. Essentiellement, c'est des emplois occasionnels, des emplois à la journée. Alors, quand on comptabilise ça juste pendant une année, ils viennent, en général, pour ces productions-là. Ils viennent aussi pour les productions de légumes, c'est un petit plus de longue durée, et il y en a qui vont venir peut-être trois, quatre mois pendant l'été, transportés tous les jours à partir de Montréal en général, parce que ces gens-là, comme M. D'Amours a dit, ils n'ont pas de moyen de transport puis le transport, non plus, n'est pas organisé, au Québec, pour aller en campagne.

M. Poulin: Mais ces 25 000 postes là, est-ce qu'ils sont comblés? Est-ce qu'il y aurait de la demande pour plus de 25 000 postes? C'est ce que j'essaie de savoir.

Mme Varvaressos (Hélène): Bien, c'est difficile à dire parce qu'il arrive toutes sortes de situations à chaque année. D'ailleurs, je viens d'en apprendre une aujourd'hui. Il semble que, avec la chaleur qui se passe présentement, la récolte des fraises va être avancée de trois semaines. Alors, là, d'ailleurs, même, paraît-il, il y avait des journalistes qui en parlaient ce matin, il va manquer de main-d'oeuvre. Alors, les services d'emploi agricole ont le dossier depuis ce matin. Il faut trouver une façon d'aller chercher la main-d'oeuvre le plus rapidement possible, parce que, en général, il y a beaucoup d'étudiants. Les étudiants n'ont pas fini l'école avant la fin juin. Donc, on va avoir un petit problème. Alors, il faut voir, il faut composer avec les besoins du jour. Il peut arriver de la pluie, il peut arriver n'importe quoi, de la grêle aussi qui fait que la récolte est perdue. Alors, il faut réévaluer à chaque année.

M. Poulin: Je vais poser ma question autrement. Est-ce que, pour un manque de main-d'oeuvre, il y eu des pertes de récoltes dans les années passées?

Mme Varvaressos (Hélène): Oui.

M. Poulin: Est-ce que c'est régulier? Est-ce que c'est annuel, cette situation-là?

Mme Varvaressos (Hélène): Ça dépend toujours. Il y a deux ans, à la récolte des pommes, il y a eu des très, très gros problèmes. On a manqué de main-d'oeuvre. Les pommes, vous savez, sont faites soit réfrigérées, soit à atmosphère contrôlée. Quand elles ne sont pas ramassées rapidement, elles restent dans les arbres et ils sont obligés de la réfrigérer. Ça fait une pomme qui est vendue moins cher qu'une pomme à atmosphère contrôlée qui est ramassée au bon moment. Ça a eu des conséquences très importantes sur le prix qui a été donné aux producteurs. Ils ont déjà, d'ailleurs, évalué qu'est-ce que ça représentait comme coût. Mais ça peut avoir des conséquences très, très importantes, effectivement.

M. Poulin: Donc, ça pourrait être une mesure incitative, si on veut, pour permettre de ramasser davantage les produits en temps de l'année, si on veut. Dans une période donnée, si on veut, ça permettrait, on va dire, d'aller chercher la main-d'oeuvre requise pour suffire à la demande, si je comprends bien.

Mme Varvaressos (Hélène): C'est extrêmement stratégique, dans ces productions-là. C'est très souvent pas loin du 50 % du coût de production, en plus, du produit, les coûts de main-d'oeuvre. Alors, c'est extrêmement stratégique.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

M. Poulin: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Saint-Hyacinthe, allez-vous le croire? Ha, ha, ha! Vous me voyez tout malheureux, M. le député.

M. Dion: M. le Président, à l'heure qu'il est, je pense que je peux me permettre autant de temps que je veux. M. D'Amours est habitué à faire des heures interminables. Alors, je pense que je serai peut-être tout seul à rester avec lui, par exemple.

Juste une petite question, M. D'Amours. J'ai souvent entendu des producteurs agricoles se plaindre un peu des assistés sociaux. On sait qu'à la campagne tout le monde connaît tout le monde, tout le monde sait qui est qui et qu'est-ce qui se passe. Si un assisté social a le malheur d'être un peu plus à l'aise et de posséder un quatre-roues, c'est parfois embêtant pour un producteur agricole, ou simplement une motoneige.

Alors, on a souvent vu des producteurs agricoles se plaindre des assistés sociaux et attribuer à l'ensemble des assistés sociaux, peut-être, des problèmes ponctuels. On se plaint, entre autres, de la non-disponibilité des assistés sociaux connus pour exécuter des travaux de ferme.

Alors, ma question est la suivante: Est-ce que les différents articles, 40 et quelques jusqu'à 53, 54, 55, qui touchent soit l'obligation de ne pas refuser un parcours, soit l'obligation d'accepter un travail convenable, peuvent représenter une réponse à ce problème?

(23 h 10)

Mme Varvaressos (Hélène): Pourriez-vous peut-être recentrer votre question sur... Par rapport à votre intervention, vous dites que les agriculteurs ont de la difficulté avec les assistés sociaux.

M. Dion: C'est-à-dire que j'ai souvent entendu des producteurs agricoles se plaindre que les assistés sociaux refusent de travailler, mais, par contre, sont un peu un embarras dans le milieu. Alors, est-ce que l'obligation d'accepter un emploi convenable – je pense à l'article 47, par exemple, et les autres articles qui précèdent – est-ce que ça peut être une réponse à cette question-là, à ce problème-là qui est souvent soulevé par les producteurs agricoles? À moins que, vous, vous n'ayez jamais entendu les producteurs dire ça?

Mme Varvaressos (Hélène): Bien, pas de la façon dont vous l'amenez. Les producteurs se plaignent souvent que les personnes vont préférer rester sur l'aide sociale plutôt que d'occuper un emploi en agriculture ou qu'elles vont préférer ne pas être déclarées. Là, il y a du marchandage qui se fait. Quand un producteur de pommes a cinq semaines pour faire sa récolte pendant l'année et qu'il fait son revenu annuel d'entreprise pendant cinq semaines, quand il y a 150 personnes dans son verger qui marchandent pour dire: Je ne viens pas demain si tu me déclares, bien là, à un moment donné, il voit les pommes tomber, puis là il a des choix à faire. Souvent, c'est comme ça, c'est dans ces situations-là qu'il se retrouve.

Mais, moi, je pense qu'on a travaillé beaucoup, dans les dernières années, dans les services d'emploi agricole justement pour trouver une façon d'intéresser les prestataires à se déclarer. Mais ça, il faut les convaincre, hein, il faut les prendre individuellement, il faut les informer, il faut les encadrer, les supporter, leur dire: Voilà, si tu te déclares, éventuellement ça va t'amener vers l'assurance-emploi. Tu vas ramasser tant. Il faut leur montrer. Il faut les aider là-dedans.

Quand on parlait de la réinstallation du dossier, les gens ne savent pas que, s'ils occupent un emploi de quatre, cinq semaines, ça ne veut pas dire que le dossier va être fermé puis que ça va être plus compliqué de demander leur premier chèque après. Alors, c'est un peu ça. On pense qu'il faut les encadrer, il faut donner un petit peu plus d'information, mais ce n'est pas évident effectivement, pour un producteur qui se ramasse dans une situation où il a des besoins quotidiens – et là vraiment il y a des produits qui sont à la veille de tomber et d'être trop mûrs – puis là il est confronté avec des personnes qui veulent bien travailler, mais qui ne veulent pas se déclarer. Là, tu as toutes les questions en plus que Mme la ministre soulève quant aux déclarations administratives qui deviennent encore plus compliquées pour un producteur qui va réaliser ses récoltes en quelques semaines.

Il y a des initiatives, des regroupements d'employeurs qui réussissent, avec des mesures de soutien, à intéresser des prestataires à venir travailler dans un contexte de regroupement. Il y a des choses qui se font, mais il faut mettre en place des structures, il faut les encadrer, les supporter, ce n'est pas facile. Pour un producteur qui est tout seul sur la ferme et qui doit expliquer tout ça, ce n'est pas faisable. Alors, c'est pour ça que ça prend des intervenants, des services de liaison, des groupes qui vont aider justement à favoriser l'insertion.

M. Dion: Je vous remercie beaucoup. Étant donné l'heure tardive, je me contente de souligner que votre contribution est pour le moins particulière et très intéressante. Elle a peut-être permis au député de Notre-Dame-de-Grâce et à d'autres parmi nous d'être plus au courant de la problématique dans le milieu agricole et ça a donné un éclairage particulier au projet de loi. Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Au nom de tous les membres de la commission, merci beaucoup. J'ajourne les travaux au mercredi 27 mai 1998, à 11 heures.

(Fin de la séance à 23 h 14)


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