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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Tuesday, March 25, 1997 - Vol. 35 N° 69

Consultations particulières sur le livre vert intitulé «La réforme de la sécurité du revenu : un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi»


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
Mme Diane Barbeau, présidente suppléante
Mme Louise Harel
M. Russell Williams
Mme Marie Malavoy
M. Russell Copeman
Mme Claire Vaive
Mme Nicole Loiselle
*M. André Archambault, RMHJQ Les Auberges du coeur
*M. Yvon Gagnon, idem
*M. Marc St-Louis, idem
*Mme Jacynthe Ouellette, Chic Resto Pop
*Mme Manon Bonin, idem
*M. Pierre Prud'homme, idem
*M. Bill Clennett, Table régionale sur la réforme de l'aide sociale
*Mme Isabelle Agathe Martin, idem
*M. Daniel Giroux, idem
*Mme Johanne Desjardins, idem
*M. Georges Savard, Comité contre l'appauvrissement Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine
*M. Owen Fugère, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures onze minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Mme la secrétaire, est-ce que le quorum est constaté?

La Secrétaire: Oui, M. le Président, nous avons quorum.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le livre vert intitulé La réforme de la sécurité du revenu: un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi . Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Signori (Blainville) sera remplacée par Mme Simard (La Prairie).

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Les membres de la commission ont l'ordre du jour. À moins d'avis contraire, je considère l'ordre du jour adopté.


Auditions

Nous commençons immédiatement en recevant – vous êtes le 87e groupe – le Regroupement des maisons d'hébergement jeunesse Les Auberges du coeur du Québec. M. Archambault, vous pouvez commencer votre présentation. Vous avez déjà présenté les personnes qui vous accompagnent pour faire l'enregistrement, mais je pense que, pour les membres, ça serait bon que vous les présentiez.


Regroupement des maisons d'hébergement jeunesse Les Auberges du coeur du Québec (RMHJQ)

M. Archambault (André): J'aimerais pouvoir présenter M. Yvon Gagnon, de la maison d'hébergement L'Avenue, à Montréal, et M. Marc St-Louis, de la maison d'hébergement le Tournant, à Montréal également, donc une délégation toute montréalaise. Mais je veux vous rassurer tout de suite: Comme ça fait déjà 10 ans qu'entre nous on se chicane et qu'on fait des débats, je peux vous garantir que ce qu'on va vous dire aujourd'hui représente l'avis de l'ensemble des maisons membres du Regroupement.

D'abord, vous remercier d'avoir accepté de nous rencontrer. Je voudrais vous dire que Les Auberges du coeur , d'abord, pour faire une présentation très courte, c'est 23 maisons d'hébergement pour jeunes sans-abri, qui, à travers le Québec, chaque année, accueillent autour de 2 000 jeunes de 12 à 29 ans, des hommes, des femmes qui se retrouvent dans toutes les situations les plus difficiles et qui viennent chercher chez nous sûrement un refuge, mais, beaucoup plus, la capacité de s'en sortir.

On est d'autant plus heureux d'avoir été invités qu'on était un peu, je l'avoue, déçus au départ de constater l'absence des groupes jeunesse lors des premières audiences. On est donc d'autant plus contents alors que, semble-t-il, le livre vert qui est déposé semble s'adresser de façon particulière, sinon de façon principale, aux jeunes. On tenait aussi à échanger avec vous d'autant plus que cette réforme-là touche la loi 37, une loi que, nous devons l'avouer, nous avons combattue. Nous n'étions pas d'accord avec ce qui était proposé à cette époque-là; on en avait d'ailleurs fait mention à plusieurs d'entre vous. On avait espéré que le livre vert nous permettrait de voir certaines améliorations que nous souhaitions, des améliorations spécifiques qu'on avait soulignées à cette époque-là. Vous aurez constaté, à la lecture de notre mémoire, que notre sentiment n'est pas positif à cet égard-là. On n'y retrouve pas ce qu'on aurait espéré à ce moment-là.

Mais, au-delà de ces éléments techniques là, aujourd'hui, on ne voudrait pas vous parler seulement d'éléments mécaniques ou seulement d'éléments de statistiques. On voudrait parler d'un sujet qui nous concerne au premier chef: les jeunes. C'est d'eux qu'on voudrait vous entretenir pendant les prochaines minutes, M. le Président. À notre avis, il y a plus encore que la réforme ou la restructuration, ou les différentes mécaniques. D'après nous, dans la foulée des compressions, des coupures, des réductions du soutien aux plus démunis, on a l'impression qu'on risque de vivre une période de crise sociale majeure si rien n'est fait pour corriger le tir maintenant.

À notre avis, la paix sociale est en bonne partie assurée à l'heure actuelle par le tissu communautaire maintenu par des groupes de base qui, sur le terrain, tentent par tous les moyens de limiter les impacts désastreux qu'on constate, impacts désastreux de la pauvreté, du chômage et, d'après nous, du retrait de l'aide de l'État auprès des plus démunis. Sur le terrain, nos équipes, dans nos maisons, sont épuisées, découragées par l'ampleur, la croissance du phénomène de l'errance des jeunes. Le système de santé et de services sociaux ne répond plus, à beaucoup d'égards, que ce soit pour les 12-16 ans, à plus forte raison pour les 16-18 ans qui se retrouvent dans une espèce de no man's land en attendant d'être soutenus par l'aide sociale et en ne pouvant plus compter sur l'aide des centres jeunesse, la plupart du temps.

Les récentes coupures dans le domaine de la toxicomanie, entre autres à Montréal, ce qui s'en vient en termes de désinstitutionnalisation au niveau de la santé mentale, cette difficulté des services jeunesse d'assumer... puis on l'a vu encore tout récemment dans les journaux, nous inquiètent au plus haut point, parce qu'on sait que ça va déborder sur la demande dans nos maisons d'une aide, d'abord, de dernier recours et de base pour le gîte et le couvert. Ça nous inquiète au plus haut point.

Et il ne s'agit pas là des jeunes qu'on est habitués à voir dans nos maisons. On est habitués à voir des jeunes en difficulté familiale, un secondaire III pas fini. C'est l'image type qu'on a. De plus en plus, cette image-là est éclatée. On retrouve des jeunes de tous horizons, de toutes les communautés qui se retrouvent dans des situations aussi difficiles et ça nous inquiète. Après 18 ans, les parents font même appel directement à nous, se sentant démunis face à des jeunes qui n'arrivent pas à retrouver leur autonomie.

Ce qu'on pourrait appeler les épiphénomènes de la pauvreté prennent de plus en plus d'importance: violence, phénomène de gangs, drogue, décrochage de l'école, pouvant aller même jusqu'au décrochage de la vie, activités clandestines criminelles, activités au noir. D'après nous, point n'est besoin de recherches épidémiologiques sur l'itinérance, comme nous le propose la Fondation Pinel, ou de publicité contre le travail au noir, ou des comités d'études sur la violence, les phénomènes de gangs.

Pour nous, le constat est clair: il nous semble que, pour éviter de revenir aux années soixante-dix, on est en train de revenir aux années trente. À la lecture du livre vert, il ne nous semble pas que la situation des jeunes pourrait s'améliorer, à court et à moyen terme, à travers ce cheminement-là. Malgré les intentions, malgré des aménagements qui nous semblent justifiés à certains égards, globalement on ne voit pas où les jeunes pourraient y trouver leur compte.

D'après nous, le vrai problème, c'est la capacité, pour les jeunes, d'assumer leur existence de façon autonome et digne et, à ce titre-là, l'emploi fait défaut. Les annonces de fermetures par-dessus fermetures d'emplois, de postes nous inquiètent, tant par le gouvernement, Desjardins, Bell, Hydro, la ville de Montréal, plus récemment, M. Beaudoin qui déménage ses installations vers les États-Unis. Autant d'éléments qui viennent nous confirmer que des emplois de qualité ne seront plus disponibles aux jeunes, et ça nous inquiète.

Parlons de la réforme. En regard des assistés sociaux, on a le sentiment que la réforme s'applique morceau par morceau depuis déjà un certain temps. Ça nous inquiète aussi. J'aimerais demander peut-être à Yvon d'illustrer un peu notre propos là-dessus.

M. Gagnon (Yvon): Oui, c'est ça. Comme, à partir du 1er avril, la compression pour l'abolition de l'impôt foncier rentre en vigueur, l'ensemble de nos jeunes à la maison, qui sont sur l'aide sociale, ont déjà reçu une annonce comme quoi ils seraient coupés de 10 $. Le 1er juillet, il y a l'allocation unifiée pour enfants qui rentre en vigueur. Le 1er septembre, il y a l'abolition du barème de non-disponibilité pour les familles ayant un ou des enfants de cinq ans fréquentant une classe maternelle à temps plein.

Autrement dit, on a l'impression que, en quelque part, ça nous échappe. Il y a de quoi qui nous échappe dans le débat. On voudrait dire nos idées, qu'on est plus ou moins d'accord, puis qu'à un moment donné il faut arrêter de comprimer, mais, même là, même avant que la loi passe, il y a des choses qui s'appliquent morceau par morceau, puis on se demande finalement à quoi va servir la loi si ce n'est qu'à offrir comme un genre de cadre administratif pour fusionner les ministères ou des choses comme ça, là. Mais c'est une de nos interrogations.

(9 h 20)

M. Archambault (André): En tout cas, si notre vision ou si notre lecture est bonne – ça se peut qu'on se trompe – le fait de procéder par ces directives-là plutôt que d'attendre la législation, ça pourrait, à notre avis, faire peser un assez lourd tribut sur le processus démocratique dans son ensemble. Et ça aussi, ça nous inquiète. On en a fait part dans notre document, et j'aimerais y revenir, à la fin. J'aimerais également qu'Yvon vous parle un petit peu de la question de la règle de contribution parentale, qui a été au coeur de nos débats sur la loi 37 qu'on a dénoncée, qu'on a discutée, qu'on a voulu amender et qui nous inquiète encore plus aujourd'hui parce qu'elle semble s'appliquer encore plus durement que par les années passées.

M. Gagnon (Yvon): Les jeunes qu'on a dans nos maisons, pour plusieurs, c'est des jeunes dont l'âge varie entre 18 et 20 ans. Donc, c'est des jeunes qui, pour beaucoup... On tend à avoir comme une nouvelle clientèle: des jeunes qui, avant, étaient chez leurs parents, puis, pour toutes sortes de raisons, ces jeunes-là ne sont plus chez eux. Mais c'est quand même des adultes, qui ont le droit de vote dans ce sens-là. Sauf que, comparés à des jeunes qui roulent leur bosse depuis plusieurs années puis qui ont droit à l'aide sociale, ces jeunes-là, malgré le fait qu'ils se ramassent à la rue, arrivent dans nos maisons et n'ont droit à aucune espèce de revenu. Puis ça, en quelque part, on trouve ça triste.

C'est sûr que, personnellement, nous pouvons faire des démarches dans nos maisons pour faire en sorte que ces jeunes-là aient accès à un revenu minimum, sauf qu'on leur dit à l'aide sociale que leurs parents risquent d'être poursuivis, qu'on va risquer de leur demander de rembourser le montant que l'aide sociale va leur donner. Puis des jeunes qui se ramassent dans la rue, normalement, c'est parce qu'ils ont des conflits avec leurs parents, normalement, ça va mal. C'est des jeunes qui ont vécu de la violence, qui ont vécu de l'inceste. Puis, pour faire en sorte que ces jeunes-là aient droit à un revenu minimum, il faut comme les remettre en contact avec leurs parents puis qu'ils remplissent des feuilles pour demander à leurs parents c'est quoi, leurs revenus annuels, etc. Tout ça, ça décourage les jeunes.

C'est sûr que, nous autres, comme intervenants dans les maisons, on peut faire en sorte d'accompagner le jeune à l'aide sociale, expliquer, bien souvent, la situation personnelle, comment ces jeunes-là vivent l'inceste, étaler leur situation privée devant l'agent d'aide sociale pour avoir un minimum d'aide pour pouvoir leur permettre de faire leur chemin dans la vie. Sauf qu'il y a bien des jeunes qui vivent ces situations-là puis qui sont découragés dès qu'ils se présentent à l'aide sociale parce qu'on leur dit: Tu n'as pas le droit d'avoir des revenus; il faut que tes parents contribuent.

Bien, dans les cas de conflit, les agents ne disent pas toujours nécessairement c'est quoi, les recours pour qu'ils aient de l'argent. Ça fait que ces jeunes-là sont pris dans des situations où ils partagent un deux et demi avec deux autres copains. En tout cas, c'est une situation de débrouille et, pour nous autres, à notre avis, l'argent qui est sauvé à ce niveau-là... En termes de coûts sociaux, en soins de santé mentale, au niveau toxicomanie, c'est des choses qui n'aident pas.

Puis, je pense, la plus simple contribution parentale, qui est d'offrir un hébergement à son enfant, quand cette condition-là primaire n'est plus remplie, leur demander qu'ils fournissent de l'argent, c'est comme un peu une aberration parce qu'il y a tout le temps un conflit à l'origine du fait que tu n'es pas obligé de fournir de l'argent à ton enfant, normalement – c'est quelque chose de normal de le faire vivre – mais, quand c'est rendu là, c'est souvent qu'ils ont besoin de l'aide de l'État pendant un bout. Puis, chez nous, c'est sûr, l'autonomie, c'est le premier objectif qu'on vise, mais ça prend un minimum de sous.

M. Archambault (André): Quand on parle d'autonomie, on pense évidemment au revenu de travail. On pense aussi à la question du logement. C'est peut-être le deuxième élément qui fait en sorte que nous, comme citoyens, on est capables de faire face à nos besoins personnels de façon autonome, sans toujours demander l'aide de l'État. Pour les jeunes, c'est la même chose, sauf que la situation pour accéder à ça n'est pas tout à fait la même qu'en ce qui nous concerne.

J'aimerais demander à Marc, peut-être, de présenter nos inquiétudes quant à la question du logement.

M. St-Louis (Marc): Bien, finalement, ce qu'on peut dire, c'est que pour les... J'ai envie de dire: Pour les chanceux qui, eux, ont droit à l'aide sociale – parce que finalement il n'y a pas de coupure pour ceux qui n'en ont pas – ceux qui en ont se retrouvent dans une situation où, dans la mesure où ils partagent un logement, où ils tentent de se dépêtrer de leur situation du mieux qu'ils peuvent, ils se retrouvent coupés de 104 $ par mois. Ça n'a peut-être pas l'air de grand-chose dans nos budgets à nous autres, mais, sur un chèque de 500 $, c'est une tranche importante. Et, nous autres, déjà, dès la loi 37, on s'opposait à ça. En fait, on ne comprend pas quel principe sous-tend cette clause-là, autre que le désir de faire des économies. On reste très interrogatifs.

On l'est d'autant plus qu'en ce moment, si on se souvient bien, on croyait que le Parti québécois avait annoncé que c'était quelque chose qui disparaîtrait. On entend un discours de la part de M. Bouchard, des appels à la solidarité à tous, parce que les temps sont difficiles. Ils semblent difficiles pour tout le monde; bien, ils le sont d'autant plus au bas de l'échelle. On cherche encore la logique. Pourquoi le fait de se débrouiller en disant: Plutôt que de vivre tout seul puis d'assumer la totalité de mes coûts alors que je n'arrive pas, je vais aller avec quelqu'un d'autre, pourquoi cet acte de débrouillardise là, qui, à mon sens, est un réflexe sain, est pénalisé, finalement? C'est quoi, la logique?

Puis il y a des conséquences à ça en termes financiers, c'est-à-dire que, déjà à 500 $, on baisse à 396 $. Ce qui arrive, c'est que les jeunes, en bout de ligne, ils n'arrivent pas; alors, ils le font quand même, c'est-à-dire qu'ils se retrouvent à vivre en colocation, en sachant qu'ils doivent faire attention pour ne pas se faire attraper. Alors, ils vivent dans un stress et, souvent, ils finissent pas se faire attraper. Une fois qu'ils se font attraper, il y a une coupure. Alors, ils se retrouvent coupés pour x temps, souvent au moins pour un an ou pour le temps de ce qu'on a évalué comme une fraude, le temps que ça prend pour la rembourser. Ils vivent aussi dans des conditions de logement, souvent, carrément insalubres.

Parce que, si on calcule, sur le chèque d'aide sociale, ce qui est prévu, c'est 189 $ pour le logement. Bien, à Montréal, à ce prix-là, tu ne peux pas te payer un hôtel de passe miteux; je veux dire: C'est impossible. Et là on coupe de 100 $ ce 189 $ quand on partage un logement. C'est donc qu'on juge qu'à 85 $ par mois il y a moyen de se loger. Moi, ce défi-là, je défie qui que ce soit d'y arriver. Puis, là, ce qui est un peu déconcertant aussi, c'est que, si on regarde autour de nous, il y a une bonne part de la population, disons, des 18 à 35 ans qui utilise ce moyen-là pour arriver. Je veux dire, moi, j'ai vécu en colocation bien souvent. Pourtant, on n'est pas pénalisés; c'est le gros bon sens qui demande ça. Alors, on s'interroge et on aimerait bien avoir des réponses par rapport à la logique qui sous-tend ce raisonnement-là.

M. Archambault (André): Un dernier élément avant d'essayer de conclure, de ramasser tout ça: la question de la citoyenneté. En ce qui nous concerne, un jeune qui arrive à 18 ans est un citoyen à part entière et, en principe, a droit au même traitement que n'importe quel autre citoyen. Dans le livre vert, on a cru comprendre deux éléments qu'on a mis en lien et qui nous inquiètent un peu: la question du lien entre les agents d'aide sociale et les CLSC, en termes d'échange d'informations et de soutien; la vision d'un parcours vers l'emploi qui soit un parcours de soutien très général et la possibilité d'y inclure d'autres choses que des démarches strictement reliées à l'emploi, par exemple, une désintoxication, etc. C'est ce qu'on a cru comprendre à la lecture.

C'est intéressant comme processus, sauf que ça pose tout le problème du droit à la vie privée pour une personne qui est assistée sociale, qui fait inclure, dans son cheminement vers l'emploi, une désintoxication, par exemple. À la limite, si on essaie de suivre cette logique-là, ça pourrait vouloir dire qu'un jeune qui dit: Bien, moi, ma démarche vers l'emploi, elle inclut que je fasse telle ou telle démarche de désintoxication; si je ne la fais pas, est-ce que je suis pénalisé, sachant très bien – pour les fumeurs, vous le savez – que se désintoxiquer, c'est long, c'est difficile et ça demande au moins quatre ou cinq tentatives infructueuses? La désintoxication, c'est toujours ça; on essaie toujours une couple de fois. Si on échoue et qu'on est coupé parce qu'on a échoué une première fois, ça devient l'enfer.

Si, en plus, on est obligé de livrer toute sa vie privée parce que le cheminement de l'emploi l'exige, ça devient très difficile de maintenir un minimum de vie privée face à l'agent d'aide sociale. Et ça, ça nous inquiète parce qu'à ce moment-là on mélange des rôles: des rôles de contrôle des dépenses de l'État, ce qui nous apparaît tout à fait légitime, et des rôles qui peuvent devenir des rôles de contrôle sur la vie privée des personnes, et ça, ça devient aussi plus délicat quand les deux sont liés ensemble.

Concernant le rôle des agents, on l'a dit dans notre mémoire, on n'est pas convaincus que, dans le contexte actuel, il est possible d'envisager un changement d'attitude des fonctionnaires de la Sécurité du revenu face aux jeunes. Les préjugés sont immenses. Ce qu'on vit sur le terrain, c'est beaucoup plus des compressions, du contrôle et de la répression que du soutien. Alors, je ne sais pas ce que ça va prendre, mais je n'ai pas l'impression que, dans le contexte des compressions actuel, on est enclin à penser que les agents d'aide sociale avec lesquels on fait affaire, présentement, sur tout le territoire vont transformer leur attitude.

(9 h 30)

En conclusion, je dirais que notre pronostic est sombre. On a l'impression que, si on continue sur cette lancée, on risque de voir plus de travail au noir, plus de criminalité, on risque de voir la vie s'organiser en marge des règles. Les attaques de plus en plus dures contre les jeunes, qui en sont, pour un nombre de plus en plus grand d'entre eux, au stade de la survie au jour le jour, risquent d'entraîner encore plus de cynisme face aux institutions, de plus en plus de désobéissance civile spontanée ou organisée. Ça pourrait nous amener à un point de rupture sociale aux conséquences incalculables.

En regardant, dimanche, comme probablement quelques autres Québécois, Les enfants de Duplessis , je ne pouvais m'empêcher de penser que, souvent, au nom de la raison d'État, de l'économie, on est peut-être encore en train de commettre un nombre important d'injustices qu'il nous faudra longtemps à réparer. Les jeunes sont dans une situation catastrophique. On aimerait voir, à travers ce qui nous serait proposé par le gouvernement, la possibilité qu'ils s'en sortent réellement à travers des vrais emplois dignes, de qualité, ce qu'ils souhaitent, eux aussi. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup, M. Archambault. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Harel: Alors, bienvenue, M. Archambault, ainsi que M. St-Louis et M. Gagnon. Je connais le travail, en particulier, de M. Gagnon au sein de cette maison d'hébergement qui est sortie des sentiers battus, des normes et des critères ministériels, il y a quelques années, pour faire valoir le point de vue de la responsabilisation des jeunes. Puis j'aimerais ça vous entendre aussi là-dessus.

Peut-être juste avant, il y a un contexte qui nécessite peut-être d'être repris rapidement. Vous avez parlé du retrait de l'aide de l'État aux plus démunis. Et ça va être un paradoxe si je vous dis que c'est oui puis non en même temps. Ça va vous surprendre, n'est-ce pas? Croyez-le ou pas – cependant, là, je prends pour acquis qu'on peut faire dire ce qu'on veut aux chiffres, là – mais le budget global, vous savez qu'il ne diminue pas. Vous savez que, cette année, le budget global sera de 4 235 000 000 $, soit 25 000 000 $ de plus qu'en 1994. C'est surprenant! Parce que, en même temps, les gens ont été coupés.

Mais vous savez que, en proportion de ce que l'État consacre, ça a augmenté à cause du fait que, le budget global de l'État ayant diminué – ce n'est pas rien quand même: 2 500 000 000 $ de moins de déficit cette année, ça veut dire 2 500 000 000 $ de moins de dépensés; 1 500 000 000 $, l'an passé, ça fait 4 000 000 000 $ de moins – le budget de l'aide sociale est conservé. En proportion, c'est 12 % que l'État mettra dans le budget de l'aide sociale cette année, qui commence au 1er avril, là, avec l'année financière des gouvernements, alors que, l'an passé, c'était 11 %, alors que, l'année avant, c'était 10,5 %.

Alors, le paradoxe, c'est que ça augmente tout le temps. Et pourtant, vous êtes conscients de ça – et vous le décrivez bien d'ailleurs dans votre mémoire – c'est que, dans le fond, le nombre de ménages a augmenté, hein? Et pourquoi? Il faut voir aussi que le nombre de ménages a augmenté, puis, particulièrement chez les jeunes, c'est essentiellement lié à l'assurance-emploi. Je ne sais pas si vous avez vu dans le livre vert, j'avais vraiment fait exprès pour mettre le tableau à la page 93. Il est extrêmement éloquent, ce tableau-là. Qu'est-ce qu'il nous dit qui est arrivé aux 18-24 ans depuis 20 ans? En 1976, il y en avait 11,3 % qui recevaient de l'assurance-chômage. Il n'y en a plus que 4,4 %. Avez-vous idée du resserrement? Donc, il y en a finalement trois fois moins à l'assurance-chômage puis deux fois plus à l'aide sociale.

Alors, en chemin, qu'est-ce qui s'est passé? C'est tous ces resserrements d'éligibilité qui font que – avec celui du 1er janvier, ça s'est encore aggravé – auparavant, disons, ma génération, moi, a commencé à travailler, puis ce n'était pas nécessairement pour la vie avec une montre en or au bout de 25 ans. Mais il y avait des travaux, puis, restant dans l'intimité de l'emploi, l'assurance-chômage amenait un autre emploi et vice versa. Tombant sur l'aide sociale, il faut voir que, là, ça s'appelle danger. Je pense que vous êtes bien placés pour le savoir, hein, que ça s'appelle danger.

Peut-être juste un mot aussi parce que, en même temps qu'on parle énormément de ce qu'on entend... Vous savez, les mauvaises nouvelles se promènent plus vite que les bonnes. Les mauvaises, on n'a pas besoin de s'en occuper, vraiment. On entend parler des autres quand ça va mal, hein? Il faut bien se rappeler que, quand ils entendent parler de nous aussi à l'étranger, c'est que ça ne va pas bien. Une bonne nouvelle, ce n'est pas une nouvelle. Et, dans le fond, les bonnes nouvelles, on n'en parle pas.

Hier, j'étais pourtant sur la rue Sainte-Catherine, dans l'est, dans Hochelaga-Maisonneuve. Je rencontrais des gens qui viennent d'ouvrir, sur Pie IX, Vidéotron. En deux ans, là, ils vont engager 550 personnes, puis c'est des techniciens en génie, en informatique. Vidéotron s'installe dans l'ancienne usine de Johnson & Johnson. Il n'y a personne qui parle de ça. Ils embauchent actuellement en moyenne une personne et demie par jour. Juste en face, j'ai vu le monsieur, parce que j'étais un peu inquiète de savoir qu'est-ce qui arrivait avec American Can – ça vous dit quelque chose, n'est-ce pas, vous – étant donné le feu, l'incendie qu'il y a eu là. Le monsieur dit: Non, on continue. Et là il m'a dit quelles usines vont s'installer, avec les emplois qui s'en viennent dans le recyclage notamment, etc. Il en prévoit 265 cette année puis autour de 500 d'ici, m'a-t-il dit, un an et demi. Ça, non plus, ça n'a pas fait les manchettes. Je ne vous parlerai pas du centre d'appels à Household Finance finalement qui s'installe avec 550 emplois sur Sherbrooke, pas loin de Dixon.

Une voix: C'est significatif.

Mme Harel: Oui, c'est significatif pas pour le Québec. C'est significatif que le Nouveau-Brunswick ne l'a pas eu, ce centre d'appels là parce que c'est pour toute l'Amérique. Ça fait que c'est quand même significatif aussi. Je vous dis tout ça, là. C'est juste, disons, des nouvelles que j'ai eues hier. Tu sais, ce n'est pas exhaustif, l'affaire, là. Mais c'est pour vous dire: Faites attention, vous qui êtes le Regroupement des maisons d'hébergement. Je ne veux pas non plus, d'aucune façon, nuancer ce que vous avez dit, c'est vrai, mais, en même temps, le portrait est plus complet. La jeunesse, ce n'est pas juste celle qui va dans les 23 maisons du regroupement. La jeunesse, c'est d'autre chose aussi.

Et juste un mot, puis j'aimerais vous entendre: Quels sont vos liens avec les carrefours jeunesse-emploi? Vous savez, ce n'est pas rien dans une période comme celle qu'on traverse; c'est la première année qu'on met 15 000 000 $ dans les carrefours jeunesse-emploi. On va avoir un réseau de carrefours jeunesse-emploi. Vos jeunes, dans les maisons, ils ont quoi comme lien avec les carrefours jeunesse-emploi? C'est la première fois aussi depuis deux ans qu'on met de l'argent, 10 000 000 $ de plus, avec le Secrétariat à l'action communautaire autonome, et je comprends qu'on a pu aider des maisons d'hébergement qui autrement ne l'auraient pas été. Puis je comprends que la régie régionale de Montréal – en tout cas, c'est ce que M. Sauvé m'a dit la semaine passée – avait mis 35 000 000 $ de plus dans le communautaire. Donc, en même temps qu'on peut se désoler, en même temps il faut voir qu'il s'est passé quelque chose aussi.

M. Archambault (André): Je peux y aller?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui.

M. Archambault (André): Merci. Je serais tenté de vous dire qu'ayant participé un petit peu aux travaux du Conseil de la santé et du bien-être sur la question des coûts de la santé au Québec effectivement je me méfierais des chiffres absolus, c'est-à-dire des totaux parce que effectivement ça cache souvent le nombre croissant de demandes et l'intensité de la demande. Les besoins sont de plus en plus lourds et ils sont de plus en plus nombreux, je pense que vous l'avez assez bien signalé.

Je vous dirais aussi, à ce stade-ci où on se parle, que l'aide nous vienne d'Ottawa ou de Québec, effectivement, en chiffres absolus, là aussi, en termes de besoins, face aux besoins croissants, nous, ce qu'on constate sur le terrain, c'est qu'au niveau des centres jeunesse – et c'est clair, eux autres mêmes le disent – on déborde, on n'est plus capable de répondre à la demande, on va aux urgences très, très, très urgentes, puis les jeunes de 16 à 18 ans, c'est bien de valeur, ils sont sur le bord de l'autonomie. On s'occupe moins d'eux autres. C'est un fait.

D'autre part, on est obligés de constater qu'on est obligés de se battre, à tous les jours, à toutes les semaines, avec des agents pour faire en sorte que des jeunes qui n'ont pas de revenus, zéro revenu, finissent par en obtenir un peu. Il y a toutes sortes de bons motifs, il y a toutes sortes de bonnes raisons, mais le «bottom-line» de ça, c'est qu'effectivement on se retrouve avec de plus en plus de jeunes qui ont de moins en moins de revenus, qui sont coupés pour toutes sortes de raisons, et pas une tranche mince des jeunes.

(9 h 40)

Si c'était juste les quelques jeunes qui se tiennent au square Berri, on ne s'inquiéterait pas trop. À la gang qu'on est, on est capables de s'en occuper, mais c'est des jeunes, souvent, qui ont entamé des études collégiales et qui ne sont plus capables d'y faire face, et qui se retrouvent dans des situations aussi catastrophiques que des jeunes sans-abri traditionnels, et qui viennent chez nous. Donc, là, c'est plus qu'une tranche marginale; c'est un nombre de plus en plus grand des jeunes.

Je sais qu'Yvon voulait intervenir là-dessus, puis je reviendrai sur peut-être quelques cas.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui. Allez-y.

M. Gagnon (Yvon): O.K. Bien, vous parliez de la responsabilisation. Je pense que c'est un des premiers mandats. En plus d'assurer les besoins essentiels des jeunes, la responsabilisation dans nos maisons, c'est quand même important; c'est l'accès à la citoyenneté, c'est l'accès au travail, c'est l'accès aux études. C'est là-dessus que même on essaye de rivaliser d'ingéniosité pour partir des nouvelles choses pour accrocher nos jeunes, développer un sentiment d'appartenance pour leur donner le goût d'entrer de plain-pied dans la société. Puis c'est ça qui est comme notre fun de travailler, outre travailler avec des problèmes psychosociaux.

Quand on voit, tu sais, la responsabilisation de l'État dans son sens large envers les jeunes... Il y a quelques années, on a commencé, nous, dans notre maison, à voir une augmentation de clientèle quand, à l'assurance-chômage, ils ont coupé. Tu sais, un départ volontaire, tu avais des semaines de pénalité. Là, un départ volontaire, tu n'as plus de semaines de pénalité, plus de chômage; tu t'embarques sur l'aide sociale avec des coupures. Là, on s'est ramassés avec plus de jeunes dans nos maisons. Passer de 20 semaines à 26 semaines de travail pour quelqu'un que ça fait la première fois qu'il travaille, bien, encore là, on se ramasse avec des jeunes dans nos maisons qui ont 23, 24 semaines de travail et qui sont sur l'aide sociale.

C'est sûr que ce n'est pas juste l'aide sociale, mais, globalement, quand on prend les restrictions à l'assurance-chômage plus les restrictions à l'aide sociale... Moi, je me rends compte qu'il y a quelques années, quand j'allais au bureau de l'aide sociale dans Hochelaga-Maisonneuve, c'était un bureau qui était comme bien clean. Il est encore bien clean aujourd'hui, sauf que ce que je ne remarquais pas avant, puis là ce que je remarque, c'est que ça a l'air d'une caisse populaire, dans le sens qu'il y a une vitre qui sépare le comptoir d'en avant de la population, les chaises sont vissées à terre, puis ce n'est quand même pas dans une caisse.

Mais il y a une augmentation d'un climat de violence, d'un climat de frustration de la part des gens. Puis ça, ce n'est pas parce que les gens sont plus mauvais aujourd'hui qu'ils l'étaient avant; c'est parce que les gens vivent plus de frustrations, vivent plus de conditions au ras le prélart, là, comme on dit, et qu'ils sont démunis, puis ça, ça a ses conséquences. Pour nos jeunes, les conséquences sont d'autant plus grandes qu'ils veulent travailler, ils veulent s'insérer, mais, faute de moyens, à un moment donné, on se retrouve devant un peu un genre de désespoir qui amène deux façons de réagir: une qui est d'imploser par en dedans, puis de développer toutes sortes de problèmes de santé mentale ou de toxico, bon, ce qui peut mener jusqu'au suicide, là, mais l'autre problème, c'est l'explosion, puis là, mettons, de se révolter. Mais, pour nos jeunes ils implosent plus, en tout cas, puis ça, ça coûte cher.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Un court commentaire par M. Archambault et je passe la parole au député de Nelligan.

M. Archambault (André): O.K. Je voudrais juste revenir sur la question du SACA, du Secrétariat à l'action communautaire autonome, et du financement des régies. Pour une fois, on n'est pas venus vous dire qu'on manquait de financement, même si à certains égards on pourrait faire le débat. Ce n'était pas notre optique. Effectivement, les régies nous ont donné quelques sous de plus. Ce qu'il faut savoir, ce qu'on sait, c'est qu'évidemment la commande va être définitivement plus grosse. Avec la désinstitutionnalisation en santé mentale qui s'en vient et les problèmes vécus par les centres jeunesse, on a déjà commencé à être sérieusement appelés pour assumer ou éponger des débordements face aux coupures dans le réseau. Donc, ça, c'est un élément.

Et le dernier: face carrefours jeunesse-emploi, on a été très ambigus parce que, au départ, quand ça a été annoncé, on se demandait si ce n'était pas un xième guichet unique, dans le sens où, bon, il y a eu l'annonce des CLE. Les carrefours jeunesse-emploi s'inscrivent comment dans les CLE? Par rapport aux CDEC, quel est le rôle joué spécifiquement par des carrefours jeunesse-emploi? On s'est demandé effectivement si cette structure-là, compte tenu de ce qui existait déjà sur le terrain, ne venait pas, à un moment donné, dédoubler des choses. Et, là-dessus, on était très ambigu et, à l'heure actuelle, il n'y a pas beaucoup de maisons d'hébergement qui s'y sont impliquées.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, M. Archambault, M. Gagnon et M. St-Louis, représentant le Regroupement des maisons d'hébergement jeunesse, pour votre présentation.

Quelques questions et je ne ferai pas le même discours que la ministre qui essaye de vous convaincre que tout est beau et que tout est correct, parce que effectivement peut-être qu'elle a plus d'argent dans ses budgets, mais il y a plus de responsabilités. Il y a des programmes qui ont été ajoutés aux budgets des années passées. J'ai plusieurs questions sur votre mémoire, mais une brève question sur la clientèle des maisons d'hébergement. Vous avez mentionné 2 000 jeunes de 12 à 29. Je voudrais avoir un bref commentaire sur la situation des enfants de 12, 13 ans. Est-ce qu'ils sont nombreux?

M. Archambault (André): Oui, il y a un nombre assez important...

M. Williams: Qu'est-ce qui se passe dans cette affaire? Je sais que ce n'est pas le but de cet exercice, mais je voudrais vraiment...

M. Archambault (André): Non, mais je pense que ça éclairerait la situation des jeunes. C'est que, effectivement, les jeunes vivent une situation d'adolescence particulièrement pénible; en situation de crise économique, elle l'est doublement. Les familles éclatent, les situations sont particulièrement plus agressives et violentes dans les familles à cause, souvent, du contexte économique. Ça fait en sorte que les jeunes se retrouvent dans des situations vraiment délicates à partir de l'âge de 10, 11, 12 ans, mais, nous, on les accueille à partir de 12 ans.

Et ces jeunes-là n'auront pas nécessairement le réflexe de faire appel au réseau public. La crainte du contrôle, la crainte de la prise en charge totale, la crainte de la rupture définitive vont les amener souvent à faire appel à des ressources communautaires, à se réfugier carrément dans nos ressources, dans certaines des ressources qui n'accueillent pas des 12 à 30 ans, qui accueillent des 12-18 ans. Il y a des maisons qui accueillent des plus vieux puis il y a des maisons qui accueillent les plus jeunes et certaines clientèles mixtes. Ça, c'est bien important de le spécifier.

Ces très jeunes là vont effectivement être accueillis chez nous. On va reprendre contact avec les parents pour les rassurer et on va faire en sorte de les faire cheminer vers un retour potentiel dans le milieu dans le cas où c'est possible; dans le cas où ce n'est pas possible, c'est sûr qu'il y aura des prises en charge, mais on tente de maintenir les jeunes dans leur communauté le plus possible.

Mais la situation de ces 12 ans-là, on la retrouve à 18 ans. Dans les maisons pour les plus vieux, on retrouve souvent des jeunes qui ont fait de très, très longs séjours, qui ont fait un parcours, parce que le problème de ces 12 à 29 ans-là, c'est d'être encore des adolescents à 24, 25, 26, 27 ans faute d'emploi, faute d'autonomie, faute de revenus suffisants pour assumer un rôle de citoyen. Donc, c'est un groupe d'âge qui est particulièrement taxé sur le plan de l'autonomie et ça commence très tôt; ça commence de plus en plus tôt, et ça, c'est inquiétant.

M. Williams: Oui. Je viens d'un mouvement communautaire. Avec ça, je vois de plus en plus qu'il y a le dumping, là, du réseau public dans le réseau communautaire. C'est facile de dire que nous avons donné plus de responsabilités aux groupes communautaires, mais sans les moyens de répondre à leurs besoins. Je trouve que de plus en plus nous sommes en train de demander aux groupes communautaires de faire le travail de l'État sans leur donner les moyens de répondre aux besoins. Avec ça, j'ai voulu clarifier en ondes la situation dans les maisons d'hébergement. Vous avez bel et bien expliqué la situation dans le vrai monde. Vous avez mentionné: Étudier devient un luxe, l'emploi devient un luxe, presque un privilège. Vous avez parlé des coupures, de l'accès à divers services de plus en plus difficile en santé, les coupures dans la santé, les médicaments, l'aide juridique. Avec ça, vous avez vraiment mentionné que c'est difficile pour nos jeunes.

Mais vous avez touché, je pense, selon mon information, selon ma mémoire, pour la première fois après 87 groupes, une situation, un sujet qui est assez important: c'est le droit à la vie privée. Et je voudrais vous donner une chance encore d'expliquer vos craintes sur ça, parce que, quand j'ai lu le livre vert, page 43, la ministre a parlé de Un préalable dans certains cas: les services psychosociaux . Quand j'ai lu ça, j'ai lu: «Dans ces situations, la perspective d'une intégration au travail est plus lointaine et suppose d'engager les personnes dans une démarche préalable à l'intégration socioéconomique.» Il me semble que... Quand j'ai lu ça, j'ai actuellement lu ça dans une façon plus ou moins positive, la démarche.

Mais vous avez touché un point assez important: la vie privée. Et, dans plusieurs autre commissions parlementaires, nous sommes en train de faire le débat sur la vie privée, sur le jumelage maintenant de tous les dossiers par le ministre du Revenu, la carte de citoyenneté, une carte universelle pour tout le monde, l'échange d'informations, les fuites d'informations confidentielles; c'est sorti il y a deux ou trois semaines. Je voudrais que vous voir expliquer vos craintes encore sur le droit à la vie privée et répondre à des questions: Comment on peut d'une façon offrir les services nécessaires pour ceux et celles qui en ont besoin – et je suis d'accord avec vous – mais toujours protéger la vie privée?

M. Archambault (André): Merci. Parce que l'idée qui est présentée dans le livre vert est intéressante. Cependant, le fait de lier à la fois la gestion du revenu pour survivre... Là, on ne parle pas de 500 000 $ par mois; on parle de 500 $ par mois. Vous ferez un budget à 500 $ par mois, je suis persuadé que vous n'arrivez pas; moi, non plus. Donc, là, on parle d'une chose.

(9 h 50)

De lier ça à toute la question d'une démarche qui exige le plus grand tact et la plus grande confidentialité parce que effectivement on parle de choses qui sont excessivement privées... Le fait de lier ça à l'intérieur d'une rôle de fonctionnaire, agent d'aide sociale, pour moi, c'est explosif comme mélange parce que effectivement ça donne beaucoup, beaucoup de pouvoir, beaucoup d'arbitraire, beaucoup de contrôle sur la vie privée.

Les jeunes qui viennent dans nos ressources sont contrôlés, souvent, depuis l'âge de 6, 8, 10 12 ans, sont en centre d'accueil, ont vécu tout ça, sont à bout d'être contrôlés. Ils arrivent à l'aide sociale, ils arrivent au chômage, ils arrivent à différents endroits où ils donnent encore beaucoup d'informations. La possibilité de colliger l'ensemble de ces informations-là pour une société, c'est, à notre avis, excessivement dangereux, surtout quand il s'agit de personnes très démunies qui auront de moins en moins d'accès à des mesures juridiques pour se défendre.

Et, on le sait, l'information, ça circule; c'est une passoire, présentement. Je ne pense pas exagérer puis je ne pense pas être le seul qui annonce nos craintes là-dessus. Que ces jeunes-là aient à donner autant d'informations, que ce soit inscrit dans un parcours dont l'exigence sera telle que, s'ils ne le remplissent pas, il y aura des pénalités sur leur revenu d'existence, ça nous apparaît, rendu à ce stade-là, tout à fait indu. Le simple fait de donner autant d'informations sur sa vie privée, en soi, pose un énorme problème, et effectivement je ne pense pas qu'on soit sur une bonne piste, face à la citoyenneté, à l'appartenance des citoyens à cette communauté-là, en contrôlant autant d'informations sur un seul individu. Et ça, c'est effectivement une inquiétude très importante.

M. Williams: Si j'ai bien compris, avec ça, vous avez deux craintes: une juste l'échange d'informations qu'on prend; l'autre, c'est l'obligation.

M. Archambault (André): C'est de lier ça. Je vais te donner ton 500 $ si tu fais ta «detox», mais, nous, on le sait que les jeunes, ils reviennent cinq fois à l'auberge...

M. Williams: Ça ne marche pas comme ça, hein?

M. Archambault (André): ...parce qu'ils ont essayé cinq belles désintoxications réussies. Ils se replantent en sortant. Pourquoi? Parce qu'il n'y a rien dans la communauté pour eux autres. Il n'y a rien, il n'y a pas de place, il n'y a pas de revenu, il n'y a pas de travail; ils sont devant le vide. Et évidemment c'est quoi? La fuite. La fuite par le suicide, la fuite en santé mentale – on pète au fret – ou la fuite dans la dope. Bien, c'est sûr que la désintoxication, elle ne réussira jamais si l'intégration sociale ne réussit pas. Et ça, vous le savez, je n'ai pas besoin d'insister. Donc, évidemment inclure ça dans une mécanique de contrôle du revenu de survie, c'est, là, malgré que l'intention est intéressante, donner un autre rôle aux agents. Je ne pense pas que ce soit conciliable; nous ne le pensons pas, en tout cas.

M. Williams: Cette obligation pousse les jeunes dans un autre cercle vicieux parce que, souvent, comme vous savez, ça prend une démarche volontaire, ça prend une décision des jeunes et ça prend, souvent, deux, trois, quatre fois d'essai, avec cette conséquence négative qu'on va augmenter les problèmes des jeunes avec ça. Vous êtes carrément contre cette obligation, et j'ai voulu juste m'assurer que la commission a bel et bien entendu ça.

M. Archambault (André): Oui, et on croit que les mesures volontaires sont payantes. Dans les CDEC, il se fait des choses; dans d'autres groupes, il se fait des choses. Je sais que, des deux côtés de la Chambre, on a défendu ça; je sais qu'il y a des gens qui ont pris position pour ça et, nous, on croit, d'abord, dans les mesures volontaires.

On ne pense pas qu'il y a plus de fraude à l'aide sociale qu'il y en a chez les médecins, chez les notaires ou ailleurs, O.K.? Cependant, dans les médias, quand il y a 22 médecins de l'hôpital Douglas qui sont convaincus d'avoir peut-être facturé un peu fort, on a un entrefilet gros de même dans le journal, hein? Quand on a un assisté social qui a fait une fraude de plus de 3 000 $, on a un article gros comme ça dans le journal, deux fois. Alors, évidemment il y a une question de perception, il y a une question de préjugés, et ça aussi, ça nous inquiète, ce qui est charrié. On trouve peut-être plus normal que des assistés sociaux qui sont en mode survie essaient de s'en sortir par tous les moyens, même des moyens plus ou moins légaux; même si ce n'est pas acceptable, c'est peut-être plus compréhensible.

M. Williams: Merci. Je suis carrément d'accord avec vous sur l'aspect volontaire de nos démarches. Je trouve que, de plus en plus, dans la perspective de ce gouvernement, il arrive avec une solution mur à mur et il ne laisse aucune marge de manoeuvre aux citoyens de prendre leurs décisions.

Mais je change de sujet. Sur la question du partage du loyer, je voudrais bel et bien comprendre votre position aussi, parce que vous avez parlé, à la page 6 de votre mémoire, du loyer de 189 $ moins 100 $. Est-ce que vous êtes contre le principe d'avoir un loyer différent pour deux personnes ensemble ou est-ce que vous êtes juste contre que le niveau soit baissé? Est-ce que vous voulez garder, si vous êtes autonome ou ensemble, le même loyer? C'est ça?

M. St-Louis (Marc): Pour nous, c'est clair qu'il n'y a pas de raison de couper dans la mesure où 500 $, c'est déjà insuffisant. Alors, il n'y a pas de logique qui justifie ce genre de coupure là. Qu'on soit deux ou qu'on soit trois, je veux dire, quelque part, c'est faire preuve de gros bon sens puis de sens de la débrouillardise. Quand tu n'arrives pas, ça s'appelle se serrer les coudes – dans mon langage à moi, c'est ça que c'est – et on le pénalise. C'est ça qu'on ne comprend pas. Pour nous, il y a un chèque puis, peu importe que tu partages ton logement avec une ou deux personnes, ça ne devrait faire aucune différence.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Oui, bonjour, messieurs. J'aimerais faire une petite remarque et, ensuite, vous poser une question. Ma remarque concerne les carrefours jeunesse-emploi. Je sais bien qu'ils sont récents et qu'on n'est pas à l'heure des bilans, mais je voudrais quand même insister sur un aspect de ces carrefours, qui est qu'ils accueillent les jeunes à partir de 16 ans. Donc, la tranche qui, souvent, est un peu laissée seule sur le parcours des 16-18 ans, en principe, les carrefours jeunesse-emploi sont censés s'en occuper. Et il me semble, moi, qu'il y aurait tout lieu que, dans les différentes communautés, on travaille ensemble, carrefours jeunesse-emploi y compris. Tout à l'heure, vous avez évoqué vos réticences, peut-être, ou, en tout cas, vos interrogations par rapport à ces carrefours. Moi, il me semble que c'est une piste à explorer et qu'on est loin de l'heure des bilans.

Mais ma question, c'est une question peut-être un peu plus précise concernant vos recommandations. Je ne mets pas en doute votre diagnostic et je suis certaine que vous décrivez la réalité. En même temps, nous, il faut qu'on sache quoi faire, hein, par rapport à ça. Et, dans vos recommandations, il y a des choses qui sont d'un autre ordre, si je peux dire. Elles sont pertinentes, mais d'un autre ordre au sens où on ne les retrouvera pas dans un livre vert: par exemple la création d'emplois elle-même, les mesures fiscales elles-mêmes. Il faut le faire, mais on va le retrouver ailleurs.

Dans un livre vert, ou quelle que soit sa couleur, sur la réforme de la sécurité du revenu, il faut qu'on en arrive à définir quoi faire, sachant que, de toute façon, les jeunes que vous côtoyez, que d'autres côtoient, ils ont des besoins dans l'immédiat, pour les aider à se remettre sur les rails. Et, là-dessus, je trouve que vous êtes un peu vagues dans ce que vous nous proposez de faire. Puis j'aimerais vous entendre de façon un petit peu plus pointue, compte tenu de votre expérience, sur ce que vous nous suggérez.

Nous, on a appelé ça «un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi». Bon. Vous critiquez l'aspect obligatoire, mais, cela étant dit, en dehors de l'aspect obligatoire, est-ce qu'il y a d'autres choses que vous avez à nous dire sur ce qu'on peut appeler un parcours et ce que vous mettriez dedans?

M. Archambault (André): Bien, évidemment l'aspect volontaire me semble important. Les rapports à la confidentialité et à la vie privée nous semblent majeurs comme éléments modifiant l'idée du parcours. Bon, sur la question des CLE qui a été abordée, je pense, assez largement, on n'est pas des spécialistes de la plomberie puis de la mécanique. Il y a plein de monde chez vous qui pense ces mécaniques-là. Nous, notre vision de ce livre-là, c'est que ce n'est pas, effectivement, nécessairement la restructuration elle-même qui va faire en sorte que les jeunes vont être dans une meilleure condition après la réforme. Ce n'est pas ces éléments-là.

Vous faites mention des carrefours. Ça peut être une initiative intéressante, mais il y a déjà des initiatives sur le terrain. Il y a déjà des tentatives de regroupement ou de coopération sur le terrain. Nous, on voit mal comment ce genre de restructuration là va amener du mieux-être pour les jeunes. On ne le voit pas. On ne voit pas qu'une restructuration en soi apporte... Si elle n'amène pas d'éléments nouveaux, qu'on recrée les mêmes programmes ou qu'on regère les mêmes programmes à travers des nouvelles structures ne me semble pas être des éléments qui nous engagent à dire: Oui, les jeunes vont être mieux après.

Nous, notre demande, ça a été plus qu'au niveau de la réforme effectivement on table sur des modifications peut-être mineures, mais qui sont, pour nous, fondamentales depuis la loi 37, et c'est là-dessus qu'on a mis l'accent. Évidemment, on n'a pas mis l'accent sur toute la mécanique parce qu'on ne pense pas que c'est une restructuration de toute la mécanique. Il y certains éléments comme... Le fait de ne pas avoir deux endroits où les programmes sont développés, ça nous semblait des choses intéressantes, et on l'a dit dans notre mémoire. Mais, au-delà de ça, là, O.K., refaire les structures ou rebâtir les structures ne nous semble pas une garantie que les jeunes, un, vont être mieux servis, parce qu'il y a des enjeux, et, deux, vont se retrouver mieux après, parce qu'on n'est pas sûrs qu'il va y avoir plus d'emplois. Effectivement, le coeur du problème, ce n'est pas nécessairement la structure; c'est l'emploi et c'est l'équité fiscale. C'est pour ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Nelligan.

(10 heures)

M. Williams: Merci, M. le Président. Dans votre conclusion, M. Archambault, vous avez dit: «Nous ne croyons pas que le projet de réforme, tel que libellé, va favoriser l'inclusion des jeunes au sein de la société civile. Nous croyons, au contraire, qu'on va continuer de les exclure et cette exclusion consacre les ruptures sociales profondes que l'on ressent entre les mieux nantis et les autres.» C'est une évaluation assez sévère. Nonobstant ça, vous avez fait plusieurs recommandations, peut-être, pour améliorer ce livre vert. Vous avez parlé spécifiquement aussi sur la question de la prise en charge locale, graduellement et selon les rythmes et modalités de chaque communauté. Je voudrais vous donner une chance d'expliquer un peu pourquoi vous avez fait cette recommandation.

M. Archambault (André): La raison pour laquelle on a fait cette recommandation-là, c'est que, dans plusieurs de nos ressources, quand on arrive à un certain palier de fonctionnement, en fait, les deux premières préoccupations qui nous viennent à la suite d'héberger des jeunes qui sont dans la rue, c'est l'emploi et c'est le logement. Sur la question de l'emploi, certaines de nos ressources se sont étiré le bras un petit peu, même si c'était pas écrit dans notre mandat. On s'est étiré le bras parce qu'on voulait essayer de créer des entreprises, de créer des emplois, en se disant: Si on ne le fait pas... On n'attendra pas que les autres le fassent à notre place. On a essayé avec les forces et les faiblesses que ça signifie, mais on s'est essayé, maudit, au moins. Bon.

Ceci étant dit, ça nous a amenés à collaborer avec des structures locales; on pense aux CDEC. Il y a d'autres formes, mais effectivement c'est celle qu'on connaît le plus, nous autres, à Montréal. Et effectivement ces collaborations-là nous ont amenés à faire des tentatives, parfois fructueuses, parfois infructueuses. Mais on se dit qu'effectivement – et ça, ça a été repris, je pense, par beaucoup de groupes et d'institutions – le local possède une force et un dynamisme. Il ne possède pas tout, mais il possède une force et un dynamisme qui lui permettent, souvent, de prendre des décisions qui sont plus ajustées à la réalité. Et on se disait: Il existe des choses. Plutôt que de bâtir à côté ou de recréer un modèle unique sur l'ensemble du territoire, essayons donc plutôt de bâtir à partir de ce qui émerge de chacune de nos communautés.

Je ne pense pas parler à des gens qui ne sont pas sensibles à ça; c'est juste de voir comment on peut y arriver. Nous, on ne croit pas qu'une structure unique pour l'ensemble est la meilleure formule. Je pense qu'il faut adapter, et c'est le problème que vous avez, malheureusement, et que tous les gouvernements ont, d'essayer de respecter les dynamismes régionaux et locaux. Je sais que ce n'est pas facile et que ce n'est pas simple. Je n'ai pas de recette miracle, mais je pense que les pistes, elles sont déjà là. Les structures, elles existent déjà un petit peu dans le local; je pense qu'il faudrait peut-être aller voir plus de ce côté-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

M. Archambault (André): Je ne sais pas si ça répond.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, MM. Archambault, Gagnon et St-Louis. Au nom des membres de la commission, nous avons apprécié beaucoup votre présence et votre présentation.

Je reçois maintenant les représentantes et représentants de Chic Resto Pop.

À l'ordre, s'il vous plaît! Nous recevons maintenant les représentants de Chic Resto Pop et, Mme Ouellette, c'est vous qui commencez en nous présentant les gens qui vous accompagnent et vous pouvez y aller pour votre présentation de 20 minutes.


Chic Resto Pop

Mme Ouellette (Jacynthe): Merci. Je voudrais faire un peu une introduction. Je veux vous présenter Pierre Prud'homme. Je suis Jacynthe Ouellette, du Chic Resto Pop, la directrice, et Manon Bonin, de la Pop Mobile. Je veux expliquer en gros le Resto Pop. C'est un restaurant communautaire qui est dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, qui existe depuis 12 ans, et nous faisons 1 200 repas par jour pour les enfants dans les écoles et au Resto même, plus les personnes âgées. Et Manon va vous parler un peu de la Pop Mobile.

Mme Bonin (Manon): Moi, je m'occupe de la Pop Mobile. On engage 32 personnes sur des programme EXTRA. On est deux personnes permanentes et on distribue dans les écoles primaires du quartier Hochelaga-Maisonneuve environ 400 à 450 repas par midi.

Une voix: C'est beau!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je comprends!

M. Prud'homme (Pierre): Et on peut rajouter qu'au Resto Pop...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On a des réactions, mais on trouve ça assez extraordinaire.

M. Prud'homme (Pierre): Le Resto a 73 personnes sur des programmes EXTRA et il y a aussi une branche qui s'appelle Les produits du terroir où on espère créer des emplois à temps plein avec les produits du terroir.

Je vais être assez près du texte. Avant d'arriver, j'ai rajouté des choses pour préciser, mais la structure reste exactement la même, les sous-titres restent exactement les mêmes. L'expérience d'une durée de 11 ans du Chic Resto Pop dans le domaine de l'employabilité nous a démontré amplement que la grande majorité des personnes assistées sociales veulent participer activement au bien-être de notre société et que c'est pour cette raison qu'elles se sont investies dans des programmes d'employabilité. L'expérience nous a aussi démontré que la grande majorité d'entre elles ont couru et courent encore de programme en programme. Voilà ce qui explique le titre de notre mémoire Pour un parcours qui ne soit pas Pars... et... cours.

Nous ne pouvons qu'applaudir au titre choisi pour le livre vert: Un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi , tout simplement parce que la réalité des prestataires de la sécurité du revenu est spécifique à chacun et à chacune, et qu'un parcours individualisé leur est nécessaire. Nous adhérons aussi aux grandes orientations définies dans le document de consultation, soit: intégrer la main-d'oeuvre prestataire de la sécurité du revenu à l'ensemble de la main-d'oeuvre québécoise; privilégier les mesures actives; favoriser le passage vers le statut de travailleur et travailleuse, qui est une revendication qu'on a depuis longtemps; intensifier les actions préventives; améliorer l'équité entre les prestataires et les travailleurs à faibles revenus; redéfinir les obligations de la collectivité; assurer une plus grande prise en charge des services au niveau local.

Nous sommes heureux aussi de la simplification des barèmes, de l'allocation unifiée pour enfants, de la concentration des services au centre local d'emploi. Mais ce qui nous frappe et nous inquiète, c'est le fossé qu'il y a entre les orientations définies et les moyens proposés pour les atteindre.

1. Le marché actuel de l'emploi: un déterminant du succès de la réforme. La réforme de la sécurité du revenu, en intégrant le parcours vers l'emploi comme une dimension essentielle du régime, ne peut faire fi de l'état actuel du marché du travail. Si nous reconnaissons l'urgence d'un parcours vers l'insertion, il nous faut reconnaître que, dans tout parcours, il y a un point de départ et un point d'arrivée. Plus! Il nous faut admettre que l'élément motivateur de tout parcours, celui qui sous-tend et soutient les efforts, le temps et l'argent investis, c'est essentiellement le point d'arrivée, dans ce cas-ci l'emploi.

Or, la grande faiblesse de la réforme, son talon d'Achille, c'est qu'elle ne soit pas accompagnée, au niveau gouvernemental, d'une vigoureuse politique de création d'emplois qui redonne espoir et qui motive les personnes à entreprendre une démarche d'insertion. Alors que le point d'arrivée fait partie intégrante d'un parcours et lui donne son sens, le projet de réforme cache un silence inquiétant sur le nombre très limité d'emplois disponibles actuellement et sur les moyens de remédier à cette situation. Ce silence, cette absence d'emplois constituent un boulet enchaîné à chacune des mesures proposées dans le projet de réforme. Ce boulet vient jeter un doute sur les intentions réelles de la réforme et compromet l'atteinte des objectifs mêmes qu'elle prétend poursuivre.

2. Un contrat de réciprocité impossible à respecter. Le livre vert parle d'un contrat de réciprocité qui repose sur un rapport ouvert, démocratique et solidaire entre l'individu, l'État, les partenaires du marché du travail et les collectivités. La formulation est séduisante. Elle est non seulement belle et généreuse. Elle pourrait être sensée.

Mais, derrière ces intentions louables et légitimes, le piège nous apparaît se situer à deux niveaux. D'abord, l'expression elle-même «contrat de réciprocité» constitue un pléonasme. Le Petit Robert définit le contrat comme étant une convention – du latin convenire, venir avec – par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent envers une ou plusieurs autres à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose.

(10 h 10)

Un contrat implique donc nécessairement une réciprocité. Il engage les parties, il définit des obligations et il prévoit les recours potentiels en cas de bris de contrat. Or, dans le projet de loi actuel, une seule partie se voit définir des obligations et des pénalités, soit les prestataires de la sécurité du revenu. Par conséquent, nous ne pouvons parler ici d'un réel contrat social d'insertion. En second lieu, un tel contrat social ne peut être respecté par toutes les parties que dans une société où des emplois font partie du parcours et attendent les gens au terme de leur démarche, ce qui n'est pas le cas dans la société où nous vivons.

À la Conférence sur le devenir social et économique du Québec, la relance de l'emploi constituait un des deux consensus importants avec l'assainissement des finances publiques. Mais, depuis ce temps, aucune mesure gouvernementale n'est venue donner le coup de barre nécessaire et concrétiser de façon significative cet objectif. Au contraire, nous assistons plutôt à des coupures d'emplois. L'État et ses partenaires ne sont alors pas en mesure de respecter eux-mêmes la part du contrat qui leur est proposée dans le livre vert.

Ce constat ne signifie pas qu'il faille renoncer au contrat social. Au contraire, il faut y tendre comme objectif à atteindre. Mais cela questionne la façon dont cet objectif sera poursuivi. Le recours aux mesures obligatoires et coercitives est non avenu lorsque l'État n'est pas assuré de respecter lui-même les clauses du contrat qui lui sont dévolues.

3. Diminuer les dépenses et soutenir l'insertion: un double objectif réaliste? Dans son avant-propos, le livre vert rappelle que la mise en oeuvre de la réforme du régime de la sécurité du revenu devra s'inscrire dans le cadre financier gouvernemental qui prévoit une réduction des dépenses en 1997-1998. Entre les lignes, nous en comprenons que les coûts du régime de la sécurité du revenu doivent diminuer. En soi, cet objectif est légitime, puisqu'il relève de la saine gestion.

Mais, dans une réforme où le parcours vers l'emploi devient une nouvelle dimension du régime, l'accès à l'emploi devient la seule façon de réaliser simultanément l'objectif de réduction des coûts et celui d'insertion. Or, l'absence de mesures efficaces visant la création d'emplois ou le partage de ceux existant déjà compromet sérieusement l'atteinte de ce double objectif. Rapidement, nous risquons d'assister à une réduction des coûts qui se fasse par l'expulsion des prestataires hors du régime de la sécurité du revenu, sans toutefois s'être assurés qu'ils ont intégré le marché du travail.

4. Attention aux mesures coercitives. Est-ce pour cette raison que, pour diminuer les coûts, le livre vert succombe à la tentation de recourir aux mesures obligatoires et coercitives dans l'espoir de pouvoir couper les personnes qui n'intègrent pas une démarche d'insertion?

Notre expérience nous démontre que les mesures incitatives se sont toujours avérées beaucoup plus efficaces. Les mesures coercitives ne peuvent avoir leur sens que si elles constituent une mesure de soutien à l'insertion, ce qui n'est pas possible. Le parcours d'insertion est essentiellement une démarche libératrice où, dans une relation de confiance, les gens redécouvrent leurs capacités, reconstruisent un réseau de relations, font de nouveaux apprentissages, contribuent à la mise en place des services qui font la qualité de vie de notre société, envisagent des possibles neufs.

Si le parcours d'insertion constitue une expérience d'ouverture sur le monde, les mesures coercitives vis-à-vis des personnes dont les conditions relèvent de la survie sont de l'ordre de la fermeture et de l'humiliation. Par la colère, la révolte, le mépris qu'elles engendrent, elles propulsent ces personnes non seulement en dehors des circuits d'insertion en emploi, mais aussi en dehors des circuits d'insertion sociale que sont les organismes communautaires. Ces mesures constituent alors des passeports directs pour la marginalité, la maladie physique ou mentale, la criminalité, la toxicomanie, l'itinérance et, même pour certains, le suicide.

En disant cela, nous n'agitons pas d'épouvantails. Ce sont des faits, rien que des faits qu'on a constatés sur le terrain. Une société n'a aucun intérêt à diminuer les coûts d'aide sociale à ce prix. En plus de transférer à d'autres ministères les coûts de santé, de répression de la criminalité ou de décrochage scolaire ou autres, elle fragilise sa propre cohésion sociale en intensifiant le déficit démocratique actuel. Comment et pourquoi les personnes exclues d'une société se sentiraient-elles concernées par les lois qui la régissent et par les personnes élues pour la diriger?

5. Pour une réforme sans discrimination. Dans une stratégie de mise en place d'une nouvelle politique, il est normal de prioriser. Et nous croyons que le gouvernement a visé juste en priorisant les jeunes et les familles monoparentales. Mais ce n'est pas tout d'ouvrir des portes au niveau des différentes ressources d'insertion. Il faut aussi que celles du marché de l'emploi leur soient accessibles.

Les jeunes font déjà face à un marché de l'emploi qui ne leur fait pas de cadeau. Ils arrivent dans une société endettée qui transfère sur leurs épaules les coûts de choix de société qui n'ont pas été les leurs. Leur imposer un parcours obligatoire dans ces conditions, alors qu'il ne l'est pas pour d'autres couches de la société, est carrément injuste et discriminatoire. Une société ne peut se développer sans un minimum de solidarité entre les générations et surtout envers sa jeunesse. Nous avons suffisamment hypothéqué cette dernière pour en rajouter davantage. C'est assez!

La décision des jeunes libéraux de remettre en question la sécurité d'emploi dans le secteur public, au-delà du fait qu'il s'agit d'une décision à courte vue qui va à l'encontre même des intérêts de la jeunesse elle-même, est avant tout le symptôme de l'impatience légitime de cette jeunesse. Les jeunes libéraux ont l'éducation et la culture pour espérer remplacer leurs aînés dans le secteur public, ce qui leur donne probablement les moyens d'utiliser des moyens démocratiques pour faire avancer leurs idées. Il serait risqué de croire que ces mêmes jeunes libéraux sont représentatifs de l'ensemble de la jeunesse et de la patience qui l'habite.

Nous sommes tout aussi en désaccord avec un parcours obligatoire pour les chefs de famille monoparentale dès que leur enfant atteint l'âge de deux ans. Cette mesure contient aussi son caractère discriminatoire, puisqu'elle s'adresse en très grande majorité à des femmes. Quant à l'argument selon lequel les femmes chefs de famille en emploi ne peuvent se payer un tel congé de maternité, reconnaissons que, généralement, elles ont un niveau de formation qui leur permet d'accéder à des emplois beaucoup plus satisfaisants, et cela, beaucoup plus facilement que la grande majorité des mères chefs de famille monoparentale sur la sécurité du revenu. De plus, nous ne pouvons nous empêcher d'y voir là une dévalorisation du travail des femmes qui ont choisi de s'occuper de leurs enfants. Car il s'agit bien d'un travail et d'une contribution importante à la société.

Donnons le temps à la politique familiale de se mettre en place. Permettons aux diverses ressources d'insertion de s'installer et de se coordonner. Avant que tout cela ne devienne efficace, beaucoup d'eau aura coulé sous les ponts. Nous faisons le pari qu'avec les seules mesures volontaires toutes ces ressources auront peine à répondre à la demande. L'expérience du Chic Resto Pop et des groupes communautaires démontre tous les jours que les gens n'ont pas attendu le livre vert pour se reconnaître une responsabilité individuelle et collective dans leur participation à l'emploi et à la vie active.

Contentons-nous donc des mesures volontaires. Après quelques années, évaluons. S'il y a lieu à ce moment de refaire le débat sur le caractère obligatoire des mesures d'insertion, faisons-le, mais alors, faisons-le globalement pour l'ensemble des prestataires et avec des moyens qui permettent aux différents acteurs de respecter leur part du contrat.

6. Des moyens qui n'éludent pas la responsabilité gouvernementale. Pour la réalisation du parcours, le livre vert propose quelques moyens sur lesquels nous tenons à faire quelques remarques. Des mesures d'employabilité au parcours d'insertion. Le livre vert reconnaît que les mesures d'employabilité conduisent peu de prestataires à un véritable statut de travailleur. Nous tenons à mettre en garde contre l'engouement soudain pour l'expression «le parcours d'insertion». Si nous ne voulons pas qu'elle ait le même sort que toutes les expressions à la mode qui surgissent le temps d'une saison pour disparaître par la suite, il faudrait qu'au changement de vocabulaire corresponde une réalité différente.

Les critiques contre les mesures d'employabilité ne visaient pas tellement leur contenu que le fait qu'elles tenaient lieu, trop souvent, de création d'emplois. Or, il ne faudra pas se leurrer: le parcours d'insertion serait constitué de mesures d'employabilité. Ce qu'il initie – et de là vient toute son importance – c'est la nécessité de coordonner ces différentes mesures dans le cadre d'un parcours qui mène à l'emploi. Mais encore faut-il qu'il y ait des emplois. Sans eux, nous nous reverrons dans quelques années et nous en conclurons que le parcours d'insertion tout comme les mesures d'employabilité actuelles conduisent peu de prestataires à un véritable statut de travailleur.

Le plan local d'action concerté pour l'emploi et le Conseil local des partenaires. Le livre vert présente ce plan comme le principal outil d'une stratégie de développement local et de développement de l'emploi. Et ce plan serait conçu par un conseil local des partenaires composé majoritairement des partenaires du marché du travail – nous comprenons qu'il s'agit des représentants du patronat, des syndicats et du gouvernement – ainsi que des représentants du milieu communautaire et de la collectivité locale.

Dans cette stratégie, nous craignons que les exclus du marché du travail n'y trouvent pas leur compte, pour deux raisons. La première, c'est que des expériences de partenariat existent depuis quelques années et, entre autres, à travers les corporations de développement économique et communautaires et les conseils de développement régional. Et qu'est-ce qu'on y apprend sur le plan de la création d'emplois? Tout au plus, nous constatons que beaucoup de personnes se rencontrent pour se consulter, pour se concerter, pour s'harmoniser, pour parler des exclus et en leur nom, pour finalement se rendre compte qu'elles arrivaient tout juste à freiner la décroissance de l'emploi. Tout cela est très louable, mais nous sommes loin du développement auquel le nom de ces organismes réfère. En affirmant cela, nous ne prétendons pas que ces conseils sont inutiles; nous croyons plutôt qu'ils sont nécessaires. Mais leur travail donnera peu de résultats sans une politique de création et d'un meilleur partage des emplois.

La deuxième raison, c'est qu'il en va de la répartition équitable de l'emploi comme de la répartition équitable des richesses: dans la réalité, tout est affaire de rapport de force entre différents acteurs où chacun tente de tirer son épingle du jeu et de protéger ses acquis. Et le partenariat vient voiler cet état de fait. Il est facile d'être partenaire si l'on prend pour acquis qu'il ne faut pas toucher à l'organisation actuelle du marché du travail.

(10 h 20)

Mais, si l'intérêt des personnes exclues exigeait une révision des modes d'organisation actuels du marché du travail, si leur intérêt passait par une présence significative au sein de ces conseils, quelle place leur fera-t-on? Et si, pour faire le contrepoids aux associations d'affaires, aux corporations professionnelles, aux syndicats, les personnes exclues avaient besoin d'un État préoccupé par le bien-être de l'ensemble de la population, pourraient-elles vraiment compter sur lui? Que les organismes gouvernementaux s'assoient comme partenaires pour administrer des mesures, oui, d'accord, mais que l'État s'assoie... Nous trouvons que l'État s'affaiblit s'il se considère lui-même comme un partenaire. La situation actuelle exige un État fort qui ne recule pas devant les intérêts corporatistes et qui adopte des politiques fiscales et des lois qui encouragent et incitent à une meilleure répartition du temps de travail. C'est alors que les conseils locaux des partenaires pourront jouer pleinement un rôle de développement.

Donc, pour un appauvrissement zéro et des mesures incitatives, je vais passer par-dessus parce qu'il me reste peu de temps et vous en avez entendu parler beaucoup.

Les groupes communautaires comme partenaires privilégiés, ça m'apparaît important. Il n'est pas inutile de rappeler que le concept de «parcours d'insertion» origine des organismes communautaires impliqués dans le développement de l'employabilité. Il était normal qu'il en soit ainsi, puisque ce sont eux qui ont développé l'expérience et l'expertise. Par conséquent, les groupes communautaires doivent être considérés comme des partenaires à part entière et non comme des sous-traitants. Il n'est pas normal que, depuis deux mois, une douzaine de candidats pour travailler au Chic Resto Pop se soient vu refuser la possibilité de le faire, soit parce qu'ils ne sont pas assez démunis – c'est l'argument qu'on recevait – ou soit parce que, désormais, au Chic Resto Pop, on enverra des candidats qui sont sur la sécurité du revenu depuis plus de 10 ans.

Mais où se prennent de telles décisions? Et sur la base de quels critères peut-on évaluer le degré de «démunition» des personnes ou peut-on déterminer la clientèle à laquelle un groupe s'adresse? Comme partenaires, nous tenons à participer à de tels débats, car nous avons la conviction qu'une démarche d'insertion ne peut se faire dans le cadre d'un ghetto où quelqu'un, quelque part, a décidé de concentrer les cas les plus lourds. La dynamique d'insertion ne peut se faire que dans le cadre d'un réseau de relations aux possibilités et aux expériences variées, où les personnes se soutiennent et se stimulent l'une l'autre. Un réel partenariat non seulement ne tolérera pas de telles attitudes, mais il développera des moyens où les agents d'aide sociale travailleront en étroite collaboration avec les représentants des groupes communautaires.

Bon, on revendique un droit d'appel des décisions. On parle d'un fait vécu là-dedans.

Je passe aux conclusions. La conclusion, c'est des remarques qui peuvent aider, mais c'est ce qu'on a appris dans la pratique. L'efficacité d'une réforme qui intègre un parcours d'insertion n'est pas seulement dans la multiplication et la coordination des mesures d'insertion, mais aussi dans les possibilités réelles d'emploi. Cela interpelle l'État de façon pressante non pas en tant que créateur d'emplois lui-même, mais en tant que législateur qui favorise la création et un meilleur partage de l'emploi. La très grande majorité des prestataires ont la volonté et se reconnaissent une responsabilité de participer à l'emploi et à la vie active. Ils le font souvent déjà sans aucune reconnaissance sociale.

La compétence des personnes exclues elle-même doit être mise à contribution dans la planification d'un parcours individualisé. Toutes les personnes qui le désirent ont droit à des mesures d'insertion. En contexte de coupures, les mesures ne doivent pas privilégier uniquement les personnes qui peuvent réintégrer le marché du travail à court terme, ce qui pourrait être une tentation. L'insertion en emploi ne peut se faire sans, d'abord, une étape d'insertion sociale. Une étape dans un organisme communautaire est souvent nécessaire. L'insertion, à cause de l'effort qu'elle exige, fait appel à la motivation, mais il n'y a pas de motivation possible sans d'abord une étape de valorisation et de revalorisation. Parce qu'ils interviennent au niveau de la globalité des personnes et parce qu'ils font appel à leurs ressources et à leurs talents, les groupes communautaires demeurent des partenaires incontournables.

Enfin, l'appauvrissement et l'exclusion d'un nombre toujours plus grand de personnes nous rapprochent tous de notre propre exclusion. En ce sens, dépenser au niveau de l'insertion constitue un investissement pour nous, pour nos enfants, pour nos petits-enfants. Avant de chercher à réduire les coûts, il faut y penser.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Harel: Alors, bienvenue au Chic Resto Pop, aux personnes qui vous accompagnent également ici, à cette commission. Mme Ouellette, Mme Bonin et M. Prud'homme, vous avez vu les réactions des membres de la commission lorsque vous avez décrit ce qui se passe chaque jour au Chic Resto Pop.

Peut-être juste ajouter aussi qu'à la page 4, quand vous dites: «Le parcours d'insertion est essentiellement une démarche libératrice où, dans une relation de confiance, des gens redécouvrent leurs capacités, reconstruisent un réseau de relations, font de nouveaux apprentissages, contribuent à la mise en place de services qui font la qualité de vie de notre société, envisagent des possibles neufs», j'ai l'impression que vous décrivez ce qui se passe au Chic Resto Pop. Ha, ha, ha! Et je dois vous dire, là, que vous êtes le 86e organisme...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Le 88e.

Mme Harel: ...excusez, le 88e organisme qui nous présente un mémoire et, je vous le dis, là, c'est un mémoire très fort parce qu'il est proactif, mais, en même temps, il n'est pas complaisant. Il dit très bien ce qui doit être considéré comme des conditions de réussite si on ne veut pas passer à côté, n'est-ce pas? Puis ça peut peut-être simplement vous indiquer un peu la voie dans laquelle on s'engage, mais mon collègue Matthias Rioux va déposer un projet de loi qui va réduire de 44 à 40 heures la semaine régulière – vous allez me dire: C'est 44 à 40 heures; c'était depuis les années 1939 que c'était à 44 heures dans la loi des normes – et ça va libérer, selon les prévisions, 12 000 emplois.

Moi, j'ai un projet de loi qui passe les étapes – il y a bien des comités, mais j'ai bon espoir parce que j'ai eu le feu vert quand même du Conseil des ministres – et puis c'est un projet de loi sur la retraite progressive dans le secteur privé, là. En fait, ce que ça permet aux gens, ce n'est pas d'avoir à choisir d'être ou bien retraité ou bien travailleur. Actuellement, ils ne peuvent pas être les deux en même temps, parce que, s'ils sont les deux, ils sont très perdants. Ils ne peuvent pas cotiser, pour le temps où ils seront vraiment complètement retraités, sur leur salaire antérieur. Par exemple, ils ne peuvent pas aménager le régime privé de retraite pour le combiner avec un salaire diminué étant donné peut-être une retraite progressive avec un certain nombre de jours pas travaillés.

Alors, tout ça va venir comme assouplir et corriger ça pour permettre vraiment d'aller chercher tout ce qui est possible pour avantager la retraite progressive. On dit que ça va pouvoir s'adresser à 38 000 travailleurs du secteur privé, qui ont entre 55 et 65 ans, qui ont des régimes privés et qui ne seraient pas perdants en faisant cette combinaison-là. Ensuite, il y a le Régime de rentes, le régime public, où il serait possible de continuer à cotiser sur son salaire antérieur, mais en travaillant moins; ça toucherait un autre 12 000, bon.

Parce que, vous avez raison de dire: Il y a un contexte. Et, moi, je vous le dis, je trouve ça bien intelligent. Je le disais à Mme Malavoy, la députée de Sherbrooke. Nous nous disions que nous allions faire circuler ce mémoire-là abondamment. Bon, tout de suite, le droit d'appel, c'est un des grands oubliés du livre vert. Tout de suite en le déposant, au mois de décembre, il y a une dame de Québec, qui s'occupe de l'Action-chômage, Mme Lalanne, Jeanne Lalanne, qui m'avait appelée et on a tout de suite commencé des travaux.

C'est évident qu'il faut une égalité de traitement. Étant donné qu'on veut une égalité de traitement entre les chômeurs, quelle que soit leur étiquette, prestataires ou pas, avec un chèque ou pas, il faut une égalité de traitement dans les recours également. Alors, on est en train de regarder du côté des conseils arbitraux où il y a une jurisprudence qui s'est développée pour l'assurance-emploi sur qu'est-ce que c'est, l'emploi raisonnable, un refus raisonnable, etc.

D'autre part, sur la question des mesures actives, peut-être juste une chose pour vous dire: Ce n'est pas juste le partenariat comme on le connaît actuellement. Il y a de la concertation; il n'y a pas de développement. C'est ça que vous décrivez à la fin de la page 6 et au début de la page 7 de votre mémoire. Il y a de la concertation; on connaît la concertation des corporations de développement économique et communautaire, la concertation des conseils régionaux, les CRD, mais il n'y a pas de développement. C'est une concertation qui tourne, d'une certaine façon, en rond, à cause du fait que le développement, ce que ça suppose, c'est de pouvoir décider de comment ça va se passer. Bon, ça va plus loin, le développement, que la concertation seulement. La concertation, on essaie de ne pas se piler sur les pieds. Le développement, on essaie de décider comment on va marcher.

Ça veut dire qu'il faut ajouter la gestion par fonds. Une gestion par programmes, vous savez, présentement, c'est une gestion qui fait qu'il y a des normes, il y a des critères, puis c'est uniformisé. Une gestion par fonds, c'est ça qu'on veut changer, là: fonds locaux, fonds régionaux, fonds national. Fonds locaux pour les mesures actives...

(10 h 30)

Je reprends votre exemple, mais soyez assuré, là, que, moi, je vais vérifier qu'est-ce qui se passe avec ce que vous nous dites à la page 8, les candidats qui doivent être là depuis plus de 10 ans ou qui ne sont pas encore assez démunis, il faut attendre qu'ils le deviennent peut-être, là; je vais le faire vérifier. Mais, voyez-vous, ça ne pourrait plus se passer pour la bonne raison que c'est les corporations, c'est les CDEC à Montréal. Ça, c'est déjà acquis. Mon collègue, M. Ménard, Guy Chevrette et moi avons rencontré le CRD, notamment, pour lui dire oui au fait qu'il y aurait 15 ou 16 CDEC sur le territoire de l'île; actuellement, comme vous le savez, il y en a sept. Et puis les CDEC vont avoir la mission du développement local; elles vont donc préparer un plan local d'action concerté pour l'économie et l'emploi, et vont devenir décisionnelles sur les mesures actives.

Il n'y aurait pas nécessairement plus d'argent, parce que le mandat – je vous le dis en toute franchise – ce n'est pas que les coûts du régime doivent diminuer; c'est qu'ils ne doivent pas augmenter. C'est ça, dans le fond. Il n'y en aura pas plus, mais, au moins, c'est le milieu qui va décider comment le dépenser, quelles sont les priorités dans le cadre d'un plan de développement. Et, dans ce groupe, doit se retrouver la commission scolaire, doit se retrouver le CLSC et doit se retrouver le CLE. Ça va être ça, le changement, au sein du conseil d'administration des CDEC.

Ça signifie qu'il y aurait, bon, le fonds à partir duquel le plan de développement local va se réaliser, avec comme priorités celles du plan local. Je pense que c'est bien important... Je participais encore, avant de venir en commission, à une dernière réunion du comité ministériel du développement local et régional pour faire l'arrimage avec les mesures actives, l'économie et l'emploi, mais c'est ça, là, qu'on essaie d'attacher. Peut-être vous dire qu'il y a vraiment beaucoup de réflexion en profondeur sur les conditions de réussite d'un parcours. Je vous le dis, là: Il y a quelque chose qui va me faire réfléchir, c'est la réciprocité; vous nous dites qu'elle doit marcher des deux côtés dans l'offre raisonnable, des deux bords.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Des commentaires?

M. Prud'homme (Pierre): Je veux juste rajouter que l'important dans la réciprocité, ce qu'on a voulu dire, c'est que, dans le milieu de l'exclusion, quand je disais que la... Il y a un déficit démocratique dans le sens que quelqu'un qui se sent exclu d'un groupe, nécessairement, il ne reconnaît pas pourquoi il serait concerné par les lois, ni pourquoi il serait concerné par les gens qui les adoptent, les lois. Et si, au niveau du contrat social, c'est pour clarifier des engagements de part et d'autre puis s'ils ont l'impression que c'est eux-mêmes qui ont des responsabilités uniquement, ça va, tout simplement, intensifier ce déficit démocratique.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Autres commentaires? M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président, et merci beaucoup, Mme Ouellette, Mme Bonin et M. Prud'homme, du Chic Resto Pop, pour votre présentation. Vous avez dit, dans votre mémoire, que vous supportiez plus ou moins les grandes orientations de la réforme, mais que c'est les moyens proposés qui vous questionnent. Et une des questions que vous avez soulevées, c'est le droit d'appel. La ministre a dit qu'effectivement elle veut corriger cette lacune dans le livre vert. Avez-vous réfléchi spécifiquement à quel type de droit d'appel vous cherchez? Qu'est-ce que vous vouliez avoir quand vous avez dit que vous aviez besoin d'un droit d'appel?

M. Prud'homme (Pierre): Tout simplement, quand on travaille avec un prestataire qui se présente, ce qu'on voulait quand on parlait de partenariat réel, c'est qu'une décision puisse... c'est essayer de voir ensemble comme elle pourrait être prise ensemble. On a des cas de jeunes, nous autres, qui viennent nous voir, qu'on connaît déjà, qui veulent venir travailler au Resto Pop et qui se font refuser. Alors, un droit d'appel, ça serait une possibilité de se faire entendre pour essayer de réévaluer une décision selon des critères que les... Souvent, on les connaît dans le quartier plus que les agents d'aide sociale. Alors, qu'on apporte notre point de vue là-dessus pour voir si, dans le cheminement, les personnes ont leur place puis peuvent faire un cheminement encore plus loin. C'est uniquement ça qu'on voudrait avoir là-dessus.

M. Williams: Ce n'est pas une troisième instance, ce n'est pas une instance d'avoir le système... C'est juste le droit de retourner redemander...

M. Prud'homme (Pierre): Oui. Je trouve qu'il ne faut pas alourdir ces démarches-là, ça a besoin d'efficacité, mais qu'un jeune... C'est parce que, au Resto Pop, il se fait aussi un projet de formation académique pour les gens qui y travaillent. Et, actuellement, selon un rapport de Mme Rousseau du ministère, 85 % des gens qui sont inscrits à ce projet-là sont au niveau de l'alphabétisation et présecondaire. Alors, on part de loin avec nos personnes. Et il y a un risque aussi d'investir uniquement vis-à-vis des gens qui intégreraient à court terme le marché du travail. Notre clientèle, en majorité, ce n'est pas ces gens-là, et on trouve qu'ils ont la possibilité de pouvoir continuer. Alors, s'il y a une décision qui est prise qui ne reconnaît pas aux gens de venir travailler puis qu'ils sont intéressés à la formation académique, par exemple, ils n'iraient pas ailleurs.

Souvent, la relation de confiance de départ pour une démarche est plus facile avec des gens dans les groupes communautaires que des agents d'aide sociale qui ont aussi l'ambiguïté de jouer un rôle de contrôle. Je sais que, dans le projet de loi, on va diviser les deux fonctions, mais il reste que c'est rattaché au ministère lui-même et il y a toujours une possibilité d'y voir deux chapeaux.

M. Williams: La ministre aussi a déjà fait quelques commentaires sur votre paragraphe de la page 8 quand vous avez parlé des problèmes que vous avez eus au Chic Resto Pop où, depuis deux mois, une douzaine de candidats ont été refusés. Et, selon ma compréhension, avec la réforme, elle veut privilégier les 18-24 ans. Avec ça, je pense, selon ma compréhension de votre exemple, qu'effectivement le système – il ne faut pas personnaliser ça – va mettre de côté les personnes de 29 ans ou de 30 ans, ceux et celles qui étaient sur la sécurité du revenu depuis plus de 10 ans; effectivement, dans le système maintenant, ils vont être exclus. Est-ce que c'est votre compréhension de la réforme proposée? Et c'est quoi, vos commentaires sur ça?

M. Prud'homme (Pierre): La priorité des 18-24, je trouve qu'elle doit se faire pour les favoriser. Par exemple, les jeunes qui venaient au Resto Pop avaient de 18 à 24 ans et ils étaient refusés parce qu'ils n'étaient pas assez démunis. Quand on demandait aux agents: Vers quoi vous les référez? on n'avait pas de réponse; ils n'en avaient pas nécessairement. Alors, je trouve qu'ils ne sont plus priorisés, à ce moment-là, quand ils se font couper.

La deuxième chose, c'est que les 29 ans, il ne faut pas qu'ils soient exclus. Même si on met plus d'efforts pour encourager les 18-24 à s'investir, on dit au Resto Pop que les gens de 29 ans, souvent, ils ont des responsabilités familiales, et c'est un investissement d'investir vis-à-vis eux parce qu'ils seront, eux autres, les modèles de leurs propres enfants. Alors, ça peut être tentant d'aller seulement vers les 18-24 puis d'exclure les autres, mais on reproduit l'exclusion chez leurs propres enfants parce qu'on ne leur donne pas une culture de travail, de discipline, de stabilité, de prise en charge puis de participation sociale.

M. Williams: Est-ce que, selon vous, la politique telle qu'énoncée dans le livre vert va exclure les personnes de plus de 24 ans, en réalité, là?

M. Prud'homme (Pierre): Ce n'est pas tant la politique comme telle que le manque de ressources pour le faire, d'après moi. On ne pourra pas répondre à toutes les demandes; on va y aller du mieux qu'on peut et, dans la pratique, il va y avoir des problèmes. Ce que je crains, c'est l'exclusion des 18-24 ans eux-mêmes par la mesure obligatoire. La mesure obligatoire va avoir l'effet exactement contraire et le risque qu'on a, c'est qu'on ne voit pas les conséquences. Tout ce qu'on peut voir, c'est une exclusion des budgets de la Sécurité du revenu, mais on ne verra pas les conséquences au niveau des coûts sociaux et des coûts sur d'autres budgets d'autres ministères.

M. Williams: Et vous recommandez plus un programme de mesures volontaires avec une date limite dont on peut faire une évaluation. Et, après l'évaluation, on peut procéder, à ce temps-là, aux choses obligatoires ou encore volontaires?

M. Prud'homme (Pierre): Volontaires. Qu'on refasse le débat selon les résultats dans deux, trois ans pour voir qu'est-ce que ça a donné, la mesure volontaire, qu'on refasse la discussion.

M. Williams: Oui, merci. Vous avez parlé, aux pages 6 et 7, des conseils locaux des partenaires. Il me semble que vous avez effectivement vu que beaucoup de personnes parlent ensemble, et nous n'avons pas nécessairement eu un grand succès dans la création d'emplois. Mais vous avez dit aussi que les conseils ne sont pas inutiles. Je voudrais savoir, selon vous, comment on peut améliorer leur efficacité. Je sais, il y a toujours la question: Est-ce qu'il y a les emplois qui sont là? Mais comment on peut améliorer la structure afin de mieux répondre à vos besoins?

M. Prud'homme (Pierre): Ce que nous disions, c'est que non seulement ils ne sont pas inutiles, ils sont nécessaires. Il faut que ça continue, ils sont nécessaires. Mais la crise de l'emploi actuelle est un sérieux problème. Je pense que l'amélioration ne doit pas être dans la structure ou dans le fonctionnement de ces organismes-là, mais dans des possibilités nouvelles d'investissement ou d'insertion en emploi des gens qu'on va avoir.

On peut se dire que ça ne concerne pas le ministère de la Sécurité du revenu. Nous autres, on a choisi de faire un rapport qui pose des questions justement. Le ministère de la Sécurité du revenu est interdépendant vis-à-vis d'autres ministères et son efficacité dépend aussi de cette condition-là. Le problème social de l'emploi n'est pas seulement au Québec, il est mondial. On «a-tu» des moyens au Québec de trouver des solutions neuves face à ça?

(10 h 40)

M. Williams: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Merci. Bonjour M. Prud'homme, Mme Ouellette et Mme Bonin. Moi aussi, je trouve qu'il y a des choses intéressantes dans votre mémoire et, des fois, dans la manière de dire, autrement que nous, mais, je pense, de façon compatible avec la nôtre, certaines choses. Par exemple, je souligne une chose que je trouve intéressante; vous dites: Dans le fond, les parcours d'insertion, ce n'est pas qu'ils mettent fin aux mesures d'employabilité, mais c'est qu'ils les coordonnent. Et théoriquement, tout au moins, dans l'esprit, ils les coordonnent de façon à mener à un emploi. Je pense que c'est une façon intéressante de parler du parcours qui essaie de trouver finalement un genre de fil conducteur.

Une des grandes questions que vous posez et que beaucoup de gens posent, c'est la question du volontariat, bien entendu. Est-ce que tout ça doit être obligatoire ou volontaire? Moi, parce que vous travaillez avec des gens, que vous avez une longue expérience, j'aimerais vous demander de me dire comment vous définissez la différence entre le volontariat pur et simple et, en même temps, les obligations inhérentes à une démarche. Vous avez des gens qui arrivent chez vous, vous devez leur demander des comptes, vous devez les encadrer, vous devez avoir un certain nombre de mesures y compris coercitives, j'imagine, pour que ça fonctionne. Parce que j'imagine que vous n'opposez pas volontariat à rien du tout; vous l'opposez à autre chose dont vous faites l'expérience. Ça m'intéresserait que vous m'en disiez un peu plus long sur votre façon d'encadrer les gens.

Mme Ouellette (Jacynthe): Je peux bien parler. Au niveau de l'encadrement, c'est sûr que, quand les personnes arrivent au Resto, souvent, elles ont été référées par les centre Travail-Québec ou par des personnes, par des amis, et tout ça. L'encadrement qu'ils ont: c'est sûr que, nous, on donne une formation en cuisine et dans plusieurs secteurs au niveau du Resto Pop, et il y a la formation académique. Comme encadrement, quand on encadrait les personnes pour travailler, ce dont on s'est aperçu, c'est qu'au bout de la ligne, au bout d'un an au Resto Pop, ce monde-là s'en allait absolument vers rien; ils s'en allaient chez eux pour six mois et ils revenaient au Resto Pop.

Et c'est comme ça qu'on a dit: Coudon, il faudrait faire autre chose. Le monde voulait avoir un peu... Quand ils arrivaient pour les devoirs des enfants d'école, souvent, ils ne savaient pas lire ou ils ne savaient pas écrire. Donc, les personnes ont dit: On aimerait ça, nous, étudier. Donc, on a fait la formation académique qui leur permet de rester deux ans au Resto Pop, et ça, ça nous a permis de valoriser plus ce monde-là au niveau du travail. Et, quand ils subissent un examen juste dans ces choses d'école là, pour eux autres, c'est un grand succès. Parce qu'à l'école ils avaient dans les 50, 60 et, au Resto Pop, avec la formation qu'ils ont, ils ont dans les 80. Donc, il y a déjà un incitatif pour aller travailler parce qu'ils sont capables, ils le voient, d'aller travailler. Donc, il y a des évaluations régulièrement. Il y a l'encadrement sur les lieux mêmes et on essaie, le plus possible, de les encourager dans tout ça.

M. Prud'homme (Pierre): Juste pour dire que, dans un rapport d'étape, par rapport à la formation académique... À l'éducation pour adultes dans les centres d'éducation pour adultes, Mme Rousseau concluait: Bon, ça prend 25 heures pour faire une unité d'apprentissage. Dans le rapport d'étape au Resto Pop, pour des gens qu'il a fallu convaincre de risquer de retourner à l'école – vous savez, quand une expérience d'échec scolaire est arrivée quand tu es jeune, tu ne te lances pas là-dedans tête première; c'est un risque avec des nuits blanches face aux examens que tu recules le plus possible, et tout ça – ça prend 12 heures pour une unité d'apprentissage, la moitié moins. Bon.

Pour revenir à votre question, je trouve que la grosse différence, c'est que, quand les personnes se présentent, le lundi matin, au Resto Pop pour faire une application, on leur présente tout ce qui se fait au Resto Pop, on leur présente ce à quoi on s'engage, nous autres, vis-à-vis eux mais, eux, ils s'engagent à quoi vis-à-vis nous? Et, quand, après la rencontre, ils décident de remplir eux-mêmes le formulaire d'emploi, ils ont fait un choix. Alors, on repart en disant: Les obligations, on les a présentées, mais c'est vous autres qui avez choisi de les assumer. Je trouve que c'est toute la différence qui permet le succès de la démarche.

Et là, on y va avec: C'est toi qui t'exclus si tu ne respectes pas les ententes du départ. C'est toi-même qui t'exclus. On va essayer de soutenir pourquoi, mais, à ce moment-là, ce n'est pas nous autres qui te congédions. Si tu as fait le choix, tu nous forces à le faire. Et c'est vrai qu'il faut des mesures coercitives au niveau du fonctionnement d'un organisme comme celui-là. Avec 1 000 repas par jour, on ne peut pas se permettre d'avoir des gens qui traînent la patte. Ça fait qu'ils doivent le faire. Mais, pour le choix du départ, c'est eux autres qui se sont engagés.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la ministre aimerait donner un petit commentaire additionnel avant de passer au député de Nelligan.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Peut-être un mot. Est-ce que vous avez envisagé de vous transformer en entreprise d'insertion et d'être accrédités au sens du nouveau régime d'apprentissage, notamment en cuisine, là, qui pourrait permettre aux personnes d'aller chercher, à part entière, un diplôme du ministère de l'Éducation, mais dans un métier?

Mme Ouellette (Jacynthe): C'est ce qu'on est déjà après faire au niveau de... On a rempli nos papiers au niveau de l'insertion, et tout ça, là, mais on est après voir avec la SQDM qu'est-ce qu'on peut faire. Parce que ce qui arrive – puis le Resto Pop, c'est un peu le début – c'est que le monde qui est au Resto Pop, c'est des anciennes personnes qui étaient sur l'aide sociale. Aujourd'hui, moi-même, je dirige le Resto Pop, mais j'ai déjà été sur l'aide sociale. Tu sais, j'ai appris sur le tas; je n'ai pas la formation, je n'ai pas de diplôme, mais je suis sûre que je suis capable d'aller gérer des budgets quand même, ha, ha, ha! parce que j'ai appris. Mais le monde au Resto... C'est pour ça un peu qu'avec la SQDM on veut voir qu'est-ce qu'ils pourraient nous donner comme formation pour nous autres. Premièrement, nous, avoir nos papiers, ça serait bien, ha, ha, ha! et, après, de pouvoir le montrer aux autres, en plus.

Mme Harel: C'est ça. O.K.

Mme Bonin (Manon): Puis on est en train d'évaluer aussi selon les secteurs parce que, si on regarde la Pop Mobile où on encadre juste les enfants à l'heure du dîner, bien, est-ce qu'on va pouvoir embarquer dans le processus d'insertion? Ça fait qu'il va falloir qu'on regarde tout ça aussi, là.

Mme Harel: Vous pourriez, en fait, être à la fois plusieurs choses: économie sociale pour le traiteur; tous les produits du terroir, c'est de l'économie sociale d'une certaine façon; insertion avec accréditation au régime d'apprentissage pour ce qui est de la cuisine; et, éventuellement, communautaire autonome pour d'autres choses. En fait, un organisme pourra dorénavant relever de plusieurs chapeaux différents.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci, M. le Président. Nous avons parlé beaucoup d'un plan individualisé, de parcours individuel, mais la ministre aussi a parlé des fonds régionaux, des fonds locaux, des fonds, dans ses mots, nationaux. Je dis les fonds provinciaux, là, mais on ne fait pas ce débat aujourd'hui. Il y a trois niveaux. Est-ce que vous voyez la possibilité de contradictions si, par exemple, le conseil local fait un programme en réponse à des besoins locaux, que l'individu, le particulier cherche quelque chose, mais qu'il y a un autre fonds qui a déjà décidé dans une autre direction? Voyez-vous, avec tous ces niveaux, la possibilité d'avoir plus de complications, plus de contradictions dans les démarches individualisées?

M. Prud'homme (Pierre): Ça dépend toujours des critères utilisés par les administrateurs des fonds. Il peut y avoir toutes sortes de fonds. Ce qui est important, c'est la simplicité des critères exigés puis la coordination entre les différents fonds. Si, au niveau des choix, les administrateurs des fonds nous réfèrent selon... Quand Mme la ministre parlait des fonds – comment vous avez appelé ça? – par...

Mme Harel: Gestion par fonds, pas par programmes.

M. Prud'homme (Pierre): ...de gestion par fonds plutôt que de gestion par programmes, c'est intéressant, sauf que le piège, c'est: quels critères on va exiger à chacun des fonds? Il peut être tentant d'appeler ça gestion par fonds, puis finalement de retourner par programmes parce qu'on met tellement de critères. S'il y a une flexibilité au niveau des choix, mais une exigence au niveau des résultats puis du suivi puis de tout ça, on est très à l'aise avec ça. Mais, au niveau des critères de sélection, ça prend une certaine flexibilité, là, et de la coordination entre les différents fonds. Mais je ne sais pas si je réponds à votre question là-dessus.

M. Williams: Oui. Effectivement, sans cette flexibilité, je pense qu'on peut avoir des contradictions assez évidentes et des problèmes. Ça prend une certaine coordination entre les trois niveaux parce que c'est bien beau de dire que c'est gérer les fonds et pas les programmes, mais effectivement, s'il y a une espèce provinciale, nationale, régionale, locale, vous savez qu'est-ce qui se passe. Souvent, quand vous avez une perspective qui répond à vos besoins d'une façon locale, si c'est en contradiction avec les grands programmes, c'est interdit ou c'est empêché de se développer. C'est pourquoi je pense que c'est essentiel qu'on souligne l'importance de la flexibilité dans cette approche.

(10 h 50)

Dans la dernière page, si je peux continuer, M. le Président, vous avez parlé que «les groupes communautaires demeurent des partenaires incontournables». Vous avez aussi, à la page 8, dit: «Par conséquent, les groupes communautaires doivent être considérés comme des partenaires à part entière et non comme des sous-traitants.» La ministre a parlé de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal métropolitain, de M. Sauvé qui a dit qu'il a transféré 35 000 000 $ aux groupes communautaires. Parce que, dans la santé, nous avons une certaine tendance que j'appelle dumping; l'État ou le réseau public a été pas mal coupé et est en train d'évacuer ses responsabilités. De plus en plus, les groupes communautaires prennent la place dans les services que, jusqu'à date, l'État a donnés. On peut voir le même problème dans cette question.

Mais une chose que nous avons faite quand nous étions au pouvoir avec la loi 120, c'est que nous avons effectivement dit que les groupes communautaires doivent être un interlocuteur privilégié et nous leur avons donné une reconnaissance dans la loi. Nous avons, dans la loi 120, reconnu cette responsabilité légalement, et c'est une des raisons pourquoi vous commencez à voir qu'il y a un transfert d'argent. C'est bien beau de dire: Merci beaucoup pour votre travail, continuez le bon travail, mais, sans avoir les sous et les dollars, c'est très difficile à faire.

Est-ce que votre recommandation de dire que les groupes communautaires doivent être des partenaires à part entière, ça inclut la reconnaissance légale de votre rôle dans le système?

M. Prud'homme (Pierre): Bon, je ne sais pas, quand vous dites reconnaissance légale, ce que ça implique, mais une reconnaissance légale, ça peut être juste une reconnaissance théorique aussi, si le financement ne vient pas avec.

M. Williams: Oui, oui.

M. Prud'homme (Pierre): Habituellement, dans les projets de loi, on peut faire appel à une reconnaissance, à une collaboration, à un partenariat, mais ils ne déterminent pas les montants d'argent aux groupes. Ce qui est important au niveau de la sous-traitance, c'est que, quand on s'engage avec un organisme public ou parapublic, la mission de l'organisme reste la même. Pour vous donner un exemple pratique, quand le ministre Pagé a mis en place la mesure alimentaire, dans les écoles, quand il était venu voir au Chic Resto Pop pour nous demander si on collaborait, on a posé des conditions.

Alors, qu'est-ce qu'on voulait dire par: On n'est pas juste des sous-traitants? C'est qu'on ne voulait pas être seulement des organismes qui fournissaient des repas dans les écoles. On voulait que les gens du quartier Hochelaga-Maisonneuve, qui sont engagés sur la mesure EXTRA, soient aussi responsables de l'éducation puis de l'animation des enfants pendant l'heure des repas, tout simplement parce que le décrochage scolaire n'est pas seulement dû au fait de manger; c'est aussi dû au fait d'avoir des modèles qui restent dans le quartier, qu'ils rencontrent à l'épicerie, à la pharmacie, etc., tandis que les professeurs de l'école, souvent, restent en dehors du quartier.

Une deuxième façon d'être pas juste des sous-traitants, c'est qu'on participe aux conditions de mise en place de la mesure alimentaire. Alors, on a participé, avec le Conseil scolaire de l'île de Montréal, la CECM, etc., pour mettre en place les conditions. Une troisième façon, c'était de dire: M. le ministre, il ne faut pas que cette mesure-là soit gratuite. Il voulait la faire gratuite. On a dit: Il faut que les parents paient 0,50 $ par repas parce que c'est déresponsabiliser les gens que de leur donner gratuitement. C'est les parents qui ont la première responsabilité d'éduquer puis de faire manger leurs enfants, il faut le reconnaître, et c'est à eux autres de choisir.

Alors, face à votre question, c'est ça; c'est que, quand on participait à un organisme public, notre mission, on puisse la mettre de l'avant et que le financement ne soit pas sous condition de devoir effacer ou changer notre mission.

M. Williams: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Alors, Mmes Ouellette, Bonin et M. Prud'homme, au nom de tous les membres de la commission, merci beaucoup. Je me permets même d'ajouter: Félicitations pour votre bon travail, même si ce n'est pas monétairement rentable.

J'invite maintenant les représentantes et les représentants de la Table régionale sur la réforme de l'aide sociale à se présenter. Je suspends deux petites minutes.

(Suspension de la séance à 10 h 55)

(Reprise à 10 h 59)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Nous recevons les représentantes et les représentants de la Table régionale sur la réforme de l'aide sociale. M. Clennett, si je comprends bien, c'est vous qui allez présenter les gens qui vous accompagnent et qui débutez la présentation?


Table régionale sur la réforme de l'aide sociale

M. Clennett (Bill): C'est juste. Nous avons, à ma droite, Mme Isabelle Martin, qui vient de Maniwaki, dans la Haute-Gatineau, et, à ma gauche, dans l'ordre, je suis accompagné de Mme Johanne Desjardins, de M. Donald Pelletier et de M. Daniel Giroux.

Mesdames, messieurs, M. le Président, en temps normal, il serait dans l'ordre de vous remercier de nous recevoir ici, bien que je pense qu'on peut s'entendre que c'est juste normal d'entendre des gens lorsqu'il y a une décision portant sur des changements de la nature que comporte le livre vert. Je dis en temps normal parce que nous ne sommes, malheureusement, pas dans des temps normaux. Notre région a dû littéralement se battre pour venir présenter son mémoire ici et nous le déplorons.

(11 heures)

Je mentionne ceci parce que je vais enchaîner par rapport à d'autres préoccupations que nous avons concernant le processus démocratique, les moeurs, les pratiques qu'on a pour qu'on puisse, toutes et tous, participer à des décisions portant sur notre avenir. La coalition représentée ici aujourd'hui regroupe une vingtaine, 25 organismes de la région de l'Outaouais. Nous avons dû faire trop de démarches, dois-je dire, pour pouvoir être ici, bien que notre détermination ait finalement eu gain de cause. Nous croyons qu'il est important de débattre ce projet de loi à cause de la nature des changements proposés, à cause des enjeux. Que toutes les régions du Québec puissent y participer, pour nous, ça va de soi. Que les représentantes et représentants des premières concernées, des personnes assistées sociales, puissent être entendus, ça devait normalement aller également de soi.

Dans l'Outaouais, et très brièvement, je vais vous faire part d'autres préoccupations ou d'autres considérations, dois-je dire, sur la réalité régionale. Il y a un Outaouais cassé en deux comme nous avons un Québec cassé en deux. L'Outaouais rural, entre autres, est parmi les régions les plus démunies de la province de Québec. D'autre part, en ce qui concerne les conditions de vie des personnes assistées sociales, le coût de la vie est très élevé chez nous. Si on pense en matière de loyers, par exemple, les loyers sont des plus élevés, ce qui a un impact énorme sur des gens qui n'ont qu'un petit chèque de l'aide sociale pour subvenir à leurs besoins essentiels.

Il y a eu également des pertes d'emploi importantes dans la région au niveau des coupures fédérales et, comme on vient de le lire dans les journaux, à la suite de notre sommet de l'emploi à Québec, on en arrive à vouloir évacuer 15 000 emplois ici au Québec, dont une partie va créer des difficultés chez nous.

Je terminerais ce préambule pour vous faire valoir qu'il y a un casino dans la région, chez nous, qui a un impact autant au niveau de l'appauvrissement des personnes de par le fait que des gens dépensent, souvent, de l'argent qu'ils ne peuvent pas se permettre de perdre dans ce casino. Mais ce casino a le double impact dans notre milieu que, quand des gens sont tout démunis et avec des chèques de l'aide sociale, ils ne peuvent pas subvenir à leurs besoins, ils doivent aller recourir aux organismes de dépannage. Ces organismes sont en difficulté à cause de l'impact du casino sur leurs sources de financement qui sont les bingos.

Sur le mémoire proprement dit, nous avons trois préoccupations que nous voulons vous faire valoir. Si on a, sur chacun de ces trois points, réussi à vous faire comprendre trois choses, nous aurons au moins eu une certaine valeur de venir ici. Nous n'en sommes pas bien convaincus d'avance. Mais trois choses, ce n'est pas beaucoup à amener. Alors, nous ne tentons pas de tout faire le questionnement sur chaque détail du projet de Mme Harel, du livre vert, mais sur trois questions, et je les nommerais: il y a la question démocratique que j'ai déjà mentionnée un peu; deuxièmement, la question de l'obligation; et, troisièmement, la question des besoins essentiels. Notre mémoire portait sur ces trois points-là, et je vais tenter, dans le temps qui me reste, de vous faire comprendre nos préoccupations là-dessus.

Premièrement, le gouvernement du Québec, comme d'autres gouvernements, tente depuis quelque temps de nous faire accroire que nous sommes une société qui est pauvre comme «job» – «Job» dois-je dire. Un des pays les plus riches de la planète: on est cassé comme un clou! C'est assez incroyable. Un pays où il y a des banques qui font des profits records, année après année. Et les profits du premier trimestre de cette année témoignent d'une autre année record. Et, suite à cet exercice de nous faire accroire qu'il n'y a pas de richesse ici, dans la société québécoise, on nous dit: Il faut couper à quelque part parce que nous avons un déficit et il faut s'en débarrasser. Mais où est-ce qu'on est allé chercher de l'argent pour régler la question du déficit?

Nous avons, depuis que le Parti québécois est au pouvoir, eu des centaines de millions de dollars qui ont été dérobés à des plus démunis de la société québécoise. Une coupure, si minime soit-elles – ce n'est pas minime du tout, hein, des millions de dollars – sur un chèque de l'aide sociale, sur des médicaments – on se rappelle qu'il y en a eu sur les médicaments – c'est une coupure dans un strict minimum. Et nous pensons qu'on ne peut pas le permettre.

Et on voudrait vous amener, en appui à cette préoccupation sur des coupures, le témoignage de quelqu'un qui a déjà eu énormément d'éloquence: «Une coupure, si minime soit-elle, à un chèque de bien-être social ou à des besoins spéciaux en matière de santé, de médicaments, de garde d'enfants, c'est une coupure dans un strict minimum, et cela, nous ne pouvons pas le permettre. Il est impossible de décrire au moyen de mots seulement les effets dévastateurs, les torts qu'on risque de faire subir à la santé physique et au bien-être psychologique des gens qui doivent vivre sous le seuil qui représente le minimum vital absolu. Que peut-on dire d'une vie qui n'est qu'une lutte de tous les instants pour simplement survivre? Bon nombre d'assistés sociaux n'ont pas toujours assez d'argent pour se nourrir et répondre à tous les autres besoins essentiels. La hausse phénoménale du nombre de centres de distribution...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous pouvez continuer.

M. Clennett (Bill): ... – ce ne sera pas beaucoup plus long – de nourriture ces derniers temps témoigne de cet état de choses.»

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous pouvez continuer.

M. Clennett (Bill): Nous allons poursuivre notre présentation. Sur la question démocratique encore, nous avons constaté que la réforme qui est présentée devant nous est enclenchée, engagée, entamée, même en vigueur depuis déjà quelque temps. Je ne ferai pas une énumération des coupures qui ont été introduites depuis la loi n° 115, mais force est de constater que des mesures appauvrissantes ont eu un impact important sur la nature même de cette législation alors que tout le monde attendait que le livre vert dont on fait l'étude aujourd'hui soit déposé.

(11 h 10)

De plus, suite au dépôt du livre vert de Mme Harel, le 10 décembre dernier, on a osé introduire et décider déjà des choses qui étaient contenues dans ce mémoire, avant même que le débat ici et les assemblées publiques aient déjà eu lieu. Je trouve ça étonnant. J'ignore s'il y a des précédents au niveau des politiques québécoises d'agir de la sorte. Je ne le crois pas. Et, s'il y en a, ce ne sera sûrement pas auprès des banquiers, auprès des secteurs plus élevés de la société. On peut qualifier de violent, de dur et de brutal un tel comportement envers les personnes assistées sociales. Mais on doit aussi constater que ce gouvernement est quelque peu lâche devant les puissants, et ce n'est pas juste moi qui le dis.

«Beaucoup de personnes se demandent, avec raison: Comment se fait-il que ce gouvernement qui résiste si peu aux moindres pressions qui lui sont faites maintient-il cette prétention de force vis-à-vis les personnes assistées sociales? Pourquoi est-il si lâche avec les puissants, ceux qui établissent un rapport de force, devant lesquels il s'incline généralement? Et pourquoi est-il...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous pouvez arrêter. Nous, c'est vous qu'on veut écouter. Non, non, mais...

M. Clennett (Bill): ...si violent, d'une certaine façon...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...il y a des limites à tout, là.

M. Clennett (Bill): ...si dur, si brutal, si grossier à l'égard des personnes qui sont les plus démunies de notre société?»

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Si vous voulez arrêter, on veut vous écouter, nous. S'il vous plaît.

M. Clennett (Bill): Nous pensions, M. le Président, qu'il était intéressant d'appuyer notre mémoire, d'appuyer nos préoccupations par une personne qui a déjà très bien défendu les intérêts des personnes assistées sociales. Et c'est pour ça que nous avons choisi d'animer le contenu de notre mémoire par un certain nombre de témoignages, et nous en avons d'autres. Les deux points sur lesquels on voudrait ensuite parler, ça porte sur l'obligation et la question des besoins essentiels.

Sur la question de l'obligation, on se rappelle que, au Québec, en 1969, on a adopté une loi sur l'aide sociale qui a mis fin à un système de catégorisation qui existait autrefois. Avec la loi 37, malheureusement, on a remis les catégories. Cette fois-ci, c'était des catégories entre personnes aptes et inaptes à travailler. Ceci a été déploré dans le temps et nous croyons que ceci était même à l'encontre des dispositions du Régime d'assistance publique pour lequel le Canada et le Québec avaient signé un certain accord, puisque dans cette entente-là le gouvernement du Québec s'était engagé à ne pas lier les prestations de bien-être social à une participation à un programme d'employabilité.

Ce qu'on nous propose dans la prochaine réforme, c'est d'aller plus loin encore avec des coupures qui vont réduire de 150 $ de plus les prestations des personnes qui ne participent pas à une mesure d'employabilité. Et cette préoccupation concernant la question de l'obligation, c'est-à-dire la fin de la catégorisation qui a été remise en question a été qualifiée, à juste titre, d'une des pierres d'assise de notre société.

Alors, on voudrait encore entendre un appui à ce dire-là: «Mme la Présidente, c'est fondamentalement contre ce principe d'une assistance par catégories que l'immense majorité des opposants sont venus témoigner en commission parlementaire. Je vous rappelle que c'est justement contre cette catégorisation qui peut être stigmatisante que l'Assemblée nationale, en 1969, réformait profondément la Loi de la Commission des allocations sociales, la Loi de l'assistance publique, la Loi des allocations scolaires, la Loi de l'assistance aux mères nécessiteuses, la Loi des allocations aux aveugles, la Loi de l'aide aux invalides, la Loi de l'assistance aux...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Encore une fois, je vous invite à continuer votre présentation.

M. Clennett (Bill): ...les prestations versées en reconnaissant ce principe fondamental que toute personne dans notre société avait droit à un programme de dernier recours qui visait à répondre à ses besoins de base, quelle qu'en soit la cause.»

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous invite à continuer votre présentation.

M. Clennett (Bill): «Je mets en garde les députés ministériels qui prétendent que...»

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je suspends les travaux pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 16)

(Reprise à 11 h 17)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est beau? On peut continuer?

M. Clennett (Bill): «Je vous rappelle, Mme la Présidente, que ce...»

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie de votre collaboration, c'est excellent!

M. Clennett (Bill): Nous avons 20 minutes de présentation, M. le Président, ça nous appartient.

Une voix: Dans le cadre du règlement.

M. Clennett (Bill): Vous n'êtes pas obligés de nous écouter. On a su que vous ne vouliez pas nous entendre au départ, mais c'était notre choix d'amener des propos que nous sommes en accord avec devant vous et nous trouvons que ces propos-là vous permettront de bien saisir les enjeux qui sont dans votre réforme. Ce n'est pas par impolitesse ou par un simple sens du théâtre de vouloir vous présenter ceci, mais par une préoccupation historique. On sait que la population est parfois cynique à l'égard des politiciens et des politiciennes. On sait qu'il y a eu un livre qui a été écrit, qui en a choqué plusieurs lorsqu'on a parlé de mensonge et autres... Nous, nous sommes venus ici avec un appui à notre mémoire qui porte sur un projet de loi. Alors, si vous ne voulez pas l'entendre, c'est très bien.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est enregistré, là.

M. Clennett (Bill): «...à être motivé par une invitation positive, et non pas par une obligation coercitive et négative. Qu'est-ce que ça va être quand ça va se mettre à ralentir? Avec le taux de chômage, quand ça va venir autour du 9,5 %, 10 %, est-ce qu'on va finir par s'habituer à une forme de fatalité où, la prochaine fois, ça va être 12 % et, après ça, 15 %? Qu'est-ce que vous voulez, il n'y a pas de jobs pour tout le monde. Et les petites jobs qu'il y a, on va mettre les gens à tourner en rond pour se les partager année après année successivement, avec des programmes de conversion des prestations en subventions à l'entreprise.»

C'était la fin des enregistrements. J'aurais voulu que la présentation se fasse autrement et qu'on y ait porté un peu plus d'intérêt, mais c'est votre droit, je suppose, de ne pas vouloir nous entendre. Mais, si vous avez des questions portant sur notre mémoire, il nous fera plaisir d'y répondre, car nous sommes venus ici pour non seulement présenter des préoccupations, mais également échanger avec vous. Je vous remercie pour le quelque peu d'attention que vous nous avez accordée.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Oui. Bonjour, M. Clennett et les personnes qui vous accompagnent. Permettez-moi quand même un petit commentaire. Ensuite, j'ai bien évidemment des questions parce que effectivement je suis restée un peu sur ma faim. Il y a beaucoup de choses dans votre mémoire, et je n'en ai entendu qu'une petite partie.

Mon commentaire est le suivant. Je pense que la règle de la vie parlementaire et la règle qui veut qu'il y ait un parti au pouvoir et un parti d'opposition font que bien évidemment, si on le veut, on peut continuellement nous mettre en opposition les uns avec les autres et même envers nous-mêmes à différentes périodes de notre vie. Si vous suiviez nos débats de façon continue, vous verriez qu'aujourd'hui vous citez ma collègue; demain, vous pourriez citer la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, qui n'est pas là aujourd'hui, mais qui joue son rôle d'opposition, et vous pourriez demain matin la citer avec de longs enregistrements.

(11 h 20)

C'est effectivement, je pense, une tactique que vous avez utilisée pour des raisons théâtrales, mais, quant à moi, elle ne fait que refléter une partie des règles du jeu du parlementarisme britannique qu'on essaie de jouer le mieux possible. Mais je vous avoue qu'au-delà de ça je pense qu'on ne peut pas dire beaucoup plus d'autres choses. Et je trouve ça un peu malheureux pas tellement pour l'aspect théâtral, mais parce que, dans votre 20 minutes, il y a des choses que vous auriez peut-être pu nous expliquer plus en profondeur, et ce temps-là, on l'a passé, je pense, à une partie un peu plus de spectacle.

Mais là où j'aimerais vous poser des questions, c'est sur finalement la dernière page de votre mémoire, parce que je reconnais que votre analyse comparative du projet de loi 37 de même que de la réforme que nous proposons, et votre analyse aussi de ce qui s'est passé avec le RAPC canadien, ça comporte des choses intéressantes, et on va les regarder. Mais notre rôle à nous, c'est d'essayer de voir, partant de là, qu'est-ce qu'on fait pour l'avenir et quelles sont les pistes sur lesquelles vous pouvez nous mettre pour nous aider à améliorer ce livre vert.

Et, à la dernière page, vous avez un certain nombre de recommandations, particulièrement la troisième. J'aimerais qu'on en parle un peu, tout ce qui tourne autour de ce que vous appelez la démocratisation du régime, parce qu'il y a là des choses que vous apportez qui sont peut-être dites de façon un peu différente de ce qui nous a été dit jusqu'ici, et je pense que vous êtes un groupe qui peut nous éclairer là-dessus. Par exemple, quand vous dites, au premier point, que vous souhaitez que l'on démocratise par «la reconnaissance de l'expertise des personnes assistées sociales elles-mêmes», j'aimerais vous entendre sur ce que ça voudrait dire concrètement de reconnaître cette expertise, puis éventuellement à l'aide d'exemples, s'il y a des gens parmi vous qui ont des exemples vécus et qui peuvent témoigner de ce qu'ils souhaiteraient pour ce premier point.

M. Clennett (Bill): Il y a eu, dans la présentation antérieure, une certaine ouverture que la ministre Harel a faite concernant la question des appels, et je pense que, comme d'autres, nous accueillons favorablement ceci. Ce qu'on peut dire sur la question, en général, de la démocratisation du système, c'est qu'il y a eu un débat à l'intérieur de nos rangs, au niveau local et aussi au niveau national, et, à partir de l'expérience où des personnes assistées sociales elles-mêmes trouvaient qu'elles étaient des éternelles victimes dans un système qui ne faisait que les appauvrir, mais qu'elles avaient très peu de recours et de place à se définir, à développer leur propre avenir, on a décidé qu'il fallait trouver quelque chose dans notre mémoire pour en témoigner.

Mais plus que la troisième recommandation que vous trouvez intéressante – et nous l'avons mise là parce que nous la trouvons très importante – le fond de notre mémoire, que vous semblez avoir regardé d'après les commentaires que vous avez émis, porte sur deux questions de principe, et ce n'est pas des jeux de théâtre seulement pour occuper le temps. Vous avez dit que des personnes peuvent se trouver en contradiction avec elles-mêmes, et, dans un certain sens, on peut être d'accord avec vous. Mais ce dont il est question dans la Loi sur la sécurité du revenu, ce sont des principes de société et ce n'est pas nous qui l'avons dit. On cherchait à ramener ça ici, parce que ça a été dit ici et, nous croyons, avec une certaine sincérité. Notre mémoire, nous l'avons conçu surtout autour de deux questions. Est-ce que des gens, au Québec, peuvent manger à leur faim aujourd'hui? Est-ce qu'on peut s'entendre là-dessus que, au Québec, tout le monde a droit à un minimum vital? Parce que ça n'existe pas.

Mme Malavoy: M. Clennett, je ne doute pas de votre sincérité et je reconnais que ce que vous avez le plus développé dans votre mémoire, c'est ce que vous dites: les questions de principe. Mais, moi, je suis ici pour essayer de profiter de votre passage pour comprendre le mieux possible ce que vous proposez. Il y a deux choses qu'il m'intéresse que vous développiez. C'est au point 3 de votre dernière page. C'est les points a et les points d. J'aimerais que vous me parliez un peu plus de ce que ça voudrait dire dans les faits de reconnaître l'expertise des personnes assistées sociales. J'aimerais aussi que vous puissiez me dire ce que ça voudrait dire dans les faits de reconnaître le rôle des groupes de défense de droits. J'aimerais que vous m'alimentiez un peu sur: comment pouvons-nous, à l'intérieur d'une réforme, mieux articuler ces deux éléments-là avec lesquels, spontanément, j'ai tendance à être en accord, O.K.?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'ai reconnu Mme Martin...

Mme Malavoy: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...et, ensuite, M. Clennett.

Mme Martin (Isabelle Agathe): D'accord. Pour renchérir sur votre question, Mme Malavoy, à l'effet du point a de la dernière page, qui a trait à la reconnaissance de l'expertise des personnes assistées sociales elles-mêmes, je ne le suis pas actuellement, mais je pense que je peux me qualifier, quelque part, oui, d'assistée socialement parce que je pense qu'on l'est tous; le niveau diffère des individus. J'ai été prestataire de la sécurité du revenu et j'ai tenté, en participant à certains comités de travail, de concertation, avec des objectifs de développements régionaux, de faire valoir toute la dimension – comment dire – tout le côté pernicieux, je dirais, des programmes d'employabilité dans les centres Travail-Québec. À savoir que, quand on parle de reconnaître l'expertise des personnes assistées sociales et qu'on a à favoriser l'insertion en milieu de travail, il est bon de savoir reconnaître, à titre de prestataire et d'employeur à la fois, que les programmes d'employabilité, qui ont une durée plus ou moins longue, ne sont pas des programmes qui permettent une juste insertion des personnes en emploi.

Mme Malavoy: Mais, c'est drôle, j'ai...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Excusez, Mme la députée. M. Clennett, en additionnelle.

M. Clennett (Bill): Je ne sais pas si ma collègue, à ma droite, voudrait en parler davantage; je voulais lui céder la parole là-dessus parce que également, sur la question du virage ambulatoire et la condition des femmes et leur volonté d'aspirer à s'insérer dans la vie, elle avait des choses des plus intéressantes à dire. On en a parlé longuement en s'en venant ici, à Québec.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Toujours dans le contexte du livre vert.

M. Clennett (Bill): C'est ça.

Mme Malavoy: Ça ne m'ennuie pas, remarquez, que vous preniez le temps de réponse pour parler de ce que vous souhaitez. Mais je veux juste vous dire que je reste sur ma faim parce que, jusqu'ici, on est à un niveau de principes. Je n'ai rien contre les principes, mais ça m'intéresserait aussi... Je repose ma question: Quand vous parlez de «l'expertise des personnes assistées sociales», de quoi parlez-vous? Que vous me disiez que les programmes d'employabilité sont insuffisants, je le reconnais, et puis qu'ils ont mené des gens à des culs-de-sac, peut-être. Mais reconnaître l'expertise des personnes, c'est quoi et reconnaître l'expertise des groupes de défense des droits, c'est quoi? Si vous voulez me parler d'autres choses, je vais laisser mes questions en suspens. Je veux juste réitérer que c'est ça qu'il m'intéresserait de savoir.

Mme Martin (Isabelle Agathe): Pour moi, quand on me parle d'expertise, c'est qu'on fait appel à mes connaissances, à mon vécu. Alors, si je me réfère à mon vécu et à mes connaissances qui touchent les prestataires de la sécurité du revenu, je dis qu'il y a lieu de reconnaître, à un moment donné, que certaines mesures d'employabilité ou de la réforme qui est en cours ne sont pas favorables aux individus, aux citoyens et aux citoyennes. Et c'est en ce sens qu'on dit «la reconnaissance de l'expertise des personnes assistées sociales elles-mêmes». Je ne sais pas si je me fais bien comprendre ou si je devrai étayer ça d'une expérience plus concrète.

Mme Malavoy: Reconnaître leur expertise, ça voudrait dire quoi?

Mme Martin (Isabelle Agathe): Bien, si à moi, par exemple, qui ai participé à une mesure d'employabilité pour favoriser mon insertion en milieu de travail, on ne m'offre pas d'autre alternative qu'une autre mesure d'employabilité, c'est que, lorsque j'ai fait des recommandations en regard du marché du travail à mes interlocuteurs du gouvernement, cette expertise-là n'a pas été reconnue, puisque, à l'heure actuelle, je suis encore assistée socialement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de... Notre-Dame-de-Grâce. J'avais un blanc de mémoire, je m'excuse.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Si madame veut continuer à parler un peu de son expérience, on est bien disposés à écouter. Mais j'abonde un peu dans le sens de la question de Mme la députée de Sherbrooke; je pense que ça nous aiderait vraiment de savoir, dans le concret... Parce que, vous savez, là, on est rendu à au-delà de 100 groupes. On a beaucoup parlé des principes. Moi, je suis porté à croire qu'on veut, si possible, tenter d'améliorer le livre vert. Parlez-nous vraiment des choses concrètes, là. Je pense que c'est ça.

(11 h 30)

Mme Martin (Isabelle Agathe): Bon, alors, je vous dirai qu'il y a un peu plus d'un an j'étais prestataire de la sécurité du revenu et correspondante régionale à la radio de Radio-Canada. Donc, j'avais quelques revenus d'emploi et des prestations là où les revenus étaient déficitaires. Et je me suis beaucoup intéressée à l'économie sociale, parce que peut-être mon expertise communautaire me portait à m'investir davantage dans ce dossier-là. Et, quand Radio-Canada a décidé d'abolir son réseau de correspondants, étant un peu, comme bien des gens, acculée au pied du mur, j'ai proposé à un organisme communautaire qui périclitait parce que le financement n'y était pas de participer, par l'intermédiaire du centre Travail-Québec, à une mesure d'employabilité. Et ce qu'on avait défini comme projet dans cet organisme communautaire là... Et, dans ce sens-là, j'aurais voulu pouvoir confirmer à Mme Harel ses propos de tout à l'heure en disant que faire du développement, c'est se donner le pouvoir de décider. Ce ne fut point le cas.

J'ai occupé un poste d'agente de développement communautaire dans un organisme qui s'appelle ASEC Haute-Gatineau, qui est un organisme de défense de droits avec un mandat en éducation populaire, et ce que ça a amené, c'est des échanges avec le centre Travail-Québec et les différents intervenants du milieu sur les possibles projets de développement communautaire, un étant l'aide domestique. En tout cas, on sait actuellement que, pour l'aide domestique, il y a des sommes d'engagées de l'ordre de 72 000 000 $, dont 10 200 000 $ pour 1997, et, chez nous, c'est une orientation, en tout cas, au niveau de la sécurité du revenu, qu'on semble vouloir prendre.

Et mon expérience, à moi, professionnellement parlant, avec l'organisme communautaire avec qui j'avais lié une entente touchant un projet d'économie sociale qui avait pour but de soutenir les organismes communautaires de notre territoire et dont le centre Travail-Québec avait été touché également, il avait été mis au courant de l'existence de ce projet-là... Le centre Travail-Québec a beaucoup plus orienté ses actions, en ce qui me concerne aussi bien que mes pairs, vers l'aide domestique plutôt que de promouvoir et de favoriser la prise en charge que je tentais de dégager à travers le projet Virage en communication d'économie sociale.

M. Copeman: Est-ce qu'il n'y a rien qui vous laisse croire, dans le livre vert de Mme Harel, que la situation va changer advenant l'implantation de la réforme telle quelle?

Mme Martin (Isabelle Agathe): Pas vraiment, parce que, dans le cas de l'aide domestique, on avait proposé de mettre sur pied un projet avec comme marrainage notre organisme communautaire, l'ASEC Haute-Gatineau. C'était à l'intérieur d'une structure de CIT, corporation intermédiaire de travail, et ça allait chercher des prestataires de la sécurité du revenu sur des programmes PAIE d'une durée minimale d'un an.

Maintenant, j'ai eu l'occasion de rencontrer des prestataires de la sécurité du revenu en formation AGIR – je pense que tout le monde connaît ce programme-là, cette activité-là, à la Sécurité du revenu – qui, quand on les questionne, ont à coeur, c'est sûr, de mettre du beurre sur leur pain, mais n'ont pas nécessairement des aspirations à faire des travaux d'aide domestique. Mais amenés dans une réforme où on parle d'options et d'encadrement et où les possibles d'employabilité se situent à l'aide domestique, je pense qu'on est très près du «workfare» ou du travail forcé en bon français.

M. Clennett (Bill): D'autre part, sur la question du livre vert, proprement dit et si ça pourrait changer, une des choses que nous avons constatées – et je pense que plusieurs personnes sont venues vous interpeller là-dessus – c'est qu'au-delà de quelques généralités au niveau des mesures ce que ça voudrait vraiment dire, des parcours, nous en savons très peu. Et, quand on parle de reconnaître l'expertise du monde concrètement dans des choix qu'ils auront à faire, nous savons très peu quels seront les choix que des gens auront à faire.

Je peux vous parler d'un document que quelqu'un a écrit pour M. Rochon sur l'économie sociale, un nommé Bélanger, qui parlait d'utiliser des programmes EXTRA plus pour du travail domestique. Est-ce que c'est ça qu'on veut préconiser? Je ne peux pas le dire. On voudrait que le gouvernement nous dise beaucoup plus qu'est-ce qu'il entend offrir aux gens. On est en train de discuter d'une réforme, les structures sont en train d'être mises en place, mais nous ne savons pas qu'est-ce qui va attendre le monde et quelles opportunités ils vont avoir.

M. Copeman: Votre première revendication, la reconnaissance d'un revenu décent couvrant minimalement les besoins essentiels, vous n'êtes pas le premier groupe qui vient nous apporter cette recommandation-là. Normalement, quelqu'un du côté ministériel réplique – c'est souvent la ministre – avec le chiffre que ça peut coûter – je ne l'ai pas de mémoire, mais on parle de – des centaines de millions de dollars supplémentaires, si ma mémoire est bonne, pour augmenter les prestations au niveau de couvrir les besoins essentiels. Vous en parlez un peu dans votre mémoire, mais peut-être que vous pouvez brièvement nous exposer vos suggestions: comment aller chercher ces sommes d'argent là, qu'est-ce qu'on ferait dans le budget... Aujourd'hui, si vous étiez ministre des Finances et que vous aviez en tête le désir, l'intention d'augmenter les barèmes à ce niveau, comment est-ce que vous feriez, vous autres?

M. Clennett (Bill): Premièrement, je pense que la stratégie du gouvernement par rapport à l'aide sociale, c'était, d'une part, qu'on a une enveloppe fermée, scellée et qu'on doit vivre avec la politique des enveloppes fermées qui fait que, si le nombre de personnes assistées sociales augmente, malheureusement, il va falloir qu'on partage la misère entre nous, là. Mais ça laisse présupposer, tout ce discours-là, qu'il n'y a pas de richesse ici, au Québec.

On sait que les gouvernements ont un déséquilibre au niveau de leurs finances, mais il y a deux colonnes: il y a une colonne des revenus puis il y a une colonne des dépenses. On a eu un débat sur la fiscalité cet été et, dans toute la documentation que j'ai lue du côté gouvernemental, on nous a dit qu'on ne peut pas se permettre de toucher à la colonne des revenus. Et pourtant on est parmi les sociétés les plus privilégiées de la planète en termes de richesse. Et, si, nous autres, on n'est pas capables de répartir cette richesse-là afin que tout le monde puisse combler ses besoins essentiels, mais quelle bêtise et qu'est-ce que ça voudrait dire pour le reste de l'humanité, pour le reste de la planète si, nous, on n'est pas capables de le faire!

Et, quand on parle d'un principe, le Québec avait cette responsabilité de répondre aux besoins essentiels. On dit aujourd'hui: On ne peut pas se le permettre. Mais, jusqu'au 1er avril 1996, le Québec avait une responsabilité de répondre à l'ensemble des besoins essentiels des personnes nécessiteuses en vertu du Régime d'assistance publique. Que le Québec n'ait pas assumé cette responsabilité, c'est une autre chose. Mais nous pensons, un, qu'il y a des moyens: la richesse est ici, elle est abondante; et, deux, on se doit de le faire et on se doit de le débattre ouvertement. C'est très peu croyable que, depuis le mois de décembre que le document circule, on est si peu préoccupé, on entend tellement peu d'une question aussi vitale que notre capacité comme société de partager minimalement avec notre prochain.

M. Copeman: Je pense que monsieur avait quelque chose à dire, M. le Président, oui.

M. Clennett (Bill): Daniel?

(11 h 40)

M. Giroux ( Daniel): Oui, je voudrais en parler pour ce qui est des médicaments, là. C'est que, déjà, il y a des personnes qui souffrent beaucoup; elles sont obligées d'être hospitalisées par manque de moyens financiers pour s'acheter les médicaments nécessaires. Et ça, c'est une situation qui va aller toujours en s'empirant dans les mois qui vont venir. Ça fait que je ne peux pas croire... Comment ça se fait qu'on peut vraiment dormir sur une bonne conscience en sachant qu'il y a de nombreuses personnes très malades... Parce qu'il y a différentes maladies, c'est des personnes qui sont cardiaques, il y en a d'autres que c'est le diabète. Ils n'ont pas le choix, ça coûte des centaines de dollars par mois de médicaments.

Puis, pour certains assistés sociaux, 10 $ de moins sur leur chèque, ça fait un trou, ça. Donc, quand on doit dépenser une franchise, à tous les trois mois, de 25 $, plus 25 % d'un montant total quelconque, 25 $ aussi, donc 50 $ d'une traite, bien, ce n'est vraiment pas facile à prendre, ça. Même si les pharmaciens prennent arrangement aussi comme quoi que vous pouvez donner moins pour le premier mois, en fin de compte pour répartir ça, ça n'empêche pas qu'il y a certains assistés sociaux qui n'ont vraiment pas les moyens de faire face à de telles dépenses aussi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: J'aimerais revenir à une question que vous avez abordée, madame, dans votre exemple, parce que j'ai tendance à croire, comme vous, que le circuit, dans le fond, que vous avez eu à certains moments est un circuit cul-de-sac et que ce que vous décrivez, ce que vous faites, c'est beaucoup le procès du système actuel. Je voudrais juste vous lire une phrase du livre vert, puis, ensuite, je ferai un commentaire. On dit ceci dans le livre vert, à la page 40: «Le parcours individualisé place la personne au centre d'un processus fort important. L'individu doit établir le trajet qui le mènera à la réalisation de son projet d'intégration.» On parle du parcours individualisé plus longuement encore.

Or, un livre vert, c'est un livre qui indique des intentions. C'est sûr qu'il n'est pas très détaillé, parce que précisément, avant de détailler plus avant, il faut qu'on s'assure que nos intentions ont de l'allure. Si elles n'en ont pas, on arrête là; si elles en ont, on va plus loin. Il y a certains aspects du livre vert, nous le savons déjà parce qu'on l'a entendu beaucoup de fois, où les gens accrochent au niveau de nos intentions. Je ne sais pas ce qu'on fera, mais je sais, par exemple, que, bon – prenons quelque chose dont ma collègue a parlé un peu plus tôt – il y a des gens qui accrochent parce que, dans le livre vert, on ne prévoit pas de recours. Donc, au niveau de nos intentions, on nous dit: Corrigez le tir.

Au niveau de nos intentions, on introduit un parcours individualisé qui place la personne au coeur de ses choix. Bien sûr, vous pouvez me dire: Ce n'est pas assez explicite, est-ce qu'il y aura de l'emploi au bout, etc.? Moi, j'ai quand même besoin de savoir si cette intention, qui veut mettre fin à un système où on avait découpé en tranches des mesures d'employabilité qui portaient toutes sortes de noms, mais qui, dans le fond, s'enchaînaient sans avoir vraiment de cohérence les unes avec les autres, vous pensez qu'elle a du sens; est-ce qu'on doit la poursuivre, est-ce qu'on doit la creuser, est-ce qu'on doit essayer de l'élaborer plus avant?

Mme Martin (Isabelle Agathe): Je pense que toute intention a un sens, sauf que, dans la réalité, dans les faits, quand vous me ramenez au livre vert et que je regarde ce qui nous a été présenté par le centre Travail-Québec il y a à peine une semaine, en lien avec ce que vous venez d'énoncer, ce qu'on me dit, c'est que quelqu'un qui serait architecte, par exemple, et qui aurait à faire appel à l'aide de dernier recours devrait s'expliquer abondamment avant de dire non à un emploi et même si cet emploi-là n'est pas dans son domaine de profession. Exemple...

Mme Malavoy: Vous faites référence à quoi? Une session d'information que vous avez eue chez vous...

Mme Martin (Isabelle Agathe): Oui, absolument.

Mme Malavoy: ...par le centre Travail-Québec...

Mme Martin (Isabelle Agathe): Oui.

Mme Malavoy: ...à Hull?

Mme Martin (Isabelle Agathe): À Maniwaki.

Mme Malavoy: À Maniwaki.

Mme Martin (Isabelle Agathe): Oui.

Mme Malavoy: Puis on vous a... Est-ce que c'était une séance pour présenter le livre vert?

Mme Martin (Isabelle Agathe): C'était une séance pour présenter Option.

Mme Malavoy: Et c'est quoi, ça?

Mme Martin (Isabelle Agathe): Bien, c'est un, comment dire... Option a pour but de permettre aux jeunes adultes aptes et disponibles au travail d'entreprendre, dès leur arrivée à l'aide de dernier recours, une démarche de réflexion visant à recouvrer, le plus rapidement possible, leur autonomie.

Mme Malavoy: Est-ce que c'est dans le cadre de la réforme de la sécurité du revenu?

Mme Martin (Isabelle Agathe): Bien, si...

Mme Malavoy: Parce que ce serait intéressant pour nous si vous acceptiez qu'on puisse en faire une copie et qu'on l'ait, que ce soit déposé, là, pour qu'on en ait une copie.

Mme Martin (Isabelle Agathe): Bien, absolument. Moi, on me dit que c'était avant la réforme, mais dites-moi que ce n'est pas en lien avec ce que vous venez de relever du livre vert. Et, quand on vient nous rencontrer chez nous, à l'ASEC, on le fait dans la perspective de la réforme et des changements qui sont en cours au niveau de la sécurité du revenu. Alors, s'il y a un décalage quelque part, là...

Mme Malavoy: Bien, ce que je retiens, en tout cas, c'est que ce qu'on vous a présenté récemment et dont on va retrouver un peu le cadre là-dedans vous semble assez loin d'un parcours individualisé qui place la personne au centre de ses choix.

Mme Martin (Isabelle Agathe): Oui, absolument. Quand, moi, je me suis adressée, par exemple, au centre Travail-Québec, j'ai bien exposé mon expertise de travailleur et la formation, et mes aspirations professionnelles en communication. Alors, aujourd'hui, ce que Travail-Québec me propose chez moi – là, c'est moins facile parce que je ne suis plus prestataire de la sécurité du revenu depuis quelques semaines – c'est d'encadrer un service d'aide domestique, de gérer, de coordonner un projet d'aide domestique. Et ça, je trouve ça profondément offensant non seulement pour moi, mais pour tout ce que ça peut supposer pour mes semblables qui ont fait des études. Je pense que, quand on est reçus dans des écoles, des universités pour aller acquérir une formation qui nous destine à une profession, c'est que, quelque part dans notre société, on reconnaît des besoins dans ces secteurs d'activité là. Mais, si, pour une question de déficit, on dit qu'il n'y a plus de projets réalisables, je trouve ça extrêmement malheureux.

Mme Malavoy: Je ne veux pas juger de ce qu'on vous a offert et de ce qu'il était raisonnable d'accepter ou pas. Je veux juste relever que manifestement ce dont vous parlez, c'est quelque chose que l'on vous demande dans le cadre de la loi telle qu'elle existe. Nous, ce qu'on a sur la table, c'est un livre vert pour un projet de loi à venir qui n'est pas encore écrit et on a besoin de s'inspirer précisément de la situation actuelle pour essayer de la transformer au mieux.

Mme Martin (Isabelle Agathe): Tant mieux.

Mme Malavoy: Je termine là-dessus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Chapleau.

Mme Vaive: Merci, M. le Président. À la page 4 de votre mémoire, vous avez énuméré une série de coupures qui ont été appliquées depuis un an et demi à la sécurité du revenu. Entre autres, vous avez perdu la gratuité des médicaments; les nouveaux prestataires doivent vider leur compte de banque; il y a aussi l'abolition du barème «disponible» accordé aux personnes en attente d'une mesure de développement; il y a aussi la diminution de 30 $ par mois sur le montant alloué pour les frais de participation. Si la réforme va dans le sens du livre vert, diriez-vous que cette réforme va briser le filet de sécurité sociale qu'on s'était donné au Québec?

M. Clennett (Bill): Mme Vaive, je pense que nous avons déjà brisé le filet de sécurité sociale qu'on s'était donné au Québec. On se l'est brisé lorsque nous avons remis en question des besoins fondamentaux de la population qui est exclue. C'est à ce moment-là que, déjà, on a dit: Comme être humain, au Québec, on reconnaît que tu as besoin de tant d'argent pour subvenir à tes besoins. Mais vous, parce que vous êtes apte à travailler, vous n'auriez pas ça. Ceci a été fait par le gouvernement de votre parti avec la loi 37 et ce que propose cette loi-ci, c'est d'aller plus loin là-dedans, malheureusement.

Mais le vrai problème... Si ça avait marché... Parce qu'on a laissé supposer que le problème, c'est qu'il fallait inciter des gens à s'insérer vers le marché du travail. Et peut-être qu'on s'était trompés, nous, dans le temps, qui avions dit: Mais ça n'a pas d'allure, c'est punitif, c'est coercitif. Mais, aujourd'hui, on se réveille, plusieurs années plus tard ou pas tant que ça, et nous avons plus de 50 % de plus de personnes dans la même situation. Le problème s'est aggravé. Il s'est aggravé parce que, dans le fond, on s'était trompé de cible. Ce n'est pas que les personnes ne veulent pas embarquer dans les mesures. Le problème, c'est qu'il y a un manque d'emplois, puis on a voulu mettre le blâme sur le dos des personnes assistées sociales.

Pour le bénéfice de vos collègues autour de la table, Johanne pourrait peut-être parler de quelque chose qui s'est passé tout près de chez vous, à Gatineau, là, où on a eu une offre d'emploi dans la région et quelle était la réponse. Je vais céder la parole à Johanne là-dessus.

(11 h 50)

Mme Desjardins (Johanne): O.K. Il y a eu l'ouverture du Maxi de Gatineau; 2 000 candidatures se sont présentées pour 155 postes, puis on entend souvent dire que les assistés sociaux ne veulent pas travailler. Quand 2 000 personnes sont capables de se déplacer et savent qu'il y a juste 155 postes... Et, là-dessus, il y a seulement 50 jobs à temps plein; le reste, c'est à temps partiel. Il y a jusqu'à une personne de 56 ans qui s'est présentée là. Il y a des personnes avec des cheveux gris autant que des punks, comme il y en a qui se font appeler, qui veulent travailler, mais il n'y en a pas de jobs.

Moi-même, je suis sur un programme PAIE, mais je n'ai pas d'avenir là-dedans parce que, dans 26 semaines, mon programme finit. Il va falloir que j'aille voir pour un emploi. Je vais tomber sur l'assurance-chômage. Je perds ma carte-médicaments; c'est un risque j'ai pris parce que je veux travailler, mais il n'y en a pas d'emplois. J'en ai des possibilités. Je travaille pour un groupe populaire; j'adore ce que je fais, mais ce n'est pas reconnu. Je fais de la dactylo, mais je n'ai pas de diplôme. J'ai suivi un cours, mais je ne suis pas allée jusqu'au bout: j'ai tombé malade. Mais on ne veut plus que je retourne aux études. On me dit que j'ai 40 ans et que bientôt je vais tomber sur la pension de vieillesse. Je me suis déjà fait dire ça au centre Travail-Québec. Ça fait que c'est insultant.

J'ai droit à un revenu décent et j'ai droit à une vie normale comme tout le monde. Et ça, ça va pour tous les gens. Je trouve inadmissible aussi... On critique beaucoup le fait aussi qu'il y en a des emplois puis il y a des programmes, mais les programmes nous mènent où? Ils ne nous mènent pas à de vrais emplois, ils ne nous mènent pas vraiment à un revenu décent. Et, déjà là, on vit dans la pauvreté, pire que la pauvreté. Quand tu es obligé d'aller manger dans des soupes populaires et d'aller acheter du linge à la Saint-Vincent-de-Paul, ce n'est pas intéressant pour tout le monde, et surtout quand tu as des adolescents à l'école qui ne veulent pas porter le linge des autres. Ça fait que je trouve que le livre vert est à réétudier afin de prendre en considération vraiment les valeurs humaines des personnes assistées sociales.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée, si vous avez encore des questions.

Mme Vaive: J'ai une autre question. M. Clennett, tantôt, dans votre préambule, vous avez mentionné l'Outaouais, qu'il y avait le secteur urbain et le secteur rural. Une question peut-être personnelle: j'aimerais ça savoir est-ce qu'on rencontre plus d'assistés sociaux dans le rural que dans l'urbain ou si c'est l'inverse.

M. Clennett (Bill): Je peux parler, d'abord, pour l'urbain et je vais céder la parole à la personne qui vient du rural. Mais nous savons qu'il y a un effet de beigne dans les milieux urbanisés où dans le centre il y a un appauvrissement. Chez nous, c'est dans l'île de Hull où il y a une concentration de personnes à très faibles revenus. Là, il y a beaucoup de gens qui éprouvent des difficultés à avoir un emploi, qui vivent dans un état de dépendance financière. Autour, dans les banlieues – c'est la même chose ici à Montréal – il y a une certaine richesse et la population qui travaille davantage habite dans ses secteurs.

Mais, dans l'Outaouais rural, moi, j'ai déjà vu des chiffres où on a associé certains secteurs chez nous à presque la Gaspésie en termes de niveau d'exclusion sociale. C'est très difficile dans ces secteurs-là pour ces gens-là avec très peu de revenus. Et là la question de l'employabilité – je ne voudrais pas parler pour eux – c'est parfois difficile à cause des problèmes de transport et d'autres problématiques propres au milieu. Mais peut-être...

Mme Martin (Isabelle Agathe): Mais disons que le profil sociodémographique de notre territoire, c'est une population vieillissante. C'est une population très peu scolarisée et, par le fait même, étant peu scolarisée, aussi à faibles revenus. Le territoire de l'organisme que je représente ici à la table est le territoire de la MRC de La Vallée-de-la-Gatineau; ça représente à peu près, grosso modo, 20 000 habitants et, sur 20 000, il y en a au-delà de 3 000 qui sont touchées par la sécurité du revenu. C'est énorme. Ça, ce n'est que ceux qu'on a classés sécurité du revenu; il y en a beaucoup d'autres qui sont assistés par l'assurance-emploi et beaucoup à faibles revenus.

Mme Vaive: Merci. Vous avez aussi...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je pense que, M. Giroux, vous vouliez ajouter un commentaire.

M. Giroux (Daniel): O.K., oui, bon, je veux revenir encore aux mesures qui conduisent à l'emploi. L'idée est bonne. C'est vrai que c'est bon, au départ. Ça finit dans un cul-de-sac à cause de la cupidité d'un certain nombre d'individus, ça. Et ces individus-là, ce sont tous les gens d'entreprises qui engagent des assistés sociaux pour travailler. C'est qu'eux autres se disent: Eh bien, dans notre mois courant, ça nous coûte tant en matériel et en toutes sortes de dépenses pour faire fonctionner l'entreprise; et il y a aussi des salaires à verser, et ainsi de suite. Et on va calculer les bénéfices nets de l'entreprise à la fin du mois.

Mais, quand les mesures sont arrivées, ils se sont dit: Eh bien, pourquoi verser un certain nombre de salaires tandis qu'on peut avoir des employés pour presque rien? Alors, c'est là qu'ils sautent sur l'occasion. Et, à l'intérieur de ça, les assistés sociaux, qui ont pu se former pendant six mois ou un an dans un domaine quelconque qui peut-être les intéresserait bien, à part ça, eh bien, ils sont vraiment frustrés et déçus, en bout de ligne, d'être obligés de prendre la porte pour faire place à un autre assisté social qui va, lui, prendre leur place.

Parce qu'il faut se dire, encore là, qu'il y a des gens qui voudraient bien travailler, parce que ce n'est pas tout le monde qui peut se dire: Bien, je vais me reposer, je reste à ne rien faire. Il y a bien du monde qui ne sont pas capables de composer avec ça. Puis, quand ils ont un travail intéressant, en plus de ça, qu'ils pourraient faire puis qu'ils aimeraient bien gros le faire, malheureusement, c'est l'entreprise qui dit: Bien, on ne peut pas continuer avec toi. C'est ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une dernière courte question, Mme la députée de Chapleau.

Mme Vaive: Oui. Et je m'en voudrais de ne pas mentionner la pauvreté due au casino. Et même Mme la ministre est au courant; la semaine dernière, j'ai posé une question en Chambre, ici, par rapport au problème qu'on vit dans l'Outaouais. Et ce qui m'effraie, c'est que, là, je vois venir les bingos satellites, puis ça me fait peur parce que je me dis: À un moment donné, est-ce qu'on va encore aller pénaliser les paroisses et les groupes communautaires qui, souvent, existent grâce aux profits de ces bingos-là?

Et je sais pertinemment que le casino est une raison de la pauvreté de beaucoup de gens et, même si on nie beaucoup de suicides et puis de problèmes de famille, j'en ai été témoin moi-même. Vous autres, votre table de concertation, est-ce que vous avez des choses à dire? Parce que, là, je sais qu'il va y avoir un programme spécial à Radio-Canada justement là-dessus. Ce n'est pas demain soir ou...

M. Clennett (Bill): Il y a des gens de notre réseau qui vont participer à ça. Pour notre groupe spécifique de 25 organismes qui présentent le mémoire aujourd'hui, notre préoccupation, c'est le fait que des gens, malheureusement, doivent aller à des organismes de dépannage pour subvenir à leurs besoins essentiels. Et ce que nous voulons surtout, c'est la reconnaissance de ces besoins-là afin que des gens ne soient pas obligés d'aller vers ces organismes-là qui, heureusement, sont là aujourd'hui, mais ce n'est pas normal. Ce n'est pas normal et ça s'en va, malheureusement, en augmentant. Nous voulons ça.

Et, sur la question de l'obligation, je ne sais pas qu'est-ce qu'on peut dire de plus, mais il n'est pas normal, à notre sens non plus, qu'on doive avoir deux catégories de citoyens et citoyennes ici, au Québec: une qui a la liberté de travailler et l'autre pour qui ça va être une forme coercitive de quasi esclavage.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Avant de suspendre les travaux, j'informe les membres de la Chambre que, cet après-midi, on reçoit seulement un groupe: le Comité contre l'appauvrissement Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine. Alors, j'apprécierais qu'à 15 heures exactement – parce qu'on doit retourner en Chambre à 16 heures – on vienne ici rapidement. Je suspends les travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 15 h 12)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, nous recommençons nos travaux, tout en soulignant qu'à 16 heures il faut absolument avoir terminé. Nous recommençons nos travaux en recevant les membres du Comité contre l'appauvrissement Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine. Je ne sais pas lequel de vous deux qui commence. Vous présentez l'autre, ha! ha! ha! et commencez votre présentation de 20 minutes.


Comité contre l'appauvrissement Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine

M. Savard (Georges): Alors, bienvenue. Merci à tout le monde de nous accueillir pour présenter la position de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine. Alors, je m'appelle Georges Savard et j'ai avec moi Owen Fugère.

Alors, on a, bon, quelques mémoires de déposés provenant de l'Est du Québec. Je vous rappelle qu'il y a eu trois documents. Je ne sais pas si vous les avez tous en main. Il y a le mémoire déposé par le Comité contre l'appauvrissement Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, le nôtre, là, qui appartient au Ralliement des Gaspésiens et Madelinots. Il y a aussi un mémoire qui a été remis à M. Bouchard lors de son récent passage aux Îles et qui est peut-être consultable ici – je ne sais pas si vous l'avez – de la Table de concertation et d'action de développement des organismes communautaires des Îles-de-la-Madeleine, la CADOC. Et il y a un autre mémoire, là, de la Table de concertation des groupes de femmes de l'Est du Québec. Il y a des copies aussi qui devraient être disponibles ici. Alors, nous, on représente l'ensemble du territoire de ces gens-là et des positions qui sont débattues à l'intérieur de ces mémoires-là.

Alors, comment ou pourrait fonctionner? On a imaginé travailler en alternance, Owen et moi, pour vous présenter notre mémoire. Ça va être, tout simplement, une lecture en intercalant quelques commentaires et puis, suite à ça, on pourra peut-être discuter des points et revenir sur une conclusion générale.

Alors, d'abord, qui nous sommes, en introduction, nous, des Îles? Le Comité contre l'appauvrissement Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine est un comité associé au Ralliement gaspésien et madelinot, un regroupement régional dont la mission est de promouvoir la prise en charge du développement de la région Gaspésie–Les Îles par sa population même.

Alors, notre comité poursuit les objectifs suivants: d'abord, soutenir la conscientisation sociale de notre milieu par des interventions critiques face au néolibéralisme qui crée de plus en plus d'exclusion et génère de plus en plus d'appauvrissement; deuxièmement, travailler à la transformation des mentalités par la lutte aux préjugés à l'égard des personnes appauvries et la sensibilisation du milieu par rapport au courage et à la contribution de ces personnes à notre société; et, troisièmement, on vise l'amélioration des conditions de vie dans la région par la lutte à l'appauvrissement et la promotion d'un projet de société juste et démocratique, véritablement axé sur la personne.

Alors, on a beaucoup de pain sur la planche. L'étendue de notre territoire, la difficulté d'accès aux services et aux marchés extérieurs, l'amenuisement de nos ressources naturelles, la tendance à l'exode chez les jeunes, le caractère obligatoirement saisonnier de nombreux emplois chez nous, le taux de chômage élevé, qui se situe à au-delà de 20 % actuellement, la difficulté à restructurer une économie régionale forte dans un contexte de concurrence à tout prix, tout cela et plus encore entraîne la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine dans un maldéveloppement quasi chronique.

On sait qu'il y a environ 105 000 de population, 105 000 personnes sur le territoire qui est réparti en six MRC; ces MRC là sont dans les 12 plus pauvres, là, au Québec, pour vous brosser un portrait grossi.

Mais notre histoire et notre survie, faites de mer, de montagnes et de terres arrachées à une nature parfois hostile, mais aussi munificente nous conservent le sens du travail et des valeurs fondatrices d'une société bâtie sur la justice et la solidarité.

M. Fugère (Owen): Alors, notre objectif à nous. Comme l'ensemble des Québécois et des Québécoises, nous reconnaissons le contexte budgétaire difficile du gouvernement et nous sommes prêts à faire notre part d'efforts pour qu'un déficit étouffant ne fasse bientôt plus partie de notre toile de fond sociale et économique. Toutefois, l'obsession de l'assainissement des finances publiques réduit considérablement la vision du gouvernement actuel. Il s'agit, à notre avis, d'une approche sécurisante à court terme, mais destructrice de projets porteurs d'espoir à moyen et long terme. La crise des finances publiques risque de provoquer une cassure dans la société québécoise, voire même une crise sociale sans précédent.

Les personnes pauvres au Québec sont parmi les plus vulnérables et elles doivent lutter quotidiennement pour leur survie. Nous ne parlons pas ici de science-fiction, mais d'une réalité quotidienne pour plus de 1 000 000 de Québécoises et de Québécois. L'appauvrissement gagne du terrain et les facteurs de stress liés au manque de revenus agissent en synergie destructrice entraînant des problèmes de santé mentale et physique, de criminalité, de conflits conjugaux et familiaux. Nous réaffirmons l'importance que l'État assume ses responsabilités sociales à l'égard des pauvres du Québec qui ne sont ni responsables de la dette et du déficit et encore moins de leur propre exclusion. Ils sont plutôt victimes d'un système économique qui les pousse à l'extérieur des circuits officiels de production et d'une répartition équitable de la richesse.

M. Savard (Georges): La région Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine poursuit un objectif prioritaire pour nous et qui veut qu'il n'y ait plus aucun individu qui soit laissé à lui-même, sans espoir de s'en sortir. Or, s'il n'est pas modifié, le projet de réforme aura, de toute évidence, des impacts négatifs graves sur cet objectif. On en a déterminé quelques-uns.

Le premier: un appauvrissement des plus pauvres de notre société. Bien malgré eux et à notre grand dam, trop de jeunes en font partie et leur imposer le bâton plutôt que la carotte par des mesures punitives drastiques, c'est accepter de les appauvrir. Compte tenu du peu d'opportunités d'emploi actuellement au Québec et dans notre région en particulier, tous les prestataires de la sécurité du revenu devraient être admis sur une base volontaire aux activités d'insertion. L'individu doit y voir une possibilité réelle d'améliorer sa condition de vie; sinon, par manque de motivation, il risque fort de se diriger vers un échec.

La pénalité financière prévue pour la personne qui refuse de participer à une démarche individuelle ne fait qu'accorder un pouvoir discrétionnaire à tout fonctionnaire zélé qui déciderait arbitrairement de réaliser des coupures au budget de la sécurité du revenu sur les dos des jeunes prestataires actuellement visés par cette politique. Ces derniers sont les premiers visés, mais les autres groupes d'assistés sociaux le sont aussi et tous font partie des plus pauvres de notre société envers lesquels le Sommet de novembre s'est engagé à respecter la clause de l'appauvrissement zéro. On s'est engagé, mais, comme par hasard, pas pour tout le monde; pour absolument uniquement les plus pauvres. Alors, c'est ce qu'on dénonce aussi ici.

M. Fugère (Owen): Un risque d'exclusion encore plus grand. La vie en région possède certains traits bénéfiques issus de la force du coude à coude et des lois incontournables de la survie, mais le poids des préjugés sociaux et l'ambition mesquine de certains n'empêchent nullement l'exclusion d'un nombre croissant de personnes. Qui n'a pas constaté, ici comme ailleurs, l'acharnement de certains de ses concitoyens à s'accaparer de plus de pouvoir et de richesses pour eux-mêmes ou leur groupe d'appartenance?

Certainement pas pires qu'ailleurs, mais réelles tout de même, la vulnérabilité de nos structures au patronage et la tendance à faire court en démocratie briment souvent nos tentatives de construire un développement local harmonieux. De toute évidence, la Loi sur la sécurité du revenu devra mieux baliser les responsabilités des conseils de partenaires de façon à assurer une véritable égalité des chances à toutes et à tous.

En ce sens, si on pense aux mesures d'employabilité traditionnellement connues, on s'est aperçu qu'il y a beaucoup d'entreprises qui vont utiliser ces programmes-là pour des fins de «cheap labor» beaucoup plus que pour la création d'emplois véritables. Et des études ont démontré par ailleurs que ça a donné très peu de résultats concrets vraiment en termes de création d'emplois stables et fixes, et c'est ce qu'on veut dire par ces commentaires sur les programmes.

(15 h 20)

Maintenant, on dénote une lacune au niveau de la défense des droits des prestataires. Quasi inexistants dans notre région, coûteux et difficiles à faire fonctionner à cause de la dispersion sur le territoire, mais essentiels au fonctionnement non discriminatoire du système, les organismes de défense des droits n'ont aucun rôle de prévu dans le livre vert. Nous en avons absolument besoin, autant sinon plus que les autres.

M. Savard (Georges): Un risque de prolifération d'emplois sous payés. Il faut bien le reconnaître, l'économie sociale ne fait pas encore partie du concept de développement local véritablement. Pourtant, elle s'inscrit en filigrane du projet de réforme et le «cheap labor», son sosie potentiel qu'on le veuille ou non, attire toujours les petits entrepreneurs avides de faire une piastre facilement. Quand on dit «petits entrepreneurs», c'est que ça arrive; on a vu des gens utiliser les stages en milieu de travail et toute la panoplie des petits programmes pour se créer une main-d'oeuvre temporaire. Et on ne parle pas uniquement des petits entrepreneurs; on n'oublie pas, bien sûr, que c'est aussi utilisé par la grande entreprise, ces stratégies-là.

En Gaspésie, comme dans d'autres régions, la rareté des emplois et les besoins financiers des familles risquent de jeter plusieurs nouveaux travailleurs et travailleuses dans la gueule du loup. Nous pensons que la réforme doit mieux encadrer l'économie sociale sur laquelle elle compte pour atteindre ses objectifs afin d'éviter, aux jeunes et aux femmes surtout, des situations d'injustice.

Une difficulté causée par les déplacements et les distances. C'est une particularité aussi qu'on a, qui est énorme, en Gaspésie. Cette difficulté est déjà connue et vécue par de nombreuses personnes défavorisées en région et ce n'est jamais facile d'y remédier, surtout quand on essaie de bousculer les choses et les gens. Elle en handicape déjà plusieurs au niveau de l'emploi ou de la réinsertion en emploi. Des moyens et des fonds appropriés doivent absolument être prévus pour éviter davantage d'iniquité.

Maintenant, les principes et revendications de la Coalition. Nous croyons utile de rappeler ici notre adhésion aux six grands principes adoptés par la Coalition nationale sur l'aide sociale et notre appui à ses trois revendications prioritaires.

Premier principe: toute personne a droit à un revenu décent qui permet de vivre dans la dignité, c'est-à-dire un revenu qui, normalement, devrait atteindre le seuil de pauvreté. Alors, on sait que les revenus de la sécurité du revenu sont nettement inférieurs à ce niveau-là.

Deuxième principe: toute personne a droit de participer à la société de façon pleine et entière, que ce soit par l'emploi ou autrement.

Troisième principe: l'État est responsable d'assurer une réelle distribution de la richesse et une véritable politique de création d'emplois de qualité.

Quatrième principe: le régime de sécurité du revenu doit reposer sur les valeurs démocratiques reconnues dans notre société et, dans cette perspective, il doit, notamment, favoriser l'autonomie des personnes et combattre toute forme de discrimination.

Cinquième principe: que l'aide financière soit dissociée de l'aide à l'emploi. Nous refusons donc toute mesure qui s'assimile au «workfare».

Sixième principe: une démocratisation du système de sécurité du revenu.

Les revendications que nous faisons nôtres: que l'on reconnaisse à toute personne le droit à un revenu décent qui permet de vivre dans la dignité, peu importe son aptitude ou son inaptitude au travail et que, dans cette perspective, le gouvernement commence par accorder minimalement et en tout temps une prestation qui réponde aux besoins essentiels tels que définis dans le livre vert sur la sécurité du revenu ainsi qu'aux besoins réels spéciaux des personnes qui ont des contraintes à l'emploi.

Alors, bon, c'est sûr que nos gens des Îles ont un peu travaillé là-dessus et aussi les gens des organismes communautaires, du ROCCQ de la région 03. Quand on parle de seuil de pauvreté, par rapport à l'aide de dernier recours, il y a quand même un bon décalage. C'est sûr que c'est très difficile pour une personne, comme eux en ont fait la démonstration, qui va recevoir... On dit que le seuil de la pauvreté, c'est 20 degrés plus haut que le revenu moyen d'une famille au Québec pour les trois postes budgétaires essentiels qui sont le logement, la nourriture et quoi, l'autre?

M. Fugère (Owen): Le vêtement.

M. Savard (Georges): Le vêtement; il fait froid au Québec. Donc, si on parle de normes qui, par exemple, pour une personne seule, considèrent que les besoins reconnus essentiels sont de 191 $ pour l'alimentation, 350 $ pour le logement et 50 $ pour l'habillement, on arrive à 536 $. Donc, cette personne-là doit consacrer 107 % de son revenu d'aide sociale, qui est de 500 $, pour uniquement ces trois postes budgétaires là. Là, il n'a pas pris l'autobus pour se chercher de l'emploi, il n'a absolument rien fait d'autre que ça et il est déjà endetté, il est déjà dans le rouge de 7 %. Alors, il y a comme un problème à ce niveau-là en particulier.

J'arrive au point b): que la participation à un parcours soit vers l'emploi, soit vers l'insertion sociale se fasse sur une base volontaire.

Le point c): que le régime soit démocratisé par la reconnaissance de l'expertise des personnes elles-mêmes, par la mise en place de mécanismes d'évaluation indépendants – on parle là peut-être des conseils locaux des partenaires – par la reconnaissance des droits des prestataires et l'existence de recours indépendants à tous les niveaux et aussi par la reconnaissance du rôle des groupes de défense des droits des personnes assistées sociales dans le respect de leur autonomie.

Donc, ça prend aussi un engagement de l'État pour assurer le financement à long terme de ce rôle des groupes sociaux de défense des individus, finalement. Alors, l'autonomie de ces groupes-là suggère un financement, mais ne suggère pas une délégation de rôle, donc de la sous-traitance du gouvernement pure et simple.

M. Fugère (Owen): Alors, maintenant, concernant le «workfare», cette page reprend et développe le cinquième principe de la Coalition. Nous sommes d'avis que la ligne de fond du projet de réforme qui propose de structurer pour chacun et chacune un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi est bonne en soi. Toutefois, le gouvernement n'a dissocié que techniquement l'aide financière de l'aide à l'emploi, puisque le droit à la première reste lié à l'emploi sous peine de mesures punitives sévères. Voilà que l'on verse dans le «workfare», c'est-à-dire dans l'obligation, pour un jeune notamment, de travailler s'il veut toucher des prestations d'aide sociale. Sa citoyenneté québécoise ne lui donne donc plus accès aux mêmes droits que les autres. C'est injuste et inacceptable.

Nous accordons de l'importance à ce droit de citoyenneté parce qu'il est un fleuron des acquis de notre société démocratique. Il consacre le principe d'égalité des chances pour tous et toutes, et constitue un important facteur d'intégration sociale. Respectons-le, d'abord, puis faisons collectivement l'effort de soutenir tous ceux et celles qui ont besoin de notre aide dans un parcours d'insertion à un travail rémunéré ou à un autre type d'activité qui contribue au mieux-être collectif.

Quant à elle, l'économie sociale peut jouer un rôle important à trois conditions, cependant: qu'il y ait consensus autour de sa capacité de transformer l'économie orthodoxe afin de nous sortir d'un économisme qui nous réduit à n'être que des producteurs et des consommateurs plutôt que des citoyens et des citoyennes responsables et engagés dans notre milieu; qu'elle soit bien comprise dans nos milieux, qu'on en débatte et en discute, puis qu'elle soit encadrée et soutenue par l'État; qu'elle ne devienne en aucun cas un fourre-tout d'emplois sous-payés ou un substitut aux innombrables activités d'éducation populaire et communautaire, reconnues et financées par nos gouvernements comme un outil de formation et de transformation dont ont bénéficié de nombreux Québécois et Québécoises.

M. Savard (Georges): Le point 5): des aspects négatifs du projet. Depuis peu, nombre de politiques et de mesures administratives ont attaqué le maigre pouvoir d'achat des moins favorisés parmi nous, dont les personnes assistées sociales au premier chef. La croissance dramatique de la pauvreté justifie amplement l'application stricte de ce qui reste de la clause d'appauvrissement zéro. Les mesures suivantes du livre vert sur la réforme sont donc inacceptables: la perte du barème de non-disponibilité pour les nouveaux arrivants de 55 à 59 ans et pour les femmes chefs de famille monoparentale ayant des enfants à charge entre trois et six ans; la perte de l'allocation de participation de 120 $ par mois pour les personnes participant à une mesure d'employabilité; l'imposition des prestations d'aide sociale; le maintien d'un système de pénalités financières pour les personnes ne s'inscrivant pas dans un parcours d'insertion; l'autorisation de saisie d'une partie des prestations pour le paiement de loyers non payés.

Le ministère de la Sécurité du revenu, ou tout autre organisme, ne doit pas s'immiscer de cette manière dans la relation entre propriétaires et locataires. Il me semble qu'on a déjà des mécanismes ici, au Québec, pour régler ces questions-là. Cette mesure ne fait que justifier une approche coercitive des propriétaires qui seraient tentés de recourir de façon systématique à ce procédé. Il s'agit là, à notre avis, d'un risque d'atteinte aux droits et libertés de la personne. L'État ne fait ici que démontrer qu'il a été à l'écoute du lobby des propriétaires de logements. Il y a des raisons pourquoi les gens ne réussissent pas quelquefois à payer leur loyer: bien sûr, l'insuffisance de revenus et le manque de logements sociaux.

Il y a aussi le maintien de la coupure pour partage de logement. C'est moins 104 $, je pense. Ça, ça décourage l'économie, entre autres, la solidarité. Ça entraîne aussi un certain isolement de ces gens-là.

M. Fugère (Owen): Alors, en conclusion, fidèles aux principes qui guident notre Comité contre l'appauvrissement Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, nous voulons, tout d'abord, rappeler que les personnes victimes d'un appauvrissement engendré par l'emprise du système néolibéral actuel sur toutes les économies du monde, y compris la nôtre, sont des personnes humaines à part entière dont il faut reconnaître la contribution spécifique.

Pour leur mieux-être et le nôtre, nous voulons d'une réforme qui respecte les droits que nous leur avons reconnus jusqu'ici; leur ouvre des chemins neufs et dans lesquels ils et elles seront soutenus, respectés et encouragés; nous fasse grandir tous et toutes ensemble dans la construction d'un monde où l'égalité des chances et la répartition de la richesse font partie des priorités sociales.

(15 h 30)

Ce projet de réforme, tel que rédigé, s'appuie sur des principes généraux et ne propose en bout de ligne qu'une façon différente de gérer la pauvreté au Québec. Le gouvernement a en main le rapport intitulé Chacun sa part et signé par Camil Bouchard, Vivian Labrie et Alain Noël. Il doit, selon nous, s'en inspirer pour réécrire «un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi».

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup, messieurs. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Harel: Alors, bienvenue. Je suis très contente d'avoir eu l'occasion de prendre connaissance de votre mémoire. Je pense, bon, que ça reprend un certain nombre de choses. Évidemment, vous vous en doutez, là, car vous êtes le 90e organisme qui se présente, dont sans doute le 70e de défense des droits. Cependant, il y a quelque chose qui ne peut venir que de la Gaspésie et des Îles, malgré tout. Puis savez-vous ce que c'est? Ça s'appelle la poésie.

Ça a l'air étrange de vous dire ça, dans un mémoire, là, mais prenez juste la page 2, le dernier paragraphe. Je ne sais pas si je peux me permettre de vous le reprendre: «Notre histoire et notre survie faites de mer, de montagne et de terres arrachées à une nature parfois hostile, mais aussi munificente nous conservent le sens du travail et des valeurs fondatrices d'une société bâtie sur la justice et la solidarité.» Et j'aime autant, d'une certaine façon, des valeurs fondatrices. Même, à choisir entre un peuple fondateur puis des valeurs fondatrices, j'aime bien les valeurs fondatrices. Je trouve qu'il y a là quelque chose de profondément tourné vers l'avenir aussi.

Alors, écoutez, la conversion – vous en avez entendu parler, c'est dans le livre vert – des mesures de sécurité en mesures actives, vous savez d'où vient l'idée? Elle vient d'une réunion qui a eu lieu dans une petite salle, ici, sur l'étage, à côté, il y a un an, avec à peu près tous, je pense, ceux qui, en tout cas, pensent décider en Gaspésie puis aux Îles, c'est-à-dire les gens de la MRC, des six – il y en a six, je pense, hein? – MRC, plus le CRD. Et c'est venu à partir du projet du Fonds de création d'emplois municipaux, là.

Peut-être que les autres députés ne sont pas au courant, mais c'est un projet spécial qui s'est bâti à travers, je dirai, la solidarité aussi, hein, la concertation, l'expérience aussi. Ils voulaient arrêter de tourner en rond dans des projets occupationnels et ils ont décidé que l'argent allait être dorénavant être investi dans des projets structurants. Ce sera quand même 3 500 000 $, l'an passé, qui auront été mis dans ce genre de projets, dont 1 000 000 $ du ministère de la Sécurité du revenu. Et ça aura provoqué pas mal de tiraillements parce que ça supposait qu'on aille plus loin que le programme PAIE, hein, qui avait six mois, bon, etc., qu'on aille du côté d'une rémunération égale de traitement à celle qui se donnait aussi dans les municipalités puis qu'on allonge la période et que ça puisse aller jusqu'à un an. Finalement, non seulement ça s'est fait, l'an passé, mais on reprend ça cette année.

Et, vous savez, je pense que c'est intéressant... Je ne sais pas si vous avez entendu parler, là, du projet qui est élaboré à Matane, là, par un agent dans le CLSC de Matane. Son nom de famille m'échappe. Il s'appelle Pierre... Oui, c'est ça. Bon, aussi, il y a quelque chose de très innovateur de ce côté-là.

M. Fugère (Owen): Je vous rappelle, Mme Harel, que Matane n'est pas encore dans notre territoire.

Mme Harel: C'est vrai; vous êtes dans le Bas-Saint-Laurent.

M. Fugère (Owen): On aimerait bien les avoir, mais ils ne sont pas encore dans le Bas-Saint-Laurent.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Excusez. Bon, bien, je... Mais ça reste innovateur quand même. Mais ce qu'il y a aussi d'important, c'est ce qui... Je pense que l'idée quand même de fond derrière tout ça, c'est de plus investir dans l'emploi, même avec les balises que vous y mettez, que d'investir dans le chômage. On met et on a tellement mis d'argent dans l'industrie du chômage, c'est quelque chose qui est renversant. J'avais un tableau – c'est pour l'île de Montréal – là, qui parle de lui-même. C'est un tableau de l'ensemble des points de services. Avez-vous idée de ce que ça signifie? C'est sur l'île de Montréal, là, en rouge, en bleu puis en noir. Et tout ça, finalement... Ah, je le tiens à l'envers, excusez. Tout ça pour les résultats qu'on n'a pas, là.

Alors, on voit bien que ça crée des obstacles, le fait qu'il y ait une hypercatégorisation. On le voit même plus avec les Îles, là. Dernièrement, on s'est rendu compte à quel point l'impact de l'assurance-emploi avait été important sur des personnes qui, auparavant, pouvaient se rendre admissibles à l'assurance-emploi et qui, là, tombent entre deux chaises parce qu'elles ont une petite maison ou une chaloupe, ou des outils de travail comme une pépine, ou quelque chose comme ça. Alors, il y a comme un ajustement important à faire, puis je pense que les gens sont capables, malgré tout, de relever des défis.

Là, j'ai une série de projets – vous devez les connaître aux Îles – qui sont en train de se formaliser pour être prêts dès cet été: l'ensemencement des pétoncles, le projet de viande avec le phoque, de transformation du homard, d'aménagements boisés, de pistes cyclables, de centres de tri de déchets. En fait, il y en a, n'est-ce pas, et il n'y a pas de raison qu'on ne transforme pas finalement un financement qui – comment vous dire – alimente la résignation des gens vers quelque chose qui supporte leur initiative puis leur débrouillardise, y compris au sein des carrefours jeunesse-emploi. Là, vous êtes conscients que celui des Îles s'en vient, Bonaventure a été annoncé, celui de Gaspé aussi. Ça va être le réseau complet, là, qui va s'installer dans la région.

Bon. Ceci dit, ce n'est pas les problèmes qui manquent; c'est le taux d'activité qui est le plus éclairant. Et le taux d'activité, je le regardais encore dernièrement, c'est ça qui est le plus inquiétant, finalement. Ceci dit, là, je ne sais pas si ça va vous rassurer, mais je peux vous dire tout de suite que c'est complètement confirmé, le maintien du barème de participation de 120 $. Les 55-59 ans, je le répète, là, mais je peux vous dire, en tout cas, de ne pas vous inquiéter, parce qu'on regarde ça du côté des députés ministériels et on a bien l'intention de faire un rapport là-dessus au gouvernement. Les chefs de famille monoparentale, ça s'applique pour celles seulement dont les enfants auront cinq ans le 30 septembre puis, pour le reste, on va examiner ça très sérieusement.

L'imposition des prestations d'aide sociale, cependant, ce n'est pas le cas; on n'imposera pas les prestations d'aide sociale, et c'est un seuil de revenus qui va être très élevé. C'est lorsque, combinés, les revenus de travail plus l'aide sociale, ça donne un seuil qui est au-delà du seuil d'imposition. Puis j'y reviendrai parce que, dans le fond, c'est le ministre des Finances qui va annoncer ça, là; ça ne tardera pas, là.

Bon. Vous concluez en disant: «Le gouvernement a en main le rapport intitulé Chacun sa part [...]. Il doit, selon nous, s'en inspirer pour réécrire "un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi".» Ça va peut-être vous surprendre, mais on s'en est inspiré énormément. Je vais juste vous lire quelques extraits. Par exemple, à la page 142, sur les chefs de famille monoparentale, je lis: «La politique actuelle des programmes d'aide consistant à octroyer un barème de non-disponibilité aux parents d'enfants de moins de six ans semble avoir un effet direct sur la non-participation à des mesures de scolarisation et de préparation à l'emploi, mesures sans lesquelles ces mères augmentent les risques de se condamner à la pauvreté chronique et, avec elles, leur enfant.» Alors, là, on recommande «de remplacer le barème de non-disponibilité s'étendant sur une période de 72 mois par d'autres modalités d'aide».

Je vais vite, là, mais, sur les jeunes, peut-être trois lignes pour vous donner la recommandation justement du rapport, si je peux les retrouver. Oui. Sur les jeunes, vous voyez, c'était à la page 227; on lisait dans le rapport: «La prestation accordée aux jeunes adultes doit reposer sur une obligation réciproque jeunes-État dans le cadre d'une entente formelle qui définit un plan d'insertion sociale et professionnelle.» En fait, c'est l'idée du parcours.

Bon, je ne veux pas continuer comme ça, mais à la page 187 – peut-être la dernière, là, avant de reprendre notre échange – on dit: «Une seule approche apparaît à la fois efficace, raisonnable et viable légalement: la remise en question du caractère insaisissable des prestations de la sécurité du revenu.»

Beaucoup de gens ont lu le livre vert pas en soi pour ce qu'il y a dedans, mais l'ont lu dans le contexte des compressions qui étaient faites avant, depuis deux ans, et ça, ça les a amenés à penser que le livre vert était fait pour aller chercher de l'argent. Le livre vert est fait, dans le fond, pour qu'il y ait moins de monde à l'aide sociale, mais pas, comme je l'ai dit, parce qu'on va les en évincer, mais parce qu'on va les aider.

(15 h 40)

Ceci dit, je peux comprendre quand même qu'il puisse y avoir une méfiance à l'égard de tout cela, notamment parce qu'il n'y a pas de chapitre sur les recours, les droits d'appel, les droits de révision. Tout ça finalement, actuellement, est fait dans un rapport souvent très autoritaire, dans une relation qui est une relation où les gens ne sentent pas qu'on fait appel à leur responsabilisation ou qu'on fait appel à leur implication. Sur les recours, bon, sur toutes ces questions-là, il est évident qu'il y a un chapitre qu'on va ajouter.

Mais, sur le parcours comme tel, si vous aviez à nous donner des conseils, quelles sont les conditions pour qu'il réussisse, à part le fait qu'il soit volontaire, là? Mais, vous savez, il ne faut pas être dogmatique dans ces questions-là. On veut que ça marche, ça. C'est quoi, les conditions?

M. Fugère (Owen): Bien, je pense que vous l'avez bien dit: Il ne faut absolument pas que ce soit coercitif si on veut arriver à des résultats parce que, pour tout parcours en emploi, si les personnes ne sont pas motivées et que c'est vraiment par des pressions, comme dans tout processus d'apprentissage ou de démarche personnelle, c'est bien clair qu'on n'aura pas l'implication ou l'engagement des personnes concernées. Donc, à partir du moment où on enlève la mesure de coercition, je pense qu'il est possible de travailler avec les personnes, de façon très positive et constructive, à des mesures d'employabilité. Cela dit, je pense que, si...

Mme Harel: Est-ce que vous pensez qu'il puisse y avoir, à un moment donné, dans certains milieux, une culture de la chronicité, là?

M. Fugère (Owen): Ça, je pense que c'est des préjugés qui sont véhiculés, malheureusement, trop souvent par des technocrates, je dirais, qui ont une vision très négative des personnes assistées sociales. Mais il y a sûrement des éléments de chronicité dans le sens qu'il y a des cultures de pauvreté qui existent, c'est bien évident, mais ça ne veut pas dire que les personnes ne veulent pas s'activer, sauf que c'est souvent une démarche très personnalisée ou c'est par de l'animation de milieu auprès des gens concernés qu'on peut arriver à les réimpliquer dans une démarche. Mais ça ne se fait pas du jour au lendemain. C'est un travail très terrain. Le problème, c'est que les fonctionnaires sont, souvent, trop éloignés du terrain, donc ont leur vision et, à ce moment-là, c'est difficile de se mettre dans la perspective du milieu et des gens concernés.

C'est bien évident que c'est difficile à briser, le cycle de la pauvreté, surtout quand c'est intergénérationnel, sauf que ça prend un travail de terrain. Et, nous, ce qu'on craint, c'est qu'il n'y ait pas suffisamment de moyens, disons, pour rapprocher les intervenants et les intervenantes des milieux et des personnes qui sont en mesures de réinsertion, disons. C'est un travail, à mon avis, volontariste, non coercitif, mais un travail d'animation terrain avec les personnes qui sont les plus proches de ces milieux-là. Souvent, c'est des gens qui sont bénévoles, c'est des organismes communautaires. Ce n'est surtout pas des fonctionnaires. Et, si les fonctionnaires se rapprochent via les territoires des MRC et les CLE, par exemple, c'est une chose, mais se rapprocher de la culture locale des communautés et des individus, c'est autre chose.

Et, nous, ce que l'on craint là-dedans, c'est qu'il n'y ait pas suffisamment une approche de milieu et, nous, on pense qu'avec une approche de milieu, avec une approche terrain, avec des gens qui sont capables d'intervenir à proximité avec les personnes en mesures d'employabilité, on peut arriver à des résultats intéressants. Donc, dans ce sens-là, on a cette perspective-là, et je pense que la structure des CLE peut aboutir à quelque chose d'intéressant, mais ce n'est pas évident. Parce qu'on prend des fonctionnaires et qu'on les amène de la SQDM ou du centre Travail-Québec dans des structures de MRC, ce n'est pas évident que, dans leur culture, dans leur façon de faire, ils vont pouvoir intervenir de façon efficace. Alors, il faudra y joindre, y impliquer les usagers eux-mêmes et aussi les organismes communautaires qui sont proches de ces gens-là, mais aussi toujours dans le contexte du volontariat.

Il faut absolument retirer la question d'obligation et aussi toute la perspective de la culpabilisation qu'il y a derrière. C'est une approche, à mon avis, néolibérale dans le sens qu'on dit: Les pauvres sont responsables de leur condition; ils ne veulent pas travailler, c'est des lâches. Ça, on l'a souvent entendu. Il y a même des banquiers qui ont dit qu'on devrait fermer la Gaspésie. Alors, c'est des préjugés comme ça qu'on veut abattre. Les gens, je pense, veulent faire quelque chose, mais c'est: Comment on va s'y prendre et aussi comment on va travailler en éducation populaire? Donc, ce n'est pas des universitaires quand on parle des prestataires. J'ai pris le crachoir, Mme Harel. Ha, ha, ha!

Mme Harel: Mais il faut faire attention. Il ne faut pas tomber dans le dogmatisme parce que vous savez d'où ça vient, cette idée de parcours. Ça vient du Danemark, hein! Ils ont modifié leurs services publics d'emploi en 1994, et l'idée de fond, c'est que le chômage, c'est involontaire. Ça, ce n'est pas une idée néolibérale. Le chômage est involontaire. Le chômeur n'est pas responsable du chômage, mais, à partir du moment où il se fait faire une offre juste et raisonnable, la refuser, c'est choisir volontairement le chômage. Mais encore faut-il que l'offre soit juste et raisonnable.

Et c'est toute la question de la réciprocité. La réciprocité c'est aussi, comme on nous l'a si bien dit ce matin avec le mémoire du Chic Resto Pop, que l'État puisse offrir en contrepartie quelque chose qui soit satisfaisant pour la personne. Mais, dans la réorganisation, je veux juste leur dire: Pensez à la SQDM. Ses services sont... Vous savez peut-être ou pas qu'en arrivant, il y a deux ans, j'ai fait en sorte qu'il y ait au moins un conseil régional et une société de développement de la main-d'oeuvre en Gaspésie. C'était à Rimouski. Alors, vous l'avez dit vous-mêmes, c'est deux régions. Là, au minimum, la prochaine étape, c'est que ça soit à Pabos aussi. Vous comprenez? Il faut franchir les étapes, mais l'idée, ce n'est pas que ça reste à Gaspé seulement. Alors, il faut qu'il y en ait six CLE...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je m'excuse, Mme la ministre, on a dépassé le temps largement, malheureusement. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Peut-être, si vous voulez, oui, allez-y.

M. Savard (Georges): Si vous permettez, ça va peut-être vous intéresser. C'est que, dans le fond – on parlait de chronicité – il y a une structure de travail qui n'est pas urbaine en Gaspésie; il y a des petites et moyennes municipalités, mais le territoire est un territoire rural ou semi-rural. Donc, c'est une politique qui m'apparaît plus urbaine qu'autre chose. Il y a cet aspect-là un petit peu dans la culture de travail, qui est collée à la structure du travail qui fait que c'est une majorité de gens qui vont avoir du travail saisonnier et c'est sûr que le travail à l'année graduellement avec...

On ne peut pas parler d'industrialisation de la Gaspésie dans la société postindustrielle, de toute façon, mais, s'il y avait un développement au niveau de la population, il y aurait une augmentation des structures plus urbaines, des petites villes qui grossissent un peu plus, donc plus de travail à l'année, mais il y a structurellement une bonne proportion du travail qui va rester du travail saisonnier. On peut penser que des gens pourront développer du travail saisonnier d'hiver par le tourisme, et tout ça, qui se développe actuellement effectivement, mixé avec un travail saisonnier d'été, mais il va toujours y avoir, en partie, en tout cas, dans la problématique du travail régional cet aspect-là.

L'autre aspect aussi, c'est qu'on ne peut pas insérer un jeune, une femme monoparentale ou un adulte dans un processus d'insertion s'il n'entrevoit pas une possibilité réelle d'autodéveloppement ou de développement, ou de grandir quelque part là-dedans. S'il voit que c'est une mesure qui ne mène nulle part, occupationnelle ou quasi occupationnelle, il ne pourra pas s'investir. Alors, dans ce sens-là aussi, c'est des conditions nécessaires d'avoir une structure sociale qui permette d'envisager effectivement une réelle possibilité de développement et d'intégration.

Alors, je ne suis pas sûr qu'uniquement une politique de sécurité du revenu va pouvoir réussir à mettre toutes les conditions, parce que c'est finalement toute la question plus macro des possibilités d'emploi. Déjà, le rapport Fortin mentionne aussi comme conclusion que toutes ces chères propositions, qui ne sont pas très chères à nous parce que l'optique est très, très négative et culpabilisante, etc., complètement en dehors de la track... Mais il réussit quand même à avoir un petit peu de réalisme à la fin en disant que tout ceci n'est bon que dans la mesure où il y aura effectivement augmentation de la création d'emplois sur le territoire québécois.

Et de quelle façon, à elle seule, une politique comme ça pourra y contribuer, pour moi, ce n'est pas évident. Alors, si ce n'est pas accompagné... Je ne sais pas si on peut poursuivre une politique de plein-emploi. Je ne sais pas si le plein-emploi dans les années quatre-vingt-dix, c'était 95 % des gens au travail. Je ne sais pas si, dans les années 2000, ça va être 80 % ou 60 %. Alors, de dire à des gens: Oui, embarquez-vous dans un processus d'insertion, de formation et d'emploi, et tout ça, là, ils vont être captifs par des systèmes comme ça, mais ils ne sont pas comme des étudiants à l'école primaire à qui on dit: Apprends ça, ça va te servir un jour. Là, tu veux faire un processus pour gagner ta vie et pour vivre dignement. Tu te fais dire que, oui, tu vas avoir une job un jour. Mais les gens ne sont pas fous. Ils savent bien qu'au niveau de la planète, si on veut, l'avance technologique fait que, des emplois, il y en a de moins en moins.

(15 h 50)

Alors, c'est quoi, la psychose collective de courir sur le plein- emploi? Ça prend une politique de l'emploi maximum puis une politique de redistribution de la richesse. Puis on ne peut pas rendre – on l'a dit tout à l'heure – l'individu responsable du chômage. On ne peut pas le rendre responsable de la situation économique mondiale et québécoise. Alors, on ne peut pas non plus uniquement lui proposer des mesures qui risquent ou ont des chances de ne pas déboucher.

Mme Loiselle: Oui. Merci. Bonjour, bienvenue. Pour continuer dans la même veine, j'aimerais peut-être cibler plus les jeunes, parce que vous en parlez dans votre mémoire. Vous dites, bon, qu'il y a un taux de chômage, dans votre région, de 20 %. C'est très élevé. Vous dites qu'il y a un exode des jeunes à cause du manque d'emplois, à cause de difficultés de restructuration au niveau de l'économie régionale, tout ça.

Vous, vous faites partie de la grande majorité des groupes qui ont dit au gouvernement: Retirez tout le caractère coercitif, les pénalités, parce qu'on a même des études... Le Conseil québécois de la recherche sociale est venu nous démontrer que c'était contre-productif et que ça avait l'effet contraire à ce qu'on voulait faire, finalement. C'est que ça fait décrocher le monde et ça le démotive au lieu de le motiver. Et il y a certains groupes qui nous ont dit: C'est peut-être une façon indirecte, mais subtile, de la part du gouvernement, de retirer la parité aux jeunes étant donné que, un, on les cible; deux, on nous a parlé de discrimination, que c'était discriminatoire, si on considère tous les bénéficiaires comme des citoyens à parts égales au Québec, envers d'autres concitoyens de cibler des catégories de gens avec la réforme.

Et, sachant tout ça – vous l'avez bien exprimé: au niveau de l'économie, ce qui se passe actuellement, c'est plus des fermetures que l'on vit que de la création d'emplois – je regardais, il y a le Conseil permanent de la jeunesse. Je ne sais pas si vous avez eu la chance de regarder ce qu'ils ont déposé, la semaine dernière, au niveau du taux de suicide chez les 15-29 ans dans votre région, c'est très, très inquiétant. C'est très élevé.

Je pense qu'il faut que le message continue à se faire au gouvernement. Étant donné qu'on sait tout ça, que le gouvernement entend ce qui vient se dire en commission parlementaire, est conscient des études qui disent que c'est contre-productif, il faut se poser la question: Pourquoi on s'entête à vouloir garder le caractère coercitif de la réforme? Je veux vous entendre davantage, là, pour essayer de sensibiliser davantage le gouvernement à cet égard-là sur les effets et l'impact que ça peut avoir.

M. Fugère (Owen): Bien, je pense que le gouvernement a le temps de réfléchir, parce que j'ai compris que la réforme serait remise à l'automne, je pense? C'est bien ça, Mme Harel? On a reporté un peu l'adoption des mesures de la réforme.

Mme Harel: Si ma collègue me permet, dans les étapes à venir, la première chose, vous savez, c'est la création du ministère de l'Emploi et de la Solidarité. C'est la mise en place des CLE puis des conseils de partenaires au niveau local et du plan local d'action et de la transformation de la gestion par programmes en gestion par fonds. Donc, il faut comme asphalter la piste d'atterrissage pour que la réforme de la sécurité du revenu, là, puisse atterrir correctement.

M. Fugère (Owen): Alors, nous, on pense que justement le gouvernement a peut-être été un petit peu trop rapide dans la réforme de la sécurité du revenu, en tout cas, avec le livre vert, dans le sens que, à quelque part, on a l'impression que les mesures répressives s'en viennent avant les mesures préventives et de création d'emplois. Il nous apparaît, en conclusion, que le risque, c'est que justement, un peu comme pour les jeunes, là, vraiment on essaie de limiter l'accès à la sécurité du revenu, que l'on diminue aussi les versements pour certaines catégories, dont les jeunes. À ce moment-là, on passe à côté de la track complètement, dans le sens qu'il faut absolument avoir des politiques et des moyens de création d'emplois, parce que, dans le fond, on ne serait pas ici, aujourd'hui...

Évidemment, la Gaspésie, c'est la région la plus défavorisée, entre guillemets, au Québec. Donc, à ce moment-là, on est doublement pénalisés, dans notre région, à ce moment-là. Et, pour nous, il était inconcevable que, à quelque part dans la réforme, ce soit toujours les gens qui vivent des situations de sous-emploi qui soient les premiers pénalisés. Donc, il faut remettre la locomotive, je pense, dans le sens de la création d'emplois et on n'en sortira pas autrement.

Parce que, vous le savez très bien, que ce soit en milieu urbain ou en milieu rural, dès qu'il y a des nouvelles annonces d'emplois, des usines qui ouvrent – juste à l'usine de Newport, on a annoncé la réouverture de l'usine et il y avait des centaines de personnes qui se sont présentées pour 60 emplois, parce qu'on parlait de réouverture, puis l'usine, au moment où on se parle, n'est pas en fonction – juste à partir du moment où on annonce la création d'emplois, alors les gens se garrochent carrément pour l'emploi.

Donc, à ce moment-là, c'est un faux problème de trop mettre l'accent sur des mesures répressives au niveau des personnes et des individus qui sont aux prises avec des problèmes de chômage, alors que, structurellement, un peu comme M. Savard l'a mentionné, il y a un manque d'emplois partout, dans toutes les régions du Québec, et aussi, dans des régions rurales comme la nôtre, on le vit souvent de façon plus intensive.

Et aussi je vous rappelle là-dessus qu'au niveau de l'économie saisonnière j'étais avec des manifestants, l'hiver dernier, au niveau de l'assurance-emploi – parce que, comme vous l'avez mentionné, les problèmes de sécurité du revenu sont aussi reliés au fait qu'avec les coupures à l'assurance-emploi beaucoup de gens se retrouvent à l'aide sociale – et puis quelqu'un me disait: Écoutez, en Gaspésie, si, par exemple, au printemps, je pouvais faire de l'agriculture, qu'à l'été je pouvais faire de la pêche, qu'à l'automne je pouvais faire de l'activité forestière et, à l'hiver, une autre activité, j'aurais des revenus garantis à longueur d'année.

Malheureusement, notre économie étant saisonnière, la plupart des activités ont lieu dans la période du printemps à l'automne. Donc, ce sont toutes les mêmes activités et, à ce moment-là, c'est impossible pour les gens de pouvoir travailler à longueur d'année dans ces secteurs-là. On est une région à économie de ressources; c'est basé sur des ressources naturelles. Donc, à ce moment-là, c'est très difficile pour les gens de travailler à longueur d'année. Donc, c'est une réalité incontournable de notre région.

La réforme de l'assurance-emploi nous a rentré dedans de plein front. Évidemment, les coupures, ça a pelleté dans la cour du niveau des provinces et, dans ce cas-ci, du Québec via la sécurité du revenu. Ça entraîne des problèmes très, très sérieux pour notre région aussi au niveau des prestataires. Tout ça est relié. Donc, la réforme de l'assurance-emploi et aussi les coupures à l'aide sociale, les coupures dans les transferts aux provinces, c'est sûr que ça fait partie du problème également, on en est bien conscients.

Mais, en bout de ligne, ce qu'on vous dit, c'est qu'il ne faudrait pas que ce soit les gens qui vivent ces situations-là qui soient pénalisés. Au contraire, on doit s'assurer qu'ils aient un revenu minimum garanti et, à ce moment-là, qu'on continue à faire des efforts au niveau de la création d'emplois. Et, sur une base volontaire, je ne suis pas inquiet: la demande est là, les gens participent et vont continuer à participer, mais il faut absolument enlever tout ce qui est coercitif. C'est le message essentiel qu'on veut livrer. On veut replacer les responsabilités individuelles, oui, mais aussi les responsabilités collectives et la responsabilité de l'État. L'État a un rôle au niveau des programmes sociaux et il a un rôle de redistribution de la richesse, et, à ce moment-là, il faut rétablir l'équilibre à ce niveau-là.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, Mme la Présidente. Est-ce que je dois comprendre qu'il y a une certaine crainte au niveau de l'imposition des prestations de l'aide sociale, de la politique ou du projet d'imposition? On verra dans quelques minutes, peut-être, si M. Landry va procéder à un tel geste. J'imagine que la question se pose d'autant plus en Gaspésie à cause des cycles du travail saisonnier. Il y a des travailleurs qui tombent, malheureusement, à cause de ces cycles-là, dans des périodes de temps où ils sont obligés soit d'aller sur l'assurance-emploi, si on peut, sinon sur l'aide sociale.

La ministre, dans un communiqué, indique – son bureau – que ça ne devrait pas trop, trop causer de problèmes parce que, avec des revenus de travail, on est imposé, si on a des retenues à la source, basé sur l'année longue. Alors, il y a une surimposition pour une période de temps au travail qui devrait compenser pour l'absence de retenues à la source advenant l'imposition des prestations d'aide sociale. Elle admet quand même, dans le même communiqué de presse, que cette mesure va aller chercher 50 000 000 $. Alors, ce n'est pas juste un jeu de dés cachés, là; il y a un impact réel. J'aimerais peut-être vous entendre là-dessus. C'est quoi, l'impact dans votre région de cette proposition d'imposer les prestations d'aide sociale?

La Présidente (Mme Barbeau): En terminant, s'il vous plaît, brièvement. On va devoir quitter.

M. Savard (Georges): Oui. On est comme dans une situation où les gens ne font pas beaucoup de planification financière sur deux ans, trois ans avec un budget, et tout ça, quand tu as 300 $, 400 $ à gérer par mois. Quand tu trouves une petite job, tu travailles et, tout à coup, oups! tu te rends compte que tu as de l'impôt à payer en bout de ligne à la fin de l'année. Alors, la situation, c'est que, parmi les plus démunis, c'est de la gestion à la petite semaine. Donc, on n'a pas la marge de manoeuvre, en tant qu'individu – et, encore là, je reviens en faisant le lien avec la question des jeunes, c'est encore plus criant – de pouvoir finalement vivre avec...

Quand tu te trouves un travail, normalement, tu pars de l'aide sociale et tu ne passes pas nécessairement à un emploi à 40 000 $ par année. Alors, l'écart est mince et puis, sur le petit travail que tu trouves, tu dois payer ton impôt, et tout ça; c'est assez difficile. Je pense qu'en Gaspésie – je ne sais pas si c'est plus particulier là – en tout cas, c'est assez criant, surtout chez des clientèles spécifiques. Ça pose une question de... Tu sais, tu as de l'épicerie à faire, tu as un loyer à payer, tu as des dépenses pour un nouvel emploi et tu as des prélèvements qui sont importants, compte tenu du ratio. Alors, c'est sûr que, chez nous, c'est difficile à cause de ça.

(16 heures)

Puis il y a la jeunesse aussi. Je pense que la ministre a les éléments pour réfléchir sur le fait que ces gens-là ne doivent pas être discriminés parce que ça s'ajouterait au phénomène déjà actuel. Les gens font un petit bout, peut-être, au cégep, certains au secondaire V, puis ça s'en vient remplir... des chômeurs des villes. Alors, ça s'ajouterait.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, merci beaucoup, messieurs. Au nom des membres de cette commission, nous vous remercions de votre contribution, et j'ajourne les travaux au mercredi 26 mars, 9 heures. Merci.

(Fin de la séance à 16 h 1)


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