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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Wednesday, March 19, 1997 - Vol. 35 N° 67

Consultations particulières sur le livre vert intitulé «La réforme de la sécurité du revenu : un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi»


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
Mme Diane Barbeau, présidente suppléante
Mme Louise Harel
M. Russell Williams
Mme Marie Malavoy
M. Russell Copeman
* Mme Monique Émond, FACEF
* Mme Édith Saint-Hilaire, idem
* Mme France Latreille, idem
* M. Rolland Durocher, FLHLMQ
* Mme Lilianne Carreau, idem
* Mme Francine Boulet, idem
* M. Daniel St-Germain, idem
* Mme Eduarda Freitas, idem
* M. Claude Gelderblom, idem
* M. Robert Pilon, idem
* M. Jacques Proulx, Solidarité rurale du Québec
* Mme Marie-Anne Rainville, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Quinze heures quarante-trois minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour à toutes et à tous les membres de la commission et aux invités. Mme la secrétaire, est-ce que vous avez constaté le quorum?

La Secrétaire: Oui, M. le Président, nous avons quorum.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. La commission des affaires sociales a comme mandat de se réunir afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le livre vert intitulé La réforme de la sécurité du revenu: un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi .

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, M. le Président: Mme Signori (Blainville) sera remplacée par Mme Simard (La Prairie).

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Chaque membre a eu l'ordre du jour. À moins d'avis contraire, l'ordre du jour est adopté tel quel.

Alors, nous recevons, pour débuter nos travaux, les représentantes de la Fédération des associations coopératives d'économie familiale du Québec. Mesdames, je vous dis bonjour. Je pense que, Mme Émond, c'est vous qui commencez ça en nous présentant les gens qui vous accompagnent.


Auditions


Fédération des associations coopératives d'économie familiale du Québec (FACEF)

Mme Émond (Monique): D'accord. Alors, à ma gauche, Édith Saint-Hilaire; à ma droite, France Latreille. Donc, on est toutes les trois responsables des dossiers sociaux à la Fédération des ACEF.

On ne vous fera pas le coup de vous lire le mémoire – parce que vous en avez entendu cent, on va essayer d'être plus dynamiques – mais on va vous expliquer, dans un premier temps, le contexte dans lequel s'inscrit notre mémoire, ensuite les principales recommandations que, nous, on souhaiterait que Mme Harel prenne en considération.

La Fédération des ACEF travaille depuis des années et des années sur l'amélioration des conditions de vie de la population québécoise, par nos services directs, par notre travail d'éducation, par nos représentations également. Mais la situation qui nous préoccupe de plus en plus, c'est celle des personnes assistées sociales, et, avec l'aide qu'on apporte, c'est-à-dire le support et les services qu'on rend, on est utiles mais fort limités dans ce qu'on peut apporter. La raison est que les gens n'ont pas nécessairement des gros problèmes de gestion, mais particulièrement des problèmes de revenus. S'ajoutent à ça, de plus en plus, avec les nouveaux prestataires à l'aide sociale, des problèmes aussi de détresse psychologique. Ça, pour nous autres, c'est extrêmement important, d'où, souvent, la limite d'intervention parce qu'on n'a pas non plus de perspectives à leur offrir.

Donc, les interventions qu'on fait aussi depuis des années auprès du gouvernement, c'est de sensibiliser nos gouvernements sur cette réalité que vivent ces personnes-là. Les principes sur lesquels se guide notre mémoire, c'est les principes d'équité et de justice sociale.

Nos réactions par rapport au projet de réforme de l'aide sociale, c'est que, pour nous, dès qu'il y a des mesures qui amputent encore le revenu de ces personnes-là, pour nous autres, c'est confiner des gens dans une pauvreté de laquelle ils ne peuvent pas se sortir. Nous, on ne peut pas être d'accord avec toutes ces mesures-là.

Le projet de réforme est également basé sur le cheminement individuel des personnes assistées sociales vers le marché de l'emploi. On ne peut pas être contre le principe, au contraire; notre problème, c'est la réalité de l'emploi. On trouve qu'il y a une contradiction entre vouloir amener ces gens-là vers le marché de l'emploi, ce qui est tout à fait louable, et, en même temps, d'arriver à un cul-de-sac. On a l'expérience des programmes d'employabilité depuis des années, qui a amené, d'ailleurs, des gens de programme en programme, jusqu'à, dans le fond, un cul-de-sac d'où très peu de gens se sont sortis.

On a le sentiment que la réforme est beaucoup située dans le spectre du déficit zéro. Et, nous, c'est: Oui, le déficit zéro, mais à quel prix devrons-nous payer ce déficit-là et quelles personnes seront touchées directement? Ça aussi, ça nous inquiète énormément.

On est d'accord aussi avec le principe que tous les partenaires sociaux – on parlait de gouvernements, entreprises, syndicats, groupes communautaires, institutions – se sentent concernés par le problème de l'emploi, mais, nous, on attend que l'État, lui, fixe les règles du jeu dans un souci de partager la richesse et les emplois et de préserver un filet social. Pour nous autres, ça reste toujours le rôle de l'État, et ça, on y tient beaucoup.

On est d'autant plus inquiets que, depuis quelques semaines, on nous annonce des mesures qui sont, dans une certaine mesure, décidées et qui ont un impact direct actuellement sur les revenus des personnes assistées sociales, et ça, ça nous inquiète, parce qu'on a le sentiment qu'on travaille ensemble pour vouloir faire une réforme qui se tient debout, mais on a le sentiment qu'on est en train, par certains directives ou règlements, dans le fond, d'avancer le travail.

Alors, je vais demander à Édith de continuer, à partir des recommandations de notre mémoire, sur le premier chapitre, qui est la question de l'exclusion.

Mme Saint-Hilaire (Édith): Alors, on donc a repris différents points qui se retrouvent dans le document de consultation, notamment le prix de l'exclusion. On sait que le discours populaire veut que l'on tombe sur l'aide sociale et je crois que ça illustre bien, justement, le sentiment dégradant que la situation confère à la majorité des gens qui se retrouvent là.

La réforme qui est proposée par la ministre, en reconnaissant aux personnes assistées sociales le statut de travailleur sans emploi, propose de redonner une dignité et un sentiment d'égalité aux bénéficiaires. On ne peut finalement qu'applaudir ce fondement-là. Par contre, c'est la stratégie d'application qui nous amène à émettre des doutes. Alors, on dit, entre autres: Pourquoi ne cibler que les jeunes et les familles monoparentales et, de surcroît, les forcer également à la tâche, quand on sait que la motivation est l'élément déclencheur souvent d'un succès qui va être durable et que toute personne désireuse d'améliorer sa situation devrait pouvoir saisir l'occasion propice au moment où elle trouve que c'est le temps?

Alors, on recommande donc l'accès au parcours individualisé avec support à l'emploi – les cibles: d'abord, les personnes volontaires – et que ces parcours-là soient accessibles à tous sans égard à l'âge ou au statut civil.

(15 h 50)

Ensuite, l'atteinte d'équité. C'est un deuxième élément fort louable de la réforme. Donc, on dit: Établir des conditions plus équitables entre les personnes à faibles revenus, alors que, pour nous, comme association de consommateurs, la justice sociale va signifier d'abord une redistribution de la vraie richesse. Ici, on se rend compte, finalement, que, dans la réforme, il y a peut-être un vice de procédure, parce que, ce dont on se rend compte, c'est qu'on tend à niveler par le bas. Donc, il y a de nombreuses mesures: entre autres l'imposition des prestations; il y a des coupures également; on pourrait souligner ici la pénalité pour partage de logement, et ces mesures et ces coupures vont rendre encore plus pauvres les pauvres des pauvres. Alors, on dit finalement: C'est une piètre équité si on la regarde sous cet angle-là. Alors qu'on dit vouloir traiter les assistés sociaux comme des citoyens à part entière, pourquoi on se complaît à sabrer dans leur faible budget?

Aussi, nous recommandons que cette équité s'étende davantage vers le haut, c'est-à-dire vers les couches de la population les mieux nanties. Nous recommandons donc une réforme de la fiscalité qui va permettre aux personnes à faibles revenus de souffler un peu plus, et ce, quelles que soient leurs sources de revenus. Également, nous recommandons que, dans un esprit d'équité et dans un regard plus égalitaire des conditions de vie des personnes à faibles revenus, la coupure pour partage de logement soit abolie.

Par la suite, sur la hausse des gains de travail permis, je vais citer le document de consultation, où on dit: «Le régime de la sécurité du revenu actuel doit composer avec de nouvelles réalités sociales et économiques et s'adapter à un contexte plus périlleux, caractérisé par un chômage élevé et persistant, la précarité d'emploi, les nouvelles exigences en termes de compétence, de même que l'importance du travail et de la consommation au noir» – alors, c'est une citation du livre de consultation – alors que, dans ce même livre de consultation, on dit dans une même lancée qu'on veut, finalement, que la réforme autorise les personnes assistées sociales à des gains de travail qui sont légèrement plus élevés. C'est comme si on augmentait l'utilisation d'une bouée de sauvetage, alors qu'on sait pertinemment qu'on est à court de stock.

Alors, on se dit que, si la ministre veut réellement honorer les besoins essentiels qu'elle reconnaît elle-même dans la réforme, on recommanderait à ce moment-là que les barèmes d'aide sociale soient haussés au niveau des besoins essentiels reconnus par le ministère, de façon à assurer des conditions de vie décentes à l'ensemble des citoyens, et ce, compte tenu de l'impossibilité pour tout le monde d'avoir accès à un revenu de travail.

Concernant le guichet unique, la réforme actuelle donne espoir de voir disparaître les chevauchements, le fouillis et l'incohérence dans l'application de divers programmes d'aide aux sans-emploi. On considère que c'est un grand et un beau défi que cette réorganisation gouvernementale et on ne peut, encore là, qu'applaudir les efforts qui seront faits en ce sens-là.

Concernant les mesures actives de réinsertion, alors, comme Monique l'a signifié dans l'introduction, on ne dira jamais assez qu'en matière de réinsertion au travail une enfilade de petits projets décousus ne mène à rien, si ce n'est justement qu'à rendre encore plus vulnérables ceux qui y participent parce qu'on sape finalement dans leur confiance en eux et dans leur estime de soi. Alors, heureusement, le projet de réforme semble vouloir remédier à ces lacunes-là avec une vision des programmes sur un plus long terme. Dans ce redéploiement des programmes d'employabilité, par contre, les employeurs devraient être interpellés sur la durée des projets admissibles comme telle.

Ce qu'on trouve intéressant également, c'est le soutien personnalisé aux prestataires en quête de reprise en charge. Ça nous semble original et ça nous semble également être un atout qui pourrait justement permettre le succès tant espéré. Si, par contre, par des programmes plus appropriés ou un soutien à la réinsertion, la ministre songe à créer un contexte qui va stimuler les prestataires désireux de s'engager, un élément majeur reste absent: c'est l'argent nécessaire pour une participation pleine et entière des prestataires. Alors, on sait que, pour pouvoir performer au travail, il ne faut justement pas avoir en tête le loyer en retard ou encore la coupure d'Hydro qui nous attend au retour du travail.

Alors, on dit donc: Aussi, afin de créer les conditions financières décentes pour les participants, nous recommandons que les personnes inscrites à un parcours d'insertion reçoivent, en supplément à leur prestation de base, l'équivalent du revenu de travail permis dans chaque catégorie de prestataires. Par contre, lorsque ces parcours correspondent à un stage en milieu de travail, on recommande que l'employeur verse au moins le supplément de la prestation et que cette prestation-là soit convertie en subvention salariale qui, par contre, serait au taux horaire du salaire minimum de manière justement à garder un souci d'équité avec les travailleurs à faibles revenus.

Maintenant, sur le pelletage des responsabilités sur le plan local, la ministre, dans son projet de réforme, demande aux partenaires locaux de prendre leurs responsabilités dans l'intégration des assistés sociaux en favorisant la création d'emplois chez eux. C'est certain que les divers acteurs locaux – entreprises, municipalités, groupes sociaux, groupes communautaires ou autres – doivent effectivement prendre place dans cette quête d'emplois, mais, par contre, simplement la place qui leur revient et sans se substituer à l'État, qui doit demeurer maître d'oeuvre là-dedans.

Aussi, à ce moment-là, nous recommandons que l'État n'abandonne pas ses responsabilités à l'endroit des bénéficiaires de la sécurité du revenu en transférant l'entière responsabilité de réinsertion sur le plan local.

Maintenant, sur le développement de l'économie sociale. La majorité des partenaires locaux, autant que l'État, semblent avoir découvert la mine d'or, finalement, pour créer des emplois, c'est-à-dire l'économie sociale. Cette manière de faire, qui existait avant et qu'on a baptisée «économie sociale», ne doit pas, par contre, remplacer les emplois qui sont déjà existants, des emplois stables et bien rémunérés, pour des emplois nouvelle image, si on veut, mais souvent précaires.

Aussi, on recommande donc que les politiques de développement en matière d'économie sociale visent à créer de nouveaux emplois et à améliorer les conditions souvent précaires et les bas salaires des employés qui travaillent actuellement dans le secteur de l'économie sociale et non à remplacer des emplois stables et mieux rémunérés qui existent ailleurs. Merci.

Mme Latreille (France): C'est moi qui vais prendre la parole. Je vais vous parler des recommandations qui portent sur les mesures spécifiques.

Premièrement, il y a les parcours individuels pour les 18-24 ans. Nous estimons qu'une démarche obligatoire dans un parcours pour la clientèle des 18-24 ans n'est pas appropriée, encore moins si elle est associée à des pénalités. D'une part, actuellement seulement 15 % des personnes qui veulent s'impliquer dans une démarche peuvent le faire. Or, comment la structure proposée pourrait-elle absorber toute cette clientèle? Nous croyons qu'il serait plus pertinent de rendre obligatoire pour les jeunes de 18-24 ans une démarche individuelle d'évaluation des besoins pour vérifier les contraintes à l'emploi et pour les diriger ensuite vers un parcours qui correspond aux besoins du jeune.

Nous recommandons donc que la participation à un parcours d'insertion ne soit pas obligatoire. Sur une base volontaire, le jeune pourra s'inscrire à un parcours, et, à ce moment, un supplément à la prestation devra être versé. S'il s'agit d'un stage en milieu de travail, nous recommandons que la prestation soit convertie en subvention salariale et que ce soit l'entreprise participante qui verse l'équivalent du supplément correspondant au revenu de travail permis pour chaque catégorie. Le salaire horaire serait fixé au taux du salaire minimum. On pense sincèrement que, en offrant un parcours vraiment qualifiant et axé sur les besoins de l'individu et ensuite en confiant le suivi du parcours à un agent d'aide à l'emploi compétent et non à un gestionnaire de chèques, les chances qu'un jeune termine son parcours sont très grandes.

(16 heures)

Pour les personnes ayant la charge de jeunes enfants, nous sommes très conscients qu'actuellement beaucoup de familles monoparentales vivent isolées dans des conditions difficiles. Nous trouvons très pertinent de mettre sur pied des mesures qui permettent le retour sur le marché du travail des mères de jeunes enfants. Pour répondre aux besoins réels de ces mères, nous préconisons un retour progressif sur le marché du travail ou aux études. Encore ici, nous mettons l'emphase sur la démarche d'évaluation. Il faut adapter le processus de réinsertion selon les contraintes vécues par les mères. Il faut donner du temps. Pour acquérir de la compétence, des habiletés, pour développer la culture du travail, il faut des conditions favorisant l'intégration, l'appartenance à un milieu, et cela ne se fait pas à court terme.

Nous recommandons de rendre obligatoire une démarche d'évaluation des besoins. Cette démarche d'évaluation doit se faire avec un agent d'aide à l'emploi compétent pour bien définir le parcours le plus pertinent et le plus adapté. Les mesures d'insertion doivent être progressives et à long terme et non associées à des pénalités. Nous recommandons aussi qu'une contribution financière soit versée aux personnes qui s'intégreront dans un parcours. Enfin, nous recommandons qu'il y ait mise sur pied d'un réseau de garderies qui répond aux besoins des familles, avec un nombre de places suffisant et des places à temps plein et à temps partiel étant donné qu'on parle d'un retour progressif et lent.

Au niveau de l'autre clientèle, qui sont les personnes de 55 à 60 ans, de plus en plus, on entend parler de retraite anticipée tant dans l'entreprise privée que dans les différents ministères. Le marché de l'emploi est restreint. Pourquoi alors couper la prestation de cette clientèle? Pourquoi les maintenir dans un état de pauvreté? Nous ne croyons pas que ces personnes puissent avoir accès à des emplois qui leur permettraient de combler leurs prestations. C'est pourquoi nous recommandons de verser le barème de soutien financier aux personnes de 55 à 60 ans.

Pour ce qui est de la dernière section, c'est-à-dire tout ce qui touche au versement du coût du loyer au propriétaire, les paiements préautorisés et les mesures de recouvrement de contrôle... Au niveau du versement du coût du loyer au propriétaire, dans les cas de défaut du paiement du loyer, la réforme suggère que le montant du loyer soit versé au propriétaire. Actuellement, la grande majorité des locataires s'acquitte de cette dépense. Une petite partie des prestataires ont des retards dans le paiement du loyer. Les coûts du loyer associés au petit montant de la prestation ne sont pas étrangers au fait que certaines personnes éprouvent des difficultés à rencontrer cette dépense.

C'est pourquoi, avant de permettre la saisie du montant du loyer, il faudrait laisser s'écouler un certain délai, c'est-à-dire à peu près au moins trois mois, pour éviter qu'un retard d'un mois fasse immédiatement l'objet d'une saisie par le propriétaire. Il faut éviter que cette procédure soit utilisée largement par les propriétaires, car nous croyons que cette saisie du chèque va entraîner beaucoup de problèmes pour le prestataire.

Donc, pour éviter le recours systématique à la saisie, nous recommandons que le propriétaire ne puisse saisir le chèque avant qu'il y ait trois mois de retard.

Au niveau des paiements préautorisés, d'emblée, nous ne sommes pas d'accord avec cette forme de paiement. Cela risque en effet d'inciter les propriétaires à la rendre conditionnelle à la signature du bail. Actuellement, même s'il est illégal d'exiger des chèques post-datés au locataire, plusieurs propriétaires le font. De plus, en cas de différend avec le propriétaire, les locataires seraient privés du seul moyen de pression mis à leur disposition.

Nous recommandons donc de ne pas mettre en place le paiement préautorisé pour le paiement des loyers.

Au niveau des mesures de recouvrement et de contrôle, les personnes qui ont reçu des prestations de la sécurité du revenu alors qu'elles n'étaient pas éligibles doivent rembourser ces montants, c'est évident, mais on ne croit pas qu'il soit nécessaire d'imposer des frais au débiteur en sus du remboursement du trop-payé. Souvent ces prestataires demeurent sur l'aide sociale, donc une partie du montant est remboursée à même les prestations. Amputer davantage le chèque laisserait ces personnes dans une situation beaucoup trop précaire. Aussi, des montants reçus illégalement ne sont pas libérables en faillite. Ainsi, le ministère peut en récupérer une bonne partie, car cette dette ne s'efface pas autrement que par son remboursement.

Nous recommandons de maintenir les politiques actuelles de recouvrement.

C'étaient les recommandations de la FACEF. Merci de votre attention.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'inviterais maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Harel: Alors, bienvenue à la Fédération des associations coopératives d'économie familiale, bienvenue aux ACEF. Votre mémoire est un des bons mémoires qu'on a reçus en commission depuis le début de nos travaux, le 29 janvier dernier. On ne pourra sans doute pas échanger sur tous les aspects que vous abordez, mais je vais essayer d'en choisir quelques-uns puis d'aller au plus pressé.

Peut-être la première chose, c'est le contexte... Dans ce que vous nous recommandez, vous nous dites notamment... En fait, pour résumer la chose, il y en a pour 850 000 000 $ dans ce que vous recommandez. Notamment, le fait de hausser les barèmes au niveau des besoins essentiels reconnus, ça, c'est 730 000 000 $; et la coupure pour le partage du logement, c'est un autre 127 000 000 $. Alors, on est à 850 000 000 $.

Je ne pense pas, en passant, qu'il y a une impossibilité d'avoir accès à un revenu de travail. Souvent, il y a possibilité d'avoir accès à des revenus de travail qui ne sont pas suffisants en regard des obligations de la vie, n'est-ce pas. Pour payer son loyer, son épicerie, un revenu de travail doit être plus que 30 heures au salaire minimum. Et il y a un paradoxe dans notre société: plus on gagne d'argent, plus on fait beaucoup d'heures. Il y a 353 000 personnes cette semaine qui vont faire plus de 50 heures, et ce sont celles qui sont les mieux payées. Et celles qui sont au salaire minimum, la moyenne des heures, c'est seulement 30 heures.

Donc, il est sans doute possible de regarder ça de près, mais je vous dis tout de suite aussi que les barèmes au niveau des besoins essentiels, c'est 730 000 000 $; la coupure pour le partage de logement, 127 000 000 $. Le budget à l'aide sociale, comme vous le savez, il n'a pas baissé, il est toujours à 4 235 000 000 $; en regard de 1994-1995, il a même augmenté de 25 000 000 $. Ça peut sembler paradoxal, n'est-ce pas, mais c'est qu'il y a une augmentation du nombre de ménages. Mais le budget lui-même, si on regarde ça... Vous savez, des fois, on peut dire qu'on fait dire n'importe quoi aux chiffres, hein. Mais, justement en regard de la diminution des budgets dans les autres ministères, on peut dire que jamais on aura tant consacré au budget de la sécurité du revenu; en pourcentage, ça augmente d'année en année. Parce que le budget, lui, reste stable, il est autour de 4 000 000 000 $ encore cette année, 4 260 000 000 $. En tout cas, il est 25 000 000 $ de plus qu'en 1994.

Parce que, vous savez, il y a une augmentation du nombre de ménages; l'augmentation du nombre de ménages est due en grande partie au fait qu'il y a des chômeurs qui auparavant avaient l'assurance-chômage et qui ne l'ont plus maintenant étant donné qu'il y a 40 % seulement maintenant des chômeurs qui, le mois dernier, ont pu se qualifier pour être prestataires à l'assurance-emploi. Alors, il y a tout ça qui joue dans l'appauvrissement: on est comme un déversoir de l'assurance-emploi. Bon, ça, ce sont des choses que vous savez.

Il n'y a pas de transfert non plus de l'entière responsabilité au niveau local. Il y a toujours... Vous savez, la réorganisation des services publics d'emploi avec le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, j'appelle ça ma piste d'atterrissage. Elle n'est même pas asphaltée, il va falloir le créer, le ministère de l'Emploi; il va falloir réorganiser les services, les simplifier, les 110 mesures tout éparpillées; le décloisonner, le service qui est selon l'étiquette; et puis, le mettre en place, l'Emploi Québec avec les conseillers à l'emploi. Vous connaissez tout ça. Et vous savez qu'il va y avoir des partenaires nationaux avec des mandats nationaux, des partenaires régionaux et des partenaires locaux. En fait, c'est le niveau local qui n'existait pas. On s'est contenté au Québec de s'arrêter au niveau régional. C'est un peu loin, ça, du monde, le niveau régional, puis pas juste à Montréal.

Ceci dit, la philosophie derrière, c'est de transformer la gestion en programmes normés, en gestion par fonds, n'est-ce pas – un fonds local, un fonds régional, un fonds national – avec des plans de développement au niveau local, régional, national.

Il y a des choses, par exemple on parle des 18-24 ans... Carrefours jeunesse-emploi, c'est une nouvelle ressource; on mettra 15 000 000 $ cette année là-dedans. Et ça, c'est un réseau à développer pour accueillir des jeunes, quel que soit leur chèque, qu'ils n'en aient pas, qu'ils en aient un. De toute façon, ils en ont de moins en moins, de l'assurance-emploi, en passant. Les jeunes, contrairement à il y a 20 ans, ça s'est inversé complètement: il y a 20 ans, il y en avait quasi 11,5 % qui recevaient de l'assurance-chômage après une première job, etc.; là, maintenant, c'est 11,5 % qui reçoivent de l'aide sociale parce qu'ils n'ont quasiment plus droit à l'assurance-chômage. Donc, il y a les carrefours jeunesse-emploi.

(16 h 10)

Ensuite, l'économie sociale, ce n'est pas la panacée universelle, mais, avec les projets qui s'en viennent sur trois ans, on prévoit quand même 20 000 emplois clé en main de ceux que le chantier a fait adopter au Sommet. Vous avez ensuite les entreprises d'insertion, avec les contrats d'insertion, dont vous avez sûrement entendu parler suite au comité interministériel qui a travaillé pendant un an; et vous avez le fonds, le fonds de 250 000 000 $ sur trois ans, qui, lui, va servir, en surplus, à partir du 1er avril, essentiellement à soutenir des projets où des personnes, sans chèque ou avec un chèque, vont pouvoir aller chercher un statut de travailleur, ou de travailleuse, ou d'étudiant, ou d'apprenti, mais non pas un statut d'assisté. Bon.

Ceci dit, moi, je vais déposer un projet de loi – j'ai eu le feu vert ce matin – sur la retraite progressive et sur... Ça, ça va s'offrir à 38 000 personnes qui ont entre 55 et 65 ans et qui vont pouvoir combiner leur rente de retraite avec leur régime privé – ça, c'est du monde dans le privé, là – et qui vont pouvoir aussi faire une retraite progressive. Vous savez, présentement il faut comme choisir ou de travailler ou d'arrêter de travailler. On ne peut pas choisir d'être dans les deux, sinon on est perdant. Alors, là, la loi va finalement venir assouplir ça. Ensuite, j'en dépose un autre aussi sur le régime d'apprentissage.

Bon, je ne vous dis pas que c'est la panacée à tous les maux, mais il faut se réorganiser. Les 18-24 à l'aide sociale, savez-vous qu'il y en a 70 % qui sont des décrocheurs, puis ce sont des garçons principalement, 75 %. À 70 %, ce sont des jeunes qui ont décroché. Alors, on les produit, là, les jeunes, on les engrange. C'est ça qu'il faut arrêter. C'est le système qui fait qu'à 18 ans on s'en va à l'aide sociale parce qu'on ne pense pas qu'il y a d'autre chose étant donné que ce qu'on a essayé, ça n'a pas marché.

Mais il y a tellement d'autres choses aussi. Le dépôt direct... Bon, vous dites non au paiement préautorisé; je voudrais vous entendre sur le dépôt direct.

Mme Émond (Monique): Le dépôt direct que, nous, on avait...

Mme Harel: ...

Mme Émond (Monique): Ça «va-tu»?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Non, non. Ça va, ça va.

Mme Harel: Excusez. J'ai dit juste que ça passe trop vite.

Mme Émond (Monique): Oui. Le dépôt direct, on avait un problème. D'ailleurs, on faisait partie de la commission nationale sur la sécurité du revenu puis on avait apporté nos réticences par rapport à une chose, c'est que le problème se situe... C'est que, nous, c'était l'insaisissabilité du chèque. Et les institutions financières ont promis au ministère qu'il n'y aurait pas de problème là-dessus, que tout était sous contrôle. Sauf que, nous, on sait que, dans la réalité, dans les institutions financières, particulièrement dans les milieux ruraux, le directeur de banque ou le gérant de caisse a quasiment le contrôle du compte chèques du prestataire, c'est-à-dire les gens se servent... On l'a vu pour des paiements. Quand tu dois quelque chose à la caisse populaire, il retire l'argent du compte puis il ne pose pas de question. Donc, nous, on disait: Ce n'est pas suffisamment légiféré pour empêcher la saisissabilité du chèque.

Mme Harel: Qu'est-ce que vous ajouteriez? Parce que, vous savez, suite à des recommandations que vous avez faites, vous avez vu que j'ai demandé au ministère d'avertir les institutions financières que le dépôt direct, on allait finir ça. C'est pour faciliter la vie aussi des prestataires, le dépôt direct, en passant.

Mme Émond (Monique): Il y a des prestataires qui sont très à l'aise avec ça, en passant.

Mme Harel: Oui, je sais.

Mme Émond (Monique): On ne peut pas être contre tout, sauf qu'on sait que, là, il doit y avoir des règles qui doivent prévaloir.

Mme Harel: Pouvez-vous nous aider? Parce que, depuis, je n'ai pas reçu d'autres plaintes. Vous savez, souvent, c'est sur plainte qu'on peut voir quand les problèmes surviennent. Comme j'en avais eu au bureau de comté, ça m'a permis de corriger, mais je n'en ai pas eu d'autres depuis. Est-ce qu'il y a un problème qui pourrait survenir du fait qu'on exige des paiements préautorisés et qu'il faudrait modifier le Code civil pour préciser ou prévenir ça? Qu'est-ce qu'il y a à faire à ce niveau-là? Je sais qu'il y a une campagne d'information, en tout cas, à faire avec le chèque, en envoyant un papillon pour dire qu'en tout temps – c'est un mode de paiement comme un autre – on peut l'arrêter. Ça, il faut que le monde sache ça.

Mme Émond (Monique): Là, vous, vous parlez du paiement préautorisé et non pas du dépôt direct.

Mme Harel: Oui.

Mme Émond (Monique): O.K.

Mme Harel: Mais les deux, on peut les arrêter.

Mme Émond (Monique): Oui, sauf que le problème, on disait, c'est que ça ouvre la porte aussi. Parce que tout le débat actuel, dans notre société, entre... Des propriétaires qui donnent une image, à mon avis, qui est extrêmement négative concernant les assistés sociaux et qui développent des préjugés aussi très forts dans la population, qui disent: Les assistés sociaux ne paient pas leur loyer – ce qui est faux, dans la majorité des cas, les personnes assistés sociaux paient leur loyer – ça, c'est un problème.

Et l'autre... On dit: En ouvrant la porte au paiement préautorisé, il y a peut-être des gens qui vont l'accepter – ça, il y en a qui peuvent être à l'aise – mais, nous, on dit: Entre autres, ça peut être un moyen, avec le propriétaire, par exemple si tu as des troubles au niveau de ton logement, des réparations qui ne sont pas faites... On sait très bien que le paiement préautorisé, la machine décolle avant même l'ouverture de la caisse. Ça fait que c'est sûr que le paiement va passer le premier du mois et que tu n'auras plus ce moyen de contrôle là.

Mme Harel: La veille...

Mme Émond (Monique): Et ça, nous autres, on disait...

Mme Harel: ...un coup de téléphone, là, et puis ça peut...

Mme Émond (Monique): Oui, mais le problème qu'on a vu, c'est, souvent, l'utilisation de ça quand tu vas signer ton bail, où il y aura une forme de pression des gens, de dire: Bien, écoute, il faut que tu acceptes le paiement préautorisé ou je ne te prends pas comme locataire. On a dit: Pourquoi on court après ça? Pourquoi courir après ce genre de problème là? Parce qu'il n'y en aura pas, de plaintes. Vous ne verrez pas de gens qui vont venir se plaindre officiellement, non, parce que tu es toujours mal à l'aise par rapport à ça. Puis le propriétaire ne te dira pas officiellement que c'est à cause de ça qu'il ne veut pas louer. Sauf qu'on a l'impression que ça va être une pression supplémentaire sur les personnes assistées sociales. Nous, on dit: Pourquoi vous ouvrez la porte à ça?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je m'excuse...

Mme Harel: Mais on n'ouvre pas la porte. Le paiement préautorisé n'est pas défendu par le Code civil. Attendez, le paiement préautorisé doit demeurer volontaire. C'est ça. C'est ça qui est dans le Code civil, hein?

Mme Émond (Monique): Oui.

Mme Harel: Bon, en tout cas, je pense qu'il faut regarder ça, le paiement préautorisé, pour être sûr que ça va être balisé. Mais le dépôt direct, si vous voulez, avec toutes les lettres que je reçois de gens qui disent: Ça, ça m'aide, puis enlevez-moi pas ça, je ne vois pas que... Vous savez, dans la balance des inconvénients...

Mme Émond (Monique): Mais on n'a pas de revendication de s'opposer contre. La seule affaire, c'est que, nous, on souhaiterait, en tout cas, qu'il y ait une surveillance, je dirais, parce que, dans les faits, là, je vais vous avouer que, dans les caisses rurales ou les banques rurales... Moi, je le vois plus dans ma pratique chez nous – ...

Mme Harel: C'est à Shawinigan?

Mme Émond (Monique): ...Trois-Rivières, dans la région de la Mauricie – il y a un rapport entre l'institution financière et les gens, dans le compte de banque, qui est assez... des fois, c'est spécial, parce que tout le monde se connaît, bon. Et le paiement préautorisé, si la personne a oublié de dire de l'arrêter, ça passe automatiquement. Si tu as un prêt à la caisse, ça va passer pareil. Donc, nous autres, on trouve qu'il y aurait un cadre à donner à ça. C'est juste ça. Parce qu'il y a des gens qui veulent effectivement le dépôt direct. Moi, il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je dois maintenant passer la parole au député de Nelligan. Peut-être juste souligner avant que, si j'ai bien compris Mme la ministre, vous pouvez toujours envoyer le plus rapidement possible des recommandations quant à ça, même si on n'a pas le temps aujourd'hui d'y toucher. M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Merci à la Fédération des associations coopératives d'économie familiale du Québec de se présenter cet après-midi. Juste pour expliquer, nous avons commencé les crédits, et mes collègues essaient d'être à deux places en même temps. C'est pourquoi nous ne sommes pas tous ici. Mais nous avons tous ensemble lu votre document. Alors, un petit commentaire: Effectivement, moi aussi, je trouve que c'est un bon mémoire, un excellent mémoire, mais j'ai trouvé que tous les mémoires présentés à cette commission étaient d'excellents mémoires.

Je voudrais commencer peut-être sur le même sujet, sur les recommandations, à la fin, la question du versement du loyer au propriétaire, les paiements préautorisés, et tout ça. Vous avez recommandé qu'un propriétaire ne puisse pas saisir le chèque avant trois mois de retard. Je comprends votre suggestion parce que, si un chèque est saisi, ça peut faire mal. Mais je connais aussi des propriétaires qui vivent selon leurs moyens, qui ne sont pas nécessairement très élevés non plus. Je voudrais savoir comment votre recommandation peut balancer entre le propriétaire qui vit juste au-dessus d'un certain niveau et le prestataire.

Parce que c'est facile de dire ça, quand... Je pense aux grosses bâtisses. Il peut vivre sans quelques chèques. Mais, souvent, on parle des petits appartements, des affaires comme ça. Je voudrais juste vous donner une chance d'explorer ça un peu plus, de balancer les deux besoins.

Mme Émond (Monique): Bien, les deux... C'est-à-dire que notre préoccupation, c'est toujours la peur de l'abus. Parce qu'il peut arriver une situation corsée dans la vie et que, possiblement, tu sois dans la situation où tu n'es pas en mesure de payer ton loyer le premier du mois, que tu doives avoir des retards. Puis ça, la vie, là, elle comporte énormément de dépenses qui peuvent arriver et que tu ne contrôles pas.

Dans le mémoire, on propose évidemment un cheminement juridique, c'est-à-dire à la Régie du logement. Mais on s'est dit: Pour éviter, justement, un genre d'abus qui ferait qu'aussitôt qu'il y a 15 jours ou trois semaines de retard on saisit immédiatement le chèque, nous autres, on dit non parce qu'il peut arriver des situations où ce n'est pas de la mauvaise volonté, mais où c'est une situation imprévue. Alors, on s'est dit: Pourquoi ne pas attendre trois mois? Je comprends votre problème avec le petit propriétaire...

M. Williams: Oui, c'est ça.

(16 h 20)

Mme Émond (Monique): ...mais nos propos étaient de se mettre du point de vue de la personne prestataire d'aide sociale aussi, qui peut effectivement subir une saisie de son chèque jusqu'à la fin du bail pour une raison qui, des fois, est indépendante d'elle-même. Je comprends votre problème, mais je ne peux pas le résoudre.

M. Williams: Je comprends ça, mais votre recommandation aussi peut créer un autre abus, de l'autre côté de la médaille.

Mme Saint-Hilaire (Édith): Sauf que, ce qu'on voit souvent dans les cas biens particuliers, soit de consultation budgétaire ou autre, quand la personne, par exemple, a du retard au niveau d'un premier mois de loyer, avec le propriétaire, c'est souvent facile, justement, de s'entendre. Alors, ce qu'on veut éviter finalement, c'est que, justement, au bout d'un mois, tout de suite il y ait un recours légal qui soit pris du côté du locataire. C'est pour ça qu'on donne un délai qui permet de ne pas tout de suite embarquer dans les procédures administratives.

M. Williams: O.K. Merci. À la page 4 de votre mémoire – parce que le temps presse – vous avez parlé de... Chose certaine, il y a un problème si on persiste à voir l'emploi comme le seul moyen de procurer un revenu en même temps que ce moyen devient de moins en moins accessible. Il faudrait permettre de peut-être chercher des alternatives au travail et reconnaître que d'autres formes de contribution sociale peuvent donner droit à un revenu, mais un revenu qui soit équitable.

Est-ce que vous êtes en train de suggérer qu'on trouve une façon de payer pour le bénévolat? Je voudrais comprendre ce que vous voulez dire par «alternative au travail».

Mme Émond (Monique): C'est-à-dire qu'on a toujours la notion traditionnelle du travail, où c'est tant d'heures travaillées, tant d'heures payées, etc. Nous, dans notre tête, entre autres, la notion d'économie sociale, si elle n'était pas actuellement si galvaudée – parce qu'elle est récupérée un peu par tout le monde – pourrait, selon notre point de vue, être quelque chose d'intéressant. Mais l'économie sociale, c'est aussi, dans la définition, utilité sociale et utilité publique. Mais loin de nous l'idée de vouloir faire payer le bénévolat, dans le genre... Mais, nous, on parle toujours, toujours de revenu d'emploi, de revenu de travail et non pas de subvention ou de contribution.

Je pense que la réforme veut aller aussi dans ce sens-là, c'est-à-dire de mettre des gens au travail comme employés et non pas comme subventionnés ou petits programmes par-ci... Donc, nous on parle toujours de revenu d'emploi. C'est très important, cette notion-là, pour nous autres. Et ne pas remplacer des emplois effectivement qu'on perd, par exemple dans le domaine de santé et des services sociaux, pour dire qu'on va les faire récupérer par des personnes assistées sociales avec une prestation de 100 $ de plus par mois. C'est très important, cette notion-là, dans notre mémoire.

M. Williams: C'est effectivement votre recommandation d'assurer que ce n'est pas juste les travaux à bas salaire, c'est vraiment de les remplacer avec des emplois stables. C'est ça que vous mentionnez dans votre recommandation 8.

Mme Émond (Monique): Oui. Et aussi, je pense que c'est important dans le mémoire, nous, on le dit: il y a effectivement une responsabilité sociale aussi, et, si on a une contribution envers l'employeur, l'employeur doit donc aussi lui-même participer au financement du revenu de la personne qui participe, par exemple, à un stage en milieu de travail ou à une intégration dans un milieu de travail. Pour nous, l'employeur a aussi une responsabilité financière par rapport aux personnes qui vont dans leur milieu. Là, il y a ça aussi, dans le mémoire, qui est important, qui va dans le même sens d'un véritable revenu.

M. Williams: Oui. Merci de souligner ça. Dans ce gouvernement, je vois une certaine tendance qui m'inquiète beaucoup. Souvent, il arrive avec des programmes mur à mur, avec l'aspect obligatoire – si on parle de médiation familiale, si on parle de maternelle plein temps. Maintenant on arrive avec les aspects d'un programme qui est obligatoire aussi. Vous vous êtes prononcés contre l'aspect obligatoire. Est-ce que vous pouvez expliquer encore une fois pourquoi vous êtes contre cet aspect obligatoire de la réforme?

Mme Saint-Hilaire (Édith): Nous, on se dit que, quand il y a quelque chose qui est obligatoire, si la motivation n'est pas là, souvent les gens, à ce moment-là, peuvent se promener d'un programme à l'autre et on n'aura peut-être pas, justement, le succès escompté, celui qu'on voudrait voir dans cette réelle réinsertion là.

Par exemple, quelqu'un qui vient nous voir et qui est forcé par son travailleur social, à ce moment-là la motivation... le travail qu'on fait va être plus ou moins valable. Parce que, si la personne n'y croit pas et ne voit pas ce que ça peut lui donner en bout de ligne, à ce moment-là les efforts qu'on va faire de part et d'autre ne serviront pas à grand-chose.

Alors, c'est pour ça qu'on dit: Pourquoi ne pas aller chercher d'abord les volontaires? sachant aussi qu'il faudra roder la machine administrative pour faire en sorte qu'on puisse, dans un premier temps, aller donner du travail ou accepter certaines gens aux programmes. On se dit: Pourquoi, dans un premier temps, ne pas aller chercher les volontaires? C'est avec eux qu'on pourra roder les programmes et peut-être même aussi les améliorer pour ensuite les ouvrir à plus de gens. Alors, c'est un peu ce pourquoi on est contre l'obligation.

Par contre, ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est, pour les jeunes, de rendre obligatoire une formule d'évaluation. Dans cette formule d'évaluation là, là on pourrait inciter les jeunes, par la suite, à le faire sur une base volontaire, mais aller chercher l'intérêt des gens à ce moment-là. Et, si on a des programmes intéressants, qui sont valorisants, on va y aller de façon seule, là, on n'aura pas besoin de leur forcer la main. On y allait plus dans cette optique-là.

Mme Émond (Monique): Je pense aussi, pour compléter ce que vous disiez tantôt sur les programmes mur à mur, que ces programmes mur à mur, le danger qu'ils ont aussi, c'est de ne pas correspondre aux besoins de la personne. Et ce qu'on regarde chez les jeunes de 18-24 ans, il y a effectivement, dans plusieurs cas, des contraintes à l'emploi. Tantôt, Mme Harel, vous parliez de décrochage scolaire. Ce n'est pas l'aide sociale qui va régler le problème en les envoyant sur les bancs d'école. Il y a un problème beaucoup plus profond que ça. Comment on peut adapter des nouvelles formes d'apprentissage autres? Mais il faut l'évaluer avant tout.

Alors, nous, on dit qu'il faut au moins rencontrer la personne pour dire: C'est quoi, le cheminement que cette personne-là, idéalement, devrait suivre en tenant compte de sa réalité? Et ça, le danger des programmes mur à mur, c'est que tu ne tiens pas compte de ça. Tu dis: Toi, c'est pas là que tu vas, puis... Donc, si c'est intéressant, ce qu'on a eu à lui offrir, à notre avis le reste va venir tout seul. Je dirais même que vous allez en avoir trop.

M. Williams: Dernière question courte, M. le Président?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Dernière.

M. Williams: Dans la recommandation 7, vous avez dit que l'État est en train d'abandonner ses responsabilité – je suis d'accord avec ça que c'est ça que l'État est en train de faire – en transférant l'entière responsabilité de la réinsertion sur le plan local. Je viens d'un mouvement communautaire, j'y ai travaillé assez longtemps et je crois beaucoup au fait de prendre les décisions le plus proche de la population avec ceux... Je voudrais vous donner une chance d'expliquer ce que ça veut dire, cette recommandation, parce qu'il me semble que c'est tout à fait logique – exactement comme votre dernière réponse à ma question – de donner le rôle décisionnel à une instance locale parce qu'elle peut mieux s'adapter aux besoins locaux. Je voudrais mieux comprendre votre recommandation 7, s'il vous plaît.

Mme Émond (Monique): Il y a deux aspects là-dedans. Oui, c'est vrai que le local, on a plus de prise sur la réalité même de l'emploi. Le sentiment qu'on a quand on lit le projet de réforme, on a l'impression que l'État dit: Écoutez, nous, on établit maintenant nos limites puis, après ça, il y en a d'autres qui doivent se charger... et ça, ça nous inquiète parce que, comme je disais au départ, nous, on a une définition du rôle de l'État puis on veut qu'il le garde, entre autres la question du filet social.

L'autre élément qu'il peut y avoir... Puis, moi, travaillant aussi au niveau régional, sur la question locale et régionale, les paliers... La limite du local, c'est celle de la vision plus à très court terme, une vision moins élargie. Ça, c'est dangereux dans certains paliers. Actuellement, on travaille beaucoup là-dessus en région, on dit: Effectivement, il y avait peut-être une limite du local versus le régional, entre autres pour avoir une vision très fermée. Ça peut être un problème aussi, même au niveau de l'emploi, parce que, si la petite localité ou le petit milieu... Des fois, il manque de perspectives un petit peu plus larges. Puis ça, je trouve qu'il y a des dangers. En tout cas, je le vois concrètement dans nos régions.

M. Williams: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mmes Émond, Latreille et Saint-Hilaire, au nom de tous les membres de la commission, nous avons bien apprécié votre présence. Merci beaucoup.

(16 h 30)

J'invite maintenant les représentants et représentantes de la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec à se présenter.

À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recevons les représentants et représentantes de la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec. M. Durocher, c'est vous qui débutez?


Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec (FLHLMQ)

M. Durocher (Rolland): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Et, si je comprends bien, chacun va se présenter pour s'assurer que l'enregistrement est bien fait?

M. Durocher (Rolland): Oui, c'est un travail d'équipe.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui. Merci. Je vous ferai signe quand il restera quatre ou cinq minutes, pour que ça vous donne un petit peu de temps pour préparer la conclusion.

M. Durocher (Rolland): O.K. Mon nom, c'est Rolland Durocher, président de la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec, et je suis président de l'Association des locataires des Habitations Jeanne-Mance, à Montréal.

Notre Fédération regroupe 125 associations de locataires habitant dans des logements à prix modique de 43 villes au Québec. Nous représentons plus de 20 000 ménages à faibles revenus, très majoritairement des femmes âgées et des familles monoparentales qui dépendent principalement des programmes sociaux de l'État tant pour se loger que pour se nourrir. C'est à ce titre que nous nous intéressons à la réforme de la sécurité du revenu.

Au Québec, il y a 65 000 ménages qui vivent actuellement dans un logement à prix modique. Ces ménages font partie des plus pauvres au Québec, 86 % d'entre eux ayant des revenus inférieurs à 15 000 $ par année. Seulement 10 % des personnes ont des revenus de travail. On peut affirmer que c'est dans les HLM que l'on retrouve les populations de locataires les plus pauvres, car ils sont accordés en priorité aux ménages ayant les plus faibles revenus et vivant les pires conditions de logement.

A priori, nous ne demanderions pas mieux que d'applaudir à une réforme qui viserait à favoriser l'insertion sociale et économique de nos membres. Mais quelle valeur peut-on accorder à une réforme qui se fait dans le but avoué de permettre au gouvernement Bouchard d'atteindre son objectif de réduction de 4 100 000 000 $ des dépenses publiques sur le dos des plus démunis?

C'est donc sans illusions que nous faisons part de nos recommandations. Vous nous consultez sur un livre vert qui aboutira à un projet de loi, mais, par la suite, rien ne vous empêchera de modifier à loisir, sans consultation aucune, au gré de vos compressions budgétaires, comme vous l'avez fait dans les dernières années. Et, encore en janvier, à la veille du début de cette commission parlementaire, vous annonciez de nouvelles coupures. Vous nous prouvez encore une fois, Mme Harel, que faites peu de cas de cette consultation. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que je pourrais vous demander tout de suite, là, pour qu'on s'entende bien, de vous adresser toujours au président et non à une personne en particulier...

M. Durocher (Rolland): Excusez-moi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...ni la ministre ni qui que ce soit, toujours au président, s'il vous plaît.

M. Durocher (Rolland): Parfait.

Mme Carreau (Lilianne): Bonjour. Mon nom est Lilianne Carreau, je suis présidente du Comité des locataires Jardin des Thuyas, à Orsainville, et membre du C.A. de la Fédération.

Depuis un an, avec la loi 115, les maigres revenus des personnes assistées sociales ont été brutalement diminués par votre gouvernement. Arrive votre nouvelle réforme qui annonce encore une série de coupures. Pour les locataires de HLM, se rajoute la possibilité de hausses de loyer de 20 % à partir de 1998. La situation des personnes sur l'aide sociale est déjà alarmante et très insécurisante. Nous croyons qu'il est temps de stopper les coupures et d'investir dans l'amélioration du sort des personnes assistées sociales.

Considérant que les revenus provenant de l'aide sociale sont largement inférieurs aux différents seuils de pauvreté reconnus, la Fédération est d'entrée de jeu résolument contre toutes les mesures qui ont pour effet de diminuer le niveau des prestations. La Fédération, tout comme la Coalition nationale sur l'aide sociale dont elle est membre, demande que l'on reconnaisse à toutes les personnes le droit à un revenu décent qui lui permette de vivre dans la dignité, peu importe son aptitude ou inaptitude au travail.

Dans cette perspective, le gouvernement devrait commencer par accorder une prestation qui corresponde aux besoins essentiels qu'il reconnaît lui-même dans son livre vert, ainsi que la couverture des besoins spéciaux réels, et ce, en tout temps. C'est pourquoi nous nous opposons à l'adoption des mesures suivantes.

Premièrement, au remplacement des prestations de participation de 120 $ de plus par mois par un dédommagement établi selon le coût réel de participation.

Deuxièmement, à la perte de 100 $ par mois pour les personnes âgées de 55 à 60 ans, sauf celles étant présentement considérées comme non disponibles.

Troisièmement, à la perte de 100 $ pour les parents d'enfants de 2 à 6 ans. Le gouvernement a-t-il sérieusement réfléchi aux conséquences avant de proposer d'appauvrir davantage celles qui ont précisément besoin d'un meilleur soutien pour assurer les besoins physiques et affectifs de leurs enfants?

Quatrièmement, à l'allocation unifiée pour enfants. Avec l'unification des allocations, il faudra s'assurer de ne pas les intégrer afin de ne pas hausser injustement les loyers des familles.

Cinquièmement, à la participation obligatoire, plutôt que sur une base volontaire, au parcours individualisé vers l'insertion, la formation et l'emploi pour les personnes de 18 à 24 ans puis pour les familles monoparentales, et aux coupures de 150 $, 300 $, qui pourraient les suivre.

Sixièmement, nous nous opposons au maintien de la coupure pour le partage de logement. Cette mesure inhumaine est également une absurdité dans le cas des ménages vivant en HLM. Comment peut-on, chaque mois, se faire amputer notre chèque de 104 $ sous prétexte qu'on réalise une économie en partageant un logement, alors qu'aucune économie de ce genre n'est possible en logement social puisque le loyer est calculé en fonction des revenus de tous les occupants? Merci.

Mme Boulet (Francine): Francine Boulet, présidente de l'Association des locataires pour les Appartements Saint-Pie X, à Québec. Problème de non-paiement des loyers. Le problème du non-paiement des loyers est un problème mineur en HLM. On parle d'un manque à gagner annuel d'environ 500 000 $ pour 65 000 logements: 1 % de mauvaises créances. C'est un chiffre très minime quand on sait que les HLM accueillent les locataires les plus démunis. Le logement social fait donc la preuve que, lorsqu'on demande un loyer raisonnable aux personnes assistées sociales, 250 $ et non pas 500 $, celles-ci se font un devoir de le payer.

(16 h 40)

Dans la plupart des cas en HLM, il s'agit de familles qui ne paient pas leur loyer non pas par incapacité financière, mais plutôt à cause de problèmes sociaux, tels qu'alcoolisme, toxicomanie ou violence conjugale. Nous sommes d'accord avec l'idée que des organismes sans but lucratif – OMH, coops ou OSBL – qui sont là seulement dans le but de fournir des logements à des personnes à faibles revenus, puissent, avec l'accord du locataire, prendre des arrangements avec l'aide sociale pour assurer le paiement du loyer. Ces pratiques permettent à des familles en difficulté de conserver leur logement social et, donc, de ne dépenser que 25 % de leurs revenus pour se loger. L'État rend ainsi service aux ménages en grande difficulté.

Pour le marché privé. En contre-partie, nous nous opposons à une telle possibilité pour le secteur privé locatif, car cela ne règle en rien le problème de fond qui ne repose pas sur la malhonnêteté ou le manque d'encadrement des locataires, mais plutôt sur l'incapacité financière grandissante à se payer un loyer au prix du marché, puisque, comme vous le savez, plus de 400 000 ménages doivent consacrer 30 %, 40 % et même 50 % de leurs revenus pour se loger et, par conséquent, doivent couper dans d'autres besoins tout aussi essentiels. La solution réelle du problème passe par la construction de nouveaux logements sociaux, HLM, coop ou SBL, pour assurer aux ménages à faibles revenus un toit décent qui respecte leur capacité de payer. Par ce fait, le non-paiement de loyer deviendra un problème marginal.

Si votre gouvernement persiste toutefois à vouloir autoriser la saisie partielle des chèques, ce que nous désapprouvons, et qu'il prétend le faire dans le but ultime d'assurer un toit à des ménages en difficulté et non pas strictement pour satisfaire les intérêts financiers de l'entreprise privée, alors vous devriez au moins avoir la décence de respecter vos propres principes.

Si, dans les logements sociaux que vous administrez, vous reconnaissez que les locataires à faibles revenus n'ont pas à consacrer plus de 25 % de leurs maigres revenus pour se loger, vous n'avez pas le droit d'imposer une règle plus dure aux locataires pauvres contraints d'habiter dans le secteur privé.

Il est totalement inadmissible que vous proposiez de pouvoir remettre directement aux propriétaires d'immeubles locatifs 40 %, et même 50 %, d'un chèque d'aide sociale qui, vous le reconnaissez vous-mêmes, ne couvre même pas les besoins essentiels.

M. St-Germain (Daniel): Daniel St-Germain, du conseil d'administration de la Fédération à Trois-Rivières.

Dans son livre vert, le gouvernement reconnaît que l'on ne choisit pas d'être sur l'aide sociale, mais qu'on y atterrit parce que le chômage est élevé et persistant, que les emplois sont de plus en plus précaires et que le gouvernement fédéral a diminué de façon considérable la durée possible des prestations de chômage.

Dans un contexte économique qui n'indique rien de réjouissant pour le futur, l'objectif de la réforme basé exclusivement sur l'intégration à l'emploi devrait être revu. Puisqu'il n'y a plus d'emplois pour tout le monde, les parcours d'insertion ne doivent pas viser seulement l'emploi. Les parcours devraient offrir, selon les capacités des individus, des cheminements qui permettraient à une personne sur l'aide sociale de contribuer à la société autrement que par l'emploi. Le gouvernement devrait reconnaître l'expérience qu'acquièrent les personnes dans leur implication bénévole comme une démarche d'insertion sociale valable en plus d'être essentielle pour le développement de notre société.

Comme personne n'aspire à vivre pauvrement toute sa vie, nous croyons que l'implication bénévole dans son milieu est assurément un pas vers la réinsertion sociale sur le marché du travail pour les personnes qui ont les capacités de le faire, et, pour celles qui ne le pourront peut-être jamais, une contribution utile à la société.

La vie en HLM peut favoriser la réinsertion sociale. Les gens qui paient un loyer convenable dans un logement décent vivent une situation plus stable qui les sort de la précarité et de la simple survie. Ils peuvent alors commencer à envisager un début d'implication sociale. Dans bien des cas, les personnes qui sont depuis plusieurs années hors du marché du travail et les jeunes décrocheurs ont besoin, avant même de s'engager dans un programme, de développer leur confiance en eux, d'apprendre à mieux se connaître et de vivre des expériences valorisantes qui leur donnent le goût d'explorer leur potentiel.

Depuis maintenant quatre ans, la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec soutient à chaque année des associations de locataires qui veulent intervenir de façon créative à prévenir et régler les problèmes auxquels les locataires sont confrontés: difficulté de se nourrir liée au manque de revenus; problèmes de décrochage scolaire chez les jeunes; drogue et violence; problèmes de cohabitation entre différentes ethnies; problèmes de santé mentale liés au stress et à l'insécurité chez les femmes, etc.

Les exemples d'implication communautaire ne manquent pas. C'est pour cela que la Fédération des locataires demande au gouvernement de reconnaître l'expérience qu'acquièrent les personnes dans leur implication bénévole comme une démarche d'insertion sociale valable, et à la Société d'habitation du Québec de faire sa part en adoptant un cadre réglementaire définissant mieux la place et le rôle des associations de locataires au sein des offices municipaux d'habitation, ce qui faciliterait l'implication bénévole.

Ce cadre pourrait comprendre les règles suivantes: que les conseils d'administration des offices municipaux d'habitation soient ouverts aux locataires afin qu'ils puissent s'informer et poser des questions et que les deux membres représentant les locataires soient élus lors d'un scrutin tenu par les associations de locataires; que les offices municipaux soient tenus de financer les associations de locataires légalement constituées et de les consulter sur l'élaboration des politiques et des budgets; qu'il soit dans le mandat des offices municipaux d'habitation de supporter les projets communautaires initiés par celles-ci, au moins en termes de ressources. Merci.

Mme Freitas (Eduarda): Bonjour. Mon nom, c'est Eduarda Freitas, je suis coordonnatrice de l'Association des locataires des Habitations Jeanne-Mance et membre de la Fédération.

Les mesures obligatoires pour les jeunes de 18 à 24 ans et les femmes monoparentales. La Fédération s'oppose au caractère obligatoire de ces mesures et aux coupures de 150 $ à 300 $ qui pourraient s'ensuivre. Le gouvernement sait comme nous que, de toute façon, il n'y a pas suffisamment de place pour accommoder tous les volontaires qui vont affluer si les programmes sont intéressants. Alors, pourquoi enlever le minimum vital à ceux et celles qui ne seraient pas prêts à s'y engager? La meilleure incitation à l'insertion, c'est de savoir que ces programmes sont efficaces et permettent vraiment de trouver une place sur le marché du travail.

En définitive, votre gouvernement va probablement pouvoir couper quelques milliers de jeunes, mais vous vous trompez si vous pensez économiser ainsi de l'argent, puisque vous allez contribuer au développement de la criminalité, au travail au noir et à l'augmentation du nombre des sans-abri chez tous ces jeunes qui devront lutter pour leur survie sans le minimum vital.

Droits des personnes sur l'aide sociale. Si le gouvernement prétend vouloir traiter les personnes assistées sociales au même titre que les chômeurs, il devrait, à notre avis, leur accorder au moins le même droit d'appel à un conseil arbitral impartial pour contester les décisions administratives les concernant.

La réforme de l'aide sociale devrait également reconnaître aux personnes sur l'aide sociale le droit d'accepter ou de refuser certaines mesures ou orientations que les fonctionnaires voudraient leur imposer. Nos recommandations seraient les mesures proactives en HLM. Le gouvernement risque fort de se tirer lui-même dans le pied s'il n'harmonise pas mieux ses mesures d'insertion à l'emploi et la réglementation concernant le calcul des loyers dans les HLM.

Actuellement, le loyer des locataires en HLM est fixé à 25 % de leurs revenus. Autrement dit, si une personne gagne 800 $ par mois, son loyer sera fixé à 200 $ plus des frais d'électricité et le stationnement. Si ce revenu augmente, son loyer augmentera en conséquence, et ce, sans aucune limite.

Bon nombre de locataires vont hésiter à accepter un emploi souvent peu rémunéré et précaire en sachant que, pour chaque 1 $ durement gagné, ils devront subir une augmentation de 0,25 $. La façon actuelle de fixer les loyers dans les logements sociaux porte une large part de responsabilité dans cette situation. Elle décourage carrément les individus de chercher à améliorer leur sort.

Pour améliorer la réglementation actuelle tout en maintenant la même échelle de loyer, le gouvernement devrait adopter des mesures proactives en HLM pour favoriser l'insertion en emploi des locataires. Pour ce faire, il devrait: rétablir un loyer-plafond garantissant aux locataires qui accèdent à un emploi que leur loyer ne dépassera pas le prix du marché; deuxièmement, établir également un plafonnement des augmentations de loyer sur une période de trois ans pour tous les locataires qui sortiraient de l'aide sociale pour occuper un nouvel emploi; troisièmement, indexer à 20 % les déductions de travail du calcul des loyers, afin que la personne travaillant à faibles revenus puisse être sur le même pied d'égalité que la personne sur l'aide sociale en HLM – la déduction actuelle est nettement insuffisante; quatrièmement, ne plus considérer les montants alloués en vertu des programmes d'employabilité ou d'insertion – frais de participation – comme étant des revenus dans le calcul du loyer; cinquièmement, favoriser le développement de projets créateurs d'emplois valorisants dans les HLM.

M. Gelderblom (Claude): Bonjour. Claude Gelderblom, Fédération des locataires puis de l'Association des locataires de Rivière-du-Loup.

Investir pour une vraie réforme. Pour procéder à une réforme positive de la sécurité du revenu, le gouvernement devrait non seulement abandonner le principe des enveloppes fermées, mais également investir au moins 750 000 000 $ pour vraiment couvrir les besoins essentiels.

(16 h 50)

Il devrait aussi abolir la coupure pour partage de logement. De plus, tout désir de remettre des personnes bénéficiant de l'aide sociale sur le marché du travail doit passer par une politique de création d'emplois, une augmentation des places dans les programmes d'éducation aux adultes, une augmentation du salaire minimum, etc.

Avons-nous l'argent pour assumer de telles dépenses? Nous pensons que le gouvernement devrait aller chercher l'argent là où il est et que les 20 % les plus pauvres de notre société ont déjà largement contribué. La Fédération croit que la lutte pour rétablir l'équilibre des finances publiques doit, d'abord et avant tout, se faire grâce à une fiscalité plus juste qui permettrait une augmentation des recettes du gouvernement et qui viserait principalement à ce que les contribuables à hauts revenus et les compagnies ne puissent bénéficier de la multitude d'abris fiscaux qui privent l'État de plusieurs milliards. Il n'y a pas de raison valable pour que les gains en capitaux aient un statut privilégié par rapport aux gains de travail. Il est profondément injuste que tous les travailleurs et travailleuses au salaire minimum soient imposés à 100 %, alors que les spéculateurs et autres boursicoteurs, eux, ne le sont pas.

Le Fonds monétaire international estimait dans un récent rapport que les entreprises canadiennes pourraient payer davantage d'impôts afin de contribuer à la lutte au déficit.

Nous reconnaissons cependant que la marge de manoeuvre du gouvernement du Québec est malheureusement limitée par son statut de province. Le gouvernement fédéral occupe toujours largement les différents champs d'imposition, particulièrement l'impôt des particuliers, et dispose d'une capacité fiscale dont le potentiel de croissance est supérieur à celui du Québec. Nous sommes également conscients du poids énorme des coupures unilatérales décrétées par Ottawa dans les programmes de transfert et qui totaliseront 636 000 000 $ en 1997 et 1 200 000 000 $ en 1998. Jusqu'au prochain référendum, nous ne pouvons que le déplorer.

Pour terminer, la Fédération tient à réaffirmer qu'elle s'oppose résolument à tout appauvrissement des personnes assistées sociales et que le gouvernement doit avoir le courage de mettre davantage à contribution les hauts revenus et les compagnies s'il veut atteindre son objectif du déficit zéro. Autrement, nous vous demandons d'abandonner cet objectif qui menace les programmes sociaux.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup et j'invite tout de suite Mme la ministre à commencer l'échange.

Mme Harel: Alors, bienvenue à vous tous de la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec. Votre mémoire témoigne d'une connaissance, je dirais, réaliste et concrète de la situation. Je vous dirai que c'est un mémoire sensé. Il y a bien des aspects qui sont nouveaux. C'est étonnant, parce que, vous savez, on siège depuis le 29 janvier et parfois on a le sentiment d'avoir tout entendu, puis, en même temps, il y a vraiment des éléments nouveaux qui sont, pour la première fois, apportés devant la commission.

Tout de suite, je vais vous indiquer que, en ce qui concerne l'indexation des déductions de travail dans le calcul du loyer... Pour inciter et encourager, il faut être cohérent. On dit, dans le fond, qu'il faut encourager des revenus de travail; ça supposerait qu'on ne soit pas pénalisé, comme vous nous le démontrez à la page 10 de votre mémoire. Alors, ce que vous proposez, c'est donc d'indexer de 10 % à 20 % les déductions de travail du calcul des loyers. Ça permettrait à des personnes qui vont chercher des revenus de travail mais qui sont à faibles revenus, dans le fond, de ne pas être pénalisées étant donné les coûts de déplacement puis tous les autres coûts que ça occasionne de travailler.

Je comprends qu'il va falloir une représentation auprès de mon collègue, le ministre des Affaires municipales, qui est responsable de ce dossier-là, mais je m'engage à lui faire parvenir votre mémoire et à lui faire la recommandation d'aller dans le sens que vous recommandez. Et j'imagine avoir l'appui de mes collègues ministériels, n'est-ce pas?

Une voix: Très certainement.

Mme Harel: Aussi, il y a quelque chose qui est très intéressant, à la page 10 toujours, sur le développement de projets créateurs d'emplois. Alors, vous nous dites, en fait, que le milieu HLM, ce n'est pas juste un milieu d'hébergement, c'est un milieu de vie. Vous nous donnez des exemples, à la page 8: Bromont, Lachine, Jeanne-Mance, là. Et je sais par expérience que vous avez raison; moi, je pourrais vous ajouter Boyce-Viau. Je ne sais pas si vous avez entendu parler de ce qui se passe actuellement, c'est très intéressant. Résolidaire, ça, c'est pour des personnes, si vous voulez, en perte d'autonomie, mais dans la résidence Hochelaga, en fait. J'imagine qu'il doit y en avoir comme ça étonnamment beaucoup. Ça serait intéressant, à un moment donné, de faire un bilan, d'ailleurs, de ça.

Mais vous dites qu'on pourrait aller au-delà de ça et voir comment il serait possible de créer des emplois, vous dites, permanents chez les locataires de HLM via les contrats d'entretien qui sont alloués jusqu'à maintenant à la sous-traitance. Alors, je pense que là il y a une piste, il me semble, en tout cas, bien intéressante.

Une autre piste, à la page 9, c'est celle du droit d'appel à un conseil arbitral impartial pour contester les décisions administratives. Je vous le dis, là, le livre vert, je trouve qu'il y a du bon dedans, vu qu'il y a des grands bouts que j'ai rédigés moi-même, là, mais il y a bout qu'il n'y a pas – ha, ha, ha! – il y a un grand bout qu'il n'y a pas, c'est celui des recours. Et, dès qu'il a été publié, il y a une personne, qui s'appelle Mme Lalanne – je ne sais pas si vous la connaissez – de Québec, là, qui a tout de suite communiqué avec moi, et j'ai tout de suite compris, dans la démonstration qu'elle m'a faite, qu'il fallait introduire un chapitre nouveau sur la question des recours. Le Protecteur du citoyen est venu cette semaine nous dire comment on pourrait faire, en introduisant dans la loi des notions comme le refus d'emploi pour des raisons justes et raisonnables, par exemple. Mais il faut qu'il y ait une jurisprudence.

Alors, présentement, la révision, c'est souvent une révision des gens qui ont déjà pris la décision. Dans la loi n° 37, c'est final et sans appel, la mesure désignée à l'article 76. Articles 22, 23, c'est l'agent qui décide de la mesure. Donc, ce n'est pas quelque chose qui est un parcours individualisé, ce n'est pas un projet personnel. Bon. Ça veut dire qu'il faut vraiment prévoir un recours. L'idée d'un conseil arbitral impartial, actuellement, le conseil arbitral a développé de la jurisprudence pour l'assurance-emploi. Et puis on est à travailler autour de cette question-là pour une égalité de traitement. Étant donné qu'on veut traiter les chômeurs de la même façon en leur offrant les mêmes services, il faudrait leur offrir les mêmes recours – dans les 30 jours aussi, parce que le conseil arbitral doit prendre la décision dans les 30 jours.

Alors, je trouvais qu'il y avait des bonnes choses. Le FMI, dont vous nous parlez dans votre mémoire à la page 11 – «dans une récent rapport» – est-ce qu'il y aurait moyen d'avoir la source, ce rapport dans lequel le FMI disait que les entreprises canadiennes pouvaient payer davantage d'impôts? Si on pouvait avoir un extrait de ça, là...

Des voix: Demain.

Mme Harel: ...on va le faire circuler – ha, ha, ha! – largement circuler.

Ceci dit, dans ce que vous nous proposez, non seulement... Dans le fond, je le trouve réaliste parce que, vous, vous savez qu'il y a un coût. Vous l'avez chiffré, puis c'est vraiment le coût de 750 000 000 $. Et puis aussi l'avoir liquide et puis le test d'actifs. Parce que, en même temps, on voit bien que le 60 000 $ de test d'actifs – qui n'a pas été indexé depuis des années – quand une personne qui a toujours travaillé... On avait une personne hier qui était à la place de vous, qui êtes de Rivière-du-Loup, là, bien, cette personne-là, elle avait 49 ans, elle avait travaillé toute sa vie, elle a perdu son emploi – elle était de Granby – elle s'était acheté une petite maison et puis là elle devait avoir recours à l'aide sociale du fait que son assurance-emploi était finie. Le drame de sa vie, c'était quasiment de perdre sa maison, là.

Alors, il y a toute la question de l'avoir liquide puis du test d'actifs. Vous comprenez que ça, ça va chercher pas mal plus d'argent que le 4 235 000 000 $ de budget qui, comme je disais tantôt au groupe précédent, est resté stable.

(17 heures)

Il y a une manière de faire, parce qu'il n'y a pas de miracle – puis je termine là-dessus. Le budget là, il est composé de deux entrées: le nombre de ménages puis le barème mensuel. Alors, si on ne veut pas couper le barème mensuel, je ne vous dis pas qu'il faille couper le nombre de ménages, mais il faut trouver des manières, pas de les sortir à coups de pied, là, au contraire, mais de leur donner de l'ouverture, soit par le partage du temps de travail, soit par l'apprentissage, soit par l'économie sociale, soit par les entreprises d'insertion, soit par l'économie tout court, le bon d'emploi. Vous parlez, en quelque part dans votre mémoire, du fait qu'il faut faire attention dans les subventions salariales pour ne pas que ce soit de l'exploitation. Mais on pourrait revenir au bon d'emploi; c'est la personne à ce moment-là qui choisit où elle veut aller travailler.

En même temps, plus on pourra faire en sorte que ça diminue l'entrée dans les ménages, plus, en contrepartie, on pourra se réorganiser au niveau des barèmes et au niveau, si vous voulez, des montants à partager. Là, le problème, c'est que c'est le même montant, mais il y a plus de monde qu'avant. Alors, si on pouvait avoir moins de monde et garder le même montant, il y aurait plus d'argent pour ceux qui restent. Vous me suivez? Ce n'est pas compliqué, l'affaire. Ça a beau être 4 235 000 000 $, c'est: le nombre de ménages et le barème.

Alors, en tout cas, il y a des choses vraiment intéressantes dans votre mémoire et, je vous le dis, tout ce à quoi on va pouvoir donner suite, on va y donner suite.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Quelques commentaires, quelques réactions, pour deux minutes.

M. St-Germain (Daniel): J'aurais une réaction. Concernant l'allocation d'aide sociale que les gens perçoivent en HLM, c'est que, selon les règlements, les HLM sont calculés à 25 % du revenu, mais, d'un autre côté, sur l'aide sociale, lorsque ton loyer n'est pas à la même hauteur que la moyenne des loyers privés, l'aide sociale te diminue, ce qu'on appelle le test du coût de logement, parce que tu paies moins cher de loyer en HLM. Je trouve que c'est une aberration parce que, si c'est des ménages en HLM qui sont démunis, ça ne devrait pas exister, la coupure sur l'aide sociale.

Mme Harel: Ça veut dire que les personnes qui sont sur l'aide sociale et en HLM se font baisser la composante logement?

(Consultation)

Mme Harel: On me dit que le test de logement est au niveau du loyer minimum, à l'aide sociale.

M. St-Germain (Daniel): Au loyer minimum, mais le loyer minimum est établi selon la moyenne dans le logement privé et non dans le logement HLM.

Mme Harel: Je ne pense pas.

M. St-Germain (Daniel): C'est...

Mme Harel: On va le faire vérifier.

M. St-Germain (Daniel): C'est arrivé personnellement dans un ménage famille récemment, c'est cette semaine, et la personne est coupée de 99 $ parce qu'elle paie moins son logement HLM. Son logement HLM est trop bas comparativement au loyer minimum. Ça, je pourrais amener les preuves, je les ai. Je pourrais les faire parvenir.

Mme Harel: Oui, vraiment je vous le dis, ça peut juste l'aider, ça ne peut pas lui nuire, à cette personne-là. Si vous pouviez me faxer ça, il y a là un problème d'interprétation et d'application.

M. St-Germain (Daniel): Oui, mais c'est ça, c'est parce que j'ai demandé à l'officier d'application de la sécurité du revenu en charge à Trois-Rivières, et il me l'a vraiment confirmé que c'était à cause du test de logement que la coupure était de 99 $. C'est parce que le logement était trop bas en HLM qu'elle se faisait couper sur son aide sociale. Donc, 25 % du revenu sur le HLM, si on l'enlève sur l'aide sociale, ce n'est plus 25 % sur le HLM, c'est un chevauchement de ministères.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Quelqu'un va vérifier avec vous.

Mme Harel: Je vais prendre vos coordonnées, et on va pouvoir se communiquer.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci, M. le Président et merci, la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec pour votre présentation. Nous sommes rendus à la période des questions et réponses, et je vais essayer de poser des questions assez précises.

Mais, juste avant, j'ai hâte de voir mardi prochain, avec le budget, si effectivement la ministre va être capable de convaincre son collègue le ministre des Finances d'avoir le 20 % de déduction de travail dans le budget. Alors, mardi prochain, c'est le test, et on verra sur ça.

Mme Harel: Le ministre des Finances n'est pas nécessaire là-dedans. Le ministre des Affaires municipales, ça serait déjà beaucoup.

M. Williams: Oui, oui, mais on attend depuis un an la politique d'habitation et on perd confiance, là.

Vous avez recommandé, à la recommandation 3, le droit d'appel, parce que vous avez commencé votre mémoire en disant: «Depuis un an, avec la loi 115, l'abolition du barème de disponibilité, le nouveau régime d'assurance-médicaments, les coupures dans les frais de garde et dans l'allocation logement, les maigres revenus des personnes assistées sociales ont été brutalement diminués par le gouvernement.» Je voudrais savoir un peu plus comment ce droit d'appel peut marcher. Qu'est-ce que vous voulez dire comme droit d'appel? Est-ce que vous suggérez un système de droit d'appel? Je voudrais donner la chance à celui qui veut répondre d'expliquer comment ça peut marcher.

M. Pilon (Robert): Robert Pilon – je suis un des backbenchers en arrière – je suis le coordonnateur de la Fédération. Bien, écoutez, on s'est inspiré... On ne veut pas réinventer le bouton à quatre trous. Puisque Mme Harel, dans son projet, disait vouloir considérer les personnes assistées sociales comme des chômeurs – puis on est d'accord avec ça, c'est vrai, c'est des gens qui sont sans emploi – donc, on s'est inspiré des conseils arbitraux qui existent dans la loi de l'assurance-emploi fédérale.

Ça peut vouloir dire, entre autres, pour une personne de contester les choix de carrière qu'un fonctionnaire voudrait lui imposer sous peine de coupure et, donc, d'aller devant un conseil impartial composé non seulement de représentants du gouvernement, mais de représentants du milieu pour s'expliquer puis peut-être faire valoir sa cause sur le fait qu'il y a des bons motifs de refuser telle ou telle orientation, puis la personne en préférerait une autre, mais le gouvernement n'a pas les bons programmes à lui offrir, puis ce n'est pas toujours la faute de l'individu. Donc, on pense au conseil arbitral qui existe dans la loi de l'assurance-chômage-emploi, là.

M. Williams: O.K. C'est le même style. Merci.

Vous avez mentionné pendant votre présentation que, selon vous, les mauvaises créances aux HLM sont de moins de 1 %. C'est ça que j'ai entendu aussi, mais je pense que c'est différent des chiffres que nous avons entendus ici.

Je voudrais savoir, dans un HLM – j'en ai plusieurs dans mon comté – comment ça marche si un des locataires ne paie pas. Parce que, chez nous, là, ça passe comme dans un conseil d'administration: le monde travaille ensemble, ils sont fiers de la bâtisse, tout le monde fait son possible. Je voudrais savoir, selon vous, dans les HLM, qu'est-ce qui se passe habituellement si quelqu'un ne paie pas son loyer?

M. Pilon (Robert): Écoutez. Peut-être d'abord juste sur les... parce que pour nous, c'est une question importante. On affirme, puis on est convaincu, que les taux de mauvaises créances dans les HLM à travers la province sont de moins de 1 %. À vrai dire, c'est même 0,5 %. Et ça, j'ai personnellement consulté les directeurs généraux des gros offices – Montréal, Québec, Hull, Sherbrooke – dans les dernières semaines, et effectivement, si on regarde leurs états financiers vérifiés de l'année 1996 – 1995, c'est la même chose – c'est un fait, en bout de ligne il y a moins de 1 % de mauvaises créances dans les HLM...

M. Williams: Il n'y a pas de problèmes.

M. Pilon (Robert): ...sauf dans les logements autochtones, et je ne vous expliquerai pas pourquoi, je ne le sais pas. Ce qui arrive quand les gens ne paient pas dans les HLM, ce moins de 1 % là, il y a des tentatives, comme c'est des gestionnaires de logements publics, qui sont faites pour prendre des arrangements avec les locataires pour leur permettre de rester dans leur logement subventionné. Pour les gens, c'est important, c'est un loyer à 250 $. Une mère de famille qui a des enfants, elle y tient à ce logement-là, elle veut le garder. C'est une chance qu'elle a. Donc, il y a des arrangements qui se prennent de plus en plus souvent. Il y a des gestions beaucoup plus humaines dans les offices, il faut le dire, puis c'est à leur mérite. Il y a des arrangements qui se prennent, et le loyer qu'ils ont sauté, bien, ils le remboursent à tant par mois, et beaucoup, beaucoup de gens respectent ces arrangements-là.

Malheureusement, il arrive encore, puis on le voit dans les journaux de temps en temps, des cas où une dame ou un monsieur d'un HLM se fait mettre à la rue avec ses meubles. Alors que les HLM sont censés être de l'aide de dernier recours de l'État, les gens se retrouvent malgré tout à la rue. Ça arrive. Ce qu'on dit, nous, c'est que, dans la majorité de ces cas-là – qui sont très marginaux, mais chaque cas est de trop – souvent les problèmes ne sont pas à ce moment-là d'abordabilité du logement, mais ce sont d'autres ordres de problèmes. C'est une question de gestion du budget. Souvent, il va y avoir des questions, il faut le dire, de toxicomanie, de violence conjugale ou encore des jeunes mères de 16, 17 ans avec des enfants, qui ont vraiment de la misère à gérer leur chèque d'aide sociale.

(17 h 10)

Dans ces cas-là, ce qu'on dit, c'est que, pour leur permettre de garder leur logement subventionné et ne pas avoir à payer 500 $ de loyer, nous sommes d'accord que le gouvernement donne à la Régie et à l'Office la possibilité, effectivement, d'exercer une certaine saisie du chèque avec l'accord du locataire. Mais on fait une nuance, puis je pense qu'il faut l'amener: on n'est pas du tout d'accord avec le fait que le gouvernement, dans son projet, veuille permettre au secteur locatif privé de saisir non pas 25 % du revenu, comme c'est le cas dans les offices, mais beaucoup plus, 40 %, 50 % du chèque d'aide sociale. Ça, on s'y oppose parce qu'on dit: Saisir, avec l'autorisation du locataire, le chèque dans les logements sociaux, c'est rendre service aux gens, c'est leur permettre de garder leur loyer à 250 $ qu'ils peuvent payer.

Par contre, autoriser les propriétaires sur le marché locatif privé à saisir la moitié de la prestation des gens, ce n'est pas rendre service aux gens parce que les gens vont être dans la misère noire. Et ce qu'on dit au gouvernement, c'est: Si vous persistez dans votre volonté de vouloir autoriser la saisie des chèques sur le marché locatif privé, vous devriez appliquer la même règle que dans les logements dont vous êtes propriétaire, c'est-à-dire ne pas autoriser une saisie supérieure à 25 % du revenu des gens, ce qui, selon nous, est un loyer raisonnable.

Donc, on est d'accord pour dire qu'il faut que les gens paient leur loyer au Québec. D'ailleurs, dans les HLM, on se fait un devoir de payer notre loyer, mais on réussit à le payer parce qu'il est raisonnable, parce que c'est 25 % de nos revenus. Donc, on vous dit: Pour les locataires du marché privé, si vous vous en mêlez, vous ne devriez pas avoir une règle plus lourde; vous ne devriez donc pas autoriser la saisie de chèques de plus que 25 % du revenu des gens si vous voulez aller dans cette voie-là. Donc, on condamne l'idée de saisir 40 % ou 50 % du montant des chèques.

M. Williams: Parce que, dans les HLM, vous affirmez qu'il n'y a pas de problème. Plus de 99 % paient leur loyer. Ce n'est pas un problème chez vous. Merci. Parfait.

M. Pilon (Robert): Quand le loyer est raisonnable, les gens, en majorité, sauf ceux qui ont des ennuis sociaux, le paient, leur loyer. On pense que ce serait la même chose sur le privé si les loyers étaient raisonnables.

M. Williams: Oui, oui, le temps presse. Je voudrais faire une autre question... C'est parce que j'ai voulu m'assurer que j'avais bien compris votre point. Selon mon interprétation de ce qui se passe dans mes HLM, chez moi, c'est exactement ça et je suis heureux que vous confirmiez ça ici, à la commission.

Mais vous avez recommandé que, si quelqu'un commence à avoir un revenu plus élevé – recommandation 6 – qu'il ne puisse pas dépasser le prix du marché, parce que c'est 25 %. Mais, si vous êtes un des chanceux qui commence à travailler et qui commence à avoir un bon job et vous êtes... Tu as fini l'école, ou «whatever». Là, vous êtes en train de réussir. Moi, je voudrais mieux comprendre pourquoi vous voulez plafonner ça, parce que nous avons juste un certain montant de ressources. Ce gouvernement est lent à bâtir les HLM pour ceux et celles qui en ont besoin. Ça vous a aidé, mais maintenant vous êtes capable de payer, et, si le loyer est plus haut que ce que vous voulez payer, vous pouvez déménager et laisser cette place à un autre. Parce que vous êtes en train de réussir, et, selon les ressources disponibles par l'État, ça peut laisser la place pour un autre qui n'est pas aussi chanceux que vous. C'était mon interprétation. Je voudrais avoir une discussion sur ça avec vous.

M. Pilon (Robert): La réalité actuelle, c'est que, comme il n'y a pas, justement, de loyer plafond ou de loyer maximum, ce qui arrive, c'est que, premièrement, les gens qui auraient la possibilité de... Parce que de quoi on parle? On parle de femmes, 70 % de femmes monoparentales habitant dans les HLM, qui n'ont pas beaucoup d'instruction. Donc, quand s'offrent des possibilités d'emploi, on ne parle pas de la grosse job, on parle d'emplois précaires, temporaires, à petit salaire. Et là les gens qui ont des enfants se font le devoir de calculer: Si j'accepte la job, ça «va-tu» me donner plus d'argent ou moins d'argent? Est-ce que mon loyer va augmenter ou il va rester comme il est? Quand on fait ces calculs-là, nous, ce qu'on affirme, et c'est la triste réalité actuellement, c'est que, quand tu habites dans un... Le règlement est mal fait: quand tu habites dans un HLM, tu es mieux de rester sur l'aide sociale que d'accepter une job proche du salaire minimum. Parce qu'on la voit, la situation. Il y a des gens qui travaillent, dans les HLM, qui paient plus cher de loyer que ceux qui ne travaillent pas et qui ont moins d'argent qui rentre réellement dans le ménage. Donc, on dit: Le règlement, comme il est là, décourage les gens à travailler, à sortir de l'aide sociale pour accepter les petites jobs. Et c'est ça qu'on veut corriger.

Ceci dit, nous, on dit: Si les gens se mettent à travailler, tu ne sais pas c'est pour combien temps. Tu ne sais pas si c'est pour six mois, un an, deux ans. C'est pour ça qu'on dit: Donnons-leur une chance. Permettons-leur, pendant un certain temps, deux, trois ans, de rester là, de bénéficier du logement subventionné. Et, de toute façon, ensuite, si c'est clair que ces gens-là ont plus d'argent, ils ne resteront pas dans un HLM; ils vont se faire un plaisir de soit s'acheter un bungalow en banlieue de Québec ou au centre-ville, si c'est encore possible ou... Bon, ça va se faire tout naturellement. Mais ce qu'on ne veut pas, c'est la politique actuelle qui a pour effet de transformer les HLM en ghettos où très peu de gens travaillent soit parce qu'ils font le calcul qu'il vaut mieux de pas travailler ou encore, s'ils se mettent à travailler, qu'ils s'en aillent tout de suite. Et ça, ce n'est pas un service à rendre aux gens qui restent parce que ça fait ghetto.

Dernière chose, peut-être, là-dessus, c'est dire que, selon nous, ça ne serait pas un scandale, M. le député, si les gens payaient ce que ça coûte et continuaient de demeurer là. Parce que, s'ils payaient ce que ça coûte à l'État pour financer le HLM en question, s'ils payaient le prix que l'État paie et demeuraient là, avec l'argent l'État pourrait très bien refinancer une autre unité de logements subventionnés. Ça ne serait pas impossible, là. Mais on veut vraiment des politiques qui vont développer l'emploi chez les gens. Et n'oubliez pas une chose. Si mon voisin ou ma voisine travaille, moi, ça peut m'aider ou ça peut aider mes enfants en les voyant se lever le matin pour aller travailler, ça peut me donner des contacts des plogues pour développer... Ça développe une culture, un environnement du travail, et on pense que c'est très, très valable.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): En parlant de votre voisine, je vais lui permettre de conclure. Mme Carreau, si je comprends bien, vous aviez un commentaire?

Mme Carreau (Lilianne): Oui, M. le Président. Je voulais juste ajouter à la question de monsieur...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, allez-y.

Mme Carreau (Lilianne): Il posait la question, à savoir que les gens pourraient déménager et faire de la place. C'est bien sûr. C'est facile. Mais le problème, c'est que.. D'abord, quand tu as un contrat, c'est toujours précaire. Moi, j'ai vu des gens dont le loyer a augmenté de 200 $, 225 $ d'une seule fois, le mois du loyer... Là, c'est beau. Tu es rendu à 700 $, 750 $, tu as 800 $ de loyer par mois parce qu'ils calculent les revenus de deux co-habitants. Tu déménages pour laisser la place à d'autres. Mais, un an après, tu es dans le trou et tu es obligé de revenir. Il y a un problème. Ça, ça se vit assez régulièrement. Donc, les gens préfèrent...

M. Williams: Je suis heureux d'avoir posé la question parce que j'ai beaucoup apprécié vos réponses. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la ministre voudrait aussi, je pense, faire une petite conclusion.

Mme Harel: Me permettez-vous... C'est parce que j'essayais que, dans son temps... Mais, s'il me donne un petit consentement, juste pour vous demander... Là, présentement, c'est dans la loi des HLM, ça. C'est dans cette loi-là qu'il faudrait faire une modification. Dans cette loi-là, même le premier mois travaillé, c'est tout de suite une augmentation de loyer?

Mme Carreau (Lilianne): Oui.

Mme Harel: Et puis, l'autre chose, est-ce que vous avez pu, dans les études que vous avez faites, estimer... Avez-vous une idée, l'indexation de 10 % à 20 %, par exemple, combien ça pourrait coûter? L'avez-vous estimé ou pas?

Une voix: Non.

Mme Harel: Non? Vous n'avez pas un ordre de grandeur?

Mme Freitas (Eduarda): Moi, je pourrais vous répondre parce que j'ai été sur l'aide sociale pendant trois ans quand j'ai fini mon bac universitaire. Je me suis retrouvée avec deux enfants sur l'aide sociale pendant trois ans et j'habite en HLM. Je me suis trouvé un emploi maintenant, et il a fallu que je déclare que je travaillais. Mon emploi, c'est un contrat d'un an. À la fin de septembre, je ne sais pas si je vais travailler ou pas, mais mon loyer est passé de 230 $ à 550 $ maintenant, et j'ai deux enfants. Avec le taux d'indexation, ça veut dire qu'avec mon salaire brut il me reste à peu près 250 $ pour vivre par mois avec deux enfants. Ça fait que je me retrouve avec moins d'argent que quand j'étais sur l'aide sociale avec deux enfants.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je dois malheureusement conclure.

Une voix: J'aimerais répondre à la question de Mme la ministre.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Très, très rapidement, parce que déjà on prend du retard.

Une voix: On estime entre 2 000 000 $ et 4 000 000 $ par année, ce que l'État se priverait d'aller chercher en revenus de loyers si on passait de 10 % à 20 %.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mesdames, messieurs, je vous remercie beaucoup. Mme la ministre disait qu'on apprenait à chacune. Juste pour votre information, vous étiez les 78e.

(17 h 20)

J'invite maintenant les représentants de Solidarité rurale du Québec à s'approcher.

(Consultation)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recevons maintenant les représentants de la Solidarité rurale du Québec. M. Proulx, vous êtes un habitué. Si vous voulez présenter madame qui vous accompagne et procéder à votre présentation.


Solidarité rurale du Québec

M. Proulx (Jacques): Merci. Alors, je vais vous présenter Mme Marie-Anne Rainville, qui est secrétaire générale par intérim à Solidarité rurale.

Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, je voudrais dans un premier temps vous remercier de nous donner l'opportunité de présenter un certain nombre de réflexions et de remarques qu'on a à faire sur la réforme de la sécurité du revenu.

Alors, les questions soulevées et les orientations proposées dans le livre vert sur la réforme de la sécurité du revenu sont d'une importance cruciale pour le développement du monde rural comme pour celui de l'ensemble de la société du Québec. Solidarité rurale n'a pas l'expertise ni les ressources pour commenter l'ensemble de ces questions. Nous voulons cependant, malgré les très grandes contraintes de temps, communiquer notre opinion sur les propositions de structures territoriales de développement de l'emploi qui sont contenues dans le livre vert. Les réflexions que notre organisme a faites au cours des dernières années et des derniers mois sur la question de la décentralisation et sur la question du développement local en milieu rural nous en justifient pleinement et, d'une certaine façon, nous le commandent.

Notre intervention se limite à trois brefs commentaires pour appuyer deux orientations de la réforme proposée, signaler deux lacunes importantes et ajouter une proposition relative aux structures déposées.

Nous voulons d'abord indiquer que nous souscrivons pleinement à deux orientations importantes de la réforme: le choix du territoire des MRC comme territoire d'intervention pour le développement de l'emploi et l'incitation faite auprès des futures structures d'intervention de prendre appui sur le développement local.

Les multiples consultations des dernières années sur les réformes à faire dans l'administration publique, auxquelles Solidarité rurale a participé dans bien des cas, que ce soit la Commission sur l'avenir du Québec, le livre vert sur la décentralisation, la conférence sur l'économie et l'emploi et, en particulier, le chantier régions-municipalités, ont conduit de façon très unanime à identifier le territoire des MRC comme principal territoire d'intervention dans le domaine du développement et comme territoire de livraison des principaux services. Ceux-ci sont en effet des territoires d'appartenance. L'intérêt des populations à s'impliquer y est plus grand et plus facile à développer. Les solidarités s'établissent aussi plus facilement. En même temps, ils sont beaucoup plus petits que les régions administratives; les gens sont proches, l'action est plus facile à organiser, l'adaptation aux situations particulières est possible. Le livre vert propose de créer des structures qui épousent les structures des MRC, et c'est le choix qui s'impose.

Par ailleurs, le livre vert insiste sur l'importance pour les organismes de développement et de création d'emplois de prendre appui sur le développement local. Il s'agit là aussi d'une orientation très judicieuse que nous appuyons. L'histoire du développement économique récent, misant trop exclusivement sur les incitatifs, les services et les subventions aux entreprises montre à l'évidence que ce n'est pas le seul chemin à utiliser. Bien au contraire, il faut miser sur la dynamisation des communautés humaines elles-mêmes et sur l'amélioration de leur environnement autant social que culturel et qu'économique. La mission même de Solidarité rurale est de promouvoir cette approche pour le milieu rural. Nous nous réjouissons qu'elle soit de plus en plus retenue ici.

Si nous appuyons fortement les deux choix dont nous venons de parler, nous ne pouvons pas ne pas signaler deux lacunes très importantes dans les orientations qui sous-tendent la réforme proposée. La première est celle de ne pas relier directement et explicitement économie et emploi. On le reconnaît implicitement, puisqu'on affirme la nécessité de prendre appui sur le développement local si l'on veut réussir à développer l'emploi. Mais, au niveau des structures proposées, on choisit un modèle encore trop sectoriel. Pourtant, les consultations récentes conduisent à montrer l'importance de relier économie et emploi, y compris au plan des structures, pour éviter les multiples dédoublements. Qu'on se réfère seulement au rapport du Chantier régions-municipalités et au rapport du groupe opération Villages prospères, déposés à la dernière conférence sur l'économie et l'emploi.

La seconde lacune qu'il faut signaler concerne la décentralisation. La structure principale qui est proposée, le centre local d'emploi, a beau être locale, elle demeure un organe du gouvernement central. Le conseil des partenaires est, quant à lui, un mécanisme de participation du milieu à la préparation de plans et à l'orientation des interventions du centre d'emploi. Nous pouvons comprendre qu'on puisse difficilement, d'un seul coup et à la grandeur du Québec, créer une structure d'emploi pleinement imputable envers les populations locales, qui ait pleine juridiction à l'intérieur d'une politique générale établie par le gouvernement central et qui respecte une planification régionale, ce qui serait une véritable décentralisation. Nous pensons cependant que la réforme proposée doit le prévoir.

Malgré les lacunes signalées, nous appuyons la proposition de créer des centres locaux d'emploi et des conseils locaux de partenaires, mais comme étape pour en arriver à une structure intégrée relevant des populations des territoires des MRC.

Dans l'immédiat, le rôle des conseils locaux de partenaires devrait d'abord être élargi. Ceux-ci devraient être des conseils pour le développement de l'économie et l'emploi et ils devraient retenir l'approche du développement local ou territorial autant que l'approche service aux entrepreneurs et aux entreprises. Les deux réalités de l'économie et de l'emploi se tiennent, et il faut éviter au moins au niveau local de dédoubler les structures.

Il faudrait par ailleurs mettre en place des moyens pour remplacer à terme la double structure de centres d'emploi et de conseils de partenaires par une structure intégrée disposant de ressources propres et imputables aux populations des territoires des MRC. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup, M. Proulx. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Harel: Alors, merci, M. Proulx et Mme Rainville. Merci d'avoir accepté l'invitation des membres de la commission parlementaire. Vous êtes un partenaire important: vous étiez au Sommet; vous étiez, je pense, à la Conférence aussi, il y a déjà un an maintenant. Vous intervenez principalement sur la question de la décentralisation et sur celle du développement local en milieu rural. Vous avez fait la démonstration... Je pense que c'est Solidarité rurale qui a rendu publics les Villages prospères, je pense, hein.

M. Proulx (Jacques): Bien, en fait, c'est moi qui ai présidé le comité.

Mme Harel: Mais vous avez, dans le fond, identifié des villages, des collectivités locales, là, où le plein emploi est réalisé. C'est bien le cas?

M. Proulx (Jacques): Oui.

Mme Harel: Et vous avez démontré que ce n'était pas par l'opération du Saint-Esprit...

M. Proulx (Jacques): Exactement.

Mme Harel: ...qu'il y avait des conditions qui pouvaient être réunies qui favorisaient ça ou le décourageaient. Pouvez-vous nous en parler?

M. Proulx (Jacques): Bien, écoutez, il n'y a pas... Comme vous l'avez dit tout à l'heure, il n'y a pas de formule miracle. Il n'y a pas une seule formule. En fait, le ministre des Finances nous avait demandé, suite au Sommet, d'examiner d'une façon beaucoup plus attentive les raisons qui font qu'on retrouve, parce que j'avais eu l'occasion – vous vous en souvenez peut-être – lors des Sommets, d'énumérer et de donner en exemple un certain nombre de villages où la prospérité existait et où non seulement il y avait le plein emploi, mais, dans certains cas – et l'Islet-sur-mer en est un très bel exemple: il y a 400 emplois de plus qu'il y a de population...

(17 h 30)

Alors, ça veut dire que ça se fait quand, surtout, on vit dans une situation, dans une période où tout le monde est prêt à vendre son âme, en fait, pour créer des emplois. Alors, c'est des exemples à regarder et essayer de trouver les raisons pour lesquelles on doit... comment on peut y arriver.

Alors, notre rôle était davantage de trouver les facteurs communs de ces communautés-là qui ont réussi à créer le plein emploi, qui ont réussi à créer une prospérité, mais, en même temps, d'examiner l'ensemble des facteurs qui font que des communautés réussissent à se redynamiser, à se prendre en main, et, la plupart du temps, sans l'aide de l'État ou pratiquement sans l'aide de l'État, alors que, parfois à 10, 15 km à côté, il y a d'autres communautés qui sont en pleine dégradation, c'est le défaitisme, et ainsi de suite.

Alors, ça a été drôlement intéressant parce qu'il y a une série de facteurs communs, il y a des facteurs différents selon... Mais il y a une préoccupation fondamentale quand on parle de développement des communautés. Et le problème majeur qu'on retrouve aujourd'hui, une grande partie des difficultés, c'est qu'on ne parle que de développement économique. Le développement économique, ce n'est pas un automatisme qui crée de l'emploi et, surtout, ce n'est pas un automatisme qui distribue la richesse et qui partage la richesse au niveau des communautés.

Alors, moi, je pourrais vous nommer des villages, par exemple, au Québec, où il y a 10, 15, 20 emplois, et pourtant la communauté est en dégradation parce que ces emplois-là n'apportent rien au milieu, c'est des emplois économiques. Dix, 15, 20 personnes arrivent le matin travailler et repartent le soir. Non seulement elles n'habitent pas la communauté, mais elles n'achètent pas à l'épicerie, n'achètent pas le pétrole, et ainsi de suite. Elles ne contribuent d'aucune façon. Alors, nous, on condamne ce genre de création d'emplois, ce genre de fausse prospérité.

Mme Harel: Écoutez, si ça peut vous rassurer, dans les deux lacunes que vous jugez importantes, à la page 4 de votre mémoire, la première, elle se trouve à être corrigée, puisqu'il y aura, à la fois un conseil des partenaires puis un centre local d'emplois, mais arrimés, n'est-ce pas? Depuis la publication du livre vert, ça a évolué beaucoup, et vous savez sûrement que le Conseil local des partenaires aura à établir un plan local d'actions concertées pour l'économie et l'emploi qui va relever du centre local de développement et qui va, dans le fond, tenir office de plan pour le fonds des mesures actives qu'on va pouvoir attribuer à chaque CLE, à chaque centre local d'emploi. Ça, c'est la première partie.

Alors, ce sera dans le livre blanc de M. Chevrette, les changements se faisant au niveau de la gestion par fonds plutôt qu'une gestion par programme. Mais des fonds sans plan, c'est comme un chèque en blanc, ça n'a pas de bon sens. Il faut que le fonds local, que les gens soient imputables en fonction d'un plan avec des objectifs de résultats pour que, si ce n'est pas atteint l'année d'après, ils puissent nous expliquer pourquoi, ce qui est arrivé, etc.

En même temps, je pense qu'il faut comprendre qu'il faut des services publics d'emploi. Pourquoi? Vous voyez, présentement, on parle d'environ 100 000 personnes présentement qui reçoivent des services. Je veux bien que les réseaux soient éparpillés, que les services soient dispersés, qu'ils soient mal agencés. Il y en a 110, mesures programmes main-d'oeuvre. C'est cloisonné selon l'étiquette, la couleur du chèque. Le territoire est sillonné de centres Travail-Québec, il y en a 130, des 76 centres d'emploi du Canada, des 48 points de service de la SQDM. Ça en fait 258, pour 7 000 000 de population, avec 7 700 personnes.

Alors, l'idée, c'est d'avoir quand même un service public d'emploi qui, sur le territoire, offre un service de conseiller à l'emploi, de placement parce que c'est incroyable qu'on ne puisse pas avoir du placement. Dans une société où les gens ont souvent des ordinateurs à la maison, on n'a pas un système d'informatique où on fait l'arrimage entre l'offre puis la demande d'emploi. Mais il faut que, sur le territoire, de l'Abitibi à la Côte-Nord, à l'Islet-sur-Mer ou à Hochelaga-Maisonneuve, le demandeur d'emploi puisse avoir minimalement un service qui soit équivalent. Alors, ça, c'est le service public d'emploi. Ça, c'est gouvernemental.

Mais, en même temps, on est à travailler avec les partenaires du marché du travail, patrons, syndicats, communautaires, pour s'assurer qu'ils vont avoir un mot décisionnel à dire sur les programmes et sur les budgets.

Et, en même temps, du côté, si vous voulez, du développement local, là c'est non gouvernemental et là c'est tout ce qui est entrepreneuriat, qui était aussi comme éparpillé aussi dans huit ministères différents, avec l'économie sociale. L'entrepreneuriat, ça peut être collectif, ça peut être individuel, ça peut être la micro-entreprise, ça peut être la moyenne, ça peut être la grande, enfin... Et je comprends que vous dites: Il faut que les deux réalités de l'économie et de l'emploi se tiennent. Alors, l'arrimage, ça va être le directeur du CLE; il va faire partie du Conseil des partenaires. Le plan établi par le Conseil du partenaires va être décisionnel en regard du fonds local. Et c'est en vertu de ces priorités-là que les mesures actives, dans les cinq axes – que vous connaissez, la politique active, vous la connaissez?

Alors, c'est ça, l'arrimage. Je ne sais pas si vous avez suivi ça, comment vous trouvez que les choses évoluent. Vous avez sûrement l'intention de participer à la consultation du livre blanc que M. Chevrette rendra public. Vous savez qu'il y a des querelles de pouvoir, cependant... Qui devraient principalement avoir le dernier mot sur le Conseil des partenaires, des élus municipaux versus des agents économiques? Je ne sais pas comment, vous, vous voyez ça.

M. Proulx (Jacques): C'est évident qu'il y a des pouvoirs politiques très puissants à différents niveaux.

Mme Harel: Locaux aussi.

M. Proulx (Jacques): Oui, oui, à différents niveaux, locaux. Ce n'est pas juste national, ça, le pouvoir politique. C'est très, très local aussi. Les gens apprennent très vite, hein.

Non. Il n'y a pas de solution miracle, encore là. Mais je pense que ce qu'on a dit dans notre présentation ici, c'est qu'on peut comprendre qu'on est obligé d'agir de façon... doucement. On ne peut pas tout chambarder du jour au lendemain. Mais, en même temps, prenons donc une chance sur l'autre bord, une fois de temps en temps. Prenons donc des risques l'autre bord. Tout d'un coup que ça marcherait d'aller un peu plus vite. Tout d'un coup que ça marcherait d'aller rapidement au niveau de l'imputabilité des locaux.

Et arrêtons de toujours penser qu'on va être obligé de les superviser parce que, possiblement, il n'existe pas toute l'expertise, ainsi de suite. Et, quand je vous dis ça, je ne vous dis pas de passer à ça demain matin. Mais que ça soit très clair que c'est là qu'on va. Que ça soit très clair que ça va être une véritable décentralisation et qu'il n'y a pas toujours ce grand frère qui nous guide d'en haut parce que ça va être le grand conseil. Sur papier, c'est bien beau. On va dire qu'il reçoit ses mandats du local puis il va prendre ses décisions en fonction de ça. Mais on connaît ça, là: on a déjà été aux deux endroits, alors disons qu'on sait comment ça peut se passer.

À mon avis, essayons donc de prendre une chance sur le coureur et de mettre...

Mme Harel: C'est qui, ça, le coureur?

M. Proulx (Jacques): Les populations locales. Donnons du pouvoir aux populations locales, au fur et à mesure qu'on va leur avoir donné des outils, pour qu'elles soient capables de gérer ce pouvoir-là.

Mme Harel: Mais vous êtes conscient, M. Proulx, que la population locale, c'est par ses édiles, ses élites ou ses représentants. Qui doivent-ils être?

M. Proulx (Jacques): L'ensemble des leaders. Quand on parle des territoires des MRC, les municipalité ont un rôle à jouer à l'intérieur de ça. Mais d'autres leaders aussi. Je pense qu'il y a de la place à l'intérieur de ça pour l'ensemble de ces leaders-là. Je pense... Marie-Anne?

La Présidente (Mme Barbeau): Madame?

Mme Rainville (Marie-Anne): Ce que je voudrais ajouter là-dessus, c'est que, quand on parle de l'ensemble des leaders, ça semble toujours un peu comme si on ne voulait pas se prononcer. Est-ce que ça doit être les élus des MRC ou si ça doit être les patrons, les syndiqués, les groupes communautaires, et tout ça? Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas se prononcer. Si on lit bien Villages prospères, on apprendra très clairement que, nous, on pense que – et c'est après étude – dans les villages où ça fonctionne, la première clé du succès, ça a été l'apparition de leaders.

Mme Harel, ce n'est pas à vous que je vais apprendre ce qu'on faisait dans les années soixante-dix. On formait le monde à être des leaders. On en a des exemples tout le tour ici, là. Et c'est une chose qu'on a abandonnée. Et ne pas former des leaders dans les communautés, c'est aussi permettre à n'importe qui de dire n'importe quoi. Je m'excuse d'être un peu crue, là. Mais, vous et moi et tout le monde ici, on pourrait conter des histoires d'horreur de gens qui occupent des postes d'élus sur la base, etc. On peut tout se conter ça, là.

Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas choisir à Solidarité rurale, c'est parce qu'on a déjà choisi qu'il y avait des leaders dans les communautés actuellement et qu'il faut aussi en trouver des nouveaux, évidemment en investissant un peu dans la création de leaders. Premièrement, on s'achète du bonheur éventuel, puis, deuxièmement, on s'achète des représentants sérieux.

(17 h 40)

M. Proulx (Jacques): Et, si vous voulez... Moi, je ne vous dirai pas que ça doit être uniquement les élus municipaux. Je pense qu'il y a plus que ça de leaders dans le milieu. Il faut se donner les possibilités. Mais, en même temps, il n'y en a pas tant que ça, de leaders. Alors, il faut se donner une flexibilité qui va permettre qu'on va profiter de l'ensemble des leaders. Alors, ça veut dire qu'on fait de l'espace pour qu'ils soient capables de pouvoir trancher.

Moi, je ne vous dirai jamais qu'il faut que ça soit exclusivement... Non seulement je ne vous le dirai pas, je serais contre que ça soit exclusivement les élus municipaux. Ils ont un rôle important à jouer, ils ont une influence importante à l'intérieur de ça, mais ce n'est pas pour rien qu'on parle des CLE, puis tout ça, c'est parce qu'on a voulu faire... Et, dans le rapport Régions, municipalités , on a été très clair dedans qu'il y a vraiment des sièges, de la place pour les différents intervenants, que ça soit au niveau social, économique, culturel et ainsi de suite. On ne doit pas penser que c'est l'entrepreneurship qui va nous sauver. Il a u rôle important à jouer, mais le développement... Et, nous, on dénonce ça très fortement. Ce n'est pas suffisant. C'est pour ça qu'on parle d'économie et d'emploi, il faut que ça soit de plus en plus relié. Le développement économique, je me répète encore une fois, ce n'est pas un automatisme de créer la prospérité.

La Présidente (Mme Barbeau): Mme la députée de Sherbrooke, vous vouliez poser une question?

Mme Malavoy: Merci. Bonjour, M. Proulx, Mme Rainville. Dans l'enchaînement un peu de ce dont on parle, il y a un certain nombre de groupes qui sont venus nous exprimer des craintes par rapport aux pouvoirs locaux et qui sont venus nous dire: On a peur qu'on perde un minimum de normes nationales et on a peur, finalement, qu'il y ait des disparités entre les localités, entre les régions. J'aimerais simplement avoir vos commentaires là-dessus, parce qu'il faut qu'on puisse répondre à ce genre d'inquiétude.

M. Proulx (Jacques): Ça va peut-être vous surprendre: moi aussi, j'ai peur. Oui, j'ai peur. Honnêtement, j'ai peur si on ne prépare pas adéquatement notre milieu local à gérer ce développement, et ainsi de suite. Et je ne me cache pas pour le dire: autant je suis en faveur d'une décentralisation poussée, là, très loin, en même temps je sais les risques qu'on court avec ça. Et je ne voudrais pas que demain matin, presque instantanément, tout ce dévolu-là...

Puis je reste partisan aussi qu'il y ait un ordre national, qu'il y ait des orientations nationales. Ça n'empêche pas la décentralisation, ça. Je pense que l'État a une responsabilité qui est très grande dans toutes les politiques et qu'il doit continuer à l'exercer, mais, après, qu'il décentralise. Tout le temps, avec son droit d'autorité, là – utilisez les mots que vous voulez – il a un autorité qu'il doit développer à ce niveau-là. Mais je continue à avoir peur.

La Présidente (Mme Barbeau): Mme Rainville, vous voulez dire un mot?

Mme Rainville (Marie-Anne): Oui. Je voulais donner un exemple sur les propos de M. Proulx. Lorsqu'on préparait le sommet socioéconomique avec d'autres groupes communautaires, un des membres de la table des neuf est arrivé une journée en catastrophe: Solidarité rurale était pour que le salaire minimum change selon les régions. Alors, évidemment, ça nous a amusés de dire: D'où ça sort? Évidemment, quand la misère est prise, on pense toujours qu'on peut s'en sortir par en bas, hein. Donc, on n'a pas à blâmer des régions qui ont légitimement réfléchi – elles ont le droit de réfléchir là-dessus – si le salaire minimum ne pourrait pas être plus bas chez eux qu'ailleurs puis, comme ça, elles pourraient peut-être finir par s'en sortir, puis ça, ça remonte, puis ça arrive chez nous, puis, là...

Parce que c'est une région qui a dit ça: C'est Solidarité rurale qui a dit ça. Bien évidemment qu'on a rassuré tout le monde sur le fait qu'on n'était absolument pas... Ça, ça en est un, exemple d'une norme nationale et c'est une question nationale. Tu sais, il n'y a pas deux, trois, 14 économies puis 14 salaires minimums et tout ça, mais il y a des gens qui réfléchissent à ça, là. Il y a toujours des gens qui pensent qu'on peut tirer par en bas tout le temps puis que c'est la meilleure façon de s'en sortir.

Mme Harel: Il y a M. Veilleux qui pense aussi jouer les régions les unes contre les autres.

Une voix: Qui?

Mme Harel: M. Veilleux, de la Beauce...

Mme Rainville (Marie-Anne): Oui, bien sûr.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je vous passe la parole.

M. Copeman: Merci, Mme la Présidente. M. Proulx, Mme Rainville. Je suis – je vais vous l'avouer tout de suite – légèrement en désavantage. Je suis élu juste depuis deux ans dans un comté urbain à 100 % et j'avoue que je ne connais pas bien votre organisme. J'aimerais que vous le décriviez un tout petit peu pour moi. D'où vous venez, puis depuis quand êtes-vous formés, et c'est quoi vos objectifs?

M. Proulx (Jacques): Au départ, je vous dirai qu'on est une alternative, en fait, à l'urbain. Alors, si jamais vous n'êtes pas heureux dans votre milieu urbain, venez chez nous. En fait, Solidarité rurale est un organisme qui a été mis en place après...

M. Copeman: Vous allez me garantir un comté aussi?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Proulx (Jacques): Pardon?

M. Copeman: Vous allez me garantir un comté aussi?

M. Proulx (Jacques): Bien, vous le garantir, je ne vois pas pourquoi je vous le garantirais, mais on peut vous en offrir un.

M. Copeman: Ha, ha, ha!

M. Proulx (Jacques): Et vous le gagnerez, parce qu'on gagne nos affaires, nous autres, dans le milieu rural.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Proulx (Jacques): Solidarité rurale est un organisme qui a été mis en place après la tenue des états généraux du monde rural qui se sont tenus en 1991, après 15 mois de préparation avec l'ensemble des intervenants du milieu rural. Le milieu rural, en fait, c'est au-delà de 90 % du territoire habité du Québec, malheureusement qui est habité uniquement par 1 200 000 personnes. Mais c'est un chapelet de petites communautés, un peu partout sur le territoire et où se retrouve une multitude d'économies.

Et on sait très bien que, dans le modèle dominant qui prévaut depuis déjà quelques décennies, ça a été très négatif pour le milieu rural parce que le milieu rural a beaucoup de difficultés avec la norme; a beaucoup de difficultés avec la concentration; a beaucoup de difficultés, en fait, avec tout ce que préconise le plus fortement possible le modèle dominant, la mondialisation et ainsi de suite. Et ça lui a causé des torts et, dans certains cas, des torts irréparables. Parce qu'on extrait la matière première, on la concentre dans certains milieux et, à partir de là, il n'y a jamais de prospérité possible.

Alors, si on se souvient un peu, dans les années 1988-1990, il y avait eu le rapport des Affaires sociales qui était très clair sur ça: la dégradation et surtout la brisure du Québec entre le rural et l'urbain. On avait demandé à 27 grands organismes du Québec de réfléchir avec nous. On a tenu les états généraux, qui sont arrivé à un constat, quand même, assez intéressant, mais surtout avec des solutions intéressantes. De là, on a décidé de mettre en place un petit organisme qui n'est pas là pour faire à la place de, mais qui est là pour faire de la formation, former des leaders ruraux; il est là pour faire de la recherche; il est là pour faire de la communication; créer des liens entre les différentes communautés dans les régions pour se partager l'expertise, pour valoriser les succès qui se produisent. Et c'est pour ça qu'on intervient, nous, au niveau national, sur des grandes questions. Aujourd'hui, c'est la sécurité du revenu; on est intervenu au niveau des affaires culturelles; on est intervenu sur la décentralisation; on est intervenu sur la santé, les écoles, l'éducation, les bureaux de poste, et ainsi de suite.

Alors, c'est un rôle national qu'on joue, mais on est davantage en support des groupes des régions qui travaillent à redynamiser leur milieu. D'ailleurs, on est persuadé que notre modèle pourrait être drôlement intéressant pour l'urbain, en étant adapté, naturellement. C'est le modèle, en fait. L'urbain, c'est quoi? C'est des quartiers; c'est des communautés par quartier. Peut-être qu'on aurait intérêt à revenir un peu à cette notion-là d'identité du milieu.

M. Copeman: Ça pose certains défis pour le monde urbain, évidemment. La mobilité de la main-d'oeuvre, c'est différent d'une région à l'autre; c'est différent d'une situation urbaine à rurale. Mais il y a déjà certains éléments qui se ressemblent. La création, je pense, des CDEC, les corporations de développement économique et communautaire, qui visaient un peu les mêmes notions de développement local; qui ont eu, dans plusieurs quartiers, des francs succès, dans d'autres, plus ou moins. Ça, c'est sujet pour un autre débat.

Vous dites, à la page 4 de votre mémoire – parce que, nous, on a tendance, pour des raisons très compréhensibles, à axer nos questions un peu sur les lacunes du livre vert – qu'au niveau des structures proposées on choisit un modèle encore trop sectoriel. J'aimerais que vous m'expliquiez un peu plus ce que ça veut dire, ce que vous voulez dire par ça.

M. Proulx (Jacques): Bien, je rajouterai, là. Tu peux commencer.

Mme Rainville (Marie-Anne): Je vais me permettre de pasticher le président du chantier municipalités-régions sur l'approche des tuyaux; c'est le plus bel exemple. C'est la personne qui est la plus claire sur c'est quoi, l'intervention sectorielle.

(17 h 50)

Alors, l'intervention sectorielle, c'est que vous avez un citoyen... C'est-à-dire que l'État, si vous voulez, avec ses ministères, ses interventions, ce sont tous des tuyaux. Alors, tu as les Affaires sociales; tu as les Affaires municipales; tu as le Loisir, etc. Bon. Alors, le citoyen se promène et, des fois, il est attrapé par un tuyau qui s'appelle «Chasse et Pêche». Ça fait que là on descend, puis on lui donne un permis. Puis là, il continue sa vie, n'est-ce pas, et là il a un malheur dans la vie puis il tombe aux Affaires sociales, il est pogné par le tuyau des Affaires sociales. Alors que, dans la vraie vie, un citoyen, ça naît, ça meurt et ça fait toutes sortes d'autres affaires entre les deux, ça va à l'hôpital, ça va à l'école, ça va ici, ça va là, et une intervention plus globale, c'est une intervention qui cesse d'être sectorielle.

Alors, je vais vous donner un exemple précis, qui n'est même pas un exemple où j'ai la réponse, je vais juste poser une question. Moi, dans la vraie vie, j'en fais du développement local, notamment en étant propriétaire d'un gîte rural dans la région de Rivière-du-Loup. Je sais que le gouvernement du Québec vient, et avec beaucoup de bonne volonté, de voter une loi qui va reconnaître tous les gîtes touristiques comme des établissements touristiques, des établissements touristiques logés en maisons privées.

J'ai tellement hâte de voir comment les grands services publics comme Hydro-Québec vont interpréter ça. Moi, j'ai très peur de devenir un établissement commercial et, ce faisant... Là où on avait créé des lieux pour aller chercher des revenus supplémentaires, notamment, qui sont très importants, qui ont été aussi très importants dans le développement de nos communautés, je suis loin d'être certaine que, par un geste des plus corrects mais sectoriel, on n'a pas mis en marche une machine qui va manger le monde et manger des initiatives. Et, c'est ça, l'intervention sectorielle, plutôt que d'intervenir sur des champs, d'intervenir sur la vie, comme ça se passe. Hein, on sait ça, nous autres, qu'on est simultanément travailleuse et mère, par exemple.

M. Copeman: Oui, député et père aussi.

Je comprends la notion des interventions sectorielles, mais là vous dites que la structure proposée est trop sectorielle. C'est quoi, votre suggestion, d'abord? On est ici, en commission. Il y a une lacune. Si vous aviez à dessiner une structure de développement économique et en emploi qui va desservir des citoyens, des bénéficiaires d'aide sociale, mais qui va également donner des services, ce serait quoi, votre structure idéale?

M. Proulx (Jacques): La structure la plus productive va être la structure locale, ramener au local, ramener au niveau des communautés. Et, les communautés, elles vont connaître leurs besoins, elles vont développer les outils qui vont répondre aux besoins. Si je continue encore avec l'exemple des tuyaux – que je trouve merveilleux aussi – quand on dit sectoriel, c'est qu'on a beaucoup tendance... et c'est un peu normal parce qu'on est pogné dans un mouvement qui n'est pas facile à renverser. Alors, on continue à avoir une tendance très forte de dire: Bien, le citoyen, il faut le protéger. C'est ça, le sectoriel.

La question des tuyaux, si tu ne passes pas en dessous du tuyau, tu es fait, là, tu as beau ne pas avoir d'ouvrage, tu es fait. Si tu ne passes pas en dessous du tuyau santé, tu es fait à ce moment-là. C'est ça. Au lieu que, quand les communautés... Parce que, vous-même, vous parlez encore de développement économique. Mais pourquoi on ne parle pas de développement des communautés? Quand on parle de développement des communautés, tu parles de l'économique, du social, du culturel. Tu parles de l'ensemble des ressources qu'il y a dans le milieu.

Mais, on est tellement pogné avec la notion du développement économique que ça se reflète encore un peu trop. Et on dit: Donnez-nous un peu plus d'espoir, élargissez, mettez de la flexibilité, c'est le développement. Les alternatives, c'est de rapidement en arriver que ce soit au niveau du local, les décisions, avec l'imputabilité que ça comporte. Je ne sais pas si ça répond à votre question ou si ça vous...

M. Copeman: Écoutez, moi, j'ai compris puis je n'ai pas compris. Mais, dans la vraie vie, là, on a un système qui doit desservir des clients, hein, des bénéficiaires d'aide sociale, et d'autres, et ils ont besoin d'avoir des services, soit des services en employabilité, formation, n'importe quels services. On a un réseau, maintenant, des centres Travail-Québec qui tente, avec le fédéral, Centre d'emploi du Canada, de desservir une partie des services. Il y a un certain cloisonnement qui existe déjà. Moi, je comprends votre idéal de laisser ça au gré des communautés locales, là, mais vraiment le comment, M. Proulx?

M. Proulx (Jacques): Bien...

M. Copeman: La structure proposée, c'est le centre local d'emploi en tandem avec des centres locaux de développement. Il semble que le conseil des partenaires envisagé dans le livre vert va être le conseil d'administration du centre local de développement, dont le rôle est de développer un plan de développement économique, même de développement communautaire, et de l'emploi. Est-ce que ce n'est pas assez décentralisé pour vous? Est-ce que c'est ça que vous êtes en train de nous dire?

M. Proulx (Jacques): Non, moi, je vous dirai que c'est intéressant, C'est un bon départ. On n'a pas condamné ça complètement, on a dit d'accélérer pour ne pas qu'on crée une nouvelle structure encore. Il faut qu'on indique très clairement qu'on s'en va vers une véritable décentralisation et non vers une régionalisation. On n'a pas complètement condamné, on a dit que c'étaient des lacunes. Et c'est sûr qu'on ne tombera pas dans toute la mécanique; je ne suis pas capable de vous la donner, toute la mécanique.

Mais je vous dis simplement: Arrêtons d'avoir peur, d'hésiter; on est très timide encore. Mais c'est déjà un bon pas. J'aime encore mieux ça que rien du tout. Je dis: Accélérons, et ainsi de suite, parce que, comme vous dites, dans la vraie vie de votre communauté, on ne fait pas bien, bien de démarcation entre l'aide sociale et l'assurance-chômage, et entre l'assurance-maladie, et ainsi de suite. La majorité des gens s'en foutent pas mal, et, moi, je vous dirais que, dans la vraie vie, dans nos communautés, vous avez un certain nombre de personnes, vous les retrouvez toujours, les mêmes personnes, aux mêmes endroits. Et, à force de multiplier les structures, vous écoeurez ce monde-là. C'est ça qu'on dit en gros. Je peux vous dire, moi, que, dans des communautés assez grosses, il y a entre 20 et 25 leaders, personnes. Vous les retrouvez partout dans le mois. Si vous faites le tour des différents conseils, et tout ça, vous retrouvez les mêmes. Alors, quand on veut que ça soit productif, on décide de faire ça une seule fois par mois et ils sont tous là, et on décide de tout gérer ça et on arrête d'avoir la pancarte, et l'enseigne, et le drapeau de chacun sur la porte avec chacun son bureau. C'est ça de la véritable décentralisation et c'est ça des véritables économies aussi. C'est dans ce sens-là.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, le temps est presque terminé.

Mme Rainville (Marie-Anne): Je voudrais juste dire une chose.

La Présidente (Mme Barbeau): Oui, Mme Rainville, allez-y.

Mme Rainville (Marie-Anne): Par exemple, je prends sciemment une question qui est difficile même pour nous, le «workfare». Je suis sûre qu'on vous en a parlé beaucoup dans cette... C'est une question que, si on la décentralise réellement, elle ne sera pas traitée de la même façon dans les régions. Et les perceptions que les gens ont selon les groupes d'âges et selon les appartenances territoriales sont complètement différentes.

D'autre part, la notion de petit travailleur, par exemple, on sent très bien le mouvement du gouvernement de chercher une équité fiscale entre tous les groupes de la société, quelque chose qu'on a appuyé beaucoup, nous autres, à Solidarité rurale, et on l'appuiera encore longtemps. Mais les gens de la grande région de Montréal, par exemple, pour eux, les petits travailleurs, ils voient ça à côté. Mais, quand tu viens du milieu rural notamment, le petit travailleur, c'est souvent un agriculteur.

Alors, si on continue à faire des règlements pour standardiser, on n'y arrivera jamais parce que le petit travailleur est par ailleurs, à certains temps de l'année, un embaucheur. C'est complètement une autre réalité.

M. Copeman: Juste en conclusion. Moi, je vous remercie, en tout cas. Un des avantages du métier qu'on fait présentement, c'est qu'on apprend beaucoup de choses. Alors, moi, j'ai beaucoup appris. Ce n'est pas vrai que, dans 45 minutes, vous allez me faire comprendre toutes les subtilités, toutes les particularités de la vie rurale au Québec. Un petit gars de NDG, ça ne change pas si vite que ça...

La Présidente (Mme Barbeau): Dans cinq minutes.

M. Copeman: ...mais on a fait un bon pas ensemble, et je vais faire un effort de revenir vous voir à un moment donné pour comprendre mieux la situation que vous vivez.

M. Proulx (Jacques): Et puis je relance à nouveau mon invitation: on est très ouvert aux néoruraux, et ça permet de...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Proulx (Jacques): On est très ouvert à l'expertise, merci.

(18 heures)

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, M. Proulx, Mme Rainville, au nom des membres de la commission, nous vous remercions de votre apport à ce débat.

Alors, j'ajourne les travaux à demain, le 20, à 9 heures. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 1)


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