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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Wednesday, March 12, 1997 - Vol. 35 N° 64

Consultations particulières sur le livre vert intitulé «La réforme de la sécurité du revenu : un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi»


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
Mme Diane Barbeau, présidente suppléante
Mme Louise Harel
Mme Marie Malavoy
M. Russell Copeman
Mme Nicole Loiselle
*M. Sylvain Lafrenière, Coalition pour la survie des programmes sociaux
*M. François Saillant, FRAPRU
*Mme Marie-Josée Corriveau, idem
*Mme Huguette Robillard, idem
*Mme Michèle Robichaud, idem
*M. Jean-Pierre Wilsey, idem et Coalition pour la survie des programmes sociaux
*M. Jean Côté, CORPIQ
*Mme Chantal Gosselin, idem
*M. François Des Rosiers, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Quinze heures quatorze minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Mme la secrétaire, est-ce que le quorum est constaté?

La Secrétaire: Oui, M. le Président, nous avons quorum.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Je rappelle le mandat de la commission. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le livre vert intitulé La réforme de la sécurité du revenu: un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi . Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Signori (Blainville) est remplacée par Mme Simard (La Prairie).

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. L'ordre du jour a été distribué. À moins d'avis contraire, il est considéré comme étant adopté. Vis-à-vis des gens qu'on reçoit tout de suite, je m'excuse, Mme la ministre et Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne sont à finaliser une intervention en Chambre. Mais, dès que l'intervention sera terminée, les deux s'amèneront ici le plus tôt possible.


Auditions

Alors, nous commençons nos travaux en recevant la Coalition pour la survie des programmes sociaux. Je pense que, M. Lafrenière, c'est vous qui débutez. C'est M. Wilsey? Alors, si vous voulez présenter... M. Wilsey, M. Lafrenière, pour fins d'enregistrement. Donc, c'est fait. Allez-y. Vous avez 20 minutes.


Coalition pour la survie des programmes sociaux

M. Wilsey (Jean-Pierre): Je vous remercie, M. le Président, messieurs et mesdames les députés. Avant de céder la parole à M. Lafrenière qui va vous présenter les grandes lignes de notre mémoire, premièrement, peut-être se présenter. Alors, M. Sylvain Lafrenière de l'organisation des personnes assistées sociales dans le quartier Bordeau-Cartierville dans le nord-ouest de Montréal ainsi que moi-même, Jean-Pierre Wilsey, qui représente la Coalition pour la survie des programmes sociaux, mais qui est coordonnateur d'un groupe logement du sud-ouest de Montréal, le POPIR-comité logement, qui est aussi, je pense qu'il faut le souligner, membre du FRAPRU qui va présenter juste après nous son mémoire.

Je vais vous présenter très rapidement ce qu'est la Coalition pour la survie des programmes sociaux. Cet organisme a été formé en 1994 et elle regroupe présentement une quarantaine d'organisations populaires, syndicales et féministes de la région de Montréal. Les principaux objectifs de la Coalition pour la survie des programmes sociaux sont de maintenir et d'améliorer les programmes sociaux, le maintien et la création de véritables emplois et une réforme en profondeur de la fiscalité.

Au cours des dernières années, dans la région de Montréal, on a organisé de nombreuses actions de pression, tant auprès du gouvernement fédéral que du gouvernement provincial, produit des outils d'analyse, etc. Le mémoire qu'on vous présente cet après-midi est le fruit de nombreuses discussions qui ont eu lieu dans nos assemblées générales et qui a été adopté par l'ensemble des membres qui composent la Coalition pour la survie.

On considère qu'avant même que le livre vert ait été présenté par le gouvernement du Québec et par Mme Louise Harel en particulier déjà la réforme de l'aide sociale a été largement amorcée. Et on pense très concrètement à l'adoption, en 1995, de la loi 115, qui a aboli le barème de disponibilité, qui a réduit le barème de participants, et j'en passe. Donc, il y a déjà eu des transformations importantes de l'ancienne loi 37, qui est toujours la loi 37, et loin de nous l'idée de défendre la loi 37. Bien au contraire. Ce qu'on veut, ce qu'on va vous présenter cet après-midi, c'est le fait qu'il y ait véritablement l'adoption d'une bonne réforme de la sécurité du revenu pour qu'on n'appauvrisse pas davantage les gens les plus démunis du Québec. Alors, sur ce, je cède la parole à M. Sylvain Lafrenière.

M. Lafrenière (Sylvain): Bonjour. Dans un premier temps, je vais faire la lecture des six principes de la Coalition et, ensuite, revenir sur les points qu'on a jugés prioritaires pour la discussion d'aujourd'hui. Je tiens à faire la lecture de ces principes parce qu'ils ont été adoptés par les membres de la Coalition, ils ont été sujets de discussion et d'un consensus entre les autres membres. Alors, je voulais au moins que vous les connaissiez tous.

Le premier c'est le droit à un revenu décent, quelle que soit la cause du besoin, afin de couvrir les nécessités de la vie courante. Je reviendrai sur ce point ultérieurement.

Le deuxième, c'est l'adoption de politiques de maintien et de création de véritables emplois. Exemples: salaires et conditions de travail décents, accès à la syndicalisation, équité salariale et le refus de toute mesure assimilable à du «workfare».

Le troisième principe: une réforme en profondeur de la fiscalité visant la suppression de nombre d'abris fiscaux improductifs afin que les entreprises et les particuliers fortunés paient leur juste part d'impôt.

Point 4: le refus de faire assumer l'équité par les personnes à faibles revenus et, plus spécifiquement, le refus de faire assumer par les personnes assistées sociales une partie du financement de l'assurance-médicaments universelle, de l'élargissement de l'allocation-logement et de toute modification aux prestations spéciales. Je rappelle que c'est déjà le cas avec certaines lois qui ont été adoptées.

Point 5: toutes les mesures actives doivent être qualifiantes et déboucher sur des emplois à des salaires et des conditions de travail décents. La participation à ces mesures doit s'effectuer sur des bases volontaires. Ces mesures doivent respecter les conventions collectives en vigueur et ne pas donner lieu à l'imposition de sanctions administratives.

Sixième principe: le droit à des mécanismes de révision et d'appel des décisions liées à l'application de la Loi sur la sécurité du revenu et ses règlements, en particulier en regard de l'établissement du plan d'action en employabilité.

Le point 7: le maintien de la parité à l'aide sociale et le refus de toute mesure discriminatoire fondée sur l'âge.

(15 h 20)

Huit: le refus de toute mesure favorisant la saisie des chèques d'aide sociale, particulièrement dans les cas de non-paiement de loyer, et l'adoption de politiques qui favorisent la capacité de payer des personnes assistées sociales comme la création de nouveaux logements sociaux, l'abolition de la coupure pour partage de logement et le contrôle du marché locatif privé.

Point 9: l'abolition de toute discrimination à l'endroit des femmes, notamment celles liées à la présomption de vie maritale et à la comptabilisation de la pension alimentaire versée aux enfants.

Finalement, le dixième point: le droit des personnes assistées sociales d'être traitées comme des citoyens et des citoyennes à part entière, et le droit à la vie privée.

Dans un premier temps, je vais revenir sur le point 1 qui est celui peut-être essentiel: le droit à un revenu décent quelle que soit la cause du besoin. On juge que le montant actuellement de 500 $ – et dans quelques semaines de 490 $ avec la coupure qu'il y a avoir le 1er avril qui a été annoncée – est nettement insuffisant. La Coalition demande une augmentation de ces revenus-là. On demande au moins, minimalement... On pense que c'est un minimum que le gouvernement respecte ce qui est son minimum de base lui-même qui est de 677 $ pour une personne seule. Nous, on pense que c'est encore plus que ça, les besoins réels d'une personne, mais, si le gouvernement dans son idée de réciprocité ne donne même pas ce que lui-même considère être le minimum vital pour une personne, on trouve qu'il y a un problème là. D'autant plus que ce barème de 500 $ était il n'y a même pas un an le barème de pénalité sur le loi 37; et ça, on trouve ça injustifiable. D'autant plus qu'avec les coupures il y a de plus en plus de monde qui se retrouvent avec des montants de 350 $. On se demande bien comment des personnes peuvent essayer d'aller chercher du travail avec des montants aussi ridicules, quelles dépenses ils peuvent effectuer pour faire du transport, pour se rendre à leur emploi ou envoyer des c.v. ou des choses de ce genre-là.

Je sauterais ensuite... Avant de passer à l'autre point, il y aurait naturellement dans cet ordre d'idées de pénalités qu'on trouve injustes, il y a entre autres la pénalité pour les gens de 55 ans à 59 ans. On ne comprend pas du tout cette pénalité-là. Comment peut-on, réalistement, penser que des personnes, rendu à cet âge-là, ont des chances réelles de se trouver un emploi, compte tenu du marché de l'emploi actuellement? Je pense que c'était bon d'insister, également, sur ce point-là.

Je vous amène ensuite tout de suite aux points 5 et 6 qui sont sur les mesures actives et sur le droit des mécanismes de révision. Au niveau des mesures actives, peut-être que d'autres vont l'ont dit, sur papier ça semble beau ce qui est proposé, mais ce dont on s'inquiète beaucoup, et là on est très réticents, c'est compte tenu – c'est très clair dans les présupposés de la loi – que l'objectif principal semble être de rentrer dans le cadre de la loi du déficit zéro, et on voit bien mal comment ces dites mesures vont être réelles si on ne les finance pas adéquatement. Et, là-dessus, on est très inquiets, et on a une pratique en arrière de nous, pour alimenter cette inquiétude-là. En ce sens-là, ça nous apparaît comme des belles phrases et des beaux principes. On espère que le gouvernement va y donner suite, mais on ne peut qu'être très douteux à ce niveau-là.

Au niveau du point b, on l'a déjà mentionné tantôt, pour nous, il faut que ce soit sur une base volontaire. Il est hypocrite, un peu, d'imposer des sanctions à ce moment-ci du processus. On se rappelle très bien que, l'année passée, quand il y a eu la coupure qui a fait disparaître le barème de disponibilité, c'était beaucoup parce que la majorité, il y avait un grand nombre de personnes qui s'étaient mises sur ce barème-là, et qu'on ne trouvait pas des mesures pour trouver de l'emploi. Alors, on ne comprend pas cette pénalité quand on est à peu près certain, d'après notre expérience, que la grosse majorité des personnes, il va y avoir beaucoup de monde qui vont se porter sur une base volontaire à ce genre de programme là.

Le point c, il est impératif que soient mis en place des mécanismes d'appel. Je pense aussi que ça, ça a été ramené par beaucoup d'organismes. De notre expérience, on voit assez régulièrement des cas où un agent a pris une décision que, nous, en tant que représentants d'organismes on est à même, sans passer par le processus de révision, de changer. Ce qui pose des problèmes et, je pense, qui illustre très bien l'actuel problème des pouvoirs discrétionnaires des agents, occasionnellement. On ne comprend pas comment il se fait que, quand une autre personne appelle, elle est capable de faire déboucher un dossier, alors même que la personne n'est pas capable, elle-même, et se fait barrer par son agent. Nous, on fait ça souvent, assez régulièrement, dans le cadre de notre travail. Alors, il est important, pour nous, d'avoir des mécanismes et des recours qui soient déjà marqués, pour avoir un meilleur contrôle là-dessus, au niveau de décisions.

Et, également, on tient également, sur le respect des conventions collectives, là, où il y aurait des emplois, ou des bons d'emplois, ou parmi les formules qui ont été amenées par la ministre et par la réforme elle-même, que, dans les cas où il y a des conventions collectives qui sont appliquées, ces emplois-là respectent les règles des conventions collectives.

Au point 8, sur le refus des mesures de saisie des chèques d'aide sociale pour le paiement de loyer et tout ça, je n'insisterai pas trop, vous allez avoir un organisme qui va vous en parler plus longuement tantôt, mais on tenait quand même à ramener cette question-là, parce qu'on trouve, entre autres, que la coupure pour partage de logement, ça fait longtemps que la grosse majorité des organismes communautaires demande cette abolition-là. L'actuel gouvernement de ce parti avait, par le passé, indiqué qu'il était d'accord avec ça, au moins pour les familles monoparentales, et on attend toujours, et on commence à être tanné un peu d'attendre. On voulait aussi mentionner qu'il y a, à notre avis, une discrimination qui pourrait être faite par ces biais-là parce que, pour les personnes qui sont salariées, le Code de procédure civile prévoit actuellement que le minimum en bas duquel on ne peut pas saisir est de 120 $ par semaine pour une personne seule et de 180 $ plus 30 $ pour chaque personne à charge dans le cas des familles. Donc, la coupure, s'il y avait une saisie sur les chèques d'aide sociale, on arriverait bien en deçà de ces montants-là.

Au point 9, l'abolition de toute discrimination à l'endroit des femmes. Alors, là, il y a naturellement la question de la présomption de la vie maritale où, encore là, de par notre pratique, nous voyons souvent des cas assez aberrants. De même, il semble que pour certains bureaux, à chaque fois qu'un homme ou une femme partage un logement, ils sont tout de suite soupçonnés de vie maritale quoi qu'il arrive. Et c'est l'enquête et tout ce qu'on voudra, et ça crée des préjudices sérieux à certaines personnes. Il faudrait, à notre avis, de par nos positions... on pourrait peut-être réviser ça en donnant ce qu'on pourrait appeler l'indépendance fiscale pour chacune des deux personnes ou des choses comme ça. Ça pourrait passer par des meilleurs biais. Quant à la pension alimentaire, on reconnaît que ce qui est avancé actuellement par le cadre de la réforme... Et, encore là, c'est un premier pas qui peut être intéressant, mais on tient à mentionner – et ça ne nous surprendrait pas, ça va dans les craintes que j'ai déjà exprimées – la possibilité de contrôles plus sévères qui nous inquiète aussi.

Finalement, sur le dernier point, le point 10, je clôturerais là-dessus, la ministre parle – et, ça, ça s'avance souvent – en parlant de la réforme, qu'on va sortir et qu'on va arrêter la discrimination, arrêter de plaquer les assistés sociaux. Or, on est loin d'être sûr qu'on arrive à ça par le biais de cette réforme-là. D'une part, il va y avoir plein de mesures de contrôle et, en sortant à peu près toutes les personnes âgées et toutes les autres personnes de l'aide sociale, on va se retrouver uniquement avec ce que le livre vert appelle, à peu près, les chômeurs sur la sécurité du revenu. Et, à notre avis, ça risque, au contraire, de beaucoup plus marquer les personnes assistées sociales et de beaucoup plus les marquer auprès de la société. En ce sens-là, on est inquiet des réalités de la réforme et on pense que, là, il y a un saut important qui est fait, à savoir que l'on ne passe plus de l'aide de dernier recours mais d'un programme qui cherche à carrément faire du «workfare» ou pas loin, du moins pour certaines catégories, les catégories visées, comme les jeunes entre autres.

Voilà, je pense que ça fait le tour, entre autres, de notre présentation. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Terminé? Je vous remercie beaucoup. Mme la députée de Sherbrooke, si vous voulez commencer l'échange.

Mme Malavoy: Bonjour, M. Lafrenière, bonjour, M. Wilsey. Vous comprendrez que ma collègue la ministre Louise Harel va se joindre à nous dès qu'elle aura terminé une défense de crédit en Chambre, mais, si vous permettez, je vais commencer l'échange avec vous. Je vous remercie, donc, en son nom, d'être venus nous présenter votre opinion et je vous remercie d'en avoir fait une présentation bien articulée et succincte, ce qui nous laisse du temps pour échanger d'autant plus.

(15 h 30)

J'aimerais commencer par une question que vous abordez au début de votre mémoire et qui est, je pense, fondamentale pour bien comprendre l'un des pôles de notre réforme. Vous savez que dans la réforme il y a un pôle qui est le pôle individuel, c'est-à-dire l'obligation d'un parcours individualisé, et il y a un autre pôle qui est la responsabilité collective de, entre autres, fournir un plan local d'action concertée pour l'emploi.

Et vous nous dites, en page 5 de votre mémoire, que les tendances que l'on observe, qui sont des tendances mondiales, des tendances de manque d'emploi, de pertes d'emploi, sont à toutes fins pratiques des phénomènes universels, et que c'est illusoire de vouloir ramener ces préoccupations-là et les solutions à un niveau plus local.

J'aimerais que vous développiez un petit peu cette idée-là, parce que, pour nous, c'est un des pôles, comme je disais tout à l'heure, importants de cette réforme de rendre responsables des territoires plus près de la réalité que les gens vivent. Sans nier qu'il y a des tendances mondiales, mais tout au moins de rapatrier à un niveau local une responsabilité collective quant à la recherche d'emploi.

M. Lafrenière (Sylvain): Par rapport à ça, où on est inquiet, on n'est pas nécessairement contre toute l'idée d'avoir une implication locale, sauf que, là où on est inquiet, c'est que le livre vert semble indiquer qu'il va y avoir beaucoup de pouvoirs de décision, entre autres, au niveau des politiques d'emploi, au niveau de ces zones-là. Et là où on est inquiet, c'est que, dans certains cas, il risque d'y avoir des différences énormes entre certains CLE et d'autres, dans d'autres régions, et ça, on a des réserves, là-dessus, importantes. On tient à ce qu'il y ait des normes au moins régionales sinon nationales qui établissent des affaires.

À titre d'exemple, je pourrais reprendre des exemples dans mon quartier. Par exemple, le programme AGIR où on a vu des personnes être obligées, lors de leur entente – et je ne sors pas des histoires d'horreur inventées, là; on a eu des cas, même, encore pires que ça – où on a demandé jusqu'à 15 demandes de recherche d'emploi par semaine, ce qui est beaucoup plus que ce qui est demandé à l'assurance-chômage, entre autres. Et ça, je ne sais pas d'où c'est venu. Je ne sais pas si c'est venu du centre Travail-Québec de mon quartier directement, où c'est venu, mais c'est inquiétant de par cette pratique-là. Et il n'y a rien dans la réforme, actuellement, que vous proposez qui indique qu'il y aurait des contrôles minimaux au moins assez clairs, là. En tout cas, ce n'est pas écrit clairement.

Et on pense que la marge de manoeuvre au niveau des centres locaux d'emploi risque de mener à des divergences et des différences entre certains quartiers – à Montréal en tout cas; je vais parler plus de Montréal que je connais plus – vis-à-vis d'autres. Et ça, ça nous inquiète. C'est-à-dire, à ce moment-là, qu'il y ait une implication locale, on n'est pas nécessairement contre, mais que c'est au niveau des pouvoirs et au niveau du contrôle où là on a des craintes.

Mme Malavoy: Si vous permettez, j'aimerais peut-être juste distinguer deux choses. Je comprends très bien les craintes que vous évoquez. Mais dans notre esprit, d'abord, les normes nationales demeureront: il y aura une politique active du marché du travail avec des normes nationales; il y a le ministre responsable qui demeurera. Et une responsabilité aussi régionale, les conseils régionaux de développement vont demeurer; et on ajoute un palier plus local, en gros, recouvrant les territoires de MRC; et on demande à ces gens-là non pas d'exercer un contrôle sur ce que telle ou telle personne aura à faire, mais plutôt de s'asseoir; et, si je prends ce qui est dans le livre vert, lui-même, à la page 37, on va leur demander – à ces partenaires qui vont établir un plan local d'action concertée pour l'emploi – d'établir un diagnostic de la réalité socioéconomique, d'évaluer la capacité collective de développement, d'énoncer des stratégies d'intervention, d'identifier des moyens d'action. Ce n'est pas encore tout à fait précisé parce que c'est un livre vert, mais c'est clair que ces gens-là vont définir des grandes stratégies et non pas, de façon pointue, ce que telle ou telle personne aura à faire.

Ça me permet d'enchaîner, peut-être, avec une autre question. Vous aussi, comme d'autres, vous qualifiez assez spontanément de «workfare» l'approche du livre vert. Je peux vous dire que, pour nous, ça n'en est pas; mais j'aimerais vous entendre m'expliquer en quoi c'en est pour vous. Parce que je vais commencer par vous laisser m'expliquer ça un peu plus, puis éventuellement j'argumenterai un peu de mon côté, si j'ai des opinions différentes. Qu'est-ce que c'est, pour vous, le «workfare»? Et en quoi ce que nous proposons en est-il?

M. Lafrenière (Sylvain): Pour nous, de fondamental par rapport à la question du «workfare», dès l'instant qu'il y a obligation de ce qu'on pourrait qualifier de travailler pour recevoir des prestations, il y a une brèche extrêmement importante qui va dans ce sens-là. Et sans défendre le Régime d'assistance public du Canada, qui a été aboli et qui a été remplacé à compter du 1er avril dernier, qui justement empêchait le fait qu'il puisse y avoir quelque forme de «workfare» – et des dérivés, hein, ce n'est pas la seule forme – mais d'obligation pour recevoir leur prestation, nous, ça nous inquiète énormément et on trouve que c'est un glissement extrêmement dangereux. Et on sait pertinemment... Puis, il y a plusieurs intervenants qui ont pris la parole dans le cadre des présentes consultations. Et je pense notamment à la CEQ qui vous a dit, entre autres, que tout ce qui est obligatoire, entre autres en matière de formation, c'est contreproductif et surtout contrepédagogique et ça ne mène nulle part. Et ce qu'on constate comme extrêmement important lorsqu'on parle de mesures volontaires, si on donne aux gens les conditions adéquates pour soit faire certains travaux, soit, d'une part, suivre des cours, aller en apprentissage, qu'il y a suffisamment de places d'apprentissage, pour prendre cet exemple-là, qu'elles soient qualifiantes ces places-là, je dois dire, pour nous, tu n'as même plus besoin de la question d'obligatoire ou pas, les gens vont participer. Puis, lorsqu'il y a eu l'adoption de la loi 115 en décembre 1995, il faut juste se rappeler qu'il y avait 50 000 personnes qui attendaient pour avoir accès à un programme et qui ont été coupées depuis le 1er avril 1996. Et ces gens-là attendaient. Ce n'était même pas obligatoire et ils attendaient. Il n'y avait même pas suffisamment de places dans divers programmes.

Mme Malavoy: Donc, pour vous, le «workfare» est très étroitement associé à l'idée d'une obligation? C'est la brèche que vous mentionnez. Pour nous, le «workfare», c'est associé à l'idée qu'on oblige les gens à faire à peu près n'importe quoi pour recevoir une prestation. Or, quand vous dites, vous, dans votre mémoire que les prestataires de l'aide sociale devront aller travailler, point, selon moi, vous réduisez les orientations du livre vert vraiment au minimum, sans... Vous semblez ne même pas évoquer, ne même pas faire mention d'autres éléments qui sont présents et qui introduisent l'idée, par exemple, que des gens peuvent s'inscrire dans un parcours mais pour recevoir des services psychosociaux s'ils en ont besoin, pour faire un retour aux études si ça peut leur apparaître intéressant et s'ils en ont les capacités, pour s'inscrire comme apprentis dans des entreprises, pour être dans un régime d'alternance travail-études, etc. Il pourrait y avoir d'autres modalités.

Donc, notre intention n'est pas de dire: À partir de tel moment, à telle personne, tu dois aller travailler à tel endroit. Un point, c'est tout. Notre intention, c'est de dire: Partant du principe que les gens qui sont à l'aide sociale sont – on le dit bien, je pense, dans les premières pages du document – essentiellement des chômeurs et des chômeuses, des gens qui voudraient travailler, ce que nous avons à faire, c'est, par tous les moyens possibles, les remettre sur des rails qui vont leur ouvrir les portes de l'emploi, pas de façon magique – on sait fort bien qu'il y a un problème de l'emploi – mais au moins les disposer à travailler, les emplois arrivant en cours de route, on le souhaite pour tout le monde.

Mais j'aimerais que vous réagissiez de nouveau à ça parce que vous biffez dans votre commentaire une partie de notre approche qui est plus large, je crois, que travailler, point.

M. Lafrenière (Sylvain): Un problème, au départ, c'est que je pense qu'on ne s'entend pas sur l'idée que, nous, on considère qu'il y a une énorme majorité de personnes sur l'aide sociale qui veulent aller travailler. Il y avait, l'année passée, des dizaines de milliers de personnes qui étaient mises comme disponibles et qui voulaient travailler. On pense que déjà, avec ça – et ce qu'on parle comme possibilité d'offres d'emploi, je pense qu'on parle pour 40 000 possibilités d'emploi qu'on a sorties au sommet socioéconomique en novembre – déjà sur une base volontaire, vous allez facilement remplir votre quota. Et, déjà, à ce moment-là, on ne comprend pas quelle est la volonté et on pense qu'il n'y en a pas d'autre que d'essayer de couper du monde, de faire des mesures obligatoires à ce moment-ci. Et ça, ça nous inquiète.

D'autre part, la philosophie qu'on avait au niveau de l'aide sociale, c'est que pour nous c'est une aide de dernier recours. Et avec cette réforme-là – c'était déjà amorcé avec la loi 37, ça a été amplifié l'année passée avec le changement de loi – on change encore cette réforme-là. On considère qu'il n'y a plus de dernier recours parce qu'il n'y a même pas de minimum qui est prévu en bas duquel... On a du monde actuellement qui reçoit à peu près 200 $ ou même 100 $ à peu près par mois suite à des coupures de partage de logement et des coupures pour refus de ça. Jusqu'où on s'arrête? Et ça, c'est ce qui se vit actuellement, présentement.

(15 h 40)

Vous ne respectez même plus un minimum plancher qui permet au monde de vivre, survivre, je dirais, même. À ce moment-là, ça, on est inquiets et la réforme amplifie cette version-là. Et vous allez jusqu'à dire que, maintenant, pour avoir droit à votre chèque, il va falloir que tu participes. Quand vous nous dites... Ça paraît beau de dire: Bon, les personnes vont pouvoir choisir. Vous nous proposez des plans de formation ou des ci ou des ça. On lit également dans le document que la personne ou l'agent qui va être responsable du dossier de la personne, il falloir qu'elle l'oriente en fonction des priorités du marché de l'emploi ou de l'évaluation de ses capacités et tout. Je pose la question, moi: Qu'est-ce qui va arriver si les deux personnes ne s'entendent pas? D'où pour nous l'importance d'avoir des recours s'ils ne s'entendent pas entre l'agent et la personne qui veut participer à un parcours.

Mme Malavoy: Oui. J'ai compris d'ailleurs que la demande d'avoir des recours vous l'évoquez clairement et d'autres aussi l'ont évoquée. Je comprends que pour vous ce serait une amélioration sensible s'il y avait un recours d'inscrit dans le projet de loi, là, quand on en sera à un projet de loi. Je comprends que c'est quelque chose qui, pour vous, serait essentiel d'avoir droit à au moins discuter de cette situation si on ne s'entend pas ou s'il y a une friction quelque part. Ça, je le comprends bien, puis je pense que plusieurs groupes sont venus aussi avec cette idée.

Ce qui est difficile avec les raisonnements d'un côté comme de l'autre, hein, c'est que moi je peux vous dire aussi que si les gens sont tous prêts à s'inscrire dans un parcours, dans le fond, il n'y a pas de problème si de bonne foi on leur offre quelque chose quelle que soit la solution qui leur convienne. Le problème que vous évoquez, vous l'avez évoqué une ou deux fois depuis tout à l'heure, c'est que des gens voudraient mais il n'y a pas de place. C'est sûr qu'à partir du moment où nous on dit: «Tout le monde devra s'inscrire dans un parcours», nous aurons à faire la preuve qu'il y a de la place dans un parcours pour tout le monde parce que sinon ce serait, je pense, une erreur que d'avoir une obligation puis de ne pas être capable de livrer la marchandise, si on veut. Mais, à partir du moment où nous on pourrait livrer la marchandise, avoir suffisamment de personnes prêtes à offrir un parcours et à accompagner quelqu'un dans la recherche du parcours le plus intéressant pour elle, à partir de ce moment-là, si les gens veulent s'inscrire dans un parcours, il faut avoir leur barème de base, le barème de participation et, pour ceux et celles qui pourront trouver au moins un petit travail, un revenu de travail permis, il y a peut-être d'autres frais qui pourront être couverts, d'autres frais additionnels. Alors l'obligation, c'est plus sur le principe de l'obligation que vous avez un problème parce que si les gens sont très, très massivement d'accord pour s'inscrire dans un parcours on ne devrait pas avoir de difficulté à s'entendre.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Lafrenière.

M. Lafrenière (Sylvain): Oui. C'est ça. Mais à ce moment-là pourquoi vous jugez l'importance d'une pénalité à ce moment-là? C'est ça qu'est la question parce que vous postulez que... Vous postulez sûrement, si vous mettez une pénalité, que du monde vont les refuser, ce qui est probable également dans certains cas. On ne nie pas que ça peut arriver. Mais l'imposition, c'est qu'en faisant venir et en ciblant par exemple les 18-24 ans qui est une des cibles avec les familles monoparentales qui sont ciblées également, le problème là-dedans c'est que vous allez forcer du monde, d'après une liste ou je ne sais pas comment ça va procéder, là, faire venir les personnes une à une au bureau alors même que ce qu'on vous dit, dans un premier temps, c'est allez-y avec les personnes qui sont les plus portées et qui sont prêtes, en tout cas les plus volontaires à y aller et là au moins vous allez remplir...

Au fur et à mesure, il y a du monde qui vous ont dit à peu près sensiblement la même chose qu'on vous dit aujourd'hui qu'au moins vous attendiez que le système soit rodé et tout avant de penser à aller avec des pénalités. Ce que l'on pense, nous, c'est que dans un premier temps vous allez avoir de sérieuses difficultés à répondre à la demande. On est à peu près convaincus, parce que juste le livre vert nous laisse énormément dans le flou, on discute sur des bases, on voit toutes sortes de propositions, là, des choses d'apprentis, dans certaines affaires on voit des propositions qui sont marquées comme ça, mais ça reste encore très flou pour un projet de livre vert sur lequel on discute. On ne discute pas sur des affaires bien, bien claires. Quel genre de programme? Ça va-tu ressembler à des PAIE? Ça va-tu ressembler à des programmes EXTRA ou quelque chose d'autre? Et ça c'est encore...

On voit que la réflexion, en tout cas, ne ressort pas assez clairement. Ça fait qu'à ce niveau-là on pense que le gouvernement n'est pas prêt, puis encore plus au niveau des preuves concrètes; tout ce qu'on entend parler c'est de l'économie sociale où on vise à peu près, au maximum, 15 000 emplois et c'est à peu près tout. On ne voit pas d'autres mesures où est-ce qu'ils vont décoller. On n'a rien d'autre de concret à se mettre sous la dent. À ce moment-là, on ne voit pas comment vous allez répondre à la demande.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Un dernier court commentaire, madame.

Mme Malavoy: Oui. Sur la question des pénalités, en fait, je rappellerai simplement que quand quelqu'un est inscrit à l'assurance-emploi il a des choses à faire pour recevoir sa prestation. À partir du moment où les gens qui sont à l'aide sociale sont en très grande majorité des chômeurs et des chômeuses, il n'est pas inopportun de poser la question. Je veux juste dire que c'est un raisonnement, je pense, qui peut se faire, que de poser la même question: Est-ce qu'on ne devrait pas être tenu à s'inscrire dans un parcours pour recevoir une prestation d'aide sociale? Si vous cherchez un raisonnement, là, cherchez-le de ce côté-là. Je termine simplement en disant qu'un livre vert, par nature, c'est quelque chose qui est encore assez flou, c'est pour ça qu'on consulte les gens, et c'est pour ça que ce sera suivi, après, quand on sera un peu mieux éclairés, de choses plus fines. Mais, pour le moment, ça vous donne des grandes orientations, puis, nous, ça nous sert d'entendre ce que vous avez à dire par rapport à ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. À mon tour de souhaiter la bienvenue à la Coalition pour la survie des programmes sociaux, et de présenter les excuses de ma collègue, la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, porte-parole de l'opposition officielle en cette matière, matière de la sécurité du revenu, qui est retenue, de même que la ministre, en Chambre, à cause d'une adoption de crédits anticipée.

Je voulais peut-être vous entretenir au sujet des points 3 et 4, qui sont un peu mis ensemble dans votre mémoire, surtout la notion de l'imposition des prestations des assistés sociaux. Vous dites, dans votre mémoire, qu'une telle mesure aurait pour effet d'accroître l'endettement des personnes assistées sociales, en les rendant débiteurs face au ministère du Revenu. J'avoue que je suis un peu confus, parce que, si on se fie aussi, peut-être, si on fie à un communiqué de presse émis par la ministre, qui a été émis le 15 janvier sur ce même sujet, la ministre a précisé, et je la cite: «Ce changement ne devrait pas poser de problème de liquidité aux contribuables qui seront touchés», et, la logique, semble-t-il, de la ministre, c'est que, en partie, si une personne, une bénéficiaire d'aide sociale, travaille une partie de l'année et reçoit des prestations une autre partie de l'année, sur les gains de revenu imposable, cette personne est imposée comme si elle avait travaillé à l'année longue.

Et, dans ce cas-là, il y a, selon, encore une fois, le communiqué de la ministre, d'une certaine façon, une surimposition pour une partie de l'année qui, en principe, va compenser pour la période de l'année où la personne peut être bénéficiaire de l'aide sociale. Par ailleurs, dans le même communiqué de presse, la ministre dit que le gouvernement évalue à 50 000 000 $ les sommes qu'il devrait récupérer. Ça, ça me laisse un peu perplexe. Si, selon le communiqué de presse, le changement ne devrait pas poser de problème et que, dans le même communiqué de presse, on dit qu'on va récupérer 50 000 000 $, il y a un certain manque de cohésion. Mais j'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Wilsey.

M. Wilsey (Jean-Pierre): Oui. Deux niveaux par rapport à ça. Sans entrer dans les détails, le premier, c'est que c'est, pour nous, une mesure supplémentaire pour appauvrir les gens, je pense que ça fait partie de l'ensemble des mesures qui ont été adoptées, principalement depuis un an et demi. Deuxièmement, les gens qui sont sur l'aide sociale et qui recommencent à travailler, ils partent, plus souvent qu'autrement, beaucoup plus loin que plein de monde, et, nous, ce qu'on dit, c'est que les gens devraient avoir un répit pour être capables de se sortir de cette situation-là. Rappelons-nous – en tout cas, si vous ne le savez pas – que plein de personnes – et même des gens qui travaillent à bas salaire, on s'entend bien – plein de personnes sur l'aide sociale sont très endettées, que ce soit par rapport à leur loyer, par rapport à Hydro-Québec, par rapport à divers comptes, et, lorsqu'ils recommencent à travailler, sont aussi très endettées.

Si on veut que les gens retournent travailler – puis, on sait très bien que, en termes d'emplois qui sont disponibles, c'est quelque chose de plus que problématique – donc, on dit: Laissons un répit aux gens. Mais, nous, on interprète cette mesure-là comme la plupart des mesures qui iraient dans le sens d'un appauvrissement des gens et, ça, pour nous, c'est inacceptable.

M. Copeman: Évidemment, je ne suis pas ici pour défendre le gouvernement, mais, souvent, les députés ministériels nous font la remarque que c'est par souci d'équité qu'ils font ça...

M. Wilsey (Jean-Pierre): Vers le bas.

M. Copeman: ...c'est une phrase qui est souvent utilisée, par souci d'équité, parce qu'il y a des gens à bas revenus qui sont obligés de payer des impôts, selon, semble-t-il, la logique de la ministre. Pourquoi pas un prestataire de la sécurité du revenu, qui touche des revenus, à l'intérieur de l'année du calendrier, supérieurs au niveau minimal d'imposition, pourquoi pas eux autres? Qu'est-ce que vous en pensez de cette notion d'équité, de cet argument d'équité que le gouvernement utilise en faveur de cette mesure?

M. Wilsey (Jean-Pierre): Si on est pour parler d'équité, je pense qu'on devrait commencer à aller chercher des revenus dans des hauts salariés puis il y a une série de propositions qu'on retrouve dans le mémoire de la Coalition, qu'on retrouve aussi dans plein de mémoires. Ça c'est le premier point.

(15 h 50)

Le deuxième point, par rapport à la maudite équité, nous on commence à être en joual vert par rapport à ça puis les gens aussi. L'équité c'est toujours vers le bas, toujours, toujours, toujours. L'assurance-médicaments est quand même quelque chose qui aurait pu être quelque chose d'intéressant, qui est une assurance-médicaments universelle, qui concerne tout le monde. Sauf que, ça a eu comme conséquence de faire en sorte qu'une partie de cette assurance-médicaments est financée par les gens sur l'aide sociale, ça n'a pas de maudit bon sens. Et c'est financé aussi par les personnes âgées les plus pauvres. Si on est pour parler d'équité, pour nous, commençons par le haut.

Puis je pense qu'il n'y a eu aucun indice qui irait dans ce sens-là. Pendant le dernier Sommet et l'avant-dernière conférence socioéconomique on parlait de problèmes par rapport à la fiscalité des entreprises, on nous disait que s'il y avait des modifications substantielles les entreprises quitteraient le Québec. On vient d'apprendre – trouvez l'erreur – on vient d'apprendre, selon une étude qui a été faite par une entreprise dite indépendante, que le ministre des Finances a fait paraître, que la fiscalité québécoise elle est tout à fait intéressante pour plein d'entreprises. On le savait déjà parce qu'il y avait eu l'illustration de Canam Manac, il y a quelques mois, qui avait dit que, pour eux, pour son entreprise, c'était un des endroits les plus intéressants si on comparait ça à plein d'États du Nord-Est américain ainsi que de l'Ontario. Moi je pense que c'est à ce niveau-là si on est pour parler d'équité.

M. Copeman: Vous faites référence également aux mesures actives, le point cinq. La façon dont nous on a compris la réforme proposée par la ministre, en général c'est qu'il n'y aura pas plus d'argent nécessairement injecté dans les parcours d'insertion mais on parle de réaménagement des sommes disponibles. Il n'y aura pas moins, selon la ministre; ça on verra ça dans quelques semaines, s'il y en a moins, avec le dépôt des crédits, on va scruter ça à la loupe. Les gouvernements sont, de temps en temps, capables de cacher des choses à l'intérieur des gros chiffres, mais on verra ça à un moment donné.

Mais on nous dit, généralement, qu'il n'y aura pas plus, qu'il n'y aura pas, en principe, moins. Qu'on va travailler avec le même argent disponible mais on va travailler d'une façon améliorée, plus intelligente. Mais, entre autres, vous parlez des programmes de formation et vous faites la remarque que le programme de retour aux études postsecondaires, pour les femmes chefs de familles monoparentales, qui était productif, selon vous, ou positif, est rarement accordé, à toutes fins pratiques il est inexistant. Voulez-vous nous en parler? Pourquoi, selon vous, c'est inexistant? C'est quoi les raisons que cette mesure active, déjà possible, selon le système, n'est pas plus accordée à des bénéficiaires?

M. Lafrenière (Sylvain): Je pense qu'on me dit déjà, c'est écrit, une des raisons majeures c'est que, individuellement, c'est une mesure qui est plus dispendieuse que les autres programmes qui ont été mis en place dans ce sens-là. Parce que c'est quand même lourd là, quand on parle de retour aux études, on parle de cégep, quelque chose, ça coûte quand même plus d'argent qu'un petit programme d'employabilité, c'est très clair. Et puis je pense que c'est la raison majeure pourquoi les agents ont été réticents, et, dans ce cas-là, ça va dans le sens de ce qu'on a dit par le passé, c'est ce qui nous inquiète. Par exemple, toute la logique va, quand on voit la partie un sur l'introduction de la réforme, on nous dit qu'un des problèmes majeurs du marché de l'emploi, parmi ceux qui sont mentionnés, il y a l'inadéquation entre les emplois de formation technique et la qualité des personnes qui sont sur l'aide sociale puis, en même temps, on nous dit que les programmes ce n'est pas nécessairement du travail, ça peut être de la formation, on prétend que... puis on n'arrête pas de nous dire que ce ne sera pas si lourd que ça pour nous rassurer quand on vient contre-argumenter sur notre critique, on pense que ça s'enligne vers du «workfare». On ne voit pas en quoi ça va aider à ce que le... Est-ce qu'ils sont prêts à aller, parce que ça va être lourd là, former du monde au niveau de la technique et des choses comme ça? Et ça, on nous parle de petites mesures là, comme des stages en milieu de travail et des choses comme ça, et on pense que ça va aller vers des mesures, en tout cas de notre expérience, qu'on a vues par le passé, vers des mesures qui ne coûteront pas cher et qui ne sont pas nécessairement celles qui sont les plus garanties de succès. Je pense qu'à ce niveau-là c'est assez clair.

J'aimerais juste aussi mentionner, en profiter pour revenir, quant à revenir à ce point-là, pour nous, l'adéquation ne marche pas entre l'assurance-chômage et la sécurité du revenu. Jusqu'à récemment, en tout cas, avec la dernière réforme, c'est beaucoup hypothéqué mais l'assurance-chômage était, comme son nom le disait, une assurance et on cotisait, de par nos salaires, indépendamment de l'impôt qu'on payait. À ce moment-là, pour nous, il y avait une différence majeure, ce n'était pas un acte de dernier recours.

M. Copeman: Alors, est-ce que c'est juste de dire que vous avez pu observer certaines barrières à l'accès à ces programmes de formation? Est-ce que c'est un phénomène qui est observable dans les milieux que vous représentez?

M. Lafrenière (Sylvain): Moi, ce que j'ai vu personnellement, c'est que les chiffres, effectivement, montrent que ce n'est pas la mesure qu'ils ont priorisée. Ça, c'est assez clair puis que ce n'est pas une mesure qu'ils ont mise souvent sur la table.

M. Copeman: J'hésite un tout petit peu de parler, mais je vais le faire quand même, des structures. Le point 2 qui touche un peu, vous avez parlé d'une politique de création et de maintien d'emploi et, là, vous parlez de la SQDM, les CLE, les conseils de partenaires. Quand je disais... J'hésite un peu parce que ce n'est pas un débat qui est très passionnant mais quand même un débat qui est, quant à moi, essentiel. Parce que j'ai un collègue qui utilise l'image d'un robinet; les structures pour lui, ce sont les robinets. Pour avoir accès à divers programmes, si on n'ouvre pas le robinet, bien l'eau ne coule pas et on n'a pas accès.

Là, vous parlez des CLE, des conseils de partenaires, ça, c'est des choses qui sont dans le livre vert, des comités consultatifs des usagers et vous faites référence également à des CDEC. Moi, on pourrait ajouter à ça, évidemment, les carrefours jeunesse-emploi pour les endroits qui en ont un. Semble-t-il, dans le livre ou dans le projet de M. le ministre responsable du Développement des régions, M. Chevrette, on parle d'autre chose. On a également un conseil local de développement. Il y a même une référence dans son projet à lui, celui du ministre responsable du Développement des régions, que le conseil d'administration du conseil local de développement et le comité aviseur du CLE... Moi, je n'ai pas entendu le comité aviseur du CLE, j'ai entendu qu'il y a un conseil d'administration, il y a un conseil local des partenaires, il y a un comité des usagers.

Moi, j'ai déjà fait l'observation – que la ministre n'aime pas, elle nie, elle prétend que je ne comprends pas, c'est fort possible, il y a des choses que je ne comprends pas dans la vie – qu'il y a une multiplicité de structures et, pour un projet qui semble vouloir présenter des guichets uniques, on est rendus à peu près à cinq guichets uniques. Quant à moi, ce n'est pas bien unique, ça. Je ne sais pas si vous avez des commentaires là-dessus. La multiplicité des structures, des niveaux, etc., est-ce que ça vous préoccupe, ça ou est-ce que c'est moi qui soulève un faux débat?

M. Lafrenière (Sylvain): Écoutez, sur la proposition du ministre Chevrette, vous me l'apprenez, ces choses-là. Ce qui est clair pour nous autres, c'est qu'effectivement, le guichet unique, en tout cas on verra, on se demande exactement où est-ce qu'ils vont puis, effectivement, on voit qu'il y a des ministères qui chevauchent. En tout cas, ce n'est pas clair que ça va tout régler, sauf que notre réflexion là-dessus n'est pas trop avancée.

(16 heures)

Ce que j'aimerais ramener par exemple là-dessus, que j'avais oublié, omis tantôt, quand Mme Malavoy m'a posé la question sur la question locale, c'est aussi qu'on se demande par exemple comment, avec quels moyens ces CLE vont être capables, ou quels genres d'emplois ou quelle capacité à créer de l'emploi... On est bien réticents quand on voit que l'un des problèmes majeurs dans les mises à pied, c'est des mises à pied massives qui viennent souvent de grandes entreprises ou même de mises à pied par le gouvernement lui-même; on parle 15 000 mises à pied dans les secteurs publics actuellement. Quand on voit ce phénomène massif arriver, ça nous fait un peu drôle d'essayer, parce que c'est la seule alternative qui est mise dans le cadre de la réforme, de régler ce problème-là uniquement par des initiatives locales. Je voulais compléter là-dessus.

M. Copeman: Alors, sans remettre en cause les forces vives dans une communauté, vous doutez un tout petit peu des capacités mêmes de toutes ces forces vives de vraiment pallier aux effets plutôt structurants et macros dans l'économie québécoise, si j'ai bien compris.

M. Lafrenière (Sylvain): On croit à leur capacité d'analyse. On croit à ce qu'ils sont capables d'analyser et à suggérer des problèmes. Là où on doute beaucoup, c'est que, d'une part, les groupes qui vont vouloir s'investir là-dedans ne recevront pas l'argent nécessaire devant l'imposant travail qu'il va y avoir à faire, ils n'auront pas les fonds nécessaires. Et, d'autre part, ce n'est pas vrai qu'on ne peut régler le problème de l'emploi qu'en multipliant des solutions locales un petit peu partout. Ça va prendre une politique plus large de création d'emplois, et ça, on le revendique au niveau de la Coalition.

M. Copeman: Êtes-vous capables d'identifier une politique de création d'emplois de ce gouvernement?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: Vous n'êtes pas obligés de répondre, hein!

M. Lafrenière (Sylvain): Non.

M. Copeman: C'est une question innocente, Ha, ha, ha!.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Lafrenière, je vous remercie. M. Wilsey, je vous remercie aussi au nom de la commission mais je vous invite, vous, à demeurer là. Et j'invite les représentantes et représentants du Front d'action populaire en réaménagement urbain à prendre place.

À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recommençons nos travaux. Encore une fois, je tiens à excuser Mme la ministre. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne vient d'arriver. Apparemment, Mme la ministre n'a pas terminé. Alors, nous allons quand même poursuivre.

M. Saillant, si j'ai bien compris, c'est vous qui allez présenter les gens qui vous accompagnent.


Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU)

M. Saillant (François): Oui, bien, je vais commencer.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous êtes un bon habitué. Alors, je n'ai pas à vous expliquer les procédures.

M. Saillant (François): Je ne sais pas si c'est une bonne habitude mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Saillant (François): Juste à mon extrême gauche, il y a Jean-Pierre Wilsey que vous connaissez déjà qui, dans ses loisirs, est président du FRAPRU aussi; il y a, à ma gauche immédiate, Michèle Robichaud qui est une personne assistée sociale, résidente de Gatineau; à mon extrême droite, Mme Huguette Robillard qui est aussi une personne assistée sociale, cette fois-ci du quartier Saint-Henri à Montréal; et finalement à côté de moi, Marie-Josée Corriveau qui est vice-présidente du FRAPRU et qui intervient dans le quartier Pointe-Saint-Charles à Montréal.

Juste avant de commencer notre présentation, je voulais passer la parole à Marie-Josée Corriveau.

Mme Corriveau (Marie-Josée): Au moment où on se parle, à Montréal, la Coalition nationale des femmes contre la pauvreté organise et tient une chaîne de solidarité devant un symbole dans les jours qui...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que ça vous fatigue, le soleil, vous avez ça pas mal dans la figure, non?

Mme Corriveau (Marie-Josée): Moi, non, ça va aller.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Sinon...

Mme Corriveau (Marie-Josée): Je vous vois bien.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Parfait. C'est le principal!

Mme Corriveau (Marie-Josée): O.K. Je vais être obligée de recommencer par exemple. Ha, ha, ha! Il ne faut pas arrêter le «tape». Donc, c'est ça, ce que je disais, c'est qu'au moment où on se parle la Coalition nationale des femmes contre la pauvreté tient à Montréal une chaîne de solidarité devant un symbole, la Tour de la Bourse à Montréal, pour, entre autres, dire: Non! et répéter: Non aux coupures dans les différents programmes sociaux et particulièrement dans l'aide sociale, pour dire: Non aux coupures de postes dans les secteurs publics, qu'on pense aux coupures de postes dans les hôpitaux, dans les écoles ou dans les services sociaux, par exemple, pour dire: Non à la lutte au déficit sur le dos des personnes à faibles revenus, sur le dos des personnes les plus mal prises.

Ces personnes-là ont aussi des revendications sensiblement semblables à celles dont on va vous parler plus tard. Alors, on tenait aujourd'hui à refaire, ici, ou à amener, ici, la chaîne de la solidarité. On va donc se lever ensemble et faire la chaîne de la solidarité. Veux-tu prendre un bras? Voulez-vous participer?

Alors, c'est pour vous dire qu'on va être ensemble pour vous dire non à tout ce qu'on vient de dire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. Saillant, vous pouvez commencer.

M. Saillant (François): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Si j'ai bien compris, vous allez avoir des témoignages, aussi, je crois?

M. Saillant (François): Il y a deux témoignages et tout le monde va parler, dans un premier temps, on va essayer d'être le plus bref possible. Compte tenu qu'on n'est pas le premier organisme à passer, bien au contraire, il y a bien des sujets qu'on n'abordera pas qui ont déjà été abordés par d'autres organismes. Juste vous dire qu'on est d'accord avec ces organismes-là, par exemple sur la question du caractère obligatoire des parcours, on est d'accord pour qu'on aille plus vers le côté facultatif, qu'on aille plus vers des mesures volontaires que des mesures obligatoires. Mais on ne répétera pas tous les points d'accord qu'on a pour se concentrer sur un sujet qui va commencer à être abordé avec nous autres, c'est-à-dire toute la question du logement, des conditions de logement des personnes assistées sociales.

On regrette de constater que le livre vert n'aborde la question du logement que du point de vue des propriétaires. On aborde le point de vue du logement uniquement pour dire qu'il y a un problème de non-paiement des loyers, on n'aborde pas du tout le problème, toutes les difficultés qui sont rencontrées par les personnes assistées sociales elles-mêmes, et qui ne se résument pas au non-paiement de loyer mais qui se résument à quelque chose, je pense que tout tourne autour de ça, c'est l'incapacité de payer des personnes assistées sociales.

Avant de venir ici, on a, dans un groupe populaire du coin, demandé aux personnes qui nous accompagnent, qui sont derrière, de remplir un budget, un budget qu'on aimerait vous remettre pour que vous puissiez constater les difficultés que les personnes assistées sociales ont à vivre, à payer leur loyer et à se nourrir en même temps. Donc, on voulait d'abord déposer ça.

Et on voulait aussi, pendant que vous y êtes, on voulait aussi vous demander de faire un exercice. Ce qu'on a ici, c'est le budget, le même budget qu'on a demandé aux personnes de remplir, on aimerait ça que les députés ici présents, si Mme Harel avait été là, la demande aurait été plus personnelle, mais je pense que Mme Malavoy peut le faire, de demander à Mme Harel de faire l'exercice aussi, de remplir un budget de personne assistée sociale. Et, juste pour vous donner une idée, on a mis, l'autre côté de ce budget-là, les dépenses réelles reconnues par le ministère de la Sécurité du revenu au titre de besoins essentiels, et on a mis, aussi, le coût réel de loyers payés par les personnes assistées sociales, selon un sondage réalisé par le ministère de la Sécurité du revenu et les coûts réels de transport des personnes.

Et ceci dit, vous allez voir, si vous vous essayez à le faire, vous allez voir quel drame c'est et quel dilemme c'est, mais peut-être juste vous dire que les chiffres sont quand même très sous-estimés par rapport à la réalité, d'après nous. Et, entre autres, c'est sûr que si tu demeures – c'est une moyenne provinciale pour les loyers – si tu demeures à Montréal, en Outaouais ou à Québec, le coût de loyer est supérieur à ça.

(16 h 10)

Mais j'aimerais quand même, pour attirer votre attention sur ce qu'on veut parler, que vous puissiez prendre connaissance de ce budget-là et si possible essayer de vivre, ne serait-ce qu'un instant, ce que les personnes assistées sociales ont à vivre eux autres à chaque mois, parce qu'à chaque mois, pour eux autres, ils doivent se poser exactement les mêmes questions: Est-ce que ce mois-ci je vais payer mon loyer à temps? Est-ce que ce mois-ci je vais payer mon électricité à temps? Est-ce que ce mois-ci je manger? Est-ce que ce mois-ci je vais réussir à payer mes médicaments? Est-ce que je vais réussir à me déplacer le moindrement, ne serait-ce que pour chercher un emploi?

Pour nous autres, ce drame-là, c'est un drame qui se vit quotidiennement. Et, juste pour vous donner une idée des chiffres, ce que j'aimerais demander, c'est comment avec une prestation qui est à l'heure actuelle, qui était prévue dans le livre vert, de 500 $ mais dont on sait maintenant qu'elle va être de 490 $ avec la coupe qu'il va y avoir dans le crédit d'impôts fonciers, comment avec 490 $ une personne seule vivant de l'aide sociale pourrait payer un montant de 372 $, ce qui est, d'après un sondage réalisé par le ministère de la Sécurité du revenu, le loyer réel payé par les personnes assistées sociales à l'échelle du Québec. Comment vous faites ça, pour payer 372 $ avec une prestation de 490 $? Comment vous faites ça, si vous êtes une famille monoparentale avec un enfant mineur, pour payer 468 $ de coût de logement, ce qui est, là encore, le coût réel payé par les personnes assistées sociales selon un sondage, avec une prestation de 842 $?

Pour nous autres, si on veut parler de problèmes réels des personnes assistées sociales, c'est de ça qu'on doit parler. Et si on doit parler de non-paiement de loyer, parce qu'on est bien d'accord pour en parler, il faut le juger à la lumière de ça. Combien d'entre vous réussirait à payer leur loyer avec des montants comme ça?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Juste pour vous faire remarquer que, en commission, contrairement à en Chambre, il n'est pas toléré d'applaudir. On présume que vous avez applaudi pour tous ceux et celles qui vont parler. M. Wilsey.

M. Wilsey (Jean-Pierre): Oui. S'il y a peu de choses dans le livre vert sur l'habitation, il y a une chose qu'on trouve particulièrement odieuse, c'est la question de ce qu'on appelle, nous, la saisie des loyers dans les cas de non-paiement de loyer. Je pense qu'il faut être très clair. Pour nous, la très grande majorité des personnes assistées sociales paient bien leur loyer, ce qui ne veut surtout pas dire qu'elles n'ont pas de problème par rapport à la question du logement. On comprend même, au FRAPRU, que des personnes puissent faire le choix de ne pas payer leur loyer ou de le payer en retard pour ne pas se priver de nourriture. Comme il comprend que d'autres personnes fassent le choix inverse. Le problème, ce n'est pas le choix fait par ces personnes; le problème, c'est que nous vivions dans une société qui oblige à faire de tels choix.

Deux éléments par rapport à la saisie du paiement de loyer. La première, qui est plus liée à la question du dépôt direct des prestations... Dans les faits, on considère que le dépôt direct pourrait devenir une exigence de location de la part des propriétaires auprès de toute personne assistée sociale: Si cette personne-là refusait de participer au dépôt direct, il n'y aurait pas location de logement. Et pour nous, c'est une contrainte très importante.

Deuxièmement, par rapport à l'ordonnance où on permettrait à la Régie du logement d'émettre des ordonnances pour saisir une portion du chèque d'aide sociale, c'est effectivement une forme de saisie des chèques et ça enlèverait toute possibilité aux gens, par rapport à leur incapacité de payer, d'avoir le choix – si on peut appeler un choix – entre payer son loyer ou bien nourrir ses enfants et se nourrir soi-même.

Ceci étant dit, on considère qu'il ne devrait pas y avoir de démarche punitive à l'égard des gens. Je pense que les démonstrations ont été faites à plusieurs reprises que c'est lié essentiellement, hormis le cas de quelques fraudeurs, à une incapacité de payer et que ça ne devrait pas être les personnes assistées sociales qui sont les premières victimes des saisies. Donc, pour nous, essentiellement, ce qu'on veut, c'est qu'il y ait, minimalement, pour augmenter la capacité de payer des gens, l'abolition pour la coupure de partage de logement telle que promise par le gouvernement du Parti québécois lors de la dernière campagne électorale, et, par la force des choses aussi, qu'il y ait une augmentation importante et qu'il y ait création de nouveaux logements sociaux au Québec.

Mme Corriveau (Marie-Josée): Jean-Pierre a avancé les revendications. On ne les reprendra pas toutes, celles qui sont dans le mémoire, on n'a pas le temps puis nous voulons que les deux personnes puissent s'exprimer. Mais une chose aussi qui doit être faite, c'est l'augmentation des prestations d'aide sociale. Et quand on parle de cette augmentation-là, ne serait-ce que pour être cohérent et cohérente avec ce que le gouvernement reconnaît lui-même comme le nécessaire, l'indispensable pour répondre aux besoins essentiels, il faut bien comprendre qu'en montant les prestations des personnes à 667 $ par mois ces personnes-là continueraient, malgré tout, à avoir des taux d'effort de l'ordre de 40 % à 50 %, c'est-à-dire à devoir investir la moitié de leur revenu pour se loger et que pour se loger. Par ailleurs, c'est évident qu'on n'aura pas sorti ces personnes-là de la pauvreté. Ce serait un mensonge que de le prétendre mais, au moins, on leur aura permis de répondre à un minimum de besoins.

Concernant l'abolition de la coupure pour partage de logement, je voudrais simplement rappeler que le gouvernement du Parti québécois s'est engagé, en campagne électorale, à abolir cette coupure-là progressivement, en commençant, entre autres, par les familles monoparentales. Là encore, on pense qu'il serait de la première décence que le gouvernement respecte ses engagements d'autant que Mme Harel a joué un rôle important au moment de l'adoption de cet engagement électoral là. Par ailleurs, la coupure pour partage de logement, c'est aussi une coupure qui a été dénoncée, on vous le rappelle, par le Protecteur du citoyen et, évidemment, par les personnes assistées sociales elles-mêmes, puisqu'elles constituent un découragement, un désengagement des gens à pouvoir s'entraider. Les gens qui veulent s'entraider sont découragés de le faire par une telle coupure. Ça les empêche de combattre l'isolement et, dans un pays ou dans une société où on dit qu'on veut récompenser l'effort, c'est une bien drôle de manière de s'y prendre.

Par ailleurs, concernant la relance du développement de nouveaux logements sociaux dont Jean-Pierre a parlé tout à l'heure, là encore je veux rappeler que le Parti québécois a pris des engagements. Le gouvernement a pris des engagements en campagne électorale, à savoir de réaliser 1 500 nouveaux logements sociaux par année, a repris des engagements lors du Sommet, de la décision de l'automne dernier, en disant qu'il allait subventionner la réalisation de 1 700 nouveaux logements sociaux par année. Or, à ce jour, il ne s'est réalisé, depuis l'élection du Parti québécois, que 1 200 nouveaux logements sociaux au Québec, ce qui est vraiment très peu en regard des besoins des personnes assistées sociales et des autres portions de la population qui sont à faibles revenus.

Réaliser des logements sociaux, on le rappelle, ça participe à créer de l'emploi aussi. Pour chaque 1 000 logements que l'on crée, 800 emplois sont créés. Donc, c'est un investissement. C'est aussi faire en sorte que des gens vont cesser d'être préoccupés au mois long à négocier avec le propriétaire, à négocier avec Hydro-Québec, à négocier avec le dépanneur pour l'épicerie qu'il faut faire parce que c'est le seul qui accepte de faire crédit. Donc, avoir un logement social, c'est participer à ce que les gens puissent s'occuper d'autres choses que de survie. J'inviterais maintenant Mme Robillard à prendre la parole.

Mme Robillard (Huguette): Bonjour, mon nom est Huguette Robillard. J'habite à Saint-Henri, à Montréal. Je suis monoparentale de deux enfants de sept ans et neuf ans. Je reçois 180 $ par mois d'allocation familiale et 883 $ d'aide sociale, comprenant 8 $ d'allocation-logement. Avec ces 1 063 $ par mois, je dois payer 400 $ pour le loyer, 181 $ pour le chauffage. J'habite un rez-de-chaussée dans une vieille maison mal isolée. Ça me coûte 35 $ par mois pour les assurances. J'ai passé au feu en 1995 et j'ai tout perdu. Je me suis racheté des meubles, ça me coûte 42 $ par mois. Pour prendre l'autobus une fois par semaine avec mes enfants, c'est 21 $ par mois. En plus, il y a le téléphone, les produits de ménage et d'hygiène, le baseball des enfants, le câble, etc. On n'a même pas 160 $ par mois pour manger et je n'ai rien mis pour les vêtements. Il me reste encore 45 $ à payer pour l'école et je n'arrive pas à ramasser ces 54 $ pour changer les vitres des lunettes de mon plus jeune.

J'ai travaillé 12 ans chez Pascal. J'ai perdu mon emploi quand ça a fait faillite en 1991. J'ai toujours cherché de l'emploi mais je dois vous dire que j'ai arrêté d'en chercher quand vous m'avez coupé 50 $ par mois en enlevant le barème de disponibilité. J'ai aussi arrêté d'étudier pour finir mon secondaire V.

Attendez-vous, Mme Harel, que les enfants soient obligés de faire les poubelles ou de manger au parc les croûtons de pain qu'on donne aux oiseaux? Il faut que ça arrête. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une petite remarque, juste avant que vous continuiez. Simplement vous rappeler de toujours vous adresser au président, pour ne pas que les gens se sentent visés. S'il vous plaît. Le président a les épaules très larges. Allez-y.

(16 h 20)

Mme Robichaud (Michèle): Bonjour, mon nom est Michèle Robichaud. je viens de loin pour vous parler aujourd'hui. J'habite à Gatineau, dans la région de l'Outaouais. Je vis avec ma fille de 21 mois. Je reçoit 910 $ par mois de l'aide sociale et 131 $ d'allocations familiales, ce qui fait un total de 1 041 $ par mois. Avec ça, je dois payer 530 $ pour le loyer, tout compris, 80 $ de couches, 50 $ de garderie, 60 $ pour les assurances, 50 $ de téléphone. Mes parents habitent loin de chez moi, mais c'est vraiment important pour moi de leur parler.

Ma fille a été opérée, il y a un mois et demi, pour le coeur. Sa santé est vraiment fragile. On doit très souvent aller à l'hôpital. Ça nous coûte en moyenne 90 $ de transport par mois pour ça. Après avoir payé tout ça, il nous reste 181 $ pour manger, pour les produits ménagers, d'hygiène, les médicaments, pour les loisirs et les vêtements. Heureusement, j'ai la chance d'avoir de l'aide de mes parents. On est déjà dans la pauvreté. Avec les coupures, on enlève du pouvoir et l'espoir de sortir de l'aide sociale et d'avoir une vie normale.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. Saillant.

M. Saillant (François): Ça termine notre présentation.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Bonjour. Vous comprenez que... Mme Harel est arrivée en cours de route. Alors, je vais commencer à poser des questions, et puis elle prendra le relais, peut-être, un peu plus tard.

D'abord, je voudrais vous dire que je pense qu'on apprécie le sérieux de votre démarche et la nombreuse assistance qui est présente. Vous avez démontré un geste de solidarité en commençant. Je pense que c'est impressionnant de le voir en cette salle, et je voudrais que vous sachiez que, même si vous ne partagez pas forcément les façons que nous trouvons de répondre aux nombreuses questions que vous soulevez, on est sensibles nous aussi à ce que vous représentez aujourd'hui et au geste de solidarité que vous avez démontrée.

J'aimerais commencer, peut-être, par une remarque un peu générale et une question un peu générale, mais on est renvoyés très souvent à cette question-là, en fin de compte. C'est la question de savoir comment trouver d'autres solutions que d'essayer de sortir des personnes de l'aide sociale, sachant que, d'un côté, on a un budget qui est fermé.

Bon, on peut questionner le fait qu'on ait choisi de viser le déficit zéro en l'an 2000. On peut le questionner, mais c'est un fait. Nous, au moment où on discute de ce livre vert, c'est une orientation à laquelle nous avons adhéré et qui fait partie du décor. D'autre part, on sait aussi que nous arrivent, actuellement, de plus en plus de personnes qui sont des chômeurs et des chômeuses, qui arrivent à l'aide sociale, que les règles du jeu de la fameuse assurance-emploi font que notre bassin augmente malheureusement les prestataires de la sécurité du revenu.

Et, honnêtement, on se sent un peu coincés là-dedans parce que le grand défi, c'est de garantir des droits à des personnes. Et puis, ce n'est pas parce que vous êtes le millième qui arrivez que vous avez moins de droits que le premier qui est arrivé. Un régime de droits universel, c'est pour tout le monde, quel que soit son ordre d'entrée. Et, d'autre part, on a effectivement des budgets qui sont fermés, qui sont serrés, et, même, qui obligent à certaines compressions dans tous les secteurs, y compris celui de l'aide sociale.

Donc, notre défi, c'est de trouver des façons pour sortir ou pour éviter ce piège. Et il nous semble que la meilleure façon, c'est de dire: Organisons-nous pour que les personnes s'inscrivent. On appelle ça un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi, mais, peu importent les mots, la meilleure façon, c'est que les gens s'inscrivent dans un parcours qui va leur permettre de sortir de ce piège, de sortir de ce ghetto. Or, dans votre document, vous semblez prendre pour acquis, d'abord, que des prestataires de la sécurité du revenu, il y en aura quand même encore beaucoup, qu'il faut vivre avec cette idée-là, et vos solutions, si je les comprends bien, sont de nous dire: Augmentez les prestations. Et je vois poindre, mais vous ne le dites peut-être pas tel quel, mais je vois poindre la question du revenu minimum garanti, aussi, dans ce que vous abordez. Alors, je sais que c'est une question un peu globale. On pourra revenir peut-être tout à l'heure sur des questions plus pointues concernant le logement. Mais j'aimerais que vous réagissiez à ça parce que vous connaissez notre contexte – je l'ai rappelé rapidement – et j'aimerais vous entendre un peu réagir.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Saillant.

M. Saillant (François): Oui. Je veux d'abord être clair sur des questions. Le déficit zéro c'est votre politique, ce n'est pas notre politique. Le déficit zéro – Jean-Pierre était à la conférence socioéconomique du mois de mars et j'étais à celle du mois d'octobre – et jamais, jamais il n'y a eu consensus – si ça veut dire consensus pour moi que tout le monde est d'accord, de tous les milieux – jamais il n'y a eu consensus pour qu'on arrive au déficit zéro par les moyens qu'on utilise à l'heure actuelle, c'est-à-dire essentiellement par des coupures de dépenses. Dès le mois de mars il y a eu des mises en garde là-dessus. Il y a eu des mises en garde encore plus sérieuses au mois d'octobre quant on a mis de l'avant que pour nous autres le déficit zéro devait aller obligatoirement de pair avec l'adoption d'une clause d'appauvrissement zéro pour l'ensemble – et là je tiens à le dire, parce qu'il y a toutes sortes de malversations sur le terme appauvrissement zéro – pour l'ensemble des personnes qui vivent la pauvreté au Québec et pas juste pour les personnes qui ont des contraintes permanentes à l'emploi. Donc il y a ça d'abord.

La deuxième chose c'est que dans notre mémoire – et ça je pense que là-dessus il va falloir qu'on avance – on remet en question les enveloppes fermées à l'aide sociale. Pour moi c'est absurde qu'on ait à se demander – et on a connu le débat l'année passée, vous vous en souvenez, Mme Harel, sur la question de l'allocation au logement, où on nous dit que tout le monde trouvait que ce n'était pas une bonne mesure à prendre mais on nous dit: Bien, nous autres on est obligés de faire ça, parce qu'il y a les enveloppes fermées. Le ministre Landry nous répond: Bien, nous autres on n'a pas le choix que d'avoir une enveloppe fermée, ça fait que le ministère n'est pas obligé de couper l'allocation au logement, il trouve d'autres choses à couper. Là c'est l'enfer. Ça veut dire que, si tu n'avais pas coupé l'allocation au logement, tu aurais tout de suite coupé le crédit d'impôt foncier ou tu aurais coupé le crédit pour TVQ. Pour moi, c'est absurde et on ne peut pas fonctionner dans un régime d'aide sociale qui est le moindrement pensé... on ne peut pas faire payer le coût de l'arrivée de toute nouvelle personne à l'aide sociale par les personnes qui y sont déjà. C'est une absurdité.

Sur la question des parcours, est-ce que c'est ça la solution pour sortir les gens de l'aide sociale? On veut bien admettre et faire l'exercice de voir si les parcours vont être plus efficaces que les mesures d'employabilité à l'heure actuelle – dont on sait tous ce que ça vaut – si les parcours sont bien, bien différents ce qu'on espère. Mais, ceci dit, même dans la version la plus optimiste qui était celle que Mme Harel disait en conférence de presse au mois de décembre où on pourrait sortir 100 000 personnes de l'aide sociale, bien, il en reste toujours un paquet. Il en reste toujours plus que 300 000 ménages aptes au travail qui vont demeurer sur l'aide sociale et ce n'est pas un choix que ces gens-là font de demeurer sur l'aide sociale, c'est le manque d'emplois qui fait que ces gens-là sont sur l'aide sociale. Est-ce qu'on a, comme société, à faire payer nos carences de création d'emplois? Est-ce qu'on a à faire payer ça par les personnes qui sont déjà les victimes de ça, parce qu'ils n'ont plus d'emploi? C'est là-dessus qu'on a un problème et, pour nous autres, c'est là qu'il faut assurer un revenu décent. On n'en est pas rendu à parler d'un revenu minimum garanti ou quelque chose comme ça. Ce qu'on dit dans notre mémoire c'est qu'à tout le moins on devrait en discuter. Il devrait y avoir au Québec, de toute urgence, un débat sur la pauvreté et que dans le cadre de ce débat sur la pauvreté – qu'on fait un petit peu par la bande en discutant du livre vert mais qui est plus général que ça – on devrait aborder la question de revenu minimum garanti comme possibilité. Pour nous autres, on dit: On est prêt à l'étudier. On est prêt à en discuter. Peut-être que ce n'est pas ça la solution, mais on pense que l'heure est, à tout le moins, de débattre de ces questions-là au Québec.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mme la député Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour, bienvenue. Je m'excuse du retard. On vous a expliqué un peu ce qui se passait en Chambre au niveau des crédits.

Vous avez tout à fait raison. Le choix d'un gouvernement c'est de faire ses priorités et, si le gouvernement est coincé aujourd'hui et qu'il fait vivre ça, ses coupures, sur le dos des plus démunis, c'est parce qu'il a fait le choix d'aller avec des enveloppes budgétaires fermées avec un ministère à caractère social comme le ministère de la Sécurité du revenu. C'est inacceptable. Ce que ça fait vivre aux gens – et je viens de le dire en Chambre – ça fait vivre depuis deux ans la loi n° 115 et la loi n° 84, ça a appauvri davantage les gens qui vivaient déjà sous le seuil de la pauvreté. C'est ça le résultat d'avoir décidé d'avoir des enveloppes budgétaires fermées à l'aide sociale. Ça c'est le résultat et ça été le choix gouvernemental. Ça ne leur a pas été imposé. Ils ont fait leurs priorités gouvernementales et c'est ce qu'ils ont décidé en sachant les résultats et les conséquences aussi que ça a dans la vie de tous les jours des gens qui vivent de l'aide de dernier recours.

(16 h 30)

Moi, je veux revenir sur le non-paiement des loyers parce que vous êtes le premier groupe vraiment qu'on rencontre qui travaille auprès des gens au niveau du logement social de façon très importante. À date, quand on a eu des échanges avec les groupes qui sont venus nous voir en commission, la majorité nous ont dit que la proposition gouvernementale, ce qu'on nous offre dans le livre vert pour essayer de régler la problématique des non-paiements de loyer, ça va amener de la discrimination, puis ça va peut-être engendrer de l'abus.

Je regardais au niveau de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Ils nous disaient, eux autres, dans leur mémoire – et vous pourrez en prendre référence à la page 22 – qu'il y avait des risques importants avec la proposition gouvernementale: la possibilité de consentir à un retrait préautorisé comporte le risque – tantôt, M. Wilsey, vous l'avez dit – du prérequis à la signature du bail. Tu veux avoir un logement? Alors, tu signes la demande pour le paiement préautorisé.

Il y a aussi au niveau du pouvoir d'ordonnance à la Régie. La Commission des droits de la personne, ils nous disaient que ça ouvrait une brèche dans le principe de l'insaisissabilité des prestations. Alors, la Commission est venue nous dire qu'elle était très inquiète de cette approche-là de la part du gouvernement. L'Association des juristes en droit social nous a dit, elle, que la mesure est discriminatoire et qu'elle va carrément à l'encontre du droit à la dignité et du droit à un niveau de vie suffisant garanti par l'article 45 de la Charte québécoise. Et Camil Bouchard, dans son rapport, nous a démontré aussi beaucoup d'inquiétudes; il disait, lui, que si on allait de l'avant avec la proposition gouvernementale, bien, il ne fallait pas faire de la discrimination seulement pour les prestataires de l'aide sociale, mais d'y aller pour tous les payeurs, finalement, à l'ensemble des gens. Mais il disait également que le versement direct menaçait l'intégrité de la prestation et que ça laissait les locataires les plus pauvres à la merci de certains propriétaires.

Alors, moi, je vous donne la place de pouvoir vous exprimer librement sur les conséquences que pourrait avoir cette mesure gouvernementale là, si le gouvernement va de l'avant avec ce qui est proposé dans le livre vert.

M. Saillant (François): Bien, sur la question du dépôt direct des chèques et du paiement préautorisé, dans la pratique – en tout cas ce qu'on voit; Marie-Josée pourrait en témoigner dans le quartier Pointe-Saint-Charles – on en parlait justement tantôt, ça se vit déjà. Les dangers qui avaient été identifiés par la Commission des droits de la personne, c'est-à-dire que ça devienne une exigence de location, c'est déjà quelque chose qui se vit. Et je pense qu'il faut connaître le moindrement le marché privé de l'habitation pour savoir que ça ne peut pas faire autrement que de se vivre.

À l'heure actuelle, déjà, tu as de la discrimination contre les personnes assistées sociales, et pas juste à cause du non-paiement de loyer. Déjà, tu as de la discrimination. Tu as des recours, en principe; tu peux utiliser des recours. Le dépôt ne serait pas quelque chose d'obligatoire. Mais ces recours-là, par combien de personnes assistées sociales est-ce qu'ils vont être utilisés pour de vrai? Combien de personnes qui vont s'être fait refuser un logement vont... les mêmes personnes qui vont être obligées de s'en trouver un autre logement, qui vont être obligées d'emménager dans ce logement-là, qui vont être obligées de rencontrer des problèmes quotidiens qu'ils ont de toute façon, combien il y en a qui vont se payer le luxe de se payer une poursuite contre un propriétaire, puis, après, aller faire les démarches qui vont permettre que le propriétaire qui va effectivement, dans les faits, s'être rendu coupable de discrimination va être condamné à quelque chose? Moi, j'ai de sérieux doutes là-dessus.

La deuxième chose: le pouvoir d'ordonnance de la Régie. Moi, je pense que ça ne règle surtout pas le problème, ce truc-là. Le problème, et c'est pour ça qu'on vous a donné les budgets, tout à l'heure – et je ne sais pas si Mme Harel a eu le sien depuis ce temps-là, qu'on vous a donné les budgets – mais, le problème de fond, pour nous autres, du non-paiement de loyer, c'est l'incapacité de payer.

Et ce n'est pas par ça que tu vas régler le problème de la capacité de payer; ce n'est pas en disant aux gens: On va vous enlever 325 $ sur votre chèque, pour une personne seule, qu'on va régler son problème de capacité de payer. La personne, tout ce qu'on va faire, c'est lui enlever le choix – si on peut appeler ça un choix – que cette personne-là avait de dire: Bien là, je vais retarder un peu mon paiement de loyer pour arriver à me mettre de la bouffe sur la table. C'est tout ça qu'on va enlever.

Et moi, je vous mets au défi, là-dessus, de me dire en quoi ça va, pour de vrai, s'attaquer au problème. Parce que ça, on peut être d'accord sur le fait que ça existe, de façon extrêmement marginale, des fraudeurs, des gens qui utilisent, par exemple, le «fly by the night» – M. Landry m'a déjà dit l'expression française, je ne m'en souviens plus – qui sont des gens qui l'utilisent par fraude, une infime minorité, pour moi, des personnes. En quoi ça va empêcher ces gens-là de faire ça? En quoi le pouvoir d'ordonnance va pouvoir empêcher ça? Moi, j'en doute. Je ne pense pas que ça va l'empêcher. Ce que ça va faire, c'est pénaliser les gens qui ont le problème d'incapacité de payer, par exemple, ça, oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Un autre commentaire? Non, ça va? C'est beau. Mme la députée.

Mme Loiselle: Finalement, parce que, vous aussi, il y a les petits propriétaires, vous connaissez la problématique des petits propriétaires qui se disent: Bon bien, moi là, j'ai besoin du revenu pour pouvoir aller payer ma créance hypothécaire; j'ai tout mis mes économies dans cette petite maison là, puis là, si la personne ne paie pas, moi, je suis coincé. Pour arriver, finalement, à donner l'équité à tout le monde, finalement, vous l'avez dit, c'est l'incapacité de payer, la prestation ne couvre même pas les besoins essentiels, vous le démontrez très bien dans vos tableaux. Alors, s'il n'y a pas une augmentation des barèmes, la problématique, elle reste là, là.

M. Saillant (François): Moi, je pense que les propriétaires ont autant avantage que nous autres à se prononcer en faveur de mesures comme l'augmentation des barèmes, comme, aussi, le fait qu'on abolisse la fameuse coupure pour partage de logement, qui empêche les gens de s'entraider pour arriver à payer leur loyer. Déjà, les gens ont de la misère à payer leur loyer, ils ont une occasion de le faire qui est de dire: Bon, bien, on va partager notre logement, et on vient les pénaliser. Et, là-dessus, je répète l'appel qu'on faisait tout à l'heure aux gens qui étaient présents, mais particulièrement à Mme Harel, dans ce cas-là, qui était absente.

On s'est rencontrés sur la question du partage de logement avant les élections, je sais que vous avez joué un grand rôle pour faire en sorte que le Parti québécois prenne cet engagement électoral là, est-ce qu'on peut le respecter, minimalement, cet engagement-là? Et, là-dessus, on est extrêmement déçus de voir que, dans le livre vert, il n'y avait rien. Si on ne respectait que l'engagement tel qu'il a été pris, c'est-à-dire de dire: On va l'abolir graduellement, en commençant par les familles monoparentales, ce que ça coûte au gouvernement, d'après les calculs qu'on a faits, c'est 17 000 000 $. Est-ce que, pour 17 000 000 $, on va se priver d'un moyen de permettre aux gens, qui sont parmi les plus mal pris, les familles monoparentales qui partagent un logement – on ne parle pas de monde qui se paie un luxe trop trop, là, déjà, tu es au moins deux dans le ménage puis que tu cohabites – est-ce qu'on va arrêter de pénaliser ce monde-là, est-ce qu'on peut s'attendre que, dans un projet de loi, il va y avoir quelque chose dans ce sens-là?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la ministre.

Mme Harel: Bon. Alors, on a dû vous expliquer, en fait, ce qu'on faisait au salon bleu, on a adopté les crédits pour le mois d'avril, pour pouvoir faire les chèques. Vous allez m'excuser, parce que j'ai vraiment la grosse grippe, là. Peut-être juste un mot, rapidement, sur le 100 000 dont vous parliez. Quand j'en ai parlé, lors de la conférence de presse sur le livre vert, c'était, dans le fond, pour répondre à une question d'un journaliste, sur le fait qu'il y a 100 000 personnes qui n'ont pas de problème d'employabilité à l'aide sociale, 100 000 personnes qui sont venues après la récession de 1989. Vous savez qu'entre 1990-1995 il y a eu 90 000 nouveaux ménages en cinq ans, et 205 000 personnes; en cinq ans, là, ça a coûté 1 000 000 000 $ de plus, puis il y a eu 200 000 personnes de plus. Et, ce n'est pas indifférent, le fait que les critères d'éligibilité à l'assurance-emploi ont fait que plein de chômeurs n'ont plus droit à l'assurance-emploi et se retrouvent maintenant à l'aide sociale. C'est tellement incroyable que, selon les dernières statistiques, c'est 40 % seulement des chômeurs au Québec qui ont droit aux prestations d'assurance-emploi, il y a maintenant 60 %, deux chômeurs sur 3, qui n'y ont plus droit.

Ça, c'est l'autre problème, si vous voulez. Ce n'est pas juste un autre problème, mais c'est un gros problème; des deux bords, on est «scrunchés» par la réduction des transferts. Vous avez dû entendre parler, sûrement, en deux ans, du 1 200 000 000 $ de moins à l'aide sociale, à l'éducation et à la santé, puis, de l'autre côté, par l'arrivée massive. Parce que, c'est budget fermé à Ottawa aussi, puis, eux, ils l'ont rétroactivement mis, le budget fermé, à 1994. Alors, ils ont fermé le budget à 1994, puis ils ont dit: Dorénavant, en 1997, c'est le financement de 1994. Puis, en même temps, ils nous envoient des chômeurs, malgré que ces chômeurs-là sont des travailleurs qui ont cotisé, puis c'est un détournement de caisse d'assurance-emploi puis de mission d'assurance-emploi.

Ceci dit, il y a une chose, en tout cas, qu'on va retenir. Mes collègues et moi, on a bien l'intention de faire un beau rapport à notre gouvernement sur tout ce qu'on a entendu de recommandations, et sur celle que vous venez de faire concernant les chefs de familles monoparentales à l'égard du partage de logement, parce que, le partage, c'est 127 000 000 $, ce que ça coûterait, là; si je l'avais, là, l'argent, ce serait 127 000 000 $, le partage. Alors, vous me dites que c'est 17 000 000 $ pour les chefs de familles monoparentales. Moi, je m'engage, en tout cas, à le faire vérifier, puis à vous renvoyer, à vous répondre, là, à vous réécrire sur exactement combien ça va coûter, puis à vous faire savoir la recommandation qu'on fait à ce sujet-là. D'autre part, aussi, je veux vous dire que c'est un barème, là, le 120, hein, ce n'est pas une allocation. Dans votre mémoire, j'avais lu à quelque part que vous pensiez encore que c'était une allocation; vous savez, le 120 qui s'ajoute au barème de base, ça va être un barème. Bon.

(16 h 40)

Moi, j'aimerais ça vous entendre sur le dépôt direct. Je vais vous dire une chose, le dépôt direct, là, si vous pensez que ce n'est pas une bonne affaire, on va l'enlever. Le dépôt direct, c'est moi qui y ai tenu, pensant faire du bien au monde, imaginez-vous, parce que dans mon quartier le monde était tanné de faire des lignes, puis c'est le monde eux-mêmes, là, qui sont contents. Si vous saviez les lettres que je reçois, puis les téléphones que je reçois. Puis je vous dirai que ce n'est pas juste en ville, hein, en campagne aussi.

La semaine passée, il y avait quelqu'un qui est membre du front commun et qui était ici, de l'Abitibi, non, du Témiscamingue. Lui il dit: Moi je suis tellement content du dépôt direct. Ça fait que, donc, vous savez, il y a un problème. Est-ce que je l'enlève le dépôt direct ou est-ce que je le garde? Puis, si je le garde, c'est à quelle condition? Parce que j'ai déjà envoyé un communiqué à Telbec pour dire aux institutions financières: Si le moindrement vous en profitez pour faire des affaires que vous nous avez dit que vous ne feriez pas, on va l'enlever. Bon. Ça a eu l'air de calmer le jeu.

Là, vous nous dites que les propriétaires vont l'exiger. Mais vous êtes conscients que, comment on pourrait appeler ça, là, préautorisé, là, les retraits préautorisés, la veille ça change, ça, hein. J'ai l'impression que peut-être il faut tout simplement apprendre à gérer ces instruments-là plutôt que de s'en mettre à l'abri. Si vous vous en mettez à l'abri maintenant on va passer le prochain millénaire, puis je ne suis pas convaincue que c'est pour le mieux des gens parce que si le moindrement quelqu'un pense que son propriétaire a abusé, qu'il n'a pas donné le service qu'il devait lui donner il peut très bien se présenter, de toute façon, ou téléphoner puis faire arrêter son paiement préautorisé. Présentement, le chèque est fait de toute façon. Alors, là ça va être un paiement préautorisé qui... J'ai vérifié. On m'a dit qu'il s'interrompt dans les heures mêmes qui suivent. C'est encore mieux, paraît-il, mais enfin. Vous, c'est quoi votre opinion là-dessus? Je veux que vous soyez contre le dépôt direct mais assez contre pour dire qu'il vaudrait mieux ne pas en avoir? C'est ça que je veux savoir.

Mme Corriveau (Marie-Josée): On pourrait peut-être dire que ça prendrait des outils, au préalable, pour que ça s'applique convenablement parce qu'effectivement on peut penser que ce n'est pas un plaisir que de faire la lignée à tous les mois devant la caisse ou devant la banque. Ça, c'est évident. Ceci étant dit, bon, quand vous dites qu'il faudrait apprendre à gérer ces outils-là il faut bien voir que toute la réglementation, tout ce que des personnes assistées sociales ont à apprendre ça passe son temps à évoluer. Donc, on peut penser que ça pourrait prendre d'abord des outils pour s'assurer que ce soit possible et effectivement plus facile de pouvoir faire des poursuites contre des propriétaires qui l'utiliseraient à des fins discriminatoires parce qu'effectivement ça se passe. Les propriétaires n'ont même pas attendu l'adoption de la réforme. Ils ont commencé à l'utiliser comme outil de pression sur les personnes. Ça prendrait, évidemment, une augmentation des barèmes, l'abolition de la coupure. On en a parlé tout à l'heure. Il y a une série de conditions préliminaires qu'on devrait avoir remplies, puis...

Mme Harel: Oui, mais si elles ne sont pas remplies? Regardez bien. Moi, là, je vais vous dire une chose. Je vis dans le réel, là, puis je ne le fabrique pas l'argent, puis on n'est même pas dans un pays où est-ce qu'on a le moindre contrôle sur les taux de change, sur la monnaie, sur la Banque du Canada. Ça fait qu'avec ce que j'ai, puis ce que je peux faire je peux peut-être faire des améliorations, puis on va les essayer autant qu'il est possible. Mais dans le contexte actuel, sans augmentation de barème, on le garde ou en l'enlève, selon vous, le dépôt direct?

Mme Corriveau (Marie-Josée): On n'en a pas discuté longuement mais moi je vous dirais qu'il faudrait l'enlever dans la mesure où, effectivement, à cette étape-ci, avec le peu d'instruments dont on dispose ça va pénaliser des gens très mal pris. Il n'y en a pas de solution.

Mme Harel: Bon. Donc, je comprends que, vous, vous recommandez de l'enlever. La deuxième chose sur... Vous savez qu'il est proposé une ordonnance à la Régie sur les, voyons...

Une voix: Les loyers à échoir.

Mme Harel: ...les loyers à échoir. Voilà. On nous dit, bon: Les loyers échus qu'est-ce que vous en faites? Comme vous savez, les loyers échus, on dit: Écoutez. On n'est pas pour aller rétroactivement dans l'aide des loyers à échoir en autant qu'il n'y a pas éviction. Si on décide que là aussi on ne bouge pas, ça veut dire que l'éviction continue, là, parce qu'il faut être conscients que lorsque les loyers ne sont pas payés il y a présentement, pour tout le monde, une égalité de traitement, c'est-à-dire qu'il y a éviction. Alors, à choisir entre une ordonnance pour les loyers à échoir avec justement le fait qu'il n'y a pas éviction, puis éviction... Dans le fond, c'est des choix comme ceux-là qui se présentent, là, aux gens présentement. Parce qu'il faut savoir aussi que, dans le cas de l'insaisissabilité, vous savez sûrement que le Code de procédure civile a une règle d'insaisissabilité. On peut dire qu'il faut une égalité de traitement puis dépendamment de son revenu, et non pas de son étiquette, que ce soit la même règle du Code de procédure qui s'applique pour tout le monde. Mais si on applique cette règle du Code de procédure pour tout le monde quel que soit le revenu, comme vous le savez, à ce moment-là, ça peut être un travailleur au salaire minimum qui a la même difficulté que la personne qui est prestataire d'aide sociale. Alors, je ne sais pas. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Saillant (François): Bien, moi, j'ai l'impression que tant qu'on ne voudra pas s'attaquer au problème de fond... Effectivement, on ne vous demande pas d'imprimer de l'argent, sauf que, pour nous autres, il en existe de l'argent – on est une société riche – et on ne peut pas débattre de la sécurité du revenu si, en même temps, on ne débat pas – et malheureusement ça ne semble pas être le cas – d'une réforme de la fiscalité qui va permettre d'aller chercher des revenus nouveaux en mettant un peu plus à contribution les gens qui en ont de l'argent. Tant qu'on ne s'attaquera pas au problème de l'incapacité de payer, pour moi, on va choisir entre un mal puis un pire à peu près. Respectivement, je ne trouve pas que la situation actuelle est idéale, mais je ne trouve pas que ce que vous proposez est l'idéal non plus.

C'est le problème qu'on avait au comité paritaire qui avait été formé par le ministère, qui était formé de quatre groupes de propriétaires et de quatre groupes de prestataires-locataires. La raison pour laquelle on s'est retiré, l'ensemble des groupes de locataires et de prestataires présents, c'est que tant qu'on ne voulait pas s'attaquer au coeur du problème, à la cause du problème, pour nous autres, tout ce qu'on pouvait faire, c'est de pénaliser les individus, de pénaliser des personnes, de culpabiliser des personnes. T'auras beau avoir une ordonnance qui dit aux gens: Si vous avez été condamné par la Régie du logement pour loyer en retard, et ça peut être facile d'obtenir cette condamnation-là, à ce moment-là, on va venir vous saisir une partie de votre chèque, en quoi ça donne de l'argent de plus à la personne pour vivre?

Tout ce qu'on fait comme société, c'est de dire: On va arrêter de pénaliser celui qui, en bout de ligne, en subit une conséquence, c'est-à-dire le propriétaire, mais on ne règle pas pantoute le problème de la personne, pantoute. Et c'est là que, pour nous autres, il y a un problème dans le livre vert, c'est qu'on ne parle du logement que du point de vue des propriétaires et pas du tout du point de vue des prestataires alors qu'il nous semble que ça aurait dû être l'inverse. Il me semble qu'on devrait penser le régime de la sécurité du revenu pas en fonction de ceux qui se font payer au bout de la ligne, mais en fonction des gens qui la reçoivent, qui doivent vivre avec à tous les jours. C'est là le problème qu'on a.

Et ça nous ramène toujours au fait qu'il faut des mesures qui aillent plus en profondeur sur cette question-là, c'est-à-dire sur la question des prestations d'aide sociale, sur la question du partage de logement, sur la question du logement social aussi; parce que c'est vrai qu'on ne demande pas aux propriétaires privés de faire la charité. Je comprends fort bien les propriétaires de dire: On nous demande de faire la charité, ce n'est pas correct. On ne leur demande pas ça. Mais si ces gens-là ne peuvent pas loger les gens qui sont les plus mal pris dans notre société, il faudrait que l'État offre un autre choix à ces personnes-là, qui est le logement social, qu'on parle de HLM, de coopératives d'habitation, de logements sans but lucratif.

Pour nous autres, c'est là que se trouve la véritable solution au problème du paiement de loyer et jusqu'à preuve du contraire – en tout cas, d'après les chiffres qu'on avait eus de la part des offices municipaux d'habitation notamment – le problème du non-paiement de loyer dans les logements sociaux est un problème marginal par rapport à celui qui se vit sur le marché privé. Pour une raison bien simple, c'est que les gens ont moins cher à payer de loyer.

La Présidente (Mme Barbeau): Mme Harel, en une minute. Il vous reste une minute.

Mme Harel: Bon, bien, à ce sujet-là, j'ai reçu pas mal de lettres des offices municipaux, justement, faisant valoir qu'ils avaient pas mal de logements dont les loyers n'étaient pas payés. Vous, vous dites que ce n'est que 1 %. Alors, ça m'apparaît, en fait, étonnant par rapport à l'ensemble, disons, de la campagne menée par les offices municipaux pour être assujettis aussi à l'ordonnance.

(16 h 50)

Mais, ceci dit, je reviendrais peut-être juste deux mots sur le dépôt direct. Moi, je crois qu'avec le dépôt direct, ce qu'il faut faire, c'est, en même temps que le chèque mensuel, il faut donner l'information sur ce qui est interdit dans le cadre du dépôt direct en expliquant que, à tout moment, le prestataire peut se retirer de l'entente avec un propriétaire. Et je pense que ça, ça donne... Il n'a pas besoin de s'adresser à personne, il n'a pas besoin d'aller voir un avocat, d'aller voir l'aide juridique ni le Protecteur du citoyen, il a simplement, dans le fond, à se retirer de l'entente. C'est un strict droit qui lui est acquis par le Code civil comme à n'importe quel autre citoyen. Mais il faut que ces dispositions-là soient connues simultanément avec ces informations sur le dépôt direct.

Concernant l'ordonnance, en tout cas on est en réflexion là, on fait la commission parlementaire pour entendre les points de vue là-dessus. Mais je vous rappellerai que ce ne sont pas les familles, les chiffres sont assez éloquents, les ménages avec enfant ne sont pas impliqués, presque pas impliqués dans le...

La Présidente (Mme Barbeau): Mme la ministre, en terminant...

Mme Harel: ...dans le problème de non-paiement de loyer. Ce sont essentiellement, finalement, des jeunes qui se déplacent assez librement, là, d'un logement à l'autre. Alors, j'ai l'impression que cette question de non-paiement de loyer a, en plus, à voir avec des problèmes psychosociaux, de toxicomanie, d'alcoolisme et autres que vivent certains prestataires qu'à voir seulement, si vous voulez, avec la question des barèmes.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci, Mme la ministre. Là, je suis obligée de passer la parole à... Vous pouvez peut-être répondre... Est-ce que voulez le laisser répondre... Allez-y, M. Saillant.

M. Saillant (François): Bien, peut-être juste, d'abord, sur la question du non-paiement dans les logements sociaux. Les chiffres qu'on cite, ça vient d'un relevé qui a été fait par la Société d'habitation du Québec, auprès des plus gros offices municipaux d'habitation, et ce que ça disait c'est que le pourcentage de paiement en retard dans les HLM, dans ces HLM, à tout le moins, était de 1 % et que les mauvaises créances, en bout de ligne, étaient de un demi de 1 %. Et ça, au comité de travail on en a discuté, il y avait un représentant de la Société d'habitation du Québec qui était là, et jamais il ne m'a apporté d'autres chiffres que ceux-là, qui venaient d'eux autres mêmes, d'ailleurs.

Et, donc, pour moi ça demeure un problème marginal. C'est sûr, et ça, la Fédération des locataires de HLM pourra vous en témoigner quand elle va passer, c'est sûr qu'il y a des façons de fonctionner qui ne sont pas les mêmes selon les offices, et il y a des offices qui devraient peut-être se questionner sur leur façon d'aller chercher leurs loyers plus que sur le fait que les personnes sont des mauvaises payeuses ou des mauvais payeurs.

Il y a des façons de faire, je pense, qui devraient être revues. Il y a de l'éducation à faire dans les logements sociaux. Il faut voir aussi que les gens maintenant, pour entrer dans un logement social, il ne faut plus juste que tu sois pauvre, il faut que tu sois «poqué»...

La Présidente (Mme Barbeau): Merci, M. Saillant.

M. Saillant (François): ...ce n'est pas suffisant d'être pauvre

maintenant.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, Mme la Présidente. Il y a certains propos que j'ai de la difficulté à laisser passer, quand on dit, ce n'est pas d'hier là que le gouvernement, ou d'il y a six mois que le gouvernement a appris qu'il y avait une diminution dans le Transfert social canadien. M. Parizeau, quand il était chef de l'opposition, le premier ministre de l'époque l'avait avisé qu'il y aurait une diminution dans le Transfert social. C'est en 1994.

Tout revient dans le choix des priorités d'un gouvernement parce qu'en même temps, là, rappelez-vous qu'on donnait une augmentation – puis je ne dis pas ça là contre les fonctionnaires parce qu'ils ont signé de bonne foi, eux, là – mais l'augmentation salariale des fonctionnaires de l'État, qui coûte tout près de 1 000 000 000 $ sur trois ans, trois semaines plus tard, on nous forçait d'adopter la loi n° 115 qui allait chercher 145 000 000 $ dans les poches de plus démunis à l'aide sociale.

Alors, tout est un choix, on nous dit: on ne fabrique pas l'argent. Vous avez raison, il y en a à quelque part de l'argent. Mais il faut que le gouvernement décide que sa priorité c'est d'aider les plus démunis de notre société, ce n'est pas de les appauvrir davantage avec des mesures de compressions et de coupes. C'est vrai que peut-être Mme la ministre disait que dans ses statistiques les familles monoparentales, les familles n'étaient pas tellement incluses.

Il y a l'allocation-logement. L'allocation-logement, qui était beaucoup plus intéressante il y a quelque temps, a été beaucoup diminuée, mais ça, c'est une aide qui, pour les familles avec enfant, leur donne un coup de pouce pour payer leur logement. Alors, c'est sûr que si on va toujours en diminuant la problématique va se retrouver davantage aussi au niveau des familles.

Moi, je veux vous entendre parce que le groupe avant vous, j'avais lu leur mémoire, je n'ai pas eu la chance de pouvoir discuter avec eux, mais la Coalition pour la survie des programmes sociaux nous parle du Code de procédure civile et nous dit que quand il y a saisie il y a une portion qui est insaisissable: 120 $ par semaine pour une personne seule. Alors, si on fait le calcul vite, 120 $ par semaine, puis quatre semaines, on se retrouve avec 480 $ qui est insaisissable, sur un chèque de 487 $ parce qu'à partir du premier avril ça va être plutôt 487 $ la prestation pour une personne seule, et vu qu'on fonctionne avec la réforme aussi au niveau du barème, je pense que vous l'appelez le barème de punition, mais qu'on va fonctionner avec le barème de base, la ministre va être obligée, si elle va de l'avant, elle va être obligée de modifier le Code de procédure civile parce que là ce serait comme insaisissable, ça ne fonctionne pas là, l'avez-vous analysé ça?

M. Wilsey (Jean-Pierre): Bon, bien, je pense que c'est important de le dire, puis c'est encore le cas présentement, que les prestations d'aide sociale sont insaisissables au même titre que la CSST, les prestations de pension, etc. L'illustration par rapport au Code de procédure civile sur l'insaisissabilité...

Mme Loiselle: Ça se dit mal, vous avez raison.

M. Wilsey (Jean-Pierre): ... – mon cours date de plusieurs années – fait en sorte que le législateur, ce qui est prévu dans le Code de procédure civile, c'est que, pour ne pas que les gens soient dans la très, très grosse misère lorsqu'ils voyaient leur salaire – parce qu'on parle de salaire saisi – on soustrayait au départ une portion qui était de 120 $ par personne. Puis, ça va plus loin que ça parce que, après ça, au-delà de ce montant, il y a un pourcentage, il y a une quote-part qui est insaisissable aussi, là, donc ça va un petit peu plus loin là-dedans. Donc, c'est le strict minimum, on arrive à 480 $ en gros, pour une personne seule, pendant un mois, puis c'est le barème actuel ou à peu près, là, à quelques grenailles près. Donc, c'était, minimalement... On ne demande pas qu'il y ait une modification au Code de procédure civile, ce qui était demandé là-dedans, c'est qu'on disait que c'était éminemment discriminatoire parce que même pour des salariés, la base de tout, c'est ça.

Donc, il y a ça qui était, pour nous, très dommageable. Ce qui est aussi dommageable, puis je voudrais insister là-dessus très, très rapidement, c'est le fait qu'une fois que ta prestation est saisie ça t'empêche de poursuivre ton propriétaire dans certains cas, entre autres dans les cas d'inexécution d'obligations, soit pour effectuer des travaux, donc les retenues de loyer pour effectuer des travaux. Ça, on considérait que c'était aussi discriminatoire. Donc, il y avait tout un volet discriminatoire.

Puis, la ministre, tantôt, a dit que c'était, en contrepartie, la situation suivante, à savoir qu'il n'y aurait pas d'éviction. Nous, on n'achète plus cette logique-là qui fait en sorte qu'à un moment donné on disait: Est-ce que ça va être le quart du bras qu'on va couper ou les trois quarts du bras? Parce que ça se pose dans ces termes-là et, ça, on trouve ça épouvantable et c'est lié peut-être, François en a parlé abondamment, au fond du problème.

Puis, un des éléments, puis je veux réinsister là-dessus, le budget à 4 000 000 000 $ et quelques qui est complètement fermé, on s'en va vers une catastrophe épouvantable parce qu'il va y en avoir une, c'est malheureusement écrit dans le ciel, il va y en avoir une récession, que ce soit dans un an ou dans deux ans, quelque part, c'est dans quelques mois, on va voir une arrivée massive de gens. Il y a des compressions puis on le reconnaît très bien, on les connaît très bien, des compressions très dures de la part du gouvernement fédéral, surtout depuis le budget de 1995, on doit vivre avec ça aussi, on ne la trouve pas drôle, celle-là non plus.

On sait que, politiquement, le gouvernement du Québec doit assumer une part de responsabilité politique là-dedans et doit subir cette situation-là. On dit: On ne veut pas que ce soit le monde qui fasse les frais de ça. Mais on n'oublie certainement pas que le fédéral a une responsabilité très grave là-dedans, dans les coupures dans les transferts aux provinces.

M. Saillant (François): Il y a même un militant qui s'est fait tordre le cou à Ottawa parce qu'il... plus précisément parce qu'il contestait les coupures dans l'assurance-chômage. Donc, on ne viendra pas ici pour disculper le fédéral, que ce soit dans ce domaine-là ou dans celui du Transfert social canadien.

Mme Loiselle: Non, ce n'était pas pour ça que j'amenais l'idée. C'était l'idée que le gouvernement, quand il a pris le pouvoir, était au courant qu'il y avait une diminution dans le Transfert social canadien et puis qu'il n'a rien fait pour ajuster ça, pour protéger les plus démunis, c'était plutôt ça, ma pensée.

Une dernière question au niveau... Je reviens à l'Association des juristes en droit social qui nous disait que, bon, c'était discriminatoire et que ça allait à l'encontre de l'article 45 de la Charte des droits, de la Charte québécoise. Pensez-vous que, si le gouvernement va avec sa proposition, ça pourrait être contestable en cour? Est-ce qu'on pourrait créer un mouvement qui pourrait aller contester cette position-là prise par le gouvernement? Est-ce que vous l'avez analysé au niveau de la Charte?

M. Saillant (François): On ne l'a pas analysé à ce niveau-là. Je pense qu'il y a des gens au ministère, entre autres, qui devraient l'analyser à ce niveau-là. C'est sûr que, si jamais on est obligés de le faire, on va l'analyser à ce niveau-là mais on espère que le gouvernement a encore le choix. Dans ce domaine-là, il n'y a rien d'adopté encore, au niveau de l'ordonnance, il a le choix de reculer là-dessus et, sur la question du dépôt direct, comme Mme Harel disait tout à l'heure, c'est encore quelque chose qui pourrait être visé si on réussit à prouver que ce n'est pas une bonne façon.

Bien, moi, j'aime autant qu'on règle les choses politiquement avant d'arriver devant les tribunaux, là. Il y a la loi 37 qui est encore devant les tribunaux, la loi 37 que le monde a subie pendant des années est encore devant les tribunaux. Ça ne nous amuse pas de passer par ce biais-là. Moi, je pense qu'il y a des choses qui doivent se régler politiquement et ce qu'on peut régler politiquement, réglons-le donc comme ça.

Mais il y a une chose aussi, c'est qu'il faut le régler avec des budgets adéquats et, là, moi, je pense, je le répète là-dessus, le débat sur la sécurité du revenu doit absolument aller de pair avec un débat sur la fiscalité et, là-dessus, il y a encore des choses qu'on doit faire. Il y a un budget qui s'en vient d'ici quelques semaines; est-ce qu'il va y avoir un effort réel de fait du côté des revenus, pour augmenter les revenus de l'État en mettant à contribution du monde qui en ont, de l'argent?

(17 heures)

Les taxes sur le capital, pourquoi les gains de capital ne sont imposés qu'à 75 % alors que votre salaire, que le mien ou celui des gens qui travaillent est imposé à 100 %, pourquoi? Les REER, c'est la plus grosse exemption fiscale, pourquoi est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de limiter ça? Je ne pense pas aux gens qui s'en servent comme moyen de se payer une petite retraite qui a un petit peu d'allure mais des gens qui s'en servent, qui placent plus que 7 500 $, qui placent jusqu'à 13 500 $ par année – on ne parle pas du monde trop pauvre – pourquoi qu'il n'y aurait pas moyen d'aller chercher là-dedans les argents?

Là, les exemples, on pourrait les multiplier à l'infini. On a présenté l'autre jour, à M. Landry, des propositions qui permettraient d'aller chercher jusqu'à 2 000 000 000 $ en mettant essentiellement à contribution les gens qui ont de hauts revenus et des grandes entreprises. Il me semble qu'il y a moyen de faire un effort de ce côté-là. Si on ne le fait pas, bien, comme société, on va payer cher, à un moment donné, le manque de courage qu'on va avoir eu. On va le payer très cher et à l'heure actuelle on le paie déjà. Il y a du monde qui le paie mais, comme société, on paie aussi. La pauvreté qui se vit à l'heure actuelle, on va le payer cher comme société.

Mme Loiselle: Oui, il y a un groupe qui nous disait que, si le gouvernement ne faisait pas des modifications majeures à sa réforme, c'est le chaos social parce qu'il y a tellement de mesures appauvrissantes dans la réforme qu'on a devant nous, finalement, et tout le fardeau de l'assurance-médicaments va faire en sorte que les gens ne pourront plus s'en sortir. Ça va être une question de survie et tout le caractère obligatoire – et je veux terminer sur ça – avec pénalité, dont les pénalités s'appliquent au barème de base, en sachant – vous l'avez dit tantôt – qu'en bout de piste, là, finalement, les gens nous ont dit: Le parcours – je pense que c'est le groupe avant vous – c'est une façon de rebaptiser les choses, leur donner un nouveau nom, un nouveau langage, mais c'est la même chose parce que, en bout de piste, il n'y en a pas de job...

Au niveau des familles monoparentales, on a deux dames ici qui sont chefs de familles monoparentales, le fait de retirer le barème de non-disponibilité, même si on donne le barème d'allocation parce que la personne va dans une participation, ce n'est pas 120 $ qu'on lui donne, c'est 20 $ parce qu'on vient de lui en enlever 100 $. Mais l'allocation unifiée, je ne sais pas si vous avez regardé comme il faut, mais c'est les familles à l'aide sociale avec de jeunes enfants de six ans et moins qui sont très perdantes, avec l'allocation unifiée. Ruth Rose nous a déposé des tableaux où une femme avec deux enfants de moins de six ans va avoir une perte de 1 154 $ par année, avec la prestation unifiée pour enfants.

Vous, à la toute fin, vous dites: «Aucun prestataire ne devrait être plus pauvre après l'adoption de la réforme qu'il ne l'est maintenant.» Alors, s'il n'y a pas de virage important de la part du gouvernement, puis que le gouvernement ne retire pas le caractère obligatoire des pénalités coercitives de sa réforme, puis ne retire pas toutes les mesures appauvrissantes, est-ce que vous dites au gouvernement: Écoutez, retournez faire vos devoirs, nous, on n'embarque pas dans ça et revenez-nous avec un projet qui va donner espoir et non pas qui va nous pousser plus dans la pauvreté?

M. Saillant (François): Mais c'est effectivement ça le message qu'on a. Le seuil de la décence pour moi c'est qu'on ne doit pas appauvrir des gens qui sont déjà les plus pauvres. Comment qu'on peut, comme société, accepter qu'on mette à contribution ces gens-là encore une fois? Comment qu'on peut accepter que ces gens-là aient encore moins que ce qu'ils ont... dans les budgets qu'on vous a remis tout à l'heure, qu'ils aient encore moins que ça pour vivre? Comment qu'on peut accepter ça?

Moi, je pense que ça, c'est le seuil de la décence mais il faut aller au-delà du seuil de la décence. Moi, je ne peux pas accepter qu'il y ait des gens à l'heure actuelle qui paient 70 % de leurs revenus en loyer. Il me semble qu'on ne devrait pas l'accepter. Il me semble que c'est carrément inacceptable. Il me semble que c'est scandaleux dans une société où il y a du monde par contre qui roule sur l'or. Il me semble que c'est scandaleux et je ne comprends pas que non seulement on ne dise pas il faut s'attaquer à ce problème-là mais qu'en plus on vienne ajouter d'autres mesures qui vont avoir pour effet d'appauvrir des gens qui sont parmi les plus pauvres.

Les personnes de 55 à 59 ans qui, maintenant, sont considérées comme non disponibles, qui, avec les futures personnes qui vont entrer à l'aide sociale, mettons, à 57 ans, qui n'auront même plus le barème de non disponible alors qu'on sait que ces gens-là n'ont aucune possibilité d'emploi, que c'est bien de valeur, ce n'est pas à ces gens-là à qui on va offrir des parcours vers l'emploi, rendus à 57 ans, alors qu'on parle de retraite aux fonctionnaires à 50 ans... Comment qu'on peut penser, ces gens-là, leur enlever de l'argent alors que, si tu faisais les tableaux, quand tu regardes les belles statistiques du gouvernement du Québec, chez les gens les plus pauvres, souvent ça se concentre chez les femmes entre 55 et 65 ans, qui sont les gens juste avant d'arriver à la retraite... Et c'est à ces gens-là qu'on va dire on va vous enlever de l'argent maintenant.

Moi, ça ne me rentre pas dans la tête. Il me semble qu'il y a un seuil de décence à respecter sinon c'est clair – et ça, là-dessus on ne l'a jamais caché et on ne le cachera pas – s'il y a un projet de loi qui ressemble au livre vert à l'heure actuelle, on va le combattre dans la rue, comme on a combattu dans la rue la loi 37, en 1988-1989, on va le combattre avec les moyens qui sont nôtres parce qu'on ne pourra jamais accepter de fonctionner dans un cadre comme ça.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, merci beaucoup à tous. Au nom des membres de cette commission, nous vous remercions de votre présentation et de votre présence ici aujourd'hui.

Je demanderais aux gens de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec inc. de prendre place, s'il vous plaît.

Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais au porte-parole du groupe de s'identifier ainsi que d'identifier les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.


Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ)

M. Côté (Jean): Alors, bonjour, Mme la Présidente. Mon nom est Jean Côté. Je suis le président de la Corporation. M'accompagnent aujourd'hui, afin de vous faire part de nos commentaires, M. Michel Riverin, à ma gauche, qui est directeur général de la Corporation, et ce, depuis 1980; à ma droite, Me Chantal Gosselin, qui est membre du conseil d'administration de la Corporation; et, à l'extrême gauche, M. François Des Rosiers, qui est professeur titulaire en gestion immobilière et urbaine à l'Université Laval et auteur de nombreuses études concernant l'immobilier locatif.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, vous disposez de 20 minutes pour nous faire votre exposé. Allez-y.

M. Côté (Jean): Merci. Alors, au nom des membres de la Corporation, nous désirons vous remercier du temps que vous nous consacrez. Vous l'aurez bien deviné, notre sujet de préoccupation à nous, c'est le non-paiement de loyer par certains bénéficiaires d'aide sociale. Mon intervention se divisera en deux parties: dans un premier temps, nous vous parlerons de la problématique de l'immobilier locatif au Québec et, dans un deuxième temps, nous apporterons nos commentaires et solutions à la proposition qui est inscrite au livre vert.

À titre d'organisme sans but lucratif représentant plus de 9 000 propriétaires d'immeubles à logements, la Corporation a toujours été très sensibilisée au phénomène de non-paiement de loyer par certains bénéficiaires d'aide sociale. C'est probablement l'une des plaintes qui revient le plus souvent, et ce, dans toutes les régions du Québec où la Corporation est représentée. On parle de Montréal, Québec, la Mauricie, l'Outaouais, Chicoutimi et Rimouski.

Malgré l'acuité du problème pour nous, et, croyez-nous, c'est vraiment un problème, nous avons toujours tenté d'adopter des positions réalistes et des positions de compromis. Au fil des ans, nous avons étudié différentes solutions, en essayant de respecter les lois et règlements qui encadrent le logement locatif et, en même temps, de trouver des solutions qui ne s'appliquent qu'aux bénéficiaires fautifs.

Dans cet esprit, nous avons toujours privilégié deux principes: le respect des droits du propriétaire, d'une part, et le respect du droit au maintien dans les lieux du locataire. On a toujours été convaincus que toute solution au problème du non-paiement de loyer se devait de répondre à ces deux impératifs.

(17 h 10)

Dans le passé, toutes nos interventions sur le sujet ont toujours fait état d'une minorité de bénéficiaires d'aide sociale, en termes de non-paiement de loyer. On est très conscients que depuis trois ans différents chiffres ont été avancés quant à l'ampleur des pertes et quant au nombre de bénéficiaires touchés.

Il n'en demeure pas moins que pour les propriétaires le problème est très réel et important bien qu'il ne touche, nous en convenons, qu'une minorité de bénéficiaires. Est-ce qu'on doit parler de 5 %, de 8 %, de 10 % de bénéficiaires fautifs? Je ne pense pas que ce soit là l'importance du débat. Le problème est là et il représente des pertes de plusieurs millions de dollars pour les propriétaires. Le chiffre officiel d'un sondage qui émane du gouvernement, qui date de 1993, parle de 86 000 000 $ de pertes annuelles. Donc, une minorité de bénéficiaires fautifs ou en défaut, on en convient, mais 86 000 000 $ de pertes annuelles pour les propriétaires et quelque soit le type de propriétaires, qu'on parle de propriétaires privés, d'offices municipaux et toute la gamme de gens qui travaillent dans le domaine du logement. C'est donc important.

Maintenant, la contrepartie de ce problème-là, c'est qu'il y a quand même 85 %, 90 % ou 95 % de bénéficiaires qui assument et s'acquittent bien de leur obligation de payer leur logement et qui, malgré tout, ont de la difficulté à se trouver un logement. Parce que ça pose un problème au niveau de l'accès au logement.

Écoutez, pour être clairs, le ou les propriétaires d'immeubles ont certaines appréhensions, vous le comprendrez, à accueillir des prestataires d'aide sociale. S'ils font le choix d'accueillir une personne et s'il s'avère que le bénéficiaire ne s'acquitte pas de son obligation de payer le loyer, le propriétaire se retrouve avec une situation de non-paiement pour laquelle il n'a... Oui, il a des recours, mais ces recours ne sont pas exécutables. Il ne peut pas se prévaloir de ce qui se fait dans d'autres segments de la population.

Par conséquent, cette situation-là diminue drôlement l'accessibilité au logement à l'ensemble des prestataires parce qu'il y a une réputation, une perception qui est négative au niveau des propriétaires. De plus, il faut vous rappeler que les ménages bénéficiaires d'aide sociale représentent le tiers de la clientèle locataire au Québec et ça, c'est important. Dans le même ordre d'idées, je pense qu'il faut reconnaître que le système actuel, malheureusement, encourage la récidive. «Si je l'ai fait une fois et que je m'en suis tiré», je parle d'un déguerpissement, il n'est pas impensable que la personne soit portée à récidiver.

Évidemment, c'est sûr qu'on représente les propriétaires d'immeubles à logements, on défend les intérêts de nos membres mais est aussi très conscients que l'immobilier locatif représente, au même titre que la nourriture et le vêtement, un besoin et un bien essentiel. Et ça a toujours été dans un esprit de collaboration que nous avons participé à divers comités, notamment celui qui avait été formé par Mme Blackburn qui, je vous le rappelle, a proposé différentes solutions au non-paiement de loyer, dont celles qui sont contenues dans le livre vert.

Donc, le problème qui fait l'objet de notre présentation, aujourd'hui, il est d'autant plus difficile qu'on rencontre deux niveaux de préoccupation. D'abord, les pertes engendrées par cette situation, le non-paiement, sont difficiles à supporter parce que souvent on a affaire à de petits propriétaires. Et on va revenir à cette idée de petits propriétaires. À titre d'exemple, soulignons qu'un revenu de moins dans un triplex, pour quelques mois, souvent c'est la différence entre des pertes importantes et, souvent, une situation qui peut être difficile.

Autre niveau de préoccupation, c'est qu'on ne peut rien faire. Légalement oui, mais on ne peut pas agir contre le fautif parce que, on le sait, la prestation est insaisissable. Mais revenons à la première réalité dont je faisais état. Même dans le logement locatif, il y a des réalités qui sont propres au Québec. Contrairement à ce qui se passe dans le reste du Canada, le logement locatif au Québec est le fait d'une majorité de petits propriétaires. Or, 93 % des immeubles au Québec sont des immeubles de 20 logements et moins et ces immeubles de 20 logements et moins représentent 65 % de l'ensemble des logements au Québec. À titre comparatif, dans le reste du Canada, les immeubles de 20 logements et moins ne représentent que 20 % du parc. Ça signifie donc qu'on trouve une grande concentration de gros immeubles locatifs au Canada, alors qu'au Québec on retrouve une grande concentration de petits immeubles, c'est une réalité qui est importante. Beaucoup de petits immeubles qui représentent les deux tiers du parc locatif puis, au Canada, on parle de plutôt le contraire.

Donc, la réalité au Québec, c'est que le logement, c'est le fait de petits propriétaires, ce qui est vraiment contraire à ce que souvent on véhicule. Il faut aussi parler du fait que, économiquement et sociologiquement, nos gens sont impliqués directement dans leur logement, en ce sens que, souvent, ils sont des propriétaires occupants. Comme exemple concret, prenons le territoire le plus immensément peuplé, c'est-à-dire la Communauté urbaine de Montréal. Sur ce territoire, au dernier rôle d'évaluation, on retrouvait plus de 105 000 duplex et triplex qui représentent 79 % des unités de logement de l'île de Montréal. Au soutien de cette réalité, une étude produite en partenariat par la SCHL, la ville de Montréal et notre organisation, on retrouve, dans le marché des «plex» de Montréal, près de 80 % de propriétaires occupants.

Et je pense que c'est dans cette optique, entre autres, que le législateur doit adopter ou trouver une solution, parce que ça touche un grand nombre de propriétaires puis un grand nombre de locataires. Je n'essaierai pas de faire la démonstration qu'il y a plus de propriétaires que de locataires, je pense que ce n'est pas nécessaire. Mais il n'en demeure pas moins qu'il y a beaucoup de gens impliqués dans la propriété dans le logement locatif au Québec.

La réalité économique c'est que nous retrouvons principalement deux types de propriétaires au Québec: le propriétaire qui, normalement, achète un «plex», c'est-à-dire cinq logements et moins, et qui souvent l'habite, et le deuxième c'est le petit investisseur pour qui il s'agit d'un investissement à très long terme et qui, souvent, exigeait beaucoup de sacrifices de sa part en termes économiques, surtout dans la récession qu'on vient de traverser.

Je reprends donc, on parle de propriétaires occupants et de petits investisseurs. On se sert trop souvent de statistiques qui proviennent du reste du Canada pour faire croire que la propriété, au Québec, est le fait de grands propriétaires; je pense que, souvent, on interprète mal ces données-là et on ne tient pas compte de notre réalité.

L'exemple qu'on peut peut-être donner, en termes d'images, c'est de simplement comparer votre arrivée à Montréal par la 40, l'autoroute 40, et comparer votre arrivée à Toronto via la 401 ou à Ottawa via la 417. Souvent, vous allez retrouver un grand nombre de grands complexes immobiliers. C'est une image, mais on ne retrouve pas ça au Québec, même pas dans le West Island. Il y a peut-être quelque chose qui a été adopté, mais en tout cas c'est un mode de comportement qui, là aussi, a fait que c'est très québécois.

Autre considération, le coût des loyers au Québec. En 1995, le loyer moyen à Montréal, pour un logement d'une chambre à coucher, s'établit à 433 $. À Toronto, il est de 660 $, soit une différence de 52 %. Pour un deux chambres, un quatre et demi, le loyer moyen est de 494 $ à Montréal; à Toronto, il est de 803 $, soit une différence de 62 %. Finalement, si on continue, on parle d'un cinq et demi ou d'un trois chambres à coucher, on parle de 586 $ versus 969 $ à Toronto, soit 66 %. Il y a quand même des différences fort appréciables.

Maintenant, au chapitre des augmentations de loyer, le locataire montréalais, à titre d'exemple, pour une chambre à coucher, a connu pour une période de six ans, soit de 1989 à 1995, une augmentation totale de loyer de 25 $, soit 6 %. À Toronto, on parle d'une augmentation totale de 21 %, soit 136 $, toujours pour la même période. Ce qui a fait dire à nombre de spécialistes dans le domaine que le logement à Montréal, et par extension dans le reste du Québec, logement locatif, est encore très abordable.

(17 h 20)

Maintenant, dernière considération concernant le marché locatif, les relations entre propriétaires et locataires se sont, on pourrait dire, améliorées, ou à tout le moins stabilisées, comme le démontrent les statistiques de la Régie du logement. Le rapport annuel de la Régie, en 1995-1996, faisait état de 96 000 recours exercés par les propriétaires et 13 000 recours exercés par les locataires. Le chiffre peut paraître important mais, des 96 000 recours exercés par les propriétaires, 80 000, soit 82 %, concernent le recouvrement de loyer, la résiliation pour non-paiement et les dommages et intérêts suite à un déguerpissement, donc, le non-paiement de loyer essentiellement. Et, là encore, il faut faire très attention, parce qu'il y a beaucoup de propriétaires qui considèrent que c'est tout à fait inutile que de déposer une demande à la Régie du logement, compte tenu que, même avec une décision, ils vont être dans l'impossibilité d'exécuter ladite décision, ce n'est pas récupérable. Ça, on n'a pas de données à cet effet-là.

Dans l'état actuel de notre droit, le paiement du loyer est un élément fondamental du bail de location. Je vous offre un appartement, un logement, en contrepartie de quoi vous me payez le loyer. Le locataire a beaucoup de moyens de protection contre un propriétaire qui ne respecterait pas ses engagements, mais il se doit – et, ça, c'est fondamental – de payer le loyer; payer le loyer constitue sa principale obligation.

Maintenant, suite à ces quelques considérations là que nous venons de vous présenter sur le type de parc immobilier auquel on a affaire au Québec, la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec appuie la proposition du livre vert inscrite à la page 63, qui dit essentiellement ceci: La possibilité du dépôt direct des prestations dans les institutions financières, dès le 1er janvier 1997, permettra de convenir d'un accord de retrait préautorisé entre propriétaire et locataire, ce qui pourrait améliorer la régularité des paiements. Un tel dépôt se fera sur une base volontaire.

J'ai entendu, tantôt, on était dans une autre salle, ça a fait l'objet de certains commentaires et de discussions, et certains prétendent que ça peut devenir une obligation de la part des propriétaires pour louer un logement à des prestataires d'aide sociale. Il y a un réel danger, là, il faut en convenir. Même si c'est une mesure volontaire, je pense qu'il va y avoir beaucoup d'éducation à faire, au niveau des prestataires d'aide sociale, pour éviter que ces gens-là se retrouvent dans une situation où ils pourraient être forcés ou contraints, parce que ce ne sont pas des gens qui sont habitués à se défendre, nécessairement, et qui sont toujours au fait de tout ce à quoi ils ont droit et ce qu'ils peuvent faire pour se défendre. Alors, il y a effectivement quelque chose d'un peu sérieux à ce niveau-là, et, pour nous, c'est une mesure qui, possiblement, assurerait la régularité, mais on pense que ça tient plus de la saine gestion, là. S'il y a des gens qui sont d'accord avec ça, tant mieux, mais il y a, effectivement, là, je pense, un danger.

La deuxième partie, par contre, est beaucoup plus importante en ce qui nous concerne, et je cite: «Afin de favoriser à la fois le respect des obligations de la part des prestataires et l'accès au logement pour ceux-ci, la solution suivante est envisagée. De concert avec le ministère des Affaires municipales, un pouvoir d'ordonnance pourrait être conféré à la Régie du logement du Québec, lui permettant d'enjoindre le ministère de la Sécurité du revenu de verser aux propriétaires la composante logement de la prestation destinée à couvrir le logement pour les loyers à échoir.» Je voudrais vous souligner qu'on retrouve, dans le début de cette proposition-là, tout ce qui a été dit, finalement, sur le sujet: le respect des obligations et l'accès au logement. Trois minutes? L'application de la solution – je voudrais couper, là, puis notre appui se ferait à certaines conditions – a toujours pour objectif de favoriser le maintien dans les lieux et minimiser les pertes subies par le propriétaire. En conséquence, si on garde ces deux principes-là, je pense qu'on devrait réussir à favoriser l'accès au logement pour cette clientèle-là.

Il y a une condition qui est importante pour nous, on veut vous en faire part aujourd'hui, on en parle dans notre mémoire: Le propriétaire ne renonce pas à son droit de demander la résiliation du bail dans l'avenir et l'éviction du locataire si son loyer n'est pas acquitté à temps, ou si le loyer en entier, c'est-à-dire, n'est pas acquitté à temps. Ça, c'est important, parce qu'on ne veut pas se retrouver dans une situation où, finalement, on accepte des loyers en rabais qui sont établis par la Sécurité du revenu. Il y a un loyer réel dans le marché et je pense qu'on doit maintenir la possibilité, pour le propriétaire, de se prévaloir de ce droit-là. Je pense qu'il faut aussi identifier clairement à l'intérieur de la prestation de la sécurité le coût réel du logement, ou la portion qui est dévolue au logement. Je pense que c'est sage qu'on procède de cette façon-là.

Je vous ramène, finalement, à la conclusion. La Corporation des propriétaires d'immeubles se présente dans un esprit de conciliation. Pour de nombreux propriétaires, c'est une situation qui est difficile. Et le non-paiement de loyer, aussi, ça porte atteinte à la réputation d'un grand nombre ou à la majorité des bénéficiaires, finalement.

Beaucoup d'intervenants du domaine immobilier locatif, que ce soit des HLM, des OSBL, de la Régie et même de la Société d'habitation du Québec, ont exprimé leur désir que ce problème-là soit réglé. Je pense que le fait de régler le problème et de s'attaquer au problème du non-paiement va, d'une part, régler le cas des petits propriétaires et éviter que l'argent soit perdu, mais va aussi faire en sorte qu'un petit nombre de prestataires portent un préjudice sérieux à la majorité des bénéficiaires qui s'acquittent bien de leurs obligations. Et si on fait en sorte qu'un petit nombre de prestataires deviennent plus responsables et plus redevables, c'est l'ensemble non seulement des petits propriétaires, mais des bénéficiaires qui va s'en retrouver gagnant parce qu'on va... en levant l'impunité, on va faire en sorte qu'on va favoriser l'accès à toute cette clientèle-là. Et ça, je pense que c'est important de le réaliser. Merci.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci, monsieur. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, bienvenue à vous de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec. Êtes-vous de ceux qui avaient organisé une manifestation à mon bureau sur la rue Ontario?

M. Côté (Jean): C'est nous, madame.

Mme Harel: C'était vous, hein? Bon.

Je comprends que vous basez votre mémoire sur l'étude qui a été réalisée à l'été 1993, à la demande du ministère de la Sécurité du revenu par la firme Soucy, Desgagnés. Je pense que c'est essentiellement ce qui vous sert d'outil pour faire le portrait de la présente situation. Je ne me trompe pas, je crois, hein?

M. Côté (Jean): Tout à fait.

Mme Harel: Alors, dans cette étude qui date donc de 1993, on y retrouve, à la page 19 de votre mémoire, dites-vous, des problèmes qui peuvent différer, je crois, d'une catégorie à l'autre. J'aimerais que vous nous en parliez, parce que vous nous dites, par exemple, que les problèmes rencontrés vont du déguerpissement pur et simple à la détérioration des lieux en passant par les retards de paiement, surtout chez les jeunes de 18 à 34 ans. Et dois-je comprendre que ce sont des retards de paiement, particulièrement, chez les jeunes de 18-34 ans?

M. Côté (Jean): Non.

Mme Harel: Ou si c'est l'ensemble de cette situation qui est décrite qui est le fait des 18-34 ans?

M. Côté (Jean): C'est l'ensemble de cette situation-là qui est souvent le fait des 18-34, de cette partie-là de la clientèle. Il y a une... On le remarque, on n'a pas de statistiques, là, comme telles, mais nos gens nous font souvent la remarque que c'est cette partie-là de la clientèle qui a le plus de difficulté à assumer ses obligations et qui a un comportement, entre guillemets, désinvolte à ce niveau-là.

Mme Harel: Alors, je comprends que ça n'est pas, donc, extrait, ça, de l'étude comme telle, ces données.

M. Côté (Jean): Pas vraiment, non.

Mme Harel: Bon. Écoutez, revenons à la question du dépôt direct. Vous nous dites: En fait, c'est plus une question de saine gestion administrative plutôt que de politique visant à régler le problème de non-paiement de loyer par certains bénéficiaires de la sécurité du revenu. C'est vrai.

M. Côté (Jean): Oui.

Mme Harel: Ça n'a jamais été envisagé comme allant permettre de régler le problème de non-paiement. Le problème de non-paiement, dans ce problème-là, il peut y avoir de la mauvaise foi. Le dépôt direct c'est une façon, simplement, moderne, appliquée avec la pension de vieillesse, la sécurité du supplément de revenu garanti, les allocations familiales. C'est une manière usuelle, dorénavant, de faire des paiements, et ça a l'air d'avantager les personnes qui reçoivent le paiement, parce que ça leur simplifie la vie à elles aussi.

(17 h 30)

Ce que ça peut peut-être occasionner, cependant, pour des personnes de bonne foi, ça peut occasionner une régularité... Tout simplement, il y a des personnes qui viennent dans nos bureaux de comté, en tout cas le mien est sur la rue Ontario, demander si on peut administrer, le premier du mois, leur chèque, ayant peur de, pour toutes sortes de raisons... Il faut comprendre aussi qu'on est dans un phénomène de désinstitutionnalisation où des personnes fragiles qui étaient jusqu'à maintenant très souvent soumises à un encadrement très serré sont comme maintenant obligées de s'administrer et trouvent, je pense, que la liberté est assez lourde, parfois, à porter.

Alors, je comprends que pour ces personnes ça vaut pour le paiement à Hydro, aussi, là, ce paiement régulier auquel n'importe quel consommateur peut acquiescer, là, dans l'année, c'est une manière de s'administrer, si vous voulez, qui simplifie la vie. Mais j'ai pris bonne note tantôt des remarques qui m'ont été faites sur les conditions qui doivent entourer le dépôt direct pour garantir que l'information sur le retrait volontaire d'une telle autorisation par le locataire, en tout temps, puisse, dans le fond, circuler largement.

Ceci dit, on revient à la question des non-paiements parce que le non-paiement n'a pas à voir comme tel avec... Le non-paiement ce n'est pas qu'un retard de paiement, on s'entend bien, le non-paiement c'est le fait de ne pas payer le loyer.

Alors, vous nous dites qu'il y a là, donc, un problème qui revêt une certaine gravité. En lisant votre mémoire je comprends que vous plaidez pour la levée de l'insaisissabilité contenue dans la Loi sur la sécurité du revenu, mais vous savez qu'à ce moment-là on peut aussi plaider pour une égalité de traitement dans notre société, indépendamment du statut, donc, de la catégorie ou de l'étiquette à laquelle on appartient mais plus en fonction du revenu. Cette égalité de traitement pourrait nous conduire aussi à un autre scénario qui serait celui de maintenir l'insaisissabilité telle que contenue dans le Code de procédure civile qui s'applique et pourrait s'appliquer à l'ensemble, si vous voulez, des revenus, dans notre société, indépendamment de la source. Est-ce que cette voie-là vous apparaîtrait, à ce moment-là, plus conforme au principe démocratique d'une égalité de traitement entre les citoyens?

Mme Gosselin (Chantal): Effectivement, la levée de l'insaisissabilité qui est prévue dans notre esprit ça s'applique, effectivement, dans le cadre des articles 552 et 553 du Code de procédure civile, qui prévoient la partie qui est saisissable et la partie qui ne l'est pas. Alors, évidemment, la Loi sur la sécurité du revenu crée une exception particulière. Mais, si cette exception n'existait pas, on comprend bien que ce serait les articles 552 et 553 qui s'appliqueraient et, en conséquence, tout citoyen québécois serait placé dans la même situation.

Alors, il y a un calcul qui est prévu dans ces articles-là et qui détermine en fonction de la condition de la personne touchée, si elle a des personnes à charge ou non, quelle est la portion qui serait saisissable en fonction de revenus spécifiques, qu'ils s'appellent des revenus de prestation de sécurité du revenu, ou qu'ils s'appellent des revenus de salaire à un taux minimum ou pas du tout; ce serait le même principe qui s'appliquerait pour tous. Et, dans notre esprit, c'est ça, quand on prône et qu'on suggère la levée de l'insaisissabilité, c'est pour que ça s'applique à tous de la même façon, l'engagement et l'obligation de respecter ses obligations.

Mme Harel: Donc, la levée de l'insaisissabilité à l'aide sociale et non pas celle du Code de procédure civile.

Mme Gosselin (Chantal): C'est la levée au niveau de la sécurité du revenu mais en comprenant bien que les applications du Code de procédure s'appliqueraient effectivement. Alors, on ne demande pas que ce soit la prestation entière qui devienne saisissable et, j'irais même plus loin, on ne demande même pas au stade de cette levée-là que ce soit la portion logement. On se comprend bien?

Mme Harel: Je comprends. Oui.

Mme Gosselin (Chantal): On demande simplement que les articles 552 et 553 du Code de procédure s'appliquent à tous de la même façon, qu'on soit ou non prestataire de la sécurité du revenu.

Mme Harel: Et vous le voyez également pour les prestataires d'autres fonds d'indemnisation?

Mme Gosselin (Chantal): Non, pas à ce niveau-là parce qu'on considère que c'est différent.

Mme Harel: Oui. C'est-à-dire que j'ai vu la logique que vous développiez à l'effet que c'était contributoire.

Mme Gosselin (Chantal): Oui, c'est ça. Alors, c'est la raison qu'on donne pour indiquer qu'on ne peut pas appliquer les mêmes méthodes parce qu'effectivement dans le cas d'une assurance-invalidité, dans le cas de l'assurance-chômage, pour prendre ces exemples-là, il y a une contribution volontaire ou parfois obligatoire qui est faite, du citoyen, et qui fait en sorte qu'il y ait une protection à ce niveau-là et qui fait en sorte que la prestation de la sécurité du revenu n'est pas exactement le même type de revenu, finalement, que pourraient l'être ces autres sources là.

Mme Harel: Remarquez que, bon, c'est un rationnel mais qui peut aussi voler en éclats sur le fait que s'il y a égalité de traitement, selon non pas les statuts de prestataire d'une source ou l'autre mais de sécurité du revenu que ce soit la CSST ou que ce soit la Régie des rentes ou que ce soit l'assurance-emploi ou que ce soit la sécurité du revenu, l'aide sociale, là, proprement dite, mais non plus en fonction, donc, de la catégorie mais du revenu comme tel pour qu'il y ait égalité de traitement en fonction des revenus des gens et non plus en fonction des statuts qu'ils peuvent avoir... Mais en même temps je me posais la question quand vous recommandiez ça... Donc, vous ne retenez pas la composante logement.

Mme Gosselin (Chantal): Quand on parle de la portion saisissable, la CORPIQ distingue ce qui est la partie saisissable de la partie ordonnance que pourrait émettre la Régie du logement pour indiquer un paiement qui pourrait être fait de façon conjointe. Ce n'est pas la même chose, ce n'est pas le principe de saisie ou non qu'on applique, c'est plutôt une autre solution qui indique à partir du moment que le locataire a été reconnu fautif au niveau des paiements... Ce que CORPIQ suggère, c'est plutôt que de simplement appliquer la démarche d'éviction qui est la seule solution, entre guillemets, pratique qui s'offre au propriétaire pour arrêter l'hémorragie de la perte de ses loyers, c'est de trouver une solution qui ferait en sorte qu'on peut maintenir le locataire en place mais qui oblige le locataire à se prendre en main et à faire en sorte que les loyers à venir... pour le propriétaire qu'il y ait une certaine garantie pour la portion logement qu'il reçoit et qu'elle soit reçue effectivement par le propriétaire. Alors, c'est dans cet esprit-là. Ce ne sont pas tout à fait les mêmes principes, là, qui s'appliquent à ce niveau-là.

Mme Harel: Alors, je comprends qu'à ce moment-là vous insistez, je pense que c'est aux pages 36 et suivantes, pour que les propriétaires ne renoncent pas au droit de demander leur résiliation du bail et l'éviction si tant est que dans la période qui suivrait l'ordonnance les loyers n'étaient pas encore acquittés, ils n'étaient pas à nouveau acquittés à temps. C'est bien ça?

Mme Gosselin (Chantal): Effectivement, effectivement.

(17 h 40)

Mme Harel: Ceci dit, là, est-ce que vous avez des chiffres à l'égard du non-paiement de loyers de prestataires d'assurance-emploi par exemple? Est-ce que les chiffres que vous avez extrapolés le sont pour la sécurité du revenu et ne l'ont pas été pour les autres prestations ou l'ont été et vous ne les avez pas ou...

M. Côté (Jean): Non. Nous n'avons pas ces chiffres-là pour les autres types de prestations.

Mme Harel: Pourquoi alors simplement pour ceux qui concernent les prestataires de la sécurité du revenu?

M. Côté (Jean): Parce que l'expérience qu'on a au fil des ans, depuis nombre d'années, le non-paiement de loyers est le fait de cette catégorie, de cette partie-là de la clientèle essentiellement. C'est ce qui nous revient, là, d'expérience et c'est toujours là-dessus qu'on a eu des difficultés à contenir nos gens, jusqu'à un certain point. On nous parle...

Mme Harel: Avez-vous l'impression que ça pourrait être le résultat de préjugés ou si ça a été vérifié?

M. Côté (Jean): Non, c'est sur le terrain, Mme la ministre, qu'on retrouve ça, qu'on nous parle de prestataires d'aide sociale qui ne paient pas leur loyer. On fait rarement état d'un autre type de prestation ou de gens qui seraient sur le chômage ou autres. Maintenant, est-ce que c'est le fruit d'une perception qui reste dans le milieu ou si c'est, effectivement, ce qui se produit dans le marché comme tel? Il y a peut-être un mélange des deux, j'en conviens, mais...

Mme Harel: Il est possible, parce que vous savez que de plus en plus de gens qui sont prestataires d'assurance-emploi demandent de l'aide sociale parce que l'assurance-emploi, malgré tout ce qu'on peut dire de l'aide sociale, l'assurance-emploi, maintenant, à 55 %, avec les nouvelles dispositions, est souvent inférieure au barème payé à l'aide sociale dès qu'il y a présence d'un enfant, et même pour une personne seule. Alors, de plus en plus de prestataires à l'assurance-emploi ont recours aussi à l'aide sociale, juste pour combler ce qu'on considère être le minimum de prestation, de barème de base.

M. Côté (Jean): Peut-être que dans l'avenir on va nous parler de ce phénomène-là, puis qu'on va nous dire qu'il vient autant de l'assurance-emploi que de la sécurité du revenu ou de l'aide sociale, mais ce qu'on entend parler chez nos gens, puis ce qui revient de façon très forte, on parle du BS, on parle de l'aide sociale, excusez l'expression, mais c'est ce dont on nous parle, c'est essentiellement ça.

Et d'une catégorie, encore là, on n'a pas de statistiques, de chiffres officiels, mais on parle de jeunes, de jeunes prestataires qui... Bien on n'a pas, on ne peut pas avancer de chiffres, on ne peut pas, c'est très délicat quand on parle de ça, parce que, comme on n'a rien pour appuyer ça, c'est seulement de l'information qui nous vient du membership, mais c'est réel.

Mme Harel: Est-ce que vos membres ont développé des pratiques qui consistent à refuser des locataires qui seraient sur la sécurité du revenu?

M. Côté (Jean): Je pense qu'il faut reconnaître qu'il y a une difficulté de ce côté-là, parce qu'un propriétaire qui réalise qu'il a un locataire potentiel devant lui, après discussion il découvre qu'il a affaire à un prestataire d'aide sociale, il a à poser un jugement à savoir: Est-ce que je peux me fier sur mon intuition et me dire que je vais être bien payé? Mais il assume un risque additionnel, puis il y en a qui ont un niveau d'adversité au risque tel que ça peut engendrer des comportements qui seraient contraires à ce qu'on devrait s'attendre, normalement, d'une personne de bon jugement. Mais, la chose étant ce qu'elle est, c'est possible qu'on retrouve ça.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, bienvenue. Je ne sais pas si vous étiez ici, tantôt, quand on a échangé avec le groupe qui vous a précédé, qui oeuvre auprès des bénéficiaires de l'aide sociale? Je leur ai posé la question, parce qu'ils réalisent, aussi, qu'il y a une problématique, pour eux elle semble beaucoup plus marginale que vous venez de l'exprimer, et je leur ai posé la question: Que fait-on au niveau de l'équité pour les petits propriétaires qui ont déposé leurs économies pour l'achat de leur maison et qui ont besoin du revenu du logement du bas pour aller payer la créance hypothécaire à la caisse ou à la banque? Et ils m'ont dit: Le problème, ce n'est pas qu'on ne veut pas, c'est notre incapacité de payer, pour un grand nombre de ces gens-là.

Puis on regarde les chiffres qu'ils nous ont donnés dans leur mémoire, parce qu'il faut savoir que les prestations d'aide sociale n'ont pas été augmentées depuis 1993, qu'il y a eu énormément de coupures depuis deux ans, qui ont fait que ces gens-là ont beaucoup moins d'argent pour vivre. Et ils nous donnaient l'exemple qu'une personne qui a 500 $ comme barème, de prestation, mensuellement, doit débourser environ 50 % à 67 % de la prestation pour se loger. Il n'en reste pas beaucoup, beaucoup pour manger, il n'en reste pas beaucoup, beaucoup pour le linge. Mais pour les médicaments aussi, il y a le fardeau du régime de l'assurance-médicaments, maintenant.

Vous dites aussi, dans votre mémoire, qu'il y a certaines décisions gouvernementales, le fait d'avoir diminué l'allocation-logement, qui aide beaucoup les gens à se loger, surtout dans la grande région de Montréal. Le fait, aussi, d'avoir aboli l'aide au niveau de l'impôt foncier qui va entrer en vigueur le 1er avril – c'est 13 $ de moins sur le chèque; quand tu es pauvre, ces petits montants là, ça fait toute la différence – et le fait, aussi, de maintenir – parce que vous avez parlé des jeunes, tantôt, que la problématique était beaucoup plus, peut-être, au niveau des jeunes – la fameuse coupure pour le partage du logement – ça, c'est quand même une coupure de 104 $ sur un maigre chèque, une maigre prestation – comment on peut arriver? Parce que tous les groupes – je suis très franche avec vous – la grande majorité des groupes, à date, qui sont venues en commission, Camil Bouchard, d'autres groupes, nous ont dit qu'il y avait un caractère discriminatoire à la proposition gouvernementale, parce qu'elle ciblait les prestataires de l'aide sociale, et que le reste de l'ensemble des citoyens n'étaient pas touchés par cette mesure-là. Puis, moi, je suis de celles qui pensent qu'il n'y a pas juste les prestataires de l'aide sociale qui peuvent faire ce... il y a d'autres personnes qui le font. On ne peut s'entendre sur les sondages, parce que, à un moment donné, il y a eu un échange entre M. Pierre Fortin et la ministre, et il y a deux sondages différents qui nous ont été présentés lors de cet échange-là.

Puis vous avez parlé, vous aussi, tantôt, de l'abus que ça pourrait apporter au niveau... vous êtes conscients de ce que ça pourrait engendrer, cette pratique-là, de demander le prérequis, pour la signature du bail, pour le versement préautorisé. Comment arriver à trouver l'équité pour les deux parties, finalement, quand on sait qu'il y a des gens qui n'ont pas assez d'argent pour vivre et quand on sait que, d'un autre côté, un petit propriétaire, qui a sa maison puis qui a le logement à louer, s'attend à recevoir son dû, parce que, bon, il a loué son logement à quelqu'un? Comment trouver l'équilibre, la solution parfaite, finalement, puis que tout le monde soit gagnant mais qu'il n'y ait personne de perdant, sans augmenter l'aide aux prestataires de l'aide sociale?

M. Côté (Jean): Bien, d'abord, au niveau de comment les gens font pour assumer ces obligations-là, c'est clair que, quand on regarde les tableaux du FRAPRU – puis on les connaît bien, puis on a souvent eu à échanger avec eux sur ces sujets-là – il faut reconnaître qu'il y a une difficulté qui est évidente, mais il faut reconnaître qu'il y a 85 %, 90 %, ou 92 %, ou 95 %, dépendant des chiffres qu'on utilise, qui réussissent à s'acquitter de ces obligations-là. Alors, on ne parle pas de 95 % qui ne s'acquittent pas de leurs obligations, on parle d'un nombre de gens qui, malgré toutes les difficultés que ça suppose et avec lesquelles cette partie-là de la clientèle doit composer, réussissent, si vous voulez, à survivre et à assumer ces obligations-là. Alors, ça, je ne peux pas répondre au-delà que de vous dire que, malgré tous les chiffres qu'on peut avancer, il semble que ça soit pratique, ça soit réalisable.

L'autre partie de votre question ou de votre intervention, vous dites l'équité du petit propriétaire, que c'est difficile. On n'a pas parlé de ça, parce qu'on ne voulait pas arriver ici dans un esprit pour faire la démonstration que les pauvres petits propriétaires sont en voie de faillite, etc. Mais il clair que, pour nous, c'est des situations qui sont très réelles. Ce n'est pas parce qu'on n'en a pas parlé que ça n'existe pas, c'est parce qu'on a passé par-dessus toute cette discussion-là, puis on venus devant vous, ici, pour parler de comment on peut régler une partie du problème. On n'a pas parlé que, nous, les propriétaires, on fait fi des arrérages, parce qu'il ne faut pas oublier qu'un propriétaire d'immeuble qui est floué, il n'est pas floué pour un mois, il est floué pour deux, puis trois, puis quatre mois de loyer, parce que, par le temps qu'il dépose à la Régie du logement, qu'il obtienne une comparution à la Régie du logement, qu'il reçoive sa décision, il s'écoule trois, puis quatre mois. C'est bien de l'argent, ça, on n'a pas parlé de ça, on fait fi de ces arrérages-là, on parle toujours des loyers à échoir. On n'a pas déchiré nos vêtements devant vous pour dire: Bien, c'est effrayant, qu'est-ce qu'on va faire de ce qui nous est dû, puis ça n'a pas de bons sens?

(17 h 50)

On prend pour acquis que tous les travaux du comité qui avait été mis sur pied par Mme Blackburn, qu'ils sont assumés par les gens qui sont ici, et qu'on doit donc travailler avec ça. C'est donc, un peu, là... au niveau de l'équité du propriétaire puis de la justice, on reconnaît tout ça, on pourrait vous parler de ça pendant des heures, mais on dit que ce qui est contenu en page 63 du livre vert, au niveau de l'ordonnance émise par la Régie du logement pour faire le paiement direct pour la portion logement uniquement, serait une façon d'aider les petits propriétaires, d'une part, à assumer leurs obligations – puis, elles ne sont pas simples – et serait aussi une façon de faire en sorte qu'on favoriserait l'accès au logement pour ces clientèles-là, comme j'expliquais à la ministre tantôt, où, souvent, le propriétaire a un comportement ou une attitude de dire: Vous savez, je voudrais bien vous aider, mais vous êtes une clientèle à risque et, donc... Mais, s'il avait comme une espèce de certitude que s'il accepte un prestataire dans son immeuble, qu'il perd deux, trois mois mais qu'à l'avenir la portion logement va venir du gouvernement via un chèque qui va être émis conjointement au locataire et à lui-même, et qu'il pense que le locataire en question a assez de ressources pour aller chercher le 100 $ ou 125 $ qui reste pour compléter le loyer réel, bien, peut-être qu'on va aider à régler une partie du problème, une bonne partie du problème. Mais c'est sûr que les propriétaires vont devoir faire, pas un acte de foi, mais faire fi de ce qui leur était dû.

Mme Loiselle: Tantôt, vous avez mentionné que les relations entre locataires et propriétaires se sont beaucoup améliorées depuis quelque temps...

M. Côté (Jean): J'ai parlé de «stabilisé», je me suis repris.

Mme Loiselle: J'avais vu harmonieux dans votre mémoire, là, mais, depuis le dépôt direct, est-ce que vous avez constaté qu'il y a beaucoup de propriétaires-locataires qui se sont servis, sur une base volontaire, de l'entente du versement préautorisé? Est-ce que ça s'est développé depuis la possibilité du dépôt direct?

M. Côté (Jean): Il est très tôt pour faire état des retombées puis de ce que ça a eu comme implication dans le marché, mais c'est sûr que nombre de propriétaires et de locataires se sont prévalus de ça. Maintenant, il y a toujours la contrepartie dont on parlait tantôt qui est: Je veux bien vous accueillir mais signez ce document-là puis on n'aura pas de problème. Mais ça...

Mme Loiselle: Comment on pourrait éviter ça, ces risques-là, finalement? C'est...

M. Côté (Jean): Bien, je pense que les gens du FRAPRU et peut-être vous-même, tantôt, en vous entendant, vous avez parlé d'un processus d'éducation populaire; je pense qu'il va falloir dire aux gens: Écoutez, c'est volontaire cette affaire-là, et ça ne prend pas un avocat pour se retirer de cette entente-là. Sachez que si vous voulez, du jour au lendemain, vous pouvez aviser la Sécurité du revenu que vous ne voulez plus que ça se passe comme ça. Et ça, je pense qu'il va falloir éduquer les gens pour leur dire: Écoutez, c'est un droit, c'est un privilège, cette affaire-là, mais vous pouvez le retirer quand vous voulez, vous n'avez pas signé ça à vie. Puis c'est le danger de ces choses-là. C'est que si on ne leur dit pas aux gens, bien, ils s'imaginent un peu coincés.

Mme Loiselle: O.K. Vous mentionnez dans vos conditions que vous voulez conserver le droit à l'éviction. Mais je regardais dans la synthèse... Parce que, là, je ne l'ai pas retrouvé dans le gros document, mais dans la synthèse, c'est bien dit ici que s'il y avait... avec le pouvoir d'ordonnance, là, qui permet, bon, par le ministère de la Sécurité du revenu, de faire parvenir la composante logement, «dans ce cas, le propriétaire devrait en contrepartie s'engager à ne pas demander l'éviction du locataire».

M. Côté (Jean): Tant qu'il est payé. Tant que la situation va bien.

Mme Loiselle: O.K.

M. Côté (Jean): Dans la mesure où le propriétaire réalise qu'il y a une partie du loyer qui n'est pas payée ou que le loyer n'est tout simplement pas payé suite à une entente, il pourrait retourner devant la Régie du logement puis dire: Écoutez, je fais une nouvelle demande parce qu'on n'a pas réglé le problème. Monsieur ou madame ne s'acquitte pas de son paiement du loyer puis, moi, je demande l'éviction pour ces raisons-là. Je ne suis plus capable de supporter cette situation-là. Mais il fait une nouvelle demande. Il renonce tant que la situation va bien, mais, s'il a une nouvelle difficulté, il ne peut pas renoncer à vie, là.

Mme Loiselle: Le délai de deux ans pour l'ordonnance, ça, c'est votre suggestion ou ça avait été discuté dans votre comité?

M. Côté (Jean): Ça avait été discuté, je pense, au niveau du comité. Peut-être ce qu'on a ajouté – et je ne suis pas sûr là-dessus – c'est que l'ordonnance en question, ça suive le dossier du prestataire; c'est que ça puisse s'appliquer à un nouveau propriétaire ou à un propriétaire subséquent. Imaginez que, moi, j'accueille quelqu'un, un locataire-prestataire, il ne paie pas. Pour toute sorte de raison, je demande l'éviction, et, même si on m'offre la portion logement dans l'avenir, je dis: Non, non, écoutez, je pense que nos relations sont à ce point détériorées que c'est mieux qu'il aille ailleurs, mais que la décision suive le prestataire. Et, ce faisant, on va éliminer beaucoup de risques de récidive, surtout au niveau de la clientèle qu'on a identifiée tantôt qui est plus le secteur jeune clientèle.

Mme Loiselle: Avez-vous pensé à l'idée de retirer l'ordonnance en cours de parcours du délai si les relations vont très bien puis... Avez-vous pensé à cette...

M. Côté (Jean): Oui. Nous, on parle d'une ordonnance maximale de deux ans, mais le régisseur, devant le dossier, peut décider que c'est six mois, que c'est trois mois, que c'est un an. Mais il faut que l'ordonnance suive le dossier en question pour faire en sorte que le prestataire qui a eu des difficultés à s'acquitter de ses obligations se présente devant un nouveau propriétaire, puis qu'il dise: Bien moi, vous allez être payé en partie par l'aide sociale et par moi. Il faut que ça suive.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous voulez parler? Je vous donne la parole.

M. Copeman: Merci. Je dois comprendre que globalement vous êtes d'accord pour qu'on ait, en partie, la deuxième solution qui est contenue dans le livre vert, beaucoup plus que la première pour les raisons, je pense, que vous avez très bien indiquées. Ce que je ne comprends pas, c'est que, si jamais le gouvernement va de l'avant avec la deuxième solution qui donne la possibilité à la Régie du logement de faire des ordonnances de paiement pour la partie loyer, pourquoi avez-vous besoin que les prestations de sécurité du revenu soient non saisissables? Si vous êtes garanti dans le deuxième cas du paiement de la partie loyer par ordonnance, qu'est-ce que ça rajoute le fait qu'on lève la qualité insaisissable des prestations?

M. Côté (Jean): Je vais laisser Me Gosselin faire la démonstration à ce niveau-là.

Mme Gosselin (Chantal): C'est que, relativement à la partie saisissable, les calculs qui se feraient en fonction des articles 552 et 553 du Code de procédure prennent une situation objective des revenus de la personne concernée et indiquent dans un tel cadre de revenus, avec tant de personnes à charge, vous avez droit de saisir une portion qui, dans les faits, selon des calculs sommaires que nous avons faits, peuvent se traduire à un montant de 5 $, 6 $, 7 $ peut-être 10 $ au mieux, ce qui serait surprenant, de la partie qui serait saisissable. Et c'est bien loin de la portion logement, au départ, de la prestation qui doit servir à payer la proportion logement.

Mais vous comprendrez pourquoi, lorsqu'on parle de ne pas renoncer à long terme à notre pouvoir d'éviction, c'est qu'on comprend qu'à partir du moment où le propriétaire va demander à la Régie du logement d'émettre un pouvoir d'ordonnance, que les chèques à venir de prestation soient conjoints pour la portion logement, ça fait en sorte que le propriétaire renonce, pour les arrérages, à demander l'éviction. Ça, il vit avec cette décision-là.

Par contre, pour le futur, il va quand même vouloir se donner le pouvoir de demander cette éviction si le locataire, malgré cette démarche-là, cesse de payer parce que vous comprendrez bien que la portion logement, si elle représente par exemple un montant de 100 $ par mois sur un loyer de 400 $ par mois, le propriétaire accepterait à vie de perdre 300 $ par mois si le locataire-prestataire ne payait pas volontairement. Vous comprendrez que c'est impossible de prendre un tel engagement. Aussi bien remettre les clés immédiatement au banquier de la maison. Ça, c'est impossible.

Par contre, on comprend bien – et c'est la position de CORPIQ – on renonce à demander l'éviction pour les arrérages qui auront fait l'objet de la première décision. Ça, c'est clair. C'est la position qu'on prend. Mais vous comprendrez que les deux sont complémentaires: la partie saisissable peut s'ajouter à la portion logement mais sera un montant qui – et on le reconnaît bien – est dérisoire. Par contre, on pense que c'est une démarche qui est équitable et qui doit s'appliquer à tout citoyen et c'est pour ça qu'on la suggère de façon parallèle.

M. Copeman: Chaque fois que vous dit «vous comprendrez», malheureusement je n'ai pas compris. Là, ce que vous dites, c'est que la portion saisissable peut être supérieure... parce que la question de l'éviction, je l'ai comprise. Je comprends pourquoi...

Mme Gosselin (Chantal): Oui, d'accord. On va parler des deux expressions: la partie saisie...

M. Copeman: Oui.

Mme Gosselin (Chantal): ...levée de la saisie, c'est-à-dire de l'insaisissabilité, la saisie qu'on voudrait voir appliquer, et il y a l'aspect pouvoir d'ordonnance de la Régie.

M. Copeman: D'ordonnance. Oui, oui. L'éviction, j'ai compris.

(18 heures)

Mme Gosselin (Chantal): Quant à nous, ce sont deux notions qui sont tout à fait différentes. Il y a la possibilité de prévoir un mode de paiement pour les loyers à venir, qui est un paiement conjoint...

M. Copeman: Par ordonnance. Je comprends.

Mme Gosselin (Chantal): Par ordonnance. Mais il y a l'autre notion qui va parler de l'aspect saisie pour des montants qui sont dus et qui ne sont pas payés.

M. Copeman: Des arrérages, plutôt.

Mme Gosselin (Chantal): Ou des arrérages ou... Puis si on regarde, par exemple, le loyer du mois prochain. Si, par exemple, la décision de la Régie s'appliquait et indiquait à M. X, locataire, de payer la portion logement, enfin, par le biais d'un chèque conjoint, il y aurait toujours une partie qui resterait impayée. Si je reprends mon exemple de tout à l'heure, il y aurait un 300 $ qui resterait impayé, théoriquement. Alors, à ce moment-là, il y a une partie... Il faudrait voir, dans les circonstances, s'il reste une portion saisissable ou non. Et c'est à ce niveau-là. C'est un montant, comme je vous le disais, qui – on en est très conscients – n'est pas un montant qui est important. Qui est important pour le prestataire touché mais on comprend que ça n'a pas de commune mesure avec la peur qu'il ne serait pas payé, qu'il déborderait la portion logement.

M. Copeman: O.K. Une dernière fois pour m'assurer que je l'ai bien saisi, si vous me permettez l'expression. Le point que vous amenez, c'est que la partie sur ordonnance, dévouée au logement, peut être inférieure à la partie, si on levait la saisie, peut être bien inférieure, dépendamment du cas, de la partie non saisissable, même selon le Code de procédure civile.

Mme Gosselin (Chantal): Si on regarde la partie de la prestation qui ne serait pas saisissable par rapport à la portion logement, je vous dirais que la partie qui n'est pas saisissable est systématiquement dans... Je n'ose pas dire dans la totalité des cas mais elle serait nécessairement supérieure. Nécessairement supérieure parce qu'elle ne tient pas en compte uniquement des charges logement. Elle tient en compte des charges de façon générale. Alors, si on applique les tests du Code de procédure civile, ce n'est pas du tout les mêmes montants qui sont en jeu. Ce n'est pas du tout interrelié. Et ce qui restera de saisissable est un montant qui ne correspond pas à la portion logement de la prestation, ça n'a aucune commune mesure, et c'est un montant qui n'est pas très élevé. Alors, si on prend quelqu'un qui aurait un revenu au salaire minimum, par exemple, qui ne s'applique pas à la portion logement, évidemment, des prestations, qui a un revenu de salaire, si on fait le calcul de la portion saisissable, ça peut être un montant équivalent à ce qu'il recevrait...

M. Copeman: O.K. Prends...

La Présidente (Mme Barbeau): Votre temps, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, est écoulé.

M. Copeman: Oui, mais on va tenter, peut-être, de prendre un cas précis. Mettons, une personne vivant seule, prestataire d'aide sociale, 500 $.

M. Côté (Jean): Je pense que... Je peux peut-être...

M. Copeman: Là, sur ordonnance... Mettons que cette personne fait défaut, on demande une ordonnance puis la Régie du logement calcule que la partie de loyer doit être maintenant payée sur ordonnance, en chèque. Ça, ça pourrait représenter beaucoup plus parce que sur le 500 $, si j'ai bien compris... Si le revenu est de 6 000 $ par année, 500 $ par mois, selon le Code de procédure civile, presque la totalité de la prestation est non saisissable, même si on lève la saisie dans la loi sur la sécurité du revenu. Est-ce que j'ai...

Mme Gosselin (Chantal): Vous n'avez pas tort du tout, effectivement. Nous, pourquoi on suggère ce pouvoir d'ordonnance là? C'est qu'on se dit que, lorsqu'une personne reçoit une prestation de sécurité du revenu, il y a une portion qui est calculée en fonction de ses besoins minimums de logement, et ce qu'on dit, c'est que le prestataire a l'obligation de l'appliquer aux bonnes dépenses et, s'il ne le fait pas, il a même déjà, dans la loi actuelle, en principe, l'obligation de dénoncer le fait qu'il ne le fait pas parce qu'il n'utilise pas sa prestation, en partie, aux fins auxquelles elle est destinée.

M. Copeman: Ce que je ne comprends pas, c'est en quoi c'est à votre avantage, avec ce type d'exemple, de demander que la prestation soit maintenant saisissable? Parce que, dans le cas d'un prestataire à 500 $, le système proposé dans le livre vert, par ordonnance, va donner quelque chose au propriétaire. Si on appliquait seulement le test dans le Code de procédure civile...

M. Côté (Jean): On ne pourrait pas le faire.

M. Copeman: Vous ne pourriez pas le faire.

M. Gosselin (Chantal): C'est clair que la levée de l'insaisissabilité, c'est une mesure d'équité pour tout citoyen. C'est ce principe-là. Mais c'est clair que CORPIQ, ce qu'elle favorise, c'est le pouvoir d'ordonnance de la Régie du logement. C'est clair que c'est ce qu'on favorise et, à ce niveau-là, ça ne permet pas de payer le montant de loyer entier – le propriétaire en est conscient – mais il accepte de prendre ce risque-là en se disant: Ça sera une façon de s'entraider pour faire en sorte que les paiements se fassent mieux dans l'avenir. C'est à ce niveau-là.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci. Mme la ministre, vous avez demandé... Il vous restait trois minutes et demie.

Mme Harel: D'accord. M. Côté, vous avez avec vous, je crois, le professeur Des Rosiers, c'est ça?

M. Côté (Jean): Oui.

Mme Harel: Je ne sais si vous voulez profiter de l'occasion pour nous permettre de profiter de sa contribution.

M. Côté (Jean): Avec plaisir.

Mme Harel: Ceci dit, peut-être juste corriger une information, tantôt, qui est inexacte. En fait les prestations d'aide sociale ont été indexées pour la catégorie soutien financier. Même qu'en 1997 je pense que c'est la seule juridiction au Canada – je ne crois pas qu'il y ait aucune autre province qui ait indexé aucune catégorie – et je comprends qu'il n'y a qu'au Québec, en tout cas, à date en 1997, qui a indexé le barème soutien financier, c'est-à-dire 116 000 ménages.

D'autre part, j'aimerais savoir depuis quand – peut-être juste avant de passer la parole à M. Des Rosiers – depuis quand êtes-vous en pourparlers – là je vois que l'étude avait été demandée à l'été 1993, alors j'imagine que c'était suite à des représentations, moi je n'y étais pas à ce moment-là au ministère – depuis quand êtes-vous en représentation auprès du ministère de la Sécurité du revenu dans ce dossier-là?

M. Côté (Jean): Une représentation officieuse date du début des années 1980 sinon 1990 – il y a toujours eu des contacts à ce niveau-là – mais les représentations officielles formelles datent du printemps 1995.

Mme Harel: Alors donc l'étude avait été réalisée en 1993.

M. Côté (Jean): Avant.

Mme Harel: Avant...

M. Côté (Jean): Avant notre intervention formelle.

Mme Harel: ...votre intervention.

D'autre part, dans votre document je voudrais être bien certaine que j'ai bien compris votre point de vue. Tantôt vous l'exprimiez, Me Gosselin, en disant qu'il ne fallait pas que le propriétaire renonce au droit de demander l'éviction, par exemple, si le loyer entier à échoir n'était pas acquitté. Mais, dans votre mémoire, vous ajoutez aussi: «Si le paiement des arrérages avec le locataire n'était pas respecté.» Là, il y a une confusion parce qu'on ne peut pas être à la fois pour une chose et son contraire, à savoir il faut être clairement, je pense, pour un système qui va faire que, pour le loyer à échoir, il pourrait y avoir une entente avec évidemment, je pense bien, le fait qu'il faut que ça soit le loyer entier, ce n'est pas un blanc-seing pour n'en payer qu'une moitié seulement. Mais, pour les arrérages, ça c'est autre chose. Je pense que là vous l'avez dit et il me semble que c'était quand même clair aussi. Vous connaissez bien les enjeux de tout ça. Vous savez qu'entre tout ou rien il y a possibilité d'avoir quelque chose qui soit ni tout ce que vous demandiez ni rien du tout. Mais je comprends qu'à la page 10 il y a un peu de confusion.

La Présidente (Mme Barbeau): Brièvement.

M. Côté (Jean): Très brièvement.

La Présidente (Mme Barbeau): S'il vous plaît.

M. Côté (Jean): Il peut arriver des cas où des propriétaires fassent une entente pour les arrérages. Ça peut arriver. Ça va être exceptionnel jusqu'à un certain point, on en convient. Mais il peut arriver des cas où il y a entente entre le propriétaire et le locataire prestataire pour les arrérages. Ce qu'on dit c'est que, s'il n'y a pas respect de cette entente-là qui pouvait avoir été convenue par écrit, il pourrait y avoir si vous voulez une nouvelle demande faite par le prestataire. Mais je conviens avec vous, Mme la ministre, que, dans la mesure où on a affaire à des cas de déguerpissement plus souvent qu'autrement, ça va être assez exceptionnel. Ça je le reconnais.

La Présidente (Mme Barbeau): Je pense qu'il y avait M. Des Rosiers qui voulait dire un petit mot aussi. Il a été interpellé, on peut lui laisser une minute pour répondre, en terminant.

M. Des Rosiers (François): Je ne voudrais pas parler pour ne rien dire.

La Présidente (Mme Barbeau): Mais si vous avez quelque chose à dire.

(18 h 10)

M. Des Rosiers (François): Si vous me donnez la possibilité de dire un mot, je vais avoir des propos beaucoup moins techniques que Me Gosselin ici parce que mon implication dans les dossiers de la CORPIQ touche surtout l'analyse des marchés résidentiels et les aspects socioéconomiques reliés à ces marchés-là. Mais ce que je dirais, c'est que les interventions qui ont lieu aujourd'hui et qui se placent dans un cadre très précis et très technique ont également des visées à long terme, l'objectif étant, à long terme, de maintenir – et c'est très important – la qualité des relations propriétaire-locataire dans un système qui favorise, justement, la bonne entente entre les deux – c'est une des caractéristiques du système québécois – et, également, qui vise le maintien et l'amélioration de la qualité du parc.

Et ça, c'est très important. Parce qu'il faut savoir que les propriétaires sont aux prises, depuis quelques années et pour encore un bon nombre d'années, avec un parc qui est vieillissant, avec des problèmes de rentabilité. Je pense que c'est un secret pour personne quand on sait que les valeurs se sont effondrées, que les coûts augmentent et que les revenus diminuent, et en termes nominaux, donc en termes réels, ils diminuent encore plus.

Donc, le propriétaire est aux prises, dans certains segments de marché, avec des problèmes assez sérieux. Et ça se traduit, nécessairement et inévitablement, par une compression des dépenses compressibles, les seules dépenses compressibles étant les dépenses d'entretien et d'amélioration du parc. Et on le voit très nettement. Le propriétaire n'a d'autre choix que de réduire non seulement les rénovations, mais l'entretien courant, ce qui fait qu'après quelques années on se retrouve avec des situations où l'absence d'entretien courant nécessiterait des travaux majeurs.

Or, le parc québécois, le parc locatif, a un besoin d'adaptation. C'est un parc qui fait face à un marché très concurrentiel. Les taux d'inoccupation structurelle, au Québec, sont à peu près deux fois ce que l'on rencontre dans la moyenne canadienne, et même plus – et ça dépend des villes, si vous allez dans des régions comme Chicoutimi ou Sherbrooke, c'est encore plus que ça – et il y a des secteurs, comme le parc locatif, dans certains secteurs à Montréal, notamment, qui font montre de vétusté.

Et ceux qui vont être pénalisés par ça, c'est bien sûr les propriétaires parce qu'ils y laissent une partie de leurs actifs, quand ce n'est pas leur chemise, à long terme. Mais les locataires vont être également pénalisés et probablement que ce sont les locataires les plus dans le besoin qui vont être les plus pénalisés, à long terme, par une détérioration de la rentabilité du parc par le biais de la détérioration physique du parc. Donc, c'est ce que j'avais à dire.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci beaucoup. Alors, au nom des membres de cette commission, nous vous remercions pour votre contribution. Et j'ajourne les travaux à demain, le 13 mars, 10 heures. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 13)


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