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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Wednesday, August 21, 1996 - Vol. 35 N° 33

Consultations particulières sur le projet de loi n° 35 - Loi sur l'équité salariale


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
Mme Louise Harel
Mme Monique Gagnon-Tremblay
M. Matthias Rioux
Mme Monique Simard
Mme Nicole Loiselle
M. Russell Copeman
Mme Lyse Leduc
Mme Marie Malavoy
M. Jean Garon
*Mme Diane Bourgeois, Comité national d'action politique des femmes du Parti québécois
*Mme Suzanne Messier, idem
*M. Clément Godbout, FTQ
*M. Henri Massé, idem
*Mme Carole Gingras, idem
*Mme Carole Robertson, idem
*M. Ghislain Dufour, CPQ
*M. Jean Beauvais, idem
*Mme Lorraine Pagé, CEQ
*Mme Lise Simard, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Quatorze heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je vous rappelle le mandat de la commission. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 35, Loi sur l'équité salariale.

S'il vous plaît, prendre vos places immédiatement.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François) remplace M. Marsan (Robert-Baldwin); Mme Delisle (Jean-Talon) remplace M. Parent (Sauvé); et Mme Simard (La Prairie) remplace Mme Signori (Blainville).


Auditions

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Je rappelle aux gens que nous recevons comme premier groupe le Comité national d'action politique des femmes du Parti québécois. Je vous rappelle que, contrairement aux autres groupes, vous avez 30 minutes qui seront réparties en 10 minutes de présentation et 10 minutes pour chaque parti pour échanger avec vous. Mme la présidente, je vous demanderais de vous présenter, ainsi que madame qui vous accompagne.


Comité national d'action politique des femmes du Parti québécois

Mme Bourgeois (Diane): Merci beaucoup. D'abord, je voudrais vous remercier d'avoir accepté de nous entendre en commission parlementaire. Mon nom est Diane Bourgeois, je suis présidente du Comité national d'action politique des femmes du Parti québécois. La personne qui m'accompagne est notre vice-présidente, Mme Suzanne Messier. Tout d'abord, pour vous situer notre comité, c'est une structure spécifique dont s'est doté le Parti québécois afin d'assurer la promotion et la coordination des actions en matière de conditions de vie des femmes. Il est composé de 30 membres de toutes les régions du Québec. Toutes sont impliquées dans leur communauté respective ou dans divers groupes de femmes à travers le Québec.

(14 h 40)

En déposant ce mémoire, nous poursuivons trois objectifs. Tout d'abord, nous voulons réaffirmer notre appui à la volonté du gouvernement d'adopter une loi proactive en matière d'équité salariale. Ensuite, nous voulons préciser les éléments du texte de loi qui nous apparaissent essentiels à une application efficace. Finalement, nous voulons répondre aux protagonistes qui ne voient dans la mise en oeuvre de ce projet de loi que des inconvénients économiques.

Alors, je laisse la parole à notre vice-présidente, Mme Suzanne Messier, qui travaille le dossier depuis nombre d'années et qui est à même de bien vous le rendre.

Mme Messier (Suzanne): Merci. Comme l'a indiqué la présidente de notre comité, ma présentation se rattache à trois points essentiels. D'abord, pourquoi appuyer une législation proactive en cette matière? J'insiste sur le terme «proactif» parce que c'est essentiel dans notre action. D'abord, c'est une question de principe. Le gouvernement a pris de nombreux engagements en regard de cette question au cours des derniers mois. En fait, ça a fait l'objet de débats lors de la dernière campagne électorale et, aujourd'hui, il est important que le gouvernement livre la marchandise. Autrement, l'absence d'une loi constituerait une lacune grave et impardonnable aux yeux des travailleuses, d'abord, et des groupes de femmes et des syndicats qui réclament une action en cette matière depuis de nombreuses années.

La question de principe est également rattachée au fait que la Charte des droits et libertés de la personne a consacré, depuis déjà 20 ans, le principe de salaire égal pour un travail équivalent. Or, depuis ce temps-là, les employeurs n'ont pas agi pour corriger les inéquités salariales existantes, il n'y a pas eu d'action de leur part, et le temps a donc démontré qu'on ne peut croire au volontariat. Les gestes concrets étant rarissimes, il faut absolument que le gouvernement réagisse en s'engageant vers une action qui va soutenir leur prise de position de principe et faire en sorte qu'ils reconnaissent eux-mêmes la nécessité d'agir dans ce dossier. Sauf que, dans les faits, ils ne sont pas intéressés à agir au rythme où le gouvernement voudrait les y inviter, mais bien au rythme où ils voudraient prendre eux-mêmes leur action. Je vais y revenir.

Maintenant, il y a également la question du timing qui est soulevée par les employeurs. Ils disent considérer que, compte tenu de la conjoncture actuelle et compte tenu du principe de libre marché qu'ils mettent de l'avant, on ne peut agir actuellement pour faire en sorte de corriger des inéquités qu'ils reconnaissent. Or, nous considérons que le système économique ne peut continuer de fonctionner sur le dos des femmes. Si nous nous fions à la prémisse des employeurs, on pourrait dire que ce n'est jamais, le moment venu, le bon moment pour établir l'équité. Or, dans un régime social-démocrate, il nous semble que l'État devrait jouer un rôle de régulateur et prendre l'engagement de prioriser le principe de l'équité salariale au-dessus du principe de libre marché qui est réclamé par les employeurs. Je pense que croire que les employeurs vont un jour agir pour corriger cette inéquité est une hypothèse naïve que le gouvernement ne devrait pas retenir.

Le deuxième élément de notre démonstration vise à préciser les éléments que nous considérons essentiels dans un éventuel projet de loi. Parce qu'il ne s'agit pas seulement d'adopter une loi proactive en matière d'équité salariale, mais encore faut-il que cette loi-là comprenne des éléments qui vont garantir une application efficace. C'est pourquoi nous réitérons ici, aujourd'hui, des éléments que nous avions signalés lors de notre première apparition en commission parlementaire sur le même sujet lors de l'étude de l'avant-projet de loi, où nous avions signalé que, déjà, le projet de loi contenait des articles qui nous apparaissaient importants pour une application efficace.

Alors, on les a regroupés en quatre éléments. D'abord, la fixation à 60 % de la prédominance, c'est-à-dire la façon dont on va déterminer qu'une catégorie d'emploi est effectivement sujette à correction. C'est un critère, une norme statistique qui est déjà déterminée dans la loi ou dans le projet de loi et qui est égale à 60 %. C'est une norme qui fait consensus actuellement, mais, nous semble-t-il, il est essentiel qu'elle demeure; sans quoi, ça pourrait amener des difficultés d'application.

Également, ce qui nous apparaît très important, c'est la prise en compte de quatre facteurs pour déterminer quelles sont les catégories d'emplois qui doivent être sujettes à analyse. L'évaluation doit s'appuyer sur les responsabilités qui sont assumées par les personnes en cause, leurs qualifications, les efforts qui sont requis pour exercer ces fonctions-là, de même que les conditions de travail qui entourent la fonction étudiée.

Un troisième élément, c'est l'exigence d'étaler les ajustements salariaux de façon égale à l'intérieur d'une période maximale de quatre ans. Ça peut paraître banal à certains, mais l'étude de la façon dont les corrections sont apportées pour d'autres matières, dans d'autres provinces, démontre qu'un étalement égal sur quatre ans est une garantie minimale que les personnes préjudiciées par une injustice vont être rétribuées de façon correcte dans un délai raisonnable. En Ontario, la loi prévoit que la correction doit s'appliquer à raison de 1 % par année, ce qui fait en sorte que, quand la correction est importante, en termes de pourcentage, le correctif s'étale sur une durée trop longue et ça crée un préjudice aux personnes qui sont indemnisées. Alors, nous croyons que le fait que ce soit étalé sur une période de quatre ans de façon égale, c'est un élément positif à la loi ou au projet de loi.

Enfin, ce qu'on trouve important qu'il demeure au projet de loi, c'est la désignation d'une commission responsable qui soit indépendante vis-à-vis des employeurs. À cet effet-là, le gouvernement a modifié les éléments qu'il y avait à l'avant-projet de loi, et nous en sommes heureux puisque, si le projet de loi, tel qu'il est soumis actuellement, est adopté, il n'y aura plus de relation entre les gens responsables – ce qui était prévu initialement – de la Commission des normes du travail et la Commission qui serait responsable de l'application de la loi. On soulignait, dans l'avant-projet de loi, que la relation qui existait pour les employeurs, le fait d'être membres du conseil d'administration, ça pouvait créer une inéquité dans l'application de la loi. Alors, ça, c'est les éléments qu'on trouve important de garder dans le texte de loi.

Maintenant, le projet de loi a apporté deux modifications majeures qu'il nous semble important de commenter ici aujourd'hui. D'abord, la question de la modulation de la loi en fonction de la taille des entreprises. Il est clair que cette question de l'application de la loi à l'ensemble des entreprises québécoises a fait l'objet de divergences importantes lorsqu'il y a eu la première commission parlementaire, les uns trouvant que l'avant-projet de loi allait trop loin dans la volonté d'application – à ce moment-là, on prévoyait que les employeurs ayant 10 employés et plus allaient être couverts ou visés par la loi – et les autres disant que ça n'allait pas assez loin. Je pense à plusieurs groupes de femmes qui disaient que la loi devrait couvrir l'ensemble des travailleuses sur le marché du travail, indépendamment qu'elles soient ou non à l'emploi d'une entreprise de plus ou moins 10 employés.

Nous, à ce moment-là, nous avions adopté une position nuancée, parce que nous avions admis que, dans la mesure où la Loi sur l'équité salariale repose sur la règle des nombres, il nous apparaissait difficile qu'elle puisse s'appliquer en deçà d'un nombre significatif; sans quoi, ça pouvait amener des problèmes d'application. Donc, nous étions d'accord avec un nombre de 10 employés et plus.

(14 h 50)

Aujourd'hui, le gouvernement nous propose une modulation selon la taille des entreprises, en disant: On va partir d'un critère de 50 employés et plus... Seront tenues de livrer des résultats significatifs, c'est-à-dire, les entreprises de 10 à 50 employés; après quoi, ça sera une obligation d'implanter un programme d'équité salariale. Nous, on dit: Oui, mais, attention, il faut avoir des mesures qui vont nous permettre de nous assurer que les résultats attendus pour ces entreprises-là vont être effectivement rendus. Et, en ce sens-là, je fais référence à un rapport, qui vient d'être préparé par le gouvernement ou pour le gouvernement ontarien, qui dit que ce n'est pas facile de voir quel est l'impact de la Loi sur l'équité salariale en Ontario. Il y a des progrès qui ont été faits, mais il y a peu de statistiques qui démontrent sans réserve l'impact de la loi. Alors, je pense qu'il faut que, par des mesures de questionnaires ou encore des sondages, on puisse être en mesure de valider la façon dont les entreprises de 10 à 50 employés auront appliqué correctement la loi.

Je vois que le temps file. Alors, essentiellement, ce que je pense qu'il est important de rappeler, c'est que le Comité d'action politique des femmes est d'accord avec le projet de loi. Il faut, d'abord, commencer par la stratégie des petits pas. Les employeurs ont dit qu'ils étaient d'accord avec le principe; alors, allons-y maintenant. Ne faisons pas en sorte que ce projet de loi fasse l'objet de négociations lors d'un éventuel sommet avec les employeurs, mais agissons maintenant, parce que ça fait déjà longtemps que les femmes attendent une action en ce domaine. C'était une promesse. On a attendu les employeurs pour agir et il faut maintenant montrer qu'il faut passer à l'action.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. Dix minutes, c'est vite.

Une voix: C'est rapide.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je passe maintenant la parole à Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je veux souhaiter la bienvenue à Mme Bourgeois et à Suzanne Messier. Mme Messier, vous étiez là au printemps passé. Je comprends, Mme Bourgeois, que vous avez été élue présidente du Comité dans les mois qui précèdent. Alors, vous étiez pas mal plus critiques au printemps dernier, lorsque vous êtes venues déposer votre mémoire sur l'avant-projet de loi. Je voudrais aussi remercier la porte-parole de l'opposition qui a permis que nous débutions nos travaux plus tôt pour pouvoir vous entendre, même si le délai imparti est quand même plus court. Mais je pense que c'est important, puisque le Comité d'action politique des femmes du Parti québécois a été à l'origine, d'une certaine façon, de cet engagement du gouvernement. Et je crois qu'il est tout à fait souhaitable que nous poursuivions nos échanges sur les modalités d'application où nous en sommes rendus maintenant.

Alors, il y a deux éléments en particulier sur lesquels vous êtes revenues pour y voir une sorte d'affaiblissement que vous dites significatif, à la page 6. Alors, j'aimerais bien reprendre cela avec vous. Cela concerne les entreprises de moins de 50 employés. Alors, vous nous dites, au dernier paragraphe, «réclamer une mécanique de contrôle dans la loi même pour vérifier l'atteinte des résultats auprès des entreprises comptant entre 10 et 50...» Alors, la mécanique est connue: au-delà de 100, il y a un comité et un programme. Il y a à peu près 3 000 à 6 000 entreprises qui, donc, comptent plus de 100 employés. Autour de 50 à 100, il y a un programme. Et, entre 50 et 10, il y a, finalement, une obligation de résultat. Vous nous dites: L'Ontario l'avait. Et, avec le rapport, on sait que c'est à peu près 20 % des entreprises qui s'y sont conformées. Alors, comment on fait pour que cette obligation de résultat ne reste pas sur papier? J'ai l'impression que c'est un peu le dilemme que vous nous posez.

Alors, je voulais voir avec vous si, dans les propositions qui ont émané des associations patronales la semaine passée, certaines d'entre elles ne pourraient pas s'appliquer à des entreprises de petite taille. Je comprends bien que, pour les entreprises de 100 et plus ou de 50 et plus, on puisse s'attendre à un effort plus grand, étant donné le niveau d'organisation qui est quand même plus élevé. Mais est-ce qu'il ne serait pas opportun d'examiner la possibilité pour la Commission d'avoir un pouvoir d'initiative, d'avoir un pouvoir d'application, de pouvoir introduire des correctifs en faisant peut-être des études de discrimination systémique par secteur, par exemple? Est-ce que vous avez réfléchi sur la manière dont ça pourrait, disons, s'appliquer?

Mme Messier (Suzanne): Oui, effectivement, parce que nous pensons que le rôle que la Commission va jouer dans ce dossier-là est primordial. D'ailleurs, quand vous avez introduit dans votre projet de loi la possibilité qu'il y ait une commission de l'équité salariale qui soit mise sur pied, il y a un article qui prévoit le mandat de cette Commission-là et, notamment, vous parlez de rôle de promotion, d'information et de formation. Je pense qu'effectivement la Commission va devoir jouer un rôle prépondérant auprès des entreprises de 10 à 50 employés qui veulent s'engager à atteindre les résultats qu'on leur demande, parce qu'elles sont plus démunies que les plus grandes entreprises qui, elles, vont bénéficier, inévitablement, des expériences qui auront été réalisées en Ontario.

Parce que, si tant est que les résultats en Ontario ne soient pas aussi satisfaisants que ceux que nous aurions pu espérer – parce que, il faut le reconnaître, l'Ontario a été la première province au Canada à s'engager dans cette voie-là – il n'en reste pas moins que les entreprises québécoises, qui ont des relations avec les entreprises ontariennes de même taille, vont pouvoir bénéficier des outils qui auront été développés en Ontario pour les appliquer à la situation québécoise. Il y a des relations très évidentes entre nos entreprises et les leurs quand il s'agit d'entreprises de grande taille.

Mais, pour ce qui est de nos petites et moyennes entreprises au Québec, s'il y a une organisation qui doit leur prêter main forte parce que, souvent, elles n'ont pas les deniers pour se payer le prix du développement d'instruments de travail ajustés à leur réalité, c'est la Commission qui va devoir jouer ce rôle-là et, donc, développer et soutenir ces entreprises-là pour qu'elles puissent facilement, à un coût très raisonnable, restructurer leur échelle salariale pour reconnaître que la valeur du travail des femmes doit être ajustée pour faire en sorte qu'elles soient mieux valorisées dans les entreprises comparativement à l'emploi des hommes. Parce que, jusqu'à aujourd'hui, le salaire a été plus défini en fonction de la valeur traditionnelle des emplois équivalents dans la maison que de la juste valeur que ces emplois-là pouvaient avoir par rapport à l'effort qui était fourni par des hommes qui pouvaient avoir des qualifications semblables.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Avant de poursuivre, j'inviterais les personnes qui répondent, si vous voulez qu'il y ait le plus de questions et d'échanges possible, à essayer de tenir à la fois les questions et les réponses peut-être un petit peu plus courtes. Mme la ministre.

Mme Harel: Mais ce sera bref, également. Nous avons reçu, hier soir, une représentation d'une industrie – bon, je la nomme: l'industrie de la forêt, ce n'est pas un secret; mais ça aurait pu être un autre secteur d'activité – qui nous dit: Écoutez, nous, on est déjà organisés, on a déjà des critères; ces critères correspondent à ceux que vous avez dans la loi. Vous avez longuement d'ailleurs expliqué pourquoi il fallait que ces quatre critères se retrouvent là. Et ce qu'ils nous disent, c'est: Pourquoi vous ne nous laissez pas signer avec les associations accréditées, les syndicats, des conventions dans lesquelles on va appliquer ces critères qui sont les qualifications requises, les responsabilités assumées, les efforts requis et les conditions dans lesquelles le travail est effectué? Ils seraient prêts à se plier à un exercice qui ferait qu'il pourrait y avoir, suite à ça, si tant est qu'il y avait des travailleuses qui trouvaient que c'était insatisfaisant, plainte devant la Commission et pouvoir de la Commission d'appliquer les correctifs. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

Mme Messier (Suzanne): Moi, je pense que, si on se fie au rapport de l'Ontario, ils disent clairement qu'il y a eu des réajustements de la masse salariale dans l'entreprise publique qui étaient de beaucoup supérieurs à ce qu'ils ont pu appliquer dans le secteur privé. Et ils expliquent... Si je prends le rapport à la page 18, on dit: On est tenté de penser que l'absence de réajustements dans le secteur privé, sous prétexte qu'il n'y a pas d'écart salarial, témoigne de la plus grande résistance du secteur privé, qui est axé sur la maximisation des profits, à de telles initiatives législatives. Il est aussi probablement plus facile pour les entreprises privées de contrôler les procédures d'évaluation des emplois.

(15 heures)

Ce que je veux dire par là, c'est que, si l'entreprise privée est d'accord avec le principe de l'équité salariale et si le gouvernement offre aux entreprises une mécanique qui a fait ses preuves en Ontario ou, tout au moins, qui a été réajustée pour maximiser l'efficacité et ajustée à la réalité québécoise, parce que c'est comme ça que vous annonciez le dépôt de votre projet de loi, comme quoi on l'avait mieux ajusté à la réalité des entreprises québécoises, je me dis: On devrait effectivement accepter de se plier aux exigences de la loi québécoise et on devrait faire en sorte que...

Mme Harel: En fait, je vais la reprendre peut-être plus directement. Le fait que ce soit signé dans le cadre, par exemple, d'une entente patron-syndicat, même si ça ne satisfait pas nécessairement entièrement, est-ce qu'il n'y a pas là un début, en tout cas, disons, de garantie?

Mme Messier (Suzanne): C'est clair que ça peut être intéressant. Mais, moi, je préférerais que ce soit vraiment conforme à la Loi sur l'équité salariale, parce qu'on pourrait aussi revenir à ce qu'on a vécu dans la fonction publique où il y a eu des programmes de relativité salariale et où, finalement, on a été obligé de refaire l'exercice parce que les comparaisons qui ont été faites ne suivaient pas la méthode d'équité salariale, les principes sous-jacents n'étant pas les mêmes. Alors, je me dis: Oui, c'est une action dans la bonne voie, mais pourquoi ne pas accepter de respecter la loi qui aura été établie pour les entreprises québécoises dans son intégralité? Si c'est si semblable, respectons la loi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant la députée de Saint-François.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Merci, mesdames, pour la présentation de votre mémoire. À la page 3, vous mentionnez qu'en tenant une commission parlementaire sur le projet de loi sur l'équité salariale «le gouvernement a voulu se donner la chance d'élargir le consensus et de réduire les divergences entre les différents groupes d'intérêts». N'avez-vous pas l'impression que c'était, tout simplement, pour gagner un peu de temps, dans le sens que, depuis hier, nous entendons différents groupes...

Nous avons entendu des groupes hier, aussi bien la partie patronale que les syndicats, et je dois vous dire qu'on est loin, on est très loin d'un consensus acceptable, même réalisable. Je dois vous dire que les parties sont vraiment opposées. Dans certains cas, on sent beaucoup de rigidité, dans d'autres, peut-être un peu plus de souplesse, mais je peux vous dire qu'on est loin d'un consensus et je doute qu'à la toute fin de cette commission on en arrive vraiment à dégager le consensus dont aurait besoin la ministre pour faire adopter son projet de loi. Donc, dans les circonstances, qu'est-ce que vous croyez que le gouvernement devrait faire? Est-ce que le gouvernement doit prendre ses responsabilités, doit décider – qu'est-ce qu'il doit faire? – ou reporter, tout simplement? Quelle est votre attitude à ce niveau-là?

Mme Messier (Suzanne): Bien, moi, je vous dirai que la Charte des droits et libertés de la personne a été adoptée il y a 20 ans pour sanctionner le principe de salaire égal pour un travail équivalent. Moi, je travaille dans le dossier de l'égalité en emploi depuis 14 ans, et les employeurs, depuis ce moment-là, tout au moins, ont toujours manifesté beaucoup de réticence à s'engager vers la voie pour corriger des inéquités, quelles qu'elles soient. Par exemple, lorsqu'il a été question des congés de maternité, je me souviens très bien qu'ils avaient déploré le fait que ça allait peut-être diminuer l'intérêt qu'avaient les employeurs d'embaucher des femmes. Lorsqu'on a adopté la loi 17 sur la santé et la sécurité au travail, qui prévoyait le retrait préventif pour les femmes qui sont enceintes ou pour celles qui allaient allaiter, encore une fois, on a dit: Ça va certainement amener nos entreprises à hésiter un peu plus pour embaucher des femmes. Je pense que les statistiques démontrent que les femmes n'ont pas vu leur effectif diminuer pour ces raisons-là. On embauche de plus en plus de jeunes femmes compétentes pour occuper les emplois qui sont à combler.

Je pense qu'il faut cesser d'être sensible à la question du meilleur moment pour agir parce que, si on regarde comment évolue le marché de l'emploi, on s'aperçoit que, plus ça va aller, plus les emplois vont être limités parce que la concurrence internationale et le développement des nouvelles technologies nous empêchent de croire qu'il va y avoir de plus en plus d'emplois à combler. Alors, je pense que, si le gouvernement veut agir dans le dossier et qu'il a l'accord de principe des employeurs qui disent reconnaître une certaine inéquité salariale, bien, il faut forcer un peu le changement, parce que le changement dérangera toujours. Mais, aujourd'hui, il faut reconnaître que le gouvernement a un rôle de régulateur. Il est clair que la conjoncture économique n'est pas favorable, mais elle ne le sera jamais et il faut cesser de croire que le volontariat va suffire à modifier les choses.

Le gouvernement a pris ses responsabilités dans le domaine de l'environnement, il les a prises dans le domaine des congés de maternité, il les a prises dans le dossier de la santé et sécurité au travail, et j'en passe. Aujourd'hui, il est appelé à prendre ses responsabilités dans le domaine de l'équité salariale, et il ne faudra pas attendre que toutes les parties soient tout à fait d'accord pour agir. Déjà, ils ont signifié leur accord de principe; alors, il n'y a plus lieu d'attendre quelque autre engagement que ce soit. Il faut dès maintenant sanctionner la loi. Et je rappelle que ce serait dangereux pour le gouvernement d'en faire un objet de chantage dans le cadre d'un sommet qui devrait se tenir à l'automne. Je pense que c'est le temps d'agir.

Mme Gagnon-Tremblay: Je pense que, quant au sommet, vous avez raison. Cette discussion, elle doit être publique; elle ne doit pas faire l'objet de tractations. Elle est publique et elle doit se discuter ici. Finalement, c'est le forum exceptionnel qu'on a pour en discuter, ici. Nous sommes ici encore jusqu'à demain soir et, à mon avis, il faut en arriver à un consensus ici. Si ça déborde, je pense que, premièrement, c'est que les femmes ont tout à perdre. C'est elles qui ont tout à perdre.

D'un autre côté, c'est que, si on n'est pas capables de s'engager ici, si on n'est pas capables de prendre des décisions ici, si on n'est pas capables de discuter, puis d'en arriver à des compromis, ça signifie qu'on ne sera pas capables d'en arriver plus à des compromis au sommet. Alors, donc, une fois la réunion terminée demain, ça sera au gouvernement à prendre la décision sur ce qu'il a l'intention de faire. Mais je pense que vous avez tout à fait raison de dire qu'il est inutile de faire déborder la discussion jusqu'au sommet étant donné qu'on aura bien d'autres discussions. Et, comme on se souvient qu'au premier sommet les femmes ont été passablement isolées, il ne faudrait pas qu'elles se retrouvent isolées à nouveau lors d'un prochain sommet.

Ceci étant dit, cependant, c'est qu'on est quand même devant le fait qu'il va falloir avoir des compromis. Il faut qu'il se fasse des compromis, de part et d'autre. Les compromis ne peuvent pas être toujours à sens unique. Je pense qu'il faut des compromis. Et, comme je le mentionnais dans mes remarques préliminaires hier matin, il ne faut pas, non plus, se mettre la tête dans le sable et s'imaginer qu'il n'y a pas d'impacts. Impacts financiers? Oui, il y en a. Impacts sur l'emploi? Il n'y a peut-être pas d'impacts réels ou significatifs, ou quantitatifs, qu'on peut quantifier facilement, au niveau des pertes d'emplois. Mais, chose certaine, s'il y a ralentissement au niveau de la création de l'emploi, si c'est une entrave, bien, c'est sûr que, si on ne crée pas d'emplois, ça veut dire qu'on en a perdu. Alors, donc, dans ce sens-là, il faut mettre ça sur la table, puis il faut essayer de trouver des solutions pour contrer ça, voir comment les entreprises peuvent assumer les coûts d'ajustement des écarts salariaux et comment, d'autre part, on peut avoir un mécanisme souple et flexible pour éviter justement de faire peur aux entreprises et éviter aussi des pertes d'emplois, ainsi de suite.

Alors, ceci étant dit, c'est là, je pense, qu'on n'est pas capables de trouver des mécanismes qui permettent... On se rend compte que les mécanismes sont rigides parfois, sont laborieux, et ça fait peur aux entreprises. Hier justement, on s'adressait à deux chefs syndicaux de la CSD et de la CSN, et je leur disais: Si on pouvait rassurer l'entreprise, les entrepreneurs... Par exemple, sachant très bien que la masse salariale, elle est limitée, que les augmentations de salaire au cours des prochaines années puissent servir, en tout ou en partie, à payer les écarts salariaux, peut-être que ça pourrait rassurer l'employeur et là qu'on pourrait débloquer sur ce fameux dossier. Mais j'ai eu une fin de non-recevoir, finalement.

Alors, donc, il ne semble pas y avoir de compromis à faire. On reste sur nos positions très rigides, et je crains beaucoup qu'on va arriver demain soir et qu'on ne sera pas plus avancés qu'on l'était avant la discussion de l'avant-projet de loi. Alors, donc, est-ce que vous avez une idée de qui doit faire des compromis et quelle sorte de compromis on pourrait faire pour justement en arriver à s'entendre?

(15 h 10)

Mme Messier (Suzanne): Moi, je vous dirai que je suis un peu déçue de voir la réaction des employeurs qui ne font pas état dans leurs prises de position récentes du fait que le gouvernement a fait un grand pas en avant quant à l'étendue de l'application de la loi. Moi, je peux comprendre, pour avoir travaillé dans le dossier des programmes d'accès à l'égalité, qu'effectivement l'application d'une mécanique très rigoureuse où on définit ce qu'est un programme d'équité salariale et les quatre étapes qui sont bien prescrites dans la loi, l'obligation de mettre sur pied, dans le cas des entreprises de 100 employés et plus, un comité d'équité salariale, tout ça, c'est lourd. Et je conviens que ça peut entraîner des coûts qui sont substantiels et que, bon, heureusement, l'expérience ontarienne pourra aider les entreprises. Mais je comprends qu'elles ont pu avoir des réticences à une telle mécanique pour l'ensemble des entreprises de 10 employés et plus, tel que c'était prévu à l'avant-projet de loi.

Mais, quand le gouvernement est arrivé avec son projet de loi où il était disposé à n'exiger cette application rigoureuse là que des entreprises de 50 employés et plus, j'ai trouvé là une démonstration d'un compromis extrêmement significatif, extrêmement significatif parce qu'on venait de libérer un fort nombre d'entreprises de l'obligation de respecter la mécanique rigoureuse. Et je pense que de ne les contraindre qu'à une obligation de résultat, c'est leur dire: Écoutez, on vous fait confiance. Et c'est ça dont ils veulent nous faire la preuve aujourd'hui quand ils viennent réclamer le volontariat. On est prêts à vous faire confiance, mais rendez des comptes et on veut au moins avoir des résultats.

Puis c'est dans ce sens-là que, moi, je comprends l'expression «une loi proactive». C'est qu'on met sur pied, on propose une mécanique et on dit aux entreprises québécoises: Vous serez tenues à la mécanique si vous avez 50 employés et plus. Si vous n'êtes pas suffisamment de taille importante pour respecter la mécanique, au moins démontrez-nous que vous allez atteindre les résultats. Et j'avais une réserve par rapport à cette question-là, en disant: Il faut au moins demander des comptes, sinon à l'ensemble des entreprises de 10 à 50 employés, tout au moins allez-y par sondage, mais ramassez des chiffres pour être capables de laisser voir aux entreprises qu'il y a une certaine surveillance qui est faite auprès des entreprises qui sont visées par cette modalité-là.

Mais, pour les autres de 50 employés et plus, la mécanique n'est pas si compliquée et il y a moyen de s'entendre avec les syndicats pour les plus grandes entreprises. Et, moi, je dis: Le compromis est déjà fait sur les modalités d'application, et il est majeur. C'est ma réponse. Je pense qu'on ne peut pas aller en deçà de ça, mais je réitère l'importance que je vois dans le rôle de la Commission de l'équité salariale qui va devoir être très soutenante par rapport aux entreprises et qui devra donc avoir les deniers pour être efficace. Parce que, si on se réfère à l'expérience de la Commission des droits de la personne, on peut avoir certaines réserves à notre enthousiasme quant au support qu'elle pourra donner aux organisations de taille importante parce que, effectivement, elle a tardé à être efficace. Mais, maintenant qu'on a un précédent avec l'expérience ontarienne, on va pouvoir être plus efficaces.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Malheureusement, le temps est déjà terminé. Si vous voulez conclure, Mme la députée.

Mme Gagnon-Tremblay: Alors, merci, mesdames.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la ministre.

Mme Harel: Merci. Et je comprends qu'encore une fois vous avez fait la démonstration de l'expertise que vous avez au sein du Comité en ces matières et qui m'aura, à moi, beaucoup aidée, sinon beaucoup appris. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'invite maintenant les gens de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec à s'approcher.

À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Nous recevons maintenant les représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Je vous invite, M. Godbout, à présenter les gens qui vous accompagnent, avec leur titre, pour fins d'enregistrement, et à commencer votre présentation. On revient au temps normal, c'est-à-dire 20 minutes de présentation et 20 minutes d'échanges de chaque côté.


Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Godbout (Clément): M. le Président, ça nous fait plaisir de nous présenter, au nom de la FTQ, devant cette commission qui traitera d'un sujet des plus importants, de ce que pourrait être l'orientation de notre société dans le domaine des conditions des femmes.

Je voudrais vous présenter, en commençant à ma gauche, Marie Bergeron, du Syndicat canadien de la fonction publique, vice-présidente, également, de la FTQ et responsable du dossier de la condition des femmes; Mme Johanne Vaillancourt, du syndicat des teamsters et également vice-présidente de la FTQ et responsable du dossier de la condition des femmes; Carole Gingras, qui est représentante à la FTQ et responsable du service de la FTQ dans le dossier de la condition des femmes; Henri Massé, que vous connaissez, secrétaire général de la FTQ; Gilles Charland, le directeur québécois du Syndicat canadien de la fonction publique; Carole Robertson, qui est responsable au SCFP du dossier de la condition des femmes et également au comité de la condition des femmes à la FTQ; et Nicole Bluteau, qui est vice-présidente de la FTQ et également membre du comité de la condition féminine dans son syndicat, l'Union des employés de services. Et, également, nous accompagne Mme Sylvie Lépine, responsable à la FTQ également du dossier de la condition féminine.

Le dossier va vous être présenté par le secrétaire général de la FTQ, M. Henri Massé.

M. Massé (Henri): L'équité salariale, c'est le droit des travailleuses à un salaire juste et équitable pour ce qu'elles font, c'est la reconnaissance de la valeur réelle de leur travail. L'équité salariale permet l'amélioration du niveau de vie des travailleuses et des leurs, et, pour beaucoup, elle permet de sortir carrément de la pauvreté. Cette situation se vit également chez les travailleuses syndiquées, leur réalité n'étant pas toujours celle que l'on croit. En fait, nos membres se retrouvent un peu partout dans tous les milieux de travail au Québec, secteurs public, parapublic, privé. On représente 150 000 femmes sur les 450 000 membres.

Les travailleuses que nous représentons sont dans la restauration, l'hôtellerie, le commerce de détail, la santé, la fonction publique, les communications, le transport, l'entretien ménager, les bureaux, les caisses populaires, les municipalités, le textile, le vêtement. On touche à l'ensemble des secteurs d'activité au Québec. Elles oeuvrent dans la grande comme dans la petite entreprise. Beaucoup travaillent à temps partiel ou sur appel, parfois au salaire minimum ou tout près. Pour elles, l'équité salariale est loin d'être un luxe; c'est un besoin, mais c'est surtout un droit qui doit être respecté.

(15 h 20)

Le 15 mai dernier, nous accueillions avec enthousiasme le projet de loi déposé devant l'Assemblée nationale. Oui, nous appuyons ce projet de loi qui intègre plusieurs principes fondamentaux et présente un mode d'encadrement souple et respectueux des réalités. À la FTQ, nous sommes cependant très inquiets parce que, en dépit des multiples consultations, du travail phénoménal investi et de l'appui de la population depuis plusieurs années, le lobby patronal maintient une opposition farouche à l'adoption de la loi, qui a déjà trop tardé. Les employeurs précisent que, s'ils doivent vivre avec une loi, ils tenteront par tous les moyens d'en faire diluer le contenu. Ils préféreraient une approche volontaire, assortie de mesures incitatives. Or, l'approche volontaire a lamentablement failli dans le cas des programmes d'accès à l'égalité. Même avec des mesures incitatives comme des crédits d'impôt ou des subventions, les résultats se sont avérés décevants. Non, l'approche volontaire ne marche, tout simplement, pas.

Nous tenons à rappeler au gouvernement que la loi proactive est cruciale pour les travailleuses du Québec. Depuis 1976, la Charte s'est avérée, à toutes fins pratiques, inopérante, son système, fondé sur des plaintes individuelles, n'étant pas adapté à la discrimination systémique. Déjà, en 1991, la Commission des droits de la personne concluait qu'une telle loi serait plus efficace pour venir à bout de la discrimination salariale. D'autres consultations gouvernementales ont suivi, des sondages aussi. Plus récemment, le gouvernement lui-même soutenait qu'une «loi proactive est devenue indispensable et le principe d'équité salariale constitue un choix de société... Aujourd'hui, dans la société moderne où nous sommes, le profit des entreprises ne peut plus reposer sur l'inégalité salariale entre les hommes et les femmes. C'est une question de justice». Oui, nous appuyons le projet de loi, mais nous ne pouvons aller en deçà de ce qui est proposé. Nous ne pouvons le diluer au point de remettre en cause l'objectif visé.

C'est dans un esprit de collaboration que la FTQ se présente devant vous aujourd'hui pour vous soumettre ses commentaires sur le projet de loi. Comme nous avons déjà maintes fois expliqué notre position sur l'équité salariale, nous nous limiterons aux principales dispositions qui nous semblent toujours problématiques. Mais, avant d'aborder cet aspect, permettez-moi quelques commentaires sur l'épineuse question des coûts et autres problèmes insurmontables relatifs à l'équité.

On entend toutes sortes d'arguments à l'encontre du projet de loi, allant des coûts exorbitants de l'équité salariale à l'écrasant fardeau administratif, l'ingérence gouvernementale, la morosité économique et les pertes d'emplois, les faillites même. Ne nous leurrons pas: éliminer la partie de l'écart salarial qui constitue de la discrimination systémique dans une entreprise occasionnera tant des réajustements salariaux que des coûts administratifs. D'abord, comme les employeurs maintiennent depuis des années certains salaires au-dessous de ce qu'ils devraient être si le travail pour lequel ils sont versés était évalué équitablement, les réajustements salariaux ne constituent pas le problème majeur.

Il est vrai que l'on peut s'attendre à ce que certaines catégories d'emplois à prédominance féminine dans certaines entreprises connaissent des redressements assez importants. Précisons que ce ne sont pas tous les emplois qui seront touchés. L'équité salariale ne vise pas, non plus, à uniformiser les salaires des femmes, puisque les exercices d'équité se font sur la base des entreprises, individuellement. Par ailleurs, les employeurs auront le temps de s'y préparer, puisqu'ils auront au moins un minimum de huit ans pour faire les ajustements et l'ensemble de l'exercice.

Pour ce qui est des coûts administratifs, il est tout à fait normal, lorsqu'on touche à la structure salariale des entreprises, d'y mettre les efforts et les ressources nécessaires pour obtenir de bons résultats. Selon les données disponibles en Ontario, les coûts administratifs moyens, par employeur, étaient de l'ordre de 9 000 $ pour les entreprises de 10 à 49 employés, 9 100 $ pour celles comptant entre 50 et 99 employés, 35 200 $ pour les entreprises entre 100 et 500 employés, et 121 245 $ pour les très grandes entreprises de 500 et plus.

Mais ces coûts peuvent aller au-delà de l'équité salariale. N'oublions pas que plusieurs employeurs profitent de l'obligation de réaliser l'équité salariale dans leur entreprise pour élargir le cadre du travail à effectuer, notamment pour revoir l'ensemble de la structure salariale, et que bon nombre d'entreprises font alors appel à des consultants externes et n'ont pas toujours des résultats probants. Nous croyons qu'il est possible de limiter les coûts, tout en assurant un sain climat de travail, une meilleure compréhension de l'exercice et une adhésion optimale aux résultats. C'est pourquoi nous préconisons la participation des travailleurs et des travailleuses ou de leurs représentants et représentantes qui pourront compter sur l'appui de la Commission.

Le principe de la souplesse est très important dans le cadre de la Loi sur l'équité. Cependant, cette souplesse ne doit pas prévaloir au détriment de certaines obligations. Nous croyons que le projet actuel offre justement une très grande souplesse aux entreprises pour réaliser l'équité salariale. On estime à un peu plus de 25 000 le nombre d'entreprises québécoises qui seront couvertes par la loi, sur un total de 185 000. De ce nombre, environ 400 entreprises ont 500 employés et plus, plus de 1 900 ont entre 100 et 500 employés, 2 800 ont entre 50 et 99, et 20 000 en comptent entre 10 et 49; les autres sont exclues.

Par ailleurs, on prévoit des obligations formelles seulement pour les entreprises de 50 employés et plus, un programme sans comité pour les 50 à 99 et un programme avec un comité d'équité pour les 100 et plus. Pour ce qui est des autres, 10 à 49, elles n'ont qu'une obligation de résultat, donc rien de terriblement contraignant. On parle ici d'un peu plus de 5 000 entreprises, soit environ 20 % de celles qui seront couvertes, qui auront une véritable obligation de faire l'équité. C'est donc quatre fois plus d'entreprises qui nagent en pleine souplesse et qui bénéficieront d'un minimum de huit ans pour atteindre l'équité.

Des coûts, mais aussi des plus. L'équité salariale comporte aussi des facettes plus positives. Ainsi, les sondages ontariens révélaient que plus de la moitié des employeurs avaient relevé des effets positifs sur leur système de gestion, une meilleure communication avec les employés, une satisfaction, une motivation et une productivité accrues, possiblement moins d'absentéisme. Pour les femmes, les ajustements salariaux signifient une amélioration de leur niveau de vie et de celui de leur famille; pour certaines, c'est la fin de la misère. Cette différence se traduit dans leurs revenus actuels et futurs, donc moins de dépendance envers l'État. Elle se répercute également sur la consommation de biens et de services, et revient donc, en partie, aux entreprises. L'équité salariale, ce n'est pas que des coûts; c'est aussi un investissement.

Des mesures complémentaires sont aussi nécessaires pour combler l'écart salarial, mais, étrangement, lorsqu'il est question d'instaurer de telles mesures, on assiste aussi à une levée de boucliers. Il semble que ce ne soit jamais le bon moment ou le bon remède à un problème sur lequel pourtant tout le monde s'entend: l'existence d'inéquités salariales. Le gouvernement doit maintenant légiférer afin de mettre fin à la discrimination et de rétablir la justice.

Plusieurs améliorations ont été apportées à l'avant-projet de loi: l'aspect proactif, la couverture des entreprises de plus de 10 employés des secteurs public, parapublic et privé y compris, les nouvelles entreprises, la bonne foi obligée. La FTQ se réjouit particulièrement de ce que le projet de loi s'inscrive dans le cadre des relations de travail et qu'il reconnaisse expressément les associations accréditées dans le processus d'équité salariale. Enfin, la FTQ applaudit la décision du gouvernement d'instaurer une commission de l'équité salariale indépendante en conservant un lien important avec le Travail. D'ailleurs, le Tribunal du travail s'avère un choix intéressant. Beaucoup d'efforts ont été déployés pour aplanir les principaux irritants de l'avant-projet de loi. Néanmoins, certaines dispositions demandent à être approfondies et enrichies dans un souci d'efficacité et de viabilité.

D'abord, il y a des définitions à préciser. On pense qu'il n'est pas toujours évident de savoir qui est le véritable employeur dans certains milieux de travail. On a maintes fois recommandé de circonscrire cette notion. On sait qu'en Ontario il y a eu de longs débats juridiques autour de ça, des pertes financières, des pertes d'énergie importantes. Donc, pour éviter les ambiguïtés et des poursuites coûteuses et excessives, la FTQ recommande, à la lumière des suggestions faites plus haut, de clarifier les notions d'«employeur», d'«entreprise» et d'«établissement» comprises dans le projet de loi.

La même chose pour la notion de «salarié». Comme les travailleuses représentent la masse des «temps partiel, occasionnels et sur appel», la nécessité de les inclure de façon claire dans la définition de «salarié» ne fait aucun doute. Le fait de les inclure ou pas influe non seulement sur la taille du bassin d'emplois à comparer, mais également sur les ajustements salariaux.

Dans une entreprise à forte densité féminine, les postes de cadres supérieurs s'avèrent souvent les rares titres d'emplois à prédominance masculine pouvant faire l'objet de comparaison et leurs salaires constituent un indice de la capacité de payer de l'entreprise. Cette notion peut aussi être très élastique et varier d'une organisation à l'autre. Pour éviter de pénibles débats, nous recommandons que la notion de «cadre supérieur» soit mieux circonscrite.

Comme tous les programmes d'équité et de relativité salariale doivent être exempts de discrimination fondée sur le sexe, il est essentiel de s'entendre au préalable sur la signification et la portée de cette notion. Bien qu'il puisse être difficile de bien définir ce concept dans la loi, nous croyons primordial d'en fixer les grands paramètres, par exemple en annexe de la loi.

Pour les moins de 10 employés, la FTQ a toujours insisté sur l'importance d'une loi de portée universelle afin que les droits de toutes les travailleuses et de tous les travailleurs soient respectés. Exclure les entreprises comptant moins de 10 employés vient directement à l'encontre de ce principe. La loi aura-t-elle l'effet d'entraînement escompté par le gouvernement pour que les quelque 25,2 % de travailleuses québécoises à l'emploi des entreprises actuellement non assujetties puissent également bénéficier de l'équité salariale? Nous le souhaitons vivement. À tout le moins, pour coller davantage à l'esprit proactif de la loi, la FTQ recommande que les travailleuses de ces entreprises – moins de 10 employés – puissent compter sur le renversement du fardeau de la preuve dans les cas de plaintes.

(15 h 30)

De 10 à 49 employés, le projet de loi prévoit, pour ces entreprises, une obligation de résultat, sans nécessité pour l'employeur d'élaborer de programme d'équité salariale ni de former de comité d'équité. Afin de répondre à un besoin légitime d'information chez les travailleuses, de leur permettre une participation minimale favorisant ainsi une meilleure adhésion aux résultats, tout en s'assurant que l'équité salariale est prise au sérieux dans les plus petites entreprises, la FTQ estime que les employeurs visés devraient procéder à un premier affichage dans les lieux de travail après un délai de deux ans, en indiquant, de façon simple, la démarche déjà amorcée et les moyens qu'ils entendent prendre pour remplir leurs obligations de résultat.

L'entrée en vigueur aussi par étapes nous inquiète. On sait qu'elle est prévue à certains articles en disant: Les règlements pourront venir un peu plus tard et ça entrera en vigueur après le règlement. À la FTQ, on pense que les délais sont déjà suffisamment longs et on pense que tous les articles de la loi devraient entrer en vigueur en même temps.

Au niveau de la formation, nous recommandons que la Commission dispose des moyens nécessaires pour appuyer les parties dans la formation des travailleurs et des travailleuses qui sont sur les comités d'équité, et faire en sorte qu'on puisse avoir une information réelle autour de projets d'équité salariale dans les entreprises.

Les comités sectoriels. Nous recommandons de la souplesse. Et on pense que la souplesse et le caractère volontaire de la démarche doivent guider les comités sectoriels d'équité salariale, avec un encadrement de la Commission. L'implication syndicale à ces comités est aussi indiscutablement nécessaire et non seulement les partenaires clés du secteur doivent-ils y prendre une part active, mais leur caractère représentatif doit être pris en compte par la Commission lorsqu'elle approuve la participation d'un organisme à un comité sectoriel. Enfin, les ententes qui interviennent au sein de ce comité ne pourront lier que les partenaires qui y participent.

Dans les services publics, il doit, avec les syndicats concernés, compléter le travail amorcé et mettre en place les mesures nécessaires pour l'atteinte de l'équité salariale. Il y a eu tout un travail de fait sur la relativité. On est satisfaits du début de ce travail-là, mais on sait que c'est un travail qui est non complété. Nos syndicats, dans les services publics, ont très bien travaillé là-dessus. Et on pense qu'il faut être très clair: les travaux sur les relativités doivent être mesurés et les employeurs devront démontrer que l'équité a été atteinte.

Et le dernier point qu'on voulait soulever ou un des avant-derniers points, c'est toute la question des rapports. On voudrait que les employeurs fassent rapport sur les travaux d'équité, fassent rapport sur les résultats. Encore une fois, je pense que ça peut être des rapports simples, clairs, mais qu'on ait des informations uniformes pour qu'on sache exactement où on s'en va là-dedans. On sait que ça a été un des problèmes de la commission de l'Ontario, au niveau de la cueillette des informations; donc un des éléments importants du dossier.

Le maintien de l'équité, ça apparaissait dans l'avant-projet de loi. On n'est pas sûrs que ça apparaît encore dans le projet. Et on pense que le maintien de l'équité doit y être défini très clairement.

Pour les milieux essentiellement féminins, nous recommandons des études sectorielles et, encore là, on recommande que ce soit fait dans le délai prévu à l'article 32, qu'on ne connaît pas encore, soit un délai de deux ans de l'entrée en vigueur du règlement; on ne sait pas ce que ça veut dire exactement. Nous, on recommande aussi que ces études soient faites en consultation avec les parties directement concernées et que les délais d'exécution soient rapides, pour ne pas qu'on laisse traîner l'équité deux, trois ans de plus dans ces secteurs-là où on devra faire des études sectorielles.

Enfin, les recours, on pense que ça s'adresse à toutes les parties. Dans certains cas, le projet de loi, à ce titre, présente de nettes améliorations par rapport à l'avant-projet de loi où ils étaient presque inexistants. Mais, dans certains cas, les syndicats n'ont pas le droit de recours. On pense que les recours doivent s'adresser à tout le monde et non seulement à une partie.

Enfin, les sanctions que nous trouvons relativement minces, on l'a déjà souligné devant cette commission parlementaire, beaucoup moins importantes que ce qu'on voit dans certaines législations de retour au travail ou autres dans le domaine des relations de travail. Et on pense qu'elles ne sont pas suffisamment fortes pour inciter à respecter la loi.

On souligne, enfin, que la Commission doit disposer des ressources financières pour mener à bien ce travail-là et que le Tribunal du travail pourrait avantageusement être enrichi d'une division spécialisée en équité salariale et faire une place importante aux femmes. La loi devrait prévoir aussi un mécanisme paritaire assurant la participation de représentantes ou de représentants d'employeurs et de salariés, des espèces de bancs élargis pour les auditions, qui seraient nommés à partir d'une liste élaborée selon les recommandations des partenaires.

Et, enfin, on souhaite que la réglementation ne traîne pas, sorte dès que la loi sera passée. Parce que, souvent, la réglementation traîne et ça empêche les parties de voir plus clair dans ces dossiers-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Il vous reste deux minutes. Est-ce que vous voulez les employer ou si on peut commencer?

M. Massé (Henri): Ça va.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On peut commencer. Mme la ministre.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Bienvenue à toute l'équipe. J'ai eu déjà l'occasion d'échanger sur ces questions avec des expertes qui vous accompagnent, M. Massé: Mme Gingras et Mme Robertson, et donc je comprends que votre mémoire est extrêmement pratico-pratique, en fait. C'est des propositions pour que ça marche, finalement.

Juste avant d'aborder ces questions – et, si on les aborde trop rapidement, sachez bien que l'essentiel de ce que vous recommandez va être attentivement examiné par le contentieux – dans votre mémoire, vous étiez, je pense, parmi les premiers qui rappeliez que, dans le rapport de l'examen de la loi ontarienne qui a été publié cet été, on faisait justement valoir qu'un grand nombre de femmes travaillant dans des catégories d'emplois à prédominance féminine, en Ontario, étaient des mères seules et que les réajustements qui leur avaient été accordés avaient représenté un supplément leur permettant de sortir des seuils statistiques de pauvreté.

Je pense que le rapport a été assez explicite sur le fait que ça a permis une augmentation des dépenses dans les économies locales – le rapport le note – et un niveau de vie plus élevé pour les femmes faiblement rémunérées et évidemment, en conséquence, pour les familles dont souvent elles avaient la charge, et une dépendance moindre à l'égard des services publics. Vous savez que, par les temps qui courent, ce n'est évidemment pas négligeable. Dans le rapport, on indique aussi que cette augmentation de salaire avait pu permettre à des femmes qualifiées de demeurer sur le marché du travail lorsqu'elles avaient des enfants, parce que ça devenait intéressant, à ce moment-là. En fait, il y a donc des conséquences, qui ont été évaluées dans ce rapport-là, je pense, qu'il vaut la peine, comme vous le faites dans le mémoire, de rappeler. Vous le faisiez aussi, je pense, dans un communiqué de presse, aujourd'hui, qui est paru dans La Presse .

Sans doute aurons-nous un échange un peu comme ceux qui se sont poursuivis du côté de l'opposition qui prend pour acquis que les différences sont insurmontables et qu'en l'absence d'unanimité il vaudrait mieux ne pas légiférer. Je voudrais vraiment vous entendre là-dessus pour savoir comment vous considérez que cet argument devrait être apprécié. Je commence comme ça.

M. Godbout (Clément): Dans une société comme la nôtre, si on avait attendu toujours pour l'unanimité, il n'y aurait pas grand lois; on aurait répondu à plusieurs demandes patronales qui trouvent qu'il y en a trop. Je pense que le premier ministre a indiqué clairement son intention et celle du gouvernement, la ministre n'a laissé aucune nuance, et nous sommes d'accord que la décision doit se prendre. Nous comprenons que des gens aient le droit d'argumenter contre; c'est leur droit. Mais je n'ai pas compris, dans le débat, que le monde patronal s'était prononcé contre l'équité.

(15 h 40)

Mme Harel: Je comprends que vous pensez que, même maintenant, il y a toujours un terrain de rapprochement possible. Est-ce que c'est ce que je dois conclure de vos paroles?

M. Godbout (Clément): Le gouvernement a ses responsabilités à prendre. C'est une question de société, mais c'est aussi une question des femmes. La majorité des travailleuses... La force ouvrière, au Québec, c'est les femmes. Maintenant, elles sont là sur le marché du travail, et il n'y a aucune raison, dans une société comme la nôtre, qu'on leur demande de travailler pour des salaires moindres. C'est inacceptable.

Mme Harel: Alors, vous avez fait un bon nombre de recommandations. Par exemple, ça va de prévoir que les amendes qui pourraient être perçues soient versées dans un fonds spécial d'aide aux travailleuses non syndiquées, en passant par d'autres suggestions, par exemple élargir l'obligation d'agir de bonne foi. Bon. Il y en a diverses qu'on examinera.

Il y a mon collègue, le ministre du Travail, qui est avec nous cet après-midi. Il sera chargé de l'application de la loi suite à son adoption. Alors, donc, je comprends qu'il pourra peut-être échanger avec vous sur vos recommandations concernant le Tribunal du travail, qui relève de lui, et votre suggestion d'un banc spécial sur l'équité salariale.

Moi, j'aimerais bien, peut-être, examiner tout de suite la question du calendrier d'adoption et celle relative au programme en entreprise. Dans la loi qui est proposée, c'est un programme qui n'est pas nécessairement unique dans l'entreprise. Vous êtes, je pense, la seule des centrales qui propose que ce soit, finalement, possible qu'il y ait plusieurs programmes distincts. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Et puis, sur la question du calendrier, je vais vous dire – je pense que ce n'est pas un secret, on en a parlé hier aussi – notre intention est d'abord d'adopter les articles relatifs à la Commission de l'équité salariale avant d'adopter le reste. Vous, j'ai compris que vous vouliez tout adopter en même temps, y compris les comparateurs externes. Voyez-vous, dans cette loi-là, il peut y avoir des inquiétudes, pas tant sur ce qui est dans la loi que sur ce qui n'est pas dans la loi, c'est-à-dire le comparateur externe. Et, moi, je suis assez sensible à ceux des patrons qui disent: Nous, on veut bien se faire comparer, mais on ne sait pas avec qui; ça va être dans votre réglementation, et on ne l'a pas vu.

Alors, qu'est-ce que vous en pensez si, finalement, on se donne un délai, six mois par exemple, pour dire: Bon, bien, on va la déposer, la réglementation, et on va tenir une consultation? Il n'y aura pas de surprise, il n'y aura pas d'effet de surprise, puis vous ne serez pas mis en comparaison – et je peux comprendre que ça fasse peur – avec, disons, des métiers que vous ne connaissez pas. On va en discuter. Comment vous voyez ça?

M. Massé (Henri): Bien, là-dessus, je pense que ce qu'on a voulu indiquer... C'est parce que, à cinq, six reprises dans le projet, on nous parle de réglementation, on nous parle de délai possible. Moi, je vous donnerais juste un exemple, c'est les comités paritaires au niveau de la santé et sécurité. C'est en 1982, Clément?

M. Godbout (Clément): Ça fait 15 ans qu'on attend.

M. Massé (Henri): Ça fait 15 ans qu'il y en a qui ont été décrétés; d'autres ne le sont pas encore, puis tout ça. Ce qu'on veut là-dedans, Mme la ministre, c'est une transparence. Et on n'est pas fous furieux, là. Lorsque les règlements seront déposés – on a demandé que ce soit dans les plus brefs délais – moi, je pense que, s'il y a beaucoup de transparence et de discussions, si on est capables de voir, à un moment donné, que ça peut prendre certains délais dans certaines circonstances... Mais, là, c'est parce que ça apparaît un peu trop souvent. Je pense qu'on pourrait, au niveau de la réglementation, aller un petit peu dans votre sens, si ça se fait d'une façon assez rapide.

Sur la question de l'approche de programme unique dans une entreprise, on s'est souvent expliqué ici, on a défendu notre point de vue un peu partout. Si on veut un programme d'équité salariale qui se tienne, je pense qu'il faut être le plus près possible des parties, et on a toujours dit: Ça passe par la négociabilité des plans d'équité salariale. C'est une des pierres d'achoppement fondamentales, à la FTQ. Je suis convaincu, dans certaines entreprises où il y a deux ou trois syndicats différents et où les relations sont souvent assez cordiales, qu'il y aura toujours moyen de s'asseoir, de s'entendre, de regarder ça et puis, peut-être, d'avoir une table au niveau de l'équité salariale.

Dans certains cas, ça ne sera pas possible. Dans certains cas, je veux dire, le syndicat, les membres syndiqués, les travailleurs ou les travailleuses syndiquées seront peut-être minoritaires par rapport à ceux ou celles qui ne sont pas syndiqués et, encore là, ça prend de la souplesse. Ça veut dire que l'employeur a toujours une politique d'entreprise, mais on laisse place à la négociation. Si on ne fait pas ça, on va s'enfermer dans un carcan probablement juridique avec beaucoup d'obstacles et beaucoup moins de place à la discussion entre les employeurs et les syndicats. Essayons de garder ça le plus près, moi, je dirais, du sol possible, le plus près des unités naturelles de travail. Bon, habituellement, ce sont des unités de négociation.

Mme Harel: Dans la balance des avantages et des inconvénients, vous pensez que, finalement, c'est plus un avantage de laisser aller ceux qui sont prêts, ça peut avoir un effet d'entraînement, plutôt que de penser, comme d'autres, que ça va faire signer ceux qui, finalement, vont être moins exigeants?

M. Massé (Henri): Non, non. Je pense que ça va faire en sorte que ça accélère, ceux qui sont prêts. En tout cas, à la FTQ, nous, c'est clair qu'il y aura une coordination au niveau de l'ensemble des syndicats de la FTQ, tant au niveau de la formation que de nos efforts de négociation, d'échange d'information. Et on va essayer de faire progresser ça de façon pas uniforme, parce que c'est des milieux de travail très, très, très différents, mais de faire en sorte que ça se déroule au niveau de la négociation.

Mme Harel: On a reçu hier une industrie, disons une association qui représente une industrie. En fait, je ne veux vraiment pas polariser, parce que je me dis: Peut-être que ça serait à regarder. Eux, dans le fond, ce qu'ils disent, c'est: On est prêts à remplir, si vous voulez, les objectifs de résultat, on est prêts à s'asseoir avec nos employés et le syndicat, puis à faire les évaluations, à apporter les correctifs, mais on ne veut pas s'obliger à le faire nécessairement de la manière que vous prescrivez. Alors, laissez-nous la possibilité de le faire, par exemple, en disant: Voilà les correctifs qu'on va apporter, voilà le délai, puis la manière. On va signer ça et, s'il y a des travailleuses qui ne sont pas satisfaites, elles pourront porter plainte. Et je serais même d'accord pour qu'il y ait un fardeau de preuve renversé, puis qu'à ce moment-là la Commission puisse avoir un pouvoir d'intervention. Vous voyez ça comment, vous?

Mme Gingras (Carole): À partir du moment où dans le... Je veux dire, on fait l'hypothèse qu'on a le projet de loi qui devient une loi et qu'il y a une souplesse, si je comprends bien, pour s'assurer qu'il y a un groupe qui veut fonctionner et qui est prêt à faire une démarche d'équité salariale pour aboutir à des résultats. Alors, je pense que, bon, il y a un projet de loi, il va y avoir un cadre législatif, il va y avoir des obligations, etc. Là, il faut voir où on se place, s'il y a des seuils, si on les maintient. Mais, chose certaine, je pense que c'est important que ce groupe-là en question puisse avoir un instrument, un comité d'équité employeur-syndicat, etc., pour faire la démarche, qu'il ne soit pas empêché de le faire.

Mais je pense qu'il y a un objectif aussi à travers ça, c'est d'avoir le souci d'avoir une certaine harmonisation au niveau des comparaisons qu'on va faire, à un moment donné, par rapport aux emplois à prédominance féminine, à prédominance masculine. On ne peut pas penser rien qu'à une unité. Je pense que la démarche se fait dans l'unité comme telle. Mais on vit ensemble dans une usine, on se parle, on se côtoie. Et, si, quelque part, dans ce milieu de travail là, on peut avoir des échanges, si c'était possible, peut-être à un niveau où on a un ensemble de personnes qui, tout au moins, peuvent avoir des ententes sur un certain nombre de choses, des grandes lignes, je pense que ça peut être adaptable, par exemple, dans cette unité-là, et, pour les autres, peut-être en fonction des grandes lignes, faire des choses concrètes. Je pense que ça ne se contredit pas. Mais je pense que le souci d'être collé à la réalité de l'unité de travail est fondamental, mais, en même temps, il ne faut pas oublier, non plus, qu'on côtoie d'autre monde. Et, par exemple, la formation est importante, etc.

Mme Harel: En fait, la question est plus: Est-ce que c'est un parcours obligé? Par exemple, mettons que c'est dans un contexte où il y a un syndicat, il y a des conventions. Il y a une convention, il y a une entente, disons, employeur-syndicat. Est-ce que vous concevez qu'il faut qu'il y ait un parcours obligé qui soit celui du comité du programme, avec les quatre facteurs, tel que prévu? C'est ça, la question.

Mme Gingras (Carole): Oui. Écoutez, il faut qu'il y ait des règles communes, là. On ne peut pas laisser aller les gens en disant: Écoutez, vous voulez le faire, allez-y comme vous voulez. Je pense qu'il faut avoir ce souci d'avoir un cadre commun, une façon qui respecte des balises, avec des étapes, etc. Autrement, ça va être, tu sais, n'importe qui fait n'importe quoi. C'est sérieux, l'équité salariale. On parle de reconnaître la valeur des emplois des femmes. Ce n'est pas la charité, là. Alors, à partir de là, je pense qu'il y a toute une démarche; elle est technique. Il faut l'accepter, cette démarche-là. Et, quand on s'associe, dans un milieu de travail, avec un syndicat, un employeur, avec des salariés, il y a moyen de se parler et de cheminer ensemble. C'est la vie de tous les jours, quoi.

(15 h 50)

Mme Harel: Alors, donc, ce sera ma dernière question. Je comprends que je la partage aussi avec mon collègue, le ministre du Travail, et peut-être avec d'autres dans la députation ministérielle. En fait, la question porte plus maintenant sur l'application de cette obligation de résultat dans les entreprises de 50 employés et moins. Vous dites: Il faudrait que la Commission, en fait, ait des pouvoirs plus importants qu'elle en a. À la page 26, je crois, vous faites quand même une description pas mal substantielle de l'ensemble des fonctions et des pouvoirs que la loi attribue à la Commission. Et, à la fin, vous notez: «Cette Commission devra forcément détenir des pouvoirs réels d'intervention directs...» Ça veut dire quoi, en fait, de plus que tout ce qui est là?

M. Massé (Henri): Je ne sais pas si c'est les bretelles qu'on a mises avec la ceinture, mais ce dont on a l'impression, quand on lit l'ensemble du projet de loi, c'est que la Commission n'a peut-être pas de pouvoir d'intervention pour dire de faire ou de ne pas faire. Et, ensuite, on se rabat sur les amendes qu'on trouve, moi, je dirais, minimales, qui ne sont pas assez fortes pour encourager à vraiment respecter le projet de loi. Donc, on veut que la Commission soit dotée de pouvoirs; pas juste dire qu'il y ait des pouvoirs pénaux au bout, mais que, durant la démarche, la Commission soit vraiment capable de faire avancer les travaux.

Mme Harel: Écoutez, je vais vous la poser, parce que, moi, je me la pose depuis hier, là. Entre l'obligation de résultat pour les entreprises de 50 et moins, déjà prévue dans la loi, quand on sait, avec le rapport ontarien, que cette obligation existait et n'a donné application qu'à, à peu près, 20 % de correctifs dans les entreprises de 50 et moins, quand on sait pourtant que, pour celles de 50 et plus, ça a été à 75 %... Alors, on voit qu'il y a eu une différence de comportement. Entre l'obligation de résultat, telle qu'elle existe dans le projet de loi n° 35, et, par exemple, quelque chose pour les entreprises de 50 et moins qui ressemblerait à la proposition de la coalition patronale, mais avec un renversement du fardeau de la preuve lorsqu'il y a plainte, qu'est-ce qui est le plus avantageux pour une femme travailleuse?

M. Massé (Henri): Je ne comprends pas le sens de votre question.

Mme Harel: Non? Vous voyez, d'un côté, il y a une obligation de résultat, mais, en même temps, dans le rapport ontarien, on se rend compte que cette obligation de résultat a été difficile à obtenir. Il y a 20 % des entreprises qui y auraient donné suite. D'autre part, hier, j'interrogeais, par exemple, le représentant de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, qui convenait qu'il fallait qu'il y ait un pouvoir d'application, un pouvoir d'initiative de la Commission. Et j'ajoutais, moi: S'il y avait renversement du fardeau de la preuve, est-ce qu'il n'y aurait pas intérêt, à ce moment-là, à regarder, pour les entreprises de 50 et moins, ce scénario?

M. Massé (Henri): La même recommandation qu'on fait pour les 10 et moins. Peut-être. Maintenant, la loi de l'Ontario, en tout cas, nous, on y trouvait deux défauts majeurs. D'abord, c'est le fait que les entreprises doivent afficher dans les lieux de travail l'espèce de démarche minimale qui est entreprise. Quand il n'y a pas d'information, souvent, on ne sait pas où on va. Deuxièmement, les mêmes entreprises n'ont pas eu à faire rapport une fois, supposément, l'exercice d'équité terminé. En tout cas, nous, on a essayé d'avoir des informations de la commission de l'Ontario et, parfois, on a trouvé ça un peu, passablement pénible, parce qu'on a marché par sondages, on n'avait pas vraiment les instruments de travail pour avoir l'information juste. C'est peut-être un élément à considérer, mais je pense que, si on avait les informations nécessaires, avec la démarche qu'on vous suggère, ce serait une des bonnes voies.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'invite maintenant la députée de Saint-François. Et, avant que vous commenciez, j'indique que Mme la députée de La Prairie pourra poser une question. Il reste deux minutes du côté ministériel. Mme la députée.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, merci de la présentation de votre mémoire. Je l'ai lu d'ailleurs avec beaucoup d'intérêt. Et, avant de vous faire part de mes préoccupations, je voudrais faire une mise au point. Lorsque la ministre, au tout début de son intervention, tout à l'heure, a dit que, si les parties ne peuvent pas en arriver à un consensus, l'opposition ne veut pas que le gouvernement légifère, je dois vous dire que c'est inexact et c'est faux de prétendre ça.

Le gouvernement a laissé miroiter l'équité salariale pour les femmes, il s'est engagé à maintes reprises. Si on n'arrive pas à un consensus, c'est au gouvernement à faire ses choix, à décider, à prendre ses responsabilités, et ce, le plus rapidement possible. Et j'ai toujours soutenu cependant qu'imposer quelque chose, ce n'est pas comme quand on réussit à faire consensus sur un sujet. Alors, quand on doit imposer, quand on doit aller contre la volonté de quelqu'un, on n'a pas toujours les résultats escomptés. Et, pour moi, ce qui importe, finalement, c'est que, sur l'équité salariale, les femmes puissent obtenir des résultats et qu'elles ne soient pas les perdantes ou qu'elles ne soient pas pénalisées parce qu'on n'a pas réussi à obtenir un consensus entre les parties, au moins un consensus acceptable et possiblement réalisable.

Donc, pour en revenir à ce fameux consensus, ce qui semble faire le plus problème, finalement, entre les parties, compte tenu... Hier, on a eu la partie patronale, l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec, de même que la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Et ce que je retrouvais, finalement, c'est qu'on parlait davantage des coûts administratifs, de la lourdeur administrative que de l'augmentation de la masse salariale. Alors, c'est ce qui semblait accrocher davantage, toute cette bureaucratie, cette lourdeur.

On a reçu, aussi, certaines associations syndicales, et je dois dire que, parfois, je trouvais ça rigide. Je trouvais ça très rigide. Je trouvais qu'il n'y avait pas de souplesse: libération syndicale, on veut être partout, on veut... Finalement, je me disais: Y «a-tu» possibilité, à un moment donné, qu'on puisse, de part et d'autre, si c'est ça qui fait le véritable problème, en arriver à une entente? Parce que c'est un changement de culture, je comprends, peut-être, pour les associations patronales, aussi, d'ouvrir soudainement les livres très grands et de dire: Bien, voici, la masse salariale, demain matin, on va avoir à en discuter, puis on va avoir à discuter aussi, malgré tous les comités de gestion de ressources humaines qu'on a déjà à l'intérieur de nos entreprises... Parce que, là, on parle justement peut-être de 5 000 entreprises qui seront touchées véritablement. Alors, donc, pour elles, ces entreprises, c'est aussi un changement de culture assez important.

Alors, donc, je me dis: Comment on peut en arriver vraiment à s'entendre de part et d'autre? Et je me demandais, M. Godbout ou M. Massé, est-ce que vous avez, par exemple, fait des démarches auprès des associations patronales pour essayer de vous entendre, essayer de voir ce qui faisait problème ou bien si, finalement, ou vous entend un après l'autre, ici, puis c'est nous qui essayons de faire ces rapprochements? Et on n'a pas nécessairement les outils pour les faire. Est-ce que vous avez déjà essayé de discuter avec les associations patronales pour voir comment vous pourriez vous entendre là-dessus?

M. Massé (Henri): Mais, écoutez, on a discuté. Quand même, l'équité salariale, c'est dans le décor politique, au Québec, depuis plusieurs années. Il est évident que, dans nos rencontres qu'on a au niveau de tout sujet qui peut préoccuper les parties, l'équité salariale a été abordée de temps à autre. Mais je pense que c'est difficile d'avoir un consensus à ce niveau-là et je pense qu'on n'est pas obligé d'avoir un consensus, non plus, pour être capable d'arriver à de bonnes fins au niveau de l'équité salariale. On essaierait, sans projet de loi, juste de dire aux employeurs: Bon, bien, dans les quatre prochaines années, on négocie l'équité salariale, puis vous allez accepter, de part et d'autre, que c'est l'objectif, puis tout ça – je veux dire, il ne faut pas verser dans l'angélisme – ça pourrait être suivi par une partie des employeurs et pas suivi par une partie importante des autres. On ne sera pas capables... Il y a des questions pécuniaires là-dedans. Il y a des questions de négociations fort importantes.

Maintenant, avec le projet de loi, où on a beaucoup insisté sur la négociabilité du programme d'équité salariale, moi, je pense que c'est là que ça va jouer. Il va y en avoir, de la souplesse, à ce niveau-là. Je veux dire, à la FTQ, on est aussi des employeurs, on a à négocier avec nos salariés. La FTQ représente 2 000 salariés à travers le Québec, avec ses syndicats affiliés. On sait c'est quoi, une masse salariale. On sait, c'est quoi, quand on s'amène à la table de négociation. C'est la même chose pour tout le monde, c'est un vase communicant. Quand on va mettre la priorité sur l'équité salariale, il va falloir s'imaginer qu'il y a autre chose qui va rester un petit peu en plan. La même chose, quand on a abordé la relativité salariale dans les services publics, il y a d'autres choses qui sont demeurées en plan, ces années-là. Et je pense que c'est à la table de négociation que ces questions-là doivent trouver leur conclusion, si on veut avoir beaucoup de flexibilité.

Maintenant, moi, ce qui me chagrine le plus dans toute cette opération-là... Et vous faisiez référence à l'Ontario. Rappelons qu'en Ontario, ils ont dépensé, d'abord, des millions et des millions de dollars sur la définition d'«employeur», puis la définition de «salarié», puis à se chicaner devant les tribunaux. Si on avait un projet de loi clair pour être capables d'éviter ça, je pense qu'on aurait déjà un bon bout de chemin de fait.

(16 heures)

Le deuxième bout de chemin qui est fort important au Québec et où l'approche peut être fort différente de l'Ontario, c'est quand on y va avec une expertise des relations de travail. On parle de raccrocher ça au Tribunal du travail, des gens qui sont accoutumés à des rencontres patronales-syndicales, qui connaissent c'est quoi, une unité de négociation, qui connaissent c'est quoi, la définition d'un employeur, qui connaissent c'est quoi la définition d'un employé. Je pense qu'on n'embarquera pas dans les mêmes mécanismes tout à fait qu'on a vus dans d'autres provinces canadiennes. L'expérience qui s'est passée ailleurs peut enrichir la nôtre à ce niveau-là.

Le troisième élément, moi, je pense que, bon, en tout cas – et je ne parle pas des associations d'employeurs – malheureusement, il y a des employeurs au Québec qui comprennent mal, à l'heure actuelle, la portée de la loi. Hier, je rencontrais une dame qui a une petite entreprise, puis, bon, qui est aussi représentante d'une certaine association. Elle disait: Je vais être obligée de faire la mise à pied de la moitié de mon personnel parce qu'on va m'obliger à payer le taux des salaires d'électriciens dans les salaires de la construction ou quelque chose de semblable. Ce n'est pas le but de l'équité salariale. Le but de l'équité salariale, c'est, dans son secteur donné, de regarder ce qui se passe, regarder les réalités, puis tout ça. Alors, il y a des incompréhensions, je pense, qui, au fur et a mesure qu'il y aura de l'information, des explications, devraient tomber.

Encore une fois, moi, je pense qu'on est capables de discuter avec les employeurs de la façon de donner suite à une loi, de la façon de le faire avec le moins de juridisme possible, avec le plus de concertation, de conciliation, dans le sens des relations de travail. Et, moi, je n'ai pas peur, au Québec, sur les coûts de l'équité salariale. Je pense que ça va se répercuter dans les négociations et autrement. Moi, je ne vois pas de... Il faut rappeler qu'en Ontario, alors qu'on disait que c'était un drame, l'équité salariale, qu'on perdrait des milliers d'emplois, à la même période où ils ont mis l'équité en marche, ils ont été capables de baisser leur taux de chômage quasiment de 1,5 % de plus que le Québec, alors qu'il n'y avait pas d'équité salariale ici. Alors, il faut regarder toutes ces questions-là.

M. Godbout (Clément): Il faut être capable, il me semble, puis ça a toujours été la philosophie à la FTQ, de ramener aux parties de dénouer les impasses, puis d'amener les solutions appropriées. Quand on ne fait pas ça, on se ramasse avec d'autres cuisiniers, puis, là, les tartes prennent au fond. En Ontario, ça a été 37 % des coûts juste pour les ingénieurs-conseils ou les consultants qui sont venus aider, puis ils n'ont pas aidé bien, bien, là. Nous autres, ce qu'on dit: Les 5 000 milieux de travail qu'on représente, les syndicats, les entreprises, on est convaincus qu'ensemble ils sont capables de faire appliquer cette loi-là par la négociation, en tenant compte de tout ce que ça veut dire, comme ils l'ont fait pour l'ensemble des autres réalités qu'ils ont eu à rencontrer. Les employeurs, en règle générale, se comportent très ouvertement avec nos comités là-dessus, puis, nous aussi, on va former le monde, on va faire la formation que ça prend, les comités en place.

Puis, de toute façon, je vous écoutais énumérer tout le travail des délégués, puis des comités syndicaux, mais on en a beaucoup plus que ça: il y a l'intervention syndicale et patronale dans tous les problèmes de société, que ce soit les délégués sociaux, que ce soit les responsables locaux pour le Fonds, que ce soit partout. C'est un groupe de travailleurs, avec les employeurs, qui font en sorte de faire avancer les choses pour le mieux-être des travailleurs, puis ils vont en même temps se préoccuper de l'entreprise. Alors, je pense que, si on leur laisse ça à eux, puis à elles, ils vont réussir à l'appliquer de façon très habile, puis avec compétence beaucoup plus que, nous, on pourrait le faire de l'extérieur.

Quand j'ai pu parler avec des employeurs, bien sûr qu'ils ne souhaitaient pas la Loi sur l'équité salariale, mais il n'en reste pas moins que, lorsqu'on amène ça à leur niveau, autour des négociations et des moyens qu'ils connaissent, il y a beaucoup moins de réticence, puis il y en a qui sont ouverts à dire: On pourrait partir rapidement et regarder qu'est-ce qu'on peut faire. C'est autour de la négociation qu'il faut que ça se joue.

Mme Gagnon-Tremblay: Je sais que la FTQ a toujours été très collaboratrice, entre autres au niveau des relativités salariales, avec le gouvernement, dans la fonction publique. Maintenant, je suis contente, je suis heureuse de vous entendre parce que, bon, je sens quand même là une certain esprit de vouloir avancer et de faire avancer les choses. Et je me dis cependant: Est-ce que ce sont tous les syndicats qui sont au même niveau, par exemple, de vouloir négocier avec autant de souplesse? Et ça signifie, finalement, selon votre discours, que le gouvernement devrait prendre ses responsabilités, légiférer le plus rapidement possible, et, par la suite, vous êtes sûrs, vous êtes certains que vous pourrez vous entendre avec les employeurs, même au niveau de la masse salariale parce que cette masse salariale là, elle n'est pas illimitée, non plus. Donc, j'imagine qu'au cours des prochaines années l'équité salariale devrait être priorisée par rapport à une masse salariale qui pourrait être étendue à l'ensemble des autres travailleurs.

M. Godbout (Clément): Bien, est-ce que tout le monde est sur la même longueur d'onde, à la même vitesse de croisière? Moi, je ne pense pas que les employeurs le sont tous et le mouvement syndical, non plus. C'est pour ça qu'on dit: Ramenons ça à leur niveau. Ils vont, à leur vitesse, le faire eux-mêmes de la façon dont ils veulent le faire. Mais je suis persuadé qu'il n'y a pas beaucoup de différence, dans le quotidien, dans la façon dont on règle les problèmes d'une centrale à l'autre. Le discours peut être différent, mais je pense qu'en pratique – on regarde ce qui se passe dans la société québécoise – nous avons généralement un mouvement syndical qui se comporte de façon très responsable, nous avons des employeurs qui négocient de façon correcte avec nous. La preuve, c'est qu'au Québec 98 % des conventions collectives se signent sans conflit.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Si je suis l'alternance...

Mme Harel: Je ne crois pas qu'il faut le consentement pour que le président reconnaisse le ministre du Travail.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Si je suis l'alternance, d'abord – par la suite, je vais revenir à vous, Mme la députée – il y a une demande, si je comprends, pour que le ministre du Travail intervienne. Alors, je vous lis le paragraphe, je l'ai devant les yeux: «Le député qui n'est pas membre d'une commission peut, avec la permission de cette dernière, participer à ses délibérations, mais ne peut y voter ni y présenter de motion.» Alors, est-ce que vous êtes d'accord? Il nous reste environ deux minutes. M. le ministre.

M. Rioux: Ma question s'adresse au président de la FTQ. Quand vous demandez que la Commission soit forcément dotée de pouvoirs d'intervention réels, directs, etc., ça, c'est une chose. Mais, par ailleurs, dans votre discours, tout à l'heure, puis M. Massé aussi, vous disiez: Il faut tout faire pour qu'on arrive à se concilier, à négocier, à s'entendre, et tout doit être entre les mains des parties, au fond, idéalement. Est-ce qu'il y a une contradiction là-dedans? Lorsque vous demandez à la Commission un pouvoir réel d'intervention – je ne sais pas comment vous la percevez, cette Commission – est-ce que vous voyez un appareil bureaucratique avec des pouvoirs réels d'intervenir, même lorsque la bonne foi est mise en cause, comme vous le dites dans vos recommandations?

M. Godbout (Clément): Non, non, on ne parle pas de la Gendarmerie royale du Canada, là!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Godbout (Clément): Mais ce n'est pas en contradiction. Votre question, elle est piégée un peu. C'est un peu comme si j'allais voir l'employeur, puis que je disais: Donne-moi 0,05 $. Si tu ne me le donnes pas, je travaille pareil. J'ai une bonne chance de ne pas l'avoir. Dans ce sens-là, nous, on dit: Laissez travailler les gens. Puis la réglementation, dans notre mémoire, on dit: On devrait faire en sorte que ce soit près du milieu, à leur niveau. Mais bien sûr que ça prend quelqu'un qui a l'autorité quelque part pour trancher. Partout dans le domaine des relations du travail, pour la négociation et tout ça, on a besoin d'un tribunal. On a besoin d'intervenants, le cas échéant, lorsque la mauvaise foi est là. Il peut y avoir la conciliation. Faisons en sorte que les parties travaillent très fort – soutien très fort, encadrement, conciliation – mais, lorsque ça ne fonctionne pas, puis qu'il y a mauvaise foi, il faut que quelqu'un ait des dents, là; sans quoi, ça ne veut plus dire rien.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci...

M. Massé (Henri): On s'est fait mordre, nous autres, de temps en temps, par le Conseil des services essentiels.

Une voix: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Ça termine. Est-ce qu'il reste quelques secondes? Dix secondes, Mme la députée.

Mme Simard (La Prairie): Bien, je voudrais rappeler quelque chose qui est fort important à mes collègues, aussi, qui sont présents, puis les syndicalistes le savent très bien: il faut toujours se rappeler que 80 % du secteur privé ne sont, malheureusement, pas syndiqués et qu'ils n'ont pas, donc, le droit à la négociation de leurs conditions de travail. Et, si ce n'était que pour ça, il faudrait avoir une loi qui comporte ces règlements-là. Je pense que c'est une des raisons aussi pour lesquelles les organisations syndicales, qui, elles, ont le pouvoir de négocier, exigent une loi. Parce que le pouvoir de négociation n'a pas été suffisant pour régler les questions d'équité salariale; souvent, ça a fait l'objet de priorités de négociation et, malheureusement, ça n'a pas pu être conclu. Et il y a toutes les femmes, si on pense aux femmes, qui ne sont pas syndiquées et qui ont besoin d'une intervention législative.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie.

(16 h 10)

M. Godbout (Clément): Un point, si vous me permettez. Le ministre du Travail, je pensais qu'il était arrivé avec cette question-là sur le Tribunal, parce que Mme la ministre l'a soulevé dans son... C'est très important que vous y songiez comme il faut. Nous ne voulons pas, non plus, diluer la capacité de collégialité, d'échanges, d'expertise entre les membres du Tribunal. Le Tribunal du travail, sa richesse, c'est ça, son expertise, puis, quand c'est bien dirigé, qu'il y a un bon capitaine à bord, ça donne une orientation, on sait où on va.

Par contre, dans le domaine de l'équité, nous disons: Il devrait y avoir une spécialité qui ne devrait pas détruire cette collégialité-là. Ça ne veut pas dire une cloison de quatre pouces, là, mais une spécialité où on pourrait avoir les femmes au Tribunal; il en manque dangereusement au Tribunal du travail. Et vous avez une occasion en or, M. le ministre. Vous pourriez dire au ministre de la Justice qu'il y a trois postes qui attendent depuis trop longtemps, qu'on pourrait en profiter pour combler. Et le Tribunal du travail, lorsque arrivent des situations, a des mécanismes pour revoir les dossiers. Vous regarderez du côté du monde patronal, je pense qu'ils vont être à l'aise avec un mécanisme de paritarisme, comme on l'a vécu et comme nous le proposons, où les parties seront présentes aux mécanismes et aux endroits où les décisions se prennent. Donc, le paritarisme à ce niveau-là, comme on le propose, nous autres, dans notre mémoire; que les parties soient présentes lorsqu'il y a des problèmes, puis ça se réglera devant le Tribunal du travail qui est bien connu des parties et qui a une spécialité un peu dans le domaine. Mais faisons attention de garder la collégialité, l'orientation commune, c'est important.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour. Moi, j'aimerais parler avec vous. Ma plus grande déception, dans le projet de loi n° 35, c'est le fait qu'on ait oublié des femmes, des travailleuses dans des entreprises de 10 employés et moins. Je serais même tentée de vous dire que le gouvernement, ces femmes-là, finalement, il les a entraînées et elles ont disparu sous les miettes. Parce que les 10 employés et moins n'ont aucune protection, aucune garantie dans le projet de loi.

Plusieurs groupes qu'on a rencontrés, dont la CSN, vous aujourd'hui et d'autres groupes hier, ont suggéré la même recommandation que vous, soit de faire le renversement du fardeau pour faire des plaintes. Ce qui m'inquiète davantage, c'est qu'un groupe, hier, nous disait que, même avec cette possibilité-là de porter plainte avec renversement du fardeau, les femmes ne le feront pas. C'est, le groupe nous le disait, un minimum insuffisant. Puis elles ne le feront pas parce que, habituellement, ces femmes-là travaillent dans des petites entreprises où c'est très peu organisé et où il y a beaucoup de précarité au niveau des emplois, et ces femmes-là sont très vulnérables. Puis on sait très bien que, dans la plupart de ces entreprises-là, ces femmes-là ont des rémunérations assez faibles. Et on parle aussi de 25,2 % de femmes qui travaillent dans les compagnies de 10 employés et moins. Alors, moi, je dis: Pour protéger ces femmes-là et leur garantir le même droit qu'à toutes les autres femmes du Québec, tous les autres travailleurs, travailleuses, d'obtenir un salaire équitable, pouvez-vous nous suggérer aujourd'hui un mécanisme léger, mais qui va garantir que ces femmes-là vont pouvoir recevoir ce à quoi elles ont droit, finalement?

M. Massé (Henri): Écoutez, au nom du réalisme politique, socioéconomique, on a fait une recommandation qui est un peu en deçà de ce qu'on aurait voulu faire, parce qu'on nous dit souvent: Dans les petites entreprises, les coûts pour faire l'équité, puis tout ça... Bon. Ça fait qu'il est évident qu'au niveau des entreprises de 10 et moins on a été moins rigoureux.

Maintenant, je pense qu'il y a d'autres choses aussi là-dedans. On a fait une recommandation très simple. Là, on ne le sait pas si elle est dans le projet de loi ou si elle n'y est pas, mais on en avait fait une à la FTQ, on l'avait revue dans l'avant-projet de loi, c'est la question des décrets de convention collective au Québec; il y a 100 000 travailleurs et travailleuses, et en bonne partie des femmes, qui sont couverts, entre autres dans le vêtement, par ce secteur-là et dans de très, très petites entreprises, souvent. Ça fait que, là, c'est quand même une partie assez importante de la main-d'oeuvre féminine dont on pourrait régler le sort à travers la loi des décrets où, dans un décret de convention collective, on règle l'équité salariale, puis ça s'applique à l'ensemble, parce que les parties sont déjà présentes dans ces décrets-là. Quant au reste, bien, on dit: Renversons le fardeau de la preuve. Et, quant au reste, on espère que ce qu'on fera comme exercice dans le reste des autres entreprises aura un effet d'entraînement et qu'on pourra faire en sorte, aussi, de régler le sort d'une bonne partie de ces travailleuses-là.

Mme Loiselle: Parce que ce qui est inquiétant, c'est qu'on suggère des choses, mais même vous, vous dites que vous souhaitez que la loi ait un effet d'entraînement, vous exprimez ce voeu-là. Mais, pour ces femmes-là qui travaillent dans ces petites entreprises-là, à faibles revenus, à faibles salaires, le fait de souhaiter, d'exprimer le voeu... Et l'autre suggestion qui est faite, on dit: Bien, ça va être un minimum insuffisant. Ce n'est pas une garantie, ça. On se dit qu'en bout de piste ces femmes-là n'auront rien dans leurs poches. C'est ça que, moi, je trouve déplorable, parce que c'est des femmes qui gagnent des petits salaires. C'est pour ça que je me dis: Il faudrait peut-être faire un effort supplémentaire pour essayer, ensemble, de trouver un mécanisme léger qui ne serait pas exorbitant pour les entreprises, mais qui va assurer que ces femmes-là reçoivent un salaire équitable, comme les autres femmes le pourront, avec l'équité salariale, la loi n° 35, une fois appliquée. Alors, il faudrait peut-être y réfléchir et revenir au gouvernement avec une suggestion; ça serait apprécié pour ces femmes-là.

M. Massé (Henri): Ça va.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, vous prenez ça sous réflexion. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. M. Massé, vous avez fait référence au fait que la FTQ est un employeur et que ses membres, les syndicats affiliés, sont également des employeurs. Juste comme curiosité personnelle: Avez-vous, soit à la FTQ ou ailleurs dans vos syndicats membres, fait l'exercice d'équité salariale vous-mêmes? Et, si oui, qu'est-ce que ça a donné comme ajustement des salaires pour les corps à prédominance féminine?

M. Massé (Henri): Oui, ça a été fait, et, bon, ça varie d'un syndicat à l'autre ou ça varie d'un secteur à l'autre. Il faut dire que, même en dehors des syndicats de la FTQ, à la FTQ, dans nos entreprises, il y a quand même des endroits à l'heure actuelle où il y a eu des exercices sur l'équité salariale de faits. Moi, je dirais, par expérience, ça dépend des secteurs, mais on a vu, des fois, des redressements de la masse salariale de 2 % ou 3 %. Ça peut être 3 %, 4 %, ça peut être 1,5 %. Dans le cas de nos syndicats, quand on l'a fait, c'est au cours des dernières années, c'est des redressements, peut-être, de l'ordre de 1 % à 1,5 %. Mais il y avait aussi, je veux dire, à travers nos traditions, puis nos habitudes de négociation, de s'occuper un peu plus de la valeur du travail des femmes. Mais, effectivement, c'est des exercices qui ont été complétés.

M. Copeman: Puis ces exercices-là étaient vraiment des exercices d'équité salariale et non pas de relativité salariale. Vous faites la différence vous-mêmes, c'est très clair. Est-ce que l'exercice que vous avez fait est semblable à un programme tel que décrit dans la loi proposée?

Mme Robertson (Carole): Oui. L'exercice que nous avons fait au Syndicat canadien de la fonction publique est tout à fait semblable. À l'aide d'un plan d'évaluation qui est sans égard au sexe, nous avons comparé, en vertu des quatre facteurs, l'emploi à prédominance masculine et les emplois à prédominance féminine. Et on s'est rendu compte que, chez nous, les négociations antérieures avaient donné des résultats parce qu'il y avait un infime écart dans seulement un emploi, puis on était très fiers de constater que les emplois à prédominance féminine avaient été antérieurement bien évalués. Donc, chez nous, il n'y avait pas d'écart à combler, puis tout le monde s'entendait là-dessus, mais on s'est quand même donné la peine de faire l'ensemble de l'exercice pour vérifier.

M. Copeman: Puis, chez la FTQ comme employeur elle-même... Là, je comprends, c'est le syndicat professionnel, mais vous-mêmes, à la FTQ, ça a donné à peu près des résultats semblables ou une expérience vraisemblable, M. Godbout, M. Massé?

Mme Robertson (Carole): En tout cas, moi, je suis une salariée de la FTQ, je suis très bien placée pour vous répondre. Je ne sais pas si vous voulez nous prendre en défaut par vos questions...

M. Copeman: Pas du tout.

Mme Robertson (Carole): ...mais, chose certaine, comme salariées de la FTQ, on a cette préoccupation, nous aussi, d'avoir une reconnaissance à travers les conseillères syndicales versus les employées de soutien. On ne fait pas bande à part parce qu'on travaille à l'intérieur même des organisations syndicales. Ce sont des débats qui se font à l'intérieur même de nos unités, et effectivement il y a eu réflexion là-dessus et ça se poursuit. Tout n'est pas terminé, mais, chose certaine, c'est une priorité et, quand on va négocier avec notre employeur, je veux dire, on a le souci de poursuivre; même si on entame une démarche, elle n'est pas finalisée comme telle.

Et je dirais plus, au niveau de la FTQ, je vous rappellerai que, à la fin des années quatre-vingt, non seulement on avait la préoccupation de l'équité salariale – parce que ça fait nombre d'années, puis, là, j'ouvre sur l'ensemble de la FTQ, que nous avons cette préoccupation que ça avance comme dossier, d'aller plus loin au niveau de la faisabilité de l'équité – mais, comme organisation syndicale, nous avions demandé au gouvernement d'avoir la possibilité d'être reconnues pour faire un programme d'accès à l'égalité, toute une réflexion à l'intérieur même de toute la FTQ, ce que nous avons fait d'ailleurs. Des rapports ont été publiés. Alors, nous sommes très préoccupés par ce genre de choses.

M. Copeman: Je peux vous assurer, madame, que le but de mon questionnement, ce n'était pas de vous prendre en défaut, mais de comprendre mieux la situation et de profiter de votre expérience.

Une voix: Ça nous tient réveillés, ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie...

M. Godbout (Clément): Vous savez une chose, c'est que, lorsqu'on a ajusté l'équité salariale, que ce soit à travers le temps, comme le décrivait Mme Robertson, ou bien donc comme l'a fait la FTQ, comme bons administrateurs, nous avons tenu compte de l'ensemble de la masse salariale pour la distribution. C'est évident, ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la députée de Saint-François à faire la conclusion.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. D'ailleurs, si je me souviens bien, la FTQ a été le premier syndicat à se prévaloir de notre programme d'accès à l'égalité. Alors donc, je veux vous remercier et je suis persuadée que vos commentaires vont alimenter nos réflexions. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la ministre.

Mme Harel: Moi de même, en fait, je veux vous féliciter aussi pour les recommandations concrètes que vous nous faites. En tout cas, parmi celles que je retiens, j'en retiens une, entre autres, qui est d'élargir l'interdiction de discrimination fondée sur le sexe pas seulement au programme d'équité, mais aux conventions collectives et aux décrets de convention collective.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Oui?

M. Godbout (Clément): Au nom de la FTQ, je voudrais vous remercier de nous avoir reçus. Je voudrais vous avouer que j'ai vu travailler ces femmes à la FTQ, le comité de la condition féminine, puis les autres, autour du dossier. Nous avons travaillé très, très fort pour présenter quelque chose de pratique, de réaliste en fonction d'une réalité, mais aussi des objectifs qu'on se donne comme société. Mme la députée disait, au début, qu'il y avait des centrales syndicales qui avaient passé, et que vous aviez reçu des fins de non-recevoir. J'espère qu'aujourd'hui vous avez reçu une fin de recevoir.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Au nom de la commission, merci. Je reçois maintenant les représentants du Conseil du patronat.

(16 h 20)

À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recevons maintenant les représentants du Conseil du patronat, et je vous invite, M. Dufour, à présenter les personnes qui vous accompagnent, avec leur titre.


Conseil du patronat (CPQ)

M. Dufour (Ghislain): Bon. Alors, merci, M. le Président. Oui, je vous présente mes deux collègues. À ma gauche, Mme Gail Grant, qui est sociologue et rédactrice-analyste au CPQ, et, à ma droite, Me Jean Beauvais, du bureau de Beauvais, Truchon, Québec et Montréal.

M. le Président, je voudrais dire, au départ – ce n'est pas dans notre mémoire – que, nous, nous abordons ce dossier-là avec beaucoup de sérénité. C'est un dossier qui est excessivement difficile. Plus les gens le fouillent, plus on réalise les embûches de ce dossier-là. Et d'ailleurs je dois dire que les deux intervenants précédents ont fait preuve de beaucoup de sérénité. J'étais content de voir, par exemple, le président de la FTQ constater que le monde patronal – en tout cas, c'est le cas du Conseil du patronat – est pour l'équité salariale. On l'a dit, on est même d'accord avec une loi sur l'équité salariale. Ce que l'on cherche, c'est des façons de la réaliser et des mécanismes pour la réaliser qui vont donner les résultats que tout le monde cherche. Évidemment, et ça, c'est la réalité quotidienne dans le domaine des relations de travail, les mécanismes, souvent, ne sont pas les mêmes, et c'est évident dans ce dossier-là.

Bien sûr, M. le Président, Mme la ministre, M. le ministre du Travail, nous avons fait une analyse très attentive du projet de loi n° 35 et, après cette analyse attentive, on demeure convaincus que ce projet de loi ne contribuera pas à faire augmenter vraiment – c'est ce qui est recherché – le ratio des gains des femmes par rapport aux hommes.

Pourquoi une seule et unique expérience dans le secteur privé dans le monde? C'est celle de l'Ontario. Je ne reviendrai pas, M. le Président, tellement sur le rapport Read; j'aime mieux qu'on regarde nos choses entre nous. Mais il y a au moins une constatation, au départ, qu'on peut faire, c'est que la Loi sur l'équité salariale dans le secteur privé en Ontario n'a pas réussi à restreindre les écarts comme on l'aurait souhaité. Et c'est peut-être bon de se rappeler, au départ de ce débat, quelques chiffres. En 1987, l'Ontario faisait un écart de 65,4 %; le Québec faisait un écart de 66,8 %. En 1994, l'Ontario faisait un écart de 69,6 %; le Québec, sans loi, faisait un écart de 69,8 %. Et nous étions, au Québec, au-delà de la moyenne canadienne. Donc, ce n'est pas une conclusion que l'on doit faire de façon automatique qu'une loi vient solutionner des problèmes qui peuvent être identifiés comme réels.

Notre mémoire, M. le Président, comporte quatre volets. Je n'ai pas l'intention évidemment de les reprendre dans tous leurs éléments, mais je voudrais quand même, dans un premier volet, resituer en perspective nos principaux motifs d'opposition à l'équité salariale, à la condition qu'on complète la phrase: équité salariale imposée par la loi. Il me semble que le débat devrait être clair, et c'est là-dessus que j'ai apprécié le témoignage du président de la FTQ disant, tout à l'heure: Le patronat n'est quand même pas contre l'équité salariale, contrairement à un certain discours que d'aucuns veulent véhiculer.

Dans notre mémoire de janvier 1996 sur l'avant-projet, nous avions toute une série de raisons d'interrogation quant à l'avant-projet. Je voudrais en reprendre trois de ces raisons qu'on évoque encore, à nouveau, dans notre mémoire. La première, c'est que de nombreux facteurs historiques, sociaux, culturels et familiaux ne seront pas influencés par une loi, et ils expliquent en grande partie les écarts salariaux que l'on connaît aujourd'hui entre les hommes et les femmes. Parce qu'il faut quand même ramener ce débat-là à la réalité. La Commission des droits de la personne dit bien que, sur l'écart de 30 %, il y en a 15 % – c'est-à-dire sur le 30 %, oui, 15 % – qui n'a rien à voir avec la discrimination systémique. C'est les raisons qui sont invoquées à cet article dont on parle.

(16 h 30)

Un deuxième élément dans tout le débat: les écarts salariaux entre les hommes et les femmes sont moins prononcés chez les jeunes célibataires de 18 à 25 ans qu'ils ne le sont chez les travailleurs et les travailleuses de 55 ans et plus, prouvant ainsi que plus le niveau d'éducation des femmes est élevé, plus elles rétrécissent l'écart salarial avec les hommes. En fait, certaines données démontrent clairement qu'à l'heure actuelle la comparaison de la rémunération des jeunes diplômés universitaires de moins de 21 ans est favorable aux jeunes femmes à 104 % contre 100 %. Donc, tout n'est pas aussi généralisable qu'on veut bien le dire.

Et une troisième donnée: le bilan de l'expérience ontarienne n'a pas été concluant, on l'a vu tout à l'heure. S'il l'avait été, il nous semble que d'autres provinces canadiennes auraient emboîté le pas, alors qu'on n'a pas vu d'autres provinces canadiennes emboîter le pas, sauf, comme on le sait tous, dans le secteur public.

À ces quelques données générales, Mme la Présidente, on voudrait ajouter quelques données statistiques. On parle beaucoup des coûts. Bien sûr, ce sont les entreprises privées qui doivent, pour l'essentiel, assumer les coûts du développement économique. Le projet de loi n° 35 serait très coûteux. L'obligation légale de mettre sur pied un plan d'équité salariale comprenant, entre autres, un système d'évaluation des tâches engendrerait des frais administratifs substantiels pour tous les employeurs, surtout pour les PME, et ça, ça n'a rien à voir avec les redressements. Donc, on peut nous critiquer sur les redressements, mais, là, on est sur les frais administratifs. Deuxièmement, on ne sait rien des coûts de la bureaucratie gouvernementale qu'exigerait l'administration d'une loi de ce genre et, vu le nombre d'entreprises qui y seraient quand même assujetties, on peut penser que ce serait assez coûteux.

On l'a dit depuis le début, une loi de cette importance devrait s'appuyer sur des études empiriques, sur les expériences menées ailleurs. Or, de telles études ne peuvent pas exister, parce que ça n'existe pas ailleurs, sauf en Ontario. Et l'étude qui nous a été présentée, dans le fond, est une étude où, à peu près à toutes les pages, on plaide qu'on n'a pas eu assez d'argent, puis assez de temps pour faire une étude sérieuse.

Mais il reste quand même qu'ici on a un certain nombre de données. Il y a ces données qui ont été rendues publiques hier de façon officielle par la ministre, qui nous viennent du ministère des Finances et qui établissent les coûts à 690 000 000 $; c'est une augmentation de la masse salariale de 0,97 %. Mais nous savons, M. le Président, qu'il y a d'autres études. Nous le savons, nous le disons d'ailleurs dans notre mémoire. Je vous amène à la fin de la page 5: «étude réalisée par le ministère de l'Industrie et du Commerce selon laquelle l'augmentation de la masse salariale globale au Québec aurait été de 4,4 % si le projet de loi n° 35 avait été appliqué à l'ensemble des entreprises». Donc, on passe de 0,97 % à 4,4 %, et il y a de la marge définitivement pour un débat très sérieux.

Malheureusement, on ne blâme personne, mais l'ensemble de la recherche gouvernementale sur le dossier n'a pas été rendu public. Donc, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on nage en pleine imprécision et que les coûts du projet de loi pourraient être quand même assez importants, parce que, si on arrive à 4,4 %, c'est 2 500 000 000 $ avec les frais administratifs; donc, là, on commence à parler vraiment de beaucoup d'argent.

Quelques commentaires maintenant sur le projet de loi n° 35. Ce n'est pas notre intention de commenter le projet de loi article par article et d'essayer de le bonifier; c'est juste d'essayer de trouver les grandes objections de fond. Je vous en signale seulement quelques-unes. L'une des grandes inconnues est le sort que la loi réserve aux employeurs qui n'ont pas de catégorie d'emploi à prédominance masculine aux fins de comparaison. Dans ces cas, vous le savez, le programme devra être établi conformément au règlement de la Commission. Le cadre de la loi indique toutefois que le règlement sera basé sur les résultats obtenus dans d'autres organisations. Cette approche est carrément inacceptable, tant sur le plan de la gestion des salaires que du point de vue économique. On peut demander à un employeur d'être équitable dans son entreprise, mais non d'être à la merci de conditions externes tout à fait hors de son contrôle qui seraient, de toute façon, imposées par la nouvelle Commission de l'équité.

Tout en visant à corriger certaines iniquités salariales, le projet de loi n° 35 est susceptible d'en créer d'autres. Par l'application des articles 56 et 57, il est possible qu'une fois les ajustements salariaux effectués la rémunération de certains salariés faisant partie de catégories à prédominance masculine soit inférieure à celle des salariés des catégories d'emplois à prédominance féminine de même valeur. On vous promet immédiatement, Mme la ministre... Ce n'est pas nous qui allons le faire, mais nous sommes sûrs que les employés masculins vont se plaindre à la Commission des droits de la personne.

Le projet de loi n° 35 obligerait l'employeur à divulguer au comité ou au syndicat toute l'information qu'il possède et qui est requise pour l'établissement du programme d'équité salariale, y compris l'information relative aux salaires des cadres. Ça, ça va bien dans les grandes organisations gouvernementales, ça va bien dans les grandes entreprises, mais c'est à l'encontre de la gestion du personnel et des relations industrielles dans les PME. Vous n'avez jamais vu ça dans les PME, des tableaux d'affichage des salaires de cadres intermédiaires avec les bonis, les commissions, etc. Ce n'est pas pensable en termes de gestion de personnel, d'administration de personnel. C'est dans la loi, etc. Nous en nommons huit ou neuf.

Mais nous terminons ce chapitre-là en disant: Comme on le voit, si le gouvernement décidait – le mot suivant est important – malheureusement d'aller de l'avant avec son projet de loi, il lui faudra le revoir complètement; sinon, ce sera la pagaille dans un paquet d'entreprises, surtout les PME. Nous ferons d'ailleurs parvenir – et je l'ai dit à Mme la ministre, tout à l'heure – aux membres de la commission une étude exhaustive du projet de loi, parce qu'on l'a faite, qui en souligne les failles les plus évidentes et qui permet d'affirmer que la vie des entreprises serait rendue très difficile. Mme la députée de Sherbrooke se rappellera que, lors d'un colloque qu'on avait eu au début de mars, il y avait déjà beaucoup d'entreprises qui s'interrogeaient sur les modalités d'application de la loi.

Bon, face à ça, tout le monde ayant le même objectif, c'est quoi, les propositions qu'on peut faire? Il y en a de deux types: d'ordre sociétal, d'ordre législatif. On sait qu'actuellement des propositions d'ordre sociétal, ça tombe à plat dans le débat législatif que l'on fait, sauf que nous considérons que ces propositions-là demeurent tout aussi importantes. Par exemple, pour les propositions que l'on fait quant à la conciliation travail-famille que vous voulez, s'il n'y a pas une réorientation scolaire, souvent, des jeunes femmes, des jeunes filles, bien, ces métiers qui sont en demande actuellement et qui sont les plus payants, les jeunes femmes n'y vont pas.

Vous avez remarqué que, lors du dernier congrès d'Internet à Montréal, ce que tous les médias ont constaté, c'est qu'il n'y avait pas de jeunes filles; ce n'étaient que des hommes qui étaient intéressés à ce secteur-là. C'est le secteur payant de l'avenir. Donc, il y a des problèmes de réseaux scolaires, d'orientation professionnelle, et, nous, on sait qu'on a des problèmes de garderies en milieu de travail, par exemple, d'horaires flexibles, etc. On pense qu'on peut au moins travailler sur ces volets-là.

Mais, dans le cadre de la loi n° 35, ce qui vous intéresse davantage, c'est une proposition d'ordre législatif, et voilà que nous proposons une loi sur l'équité salariale, une loi qui n'aurait pas le caractère coercitif, par ailleurs, que l'on retrouve dans le projet de loi n° 35. Je dois vous dire, M. le Président, que c'est une proposition... Je pense qu'on est le seul groupe, à ce jour, à en avoir fait une pour aller un peu dans le sens d'un débat plus ouvert que celui qui s'est cristallisé autour de la loi n° 35 à ce jour. Je ne la reprendrai pas, cette proposition-là, parce qu'elle vous a déjà été expliquée par d'autres intervenants patronaux hier.

Nous, nous favorisons la création d'une commission de l'équité salariale, un peu comme on la prévoit dans le projet de loi. Nous sommes d'accord que ça relève du ministère du Travail. Nous n'étions pas nécessairement d'accord que ça aille ailleurs; nous étions en total désaccord que ça aille aux normes du travail. Alors, qu'elle se situe sous le ministère du Travail, pas de problème avec ça, cette Commission-là. Le problème, ce n'est pas les structures; c'est le mandat, et le mandat évidemment, pour nous, diffère.

Nous donnons à cette Commission-là essentiellement quatre mandats – vous retrouvez ça à la page 12: faire la promotion de l'équité salariale dans les entreprises publiques et privées du Québec et en faire comprendre le concept. Personne ne sait ce dont on parle quand on parle... Bien, pas personne, mais il y a beaucoup de monde qui ne sait pas ce dont on parle quand on parle de l'équité salariale. Tout le monde dit: Bien oui, c'est bien normal, égalité de salaire pour travail égal. Bien oui, tout le monde embarque là-dedans, mais ce n'est pas de ça qu'on parle. Donc, faire comprendre le concept.

(16 h 40)

Deuxièmement, aider les entreprises à se doter de politiques sur l'équité salariale. La Commission des droits de la personne n'a pas fait son travail dans le dossier de l'équité salariale. Elle l'a fait, par ailleurs, dans le domaine de l'équité en emploi et elle a une belle réussite dans le domaine de l'accès à l'égalité. Alors, c'est un peu ce que l'on a en tête lorsqu'on parle d'une aide aux entreprises pour se doter de politiques sur l'équité salariale.

Traiter les plaintes, bien sûr, tâche actuellement assurée par le Commission des droits de la personne, et entreprendre des études ou des analyses dans les secteurs où elle établit qu'il y a de la discrimination systémique, et faire des recommandations. Ce qu'on entend depuis une semaine, depuis qu'on a fait cette proposition-là, c'est qu'on nous dit: Mais comment pouvez-vous revenir avec une proposition qui n'a pas marché? Ça fait 20 ans que c'est dans la Charte des droits et libertés, puis ça n'a rien donné. Bien oui, ça n'a rien donné, puis on est d'accord, et c'est ce qu'on veut revamper.

Quand on crée une commission de cet ordre-là, ici, qui s'appuie sur une loi dorénavant, qui a le personnel pour réaliser son mandat – ce qui n'est pas le cas de la Commission des droits de la personne – qui peut mettre à la disposition des plaignants des services juridiques comme on le fait d'ailleurs aux normes du travail, bien, là, on pense qu'on vient de régler, en tout cas, bon nombre des problèmes que l'on rencontre actuellement avec la Commission des droits de la personne. Je ne pense pas que ça ait été la priorité de la Commission des droits. Et, quand vous avez une commission qui est appelée à traiter de logement, de plaintes concernant l'embauche, etc., c'est évident qu'à ce moment-là il y a des priorités que la Commission établit, et l'équité salariale n'a jamais été une de ses priorités.

Quand on dit aussi que cette loi aurait une clause crépusculaire, certains interprètent qu'on veut encore donner une chance, puis dans cinq ans on verra. Ce n'est pas ça qu'on dit. On dit: Législateur, passe-la, ta loi, établis tes paramètres de réalisation de l'équité salariale à l'intérieur de cette loi-là, vis-la – on va peut-être la vivre difficilement, comme l'Ontario l'a vécue difficilement pour les entreprises de 20 travailleurs et moins – et, dans cinq ans, comme toute autre loi, on pourrait la revoir et, à ce moment-là, la rendre davantage coercitive si les résultats qu'on escompte n'étaient pas réalisés.

Donc, en résumé, M. le Président – je ne sais pas combien j'ai pris de temps; il me reste deux minutes, donc ça arrive bien à la conclusion – je répète qu'on dit oui à l'équité salariale, non au projet de loi n° 35, à cause des contraintes que l'on retrouve là-dedans. Et, si j'ai le temps, tout à l'heure, je vous donnerai le témoignage de Jeannine McNeil, de l'école des HEC qui n'est pas reconnue comme étant tellement propatronale dans ce dossier-là, qui faisait une émission avec moi, Le Midi-15 de Michel Lacombe, il y a à peine une semaine, après notre conférence de presse, et qui disait que justement c'est peut-être la plus mauvaise approche que peut prendre le législateur, l'approche coercitive, parce qu'il va falloir une armée pour la faire respecter, et que la meilleure façon d'y arriver, c'était un consensus patronal-syndical-groupes de femmes pour en arriver justement à convenir de quelque chose qui serait acceptable pour tous, l'objectif déjà étant accepté.

Donc, support de notre part à une loi sur l'équité salariale, mais dans la structure que nous la proposons. Et c'est d'ailleurs le modèle de loi, celui bâti sur les plaintes, qui est la première recommandation du rapport Read en Ontario. C'est ce qui existe au niveau fédéral, c'est ce qui existe au niveau fédéral américain, et, nous, on pense qu'une loi de cette nature-là, axée sur l'incitation et non sur la coercition, qui définirait des paramètres raisonnables en vue d'implanter des programmes d'équité salariale qui tiennent compte des lois du marché – on ne peut pas les oublier – ferait avancer la cause de l'équité salariale beaucoup plus rapidement et sainement que le projet de loi n° 35.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Harel: M. le Président, je veux assurer M. Dufour et les personnes qui l'accompagnent, Mme Grant avec laquelle j'ai eu le plaisir de participer à une émission sur justement la question de l'équité et M. Beauvais, qu'ils nous ont fait travailler fort. Votre présentation, M. Dufour, nous a amenés, en fait, à creuser... On a l'immense avantage de recevoir votre mémoire et, en fait, de pouvoir avoir à notre disposition aussi des ressources pour aller au fond d'un certain nombre de choses.

Alors, je vais peut-être rapidement, avant d'aborder la question de savoir si on est les seuls au monde, à part l'Ontario, à se donner une telle législation dans le secteur privé... Mon Dieu, puisque je suis dedans, je peux vous dire que j'ai fait creuser ça à fond, à fond pour avoir vraiment une vue d'ensemble. Je vais peut-être le déposer au secrétariat de la commission, puis vous le faire parvenir également, parce que, si ça peut vous rassurer, en tout cas, on n'est pas des pionniers. Il y a eu des législations au même effet, mais complètement au même effet, en Suède. Je veux bien que ça ne vous convainque pas, mais quand même. C'était dans le secteur privé également.

Vous voyez, par exemple, ça a été adopté en 1992, mis en application en 1994. Ça s'appelle Equal Opportunity Act. Dans cette loi, les employeurs qui comptent 10 salariés ou plus doivent faire annuellement enquête sur les écarts salariaux entre les femmes et les hommes de leur entreprise. L'enquête et les mesures que l'employeur entend prendre suite aux résultats constatés doivent être consignées dans un plan annuel de promotion de l'égalité que l'employeur doit élaborer et soumettre à l'ombudsman de l'égalité en emploi; ça s'appelle comme ça.

Il y a aussi, en Finlande, une loi adoptée en 1987 qui s'intitule Loi sur l'égalité entre les femmes et les hommes et qui défend expressément de verser des salaires différents, mais qui amène l'employeur à démontrer, en fait, à avoir le fardeau de la preuve qu'il n'y a pas, finalement, de distinctions qui sont faites, autant pour un travail égal ou équivalent. Le Royaume-Uni, en 1983, a amendé sa Loi sur l'égalité salariale pour obliger les entreprises à établir des comparaisons d'emplois en utilisant le critère de valeur égale. Parce que c'est ça, le concept d'équité salariale: le critère de valeur égale, le critère d'équivalence; c'est ça qui est compliqué, parce qu'il faut faire des comparaisons. Et puis la France aussi, en 1983, a amendé les lois déjà existantes pour introduire un amendement portant sur l'établissement de critères pour évaluer concrètement la valeur du travail. Cette loi oblige l'employeur à faire la preuve qu'il respecte le principe du salaire égal pour un travail équivalent. Et puis en Australie...

Enfin, je ne veux pas m'allonger indûment, mais j'y tenais beaucoup, parce que je sais bien qu'on est à une époque où la société ne tient plus à être la première partout. Alors, je me suis dit: Allons voir, puis, dans le fond, ça nous permet aussi de comprendre que d'autres l'ont fait, parce qu'on est dans une fin de siècle, un début de millénaire où il y a pas mal de monde qui souhaite qu'il y ait un peu plus d'égalité entre les hommes et les femmes. Ce n'est pas que nous; c'est, je pense, disons, assez bien réparti partout.

D'autre part, peut-être aussi sur la question relative à la formation, à tous ces facteurs... Parce que, là-dessus, on ne peut pas vous donner tort: ce n'est pas une panacée; il y a d'autres facteurs, vous avez raison, des facteurs, dans le fond, tels le choix, l'orientation, la formation. Vous avez insisté là-dessus. Alors, là, j'ai trouvé quelque chose qui est plus proche de nous que la Suède, l'Australie ou la Finlande et qui est la Commission canadienne des droits de la personne dans son rapport annuel de 1995. Je ne sais pas si vous en avez pris connaissance. Oui?

Bon. Alors, dans le fond, eux aussi conviennent que le nombre d'heures travaillées, le niveau de scolarité et le nombre d'années de vie active au total peuvent expliquer des disparités, mais que, finalement et principalement, ces disparités existent peu importe l'âge, peu importe la scolarité, peu importe la profession. Et ils disent que le sexe a une incidence plus marquée sur le salaire des femmes que des facteurs comme la race. Alors, je crois que c'est quelque chose de très, très important, parce qu'on ne serait pas ici si la scolarisation des filles avait donné les résultats que les pionnières imaginaient il y a 50 ans, quand elles croyaient qu'avec un diplôme l'égalité économique allait arriver automatiquement.

(16 h 50)

Je regardais, moi, en tout cas, les chiffres les plus récents qu'on m'a transmis et qui datent de 1991 ou 1993. Je ne sais pas si on peut me le confirmer, je ne voudrais pas me tromper, mais ça donnait des comparaisons dans les salaires homme-femme entre des emplois occupés par des personnes qui ont huit années de scolarité, puis des emplois occupés par des diplômés universitaires. Et ce qui était très, très, très surprenant, c'est qu'un homme avec huit années de scolarité gagnait 27 000 $, une femme, 17 000 $, mais qu'un homme avec le même niveau de scolarité universitaire gagnait 56 000 $, puis une femme, 37 000 $. C'est en 1991; alors, c'est donc les chiffres du recensement de 1991. Ça veut donc dire que le niveau de scolarité n'est pas le facteur suffisant, parce que les femmes choisissent, c'est vrai, même à l'université, d'aller dans des carrières dites de femmes.

Mais je vous pose la question qui m'obsède depuis des mois, parce qu'on avait discuté de ça: Si toutes les femmes s'en allaient dans les emplois non traditionnels, qui comblerait les emplois de femmes? Ces emplois-là, ils doivent être comblés dans une société; alors, est-ce que ce n'est pas, finalement, de ces emplois-là qu'il s'agit? Bon, comment les revaloriser? C'est peut-être en réévaluant, si vous voulez, l'évaluation du mode de rémunération. Je comprends que vous êtes d'accord, de toute façon; alors, je ne veux pas, non plus... Vous êtes d'accord, pas avec le projet de loi, mais vous êtes d'accord avec le fait qu'il y a des choses à corriger.

M. Dufour (Ghislain): Oui. Bon, écoutez, je vais vous dire, d'abord, que nous n'avons pas la même information concernant les expériences dont vous parlez, Suède, Finlande. Soit dit en passant, ce n'est pas les pays avec lesquels on fait le plus de commerce, non plus. Mais, nous, nos informations viennent de l'Equal Pay Committee of Washington et, pour la Suède, ce n'est pas clair. D'ailleurs, j'ai vu les articles d'Hélène Baril qui est allée faire une recherche là, Hélène Baril du Soleil . Disons qu'on va vous concéder la Suède. Mais, si votre seul exemple à travers le monde, c'est la Suède, je veux dire, elle n'a pas grand-chose à voir avec le contexte nord-américain.

Mme Harel: J'ai souri quand j'ai vu le Royaume-Uni; j'ai pensé que, ça, ça vous convaincrait plus.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dufour (Ghislain): Puis en avez-vous un? En avez-vous un?

Mme Harel: Le Royaume-Uni.

M. Dufour (Ghislain): Moi, je suis très surpris de voir que vous vous inspirez beaucoup de l'Ontario.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dufour (Ghislain): Quant au rapport fédéral, vous avez raison, on a le même rapport, sauf qu'en aucun temps, nous, on va prendre la loi fédérale. Substituez la loi n° 35, puis mettons la loi fédérale, puis on prend ça demain matin. Alors, on arrivera probablement avec les mêmes rapports annuels et, bon, il y aura encore des problèmes, comme il y aura des problèmes dans toutes les situations. Mais, au-delà de ça, est-ce que nous concédons qu'il y a de la discrimination systémique? Parce que, Mme la ministre, je dois vous dire très correctement qu'en termes de communications vous n'avez jamais dit que les employeurs discriminaient. Ce n'est pas l'entreprise X, Y ou Z qui discrimine; c'est une discrimination systémique que l'on connaît dans certains secteurs. Et, pour arriver à corriger la discrimination systémique, nous, on pense que ça devra se faire exclusivement par une commission qui aura des mandats de le réaliser, qui va prendre un secteur, puis qui va dire: Bien, voilà, il y en a. Mais, à le prendre magasin par magasin, vous ne réglerez jamais le problème des vendeurs X, Y, Z.

Alors, au lieu d'avoir une approche de police dans chaque entreprise, il faut avoir une approche beaucoup plus proactive, pour utiliser le même vocabulaire, au niveau de la Commission, au lieu de l'utiliser entreprise par entreprise en leur demandant des choses qu'on sait qu'elles n'ont pas faites en Ontario. Seulement 20 % des petites entreprises l'ont fait; pourquoi ce serait différent au Québec? Donc, dans la recherche de l'objectif, puis on vous donne cinq ans pour resserrer si éventuellement...

Mme Harel: Là, le président a l'air de me presser dans le temps. Je voudrais quand même avoir encore quelques minutes pour échanger avec vous sur deux choses en particulier. J'ai tout retrouvé ces exemples que je vous donnais dans un livre préparé à Genève par le Bureau international du travail et qui s'intitule «Equal Pay Protection in Industrialised Market Economies». Alors...

M. Dufour (Ghislain): Bien oui. «Equal pay», ce n'est pas «pay equity». C'est là qu'est le problème.

Mme Harel: C'est vrai. Oui, vous avez raison. C'est juste, mais, en même temps, eux font la distinction et donnent des exemples à la fois, si vous voulez, de travail équivalent à salaire égal et de travail égal à salaire égal. Mais, de toute façon, si vous voulez, je vais vous le faire parvenir, puis on aura peut-être d'autres occasions... Mais je pense que ça vaut quand même la peine de voir que c'est un débat qui agite aussi d'autres sociétés.

Mais il y avait deux choses dans votre mémoire – je voudrais y revenir – puis peut-être seulement une dernière concernant le MICST, des ébauches d'études qui auraient été réalisées au ministère de l'Industrie et du Commerce que vous avez citées.

M. Dufour (Ghislain): Oui.

Mme Harel: Alors, je pense que ça reste à l'état d'ébauches justement parce qu'elles avaient été, si vous voulez, fondées sur des critères très, très, très généreux; par exemple, l'ajustement salarial était de 20 %. Vous voyez, même à 20 % d'ajustement salarial, 20 % d'augmentation, pensez que, dans le secteur public, où pourtant il y a eu une relativité salariale consistante, ça a été 5,6 %, et les deux tiers des employés sont dans des catégories d'emplois à prédominance féminine. Donc, c'étaient des ébauches, parce que, si tant est que ces études avaient été finalisées, nous aurions pu en disposer, vous comme moi.

Évidemment, les hypothèses sur lesquelles elles ont été réalisées apparaissent extrêmement généreuses. Je ne sais pas si vous pensez que ce sera 20 % d'augmentation pour les catégories d'emplois à prédominance féminine et puis si ce 20 % s'appliquera automatiquement. C'est comme si, du jour au lendemain, toutes les femmes, dans les 900 000 emplois dans les catégories à prédominance féminine, obtenaient 20 % d'augmentation. On peut peut-être convenir que... Même à ça, vous voyez, ça donnait 3,6 % de hausse de masse salariale. Mais il y avait quelque chose là qui était démesuré, à moins que ce soit, en fait, l'objectif qu'on puisse penser raisonnable.

M. Dufour (Ghislain): M. le Président, est-ce qu'on pourrait demander à Mme la ministre de la déposer? On l'appréciera nous-mêmes, cette étude-là.

Mme Harel: Ha, ha, ha! Écoutez...

M. Dufour (Ghislain): Parce que, pour l'essentiel...

Mme Harel: ...j'aimerais bien... Je vais vous dire, si elle était signée, je le ferais. Mais, compte tenu du fait qu'elle n'est pas signée et que ça ne semble pas être... Parce que j'ai écrit, moi, à mes collègues en leur disant: Si vous avez des études que vous aimeriez que je dépose, transmettez-les-moi, je vais toutes les déposer. Et on m'a dit: Non, c'est des ébauches, c'est des brouillons, en fait, et puis...

M. Dufour (Ghislain): Bien, on nous dit la même chose, que c'est une ébauche, celle du ministère des Finances, et que 690 000 000 $ n'est pas représentatif. Si on avait toutes les études et l'ensemble de l'étude du ministère des Finances, et non pas purement les trois pages qui ont été déposées hier, là on serait capables vraiment de regarder tout le dossier. C'est une question de coûts. Je veux dire, nous, vous ne nous avez pas entendus dire que ça va faire perdre des emplois et tout ça. Mais, quand on arrive avec une loi de cette importance-là, le débat, vous l'avez vu avec les associations patronales, est souvent axé justement sur les coûts. Alors, il faudrait avoir l'ensemble. Et, qu'est-ce que vous voulez, ça circule. Ça a beau être une ébauche, Mme la ministre, mais elle circule à la planche, celle du ministère de l'Industrie et du Commerce à 2 500 000 000 $. Alors, essayez donc, vous, de faire dire au monde que c'est une ébauche. On a des problèmes avec ça.

Mme Harel: Vous voyez, moi, suite à ces communications écrites, ce que j'ai reçu, c'est la confirmation par le ministre des Finances que l'étude réalisée est bien celle que j'ai déposée. Elle l'a été à l'automne dernier. Alors, moi, je n'étais pas au poste que j'occupe maintenant ni le ministre des Finances, mais c'est ce qu'on a retrouvé dans les dossiers préparatoires. D'autre part, à nouveau, je vous le dis bien honnêtement, moi, dès que des études signées me parviennent, je suis prête à les mettre à la disposition de toutes les parties. Mais encore faut-il, à ce moment-là, qu'elles soient signées par leur auteur et validées; à défaut de quoi, il y a bien des hypothèses qui peuvent circuler, vous comprenez, surtout que celles-là reposent sur le meilleur des mondes que je viens de vous décrire.

(17 heures)

La dernière chose: dans le mémoire que vous déposez, la proposition à la page 12, avec le mandat que vous souhaitez donner à la Commission dans le nouveau contexte d'une... En fait, le quatrième point qui consiste à établir des études ou des analyses dans les secteurs où il y a de la discrimination systémique et à faire des recommandations, considérez-vous qu'il s'agisse là d'un pouvoir d'initiative et d'application?

M. Dufour (Ghislain): Pour l'instant, c'est un système du genre, je l'ai dit, de ce que recommande le rapport Read en Ontario, ce qui est au niveau fédéral canadien, américain, donc c'est sur plainte. Moi, là...

Mme Harel: Sans renversement de la preuve?

M. Dufour (Ghislain): Pardon?

Mme Harel: Sans renversement de la preuve?

M. Dufour (Ghislain): Non.

Mme Harel: Même si on considère qu'il y a de la discrimination systémique, là?

M. Dufour (Ghislain): Ah! S'il y en a et que c'est prouvé, ce que l'on dit, nous, à ce moment-là, on ira dans l'entreprise faire corriger la situation à partir de ce que vous aurez mis comme paramètres dans votre loi, dans notre loi. Et la façon d'y arriver...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Dufour (Ghislain): ...parce qu'on les veut, ces paramètres-là, dans la loi, la Commission agira à partir de ça. Il y a plainte, par exemple, ou elle-même, la Commission, par ses études, réalise que, dans un secteur, peut-être même dans une entreprise, il y a discrimination; elle n'ira pas tout de suite le lendemain matin coller une amende là. Elle va essayer de travailler – l'objectif, c'est de réaliser l'équité; ce n'est pas de donner une amende – pour essayer d'en arriver à la réaliser. Si l'entreprise ne se conforme pas, elle paiera l'amende, oui, oui, tout à fait.

Mme Harel: Il y a ma collègue de Mille-Îles qui veut se citer elle-même, parce qu'elle est citée dans votre mémoire, puis elle a l'impression qu'elle est un peu citée hors contexte. Alors, je vais...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je voudrais avoir le privilège de...

M. Dufour (Ghislain): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...moi-même appliquer les principes.

Une voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, je déroge moi-même au principe d'alternance en permettant à la députée de Mille-Îles de se...

Mme Leduc: Alors, oui. Bonjour, M. Dufour. Sûrement, ça peut être intéressant d'être citée dans un mémoire du Conseil du patronat, mais je pense que c'est à notre avantage mutuel que cette citation-là n'amène pas nécessairement des conclusions qui ne sont pas réelles. C'est vrai, la citation était exacte, sauf que, dans mon intervention à la commission précédente, quand je parlais de la main-d'oeuvre féminine, dans mon entendement, c'était la main-d'oeuvre féminine visée par la loi. C'est sûr que, dans les galées, ce petit bout-là n'est pas là «visée par la loi», mais, comme on discutait d'équité salariale, c'était comme évident. Alors, à ce moment-là, les conclusions, si on prend les chiffres, si on rajoute «visée par la loi», sont les conclusions normales. Le chiffre de 1 340 000 000 $ de coûts se ramène à 630 000 000 $ et 690 000 000 $. Alors, je voudrais quand même bien préciser que, ce petit bout de phrase là n'étant pas là, je pense que c'est à notre avantage mutuel de ne pas citer des choses qui ne sont pas réelles.

J'aurais aimé, s'il me reste un peu de temps, vous entendre... Parce que vous dites dans votre mémoire que vous souhaitez une approche, comme pour les programmes d'accès à l'égalité, volontaire. Ce que l'on sait du rapport de la Commission des droits de la personne, c'est qu'en décembre 1995 il y avait 42 programmes d'accès à l'égalité volontaires qui avaient été implantés et 135 par obligation contractuelle. Je vous avoue que c'est minime, 135, mais c'est trois fois plus qu'une approche coercitive a quand même permis d'implanter. Alors, c'est dans ce sens-là que je me permets quand même de n'être pas tout à fait en accord en disant qu'une approche similaire à celle des programmes d'accès à l'égalité pourrait donner des résultats fort appréciables. Je ne sais pas ce que vous pensez de cette différence.

M. Dufour (Ghislain): Sur le premier volet de votre intervention, Mme la députée de Mille-Îles, bon, il nous arrive souvent, à tout le monde, d'être cités peut-être sans le petit bout qu'il faudrait. Alors, vous, vous l'ajoutez, sauf que, malheureusement pour vous, c'est comme ça que ça...

Mme Leduc: Et pour nous, je crois. Ha, ha, ha!

M. Dufour (Ghislain): Non, pour vous. Ça a été rapporté dans les médias comme ça. Je n'ai pas vu de correction et évidemment c'est un chiffre qui circule actuellement. Soit dit en passant, je trouve bien plus correct le vôtre que celui du ministère des Finances.

Mme Leduc: Ha, ha, ha!

M. Dufour (Ghislain): Ha, ha, ha! Sur la question des programmes d'équité en emploi, bien, on va peut-être demander à Gail si elle veut ajouter, mais ce qu'on a toujours aimé dans l'approche gouvernementale à l'égard de l'accès à l'égalité, c'est que c'était volontaire. Sauf qu'il y a eu une petite contrainte, à un moment donné: si tu veux faire affaire avec le gouvernement, tu vas être obligé de t'astreindre à un programme d'équité en emploi. Mais, là, c'est volontaire. La personne, l'entreprise, elle décide si elle fait affaire ou pas avec le gouvernement. Donc, elle s'astreint ou elle ne s'astreint pas. C'est ça qu'on aime dans cette approche-là.

Est-ce que c'est assez ou pas assez, 200 ou à peu près, actuellement? Ah! je suis d'accord avec vous, il y a encore beaucoup de travail à faire, et on est favorables à ces programmes-là. Et je dois dire que, sur la Commission des droits de la personne, dans le dossier de l'équité en emploi, les feedback que, nous, on a de nos membres, ils sont très positifs.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Je vais terminer ce bloc de 20 minutes en permettant à la députée de La Prairie de faire une intervention. Il nous reste environ une minute et demie.

Mme Simard (La Prairie): Là, là?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ou j'avais la députée de Sherbrooke.

Mme Simard (La Prairie): Bonjour, M. Dufour. Alors, M. Dufour, ça fait presque 20 ans maintenant qu'on a l'occasion, vous et moi, d'échanger sur des projets de législation concernant les femmes, et on a commencé à échanger avant même l'adoption de la Charte des droits et libertés. Donc, ça remonte à des lunes, ça. Et, à chaque fois, j'ai constaté, d'abord, une opposition du Conseil du patronat à l'introduction d'une législation, celle, notamment, sur les congés de maternité en 1977 et d'autres par la suite, pour ensuite voir le Conseil du patronat, au fond, se ranger sur le principe et dire: Très bien, on va être d'accord avec une législation – ce que vous êtes en train de nous dire aujourd'hui concernant l'équité salariale – cependant avec peu de mesures, au fond, pour introduire dans les faits, sur le terrain, des changements réels.

On l'a dit, le principe a été voté il y a plus de 20 ans maintenant: pour un travail de valeur équivalente, il faut un salaire équivalent. Tout le monde constate que, malheureusement, avec les moyens en place, on n'a pas pu réaliser cet objectif et qu'il faut aujourd'hui des moyens plus concrets, plus précis pour faire en sorte que ça se réalise. Vous savez que, très souvent, si ces moyens-là ne sont pas dictés, les entreprises, pour des raisons qui leur appartiennent, sont très lentes à réagir, sont très lentes aux changements. Et Mme Leduc l'a dit, en ce qui concerne les programmes d'accès à l'égalité, très peu d'entreprises, au fond, le font parce qu'elles veulent bien le faire; c'est qu'elles sont forcées de le faire dans certaines conditions.

Est-ce qu'on ne pourrait pas s'attendre, cette fois-ci, de la part du patronat – vous quittez bientôt votre poste, j'ai lu ça dans les journaux, dans quelques mois – qu'on puisse avoir, parce que vous êtes écoutés, vous êtes une association qui est écoutée, qui a une crédibilité, de la part des employeurs au Québec justement... Ce n'est pas prendre un risque; c'est que vous ayez l'audace, peut-être, d'aller plus loin et de reconnaître qu'effectivement, en ce qui concerne ce cas très précis de l'équité salariale, qui est une question de justice fondamentale, en tout cas, sociale en ce qui me concerne – puis je pense que la plupart de mes collègues aussi le situent comme ça en ce qui concerne les femmes, une majorité de non-syndiquées, je le rappelle; puis il ne s'agit pas d'un débat entre syndicalistes et patrons, ici, parce que la majorité des concernées ne sont pas syndiquées – oui, on pourrait, cette fois-ci, se doter d'une loi, au Québec, qui serait plus aiguisée que ce qu'on a pu connaître ailleurs, pour nous permettre, à nous, d'atteindre, au Québec, cet objectif le plus rapidement possible.

M. Dufour (Ghislain): Vous avez travaillé assez longtemps comme vice-présidente à la CSN pour savoir ce qu'est un porte-parole. Le Conseil du patronat a des porte-parole, et ils expriment ce qu'on pense dans le membership. Et, dans ce cas-ci, c'est très vrai, d'autant plus vrai que vous avez vu toutes les autres organisations patronales livrer le même discours. Donc, ça ne tient pas dans les idées personnelles des gens. Et je vous prends à témoin, vous l'avez fait assez longtemps pour comprendre ce que je viens de vous répondre.

Deuxièmement, quand vous me ramenez aux congés de maternité de 1977, bon, à ce moment-là, vous étiez plus CSN qu'aujourd'hui et vous faisiez, vous aussi, vos débats, mais jamais... Je vous mets au défi, Mme la députée de La Prairie, de dire qu'on s'est opposés aux congés de maternité, comme j'ai entendu, cet après-midi, quelqu'un dire qu'on s'était opposés au retrait préventif de la travailleuse enceinte à la CSST. Jamais. On a interrogé pourquoi les employeurs payaient tous les coûts du retrait préventif de la travailleuse enceinte au Québec. C'est une autre chose, parce que tout n'est pas attribuable au travail.

Donc, dans ces débats-là, j'ai l'impression qu'on en met trop et qu'on arrive à des débats un peu stériles, dans le fond. Et j'ai commencé comme ça, M. le Président, en disant: Au moins, le patronat a mis quelque chose sur la table. Il a mis une proposition concrète d'une loi. Bien sûr, pour certains, ça n'ira pas assez loin. Moi, je comprends que des organisations comme l'organisation de Mme Sainte-Marie disent: Écoute, moi, je l'ai, la loi n° 35. Ne me demande quand même pas d'y aller de façon incitative, mais je vais essayer de bonifier le projet de loi n° 35. Bien oui, c'est ça. Le pouvoir politique décidera, mais, au moins, nous, on a mis une proposition sur la table.

Mme Simard (La Prairie): Une dernière petite remarque sur les statistiques.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Je m'excuse, c'est terminé.

Mme Simard (La Prairie): Bon, on reviendra.

(17 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de Saint-François.

Mme Gagnon-Tremblay: Alors, M. Dufour, Mme Grant et Me Beauvais, merci d'avoir accepté de nous rencontrer à cette commission parlementaire. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt, grand intérêt même, votre mémoire et j'essayais de voir s'il y avait des ouvertures, s'il y avait des possibilités de compromis ou s'il y avait possibilité d'en arriver à un consensus parce que, comme je le disais, j'ai comme l'impression qu'on a avancé un peu, mais pas beaucoup par rapport à la commission parlementaire qu'on a tenue sur l'avant-projet de loi.

Il y a des propositions très intéressantes, entre autres à la page 10, lorsque vous parlez de favoriser «l'instauration de programmes travail-famille qui permettent aux travailleurs et aux travailleuses de mieux concilier les responsabilités familiales et professionnelles», entre autres par des horaires variables, des semaines de travail comprimées, des congés pour responsabilités familiales. Bon. Alors, donc, ça, je me disais, c'est plus de l'équité en emploi, finalement, que de l'équité salariale. Et, comme je le mentionnais hier, ma collègue, Violette Trépanier, avait déposé un projet sur l'équité en emploi, mais on n'a pas été plus loin, finalement, pour les raisons que vous connaissez.

Donc, je me dis: Même avec ça, ici, quand on parle d'horaires variables, de semaine de travail comprimée, c'est quelque chose qui devrait être normal actuellement au sein d'une entreprise, dans le sens qu'on devrait tous avoir le souci, surtout les têtes dirigeantes, que le problème démographique au Québec, c'est un problème très grave, dans le sens qu'on ne fait plus d'enfants, notre population est vieillissante, on réduit l'immigration et, finalement, donc, on va diminuer également la consommation, puisqu'on va consommer moins si on a moins de population, et la consommation est un des pôles moteurs de l'économie. Alors, donc, je me dis: Il faudrait déjà qu'on y songe, qu'on en implante et qu'on en parle à l'intérieur des entreprises, de ces possibilités de conciliation, et je trouve que ce sont d'excellentes propositions que vous faites pour concilier vie familiale et vie professionnelle.

Ceci étant dit, il faut revenir maintenant à notre projet de loi, et je continue à maintenir qu'il faut que les têtes dirigeantes soient consentantes pour être capables d'avoir des rendements importants aussi. Et on est loin d'un consensus, les parties sont encore très éloignées. Hier, lorsque nous avons rencontré deux représentants du monde patronal, premièrement, lorsque j'ai posé la question: Est-ce qu'il y aura perte d'emplois? on m'a répondu non. M. Ponton, entre autres, m'a répondu non. M. Cléroux m'a dit: On n'est pas capables de l'évaluer. Par contre, on m'a dit cependant que, bien sûr, quand tu augmentes la masse salariale avec une telle loi, à ce moment-là, ça pourrait avoir un effet d'entrave au niveau de la création d'emplois. C'est sûr que, quand on ne crée pas de l'emploi, finalement, on peut l'assimiler à une perte d'emplois.

Mais, par exemple, j'interrogeais, tout à l'heure, la FTQ et je lui posais la question à savoir: Mais est-ce que vous avez discuté avec les associations patronales? Est-ce qu'il y a possibilité de faire des compromis? Parce que c'est sûr que, si nous rencontrons une partie, puis que, deux minutes après ou 15, 20 minutes après, on rencontre l'autre partie, il m'apparaît que ce n'est pas nécessairement à nous de faire ça. C'est beaucoup plus facile quand les gens se rencontrent face à face et disent: Bien, voici, dans le projet de loi, ce qui fait défaut. La bureaucratie, elle est lourde, c'est inadmissible; il y a des coûts reliés à ça, il faut les minimiser, il faut les réduire. Mais comment on peut, ensemble, les réduire, toujours en ayant en tête que l'objectif qu'on vise, c'est de donner l'équité salariale aux femmes?

Aussi, donc, finalement, vous étiez ici quand la FTQ faisait sa réponse, et ça ne semblait pas nécessairement faire problème, dans le sens qu'on disait: Oui, mais on négocie, ça se négocie très bien, puis il ne devrait pas y avoir de problèmes. On a avantage à s'asseoir avec la partie patronale, on connaît les limites, finalement, au niveau des finances et des ressources. Donc, ça ne devrait pas faire problème.

Je me dis: Pour vous autres – je comprends que vous n'êtes pas nécessairement favorables au projet – qu'est-ce qui fait vraiment problème? Est-ce que c'est vraiment la lourdeur administrative ou si c'est toujours l'augmentation de la masse salariale? Parce que c'est sûr que l'augmentation de la masse salariale, ça a un impact, il ne faut pas se le cacher. Il faut voir comment on peut l'assumer, mais ça a un impact. Par contre, il est échelonné, aussi. D'autres groupes viennent nous dire: Oui, mais vous avez quatre ans pour l'appliquer, vous avez quatre ans pour payer et vous avez une possibilité de trois autres années. Donc, ça ne devrait pas nécessairement faire problème, et c'est ça qu'on se demande: Qu'est-ce que c'est, vraiment, que ça prendrait pour en arriver à un consensus qui serait acceptable? J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Dufour (Ghislain): Bien, comme vous, j'ai été déçu que la FTQ ne mette pas quelque chose sur la table parce que, dans le fond, il y en a une, proposition, et, nous, on est ouverts à du débat pour réaliser ce que vous dites. Et c'est évident que, par la négociation de la convention collective, on peut faire pas mal de millage, surtout s'il y a une loi qui en établit carrément les paramètres. À ce moment-là, ça ne sera pas objet de discussion durant des heures à la table. Ça va être ça, la loi, quand tu débats d'équité salariale, c'est ça, les paramètres.

Mais je ne peux pas oublier votre petit commentaire sur l'accès à l'égalité. Vous vous rappelez très bien, madame, quand vous étiez ministre de la Condition féminine, quand on fait ce débat-là, que, nous, on disait: L'équité salariale passe par l'accès à l'égalité. Mais oui! Par définition, tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas de femmes M.B.A., il n'y en aura pas qui vont avoir des postes dans les entreprises. Alors, ça passe aussi par l'accès à l'égalité. C'est un moyen, ce n'est pas le seul.

Votre deuxième volet, c'est: est-ce que ça fait perdre ou pas des emplois? Le monde patronal ne le sait pas. Ce n'est pas lui qui a le fardeau de présenter l'analyse coûts-bénéfices de cette loi-là; c'est le gouvernement. Sur ça, je vais lire un petit document que, moi, j'ai. Ça me fera plaisir de le remettre à la ministre si elle ne l'a pas eu, parce que ce n'est pas parce que vous êtes au gouvernement que vous avez toute l'information gouvernementale. Je vais vous lire un petit paragraphe qu'on retrouve dans un document d'analyse de la section fiscale du ministère des Finances, dans les avis qui ont été faits. Je vous le lis, puis, là, ce n'est pas une analyse patronale.

«Impacts indirects de la Loi sur l'équité salariale. Cette loi augmenterait le coût relatif au travail, réduirait les profits et les achats des entreprises, amoindrirait leur compétitivité sur les marchés extérieurs et face aux produits importés.» Je vous le rappelle, ce n'est pas un texte patronal. «Comme le Québec est une économie ouverte soumise à une concurrence intense, les entreprises seraient forcées de réduire la main-d'oeuvre qu'elles utilisent et/ou seraient forcées de négocier des contrats salariaux moins généreux pour l'ensemble des travailleurs et des travailleuses.»

Donc, vous l'avez, votre réponse, dans le fond. Ce n'est pas une réponse patronale; c'est l'impact de la loi, qui a été étudié, sur la fiscalité. Et, nous, de ça, on peut conclure qu'il y a des interrogations. Je ne dis pas qu'il y a des conclusions face à un texte comme ça, mais il y a des interrogations. Et, si, d'après les recherches faites par le ministère de l'Industrie et du Commerce – sous réserve que ça a été, peut-être, mal amorcé, que ça a été peut-être mal fait; bon, en tout cas, c'est toujours des analyses interrogeables, même le rapport Read est très interrogeable en Ontario – ça nous mène à 2 500 000 000 $, le coût de cette loi-là, c'est évident qu'il y aura des retombées négatives sur l'économie en termes d'emplois. C'est évident. Maintenant, est-ce que c'est 690 000 000 $? Bien, c'est évident qu'il va y en avoir, des impacts, mais moindres selon la fourchette dans laquelle on va situer les analyses coûts-bénéfices de cette loi-là.

Mme Gagnon-Tremblay: Remarquez, M. Dufour, que nous avons eu hier un semblant d'analyse. C'était une requête du Secrétariat à la condition féminine à l'égard du projet de loi sur l'équité salariale; c'est sensiblement les mêmes choses qu'on retrouvait dans le mémoire du Conseil des ministres. Mais je souligne à la ministre, en passant, que ce n'est pas signé, le document n'est pas signé. Ha, ha, ha!

Une voix: Non validé. Ha, ha, ha!

Mme Gagnon-Tremblay: Non validé. Ha, ha, ha! Pas signé.

Par contre, il y a quelqu'un qui a soulevé le fait qu'il y avait une analyse du ministère des Finances qui était au Conseil des ministres ou qui était au Conseil exécutif, mais qui était confidentielle, finalement. Mais on n'a pas d'autres choses, nous, ici. Alors, bien sûr qu'il faut se fier aux chiffres qu'on a. Cependant, c'est que, au-delà de ça, comme je le disais, il va y en avoir un, impact sur les coûts. Supposons qu'on veut aller de l'avant, qu'on pense à l'équité pour les femmes, comment on pourrait l'assumer? C'est ça, je pense, qui est important, parce que la masse salariale, elle n'est pas illimitée. La masse salariale, elle est limitée.

(17 h 20)

Hier, j'ai posé la question à M. Gingras, de la CSD, et à M. Larose, de la CSN, et je leur ai demandé s'ils étaient prêts à s'engager, si on pouvait ajouter un article de la loi pour que les augmentations de salaire au cours des prochaines années servent en priorité, en partie ou en totalité, à payer les ajustements pour l'équité salariale. Je dois vous dire que j'ai été un peu déçue parce que personne n'a voulu s'engager, reportant aux négociations cette possibilité. Alors...

M. Dufour (Ghislain): Mme la députée de Sherbrooke...

Mme Gagnon-Tremblay: De Saint-François.

M. Dufour (Ghislain): ...c'est évident qu'ils ne peuvent pas s'engager, ce sont des porte-parole de syndicats et d'associations. Alors, dans ce sens-là, c'est évident que, si vous avez des demandes syndicales de groupes de travailleurs hommes, par exemple, ce n'est pas vrai qu'ils vont vouloir geler la masse salariale. Alors, moi, je les comprends de ne pas s'engager. Mais comment ça se passe dans la vraie vie? Je vais demander à Me Beauvais, qui négocie ça à l'année longue.

M. Beauvais (Jean): Bien, le premier point, madame, c'est que M. Larose, tout comme M. Godbout, ne peut pas dire à une unité de négociation: Voici vos conditions de travail. L'assemblée vote et est souveraine. Alors, ils ne peuvent pas engager leurs membres à ce niveau-là. Deuxièmement, les négociations, au cours des trois ou quatre dernières années, dans presque tous les cas, ça a été: Pas d'augmentation de salaire et des rapatriements patronaux sur bien des cas; c'est le pire climat qu'on a connu depuis 1982, qui est revenu. Avez-vous idée que d'ici... C'est commencé d'ailleurs. On a maintenant des demandes de 1 %, 2 % et 3 %. Elles sont raisonnables, le dialogue est bon. Mais pensez-vous que les hommes, dans les unités syndicales, vont dire: M. le patron, vous avez été gentil d'établir l'équité, je n'ai pas de demande cette année? Non, madame. Et d'autant plus que l'équité aurait pu se faire au niveau des unités de négociation par le biais des syndicats, mais, là où les hommes étaient majoritaires, je crois que ce n'était pas très, très facile. Alors, moi, je ne crois pas à ça, madame.

M. Dufour (Ghislain): Et, moi, ce n'est pas là-dessus que je réponds, là – ça, c'est un spécialiste – je réponds que vous m'auriez posé, à moi, la même question que vous avez posée à Gérald Larose et je n'aurais pas pu m'engager. Ce n'est pas comme ça que ça se passe dans le mouvement syndical. Et c'est le risque qu'on court, et on le dit dans notre mémoire, Mme la députée de Sherbrooke.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est Mme la députée de Saint-François...

M. Dufour (Ghislain): Oui, excusez.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...pour être certain que les enregistrements sont corrects.

M. Dufour (Ghislain): Sherbrooke est dans le même coin. La Commission des droits aurait, j'en suis convaincu... Ce que nous disent nos juristes, c'est que, si, à un moment donné, c'est vu comme de la discrimination, ça pourrait être aussi un objet de contestation devant la Commission. Souhaitons qu'on n'arrivera jamais là, mais, ça, il faut vraiment le prévoir dans la loi, parce que, nous aussi, je vous le répète, on est d'accord avec une loi.

Mme Gagnon-Tremblay: Mais je reviens à Me Beauvais. Vous mentionniez, possiblement avec raison, que chaque unité doit décider, donc que c'est très compliqué et que c'est plus facile d'en parler que de le mettre sur papier. Mais, si, cependant, dans le projet de loi, il y avait un article qui l'y obligeait, peut-être pas pour la totalité de l'augmentation de la masse salariale parce que, là, peut-être que ça gesticulerait un peu plus du côté des hommes, mais je pense à une proportion, est-ce que ça serait plus acceptable pour l'entreprise qui doit faire face à une augmentation de la masse salariale?

M. Beauvais (Jean): Madame, la définition de la masse salariale disponible au moment d'une négociation se fait par le conseil d'administration d'une compagnie, suivant l'état des affaires. Est-ce que vous pouvez, dans une loi, pallier à ces inconvénients? J'en doute, à moins de revenir à des dispositions analogues à celles que nous avions eues avec la loi fédérale anti-inflation. Mais, à moins d'une loi de cette envergure-là, avec une commission, etc., je pense que c'est assez illusoire de penser qu'on peut y arriver.

Et j'aimerais aussi vous souligner qu'il y a ce qu'on appelle des plaintes à rebours. Vous ne pouvez pas aller contre la Charte et enlever des droits aux hommes de faire des plaintes, et il pourrait y avoir un coût rattaché à ça. Nous avons actuellement des plaintes à rebours sur le plan de l'équité en matière d'emploi. Il va certainement y en avoir dans l'autre sens aussi. Alors, est-ce que vous allez légiférer en même temps pour annuler la possibilité de plaintes à rebours dans le cas d'équité en matière d'emploi? Je poserais la question à Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Parce que justement la ministre même, dans ses commentaires préliminaires, a parlé également de redéploiement de la masse salariale. Je pense que, lorsqu'elle pense au projet de loi n° 35, elle pense aussi à la masse qui est assez limitée; donc, elle a parlé également de redéploiement, de réorganisation. Alors, finalement, c'est qu'en bout de ligne il n'y en a pas beaucoup, de redéploiement à faire. Et non seulement ça, je sais qu'hier il y avait aussi des représentants qui nous disaient que les augmentations de salaire prévues au cours des prochaines années sont déjà engagées parce qu'il y aura augmentation, par exemple, des rentes du Québec, il y aura augmentation de certaines autres charges sociales et qu'une proportion de ces augmentations-là sont déjà engagées.

M. Beauvais (Jean): Si vous permettez, madame, le redéploiement est réel. C'est sûr qu'un employeur qui serait obligé de faire un ajustement de 2 % va avoir tendance à ne pas le donner dans l'ensemble. Il va dire: J'ai 3 % cette année, 2 % pour ça, il me reste 1 %. Mais est-ce que les hommes vont l'accepter? Il va y avoir un débat. Moi, je ne peux pas vous donner la réponse sur le débat, mais je peux vous dire que ça va être plus difficile à négocier. Mais ce n'est pas le fondement de l'opposition du Conseil du patronat. On vous dit: Est-ce qu'on a les moyens, au moment où on se parle, d'ajouter à la masse salariale, mettons, le 4,4 % que ça pourrait représenter suivant un document du ministère des Finances, en plus des augmentations que les autres vont demander? D'où on dit: Nous faisons face à des problèmes sérieux.

Mme Gagnon-Tremblay: Et si c'était à l'intérieur de l'augmentation et non pas en plus?

M. Beauvais (Jean): Alors, comment pouvez-vous définir ça, madame, sauf par une loi type anti-inflation? Dire que, pour les prochaines années, les augmentations salariales seront limitées à celles résultant de l'application du programme d'équité salariale, ça pourrait être un article de la loi, mais, là, c'est l'État qui intervient dans la définition des augmentations salariales et du cheminement de l'économie. Est-ce que c'est le désir du gouvernement?

Mme Gagnon-Tremblay: En somme, il y a deux facteurs principaux qu'on retrouve, là, au niveau des associations patronales. Il y a les coûts administratifs, la lourdeur administrative, ça revient constamment; et le deuxième point qui revient constamment, c'est justement l'augmentation de la masse salariale. Est-ce qu'il y en a un des deux qui est plus agaçant et qui est plus difficile? Puis est-ce qu'on peut, finalement, en arriver quand même... J'ai comme l'impression que ça va être difficilement conciliable.

M. Beauvais (Jean): Si vous permettez, madame, quand vous parlez du coût administratif, ça vise également le choix de l'outil d'évaluation choisi. Le système des articles 44 à 62, c'est un plan d'évaluation par points et facteurs qui implique l'établissement des facteurs, la pondération des facteurs, des comités qui siègent là-dessus, la description de tâche au point de départ par chaque employé. Si vous interrogez les PME au Québec, il n'y en a à peu près pas qui utilisent ça. Et, en plus, on veut appliquer ça aux cadres des entreprises. Ce n'est pas la façon d'établir le salaire des cadres. Alors, l'opposition de fond va vous venir beaucoup plus... Elle n'est pas formulée dans ces termes-là au moment où on se parle, mais, au moment de l'implantation de la loi, ça va être un choc culturel énorme dans les entreprises. Et c'est pour ça qu'en Ontario il n'y a que 20 % des entreprises de 100 employés et moins qui n'ont pas soumis de rapport, ce n'est pas leur culture. C'est imposer une méthode de gestion qui n'existe pas et qui force à avoir recours à des services d'experts. Ce sont les deux...

M. Dufour (Ghislain): Oui. Juste ajouter une statistique à ça, si vous me permettez, M. le Président. D'après ce qu'on a vu de l'étude, les frais administratifs au Québec feraient à peu près 25 % des coûts de redressement, selon ce qui a été calculé, là, sous réserve. Je prends les mêmes réserves que Mme la ministre. Mais ce que l'on voit actuellement, c'est que, exemple, dans l'étude du ministère de l'Industrie et du Commerce, l'écart de la masse salariale, ça allait plus ou moins à 2 000 000 000 $ et ce serait à peu près 433 000 000 $, les frais d'administration. Alors, on peut voir dans une étude comme celle-là, avec les réserves qu'on peut y faire, les ratios que ça peut présenter.

Entreprise par entreprise, ça peut être très différent. On voit, dans le rapport Read en Ontario, par exemple, que, pour des redressements de 4 000 $, ça a pu coûter 5 000 $ de frais d'administration. Le cas de GM en Ontario est bien connu; alors, je le cite: pour un redressement de 300 000 $, ça a coûté 4 000 000 $. Alors, ça dépend de chaque entreprise, dans le fond.

Mme Gagnon-Tremblay: Tout à l'heure...

M. Dufour (Ghislain): Alors, il n'y a pas de balise vraiment sûre là-dedans.

(17 h 30)

Mme Gagnon-Tremblay: ...M. Dufour, justement on nous disait que, par exemple, pour une entreprise de 100 employés à 500, c'était environ 35 200 $ – je pense que c'est la FTQ qui nous a dit ça – de frais et que, pour les entreprises de 49 à 100, c'était environ 9 000 $. À première vue, ça ne semble pas être énorme. Ça, c'est la première question: Est-ce que vous êtes prêts à valider ça?

Et l'autre question, c'est que, tout à l'heure, Me Beauvais disait que c'est sûr que ce ne sont pas les chefs syndicaux; c'est chaque unité syndicale qui doit négocier, qui doit décider, au niveau des conventions, en ce qui regarde la masse salariale et l'équité salariale. Mais, de la façon dont on parlait, tout à l'heure, au niveau de la FTQ, ça semblait tellement facile. Est-ce que vous croyez qu'on pèche par excès de confiance? Vous croyez qu'ils ne seront pas capables de convaincre les mâles, de convaincre les hommes qu'il y a une proportion de la masse salariale qui doit être appliquée prioritairement à l'équité salariale? Est-ce que c'est parce qu'on pèche par excès de confiance, finalement?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Me Beauvais.

M. Beauvais (Jean): Madame, le tableau qu'on vous a donné tout à l'heure est exact pour les secteurs et personnes que les gens qui étaient devant vous représentaient. Il y avait trois personnes formées au SCFP, qui étaient devant vous, sur les six personnes. Le SCFP a développé une expertise extraordinaire. J'ai négocié avec eux, en 1972, un plan d'évaluation, dans une université. Allez voir les coûts. Alors, les coûts qu'ils vous donnent, c'est pour une organisation qui existe. Si j'ai un service du personnel qui a déjà fait de l'évaluation de tâches, mon coût est minime. Mais 90 % des entreprises visées par votre loi n'ont pas ces services-là. Ça implique qu'elles vont être obligées d'avoir recours à des services de conseillers en gestion, d'établir un programme d'évaluation de tâches et de former quelqu'un à l'intérieur, puis pas un directeur de ressources humaines – là, on parle de petites entreprises – c'est le comptable qui, à travers ses autres tâches, va apprendre ça.

Il faut regarder la loi, à qui elle s'applique. Les gens qui étaient ici représentent 20 % de la main-d'oeuvre. Et, parmi ça, tout le public et le parapublic, ça va bien; tout était déjà en place. Je l'ai fait, madame. On avait des ressources, on avait des experts, mais, là, il faut aller voir les experts externes. On appelle Mercer; ils viennent, ils envoient un expert. Ça va prendre des avocats. Comme membre du Barreau, moi, je l'adore, votre loi, c'est un paradis pour les prochaines années. Mais les entreprises n'en veulent pas parce que c'est trop dispendieux. Il faudrait chercher des méthodes alternatives: l'appariement des fonctions, le rangement. Le rangement, c'est la méthode utilisée dans toute la province, actuellement. Et vous obligez toutes les entreprises de la province à prendre un autre système. C'est le choc culturel qui va en résulter.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est maintenant, malheureusement, terminé. Mme la députée de Saint-François, si vous voulez conclure.

Mme Gagnon-Tremblay: C'est dommage, parce que ça commençait à être intéressant, d'autant plus qu'à un moment donné j'avais suggéré, lors de l'avant-projet de loi, la possibilité de colliger un peu toute l'expertise, les méthodes qui avaient déjà été utilisées et de voir comment on pouvait faire une espèce de modèle unique adaptable à certaines entreprises. J'aurais aimé ça vous entendre là-dessus.

Alors, écoutez, je vous remercie beaucoup. Je comprends aussi vos inquiétudes, et on les partage. Comme je le mentionnais, on ne peut pas, non plus, se les cacher. Il faut encore, par contre, trouver des solutions, trouver les moyens. J'espère encore que, d'ici demain, quelqu'un, le Saint-Esprit, va pouvoir nous éclairer. Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la ministre.

Mme Harel: Moi, je considère aussi que ça a été trop court. Je crois qu'il y aurait encore beaucoup de choses à dire, peut-être pour vous mettre en garde sur l'utilisation de cette étude du MIC, y compris sur les frais administratifs basés sur l'avant-projet de loi et non pas sur les modifications introduites avec le projet de loi n° 35. Ce que j'ai déposé, j'ai pu le faire parce que j'ai une lettre de transmission du ministre responsable qui m'a dit: Oui, c'est bien une étude qui a été réalisée, je la transmets. Et, moi, je peux donc le faire très officiellement.

Je constate cependant que vous nous mettez en garde quant aux réactions que les hommes auraient. Et ça m'amène à penser qu'on peut compter sur les meilleurs, mais que, pour les autres, vaut mieux, à ce moment-là, adopter la loi, parce que, finalement, c'est sans doute justement parce qu'ils auront besoin de ne pas être mis en compétition que la règle du jeu, disons, devra être la même, étant donné qu'il ne s'agit pas de trop payer les femmes; il faut qu'elles arrêtent d'être sous-payées. Alors, c'est vraiment une perspective qui est différente, mais soyez sûrs qu'on va la creuser.

Particulièrement, et je termine là-dessus, M. Dufour, vous avez cité les chiffres... non, plus une étude du ministère des Finances. Je voudrais peut-être juste vous rappeler que, dans le discours du budget du ministre des Finances, pour 1997-1999, il prévoyait – une prévision – une augmentation de rémunération globale de 3,2 %, ce qui est quand même autour de 2 000 000 000 $, n'est-ce pas, 2 500 000 000 $, et ça, c'est bien avant l'an 2004 où la loi est supposée s'appliquer, disons, dans l'entièreté. Ça signifie que, dès l'an prochain et les deux années qui suivent, on prévoit déjà du mouvement important dans la rémunération. Et je comprends que le projet de loi qui est ici, c'est pour faire en sorte que, dans la distribution, les femmes ne soient pas oubliées comme avant, en ne prenant pas pour acquis que c'est les mêmes règles du jeu qu'avant.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie et j'invite immédiatement les représentants de la Centrale...

M. Dufour (Ghislain): M. le Président...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui? Excusez-moi.

M. Dufour (Ghislain): ...si vous me permettez, je veux remercier les parlementaires de ce débat. Moi, j'aurais une demande à faire à Mme la ministre: Pour clarifier ce dossier de l'information, à qui faut-il s'adresser?

Mme Harel: Concernant les études...

M. Dufour (Ghislain): Oui, oui.

Mme Harel: Alors, moi, ce que je vous propose, c'est que vous me remettiez celle du ministère des Finances...

M. Dufour (Ghislain): Pardon?

Mme Harel: ...que vous avez citée, que vous nous déposiez celle que vous avez citée. Et soyez assurés que toutes celles qui me sont transmises et considérées comme validées, je les dépose. Alors, d'ici la fin de la commission demain, je ferai à nouveau des vérifications, puis je les déposerai.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, merci beaucoup. J'invite maintenant les représentantes de la Centrale de l'enseignement du Québec à s'approcher.

À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Étant donné qu'il est déjà tout près de 17 h 40 et qu'on doit terminer normalement à 18 heures, ça me prendra une permission pour dépasser. Je voudrais bien qu'on termine au plus tard à 18 h 25. Alors, nous recevons maintenant les représentantes de la Centrale de l'enseignement du Québec.

À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Avant de commencer, est-ce que j'aurais l'accord des parlementaires pour dépasser l'heure requise, tout en voulant terminer le plus rapidement possible? Alors, allez-y, Mme Pagé. S'il vous plaît, à l'ordre!


Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ)

Mme Pagé (Lorraine): Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les parlementaires, je voudrais vous remercier d'accueillir à nouveau la délégation de la CEQ à cette heure-ci et d'accepter de prolonger votre horaire pour nous entendre jusqu'à la fin. Je vais vous présenter les personnes qui m'accompagnent. Alors, à ma droite, Mme Lise Simard, qui est conseillère à la CEQ, qui est responsable du dossier de l'équité salariale, et, à ma gauche, Mme Diane Girard, qui est membre du Comité de la condition des femmes à la CEQ.

Je ne surprendrai probablement personne en vous disant que la CEQ est toujours en faveur de l'adoption d'une loi sur l'équité salariale, une loi qui contiendra les balises nécessaires pour que les entreprises du Québec corrigent la discrimination salariale qui est présente dans les systèmes de rémunération, une loi qui va assurer à tous, les hommes comme les femmes, que le salaire qu'ils reçoivent reflète la valeur du travail qu'ils accomplissent.

C'est avec satisfaction que nous avons reçu le dépôt du projet de loi n° 35. Parmi les aspects positifs, je tiens à souligner la création d'une commission de l'équité salariale, la reconnaissance du rôle des syndicats dans la démarche d'équité salariale, l'obligation pour l'employeur de maintenir l'équité salariale dans son entreprise et, enfin, la volonté d'une simplification de la démarche par l'incitation au regroupement sectoriel volontaire sous la gouverne de la Commission de l'équité salariale.

(17 h 40)

Les recommandations qui sont contenues dans notre mémoire visent à clarifier certains points ou suggèrent des améliorations. Je vais vous les exposer très brièvement pour donner une vue d'ensemble, en suivant l'ordre des chapitres du projet de loi.

D'abord, au chapitre I, deux brefs commentaires. Nous avons toujours insisté pour que toutes les femmes, quelle que soit la taille de l'entreprise où elles travaillent, puissent bénéficier d'une loi proactive. Dans le projet de loi, les entreprises de moins de 10 salariés sont exclues, mais les femmes qui travaillent dans ce type d'entreprises pourraient être entendues devant la Commission de l'équité en utilisant un recours en vertu de l'article 19 de la Charte des droits et libertés. Nous considérons cette mesure acceptable, avec une réserve que je pourrai exprimer plus tard au chapitre visé.

À l'article 7, septième alinéa, nous contestons l'idée d'exclure les policiers et les pompiers de la définition de «salarié» pour l'application de la loi, parce que cela viendrait exclure des titres d'emplois à prédominance masculine dans les comparaisons en vue de déterminer des équivalences.

Nous proposons quelques modifications au chapitre II qui porte sur les modalités d'application. Il nous semble important que le processus se réalise en toute transparence. À cette fin, nous recommandons que la loi oblige toutes les entreprises de 10 à 49 salariés à afficher, à un endroit accessible aux employés, dans les deux ans de la mise en vigueur de la loi, l'état des travaux complétés et à compléter. De plus, nous recommandons que la loi inscrive dans les fonctions de la Commission un rôle de formation, de sensibilisation et d'assistance pour les personnes salariées ainsi que pour les groupes qui les représentent. Je parle ici, bien sûr, des salariés non syndiqués.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit que, dans les entreprises syndiquées de 10 à 99 salariés, la formation d'un comité est facultative. Selon nous, cette approche porte atteinte au droit de représentation des salariés et va à l'encontre des pratiques de relations de travail déjà établies dans ces milieux. Alors, nous recommandons que toutes les entreprises de 50 à 99 salariés soient tenues de former un comité et que les entreprises de 10 à 49 salariés soient tenues de le faire lorsque l'association accréditée le demande, tout simplement.

Maintenant, une autre question: Combien de programmes distincts d'égalité salariale pourront coexister dans une même entreprise? Nous avons, à la CEQ, toujours privilégié le programme unique par entreprise. Mais le projet de loi, à l'article 10, prévoit que le programme pourrait être distinct. On a toujours les mêmes réserves. C'est pourquoi nous insistons à tout le moins pour que la loi prévoie que, lorsqu'il y a l'élaboration de plus d'un programme dans une entreprise, il y ait une obligation d'harmonisation.

À l'article 32, nous nous interrogeons sur l'intention du gouvernement quant aux délais de mise en vigueur de l'obligation d'établir un programme d'équité salariale. Ces délais pourraient varier selon la taille des entreprises. Nous estimons que la stratification des entreprises, les règles différentes qui les accompagnent comportent suffisamment de souplesse sans qu'il soit nécessaire d'ajouter en plus des délais supplémentaires. Nous demandons donc que toute la Loi sur l'équité salariale soit mise en vigueur pour tout le monde au moment de son adoption, mais que les obligations des employeurs débutent six mois après cette date, pour permettre la mise en place de la Commission et le premier travail d'information et de sensibilisation.

Parlant de délais, toujours au chapitre III, l'article 64 indique que les ajustements salariaux peuvent être étalés sur une période de quatre ans. Il précise que, lorsqu'il y a étalement, le montant de chacun des versements doit être égal. Alors, quatre ans pour réaliser le programme, plus quatre ans pour faire les correctifs, ça laisse beaucoup de temps aux entreprises pour faire des prévisions et des provisions. Nous suggérons que le gouvernement se penche sur une formule d'étalement qui tiendrait compte du niveau des correctifs à apporter. Par exemple, lorsque les correctifs sont mineurs, les versements pourraient être étalés sur une période moindre que quatre ans.

Au chapitre V, le projet prévoit la création d'une commission sur l'équité salariale. La mise sur pied d'une commission indépendante constitue un bon choix, mais nous recommandons que le mandat des membres de la Commission soit d'une durée ferme de cinq ans plutôt qu'au plus cinq ans. Et nous souscrivons à l'idée d'une commission composée de trois membres, mais en soutenant que la présidence de cette Commission doit être occupée par une femme.

Nous souhaitons, par ailleurs, que l'article 89, qui porte sur les rapports à transmettre à la Commission, soit modifié. Cet article prévoit que la Commission peut exiger qu'un employeur lui transmette un rapport qui fait état des mesures qu'il a prises pour atteindre l'équité salariale ou assurer le maintien de celle-ci. Selon nous, ce n'est pas suffisant. Des questions aussi importantes que l'impact d'une telle loi et le coût des correctifs, notamment, justifient qu'une information sur les résultats des travaux soit obligatoirement acheminée à la Commission. Nous croyons qu'il est possible que ces rapports soient simples, standardisés et évitent les surcroîts de travail aux entreprises.

La CEQ recommande que la loi oblige les entreprises à soumettre à la Commission de l'équité salariale, dans les quatre ans de son entrée en vigueur, un rapport qui fait état, selon le cas, du programme d'équité salariale élaboré ou de la démarche qui a été entreprise ainsi que des résultats qui ont été obtenus. Un second rapport, qui porterait sur les ajustements salariaux, devrait être obligatoirement acheminé à la Commission quatre ans après la fin des travaux.

Le chapitre VI porte sur les recours. Alors, nous acceptons l'idée de confier au Tribunal du travail la responsabilité de trancher, en dernier ressort, les litiges en vertu des dispositions de la loi à certaines conditions: la responsabilité doit être attribuée à une section spécifique du Tribunal du travail; nous devrions mettre sur pied un banc des juges composé de trois personnes, dont au moins une femme; les personnes devraient être nommées par le gouvernement, comme c'est l'habitude dans le cas des juges, après consultation des groupes les plus représentatifs de lutte pour les droits des femmes et du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre; et, enfin, les juges de cette section du Tribunal du travail devraient être nommés en tenant compte de leur intérêt en matière de discrimination sur la base du sexe.

Il faut ici préciser qu'au cours des récentes années plusieurs postes de juges au Tribunal du travail sont devenus vacants et n'ont pas été comblés. Les nouvelles responsabilités qu'on confie au Tribunal, la nécessité de recruter un plus grand nombre de femmes, de désigner des juges qui font preuve d'un intérêt vont nécessairement devoir s'accompagner du comblement d'un certain nombre de postes.

Pour ce qui est du chapitre VIII, trois recommandations: préciser que c'est le Tribunal du travail qui entend en première instance les plaintes pénales; établir des dispositions pénales qui tiennent compte de la taille de l'entreprise, mais augmenter l'amende minimale à 5 000 $; prévoir dans la loi que les amendes seraient versées dans un fonds spécial d'aide aux travailleuses non syndiquées. Et ici je voudrais insister sur le fait que ce point a fait l'unanimité au comité technique qui était présidé par Mme Malavoy, ce qui inclut donc l'accord des représentantes et représentants patronaux. On est à la recherche de consensus, là. Alors il y en a un qui s'est exprimé sur cette question.

Le chapitre IX, maintenant, nous concerne très directement puisqu'il traite des programmes d'équité salariale et de relativité salariale complétés ou en cours. Nous déplorons que, contrairement à la demande de la CEQ, le Conseil du trésor et les entreprises visées par ce chapitre ne soient pas assujettis aux mêmes obligations de contenu d'un programme d'équité salariale que les autres entreprises. Les éléments de ce programme sont identifiés à l'article 44 du projet de loi. La CEQ ne saurait souscrire à un manque de transparence concernant les travaux que nous avons entrepris conjointement avec le gouvernement depuis 1987. Nous demandons donc d'ajouter à l'article 113 un alinéa qui décrirait le rapport à soumettre à la Commission, devant comprendre les éléments suivants: l'évaluation des catégories d'emplois, leur comparaison, l'estimation des écarts et le calcul des ajustements salariaux.

Nous désirons aussi attirer votre attention sur l'article 115. Ce dernier permet à l'employeur, s'il n'est pas satisfait d'une décision de la Commission, d'en saisir le Tribunal du travail. Soit, mais, curieusement, ce droit n'est pas accordé à la salariée ou au syndicat qui peuvent avoir tout autant de raisons de contester une décision de la Commission. Alors, comment pourrions-nous expliquer aux membres que nous représentons que nous ne pouvons pas exercer de recours pour la seule raison que leur centrale a entrepris des travaux avec le gouvernement sur certaines questions visant à éliminer la discrimination salariale avant qu'une loi soit promulguée? Nous recommandons donc que l'article 115 soit remplacé par un texte qui s'inspire de l'article 98 qui vise à permettre à chacune des parties de contester une décision de la Commission et d'en saisir le Tribunal du travail dans un délai de 90 jours.

Pour permettre un contrôle adéquat de la Commission, nous estimons que le programme d'équité salariale doit être soumis à un examen aussi poussé qu'un nouveau programme. On propose donc que la totalité de la loi s'applique dans le cas de la poursuite d'un programme. Cependant, dans ce cas-là, surtout quand la configuration d'un tel programme est déjà terminée, nous croyons que la Commission devrait avoir le pouvoir de déterminer les adaptations à faire dans l'application de la loi.

(17 h 50)

Quant aux délais prévus pour un programme d'équité salariale où les travaux sont déjà en cours depuis quelques années, l'article 116 prévoit que ce sont les mêmes que pour un nouveau programme, ce qui est préjudiciable aux personnes et aux organisations qui, les premières, ont eu le souci d'éliminer la discrimination. Alors, nous proposons que la loi laisse aux parties la possibilité de s'entendre sur les délais applicables ou, à tout le moins, qu'elle prévoie que les parties puissent déjà avoir convenu d'une date de rétroactivité. Je vous soumets que c'est le cas pour la CEQ qui a convenu, dans une entente avec le gouvernement du moment, de la rétroactivité pour les enseignantes et les enseignants dans le dossier de l'équité salariale.

Au chapitre X, nous proposons une modification à l'article 120, sachant que, dorénavant, les recours en vertu de l'article 19 sont réservés aux personnes qui travaillent dans les entreprises de moins de 10 employés. Ce recours risque de n'être d'aucune utilité si c'est la salariée qui doit prouver qu'elle subit de la discrimination. Alors, comme d'autres organisations que vous avez entendues, nous demandons qu'il y ait ici un renversement de la preuve.

En conclusion, je tiens à réaffirmer que les femmes ont été très patientes. Elles font encore preuve d'une patience exemplaire en acceptant que les employeurs disposent d'un délai de quatre ans pour élaborer leur programme, que les entreprises bénéficient d'un autre délai de quatre ans pour verser les correctifs, que trois autres années puissent s'ajouter dans le cas de difficultés budgétaires majeures – il y a des femmes qui vont être rendues à leur retraite – mais leur patience a quand même des limites. Alors, s'il faut attendre que les organisations patronales soient d'accord avec des mesures coercitives ou que les employeurs, dans un grand élan du coeur, spontanément, se mettent à tout corriger, on n'obtiendra jamais l'équité salariale. Nous en voulons pour preuve que, même si l'article 19 de la Charte existe depuis 20 ans, la discrimination salariale sur la base du sexe est toujours présente.

Alors, adopter la loi n° 35 demandera du courage de la part du gouvernement, de la part des parlementaires, nous en sommes conscientes. Mais nous demeurons convaincues que le gouvernement saura faire preuve d'un tel courage et respecter ses engagements à l'égard des femmes. Et nous ne saurions trop insister pour qu'il affirme clairement ses intentions avant la tenue du sommet socioéconomique, pour éviter que ce dossier serve de monnaie d'échange, et que le projet de loi soit adopté à l'unanimité de l'Assemblée nationale avant la fin de 1996. L'équité salariale, c'est une simple question de justice. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, madame. Avant de passer la parole à Mme la ministre, j'aimerais avoir l'accord des parlementaires pour dépasser l'heure. Accordé? Mme la ministre.

Mme Harel: Bienvenue. Vous êtes une habituée, je pense, du salon rouge maintenant. Est-ce que vous comptez le nombre de fois? C'est la combientième fois?

Mme Pagé (Lorraine): J'aurais dû commencer dès le début. Je suis venue tellement souvent, je serais incapable de faire le compte.

Mme Harel: Alors, bienvenue, Mme Simard, Mme Girard. Vous avez terminé vos paroles en nous disant souhaiter l'adoption à l'unanimité, en fait, de l'Assemblée nationale, et je me disais qu'à défaut d'un consensus unanime dans la société on peut peut-être avoir ce consensus dans l'Assemblée. Je le souhaite parce que je crois que ça demande du courage pas simplement au gouvernement, mais, en fait, ça demande du courage dans l'opposition aussi.

Là, on travaille beaucoup sur les modalités. Alors, c'est bien évident que votre mémoire porte justement sur des questions concrètes, des questions pratiques. Et soyez rassurées sur le fait que, même si on n'a pas le temps d'en discuter, je comprends que les services du secrétariat vont se mettre en communication avec les juristes pour échanger sur l'interprétation de certaines dispositions. Vous êtes favorables, donc, à ce qu'on mette en vigueur la Commission de l'équité, d'abord, puis, vous dites, six mois après, la mise en vigueur du reste des articles pour ne pas que ça commence débraillé. C'est ça que je comprends?

Mme Pagé (Lorraine): Exactement. La Commission va avoir un travail important pour faire connaître les dispositions de la loi, informer, sensibiliser. M. Dufour disait, juste auparavant, que beaucoup de monde ne sait pas de quoi on parle. Ils prendront ces six mois-là, à la Commission, pour l'expliquer à tout le monde. Et, après ça, les obligations commenceront à intervenir pour tout le monde en même temps, avec vraiment le travail efficace que la Commission aura pu faire pour lancer le tout sur des bases correctes et solides.

Mme Harel: Quant aux comparateurs externes, vous savez que c'est un des soucis des milieux où il y a des emplois dans les catégories d'emplois à prédominance féminine sans possibilité de comparaison. Alors, le souci est de se voir comparé avec on ne sait qui d'ailleurs, etc. Concevez-vous qu'il serait souhaitable qu'il y ait une consultation sur la réglementation aussi des comparateurs externes, en fait, qu'on soit dans une consultation parlementaire avec un débat public là-dessus? Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Pagé (Lorraine): Oui, ça serait intéressant qu'il puisse y avoir une consultation là-dessus. Est-ce que ça doit être une forme de consultation à caractère parlementaire ou un autre type de consultation? Là, ça mériterait d'être regardé plus attentivement. Mais sûrement qu'une consultation sur toute la dimension des comparateurs pourrait permettre de donner encore plus de transparence à l'ensemble des travaux qui découleront de ça. Et ça évitera toutes sortes d'interprétations abusives, de recours, ainsi de suite.

Mme Harel: En fait, je réfléchis: quand même, tout n'est pas réglé encore, on le sait, c'est pour ça qu'on mène la consultation. Et heureusement d'ailleurs qu'il y a ces processus. On a vu quand même les changements suite à l'avant-projet. Et, maintenant, je me dis que les parties patronales, syndicales et les groupes de femmes, à partir du moment où la Commission est en place, où la loi est mise en vigueur, ne sont plus, dans le fond, dans le circuit, ne sont plus partie prenante. Est-ce qu'on aurait intérêt à trouver un mécanisme pour qu'il y ait un comité aviseur ou pour qu'il y ait une référence? Parce que je me demande, à défaut de ça, si ça ne va, disons, un peu, si vous voulez, s'isoler du milieu où ça doit s'appliquer.

Mme Pagé (Lorraine): Précisez donc, au juste, à quoi vous pensez.

Mme Harel: C'est simplement peut-être parce qu'il y aura quand même, au fur et à mesure de l'application, pas mal de choses à résoudre...

Mme Pagé (Lorraine): Oui.

Mme Harel: ...plus qu'on croit. Si on ne veut pas que ça soit devant les tribunaux que ça se résolve, ça suppose qu'au fur et à mesure peut-être il y ait un pouvoir, dans le fond, de réglementation. Je vais vous donner un exemple. Si on parle, par exemple, de mettre les amendes dans un fonds spécial, pour les non-syndiqués, à qui va-t-il être attribué? Comment va-t-il être dépensé? C'est de l'argent public. Il va finir par y avoir une réglementation, peut-être, à ce sujet-là.

Par exemple, en matière, disons, d'entreprises qui ont moins de 50 employés, qui ont des obligations de résultat, mais sans avoir l'obligation d'un programme ou encore d'un comité, comment s'assurer que quelque chose de plus conséquent se passe que ce qui s'est passé en Ontario avec une obligation de résultat dans la loi? Ce n'est pas des entreprises de moins de 100 employés; c'est des entreprises de moins de 50 qui, à 20 % seulement, ont appliqué, finalement, cette obligation de résultat. Est-ce que, dans la comparaison des avantages et des inconvénients, il ne vaudrait pas mieux, peut-être, avoir un système où il y a renversement du fardeau de la preuve et où les plaintes sont étudiées par la Commission de cette façon-là? Qu'est-ce qui, au fur et à mesure... Parce que la loi va évoluer, aussi, dans l'application, puis dans les résistances qui vont être rencontrées.

Mme Pagé (Lorraine): Lise.

Mme Simard (Lise): Non, je ne crois pas. On a essayé...

Mme Harel: Vous pensez que ce n'est pas nécessaire, un comité aviseur? C'est ça?

Mme Simard (Lise): C'est-à-dire qu'il pourrait être nécessaire, le comité aviseur. Mais, pour la question que vous posez à savoir quels effets va avoir, dans les entreprises ou chez les salariés qui ont peu de moyens, une loi proactive, moi, je pense que donner, tout simplement, le droit de recours à l'article 19 dans les entreprises, c'est-à-dire reculer, en fait, ne serait pas suffisant. On l'a déjà vécu, et je crois à l'effet d'entraînement. Il y a des pratiques qui vont s'établir. Il y a des choses qui vont évoluer en équité salariale. On aura des modèles et on aura aussi des repères d'entreprises qui ont réglé, donc, qui peuvent s'appliquer dans d'autres entreprises qui ont eu plus de difficultés pour toutes sortes de raisons.

(18 heures)

Alors, les lois du marché vont nous faire connaître une autre dynamique en termes économiques, en termes salariaux pour les types d'emplois féminins. Il y aura des études, et je pense qu'on ne peut pas penser ou croire que, dans l'espace de quatre ans, cinq ans, on va être capables de voir des correctifs majeurs chez l'ensemble des entreprises qui ont peu de moyens d'agir. Mais il faut compter que ces entreprises-là ont une obligation et qu'il va se passer des choses qui vont s'exporter d'autres entreprises qui ont réussi à travailler.

Mme Harel: En fait, dans la question que je posais, je ne référais pas à l'article 19; je référais, finalement, à un renversement du fardeau de la preuve.

Une voix: Oui.

Mme Harel: Parce qu'on sait bien que, si l'article 19 n'a pas été appliqué, c'est que le fardeau reposait sur la travailleuse qui se croyait discriminée, et ça, c'était tout un fardeau à porter. Mais, en fait, c'est une question d'appréciation, puis on a une clause crépusculaire d'ailleurs dans le projet de loi n° 35 qui fait que, dans cinq ans, de toute façon, obligatoirement, qu'on y soit tous ou personne, ça va revenir devant le Parlement. Mais, tantôt, Me Beauvais – peut-être y étiez-vous au moment où le Conseil du patronat présentait son mémoire – parlait de changements culturels, même de choc culturel.

Une voix: Oui, de choc culturel.

Mme Harel: Effectivement, c'est à peu près de changements de cette nature-là qu'il s'agit. C'est des changements culturels extrêmement profonds, parce que c'est la manière que les gens ont toujours considérée naturelle et normale qui est remise en question. Ça, c'est assez profond.

Mme Pagé (Lorraine): Oui, mais c'est pour ça qu'on tenait beaucoup à l'idée d'une commission indépendante sur l'équité salariale. Et, de l'avant-projet de loi au projet de loi, il y a eu un bond qualitatif important, parce que la Commission – une commission indépendante – de l'équité salariale va pouvoir jouer un rôle déterminant par rapport à ce choc culturel. Tout d'abord, si déjà on donne le temps à la Commission d'entrer dans ses responsabilités, de faire le premier travail d'information, de sensibilisation, qu'on confie nommément à cette Commission ce mandat d'information, d'aide, de soutien, je crois que, là, on se donne des moyens pour aider la transformation dans les valeurs et dans les cultures d'entreprise qui vont devoir découler de l'application de cette loi.

La Commission va être tenue de faire des rapports à l'Assemblée nationale, va rendre publique l'évolution de la situation. C'est pour ça d'ailleurs qu'on insiste sur le fait que la Commission doit détenir toute l'information, pour justement qu'on ne se retrouve pas devant un état de fait où on ne sait pas ce qui s'est passé, puis, au bout de quatre ans, cinq ans, huit ans, 10 ans, on constate que les choses n'ont pas suffisamment progressé ou n'ont pas progressé de façon satisfaisante, ou que des correctifs auraient dû être apportés à la façon de faire.

Donc, pour nous, le projet de loi prévoyant la mise sur pied d'une commission indépendante de l'équité salariale, on s'est donné un moyen beaucoup plus efficace que ce que pouvait prévoir l'avant-projet de loi et là je crois que, avec les modifications que nous suggérons en plus pour vraiment améliorer la capacité d'intervention de la Commission, on a ce qu'il faut pour probablement répondre à un certain nombre de préoccupations que vous avez.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant Mme la députée de Saint-François et, ensuite, Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Merci, mesdames, pour la présentation de votre mémoire. Je constate justement que vous en arrivez directement aux modalités, c'est-à-dire que votre objectif principal, c'est de bonifier le projet de loi. Donc, vous prenez pour acquis qu'il sera adopté, et ce, le plus rapidement possible. Bien sûr que, avant de parler de certaines modalités – parce que vous faites des suggestions intéressantes; je pense qu'il faut l'admettre, il y a des bonifications qui méritent notre attention – vous avez vu la résistance aussi encore. Elle existe, hein? On est loin du consensus, elle existe encore. Il faut comprendre aussi que la partie syndicale est en demande; c'est la demanderesse, donc, versus l'autre partie qui devra assumer les coûts. Alors, je pense qu'il faut essayer de penser ou de réfléchir, ou de se mettre dans la peau de l'autre et de dire: Comment on va l'assumer? Parce que, en plus du choc culturel, du choc du changement majeur, c'est aussi, bien sûr, des coûts qu'on ne peut pas ignorer. Et, comme je le mentionnais, il faut essayer de voir comment on peut assumer ces coûts, comment les entreprises peuvent assumer les coûts.

Tout à l'heure, vous étiez ici, vous avez entendu possiblement, comme moi, Me Beauvais et M. Dufour parler, entre autres, de l'impact que ça pourrait avoir sur les hommes aussi. Non seulement, eux, ils ont peur de l'application, mais aussi de l'impact sur les hommes et sur toutes les négociations. Quand on dit, par exemple: Il y aura un redéploiement de masse salariale, parce qu'il n'y aura peut-être pas une augmentation comme telle de masse salariale, comment justement faire accepter ça? Qu'est-ce que vous pensez de ça?

Mme Pagé (Lorraine): Je vais vous en parler, moi, des hommes – alors, les hommes, écoutez – ...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Pagé (Lorraine): ...en vous parlant, tout simplement, de ce qu'on a vécu à la CEQ quand on a fait les travaux d'équité salariale pour les catégories de professionnels. Les syndicats professionnels, en partant, c'est des syndicats où il y a plus d'hommes que de femmes. La première fois qu'on a fait une assemblée générale pour parler d'équité salariale, la réunion a été longue, puis il y a eu beaucoup de questions. La deuxième réunion, ça a été un petit peu plus court, puis il y avait moins de questions. Et, à la fin, quand la demande syndicale s'est élaborée, les gens avaient fait de la recherche de l'équité salariale et, donc, du redressement à accorder aux catégories de femmes professionnelles dont on faisait la preuve qu'il y avait une sous-rémunération, une priorité de la négociation. Le résultat, ça a été effectivement que certaines catégories de nos professionnels ont connu des redressements importants; pour des corps d'emplois de professionnels femmes entre 4 % et 12 %, avec une moyenne de 7,8 %. Et, dans les assemblées générales qui étaient constituées en majorité d'hommes, ce règlement a été accepté dans une majorité de 93 %. Et là on n'avait pas de loi d'équité salariale.

Alors, vous savez, les hommes, ils ne sont pas toujours faciles à faire changer, puis, derrière chaque homme évolué, il y a une féministe fatiguée, je suis d'accord avec vous...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Pagé (Lorraine): ...mais ils ne sont pas en dehors du monde non plus, ils ne viennent pas de la planète Mars. Et le consensus social – je ne parle pas du consensus patronal – en faveur de l'équité salariale est tel que, avec une loi sur l'équité salariale, un engagement des organisations syndicales dans les processus de négociation et une ouverture de la partie patronale à bien constater que le Québec, en 1996, est rendu là, moi, je n'ai aucune inquiétude sur la capacité d'atteindre les objectifs.

Mme Gagnon-Tremblay: Vous comprenez que, cette ouverture, on ne la sent pas tellement. Moi, je ne l'ai pas sentie encore. Je n'ai pas senti qu'il y avait véritablement une ouverture.

Mme Pagé (Lorraine): Ils suivront quand elle sera adoptée, Mme la députée.

Mme Gagnon-Tremblay: Ha, ha, ha!

Mme Pagé (Lorraine): Ce sera comme sur d'autres questions. Qu'est-ce que vous voulez...

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Alors, depuis le début, j'essaie de voir si on peut en arriver à un consensus, mais j'ai comme l'impression que c'est peine perdue.

Mme Pagé (Lorraine): Bien, il y a eu des progrès. Je vais vous donner un exemple. Toute la question de faire jouer un rôle important au Tribunal du travail, c'est une question qui a été abordée régulièrement avec les représentants patronaux, entre autres au CCTM de façon plus informelle. Mais on sait qu'ils sont d'accord avec cette approche-là. Tantôt, je donnais l'idée des amendes qui sont versées dans un fonds pour les non-syndiqués; ils sont d'accord avec ça aussi. Ils ont fait un certain bout de chemin. Ils ont commencé par dire qu'ils ne voulaient rien savoir. Là, maintenant, ils sont rendus à dire: Oui, une loi, mais donnez-nous pas du coercitif.

Et même, à la limite, ils sont rendus à dire: La direction générale pourrait intervenir. Et là j'ai de la difficulté à les suivre, parce que, à moins qu'on mette des palmarès dans le journal de ces bonnes entreprises puis des mauvaises entreprises – puis je ne sais pas combien d'armées de fonctionnaires ça prendrait pour aller enquêter dans chacune des entreprises, puis elles sont contre la bureaucratie, puis la technocratie – je ne sais pas où elles s'en vont avec ça.

Deuxièmement, elles nous citent toujours qu'il faut qu'elles soient compétitives avec l'Asie, les États-Unis, le Zimbabwe. Mais peut-être que, si, entre elles, les entreprises québécoises se donnaient des chances aussi pour avoir les mêmes règles dans leur compétitivité interne, il me semble qu'elles se serviraient, comme entreprises, en souscrivant à une approche qui donne des balises claires avec une loi, puis qui fait que toutes les entreprises québécoises en même temps s'engagent dans un processus, même si les délais peuvent être différents selon la taille de l'entreprise ou certaines difficultés économiques qui peuvent surgir. Alors, je ne peux absolument pas comprendre la dernière proposition du bloc patronal, même s'il y a un progrès, sinon par le fait qu'il a décidé de tenir jusqu'à la dernière minute. Mais nous allons, nous aussi, tenir jusqu'à la dernière minute et même une seconde de plus.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Gagnon-Tremblay: Vous avez parlé justement d'un fonds spécial pour inscrire les amendes afin d'aider les travailleurs et les travailleuses des plus petites entreprises, mais j'ose espérer que ce fonds-là, il va être vide. Je ne peux jamais croire qu'on va aller chercher assez d'amendes, qu'il va y avoir assez d'entreprises récalcitrantes pour créer un fonds important et suffisant pour aider les entreprises. Alors, j'ose espérer que...

Mme Pagé (Lorraine): Nous l'espérons et c'est pour ça que, dans l'introduction de notre mémoire, nous avons proposé, en plus, que le gouvernement évalue une possibilité d'aider un organisme qui joue plus directement un rôle d'aide auprès des non-syndiquées pour justement faciliter les choses. On sait, par exemple, qu'Au Bas de l'échelle joue un rôle très important auprès des non-syndiquées, qu'il compte, pour ce faire, sur un certain nombre d'aides et de subventions. Je pense qu'il faudra envisager aussi cette mesure-là, parce que, d'abord, avant que le fonds se remplisse, même s'il y avait des entreprises récalcitrantes, avec les délais qui sont là, ça prendrait un certain nombre d'années pour avoir de l'argent dans le fonds. Puis il faut espérer qu'il n'y aura pas trop d'argent dans le fonds, non plus.

Mme Gagnon-Tremblay: C'est ça. C'est ça.

(18 h 10)

Mme Pagé (Lorraine): Mais il y a moyen de donner une assistance à des groupes organisés qui déjà jouent un rôle auprès des travailleuses non syndiquées et qui pourraient donc aider ces groupes-là à s'organiser, indépendamment du rôle que la Commission peut jouer également.

Mme Gagnon-Tremblay: Vous avez fait une suggestion qui me plaît, c'est-à-dire de créer la Commission et d'attendre six mois avant la mise en application de la loi comme telle. Je trouve ça intéressant. Je trouve ça intéressant parce que ça va nous permettre deux choses: premièrement, de savoir quelles sont les ressources de la Commission. Parce qu'on crée une commission, mais encore faut-il qu'elle ait les ressources. Il faut que la ministre ait les ressources financières et humaines aussi pour que ce ne soit pas une coquille vide. Alors, donc, déjà là, on va voir la volonté. S'il y a une volonté de créer une commission et de s'occuper de l'application de la loi, bien, là, on va voir quelles sont les ressources, quelles sont les possibilités, et, donc, ça va permettre au départ de rassurer peut-être un grand nombre de personnes.

Par contre, la ministre a parlé d'un comité pour définir les méthodes à utiliser, et vous n'avez pas tellement accroché là-dessus. Je ne sais pas si... Et là je parle un peu à voix haute, parce que je n'ai pas réfléchi nécessairement sur cette possibilité. Mais, si vous avez justement cette Commission, d'une part, et que, au cours des premiers six mois, vous avez des spécialistes, un comité de spécialistes qui ont déjà fait des relativités salariales, qui ont même déjà fait des démarches d'équité salariale, qui connaissent le dossier et qui sont en mesure d'élaborer des paramètres, des barèmes ou d'énoncer des facteurs de sorte qu'au bout de six mois on soit capable de dire: Bien, voici ce qui peut être fait – bien sûr que, d'une entreprise à l'autre, ça peut être adaptable – voici comment on peut s'y prendre, puis, ces méthodes-là, si, par exemple, les syndicats y sont associés, parce qu'à peu près tous les syndicats ont développé des expertises, une bonne expertise, alors donc, si au départ il y a une entente entre les participants des syndicats à ce sujet, il me semble que ça pourrait rassurer les entreprises et que, six mois après, lorsqu'on va mettre en application la loi, déjà on saurait un peu sur quel pied danser, puis il me semble que ça éviterait bien des inquiétudes. Ça pourrait rassurer le milieu patronal et peut-être que ce serait un moyen de le rallier.

Mme Pagé (Lorraine): Écoutez, probablement qu'on ne peut pas penser que tout pourrait se régler en six mois. L'avantage que nous avons vu, nous, l'avantage premier, à ce délai de six mois, c'est pour éviter que la loi ne s'applique pas au même moment pour toutes les entreprises. Nous préférons que la loi s'applique un peu plus tard, six mois après la mise sur pied de la Commission, pour que toutes les entreprises se mettent au jeu en même temps, même si certaines règles sont différentes parce qu'il y a des stratifications qui ont été introduites.

Deuxièmement, la Commission doit être appelée à jouer un rôle important. Et là je pense qu'il n'est pas à l'avantage des femmes non syndiquées et même des femmes syndiquées que les entreprises, surtout, aillent consulter des bureaux d'avocats. Ce n'est surtout pas ça qu'elles doivent faire. Alors, si le pouvoir d'information, de sensibilisation, de formation de la Commission peut amener à mettre à la disposition des entreprises du matériel, des documents, des suggestions quant à la méthode, à la façon de faire, il s'agit de permettre à la Commission de jouer un rôle proactif pour justement qu'on se mette au travail pour régler le problème de discrimination salariale vécu par les femmes plutôt que d'aller engraisser certains bureaux d'avocats pour trouver toutes sortes d'interprétations abusives qui feront qu'on introduira seulement de nouveaux délais.

Alors, il faut vraiment voir ça dans une approche où on vise un objectif. La Commission peut jouer un rôle important, il y a de la souplesse dans la loi avec les stratifications, mais donnons-nous quand même le temps de bien partir pour éviter après toutes les contestations ou encore de se faire dire par les entreprises: Nous ne sommes pas capables. Bien, là, comptons justement sur une commission qui peut supporter toute la démarche.

Mme Gagnon-Tremblay: Je pense que vous avez tout à fait raison de croire que les bureaux d'avocats pourraient s'emparer de ça; pas seulement les bureaux d'avocats, mais aussi tous les experts externes. Je pense qu'ils attendent. Ils attendent ça avec assez de – comment pourrais-je dire, donc – plaisir. Mais, cependant, c'est quelque chose justement qu'il faut peut-être... Ce n'est pas parce que je ne veux pas que tout le monde travaille; au contraire, tout le monde a le droit de travailler. C'est pour ça que je reviens à l'idée, peut-être, de songer un peu plus en profondeur. C'est que, au même moment où cette Commission-là est créée, ça va prendre six mois avant que la Commission puisse s'adapter – parce qu'elle va avoir un mandat – avant qu'elle connaisse bien son mandat, qu'elle le définisse correctement, qu'elle regarde comment... Comme je vous disais, qu'on pense déjà aux ressources disponibles; peut-être aussi que, s'il y a un manque de ressources, elle ne pourra pas aller à la vitesse qu'elle va vouloir. Alors, je pense qu'il y a plein de choses qu'il faut vraiment prendre en considération.

Mais, au même moment, si, par exemple, cette Commission ou bien la Commission des droits, je ne sais pas, ou, tout simplement, un groupe très, très souple était organisé pour travailler parallèlement à l'élaboration du mandat de la Commission, travailler sur un mécanisme souple qui pourrait être développé au cours de ces six mois-là pour arriver au bout de six mois et dire: Voici, la Commission a défini clairement son mandat, elle le connaît bien, maintenant, elle sait ce qu'elle devra faire, les ressources nécessaires pour le faire, et, en même temps, l'autre comité a pu travailler également... Et l'autre comité pourrait travailler aussi sur des modalités qui pourraient toucher les petites entreprises, c'est-à-dire celles de 10 employés et moins qui actuellement sont oubliées et qui représentent quand même une masse considérable de femmes, il pourrait travailler à l'élaboration d'un mécanisme pour aider ces petites entreprises.

Mme Pagé (Lorraine): Mme Simard va vous fournir des éléments de réponse.

Mme Simard (Lise): Bien, moi, en tout cas, j'ai l'impression qu'on écoute beaucoup le Conseil du patronat qui semble croire que ça ne peut pas être autrement que complexe, alors que ça ne l'est pas tant que cela. Former des comités qui essaieraient de développer des méthodologies qui seraient applicables pour tout le monde, à mon avis à moi, c'est impraticable dans ce domaine-là, parce que ce domaine-là est trop simple. Dans les petites entreprises où on a même tendance à vouloir donner des délais supplémentaires, savez-vous que, avec un bon plan de rangement très facile, ils sont capables de faire le travail en l'espace de deux mois, même pas en travaillant à temps plein? Et c'est ce genre d'outil là... Moi, je ne suis pas inquiète du tout. Les gens du patronat entre eux vont en développer, il va y en avoir plus qu'il en faut sur le marché, et je suis certaine qu'ils sont déjà en train de faire ce genre de travail là. Pour moi, je ne crois pas qu'il y ait énormément de problématique concernant les outils.

Au niveau syndical, on vous a toujours dit qu'on voulait faire ce travail-là nous-mêmes, avec l'employeur, donc de terrain, et faire évoluer en même temps les gens qui nous entourent, parce que ce n'est pas tout de réaliser l'équité salariale, il faut toujours bien que les femmes en aient connaissance, hein, alors que, si on forme des comités provinciaux, des gens développeront des méthodes qui ne seront pas nécessairement appropriées au monde du terrain et ne seront pas nécessairement, non plus, utilisables.

Mme Gagnon-Tremblay: Je conviens qu'il n'y a peut-être pas une méthode unique, mais au moins il y aurait une réflexion par des experts qui ont eu l'expérience sur le terrain. Parce que, quand vous dites que c'est simple, je comprends que ça peut être simple, mais pourquoi ça prend six mois pour faire seulement des libérations syndicales quand on décide d'aller de l'avant dans une démarche comme les relativités? Tu sais, c'est peut-être bien simple, mais, quand on arrive à négocier, là, c'est moins simple. Alors, donc, c'est dans ce but-là que je me dis... En tout cas, je laisse ça à la réflexion de la ministre, elle pourra peut-être réfléchir davantage et, avec votre aide, elle pourra peut-être élaborer. Comme je vous dis, moi, je parlais tout haut. Je n'avais pas réfléchi nécessairement à ça, mais vous avez ouvert une porte, et je trouvais ça intéressant, peut-être. Je vous remercie infiniment. Merci de votre présence.

(18 h 20)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, Mme la députée. Les deux dernières interventions seront par Mme la députée de Sherbrooke et M. le député de Lévis, puis, s'il y en a d'autres, dépendamment du temps disponible, on continuera.

Mme Malavoy: Bonjour. C'est à mon tour d'apprécier le travail que vous avez fait, parce que j'ai suivi d'assez près vos réflexions, et je pense que, dans la vingtaine de propositions, il y a beaucoup de choses qui sont fort utiles et très, très concrètes. Dans vos propositions, il y a des choses qui sont, je dirais, mineures, pas au sens où elles ne sont pas importantes, mais qui sont plus des ajustements, et il y a des choses qui me semblent majeures.

J'aimerais vérifier si je comprends bien, entre autres, que la recommandation 4 serait une recommandation majeure au sens où elle questionne un des éléments importants du projet de loi par rapport à l'avant-projet, et j'ai, entre autres, souligné une phrase qui précède la recommandation. Vous dites: «Nous ne pouvons souscrire, pour les salariés syndiqués, à une approche distincte selon la taille des entreprises.» Or, dans le projet de loi n° 35, on a introduit cette gradation selon la taille des entreprises, et, vous, vous dites dans la recommandation: On pense qu'il faut qu'il y ait un comité d'équité salariale qui soit suggéré ou imposé selon la taille des entreprises. Pour moi, c'est quand même une différence importante par rapport au projet de loi actuel.

J'aimerais que vous me confirmiez, d'abord, que cette recommandation-là, pour vous, est plus importante que peut-être d'autres et que vous la voyez aussi comme une différence, malgré tout, assez majeure, parce que c'est important pour nous de bien savoir avec quoi on repart pour ensuite essayer d'en tenir compte le mieux possible.

Mme Pagé (Lorraine): L'idée d'avoir une stratification dans le projet de loi n'est pas la nôtre. Ce n'était pas l'approche que nous aurions privilégiée. Toutefois, nous acceptons de souscrire au projet de loi comportant ces stratifications, mais nous croyons que, quand une entreprise est syndiquée, la notion d'avoir un comité ne doit pas être distinguée selon la taille de l'entreprise. Il y a, dans les milieux syndiqués, petits, moyens, gros, des habitudes de travail avec l'employeur, l'habitude de mettre sur pied des comités, l'habitude d'avoir des rapports organisés, et, en ce sens-là, nous croyons que, dans les entreprises syndiquées, on ne peut pas établir la stratification de façon aussi étanche quant à la mise sur pied d'un comité. Alors, pour nous, quand on arrive entre 50 et 99 salariés, il devrait y avoir un comité et, en deçà de 50, quand l'association accréditée fait la demande d'un comité, qu'il y ait un comité.

Nous représentons des salariés dans des entreprises où il n'y a pas 50 salariés. Dans certains cas, nous évaluerions qu'il n'est pas opportun d'avoir un comité. Dans d'autres cas, il pourrait être plus opportun d'avoir un comité, compte tenu de l'habitude des rapports que nous avons avec l'employeur. En ce sens-là, nous croyons qu'il faut reconnaître l'habitude qui existe dans les milieux syndiqués et faire que, quand il y a une association accréditée qui demande qu'il y ait un comité, il puisse se mettre sur pied. Les habitudes de travail sont telles qu'il n'y a rien qui vienne justifier qu'on ne le fasse pas.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Dernière intervention par M. le député de Lévis et Mme la ministre fera la conclusion.

M. Garon: Bien, moi, j'écoutais parler Mme Pagé, puis ce qui me frappait, c'est qu'elle disait que c'est un changement des valeurs qui est recherché, et je ne suis pas sûr de ça. Je vais vous dire pourquoi. Je me demande si ce n'est pas plutôt de choisir: est-ce qu'on parle véritablement de valeurs acquises ou si on n'est pas plutôt dans l'héritage génétique du règne animal? J'écoutais une émission, la semaine dernière, à la télévision, où on montrait l'évolution des singes, puis on est arrivé, à un moment donné, à l'être humain et on disait: Il a commencé à se tenir debout avant que son cerveau se développe.

Mais, quand on regarde aujourd'hui les comportements des être humains, ce sont en grande partie des comportements hérités des animaux: le sens du territoire, par exemple. Moi, je regarde mon chien, il n'y a pas un serin qui rentre sur le territoire, il sort de là tout de suite; c'est son territoire. Les êtres humains sont un peu comme ça aussi. Et, moi, je pense que les valeurs qu'on doit regarder, c'est si ce ne sera pas un choix de valeurs pour l'avenir, parce que beaucoup des valeurs qu'on a actuellement, moi, je pense, sont l'héritage du règne animal.

Autrefois, on disait: C'est quoi, un être humain? Il y en a qui disaient: C'est un animal social. D'autres: C'est un animal raisonnable. Moi, je pense, au fond, que le grand défi, c'est de bâtir une société égalitaire et une planète égalitaire également, puis c'est bien plus compliqué. Regardez, il y a 50 ans, les gens se battaient encore pour savoir quelle race était supérieure. Ça ne fait pas longtemps, hein! Il y a 50 ans, la guerre, c'était ça. Alors, moi, je pense que le grand défi de l'avenir, c'est: Est-ce qu'on veut...

Moi, j'ai réfléchi à ça plus quand j'ai été, à un moment donné, père de trois filles. Je n'étais pas un féministe de nature. J'avais trois filles. Je n'avais pas de garçon. Alors, je me suis dit: Bon, quel monde j'aimerais qu'on leur laisse? Moi, je pense qu'il faut avoir comme objectif... Puis on disait: Sur le plan des moyens, on peut prendre 50 moyens, mais il faut bâtir, puis c'est très important, une société égalitaire. Moi, je pense que l'humanité est rendue là, actuellement, à une société égalitaire où les gens, indépendamment de... Puis ça veut dire toutes sortes de choses. Sur le plan des handicaps, sur le plan de toutes sortes de choses, c'est quoi, une société égalitaire? Eh bien, une société égalitaire, c'est qu'on ne paie pas les gens en fonction du sexe, mais en fonction de ce qu'ils font.

Et c'est pour ça que je pense que c'est un gros défi, puis je pense qu'il y a une sensibilisation, parce que, quand les gens parlent, ils n'en parlent pas... Moi, j'écoute les gens parler, puis je pense qu'il faut revenir à l'enseignement de base, plus fondamental. Est-ce qu'on veut une société égalitaire, oui ou non? Alors, si on veut une société égalitaire, ça n'a pas d'importance que quelqu'un qui occupe un emploi soit un homme ou une femme, si c'est une société égalitaire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le député. Mme la ministre, en conclusion.

Mme Harel: Écoutez, après ces propos d'un philosophe...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: ...qu'est-ce que vous voulez que j'ajoute de plus? Peut-être, tout simplement, que je terminerais en disant: À travail équivalent, salaire égal. Ha, ha, ha!

Mme Gagnon-Tremblay: Dans la société égalitaire, c'est plus: À travail égal, salaire égal.

Mme Harel: C'est ça. Bien, on a encore de l'ouvrage à faire. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, est-ce que ça conclut?

Mme Harel: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'ajourne les travaux au jeudi 22, à 9 h 30.

(Fin de la séance à 18 h 28)


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