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Version finale

33rd Legislature, 2nd Session
(March 8, 1988 au August 9, 1989)

Thursday, May 11, 1989 - Vol. 30 N° 82

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières dans le cadre de l'étude du projet de loi 116 - Loi sur les régimes complémentaires de retraite


Journal des débats

 

(Dix heures quatorze minutes)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place afin que la commission des affaires sociales puisse procéder aux consultations particulières et auditions publiques dans le cadre de l'étude du projet de loi 116, Loi sur les régimes complémentaires de retraite.

Ce matin, nous recevons la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, la FTQ, représentée par MM. Fernand Daoust, Michel Duplessis, M. Albert Poirier, Laurent Filion, Jacques Labonté, Henri Massé, Léon Corbeil et Richard Tremblay.

On n'expliquera pas à M. Daoust nos règles de procédure. C'est un vieux routier de nos commissions. Bienvenue. Si vous voulez bien nous présenter vos collègues et ensuite procéder à la présentation de votre mémoire, s'il vous plaît.

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec

M. Daoust (Fernand): Merci, M. le Président. Vous avez déjà nommé quelques membres du comité de retraite de la FTQ. Je vais vous présenter ceux qui m'accompagnent à cette table: MM. Henri Massé du Syndicat canadien de la fonction publique, Claude Poulin, actuaire, Claude Ducharme des Travailleurs canadiens de l'automobile, Yves Paré de la FTQ-Construction, et enfin Albert Poirier, des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce.

Le Président (M. Bélanger): Bonjour, messieurs.

M. Daoust: M. le Président, je ne vous présenterai pas longuement la FTQ, vous la connaissez, je vous rappelle qu'elle est la plus importante centrale syndicale au Québec, qu'elle représente 450 000 membres et qu'elle s'est toujours vivement intéressée aux sujets qui font l'objet de votre commission, par des colloques, des documents, une réflexion intensive faite dans le passé dont vous trouverez les fruits dans le mémoire que nous vous soumettons. En tout premier lieu, nous voulons aborder deux grands ordres de préoccupation. La FTQ est préoccupée du portrait d'ensemble de l'interaction pour des personnes âgées des différentes mesures privées et publiques visant à la retraite. Trop de retraités et préretraités ne disposent pas encore d'un revenu leur permettant de vivre dans des conditions acceptables; nous nous devons d'interpréter même les réformes isolées à l'aune des besoins globaux de ces personnes. Aussi, il nous faut situer votre projet de loi pour ce qu'il est, c'est-à-dire une proposition d'amélioration du cadre des régimes complémentaires de retraite.

Pour la FTQ, un solide régime public constitue l'élément essentiel de toute politique d'ensemble de la retraite. Et selon nous, de nombreuses améliorations doivent être apportées à ce pivot de base. Nous tenons à le signaler, malgré le cadre de cette commission, afin de bien indiquer que même une bonne réforme des régimes privés ne pourra suffire, encore moins remplacer les améliorations à apporter à ce qui nous semble être le pivot prioritaire d'une politique de retraite.

Concernant spécifiquement ces revenus complémentaires, nous soutenons que la tendance de plus en plus nette à favoriser une prise en charge individuelle de la constitution d'une épargne pour la retraite doit être fondamentalement inversée. Les régimes privés, qui permettent une certaine prévoyance collective, devraient être des outils privilégiés, parce qu'ils représentent encore, à ce moment-ci, le moyen le plus efficace et Se moins inéquitable de constituer un revenu de retraite complémentaire.

Le caractère archaïque de la loi actuelle en matière de régimes complémentaires, le retard mis à s'y attaquer, que nous trouvons inacceptable, et, par contraste, les attentions fiscales soutenues et nombreuses reçues par les REER ont produit une situation largement inéquitable pour les travailleurs à revenus modestes ou moyens. Le projet de loi devrait donc, selon nos attentes, rétablir l'équilibre qui permettrait un développement important des régimes complémentaires et une large couverture de l'ensemble des personnes au travail. Malheureusement, votre projet de loi n'atteint pas encore cet objectif de rééquilibrage. Nous déplorons la timidité des modifications apportées aux règles d'adhésion et d'acquisition, la faiblesse des dispositions particulières à l'administration d'un régime et l'absence de dispositions visant à éliminer toute discrimination fondée sur le sexe. Nous croyons en outre qu'il est inacceptable qu'aucune mesure n'ait été proposée afin de protéger les participants contre l'érosion par l'inflation et que la propriété des surplus des caisses de retraite ne soit toujours pas abordée. Certains de nos syndicats sont déjà intervenus et d'autres, fort nombreux, pourraient le faire, en particulier sur ces deux points.

Deux préoccupations dans cette présentation. La première partie est brièvement consacrée à l'importance et aux faiblesses du régime public, alors que notre appréciation et nos commentaires sur le projet de loi font l'objet de la seconde partie.

Les conditions de vie des retraités: l'importance des régimes publics. Chacun d'entre nous contribue, à sa façon, à bâtir la richesse collective de la société. Vous le savez, l'immense majorité des citoyens du Québec appréhendent le moment où ils devront prendre leur retraite.

Bien que se soient développés au fil des ans certains mécanismes visant à assurer le passage à la retraite, ce changement brutal de mode de vie engendre souvent du stress et des problèmes d'adaptation.

On estimait qu'en 1987, au Canada, 39,4 % des personnes seules âgées de 65 ans et plus vivaient en situation de pauvreté. Plus de 58,5 % de leurs revenus devaient être consacrés à la satisfaction de leurs besoins essentiels. En fait, peu de retraités sont à l'abri de l'inquiétude financière, et une telle situation provoque la marginalisation des personnes âgées. Nous ne pouvons enrayer ou du moins atténuer ce phénomène sans attribuer aux personnes âgées les ressources économiques nécessaires au maintien de leur participation à la vie de la société.

Déjà, en 1984, le Conseil national du bien-être notait que les programmes gouvernementaux de sécurité du revenu et de pensions importent davantage aux personnes âgées à faible revenu parce qu'ils leur fournissent la presque totalité de leurs revenus. L'étude Indiquait aussi que, selon les dernières données disponibles, soit celles de 1981, 86,8 % des revenus des personnes âgées de 65 ans et plus et vivant sous le seuil de la pauvreté provenaient du cumul des régimes publics et de différentes mesures publiques d'aide et de soutien au revenu. Cette proportion s'élevait à 93,2 % dans le cas des couples. Pour leur part, les régimes privés, en gros, ne comptaient que pour environ 10 % ou 11 % du revenu des personnes seules.

Donc, bien que les régimes publics constituent la pierre angulaire de la sécurité du revenu à la retraite, force nous est de constater qu'ils ne permettent pas à la majorité de vivre dignement et décemment. Voilà bien longtemps que nous avons posé ce diagnostic à la FTQ, et voilà bien longtemps que nos membres revendiquent des améliorations au Régime de rentes du Québec. Il y a urgence en cette matière, et nous ne pouvons accepter que les réformes destinées à améliorer la situation des personnes âgées se résument à des améliorations aux régimes privés sans qu'aucune réforme du Régime de rentes n'ait lieu. D'ailleurs, une telle réforme a déjà beaucoup tardé.

Soit dit en passant, nous déplorons le fait qu'en dépit de la quasi-unanimité manifestée à l'occasion de la bonification du régime public, nous devions dénoncer l'immobilisme du gouvernement. Il est inacceptable, je le répète, que dans une société comme ta nôtre, les gens qui prennent leur retraite soient réduits à des revenus dérisoires alors qu'ils ont tellement participé à toutes les activités de notre société. Nous avons, de temps à autre, des modèles qui nous viennent de partout. N'allons pas dans les pays Scandinaves ou un peu partout dans le vaste monde. Allons tout près de chez nous, à côté, aux États-Unis où la contribution des employeurs et des salariés au régime public de retraite est de 7,51 %, alors qu'ici au Québec, on piétine lamentablement avec des contributions qui sont peut-être de 2,1 % ou de 2,2 % et qui varient de 0,1 % par année. C'est scandaleux et inacceptable. Notre ouverture a été très grande. Les travailleurs salariés, les membres de la FTQ ont toujours souhaité contribuer plus largement afin de s'assurer une retraite qui en soit vraiment une et non pas une retraite de marginalisés.

En 1981, parmi les couples canadiens au-dessus du seuil de la pauvreté, 48,3 % obtenaient des revenus de régimes de retraite privés qui représentaient, en gros, 12 % de leurs revenus totaux. Au Québec, en 1983, il existait 5814 régimes complémentaires auxquels participaient au-delà de 1 000 000 d'individus. La même année, l'emploi total au Québec était de 2 642 000 travailleurs et travailleuses. Ces régimes ne couvraient que 42 % des salariés québécois et 58 % étaient des laissés pour compte.

En matière de régimes de retraite, c'est maintenant une évidence qu'il y a un grand avantage à regrouper le plus grand nombre possible de participants au sein d'un même régime pour assurer à ce dernier une certaine solidité. Le régime public de retraite est un outil qui a fait ses preuves. C'est pourquoi il est urgent que la majorité des travailleurs et des travailleuses se voient garantir des revenus satisfaisants par le biais du RRQ.

La FTQ revendique une véritable politique fondée sur ce régime et recommande, premièrement, de hausser graduellement, sur cinq années, le taux de remplacement du salaire assurable de 25 % à 50 % pour la partie du salaire inférieure à la moitié du maximum, et de hausser de 25 % à 50 %, sur une deuxième période de cinq ans, le taux de remplacement pour la deuxième partie du salaire moyen. Deuxièmement, elle recommande d'ajuster immédiatement le salaire maximum assurable au salaire industriel moyen, de le maintenir automatiquement à ce niveau, et de le hausser graduellement de 100 à 150 % du salaire industriel moyen durant la deuxième période de cinq ans.

Voyons maintenant ce projet de loi 116. Nous l'avons dit, la loi était archaïque. La plupart des provinces, en particulier l'Ontario, ont déjà modifié substantiellement leur législation. Il était donc temps, tardivement, que le Québec s'occupe de ses travailleurs et travailleuses.

Le nombre d'années nécessaires à l'obtention du droit à une rente différée, la faible transférabilité des crédits de rente, le peu de contrôle des travailleurs et des travailleuses sur l'administration des sommes qu'ils consacrent à leur retraite, le taux d'intérêt ridicule souvent appliqué aux cas de ceux et de celles ayant droit à un remboursement de leur cotisation, le peu d'égard accordé au conjoint, l'utilisation de tables de mortalité distinctes pour les femmes, voilà autant d'éléments qui contribuent à faire des régimes privés un instrument de revenu complémentaire de retraite de piètre qualité.

À l'opposé, l'épargne Individuelle est devenue, grâce aux REER, de plus en plus attrayante, compte tenu en particulier de la souplesse de ce régime et des améliorations apportées au traitement fiscal qui lui est réservé.

Ce mouvement, M. le ministre, nous inquiète. Est-ce là un choix idéologique? Nous ne pouvons vous accompagner dans ce cheminement. Ce mouvement nous inquiète car, selon notre analyse, pour une portion importante des travailleurs et des travailleuses à revenus modestes et moyens, ces deux formes d'épargne ne sont pas des substituts. Aussi, en laissant se détériorer l'attrait pour les régimes privés tout en améliorant de façon substantielle les déductions fiscales accordées pour les REER, le gouvernement a favorisé les gens à revenus plus élevés et a laissé se détériorer les conditions de prise de retraite des moins bien rémunérés. Ce mouvement est inéquitable et favorise l'appauvrissement accru des futurs retraités.

Nous nous attendions, M. le ministre, à ce que vous renversiez la vapeur à l'égard de cette situation en rendant à tout le moins les régimes privés tout aussi attrayants que le sont les REER. Le projet de loi apporte, de l'avis de notre centrale, certaines améliorations, soulignons-le, qui s'imposaient, mais, encore une fois, il nous semble insuffisant en regard de cet objectif.

Pour l'ensemble du Canada, une étude récente venait confirmer que les niveaux d'épargne attribuâmes aux REER avaient crû beaucoup plus rapidement durant les dernières années que ceux attribuâmes aux régimes de retraite en fiducie. En 1987, 8 000 000 000 $ avaient été investis dans des REER, comparativement à 11 000 000 000 $ dans des régimes de retraite en fiducie.

Les dernières données disponibles concernant les déclarations fiscales des particuliers du Québec confirment que le môme mouvement s'est produit dans notre province. Tandis que le nombre de particuliers ayant réclamé une déduction à titre de contributions versées à un REER est passé de 471 000 en 1982 à 675 000 en 1985, soit une augmentation de 43,3 %, le nombre de ceux qui ont réclamé une déduction à titre de cotisations à un régime de retraite est passé, au cours de la môme période, de 959 000 à 938 000, soit une diminution de 2 %.

Les mômes statistiques indiquent, cependant, que les catégories de revenus qui utilisent l'une ou l'autre des déductions sont largement différentes, révélant par là que l'un et l'autre moyen d'épargner en vue de la retraite ne sont pas équivalents selon les catégories de revenus. Nous prenons le taux d'utilisation de ces déductions comme indicateur. On peut constater, au tableau 1, que l'utilisation des déductions pour cotisation à un régime de retraite augmente dès la catégorie de revenus de 10 000 $ à 15 000 $ et commence à décliner à partir de 45 000 $ à 50 000 $. C'est entre ces catégories de revenus, faut-il le préciser, qu'on retrouve la plus grande partie des travailleurs et des travailleuses et le tableau 1 est très indicatif à cet égard.

M. le ministre, vous aurez compris notre point de vue à l'égard des REER et des régimes privés. On voit très bien dans la description que les riches sautent à pieds joints sur les REER, alors que l'immense majorité des travailleurs se situe dans cette tranche de revenus que vous savez, où les régimes complémentaires de retraite ont leur accueil de façon beaucoup plus prononcée. (10 il 30)

En bref, le fait d'avoir largement bonifié les avantages fiscaux associés aux REER - et vous n'êtes peut-être pas le ministre le plus responsable de ça, mais i! y a des responsabilités qu'il faut assumer collectivement - et d'avoir tant tardé à présenter une réforme conséquente au niveau des régimes privés a représenté, pour une large proportion des travailleurs que nous représentons, une détérioration des conditions dans lesquelles ils ou elles ont eu à planifier leur retraite. Cette tendance à accroître la responsabilité individuelle des personnes pour s'assurer un revenu complémentaire de retraite se traduit, en fait, par un accroissement des inégalités devant celle-ci. Nous n'acceptons pas que ce mouvement se poursuive. Votre projet de loi sera, à nos yeux, insatisfaisant tant qu'il n'aura pas restauré convenablement l'attrait et la sécurité des régimes privés en y mettant au moins autant davantages pour les travailleurs et travailleuses que d'autres ministres, je l'ai mentionné, l'ont fait pour l'épargne privée individuelle. Or, malgré des améliorations non négligeables apportées par votre projet de loi, il reste des faiblesses importantes que nous allons maintenant commenter.

L'adhésion et l'acquisition. En vertu de ce projet de loi, un régime complémentaire de retraite doit permettre l'adhésion de tout travailleur ou travailleuse qui en fait la demande et qui a reçu, au cours des deux années civiles consécutives et antérieures à cette demande, une rémunération au moins égale à 35 % du maximum des gains admissibles, tel qu'établi par le RRQ ou qui a travaillé pendant au moins 700 heures par année au cours de cette même période. Cette disposition, c'est évident, exclut donc tous les travailleurs et, particulièrement les travailleuses, qui obtiendront des revenus d'emploi de moins 3325 $ annuellement. On sait que le taux horaire est de 4,75 $ et on sait qu'au Canada 9,7 % des femmes actives gagnaient moins de 3000 $ par année. D'autre part, étant donné que le travailleur ou la travailleuse n'acquiert le droit aux cotisations de son employeur qu'après deux ans de participation au régime, il ou elle pourrait n'avoir droit à une rente différée qu'après un minimum de quatre années de service. Ces dispositions, particulièrement celles concernant le temps travaillé nécessaire à l'adhésion, nous semblent encore largement impropres à répondre

aux réalités actuelles.

Alors même que vous décriez, avec d'autres, certaines rigidités du marché du travail ainsi que la faible mobilité de la main-d'oeuvre, vous maintenez à l'intérieur de ce projet de loi des dispositions qui pénalisent ceux et celles qui, trop nombreux, sont victimes de la précarité de leur emploi et d'Interruptions fréquentes de travail. Il y a là des contradictions que nous trouvons extrêmement difficiles à concilier. Indiquons qu'une étude du CEC, malgré qu'elle concluait que les emplois au Canada étaient relativement stables, trouvait tout de même que 16,9 % des emplois terminés ou en cours en 1980 avaient eu une durée de trois ans ou moins.

Concernant spécifiquement les travailleuses, le Conseil du statut de la femme, lors de sa réaction au projet de loi 58 sur les régimes complémentaires de retraite déposé par le gouvernement précédent, rapportait que la durée des périodes de travail précédant un arrêt était inférieure à quatre ans pour 70 % des femmes interrogées lors d'une étude du ministère des Affaires sociales.

Le Président (M. Bélanger): M. Daoust, je vous inciterais à conclure rapidement, notre temps est écoulé, malheureusement.

M. Daoust: Je voudrais bien, mais je pense, si vous me le permettez...

Le Président (M. Bélanger): Vous en avez encore pour à peu près combien de temps?

M. Daoust: Sept ou huit minutes, mais on va accélérer.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre et madame, est-ce qu'il y a consentement?

M. Bourbeau: M. le Président, je n'ai pas d'objection mais le problème, c'est que cela va être amputé sur le temps qui va rester pour dialoguer avec vous.

M. Daoust: Oui, pour poser des questions après. C'est parce qu'H y a là des réponses aux questions que je ne doute pas que vous souhaiteriez nous poser.

Le Président (M. Bélanger): Excellent, M. Daoust, vous pouvez procéder.

M. Bourbeau: M. le Président, je veux seulement signaler...

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, M. le ministre.

M. Bourbeau: ...que nous sommes astreints à un horaire exigeant...

Le Président (M. Bélanger): Non, je pense qu'ils ont bien compris, oui.

M. Bourbeau: ...il y a d'autres groupes qui sont ici et qui vont passer après. On ne peut dépasser le temps imparti pour la totalité...

Mme Harel: Et le temps qu'utilise M. le ministre ne vous sera pas déduit...

M. Bourbeau: Un instant, est-ce que je peux terminer?

Une voix: II ne sera pas déduit? Mme Harel: ...j'espère.

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît, madame.

M. Bourbeau: Cela va être amputé sur le temps qu'il reste.

Le Président (M. Bélanger): Oui, je pense que tout le monde a compris que l'horaire est serré, et ce, toute la journée. Donc, on ne peut pas se permettre de déborder. Je vous en prie.

M. Daoust: Nous allons nous limiter à cette heure que vous nous avez donnée. Bon!

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

M. Daoust: Si le ministre prétend vouloir faire des régimes privés de véritables sources de revenus complémentaires, il doit s'assurer que les portes de ces régimes soient bien ouvertes. Nous estimons que le délai prévu par les articles 34 et 68 avant qu'un travailleur puisse avoir droit à une rente différée est encore trop long et, selon nous, aucune règle ne devrait entraîner l'exclusion d'un régime en fonction du temps travaillé. Nous recommandons donc que soient éliminées dans les régimes les exclusions en fonction du temps travaillé, que le droit à une rente différée soit acquis après deux ans de services et que, dès l'acquisition, les cotisations soient Immobilisées pour la retraite.

La transférabilité des crédits de rentes. Les règles en vertu desquelles un travailleur ou une travailleuse peut transférer ses crédits de rentes d'un régime à un autre sont, dans l'état actuel, restrictives.

Compte tenu du nombre de régimes en vigueur et des différences majeures qui peuvent exister entre eux, peu d'ententes ont été conclues afin d'assurer la transférabilité des crédits de rentes. Le projet de loi confère ce droit à tout participant dont l'âge est inférieur d'au moins dix ans à l'âge normal de la retraite et prévoit à cet effet des règles minimales de transfert. Il s'agit d'un pas en avant puisque cela pourra faciliter à un Individu le regroupement à un seul endroit des épargnes constituées en vue de la retraite.

Mais nous nous inquiétons de la possibilité ouverte par l'article 96 que ces transferts puissent se faire vers des régimes individuels.

Nous avons expliqué notre point de vue sur le fait que les régimes privés et les régimes individuels ne sont pas, pour les travailleurs que nous représentons, des outils équivalents pour la retraite. Or, dans le cadre de ce projet de loi, un individu qui quitte son emploi devra patienter jusqu'à quatre ans avec son nouvel employeur avant d'avoir accès à tous ses droits. Nous demandons donc la création d'un organisme central qui serait chargé de recueillir les fonds correspondant à la valeur actuarielle des rentes différées des travailleurs et travailleuses.

L'administration d'un régime. M. le ministre comprendra que les travailleurs espèrent davantage qu'une participation symbolique à l'administration et au contrôle de l'argent qu'ils mettent dans un régime, au même titre que tout individu fortuné s'attend à pouvoir gérer ses placements. Il ne sera pas surpris de nous voir insatisfaits des mesures prévues dans le projet de loi.

Pour nous, l'administration du régime doit être confiée à un comité dont au moins la moitié des membres sont des représentants des employés, sinon c'est une spoliation d'un droit fondamental; c'est de l'argent qui leur appartient. On parie de salaires différés et vous connaissez l'argumentation à ce sujet, et nous trouvons tout à fait inacceptable que les travailleurs, par leur syndicat, là où il y en a, n'aient pas voix au chapitre en parité avec ceux qui seront chargés de l'administration d'un tel régime. La loi doit affirmer sans ambages que ce comité est chargé de toutes les questions relatives à l'administration du régime, ce qui inclut évidemment les décisions concernant la disposition des surplus. Quel scandale vous connaissez - d'autres l'ont abordé - quel incroyable manque de transparence inacceptable dans une société comme la nôtre! On ne peut concevoir qu'un gouvernement se fasse le complice de ceux qui veulent écarter les premiers visés dans les régimes de retraite à l'égard de leur administration. Il n'y a pas de mot pour qualifier ça. Je vous avouerai que je ne peux pas concevoir qu'un gouvernement puisse mijoter l'exclusion de ceux qui sont les plus directement touchés par les régimes privés. C'est beau avoir des affinités, mais prendre les gens par la main et les accompagner partout, c'est profondément scandaleux. De même, la loi doit assurer la divulgation de toutes les modalités des régimes et de tous les rapports actuariels et financiers.

L'intérêt perçu lors d'un remboursement des cotisations. Là-dessus, il y a des accords, il n'y pas de problème.

Prestations en cas de décès. Il n'y a pas de difficultés majeures et nous souscrivons à l'insertion d'une telle règle, nous le mentionnons. Des ajouts nécessaires au projet de loi. Des tables de mortalité différenciées nous semblent tout à fait la voie qu'il faut suivre. Nos amis, les Américains, le font et nous ne voyons pas que ça ne puisse pas se faire Ici, et qu'il n'y ait pas de discrimination fondée sur le sexe dans les régimes de retraite et qu'à cette fin on utilise des tables de mortalité unisexes.

Le résumé de nos recommandations. Pour les régimes de rentes, nous les avons mentionnées. Je suis à la page 16 maintenant. Je crois que j'ai commenté chacune des recommandations. Je ne veux pas les reprendre. On parle de la création d'un organisme central - j'en ai dit quelques mots - et de la création d'un organisme chargé de garantir le paiement des prestations des régimes privés en cas de terminaison des régimes pour quelque raison que ce soit. Cela se fait en Ontario et ça se fait aux États-Unis.

Si vous me permettez de prendre trois ou quatre minutes, je vous promets que ça ne sera pas long. C'est au nom de la FTQ-Construction et ça ne sera pas très long. En leur nom, je veux vous remercier de nous permettre de vous dire quelques mots. La FTQ-Construction représente 50 000 travailleurs dans cette industrie. Elle souligne le bien-fondé de ce projet de loi. Par ailleurs, vous savez que c'est une industrie qui est reconnue par un ensemble de lois et de règlements, que sa spécificité... Au nom de la FTQ et de la FTQ-Construction, nous avons relevé plusieurs points importants dans ce projet de loi qui pourraient entraîner des conséquences plus néfastes que bénéfiques pour l'ensemble de ses travailleurs.

Au chapitre de la protection de l'argent et des surplus, nous vous rappelons qu'aucun employeur ne peut utiliser cet argent ou ces surplus puisqu'ils sont transférés dans un compte général de l'industrie de la construction. Ils ont un régime qui leur est particulier, qui est administré en fonction d'un décret et des lois qui les régissent. L'argent perçu et non versé - ça peut arriver là comme ailleurs, évidemment - en cas de faillite ou autrement, est garanti par un fonds d'indemnisation prévu par le décret de la construction.

Pour ce groupe, il est très clair que l'application intégrale de la loi entraînerait une réduction de la rente des travailleurs d'environ 12 %. Il faut considérer que ce seraient les travailleurs les plus près de leur retraite qui seraient immédiatement touchés.

Au chapitre des contraintes administratives, nous avons noté quelques implications qui, même avec toute la bonne volonté du monde, seraient quasiment impossibles à respecter. On parle, entre autres, de plusieurs centaines de milliers de travailleurs, 300 000 environ, qui ont un intérêt immédiat, plus lointain ou passé au régime de retraite de la construction. Alors, convoquer des assemblées nous semble techniquement et physiquement impossible, même si environ 10 % des travailleurs décidaient d'y participer. Ce serait une assemblée fabuleuse, mais vous voyez un peu les difficultés.

A l'article 24, il est impossible de demander à l'administrateur du régime d'obtenir un consentement écrit iI y a 16 000 employeurs. C'est un système interentreprises. Ces précisions - et vous lirez le mémoire qu'on va vous laisser - constituent quelques observations. On pourrait en énumérer des dizaines. Nous admettons avec la FTQ-Construction que le projet de loi apporte des améliorations au régime. Force nous est donnée de constater que le régime de retraite des travailleurs et des travailleuses de la construction est beaucoup plus en avance que plusieurs autres régimes de moindre importance, mais tout aussi essentiel pour les travailleurs et les travailleuses du Québec, et qu'il est important de prendre conscience qu'il faut protéger les sommes versées par les salariés et la confiance de ces derniers dans de tels régimes.

Nous croyons qu'il est important d'étudier plus en profondeur ce projet de loi et toutes les implications qu'il peut entraîner à l'égard des travailleurs de la construction. Nous sommes persuadés que le gouvernement veut, par ce projet de loi, protéger les travailleurs de cette industrie et c'est pourquoi nous croyons avoir déjà pris une certaine avance. C'est pourquoi nous espérons atteindre le but visé par le gouvernement.

La FTQ-Construction a une seule recommandation à faire. Demander au ministre de permettre au conseil d'administration de la Commission de la construction du Québec ainsi qu'au comité mixte de l'industrie de la construction - là c'est l'ensemble des participants qui s'y retrouvent - d'administrer le régime de retraite. Ceux qui sont chargés d'administrer le régime de retraite demandent de vous rencontrer, M. le ministre, vous et vos fonctionnaires, afin d'autoriser l'industrie de la construction à être soustraite à certains articles de la loi puisque, c'est su, l'article 2 de votre projet de loi le permet. Alors, c'est une demande de rencontre, d'une étude très spécifique à l'égard de ce groupe de travailleurs.

Je vous remercie beaucoup de votre compréhension et de votre ouverture d'esprit à l'égard du temps que nous avons pris.

M. Bourbeau: Je vais demander une suspension pour une minute, s'il vous plaît.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, nous suspendons nos travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 45) (Reprise à 10 h 46)

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, la parole est à vous.

M. Bourbeau: M. le Président, j'accueille avec plaisir les commentaires assez vigoureux de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Le contraire nous aurait surpris. Je constate que la FTQ accueille le projet de loi comme étant une proposition d'amélioration du cadre des régimes complémentaires de retraite. La FTQ propose des améliorations au régime public de rentes du Québec et je dois dire que les propos qui sont tenus m'apparaissent très pertinents. Dès que nous aurons terminé la rénovation du régime privé, je crois qu'effectivement nous devrons regarder très attentivement comment on pourrait améliorer le régime public.

La FTQ déplore l'absence de mesures relatives à la non-discrimination selon le sexe, au partage des crédits de rente en cas de divorce, à l'indexation, à la propriété des surplus, à un certain nombre d'aspects de ce mémoire qui seront traités plus tard. Depuis le début de la commission, j'ai dit que le partage des surplus, la question relative au partage des crédits de rente en cas de divorce, ce sont des dossiers qui ne font pas partie du projet de loi qui est devant nous et qui verront leurs solutions adoptées plus tard - dans certains cas, peut-être bientôt, dans d'autres cas, dans quelques mois - au cours de débats qui auront lieu subséquemment.

Je voudrais revenir sur un point un peu plus précis et sur lequel vous vous êtes attardé assez longuement. C'est la comparaison entre le traitement accordé par le législateur au régime privé complémentaire de retraite et la faveur qui serait accordée au REER. Vous semblez indiquer que le législateur, le gouvernement, est beaucoup plus généreux envers les REER privés qu'envers les régimes complémentaires de retraite. J'aimerais que vous nous disiez exactement quels sont les aspects précis d'un REER qui le rendent plus attrayant que le régime privé de retraite. En quoi le gouvernement est-il plus généreux à l'égard d'un REER qu'à l'égard d'un régime privé de retraite?

M. Daoust: Les faits établissent que les gens, de certaines catégories de revenus, sont beaucoup plus attirés par les REER que par les régimes complémentaires de retraite. C'est peut-être la façon dont ces derniers sont conçus qui provoque ce genre d'attrait. Le tableau à la page 8 nous indique, de façon évidente, les orientations, les tendances, les réalités des taux d'utilisation en termes de pourcentages des déductions qui sont faites, quand on compare les régimes de retraite et les REER. De ce côté, il y a donc nettement une réalité qui nous inquiète. Il y a une tendance vers l'individualisation des formes de protection de la sécurité du revenu au moment de la retraite.

Évidemment, en ayant des REER qui permettent ce que l'on sait tous, ça retarde, dans une certaine mesure et en privilégiant cet outil, la bonification d'un régime universel de retraite. Cela ne provoque pas les attraits que nous

souhaiterions à l'égard des régimes privés. En gros, c'est notre évaluation et c'est notre frousse, pour tout vous dire, que ce soit là une tendance qui se marque et qui s'inscrive dans les réalités. M. Henri Massé voudrait sûrement ajouter quelque chose... ou quelqu'un d'autre.

M. Bourbeau: Avant de donner la réponse, je voudrais revenir sur le point. Vous semblez indiquer que le gouvernement ou l'État est plus généreux envers ceux qui ont des REER privés qu'envers ceux qui ont un régime complémentaire de retraite. Or, selon tous les renseignements que j'ai, il n'y a pas de différence dans le traitement fiscal d'un régime ou d'un autre. Ce que vous dites dans le fond, c'est que plus de gens vont vers les REER que vers les régimes complémentaires, mais ils ne sont pas mieux traités. L'État n'est pas plus généreux et ne donne pas plus de déductions dans un REER que dans un régime complémentaire de retraite. Donc, il n'y a rien, à mon avis en tout cas, qui fait en sorte qu'on est plus généreux ou qu'on serait injuste envers les gens qui auraient un régime complémentaire. Enfin, j'aimerais que vous précisiez un peu.

M. Daoust: Oui. Parfait. Henri.

M. Massé (Henri): Tout cela est en relation avec la réforme fiscale. M. Daoust a soulevé un premier point tantôt. Avec la réforme fiscale qui s'en vient, qui est annoncée par le gouvernement fédéral, en faisant passer, par exemple, les déductions de 20 % qui sont permises présentement dans un REER à 18 %, on va favoriser davantage les hauts salariés. Les gens gagnant 41 000 $ et moins seront perdants. Mais il n'y a pas que cela, M. le ministre, il y a toute la question, qui est assez complexe et qui sera très complexe aussi pour les entreprises, du facteur d'équivalence qu'on prévoit dans la réforme fiscale du gouvernement fédéral qui va faire en sorte qu'on pourra avoir plus de déductions fiscales en mettant de l'argent dans un REER que si on cotise déjà dans un régime collectif. Je peux vous dire que le gouvernement du Québec a déjà rencontré des équipes du gouvernement fédéral pour souligner que des choses ne se tiennent pas là-dedans. Au début, on pensait que c'étaient des erreurs, mais on se rend compte que c'est une orientation politique du gouvernement fédéral. Le régime des RSR, pour nous, il faut aussi le mettre en fonction de la réforme de la fiscalité qui s'en vient, au cours de l'année prochaine, parce que s! c'est un tout, on vise la retraite des gens.

M. Bourbeau: M. le Président, je...

Le Président (M. Bélanger): Juste un instant. C'était bien M. Massé, n'est-ce pas?

M. Massé: Oui.

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît, à chaque intervention, veuillez vous identifier pour la transcription du Journal des débats. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président. Je suis un peu étonné qu'on avance des arguments comme ceux-là. On tente de faire croire que les régimes complémentaires sont moins généreux que les REER qui, eux, seraient utilisés par les riches et qui auraient plus d'avantages que les pauvres, les travailleurs, d'après ce qu'on nous dit. Mais, dans la réalité, l'argument ne tient pas du tout. On parle d'un système actuel où les deux groupes de travailleurs ou de gens sont traités de la même façon sans aucune différenciation. Là, on apporte l'argument que, dans une réforme future, dans un autre Parlement, réforme qui n'est pas en vigueur, qui fera l'objet de débat, qui sera peut-être modifiée, peut-être qu'à ce moment-là il y aura une différenciation. Vraiment, je pense qu'on devrait se limiter, à ce sujet-là, à ce qui existe dans la loi présentement. On travaille à un projet de loi, dans une loi donnée, et cela me confirme qu'il n'y a pas de différenciation dans le traitement fiscal, présentement, entre les gens qui ont un régime complémentaire de rentes et ceux qui ont un REER. Cela m'apparaît évident. Pour ce qui est de l'avenir, on fera le débat au Parlement fédéral quand la réforme proposée viendra en vigueur. Ce qui se passe dans les officines gouvernementales présentement, les négociations, sont toutes des choses qui sont en dehors des débats d'aujourd'hui. Je tiens à le dire parce que l'argument m'apparaît fallacieux, tel que présenté. Il n'y a pas d'injustice présentement faite à l'égard des travailleurs par l'État en ce qui concerne le traitement fiscal. C'est la même chose. Pour l'avenir, au fédéral, dans la réforme, on verra. Je voudrais vous poser une question.

M. Daoust: M. le ministre... M. Bourbeau: Oui.

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. le ministre, il vous reste deux minutes.

M. Bourbeau: J'aurais une question à poser à M. Daoust sur autre chose.

M. Daoust: Mais là-dessus, si M. Poulin pouvait ajouter juste une remarque.

M. Poulin (Claude): Dans le régime fiscal actuel, M. le ministre, il y a une différenciation. Dans le cas d'un travailleur qui participe à un régime complémentaire de rentes, la déduction maximale au REER est de 3500 $ par année moins les cotisations, tandis que pour un travailleur qui ne participe pas à un régime complémentaire, la contribution maximale au REER est

de 7500 $.

M. Bourbeau: Vous oubliez d'ajouter que le travailleur, lui, a droit aux cotisations de son employeur, alors que, dans un REER privé, on cotise seul. Il faut dire cela aussi.

M. Poulin (Claude): C'est vrai, mais cela veut dire aussi que, dans les faits, les travailleurs veulent éliminer leur régime de retraite pour avoir droit à ces 4000 $ additionnels de cotisations permises à l'intérieur du régime fiscal.

M. Bourbeau: Vous avouerez que la cotisation de l'employeur aide à bonifier la rente du travailleur, ce que n'a pas le travailleur individuel, celui qui possède un REER privé.

Une dernière question, M. le Président, s'il me reste une minute. Je suis un peu étonné de la prise de position de la FTQ au sujet de l'assemblée annuelle. Les patrons s'opposent depuis le début de cette commission à ce qu'il y ait une assemblée annuelle d'information et de reddition de comptes. La FTQ-Construction vient un peu se liguer, si je puis dire, entre guillemets, avec les patrons pour nous dire: On n'est pas en faveur de l'assemblée annuelle. Si personne ne veut de l'assemblée annuelle, moi, je veux bien la faire sauter, mais c'était dans le but d'informer les travailleurs, les cotisants et de leur permettre de voir les administrateurs rendre compte aux cotisants. Je voudrais savoir quel est le point de vue de la FTQ sur l'assemblée annuelle. Est-ce que vous êtes d'accord qu'on la fasse sauter ou si on devrait la garder?

M. Paré (Yves): M. le Président, mon nom est Yves Paré, de la FTQ-Construction.

Le Président (M. Bélanger): M. Paré? Je vous en prie.

M. Paré (Yves): On n'a pas dit qu'on voulait faire annuler l'assemblée annuelle des travailleurs de l'industrie de la constuction. On a tout simplement dit: Physiquement, comment pouvait-on convoquer 350 000 travailleurs à une assemblée annuelle pour expliquer des modifications ou quoi que ce soit au régime? On a dit que, physiquement, c'était un problème. On ne dit pas qu'on ne veut pas. Qu'il ne vienne que 10 % des membres, cela veut dire 35 000 personnes. On devra louer le Stade olympique. C'est seulement cela qu'on veut dire. On ne dit pas qu'on n'en veut pas, on dit qu'il y a un problème physique. On ne dit pas qu'on rejette le projet de loi 116. On dit que l'industrie de la construction est différente des autres régimes. Déjà, on remplit le but principal du projet de loi 116, soit de protéger les investissements des travailleurs de l'industrie de la construction, et on veut essayer de trouver des modalités d'application de cette loi à l'intérieur de l'industrie de la cons- truction; c'est tout ce qu'on dit.

M. Bourbeau: D'ailleurs, on va adapter le projet de loi 116 pour la construction. Il y aura des parties de la loi qui ne s'appliqueront pas en ce qui concerne la construction. On est déjà en discussion avec vous à ce sujet d'ailleurs.

M. Paré (Yves): M. le ministre, c'est la seule et unique demande qu'on a faite, c'est-à-dire d'avoir une possibilité de discuter où on pourrait s'exclure.

M. Bourbeau: Très bien. M. Paré (Yves): Merci.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Un commentaire, M. Ducharme?

M. Ducharme (Claude): Oui. M. le ministre, à propos des 5800 régimes de retraite privés au Québec, on va connaître de la transparence dans ces régimes. De grâce, n'ayez pas l'impression que tous les employeurs contribuent à ces régimes. La plupart du temps, ce sont les contributions des travailleurs et des travailleuses qui font ces régimes. La seule transparence qui va exister, ce n'est pas l'assemblée annuelle, mais celle d'avoir un comité au sein duquel des travailleurs vont être représentés et de laisser le soin aux organismes, aux syndicats d'aller rencontrer leurs membres et de leur présenter les informations et la structure de ces régimes. Faites-en l'expérience, demandez à des travailleurs qui ne participent pas à ces régimes ce qu'ils pensent de leur régime privé et si l'employeur y contribue. Nous, on a l'expérience des régimes qu'on a fouillés à un moment donné. On a réalisé qu'au fil des années, l'employeur ne mettait rien et qu'il se servait dans le régime quand arrivaient les années où les taux d'intérêt étaient élevés, l'employeur ne se gênait pas.

L'une de nos grandes déceptions, ce n'est pas du nouveau, M. le ministre, le gouvernement a dormi là-dessus. Cela fait dix ans qu'on parle de réforme dans les régimes de retraite au Québec. Les partenaires sociaux se sont parlé des régimes de retraite, il y avait des consensus, on a mis notre énergie en commun. On arrive dix ans après, dix années importantes se sont écoulées au cours desquelles on a contribué à grossir la pauvreté des travailleurs et travailleuses qui ont pris leur retraite au cours de ces dix années. On parle de l'indexation, on attend toujours que l'Ontario fasse quelque chose, et on arrive après. On parie des surplus des régimes de retraite. Cela n'a pas été touché, ce sont des éléments qui sont connus et qu'on aurait aimé voir inscrire dans un projet de loi qui aurait touché l'indexation. Quelle est la dimension de l'indexation dans les régimes de retraite, M. le ministre? Ce n'est pas le fait qu'on va hausser

les prestations, c'est de donner un encouragement à la retraite pour permettre aux personnes de prendre leur retraite et, en même temps, que la société permette à des jeunes - parce que le Québec a un taux de chômage de 9 % - d'avoir espoir d'obtenir un emploi dans les secteurs industriels et manufacturiers.

L'autre élément concerne tout ce qui touche les conjoints survivants dans les régimes de retraite. Il faut absolument avoir une clause à ce sujet quand arrive le décès d'un des conjoints. Cela prend le consentement des deux pour que la rente ne continue pas à s'appliquer, et on parle très timidement d'une rente de 60 % des revenus. Si on ne s'attaque pas à la pauvreté au Québec, M. le ministre, et soyez chanceux que les personnes retraitées qui sont sous le seuil de la pauvreté soient silencieuses, parce que vous auriez des surprises... Cette masse grossit et grandit, et c'est épouvantable le ton: qu'on a causé au cours des dix années écoulées. Quand on va parler de la Régie des rentes du Québec, il va falloir injecter des millions et des millions. Qu'est-ce qu'on nous dit depuis dix ans? Qu'il n'y a pas assez d'argent là-dedans pour payer. Dans les régimes privés, la même chose se produit pour des travailleurs à qui on a fait miroiter des montants d'argent. Quand on calcule ce qu'ils vont avoir à leur retraite, des chèques de 3 $, 5, $, 7 $, 10 $, 15 $ par mois, et on s'imagine que ça n'existe pas. M. le ministre, on représente beaucoup de travailleurs et de travailleuses dans des secteurs qui reçoivent 10 $, 15 $,20 $,25 $, 30 $ par mois à leur retraite. (11 heures)

Une voix: Cela existe!

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. Ducharme. Malheureusement, M. le ministre ne peut pas réagir, son temps est écoulé. Je cède la parole à Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, je salue les porte-parole de la FTQ et je vais droit au but. Je ne voudrais pas que le ministre utilise la situation particulière des travailleurs de la construction pour essayer de se désengager à l'égard de la disposition de l'assemblée générale. Le ministre devrait pourtant savoir que les travailleurs de la construction ont un régime qui leur permet d'obtenir par écrit, une fois par année, le compte détaillé de ce à quoi ils ont droit, ce que ne fait même pas la Régie des rentes à l'égard de ses cotisants. Quand on a un régime comme celui-là, il est évident qu'on ne peut pas l'utiliser pour prétexter des modifications qui pourraient être salutaires dans un secteur, parce que ce secteur bénéficie déjà d'ailleurs d'une formule qui permet aux travailleurs de connaître au fur et à mesure l'état de leurs rentes de retraite.

La question de l'injustice est importante. J'aimerais que vous sachiez qu'hier, nulle autre que l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes inc. est venue dire au ministre, et je vais citer: "Au cours de la même période, le nombre de REER collectifs s'est accru de 47 %." L'Association canadienne des compagnies d'assurances dit ceci: "Nous estimons que cette tendance est dangereuse et qu'un tel mouvement empêcherait beaucoup de personnes de bénéficier de dispositions souhaitables dans la législation sur les régimes de retraite." Là, aujourd'hui, le ministre vous demande en quoi c'est injuste.

Evidemment, on ne parlera pas du fait que ça l'est globalement. Dans La Presse de samedi, il y avait un excellent article illustrant que la réforme fédérale de la législation fiscale est conçue de façon à favoriser les travailleurs à revenus élevés et à pénaliser les travailleurs à revenus faibles ou moyens. Mais c'est plus injuste en regard de ce que le ministre peut faire. Ce que l'Association canadienne est venue dire hier, c'est que c'est peut-être de la même façon, sans aucune différenciation sur le plan fiscal seulement, parce que, pour le reste, ce qui est différent, c'est que l'un est réglementé et l'autre pas. L'Association canadienne a dit: Nous avons présentement des demandes presque exclusivement pour des REER collectifs, les employeurs n'étant pas intéressés à un autre type de régime réglementé. Alors, ils sont venus dire au ministre: Réglementez les REER collectifs, sinon ce phénomène va aller s'accentuant et ça va soustraire les employés des avantages d'un vrai régime complémentaire de retraite. Le ministre s'est fait dire ça hier, et il a le culot aujourd'hui de reprendre ces questions comme s'il n'avait pas entendu, de la part de ceux qui administrent les régimes, le pourquoi de cette injustice.

Dans le mémoire que vous nous présentez, à la page 2, vous dites: "Nous croyons en outre qu'il est inacceptable qu'aucune mesure n'ait été proposée afin de protéger les participants contre l'érosion par l'inflation et que la propriété des surplus des caisses ne soit toujours pas abordée." D'abord, est-ce que vous avez un point de vue sur la question de l'inflation et de l'indexation? Vous savez qu'en Ontario, il y a déjà une formule sur laquelle il y a des consultations, mais le principe était intégré dans la loi. Dans le projet de loi 116, il n'y a ni le principe, évidemment, et on ne connaît pas la formule sur laquelle le gouvernement consulterait, et on ne sait même pas s'il va consulter sur l'indexation. Hier, le ministre a bien dit: Si on décide de consulter. Mais II n'a pas encore convenu qu'il fallait qu'il y ait une consultation au moins là-dessus et que s'il y a consultation, il faut qu'il y ait une formule sur laquelle il y ait consultation.

D'autre part, on aborde la question de la propriété des surplus des caisses dans le projet de loi 116, à l'article 136. L'article 136 n'existait pas dans le projet de loi 58, mais vous le retrouvez dans le projet de loi 116. L'article 136

stipule qu'il peut y avoir congé de contribution patronale à même les surplus. C'est déjà une façon, une tendance, une orientation à l'égard de l'utilisation des surplus en cours de régime. J'aimerais connaître votre point de vue là-dessus

M. Daoust: À l'égard de l'indexation, notre position est relativement simple, nous souhaitons la pleine Indexation. Nous savons que de multiples régimes privés n'ont aucune formule d'indexation. Quand je dis de multiples régimes, je pense que c'est 4 %, 5 % ou 6 % des régimes qui ont des formules d'indexation de toute nature. Il y a donc là une lacune que nous souhaiterions voir corriger. Que des consultations soient provoquées et que des échanges de vues se fassent, cela va de soi, mais il me semble que, dans ce domaine, on ne peut pas manifester de l'immobilisme. Chaque jour gruge la qualité et la valeur des prestations qui découlent des régimes privés de retraite. Quant à l'indexation, notre position est très claire, c'est la pleine indexation. C'est la formule que nous défendons et que nous défendrons.

À l'égard des surplus, je sais que le Syndicat des métallos est venu vous dire ce qu'y en pensait. Ce point de vue est partagé par la FTQ. Je sais que de multiples syndicats à l'intérieur de la FTQ vivent des expériences toutes aussi tragiques que celles qui ont été vécues et qui vous ont été narrées par le Syndicat des métallos. Là aussi, on ne peut pas mâcher nos mots. Là aussi, on estime que le mot "vol" n'est pas inapproprié, pour être bien franc. On sait que le fondement même de tous les régimes de retraite, quels qu'ils soient, contributors ou non con-tributoires, est identique partout. Ce sont là des formules de salaire différé, des fois voulues par voie de négociations. Les travailleurs se privent d'une augmentation de salaire ou d'avantages sociaux qui pourraient être assumés par tels montants pour les investir dans une caisse de retraite. La contribution des employeurs là-dedans, c'est une mystification. J'espère que les gens s'apercevront de plus en plus que ce que les employeurs investissent dans les fonds de retraite, il n'y a aucune espèce de générosité ou d'altruisme là-dedans. Cela fait partie des conditions générales de travail pour attirer tel ou tel groupe de travailleurs, pour les garder à leur emploi et éviter une mobilité trop grande. Encore fois, ou bien ils sont contributoires ou bien ils sont non contributoires, mais, fondamentalement, c'est de l'argent qui appartient aux travailleurs.

Qu'il y ait des congés à l'égard des cotisations et que seuls les employeurs les empochent, je n'ai pas à répéter ce que j'en pense, vous le savez sans aucun doute. Ces formules devraient être - c'est là le point fondamental - étudiées et décidées par un comité paritaire. Si on n'est pas à égalité à l'intérieur d'un organisme chargé de l'administration des caisses de retraite, on sera toujours à la merci du décideur majoritaire.

C'est cela qui est fondamentalement inacceptable. On ne peut pas s'imaginer, encore une fois, c'est quasiment inimaginable - je me demande ce que cela va prendre pour faire bouger les mentalités là-dessus - il est inimaginable qu'on exige la parité. De fait, on ne devrait pas exiger seulement la parité, on devrait exiger l'exclusivité. Il me semble que ce serait situé dans une orientation tout à fait défendable, compte tenu de ce que j'ai dit. Mais qu'au point de départ, on refuse, qu'on ne permette pas à ceux qui ont contribué et qui sont visés de prendre part aux décisions, c'est incompréhensible.

Mme Harel: Deux questions rapidement, on me dit qu'il ne me reste que quatre minutes. Cette question du comité paritaire, c'est la question fondamentale, finalement. C'est la différence avec le projet de loi 58 qui a servi de décalque, sauf sur cette question. Le ministre ne peut pas dire: On fait la même chose que vous il y a quatre ans. Entre-temps, il a oublié la question fondamentale du comité paritaire. Tout le reste peut s'éclairer des décisions paritaires, que ce soit la disposition des surplus, l'indexation ou tous les autres aspects de la question. Là-dessus, le ministre a un peu confondu. Il a dit: Le comité de retraite sera décisionnel et non consultatif. Ce qu'il a oublié de dire, c'est qu'il sera décisionnel, c'est-à-dire que les employeurs pourront décider que c'est eux qui gèrent. Alors, c'est "business as usual", évidemment.

À la page 13 de votre mémoire, il y a un aspect sur lequel vous insistez, c'est la création d'un organisme central qui serait chargé de recueillir les fonds correspondant à la valeur actuarielle des rentes. Vous dites justement que ça ne devrait pas - même si c'est bloqué, c'est un avantage pour vraiment que ça constitue vraiment de l'épargne de retraite - s'en aller dans une rente individuelle. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Poulin (Claude): Comme vous le savez, ce n'est pas la première fois qu'on entend parier de la création de cet organisme central. Ça fait plusieurs années. Il y a même un comité qui a été formé en 1985 et qui en est arrivé à la conclusion qu'il devrait y avoir un comité central qui serait chargé de recueillir ces sommes. Il existe un organisme présentement, au Québec, qui s'appelle le Fonds de solidarité, qui pourrait recueillir ce qu'on appelle les valeurs de transfert qui viennent de chacun de ces régimes. Ce pourrait être cet organisme central qui, pour tout le Québec, recevrait les fonds.

Mme Harel: Avez-vous l'impression... Si vous me permettez, M. Daoust, je poserais une question. C'est Me Poulin, je crois?

M. Poulin (Claude): Claude Poulin, actuaire.

Mme Harel: Pensez-vous que, du fait qu'on

réglemente tous les régimes complémentaires de façon plus serrée - U y a des améliorations dans cette façon de faire - et qu'on laisse totalement déréglementés les REER collectifs, I puisse y avoir débalancement et qu'on assiste à la baisse d'un des véhicules au profit de l'autre?

M. Poulin (Claude): C'est ce à quoi on assiste présentement. Il y a une désaffection de fa part des travailleurs, de la part de la population en général, envers les régimes complémentaires de rente au profit des REER. C'est un danger. Un REER, finalement, c'est un régime d'épargne, ce n'est pas un régime de retraite. C'est seulement un régime de retraite qui peut assurer une rente d'invalidité, une rente au conjoint survivant et l'indexation.

Par rapport à l'indexation, j'aimerais souligner qu'il existe, entre le fait d'indexer et le retour des surplus, un lien présentement aux États-Unis. Un consensus est en train d'émerger, à la fois de la part des syndicats et des employeurs, de gros employeurs comme Exxon et General Motors. Ils acceptent le fait que les surplus pourraient retourner à l'employeur seulement après que toutes les rentes des retraités, des conjoints survivants et des travailleurs auraient été indexées. C'est le projet de loi du sénateur Metzenbaum qui est en train de créer ce consensus.

Le Président (M. Bélanger): Merci.

Mme Harel: Alors, c'est malheureusement tout le temps qui était à ma disposition. Je vous remercie de votre contribution. Je sais l'intérêt que vous portez depuis des années à ce dossier et la vigilance que vous allez y maintenir. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, en conclusion, je dirais que c'est vrai que le système actuel n'est pas parfait. Ça fait peut-être dix ans qu'on aurait dû l'améliorer. On prend la responsabilité pour trois ans et on est en train de l'améliorer.

Je rappellerais aussi que, quoi qu'on dise, c'est un système où les deux parties contribuent, le patron et le travailleur. Et je voudrais corriger certains chiffres. Pour l'année 1987, sur les 3 400 000 000 $ qu'on a versés en contributions au Québec, les employeurs en ont mis 2 000 000 000 $ et les travailleurs 1 400 000 000 $. On ne peut quand même pas négliger ce fait.

Je crois que le projet de loi qu'on présente, même s'il ne satisfait pas totalement tout le monde, est une amélioration que je qualifierais de spectaculaire par rapport a ce qui existe présentement. On va même au-delà, sur certains points, du consensus canadien. On va plus loin, pour le comité de retraite, par exemple. Plutôt que d'être consultatif, il est décisionnel. Donc, je pense que c'est un pas en avant.

En ce qui concerne les surplus, je pense qu'il ne faut pas se décourager, on en reparlera à l'automne. Il ne faut rien présumer de ce que le gouvernement va faire. Il y a des possibilités intéressantes à l'égard des surplus.

Je vous remercie de votre contribution. Sûrement qu'on vous reverra dans les prochains mois lorsqu'il sera question des surplus. Je suis convaincu que vous serez là. Merci. (11 il 15)

Le Président (M. Bélanger): Merci. La commission des affaires sociales remercie la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec et elle invite à la table des témoins le Barreau du Québec qui sera représenté par Me Michel Benoît, Me Marc Sauvé et Me Mireille Deschênes.

Je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place pour que nous puissions recevoir à la table des témoins le Barreau du Québec. Mesdames et messieurs du Barreau, je vous demanderais, d'une part, de bien vouloir vous identifier et d'autre part, de donner vos noms chaque fois que vous prendrez la parole pour répondre à un parlementaire, ceci pour la transcription du Journal des débats. Cela nous aide beaucoup. Sans plus tarder, après vous être identifié et avoir présenté vos collègues, présentez s'il vous plaît votre mémoire.

Barreau du Québec

M. Sauvé (Marc): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, Marc Sauvé, service de recherche et de législation, Barreau du Québec.

Le Barreau du Québec est heureux de répondre à l'invitation de la commission des affaires sociales et de présenter le mémoire de son comité sur les régimes de pension privés concernant le projet de loi 116. Comme vous le savez, le Barreau a un double mandat, celui de défendre l'intérêt de ses membres, évidemment, en l'occurrence les avocats, et celui de protéger le public, notamment en veillant à ce que les lois soient justes, claires et efficaces dans la réalisation des objectifs visés par le législateur. C'est donc à la lumière de ce mandat de protection du public qu'il faut interpréter la démarche du Barreau devant la commission.

Le comité du Barreau souscrit aux objectifs du législateur énoncés notamment dans les notes explicatives du projet de loi sous étude. Cette réforme était attendue depuis longtemps et nous considérons qu'elle comporte de nombreuses améliorations par rapport au régime actuel. Nous souhaiterions, cependant, vous faire part de certaines des inquiétudes et interrogations du comité du Barreau concernant divers aspects du projet de loi. A cet égard, Me Michel Benoit exposera les grandes lignes de notre mémoire et

Me Mireille Deschênes et Michel Benoit répondront ensuite à vos questions. Je cède la parole à Me Michel Benoit.

M. Benoit (Michel): M. le Président, comme l'a mentionné mon collègue, Me Sauvé, le Barreau est tout à fait en accord avec ce projet de loi qui vise à moderniser le cadre juridique des régimes complémentaires de retraite au Québec. Je pense que la loi actuelle, qui date de près de 25 ans, n'était plus adaptée aux réalités auxquelles on doit faire face aujourd'hui. Le Barreau souscrit aussi aux nouveaux droits minima qui sont accordés par le projet de loi 116 pour les participants aux régimes complémentaires de retraite.

Le Barreau toutefois s'en voudrait de ne pas souligner que le projet de loi 116 sera certainement une loi lourde et complexe à administrer, tant pour la Régie des rentes qui en est chargée que pour les travailleurs, les administrateurs de régimes et les employeurs. Le Barreau craint que cette loi soit difficile à utiliser comme incitatif pour l'établissement de nouveaux régimes complémentaires de retraite et même pour le maintien des régimes existants au profit des REER collectifs, dont vous avez entendu parler ce matin, qui sont certainement plus simples comme mécanismes pour beaucoup de travailleurs.

Quant au Barreau, on ne fait que vous souligner notre inquiétude à cet égard et souhaiter que les règlements qui seront adoptés en vertu de la loi, de même que les pratiques administratives de la Régie des rentes, permettront les assouplissements qui, à notre avis, seront nécessaires pour permettre aux plus petits régimes de retraite, à tout le moins, de vivre plus facilement avec ce projet de loi important.

Le deuxième aspect de notre mémoire sur lequel j'aimerais vous entretenir concerne la toile de fond que constitue le projet de loi 20, c'est-à-dire la réforme du Code civil qui a été adoptée par l'Assemblée nationale au mois d'avril 1987 et qui n'a toujours pas été proclamée en vigueur au moment où l'on se parle. C'est la toile de fond, sans contredit, d'une partie du projet de loi 116, notamment la partie qui traite de l'administration du régime. Le Barreau croit qu'il est essentiel qu'un projet de loi tel que le projet de loi 116 fournisse un cadre juridique complet pour l'administration des régimes complémentaires de retraite. Dans la perspective, semble-t-il de plus en plus probable, que le projet de loi 20 sur le Code civil ne soit pas proclamé en vigueur en même temps que la loi 116, c'est-à-dire le 1er janvier 1990, il y a un danger qu'il ne faut pas minimiser qu'il existe un vide juridique à compter de l'entrée en vigueur de la loi 116. À cet égard, le Barreau souhaite que l'on regarde de très proche le projet de loi 116 de manière à minimiser ce danger, notamment en incorporant au projet de loi 116 certaines dispositions du projet de loi 20, en particulier les articles 1348, 1349, 1350 et le premier alinéa de l'article 1381, qui constituent des principes d'ordre général. À titre d'exemple, l'article 1348 traite de l'obligation, pour l'administrateur du bien d'autrui, d'agir comme un homme prudent le ferait en pareille circonstance. Des principes généraux de cette nature mériteraient, à notre avis, d'être incorporés dans le projet de loi 116.

Nous aimerions aussi souligner l'importance de s'assurer de la plus grande harmonisation possible entre le projet de loi 116 et les lois de même nature que l'on retrouve dans d'autres provinces canadiennes. Vous n'êtes pas sans savoir que plus des deux tiers des travailleurs canadiens qui participent à des régimes de retraite participent à des régimes enregistrés soit au Québec ou en Ontario et qu'environ 80 % des actifs gérés par ces mêmes régimes sont, encore une fois, gérés dans des régimes du Québec ou de l'Ontario. Le Barreau souhaite, quant à lui, avec le projet de loi 116, qu'au Québec, on recherche la plus grande uniformité possible, notamment pour ce qui est du cadre juridique concernant l'administration de ce même régime. À cet égard, le Barreau a constaté que le projet de loi 116, tel que présenté, comportait des différences importantes avec ce qui existe, notamment en Ontario.

Quelques mots maintenant sur le moratoire déclaré l'automne dernier par le gouvernement, par le biais du projet de loi 95, sur les versements de surplus à l'employeur, moratoire maintenu en vigueur par le projet de loi 116. Le Barreau n'a pas de position à prendre sur le fond de cette question. Toutefois, nous aimerions vous souligner notre inquiétude à l'égard du projet de loi 95 en ce qu'il a un effet, tout d'abord, rétroactif et, d'autre part, en ce qu'il constitue certainement une loi d'exception qui vient en quelque sorte rendre inopérantes certaines dispositions des régimes de retraite qui sont de nature contractuelle. Ce projet de loi a aussi rendu inopérants jusqu'à un certain point les recours aux tribunaux en vue de déterminer ces questions d'appartenance de surplus. Il s'agit donc d'une loi à caractère exceptionnel que le Barreau souhaite voir remplacée par une disposition législative à caractère permanent le plus tôt possible. Les lois à caractère exceptionnel, M. le Président, le Barreau s'y est toujours opposé en ce sens que les cadres juridiques normaux qui devraient exister pour régler les rapports entre les justiciables devraient être ceux auxquels on se réfère pour régler l'ensemble de nos problèmes sans avoir besoin de lois exceptionnelles. Nous souhaitons donc que le gouvernement s'attaque à cette question le plus rapidement possible.

J'aimerais maintenant glisser quelques mots concernant un élément du projet de loi 116, plus particulièrement sur les techniques de rédaction utilisées dans ce projet de loi. Ce n'est pas le premier projet de loi qui emploie cette technique de rédaction qui se veut plus littéraire ou

littérale, si je puis utiliser cette expression, où l'on ne retrouve plus, comme cela a déjà été le cas dans le passé, une série de définitions pour expliquer le sens qu'on entend donner à certains termes. C'est une technique qui se défend, où évidemment, on cherche à faire donner aux termes utilisés leur sens commun toujours en les interprétant dans le contexte particulier de la loi. Cette technique comporte toutefois, à notre avis, de sérieuses lacunes et des dangers, surtout si elle est poussée un peu trop loin. Nous croyons que dans le cadre du projet de loi 116, certaines expressions et certains termes mériteraient très certainement une définition, compte tenu du caractère particulièrement technique de ce projet de loi. À titre d'exemple, le mot "droits", lorsque employé au pluriel, est utilisé à plusieurs sauces, partout dans ce projet de loi, et le sens qu'on doit lui donner n'est pas toujours évident. D'ailleurs, dans la version anglaise, on a traduit ce terme par le mot "benefits" et il n'est pas évident qu'en français, on doive nécessairement lui donner le même terme. Lorsque viendra le temps de l'interpréter ou de le présenter aux tribunaux, il est à craindre que les interprétations qui seront données de ce terme non défini dépassent l'objectif que le gouvernement avait en l'employant. (11 h 30)

En terminant, M. le Président, j'aimerais souligner trois autres éléments de notre mémoire qui méritent une attention un peu plus particulière. Le premier élément traite des dispositions du projet de loi 116 concernant la gestion du régime et, plus particulièrement, de la caisse de retraite. Nous avons pris connaissance de la déclaration du ministre à l'ouverture des travaux de cette commission mardi. Nous comprenons que des modifications devront être faites pour traduire les propos du ministre quant aux orientations qu'il a l'intention de proposer au Conseil des ministres à l'égard de la possibilité pour l'employeur de gérer la caisse de retraite. Nous ne pouvons que souhaiter que ces orientations traduisent avec toute la cohérence nécessaire les volontés exprimées par le ministre.

Nous voudrions aussi souligner que le projet de loi 116 constitue une pièce législative qui accorde à la Régie des rentes de très grands pouvoirs. Il n'est probablement pas très surprenant de constater qu'il en est ainsi, compte tenu de l'importance du projet et compte tenu aussi des jugements qui ont été rendus au cours des dernières années et qui ont allègrement élagué dans les pouvoirs que la Régie croyait avoir.

Quoi qu'il en soit, nous souhaitons que ces pouvoirs, lorsque donnés à la Régie, soient des pouvoirs en grande partie discrétionnaires qui seront utilisés avec la plus grande transparence possible. On a constaté que la Régie avait, dans le projet de loi, le pouvoir d'adopter des instructions générales présumément pour indiquer à tous les intéressés comment elle entendait exercer la discrétion que la loi lui accorde. Nous désirons toutefois apporter à votre attention qu'on retrouve dans le projet de loi 95, qui a été sanctionné par l'Assemblée nationale en décembre dernier, un des premiers exemples de ces nouveaux pouvoirs accordés à la Régie. Nous n'avons toujours pas d'indication de la part de la Régie quant à la manière selon laquelle elle entend exercer la discrétion que ce projet de loi lui accorde, notamment à l'égard des rapports terminaux ou encore, à l'égard de certaines modifications présentées devant elle. Je pense qu'il va être important, le Barreau le souhaite à tout le moins, que la Régie fasse connaître le plus à l'avance possible la manière selon laquelle elle entend utiliser sa discrétion, de manière à éviter pour tous les intéressés qu'on se retrouve devant une situation où les dispositions de la loi seraient appliquées sur une base de cas par cas.

En dernier lieu, j'aimerais aborder un élément qui n'est pas abordé comme tel dans le mémoire du Barreau et qui concerne les droits économiques des conjoints. Le Barreau a déjà fait ses représentations à la commission parlementaire l'automne dernier lorsque le projet gouvernemental sur les droits économiques des conjoints avait été proposé. À ce moment-là, le Barreau avait souligné son accord sur le partage obligatoire des régimes de rentes ou des participations dans les régimes de rentes entre les conjoints au moment du divorce. À l'occasion du projet de loi 116, le Barreau aimerait réitérer son appui à cette mesure et le souhait qu'il a que le projet de loi 116 reconnaisse à tout le moins la possibilité sur une base volontaire pour les conjoints de convenir entre eux de partager les prestations de l'un et de l'autre dans leur régime complémentaire de retraite respectif et que l'administrateur du régime puisse donner suite à une telle entente.

M. le Président, c'est donc en ces quelques mots que nous avons voulu attirer l'attention de cette commission sur les principaux éléments de notre mémoire. Nous n'avons pas voulu en faire lecture. Nous présumons que tout le monde en a pris connaissance. Nous sommes disposés à répondre à vos questions selon le cas. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie M. Benoit. Je cède la parole à M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, c'est toujours avec intérêt que nous prenons connaissance des points de vue exprimés par le Barreau du Québec, que ce soit pour les projets de loi 116, 95 ou 37. Toujours, nous lisons avec intérêt les commentaires du Barreau. L'expérience prouve que nous en tenons compte. Ici, nous constatons que, d'une façon générale, le Barreau souscrit à l'objectif qui est d'apporter une meilleure protection des droits des participants. Il signale ses craintes à l'égard de certaines dispositions qui décourageraient l'établissement et le maintien de régimes de retraite en raison des coûts engendrés.

Vous suggérez des assouplissements et un effort pour tenter de s'harmoniser avec l'Ontario et les autres provinces canadiennes. Vous avez traité de certains sujets particuliers. Peut-être aimerais-je regarder certains des points que vous avez soulevés. Nous avons déjà fait une analyse de votre mémoire et, déjà, nous sommes en train de regarder la possibilité de modifier un certain nombre d'articles du projet de loi pour tenir compte des points de vue exprimés par vous, par le Barreau et par d'autres participants, d'ailleurs d'autres groupes invités.

Exemple, les droits minima, l'adhésion. Vous soulignez que la période devrait être de deux années civiles, précédant immédiatement la demande d'adhésion. Nous sommes en train de voir dans quelle mesure on peut se rendre à cette demande. Vous soulignez également la question de l'extinction des droits lors du divorce, extinction du droit à la rente de conjoint survivant, en prétendant que ça ne devrait pas exister dans le projet de loi et que ça encouragerait, d'une certaine façon, le divorce.

Tout le dossier du partage des droits en cas de divorce ou du non partage, ou de la subsistance des droits, quels qu'ils soient, soit des droits à la rente ou des droits du patrimoine familial fait l'objet d'une étude approfondie par les temps qui courent au gouvernement dans un dossier qu'on appelle le dossier des droits économiques des conjoints. Donc, ce n'est pas dans ce projet de loi 116 qu'on trouvera la réponse à cette question. Je pense qu'on peut espérer qu'assez bientôt le gouvernement fera connaître sa position dans ce dossier.

À l'article 156, vous traitez du registre des intérêts en demandant de les qualifier d'intérêts importants. Je peux indiquer qu'un ajustement sera fait à cet égard.

La gestion de la caisse. Vous avez pris note de la déclaration que j'ai faite suivant laquelle nous permettrons la gestion de la caisse par l'employeur, selon certaines conditions.

La discrétion de la Régie. Les pouvoirs accordés à la Régie. Vous avez souligné, qu'effectivement, au cours des dernières années, lors de jugements qui ont été rendus, un certain blâme ou des reproches avaient pu être adressés par des intervenants à la Régie pour ne pas être intervenue suffisamment dans le sens de la protection des droits des participants. La Régie ne l'a pas fait parce que la loi ne lui permettait pas de le faire. Les tribunaux ont signalé à quelques reprises d'ailleurs que la Régie avait les mains liées. Certains ont employé l'expression "regardait passer le train". Mais, c'était un peu son rôle, en vertu de la loi existante, de regarder passer le train plutôt que de conduire le wagon de tête.

Alors, nous avons voulu responsabiliser davantage la Régie et lui permettre d'intervenir dans le sens de la protection des droits des travailleurs. Je prends note de vos craintes de voir la Régie peut-être utiliser ces droits avec un peu trop d'enthousiame, et nous allons certainement nous assurer que la Régie utilise ces droits avec modération et transparence. D'ailleurs, j'en ai l'assurance absolue du président, mais nous verrons à ce que ça se fasse. Nous surveillerons nous-mêmes le train passer.

Nous prendrons en considération vos remarques au sujet des définitions et de diverses expressions comme les droits, le patrimoine fiduciaire, ce que c'est que gérer une caisse de retraite, la vie maritale, etc. Nous sommes en train de regarder cela présentement. La définition de conjoint, c'est un sujet qui revient à chaque projet de loi ou à peu près par les temps qui courent. Alors, j'aimerais préciser que l'expression "vivre maritalement" s'applique à des conjoints de sexe opposé. Nous allons le préciser davantage dans les amendements que nous avons l'intention de proposer éventuellement.

Vous soulignez que la loi 95 est une loi à caractère exceptionnel. C'est bien le cas et nous en sommes fort conscients. Cette loi a été proposée et adoptée dans le but de faire face à une situation d'urgence. Il s'agissait d'une situation qui s'était développée au cours des derniers mois ou des dernières années et qui faisait en sorte que certains employeurs, au dire de certains travailleurs et au dire des observateurs également, menaçaient de s'envoler avec la caisse, pour employer l'expression populaire, avec des surplus d'actifs dans des cas particulièrement problématiques.

Alors, nous sommes intervenus rapidement par une loi d'exception, c'est bien évident. Nous avons décidé de geler littéralement tous les excédents d'actifs ou les surplus des fonds de retraite privés, jusqu'à ce qu'une solution définitive soit trouvée. La solution n'est pas encore trouvée. Nous y réfléchissons. Dans les prochains mois, nous allons consulter, probablement à l'automne, sur les orientations qu'on devrait prendre au sujet de ces surplus d'actifs, comment permettre de les utiliser, à qui le permettre et, en ce qui concerne la question des congés de cotisation, si, oui ou non, on va continuer à les permettre. Bref, la problématique des surplus sera abordée dans sa globalité. À ce moment-là, on tirera des conclusions et, lorsque des décisions auront été prises, on lèvera le moratoire.

Si jamais on manquait de temps, on n'hésitera pas à prolonger le moratoire, comme l'Ontario l'a fait. D'ailleurs, l'intention n'est pas de lever le moratoire avant qu'il y ait une solution définitive de trouvée à l'égard des surplus d'actifs.

En gros, ce sont les commentaires que je voulais faire à l'égard de votre mémoire. Je voudrais peut-être vous poser une question. Tantôt, vous avez traité de l'harmonisation entre la loi 20 et la loi 116. Est-ce que vous pourriez mentionner quels points précis de la loi 20 devraient être harmonisés avec la loi 116? Je

n'ai pas tout à fait saisi le sens de vos propos. Le Président (M. Bélanger): Me Benoit.

M. Benoit: Ce que nous avons mentionné tout à l'heure à cet égard, c'est la crainte que nous avons que le 1er janvier 1990, qui est la date prévue pour l'entrée en vigueur de la loi 116, le projet de loi 20 lui-même ne soit pas proclamé en vigueur. Les indications que nous avons de la part du ministère de la Justice, notamment, lorsque le ministre Rémillard est venu au congrès annuel du Barreau il y a quelque temps, sont en ce sens que le gouvernement va probablement chercher en même temps à mettre en vigueur l'ensemble de la réforme qu'il fait ou qu'il cherche à faire du Code civil, ce qui retarderait d'autant l'entrée en vigueur de la loi 20.

Dans cette perspective, l'entrée en vigueur de la loi 116 va obliger les tribunaux et les praticiens à interpréter le chapitre X de la loi 116 à la lumière du droit général existant à l'heure actuelle, ce qui, en soi, n'est pas une tâche impossible, mais certainement pas un résultat que nous souhaiterions voir durer plus longtemps qu'il ne le faudrait. (11 h 45)

À cet égard, nous souhaiterions que les dispositions du projet de loi 20 dont j'ai fait mention tout à l'heure soient d'ores et déjà incorporées dans le projet de loi 116. Il s'agit d'énoncés de principes assez généraux que contient la loi 20. À titre d'exemple, l'article 1348 dont j'ai fait état tout à l'heure indique que l'administrateur doit agir avec prudence, diligence et compétence, comme le ferait en de pareille circonstance une personne raisonnable. Il nous semble que, même si la loi 20 n'est pas proclamée en vigueur le 1er janvier 1990, des principes de cette nature mériteraient néanmoins d'être incorporés dans la loi 116. C'était dans ce sens-là.

M. Bourbeau: Oui. J'ai bien saisi. Effectivement, la loi 20 ne sera peut-être pas en vigueur. On ne versera pas des chapitres de la loi 20 dans la loi 116, mais on va certainement introduire dans la loi 116 des définitions ou des principes qui sont déjà dans la loi 20. On est à préparer présentement des projets d'amendements à la loi 116 pour faire en sorte de verser au moins les éléments les plus importants, du moins ceux qui causent problème, dans la loi 116. Cela va, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le ministre. Je cède la parole à Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je souhaite également la bienvenue à Me Benoit, à Me Deschênes et à Me Sauvé qui, je pense, sont responsables du comité. Est-ce bien cela? C'est avec intérêt que nous avons pris connaissance de votre mémoire, particulièrement des remarques d'ouverture portant sur le coût et la complexité du régime. Ce matin, je lisais un bulletin publié par la filiale de Sodercan, une filiale d'actuaires et de courtiers d'assurances, et distribué à tous ses clients. Ce bulletin porte sur la réforme québécoise des pensions et dit ceci - cela me fait un peu penser à ce que contient votre mémoire: Contrairement au projet de loi présenté par le gouvernement précédent en décembre 1985, lequel était relativement facile à lire, le présent projet est difficile à comprendre. Plusieurs des 315 articles peuvent facilement porter à confusion à la première lecture. Ce ne sont peut-être pas des avocats qui en faisaient lecture - en fait, il s'agit d'actuaires et de courtiers d'assurances - mais finalement cela reprend les propos que Me Dufour - à force de le voir venir en commission parlementaire - M. Ghislain Dufour, président du Conseil du patronat, tenait devant la commission mardi matin pour dire que, dorénavant, en plus des actuaires, les entreprises auraient à retenir les services d'avocats pour se faire interpréter la loi.

Là-dessus, vous nous dites qu'il faut simplifier. Concernant cette simplification, j'aimerais vous entendre sur l'aspect des contrats entre autres. Il y a bien d'autres choses sur lesquelles vous souhaiteriez une simplification ou une meilleure clarification, mais sur la notion de contrat, à l'article 6, j'aimerais bien vous entendre.

M. Benoit: La simplification dont on a fait état tout à l'heure portait essentiellement sur le fait que le projet de loi 116 tel que rédigé, évidemment, si on cherche à l'appliquer à de petits régimes, va nécessairement poser des difficultés d'adaptation et même possiblement entraîner des coûts. Par ailleurs, le projet de loi 116 doit aussi s'adresser - on en est bien conscients - aux plus gros régimes qui, eux, véhiculent des réalités complexes, et, à cet égard, l'encadrement juridique qui est fourni par le projet de loi est satisfaisant. Ce que nous souhaitons, c'est que les assouplissements nécessaires pour permettre aux petits régimes de continuer à vivre sous l'empire de la loi 116 puissent être faits dans le cadre de mesures réglementaires ou encore par le biais des pratiques administratives de la régie. Il y a plusieurs mesures qui pourraient souffrir des assouplissements pour ces petits régimes sans qu'on doive nécessairement amender la loi.

Mme Harel: Évidemment, vous n'êtes pas le premier groupe à venir recommander qu'il y ait un assouplissement puisque, comme l'Association canadienne des compagnies d'assurances le mentionnait hier à la commisssion, il est possible, et je sais que vous le reprenez dans votre mémoire aussi que les employeurs soient tentés de préférer des régimes comme le REER collectif

qui n'est soumis à aucune loi, qui peut être moins coûteux et plus souple, même si, finalement, cela ne permet pas aux participants d'encaisser leur épargne, de mettre de côté une véritable épargne-retraite. À ce sujet, on va prendre bonne note de vos propos, quand vous dites dans votre mémoire: "Nous croyons que l'utilisation accrue des REER collectifs aux dépens de complémentaires de retraite n'est pas souhaitable. En l'absence de régimes complémentaires de retraite, plusieurs travailleurs risquent de se retrouver sans ressources au moment de la retraite." Je crois que c'est l'aspect important de votre mémoire. En d'autres termes, vous craignez qu'il n'y ait plus de nouveaux régimes si tant est que la réglementation à l'étude soit tellement complexe et difficile à maîtriser que l'employeur se tourne vers un autre véhicule; c'est cela qu'il faut comprendre.

M. Benoit: Essentiellement, oui.

Mme Harel: Sur la question du partage de la rente entre les conjoints, est-ce que vous êtes d'avis que tout va se conclure dans le cadre du partage des droits économiques, dans le cadre d'une décision souhaitable quant à l'inclusion des régimes de rentes dans le patrimoine familial partageable? Ou bien pensez-vous, comme l'a souligné à la commission Me Grassby qui est venu accompagner la Fédération des femmes du Québec, que le ministre doit aussi amender le projet de loi de manière à permettre le partage des droits de pension à la source? Doit-il aussi l'amender pour prévoir des règles de dévolution? Le ministre nous dit que la décision va être prise et que cela ne concerne pas son projet de loi. Quelques praticiens du droit nous ont dit que, même s'il n'y avait pas automatiquement partage des rentes de retraite, même si ce n'était pas la décision du gouvernement, il faudrait par ailleurs que le ministre puisse prévoir que les parties puissent en décider de consentement. Cela suppose donc que, dans le projet de loi 116, à l'article 88, il y ait des modifications. Êtes-vous également de cet avis?

M. Benoit: Si vous me le permettez, madame, je vais céder la parole à Me Deschênes, ma collègue, qui a été particulièrement impliquée pour le Barreau dans le dossier des droits économiques des conjoints.

Mme Deschênes (Mireille): La représentation que nous faisons aujourd'hui de permettre le partage sur une base volontaire, c'est à défaut d'une des dispositions du Code civil qui prévoit un patrimoine familial élargi par rapport à la composition du patrimoine qui avait été Initialement décrite dans la proposition du gouvernement. La première demande du Barreau, c'est que le patrimoine familial inclue les régimes de retraite, qu'H y ait des dispositions dans le Code civil à cet effet et que des dispositions soient incorporées dans la loi qui régit les régimes de retraite pour permettre que le partage puisse se faire à partir du régime de retraite lui-même. Ce qu'on sait de cette proposition, c'est qu'il n'y aurait pas consensus au sein du Conseil des ministres sur l'orientation qui a été proposée par le ministre de la Justice et la ministre déléguée à la Condition féminine. Alors, à défaut d'une décision prochaine concernant tout le dossier du patrimoine familial, le Barreau souhaiterait qu'à l'intérieur du projet de loi 116, une disposition permette qu'un participant puisse céder à son conjoint, à la rupture du mariage, une partie de ses droits accumulés pendant la période du mariage. Des dispositions pourraient être prévues dans la lof 116 sans que le Code civil soit amendé et sans qu'on attende qu'il y ait consensus au sein du gouvernement sur les orientations proposées dans le dossier des droits économiques des conjoints. C'est le cas actuellement pour les employés qui participent à un régime assujetti à la loi fédérale; une disposition permet que les membres de ce régime cèdent à leur conjoint, sur une base volontaire, à la rupture du mariage, leur droit à la retraite.

Mme Harel: Cela dit, Me Deschênes, est-ce que, justement, la disposition qui existe dans la loi fédérale, je crois que c'est l'article 25...

Mme Deschênes: Oui.

Mme Harel: ...qui prévoit que c'est possible simplement si le droit provincial régissant la répartition des biens le prévoit?

Mme Deschênes: C'est le principe général du partage qui est inscrit dans la loi fédérale. Par ailleurs, dans cet article, il y a un paragraphe qui prévoit que, nonobstant le droit provincial, le membre d'un régime peut céder a son conjoint ses prestations accumulées dans un régime de retraite. Alors, même si le droit de la famille ne contient pas de dispositions qualifiant le régime de retraite comme un bien familial qui doit être partagé, nonobstant cet obstacle, le partage peut se faire sur une base volontaire. Le Barreau réclamerait le même mécanisme à l'intérieur du projet de loi 116, à défaut d'une disposition à caractère obligatoire dans le Code civil.

Mme Harel: II faut donc comprendre que, dans le dossier du partage, tout ne relève pas de la décision qui sera prise en matière de droits économiques des conjoints...

Mme Deschênes: Exactement.

Mme Harel: ...à l'intérieur du Code civil. Il y a aussi une responsabilité que le ministre porte sur ses épaules d'inclure ou de ne pas inclure le consentement des parties, c'est-à-dire d'inclure la possibilité pour les parties d'y consentir. Est-ce bien cela?

Mme Deschênes: Oui.

Mme Harel: C'est bien cela. Merci. J'espère que le ministre en prend bonne note. Lors de l'étude article par article, nous allons évidemment revenir sur cette question.

Quant à la remarque que vous faites dans votre mémoire sur le fait que, dans la formulation telle que rédigée, la définition de conjoint suppose que la personne qui vit maritalement avec quelqu'un ne soit pas mariée, voudriez-vous préciser davantage cette question? C'est la première fois qu'on voit cela dans un mémoire. En définitive, si deux personnes cohabitent maritalement, il faudrait que les deux aient déjà divorcé pour pouvoir être reconnues comme conjoints. Est-ce ce qu'il faut comprendre, si tant est qu'elles ont été mariées précédemment.

Mme Deschênes: Pour qu'un conjoint de fait se qualifie, il ne doit pas être marié. Le but de cela est d'établir une hiérarchie entre conjoints. Par exemple, un employé est marié et il a un conjoint de fait. Dans un tel cas, le conjoint de fait ne peut pas recevoir la prestation de décès; cela ira au conjoint marié. Dans le cas où un employé n'est pas marié et a un conjoint de fait qui est admissible, que ce conjoint de fait soit marié ou non, qu'est-ce que cela change au fond? Cela ne prive pas un autre conjoint d'une prestation. Alors, exiger que l'employé lui-même ne soit pas marié pour que son conjoint de fait se qualifie, c'est suffisant pour atteindre l'objectif d'établir une hiérarchie entre les droits de deux conjoints qui auraient pu prétendre à la prestation. Mais exiger du conjoint de fait lui-même de ne pas être marié, cela ne concrétise pas une hiérarchie, cela ne change rien. On estime que cette exigence est trop restrictive.

Mme Harel: Par ailleurs, Me Deschênes, si tant est qu'il y ait déjà une décision qu'il faille souhaiter la plus rapide possible et qu'elle soit en faveur d'un partage de la rente au moment de la séparation ou du divorce, l'ex-conjoint aurait déjà obtenu la partie de la rente pour les années de cohabitation et, s'il y avait décès, le nouveau conjoint pourrait donc avoir droit à la fraction qui reste.

Mme Deschênes: Exactement. La prestation au décès demeurerait payable dans l'éventualité où, après un partage, un employé aurait un conjoint subséquent au moment du décès, sauf que la prestation au décès serait calculée sur la base de ce qui reste à l'employé une fois qu'un premier partage aurait été fait en faveur d'un conjoint antérieur.

Mme Harel: Me Benoit, vous avez insisté à deux reprises sur la nécessaire inclusion de certaines dispositions de la loi 20 qui n'est toujours pas en vigueur, tout ce qui concerne cette question est étonnant. Depuis le début de la commis- sion, j'ai eu l'occasion de parler de cette loi 20 qui a été adoptée par le gouvernement actuel, mais présentée par le gouvernement précédent.

Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais à conclure, Mme la députée.

Mme Harel: En donnant l'exemple de cette loi, je voulais simplement rappeler au ministre que son gouvernement aurait très bien pu faire de même dans le cadre de la loi 58, ce qui nous aurait permis d'économiser quatre années pendant lesquelles il ne s'est rien passé. Cela dit, en ce qui a trait à la loi 20, croyez-vous qu'en l'absence de telles dispositions, il serait difficile pour les praticiens de plaider les principes généraux que vous souhaitez voir introduits? (12 heures)

M. Benoit: Écoutez, à cet égard, tout ce qu'on peut dire, c'est que le fait que le projet de loi 20 n'entrera pas en vigueur simultanément avec le projet de loi 116 va certainement poser des problèmes aux praticiens. Je pense par ailleurs - c'est peut-être une opinion personnelle - que les problèmes ne seront pas insurmontables. Ces problèmes gagneraient en simplicité si les dispositions d'ordre général auxquelles j'ai fait allusion tout à l'heure étaient incorporées dans le projet de loi 116. Ce n'est pas essentiel, mais cela rendrait certainement meilleur ou plus parfait, si je puis m'exprimer ainsi, le cadre juridique proposé par le projet de loi 116.

Mme Harel: Alors, c'est tout le temps, malheureusement, qui est notre disposition.

Le Président (M. Bélanger): Alors, si vous voulez remercier nos invités.

Mme Harel: Oui, je vais vous remercier, Mes Sauvé, Benoit et Deschênes. Malheureusement, nous n'avons pas pu aborder la question du secteur public, mais je partage avec vous l'interrogation sur les raisons pour lesquelles le gouvernement s'est exclu, comme employeur, de l'application du projet de loi que nous étudions présentement. Ce faisant, on ne permet pas aux employés de l'État de transférer, eux aussi, leur droit à la retraite dans un régime de retraite privé, ce qui, évidemment, diminue, atténue la mobilité qu'il pourrait y avoir pour les employés du secteur public. Je vous remercie de votre contribution à nos travaux.

Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, il me reste à remercier les représentants du Barreau du Québec pour leur contribution importante. Je peux leur indiquer, dès maintenant, que nous avons l'intention d'apporter un grand nombre d'amendements au projet de loi tel qu'il a été présenté. Il est

probable que nous fassions une motion pour réimprimer le projet de loi, de façon à en faciliter la compréhension. Bref, nous allons tenir compte du point de vue exprimé par la plupart des Invités à cette commission, y compris, certainement, les représentations faites par le Barreau du Québec. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission des affaires sociales remercie le Barreau du Québec de sa présentation et invite à la table des témoins l'Association québécoise de défense des droits des retraités et préretraités. Cette association sera représentée par Mme Yvette Brunet et M. André Corneau. J'inviterais donc Mme Brunet et M. Corneau à se présenter à la table, s'il vous plaît.

 l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à chacun et chacune de bien vouloir reprendre place afin que nous continuions nos travaux, s'il vous plaît. S'il vous plaît! Je demanderais votre collaboration, que chacun veuille bien prendre sa place pour que nous puissions commencer nos travaux sans retard.

Sans plus tarder, pour l'Association québécoise de défense des droits des retraités et préretraités, il y a un porte-parole, si je comprends bien, Mme Brunet.

Association québécoise de défense des droits des retraités et préretraités

Mme Brunet (Yvette): Oui.

Le Président (M. Bélanger): J'en profite pour vous saluer.

Mme Brunet: Merci. Je dois vous dire, avant de commencer, qu'il devait y avoir une autre personne pour m'accompagner; elle est dans un autobus qui vient de Montréal et il semble qu'il y a du retard. Il y a possibilité qu'elle puisse s'ajouter aussitôt qu'elle arrivera.

Le Président (M. Bélanger): II n'y a aucun problème, Mme Brunet.

Mme Brunet: Si jamais il arrivait qu'elle soit ici vraiment trop tard, la directrice de l'association m'accompagne. Alors, est-ce que je pourrais lui demander de...

Le Président (M. Bélanger): Bien sûr. Mme Brunet: ...s'asseoir à la table?

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie. Faites.

Mme Brunet: Merci beaucoup.

M. le ministre, Mmes et MM. les députés, avant de présenter aux membres de la commission parlementaire ses remarques et ses revendications concernant les propositions énoncées dans le projet de loi 116, l'Association québécoise de défense des droits des retraités et des préretraités, communément appelée l'AQDR, tient d'abord à se présenter elle-même. Ainsi, les distingués membres de la commission pourront mieux comprendre le sens et l'importance de notre mémoire.

L'AQDR a été créée en mars 1979 à la suite d'une démarche de plusieurs années de la part de quelques centaines de retraités et préretraités qui ont progressivement pris conscience de la nécessité de se doter d'une organisation nationale pour défendre les droits des personnes du troisième âge. À l'occasion de sessions de préparation à la retraite offertes par l'Université de Montréal et le collège de Rosemont en 1976, plusieurs centaines de préretraités participants ont décidé de créer un regroupement, l'Association des 3R: réagir, revivre, réussir.

En 1977, en collaboration avec douze autres associations et organismes, l'Association des 3R rédige le manifeste sur la situation économique des retraités. Les points essentiels de ce manifeste indiquent la situation scandaleuse de 63 % des personnes âgées et personnes seules ayant un revenu inférieur au seuil de pauvreté. Et, sur ces 63 %, 80 % sont des femmes seules et pauvres.

Les années d'inflation que nous avons connues ont plus durement frappé les retraités, parce que les prix des denrées de base ont grimpé plus vite. Cela veut dire, pour nous, de la misère et des privations malgré les promesses des politiciens, les études, les rapports d'experts et les enquêtes publiques. Déjà, à l'époque, nous demandions que l'ensemble des régimes de retraite publics et privés assurent à tous les retraités 70 % du salaire industriel moyen. Aussi, nous avions pris conscience de la situation outrageante faite aux femmes âgées pénalisées d'une double manière, parce que l'entreprise et l'État n'ont jamais reconnu la contribution des mères à l'économie et parce que les conditions de travail faites aux hommes font que les femmes se retrouvent plus pauvres et plus seules que jamais après la mort prématurée de leur mari.

En 1978, le comité du premier manifeste a élargi son action à tout le Québec. Déjà, des groupes sont réunis pour préparer le deuxième manifeste sur le logement et les services qui s'appelle, "Vieillir chez soi".

Nous avons dû, par la suite, affronter l'empire des compagnies d'assurances. En effet, en 1981, nous constations que ces compagnies déduisaient unilatéralement, et, pensions-nous, illégalement, de leurs prestations le montant des rentes d'invalidité du Régime de rentes du Québec. Devant pareille injustice, l'AQDR décidait d'intenter un recours collectif contre onze compagnies d'assurances et de leur réclamer au bénéfice des invalides les 108 000 000 $ qu'elles avaient ainsi retenus depuis 1970.

À la suite de son troisième congrès, l'AQDR grandie et renforcée lance une vaste opération

de sensibilisation sur la situation des retraités par l'organisation d'une tournée dans tout le Québec d'une exposition d'affiches géantes faites par les retraités eux-mêmes, selon leur vécu.

En même temps que ces grands moments de notre courte histoire, nous avons poursuivi notre travail d'enracinement dans les milieux populaires et syndicaux, le développement de nos sections locales et la formation de nos syndicaux, le développement de nos sections locales et la formation de nos membres. Ce qui fait qu'aujourd'hui nous avons 40 sections et plus de 15 000 membres. En mai et juin 1985, à l'occasion du premier budget Wilson, le gouvernement Mulroney malgré les promesses électorales du chef décidait de désindexer les pensions. C'est alors que l'AQDR, grâce à ses convictions et ses expériences de défense de droit, rassemble toutes les forces vives du troisième âge contre la trahison du gouvernement fédéral à l'endroit des personnes âgées. Après six semaines d'action, David abat finalement Goliath sur la colline parlementaire à Ottawa en l'accusant de nous avoir menti. Toute l'Amérique a, par la télévision, été le témoin solidaire de notre victoire. Ce fut une année mouvementée pour l'AQDR, car, par la suite, nous nous engagions dans la lutte pour les préretraités à qui le gouvernement fédéral voulait couper l'assurance-chômage, pour les retraités de 1985.

Dans le cadre de la commission Rochon, l'AQDR a présenté un mémoire sur la santé et les services sociaux et participé aux consultations, lequel document sert de base aux revendications de la Coalition québécoise des aînés pour le soutien à domicile qui regroupe présentement les organisations des aînés tant du secteur francophone que du secteur anglophone, ce qui veut dire environ 400 000 retraités. L'an dernier, lors de la réforme de la politique de sécurité du revenu, nous avons présenté un mémoire pour défendre la situation des femmes assistées sociales de 50 à 65 ans.

Si nous tenions à vous présenter cette brève histoire de l'AQDR, c'est pour faire comprendre que nous nous sentons pleinement légitimés de parler au nom des retraités et préretraités, puisque nous sommes là pour défendre nos droits depuis dix ans et par là améliorer nos conditions de vie, les transformer, changer la société et aussi changer la vie.

Avant d'examiner les propositions gouvernementales, nous souhaitons indiquer un élément fondamental qui se rattache à la question de la retraite et qui n'est pas actuellement présent dans la discussion. Nous ne surprendrons personne en disant que les inégalités sociales et économiques sont omniprésentes dans notre société. Si quelques-uns y voient là un fait naturel, d'autres parce qu'ils et elles en souffrent sont de plus en plus conscients et conscientes que ces inégalités ont des causes davantage identifiables ou plus certaines. À ces inégalités sociales se rattache une inégalité pour le moins fondamentale: l'inégalité devant la mort qui est la forme d'injustice la plus grave qui puisse sévir parmi les humains. En 1979, le rapport Wilkins portant sur l'espérance de vie par quartier à Montréal, constatait qu'en ce qui concerne la probabilité de survie et l'espérance de vie à 65 ans les inégalités sociales sont frappantes. Les hommes de Montréal ont en moyenne une probabilité de deux sur trois de vivre jusqu'à 65 ans. Un résident de la "boucle d'or" - c'est-à-dire les municipalités de West-mount, Outremont, ville Mont-Royal, Côte-Saint-Luc, Hampstead, Montréal-Ouest - en a quatre sur cinq de vivre jusqu'à cet âge, alors qu'un habitant de la basse-ville - du centre-ville -n'en a qu'une sur deux d'atteindre cet âge.

Deuxième constatation: une fois franchi l'âge de la retraite, les hommes ont en moyenne treize ans devant eux. Mais, tandis qu'il en reste seize aux résidents de la banlieue aisée, il n'en reste que onze à ceux du bas de la ville. Ces derniers sont donc doublement perdants. Non seulement y a-t-il moins de probabilité pour eux de se rendre à 65 ans, mais, de plus, ceux qui atteignent cet âge vivront cinq ans de moins que les habitants des quartiers favorisés. Les indices de mortalité expriment de façon concrète les disparités sociales. (12 il 15)

À notre avis, l'inégalité des citoyens devant la retraite et la mort reflète bien l'inégalité antérieure devant la vie. Pour nous, une vraie politique du vieillissement doit réduire les plus fondamentales inégalités sur le plan des conditions matérielles de vie et de travail. C'est seulement à ce prix que l'État pourra compter diminuer les coûts que représente aujourd'hui l'assistance aux personnes pauvres et âgées. Ce sont les conditions sociales et familiales de toute la vie qu'il faut améliorer de manière à permettre à chacun, homme ou femme, d'accumuler les ressources pour entrevoir la retraite et la vivre comme une période enrichissante de sa vie.

Pour l'AQDR, la retraite est un droit conquis par tous les travailleurs, celui de cesser d'être soumis à l'obligation du travail après 35 ou 40 ans de labeur et de recevoir ce qu'il faut pour vivre. Au début de siècle, la retraite était encore réservée à une minorité de privilégiés: politiciens, policiers, fonctionnaires et chefs d'entreprise. Il a fallu que nos parents se battent pour conquérir ce que tous reconnaissent aujourd'hui comme un droit. À notre tour, nous devons lutter pour enrichir le droit à la retraite de conditions de revenus et de santé compatibles avec la richesse que nous avons participé à produire pendant 40 ou 50 ans de vie de travail. Sans compter que, pour nos enfants, les producteurs d'aujourd'hui, la société doit à nos sacrifices le développement intellectuel et moral qui profite aux entreprises et à l'État. Je dois vous dire que je constate le plus souvent, parce qu'elles vivent plus longtemps que les hommes, que ce sont les femmes qui font les plus grands

sacrifices pour faire Instruire leurs enfants afin que ceux-ci, qui sont aujourd'hui pour la plupart dans la quarantaine, ne vivent pas ce qu'en tant que personnes, elles ont vécu. Dans cette perspective, étant donné l'état de pauvreté de la grande majorité des retraités, il nous apparaît que la réforme des pensions doit être une priorité absolue du gouvernement.

L'appareil actuel de revenu de retraite. Les pensions offertes aux Canadiens se répartissent comme suit: 53 % des revenus proviennent des gouvernements, 35 % des économies personnelles et 12 % des assurances. Cela n'a pas changé depuis de nombreuses années. Le taux de cotisation au RRQ, actuellement de 3,9 % du traitement annuel, et les prestations, qui constituent seulement 25 % du revenu de retraite, sont parmi les moins élevés du monde occidental. Nous devons protéger le plus possible le Régime de rentes du Québec. C'est la meilleure chose que nous ayons pour le moment. Nous avons besoin de doubler les cotisations, de faire participer au régime les femmes au foyer, de déplafonner les cotisations et de porter les prestations garanties à 50 % du salaire industriel moyen. Encore là, notre contribution sera bien inférieure à celle de tout autre pays.

Pour toutes ces raisons, il n'y a plus de temps à perdre. C'est maintenant qu'il faut agir, d'autant plus que, si le gouvernement n'agit pas, des dizaines de milliers de nouveaux retraités viendront s'ajouter chaque année à la majorité des personnes âgées vivotant dans le dénuement ou la pauvreté.

Or, pour l'AQDR, si les retraités d'aujourd'hui sont en majorité pauvres, c'est bien parce que les régimes ont été mal conçus. Ce qui montre bien que la solution pour la majorité ne peut être celle de l'épargne personnelle, c'est le fait que la plus grande partie des revenus de placement se retrouvent entre les mains d'un petit nombre. La majorité des travailleurs du secteur privé aujourd'hui à la retraite n'ont jamais pu participer à un régime de retraite privé. Même ceux qui en avaient un ont été pénalisés, parce que celui-ci n'était pas transférable. La réforme doit en venir à protéger les revenus des salariés des petites et moyennes entreprises, et cela, seul un régime public peut le garantir.

L'AQDR conteste donc la thèse selon laquelle l'actuel appareil de retraite garantirait aux personnes âgées un revenu minimal raisonnable, qu'il leur offrirait des possibilités et des modalités équitables pour préparer leur retraite et qu'il leur donnerait une chance raisonnable d'éviter un bouleversement grave de leur niveau de vie à la retraite. C'est même exactement le contraire dans la réalité: le revenu minimal n'est pas raisonnable; la préparation financière de la retraite n'est pas équitable pour tous les Québécois, en particulier pour les femmes; le bouleversement de notre niveau de vie est grave et nous n'avons pas une chance raisonnable de l'éviter à la retraite.

M. le ministre, l'Association québécoise de défense des droits des retraités et préretraités commence avec ce mémoire la célébration de son dixième anniversaire. Dix années de revendications, dix années de luttes pour que soient reconnus et développés les droits des aînés du Québec: droit à un revenu décent de retraite, droit à un logement convenable, droit à des services de soutien à domicile, droit à des soins de santé et à un hébergement collectif adéquat, droit à des transports adaptés, bref, droit à une retraite décente à la mesure de la contribution des aînés à la richesse du pays par leur travail, par leur famille, par les sacrifices et par les efforts de toute leur vie.

En tant que présidente de l'AQDR, je ne suis pas venue seule, mais accompagnée de l'exécutif provincial et de nombreux délégués des régions de tout le Québec. En dix ans, l'AQDR, par ses actions, a donné naissance et développé un réel "pouvoir gris" au Québec. C'est au nom de ce pouvoir gris que je me présente devant cette commission parlementaire pour vous présenter nos réactions sur la Loi sur les régimes complémentaires de retraite dont vous avez enfin déposé le projet.

On peut d'abord remarquer qu'il vous a fallu du temps, je dirais beaucoup de temps, pour déposer cette réforme tant attendue et tant réclamée. Pourquoi avoir attendu si longtemps? Pourquoi avoir attendu que de nombreux scandales de gestion de ces régimes attirent l'attention de l'opinion publique et, par ricochet, celle de notre gouvernement? Pourquoi être resté longtemps sourd aux revendications et aux cris d'alarme des organisations syndicales et des associations de retraités et préretraités et aux priorités fixées par vos propres partis politiques?

Le Président (M. Bélanger): Si vous permettez, Mme Brunet, je vous inviterais à conclure. Le temps est maintenant écoulé.

Mme Brunet: Est-ce que j'approche des 20 minutes?

Le Président (M. Bélanger): Vous êtes à 19 minutes.

Mme Brunet: M'accorderiez-vous cinq minutes de plus?

Le Président (M. Bélanger): Y a-t-il consentement? Il y a consentement. Donc, cinq minutes.

Mme Brunet: Bien, merci. Attendez un peu, je vais recommencer. Pourquoi n'avoir déposé ce projet de loi qu'à la fin du mandat de votre gouvernement au risque de le voir mourir au feuilleton par le déclenchement de nouvelles élections comme ce fut le cas déjà en 1985 avec le gouvernement du Parti québécois? Le souci d'une meilleure sécurité du revenu des retraités

aurait dû vous inspirer une plus grande rapidité.

Le projet de loi 116 apporte quelques-unes des améliorations que nous avons demandées depuis 1977: admissibilité élargie à un plus grand nombre de travailleurs, acquisition et immobilisation de la rente créditée après deux ans de participation, cotisation minimale de l'employeur, intérêt minimal sur les cotisations, meilleures conditions de transférabilité, information plus adéquate des participants, droits du conjoint survivant à une rente partielle. Toutes ces mesures constituent des progrès indéniables qui nous démontrent une fois encore qu'en réclamant nos droits, en faisant entendre collectivement notre voix et notre détermination, nous finissons par être entendus par les politiciens et par le gouvernement.

Mais nous vous demandons davantage. Avec les organisations syndicales et d'autres associations de retraités et retraitées, nous réclamons des améliorations plus importantes. M. le ministre, votre projet de loi est incomplet et insuffisant. En venant déposer son mémoire devant la commission parlementaire, l'AQDR tient à poser les vraies questions de fond au-delà des considérations techniques ou de détail.

L'AQDR pose trois questions. La première. À qui appartient l'épargne accumulée dans les régimes complémentaires de retraite? Deuxième question. Qui doit contrôler la gestion de cette épargne accumulée? Troisième question. Il y a 45 % des travailleurs et 52 % des travailleuses qui ne peuvent participer à ces régimes complémentaires. Comment assurer à tous les retraités du Québec, et en particulier aux femmes, un revenu de retraite décent?

L'épargne des régimes de retraite est la propriété des travailleurs. Dans les notes explicatives qui précèdent le texte de loi lui-même, nous avons pu lire ceci: "L'objet de ce projet de loi est d'assurer une plus grande protection des droits acquis par les travailleurs qui participent à un régime privé de retraite." Le gouvernement reconnaît donc enfin que ces droits acquis par les travailleurs n'étaient pas suffisamment protégés et qu'une intervention de l'État est nécessaire pour assurer la protection des épargnants des régimes privés, comme l'État le fait pour la loi des banques, des assurances, des compagnies de fiducie et de crédit.

M. le ministre, nous sommes en droit de poser la question suivante. D'où vient que le gouvernement ne reconnaisse pas clairement que les fonds accumulés sont la propriété exclusive des travailleurs? D'où vient que les députés censés représenter les intérêts des travailleurs et de leurs familles ne fassent plus de pressions sur le gouvernement pour le contraindre à cette reconnaissance? L'argent accumulé dans les régimes complémentaires de retraite est constitué de salaires épargnés, de salaires différés et d'intérêts sur cette épargne. Le texte de loi devrait le dire clairement et explicitement, obligeant ainsi les employeurs à ne plus se comporter en propriétaires souvent arrogants de ces fonds, avec les conséquences désastreuses qu'ont révélées de nombreux scandales, comme par exemple les détournements de fonds effectués par la compagnie Singer, la compagnie Simmons, la compagnie Kik-Cola et bien d'autres dénoncées par leurs victimes retraitées.

Nous disons que les travailleurs doivent contribuer aux fonds de retraite et doivent aussi gérer ces fonds. L'approche actuelle de ce projet constitue une véritable curatelle privée des participants comme si les cotisants et les bénéficiaires étaient des incapables majeurs. L'histoire économique du Québec est là pour nous démontrer que les travailleurs et leurs organisations ont fait la preuve de leur capacité de gérer leurs épargnes. Qu'on pense à l'histoire du mouvement Desjardins dont, d'ailleurs, l'initiative n'est venue ni de la haute finance ni des entreprises. Plus récemment, qu'on pense à l'expérience de la Mutuelle des fonctionnaires ou au succès du Fonds de solidarité de la FTQ. En de multiples occasions, les travailleurs ont démontré qu'ils savaient gérer leurs épargnes. Si cette capacité leur avait été reconnue, on aurait, par exemple, évité la mauvaise gestion et les malversations qui ont tant appauvri les anciens travailleurs aujourd'hui retraités.

Étant donné que je n'ai pas beaucoup de temps, j'aimerais ajouter la partie qui regarde la situation des femmes. Comment, enfin, ne pas évoquer avec force la situation des femmes? Je suis consciente, M. le ministre, que la majorité des postes ministériels de votre gouvernement et que la majorité des députés des deux partis sont des hommes. Je sais par expérience à quel point il est difficile de faire passer dans leurs décisions concrètes le souci d'équité et d'égalité réelle entre les sexes. Et pourtant, M. le ministre, MM. les députés, qui est pauvre? Les femmes. Qui est parmi les plus pauvres? Les femmes à la retraite. Cette pauvreté n'est pas due au hasard ni à la fatalité. Elle a des racines bien précises. Moins scolarisées car, leur instruction était moins une priorité que celle de leurs frères, elles se retrouvent dans les postes les moins bien rémunérés et les moins bien protégés socialement, dans les petites et moyennes entreprises où les fonds de retraite privés sont rares, dans le travail à temps partiel encore moins protégées. Confinées au foyer pour élever de grosses familles, les femmes âgées d'aujourd'hui ont accompli le travail de mères et d'édu-catrices non seulement gratuitement, mais sans pouvoir ni cotiser au Régime de rentes du Québec ni partager les crédits de rentes privées de leur mari, crédits considérés par le Code civil comme biens propres de celui-ci. M. le ministre, cette gratuité et ce non-partage sont à l'origine de la grande pauvreté d'une majorité de femmes retraitées.

Comment le Québec serait-il devenu ce qu'il est, c'est-à-dire une société florissante, un pays de progrès, sans le travail irremplaçable et

méconnu, sinon méprisé, de toutes ces femmes? La réforme que vous nous proposez aujourd'hui n'entraînera qu'une très faible amélioration pour la petite minorité des femmes qui toucheront la maigre rente de survivantes. Votre projet de loi 116 ne changera strictement rien à la pauvreté de la grande majorité des femmes âgées. Vous étonnerez-vous donc, M. le ministre, si ces femmes démunies se retrouvent malades et Institutionnalisées à des coûts bien plus élevés, tant sur le plan financier que sur le plan humain? Là encore la vraie solution passe par une amélioration des régimes publics contributifs. (12 h 30)

En bonifiant substantiellement le Régime de rentes du Québec, en y intégrant les femmes au foyer, vous permettriez aux femmes les plus pauvres de s'assurer des prestations majorées et donc de vivre une retraite plus décente et sur la base de leurs droits propres et non de droits dérivés. D'ailleurs, cela avait été une promesse du ministre Bourassa lors de sa campagne électorale, d'essayer de rejoindre 300 000 femmes par le Régime de rentes du Québec, ce qui n'est pas encore fait.

En conclusion, M. le ministre, l'AQDR est heureuse de commencer son dixième anniversaire en réaffirmant les droits légitimes de ceux et de celles qui ont bâti ce pays. Nous attendons de ce gouvernement qu'il proclame clairement que l'épargne-retraite des travailleurs leur appartient de plein droit et qu'ils doivent être en mesure d'en contrôler sa gestion. Nous attendons de ce gouvernement qu'il aille au-delà de ce projet de loi 116 et légifère sans tarder pour s'attaquer concrètement à la pauvreté scandaleuse d'une majorité des retraités et de préretraités du Québec, en particulier celle des femmes.

D'une colline parlementaire à l'autre, M. le ministre, le pouvoir gris veille de plus en plus nombreux, de plus en plus organisé, de plus en plus conscient de ses droits et de plus en plus disposé à les défendre et à les promouvoir et de plus en plus reconnu, y compris par les politiciens. Au nom de l'AQDR, je vous remercie, surtout de m'avoir accordé un peu plus de temps.

Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la présidente. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir d'accueillir les représentantes de l'Association québécoise de défense des droits des retraités et préretraités. C'est avec intérêt que nous avons écouté le plaidoyer éloquent qui nous a été fait par Mme Brunet, la présidente.

J'aimerais vous dire que nous sommes très sensibles à la problématique que vous évoquez et aux problèmes de pauvreté que vivent hélas, trop de gens aînés de notre société. C'est dans ce sens-là et dans ce but-là d'ailleurs que nous avons pris certaines initiatives. Le projet de loi 116 devant nous tente, entre autres choses, d'améliorer la condition des femmes. Nous avons pris une initiative, dans le projet de loi 116, qui va au-delà de ce qu'ont fait toutes les provinces canadiennes. Nous avons abaissé le nombre d'heures requis pour participer au Régime de rentes à 700 heures par année pendant deux ans. Nous innovons à ce sujet-là parce que le consensus canadien n'allait pas si loin que ça. Le Québec se singularise à ce point de vue.

Nous avons également prévu les droits de survie pour le conjoint survivant - ce qui n'existe pas dans la loi actuelle - la possibilité de retirer une rente après le décès du conjoint, une prestation en cas de décès. Bref, ce sont des mesures qui vont dans le sens de ce que vous indiquez. Je vous signale que je suis personnellement tout à fait d'accord avec vous. Je travaille depuis plusieurs mois à la révision de la Loi sur les normes du travail, une loi qui va certainement être en mesure d'améliorer grandement la condition des femmes en emploi et j'ai l'intention de déposer ce projet de loi avant la fin de la session.

Également, nous travaillons présentement au dossier traitant des droits économiques des conjoints. C'est aussi un dossier très important en ce qui concerne la condition économique des femmes. J'espère que nous pourrons bientôt annoncer la position gouvernementale à ce sujet-là. Bref, autant d'initiatives qui indiquent que le gouvernement veut et pose des gestes concrets dans le sens de l'amélioration de la condition de vie des femmes.

Vous avez demandé si le projet de loi 116 va mourir au feuilleton? Autrement dit, est-ce que le gouvernement a déposé le projet de loi 116 simplement pour la forme et n'a pas l'intention de le faire adopter? C'est le sens de la question. Je peux vous dire que nous avons l'intention absolue de faire approuver ce projet de loi d'ici la fin de la session. Les travaux que nous menons présentement indiquent l'intérêt certain du gouvernement à faire adopter le projet de loi, et, dès que nous aurons terminé les auditions, c'est-à-dire ce soir même, nous procéderons immédiatement à la réimpression du projet de loi, si la commission le recommande, de façon à faire en sorte d'accélérer les travaux, et, au cours des prochaines semaines, nous allons procéder aux dernières étapes qui précèdent l'adoption d'un projet de loi.

Vous avez posé trois questions fondamentales. A qui appartient l'épargne accumulée dans les régimes complémentaires de retraite? La réponse est très claire. L'épargne appartient aux travailleurs, à ceux qui vont éventuellement bénéficier des rentes. Là-dessus, il n'y a aucune espèce d'équivoque. Le problème ne se pose pas à l'égard des montants d'argent qui constituent l'épargne, mais à l'égard de ce qui est considéré comme un surplus. C'est là que le problème se pose.

On sait que les sommes qui sont déposées dans les fonds de retraite ne proviennent pas exclusivement des travailleurs. Elles proviennent

des employeurs également et les statistiques, les chiffres indiquent même que les employeurs investissent plus d'argent dans le fonds de retraite que les travailleurs. Pour l'année 1987, sur un total de 3400000000$, 2000000000$ ont été déposés par les employeurs et 1 400 000 000 $ par les travailleurs. Cela ne veut pas dire que les employeurs doivent avoir accès à ces fonds. Ce sont des fonds qui sont mis là pour le bénéfice des travailleurs. Donc...

Mme Brunet: Est-ce que je peux vous interrompre là-dessus, M. le ministre?

M. Bourbeau: Mais je ne vous ai pas tellement interrompue tout à l'heure. Peut-être que vous aurez l'occasion de répondre après. Je vais seulement terminer un bref survol. Je ne veux pas dire et je ne dis pas que les fonds appartiennent aux employeurs. Loin de moi, cette idée. Tout au contraire, j'ai affirmé tantôt que l'épargne accumulée appartient aux travailleurs. Cependant, lorsqu'il y a des surplus et s'il y a des surplus, comment les sortir et à qui doivent-ils appartenir? Cette question est importante et tellement importante que nous avons estimé qu'on ne peut pas régler cette question en même temps que l'amélioration de la loi. Nous aurions risqué, en fait, de tout faire avorter si nous avions grossi le paquet.

Donc, le gouvernement a décidé de procéder en deux étapes. Première étape, bonification de la loi, c'est ce que nous faisons. Et, deuxième étape, au cours de l'automne prochain, nous allons consulter et prendre des décisions en ce qui concerne les surplus d'actifs. Mais, entretemps, le gel que nous avons imposé sur les surplus, le moratoire, va demeurer tant qu'une solution n'aura pas été trouvée à la question des surplus. Deuxième question. Qui doit contrôler la gestion de cette épargne accumulée? La réponse que nous apportons, c'est une amélioration sensible par rapport au statu quo. Nous pensons que la gestion doit être commune, qu'il devrait y avoir un comité de retraite sans pour autant affirmer que ce comité devrait être paritaire. Nous insistons pour que les travailleurs aient le droit de participer à l'administration du fonds de retraite, et non seulement les travailleurs, mais les retraités aussi. La loi prévoit que les deux groupes auront droit de participer au comité de retraite.

Finalement, dans la troisième question, vous demandez comment assurer à tous les retraités du Québec et en particulier aux femmes, un revenu de retraite décent. Je crois que la loi 116 est un premier pas dans cette direction. Les autres dossiers dont j'ai parlé tout à l'heure, l'amélioration de la Loi sur les normes du travail et le dossier sur les droits économiques des conjoints, ce sont toutes des mesures auxquelles le gouvernement travaille présentement qui devraient faire l'objet éventuel d'annonces gouvernementales au cours des prochaines semaines et qui vont faire en sorte d'améliorer la condition de vie des femmes.

Est-ce qu'il me reste encore un peu de temps, M. le Président?

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, M. le ministre.

M. Bourbeau: Très bien.

Mme Harel: Vous pouvez nous en laisser.

M. Bourbeau: Oui, je vais vous en laisser.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée, s'il vous plaît! M. le ministre, la parole vous appartient.

M. Bourbeau: Je crois qu'il y en a pour tout le monde. Il y en a pour la députée de Maison-neuve, et il y en a également pour madame. On va lui donner la parole.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve va lui en laisser tantôt.

M. Bourbeau: J'aimerais vous poser une question et vous pourrez en profiter pour réagir à ce que je viens de dire. Au sujet de la gestion de l'administration des fonds de retraite, vous semblez prendre une position assez ferme en faveur de l'administration exclusive par les travailleurs. Cela aurait pour effet d'écarter totalement l'employeur de la gestion des fonds de retraite.

Pourtant, on sait que la constitution des fonds de retraite privés provient d'une décision qui origine des employeurs. C'est l'employeur qui décide de mettre sur pied un fonds de retraite et qui propose aux travailleurs d'y contribuer avec lui.

Ne trouvez-vous pas un peu excessif d'évacuer totalement l'employeur du fonds de retraite alors que la constitution du fonds de retraite origine de son initiative? Est-ce que cela n'aurait pas pour effet de décourager les employeurs de mettre sur pied des fonds de retraite?

Mme Brunet: C'est pour une raison très simple qu'on dit que ce sont les travailleurs qui doivent gérer le fonds de retraite. Nous disons, et nous ne sommes pas les seuls à le dire, que la part de l'employeur dans un fonds de retraite, c'est un salaire différé. Autrement dit, cela se négocie de la même façon que les salaires, les vacances, les congés payés, et tout ce que vous voudrez. À ce moment-là, quand cela fait partie de la négociation, ce que le patron met dans le fonds de retraite, l'employé ne l'a pas en salaire. C'est pour cela qu'on appelle cela un fonds différé. C'est pour cela qu'on dit que les travailleurs devraient le gérer puisque c'est leur argent.

M. Bourbeau: Pour ce qui est du salaire différé, je partage votre point de vue, et je l'ai affirmé d'ailleurs à plusieurs reprises dans mes allocutions publiques. Je repose quand même ma question. N'avez-vous pas peur qu'en évacuant totalement l'employeur de l'administration du fonds de retraite, cela ait pour effet qu'il n'y ait plus de nouveaux fonds de retraite qui vont être créés par les employeurs?

Mme Brunet: Je vous dirais, M. le ministre, que ce qu'il faudrait pour des régimes de retraite, c'est que... En fait, quand on a paru en commission parlementaire en 1983 sur la réforme des pensions qui avait été amorcée au gouvernement fédéral, nous disions que les gouvernements devraient obliger tous les employeurs à former un fonds de retraite pour leurs employés parce que vous vous retrouvez avec 40 % seulement qui contribuent à un fonds de retraite. Cela veut dire que, là-dessus, environ 20 % viennent des fonctionnaires et 20 % de l'entreprise privée. M. le ministre, tant et aussi longtemps que les gouvernements ne forceront pas les compagnies à avoir des fonds de retraite pour les employés en reconnaissance du travail qu'ils ont accompli et de leur santé qu'ils y ont laissée très souvent, je pense que... Cela fait combien d'années qu'on est à 40 %? Je vous dirais, M. le ministre, que cela fait au moins 30 ou 40 ans. Quand est-ce que cela va changer? Les employeurs, d'eux-mêmes, pour la grande majorité, ne veulent pas donner de fonds de retraite à leurs employés.

M. Bourbeau: II y a quand même un...

Mme Brunet: Je voudrais ajouter quelque chose là-dessus parce que, tantôt, je voulais intervenir sur quelque chose qui, à mon sens, est très important. Je sais que le débat ne se fait pas sur le surplus des caisses de retraite, mais je voudrais vous dire quand même qu'il y a des compagnies qui, depuis environ sept ans, se servent des surplus des fonds de retraite pour payer leur part Avez-vous l'intention de légiférer là-dessus, M. le ministre?

M. Bourbeau: Oui, c'est sûr. D'ailleurs, j'ai annoncé qu'à l'automne nous allions prendre une décision relativement aux surplus d'actifs. C'est sur ces sujets-là que vont justement porter les discussions. Maintenant, une dernière question, M. le Président...

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. le ministre.

M. Bourbeau: ...en conclusion. Si on obligeait tous les employeurs à créer un fonds de retraite, cela veut dire que même les toutes petites compagnies, les PME qui partent, les petites compagnies qui sont au départ, devraient, si c'est bon pour toutes les compagnies, c'est bon pour elles aussi... Ne pensez-vous pas que cela pourrait faire en sorte de nuire à la possibilité de mettre sur pied de nouvelles compagnies? On dit que la grande partie - 80 % - des nouveaux emplois créés au Québec proviennent des toutes petites compagnies, les compagnies naissantes. C'est là que l'emploi se crée. Ne serait-il pas un peu difficile d'exiger dès le départ d'une compagnie qui commence, qui prend des risques un peu, de créer un fonds de retraite pour des employés qui ne peuvent pas prétendre, comme vous le dites, qu'ils ont passé des années de labeur puisqu'ils commencent. Donc, il pourrait y avoir un problème en ce qui concerne les petites compagnies.

Mme Brunet: En 1983, M. le ministre, on disait: Les petites compagnies à partir de 300 employés. Et là, on dit encore la même chose aujourd'hui.

M. Bourbeau: 300 employés? Mme Brunet: Oui.

M. Bourbeau: Ah bon. Cela va, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, c'est terminé? Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je veux également vous saluer Mme Brunet de même que l'ensemble des personnes qui vous accompagnent et qui ont voulu témoigner par leur présence à vos côtés aujourd'hui que; même si elles n'y étaient pas comme telles, c'est ensemble que vous nous présentez ce mémoire. En posant clairement les questions dans votre mémoire, vous avez fait apparaître encore plus clairement que jamais, au cours de cette troisième journée de nos travaux, à quel point le ministre utilise des astuces pour confondre l'opinion sur des questions de fond. (12 il 45)

Je vous donnerai trois exemples auxquels nous venons d'assister, au moment même où la discussion a eu lieu entre vous et lui. Premier exemple. Vous avez posé la question: À qui appartient l'épargne accumulée dans les régimes complémentaires de retraite? Vous dites, dans votre mémoire: L'épargne appartient aux travailleurs, comme quand nous allons porter notre argent à la caisse ou à la banque, l'institution financière n'en devient pas la détentrice pour autant, elle est notre débitrice, elle doit surveiller nos intérêts. Cet argent, qu'il provienne de la contribution du travailleur ou de la contribution de l'employeur, c'est un salaire différé auquel on accepte de ne pas toucher immédiatement. Et on dit à l'employeur de le garder pour nous pour plus tard, justement, remplacer le revenu qu'on n'aura pas. Qu'est-ce que le ministre vous a répondu? Exactement ceci: Aux travailleurs, sans aucune espèce d'équivoque. C'est ce

qu'il vous a dit.

Cependant, comment se fait-il que l'épargne accumulée appartienne aux travailleurs, mais que le rendement sur les placements de cette épargne ne leur appartienne plus? C'est ça, finalement, la question de fond. Là, vous avez dit au ministre: Oui, mais les congés de contribution patronale. Le ministre vous dit: J'ai l'intention de légiférer là-dessus à l'automne. Écoutez, il a légiféré là-dessus dans le projet de loi 95 et il légiférera d'ici la Saint-Jean puisque c'est son intention. L'article 137 est clair, le ministre le faisait l'automne dernier, ii l'a reconduit au printemps, les congés de contribution patronale sont toujours permis. Les fonds, les surplus se vident présentement, le moratoire qu'il a imposé sur les surplus ne l'est qu'en cas de terminaison du régime, lorsque l'entreprise ferme, que le service ferme ou que c'est fusionné, mais en cours de régime, les employeurs peuvent toujours utiliser les surplus pour vider les caisses, finalement, et ne pas payer leurs propres contributions. C'est comme ça et ça continuera d'être comme ça parce que le ministre a introduit dans le projet de loi un article qui le permet. Quand il dit qu'il n'a pas encore d'idée sur les surplus, c'est faux. L'idée sur les surplus, il en a une parce que les employeurs peuvent l'utiliser pour prendre congé de leur contribution.

Troisième chose, la gestion. Vous dites: Cela devrait être une gestion paritaire? Remarquez que même les organisations de travailleurs le demandent. Le ministre vous dit: Une gestion commune. Cela porte à confusion. Je comprends qu'il y ait bien des gens qui pensent que, comme les mots ont un sens, gestion commune, droit de participer, c'est paritaire. Le projet de loi 58 qui avait été déposé il y a quatre ans a vieilli, il n'était pas parfait, il faut bien le dire, mais il contenait une chose fondamentale: le comité de gestion paritaire. C'est le recul que le ministre a fait par rapport au projet de loi d'il y a quatre ans. Toutes les personnes concernées vont vous le dire: Mettez-la paritaire, et le reste, on s'en charge, on se charge des surplus, de l'indexation. On s'en charge du moment que c'est paritaire. Là aussi, il y a une sorte d'astuce. La gestion est commune, mais elle n'est pas paritaire.

La dernière chose qu'il vous a dite concerne les femmes. À l'écouter, si je ne savais pas ce que je sais, je penserais que les choses vont bon train et que ça va s'améliorer. Bien sûr, le droit de partage, les droits économiques des conjoints... Je vous rappelle que dans la proposition du gouvernement, il n'y a pas le partage des crédits de rentes, contrairement à ce qui se passe dans les autres provinces et au fédéral. Je vous rappelle que dans le projet de loi 116, il y a l'extinction de la rente pour l'ex-conjoint au moment de ia séparation ou du divorce. Cela, c'est encore un recul par rapport à il y a quatre ans, par rapport au projet de loi 58.

Je vous rappelle également que si cela a pris tant de temps, c'est que le ministre qui était responsable du dossier... Je vais vous lire exactement ce que disait le ministre Paradis, le 12 juin 1986, à l'Opposition qui le pressait de faire quelque chose dans le dossier des régimes de retraite: "Je tiens à assurer que la priorité de l'actuel gouvernement du Québec s'orientera vers l'égalité des sexes face aux régimes de retraite." C'était il y a trois ans. "J'insiste, et je le dis très clairement, l'actuel gouvernement libéral utilisera toute la marge de manoeuvre disponible en l'investissant non pas dans d'autres avenues qui nous ont été suggérées par l'Opposition, comme les questions de transférabilité, mais pour rendre le conjoint ou la conjointe au foyer admissible au Régime de rentes du Québec, faisant de l'engagement du chef du Parti libéral du Québec, avant la fin du présent mandat, une réalité."

Si les mots ont un sens, qu'est-ce que ça donne de parler pour parler? On n'est pas à l'émission de Jeannette Bertrand ici. Alors, je reprends votre mémoire quand vous nous dites entre autres que les travailleurs doivent contrôler ce qui leur appartient et que vous mentionnez qu'on pense à l'histoire du mouvement Desjardins, à l'expérience de la Mutuelle des fonctionnaires ou au succès du Fonds de solidarité. Juste un peu avant vous, la FTQ est venue nous dire: Après la cessation d'emploi ou s'il y a un travailleur ou une travailleuse qui quitte son emploi pour un autre, cette partie peut aller dans un REER bloqué. Cette partie-Jà, mettez-la dans un fonds qui pourrait être, par exemple, le Fonds de solidarité. Faites en sorte que ce soit encore là une institution collective qui puisse le gérer. Je ne sais pas si vous avez entendu leur remarque. Je ne sais pas si vous étiez des nôtres à ce moment-là.

Mme Brunet: Je ne l'ai pas entendue, mais j'ai lu quelque chose là-dessus.

Mme Harel: Alors je voudrais avoir votre point de vue là-dessus.

Mme Brunet: Sur le transfert dans le Fonds de solidarité?

Mme Harel: Sur les transferts, sur les REER? Le projet de loi propose la transférabilité mais dans un REER, finalement.

Mme Brunet: Que voulez-vous de mon opinion?

Mme Harel: Est-ce que vous souhaitez, comme un certain nombre de groupes l'ont fait, et d'autres pas, que, dans la transférabilité, on prévoie le véhicule dans lequel le transfert va se faire? Présentement le transfert se fera sans doute là où ils se font présentement, c'est-à-dire dans les véhicules privés.

Mme Brunet: Encore une fois, si le trans-

fert c'est pour pénaliser des gens qui auront économisé dans un REER et qu'Us vont perdre la moitié du REER, c'est important de le placer dans un endroit où Us ne perdront rien finalement, parce que j'ai lu quelque chose qui disait que le REER diminuait pratiquement de moitié à cause du transfert qui se faisait. Alors, je n'ai vraiment pas plus de détails qu'il faut là-dessus, je ne peux pas me prononcer. On est beaucoup plus près de ceux qui n'ont jamais de REER.

Mme Harel: II y a un aspect que vous avez peut-être entendu ce matin. Un des problèmes auxquels on fait face par ailleurs comme société, c'est qu'il y a de plus en plus de REER collectifs et de moins en moins de régimes complémentaires parce que le REER n'est pas du tout réglementé et que le régime complémentaire l'est. Il y a même des compagnies d'assurances qui sont venues dire au ministre: II faut que vous réglementiez le REER collectif. Il a augmenté de 47 %, tandis que les régimes n'augmentent pas, il n'y en a presque pas de nouveaux qui s'ajoutent. Je ne sais pas si vous avez un point de vue.

Mme Brunet: Non, je ne suis pas...

Mme Harel: D'autre part, vous nous dites: II faudrait pouvoir profiter plutôt de la participation à un régime. Vous insistez dans votre mémoire. J'aimerais peut-être vous entendre là-dessus. Surtout, dites-vous, à l'égard des femmes qui ne travaillent pas nécessairement les deux années consécutives continues qui sont obligatoires.

Mme Brunet: C'est ça. Pour nous, c'est une grande question, toujours en rapport avec la pauvreté. Encore dans La Presse, en fin de semaine, on parlait des familles monoparentales. À 70 % ce sont des femmes qui sont monoparentales, et souvent, ces femmes-là ont un travail à temps partiel et ne contribuent pas au Régime de rentes du Québec. Je pense que des personnes qui feront 700 heures pendant deux années consécutives pourront contribuer, mais pour le moment, elles ne contribuent pas. À ce moment-là, on pense qu'il faudrait que ce soit un régime public pour que tout le monde contribue.

Comme je le disais tantôt, encore aujourd'hui on constate qu'il y a 40 % dont 20 % sont des fonctionnaires. Quand on dit qu'il y a 20 % qui contribuent dans l'entreprise privée, cela fait 80 % qui ne contribuent pas dans l'entreprise privée, parce qu'il n'y a pas de fonds de retraite et que ceux qui sont les plus riches contribuent à un REER bien sûr. Mais les autres? Vous allez me répondre: Ils n'ont qu'à faire de l'épargne. Cela fait dix ans que je me fais dire ça. Mais épargner veut dire qu'U reste des sous à la fin du mois. Cela n'est pas compliqué, c'est ce que ça veut dire.

Alors, pour investir dans un REER, U faut déjà avoir un bon revenu. Des gens qui élèvent des enfants toute leur vie, on sait ce que ça coûte et on sait qu'aujourd'hui, pour arriver à avoir quelque chose, les deux doivent travailler. Alors, cela veut dire qu'encore aujourd'hui, il y en a beaucoup qui ne réussissent pas parce qu'ils ne contribuent pas à un fonds dans leur entreprise et qu'ils ne réussissent pas à prendre des REER. À ce moment-là, c'est encore la même injustice pour ces gens-là de se retrouver à la retraite avec des revenus très bas.

Si je vous disais que les personnes seules, beaucoup de femmes, ont un revenu, avec la pension de vieillesse et le supplément de revenu garanti, et la petite rente qu'elles reçoivent pour les personnes qui ont travaillé à faibles salaires maximum de 9000 $ par année. Là-dessus, quand elles font leur rapport d'impôt, très souvent l'impôt se monte à environ 700 $. Je connais des compagnies et des hommes d'affaires qui réussissent à faire des rapports d'impôt avec tellement d'abris fiscaux qu'en fin de compte, ils ne paient pas un sou.

C'est tout cela qu'on voudrait que vous regardiez, M. le ministre, il y a des choses à faire. Si vous n'arrivez pas à faire contribuer d'une façon adéquate les femmes au RRQ, les femmes qui sont à la maison, d'une façon qui n'appauvrira pas le mari... Parce que cela aussi, c'est une chose: si on prend sa rente et qu'on la divise en deux, cela fera deux pauvres plutôt qu'un. Mais il peut y avoir des crédits d'impôt. On constate présentement qu'on demande beaucoup aux femmes de faire du bénévolat, on demande des femmes pour faire, ce qu'on appelle nous, le soutien à domicile. Quand on sort les personnes des hôpitaux au bout de quatre jours, qui les récupère à la maison? Ce sont les femmes. Ces femmes-là ne sont jamais payées; il n'y a pas de service de garde. Je n'embarquerai pas là-dedans, parce qu'on est dans une coalition, mais j'en aurais très long à vous dire. C'est pour vous démontrer jusqu'à quel point cette pauvreté... Vous ne me l'avez pas dit, mais il y en a qui nous disent: Oui, mais la situation des femmes aura changé dans 20 ans. Ce n'est pas vrai. Je viens de vous dire que 70 % des familles monoparentales sont des femmes et 70 % vont rester pauvres toute leur vie. Il y a des documents là-dessus. Vous n'avez qu'à consulter ce que le Conseil de la santé et du bien-être a fait à Ottawa. L'image de la femme dans dix ans d'ici sera celle d'une femme pauvre à partir de 35 ans, et je n'invente rien. Je dis ce que je lis. Ce sont des études qui ont été faites, ce sont des statistiques qui sont faites et c'est la réalité, malheureusement.

Le Président (M. Bélanger): En conclusion.

Mme Harel: En conclusion. Le président me fait part que mon temps est terminé. Je suis contente que vous l'ayez utilisé, Mme Brunet. La Fédération des femmes du Québec est venue nous dire que, en moyenne, les femmes, au Québec,

travaillaient 1,9 année, c'est-à-dire moins des deux années réglementaires pour simplement pouvoir cotiser au régime, non pas pour pouvoir acquérir le droit de retirer la part de l'employeur parce que cela prend quatre ans, mais seulement pour pouvoir cotiser, elles travaillent moins que la 1,9 année nécessaire et, finalement, au premier rang des motifs invoqués, lorsqu'elles sont interrogées, c'est la naissance d'un enfant qui les amène à avoir une carrière, comme on le sait, en dents de scie, avec un retour sur le marché de l'emploi, un retour à la maison, etc. Je veux vous remercier pour votre contribution et souligner la solidarité dont vous faites part, que vous manifestez par votre présence aujourd'hui. Merci.

Mme Brunet: Je conclurais... Une toute petite minute...

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

Mme Brunet: ...pour dire à M. le ministre qu'un article a paru dans La Presse de samedi - vous allez me dire que je lis beaucoup, mais c'est important de lire de ce temps-ci - sur le surplus des retraites de l'avocat, M. RK/est. Si vous ne l'avez pas lu, je vous encourage fortement à le lire. On dit tout ce qui arrive avec les surplus de retraite, et, malheureusement, j'aurais beaucoup aimé en parler, mais vous devez faire une consultation et j'espère que vous ne perdrez pas la mémoire d'ici ce temps-là pour que cette consultation ait lieu. Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

Non, non, s'il vous plaît. Je regrette, aucune manifestation de quelque nature que ce soit ne peut être acceptée en commission. Je regrette infiniment. Je comprends votre enthousiasme mais, malheureusement, ce n'est absolument pas permis, s'il vous plaît.

M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, en conclusion, je dois déplorer le manque d'objectivité de la députée de Maisonneuve et l'excès de démagogie auquel elle s'est livrée tout à l'heure relativement aux actions du gouvernement...

Mme Harel: Vous êtes censé remercier nos invités, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée! Mme la députée!

Mme Harel: J'invoque la pertinence.

M. Bourbeau: C'est probablement parce que...

Le Président (M. Bélanger): Non, non. La parole appartient au ministre, vous avez utilisé votre temps à votre escient, comme vous l'avez voulu, maintenant on écoute M. le ministre et... M. Bourbeau: II me semble que c'est...

Le Président (M. Bélanger): ...on respecte son temps de parole.

Mme Harel: M. le Président, la parole appartient au ministre pour remercier nos invités.

Le Président (M. Bélanger): La parole appartient à M. le ministre, madame, si vous voulez...

Mme Harel: ...remercier nos invités.

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît.

M. Bourbeau: Oui, c'est ce que je suis en train de faire.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre peut procéder comme il le veut, c'est son temps, il lui appartient.

M. Bourbeau: M. le Président, il semble que le ton a changé depuis que la caméra de télévision est arrivée dans la salle. Ce que je peux dire, c'est que le gouvernement n'a pas de leçon de morale à recevoir du Parti québécois qui a été là pendant neuf ans et qui n'a rien fait, sinon déposer, la veille de la fin de la dernière session avant les élections, un projet de loi inadéquat qui ne réglait pas les principaux problèmes.

Ce que je peux vous dire, c'est que nous avons l'intention de faire adopter le projet de loi qui est devant nous. On est rendus à une étape assez avancée, et je peux vous donner la garantie qu'à moins que le Parti québécois ne fasse une obstruction systématique, nous avons l'intention de faire adopter ce projet de loi avec les améliorations importantes qu'il contient.

Maintenant, si nous n'avons pas...

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. le ministre.

M. Bourbeau: Pour ce qui est des surplus - je conclus là-dessus - je peux vous assurer, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, que nous allons consulter, à l'automne, sur cette question, la disposition des surplus, la question des congés de cotisation. Si nous avons laissé ça dans la loi, c'est parce que c'était le statu quo, nous ne voulions pas prendre une décision anticipée.

Je vous remercie, madame et les gens qui vous accompagnent, pour votre contribution importante au débat. Je peux vous assurer que nous allons tenir compte de vos représentations, et nous comptons que vous serez là, à l'automne, pour la consultation sur les surplus. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Bien. La

commission des affaires sociales remercie l'Association québécoise de défense des droits des retraités et préretraités et suspend ses travaux jusqu'après la période de questions, soit à 15 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 13 h 2)

(Reprise à 15 h 42)

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, si vous le permettez, la commission des affaires sociales reprend ses travaux pour procéder à des auditions publiques.

Nous recevons présentement à la table des témoins le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (International), c'est bien cela?

Une voix: C'est ça.

Le Président (M. Bélanger): II est représenté par M. Maurice Pouliot, Mme Francine Legault et M. Paul Lapointe. Enfin, vous présenterez votre équipe, vous connaissez nos règles de procédure, vous avez 20 minutes fermes pour la présentation de votre mémoire ou de l'exposé qui en tient lieu et il y a une période d'échange de points de vue avec les parlementaires. Je vous prierais aussi, chaque fois que vous avez une intervention à faire, de bien vouloir vous identifier, ceci, aux fins de la transcription du Journal des débats, pour faciliter le travail de nos gens à ce poste. Alors, je vous remercie et vous prierais de bien vouloir commencer.

Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (International)

M. Pouliot (Maurice): Pour débuter, M. le Président, je vais vous présenter les personnes qui m'accompagnent. À ma gauche, M. Jean-Jacques Savage, adjoint au président-directeur général du Conseil provincial, M. Paul Lapointe, spécialiste en avantages sociaux. Je suis Maurice Pouliot, président-directeur général du Conseil provincial de la construction (International). Il y a aussi Mme Francine Legault, responsable du dossier des avantages sociaux et attachée de presse du Conseil provincial, et M. Yvan Bertrand, secrétaire archiviste du Conseil provincial.

M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, Mmes et MM. les membres de la commission des affaires sociales, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (International) est une organisation syndicale qui représente quelque 45 000 travailleurs et travailleuses de l'industrie de la construction. Notre représentativité s'établit à 32 %, ce qui nous place au deuxième rang parmi les cinq associations syndicales reconnues dans la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. Notre intervention se limite donc strictement à l'impact qu'aura le projet de loi 116 sur les régimes complémentaires d'avantages sociaux dans l'industrie de la construction. Je tiens à le préciser, car, si les dispositions de ce projet de loi visent à améliorer la protection des droits acquis par les salariés du Québec qui participent à des régimes privés de retraite, elles n'auront pas nécessairement des effets aussi souhaitables auprès des syndiqués que nous représentons. Nous estimons que ce projet de loi pénalisera lourdement les travailleurs et travailleuses de notre industrie. J'irais même plus loin en vous disant que les contraintes supplémentaires qu'il nous impose emmèneront sans l'ombre d'un doute une réduction des montants de rente accordés à nos futurs retraités ainsi qu'une diminution des bénéfices auxquels ils ont droit. C'est ce message que nous désirons vous expliquer et vous livrer aujourd'hui.

Le projet de loi 116 a été pensé et écrit pour des régimes de retraite plus modestes que celui de l'industrie de la construction. Nous ne remettons absolument pas en cause la nécessité et l'urgence pour le gouvernement du Québec d'adopter des mesures strictes afin de protéger les régimes de retraite des salariés du Québec. Par contre, l'industrie de la construction s'est déjà dotée d'un ensemble de règles pour atteindre ce but. À certains égards, nos normes sont équivalentes, voire même supérieures à celles proposées par la loi 116. Avec les années, nous avons bâti un plan qui cherchait à répondre à cet objectif, ainsi qu'au caractère très spécifique de notre industrie.

Pour vous situer, les principales différences qui existent entre notre régime et ceux que nous rencontrons habituellement se résument à ceci. C'est un régime obligatoire pour tous les employeurs et les travailleurs et travailleuses. Le rôle de l'employeur se limite à percevoir les cotisations, à payer sa contribution, et à transmettre ces deux montants à la Commission de la construction du Québec. Les droits s'acquièrent dès la première heure travaillée sur un chantier et augmentent avec les années de service. Notre régime est administré et géré par un organisme paritaire, la CCQ. Les modifications au régime sont également décidées paritairement au sein de cet organisme. Les dispositions de notre régime sont contenues à l'intérieur d'un texte réglementaire dûment adopté par le gouvernement. Les règles qui régissent les avantages sociaux dans l'industrie de la construction sont déterminées par notre loi sur les relations du travail. Les fonds de notre régime sont gérés par la Caisse de dépôt et placement. Les employeurs qui ne versent pas les contributions requises peuvent être poursuivis en justice. En cas de faillite, de cession de biens, de séquestre, d'émission de chèques sans provision, un fonds de solvabilité financé par les employeurs se charge de rembourser a la CCQ les sommes reçues. Les surplus

restent dans le fonds.

J'aimerais également vous citer quelques chiffres, afin de vous donner une idée de son ampleur. En 1987, le nombre de dossiers actifs de retraite était de 316 505 travailleurs. Quant au nombre de rentiers, il s'élevait à 27 975, toujours au cours de la même année. Le montant des prestations versées en rentes était de plus de 82 000 000 $, et 12 500 000 $ ont été remis en prestations de départ ou prestations forfaitaires lors du décès. Le fonds de retraite de l'industrie de la construction totalise des actifs de l'ordre de 2 500 000 000 $, et, dans quelques années, il atteindra les 4 000 000 000 $. Avant de chambarder complètement nos règles du jeu, il faut en évaluer l'impact sur un régime aussi important que le nôtre. Des modifications qui semblent à première vue anodines auront des répercussions catastrophiques et n'apporteront rien de plus à nos syndiqués.

À titre d'exemple, l'article 42 du projet de loi 116 exige que les employeurs remettent à la caisse de retraite dans les quinze jours de leur perception les cotisations salariales qu'ils prélèvent. Cette modification mineure en soi, car ils produisent déjà un rapport mensuel, aurait pour effet de doubler le nombre; de 226 000, nous passerons à 452 000 rapports produits annuellement. Cela n'apporte rien de plus aux travailleurs de la construction, si ce n'est d'augmenter les frais d'administration qui seront prélevés à même leur argent de retraite.

Imaginez maintenant les impacts qu'auront les changements majeurs proposés par le projet de loi 116. Ils seront catastrophiques. La Commission de la construction du Québec a demandé à ses actuaires-conseils, le groupe Sobeco, d'évaluer les effets du projet de loi 116 sur les coûts de notre régime. À la suite d'une analyse préliminaire et sans estimer les frais d'administration et les coûts de développement qui seront nécessaires pour rendre notre système informatique capable de se conformer aux normes du projet de loi, Sobeco estime que les cotisations requises devront être haussées de 0,205 $ l'heure, ce qui représente en termes de millions de dollars environ 21 000 000 $ annuellement, ce qui se traduira par une baisse de 12 % du taux de rente de base. Vous trouverez à l'annexe B une copie de cette évaluation.

Est-ce vraiment ce résultat que le gouvernement souhaite atteindre avec le projet de loi 116? Comment pouvons-nous expliquer à nos syndiqués que cette loi est avantageuse pour eux quand le taux de rente qu'ils accumuleront pour chaque tranche de 1000 heures travaillées passera de 390 $ à 348,25 $? Avant d'écrire ce projet de loi, les rédacteurs auraient eu intérêt à consulter le monde de l'industrie de la construction. Cette réforme si souhaitable pour les autres secteurs sera carrément inapplicable dans notre secteur. Dans les pages qui suivent, c'est ce que nous nous appliquerons à vous démontrer.

L'assujettissement. L'article 2, alinéa 4°. Le régime de retraite de la construction est déjà soumis à un imposant encadrement juridique. Lors des rencontres que nous avons eues avec les hauts fonctionnaires de la Régie des rentes du Québec, nous n'avons pas manqué de soulever la difficulté que nous aurions à vivre ensemble avec notre loi actuelle et celle contenue dans te projet de loi 116. Cela posera un problème important lorsqu'il s'agira de déterminer laquelle des deux lois a préséance sur l'autre.

Il est préférable pour le bien des travailleurs de la construction de régler immédiatement cette difficulté et d'indiquer clairement la façon dont ces deux lois devront coexister. Il faut éviter à tout prix de se perdre dans les dédales juridiques, alors que la situation actuelle est claire, nette et précise.

Recommandation n° 1. En conséquence, nous vous demandons de modifier le projet de loi 116 afin de définir clairement sa juridiction, par rapport à la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction.

L'article 3, le conjoint. Il y a longtemps que l'industrie de la construction a reconnu le conjoint de fait. Certes, notre définition est un peu moins large que celle prévue dans le projet de loi, mais nous n'avons aucune objection à modifier notre définition actuelle au profit de la vôtre. Cela aura peu d'impact sur notre régime.

Cependant, notre règlement reconnaît les enfants à charge du salarié comme étant des survivants admissibles lors du paiement des prestations de décès. Il est dommage que le projet de loi 116 ne leur accorde aucun statut. Bien entendu, l'article 5 nous permet d'accorder des dispositions plus avantageuses, mais je suis loin d'être certain que nous aurons les moyens de maintenir ce bénéfice. Il est évident que les coûts supplémentaires engendrés par le projet de loi 116 nous amèneront à examiner les avantages que nous pourrions enlever afin d'aller chercher les 0,205 $ l'heure qui nous manqueront

La définition du régime de retraite. Mentionnons à propos de cet article que notre régime de retraite dans la construction n'est pas un contrat au sens usuel que l'on donne à ce mot. Il s'agit plutôt d'un décret gouvernemental qui fixe les avantages sociaux des travailleurs de la construction. Il nous apparaît important que vous nous précisiez le statut que vous comptez donner au régime de la construction. Si notre régime est considéré comme un simple contrat, cela aurait-il pour effet de nous éviter tout le processus d'acceptation auquel nous sommes soumis lors d'une modification?

Recommandation n° 2. En conséquence, nous vous recommandons de modifier la section I du chapitre II du projet de loi 116 afin de reconnaître le statut particulier du régime en vigueur dans l'industrie de la construction.

Article 14, description du régime. Si nous avons l'obligation de nous conformer à cet article, nous devrons lister à l'intérieur du

règlement les 16 500 employeurs de l'industrie de la construction. Le seul fait de tenir à jour cette liste entraînera des dépenses additionnelles qui ne donneront rien de plus aux travailleurs. Il faut absolument nous soustraire à cette obligation.

Recommandation n° 3. En conséquence, nous vous recommandons de soustraire le régime de retraite des travailleurs de la construction aux obligations édictées à la section II, du chapitre II, du projet de loi 116.

Modification au régime. L'article 19 a pour effet d'ajouter une étape supplémentaire à notre processus de modification. Nous ne pouvons faire autrement que de nous opposer fermement à toute disposition qui alourdira davantage un processus déjà très lent, nécessitant une multitude d'approbations. Les modifications apportées au régime complémentaire d'avantages sociaux sont déjà soumises à la procédure gouvernementale quant à l'adoption des textes réglementaires et elles sont décrétées. Avant d'arriver à cette étape ultime, un long chemin qui nécessite plusieurs mois doit être parcouru. De vastes consultations sont menées auprès des salariés, de leurs représentants syndicaux et de l'association d'employeurs avant de mettre en marche le processus formel de modification. Par la suite, les comités d'avantages sociaux des associations syndicales se rencontrent pour identifier leurs besoins. Des ententes Informelles sont prises. Une position est alors officiellement présentée par les représentants des associations syndicales siégeant au comité mixte de la construction (CCQ). Le service des avantages sociaux de la CCQ est alors appelé à évaluer le régime et est capable d'assumer ses nouveaux engagements.

Il y a aussi un autre processus qui est celui des actuaires de la CCQ, le groupe Sobeco, qui doit nous faire des recommandations concernant les modifications à apporter au régime de retraite des travailleurs de la construction. À la suite de cette étude, le comité mixte accepte ou refuse la proposition. S'il l'accepte, le dossier est tournis au conseil d'administration pour une acceptation finale. Par la suite, les modifications sont transmises au Conseil des ministres par le ministre du Travail pour approbation. Enfin, elles s'acheminent vers le processus de publication à la Gazette officielle du Québec.

Je voudrais à ce moment-ci, M. le ministre, vous mentionner qu'il y a eu une modification au régime d'avantages sociaux dans la construction en septembre 1988. Aujourd'hui, après prépublication, le décret n'est pas encore adopté. Donc, il y a eu une prépublication de la modification au régime d'avantages sociaux des travailleurs de la construction. Encore là, le gouvernement retarde, on ne sait pas pour quelle raison, à publier les modifications sur les soins dentaires et aussi les modifications au régime des électriciens dans l'industrie de la construction, ce qui rend, à toutes fins utiles, le paiement de l'assurance-santé et salaire des travailleurs ou des travail- leuses de la construction illégalement... C'est la façon dont on procède présentement.

Donc, vous comprendrez que ce processus a pour effet d'empêcher les travailleurs de recevoir dans des délais normaux les bénéfices auxquels ils ont droit. Il a déjà été dénoncé à l'unanimité par le conseil d'administration de l'Office de la construction du Québec. À la fin de 1986, nous avions demandé au gouvernement de soustraire la réglementation des avantages sociaux de l'industrie de la construction à l'obligation des articles 10 et 11 de la Loi sur les règlements. Vous trouverez à l'annexe G copie de cette résolution.

Vous comprendrez notre exaspération vis-à-vis de l'obligation supplémentaire qui nous est imposée par l'article 19 du projet de loi 116. Pour nous, il s'agit d'une disposition inacceptable qui pénalise lourdement les travailleurs que nous représentons.

Recommandation n° 4. Compte tenu de l'ampleur de notre processus actuel de modification, nous vous recommandons de soustraire complètement le régime de retraite de la construction de la section III du projet de loi 116.

L'enregistrement d'un régime de retraite et de ses modifications. L'enregistrement du régime des nouveaux employeurs à la Régie des rentes. L'enregistrement de notre régime et l'envoi de nos modifications à la Régie sont un détail en soi. Cependant, cet article devra prévoir des mesures particulières pour l'industrie de la construction. Il est tout à fait impossible de fournir à la Régie le consentement par écrit des 16 500 employeurs à rencontrer leurs obligations. On voudrait ajouter qu'en 1988, il y a 4000 nouveaux employeurs qui se sont ajoutés aux 16 000. Donc, on parle d'une industrie qui est quand même assez complexe. Tout ce chapitre n'aura comme effet que de bureaucratiser inutilement notre régime sans apporter aucun avantage supplémentaire.

Recommandation n° 5. Nous recommandons que le régime de retraite des travailleurs de la construction soit exclu du chapitre III du projet de loi 116. Par contre, nous n'avons aucune objection à déposer le texte du règlement sur les régimes complémentaires d'avantages sociaux dans l'industrie de la construction.

L'article 34, travailleurs qui exécutent un travail similaire. D'année en année, le champ d'application de la loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction voit sa portée se réduire toujours davantage. Les nombreuses décisions rendues par le commissaire de la construction, l'augmentation des travaux réalisés en atelier plutôt qu'à pied d'oeuvre et le non-assujettissement par le gouvernement de plusieurs travaux font en sorte qu'il s'est développé un bassin important de travailleurs qui exécutent des travaux similaires à ceux effectués sur les chantiers de construction. Le projet de loi 31 qui a été adopté récemment à l'Assemblée nationale est un autre exemple frappant à l'effet d'exclure

des travaux de la construction les travaux de rénovation et de modification. (16 heures)

II est tout à fait impossible d'évaluer avec exactitude l'impact que pourrait avoir cet article sur le régime de la construction, mais, d'après les spécialistes consultés et notre propre expérience, cet article permettrait à un nombre important de travailleurs de bénéficier des avantages prévus au régime de la construction. Nous n'avons qu'à penser à tous ceux et celles qui exécutent, par exemple, des travaux de maintenance dans les raffineries, les moulins à papier, les mines; à tous ceux et celles qui construisent en atelier des systèmes de ventilation, de climatisation, des portes et fenêtres, des armoires de cuisine, des systèmes de protection-incendie, etc. Il s'agit là de travaux similaires qui, à l'occasion, sont exécutés directement sur les chantiers. Cela représente plusieurs milliers de travailleurs. Nous ne pouvons demander au régime de retraite de la construction de supporter toutes ces nouvelles entrées.

Le Président (M. Bélanger): M. Pouliot, je vous inviterais à conclure, s'il vous plaît.

M. Pouliot: En conclusion, M. le Président. Dans l'immédiat, nous recommandons que le régime de retraite de l'industrie de la construction soit exclu des dispositions du projet de loi 116. De plus, nous recommandons la création d'un comité auquel devront participer des représentants des associations syndicales, de l'association d'employeurs, du service des avantages sociaux de la Commission de la construction du Québec et de la Régie des rentes du Québec, afin d'examiner les moyens que nous pourrions prendre pour que notre régime de retraite se rapproche des objectifs du projet de loi 116. Ce comité devrait présenter au gouvernement des recommandations qui tiendront compte du caractère particulier de notre industrie ainsi que du nombre élevé des participants afin que les frais d'administration imputés a notre régime demeurent à un niveau acceptable. Les recommandations de ce comité, si elles sont acceptées par le gouvernement, pourraient s'inscrire à l'intérieur d'un chapitre spécial qui pourrait être ajouté à la Loi sur les régimes complémentaires de retraite afin de régir spécifiquement le régime de retraite de la construction. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. Pouliot. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, il me fait extrêmement plaisir d'accueillir à cette commission les représentants du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (International), groupe que j'ai d'ailleurs déjà rencontré il y a quelques semaines pour discuter du sujet dont on parle présentement.

Le mémoire très important - c'est peut-être le mémoire le plus volumineux que nous ayons reçu - dans l'ensemble, estime que le projet de loi 116 est difficilement applicable au régime de l'industrie de la construction. On nous demande, dans un premier temps, que le régime qui existe présentement ne soit pas assujetti à la Loi sur les régimes complémentaires de retraite. Vous proposez également la création d'un comité chargé d'élaborer des dispositions spéciales. Vous spécifiez même que ce comité pourrait être incorporé en vertu de dispositions qui seraient incluses dans la loi. C'est un comité qui couvrirait spécifiquement les particularités de l'industrie de la construction.

Après étude du dossier, il nous apparaît que vous avez effectivement raison quand vous prétendez que le projet de loi serait difficilement applicable ou même carrément inapplicable dans l'industrie de la construction. Nous en sommes venus à la même conclusion compte tenu des particularités propres de votre industrie. Qu'on songe, par exemple, que dans l'industrie de la construction, il n'y a pas un seul employeur pour un grand nombre de travailleurs, mais un grand nombre d'employeurs pour un grand nombre de travailleurs et que la main-d'oeuvre change continuellement d'employeur, donc qu'il y a une très grande mobilité de la main-d'oeuvre. De plus, cette main-d'oeuvre se déplace d'une région à l'autre, ce qui crée une situation totalement différente de ce qu'on voit un peu partout dans les industries du Québec où les employés travaillent dans le même lieu pour un même employeur pendant un grand nombre d'années.

Il est donc évident que votre situation est différente et que vous avez, dans votre industrie, des caractéristiques qui vous sont propres et qu'on ne retrouve pas ailleurs. Vous avez d'ailleurs un régime qui fonctionne très bien depuis de nombreuses années et qui, bien qu'enregistré à la Régie des rentes du Québec, émane d'un décret émis en vertu d'une loi spéciale.

À la suite de la lecture de votre mémoire, après les discussions que nous avons eues et après les rencontres que vous avez eues avec les autorités de la Régie des rentes, je peux vous confirmer que c'est de notre intention d'utiliser l'article 2 du projet de loi pour faire en sorte de soumettre au gouvernement une demande pour que votre industrie soit exemptée des effets de la loi dans une très large mesure. Notre intention ne serait pas de soustraire totalement l'industrie aux effets de la loi, mais d'identifier dans la loi les chapitres qui seraient incompatibles avec un système cohérent et un régime qui doit bien fonctionner.

Je suis d'avis qu'on devrait effectivement former un comité - je ne crois pas qu'il soit nécessaire de l'indiquer dans la loi - qui s'assoira avec vous, un groupe de travail qui comprendra des représentants de votre industrie et des représentants de la Régie des rentes, afin de déterminer dans quelle mesure le régime peut être soumis à la loi et dans quelle mesure il peut

en être exempté. De cette façon, on pourra en arriver à un compromis qui permettra essentiellement de continuer à évoluer comme vous le faites présentement tout en étant enregistré à la Régie des rentes du Québec, notre intention n'étant certainement pas de créer des problèmes additionnels dans un régime qui fonctionne très bien et d'empêcher de tourner en rond un système qui fonctionne. Je pense que, d'autre part, Il ne serait pas souhaitable d'exclure totalement le régime d'un enregistrement à la Régie des rentes du Québec. En gros, c'est ce que je vous propose et si ça vous convient on pourrait dès maintenant amorcer les discussions à ce sujet.

M. Pouliot: Évidemment, M. le Président, c'est ce que le conseil provincial demande. On n'a Jamais pensé que le gouvernement avait l'intention de tout chambarder le régime de retraite des travailleurs et travailleuses de l'industrie de la construction. Donc, on a été un peu surpris d'apprendre que Ie projet de loi 116 s'appliquait au secteur de l'industrie de la construction. L'industrie de la construction n'a pas une loi spéciale, mais plusieurs lois spéciales qui régissent les régimes de retraite et a aussi l'obligation de confier tout l'argent à la Caisse de dépôt Et ce n'est pas volontaire, c'est une loi qui stipule que l'argent que la CCQ perçoit doit être transféré à la Caisse de dépôt qui, effectivement décide des placements selon les recommandations que formule Ie conseil d'administration de la CCQ. Donc, je pense qu'on parle de quelque chose de gigantesque et le régime de retraite des travailleurs de la construction va en augmentant d'année en année, et c'est l'une des requêtes qu'on a formulées à l'ex-ministre du travail, à savoir qu'il y ait quelqu'un de la CCQ au conseil d'administration de la Caisse de dépôt et de placement. On n'y a aucun représentant et on peut s'interroger sur certaines choses au sujet du placement de notre argent.

Mais, pour répondre à votre question, évidemment, c'est ce qu'on vous demande avant de légiférer. Je pense que c'est le but d'une commission parlementaire de permettre aux gens de s'exprimer et de se faire entendre.

M. Bourbeau: Effectivement. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle nous vous avons invités à venir faire vos représentations. Cela prouve une chose: On est là pour adapter les lois à la réalité du milieu et non pas pour faire l'inverse. Et moi Je peux vous assurer que Ie législateur est là pour améliorer des situations, pour corriger de» problèmes et non pas pour en créer. Si on a un système qui fonctionne bien présentement avec ses propres lois, ses propres règlements, qui a fait la preuve au cours des années en rendant service aux travailleurs, je ne vois pas pourquoi on viendrait chambarder tout ça. Alors, l'objectif qu'on recherche est de réparer ce qui doit l'être, de faire en sorte que des injustices, si tant est qu'il y en a soient corrigées et non pas d'empêcher un système comme le vôtre de fonctionner. Donc, si je comprends bien, vous êtes d'accord avec la proposition de former un comité qui pourrait siéger dans les prochains jours, déterminer dans quelle mesure on pourrait soustraire aux effets de la loi le régime qui vous intéresse.

Et, je suis convaincu que, compte tenu des orientations que je viens d'Indiquer, on pourra trouver un terrain d'entente assez rapidement.

M. Pouliot: Je veux simplement ajouter, M. le ministre, que vous pouvez compter sur la collaboration du Conseil provincial international pour participer à ce comité.

M. Bourbeau: Très bien. Cela va

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de vous saluer, M. Pouliot, ainsi que les personnes du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction qui vous accompagnent J'ai ou l'occasion de connaître certaines d'entre elles et d'apprécier leur talent de persuasion. C'est une bonne nouvelle que le ministre nous apprend cet après-midi. Depuis le début de nos travaux, je dois vous dire que c'est la seule bonne nouvelle. Il n'était pas trop tard, remarquez, on va terminer bientôt J'espère que ça servira d'exemple pour d'autres recommandations qui lui ont été faites tout au cours de la commission parlementaire.

Comme vous êtes ici et que vous avez une expertise de ce qui se gère de façon paritaire, puisque votre régime l'est Je vous en félicite, c'était très Impressionnant la démonstration que vous avez faite de ce qu'il en coûterait pour modifier le régime s'il était assujetti à la loi 116. Votre mémoire est non seulement abondant mais explicite quant aux coûts. Je pense, entre autres, à la lettre que contient le mémoire, signée du groupe Sobeco qui évalue à 0,20 $ l'heure la hausse des cotisations ou la baisse du taux de rente qui en résulteront évidemment et que quelqu'un payera. II est heureux que le ministre vous offre d'utiliser la disposition prévue à l'article 2 de la loi qui dit: "Le gouvernement peut aussi, par règlement et dans les conditions qu'il fixe, soustraire toute catégorie de régime de retraite à l'application de la totalité ou d'une partie de la présente loi." Je ne sais pas si vous avez déjà une idée des dispositions auxquelles votre industrie devrait être soustraite et si vous voulez nous en parler maintenant. Sinon, de toute façon, des rencontres auront lieu avec la Régie. Le règlement devrait être prépublié et l'Opposition est toujours à

votre disposition si vous avez des représentations à faire, en souhaitant que le tout puisse se régler à ce comité qui serait paritaire. Je pense que c'est à peu près le seul comité paritaire qui va sortir de cette commission parlementaire, mais peut-être qu'on peut souhaiter que ça serve d'exemple.

Si vous voulez nous indiquer les dispositions ou les chapitres que vous considérez comme devant être soustraits de la loi. J'aimerais, aussi, M. Pouliot, que vous nous parliez vous-même ou les experts qui sont avec vous, de la gestion paritaire. Qu'est-ce que vous faites au sujet de l'indexation? Qu'est-ce que vous faites avec les surplus? Êtes-vous content du taux de rendement des placements de la Caisse de dépôt? Je sais que, dans votre industrie, dès qu'une personne cotise une heure, elle peut avoir un remboursement. Alors, j'aimerais aussi que vous nous en donniez les caractéristiques.

M. Pouliot: M. le Président, je vais répondre à une ou deux questions. Je pense que le mémoire du Conseil provincial demande certaines exclusions. Donc, elles sont claires, quant à nous. Un des sujets concerne la Caisse de dépôt et placement. Mme la députée nous demande si on est satisfaits du taux de rendement de la Caisse de dépôt. La réponse du Conseil provincial est non. On pense que la Caisse de dépôt devrait avoir un meilleur taux de rendement concernant le placement de nos 2 500 000 000 $. D'ailleurs, on a rencontré récemment les gens de la Caisse de dépôt et placement du Québec et ceux du groupe Sobeco. C'est une des raisons pour lesquelles on demande au gouvernement d'avoir un spécialiste qui siégera au conseil d'administration de la Caisse de dépôt pour s'assurer du bon placement des sommes d'argent des travailleurs et des travailleuses qu'on représente. Pour d'autres sujets, je vais céder la parole à M. Paul Lapointe, spécialiste des avantages sociaux, et Mme Legault pourra aussi donner quelques informations additionnelles. (16 il 15)

M. Lapointe (Paul): Je suis représentant syndical. Juste quelques exemples sur l'impact financier qui devient néfaste au régime de la construction. Vous avez par exemple à l'article 14, on dit d'indiquer les noms et adresses des employeurs dans le texte du régime. Alors vous avez compris le nombre d'employeurs qu'on a à indiquer. Par la même occasion je pourrais vous dire que, deux fois par année, les travailleurs reçoivent un relevé de leurs vacances et, à cette occasion, ont une liste des employeurs et des heures travaillées, ainsi que de la contribution qu'ils ont payée pour le régime de retraite. Alors, ils ont déjà les informations adéquates avec la liste des employeurs.

À l'article 42 on impose l'obligation à l'employeur d'envoyer deux rapports mensuels. Pour l'employeur, c'est un travail additionnel qui ne nous semble pas nécessaire. Et, pour les retraités, soit ceux qui paient des cotisations... Cela oblige la CCQ à doubler le personnel parce que c'est un double enregistrement mensuel. Alors, c'est un effectif additionnel très dispendieux. Les modifications au régime informatique sont également très dispendieuses. Donc, à ce moment-là, cela ne donne pas d'avantages additionnels aux travailleurs. Au contraire, cela leur coûte plus cher. Il y a aussi les intérêts mensuels. Présentement, les intérêts sont annuels pour nous et tout l'argent va au fonds général du régime de retraite de l'industrie de la construction. Cela obligerait à une modification majeure: au lieu d'avoir un espace pour calculer les intérêts, ça serait, si vous le voulez, quatre espaces et on doublerait à ce moment-là les espaces. Au bout de l'année, ça fait des espaces indéterminables qui coûtent très chers au département d'informatique, et ainsi de suite. Ce sont des exemples que je vous donne de ce qui coûterait énormément d'argent et entraînerait des baisses des prestations de retraite des travailleurs.

Le Président (M. Bélanger): Mme Legault.

Mme Legault (Francine): Oui, Francine Legault. Pour ce qui est des aspects plus positifs du projet de loi 116, ce qu'on est prêts à retenir, et on pense que c'est souhaitable de le faire, c'est tout l'aspect de la transférabilité des régimes d'un employeur à l'autre. Dans l'industrie de la construction ce mécanisme est en vigueur depuis la création, compte tenu des caractéristiques de l'industrie, comme M. le ministre le soulignait, au début. Par ailleurs, on pense qu'il s'agit là d'un droit légitime de toutes les industries et tous les secteurs de l'activité économique du Québec, de faire suivre les fonds de retraite. Au Conseil provincial, on est d'accord pour que les gens qui quittent l'industrie de la construction puissent transférer leur fonds de retraite, par exemple, dans le secteur des mines, des raffineries, de l'industrie automobile ou peu importe le secteur où ils décident de poursuivre leur carrière. On pense qu'il est tout aussi légitime de pouvoir recevoir les fonds de retraite des gens qui désirent faire carrière dans l'industrie de la construction. Cet aspect du projet de loi 116 nous apparaît suffisamment intéressant pour nous empêcher de demander une exclusion totale du projet de loi. C'est tellement vrai que, dans l'industrie de la construction, depuis plusieurs années, on signe des ententes de réciprocité non pas avec des compagnies du Québec mais avec des locaux américains ou canadiens qui nous permettent de rapatrier ce que les travailleurs du Québec vont contribuer sur les chantiers à l'extérieur.

Au cours des cinq dernières années, la Commission de la construction du Québec a pu rapatrier au-delà de 2 000 000 $. C'était en fonds. À toutes fins utiles, cet argent dormait dans des fonds de retraite à l'extérieur de la

province, soit aux États-Unis, soit dans les autres provinces canadiennes. Pour nous, cet aspect de la transférabilité, de la réciprocité est extrêmement importante et c'est pour ça qu'on veut quand même pouvoir bénéficier de certains aspects du projet de loi 116.

Mme Harel: Évidemment, votre caisse a une politique en matière d'indexation. Les rentes sont indexées, je pense?

Mme Legault (Francine): Les rentes ne sont pas vraiment indexées. On n'a pas de formule d'indexation au sens strict, sauf que les surplus des placements sont redistribués aux travailleurs. Donc, au cours des 20 dernières années, en redistribuant les surplus, on a pu arriver à suivre tout au moins l'inflation. Les gens n'en ont pas plus, mais ils n'en ont pas perdu. La difficulté qu'on a, et M. Pouliot l'a très bien soulignée, c'est que le Conseil des ministres et tout le processus d'adoption de nos règlements sont tellement lourds, tellement longs, qu'au lieu, par exemple, de donner les bénéfices a nos retraités et à nos préretraités immédiatement, on est souvent obligés d'attendre des années complètes et de faire des versements rétroactifs, alors qu'on préférerait, que, dès que les actuaires de la CCQ nous ont recommandé de hausser les rentes compte tenu du fait que tout est décidé paritairement, on puisse le faire immédiatement. On voudrait que les décisions de la Commission de la construction du Québec, par la voie de son conseil d'administration et du comité mixte, soient exécutoires.

Mme Harel: Je ne sais pas, M. le ministre, s'il ne serait pas souhaitable d'examiner la possibilité, dans le cadre du projet de loi 116, dans les dispositions que l'on retrouve à la fin du projet de loi concernant les autres lois, de rendre véritablement paritaire le Conseil de la construction du Québec, en matière de décision quant à la gestion de sa caisse, et de lui permettre, sans attendre simplement, comment dit-on, le "rubber stamp"... c'est une mauvaise expression. Si j'ai bien compris tantôt, il y a plusieurs mois que vous attendez un décret du Conseil des ministres sur les soins dentaires. Est-ce bien cela?

M. Pouliot: Oui, c'est ça.

Mme Harel: Je ne blâme pas le ministre, ce doit être le ministre...

M. Pouliot: Du Travail.

M. Harel: ...du Travail, mais il reste que...

M. Bourbeau: Vous ne me blâmez pas? C'est nouveau.

Mme Harel: J'en ai assez à vous faire. Je suis juste. M. le ministre vous apprendrez que je suis sévère, mais juste. Mais il reste que ce serait à ce moment-ci, ça ne revient pas très souvent, vous savez, l'occasion de faire un peu de ménage dans des lois sur des affaires qui ont vieilli. Ce serait sans doute l'occasion maintenant. Vous êtes assez grand, vous l'avez prouvé au Conseil de la construction, de gérer vous-mêmes sans avoir besoin d'attendre des décrets qui se font attendre de toute façon.

M. Pouliot: Évidemment, vous avez raison. Je pense que c'est l'occasion rêvée d'expliquer exactement la situation. Souvent on veut expliquer le problème des travailleurs de la construction qui reçoivent leur retraite majorée dans un an ou un an et demi. Cela ne semble pas déranger beaucoup de députés; on ne parle pas de leur retraite, mais de celle des travailleurs et travailleuses de l'industrie de la construction. Quant à nous, on vous a expliqué le mécanisme:, les actuaires externes de la CCQ, les actuaires internes de la CCQ nous font des recommandations, le comité mixte de la CCQ, le conseil d'administration de la CCQ, qui est nommé par le ministre du Travail, et des représentants du ministère du Travail qui siègent au conseil d'administration, et il faut attendre tout le processus, ce que vous appelez le "rubber stamp", il faut la bénédiction. Souvent, on nous dit que ces décrets sont perdus dans la machine à saucisses du gouvernement. Imaginez-vous! Pendant ce temps les gens attendent. Cela ne date pas d'hier. C'était ainsi avec l'ancien gouvernement et c'est encore comme ça avec le gouvernement actuel. Donc, le problème est inchangé, en ce qui nous concerne et les gens ne touchent pas la majoration de leur retraite, et ça, quant à nous, c'est inacceptable.

Mme Harel: Évidemment, vous comprendrez, M. Pouliot, que loin de moi l'idée, en aucune façon de vous faire critiquer le gouvernement actuel. Ha, ha, ha!

M. Pouliot: Ce n'est pas mon intention non plus.

Mme Harel: Je connais vos intentions là-dessus, mais il reste que ce n'est pas toutes les semaines ou toutes les sessions qu'on revient sur certaines lois. Quand on manque le bateau, souvent, c'est longtemps après qu'on peut se reprendre. Le ministre dit qu'il a l'intention de faire adopter ça avant la Saint-Jean. Alors, on va lui souhaiter une bonne santé et d'avoir de bons conseillers. L'Opposition a toujours été constructive. Mais, évidemment, c'est le temps, ça ne reviendra peut-être pas avant quelques années. Alors, vaut mieux en profiter. J'en profite pour vous remercier de votre contribution. Je crois qu'elle va avoir, finalement, un impact positif pour l'ensemble de l'industrie.

Comme tels, spécifiquement, vous êtes les seuls à venir devant nous, mais je pense que votre point de vue est partagé par tous. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie beaucoup. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, l'exercice n'aura pas été inutile. Le Conseil provincial a vraiment, comme on dit, pris le taureau par les cornes et a décidé de faire valoir son point de vue, étant donné que les intérêts en cause étaient très importants. Je pense que, finalement, cela n'aura pas été inutile, puisque le gouvernement convient de la justesse des propos tenus par le Conseil provincial. Tout ce qu'il me reste à dire, c'est que, dans les prochains jours ou les prochaines semaines, on va déterminer avec le Conseil quelle est la partie de la loi qui est difficilement applicable, et on va tenter de rédiger un règlement pour exclure ces parties en vertu de l'article 2 du projet de loi. Il me reste à remercier les représentants du Conseil provincial, M. Pouliot et ses adjoints, pour s'être déplacés et être venus nous faire part de leur point de vue. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Alors, On vous remercie beaucoup. On remercie le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (International).

Et nous invitons à la table des témoins l'Association féminine d'éducation et d'action sociale, communément appelée l'AFEAS, représentée par Mme Christine Marion et Mme Michelle Houle Ouellet.

Je demanderais à chacun et à chacune de bien vouloir reprendre sa place, s'il vous plaît. Nous recevons à la table des témoins l'Association féminine d'éducation et d'action sociale, l'AFEAS, représentée par Mme Christine Marion et Mme Michelle Houle Ouellet.

Bonjour, mesdames. Vous connaissez nos règles de procédure? S'il vous plaît, je demande qu'il y ait moins de bruit dans la salle. Merci. Par respect pour nos invités. Selon nos règles de procédure, vous avez 20 minutes maximum pour la présentation de votre mémoire. Il y a une période de discussion avec les parlementaires. Chaque fois que vous avez à prendre la parole, s'il vous plaît, veuillez vous identifier, pour la transcription du Journal des débats. S'il vous plaît, il y a beaucoup de bruit. Sans plus tarder, je vous invite à présenter vos porte-parole et à nous présenter votre mémoire. Je vous remercie.

Association féminine d'éducation et d'action sociale

Mme Marion (Christine): Je suis Christine Marion, présidente de l'AFEAS; et ma compagne, Mme Michelle Houle Oueliet, est la rédactrice du mémoire et chargée du plan d'action à l'AFEAS.

M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, Mmes et MM. les membres de la commission. Depuis sa fondation en 1966, l'Association féminine d'éducation et d'action sociale, l'AFEAS, est fidèle à sa vocation d'améliorer les conditions de vie des femmes. Elle poursuit sans relâche son action d'éducation et de sensibilisation et fournit les ressources favorisant l'engagement des membres. L'AFEAS regroupe actuellement 30 000 membres répartis dans 600 cercles locaux dans toute la province de Québec. Par le programme d'études mensuelles, l'AFEAS favorise une prise de conscience à la fois individuelle et collective de ses membres. (16 h 30)

Les prises de position de l'AFEAS sont déterminées par les membres. Je crois que nous pouvons nous vanter d'avoir une structure hautement démocratique. Les résolutions doivent d'abord être adoptées au cercle local avant d'être acheminées au niveau régional pour étude et être votées à l'occasion des treize congrès régionaux. Ce processus se répète au palier provincial et l'assemblée générale annuelle au mois d'août constitue, en fait, l'étape décisionnelle. C'est ainsi que, forte de la volonté de ses membres, l'AFEAS détermine ses positions, les revendique et les défend auprès des autorités concernées.

Le dossier des pensions a maintes fois soulevé des discussions parmi nos membres. C'est compréhensible puisque les enjeux en sont déterminants pour les femmes. Les membres de notre association l'ont compris et ont régulièrement pris position en cette matière au fil des ans. En 1983, la réforme des pensions a permis de débattre les aspects déterminants de ce dossier. Les résolutions qui en ont découlé concernent le fonctionnement des régimes publics ainsi que celui des régimes privés. C'est donc le point de vue des 30 000 membres de l'AFEAS que nous présentons aujourd'hui aux membres de la commission parlementaire portant sur le projet de loi 116, Loi sur les régimes complémentaires de retraite.

Les régimes complémentaires de rentes font partie des avantages liés à la rémunération et reposent, cependant, sur la bonne volonté des employeurs à les offrir à leurs employés. Actuellement, ils ne jouent pas bien le rôle qu'on leur a assigné depuis la création du Régime de rentes du Québec. Ils devraient, en effet, permettre aux participants et aux participantes en emploi de se constituer, au cours de leur vie active, une épargne additionnelle à celle accumulée au sein du régime public afin que ceux-ci puissent bénéficier à leur retraite d'un remplacement adéquat de leur revenu antérieur.

En 1980, on estimait à aussi peu que 44 % la proportion des employés qui contribuaient à ces régimes. Ainsi, plus de la moitié des travailleurs rémunérés ne sont pas protégés par un régime de retraite privé et ne peuvent compter, au moment de la retraite, que sur les régimes

publics et leurs épargnes personnelles. Près de 80 % des travailleurs et des travailleuses qui bénéficient d'un régime complémentaire de retraite sont des fonctionnaires employés par l'un ou l'autre des paliers gouvernementaux ou paragouvernementaux, fédéral, provincial ou municipal. Dans le secteur privé, c'est seulement 34 % des travailleurs rémunérés qui participent à des régimes de retraite privés. C'est donc dire que deux sur trois ne sont pas protégés. Et les progrès sont lents dans ce secteur.

Les employés des grandes entreprises ont plus de chances d'être protégés par un régime de retraite que ceux des petites entreprises. Dans les entreprises comptant quatorze employés ou moins, il n'y a que moins de 1 % de l'ensemble des participants de régimes de retraite privés, tandis que 75 % de l'ensemble participaient dans les 277 plus importants régimes qu'on trouve dans les grandes entreprises. Dans les très petites entreprises, celles qui comptent moins de cinq employés, les travailleurs et les travailleuses ne sont presque jamais protégés par un régime de retraite. Et on doit bien constater, malheureusement, que c'est dans ces entreprises qu'on retrouve le plus de femmes. Bien que les régimes de retraite privés excluent bon nombre de personnes à tous les niveaux de revenu, les travailleurs canadiens dont les salaires sont inférieurs à la moyenne sont les plus durement touchés par l'insuffisance de protection des régimes. La plupart travaillent dans de petites entreprises non syndiquées caractérisées par des salaires peu élevés, des chances de promotion restreintes et, souvent, du travail saisonnier. Les régimes de retraite privés sont un élément de l'ensemble des éléments dont sont privés les petits salariés, ces éléments étant des salaires, des conditions de travail et des chances d'avancement adéquats. Il ne faut donc pas penser aux régimes privés pour apporter la solution au problème de pauvreté des personnes à la retraite dont le nombre croît sans cesse. Il a doublé de 1950 à 1975 et il doublera encore d'ici à la fin du siècle.

La bonification des régimes complémentaires de retraite demeure malgré tout indispensable. Actuellement, ces régimes présentent de multiples déficiences. Elles avaient été bien identifiées dans le document "Les femmes et la reforme des régimes de retraite, nous ne voulons plus être pauvres après 65 ans", document réalisé sous la direction d'un comité d'encadrement auquel participait l'AFEAS.

Le niveau de rentes versées est faible, les rentes sont rarement indexées au coût de la vie, ces régimes couvrent moins de 50 % des travailleuses et des travailleurs et ils ne paient pas nécessairement une rente à tous ceux qui y ont participé à un moment donné ou l'autre de leur vie. En 1979, par exemple, plus de 50 000 travailleurs et travailleuses ont cessé de participer à un régime supplémentaire parce qu'ils avaient quitté leur ancien employeur et qu'ils étaient trop jeunes pour prendre leur retraite. Parmi ceux-ci, un peu plus de 6 % seulement recevront effectivement une rente payée par leur ancien employeur lorsqu'ils seront rendus à l'âge de la retraite. Les autres, c'est-à-dire un peu plus de 93 %, et non pas 97 % comme il est marqué dans le mémoire, sont généralement repartis avec les contributions qu'eux-mêmes avaient mises dans le régime, mais ils n'auront pas de rentes et ils auront perdu la contribution patronale.

Les femmes participent moins que les hommes aux régimes de rentes privés: 50 % des hommes sur le marché du travail rémunéré participent à des régimes de retraite privés comparativement à 34 % des femmes seulement. Cette dernière proportion peut porter à de fausses interprétations puisqu'elle inclut les femmes qui travaillent dans le secteur public qui participent toutes à un régime privé. Donc, il n'y a que 19 % des femmes dans le secteur privé qui sont protégées par des régimes de retraite privés, ce qui indique le nombre supérieur à la moyenne de femmes occupant des emplois dans des entreprises commerciales et des entreprises de services personnels, dans des petites entreprises de fabrication et dans des usines de transformation accordant de faibles salaires et offrant peu d'espoir d'adhérer à des régimes de retraite.

Le projet de loi 116 propose des améliorations importantes à la loi actuellement en vigueur: droit de participation après deux années de service, accès élargi aux employés à temps partiel, transférabilité des crédits au moment d'un changement d'emploi, rente versée au conjoint survivant, information aux participants, et le reste.

L'AFEAS se réjouit des progrès qui pourraient s'accomplir sur ces points mais propose, malgré tout, des améliorations encore possibles. Nous notons, de plus, des lacunes importantes notamment en regard du partage des crédits et de l'indexation. Le mémoire soumis par l'AFEAS présente les recommandations des 30 000 membres de notre association sous les chapitres suivants: les droits minima en ce qui concerne l'adhésion, l'acquisition, la retraite anticipée, la protection décès, la transférabilité, le partage des crédits de retraite, l'indexation et la discrimination, le chapitre de l'information aux participants et la gestion des régimes.

Au nom des membres que nous représentons, nous souhaitons vivement que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du retenu et le gouvernement du Québec tiennent compte de nos recommandations afin d'adopter une loi équitable pour les femmes, dont les intérêts nous préoccupent plus particulièrement, et qui réponde aux attentes des travailleuses et des travailleurs québécois.

Les régimes de retraite, aussi bien publics que privés, permettent aux employés de se constituer un revenu de remplacement pour le

moment où les revenus de travail cesseront. Il faut bien reconnaître, cependant, que les besoins de liquidité priment souvent la nécessité d'être prévoyants pour le futur. L'opportunité de participer à un régime de retraite offert par l'employeur compense cette tendance et constitue un avantage lié à l'emploi dont le rôle a une grande valeur.

Dans cette optique, l'AFEAS prône une adhésion obligatoire de tous les employés travaillant à temps plein ou à temps partiel. Ainsi, les rentes privées ajoutées aux rentes publiques garantiront l'autonomie financière des individus, évitant une plus grande prise en charge par l'État.

L'article 34 permettra, dorénavant, aux travailleuses et travailleurs à temps partiel l'accès aux rentes privées après 700 heures de travail pendant deux années consécutives. Cet effort est louable. Nous croyons que ces employés, parmi lesquels on retrouve un très grand nombre de femmes, méritent l'accès aux mêmes avantages que les autres travailleurs. Le pourcentage des femmes travaillant à temps partiel a augmenté de façon constante de 1975 à 1983, passant de 20 % à 26 %, donc, une femme sur quatre. Il est indispensable de reconnaître les mêmes avantages sociaux aux travailleuses et aux travailleurs à temps partiel afin de ne pas laisser libre cours à l'exploitation de ce type de personnel. C'est pourquoi il apparaît indispensable que tous les travailleurs à temps partiel puissent contribuer au régime de retraite offert par leur employeur et non pas seulement ceux qui ont pu cumuler 700 heures de travail par année.

Si on se réfère au régime public, c'est dès son entrée sur le marché du travail qu'un travailleur doit cotiser. Il apparaît également souhaitable de favoriser une adhésion plus rapide, soit après une année de service, plutôt qu'après les deux années préconisées dans le projet de loi.

Concernant l'adhésion aux régimes complémentaires de rentes, les 30 000 membres de l'AFEAS préconisent que, lorsqu'un régime de l'employeur existe, la protection soit obligatoire et mise à la portée de tous les salariés à temps plein et à temps partiel se justifiant d'au moins une année de service.

L'acquisition. De façon générale, la règle des 45 ans d'âge et dix années de service qui prévaut actuellement pour avoir droit à une rente fait en sorte que seulement 6 % des personnes ayant participé à un régime de retraite de leur employeur et qui quittent un emploi dans le secteur privé ont acquis le droit à une rente de retraite quand elles partent.

Bien sûr, on leur rembourse leurs propres cotisations mais, généralement, avec un taux d'intérêt beaucoup inférieur à celui qu'elles auraient pu gagner en plaçant leur argent ailleurs. De plus, elles n'ont aucun droit à la part de l'employeur.

Le délai de deux ans proposé pour corriger cette situation représente une amélioration appréciable sur la situation qui a présentement cours. Cependant, en tenant du compte du fait que l'AFEAS préconise l'adhésion après une année de service, la participante ou le participant à un régime auraient droit à un service de sa rente après trois ans.

Concernant l'acquisition de la rente, l'AFEAS recommande que le droit aux prestations de retraite soit acquis après deux années de service plutôt que les dix ans exigés à l'heure actuelle et que les travailleuses et les travailleurs aient droit aux prestations résultant aussi bien des cotisations patronales que des leurs.

La retraite anticipée: Nous agréons au principe qui permet aux cotisants de prendre une retraite anticipée et qui en fixe le délai possible à dix années avant l'âge normal de la retraite.

Que ce soit pour vivre à sa guise, être libéré du travail quotidien, réaliser ses rêves ou ménager sa santé après avoir travaillé dans des conditions insalubres, la retraite anticipée est susceptible de représenter un attrait certain pour un grand nombre de travailleuses et de travailleurs.

La rente anticipée, en assurant une certaine sécurité financière, permet aux personnes qui vivent des situations de travail difficiles, de s'en dégager. Elle favorise la libération d'un certain nombre d'emplois, combattant ainsi le chômage.

Selon des renseignements obtenus de la Régie des rentes du Québec, il apparaît qu'en 1984, environ 80 % des femmes de 60 à 64 ans inscrites au registre des gains de la Régie, se sont prévalues de la disposition de rente anticipée. Cet état de fait nous laisse présager que bon nombre de femmes de moins de 60 ans souhaiteraient pouvoir appeler la rente de retraite qu'elles se sont constituée dans un régime complémentaire de retraite.

L'AFEAS est favorable à la rente anticipée et demande qu'on mette en application le plus tôt possible une politique favorisant la retraite anticipée pour les personnes désireuses de s'en prévaloir.

La protection décès. Il faut reconnaître que les mesures s'appliquant au conjoint survivant, rente à 60 % de la valeur, représente une amélioration aux régimes d'employeurs qui, jusqu'à présent, n'offraient aucune ou peu de protection à cet égard. On estime à aussi peu que 5 % les régimes privés qui prévoyaient en 1985 un avantage pour le conjoint survivant. Cette situation ignorait le concept même des rentes qui assure un remplacement des revenus de travail et représente une continuité du salaire gagne-pain de la famille.

Le couple constitue une association économique à laquelle le conjoint et la conjointe sont appelés à contribuer par leurs services ou par leur apport pécuniaire. Cependant, si le temps de travail rémunéré est réparti un peu

moins également que par le passé, les femmes continuent généralement d'apporter une contribution supérieure en termes de travail domestique et Inférieure en termes de revenus d'emploi. Malheureusement, on ne peut vraiment pas dire qu'elles en reçoivent la juste contrepartie économique.

Il est grand temps que les conjointes soient considérées comme des partenaires à part entière dans le couple et que la rente du conjoint survivant s'inscrive dans cette optique. C'est pourquoi l'AFEAS préconise l'établissement d'une rente pour le conjoint survivant sans qu'il soit possible d'y renoncer.

La sécurité économique des femmes à la retraite ne doit pas être dépendante du chantage qui pourrait être exercé à leur endroit de la part du conjoint cotisant afin qu'elles renoncent à la rente de conjoint survivant. Comme le choix de la rente de conjoint survivant signifiera une diminution de la rente de retraite du cotisant, ce fait est suffisant pour inciter à fa renonciation.

Le projet de loi prévoit une rente de 100 % si le conjoint décède avant la retraite. L'AFEAS favorise le partage des crédits de retraite au moment de la retraite. SI on considère les rentes comme biens familiaux, il nous apparaît logique d'en demander le partage afin de respecter l'autonomie des individus.

Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous inviterais à conclure s'y vous plaît.

Mme Marion: Alors, dans l'ensemble, on peut dire que le projet de loi 116 rejoint plusieurs préoccupations de l'AFEAS, ce qui nous réjouit, bien évidemment. Cependant, nous pensons qu'il y aurait place à amélioration en ce qui concerne le partage des crédits au divorce et à la retraite et nous pensons aussi qu'il y aurait nécessité d'une indexation des rentes.

Je me permettrai d'ajouter en terminant que, malgré toutes les améliorations proposées, fort peu de travailleuses et de travailleurs peuvent se prévaloir des régimes complémentaires de rentes d'où l'importance, à notre avis, de voir également à bonifier les régimes publics.

Le Président (M. Bélanger): Madame, nous vous remercions. M. le ministre.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Alors, un travail bien fait que celui de l'AFEAS qui, dans l'ensemble, selon ce que j'ai pu en lire, appuie les améliorations apportées par le projet de loi, mais propose des modifications. Ledit rapport note également l'absence de dispositions à propos du partage des crédits de rentes et de l'indexation.

En ce qui concerne cette question justement du partage des crédits de rentes au divorce ou lors de la cessation du mariage, c'est un sujet qui n'est pas traité dans le projet de loi mais qu'on veut traiter ailleurs, dans le Code civil du Québec, par la voie d'un amendement qui pourra être apporté lorsque le gouvernement annoncera ses décisions quant au dossier qu'on appelle le dossier des droits économiques des conjoints. Alors, nous avons pensé qu'il était préférable de traiter ces sujets par un amendement au Code civil que par un amendement à la loi 116. Nous verrons ce que le gouvernement aura à annoncer à ce sujet en temps et lieu. (16 il 45)

Maintenant, je vois la députée de Maison-neuve qui me fait les gros yeux. Elle ne partage pas mon point de vue, je présume, mais ce ne serait pas anormal; il est très rare que la députée de Maisonneuve partage mon point de vue, de toute façon.

Vous parlez des délais pour l'adhésion et l'acquisition...

Mme Harel: Et j'en suis très fière.

M. Bourbeau: Bon. Alors, pour l'adhésion et l'acquisition. Vous souhaiteriez qu'on réduise de deux ans à un an la période pour qu'une personne puisse commencer à adhérer, c'est-à-dire à cotiser à un régime. C'est un point de vue qui se défend très bien, qu'on va considérer, qu'on va regarder attentivement. Disons que, pour l'instant, nous avons adhéré à ce qu'on appelle le consensus canadien, qui est de deux ans. L'ensemble des provinces canadiennes et le gouvernement fédéral ont accepté cette norme qui, bien sûr, est une amélioration spectaculaire par rapport au statu quo, qui est de dix ans de travail et de 45 ans d'âge.

Pour ce qui est de l'acquisition, c'est-à-dire le droit à la rente, vous êtes d'accord, je crois, pour une période de deux ans de service, de deux ans de cotisation. C'est également l'état du consensus canadien.

La gestion de la caisse. Vous souhaitez, vous proposez que les régimes privés soient des budgets protégés et que la gestion mixte soit favorisée. Vous savez que la caisse, en vertu du projet de loi, devient ce qu'on appelle un patrimoine fiduciaire; les gestionnaires, les administrateurs sont considérés comme des gestionnaires d'un fonds fiduciaire. Et nous prévoyons la possibilité, si les travailleurs le demandent, qu'un comité de retraite soit formé qui aura le mandat d'administrer la caisse avec des pouvoirs de décision, décision quant à la politique de placement de la caisse. On devra se doter d'une telle politique de placement et on devra également en confier la gestion soit au comité de retraite lui-même ou à un gestionnaire qui sera déterminé par le comité de retraite.

En ce qui concerne la solvabilité, vous représentez qu'en cas de terminaison du régime, les crédits de rente soient protégés par une assurance-cessation ou par un appel de versements prélevés sur les avoirs de la firme ou de la compagnie et que les régimes déficitaires à la

terminaison du régime aient une haute priorité sur l'actif des entreprises. En fait, dans le projet de loi, nous introduisons le test de solvabilité comme une mesure préventive qui va éviter ou qui devrait éviter que le régime soit déficitaire, puisqu'on doit régulièrement faire des tests de solvabilité. Nous Introduisons également le concept du déficit comme étant une dette de l'employeur, dette qui constituerait une créance en cas de faillite. Donc, l'employeur devient responsable du déficit éventuel.

Alors, j'ai parlé tantôt du partage entre les conjoints, les crédits de retraite. J'ai dit que ça faisait partie du dossier des droits économiques des conjoints.

Vous parlez de l'indexation. Nous ne traitons pas, dans le projet de loi 116, de l'indexation. Le gouvernement n'a pas encore fait connaître ses orientations à ce sujet, et on verra, à l'automne prochain, ce qui en sera.

Bon, je pense que ça couvre à peu près, enfin en gros, la totalité de ce que vous avez dans votre mémoire. Il reste la question de l'assemblée annuelle. Plusieurs des intervenants ont fait des commentaires sur l'opportunité d'obliger l'administrateur du régime à tenir une assemblée annuelle où il doit rendre compte de son administration et informer les participants. Je ne sais pas si vous avez des observations à faire quant à la nécessité de tenir une telle assemblée.

Mme Marion: Je pense que c'était un point auquel nos membres tenaient beaucoup. Je ne sais pas quelle partie défendaient les personnes qui se sont présentées avant nous à la commission. En tout cas, nos membres étaient très clairs sur ce sujet, ils tenaient beaucoup à la transparence du régime et à ce qu'il y ait une gestion mixte, enfin, à toutes les recommandations qui sont dans le mémoire.

Quant à dire comment ça se ferait et s'il y aurait des difficultés à agir de cette façon, je ne pense pas que nos membres se soient penchés sur cette question, mais, à titre de personnes qui recevront éventuellement les rentes, ce besoin se faisait sentir, et je pense que c'est ça qui est important.

M. Bourbeau: Un dernier point, M. le Président, si vous me le permettez, l'administration et la gestion de la caisse. Dans l'état actuel des choses, il n'y a pas obligation d'avoir un comité de retraite. Nous introduisons dans la loi la possibilité qu'il y ait un comité de retraite. Il devrait compter au moins un représentant des travailleurs et un représentant des retraités si, bien sûr, ils désirent faire partie de ce comité de retraite. Ce ne serait pas un comité paritaire, en ce sens que l'employeur pourrait avoir plus de membres sur le comité que les travailleurs, mais, au moins, les travailleurs seraient représentés, pourraient participer aux décisions et être informés sur place de l'évolution du dossier. Ce comité de retraite devrait se doter d'une politique de placement et pourrait confier la gestion à un gestionnaire externe qui pourrait même être l'employeur, toujours sujet, bien sûr, aux prescriptions de la politique de placement du comité de retraite. Comment réagissez-vous par rapport à cette proposition?

Mme Marion: De prime abord, ça semble être dans l'esprit de ce que nous proposons. Je ne voudrais pas, non plus, approuver à 100 % sans avoir toutes les modalités, mais M me semble, en tout cas, que l'esprit rejoint ce que nos membres demandent.

Mme Houle Ouellet (Michelle): Je vais compléter.

Mme Marion: Mme Ouellet.

Mme Houle Ouellet: Sur te comité de retraite, dans l'ensemble, on était assez favorables. On n'a pas de prise de position sur la formation du comité de retraite. Qu'il n'y ait pas autant de représentants des cotisants que des employeurs, mon Dieu, on n'a pas vraiment de position qui nous permette de dire qu'on n'est pas d'accord sur ça. C'est quand même un premier pas. Pour nos membres, ce qui est important de préserver, c'est que les cotisants aient un droit de regard sur les fonds qui sont dans les caisses de retraite, qu'ils soient au courant de ce qui se passe et qu'ils aient leur mot à dire, mais qu'ils soient informés de façon à pouvoir réagir quand il se passe quelque chose. Dans l'esprit des prises de position de nos membres, c'est ce qui est important de protéger. On n'est pas allés jusqu'à dire de quelle façon on doit le faire, mais je pense qu'on doit viser cet objectif.

M. Bourbeau: Très bien, M. le Président, j'ai terminé.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je veux souhaiter la bienvenue, j'allais dire "à nouveau", à Mme Marion, présidente de l'AFEAS, et à Mme Houle Ouellet, chargée de recherche à l'AFEAS. Je dis "à nouveau", parce que vous avez récemment fait connaître votre point de vue dans le cadre de travaux en commission parlementaire. Vous nous avez habitués à une présentation de vos recommandations, qui est claire, lisible. J'avais eu l'occasion de vous le signaler à la commission parlementaire qui portait sur les droits économiques des conjoints ou peut-être sur les services de garde, je ne me rappelle plus laquelle. C'est à nouveau la même façon de faire qui est caractéristique de l'AFEAS, et qui est pédagogique, dans le fond. Je vous en félicite.

Dans votre mémoire, J'aimerais revenir sur un certain nombre de dossiers que vous traitez, notamment celui du partage des crédits de rentes. Je sais que c'est un dossier qui vous tient à coeur et qu'en l'absence de la réalisation de la promesse libérale d'intégrer les femmes au foyer à la Régie des rentes du Québec, c'est là non pas une correction, puisque, en fait, il s'agit de conjointes de participants, ou l'inverse, de conjoints de participantes, et non pas, comme telle, une reconnaissance du rôle du travail fait au foyer. Cela dit, la réponse que vous a, à nouveau, donnée le ministre sur cette question m'inquiète à ce moment-ci. Il l'avait donnée au début de nos travaux, à savoir que cette question du partage allait se régler ailleurs, c'est-à-dire qu'il allait y avoir une décision qui allait être prise, qui devait l'être hier au Conseil des ministres - enfin, je ne sais pas si elle est reportée - sur la question du partage et aussi de l'inclusion ou non des rentes privées de retraite dans le patrimoine familial. Vous vous rappelez que le document gouvernemental était muet sur cette question contrairement à toutes les autres provinces et au fédéral. Ce pourquoi ça m'inquiète à ce moment-ci, à 16 il 55, un jeudi après-midi, deux heures avant la fin de nos travaux, c'est qu'il s'est fait dire à deux reprises aujourd'hui, par Me Deschênes qui accompagnait le Barreau, qui est une experte chez Mercer, et hier par Me Grassby qui accompagnait la Fédération des femmes du Québec, qui est une experte praticienne aussi, que ce n'est pas parce qu'il y avait une décision à prendre ailleurs que le ministre pouvait se laver les mains de la décision à prendre dans son projet de loi. Comme il se l'est fait répéter par des spécialistes, pas juste par moi, ce qui m'inquiète, c'est qu'il vous fasse la même réponse qu'il avait faite avant qu'il sache que, pourtant, ce n'est pas suffisant.

Dans le projet de loi 116, indépendamment de ce que décidera le gouvernement sur le partage des droits économiques des conjoints, s'il dit que la rente s'éteint par le divorce ou l'annulation du mariage, même par consentement des parties, elle ne pourra pas être partagée, tandis que dans le projet de loi 58, qui était le projet de loi du gouvernement précédent, à l'article 104, on disait: 'L'annulation du mariage ou le divorce n'éteint pas le droit accordé au conjoint par la présente sous-section à moins que le participant n'en fasse la demande par écrit à l'administrateur." C'était finalement l'inverse. Cela ne s'éteignait que si le participant le demandait et, à l'inverse actuellement, même si le participant y consentait, ça l'éteindrait. Alors, je ne sais pas si vous faites la même interprétation que les savantes avocates faisaient. Est-ce que ça vous a inquiétée, Me Houle Ouellet, d'entendre le ministre vous dire que c'était à d'autres d'en décider et non à lui?

Mme Marion: Je ne suis pas Me Houle Ouellet, mais je peux vous répondre quand même.

Mme Harel: Excusez. C'est qui? Une voix: Mme Marion. Mme Harel: Mme Marion, oui.

Mme Marion: On déplore beaucoup que le projet de loi n'ait pas prévu de partage des crédits de retraite au moment du divorce. Le partage des biens familiaux, même s'il est réglé par un autre projet de loi, par la réforme du Code civil, on l'attend avec impatience et on le réclame depuis longtemps mais ça ne réglera pas le problème des régimes de rente. On aurait énormément aimé voir cet article présent dans le projet de loi. On souhaite d'ailleurs qu'il soit inclus dans la loi qui sera adoptée. On le demande officiellement encore au ministre. C'est une de nos recommandations les plus importantes.

Mme Harel: Finalement, je pense que le ministre ne peut pas ne pas vous répondre favorablement. Il laisse entendre qu'il fait partie du clan favorable au projet de partage, qu'il n'est pas parmi les ministres économiques récalcitrants qui ne veulent pas partager. Il va certainement vouloir s'illustrer en introduisant la modification dans le projet de loi 116.

Mme Marion: Je pense que c'est important de transmettre à M. le ministre que nos membres - nous sommes 30 000 au Québec - comptent bien sur des ministres qui sont favorables aux recommandations qu'on fait et qui sont capables de les défendre pour nous à l'Assemblée nationale.

Mme Harel: Quant à la gestion du régime, dans votre mémoire, à la page 18, vous dites qu'il est essentiel de protéger les montants versés dans les régimes de pension privés. Cette protection doit couvrir aussi bien les cotisations investies que les montants ajoutés ainsi que les intérêts sur ces montants. Je pense bien que la grande question qui est restée en suspens durant les trois jours de nos travaux, c'est celle des surplus, des excédents qui sont enregistrés souvent à cause des rendements des placements, rendements qui sont, évidemment, produits beaucoup par l'inflation. Là-dessus, le ministre n'a pas encore dit son dernier mot. Il nous propose une consultation à l'automne prochain. Entre-temps, par ailleurs, il entérine une pratique qui consiste à permettre le congé de contributions patronales à même les surplus. (17 heures)

C'est comme une manière d'accepter que les réserves des excédents se vident, et la difficulté vient du fait qu'il dit qu'il n'a rien décidé pour mieux consulter, mais entre-temps, les réserves peuvent se vider, parce que, dans la loi 116, il y a l'article 137 qui permet les congés de contributions. Ceux-ci peuvent être pris même s'il n'y a

pas encore indexation des rentes versées. Les congés de contributions peuvent être pris même à défaut de bonification de l'ensemble du régime. Je ne sais pas si vous avez été informés de cette pratique, si vous avez un point de vue à ce sujet.

Mme Marion: L'AFEAS, comme telle, n'a pas de position ferme sur cette question. Cependant, j'avoue qu'en préparant le mémoire, lorsque nous nous penchions sur la question de l'indexation, c'est un peu à ces montants que nous pensions. Mais je ne peux pas me prononcer formellement au nom de mes membres sur ce point-là.

Mme Harel: II y a des porte-parole de groupe de travailleurs qui sont venus nous dire que s'il y avait d'abord indexation des rentes versées, il pourrait y avoir par la suite utilisation de ces sommes pour prendre des congés, dans la mesure où cela puisse servir aux deux et non uniquement pour le congé de contributions patronales tout en mettant de côté une certaine réserve pour les jours plus difficiles, en ne jouant pas à la cigale. Sur la question de la transférabilité, vous recommandez dans votre mémoire que l'adhésion ne nécessite qu'une année et que, par la suite, l'acquisition nécessite une année également, est-ce bien le cas?

Une voix: Ce n'est pas tout à fait le cas.

Mme Harel: Vous souhaitez que, plutôt que quatre ans, ce soit au maximum deux ans, trois ans?

Mme Houle Ouellet: Trois ans, on souhaite que les employés, les travailleurs puissent adhérer après une année de service et qu'ils puissent acquérir leur rente après deux ans, comme c'est proposé dans le projet de loi.

Mme Harel: Pour ce qui est de la transférabilité, à la page 12, vous dites: "Que les travailleurs et travailleuses qui changent d'emploi puissent transférer leurs crédits de retraite". On n'a pas beaucoup parlé de cette question de transférabilité durant les travaux de la commission. Cela a pu laisser l'impression que le projet de loi permettait de partir avec sa part, après une cessation d'emploi, même après quatre ans et d'arriver chez un nouvel employeur et de continuer le régime avec la part de l'ancien. Mais le fait est que ça ne se passe pas comme ça; même dans le projet de loi, il faut que le nouvel employeur accepte, sinon cette somme va être transférée dans un REER, bloquée, et ne pourra pas servir avant la retraite. La grande question dans le cas d'un travailleur qui a adhéré au régime après deux ans et qui a cotisé, et qui quitte après quatre ans c'est que la condition des quatre années de service est essentielle pour qu'il puisse partir avec la part de l'employeur et la sienne. Il arrive dans un nouvel emploi et vous nous dites, d'ailleurs avec raison, qu'il va devoir changer d'emploi dans sa vie de cinq à six fois. Faut-il qu'il attende un autre délai de quatre ans? Va-t-il devoir faire encore deux autres années avant de pouvoir participer et deux autres années si tant est qu'il participe pour pouvoir ensuite capitaliser? Et, à partir de ce moment-là, compte tenu que les femmes, en moyenne, travaillent 1,9 année de manière continue, qu'on sait que le motif invoqué au premier rang est celui de la naissance d'un enfant, puisqu'elles reprennent mais jamais de façon continue et ne complètent pas deux ans, je comprends un peu que vous souhaitiez que la participation se fasse après un an.

Mme Houle Ouellet: Après un an, c'est ça. Mme Marion: Après un an.

Mme Harel: Mais même encore, si cette participation continue augmentait un peu plus d'année en année, avant qu'on en arrive aux quatres ans du projet de loi, même aux trois ans selon votre recommandation, il ne serait pas impensable, compte tenu des changements que les sages observateurs prévoient - ces changements d'emploi tous les cinq ou six ans dans la vie -d'envisager qu'il y aurait des personnes qui, toute leur vie, seraient exclues, ou presque d'un véritable accès à la retraite. Je ne sais pas si vous avez examiné ce scénario.

Mme Marion: On s'est penchés sur les recommandations qu'on avait. Évidemment, quand on le compare à dix ans, ce qui était en vigueur auparavant, c'est une grosse amélioration. C'est un peu la raison pour laquelle on demandait un an plutôt que deux, vous l'avez souligné tout à l'heure. Maintenant, est-ce que l'avenir nous dira qu'on avait tort ou raison?

Mme Houle Ouellet: C'est ce qu'on pourra penser à améliorer si on n'est pas satisfaites. La main-d'oeuvre est de plus en plus mobile. Je pense qu'on en est conscientes. On est conscientes aussi que les femmes là-dedans sont davantage touchées. Mais enfin, pour le moment, les trois années, c'était au moins le minimum de ce qu'on réclamait.

Mme Harel: Vous savez qu'il y a eu une croissance spectaculaire des REER collectifs aux dépens des régimes complémentaires de retraite. L'Association des compagnies d'assurances du Canada est venue nous dire qu'en deux ans, de 1985 à 1987, l'augmentation des REER collectifs était de 47 %, et les régimes complémentaires de rentes sont restés stationnâmes. Ils nous ont dit et ils ont dit au gouvernement: Faites attention, parce que l'absence de réglementation sur les REER collectifs, tout en leur accordant les mêmes avantages fiscaux, incite à la prolifération

de ce genre de véhicule qui ne permettra pas de véritables bénéfices de retraite, parce que ce n'est pas de l'épargne-retraite. Ce n'est pas une planification financière de la retraite puisque ces sommes ne sont pas bloquées pour la retraite. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'examiner cette situation?

Mme Houle Ouellet: J'avoue que non.

Mme Harel: C'est ce qui se développe. Là, on est comme un peu en retard par rapport aux réalités. La vraie réalité du jour, ce n'est plus celle des régimes complémentaires, c'est celle des REER collectifs.

Mme Houle Ouellet: On doit avouer quand môme que notre plus grande préoccupation à l'AFEAS reste les régimes de retraite publics. Je pense que c'est notre premier souci de demander que des améliorations aux régimes publics. Je pense que c'est un peu ce qui explique qu'on soit un peu moins au fait sur les régimes complémentaires de rentes et sur les REER collectifs.

Mme Marion: II reste que pour pouvoir adhérer à ces régimes, encore faut-il avoir des revenus et travailler. D'autre part, vous souligniez tantôt notre vocation. Vous avez mentionné, je pense, le mot "pédagogique". J'aime mieux souligner la vocation d'éducation qu'on s'est donnée auprès de nos membres. Je pense qu'inévitablement, quand des questions deviennent des questions d'intérêt général, on les retrouve dans les préoccupations de l'AFEAS éventuellement.

Mme Harel: Vous avez suggéré que le ministre retire le droit à la renonciation pour le conjoint. Je crois que la même recommandation se retrouverait dans le mémoire du Cercle de fermières.

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, Mme la députée.

Mme Harel: Pour vous, c'est important, parce qu'il y aurait lieu à des représailles, si tant est que cette ouverture soit faite?

Mme Marion: "Représailles* est peut-être un mot fort. Je pense que le seul fait de penser, pendant que le conjoint est vivant, que la rente serait supérieure si la conjointe y renonçait, cela pourrait être un élément suffisant pour inciter à y renoncer justement en arguant: Bien, mon Dieu, quand je serai mort, les dépenses seront coupées de moitié. On sait très bien que ce n'est pas le cas. Effectivement, nous tenons beaucoup à cette...

Mme Harel: Je suis surprise de n'avoir rien lu dans votre mémoire sur l'accès aux rentes du Québec pour les travailleuses au foyer.

Mme Marion: Vous ne l'avez pas lu mais vous l'avez entendu quand j'ai fini.

Le Président (M. Bélanger): Voulez-vous conclure, Mme la députée.

Mme Marion: C'est la raison pour laquelle j'ai ajouté ce mot. Disons que ce n'était peut-être pas l'endroit pour réclamer, étant donné que c'est sur les régimes complémentaires. Nous tenons beaucoup à ce que les régimes publics soient bonifiés, et c'était dans ce sens-ià.

Mme Harel: Je vous remercie. M. le Président, me rappelle à l'ordre. Je veux vous remercier et remercier les services de recherches et enfin pour l'ensemble des travaux que vous faites depuis plusieurs années sur cette question très importante qui souvent a été un peu mise de côté par les femmes et qui pourtant les rejoint lorsqu'elles constatent leur état de pauvreté. Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, je conclus en soulignant deux choses. Pour ce qui est de l'adhésion après un an ou deux ans de service, à quelques reprises qu'on m'a parlé de cela. On va regarder cela attentivement. Je vais voir dans quelle mesure on pourrait raccourcir le délai à un an. Il y a toujours la question des 700 heures. On avait prévu 700 heures sur deux ans. Si on devait jouer là-dedans, on devrait aussi jouer sur les 700 heures sur un an plutôt que deux. Mais, c'est un point de vue qu'on va regarder attentivement au cours des prochains jours.

Pour ce qui est de l'autre point dont on a parlé, le dossier du partage des crédits de retraite, j'ai dit que ça faisait partie du dossier des droits économiques des conjoints que nous entendons traiter dans le Code civil plutôt qu'ici. Alors, je veux simplement répondre qu'il ne faudrait pas que vous vous en fassiez avec ça. La députée de Maisonneuve a tenté de vous faire peur tantôt en disant: Même si le gouvernement décidait, on ne pourra pas le faire. Il faudrait quand même prêter un minimum d'intelligence au gouvernement. Si le gouvernement décidait que, oui, on va partager les crédits de rente ailleurs dans une autre loi, alors une autre loi peut amender la loi ici. Il y a toutes sortes de façons de régler un problème et le gouvernement ne mettrait pas des "enfarges" dans ses propres décisions. Donc, faites nous confiance. Si on annonce quelque chose, on va également se donner les pouvoirs de le mettre en vigueur.

Mme Harel: Si vous annoncez que non, que se passera-t-M à ce moment-là?

M. Bourbeau: On verra en temps et lieu.

Mais je voudrais simplement que nos invitées retournent chez elles la conscience en paix, le sourire aux lèvres et ne s'empêchent pas de dormir parce que la députée de Maisonneuve a agité des épouvantails à moineaux pour empêcher les gens de dormir en paix. Il me reste à remercier nos visiteurs de l'AFEAS de leur contribution et à leur dire que nous allons certainement tenir compte des propos qu'ils ont tenus.

Mme Harel: Nos visiteuses.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission des affaires sociales remercie l'Association féminine d'éducation et d'action sociale, l'AFEAS, et invite à la table le groupe Alcan Aluminium limitée.

Si c'est possible, je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place pour que nous recevions nos prochains invités, soit Alcan Aluminium limitée qui sera représentée par MM. Roger Chiniara, Michel Méthot, Owen Ness et André Touchette.

Alors, vous connaissez un peu nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes fermes pour la présentation de votre mémoire et il y a une période d'échange de vues avec les parlementaires. Je vous prierais de bien vouloir vous identifier à chaque fois que vous intervenez durant les discussions avec les parlementaires pour faciliter la transcription du Journal des débats. (17 il 15)

Je vous préviens aussi qu'il est fort possible que les députés soient appelés en Chambre pour un vote, éventualité qui pourrait nous demander peut-être 15 à 20 minutes, le temps d'aller voter et de revenir. Nous n'avons pas le choix; nous devons à ce moment-là suspendre nos travaux, aller voter et revenir. Toutefois, on décalera, tout simplement, le temps de commission d'autant si la chose devait arriver. Sur ce, si vous voulez présenter vos mandataires et votre mémoire, nous vous écoutons. Merci.

Alcan Aluminium limitée

M. Ness (Owen): M. le Président, Mmes et MM. les membres de la commission, je suis Owen Ness, directeur du personnel des Amériques, Alcan Aluminium limitée. Il me fait plaisir de vous présenter, à ma droite, M. Michel Méthot, vice-président et actuaire en chef des Fiduciaires Alcan limitée; à ma gauche, M. Roger Chiniara, président de Aican Adminco inc., responsable des placements pour nos fonds de retraite; à la droite de M. Méthot, M. André Touchette, avocat, service du contentieux.

Au nom d'Alcan Aluminium limitée, nous vous remercions de votre invitation à venir commenter les nouvelles orientations gouvernementales en matière de régimes complémentaires de retraite. Nous avons lu, avec intérêt, l'allocution du ministre lors de l'ouverture de la commission et partageons son avis selon lequel une mise à jour de la loi sur les régimes de retraite s'impose à la suite du consensus dégagé par l'ensemble des provinces canadiennes et le gouvernement fédérai en matière de régimes privés de retraite. Alcan accueille d'emblée l'orientation du projet de loi 116 vers ce consensus. Nous commenterons la proposition d'amendement au cours de notre présentation. Avant d'entrer dans le vif du sujet, permettez-moi, M. le Président, de faire un survol rapide de l'expérience d'Alcan dans l'administration des régimes de retraite qu'elle a établis.

C'est en 1940 que la société établissait un premier régime d'avantages sociaux pour tous ses employés dans le monde, connu aujourd'hui sous le nom de régime de retraite Alcan Canada. L'évolution de l'entreprise et la variété de ses opérations ont amené Alcan à établir des régimes pour ses filiales étrangères. Aujourd'hui, deux régimes enregistrés auprès de la Régie des rentes du Québec couvrent la presque totalité des employés canadiens. Ces deux principaux régimes de rente Alcan garantissent, dans un cas, une rente basée sur le salaire de fin de carrière et, dans l'autre cas, une retraite négociée régulièrement sur la base du salaire courant. Le maintien du pouvoir d'achat de nos retraités est assuré grâce à des revalorisations ponctuelles des rentes afin de compenser une bonne partie de l'inflation. La complexité de l'administration et de la gestion des régimes de retraite est une responsabilité qu'Alcan assume. Les actifs de nos principaux régimes canadiens ont été mis en commun dans une fiducie globale confiée à un fiduciaire qui assure la garde des valeurs de ces caisses. A titre de gestionnaire, Alcan est ultimement responsable des placements effectués à même l'actif de tous les régimes, notamment la répartition des biens par classe d'actifs, des placements privés, immobiliers et en actions. Une diversification des placements s'effectue par l'entremise de professionnels au sein d'Alcan et de gestionnaires financiers indépendants. Les actifs de ces régimes totalisent 1 700 000 000 $ et versent annuellement plus de 80 000 000 $ en prestations à plus de 7000 retraités répartis dans tout le Canada.

Nous revenons à l'allocution du ministre lors de l'ouverture de la commission. Au terme du projet de loi 116, les travailleurs pourront, s'ils le désirent, participer à la gestion de leur régime de retraite. Tant les rentiers que les travailleurs pourront, s'ils le désirent, désigner un représentant au sein du comité de retraite pour administrer le régime. L'amendement projeté permettrait à l'employeur de gérer la caisse de retraite à la condition que les représentants des membres actifs et des retraités puissent prendre part à l'administration du régime.

Nous vous soumettons respectueusement, M. le Président, que le projet de loi 116 et l'amendement projeté modifient considérablement, sans raison, certaines règles qui ont très bien servi

les régimes de retraite et leurs participants depuis près de 25 ans, au Québec. Notre mémoire sera révisé en partie par la présentation de mes collègues, laquelle se limitera à couvrir quatre points essentiels du projet de loi 116, à savoir le droit et la responsabilité de l'employeur de gérer la caisse de retraite, les limites aux placements, la responsabilité des membres du conseil d'administration de l'employeur et celle du gestionnaire et l'assemblée annuelle des participants. Tout d'abord, je laisse la parole à mon collègue, M. Roger Chiniara, président de Alcan Adminco inc.

M. Chiniara Roger: Merci. M. Ness. M. le ministre, M. le Président, mesdames et messieurs, comme mon collègue l'a mentionné tout à l'heure, les régimes de rentes d'Alcan garantissent une rente déterminée à ses employés, basée dans un cas sur le salaire de fin de carrière et, dans l'autre cas, basée sur le salaire courant négocié régulièrement. Dans ce cadre de régimes à prestations déterminées, Alcan assume le risque financier, c'est-à-dire qu'Alcan prend à sa charge le coût des rentes qui excède les cotisations salariales des employés. En d'autres termes, Alcan assume non seulement le risque afférent au versement des rentes dont le montant est relié au salaire précédant la retraite, mais assume aussi le risque afférent au revenu de placement.

Il est vrai qu'au cours des six dernières années, le risque financier a été en faveur de l'employeur en ce sens que les hausses salariales ont été largement couvertes par les rendements des caisses de retraite. Toutefois, II ne faudrait pas oublier les années soixante-dix, lorsque les rendements des caisses de retraite étaient de loin inférieurs aux fortes augmentations salariales, à un point tel que, vers la fin des années soixante-dix, il était grandement question de l'Insolvabilité de la majorité des régimes de rentes du secteur privé. En 1978, Alcan a dû verser une contribution supplémentaire équivalente à 20 % des actifs de sa caisse de retraite principale. Le risque financier qu'assume l'employeur dans un régime à prestations déterminées est donc réel et celui-ci est plus équipé que ses employés pour assumer ce risque. Il y va de son intérêt de l'assumer au meilleur de son habileté afin de réduire ses coûts.

Dans ce contexte, Alcan s'oppose fermement à ce que le projet de loi 116 empêche, aux termes des articles 145 et 149, un employeur ou ses membres désignés du comité de retraite de gérer la caisse de retraite qu'il a établie et qu'il finance. Nous comprenons que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ait exprimé devant votre commission son intention d'amender le projet de loi 116 et de permettre la délégation à l'employeur de la gestion de la caisse de retraite dans le seul cas où un comité de retraite avec représentation des membres a été dûment constitué. L'intention du ministre est louable et va dans la bonne direction, mais s'arrête tout court à reconnaître à l'employeur son droit fondamental d'assumer directement, et non par voie de délégation, la gestion de la caisse de retraite et de décider librement, avec prudence et compétence, des meilleurs moyens d'exercer son droit.

Nous croyons fermement que ce droit à la gestion par l'employeur ne devrait pas être tenu en otage à la formation d'un comité de retraite ou encore au bon désir des participants de former ce comité de retraite. Qu'adviendra-t-il des cas où les participants décident, pour une raison ou pour une autre, de ne pas former ou de ne plus participer au comité de retraite? L'article 145 s'appliquerait alors dans toute sa rigueur. À notre avis, la formation d'un comité de retraite ne devrait pas être reliée au droit à la gestion par l'employeur. De plus, nous ne sommes pas convaincus que la formation d'un comité de retraite soit le seul moyen d'assurer aux participants une meilleure information. Un communiqué détaillé périodique permettrait d'atteindre tous les participants et non seulement un ou deux de leurs représentants et éviterait la création d'une plus forte ou plus lourde structure d'administration.

La déclaration du ministre semble prendre soin de l'article 149 du projet de loi 116, mais notre mémoire demeure valable concernant notre objection à l'article 145 interdisant à l'employeur la gestion de la caisse. Cette interdiction ne nous semble basée sur aucun fondement valable compte tenu des éléments suivants. Le projet de loi 116 abroge un droit établi depuis près de 25 ans. Au cours de cette période, il ne s'est pas produit, à notre connaissance, de situation d'abus sérieux du seul fait que l'employeur soit le gestionnaire du régime.

Le projet de loi 116 serait la seule loi canadienne et américaine à comporter cette interdiction. Elle présume que les employeurs québécois n'ont pas la compétence requise pour gérer les caisses de retraite ou qu'ils pourraient ne pas agir dans le meilleur intérêt de leurs employés. La très grande majorité des caisses de retraite importantes au Canada, dont celles d'Alcan, sont gérées en partie ou en totalité par l'employeur. À cet égard, plusieurs employeurs ont à leur service un personnel professionnel qualifié en placement. La sécurité financière des rentes aux participants dépend principalement de la santé financière de l'employeur. L'interdiction n'ajoute aucune sécurité additionnelle. Les caisses de retraite gérées par l'employeur ont été à l'avant-garde d'investissements plus dynamiques, tels que les placements immobiliers, le financement de la petite et moyenne entreprise, ou au grand bénéfice de l'économie et des caisses de retraite. Alcan gère ses caisses de retraite et a obtenu un rendement de 1,4 % par année supérieur à la moyenne canadienne au cours des dix dernières années, soit au-delà de 20 000 000 $ de plus par année. Il est incompréhensible que le législateur doive empêcher le

garant de la caisse de rechercher l'excellence et d'assurer le contrôle de ses coûts à long terme ou doive conditionner son droit à la gestion à la formation de comités de retraite.

Quant à la section II du chapitre 10 concernant les placements, Alcan propose, dans son mémoire, quelques amendements ou éclaircissements de nature technique qui ne changent en rien les grands objectifs de la loi. Nous sommes convaincus que les rédacteurs du projet de loi 116 sont déjà saisis de ces points et entreprennent les démarches nécessaires pour introduire les amendements opportuns. Nous citons l'article 168, qui devrait permettre à plusieurs caisses de retraite d'un même employeur et de ses filiales de mettre leurs fonds en commun dans une fiducie globale, au-delà de la limite de 10 %, sans être assujettis aux règles de fonctionnement de fonds mutuels vendus au grand public. L'article 169 devrait permettre le placement dans des titres émis par l'employeur ou son gestionnaire, pourvu que ceux-ci soient transigés dans une bourse reconnue. Les corporations détenues exclusivement par des caisses de retraite devraient être exemptées de la limite de 30 % édictée par l'article 170, et, selon l'article 178, l'imposition au dépositaire de posséder un domicile ou un établissement au Québec nous semble superflue ou onéreuse pour les investissements des caisses de retraite à l'étranger. Aucune autre législation canadienne en matière de régime de retraite n'a cru utile de retenir une telle mesure.

Je laisse maintenant la parole à mon collègue, M. Michel Méthot, actuaire en chef d'Alcan.

M. Méthot (Michel): Merci. Mes quelques commentaires porteront d'abord sur la responsabilité des membres du conseil d'administration de l'employeur et sur celle du gestionnaire.

La responsabilité des membres du conseil d'administration pour des cotisations non versées doit être, à notre avis, limitée. En ce qui concerne l'article 51, nous suggérons fortement que la portée de cet article soit tempérée de la même manière que celle prévue à l'article 24.0.2 de la Loi sur le ministère du Revenu, qui prévoit que la responsabilité des membres d'un conseil d'administration pour le paiement de sommes retenues et non versées au ministère n'est pas engagée à l'égard de tout administrateur, et je cite, "qui a agi avec un degré de soin, de diligence et d'habileté raisonnable dans les circonstances ou qui, dans ces mêmes circonstances, n'a pu avoir connaissance de l'omission". Nous croyons également que la responsabilité du gestionnaire doit être limitée aux dommages créés à la suite de la non-conformité à la loi. En effet, la levée des restrictions entourant les placements permis aux termes de la Loi sur les régimes supplémentaires de rentes s'accompagnent d'une responsabilité illimitée.

Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse, M. Méthot, Je crois que nous sommes appelés pour le vote en Chambre. Alors, si vous n'avez pas objection ou, même si vous en avez, nous devons, pour quelques minutes, suspendre les travaux, le temps que durera la mise aux voix...

(Suspension de la séance à 17 h 30)

(Reprise à 17 ih41)

Le Président (M. Bélanger): Après ce vote historique, nous reprenons nos travaux. Nous étions à entendre M. Méthot. Toutes nos excuses, mais c'est le règlement ici. M. Méthot.

M. Méthot: Cela nous a donné l'occasion de voir l'Assemblée nationale à l'oeuvre. J'avais d'abord couvert le premier point sur la responsabilité des membres du conseil d'administration, que nous croyons devoir être limitée. Le deuxième point que je voulais aborder porte sur la responsabilité du gestionnaire qui, croyons-nous, devrait également être limitée, cette fois, aux dommages créés conséquemment à la non-conformité à la loi. La levée des restrictions entourant les placements permis aux termes de la Loi sur les régimes supplémentaires de rentes s'accompagne d'une responsabilité illimitée pour les gestionnaires de fonds effectuant ces placements. Nous suggérons fortement de limiter la portée des articles 174 et 175 aux situations qui entraîneraient une non-conformité à la loi. En effet, le fardeau de la responsabilité que doit assumer un administrateur gestionnaire, parce qu'il a fait un placement non conforme à la politique de placement, est à notre avis démesuré, lorsque l'on considère les termes souvent assez généraux avec lesquels les politiques de placement sont formulées. À notre avis, le régime de droit générai, au Québec, est suffisant pour rendre le gestionnaire responsable de la gestion de la caisse de retraite, notamment en ce qui concerne le respect de la politique de placement.

Ma dernière remarque porte sur l'assemblée annuelle des participants. La proposition d'une assemblée annuelle des participants, malgré les principes louables dont elle s'inspire, est inapplicable et inefficace, à notre avis, pour les raisons suivantes. D'abord, lorsque les participants sont répartis dans plusieurs régions du Québec - c'est évidemment le cas des employés d'Alcan - seul un petit nombre d'employés pourront, dans les faits, être présents à l'assemblée. Le problème de la tenue d'une telle assemblée se complique davantage lorsque les régimes - encore une fois comme ceux d'Alcan - comptent des participants partout au Canada.

Enfin, le pouvoir discrétionnaire des participants de modifier annuellement l'administration de tout ou partie d'un régime est contraire aux principes de gestion continue. Ce

pouvoir pourrait obliger les employeurs à une restructuration annuelle de l'administration et de la gestion de leur régime. Il n'est pas nécessaire de réunir les participants en assemblée pour leur permettre de prendre connaissance des modifications au régime dont Us auront déjà eu copie sous forme de projet, en vertu de l'article 26, et sous forme définitive, en vertu de l'article 105 du projet de loi. Il n'est pas non plus nécessaire de réunir les participants d'un régime en assemblée pour leur faire prendre connaissance de la situation financière de la caisse, ni pour que l'administrateur rende compte de son administration. En effet, tout participant à un régime a accès à ces informations selon les modalités énoncées à l'article 108. Dans le cas d'Alcan, les participants sont régulièrement informés de l'administration et de la situation financière des régimes de retraite. À cet effet, j'ai à la disposition des membres de la commission, s'ils le désirent, un extrait du dernier relevé adressé aux participants qui donne un compte rendu de la situation financière de la caisse. À notre avis, les modalités de l'exercice du droit accordé aux participants par l'article 146 du projet de loi de demander que le régime soit administré par un comité de retraite ne devrait pas faire l'objet de réglementation ou d'encadrement législatif précis, ce qui permettrait l'adaptation à la situation de fait propre à chaque régime et à ses participants. Nous espérons que cette présentation vous permettra de considérer sérieusement les modifications au projet de loi qui auront pour effet le maintien de la saine administration et de la gestion des régimes de retraite établis au Québec, et ce, pour le bénéfice de tous les partis concernés. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Cela termine le temps a votre disposition. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, je salue Alcan qui, selon ce qu'on peut lire du rapport, semble souscrire à l'effort de modernisation de l'encadrement législatif des régimes de retraite au Québec, mais qui souhaite également la révision de certains éléments du projet de loi, en particulier, selon la lecture qu'on en a faite, quatre sujets principaux. La question de l'assemblée générale, la question qui faisait en sorte que l'employeur ne pouvait pas gérer la caisse de retraite, les contraintes à l'égard des placements et la responsabilité des membres du conseil d'administration. À l'égard du sujet qui traitait de la gestion, de l'impossibilité pour l'employeur de gérer la caisse, je crois que ça été réglé par l'annonce que j'ai faite, il y a deux jours. Nous avons l'intention de continuer à permettre la gestion de la caisse par l'employeur, si tel est le désir du comité de retraite. Maintenant, pour ce qui est du comité de retraite lui-même, vous avez signalé, avec justesse, que s'il n'y avait pas de comité de retraite, si les participants ne demandaient pas la formation d'un comité de retraite, ça pourrait empêcher évidemment la délégation de la gestion à l'employeur.

Nous avons l'intention de prévoir des modifications qui vont tenir compte de cette préoccupation et qui vont faire en sorte que l'employeur qui gère un fonds de retraite pourra continuer à gérer celui-ci. Et il y aura un comité de retraite en place pour lui déléguer la gestion, si tel est, évidemment, le désir du comité de retraite. Maintenant, j'aimerais vous poser une question tout de suite. À Alcan, présentement, y a-t-il un comité de retraite dans votre système?

Le Président (M. Bélanger): M. Michel Méthot.

M. Méthot: Non.

M. Bourbeau: Pas du tout.

M. Méthot: Non, nous n'avons pas de comité de retraite dans ni l'un ni l'autre des deux régimes auxquels nous nous sommes référés.

M. Bourbeau: Tout à l'heure, j'écoutais les arguments que vous avanciez pour justifier le statu quo. Je dois dire que j'ai de la difficulté à me convaincre qu'on ne puisse pas faire de place à des travailleurs ou des participants au sein d'un comité de retraite, qu'on ne puisse pas plutôt permettre à des travailleurs ou à des participants d'avoir le droit de participer à des réunions d'un comité de retraite qui voit à gérer la caisse. Dans le fond, quand on y pense, ces fonds sont là pour éventuellement servir à la retraite des travailleurs. C'est l'objectif même d'un fonds de retraite. Ces fonds proviennent, dans une certaine partie, même dans une bonne partie, des contributions des travailleurs aussi. D'une certaine façon, l'administrateur est gestionnaire d'un patrimoine dont les profits iront s'ajouter au capital, au patrimoine qui est accumulé pour le bien-être et le profit des travailleurs. A nom de quel principe pourrait-on exclure les travailleurs de l'administration, je ne dis pas leur confier l'administration, mais pourquoi est-ce qu'on pourrait les exclure totalement de l'administration, de leur propre fonds de retraite? J'ai de la difficulté à comprendre.

M. Méthot: De fait, nous ne nous y opposons pas. Nous avons dit: Le principe est louable. Les deux points que nous avons soulevés sont les suivants. D'abord, Roger, dans un premier temps, soulève le point suivant. Que faire si les participants ne souhaitent pas siéger à un comité de retraite, ou si, ayant déjà constitué un comité de retraite, ils souhaitent ne plus y participer, pour toutes sortes de raisons? Doit-on pour autant priver l'employeur de la gestion de la caisse? C'était le point principal

qu'il a soulevé. Là encore, dans un premier temps, on ne met pas en cause le principe du comité de retraite. Le deuxième point touche l'assemblée annuelle des participants. Là encore, on s'oppose au mécanisme plutôt qu'au principe. Est-ce que l'assemblée annuelle des participants est le mécanisme approprié pour décider de la constitution et, s'a décide de la constitution, pour décider de la nomination des membres? Dans certaines situations, particulièrement dans celle d'Alcan, nous croyons que l'assemblée annuelle des participants ne constitue pas le mécanisme d'abord et avant tout à cause de la répartition géographique de nos membres, qui fait qu'à toutes fins utiles, quel que soit l'endroit où se tiendra l'assemblée annuelle, on ne sera jamais capable d'avoir plus qu'une minorité de membres qui pourront assister à cette assemblée annuelle. Donc, en somme, seuls quelques membres pourront bénéficier des avantages de l'assemblée annuelle. C'est davantage une question de mécanisme, dans un premier temps, . et, dans un deuxième temps, question de ne pas mettre l'employeur en otage lorsque vient le temps de décider qui gère la caisse.

M. Bourbeau: Je comprends qu'en principe, vous n'êtes pas opposés, alors, à ce qu'il y ait un comité de retraite ou à ce qu'il y ait une assemblée annuelle. Vous dites cependant qu'il peut y avoir des problèmes pratiques. C'est ce que je crois décoder de vos propos. Les problèmes pratiques, en ce qui concerne le comité de retraite ont été énoncés par M. Chiniara. Je vous dit que vous allons apporter des modifications qui ne feront pas en sorte que des participants pourraient refuser de former un comité de retraite dans le but d'empêcher un employeur de continuer à gérer la caisse, par exemple. Nous souhaitons que des comités de retraite soient formés, je pense que c'est assez évident. Nous pensons que c'est dans l'intérêt des travailleurs que des comités de retraite soient formés. Après ça, une fois qu'il est en place, c'est au comité de retraite de décider qui gérera la caisse, les comités de retraite n'étant pas, comme je l'ai dit, ne devant pas être, paritaires. Nous allons trouver, ça peut vous rassurer, une façon de s'assurer que, dans les cas où la gestion est présentement faite par un employeur, on n'utilise pas une technique de ne pas avoir de comité de retraite pour ne pas avoir de gestion.

L'assemblée annuelle fait partie de notre volonté de mieux informer les travailleurs sur l'état de leurs fonds de retraite et aussi de faire en sorte que l'employeur soit responsable de rendre compte aux travailleurs de l'état du fonds de retraite, étant donné que nous estimons que les travailleurs ont droit à un intérêt dans la caisse puisque ce sont des fonds qui leur sont destinés. Je pense, quant à moi, que c'est la moindre des choses qu'on rende compte de l'administration puisque c'est un fonds fiduciaire. Et on peut le faire de plusieurs façons, j'en conviens. On pourrait le faire par l'envoi d'un document annuel par la poste, mais à ce moment-là, comme rapport annuel, le problème se pose, c'est que les travailleurs, les participants n'ont pas l'occasion de dialoguer, de poser des questions, d'obtenir des éclaircissements. L'avantage d'une assemblée annuelle, c'est justement de permettre de vulgariser, d'informer les travailleurs de leurs droits, de l'état du fonds de retraite, etc. Donc, cela nous apparaît intéressant et important même que de telles assemblées aient lieu. Puisque vous avez plusieurs usines au Québec, i! serait peut-être opportun de tenir une assemblée annuelle dans chaque usine, comme le fait la Domtar qui nous a informés à ce sujet. Cela nous apparaît une bonne façon de rassurer les travailleurs. Je pense qu'en matière de relations du travail, ce n'est certainement pas un geste à déplorer.

M. Ness: M. le ministre, je crois que nous faisons déjà beaucoup de transparence et beaucoup d'informations à nos employés, ce qu'un comité et les réunions annuelles ne remplaceront pas. Nous donnons aux employés toutes les informations. On l'a offert et personne n'était intéressé. On a des conseillers à chaque endroit qui donnent des conseils à l'employé quand il en a besoin. La formation de ces réunions annuelles n'apportera pas beaucoup plus au point de vue transparence sur les investissements, sur l'état des fonds et en plus, sur leur situation particulière.

M. Bourbeau: Tant mieux si vous faites déjà l'équivalent ou mieux. Vous faites ce que nous souhaitons que fassent tous les employeurs du Québec.

M. Ness: Vous voulez nous imposer encore des choses dispendieuses. Il faudrait que nous soyons organisés à part. Il y a quand même l'autre suggestion selon laquelle les membres auraient un mot à dire sur la gestion des fonds de retraite. Vous êtes prêts à nous enlever la responsabilité des fonds mais vous n'êtes pas prêts à nous enlever la responsabilité s'il n'y a pas assez d'argent dans les fonds.

M. Bourbeau: Je ne comprends pas. Vous dites qu'on est disposés à vous enlever la responsabilité pour les fonds. Je ne saisis pas ce que cela veut dire.

M. Ness: La responsabilité des investissements.

M. Bourbeau: Non, pas du tout. Nous ne disons pas cela. Il ne faudrait pas interpréter nos paroles comme cela. Nous disons que si le comité de retraite décide de confier la gestion à l'employeur, nous sommes d'accord pour continuer de le faire comme cela se fait présentement. Notre intention n'est pas de vous enlever la

gestion du fonds de retraite. Ce n'est pas exact.

M. Ness: C'est un très grand "si". Vous dites "si".

M. Bourbeau: Pas nécessairement. Le comité de retraite n'étant pas nécessairement paritaire, il n'y a rien qui empêche Alcan d'avoir plus de représentants au comité de retraite que les travailleurs. Les travailleurs n'ont droit, d'après la loi, qu'à deux postes: un poste pour les travailleurs participants et un poste pour les retraités. Alors, vous pouvez fort bien avoir un comité de retraite de cinq personnes ou de sept personnes môme qui sera majoritairement composé de représentants de l'employeur. Je l'ai dit autant aux employeurs qu'aux syndicats depuis les trois jours qu'on est ici. Notre intention n'est pas de faire des comités de retraite des comités paritaires. Nous voulons que les travailleurs et les retraités aient au moins un siège pour pouvoir être informés de ce qui se passe au comité de retraite. Maintenant, si vous trouvez que c'est exorbitant de permettre à des travailleurs de s'asseoir à un comité de retraite pour voir ce qui se passe avec leur propre régime de retraite, j'ai de la difficulté à vous suivre. Je pense que, vraiment, dans les années quatre-vingt-dix où on est rendus, la société a évolué et que le législateur, à mon avis, est tout à fait justifié d'agir de cette façon. Maintenant, libre à vous de ne pas partager notre point de vue.

M. Méthot: Je voulais ajouter un simple commentaire. En fait, je retournais une question. Le rôle de l'assemblée annuelle est double, si je comprends bien, soit un rôle d'information et un rôle décisionnel. Vous parliez tantôt de tenir des assemblées annuelles multiples, une pour chaque usine. Je comprends que ça puisse répondre au premier rôle, celui d'information. Toutefois, il me semble que le rôle décisionnel ne peut s'effectuer qu'au cours d'une seule assemblée.

M. Bourbeau: Effectivement, il devrait y avoir une assemblée annuelle générale où on prendrait la seule décision importante, soit la formation ou non d'un comité de retraite. Après ça, rien n'empêche, et il serait peut-être même souhaitable dans le cas d'une compagnie qui a plusieurs succursales comme Alcan, que des assemblées annuelles d'information aient lieu dans les diverses usines de la compagnie comme ça se fait dans d'autres grosses compagnies. J'ai cité tantôt le cas de Domtar qui le fait. Cela m'apparaîtrait souhaitable. Maintenant, puisque déjà, dans votre philosophie, vous me dites souscrire à cette philosophie par une politique d'information, vous n'aurez, à mon avis, aucune difficulté à rencontrer ces exigences. L'exigence, c'est d'avoir une assemblée. Alors, vous pouvez la tenir. Vous la tenez pour vos actionnaires de toute façon. Alors, pourquoi pas pour les actionnaires de votre fonds de retraite? Mais, pour le reste, il n'y a pas d'obligation de tenir une assemblée dans chaque usine. Je dis que ça pourrait être fait. Vous pourriez continuer à faire ce que vous faites maintenant. Je n'ai pas d'objection. L'objection, c'est qu'il y ait une assemblée annuelle. Le reste est laissé à l'initiative des employeurs d'informer les travailleurs de la meilleure façon possible. (18 heures)

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. le ministre.

M. Bourbeau: En conclusion... Le temps passe vite.

Le Président (M. Bélanger): Trop vite.

M. Bourbeau: Ce que je peux vous dire, en tout cas, c'est que notre objectif n'est pas de mettre des bâtons dans les roues des employeurs qui s'acquittent bien de leurs obligations, au contraire. Mais nous devons légiférer, c'est-à-dire que nous devons avoir des minimums, sans cela, il n'est pas possible de légiférer. Vous ne pouvez quand même pas ne pas reconnaître que le gouvernement a raison de légiférer en vertu d'une loi qui date de 25 ans et qui est totalement désuète. Donc, notre devoir est de légiférer. Nous faisons une loi minimum, quitte après ça aux employeurs à faire mieux. Je pense que, dans le cas d'Alcan, vous faites plus que le minimum, c'est évident. Donc, je ne peux simplement que vous féliciter du travail que vous faites dans ce domaine. Je sais que votre fonds de retraite est un fonds bien géré et qu'il est un modèle, d'une certaine façon, dans le genre. Je souhaite que vous n'ayez pas de difficultés à vous conformer à la loi. Nous ne voulons pas un empêchement de tourner en rond.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Je vous remercie, M. le Président. Je veux également vous saluer en espérant pouvoir aborder avec vous les questions qui ne l'ont pas été avec le ministre, particulièrement en matière de placements. Je dois comprendre que vous vous êtes déplacés, vous qui êtes de la direction de cette importante entreprise, parce que vous considériez, sans doute, comme déterminants les travaux que nous menions. Je comprends, M. Chiniara, que vous êtes président de la division Alcan et que vous êtes accompagné du directeur du personnel, M. Ness, du conseiller juridique, M. Touchette, et de M. Méthot. M. Méthot, vous êtes vice-président et actuaire en chef des Fiduciaires Alcan limitée. Est-ce que c'est la société de fiducie à qui est confiée la gestion du fonds de placement exclusif?

M. Méthot: Fiduciaires Alcan est une société de fiducie au même titre que toute autre société de fiducie dont Alcan est l'unique

propriétaire. Fiduciaires a pour fonction de gérer ou d'administrer les régimes de retraite de la compagnie et, dans certains cas, de gérer les placements qu'elle délègue à Adminco dont M. Chiniara est le président.

Mme Harel: Pour bien comprendre vos recommandations, dans le chapitre II qui s'intitule Limites aux placements, vous avez des recommandations à faire au ministre là-dessus. Vous nous dites qu'il y a deux régimes de retraite qui couvrent presque la totalité des employés d'Alcan. Donc, 10 000 au Québec et 16 000 au Canada, c'est ce qu'il faut comprendre, il y a deux régimes. Vous dites également être titulaire de six autres régimes. J'aimerais juste m'y retrouver. C'est phénoménal; c'est 1 700 000 000 $ et tout ça, si j'ai bien compris, est investi dans un fonds de placement exclusif qui est les Fiduciaires que vous représentez.

M. Chiniara: Excusez-moi. Mme Harel: Oui.

M. Chiniara: C'est une fiducie globale. Ce n'est pas investi dans les Fiduciaires. C'est confié au Trust Royal comme étant le fiduciaire responsable de la garde des valeurs. Dans un sens, les actifs sont à la garde du Trust Royal.

Mme Harel: Du Trust Royal, c'est bien ça. En lisant les recommandations que vous faites au ministre, je me suis demandé quelle était la nature présente des placements. En quoi les dispositions du projet de loi viendraient modifier, bouleverser, changer la pratique de vos placements?

M. Chiniara: C'est une bonne question. C'est Chiniara qui répond.

Mme Harel: Vous faites des recommandations mais j'imagine que c'est pour corriger une situation. Vous ne la décrivez pas dans votre mémoire.

M. Chiniara: D'accord. C'est que nous croyons, dans l'article 168 si je ne me trompe pas, que la loi permet d'investir dans des fonds communs. Nous avons établi à l'intérieur du système Alcan un fonds commun.

Mme Harel: Oui.

M. Chiniara: Alors, selon la loi, nous ne pouvons pas aller à plus de 10 %, alors que tous les fonds sont investis dans ce fonds commun. Dans ce cas-là - on est assujettis aux lois du Québec - ce sont des fonds mutuels vendus au grand public. Alors, il y a une petite distinction ici. Notre fonds commun, ce qu'on appelle notre fonds global, en anglais "master trust", est un concept selon lequel, lorsqu'on a plus d'un fonds de retraite, on essaie, pour faciliter la gestion, de les mettre dans un fonds global, et celui-ci investit comme un seul portefeuille.

Mme Harel: Oui, et j'ai bien compris qu'au delà des 10 % prévus dans l'article 168, vous deveniez assujettis à la Loi sur les valeurs mobilières du Québec.

M. Chiniara: C'est ça.

Mme Harel: Le ministre n'a pas discuté de cela avec vous, ni sur cette question ni sur celle des placements dans les titres émis par les employeurs; peut-être profitera-t-y des quelques minutes à la fin pour donner son point de vue là-dessus. J'aimerais vous faire expliquer le vôtre. En quoi, selon vous, le fait d'être assujettis à la Loi sur les valeurs mobilières du Québec vous désavantage? Vous dites simplement que cela alourdirait l'administration.

M. Chiniara: D'abord, il faut se conformer aux règles de la Commission des valeurs mobilières, qui demande une présentation, qui demande de se conformer... Juste un petit exemple. Dans les fonds communs ou les fonds mutuels qui sont vendus au public, les rachats ne sont pas prévus. Il faut que ces fonds maintiennent de très grosses liquidités. Dans un fonds de retraite comme le nôtre, à long terme, nous croyons que ces liquidités peuvent être beaucoup moindres. C'est juste un petit exemple que je vous donne. Il y a aussi la publication trimestrielle de rapports et une multitude de petits détails. Nous croyons que l'intention du législateur n'est pas d'alourdir cette fonction.

Mme Harel: Est-ce que vous jugeriez souhaitable que, par exemple, lorsqu'il s'agit d'actifs qui totalisent un montant assez élevé, comme c'est le cas pour Alcan - ce sont des actifs qui totalisent presque 1 700 000 000 $ - dans des cas similaires, le ministre puisse utiliser le pouvoir réglementaire qui est prévu à l'article 2, ce pouvoir qui lui permet de dispenser de certaines applications de la loi, je crois, de soustraire des régimes de retraite à l'application d'une partie de la loi? Vous connaissez sans doute cette disposition réglementaire que le ministre peut utiliser pour soustraire un régime à l'application de la totalité - mais ce n'est pas le cas en ce qui vous concerne - d'une partie de la loi. Est-ce que vous souhaitez, lorsque les actifs sont de taille impressionnante, qu'il y ait, à ce moment-là, des dispositions différentes?

M. Chiniara: Non, ce n'est pas la question de la taille essentiellement, c'est plutôt une question de concept selon lequel, lorsque chez un employeur il y a plus d'un fonds de retraite, plus d'un régime de rentes, la façon pratique d'opérer, selon nous, serait d'accepter le concept du

"master trust" ou de la fiducie globale, et c'est un concept déjà très répandu dans le reste du Canada et aux États-Unis. Alors, ce n'est pas quelque chose de nouveau qu'on essaie d'introduire. Et quant à l'exemption, qu'on l'obtienne directement par la loi ou par la Régie des rentes, je laisse au ministre le soin de décider de cela.

Mme Harel: C'est évidemment différent, parce que la loi s'applique à tous tandis que le règlement peut faire des exceptions. Mais, avez-vous discuté avec la Régie des rentes de ce concept, de cette réalité qui est la vôtre présentement? Est-ce qu'il y a eu des réactions de la part de la Régie qui vous ont été transmises?

M. Chinlara: Comme je l'ai mentionné dans ma lettre d'introduction au début de la commission, je suis sûr que le ministère ou que la Régie des rentes a été saisie, si ce n'est pas par nous, par d'autres institutions, du problème et je pense que leur attitude est très ouverte à cet égard.

Mme Harel: Dans le portefeuille que vous décrivez, ou plutôt dans les placements - j'avais pris quelques notes, si je peux me retrouver - qui sont faits, vous décrivez justement qu'il y a une politique de placements. Dans la politique de placements, il y a une partie du fonds qui est gérée à l'interne et une qui est gérée à l'externe, et cette dernière est confiée à des conseillers spécialisés pour des placements dans des actions de sociétés canadiennes, américaines, internationales. Est-ce la raison pour laquelle vous recommandez également dans votre mémoire d'être soustraits à la disposition concernant les transactions, les actifs de caisse investis à l'étranger?

M. Chiniara: Oui, nous avons des gestionnaires de fonds à l'extérieur du Canada. Nous en avons certainement en Angleterre qui, à leur tour, ont un fonds qui investit dans des actions partout dans le monde. Alors, il serait difficile en pratique de demander que tous les sous-agents de nos dépositaires de valeurs soient enregistrés au Québec; il y aurait quasiment là une impossibilité matérielle. L'alternative serait tout simplement de ne pas investir à l'étranger, hormis les États-Unis, où la difficulté existerait.

Mme Harel: Quelle est la portion, le pourcentage, la partie du fonds gérée à l'interne en regard de celle qui est gérée à l'externe par rapport aux placements?

M. Chiniara: Selon la loi concernant l'impôt sur le revenu du Canada, nous sommes limités à 10 %. Alors c'est là, au départ, la première limite. La deuxième limite, c'est qu'à l'intérieur de ces 10 %, Alcan investit environ 4 % ou 5 % à l'extérieur de l'Amérique du Nord. Or, cette portion à l'extérieur de l'Amérique du Nord, qui est de 4 % ou 5 %, si vous la calculez sur 1 700 000 000 $, on parle de 60 000 000 $ à 70 000 000 $.

Mme Harel: Je vous remercie. Ce sont là évidemment des réponses qui me donnent un éclairage sur les recommandations que vous faites au ministre. Je ne sais pas s'il a omis d'aborder la question avec vous, parce qu'il avait déjà décidé de procéder d'une façon qu'il pourrait maintenant nous communiquer peut-être?

Alors, je veux vous remercier également d'être venus participer aux travaux de notre commission parlementaire.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Bourbeau: Tout en soulignant que la députée de Maisonneuve a évité de faire son plaidoyer ordinaire en faveur des comités de retraite paritaires, je...

Mme Harel: Je n'ai pas convaincu le ministre et on est à la fin des travaux, mais je reviendrai en présentant des amendements, lors de l'étude article par article du projet de loi.

M. Bourbeau: J'aimerais simplement dire aux gens d'Alcan qu'il y a une foule de propositions dans votre mémoire sur lesquelles nous sommes d'accord. Je peux en citer quelques-unes: la fiducie globale, il n'y aura pas de problème avec ça, les modifications à la politique de placement, la responsabilité des membres du conseil d'administration. Bref, vous savez déjà, je crois, pour avoir eu des discussions avec les gens de la Régie, que notre objectif est de tenter de faciliter autant que possible la gestion des fonds de retraite et non pas de la compliquer. Il est possible et même certain que, dans la version originale, nous n'ayons pas vu tous les problèmes, mais, justement, la tenue de ces auditions a lieu pour qu'on nous communique - et tous les participants l'ont fait - des suggestions visant à améliorer le projet de loi. Nous avons donc l'intention d'apporter une centaine d'amendements ou de modifications au projet de loi, et même, dans quelques instants, j'ai l'intention de faire une motion pour réimprimer le projet de loi, parce qu'il y a trop de modifications que nous voulons apporter.

J'ai l'impression que, lorsque nous aurons une nouvelle version du projet de loi, vous y retrouverez la grande majorité des suggestions que vous nous avez faites. Il restera toujours la question de l'assemblée annuelle et du comité de retraite; ce sont des sujets un peu plus fondamentaux. Encore là, j'espère que vous pourrez vous situer à l'intérieur du projet de loi; je ne doute pas, la bonne volonté étant présente, que vous y réussissez. Je vous remercie beaucoup d'avoir consenti à venir nous éclairer, et j'espère que nous aurons l'occasion de nous revoir dans

un avenir plus ou moins prochain.

Le Président (M. Bélanger): M. Chiniara.

M. Chiniara: Merci, M. le ministre. Alcan aimerait formuler le souhait que si vous réécrivez le texte du projet de loi, on ait la chance d'en discuter encore une fois. Merci beaucoup.

Quant au comité de retraite, si c'est un concept auquel vous tenez, j'espère qu'il sera mis clairement dans le texte du projet de loi, et qu'il ne sera pas mis en otage, par rapport à la gestion à l'interne. Merci, M. le ministre et M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): La commission des affaires sociales remercie la compagnie Alcan limitée de sa participation à nos travaux. On va suspendre les travaux quelques instants pour saluer nos invités. Nous terminerons les procédures par la suite.

(Suspension de la séance à 18 h 16) (Reprise à 18 h 17)

Dépôt d'autres mémoires

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à chacun de reprendre place, s'il vous plaît! Je veux, dans un premier temps, faire le dépôt des mémoires pour les rendre publics et les faire valoir comme si récités au long. Je dépose les mémoires des organismes qui ont fait parvenir un mémoire dans le cadre de la présente consultation et qui n'ont pas été entendus par la commission, à savoir: Abitibi Price inc., Association des entrepreneurs en construction du Québec, Association of Canadian Pension Management, BCE Inc., Compagnie Wyatt, Consolidated Bathurst inc., Fédération des associations de familles monoparentales du Québec, Fédération des associations de professeurs des universités du Québec, Fédération des policiers du Québec, Groupe Sobeco inc., Lafarge Canada inc., Ordre des comptables agréés du Québec, Pratt & Whitney Canada inc., Produits forestiers Canadien Pacifique Itée, TPF & C, William M. Mercer Itée. Tous ces organismes ont déposé des mémoires qui n'ont pas été entendus, mais qui sont considérés comme tels.

Pour terminer, y a-t-il des remarques, M. le ministre?

M. Bourbeau: J'ai une motion à faire avec le consentement de la commission.

Mme Harel: Excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Bourbeau: Je fais ma motion.

Mme Harel: Je vais demander l'interruption pour une minute, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie. (Suspension de la séance à 18 h 19) (Reprise à 18 h 21)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission reprend ses travaux. M. le ministre vous vouliez formuler une motion, alors, nous vous écoutons.

Motion proposant la réimpression du projet de loi

M. Bourbeau: M. le Président, il s'agit d'une motion pour la réimpression du projet de loi. Après avoir écouté les commentaires et les suggestions d'une vingtaine d'organismes, je constate que de nombreux amendements devront être apportés au projet de loi 116, entraînant autant de papillons et de modifications à déposer en commission parlementaire. Le projet de loi étant déjà fort complexe et de nature technique, cette façon de procéder ne faciliterait en rien le travail des membres de cette commission, lors de l'étude détaillée du projet de loi. En conséquence, je propose aux membres de la commission, conformément à l'article 238 du règlement de l'Assemblée nationale, d'adopter une motion de réimpression du projet de loi. De cette façon les travaux de la commission en seront facilités, et la compréhension du projet de loi sera meilleure. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Alors, madame, sur la motion et sur la recevabilité, est-ce que vous avez des remarques?

Mme Harel: Sur la recevabilité je me fie à vous, M. le Président. Est-ce qu'une telle motion est recevable?

Le Président (M. Bélanger): Oui, absolument, en vertu des articles 235 et 238 - il faut les voir consécutivement - elle est parfaitement recevable. Il y a les préambules qu'on va enlever, parce qu'ils modifieraient la motion, mais je comprends bien que la motion se lit comme ceci: "Je propose aux membres de la commission, conformément à l'article 238 du règlement de l'Assemblée nationale, d'adopter une motion de réimpression du projet de loi." Il faudrait qu'elle se lise comme ça; elle est parfaitement recevable à ce moment-là.

Alors est-ce qu'on met la motion aux voix?

Mme Harel: Adopté.

Le Président (M. Bélanger): Adopté. Bien. Est-ce qu'il y a des remarques pour terminer les travaux de la commission? Je ne commencerai

pas. Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Pourquoi pas les femmes en premier? Ha, ha, ha!

Mme Harel: Habituellement, c'est toujours le ministre qui....

Le Président (M. Bélanger): Habituellement c'est le ministre et, effectivement, l'Opposition conclut, et on donne alors quelques secondes au ministre pour un petit...

Conclusions

M. Bourbeau: M. le Président, puisque Mme la députée de Maisonneuve insiste, il me fait plaisir de conclure ces trois journées de travail, en remerciant sincèrement les membres de la commission pour leur assiduité et l'intérêt qu'ils ont manifesté. C'est un sujet qui était fort complexe. C'est assez rare qu'on voie un sujet sur lequel on ne peut se parler qu'avec ses actuaires. On l'a vu en décembre dernier lors de l'adoption du projet de loi 95, et on a dû suspendre à plusieurs reprises pour consultation de part et d'autre, je dois le dire, d'ailleurs. Mais même si nous sommes tous des généralistes, nous sommes tenus de faire un travail de spécialistes, à l'occasion, et c'est pourquoi nous nous faisons accompagner de gens qualifiés en la matière. Je pense que le projet de loi n'était pas mal, mais qu'il y a moyen de l'améliorer sensiblement, d'où la justification, je pense, d'avoir tenu cette consultation. Nous avons l'intention de procéder rapidement avec la réimpression du projet de loi. Il y aura quelques décisions à prendre dans les prochains jours. D'ici une semaine ou deux environ, nous serons en mesure de déposer le nouveau projet de loi, c'est-à-dire un projet de loi réimprimé, ce qui nous permettra de procéder par la suite plus rapidement à son adoption. Je termine en remerciant également non seulement les membres du parti ministériel mais ceux de l'Opposition pour une collaboration certaine qui, à l'occasion, a donné lieu à des propos un peu plus animés mais je considère que les partis étaient toujours de bonne foi. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, je veux également remercier les membres de la commission parlementaire, vous-même, la secrétaire de la commission ainsi que tous les députés qui y ont participé. J'ai beaucoup de sympathie pour les membres ministériels de la commission parlementaire mais je leur dis de ne pas s'impatienter. Viendra le temps où ils pourront venir siéger de ce côté. M. le Président, j'aimerais pour terminer nos travaux, aborder de façon un peu plus sérieuse cette importante question des régimes complémentaires. Je crois que sous, je le dis, le fallacieux prétexte de tenir une consultation plus qu'improbable l'automne prochain, en raison du déclenchement probable des élections, le gouvernement relègue aux oubliettes l'importante question de l'indexation et de la disposition des surplus. Sur ces questions, le Québec risque d'accumuler un retard qui peut devenir insurmontable. Je le répète, parce que le Québec était allé au front le premier. Quand on fait grief au gouvernement précédent de n'avoir déposé qu'en 1985 le projet de loi 58, il faut se rappeler que, sur cette question dans le cadre des négociations fédérales-provinciales, littéralement les mots ont un sens, le Québec était monté au front d'abord en publiant un livre orange dès 1984, en participant à cette conférence fédérale-provinciale qui avait eu lieu, je pense, en 1983, au moment où les autres gouvernements n'agissaient pas, en préparant un projet de loi suffisamment intéressant d'ailleurs pour que le ministre s'en inspire fort abondamment dans l'actuel projet de loi 116. Quand je dis que le Québec est allé au front le premier en publiant le livre orange, en entreprenant cette consultation, je constate qu'on est en train de dilapider cette avance parce qu'en 1986, Ottawa a légiféré en cette matière et l'Ontario, en 1987. Il ne faut pas oublier que, même en adoptant le projet de loi 116, il s'agira malgré tout d'un recul important au sujet de certaines questions et d'omissions tout aussi importantes au moment où le voisin ontarien aura franchi quelques étapes de plus. Évidemment, je pense qu'il faut rappeler à ce moment-ci que le projet de loi 116 marque un net recul eu égard à la notion pourtant fondamentale du comité de retraite paritaire. Cette question est au coeur même de l'examen qui a été fait des régimes complémentaires puisque l'aspect paritaire des décisions pouvait amener les parties à régler entre elles des questions qui ne le sont toujours pas et qui ne le seront pas plus avec le projet de loi 116 puisque, tôt ou tard, le ministre et son gouvernement auront à trancher ces questions.

Évidemment, j'insiste aussi sur le recul que représente le projet de loi 116 en ce qui concerne l'extinction du partage de la rente au conjoint à la suite d'un divorce ou d'une séparation. Nous aurons l'étude du projet de loi article par article pour corriger cette situation qui ne peut pas être simplement le fait d'une décision que le gouvernement a à prendre en matière de partage des droits économiques. Dans le cadre du projet de loi 116 lui-même, il faut s'assurer que, même si ce n'est pas automatique, le partage puisse être optionnel ou facultatif ou de consentement quand les parties le désirent.

Ce sont trois années et demie d'inaction en matière de régimes complémentaires, sous prétexte de l'urgence de réaliser la promesse électorale à l'égard de la participation des travailleuses au foyer au Régime de rentes du Québec. Ces trois années et demie, malheureusement, ont fait vieillir le projet de loi 58, et le fait que le

projet de loi 116 en affaiblit la portée en excluant la dimension paritaire du comité de retraite n'est pas pour l'améliorer.

Contrairement à l'Ontario qui, au moment de légiférer sur les régimes complémentaires, a introduit le principe de l'indexation automatique et consulte maintenant sur une formule seulement, le gouvernement libéral reste totalement muet sur la question de l'indexation et semble même hésiter à reconnaître le principe. Tout au moins, il n'a pas présenté de formule qui pourrait faire l'objet d'une consultation. (18 il 30)

Quant à la disposition des surplus des caisses de retraite, il faut rappeler que le gel n'est pas une solution puisque le moratoire est prévu jusqu'au 1er janvier 1990 seulement dans les cas de terminaison des régimes. Entre-temps, les travailleurs et les travailleuses retraités sont privés de sommes importantes. Ce moratoire n'a d'ailleurs aucune portée sur la disposition des surplus en cours de régime, puisque les congés de contribution patronales se poursuivent et peuvent avoir pour effet de vider les surplus des caisses de retraite. Sous prétexte de ne rien décider pour mieux consulter, le ministre Bour-beau laisse les surplus se vider pendant que les rentes versées ne sont souvent même pas indexées.

Les travaux de la commission parlementaire ont permis de réaliser qu'en raison de l'impact de l'inflation sur leurs salaires et leurs rentes, les employés voient souvent leur pouvoir d'achat diminuer, et le rendement des placements de leur caisse de retraite qui pourraient, à l'inverse, leur procurer des bénéfices importants leur sont littéralement détournés par les employeurs pour payer leurs propres cotisations. Le plus tôt possible, le gouvernement doit rendre publiques ses intentions en matière de disposition des surplus et en matière d'indexation.

Évidemment, je n'ai pas à rappeler ce que de nombreux intervenants nous ont rappelé durant tous nos travaux, qu'il faut se pencher sérieusement sur le régime public et qu'il y a urgence d'agir, également, dans ce domaine pour l'ensemble des travailleurs et travailleuses qui n'ont pas accès à un régime complémentaire. Quand on pense que deux travailleurs sur cinq seulement y ont accès et que ce nombre comprend les travailleurs du secteur public et parapublic, c'est à peine un travailleur sur cinq dans le secteur privé qui peut en bénéficier.

En terminant, M. le Président, j'insiste sur un aspect qui a été développé durant les travaux de la commission parlementaire et qui est celui de la prolifération des REER collectifs aux dépens des régimes complémentaires de retraite. L'utilisation accrue par les employeurs de REER collectifs - on parle d'une hausse de 47 % de 1985 à 1987 - véhicule qui jouit des mêmes avantages fiscaux sans être réglementé aux dépens des régimes complémentaires, risque certainement de pénaliser des travailleurs et travailleuses qui peuvent se retrouver sans ressources au moment de la retraite. La planification financière de la retraite exige que le gouvernement favorise les véhicules d'épargne-retraite proprement dits. En l'absence d'intervention à l'égard des REER collectifs, le gouvernement aura à assumer sa part de responsabilité, si la prolifération que l'on connaît maintenant se poursuit.

Je veux assurer le ministre et les membres de cette commission de la collaboration de l'Opposition pour mener à terme le projet de loi qui est devant nous, évidemment pour le bonifier, en espérant que le ministre examine sérieusement les amendements que nous allons apporter et qu'ils soient de nature à améliorer ces régimes complémentaires de retraite. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, pour rassurer la députée de Maisonneuve de mon intention de reprendre le collier dès que possible à l'automne, avec ce qu'il reste à terminer, c'est-à-dire la question de la disposition des surplus d'actifs, oui, nous allons tenter de bonifier la loi au maximum. M. le Président, après avoir remercié tous les membres de la commission, je voudrais vous remercier également, de même que la secrétaire et les gens qui ont eu la patience de nous endurer pendant trois jours, les gens qui aident la députée de Maisonneuve, ceux de mon cabinet, ceux de la Régie, bref, et même M. Boulay, pour un travail bien fait. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Bien, je vous remercie M. le ministre et, puisqu'on est à la fin des remerciements, il y a peut-être un groupe qu'on a oublié, celui de la transcription. Ce groupe n'est pas dans la pièce, on ne le voit jamais, mais il travaille très fort. Je remercie aussi nos collègues qui ont tous été assidus à ces travaux.

La commission, ayant rempli son mandat, ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 35)

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