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(Dix heures quatorze minutes)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît! Je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa
place afin que la commission des affaires sociales puisse procéder aux
consultations particulières et auditions publiques dans le cadre de
l'étude du projet de loi 116, Loi sur les régimes
complémentaires de retraite.
Ce matin, nous recevons la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec, la FTQ, représentée par MM.
Fernand Daoust, Michel Duplessis, M. Albert Poirier, Laurent Filion, Jacques
Labonté, Henri Massé, Léon Corbeil et Richard
Tremblay.
On n'expliquera pas à M. Daoust nos règles de
procédure. C'est un vieux routier de nos commissions. Bienvenue. Si vous
voulez bien nous présenter vos collègues et ensuite
procéder à la présentation de votre mémoire, s'il
vous plaît.
Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec
M. Daoust (Fernand): Merci, M. le Président. Vous avez
déjà nommé quelques membres du comité de retraite
de la FTQ. Je vais vous présenter ceux qui m'accompagnent à cette
table: MM. Henri Massé du Syndicat canadien de la fonction publique,
Claude Poulin, actuaire, Claude Ducharme des Travailleurs canadiens de
l'automobile, Yves Paré de la FTQ-Construction, et enfin Albert Poirier,
des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce.
Le Président (M. Bélanger): Bonjour, messieurs.
M. Daoust: M. le Président, je ne vous présenterai
pas longuement la FTQ, vous la connaissez, je vous rappelle qu'elle est la plus
importante centrale syndicale au Québec, qu'elle représente 450
000 membres et qu'elle s'est toujours vivement intéressée aux
sujets qui font l'objet de votre commission, par des colloques, des documents,
une réflexion intensive faite dans le passé dont vous trouverez
les fruits dans le mémoire que nous vous soumettons. En tout premier
lieu, nous voulons aborder deux grands ordres de préoccupation. La FTQ
est préoccupée du portrait d'ensemble de l'interaction pour des
personnes âgées des différentes mesures privées et
publiques visant à la retraite. Trop de retraités et
préretraités ne disposent pas encore d'un revenu leur permettant
de vivre dans des conditions acceptables; nous nous devons d'interpréter
même les réformes isolées à l'aune des besoins
globaux de ces personnes. Aussi, il nous faut situer votre projet de loi pour
ce qu'il est, c'est-à-dire une proposition d'amélioration du
cadre des régimes complémentaires de retraite.
Pour la FTQ, un solide régime public constitue
l'élément essentiel de toute politique d'ensemble de la retraite.
Et selon nous, de nombreuses améliorations doivent être
apportées à ce pivot de base. Nous tenons à le signaler,
malgré le cadre de cette commission, afin de bien indiquer que
même une bonne réforme des régimes privés ne pourra
suffire, encore moins remplacer les améliorations à apporter
à ce qui nous semble être le pivot prioritaire d'une politique de
retraite.
Concernant spécifiquement ces revenus complémentaires,
nous soutenons que la tendance de plus en plus nette à favoriser une
prise en charge individuelle de la constitution d'une épargne pour la
retraite doit être fondamentalement inversée. Les régimes
privés, qui permettent une certaine prévoyance collective,
devraient être des outils privilégiés, parce qu'ils
représentent encore, à ce moment-ci, le moyen le plus efficace et
Se moins inéquitable de constituer un revenu de retraite
complémentaire.
Le caractère archaïque de la loi actuelle en matière
de régimes complémentaires, le retard mis à s'y attaquer,
que nous trouvons inacceptable, et, par contraste, les attentions fiscales
soutenues et nombreuses reçues par les REER ont produit une situation
largement inéquitable pour les travailleurs à revenus modestes ou
moyens. Le projet de loi devrait donc, selon nos attentes, rétablir
l'équilibre qui permettrait un développement important des
régimes complémentaires et une large couverture de l'ensemble des
personnes au travail. Malheureusement, votre projet de loi n'atteint pas encore
cet objectif de rééquilibrage. Nous déplorons la
timidité des modifications apportées aux règles
d'adhésion et d'acquisition, la faiblesse des dispositions
particulières à l'administration d'un régime et l'absence
de dispositions visant à éliminer toute discrimination
fondée sur le sexe. Nous croyons en outre qu'il est inacceptable
qu'aucune mesure n'ait été proposée afin de
protéger les participants contre l'érosion par l'inflation et que
la propriété des surplus des caisses de retraite ne soit toujours
pas abordée. Certains de nos syndicats sont déjà
intervenus et d'autres, fort nombreux, pourraient le faire, en particulier sur
ces deux points.
Deux préoccupations dans cette présentation. La
première partie est brièvement consacrée à
l'importance et aux faiblesses du régime public, alors que notre
appréciation et nos commentaires sur le projet de loi font l'objet de la
seconde partie.
Les conditions de vie des retraités: l'importance des
régimes publics. Chacun d'entre nous contribue, à sa
façon, à bâtir la richesse collective de la
société. Vous le savez, l'immense majorité des citoyens du
Québec appréhendent le moment où ils devront prendre leur
retraite.
Bien que se soient développés au fil des ans certains
mécanismes visant à assurer le passage à la retraite, ce
changement brutal de mode de vie engendre souvent du stress et des
problèmes d'adaptation.
On estimait qu'en 1987, au Canada, 39,4 % des personnes seules
âgées de 65 ans et plus vivaient en situation de pauvreté.
Plus de 58,5 % de leurs revenus devaient être consacrés à
la satisfaction de leurs besoins essentiels. En fait, peu de retraités
sont à l'abri de l'inquiétude financière, et une telle
situation provoque la marginalisation des personnes âgées. Nous ne
pouvons enrayer ou du moins atténuer ce phénomène sans
attribuer aux personnes âgées les ressources économiques
nécessaires au maintien de leur participation à la vie de la
société.
Déjà, en 1984, le Conseil national du bien-être
notait que les programmes gouvernementaux de sécurité du revenu
et de pensions importent davantage aux personnes âgées à
faible revenu parce qu'ils leur fournissent la presque totalité de leurs
revenus. L'étude Indiquait aussi que, selon les dernières
données disponibles, soit celles de 1981, 86,8 % des revenus des
personnes âgées de 65 ans et plus et vivant sous le seuil de la
pauvreté provenaient du cumul des régimes publics et de
différentes mesures publiques d'aide et de soutien au revenu. Cette
proportion s'élevait à 93,2 % dans le cas des couples. Pour leur
part, les régimes privés, en gros, ne comptaient que pour environ
10 % ou 11 % du revenu des personnes seules.
Donc, bien que les régimes publics constituent la pierre
angulaire de la sécurité du revenu à la retraite, force
nous est de constater qu'ils ne permettent pas à la majorité de
vivre dignement et décemment. Voilà bien longtemps que nous avons
posé ce diagnostic à la FTQ, et voilà bien longtemps que
nos membres revendiquent des améliorations au Régime de rentes du
Québec. Il y a urgence en cette matière, et nous ne pouvons
accepter que les réformes destinées à améliorer la
situation des personnes âgées se résument à des
améliorations aux régimes privés sans qu'aucune
réforme du Régime de rentes n'ait lieu. D'ailleurs, une telle
réforme a déjà beaucoup tardé.
Soit dit en passant, nous déplorons le fait qu'en dépit de
la quasi-unanimité manifestée à l'occasion de la
bonification du régime public, nous devions dénoncer
l'immobilisme du gouvernement. Il est inacceptable, je le répète,
que dans une société comme ta nôtre, les gens qui prennent
leur retraite soient réduits à des revenus dérisoires
alors qu'ils ont tellement participé à toutes les
activités de notre société. Nous avons, de temps à
autre, des modèles qui nous viennent de partout. N'allons pas dans les
pays Scandinaves ou un peu partout dans le vaste monde. Allons tout près
de chez nous, à côté, aux États-Unis où la
contribution des employeurs et des salariés au régime public de
retraite est de 7,51 %, alors qu'ici au Québec, on piétine
lamentablement avec des contributions qui sont peut-être de 2,1 % ou de
2,2 % et qui varient de 0,1 % par année. C'est scandaleux et
inacceptable. Notre ouverture a été très grande. Les
travailleurs salariés, les membres de la FTQ ont toujours
souhaité contribuer plus largement afin de s'assurer une retraite qui en
soit vraiment une et non pas une retraite de marginalisés.
En 1981, parmi les couples canadiens au-dessus du seuil de la
pauvreté, 48,3 % obtenaient des revenus de régimes de retraite
privés qui représentaient, en gros, 12 % de leurs revenus totaux.
Au Québec, en 1983, il existait 5814 régimes
complémentaires auxquels participaient au-delà de 1 000 000
d'individus. La même année, l'emploi total au Québec
était de 2 642 000 travailleurs et travailleuses. Ces régimes ne
couvraient que 42 % des salariés québécois et 58 %
étaient des laissés pour compte.
En matière de régimes de retraite, c'est maintenant une
évidence qu'il y a un grand avantage à regrouper le plus grand
nombre possible de participants au sein d'un même régime pour
assurer à ce dernier une certaine solidité. Le régime
public de retraite est un outil qui a fait ses preuves. C'est pourquoi il est
urgent que la majorité des travailleurs et des travailleuses se voient
garantir des revenus satisfaisants par le biais du RRQ.
La FTQ revendique une véritable politique fondée sur ce
régime et recommande, premièrement, de hausser graduellement, sur
cinq années, le taux de remplacement du salaire assurable de 25 %
à 50 % pour la partie du salaire inférieure à la
moitié du maximum, et de hausser de 25 % à 50 %, sur une
deuxième période de cinq ans, le taux de remplacement pour la
deuxième partie du salaire moyen. Deuxièmement, elle recommande
d'ajuster immédiatement le salaire maximum assurable au salaire
industriel moyen, de le maintenir automatiquement à ce niveau, et de le
hausser graduellement de 100 à 150 % du salaire industriel moyen durant
la deuxième période de cinq ans.
Voyons maintenant ce projet de loi 116. Nous l'avons dit, la loi
était archaïque. La plupart des provinces, en particulier
l'Ontario, ont déjà modifié substantiellement leur
législation. Il était donc temps, tardivement, que le
Québec s'occupe de ses travailleurs et travailleuses.
Le nombre d'années nécessaires à l'obtention du
droit à une rente différée, la faible
transférabilité des crédits de rente, le peu de
contrôle des travailleurs et des travailleuses sur l'administration des
sommes qu'ils consacrent à leur retraite, le taux d'intérêt
ridicule souvent appliqué aux cas de ceux et de celles ayant droit
à un remboursement de leur cotisation, le peu d'égard
accordé au conjoint, l'utilisation de tables de mortalité
distinctes pour les femmes, voilà autant d'éléments qui
contribuent à faire des régimes privés un instrument de
revenu complémentaire de retraite de piètre qualité.
À l'opposé, l'épargne Individuelle est devenue,
grâce aux REER, de plus en plus attrayante, compte tenu en particulier de
la souplesse de ce régime et des améliorations apportées
au traitement fiscal qui lui est réservé.
Ce mouvement, M. le ministre, nous inquiète. Est-ce là un
choix idéologique? Nous ne pouvons vous accompagner dans ce cheminement.
Ce mouvement nous inquiète car, selon notre analyse, pour une portion
importante des travailleurs et des travailleuses à revenus modestes et
moyens, ces deux formes d'épargne ne sont pas des substituts. Aussi, en
laissant se détériorer l'attrait pour les régimes
privés tout en améliorant de façon substantielle les
déductions fiscales accordées pour les REER, le gouvernement a
favorisé les gens à revenus plus élevés et a
laissé se détériorer les conditions de prise de retraite
des moins bien rémunérés. Ce mouvement est
inéquitable et favorise l'appauvrissement accru des futurs
retraités.
Nous nous attendions, M. le ministre, à ce que vous renversiez la
vapeur à l'égard de cette situation en rendant à tout le
moins les régimes privés tout aussi attrayants que le sont les
REER. Le projet de loi apporte, de l'avis de notre centrale, certaines
améliorations, soulignons-le, qui s'imposaient, mais, encore une fois,
il nous semble insuffisant en regard de cet objectif.
Pour l'ensemble du Canada, une étude récente venait
confirmer que les niveaux d'épargne attribuâmes aux REER avaient
crû beaucoup plus rapidement durant les dernières années
que ceux attribuâmes aux régimes de retraite en fiducie. En 1987,
8 000 000 000 $ avaient été investis dans des REER,
comparativement à 11 000 000 000 $ dans des régimes de retraite
en fiducie.
Les dernières données disponibles concernant les
déclarations fiscales des particuliers du Québec confirment que
le môme mouvement s'est produit dans notre province. Tandis que le nombre
de particuliers ayant réclamé une déduction à titre
de contributions versées à un REER est passé de 471 000 en
1982 à 675 000 en 1985, soit une augmentation de 43,3 %, le nombre de
ceux qui ont réclamé une déduction à titre de
cotisations à un régime de retraite est passé, au cours de
la môme période, de 959 000 à 938 000, soit une diminution
de 2 %.
Les mômes statistiques indiquent, cependant, que les
catégories de revenus qui utilisent l'une ou l'autre des
déductions sont largement différentes, révélant par
là que l'un et l'autre moyen d'épargner en vue de la retraite ne
sont pas équivalents selon les catégories de revenus. Nous
prenons le taux d'utilisation de ces déductions comme indicateur. On
peut constater, au tableau 1, que l'utilisation des déductions pour
cotisation à un régime de retraite augmente dès la
catégorie de revenus de 10 000 $ à 15 000 $ et commence à
décliner à partir de 45 000 $ à 50 000 $. C'est entre ces
catégories de revenus, faut-il le préciser, qu'on retrouve la
plus grande partie des travailleurs et des travailleuses et le tableau 1 est
très indicatif à cet égard.
M. le ministre, vous aurez compris notre point de vue à
l'égard des REER et des régimes privés. On voit
très bien dans la description que les riches sautent à pieds
joints sur les REER, alors que l'immense majorité des travailleurs se
situe dans cette tranche de revenus que vous savez, où les
régimes complémentaires de retraite ont leur accueil de
façon beaucoup plus prononcée. (10 il 30)
En bref, le fait d'avoir largement bonifié les avantages fiscaux
associés aux REER - et vous n'êtes peut-être pas le ministre
le plus responsable de ça, mais i! y a des responsabilités qu'il
faut assumer collectivement - et d'avoir tant tardé à
présenter une réforme conséquente au niveau des
régimes privés a représenté, pour une large
proportion des travailleurs que nous représentons, une
détérioration des conditions dans lesquelles ils ou elles ont eu
à planifier leur retraite. Cette tendance à accroître la
responsabilité individuelle des personnes pour s'assurer un revenu
complémentaire de retraite se traduit, en fait, par un accroissement des
inégalités devant celle-ci. Nous n'acceptons pas que ce mouvement
se poursuive. Votre projet de loi sera, à nos yeux, insatisfaisant tant
qu'il n'aura pas restauré convenablement l'attrait et la
sécurité des régimes privés en y mettant au moins
autant davantages pour les travailleurs et travailleuses que d'autres
ministres, je l'ai mentionné, l'ont fait pour l'épargne
privée individuelle. Or, malgré des améliorations non
négligeables apportées par votre projet de loi, il reste des
faiblesses importantes que nous allons maintenant commenter.
L'adhésion et l'acquisition. En vertu de ce projet de loi, un
régime complémentaire de retraite doit permettre
l'adhésion de tout travailleur ou travailleuse qui en fait la demande et
qui a reçu, au cours des deux années civiles consécutives
et antérieures à cette demande, une rémunération au
moins égale à 35 % du maximum des gains admissibles, tel
qu'établi par le RRQ ou qui a travaillé pendant au moins 700
heures par année au cours de cette même période. Cette
disposition, c'est évident, exclut donc tous les travailleurs et,
particulièrement les travailleuses, qui obtiendront des revenus d'emploi
de moins 3325 $ annuellement. On sait que le taux horaire est de 4,75 $ et on
sait qu'au Canada 9,7 % des femmes actives gagnaient moins de 3000 $ par
année. D'autre part, étant donné que le travailleur ou la
travailleuse n'acquiert le droit aux cotisations de son employeur
qu'après deux ans de participation au régime, il ou elle pourrait
n'avoir droit à une rente différée qu'après un
minimum de quatre années de service. Ces dispositions,
particulièrement celles concernant le temps travaillé
nécessaire à l'adhésion, nous semblent encore largement
impropres à répondre
aux réalités actuelles.
Alors même que vous décriez, avec d'autres, certaines
rigidités du marché du travail ainsi que la faible
mobilité de la main-d'oeuvre, vous maintenez à l'intérieur
de ce projet de loi des dispositions qui pénalisent ceux et celles qui,
trop nombreux, sont victimes de la précarité de leur emploi et
d'Interruptions fréquentes de travail. Il y a là des
contradictions que nous trouvons extrêmement difficiles à
concilier. Indiquons qu'une étude du CEC, malgré qu'elle
concluait que les emplois au Canada étaient relativement stables,
trouvait tout de même que 16,9 % des emplois terminés ou en cours
en 1980 avaient eu une durée de trois ans ou moins.
Concernant spécifiquement les travailleuses, le Conseil du statut
de la femme, lors de sa réaction au projet de loi 58 sur les
régimes complémentaires de retraite déposé par le
gouvernement précédent, rapportait que la durée des
périodes de travail précédant un arrêt était
inférieure à quatre ans pour 70 % des femmes interrogées
lors d'une étude du ministère des Affaires sociales.
Le Président (M. Bélanger): M. Daoust, je vous
inciterais à conclure rapidement, notre temps est écoulé,
malheureusement.
M. Daoust: Je voudrais bien, mais je pense, si vous me le
permettez...
Le Président (M. Bélanger): Vous en avez encore
pour à peu près combien de temps?
M. Daoust: Sept ou huit minutes, mais on va
accélérer.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre et
madame, est-ce qu'il y a consentement?
M. Bourbeau: M. le Président, je n'ai pas d'objection mais
le problème, c'est que cela va être amputé sur le temps qui
va rester pour dialoguer avec vous.
M. Daoust: Oui, pour poser des questions après. C'est
parce qu'H y a là des réponses aux questions que je ne doute pas
que vous souhaiteriez nous poser.
Le Président (M. Bélanger): Excellent, M. Daoust,
vous pouvez procéder.
M. Bourbeau: M. le Président, je veux seulement
signaler...
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, M. le
ministre.
M. Bourbeau: ...que nous sommes astreints à un horaire
exigeant...
Le Président (M. Bélanger): Non, je pense qu'ils
ont bien compris, oui.
M. Bourbeau: ...il y a d'autres groupes qui sont ici et qui vont
passer après. On ne peut dépasser le temps imparti pour la
totalité...
Mme Harel: Et le temps qu'utilise M. le ministre ne vous sera pas
déduit...
M. Bourbeau: Un instant, est-ce que je peux terminer?
Une voix: II ne sera pas déduit? Mme Harel:
...j'espère.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
madame.
M. Bourbeau: Cela va être amputé sur le temps qu'il
reste.
Le Président (M. Bélanger): Oui, je pense que tout
le monde a compris que l'horaire est serré, et ce, toute la
journée. Donc, on ne peut pas se permettre de déborder. Je vous
en prie.
M. Daoust: Nous allons nous limiter à cette heure que vous
nous avez donnée. Bon!
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Daoust: Si le ministre prétend vouloir faire des
régimes privés de véritables sources de revenus
complémentaires, il doit s'assurer que les portes de ces régimes
soient bien ouvertes. Nous estimons que le délai prévu par les
articles 34 et 68 avant qu'un travailleur puisse avoir droit à une rente
différée est encore trop long et, selon nous, aucune règle
ne devrait entraîner l'exclusion d'un régime en fonction du temps
travaillé. Nous recommandons donc que soient éliminées
dans les régimes les exclusions en fonction du temps travaillé,
que le droit à une rente différée soit acquis après
deux ans de services et que, dès l'acquisition, les cotisations soient
Immobilisées pour la retraite.
La transférabilité des crédits de rentes. Les
règles en vertu desquelles un travailleur ou une travailleuse peut
transférer ses crédits de rentes d'un régime à un
autre sont, dans l'état actuel, restrictives.
Compte tenu du nombre de régimes en vigueur et des
différences majeures qui peuvent exister entre eux, peu d'ententes ont
été conclues afin d'assurer la transférabilité des
crédits de rentes. Le projet de loi confère ce droit à
tout participant dont l'âge est inférieur d'au moins dix ans
à l'âge normal de la retraite et prévoit à cet effet
des règles minimales de transfert. Il s'agit d'un pas en avant puisque
cela pourra faciliter à un Individu le regroupement à un seul
endroit des épargnes constituées en vue de la retraite.
Mais nous nous inquiétons de la possibilité ouverte par
l'article 96 que ces transferts puissent se faire vers des régimes
individuels.
Nous avons expliqué notre point de vue sur le fait que les
régimes privés et les régimes individuels ne sont pas,
pour les travailleurs que nous représentons, des outils
équivalents pour la retraite. Or, dans le cadre de ce projet de loi, un
individu qui quitte son emploi devra patienter jusqu'à quatre ans avec
son nouvel employeur avant d'avoir accès à tous ses droits. Nous
demandons donc la création d'un organisme central qui serait
chargé de recueillir les fonds correspondant à la valeur
actuarielle des rentes différées des travailleurs et
travailleuses.
L'administration d'un régime. M. le ministre comprendra que les
travailleurs espèrent davantage qu'une participation symbolique à
l'administration et au contrôle de l'argent qu'ils mettent dans un
régime, au même titre que tout individu fortuné s'attend
à pouvoir gérer ses placements. Il ne sera pas surpris de nous
voir insatisfaits des mesures prévues dans le projet de loi.
Pour nous, l'administration du régime doit être
confiée à un comité dont au moins la moitié des
membres sont des représentants des employés, sinon c'est une
spoliation d'un droit fondamental; c'est de l'argent qui leur appartient. On
parie de salaires différés et vous connaissez l'argumentation
à ce sujet, et nous trouvons tout à fait inacceptable que les
travailleurs, par leur syndicat, là où il y en a, n'aient pas
voix au chapitre en parité avec ceux qui seront chargés de
l'administration d'un tel régime. La loi doit affirmer sans ambages que
ce comité est chargé de toutes les questions relatives à
l'administration du régime, ce qui inclut évidemment les
décisions concernant la disposition des surplus. Quel scandale vous
connaissez - d'autres l'ont abordé - quel incroyable manque de
transparence inacceptable dans une société comme la nôtre!
On ne peut concevoir qu'un gouvernement se fasse le complice de ceux qui
veulent écarter les premiers visés dans les régimes de
retraite à l'égard de leur administration. Il n'y a pas de mot
pour qualifier ça. Je vous avouerai que je ne peux pas concevoir qu'un
gouvernement puisse mijoter l'exclusion de ceux qui sont les plus directement
touchés par les régimes privés. C'est beau avoir des
affinités, mais prendre les gens par la main et les accompagner partout,
c'est profondément scandaleux. De même, la loi doit assurer la
divulgation de toutes les modalités des régimes et de tous les
rapports actuariels et financiers.
L'intérêt perçu lors d'un remboursement des
cotisations. Là-dessus, il y a des accords, il n'y pas de
problème.
Prestations en cas de décès. Il n'y a pas de
difficultés majeures et nous souscrivons à l'insertion d'une
telle règle, nous le mentionnons. Des ajouts nécessaires au
projet de loi. Des tables de mortalité différenciées nous
semblent tout à fait la voie qu'il faut suivre. Nos amis, les
Américains, le font et nous ne voyons pas que ça ne puisse pas se
faire Ici, et qu'il n'y ait pas de discrimination fondée sur le sexe
dans les régimes de retraite et qu'à cette fin on utilise des
tables de mortalité unisexes.
Le résumé de nos recommandations. Pour les régimes
de rentes, nous les avons mentionnées. Je suis à la page 16
maintenant. Je crois que j'ai commenté chacune des recommandations. Je
ne veux pas les reprendre. On parle de la création d'un organisme
central - j'en ai dit quelques mots - et de la création d'un organisme
chargé de garantir le paiement des prestations des régimes
privés en cas de terminaison des régimes pour quelque raison que
ce soit. Cela se fait en Ontario et ça se fait aux
États-Unis.
Si vous me permettez de prendre trois ou quatre minutes, je vous promets
que ça ne sera pas long. C'est au nom de la FTQ-Construction et
ça ne sera pas très long. En leur nom, je veux vous remercier de
nous permettre de vous dire quelques mots. La FTQ-Construction
représente 50 000 travailleurs dans cette industrie. Elle souligne le
bien-fondé de ce projet de loi. Par ailleurs, vous savez que c'est une
industrie qui est reconnue par un ensemble de lois et de règlements, que
sa spécificité... Au nom de la FTQ et de la FTQ-Construction,
nous avons relevé plusieurs points importants dans ce projet de loi qui
pourraient entraîner des conséquences plus néfastes que
bénéfiques pour l'ensemble de ses travailleurs.
Au chapitre de la protection de l'argent et des surplus, nous vous
rappelons qu'aucun employeur ne peut utiliser cet argent ou ces surplus
puisqu'ils sont transférés dans un compte général
de l'industrie de la construction. Ils ont un régime qui leur est
particulier, qui est administré en fonction d'un décret et des
lois qui les régissent. L'argent perçu et non versé -
ça peut arriver là comme ailleurs, évidemment - en cas de
faillite ou autrement, est garanti par un fonds d'indemnisation prévu
par le décret de la construction.
Pour ce groupe, il est très clair que l'application
intégrale de la loi entraînerait une réduction de la rente
des travailleurs d'environ 12 %. Il faut considérer que ce seraient les
travailleurs les plus près de leur retraite qui seraient
immédiatement touchés.
Au chapitre des contraintes administratives, nous avons noté
quelques implications qui, même avec toute la bonne volonté du
monde, seraient quasiment impossibles à respecter. On parle, entre
autres, de plusieurs centaines de milliers de travailleurs, 300 000 environ,
qui ont un intérêt immédiat, plus lointain ou passé
au régime de retraite de la construction. Alors, convoquer des
assemblées nous semble techniquement et physiquement impossible,
même si environ 10 % des travailleurs décidaient d'y participer.
Ce serait une assemblée fabuleuse, mais vous voyez un peu les
difficultés.
A l'article 24, il est impossible de demander à l'administrateur
du régime d'obtenir un consentement écrit iI y a 16 000
employeurs. C'est un système interentreprises. Ces précisions -
et vous lirez le mémoire qu'on va vous laisser - constituent quelques
observations. On pourrait en énumérer des dizaines. Nous
admettons avec la FTQ-Construction que le projet de loi apporte des
améliorations au régime. Force nous est donnée de
constater que le régime de retraite des travailleurs et des
travailleuses de la construction est beaucoup plus en avance que plusieurs
autres régimes de moindre importance, mais tout aussi essentiel pour les
travailleurs et les travailleuses du Québec, et qu'il est important de
prendre conscience qu'il faut protéger les sommes versées par les
salariés et la confiance de ces derniers dans de tels
régimes.
Nous croyons qu'il est important d'étudier plus en profondeur ce
projet de loi et toutes les implications qu'il peut entraîner à
l'égard des travailleurs de la construction. Nous sommes
persuadés que le gouvernement veut, par ce projet de loi,
protéger les travailleurs de cette industrie et c'est pourquoi nous
croyons avoir déjà pris une certaine avance. C'est pourquoi nous
espérons atteindre le but visé par le gouvernement.
La FTQ-Construction a une seule recommandation à faire. Demander
au ministre de permettre au conseil d'administration de la Commission de la
construction du Québec ainsi qu'au comité mixte de l'industrie de
la construction - là c'est l'ensemble des participants qui s'y
retrouvent - d'administrer le régime de retraite. Ceux qui sont
chargés d'administrer le régime de retraite demandent de vous
rencontrer, M. le ministre, vous et vos fonctionnaires, afin d'autoriser
l'industrie de la construction à être soustraite à certains
articles de la loi puisque, c'est su, l'article 2 de votre projet de loi le
permet. Alors, c'est une demande de rencontre, d'une étude très
spécifique à l'égard de ce groupe de travailleurs.
Je vous remercie beaucoup de votre compréhension et de votre
ouverture d'esprit à l'égard du temps que nous avons pris.
M. Bourbeau: Je vais demander une suspension pour une minute,
s'il vous plaît.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, nous
suspendons nos travaux pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 10 h 45) (Reprise à 10 h
46)
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, la
parole est à vous.
M. Bourbeau: M. le Président, j'accueille avec plaisir les
commentaires assez vigoureux de la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec. Le contraire nous aurait surpris. Je constate
que la FTQ accueille le projet de loi comme étant une proposition
d'amélioration du cadre des régimes complémentaires de
retraite. La FTQ propose des améliorations au régime public de
rentes du Québec et je dois dire que les propos qui sont tenus
m'apparaissent très pertinents. Dès que nous aurons
terminé la rénovation du régime privé, je crois
qu'effectivement nous devrons regarder très attentivement comment on
pourrait améliorer le régime public.
La FTQ déplore l'absence de mesures relatives à la
non-discrimination selon le sexe, au partage des crédits de rente en cas
de divorce, à l'indexation, à la propriété des
surplus, à un certain nombre d'aspects de ce mémoire qui seront
traités plus tard. Depuis le début de la commission, j'ai dit que
le partage des surplus, la question relative au partage des crédits de
rente en cas de divorce, ce sont des dossiers qui ne font pas partie du projet
de loi qui est devant nous et qui verront leurs solutions adoptées plus
tard - dans certains cas, peut-être bientôt, dans d'autres cas,
dans quelques mois - au cours de débats qui auront lieu
subséquemment.
Je voudrais revenir sur un point un peu plus précis et sur lequel
vous vous êtes attardé assez longuement. C'est la comparaison
entre le traitement accordé par le législateur au régime
privé complémentaire de retraite et la faveur qui serait
accordée au REER. Vous semblez indiquer que le législateur, le
gouvernement, est beaucoup plus généreux envers les REER
privés qu'envers les régimes complémentaires de retraite.
J'aimerais que vous nous disiez exactement quels sont les aspects précis
d'un REER qui le rendent plus attrayant que le régime privé de
retraite. En quoi le gouvernement est-il plus généreux à
l'égard d'un REER qu'à l'égard d'un régime
privé de retraite?
M. Daoust: Les faits établissent que les gens, de
certaines catégories de revenus, sont beaucoup plus attirés par
les REER que par les régimes complémentaires de retraite. C'est
peut-être la façon dont ces derniers sont conçus qui
provoque ce genre d'attrait. Le tableau à la page 8 nous indique, de
façon évidente, les orientations, les tendances, les
réalités des taux d'utilisation en termes de pourcentages des
déductions qui sont faites, quand on compare les régimes de
retraite et les REER. De ce côté, il y a donc nettement une
réalité qui nous inquiète. Il y a une tendance vers
l'individualisation des formes de protection de la sécurité du
revenu au moment de la retraite.
Évidemment, en ayant des REER qui permettent ce que l'on sait
tous, ça retarde, dans une certaine mesure et en privilégiant cet
outil, la bonification d'un régime universel de retraite. Cela ne
provoque pas les attraits que nous
souhaiterions à l'égard des régimes privés.
En gros, c'est notre évaluation et c'est notre frousse, pour tout vous
dire, que ce soit là une tendance qui se marque et qui s'inscrive dans
les réalités. M. Henri Massé voudrait sûrement
ajouter quelque chose... ou quelqu'un d'autre.
M. Bourbeau: Avant de donner la réponse, je voudrais
revenir sur le point. Vous semblez indiquer que le gouvernement ou
l'État est plus généreux envers ceux qui ont des REER
privés qu'envers ceux qui ont un régime complémentaire de
retraite. Or, selon tous les renseignements que j'ai, il n'y a pas de
différence dans le traitement fiscal d'un régime ou d'un autre.
Ce que vous dites dans le fond, c'est que plus de gens vont vers les REER que
vers les régimes complémentaires, mais ils ne sont pas mieux
traités. L'État n'est pas plus généreux et ne donne
pas plus de déductions dans un REER que dans un régime
complémentaire de retraite. Donc, il n'y a rien, à mon avis en
tout cas, qui fait en sorte qu'on est plus généreux ou qu'on
serait injuste envers les gens qui auraient un régime
complémentaire. Enfin, j'aimerais que vous précisiez un peu.
M. Daoust: Oui. Parfait. Henri.
M. Massé (Henri): Tout cela est en relation avec la
réforme fiscale. M. Daoust a soulevé un premier point
tantôt. Avec la réforme fiscale qui s'en vient, qui est
annoncée par le gouvernement fédéral, en faisant passer,
par exemple, les déductions de 20 % qui sont permises
présentement dans un REER à 18 %, on va favoriser davantage les
hauts salariés. Les gens gagnant 41 000 $ et moins seront perdants. Mais
il n'y a pas que cela, M. le ministre, il y a toute la question, qui est assez
complexe et qui sera très complexe aussi pour les entreprises, du
facteur d'équivalence qu'on prévoit dans la réforme
fiscale du gouvernement fédéral qui va faire en sorte qu'on
pourra avoir plus de déductions fiscales en mettant de l'argent dans un
REER que si on cotise déjà dans un régime collectif. Je
peux vous dire que le gouvernement du Québec a déjà
rencontré des équipes du gouvernement fédéral pour
souligner que des choses ne se tiennent pas là-dedans. Au début,
on pensait que c'étaient des erreurs, mais on se rend compte que c'est
une orientation politique du gouvernement fédéral. Le
régime des RSR, pour nous, il faut aussi le mettre en fonction de la
réforme de la fiscalité qui s'en vient, au cours de
l'année prochaine, parce que s! c'est un tout, on vise la retraite des
gens.
M. Bourbeau: M. le Président, je...
Le Président (M. Bélanger): Juste un instant.
C'était bien M. Massé, n'est-ce pas?
M. Massé: Oui.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
à chaque intervention, veuillez vous identifier pour la transcription du
Journal des débats. M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président. Je suis un peu
étonné qu'on avance des arguments comme ceux-là. On tente
de faire croire que les régimes complémentaires sont moins
généreux que les REER qui, eux, seraient utilisés par les
riches et qui auraient plus d'avantages que les pauvres, les travailleurs,
d'après ce qu'on nous dit. Mais, dans la réalité,
l'argument ne tient pas du tout. On parle d'un système actuel où
les deux groupes de travailleurs ou de gens sont traités de la
même façon sans aucune différenciation. Là, on
apporte l'argument que, dans une réforme future, dans un autre
Parlement, réforme qui n'est pas en vigueur, qui fera l'objet de
débat, qui sera peut-être modifiée, peut-être
qu'à ce moment-là il y aura une différenciation. Vraiment,
je pense qu'on devrait se limiter, à ce sujet-là, à ce qui
existe dans la loi présentement. On travaille à un projet de loi,
dans une loi donnée, et cela me confirme qu'il n'y a pas de
différenciation dans le traitement fiscal, présentement, entre
les gens qui ont un régime complémentaire de rentes et ceux qui
ont un REER. Cela m'apparaît évident. Pour ce qui est de l'avenir,
on fera le débat au Parlement fédéral quand la
réforme proposée viendra en vigueur. Ce qui se passe dans les
officines gouvernementales présentement, les négociations, sont
toutes des choses qui sont en dehors des débats d'aujourd'hui. Je tiens
à le dire parce que l'argument m'apparaît fallacieux, tel que
présenté. Il n'y a pas d'injustice présentement faite
à l'égard des travailleurs par l'État en ce qui concerne
le traitement fiscal. C'est la même chose. Pour l'avenir, au
fédéral, dans la réforme, on verra. Je voudrais vous poser
une question.
M. Daoust: M. le ministre... M. Bourbeau: Oui.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. le
ministre, il vous reste deux minutes.
M. Bourbeau: J'aurais une question à poser à M.
Daoust sur autre chose.
M. Daoust: Mais là-dessus, si M. Poulin pouvait ajouter
juste une remarque.
M. Poulin (Claude): Dans le régime fiscal actuel, M. le
ministre, il y a une différenciation. Dans le cas d'un travailleur qui
participe à un régime complémentaire de rentes, la
déduction maximale au REER est de 3500 $ par année moins les
cotisations, tandis que pour un travailleur qui ne participe pas à un
régime complémentaire, la contribution maximale au REER est
de 7500 $.
M. Bourbeau: Vous oubliez d'ajouter que le travailleur, lui, a
droit aux cotisations de son employeur, alors que, dans un REER privé,
on cotise seul. Il faut dire cela aussi.
M. Poulin (Claude): C'est vrai, mais cela veut dire aussi que,
dans les faits, les travailleurs veulent éliminer leur régime de
retraite pour avoir droit à ces 4000 $ additionnels de cotisations
permises à l'intérieur du régime fiscal.
M. Bourbeau: Vous avouerez que la cotisation de l'employeur aide
à bonifier la rente du travailleur, ce que n'a pas le travailleur
individuel, celui qui possède un REER privé.
Une dernière question, M. le Président, s'il me reste une
minute. Je suis un peu étonné de la prise de position de la FTQ
au sujet de l'assemblée annuelle. Les patrons s'opposent depuis le
début de cette commission à ce qu'il y ait une assemblée
annuelle d'information et de reddition de comptes. La FTQ-Construction vient un
peu se liguer, si je puis dire, entre guillemets, avec les patrons pour nous
dire: On n'est pas en faveur de l'assemblée annuelle. Si personne ne
veut de l'assemblée annuelle, moi, je veux bien la faire sauter, mais
c'était dans le but d'informer les travailleurs, les cotisants et de
leur permettre de voir les administrateurs rendre compte aux cotisants. Je
voudrais savoir quel est le point de vue de la FTQ sur l'assemblée
annuelle. Est-ce que vous êtes d'accord qu'on la fasse sauter ou si on
devrait la garder?
M. Paré (Yves): M. le Président, mon nom est Yves
Paré, de la FTQ-Construction.
Le Président (M. Bélanger): M. Paré? Je vous
en prie.
M. Paré (Yves): On n'a pas dit qu'on voulait faire annuler
l'assemblée annuelle des travailleurs de l'industrie de la constuction.
On a tout simplement dit: Physiquement, comment pouvait-on convoquer 350 000
travailleurs à une assemblée annuelle pour expliquer des
modifications ou quoi que ce soit au régime? On a dit que, physiquement,
c'était un problème. On ne dit pas qu'on ne veut pas. Qu'il ne
vienne que 10 % des membres, cela veut dire 35 000 personnes. On devra louer le
Stade olympique. C'est seulement cela qu'on veut dire. On ne dit pas qu'on n'en
veut pas, on dit qu'il y a un problème physique. On ne dit pas qu'on
rejette le projet de loi 116. On dit que l'industrie de la construction est
différente des autres régimes. Déjà, on remplit le
but principal du projet de loi 116, soit de protéger les investissements
des travailleurs de l'industrie de la construction, et on veut essayer de
trouver des modalités d'application de cette loi à
l'intérieur de l'industrie de la cons- truction; c'est tout ce qu'on
dit.
M. Bourbeau: D'ailleurs, on va adapter le projet de loi 116 pour
la construction. Il y aura des parties de la loi qui ne s'appliqueront pas en
ce qui concerne la construction. On est déjà en discussion avec
vous à ce sujet d'ailleurs.
M. Paré (Yves): M. le ministre, c'est la seule et unique
demande qu'on a faite, c'est-à-dire d'avoir une possibilité de
discuter où on pourrait s'exclure.
M. Bourbeau: Très bien. M. Paré (Yves): Merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Un commentaire,
M. Ducharme?
M. Ducharme (Claude): Oui. M. le ministre, à propos des
5800 régimes de retraite privés au Québec, on va
connaître de la transparence dans ces régimes. De grâce,
n'ayez pas l'impression que tous les employeurs contribuent à ces
régimes. La plupart du temps, ce sont les contributions des travailleurs
et des travailleuses qui font ces régimes. La seule transparence qui va
exister, ce n'est pas l'assemblée annuelle, mais celle d'avoir un
comité au sein duquel des travailleurs vont être
représentés et de laisser le soin aux organismes, aux syndicats
d'aller rencontrer leurs membres et de leur présenter les informations
et la structure de ces régimes. Faites-en l'expérience, demandez
à des travailleurs qui ne participent pas à ces régimes ce
qu'ils pensent de leur régime privé et si l'employeur y
contribue. Nous, on a l'expérience des régimes qu'on a
fouillés à un moment donné. On a réalisé
qu'au fil des années, l'employeur ne mettait rien et qu'il se servait
dans le régime quand arrivaient les années où les taux
d'intérêt étaient élevés, l'employeur ne se
gênait pas.
L'une de nos grandes déceptions, ce n'est pas du nouveau, M. le
ministre, le gouvernement a dormi là-dessus. Cela fait dix ans qu'on
parle de réforme dans les régimes de retraite au Québec.
Les partenaires sociaux se sont parlé des régimes de retraite, il
y avait des consensus, on a mis notre énergie en commun. On arrive dix
ans après, dix années importantes se sont écoulées
au cours desquelles on a contribué à grossir la pauvreté
des travailleurs et travailleuses qui ont pris leur retraite au cours de ces
dix années. On parle de l'indexation, on attend toujours que l'Ontario
fasse quelque chose, et on arrive après. On parie des surplus des
régimes de retraite. Cela n'a pas été touché, ce
sont des éléments qui sont connus et qu'on aurait aimé
voir inscrire dans un projet de loi qui aurait touché l'indexation.
Quelle est la dimension de l'indexation dans les régimes de retraite, M.
le ministre? Ce n'est pas le fait qu'on va hausser
les prestations, c'est de donner un encouragement à la retraite
pour permettre aux personnes de prendre leur retraite et, en même temps,
que la société permette à des jeunes - parce que le
Québec a un taux de chômage de 9 % - d'avoir espoir d'obtenir un
emploi dans les secteurs industriels et manufacturiers.
L'autre élément concerne tout ce qui touche les conjoints
survivants dans les régimes de retraite. Il faut absolument avoir une
clause à ce sujet quand arrive le décès d'un des
conjoints. Cela prend le consentement des deux pour que la rente ne continue
pas à s'appliquer, et on parle très timidement d'une rente de 60
% des revenus. Si on ne s'attaque pas à la pauvreté au
Québec, M. le ministre, et soyez chanceux que les personnes
retraitées qui sont sous le seuil de la pauvreté soient
silencieuses, parce que vous auriez des surprises... Cette masse grossit et
grandit, et c'est épouvantable le ton: qu'on a causé au cours des
dix années écoulées. Quand on va parler de la Régie
des rentes du Québec, il va falloir injecter des millions et des
millions. Qu'est-ce qu'on nous dit depuis dix ans? Qu'il n'y a pas assez
d'argent là-dedans pour payer. Dans les régimes privés, la
même chose se produit pour des travailleurs à qui on a fait
miroiter des montants d'argent. Quand on calcule ce qu'ils vont avoir à
leur retraite, des chèques de 3 $, 5, $, 7 $, 10 $, 15 $ par mois, et on
s'imagine que ça n'existe pas. M. le ministre, on représente
beaucoup de travailleurs et de travailleuses dans des secteurs qui
reçoivent 10 $, 15 $,20 $,25 $, 30 $ par mois à leur retraite.
(11 heures)
Une voix: Cela existe!
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M.
Ducharme. Malheureusement, M. le ministre ne peut pas réagir, son temps
est écoulé. Je cède la parole à Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, je salue les porte-parole de
la FTQ et je vais droit au but. Je ne voudrais pas que le ministre utilise la
situation particulière des travailleurs de la construction pour essayer
de se désengager à l'égard de la disposition de
l'assemblée générale. Le ministre devrait pourtant savoir
que les travailleurs de la construction ont un régime qui leur permet
d'obtenir par écrit, une fois par année, le compte
détaillé de ce à quoi ils ont droit, ce que ne fait
même pas la Régie des rentes à l'égard de ses
cotisants. Quand on a un régime comme celui-là, il est
évident qu'on ne peut pas l'utiliser pour prétexter des
modifications qui pourraient être salutaires dans un secteur, parce que
ce secteur bénéficie déjà d'ailleurs d'une formule
qui permet aux travailleurs de connaître au fur et à mesure
l'état de leurs rentes de retraite.
La question de l'injustice est importante. J'aimerais que vous sachiez
qu'hier, nulle autre que l'Association canadienne des compagnies d'assurance de
personnes inc. est venue dire au ministre, et je vais citer: "Au cours de la
même période, le nombre de REER collectifs s'est accru de 47 %."
L'Association canadienne des compagnies d'assurances dit ceci: "Nous estimons
que cette tendance est dangereuse et qu'un tel mouvement empêcherait
beaucoup de personnes de bénéficier de dispositions souhaitables
dans la législation sur les régimes de retraite." Là,
aujourd'hui, le ministre vous demande en quoi c'est injuste.
Evidemment, on ne parlera pas du fait que ça l'est globalement.
Dans La Presse de samedi, il y avait un excellent article illustrant que la
réforme fédérale de la législation fiscale est
conçue de façon à favoriser les travailleurs à
revenus élevés et à pénaliser les travailleurs
à revenus faibles ou moyens. Mais c'est plus injuste en regard de ce que
le ministre peut faire. Ce que l'Association canadienne est venue dire hier,
c'est que c'est peut-être de la même façon, sans aucune
différenciation sur le plan fiscal seulement, parce que, pour le reste,
ce qui est différent, c'est que l'un est réglementé et
l'autre pas. L'Association canadienne a dit: Nous avons présentement des
demandes presque exclusivement pour des REER collectifs, les employeurs
n'étant pas intéressés à un autre type de
régime réglementé. Alors, ils sont venus dire au ministre:
Réglementez les REER collectifs, sinon ce phénomène va
aller s'accentuant et ça va soustraire les employés des avantages
d'un vrai régime complémentaire de retraite. Le ministre s'est
fait dire ça hier, et il a le culot aujourd'hui de reprendre ces
questions comme s'il n'avait pas entendu, de la part de ceux qui administrent
les régimes, le pourquoi de cette injustice.
Dans le mémoire que vous nous présentez, à la page
2, vous dites: "Nous croyons en outre qu'il est inacceptable qu'aucune mesure
n'ait été proposée afin de protéger les
participants contre l'érosion par l'inflation et que la
propriété des surplus des caisses ne soit toujours pas
abordée." D'abord, est-ce que vous avez un point de vue sur la question
de l'inflation et de l'indexation? Vous savez qu'en Ontario, il y a
déjà une formule sur laquelle il y a des consultations, mais le
principe était intégré dans la loi. Dans le projet de loi
116, il n'y a ni le principe, évidemment, et on ne connaît pas la
formule sur laquelle le gouvernement consulterait, et on ne sait même pas
s'il va consulter sur l'indexation. Hier, le ministre a bien dit: Si on
décide de consulter. Mais II n'a pas encore convenu qu'il fallait qu'il
y ait une consultation au moins là-dessus et que s'il y a consultation,
il faut qu'il y ait une formule sur laquelle il y ait consultation.
D'autre part, on aborde la question de la propriété des
surplus des caisses dans le projet de loi 116, à l'article 136.
L'article 136 n'existait pas dans le projet de loi 58, mais vous le retrouvez
dans le projet de loi 116. L'article 136
stipule qu'il peut y avoir congé de contribution patronale
à même les surplus. C'est déjà une façon, une
tendance, une orientation à l'égard de l'utilisation des surplus
en cours de régime. J'aimerais connaître votre point de vue
là-dessus
M. Daoust: À l'égard de l'indexation, notre
position est relativement simple, nous souhaitons la pleine Indexation. Nous
savons que de multiples régimes privés n'ont aucune formule
d'indexation. Quand je dis de multiples régimes, je pense que c'est 4 %,
5 % ou 6 % des régimes qui ont des formules d'indexation de toute
nature. Il y a donc là une lacune que nous souhaiterions voir corriger.
Que des consultations soient provoquées et que des échanges de
vues se fassent, cela va de soi, mais il me semble que, dans ce domaine, on ne
peut pas manifester de l'immobilisme. Chaque jour gruge la qualité et la
valeur des prestations qui découlent des régimes privés de
retraite. Quant à l'indexation, notre position est très claire,
c'est la pleine indexation. C'est la formule que nous défendons et que
nous défendrons.
À l'égard des surplus, je sais que le Syndicat des
métallos est venu vous dire ce qu'y en pensait. Ce point de vue est
partagé par la FTQ. Je sais que de multiples syndicats à
l'intérieur de la FTQ vivent des expériences toutes aussi
tragiques que celles qui ont été vécues et qui vous ont
été narrées par le Syndicat des métallos. Là
aussi, on ne peut pas mâcher nos mots. Là aussi, on estime que le
mot "vol" n'est pas inapproprié, pour être bien franc. On sait que
le fondement même de tous les régimes de retraite, quels qu'ils
soient, contributors ou non con-tributoires, est identique partout. Ce sont
là des formules de salaire différé, des fois voulues par
voie de négociations. Les travailleurs se privent d'une augmentation de
salaire ou d'avantages sociaux qui pourraient être assumés par
tels montants pour les investir dans une caisse de retraite. La contribution
des employeurs là-dedans, c'est une mystification. J'espère que
les gens s'apercevront de plus en plus que ce que les employeurs investissent
dans les fonds de retraite, il n'y a aucune espèce de
générosité ou d'altruisme là-dedans. Cela fait
partie des conditions générales de travail pour attirer tel ou
tel groupe de travailleurs, pour les garder à leur emploi et
éviter une mobilité trop grande. Encore fois, ou bien ils sont
contributoires ou bien ils sont non contributoires, mais, fondamentalement,
c'est de l'argent qui appartient aux travailleurs.
Qu'il y ait des congés à l'égard des cotisations et
que seuls les employeurs les empochent, je n'ai pas à
répéter ce que j'en pense, vous le savez sans aucun doute. Ces
formules devraient être - c'est là le point fondamental -
étudiées et décidées par un comité
paritaire. Si on n'est pas à égalité à
l'intérieur d'un organisme chargé de l'administration des caisses
de retraite, on sera toujours à la merci du décideur
majoritaire.
C'est cela qui est fondamentalement inacceptable. On ne peut pas
s'imaginer, encore une fois, c'est quasiment inimaginable - je me demande ce
que cela va prendre pour faire bouger les mentalités là-dessus -
il est inimaginable qu'on exige la parité. De fait, on ne devrait pas
exiger seulement la parité, on devrait exiger l'exclusivité. Il
me semble que ce serait situé dans une orientation tout à fait
défendable, compte tenu de ce que j'ai dit. Mais qu'au point de
départ, on refuse, qu'on ne permette pas à ceux qui ont
contribué et qui sont visés de prendre part aux décisions,
c'est incompréhensible.
Mme Harel: Deux questions rapidement, on me dit qu'il ne me reste
que quatre minutes. Cette question du comité paritaire, c'est la
question fondamentale, finalement. C'est la différence avec le projet de
loi 58 qui a servi de décalque, sauf sur cette question. Le ministre ne
peut pas dire: On fait la même chose que vous il y a quatre ans.
Entre-temps, il a oublié la question fondamentale du comité
paritaire. Tout le reste peut s'éclairer des décisions
paritaires, que ce soit la disposition des surplus, l'indexation ou tous les
autres aspects de la question. Là-dessus, le ministre a un peu confondu.
Il a dit: Le comité de retraite sera décisionnel et non
consultatif. Ce qu'il a oublié de dire, c'est qu'il sera
décisionnel, c'est-à-dire que les employeurs pourront
décider que c'est eux qui gèrent. Alors, c'est "business as
usual", évidemment.
À la page 13 de votre mémoire, il y a un aspect sur lequel
vous insistez, c'est la création d'un organisme central qui serait
chargé de recueillir les fonds correspondant à la valeur
actuarielle des rentes. Vous dites justement que ça ne devrait pas -
même si c'est bloqué, c'est un avantage pour vraiment que
ça constitue vraiment de l'épargne de retraite - s'en aller dans
une rente individuelle. J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Poulin (Claude): Comme vous le savez, ce n'est pas la
première fois qu'on entend parier de la création de cet organisme
central. Ça fait plusieurs années. Il y a même un
comité qui a été formé en 1985 et qui en est
arrivé à la conclusion qu'il devrait y avoir un comité
central qui serait chargé de recueillir ces sommes. Il existe un
organisme présentement, au Québec, qui s'appelle le Fonds de
solidarité, qui pourrait recueillir ce qu'on appelle les valeurs de
transfert qui viennent de chacun de ces régimes. Ce pourrait être
cet organisme central qui, pour tout le Québec, recevrait les fonds.
Mme Harel: Avez-vous l'impression... Si vous me permettez, M.
Daoust, je poserais une question. C'est Me Poulin, je crois?
M. Poulin (Claude): Claude Poulin, actuaire.
Mme Harel: Pensez-vous que, du fait qu'on
réglemente tous les régimes complémentaires de
façon plus serrée - U y a des améliorations dans cette
façon de faire - et qu'on laisse totalement
déréglementés les REER collectifs, I puisse y avoir
débalancement et qu'on assiste à la baisse d'un des
véhicules au profit de l'autre?
M. Poulin (Claude): C'est ce à quoi on assiste
présentement. Il y a une désaffection de fa part des
travailleurs, de la part de la population en général, envers les
régimes complémentaires de rente au profit des REER. C'est un
danger. Un REER, finalement, c'est un régime d'épargne, ce n'est
pas un régime de retraite. C'est seulement un régime de retraite
qui peut assurer une rente d'invalidité, une rente au conjoint survivant
et l'indexation.
Par rapport à l'indexation, j'aimerais souligner qu'il existe,
entre le fait d'indexer et le retour des surplus, un lien présentement
aux États-Unis. Un consensus est en train d'émerger, à la
fois de la part des syndicats et des employeurs, de gros employeurs comme Exxon
et General Motors. Ils acceptent le fait que les surplus pourraient retourner
à l'employeur seulement après que toutes les rentes des
retraités, des conjoints survivants et des travailleurs auraient
été indexées. C'est le projet de loi du sénateur
Metzenbaum qui est en train de créer ce consensus.
Le Président (M. Bélanger): Merci.
Mme Harel: Alors, c'est malheureusement tout le temps qui
était à ma disposition. Je vous remercie de votre contribution.
Je sais l'intérêt que vous portez depuis des années
à ce dossier et la vigilance que vous allez y maintenir. Je vous
remercie.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, en conclusion, je dirais que
c'est vrai que le système actuel n'est pas parfait. Ça fait
peut-être dix ans qu'on aurait dû l'améliorer. On prend la
responsabilité pour trois ans et on est en train de
l'améliorer.
Je rappellerais aussi que, quoi qu'on dise, c'est un système
où les deux parties contribuent, le patron et le travailleur. Et je
voudrais corriger certains chiffres. Pour l'année 1987, sur les 3 400
000 000 $ qu'on a versés en contributions au Québec, les
employeurs en ont mis 2 000 000 000 $ et les travailleurs 1 400 000 000 $. On
ne peut quand même pas négliger ce fait.
Je crois que le projet de loi qu'on présente, même s'il ne
satisfait pas totalement tout le monde, est une amélioration que je
qualifierais de spectaculaire par rapport a ce qui existe présentement.
On va même au-delà, sur certains points, du consensus canadien. On
va plus loin, pour le comité de retraite, par exemple. Plutôt que
d'être consultatif, il est décisionnel. Donc, je pense que c'est
un pas en avant.
En ce qui concerne les surplus, je pense qu'il ne faut pas se
décourager, on en reparlera à l'automne. Il ne faut rien
présumer de ce que le gouvernement va faire. Il y a des
possibilités intéressantes à l'égard des
surplus.
Je vous remercie de votre contribution. Sûrement qu'on vous
reverra dans les prochains mois lorsqu'il sera question des surplus. Je suis
convaincu que vous serez là. Merci. (11 il 15)
Le Président (M. Bélanger): Merci. La commission
des affaires sociales remercie la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec et elle invite à la table des
témoins le Barreau du Québec qui sera représenté
par Me Michel Benoît, Me Marc Sauvé et Me Mireille
Deschênes.
Je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place pour
que nous puissions recevoir à la table des témoins le Barreau du
Québec. Mesdames et messieurs du Barreau, je vous demanderais, d'une
part, de bien vouloir vous identifier et d'autre part, de donner vos noms
chaque fois que vous prendrez la parole pour répondre à un
parlementaire, ceci pour la transcription du Journal des débats.
Cela nous aide beaucoup. Sans plus tarder, après vous être
identifié et avoir présenté vos collègues,
présentez s'il vous plaît votre mémoire.
Barreau du Québec
M. Sauvé (Marc): M. le Président, M. le ministre,
Mmes et MM. les députés, Marc Sauvé, service de recherche
et de législation, Barreau du Québec.
Le Barreau du Québec est heureux de répondre à
l'invitation de la commission des affaires sociales et de présenter le
mémoire de son comité sur les régimes de pension
privés concernant le projet de loi 116. Comme vous le savez, le Barreau
a un double mandat, celui de défendre l'intérêt de ses
membres, évidemment, en l'occurrence les avocats, et celui de
protéger le public, notamment en veillant à ce que les lois
soient justes, claires et efficaces dans la réalisation des objectifs
visés par le législateur. C'est donc à la lumière
de ce mandat de protection du public qu'il faut interpréter la
démarche du Barreau devant la commission.
Le comité du Barreau souscrit aux objectifs du législateur
énoncés notamment dans les notes explicatives du projet de loi
sous étude. Cette réforme était attendue depuis longtemps
et nous considérons qu'elle comporte de nombreuses améliorations
par rapport au régime actuel. Nous souhaiterions, cependant, vous faire
part de certaines des inquiétudes et interrogations du comité du
Barreau concernant divers aspects du projet de loi. A cet égard, Me
Michel Benoit exposera les grandes lignes de notre mémoire et
Me Mireille Deschênes et Michel Benoit répondront ensuite
à vos questions. Je cède la parole à Me Michel Benoit.
M. Benoit (Michel): M. le Président, comme l'a
mentionné mon collègue, Me Sauvé, le Barreau est tout
à fait en accord avec ce projet de loi qui vise à moderniser le
cadre juridique des régimes complémentaires de retraite au
Québec. Je pense que la loi actuelle, qui date de près de 25 ans,
n'était plus adaptée aux réalités auxquelles on
doit faire face aujourd'hui. Le Barreau souscrit aussi aux nouveaux droits
minima qui sont accordés par le projet de loi 116 pour les participants
aux régimes complémentaires de retraite.
Le Barreau toutefois s'en voudrait de ne pas souligner que le projet de
loi 116 sera certainement une loi lourde et complexe à administrer, tant
pour la Régie des rentes qui en est chargée que pour les
travailleurs, les administrateurs de régimes et les employeurs. Le
Barreau craint que cette loi soit difficile à utiliser comme incitatif
pour l'établissement de nouveaux régimes complémentaires
de retraite et même pour le maintien des régimes existants au
profit des REER collectifs, dont vous avez entendu parler ce matin, qui sont
certainement plus simples comme mécanismes pour beaucoup de
travailleurs.
Quant au Barreau, on ne fait que vous souligner notre inquiétude
à cet égard et souhaiter que les règlements qui seront
adoptés en vertu de la loi, de même que les pratiques
administratives de la Régie des rentes, permettront les assouplissements
qui, à notre avis, seront nécessaires pour permettre aux plus
petits régimes de retraite, à tout le moins, de vivre plus
facilement avec ce projet de loi important.
Le deuxième aspect de notre mémoire sur lequel j'aimerais
vous entretenir concerne la toile de fond que constitue le projet de loi 20,
c'est-à-dire la réforme du Code civil qui a été
adoptée par l'Assemblée nationale au mois d'avril 1987 et qui n'a
toujours pas été proclamée en vigueur au moment où
l'on se parle. C'est la toile de fond, sans contredit, d'une partie du projet
de loi 116, notamment la partie qui traite de l'administration du
régime. Le Barreau croit qu'il est essentiel qu'un projet de loi tel que
le projet de loi 116 fournisse un cadre juridique complet pour l'administration
des régimes complémentaires de retraite. Dans la perspective,
semble-t-il de plus en plus probable, que le projet de loi 20 sur le Code civil
ne soit pas proclamé en vigueur en même temps que la loi 116,
c'est-à-dire le 1er janvier 1990, il y a un danger qu'il ne faut pas
minimiser qu'il existe un vide juridique à compter de l'entrée en
vigueur de la loi 116. À cet égard, le Barreau souhaite que l'on
regarde de très proche le projet de loi 116 de manière à
minimiser ce danger, notamment en incorporant au projet de loi 116 certaines
dispositions du projet de loi 20, en particulier les articles 1348, 1349, 1350
et le premier alinéa de l'article 1381, qui constituent des principes
d'ordre général. À titre d'exemple, l'article 1348 traite
de l'obligation, pour l'administrateur du bien d'autrui, d'agir comme un homme
prudent le ferait en pareille circonstance. Des principes
généraux de cette nature mériteraient, à notre
avis, d'être incorporés dans le projet de loi 116.
Nous aimerions aussi souligner l'importance de s'assurer de la plus
grande harmonisation possible entre le projet de loi 116 et les lois de
même nature que l'on retrouve dans d'autres provinces canadiennes. Vous
n'êtes pas sans savoir que plus des deux tiers des travailleurs canadiens
qui participent à des régimes de retraite participent à
des régimes enregistrés soit au Québec ou en Ontario et
qu'environ 80 % des actifs gérés par ces mêmes
régimes sont, encore une fois, gérés dans des
régimes du Québec ou de l'Ontario. Le Barreau souhaite, quant
à lui, avec le projet de loi 116, qu'au Québec, on recherche la
plus grande uniformité possible, notamment pour ce qui est du cadre
juridique concernant l'administration de ce même régime. À
cet égard, le Barreau a constaté que le projet de loi 116, tel
que présenté, comportait des différences importantes avec
ce qui existe, notamment en Ontario.
Quelques mots maintenant sur le moratoire déclaré
l'automne dernier par le gouvernement, par le biais du projet de loi 95, sur
les versements de surplus à l'employeur, moratoire maintenu en vigueur
par le projet de loi 116. Le Barreau n'a pas de position à prendre sur
le fond de cette question. Toutefois, nous aimerions vous souligner notre
inquiétude à l'égard du projet de loi 95 en ce qu'il a un
effet, tout d'abord, rétroactif et, d'autre part, en ce qu'il constitue
certainement une loi d'exception qui vient en quelque sorte rendre
inopérantes certaines dispositions des régimes de retraite qui
sont de nature contractuelle. Ce projet de loi a aussi rendu inopérants
jusqu'à un certain point les recours aux tribunaux en vue de
déterminer ces questions d'appartenance de surplus. Il s'agit donc d'une
loi à caractère exceptionnel que le Barreau souhaite voir
remplacée par une disposition législative à
caractère permanent le plus tôt possible. Les lois à
caractère exceptionnel, M. le Président, le Barreau s'y est
toujours opposé en ce sens que les cadres juridiques normaux qui
devraient exister pour régler les rapports entre les justiciables
devraient être ceux auxquels on se réfère pour
régler l'ensemble de nos problèmes sans avoir besoin de lois
exceptionnelles. Nous souhaitons donc que le gouvernement s'attaque à
cette question le plus rapidement possible.
J'aimerais maintenant glisser quelques mots concernant un
élément du projet de loi 116, plus particulièrement sur
les techniques de rédaction utilisées dans ce projet de loi. Ce
n'est pas le premier projet de loi qui emploie cette technique de
rédaction qui se veut plus littéraire ou
littérale, si je puis utiliser cette expression, où l'on
ne retrouve plus, comme cela a déjà été le cas dans
le passé, une série de définitions pour expliquer le sens
qu'on entend donner à certains termes. C'est une technique qui se
défend, où évidemment, on cherche à faire donner
aux termes utilisés leur sens commun toujours en les interprétant
dans le contexte particulier de la loi. Cette technique comporte toutefois,
à notre avis, de sérieuses lacunes et des dangers, surtout si
elle est poussée un peu trop loin. Nous croyons que dans le cadre du
projet de loi 116, certaines expressions et certains termes mériteraient
très certainement une définition, compte tenu du caractère
particulièrement technique de ce projet de loi. À titre
d'exemple, le mot "droits", lorsque employé au pluriel, est
utilisé à plusieurs sauces, partout dans ce projet de loi, et le
sens qu'on doit lui donner n'est pas toujours évident. D'ailleurs, dans
la version anglaise, on a traduit ce terme par le mot "benefits" et il n'est
pas évident qu'en français, on doive nécessairement lui
donner le même terme. Lorsque viendra le temps de l'interpréter ou
de le présenter aux tribunaux, il est à craindre que les
interprétations qui seront données de ce terme non défini
dépassent l'objectif que le gouvernement avait en l'employant. (11 h
30)
En terminant, M. le Président, j'aimerais souligner trois autres
éléments de notre mémoire qui méritent une
attention un peu plus particulière. Le premier élément
traite des dispositions du projet de loi 116 concernant la gestion du
régime et, plus particulièrement, de la caisse de retraite. Nous
avons pris connaissance de la déclaration du ministre à
l'ouverture des travaux de cette commission mardi. Nous comprenons que des
modifications devront être faites pour traduire les propos du ministre
quant aux orientations qu'il a l'intention de proposer au Conseil des ministres
à l'égard de la possibilité pour l'employeur de
gérer la caisse de retraite. Nous ne pouvons que souhaiter que ces
orientations traduisent avec toute la cohérence nécessaire les
volontés exprimées par le ministre.
Nous voudrions aussi souligner que le projet de loi 116 constitue une
pièce législative qui accorde à la Régie des rentes
de très grands pouvoirs. Il n'est probablement pas très
surprenant de constater qu'il en est ainsi, compte tenu de l'importance du
projet et compte tenu aussi des jugements qui ont été rendus au
cours des dernières années et qui ont allègrement
élagué dans les pouvoirs que la Régie croyait avoir.
Quoi qu'il en soit, nous souhaitons que ces pouvoirs, lorsque
donnés à la Régie, soient des pouvoirs en grande partie
discrétionnaires qui seront utilisés avec la plus grande
transparence possible. On a constaté que la Régie avait, dans le
projet de loi, le pouvoir d'adopter des instructions générales
présumément pour indiquer à tous les
intéressés comment elle entendait exercer la discrétion
que la loi lui accorde. Nous désirons toutefois apporter à votre
attention qu'on retrouve dans le projet de loi 95, qui a été
sanctionné par l'Assemblée nationale en décembre dernier,
un des premiers exemples de ces nouveaux pouvoirs accordés à la
Régie. Nous n'avons toujours pas d'indication de la part de la
Régie quant à la manière selon laquelle elle entend
exercer la discrétion que ce projet de loi lui accorde, notamment
à l'égard des rapports terminaux ou encore, à
l'égard de certaines modifications présentées devant elle.
Je pense qu'il va être important, le Barreau le souhaite à tout le
moins, que la Régie fasse connaître le plus à l'avance
possible la manière selon laquelle elle entend utiliser sa
discrétion, de manière à éviter pour tous les
intéressés qu'on se retrouve devant une situation où les
dispositions de la loi seraient appliquées sur une base de cas par
cas.
En dernier lieu, j'aimerais aborder un élément qui n'est
pas abordé comme tel dans le mémoire du Barreau et qui concerne
les droits économiques des conjoints. Le Barreau a déjà
fait ses représentations à la commission parlementaire l'automne
dernier lorsque le projet gouvernemental sur les droits économiques des
conjoints avait été proposé. À ce moment-là,
le Barreau avait souligné son accord sur le partage obligatoire des
régimes de rentes ou des participations dans les régimes de
rentes entre les conjoints au moment du divorce. À l'occasion du projet
de loi 116, le Barreau aimerait réitérer son appui à cette
mesure et le souhait qu'il a que le projet de loi 116 reconnaisse à tout
le moins la possibilité sur une base volontaire pour les conjoints de
convenir entre eux de partager les prestations de l'un et de l'autre dans leur
régime complémentaire de retraite respectif et que
l'administrateur du régime puisse donner suite à une telle
entente.
M. le Président, c'est donc en ces quelques mots que nous avons
voulu attirer l'attention de cette commission sur les principaux
éléments de notre mémoire. Nous n'avons pas voulu en faire
lecture. Nous présumons que tout le monde en a pris connaissance. Nous
sommes disposés à répondre à vos questions selon le
cas. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie M.
Benoit. Je cède la parole à M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, c'est toujours avec
intérêt que nous prenons connaissance des points de vue
exprimés par le Barreau du Québec, que ce soit pour les projets
de loi 116, 95 ou 37. Toujours, nous lisons avec intérêt les
commentaires du Barreau. L'expérience prouve que nous en tenons compte.
Ici, nous constatons que, d'une façon générale, le Barreau
souscrit à l'objectif qui est d'apporter une meilleure protection des
droits des participants. Il signale ses craintes à l'égard de
certaines dispositions qui décourageraient l'établissement et le
maintien de régimes de retraite en raison des coûts
engendrés.
Vous suggérez des assouplissements et un effort pour tenter de
s'harmoniser avec l'Ontario et les autres provinces canadiennes. Vous avez
traité de certains sujets particuliers. Peut-être aimerais-je
regarder certains des points que vous avez soulevés. Nous avons
déjà fait une analyse de votre mémoire et,
déjà, nous sommes en train de regarder la possibilité de
modifier un certain nombre d'articles du projet de loi pour tenir compte des
points de vue exprimés par vous, par le Barreau et par d'autres
participants, d'ailleurs d'autres groupes invités.
Exemple, les droits minima, l'adhésion. Vous soulignez que la
période devrait être de deux années civiles,
précédant immédiatement la demande d'adhésion. Nous
sommes en train de voir dans quelle mesure on peut se rendre à cette
demande. Vous soulignez également la question de l'extinction des droits
lors du divorce, extinction du droit à la rente de conjoint survivant,
en prétendant que ça ne devrait pas exister dans le projet de loi
et que ça encouragerait, d'une certaine façon, le divorce.
Tout le dossier du partage des droits en cas de divorce ou du non
partage, ou de la subsistance des droits, quels qu'ils soient, soit des droits
à la rente ou des droits du patrimoine familial fait l'objet d'une
étude approfondie par les temps qui courent au gouvernement dans un
dossier qu'on appelle le dossier des droits économiques des conjoints.
Donc, ce n'est pas dans ce projet de loi 116 qu'on trouvera la réponse
à cette question. Je pense qu'on peut espérer qu'assez
bientôt le gouvernement fera connaître sa position dans ce
dossier.
À l'article 156, vous traitez du registre des
intérêts en demandant de les qualifier d'intérêts
importants. Je peux indiquer qu'un ajustement sera fait à cet
égard.
La gestion de la caisse. Vous avez pris note de la déclaration
que j'ai faite suivant laquelle nous permettrons la gestion de la caisse par
l'employeur, selon certaines conditions.
La discrétion de la Régie. Les pouvoirs accordés
à la Régie. Vous avez souligné, qu'effectivement, au cours
des dernières années, lors de jugements qui ont été
rendus, un certain blâme ou des reproches avaient pu être
adressés par des intervenants à la Régie pour ne pas
être intervenue suffisamment dans le sens de la protection des droits des
participants. La Régie ne l'a pas fait parce que la loi ne lui
permettait pas de le faire. Les tribunaux ont signalé à quelques
reprises d'ailleurs que la Régie avait les mains liées. Certains
ont employé l'expression "regardait passer le train". Mais,
c'était un peu son rôle, en vertu de la loi existante, de regarder
passer le train plutôt que de conduire le wagon de tête.
Alors, nous avons voulu responsabiliser davantage la Régie et lui
permettre d'intervenir dans le sens de la protection des droits des
travailleurs. Je prends note de vos craintes de voir la Régie
peut-être utiliser ces droits avec un peu trop d'enthousiame, et nous
allons certainement nous assurer que la Régie utilise ces droits avec
modération et transparence. D'ailleurs, j'en ai l'assurance absolue du
président, mais nous verrons à ce que ça se fasse. Nous
surveillerons nous-mêmes le train passer.
Nous prendrons en considération vos remarques au sujet des
définitions et de diverses expressions comme les droits, le patrimoine
fiduciaire, ce que c'est que gérer une caisse de retraite, la vie
maritale, etc. Nous sommes en train de regarder cela présentement. La
définition de conjoint, c'est un sujet qui revient à chaque
projet de loi ou à peu près par les temps qui courent. Alors,
j'aimerais préciser que l'expression "vivre maritalement" s'applique
à des conjoints de sexe opposé. Nous allons le préciser
davantage dans les amendements que nous avons l'intention de proposer
éventuellement.
Vous soulignez que la loi 95 est une loi à caractère
exceptionnel. C'est bien le cas et nous en sommes fort conscients. Cette loi a
été proposée et adoptée dans le but de faire face
à une situation d'urgence. Il s'agissait d'une situation qui
s'était développée au cours des derniers mois ou des
dernières années et qui faisait en sorte que certains employeurs,
au dire de certains travailleurs et au dire des observateurs également,
menaçaient de s'envoler avec la caisse, pour employer l'expression
populaire, avec des surplus d'actifs dans des cas particulièrement
problématiques.
Alors, nous sommes intervenus rapidement par une loi d'exception, c'est
bien évident. Nous avons décidé de geler
littéralement tous les excédents d'actifs ou les surplus des
fonds de retraite privés, jusqu'à ce qu'une solution
définitive soit trouvée. La solution n'est pas encore
trouvée. Nous y réfléchissons. Dans les prochains mois,
nous allons consulter, probablement à l'automne, sur les orientations
qu'on devrait prendre au sujet de ces surplus d'actifs, comment permettre de
les utiliser, à qui le permettre et, en ce qui concerne la question des
congés de cotisation, si, oui ou non, on va continuer à les
permettre. Bref, la problématique des surplus sera abordée dans
sa globalité. À ce moment-là, on tirera des conclusions
et, lorsque des décisions auront été prises, on
lèvera le moratoire.
Si jamais on manquait de temps, on n'hésitera pas à
prolonger le moratoire, comme l'Ontario l'a fait. D'ailleurs, l'intention n'est
pas de lever le moratoire avant qu'il y ait une solution définitive de
trouvée à l'égard des surplus d'actifs.
En gros, ce sont les commentaires que je voulais faire à
l'égard de votre mémoire. Je voudrais peut-être vous poser
une question. Tantôt, vous avez traité de l'harmonisation entre la
loi 20 et la loi 116. Est-ce que vous pourriez mentionner quels points
précis de la loi 20 devraient être harmonisés avec la loi
116? Je
n'ai pas tout à fait saisi le sens de vos propos. Le
Président (M. Bélanger): Me Benoit.
M. Benoit: Ce que nous avons mentionné tout à
l'heure à cet égard, c'est la crainte que nous avons que le 1er
janvier 1990, qui est la date prévue pour l'entrée en vigueur de
la loi 116, le projet de loi 20 lui-même ne soit pas proclamé en
vigueur. Les indications que nous avons de la part du ministère de la
Justice, notamment, lorsque le ministre Rémillard est venu au
congrès annuel du Barreau il y a quelque temps, sont en ce sens que le
gouvernement va probablement chercher en même temps à mettre en
vigueur l'ensemble de la réforme qu'il fait ou qu'il cherche à
faire du Code civil, ce qui retarderait d'autant l'entrée en vigueur de
la loi 20.
Dans cette perspective, l'entrée en vigueur de la loi 116 va
obliger les tribunaux et les praticiens à interpréter le chapitre
X de la loi 116 à la lumière du droit général
existant à l'heure actuelle, ce qui, en soi, n'est pas une tâche
impossible, mais certainement pas un résultat que nous souhaiterions
voir durer plus longtemps qu'il ne le faudrait. (11 h 45)
À cet égard, nous souhaiterions que les dispositions du
projet de loi 20 dont j'ai fait mention tout à l'heure soient d'ores et
déjà incorporées dans le projet de loi 116. Il s'agit
d'énoncés de principes assez généraux que contient
la loi 20. À titre d'exemple, l'article 1348 dont j'ai fait état
tout à l'heure indique que l'administrateur doit agir avec prudence,
diligence et compétence, comme le ferait en de pareille circonstance une
personne raisonnable. Il nous semble que, même si la loi 20 n'est pas
proclamée en vigueur le 1er janvier 1990, des principes de cette nature
mériteraient néanmoins d'être incorporés dans la loi
116. C'était dans ce sens-là.
M. Bourbeau: Oui. J'ai bien saisi. Effectivement, la loi 20 ne
sera peut-être pas en vigueur. On ne versera pas des chapitres de la loi
20 dans la loi 116, mais on va certainement introduire dans la loi 116 des
définitions ou des principes qui sont déjà dans la loi 20.
On est à préparer présentement des projets d'amendements
à la loi 116 pour faire en sorte de verser au moins les
éléments les plus importants, du moins ceux qui causent
problème, dans la loi 116. Cela va, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le
ministre. Je cède la parole à Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je souhaite
également la bienvenue à Me Benoit, à Me Deschênes
et à Me Sauvé qui, je pense, sont responsables du comité.
Est-ce bien cela? C'est avec intérêt que nous avons pris
connaissance de votre mémoire, particulièrement des remarques
d'ouverture portant sur le coût et la complexité du régime.
Ce matin, je lisais un bulletin publié par la filiale de Sodercan, une
filiale d'actuaires et de courtiers d'assurances, et distribué à
tous ses clients. Ce bulletin porte sur la réforme
québécoise des pensions et dit ceci - cela me fait un peu penser
à ce que contient votre mémoire: Contrairement au projet de loi
présenté par le gouvernement précédent en
décembre 1985, lequel était relativement facile à lire, le
présent projet est difficile à comprendre. Plusieurs des 315
articles peuvent facilement porter à confusion à la
première lecture. Ce ne sont peut-être pas des avocats qui en
faisaient lecture - en fait, il s'agit d'actuaires et de courtiers d'assurances
- mais finalement cela reprend les propos que Me Dufour - à force de le
voir venir en commission parlementaire - M. Ghislain Dufour, président
du Conseil du patronat, tenait devant la commission mardi matin pour dire que,
dorénavant, en plus des actuaires, les entreprises auraient à
retenir les services d'avocats pour se faire interpréter la loi.
Là-dessus, vous nous dites qu'il faut simplifier. Concernant
cette simplification, j'aimerais vous entendre sur l'aspect des contrats entre
autres. Il y a bien d'autres choses sur lesquelles vous souhaiteriez une
simplification ou une meilleure clarification, mais sur la notion de contrat,
à l'article 6, j'aimerais bien vous entendre.
M. Benoit: La simplification dont on a fait état tout
à l'heure portait essentiellement sur le fait que le projet de loi 116
tel que rédigé, évidemment, si on cherche à
l'appliquer à de petits régimes, va nécessairement poser
des difficultés d'adaptation et même possiblement entraîner
des coûts. Par ailleurs, le projet de loi 116 doit aussi s'adresser - on
en est bien conscients - aux plus gros régimes qui, eux,
véhiculent des réalités complexes, et, à cet
égard, l'encadrement juridique qui est fourni par le projet de loi est
satisfaisant. Ce que nous souhaitons, c'est que les assouplissements
nécessaires pour permettre aux petits régimes de continuer
à vivre sous l'empire de la loi 116 puissent être faits dans le
cadre de mesures réglementaires ou encore par le biais des pratiques
administratives de la régie. Il y a plusieurs mesures qui pourraient
souffrir des assouplissements pour ces petits régimes sans qu'on doive
nécessairement amender la loi.
Mme Harel: Évidemment, vous n'êtes pas le premier
groupe à venir recommander qu'il y ait un assouplissement puisque, comme
l'Association canadienne des compagnies d'assurances le mentionnait hier
à la commisssion, il est possible, et je sais que vous le reprenez dans
votre mémoire aussi que les employeurs soient tentés de
préférer des régimes comme le REER collectif
qui n'est soumis à aucune loi, qui peut être moins
coûteux et plus souple, même si, finalement, cela ne permet pas aux
participants d'encaisser leur épargne, de mettre de côté
une véritable épargne-retraite. À ce sujet, on va prendre
bonne note de vos propos, quand vous dites dans votre mémoire: "Nous
croyons que l'utilisation accrue des REER collectifs aux dépens de
complémentaires de retraite n'est pas souhaitable. En l'absence de
régimes complémentaires de retraite, plusieurs travailleurs
risquent de se retrouver sans ressources au moment de la retraite." Je crois
que c'est l'aspect important de votre mémoire. En d'autres termes, vous
craignez qu'il n'y ait plus de nouveaux régimes si tant est que la
réglementation à l'étude soit tellement complexe et
difficile à maîtriser que l'employeur se tourne vers un autre
véhicule; c'est cela qu'il faut comprendre.
M. Benoit: Essentiellement, oui.
Mme Harel: Sur la question du partage de la rente entre les
conjoints, est-ce que vous êtes d'avis que tout va se conclure dans le
cadre du partage des droits économiques, dans le cadre d'une
décision souhaitable quant à l'inclusion des régimes de
rentes dans le patrimoine familial partageable? Ou bien pensez-vous, comme l'a
souligné à la commission Me Grassby qui est venu accompagner la
Fédération des femmes du Québec, que le ministre doit
aussi amender le projet de loi de manière à permettre le partage
des droits de pension à la source? Doit-il aussi l'amender pour
prévoir des règles de dévolution? Le ministre nous dit que
la décision va être prise et que cela ne concerne pas son projet
de loi. Quelques praticiens du droit nous ont dit que, même s'il n'y
avait pas automatiquement partage des rentes de retraite, même si ce
n'était pas la décision du gouvernement, il faudrait par ailleurs
que le ministre puisse prévoir que les parties puissent en
décider de consentement. Cela suppose donc que, dans le projet de loi
116, à l'article 88, il y ait des modifications. Êtes-vous
également de cet avis?
M. Benoit: Si vous me le permettez, madame, je vais céder
la parole à Me Deschênes, ma collègue, qui a
été particulièrement impliquée pour le Barreau dans
le dossier des droits économiques des conjoints.
Mme Deschênes (Mireille): La représentation que nous
faisons aujourd'hui de permettre le partage sur une base volontaire, c'est
à défaut d'une des dispositions du Code civil qui prévoit
un patrimoine familial élargi par rapport à la composition du
patrimoine qui avait été Initialement décrite dans la
proposition du gouvernement. La première demande du Barreau, c'est que
le patrimoine familial inclue les régimes de retraite, qu'H y ait des
dispositions dans le Code civil à cet effet et que des dispositions
soient incorporées dans la loi qui régit les régimes de
retraite pour permettre que le partage puisse se faire à partir du
régime de retraite lui-même. Ce qu'on sait de cette proposition,
c'est qu'il n'y aurait pas consensus au sein du Conseil des ministres sur
l'orientation qui a été proposée par le ministre de la
Justice et la ministre déléguée à la Condition
féminine. Alors, à défaut d'une décision prochaine
concernant tout le dossier du patrimoine familial, le Barreau souhaiterait
qu'à l'intérieur du projet de loi 116, une disposition permette
qu'un participant puisse céder à son conjoint, à la
rupture du mariage, une partie de ses droits accumulés pendant la
période du mariage. Des dispositions pourraient être
prévues dans la lof 116 sans que le Code civil soit amendé et
sans qu'on attende qu'il y ait consensus au sein du gouvernement sur les
orientations proposées dans le dossier des droits économiques des
conjoints. C'est le cas actuellement pour les employés qui participent
à un régime assujetti à la loi fédérale; une
disposition permet que les membres de ce régime cèdent à
leur conjoint, sur une base volontaire, à la rupture du mariage, leur
droit à la retraite.
Mme Harel: Cela dit, Me Deschênes, est-ce que, justement,
la disposition qui existe dans la loi fédérale, je crois que
c'est l'article 25...
Mme Deschênes: Oui.
Mme Harel: ...qui prévoit que c'est possible simplement si
le droit provincial régissant la répartition des biens le
prévoit?
Mme Deschênes: C'est le principe général du
partage qui est inscrit dans la loi fédérale. Par ailleurs, dans
cet article, il y a un paragraphe qui prévoit que, nonobstant le droit
provincial, le membre d'un régime peut céder a son conjoint ses
prestations accumulées dans un régime de retraite. Alors,
même si le droit de la famille ne contient pas de dispositions qualifiant
le régime de retraite comme un bien familial qui doit être
partagé, nonobstant cet obstacle, le partage peut se faire sur une base
volontaire. Le Barreau réclamerait le même mécanisme
à l'intérieur du projet de loi 116, à défaut d'une
disposition à caractère obligatoire dans le Code civil.
Mme Harel: II faut donc comprendre que, dans le dossier du
partage, tout ne relève pas de la décision qui sera prise en
matière de droits économiques des conjoints...
Mme Deschênes: Exactement.
Mme Harel: ...à l'intérieur du Code civil. Il y a
aussi une responsabilité que le ministre porte sur ses épaules
d'inclure ou de ne pas inclure le consentement des parties, c'est-à-dire
d'inclure la possibilité pour les parties d'y consentir. Est-ce bien
cela?
Mme Deschênes: Oui.
Mme Harel: C'est bien cela. Merci. J'espère que le
ministre en prend bonne note. Lors de l'étude article par article, nous
allons évidemment revenir sur cette question.
Quant à la remarque que vous faites dans votre mémoire sur
le fait que, dans la formulation telle que rédigée, la
définition de conjoint suppose que la personne qui vit maritalement avec
quelqu'un ne soit pas mariée, voudriez-vous préciser davantage
cette question? C'est la première fois qu'on voit cela dans un
mémoire. En définitive, si deux personnes cohabitent
maritalement, il faudrait que les deux aient déjà divorcé
pour pouvoir être reconnues comme conjoints. Est-ce ce qu'il faut
comprendre, si tant est qu'elles ont été mariées
précédemment.
Mme Deschênes: Pour qu'un conjoint de fait se qualifie, il
ne doit pas être marié. Le but de cela est d'établir une
hiérarchie entre conjoints. Par exemple, un employé est
marié et il a un conjoint de fait. Dans un tel cas, le conjoint de fait
ne peut pas recevoir la prestation de décès; cela ira au conjoint
marié. Dans le cas où un employé n'est pas marié et
a un conjoint de fait qui est admissible, que ce conjoint de fait soit
marié ou non, qu'est-ce que cela change au fond? Cela ne prive pas un
autre conjoint d'une prestation. Alors, exiger que l'employé
lui-même ne soit pas marié pour que son conjoint de fait se
qualifie, c'est suffisant pour atteindre l'objectif d'établir une
hiérarchie entre les droits de deux conjoints qui auraient pu
prétendre à la prestation. Mais exiger du conjoint de fait
lui-même de ne pas être marié, cela ne concrétise pas
une hiérarchie, cela ne change rien. On estime que cette exigence est
trop restrictive.
Mme Harel: Par ailleurs, Me Deschênes, si tant est qu'il y
ait déjà une décision qu'il faille souhaiter la plus
rapide possible et qu'elle soit en faveur d'un partage de la rente au moment de
la séparation ou du divorce, l'ex-conjoint aurait déjà
obtenu la partie de la rente pour les années de cohabitation et, s'il y
avait décès, le nouveau conjoint pourrait donc avoir droit
à la fraction qui reste.
Mme Deschênes: Exactement. La prestation au
décès demeurerait payable dans l'éventualité
où, après un partage, un employé aurait un conjoint
subséquent au moment du décès, sauf que la prestation au
décès serait calculée sur la base de ce qui reste à
l'employé une fois qu'un premier partage aurait été fait
en faveur d'un conjoint antérieur.
Mme Harel: Me Benoit, vous avez insisté à deux
reprises sur la nécessaire inclusion de certaines dispositions de la loi
20 qui n'est toujours pas en vigueur, tout ce qui concerne cette question est
étonnant. Depuis le début de la commis- sion, j'ai eu l'occasion
de parler de cette loi 20 qui a été adoptée par le
gouvernement actuel, mais présentée par le gouvernement
précédent.
Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais
à conclure, Mme la députée.
Mme Harel: En donnant l'exemple de cette loi, je voulais
simplement rappeler au ministre que son gouvernement aurait très bien pu
faire de même dans le cadre de la loi 58, ce qui nous aurait permis
d'économiser quatre années pendant lesquelles il ne s'est rien
passé. Cela dit, en ce qui a trait à la loi 20, croyez-vous qu'en
l'absence de telles dispositions, il serait difficile pour les praticiens de
plaider les principes généraux que vous souhaitez voir
introduits? (12 heures)
M. Benoit: Écoutez, à cet égard, tout ce
qu'on peut dire, c'est que le fait que le projet de loi 20 n'entrera pas en
vigueur simultanément avec le projet de loi 116 va certainement poser
des problèmes aux praticiens. Je pense par ailleurs - c'est
peut-être une opinion personnelle - que les problèmes ne seront
pas insurmontables. Ces problèmes gagneraient en simplicité si
les dispositions d'ordre général auxquelles j'ai fait allusion
tout à l'heure étaient incorporées dans le projet de loi
116. Ce n'est pas essentiel, mais cela rendrait certainement meilleur ou plus
parfait, si je puis m'exprimer ainsi, le cadre juridique proposé par le
projet de loi 116.
Mme Harel: Alors, c'est tout le temps, malheureusement, qui est
notre disposition.
Le Président (M. Bélanger): Alors, si vous voulez
remercier nos invités.
Mme Harel: Oui, je vais vous remercier, Mes Sauvé, Benoit
et Deschênes. Malheureusement, nous n'avons pas pu aborder la question du
secteur public, mais je partage avec vous l'interrogation sur les raisons pour
lesquelles le gouvernement s'est exclu, comme employeur, de l'application du
projet de loi que nous étudions présentement. Ce faisant, on ne
permet pas aux employés de l'État de transférer, eux
aussi, leur droit à la retraite dans un régime de retraite
privé, ce qui, évidemment, diminue, atténue la
mobilité qu'il pourrait y avoir pour les employés du secteur
public. Je vous remercie de votre contribution à nos travaux.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, il me reste à
remercier les représentants du Barreau du Québec pour leur
contribution importante. Je peux leur indiquer, dès maintenant, que nous
avons l'intention d'apporter un grand nombre d'amendements au projet de loi tel
qu'il a été présenté. Il est
probable que nous fassions une motion pour réimprimer le projet
de loi, de façon à en faciliter la compréhension. Bref,
nous allons tenir compte du point de vue exprimé par la plupart des
Invités à cette commission, y compris, certainement, les
représentations faites par le Barreau du Québec. Je vous
remercie.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission
des affaires sociales remercie le Barreau du Québec de sa
présentation et invite à la table des témoins
l'Association québécoise de défense des droits des
retraités et préretraités. Cette association sera
représentée par Mme Yvette Brunet et M. André Corneau.
J'inviterais donc Mme Brunet et M. Corneau à se présenter
à la table, s'il vous plaît.
 l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à chacun
et chacune de bien vouloir reprendre place afin que nous continuions nos
travaux, s'il vous plaît. S'il vous plaît! Je demanderais votre
collaboration, que chacun veuille bien prendre sa place pour que nous puissions
commencer nos travaux sans retard.
Sans plus tarder, pour l'Association québécoise de
défense des droits des retraités et préretraités,
il y a un porte-parole, si je comprends bien, Mme Brunet.
Association québécoise de défense
des droits des retraités et préretraités
Mme Brunet (Yvette): Oui.
Le Président (M. Bélanger): J'en profite pour vous
saluer.
Mme Brunet: Merci. Je dois vous dire, avant de commencer, qu'il
devait y avoir une autre personne pour m'accompagner; elle est dans un autobus
qui vient de Montréal et il semble qu'il y a du retard. Il y a
possibilité qu'elle puisse s'ajouter aussitôt qu'elle
arrivera.
Le Président (M. Bélanger): II n'y a aucun
problème, Mme Brunet.
Mme Brunet: Si jamais il arrivait qu'elle soit ici vraiment trop
tard, la directrice de l'association m'accompagne. Alors, est-ce que je
pourrais lui demander de...
Le Président (M. Bélanger): Bien sûr. Mme
Brunet: ...s'asseoir à la table?
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
Faites.
Mme Brunet: Merci beaucoup.
M. le ministre, Mmes et MM. les députés, avant de
présenter aux membres de la commission parlementaire ses remarques et
ses revendications concernant les propositions énoncées dans le
projet de loi 116, l'Association québécoise de défense des
droits des retraités et des préretraités,
communément appelée l'AQDR, tient d'abord à se
présenter elle-même. Ainsi, les distingués membres de la
commission pourront mieux comprendre le sens et l'importance de notre
mémoire.
L'AQDR a été créée en mars 1979 à la
suite d'une démarche de plusieurs années de la part de quelques
centaines de retraités et préretraités qui ont
progressivement pris conscience de la nécessité de se doter d'une
organisation nationale pour défendre les droits des personnes du
troisième âge. À l'occasion de sessions de
préparation à la retraite offertes par l'Université de
Montréal et le collège de Rosemont en 1976, plusieurs centaines
de préretraités participants ont décidé de
créer un regroupement, l'Association des 3R: réagir, revivre,
réussir.
En 1977, en collaboration avec douze autres associations et organismes,
l'Association des 3R rédige le manifeste sur la situation
économique des retraités. Les points essentiels de ce manifeste
indiquent la situation scandaleuse de 63 % des personnes âgées et
personnes seules ayant un revenu inférieur au seuil de pauvreté.
Et, sur ces 63 %, 80 % sont des femmes seules et pauvres.
Les années d'inflation que nous avons connues ont plus durement
frappé les retraités, parce que les prix des denrées de
base ont grimpé plus vite. Cela veut dire, pour nous, de la
misère et des privations malgré les promesses des politiciens,
les études, les rapports d'experts et les enquêtes publiques.
Déjà, à l'époque, nous demandions que l'ensemble
des régimes de retraite publics et privés assurent à tous
les retraités 70 % du salaire industriel moyen. Aussi, nous avions pris
conscience de la situation outrageante faite aux femmes âgées
pénalisées d'une double manière, parce que l'entreprise et
l'État n'ont jamais reconnu la contribution des mères à
l'économie et parce que les conditions de travail faites aux hommes font
que les femmes se retrouvent plus pauvres et plus seules que jamais
après la mort prématurée de leur mari.
En 1978, le comité du premier manifeste a élargi son
action à tout le Québec. Déjà, des groupes sont
réunis pour préparer le deuxième manifeste sur le logement
et les services qui s'appelle, "Vieillir chez soi".
Nous avons dû, par la suite, affronter l'empire des compagnies
d'assurances. En effet, en 1981, nous constations que ces compagnies
déduisaient unilatéralement, et, pensions-nous,
illégalement, de leurs prestations le montant des rentes
d'invalidité du Régime de rentes du Québec. Devant
pareille injustice, l'AQDR décidait d'intenter un recours collectif
contre onze compagnies d'assurances et de leur réclamer au
bénéfice des invalides les 108 000 000 $ qu'elles avaient ainsi
retenus depuis 1970.
À la suite de son troisième congrès, l'AQDR grandie
et renforcée lance une vaste opération
de sensibilisation sur la situation des retraités par
l'organisation d'une tournée dans tout le Québec d'une exposition
d'affiches géantes faites par les retraités eux-mêmes,
selon leur vécu.
En même temps que ces grands moments de notre courte histoire,
nous avons poursuivi notre travail d'enracinement dans les milieux populaires
et syndicaux, le développement de nos sections locales et la formation
de nos syndicaux, le développement de nos sections locales et la
formation de nos membres. Ce qui fait qu'aujourd'hui nous avons 40 sections et
plus de 15 000 membres. En mai et juin 1985, à l'occasion du premier
budget Wilson, le gouvernement Mulroney malgré les promesses
électorales du chef décidait de désindexer les pensions.
C'est alors que l'AQDR, grâce à ses convictions et ses
expériences de défense de droit, rassemble toutes les forces
vives du troisième âge contre la trahison du gouvernement
fédéral à l'endroit des personnes âgées.
Après six semaines d'action, David abat finalement Goliath sur la
colline parlementaire à Ottawa en l'accusant de nous avoir menti. Toute
l'Amérique a, par la télévision, été le
témoin solidaire de notre victoire. Ce fut une année
mouvementée pour l'AQDR, car, par la suite, nous nous engagions dans la
lutte pour les préretraités à qui le gouvernement
fédéral voulait couper l'assurance-chômage, pour les
retraités de 1985.
Dans le cadre de la commission Rochon, l'AQDR a présenté
un mémoire sur la santé et les services sociaux et
participé aux consultations, lequel document sert de base aux
revendications de la Coalition québécoise des aînés
pour le soutien à domicile qui regroupe présentement les
organisations des aînés tant du secteur francophone que du secteur
anglophone, ce qui veut dire environ 400 000 retraités. L'an dernier,
lors de la réforme de la politique de sécurité du revenu,
nous avons présenté un mémoire pour défendre la
situation des femmes assistées sociales de 50 à 65 ans.
Si nous tenions à vous présenter cette brève
histoire de l'AQDR, c'est pour faire comprendre que nous nous sentons
pleinement légitimés de parler au nom des retraités et
préretraités, puisque nous sommes là pour défendre
nos droits depuis dix ans et par là améliorer nos conditions de
vie, les transformer, changer la société et aussi changer la
vie.
Avant d'examiner les propositions gouvernementales, nous souhaitons
indiquer un élément fondamental qui se rattache à la
question de la retraite et qui n'est pas actuellement présent dans la
discussion. Nous ne surprendrons personne en disant que les
inégalités sociales et économiques sont
omniprésentes dans notre société. Si quelques-uns y voient
là un fait naturel, d'autres parce qu'ils et elles en souffrent sont de
plus en plus conscients et conscientes que ces inégalités ont des
causes davantage identifiables ou plus certaines. À ces
inégalités sociales se rattache une inégalité pour
le moins fondamentale: l'inégalité devant la mort qui est la
forme d'injustice la plus grave qui puisse sévir parmi les humains. En
1979, le rapport Wilkins portant sur l'espérance de vie par quartier
à Montréal, constatait qu'en ce qui concerne la
probabilité de survie et l'espérance de vie à 65 ans les
inégalités sociales sont frappantes. Les hommes de
Montréal ont en moyenne une probabilité de deux sur trois de
vivre jusqu'à 65 ans. Un résident de la "boucle d'or" -
c'est-à-dire les municipalités de West-mount, Outremont, ville
Mont-Royal, Côte-Saint-Luc, Hampstead, Montréal-Ouest - en a
quatre sur cinq de vivre jusqu'à cet âge, alors qu'un habitant de
la basse-ville - du centre-ville -n'en a qu'une sur deux d'atteindre cet
âge.
Deuxième constatation: une fois franchi l'âge de la
retraite, les hommes ont en moyenne treize ans devant eux. Mais, tandis qu'il
en reste seize aux résidents de la banlieue aisée, il n'en reste
que onze à ceux du bas de la ville. Ces derniers sont donc doublement
perdants. Non seulement y a-t-il moins de probabilité pour eux de se
rendre à 65 ans, mais, de plus, ceux qui atteignent cet âge
vivront cinq ans de moins que les habitants des quartiers favorisés. Les
indices de mortalité expriment de façon concrète les
disparités sociales. (12 il 15)
À notre avis, l'inégalité des citoyens devant la
retraite et la mort reflète bien l'inégalité
antérieure devant la vie. Pour nous, une vraie politique du
vieillissement doit réduire les plus fondamentales
inégalités sur le plan des conditions matérielles de vie
et de travail. C'est seulement à ce prix que l'État pourra
compter diminuer les coûts que représente aujourd'hui l'assistance
aux personnes pauvres et âgées. Ce sont les conditions sociales et
familiales de toute la vie qu'il faut améliorer de manière
à permettre à chacun, homme ou femme, d'accumuler les ressources
pour entrevoir la retraite et la vivre comme une période enrichissante
de sa vie.
Pour l'AQDR, la retraite est un droit conquis par tous les travailleurs,
celui de cesser d'être soumis à l'obligation du travail
après 35 ou 40 ans de labeur et de recevoir ce qu'il faut pour vivre. Au
début de siècle, la retraite était encore
réservée à une minorité de
privilégiés: politiciens, policiers, fonctionnaires et chefs
d'entreprise. Il a fallu que nos parents se battent pour conquérir ce
que tous reconnaissent aujourd'hui comme un droit. À notre tour, nous
devons lutter pour enrichir le droit à la retraite de conditions de
revenus et de santé compatibles avec la richesse que nous avons
participé à produire pendant 40 ou 50 ans de vie de travail. Sans
compter que, pour nos enfants, les producteurs d'aujourd'hui, la
société doit à nos sacrifices le développement
intellectuel et moral qui profite aux entreprises et à l'État. Je
dois vous dire que je constate le plus souvent, parce qu'elles vivent plus
longtemps que les hommes, que ce sont les femmes qui font les plus grands
sacrifices pour faire Instruire leurs enfants afin que ceux-ci, qui sont
aujourd'hui pour la plupart dans la quarantaine, ne vivent pas ce qu'en tant
que personnes, elles ont vécu. Dans cette perspective, étant
donné l'état de pauvreté de la grande majorité des
retraités, il nous apparaît que la réforme des pensions
doit être une priorité absolue du gouvernement.
L'appareil actuel de revenu de retraite. Les pensions offertes aux
Canadiens se répartissent comme suit: 53 % des revenus proviennent des
gouvernements, 35 % des économies personnelles et 12 % des assurances.
Cela n'a pas changé depuis de nombreuses années. Le taux de
cotisation au RRQ, actuellement de 3,9 % du traitement annuel, et les
prestations, qui constituent seulement 25 % du revenu de retraite, sont parmi
les moins élevés du monde occidental. Nous devons protéger
le plus possible le Régime de rentes du Québec. C'est la
meilleure chose que nous ayons pour le moment. Nous avons besoin de doubler les
cotisations, de faire participer au régime les femmes au foyer, de
déplafonner les cotisations et de porter les prestations garanties
à 50 % du salaire industriel moyen. Encore là, notre contribution
sera bien inférieure à celle de tout autre pays.
Pour toutes ces raisons, il n'y a plus de temps à perdre. C'est
maintenant qu'il faut agir, d'autant plus que, si le gouvernement n'agit pas,
des dizaines de milliers de nouveaux retraités viendront s'ajouter
chaque année à la majorité des personnes
âgées vivotant dans le dénuement ou la pauvreté.
Or, pour l'AQDR, si les retraités d'aujourd'hui sont en
majorité pauvres, c'est bien parce que les régimes ont
été mal conçus. Ce qui montre bien que la solution pour la
majorité ne peut être celle de l'épargne personnelle, c'est
le fait que la plus grande partie des revenus de placement se retrouvent entre
les mains d'un petit nombre. La majorité des travailleurs du secteur
privé aujourd'hui à la retraite n'ont jamais pu participer
à un régime de retraite privé. Même ceux qui en
avaient un ont été pénalisés, parce que celui-ci
n'était pas transférable. La réforme doit en venir
à protéger les revenus des salariés des petites et
moyennes entreprises, et cela, seul un régime public peut le
garantir.
L'AQDR conteste donc la thèse selon laquelle l'actuel appareil de
retraite garantirait aux personnes âgées un revenu minimal
raisonnable, qu'il leur offrirait des possibilités et des
modalités équitables pour préparer leur retraite et qu'il
leur donnerait une chance raisonnable d'éviter un bouleversement grave
de leur niveau de vie à la retraite. C'est même exactement le
contraire dans la réalité: le revenu minimal n'est pas
raisonnable; la préparation financière de la retraite n'est pas
équitable pour tous les Québécois, en particulier pour les
femmes; le bouleversement de notre niveau de vie est grave et nous n'avons pas
une chance raisonnable de l'éviter à la retraite.
M. le ministre, l'Association québécoise de défense
des droits des retraités et préretraités commence avec ce
mémoire la célébration de son dixième anniversaire.
Dix années de revendications, dix années de luttes pour que
soient reconnus et développés les droits des aînés
du Québec: droit à un revenu décent de retraite, droit
à un logement convenable, droit à des services de soutien
à domicile, droit à des soins de santé et à un
hébergement collectif adéquat, droit à des transports
adaptés, bref, droit à une retraite décente à la
mesure de la contribution des aînés à la richesse du pays
par leur travail, par leur famille, par les sacrifices et par les efforts de
toute leur vie.
En tant que présidente de l'AQDR, je ne suis pas venue seule,
mais accompagnée de l'exécutif provincial et de nombreux
délégués des régions de tout le Québec. En
dix ans, l'AQDR, par ses actions, a donné naissance et
développé un réel "pouvoir gris" au Québec. C'est
au nom de ce pouvoir gris que je me présente devant cette commission
parlementaire pour vous présenter nos réactions sur la Loi sur
les régimes complémentaires de retraite dont vous avez enfin
déposé le projet.
On peut d'abord remarquer qu'il vous a fallu du temps, je dirais
beaucoup de temps, pour déposer cette réforme tant attendue et
tant réclamée. Pourquoi avoir attendu si longtemps? Pourquoi
avoir attendu que de nombreux scandales de gestion de ces régimes
attirent l'attention de l'opinion publique et, par ricochet, celle de notre
gouvernement? Pourquoi être resté longtemps sourd aux
revendications et aux cris d'alarme des organisations syndicales et des
associations de retraités et préretraités et aux
priorités fixées par vos propres partis politiques?
Le Président (M. Bélanger): Si vous permettez, Mme
Brunet, je vous inviterais à conclure. Le temps est maintenant
écoulé.
Mme Brunet: Est-ce que j'approche des 20 minutes?
Le Président (M. Bélanger): Vous êtes
à 19 minutes.
Mme Brunet: M'accorderiez-vous cinq minutes de plus?
Le Président (M. Bélanger): Y a-t-il consentement?
Il y a consentement. Donc, cinq minutes.
Mme Brunet: Bien, merci. Attendez un peu, je vais recommencer.
Pourquoi n'avoir déposé ce projet de loi qu'à la fin du
mandat de votre gouvernement au risque de le voir mourir au feuilleton par le
déclenchement de nouvelles élections comme ce fut le cas
déjà en 1985 avec le gouvernement du Parti
québécois? Le souci d'une meilleure sécurité du
revenu des retraités
aurait dû vous inspirer une plus grande rapidité.
Le projet de loi 116 apporte quelques-unes des améliorations que
nous avons demandées depuis 1977: admissibilité élargie
à un plus grand nombre de travailleurs, acquisition et immobilisation de
la rente créditée après deux ans de participation,
cotisation minimale de l'employeur, intérêt minimal sur les
cotisations, meilleures conditions de transférabilité,
information plus adéquate des participants, droits du conjoint survivant
à une rente partielle. Toutes ces mesures constituent des progrès
indéniables qui nous démontrent une fois encore qu'en
réclamant nos droits, en faisant entendre collectivement notre voix et
notre détermination, nous finissons par être entendus par les
politiciens et par le gouvernement.
Mais nous vous demandons davantage. Avec les organisations syndicales et
d'autres associations de retraités et retraitées, nous
réclamons des améliorations plus importantes. M. le ministre,
votre projet de loi est incomplet et insuffisant. En venant déposer son
mémoire devant la commission parlementaire, l'AQDR tient à poser
les vraies questions de fond au-delà des considérations
techniques ou de détail.
L'AQDR pose trois questions. La première. À qui appartient
l'épargne accumulée dans les régimes
complémentaires de retraite? Deuxième question. Qui doit
contrôler la gestion de cette épargne accumulée?
Troisième question. Il y a 45 % des travailleurs et 52 % des
travailleuses qui ne peuvent participer à ces régimes
complémentaires. Comment assurer à tous les retraités du
Québec, et en particulier aux femmes, un revenu de retraite
décent?
L'épargne des régimes de retraite est la
propriété des travailleurs. Dans les notes explicatives qui
précèdent le texte de loi lui-même, nous avons pu lire
ceci: "L'objet de ce projet de loi est d'assurer une plus grande protection des
droits acquis par les travailleurs qui participent à un régime
privé de retraite." Le gouvernement reconnaît donc enfin que ces
droits acquis par les travailleurs n'étaient pas suffisamment
protégés et qu'une intervention de l'État est
nécessaire pour assurer la protection des épargnants des
régimes privés, comme l'État le fait pour la loi des
banques, des assurances, des compagnies de fiducie et de crédit.
M. le ministre, nous sommes en droit de poser la question suivante.
D'où vient que le gouvernement ne reconnaisse pas clairement que les
fonds accumulés sont la propriété exclusive des
travailleurs? D'où vient que les députés censés
représenter les intérêts des travailleurs et de leurs
familles ne fassent plus de pressions sur le gouvernement pour le contraindre
à cette reconnaissance? L'argent accumulé dans les régimes
complémentaires de retraite est constitué de salaires
épargnés, de salaires différés et
d'intérêts sur cette épargne. Le texte de loi devrait le
dire clairement et explicitement, obligeant ainsi les employeurs à ne
plus se comporter en propriétaires souvent arrogants de ces fonds, avec
les conséquences désastreuses qu'ont
révélées de nombreux scandales, comme par exemple les
détournements de fonds effectués par la compagnie Singer, la
compagnie Simmons, la compagnie Kik-Cola et bien d'autres
dénoncées par leurs victimes retraitées.
Nous disons que les travailleurs doivent contribuer aux fonds de
retraite et doivent aussi gérer ces fonds. L'approche actuelle de ce
projet constitue une véritable curatelle privée des participants
comme si les cotisants et les bénéficiaires étaient des
incapables majeurs. L'histoire économique du Québec est là
pour nous démontrer que les travailleurs et leurs organisations ont fait
la preuve de leur capacité de gérer leurs épargnes. Qu'on
pense à l'histoire du mouvement Desjardins dont, d'ailleurs,
l'initiative n'est venue ni de la haute finance ni des entreprises. Plus
récemment, qu'on pense à l'expérience de la Mutuelle des
fonctionnaires ou au succès du Fonds de solidarité de la FTQ. En
de multiples occasions, les travailleurs ont démontré qu'ils
savaient gérer leurs épargnes. Si cette capacité leur
avait été reconnue, on aurait, par exemple, évité
la mauvaise gestion et les malversations qui ont tant appauvri les anciens
travailleurs aujourd'hui retraités.
Étant donné que je n'ai pas beaucoup de temps, j'aimerais
ajouter la partie qui regarde la situation des femmes. Comment, enfin, ne pas
évoquer avec force la situation des femmes? Je suis consciente, M. le
ministre, que la majorité des postes ministériels de votre
gouvernement et que la majorité des députés des deux
partis sont des hommes. Je sais par expérience à quel point il
est difficile de faire passer dans leurs décisions concrètes le
souci d'équité et d'égalité réelle entre les
sexes. Et pourtant, M. le ministre, MM. les députés, qui est
pauvre? Les femmes. Qui est parmi les plus pauvres? Les femmes à la
retraite. Cette pauvreté n'est pas due au hasard ni à la
fatalité. Elle a des racines bien précises. Moins
scolarisées car, leur instruction était moins une priorité
que celle de leurs frères, elles se retrouvent dans les postes les moins
bien rémunérés et les moins bien protégés
socialement, dans les petites et moyennes entreprises où les fonds de
retraite privés sont rares, dans le travail à temps partiel
encore moins protégées. Confinées au foyer pour
élever de grosses familles, les femmes âgées d'aujourd'hui
ont accompli le travail de mères et d'édu-catrices non seulement
gratuitement, mais sans pouvoir ni cotiser au Régime de rentes du
Québec ni partager les crédits de rentes privées de leur
mari, crédits considérés par le Code civil comme biens
propres de celui-ci. M. le ministre, cette gratuité et ce non-partage
sont à l'origine de la grande pauvreté d'une majorité de
femmes retraitées.
Comment le Québec serait-il devenu ce qu'il est,
c'est-à-dire une société florissante, un pays de
progrès, sans le travail irremplaçable et
méconnu, sinon méprisé, de toutes ces femmes? La
réforme que vous nous proposez aujourd'hui n'entraînera qu'une
très faible amélioration pour la petite minorité des
femmes qui toucheront la maigre rente de survivantes. Votre projet de loi 116
ne changera strictement rien à la pauvreté de la grande
majorité des femmes âgées. Vous étonnerez-vous donc,
M. le ministre, si ces femmes démunies se retrouvent malades et
Institutionnalisées à des coûts bien plus
élevés, tant sur le plan financier que sur le plan humain?
Là encore la vraie solution passe par une amélioration des
régimes publics contributifs. (12 h 30)
En bonifiant substantiellement le Régime de rentes du
Québec, en y intégrant les femmes au foyer, vous permettriez aux
femmes les plus pauvres de s'assurer des prestations majorées et donc de
vivre une retraite plus décente et sur la base de leurs droits propres
et non de droits dérivés. D'ailleurs, cela avait
été une promesse du ministre Bourassa lors de sa campagne
électorale, d'essayer de rejoindre 300 000 femmes par le Régime
de rentes du Québec, ce qui n'est pas encore fait.
En conclusion, M. le ministre, l'AQDR est heureuse de commencer son
dixième anniversaire en réaffirmant les droits légitimes
de ceux et de celles qui ont bâti ce pays. Nous attendons de ce
gouvernement qu'il proclame clairement que l'épargne-retraite des
travailleurs leur appartient de plein droit et qu'ils doivent être en
mesure d'en contrôler sa gestion. Nous attendons de ce gouvernement qu'il
aille au-delà de ce projet de loi 116 et légifère sans
tarder pour s'attaquer concrètement à la pauvreté
scandaleuse d'une majorité des retraités et de
préretraités du Québec, en particulier celle des
femmes.
D'une colline parlementaire à l'autre, M. le ministre, le pouvoir
gris veille de plus en plus nombreux, de plus en plus organisé, de plus
en plus conscient de ses droits et de plus en plus disposé à les
défendre et à les promouvoir et de plus en plus reconnu, y
compris par les politiciens. Au nom de l'AQDR, je vous remercie, surtout de
m'avoir accordé un peu plus de temps.
Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la
présidente. M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir
d'accueillir les représentantes de l'Association
québécoise de défense des droits des retraités et
préretraités. C'est avec intérêt que nous avons
écouté le plaidoyer éloquent qui nous a été
fait par Mme Brunet, la présidente.
J'aimerais vous dire que nous sommes très sensibles à la
problématique que vous évoquez et aux problèmes de
pauvreté que vivent hélas, trop de gens aînés de
notre société. C'est dans ce sens-là et dans ce
but-là d'ailleurs que nous avons pris certaines initiatives. Le projet
de loi 116 devant nous tente, entre autres choses, d'améliorer la
condition des femmes. Nous avons pris une initiative, dans le projet de loi
116, qui va au-delà de ce qu'ont fait toutes les provinces canadiennes.
Nous avons abaissé le nombre d'heures requis pour participer au
Régime de rentes à 700 heures par année pendant deux ans.
Nous innovons à ce sujet-là parce que le consensus canadien
n'allait pas si loin que ça. Le Québec se singularise à ce
point de vue.
Nous avons également prévu les droits de survie pour le
conjoint survivant - ce qui n'existe pas dans la loi actuelle - la
possibilité de retirer une rente après le décès du
conjoint, une prestation en cas de décès. Bref, ce sont des
mesures qui vont dans le sens de ce que vous indiquez. Je vous signale que je
suis personnellement tout à fait d'accord avec vous. Je travaille depuis
plusieurs mois à la révision de la Loi sur les normes du travail,
une loi qui va certainement être en mesure d'améliorer grandement
la condition des femmes en emploi et j'ai l'intention de déposer ce
projet de loi avant la fin de la session.
Également, nous travaillons présentement au dossier
traitant des droits économiques des conjoints. C'est aussi un dossier
très important en ce qui concerne la condition économique des
femmes. J'espère que nous pourrons bientôt annoncer la position
gouvernementale à ce sujet-là. Bref, autant d'initiatives qui
indiquent que le gouvernement veut et pose des gestes concrets dans le sens de
l'amélioration de la condition de vie des femmes.
Vous avez demandé si le projet de loi 116 va mourir au
feuilleton? Autrement dit, est-ce que le gouvernement a déposé le
projet de loi 116 simplement pour la forme et n'a pas l'intention de le faire
adopter? C'est le sens de la question. Je peux vous dire que nous avons
l'intention absolue de faire approuver ce projet de loi d'ici la fin de la
session. Les travaux que nous menons présentement indiquent
l'intérêt certain du gouvernement à faire adopter le projet
de loi, et, dès que nous aurons terminé les auditions,
c'est-à-dire ce soir même, nous procéderons
immédiatement à la réimpression du projet de loi, si la
commission le recommande, de façon à faire en sorte
d'accélérer les travaux, et, au cours des prochaines semaines,
nous allons procéder aux dernières étapes qui
précèdent l'adoption d'un projet de loi.
Vous avez posé trois questions fondamentales. A qui appartient
l'épargne accumulée dans les régimes
complémentaires de retraite? La réponse est très claire.
L'épargne appartient aux travailleurs, à ceux qui vont
éventuellement bénéficier des rentes. Là-dessus, il
n'y a aucune espèce d'équivoque. Le problème ne se pose
pas à l'égard des montants d'argent qui constituent
l'épargne, mais à l'égard de ce qui est
considéré comme un surplus. C'est là que le
problème se pose.
On sait que les sommes qui sont déposées dans les fonds de
retraite ne proviennent pas exclusivement des travailleurs. Elles
proviennent
des employeurs également et les statistiques, les chiffres
indiquent même que les employeurs investissent plus d'argent dans le
fonds de retraite que les travailleurs. Pour l'année 1987, sur un total
de 3400000000$, 2000000000$ ont été déposés par les
employeurs et 1 400 000 000 $ par les travailleurs. Cela ne veut pas dire que
les employeurs doivent avoir accès à ces fonds. Ce sont des fonds
qui sont mis là pour le bénéfice des travailleurs.
Donc...
Mme Brunet: Est-ce que je peux vous interrompre là-dessus,
M. le ministre?
M. Bourbeau: Mais je ne vous ai pas tellement interrompue tout
à l'heure. Peut-être que vous aurez l'occasion de répondre
après. Je vais seulement terminer un bref survol. Je ne veux pas dire et
je ne dis pas que les fonds appartiennent aux employeurs. Loin de moi, cette
idée. Tout au contraire, j'ai affirmé tantôt que
l'épargne accumulée appartient aux travailleurs. Cependant,
lorsqu'il y a des surplus et s'il y a des surplus, comment les sortir et
à qui doivent-ils appartenir? Cette question est importante et tellement
importante que nous avons estimé qu'on ne peut pas régler cette
question en même temps que l'amélioration de la loi. Nous aurions
risqué, en fait, de tout faire avorter si nous avions grossi le
paquet.
Donc, le gouvernement a décidé de procéder en deux
étapes. Première étape, bonification de la loi, c'est ce
que nous faisons. Et, deuxième étape, au cours de l'automne
prochain, nous allons consulter et prendre des décisions en ce qui
concerne les surplus d'actifs. Mais, entretemps, le gel que nous avons
imposé sur les surplus, le moratoire, va demeurer tant qu'une solution
n'aura pas été trouvée à la question des surplus.
Deuxième question. Qui doit contrôler la gestion de cette
épargne accumulée? La réponse que nous apportons, c'est
une amélioration sensible par rapport au statu quo. Nous pensons que la
gestion doit être commune, qu'il devrait y avoir un comité de
retraite sans pour autant affirmer que ce comité devrait être
paritaire. Nous insistons pour que les travailleurs aient le droit de
participer à l'administration du fonds de retraite, et non seulement les
travailleurs, mais les retraités aussi. La loi prévoit que les
deux groupes auront droit de participer au comité de retraite.
Finalement, dans la troisième question, vous demandez comment
assurer à tous les retraités du Québec et en particulier
aux femmes, un revenu de retraite décent. Je crois que la loi 116 est un
premier pas dans cette direction. Les autres dossiers dont j'ai parlé
tout à l'heure, l'amélioration de la Loi sur les normes du
travail et le dossier sur les droits économiques des conjoints, ce sont
toutes des mesures auxquelles le gouvernement travaille présentement qui
devraient faire l'objet éventuel d'annonces gouvernementales au cours
des prochaines semaines et qui vont faire en sorte d'améliorer la
condition de vie des femmes.
Est-ce qu'il me reste encore un peu de temps, M. le
Président?
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, M. le
ministre.
M. Bourbeau: Très bien.
Mme Harel: Vous pouvez nous en laisser.
M. Bourbeau: Oui, je vais vous en laisser.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée, s'il vous plaît! M. le ministre, la parole vous
appartient.
M. Bourbeau: Je crois qu'il y en a pour tout le monde. Il y en a
pour la députée de Maison-neuve, et il y en a également
pour madame. On va lui donner la parole.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve va lui en laisser tantôt.
M. Bourbeau: J'aimerais vous poser une question et vous pourrez
en profiter pour réagir à ce que je viens de dire. Au sujet de la
gestion de l'administration des fonds de retraite, vous semblez prendre une
position assez ferme en faveur de l'administration exclusive par les
travailleurs. Cela aurait pour effet d'écarter totalement l'employeur de
la gestion des fonds de retraite.
Pourtant, on sait que la constitution des fonds de retraite
privés provient d'une décision qui origine des employeurs. C'est
l'employeur qui décide de mettre sur pied un fonds de retraite et qui
propose aux travailleurs d'y contribuer avec lui.
Ne trouvez-vous pas un peu excessif d'évacuer totalement
l'employeur du fonds de retraite alors que la constitution du fonds de retraite
origine de son initiative? Est-ce que cela n'aurait pas pour effet de
décourager les employeurs de mettre sur pied des fonds de retraite?
Mme Brunet: C'est pour une raison très simple qu'on dit
que ce sont les travailleurs qui doivent gérer le fonds de retraite.
Nous disons, et nous ne sommes pas les seuls à le dire, que la part de
l'employeur dans un fonds de retraite, c'est un salaire différé.
Autrement dit, cela se négocie de la même façon que les
salaires, les vacances, les congés payés, et tout ce que vous
voudrez. À ce moment-là, quand cela fait partie de la
négociation, ce que le patron met dans le fonds de retraite,
l'employé ne l'a pas en salaire. C'est pour cela qu'on appelle cela un
fonds différé. C'est pour cela qu'on dit que les travailleurs
devraient le gérer puisque c'est leur argent.
M. Bourbeau: Pour ce qui est du salaire différé, je
partage votre point de vue, et je l'ai affirmé d'ailleurs à
plusieurs reprises dans mes allocutions publiques. Je repose quand même
ma question. N'avez-vous pas peur qu'en évacuant totalement l'employeur
de l'administration du fonds de retraite, cela ait pour effet qu'il n'y ait
plus de nouveaux fonds de retraite qui vont être créés par
les employeurs?
Mme Brunet: Je vous dirais, M. le ministre, que ce qu'il faudrait
pour des régimes de retraite, c'est que... En fait, quand on a paru en
commission parlementaire en 1983 sur la réforme des pensions qui avait
été amorcée au gouvernement fédéral, nous
disions que les gouvernements devraient obliger tous les employeurs à
former un fonds de retraite pour leurs employés parce que vous vous
retrouvez avec 40 % seulement qui contribuent à un fonds de retraite.
Cela veut dire que, là-dessus, environ 20 % viennent des fonctionnaires
et 20 % de l'entreprise privée. M. le ministre, tant et aussi longtemps
que les gouvernements ne forceront pas les compagnies à avoir des fonds
de retraite pour les employés en reconnaissance du travail qu'ils ont
accompli et de leur santé qu'ils y ont laissée très
souvent, je pense que... Cela fait combien d'années qu'on est à
40 %? Je vous dirais, M. le ministre, que cela fait au moins 30 ou 40 ans.
Quand est-ce que cela va changer? Les employeurs, d'eux-mêmes, pour la
grande majorité, ne veulent pas donner de fonds de retraite à
leurs employés.
M. Bourbeau: II y a quand même un...
Mme Brunet: Je voudrais ajouter quelque chose là-dessus
parce que, tantôt, je voulais intervenir sur quelque chose qui, à
mon sens, est très important. Je sais que le débat ne se fait pas
sur le surplus des caisses de retraite, mais je voudrais vous dire quand
même qu'il y a des compagnies qui, depuis environ sept ans, se servent
des surplus des fonds de retraite pour payer leur part Avez-vous l'intention de
légiférer là-dessus, M. le ministre?
M. Bourbeau: Oui, c'est sûr. D'ailleurs, j'ai
annoncé qu'à l'automne nous allions prendre une décision
relativement aux surplus d'actifs. C'est sur ces sujets-là que vont
justement porter les discussions. Maintenant, une dernière question, M.
le Président...
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. le
ministre.
M. Bourbeau: ...en conclusion. Si on obligeait tous les
employeurs à créer un fonds de retraite, cela veut dire que
même les toutes petites compagnies, les PME qui partent, les petites
compagnies qui sont au départ, devraient, si c'est bon pour toutes les
compagnies, c'est bon pour elles aussi... Ne pensez-vous pas que cela pourrait
faire en sorte de nuire à la possibilité de mettre sur pied de
nouvelles compagnies? On dit que la grande partie - 80 % - des nouveaux emplois
créés au Québec proviennent des toutes petites compagnies,
les compagnies naissantes. C'est là que l'emploi se crée. Ne
serait-il pas un peu difficile d'exiger dès le départ d'une
compagnie qui commence, qui prend des risques un peu, de créer un fonds
de retraite pour des employés qui ne peuvent pas prétendre, comme
vous le dites, qu'ils ont passé des années de labeur puisqu'ils
commencent. Donc, il pourrait y avoir un problème en ce qui concerne les
petites compagnies.
Mme Brunet: En 1983, M. le ministre, on disait: Les petites
compagnies à partir de 300 employés. Et là, on dit encore
la même chose aujourd'hui.
M. Bourbeau: 300 employés? Mme Brunet: Oui.
M. Bourbeau: Ah bon. Cela va, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, c'est
terminé? Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je veux
également vous saluer Mme Brunet de même que l'ensemble des
personnes qui vous accompagnent et qui ont voulu témoigner par leur
présence à vos côtés aujourd'hui que; même si
elles n'y étaient pas comme telles, c'est ensemble que vous nous
présentez ce mémoire. En posant clairement les questions dans
votre mémoire, vous avez fait apparaître encore plus clairement
que jamais, au cours de cette troisième journée de nos travaux,
à quel point le ministre utilise des astuces pour confondre l'opinion
sur des questions de fond. (12 il 45)
Je vous donnerai trois exemples auxquels nous venons d'assister, au
moment même où la discussion a eu lieu entre vous et lui. Premier
exemple. Vous avez posé la question: À qui appartient
l'épargne accumulée dans les régimes
complémentaires de retraite? Vous dites, dans votre mémoire:
L'épargne appartient aux travailleurs, comme quand nous allons porter
notre argent à la caisse ou à la banque, l'institution
financière n'en devient pas la détentrice pour autant, elle est
notre débitrice, elle doit surveiller nos intérêts. Cet
argent, qu'il provienne de la contribution du travailleur ou de la contribution
de l'employeur, c'est un salaire différé auquel on accepte de ne
pas toucher immédiatement. Et on dit à l'employeur de le garder
pour nous pour plus tard, justement, remplacer le revenu qu'on n'aura pas.
Qu'est-ce que le ministre vous a répondu? Exactement ceci: Aux
travailleurs, sans aucune espèce d'équivoque. C'est ce
qu'il vous a dit.
Cependant, comment se fait-il que l'épargne accumulée
appartienne aux travailleurs, mais que le rendement sur les placements de cette
épargne ne leur appartienne plus? C'est ça, finalement, la
question de fond. Là, vous avez dit au ministre: Oui, mais les
congés de contribution patronale. Le ministre vous dit: J'ai l'intention
de légiférer là-dessus à l'automne. Écoutez,
il a légiféré là-dessus dans le projet de loi 95 et
il légiférera d'ici la Saint-Jean puisque c'est son intention.
L'article 137 est clair, le ministre le faisait l'automne dernier, ii l'a
reconduit au printemps, les congés de contribution patronale sont
toujours permis. Les fonds, les surplus se vident présentement, le
moratoire qu'il a imposé sur les surplus ne l'est qu'en cas de
terminaison du régime, lorsque l'entreprise ferme, que le service ferme
ou que c'est fusionné, mais en cours de régime, les employeurs
peuvent toujours utiliser les surplus pour vider les caisses, finalement, et ne
pas payer leurs propres contributions. C'est comme ça et ça
continuera d'être comme ça parce que le ministre a introduit dans
le projet de loi un article qui le permet. Quand il dit qu'il n'a pas encore
d'idée sur les surplus, c'est faux. L'idée sur les surplus, il en
a une parce que les employeurs peuvent l'utiliser pour prendre congé de
leur contribution.
Troisième chose, la gestion. Vous dites: Cela devrait être
une gestion paritaire? Remarquez que même les organisations de
travailleurs le demandent. Le ministre vous dit: Une gestion commune. Cela
porte à confusion. Je comprends qu'il y ait bien des gens qui pensent
que, comme les mots ont un sens, gestion commune, droit de participer, c'est
paritaire. Le projet de loi 58 qui avait été déposé
il y a quatre ans a vieilli, il n'était pas parfait, il faut bien le
dire, mais il contenait une chose fondamentale: le comité de gestion
paritaire. C'est le recul que le ministre a fait par rapport au projet de loi
d'il y a quatre ans. Toutes les personnes concernées vont vous le dire:
Mettez-la paritaire, et le reste, on s'en charge, on se charge des surplus, de
l'indexation. On s'en charge du moment que c'est paritaire. Là aussi, il
y a une sorte d'astuce. La gestion est commune, mais elle n'est pas
paritaire.
La dernière chose qu'il vous a dite concerne les femmes. À
l'écouter, si je ne savais pas ce que je sais, je penserais que les
choses vont bon train et que ça va s'améliorer. Bien sûr,
le droit de partage, les droits économiques des conjoints... Je vous
rappelle que dans la proposition du gouvernement, il n'y a pas le partage des
crédits de rentes, contrairement à ce qui se passe dans les
autres provinces et au fédéral. Je vous rappelle que dans le
projet de loi 116, il y a l'extinction de la rente pour l'ex-conjoint au moment
de ia séparation ou du divorce. Cela, c'est encore un recul par rapport
à il y a quatre ans, par rapport au projet de loi 58.
Je vous rappelle également que si cela a pris tant de temps,
c'est que le ministre qui était responsable du dossier... Je vais vous
lire exactement ce que disait le ministre Paradis, le 12 juin 1986, à
l'Opposition qui le pressait de faire quelque chose dans le dossier des
régimes de retraite: "Je tiens à assurer que la priorité
de l'actuel gouvernement du Québec s'orientera vers
l'égalité des sexes face aux régimes de retraite."
C'était il y a trois ans. "J'insiste, et je le dis très
clairement, l'actuel gouvernement libéral utilisera toute la marge de
manoeuvre disponible en l'investissant non pas dans d'autres avenues qui nous
ont été suggérées par l'Opposition, comme les
questions de transférabilité, mais pour rendre le conjoint ou la
conjointe au foyer admissible au Régime de rentes du Québec,
faisant de l'engagement du chef du Parti libéral du Québec, avant
la fin du présent mandat, une réalité."
Si les mots ont un sens, qu'est-ce que ça donne de parler pour
parler? On n'est pas à l'émission de Jeannette Bertrand ici.
Alors, je reprends votre mémoire quand vous nous dites entre autres que
les travailleurs doivent contrôler ce qui leur appartient et que vous
mentionnez qu'on pense à l'histoire du mouvement Desjardins, à
l'expérience de la Mutuelle des fonctionnaires ou au succès du
Fonds de solidarité. Juste un peu avant vous, la FTQ est venue nous
dire: Après la cessation d'emploi ou s'il y a un travailleur ou une
travailleuse qui quitte son emploi pour un autre, cette partie peut aller dans
un REER bloqué. Cette partie-Jà, mettez-la dans un fonds qui
pourrait être, par exemple, le Fonds de solidarité. Faites en
sorte que ce soit encore là une institution collective qui puisse le
gérer. Je ne sais pas si vous avez entendu leur remarque. Je ne sais pas
si vous étiez des nôtres à ce moment-là.
Mme Brunet: Je ne l'ai pas entendue, mais j'ai lu quelque chose
là-dessus.
Mme Harel: Alors je voudrais avoir votre point de vue
là-dessus.
Mme Brunet: Sur le transfert dans le Fonds de
solidarité?
Mme Harel: Sur les transferts, sur les REER? Le projet de loi
propose la transférabilité mais dans un REER, finalement.
Mme Brunet: Que voulez-vous de mon opinion?
Mme Harel: Est-ce que vous souhaitez, comme un certain nombre de
groupes l'ont fait, et d'autres pas, que, dans la
transférabilité, on prévoie le véhicule dans lequel
le transfert va se faire? Présentement le transfert se fera sans doute
là où ils se font présentement, c'est-à-dire dans
les véhicules privés.
Mme Brunet: Encore une fois, si le trans-
fert c'est pour pénaliser des gens qui auront
économisé dans un REER et qu'Us vont perdre la moitié du
REER, c'est important de le placer dans un endroit où Us ne perdront
rien finalement, parce que j'ai lu quelque chose qui disait que le REER
diminuait pratiquement de moitié à cause du transfert qui se
faisait. Alors, je n'ai vraiment pas plus de détails qu'il faut
là-dessus, je ne peux pas me prononcer. On est beaucoup plus près
de ceux qui n'ont jamais de REER.
Mme Harel: II y a un aspect que vous avez peut-être entendu
ce matin. Un des problèmes auxquels on fait face par ailleurs comme
société, c'est qu'il y a de plus en plus de REER collectifs et de
moins en moins de régimes complémentaires parce que le REER n'est
pas du tout réglementé et que le régime
complémentaire l'est. Il y a même des compagnies d'assurances qui
sont venues dire au ministre: II faut que vous réglementiez le REER
collectif. Il a augmenté de 47 %, tandis que les régimes
n'augmentent pas, il n'y en a presque pas de nouveaux qui s'ajoutent. Je ne
sais pas si vous avez un point de vue.
Mme Brunet: Non, je ne suis pas...
Mme Harel: D'autre part, vous nous dites: II faudrait pouvoir
profiter plutôt de la participation à un régime. Vous
insistez dans votre mémoire. J'aimerais peut-être vous entendre
là-dessus. Surtout, dites-vous, à l'égard des femmes qui
ne travaillent pas nécessairement les deux années
consécutives continues qui sont obligatoires.
Mme Brunet: C'est ça. Pour nous, c'est une grande
question, toujours en rapport avec la pauvreté. Encore dans La
Presse, en fin de semaine, on parlait des familles monoparentales.
À 70 % ce sont des femmes qui sont monoparentales, et souvent, ces
femmes-là ont un travail à temps partiel et ne contribuent pas au
Régime de rentes du Québec. Je pense que des personnes qui feront
700 heures pendant deux années consécutives pourront contribuer,
mais pour le moment, elles ne contribuent pas. À ce moment-là, on
pense qu'il faudrait que ce soit un régime public pour que tout le monde
contribue.
Comme je le disais tantôt, encore aujourd'hui on constate qu'il y
a 40 % dont 20 % sont des fonctionnaires. Quand on dit qu'il y a 20 % qui
contribuent dans l'entreprise privée, cela fait 80 % qui ne contribuent
pas dans l'entreprise privée, parce qu'il n'y a pas de fonds de retraite
et que ceux qui sont les plus riches contribuent à un REER bien
sûr. Mais les autres? Vous allez me répondre: Ils n'ont
qu'à faire de l'épargne. Cela fait dix ans que je me fais dire
ça. Mais épargner veut dire qu'U reste des sous à la fin
du mois. Cela n'est pas compliqué, c'est ce que ça veut dire.
Alors, pour investir dans un REER, U faut déjà avoir un
bon revenu. Des gens qui élèvent des enfants toute leur vie, on
sait ce que ça coûte et on sait qu'aujourd'hui, pour arriver
à avoir quelque chose, les deux doivent travailler. Alors, cela veut
dire qu'encore aujourd'hui, il y en a beaucoup qui ne réussissent pas
parce qu'ils ne contribuent pas à un fonds dans leur entreprise et
qu'ils ne réussissent pas à prendre des REER. À ce
moment-là, c'est encore la même injustice pour ces gens-là
de se retrouver à la retraite avec des revenus très bas.
Si je vous disais que les personnes seules, beaucoup de femmes, ont un
revenu, avec la pension de vieillesse et le supplément de revenu
garanti, et la petite rente qu'elles reçoivent pour les personnes qui
ont travaillé à faibles salaires maximum de 9000 $ par
année. Là-dessus, quand elles font leur rapport d'impôt,
très souvent l'impôt se monte à environ 700 $. Je connais
des compagnies et des hommes d'affaires qui réussissent à faire
des rapports d'impôt avec tellement d'abris fiscaux qu'en fin de compte,
ils ne paient pas un sou.
C'est tout cela qu'on voudrait que vous regardiez, M. le ministre, il y
a des choses à faire. Si vous n'arrivez pas à faire contribuer
d'une façon adéquate les femmes au RRQ, les femmes qui sont
à la maison, d'une façon qui n'appauvrira pas le mari... Parce
que cela aussi, c'est une chose: si on prend sa rente et qu'on la divise en
deux, cela fera deux pauvres plutôt qu'un. Mais il peut y avoir des
crédits d'impôt. On constate présentement qu'on demande
beaucoup aux femmes de faire du bénévolat, on demande des femmes
pour faire, ce qu'on appelle nous, le soutien à domicile. Quand on sort
les personnes des hôpitaux au bout de quatre jours, qui les
récupère à la maison? Ce sont les femmes. Ces
femmes-là ne sont jamais payées; il n'y a pas de service de
garde. Je n'embarquerai pas là-dedans, parce qu'on est dans une
coalition, mais j'en aurais très long à vous dire. C'est pour
vous démontrer jusqu'à quel point cette pauvreté... Vous
ne me l'avez pas dit, mais il y en a qui nous disent: Oui, mais la situation
des femmes aura changé dans 20 ans. Ce n'est pas vrai. Je viens de vous
dire que 70 % des familles monoparentales sont des femmes et 70 % vont rester
pauvres toute leur vie. Il y a des documents là-dessus. Vous n'avez
qu'à consulter ce que le Conseil de la santé et du
bien-être a fait à Ottawa. L'image de la femme dans dix ans d'ici
sera celle d'une femme pauvre à partir de 35 ans, et je n'invente rien.
Je dis ce que je lis. Ce sont des études qui ont été
faites, ce sont des statistiques qui sont faites et c'est la
réalité, malheureusement.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion.
Mme Harel: En conclusion. Le président me fait part que
mon temps est terminé. Je suis contente que vous l'ayez utilisé,
Mme Brunet. La Fédération des femmes du Québec est venue
nous dire que, en moyenne, les femmes, au Québec,
travaillaient 1,9 année, c'est-à-dire moins des deux
années réglementaires pour simplement pouvoir cotiser au
régime, non pas pour pouvoir acquérir le droit de retirer la part
de l'employeur parce que cela prend quatre ans, mais seulement pour pouvoir
cotiser, elles travaillent moins que la 1,9 année nécessaire et,
finalement, au premier rang des motifs invoqués, lorsqu'elles sont
interrogées, c'est la naissance d'un enfant qui les amène
à avoir une carrière, comme on le sait, en dents de scie, avec un
retour sur le marché de l'emploi, un retour à la maison, etc. Je
veux vous remercier pour votre contribution et souligner la solidarité
dont vous faites part, que vous manifestez par votre présence
aujourd'hui. Merci.
Mme Brunet: Je conclurais... Une toute petite minute...
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
Mme Brunet: ...pour dire à M. le ministre qu'un article a
paru dans La Presse de samedi - vous allez me dire que je lis beaucoup,
mais c'est important de lire de ce temps-ci - sur le surplus des retraites de
l'avocat, M. RK/est. Si vous ne l'avez pas lu, je vous encourage fortement
à le lire. On dit tout ce qui arrive avec les surplus de retraite, et,
malheureusement, j'aurais beaucoup aimé en parler, mais vous devez faire
une consultation et j'espère que vous ne perdrez pas la mémoire
d'ici ce temps-là pour que cette consultation ait lieu. Merci, M. le
ministre.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
Non, non, s'il vous plaît. Je regrette, aucune manifestation de
quelque nature que ce soit ne peut être acceptée en commission. Je
regrette infiniment. Je comprends votre enthousiasme mais, malheureusement, ce
n'est absolument pas permis, s'il vous plaît.
M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, en conclusion, je dois
déplorer le manque d'objectivité de la députée de
Maisonneuve et l'excès de démagogie auquel elle s'est
livrée tout à l'heure relativement aux actions du
gouvernement...
Mme Harel: Vous êtes censé remercier nos
invités, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée! Mme la députée!
Mme Harel: J'invoque la pertinence.
M. Bourbeau: C'est probablement parce que...
Le Président (M. Bélanger): Non, non. La parole
appartient au ministre, vous avez utilisé votre temps à votre
escient, comme vous l'avez voulu, maintenant on écoute M. le ministre
et... M. Bourbeau: II me semble que c'est...
Le Président (M. Bélanger): ...on respecte son
temps de parole.
Mme Harel: M. le Président, la parole appartient au
ministre pour remercier nos invités.
Le Président (M. Bélanger): La parole appartient
à M. le ministre, madame, si vous voulez...
Mme Harel: ...remercier nos invités.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous
plaît.
M. Bourbeau: Oui, c'est ce que je suis en train de faire.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre peut
procéder comme il le veut, c'est son temps, il lui appartient.
M. Bourbeau: M. le Président, il semble que le ton a
changé depuis que la caméra de télévision est
arrivée dans la salle. Ce que je peux dire, c'est que le gouvernement
n'a pas de leçon de morale à recevoir du Parti
québécois qui a été là pendant neuf ans et
qui n'a rien fait, sinon déposer, la veille de la fin de la
dernière session avant les élections, un projet de loi
inadéquat qui ne réglait pas les principaux problèmes.
Ce que je peux vous dire, c'est que nous avons l'intention de faire
adopter le projet de loi qui est devant nous. On est rendus à une
étape assez avancée, et je peux vous donner la garantie
qu'à moins que le Parti québécois ne fasse une obstruction
systématique, nous avons l'intention de faire adopter ce projet de loi
avec les améliorations importantes qu'il contient.
Maintenant, si nous n'avons pas...
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. le
ministre.
M. Bourbeau: Pour ce qui est des surplus - je conclus
là-dessus - je peux vous assurer, comme je vous l'ai dit tout à
l'heure, que nous allons consulter, à l'automne, sur cette question, la
disposition des surplus, la question des congés de cotisation. Si nous
avons laissé ça dans la loi, c'est parce que c'était le
statu quo, nous ne voulions pas prendre une décision
anticipée.
Je vous remercie, madame et les gens qui vous accompagnent, pour votre
contribution importante au débat. Je peux vous assurer que nous allons
tenir compte de vos représentations, et nous comptons que vous serez
là, à l'automne, pour la consultation sur les surplus. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Bien. La
commission des affaires sociales remercie l'Association
québécoise de défense des droits des retraités et
préretraités et suspend ses travaux jusqu'après la
période de questions, soit à 15 heures. Merci.
(Suspension de la séance à 13 h 2)
(Reprise à 15 h 42)
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, si vous le
permettez, la commission des affaires sociales reprend ses travaux pour
procéder à des auditions publiques.
Nous recevons présentement à la table des témoins
le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction
(International), c'est bien cela?
Une voix: C'est ça.
Le Président (M. Bélanger): II est
représenté par M. Maurice Pouliot, Mme Francine Legault et M.
Paul Lapointe. Enfin, vous présenterez votre équipe, vous
connaissez nos règles de procédure, vous avez 20 minutes fermes
pour la présentation de votre mémoire ou de l'exposé qui
en tient lieu et il y a une période d'échange de points de vue
avec les parlementaires. Je vous prierais aussi, chaque fois que vous avez une
intervention à faire, de bien vouloir vous identifier, ceci, aux fins de
la transcription du Journal des débats, pour faciliter le travail
de nos gens à ce poste. Alors, je vous remercie et vous prierais de bien
vouloir commencer.
Conseil provincial du Québec des métiers
de la construction (International)
M. Pouliot (Maurice): Pour débuter, M. le
Président, je vais vous présenter les personnes qui
m'accompagnent. À ma gauche, M. Jean-Jacques Savage, adjoint au
président-directeur général du Conseil provincial, M. Paul
Lapointe, spécialiste en avantages sociaux. Je suis Maurice Pouliot,
président-directeur général du Conseil provincial de la
construction (International). Il y a aussi Mme Francine Legault, responsable du
dossier des avantages sociaux et attachée de presse du Conseil
provincial, et M. Yvan Bertrand, secrétaire archiviste du Conseil
provincial.
M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu, Mmes et MM. les membres de la commission des affaires sociales, le
Conseil provincial du Québec des métiers de la construction
(International) est une organisation syndicale qui représente quelque 45
000 travailleurs et travailleuses de l'industrie de la construction. Notre
représentativité s'établit à 32 %, ce qui nous
place au deuxième rang parmi les cinq associations syndicales reconnues
dans la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la
gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. Notre
intervention se limite donc strictement à l'impact qu'aura le projet de
loi 116 sur les régimes complémentaires d'avantages sociaux dans
l'industrie de la construction. Je tiens à le préciser, car, si
les dispositions de ce projet de loi visent à améliorer la
protection des droits acquis par les salariés du Québec qui
participent à des régimes privés de retraite, elles
n'auront pas nécessairement des effets aussi souhaitables auprès
des syndiqués que nous représentons. Nous estimons que ce projet
de loi pénalisera lourdement les travailleurs et travailleuses de notre
industrie. J'irais même plus loin en vous disant que les contraintes
supplémentaires qu'il nous impose emmèneront sans l'ombre d'un
doute une réduction des montants de rente accordés à nos
futurs retraités ainsi qu'une diminution des bénéfices
auxquels ils ont droit. C'est ce message que nous désirons vous
expliquer et vous livrer aujourd'hui.
Le projet de loi 116 a été pensé et écrit
pour des régimes de retraite plus modestes que celui de l'industrie de
la construction. Nous ne remettons absolument pas en cause la
nécessité et l'urgence pour le gouvernement du Québec
d'adopter des mesures strictes afin de protéger les régimes de
retraite des salariés du Québec. Par contre, l'industrie de la
construction s'est déjà dotée d'un ensemble de
règles pour atteindre ce but. À certains égards, nos
normes sont équivalentes, voire même supérieures à
celles proposées par la loi 116. Avec les années, nous avons
bâti un plan qui cherchait à répondre à cet
objectif, ainsi qu'au caractère très spécifique de notre
industrie.
Pour vous situer, les principales différences qui existent entre
notre régime et ceux que nous rencontrons habituellement se
résument à ceci. C'est un régime obligatoire pour tous les
employeurs et les travailleurs et travailleuses. Le rôle de l'employeur
se limite à percevoir les cotisations, à payer sa contribution,
et à transmettre ces deux montants à la Commission de la
construction du Québec. Les droits s'acquièrent dès la
première heure travaillée sur un chantier et augmentent avec les
années de service. Notre régime est administré et
géré par un organisme paritaire, la CCQ. Les modifications au
régime sont également décidées paritairement au
sein de cet organisme. Les dispositions de notre régime sont contenues
à l'intérieur d'un texte réglementaire dûment
adopté par le gouvernement. Les règles qui régissent les
avantages sociaux dans l'industrie de la construction sont
déterminées par notre loi sur les relations du travail. Les fonds
de notre régime sont gérés par la Caisse de
dépôt et placement. Les employeurs qui ne versent pas les
contributions requises peuvent être poursuivis en justice. En cas de
faillite, de cession de biens, de séquestre, d'émission de
chèques sans provision, un fonds de solvabilité financé
par les employeurs se charge de rembourser a la CCQ les sommes reçues.
Les surplus
restent dans le fonds.
J'aimerais également vous citer quelques chiffres, afin de vous
donner une idée de son ampleur. En 1987, le nombre de dossiers actifs de
retraite était de 316 505 travailleurs. Quant au nombre de rentiers, il
s'élevait à 27 975, toujours au cours de la même
année. Le montant des prestations versées en rentes était
de plus de 82 000 000 $, et 12 500 000 $ ont été remis en
prestations de départ ou prestations forfaitaires lors du
décès. Le fonds de retraite de l'industrie de la construction
totalise des actifs de l'ordre de 2 500 000 000 $, et, dans quelques
années, il atteindra les 4 000 000 000 $. Avant de chambarder
complètement nos règles du jeu, il faut en évaluer
l'impact sur un régime aussi important que le nôtre. Des
modifications qui semblent à première vue anodines auront des
répercussions catastrophiques et n'apporteront rien de plus à nos
syndiqués.
À titre d'exemple, l'article 42 du projet de loi 116 exige que
les employeurs remettent à la caisse de retraite dans les quinze jours
de leur perception les cotisations salariales qu'ils prélèvent.
Cette modification mineure en soi, car ils produisent déjà un
rapport mensuel, aurait pour effet de doubler le nombre; de 226 000, nous
passerons à 452 000 rapports produits annuellement. Cela n'apporte rien
de plus aux travailleurs de la construction, si ce n'est d'augmenter les frais
d'administration qui seront prélevés à même leur
argent de retraite.
Imaginez maintenant les impacts qu'auront les changements majeurs
proposés par le projet de loi 116. Ils seront catastrophiques. La
Commission de la construction du Québec a demandé à ses
actuaires-conseils, le groupe Sobeco, d'évaluer les effets du projet de
loi 116 sur les coûts de notre régime. À la suite d'une
analyse préliminaire et sans estimer les frais d'administration et les
coûts de développement qui seront nécessaires pour rendre
notre système informatique capable de se conformer aux normes du projet
de loi, Sobeco estime que les cotisations requises devront être
haussées de 0,205 $ l'heure, ce qui représente en termes de
millions de dollars environ 21 000 000 $ annuellement, ce qui se traduira par
une baisse de 12 % du taux de rente de base. Vous trouverez à l'annexe B
une copie de cette évaluation.
Est-ce vraiment ce résultat que le gouvernement souhaite
atteindre avec le projet de loi 116? Comment pouvons-nous expliquer à
nos syndiqués que cette loi est avantageuse pour eux quand le taux de
rente qu'ils accumuleront pour chaque tranche de 1000 heures travaillées
passera de 390 $ à 348,25 $? Avant d'écrire ce projet de loi, les
rédacteurs auraient eu intérêt à consulter le monde
de l'industrie de la construction. Cette réforme si souhaitable pour les
autres secteurs sera carrément inapplicable dans notre secteur. Dans les
pages qui suivent, c'est ce que nous nous appliquerons à vous
démontrer.
L'assujettissement. L'article 2, alinéa 4°. Le régime
de retraite de la construction est déjà soumis à un
imposant encadrement juridique. Lors des rencontres que nous avons eues avec
les hauts fonctionnaires de la Régie des rentes du Québec, nous
n'avons pas manqué de soulever la difficulté que nous aurions
à vivre ensemble avec notre loi actuelle et celle contenue dans te
projet de loi 116. Cela posera un problème important lorsqu'il s'agira
de déterminer laquelle des deux lois a préséance sur
l'autre.
Il est préférable pour le bien des travailleurs de la
construction de régler immédiatement cette difficulté et
d'indiquer clairement la façon dont ces deux lois devront coexister. Il
faut éviter à tout prix de se perdre dans les dédales
juridiques, alors que la situation actuelle est claire, nette et
précise.
Recommandation n° 1. En conséquence, nous vous demandons de
modifier le projet de loi 116 afin de définir clairement sa juridiction,
par rapport à la Loi sur les relations du travail, la formation
professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la
construction.
L'article 3, le conjoint. Il y a longtemps que l'industrie de la
construction a reconnu le conjoint de fait. Certes, notre définition est
un peu moins large que celle prévue dans le projet de loi, mais nous
n'avons aucune objection à modifier notre définition actuelle au
profit de la vôtre. Cela aura peu d'impact sur notre régime.
Cependant, notre règlement reconnaît les enfants à
charge du salarié comme étant des survivants admissibles lors du
paiement des prestations de décès. Il est dommage que le projet
de loi 116 ne leur accorde aucun statut. Bien entendu, l'article 5 nous permet
d'accorder des dispositions plus avantageuses, mais je suis loin d'être
certain que nous aurons les moyens de maintenir ce bénéfice. Il
est évident que les coûts supplémentaires engendrés
par le projet de loi 116 nous amèneront à examiner les avantages
que nous pourrions enlever afin d'aller chercher les 0,205 $ l'heure qui nous
manqueront
La définition du régime de retraite. Mentionnons à
propos de cet article que notre régime de retraite dans la construction
n'est pas un contrat au sens usuel que l'on donne à ce mot. Il s'agit
plutôt d'un décret gouvernemental qui fixe les avantages sociaux
des travailleurs de la construction. Il nous apparaît important que vous
nous précisiez le statut que vous comptez donner au régime de la
construction. Si notre régime est considéré comme un
simple contrat, cela aurait-il pour effet de nous éviter tout le
processus d'acceptation auquel nous sommes soumis lors d'une modification?
Recommandation n° 2. En conséquence, nous vous recommandons
de modifier la section I du chapitre II du projet de loi 116 afin de
reconnaître le statut particulier du régime en vigueur dans
l'industrie de la construction.
Article 14, description du régime. Si nous avons l'obligation de
nous conformer à cet article, nous devrons lister à
l'intérieur du
règlement les 16 500 employeurs de l'industrie de la
construction. Le seul fait de tenir à jour cette liste entraînera
des dépenses additionnelles qui ne donneront rien de plus aux
travailleurs. Il faut absolument nous soustraire à cette obligation.
Recommandation n° 3. En conséquence, nous vous recommandons
de soustraire le régime de retraite des travailleurs de la construction
aux obligations édictées à la section II, du chapitre II,
du projet de loi 116.
Modification au régime. L'article 19 a pour effet d'ajouter une
étape supplémentaire à notre processus de modification.
Nous ne pouvons faire autrement que de nous opposer fermement à toute
disposition qui alourdira davantage un processus déjà très
lent, nécessitant une multitude d'approbations. Les modifications
apportées au régime complémentaire d'avantages sociaux
sont déjà soumises à la procédure gouvernementale
quant à l'adoption des textes réglementaires et elles sont
décrétées. Avant d'arriver à cette étape
ultime, un long chemin qui nécessite plusieurs mois doit être
parcouru. De vastes consultations sont menées auprès des
salariés, de leurs représentants syndicaux et de l'association
d'employeurs avant de mettre en marche le processus formel de modification. Par
la suite, les comités d'avantages sociaux des associations syndicales se
rencontrent pour identifier leurs besoins. Des ententes Informelles sont
prises. Une position est alors officiellement présentée par les
représentants des associations syndicales siégeant au
comité mixte de la construction (CCQ). Le service des avantages sociaux
de la CCQ est alors appelé à évaluer le régime et
est capable d'assumer ses nouveaux engagements.
Il y a aussi un autre processus qui est celui des actuaires de la CCQ,
le groupe Sobeco, qui doit nous faire des recommandations concernant les
modifications à apporter au régime de retraite des travailleurs
de la construction. À la suite de cette étude, le comité
mixte accepte ou refuse la proposition. S'il l'accepte, le dossier est tournis
au conseil d'administration pour une acceptation finale. Par la suite, les
modifications sont transmises au Conseil des ministres par le ministre du
Travail pour approbation. Enfin, elles s'acheminent vers le processus de
publication à la Gazette officielle du Québec.
Je voudrais à ce moment-ci, M. le ministre, vous mentionner qu'il
y a eu une modification au régime d'avantages sociaux dans la
construction en septembre 1988. Aujourd'hui, après
prépublication, le décret n'est pas encore adopté. Donc,
il y a eu une prépublication de la modification au régime
d'avantages sociaux des travailleurs de la construction. Encore là, le
gouvernement retarde, on ne sait pas pour quelle raison, à publier les
modifications sur les soins dentaires et aussi les modifications au
régime des électriciens dans l'industrie de la construction, ce
qui rend, à toutes fins utiles, le paiement de l'assurance-santé
et salaire des travailleurs ou des travail- leuses de la construction
illégalement... C'est la façon dont on procède
présentement.
Donc, vous comprendrez que ce processus a pour effet d'empêcher
les travailleurs de recevoir dans des délais normaux les
bénéfices auxquels ils ont droit. Il a déjà
été dénoncé à l'unanimité par le
conseil d'administration de l'Office de la construction du Québec.
À la fin de 1986, nous avions demandé au gouvernement de
soustraire la réglementation des avantages sociaux de l'industrie de la
construction à l'obligation des articles 10 et 11 de la Loi sur les
règlements. Vous trouverez à l'annexe G copie de cette
résolution.
Vous comprendrez notre exaspération vis-à-vis de
l'obligation supplémentaire qui nous est imposée par l'article 19
du projet de loi 116. Pour nous, il s'agit d'une disposition inacceptable qui
pénalise lourdement les travailleurs que nous représentons.
Recommandation n° 4. Compte tenu de l'ampleur de notre processus
actuel de modification, nous vous recommandons de soustraire
complètement le régime de retraite de la construction de la
section III du projet de loi 116.
L'enregistrement d'un régime de retraite et de ses modifications.
L'enregistrement du régime des nouveaux employeurs à la
Régie des rentes. L'enregistrement de notre régime et l'envoi de
nos modifications à la Régie sont un détail en soi.
Cependant, cet article devra prévoir des mesures particulières
pour l'industrie de la construction. Il est tout à fait impossible de
fournir à la Régie le consentement par écrit des 16 500
employeurs à rencontrer leurs obligations. On voudrait ajouter qu'en
1988, il y a 4000 nouveaux employeurs qui se sont ajoutés aux 16 000.
Donc, on parle d'une industrie qui est quand même assez complexe. Tout ce
chapitre n'aura comme effet que de bureaucratiser inutilement notre
régime sans apporter aucun avantage supplémentaire.
Recommandation n° 5. Nous recommandons que le régime de
retraite des travailleurs de la construction soit exclu du chapitre III du
projet de loi 116. Par contre, nous n'avons aucune objection à
déposer le texte du règlement sur les régimes
complémentaires d'avantages sociaux dans l'industrie de la
construction.
L'article 34, travailleurs qui exécutent un travail similaire.
D'année en année, le champ d'application de la loi sur les
relations du travail dans l'industrie de la construction voit sa portée
se réduire toujours davantage. Les nombreuses décisions rendues
par le commissaire de la construction, l'augmentation des travaux
réalisés en atelier plutôt qu'à pied d'oeuvre et le
non-assujettissement par le gouvernement de plusieurs travaux font en sorte
qu'il s'est développé un bassin important de travailleurs qui
exécutent des travaux similaires à ceux effectués sur les
chantiers de construction. Le projet de loi 31 qui a été
adopté récemment à l'Assemblée nationale est un
autre exemple frappant à l'effet d'exclure
des travaux de la construction les travaux de rénovation et de
modification. (16 heures)
II est tout à fait impossible d'évaluer avec exactitude
l'impact que pourrait avoir cet article sur le régime de la
construction, mais, d'après les spécialistes consultés et
notre propre expérience, cet article permettrait à un nombre
important de travailleurs de bénéficier des avantages
prévus au régime de la construction. Nous n'avons qu'à
penser à tous ceux et celles qui exécutent, par exemple, des
travaux de maintenance dans les raffineries, les moulins à papier, les
mines; à tous ceux et celles qui construisent en atelier des
systèmes de ventilation, de climatisation, des portes et fenêtres,
des armoires de cuisine, des systèmes de protection-incendie, etc. Il
s'agit là de travaux similaires qui, à l'occasion, sont
exécutés directement sur les chantiers. Cela représente
plusieurs milliers de travailleurs. Nous ne pouvons demander au régime
de retraite de la construction de supporter toutes ces nouvelles
entrées.
Le Président (M. Bélanger): M. Pouliot, je vous
inviterais à conclure, s'il vous plaît.
M. Pouliot: En conclusion, M. le Président. Dans
l'immédiat, nous recommandons que le régime de retraite de
l'industrie de la construction soit exclu des dispositions du projet de loi
116. De plus, nous recommandons la création d'un comité auquel
devront participer des représentants des associations syndicales, de
l'association d'employeurs, du service des avantages sociaux de la Commission
de la construction du Québec et de la Régie des rentes du
Québec, afin d'examiner les moyens que nous pourrions prendre pour que
notre régime de retraite se rapproche des objectifs du projet de loi
116. Ce comité devrait présenter au gouvernement des
recommandations qui tiendront compte du caractère particulier de notre
industrie ainsi que du nombre élevé des participants afin que les
frais d'administration imputés a notre régime demeurent à
un niveau acceptable. Les recommandations de ce comité, si elles sont
acceptées par le gouvernement, pourraient s'inscrire à
l'intérieur d'un chapitre spécial qui pourrait être
ajouté à la Loi sur les régimes complémentaires de
retraite afin de régir spécifiquement le régime de
retraite de la construction. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M.
Pouliot. M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, il me fait extrêmement
plaisir d'accueillir à cette commission les représentants du
Conseil provincial du Québec des métiers de la construction
(International), groupe que j'ai d'ailleurs déjà rencontré
il y a quelques semaines pour discuter du sujet dont on parle
présentement.
Le mémoire très important - c'est peut-être le
mémoire le plus volumineux que nous ayons reçu - dans l'ensemble,
estime que le projet de loi 116 est difficilement applicable au régime
de l'industrie de la construction. On nous demande, dans un premier temps, que
le régime qui existe présentement ne soit pas assujetti à
la Loi sur les régimes complémentaires de retraite. Vous proposez
également la création d'un comité chargé
d'élaborer des dispositions spéciales. Vous spécifiez
même que ce comité pourrait être incorporé en vertu
de dispositions qui seraient incluses dans la loi. C'est un comité qui
couvrirait spécifiquement les particularités de l'industrie de la
construction.
Après étude du dossier, il nous apparaît que vous
avez effectivement raison quand vous prétendez que le projet de loi
serait difficilement applicable ou même carrément inapplicable
dans l'industrie de la construction. Nous en sommes venus à la
même conclusion compte tenu des particularités propres de votre
industrie. Qu'on songe, par exemple, que dans l'industrie de la construction,
il n'y a pas un seul employeur pour un grand nombre de travailleurs, mais un
grand nombre d'employeurs pour un grand nombre de travailleurs et que la
main-d'oeuvre change continuellement d'employeur, donc qu'il y a une
très grande mobilité de la main-d'oeuvre. De plus, cette
main-d'oeuvre se déplace d'une région à l'autre, ce qui
crée une situation totalement différente de ce qu'on voit un peu
partout dans les industries du Québec où les employés
travaillent dans le même lieu pour un même employeur pendant un
grand nombre d'années.
Il est donc évident que votre situation est différente et
que vous avez, dans votre industrie, des caractéristiques qui vous sont
propres et qu'on ne retrouve pas ailleurs. Vous avez d'ailleurs un
régime qui fonctionne très bien depuis de nombreuses
années et qui, bien qu'enregistré à la Régie des
rentes du Québec, émane d'un décret émis en vertu
d'une loi spéciale.
À la suite de la lecture de votre mémoire, après
les discussions que nous avons eues et après les rencontres que vous
avez eues avec les autorités de la Régie des rentes, je peux vous
confirmer que c'est de notre intention d'utiliser l'article 2 du projet de loi
pour faire en sorte de soumettre au gouvernement une demande pour que votre
industrie soit exemptée des effets de la loi dans une très large
mesure. Notre intention ne serait pas de soustraire totalement l'industrie aux
effets de la loi, mais d'identifier dans la loi les chapitres qui seraient
incompatibles avec un système cohérent et un régime qui
doit bien fonctionner.
Je suis d'avis qu'on devrait effectivement former un comité - je
ne crois pas qu'il soit nécessaire de l'indiquer dans la loi - qui
s'assoira avec vous, un groupe de travail qui comprendra des
représentants de votre industrie et des représentants de la
Régie des rentes, afin de déterminer dans quelle mesure le
régime peut être soumis à la loi et dans quelle mesure il
peut
en être exempté. De cette façon, on pourra en
arriver à un compromis qui permettra essentiellement de continuer
à évoluer comme vous le faites présentement tout en
étant enregistré à la Régie des rentes du
Québec, notre intention n'étant certainement pas de créer
des problèmes additionnels dans un régime qui fonctionne
très bien et d'empêcher de tourner en rond un système qui
fonctionne. Je pense que, d'autre part, Il ne serait pas souhaitable d'exclure
totalement le régime d'un enregistrement à la Régie des
rentes du Québec. En gros, c'est ce que je vous propose et si ça
vous convient on pourrait dès maintenant amorcer les discussions
à ce sujet.
M. Pouliot: Évidemment, M. le Président, c'est ce
que le conseil provincial demande. On n'a Jamais pensé que le
gouvernement avait l'intention de tout chambarder le régime de retraite
des travailleurs et travailleuses de l'industrie de la construction. Donc, on a
été un peu surpris d'apprendre que Ie projet de loi 116
s'appliquait au secteur de l'industrie de la construction. L'industrie de la
construction n'a pas une loi spéciale, mais plusieurs lois
spéciales qui régissent les régimes de retraite et a aussi
l'obligation de confier tout l'argent à la Caisse de dépôt
Et ce n'est pas volontaire, c'est une loi qui stipule que l'argent que la CCQ
perçoit doit être transféré à la Caisse de
dépôt qui, effectivement décide des placements selon les
recommandations que formule Ie conseil d'administration de la CCQ. Donc, je
pense qu'on parle de quelque chose de gigantesque et le régime de
retraite des travailleurs de la construction va en augmentant d'année en
année, et c'est l'une des requêtes qu'on a formulées
à l'ex-ministre du travail, à savoir qu'il y ait quelqu'un de la
CCQ au conseil d'administration de la Caisse de dépôt et de
placement. On n'y a aucun représentant et on peut s'interroger sur
certaines choses au sujet du placement de notre argent.
Mais, pour répondre à votre question, évidemment,
c'est ce qu'on vous demande avant de légiférer. Je pense que
c'est le but d'une commission parlementaire de permettre aux gens de s'exprimer
et de se faire entendre.
M. Bourbeau: Effectivement. D'ailleurs, c'est la raison pour
laquelle nous vous avons invités à venir faire vos
représentations. Cela prouve une chose: On est là pour adapter
les lois à la réalité du milieu et non pas pour faire
l'inverse. Et moi Je peux vous assurer que Ie législateur est là
pour améliorer des situations, pour corriger de» problèmes
et non pas pour en créer. Si on a un système qui fonctionne bien
présentement avec ses propres lois, ses propres règlements, qui a
fait la preuve au cours des années en rendant service aux travailleurs,
je ne vois pas pourquoi on viendrait chambarder tout ça. Alors,
l'objectif qu'on recherche est de réparer ce qui doit l'être, de
faire en sorte que des injustices, si tant est qu'il y en a soient
corrigées et non pas d'empêcher un système comme le
vôtre de fonctionner. Donc, si je comprends bien, vous êtes
d'accord avec la proposition de former un comité qui pourrait
siéger dans les prochains jours, déterminer dans quelle mesure on
pourrait soustraire aux effets de la loi le régime qui vous
intéresse.
Et, je suis convaincu que, compte tenu des orientations que je viens
d'Indiquer, on pourra trouver un terrain d'entente assez rapidement.
M. Pouliot: Je veux simplement ajouter, M. le ministre, que vous
pouvez compter sur la collaboration du Conseil provincial international pour
participer à ce comité.
M. Bourbeau: Très bien. Cela va
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
vous saluer, M. Pouliot, ainsi que les personnes du Conseil provincial du
Québec des métiers de la construction qui vous accompagnent J'ai
ou l'occasion de connaître certaines d'entre elles et d'apprécier
leur talent de persuasion. C'est une bonne nouvelle que le ministre nous
apprend cet après-midi. Depuis le début de nos travaux, je dois
vous dire que c'est la seule bonne nouvelle. Il n'était pas trop tard,
remarquez, on va terminer bientôt J'espère que ça servira
d'exemple pour d'autres recommandations qui lui ont été faites
tout au cours de la commission parlementaire.
Comme vous êtes ici et que vous avez une expertise de ce qui se
gère de façon paritaire, puisque votre régime l'est Je
vous en félicite, c'était très Impressionnant la
démonstration que vous avez faite de ce qu'il en coûterait pour
modifier le régime s'il était assujetti à la loi 116.
Votre mémoire est non seulement abondant mais explicite quant aux
coûts. Je pense, entre autres, à la lettre que contient le
mémoire, signée du groupe Sobeco qui évalue à 0,20
$ l'heure la hausse des cotisations ou la baisse du taux de rente qui en
résulteront évidemment et que quelqu'un payera. II est heureux
que le ministre vous offre d'utiliser la disposition prévue à
l'article 2 de la loi qui dit: "Le gouvernement peut aussi, par
règlement et dans les conditions qu'il fixe, soustraire toute
catégorie de régime de retraite à l'application de la
totalité ou d'une partie de la présente loi." Je ne sais pas si
vous avez déjà une idée des dispositions auxquelles votre
industrie devrait être soustraite et si vous voulez nous en parler
maintenant. Sinon, de toute façon, des rencontres auront lieu avec la
Régie. Le règlement devrait être prépublié et
l'Opposition est toujours à
votre disposition si vous avez des représentations à
faire, en souhaitant que le tout puisse se régler à ce
comité qui serait paritaire. Je pense que c'est à peu près
le seul comité paritaire qui va sortir de cette commission
parlementaire, mais peut-être qu'on peut souhaiter que ça serve
d'exemple.
Si vous voulez nous indiquer les dispositions ou les chapitres que vous
considérez comme devant être soustraits de la loi. J'aimerais,
aussi, M. Pouliot, que vous nous parliez vous-même ou les experts qui
sont avec vous, de la gestion paritaire. Qu'est-ce que vous faites au sujet de
l'indexation? Qu'est-ce que vous faites avec les surplus? Êtes-vous
content du taux de rendement des placements de la Caisse de dépôt?
Je sais que, dans votre industrie, dès qu'une personne cotise une heure,
elle peut avoir un remboursement. Alors, j'aimerais aussi que vous nous en
donniez les caractéristiques.
M. Pouliot: M. le Président, je vais répondre
à une ou deux questions. Je pense que le mémoire du Conseil
provincial demande certaines exclusions. Donc, elles sont claires, quant
à nous. Un des sujets concerne la Caisse de dépôt et
placement. Mme la députée nous demande si on est satisfaits du
taux de rendement de la Caisse de dépôt. La réponse du
Conseil provincial est non. On pense que la Caisse de dépôt
devrait avoir un meilleur taux de rendement concernant le placement de nos 2
500 000 000 $. D'ailleurs, on a rencontré récemment les gens de
la Caisse de dépôt et placement du Québec et ceux du groupe
Sobeco. C'est une des raisons pour lesquelles on demande au gouvernement
d'avoir un spécialiste qui siégera au conseil d'administration de
la Caisse de dépôt pour s'assurer du bon placement des sommes
d'argent des travailleurs et des travailleuses qu'on représente. Pour
d'autres sujets, je vais céder la parole à M. Paul Lapointe,
spécialiste des avantages sociaux, et Mme Legault pourra aussi donner
quelques informations additionnelles. (16 il 15)
M. Lapointe (Paul): Je suis représentant syndical. Juste
quelques exemples sur l'impact financier qui devient néfaste au
régime de la construction. Vous avez par exemple à l'article 14,
on dit d'indiquer les noms et adresses des employeurs dans le texte du
régime. Alors vous avez compris le nombre d'employeurs qu'on a à
indiquer. Par la même occasion je pourrais vous dire que, deux fois par
année, les travailleurs reçoivent un relevé de leurs
vacances et, à cette occasion, ont une liste des employeurs et des
heures travaillées, ainsi que de la contribution qu'ils ont payée
pour le régime de retraite. Alors, ils ont déjà les
informations adéquates avec la liste des employeurs.
À l'article 42 on impose l'obligation à l'employeur
d'envoyer deux rapports mensuels. Pour l'employeur, c'est un travail
additionnel qui ne nous semble pas nécessaire. Et, pour les
retraités, soit ceux qui paient des cotisations... Cela oblige la CCQ
à doubler le personnel parce que c'est un double enregistrement mensuel.
Alors, c'est un effectif additionnel très dispendieux. Les modifications
au régime informatique sont également très dispendieuses.
Donc, à ce moment-là, cela ne donne pas d'avantages additionnels
aux travailleurs. Au contraire, cela leur coûte plus cher. Il y a aussi
les intérêts mensuels. Présentement, les
intérêts sont annuels pour nous et tout l'argent va au fonds
général du régime de retraite de l'industrie de la
construction. Cela obligerait à une modification majeure: au lieu
d'avoir un espace pour calculer les intérêts, ça serait, si
vous le voulez, quatre espaces et on doublerait à ce moment-là
les espaces. Au bout de l'année, ça fait des espaces
indéterminables qui coûtent très chers au
département d'informatique, et ainsi de suite. Ce sont des exemples que
je vous donne de ce qui coûterait énormément d'argent et
entraînerait des baisses des prestations de retraite des
travailleurs.
Le Président (M. Bélanger): Mme Legault.
Mme Legault (Francine): Oui, Francine Legault. Pour ce qui est
des aspects plus positifs du projet de loi 116, ce qu'on est prêts
à retenir, et on pense que c'est souhaitable de le faire, c'est tout
l'aspect de la transférabilité des régimes d'un employeur
à l'autre. Dans l'industrie de la construction ce mécanisme est
en vigueur depuis la création, compte tenu des caractéristiques
de l'industrie, comme M. le ministre le soulignait, au début. Par
ailleurs, on pense qu'il s'agit là d'un droit légitime de toutes
les industries et tous les secteurs de l'activité économique du
Québec, de faire suivre les fonds de retraite. Au Conseil provincial, on
est d'accord pour que les gens qui quittent l'industrie de la construction
puissent transférer leur fonds de retraite, par exemple, dans le secteur
des mines, des raffineries, de l'industrie automobile ou peu importe le secteur
où ils décident de poursuivre leur carrière. On pense
qu'il est tout aussi légitime de pouvoir recevoir les fonds de retraite
des gens qui désirent faire carrière dans l'industrie de la
construction. Cet aspect du projet de loi 116 nous apparaît suffisamment
intéressant pour nous empêcher de demander une exclusion totale du
projet de loi. C'est tellement vrai que, dans l'industrie de la construction,
depuis plusieurs années, on signe des ententes de
réciprocité non pas avec des compagnies du Québec mais
avec des locaux américains ou canadiens qui nous permettent de rapatrier
ce que les travailleurs du Québec vont contribuer sur les chantiers
à l'extérieur.
Au cours des cinq dernières années, la Commission de la
construction du Québec a pu rapatrier au-delà de 2 000 000 $.
C'était en fonds. À toutes fins utiles, cet argent dormait dans
des fonds de retraite à l'extérieur de la
province, soit aux États-Unis, soit dans les autres provinces
canadiennes. Pour nous, cet aspect de la transférabilité, de la
réciprocité est extrêmement importante et c'est pour
ça qu'on veut quand même pouvoir bénéficier de
certains aspects du projet de loi 116.
Mme Harel: Évidemment, votre caisse a une politique en
matière d'indexation. Les rentes sont indexées, je pense?
Mme Legault (Francine): Les rentes ne sont pas vraiment
indexées. On n'a pas de formule d'indexation au sens strict, sauf que
les surplus des placements sont redistribués aux travailleurs. Donc, au
cours des 20 dernières années, en redistribuant les surplus, on a
pu arriver à suivre tout au moins l'inflation. Les gens n'en ont pas
plus, mais ils n'en ont pas perdu. La difficulté qu'on a, et M. Pouliot
l'a très bien soulignée, c'est que le Conseil des ministres et
tout le processus d'adoption de nos règlements sont tellement lourds,
tellement longs, qu'au lieu, par exemple, de donner les bénéfices
a nos retraités et à nos préretraités
immédiatement, on est souvent obligés d'attendre des
années complètes et de faire des versements rétroactifs,
alors qu'on préférerait, que, dès que les actuaires de la
CCQ nous ont recommandé de hausser les rentes compte tenu du fait que
tout est décidé paritairement, on puisse le faire
immédiatement. On voudrait que les décisions de la Commission de
la construction du Québec, par la voie de son conseil d'administration
et du comité mixte, soient exécutoires.
Mme Harel: Je ne sais pas, M. le ministre, s'il ne serait pas
souhaitable d'examiner la possibilité, dans le cadre du projet de loi
116, dans les dispositions que l'on retrouve à la fin du projet de loi
concernant les autres lois, de rendre véritablement paritaire le Conseil
de la construction du Québec, en matière de décision quant
à la gestion de sa caisse, et de lui permettre, sans attendre
simplement, comment dit-on, le "rubber stamp"... c'est une mauvaise expression.
Si j'ai bien compris tantôt, il y a plusieurs mois que vous attendez un
décret du Conseil des ministres sur les soins dentaires. Est-ce bien
cela?
M. Pouliot: Oui, c'est ça.
Mme Harel: Je ne blâme pas le ministre, ce doit être
le ministre...
M. Pouliot: Du Travail.
M. Harel: ...du Travail, mais il reste que...
M. Bourbeau: Vous ne me blâmez pas? C'est nouveau.
Mme Harel: J'en ai assez à vous faire. Je suis juste. M.
le ministre vous apprendrez que je suis sévère, mais juste. Mais
il reste que ce serait à ce moment-ci, ça ne revient pas
très souvent, vous savez, l'occasion de faire un peu de ménage
dans des lois sur des affaires qui ont vieilli. Ce serait sans doute l'occasion
maintenant. Vous êtes assez grand, vous l'avez prouvé au Conseil
de la construction, de gérer vous-mêmes sans avoir besoin
d'attendre des décrets qui se font attendre de toute façon.
M. Pouliot: Évidemment, vous avez raison. Je pense que
c'est l'occasion rêvée d'expliquer exactement la situation.
Souvent on veut expliquer le problème des travailleurs de la
construction qui reçoivent leur retraite majorée dans un an ou un
an et demi. Cela ne semble pas déranger beaucoup de
députés; on ne parle pas de leur retraite, mais de celle des
travailleurs et travailleuses de l'industrie de la construction. Quant à
nous, on vous a expliqué le mécanisme:, les actuaires externes de
la CCQ, les actuaires internes de la CCQ nous font des recommandations, le
comité mixte de la CCQ, le conseil d'administration de la CCQ, qui est
nommé par le ministre du Travail, et des représentants du
ministère du Travail qui siègent au conseil d'administration, et
il faut attendre tout le processus, ce que vous appelez le "rubber stamp", il
faut la bénédiction. Souvent, on nous dit que ces décrets
sont perdus dans la machine à saucisses du gouvernement. Imaginez-vous!
Pendant ce temps les gens attendent. Cela ne date pas d'hier. C'était
ainsi avec l'ancien gouvernement et c'est encore comme ça avec le
gouvernement actuel. Donc, le problème est inchangé, en ce qui
nous concerne et les gens ne touchent pas la majoration de leur retraite, et
ça, quant à nous, c'est inacceptable.
Mme Harel: Évidemment, vous comprendrez, M. Pouliot, que
loin de moi l'idée, en aucune façon de vous faire critiquer le
gouvernement actuel. Ha, ha, ha!
M. Pouliot: Ce n'est pas mon intention non plus.
Mme Harel: Je connais vos intentions là-dessus, mais il
reste que ce n'est pas toutes les semaines ou toutes les sessions qu'on revient
sur certaines lois. Quand on manque le bateau, souvent, c'est longtemps
après qu'on peut se reprendre. Le ministre dit qu'il a l'intention de
faire adopter ça avant la Saint-Jean. Alors, on va lui souhaiter une
bonne santé et d'avoir de bons conseillers. L'Opposition a toujours
été constructive. Mais, évidemment, c'est le temps,
ça ne reviendra peut-être pas avant quelques années. Alors,
vaut mieux en profiter. J'en profite pour vous remercier de votre contribution.
Je crois qu'elle va avoir, finalement, un impact positif pour l'ensemble de
l'industrie.
Comme tels, spécifiquement, vous êtes les seuls à
venir devant nous, mais je pense que votre point de vue est partagé par
tous. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie
beaucoup. M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, l'exercice n'aura pas
été inutile. Le Conseil provincial a vraiment, comme on dit, pris
le taureau par les cornes et a décidé de faire valoir son point
de vue, étant donné que les intérêts en cause
étaient très importants. Je pense que, finalement, cela n'aura
pas été inutile, puisque le gouvernement convient de la justesse
des propos tenus par le Conseil provincial. Tout ce qu'il me reste à
dire, c'est que, dans les prochains jours ou les prochaines semaines, on va
déterminer avec le Conseil quelle est la partie de la loi qui est
difficilement applicable, et on va tenter de rédiger un règlement
pour exclure ces parties en vertu de l'article 2 du projet de loi. Il me reste
à remercier les représentants du Conseil provincial, M. Pouliot
et ses adjoints, pour s'être déplacés et être venus
nous faire part de leur point de vue. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Alors, On vous remercie
beaucoup. On remercie le Conseil provincial du Québec des métiers
de la construction (International).
Et nous invitons à la table des témoins l'Association
féminine d'éducation et d'action sociale, communément
appelée l'AFEAS, représentée par Mme Christine Marion et
Mme Michelle Houle Ouellet.
Je demanderais à chacun et à chacune de bien vouloir
reprendre sa place, s'il vous plaît. Nous recevons à la table des
témoins l'Association féminine d'éducation et d'action
sociale, l'AFEAS, représentée par Mme Christine Marion et Mme
Michelle Houle Ouellet.
Bonjour, mesdames. Vous connaissez nos règles de
procédure? S'il vous plaît, je demande qu'il y ait moins de bruit
dans la salle. Merci. Par respect pour nos invités. Selon nos
règles de procédure, vous avez 20 minutes maximum pour la
présentation de votre mémoire. Il y a une période de
discussion avec les parlementaires. Chaque fois que vous avez à prendre
la parole, s'il vous plaît, veuillez vous identifier, pour la
transcription du Journal des débats. S'il vous plaît, il y
a beaucoup de bruit. Sans plus tarder, je vous invite à présenter
vos porte-parole et à nous présenter votre mémoire. Je
vous remercie.
Association féminine d'éducation et
d'action sociale
Mme Marion (Christine): Je suis Christine Marion,
présidente de l'AFEAS; et ma compagne, Mme Michelle Houle Oueliet, est
la rédactrice du mémoire et chargée du plan d'action
à l'AFEAS.
M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu, Mmes et MM. les membres de la commission. Depuis sa fondation en 1966,
l'Association féminine d'éducation et d'action sociale, l'AFEAS,
est fidèle à sa vocation d'améliorer les conditions de vie
des femmes. Elle poursuit sans relâche son action d'éducation et
de sensibilisation et fournit les ressources favorisant l'engagement des
membres. L'AFEAS regroupe actuellement 30 000 membres répartis dans 600
cercles locaux dans toute la province de Québec. Par le programme
d'études mensuelles, l'AFEAS favorise une prise de conscience à
la fois individuelle et collective de ses membres. (16 h 30)
Les prises de position de l'AFEAS sont déterminées par les
membres. Je crois que nous pouvons nous vanter d'avoir une structure hautement
démocratique. Les résolutions doivent d'abord être
adoptées au cercle local avant d'être acheminées au niveau
régional pour étude et être votées à
l'occasion des treize congrès régionaux. Ce processus se
répète au palier provincial et l'assemblée
générale annuelle au mois d'août constitue, en fait,
l'étape décisionnelle. C'est ainsi que, forte de la
volonté de ses membres, l'AFEAS détermine ses positions, les
revendique et les défend auprès des autorités
concernées.
Le dossier des pensions a maintes fois soulevé des discussions
parmi nos membres. C'est compréhensible puisque les enjeux en sont
déterminants pour les femmes. Les membres de notre association l'ont
compris et ont régulièrement pris position en cette
matière au fil des ans. En 1983, la réforme des pensions a permis
de débattre les aspects déterminants de ce dossier. Les
résolutions qui en ont découlé concernent le
fonctionnement des régimes publics ainsi que celui des régimes
privés. C'est donc le point de vue des 30 000 membres de l'AFEAS que
nous présentons aujourd'hui aux membres de la commission parlementaire
portant sur le projet de loi 116, Loi sur les régimes
complémentaires de retraite.
Les régimes complémentaires de rentes font partie des
avantages liés à la rémunération et reposent,
cependant, sur la bonne volonté des employeurs à les offrir
à leurs employés. Actuellement, ils ne jouent pas bien le
rôle qu'on leur a assigné depuis la création du
Régime de rentes du Québec. Ils devraient, en effet, permettre
aux participants et aux participantes en emploi de se constituer, au cours de
leur vie active, une épargne additionnelle à celle
accumulée au sein du régime public afin que ceux-ci puissent
bénéficier à leur retraite d'un remplacement
adéquat de leur revenu antérieur.
En 1980, on estimait à aussi peu que 44 % la proportion des
employés qui contribuaient à ces régimes. Ainsi, plus de
la moitié des travailleurs rémunérés ne sont pas
protégés par un régime de retraite privé et ne
peuvent compter, au moment de la retraite, que sur les régimes
publics et leurs épargnes personnelles. Près de 80 % des
travailleurs et des travailleuses qui bénéficient d'un
régime complémentaire de retraite sont des fonctionnaires
employés par l'un ou l'autre des paliers gouvernementaux ou
paragouvernementaux, fédéral, provincial ou municipal. Dans le
secteur privé, c'est seulement 34 % des travailleurs
rémunérés qui participent à des régimes de
retraite privés. C'est donc dire que deux sur trois ne sont pas
protégés. Et les progrès sont lents dans ce secteur.
Les employés des grandes entreprises ont plus de chances
d'être protégés par un régime de retraite que ceux
des petites entreprises. Dans les entreprises comptant quatorze employés
ou moins, il n'y a que moins de 1 % de l'ensemble des participants de
régimes de retraite privés, tandis que 75 % de l'ensemble
participaient dans les 277 plus importants régimes qu'on trouve dans les
grandes entreprises. Dans les très petites entreprises, celles qui
comptent moins de cinq employés, les travailleurs et les travailleuses
ne sont presque jamais protégés par un régime de retraite.
Et on doit bien constater, malheureusement, que c'est dans ces entreprises
qu'on retrouve le plus de femmes. Bien que les régimes de retraite
privés excluent bon nombre de personnes à tous les niveaux de
revenu, les travailleurs canadiens dont les salaires sont inférieurs
à la moyenne sont les plus durement touchés par l'insuffisance de
protection des régimes. La plupart travaillent dans de petites
entreprises non syndiquées caractérisées par des salaires
peu élevés, des chances de promotion restreintes et, souvent, du
travail saisonnier. Les régimes de retraite privés sont un
élément de l'ensemble des éléments dont sont
privés les petits salariés, ces éléments
étant des salaires, des conditions de travail et des chances
d'avancement adéquats. Il ne faut donc pas penser aux régimes
privés pour apporter la solution au problème de pauvreté
des personnes à la retraite dont le nombre croît sans cesse. Il a
doublé de 1950 à 1975 et il doublera encore d'ici à la fin
du siècle.
La bonification des régimes complémentaires de retraite
demeure malgré tout indispensable. Actuellement, ces régimes
présentent de multiples déficiences. Elles avaient
été bien identifiées dans le document "Les femmes et la
reforme des régimes de retraite, nous ne voulons plus être pauvres
après 65 ans", document réalisé sous la direction d'un
comité d'encadrement auquel participait l'AFEAS.
Le niveau de rentes versées est faible, les rentes sont rarement
indexées au coût de la vie, ces régimes couvrent moins de
50 % des travailleuses et des travailleurs et ils ne paient pas
nécessairement une rente à tous ceux qui y ont participé
à un moment donné ou l'autre de leur vie. En 1979, par exemple,
plus de 50 000 travailleurs et travailleuses ont cessé de participer
à un régime supplémentaire parce qu'ils avaient
quitté leur ancien employeur et qu'ils étaient trop jeunes pour
prendre leur retraite. Parmi ceux-ci, un peu plus de 6 % seulement recevront
effectivement une rente payée par leur ancien employeur lorsqu'ils
seront rendus à l'âge de la retraite. Les autres,
c'est-à-dire un peu plus de 93 %, et non pas 97 % comme il est
marqué dans le mémoire, sont généralement repartis
avec les contributions qu'eux-mêmes avaient mises dans le régime,
mais ils n'auront pas de rentes et ils auront perdu la contribution
patronale.
Les femmes participent moins que les hommes aux régimes de rentes
privés: 50 % des hommes sur le marché du travail
rémunéré participent à des régimes de
retraite privés comparativement à 34 % des femmes seulement.
Cette dernière proportion peut porter à de fausses
interprétations puisqu'elle inclut les femmes qui travaillent dans le
secteur public qui participent toutes à un régime privé.
Donc, il n'y a que 19 % des femmes dans le secteur privé qui sont
protégées par des régimes de retraite privés, ce
qui indique le nombre supérieur à la moyenne de femmes occupant
des emplois dans des entreprises commerciales et des entreprises de services
personnels, dans des petites entreprises de fabrication et dans des usines de
transformation accordant de faibles salaires et offrant peu d'espoir
d'adhérer à des régimes de retraite.
Le projet de loi 116 propose des améliorations importantes
à la loi actuellement en vigueur: droit de participation après
deux années de service, accès élargi aux employés
à temps partiel, transférabilité des crédits au
moment d'un changement d'emploi, rente versée au conjoint survivant,
information aux participants, et le reste.
L'AFEAS se réjouit des progrès qui pourraient s'accomplir
sur ces points mais propose, malgré tout, des améliorations
encore possibles. Nous notons, de plus, des lacunes importantes notamment en
regard du partage des crédits et de l'indexation. Le mémoire
soumis par l'AFEAS présente les recommandations des 30 000 membres de
notre association sous les chapitres suivants: les droits minima en ce qui
concerne l'adhésion, l'acquisition, la retraite anticipée, la
protection décès, la transférabilité, le partage
des crédits de retraite, l'indexation et la discrimination, le chapitre
de l'information aux participants et la gestion des régimes.
Au nom des membres que nous représentons, nous souhaitons
vivement que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
retenu et le gouvernement du Québec tiennent compte de nos
recommandations afin d'adopter une loi équitable pour les femmes, dont
les intérêts nous préoccupent plus particulièrement,
et qui réponde aux attentes des travailleuses et des travailleurs
québécois.
Les régimes de retraite, aussi bien publics que privés,
permettent aux employés de se constituer un revenu de remplacement pour
le
moment où les revenus de travail cesseront. Il faut bien
reconnaître, cependant, que les besoins de liquidité priment
souvent la nécessité d'être prévoyants pour le
futur. L'opportunité de participer à un régime de retraite
offert par l'employeur compense cette tendance et constitue un avantage
lié à l'emploi dont le rôle a une grande valeur.
Dans cette optique, l'AFEAS prône une adhésion obligatoire
de tous les employés travaillant à temps plein ou à temps
partiel. Ainsi, les rentes privées ajoutées aux rentes publiques
garantiront l'autonomie financière des individus, évitant une
plus grande prise en charge par l'État.
L'article 34 permettra, dorénavant, aux travailleuses et
travailleurs à temps partiel l'accès aux rentes privées
après 700 heures de travail pendant deux années
consécutives. Cet effort est louable. Nous croyons que ces
employés, parmi lesquels on retrouve un très grand nombre de
femmes, méritent l'accès aux mêmes avantages que les autres
travailleurs. Le pourcentage des femmes travaillant à temps partiel a
augmenté de façon constante de 1975 à 1983, passant de 20
% à 26 %, donc, une femme sur quatre. Il est indispensable de
reconnaître les mêmes avantages sociaux aux travailleuses et aux
travailleurs à temps partiel afin de ne pas laisser libre cours à
l'exploitation de ce type de personnel. C'est pourquoi il apparaît
indispensable que tous les travailleurs à temps partiel puissent
contribuer au régime de retraite offert par leur employeur et non pas
seulement ceux qui ont pu cumuler 700 heures de travail par année.
Si on se réfère au régime public, c'est dès
son entrée sur le marché du travail qu'un travailleur doit
cotiser. Il apparaît également souhaitable de favoriser une
adhésion plus rapide, soit après une année de service,
plutôt qu'après les deux années préconisées
dans le projet de loi.
Concernant l'adhésion aux régimes complémentaires
de rentes, les 30 000 membres de l'AFEAS préconisent que, lorsqu'un
régime de l'employeur existe, la protection soit obligatoire et mise
à la portée de tous les salariés à temps plein et
à temps partiel se justifiant d'au moins une année de
service.
L'acquisition. De façon générale, la règle
des 45 ans d'âge et dix années de service qui prévaut
actuellement pour avoir droit à une rente fait en sorte que seulement 6
% des personnes ayant participé à un régime de retraite de
leur employeur et qui quittent un emploi dans le secteur privé ont
acquis le droit à une rente de retraite quand elles partent.
Bien sûr, on leur rembourse leurs propres cotisations mais,
généralement, avec un taux d'intérêt beaucoup
inférieur à celui qu'elles auraient pu gagner en plaçant
leur argent ailleurs. De plus, elles n'ont aucun droit à la part de
l'employeur.
Le délai de deux ans proposé pour corriger cette situation
représente une amélioration appréciable sur la situation
qui a présentement cours. Cependant, en tenant du compte du fait que
l'AFEAS préconise l'adhésion après une année de
service, la participante ou le participant à un régime auraient
droit à un service de sa rente après trois ans.
Concernant l'acquisition de la rente, l'AFEAS recommande que le droit
aux prestations de retraite soit acquis après deux années de
service plutôt que les dix ans exigés à l'heure actuelle et
que les travailleuses et les travailleurs aient droit aux prestations
résultant aussi bien des cotisations patronales que des leurs.
La retraite anticipée: Nous agréons au principe qui permet
aux cotisants de prendre une retraite anticipée et qui en fixe le
délai possible à dix années avant l'âge normal de la
retraite.
Que ce soit pour vivre à sa guise, être
libéré du travail quotidien, réaliser ses rêves ou
ménager sa santé après avoir travaillé dans des
conditions insalubres, la retraite anticipée est susceptible de
représenter un attrait certain pour un grand nombre de travailleuses et
de travailleurs.
La rente anticipée, en assurant une certaine
sécurité financière, permet aux personnes qui vivent des
situations de travail difficiles, de s'en dégager. Elle favorise la
libération d'un certain nombre d'emplois, combattant ainsi le
chômage.
Selon des renseignements obtenus de la Régie des rentes du
Québec, il apparaît qu'en 1984, environ 80 % des femmes de 60
à 64 ans inscrites au registre des gains de la Régie, se sont
prévalues de la disposition de rente anticipée. Cet état
de fait nous laisse présager que bon nombre de femmes de moins de 60 ans
souhaiteraient pouvoir appeler la rente de retraite qu'elles se sont
constituée dans un régime complémentaire de retraite.
L'AFEAS est favorable à la rente anticipée et demande
qu'on mette en application le plus tôt possible une politique favorisant
la retraite anticipée pour les personnes désireuses de s'en
prévaloir.
La protection décès. Il faut reconnaître que les
mesures s'appliquant au conjoint survivant, rente à 60 % de la valeur,
représente une amélioration aux régimes d'employeurs qui,
jusqu'à présent, n'offraient aucune ou peu de protection à
cet égard. On estime à aussi peu que 5 % les régimes
privés qui prévoyaient en 1985 un avantage pour le conjoint
survivant. Cette situation ignorait le concept même des rentes qui assure
un remplacement des revenus de travail et représente une
continuité du salaire gagne-pain de la famille.
Le couple constitue une association économique à laquelle
le conjoint et la conjointe sont appelés à contribuer par leurs
services ou par leur apport pécuniaire. Cependant, si le temps de
travail rémunéré est réparti un peu
moins également que par le passé, les femmes continuent
généralement d'apporter une contribution supérieure en
termes de travail domestique et Inférieure en termes de revenus
d'emploi. Malheureusement, on ne peut vraiment pas dire qu'elles en
reçoivent la juste contrepartie économique.
Il est grand temps que les conjointes soient considérées
comme des partenaires à part entière dans le couple et que la
rente du conjoint survivant s'inscrive dans cette optique. C'est pourquoi
l'AFEAS préconise l'établissement d'une rente pour le conjoint
survivant sans qu'il soit possible d'y renoncer.
La sécurité économique des femmes à la
retraite ne doit pas être dépendante du chantage qui pourrait
être exercé à leur endroit de la part du conjoint cotisant
afin qu'elles renoncent à la rente de conjoint survivant. Comme le choix
de la rente de conjoint survivant signifiera une diminution de la rente de
retraite du cotisant, ce fait est suffisant pour inciter à fa
renonciation.
Le projet de loi prévoit une rente de 100 % si le conjoint
décède avant la retraite. L'AFEAS favorise le partage des
crédits de retraite au moment de la retraite. SI on considère les
rentes comme biens familiaux, il nous apparaît logique d'en demander le
partage afin de respecter l'autonomie des individus.
Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous
inviterais à conclure s'y vous plaît.
Mme Marion: Alors, dans l'ensemble, on peut dire que le projet de
loi 116 rejoint plusieurs préoccupations de l'AFEAS, ce qui nous
réjouit, bien évidemment. Cependant, nous pensons qu'il y aurait
place à amélioration en ce qui concerne le partage des
crédits au divorce et à la retraite et nous pensons aussi qu'il y
aurait nécessité d'une indexation des rentes.
Je me permettrai d'ajouter en terminant que, malgré toutes les
améliorations proposées, fort peu de travailleuses et de
travailleurs peuvent se prévaloir des régimes
complémentaires de rentes d'où l'importance, à notre avis,
de voir également à bonifier les régimes publics.
Le Président (M. Bélanger): Madame, nous vous
remercions. M. le ministre.
M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Alors, un travail bien
fait que celui de l'AFEAS qui, dans l'ensemble, selon ce que j'ai pu en lire,
appuie les améliorations apportées par le projet de loi, mais
propose des modifications. Ledit rapport note également l'absence de
dispositions à propos du partage des crédits de rentes et de
l'indexation.
En ce qui concerne cette question justement du partage des
crédits de rentes au divorce ou lors de la cessation du mariage, c'est
un sujet qui n'est pas traité dans le projet de loi mais qu'on veut
traiter ailleurs, dans le Code civil du Québec, par la voie d'un
amendement qui pourra être apporté lorsque le gouvernement
annoncera ses décisions quant au dossier qu'on appelle le dossier des
droits économiques des conjoints. Alors, nous avons pensé qu'il
était préférable de traiter ces sujets par un amendement
au Code civil que par un amendement à la loi 116. Nous verrons ce que le
gouvernement aura à annoncer à ce sujet en temps et lieu. (16 il
45)
Maintenant, je vois la députée de Maison-neuve qui me fait
les gros yeux. Elle ne partage pas mon point de vue, je présume, mais ce
ne serait pas anormal; il est très rare que la députée de
Maisonneuve partage mon point de vue, de toute façon.
Vous parlez des délais pour l'adhésion et
l'acquisition...
Mme Harel: Et j'en suis très fière.
M. Bourbeau: Bon. Alors, pour l'adhésion et l'acquisition.
Vous souhaiteriez qu'on réduise de deux ans à un an la
période pour qu'une personne puisse commencer à adhérer,
c'est-à-dire à cotiser à un régime. C'est un point
de vue qui se défend très bien, qu'on va considérer, qu'on
va regarder attentivement. Disons que, pour l'instant, nous avons
adhéré à ce qu'on appelle le consensus canadien, qui est
de deux ans. L'ensemble des provinces canadiennes et le gouvernement
fédéral ont accepté cette norme qui, bien sûr, est
une amélioration spectaculaire par rapport au statu quo, qui est de dix
ans de travail et de 45 ans d'âge.
Pour ce qui est de l'acquisition, c'est-à-dire le droit à
la rente, vous êtes d'accord, je crois, pour une période de deux
ans de service, de deux ans de cotisation. C'est également l'état
du consensus canadien.
La gestion de la caisse. Vous souhaitez, vous proposez que les
régimes privés soient des budgets protégés et que
la gestion mixte soit favorisée. Vous savez que la caisse, en vertu du
projet de loi, devient ce qu'on appelle un patrimoine fiduciaire; les
gestionnaires, les administrateurs sont considérés comme des
gestionnaires d'un fonds fiduciaire. Et nous prévoyons la
possibilité, si les travailleurs le demandent, qu'un comité de
retraite soit formé qui aura le mandat d'administrer la caisse avec des
pouvoirs de décision, décision quant à la politique de
placement de la caisse. On devra se doter d'une telle politique de placement et
on devra également en confier la gestion soit au comité de
retraite lui-même ou à un gestionnaire qui sera
déterminé par le comité de retraite.
En ce qui concerne la solvabilité, vous représentez qu'en
cas de terminaison du régime, les crédits de rente soient
protégés par une assurance-cessation ou par un appel de
versements prélevés sur les avoirs de la firme ou de la compagnie
et que les régimes déficitaires à la
terminaison du régime aient une haute priorité sur l'actif
des entreprises. En fait, dans le projet de loi, nous introduisons le test de
solvabilité comme une mesure préventive qui va éviter ou
qui devrait éviter que le régime soit déficitaire,
puisqu'on doit régulièrement faire des tests de
solvabilité. Nous Introduisons également le concept du
déficit comme étant une dette de l'employeur, dette qui
constituerait une créance en cas de faillite. Donc, l'employeur devient
responsable du déficit éventuel.
Alors, j'ai parlé tantôt du partage entre les conjoints,
les crédits de retraite. J'ai dit que ça faisait partie du
dossier des droits économiques des conjoints.
Vous parlez de l'indexation. Nous ne traitons pas, dans le projet de loi
116, de l'indexation. Le gouvernement n'a pas encore fait connaître ses
orientations à ce sujet, et on verra, à l'automne prochain, ce
qui en sera.
Bon, je pense que ça couvre à peu près, enfin en
gros, la totalité de ce que vous avez dans votre mémoire. Il
reste la question de l'assemblée annuelle. Plusieurs des intervenants
ont fait des commentaires sur l'opportunité d'obliger l'administrateur
du régime à tenir une assemblée annuelle où il doit
rendre compte de son administration et informer les participants. Je ne sais
pas si vous avez des observations à faire quant à la
nécessité de tenir une telle assemblée.
Mme Marion: Je pense que c'était un point auquel nos
membres tenaient beaucoup. Je ne sais pas quelle partie défendaient les
personnes qui se sont présentées avant nous à la
commission. En tout cas, nos membres étaient très clairs sur ce
sujet, ils tenaient beaucoup à la transparence du régime et
à ce qu'il y ait une gestion mixte, enfin, à toutes les
recommandations qui sont dans le mémoire.
Quant à dire comment ça se ferait et s'il y aurait des
difficultés à agir de cette façon, je ne pense pas que nos
membres se soient penchés sur cette question, mais, à titre de
personnes qui recevront éventuellement les rentes, ce besoin se faisait
sentir, et je pense que c'est ça qui est important.
M. Bourbeau: Un dernier point, M. le Président, si vous me
le permettez, l'administration et la gestion de la caisse. Dans l'état
actuel des choses, il n'y a pas obligation d'avoir un comité de
retraite. Nous introduisons dans la loi la possibilité qu'il y ait un
comité de retraite. Il devrait compter au moins un représentant
des travailleurs et un représentant des retraités si, bien
sûr, ils désirent faire partie de ce comité de retraite. Ce
ne serait pas un comité paritaire, en ce sens que l'employeur pourrait
avoir plus de membres sur le comité que les travailleurs, mais, au
moins, les travailleurs seraient représentés, pourraient
participer aux décisions et être informés sur place de
l'évolution du dossier. Ce comité de retraite devrait se doter
d'une politique de placement et pourrait confier la gestion à un
gestionnaire externe qui pourrait même être l'employeur, toujours
sujet, bien sûr, aux prescriptions de la politique de placement du
comité de retraite. Comment réagissez-vous par rapport à
cette proposition?
Mme Marion: De prime abord, ça semble être dans
l'esprit de ce que nous proposons. Je ne voudrais pas, non plus, approuver
à 100 % sans avoir toutes les modalités, mais M me semble, en
tout cas, que l'esprit rejoint ce que nos membres demandent.
Mme Houle Ouellet (Michelle): Je vais compléter.
Mme Marion: Mme Ouellet.
Mme Houle Ouellet: Sur te comité de retraite, dans
l'ensemble, on était assez favorables. On n'a pas de prise de position
sur la formation du comité de retraite. Qu'il n'y ait pas autant de
représentants des cotisants que des employeurs, mon Dieu, on n'a pas
vraiment de position qui nous permette de dire qu'on n'est pas d'accord sur
ça. C'est quand même un premier pas. Pour nos membres, ce qui est
important de préserver, c'est que les cotisants aient un droit de regard
sur les fonds qui sont dans les caisses de retraite, qu'ils soient au courant
de ce qui se passe et qu'ils aient leur mot à dire, mais qu'ils soient
informés de façon à pouvoir réagir quand il se
passe quelque chose. Dans l'esprit des prises de position de nos membres, c'est
ce qui est important de protéger. On n'est pas allés
jusqu'à dire de quelle façon on doit le faire, mais je pense
qu'on doit viser cet objectif.
M. Bourbeau: Très bien, M. le Président, j'ai
terminé.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je veux souhaiter la
bienvenue, j'allais dire "à nouveau", à Mme Marion,
présidente de l'AFEAS, et à Mme Houle Ouellet, chargée de
recherche à l'AFEAS. Je dis "à nouveau", parce que vous avez
récemment fait connaître votre point de vue dans le cadre de
travaux en commission parlementaire. Vous nous avez habitués à
une présentation de vos recommandations, qui est claire, lisible.
J'avais eu l'occasion de vous le signaler à la commission parlementaire
qui portait sur les droits économiques des conjoints ou peut-être
sur les services de garde, je ne me rappelle plus laquelle. C'est à
nouveau la même façon de faire qui est caractéristique de
l'AFEAS, et qui est pédagogique, dans le fond. Je vous en
félicite.
Dans votre mémoire, J'aimerais revenir sur un certain nombre de
dossiers que vous traitez, notamment celui du partage des crédits de
rentes. Je sais que c'est un dossier qui vous tient à coeur et qu'en
l'absence de la réalisation de la promesse libérale
d'intégrer les femmes au foyer à la Régie des rentes du
Québec, c'est là non pas une correction, puisque, en fait, il
s'agit de conjointes de participants, ou l'inverse, de conjoints de
participantes, et non pas, comme telle, une reconnaissance du rôle du
travail fait au foyer. Cela dit, la réponse que vous a, à
nouveau, donnée le ministre sur cette question m'inquiète
à ce moment-ci. Il l'avait donnée au début de nos travaux,
à savoir que cette question du partage allait se régler ailleurs,
c'est-à-dire qu'il allait y avoir une décision qui allait
être prise, qui devait l'être hier au Conseil des ministres -
enfin, je ne sais pas si elle est reportée - sur la question du partage
et aussi de l'inclusion ou non des rentes privées de retraite dans le
patrimoine familial. Vous vous rappelez que le document gouvernemental
était muet sur cette question contrairement à toutes les autres
provinces et au fédéral. Ce pourquoi ça m'inquiète
à ce moment-ci, à 16 il 55, un jeudi après-midi, deux
heures avant la fin de nos travaux, c'est qu'il s'est fait dire à deux
reprises aujourd'hui, par Me Deschênes qui accompagnait le Barreau, qui
est une experte chez Mercer, et hier par Me Grassby qui accompagnait la
Fédération des femmes du Québec, qui est une experte
praticienne aussi, que ce n'est pas parce qu'il y avait une décision
à prendre ailleurs que le ministre pouvait se laver les mains de la
décision à prendre dans son projet de loi. Comme il se l'est fait
répéter par des spécialistes, pas juste par moi, ce qui
m'inquiète, c'est qu'il vous fasse la même réponse qu'il
avait faite avant qu'il sache que, pourtant, ce n'est pas suffisant.
Dans le projet de loi 116, indépendamment de ce que
décidera le gouvernement sur le partage des droits économiques
des conjoints, s'il dit que la rente s'éteint par le divorce ou
l'annulation du mariage, même par consentement des parties, elle ne
pourra pas être partagée, tandis que dans le projet de loi 58, qui
était le projet de loi du gouvernement précédent, à
l'article 104, on disait: 'L'annulation du mariage ou le divorce
n'éteint pas le droit accordé au conjoint par la présente
sous-section à moins que le participant n'en fasse la demande par
écrit à l'administrateur." C'était finalement l'inverse.
Cela ne s'éteignait que si le participant le demandait et, à
l'inverse actuellement, même si le participant y consentait, ça
l'éteindrait. Alors, je ne sais pas si vous faites la même
interprétation que les savantes avocates faisaient. Est-ce que ça
vous a inquiétée, Me Houle Ouellet, d'entendre le ministre vous
dire que c'était à d'autres d'en décider et non à
lui?
Mme Marion: Je ne suis pas Me Houle Ouellet, mais je peux vous
répondre quand même.
Mme Harel: Excusez. C'est qui? Une voix: Mme Marion.
Mme Harel: Mme Marion, oui.
Mme Marion: On déplore beaucoup que le projet de loi n'ait
pas prévu de partage des crédits de retraite au moment du
divorce. Le partage des biens familiaux, même s'il est
réglé par un autre projet de loi, par la réforme du Code
civil, on l'attend avec impatience et on le réclame depuis longtemps
mais ça ne réglera pas le problème des régimes de
rente. On aurait énormément aimé voir cet article
présent dans le projet de loi. On souhaite d'ailleurs qu'il soit inclus
dans la loi qui sera adoptée. On le demande officiellement encore au
ministre. C'est une de nos recommandations les plus importantes.
Mme Harel: Finalement, je pense que le ministre ne peut pas ne
pas vous répondre favorablement. Il laisse entendre qu'il fait partie du
clan favorable au projet de partage, qu'il n'est pas parmi les ministres
économiques récalcitrants qui ne veulent pas partager. Il va
certainement vouloir s'illustrer en introduisant la modification dans le projet
de loi 116.
Mme Marion: Je pense que c'est important de transmettre à
M. le ministre que nos membres - nous sommes 30 000 au Québec - comptent
bien sur des ministres qui sont favorables aux recommandations qu'on fait et
qui sont capables de les défendre pour nous à l'Assemblée
nationale.
Mme Harel: Quant à la gestion du régime, dans votre
mémoire, à la page 18, vous dites qu'il est essentiel de
protéger les montants versés dans les régimes de pension
privés. Cette protection doit couvrir aussi bien les cotisations
investies que les montants ajoutés ainsi que les intérêts
sur ces montants. Je pense bien que la grande question qui est restée en
suspens durant les trois jours de nos travaux, c'est celle des surplus, des
excédents qui sont enregistrés souvent à cause des
rendements des placements, rendements qui sont, évidemment, produits
beaucoup par l'inflation. Là-dessus, le ministre n'a pas encore dit son
dernier mot. Il nous propose une consultation à l'automne prochain.
Entre-temps, par ailleurs, il entérine une pratique qui consiste
à permettre le congé de contributions patronales à
même les surplus. (17 heures)
C'est comme une manière d'accepter que les réserves des
excédents se vident, et la difficulté vient du fait qu'il dit
qu'il n'a rien décidé pour mieux consulter, mais entre-temps, les
réserves peuvent se vider, parce que, dans la loi 116, il y a l'article
137 qui permet les congés de contributions. Ceux-ci peuvent être
pris même s'il n'y a
pas encore indexation des rentes versées. Les congés de
contributions peuvent être pris même à défaut de
bonification de l'ensemble du régime. Je ne sais pas si vous avez
été informés de cette pratique, si vous avez un point de
vue à ce sujet.
Mme Marion: L'AFEAS, comme telle, n'a pas de position ferme sur
cette question. Cependant, j'avoue qu'en préparant le mémoire,
lorsque nous nous penchions sur la question de l'indexation, c'est un peu
à ces montants que nous pensions. Mais je ne peux pas me prononcer
formellement au nom de mes membres sur ce point-là.
Mme Harel: II y a des porte-parole de groupe de travailleurs qui
sont venus nous dire que s'il y avait d'abord indexation des rentes
versées, il pourrait y avoir par la suite utilisation de ces sommes pour
prendre des congés, dans la mesure où cela puisse servir aux deux
et non uniquement pour le congé de contributions patronales tout en
mettant de côté une certaine réserve pour les jours plus
difficiles, en ne jouant pas à la cigale. Sur la question de la
transférabilité, vous recommandez dans votre mémoire que
l'adhésion ne nécessite qu'une année et que, par la suite,
l'acquisition nécessite une année également, est-ce bien
le cas?
Une voix: Ce n'est pas tout à fait le cas.
Mme Harel: Vous souhaitez que, plutôt que quatre ans, ce
soit au maximum deux ans, trois ans?
Mme Houle Ouellet: Trois ans, on souhaite que les
employés, les travailleurs puissent adhérer après une
année de service et qu'ils puissent acquérir leur rente
après deux ans, comme c'est proposé dans le projet de loi.
Mme Harel: Pour ce qui est de la transférabilité,
à la page 12, vous dites: "Que les travailleurs et travailleuses qui
changent d'emploi puissent transférer leurs crédits de retraite".
On n'a pas beaucoup parlé de cette question de
transférabilité durant les travaux de la commission. Cela a pu
laisser l'impression que le projet de loi permettait de partir avec sa part,
après une cessation d'emploi, même après quatre ans et
d'arriver chez un nouvel employeur et de continuer le régime avec la
part de l'ancien. Mais le fait est que ça ne se passe pas comme
ça; même dans le projet de loi, il faut que le nouvel employeur
accepte, sinon cette somme va être transférée dans un REER,
bloquée, et ne pourra pas servir avant la retraite. La grande question
dans le cas d'un travailleur qui a adhéré au régime
après deux ans et qui a cotisé, et qui quitte après quatre
ans c'est que la condition des quatre années de service est essentielle
pour qu'il puisse partir avec la part de l'employeur et la sienne. Il arrive
dans un nouvel emploi et vous nous dites, d'ailleurs avec raison, qu'il va
devoir changer d'emploi dans sa vie de cinq à six fois. Faut-il qu'il
attende un autre délai de quatre ans? Va-t-il devoir faire encore deux
autres années avant de pouvoir participer et deux autres années
si tant est qu'il participe pour pouvoir ensuite capitaliser? Et, à
partir de ce moment-là, compte tenu que les femmes, en moyenne,
travaillent 1,9 année de manière continue, qu'on sait que le
motif invoqué au premier rang est celui de la naissance d'un enfant,
puisqu'elles reprennent mais jamais de façon continue et ne
complètent pas deux ans, je comprends un peu que vous souhaitiez que la
participation se fasse après un an.
Mme Houle Ouellet: Après un an, c'est ça. Mme
Marion: Après un an.
Mme Harel: Mais même encore, si cette participation
continue augmentait un peu plus d'année en année, avant qu'on en
arrive aux quatres ans du projet de loi, même aux trois ans selon votre
recommandation, il ne serait pas impensable, compte tenu des changements que
les sages observateurs prévoient - ces changements d'emploi tous les
cinq ou six ans dans la vie -d'envisager qu'il y aurait des personnes qui,
toute leur vie, seraient exclues, ou presque d'un véritable accès
à la retraite. Je ne sais pas si vous avez examiné ce
scénario.
Mme Marion: On s'est penchés sur les recommandations qu'on
avait. Évidemment, quand on le compare à dix ans, ce qui
était en vigueur auparavant, c'est une grosse amélioration. C'est
un peu la raison pour laquelle on demandait un an plutôt que deux, vous
l'avez souligné tout à l'heure. Maintenant, est-ce que l'avenir
nous dira qu'on avait tort ou raison?
Mme Houle Ouellet: C'est ce qu'on pourra penser à
améliorer si on n'est pas satisfaites. La main-d'oeuvre est de plus en
plus mobile. Je pense qu'on en est conscientes. On est conscientes aussi que
les femmes là-dedans sont davantage touchées. Mais enfin, pour le
moment, les trois années, c'était au moins le minimum de ce qu'on
réclamait.
Mme Harel: Vous savez qu'il y a eu une croissance spectaculaire
des REER collectifs aux dépens des régimes complémentaires
de retraite. L'Association des compagnies d'assurances du Canada est venue nous
dire qu'en deux ans, de 1985 à 1987, l'augmentation des REER collectifs
était de 47 %, et les régimes complémentaires de rentes
sont restés stationnâmes. Ils nous ont dit et ils ont dit au
gouvernement: Faites attention, parce que l'absence de réglementation
sur les REER collectifs, tout en leur accordant les mêmes avantages
fiscaux, incite à la prolifération
de ce genre de véhicule qui ne permettra pas de véritables
bénéfices de retraite, parce que ce n'est pas de
l'épargne-retraite. Ce n'est pas une planification financière de
la retraite puisque ces sommes ne sont pas bloquées pour la retraite. Je
ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'examiner cette situation?
Mme Houle Ouellet: J'avoue que non.
Mme Harel: C'est ce qui se développe. Là, on est
comme un peu en retard par rapport aux réalités. La vraie
réalité du jour, ce n'est plus celle des régimes
complémentaires, c'est celle des REER collectifs.
Mme Houle Ouellet: On doit avouer quand môme que notre plus
grande préoccupation à l'AFEAS reste les régimes de
retraite publics. Je pense que c'est notre premier souci de demander que des
améliorations aux régimes publics. Je pense que c'est un peu ce
qui explique qu'on soit un peu moins au fait sur les régimes
complémentaires de rentes et sur les REER collectifs.
Mme Marion: II reste que pour pouvoir adhérer à ces
régimes, encore faut-il avoir des revenus et travailler. D'autre part,
vous souligniez tantôt notre vocation. Vous avez mentionné, je
pense, le mot "pédagogique". J'aime mieux souligner la vocation
d'éducation qu'on s'est donnée auprès de nos membres. Je
pense qu'inévitablement, quand des questions deviennent des questions
d'intérêt général, on les retrouve dans les
préoccupations de l'AFEAS éventuellement.
Mme Harel: Vous avez suggéré que le ministre retire
le droit à la renonciation pour le conjoint. Je crois que la même
recommandation se retrouverait dans le mémoire du Cercle de
fermières.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, Mme la
députée.
Mme Harel: Pour vous, c'est important, parce qu'il y aurait lieu
à des représailles, si tant est que cette ouverture soit
faite?
Mme Marion: "Représailles* est peut-être un mot
fort. Je pense que le seul fait de penser, pendant que le conjoint est vivant,
que la rente serait supérieure si la conjointe y renonçait, cela
pourrait être un élément suffisant pour inciter à y
renoncer justement en arguant: Bien, mon Dieu, quand je serai mort, les
dépenses seront coupées de moitié. On sait très
bien que ce n'est pas le cas. Effectivement, nous tenons beaucoup à
cette...
Mme Harel: Je suis surprise de n'avoir rien lu dans votre
mémoire sur l'accès aux rentes du Québec pour les
travailleuses au foyer.
Mme Marion: Vous ne l'avez pas lu mais vous l'avez entendu quand
j'ai fini.
Le Président (M. Bélanger): Voulez-vous conclure,
Mme la députée.
Mme Marion: C'est la raison pour laquelle j'ai ajouté ce
mot. Disons que ce n'était peut-être pas l'endroit pour
réclamer, étant donné que c'est sur les régimes
complémentaires. Nous tenons beaucoup à ce que les régimes
publics soient bonifiés, et c'était dans ce sens-ià.
Mme Harel: Je vous remercie. M. le Président, me rappelle
à l'ordre. Je veux vous remercier et remercier les services de
recherches et enfin pour l'ensemble des travaux que vous faites depuis
plusieurs années sur cette question très importante qui souvent a
été un peu mise de côté par les femmes et qui
pourtant les rejoint lorsqu'elles constatent leur état de
pauvreté. Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, je conclus en soulignant
deux choses. Pour ce qui est de l'adhésion après un an ou deux
ans de service, à quelques reprises qu'on m'a parlé de cela. On
va regarder cela attentivement. Je vais voir dans quelle mesure on pourrait
raccourcir le délai à un an. Il y a toujours la question des 700
heures. On avait prévu 700 heures sur deux ans. Si on devait jouer
là-dedans, on devrait aussi jouer sur les 700 heures sur un an
plutôt que deux. Mais, c'est un point de vue qu'on va regarder
attentivement au cours des prochains jours.
Pour ce qui est de l'autre point dont on a parlé, le dossier du
partage des crédits de retraite, j'ai dit que ça faisait partie
du dossier des droits économiques des conjoints que nous entendons
traiter dans le Code civil plutôt qu'ici. Alors, je veux simplement
répondre qu'il ne faudrait pas que vous vous en fassiez avec ça.
La députée de Maisonneuve a tenté de vous faire peur
tantôt en disant: Même si le gouvernement décidait, on ne
pourra pas le faire. Il faudrait quand même prêter un minimum
d'intelligence au gouvernement. Si le gouvernement décidait que, oui, on
va partager les crédits de rente ailleurs dans une autre loi, alors une
autre loi peut amender la loi ici. Il y a toutes sortes de façons de
régler un problème et le gouvernement ne mettrait pas des
"enfarges" dans ses propres décisions. Donc, faites nous confiance. Si
on annonce quelque chose, on va également se donner les pouvoirs de le
mettre en vigueur.
Mme Harel: Si vous annoncez que non, que se passera-t-M à
ce moment-là?
M. Bourbeau: On verra en temps et lieu.
Mais je voudrais simplement que nos invitées retournent chez
elles la conscience en paix, le sourire aux lèvres et ne
s'empêchent pas de dormir parce que la députée de
Maisonneuve a agité des épouvantails à moineaux pour
empêcher les gens de dormir en paix. Il me reste à remercier nos
visiteurs de l'AFEAS de leur contribution et à leur dire que nous allons
certainement tenir compte des propos qu'ils ont tenus.
Mme Harel: Nos visiteuses.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission
des affaires sociales remercie l'Association féminine d'éducation
et d'action sociale, l'AFEAS, et invite à la table le groupe Alcan
Aluminium limitée.
Si c'est possible, je demanderais à chacun de bien vouloir
reprendre sa place pour que nous recevions nos prochains invités, soit
Alcan Aluminium limitée qui sera représentée par MM. Roger
Chiniara, Michel Méthot, Owen Ness et André Touchette.
Alors, vous connaissez un peu nos règles de procédure.
Vous avez 20 minutes fermes pour la présentation de votre mémoire
et il y a une période d'échange de vues avec les parlementaires.
Je vous prierais de bien vouloir vous identifier à chaque fois que vous
intervenez durant les discussions avec les parlementaires pour faciliter la
transcription du Journal des débats. (17 il 15)
Je vous préviens aussi qu'il est fort possible que les
députés soient appelés en Chambre pour un vote,
éventualité qui pourrait nous demander peut-être 15
à 20 minutes, le temps d'aller voter et de revenir. Nous n'avons pas le
choix; nous devons à ce moment-là suspendre nos travaux, aller
voter et revenir. Toutefois, on décalera, tout simplement, le temps de
commission d'autant si la chose devait arriver. Sur ce, si vous voulez
présenter vos mandataires et votre mémoire, nous vous
écoutons. Merci.
Alcan Aluminium limitée
M. Ness (Owen): M. le Président, Mmes et MM. les membres
de la commission, je suis Owen Ness, directeur du personnel des
Amériques, Alcan Aluminium limitée. Il me fait plaisir de vous
présenter, à ma droite, M. Michel Méthot,
vice-président et actuaire en chef des Fiduciaires Alcan limitée;
à ma gauche, M. Roger Chiniara, président de Aican Adminco inc.,
responsable des placements pour nos fonds de retraite; à la droite de M.
Méthot, M. André Touchette, avocat, service du contentieux.
Au nom d'Alcan Aluminium limitée, nous vous remercions de votre
invitation à venir commenter les nouvelles orientations gouvernementales
en matière de régimes complémentaires de retraite. Nous
avons lu, avec intérêt, l'allocution du ministre lors de
l'ouverture de la commission et partageons son avis selon lequel une mise
à jour de la loi sur les régimes de retraite s'impose à la
suite du consensus dégagé par l'ensemble des provinces
canadiennes et le gouvernement fédérai en matière de
régimes privés de retraite. Alcan accueille d'emblée
l'orientation du projet de loi 116 vers ce consensus. Nous commenterons la
proposition d'amendement au cours de notre présentation. Avant d'entrer
dans le vif du sujet, permettez-moi, M. le Président, de faire un survol
rapide de l'expérience d'Alcan dans l'administration des régimes
de retraite qu'elle a établis.
C'est en 1940 que la société établissait un premier
régime d'avantages sociaux pour tous ses employés dans le monde,
connu aujourd'hui sous le nom de régime de retraite Alcan Canada.
L'évolution de l'entreprise et la variété de ses
opérations ont amené Alcan à établir des
régimes pour ses filiales étrangères. Aujourd'hui, deux
régimes enregistrés auprès de la Régie des rentes
du Québec couvrent la presque totalité des employés
canadiens. Ces deux principaux régimes de rente Alcan garantissent, dans
un cas, une rente basée sur le salaire de fin de carrière et,
dans l'autre cas, une retraite négociée
régulièrement sur la base du salaire courant. Le maintien du
pouvoir d'achat de nos retraités est assuré grâce à
des revalorisations ponctuelles des rentes afin de compenser une bonne partie
de l'inflation. La complexité de l'administration et de la gestion des
régimes de retraite est une responsabilité qu'Alcan assume. Les
actifs de nos principaux régimes canadiens ont été mis en
commun dans une fiducie globale confiée à un fiduciaire qui
assure la garde des valeurs de ces caisses. A titre de gestionnaire, Alcan est
ultimement responsable des placements effectués à même
l'actif de tous les régimes, notamment la répartition des biens
par classe d'actifs, des placements privés, immobiliers et en actions.
Une diversification des placements s'effectue par l'entremise de professionnels
au sein d'Alcan et de gestionnaires financiers indépendants. Les actifs
de ces régimes totalisent 1 700 000 000 $ et versent annuellement plus
de 80 000 000 $ en prestations à plus de 7000 retraités
répartis dans tout le Canada.
Nous revenons à l'allocution du ministre lors de l'ouverture de
la commission. Au terme du projet de loi 116, les travailleurs pourront, s'ils
le désirent, participer à la gestion de leur régime de
retraite. Tant les rentiers que les travailleurs pourront, s'ils le
désirent, désigner un représentant au sein du
comité de retraite pour administrer le régime. L'amendement
projeté permettrait à l'employeur de gérer la caisse de
retraite à la condition que les représentants des membres actifs
et des retraités puissent prendre part à l'administration du
régime.
Nous vous soumettons respectueusement, M. le Président, que le
projet de loi 116 et l'amendement projeté modifient
considérablement, sans raison, certaines règles qui ont
très bien servi
les régimes de retraite et leurs participants depuis près
de 25 ans, au Québec. Notre mémoire sera révisé en
partie par la présentation de mes collègues, laquelle se limitera
à couvrir quatre points essentiels du projet de loi 116, à savoir
le droit et la responsabilité de l'employeur de gérer la caisse
de retraite, les limites aux placements, la responsabilité des membres
du conseil d'administration de l'employeur et celle du gestionnaire et
l'assemblée annuelle des participants. Tout d'abord, je laisse la parole
à mon collègue, M. Roger Chiniara, président de Alcan
Adminco inc.
M. Chiniara Roger: Merci. M. Ness. M. le ministre, M. le
Président, mesdames et messieurs, comme mon collègue l'a
mentionné tout à l'heure, les régimes de rentes d'Alcan
garantissent une rente déterminée à ses employés,
basée dans un cas sur le salaire de fin de carrière et, dans
l'autre cas, basée sur le salaire courant négocié
régulièrement. Dans ce cadre de régimes à
prestations déterminées, Alcan assume le risque financier,
c'est-à-dire qu'Alcan prend à sa charge le coût des rentes
qui excède les cotisations salariales des employés. En d'autres
termes, Alcan assume non seulement le risque afférent au versement des
rentes dont le montant est relié au salaire précédant la
retraite, mais assume aussi le risque afférent au revenu de
placement.
Il est vrai qu'au cours des six dernières années, le
risque financier a été en faveur de l'employeur en ce sens que
les hausses salariales ont été largement couvertes par les
rendements des caisses de retraite. Toutefois, II ne faudrait pas oublier les
années soixante-dix, lorsque les rendements des caisses de retraite
étaient de loin inférieurs aux fortes augmentations salariales,
à un point tel que, vers la fin des années soixante-dix, il
était grandement question de l'Insolvabilité de la
majorité des régimes de rentes du secteur privé. En 1978,
Alcan a dû verser une contribution supplémentaire
équivalente à 20 % des actifs de sa caisse de retraite
principale. Le risque financier qu'assume l'employeur dans un régime
à prestations déterminées est donc réel et celui-ci
est plus équipé que ses employés pour assumer ce risque.
Il y va de son intérêt de l'assumer au meilleur de son
habileté afin de réduire ses coûts.
Dans ce contexte, Alcan s'oppose fermement à ce que le projet de
loi 116 empêche, aux termes des articles 145 et 149, un employeur ou ses
membres désignés du comité de retraite de gérer la
caisse de retraite qu'il a établie et qu'il finance. Nous comprenons que
le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ait
exprimé devant votre commission son intention d'amender le projet de loi
116 et de permettre la délégation à l'employeur de la
gestion de la caisse de retraite dans le seul cas où un comité de
retraite avec représentation des membres a été
dûment constitué. L'intention du ministre est louable et va dans
la bonne direction, mais s'arrête tout court à reconnaître
à l'employeur son droit fondamental d'assumer directement, et non par
voie de délégation, la gestion de la caisse de retraite et de
décider librement, avec prudence et compétence, des meilleurs
moyens d'exercer son droit.
Nous croyons fermement que ce droit à la gestion par l'employeur
ne devrait pas être tenu en otage à la formation d'un
comité de retraite ou encore au bon désir des participants de
former ce comité de retraite. Qu'adviendra-t-il des cas où les
participants décident, pour une raison ou pour une autre, de ne pas
former ou de ne plus participer au comité de retraite? L'article 145
s'appliquerait alors dans toute sa rigueur. À notre avis, la formation
d'un comité de retraite ne devrait pas être reliée au droit
à la gestion par l'employeur. De plus, nous ne sommes pas convaincus que
la formation d'un comité de retraite soit le seul moyen d'assurer aux
participants une meilleure information. Un communiqué
détaillé périodique permettrait d'atteindre tous les
participants et non seulement un ou deux de leurs représentants et
éviterait la création d'une plus forte ou plus lourde structure
d'administration.
La déclaration du ministre semble prendre soin de l'article 149
du projet de loi 116, mais notre mémoire demeure valable concernant
notre objection à l'article 145 interdisant à l'employeur la
gestion de la caisse. Cette interdiction ne nous semble basée sur aucun
fondement valable compte tenu des éléments suivants. Le projet de
loi 116 abroge un droit établi depuis près de 25 ans. Au cours de
cette période, il ne s'est pas produit, à notre connaissance, de
situation d'abus sérieux du seul fait que l'employeur soit le
gestionnaire du régime.
Le projet de loi 116 serait la seule loi canadienne et américaine
à comporter cette interdiction. Elle présume que les employeurs
québécois n'ont pas la compétence requise pour
gérer les caisses de retraite ou qu'ils pourraient ne pas agir dans le
meilleur intérêt de leurs employés. La très grande
majorité des caisses de retraite importantes au Canada, dont celles
d'Alcan, sont gérées en partie ou en totalité par
l'employeur. À cet égard, plusieurs employeurs ont à leur
service un personnel professionnel qualifié en placement. La
sécurité financière des rentes aux participants
dépend principalement de la santé financière de
l'employeur. L'interdiction n'ajoute aucune sécurité
additionnelle. Les caisses de retraite gérées par l'employeur ont
été à l'avant-garde d'investissements plus dynamiques,
tels que les placements immobiliers, le financement de la petite et moyenne
entreprise, ou au grand bénéfice de l'économie et des
caisses de retraite. Alcan gère ses caisses de retraite et a obtenu un
rendement de 1,4 % par année supérieur à la moyenne
canadienne au cours des dix dernières années, soit au-delà
de 20 000 000 $ de plus par année. Il est incompréhensible que le
législateur doive empêcher le
garant de la caisse de rechercher l'excellence et d'assurer le
contrôle de ses coûts à long terme ou doive conditionner son
droit à la gestion à la formation de comités de
retraite.
Quant à la section II du chapitre 10 concernant les placements,
Alcan propose, dans son mémoire, quelques amendements ou
éclaircissements de nature technique qui ne changent en rien les grands
objectifs de la loi. Nous sommes convaincus que les rédacteurs du projet
de loi 116 sont déjà saisis de ces points et entreprennent les
démarches nécessaires pour introduire les amendements opportuns.
Nous citons l'article 168, qui devrait permettre à plusieurs caisses de
retraite d'un même employeur et de ses filiales de mettre leurs fonds en
commun dans une fiducie globale, au-delà de la limite de 10 %, sans
être assujettis aux règles de fonctionnement de fonds mutuels
vendus au grand public. L'article 169 devrait permettre le placement dans des
titres émis par l'employeur ou son gestionnaire, pourvu que ceux-ci
soient transigés dans une bourse reconnue. Les corporations
détenues exclusivement par des caisses de retraite devraient être
exemptées de la limite de 30 % édictée par l'article 170,
et, selon l'article 178, l'imposition au dépositaire de posséder
un domicile ou un établissement au Québec nous semble superflue
ou onéreuse pour les investissements des caisses de retraite à
l'étranger. Aucune autre législation canadienne en matière
de régime de retraite n'a cru utile de retenir une telle mesure.
Je laisse maintenant la parole à mon collègue, M. Michel
Méthot, actuaire en chef d'Alcan.
M. Méthot (Michel): Merci. Mes quelques commentaires
porteront d'abord sur la responsabilité des membres du conseil
d'administration de l'employeur et sur celle du gestionnaire.
La responsabilité des membres du conseil d'administration pour
des cotisations non versées doit être, à notre avis,
limitée. En ce qui concerne l'article 51, nous suggérons
fortement que la portée de cet article soit tempérée de la
même manière que celle prévue à l'article 24.0.2 de
la Loi sur le ministère du Revenu, qui prévoit que la
responsabilité des membres d'un conseil d'administration pour le
paiement de sommes retenues et non versées au ministère n'est pas
engagée à l'égard de tout administrateur, et je cite, "qui
a agi avec un degré de soin, de diligence et d'habileté
raisonnable dans les circonstances ou qui, dans ces mêmes circonstances,
n'a pu avoir connaissance de l'omission". Nous croyons également que la
responsabilité du gestionnaire doit être limitée aux
dommages créés à la suite de la non-conformité
à la loi. En effet, la levée des restrictions entourant les
placements permis aux termes de la Loi sur les régimes
supplémentaires de rentes s'accompagnent d'une responsabilité
illimitée.
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse, M.
Méthot, Je crois que nous sommes appelés pour le vote en Chambre.
Alors, si vous n'avez pas objection ou, même si vous en avez, nous
devons, pour quelques minutes, suspendre les travaux, le temps que durera la
mise aux voix...
(Suspension de la séance à 17 h 30)
(Reprise à 17 ih41)
Le Président (M. Bélanger): Après ce vote
historique, nous reprenons nos travaux. Nous étions à entendre M.
Méthot. Toutes nos excuses, mais c'est le règlement ici. M.
Méthot.
M. Méthot: Cela nous a donné l'occasion de voir
l'Assemblée nationale à l'oeuvre. J'avais d'abord couvert le
premier point sur la responsabilité des membres du conseil
d'administration, que nous croyons devoir être limitée. Le
deuxième point que je voulais aborder porte sur la responsabilité
du gestionnaire qui, croyons-nous, devrait également être
limitée, cette fois, aux dommages créés
conséquemment à la non-conformité à la loi. La
levée des restrictions entourant les placements permis aux termes de la
Loi sur les régimes supplémentaires de rentes s'accompagne d'une
responsabilité illimitée pour les gestionnaires de fonds
effectuant ces placements. Nous suggérons fortement de limiter la
portée des articles 174 et 175 aux situations qui entraîneraient
une non-conformité à la loi. En effet, le fardeau de la
responsabilité que doit assumer un administrateur gestionnaire, parce
qu'il a fait un placement non conforme à la politique de placement, est
à notre avis démesuré, lorsque l'on considère les
termes souvent assez généraux avec lesquels les politiques de
placement sont formulées. À notre avis, le régime de droit
générai, au Québec, est suffisant pour rendre le
gestionnaire responsable de la gestion de la caisse de retraite, notamment en
ce qui concerne le respect de la politique de placement.
Ma dernière remarque porte sur l'assemblée annuelle des
participants. La proposition d'une assemblée annuelle des participants,
malgré les principes louables dont elle s'inspire, est inapplicable et
inefficace, à notre avis, pour les raisons suivantes. D'abord, lorsque
les participants sont répartis dans plusieurs régions du
Québec - c'est évidemment le cas des employés d'Alcan -
seul un petit nombre d'employés pourront, dans les faits, être
présents à l'assemblée. Le problème de la tenue
d'une telle assemblée se complique davantage lorsque les régimes
- encore une fois comme ceux d'Alcan - comptent des participants partout au
Canada.
Enfin, le pouvoir discrétionnaire des participants de modifier
annuellement l'administration de tout ou partie d'un régime est
contraire aux principes de gestion continue. Ce
pouvoir pourrait obliger les employeurs à une restructuration
annuelle de l'administration et de la gestion de leur régime. Il n'est
pas nécessaire de réunir les participants en assemblée
pour leur permettre de prendre connaissance des modifications au régime
dont Us auront déjà eu copie sous forme de projet, en vertu de
l'article 26, et sous forme définitive, en vertu de l'article 105 du
projet de loi. Il n'est pas non plus nécessaire de réunir les
participants d'un régime en assemblée pour leur faire prendre
connaissance de la situation financière de la caisse, ni pour que
l'administrateur rende compte de son administration. En effet, tout participant
à un régime a accès à ces informations selon les
modalités énoncées à l'article 108. Dans le cas
d'Alcan, les participants sont régulièrement informés de
l'administration et de la situation financière des régimes de
retraite. À cet effet, j'ai à la disposition des membres de la
commission, s'ils le désirent, un extrait du dernier relevé
adressé aux participants qui donne un compte rendu de la situation
financière de la caisse. À notre avis, les modalités de
l'exercice du droit accordé aux participants par l'article 146 du projet
de loi de demander que le régime soit administré par un
comité de retraite ne devrait pas faire l'objet de réglementation
ou d'encadrement législatif précis, ce qui permettrait
l'adaptation à la situation de fait propre à chaque régime
et à ses participants. Nous espérons que cette
présentation vous permettra de considérer sérieusement les
modifications au projet de loi qui auront pour effet le maintien de la saine
administration et de la gestion des régimes de retraite établis
au Québec, et ce, pour le bénéfice de tous les partis
concernés. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Cela termine le
temps a votre disposition. M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, je salue Alcan qui, selon ce
qu'on peut lire du rapport, semble souscrire à l'effort de modernisation
de l'encadrement législatif des régimes de retraite au
Québec, mais qui souhaite également la révision de
certains éléments du projet de loi, en particulier, selon la
lecture qu'on en a faite, quatre sujets principaux. La question de
l'assemblée générale, la question qui faisait en sorte que
l'employeur ne pouvait pas gérer la caisse de retraite, les contraintes
à l'égard des placements et la responsabilité des membres
du conseil d'administration. À l'égard du sujet qui traitait de
la gestion, de l'impossibilité pour l'employeur de gérer la
caisse, je crois que ça été réglé par
l'annonce que j'ai faite, il y a deux jours. Nous avons l'intention de
continuer à permettre la gestion de la caisse par l'employeur, si tel
est le désir du comité de retraite. Maintenant, pour ce qui est
du comité de retraite lui-même, vous avez signalé, avec
justesse, que s'il n'y avait pas de comité de retraite, si les
participants ne demandaient pas la formation d'un comité de retraite,
ça pourrait empêcher évidemment la délégation
de la gestion à l'employeur.
Nous avons l'intention de prévoir des modifications qui vont
tenir compte de cette préoccupation et qui vont faire en sorte que
l'employeur qui gère un fonds de retraite pourra continuer à
gérer celui-ci. Et il y aura un comité de retraite en place pour
lui déléguer la gestion, si tel est, évidemment, le
désir du comité de retraite. Maintenant, j'aimerais vous poser
une question tout de suite. À Alcan, présentement, y a-t-il un
comité de retraite dans votre système?
Le Président (M. Bélanger): M. Michel
Méthot.
M. Méthot: Non.
M. Bourbeau: Pas du tout.
M. Méthot: Non, nous n'avons pas de comité de
retraite dans ni l'un ni l'autre des deux régimes auxquels nous nous
sommes référés.
M. Bourbeau: Tout à l'heure, j'écoutais les
arguments que vous avanciez pour justifier le statu quo. Je dois dire que j'ai
de la difficulté à me convaincre qu'on ne puisse pas faire de
place à des travailleurs ou des participants au sein d'un comité
de retraite, qu'on ne puisse pas plutôt permettre à des
travailleurs ou à des participants d'avoir le droit de participer
à des réunions d'un comité de retraite qui voit à
gérer la caisse. Dans le fond, quand on y pense, ces fonds sont
là pour éventuellement servir à la retraite des
travailleurs. C'est l'objectif même d'un fonds de retraite. Ces fonds
proviennent, dans une certaine partie, même dans une bonne partie, des
contributions des travailleurs aussi. D'une certaine façon,
l'administrateur est gestionnaire d'un patrimoine dont les profits iront
s'ajouter au capital, au patrimoine qui est accumulé pour le
bien-être et le profit des travailleurs. A nom de quel principe
pourrait-on exclure les travailleurs de l'administration, je ne dis pas leur
confier l'administration, mais pourquoi est-ce qu'on pourrait les exclure
totalement de l'administration, de leur propre fonds de retraite? J'ai de la
difficulté à comprendre.
M. Méthot: De fait, nous ne nous y opposons pas. Nous
avons dit: Le principe est louable. Les deux points que nous avons
soulevés sont les suivants. D'abord, Roger, dans un premier temps,
soulève le point suivant. Que faire si les participants ne souhaitent
pas siéger à un comité de retraite, ou si, ayant
déjà constitué un comité de retraite, ils
souhaitent ne plus y participer, pour toutes sortes de raisons? Doit-on pour
autant priver l'employeur de la gestion de la caisse? C'était le point
principal
qu'il a soulevé. Là encore, dans un premier temps, on ne
met pas en cause le principe du comité de retraite. Le deuxième
point touche l'assemblée annuelle des participants. Là encore, on
s'oppose au mécanisme plutôt qu'au principe. Est-ce que
l'assemblée annuelle des participants est le mécanisme
approprié pour décider de la constitution et, s'a décide
de la constitution, pour décider de la nomination des membres? Dans
certaines situations, particulièrement dans celle d'Alcan, nous croyons
que l'assemblée annuelle des participants ne constitue pas le
mécanisme d'abord et avant tout à cause de la répartition
géographique de nos membres, qui fait qu'à toutes fins utiles,
quel que soit l'endroit où se tiendra l'assemblée annuelle, on ne
sera jamais capable d'avoir plus qu'une minorité de membres qui pourront
assister à cette assemblée annuelle. Donc, en somme, seuls
quelques membres pourront bénéficier des avantages de
l'assemblée annuelle. C'est davantage une question de mécanisme,
dans un premier temps, . et, dans un deuxième temps, question de ne pas
mettre l'employeur en otage lorsque vient le temps de décider qui
gère la caisse.
M. Bourbeau: Je comprends qu'en principe, vous n'êtes pas
opposés, alors, à ce qu'il y ait un comité de retraite ou
à ce qu'il y ait une assemblée annuelle. Vous dites cependant
qu'il peut y avoir des problèmes pratiques. C'est ce que je crois
décoder de vos propos. Les problèmes pratiques, en ce qui
concerne le comité de retraite ont été
énoncés par M. Chiniara. Je vous dit que vous allons apporter des
modifications qui ne feront pas en sorte que des participants pourraient
refuser de former un comité de retraite dans le but d'empêcher un
employeur de continuer à gérer la caisse, par exemple. Nous
souhaitons que des comités de retraite soient formés, je pense
que c'est assez évident. Nous pensons que c'est dans
l'intérêt des travailleurs que des comités de retraite
soient formés. Après ça, une fois qu'il est en place,
c'est au comité de retraite de décider qui gérera la
caisse, les comités de retraite n'étant pas, comme je l'ai dit,
ne devant pas être, paritaires. Nous allons trouver, ça peut vous
rassurer, une façon de s'assurer que, dans les cas où la gestion
est présentement faite par un employeur, on n'utilise pas une technique
de ne pas avoir de comité de retraite pour ne pas avoir de gestion.
L'assemblée annuelle fait partie de notre volonté de mieux
informer les travailleurs sur l'état de leurs fonds de retraite et aussi
de faire en sorte que l'employeur soit responsable de rendre compte aux
travailleurs de l'état du fonds de retraite, étant donné
que nous estimons que les travailleurs ont droit à un
intérêt dans la caisse puisque ce sont des fonds qui leur sont
destinés. Je pense, quant à moi, que c'est la moindre des choses
qu'on rende compte de l'administration puisque c'est un fonds fiduciaire. Et on
peut le faire de plusieurs façons, j'en conviens. On pourrait le faire
par l'envoi d'un document annuel par la poste, mais à ce
moment-là, comme rapport annuel, le problème se pose, c'est que
les travailleurs, les participants n'ont pas l'occasion de dialoguer, de poser
des questions, d'obtenir des éclaircissements. L'avantage d'une
assemblée annuelle, c'est justement de permettre de vulgariser,
d'informer les travailleurs de leurs droits, de l'état du fonds de
retraite, etc. Donc, cela nous apparaît intéressant et important
même que de telles assemblées aient lieu. Puisque vous avez
plusieurs usines au Québec, i! serait peut-être opportun de tenir
une assemblée annuelle dans chaque usine, comme le fait la Domtar qui
nous a informés à ce sujet. Cela nous apparaît une bonne
façon de rassurer les travailleurs. Je pense qu'en matière de
relations du travail, ce n'est certainement pas un geste à
déplorer.
M. Ness: M. le ministre, je crois que nous faisons
déjà beaucoup de transparence et beaucoup d'informations à
nos employés, ce qu'un comité et les réunions annuelles ne
remplaceront pas. Nous donnons aux employés toutes les informations. On
l'a offert et personne n'était intéressé. On a des
conseillers à chaque endroit qui donnent des conseils à
l'employé quand il en a besoin. La formation de ces réunions
annuelles n'apportera pas beaucoup plus au point de vue transparence sur les
investissements, sur l'état des fonds et en plus, sur leur situation
particulière.
M. Bourbeau: Tant mieux si vous faites déjà
l'équivalent ou mieux. Vous faites ce que nous souhaitons que fassent
tous les employeurs du Québec.
M. Ness: Vous voulez nous imposer encore des choses
dispendieuses. Il faudrait que nous soyons organisés à part. Il y
a quand même l'autre suggestion selon laquelle les membres auraient un
mot à dire sur la gestion des fonds de retraite. Vous êtes
prêts à nous enlever la responsabilité des fonds mais vous
n'êtes pas prêts à nous enlever la responsabilité
s'il n'y a pas assez d'argent dans les fonds.
M. Bourbeau: Je ne comprends pas. Vous dites qu'on est
disposés à vous enlever la responsabilité pour les fonds.
Je ne saisis pas ce que cela veut dire.
M. Ness: La responsabilité des investissements.
M. Bourbeau: Non, pas du tout. Nous ne disons pas cela. Il ne
faudrait pas interpréter nos paroles comme cela. Nous disons que si le
comité de retraite décide de confier la gestion à
l'employeur, nous sommes d'accord pour continuer de le faire comme cela se fait
présentement. Notre intention n'est pas de vous enlever la
gestion du fonds de retraite. Ce n'est pas exact.
M. Ness: C'est un très grand "si". Vous dites "si".
M. Bourbeau: Pas nécessairement. Le comité de
retraite n'étant pas nécessairement paritaire, il n'y a rien qui
empêche Alcan d'avoir plus de représentants au comité de
retraite que les travailleurs. Les travailleurs n'ont droit, d'après la
loi, qu'à deux postes: un poste pour les travailleurs participants et un
poste pour les retraités. Alors, vous pouvez fort bien avoir un
comité de retraite de cinq personnes ou de sept personnes môme qui
sera majoritairement composé de représentants de l'employeur. Je
l'ai dit autant aux employeurs qu'aux syndicats depuis les trois jours qu'on
est ici. Notre intention n'est pas de faire des comités de retraite des
comités paritaires. Nous voulons que les travailleurs et les
retraités aient au moins un siège pour pouvoir être
informés de ce qui se passe au comité de retraite. Maintenant, si
vous trouvez que c'est exorbitant de permettre à des travailleurs de
s'asseoir à un comité de retraite pour voir ce qui se passe avec
leur propre régime de retraite, j'ai de la difficulté à
vous suivre. Je pense que, vraiment, dans les années quatre-vingt-dix
où on est rendus, la société a évolué et que
le législateur, à mon avis, est tout à fait
justifié d'agir de cette façon. Maintenant, libre à vous
de ne pas partager notre point de vue.
M. Méthot: Je voulais ajouter un simple commentaire. En
fait, je retournais une question. Le rôle de l'assemblée annuelle
est double, si je comprends bien, soit un rôle d'information et un
rôle décisionnel. Vous parliez tantôt de tenir des
assemblées annuelles multiples, une pour chaque usine. Je comprends que
ça puisse répondre au premier rôle, celui d'information.
Toutefois, il me semble que le rôle décisionnel ne peut
s'effectuer qu'au cours d'une seule assemblée.
M. Bourbeau: Effectivement, il devrait y avoir une
assemblée annuelle générale où on prendrait la
seule décision importante, soit la formation ou non d'un comité
de retraite. Après ça, rien n'empêche, et il serait
peut-être même souhaitable dans le cas d'une compagnie qui a
plusieurs succursales comme Alcan, que des assemblées annuelles
d'information aient lieu dans les diverses usines de la compagnie comme
ça se fait dans d'autres grosses compagnies. J'ai cité
tantôt le cas de Domtar qui le fait. Cela m'apparaîtrait
souhaitable. Maintenant, puisque déjà, dans votre philosophie,
vous me dites souscrire à cette philosophie par une politique
d'information, vous n'aurez, à mon avis, aucune difficulté
à rencontrer ces exigences. L'exigence, c'est d'avoir une
assemblée. Alors, vous pouvez la tenir. Vous la tenez pour vos
actionnaires de toute façon. Alors, pourquoi pas pour les actionnaires
de votre fonds de retraite? Mais, pour le reste, il n'y a pas d'obligation de
tenir une assemblée dans chaque usine. Je dis que ça pourrait
être fait. Vous pourriez continuer à faire ce que vous faites
maintenant. Je n'ai pas d'objection. L'objection, c'est qu'il y ait une
assemblée annuelle. Le reste est laissé à l'initiative des
employeurs d'informer les travailleurs de la meilleure façon possible.
(18 heures)
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. le
ministre.
M. Bourbeau: En conclusion... Le temps passe vite.
Le Président (M. Bélanger): Trop vite.
M. Bourbeau: Ce que je peux vous dire, en tout cas, c'est que
notre objectif n'est pas de mettre des bâtons dans les roues des
employeurs qui s'acquittent bien de leurs obligations, au contraire. Mais nous
devons légiférer, c'est-à-dire que nous devons avoir des
minimums, sans cela, il n'est pas possible de légiférer. Vous ne
pouvez quand même pas ne pas reconnaître que le gouvernement a
raison de légiférer en vertu d'une loi qui date de 25 ans et qui
est totalement désuète. Donc, notre devoir est de
légiférer. Nous faisons une loi minimum, quitte après
ça aux employeurs à faire mieux. Je pense que, dans le cas
d'Alcan, vous faites plus que le minimum, c'est évident. Donc, je ne
peux simplement que vous féliciter du travail que vous faites dans ce
domaine. Je sais que votre fonds de retraite est un fonds bien
géré et qu'il est un modèle, d'une certaine façon,
dans le genre. Je souhaite que vous n'ayez pas de difficultés à
vous conformer à la loi. Nous ne voulons pas un empêchement de
tourner en rond.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Je vous remercie, M. le Président. Je veux
également vous saluer en espérant pouvoir aborder avec vous les
questions qui ne l'ont pas été avec le ministre,
particulièrement en matière de placements. Je dois comprendre que
vous vous êtes déplacés, vous qui êtes de la
direction de cette importante entreprise, parce que vous considériez,
sans doute, comme déterminants les travaux que nous menions. Je
comprends, M. Chiniara, que vous êtes président de la division
Alcan et que vous êtes accompagné du directeur du personnel, M.
Ness, du conseiller juridique, M. Touchette, et de M. Méthot. M.
Méthot, vous êtes vice-président et actuaire en chef des
Fiduciaires Alcan limitée. Est-ce que c'est la société de
fiducie à qui est confiée la gestion du fonds de placement
exclusif?
M. Méthot: Fiduciaires Alcan est une société
de fiducie au même titre que toute autre société de fiducie
dont Alcan est l'unique
propriétaire. Fiduciaires a pour fonction de gérer ou
d'administrer les régimes de retraite de la compagnie et, dans certains
cas, de gérer les placements qu'elle délègue à
Adminco dont M. Chiniara est le président.
Mme Harel: Pour bien comprendre vos recommandations, dans le
chapitre II qui s'intitule Limites aux placements, vous avez des
recommandations à faire au ministre là-dessus. Vous nous dites
qu'il y a deux régimes de retraite qui couvrent presque la
totalité des employés d'Alcan. Donc, 10 000 au Québec et
16 000 au Canada, c'est ce qu'il faut comprendre, il y a deux régimes.
Vous dites également être titulaire de six autres régimes.
J'aimerais juste m'y retrouver. C'est phénoménal; c'est 1 700 000
000 $ et tout ça, si j'ai bien compris, est investi dans un fonds de
placement exclusif qui est les Fiduciaires que vous représentez.
M. Chiniara: Excusez-moi. Mme Harel: Oui.
M. Chiniara: C'est une fiducie globale. Ce n'est pas investi dans
les Fiduciaires. C'est confié au Trust Royal comme étant le
fiduciaire responsable de la garde des valeurs. Dans un sens, les actifs sont
à la garde du Trust Royal.
Mme Harel: Du Trust Royal, c'est bien ça. En lisant les
recommandations que vous faites au ministre, je me suis demandé quelle
était la nature présente des placements. En quoi les dispositions
du projet de loi viendraient modifier, bouleverser, changer la pratique de vos
placements?
M. Chiniara: C'est une bonne question. C'est Chiniara qui
répond.
Mme Harel: Vous faites des recommandations mais j'imagine que
c'est pour corriger une situation. Vous ne la décrivez pas dans votre
mémoire.
M. Chiniara: D'accord. C'est que nous croyons, dans l'article 168
si je ne me trompe pas, que la loi permet d'investir dans des fonds communs.
Nous avons établi à l'intérieur du système Alcan un
fonds commun.
Mme Harel: Oui.
M. Chiniara: Alors, selon la loi, nous ne pouvons pas aller
à plus de 10 %, alors que tous les fonds sont investis dans ce fonds
commun. Dans ce cas-là - on est assujettis aux lois du Québec -
ce sont des fonds mutuels vendus au grand public. Alors, il y a une petite
distinction ici. Notre fonds commun, ce qu'on appelle notre fonds global, en
anglais "master trust", est un concept selon lequel, lorsqu'on a plus d'un
fonds de retraite, on essaie, pour faciliter la gestion, de les mettre dans un
fonds global, et celui-ci investit comme un seul portefeuille.
Mme Harel: Oui, et j'ai bien compris qu'au delà des 10 %
prévus dans l'article 168, vous deveniez assujettis à la Loi sur
les valeurs mobilières du Québec.
M. Chiniara: C'est ça.
Mme Harel: Le ministre n'a pas discuté de cela avec vous,
ni sur cette question ni sur celle des placements dans les titres émis
par les employeurs; peut-être profitera-t-y des quelques minutes à
la fin pour donner son point de vue là-dessus. J'aimerais vous faire
expliquer le vôtre. En quoi, selon vous, le fait d'être assujettis
à la Loi sur les valeurs mobilières du Québec vous
désavantage? Vous dites simplement que cela alourdirait
l'administration.
M. Chiniara: D'abord, il faut se conformer aux règles de
la Commission des valeurs mobilières, qui demande une
présentation, qui demande de se conformer... Juste un petit exemple.
Dans les fonds communs ou les fonds mutuels qui sont vendus au public, les
rachats ne sont pas prévus. Il faut que ces fonds maintiennent de
très grosses liquidités. Dans un fonds de retraite comme le
nôtre, à long terme, nous croyons que ces liquidités
peuvent être beaucoup moindres. C'est juste un petit exemple que je vous
donne. Il y a aussi la publication trimestrielle de rapports et une multitude
de petits détails. Nous croyons que l'intention du législateur
n'est pas d'alourdir cette fonction.
Mme Harel: Est-ce que vous jugeriez souhaitable que, par exemple,
lorsqu'il s'agit d'actifs qui totalisent un montant assez élevé,
comme c'est le cas pour Alcan - ce sont des actifs qui totalisent presque 1 700
000 000 $ - dans des cas similaires, le ministre puisse utiliser le pouvoir
réglementaire qui est prévu à l'article 2, ce pouvoir qui
lui permet de dispenser de certaines applications de la loi, je crois, de
soustraire des régimes de retraite à l'application d'une partie
de la loi? Vous connaissez sans doute cette disposition réglementaire
que le ministre peut utiliser pour soustraire un régime à
l'application de la totalité - mais ce n'est pas le cas en ce qui vous
concerne - d'une partie de la loi. Est-ce que vous souhaitez, lorsque les
actifs sont de taille impressionnante, qu'il y ait, à ce
moment-là, des dispositions différentes?
M. Chiniara: Non, ce n'est pas la question de la taille
essentiellement, c'est plutôt une question de concept selon lequel,
lorsque chez un employeur il y a plus d'un fonds de retraite, plus d'un
régime de rentes, la façon pratique d'opérer, selon nous,
serait d'accepter le concept du
"master trust" ou de la fiducie globale, et c'est un concept
déjà très répandu dans le reste du Canada et aux
États-Unis. Alors, ce n'est pas quelque chose de nouveau qu'on essaie
d'introduire. Et quant à l'exemption, qu'on l'obtienne directement par
la loi ou par la Régie des rentes, je laisse au ministre le soin de
décider de cela.
Mme Harel: C'est évidemment différent, parce que la
loi s'applique à tous tandis que le règlement peut faire des
exceptions. Mais, avez-vous discuté avec la Régie des rentes de
ce concept, de cette réalité qui est la vôtre
présentement? Est-ce qu'il y a eu des réactions de la part de la
Régie qui vous ont été transmises?
M. Chinlara: Comme je l'ai mentionné dans ma lettre
d'introduction au début de la commission, je suis sûr que le
ministère ou que la Régie des rentes a été saisie,
si ce n'est pas par nous, par d'autres institutions, du problème et je
pense que leur attitude est très ouverte à cet égard.
Mme Harel: Dans le portefeuille que vous décrivez, ou
plutôt dans les placements - j'avais pris quelques notes, si je peux me
retrouver - qui sont faits, vous décrivez justement qu'il y a une
politique de placements. Dans la politique de placements, il y a une partie du
fonds qui est gérée à l'interne et une qui est
gérée à l'externe, et cette dernière est
confiée à des conseillers spécialisés pour des
placements dans des actions de sociétés canadiennes,
américaines, internationales. Est-ce la raison pour laquelle vous
recommandez également dans votre mémoire d'être soustraits
à la disposition concernant les transactions, les actifs de caisse
investis à l'étranger?
M. Chiniara: Oui, nous avons des gestionnaires de fonds à
l'extérieur du Canada. Nous en avons certainement en Angleterre qui,
à leur tour, ont un fonds qui investit dans des actions partout dans le
monde. Alors, il serait difficile en pratique de demander que tous les
sous-agents de nos dépositaires de valeurs soient enregistrés au
Québec; il y aurait quasiment là une impossibilité
matérielle. L'alternative serait tout simplement de ne pas investir
à l'étranger, hormis les États-Unis, où la
difficulté existerait.
Mme Harel: Quelle est la portion, le pourcentage, la partie du
fonds gérée à l'interne en regard de celle qui est
gérée à l'externe par rapport aux placements?
M. Chiniara: Selon la loi concernant l'impôt sur le revenu
du Canada, nous sommes limités à 10 %. Alors c'est là, au
départ, la première limite. La deuxième limite, c'est
qu'à l'intérieur de ces 10 %, Alcan investit environ 4 % ou 5 %
à l'extérieur de l'Amérique du Nord. Or, cette portion
à l'extérieur de l'Amérique du Nord, qui est de 4 % ou 5
%, si vous la calculez sur 1 700 000 000 $, on parle de 60 000 000 $ à
70 000 000 $.
Mme Harel: Je vous remercie. Ce sont là évidemment
des réponses qui me donnent un éclairage sur les recommandations
que vous faites au ministre. Je ne sais pas s'il a omis d'aborder la question
avec vous, parce qu'il avait déjà décidé de
procéder d'une façon qu'il pourrait maintenant nous communiquer
peut-être?
Alors, je veux vous remercier également d'être venus
participer aux travaux de notre commission parlementaire.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Bourbeau: Tout en soulignant que la députée de
Maisonneuve a évité de faire son plaidoyer ordinaire en faveur
des comités de retraite paritaires, je...
Mme Harel: Je n'ai pas convaincu le ministre et on est à
la fin des travaux, mais je reviendrai en présentant des amendements,
lors de l'étude article par article du projet de loi.
M. Bourbeau: J'aimerais simplement dire aux gens d'Alcan qu'il y
a une foule de propositions dans votre mémoire sur lesquelles nous
sommes d'accord. Je peux en citer quelques-unes: la fiducie globale, il n'y
aura pas de problème avec ça, les modifications à la
politique de placement, la responsabilité des membres du conseil
d'administration. Bref, vous savez déjà, je crois, pour avoir eu
des discussions avec les gens de la Régie, que notre objectif est de
tenter de faciliter autant que possible la gestion des fonds de retraite et non
pas de la compliquer. Il est possible et même certain que, dans la
version originale, nous n'ayons pas vu tous les problèmes, mais,
justement, la tenue de ces auditions a lieu pour qu'on nous communique - et
tous les participants l'ont fait - des suggestions visant à
améliorer le projet de loi. Nous avons donc l'intention d'apporter une
centaine d'amendements ou de modifications au projet de loi, et même,
dans quelques instants, j'ai l'intention de faire une motion pour
réimprimer le projet de loi, parce qu'il y a trop de modifications que
nous voulons apporter.
J'ai l'impression que, lorsque nous aurons une nouvelle version du
projet de loi, vous y retrouverez la grande majorité des suggestions que
vous nous avez faites. Il restera toujours la question de l'assemblée
annuelle et du comité de retraite; ce sont des sujets un peu plus
fondamentaux. Encore là, j'espère que vous pourrez vous situer
à l'intérieur du projet de loi; je ne doute pas, la bonne
volonté étant présente, que vous y réussissez. Je
vous remercie beaucoup d'avoir consenti à venir nous éclairer, et
j'espère que nous aurons l'occasion de nous revoir dans
un avenir plus ou moins prochain.
Le Président (M. Bélanger): M. Chiniara.
M. Chiniara: Merci, M. le ministre. Alcan aimerait formuler le
souhait que si vous réécrivez le texte du projet de loi, on ait
la chance d'en discuter encore une fois. Merci beaucoup.
Quant au comité de retraite, si c'est un concept auquel vous
tenez, j'espère qu'il sera mis clairement dans le texte du projet de
loi, et qu'il ne sera pas mis en otage, par rapport à la gestion
à l'interne. Merci, M. le ministre et M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): La commission des
affaires sociales remercie la compagnie Alcan limitée de sa
participation à nos travaux. On va suspendre les travaux quelques
instants pour saluer nos invités. Nous terminerons les procédures
par la suite.
(Suspension de la séance à 18 h 16) (Reprise à 18 h
17)
Dépôt d'autres mémoires
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît! Je demanderais à chacun de reprendre place, s'il vous
plaît! Je veux, dans un premier temps, faire le dépôt des
mémoires pour les rendre publics et les faire valoir comme si
récités au long. Je dépose les mémoires des
organismes qui ont fait parvenir un mémoire dans le cadre de la
présente consultation et qui n'ont pas été entendus par la
commission, à savoir: Abitibi Price inc., Association des entrepreneurs
en construction du Québec, Association of Canadian Pension Management,
BCE Inc., Compagnie Wyatt, Consolidated Bathurst inc., Fédération
des associations de familles monoparentales du Québec,
Fédération des associations de professeurs des universités
du Québec, Fédération des policiers du Québec,
Groupe Sobeco inc., Lafarge Canada inc., Ordre des comptables
agréés du Québec, Pratt & Whitney Canada inc.,
Produits forestiers Canadien Pacifique Itée, TPF & C, William M.
Mercer Itée. Tous ces organismes ont déposé des
mémoires qui n'ont pas été entendus, mais qui sont
considérés comme tels.
Pour terminer, y a-t-il des remarques, M. le ministre?
M. Bourbeau: J'ai une motion à faire avec le consentement
de la commission.
Mme Harel: Excusez-moi, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Bourbeau: Je fais ma motion.
Mme Harel: Je vais demander l'interruption pour une minute, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
(Suspension de la séance à 18 h 19) (Reprise à 18 h
21)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La commission reprend ses travaux. M. le ministre vous vouliez formuler
une motion, alors, nous vous écoutons.
Motion proposant la réimpression du projet de
loi
M. Bourbeau: M. le Président, il s'agit d'une motion pour
la réimpression du projet de loi. Après avoir
écouté les commentaires et les suggestions d'une vingtaine
d'organismes, je constate que de nombreux amendements devront être
apportés au projet de loi 116, entraînant autant de papillons et
de modifications à déposer en commission parlementaire. Le projet
de loi étant déjà fort complexe et de nature technique,
cette façon de procéder ne faciliterait en rien le travail des
membres de cette commission, lors de l'étude détaillée du
projet de loi. En conséquence, je propose aux membres de la commission,
conformément à l'article 238 du règlement de
l'Assemblée nationale, d'adopter une motion de réimpression du
projet de loi. De cette façon les travaux de la commission en seront
facilités, et la compréhension du projet de loi sera meilleure.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Alors, madame, sur la
motion et sur la recevabilité, est-ce que vous avez des remarques?
Mme Harel: Sur la recevabilité je me fie à vous, M.
le Président. Est-ce qu'une telle motion est recevable?
Le Président (M. Bélanger): Oui, absolument, en
vertu des articles 235 et 238 - il faut les voir consécutivement - elle
est parfaitement recevable. Il y a les préambules qu'on va enlever,
parce qu'ils modifieraient la motion, mais je comprends bien que la motion se
lit comme ceci: "Je propose aux membres de la commission, conformément
à l'article 238 du règlement de l'Assemblée nationale,
d'adopter une motion de réimpression du projet de loi." Il faudrait
qu'elle se lise comme ça; elle est parfaitement recevable à ce
moment-là.
Alors est-ce qu'on met la motion aux voix?
Mme Harel: Adopté.
Le Président (M. Bélanger): Adopté. Bien.
Est-ce qu'il y a des remarques pour terminer les travaux de la commission? Je
ne commencerai
pas. Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Pourquoi pas les femmes en premier? Ha, ha, ha!
Mme Harel: Habituellement, c'est toujours le ministre qui....
Le Président (M. Bélanger): Habituellement c'est le
ministre et, effectivement, l'Opposition conclut, et on donne alors quelques
secondes au ministre pour un petit...
Conclusions
M. Bourbeau: M. le Président, puisque Mme la
députée de Maisonneuve insiste, il me fait plaisir de conclure
ces trois journées de travail, en remerciant sincèrement les
membres de la commission pour leur assiduité et l'intérêt
qu'ils ont manifesté. C'est un sujet qui était fort complexe.
C'est assez rare qu'on voie un sujet sur lequel on ne peut se parler qu'avec
ses actuaires. On l'a vu en décembre dernier lors de l'adoption du
projet de loi 95, et on a dû suspendre à plusieurs reprises pour
consultation de part et d'autre, je dois le dire, d'ailleurs. Mais même
si nous sommes tous des généralistes, nous sommes tenus de faire
un travail de spécialistes, à l'occasion, et c'est pourquoi nous
nous faisons accompagner de gens qualifiés en la matière. Je
pense que le projet de loi n'était pas mal, mais qu'il y a moyen de
l'améliorer sensiblement, d'où la justification, je pense,
d'avoir tenu cette consultation. Nous avons l'intention de procéder
rapidement avec la réimpression du projet de loi. Il y aura quelques
décisions à prendre dans les prochains jours. D'ici une semaine
ou deux environ, nous serons en mesure de déposer le nouveau projet de
loi, c'est-à-dire un projet de loi réimprimé, ce qui nous
permettra de procéder par la suite plus rapidement à son
adoption. Je termine en remerciant également non seulement les membres
du parti ministériel mais ceux de l'Opposition pour une collaboration
certaine qui, à l'occasion, a donné lieu à des propos un
peu plus animés mais je considère que les partis étaient
toujours de bonne foi. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, je veux également
remercier les membres de la commission parlementaire, vous-même, la
secrétaire de la commission ainsi que tous les députés qui
y ont participé. J'ai beaucoup de sympathie pour les membres
ministériels de la commission parlementaire mais je leur dis de ne pas
s'impatienter. Viendra le temps où ils pourront venir siéger de
ce côté. M. le Président, j'aimerais pour terminer nos
travaux, aborder de façon un peu plus sérieuse cette importante
question des régimes complémentaires. Je crois que sous, je le
dis, le fallacieux prétexte de tenir une consultation plus qu'improbable
l'automne prochain, en raison du déclenchement probable des
élections, le gouvernement relègue aux oubliettes l'importante
question de l'indexation et de la disposition des surplus. Sur ces questions,
le Québec risque d'accumuler un retard qui peut devenir insurmontable.
Je le répète, parce que le Québec était allé
au front le premier. Quand on fait grief au gouvernement
précédent de n'avoir déposé qu'en 1985 le projet de
loi 58, il faut se rappeler que, sur cette question dans le cadre des
négociations fédérales-provinciales, littéralement
les mots ont un sens, le Québec était monté au front
d'abord en publiant un livre orange dès 1984, en participant à
cette conférence fédérale-provinciale qui avait eu lieu,
je pense, en 1983, au moment où les autres gouvernements n'agissaient
pas, en préparant un projet de loi suffisamment intéressant
d'ailleurs pour que le ministre s'en inspire fort abondamment dans l'actuel
projet de loi 116. Quand je dis que le Québec est allé au front
le premier en publiant le livre orange, en entreprenant cette consultation, je
constate qu'on est en train de dilapider cette avance parce qu'en 1986, Ottawa
a légiféré en cette matière et l'Ontario, en 1987.
Il ne faut pas oublier que, même en adoptant le projet de loi 116, il
s'agira malgré tout d'un recul important au sujet de certaines questions
et d'omissions tout aussi importantes au moment où le voisin ontarien
aura franchi quelques étapes de plus. Évidemment, je pense qu'il
faut rappeler à ce moment-ci que le projet de loi 116 marque un net
recul eu égard à la notion pourtant fondamentale du comité
de retraite paritaire. Cette question est au coeur même de l'examen qui a
été fait des régimes complémentaires puisque
l'aspect paritaire des décisions pouvait amener les parties à
régler entre elles des questions qui ne le sont toujours pas et qui ne
le seront pas plus avec le projet de loi 116 puisque, tôt ou tard, le
ministre et son gouvernement auront à trancher ces questions.
Évidemment, j'insiste aussi sur le recul que représente le
projet de loi 116 en ce qui concerne l'extinction du partage de la rente au
conjoint à la suite d'un divorce ou d'une séparation. Nous aurons
l'étude du projet de loi article par article pour corriger cette
situation qui ne peut pas être simplement le fait d'une décision
que le gouvernement a à prendre en matière de partage des droits
économiques. Dans le cadre du projet de loi 116 lui-même, il faut
s'assurer que, même si ce n'est pas automatique, le partage puisse
être optionnel ou facultatif ou de consentement quand les parties le
désirent.
Ce sont trois années et demie d'inaction en matière de
régimes complémentaires, sous prétexte de l'urgence de
réaliser la promesse électorale à l'égard de la
participation des travailleuses au foyer au Régime de rentes du
Québec. Ces trois années et demie, malheureusement, ont fait
vieillir le projet de loi 58, et le fait que le
projet de loi 116 en affaiblit la portée en excluant la dimension
paritaire du comité de retraite n'est pas pour l'améliorer.
Contrairement à l'Ontario qui, au moment de
légiférer sur les régimes complémentaires, a
introduit le principe de l'indexation automatique et consulte maintenant sur
une formule seulement, le gouvernement libéral reste totalement muet sur
la question de l'indexation et semble même hésiter à
reconnaître le principe. Tout au moins, il n'a pas présenté
de formule qui pourrait faire l'objet d'une consultation. (18 il 30)
Quant à la disposition des surplus des caisses de retraite, il
faut rappeler que le gel n'est pas une solution puisque le moratoire est
prévu jusqu'au 1er janvier 1990 seulement dans les cas de terminaison
des régimes. Entre-temps, les travailleurs et les travailleuses
retraités sont privés de sommes importantes. Ce moratoire n'a
d'ailleurs aucune portée sur la disposition des surplus en cours de
régime, puisque les congés de contribution patronales se
poursuivent et peuvent avoir pour effet de vider les surplus des caisses de
retraite. Sous prétexte de ne rien décider pour mieux consulter,
le ministre Bour-beau laisse les surplus se vider pendant que les rentes
versées ne sont souvent même pas indexées.
Les travaux de la commission parlementaire ont permis de réaliser
qu'en raison de l'impact de l'inflation sur leurs salaires et leurs rentes, les
employés voient souvent leur pouvoir d'achat diminuer, et le rendement
des placements de leur caisse de retraite qui pourraient, à l'inverse,
leur procurer des bénéfices importants leur sont
littéralement détournés par les employeurs pour payer
leurs propres cotisations. Le plus tôt possible, le gouvernement doit
rendre publiques ses intentions en matière de disposition des surplus et
en matière d'indexation.
Évidemment, je n'ai pas à rappeler ce que de nombreux
intervenants nous ont rappelé durant tous nos travaux, qu'il faut se
pencher sérieusement sur le régime public et qu'il y a urgence
d'agir, également, dans ce domaine pour l'ensemble des travailleurs et
travailleuses qui n'ont pas accès à un régime
complémentaire. Quand on pense que deux travailleurs sur cinq seulement
y ont accès et que ce nombre comprend les travailleurs du secteur public
et parapublic, c'est à peine un travailleur sur cinq dans le secteur
privé qui peut en bénéficier.
En terminant, M. le Président, j'insiste sur un aspect qui a
été développé durant les travaux de la commission
parlementaire et qui est celui de la prolifération des REER collectifs
aux dépens des régimes complémentaires de retraite.
L'utilisation accrue par les employeurs de REER collectifs - on parle d'une
hausse de 47 % de 1985 à 1987 - véhicule qui jouit des
mêmes avantages fiscaux sans être réglementé aux
dépens des régimes complémentaires, risque certainement de
pénaliser des travailleurs et travailleuses qui peuvent se retrouver
sans ressources au moment de la retraite. La planification financière de
la retraite exige que le gouvernement favorise les véhicules
d'épargne-retraite proprement dits. En l'absence d'intervention à
l'égard des REER collectifs, le gouvernement aura à assumer sa
part de responsabilité, si la prolifération que l'on
connaît maintenant se poursuit.
Je veux assurer le ministre et les membres de cette commission de la
collaboration de l'Opposition pour mener à terme le projet de loi qui
est devant nous, évidemment pour le bonifier, en espérant que le
ministre examine sérieusement les amendements que nous allons apporter
et qu'ils soient de nature à améliorer ces régimes
complémentaires de retraite. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, pour rassurer la
députée de Maisonneuve de mon intention de reprendre le collier
dès que possible à l'automne, avec ce qu'il reste à
terminer, c'est-à-dire la question de la disposition des surplus
d'actifs, oui, nous allons tenter de bonifier la loi au maximum. M. le
Président, après avoir remercié tous les membres de la
commission, je voudrais vous remercier également, de même que la
secrétaire et les gens qui ont eu la patience de nous endurer pendant
trois jours, les gens qui aident la députée de Maisonneuve, ceux
de mon cabinet, ceux de la Régie, bref, et même M. Boulay, pour un
travail bien fait. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Bien, je vous remercie
M. le ministre et, puisqu'on est à la fin des remerciements, il y a
peut-être un groupe qu'on a oublié, celui de la transcription. Ce
groupe n'est pas dans la pièce, on ne le voit jamais, mais il travaille
très fort. Je remercie aussi nos collègues qui ont tous
été assidus à ces travaux.
La commission, ayant rempli son mandat, ajourne ses travaux sine
die.
(Fin de la séance à 18 h 35)