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(Seize heures onze minutes)
Le Président (M. Bélanger): Bonjour. La commission
des affaires sociales se réunit pour procéder à
l'étude détaillée d'un projet de loi public, soit le
projet de loi 73, Loi modifiant la Loi sur les allocations familiales et
d'autres dispositions législatives. Nous avions déjà
fait... Je suis un petit peu mêlé, vous m'excuserez. On
était à l'article 2. C'est ça, nous en étions - on
n'était donc pas vite - à l'article 2 édicté par
l'article 2. Dit comme ça, tout le monde comprend, il semblerait. Donc,
l'article 2 édicté par l'article 2. M. le ministre.
Champ d'application (suite)
M. Bourbeau: M. le Président, cet article introduit la
notion de famille et fixe les règles d'établissement du rang de
l'enfant dans la famille. Ce rang est fixé suivant l'âge des
enfants de moins de 18 ans, en commençant par le plus vieux. La famille
est formée des enfants et des conjoints ou de la personne seule qui en
prend soin ou pourvoit à leurs besoins. Le règlement fixera les
critères suivant lesquels il pourra être établi que le
conjoint ou la personne seule prend soin ou subvient aux besoins d'un enfant,
comme c'est le cas dans la loi actuelle.
La notion de famille est absente de la loi actuelle qui parle du
père, de la mère et des enfants. Mais cette notion existe dans la
législation fédérale correspondante. Je vous
réfère à la Loi de 1973 sur les allocations familiales,
Statuts du Canada, 1973-1974, chapitre 44. L'enfant placé en famille
d'accueil n'est pas considéré comme faisant partie de cette
famille aux fins de l'ouverture du droit aux allocations.
Le Président (M. Bélanger): Sur cet article 2, Mme
la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, il s'agit donc d'une
disposition dont on a abondamment parlé lors de nos travaux
antérieurs, je crois, puisqu'elle met en cause le rang des enfants dans
la famille. Je rappelle à cet égard la recommandation des cercles
des fermières qui ont fait valoir à maintes reprises, je crois,
non seulement au prédécesseur du ministre, mais aussi au ministre
délégué à la Famille, que le fait qu'un enfant
change de rang, selon l'âge de ses frères et soeurs, amène
une diminution qui peut être assez substantielle. Ainsi, l'enfant de
troisième rang peut se retrouver au premier rang si ses frères et
soeurs plus âgés ont atteint l'âge de la majorité et
si leur âge ne leur donne plus accès aux allocations
familiales.
En termes concrets, s'il y a trois enfants dans la famille et que le
troisième né quelques années après les deux autres,
celui-ci donne droit à une allocation pour le troisième enfant.
Mais, si les deux plus vieux atteignent l'âge de la majorité, le
troisième, à ce moment-là, redevient comme le premier.
C'est comme s'il n'y avait pas d'allocation acquise.
Alors c'est là une revendication, évidemment, qui... Je ne
sais pas si elle est coûteuse. Je vais poser la question au ministre:
Combien d'enfants sont en cause? Il ne doit pas y en avoir tant que ça,
parce que je regardais les chiffres, et les familles de trois enfants et plus
ne forment même plus 12 % des familles québécoises, et je
crois que pour deux enfants et plus... Je ne sais' pas si le ministre peut me
fournir des chiffres, mais il reste qu'il aurait certainement
intérêt à être plus généreux de
manière que les parents ne perdent pas l'allocation de l'enfant parce
qu'il a changé de rang. Je ne sais pas si le ministre a examiné
la question.
Évidemment, je ne veux pas entrer dans toutes les
considérations qu'on a d'ailleurs déjà longuement
évoquées lors de nos travaux antérieurs, comme sur le fait
que plus les enfants vieillissent, plus ça coûte cher, et non
l'inverse. Notre société est en train de fantasmer sur les petits
bébés. C'est important, évidemment, mais il reste que
c'est lorsque qu'ils grandissent, c'est quand ils sont adolescents que les
enfants coûtent cher. Ils coûtent cher aussi en frais de garde
lorsqu'ils sont plus jeunes, mais là, évidemment, les parents
peuvent avoir droit à l'exonération financière et selon
leur test de revenu, à une aide. On dit toujours petits enfants, petits
problèmes, grands enfants, grands problèmes, mais cela vaut aussi
pour les frais afférents à un enfant. C'est évident que
les commissions scolaires ne prennent plus à leur charge les
déplacements des enfants après le primaire, le premier cycle du
primaire même. Étant donné que ce qui est en cause, ce
n'est pas toute la structure du système d'allocations familiales selon
la gradation, selon l'âge, mais que c'est simplement le rang, est-ce que
le ministre a une réponse, à nous donner?
M. Bourbeau: M. le Président, si j'ai bonne souvenance, la
députée a proposé un amendement au mois de novembre a ce
sujet, qui a été battu par la commission. Est-ce que ce n'est pas
déjà chose jugée? Je ne veux pas être
légaliste. Je voudrais quand même simplement dire à la
députée que c'est sûr que, dans un monde idéal, si
le gouvernement avait les moyens d'ajouter beaucoup d'argent pour les
enfants... Tant mieux si on pouvait trouver les millions, les centaines de
millions qu'il faut, mais on doit voir cette question dans un contexte global.
Le gouvernement fait quand même beaucoup pour la famille, pour tenter de
promouvoir non seulement la natalité, mais la vie familiale.
Lors du dernier budget, on a estimé que les
avantages financiers consentis à la famille étaient de
l'ordre de 772 000 000 $, si je me souviens bien. On a cessé de
récupérer les allocations familiales à l'impôt. La
députée de Maisonneuve doit reconnaître ça. Cela a
quand même été des sommes d'argent additionnelles
laissées dans les goussets des pères et des mères de
famille. Il y a aussi les nouvelles allocations à la naissance. Cela ne
s'adresse pas directement au problème qu'évoque la
députée, qui parie des enfants grandissant, mais il y a eu des
réductions d'impôt en général qui permettent
également aux familles d'avoir un peu plus d'argent. D'autres programmes
gouvernementaux aussi aident les familles les moins bien nanties. Je ne
voudrais pas mettre de l'huile sur le feu ou mettre un peu de sel sur les
plaies de la députée de Maisonneuve...
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, comme
vous y faisiez allusion tout à l'heure, il y a eu une décision de
la commission là-dessus et cela a été jugé
irrecevable à ce moment-là.
M. Bourbeau: Mais je dis quand même, M. le
Président, que je n'ai pas d'objection à en parler, mais je ne
m'étendrai pas très longtemps, je vais terminer. Simplement, dans
la réforme de l'aide sociale, on a ajouté de l'argent...
Mme Harel: Ce n'est pas le fait que vous en pariiez qui est
irrecevable, c'est l'amendement que j'ai fait qui est irrecevable. Mais je peux
en faire un autre qui sera recevable. Il n'y a pas chose jugée
là. Je voudrais...
M. Bourbeau: C'est pour ça, M. le Président, que
j'en parle quand même. Je signale à la députée, par
exemple, que le Programme d'allocation-logement pour les assistés
sociaux, non seulement pour les assistés sociaux, mais aussi pour les
travailleurs à faible revenu, ajoutait des fonds aux familles
québécoises, surtout aux familles monoparentales avec enfants
mineurs. Voilà donc un programme qui va coûter 25 000 000 $ et qui
s'adresse aux familles avec enfants mineurs qui ont des problèmes de
logement et qui va s'adresser autant aux familles à l'aide sociale
qu'aux travailleurs à bas revenu. Je pense que, vu dans un contexte
général et global, le gouvernement fait des efforts pour venir en
aide aux familles, et ça comprend, évidemment, l'aide aux
enfants.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Maintenant, M. le Président, il faut parler
sérieusement. L'allocation mensuelle pour jeune enfant remplace
l'allocation de disponibilité du précédent gouvernement.
Cela dit, le ministre ignore peut-être, pour ne pas avoir suivi les
travaux de la commission parlementaire, notre commission parlementaire, M. le
Président, qui a siégé pendant plusieurs semaines pour
entendre les personnes qui voulaient donner leur point de vue sur les services
de garde, que quelques organismes ont fait valoir leur déception
profonde quand au fait que l'allocation de disponibilité avait
été transformée en allocation familiale pour jeune
enfant.
Ce qui m'est apparu évident à l'occasion de ces
représentations, que particulièrement les groupes de femmes ont
faites, c'est qu'il ne faut pas confondre les allocations pour la garde
d'enfant avec les allocations pour l'entretien de l'enfant. L'allocation
familiale, quel que soit !e nom qu'elle porte, allocation familiale ou
allocation mensuelle pour jeune enfant, est considérée, dans la
psychologie sociale, comme devant être affectée a l'entretien de
l'enfant, tandis que l'allocation de disponibilité était
considérée, par les personnes qui Sa recevaient, comme une
allocation qui leur était octroyée pour les services qu'elles
rendaient à l'égard de l'enfant. C'était évident,
dans les représentations qui ont été faites, que bon
nombre de groupes regrettaient amèrement l'abolition de l'allocation de
disponibilité, celle que les parents - pour ne pas dire les mères
- concevaient comme étant attribué pour les services qu'ils
rendaient et non pour l'entretien et la charge de l'enfant.
Cela dit, lorsque le ministre était à l'Habitation et aux
Affaires municipales, il n'a peut-être pas pu suivre très
attentivement tout ce dossier, alors, je veux lui rappeler qu'en 1987, son
gouvernement, par une sorte de tour de passe-passe, a épargné 68
000 000 $ en renversant les allocations versées selon le rang de
l'enfant dans l'allocation de disponibilité. Une somme de 68 000 000 $,
simplement en transformant l'allocation versée pour le premier enfant,
en renversant les montants de manière que le troisième
reçoive ce que le premier recevait, et vice versa, de façon que
les 500 $, qui étaient beaucoup plus largement versés, puisque
bon nombre de familles ont un enfant, se sont trouvés
considérablement réduits, puisqu'ils n'étaient
affectés qu'aux familles de trois enfants et plus. Alors là, il y
a eu une économie nette évaluée à 68 000 000 $.
Dans le discours sur le budget du mois d'avril 1988 du ministre des Finances,
on retrouve d'ailleurs une référence exacte à
l'économie qui a été réalisée dans le cadre
de l'allocation de disponibilité.
D'autre part, une fois cette économie réalisée en
transformant les allocations selon le rang des enfants, la deuxième
étape a été de l'abolir, en 1987. Et, là, je
reçois des lettres... Je ne sais pas si le ministre veut, ce soir par
exemple, qu'on lui fasse part de toutes les doléances qu'on
reçoit de parents qui viennent maintenant de se rendre compte qu'ils ne
pourront pas, dans leur rapport d'impôt, demander rétroactivement
l'allocation de disponibilité comme ils le faisaient
précédemment.
M Bourbeau: Ils ont l'allocation pour jeune
enfant.
Mme Harel: Ils ont, depuis le 1er janvier, l'allocation pour
jeune enfant, mais cette allocation pour jeune enfant, à partir de
janvier, vous comprendrez qu'elle est bien en deçà de ce qu'ils
recevaient avec l'allocation de disponibilité, les années
antérieures. Ils vont avoir pour quatre mois - janvier, février,
mars et avril - des versements dans le présent budget du gouvernement,
pour l'exercice financier qui se termine le 31 mars. Alors, ces versements pour
quatre mois sont évidemment bien moindres que l'allocation de
disponibilité qui était versée à l'ensemble des
femmes du Québec, mères d'enfants de moins de six ans. C'est une
autre façon que le gouvernement a malheureusement trouvée pour
économiser sur le dos des familles. Qu'est-ce qui se passe?
Quand le ministre nous parle de ces 756 000 000 $, c'est qu'à
l'intérieur de cette enveloppe, il inclut, les paiements, qui se font
depuis toujours, des allocations familiales. J'ai eu l'occasion de lui dire que
la vraie nouveauté, c'est le caractère non imposable des
allocations familiales. C'est un pas dans la bonne direction, mais c'est
vraiment le seul ajout que l'on fait pour les familles
québécoises qui avaient un revenu imposable. L'autre
réalité, c'est que les familles pauvres, qui représentent
la majorité des familles, avec un chef de moins de 34 ans - on sait
qu'au Québec 21 % des enfants de moins de six ans vivent dans une
famille pauvre - qui n'ont pas de revenu imposable, ne
bénéficient pas de cette abolition de l'imposition parce que cela
ne leur donne rien de plus que ce qu'elles recevaient auparavant, alors
qu'elles recevaient l'allocation de disponibilité, pleine et
entière, une allocation qui était non seulement non imposable sur
le revenu, mais l'équivalent d'un crédit versé
indépendamment du revenu. Je repose la question: Est-ce que le
ministre...
Je peux encore déposer un amendement. Je souhaiterais le faire si
je sentais de la bonne volonté et de la coopération de la part du
ministre. L'amendement serait tout simplement pour faire en sorte que le rang
des enfants dans une famille soit maintenu, indépendamment de ceux qui
donnent droit à l'allocation familiale, évidemment, je ne
procéderai pas à un tel amendement, si tant est que le ministre
n'a pas du tout l'intention de le retenir.
M. Bourbeau: Est-ce que...
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, je vous
en prie.
M. Bourbeau: M. le Président, avant de répondre
assez spécifiquement à la question de la députée de
Maisonneuve, je voudrais relever un point de son intervention où,
à sa manière tout à fait gentille, elle a accusé le
gouvernement de faire des tours de passe-passe, pour employer ses mots que je
cite. M. le Président, je serais porté à lui dire, comme
on dit en langage populaire, que cela en prend un pour en reconnaître un
autre et que son parti est passé maître dans l'art de faire des
tours de passe-passe. Dans le domaine précis dont on parle, elle nous
dit: Vous avez essayé de cacher l'allocation de disponibilité en
faisant... Je ne m'étendrai pas sur les détails, M. le
Président, mais je lui rappellerai qu'en matière de passe-passe,
son ancien ministre des Finances était passé maître quand
il nous avait annoncé qu'H maintenait les allocations familiales, d'une
part, pour les récupérer par la fiscalité, d'autre part.
C'était une façon extraordinaire d'abolir, à toutes fins
utiles, les allocations familiales. L'ancien gouvernement avait aboli les
allocations familiales en disant: On va vous les payer mensuellement, mais vous
devrez nous les rembourser en totalité à la fin de l'année
dans le rapport d'impôt.
Mme Harel: C'est le présent gouvernement qui a fait
ça.
M. Bourbeau: Non.
Mme Harel: Dans le discours du ministre Gérard D.
Levesque, c'est le présent...
M. Bourbeau: M. le Président, sous l'ancien gouvernement,
comme je l'ai dit, le ministre Duhaime, ministre des Finances péquiste,
avait ordonné la récupération de toutes les allocations
familiales...
Mme Harel: Mais il ne l'a pas fait. C'est votre gouvernement qui
l'a fait.
M. Bourbeau: M. le Président, nous avons
hérité d'un budget où était prévue la
récupération de toutes les allocations familiales. Or, nous avons
réussi à abolir totalement cette récupération,
c'est-à-dire à laisser les allocations familiales dans la poche
des familles québécoises, ce qui est une Importante
amélioration. Nous avons donc, si je puis m'exprimer ainsi, guéri
le malade que nous avait laissé l'ancien gouvernement.
Un autre point dont la députée de Maison-neuve ne doit pas
être fière aussi, c'est la non-indexation des allocations
familiales que s'est permise son gouvernement, en catimini, sans trop en
parler, en 1985 et, en partie aussi, en 1983 et 1984. Elle n'en parle pas non
plus. C'était un autre petit tour de passe-passe que les
Québécois et les Québécoises n'ont peut-être
pas vu, qu'on n'a peut-être pas assez dénoncé, mais qui ne
s'inscrivait certainement pas dans te sens d'une justice pour les familles,
surtout les familles pauvres. (16 il 30)
Maintenant, pour répondre à sa question spécifique,
les choses étant remises dans leur contexte et les tours de passe-passe
étant attribués à chacun, je dirai que, si on devait geler
le rang - c'est ce que me suggère la
députée de Maisonneuve - de chacun des enfants dans la
famille, premièrement, ça signifierait des dépenses
additionnelles considérables pour le gouvernement, qui ne sont pas
prévues dans les équilibres budgétaires.
Deuxièmement, ça causerait de sérieux problèmes
dans le cas des familles reconstituées, par exemple. J'aimerais
évoquer le cas d'une famille où deux conjoints deviennent des
conjoints de fait. Chacun a deux enfants. Alors, lequel devient le premier,
lequel devient le deuxième? Cela créerait un problème. On
ne saurait plus. Il pourrait y avoir deux troisièmes enfants dans la
famille, deux quatrièmes ou deux deuxièmes. Il n'y aurait plus de
rang. Cela ferait un quiproquo très difficile à
démêler.
Donc, je pense qu'en procédant comme nous le faisons, c'est
beaucoup plus simple, beaucoup plus clair. Chaque enfant a son rang et le rang
évolue avec l'âge des enfants. Je pense que c'est une façon
beaucoup plus harmonieuse d'administrer la mesure.
Mme Harel: On me dit qu'il me reste une minute.
Le Président (M. Bélanger): II vous reste une
minute, oui.
Mme Harel: Je voudrais simplement rappeler au ministre qu'il en
va tout autant ainsi pour l'application de sa mesure dans le cadre de son
projet de loi...
Le Président (M. Bélanger): Si vous me permettez!
Si vous voulez déposer une motion, il faudra le faire à
l'intérieur de votre temps.
Mme Harel: Oui. Malheureusement, M. le Président, je vais
tout simplement me satisfaire de voter contre. J'aurais beau la
présenter, je vois très bien que je ne pourrais pas aller
quérir la collaboration du ministre. Son argument est très
dilatoire, parce que, dans l'application de son projet de loi, il aura aussi
à le faire dans le cadre des familles reconstituées. Il y a une
définition, justement à l'article 2, qui dit: "Une famille est
formée de conjoints ainsi que des enfants dont au moins l'un des
conjoints prend soin." Alors, nécessairement, s'il y a deux parents avec
chacun deux enfants, il y aura une intégration. Les allocations qui
seront versées ne le seront pas à chacun d'entre eux pour deux
enfants. Elles le seront dans un ordre qui sera déterminé pour
quatre enfants. Donc, on tiendra nécessairement compte, pour
l'attribution des allocations, du rang des enfants à l'égard de
cette famille reconstituée. Ce n'est pas du tout un argument qui vient
d'aucune façon empêcher le maintien du rang de l'enfant lorsque
les plus âgés dépassent l'âge de la majorité.
Cela vaut pour les familles reconstituées comme pour les familles qui
sont de souche, comme on appelle maintenant les familles d'origine. Quel est le
nom des familles qui ne sont pas reconstituées?
Le Président (M. Bélanger): On parle de la famille
atomique, nucléarisée, je ne sais pas trop.
M. Bourbeau: M. le Président, je veux seulement signaler
à la députée de Maisonneuve que, dans !e cas dont on
parle, effectivement, le projet de loi que nous proposons est plus
généreux à l'égard des familles
reconstituées que ce que propose la députée de
Maisonneuve. La députée de Maisonneuve voudrait qu'on gèle
le rang. Prenons le cas de deux...
Mme Harel: Non. Seulement quand les pius vieux atteignent
l'âge de la majorité.
M. Bourbeau: Prenons le cas de deux individus qui deviennent
conjoints de fait, un homme et une femme autant que possible, et qui ont chacun
deux enfants. Supposons que chacun des deux a un enfant de moins de six ans. Si
Ses rangs sont gelés, on aurait un enfant de premier rang et un enfant
de deuxième rang, deux fois. L'allocation du deuxième est quand
même moins importante. Mais ià, on aura un premier, un
deuxième, un troisième et un quatrième enfant, de sorte
que l'allocation payable au troisième et au quatrième va
être plus importante, en montant d'argent, que s'ils avaient
été des deuxièmes rangs.
Mme Harei: Oui mais, justement, comme...
M. Bourbeau: Donc, la famille va avoir des montants plus
importants.
Mme Hare!: C'est déjà réglé. C'est
réglé par le premier paragraphe avec la définition de ia
famille. Cela vaut pour la définition: "Une famille est formée de
conjoints ainsi que des enfants dont au moins l'un des conjoints prend soin."
Alors, nécessairement, dès qu'il y a cette définition, que
ce soit la famille "séculaire", ia famille reconstituée ou
n'importe laquelle, il y a des conjoints avec des enfants, alors on
établit le rang des enfants. Si chacun en a deux, il y en aura quatre et
les allocations versées le seront du premier au quatrième, dans
l'ordre des montants qui sont attribués. Cela ne change en rien,
finalement, le fait que le dernier paragraphe dise que, lorsque certains
d'entre eux atteignent l'âge de ia majorité, qu'ils soient de
familles séculaires, reconstituées, biparentales, monoparentales
ou n'importe, quand certains d'entre eux atteignent l'âge de la
majorité, quelle que soit ia composition de la famille, quel que soit
son statut familial, c'est là qu'entre en ligne de compte le rang de
l'enfant, quelle que soit la nature de la famille.
M. Bourbeau: J'ai saisi, M. le Président. Je n'avais pas
compris la nuance que faisait la députée de Maisonneuve. Elle
parle de figer le rang après la reconstitution de la famille. Je
croyais qu'elle souhaitait ou qu'elle proposait de geler le rang tel
qu'il était avant la reconstitution de la famille. Dans ce sens, Je
reconnais qu'elle a raison, ce sera plus payant pour la famille si, lorsqu'un
enfant atteint l'âge de 18 ans, on ne modifie pas le rang des autres,
mais ce serait beaucoup plus dispendieux pour le gouvernement qui a
déjà...
Mme Harel: Avez-vous fait une évaluation?
M. Bourbeau: Écoutez, on n'a jamais envisagé de
geler le rang des enfants comme ça, à l'infini. À moins
qu'on ne me dise qu'on a fait des études, moi, je n'en ai pas fait
personnellement.
Mme Harel: II me semble que c'est très important de savoir
quelle est la nature de la somme qui est mise en cause. On serait
peut-être surpris de se rendre compte de ce qui est irritant pour des
gens. Finalement, on ne met pas en cause des sommes si importantes.
M. Bourbeau: En ce qui concerne le principe de la chose, à
partir du moment où un enfant atteint l'âge de 18 ans, la
députée nous dit: Bon, c'est très cher; lorsque les
enfants grandissent, ça coûte plus cher. Par contre, quand un
enfant atteint l'âge de 18, 19, 20 ou 21 ans, souvent il commence
à voler de ses propres ailes, quitte le ménage, a un emploi, peut
possiblement retirer des prestations d'aide sociale. Donc, le coût
à la famille est diminué. La famille a perdu un enfant, mais elle
a perdu aussi l'obligation de faire certaines dépenses. On pourrait dire
qu'il y a une certaine économie à voir des enfants vieillir,
au-delà d'un certain âge, puisque les enfants quittent la famille.
Donc, l'argument de la députée est un peu affaibli en ce sens
qu'en vieillissant et en quittant la famille, on diminue les frais
généraux de la famille. On peut justifier, à ce
moment-là, de faire glisser les rangs.
Mme Harel: Écoutez, c'est une question de choix politique,
finalement. Sur le plan de l'équité sociale, il faut quand
même reconnaître que ces enfants sont dans des familles qui ont,
par exemple, contribué à l'ensemble de la société
en faisant des enfants. Là, on parle surtout de l'enfant de
troisième rang ou de quatrième rang. Je ne sais pas si ça
met en cause des sommes si importantes. Mais parfois, c'est une sorte de
reconnaissance sociale. J'avais l'impression, en écoutant la
présidente des cercles de fermières défendre cette
revendication, que, dans le fond, c'était comme une sorte de
reconnaissance sociale lorsque l'État compense assez faiblement, il faut
quand même l'admettre, malgré l'amélioration de
l'allocation, la vie du troisième enfant et que la personne touche cette
allocation-là. Ce sont souvent les seuls montants que les mères
au foyer touchent.
Le fait de voir ce montant, non seulement diminué du fait que les
enfants plus âgés quittent - elles ne demandent pas le maintien du
montant quand les enfants ont leur majorité - mais totalement
réduit. Non seulement il est réduit au départ des enfants,
mais il est aussi réduit du rang du troisième qui reste,
même s'il a douze ou treize ans. À ce moment-là, c'est
comme s'il n'y en avait eu qu'un seul dans la famille. Quelque part, il y a
comme un bon sens populaire qui les amène à dire: Cela ne se peut
pas que j'en aie eu un seul vu que j'en al eu trois. Vous comprenez? Vous
savez, une sorte de gros bon sens qui les amène à vraiment
résister au fait de dire que, maintenant, il faut qu'Us
considèrent qu'ils n'en ont eu qu'un. Je ne sais pas si on se
comprend.
M. Bourbeau: M. le Président, la députée de
Maisonneuve a posé une question tout à l'heure. Est-ce qu'on a
fait des études de coûts? Je ne crois pas qu'on ait fait des
études de coûts, mais je peux lui donner des chiffres en date du
31 décembre 1987 qui indiquent qu'à ce moment-là, au
Québec, il y avait 90 404 enfants de 17 ans, donc en danger imminent
d'atteindre 18 ans, et que des enfants de troisième rang et plus, y y en
avait à peu près 17 000. Maintenant, c'est une statistique qu'on
ne peut pas utiliser comme ça parce qu'on ne sait pas quel âge ont
les deux autres enfants. Est-ce qu'ils ont moins de six ans ou plus de six ans?
Cela peut peut-être donner une indication à la
députée, mais au 31 décembre 1987, il y avait 17 000
enfants de 17 ans dans des familles ayant trois enfants et plus.
Mme Harel: M. le Président, je vois M. le ministre
utiliser les statistiques de 1987. Est-ce que c'est le document qu'on peut
considérer le plus à jour pour obtenir un portrait de la
situation? J'ai le même document, mais je me demandais s'il y avait
quelque chose de plus à jour que ça. C'est le dernier?
M. Bourbeau: On m'indique que c'est le plus récent, M. le
Président.
Mme Harel: Le plus récent. Est-ce que ce serait possible,
M. le Président, d'en avoir des copies supplémentaires, ce
soir?
M. Bourbeau: Bien, vous venez de dire que vous en aviez une copte
déjà.
Mme Harel: Oui, mais je ne l'ai pas ici avec moi,
malheureusement; je l'ai à mon bureau de Montréal, et cela
pourrait être utile.
M. Bourbeau: Je vais m'informer pour savoir s'il y a moyen d'en
avoir des copies.
Mme Harel: Cela comprend toutes les données relatives aux
familles. Est-ce bien ça?
M. Bourbeau: Je vais voir s'il n'y a pas
moyen d'en avoir des copies.
Mme Harel: C'est fait par le ministère de la Main-d'Oeuvre
et de la Sécurité du revenu, pas par la Régie des rentes.
C'est ça?
M. Bourbeau: Oui. Il y a sûrement moyen de s'en procurer
des copies. Alors, on va envoyer quelqu'un voir. Est-ce que la
députée de Maison-neuve me donne l'assurance qu'elle n'ajournera
pas le débat pour apprendre par coeur tous les chiffres qu'il y a dans
le document?
Le Président (M. Bélanger): Cela dit, dans la
mesure du possible, Mme la députée de Maisonneuve, on vous fera
parvenir ce document.
Sur l'article 2, est-ce qu'il y a d'autres interventions?
Mme Harel: C'est simplement concernant le tout dernier
paragraphe, le fait que des personnes sont des conjoints même si elles
cessent temporairement de cohabiter. J'avais posé la question au
ministre: Cette cessation temporaire de la cohabitation ne peut-elle pas mener
à des abus où quelqu'un serait présumé...
Le Président (M. Bélanger): Là, vous parlez
du troisième...
Mme Harel: Ah, excusez-moi, M. le Président!
Le Président (M. Bélanger): Si vous me permettez.
Alors, sur le deuxième...
M. Bourbeau: J'ai l'impression de revivre un débat qu'on a
vécu au mois de décembre. Ce sont les mêmes interrogations,
les mêmes phrases, les mêmes notions. Est-ce que nous allons, M. le
Président, revivre continuellement les mêmes débats?
Le Président (M. Bélanger): C'est ça. Alors,
sur l'article 2 édicté par l'article 2, est-ce qu'il y a d'autres
interventions?
Une voix: Non, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Non. Est-ce que
l'article 2 édicté par l'article 2 est adopté?
M. Bourbeau: Adopté.
Mme Harel: Sur division.
Le Président (M. Bélanger): Sur division.
M. Bourbeau: M. le Président, vous me permettrez,
étant donné la bonne volonté que manifeste la
députée de Maisonneuve, de lui faire don tout de suite du
document intitulé "Statistiques 198r que je viens de me procurer. Cela
me fait plaisir...
Le Président (M. Bélanger): Excellent.
M. Bourbeau: ...de le lui donner pour accélérer les
travaux.
Le Président (M. Bélanger): Vous pourrez le lui
emprunter...
Mme Harel: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): ...si vous voulez le
consulter, je suis convaincu qu'il y aura des échanges de bons
procédés.
J'appelle donc l'article 3 édicté par l'article 2. "Sont
des conjoints les époux qui cohabitent et les personnes qui vivent
maritalement. "Ces personnes continuent d'être des conjoints même
si elles cessent temporairement de cohabiter. Sont fixées par
règlement la période maximale pendant laquelle la cessation de
cohabitation est considérée comme temporaire et les circonstances
dans lesquelles cette limite ne s'applique pas."
Sur ce troisième élément, est-ce qu'il y a des
interventions? M. le ministre.
M. Bourbeau: Une explication, M. le Président. L'article
définit le mot "conjoints", lequel comprend les personnes
mariées, bien sûr, ainsi que celles qui, de fait, vivent comme
mari et femme. Il prévoit que, selon les circonstances et pour la
période prévue par règlement, la cessation temporaire de
cohabitation ne fait pas perdre le statut de conjoints. Telle que
définie, la notion de conjoints permet une plus grande
équivalence avec la législation fédérale
correspondante. Je me réfère, évidemment, à la Loi
sur les allocations familiales du gouvernement du Canada.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Quand le ministre entend-il nous faire connaître
le règlement qui a une certaine importance, parce qu'on est en train de
déterminer quand des personnes qui ne cohabitent pas vont être
considérées comme des conjoints?
Une voix: Temporairement.
Mme Harel: Temporairement, oui, même si elles cessent
temporairement de cohabiter. Est-ce que quelqu'un pourrait cesser
temporairement de cohabiter avec quelqu'un d'autre, mais être
considéré comme le conjoint d'un autre? La bigamie est quand
même interdite dans notre société. (16 il 45)
Une voix: La polygamie, c'est très grave.
Mme Harel: Bigamie. La polygamie, c'est d'habiter au même
endroit avec plusieurs femmes. La bigamie, c'est d'avoir plusieurs femmes dans
des endroits différents.
Une voix: Je vous fais confiance sur la définition.
M. Bourbeau: La députée de Maisonneuve se permet de
nous donner la définition de la bigamie? Est-ce qu'elle peut nous donner
la définition de la fidélité?
Mme Harel: De la polyandrie, vous préférez?
M. Bourbeau: La polyandrie?
Mme Harel: Est-ce que vous connaissez la polyandrie?
M. Bourbeau: Oui, on a étudié le grec.
Mme Harel: Je vous pose de nouveau la question. Quand va-t-on
connaître le règlement? Cela a quand même une certaine
importance.
M. Bourbeau: D'ailleurs, polyandrie vient du mot "andros"...
Mme Harel: C'est ça.
M. Bourbeau: ...qui veut dire homme.
Mme Harel: Homme, voilà. Plusieurs hommes. C'est
l'équivalent de la polygamie, mais pour le matriarcat.
Le Président (M. Bélanger): Devenons tous
mormons.
Mme Harel: Qu'est-ce que c'est la normalité, M. le
Président?
Le Président (M. Bélanger): Madame, pas de
philosophie! Je préside. M. le ministre, il y a une question de Mme la
députée de Maison-neuve. Quand croyez-vous qu'on aura les
règlement?
M. Bourbeau: On est en train de préparer le
règlement. On m'indique que, d'ici environ deux mois, on sera en mesure
de procéder à la prépublication du règlement.
Mme Harel: Quand entendez-vous appliquer la
réglementation?
M. Bourbeau: Dès que la période de
prépublication du règlement sera terminée.
Mme Harel: Soixante jours.
M. Bourbeau: Quarante-cinq jours, je crois.
Mme Harel: Je pense que c'est 60 jours maintenant avec la
nouvelle loi.
M. Bourbeau: La Loi sur les règlements. Personnellement,
je crois que c'est 45 jours, mais la députée de Maisonneuve est
peut-être plus au courant que moi. De toute façon, quand la
période de prépublication du règlement sera
terminée, on le publiera. Il sera dans la Gazette officielle et,
à ce moment-là, le règlement deviendra en vigueur. Mais la
députée sait, qu'étant donné que c'est une loi
fiscale, on peut déjà procéder en vertu des dispositions
de la loi.
Mme Harel: Alors, on peut quand même connaître les
intentions gouvernementales quant à la période maximale pendant
laquelle la cessation est considérée comme temporaire et les
circonstances où cette limite ne s'applique pas. Alors, peut-on
connaître l'intention gouvernementale en matière de
délai?
M. Bourbeau: M. le Président, la réglementation,
selon toute vraisemblance, prévoira que la période temporaire de
non-cohabitation des conjoints ne devra pas dépasser 90 jours
consécutifs. Cependant, la cessation de cohabitation pendant plus de 90
jours consécutifs ne rendra pas une personne inadmissible, si elle
résulte du travail, des études ou du traitement médical de
l'un des conjoints. Je pense que ça répond.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a
d'autres interventions? Est-ce que l'article 3 édicté par
l'article 2 est adopté?
Mme Harel: Excusez-moi, M. le Président. Cela veut donc
dire que quelqu'un qui reconstitue une famille avec le parent de deux autres
enfants, qui quitte pour quelques mois, par exemple, peut continuer à
obtenir que lui soient versées les allocations familiales pour les
quatre enfants, même si son conjoint a quitté, pour un maximum de
trois mois consécutifs, dites-vous, à moins que ce ne soit pour
des raisons d'études, de travail ou de maladie. Pour quelle raison la
cessation aurait-elle eu lieu durant les trois premiers consécutifs si
ce n'est pas pour travail, études ou maladie?
M. Bourbeau: M. le Président, il s'agit d'une question de
fait. Si les gens se séparent, s'il s'agit vraiment d'une
séparation, on laisse aller pendant un certain temps parce qu'il y a
parfois des gens qui passent la porte le lundi matin pour toujours et qui
reviennent le vendredi soir, et ce n'est plus pour toujours. Il faut quand
même laisser un certain temps. Mais on pense qu'au bout de 90 jours, si
les conjoints ne sont plus ensemble, le départ ne résulte pas du
fait qu'un des conjoints soit allé travailler, soit aux études ou
en traitement médical, mais qu'il semble vraiment permanent. À ce
moment-là, on appliquera la règle de 90 jours. Mais cette
règle
pourra toujours être contredite par les déclarations des
parties. On me dit qu'à ce moment-là, la régie est
disposée à entendre toutes les représentations. On me
signale qu'il y a des cas où, par exemple, une femme part avec son
enfant vivre en Espagne et le mari continue à prétendre qu'il est
gardien responsable, etc. Cela fait trois, quatre ou cinq ans que la femme est
disparue, et on me dit qu'on paie encore le mari, dans le régime actuel,
parce que l'enfant et sa mère vivent quelque part. On veut mettre fin
à ces cas d'abus où il y a manifestement bris du ménage
depuis longtemps, où les conjoints ne vivent plus ensemble et où
on est obligé de payer pour des enfants qui ne sont plus là.
Mme Harel: C'est un exemple assez étonnant quand
même parce qu'il n'y a pas une autre disposition qui prévoit que,
s'il n'y a pas entretien de l'enfant, il n'y a pas versement.?
M. Bourbeau: Je pense qu'on aurait intérêt à
entendre M. Jules Laliberté, chef du Service des normes à la
Régie des rentes, qui a une grande expérience pratique. Il pourra
peut-être nous donner quelques renseignements additionnels sur ces
cas.
Le Président (M. Bélanger): M. Laliberté, on
vous écoute.
M. Laliberté (Jules): On sait que, dans les
priorités de paiement des allocations familiales, on va payer à
la mère qui prend soin, à la conjointe du père qui prend
soin ou au père qui prend soin. Dans les cas où on ne peut
qualifier quelqu'un qui prend soin, on va payer à la personne qui
entretient l'enfant, dans une large mesure. Il y a des cas où, par
exemple, le père peut toujours venir dire qu'il entretient l'enfant,
qu'il demeure au Québec et où il nous certifie qu'ils ne sont pas
séparés, mais dont l'enfant et la mère - je le disais
à M. le ministre tout à l'heure - sont en Espagne depuis quelques
années. Actuellement, la loi ne nous permet pas d'arrêter les
paiements dans ce cas.
Il faut aussi penser que cette notion de conjoint ne vise pas
l'admissibilité de l'allocation comme telle, mais plutôt la
personne à qui on veut verser, normalement la personne qui est
près de l'enfant et qui en prend soin.
Mme Harel: Vous avez vous-même, M. Laliberté, fait
référence à l'article 14 de la loi, aux personnes à
qui est versée l'allocation. Vous nous avez justement rappelé que
cette allocation est versée, dans l'ordre, à la mère,
à la conjointe du père et, troisièmement, au père.
Là, j'ai cru comprendre que l'article 3 venait d'une certaine
façon définir quand il y avait cohabitation, quand on
pouvait considérer une personne conjointe ou non, aux fins de
l'application de l'article 14. Pour appliquer l'article 14, à savoir
verser le paiement à la conjointe du père, encore faudra-t-il
décider, s'il n'y a pas cohabitation, que cette personne peut continuer
à être conjointe? Ce que je veux savoir, c'est: Où sont les
enfants, finalement, dans ce règlement de versements d'allocations?
M. Laliberté: Je dirais que l'article 3 nous permet
d'appuyer l'article 2 qui définit que la famille est formée de
conjoints. On sait que les allocations sont payables à la famille. Donc,
il faut qu'il y ait une famille qui a des allocations, et une famille est
formée de conjoints.
Mme Harel: S'il y a juste une personne, ii y a quand même
une famille...
M. Laliberté: Oui. S'il y a une personne avec un
enfant.
Mme Harel: ...sans conjoint?
M. Laliberté: On dit: Une famille est formée de
conjoints ainsi que des enfants dont ils prennent soin ou d'une personne seule
ainsi que des enfants dont elle prend soin. Donc, c'est au moins une personne
avec un enfant dont elle prend soin.
Je faisais allusion tout à l'heure à l'article 14. Si on
ne peut pas, relativement aux allocations d'aide aux familles, qualifier une
mère, un père, à ce moment-là, il faut aller au
troisième niveau, la personne qui entretient l'enfant.
Mme Harel: Mais, honnêtement, M. Laliberté... Je
vais poser la question au ministre parce qu'il va y avoir tout un gros
débat à l'article 14 si la conjointe du père doit devancer
le père dans le versement des allocations. C'est comme une sorte
d'attribution de responsabilités de la mère à la conjointe
du père qui n'est pas la mère des enfants - il faut bien se
comprendre - et au père. Il y a un choix.
M. Bourbeau: Est-ce que la députée nous promet une
bataille en règle à l'article 14?
Mme Harel: Non. Ce n'est pas vraiment ce que je vous promets. Ce
que je vous signale, c'est qu'il y a un choix qui est très discutable et
très contesté.
M. Bourbeau: M. le Président, je signalerai d'abord
à la députée de Maisonneuve que c'est ce qui se passe dans
la loi actuelle. C'est le statu quo. Cela se passe comme ça
présentement, tant chez nous qu'au fédéral.
Mme Harel: La loi actuelle n'est pas rédigée
ainsi
M. Bourbeau: Non, mais c'est la façon dont elle est
appliquée. Actuellement, les allocations familiales sont payées
à la mère ou, à défaut de la mère si elle
n'est pas là, à la conjointe du
père. Elles sont payées à la femme. Cela s'inscrit
dans une problématique féministe. Je comprends mal la
députée parce que, justement ici, on a une loi qui vient en aide
à la femme.
Mme Harel: C'est, au contraire, très sexiste. C'est un
stéréotype sexiste, le plus stéréotypé qu'on
imagine, à savoir ce renforcement dans une loi du fait que seules les
femmes s'occupent des enfants. Dans la loi actuelle, la définition n'est
pas celle que le ministre prétend.
M. Bourbeau: Je n'ai pas parlé de définition. J'ai
parlé d'application de la loi.
Mme Harel: Ah bon! Dans la définition, on dit: "...une
allocation est accordée pour chaque mois à la mère de tout
enfant; à défaut de la mère, l'allocation est
accordée au père de cet enfant; à défaut de
mère et de père et sauf disposition contraire des
règlements, elle est accordée au particulier qui subvient..."
Alors, c'est la mère ou, à défaut de la mère, au
père ou, à défaut de la mère et du père,
à un particulier. Il faut voir que la mère comprend la
belle-mère. Mais la belle-mère, au sens de la loi, est devenue la
mère des enfants. C'est évident. Il n'y a même pas besoin
d'adoption. La belle-mère devient...
Une voix:...
Mme Harel: Non, pas nécessairement. La belle-mère
ne devient pas pour autant la mère légale des enfants.
M. Philibert: ...à la régie de l'assurance
automobile, par exemple.
Mme Harel: Oui. Mais il y a un lien marital entre le père
des enfants et sa nouvelle épouse.
M. Philibert: Elle demeure la mère biologique.
Mme Harel: Tandis qu'il n'y a aucun lien. La réforme du
Code civil ne donne aucune obligation alimentaire entre les conjoints de fait.
Il n'y a aucune protection qui vient du Code civil. Il n'y a aucune protection
qui vient des dispositions des lois sociales à l'égard de la
conjointe de fait.
M. Philibert: ...les enfants, la mère biologique ou le
père biologique.
Mme Harel: Oui, et on me fait valoir en plus de ça qu'il y
a eu un jugement de garde en faveur du père. S'il y a séparation
avec présence d'enfants, c'est qu'il y a eu un jugement de garde qui est
intervenu. Ce jugement de garde est intervenu en faveur du père et on va
confier ces allocations à sa conjointe. Je m'excuse, mais c'est le
stéréotype le plus sexiste qu'on puisse imaginer dans un projet
de loi.
M. Bourbeau: M. le Président, je n'ai pas l'intention de
faire une bataille avec la députée de Maisonneuve sur un terrain
aussi sablonneux que celui qu'elle évoque. Je ne serais certainement pas
capable de soutenir un débat très longtemps, puisque la
députée est passée maître dans ces débats.
(17 heures)
Je lui reconnais une autorité en la matière. Je ne veux
pas en aucune façon prétendre qu'on est plus ou moins sexiste ou
plus ou moins féministe. Ce que je dis, c'est que la façon dont
le régime actuel est administré depuis très longtemps fait
en sorte qu'en pratique les allocations sont payées à la
mère ou, à défaut de la mère, à la conjointe
du père. Ce sont des impératifs d'ordre administratif qui nous
forcent à procéder ainsi puisqu'on utilise, semble-t-il, la
même méthodologie que le gouvernement fédéral qui,
lui, utilise cette façon de procéder, et que nos systèmes
sont couplés avec ceux du fédéral, de telle sorte qu'on ne
peut pas procéder différemment du fédéral. Je ne
suis pas personnellement un expert dans la plomberie administrative, mais
encore là, si la députée veut que M. Laliberté nous
explique comment cela fonctionne, on va peut-être réaliser
pourquoi, dans le système actuel, on procède tel que je l'ai
indiqué.
M. Laliberté: Actuellement, la Loi sur les allocations
familiales ne couvre pas les conjoints de fait. On paie à un
père, à une mère, mais on ne couvre pas du tout les
conjoints de fait. On sait très bien que, dans la Loi
fédérale sur les allocations familiales, s'il est accepté
que des conjoints de fait et des enfants, ça forme une famille, on paie
ces familles depuis de nombreuses années. Pour des accommodements
administratifs, pour éviter, entre autres, que les familles aient
à compléter deux demandes, à toujours faire en double,
fédéral et provincial, pour leurs allocations familiales, les
systèmes sont reliés informatiquement. On dit à notre
clientèle que, lorsqu'une personne fait une demande au service des
allocations familiales fédérales, la demande est automatiquement
transmise au service des allocations provinciales. Elle n'a pas à faire
deux demandes. Ainsi, il faut absolument suivre la ligne du
fédéral dans les décisions qu'il prend.
La loi qu'on présente aujourd'hui vient régulariser cette
situation, où on payait les allocations à des conjoints de fait,
mais, la plupart du temps, sans le savoir. On les considérait comme une
famille. Il faut toujours penser que c'est l'enfant qui rend admissible aux
allocations familiales. La personne à qui on verse l'allocation, c'est
la personne qu'on désigne pour la recevoir. On tente de verser les
allocations normalement à la personne qui est près de l'enfant et
qui prend soin de l'enfant. Si c'est le père qui prend soin de i'enfant,
c'est lui qui va
les avoir. Si la conjointe du père, par exemple, ne prend pas
soin de l'enfant, elle ne peut pas avoir les allocations. La condition, c'est
de prendre soin de l'enfant.
Mme Harel: Cependant, M. Laliberté, la loi nous dit le
contraire de ce que vous venez de nous dire. Présentement, vous pouvez
procéder comme vous venez de nous le signaler, c'est-à-dire
verser les allocations soit à la mère, soit au père, soit
à la conjointe. Avec la nouvelle loi, selon l'ordre dans lequel
l'article 14 prévoit l'attribution des allocations, c'est le père
qui vient après la conjointe et non pas avant ou ex aequo. Vous dites:
Si le père s'occupe de l'enfant, on va les verser au père.
À l'article 14, il est clairement exprimé: "Les allocations
d'aide aux families sont versées, suivant les modalités
prévues par règlement, à la personne qui prend soin de
l'enfant, selon l'ordre de priorité suivant..." Même si le
père prend soin de l'enfant, l'ordre de priorité prévoit
que c'est sa conjointe qui se verra attribuer les allocations.
M. Laliberté: Si vous lisez l'introduction de l'article
14, on parle de la personne qui prend soin de l'enfant. Donc, on énonce
la règle qu'il faut que la personne prenne soin. Parmi les personnes qui
prennent soin, il y a un ordre de priorité. Si, par exemple, il y a une
conjointe du père qui ne prend pas soin, ce serait le père,
à ce moment-là, qui prendrait soin.
Mme Harel: Si le père prend soin?
M. Laliberté: Si le père prend soin et que la
mère prend soin... Si jamais il y avait un père qui demandait une
allocation familiale pour sa famille en déclarant qu'il prend soin de
l'enfant et que ce n'est pas contesté par la mère, je ne vois pas
où il y aurait des problèmes à lui payer l'allocation.
Mme Harel: Je vous parle du père qui prend soin, qui a eu
la charge. La charge n'a pas été confiée à sa
blonde. C'est lui qui a eu la charge de la garde de l'enfant. Alors, je vous
parle d'un père qui prend soin de l'enfant et d'une allocation qui est
versée à sa conjointe.
M. Laliberté: Dans des cas où on veut unifier des
familles, on parlait tout à l'heure de deux familles de deux enfants qui
s'unifient. Le père va prendre soin des enfants de son nouveau conjoint
et le nouveau conjoint va prendre les enfants de l'ancien conjoint. Si on veut
former une famille, additionner les enfants et faire une famille de quatre
enfants, il faudrait verser deux chèques ou avoir deux familles de deux
enfants.
M. Bourbeau: La députée de Maisonneuve serait-elle
opposée à ce qu'on accorde la priorité au conjoint
féminin?
Mme Harel: Moi, je pense qu'il faut une déclaration
volontaire. Je ne pense pas que l'État doive décider à. la
place des parents, compte tenu du fait qu'il ont eu la garde de l'enfant. Je
crois que ce n'est vraiment pas à nous de décider l'ordre de
priorité, puisque, comme le signalait M. Laliberté, l'article dit
bien que toutes ces personnes prennent soin de l'enfant. C'est dans le cadre
d'un choix à faire entre des personnes qui prennent soin de l'enfant.
Mais il y a quelqu'un qui a eu la garde. Je pense qu'il n'y a pas de raison de
se substituer a leur volonté. ll faut une déclaration
volontaire.
M. Bourbeau: Mais si les deux parents prétendent tous les
deux prendre soin de l'enfant, la députée n'est-elle pas d'accord
pour qu'on présume que c'est la femme qui en prend soin en premier
lieu?
Mme Harel: Cela dépend qui en a la garde. Il est bien
évident que cela ne se pose pas dans un scénario où le
père et la mère cohabitent. L'article 14 ne s'applique que dans
un scénario où ils ne cohabitent pas.
M. Bourbeau: Mais si les deux parents cohabitent, le
chèque est quand même payable à l'un des deux.
Mme Harel: Oui.
M. Bourbeau: Et si le père prétend qu'il prend soin
de l'enfant et que la mère prétend également...
Mme Harel: Ah non! Il faut qu'il y ait une
présomption.
M. Bourbeau: Donc, il faut qu'il y ait une présomption en
faveur de la mère.
Mme Harel: Oui, comme celle qui existe présentement.
M. Bourbeau: Bon. Alors, c'est ce qu'on a.
Mme Harel: Mais la présomption à l'égard de
la mère doit-elle s'élargir au sexe féminin jusqu'à
englober l'amie du père? C'est cela, la question.
M. Bourbeau: D'après l'article 14, le critère
premier, c'est la personne qui prend soin de l'enfant, il faut qu'une personne
prenne soin de l'enfant. Et, à partir du moment où une personne
prend soin de l'enfant, c'est la mère qui a la priorité s'il y a
plus de deux personnes. Si c'était le père et la mère qui
prenaient soin de l'enfant, ce serait la mère.
Mme Harel: Oui.
M. Bourbeau: Mais si c'était la conjointe du
père qui prenait soin de l'enfant, d'après le projet de
loi qu'on a devant nous, ce serait elle qui aurait la priorité. Je
pourrais peut-être citer à la députée le
règlement actuel sur les allocations familiales qui dit, à
l'article 8: "À défaut de mère ou de père à
qui l'allocation serait payable eu égard à un enfant
donné, l'allocation est accordée: "1° à
l'épouse du particulier qui subvient entièrement ou dans une
large mesure aux besoins de cet enfant, si celle-ci en prend soin; "2°
sinon, l'allocation est accordée à ce particulier."
Mme Harel: Je rappelle au ministre que les premiers mots du
règlement sont "en l'absence du père ou de la mère".
M. Bourbeau: "A défaut de mère ou de père
à qui l'allocation serait payable..."
Mme Harel: On examine un contexte où le père a la
garde et est considéré comme une personne qui prend soin de
l'enfant. C'est bien cela, l'article 14. Ce n'est pas à défaut
de...
M. Bourbeau: II y a toujours un préjugé
favorable...
Mme Harel: À la mère. M. Bourbeau: À la
mère.
Mme Harel: Mais le préjugé favorable à la
mère - la grande question - doit-if s'étendre à l'amie du
père? En quoi l'amie devient-elle, du fait qu'elle est une femme...
M. Bourbeau: Mais on ne parle plus d'une amie, on parie d'une
conjointe...
Mme Harel: Oui, la conjointe du père.
M. Bourbeau: ...de fait qui est quand même...
Mme Harel: C'est cela. Alors, en quoi...
M. Bourbeau: On est plus loin qu'une simple amie.
Mme Harel: Mais elle n'est pas la mère des enfants.
M. Bourbeau: Non, et cela arrive très fréquemment
dans notre société d'ailleurs.
Mme Harel: Alors, dites-moi en quoi on peut justifier que le
père qui a la garde des enfants et qui en prend soin se verrait
devancé par l'État qui décide que la femme, dans son
rôle intrinsèque de femme, même si elle n'est pas la
mère des enfants, en a plus la garde que le père.
M. Bourbeau: Si elle prend soin des enfants. Il faut qu'elle
prenne soin des enfants.
Mme Harel: Plus que le père qui en prend soin.
M. Bourbeau: Non. Si la...
Mme Harel: Oui, mais dans l'ordre de priorité que vous
énoncez, c'est oui, ce n'est pas non.
M. Bourbeau: Évidemment, si les deux prennent soin de
l'enfant, de toute façon, c'est un enfant qui sera bien
traité.
Mme Harel: Le ministre ne peut pas éluder le choix.
À l'article 14, c'est vraiment un choix qui est transparent et qui
élargit la responsabilité qu'on a toujours présumée
à la mère à l'égard de toutes les femmes. Du fait
qu'elles sont des femmes, elles sont plus susceptibles de s'occuper des
enfants, non pas parce qu'elles en ont la garde ou parce qu'elles en prennent
soin, mais parce qu'elles sont femmes.
M. Bourbeau: On pourrait faire des débats infinis sur la
notion de conjoint de fait et sur la priorité à accorder ou
à ne pas accorder à la conjointe. Je voudrais simplement signaler
à la députée qu'il y a un problème pratique en ce
sens que le gouvernement fédéral procède de cette
façon-là et que nous sommes, sur le plan de l'informatique,
accolés au gouvernement fédérai et liés à
lui, et que, si on devait procéder d'une autre façon, il
faudrait, à ce moment-là, développer des systèmes
informatiques totalement nouveaux et différents à des coûts
très importants et ça ne serait certainement pas dans
l'intérêt des familles de multiplier les problèmes
administratifs et les tracasseries qui pourraient en découler.
Maintenant, cela étant dit, si un père nous informait qu'il prend
soin de l'enfant et qu'il désire que les allocations lui soient
payées et qu'il n'y a aucune objection de la part de sa conjointe, on
m'indique qu'on n'aurait pas de problème à faire le paiement
directement au père. Mais si la conjointe s'opposait et bien
là...
Mme Harel: En quoi la conjointe qui n'a pas la garde de l'enfant,
qui n'a aucune relation reconnue, juridique avec l'enfant... Si le père
cesse sa relation avec la conjointe, la conjointe n'a aucune obligation
à l'égard de l'enfant ni celle de lui fournir des aliments ni
aucune obligation alimentaire, aucune obligation de quelque nature que ce soit,
et le ministre me dit: Si la conjointe ne s'oppose pas. Mais comment peut-il,
dans un projet de loi, lui donner le droit de s'opposer?
M. Bourbeau: M. le Président, il s'agit de la conjointe
qui vit actuellement avec le père, pas celle qui a quitté et qui
ne vit plus avec lui
depuis deux ans. Il s'agit d'un ménage où il y a deux
conjoints. La députée a fait la promotion des conjoints de fait
pendant des semaines au mois de décembre et aujourd'hui elle est devenue
l'ennemie numéro un des conjoints de fait. Je ne la reconnais plus. Je
ne sais pas si ce sont les vacances de Noël qui ont fait qu'elle a
évolué sensiblement. Là, nous avons une philosophie
à la régie qui, semble-t-il, est favorable aux conjoints de fait
et à la reconstitution des ménages...
Mme Harel: Ah non! franchement...
M. Bourbeau: ...pour lesquels prêchait la
députée de Maisonneuve au mois de décembre.
Mme Harel: Le ministre est d'une incohérence
complète et totale. Ce qu'on demande, c'est une cohérence. Je ne
fais pas la promotion de rien du tout. La seule promotion que je fais c'est
pour l'absence d'incohérence dans les lois du Québec. Et
là, c'est total avec les rapports d'impôt. Je ne veux pas qu'on
glisse vers la fiscalité, mais là il faut voir à quel
point ce sont maintenant les conjoints de fait qui sont
défavorisés, compte tenu qu'on exige d'eux une déclaration
après une année de vie commune pour maintenir un revenu
imposable, sauf qu'ils n'auront aucunement droit au crédit d'impôt
pour l'équivalent de personne mariée. Il n'y aucune
déduction fiscale pour personne à charge qui va être
possible. Bon. Cela fait partie de l'incohérence. Mais il reste que dans
le cas...
M. Bourbeau: L'incohérence serait plus grande encore si on
avait un système totalement différent du gouvernement
fédéral, Incohérence administrative additionnelle
majeure.
Mme Harel: Le gouvernement fédéral... Je ne peux
pas m'imaginer... Je voudrais bien, avant qu'on tienne pour acquis que le
fédéral le fait, voir le texte de loi sur lequel reposent les
dispositions législatives fédérales parce que ça
m'étonnerait beaucoup qu'on soit, à ce point, comment dit-on?
directif au niveau fédéral, qu'on décide
qu'indépendamment de la volonté des parties, c'est la conjointe
du père qui va toucher les allocations familiales. Si on me disait que
le père va signer une déclaration pour dire que c'est sa
coinjointe, ça me satisferait. Cela me satisferait pleinement.
M. Bourbeau: Si quoi?
Mme Harel: Si on me disait que le père va signer une
déclaration, c'est le père qui a la garde. Si on me disait que le
père va signer une déclaration disant que les allocations vont
être versées à la conjointe, il peut y avoir un
bénéfice d'additionner les enfants pour avoir droit à des
allocations plus élevées. Alors pour peut-être profiter de
ce bénéfice, il est possible que... Je suis favorable à ce
qu'on laisse aux personnes en cause le soin de le décider. Mais il est
possible aussi que ce soit des conjoints qui ont chacun leurs enfants, qui
préfèrent l'autonomie de leur portefeuille et qui ne souhaitent
pas du tout que tout ça soit confondu par l'État. (17 h 15)
M. Bourbeau: M. le Président, la députée
pose certaines questions sur la façon de procéder du
fédéral. Moi, j'aimerais peut-être qu'on suspende la
question sur ce point. On fera certaines vérifications quant au
fédéral et peut-être qu'on pourra y revenir un peu plus
tard. Il y aurait peut-être moyen de trouver une façon de
satisfaire la députée de Maisonneuve, si tant est que cela soit
possible, ce qui permettrait d'accélérer les travaux.
Mme Harel: Cela m'arrive des fois. Une voix: D'être
raisonnable? Mme Harel: Non, d'être satisfaite.
Allocations d'aide aux familles
Le Président (M. Bélanger): On suspend donc
l'article 3 et nous passons au suivant, c'est-à-dire à la section
II, Allocations d'aide aux familles, à l'article 4 édicté
par l'article 2. Je vous ferai grâce de la lecture, il est assez long.
Sur cet article 4 édicté par l'article 2, y a-t-il des
commentaires?
M. Bourbeau: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Bourbeau: L'article 4 reprend les conditions d'ouverture du
droit à l'allocation familiale actuelle. Il énonce que le montant
de cette allocation est fixé par règlement, et qu'il peut varier
en fonction du nombre des enfants dans la famille, de leur âge et de leur
rang. Enfin, il détermine pour quels mois et quand l'allocation
familiale est versée.
Mme Harel: Adopté.
Le Président (M. Bélanger): L'article 4
édicté par l'article 2 est adopté. J'appelle l'article 5
édicté par l'article 2: Allocation pour enfant handicapé.
Sur l'article 5, y a-t-il des commentaires? M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, avant de faire des
commentaires sur l'article 5, on avait un papillon à l'article 4 dans la
version anglaise. Est-ce qu'on doit adopter ça à la fin de tout
ou après l'article 4 français? Je dois dire que ma
connaissance...
Le Président (M. Bélanger): C'était une
correction pour corriger un problème. On va le faire tout de suite. Il y
a le dépôt d'un papillon,
à l'article 4 édicté par l'article 2, pour la
version anglaise où on remplace, à la première ligne du
deuxième alinéa de l'article 4 édicté par l'article
2, les mots "amount of the allowance" par les mots "allowance granted".
M. Bourbeau: La députée de Maisonneuve, qui est
experte en anglais, sera sûrement d'accord.
Le Président (M. Bélanger): Cela va?
M. Bourbeau: L'article 5, M. le Président?
Adopté.
Le Président (M. Bélanger): Alors, est-ce qu'il y a
d'autres interventions sur l'article 5?
M. Bourbeau: M. le Président, l'article 5 détermine
que la famille a droit à une allocation mensuelle pour tout enfant
handicapé au sens des règlements. Pour avoir droit à cette
allocation, l'enfant doit au préalable être admissible à
l'allocation familiale.
Le deuxième alinéa de cet article accorde à la
régie le pouvoir d'exiger un examen médical d'un expert qu'elle
désigne. A défaut de se présenter pour un tel examen,
l'allocation n'est pas versée ou cesse de l'être si elle
était déjà en paiement. Il s'agit ici d'une reformulation
des dispositions existantes.
Le Président (M. Bélanger): Alors, l'article 5,
adopté? Adopté. J'appelle l'article 6 édicté par
l'article 2. Est-ce qu'il y a des interventions sur l'article 6?
M. Bourbeau: Cet article fixe le mois pour lequel le paiement de
l'allocation pour enfant handicapé débute.
Mme Harel: Vraiment, à la lecture, on n'en comprend pas le
sens immédiat, n'est-ce pas? La lecture est: "L'allocation pour enfant
handicapé est versée le mois qui suit chaque mois pour lequel
elle est payable." Cela veut donc dire qu'elle n'est pas payée le mois
même où elle est demandée mais le mois suivant.
M. Bourbeau: M. le Président, l'ancien article de la Loi
sur les allocations familiales ne permettait de reconnaître l'enfant
handicapé qu'à compter de la demande d'allocation. Le nouvel
article permet que l'enfant handicapé soit déclaré
admissible pour les mois qui précèdent la demande d'allocation
lorsque la régie reconnaît son handicap pour ces mois. Toutefois,
l'article 13, premier alinéa, limite à onze mois la
rétroactivité possible de l'admissibilité et du paiement
de l'allocation pour enfant handicapé.
Mme Harel: C'est l'article 13 du projet de loi et c'est la
rétroactivité de l'allocation pour enfant handicapé. C'est
bien cela qu'il faut comprendre?
Le Président (M. Bélanger): On ne paie pas
d'avance, on paie à la fin du mois. C'est ce que cela veut
dire.
Mme Harel: On peut payer rétroactivement jusqu'à
onze mois précédant la demande.
Le Président (M. Bélanger): C'est cela.
M. Bourbeau: On va demander à M. Laliber-té de
donner une précision, s'il n'a pas d'objection, sur un...
Le Président (M. Bélanger): M.
Laliberté.
M. Laliberté: En ce qui concerne l'article 6, on dit:
"L'allocation pour enfant handicapé est versée le mois qui suit
chaque mois pour lequel elle est payable." À l'article 4, on disait: "Le
montant de l'allocation est établi mensuellement en considérant
ces facteurs au dernier jour du mois pour lequel elle est payable et il est
versé le mois suivant." Pour être capable de savoir si la personne
est admissible, il faut attendre que le mois soit terminé. Donc, pour le
mois qui est payable, l'allocation est versée le mois suivant parce que
l'admissibilité se fait à la fin du mois qui
précède. C'est cela pour tous les types d'allocations.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Sur l'article 6,
est-ce qu'if y a d'autres interventions? Est-ce que l'article 6 est
adopté?
M. Bourbeau: Adopté. Mme Harel: Adopté.
Le Président (M. Bélanger): Adopté.
J'appelle l'article 7.
M. Bourbeau: Cet article énonce les conditions d'ouverture
du droit à l'allocation pour jeune enfant de moins de six ans. Il
prévoit que le montant de cette allocation est déterminé
par règlement et peut varier selon le rang de l'enfant ainsi que le
nombre d'enfants dans la famille. En outre, il indique pour quel mois et quand
l'allocation est versée.
Mme Harel: C'est une allocation qui est versée depuis le
début de janvier. Peut-on savoir à combien d'enfants de premier
rang, de deuxième rang, de troisième rang, elle est actuellement
versée?
M. Bourbeau: M. le Président, au mois de février
1989, le nombre d'enfants de premier rang était de 241 871 pour un
coût de 2 017 204 $. Les enfants de deuxième rang, il y en avait
184 038 pour un coût de 3 067 913 $. Les enfants de troisième
rang, 60 181 pour un
coût de 2 507 742 $. Les enfants de quatrième rang, 13 153
pour un coût de 548 085 $. Des enfants de cinquième rang, pour des
familles nombreuses, 2845 pour un coût de 118 551 $. Des enfants de
sixième rang, il y en avait 897 pour un coût de 37 378 $. Des
enfants de septième rang... La députée de Maisonneuve
croirait-elle que nous avons des enfants de septième rang? Nous en avons
356 pour un coût de 14 834 $. Oserais-je mentionner les enfants de
huitième rang et plus? Il y en a, M. le Président, croyez-le ou
non, 330 pour un coût de 13 751 $.
Il y a donc un total de 503 671 enfants et le montant mensuel
versé est de 8 325 460 $, pour un seul mois, ce qui veut dire, M. le
Président, qu'on arrive à environ 100 000 000 $ par année
sur cette base-là.
Mme Harel: M. le Président, j'ai tantôt
alerté le ministre sur la question de l'allocation de
disponibilité transformée en allocation pour jeune enfant que
l'on retrouve à l'article 7, je crois. C'est bien ça?
Excusez-moi, est-ce qu'on est à ('article 7? Pour l'année 1988,
le ministre des Finances a, malgré tout, accepté une mesure
transitoire d'un an, selon laquelle le montant des allocations pour jeune
enfant reçues en 1988 ne pourra être moindre que
l'équivalent de ce qui était reçu en allocation de
disponibilité. Je suis surprise que le ministre n'en ait pas
parlé, puisque cela va durer seulement un an. C'est une sorte de mesure
transitoire de façon que l'allocation pour jeune enfant reçue par
la famille en 1989 devrait être au moins équivalente au montant de
l'allocation de disponibilité reçue en 1989 à
l'égard de l'année d'imposition 1988. Est-ce qu'on se
comprend?
M. Bourbeau: M. le Président, on me parlait et je n'ai pas
entendu la question.
Mme Harel: Est-ce que cela portait sur l'allocation de
disponibilité?
M. Bourbeau: Quoi donc?
Mme Harel: L'information qu'on vous transmettait.
M. Bourbeau: Je ne peux pas le dire parce que j'ai
écouté la moitié de ce qu'on me disait et la moitié
de ce que la députée m'a dit, et, finalement, je n'ai rien
compris ni d'un côté ni de l'autre.
Le Président (M. Bélanger): On va faire une chose.
On va écouter à nouveau Mme la députée de
Maisonneuve.
M. Bourbeau: Cela portait en partie là-dessus.
Mme Harel: Alors, la question est la suivante. Autrefois, dans un
passé récent, il y avait une allocation de disponibilité,
de regrettée mémoire...
M. Bourbeau: Passé défini.
Mme Harel: ...par bien des groupes de femmes qui disent que le
gouvernement aurait dû bonifier les allocations familiales et non pas
leur retirer l'allocation de disponibilité qui était souvent le
seul montant que les mères au foyer recevaient. On a beau leur dire que
cette allocation va s'appeler allocation pour jeune enfant, elles disent: Oui,
mais c'est une allocation pour l'enfant et ce n'est plus une allocation pour
moi. Il reste qu'une confusion s'est installée malgré tout dans
les esprits. Cela dit, le montant d'aide qui sera versé au cours de
l'année 1989, celle qui a débuté le 1er janvier, à
l'égard des enfants de moins de six ans, sera le même. Alors, si
vous me ie permettez, je vous lis exactement - et c'est pour ça que je
veux bien vérifier - les propos de Gérard D. Levesque, sous sa
signature, qui dit à M. Paul-André Plante, de Loretteville, qui
m'a fait parvenir copie de la correspondance qu'il a
échangée...
M. Bourbeau: C'est sûrement un bon libéral.
Mme Harel: II avait écrit à M. Rémy Poulin,
député de Chauveau. Je ne connais pas M. Plante, mais il a l'air
de me faire confiance parce qu'il m'a envoyé l'état de sa
correspondance avec M. Pouiin...
M. Bourbeau: C'est un individu...
Mme Harel: ...et M. Gérard D. Levesque. Il me dit: Vous
vous occupez de la famille, alors j'aimerais que vous vous occupiez de mon cas.
Voilà ce que lui écrit le ministre des Financés. Je vous
le lit textuellement: "De plus, vous noterez que le montant d'aide versé
au cours de l'année 1989 à l'égard des enfants de moins de
six ans, d'une telle famille type - il a expliqué plus haut que sa
famille type a quatre enfants -est identique, qu'il soit versé sous la
forme des nouvelles allocations pour jeunes enfants ou sous la forme
d'allocations de disponibilité. Ce résultat découle d'une
règle transitoire que j'ai introduite à l'occasion de mon
discours sur fe budget du 12 mai dernier et qui garantit qu'aucun particulier
ne sera désavantagé en raison du remplacement de l'allocation de
disponibilité par l'allocation pour jeune enfant. Je vous assure donc
que le montant des allocations pour jeune enfant que votre famille recevra en
1989 sera au moins équivalent au montant de l'allocation de
disponibilité que vous auriez reçu en 1989 à
l'égard de l'année d'imposition 1988." (17 il 30)
II profite de l'occasion pour porter à l'attention de la personne
mentionnée certaines autres mesures du discours sur le budget dont le
ministre nous a parlé tantôt. C'est un aspect
important parce qu'H n'est pas connu, et je m'attends que le ministre
fasse savoir aux familles du Québec qu'elles y ont droit. Elles ne le
réclameront pas si elles ne savent pas qu'elles ont droit au moins
à l'équivalent de l'allocation de disponibilité,
même si l'allocation pour jeune enfant est moindre. Donc, il va y avoir
un remboursement, un rétroactif à la fin de l'exercice financier,
au moment de la déclaration d'impôt.
M. Bourbeau: On me dit que les dispositions transitoires sont
à l'article 16.
Le Président (M. Bélanger): À l'article 16
du présent projet de loi, M. le ministre?
M. Bourbeau: Oui. Cela répond aux préoccupations de
la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: On nous dit donc que l'allocation mensuelle minimale
pour jeune enfant accordée à une famille pour l'année 1989
est de 8,34 $ si, au mois de janvier de ladite année, elle est
accordée pour un seul enfant de moins de six ans, de 25 $ si, au
même mois, elle est accordée pour deux enfants de moins de six
ans, de 66,67 $ si, au même mois, elle est accordée pour trois
enfants de moins de six ans. Il est indiqué que la régie verse,
s'il y a lieu, au cours du mois de décembre 1989, la différence
calculée pour chaque mois de l'année entre l'allocation mensuelle
minimum ainsi garantie et l'allocation mensuelle pour jeune enfant
versée conformément à la Loi sur les allocations d'aide
aux familles. Qu'est-ce que cela signifie exactement? J'aimerais bien le
savoir.
M. Bourbeau: M. le Président, l'ancienne allocation de
disponibilité prévoyait une somme de 100 $ pour un enfant, de 200
$ pour deux enfants et de 500 $ pour un troisième enfant de moins de six
ans. Les montants d'allocation mensuelle minimum pour jeune enfant sont de 8,34
$. Si on multiplie les 8,34 $ par douze, cela fait bien 100 $; 25 $ pour deux
enfants multiplié par douze, cela doit faire 300 $, donc c'est plus que
les anciens 200 $ de disponibilité. Si on additionne les deux ensemble,
cela fait 300 $. Je n'ai pas ma calculatrice avec moi, mais je crois que ces
montants sont au moins supérieurs ou égaux aux sommes d'argent
prévues par l'ancienne loi.
M. le Président, je pense que le dernier paragraphe répond
à la question de la députée: "La régie verse, s'il
y a lieu, au cours du mois de décembre 1989 - donc dans dix mois - la
différence, calculée pour chaque mois de l'année, entre
l'allocation mensuelle minimum ainsi garantie et l'allocation mensuelle pour
jeune enfant versée conformément à la Loi sur les
allocations d'aide aux familles."
Mme Harel: Quelle est la différence, M. le ministre?
L'allocation mensuelle minimum est de 8,34 $ par mois et l'allocation mensuelle
pour jeune enfant est de combien?
M. Bourbeau: Cela dépend du rang de l'enfant dans la
famille.
Mme Harel: Non, on ne va pas se faire de blague. C'est 8,34 $
pour un enfant de premier rang. De combien est l'allocation pour jeune enfant
versée conformément à la loi sur les allocations? Quelle
est la différence, au dernier paragraphe de l'article 16?
M. Laliberté: Par exemple, un enfant qui atteindrait six
ans au mois de mars 1989 ne va recevoir l'allocation pour jeune enfant que pour
trois mois...
Mme Harel: C'est ça.
M. Laliberté: ...alors que la mesure transitoire lui
garantit 8,34 $ pour les douze mois de l'année. Alors, à la fin
de l'année, il y aurait un montant forfaitaire de neuf fois 8,34 $ qui
lui sera versé, donc pour garantir que cette famille aura 8,34 $ pour
les douze mois de l'année.
Mme Harel: Oui. Alors, il est évident que ça peut
emporter le fart que l'enfant atteigne son septième anniversaire en
cours d'année. Qu'ar-rive-t-il pour Cannée d'imposition 1988 dans
le cas d'un enfant qui atteint son septième anniversaire en
décembre?
M. Laliberté: En 1988? Cet enfant n'aurait pas eu droit,
en 1989, à l'allocation de disponibilité pour 1988 avec l'ancien
programme? C'était l'âge d'un enfant au 31 décembre de
l'année qui comptait.
Mme Harel: Voilà, exactement. À ce
moment-là, l'enfant a son septième anniversaire au 30
décembre, mais il y a quand même eu toute l'année
écoulée où l'enfant avait droit à l'allocation de
disponibilité.
M. Laliberté: Vous parlez de son sixième
anniversaire.
Mme Harel: Septième.
M. Laliberté: Cela arrête au sixième
anniversaire.
Mme Harel: Oui, ça arrête au sixième. Oui,
vous voulez dire qu'au sixième anniversaire, ce n'est pas l'année
qui est terminée. Alors, le sixième anniversaire.
M. Laliberté: Dans l'ancien programme, tel qu'il
était appliqué, si l'enfant avait atteint six ans avant le 31
décembre de l'année en cours, les gens ne recevaient pas
d'allocation de
disponiblité au moment de la production de leur rapport
d'impôt de l'année suivante. Si on prend l'exemple d'un enfant qui
aurait atteint six ans le 15 décembre 1988, les gens n'auraient pas
reçu, en 1989, le montant de l'allocation pour 1988, de toute
façon.
Mme Harel: II n'y avait pas une fraction qui leur était
attribuée, à ce moment-là.
M. Laliberté: Non.
Mme Harel: C'était complètement ou pas du tout.
Alors, cela veut donc dire que, pour 1989 seulement, il va y avoir une
année de transition, une mesure transitoire. Que va-t-il arriver pour
l'an prochain, en vertu du projet de loi qui est devant nous, le projet de loi
73?
M. Bourbeau: C'est la nouvelle loi qui s'applique. L'année
de transition, c'est 1989. Après ça, la transition est finie, on
est en régime de croisière.
Mme Harel: Cela veut donc dire que, pour un enfant qui aura son
sixième anniversaire au mois de mars 1990, il n'aura droit, à ce
moment-là, qu'à trois mois de versement.
M. Bourbeau: C'est ça.
Mme Harel: Alors, c'est une autre économie que le
gouvernement va pouvoir réaliser, à ce moment-là, en ne
versant pas entièrement pour l'année, comme c'était le cas
présentement, l'allocation de disponibilité.
M. Bourbeau: M. Laliberté...
Mme Harel: II la mensualise.
Le Président (M. Bélanger): M.
Laliberté.
M. Laliberté: Avant de savoir si cette famille va perdre
de l'argent, il faudrait savoir si, pour son cas, le programme a
été bonifié. Si on prend l'enfant dont vous parlez, qui
est dans une famille de trois enfants, dont les deux autres ont sept, huit ou
neuf ans, avec le nouveau programme, pour l'année 1989, cette personne
va recevoir 41,67 $ par mois plutôt que 8,34 $ avec l'ancien programme.
Donc, après un an, je ne crois pas que cette famille va avoir perdu;
elle va avoir reçu 500 $ en 1989 plutôt que 100 $ avec l'ancien
programme.
Mme Harel: Sauf que vous me parlez d'enfants de sept, huit et
neuf ans et que le montant de 41,67 $ est versé si les trois enfants ont
moins de six ans.
M. Laliberté: C'est-à-dire que non. Le nouveau
programme est bonifié parce qu'on tient compte de tous les enfants de
moins de dix-huit ans dans la famille, alors qu'avant, les enfants
n'étaient classés qu'à l'intérieur des enfants de
moins de six ans. Donc, avant ça, c'était un enfant de moins de
six ans, deux enfants de moins de six ans. Maintenant, s'il y a un enfant de
moins de six ans qui est le troisième dans sa famille, il a droit
immédiatement au montant du troisième rang.
M. Bourbeau: C'est une bonification Importante, Mme la
députée de Maisonneuve le reconnaîtra.
Mme Harel: Mais si je lis bien le paragraphe qui
précède le dernier paragraphe de 16: "Lorsque la famille compte,
au même mois, plus de trois enfants de moins de six ans donnant droit
à l'allocation, un montant mensuel supplémentaire de 41,67 $ est
accordé pour chacun de ces autres enfants" de moins de six ans.
M. Laliberté: À partir du moment où c'est la
situation au 31 décembre 1988 qu'il faut prendre pour établir la
mesure transitoire, si la personne avait quatre enfants de moins de six ans,
donc on a payé en janvier 1988, il faut calculer... C'était 100
$, 200 $, 500 $ et 800 $ plus 500 $, 1300 $, alors pour le calcul, à 66
$, on ajoute un autre 41 $, cela devrait arriver pas loin de 1300 $. C'est pour
prévoir les familles qui ont plus de trois enfants ou qui avaient plus
de trois enfants de moins de six ans au 31 décembre 1988.
Mme Harel: Oui, mais vous me parlez d'une mesure transitoire qui
va durer un an...
M. Laliberté: Oui. Mme Harel: ...seulement. M.
Laliberté: C'est ça.
Mme Harel: Qu'est-ce qui arrive après l'année
transitoire?
M. Laliberté: Après l'année transitoire, il
n'y a pas de mesure de prévue, sauf que, le programme étant
bonifié, dès que l'enfant est dans une famille où il y a
des enfants de plus de six ans, ces familles recevront beaucoup plus d'argent
en 1989 qu'elles n'en recevaient dans l'ancien programme.
Mme Harel: Donnez-moi donc "le beaucoup plus", j'aime bien
ça quand c'est chiffré.
M. Laliberté: On va prendre l'exemple d'une famille de
trois enfants: un de huit ans, un de neuf ans et un de cinq ans. Dans l'ancien
programme, elle recevait 100 $ et, avec le nouveau, elle recevra 500 $ pour
1989.
Mme Harel: Alors, pour celui qui a cinq
ans, il y avait l'allocation de disponibilité de 100 $.
M. Laliberté: C'est ça.
Mme Harel: Mais ça, évidemment, ça avait
été seulement pour 1987 parce que, pour l'année
antérieure, il aurait reçu 500 $. Alors, vous dites ce qui
était, finalement, son allocation, qui était offerte à
tout enfant de premier rang, qui était de 500 $, il pourra, finalement,
la retrouver, même s'il est de troisième rang, parce qu'on ne
tiendra plus compte de ses frères et soeurs qui sont plus vieux. Mais je
dirais au ministre que, si c'est ça la bonification, elle n'est possible
que parce que le gouvernement a d'abord inversé les allocations selon
les rangs des enfants pour pouvoir économiser. Là, il bonifie,
mais en modifiant l'inversion qui avait déjà été
faite à la défaveur des familles. En d'autres termes, l'enfant de
cinq ans va être considéré comme un enfant de
troisième rang et va donner ouverture aux 500 $, mais ces 500 $, il les
aurait eus simplement parce qu'il était le premier enfant de moins de
six ans.
M. Bourbeau: M. le Président, la loi est là, il y a
des améliorations. La députée semble dire que ce n'est pas
toute amélioration. Bien moi, je pense que c'est une amélioration
par rapport à l'ancien système. Autrefois, on ne comptait que les
enfants de moins de six ans, maintenant on les compte à partir de
dix-huit ans. Cela permet d'avoir des enfants de troisième rang, qui
auraient été de premier rang sans ça.
Mme Harel: Mais la loi est améliorée parce que vous
l'aviez détériorée. En d'autres termes, vous dites: Je
vous donne 10 $. Après, vous me dites: J'en garde 5 $. Et après,
vous me remettez 2,50 $ et vous pensez que je dois vous dire merci.
M. Bourbeau: Sous l'ancien gouvernement, vous n'auriez rien remis
du tout, alors ce n'est pas si mal.
Mme Harel: C'est-à-dire que sous l'ancien gouvernement,
l'enfant de cinq ans aurait eu 500 $, parce qu'un enfant de moins de six ans,
un seul enfant de moins de six ans était admissible à
l'allocation de 500 $. Cela a été inversé en 1987.
L'inversion s'est faite entre le premier et le troisième rang. Un enfant
donnait lieu à 500 $; le deuxième enfant, c'était 200 $.
On va vous sortir les chiffres...
M. Bourbeau: M. le Président, la députée
pourrait s'expliquer...
Mme Harel: Absolument pas.
M. Bourbeau: ...parce que l'individu qui est à ma gauche
ne semble pas d'accord avec la députée de Maisonneuve. Je ne suis
pas un expert...
Mme Harel: À 300 $. Excusez, je vais vous le dire
exactement.
M. Bourbeau: Bon!
Mme Harel: C'est même dans le discours sur le budget de
Gérard D. Levesque. M. Levesque, dans son discours sur le budget, parle
d'une économie de 48 000 000 $. Le premier enfant de moins de six ans
donnait lieu à une allocation de 300 $. Elle est passée de 300 $
à 100 $. Le deuxième enfant donnait lieu à une allocation
de 200 $; elle est restée à 200 $. Le troisième enfant
donnait lieu à une allocation de 100 $, laquelle a été
portée à 500 $. Alors, en d'autres termes, le premier enfant,
celui...
M. Bourbeau: À quelle page? Est-ce que la
députée pourrait nous dire à quelle page, dans le discours
sur le budget?
Mme Harel: Dans le discours sur le budget, je vais vous le
retrouver ce soir, je vais vous le rapporter.
M. Bourbeau: Ce soir!
Mme Harel: J'ai même sorti l'extrait. Alors, c'est la page
40 du discours sur le budget, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Page 40, M. le
ministre.
Mme Harel: Cela s'intitule: Impact financier des modifications de
la fiscalité à l'égard des familles (en millions de
dollars), et vous avez, pour les années 1987-1988, 1988-1989, 1989-1990,
à la page 40, l'ensemble des programmes, pour chacune de ces
années. Oui, c'est le budget de 1987-1988. (17 il 45)
M. Bourbeau: Oui, mais on est dans l'année 1988-1989.
Mme Harel: Oui, mais nous parlons de la modification qui est
intervenue en 1987. On vous dit ceci: En 1987, c'est exactement 48 000 000 $,
à la page 40 du discours sur le budget du ministre des Finances. Cela
s'intitule: Réaménagement de l'allocation de
disponibilité. Et c'est intéressant...
M. Bourbeau: M. le Président, cela indique seulement que
le gouvernement actuel met l'accent sur les familles nombreuses en bonifiant le
troisième enfant, alors que l'ancien gouvernement donnait plus d'argent
pour le premier enfant et moins pour le troisième. Nous avons
renversé la situation en privilégiant le troisième enfant,
étant donné, comme l'a dit la députée de
Maisonneuve elle-même, qu'il en coûte plus cher, quand on a
plus d'enfants que quand on en a moins.
Mme Harel: Et ce faisant, compte tenu des chiffres que le
ministre nous a donnés tantôt pour les enfants de premier,
deuxième et troisième rang, le gouvernement a fait passer
l'allocation à 100 $ plutôt que 300 $ pour 241 871 enfants et
s'est montré très généreux, passant de 100 $
à 500 $, pour seulement 60 000 enfants de troisième rang.
Écoutez, c'est évidemment une manière de voir les choses,
parce que, pour avantager les familles de trois enfants, on aurait pu hausser,
bonifier l'allocation, sans la réduire pour les enfants de premier
rang.
M. Bourbeau: II faut regarder tout cela dans un contexte global.
Je l'ai dit à la députée de Maisonneuve. Elle isole un
fait particulier où, possiblement, elle aurait trouvé une
diminution dans les prestations, mais elle oublie l'ensemble des bonifications
apportées par le ministre des Finances, qui ont résulté en
une somme de 772 000 000 $ de plus pour les familles...
Mme Harel: Non, ce n'est pas vrai, ce n'est pas de plus, ce ne
sont pas de nouvelles sommes, M. le Président. Il y a 600 000 000 $ qui
étaient déjà des allocations versées.
M. Bourbeau: M. le Président, on pourrait discuter ad
infinitum. Le ministre des Finances l'a dit, la députée pourrait
le citer au texte dans le discours sur le budget.
Mme Harel: Justement pas. Le ministre des Finances ne peut se
permettre de parier grosso modo...
M. Bourbeau: Environ 700 000 000 $ de plus pour les familles
québécoises.
Mme Harel: ...comme l'a fait le ministre de la Main-d'Oeuvre et
de la Sécurité du revenu. Il faut qu'il soit plus précis
que cela, et c'est une lecture extrêmement intéressante, le
discours sur le budget. On ne peut jongler avec les chiffres. C'est ce qui nous
a permis de bien identifier qu'il y avait une économie assez
substantielle, avec l'inversion des allocations selon le rang des enfants,
à la page 40.
M. Bourbeau: Je vais le trouver, M. le Président, mais
entre-temps, on peut peut-être glisser sur autre chose.
Mme Harel: Parfait, on continue. M. Bourbeau: L'article 7
est adopté.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a
d'autres interventions à l'article 7?
Mme Harel: II faut donc comprendre qu'il y a une année de
transition, et qu'une fois cette année complétée, ce
seront des versements mensuels. Je vais simplement vous lire, parce que c'est
pour votre intérêt autant que le mien... Je dois vous dire que ce
M. Plante a écrit à beaucoup de personnes, je ne suis pas la
seule à qui il a écrit. Il a écrit au premier ministre
Bourassa, et il dit ceci dans sa lettre: "II va sans dire que nous nous
liguerons pour que cette mesure transitoire soit retirée, d'autant plus
qu'elle n'a trait qu'à une seule année." Ce qu'il demande, c'est
la possibilité de réclamer, sur le rapport d'impôt, les
allocations de disponibilité, de manière que sa conjointe puisse
continuer à toucher un montant qui semble lui être
destiné.
Ml. Bourbeau: Si la députée de Maisonneuve veut
avoir la gentillesse de nous donner une copie de la lettre de l'individu en
question, on la regardera pour voir dans quelle mesure on peut lui venir en
aide. Pendant que j'ai la parole, j'en profite pour citer à la
députée de Maisonneuve le discours sur le budget de 1988-1989
où le ministre des Finances disait ceci - elle me permettra de le lui
dire. Je cite Gérard D. Levesque, le ministre des Finances: "Comme je
l'ai dit, c'est une somme de 399 000 000 $ qui sera accordée aux
ménages sans enfant et aux célibataires. Un effort encore plus
grand a été fait pour aider les familles, à savoir 772 000
000 $. À ces montants s'ajoute une somme de 86 000 000 $ pour les
personnes âgées, ce qui porte la valeur totale des
bénéfices que j'ai annoncés aujourd'hui à 1 257 000
000 $."
Mme Harel: Ce n'est pas de l'argent neuf, M. le ministre.
M. Bourbeau: Mme la députée de Maison-neuve
reconnaîtra, donc, que le ministre des Finances a dit - quand je l'ai
cité tout à l'heure, j'ai cité le ministre des Finances -
qu'un effort pour aider les familles a été fart au montant de 772
000 000 $ dans le budget de 1988-1989.
Mme Harel: Oui, mais il ne faut pas confondre. Ce n'est pas de
l'argent neuf, M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, la députée de
Maisonneuve...
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
Mme la députée de Maisonneuve. S'il vous plaît, je vous
demanderais de l'ordre dans la salle. Il y a une commission qui siège
ici. Alors, on suspend les travaux pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 il 51)
(Reprise à 17 il 52)
Le Président (M. Bélanger): ...viennent
d'être faits de part et d'autres, la commission ajourne ses travaux
à demain, 10 heures, et ne siégera donc pas ce soir. Est-ce qu'il
y a des objections?
(Fin de la séance à 17 h 53)