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(Onze heures quarante-neuf minutes)
Le Président (M. Bélanger): La commission
permanente des affaires sociales reprend ses travaux afin de procéder
à l'étude détaillée du projet de loi 37, Loi sur la
sécurité du revenu.
Avez-vous des remplacements, Mme la secrétaire?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Blais
(Terrebonne) sera remplacé par M. Chevrette (Joliette); M. Gervais
(L'Assomption) sera remplacé par M. Polak (Sainte-Anne).
Objet
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Nous
en étions à un sous-amendement du ministre à son
amendement.
Mme Harel: Le ministre ne se fie pas à lui-même.
Là, on est au sous-amendement du ministre sur l'amendement du
ministre?
Le Président (M. Bélanger): II avait un amendement
global, en quatre paragraphes, et il sous-amende un des paragraphes. Le
deuxième paragraphe se lit comme ceci: "d'accorder cette aide en tenant
compte du fait que les personnes qui présentent des contraintes
sévères à l'emploi sont dans une situation
différente de celle des personnes aptes au travail. "
Peut-on me dire combien il restait de temps à Mme la
députée de Maisonneuve?
Une voix: Deux ou trois minutes.
Le Président
(M. Bélanger): Trois
minutes.
Du côté ministériel, je pense que M. le ministre
avait encore cinq minutes sur le sous-amendement.
Mme Harel: Attendez, M. le Président. Si c'est un
sous-amendement, c'est un sous-amendement qui a comme objet de remplacer le
paragraphe 2°?
Le Président (M. Bélanger): Oui.
Mme Harel: À ce moment-là, on va revenir à
l'amendement au paragraphe 2°?
Le Président (M. Bélanger): Au paragraphe 2°,
oui.
Mme Harel: Qui sera le sous-amendement, s'il est
adopté?
Le Président (M. Bélanger): C'est ça.
Mme Harel: Et on aura des droits de parole sur l'amendement?
Le Président (M. Bélanger): Oui.
M. Bourbeau: Vous en aurez, des droits de parole. Voyons
donc!
Le Président (M. Bélanger): Vous vous en venez
bien!
Une voix: Vous savez qu'on ne vous brime jamais.
M. Bourbeau: On ne veut pas vous priver de votre parole, Mme la
députée de Maisonneuve, voyons!
Le Président (M. Bélanger): Non, mais cela va bien;
au niveau de la procédure, vous l'avez.
Mme Harel: Je constate que le ministre se "filibuste".
M. Bourbeau: Est-ce qu'on va faire évacuer la salle, M. le
Président?
Le Président (M. Bélanger): Donc, sur ce
sous-amendement, y a-t-il d'autres interventions? Mme la députée
de Maisonneuve, il vous reste deux minutes.
Mme Harel: Le ministre préfère-t-il la contestation
à l'intérieur ou à l'extérieur du parlement?
M. Bourbeau: M. le Président, il serait difficile d'avoir
de la contestation à l'intérieur, puisqu'il n'y a absolument
aucun spectateur dans la salle présentement, sauf peut-être un
garde du corps ou des fonctionnaires.
Mme Harel: Alors, est-ce qu'on doit conclure que le ministre va
applaudir à celle qui vient de l'extérieur du parlement? Est-ce
qu'il a pris connaissance, incidemment, des communiqués de presse des
centrales syndicales...
M. Bourbeau: On doit conclure, M. le Président, que...
Mme Harel:... blâmant sévèrement sa
dernière approche en matière de sécurité du
revenu?
M. Bourbeau: Ce qu'on doit conclure, c'est que la réforme
de l'aide sociale ne soulève pas beaucoup de réprobation dans la
population, M. le Président, on le voit ici ce matin.
Mme Harel: Le ministre s'attend-il à ce que ce soit ici
que ça se passe? Est-ce qu'il faut que
les gens viennent ici? Est-ce que c'est une invitation?
Le Président (M. Bélanger): Je souhaiterais qu'on
n'écoule pas le temps...
Mme Harel: Est-ce que c'est une invitation à la
contestation, dans le parlement?
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'on pourrait
s'en tenir à l'amendement, s'il vous plaît? Il nous reste, Mme la
députée de Maison-neuve, une minute.
Mme Harel: Je n'ai pas parlé sur l'amendement, M. le
Président; c'est une demande de directive. Je voulais savoir si
c'était le sous-amendement...
Le Président (M. Bélanger): Non, non, ce
n'était pas une demande de directive. On va le mettre sur le compte du
badinage, mais, s'il vous plaît, on s'en tient à l'amendement et
on revient à nos travaux. D'accord?
M. Bourbeau: Revenons à nos moutons.
Le Président (M. Bélanger): On vous laisse vos deux
minutes.
Mme Harel: J'aurai l'occasion de faire connaître au
ministre les réactions des centrales syndicales qu'il accusait de
silence, hier, et de mutisme. Alors, il va se rendre compte qu'elles ont
parlé. Elles ont parlé fort, elles vont continuer de parler
fort.
M. Bourbeau: Je ne les ai accusées de rien du tout, M. le
Président. La députée de Maison-neuve est dans l'erreur.
Je n'ai accusé les centrales de rien du tout, absolument pas. Je mets au
défi la députée de me dire où et quand j'ai
accusé les centrales de quoi que ce soit.
Mme Harel: Dans le Journal des débats, hier; ce
sera bien simple de le retrouver. Vous avez simplement signalé que les
centrales étaient silencieuses. Moi, je vous dis que vous ne lisez pas
les déclarations, M. le ministre, qui se font à
l'extérieur de cette salle, parce que vous allez vous rendre compte que
le tumulte est très élevé.
Le Président (M. Bélanger): Sur le sous-amendement,
s'il vous plaît.
Mme Harel: Alors, sur le sous-amendement, est-ce que le ministre
a fait profiter les heures qui nous séparent de nos travaux d'hier pour
améliorer son sous-amendement ou est-ce qu'on se trouve en face du
même texte de sous-amendement?
M. Bourbeau: M. le Président, nous avons proposé,
hier, un sous-amendement pour améliorer le paragraphe 2° de
l'amendement que nous avions proposé à l'article 1. Nous avons
longuement réfléchi à la question au cours des
dernières heures et durant la nuit, et le texte que nous avons
déposé nous apparaît toujours comme étant
extrêmement valable. Je ne vois pas pourquoi on retirerait ce
texte-là qui nous paraît être la meilleure version qu'on
puisse faire de l'idée que nous voulons véhiculer.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qui y a d'autres
interventions sur ce sous-amendement? Est-ce que le sous-amendement est
adopté?
M. Bourbeau: Adopté. Mme Harel: Sur division.
Le Président (M. Bélanger): Adopté sur
division.
Nous revenons donc à l'amendement à l'étude. Il
nous restait..
Mme Harel: Concernant l'amendement, M. le Président,
j'aurais un sous-amendement à présenter.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Je vais vous le rédiger, puisque nous venons
à l'instant même d'adopter sur division le sous-amendement du
ministre. Le sous-amendement consiste à modifier le paragraphe 2° du
deuxième alinéa... Non, le deuxième...
Le Président (M. Bélanger): On va suspendre
quelques instants pour le formuler.
(Suspension de la séance à 11 h 55)
(Reprise à 11 h 57)
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve, nous vous écoutons.
Motion de sous-amendement Mme Louise Harel
Mme Harel: M. le Président, compte tenu du sous-amendement
introduit par le ministre à son propre amendement qui fait
référence à un tout nouveau concept, celui 'des
contraintes sévères à l'emploi", qui ne se trouve
absolument pas décrit dans l'amendement maintenant modifié,
j'introduis le sous-amendement suivant: Ajouter, à ta deuxième
ligne du deuxième paragraphe de l'amendement sous-amendé -
ça va bien, M. le ministre; franchement, c'est comme si vous tourniez en
rond vous-même - après les mots de l'amendement
"sévères à l'emploi", les mots
suivants: "compte tenu d'un état physique ou mental
altéré pour une durée vraisemblablement permanente ou
indéfinie ou compte tenu de caractéristiques
socioprofessionnelles faibles" puisque les contraintes doivent être
"sévères".
Je relis: Ajouter à la deuxième ligne du deuxième
paragraphe de l'amendement sous-amendé, après les mots de
l'amendement "sévères à l'emploi... " Alors, je biffe de
l'amendement. Ce serait simplement après les mots "sévères
à l'emploi", les mots suivants: "compte tenu d'un état physique
ou mental altéré pour une durée vraisemblablement
permanente ou indéfinie ou compte tenu de caractéristiques
socioprofessionnelles faibles". Évidemment, le reste de la phrase reste
tel quel, c'est-à-dire tel que sous-amendé par le ministre par
son propre amendement.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, on vous
entend sur le fond.
Mme Harel: M. le Président, il ne faut jamais oublier que
nous avons entamé l'article 1 qui se lisait tout simplement ainsi: "Sont
institués les programmes Soutien financier, Actions positives pour le
travail et l'emploi et Aide aux parents pour leurs revenus de travail". Le
ministre a délibérément et volontairement introduit des
objectifs à chacun de ces programmes. Un des objectifs qu'il introduit
présentement, c'est celui d'accorder l'aide de ces programmes en tenant
compte que des personnes "présentent des contraintes
sévères à l'emploi. "
Encore là, M. le Président, faut-il comprendre que
ça ne veut rien dire si on ne signifie pas ce que représentent
ces "contraintes sévères à l'emploi. " Cela veut tout dire
et, quand ça veut tout dire, c'est parce que ça ne veut rien
dire. Il n'y a aucun concept qui s'appelle "contraintes sévères
à l'emploi" auquel le ministre a pu me référer dans aucune
des lois existantes. Les termes du dictionnaire sont insuffisants pour nous
expliquer clairement ce que signifient les "contraintes sévères
à l'emploi". Si ça n'est pas défini, c'est l'introduction
d'une interprétation arbitraire, discrétionnaire qui devrait au
moins se faire par règlement. Sinon, c'est un objectif à des
programmes qui va permettre de distinguer sur des critères qui sont
vagues et flous. Je ne serais pas surprise que, même le Comité de
législation soit en désaccord avec de telles pratiques
législatives.
Alors, M. le Président, ou bien le ministre est conséquent
quand il prétend qu'il faut que ces programmes tiennent compte du fait
que des personnes présentent des "contraintes sévères
à l'emploi. " À ce moment, qu'il les définisse, ces
"contraintes sévères à l'emploi. " Sinon, l'expression
"contraintes sévères à l'emploi" pourrait donner lieu,
évidemment, à des interprétations multiples.
Vous-même, M. le député de Laval-des-Rapides, avez
donné des exemples fort éloquents hier des interprétations
auxquelles ça pourrait donner lieu.
Alors, nous introduisons un sous-amendement disant que ces "contraintes
sévères à l'emploi" doivent être
évaluées à la lumière de deux tests, soit celui de
"l'état physique ou mental altéré pour une durée
vraisemblablement permanente ou indéfinie" ou celui de
"caractéristiques socioprofessionnelles faibles. "
Le ministre nous a dit qu'il allait bannir du projet de loi 37
l'expression "inapte", qu'il avait une série d'amendements sur ses 75...
il va falloir en introduire beaucoup, étant donné que tout le
projet de loi sur la sécurité du revenu reposait sur l'inaptitude
des gens plutôt que sur leur aptitude. C'était dans le programme
d'inaptitude que le gouvernement faisait connaître sa
générosité à l'égard d'une catégorie
de personnes dans notre société.
Le ministre nous a dit hier - je ne pense pas me tromper - quand il nous
a signalé qu'il allait déposer une série d'amendements
pour biffer le mot inapte: II n'y en a plus d'inaptes. Il y a des gens "qui
présentent des contraintes sévères à l'emploi. "
C'est ce qu'on lit dans l'amendement à l'article 7
présenté par le ministre. Ce ne sont plus des personnes inaptes.
Ce sont des "personnes qui présentent des contraintes
sévères à l'emploi. "
Le fait de présenter "des contraintes sévères
à l'emploi" non seulement ne les rend pas inaptes, mais le ministre a
même signalé qu'elles pourraient gagner des revenus de travail.
Quand on regarde le tableau des gains admissibles, on se rend compte que les
personnes qui seraient inscrites au programme Soutien financier où on
retrouvait les inaptes - mais on ne les y retrouvera plus parce qu'elles ne
seront plus là; il n'y aura plus d'inaptes là, il y aura "des
contraintes sévères" - vont avoir droit à des gains
admissibles plus importants que celles qui sont, par exemple, participantes
à des programmes ou à des mesures d'employabilité ou aux
mesures d'aide à l'emploi ou à des travaux communautaires ou
à des stages en entreprise.
C'est qu'elles ne sont pas inaptes. Si elles étaient inaptes,
c'est évident qu'elles n'auraient pas, en vertu de la loi, la
possibilité de gagner des gains de travail. Donc, elles vont avoir la
possibilité de garder des gains de travail vu qu'on leur accorde la
possibilité de travailler parce qu'elles ne sont pas inaptes. Elles ont
seulement "des contraintes sévères à l'emploi. "
Là il faudrait que les mots aient un sens. Ce ne sont pas des
personnes inaptes. On ne les qualifie plus d'invalides, on ne leur fait plus
passer le test de l'invalidité qui consiste à prouver qu'on n'est
pas capable d'occuper un emploi, on élargit sans, par exemple,
reconnaître la définition contenue dans le document d'orientation,
mais on définit différemment, avec l'amendement. Cette
définition, dit-on, va être plus généreuse, elle va
pouvoir s'adresser à un plus grand nombre de personnes parce qu'on ne
les considérera plus inaptes au sens de l'invalidité, on va
concevoir qu'elles puissent
travailler, qu'elles auront des gains de travaP admissibles, des gains
de travail de 100 $ par mois, plus importants qu'une personne de 55 ans qui a
travaillé toute sa vie et qui va être déclarée non
disponible; pace qu'à 55 ans, si elle est seule, elle va avoir droit
à 57 $ par mois. Mais la personne au Soutien financier, qui a des
contraintes sévères à l'emploi, elle va avoir droit de
garder 100 $ par mois, le double. Donc, ces contraintes sévères
à l'emploi, ce ne sont pas des personnes inaptes, ce ne sont pas non
plus des personnes qui ne peuvent pas gagner un revenu de travail, elles
peuvent travailler, il faut quelque part les définir.
M. le Président, j'arrête Ici et j'attends les explications
du ministre.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, est-ce qu'on nous a
distribué l'amendement proposé par la députée?
Le Président (M. Bélanger): II est à la
photocopie.
M. Bourbeau: Alors, c'est bien difficile de discuter d'un
amendement tant qu'on n'a pas vu le texte. On va attendre de voir le texte pour
en discuter.
Le Président (M. Bélanger): Bien, on va suspendre
quelques minutes.
Mme Harel: On peut continuer, M. le Président, je suis
plutôt partie pour avancer aujourd'hui.
M. Bourbeau: Ah oui! Voilà une bonne manifestation...
Mme Harel: Je ne voudrais pas que le ministre...
M. Bourbeau:... d'intention.
Mme Harel:... nous arrête par des sous-amendements
permanents sur ses propres amendements.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: M. le Président, la députée de
Maisonneuve doit réaliser que l'amendement que nous avons proposé
et qui est composé de quatre sous-amendements est, en fait - je ne le
lui apprends pas - un genre de préambule. On aurait aussi bien pu
choisir d'introduire ces quatre paragraphes dans une sorte de préambule
au projet de loi. Cela se faisait beaucoup autrefois, cela se fait moins
maintenant, mais, dans des lois d'une très grande importance, il
était coutume, naguère, d'Introduire comme ça des
préambules. Si je ne m'abuse, d'autres Parlements utilisent assez
fréquemment ce genre de technique législative.
Nous avons choisi d'introduire ces objets, non pas en préambule,
mais dans l'article 1. Évidemment, comme ce sont des paragraphes qui
décrivent les objectifs de la loi, I n'est pas coutume dans ce genre de
loi, dans cette technique législative d'aller dans les détails.
On décrit les grands objectifs de la loi dans des paragraphes ou des
articles semblables et, subséquemment, dans la loi, on va un peu plus en
profondeur et on définit ce qu'on a voulu dire dans les objectifs. Or.
l'amendement de la députée vise, dès le premier
paragraphe, à faire en sorte que, dans les objectifs, dans les objets de
la loi, on entre Immédiatement dans la plomberie, si je peux m'exprimer
ainsi, ce qui n'est pas coutumier dans ce genre d'article. Ce que je dis
à la députée, c'est qu'il est préférable de
garder l'article 2 dans sa forme actuelle, en te conservant avec les mots qui
lui ont été assignés, et on reviendra plus tard quand on
sera rendu à étudier l'article 7 sur la définition de
l'inaptitude où on précisera davantage.
Maintenant, une autre observation que je voudrais faire, on vient de me
remettre le texte du sous-amendement de la députée de
Maison-neuve. Elle voudrait, dans son texte, qu'on indique... M. le
Président, je vais être obligé de le regarder attentivement
parce que c'est écrit à la main: "compte tenu d'un état
physique ou mental altéré pour une durée vraisemblablement
permanente ou indéfinie ou compte tenu de ses caractéristiques
socioprofessionnelles fables. ' Voilà, M. le Président, un
changement majeur par rapport à la définition que nous avons
l'intention d'introduire à l'article 7. La députée de
Maison-neuve, sciemment ou non - je soupçonne que cela doit être
sciemment - vient d'ouvrir une immense porte, je dirais qu'elle vient d'ouvrir
les vannes à l'introduction dans le groupe non plus des inaptes ou des
non-employables mais de ceux qui ont des contraintes sévères
à remploi; elle vient de faire pénétrer par cette
porte-là tous ceux qui n'auraient aucun problème de santé
physique ou mentale en employant le mot "ou" plutôt que le mot 'et" que
nous avons dans notre définition. La députée fait en sorte
que, dorénavant, pourraient faire partie de ce groupe du programme
Soutien financier les personnes qui n'auraient que des problèmes ou une
situation socioprofessionnelle fragile. Alors, à ce moment-là, M.
le Président, c'est à peu près tous les gens à
l'aide sociale qui pourraient être catalogués dans le groupe de
ceux qui sont admissibles au programme Soutien financier puisqu'on n'aurait
plus besoin de tenir compte de la condition médicale et que pratiquement
tous ceux qui sont à l'aide sociale pourraient entrer d'emblée
dans la catégorie du programme Soutien financier. Ce n'est pas notre
intention de le faire. Alors, pour ces deux raisons-là, M. le
Président, vous comprendrez que je ne suis pas capable d'accepter de
voter en faveur du sous-
amendement de la députée de Maisonneuve.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Je vais faire une proposition au ministre puisqu'il a
utilisé l'argument d'une introduction dans un style de préambule
en disant que, dans ce type de rédaction, il n'y avait pas de
caractère précis, mais beaucoup plus des objectifs plus
généraux. C'était bien là le point de vue
exprimé par le ministre et cela fait partie de son premier argument pour
rejeter mon sous-amendement comme étant trop précis. Je voudrais
inviter le ministre à faire lecture de son propre amendement pour qu'il
se rende compte qu'il pourrait être acceptable que je retire mon
sous-amendement et que nous discutions à l'amendement qui sera introduit
à l'article 7 de cette définition des personnes qui auront
accès au programme Soutien financier, mais lui-même, pour autant,
devrait retirer les mots "sont dans une situation différente de celle
des personnes aptes au travail" parce que cela introduit
précisément un degré de précision, cela introduit
exactement ce qu'il reproche à mon sous-amendement d'introduire.
Nous en sommes à l'étape des objectifs. Si le ministre me
dit se satisfaire du fait que les programmes doivent accorder l'aide en tenant
compte du fait que des personnes présentent des contraintes
sévères à l'emploi et qu'il se satisfait de cet objectif
en ne voulant pas à l'avance, justement pour les mêmes raisons
qu'il a invoquées, préciser que celles-là sont dans une
situation différente de celle d'autres personnes, à ce
moment-là, je peux accepter son argument. Sinon, son argument est
évidemment trop sélectif. Il ne l'applique qu'à mon propre
sous-amendement sans se rendre compte que lui-même, par son amendement
est tombé dans ce piège de vouloir au niveau des objectifs
préciser les programmes, mais les préciser les uns par rapport
à d'autres. Si le ministre a comme objectif d'accorder l'aide en tenant
compte du fait que des personnes présentent des contraintes
sévères à l'emploi pour que, au moment opportun, on
définisse quelles sont ces personnes et qu'on détermine si elles
sont dans la même situation que d'autres, cela, je le veux bien. Mais si,
à ce stade-ci où nous précisons des objectifs, il commence
la polémique de décider si elles sont ou non dans la même
situation, je trouve que c'est un peu, disons, excessif que d'invoquer des
arguments sans voir que lui-même est tombé dans le panneau. (12 h
15)
M. Bourbeau: M. le Président, je n'ai justement pas
l'intention de tomber dans le panneau. La députée devrait
réaliser que ce paragraphe a été introduit pour faire la
différence entre les deux programmes. Il y a le programme Soutien
financier pour une certaine catégorie de prestataires et le programme
APTE pour une autre catégorie de prestataires. Nous voulons justement
faire en sorte de bonifier l'aide accordée à ceux qui sont dans
le programme Soutien financier par rapport à ceux qui sont dans le
programme APTE. Donc, je ne pense pas que je sois en train d'identifier
à ce point les prestataires, mais je pense qu'on est en train de
préciser certaines choses. Et, en rédigeant l'article ainsi, on
précise justement que les gens qui auront des contraintes
sévères à l'emploi pourront faire partie d'une
catérogie qui fera l'objet d'une plus grande sollicitude de la part de
l'État par rapport à ceux qui sont dans une autre
catégorie.
Mme Harel: M. le Président, c'est évident que le
ministre a utilisé un argument qui est de mauvaise foi, puisque
lui-même vient de dire que cela précise le deuxième
paragraphe.
M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que c'est
parlementaire, cela? M. le Président, la députée vient de
m'accuser d'être de mauvaise foi; je pense que...
Mme Harel: Non. Alors, je vais retirer mes paroles, M. le
Président. S'il est de bonne foi, c'est parce qu'il n'a pas compris que
la nature de ce qu'il reprochait à mon sous-amendement est similaire
à celle qu'il introduit par son amendement. Les objectifs d'un programme
consistent à les poursuivre en tant que tels et non pas à
établir les distinctions entre les programmes dans des
préambules, si c'était là l'objectif du ministre. Si le
ministre a comme objectif de donner une aide accrue à des personnes qui
présentent des contraintes sévères à l'emploi,
c'est évident qu'il est excessif de vouloir tout de suite, dans le
préambule, commencer à définir en quoi ces personnes
seront différentes d'autres. Là, on n'est plus dans les
objectifs, on est dans les modalités. Et le ministre a beau ne pas
vouloir le reconnaître, c'est tellement évident que son refus de
le reconnaître n'est peut-être pas de la mauvaise foi, mais c'est
sans doute que le ministre, de toute façon, utilise des arguments de
polémique dans ses objectifs. Pourquoi avoir lui-même introduit
ces arguments? Un préambule ne donne pas lieu à des arguments
polémiques. Un préambule établit des objectifs et ce sont
les articles subséquents qui viennent les définir, les
préciser. Alors, c'est bien évident que le ministre,
délibérément, cherche à détourner les
objectifs du préambule pour immédiatement amener la commission
à se prononcer sur des modalités de ces programmes. Je trouve
cela regrettable. Ce n'est pas la place. Et, si le ministre avait voulu
travailler sérieusement, de façon plus
accélérée, ce n'est pas comme cela qu'il aurait
procédé. C'est bien évident que la façon dont il
procède, c'est exactement celle qui provoque la controverse. Alors, le
ministre a tout simplement ce qu'il recherche.
M. le Président, dans la mesure où le ministre introduit
un niveau de précision prétendant régler la question des
personnes aptes dans son préambule, je pense qu'on va devoir
régler celles qui ont des contraintes sévères à
l'emploi et définir qui elles sont.
M. Bourbeau: M. le Président, je ne vois pas pourquoi la
députée de Maisonneuve m'accuse de vouloir susciter la
polémique. Mes intentions sont les plus pacifiques possible. Et je ne
vois pas en quoi la députée de Maisonneuve peut voir quelque
provocation que ce soit dans la rédaction du sous-amendement 2° de
l'article 1. Je pense que cette phrase est tout à fait
dénuée de quelque provocation que ce soit. Et la seule
polémique qui existe, c'est celle qui est suscitée par la
députée de Maisonneuve qui voit dans un texte qui est, somme
toute, inoffensif des raisons de déchirer ses vêtements en public.
Je ne vois pas en quoi ce texte peut susciter de la polémique. Je
référerai la députée de Maisonneuve à
certains des amendements qu'elle a elle-même déposés hier
et avant-hier et qui suscitaient beaucoup plus la controverse que l'amendement
qu'on a devant nous aujourd'hui.
Mme Harel: M. le Président, c'est certainement
l'aveuglement du ministre, qui continue de ne rien voir, qui va nous donner un
texte législatif comme celui que le gouvernement va autoritairement
décider d'adopter. Alors, je vous demanderais de mettre aux voix mon
sous-amendement, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Alors, j'appelle le
sous-amendement présenté par Mme la députée de
Maisonneuve et qui se lit comme suit: "compte tenu d'un état physique ou
mental altéré pour une durée vraisemblablement permanente
ou indéfinie ou compte tenu de ses caractéristiques
socioprofessionnelles faibles. " Est-ce bien ça? Est-ce que le
sous-amendement de Mme la députée de Maisonneuve est
adopté?
Mme Harel: Adopté.
M. Bourbeau: Rejeté, M. le Président.
Mme Harel: Aux voix, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Vous vouiez un appel du
vote? Bien. Alors, M. le ministre Bourbeau (Laporte)?
M. Bourbeau: Contre, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Contre. M.
Bélanger (Laval-des-Rapides)? Contre. M. Polak (Sainte-Anne)? Il n'est
pas là. M. Latulippe (Chambly)?
M. Latulippe: Contre.
Le Président (M. Bélanger): Contre. M. Leclerc
(Taschereau)?
M. Leclerc: Contre.
Le Président (M. Bélanger): Mme Legault
(Deux-Montagnes)?
Mme Legault: Contre.
Le Président (M. Bélanger): M. Sirros (Laurier)? M.
Thuringer (Notre-Dame-de-Grâce)?
M. Thuringer Contre.
Le Président (M. Bélanger): M. Joly (Fabre)?
M. Joly: Contre.
Le Président (M. Bélanger): Mme Harel
(Maisonneuve)?
Mme Harel: Pour.
Le Président (M. Bélanger): Pour. Alors, le
sous-amendement est rejeté.
J'appelle donc l'amendement. Nous revenons donc à l'amendement
premier. Nous avons étudié les paragraphes 1°, 2" et 3°.
Nous en sommes au paragraphe 4° qui se lit comme suit: "de fournir un
apport financier supplémentaire aux familles à faible revenu qui
ont des enfants à charge et dont au moins un adulte est sur le
marché du travail. " Est-ce qu'il y a des interventions sur le
paragraphe 4°?
Mme Harel: Le paragraphe 4°? J'en suis toujours au paragraphe
2°. On vient de prendre le vote sur mon sous-amendement, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Mais I vient
d'être battu.
Mme Harel: Oui. On revient à l'amendement du ministre.
Le Président (M. Bélanger): II est
adopté.
Mme Harel: Comment ça? On vient juste de disposer du
sous-amendement.
Le Président (M. Bélanger): Vous avez raison. J'ai
sauté une étape.
Mme Harel: Aie! Aie!
Le Président (M. Bélanger): Vous avez tout à
fait raison.
Mme Harel: Bien sûr!
Le Président (M. Bélanger): Est-ce que
l'amendement... Excusez-moi et c'est vraiment...
Mme Harel: Ce n'est pas grave.
Le Président (M. Bélanger): Non, non, vous
êtes vigilante. Excusez-moi.
Mme Harel: Ce n'est pas grave.
Le Président (M. Bélanger): Parce qu'on aurait eu
un problème dans les rapports. Est-ce qu'il y a d'autres interventions
sur le paragraphe 2° de l'amendement proposé par M. le ministre, tel
que proposé?
Motion de sous-amendement
Mme Harel: Oui. M. le Président... Le Président
(M. Bélanger): Oui.
Mme Harel:... j'aimerais proposer en sous-amendement que l'on
biffe, à la deuxième ligne du deuxième paragraphe de
l'amendement sous-amendé, les mots "sont dans une situation
différente de celle des personnes aptes au travail".
Le Président (M. Bélanger): Alors, vous dites:
"d'accorder cette aide en tenant compte du fait que des personnes... "
Mme Harel: "... que des personnes présentent des
contraintes sévères à l'emploi. " Alors, l'amendement
consiste à biffer les mots "sont dans une situation différente de
celle des personnes aptes au travail" pour que le paragraphe se lise
"d'accorder cette aide en tenant compte du fait que des personnes
présentent des contraintes sévères à l'emploi.
"
Le Président (M. Bélanger): Juste un instant, je
veux "débugger" quelque chose. Cela va. C'était juste parce que
j'avais marqué "sur division".
Mme Harel: D'accord.
Le Président (M. Bélanger): Donc, il était
adopté, mais comme sous-amendement. Il n'est pas adopté comme
amendement encore. Vous avez raison.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Alors, M. le Président, pour les raisons que le
ministre invoquait, dans la mesure où ce qui est introduit, ce sont des
objectifs généraux, des objectifs qui ne doivent pas
préciser les modalités, ni préciser en quoi ces objectifs
sont ou ne sont pas soutenus par les différents programmes, en fait,
tout ce que les amendements à ce stade-ci devraient faire à
l'article 1, c'est préciser les objectifs des programmes et non pas ce
que ces programmes ne sont pas, mais bien plus les objectifs que poursuivent
ces programmes. Je vous indique que, par la formulation du paragraphe 2°
dans l'amendement du ministre, ce dernier introduit précisément
une définition qui a un degré de précision qui est inutile
à ce stade-ci puisque ça nous engagerait à décider
de ce que ne serait pas le programme des personnes aptes au travail. C'est
beaucoup trop tôt. C'est prématuré. Cela présume, M.
le Président, de ce que la commission aura à décider pour
les chapitres à venir. Le ministre prétend que cette formulation
ne vient pas nous engager à l'avance dans les modalités des
programmes. C'est tout à fait invraisemblable qu'il puisse maintenir une
position comme celle-là. Pourquoi ne pas parler du programme APPORT? Le
paragraphe donne comme objectif aux trois programmes, Soutien financier, APTE
et APPORT... C'est bien là l'article 1 du projet de loi d'instituer des
programmes qui doivent poursuivre des objectifs et ces objectifs consistent
à tenir compte des contraintes sévères à l'emploi,
mais le ministre nous introduit un degré de précision qui est
inconvenant à ce stade-ci en précisant que ces contraintes
sévères à l'emploi seront celles de personnes qui sont
dans une situation différente de celles qui sont aptes. Est-ce que ce
sera le cas aussi pour celles qui sont dans une situation différente de
celles qui sont sur le programme APPORT? Pourquoi le ministre omet-il, alors,
le programme APPORT? Pourquoi le précise-t-il avec le programme APTE et
omet de le signaler en regard du programme APPORT qui est pourtant un programme
de retour à l'emploi qui pourra aussi être utilisé par des
personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi?
Cela m'apparaît évident, M. le Président, que ce que
recherche le ministre à ce stade-ci, c'est de devancer nos travaux,
c'est de présumer de ce que la commission aura à décider
sur l'ensemble des programmes. En termes parlementaires, c'est vraiment
excessif, cette volonté que le ministre manifeste de prétendre
immédiatement introduire dans un préambule à l'article 1,
par un amendement, des modalités de programmes qui sont
déplacées à ce stade-ci. Pour cette raison, M. le
Président, je vous invite à disposer de mon amendement.
Le Président (M. Bélanger): Sur l'amendement de Mme
la députée de Maisonneuve, est-ce qu'il y a d'autres
interventions?
M. Bourbeau: M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Bourbeau: Cela revient exactement à la même
chose. Le débat sur ce sous-amendement est le même que celui que
nous avons fait tout à l'heure. J'ai déjà dit, tout
à l'heure, ce que j'avais à dire sur cette question et je suis
d'accord qu'on passe au vote le plus tôt possible.
Mme Harel: M. le Président, je vois que, pour le ministre,
les jeux sont faits de toute façon et qu'il n'a même pas le bon
sens intellectuel de reconnaître que les arguments qui valaient quant au
degré de précision de mes sous-amendements valent certainement
quant au degré de trop grande précision de son propre amendement.
Si je comprends bien, nous siégeons pour la forme parce que le ministre
a déjà, lui, décidé comment ça allait se
passer. (12 h 30)
M. Bourbeau: M. le Président, vous permettez?
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, M. le
ministre.
M. Bourbeau: Je n'accepte pas les propos de la
députée de Maisonneuve. Si la députée de
Maisonneuve fait la moindre recherche sur mon passé parlementaire elle
va se rendre compte que je ne suis pas de ceux qui refusent
systématiquement d'accepter des amendements de l'Opposition,
contrairement à certains de vos collègues du temps que vous
étiez au pouvoir qui ne voulaient absolument jamais regarder quelque
amendement que ce soit venant de l'Opposition.
J'ai toujours dit la même chose, M. le Président. Depuis
que j'exerce des fonctions ministérielles, je suis prêt à
regarder tous et chacun des amendements qui sont proposés par chacun des
parlementaires, d'ailleurs, de quelque côté de la table qu'ils
soient. Si on me propose un amendement de nature à améliorer le
projet de loi, je puis vous assurer que non seulement je vais le
considérer, mais que je vais même le retenir. Or, dans le cas
présent, la députée de Maisonneuve ne doit pas faire une
crise parce que nous n'acceptons pas son amendement. Je lui ai expliqué
tout à l'heure pourquoi nous n'étions pas d'accord avec elle sur
le bien-fondé de cet amendement, ce qui ne préjuge en rien du
sort que pourraient connaître les amendements qu'elle voudra bien nous
présenter dans l'avenir.
Mme Hard: M. le Président, je vais juste signaler au
ministre que ses propos ne me rassurent pas justement parce que j'ai fait
enquête sur son passé et son passé n'est pas vierge. Il a
plutôt un lourd passé en regard des travaux parlementaires en
commission. J'aimerais mieux qu'il n'invoque pas ce passé parce que je
vais devoir lui dévoiler ce qu'en pense l'Opposition et ça ne lui
fera vraiment pas plaisir. Je ne veux certainement pas lui faire de la peine ce
matin.
M. Bourbeau: Je n'ai aucune objection à comparer la
virginité de mon dossier avec celui de la députée de
Maisonneuve. Je rappellerai que la vertu qui fait du tapage n'est
déjà plus de la vertu.
Le Président (M. Bélanger): Oh! Avant de sombrer
plus loin dans la philosophie, sur le sous-amendement.
Mme Harel: Adopté.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce que le
sous-amendement est adopté?
M. Bourbeau: Est-ce que vous pouvez le relire, M. le
Président? Avant de voter, on aime toujours être sûr.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, le
sous-amendement de Mme la députée de Maison-neuve se lit comme
suit: 1° Supprimer à la deuxième ligne du deuxième
paragraphe de l'amendement sous-amendé, après les mots
"sévères à l'emploi", les mots suivants: "sont dans une
situation différente de celle des personnes aptes au travail". Donc, on
supprime ça et on remplace à la première ligne du
deuxième paragraphe de l'amendement sous-amendé le mot les" par
"des" et on supprime le mot "qui".
Mme Harel: Adopté.
M. Bourbeau: Rejeté, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Cet amendement est-il
adopté?
M. Bourbeau: Rejeté.
Le Président (M. Bélanger): Rejeté. Alors,
c'est rejeté. J'appelle donc maintenant... Nous revenons au paragraphe
2° de l'amendement tel que sous-amendé. Est-ce que cet amendement
tel que sous-amendé est adopté?
Mme Harel: Sur division.
Le Président (M. Bélanger): Sur division. Bien.
Alors, nous passons au paragraphe 4°, c'est le dernier qui nous reste: 'de
fournir un apport financier supplémentaire aux familles à faible
revenu qui ont des enfants à charge et dont au moins un adulte est sur
le marché du travail. '
Sur ce quatrième paragraphe, est-ce qu'il y a des
interventions?
Mme Harel: Le ministre veut peut-être... Le
Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président j'ai déjà fait
toutes les interventions que j'avais à faire quant à l'ensemble
de ces quatre paragraphes. Quant à nous, on est prêts à
prendre le vote.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Est-ce qu'il y a
d'autres interventions sur ce quatrième paragraphe?
Mme Harel: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Motion de sous-amendement Mme Louise Harel
Mme Harel: Malheureusement, l'amendement du ministre ne nous
permet pas de connaître exactement la volonté du ministre en
matière d'aide aux familles à faible revenu qui sont sur le
marché du travail. J'aimerais introduire un sous-amendement qui se
lirait comme suit: Remplacer le paragraphe 4° par le suivant: "de fournir,
sous forme de crédit d'impôt-enfant remboursable, un apport
financier supplémentaire aux familles à faible revenu qui ont des
enfants à charge et dont au moins un adulte est sur le marché du
travail. "
Le Président (M. Bélanger): Bien. Est-ce qu'il y a
des commentaires? Est-ce que quelqu'un désire intervenir sur le
sous-amendement proposé par Mme la députée de
Maisonneuve?
Mme Harel: M. le Président, l'objectif d'un apport
financier supplémentaire aux familles à faible revenu est d'abord
que cette aide leur parvienne. Je voudrais rappeler au ministre que les
meilleures intentions du monde finissent malheureusement par tomber dans
l'inaction, dans des programmes inefficaces et, peut-être plus
dangereusement, qui sont de nature a élargir les contrôles sur les
populations.
Un objectif d'un apport financier supplémentaire à des
familles à faible revenu qui n'est pas assorti du moyen pour y arriver
laisse ouverte la possibilité de contrôler les familles à
faible revenu à partir de modalités de programmes, comme c'est le
cas actuellement avec le programme APPORT, qui obtiennent l'effet exactement
inverse de celui recherché. Ce n'est pas l'autonomie des personnes qu'on
atteint avec ce genre de programme, c'est un contrôle plus grand sur ces
personnes. Je voudrais signaler au ministre que cet objectif de fournir un
apport financier supplémentaire, ce but, cette stratégie de
supplémentation se bute présentement à l'échec du
programme APPORT. Il ne pourra pas prétendre faire de la fuite en avant
avec le projet de loi 37 en nous faisant adopter rétroactivement un
programme dont on a tout en main pour savoir qu'il est un échec
retentissant et inquiétant.
Ce n'est quand même pas peu de choses, qu'on s'apprête
à légiférer avant Noël pour reconnaître un
programme dont on sait que, malgré les efforts consentis... Ils ont
été considérables, je n'ai pas à rappeler le
million de dépliants imprimés, distribués dans les
chèques mensuels d'allocation familiale à des centaines de
milliers de personnes, distribués avec le chèque d'aide sociale
à des centaines de milliers de personnes; je n'ai pas à rappeler
la centaine de milliers d'appels téléphoniques pour obtenir de
l'information que nos concitoyens ont faits dans les bureaux de centres
Travail-Québec, les 53 000 formulaires qui ont été
transmis aux personnes qui avaient demandé cette information. Je n'ai
pas à rappeler que cet apport financier supplémentaire aux
familles à faible revenu, pour être respectueux des conditions de
vie des familles à faible revenu, ne doit pas élargir les mesures
de contrôle.
M. le Président, si le ministre prétend, en introduisant
ce quatrième paragraphe, faire avaler par ses collègues
ministériels le programme APPORT, je trouve que c'est, encore une fois,
prématuré qu'il ait immédiatement, à l'article 1 du
projet de loi, prétendu tout régler avant qu'on ait
commencé à en parler. S'il prétend, lorsqu'on abordera les
dispositions du projet de loi 37, référer au quatrième
paragraphe de son amendement pour prétendre qu'il a déjà
eu un appui de la commission en faveur des modalités qu'il veut
introduire, moi, je dis que ce n'est pas à ce moment-ci qu'il doit le
faire. S'il juge à propos d'amender l'article 1 pour y introduire des
objectifs, notamment au quatrième paragraphe, d'appui aux familles
à faible revenu, alors, ce n'est pas pour introduire les
modalités de son programme qui ne fonctionne pas. M. le
Président, c'est malheureux que le ministre ait décidé de
procéder de cette façon parce que, finalement, il a
décidé de mettre toute la commission, y compris ses propres
collègues ministériels, devant un fait accompli avant même
qu'on commence les travaux article par article de chacun des programmes.
Je pense que l'apport financier supplémentaire aux familles ne
peut être retenu par la commission que dans la mesure où il se
fait sous une forme qui n'augmente pas les contrôles tâtillons sur
la vie conjugale, familiale, parentale de nos concitoyens. Je vais
arrêter à ce stade-ci et je compléterai, s'il y a lieu, mon
intervention, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Y a-t-il d'autres
intervenants?
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: M. le Président, la députée de
Maisonneuve veut réécrire à sa façon le
quatrième paragraphe. Je ne m'oppose pas à ce qu'elle tente de le
faire. Ce n'est pas notre façon à nous de voir les choses. La
députée met en doute l'efficacité du programme APPORT,
mais je pense que le jugement est prématuré. La
députée devrait savoir qu'on ne porte pas un jugement sur un
programme après à peine quelques mois d'existence. Cela me
rappelle les hauts cris qu'elle lançait à son collègue, le
député de Shefford, l'an dernier, à l'égard du
programme PARCQ, programme d'amélioration et de restaura-
tion résidentielle. Après avoir décrié
pendant les huit premiers mois de l'année le programme PARCQ, le
député de Shefford a été obligé de ravaler
ses paroles en fin d'année puisque nous avons pu annoncer en fin
d'année qu'après un départ plutôt lent le programme
avait...
Mme Harel: La pertinence du programme PARCQ là... On est
à l'habitation.
Le Président (M. Bélanger): S'N vous plaît!
On écoute, M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, je veux expliquer à
la députée comment mon argument peut être pertinent. Je
sais que la députée a l'air d'avoir ce matin la
susceptibilité à fleur de peau. Je sais que la session est un peu
difficile. Les heures sont longues. Mais je lui demanderais d'être
patiente et de retenir ses humeurs parce que, si on regarde tout le temps qu'il
nous reste à passer dans cette commission, compte tenu de l'allure
qu'elle prend, ça ne sera pas drôle tout à l'heure. Il va
falloir qu'on se...
Mme Harel: M. le Président, le ministre n'a pas de
leçon à me donner.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
J'écoute M. le ministre. Vous aurez tout le loisir de répondre
tout à l'heure.
M. Bourbeau: M. le Président, je disais donc, que quand la
députée vient d'avance condamner le programme APPORT...
Mme Harel: D'avance?
M. Bourbeau:... d'avance, oui, en nous disant que le programme ne
fonctionnera pas, je dis à la députée de parler à
son collègue le député de Shefford qui, comme elle, l'an
dernier, à l'égard du programme PARCQ annonçait d'avance
la déchéance du programme après quelques mois. Or, comme
la députée de Maisonneuve qui aujourd'hui condamne le programme
APPORT, le député de Shefford condamnait le programme PARCQ et,
à la fin de l'année, au bout de douze mois, il a dû
déchanter et admettre que le programme avait rempli ses objectifs. Je
dis à la députée de Maisonneuve: Attendez qu'on ait fait
au moins une année avec le programme APPORT. C'est un programme qui
vient de débuter, qui vient de commencer. C'est évident que
ça prend quelques mois avant que la population soit bien
familière avec le programme, mais ça progresse normalement.
Je dirais même que ça progresse mieux dans le temps, que
progressait le programme PARCQ l'an dernier. Pourtant, on a eu des
succès phénoménaux avec le programme PARCQ après un
an d'usage. Je dis à la députée de Maisonneuve: Attendez
de voir qu'on ait au moins fait un an et au bout d'un an vous verrez si le
programme
APPORT aura ou non rempli ses objectifs. Je pense qu'il est
prématuré de porter un jugement. De toute façon, je pense
que la députée exagère grandement quand elle vient
condamner d'avance ce programme. Il remplace le programme SUPRET et la
députée nous disait tout à l'heure que l'objectif, c'est
que les familles puissent avoir leur argent rapidement, que les dollars leur
parviennent; elle a employé ces mots au début de son allocation,
tout à l'heure. (12 h 45)
Mme Harel: M. le Président, je regrette, c'est une
question de règlement.
M. Bourbeau: M. le Président...
Mme Harel: Le ministre n'a pas à me citer hors... Je n'ai
pas dit ça.
M. Bourbeau: M. le Président, je prends à
témoin mes collègues qui étaient tous très
attentifs. La députée, tout à l'heure, a dit et j'ai
noté ses mots sur un document devant moi: "L'objectif, c'est que les
fonds leur parviennent. " C'est ce qu'elle a dit. Alors, je dis ceci: Dans le
programme SUPRET, qu'a remplacé le programme APPORT, les fonds ne leur
parvenaient jamais. Justement, les fonds ne leur parvenaient qu'à la fin
de l'année, quelques mois après: 18 mois, un an et demi
après, les fonds leur parvenaient. Il fallait que toute l'année
financière soit terminée, que les rapports d'impôt soient
entrés, que le ministère du Revenu les traite et, après
ça, 18 mois après, les clients voyaient ou ne voyaient pas la
couleur de leur argent. Le gros avantage du programme APPORT vis-à-vis
du programme SUPRET, pour ne pas dire par rapport au programme SUPRET, c'est
que justement les fonds leur parviennent sur une base mensuelle. Nous payons
aujourd'hui. Justement, nous rencontrons... Cela semble surprendre la
députée de Maisonneuve, j'ai l'impression qu'elle ne
connaît pas le programme APPORT. La grosse différence, compte tenu
des objectifs dont parlait elle-même la députée tout
à l'heure, de faire en sorte que les familles reçoivent leur
argent maintenant, quand elles en ont besoin, c'est que le programme APPORT
leur donne l'argent tout de suite, on fait des acomptes à tous les mois,
75 % des montants présumés payables sont payés à
tous les mois. C'est là le gros avantage du programme APPORT. On paie
tout de suite, alors que le Parti québécois, avec le programme
SUPRET, payait un an et demi plus tard.
Dans ce sens-l'à, nous respectons drôlement mieux les
objectifs d'acheminer les fonds tout de suite aux familles que ne le faisait le
programme SUPRET. Alors, quand la députée parle de pertinence, je
pense qu'on peut être pertinent et on est très pertinent en
partant du programme APPORT puisqu'elle en a traité elle-même. Je
dis que la députée, en venant faire en sorte d'agiter dès
maintenant des épouvantails d'avance... Je lui dirais d'attendre un peu,
d'être tolérante, de
prendre le temps de faire des analyses du programme. On ne peut pas
porter des jugements comme ça avant même que le programme ait eu
la chance de faire ses preuves. Je dis qu'il n'est pas raisonnable,
présentement, pour la députée de Maisonneuve ou pour
quiconque de l'Opposition, de porter un jugement définitif sur un
programme qui vient de commencer.
La députée de Marie-Victorin ne porte pas de jugement
négatif sur le programme APPORT, enfin, je ne l'ai pas entendue parler,
peut-être qu'on l'entendra plus tard. Il me semble que la
députée de Marie-Victorin est une femme raisonnable qui ne porte
pas de jugement comme ça avant d'avoir des preuves et, actuellement, on
n'a pas de preuve. On a des chiffres fragmentaires qui ne sont pas si
négatifs que ceux dont parle la députée de
Maisonneuve.
Alors, quant à moi, je pense que le paragraphe 4° est tout
à sa place, qu'il dit bien ce qu'il veut dire, qu'il décrit les
objets du programme APPORT et non pas les détails, la plomberie du
programme. Je pense que, de la même façon que tout à
l'heure on a accepté les paragraphes 2° et 3°, le paragraphe
4°, quant à lui, réfère au programme APPORT qui est un
excellent programme. Je pense que presque tous les membres de la commission
sont d'accord. Je ne vois pas pourquoi on retirerait le paragraphe 4°.
Le Président (M. Joly): Est-ce qu'il y a d'autres
intervenants sur le sous-amendement de l'article 4°?
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Oui, M. le Président. Compte tenu...
Le Président (M. Joly): Le paragraphe 4°.
Mme Vermette:... des affirmations et des intentions que le
ministre a portées à mon endroit, j'aimerais lui proposer qu'on
discute des dossiers qui sont dans mon comté où, justement,
certaines personnes, notamment des femmes, qui antérieurement avaient
droit au programme SUPRET sont incapables, actuellement, de se prévaloir
du programme APPORT. J'ose espérer qu'avec tout ce que le ministre vient
de dire ces femmes pourront, dans des délais très réduits,
participer et bénéficier de tous les avantages de ce programme
que le ministre semble énumérer. Actuellement, je peux vous dire
que, dans mon comté, il y a des situations où des gens cherchent
de quelle façon ils pourront participer au programme parce que ça
ne semble pas tout à fait clair, ça ne semble pas encore tout
à fait... Même les fonctionnaires répondaient qu'ils ne
savaient même pas comment ils devaient l'interpréter, ils se
posaient des questions, ce n'était pas tout à fait clair et
ça restait encore ambigu au plan de l'application.
Donc, j'aimerais avoir des réponses de la part du ministre
à cet effet en disant de quelle façon je pourrai résoudre,
dans mon comté, ces problèmes. Est-ce que je pourrai lui
transmettre ces dossiers et est-ce que j'aurai une réponse très
rapidement? Dorénavant, est-ce que je pourrai dire à ces femmes
qu'elles peuvent dormir sur leurs deux oreilles dans les semaines qui s'en
viennent puisque, d'après le ministre, il n'y aura aucun problème
pour ces femmes.
M. Bourbeau: M. le Président, je n'ai jamais dit qu'il n'y
a pas de problème. C'est bien évident que, si les gens se
présentent à l'aide sociale, c'est qu'ils ont des
problèmes, ou si ce sont des gens qui se présentent...
Mme Harel: APPORT n'est pas l'aide sociale, M. le
Président.
M. Bourbeau: J'allais justement le dire si vous m'aviez attendu,
si vous m'aviez laissé terminer ma phrase. La députée de
Maisonneuve est tellement énervée ce matin qu'elle nous coupe les
phrases en plein milieu.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
M. le ministre, on s'en tient au contenu et non au contenant.
M. Bourbeau: J'étais justement en train de dire, avant
d'être interrompu inopinément par la députée de
Maisonneuve, que, quand les gens se présentent à l'aide sociale
ou aux bureaux de Travail-Québec pour pouvoir bénéficier
du programme APPORT, c'est évident que tous les gens qui se
présentent là ne sont pas automatiquement admissibles. Il doit y
avoir une certaine vérification des dossiers et des faits qui sont
allégués. Dans certains cas, malheureusement, les clients ou les
clientes ne sont pas considérés comme pouvant être admis ou
admises au programme, selon les cas. Maintenant, si la députée de
Marie-Victorin a des cas problèmes, elle peut venir me consulter. Cela
me fera plaisir de lui donner mon point de vue ou encore de
référer ces cas-là à mon bureau de comté. On
a toujours eu de très bons rapports entre voisins de comté, M. le
Président, et je n'ai pas d'objection à lui rendre des services
de ce genre-là.
Mme Vermette: Ce que je voulais faire remarquer au ministre,
c'est que, antérieurement, ces mêmes personnes avaient droit au
programme SUPRET et que cela devient plus difficile pour elles de participer au
programme APPORT parce qu'on a changé les critères
d'admissibilité et que cela remet en cause leur possibilité de
participer. Donc, on réduit jusqu'à un certain point la
participation des gens admissibles au programme APPORT. C'est surtout cela que
je voulais soulever.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Cela va tellement bien, M. le Président. Cela
va tellement bien. Cela va aussi bien avec le programme APPORT que cela peut
aller avec le projet de loi 37 du ministre. Pour le ministre, cela va
très bien. Cela va magnifiquement bien. Comme il n'y a personne qui
vient le contester aujourd'hui au parlement, ici au salon rouge, cela va
très bien. Cela va bien, le programme APPORT. Cela va très bien.
Il y en a moins qui sont admissibles, mais cela va bien. Il y a 16 000 familles
qui en profitent sur les 44 000 que le ministre des Finances avait
prévues, mais cela va bien. Ils reçoivent leurs fonds plus vite,
mais il y en a moins qui le reçoivent. Cela va bien quand même.
SUPRET s'adressait à 24 000 ménages dont 18 000 familles. Le
ministre pense que le programme APPORT va bien, mais M. n'a même pas
encore atteint le nombre de familles que SUPRET aidait. Pour le ministre, cela
va bien. Lui, son prédécesseur et tout son gouvernement qui se
scandalisaient que SUPRET était si peu efficace, si au moins ils
atteignaient le nombre de familles que SUPRET aidait, tout au moins le nombre
de ménages, je n'ose même pas dire le nombre de ménages, ce
serait déjà pas si mal, M. le ministre.
Cela va tellement bien que vous ne vous êtes peut-être pas
rendu compte que le programme existe depuis le 1er janvier et que
l'année que vous me demandez d'attendre pour évaluer le programme
va se terminer bientôt. Le programme a été annoncé
en avril 1987 pour prendre effet en janvier 1988. Il a fallu délais
successifs sur délais successifs. Je dois vous dire qu'on n'a pas encore
passé aux engagements financiers, mais, quand on va en arriver aux
engagements financiers et qu'on va pouvoir additionner les millions qui ont
été investis dans l'administration, la publicité et la
gestion de ce programme-là pour l'échec que cela
représente, c'est assez phénoménal. Le pourcentage
d'argent investi depuis un an et demi à faire fonctionner un programme
qui n'opère pas, c'est vraiment l'exemple de l'inefficacité. Je
dirais plutôt l'exemple du programme conçu par l'ordinateur pour
être appliqué par l'ordinateur et pour élargir le
contrôle sur des travailleurs et des travailleuses qui ne sont pas des
bénéficiaires de l'aide sociale, mais qui ont un formulaire
encore beaucoup plus compliqué à remplir que celui que remplit un
demandeur d'aide sociale, et avec des contrôles mensuels de leur vie
conjugale, de leur vie parentale, de leur partage de logement.
Alors, M. le Président, cela va très bien. Cela va
vraiment bien. Le ministre n'a pas à s'inquiéter, cela va
même s'améliorer. C'est certain qu'il ne pourra pas se soustraire
aux questions que l'Opposition entend lui poser lorsqu'on examinera les
dispositions de son projet de loi sur le programme. Qu'est-ce qu'il entend
faire pour que cela aille mieux? Si cela va si bien avec les 16 000 familles
sur les 44 000 qui devaient en profiter, quelles sont les mesures qu'il va
prendre pour que cela change, pour que cela aille mieux? Vu qu'il se satisfait
de ce qui se passe maintenant, son programme est un échec retentissant
et inquiétant.
On aura l'occasion d'y revenir, mais, pour tout de suite, je voudrais
qu'il soit bien clair que le sous-amendement a comme effet de ne pas permettre
au ministre de prétendre qu'en adoptant son amendement on viendrait par
le fait même appuyer un programme qui est certainement à
reconsidérer entièrement, le programme APPORT. Je vous remercie,
M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Merci, madame. Est-ce
qu'il y a d'autres interventions?
M. Bourbeau: M. le Président, je vais tenter de ramener la
députée de Maisonneuve un peu sur la terre après la
description apocalyptique qu'elle vient de faire du programme APPORT.
D'abord, je pense qui convient de replacer les choses dans leur propre
contexte. La députée reconnaîtra que les inscriptions au
programme APPORT ont commencé au mois de mai. Donc, on ne parle pas
d'une si longue période; on parle d'à peu près six mois.
Le programme APPORT a de gros avantages par rapport au programme SUPRET dont
elle fait la promotion. J'ai dit tout à l'heure que les prestations sont
versées mensuellement alors que dans le programme SUPRET l'aide
était annuelle, avec un délai d'au moins un an dans le versement
des prestations. C'est donc dire que nous avons, dans le programme APPORT, une
situation qui est beaucoup plus intéressante pour les familles.
Deuxièmement, ta députée de Maisonneuve oublie de
dire une chose: dans le programme SUPRET, aucuns frais de garde
n'étaient remboursés alors que, dans le programme APPORT, nous
remboursons 50 % des frais de garde. La députée de Maisonneuve se
garde bien de parler de cela; ce n'est pas un avantage suffisant pour elle.
Également, nous annualisons les revenus de travail. Il y a une
pius grande Incitation au travail sur une base mensuelle à cause de la
mensualisation - si je puis dire - des prestations. Maintenant, 1 y a
également une plus grande justice, une plus grande équité
envers les travailleurs à faible revenu. Il n'y a pas de discrimination
entre les travailleurs qui travailent douze mois et plus et ceux qui
travaillent moins de douze mois. Donc, cela profite à un plus grand
nombre.
Mme Harel: Une chance que le ministre me lit ses notes. Je ne
sais pas s'iI pourrait se retrouver.
M. Bourbeau: Je m'inspire de notes.
Mme Harel: Cela va si bien, son programme.
M. Bourbeau: M. le Président, pour ce qui est du programme
APPORT qui est en phase de
démarrage, comme je l'ai expliqué tout à l'heure,
je peux quand même dire à la députée qu'à ce
jour nous avons environ 17 000 familles qui ont été
acceptées, c'est-à-dire à peu près 64 % des
dossiers que nous avons traités. Si ma mémoire est fidèle,
le programme SUPRET venait également en aide à environ 17 000 ou
18 000 familles. C'est donc dire qu'à l'égard des familles, alors
que nous sommes en phase de démarrage, nous avons déjà
atteint à peu près le même niveau de clientèle que
le programme SUPRET avait atteint en rythme de croisière. C'est donc
dire que je ne vois pas pourquoi la députée de Maisonneuve vient
déchirer ses vêtements ici. Cela va déjà très
bien. Il n'y a pas lieu de faire de crise. Le programme est en train de prendre
son rythme de croisière. Il l'aura pris dans quelques mois. Et, quant
moi, cela m'apparaît une nette amélioration par rapport à
l'ancien programme.
Mme Harel: M. le Président, puisque le ministre a les
chiffres en sa possession, est-ce que le ministre peut m'indiquer combien de
familles bénéficiaires de SUPRET reçoivent actuellement
APPORT et combien de nouvelles familles qui ne recevaient pas SUPRET
recevraient APPORT?
M. Bourbeau: M. le Président, je ne suis pas
présentement dans la possibilité d'amener ici, en commission
parlementaire, tous les détails. On n'est pas à l'étude
des crédits. Je n'ai pas avec moi les fonctionnaires qu'il faut pour
rendre public chacun des chiffres demandés par la députée
de Maisonneuve. J'ai des chiffres globaux, que j'ai rendus publics avec
beaucoup de plaisir d'ailleurs, mais il me fera plaisir, dans un autre
contexte, M. le Président, de lui donner les réponses aux
questions qu'elle pose.
Mme Harel: M. le Président, je pense qu'il serait
extrêmement utile, avant que nous abordions ce programme, que le ministre
réponde à ces questions, y compris à celles que j'ai
inscrites au feuilleton il y a un mois. Il m'apparaît absolument
indispensable de rappeler au ministre que les questions que j'ai inscrites au
feuilleton, il y a plus d'un mois, doivent trouver réponse avant qu'on
aborde l'examen du programme. Ce qui est assez étonnant, c'est que le
ministre prétende que ce nouveau programme annoncé dans le
discours sur le budget du ministre des Finances, avec fracas, pour remplacer un
programme qui était prétendument inexistant, que le ministre se
fixe maintenant comme objectif d'atteindre au moins le même nombre de
familles qui bénéficiaient du programme
précédent.
M. le Président, mon propos n'est pas du tout de promouvoir le
programme précédent, mais, bien au contraire, d'amener le
ministre à reconnaître que le sien ne convient pas non plus
à la situation et que c'est plus par le crédit d'impôt
remboursable, par une formule simple, trimestrielle déjà en
vigueur dans d'autres lois que nous pourrions accorder cette aide
financière aux familles à faible revenu qui sont sur le
marché du travail.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve, je dois vous interrompre. Compte tenu de
l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 2)
(Reprise à 15 h 19)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Nous allons poursuivre l'étude détaillée du projet
de loi 37, Loi sur la sécurité du revenu. Nous en étions
au quatrième paragraphe de l'article 1 et nous avions, à ce
moment-là, un sous-amendement de Mme la députée de
Maison-neuve qui était sur la table et en discussion. Sur ce
sous-amendement, est-ce qu'il y avait d'autres interventions?
Je présume qu'il n'y a pas d'autres interventions. Est-ce que le
sous-amendement est adopté?
Mme Harel: Adopté.
M. Bourbeau: M. le Président, il s'agit du
sous-amendement...
Le Président (M. Bélanger): De Mme la
députée de Maisonneuve.
M. Bourbeau: Bon.
Le Président (M. Bélanger): Ah! Voulez-vous que
j'en donne lecture?
M. Bourbeau: Oui, parce que, là, vous vous souvenez qu'on
a eu un arrêt de deux heures.
Le Président (M. Bélanger): Après
dîner, oui.
M. Bourbeau: Oui, oui.
Le Président (M. Bélanger): Ce sous-amendement se
lit comme suit, pour le paragraphe 4°: "de fournir, sous forme de
crédit d'impôt-enfant remboursable, un apport financier
supplémentaire aux familles à faible revenu qui ont des enfants
à charge et dont au moins un adulte est sur le marché du travail.
" Ce sous-amendement est-il adopté?
M. Bourbeau: Non, M. le Président. Le Président
(M. Bélanger): Rejeté.
M. Bourbeau: Oui, rejeté.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, le
sous-amendement de Mme la députée de Maison-neuve est
rejeté.
J'appelle donc le paragraphe 4°, qui se lit comme suit: "Fournir un
apport financier supplémentaire aux familles à faible revenu qui
ont des enfants à charge et dont au moins un adulte est sur le
marché du travail. "
Mme Harel: M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Je me pose la question, est-ce que ce quatrième
paragraphe réfère à tous les programmes ou à un
seul? Le libellé de l'amendement consiste à ajouter
l'alinéa suivant: "Ces programmes ont pour objet - quatrième
paragraphe - de fournir". On réfère aux trois programmes. On
réfère donc au programme...
M. Bourbeau: M. le Président, dans le bout de phrase que
vient de citer la députée: "Ces programmes ont pour objet",
évidemment, on réfère là d'une façon
générale aux trois programmes. Maintenant, dans les quatre
paragraphes qui suivent, on réfère à des programmes
individuels. Le paragraphe 4° réfère, bien sûr, au
programme APPORT.
Mme Harel: M. le Président, le "bien sûr" du
ministre n'existe nulle part. Le "bien sûr" n'apparaît d'aucune
façon dans le projet de loi. Quand on fait la lecture comme telle, tout
ce qu'on sait, c'est que les programmes institués, donc Soutien
financier, APTE et APPORT, ont pour objet - et là suivent les objectifs
de ces programmes. Alors, il y a certainement une confusion que le ministre
doit dissiper.
M. Bourbeau: M. le Président, il peut y avoir une
confusion dans l'esprit de la députée de Maisonneuve, mais iln'y a pas de confusion dans l'esprit des gens de ce côté-ci.
Nous sommes parfaitement satisfaits de ce libellé. Dans la phrase
introductrice, on réfère collectivement à tous les
programmes, mais, dans les paragraphes qui suivent, chacun des paragraphes
réfère à un programme. Cela nous apparaît clair et
limpide.
Le Président (M. Bélanger): Toujours sur cet
article 1, quatrième paragraphe, est-ce qu'il y a d'autres
interventions? Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: D'accord. M. le Président, il y a un
sous-amendement, mais je crois comprendre qu'il serait à la photocopie;
cela ne devrait pas tarder. Il concerne le quatrième paragraphe. Je vous
demanderais de suspendre le quatrième paragraphe et de procéder
à...
Le Président (M. Bélanger): Bien. Une voix:
On a tout notre temps.
Mme Harel: Le ministre n'est pas assez pressé à mon
goût, cela m'inquiète.
Le Président (M. Bélanger): Cela fait-il. longtemps
qu'il est parti?
M. Bourbeau: Ce n'est pas que je ne suis pas pressé, M. le
Président, je suis résigné.
Mme Harel: Le ministre veut que son projet de loi soit
voté sans être discuté.
M. Bourbeau: Pas du tout.
Mme Harel: Pour moi, il doit craindre que ses collègues
ministériels soient... Il a l'air d'être anxieux que ses
collègues le questionnent au moment où on avancera dans le projet
de loi.
M. Bourbeau: Tu ne changes pas d'idée? Une voix:
Elle a compris.
Mme Harel: J'ai finalement bien compris les messages subliminaux
qui m'étaient transmis.
M. Bourbeau: M. le Président, ce n'est pas moi qui demande
la suspension, c'est la députée de Maisonneuve; moi, je suis
prêt à continuer.
Le Président (M. Bélanger): Oui. À moins que
nous appelions le...
Mme Harel: Très bien, M. le Président. Si vous le
permettez, je vais vous le faire de vive voix.
Le Président (M. Bélanger): Si vous plaît,
oui.
Mme Harel: La rédaction suivra.
Le Président (M. Bélanger): D'accord.
Mme Harel: Cela consisterait à introduire un
sous-amendement qui remplacerait le paragraphe par le suivant: "de fournir un
apport financier supplémentaire aux ménages à faible
revenu... "
Le Président (M. Bélanger): Excusez, Mme la
députée de Maisonneuve, M. le ministre doit s'absenter pour une
urgence, deux brèves minutes.
On suspend pour deux minutes, oui.
(Suspension de la séance à 15 h 25)
(Reprise à 15 h 37)
Motion de sous-amendement
Le Président (M. Bélanger): Nous en étions,
M. le ministre, à un amendement de Mme la députée de
Maisonneuve qui se lit comme ceci: "de fournir un apport financier
supplémentaire aux ménages à faible revenu sur le
marché du travail. " C'est bien celui-là? C'est bien cela,
madame?
Mme Harel: C'est bien cela.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Est-ce qu'il y a
des interventions sur ce sous-amendement? Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: M. le Président, nous voulons par ce
sous-amendement introduire cette idée que l'incitation au travail ne
doit pas simplement être pensée pour les familles, mais aussi pour
les personnes seules. C'est ce qui nous amène à justifier le
remplacement de "familles" par "ménages" à faible revenu.
M. le Président, cela a été souventefois repris par
des organisations, notamment le Conseil canadien du développement
social, auprès de la commission parlementaire, à savoir que,
parmi les personnes pauvres de la société, la majorité
sont des personnes sur le marché du travail et une majorité
d'entre elles sont des personnes seules. Alors, nous pensons qu'il n'y a pas
là de raison d'élaborer des catégories méritantes
en regard d'autres qui ne le seraient pas et que l'effort financier
supplémentaire pour inciter au maintien sur le marché du travail
doit être fourni à tous les ménages à faible revenu
qui sont sur le marché du travail. Évidemment, un effort
supplémentaire peut être fait pour les ménages qui
constituent des familles avec enfants, mais il n'y a pas de raison que,
à l'ouverture du projet de loi, dans les notes préliminaires,
comme objectif au programme, nous écartions un apport financier aux
ménages à faible revenu qui n'ont pas d'enfant.
Il y a là, M. le Président, la détermination bien
trop exclusive des objectifs des programmes de sécurité du
revenu. Pourquoi déciderions-nous comme cela d'entrée de jeu,
dans les objectifs des programmes, que les personnes seules ou les couples sans
enfant sont exclus? C'est comme si cela devenait plus juste que le
marché du travail n'offre pas des salaires suffisants pour combler les
besoins de base. Cela ne l'est pas plus qu'on ait ou qu'on n'ait pas d'enfant.
D'ailleurs, l'exemple qu'apportait l'éditorialiste du journal Le
Devoir, M. Francoeur, pour justement illustrer que la marche est trop haute
pour se sortir de l'aide sociale en sortant de la trappe de pauvreté,
c'était justement un exemple tiré du cas d'une personne seule,
sans enfant. L'exemple était le suivant. Dans la meilleure des
hypothèses, cette personne seule reçoit 520 $, auxquels peuvent
s'ajouter des gains de travail de 80 $ - cela, c'est avec la réforme qui
n'est pas encore votée, la réforme que le ministre veut faire
voter sans à peu près la discuter - soit un confort frugal,
ça ce sont les besoins reconnus, court, moyen et long terme, de 600 $
par mois. Pour s'affranchir de la tutelle du ministère, cette personne
devrait travailler quelque 150 heures par mois au salaire minimum pour 100 $ de
plus que ce qu'elle reçoit. Comme on dit dans la langue des
Français d'Amérique: Un fou dans une poche! Enfin, on dit: Un fou
dans la poche. Mais disons que c'est dit en langage plus châtié.
Un fou dans un poche. Mais ça c'est avec la réforme. Il faut bien
se rendre compte que ce n'est pas la situation présente qui est
critiquée et critiquable. C'est celle qui est illustrée avec les
modifications introduites par le ministre. Alors, qu'est-ce que ça
illustre? Cela illustre, tout simplement comme le disait M. Francoeur, que la
marche est toujours trop haute.
Le gouvernement s'est rendu tout au moins à une partie des
arguments de l'Opposition, mais surtout des arguments nombreux qui ont surgi
durant la commission parlementaire sur le document d'orientation, soit que ce
n'est pas en baissant les prestataires dans la cave qu'ils pourraient mieux
emprunter la marche du premier étage. Comme il s'est relativement rendu
aux arguments en ne diminuant plus les prestations à la baisse, en fait,
en ne les réduisant plus pour prétendre maintenir comme ça
une marche incitative à un salaire minimum insuffisant pour subvenir
à des besoins de base, comme le gouvernement ne procède plus
à la baisse, sauf évidemment pour la catégorie des
non-participants - encore là il va falloir qu'il s'explique sur cette
catégorie... Est-ce qu'on va retirer, est-ce qu'on va soustraire aux
personnes qui auront un motif raisonnable de cesser de participer à une
mesure ou à des stages - je donnerai des exemples au gouvernement - en
forêt qui se font dans des conditions de vie qui sont totalement, je
pense bien, non pas insupportables mais qui ne pourraient pas être
justifiables dans notre société... Alors, on reviendra sur ces
conditions dans lesquelles pourront s'effectuer les refus de participer. Mais,
si on revient aux structures de base des barèmes, il reste que la
démonstration est bien simple. Elle est évidente pour qui veut la
voir. Avec les prestations introduites par la réforme, la marche reste
toujours trop haute pour les personnes seules, pas simplement pour les familles
avec enfant. Et il n'y a pas de raison, dans les objectifs que les programmes
poursuivent, puisque ce sont des objectifs généraux sans qu'on y
précise les modalités, qu'au départ on écarte de
ces objectifs des ménages à faible revenu qui sont sur le
marché du travail. Il n'y a pas de raison pour qu'au point de
départ on considère que seule la catégorie des personnes
avec enfant
aurait droit à cet apport financier supplémentaire.
Alors, l'amendement, M. le Président, consiste à remplacer
"familles" par "ménages" de manière que l'État se
responsabilise plus sérieusement qu'il ne le fait à
l'égard de l'ensemble des personnes pauvres qui sont sur le
marché du travail. Cela ne vaut pas que pour le Québec. Le
comité d'examen sur l'aide sociale en Ontario, d'ailleurs, avait bien
signalé que, contrairement aux préjugés qu'on entretient
dans la société, la majorité des pauvres tirent la plupart
de leurs revenus d'un emploi. C'est le cas actuellement au Québec. (15 h
45)
Alors, M. le Président, je voudrais citer les chiffres
qu'apportait le Conseil canadien du développement social au moment de
l'audition de son mémoire devant la commission. "Les travailleurs
à faible revenu représentent plus de la moitié de la
population qui vit sous le seuil de la pauvreté. Nous avons
déjà mentionné - signale le Conseil canadien du
développement social - que 312 000 familles vivaient sous les seuils de
faible revenu au Québec. Le programme APPORT ne touchera en 1988 que 44
000 familles, et heureusement qu'ils ajoutent que c'est selon les estimations
contenues dans le document d'orientation. La déception,
évidemment, doit être bien vive au conseil canadien de voir que,
finalement, le programme APPORT ne profite actuellement qu'à à
peine 17 000 familles, nous a dit le ministre, et il a dû faire un
chiffre rond. Ce nombre, même les 44 000 - alors, Imaginez-vous les 17
000 - ne représente que 14 % des familles qui, en 1984, vivaient sous le
seuil de la pauvreté au Québec, 14 %. Comme ces 14 %
équivalent à 44 000, les 17 000 que le ministre nous a transmis
ce matin, cela veut dire qu'il n'y a même pas 7 %, même moins que 7
%, 5 % plus exactement, sur les 44 000, 5 % des familles qui reçoivent
APPORT, des familles qui vivent sous le seuil de la pauvreté au
Québec qui reçoivent APPORT.
Selon les données du recensement de 1981, le programme APPORT
n'aurait desservi que 4, 5 % des ménages québécois dont
les revenus étaient inférieurs à 19 999 $. Il faut bien
voir que c'est un programme APPORT tel qu'estimé et non pas tel que
réalisé. C'est donc un programme dont la portée
réelle est, selon nous, trop restreinte. Pour élargir la
clientèle, une des possibilités est de relever le plafond des
revenus de travail ou/et des actifs familiaux limitant actuellement
l'admissibilité. Une autre possibilité serait d'élargir
l'éventail des types de ménages admissibles.
Nous ne contestons pas, dit le Conseil canadien du développement
social, le fait que la situation économique des familles en
général et des familles monoparentales en particulier au
Québec se soit fortement détériorée. Les tendances
des taux de pauvreté démontrent non seulement que cette
population est fortement atteinte par la pauvreté et que les jeunes
familles en particulier sont les plus durement touchées. Ce qui nous
inquiète, c'est la tendance qui s'affirme au Québec d'une
sélectivité de plus en plus forte et pointue des
clientèles. Nous nous interrogeons sur les coûts sociaux de tels
choix laissant en plan une population de plus en plus large et vivant dans une
pauvreté relative, mais non moins réelle. Nous nous questionnons
sur l'effet pervers que la sélectivité risque d'avoir sur les
objectifs de prévention des programmes.
Ainsi, si l'assistance aux familles pauvres avec enfants prend
clairement un caractère préventif, la mise de côté
d'une partie de plus en plus grande des autres ménages par un programme
n'admettant qu'un nombre de plus en plus restreint, ce qui est le cas du
programme APPORT, des ménages et un désintéressement
croissant vis-à-vis des personnes pauvres vivant seules, les couples
sans enfant et l'ensemble des personnes vivant dans des ménages non
conventionnels, laissent un nombre croissant de personnes s'appauvrir de plus
en plus, il n'y a aucune raison pour que, dans l'équivalent d'un
préambuie et dans l'élaboration des objectifs des programmes,
à ce stade-ci, on prétende que l'aide supplémentaire ne
doit être fournie qu'aux familles avec enfants. Il n'y a aucune raison de
faire cette sélection exclusive.
Le conseil canadien ajoute: Nous croyons qu'il faut absolument aider les
familles à faible revenu ayant des enfants. Toutefois, nous craignons
qu'en se confinant à ces familles et aux plus pauvres d'entre elles le
programme APPORT - et ce qu'ils craignaient s'est réalisé. Le
ministre a beau dire: Cela fait six mois. Après les millions de dollars
qui ont été investis pour le mettre en place, le faire
connaître, avec le peu de succès, sinon l'échec qu'il
rencontre, je me demande quel coup de baguette magique il va sortir de sa
besace pour faire en sorte que ce programme bénéficie à
plus de gens. C'est le programme qu'il faut changer. Ce sont les
critères d'admissibilité qu'il faut changer. Ce sont les
modalités, notamment, "l'annualisation" qu'if faut changer. Ce sont des
questions auxquelles le ministre aura à nous répondre de toute
façon un peu plus tard.
Jusqu'où pouvons-nous différencier le traitement de
situations semblables? demande te Conseil canadien du développement
social. Est-il équitable de ne pas aider des petits salariés,
puisque c'est de ça qu'il s'agit au quatrième paragraphe, vivant
dans des ménages autres que familiaux et qui pourraient se trouver dans
un état de plus grande pauvreté que les pauvres vivant en
famille? Pouvons-nous accepter une discrimination en fonction des choix de vie,
alors que nous venons de proposer des mesures pour prévenir la
discrimination? Est-ce que dorénavant nos programmes vont
s'établir notamment sur la vie conjugale? La vie parentale?
Ces dernières interrogations portent autant
sur la sélectivité des programmes sociaux que sur un
ensemble de choix qui ne peuvent pas, à ce moment-ci de notre projet de
loi, être introduits en amendement sans que le ministre ait à
s'expliquer, lui qui n'a pas dit encore quinze lignes dans le Journal des
débats, sur le choix qu'il fait. C'est un choix d'exclure de l'aide
financière des catégories de personnes pauvres et
salariées. Au quatrième paragraphe, on parle de personnes sur le
marché du travail. Ce choix, le ministre a à s'en expliquer.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la
députée de Maisonneuve. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants
sur ce sous-amendement?
M. Latulippe: M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Chambly.
M. Gérard Latulippe
M. Latulippe: M. le Président, je voudrais d'abord
corriger certains faits tels qu'ils ont été
présentés par Mme la députée de Maisonneuve. Mme la
députée de Maisonneuve prétend tout d'abord que le
programme APPORT est un échec. Avant de prétendre que le
programme APPORT est un échec, il faudrait tout de même laisser le
temps normal au programme APPORT, laisser l'implantation se faire d'une
façon normale avant de courir à cette conclusion.
On pourrait faire une comparaison. Il est exact que les objectifs de
clientèle au lancement du programme étaient de 44 000 familles et
que maintenant, au moment où on se parle, c'est-à-dire six mois
après l'implantation du programme, on a atteint le chiffre de 17 000
familles. Or, il faut bien comprendre que c'est exactement le chiffre qu'on
avait atteint dans le programme SUPRET alors que ce programme fonctionnait
déjà depuis longtemps, tandis que le programme APPORT n'est
implanté que depuis six mois. Une fois que le rythme de croisière
aura été atteint, une fois que l'année aura
été terminée, il sera beaucoup plus possible de porter un
jugement sur l'ensemble du programme. Quant à moi, bien au contraire, le
fait que l'on ait déjà atteint, même dépassé,
les résultats atteints dans le programme SUPRET, programme en place
depuis longtemps, nous prouve que, au contraire, il y a une adhésion de
plus en plus grande des familles au programme APPORT.
Deuxième commentaire. Mme la députée de Maisonneuve
présente un amendement de façon à modifier le programme
pour remplacer le concept de familles a faible revenu qui ont des enfants
à charge par celui de ménages à faible revenu sur le
marché du travail. En fait, ce que Mme la députée de
Maisonneuve tente de faire, c'est de revenir aux conditions qui existaient
jusqu'à un certain point dans le programme SUPRET. C'est un peu un
retour au programme SUPRET, programme qui effectivement n'a pas eu de
résultats concluants pour plusieurs motifs, entre autres pour le
principal motif que les versements étaient effectués à la
fin de l'année et ça prenait environ 18 mois à être
payées pour une famille ou pour des personnes qui étaient dans le
besoin alors que dans le cas du programme APPORT ces versements, ces paiements
se font d'une façon mensuelle.
Donc, au contraire, je pense qu'il ne faut pas revenir au concept du
programme SUPRET qui a été, à toutes fins utiles, un
échec. Pourquoi garder le concept de famille à faible revenu?
D'une part, je pense que ce concept a été introduit en
particulier comme élément additionnel d'une politique familiale.
Deuxièmement, on le sait, les familles monoparentales au Québec
sont souvent les plus économiquement démunies. D'ailleurs,
l'Opposition a souvent dit que la réforme de l'aide sociale
défavorisait les familles monoparentales. On voit ici un exemple concret
du contraire. Il ne fait aucun doute que les familles monoparentales sont
admissibles au programme APPORT et que ce programme est un
élément qui permettra de rehausser leurs conditions
économiques. On n'a pas à contester ce programme qui est
effectivement favorable, entre autres et en particulier, aux familles les plus
démunies.
Un troisième argument que l'on peut soulever, c'est celui de
l'incitation au travail. On sait qu'une personne seule, sous le projet de
réforme, si elle est bénéficiaire de l'aide sociale,
obtiendra une prestation qui s'élèvera annuellement aux environs
de 6000 $. Cette même personne qui travaille au salaire minimum recevra
annuellement un salaire d'environ 9000 $ ou 10 000 $. Il existe donc une
incitation au travail puisque la différence entre les prestations d'aide
sociale et le travail au salaire minimum est déjà d'environ 3000
$ à 4000 $. Par ailleurs, même si on se réfère
uniquement aux barèmes du système actuel sans se
référer aux nouveaux barèmes, on se rend compte rapidement
qu'une famille monoparentale avec deux enfants recevra environ 10 000 $ par
année, sous le système actuel indexé de l'aide sociale. Si
ce même chef de famille travaille au salaire minimum, il recevra à
peu près le même salaire que le montant de prestations qu'il
aurait reçu sous l'aide sociale, à une différence de plus
ou moins 1000 $. On comprend donc, dans ce cas-ci, toute l'importance du
programme APPORT, au chapitre de l'incitation au travail, pour que cette
famille puisse retirer un revenu d'apport additionnel si la personne
décide tout de même de retourner sur le marché du travail
à un salaire équivalent plus ou moins au salaire minimum. (16
heures)
II est donc tout à fait normal de concevoir que le programme
APPORT s'applique, d'abord et avant tout, aux familles à faible revenu,
tout d'abord parce que l'on sait que les familles
monoparentales sont les plus défavorisées,
deuxièmement parce que l'on sait qu'il est important de concevoir, dans
nos différentes lois, des mesures favorisant la famille et,
troisièmement, parce que ce faisant, dans le cadre de cette
réforme, nous en arrivons à une incitation au travail qui est
plus nécessaire dans le cas des familles à faible revenu par
rapport aux revenus qu'elles recevraient sous forme de prestations de l'aide
sociale, en opposition avec une personne seule où l'incitation au
travail est déjà existante dans la structure de la loi actuelle
et les prestations qui sont prévues.
Enfin, M. le Président, je voudrais souligner que revenir au
programme SUPRET, c'est aussi mettre de côté certains des
avantages du programme APPORT, avantages pour les familles, avantages aussi en
particulier pour les familles monoparentales dont, en particulier, le fait que
50 % des frais de garde des enfants sont couverts par le programme APPORT,
alors qu'il n'y en avait aucun de visé dans l'ancien programme, le
programme SUPRET. Un autre élément qui s'additionne pour que l'on
endosse le concept de familles à faible revenu qui ont des enfants
à charge, plutôt que le concept de ménages à faible
revenu. Enfin, de toute façon, ne s'agit-il pas là que d'une
étape et éventuellement on verra jusqu'à quel point ce
programme, une fois qu'I sera évalué, une fois qu'on pourra
l'évaluer à la fin des premières années
d'opération, il est possible ou il est souhaitable de l'étendre
à d'autres catégories de personnes.
Mais pourquoi ne pas commencer là où ce programme est
d'abord essentiel, d'abord où 1 doit être appliqué, d'abord
où il fera le plus de bien aux personnes et aux familles à faible
revenu? Dans un deuxième temps, il sera toujours possible de l'ajuster.
D'ailleurs, cette loi, je pense, c'est une loi évolutive, et les
programmes y seront attachés. Finis, je pense, les systèmes qui
sont gelés dans le ciment pendant des années. M. le
Président, dans ce cadre, je pense qu'il est tout à fait normal
et souhaitable que l'on limite aux familles à faible revenu qui ont des
enfants l'applicabillité du programme APPORT.
Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le
député de Chambly. Y a-t-il d'autres intervenants sur le
sous-amendement de Mme la députée de Maisonneuve? Un instant. Ce
matin, au moment des remplacements, on nous avait dit que vous étiez
remplacé par M. Chevrette. Techniquement...
M. Bourbeau: II y a consentement.
Le Président (M. Bélanger): II y a
consentement.
M. Bourbeau: M. le député de Terrebonne, M. le
Président, on est très intéressé à entendre
ce qu'il a à dire sur le sujet.
Le Président (M. Bélanger): C'est quand même
le vice-président. Cela nous fait plaisir de vous recevoir. Je vous en
prie, procédez.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. La responsable
du dossier a demandé à tous les députés de venir
faire leur part ici à cette commission parce qu'il semblerait qu'il est
très difficile d'ébranler le ministre et les ministériels
dans leurs positions. On les trouve braqués dans une orientation qui
semble inacceptable socialement, politiquement et civilement. Alors, vu que je
soutiens de façon constante tous ceux qui travaillent pour le
bien-être de l'ensemble des Québécoises et des
Québécois et, dans ce cas-ci, les gens les plus démunis et
les plus défavorisés, vous comprenez que j'ai sauté sur
l'occasion qui m'a été présentée de venir parler
quelques minutes pour soutenir les démunis.
On discute ici - j'arrive tout simplement à un moment assez
critique et assez palpitant de la discussion - et je sais que de l'autre
côté on vibre à cet amendement parce qu'on se rend compte
qu'on voudrait dans ce projet de loi donner l'image d'être des gens qui
dispensent de l'argent à tous ceux qui en auraient besoin, mais on se
garde, par des amendements et des choses, à garder les fonds. Alors, il
y a une image de fonds qu'on veut propager, mais le fond de l'image reste
à l'intérieur du ministre et à l'intérieur des
goussets de la caisse. Ici. la députée de Maisonneuve apporte un
amendement qui, je crois, sied bien à cet esprit d'ouverture que le
Parti québécois a toujours manifesté au cours des ans,
lorsqu'il était au pouvoir ou dans l'Opposition, pour protéger
les plus faibles et les plus démunis.
Ici, on met des restrictions et les restrictions semblent inacceptables
à notre parti politique. Au 4e de l'article 1, les
ministériels - voyez-vous, dès que je parle, la lumière se
fait - les ministériels... C'est la première chose que j'ai
demandée en arrivant, de donner un peu de lumière afin qu'on voie
mes paroles et qu'on ne fasse pas que les boire. Au 4°, on dit: "de fournir
un apport financier supplémentaire aux familles à faible
revenu... " Mme la députée de Maisonneuve, qui est porteuse de ce
dossier, nous dit qu'elle préférerait que ce soit indiqué
"de fournir un apport financier supplémentaire aux ménages
à faible revenu. " Pour l'oreille ou l'oel non avisé, ce
changement semblerait très anodin, voire même puéril, et
bien puéril dans son sens primaire, c'est vrai. Pourquoi est-il
puéril dans le sens primaire? Parce qu'à la base même de la
lecture du quatrième paragraphe, qui a été ici
amené par les ministériels, on voit le mot "familles". Le mot
"familles" suppose immédiatement enfants, de là le sens
étymologique latin "puer, pueris", qui veut dire puéril et donc,
dans son sens primaire, c'est vrai que l'amendement est puéril, mais
puéril dans le
sens enfantin, bambin, bambino, adolescent, pubère.
Je tiens à dire que le mot que madame veut introduire dans ce
projet de loi est beaucoup plus large, beaucoup plus vaste, beaucoup plus
acceptable dans son essence; de façon intrinsèque, l'amendement
ne peut être que recevable, pas avec les figures "dolorosiques", mais
avec des figures enjolivées parce qu'il amène un éventail
plus large. Il arrive, dans nos familles québécoises, que ce sont
des familles monoparentales. Il arrive que ce sont des familles sans enfant et
aussi des familles à faible revenu, bipartites, appelons-les comme
ça, avec enfants, mais la famille à deux, c'est ça
normalement une famille, c'est deux avec des enfants, mais avec cet amendement,
le mot "familles" ici, ceux qui n'auraient pas d'enfants, donc, de là le
mot "puer, pueris"... De là, on voit qu'on veut faire encore une
restriction cataloguée des gens pour les enlever d'une
rétribution gouvernementale à laquelle ils auraient droit parce
que couple à faible revenu sans enfant, même sur le marché
du travail, n'ayant pas les ressources nécessaires pour parfaire leur
bonheur conjugal même sans enfant. On ne peut tout de même pas
blâmer un couple à qui c'est impossible d'avoir des enfants de ne
pas en avoir. Est-ce qu'on se doit d'être discriminatoire pour ceux qui
n'ont pas d'enfant? On ne connaît pas les raisons de chacun. Cela peut
être des raisons économiques pures, ça peut être
aussi une impuissance non désirée, qui le sait? Qui sommes-nous,
les législateurs, pour essayer de légiférer des
restrictions de ce genre? il ne faut tout de même pas qu'on se prenne
pour les fruits de l'églantier ici. Il ne faut pas. Il ne faut pas du
tout. Nous devons être plus ouverts et c'est l'ouverture. Mme la
députée de Maisonneuve prêche au ministre l'ouverture.
Dans les démunis, il ne doit pas y avoir de catalogue. On ne doit
pas catégoriser - voilà le mot juste - les démunis. Les
démunis, en fait, sont monosyllabiques, sont "mono socialement
installés", c'est une ligne... Ils sont tous... Si c'est démuni,
c'est une catégorie générale. Pourquoi, à
l'intérieur d'une barrière de personnes dites démunies,
cherchons-nous à en extirper pour laisser croire qu'elles seraient mieux
munies? Est-ce qu'on peut être démuni tout en étant muni?
Ce n'est pas possible. On est démuni ou on n'est pas démuni. Dans
ce raisonnement que vous faites, en faisant des restrictions, vous voulez
essayer de faire croire à la population que, parmi les démunis,
il y en a qui sont munis. Cela me fait penser au projet agricole où on
fait deux zones, la zone vert foncé et la zone chartreuse, la zone verte
un peu plus pâle, comme s'il y avait une zone agricole pour adultes et
une zone agricole pour les enfants, donc, une "adulte zone" et une
"bébé zone". Cela ne marche pas! Il faut que, lorsqu'on fait un
"catalogage", on soit au moins monolithique dans notre raisonnement. Il y a des
gens qui sont munis et il y a des gens qui ne sont pas démunis.
Alors, ce projet de loi, M. le Président - je vois que vous
écoutez avec grande attention tout en lisant Croc - eh bien! il faut...
Quand on parle de démunis, pourquoi cherche-t-on... Est-ce que c'est la
philosophie de la feuille de garance qui fait que le Parti libéral
cherche des éléments un peu plus rougeâtres pour son
raisonnement? Qu'est-ce que c'est que cette façon de procéder?
Est-ce qu'on n'a de valeurs et de coloris que pour ceux qui sont bien nantis?
Ne passerait-on pas un peu le pinceau de l'aide à ceux qui dressent le
tableau des démunis? Vous cataloguez, vous catégorisez et nous,
c'est impossible de notre côté. Nous sommes pour une justice
distributive et équitable. Qui sait? À travers les âges,
à travers les ans, le ministre lui-même pourrait être
victime une bonne journée. Je ne le lui souhaite pas parce qu'il a un
oeil assez sympathique.
Supposons que, par des aléas de la vie, vous perdissiez votre
fortune personnelle et que vous perdiez vos prochaines élections. Bon.
Vous êtes un frais élu, vous êtes tout nouveau. La pension
n'est pas très forte si jamais vous perdez. Si votre fortune personnelle
s'en allait et que vous perdissiez vos prochaines élections, que vous
resterait-il? Il ne tarderait pas, si vous n'avez pas d'autres moyens de
subsistance, que vous tombiez dans la catégorie des démunis.
Supposons que vous n'avez pas d'enfant et que vous demeurez avec
quelqu'un. Vous en avez eu jadis, mais ils sont partis. Vous n'en avez plus.
Supposons que vous êtes... Bien oui, mais ils vont partir, ces gens. Mais
vous tombez seul. Supposons que vous tombez seul et qu'on ne viendrait pas vous
aider sous prétexte que vous ne formez pas une famille au sens
éthymologique que la législation veut nous faire apparaître
ici. Je m'excuse. Devant le ministre, je ne dirais pas que c'est un
raisonnement tiré par les cheveux parce que ça nuirait à
sa calvitie. Mais il demeure quand même que ce n'est pas couper les
cheveux en quatre que de mettre cet amendement qui est loin d'être
échevelé. Mme la députée de Maisonneuve m'approuve
dans mon raisonnement.
M. le Président, je ne veux pas trop m'attarder là-dessus,
mais je tenais à venir donner mon soutien à l'équipe de
l'Opposition devant ce projet. De la façon que les articles
déroulent devant vous, vous voyez jusqu'à quel point on tient
à ce que l'amélioration soit faite. On est à l'article 1.
Même à cet article qui est un peu la racine du départ pour
faire pousser le reste de la loi, on veut que la sève de cet article 1
soit très bonne afin que les feuilles ne jaunissent pas trop vite
à l'automne. On veut que les feuilles restent belles tout le long du
projet. C'est pour ça que je suis venu faire ma petite part.
M. le Président, j'aimerais bien que vous disiez au ministre
responsable de cette loi que la
façon dont on aborde le traitement qu'on doit, comme
législateurs, donner aux démunis, soit respectée par la
loi. Il a oublié. Je sais qui ne fait pas fi de l'amendement. C'est
parce qu'il a mis "familles" pensant bien faire. Souvent, le législateur
est bien intentionné. Souvent. Mais là, on lui sonne la cloche en
lui disant que "ménages" serait plus approprié parce qu'on
n'enlèverait pas de la section des démunis des gens qui
considèrent être considérés comme tels.
M. le ministre, je vous prie de bien vouloir accepter cet
amendement qui a été proposé par la députée
de Maisonneuve et qui sied bien à l'esprit que ce projet de loi doit
avoir. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le
député de Terrebonne. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur
ce sous-amendement? M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, je dois avouer que j'ai
été ébranlé pendant un moment par le brillant
plaidoyer du député de Terrebonne. Je ferais une motion pour que
la commission invite le député de Terrebonne à revenir en
fin de soirée, pour égayer nos propos et pour s'assurer que les
membres vont pouvoir passer la soirée jusqu'à minuit.
Pour l'instant, je dois dire que je vais prendre les propos
du député de Terrebonne en délibéré. Nous
maintenons quand même notre amendement, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Victoire morale. Mme la
députée de Marie-Victoria (16 h 15)
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Oui, M. le Président. Donc, à la
suite des supplications qu'a faites mon collègue de Terrebonne, il est
difficile de pouvoir rester insensible à cet appel pressant
vis-à-vis du ministre en lui disant: Écoutez, M. le ministre,
essayez de comprendre nos points de vue. En fait, ce qu'on demande, c'est une
ouverture d'esprit. On essaie de vous démontrer cette ouverture d'esprit
à laquelle vous vous référez constamment depuis les
débuts de cette commission. La question qu'on pose est la suivante:
Où allez-vous démontrer cette ouverture d'esprit? Voilà,
l'occasion lui est fournie actuellement. On lui dit: Écoutez, nous
croyons que c'est beaucoup moins restrictif d'apporter le mot "ménages"
que de restreindre cela uniquement aux familles. Le ménage inclut autant
la personne seule. Finalement, c'est une entité, la notion de
ménage, alors que la famille est beaucoup plus significative de deux
personnes avec un enfant. Pour qu'il y ait une famille, il faut la
présence d'enfants. À ce moment-là, le fait de ne
reconnaître que la famille, cela a un effet d'exclusion pour toutes les
autres catégories qui pourraient aussi bénéficier d'un
soutien supplémentaire à cause d'un manque à gagner
substantiel. Cela pourrait leur permettre de vivre et de combler les besoins
les plus fondamentaux et les plus importants.
Nous croyons important d'apporter des modifications pour
favoriser un plus grand nombre possible de personnes afin qu'elles
bénéficient d'un revenu acceptable ou viable, même pas un
revenu qui leur permette de croire que, demain matin, elles pourront se payer
toutes les merveilles de ce monde moderne. C'est simplement pour permettre
à ces gens de pouvoir avoir une qualité de vie tout à fait
normale dans la situation dans laquelle nous nous trouvons dans le monde
contemporain.
Nous croyons qu'au tout début d'une commission
parlementaire et au tout début des implications très
générales il ne faudrait pas commencer à être plus
restrictif qu'il ne le faut. Je pense, au contraire, que c'est l'occasion de
démontrer cette ouverture d'esprit et qu'on veut atteindre et favoriser
le plus de gens possible dans cette réforme pour faire en sorte que,
quels que soient les individus, qu'ils soient seuls ou avec des enfants, peu
Importe le genre de ménage qu'ils vivent... Ces gens, quand 1s sont dans
la pauvreté, ils sont dans la pauvreté. Ils ont besoin d'un aide
financière pour les fins de mois pour ne pas trop crier famine. C'est
à peu près cela qu'on voudrait éviter. Vous savez, cela a
des effets néfastes et aussi des effets d'entraînement. Quand les
gens sont malades, cela a des effets à d'autres niveaux, ce qui
coûte très cher pour notre système de santé. Aussi,
cela fait des gens très aigris. Et ce n'est pas tellement
agréable de se promener dans une société où vous
avez l'impression que tout le monde veut vous sauter desssus tellement les gens
semblent affamés ou, en tout cas, semblent rester sur leur faim et n'ont
pas la chance de faire leurs choux gras très souvent.
Dans cet esprit, il aurait été important et souhaitable
que le ministre réagisse favorablement à ce sous-amendement et
qu'il apporte les modifications qui mériteraient une étoie
à son tableau. Ce serait intéressant, à la fin de cette
commission parlementaire, de dire: Le ministre a mérité beaucoup
d'étoiles parce qu'il a compris et que son objectif est de faire en
sorte que beaucoup de gens dans la population puissent bénéficier
des largesses et de la compréhension de ce gouvernement. Je ne veux pas
dire des largesses dans le sens de largesses données pour rien,
inutilement et à tout vent, mais plutôt une largesse d'esprit, une
largesse de compréhension. Comme le ministre est un homme très
magnanime, je considère qui pourrait réaliser cette collation
qu'on pourrait lui attribuer à la fin de commission parlementaire. Ce
serait, en tout cas, tout à son avantage. Il serait l'homme le plus
étoile du Parlement. En tout cas. il ne pourrait pas passer comme une
comète, mais au contraire, il serait toute une constellation. Et ce
serait extraordinaire quant au palmarès d'un ministre.
Je trouve, M. le Président, que le ministre tantôt...
J'écoutais un des députés qui faisait des
différences entre les notions APPORT et SUPRET. Quant à lui, il
était convaincu que le programme APPORT était beaucoup
préférable au programme SUPRET. Et, d'ailleurs, s'ils avaient
changé de programme, c'est qu'ils avaient considéré le
programme APPORT comme étant un échec. C'est parce que le
gouvernement voulait faire beaucoup mieux dans son programme qu'il a
apporté SUPRET. Mais, par contre, le programme SUPRET laisse plusieurs
personnes sur le carreau. Juste les chiffres... On dit qu'actuellement à
peine 35 % de l'objectif de 44 000 familles est atteint. APPORT. Ah oui? J'ai
inversé? Écoutez, on reprend le discours à l'inverse et on
fait les nuances qu'on devrait attribuer finalement à ce que j'avais en
tête, c'est-à-dire que le programme APPORT était la
prétention du gouvernement pour palier aux prétendus
échecs du programme SUPRET et apporter, en tout cas, des modifications.
Il devait faire beaucoup mieux et favoriser beaucoup plus les familles.
Donc, on s'aperçoit qu'à l'heure actuelle il n'en est rien
et qu'à peine 35 % de l'objectif de 44 000 familles a été
atteint. C'est très peu, finalement, et même je pourrais vous dire
que tout ce qu'on peut trouver de cette réforme, c'est qu'on a mis
beaucoup plus les temps forts, on s'est impliqué davantage à
imprimer des formulaires plutôt que d'atteindre des familles qui
pourraient bénéficier du programme. Cela a coûté...
On a fait beaucoup, 1 000 000 de dépliants et on a envoyé
ça à chaque famille avec les allocations familiales et d'aide
sociale. Et, là-dessus, sur les 1 000 000 d'envois, il n'y a eu que 100
000 demandes d'informations téléphoniques pour savoir exactement
où et comment on pouvait remplir ce formulaire et ce que ça
prenait pour remplir ce formulaire. Il y a eu très peu... En tout cas,
il y a eu 50 000 formulaires d'inscription envoyés aux familles
présumées admissibles.
C'est-à-dire qu'on faisait beaucoup d'information. On disait aux
gens: Écoutez, il s'en vient un programme extraordinaire qui va vous
permettre de bénéficier d'un supplément pour les gens qui
n'ont pas suffisamment ce qu'il faut pour avoir un salaire décent. Et,
finalement, quand on leur donnait le formulaire, bien là il fallait le
trouver. Il fallait se prendre de bien bonne heure pour essayer de trouver ce
formulaire-là. Tout ce qu'on leur envoyait, c'était de la
documentation. Et ce n'était qu'à ce niveau-là. Quant au
reste, trouver le formulaire c'était autre chose et c'était
très difficile.
Donc, je reviens toujours à la notion de la motion qui a
été présentée par ma collègue de
Maisonneuve. Écoutez, ce n'est pas parce qu'on est seul que la vie
coûte moins cher. Au contraire, quand on est seul... Et je voyais
qu'à un moment donné il y a même eu un mouvement pour
hommes célibataires qui faisaient des revendications pour
bénéficier de prix particu- liers parce qu'ils vivaient seuls. Il
y a un mouvement... Ils disaient: Écoutez, nous sommes
célibataires. Cela nous coûte bien trop cher, le niveau de la vie.
Cela nous coûte plus cher encore que pour les familles et on a de la
misère à s'en sortir parce que partout où on va on est
pénalisés. Et, actuellement, ce qui se passe, c'est que dans
notre société il y a un mouvement très fort qui demande:
Écoutez, favorisez-nous. Cela n'a plus d'allure. Quand on veut faire une
démarche le moindrement, il faut toujours payer en surplus. Il faut
payer une prime parce qu'on est célibataire.
Donc, ce qu'on essaie de démontrer, c'est que ce n'est pas parce
qu'on est, finalement, une personne seule ou sans enfant que ça
coûte moins cher. Actuellement, c'est être à
côté de la réalité que de pouvoir affirmer de tels
faits. Quand on regarde, actuellement, au contraire, c'est qu'on essaie de
faire des spéciaux. C'est du deux pour un à certains endroits
quelques fois, où on essaie de trouver toutes sortes de formules pour
attirer des couples ou des familles alors que la personne quand elle est seule,
elle doit toujours assumer le plein prix. La notion de ménage, pour
nous, inclut aussi une personne, une entité, aussi bien seule qu'un
couple sans enfant et qu'un couple avec enfants. Cela permet à tous ces
gens-là de pouvoir passer à travers les problèmes de la
vie quotidienne, journalière, en ce qui concerne leur survie. Il aurait
été plus souhaitable qu'au tout début du projet de loi on
fasse preuve d'une ouverture d'esprit et qu'on démontre vraiment que la
politique de sécurité du revenu se veut équitable et
cohérente. Quand on veut être équitable et cohérent,
on n'exclut pas des gens au point de départ, mais on essaie de
considérer tout le monde sur le même pied dans cette
catégorie de gens qui ont de la difficulté à survivre ou
de gens qui ont désiré se trouver un travail, toujours en bas du
seuil imposable et qui, parce qu'ils travaillent à un salaire
très minimum, très bas, ont droit aussi à un effort de la
part du gouvernement pour leur permettre de rester dans le milieu du travail
tout en n'étant pas pénalisés parce qu'ils travaillent au
salaire minimum réduit.
Je reprends le communiqué du premier ministre Bourassa en date du
27 novembre où lui-même disait qu'il voulait arrêter les
discriminations, qu'il voulait que ce soit une politique des plus
équitable, des plus respectueuse des personnes et conforme aux valeurs
de notre société. Ce sont ces motifs, ces raisons qui font que
nous prétendons, quant à nous, pour avoir cet esprit
d'équité, de cohérence et de respect des personnes,
conforme aux valeurs de notre société, que le ministre aurait
avantage à apporter des modifications quant au libellé du
quatrième paragraphe et d'inscrire le mot "ménages" plutôt
que le mot "familles". Ce serait plus conforme au voeu énoncé
dans le communiqué qu'a fait parvenir le premier ministre le 27
novembre, et cela démontrerait sa bonne volonté
de faire en sorte que cette réforme se fasse dans la
dignité de tous ceux et celles qui en bénéficieront. Ce
sont les paroles que prononçait le premier ministre Bourassa. Nous lui
donnons, d'une part, par l'intermédiaire de son ministre dans le
dossier, l'occasion, cette fois-ci, de faire son bonheur en se mettant à
l'heure juste par rapport aux propos qui ont été annoncés
et en apportant les modifications qui permettraient de croire, en tout cas pour
l'ensemble de la population, que cet objectif d'équité, cet
objectif de respect de la personne et conforme aux valeurs de notre
société soit bien visible à l'intérieur de ce
paragraphe. C'est pour de telles raisons, de tels motifs que nous souhaitons
voir apparaître au paragraphe 4° le mot "ménages". C'est un
point, quant à nous, assez fondamental puisqu'il est dans les remarques
au tout début et qu'il a un effet général qui permettrait
justement que personne ne soit exclu, mais d'aller dans une forme d'inclusion
plutôt que dans une forme exclusive. À ce moment-là,
j'applaudirais vraiment le ministre, je considérerais son ouverture
d'esprit et je lui décernerais l'étoile à laquelle il
aurait droit. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la
députée de Marie-Victorin. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants
sur la motion de Mme la députée de Maisonneuve?
Mme Louise Harel
Mme Harel: M. le Président, sur le sous-amendement, je
vais intervenir rapidement. J'aurai l'occasion, sur l'amendement comme tel, de
reprendre les propos du député de Chambly. Je crois qu'un
échange va s'imposer sur cette question. (16 h 30)
Concernant mon sous-amendement, M. le Président, je veux
simplement vous rappeler que nous en sommes à l'étape de
l'amendement à l'article 1 qui introduit des objectifs au programme.
Nous n'en sommes pas à déterminer avec précision les
modalités du programme. Loin de moi l'idée d'introduire ici
l'idée d'un retour au programme SUPRET, encore moins, par ailleurs, un
appui au programme APPORT. Tout ce que nous introduisons, c'est cette
idée que nos programmes doivent poursuivre l'objectif de fournir une
aide supplémentaire aux personnes qui sont sur le marché du
travail et qui sont pauvres tout en étant des travailleurs et des
travailleuses. Cette situation de pauvreté existe. Contrairement
à l'image qu'on se fait, les pauvres ne sont pas à l'aide sociale
et les autres sur le marché du travail. La majorité des pauvres
sont sur le marché du travail. C'est parce que le marché du
travail ne leur permet plus maintenant de subvenir à leurs propres
besoins, quand on pense que le salaire minimum, qui est autour de 9000 $ par
année, est encore de 3000 $ en deçà de ce qui est
considéré comme le seuil de faible revenu par Statistique
Canada.
Sur ce salaire minimum, il y aura encore une partie qui sera imposable.
Donc, 300 $ par mois de moins que le seuil de pauvreté et, malgré
tout, l'État vient encore chercher une portion pour l'impôt. On
dit simplement qu'il faut fournir une aide supplémentaire et que cette
aide ne dort pas simplement passer d'une main dans les programmes de transfert
pour s'en aller dans l'autre, dans les champs d'impôt. On dit qu'il faut
fournir une aide supplémentaire à l'ensemble des
ménages.
Je comprends que le ministre ait une commande du Conseil du
trésor, que les membres ministériels aient la commande du
ministre et que la commande consiste à adopter tel quel le projet de loi
pour qu'il n'en coûte rien de plus que ce qui est déjà
prévu. Je signale simplement, comme c'est le devoir de l'Opposition de
le faire, que, s'il faut absolument aider les familles à faible revenu
qui ont des enfants, il serait carrément inacceptable qu'on oublie le
sort de ceux et celles qui sont aussi des travailleurs parfois démunis,
parfois plus pauvres que les personnes pauvres qui ont des enfants, et le fait
de les abandonner à leur sort introduit encore une fois une autre sorte
de catégorie méritante parmi les plus démunis, ceux qui
sont le plus méritants et qui ont des enfants.
Il n'est pas du tout indiqué dans mon sous-amendement la
façon dont on devra fournir cette aide. Il serait souhaitable que cette
aide soit assortie des frais de garde pour les personnes qui ont des enfants
à charge. Le fait d'exclure complètement celles qui n'ont pas
d'enfant d'une aide supplémentaire nous paraît totalement
inacceptable, et c'est l'objet de mon sous-amendement. Je vous demanderais d'en
disposer, M. le Président.
M. Bourbeau: M. le Président.. Le Président (M.
Bélanger): M. le ministre. M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Seulement un mot. Je ne veux pas relever toutes et
chacune des inexactitudes que prononce la députée de Maisonneuve
parce qu'on n'en finirait plus. Je pense que ses commentaires à
l'égard des membres de la commission qui seraient
téléguidés, selon elle, par le ministre - et le ministre
serait téléguidé par le Conseil du trésor - ne sont
pas du tout conformes à la réalité et, surtout, ne sont
pas conformes à ce qui a été observé au cours des
derniers mois par la députée et par la population en
général. Je crois que c'est assez rare, dans les annales de ce
Parlement, qu'un groupe de députés ait décidé de
prendre publiquement position à l'encontre de certaines parties d'un
projet de loi présenté par un gouvernement. Quand la
députée prétend que les membres de la commission sont des
marionnettes entre les mains
du ministre responsable du gouvernement, je pense que les
députés membres de la commission ont fait la preuve de leur
indépendance, de leur autonomie et de leur marge de manoeuvre par
rapport à un projet semblable.
Quant à moi, je pense que, s'il y a un projet de loi où
les députés du parti au pouvoir ont une crédibilité
dans le public, c'est bien le présent projet de loi parce que ça
prend un bonne dose de courage, quand on est député au pouvoir,
pour faire valoir publiquement ses objections à l'endroit d'un projet de
loi aussi important puisque c'était un projet de loi de gouvernement, un
engagement électoral. Donc, ce n'était pas un projet de ministre,
mais un projet de gouvernement. À partir du moment où on a senti
qu'il y avait des objections, nous n'avons pas hésité a le dire
publiquement. Je pense qu'il faut quand même réaliser que c'est un
fait assez inusité qui commande le respect. Dans ce sens, je pense que
c'est tout a fait injurieux que d'aller prétendre que ces
députés sont télécommandés. La preuve a
été faite qu'ils ne l'étaient pas et, s'ils ont
décidé de se rallier au projet de loi après les
modifications importantes qui ont été récemment
apportées, ce n'est pas parce qu'ils ont fait l'objet d'une
télécommande. La preuve est qu'ils ont résisté
à ce genre d'action, mais parce qu'ils considèrent que le projet
de loi a été suffisamment bonifié pour remporter leur
adhésion.
Je peux dire à la députée de Maisonneuve que,
personnellement, pour avoir fait une étude exhaustive du projet de loi,
je suis également d'avis que le projet de loi tel que récemment
bonifié est tout à fait acceptable et tout à fait
raisonnable. Je ne pense pas que la députée de Maisonneuve puisse
entrer dans cette catégorie des gens dits raisonnables, mais, pour
l'ensemble de la population qui regarde cela à tête
reposée, nous avons devant nous une loi qui est devenue tout à
fait acceptable pour la plupart des gens qui ont fait l'étude du projet
de loi d'une façon objective et qui sont considérés comme
des gens raisonnables. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a
d'autres interventions sur ce sous-amendement? M. le député de
Chambly.
M. Latulippe: Rapidement, M. le Président, moi, je trouve
presque injurieux que l'on prétende que les commentaires que l'on a
faits sur le projet de loi soient, à toutes fins utiles,
téléguidés par qui que ce soit et que les positions que
l'on prend aujourd'hui, lorsqu'on répond à Mme la
députée de Maisonneuve, ce soient purement et simplement des
positions téléguidées. J'ai vécu depuis un an ce
projet de loi, ce projet de réforme. Mes collègues
députés et moi avons travaillé d'une façon
constante à bonifier ce projet de loi. Nous étions d'accord,
dès le début, avec les principes, mais nous n'étions pas
d'accord avec plusieurs de ses modalités. Ce n'est pas parce qu'on ne
cherche pas à chaque article ou à chaque mot des amendements
qu'on est pour autant téléguidés. On en est venu à
une situation où les amendements proposés par le ministre, qui,
quant à nous, sont des amendements majeurs, des amendements
d'importance, des amendements qui ont aussi engagé des sommes nouvelles,
nous en sommes venus à la conclusion que le projet et la réforme
étaient non seulement acceptables, mais qu'ils étaient aussi
socialement souhaitables. Ce n'est pas parce qu'on ne fait pas de "filibuster"
sur chaque article que notre position est téléguidée. Au
contraire, je pense que nous avons une attitude raisonnable face au projet de
loi et je pense qu'il n'est pas convenable que Mme la députée de
Maisonneuve ou les autres membres de l'Opposition prétendent que notre
comportement est téléguidé, parce que ce n'est pas le cas.
Nous avons depuis le début assumé nos responsabilités,
contrairement à l'attitude de certains membres de l'Opposition qui ont
tendance à tout contester uniquement pour contester. Nous allons
continuer tout au long de l'étude de ce projet de loi à avoir la
même attitude. S'il y a des amendements qui sont souhaitables, nous les
appuierons; s'ils ne le sont pas, nous ne les appuierons pas.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Est-ce qu'il y a
d'autres interventions sur ce sous-amendement? Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, avant que nous disposions du
sous-amendement, je veux rappeler que le test de l'influence des
députés, on pourra le vérifier au moment de l'indexation
des allocations à l'indice des prix à la consommation le 1er
janvier. Alors, d'Ici là, mol, Je réserve mon jugement, mais je
pense que le ministre est mal placé pour être juge de la preuve
parce que les juges de la preuve ne sont pas juges et arbitres, parties et
juges en même temps.
La preuve est à faire parce qu'on commence. Je veux bien
présumer, bien qu'avec l'état d'esprit que manifestent les
députés ministériels, je crois comprendre qu'ils sont
entièrement satisfaits des amendements qui nous seront
communiqués tout prochainement. Les députés de Taschereau
et de Chambly semblent se satisfaire, je dois dire, de peu. Cela a l'air de les
satisfaire entièrement, mais il faut croire que leur objectif...
M. Leclerc:... l'étude article par article.
Mme Harel:... était assez réduit. Quant à
nous de l'Opposition, je peux vous dire que l'on s'honore, d'une certaine
façon, d'avoir réussi, au fur et à mesure de nos
interventions depuis un an, à faire modifier l'aspect totalement odieux
de ce projet de loi. Malheureusement, le gouvernement a maintenu - et je
termine là-dessus, M. le Président -
l'hypercatégorisation, qui est le recul le plus important en
matière de sécurité du
revenu depuis 25 ans. Ce que le gouvernement a choisi, c'est la voie des
années cinquante. Il revient en arrière. Quand on relit le
rapport Boucher, on a l'impression d'entendre les propositions du gouvernement
libéra! en 1988. C'est un choix.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, ce choix est socialement
inacceptable. Il y a des personnes démunies dans la
société et c'est totalement injuste de leur faire un sort
différent parce qu'elles seraient censées être moins ou
plus méritantes les unes que les autres.
Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la
députée. M. le ministre.
M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Rapidement, la
députée réserve son jugement quant aux membres de la
commission. J'aimerais dire deux choses là-dessus: un commentaire et
poser une question à la députée, si elle veut y
répondre - si elle ne veut pas y répondre, elle n'a qu'à
ne pas y répondre.
Le commentaire, c'est que les députés membres de la
commission, non seulement se sont ralliés à la réforme
après les propositions que j'ai exposées, mais je dois dire
qu'ils ont participé très activement à
l'élaboration de ces propositions, en ce sens que ce n'est pas le
ministre seul qui a concocté ces modifications. Cela a été
l'objet de nombreuses discussions et de consultations avec les membres de la
commission. Je dois dire que j'ai profité grandement de leur
expérience et de leur connaissance du dossier.
Deuxièmement, la députée nous dit qu'elle retient
son jugement jusqu'à ce que le gouvernement annonce ses intentions quant
à une possible indexation des prestations le 1er janvier prochain.
Qu'est-ce que la députée entend faire le 1er janvier prochain ou
lorsque le gouvernement fera ses annonces? Si, par hasard, ces annonces
allaient dans le sens d'une pleine indexation, est-ce que la
députée s'engage à faire une déclaration publique
rendant hommage à tous et chacun des membres de cette commission?
Mme Harel: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: J'attends la réponse.
Mme Harel: M. le Président, oui, vous savez, il y a un
principe que le ministre connaît très bien qui consiste à
ne pas répondre à des questions hypothétiques. Qu'il
m'annonce d'abord qu'il va indexer, puis je lui répondrai
après.
M. Bourbeau: M. le Président, à ce
moment-là, si la députée ne veut pas s'engager...
Le Président (M. Bélanger): Les temps de parole de
plusieurs sont écoulés, je voudrais qu'on les respecte.
M, Bourbeau: Ne me reste-t il pas 30 secondes, M. le
Président?
Le Président (M. Bélanger): Oui
M. Bourbeau: Si la députée de Maisonneuve ne veut
pas s'engager, elle prendra la responsabilité de ses actes, M. le
Président, mais cela aurait été une bonne façon
d'inciter les députés à mettre de la pression sur le
ministre et possiblement qu'on aurait pu un peu associer la
députée de Maisonneuve à cette magnifique annonce, mais,
si elle ne veut pas s'engager, on en tiendra compte, mais j'aurais aimé
que la députée de Maisonneuve prenne un engagement
Mme Harel: C'est M. le ministre seul qui décide de cette
question.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
madame, votre temps est écoulé. M. le députe de
Taschereau
M. Leclerc: M. le Président, la députée de
Maisonneuve semble présumer que nous sommes totalement d'accord avec la
réforme. Si nous sommes assis ici, tous et chacun des
députés, c'est que nous estimons qu'ii est utile et
nécessaire de faire l'étude article par article et qu'il sera
utile et nécessaire, au cours de l'étude article par article, de
poser des questions au ministre, de faire des suggestions au ministre, bref de
travailler tous ensemble avec l'Opposition, avec les fonctionnaires et les
légistes que nous avons avec nous. de travailler tous ensemble, dis-je,
à améliorer la loi, mais je suis bien obligé d'admettre
que, compte tenu de l'attitude de ! Opposition, on n'est pas parti pour faire
cela, puisque cela fait deux jours que l'on taponne sur l'article 1.
Alors, le fait que nous soyons ici. que nous appuyions d'emblée
les principes du projet de loi et que nous soyons fort heureux de la
dernière annonce ministérielle, cela ne veut pas dire
automatiquement que tout nous satisfait et c'est pour cela que nous sommes ici,
pour faire l'étude article par article, et permettez-moi de souhaiter
que l'on puisse entrer dans le vif du sujet le plus tôt possible. Je vous
remercie. (16 h 45)
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, le
sous-amendement proposé par Mme la députée de Maisonneuve
se lit comme suit: Remplacer le paragraphe 4° introduit par l'amendement,
par le suivant: "de fournir un apport financier supplémentaire aux
ménages à faible revenu sur le marché du travail". Ce
sous-amendement est-il adopté?
Mme Harel: Adopté.
M. Bourbeau: Rejeté.
Le Président (M. Bélanger): Rejeté?
Bien.
Mme Harel: M. le Président, avant de terminer, nous
revenons à l'amendement. J'aimerais, à moins qu'il n'y ait
d'autres sous-amendements...
M. Bourbeau: Ne comptez pas sur nous.
Mme Harel: Bien mon dieu! On a vu le ministre se sous-amender
lui-même. Alors, s'il n'en a pas d'autre, je voudrais intervenir sur le
fond de l'amendement.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie,
madame.
Mme Harel: M. le Président, on a fait
référence durant la discussion aux programmes APPORT et SUPRET.
Le ministre nous a signalé que ce quatrième paragraphe faisait
référence au programme APPORT. À ce stade-ci, M. le
Président, je pense qu'il est utile, important et nécessaire de
rappeler un certain nombre de réalités aux députés
ministériels, la première étant que l'objectif qui avait
été préparé pour le programme APPORT ne consistait
pas à rencontrer le nombre de familles qui pouvait profiter du programme
SUPRET. Maintenant, c'est comme s'il y avait eu une sorte de réduction
des objectifs à l'égard d'APPORT. Le ministre et certains de ses
collègues, notamment le député de Chambly, ont l'air de se
satisfaire pour tout de suite, à cause, dit-on, des délais
d'implantation, à cause des modalités d'implantation, ils ont
l'air de se satisfaire maintenant que le programme APPORT profite à un
nombre un peu moindre, d'environ 1000 familles de moins, que ne le faisait le
programme SUPRET. Cela semble être l'objectif. C'est comme si le
programme APPORT avait été mis en place pour pouvoir au moins
profiter à autant de familles que le progamme SUPRET.
Je rappelle que l'objectif d'APPORT était loin d'être aussi
modéré. L'objectif d'APPORT, et je lis dans "Pour une politique
de sécurité du revenu", le document d'orientation: "On estime -
il y a un an, cela ne fait pas une éternité - à environ 44
000 le nombre de familles qui pourront se prévaloir du programme APPORT
en 1988. De ce nombre, 24 000 seraient des familles monoparentales et 20 000
des familles biparentales. " Il fallait que ce soit précis pour que
l'estimation ait ce degré d'exactitude. "Cette estimation, faite
à partir des données fiscales, ne tient compte que des parents
ayant des revenus de travail. " Imaginez-vous, tout cela a même
été vérifié au ministère des Finances. "La
clientèle, ajoute-t-on, pourrait être plus nombreuse. " 44 000,
c'était à peine un objectif prudent, et le ministre
répétait que ce serait plus que 44 000, si des parents
actuellement en chômage ou à l'aide sociale décidaient,
après avoir pris connaissance des avantages du programme APPORT, de
réintégrer le marché du travail.
Cela ne vous inquiète-t-il pas, M. le ministre, que non seulement
il n'y en ait pas plus, mais qu'il y en ait eu moins? Et pas un peu moins, pas
la moitié moins, c'est à peine 35 % d'un objectif qui
était censé être prudent, estimé par le
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu
et par le ministère des Finances. Savez-vous quel est l'état
actuel du programme APPORT? Le service de recherche de l'Opposition a
téléphoné la semaine dernière pour savoir combien
de nouveaux formulaires entraient, combien de nouvelles demandes étaient
gérées, et on nous a répondu: Cela entre à
l'unité et cela va bien. À l'unité, il y a 365 jours dans
une année, l'unité étant considérée durant
les cinq jours ouvrables. Au rythme où cela entre, M. le ministre...
M. Bourbeau:... familles.
Mme Harel:... dans 20 ans, on n'aura pas atteint l'objectif de 44
000 familles de l'an dernier. Il ne faudrait quand même pas que vous vous
fassiez accroire à vous-même, parce que là vous ne
réussirez pas à nous faire accroire ni à nous de
l'Opposition, ni à des observateurs, mais ce serait invraisemblable que,
vous-même, vous vous fassiez accroire que votre objectif était
d'atteindre le nombre de familles du programme SUPRET. L'objectif, ce n'est pas
cela, cela ne l'était pas et cela ne doit pas l'être.
Qu'allez-vous faire pour atteindre votre objectif? Le danger, M. le
député de Chambly, en reprenant les arguments du ministre, c'est
que vous ne lui mettiez pas de pression et qu'il n'en mette pas sur sa machine,
qui vire dessous présentement, pour qu'elle réalise les
objectifs.
Le ministre fait une sorte d'entourloupette en pensant qu'en nous
mélangeant cela avec ses programmes comme ministre responsable de
l'Habitation, ce sera du pareil au même; il compare des choux et des
betteraves. Cela n'a rien à voir avec les programmes en matière
de sécurité du revenu.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
dans la salle!
Mme Harel: Et ceux qui étaient admissibles aux
municipalités, M. le Président, parce qu'il y a une
différence fondamentale... Quelle est-elle, cette différence?
Elle est bien simple, c'est que le programme APPORT permettait à des
personnes d'obtenir un avantage rétroactif, un avantage que plus aucune
d'entre elles ne peut maintenant obtenir, la date limite étant le 10
septembre. Cela n'est pas peu de chose, c'était une date importante
parce que, avant toute inscription, avant le 10 septembre, chaque nouveau
par-
ticipant bénéficiait d'un droit rétroactif à
une prestation pour les mois précédents en date du 1er janvier.
Imaginez-vous l'attrait que cela représentait. Je ne vois pas quelle
autre bonification le ministre va maintenant introduire pour pouvoir multiplier
le nombre de bénéficaires. La bonification qui était la
plus importante, c'est celle qui a été reportée de
délai en délai pour pouvoir attirer une plus grande
clientèle et qui n'a pas donné les résultats. Je ne
comprends pas que cela n'inquiète pas le ministre. C'est justement sa
placidité, quant à moi, qui m'inquiète. Ce qui
m'inquiète, c'est qu'il ne s'inquiète pas et qu'il pense que,
comme par magie, les rentrées à l'unité des responsables
du programme - ce sont les termes mêmes qu'ils ont utilisés...
M. Bourbeau:... première fois.
Mme Harel:... cela entre à l'unité - cela va tout
à coup se transformer magiquement. Comment le ministre va-t-il faire
cela? Surtout qu'il a vraiment, lui et son prédécesseur, mis le
paquet - c'est le moins qu'on puisse dire - quand on pense que 1 000 000 de
dépliants ont été distribués, qu'il y a eu un envoi
postal. Est-ce qu'ils vont recommencer? il va devoir s'expliquer sur les
mesures qu'il va prendre pour améliorer la situation. Va-t-il reprendre
des dépliants? Va-t-il reprendre l'impression de 1 000 000 de
dépliants? Va-t-il reprendre l'envoi postal? Va-t-il transformer le
formulaire? Je ne sais pas si tous les membres de cette commission ont
déjà pris connaissance des 23 pages du formulaire. Cela, à
côté d'un rapport d'impôt, le rapport d'impôt, c'est
un jeu d'enfants, c'est un jeu de mécano. Je mets au défi
n'importe lequel d'entre vous de remplir dans la soirée ce formulaire de
23 pages qui donnait droit au programme APPORT. Le nombre de lettres que j'ai
reçues de gens qui se plaignaient de la difficulté et qui sont
allés dans les bureaux de Travail-Québec, je vous les apporterai
ce soir ces témoignages de gens qui m'ont écrit depuis deux mois
pour m'expliquer que dans les bureaux de Travail-Québec, les gens leur
disaient être plus mal pris qu'eux-mêmes pour remplir le
formulaire. Si je pouvais retrouver les déclarations du ministre que
j'ai colligées, je pense que je les ai juste ici, M. le
Président, il y en a une qui est absolument suave où le ministre
s'explique sur le programme APPORT. C'est dans La Presse du 9 septembre
1988, le ministre dit: "Même les fonctionaires ne le comprennent pas.
APPORT, sur papier c'est très beau; en pratique c'est différent.
" C'est ce qu'il disait au mois de septembre. Là, au mois de novembre:
"APPORT, cela va réussir tout seul. " Cela entre à
l'unité, mais cela va très bien.
M. le ministre, serait-il possible... Je vais vous les
répéter parce que cela a tout l'air qu'elles n'ont pas
été retenues par vos services. Est-ce que vous pourriez
répondre aux questions pertinentes que j'ai inscrites au feuilleton le 2
novembre dernier concernant le programme APPORT? Les questions sont les
suivantes: Combien y aura-t-il de bénéficiaires pour l'ensemble
du Québec qui seront privés de prestations en raison de
l'application du principe de l'annualisation des prestations? Le
député de Chambly ne connaît peut-être pas beaucoup
le programme APPORT. Je ne sais pas s'il a des concitoyens dans son
comté qui ont vainement tenté d'en bénéficier. Mais
le député de Chambly saura que le programme APPORT est
annualisé. Même si la demande est mensuelle, les revenus, s'iis
sont saisonniers, s'ils sont temporaires, sont annualisés comme s'ils
allaient se retrouver pour l'année. Heureusement qu'il y a des gens qui
ont une certaine conscience sociale dans le réseau et qui me
transmettent des informations. Cela nous permet...
M. Bourbeau: Est-ce qu'on pourrait avoir le nom, s'il vous
plaît?
Mme Harel: Certainement pas si je veux continuer à en
obtenir d'autres. Cela nous permet notamment de constater que la simple
modalité d'annualisation, et je vous demande de le vérifier, M.
le ministre, écarterait 4000 bénéficiaires de la
possibilité de recevoir des prestations. Je voudrais simplement que vous
vérifiiez ceci, mais je veux savoir combien il y en a exactement qui
sont privés de prestations en raison de l'annualisation. Le principe est
bien beau. Le principe, c'est que c'est mensuel, mais la modalité, c'est
que c'est annualisé. Alors, vraiment on écarte des gens qui ne
gagnent pas des revenus réguliers, qui gagnent des revenus saisonniers
et qui se trouvent de ce fait privés de la prestation.
En date du 30 octobre, je vous demandais le total des dépenses
encourues en publicités diverses pour faire connaître le
programme. Toujours en date du 30 octobre, le total des dépenses
encourues pour l'engagement de consultants en informatique, en gestion, en vue
toujours de l'application du programme. En date du 30 octobre, le total des
prestations versées aux bénéficiaires du programme.
J'ajoute que l'objectif n'était tellement pas celui que vous avez
atteint que vous allez périmer des crédits considérables
et que vous allez réussir à dépenser moins en
matière de supplément de revenu que ne le faisait le gouvernement
précédent avec son programme déficient. Alors, on va se
retrouver au moment de l'étude des crédits, mais je vous demande
le total des prestations versées aux bénéficiaires en date
du 30 octobre, les normes et les critères utilisés dans les
centres de Travail-Québec pour refuser ou accepter un dossier, les
mécanismes et procédures d'appel et de révision ouverts
aux bénéficiaires qui veulent contester une décision et la
procédure convenue avec le ministère du Revenu pour effectuer la
conciliation annuelle entre les acomptes versés et les revenus
réellement gagnés au cours de
l'année.
Il s'agit là de sept questions qui sont inscrites au feuilleton.
Vous allez les retrouver facilement, questions auxquelles je pense la
commission doit avoir des réponses avant d'examiner plus à fond
les dispositions concernant ce programme que vous introduisez à
l'article 1.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a
d'autres interventions sur le paragraphe 4° de l'article 1?
M. Bourbeau: M. le Président, quelques mots uniquement
pour ramener un peu de bon sens dans les propos de la députée de
Maisonneuve qui continue ses propos excessifs. Je dois dire que je ne sais pas
si le programme APPORT atteindra ou non ses objectifs à la fin de
l'année. On verra l'an prochain, mais je dois dire que le programme
APPORT n'a pas de meilleur publiciste que la députée de
Maisonneuve. Je dois reconnaître qu'elle fait tous les efforts pour le
dénigrer et si jamais, un jour, il arrivait que le programme APPORT
n'atteigne pas ses objectifs, une partie du mérite en viendrait
certainement à la députée de Maisonneuve qui serait
très heureuse de constater que des milliers de familles
québécoises n'auraient pu en profiter parce qu'elle aurait
contribué à faire en sorte de les en écarter. (17
heures)
Je vais simplement reprendre ce que j'ai dit plus tôt. Le
programme APPORT est en phase d'implantation. Nous avons commencé
à prendre des enregistrements au mois de mai, cela fait à peu
près six mois; les paiements ont commencé cet été
et nous avons déjà rejoint la clientèle de l'ancien
programme SUPRET du gouvernement précédent en ce qui concerne les
familles. Nous sommes en phase d'implantation; nous sommes rendus à non
loin de 40 % de l'objectif et nous continuons. Pour l'instant, rien ne nous
permet de conclure que nous n'atteindrons pas notre objectif. Plus le temps
passera, plus le programme sera connu et meilleures seront les chances qu'un
grand nombre de familles québécoises s'inscrivent au
programme.
M. le Président, la députée prétend que 4000
familles seraient affectées ou exclues d'APPORT en raison de la
procédure d'annualisation des gains. Je ne sais pas où elle prend
ses chiffres. Nous ne souscrivons absolument pas à ces chiffres qui sont
lancés en l'air comme ça sans aucune espèce de fondement
et, à moins que la députée de Maisonneuve ne puisse nous
donner quelque preuve que ce soit, je tiendrai pour acquis que ce sont des
ballons qu'elle lance. Pour ce qui est des questions au feuilleton, je dirai
à la députée que nous répondrons au feuilleton
comme il est prévu dans le règlement. J'entends déposer
les réponses à ces questions au cours des prochains jours.
Finalement, j'aimerais dire quelques mots sur la procédure
d'annualisation des gains dont vient de traiter la députée de
Maisonneuve qui prétend que cette formule a pour objet de
pénaliser les familles québécoises. Je lui dirai qu'au
contraire nous pensons que cette formule aidera à qualifier un grand
nombre de familles québécoises qui en auraient autrement
été exclues. Il est possible que la formule exclue aussi des
familles qui auraient autrement eu accès à APPORT, je le
reconnais, mais nous pensons que beaucoup plus de familles auront accès
à APPORT, en vertu du principe d'annualisation, que de familles qui en
seront exclues, d'une part, et que, d'autre part, celles qui y seront admises
seront des familles beaucoup plus démunies que celles qui en seront
exclues.
Je m'explique, M. le Président. Selon la formule de
l'annualisation, on peut admettre à APPORT une famille qui aurait eu des
gains de travail pendant certains mois et dont les gains cesseraient
après un certain nombre de mois. Ce qu'on fait, c'est qu'on projette sur
l'ensemble de l'année les gains gagnés pendant un certain nombre
de mois. Je donne l'exemple d'une personne avec un enfant, une famille
monoparentale, dont le chef de famille gagnerait 1000 $ par mois et qui
perdrait son emploi au bout de trois mois. Cette personne aurait donc
gagné trois mois dans l'année. Nous allons annualiser les gains
et tenir pour acquis que cette famille aurait gagné durant douze mois si
le chef de famille avait travaillé et nous allons donc admettre la
famille à APPORT, même si les gains étaient minimes et
n'avaient porté uniquement que sur certains mois. La personne serait
donc admise à APPORT pour les mois durant lesquels elle a gagné.
Maintenant, si cette personne avait, par exemple, perdu son emploi le 1er mai
après avoir travaillé quatre mois, elle aurait gagné 4000
$ dans l'année. Par contre, si une personne gagne 4000 $ par mois
pendant trois mois, donc 12 000 $, et qu'elle cesse de gagner pour tous les
autres mois de l'année, là, évidemment, en vertu du
même phénomène d'annualisation, on projetterait ses gains
sur une période d'un an et, évidemment, ces gains seraient
beaucoup trop élevés parce qu'on estimerait qu'elle aurait
gagné 48 000 $ dans l'année et, à ce moment-là,
elle ne serait pas admissible à APPORT. Par contre, nous pensons que
beaucoup moins de familles seront pénalisées de cette
façon qu'il n'y a de familles qui seront admises à APPORT en
vertu du phénomène d'annualisation. Les gens qui ont la
possibilité de gagner 3000 $ ou 4000 $ par mois en général
ne viennent pas facilement à l'aide sociale ou, lorsqu'ils y viennent,
ils ont la facilité ou la capacité de s'en sortir rapidement.
Donc, M. le Président, nous pensons que de deux maux il faut
choisir le moindre. Il y a beaucoup plus d'avantages à instituer la
technique de l'annualisation de façon à qualifier des familles
à faible revenu à APPORT que de ne pas l'instituer pour ne pas
pénaliser quelques familles
qui ont des possibilités de gains beaucoup plus importants.
Voilà tout ce que je voulais dire sur la question, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, puisque
le temps est écoulé.
Mme Harel: ll me reste encore du temps, non? Alors, M. le
Président, je constate...
Le Président (M. Bélanger): Je vous ai induite en
erreur, il vous reste cinq minutes.
Mme Harel: Cinq minutes? Je constate que le ministre se
réjouit, finalement, qu'autant de familles, ou presque, puissent
profiter d'APPORT que celles qui profitaient de SUPRET, c'est le moins que l'on
puisse imaginer. C'était certainement le moins aussi que le ministre
puisse souhaiter, qu'il y en ait autant à APPORT qu'il y en avait au
programme déficient qu'était SUPRET. Je voudrais lui signaler que
je trouve ça éminemment regrettable qu'il n'ait pas l'air plus
désireux de modifier le cours des choses. Je ne voudrais pas qu'il
confonde le message avec le messager. C'est une grave erreur, quand on occupe
des fonctions d'autorité, de confondre message et messager. Le message,
c'est que c'est un échec qui ne fonctionne pas. Le messager qui porte le
message, on n'a pas à s'en prendre à lui, c'est le message qu'il
faut changer.
M. le Président, le ministre sait très bien qu'en ce qui
me concerne, dans toute la mesure du possible, j'ai souhaité pour les
gens de ma circonscription que celles en particulier, puisqu'il s'agit de
beaucoup de femmes qui peuvent en bénéficier, qui pouvaient le
faire profitent des services de mon bureau pour faire remplir le formulaire.
J'ai même fait parvenir aux journaux de quartier des informations sur le
programme. Ce que je mets en doute par ailleurs, ce sont les modalités
d'application de ce programme. Ce que je remets en question, ce sont les
modalités d'admissibilité de ce programme. Là-desus, le
ministre aura des réponses à nous donner au fur et à
mesure que nous étudierons les articles du programme.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, le
paragraphe 4° de l'article 1, tel qu'amendé par M. le ministre et
qui se lit comme suit: "4° de fournir un apport financier
supplémentaire aux familles à faible revenu qui ont des enfants
à charge et dont au moins un adulte est sur le marché du
travail", ce paragraphe est-il adopté?
M. Bourbeau: Adopté. Mme Harel: Sur division.
Le Président (M. Bélanger): Adopté sur
division. L'article 1 tel qu'amendé est-il adopté?
M. Bourbeau: Adopté.
Mme Harel: M. le Président, c'est à ce moment-ci
que nous avons terminé avec l'amendement du ministre, n'est-ce pas?
Le Président (M. Bélanger): Oui.
Mme Harel: Nous venons donc de terminer avec l'amendement que le
ministre a introduit. Vous m'aviez signalé que c'était à
ce moment-ci que je pouvais introduire un amendement.
Le Président (M. Bélanger): Un amendement.
M. Harel: J'en ai deux. D'ailleurs, ils sont déjà
transmis depuis le début de la semaine. Si le ministre n'avait pas
sous-amendé son amendement, on aurait peut-être pu avancer un peu
plus rapidement. L'amendement se lit comme suit, et vous allez comprendre,
à sa lecture, M. le Président, combien important pour un grand
nombre de personnes qui... Je vais vous le lire, de toute façon, et je
plaiderai ensuite.
Motion d'amendement
L'amendement se lit comme suit: L'article 1 du projet de loi 37 est
modifé par l'addition, à la fin, de l'alinéa suivant, et
je le lis: "Ces programmes doivent respecter les droits de la personne que
garantissent la Charte québécoise des droits et libertés
et d'autres lois et être garants d'un processus de prise de
décision claire et impartiale, notamment du droit à une
procédure équitable de l'accès à l'information et
de la protection de la vie privée. "
Le Président (M. Bélanger): Est-ce que je peux en
avoir la copie, s'il vous plaît? L'amendement est recevable. Si vous
voulez plaider sur votre amendement, Mme la députée de
Maison-neuve.
Une voix:...
Le Président (M. Bélanger): II était venu
déjà comme sous-amendement et il n'était pas recevable,
mais comme amendement il l'est.
Mme Harel: M. le Président...
Le Président (M. Bélanger): Vous pouvez y aller,
Mme la députée, il n'y a pas de problème.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci. M. le Président. Cet amendement est
introduit après que j'eus reçu la lettre du président de
la commission des droits, Me Jacques Lachapelle, en réponse à la
demande que je lui avais transmise d'un examen du programme de
vérification auprès des bénéficiaires de l'aide
sociale appelé 'Évaluation de la conformité
réelle". Dans la réponse qu'il me faisait, Me Lachapelle me
signalait que la
commission s'était déjà prononcée à
plusieurs reprises sur les méthodes d'enquête utilisées par
le ministère auprès des bénéficiaires de l'aide
sociale. Notamment, le président m'informait que, il y a plus de deux
ans, au mois de juin 1986, la commission avait adressé une lettre au
prédécesseur du ministre concernant les visites à
domicile. Dans cette lettre, la commission signalait que, étant
donné que le ministère possédait déjà, en
vertu de la Loi sur l'aide sociale, des pouvoirs de vérification et de
contrôle importants tels l'accès à des renseignements
confidentiels auprès d'autres ministères et organismes
gouvernementaux, ce dont on a parlé cette semaine en Chambre
incidemment, l'assignation de témoins, la tenue d'auditions, compte tenu
donc de ces pouvoirs de vérification et de contrôle importants, la
commission demandait au gouvernement de mettre fin à l'opération
visite à domicile et de réviser l'approche que sous-tendaient les
directives de ces visites, de même que leur contenu. À cet effet,
la commission rappelait un principe fondamental de notre système de
droit, à savoir que la vie privée de tout citoyen et
l'intimité de sa demeure doivent être respectées et, en
premier lieu, par l'État. La commission signalait que, tout en
reconnaissant que l'État avait l'obligation de gérer
judicieusement les deniers publics et que le système n'était pas
à l'abri de fraudes, elle s'opposait à des mesures qui lui
paraissaient arbitraires et contraires à la dignité de la
personne, au respect de la vie privée, au droit à la jouissance
paisible de ses biens, au droit à l'inviolabilité de sa demeure
tels que reconnus dans la charte. À ce sujet, la commission
recommandait, au mois de juin 1988 dans un avis sur le projet de loi 37 - c'est
évidemment pertinent que nous en parlions maintenant puisque nous en
sommes à l'étude des objectifs des programmes institués
par le projet de loi 37 - en vertu du mandat qui lui était
conféré par la Charte des droits et libertés de la
personne, que la loi contienne des dispositions propres à encadrer le
processus de vérification de façon que celles-ci s'effectuent
dans le respect de la vie privée des prestataires, de leur droit
à la sauvegarde de leur dignité et à la protection contre
les fouilles et les saisies abusives. (17 h 15)
À cet effet, la commission recommandait que soient
insérés dans le projet de loi des éléments de
nature à assurer aux prestataires que les décisions visant
à couper ou à réduire ces prestations soient prises
à l'issue d'un processus équitable. À cette fin, disait la
commission, il conviendrait de prévoir dans la loi l'obligation pour
l'administration d'aviser le prestataire des raisons qui, le cas
échéant, la conduisent à revoir son dossier et d'inviter
ce dernier à faire valoir ses représentations dans un
délai précis avant que toute décision exécutoire
n'intervienne à son sujet. C'est un peu la formule qui existe d'ailleurs
avec la Commission de la santé et de la sécurité du
travail ou la commission des accidents automobiles.
M. le Président, nous avons retenu de cet avis de la Commission
des droits de la personne sur le projet de loi 37, et j'aurai l'occasion
à maintes reprises de rappeler durant nos travaux que cet avis de la
commission portant expressément, pas sur le document d'orientation... Je
retiens encore l'attention de la commission, il ne s'agit pas du document qui
avait été déposé ici devant la commission, mais
d'un nouveau document auquel jamais nous n'avons pu encore nous
intéresser comme commission. C'est ce qui m'amène dans cet
article 1, qui introduit les objectifs des programmes, à introduire cet
amendement, à savoir que les programmes ont aussi comme objectifs...
Nous reviendrons, évidemment, dans chacun des programmes, parce qu'il
n'est pas question à ce stade-ci de l'article 1 de préciser les
modalités, par exemple, devant régir la vérification de
l'admissibilité des prestataires. On reviendra à cet article pour
limiter le champ d'investigation aux seuls éléments
nécessaires à la détermination de l'admissibilité.
ll n'est pas question non plus à ce stade-ci, tout au moins, d'encadrer
comme tel le processus de vérification pour qu'il s'effectue dans le
respect de la vie privée des prestataires, de leur droit à la
sauvegarde, de leur dignité, etc.
À stade-ci, il n'est pas non plus question d'assurer que les
participants à des mesures jouissent de l'ensemble des normes et des
droits qui sont finalement conférés aux autres travailleurs. Ce
dont il est question par cet amendement, c'est une disposition de portée
générale, c'est un objectif qui s'ajoute aux objectifs que le
ministre a introduits dans les programmes, lequel objectif est à l'effet
de respecter dans l'ensemble des programmes les droits de la personne, tel que
les garantissent la Charte québécoise des droits et
libertés de la personne et d'autres lois, de respecter les droits de la
personne de manière que les programmes soient garants d'un processus de
prise de décision clair et impartial, notamment du droit à une
procédure équitable, de l'accès à l'information et
de la protection de la vie privée. Je termine cette intervention.
J'aurai peut-être l'occasion de la compléter plus tard, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Si j'avais à
qualifier l'amendement de la députée de Maisonneuve, je dirais
simplement qu'il est redondant en ce sens qu'il affirme des
vérités qu'on ne peut nier, c'est évident, mais qui
existent un peu partout dans la charte et qu'il est d'une certaine façon
inutile de ramener ici, parce que cela n'ajouterait rien à la loi. Par
exemple, je prends le mot à mot de l'article, de la modification que
propose la députée de
Maisonneuve. Quand on nous dit que ces programmes doivent respecter les
droits de la personne que garantit la Charte québécoise des
droits et libertés de la personne, c'est l'évidence même.
La charte est là, d'ailleurs, pour le dire. Alors, il est inutile de
ramener dans toutes les lois du Québec une clause, à savoir que
la Charte des droits et libertés de la personne s'applique au
Québec, on le sait qu'elle s'applique. Si on ne s'en souvient pas, les
tribunaux sont là pour nous le dire. Donc, de la même façon
qu'il est inutile de dire que le soleil brille, il est également inutile
de venir dire que les programmes doivent respecter les droits de la
personne.
En ce qui concerne l'autre partie de la phrase, 'être garants d'un
processus de prise de décision clair et impartial", encore là,
c'est un objectif qu'on se doit aussi de respecter puisque c'est la
règle générale que doivent suivre le législateur et
tout gouvernement.
La question du droit à une procédure équitable,
nous pensons que nous avons instauré dans la loi l'équité
procédurale. Je dois signaler au député que, de toute
façon, nous avons un papillon à un des articles pour solidifier,
si c'est encore possible, cette question de l'équité
procédurale. L'accès à l'information, je pense qu'il est
inutile de mentionner ces mots dans le papillon puisqu'il y déjà
une loi sur l'accès à l'information qui garantit justement,
à l'intérieur des paramètres indiqués dans la loi,
l'accès à l'information. Finalement, en ce qui concerne la
protection de la vie privée, je renvoie la députée
à la charte des droits qui garantit également cette
protection.
Bref, M. le Président, je ne pense pas qu'il soit utile
d'insérer à ce moment-ci la modification suggérée
par la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, je pense que le ministre est
mal placé pour décider si c'est utile ou pas quand la commission
des droits elle-même lui a recommandé de le faire. Je pense qu'il
n'y a pas mieux placé que la commission des droits qui,
évidemment, ne ferait pas une telle recommandation si elle jugeait
ça redondant à l'égard de la charte qu'elle a à
administrer. Je réfère le ministre aux commentaires de la
Commission des droits de la personne sur le projet de loi sur la
sécurité du revenu, 33e Législature, 2e session,
numéro 37, document adopté à la 308e séance de la
commission, tenue le 10 juin 1988, par sa résolution COM-308-9. 1. 3.,
Me André Labonté, secrétaire de la commission. La
commission des droits dit: "La charte donne à la commission le mandat de
promouvoir, par toute mesure appropriée, les principes qui y sont
contenus. L'article 67 ajoute d'ailleurs que ce mandat comprend notamment celui
d'analyser les lois du Québec qui pourraient être contraires
à la charte et de faire au gouvernement les recommandations
appropriées. C'est conformément à ce mandat qu'elle livre
ici ses réactions face au projet de loi 37. "
Dans le résumé des recommandations qu'on retrouve à
la page 7, la commission écrit: "Vu les dispositions de la Charte des
droits et libertés de la personne, et considérant son mandat de
promouvoir par toute mesure appropriée les principes qui y sont
contenus, la Commission des droits de la personne du Québec recommande:
"1° que soit insérée dans le projet de loi sur la
sécurité du revenu une disposition antidiscriminatoire reprenant
la liste des critères de discrimination interdits par la charte, de
même que ceux qui sont propres à la Loi sur l'aide sociale. "
M. le Président, je ne comprends pas qu'il y ait, à
l'article 18 de la loi actuelle, une telle disposition qui reprend les
critères de discrimination interdits par la charte, sauf l'âge. Si
l'intention du ministre... Cela, c'est un test, le ministre ne peut pas y
échapper, il sait de quel test il s'agit, il n'y aurait aucune raison
politique - c'est un teste juridique, mais c'est un test politique, aussi - que
l'article 18 qu'on retrouve dans l'actuelle loi soit biffé du projet de
loi, surtout au moment où la commission des droits recommande au
ministre d'insérer une disposition antidiscriminatoire
générale reprenant la liste des critères de discrimination
interdits par la charte. C'est évident que ça manque parce que le
ministre devra expliquer comment i se fait qu'il n'a pas repris une telle liste
et comment il se fait que l'âge ne se trouve pas inséré
comme motif interdit dans la Loi sur l'aide sociale.
M. Bourbeau: M. le Président...
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Bourbeau: Je sais que la députée de Maisonneuve
a d'excellentes relations avec la Commission des droits de la personne et
qu'elle a réussi à faire en sorte que la Commission des droits de
la personne sorte de la neutralité où elle devrait se cantonner
pour s'insérer, un peu malheureusement, je dois le dire, dans le
débat politique. La députée de Maisonneuve a quand
même besoin d'aide, M. le Président, étant donné
que, présentement, je dois dire qu'on ne sent pas dans la population,
c'est le moins qu'on puisse dire, un mouvement qui s'oppose à la
réforme de l'aide sociale. Et je pense que la Commission des droits de
la personne, évidemment, dans un certain sens, a remonté un peu
le moral de la députée de Maisonneuve récemment, en
faisant état sur telbec de la réception de la lettre de la
députée de Maisonneuve.
Pour ce qui est de la disposition antidiscriminatoire, j'aimerais quand
même revenir sur ce point-là puisque ça intéresse
spécifiquement la députée de Maisonneuve. C'est vrai que
la Commission des droits de la personne souhaite le maintien d'une disposition
actuelle de la Loi sur
l'aide sociale qui vise à prohiber la discrimination. La
disposition se lit comme suit, M. le Président. Et je vais lire
l'article 18: "L'aide sociale doit être accordée sans distinction,
exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le
sexe, la religion, la langue, l'ascendance nationale, l'origine sociale, les
moeurs ou les convictions politiques de la personne qui la demande ou des
membres de sa famille. " C'est bien l'article 18.
Cette disposition a été adoptée en 1969, donc,
avant l'adoption de la Charte des droits et libertés de la personne. De
tous les critères énumérés, la commission retient
celui relatif aux moeurs comme méritant d'être inclus à la
nouvelle législation. Les autres critères sont déjà
compris dans ceux énumérés à l'article 10 de la
charte. La notion de moeurs est une notion très extensive et fuyante.
Elle réfère, dans son sens ordinaire, aux pratiques sociales ou
aux habitudes de vie d'un groupe ou d'un individu. Sans doute, plusieurs
aspects de ce qui peut être considéré comme faisant partie
des moeurs d'une personne sont déjà visés par l'article 10
de la charte parce que reliés à des motifs
énumérés à cette disposition. On peut parler, par
exemple, des moeurs reliées à la religion, des moeurs
reliées à la race, à l'origine nationale ou encore
à l'orientation sexuelle. Il n'est donc pas utile de prévoir une
disposition spécifique pour couvrir cet aspect puisque la charte le
prévoit déjà.
Quant au reste, on peut supposer que, si les moeurs d'une personne n'ont
pas été protégées comme telles par le droit
à l'égalité reconnu par les chartes, c'est qu'il ne s'agit
pas de caractéristiques qui font partie des attributs essentiels d'une
personne. Elles ne nécessitent vraisemblablement pas le même
degré de protection que celles généralement admises dans
les chartes. Nous croyons donc qu'il serait préférable de s'en
remettre, quant au droit à l'égalité, à ce qui a
été prévu à la charte pour éviter,
notamment, que des lois particulières, tel que le projet de loi 37,
créent leurs propres motifs de discrimination. De plus, il n'est pas
évident qu'il existe, vis-à-vis des moeurs d'une personne, une
appréhension réelle de comportement discriminatoire de la part de
l'administration.
Voilà, M. le Président, la réponse que nous
voulions faire aux prétentions de la Commission des droits de la
personne sur la question de la discrimination et des dispositions
antidiscriminatoires qu'elle aurait souhaité qu'on introduise dans le
projet.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a
d'autres interventions sur l'amendement de Mme la députée
Maisonneuve? Mme la députée.
Mme Harel: Alors, M. le Président, je laisse au ministre
la responsabilité des remarques désobligeantes et injustes qu'il
a faites à l'égard de la Commission des droits de la personne. La
Commission des droits de la personne est un organisme qui relève du
Parlement. Le président de la commission est nommé - il l'a
été, d'ailleurs, par le gouvernement actuel - en fait,
après un vote de l'ensemble de l'Assemblée nationale, pour donner
justement aux personnes qui occupent cette fonction, toute la liberté,
l'indépendance à l'égard des gouvernements. Et ce qui
fonde le sens démocratique de notre société, c'est que les
institutions fonctionnent même en faveur des pauvres. (17 h 30)
Imaginez-vous combien le ministre a dû être surpris cette
semaine de voir que le Barreau du Québec, le bâtonnier, Me
Lachapelle, le président de la Commission des droits de la personne...
Me Jacoby, le Protecteur du citoyen, a tenu à participer à
l'examen qui se fait du programme sur l'évaluation de la
conformité réelle en collaboration avec la Commission des droits
de la personne. Alors, comment a-t-il dû être surpris et moi,
comment ai-je pu être satisfaite de me rendre compte que les institutions
démocratiques, dans notre société, fonctionnent même
quand il s'agit des plus démunis, que les droits qu'on doit faire
respecter, ce ne sont pas simplement les droits de ceux qui ont les moyens de
les exprimer, ce ne sont pas simplement les droits de ceux qui sont nantis.
M. le Président, c'est faux de prétendre, comme le fait le
ministre, que la Commission des droits de la personne doit se cantonner dans la
neutralité, comme il le dit si bien. Heureusement qu'on est dans une
société où la Commission des droits de la personne a un
mandat. D'ailleurs, c'est ce qui fait son originalité et l'envie de bien
d'autres sociétés qui viennent au Québec vérifier
comment est appliquée la charte. Une charte ne suffit pas. Encore
faut-il qu'il y ait une commission qui puisse la faire appliquer. C'est
évident que, fort heureusement, la Commission des droits de la personne
a le mandat de promouvoir par toute mesure appropriée les principes
contenus dans la charte, non pas simplement de corriger lorsqu'il y a
discrimination individuelle, mais de promouvoir l'égalité
collective des droits et un traitement égal pour tous.
C'est conformément à son mandat qu'elle a
rédigé ce commentaire sur le projet de loi 37. C'est
conformément à son mandat qu'elle invite le ministre, elle qui a
le mandat de promouvoir les principes contenus dans la charte, et qui sait
mieux que le ministre et ses légistes ce qui est et ce qui n'est pas
redondant... C'est la Commission des droits de la personne qui recommande que
soit insérée dans le projet de loi sur la sécurité
du revenu une disposition antidiscriminatoire reprenant la liste des
critères de discrimination interdits par la charte, de même que
ceux qui sont propres à la Loi sur l'aide sociale.
Alors, je ne pourrais m'imaginer que le ministre va faire fi de cette
recommandation de la Commission des droits de la personne sous prétexte
que c'est inutile. Si la commission juge
que c'est utile, elle qui a le mandat d'analyser les lois du
Québec et de faire au gouvernement les recommandations
appropriées, il me semble qu'elle est un peu mieux placée que le
ministre ou ses légistes pour en décider. Merci, M. le
Président.
M. Bourbeau: M. le Président, la Commission des droits de
la personne...
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Bourbeau:... émet des avis, ce n'est pas elle qui
légifère. La commission, par exemple, a émis l'avis, elle
a demandé l'arrêt des visites à domicile. La
députée en a fait état tout à l'heure. Pourtant, la
seule fois que la question des visites à domicile a été
soumise à un tribunal, un vrai tribunal, cette fois-ci, pour
interpréter la loi, la Cour supérieure, dans la cause de
Laforest, a décidé que les visites à domicile
étaient parfaitement légales et en conformité avec nos
lois. J'ai même invité...
Mme Harel: À des conditions.
M. Bourbeau:... M. le Président, le président de la
Commission des droits de la personne à porter en appel, devant la Cour
supérieure, une autre cause. La Commission des droits de la personne n'a
pas jugé bon de porter la cause en appel. Je reconnais... Ce que je peux
dire, c'est que, dans l'état actuel du droit québécois,
les visites à domicile sont parfaitement légales; elles ont
été reconnues comme telles par la justice, par la Cour
supérieure. Nonobstant ce qu'en pense la Commission des droits de la
personne, c'est une procédure qui est parfaitement légale et
reconnue comme telle devant les tribunaux. J'attends toujours qu'un juge vienne
me dire que les visites à domicile, ce n'est pas une procédure
légale.
Maintenant, nous nous conformons et nous nous conformerons aux souhaits
de la Commission des droits de la personne. Je ne veux pas prétendre, en
aucune façon, que son rôle n'est pas important, il est très
important. Nous respectons les opinions de la commission, comme nous respectons
les opinions de tout le monde, y compris les opinions de la
députée de Maison-neuve. Cela ne veut pas dire que nous sommes
toujours obligés de suivre à la lettre chacune des opinions de
chacun des groupes, y compris celles de la Commission des droits de la
personne. À ce moment-là, on n'aurait pas besoin de Parlement, on
pourrait faire rédiger les lois par la Commission des droits de la
personne et par son président.
Ce que j'ai dit tout à l'heure au début de la
séance, c'est que je déplore que la Commission des droits de la
personne prenne une position politique dans le débat actuellement. C'est
ce que j'ai dit. Je suis d'avis que la façon, non pas quant au fond mais
quant à la forme, de l'inter- vention récente de la commission
constitue une ingérence politique dans le débat. Personnellement,
je déplore cette façon qu'a eue le président de la
Commission des droits de la personne de s'insérer politiquement dans le
débat en rendant d'avance une décision quant au dossier dont lui
a fait part la députée de Maisonneuve avant même d'avoir eu
le temps d'examiner le dossier, soit seul, soit avec le Protecteur du citoyen
et avant même d'avoir consulté les parties, y compris le
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu.
Je trouve étrange que dans un telbec le président de la
Commission des droits de la personne fasse état dans un document public
de la réception de la lettre de la députée, Louise Harel,
du comté de Maisonneuve, fasse également état de
l'enquête qu'il allait mener et fasse également état des
conclusions de cette enquête. Oui, qu'il fasse également mention
des conclusions à venir de cette enquête.
M. le Président, cela dit, le président de la Commission
des droits de la personne vivra avec ses écrits. Quant à nous,
nous continuons à penser que les visites à domicile sont une
procédure nécessaire, légale et qui, dans la mesure
où elle est conduite selon la loi, selon le respect des individus, selon
le respect des chartes des droits, est parfaitement correcte et, même,
souhaitable dans notre société.
M. le Président, je pense que ça termine un peu ce que
j'avais à dire là-dessus. Quant à nous, nous sommes
prêts à passer au vote.
Mme Harel: M. le Président, je pense bien que c'est
malheureux que le ministre s'attaque au président de la Commission des
droits de la personne qui n'est pas ici pour y répondre. Ce sont des
attaques qui pourraient être gratuites parce qu'il n'y a personne ici
pour pouvoir discuter là-dessus avec le ministre. Cela, c'est trop
facile.
D'autre part, je pense bien que ce n'est pas la personne. C'est un peu
toujours le même modèle. Le ministre s'attaque à ma
personne plutôt qu'à ce que je dis. Il en fait de même pour
la Commission des droits de la personne contre son président. Ce sont
des décisions de commission. Ce que je vous cite, M. le ministre, ce
sont là des décisions du conseil de la Commission des droits de
la personne. Ce à quoi vous avez fait référence, de
conduire en collaboration avec le Protecteur du citoyen, l'examen sur le
programme de l'évaluation de la conformité réelle, c'est
une décision du conseil d'administration de la commission.
Je veux simplement vous rappeler que, oui, les visites à domicile
ont été considérées légales dans la cause
Laforest contre le ministre Pierre Paradis devant la Cour supérieure,
mais à la condition d'être effectuées avec le consentement
des bénéficiaires. Pas légales en soi. Légales
à la condition, cependant, d'être effectuées avec le
consentement des bénéficiaires. C'est ce que vous
n'avez pas dit. J'imagine que vous le pensiez, mais vous n'avez pas cru
bon de le signaler.
M. Bourbeau: J'ai dit: en respectant la loi, les
règlements et les chartes. C'est exactement ce que j'ai dit.
Mme Harel: Et ce que la Commission des droits de la personne, qui
a un rôle essentiel dans notre société, pas simplement
comme garant, mais comme promoteur des droits et libertés non pas
seulement individuels, mais collectifs, écrit, c'est ceci: Encore
faut-il que le consentement soit librement accordé. Nous trouvons fort
regrettable que les directives concernant les visites à domicile ne
contiennent aucune mesure garantissant un consentement qui soit
véritablement libre et éclairé de la part des personnes
visitées.
Vous pouvez bien vous autoriser du jugement de la Cour
supérieure, M. le ministre, mais vous n'avez en aucune façon
satisfait la question à savoir si vous allez introduire dans les
directives des visites à domicile des mesures garantissant le
consentement de la personne visitée. On y reviendra. Je vais vous
demander de disposer de l'amendement.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, sur
l'amendement proposé par Mme la députée de Maisonneuve
à l'article 1 qui se lirait comme ceci: L'article 1 amendé du
projet de loi 37 est modifié par l'addition, à la fin, de
l'alinéa suivant: "Ces programmes doivent respecter les droits de la
personne que garantissent la charte québécoise des droits et
libertés et d'autres lois; et être garants d'un processus de prise
de décision clair et impartial, notamment du droit à une
procédure équitable, de l'accès à l'information et
de la protection de la vie privée. " Est-ce que cet amendement est
adopté?
Mme Harel: Adopté. M. Bourbeau: Rejeté.
Le Président (M. Bélanger): Rejeté.
L'amendement est rejeté.
Mme Harel: Alors, M. le Président, je vais donc devoir me
satisfaire de moins, mais je ne pourrais pas comprendre que le ministre ne
veuille pas au moins reprendre les éléments que l'on retrouve
déjà à l'article 18 du projet de loi sur l'aide sociale,
évidemment, en y ajoutant l'âge comme motif interdit de
discrimination. Ce fut là l'objet d'un engagement formel et solennel de
son parti en campagne électorale; alors, c'est une occasion, nous sommes
au troisième anniversaire, c'est l'occasion de réitérer,
mais cette fois de la bonne façon, cet engagement dans un projet de
loi.
Alors, l'amendement se lit comme suit: L'article 1 du projet de loi 37
est modifié par l'addition, à la fin, de l'alinéa suivant:
"Ces programmes doivent être appliqués sans distinction, exclusion
ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe,
l'âge, la religion, la langue, l'ascendance nationale, l'origine sociale,
les convictions politiques de l'adulte ou de la famille admissible a ces
programmes. " Est-ce que c'est dans la charte?
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'on pourrait
avoir l'amendement, s'il vous plaît?
Mme Harel: Oui, c'est dans la charte.
Le Président (M. Bélanger): J'attends d'avoir copie
de l'amendement. On va vous entendre sur la recevabilité parce que j'ai
un petit doute.
M. Bourbeau: C'était compris dans l'autre
tantôt.
Le Président (M. Bélanger): Avez-vous la copie de
l'amendement?
Mme Harel: II est en train d'être rédigé.
Le Président (M. Bélanger): D'accord.
M. Bourbeau: M. le Président, on a rejeté un
amendement tantôt qui comprenait la même chose.
Le Président (M. Bélanger): On va suspendre
quelques instants, le temps de rédiger cet amendement.
(Suspension de la séance à 17 h 43)
(Reprise à 17 h 53)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La commission reprend ses travaux.
Mme la députée de Maisonneuve, l'amendement sera
jugé non recevable pour la raison suivante. C'est que, tout à
l'heure, on a rejeté un amendement qui comprenait à la fois les
droits de la personne que garantissent la Charte québécoise des
droits et libertés de la personne et d'autres lois et, ensuite, la loi
sur l'accès à l'information et les procédures
équitables. Ici, ce que vous nous faites dans votre amendement, c'est
une énumération de l'article 10 de la Charte des droits et
libertés de la personne. Donc, on a déjà rejeté
l'aspect de la Charte des droits et libertés de la personne. Alors,
c'est l'équivalent de rejeter chacune de ses composantes. À cet
égard, l'amendement devient non recevable. Je vous remercie.
Mme Harel: On poursuit? Une voix: Jusqu'à 18
heures.
Mme Harel: D'accord. On poursuit. Pour continuerais heures.
M. Bourbeau: Pour finir à 21 heures.
Le Président (M. Bélanger): S'il y a entente des
deux côtés, je suis au service de la com... la com... de la
commission, mais pas longtemps si je continue comme cela.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): Ha. ha, ha! Cela va. Si
je comprends bien, il y a une entente pour qu'on continue et on irait
jusqu'à quelle heure?
Des voix: Jusqu'à 21 heures.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y aura une
petite pause pour se sustenter?
M. Bourbeau: Non, de l'eau, M. le Président. Le
Président (M. Bélanger): De l'eau? Une voix: De l'eau
et des biscuits.
Le Président (M. Bélanger): C'est dur, cela.
Bien.
Mme Harel: Du thé, du thé, du thé de
Cali.
Le Président (M. Bélanger): On prendra beaucoup de
café. D'accord. Alors, nous revenons donc à l'article 1, tel
qu'amendé. Est-ce qu'il y a encore d'autres propositions d'amendement
sur cet article 1?
Mme Harel: II nous en reste un qui a été transmis
aux membres de la commission. Il faut simplement le lire comme un amendement.
Il a été distribué, je pense, comme un sous-amendement. Il
consiste à ajouter après le paragraphe 1° et avant le
paragraphe 2° introduit par l'amendement...
Le Président (M. Bélanger): Pour se comprendre,
c'est comme si c'était en 1. 5? Est-ce que vous pouvez nous en faire
lecture, Mme la députée?
Motion d'amendement Mme Louise Harel
Mme Harel: Certainement. Il s'agirait d'ajouter le paragraphe
suivant: "d'accorder cette aide en tenant compte du fait que les personnes
handicapées encourent des coûts supplémentaires pour eux et
leur famille pour compenser les déficiences ou les limitations
fonctionnelles. "
Le Président (M. Bélanger): II est recevable sans
équivoque et sans conteste. On vous entend sur votre amendement, Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, les amendements qui ont
été introduits par le ministre ont pour effet de définir
des objectifs pour les programmes Soutien financier, APTE et APPORT. Il faut
reconnaître que les personnes handicapées peuvent être
bénéficiaires et prestataires de l'un ou l'autre de ces trois
programmes. On pourra retrouver des personnes handicapées au programme
Soutien financier, d'autres pourront se retrouver au programme APTE et
d'autres, au programme APPORT puisque le handicap ne signifie pas un
état de maladie, de mauvaise santé et qu'un grand nombre d'entre
elles, au contraire, revendiquent leur intégration et leur insertion sur
le marché du travail avec, évidemment, le remboursement des
coûts supplémentaires qu'elles encourent pour leur handicap ou
leurs limitations fonctionnelles. Des coûts supplémentaires, cela
peut être des frais de transport. Évidemment, on pense toujours en
termes de déplacement, mais cela peut être aussi
l'aménagement des postes de travail. Alors, que les programmes
institués le soient de manière à accorder l'aide en tenant
compte des personnes handicapées et de leur situation.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, votre
réplique.
M. Bourbeau: M. le Président, on vient de prendre
connaissance de l'amendement. Est-ce qu'on peut suspendre une couple de minutes
pour en discuter?
Le Président (M. Bélanger): Bien sûr. M. le
ministre.
(Suspension de la séance à 17 h 58)
(Reprise à 18 heures)
Le Président (M. Leclerc): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bourbeau: On a regardé avec beaucoup d'attention le
projet de modification de la députée de Maisonneuve. D'une part,
ce sous-amendement arrive très tard parce que nous avons
déjà étudié les quatre amendements, chapitres ou
paragraphes de l'amendement que j'ai proposé et là on revient en
arrière, à l'amendement 1. 5. Si je comprends bien, vous voulez
l'insérer entre le sous-amendement 1 et le sous-amendement 2.
Mme Harel: C'est la façon dont le président...
C'est le premier que j'ai voulu introduire.
Une voix: C'est vrai.
Mme Harel: Je vous rappelle que, dès l'ouverture de nos
travaux, c'est le premier sous-amendement que j'ai voulu introduire et le
président m'a dit: Non, ce sera à la fin du vote qui disposera
des amendements du ministre.
Le Président (M. Leclerc): Et, M. le ministre...
Mme Harel: M. le ministre, rappelez-vous que vous avez introduit
le vôtre parce que vous avez eu le droit de parole avant moi et qu'il y a
eu tout le débat de la chronologie.
M. Bourbeau: C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous
n'avons fait aucune objection tout à l'heure sur la recevabilité.
Je ne vois pas pourquoi la députée s'excite un peu. Je vais
simplement expliquer pourquoi nous n'avons pas fait d'objection sur la
recevabilité tout à l'heure.
Mme Harel: Soyez moins arrogant.
M. Bourbeau: Cela étant dit, M. le Président, quant
au fond, l'amendement qui nous est proposé vise à accorder une
aide particulière aux personnes handicapées pour compenser les
coûts supplémentaires qui leur sont occasionnés ainsi
qu'à leur famille pour compenser les déficiences ou les
limitations fonctionnelles. Les personnes handicapées peuvent se
retrouver indistinctement soit dans le programme Soutien financier, si elles
ont de sévères contraintes à l'emploi, ou dans le
programme APTE. Je suis d'accord avec la députée qu'il n'est pas
évident qu'elles vont toutes se retrouver dans le programme Soutien
financier. Cependant, dans le système actuel, nous avons des
façons de leur venir en aide comme, par exemple, dans les besoins
spéciaux où l'on prévoit des montants pour les personnes
handicapées. Pour les paraplégiques, par exemple, c'est 100 $. Il
y a aussi toute une série de besoins spéciaux: les aides
auditives, les orthèses et les prothèses. Enfin, la
députée connaît très bien la liste des besoins
essentiels. Il y a également l'Office des personnes handicapées
qui vient en aide pour les besoins matériels.
La notion de plan de services est également disponible pour les
personnes handicapées en vertu de la Loi assurant l'exercice des droits
des personnes handicapées, chapitre E-20. 1 des Lois du Québec.
L'article 52 de la même loi prévoit l'aide matérielle aux
personnes handicapées. Bref, M. le Président, nous pensons qu'il
y a d'autres façons de prévoir une aide spéciale en faveur
des personnes handicapées que de créer une catégorie
spéciale à l'aide sociale et, pour cette raison, nous pensons
qu'il est préférable de ne pas accepter la modification
proposée par la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, je pense qu'il y a confusion.
Les quatre paragraphes du mi- nistre n'introduisaient pas des
catégories. Ils introduisaient des objectifs.
M. Bourbeau: Oui; je ne le nie pas.
Mme Harel: Alors, est-ce aussi un objectif d'accorder une aide
particulière aux personnes handicapées? Cela n'a rien à
voir avec la catégorisation. Elles peuvent se retrouver dans un des
trois programmes.
La question posée est: Pourquoi le ministre refuserait-il que ce
soit aussi un objectif que celui de compenser leurs limites fonctionnelles ou
leur handicap? C'est invraisemblable. Le ministre me cite des mesures
particulières. Tant mieux! D'ailleurs, il pourrait m'en citer pour tous
ses amendements, des articles, des mesures particulières concernant
l'aide aux personnes qui éprouveront - comment dites-vous? - des
contraintes sévères de l'emploi. Il pourrait me citer des
dispositions qui prévoient leur apporter une aide particulière.
Il en va de même pour la réinsertion des personnes aptes au
travail. Il pourrait me citer une série de dispositions. Il n'est pas
convaincant du tout quand il me dit que des dispositions particulières,
des besoins spéciaux ou autres, seront mises à la disposition des
personnes handicapées. Cela va de soi. C'est un peu comme pour les
autres objectifs. Il y aura aussi des dispositions particulières qui
viendront attribuer des barèmes ou des prestations. Ce n'est pas un
argument. On parle d'objectifs. Les programmes ont pour objet... Est-ce que,
par définition, c'est non? C'est quoi, le motif? Est-ce qu'il y a de
l'argent qui est en cause? Quel est le motif de ne pas reconnaître que
ça peut être un objectif dans les programmes?
M. Bourbeau: M. le Président, la députée dit
que nos arguments ne sont pas convaincants. Je n'ai jamais espéré
pouvoir convaincre la députée de Maisonneuve très
facilement, là, dans ce dossier. Ce que je lui dirai, c'est que les
objectifs que nous avons insérés sont des objectifs
généraux. Celui que propose la députée de
Maisonneuve est un objectif spécifique. Nous voulons éviter dans
cet article 1, qui proclame les objectifs de nature générale, les
objectifs généraux, de commencer à insérer dans cet
article des objectifs spécifiques. Je l'ai expliqué à la
députée au début de nos travaux, c'est que cet article
tient lieu de préambule et on aurait pu, même, à la limite,
dans la technique législative insérer l'article au complet avant
l'article 1, dans une forme de préambule qu'on voyait parfois dans des
lois.
Nous voulons éviter dans ce préambule ou dans les
amendements à l'article 1 d'insérer des objectifs
spécifiques. Nous voulons nous en tenir aux objectifs
généraux. Cela peut expliquer... Je ne sais pas si la
députée comprend la distinction.
Mme Harel: Des objectifs généraux pour des
catégories particulières puisque, malgré ces
objectifs généraux, le ministre a jugé bon
d'introduire des catégories particulières. La catégorie
des personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi.
Ensuite, la catégorie des personnes aptes au travail. La
catégorie des personnes déjà sur le marché du
travail. La catégorie des personnes aux études. La
catégorie des familles à faible revenu qui ont des enfants
à charge. Il ne faut pas que le ministre mélange les principes
avec les catégories. Il en a introduit, pourquoi pas celle-là?
Pourquoi encore une fois écarter celle-là? Il peut y avoir des
personnes handicapées dans toutes les catégories, qu'elle soit
celle des personnes qui ont des contraintes sévères au travail,
qu'elle soit celle des personnes aptes, qu'elle soit celle des personnes qui
sont déjà sur le marché du travail, qu'elle soit celle des
personnes aux études, qu'elle soit celle des familles à faible
revenu. C'est peut-être la seule des catégories que le ministre va
introduire qui, finalement, transcende les catégories.
M. Bourbeau: M. le Président, je répète que
l'objectif que veut mettre de l'avant la députée de Maisonneuve
est un objectif spécifique qui s'adresse à un groupe
spécifique d'assistés sociaux et que, si on accepte cette
philosophie, elle va revenir tout à l'heure avec un autre amendement
pour une aide spéciale aux victimes du sida, par exemple, ou une aide
spéciale aux victimes de la poliomyélite ou victimes de la
lèpre. Enfin, elle va revenir avec toute une série d'amendements
et elle va nous dire: Ce sont des objectifs généraux qu'on
voudrait avoir dans le préambule de la loi. Nous disons que nous avons
deux catégories dans la loi que la députée
connaît.
Mme Harel: Lesquelles déjà?
M. Bourbeau: Deux programmes, plutôt, le programme Soutien
financier et le programme APTE, en plus, évidemment, du programme
APPORT, et nous nous en tenons à ces grands programmes et aux
clientèles de ces programmes et les objectifs que nous
énonçons sont des objectifs qui s'accordent avec ces programmes.
Pour ce qui est des objectifs spécifiques que voudrait mettre de l'avant
la députée de Maison-neuve, nous ne sommes pas d'avis que
ça devrait se trouver à cet endroit dans la loi.
Mme Harel: Moi, je ne demanderais pas mieux que d'être
convaincue, mais c'est que le ministre n'est pas convaincant. D'abord, parce
que lui-même fait référence à des groupes
spécifiques dans tous les amendements qu'il a apportés. il ne
faut pas que le ministre confonde programmes et groupes. Les programmes qu'il
institue sont-ils distincts ou pas des groupes? Voudrait-il plutôt nous
faire croire que chaque paragraphe fait référence à un
programme ou que chaque paragraphe fait référence à un
groupe? Mais les groupes spécifiques... Quel est le groupe
spécifique dont I s'agit dans l'amendement du ministre? Il y a le grand
groupe des personnes qui n'ont pas de ressources suffisantes. Ensuite, I y a
les autres sous-groupes des personnes qui ont des contraintes
sévères d'emploi. Il y a un sous-groupe de celles qui sont aptes
au travail. Il y a le sous-groupe de celles qui sont sur le marché du
travail. Il y a le sous-groupe de celles qui sont aux études et il y a
le sous-groupe de celles qui sont dans des familles à faible revenu, qui
ont des enfants à charge et qui sont sur le marché du travaH.
Alors, ce ne sont, finalement, que des groupes spécifiques dont les
amendements du ministre nous parlent. Pourquoi écarter celui des
personnes handicapées qui est le seul qui transcende tous ces
sous-groupes-là? On peut trouver des personnes handicapées dans
tous les sous-groupes. Autant des personnes qui ont des contraintes
sévères d'emploi que des personnes qui sont aptes, que celles qui
sont sur le marché du travail, que celles qui sont aux études ou
que celles qui appartiennent aux familles à faible revenu qui ont des
enfants à charge.
Dites-moi, M. le ministre, les articles précis du projet de loi
37 qui vont nous parler des personnes handicapées.
M. Bourbeau: M. le Président, je renonce à
convaincre la députée de Maisonneuve. Elle peut faire toutes les
exégèses qu'elle veut. Ce que je lui dirai, c'est que nous
traitons avec la clientèle de l'aide sociale, ce sont des gens sans
ressources. Cela, c'est la clientèle générale de l'aide
sociale et, à l'intérieur de ça, nous avons trois
programmes. La députée connaît les programmes. Ce sont les
catégories, si elle veut, que nous avons dans le programme. On peut
appeler ça une catégorie ou appeler ça des programmes. Ce
sont des clientèles, de toute façon. Maintenant, si on commence
à singulariser chaque élément à l'intérieur
de chacune de ces clientèles-là, on pourrait, bien sûr,
nommer les handicapés, on pourrait nommer les jeunes, on pourrait nommer
chacun des groupes, les personnes de 34 à 45 ans, les personnes de 45 a
55 ans, les personnes de 55 à 64 ans et là la
députée pourrait arriver après ça avec un
amendement à l'égard de chacun des groupes en disant qu'ils ont
des besoins spécifiques relatifs à leur âge, à leur
condition. Et là, M. le Président, elle va nous débouler
une série d'amendements à l'article 1 et on sera encore ici dans
trois mois en train de débattre les sous-amendements de la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Mais je pense que le ministre n'a pas encore compris
que j'étais contre l'hypercatégorisation.
M. Bourbeau: Alors, M. le Président, tout ce que je dis
à la députée de Maisonneuve, c'est qu'elle peut faire tous
les amendements qu'elle veut. Je m'en fous. Je fais mon sacrifice des heures
qui viennent...
Mme Harel: Tiens, tiens, tiens!
M. Bourbeau:... mais qu'elle ne me demande pas de continuer avec
elle un débat stérile sur ce point-là. Je n'ai ni le
goût, ni même la volonté de le faire.
Mme Harel: La commande vient-elle du Conseil du trésor ou
du premier ministre?
M. le Président, je voudrais simplement que le ministre m'indique
tout au moins les articles du projet de loi qui vont référer
explicitement à la compensation des limites fonctionnelles et aux
coûts pour les personnes handicapées.
Le Président (M. Bélanger): Bien. M. le
ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, je réfère la
députée au projet de loi. Elle l'a lu autant que moi. Je
présume qu'elle a dû faire l'étude du projet de loi.
Mme Harel: Je ne le connais pas aussi bien parce que ce n'est pas
moi qui en suis l'auteure. Ce n'est pas mon nom, en tout cas, et ça me
ferait honte si c'était mon nom. Ce n'est même pas le vôtre,
d'ailleurs, qui est sur la page de garde.
M. Bourbeau: M. le Président, ce n'est pas mon nom non
plus, mais je n'en ai pas honte. Je dirai à la députée
que, si elle veut bien procéder à l'étude du projet de loi
et non pas faire un débat stérile sur l'article 1 comme on en
fait comme depuis envrion 35 heures, elle aura l'occasion d'étudier le
projet de loi en profondeur et elle verra quels articles s'appliquent à
ses questions.
Mme Harel: Si le ministre veut cesser de jouer à la
cachette, il va me préciser - je pense qu'il va avoir la réponse
dans une fraction de seconde - à quel article je peux retrouver les
dispositions qui vont s'appliquer aux personnes handicapées.
M. Bourbeau: Comme je l'ai dit, M. le Président, quand on
sera rendu à l'article en question, je l'indiquerai à la
députée. Mais, là, je pense que c'est...
Mme Harel: Le ministre est mieux de ne pas prendre ce
ton-là. Je lui demande quelque chose qui est tout à fait
régulier et il est bien mieux de ne pas prendre ce ton-là s'il
veut le moindrement que les choses se déroulent plus calmement d'ici 21
heures.
M. Bourbeau: M. le Président, je n'ai aucune...
Le Président (M. Bélanger): Je ne veux pas qu'on se
fasse des menaces de part et d'autre, s'il vous plaît.
M. Bourbeau:... crainte...
Mme Harel: On ne se fera pas de menaces, mais, M. le
Président, le ministre, je regrette infiniment...
Le Président (M. Bélanger): Franchement. J'ai bien
dit de part et d'autre.
Mme Harel:... va aussi collaborer.
Le Président (M. Bélanger): J'ai bien dit de part
et d'autre. Je pense que ça ne sera pas une façon acceptable de
fonctionner. On va essayer de trouver l'article en question, madame. (18 h
15)
M. Bourbeau: M. le Président, la députée de
Maisonneuve fera toutes les colères qu'elle veut, ce n'est pas elle qui
va me mettre des mots dans la bouche. Et, pour autant que je suis
concerné, je n'ai pas à répondre aux ultimatums de la
députée de Maisonneuve ou à ses questions. Quand elle
voudra faire une étude intelligente du projet de loi, on collaborera.
Pour l'instant, je n'ai pas ce sentiment.
Mme Harel: Alors, M. le Président, je pense qu'on va
arrêter à ce moment-ci parce qu'on ne pourra pas continuer dans
les dispositions dans lesquelles le ministre est. Je vais vous demander,
à ce moment-ci, d'appliquer le règlement et on se retrouvera
à 20 heures. On ne va pas continuer...
Une voix: Non, non, on a pris une entente. Mme Harel: Non.
On ne va pas continuer... Le Président (M. Bélanger):
Madame... Mme Harel:... dans ce climat-là.
M. Bourbeau: Cela ne me dérange pas du tout.
Mme Harel: Je regrette infiniment.
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse,
madame...
Mme Harel: Cela n'a pas l'air de convaincre...
Une voix: Non, non, il y a eu entente.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
S'il vous plaît!
Mme Harel: Cela n'a pas l'air de...
M. Bourbeau: Je peux être ici jusqu'à minuit, cela
ne me dérange pas du tout.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
Il y a une entente qui a été faite et maintenant nous
fonctionnons avec cette entente, on ne peut pas revenir.
Mme Harel: Alors, M. le Président, le ministre sait
très bien que ce n'est pas comme ça qu'on étudie un projet
de loi quand on veut en faire une étude sérieuse. Je vais lui
trouver l'article que je cherche, cela aurait été plus facile
pour lui et on aurait perdu moins de temps.
M. Bourbeau: Elle le savait déjà, vois-tu.
Mme Harel: Comme le ministre semble vouloir faire perdre le temps
à ses collègues et à l'Opposition...
Le Président (M. Bélanger): Je crois que l'article
que vous cherchez est l'article 113.
M. Bourbeau: M. le Président, est-ce qu'on peut revenir
à l'article 1? Est-ce que ce serait trop vous demander...
Mme Harel: Non, ce n'est pas l'article 113.
M. Bourbeau:... M. le Président, que de revenir à
l'article 1?
Le Président (M. Bélanger): Alors..
Mme Harel: Oh non! Si le ministre pense qu'il va continuer comme
ça...
Le Président (M. Bélanger): Non, s'il vous
plaît! On peut revenir à l'objet de l'amendement. La question que
nous débattons actuellement, on pourrait la repréciser... Alors,
nous sommes sur un projet d'amendement qui dit: "d'accorder cette aide en
tenant compte du fait que les personnes handicapées encourent des
coûts supplémentaires pour eux et leur famille pour compenser les
déficiences ou les limitations fonctionnelles. "
Mme Harel: Alors, M. le Président, mon amendement est
d'autant plus justifié que rien dans ce projet de loi de 134 articles ne
concerne explicitement l'aide qui doit être accordée aux personnes
handicapées. A l'article 90, paragraphe 7°, tout ce que
prévoit la loi, c'est un règlement pour permettre au gouvernement
de "prévoir, pour chaque programme d'aide de dernier recours, les
montants des prestations spéciales visant à combler certains
besoins particuliers et dans quels cas elles sont accordées. " Alors,
c'est un pouvoir réglementaire général. Aucune ligne du
projet de loi ne traite comme tel de la reconnaissance explicite des besoins
des personnes handicapées. Je trouve d'autant plus justifié que
cet amendement soit retenu par la commission.
Le ministre va arrêter de prétendre, comme il le faisait
d'ailleurs la semaine dernière abondamment, que l'Opposition
l'empêchait de faire du bon pour les personnes handicapées. C'est
le terme même qu'il utilisait, "personnes handicapées". Eh bien,
le projet de loi 37, pour tout de suite, ne prévoit dans aucune de ses
dispositions explicites de leur accorder une aide en tenant compte des
coûts supplémentaires, pour eux et leur famille, de leur
déficience ou de leurs limitations fonctionnelles. Cela prouve bien
l'entêtement et l'obstination du ministre qui peut bien se
référer à son passé de législateur. S'il
savait ce que les collègues pensent de son passé de
législateur, il serait un peu plus prudent avant de faire appel à
ce passé. C'est évident que c'est simplement par entêtement
que le ministre ne veut pas reconnaître et qu'il ne voulait même
pas me signaler qu'il n'y avait rien dans son projet de loi, ou bien c'est
parce qu'il ne le savait pas! C'est au choix. Ou bien c'est parce qu'il ne le
savait pas, mais on peut présumer qu'il le savait et qu'il
préférait, finalement, ne pas en convenir parce que, d'une
certaine façon, il est bien embarrassé d'avoir à refuser
cet amendement qui est maintenant introduit. Il est très
embarrassé de s'être engagé dans cette voie et de s'y
entêter. Il sait très bien qu'à part les règlements
dont on ignore toujours tout ça reste une inconnue. La confirmation que
l'aide sera octroyée aux personnes handicapées, ça reste
encore une inconnue. Ce sera au bon vouloir. On connaîtra ça dans
quelques semaines peut-être en lisant la Gazette officielle;
peut-être que oui, peut-être que non. M. le Président,
Je pense qu'il est d'autant plus important qu'à ce moment-ci
l'amendement introduise à l'article 1 comme objectif d'accorder une aide
dans les programmes institués en tenant compte des personnes
handicapées.
Dites-moi donc ce que ça aurait coûté au ministre
que d'accepter cet amendement. Qu'est-ce que ça lui aurait
coûté? Lui qui prétend être ouvert à tous les
amendements qui ont du bon sens, il ne viendra pas prétendre que cet
amendement n'en a pas. Lui qui prétendait 1 y a quelques jours adopter
une loi pour pouvoir leur faire profiter des bonnes choses qu'il
prévoyait pour eux, il n'y a même pas un article qui en parle.
M. le Président, c'est extrêmement décevant mais,
dans le fond, ce n'est pas si inusité parce que c'est, semble-t-il,
l'attitude générale que le ministre adopte à
l'égard des lois. C'est une espèce d'obstination, de
résignation. C'est bien évident que ce n'est pas de la
bonification que le ministre veut faire.
M. Bourbeau: M. le Président, la députée de
Maisonneuve en est aux arguments ad hominem mais c'est elle-même,
précédemment, qui m'incitait à ne pas le faire. Je lui
dirai ceci. D'abord, il était inutile de lui pointer l'article 90. Elle
le savait déjà. Donc, sa question était inutile. Elle sait
très bien que c'est en vertu de
l'article 90, paragraphe 7°, que nous avons les pouvoirs de
prévoir pour chaque programme d'aide de dernier recours les montants des
prestations spéciales visant à combler certains besoins
particuliers et dans quels cas elles sont accordées. C'est bien
évident que pour les besoins spéciaux dont il est question on
s'en référera au règlement qui sera rendu public
dès qu'il aura été approuvé par le Conseil des
ministres.
Ce qui m'étonne un peu dans la démarche obstinée de
la députée de Maisonneuve pour tenter de faire passer son
amendement c'est qu'il y a une certaine nostalgie dans l'amendement en question
ou plutôt c'est une démarche un peu rétrograde. La
députée se targue depuis le début de nos travaux de
retourner aux sources, au rapport Boucher, par exemple. Elle nous cite
abondamment le rapport Boucher depuis le début de nos travaux. Or,
justement, qu'est-ce que le rapport Boucher est venu faire en 1963? Il est venu
mettre fin à une situation qui prévalait auparavant où
nous avions toute une série de lois individuelles qui
protégeaient individuellement toute une catégorie d'individus.
Nous avions la Loi sur les personnes handicapées, la Loi sur les
invalides, la Loi sur les mères nécessiteuses. La
députée voudrait maintenant qu'on réinstaure dans le
système d'aujourd'hui l'ancien système qu'on a justement aboli
parce que insatisfaisant, où on viendrait, dans une loi de portée
générale, réinstaurer des régimes spéciaux
pour les anciennes catégories qu'on a justement voulu abolir avec le
rapport Boucher. Je ne sais pas ce que la députée de Maisonneuve
va répondre à ça. Elle ne semble pas très heureuse
des remarques que je lui fais parce qu'elle vient de se rendre compte du
ridicule de sa proposition.
La députée veut retourner 25 ans en arrière,
retourner à une situation qu'on a justement abolie parce que
Insatisfaisante, où on avait des lois individuelles qui, chacune
à sa façon, tentait de régler des problèmes pour
des catégories de citoyens. Avec la Loi sur l'aide sociale, on a
justement mis fin à cette cacophonie et on a mis sur pied un
système intégré. C'est ce que nous avons aujourd'hui, un
système intégré. Je sais que ça ne vous fait pas
plaisir que je vous dise ça. Mais, avec vos amendements, vous voulez
réinstaurer la sectorisation à travers une loi de portée
générale. Nous vous disons que dans la loi nous traitons des
assistés sociaux... À ce moment, si on agréait
l'amendement de la députée de Maisonneuve, le prochain amendement
qui va nous être déposé sera pour tenir compte d'une
façon particulière des mères nécessiteuses.
D'ailleurs, je suis convaincu que l'amendement est déjà
prêt. Après, elle va revenir avec les autres anciennes lois, les
aveugles, un autre papillon pour les sourds probablement, toutes les
catégories de citoyens qui ont des handicaps vont y passer les unes
après les autres.
M. le Président, je pense que j'ai démontré
à la députée de Maisonneuve un peu l'inutilité du
papillon qu'elle nous présente ou de sa modification et les raisons pour
lesquelles nous ne pouvons y souscrire.
Mme Harel: M. le Président, je savais que le ministre
était capable de parler en fou, mais, autant que cela, je n'imaginais
pas cela possible.
Le Président (M. Bélanger): Excusez-moi, madame,
mais les propos sont antiparlementaires. Je vous prie... On n'a à
qualifier d'aucune façon. Je pense qu'on est là ce soir pour se
respecter et faire avancer le projet de loi.
Mme Harel: Non. M. le Président...
Le Président (M. Bélanger): Sur le sous-amendement,
s'il vous plaît.
Mme Harel: Sur le sous-amendement.
Le Président (M. Bélanger): Sur l'amendement,
pardon.
Mme Harel: Sur l'amendement, j'aimerais que le ministre
reconnaisse que c'est vraiment comme si on parlait pour ne rien dire ici. Cela
devient du surréalisme. On nage en plein burlesque. Le ministre
introduit les catégories dans ses propres amendements. Il y en a cinq
dans ses propres amendements. S'il s'était justement satisfait du
rapport Boucher, il se serait satisfait du premier amendement et il aurait
accepté notre sous-amendement pour accorder une aide financière
de dernier recours aux personnes qui n'ont pas de ressources propres
suffisantes pour subvenir à leurs besoins essentiels et à ceux de
leur famille, quelle que soit la cause de leurs besoins. Point. Le ministre a
battu tous les amendements qu'on a faits pour maintenir les acquis des 25
dernières années. Ce que le ministre fait, c'est qu'il introduit
par ses amendements cinq catégories, juste au niveau de ces quatre
paragraphes: les personnes qui vont avoir des contraintes sévères
à l'emploi, celles qui vont être aptes au travail, celles qui, en
étant aptes, sont sur le marché du travail, celles qui vont
être aux études et celles qui vont être dans des familles
à faible revenu qui ont des enfants sur le marché du travail.
Alors, c'est le ministre qui catégorise, et on n'a rien vu encore, cela
ne m'étonnerait pas, je le crois capable, qu'il ajoute sans fin à
cette catégorisation. C'est lui maintenant qui vient nous parler de
cette aide qu'on doit apporter à des personnes qui ont un handicap ou
une limitation fonctionnelle et qui ont besoin d'une aide financière
pour compenser ce handicap ou cette limitation fonctionnelle.
Ce que le ministre confond - je pense que c'est abusivement, mais cela
se peut aussi que ce soit tout simplement parce qu'il y a des catégories
qui se mélangent encore pour lui - ce sont les besoins essentiels, les
besoins de base, les
besoins ordinaires avec tes besoins spéciaux. Ce que le ministre
n'a pas l'air d'avoir encore compris, c'est que les besoins ordinaires, les
besoins de base, les besoins essentiels, contrairement à ce qu'il
prétend, sont les mêmes pour tout le monde. Qu'on ait des
contraintes sévères à l'emploi ou qu'on soit en
chômage parce qu'il n'y a pas d'emploi, le coût du loyer et de
l'épicerie va être le même pour tout le monde. La
différence pour une personne handicapée, c'est que la
compensation pour sa limitation fonctionnelle, quel que soit le programme, elle
devrait y avoir droit. Qu'elle soit dans une ou l'autre des catégories
du ministre, elle devrait y avoir droit. Même lorsqu'elle retourne sur le
marché de l'emploi, elle devrait continuer jusqu'à un certain
seuil de revenu d'y avoir droit pour la maintenir à l'emploi. C'est cela
que le ministre ne comprend pas. Cela va être tellement décevant,
de toute façon, l'ensemble de l'examen qu'on conduit présentement
parce que, c'est évident, la coquille législative de ce projet de
loi est tellement décevante, c'est déjà un recul aux
années cinquante, et là le ministre, d'aucune façon, ne va
accepter d'améliorer ce qui est déjà passablement
avarié. Alors, M. le Président, je vais vous demander d'appeler
le vote sur l'amendement.
Le Président (M. Bélanger): Bien. L'amendement de
Mme la députée de Maisonneuve se lit comme suit: Ajouter
après l'article 1 amendé le paragraphe suivant: "1. 1 d'accorder
cette aide en tenant compte du fait que les personnes handicapées
encourent des coûts supplémentaires pour eux et leur famille pour
compenser les déficiences ou les limitations fonctionnelles. " Est-ce
que cet amendement est adopté?
M. Bourbeau: Rejeté.
Mme Harel: Adopté. (18 h 30)
Le Président (M. Bélanger): Je rappelle donc
l'article 1 tel qu'amendé. Est-ce que l'article 1 tel qu'amendé
est adopté?
M. Bourbeau: Adopté.
Mme Harel: M. le Président, je n'introduirai pas d'autres
amendements. Mais, avant que l'on complète l'article 1, j'aimerais vous
dire ce que j'en pense. Je relisais la réaction de la CSN à la
suite des amendements du ministre disant que ces amendements ne changent en
rien les orientations fondamentales de la réforme. "La CSN tient
à réitérer son opposition ferme, a déclaré
Mme Simard. Le gouvernement maintient la distinction entre
bénéficiaires qui modifie entièrement la nature du
régime d'aide sociale. Ceci signifie un retour à l'ancienne
conception de charité publique représentant en fait un recul
important puisque, depuis 1970, ce régime est centré sur la
notion de justice sociale. Toute personne jusqu'à maintenant
privée de moyens de subsistance a droit à une aide de
l'État, quelle que soit la cause de son besoin. " Je veux vous rappeler,
M. le Président, que malheureusement nous allons disposer d'un article
fondamental parce que le gouvernement, par l'article 1, va changer
profondément la nature de notre régime de sécurité
du revenu. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Merci M. le
ministre.
M. Bourbeau: Seulement pour dire qu'il est bien évident
qu'il n'y a pas unanimité totale dans la société à
l'égard du projet de réforme de l'aide sociale. Certains groupes
s'y opposent encore, quoique la très grande majorité des
Québécois semble d'accord avec le projet. Il suffit
d'écouter les différents programmes à la radio, de lire
les journaux, écouter les commentateurs, lire les éditoriaux pour
se rendre compte que, d'une façon générale, la très
grande majorité des Québécois sont d'accord avec la
réforme et avec les objectifs et la façon dont nous entendons la
mettre en vigueur. Je reconnais que certains groupes ne sont pas encore
parfaitement d'accord avec les objectifs et V semble que la CSN soit un de ces
groupes. J'ai personnellement rencontré Mme Simard et les dirigeants de
la CSN. J'ai discuté avec eux et ils m'ont fait valoir leur point de
vue. Je continue à penser quand même que la distinction que nous
faisons dans le projet de loi entre les aptes et ceux qui ont de
sévères contraintes à l'emploi, qu'on appelait les
inaptes, est une distinction essentielle qui s'impose dans la
société d'aujourd'hui et qu'également l'objectif
d'incitation au travail que nous avons inséré est un objectif
tout à fait nécessaire et souhaitable dans le contexte de notre
société d'aujourd'hui.
Finalement, M. le Président, tout en regrettant que la CSN ne
puisse pas partager notre point de vue, je dois dire que, quant à moi,
je suis parfaitement à l'aise, et je suis convaincu que mes
collègues aussi, avec les objectifs du projet de loi et avec la
rédaction même du projet.
Mme Harel: M. le Président, je ne voudrais pas qu'on pense
qu'il n'y a que la CSN. Évidemment, la CSD, la même
journée... La CSD, qui est habituellement connue pour ses positions
assez modérées, faisait connaître le même refus. Le
titre du telbec est: La CSD demande le retrait de la réforme de l'aide
sociale.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, l'article
1 étant adopté sur division...
Une voix:...
Le Président (M. Bélanger): Je l'ai fait tout
à l'heure. Est-ce que l'article 1 tel qu'amendé est
adopté? C'est ce que j'ai demandé tout à
l'heure et on m'a dit oui.
M. Bourbeau: Adopté.
Le Président (M. Bélanger): Et Mme la
députée de Maisonneuve...
Mme Harel: Sur division.
Le Président (M. Bélanger):... se disait sur
division.
M. Bourbeau: C'est un grand moment, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): L'article 1, tel
qu'amendé, est adopté sur division. J'appelle l'article 2.
Définitions
L'article 2 se lit comme suit: "Sont des conjoints: "1° les
époux qui cohabitent; "2° les personnes vivant maritalement qui sont
les père et mère d'un même enfant; "3° les personnes
majeures vivant maritalement depuis au moins un an. "Ces personnes continuent
d'être des conjoints malgré l'absence temporaire de l'une d'elles.
"Pour l'application du programme "Aide aux parents pour leurs revenus de
travail", ne sont pas des conjoints, pour une année, les conjoints qui
ne l'ont pas été 184 jours consécutifs au cours de
l'année. "
Sur cet article 2, M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, j'aimerais donner quelques
notes explicatives et proposer un amendement. Cette notion de conjoint, jointe
à celle de famille, permet d'établir l'unité de base qui
servira dans l'attribution de prestations pour les trois programmes. Elle
comporte une différence importante par rapport à la Loi sur
l'aide sociale puisque deux personnes vivant maritalement ne seront
considérées comme conjoints qu'après une année de
vie commune, sauf, bien sûr, si un enfant est né de leur union.
Actuellement, elles sont des conjoints dès qu'il y a vie commune. Pour
le reste, la définition est substantiellement la même.
Quant au deuxième alinéa qui, comme vous l'avez dit, M. le
Président, stipule que ces personnes continuent d'être des
conjoints malgré l'absence temporaire de l'une d'elles, cette
disposition a pour effet d'empêcher qu'une absence de la résidence
en raison du travail, par exemple, ne vienne modifier la composition de la
famille pour fin d'attribution des prestations. Finalement, quant au dernier
paragraphe de l'article 2, à cause du caractère annuel de la
prestation APPORT, la composition de la famille doit être établie
pour l'année. La présente disposition permet de le faire à
l'égard des personnes dont la situation maritale change dans
l'année.
Motion d'amendement M. André Bourbeau
M. le Président, j'aimerais proposer un amendement à
l'article 2 visant à remplacer le paragraphe troisième du premier
alinéa de l'article 2 par le suivant: "Les personnes majeures qui vivent
maritalement et qui ont cohabité pendant des périodes totalisant
au moins un an. "
Mme Harel: Est-ce qu'on a cet amendement-là?
M. Bourbeau: Oui, on l'a distribué hier, je crois.
Le Président (M. Bélanger): Et,
deuxièmement.
M. Bourbeau: Deuxièmement, M. le Président,
j'aimerais remplacer le troisième alinéa de l'article 2 par le
suivant: "Pour l'application du programme "Aide aux parents pour leurs revenus
de travail", sont des conjoints, pour une année, deux personnes qui ont
été conjoints au moins 184 jours consécutifs dans cette
année". Il s'agit d'une modification de forme dans ce dernier cas. Dans
le cas du premier des deux amendements que j'ai proposés, à la
fin du premier volet de l'amendement, il s'agit d'une nouvelle
définition de la vie maritale. Présentement, l'exigence d'une
année porte sur la vie maritale, c'est-à-dire cohabitation plus
secours mutuel. La modification vise à faire porter l'exigence d'une
année seulement sur la cohabitation. En plus, il est
précisé que les périodes peuvent être
fractionnées dans le calcul du délai d'un an. Voilà, M. le
Président.
Mme Harel:... M. le Président, il va falloir que le
ministre nous fournisse ce qu'il lit ou qu'il recommence en lisant
lentement.
Le Président (M. Bélanger): L'amendement vous a
été remis, madame.
Mme Harel: Non, non. Ses notes explicatives, il va falloir
que...
M. Bourbeau: M. le Président, alors la
députée n'a qu'à poser des questions et on va
répondre.
Mme Harel: Je vais lui demander qu'il relise les notes qu'il
vient de lire.
M. Bourbeau: Je n'ai pas d'objection. Je peux vous parler de
l'amendement qui vise à
remplacer le paragraphe troisième du premier alinéa de
l'article 2 par le suivant. Si la députée veut prendre le
troisième paragraphe de l'article 2 qu'on a Ici. "Sont des conjoints les
personnes majeures vivant maritalement depuis au moins un an". Nous allons
modifier ça en disant: "Sont des conjoints les personnes majeures qui
vivent maritalement et qui ont cohabité pendant des périodes
totalisant au moins un an. "
Le députée comprendra qu'il y a deux modifications dans
cet article. La première porte sur l'exigence d'une année quant
à la vie maritale, c'est-à-dire cohabitation plus secours mutuel.
Cette modification vise à faire porter l'exigence d'une année
seulement sur la cohabitation et non pas sur le secours mutuel. La
deuxième modification porte sur le calcul de l'année. On
précise que plusieurs périodes pourront être
additionnées dans le calcul du délai d'un an. Il s'agit donc que
deux personnes aient cohabité pendant un an, mais non pas
nécessairement pendant une seule période; cela pourrait
être plusieurs périodes totalisant un an. La députée
a-t-elle bien saisi la nuance? Bon.
L'autre amendement était un amendement de forme. Je disais:
Remplacer le troisième alinéa de l'article 2 par le suivant. Il
s'agit là de l'amendement qui porte sur le programme APPORT. La
députée a-t-elle l'amendement en main?
Mme Harel: Oui. Remplacer le troisième alinéa de
cet article par le suivant.
M. Bourbeau: Bon, alors c'est un amendement de forme. La forme
positive de la nouvelle phraséologie nous semble
préférable à la forme négative que nous retrouvions
dans la formulation originale. Elle permet une interprétation plus
claire de l'article. Je ne voudrais pas que la députée fasse une
dépression. Elle a l'air totalement découragée. Prenez
votre mal en pitié, on est seulement à l'article 2.
Le Président (M. Bélanger): Y a-t-il d'autres
interventions sur cet article 2 et l'amendement proposé?
Mme Louise Harel
Mme Harel: M. le Président, vous avez compris que cet
article 2 était fondamental. Il est au coeur d'un grand débat de
société, qui s'appelle la vie maritale. Il est au coeur d'un
débat qui se joue ici aussi au Parlement sur le statut de conjoint et sa
définition. Au moment même où nous siégeons durant
cette session de la présente Législature, nous nous retrouvons
devant l'Assemblée avec deux projets de loi dont nous aurons à
disposer avant Noël. Un qui porte le numéro 92, je crois, et qui
fait référence aux victimes d'accidents d'automobiles et à
la loi sur l'indemnisation. L'autre qui porte le numéro 37 et qui fait
référence à la loi sur l'aide sociale. Au moment
même où nous envisageons cette notion de conjoint, je n'ai pas
à vous rappeler, M. le Président, combien contradictoires et
nombreuses sont les définitions de conjoint dans les lois sociales du
Québec.
Mais le summum de l'incohérence, c'est que le ministre des
Transports introduit dans le projet de loi 92 sa définition de conjoint
et que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu Introduit dans la loi 37 sa définition de conjoint. Le ministre
doit bien se rendre compte là qu'on entre dans un grand débat pas
simplement ici en commission, mais un débat qui va certainement avoir
des échos la semaine prochaine dans le Parlement, qui est: Comment se
fait-il que le gouvernement a deux définitions différentes de
conjoints dans deux lois étudiées pendant la même session
de la même Législature? Est-ce que c'est sa manière de
vouloir harmoniser la définition de conjoints? Est-ce que c'est sa
manière de vouloir clarifier la définition de conjoints? Pour le
bénéfice de mes collègues de la commission, pour les
membres de la commission, j'aimerais leur faire distribuer la définition
de conjoint qu'on retrouve au chapitre II de l'indemnisation du dommage
corporel dans la loi 92, qui est actuellement étudiée ou qui
devrait l'être la semaine prochaine en commission à l'étude
article par article. Je pense que la contradiction est tellement grosse,
tellement apparente que sur cette base on va devoir travailler sur le fait que
la définition de conjoint puisse être différente selon la
condition sociale des personnes.
M. le Président, j'aimerais référer les membres de
la commission à une excellente étude parue il y a maintenant, mon
Dieu, j'allais dire, en décembre 1988, vous voyez combien c'est
récent... (18 h 45)
M. Bourbeau: La députée de Maisonneuve vient de
sourire, M. le Président. Enfin, on l'a vue sourire.
Mme Harel: Ce n'est pas vous qui me faites sourire, ni votre
définition de conjoint.
Le Président (M. Bélanger): Elle sourit
souvent.
Mme Harel: Cela dépend à qui.
Le Président (M. Bélanger): Ha, ha. ha!
Mme Harel: Vous allez retrouver dans la revue Justice de
décembre 1968 une étude exhaustive, une étude
substantielle sur l'ensemble de la définition des conjoints au point de
vue, je pense, de toutes les lois du Québec. Vous y retrouvez
également une étude assez exhaustive des différences et
des ressemblances du point de vue des lois administratives du Québec.
Donc, il ne s'agit pas simplement des lois sociales. C'est à la fois
l'ensemble du Code civil relativement à l'adoption, à
l'assurance-vie, aux contrats, aux
donations entre vifs, au droit à l'héritage, aux droits et
obligations des conjoints l'un par rapport à l'autre, aux droits et
obligations des parents vis-à-vis de leurs enfants, toujours en
matière d'analyse comparative des droits dans le cadre d'une union libre
ou dans le cadre du mariage, à la filiation, au nom de famille des
enfants, au partage des biens, à la pension alimentaire, à la
prestation compensatoire, à la résidence familiale, à la
solidarité des dettes, aux accidents du travail, à l'aide
juridique, à l'aide sociale, à l'assurance automobile, à
l'indemnisation des victimes d'actes criminels, aux prêts et bourses, au
Régime de rentes du Québec, à la rente du conjoint
survivant, au partage des rentes de retraite, aux allocations familiales,
à l'assurance-chômage et à la sécurité de
vieillesse. Vous l'avez également du point de vue des chartes
québécoise et canadienne et du point de vue des lois canadiennes
sur les droits de la personne. Cette étude nous indique qu'on est
dû pour une harmonisation de notre définition de conjoint à
l'intérieur de nos différentes lois sociales, de nos dispositions
de protection et, évidemment, en matière d'harmonisation avec le
Code civil.
Alors, je vais vous faire distribuer cette définition de conjoint
qu'on retrouve au chapitre I du titre II du projet de loi 92 où la
définition de conjoint signifie: l'homme ou la femme qui, à la
date de l'accident... "
Le Président (M. Bélanger): Ce n'est pas le
mariage, madame. Excusez-moi.
Mme Harel: "... est marié à la victime et cohabite
avec elle ou vit maritalement avec la victime et est publiquement
représenté comme son conjoint depuis au moins trois ans, ou
depuis au moins un an si un enfant est né ou à naître de
leur union. " Donc, c'est la même définition que l'on retrouve
dans l'ensemble des lois sociales du Québec. Qu'il s'agisse de la Loi
sur l'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile, qu'il s'agisse de la
Régie des rentes, qu'il s'agisse donc de la loi sur l'indemnisation en
santé et sécurité au travail, pour obtenir un avantage,
puisque ce sont là des lois qui se réfèrent plus à
des prestations d'assurance, pour obtenir un avantage, pour tirer un
bénéfice de sa cohabitation, il faut prouver qu'elle a eu lieu,
de commune renommée, maritalement pendant plus de trois ans, sinon
aucune prestation d'indemnité n'est versée au conjoint survivant
si cette preuve n'est pas démontrée à la satisfaction de
la Régie des rentes, à la satisfaction de la CSST, à la
satisfaction de la Régie de l'assurance automobile du Québec, si
donc la preuve d'une cohabitation de trois ans n'est pas faite.
Pourquoi faudrait-il trois années de cohabitation, au sens du
gouvernement, pour obtenir une prestation et simplement une définition
différente pour perdre un avantage? Le ministre n'introduit rien de
neuf, en pratique, quand il introduit la notion d'un an. Déjà,
dans les décisions de la Commission des affaires sociales... Il faut se
référer à la Loi sur l'aide sociale annotée par la
Commission des services juridiques. C'est un excellent instrument qui nous
permet de retrouver l'ensemble de l'illustration jurisprudentielle des
décisions de la Commission des affaires sociales. On constate que, dans
la pratique, la Commission des affaires sociales considérait la
première année comme une année de fréquentations et
que, dans la pratique, jamais la commission ne réclamait de
trop-perçus ou un remboursement pour une période de moins d'un
an. Donc, dans la pratique, déjà, la Commission des affaires
sociales, dans l'ensemble de ses décisions, avait créé une
sorte de jurisprudence sur cette notion d'une année.
La question est bien plus de savoir si nous devons introduire, dans une
loi comme le projet de loi 37, au moment même où nous discutons
d'une loi où il y a une autre définition de conjoint, si on doit
continuer à créer une cacophonie dans nos lois sociales sur cette
question de vie maritale. Est-ce que je peux continuer? Est-ce que je
continue?
Le Président (M. Bélanger): Oui, oui, je vous en
prie.
Mme Harel: Je fais mes vingt minutes et c'est tout?
Le Président (M. Bélanger): Oui.
Mme Harel: Sinon, je vais présenter un amendement.
Le Président (M. Bélanger): À la fin de vos
vingt minutes, si vous voulez présenter un amendement, il n'y a pas de
problème, parce qu'un amendement, Mme la députée...
Mme Harel: Alors, je vais introduire mon amendement tout de
suite.
Le Président (M. Bélanger): C'est ça. Un
amendement vous redonne un droit de parole de vingt minutes pour le
présenter.
M. Bourbeau: Ne vous en faites pas, on va vous laisser votre
droit de parole, on ne veut pas vous bâillonner.
Mme Harel: Je voudrais surtout que vous m'écoutiez.
M. Bourbeau: Ah! j'écoute.
Mme Harel: Je veux bien comprendre, M. le Président. Si je
fais mon amendement, est-ce qu'il va y avoir une alternance ou pas, ou...
Le Président (M. Bélanger): C'est-à-dire que
le ministre peut répliquer à chaque intervention...
Mme Harel: Oui, mais les autres députés
ministériels, non.
Le Président (M. Bélanger): S'ils le
désirent, je ne le sais pas.
Mme Harel: II me reste combien de temps? Neuf? Alors, je
compléterai plus tard mon intervention.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Est-ce qu'il y a
d'autres intervenants? M. le député de Taschereau.
M. Leclerc: Merci, M. le Président. Je suis très
sensible au fait que nous signale la députée de Maisonneuve. Elle
a raison de dire qu'un bon nombre de lois au Québec traitent
différemment les conjoints, sauf que ce qu'elle nous donne comme exemple
est le report presque textuel de la loi actuelle sur l'assurance automobile,
loi qu'ils ont eux-mêmes adoptée, si je me rappelle bien, en 1977
ou en 1978. Par conséquent, ce sont eux au premier chef qui ont ont
provoqué ces différences qu'elle déplore aujourd'hui, que
nous déplorons tous ensemble.
Donc, que la députée de Maisonneuve nous démontre
que des lois au Québec traitent différemment les conjoints de
fait, elle a raison. Qu'elle se serve d'une loi sur l'assurance automobile
actuellement débattue à l'Assemblée nationale, qui reprend
presque textuellement la Loi sur l'assurance automobile qu'eux-mêmes ont
adoptée en 1977 et qui a provoqué une autre façon de
traiter les conjoints, puisque l'article 1. 7. bi dit: "conjoints: l'homme et
la femme: qui vivent ensemble maritalement et qui au moment de l'accident
résidaient ensemble depuis trois ans ou depuis un an si un enfant
était issu de leur union... " C'est textuel dans la loi que nous
étudions actuellement à l'Assemblée nationale et c'est
dans la loi qu'ils ont eux-mêmes étudiée.
Par conséquent, je pense que, bien que nous puissions tous
être d'accord pour dire qu'idéalement il faudrait n'avoir qu'une
façon de traiter les conjoints, on se rend compte que ce n'est pas un
problème qui date d'hier et que, malheureusement, ce n'est pas ici, en
commission parlementaire sur l'aide sociale, que nous allons être
capables de corriger toutes les notions de conjoint qui sont dans les autres
lois et qui ont été adoptées depuis bon nombre
d'années par l'Assemblée nationale.
Mme Harel: Je vais corriger celle-là.
M. Leclerc: Vous voulez corriger celle-là? À mon
sens, celle-là corrige la précédente que vous avez
endurée pendant neuf ans où les gens, du moment qu'ils
étaient considérés comme conjoints, du moment qu'ils
étaient considérés comme vivant ensemble et se
prêtant secours mutuel, eh bien, ils étaient
considérés comme conjoints. À la différence que
l'article 2 que nous étudions tient pour acquis qu'il nous faut attendre
au moins un an avant que ces personnes puissent être
considérées comme conjointes.
Mme Harel:...
M. Leclerc: Pardon?
Mme Harel: C'est pire.
M. Leclerc: C'est pire? Ah bon! Vous nous expliquerez
pourquoi.
Donc, il m'apparaît intéressant que l'aide sociale ne
puisse plus, de façon automatique, dès qu'elle pourra constater
que des gens vivent ensemble ou cohabitent, qu'elle ne pourra plus les marier,
comme on dit souvent dans le langage de l'aide sociale, à moins que
ça ne fasse au moins un an qu'ils vivent ensemble. Par
conséquent, ça évitera certaines interprétations
quand des personnes peuvent résider ensemble pour une courte
période. Cela évitera que des agents de l'aide sociale ou que du
personnel du réseau de Travail-Québec puissent interpréter
automatiquement cette cohabitation temporaire comme étant de la vie
maritale.
Vous savez, M. le Président, que le concept de vie maritale est
un de ceux qui provoquent le plus d'appels ou de mécontentements chez
les assistés sociaux. Je ne prétends pas que l'article que nous
débattons va régler tous les problèmes de vie maritale. Je
pense que ça va toujours demeurer une question fort délicate. Il
y aura toujours des cas qui ne seront pas si clairs. Mais, à tout le
moins, l'article que nous étudions nous assurera qu'il n'y aura aucune
interprétation à l'intérieur d'un an. Mais oui, puisque
les personnes auront dû cohabiter pendant au moins un an.
M. le Président, c'est ce que j'avais à dire sur
l'amendement du ministre à l'article 2.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a
d'autres interventions?
Mme Harel: S'il n'y en a pas d'autres, M. le Président, je
vais demander qu'on m'informe quand je serai à deux ou trois minutes de
mon temps.
Malheureusement, M. le député de Taschereau, il y a un
amendement qui vient aggraver la situation. L'amendement qu'introduit le
ministre a pour effet, imaginez-vous, de totaliser. Cela peut même
totaliser les bouts, les portions, les mois, les étés, les fins
de semaine passés ensemble. Je vous rappelle, et je vous les lirai
tantôt, les décisions de la Commission des affaires sociales qui
maintenaient une Interprétation jurisprudentielle voulant que la
première année n'était jamais utilisée comme autre
chose qu'une année de fréquentations et ne donnait même pas
lieu à un remboursement, même lorsqu'il y avait une
décision de confirmation de vie maritale.
Donc, dans la réalité, c'est autre chose qu'on introduit
présentement, c'est une nouvelle façon de comptabiliser la
cohabitation. C'est ça le plus pervers. C'est qu'on va comptabiliser la
cohabitation de façon différente. Vous savez que,
présentement, devant la Commission des affaires sociales, ça va
jusqu'à ne pas prendre en considération les fins de semaine
passées ensemble, n'est-ce pas? Parce que c'est à ce degré
d'intrusion dans les vies. Il faut bien voir que c'est de cela qu'on parle. La
Commission des affaires sociales a déjà décidé que
les fins de semaine et les vacances n'étaient pas comptabilisées.
L'amendement vient élargir le contrôle qui pourrait se faire parce
que l'amendement est bien évident: "et qui ont cohabité pendant
des périodes totalisant au moins un an". Donc, elles seront
utilisées aux fins du calcul de la cohabitation. Là, il pouvait y
avoir des fréquentations. (19 heures)
La question est la suivante: Est-ce que les gens peuvent se
fréquenter dans tous les sens que vous imaginez sans pour autant
être considérés comme des conjoints, oui ou non? "Se
fréquenter" signifiant également se retrouver pour plus de 24
heures, en même temps et au même endroit, sans que ce soit
comptabilisé. Quand on introduit un amendement comme celui du ministre,
non seulement on introduit une comptabilisation différente de celle qui
est faite présentement, mais, en plus, on introduit un certain ordre
dans le test de la définition de conjoint.
J'attire l'attention du député de Taschereau et du
député de Chambly. Je sais que le député de
Chambly, à cause de sa formation juridique, est sensible à ce
genre d'argument. Jusqu'à maintenant, la cohabitation est un
élément... Je vous lis textuellement la Loi sur l'aide sociale
annotée par la Commission des services juridiques. On y cite plusieurs
causes: "La cohabitation est un élément essentiel qui doit
être démontré avant que l'on apprécie les autres
facteurs de vie maritale. En l'absence de preuve prépondérante de
cohabitation effective, il ne saurait être question de vie maritale au
sens de la Loi sur l'aide sociale - de la loi actuelle. " Mais avec
l'amendement du ministre, la vie maritale va devenir un élément
sur le même pied que la cohabitation; c'est cela la différence, et
c'est fondamental.
Que le ministre m'explique pourquoi il modifie la jurisprudence de la
Commission des affaires sociales, qui était déjà assez
stricte, convenons-en. Les décisions de la Commission des affaires
sociales étaient que, pour qu'il y ait vie maritale, il fallait qu'il y
ait cohabitation. Pour qu'il y ait cohabitation, il fallait que le couple se
soit installé ensemble, de manière durable, dans une même
résidence. J'insiste sur les mots: ensemble, de manière durable,
dans une même résidence. Vous allez avoir une définition
où les personnes pourront ne plus habiter ensemble et être
considérées comme des con- joints.
Une voix: Le gars qui va travailler à la Baie James.
M. Bourbeau: Le gars qui va travailler à
Québec.
Une voix: M. le ministre, par exemple.
M. Bourbeau: Oui. Est-ce que la députée veut dire
que je ne cohabite pas avec ma femme?
Mme Harel: S'il vous plaît! Franchement! De toute
façon, c'est ridicule parce que, à la Baie James, je regrette,
personne ne reste plus de quatorze jours sans descendre dans le Sud. Les gens
descendent bien quelque part, n'est-ce pas?
M. Bourbeau: Oui.
Mme Harel: II faut qu'ils aient une résidence. Pour avoir
un permis de conduire, pour n'importe quel acte de la vie civile, il faut avoir
une résidence permanente.
La question est de savoir si on va sophistiquer - c'est cela, finalement
- la définition au point d'aller présumer des conjoints en
augmentant le filet de façon à pouvoir envelopper le plus de gens
possible? Je vous le dis, vous allez vivre avec une définition comme
celle-là. Je fais simplement état du tumulte que vous allez
provoquer avec une définition comme celle-là, surtout à ce
moment-ci.
Comme il ne me reste que trois minutes pour parler sur l'amendement et
qu'il y a encore beaucoup de choses à dire, notamment en vertu du Code
civil... Il faut quand même que notre droit général serve
à l'ensemble des personnes de notre société. Il ne faut
quand même pas qu'on exclue des catégories de personnes de ce
qu'on considère comme notre droit commun. On y reviendra.
Le Président (M. Bélanger): II vous reste deux
minutes, madame.
Mme Harel: M. le Président, j'introduis donc un amendement
ou un sous-amendement...
Le Président (M. Bélanger): C'est un
sous-amendement.
Mme Harel: Un sous-amendement.
Le Président (M. Bélanger): Elle rit quand elle est
joyeuse, elle rit quand ça va bien et, parfois, quand elle fait un
mauvais coup.
Mme Harel: Le sous-amendement, évidemment, va
consister...
Le Président (M. Bélanger): Vous connaisez la
procédure pour un sous-amendement. Il ne doit
pas changer la nature de l'amendement, mais juste l'élargir en
ajoutant ou en retranchant des mots. Sinon, ça devient un
amendement.
Une voix:...
Le Président (M. Bélanger): Ou il vient le
préciser.
Mme Harel: J'aurai une question plus tard pour le ministre
concernant les couples homosexuels compte tenu de la définition de
conjoint. M. le Président, le sous-amendement - je me fie à vos
services pour me dire comment on introduit ça - consisterait à
modifier le paragraphe 3° amendé du premier alinéa de
l'article 2...
Le Président (M. Bélanger): Jusque-là,
ça va bien.
Mme Harel:... par: les personnes majeures qui cohabitent ou qui
vivent ensemble maritalement.
Le Président (M. Bélanger): C'est quoi la
différence avec celui qu'il y a là?
Mme Harel: II y en a une.
Le Président (M. Bélanger): Je vais vous entendre
sur la recevabilité. Est-ce que je peux avoir le texte aussi?
Peut-être que ça m'aiderait. La nuance me semble subtile a
priori.
M. Leclerc: C'est l'effet de cumul qu'elle veut enlever.
Le Président (M. Bélanger): Pardon?
M. Leclerc: C'est l'effet de cumul qu'elle veut enlever.
Le Président (M. Bélanger): J'ai l'impression que
c'est ça, oui. Premièrement, remplacer le paragraphe 3° du
premier alinéa... On rédigera, il n'y aura pas de
problème. Non.
Mme Harel: Je ne suis pas capable... Je suis trop fatiguée
pour faire...
Le Président (M. Bélanger): Je vous comprends
très bien. On va suspendre les travaux pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 19 h 9)
(Reprise à 19 h 48)
Le Président (M. Bélanger): Si vous vouiez regagner
vos places afin que nous reprenions nos travaux. Nous en étions à
l'amendement soumis par M. le ministre, et Mme la députée de
Maisonneuve avait manifesté...
M. Bourbeau: Est-ce que je pourrais vous demander...
Le Président (M. Bélanger): Oui, M. le
ministre.
M. Bourbeau:... de suspendre l'article 2? Nous voudrions regarder
de nouveau le libellé de l'article 2 dans l'intention d'apporter
peut-être des modifications à nos amendements. Si les
députés sont d'accord, on pourrait suspendre l'article 2 et on y
reviendra à une prochaine séance.
Le Président (M. Bélanger): On suspend donc
l'article 2 et les amendements déposés.
Nous y reviendrons dans une session ultérieure. Y a-t-il
consentement là-dessus?
Des voix: Consentement.
Le Président (M. Bélanger): Bien, merci. J'appelle
donc l'article 3 - à cette vitesse, on va manquer d'ouvrage: 'Sauf dans
les cas déterminés par règlement, sont
considérés à la charge de leur père, de leur
mère ou, dans les cas prévus par règlement, d'un autre
adulte qui y est désigné, lorsqu'ils dépendent de l'une de
ces personnes pour leur subsistance: "1° l'enfant mineur qui n'est pas
marié ou qui n'est pas père ou mère d'un enfant à
sa charge; "2" enfant majeur qui fréquente un établissement
d'enseignement et qui n'est pas conjoint ou qui n'est pas père ou
mère d'un enfant à sa charge. 'Pour l'application du programme
"Aide aux parents pour leurs revenus de travail" un enfant à charge au
cours du mois de la demande du prestataire ou de tout mois de la même
année postérieur à celui-ci est réputé
être un enfant à charge pour l'année entière. "
Sur cet article 3, M. le ministre.
Motion d'amendement M. André Bourbeau
M. Bourbeau: M. le Président, j'ai deux amendements
à l'article 3. Le premier amendement vise à remplacer les
paragraphes 1° et 2° du premier alinéa de l'article 3 par les
suivants: "1° l'enfant mineur qui n'est ni marié ni père ou
mère d'un enfant à sa charge; "2° l'enfant majeur qui
fréquente un établissement d'enseignement et qui n'est ni le
conjoint d'une personne ni père ou mère d'un enfant à sa
charge. ' Ce sont des modifications de forme pour éviter l'emploi du mot
"ou".
La deuxième modification, M. le Président, consiste
à remplacer le deuxième alinéa de l'article 3 par le
suivant: "Pour l'application du programme "Aide aux parents pour leurs revenus
de travail" un enfant à charge au cours du
premier mois d'admissibilité d'un adulte dans une année ou
de tout mois de la même année postérieur à celui-ci
est réputé être un enfant à charge pour cette
année. " Cette modification est de concordance avec celle de l'article
44 qui permet qu'une demande ait un effet rétroactif dans
l'année.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, si je
comprends bien, vos amendements ont pour objet de changer la forme et non le
contenu pour le premier.
M. Bourbeau: Pour le premier, oui.
Le Président (M. Bélanger): Sur le deuxième
amendement, pouvez-vous nous expliquer, s'il vous plaît?
M. Bourbeau: Au sujet de l'amendement, M. le
Président?
Le Président (M. Bélanger): Oui, s'il vous
plaît!
M. Bourbeau: M. le Président, dans un article qu'on verra
plus tard, soit l'article 44, nous allons permettre l'admissibilité au
programme APPORT rétroactivement en ce sens qu'une personne qui, au
cours d'une année, aurait pu ne pas être admissible au programme
APPORT pourra réaliser en fin d'année qu'elle l'aurait
été, si elle avait su dans quelles conditions elle l'aurait
été. Dans le projet de loi que nous avons devant nous
présentement, elle ne pourrait pas être admissible au programme
APPORT même si elle constate en fin d'année qu'elle aurait pu
l'être. Avec l'amendement que nous allons apporter à l'article 44
- je sais que la députée de Maisonneuve va être contente
d'apprendre cela - avec l'amendement que nous apporterons à l'article
44, nous allons permettre cette possibilité d'être admissible
rétroactivement. Or, ce que nous faisons à l'article 3, c'est un
amendement de concordance pour prévoir l'article 44.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Est-ce qu'il y a
d'autres interventions sur cet article 3 et l'amendement proposé par M.
le ministre?
Mme Harel: Est-ce que le ministre pourrait nous déposer
l'amendement de concordance à l'article 44?
Le Président (M. Bélanger): Cela a
été fait.
Mme Harel: À l'article 44?
M. Bourbeau: Non, on ne l'a pas déposé.
Mme Harel: Oui, mais on ne pourra pas étudier un
amendement à l'article 3 qui est de concordance avec un amendement qu'on
n'a pas encore à l'article 44.
M. Bourbeau: Pour la bonne compréhension de nos travaux,
M. le Président, on va déposer l'amendement à l'article 44
tout de suite.
Le Président (M. Bélanger): II va être
transmis, mais pas déposé.
M. Bourbeau: On va le transmettre.
Le Président (M. Bélanger): On est d'accord pour
éviter d'avoir des problèmes de...
M. Bourbeau: Transmettre, c'est cela.
Le Président (M. Bélanger):... pour ne pas
s'enfarger trop dans les...
Mme Harel: Alors, pourquoi le ministre n'en profite-t-il pas pour
transmettre les amendements s'il veut accélérer nos travaux la
semaine prochaine?
M. Bourbeau: Parce que je n'ai rien, M. le Président, qui
me laisse penser que la semaine prochaine on sera rendu plus loin qu'à
l'article 7. Cela a pris 35 heures pour se rendre à l'article 2.
Alors...
Mme Harel: II ne cherche pas à ce qu'on se rende plus
loin.
M. Bourbeau: M. le Président, je suis prêt à
procéder avec la plus grande célérité possible.
Mme Harel: Jusqu'à quel article nous avez-vous remis les
amendements?
Le Président (M. Bélanger): L'article 7.
M. Bourbeau: Jusqu'à l'article 7, M. le Président.
Au rythme où on va, on en a pour à peu près six mois.
Mme Harel: C'est ce que vous souhaitez? M. Bourbeau:
Non.
Le Président (M. Bélanger): De grâce! Mme la
députée de Maisonneuve, vous vouliez réagir à
cet...
Mme Harel: Amendement.
Le Président (M. Bélanger): Oui.
Mme Harel: M. le Président, d'abord, je vais essayer de
retrouver mon projet de loi. Bon voilà! Merci. Non, ce n'est pas le
mien. Je regrette, mais je me retrouve juste dans le mien.
M. le Président, je ne peux pas imaginer que j'aurais perdu mon
principal instrument de travail tout annoté.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'on
peut déclencher des recherches générales?
Des voix: Ha, ha, ha! Mme Harel: Vous allez suspendre?
Le Président (M. Bélanger): On va suspendre pour
quelques instants, s'il vous plaît!
(Suspension de la séance à 19 h 55)
(Reprise à 19 h 56)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît! On vous écoute.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Sur cette question, le Conseil du statut de la femme a
présenté un avis spécifique concernant l'article 3. Dans
cet avis qu'il a transmis à la commission, je crois... L'avis du conseil
a-t-il été transmis à la commission? Sur le projet en tant
que tel. Je ne parle pas du mémoire déposé sur le document
d'orientation, mais de l'avis daté de septembre 1988 qui s'intitule
"Commentaires du Conseil du statut de la femme sur le projet de loi 37". Je
suis surprise que l'ensemble des membres de la commission n'ait pas copie de ce
document public.
À l'article 3, le conseil s'inquiète que cet article ouvre
de plus la porte à l'imputation formelle d'une responsabilité
financière de la part d'un adulte à l'égard d'un enfant
qui n'est pas le sien, puisque l'article 3 permet de prévoir quand un
enfant est à la charge d'un autre adulte que son père et sa
mère. Est-ce là l'intention du législateur? Si ouf, a-t-on
bien mesuré la portée de ces articles? Pour connaître
l'intention du législateur, il faut s'en référer à
l'article 90, deuxième alinéa, qui donne le pouvoir
réglementaire au législateur de décider, en l'absence de
liens d'adoption ou de liens consanguins, qu'un enfant est ou n'est pas
à la charge d'un adulte. Le conseil s'inquiète parce qu'il
considère que, compte tenu de la prolifération des familles
monoparentales au Québec présentement et compte tenu des
nombreuses études qui démontrent les difficultés que
connaissent entre autres les adolescents dans ces familles, l'État doit
légiférer avec prudence quand il s'agit de reconstituer des
unions. Je le cite: "La perspective d'avoir à assurer rapidement, avant
que l'union ait acquis une certaine permanence, la charge d'une adulte et celle
d'enfants qui ne sont pas les siens ne peut-elle pas exercer un effet dissuasif
auprès d'éventuels conjoints?"
On a quand même une responsabilité sociale à
l'égard des lois que l'on adopte afin qu'elles n'aient pas l'effet
contraire de celui que l'on recherche. En cette matière, je voudrais
vous rappeler que le Code civil du Québec ne recon- naît aucune
obligation alimentaire entre conjoints de fait, contrairement aux modifications
que l'Ontario a apportées en 1986 au Family Act pour reconnaître
l'obligation alimentaire entre conjoints de fait. Nous n'assistons pas à
la même volonté politique ici au Québec. Vous savez sans
doute, M. le Président, que nous sommes à réformer le Code
civil et que le gouvernement a clairement indiqué son Intention de ne
pas modifier le droit civil pour obliger entre eux tous les conjoints de fait
comme s'ils étaient mariés. D'ailleurs, on l'a bien vu dans tout
le dossier du partage du patrimoine familial qui est exclusivement
réservé aux séparations lors d'un mariage.
Puisqu'en vertu de la loi il n'y a pas d'obligation alimentaire,
comment, à l'égard de l'ami de la mère qui n'est pas le
père des enfants, comment le ministre peut-il imposer une obligation
alimentaire à laquelle la mère et l'enfant ne pourront pas avoir
recours? S'ils se présentent devant les tribunaux, ils vont se faire
dire qu'il n'y a aucune disposition dans la loi pour obtenir un tel recours. Il
n'y a pas d'obligation alimentaire. Cela, c'est sur le plan juridique.
Sur le plan social, compte tenu de la définition de conjoint,
bien qu'elle soit suspendue, mais sur l'aspect de la durée,
indépendamment de ce qui sera retenu comme définition, I reste
que le projet de loi gouvernemental est de définir comme conjoints des
personnes qui, tout au moins, quelle qu'en soit la forme, sont ensemble,
cohabitent ou vivent maritalement - on verra - depuis un an. Mais, à
partir de cette année, au sens de la Loi sur l'aide sociale. 1 y a une
obligation entre conjoints, c'est-à-dire que la chef de famille ne
pourra plus être demanderesse d'une prestation d'aide sociale si le
revenu de l'ami avec qui elle cohabite est suffisant pour subvenir à son
entretien et à celui de ses enfants dont M. n'est pas le père. Je
vous rappelle qu'il n'y a eu aucune harmonisation avec les lois fiscales et que
cet ami ne pourra pas, en vertu d'un crédit d'impôt,
déduire la personne à charge que constitue la mère,
puisque seuls les gens mariés ont droit à cette exemption.
Finalement, il va avoir toutes les responsabilités sans aucun des
avantages que la loi prévoit en matière fiscale. De plus,
à l'inverse, évidemment, s'il y a présence d'enfants,
selon la Loi sur l'aide sociale, il va être tenu à l'entretien de
ces enfants dont il n'est pas le père sans qu'il y ait de recours
juridique, en vertu du Code civi, pour l'obliger et sans que ni l'enfant ni la
mère ne puissent faire valoir un recours de subsistance. Il y a comme
une grande Incohérence.
On ne peut pas parler d'une réforme en matière de
sécurité du revenu à ce moment-ci en faisant semblant
d'évacuer cette incohérence. On aura beau me dire que nos lois
sont actuellement incohérentes, mais on est ici justement pour les
corriger, et, en matière de sécurité du revenu, il n'y a
pas des réformes à chaque décennie.
Comme on se rappelle bien, la dernière fait suite au rapport
Boucher et date d'au moins 20 ans.
Le ministre pense-t-il qu'à l'aube de l'an 2000, avec la
précarité des liens conjugaux, quand on sait qu'actuellement 40 %
des mariages se soldent par un divorce et quand lui-même cite la
prolifération des ménages monoparentaux à l'aide
sociale... Puisque ces chefs de famille sont de plus en plus jeunes, quel sort
leur réserve-t-il? Celui d'être pour très longtemps sans
soutien d'un conjoint, puisque le conjoint doit non seulement soutenir sa
nouvelle amie, mais les enfants dont il n'est pas le père, et j'insiste,
sans les déductions.
M. le Président, je ne veux pas prendre tout le temps qui m'est
imparti. Vous comprendrez que j'arrêterai ici. Je compléterai
peut-être un peu plus tard, mais je veux bien connaître l'intention
et, pour ce faire, le ministre doit déposer le règlement qu'il
entend faire adopter en vertu de l'article 90, deuxième alinéa,
sur cette imputation formelle d'une responsabilité financière
d'un enfant à un adulte.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Taschereau.
M. Leclerc: M. le Président, effectivement, la
députée vous fait part d'un sujet fort intéressant. Comme
il s'agit un peu de fiscalité, je pense qu'il ne serait pas de mauvais
aloi de citer à ce moment-ci un principe comptable
généralement connu selon lequel il doit normalement y avoir un
rapprochement entre les produits et les charges. Bref, lorsque vous calculez
des dépenses, vous devez aussi tenir compte des entrées de fonds
conséquentes. Par conséquent, que des gens aient, en vertu de la
loi, des dépenses à effectuer sans avoir les produits, les
retours d'impôt ou les exemptions d'impôt s'y rapportant, le moins
qu'on puisse dire, c'est que nos régimes ne sont pas harmonisés,
mais on peut aussi dire qu'on manque à un principe comptable
généralement reconnu, bien clair et bien évident.
Le seul doute que j'ai au moment où on se parle, c'est que je
suis loin d'être sûr que nous sommes à la bonne commission
parlementaire pour régler ce genre de problème, mais je pense que
la députée de Maisonneuve a raison de s'interroger quant aux
effets que la loi que nous étudions pourrait avoir sur ce genre de
problème. L'expert arrive.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a
d'autres interventions sur cet amendement?
M. Bourbeau: M. le Président, je voudrais simplement
indiquer à la députée de Maisonneuve que l'article 3 qui
indique: "sont considérés à la charge de leur père,
de leur mère ou, dans les autres cas prévus par règlement,
d'un autre adulte", ce texte est le même que dans la loi actuelle qui
contient exactement les mêmes mots et qui dit également: "ou, dans
les cas prévus par règlement, d'un autre adulte*. Donc, ce sont
les mêmes mots.
Dans le règlement actuel que nous entendons reconduire, on dit,
à l'article 3, paragraphe d: "est considéré
dépendre pour sa subsistance d'un adulte autre que son père ou sa
mère l'enfant qui dépend pour sa subsistance d'un frère,
d'une soeur, d'un oncle, d'une tante, d'un grand-parent ou d'un adulte lorsque
ce dernier en a la garde en vertu d'un jugement d'un tribunal, sauf s'il s'agit
d'une famille d'accueil". Ce sont les prescriptions du règlement actuel
et nous avons l'intention de les reconduire.
Mme Harel: Est-ce qu'on peut faire une photocopie du
règlement?
M. Bourbeau: Oui, sûrement.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a
d'autres interventions?
Mme Harel: Est-ce que je dois comprendre à ce
moment-là, M. le ministre, que vous concevez qu'une allocation pourrait
être versée à la mère pour la charge d'enfants,
même si son nouveau conjoint peut subvenir à son entretien? Ha,
ha!
M. Bourbeau: Pas si les conjoints sont considérés
comme des... S'ils vivent maritalement, à ce moment-là, pour
nous, c'est une famille.
Mme Harel: Donc, à ce moment-là, dès
après un an - c'est ça qu'il faut comprendre - de
fréquentations permanentes, durables, assidues avec secours mutuel, le
nouvel ami de la mère devient responsable de la charge
financière, de l'entretien des enfants dont il n'est pas le
père.
M. Bourbeau: Pas de fréquentations, de cohabitation. Il
faut qu'il y ait cohabitation pendant au moins un an...
Mme Harel: Ou vie maritale.
M. Bourbeau:... et...
Mme Harel: Et?
M. Bourbeau: Oui.
Mme Harel: C'est parce que dans votre article 2 c'était
"ou".
M. Bourbeau: Non. Ce n'est pas "ou", c'est "et vie maritale".
Le Président (M. Bélanger): Cela a
été modifié justement pour enlever le "ou".
M. Bourbeau: "... les personnes majeures qui vivent maritalement
et qui ont cohabité pendant
des périodes totalisant au moins un an. " C'était notre
projet...
Mme Harel: D'accord.
M. Bourbeau: II faut qu'il y ait les deux
éléments...
Mme Harel: D'accord.
M. Bourbeau:... la vie maritale et une cohabitation totalisant un
an. À ce moment-là, pour nous, il s'agit d'un couple, d'une
famille.
Mme Harel: Alors, à ce moment-là, c'est... Quand
vous dites que, pour vous, il s'agit d'un couple...
M. Bourbeau: Des conjoints de fait.
Mme Harel:... oui, il s'agit d'un couple, mais s'agit-il pour
autant d'imputer au nouvel ami de la mère la charge financière et
l'entretien des enfants dont il n'est pas le père?
M. Bourbeau: Pour nous, il s'agit de conjoints de fait, de
conjoints qui sont dans la même situation que d'autres conjoints qui sont
passés par la mairie ou par l'Église.
Mme Harel: Je comprends qu'il s'agisse de conjoints, ce n'est pas
ça l'objet de ma question. II s'agit de conjoints de fait. Je comprends,
parce que votre définition, c'est après un an. Ma question c'est:
Des conjoints qui auraient passé un acte de mariage seraient conjoints,
mais, encore, y aurait-il adoption ou pas de l'enfant? L'enfant n'est pas
nécessairement adopté par le nouveau mari de la mère,
n'est-ce-pas? Alors, l'enfant reste à la charge de ses père et
mère biologiques au sens du Code civil et seuls les parents biologiques
qui reconnaissent leur paternité et la maternité ont une
obligation à l'égard de l'enfant. Alors, ce n'est pas parce
qu'ils seraient passés à la mairie que ça changerait
quelque chose sur le plan de la loi. Qu'ils soient conjoints de fait ou qu'ils
soient mariés, je crois bien comprendre que l'enfant n'est pas pour
autant l'enfant du nouveau mari de la mère, n'est-ce-pas? Alors, en quoi
est-ce que le fait d'être conjoint de fait impute au nouvel ami de la
mère la charge financière de l'enfant dont il n'est pas le
père? Je pense honnêtement, M. le ministre, que ça va
être le grand débat sur le thème de la discrimination
basée sur la condition sociale des prochaines années, et les
prochaines années étant plus immédiates qu'on pense.
M. Bourbeau: M. le Président, le problème, c'est
qu'on est dans un système de dernier recours où nous avons
là une famille, des gens qui cohabitent, qui vivent maritalement, qui
n'ont pas un comportement différent d'une autre famille mariée et
qui viennent à l'État pour demander des secours financiers, et je
vais répondre à la députée ce que j'ai
répondu à des groupes de femmes la semaine dernière: Vous
avez deux couples qui vivent sur le même palier du même immeuble,
d'abord, ils sont passés à l'Église, ils ont deux
enfants...
Mme Harel: De leur union commune?
M. Bourbeau:... le mari travaille au salaire industriel moyen et
la femme reste à la maison pour s'occuper des enfants. L'autre couple
vit ensemble maritalement depuis des années, se donne le secours mutuel,
a tous les attributs d'un ménage, a deux enfants. Le mari travaille au
salaire industriel moyen et la femme reste à la maison pour s'occuper
des enfants. Deux situations identiques. Pourquoi est-ce qu'on permettrait
à la dame du couple qui n'est pas marié, qui n'est pas
passé à l'Église, de recevoir 8500 $ par année de
l'État, alors que son conjoint a le même salaire que le
ménage d'à côté où la femme ne reçoit
rien du tout? Qu'est-ce que je vais dire au ménage qui est passé
par la mairie pour lui expliquer que madame à côté a droit
à 8500 $ de l'État, alors que madame du côté gauche
n'y a pas droit? Comment peut-on justifier, pour les couples qui ne vont pas
à l'aide sociale, parce que ce sont des couples qui sont passés
par la mairie et par l'Église, qu'ils n'y ont pas droit, alors que
l'autre y a droit? Cela me paraît tout à fait Inéquitable.
(20 h 15)
Mme Harel: Je pense qu'il y a tout un volet qui n'est pas encore
venu au champ de conscience du ministre. Cela n'a rien à voir avec la
mairie, ni avec l'Église, ni avec les conjoints de fait. Cela a à
voir avec les enfants. La question est: Sont-ce là des enfants
nés de l'union, de la vie commune? Sont-ce là des enfants
nés du père et de la mère? C'est la seule
différence, M. le ministre. Regardez votre exemple. Que ce soit l'un ou
l'autre des deux exemples, la question fondamentale est la suivante. Le couple
dont les enfants sont issus de l'union a une obligation à l'égard
de ses enfants et il a une obligation comme conjoint quand il est marié.
Il n'en a pas quand ce sont des conjoints de fait. C'est l'état de notre
droit. Je vous dis que vous instituez un régime de droit
différent du droit commun quand vous prétendez obliger des
conjoints de fait entre eux, ce qu'ils ne sont pas en vertu du Code civil. Je
vous dis que ce n'est pas impensable qu'ils le deviennent et ce serait
peut-être souhaitable qu'ils le soient. D'ailleurs, l'Ontario a introduit
de nouvelles dispositions depuis 1986 pour qu'il y ait obligation alimentaire
entre conjoints de fait. Ce que je vous dis, c'est que, lorsqu'il y a des
enfants issus de l'union commune, je pense bien que c'est réglé
dans l'esprit de toute la société qu'il y a une
responsabilité financière à l'égard de ses enfants,
que l'on soit conjoints ou que l'on ne le soit plus, que l'on soit conjoints
mariés ou conjoints de fait, ça n'a
pas d'importance.
Ce n'est pas ce dont je vous parle. Je vous parle de reconstitution
d'une nouvelle famille où l'ami de la mère n'est pas le
père des enfants. Je vous demande en vertu de quel droit nous lui
imputerions la charge financière de ces enfants qui ont un père
biologique qui devrait leur verser une pension alimentaire. Je ne comprends pas
que l'on maintienne, parce que c'est évident que c'est une
discrimination sur la base de la condition sociale... L'ensemble des autres
dispositions de nos législations prévoit que, même lorsque
la mère se remarie, les enfants peuvent continuer à recevoir des
prestations, d'indemnités, par exemple, de la santé et de la
sécurité au travail ou de l'assurance automobile. Tandis que,
dans le cas des personnes bénéficiant de l'aide sociale, je pense
que ce serait s'aveugler que de ne pas constater qu'il y a un problème
parce que c'est bien évident que ç'a un effet dissuasif sur la
reconstitution des familles. Quelqu'un va dire: Je t'aime beaucoup, mais tes
enfants, ce n'est pas évident que je veuille m'en charger. On va
attendre qu'ils soient plus grands.
Il n'est pas certain que pour l'ensemble de ce qu'on a comme projet de
société ce soit utile que ça reste ainsi. Le Conseil du
statut de la femme disait d'ailleurs à ce sujet: La reconnaissance trop
hâtive des unions de fait risque de faire passer les femmes responsables
de famille monoparentale de la dépendance de l'État à
celle d'un conjoint sans leur donner suffisamment la chance de
bénéficier des mesures de réinsertion sociale susceptibles
de leur procurer une véritable autonomie personnelle. Advenant
l'échec de cette union, ces femmes se retrouveront alors de nouveau
démunies et dépendantes de l'État. La perspective d'avoir
à assurer rapidement, avant que l'union n'ait acquis une certaine
permanence - et vous ne me direz pas qu'un an c'est assez - la charge d'enfants
qui ne sont pas les siens ne peut-elle pas exercer un effet dissuasif
auprès d'éventuels conjoints? Je pense bien que poser la
question, c'est évidemment y répondre.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a
d'autres interventions?
Motion d'amendement
Mme Harel: Alors, je vais présenter un amendement.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: L'amendement se lirait comme suit... Je ne sais pas si
c'est tout à fait conforme à la manière dont il faut le
faire. En fait, notre amendement consisterait à modifier l'article 3 du
projet de loi 37 pour le remplacer par un alinéa qui se lirait comme
suit: Sont considérés à la charge de leur père, de
leur mère ou d'un autre adulte qui y est désigné en vertu
d'un jugement d'un tribunal lorsqu'ils dépendent de l'une de ces
personnes pour leur subsistance. Alors, ce serait donc une modification
à l'alinéa de l'article 3.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce que vous avez la
copie? Mme la députée, nous avons déjà un
amendement sur la table dont nous devons disposer avant de recevoir le
vôtre.
Mme Harel: L'amendement du ministre concerne des
paragraphes...
Le Président (M. Bélanger): Oui, cela ne touche pas
les mêmes choses, je sais, mais c'est parce que celui-ci est
arrivé le premier.
Mme Harel: Oui, peut-être, mais ce n'est pas chronologique,
il faut que ce soit selon l'ordre, c'est le premier alinéa.
Le Président (M. Bélanger): Je sais. Dans le fond,
vous voulez dire, en termes de chronologie...
Mme Harel: De l'article.
Le Président (M. Bélanger):... dans les faits, on
commence avec le début. C'est dans ce sens-là...
Mme Harel: C'est ça.
Le Président (M. Bélanger): Écoutez, pour
éviter de faire de grandes recherches de jurisprudence, si on avait le
consentement... Je vous explique brièvement. L'amendement proposé
par Mme la députée de Maisonneuve touche le premier
alinéa, alors que l'amendement du ministre touche les paragraphes 1°
et 2° du premier alinéa. Dans le fond, celui de Mme la
députée de Maisonneuve, en termes de chronologie, viendrait avant
pour une simple question de logique. Si les membres de la commission
étaient d'accord, on procéderait à l'amendement de Mme la
députée de Maisonneuve, on en disposerait et on continuerait avec
celui de M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, vous connaissez ma grande
compréhension envers la députée de Maisonneuve. Tout ce
qui peut faire...
Le Président (M. Bélanger): Alors, nous avons le
consentement.
M. Bourbeau:... avancer les travaux de la commission, M. le
Président...
Le Président (M. Bélanger): Bien.
M. Bourbeau:... on est d'accord.
Le Président (M. Bélanger): Donc, on passe
à l'étude de l'amendement proposé par Mme la
députée de Maisonneuve. Nous vous écoutons sur votre
amendement, madame.
Mme Louise Harel
Mme Harel: M. le Président, je suis consciente, comme le
sont évidemment les députés ministériels, que, sans
une harmonisation des lois fiscales et sociales, on ne peut pas
véritablement concourir à un projet de soutien, de support
à la reconstitution des familles. J'imagine que ça devrait venir
du secrétariat à la famille, du ministre
délégué à la Famille, mais il va falloir que
ça vienne de quelque part cette vision d'ensemble. Je n'en impute pas la
responsabilité au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu. Il n'a pas le privilège d'avoir un
ministère horizontal, mais il a des collègues qu'il devrait
inciter à se pencher sur cette question fondamentale à l'aube du
XXe siècle. Cette question des régimes de sécurité
du revenu est la question des pays industrialisés. Il s'agira de savoir
comment dispenser les programmes de transfert dans une société
où les familles reconstituées seront sans doute bientôt
majoritaires.
Alors, M. le Président, l'amendement est à la photocopie.
Comme je n'ai pas moi-même de copie, cela m'embarrasse.
Le Président (M. Bélanger): II est rendu à
la photocopie. On va suspendre quelques instants, le temps qu'il revienne de la
photocopie.
(Suspension de la séance à 20 h 26)
(Reprise à 20 h 27)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît! Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Pour véritablement réaliser
l'harmonisation qu'on peut souhaiter en ces matières, on peut au moins
ne pas ajouter, aggraver, détériorer l'incohérence de la
situation actuelle, M. le Président. C'est ce qui nous amène
à déposer notre amendement, à savoir que sont
considérés à la charge de leur père, de leur
mère ou d'un autre adulte désigné en vertu d'un jugement
d'un tribunal lorsqu'ils dépendent de l'une de ces personnes pour leur
subsistance. Cela signifie essentiellement qu'en matière d'aide sociale
la charge financière d'un enfant mineur en ce qui concerne sa
subsistance sera dévolue, sauf, évidemment, pour les cas
déterminés par règlement, à son père,
à sa mère ou à un autre adulte désigné en
vertu d'un jugement d'un tribunal. Cela devient d'autant plus important, M. le
Président, que d'introduire un amendement à l'article 3 dans le
projet de loi vient légiférer sur ce que le ministre nous disait
déjà exister dans le règlement. Mais il faut que ce soit
très clair qu'on ne peut pas modifier le règlement pour imputer
la charge financière d'un enfant à un adulte qui n'est ni son
père ni sa mère et qui n'aurait pas été
désigné par le jugement d'un tribunal.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a
d'autres interventions sur cet amendement?
Mme Harel: J'imagine qu'il va falloir introduire à
l'article 3 le pouvoir réglementaire qui ne se trouve pas dans notre
amendement. Il va falloir l'introduire quand même. Évidemment,
l'article 3 au premier alinéa se lirait: Sauf dans les cas
déterminés par règlement. Ensuite, il serait
modifié par l'amendement.
Le Président (M. Bélanger): Y a-t-il d'autres
interventions? M. le député de Chambly.
M. Gérard Latulippe
M. Latulippe: M. le Président, je pense que le
problème auquel la députée de Maisonneuve fait
référence dans son argumentation depuis le début ne se
corrige pas, entre guillemets - parce qu'on verra tout à l'heure que
personnellement je ne suis pas d'accord avec ce qu'elle apporte au niveau de
l'analyse du problème comme tel - par l'amendement qu'elle veut apporter
à l'article 3 dont l'objectif est de restreindre la portée des
mots "d'un autre adulte qui y est désigné" par "d'un autre adulte
qui y est désigné en vertu d'un jugement d'un tribunal". Je
m'explique. La problématique à laquelle elle a fait
référence est beaucoup plus présente à
l'intérieur de la définition de conjoint, jointe à la
définition de la famille que l'on retrouve à l'article 5. Tandis
que l'amendement qu'elle veut apporter ici, en ajoutant les mots "en vertu d'un
jugement d'un tribunal" a beaucoup plus pour effet de restreindre la
portée des mots 'd'un autre adulte qui y est désigné", et
je m'explique de deux façons. La première façon, c'est que
- avec deux exemples - si, par exemple, c'est un frère ou une soeur qui
prend charge de son petit frère ou de sa petite soeur, à ce
moment, suivant la définition actuelle contenue à l'article 3, ce
pourrait être d'un autre adulte qui y est désigné". Mais ce
frère qui prend la charge de son petit frère ou de sa petite
soeur serait exclu dans le cas de la définition que suggère Mme
la députée de Maisonneuve en ajoutant les mots "en vertu d'un
jugement d'un tribunal", de la même façon - et je vous donne le
deuxième exemple - que s'il s'agissait de grands parents qui prennent
charge de leurs petits-enfants suivant la définition actuelle à
l'article 3. C'est un concept qui pourrait être intégré,
alors que Mme la députée de Maisonneuve, avec son amendement,
restreint l'interprétation et la définition des mots "d'un autre
adulte qui y est désigné" de façon à exclure les
grands parents qui auraient la charge de leurs petits-enfants. Je pense que
ça ne vise
pas à corriger la problématique à laquelle elle
s'adresse.
Maintenant, sur la problématique comme telle, rapidement, parce
que j'imagine qu'on va y revenir, problématique qu'elle identifie comme
étant, par exemple, le cas d'une mère et de son enfant, qui est
séparée de fait, légalement, ou qui est divorcée et
qui prend vie commune avec une deuxième personne, suivant le jeu des
articles 2 et 5, elle nous dit, et je pense qu'elle a raison là-dessus
concernant l'interprétation, que le tout, l'ensemble de ce nouveau noyau
est considéré suivant le projet de loi comme une famille. Dans un
tel cas, si le monsieur, la personne gagne des revenus tels qu'ils
disqualifient la famille de recevoir des prestations d'aide sociale, cela
équivaut dans les faits à une situation où le nouvel ami
de cette dame assume financièrement l'enfant qui n'est pas le sien.
Pour moi, la réponse à cela est double. D'abord, je pense
qu'il est évident que, suivant le droit commun, la femme dont le mari
est parti, qui est divorcée, gardera toujours un recours contre le
véritable père de l'enfant pour subvenir à ses besoins.
Indépendamment du concept développé dans la Loi sur l'aide
sociale, si le nouvel ami a des revenus substantiels qui font en sorte que la
nouvelle famille, entre guillemets, est exclue de l'aide sociale, cela ne
libère pas le père de son obligation financière. La
mère pourra toujours et devra d'ailleurs réclamer du vrai
père la protection financière requise pour subvenir aux besoins
de son enfant.
Deuxièmement, il n'est pas rare que le législateur, dans
différentes lois, crée des régimes qui, aux fins de ses
lois, soient distincts du droit commun, distincts du Code civil. Or, c'est le
cas de l'aide sociale pour certaines de ses dispositions, entre autres, dans le
cas auquel la députée de Maisonneuve a fait
référence. Pourquoi est-ce ainsi et est-ce juste et
équitable qu'il en soit ainsi? Pourquoi est-ce ainsi? Parce que, l'aide
sociale, tout le monde s'entend pour le dire, que ce soit l'Opposition ou le
gouvernement, c'est un régime de dernier recours. Or, si nous
étions dans une situation où, dans une nouvelle famille - entre
guillemets, pour que mes expressions soient compatibles avec celles de Mme la
députée de Maisonneuve - l'un des partenaires a des revenus
substantiels qui excluent sa conjointe et son enfant de l'aide sociale, il est
normal, dans le cadre d'un régime de dernier recours, que la conjointe
et son enfant n'aient pas recours à l'aide sociale; sinon, cela irait
à l'encontre du principe même d'un régime de dernier
recours. Si l'individu gagnait 25 000 $ ou x milliers de dollars et que,
malgré tout, on permettait à la conjointe de faire appel à
l'aide sociale - et j'arrive à ma deuxième raison - on arriverait
à une situation très inéquitable pour l'ensemble des
contribuables, d'une part, et on nierait aussi le concept de régime de
dernier recours.
Donc, cette situation ne serait pas équitable pour
l'ensemble des contribuables et, deuxièmement, ce ne serait plus un
régime de dernier recours. Dans plusieurs autres dispositions de la loi,
sous d'autres schèmes, on pourrait faire une brèche importante
dans le concept qui est à la base de tout régime d'aide sociale
dans nos sociétés industrielles, et, à cause de cela, on
ne pourrait pas le faire. Il est même souhaitable que l'on ait
instauré un tel régime d'exception par rapport aux règles
générales du Code civil.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Oui. C'est un bel effort, mais, franchement, je dois
vous le dire, M. le député de Chambly, vous fondez tout cela sur
le fait que cette aide de dernier recours permet n'importe quoi, y compris un
traitement différent basé sur la condition sociale. Sur quoi
repose le traitement différent, sinon sur le fait de demander de l'aide
de dernier recours? Et sur quoi repose l'aide de dernier recours, sinon sur le
fait d'être sans ressource? Voyez-vous, si la conjointe dont vous parlez
dans cette famille reconstituée a un enfant qui n'est pas celui de son
nouvel ami n'obtient pas ce qu'il faut pour entretenir son efant, elle n'aura
plus aucun recours parce qu'en vertu de nos lois civiles il n'y a pas
matière à obligation. Même le ministère ne pourrait
pas s'autoriser, comme il prétend le faire en matière de
contribution parentale, à envoyer un avis, une sorte de mise en demeure
réclamant du nouvel ami l'entretien d'un enfant dont il n'est pas le
père.
C'est une construction mentale que vous faites, mais qui n'ouvre
à aucun recours en droit. Notre législation sociale a pour
fondement les familles stables. C'est comme ça qu'on l'a pensée
il y a 25 ans, un peu après la deuxième guerre, quand on a
commencé à introduire l'ensemble de nos programmes de transfert.
Essentiellement, depuis la fin des années quarante, on l'a introduite
dans la perspective d'une société où la famille
nucléaire, ce n'était plus la famille... On a introduit d'abord
les pensions de vieillesse et les allocations familiales qui reposaient sur la
conception de familles stables. Et là, on continue à
échafauder au-dessus de cette... C'est comme si on était en train
de construire un gratte-ciel sur un terrain vaseux parce que la
société a changé complètement.
On n'en est pas à une incohérence près, et c'est ce
qui m'inquiète beaucoup. Ce qui m'inquiète beaucoup, c'est le
nivellement vers le bas. Par exemple, l'année de cohabitation qu'on
retrouvait dans le document d'orientation du ministre Paradis et qu'on retrouve
dans le projet de loi a été utilisée dans le budget du
ministre des Finances, Gérard D. Levesque, pour fonder une nouvelle
disposition qui sera en vigueur dans le prochain rapport d'impôt et qui
fait qu'une personne, chef de famille monoparentale, devra, dans le rapport
d'impôt, déclarer... Je ne parle
pas simplement des assistées sociales. Au contraire, les
personnes chefs de famille monoparentale qui travaillent, dans le rapport
d'impôt, et même avant le rapport d'impôt... C'était
même dans la déclaration que chaque personne travaillant à
l'Assemblée nationale devait remplir. Vous avez dû vous-même
en remplir une la semaine dernière pour faire valoir vos exemptions en
janvier prochain. Il y avait une clause que vous deviez remplir si vous
étiez chef de famille monoparentale, si la cohabitation était de
plus ou de moins d'un an. Ça va devenir la règle parce qu'on
l'introduit dans notre régime social. Les conséquences vont
suivre. C'est un bouleversement qui est créé, comme une secousse
sismique. Ça aura des répercussions partout et il y aura des
répercussions immédiates dans le rapport d'impôt.
La personne chef de famille qui travaille, après une cohabitation
d'un an, ne pourra plus déclarer son enfant au titre d'exemption pour
personne à charge, ce qu'elle pouvait faire auparavant, si la
cohabitation durait depuis plus d'un an. Si elle ne travaille pas, à
l'inverse, son conjoint ne pourra pas réclamer l'exemption pour personne
à charge, puisque c'est possible uniquement dans le cas du mariage. Si
elle travaille en plus, elle va devoir ajouter à ses revenus de travail
la pension alimentaire qui lui est versée comme un revenu de travail,
mais, si elle ne travaille pas et qu'elle est à l'aide sociale, elle ne
pourra pas considérer une partie, tout au moins, de cette pension qui
lui est versée comme un gain admissible. Cela foisonne de
contradictions. On n'en est pas à une incohérence près.
(20 h 45)
Le problème, c'est: Va-ton en ajouter de nouvelles? Va-t-on bien
crisper tout ça, renforcer tout ça et faire en sorte que le noeud
ne puisse plus se dénouer. Il n'y a pas de justification à ce que
nos lois discriminent sur la base de la condition sociale. Je conçois
très bien que l'aide, tant qu'on n'arrivera pas à un
crédit d'impôt adulte remboursable, soit une aide de dernier
recours qui commande un test de revenu et un test de besoin et que pour tout de
suite le test du revenu soit celui des conjoints. Mais la grande question est
une question sociale avant d'être une question juridique, d'où
l'importance de la définition de conjoints, parce que, considérer
comme conjointes des personnes qui cohabitent depuis un an et rendre
responsable le nouveau conjoint de la famille reconstituée de la charge
financière d'enfants dont il n'est pas le père, je mets au
défi quiconque de prétendre ici que cela n'a pas un effet
dissuasif sur la reconstitution des familles dans notre société.
Malheureusement - on aura peut-être l'occasion de poursuivre la semaine
prochaine - Je n'ai pas le dossier ce soir avec moi, mais les coûts
économiques et sociaux de la monoparentalité sont énormes.
Juste de mémoire, je sais que, lors d'un colloque récent qui a
tenu une douzaine de commissions sur des sujets différents, il a
été démontré notamment que le problème de la
délinquance chez les adolescents était extrêmement
important dans les familles monoparentales et que l'absence d'une figure
paternelle était un facteur d'une incidence importante. Je pense que le
député de Chambly a malheureusement tort de vouloir bâtir
la loi à l'aube de l'an 2000 sur une réalité des
années cinquante.
Le Président (M. Leclerc): M. le député de
Chambly.
M. Latulippe: Je suis un peu et beaucoup en désaccord avec
Mme la députée de Maisonneuve lorsqu'elle nous dit que la
réforme de l'aide sociale est basée sur le concept de la famille
stable - c'est la façon dont elle l'a décrite -
c'est-à-dire, j'imagine, de la famille nucléaire. La famille
stable...
Mme Harel: Non, non. Ce n'est pas dans ce sens-là. Le
conjoint alors.
M. Latulippe: J'ai écrit textuellement ce que que vous
avez dit. Vous avez dit que la réforme de l'aide sociale était
basée sur le concept de la famille stable. Je l'ai écrit
là, mot à mot.
Mme Harel: De relations conjugales stables, M. le
député de Chambly, si cela peut vous préciser mieux ma
pensée.
M. Latulippe: Vous avez longuement fait référence
au concept de la famille des années cinquante. Vous êtes revenue
à plusieurs occasions sur le terme famille nucléaire"; vous
l'avez vous-même employé. Moi, je pense que, tout au contraire, la
loi dans ses définitions mais aussi par ses définitions... Quand
on regarde la définition de conjoints, quand on regarde la
définition de famille, quand on regarde la définition ou le
contexte de la définition qui tourne autour du concept d'enfants
à charge, on se rend très rapidement compte que, justement, la
complexité - je suis un peu d'accord sur le fait que l'ensemble de ces
articles sont complexes - vient beaucoup du fait que l'on tente de
s'intéresser aux différentes situations familiales, entre
guillemets, nouvelles, autant la famille monoparentale que les
différents types de relations entre conjoints.
Donc, on s'est de beaucoup détaché, dans les
définitions, du concept de relations familiales stables telles qu'on les
vivait dans les années cinquante. Je pense que, bien au contaire, on a
tenté dans ces définitions d'adapter la loi aux nouveaux types de
relations entre hommes et femmes. Mais plus que cela, les barèmes qui
sont dans la loi ou dans la réglementation, les barèmes de
prestation, s'adaptent aussi aux nouveaux types de relations familiales, entre
guillemets. Vous avez une complexité dans les barèmes qui est due
au fait que la société a développé au fil des ans
des relations entre
hommes et femmes beaucoup plus complexes qu'il y a 20 ou 30 ans. Donc,
je suis en désaccord avec votre postulat de base.
Mme Harel: Qui est quoi déjà?
M. Latulippe: Vous avez dit que la réforme d'aide sociale
était basée sur le concept de famille stable. Vous avez
après fait référence aux familles nucléaires et
à la famille telle qu'on la vivait dans les années cinquante.
Vous avez beaucoup développé là-dessus.
Mme Harel: M. le Président.
Le Président (M. Leclerc): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: D'abord, un premier élément. Le
député de Chambly a l'air d'avoir oublié que dans
l'amendement sont maintenus les mots "sauf dans les cas
déterminés par règlement". Donc, c'est évident que
l'enfant pourrait dépendre d'un frère, d'une soeur, d'un oncle,
d'une tante, d'un grand-parent, puisque ce sont là de toute façon
des personnes définies dans le règlement. De toute façon,
avant qu'il nous rejoigne, le ministre avait déjà
déclaré que c'était son intention de reconduire ce
règlement à l'article 90, alinéa 2.
Donc, quant à cette question, c'est évident que ce que
l'amendement introduit, c'est que l'adulte, qui est autre que celui
décrit dans le règlement... Puisque le ministre vient de nous
dire qu'il reconduit le règlement, on tient sa parole pour acquise. Il y
aura donc des adultes autres: ceux qui seront définis dans le
règlement en vertu de l'article 90, deuxième alinéa,
considérés à la charge de leur père, de leur
mère. Il nous semble important, bien que je convienne avec le
député de Chambly que c'est à l'article 5, deuxième
paragraphe, que nous reviendrons sur la notion de famille, il nous semble quand
même important de bien préciser à l'article 3, dans le
cadre de l'amendement qu'on introduit, que, sauf dans les cas
déterminés par règlement, que l'on connaît, qui sont
ceux du frère, de la soeur, de l'oncle, de la tante, du grand-parent,
l'enfant est considéré comme dépendant pour sa subsistance
de son père, de sa mère, ou, s'il s'agit d'un autre adulte, de
l'adulte désigné par un jugement du tribunal. Cela nous semble
extrêmement important de bien le préciser dans la loi
elle-même. C'est le premier élément.
Ensuite le second. Je ne tiens pas tellement à m'amuser sur les
concepts avec le député de Chambly, mais il y a une chose qu'il
peut consentir à reconnaître, c'est qu'on ne peut plus maintenant
confondre famille et mariage. On peut s'entendre que la différence entre
les années cinquante et celles qui existent maintenant, ce n'est pas
qu'il n'y a plus de famille ni de mariage, c'est qu'il y a beaucoup de familles
reconstituées à la suite parfois d'un second mariage ou un
troisième mariage.
Alors, malheureusement, la complexité dans les barèmes
vient bien plus de l'hypercatégorisa-tion que l'on va retrouver et qui
nous ramène aux années cinquante avant le rapport Boucher, des
catégories a, b, c, d, e et f, temporaires, moins de douze mois,
inaptes, plus de douze mois, etc., qu'elles ne viennent... Je voudrais que le
député de Chambly m'écoute, parce que, si on voulait
véritablement en arriver à bien subvenir aux besoins des
personnes auxquelles on pense d'adresser, ce que l'on conviendrait comme
société, c'est que les conjoints se doivent subsistance entre
eux. On modifierait en conséquence notre Code civil pour que ce soit une
réalité juridique pour tous les conjoints, pas simplement ceux
qui sont pauvres, et on conviendrait que dans le cas des enfants, ils sont,
comme l'indique le Code civil, à la charge financière en
filiation, en termes d'obligation, de leurs parents, père et
mère, et, en cas d'absence de revenu versé par l'un ou l'autre ou
d'insuffisance de revenu, on conviendrait qu'il y a matière à une
allocation enfant qui soit du type de celle qui est examinée,
d'ailleurs, en Ontario, mais qui serait versée même dans le cas
où la mère n'en reçoit plus, étant entendu qu'elle
est dans une situation de cohabitation qui l'amène à partager sa
vie et à se faire entretenir, en fait - parlons clairement - par son
conjoint. Ce qui est aberrant, c'est de maintenir, dans le cadre de familles
reconstituées, en l'absence de véritable recours juridique
à l'égard de l'ami de la mère qui n'est pas le père
de ses enfants, une charge financière, puisque, si cette charge n'est
pas véritablement assumée, il n'y a aucun recours pour la faire
respecter. On ne peut pas donner des responsabilités... On ne peut pas
soustraire quelqu'un à un droit sans lui donner le recours de faire
valoir un autre droit. Il est évident que, présentement, il y a
une forme de discrimination dans l'application de nos lois sociales.
Le Président (M. Leclerc): Vous avez terminé, Mme
la députée de Maisonneuve?
Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Leclerc): Est-ce que M. le
député de Chambly...
Mme Harel: Le ministre, le ministre!
Le Président (M. Leclerc):... ou le ministre...
M. Bourbeau: M. le Président, quant à moi, je n'ai
rien à ajouter. Le député de Chambly a tellement bien
exposé la position gouvernementale précédemment qu'elle
est...
Mme Harel: Je vais vous demander de disposer de mon amendement,
M. le Président.
Le Président (M. Leclerc): Est-ce que le
député de Chambly désire encore prendre la
parole?
M. Latulippe: Oui, seulement un point...
Le Président (M. Leclerc): M. le député de
Chambly.
M. Latulippe:... c'est que, quand on regarde le texte de
l'article 3, on a les mots: "Sauf dans les cas déterminés par
règlement, sont considérés à la charge de leur
père, de leur mère ou, dans les cas prévus par
règlement... " Donc, l'article est balancé. Dans un cas, c'est
"sauf dans les cas déterminés par règlement"; plus loin,
c'est "dans les cas prévus par règlement". À la
première ligne, le concept qui est développé... "Sauf",
c'est exclusif, c'est pour exclure des personnes comme, dans le
règlement, on a, au paragraphe e, certains cas, le cas, par exemple, des
enfants qui gagnent beaucoup de revenus, qu'on ne considère pas pour ne
pas empêcher les parents de recevoir l'aide sociale. Mais plus loin, cela
devient inclusif: "dans les cas prévus par règlement"; là,
c'est pour ajouter des cas, comme on en parlait tout à l'heure, de
frères, de soeurs, de grand-pères et grand-mères. Donc, je
pense qu'au contraire, si vous maintenez votre amendement, vous restreignez la
portée des cas qui pourraient être inclus plutôt que
l'inverse.
Mme Harel: M. le Président, je pense qu'il serait plus
sage que nous cessions nos travaux à ce moment-ci. Le
député de Chambly a peut-être raison et cela me permettra
de revoir l'amendement avant que nous entamions nos travaux la semaine
prochaine.
Le Président (M. Leclerc): Bien.
M. Bourbeau: Si jamais on les entame.
Le Président (M. Leclerc): C'est ce que nous
souhaitons.
M. Latulippe:... un juge.
Le Président (M. Leclerc): Compte tenu de l'heure
et...
M. Bourbeau: Cela va prendre un ordre de la Chambre.
Le Président (M. Leclerc): Compte tenu de l'heure et de
l'entente qui a prévalu entre les partis, nous allons ajourner sine
die.
(Fin de la séance à 21 heures)