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Version finale

33rd Legislature, 2nd Session
(March 8, 1988 au August 9, 1989)

Friday, December 2, 1988 - Vol. 30 N° 48

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi 37 - Loi sur la sécurité du revenu


Journal des débats

 

(Onze heures quarante-neuf minutes)

Le Président (M. Bélanger): La commission permanente des affaires sociales reprend ses travaux afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 37, Loi sur la sécurité du revenu.

Avez-vous des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Blais (Terrebonne) sera remplacé par M. Chevrette (Joliette); M. Gervais (L'Assomption) sera remplacé par M. Polak (Sainte-Anne).

Objet

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Nous en étions à un sous-amendement du ministre à son amendement.

Mme Harel: Le ministre ne se fie pas à lui-même. Là, on est au sous-amendement du ministre sur l'amendement du ministre?

Le Président (M. Bélanger): II avait un amendement global, en quatre paragraphes, et il sous-amende un des paragraphes. Le deuxième paragraphe se lit comme ceci: "d'accorder cette aide en tenant compte du fait que les personnes qui présentent des contraintes sévères à l'emploi sont dans une situation différente de celle des personnes aptes au travail. "

Peut-on me dire combien il restait de temps à Mme la députée de Maisonneuve?

Une voix: Deux ou trois minutes.

Le Président (M. Bélanger): Trois minutes.

Du côté ministériel, je pense que M. le ministre avait encore cinq minutes sur le sous-amendement.

Mme Harel: Attendez, M. le Président. Si c'est un sous-amendement, c'est un sous-amendement qui a comme objet de remplacer le paragraphe 2°?

Le Président (M. Bélanger): Oui.

Mme Harel: À ce moment-là, on va revenir à l'amendement au paragraphe 2°?

Le Président (M. Bélanger): Au paragraphe 2°, oui.

Mme Harel: Qui sera le sous-amendement, s'il est adopté?

Le Président (M. Bélanger): C'est ça.

Mme Harel: Et on aura des droits de parole sur l'amendement?

Le Président (M. Bélanger): Oui.

M. Bourbeau: Vous en aurez, des droits de parole. Voyons donc!

Le Président (M. Bélanger): Vous vous en venez bien!

Une voix: Vous savez qu'on ne vous brime jamais.

M. Bourbeau: On ne veut pas vous priver de votre parole, Mme la députée de Maisonneuve, voyons!

Le Président (M. Bélanger): Non, mais cela va bien; au niveau de la procédure, vous l'avez.

Mme Harel: Je constate que le ministre se "filibuste".

M. Bourbeau: Est-ce qu'on va faire évacuer la salle, M. le Président?

Le Président (M. Bélanger): Donc, sur ce sous-amendement, y a-t-il d'autres interventions? Mme la députée de Maisonneuve, il vous reste deux minutes.

Mme Harel: Le ministre préfère-t-il la contestation à l'intérieur ou à l'extérieur du parlement?

M. Bourbeau: M. le Président, il serait difficile d'avoir de la contestation à l'intérieur, puisqu'il n'y a absolument aucun spectateur dans la salle présentement, sauf peut-être un garde du corps ou des fonctionnaires.

Mme Harel: Alors, est-ce qu'on doit conclure que le ministre va applaudir à celle qui vient de l'extérieur du parlement? Est-ce qu'il a pris connaissance, incidemment, des communiqués de presse des centrales syndicales...

M. Bourbeau: On doit conclure, M. le Président, que...

Mme Harel:... blâmant sévèrement sa dernière approche en matière de sécurité du revenu?

M. Bourbeau: Ce qu'on doit conclure, c'est que la réforme de l'aide sociale ne soulève pas beaucoup de réprobation dans la population, M. le Président, on le voit ici ce matin.

Mme Harel: Le ministre s'attend-il à ce que ce soit ici que ça se passe? Est-ce qu'il faut que

les gens viennent ici? Est-ce que c'est une invitation?

Le Président (M. Bélanger): Je souhaiterais qu'on n'écoule pas le temps...

Mme Harel: Est-ce que c'est une invitation à la contestation, dans le parlement?

Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'on pourrait s'en tenir à l'amendement, s'il vous plaît? Il nous reste, Mme la députée de Maison-neuve, une minute.

Mme Harel: Je n'ai pas parlé sur l'amendement, M. le Président; c'est une demande de directive. Je voulais savoir si c'était le sous-amendement...

Le Président (M. Bélanger): Non, non, ce n'était pas une demande de directive. On va le mettre sur le compte du badinage, mais, s'il vous plaît, on s'en tient à l'amendement et on revient à nos travaux. D'accord?

M. Bourbeau: Revenons à nos moutons.

Le Président (M. Bélanger): On vous laisse vos deux minutes.

Mme Harel: J'aurai l'occasion de faire connaître au ministre les réactions des centrales syndicales qu'il accusait de silence, hier, et de mutisme. Alors, il va se rendre compte qu'elles ont parlé. Elles ont parlé fort, elles vont continuer de parler fort.

M. Bourbeau: Je ne les ai accusées de rien du tout, M. le Président. La députée de Maison-neuve est dans l'erreur. Je n'ai accusé les centrales de rien du tout, absolument pas. Je mets au défi la députée de me dire où et quand j'ai accusé les centrales de quoi que ce soit.

Mme Harel: Dans le Journal des débats, hier; ce sera bien simple de le retrouver. Vous avez simplement signalé que les centrales étaient silencieuses. Moi, je vous dis que vous ne lisez pas les déclarations, M. le ministre, qui se font à l'extérieur de cette salle, parce que vous allez vous rendre compte que le tumulte est très élevé.

Le Président (M. Bélanger): Sur le sous-amendement, s'il vous plaît.

Mme Harel: Alors, sur le sous-amendement, est-ce que le ministre a fait profiter les heures qui nous séparent de nos travaux d'hier pour améliorer son sous-amendement ou est-ce qu'on se trouve en face du même texte de sous-amendement?

M. Bourbeau: M. le Président, nous avons proposé, hier, un sous-amendement pour améliorer le paragraphe 2° de l'amendement que nous avions proposé à l'article 1. Nous avons longuement réfléchi à la question au cours des dernières heures et durant la nuit, et le texte que nous avons déposé nous apparaît toujours comme étant extrêmement valable. Je ne vois pas pourquoi on retirerait ce texte-là qui nous paraît être la meilleure version qu'on puisse faire de l'idée que nous voulons véhiculer.

Le Président (M. Bélanger): Est-ce qui y a d'autres interventions sur ce sous-amendement? Est-ce que le sous-amendement est adopté?

M. Bourbeau: Adopté. Mme Harel: Sur division.

Le Président (M. Bélanger): Adopté sur division.

Nous revenons donc à l'amendement à l'étude. Il nous restait..

Mme Harel: Concernant l'amendement, M. le Président, j'aurais un sous-amendement à présenter.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Je vais vous le rédiger, puisque nous venons à l'instant même d'adopter sur division le sous-amendement du ministre. Le sous-amendement consiste à modifier le paragraphe 2° du deuxième alinéa... Non, le deuxième...

Le Président (M. Bélanger): On va suspendre quelques instants pour le formuler.

(Suspension de la séance à 11 h 55)

(Reprise à 11 h 57)

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve, nous vous écoutons.

Motion de sous-amendement Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, compte tenu du sous-amendement introduit par le ministre à son propre amendement qui fait référence à un tout nouveau concept, celui 'des contraintes sévères à l'emploi", qui ne se trouve absolument pas décrit dans l'amendement maintenant modifié, j'introduis le sous-amendement suivant: Ajouter, à ta deuxième ligne du deuxième paragraphe de l'amendement sous-amendé - ça va bien, M. le ministre; franchement, c'est comme si vous tourniez en rond vous-même - après les mots de l'amendement "sévères à l'emploi", les mots

suivants: "compte tenu d'un état physique ou mental altéré pour une durée vraisemblablement permanente ou indéfinie ou compte tenu de caractéristiques socioprofessionnelles faibles" puisque les contraintes doivent être "sévères".

Je relis: Ajouter à la deuxième ligne du deuxième paragraphe de l'amendement sous-amendé, après les mots de l'amendement "sévères à l'emploi... " Alors, je biffe de l'amendement. Ce serait simplement après les mots "sévères à l'emploi", les mots suivants: "compte tenu d'un état physique ou mental altéré pour une durée vraisemblablement permanente ou indéfinie ou compte tenu de caractéristiques socioprofessionnelles faibles". Évidemment, le reste de la phrase reste tel quel, c'est-à-dire tel que sous-amendé par le ministre par son propre amendement.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, on vous entend sur le fond.

Mme Harel: M. le Président, il ne faut jamais oublier que nous avons entamé l'article 1 qui se lisait tout simplement ainsi: "Sont institués les programmes Soutien financier, Actions positives pour le travail et l'emploi et Aide aux parents pour leurs revenus de travail". Le ministre a délibérément et volontairement introduit des objectifs à chacun de ces programmes. Un des objectifs qu'il introduit présentement, c'est celui d'accorder l'aide de ces programmes en tenant compte que des personnes "présentent des contraintes sévères à l'emploi. "

Encore là, M. le Président, faut-il comprendre que ça ne veut rien dire si on ne signifie pas ce que représentent ces "contraintes sévères à l'emploi. " Cela veut tout dire et, quand ça veut tout dire, c'est parce que ça ne veut rien dire. Il n'y a aucun concept qui s'appelle "contraintes sévères à l'emploi" auquel le ministre a pu me référer dans aucune des lois existantes. Les termes du dictionnaire sont insuffisants pour nous expliquer clairement ce que signifient les "contraintes sévères à l'emploi". Si ça n'est pas défini, c'est l'introduction d'une interprétation arbitraire, discrétionnaire qui devrait au moins se faire par règlement. Sinon, c'est un objectif à des programmes qui va permettre de distinguer sur des critères qui sont vagues et flous. Je ne serais pas surprise que, même le Comité de législation soit en désaccord avec de telles pratiques législatives.

Alors, M. le Président, ou bien le ministre est conséquent quand il prétend qu'il faut que ces programmes tiennent compte du fait que des personnes présentent des "contraintes sévères à l'emploi. " À ce moment, qu'il les définisse, ces "contraintes sévères à l'emploi. " Sinon, l'expression "contraintes sévères à l'emploi" pourrait donner lieu, évidemment, à des interprétations multiples. Vous-même, M. le député de Laval-des-Rapides, avez donné des exemples fort éloquents hier des interprétations auxquelles ça pourrait donner lieu.

Alors, nous introduisons un sous-amendement disant que ces "contraintes sévères à l'emploi" doivent être évaluées à la lumière de deux tests, soit celui de "l'état physique ou mental altéré pour une durée vraisemblablement permanente ou indéfinie" ou celui de "caractéristiques socioprofessionnelles faibles. "

Le ministre nous a dit qu'il allait bannir du projet de loi 37 l'expression "inapte", qu'il avait une série d'amendements sur ses 75... il va falloir en introduire beaucoup, étant donné que tout le projet de loi sur la sécurité du revenu reposait sur l'inaptitude des gens plutôt que sur leur aptitude. C'était dans le programme d'inaptitude que le gouvernement faisait connaître sa générosité à l'égard d'une catégorie de personnes dans notre société.

Le ministre nous a dit hier - je ne pense pas me tromper - quand il nous a signalé qu'il allait déposer une série d'amendements pour biffer le mot inapte: II n'y en a plus d'inaptes. Il y a des gens "qui présentent des contraintes sévères à l'emploi. " C'est ce qu'on lit dans l'amendement à l'article 7 présenté par le ministre. Ce ne sont plus des personnes inaptes. Ce sont des "personnes qui présentent des contraintes sévères à l'emploi. "

Le fait de présenter "des contraintes sévères à l'emploi" non seulement ne les rend pas inaptes, mais le ministre a même signalé qu'elles pourraient gagner des revenus de travail. Quand on regarde le tableau des gains admissibles, on se rend compte que les personnes qui seraient inscrites au programme Soutien financier où on retrouvait les inaptes - mais on ne les y retrouvera plus parce qu'elles ne seront plus là; il n'y aura plus d'inaptes là, il y aura "des contraintes sévères" - vont avoir droit à des gains admissibles plus importants que celles qui sont, par exemple, participantes à des programmes ou à des mesures d'employabilité ou aux mesures d'aide à l'emploi ou à des travaux communautaires ou à des stages en entreprise.

C'est qu'elles ne sont pas inaptes. Si elles étaient inaptes, c'est évident qu'elles n'auraient pas, en vertu de la loi, la possibilité de gagner des gains de travail. Donc, elles vont avoir la possibilité de garder des gains de travail vu qu'on leur accorde la possibilité de travailler parce qu'elles ne sont pas inaptes. Elles ont seulement "des contraintes sévères à l'emploi. "

Là il faudrait que les mots aient un sens. Ce ne sont pas des personnes inaptes. On ne les qualifie plus d'invalides, on ne leur fait plus passer le test de l'invalidité qui consiste à prouver qu'on n'est pas capable d'occuper un emploi, on élargit sans, par exemple, reconnaître la définition contenue dans le document d'orientation, mais on définit différemment, avec l'amendement. Cette définition, dit-on, va être plus généreuse, elle va pouvoir s'adresser à un plus grand nombre de personnes parce qu'on ne les considérera plus inaptes au sens de l'invalidité, on va concevoir qu'elles puissent

travailler, qu'elles auront des gains de travaP admissibles, des gains de travail de 100 $ par mois, plus importants qu'une personne de 55 ans qui a travaillé toute sa vie et qui va être déclarée non disponible; pace qu'à 55 ans, si elle est seule, elle va avoir droit à 57 $ par mois. Mais la personne au Soutien financier, qui a des contraintes sévères à l'emploi, elle va avoir droit de garder 100 $ par mois, le double. Donc, ces contraintes sévères à l'emploi, ce ne sont pas des personnes inaptes, ce ne sont pas non plus des personnes qui ne peuvent pas gagner un revenu de travail, elles peuvent travailler, il faut quelque part les définir.

M. le Président, j'arrête Ici et j'attends les explications du ministre.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, est-ce qu'on nous a distribué l'amendement proposé par la députée?

Le Président (M. Bélanger): II est à la photocopie.

M. Bourbeau: Alors, c'est bien difficile de discuter d'un amendement tant qu'on n'a pas vu le texte. On va attendre de voir le texte pour en discuter.

Le Président (M. Bélanger): Bien, on va suspendre quelques minutes.

Mme Harel: On peut continuer, M. le Président, je suis plutôt partie pour avancer aujourd'hui.

M. Bourbeau: Ah oui! Voilà une bonne manifestation...

Mme Harel: Je ne voudrais pas que le ministre...

M. Bourbeau:... d'intention.

Mme Harel:... nous arrête par des sous-amendements permanents sur ses propres amendements.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: M. le Président, la députée de Maisonneuve doit réaliser que l'amendement que nous avons proposé et qui est composé de quatre sous-amendements est, en fait - je ne le lui apprends pas - un genre de préambule. On aurait aussi bien pu choisir d'introduire ces quatre paragraphes dans une sorte de préambule au projet de loi. Cela se faisait beaucoup autrefois, cela se fait moins maintenant, mais, dans des lois d'une très grande importance, il était coutume, naguère, d'Introduire comme ça des préambules. Si je ne m'abuse, d'autres Parlements utilisent assez fréquemment ce genre de technique législative.

Nous avons choisi d'introduire ces objets, non pas en préambule, mais dans l'article 1. Évidemment, comme ce sont des paragraphes qui décrivent les objectifs de la loi, I n'est pas coutume dans ce genre de loi, dans cette technique législative d'aller dans les détails. On décrit les grands objectifs de la loi dans des paragraphes ou des articles semblables et, subséquemment, dans la loi, on va un peu plus en profondeur et on définit ce qu'on a voulu dire dans les objectifs. Or. l'amendement de la députée vise, dès le premier paragraphe, à faire en sorte que, dans les objectifs, dans les objets de la loi, on entre Immédiatement dans la plomberie, si je peux m'exprimer ainsi, ce qui n'est pas coutumier dans ce genre d'article. Ce que je dis à la députée, c'est qu'il est préférable de garder l'article 2 dans sa forme actuelle, en te conservant avec les mots qui lui ont été assignés, et on reviendra plus tard quand on sera rendu à étudier l'article 7 sur la définition de l'inaptitude où on précisera davantage.

Maintenant, une autre observation que je voudrais faire, on vient de me remettre le texte du sous-amendement de la députée de Maison-neuve. Elle voudrait, dans son texte, qu'on indique... M. le Président, je vais être obligé de le regarder attentivement parce que c'est écrit à la main: "compte tenu d'un état physique ou mental altéré pour une durée vraisemblablement permanente ou indéfinie ou compte tenu de ses caractéristiques socioprofessionnelles fables. ' Voilà, M. le Président, un changement majeur par rapport à la définition que nous avons l'intention d'introduire à l'article 7. La députée de Maison-neuve, sciemment ou non - je soupçonne que cela doit être sciemment - vient d'ouvrir une immense porte, je dirais qu'elle vient d'ouvrir les vannes à l'introduction dans le groupe non plus des inaptes ou des non-employables mais de ceux qui ont des contraintes sévères à remploi; elle vient de faire pénétrer par cette porte-là tous ceux qui n'auraient aucun problème de santé physique ou mentale en employant le mot "ou" plutôt que le mot 'et" que nous avons dans notre définition. La députée fait en sorte que, dorénavant, pourraient faire partie de ce groupe du programme Soutien financier les personnes qui n'auraient que des problèmes ou une situation socioprofessionnelle fragile. Alors, à ce moment-là, M. le Président, c'est à peu près tous les gens à l'aide sociale qui pourraient être catalogués dans le groupe de ceux qui sont admissibles au programme Soutien financier puisqu'on n'aurait plus besoin de tenir compte de la condition médicale et que pratiquement tous ceux qui sont à l'aide sociale pourraient entrer d'emblée dans la catégorie du programme Soutien financier. Ce n'est pas notre intention de le faire. Alors, pour ces deux raisons-là, M. le Président, vous comprendrez que je ne suis pas capable d'accepter de voter en faveur du sous-

amendement de la députée de Maisonneuve.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Je vais faire une proposition au ministre puisqu'il a utilisé l'argument d'une introduction dans un style de préambule en disant que, dans ce type de rédaction, il n'y avait pas de caractère précis, mais beaucoup plus des objectifs plus généraux. C'était bien là le point de vue exprimé par le ministre et cela fait partie de son premier argument pour rejeter mon sous-amendement comme étant trop précis. Je voudrais inviter le ministre à faire lecture de son propre amendement pour qu'il se rende compte qu'il pourrait être acceptable que je retire mon sous-amendement et que nous discutions à l'amendement qui sera introduit à l'article 7 de cette définition des personnes qui auront accès au programme Soutien financier, mais lui-même, pour autant, devrait retirer les mots "sont dans une situation différente de celle des personnes aptes au travail" parce que cela introduit précisément un degré de précision, cela introduit exactement ce qu'il reproche à mon sous-amendement d'introduire.

Nous en sommes à l'étape des objectifs. Si le ministre me dit se satisfaire du fait que les programmes doivent accorder l'aide en tenant compte du fait que des personnes présentent des contraintes sévères à l'emploi et qu'il se satisfait de cet objectif en ne voulant pas à l'avance, justement pour les mêmes raisons qu'il a invoquées, préciser que celles-là sont dans une situation différente de celle d'autres personnes, à ce moment-là, je peux accepter son argument. Sinon, son argument est évidemment trop sélectif. Il ne l'applique qu'à mon propre sous-amendement sans se rendre compte que lui-même, par son amendement est tombé dans ce piège de vouloir au niveau des objectifs préciser les programmes, mais les préciser les uns par rapport à d'autres. Si le ministre a comme objectif d'accorder l'aide en tenant compte du fait que des personnes présentent des contraintes sévères à l'emploi pour que, au moment opportun, on définisse quelles sont ces personnes et qu'on détermine si elles sont dans la même situation que d'autres, cela, je le veux bien. Mais si, à ce stade-ci où nous précisons des objectifs, il commence la polémique de décider si elles sont ou non dans la même situation, je trouve que c'est un peu, disons, excessif que d'invoquer des arguments sans voir que lui-même est tombé dans le panneau. (12 h 15)

M. Bourbeau: M. le Président, je n'ai justement pas l'intention de tomber dans le panneau. La députée devrait réaliser que ce paragraphe a été introduit pour faire la différence entre les deux programmes. Il y a le programme Soutien financier pour une certaine catégorie de prestataires et le programme APTE pour une autre catégorie de prestataires. Nous voulons justement faire en sorte de bonifier l'aide accordée à ceux qui sont dans le programme Soutien financier par rapport à ceux qui sont dans le programme APTE. Donc, je ne pense pas que je sois en train d'identifier à ce point les prestataires, mais je pense qu'on est en train de préciser certaines choses. Et, en rédigeant l'article ainsi, on précise justement que les gens qui auront des contraintes sévères à l'emploi pourront faire partie d'une catérogie qui fera l'objet d'une plus grande sollicitude de la part de l'État par rapport à ceux qui sont dans une autre catégorie.

Mme Harel: M. le Président, c'est évident que le ministre a utilisé un argument qui est de mauvaise foi, puisque lui-même vient de dire que cela précise le deuxième paragraphe.

M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que c'est parlementaire, cela? M. le Président, la députée vient de m'accuser d'être de mauvaise foi; je pense que...

Mme Harel: Non. Alors, je vais retirer mes paroles, M. le Président. S'il est de bonne foi, c'est parce qu'il n'a pas compris que la nature de ce qu'il reprochait à mon sous-amendement est similaire à celle qu'il introduit par son amendement. Les objectifs d'un programme consistent à les poursuivre en tant que tels et non pas à établir les distinctions entre les programmes dans des préambules, si c'était là l'objectif du ministre. Si le ministre a comme objectif de donner une aide accrue à des personnes qui présentent des contraintes sévères à l'emploi, c'est évident qu'il est excessif de vouloir tout de suite, dans le préambule, commencer à définir en quoi ces personnes seront différentes d'autres. Là, on n'est plus dans les objectifs, on est dans les modalités. Et le ministre a beau ne pas vouloir le reconnaître, c'est tellement évident que son refus de le reconnaître n'est peut-être pas de la mauvaise foi, mais c'est sans doute que le ministre, de toute façon, utilise des arguments de polémique dans ses objectifs. Pourquoi avoir lui-même introduit ces arguments? Un préambule ne donne pas lieu à des arguments polémiques. Un préambule établit des objectifs et ce sont les articles subséquents qui viennent les définir, les préciser. Alors, c'est bien évident que le ministre, délibérément, cherche à détourner les objectifs du préambule pour immédiatement amener la commission à se prononcer sur des modalités de ces programmes. Je trouve cela regrettable. Ce n'est pas la place. Et, si le ministre avait voulu travailler sérieusement, de façon plus accélérée, ce n'est pas comme cela qu'il aurait procédé. C'est bien évident que la façon dont il procède, c'est exactement celle qui provoque la controverse. Alors, le ministre a tout simplement ce qu'il recherche.

M. le Président, dans la mesure où le ministre introduit un niveau de précision prétendant régler la question des personnes aptes dans son préambule, je pense qu'on va devoir régler celles qui ont des contraintes sévères à l'emploi et définir qui elles sont.

M. Bourbeau: M. le Président, je ne vois pas pourquoi la députée de Maisonneuve m'accuse de vouloir susciter la polémique. Mes intentions sont les plus pacifiques possible. Et je ne vois pas en quoi la députée de Maisonneuve peut voir quelque provocation que ce soit dans la rédaction du sous-amendement 2° de l'article 1. Je pense que cette phrase est tout à fait dénuée de quelque provocation que ce soit. Et la seule polémique qui existe, c'est celle qui est suscitée par la députée de Maisonneuve qui voit dans un texte qui est, somme toute, inoffensif des raisons de déchirer ses vêtements en public. Je ne vois pas en quoi ce texte peut susciter de la polémique. Je référerai la députée de Maisonneuve à certains des amendements qu'elle a elle-même déposés hier et avant-hier et qui suscitaient beaucoup plus la controverse que l'amendement qu'on a devant nous aujourd'hui.

Mme Harel: M. le Président, c'est certainement l'aveuglement du ministre, qui continue de ne rien voir, qui va nous donner un texte législatif comme celui que le gouvernement va autoritairement décider d'adopter. Alors, je vous demanderais de mettre aux voix mon sous-amendement, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Alors, j'appelle le sous-amendement présenté par Mme la députée de Maisonneuve et qui se lit comme suit: "compte tenu d'un état physique ou mental altéré pour une durée vraisemblablement permanente ou indéfinie ou compte tenu de ses caractéristiques socioprofessionnelles faibles. " Est-ce bien ça? Est-ce que le sous-amendement de Mme la députée de Maisonneuve est adopté?

Mme Harel: Adopté.

M. Bourbeau: Rejeté, M. le Président.

Mme Harel: Aux voix, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Vous vouiez un appel du vote? Bien. Alors, M. le ministre Bourbeau (Laporte)?

M. Bourbeau: Contre, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Contre. M. Bélanger (Laval-des-Rapides)? Contre. M. Polak (Sainte-Anne)? Il n'est pas là. M. Latulippe (Chambly)?

M. Latulippe: Contre.

Le Président (M. Bélanger): Contre. M. Leclerc (Taschereau)?

M. Leclerc: Contre.

Le Président (M. Bélanger): Mme Legault (Deux-Montagnes)?

Mme Legault: Contre.

Le Président (M. Bélanger): M. Sirros (Laurier)? M. Thuringer (Notre-Dame-de-Grâce)?

M. Thuringer Contre.

Le Président (M. Bélanger): M. Joly (Fabre)?

M. Joly: Contre.

Le Président (M. Bélanger): Mme Harel (Maisonneuve)?

Mme Harel: Pour.

Le Président (M. Bélanger): Pour. Alors, le sous-amendement est rejeté.

J'appelle donc l'amendement. Nous revenons donc à l'amendement premier. Nous avons étudié les paragraphes 1°, 2" et 3°. Nous en sommes au paragraphe 4° qui se lit comme suit: "de fournir un apport financier supplémentaire aux familles à faible revenu qui ont des enfants à charge et dont au moins un adulte est sur le marché du travail. " Est-ce qu'il y a des interventions sur le paragraphe 4°?

Mme Harel: Le paragraphe 4°? J'en suis toujours au paragraphe 2°. On vient de prendre le vote sur mon sous-amendement, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Mais I vient d'être battu.

Mme Harel: Oui. On revient à l'amendement du ministre.

Le Président (M. Bélanger): II est adopté.

Mme Harel: Comment ça? On vient juste de disposer du sous-amendement.

Le Président (M. Bélanger): Vous avez raison. J'ai sauté une étape.

Mme Harel: Aie! Aie!

Le Président (M. Bélanger): Vous avez tout à fait raison.

Mme Harel: Bien sûr!

Le Président (M. Bélanger): Est-ce que l'amendement... Excusez-moi et c'est vraiment...

Mme Harel: Ce n'est pas grave.

Le Président (M. Bélanger): Non, non, vous êtes vigilante. Excusez-moi.

Mme Harel: Ce n'est pas grave.

Le Président (M. Bélanger): Parce qu'on aurait eu un problème dans les rapports. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le paragraphe 2° de l'amendement proposé par M. le ministre, tel que proposé?

Motion de sous-amendement

Mme Harel: Oui. M. le Président... Le Président (M. Bélanger): Oui.

Mme Harel:... j'aimerais proposer en sous-amendement que l'on biffe, à la deuxième ligne du deuxième paragraphe de l'amendement sous-amendé, les mots "sont dans une situation différente de celle des personnes aptes au travail".

Le Président (M. Bélanger): Alors, vous dites: "d'accorder cette aide en tenant compte du fait que des personnes... "

Mme Harel: "... que des personnes présentent des contraintes sévères à l'emploi. " Alors, l'amendement consiste à biffer les mots "sont dans une situation différente de celle des personnes aptes au travail" pour que le paragraphe se lise "d'accorder cette aide en tenant compte du fait que des personnes présentent des contraintes sévères à l'emploi. "

Le Président (M. Bélanger): Juste un instant, je veux "débugger" quelque chose. Cela va. C'était juste parce que j'avais marqué "sur division".

Mme Harel: D'accord.

Le Président (M. Bélanger): Donc, il était adopté, mais comme sous-amendement. Il n'est pas adopté comme amendement encore. Vous avez raison.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, pour les raisons que le ministre invoquait, dans la mesure où ce qui est introduit, ce sont des objectifs généraux, des objectifs qui ne doivent pas préciser les modalités, ni préciser en quoi ces objectifs sont ou ne sont pas soutenus par les différents programmes, en fait, tout ce que les amendements à ce stade-ci devraient faire à l'article 1, c'est préciser les objectifs des programmes et non pas ce que ces programmes ne sont pas, mais bien plus les objectifs que poursuivent ces programmes. Je vous indique que, par la formulation du paragraphe 2° dans l'amendement du ministre, ce dernier introduit précisément une définition qui a un degré de précision qui est inutile à ce stade-ci puisque ça nous engagerait à décider de ce que ne serait pas le programme des personnes aptes au travail. C'est beaucoup trop tôt. C'est prématuré. Cela présume, M. le Président, de ce que la commission aura à décider pour les chapitres à venir. Le ministre prétend que cette formulation ne vient pas nous engager à l'avance dans les modalités des programmes. C'est tout à fait invraisemblable qu'il puisse maintenir une position comme celle-là. Pourquoi ne pas parler du programme APPORT? Le paragraphe donne comme objectif aux trois programmes, Soutien financier, APTE et APPORT... C'est bien là l'article 1 du projet de loi d'instituer des programmes qui doivent poursuivre des objectifs et ces objectifs consistent à tenir compte des contraintes sévères à l'emploi, mais le ministre nous introduit un degré de précision qui est inconvenant à ce stade-ci en précisant que ces contraintes sévères à l'emploi seront celles de personnes qui sont dans une situation différente de celles qui sont aptes. Est-ce que ce sera le cas aussi pour celles qui sont dans une situation différente de celles qui sont sur le programme APPORT? Pourquoi le ministre omet-il, alors, le programme APPORT? Pourquoi le précise-t-il avec le programme APTE et omet de le signaler en regard du programme APPORT qui est pourtant un programme de retour à l'emploi qui pourra aussi être utilisé par des personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi?

Cela m'apparaît évident, M. le Président, que ce que recherche le ministre à ce stade-ci, c'est de devancer nos travaux, c'est de présumer de ce que la commission aura à décider sur l'ensemble des programmes. En termes parlementaires, c'est vraiment excessif, cette volonté que le ministre manifeste de prétendre immédiatement introduire dans un préambule à l'article 1, par un amendement, des modalités de programmes qui sont déplacées à ce stade-ci. Pour cette raison, M. le Président, je vous invite à disposer de mon amendement.

Le Président (M. Bélanger): Sur l'amendement de Mme la députée de Maisonneuve, est-ce qu'il y a d'autres interventions?

M. Bourbeau: M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Bourbeau: Cela revient exactement à la même chose. Le débat sur ce sous-amendement est le même que celui que nous avons fait tout à l'heure. J'ai déjà dit, tout à l'heure, ce que j'avais à dire sur cette question et je suis d'accord qu'on passe au vote le plus tôt possible.

Mme Harel: M. le Président, je vois que, pour le ministre, les jeux sont faits de toute façon et qu'il n'a même pas le bon sens intellectuel de reconnaître que les arguments qui valaient quant au degré de précision de mes sous-amendements valent certainement quant au degré de trop grande précision de son propre amendement. Si je comprends bien, nous siégeons pour la forme parce que le ministre a déjà, lui, décidé comment ça allait se passer. (12 h 30)

M. Bourbeau: M. le Président, vous permettez?

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, M. le ministre.

M. Bourbeau: Je n'accepte pas les propos de la députée de Maisonneuve. Si la députée de Maisonneuve fait la moindre recherche sur mon passé parlementaire elle va se rendre compte que je ne suis pas de ceux qui refusent systématiquement d'accepter des amendements de l'Opposition, contrairement à certains de vos collègues du temps que vous étiez au pouvoir qui ne voulaient absolument jamais regarder quelque amendement que ce soit venant de l'Opposition.

J'ai toujours dit la même chose, M. le Président. Depuis que j'exerce des fonctions ministérielles, je suis prêt à regarder tous et chacun des amendements qui sont proposés par chacun des parlementaires, d'ailleurs, de quelque côté de la table qu'ils soient. Si on me propose un amendement de nature à améliorer le projet de loi, je puis vous assurer que non seulement je vais le considérer, mais que je vais même le retenir. Or, dans le cas présent, la députée de Maisonneuve ne doit pas faire une crise parce que nous n'acceptons pas son amendement. Je lui ai expliqué tout à l'heure pourquoi nous n'étions pas d'accord avec elle sur le bien-fondé de cet amendement, ce qui ne préjuge en rien du sort que pourraient connaître les amendements qu'elle voudra bien nous présenter dans l'avenir.

Mme Hard: M. le Président, je vais juste signaler au ministre que ses propos ne me rassurent pas justement parce que j'ai fait enquête sur son passé et son passé n'est pas vierge. Il a plutôt un lourd passé en regard des travaux parlementaires en commission. J'aimerais mieux qu'il n'invoque pas ce passé parce que je vais devoir lui dévoiler ce qu'en pense l'Opposition et ça ne lui fera vraiment pas plaisir. Je ne veux certainement pas lui faire de la peine ce matin.

M. Bourbeau: Je n'ai aucune objection à comparer la virginité de mon dossier avec celui de la députée de Maisonneuve. Je rappellerai que la vertu qui fait du tapage n'est déjà plus de la vertu.

Le Président (M. Bélanger): Oh! Avant de sombrer plus loin dans la philosophie, sur le sous-amendement.

Mme Harel: Adopté.

Le Président (M. Bélanger): Est-ce que le sous-amendement est adopté?

M. Bourbeau: Est-ce que vous pouvez le relire, M. le Président? Avant de voter, on aime toujours être sûr.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, le sous-amendement de Mme la députée de Maison-neuve se lit comme suit: 1° Supprimer à la deuxième ligne du deuxième paragraphe de l'amendement sous-amendé, après les mots "sévères à l'emploi", les mots suivants: "sont dans une situation différente de celle des personnes aptes au travail". Donc, on supprime ça et on remplace à la première ligne du deuxième paragraphe de l'amendement sous-amendé le mot les" par "des" et on supprime le mot "qui".

Mme Harel: Adopté.

M. Bourbeau: Rejeté, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Cet amendement est-il adopté?

M. Bourbeau: Rejeté.

Le Président (M. Bélanger): Rejeté. Alors, c'est rejeté. J'appelle donc maintenant... Nous revenons au paragraphe 2° de l'amendement tel que sous-amendé. Est-ce que cet amendement tel que sous-amendé est adopté?

Mme Harel: Sur division.

Le Président (M. Bélanger): Sur division. Bien. Alors, nous passons au paragraphe 4°, c'est le dernier qui nous reste: 'de fournir un apport financier supplémentaire aux familles à faible revenu qui ont des enfants à charge et dont au moins un adulte est sur le marché du travail. '

Sur ce quatrième paragraphe, est-ce qu'il y a des interventions?

Mme Harel: Le ministre veut peut-être... Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président j'ai déjà fait toutes les interventions que j'avais à faire quant à l'ensemble de ces quatre paragraphes. Quant à nous, on est prêts à prendre le vote.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur ce quatrième paragraphe?

Mme Harel: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Motion de sous-amendement Mme Louise Harel

Mme Harel: Malheureusement, l'amendement du ministre ne nous permet pas de connaître exactement la volonté du ministre en matière d'aide aux familles à faible revenu qui sont sur le marché du travail. J'aimerais introduire un sous-amendement qui se lirait comme suit: Remplacer le paragraphe 4° par le suivant: "de fournir, sous forme de crédit d'impôt-enfant remboursable, un apport financier supplémentaire aux familles à faible revenu qui ont des enfants à charge et dont au moins un adulte est sur le marché du travail. "

Le Président (M. Bélanger): Bien. Est-ce qu'il y a des commentaires? Est-ce que quelqu'un désire intervenir sur le sous-amendement proposé par Mme la députée de Maisonneuve?

Mme Harel: M. le Président, l'objectif d'un apport financier supplémentaire aux familles à faible revenu est d'abord que cette aide leur parvienne. Je voudrais rappeler au ministre que les meilleures intentions du monde finissent malheureusement par tomber dans l'inaction, dans des programmes inefficaces et, peut-être plus dangereusement, qui sont de nature a élargir les contrôles sur les populations.

Un objectif d'un apport financier supplémentaire à des familles à faible revenu qui n'est pas assorti du moyen pour y arriver laisse ouverte la possibilité de contrôler les familles à faible revenu à partir de modalités de programmes, comme c'est le cas actuellement avec le programme APPORT, qui obtiennent l'effet exactement inverse de celui recherché. Ce n'est pas l'autonomie des personnes qu'on atteint avec ce genre de programme, c'est un contrôle plus grand sur ces personnes. Je voudrais signaler au ministre que cet objectif de fournir un apport financier supplémentaire, ce but, cette stratégie de supplémentation se bute présentement à l'échec du programme APPORT. Il ne pourra pas prétendre faire de la fuite en avant avec le projet de loi 37 en nous faisant adopter rétroactivement un programme dont on a tout en main pour savoir qu'il est un échec retentissant et inquiétant.

Ce n'est quand même pas peu de choses, qu'on s'apprête à légiférer avant Noël pour reconnaître un programme dont on sait que, malgré les efforts consentis... Ils ont été considérables, je n'ai pas à rappeler le million de dépliants imprimés, distribués dans les chèques mensuels d'allocation familiale à des centaines de milliers de personnes, distribués avec le chèque d'aide sociale à des centaines de milliers de personnes; je n'ai pas à rappeler la centaine de milliers d'appels téléphoniques pour obtenir de l'information que nos concitoyens ont faits dans les bureaux de centres Travail-Québec, les 53 000 formulaires qui ont été transmis aux personnes qui avaient demandé cette information. Je n'ai pas à rappeler que cet apport financier supplémentaire aux familles à faible revenu, pour être respectueux des conditions de vie des familles à faible revenu, ne doit pas élargir les mesures de contrôle.

M. le Président, si le ministre prétend, en introduisant ce quatrième paragraphe, faire avaler par ses collègues ministériels le programme APPORT, je trouve que c'est, encore une fois, prématuré qu'il ait immédiatement, à l'article 1 du projet de loi, prétendu tout régler avant qu'on ait commencé à en parler. S'il prétend, lorsqu'on abordera les dispositions du projet de loi 37, référer au quatrième paragraphe de son amendement pour prétendre qu'il a déjà eu un appui de la commission en faveur des modalités qu'il veut introduire, moi, je dis que ce n'est pas à ce moment-ci qu'il doit le faire. S'il juge à propos d'amender l'article 1 pour y introduire des objectifs, notamment au quatrième paragraphe, d'appui aux familles à faible revenu, alors, ce n'est pas pour introduire les modalités de son programme qui ne fonctionne pas. M. le Président, c'est malheureux que le ministre ait décidé de procéder de cette façon parce que, finalement, il a décidé de mettre toute la commission, y compris ses propres collègues ministériels, devant un fait accompli avant même qu'on commence les travaux article par article de chacun des programmes.

Je pense que l'apport financier supplémentaire aux familles ne peut être retenu par la commission que dans la mesure où il se fait sous une forme qui n'augmente pas les contrôles tâtillons sur la vie conjugale, familiale, parentale de nos concitoyens. Je vais arrêter à ce stade-ci et je compléterai, s'il y a lieu, mon intervention, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Y a-t-il d'autres intervenants?

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: M. le Président, la députée de Maisonneuve veut réécrire à sa façon le quatrième paragraphe. Je ne m'oppose pas à ce qu'elle tente de le faire. Ce n'est pas notre façon à nous de voir les choses. La députée met en doute l'efficacité du programme APPORT, mais je pense que le jugement est prématuré. La députée devrait savoir qu'on ne porte pas un jugement sur un programme après à peine quelques mois d'existence. Cela me rappelle les hauts cris qu'elle lançait à son collègue, le député de Shefford, l'an dernier, à l'égard du programme PARCQ, programme d'amélioration et de restaura-

tion résidentielle. Après avoir décrié pendant les huit premiers mois de l'année le programme PARCQ, le député de Shefford a été obligé de ravaler ses paroles en fin d'année puisque nous avons pu annoncer en fin d'année qu'après un départ plutôt lent le programme avait...

Mme Harel: La pertinence du programme PARCQ là... On est à l'habitation.

Le Président (M. Bélanger): S'N vous plaît! On écoute, M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, je veux expliquer à la députée comment mon argument peut être pertinent. Je sais que la députée a l'air d'avoir ce matin la susceptibilité à fleur de peau. Je sais que la session est un peu difficile. Les heures sont longues. Mais je lui demanderais d'être patiente et de retenir ses humeurs parce que, si on regarde tout le temps qu'il nous reste à passer dans cette commission, compte tenu de l'allure qu'elle prend, ça ne sera pas drôle tout à l'heure. Il va falloir qu'on se...

Mme Harel: M. le Président, le ministre n'a pas de leçon à me donner.

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! J'écoute M. le ministre. Vous aurez tout le loisir de répondre tout à l'heure.

M. Bourbeau: M. le Président, je disais donc, que quand la députée vient d'avance condamner le programme APPORT...

Mme Harel: D'avance?

M. Bourbeau:... d'avance, oui, en nous disant que le programme ne fonctionnera pas, je dis à la députée de parler à son collègue le député de Shefford qui, comme elle, l'an dernier, à l'égard du programme PARCQ annonçait d'avance la déchéance du programme après quelques mois. Or, comme la députée de Maisonneuve qui aujourd'hui condamne le programme APPORT, le député de Shefford condamnait le programme PARCQ et, à la fin de l'année, au bout de douze mois, il a dû déchanter et admettre que le programme avait rempli ses objectifs. Je dis à la députée de Maisonneuve: Attendez qu'on ait fait au moins une année avec le programme APPORT. C'est un programme qui vient de débuter, qui vient de commencer. C'est évident que ça prend quelques mois avant que la population soit bien familière avec le programme, mais ça progresse normalement.

Je dirais même que ça progresse mieux dans le temps, que progressait le programme PARCQ l'an dernier. Pourtant, on a eu des succès phénoménaux avec le programme PARCQ après un an d'usage. Je dis à la députée de Maisonneuve: Attendez de voir qu'on ait au moins fait un an et au bout d'un an vous verrez si le programme

APPORT aura ou non rempli ses objectifs. Je pense qu'il est prématuré de porter un jugement. De toute façon, je pense que la députée exagère grandement quand elle vient condamner d'avance ce programme. Il remplace le programme SUPRET et la députée nous disait tout à l'heure que l'objectif, c'est que les familles puissent avoir leur argent rapidement, que les dollars leur parviennent; elle a employé ces mots au début de son allocation, tout à l'heure. (12 h 45)

Mme Harel: M. le Président, je regrette, c'est une question de règlement.

M. Bourbeau: M. le Président...

Mme Harel: Le ministre n'a pas à me citer hors... Je n'ai pas dit ça.

M. Bourbeau: M. le Président, je prends à témoin mes collègues qui étaient tous très attentifs. La députée, tout à l'heure, a dit et j'ai noté ses mots sur un document devant moi: "L'objectif, c'est que les fonds leur parviennent. " C'est ce qu'elle a dit. Alors, je dis ceci: Dans le programme SUPRET, qu'a remplacé le programme APPORT, les fonds ne leur parvenaient jamais. Justement, les fonds ne leur parvenaient qu'à la fin de l'année, quelques mois après: 18 mois, un an et demi après, les fonds leur parvenaient. Il fallait que toute l'année financière soit terminée, que les rapports d'impôt soient entrés, que le ministère du Revenu les traite et, après ça, 18 mois après, les clients voyaient ou ne voyaient pas la couleur de leur argent. Le gros avantage du programme APPORT vis-à-vis du programme SUPRET, pour ne pas dire par rapport au programme SUPRET, c'est que justement les fonds leur parviennent sur une base mensuelle. Nous payons aujourd'hui. Justement, nous rencontrons... Cela semble surprendre la députée de Maisonneuve, j'ai l'impression qu'elle ne connaît pas le programme APPORT. La grosse différence, compte tenu des objectifs dont parlait elle-même la députée tout à l'heure, de faire en sorte que les familles reçoivent leur argent maintenant, quand elles en ont besoin, c'est que le programme APPORT leur donne l'argent tout de suite, on fait des acomptes à tous les mois, 75 % des montants présumés payables sont payés à tous les mois. C'est là le gros avantage du programme APPORT. On paie tout de suite, alors que le Parti québécois, avec le programme SUPRET, payait un an et demi plus tard.

Dans ce sens-l'à, nous respectons drôlement mieux les objectifs d'acheminer les fonds tout de suite aux familles que ne le faisait le programme SUPRET. Alors, quand la députée parle de pertinence, je pense qu'on peut être pertinent et on est très pertinent en partant du programme APPORT puisqu'elle en a traité elle-même. Je dis que la députée, en venant faire en sorte d'agiter dès maintenant des épouvantails d'avance... Je lui dirais d'attendre un peu, d'être tolérante, de

prendre le temps de faire des analyses du programme. On ne peut pas porter des jugements comme ça avant même que le programme ait eu la chance de faire ses preuves. Je dis qu'il n'est pas raisonnable, présentement, pour la députée de Maisonneuve ou pour quiconque de l'Opposition, de porter un jugement définitif sur un programme qui vient de commencer.

La députée de Marie-Victorin ne porte pas de jugement négatif sur le programme APPORT, enfin, je ne l'ai pas entendue parler, peut-être qu'on l'entendra plus tard. Il me semble que la députée de Marie-Victorin est une femme raisonnable qui ne porte pas de jugement comme ça avant d'avoir des preuves et, actuellement, on n'a pas de preuve. On a des chiffres fragmentaires qui ne sont pas si négatifs que ceux dont parle la députée de Maisonneuve.

Alors, quant à moi, je pense que le paragraphe 4° est tout à sa place, qu'il dit bien ce qu'il veut dire, qu'il décrit les objets du programme APPORT et non pas les détails, la plomberie du programme. Je pense que, de la même façon que tout à l'heure on a accepté les paragraphes 2° et 3°, le paragraphe 4°, quant à lui, réfère au programme APPORT qui est un excellent programme. Je pense que presque tous les membres de la commission sont d'accord. Je ne vois pas pourquoi on retirerait le paragraphe 4°.

Le Président (M. Joly): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur le sous-amendement de l'article 4°?

Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Oui, M. le Président. Compte tenu...

Le Président (M. Joly): Le paragraphe 4°.

Mme Vermette:... des affirmations et des intentions que le ministre a portées à mon endroit, j'aimerais lui proposer qu'on discute des dossiers qui sont dans mon comté où, justement, certaines personnes, notamment des femmes, qui antérieurement avaient droit au programme SUPRET sont incapables, actuellement, de se prévaloir du programme APPORT. J'ose espérer qu'avec tout ce que le ministre vient de dire ces femmes pourront, dans des délais très réduits, participer et bénéficier de tous les avantages de ce programme que le ministre semble énumérer. Actuellement, je peux vous dire que, dans mon comté, il y a des situations où des gens cherchent de quelle façon ils pourront participer au programme parce que ça ne semble pas tout à fait clair, ça ne semble pas encore tout à fait... Même les fonctionnaires répondaient qu'ils ne savaient même pas comment ils devaient l'interpréter, ils se posaient des questions, ce n'était pas tout à fait clair et ça restait encore ambigu au plan de l'application.

Donc, j'aimerais avoir des réponses de la part du ministre à cet effet en disant de quelle façon je pourrai résoudre, dans mon comté, ces problèmes. Est-ce que je pourrai lui transmettre ces dossiers et est-ce que j'aurai une réponse très rapidement? Dorénavant, est-ce que je pourrai dire à ces femmes qu'elles peuvent dormir sur leurs deux oreilles dans les semaines qui s'en viennent puisque, d'après le ministre, il n'y aura aucun problème pour ces femmes.

M. Bourbeau: M. le Président, je n'ai jamais dit qu'il n'y a pas de problème. C'est bien évident que, si les gens se présentent à l'aide sociale, c'est qu'ils ont des problèmes, ou si ce sont des gens qui se présentent...

Mme Harel: APPORT n'est pas l'aide sociale, M. le Président.

M. Bourbeau: J'allais justement le dire si vous m'aviez attendu, si vous m'aviez laissé terminer ma phrase. La députée de Maisonneuve est tellement énervée ce matin qu'elle nous coupe les phrases en plein milieu.

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît, M. le ministre, on s'en tient au contenu et non au contenant.

M. Bourbeau: J'étais justement en train de dire, avant d'être interrompu inopinément par la députée de Maisonneuve, que, quand les gens se présentent à l'aide sociale ou aux bureaux de Travail-Québec pour pouvoir bénéficier du programme APPORT, c'est évident que tous les gens qui se présentent là ne sont pas automatiquement admissibles. Il doit y avoir une certaine vérification des dossiers et des faits qui sont allégués. Dans certains cas, malheureusement, les clients ou les clientes ne sont pas considérés comme pouvant être admis ou admises au programme, selon les cas. Maintenant, si la députée de Marie-Victorin a des cas problèmes, elle peut venir me consulter. Cela me fera plaisir de lui donner mon point de vue ou encore de référer ces cas-là à mon bureau de comté. On a toujours eu de très bons rapports entre voisins de comté, M. le Président, et je n'ai pas d'objection à lui rendre des services de ce genre-là.

Mme Vermette: Ce que je voulais faire remarquer au ministre, c'est que, antérieurement, ces mêmes personnes avaient droit au programme SUPRET et que cela devient plus difficile pour elles de participer au programme APPORT parce qu'on a changé les critères d'admissibilité et que cela remet en cause leur possibilité de participer. Donc, on réduit jusqu'à un certain point la participation des gens admissibles au programme APPORT. C'est surtout cela que je voulais soulever.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Cela va tellement bien, M. le Président. Cela va tellement bien. Cela va aussi bien avec le programme APPORT que cela peut aller avec le projet de loi 37 du ministre. Pour le ministre, cela va très bien. Cela va magnifiquement bien. Comme il n'y a personne qui vient le contester aujourd'hui au parlement, ici au salon rouge, cela va très bien. Cela va bien, le programme APPORT. Cela va très bien. Il y en a moins qui sont admissibles, mais cela va bien. Il y a 16 000 familles qui en profitent sur les 44 000 que le ministre des Finances avait prévues, mais cela va bien. Ils reçoivent leurs fonds plus vite, mais il y en a moins qui le reçoivent. Cela va bien quand même. SUPRET s'adressait à 24 000 ménages dont 18 000 familles. Le ministre pense que le programme APPORT va bien, mais M. n'a même pas encore atteint le nombre de familles que SUPRET aidait. Pour le ministre, cela va bien. Lui, son prédécesseur et tout son gouvernement qui se scandalisaient que SUPRET était si peu efficace, si au moins ils atteignaient le nombre de familles que SUPRET aidait, tout au moins le nombre de ménages, je n'ose même pas dire le nombre de ménages, ce serait déjà pas si mal, M. le ministre.

Cela va tellement bien que vous ne vous êtes peut-être pas rendu compte que le programme existe depuis le 1er janvier et que l'année que vous me demandez d'attendre pour évaluer le programme va se terminer bientôt. Le programme a été annoncé en avril 1987 pour prendre effet en janvier 1988. Il a fallu délais successifs sur délais successifs. Je dois vous dire qu'on n'a pas encore passé aux engagements financiers, mais, quand on va en arriver aux engagements financiers et qu'on va pouvoir additionner les millions qui ont été investis dans l'administration, la publicité et la gestion de ce programme-là pour l'échec que cela représente, c'est assez phénoménal. Le pourcentage d'argent investi depuis un an et demi à faire fonctionner un programme qui n'opère pas, c'est vraiment l'exemple de l'inefficacité. Je dirais plutôt l'exemple du programme conçu par l'ordinateur pour être appliqué par l'ordinateur et pour élargir le contrôle sur des travailleurs et des travailleuses qui ne sont pas des bénéficiaires de l'aide sociale, mais qui ont un formulaire encore beaucoup plus compliqué à remplir que celui que remplit un demandeur d'aide sociale, et avec des contrôles mensuels de leur vie conjugale, de leur vie parentale, de leur partage de logement.

Alors, M. le Président, cela va très bien. Cela va vraiment bien. Le ministre n'a pas à s'inquiéter, cela va même s'améliorer. C'est certain qu'il ne pourra pas se soustraire aux questions que l'Opposition entend lui poser lorsqu'on examinera les dispositions de son projet de loi sur le programme. Qu'est-ce qu'il entend faire pour que cela aille mieux? Si cela va si bien avec les 16 000 familles sur les 44 000 qui devaient en profiter, quelles sont les mesures qu'il va prendre pour que cela change, pour que cela aille mieux? Vu qu'il se satisfait de ce qui se passe maintenant, son programme est un échec retentissant et inquiétant.

On aura l'occasion d'y revenir, mais, pour tout de suite, je voudrais qu'il soit bien clair que le sous-amendement a comme effet de ne pas permettre au ministre de prétendre qu'en adoptant son amendement on viendrait par le fait même appuyer un programme qui est certainement à reconsidérer entièrement, le programme APPORT. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Merci, madame. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

M. Bourbeau: M. le Président, je vais tenter de ramener la députée de Maisonneuve un peu sur la terre après la description apocalyptique qu'elle vient de faire du programme APPORT.

D'abord, je pense qui convient de replacer les choses dans leur propre contexte. La députée reconnaîtra que les inscriptions au programme APPORT ont commencé au mois de mai. Donc, on ne parle pas d'une si longue période; on parle d'à peu près six mois. Le programme APPORT a de gros avantages par rapport au programme SUPRET dont elle fait la promotion. J'ai dit tout à l'heure que les prestations sont versées mensuellement alors que dans le programme SUPRET l'aide était annuelle, avec un délai d'au moins un an dans le versement des prestations. C'est donc dire que nous avons, dans le programme APPORT, une situation qui est beaucoup plus intéressante pour les familles.

Deuxièmement, ta députée de Maisonneuve oublie de dire une chose: dans le programme SUPRET, aucuns frais de garde n'étaient remboursés alors que, dans le programme APPORT, nous remboursons 50 % des frais de garde. La députée de Maisonneuve se garde bien de parler de cela; ce n'est pas un avantage suffisant pour elle.

Également, nous annualisons les revenus de travail. Il y a une pius grande Incitation au travail sur une base mensuelle à cause de la mensualisation - si je puis dire - des prestations. Maintenant, 1 y a également une plus grande justice, une plus grande équité envers les travailleurs à faible revenu. Il n'y a pas de discrimination entre les travailleurs qui travailent douze mois et plus et ceux qui travaillent moins de douze mois. Donc, cela profite à un plus grand nombre.

Mme Harel: Une chance que le ministre me lit ses notes. Je ne sais pas s'iI pourrait se retrouver.

M. Bourbeau: Je m'inspire de notes.

Mme Harel: Cela va si bien, son programme.

M. Bourbeau: M. le Président, pour ce qui est du programme APPORT qui est en phase de

démarrage, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, je peux quand même dire à la députée qu'à ce jour nous avons environ 17 000 familles qui ont été acceptées, c'est-à-dire à peu près 64 % des dossiers que nous avons traités. Si ma mémoire est fidèle, le programme SUPRET venait également en aide à environ 17 000 ou 18 000 familles. C'est donc dire qu'à l'égard des familles, alors que nous sommes en phase de démarrage, nous avons déjà atteint à peu près le même niveau de clientèle que le programme SUPRET avait atteint en rythme de croisière. C'est donc dire que je ne vois pas pourquoi la députée de Maisonneuve vient déchirer ses vêtements ici. Cela va déjà très bien. Il n'y a pas lieu de faire de crise. Le programme est en train de prendre son rythme de croisière. Il l'aura pris dans quelques mois. Et, quant moi, cela m'apparaît une nette amélioration par rapport à l'ancien programme.

Mme Harel: M. le Président, puisque le ministre a les chiffres en sa possession, est-ce que le ministre peut m'indiquer combien de familles bénéficiaires de SUPRET reçoivent actuellement APPORT et combien de nouvelles familles qui ne recevaient pas SUPRET recevraient APPORT?

M. Bourbeau: M. le Président, je ne suis pas présentement dans la possibilité d'amener ici, en commission parlementaire, tous les détails. On n'est pas à l'étude des crédits. Je n'ai pas avec moi les fonctionnaires qu'il faut pour rendre public chacun des chiffres demandés par la députée de Maisonneuve. J'ai des chiffres globaux, que j'ai rendus publics avec beaucoup de plaisir d'ailleurs, mais il me fera plaisir, dans un autre contexte, M. le Président, de lui donner les réponses aux questions qu'elle pose.

Mme Harel: M. le Président, je pense qu'il serait extrêmement utile, avant que nous abordions ce programme, que le ministre réponde à ces questions, y compris à celles que j'ai inscrites au feuilleton il y a un mois. Il m'apparaît absolument indispensable de rappeler au ministre que les questions que j'ai inscrites au feuilleton, il y a plus d'un mois, doivent trouver réponse avant qu'on aborde l'examen du programme. Ce qui est assez étonnant, c'est que le ministre prétende que ce nouveau programme annoncé dans le discours sur le budget du ministre des Finances, avec fracas, pour remplacer un programme qui était prétendument inexistant, que le ministre se fixe maintenant comme objectif d'atteindre au moins le même nombre de familles qui bénéficiaient du programme précédent.

M. le Président, mon propos n'est pas du tout de promouvoir le programme précédent, mais, bien au contraire, d'amener le ministre à reconnaître que le sien ne convient pas non plus à la situation et que c'est plus par le crédit d'impôt remboursable, par une formule simple, trimestrielle déjà en vigueur dans d'autres lois que nous pourrions accorder cette aide financière aux familles à faible revenu qui sont sur le marché du travail.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve, je dois vous interrompre. Compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 2)

(Reprise à 15 h 19)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons poursuivre l'étude détaillée du projet de loi 37, Loi sur la sécurité du revenu. Nous en étions au quatrième paragraphe de l'article 1 et nous avions, à ce moment-là, un sous-amendement de Mme la députée de Maison-neuve qui était sur la table et en discussion. Sur ce sous-amendement, est-ce qu'il y avait d'autres interventions?

Je présume qu'il n'y a pas d'autres interventions. Est-ce que le sous-amendement est adopté?

Mme Harel: Adopté.

M. Bourbeau: M. le Président, il s'agit du sous-amendement...

Le Président (M. Bélanger): De Mme la députée de Maisonneuve.

M. Bourbeau: Bon.

Le Président (M. Bélanger): Ah! Voulez-vous que j'en donne lecture?

M. Bourbeau: Oui, parce que, là, vous vous souvenez qu'on a eu un arrêt de deux heures.

Le Président (M. Bélanger): Après dîner, oui.

M. Bourbeau: Oui, oui.

Le Président (M. Bélanger): Ce sous-amendement se lit comme suit, pour le paragraphe 4°: "de fournir, sous forme de crédit d'impôt-enfant remboursable, un apport financier supplémentaire aux familles à faible revenu qui ont des enfants à charge et dont au moins un adulte est sur le marché du travail. " Ce sous-amendement est-il adopté?

M. Bourbeau: Non, M. le Président. Le Président (M. Bélanger): Rejeté.

M. Bourbeau: Oui, rejeté.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, le sous-amendement de Mme la députée de Maison-neuve est rejeté.

J'appelle donc le paragraphe 4°, qui se lit comme suit: "Fournir un apport financier supplémentaire aux familles à faible revenu qui ont des enfants à charge et dont au moins un adulte est sur le marché du travail. "

Mme Harel: M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Je me pose la question, est-ce que ce quatrième paragraphe réfère à tous les programmes ou à un seul? Le libellé de l'amendement consiste à ajouter l'alinéa suivant: "Ces programmes ont pour objet - quatrième paragraphe - de fournir". On réfère aux trois programmes. On réfère donc au programme...

M. Bourbeau: M. le Président, dans le bout de phrase que vient de citer la députée: "Ces programmes ont pour objet", évidemment, on réfère là d'une façon générale aux trois programmes. Maintenant, dans les quatre paragraphes qui suivent, on réfère à des programmes individuels. Le paragraphe 4° réfère, bien sûr, au programme APPORT.

Mme Harel: M. le Président, le "bien sûr" du ministre n'existe nulle part. Le "bien sûr" n'apparaît d'aucune façon dans le projet de loi. Quand on fait la lecture comme telle, tout ce qu'on sait, c'est que les programmes institués, donc Soutien financier, APTE et APPORT, ont pour objet - et là suivent les objectifs de ces programmes. Alors, il y a certainement une confusion que le ministre doit dissiper.

M. Bourbeau: M. le Président, il peut y avoir une confusion dans l'esprit de la députée de Maisonneuve, mais iln'y a pas de confusion dans l'esprit des gens de ce côté-ci. Nous sommes parfaitement satisfaits de ce libellé. Dans la phrase introductrice, on réfère collectivement à tous les programmes, mais, dans les paragraphes qui suivent, chacun des paragraphes réfère à un programme. Cela nous apparaît clair et limpide.

Le Président (M. Bélanger): Toujours sur cet article 1, quatrième paragraphe, est-ce qu'il y a d'autres interventions? Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: D'accord. M. le Président, il y a un sous-amendement, mais je crois comprendre qu'il serait à la photocopie; cela ne devrait pas tarder. Il concerne le quatrième paragraphe. Je vous demanderais de suspendre le quatrième paragraphe et de procéder à...

Le Président (M. Bélanger): Bien. Une voix: On a tout notre temps.

Mme Harel: Le ministre n'est pas assez pressé à mon goût, cela m'inquiète.

Le Président (M. Bélanger): Cela fait-il. longtemps qu'il est parti?

M. Bourbeau: Ce n'est pas que je ne suis pas pressé, M. le Président, je suis résigné.

Mme Harel: Le ministre veut que son projet de loi soit voté sans être discuté.

M. Bourbeau: Pas du tout.

Mme Harel: Pour moi, il doit craindre que ses collègues ministériels soient... Il a l'air d'être anxieux que ses collègues le questionnent au moment où on avancera dans le projet de loi.

M. Bourbeau: Tu ne changes pas d'idée? Une voix: Elle a compris.

Mme Harel: J'ai finalement bien compris les messages subliminaux qui m'étaient transmis.

M. Bourbeau: M. le Président, ce n'est pas moi qui demande la suspension, c'est la députée de Maisonneuve; moi, je suis prêt à continuer.

Le Président (M. Bélanger): Oui. À moins que nous appelions le...

Mme Harel: Très bien, M. le Président. Si vous le permettez, je vais vous le faire de vive voix.

Le Président (M. Bélanger): Si vous plaît, oui.

Mme Harel: La rédaction suivra.

Le Président (M. Bélanger): D'accord.

Mme Harel: Cela consisterait à introduire un sous-amendement qui remplacerait le paragraphe par le suivant: "de fournir un apport financier supplémentaire aux ménages à faible revenu... "

Le Président (M. Bélanger): Excusez, Mme la députée de Maisonneuve, M. le ministre doit s'absenter pour une urgence, deux brèves minutes.

On suspend pour deux minutes, oui.

(Suspension de la séance à 15 h 25)

(Reprise à 15 h 37)

Motion de sous-amendement

Le Président (M. Bélanger): Nous en étions, M. le ministre, à un amendement de Mme la députée de Maisonneuve qui se lit comme ceci: "de fournir un apport financier supplémentaire aux ménages à faible revenu sur le marché du travail. " C'est bien celui-là? C'est bien cela, madame?

Mme Harel: C'est bien cela.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Est-ce qu'il y a des interventions sur ce sous-amendement? Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, nous voulons par ce sous-amendement introduire cette idée que l'incitation au travail ne doit pas simplement être pensée pour les familles, mais aussi pour les personnes seules. C'est ce qui nous amène à justifier le remplacement de "familles" par "ménages" à faible revenu.

M. le Président, cela a été souventefois repris par des organisations, notamment le Conseil canadien du développement social, auprès de la commission parlementaire, à savoir que, parmi les personnes pauvres de la société, la majorité sont des personnes sur le marché du travail et une majorité d'entre elles sont des personnes seules. Alors, nous pensons qu'il n'y a pas là de raison d'élaborer des catégories méritantes en regard d'autres qui ne le seraient pas et que l'effort financier supplémentaire pour inciter au maintien sur le marché du travail doit être fourni à tous les ménages à faible revenu qui sont sur le marché du travail. Évidemment, un effort supplémentaire peut être fait pour les ménages qui constituent des familles avec enfants, mais il n'y a pas de raison que, à l'ouverture du projet de loi, dans les notes préliminaires, comme objectif au programme, nous écartions un apport financier aux ménages à faible revenu qui n'ont pas d'enfant.

Il y a là, M. le Président, la détermination bien trop exclusive des objectifs des programmes de sécurité du revenu. Pourquoi déciderions-nous comme cela d'entrée de jeu, dans les objectifs des programmes, que les personnes seules ou les couples sans enfant sont exclus? C'est comme si cela devenait plus juste que le marché du travail n'offre pas des salaires suffisants pour combler les besoins de base. Cela ne l'est pas plus qu'on ait ou qu'on n'ait pas d'enfant. D'ailleurs, l'exemple qu'apportait l'éditorialiste du journal Le Devoir, M. Francoeur, pour justement illustrer que la marche est trop haute pour se sortir de l'aide sociale en sortant de la trappe de pauvreté, c'était justement un exemple tiré du cas d'une personne seule, sans enfant. L'exemple était le suivant. Dans la meilleure des hypothèses, cette personne seule reçoit 520 $, auxquels peuvent s'ajouter des gains de travail de 80 $ - cela, c'est avec la réforme qui n'est pas encore votée, la réforme que le ministre veut faire voter sans à peu près la discuter - soit un confort frugal, ça ce sont les besoins reconnus, court, moyen et long terme, de 600 $ par mois. Pour s'affranchir de la tutelle du ministère, cette personne devrait travailler quelque 150 heures par mois au salaire minimum pour 100 $ de plus que ce qu'elle reçoit. Comme on dit dans la langue des Français d'Amérique: Un fou dans une poche! Enfin, on dit: Un fou dans la poche. Mais disons que c'est dit en langage plus châtié. Un fou dans un poche. Mais ça c'est avec la réforme. Il faut bien se rendre compte que ce n'est pas la situation présente qui est critiquée et critiquable. C'est celle qui est illustrée avec les modifications introduites par le ministre. Alors, qu'est-ce que ça illustre? Cela illustre, tout simplement comme le disait M. Francoeur, que la marche est toujours trop haute.

Le gouvernement s'est rendu tout au moins à une partie des arguments de l'Opposition, mais surtout des arguments nombreux qui ont surgi durant la commission parlementaire sur le document d'orientation, soit que ce n'est pas en baissant les prestataires dans la cave qu'ils pourraient mieux emprunter la marche du premier étage. Comme il s'est relativement rendu aux arguments en ne diminuant plus les prestations à la baisse, en fait, en ne les réduisant plus pour prétendre maintenir comme ça une marche incitative à un salaire minimum insuffisant pour subvenir à des besoins de base, comme le gouvernement ne procède plus à la baisse, sauf évidemment pour la catégorie des non-participants - encore là il va falloir qu'il s'explique sur cette catégorie... Est-ce qu'on va retirer, est-ce qu'on va soustraire aux personnes qui auront un motif raisonnable de cesser de participer à une mesure ou à des stages - je donnerai des exemples au gouvernement - en forêt qui se font dans des conditions de vie qui sont totalement, je pense bien, non pas insupportables mais qui ne pourraient pas être justifiables dans notre société... Alors, on reviendra sur ces conditions dans lesquelles pourront s'effectuer les refus de participer. Mais, si on revient aux structures de base des barèmes, il reste que la démonstration est bien simple. Elle est évidente pour qui veut la voir. Avec les prestations introduites par la réforme, la marche reste toujours trop haute pour les personnes seules, pas simplement pour les familles avec enfant. Et il n'y a pas de raison, dans les objectifs que les programmes poursuivent, puisque ce sont des objectifs généraux sans qu'on y précise les modalités, qu'au départ on écarte de ces objectifs des ménages à faible revenu qui sont sur le marché du travail. Il n'y a pas de raison pour qu'au point de départ on considère que seule la catégorie des personnes avec enfant

aurait droit à cet apport financier supplémentaire.

Alors, l'amendement, M. le Président, consiste à remplacer "familles" par "ménages" de manière que l'État se responsabilise plus sérieusement qu'il ne le fait à l'égard de l'ensemble des personnes pauvres qui sont sur le marché du travail. Cela ne vaut pas que pour le Québec. Le comité d'examen sur l'aide sociale en Ontario, d'ailleurs, avait bien signalé que, contrairement aux préjugés qu'on entretient dans la société, la majorité des pauvres tirent la plupart de leurs revenus d'un emploi. C'est le cas actuellement au Québec. (15 h 45)

Alors, M. le Président, je voudrais citer les chiffres qu'apportait le Conseil canadien du développement social au moment de l'audition de son mémoire devant la commission. "Les travailleurs à faible revenu représentent plus de la moitié de la population qui vit sous le seuil de la pauvreté. Nous avons déjà mentionné - signale le Conseil canadien du développement social - que 312 000 familles vivaient sous les seuils de faible revenu au Québec. Le programme APPORT ne touchera en 1988 que 44 000 familles, et heureusement qu'ils ajoutent que c'est selon les estimations contenues dans le document d'orientation. La déception, évidemment, doit être bien vive au conseil canadien de voir que, finalement, le programme APPORT ne profite actuellement qu'à à peine 17 000 familles, nous a dit le ministre, et il a dû faire un chiffre rond. Ce nombre, même les 44 000 - alors, Imaginez-vous les 17 000 - ne représente que 14 % des familles qui, en 1984, vivaient sous le seuil de la pauvreté au Québec, 14 %. Comme ces 14 % équivalent à 44 000, les 17 000 que le ministre nous a transmis ce matin, cela veut dire qu'il n'y a même pas 7 %, même moins que 7 %, 5 % plus exactement, sur les 44 000, 5 % des familles qui reçoivent APPORT, des familles qui vivent sous le seuil de la pauvreté au Québec qui reçoivent APPORT.

Selon les données du recensement de 1981, le programme APPORT n'aurait desservi que 4, 5 % des ménages québécois dont les revenus étaient inférieurs à 19 999 $. Il faut bien voir que c'est un programme APPORT tel qu'estimé et non pas tel que réalisé. C'est donc un programme dont la portée réelle est, selon nous, trop restreinte. Pour élargir la clientèle, une des possibilités est de relever le plafond des revenus de travail ou/et des actifs familiaux limitant actuellement l'admissibilité. Une autre possibilité serait d'élargir l'éventail des types de ménages admissibles.

Nous ne contestons pas, dit le Conseil canadien du développement social, le fait que la situation économique des familles en général et des familles monoparentales en particulier au Québec se soit fortement détériorée. Les tendances des taux de pauvreté démontrent non seulement que cette population est fortement atteinte par la pauvreté et que les jeunes familles en particulier sont les plus durement touchées. Ce qui nous inquiète, c'est la tendance qui s'affirme au Québec d'une sélectivité de plus en plus forte et pointue des clientèles. Nous nous interrogeons sur les coûts sociaux de tels choix laissant en plan une population de plus en plus large et vivant dans une pauvreté relative, mais non moins réelle. Nous nous questionnons sur l'effet pervers que la sélectivité risque d'avoir sur les objectifs de prévention des programmes.

Ainsi, si l'assistance aux familles pauvres avec enfants prend clairement un caractère préventif, la mise de côté d'une partie de plus en plus grande des autres ménages par un programme n'admettant qu'un nombre de plus en plus restreint, ce qui est le cas du programme APPORT, des ménages et un désintéressement croissant vis-à-vis des personnes pauvres vivant seules, les couples sans enfant et l'ensemble des personnes vivant dans des ménages non conventionnels, laissent un nombre croissant de personnes s'appauvrir de plus en plus, il n'y a aucune raison pour que, dans l'équivalent d'un préambuie et dans l'élaboration des objectifs des programmes, à ce stade-ci, on prétende que l'aide supplémentaire ne doit être fournie qu'aux familles avec enfants. Il n'y a aucune raison de faire cette sélection exclusive.

Le conseil canadien ajoute: Nous croyons qu'il faut absolument aider les familles à faible revenu ayant des enfants. Toutefois, nous craignons qu'en se confinant à ces familles et aux plus pauvres d'entre elles le programme APPORT - et ce qu'ils craignaient s'est réalisé. Le ministre a beau dire: Cela fait six mois. Après les millions de dollars qui ont été investis pour le mettre en place, le faire connaître, avec le peu de succès, sinon l'échec qu'il rencontre, je me demande quel coup de baguette magique il va sortir de sa besace pour faire en sorte que ce programme bénéficie à plus de gens. C'est le programme qu'il faut changer. Ce sont les critères d'admissibilité qu'il faut changer. Ce sont les modalités, notamment, "l'annualisation" qu'if faut changer. Ce sont des questions auxquelles le ministre aura à nous répondre de toute façon un peu plus tard.

Jusqu'où pouvons-nous différencier le traitement de situations semblables? demande te Conseil canadien du développement social. Est-il équitable de ne pas aider des petits salariés, puisque c'est de ça qu'il s'agit au quatrième paragraphe, vivant dans des ménages autres que familiaux et qui pourraient se trouver dans un état de plus grande pauvreté que les pauvres vivant en famille? Pouvons-nous accepter une discrimination en fonction des choix de vie, alors que nous venons de proposer des mesures pour prévenir la discrimination? Est-ce que dorénavant nos programmes vont s'établir notamment sur la vie conjugale? La vie parentale?

Ces dernières interrogations portent autant

sur la sélectivité des programmes sociaux que sur un ensemble de choix qui ne peuvent pas, à ce moment-ci de notre projet de loi, être introduits en amendement sans que le ministre ait à s'expliquer, lui qui n'a pas dit encore quinze lignes dans le Journal des débats, sur le choix qu'il fait. C'est un choix d'exclure de l'aide financière des catégories de personnes pauvres et salariées. Au quatrième paragraphe, on parle de personnes sur le marché du travail. Ce choix, le ministre a à s'en expliquer. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la députée de Maisonneuve. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur ce sous-amendement?

M. Latulippe: M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Chambly.

M. Gérard Latulippe

M. Latulippe: M. le Président, je voudrais d'abord corriger certains faits tels qu'ils ont été présentés par Mme la députée de Maisonneuve. Mme la députée de Maisonneuve prétend tout d'abord que le programme APPORT est un échec. Avant de prétendre que le programme APPORT est un échec, il faudrait tout de même laisser le temps normal au programme APPORT, laisser l'implantation se faire d'une façon normale avant de courir à cette conclusion.

On pourrait faire une comparaison. Il est exact que les objectifs de clientèle au lancement du programme étaient de 44 000 familles et que maintenant, au moment où on se parle, c'est-à-dire six mois après l'implantation du programme, on a atteint le chiffre de 17 000 familles. Or, il faut bien comprendre que c'est exactement le chiffre qu'on avait atteint dans le programme SUPRET alors que ce programme fonctionnait déjà depuis longtemps, tandis que le programme APPORT n'est implanté que depuis six mois. Une fois que le rythme de croisière aura été atteint, une fois que l'année aura été terminée, il sera beaucoup plus possible de porter un jugement sur l'ensemble du programme. Quant à moi, bien au contraire, le fait que l'on ait déjà atteint, même dépassé, les résultats atteints dans le programme SUPRET, programme en place depuis longtemps, nous prouve que, au contraire, il y a une adhésion de plus en plus grande des familles au programme APPORT.

Deuxième commentaire. Mme la députée de Maisonneuve présente un amendement de façon à modifier le programme pour remplacer le concept de familles a faible revenu qui ont des enfants à charge par celui de ménages à faible revenu sur le marché du travail. En fait, ce que Mme la députée de Maisonneuve tente de faire, c'est de revenir aux conditions qui existaient jusqu'à un certain point dans le programme SUPRET. C'est un peu un retour au programme SUPRET, programme qui effectivement n'a pas eu de résultats concluants pour plusieurs motifs, entre autres pour le principal motif que les versements étaient effectués à la fin de l'année et ça prenait environ 18 mois à être payées pour une famille ou pour des personnes qui étaient dans le besoin alors que dans le cas du programme APPORT ces versements, ces paiements se font d'une façon mensuelle.

Donc, au contraire, je pense qu'il ne faut pas revenir au concept du programme SUPRET qui a été, à toutes fins utiles, un échec. Pourquoi garder le concept de famille à faible revenu? D'une part, je pense que ce concept a été introduit en particulier comme élément additionnel d'une politique familiale. Deuxièmement, on le sait, les familles monoparentales au Québec sont souvent les plus économiquement démunies. D'ailleurs, l'Opposition a souvent dit que la réforme de l'aide sociale défavorisait les familles monoparentales. On voit ici un exemple concret du contraire. Il ne fait aucun doute que les familles monoparentales sont admissibles au programme APPORT et que ce programme est un élément qui permettra de rehausser leurs conditions économiques. On n'a pas à contester ce programme qui est effectivement favorable, entre autres et en particulier, aux familles les plus démunies.

Un troisième argument que l'on peut soulever, c'est celui de l'incitation au travail. On sait qu'une personne seule, sous le projet de réforme, si elle est bénéficiaire de l'aide sociale, obtiendra une prestation qui s'élèvera annuellement aux environs de 6000 $. Cette même personne qui travaille au salaire minimum recevra annuellement un salaire d'environ 9000 $ ou 10 000 $. Il existe donc une incitation au travail puisque la différence entre les prestations d'aide sociale et le travail au salaire minimum est déjà d'environ 3000 $ à 4000 $. Par ailleurs, même si on se réfère uniquement aux barèmes du système actuel sans se référer aux nouveaux barèmes, on se rend compte rapidement qu'une famille monoparentale avec deux enfants recevra environ 10 000 $ par année, sous le système actuel indexé de l'aide sociale. Si ce même chef de famille travaille au salaire minimum, il recevra à peu près le même salaire que le montant de prestations qu'il aurait reçu sous l'aide sociale, à une différence de plus ou moins 1000 $. On comprend donc, dans ce cas-ci, toute l'importance du programme APPORT, au chapitre de l'incitation au travail, pour que cette famille puisse retirer un revenu d'apport additionnel si la personne décide tout de même de retourner sur le marché du travail à un salaire équivalent plus ou moins au salaire minimum. (16 heures)

II est donc tout à fait normal de concevoir que le programme APPORT s'applique, d'abord et avant tout, aux familles à faible revenu, tout d'abord parce que l'on sait que les familles

monoparentales sont les plus défavorisées, deuxièmement parce que l'on sait qu'il est important de concevoir, dans nos différentes lois, des mesures favorisant la famille et, troisièmement, parce que ce faisant, dans le cadre de cette réforme, nous en arrivons à une incitation au travail qui est plus nécessaire dans le cas des familles à faible revenu par rapport aux revenus qu'elles recevraient sous forme de prestations de l'aide sociale, en opposition avec une personne seule où l'incitation au travail est déjà existante dans la structure de la loi actuelle et les prestations qui sont prévues.

Enfin, M. le Président, je voudrais souligner que revenir au programme SUPRET, c'est aussi mettre de côté certains des avantages du programme APPORT, avantages pour les familles, avantages aussi en particulier pour les familles monoparentales dont, en particulier, le fait que 50 % des frais de garde des enfants sont couverts par le programme APPORT, alors qu'il n'y en avait aucun de visé dans l'ancien programme, le programme SUPRET. Un autre élément qui s'additionne pour que l'on endosse le concept de familles à faible revenu qui ont des enfants à charge, plutôt que le concept de ménages à faible revenu. Enfin, de toute façon, ne s'agit-il pas là que d'une étape et éventuellement on verra jusqu'à quel point ce programme, une fois qu'I sera évalué, une fois qu'on pourra l'évaluer à la fin des premières années d'opération, il est possible ou il est souhaitable de l'étendre à d'autres catégories de personnes.

Mais pourquoi ne pas commencer là où ce programme est d'abord essentiel, d'abord où 1 doit être appliqué, d'abord où il fera le plus de bien aux personnes et aux familles à faible revenu? Dans un deuxième temps, il sera toujours possible de l'ajuster. D'ailleurs, cette loi, je pense, c'est une loi évolutive, et les programmes y seront attachés. Finis, je pense, les systèmes qui sont gelés dans le ciment pendant des années. M. le Président, dans ce cadre, je pense qu'il est tout à fait normal et souhaitable que l'on limite aux familles à faible revenu qui ont des enfants l'applicabillité du programme APPORT.

Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le député de Chambly. Y a-t-il d'autres intervenants sur le sous-amendement de Mme la députée de Maisonneuve? Un instant. Ce matin, au moment des remplacements, on nous avait dit que vous étiez remplacé par M. Chevrette. Techniquement...

M. Bourbeau: II y a consentement.

Le Président (M. Bélanger): II y a consentement.

M. Bourbeau: M. le député de Terrebonne, M. le Président, on est très intéressé à entendre ce qu'il a à dire sur le sujet.

Le Président (M. Bélanger): C'est quand même le vice-président. Cela nous fait plaisir de vous recevoir. Je vous en prie, procédez.

M. Yves Blais

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. La responsable du dossier a demandé à tous les députés de venir faire leur part ici à cette commission parce qu'il semblerait qu'il est très difficile d'ébranler le ministre et les ministériels dans leurs positions. On les trouve braqués dans une orientation qui semble inacceptable socialement, politiquement et civilement. Alors, vu que je soutiens de façon constante tous ceux qui travaillent pour le bien-être de l'ensemble des Québécoises et des Québécois et, dans ce cas-ci, les gens les plus démunis et les plus défavorisés, vous comprenez que j'ai sauté sur l'occasion qui m'a été présentée de venir parler quelques minutes pour soutenir les démunis.

On discute ici - j'arrive tout simplement à un moment assez critique et assez palpitant de la discussion - et je sais que de l'autre côté on vibre à cet amendement parce qu'on se rend compte qu'on voudrait dans ce projet de loi donner l'image d'être des gens qui dispensent de l'argent à tous ceux qui en auraient besoin, mais on se garde, par des amendements et des choses, à garder les fonds. Alors, il y a une image de fonds qu'on veut propager, mais le fond de l'image reste à l'intérieur du ministre et à l'intérieur des goussets de la caisse. Ici. la députée de Maisonneuve apporte un amendement qui, je crois, sied bien à cet esprit d'ouverture que le Parti québécois a toujours manifesté au cours des ans, lorsqu'il était au pouvoir ou dans l'Opposition, pour protéger les plus faibles et les plus démunis.

Ici, on met des restrictions et les restrictions semblent inacceptables à notre parti politique. Au 4e de l'article 1, les ministériels - voyez-vous, dès que je parle, la lumière se fait - les ministériels... C'est la première chose que j'ai demandée en arrivant, de donner un peu de lumière afin qu'on voie mes paroles et qu'on ne fasse pas que les boire. Au 4°, on dit: "de fournir un apport financier supplémentaire aux familles à faible revenu... " Mme la députée de Maisonneuve, qui est porteuse de ce dossier, nous dit qu'elle préférerait que ce soit indiqué "de fournir un apport financier supplémentaire aux ménages à faible revenu. " Pour l'oreille ou l'oel non avisé, ce changement semblerait très anodin, voire même puéril, et bien puéril dans son sens primaire, c'est vrai. Pourquoi est-il puéril dans le sens primaire? Parce qu'à la base même de la lecture du quatrième paragraphe, qui a été ici amené par les ministériels, on voit le mot "familles". Le mot "familles" suppose immédiatement enfants, de là le sens étymologique latin "puer, pueris", qui veut dire puéril et donc, dans son sens primaire, c'est vrai que l'amendement est puéril, mais puéril dans le

sens enfantin, bambin, bambino, adolescent, pubère.

Je tiens à dire que le mot que madame veut introduire dans ce projet de loi est beaucoup plus large, beaucoup plus vaste, beaucoup plus acceptable dans son essence; de façon intrinsèque, l'amendement ne peut être que recevable, pas avec les figures "dolorosiques", mais avec des figures enjolivées parce qu'il amène un éventail plus large. Il arrive, dans nos familles québécoises, que ce sont des familles monoparentales. Il arrive que ce sont des familles sans enfant et aussi des familles à faible revenu, bipartites, appelons-les comme ça, avec enfants, mais la famille à deux, c'est ça normalement une famille, c'est deux avec des enfants, mais avec cet amendement, le mot "familles" ici, ceux qui n'auraient pas d'enfants, donc, de là le mot "puer, pueris"... De là, on voit qu'on veut faire encore une restriction cataloguée des gens pour les enlever d'une rétribution gouvernementale à laquelle ils auraient droit parce que couple à faible revenu sans enfant, même sur le marché du travail, n'ayant pas les ressources nécessaires pour parfaire leur bonheur conjugal même sans enfant. On ne peut tout de même pas blâmer un couple à qui c'est impossible d'avoir des enfants de ne pas en avoir. Est-ce qu'on se doit d'être discriminatoire pour ceux qui n'ont pas d'enfant? On ne connaît pas les raisons de chacun. Cela peut être des raisons économiques pures, ça peut être aussi une impuissance non désirée, qui le sait? Qui sommes-nous, les législateurs, pour essayer de légiférer des restrictions de ce genre? il ne faut tout de même pas qu'on se prenne pour les fruits de l'églantier ici. Il ne faut pas. Il ne faut pas du tout. Nous devons être plus ouverts et c'est l'ouverture. Mme la députée de Maisonneuve prêche au ministre l'ouverture.

Dans les démunis, il ne doit pas y avoir de catalogue. On ne doit pas catégoriser - voilà le mot juste - les démunis. Les démunis, en fait, sont monosyllabiques, sont "mono socialement installés", c'est une ligne... Ils sont tous... Si c'est démuni, c'est une catégorie générale. Pourquoi, à l'intérieur d'une barrière de personnes dites démunies, cherchons-nous à en extirper pour laisser croire qu'elles seraient mieux munies? Est-ce qu'on peut être démuni tout en étant muni? Ce n'est pas possible. On est démuni ou on n'est pas démuni. Dans ce raisonnement que vous faites, en faisant des restrictions, vous voulez essayer de faire croire à la population que, parmi les démunis, il y en a qui sont munis. Cela me fait penser au projet agricole où on fait deux zones, la zone vert foncé et la zone chartreuse, la zone verte un peu plus pâle, comme s'il y avait une zone agricole pour adultes et une zone agricole pour les enfants, donc, une "adulte zone" et une "bébé zone". Cela ne marche pas! Il faut que, lorsqu'on fait un "catalogage", on soit au moins monolithique dans notre raisonnement. Il y a des gens qui sont munis et il y a des gens qui ne sont pas démunis.

Alors, ce projet de loi, M. le Président - je vois que vous écoutez avec grande attention tout en lisant Croc - eh bien! il faut... Quand on parle de démunis, pourquoi cherche-t-on... Est-ce que c'est la philosophie de la feuille de garance qui fait que le Parti libéral cherche des éléments un peu plus rougeâtres pour son raisonnement? Qu'est-ce que c'est que cette façon de procéder? Est-ce qu'on n'a de valeurs et de coloris que pour ceux qui sont bien nantis? Ne passerait-on pas un peu le pinceau de l'aide à ceux qui dressent le tableau des démunis? Vous cataloguez, vous catégorisez et nous, c'est impossible de notre côté. Nous sommes pour une justice distributive et équitable. Qui sait? À travers les âges, à travers les ans, le ministre lui-même pourrait être victime une bonne journée. Je ne le lui souhaite pas parce qu'il a un oeil assez sympathique.

Supposons que, par des aléas de la vie, vous perdissiez votre fortune personnelle et que vous perdiez vos prochaines élections. Bon. Vous êtes un frais élu, vous êtes tout nouveau. La pension n'est pas très forte si jamais vous perdez. Si votre fortune personnelle s'en allait et que vous perdissiez vos prochaines élections, que vous resterait-il? Il ne tarderait pas, si vous n'avez pas d'autres moyens de subsistance, que vous tombiez dans la catégorie des démunis.

Supposons que vous n'avez pas d'enfant et que vous demeurez avec quelqu'un. Vous en avez eu jadis, mais ils sont partis. Vous n'en avez plus. Supposons que vous êtes... Bien oui, mais ils vont partir, ces gens. Mais vous tombez seul. Supposons que vous tombez seul et qu'on ne viendrait pas vous aider sous prétexte que vous ne formez pas une famille au sens éthymologique que la législation veut nous faire apparaître ici. Je m'excuse. Devant le ministre, je ne dirais pas que c'est un raisonnement tiré par les cheveux parce que ça nuirait à sa calvitie. Mais il demeure quand même que ce n'est pas couper les cheveux en quatre que de mettre cet amendement qui est loin d'être échevelé. Mme la députée de Maisonneuve m'approuve dans mon raisonnement.

M. le Président, je ne veux pas trop m'attarder là-dessus, mais je tenais à venir donner mon soutien à l'équipe de l'Opposition devant ce projet. De la façon que les articles déroulent devant vous, vous voyez jusqu'à quel point on tient à ce que l'amélioration soit faite. On est à l'article 1. Même à cet article qui est un peu la racine du départ pour faire pousser le reste de la loi, on veut que la sève de cet article 1 soit très bonne afin que les feuilles ne jaunissent pas trop vite à l'automne. On veut que les feuilles restent belles tout le long du projet. C'est pour ça que je suis venu faire ma petite part.

M. le Président, j'aimerais bien que vous disiez au ministre responsable de cette loi que la

façon dont on aborde le traitement qu'on doit, comme législateurs, donner aux démunis, soit respectée par la loi. Il a oublié. Je sais qui ne fait pas fi de l'amendement. C'est parce qu'il a mis "familles" pensant bien faire. Souvent, le législateur est bien intentionné. Souvent. Mais là, on lui sonne la cloche en lui disant que "ménages" serait plus approprié parce qu'on n'enlèverait pas de la section des démunis des gens qui considèrent être considérés comme tels.

M. le ministre, je vous prie de bien vouloir accepter cet amendement qui a été proposé par la députée de Maisonneuve et qui sied bien à l'esprit que ce projet de loi doit avoir. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le député de Terrebonne. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur ce sous-amendement? M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, je dois avouer que j'ai été ébranlé pendant un moment par le brillant plaidoyer du député de Terrebonne. Je ferais une motion pour que la commission invite le député de Terrebonne à revenir en fin de soirée, pour égayer nos propos et pour s'assurer que les membres vont pouvoir passer la soirée jusqu'à minuit.

Pour l'instant, je dois dire que je vais prendre les propos du député de Terrebonne en délibéré. Nous maintenons quand même notre amendement, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Victoire morale. Mme la députée de Marie-Victoria (16 h 15)

Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Oui, M. le Président. Donc, à la suite des supplications qu'a faites mon collègue de Terrebonne, il est difficile de pouvoir rester insensible à cet appel pressant vis-à-vis du ministre en lui disant: Écoutez, M. le ministre, essayez de comprendre nos points de vue. En fait, ce qu'on demande, c'est une ouverture d'esprit. On essaie de vous démontrer cette ouverture d'esprit à laquelle vous vous référez constamment depuis les débuts de cette commission. La question qu'on pose est la suivante: Où allez-vous démontrer cette ouverture d'esprit? Voilà, l'occasion lui est fournie actuellement. On lui dit: Écoutez, nous croyons que c'est beaucoup moins restrictif d'apporter le mot "ménages" que de restreindre cela uniquement aux familles. Le ménage inclut autant la personne seule. Finalement, c'est une entité, la notion de ménage, alors que la famille est beaucoup plus significative de deux personnes avec un enfant. Pour qu'il y ait une famille, il faut la présence d'enfants. À ce moment-là, le fait de ne reconnaître que la famille, cela a un effet d'exclusion pour toutes les autres catégories qui pourraient aussi bénéficier d'un soutien supplémentaire à cause d'un manque à gagner substantiel. Cela pourrait leur permettre de vivre et de combler les besoins les plus fondamentaux et les plus importants.

Nous croyons important d'apporter des modifications pour favoriser un plus grand nombre possible de personnes afin qu'elles bénéficient d'un revenu acceptable ou viable, même pas un revenu qui leur permette de croire que, demain matin, elles pourront se payer toutes les merveilles de ce monde moderne. C'est simplement pour permettre à ces gens de pouvoir avoir une qualité de vie tout à fait normale dans la situation dans laquelle nous nous trouvons dans le monde contemporain.

Nous croyons qu'au tout début d'une commission parlementaire et au tout début des implications très générales il ne faudrait pas commencer à être plus restrictif qu'il ne le faut. Je pense, au contraire, que c'est l'occasion de démontrer cette ouverture d'esprit et qu'on veut atteindre et favoriser le plus de gens possible dans cette réforme pour faire en sorte que, quels que soient les individus, qu'ils soient seuls ou avec des enfants, peu Importe le genre de ménage qu'ils vivent... Ces gens, quand 1s sont dans la pauvreté, ils sont dans la pauvreté. Ils ont besoin d'un aide financière pour les fins de mois pour ne pas trop crier famine. C'est à peu près cela qu'on voudrait éviter. Vous savez, cela a des effets néfastes et aussi des effets d'entraînement. Quand les gens sont malades, cela a des effets à d'autres niveaux, ce qui coûte très cher pour notre système de santé. Aussi, cela fait des gens très aigris. Et ce n'est pas tellement agréable de se promener dans une société où vous avez l'impression que tout le monde veut vous sauter desssus tellement les gens semblent affamés ou, en tout cas, semblent rester sur leur faim et n'ont pas la chance de faire leurs choux gras très souvent.

Dans cet esprit, il aurait été important et souhaitable que le ministre réagisse favorablement à ce sous-amendement et qu'il apporte les modifications qui mériteraient une étoie à son tableau. Ce serait intéressant, à la fin de cette commission parlementaire, de dire: Le ministre a mérité beaucoup d'étoiles parce qu'il a compris et que son objectif est de faire en sorte que beaucoup de gens dans la population puissent bénéficier des largesses et de la compréhension de ce gouvernement. Je ne veux pas dire des largesses dans le sens de largesses données pour rien, inutilement et à tout vent, mais plutôt une largesse d'esprit, une largesse de compréhension. Comme le ministre est un homme très magnanime, je considère qui pourrait réaliser cette collation qu'on pourrait lui attribuer à la fin de commission parlementaire. Ce serait, en tout cas, tout à son avantage. Il serait l'homme le plus étoile du Parlement. En tout cas. il ne pourrait pas passer comme une comète, mais au contraire, il serait toute une constellation. Et ce serait extraordinaire quant au palmarès d'un ministre.

Je trouve, M. le Président, que le ministre tantôt... J'écoutais un des députés qui faisait des différences entre les notions APPORT et SUPRET. Quant à lui, il était convaincu que le programme APPORT était beaucoup préférable au programme SUPRET. Et, d'ailleurs, s'ils avaient changé de programme, c'est qu'ils avaient considéré le programme APPORT comme étant un échec. C'est parce que le gouvernement voulait faire beaucoup mieux dans son programme qu'il a apporté SUPRET. Mais, par contre, le programme SUPRET laisse plusieurs personnes sur le carreau. Juste les chiffres... On dit qu'actuellement à peine 35 % de l'objectif de 44 000 familles est atteint. APPORT. Ah oui? J'ai inversé? Écoutez, on reprend le discours à l'inverse et on fait les nuances qu'on devrait attribuer finalement à ce que j'avais en tête, c'est-à-dire que le programme APPORT était la prétention du gouvernement pour palier aux prétendus échecs du programme SUPRET et apporter, en tout cas, des modifications. Il devait faire beaucoup mieux et favoriser beaucoup plus les familles.

Donc, on s'aperçoit qu'à l'heure actuelle il n'en est rien et qu'à peine 35 % de l'objectif de 44 000 familles a été atteint. C'est très peu, finalement, et même je pourrais vous dire que tout ce qu'on peut trouver de cette réforme, c'est qu'on a mis beaucoup plus les temps forts, on s'est impliqué davantage à imprimer des formulaires plutôt que d'atteindre des familles qui pourraient bénéficier du programme. Cela a coûté... On a fait beaucoup, 1 000 000 de dépliants et on a envoyé ça à chaque famille avec les allocations familiales et d'aide sociale. Et, là-dessus, sur les 1 000 000 d'envois, il n'y a eu que 100 000 demandes d'informations téléphoniques pour savoir exactement où et comment on pouvait remplir ce formulaire et ce que ça prenait pour remplir ce formulaire. Il y a eu très peu... En tout cas, il y a eu 50 000 formulaires d'inscription envoyés aux familles présumées admissibles.

C'est-à-dire qu'on faisait beaucoup d'information. On disait aux gens: Écoutez, il s'en vient un programme extraordinaire qui va vous permettre de bénéficier d'un supplément pour les gens qui n'ont pas suffisamment ce qu'il faut pour avoir un salaire décent. Et, finalement, quand on leur donnait le formulaire, bien là il fallait le trouver. Il fallait se prendre de bien bonne heure pour essayer de trouver ce formulaire-là. Tout ce qu'on leur envoyait, c'était de la documentation. Et ce n'était qu'à ce niveau-là. Quant au reste, trouver le formulaire c'était autre chose et c'était très difficile.

Donc, je reviens toujours à la notion de la motion qui a été présentée par ma collègue de Maisonneuve. Écoutez, ce n'est pas parce qu'on est seul que la vie coûte moins cher. Au contraire, quand on est seul... Et je voyais qu'à un moment donné il y a même eu un mouvement pour hommes célibataires qui faisaient des revendications pour bénéficier de prix particu- liers parce qu'ils vivaient seuls. Il y a un mouvement... Ils disaient: Écoutez, nous sommes célibataires. Cela nous coûte bien trop cher, le niveau de la vie. Cela nous coûte plus cher encore que pour les familles et on a de la misère à s'en sortir parce que partout où on va on est pénalisés. Et, actuellement, ce qui se passe, c'est que dans notre société il y a un mouvement très fort qui demande: Écoutez, favorisez-nous. Cela n'a plus d'allure. Quand on veut faire une démarche le moindrement, il faut toujours payer en surplus. Il faut payer une prime parce qu'on est célibataire.

Donc, ce qu'on essaie de démontrer, c'est que ce n'est pas parce qu'on est, finalement, une personne seule ou sans enfant que ça coûte moins cher. Actuellement, c'est être à côté de la réalité que de pouvoir affirmer de tels faits. Quand on regarde, actuellement, au contraire, c'est qu'on essaie de faire des spéciaux. C'est du deux pour un à certains endroits quelques fois, où on essaie de trouver toutes sortes de formules pour attirer des couples ou des familles alors que la personne quand elle est seule, elle doit toujours assumer le plein prix. La notion de ménage, pour nous, inclut aussi une personne, une entité, aussi bien seule qu'un couple sans enfant et qu'un couple avec enfants. Cela permet à tous ces gens-là de pouvoir passer à travers les problèmes de la vie quotidienne, journalière, en ce qui concerne leur survie. Il aurait été plus souhaitable qu'au tout début du projet de loi on fasse preuve d'une ouverture d'esprit et qu'on démontre vraiment que la politique de sécurité du revenu se veut équitable et cohérente. Quand on veut être équitable et cohérent, on n'exclut pas des gens au point de départ, mais on essaie de considérer tout le monde sur le même pied dans cette catégorie de gens qui ont de la difficulté à survivre ou de gens qui ont désiré se trouver un travail, toujours en bas du seuil imposable et qui, parce qu'ils travaillent à un salaire très minimum, très bas, ont droit aussi à un effort de la part du gouvernement pour leur permettre de rester dans le milieu du travail tout en n'étant pas pénalisés parce qu'ils travaillent au salaire minimum réduit.

Je reprends le communiqué du premier ministre Bourassa en date du 27 novembre où lui-même disait qu'il voulait arrêter les discriminations, qu'il voulait que ce soit une politique des plus équitable, des plus respectueuse des personnes et conforme aux valeurs de notre société. Ce sont ces motifs, ces raisons qui font que nous prétendons, quant à nous, pour avoir cet esprit d'équité, de cohérence et de respect des personnes, conforme aux valeurs de notre société, que le ministre aurait avantage à apporter des modifications quant au libellé du quatrième paragraphe et d'inscrire le mot "ménages" plutôt que le mot "familles". Ce serait plus conforme au voeu énoncé dans le communiqué qu'a fait parvenir le premier ministre le 27 novembre, et cela démontrerait sa bonne volonté

de faire en sorte que cette réforme se fasse dans la dignité de tous ceux et celles qui en bénéficieront. Ce sont les paroles que prononçait le premier ministre Bourassa. Nous lui donnons, d'une part, par l'intermédiaire de son ministre dans le dossier, l'occasion, cette fois-ci, de faire son bonheur en se mettant à l'heure juste par rapport aux propos qui ont été annoncés et en apportant les modifications qui permettraient de croire, en tout cas pour l'ensemble de la population, que cet objectif d'équité, cet objectif de respect de la personne et conforme aux valeurs de notre société soit bien visible à l'intérieur de ce paragraphe. C'est pour de telles raisons, de tels motifs que nous souhaitons voir apparaître au paragraphe 4° le mot "ménages". C'est un point, quant à nous, assez fondamental puisqu'il est dans les remarques au tout début et qu'il a un effet général qui permettrait justement que personne ne soit exclu, mais d'aller dans une forme d'inclusion plutôt que dans une forme exclusive. À ce moment-là, j'applaudirais vraiment le ministre, je considérerais son ouverture d'esprit et je lui décernerais l'étoile à laquelle il aurait droit. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la députée de Marie-Victorin. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur la motion de Mme la députée de Maisonneuve?

Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, sur le sous-amendement, je vais intervenir rapidement. J'aurai l'occasion, sur l'amendement comme tel, de reprendre les propos du député de Chambly. Je crois qu'un échange va s'imposer sur cette question. (16 h 30)

Concernant mon sous-amendement, M. le Président, je veux simplement vous rappeler que nous en sommes à l'étape de l'amendement à l'article 1 qui introduit des objectifs au programme. Nous n'en sommes pas à déterminer avec précision les modalités du programme. Loin de moi l'idée d'introduire ici l'idée d'un retour au programme SUPRET, encore moins, par ailleurs, un appui au programme APPORT. Tout ce que nous introduisons, c'est cette idée que nos programmes doivent poursuivre l'objectif de fournir une aide supplémentaire aux personnes qui sont sur le marché du travail et qui sont pauvres tout en étant des travailleurs et des travailleuses. Cette situation de pauvreté existe. Contrairement à l'image qu'on se fait, les pauvres ne sont pas à l'aide sociale et les autres sur le marché du travail. La majorité des pauvres sont sur le marché du travail. C'est parce que le marché du travail ne leur permet plus maintenant de subvenir à leurs propres besoins, quand on pense que le salaire minimum, qui est autour de 9000 $ par année, est encore de 3000 $ en deçà de ce qui est considéré comme le seuil de faible revenu par Statistique Canada.

Sur ce salaire minimum, il y aura encore une partie qui sera imposable. Donc, 300 $ par mois de moins que le seuil de pauvreté et, malgré tout, l'État vient encore chercher une portion pour l'impôt. On dit simplement qu'il faut fournir une aide supplémentaire et que cette aide ne dort pas simplement passer d'une main dans les programmes de transfert pour s'en aller dans l'autre, dans les champs d'impôt. On dit qu'il faut fournir une aide supplémentaire à l'ensemble des ménages.

Je comprends que le ministre ait une commande du Conseil du trésor, que les membres ministériels aient la commande du ministre et que la commande consiste à adopter tel quel le projet de loi pour qu'il n'en coûte rien de plus que ce qui est déjà prévu. Je signale simplement, comme c'est le devoir de l'Opposition de le faire, que, s'il faut absolument aider les familles à faible revenu qui ont des enfants, il serait carrément inacceptable qu'on oublie le sort de ceux et celles qui sont aussi des travailleurs parfois démunis, parfois plus pauvres que les personnes pauvres qui ont des enfants, et le fait de les abandonner à leur sort introduit encore une fois une autre sorte de catégorie méritante parmi les plus démunis, ceux qui sont le plus méritants et qui ont des enfants.

Il n'est pas du tout indiqué dans mon sous-amendement la façon dont on devra fournir cette aide. Il serait souhaitable que cette aide soit assortie des frais de garde pour les personnes qui ont des enfants à charge. Le fait d'exclure complètement celles qui n'ont pas d'enfant d'une aide supplémentaire nous paraît totalement inacceptable, et c'est l'objet de mon sous-amendement. Je vous demanderais d'en disposer, M. le Président.

M. Bourbeau: M. le Président.. Le Président (M. Bélanger): M. le ministre. M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Seulement un mot. Je ne veux pas relever toutes et chacune des inexactitudes que prononce la députée de Maisonneuve parce qu'on n'en finirait plus. Je pense que ses commentaires à l'égard des membres de la commission qui seraient téléguidés, selon elle, par le ministre - et le ministre serait téléguidé par le Conseil du trésor - ne sont pas du tout conformes à la réalité et, surtout, ne sont pas conformes à ce qui a été observé au cours des derniers mois par la députée et par la population en général. Je crois que c'est assez rare, dans les annales de ce Parlement, qu'un groupe de députés ait décidé de prendre publiquement position à l'encontre de certaines parties d'un projet de loi présenté par un gouvernement. Quand la députée prétend que les membres de la commission sont des marionnettes entre les mains

du ministre responsable du gouvernement, je pense que les députés membres de la commission ont fait la preuve de leur indépendance, de leur autonomie et de leur marge de manoeuvre par rapport à un projet semblable.

Quant à moi, je pense que, s'il y a un projet de loi où les députés du parti au pouvoir ont une crédibilité dans le public, c'est bien le présent projet de loi parce que ça prend un bonne dose de courage, quand on est député au pouvoir, pour faire valoir publiquement ses objections à l'endroit d'un projet de loi aussi important puisque c'était un projet de loi de gouvernement, un engagement électoral. Donc, ce n'était pas un projet de ministre, mais un projet de gouvernement. À partir du moment où on a senti qu'il y avait des objections, nous n'avons pas hésité a le dire publiquement. Je pense qu'il faut quand même réaliser que c'est un fait assez inusité qui commande le respect. Dans ce sens, je pense que c'est tout a fait injurieux que d'aller prétendre que ces députés sont télécommandés. La preuve a été faite qu'ils ne l'étaient pas et, s'ils ont décidé de se rallier au projet de loi après les modifications importantes qui ont été récemment apportées, ce n'est pas parce qu'ils ont fait l'objet d'une télécommande. La preuve est qu'ils ont résisté à ce genre d'action, mais parce qu'ils considèrent que le projet de loi a été suffisamment bonifié pour remporter leur adhésion.

Je peux dire à la députée de Maisonneuve que, personnellement, pour avoir fait une étude exhaustive du projet de loi, je suis également d'avis que le projet de loi tel que récemment bonifié est tout à fait acceptable et tout à fait raisonnable. Je ne pense pas que la députée de Maisonneuve puisse entrer dans cette catégorie des gens dits raisonnables, mais, pour l'ensemble de la population qui regarde cela à tête reposée, nous avons devant nous une loi qui est devenue tout à fait acceptable pour la plupart des gens qui ont fait l'étude du projet de loi d'une façon objective et qui sont considérés comme des gens raisonnables. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur ce sous-amendement? M. le député de Chambly.

M. Latulippe: Rapidement, M. le Président, moi, je trouve presque injurieux que l'on prétende que les commentaires que l'on a faits sur le projet de loi soient, à toutes fins utiles, téléguidés par qui que ce soit et que les positions que l'on prend aujourd'hui, lorsqu'on répond à Mme la députée de Maisonneuve, ce soient purement et simplement des positions téléguidées. J'ai vécu depuis un an ce projet de loi, ce projet de réforme. Mes collègues députés et moi avons travaillé d'une façon constante à bonifier ce projet de loi. Nous étions d'accord, dès le début, avec les principes, mais nous n'étions pas d'accord avec plusieurs de ses modalités. Ce n'est pas parce qu'on ne cherche pas à chaque article ou à chaque mot des amendements qu'on est pour autant téléguidés. On en est venu à une situation où les amendements proposés par le ministre, qui, quant à nous, sont des amendements majeurs, des amendements d'importance, des amendements qui ont aussi engagé des sommes nouvelles, nous en sommes venus à la conclusion que le projet et la réforme étaient non seulement acceptables, mais qu'ils étaient aussi socialement souhaitables. Ce n'est pas parce qu'on ne fait pas de "filibuster" sur chaque article que notre position est téléguidée. Au contraire, je pense que nous avons une attitude raisonnable face au projet de loi et je pense qu'il n'est pas convenable que Mme la députée de Maisonneuve ou les autres membres de l'Opposition prétendent que notre comportement est téléguidé, parce que ce n'est pas le cas. Nous avons depuis le début assumé nos responsabilités, contrairement à l'attitude de certains membres de l'Opposition qui ont tendance à tout contester uniquement pour contester. Nous allons continuer tout au long de l'étude de ce projet de loi à avoir la même attitude. S'il y a des amendements qui sont souhaitables, nous les appuierons; s'ils ne le sont pas, nous ne les appuierons pas.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur ce sous-amendement? Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, avant que nous disposions du sous-amendement, je veux rappeler que le test de l'influence des députés, on pourra le vérifier au moment de l'indexation des allocations à l'indice des prix à la consommation le 1er janvier. Alors, d'Ici là, mol, Je réserve mon jugement, mais je pense que le ministre est mal placé pour être juge de la preuve parce que les juges de la preuve ne sont pas juges et arbitres, parties et juges en même temps.

La preuve est à faire parce qu'on commence. Je veux bien présumer, bien qu'avec l'état d'esprit que manifestent les députés ministériels, je crois comprendre qu'ils sont entièrement satisfaits des amendements qui nous seront communiqués tout prochainement. Les députés de Taschereau et de Chambly semblent se satisfaire, je dois dire, de peu. Cela a l'air de les satisfaire entièrement, mais il faut croire que leur objectif...

M. Leclerc:... l'étude article par article.

Mme Harel:... était assez réduit. Quant à nous de l'Opposition, je peux vous dire que l'on s'honore, d'une certaine façon, d'avoir réussi, au fur et à mesure de nos interventions depuis un an, à faire modifier l'aspect totalement odieux de ce projet de loi. Malheureusement, le gouvernement a maintenu - et je termine là-dessus, M. le Président - l'hypercatégorisation, qui est le recul le plus important en matière de sécurité du

revenu depuis 25 ans. Ce que le gouvernement a choisi, c'est la voie des années cinquante. Il revient en arrière. Quand on relit le rapport Boucher, on a l'impression d'entendre les propositions du gouvernement libéra! en 1988. C'est un choix.

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, ce choix est socialement inacceptable. Il y a des personnes démunies dans la société et c'est totalement injuste de leur faire un sort différent parce qu'elles seraient censées être moins ou plus méritantes les unes que les autres.

Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la députée. M. le ministre.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Rapidement, la députée réserve son jugement quant aux membres de la commission. J'aimerais dire deux choses là-dessus: un commentaire et poser une question à la députée, si elle veut y répondre - si elle ne veut pas y répondre, elle n'a qu'à ne pas y répondre.

Le commentaire, c'est que les députés membres de la commission, non seulement se sont ralliés à la réforme après les propositions que j'ai exposées, mais je dois dire qu'ils ont participé très activement à l'élaboration de ces propositions, en ce sens que ce n'est pas le ministre seul qui a concocté ces modifications. Cela a été l'objet de nombreuses discussions et de consultations avec les membres de la commission. Je dois dire que j'ai profité grandement de leur expérience et de leur connaissance du dossier.

Deuxièmement, la députée nous dit qu'elle retient son jugement jusqu'à ce que le gouvernement annonce ses intentions quant à une possible indexation des prestations le 1er janvier prochain. Qu'est-ce que la députée entend faire le 1er janvier prochain ou lorsque le gouvernement fera ses annonces? Si, par hasard, ces annonces allaient dans le sens d'une pleine indexation, est-ce que la députée s'engage à faire une déclaration publique rendant hommage à tous et chacun des membres de cette commission?

Mme Harel: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: J'attends la réponse.

Mme Harel: M. le Président, oui, vous savez, il y a un principe que le ministre connaît très bien qui consiste à ne pas répondre à des questions hypothétiques. Qu'il m'annonce d'abord qu'il va indexer, puis je lui répondrai après.

M. Bourbeau: M. le Président, à ce moment-là, si la députée ne veut pas s'engager...

Le Président (M. Bélanger): Les temps de parole de plusieurs sont écoulés, je voudrais qu'on les respecte.

M, Bourbeau: Ne me reste-t il pas 30 secondes, M. le Président?

Le Président (M. Bélanger): Oui

M. Bourbeau: Si la députée de Maisonneuve ne veut pas s'engager, elle prendra la responsabilité de ses actes, M. le Président, mais cela aurait été une bonne façon d'inciter les députés à mettre de la pression sur le ministre et possiblement qu'on aurait pu un peu associer la députée de Maisonneuve à cette magnifique annonce, mais, si elle ne veut pas s'engager, on en tiendra compte, mais j'aurais aimé que la députée de Maisonneuve prenne un engagement

Mme Harel: C'est M. le ministre seul qui décide de cette question.

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît, madame, votre temps est écoulé. M. le députe de Taschereau

M. Leclerc: M. le Président, la députée de Maisonneuve semble présumer que nous sommes totalement d'accord avec la réforme. Si nous sommes assis ici, tous et chacun des députés, c'est que nous estimons qu'ii est utile et nécessaire de faire l'étude article par article et qu'il sera utile et nécessaire, au cours de l'étude article par article, de poser des questions au ministre, de faire des suggestions au ministre, bref de travailler tous ensemble avec l'Opposition, avec les fonctionnaires et les légistes que nous avons avec nous. de travailler tous ensemble, dis-je, à améliorer la loi, mais je suis bien obligé d'admettre que, compte tenu de l'attitude de ! Opposition, on n'est pas parti pour faire cela, puisque cela fait deux jours que l'on taponne sur l'article 1.

Alors, le fait que nous soyons ici. que nous appuyions d'emblée les principes du projet de loi et que nous soyons fort heureux de la dernière annonce ministérielle, cela ne veut pas dire automatiquement que tout nous satisfait et c'est pour cela que nous sommes ici, pour faire l'étude article par article, et permettez-moi de souhaiter que l'on puisse entrer dans le vif du sujet le plus tôt possible. Je vous remercie. (16 h 45)

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, le sous-amendement proposé par Mme la députée de Maisonneuve se lit comme suit: Remplacer le paragraphe 4° introduit par l'amendement, par le suivant: "de fournir un apport financier supplémentaire aux ménages à faible revenu sur le marché du travail". Ce sous-amendement est-il adopté?

Mme Harel: Adopté.

M. Bourbeau: Rejeté.

Le Président (M. Bélanger): Rejeté? Bien.

Mme Harel: M. le Président, avant de terminer, nous revenons à l'amendement. J'aimerais, à moins qu'il n'y ait d'autres sous-amendements...

M. Bourbeau: Ne comptez pas sur nous.

Mme Harel: Bien mon dieu! On a vu le ministre se sous-amender lui-même. Alors, s'il n'en a pas d'autre, je voudrais intervenir sur le fond de l'amendement.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, madame.

Mme Harel: M. le Président, on a fait référence durant la discussion aux programmes APPORT et SUPRET. Le ministre nous a signalé que ce quatrième paragraphe faisait référence au programme APPORT. À ce stade-ci, M. le Président, je pense qu'il est utile, important et nécessaire de rappeler un certain nombre de réalités aux députés ministériels, la première étant que l'objectif qui avait été préparé pour le programme APPORT ne consistait pas à rencontrer le nombre de familles qui pouvait profiter du programme SUPRET. Maintenant, c'est comme s'il y avait eu une sorte de réduction des objectifs à l'égard d'APPORT. Le ministre et certains de ses collègues, notamment le député de Chambly, ont l'air de se satisfaire pour tout de suite, à cause, dit-on, des délais d'implantation, à cause des modalités d'implantation, ils ont l'air de se satisfaire maintenant que le programme APPORT profite à un nombre un peu moindre, d'environ 1000 familles de moins, que ne le faisait le programme SUPRET. Cela semble être l'objectif. C'est comme si le programme APPORT avait été mis en place pour pouvoir au moins profiter à autant de familles que le progamme SUPRET.

Je rappelle que l'objectif d'APPORT était loin d'être aussi modéré. L'objectif d'APPORT, et je lis dans "Pour une politique de sécurité du revenu", le document d'orientation: "On estime - il y a un an, cela ne fait pas une éternité - à environ 44 000 le nombre de familles qui pourront se prévaloir du programme APPORT en 1988. De ce nombre, 24 000 seraient des familles monoparentales et 20 000 des familles biparentales. " Il fallait que ce soit précis pour que l'estimation ait ce degré d'exactitude. "Cette estimation, faite à partir des données fiscales, ne tient compte que des parents ayant des revenus de travail. " Imaginez-vous, tout cela a même été vérifié au ministère des Finances. "La clientèle, ajoute-t-on, pourrait être plus nombreuse. " 44 000, c'était à peine un objectif prudent, et le ministre répétait que ce serait plus que 44 000, si des parents actuellement en chômage ou à l'aide sociale décidaient, après avoir pris connaissance des avantages du programme APPORT, de réintégrer le marché du travail.

Cela ne vous inquiète-t-il pas, M. le ministre, que non seulement il n'y en ait pas plus, mais qu'il y en ait eu moins? Et pas un peu moins, pas la moitié moins, c'est à peine 35 % d'un objectif qui était censé être prudent, estimé par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et par le ministère des Finances. Savez-vous quel est l'état actuel du programme APPORT? Le service de recherche de l'Opposition a téléphoné la semaine dernière pour savoir combien de nouveaux formulaires entraient, combien de nouvelles demandes étaient gérées, et on nous a répondu: Cela entre à l'unité et cela va bien. À l'unité, il y a 365 jours dans une année, l'unité étant considérée durant les cinq jours ouvrables. Au rythme où cela entre, M. le ministre...

M. Bourbeau:... familles.

Mme Harel:... dans 20 ans, on n'aura pas atteint l'objectif de 44 000 familles de l'an dernier. Il ne faudrait quand même pas que vous vous fassiez accroire à vous-même, parce que là vous ne réussirez pas à nous faire accroire ni à nous de l'Opposition, ni à des observateurs, mais ce serait invraisemblable que, vous-même, vous vous fassiez accroire que votre objectif était d'atteindre le nombre de familles du programme SUPRET. L'objectif, ce n'est pas cela, cela ne l'était pas et cela ne doit pas l'être. Qu'allez-vous faire pour atteindre votre objectif? Le danger, M. le député de Chambly, en reprenant les arguments du ministre, c'est que vous ne lui mettiez pas de pression et qu'il n'en mette pas sur sa machine, qui vire dessous présentement, pour qu'elle réalise les objectifs.

Le ministre fait une sorte d'entourloupette en pensant qu'en nous mélangeant cela avec ses programmes comme ministre responsable de l'Habitation, ce sera du pareil au même; il compare des choux et des betteraves. Cela n'a rien à voir avec les programmes en matière de sécurité du revenu.

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît, dans la salle!

Mme Harel: Et ceux qui étaient admissibles aux municipalités, M. le Président, parce qu'il y a une différence fondamentale... Quelle est-elle, cette différence? Elle est bien simple, c'est que le programme APPORT permettait à des personnes d'obtenir un avantage rétroactif, un avantage que plus aucune d'entre elles ne peut maintenant obtenir, la date limite étant le 10 septembre. Cela n'est pas peu de chose, c'était une date importante parce que, avant toute inscription, avant le 10 septembre, chaque nouveau par-

ticipant bénéficiait d'un droit rétroactif à une prestation pour les mois précédents en date du 1er janvier. Imaginez-vous l'attrait que cela représentait. Je ne vois pas quelle autre bonification le ministre va maintenant introduire pour pouvoir multiplier le nombre de bénéficaires. La bonification qui était la plus importante, c'est celle qui a été reportée de délai en délai pour pouvoir attirer une plus grande clientèle et qui n'a pas donné les résultats. Je ne comprends pas que cela n'inquiète pas le ministre. C'est justement sa placidité, quant à moi, qui m'inquiète. Ce qui m'inquiète, c'est qu'il ne s'inquiète pas et qu'il pense que, comme par magie, les rentrées à l'unité des responsables du programme - ce sont les termes mêmes qu'ils ont utilisés...

M. Bourbeau:... première fois.

Mme Harel:... cela entre à l'unité - cela va tout à coup se transformer magiquement. Comment le ministre va-t-il faire cela? Surtout qu'il a vraiment, lui et son prédécesseur, mis le paquet - c'est le moins qu'on puisse dire - quand on pense que 1 000 000 de dépliants ont été distribués, qu'il y a eu un envoi postal. Est-ce qu'ils vont recommencer? il va devoir s'expliquer sur les mesures qu'il va prendre pour améliorer la situation. Va-t-il reprendre des dépliants? Va-t-il reprendre l'impression de 1 000 000 de dépliants? Va-t-il reprendre l'envoi postal? Va-t-il transformer le formulaire? Je ne sais pas si tous les membres de cette commission ont déjà pris connaissance des 23 pages du formulaire. Cela, à côté d'un rapport d'impôt, le rapport d'impôt, c'est un jeu d'enfants, c'est un jeu de mécano. Je mets au défi n'importe lequel d'entre vous de remplir dans la soirée ce formulaire de 23 pages qui donnait droit au programme APPORT. Le nombre de lettres que j'ai reçues de gens qui se plaignaient de la difficulté et qui sont allés dans les bureaux de Travail-Québec, je vous les apporterai ce soir ces témoignages de gens qui m'ont écrit depuis deux mois pour m'expliquer que dans les bureaux de Travail-Québec, les gens leur disaient être plus mal pris qu'eux-mêmes pour remplir le formulaire. Si je pouvais retrouver les déclarations du ministre que j'ai colligées, je pense que je les ai juste ici, M. le Président, il y en a une qui est absolument suave où le ministre s'explique sur le programme APPORT. C'est dans La Presse du 9 septembre 1988, le ministre dit: "Même les fonctionaires ne le comprennent pas. APPORT, sur papier c'est très beau; en pratique c'est différent. " C'est ce qu'il disait au mois de septembre. Là, au mois de novembre: "APPORT, cela va réussir tout seul. " Cela entre à l'unité, mais cela va très bien.

M. le ministre, serait-il possible... Je vais vous les répéter parce que cela a tout l'air qu'elles n'ont pas été retenues par vos services. Est-ce que vous pourriez répondre aux questions pertinentes que j'ai inscrites au feuilleton le 2 novembre dernier concernant le programme APPORT? Les questions sont les suivantes: Combien y aura-t-il de bénéficiaires pour l'ensemble du Québec qui seront privés de prestations en raison de l'application du principe de l'annualisation des prestations? Le député de Chambly ne connaît peut-être pas beaucoup le programme APPORT. Je ne sais pas s'il a des concitoyens dans son comté qui ont vainement tenté d'en bénéficier. Mais le député de Chambly saura que le programme APPORT est annualisé. Même si la demande est mensuelle, les revenus, s'iis sont saisonniers, s'ils sont temporaires, sont annualisés comme s'ils allaient se retrouver pour l'année. Heureusement qu'il y a des gens qui ont une certaine conscience sociale dans le réseau et qui me transmettent des informations. Cela nous permet...

M. Bourbeau: Est-ce qu'on pourrait avoir le nom, s'il vous plaît?

Mme Harel: Certainement pas si je veux continuer à en obtenir d'autres. Cela nous permet notamment de constater que la simple modalité d'annualisation, et je vous demande de le vérifier, M. le ministre, écarterait 4000 bénéficiaires de la possibilité de recevoir des prestations. Je voudrais simplement que vous vérifiiez ceci, mais je veux savoir combien il y en a exactement qui sont privés de prestations en raison de l'annualisation. Le principe est bien beau. Le principe, c'est que c'est mensuel, mais la modalité, c'est que c'est annualisé. Alors, vraiment on écarte des gens qui ne gagnent pas des revenus réguliers, qui gagnent des revenus saisonniers et qui se trouvent de ce fait privés de la prestation.

En date du 30 octobre, je vous demandais le total des dépenses encourues en publicités diverses pour faire connaître le programme. Toujours en date du 30 octobre, le total des dépenses encourues pour l'engagement de consultants en informatique, en gestion, en vue toujours de l'application du programme. En date du 30 octobre, le total des prestations versées aux bénéficiaires du programme. J'ajoute que l'objectif n'était tellement pas celui que vous avez atteint que vous allez périmer des crédits considérables et que vous allez réussir à dépenser moins en matière de supplément de revenu que ne le faisait le gouvernement précédent avec son programme déficient. Alors, on va se retrouver au moment de l'étude des crédits, mais je vous demande le total des prestations versées aux bénéficiaires en date du 30 octobre, les normes et les critères utilisés dans les centres de Travail-Québec pour refuser ou accepter un dossier, les mécanismes et procédures d'appel et de révision ouverts aux bénéficiaires qui veulent contester une décision et la procédure convenue avec le ministère du Revenu pour effectuer la conciliation annuelle entre les acomptes versés et les revenus réellement gagnés au cours de

l'année.

Il s'agit là de sept questions qui sont inscrites au feuilleton. Vous allez les retrouver facilement, questions auxquelles je pense la commission doit avoir des réponses avant d'examiner plus à fond les dispositions concernant ce programme que vous introduisez à l'article 1.

Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le paragraphe 4° de l'article 1?

M. Bourbeau: M. le Président, quelques mots uniquement pour ramener un peu de bon sens dans les propos de la députée de Maisonneuve qui continue ses propos excessifs. Je dois dire que je ne sais pas si le programme APPORT atteindra ou non ses objectifs à la fin de l'année. On verra l'an prochain, mais je dois dire que le programme APPORT n'a pas de meilleur publiciste que la députée de Maisonneuve. Je dois reconnaître qu'elle fait tous les efforts pour le dénigrer et si jamais, un jour, il arrivait que le programme APPORT n'atteigne pas ses objectifs, une partie du mérite en viendrait certainement à la députée de Maisonneuve qui serait très heureuse de constater que des milliers de familles québécoises n'auraient pu en profiter parce qu'elle aurait contribué à faire en sorte de les en écarter. (17 heures)

Je vais simplement reprendre ce que j'ai dit plus tôt. Le programme APPORT est en phase d'implantation. Nous avons commencé à prendre des enregistrements au mois de mai, cela fait à peu près six mois; les paiements ont commencé cet été et nous avons déjà rejoint la clientèle de l'ancien programme SUPRET du gouvernement précédent en ce qui concerne les familles. Nous sommes en phase d'implantation; nous sommes rendus à non loin de 40 % de l'objectif et nous continuons. Pour l'instant, rien ne nous permet de conclure que nous n'atteindrons pas notre objectif. Plus le temps passera, plus le programme sera connu et meilleures seront les chances qu'un grand nombre de familles québécoises s'inscrivent au programme.

M. le Président, la députée prétend que 4000 familles seraient affectées ou exclues d'APPORT en raison de la procédure d'annualisation des gains. Je ne sais pas où elle prend ses chiffres. Nous ne souscrivons absolument pas à ces chiffres qui sont lancés en l'air comme ça sans aucune espèce de fondement et, à moins que la députée de Maisonneuve ne puisse nous donner quelque preuve que ce soit, je tiendrai pour acquis que ce sont des ballons qu'elle lance. Pour ce qui est des questions au feuilleton, je dirai à la députée que nous répondrons au feuilleton comme il est prévu dans le règlement. J'entends déposer les réponses à ces questions au cours des prochains jours.

Finalement, j'aimerais dire quelques mots sur la procédure d'annualisation des gains dont vient de traiter la députée de Maisonneuve qui prétend que cette formule a pour objet de pénaliser les familles québécoises. Je lui dirai qu'au contraire nous pensons que cette formule aidera à qualifier un grand nombre de familles québécoises qui en auraient autrement été exclues. Il est possible que la formule exclue aussi des familles qui auraient autrement eu accès à APPORT, je le reconnais, mais nous pensons que beaucoup plus de familles auront accès à APPORT, en vertu du principe d'annualisation, que de familles qui en seront exclues, d'une part, et que, d'autre part, celles qui y seront admises seront des familles beaucoup plus démunies que celles qui en seront exclues.

Je m'explique, M. le Président. Selon la formule de l'annualisation, on peut admettre à APPORT une famille qui aurait eu des gains de travail pendant certains mois et dont les gains cesseraient après un certain nombre de mois. Ce qu'on fait, c'est qu'on projette sur l'ensemble de l'année les gains gagnés pendant un certain nombre de mois. Je donne l'exemple d'une personne avec un enfant, une famille monoparentale, dont le chef de famille gagnerait 1000 $ par mois et qui perdrait son emploi au bout de trois mois. Cette personne aurait donc gagné trois mois dans l'année. Nous allons annualiser les gains et tenir pour acquis que cette famille aurait gagné durant douze mois si le chef de famille avait travaillé et nous allons donc admettre la famille à APPORT, même si les gains étaient minimes et n'avaient porté uniquement que sur certains mois. La personne serait donc admise à APPORT pour les mois durant lesquels elle a gagné. Maintenant, si cette personne avait, par exemple, perdu son emploi le 1er mai après avoir travaillé quatre mois, elle aurait gagné 4000 $ dans l'année. Par contre, si une personne gagne 4000 $ par mois pendant trois mois, donc 12 000 $, et qu'elle cesse de gagner pour tous les autres mois de l'année, là, évidemment, en vertu du même phénomène d'annualisation, on projetterait ses gains sur une période d'un an et, évidemment, ces gains seraient beaucoup trop élevés parce qu'on estimerait qu'elle aurait gagné 48 000 $ dans l'année et, à ce moment-là, elle ne serait pas admissible à APPORT. Par contre, nous pensons que beaucoup moins de familles seront pénalisées de cette façon qu'il n'y a de familles qui seront admises à APPORT en vertu du phénomène d'annualisation. Les gens qui ont la possibilité de gagner 3000 $ ou 4000 $ par mois en général ne viennent pas facilement à l'aide sociale ou, lorsqu'ils y viennent, ils ont la facilité ou la capacité de s'en sortir rapidement.

Donc, M. le Président, nous pensons que de deux maux il faut choisir le moindre. Il y a beaucoup plus d'avantages à instituer la technique de l'annualisation de façon à qualifier des familles à faible revenu à APPORT que de ne pas l'instituer pour ne pas pénaliser quelques familles

qui ont des possibilités de gains beaucoup plus importants. Voilà tout ce que je voulais dire sur la question, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, puisque le temps est écoulé.

Mme Harel: ll me reste encore du temps, non? Alors, M. le Président, je constate...

Le Président (M. Bélanger): Je vous ai induite en erreur, il vous reste cinq minutes.

Mme Harel: Cinq minutes? Je constate que le ministre se réjouit, finalement, qu'autant de familles, ou presque, puissent profiter d'APPORT que celles qui profitaient de SUPRET, c'est le moins que l'on puisse imaginer. C'était certainement le moins aussi que le ministre puisse souhaiter, qu'il y en ait autant à APPORT qu'il y en avait au programme déficient qu'était SUPRET. Je voudrais lui signaler que je trouve ça éminemment regrettable qu'il n'ait pas l'air plus désireux de modifier le cours des choses. Je ne voudrais pas qu'il confonde le message avec le messager. C'est une grave erreur, quand on occupe des fonctions d'autorité, de confondre message et messager. Le message, c'est que c'est un échec qui ne fonctionne pas. Le messager qui porte le message, on n'a pas à s'en prendre à lui, c'est le message qu'il faut changer.

M. le Président, le ministre sait très bien qu'en ce qui me concerne, dans toute la mesure du possible, j'ai souhaité pour les gens de ma circonscription que celles en particulier, puisqu'il s'agit de beaucoup de femmes qui peuvent en bénéficier, qui pouvaient le faire profitent des services de mon bureau pour faire remplir le formulaire. J'ai même fait parvenir aux journaux de quartier des informations sur le programme. Ce que je mets en doute par ailleurs, ce sont les modalités d'application de ce programme. Ce que je remets en question, ce sont les modalités d'admissibilité de ce programme. Là-desus, le ministre aura des réponses à nous donner au fur et à mesure que nous étudierons les articles du programme.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, le paragraphe 4° de l'article 1, tel qu'amendé par M. le ministre et qui se lit comme suit: "4° de fournir un apport financier supplémentaire aux familles à faible revenu qui ont des enfants à charge et dont au moins un adulte est sur le marché du travail", ce paragraphe est-il adopté?

M. Bourbeau: Adopté. Mme Harel: Sur division.

Le Président (M. Bélanger): Adopté sur division. L'article 1 tel qu'amendé est-il adopté?

M. Bourbeau: Adopté.

Mme Harel: M. le Président, c'est à ce moment-ci que nous avons terminé avec l'amendement du ministre, n'est-ce pas?

Le Président (M. Bélanger): Oui.

Mme Harel: Nous venons donc de terminer avec l'amendement que le ministre a introduit. Vous m'aviez signalé que c'était à ce moment-ci que je pouvais introduire un amendement.

Le Président (M. Bélanger): Un amendement.

M. Harel: J'en ai deux. D'ailleurs, ils sont déjà transmis depuis le début de la semaine. Si le ministre n'avait pas sous-amendé son amendement, on aurait peut-être pu avancer un peu plus rapidement. L'amendement se lit comme suit, et vous allez comprendre, à sa lecture, M. le Président, combien important pour un grand nombre de personnes qui... Je vais vous le lire, de toute façon, et je plaiderai ensuite.

Motion d'amendement

L'amendement se lit comme suit: L'article 1 du projet de loi 37 est modifé par l'addition, à la fin, de l'alinéa suivant, et je le lis: "Ces programmes doivent respecter les droits de la personne que garantissent la Charte québécoise des droits et libertés et d'autres lois et être garants d'un processus de prise de décision claire et impartiale, notamment du droit à une procédure équitable de l'accès à l'information et de la protection de la vie privée. "

Le Président (M. Bélanger): Est-ce que je peux en avoir la copie, s'il vous plaît? L'amendement est recevable. Si vous voulez plaider sur votre amendement, Mme la députée de Maison-neuve.

Une voix:...

Le Président (M. Bélanger): II était venu déjà comme sous-amendement et il n'était pas recevable, mais comme amendement il l'est.

Mme Harel: M. le Président...

Le Président (M. Bélanger): Vous pouvez y aller, Mme la députée, il n'y a pas de problème.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci. M. le Président. Cet amendement est introduit après que j'eus reçu la lettre du président de la commission des droits, Me Jacques Lachapelle, en réponse à la demande que je lui avais transmise d'un examen du programme de vérification auprès des bénéficiaires de l'aide sociale appelé 'Évaluation de la conformité réelle". Dans la réponse qu'il me faisait, Me Lachapelle me signalait que la

commission s'était déjà prononcée à plusieurs reprises sur les méthodes d'enquête utilisées par le ministère auprès des bénéficiaires de l'aide sociale. Notamment, le président m'informait que, il y a plus de deux ans, au mois de juin 1986, la commission avait adressé une lettre au prédécesseur du ministre concernant les visites à domicile. Dans cette lettre, la commission signalait que, étant donné que le ministère possédait déjà, en vertu de la Loi sur l'aide sociale, des pouvoirs de vérification et de contrôle importants tels l'accès à des renseignements confidentiels auprès d'autres ministères et organismes gouvernementaux, ce dont on a parlé cette semaine en Chambre incidemment, l'assignation de témoins, la tenue d'auditions, compte tenu donc de ces pouvoirs de vérification et de contrôle importants, la commission demandait au gouvernement de mettre fin à l'opération visite à domicile et de réviser l'approche que sous-tendaient les directives de ces visites, de même que leur contenu. À cet effet, la commission rappelait un principe fondamental de notre système de droit, à savoir que la vie privée de tout citoyen et l'intimité de sa demeure doivent être respectées et, en premier lieu, par l'État. La commission signalait que, tout en reconnaissant que l'État avait l'obligation de gérer judicieusement les deniers publics et que le système n'était pas à l'abri de fraudes, elle s'opposait à des mesures qui lui paraissaient arbitraires et contraires à la dignité de la personne, au respect de la vie privée, au droit à la jouissance paisible de ses biens, au droit à l'inviolabilité de sa demeure tels que reconnus dans la charte. À ce sujet, la commission recommandait, au mois de juin 1988 dans un avis sur le projet de loi 37 - c'est évidemment pertinent que nous en parlions maintenant puisque nous en sommes à l'étude des objectifs des programmes institués par le projet de loi 37 - en vertu du mandat qui lui était conféré par la Charte des droits et libertés de la personne, que la loi contienne des dispositions propres à encadrer le processus de vérification de façon que celles-ci s'effectuent dans le respect de la vie privée des prestataires, de leur droit à la sauvegarde de leur dignité et à la protection contre les fouilles et les saisies abusives. (17 h 15)

À cet effet, la commission recommandait que soient insérés dans le projet de loi des éléments de nature à assurer aux prestataires que les décisions visant à couper ou à réduire ces prestations soient prises à l'issue d'un processus équitable. À cette fin, disait la commission, il conviendrait de prévoir dans la loi l'obligation pour l'administration d'aviser le prestataire des raisons qui, le cas échéant, la conduisent à revoir son dossier et d'inviter ce dernier à faire valoir ses représentations dans un délai précis avant que toute décision exécutoire n'intervienne à son sujet. C'est un peu la formule qui existe d'ailleurs avec la Commission de la santé et de la sécurité du travail ou la commission des accidents automobiles.

M. le Président, nous avons retenu de cet avis de la Commission des droits de la personne sur le projet de loi 37, et j'aurai l'occasion à maintes reprises de rappeler durant nos travaux que cet avis de la commission portant expressément, pas sur le document d'orientation... Je retiens encore l'attention de la commission, il ne s'agit pas du document qui avait été déposé ici devant la commission, mais d'un nouveau document auquel jamais nous n'avons pu encore nous intéresser comme commission. C'est ce qui m'amène dans cet article 1, qui introduit les objectifs des programmes, à introduire cet amendement, à savoir que les programmes ont aussi comme objectifs... Nous reviendrons, évidemment, dans chacun des programmes, parce qu'il n'est pas question à ce stade-ci de l'article 1 de préciser les modalités, par exemple, devant régir la vérification de l'admissibilité des prestataires. On reviendra à cet article pour limiter le champ d'investigation aux seuls éléments nécessaires à la détermination de l'admissibilité. ll n'est pas question non plus à ce stade-ci, tout au moins, d'encadrer comme tel le processus de vérification pour qu'il s'effectue dans le respect de la vie privée des prestataires, de leur droit à la sauvegarde, de leur dignité, etc.

À stade-ci, il n'est pas non plus question d'assurer que les participants à des mesures jouissent de l'ensemble des normes et des droits qui sont finalement conférés aux autres travailleurs. Ce dont il est question par cet amendement, c'est une disposition de portée générale, c'est un objectif qui s'ajoute aux objectifs que le ministre a introduits dans les programmes, lequel objectif est à l'effet de respecter dans l'ensemble des programmes les droits de la personne, tel que les garantissent la Charte québécoise des droits et libertés de la personne et d'autres lois, de respecter les droits de la personne de manière que les programmes soient garants d'un processus de prise de décision clair et impartial, notamment du droit à une procédure équitable, de l'accès à l'information et de la protection de la vie privée. Je termine cette intervention. J'aurai peut-être l'occasion de la compléter plus tard, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Si j'avais à qualifier l'amendement de la députée de Maisonneuve, je dirais simplement qu'il est redondant en ce sens qu'il affirme des vérités qu'on ne peut nier, c'est évident, mais qui existent un peu partout dans la charte et qu'il est d'une certaine façon inutile de ramener ici, parce que cela n'ajouterait rien à la loi. Par exemple, je prends le mot à mot de l'article, de la modification que propose la députée de

Maisonneuve. Quand on nous dit que ces programmes doivent respecter les droits de la personne que garantit la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, c'est l'évidence même. La charte est là, d'ailleurs, pour le dire. Alors, il est inutile de ramener dans toutes les lois du Québec une clause, à savoir que la Charte des droits et libertés de la personne s'applique au Québec, on le sait qu'elle s'applique. Si on ne s'en souvient pas, les tribunaux sont là pour nous le dire. Donc, de la même façon qu'il est inutile de dire que le soleil brille, il est également inutile de venir dire que les programmes doivent respecter les droits de la personne.

En ce qui concerne l'autre partie de la phrase, 'être garants d'un processus de prise de décision clair et impartial", encore là, c'est un objectif qu'on se doit aussi de respecter puisque c'est la règle générale que doivent suivre le législateur et tout gouvernement.

La question du droit à une procédure équitable, nous pensons que nous avons instauré dans la loi l'équité procédurale. Je dois signaler au député que, de toute façon, nous avons un papillon à un des articles pour solidifier, si c'est encore possible, cette question de l'équité procédurale. L'accès à l'information, je pense qu'il est inutile de mentionner ces mots dans le papillon puisqu'il y déjà une loi sur l'accès à l'information qui garantit justement, à l'intérieur des paramètres indiqués dans la loi, l'accès à l'information. Finalement, en ce qui concerne la protection de la vie privée, je renvoie la députée à la charte des droits qui garantit également cette protection.

Bref, M. le Président, je ne pense pas qu'il soit utile d'insérer à ce moment-ci la modification suggérée par la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, je pense que le ministre est mal placé pour décider si c'est utile ou pas quand la commission des droits elle-même lui a recommandé de le faire. Je pense qu'il n'y a pas mieux placé que la commission des droits qui, évidemment, ne ferait pas une telle recommandation si elle jugeait ça redondant à l'égard de la charte qu'elle a à administrer. Je réfère le ministre aux commentaires de la Commission des droits de la personne sur le projet de loi sur la sécurité du revenu, 33e Législature, 2e session, numéro 37, document adopté à la 308e séance de la commission, tenue le 10 juin 1988, par sa résolution COM-308-9. 1. 3., Me André Labonté, secrétaire de la commission. La commission des droits dit: "La charte donne à la commission le mandat de promouvoir, par toute mesure appropriée, les principes qui y sont contenus. L'article 67 ajoute d'ailleurs que ce mandat comprend notamment celui d'analyser les lois du Québec qui pourraient être contraires à la charte et de faire au gouvernement les recommandations appropriées. C'est conformément à ce mandat qu'elle livre ici ses réactions face au projet de loi 37. "

Dans le résumé des recommandations qu'on retrouve à la page 7, la commission écrit: "Vu les dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne, et considérant son mandat de promouvoir par toute mesure appropriée les principes qui y sont contenus, la Commission des droits de la personne du Québec recommande: "1° que soit insérée dans le projet de loi sur la sécurité du revenu une disposition antidiscriminatoire reprenant la liste des critères de discrimination interdits par la charte, de même que ceux qui sont propres à la Loi sur l'aide sociale. "

M. le Président, je ne comprends pas qu'il y ait, à l'article 18 de la loi actuelle, une telle disposition qui reprend les critères de discrimination interdits par la charte, sauf l'âge. Si l'intention du ministre... Cela, c'est un test, le ministre ne peut pas y échapper, il sait de quel test il s'agit, il n'y aurait aucune raison politique - c'est un teste juridique, mais c'est un test politique, aussi - que l'article 18 qu'on retrouve dans l'actuelle loi soit biffé du projet de loi, surtout au moment où la commission des droits recommande au ministre d'insérer une disposition antidiscriminatoire générale reprenant la liste des critères de discrimination interdits par la charte. C'est évident que ça manque parce que le ministre devra expliquer comment i se fait qu'il n'a pas repris une telle liste et comment il se fait que l'âge ne se trouve pas inséré comme motif interdit dans la Loi sur l'aide sociale.

M. Bourbeau: M. le Président...

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Bourbeau: Je sais que la députée de Maisonneuve a d'excellentes relations avec la Commission des droits de la personne et qu'elle a réussi à faire en sorte que la Commission des droits de la personne sorte de la neutralité où elle devrait se cantonner pour s'insérer, un peu malheureusement, je dois le dire, dans le débat politique. La députée de Maisonneuve a quand même besoin d'aide, M. le Président, étant donné que, présentement, je dois dire qu'on ne sent pas dans la population, c'est le moins qu'on puisse dire, un mouvement qui s'oppose à la réforme de l'aide sociale. Et je pense que la Commission des droits de la personne, évidemment, dans un certain sens, a remonté un peu le moral de la députée de Maisonneuve récemment, en faisant état sur telbec de la réception de la lettre de la députée de Maisonneuve.

Pour ce qui est de la disposition antidiscriminatoire, j'aimerais quand même revenir sur ce point-là puisque ça intéresse spécifiquement la députée de Maisonneuve. C'est vrai que la Commission des droits de la personne souhaite le maintien d'une disposition actuelle de la Loi sur

l'aide sociale qui vise à prohiber la discrimination. La disposition se lit comme suit, M. le Président. Et je vais lire l'article 18: "L'aide sociale doit être accordée sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, la langue, l'ascendance nationale, l'origine sociale, les moeurs ou les convictions politiques de la personne qui la demande ou des membres de sa famille. " C'est bien l'article 18.

Cette disposition a été adoptée en 1969, donc, avant l'adoption de la Charte des droits et libertés de la personne. De tous les critères énumérés, la commission retient celui relatif aux moeurs comme méritant d'être inclus à la nouvelle législation. Les autres critères sont déjà compris dans ceux énumérés à l'article 10 de la charte. La notion de moeurs est une notion très extensive et fuyante. Elle réfère, dans son sens ordinaire, aux pratiques sociales ou aux habitudes de vie d'un groupe ou d'un individu. Sans doute, plusieurs aspects de ce qui peut être considéré comme faisant partie des moeurs d'une personne sont déjà visés par l'article 10 de la charte parce que reliés à des motifs énumérés à cette disposition. On peut parler, par exemple, des moeurs reliées à la religion, des moeurs reliées à la race, à l'origine nationale ou encore à l'orientation sexuelle. Il n'est donc pas utile de prévoir une disposition spécifique pour couvrir cet aspect puisque la charte le prévoit déjà.

Quant au reste, on peut supposer que, si les moeurs d'une personne n'ont pas été protégées comme telles par le droit à l'égalité reconnu par les chartes, c'est qu'il ne s'agit pas de caractéristiques qui font partie des attributs essentiels d'une personne. Elles ne nécessitent vraisemblablement pas le même degré de protection que celles généralement admises dans les chartes. Nous croyons donc qu'il serait préférable de s'en remettre, quant au droit à l'égalité, à ce qui a été prévu à la charte pour éviter, notamment, que des lois particulières, tel que le projet de loi 37, créent leurs propres motifs de discrimination. De plus, il n'est pas évident qu'il existe, vis-à-vis des moeurs d'une personne, une appréhension réelle de comportement discriminatoire de la part de l'administration.

Voilà, M. le Président, la réponse que nous voulions faire aux prétentions de la Commission des droits de la personne sur la question de la discrimination et des dispositions antidiscriminatoires qu'elle aurait souhaité qu'on introduise dans le projet.

Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement de Mme la députée Maisonneuve? Mme la députée.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je laisse au ministre la responsabilité des remarques désobligeantes et injustes qu'il a faites à l'égard de la Commission des droits de la personne. La Commission des droits de la personne est un organisme qui relève du Parlement. Le président de la commission est nommé - il l'a été, d'ailleurs, par le gouvernement actuel - en fait, après un vote de l'ensemble de l'Assemblée nationale, pour donner justement aux personnes qui occupent cette fonction, toute la liberté, l'indépendance à l'égard des gouvernements. Et ce qui fonde le sens démocratique de notre société, c'est que les institutions fonctionnent même en faveur des pauvres. (17 h 30)

Imaginez-vous combien le ministre a dû être surpris cette semaine de voir que le Barreau du Québec, le bâtonnier, Me Lachapelle, le président de la Commission des droits de la personne... Me Jacoby, le Protecteur du citoyen, a tenu à participer à l'examen qui se fait du programme sur l'évaluation de la conformité réelle en collaboration avec la Commission des droits de la personne. Alors, comment a-t-il dû être surpris et moi, comment ai-je pu être satisfaite de me rendre compte que les institutions démocratiques, dans notre société, fonctionnent même quand il s'agit des plus démunis, que les droits qu'on doit faire respecter, ce ne sont pas simplement les droits de ceux qui ont les moyens de les exprimer, ce ne sont pas simplement les droits de ceux qui sont nantis.

M. le Président, c'est faux de prétendre, comme le fait le ministre, que la Commission des droits de la personne doit se cantonner dans la neutralité, comme il le dit si bien. Heureusement qu'on est dans une société où la Commission des droits de la personne a un mandat. D'ailleurs, c'est ce qui fait son originalité et l'envie de bien d'autres sociétés qui viennent au Québec vérifier comment est appliquée la charte. Une charte ne suffit pas. Encore faut-il qu'il y ait une commission qui puisse la faire appliquer. C'est évident que, fort heureusement, la Commission des droits de la personne a le mandat de promouvoir par toute mesure appropriée les principes contenus dans la charte, non pas simplement de corriger lorsqu'il y a discrimination individuelle, mais de promouvoir l'égalité collective des droits et un traitement égal pour tous.

C'est conformément à son mandat qu'elle a rédigé ce commentaire sur le projet de loi 37. C'est conformément à son mandat qu'elle invite le ministre, elle qui a le mandat de promouvoir les principes contenus dans la charte, et qui sait mieux que le ministre et ses légistes ce qui est et ce qui n'est pas redondant... C'est la Commission des droits de la personne qui recommande que soit insérée dans le projet de loi sur la sécurité du revenu une disposition antidiscriminatoire reprenant la liste des critères de discrimination interdits par la charte, de même que ceux qui sont propres à la Loi sur l'aide sociale.

Alors, je ne pourrais m'imaginer que le ministre va faire fi de cette recommandation de la Commission des droits de la personne sous prétexte que c'est inutile. Si la commission juge

que c'est utile, elle qui a le mandat d'analyser les lois du Québec et de faire au gouvernement les recommandations appropriées, il me semble qu'elle est un peu mieux placée que le ministre ou ses légistes pour en décider. Merci, M. le Président.

M. Bourbeau: M. le Président, la Commission des droits de la personne...

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Bourbeau:... émet des avis, ce n'est pas elle qui légifère. La commission, par exemple, a émis l'avis, elle a demandé l'arrêt des visites à domicile. La députée en a fait état tout à l'heure. Pourtant, la seule fois que la question des visites à domicile a été soumise à un tribunal, un vrai tribunal, cette fois-ci, pour interpréter la loi, la Cour supérieure, dans la cause de Laforest, a décidé que les visites à domicile étaient parfaitement légales et en conformité avec nos lois. J'ai même invité...

Mme Harel: À des conditions.

M. Bourbeau:... M. le Président, le président de la Commission des droits de la personne à porter en appel, devant la Cour supérieure, une autre cause. La Commission des droits de la personne n'a pas jugé bon de porter la cause en appel. Je reconnais... Ce que je peux dire, c'est que, dans l'état actuel du droit québécois, les visites à domicile sont parfaitement légales; elles ont été reconnues comme telles par la justice, par la Cour supérieure. Nonobstant ce qu'en pense la Commission des droits de la personne, c'est une procédure qui est parfaitement légale et reconnue comme telle devant les tribunaux. J'attends toujours qu'un juge vienne me dire que les visites à domicile, ce n'est pas une procédure légale.

Maintenant, nous nous conformons et nous nous conformerons aux souhaits de la Commission des droits de la personne. Je ne veux pas prétendre, en aucune façon, que son rôle n'est pas important, il est très important. Nous respectons les opinions de la commission, comme nous respectons les opinions de tout le monde, y compris les opinions de la députée de Maison-neuve. Cela ne veut pas dire que nous sommes toujours obligés de suivre à la lettre chacune des opinions de chacun des groupes, y compris celles de la Commission des droits de la personne. À ce moment-là, on n'aurait pas besoin de Parlement, on pourrait faire rédiger les lois par la Commission des droits de la personne et par son président.

Ce que j'ai dit tout à l'heure au début de la séance, c'est que je déplore que la Commission des droits de la personne prenne une position politique dans le débat actuellement. C'est ce que j'ai dit. Je suis d'avis que la façon, non pas quant au fond mais quant à la forme, de l'inter- vention récente de la commission constitue une ingérence politique dans le débat. Personnellement, je déplore cette façon qu'a eue le président de la Commission des droits de la personne de s'insérer politiquement dans le débat en rendant d'avance une décision quant au dossier dont lui a fait part la députée de Maisonneuve avant même d'avoir eu le temps d'examiner le dossier, soit seul, soit avec le Protecteur du citoyen et avant même d'avoir consulté les parties, y compris le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Je trouve étrange que dans un telbec le président de la Commission des droits de la personne fasse état dans un document public de la réception de la lettre de la députée, Louise Harel, du comté de Maisonneuve, fasse également état de l'enquête qu'il allait mener et fasse également état des conclusions de cette enquête. Oui, qu'il fasse également mention des conclusions à venir de cette enquête.

M. le Président, cela dit, le président de la Commission des droits de la personne vivra avec ses écrits. Quant à nous, nous continuons à penser que les visites à domicile sont une procédure nécessaire, légale et qui, dans la mesure où elle est conduite selon la loi, selon le respect des individus, selon le respect des chartes des droits, est parfaitement correcte et, même, souhaitable dans notre société.

M. le Président, je pense que ça termine un peu ce que j'avais à dire là-dessus. Quant à nous, nous sommes prêts à passer au vote.

Mme Harel: M. le Président, je pense bien que c'est malheureux que le ministre s'attaque au président de la Commission des droits de la personne qui n'est pas ici pour y répondre. Ce sont des attaques qui pourraient être gratuites parce qu'il n'y a personne ici pour pouvoir discuter là-dessus avec le ministre. Cela, c'est trop facile.

D'autre part, je pense bien que ce n'est pas la personne. C'est un peu toujours le même modèle. Le ministre s'attaque à ma personne plutôt qu'à ce que je dis. Il en fait de même pour la Commission des droits de la personne contre son président. Ce sont des décisions de commission. Ce que je vous cite, M. le ministre, ce sont là des décisions du conseil de la Commission des droits de la personne. Ce à quoi vous avez fait référence, de conduire en collaboration avec le Protecteur du citoyen, l'examen sur le programme de l'évaluation de la conformité réelle, c'est une décision du conseil d'administration de la commission.

Je veux simplement vous rappeler que, oui, les visites à domicile ont été considérées légales dans la cause Laforest contre le ministre Pierre Paradis devant la Cour supérieure, mais à la condition d'être effectuées avec le consentement des bénéficiaires. Pas légales en soi. Légales à la condition, cependant, d'être effectuées avec le consentement des bénéficiaires. C'est ce que vous

n'avez pas dit. J'imagine que vous le pensiez, mais vous n'avez pas cru bon de le signaler.

M. Bourbeau: J'ai dit: en respectant la loi, les règlements et les chartes. C'est exactement ce que j'ai dit.

Mme Harel: Et ce que la Commission des droits de la personne, qui a un rôle essentiel dans notre société, pas simplement comme garant, mais comme promoteur des droits et libertés non pas seulement individuels, mais collectifs, écrit, c'est ceci: Encore faut-il que le consentement soit librement accordé. Nous trouvons fort regrettable que les directives concernant les visites à domicile ne contiennent aucune mesure garantissant un consentement qui soit véritablement libre et éclairé de la part des personnes visitées.

Vous pouvez bien vous autoriser du jugement de la Cour supérieure, M. le ministre, mais vous n'avez en aucune façon satisfait la question à savoir si vous allez introduire dans les directives des visites à domicile des mesures garantissant le consentement de la personne visitée. On y reviendra. Je vais vous demander de disposer de l'amendement.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, sur l'amendement proposé par Mme la députée de Maisonneuve à l'article 1 qui se lirait comme ceci: L'article 1 amendé du projet de loi 37 est modifié par l'addition, à la fin, de l'alinéa suivant: "Ces programmes doivent respecter les droits de la personne que garantissent la charte québécoise des droits et libertés et d'autres lois; et être garants d'un processus de prise de décision clair et impartial, notamment du droit à une procédure équitable, de l'accès à l'information et de la protection de la vie privée. " Est-ce que cet amendement est adopté?

Mme Harel: Adopté. M. Bourbeau: Rejeté.

Le Président (M. Bélanger): Rejeté. L'amendement est rejeté.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je vais donc devoir me satisfaire de moins, mais je ne pourrais pas comprendre que le ministre ne veuille pas au moins reprendre les éléments que l'on retrouve déjà à l'article 18 du projet de loi sur l'aide sociale, évidemment, en y ajoutant l'âge comme motif interdit de discrimination. Ce fut là l'objet d'un engagement formel et solennel de son parti en campagne électorale; alors, c'est une occasion, nous sommes au troisième anniversaire, c'est l'occasion de réitérer, mais cette fois de la bonne façon, cet engagement dans un projet de loi.

Alors, l'amendement se lit comme suit: L'article 1 du projet de loi 37 est modifié par l'addition, à la fin, de l'alinéa suivant: "Ces programmes doivent être appliqués sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, l'âge, la religion, la langue, l'ascendance nationale, l'origine sociale, les convictions politiques de l'adulte ou de la famille admissible a ces programmes. " Est-ce que c'est dans la charte?

Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'on pourrait avoir l'amendement, s'il vous plaît?

Mme Harel: Oui, c'est dans la charte.

Le Président (M. Bélanger): J'attends d'avoir copie de l'amendement. On va vous entendre sur la recevabilité parce que j'ai un petit doute.

M. Bourbeau: C'était compris dans l'autre tantôt.

Le Président (M. Bélanger): Avez-vous la copie de l'amendement?

Mme Harel: II est en train d'être rédigé. Le Président (M. Bélanger): D'accord.

M. Bourbeau: M. le Président, on a rejeté un amendement tantôt qui comprenait la même chose.

Le Président (M. Bélanger): On va suspendre quelques instants, le temps de rédiger cet amendement.

(Suspension de la séance à 17 h 43)

(Reprise à 17 h 53)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission reprend ses travaux.

Mme la députée de Maisonneuve, l'amendement sera jugé non recevable pour la raison suivante. C'est que, tout à l'heure, on a rejeté un amendement qui comprenait à la fois les droits de la personne que garantissent la Charte québécoise des droits et libertés de la personne et d'autres lois et, ensuite, la loi sur l'accès à l'information et les procédures équitables. Ici, ce que vous nous faites dans votre amendement, c'est une énumération de l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne. Donc, on a déjà rejeté l'aspect de la Charte des droits et libertés de la personne. Alors, c'est l'équivalent de rejeter chacune de ses composantes. À cet égard, l'amendement devient non recevable. Je vous remercie.

Mme Harel: On poursuit? Une voix: Jusqu'à 18 heures.

Mme Harel: D'accord. On poursuit. Pour continuerais heures.

M. Bourbeau: Pour finir à 21 heures.

Le Président (M. Bélanger): S'il y a entente des deux côtés, je suis au service de la com... la com... de la commission, mais pas longtemps si je continue comme cela.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bélanger): Ha. ha, ha! Cela va. Si je comprends bien, il y a une entente pour qu'on continue et on irait jusqu'à quelle heure?

Des voix: Jusqu'à 21 heures.

Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y aura une petite pause pour se sustenter?

M. Bourbeau: Non, de l'eau, M. le Président. Le Président (M. Bélanger): De l'eau? Une voix: De l'eau et des biscuits.

Le Président (M. Bélanger): C'est dur, cela. Bien.

Mme Harel: Du thé, du thé, du thé de Cali.

Le Président (M. Bélanger): On prendra beaucoup de café. D'accord. Alors, nous revenons donc à l'article 1, tel qu'amendé. Est-ce qu'il y a encore d'autres propositions d'amendement sur cet article 1?

Mme Harel: II nous en reste un qui a été transmis aux membres de la commission. Il faut simplement le lire comme un amendement. Il a été distribué, je pense, comme un sous-amendement. Il consiste à ajouter après le paragraphe 1° et avant le paragraphe 2° introduit par l'amendement...

Le Président (M. Bélanger): Pour se comprendre, c'est comme si c'était en 1. 5? Est-ce que vous pouvez nous en faire lecture, Mme la députée?

Motion d'amendement Mme Louise Harel

Mme Harel: Certainement. Il s'agirait d'ajouter le paragraphe suivant: "d'accorder cette aide en tenant compte du fait que les personnes handicapées encourent des coûts supplémentaires pour eux et leur famille pour compenser les déficiences ou les limitations fonctionnelles. "

Le Président (M. Bélanger): II est recevable sans équivoque et sans conteste. On vous entend sur votre amendement, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, les amendements qui ont été introduits par le ministre ont pour effet de définir des objectifs pour les programmes Soutien financier, APTE et APPORT. Il faut reconnaître que les personnes handicapées peuvent être bénéficiaires et prestataires de l'un ou l'autre de ces trois programmes. On pourra retrouver des personnes handicapées au programme Soutien financier, d'autres pourront se retrouver au programme APTE et d'autres, au programme APPORT puisque le handicap ne signifie pas un état de maladie, de mauvaise santé et qu'un grand nombre d'entre elles, au contraire, revendiquent leur intégration et leur insertion sur le marché du travail avec, évidemment, le remboursement des coûts supplémentaires qu'elles encourent pour leur handicap ou leurs limitations fonctionnelles. Des coûts supplémentaires, cela peut être des frais de transport. Évidemment, on pense toujours en termes de déplacement, mais cela peut être aussi l'aménagement des postes de travail. Alors, que les programmes institués le soient de manière à accorder l'aide en tenant compte des personnes handicapées et de leur situation.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, votre réplique.

M. Bourbeau: M. le Président, on vient de prendre connaissance de l'amendement. Est-ce qu'on peut suspendre une couple de minutes pour en discuter?

Le Président (M. Bélanger): Bien sûr. M. le ministre.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise à 18 heures)

Le Président (M. Leclerc): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bourbeau: On a regardé avec beaucoup d'attention le projet de modification de la députée de Maisonneuve. D'une part, ce sous-amendement arrive très tard parce que nous avons déjà étudié les quatre amendements, chapitres ou paragraphes de l'amendement que j'ai proposé et là on revient en arrière, à l'amendement 1. 5. Si je comprends bien, vous voulez l'insérer entre le sous-amendement 1 et le sous-amendement 2.

Mme Harel: C'est la façon dont le président... C'est le premier que j'ai voulu introduire.

Une voix: C'est vrai.

Mme Harel: Je vous rappelle que, dès l'ouverture de nos travaux, c'est le premier sous-amendement que j'ai voulu introduire et le président m'a dit: Non, ce sera à la fin du vote qui disposera des amendements du ministre.

Le Président (M. Leclerc): Et, M. le ministre...

Mme Harel: M. le ministre, rappelez-vous que vous avez introduit le vôtre parce que vous avez eu le droit de parole avant moi et qu'il y a eu tout le débat de la chronologie.

M. Bourbeau: C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous n'avons fait aucune objection tout à l'heure sur la recevabilité. Je ne vois pas pourquoi la députée s'excite un peu. Je vais simplement expliquer pourquoi nous n'avons pas fait d'objection sur la recevabilité tout à l'heure.

Mme Harel: Soyez moins arrogant.

M. Bourbeau: Cela étant dit, M. le Président, quant au fond, l'amendement qui nous est proposé vise à accorder une aide particulière aux personnes handicapées pour compenser les coûts supplémentaires qui leur sont occasionnés ainsi qu'à leur famille pour compenser les déficiences ou les limitations fonctionnelles. Les personnes handicapées peuvent se retrouver indistinctement soit dans le programme Soutien financier, si elles ont de sévères contraintes à l'emploi, ou dans le programme APTE. Je suis d'accord avec la députée qu'il n'est pas évident qu'elles vont toutes se retrouver dans le programme Soutien financier. Cependant, dans le système actuel, nous avons des façons de leur venir en aide comme, par exemple, dans les besoins spéciaux où l'on prévoit des montants pour les personnes handicapées. Pour les paraplégiques, par exemple, c'est 100 $. Il y a aussi toute une série de besoins spéciaux: les aides auditives, les orthèses et les prothèses. Enfin, la députée connaît très bien la liste des besoins essentiels. Il y a également l'Office des personnes handicapées qui vient en aide pour les besoins matériels.

La notion de plan de services est également disponible pour les personnes handicapées en vertu de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, chapitre E-20. 1 des Lois du Québec. L'article 52 de la même loi prévoit l'aide matérielle aux personnes handicapées. Bref, M. le Président, nous pensons qu'il y a d'autres façons de prévoir une aide spéciale en faveur des personnes handicapées que de créer une catégorie spéciale à l'aide sociale et, pour cette raison, nous pensons qu'il est préférable de ne pas accepter la modification proposée par la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, je pense qu'il y a confusion. Les quatre paragraphes du mi- nistre n'introduisaient pas des catégories. Ils introduisaient des objectifs.

M. Bourbeau: Oui; je ne le nie pas.

Mme Harel: Alors, est-ce aussi un objectif d'accorder une aide particulière aux personnes handicapées? Cela n'a rien à voir avec la catégorisation. Elles peuvent se retrouver dans un des trois programmes.

La question posée est: Pourquoi le ministre refuserait-il que ce soit aussi un objectif que celui de compenser leurs limites fonctionnelles ou leur handicap? C'est invraisemblable. Le ministre me cite des mesures particulières. Tant mieux! D'ailleurs, il pourrait m'en citer pour tous ses amendements, des articles, des mesures particulières concernant l'aide aux personnes qui éprouveront - comment dites-vous? - des contraintes sévères de l'emploi. Il pourrait me citer des dispositions qui prévoient leur apporter une aide particulière. Il en va de même pour la réinsertion des personnes aptes au travail. Il pourrait me citer une série de dispositions. Il n'est pas convaincant du tout quand il me dit que des dispositions particulières, des besoins spéciaux ou autres, seront mises à la disposition des personnes handicapées. Cela va de soi. C'est un peu comme pour les autres objectifs. Il y aura aussi des dispositions particulières qui viendront attribuer des barèmes ou des prestations. Ce n'est pas un argument. On parle d'objectifs. Les programmes ont pour objet... Est-ce que, par définition, c'est non? C'est quoi, le motif? Est-ce qu'il y a de l'argent qui est en cause? Quel est le motif de ne pas reconnaître que ça peut être un objectif dans les programmes?

M. Bourbeau: M. le Président, la députée dit que nos arguments ne sont pas convaincants. Je n'ai jamais espéré pouvoir convaincre la députée de Maisonneuve très facilement, là, dans ce dossier. Ce que je lui dirai, c'est que les objectifs que nous avons insérés sont des objectifs généraux. Celui que propose la députée de Maisonneuve est un objectif spécifique. Nous voulons éviter dans cet article 1, qui proclame les objectifs de nature générale, les objectifs généraux, de commencer à insérer dans cet article des objectifs spécifiques. Je l'ai expliqué à la députée au début de nos travaux, c'est que cet article tient lieu de préambule et on aurait pu, même, à la limite, dans la technique législative insérer l'article au complet avant l'article 1, dans une forme de préambule qu'on voyait parfois dans des lois.

Nous voulons éviter dans ce préambule ou dans les amendements à l'article 1 d'insérer des objectifs spécifiques. Nous voulons nous en tenir aux objectifs généraux. Cela peut expliquer... Je ne sais pas si la députée comprend la distinction.

Mme Harel: Des objectifs généraux pour des catégories particulières puisque, malgré ces

objectifs généraux, le ministre a jugé bon d'introduire des catégories particulières. La catégorie des personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi. Ensuite, la catégorie des personnes aptes au travail. La catégorie des personnes déjà sur le marché du travail. La catégorie des personnes aux études. La catégorie des familles à faible revenu qui ont des enfants à charge. Il ne faut pas que le ministre mélange les principes avec les catégories. Il en a introduit, pourquoi pas celle-là? Pourquoi encore une fois écarter celle-là? Il peut y avoir des personnes handicapées dans toutes les catégories, qu'elle soit celle des personnes qui ont des contraintes sévères au travail, qu'elle soit celle des personnes aptes, qu'elle soit celle des personnes qui sont déjà sur le marché du travail, qu'elle soit celle des personnes aux études, qu'elle soit celle des familles à faible revenu. C'est peut-être la seule des catégories que le ministre va introduire qui, finalement, transcende les catégories.

M. Bourbeau: M. le Président, je répète que l'objectif que veut mettre de l'avant la députée de Maisonneuve est un objectif spécifique qui s'adresse à un groupe spécifique d'assistés sociaux et que, si on accepte cette philosophie, elle va revenir tout à l'heure avec un autre amendement pour une aide spéciale aux victimes du sida, par exemple, ou une aide spéciale aux victimes de la poliomyélite ou victimes de la lèpre. Enfin, elle va revenir avec toute une série d'amendements et elle va nous dire: Ce sont des objectifs généraux qu'on voudrait avoir dans le préambule de la loi. Nous disons que nous avons deux catégories dans la loi que la députée connaît.

Mme Harel: Lesquelles déjà?

M. Bourbeau: Deux programmes, plutôt, le programme Soutien financier et le programme APTE, en plus, évidemment, du programme APPORT, et nous nous en tenons à ces grands programmes et aux clientèles de ces programmes et les objectifs que nous énonçons sont des objectifs qui s'accordent avec ces programmes. Pour ce qui est des objectifs spécifiques que voudrait mettre de l'avant la députée de Maison-neuve, nous ne sommes pas d'avis que ça devrait se trouver à cet endroit dans la loi.

Mme Harel: Moi, je ne demanderais pas mieux que d'être convaincue, mais c'est que le ministre n'est pas convaincant. D'abord, parce que lui-même fait référence à des groupes spécifiques dans tous les amendements qu'il a apportés. il ne faut pas que le ministre confonde programmes et groupes. Les programmes qu'il institue sont-ils distincts ou pas des groupes? Voudrait-il plutôt nous faire croire que chaque paragraphe fait référence à un programme ou que chaque paragraphe fait référence à un groupe? Mais les groupes spécifiques... Quel est le groupe spécifique dont I s'agit dans l'amendement du ministre? Il y a le grand groupe des personnes qui n'ont pas de ressources suffisantes. Ensuite, I y a les autres sous-groupes des personnes qui ont des contraintes sévères d'emploi. Il y a un sous-groupe de celles qui sont aptes au travail. Il y a le sous-groupe de celles qui sont sur le marché du travail. Il y a le sous-groupe de celles qui sont aux études et il y a le sous-groupe de celles qui sont dans des familles à faible revenu, qui ont des enfants à charge et qui sont sur le marché du travaH. Alors, ce ne sont, finalement, que des groupes spécifiques dont les amendements du ministre nous parlent. Pourquoi écarter celui des personnes handicapées qui est le seul qui transcende tous ces sous-groupes-là? On peut trouver des personnes handicapées dans tous les sous-groupes. Autant des personnes qui ont des contraintes sévères d'emploi que des personnes qui sont aptes, que celles qui sont sur le marché du travail, que celles qui sont aux études ou que celles qui appartiennent aux familles à faible revenu qui ont des enfants à charge.

Dites-moi, M. le ministre, les articles précis du projet de loi 37 qui vont nous parler des personnes handicapées.

M. Bourbeau: M. le Président, je renonce à convaincre la députée de Maisonneuve. Elle peut faire toutes les exégèses qu'elle veut. Ce que je lui dirai, c'est que nous traitons avec la clientèle de l'aide sociale, ce sont des gens sans ressources. Cela, c'est la clientèle générale de l'aide sociale et, à l'intérieur de ça, nous avons trois programmes. La députée connaît les programmes. Ce sont les catégories, si elle veut, que nous avons dans le programme. On peut appeler ça une catégorie ou appeler ça des programmes. Ce sont des clientèles, de toute façon. Maintenant, si on commence à singulariser chaque élément à l'intérieur de chacune de ces clientèles-là, on pourrait, bien sûr, nommer les handicapés, on pourrait nommer les jeunes, on pourrait nommer chacun des groupes, les personnes de 34 à 45 ans, les personnes de 45 a 55 ans, les personnes de 55 à 64 ans et là la députée pourrait arriver après ça avec un amendement à l'égard de chacun des groupes en disant qu'ils ont des besoins spécifiques relatifs à leur âge, à leur condition. Et là, M. le Président, elle va nous débouler une série d'amendements à l'article 1 et on sera encore ici dans trois mois en train de débattre les sous-amendements de la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Mais je pense que le ministre n'a pas encore compris que j'étais contre l'hypercatégorisation.

M. Bourbeau: Alors, M. le Président, tout ce que je dis à la députée de Maisonneuve, c'est qu'elle peut faire tous les amendements qu'elle veut. Je m'en fous. Je fais mon sacrifice des heures qui viennent...

Mme Harel: Tiens, tiens, tiens!

M. Bourbeau:... mais qu'elle ne me demande pas de continuer avec elle un débat stérile sur ce point-là. Je n'ai ni le goût, ni même la volonté de le faire.

Mme Harel: La commande vient-elle du Conseil du trésor ou du premier ministre?

M. le Président, je voudrais simplement que le ministre m'indique tout au moins les articles du projet de loi qui vont référer explicitement à la compensation des limites fonctionnelles et aux coûts pour les personnes handicapées.

Le Président (M. Bélanger): Bien. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, je réfère la députée au projet de loi. Elle l'a lu autant que moi. Je présume qu'elle a dû faire l'étude du projet de loi.

Mme Harel: Je ne le connais pas aussi bien parce que ce n'est pas moi qui en suis l'auteure. Ce n'est pas mon nom, en tout cas, et ça me ferait honte si c'était mon nom. Ce n'est même pas le vôtre, d'ailleurs, qui est sur la page de garde.

M. Bourbeau: M. le Président, ce n'est pas mon nom non plus, mais je n'en ai pas honte. Je dirai à la députée que, si elle veut bien procéder à l'étude du projet de loi et non pas faire un débat stérile sur l'article 1 comme on en fait comme depuis envrion 35 heures, elle aura l'occasion d'étudier le projet de loi en profondeur et elle verra quels articles s'appliquent à ses questions.

Mme Harel: Si le ministre veut cesser de jouer à la cachette, il va me préciser - je pense qu'il va avoir la réponse dans une fraction de seconde - à quel article je peux retrouver les dispositions qui vont s'appliquer aux personnes handicapées.

M. Bourbeau: Comme je l'ai dit, M. le Président, quand on sera rendu à l'article en question, je l'indiquerai à la députée. Mais, là, je pense que c'est...

Mme Harel: Le ministre est mieux de ne pas prendre ce ton-là. Je lui demande quelque chose qui est tout à fait régulier et il est bien mieux de ne pas prendre ce ton-là s'il veut le moindrement que les choses se déroulent plus calmement d'ici 21 heures.

M. Bourbeau: M. le Président, je n'ai aucune...

Le Président (M. Bélanger): Je ne veux pas qu'on se fasse des menaces de part et d'autre, s'il vous plaît.

M. Bourbeau:... crainte...

Mme Harel: On ne se fera pas de menaces, mais, M. le Président, le ministre, je regrette infiniment...

Le Président (M. Bélanger): Franchement. J'ai bien dit de part et d'autre.

Mme Harel:... va aussi collaborer.

Le Président (M. Bélanger): J'ai bien dit de part et d'autre. Je pense que ça ne sera pas une façon acceptable de fonctionner. On va essayer de trouver l'article en question, madame. (18 h 15)

M. Bourbeau: M. le Président, la députée de Maisonneuve fera toutes les colères qu'elle veut, ce n'est pas elle qui va me mettre des mots dans la bouche. Et, pour autant que je suis concerné, je n'ai pas à répondre aux ultimatums de la députée de Maisonneuve ou à ses questions. Quand elle voudra faire une étude intelligente du projet de loi, on collaborera. Pour l'instant, je n'ai pas ce sentiment.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je pense qu'on va arrêter à ce moment-ci parce qu'on ne pourra pas continuer dans les dispositions dans lesquelles le ministre est. Je vais vous demander, à ce moment-ci, d'appliquer le règlement et on se retrouvera à 20 heures. On ne va pas continuer...

Une voix: Non, non, on a pris une entente. Mme Harel: Non. On ne va pas continuer... Le Président (M. Bélanger): Madame... Mme Harel:... dans ce climat-là.

M. Bourbeau: Cela ne me dérange pas du tout.

Mme Harel: Je regrette infiniment.

Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse, madame...

Mme Harel: Cela n'a pas l'air de convaincre...

Une voix: Non, non, il y a eu entente.

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Mme Harel: Cela n'a pas l'air de...

M. Bourbeau: Je peux être ici jusqu'à minuit, cela ne me dérange pas du tout.

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! Il y a une entente qui a été faite et maintenant nous fonctionnons avec cette entente, on ne peut pas revenir.

Mme Harel: Alors, M. le Président, le ministre sait très bien que ce n'est pas comme ça qu'on étudie un projet de loi quand on veut en faire une étude sérieuse. Je vais lui trouver l'article que je cherche, cela aurait été plus facile pour lui et on aurait perdu moins de temps.

M. Bourbeau: Elle le savait déjà, vois-tu.

Mme Harel: Comme le ministre semble vouloir faire perdre le temps à ses collègues et à l'Opposition...

Le Président (M. Bélanger): Je crois que l'article que vous cherchez est l'article 113.

M. Bourbeau: M. le Président, est-ce qu'on peut revenir à l'article 1? Est-ce que ce serait trop vous demander...

Mme Harel: Non, ce n'est pas l'article 113.

M. Bourbeau:... M. le Président, que de revenir à l'article 1?

Le Président (M. Bélanger): Alors..

Mme Harel: Oh non! Si le ministre pense qu'il va continuer comme ça...

Le Président (M. Bélanger): Non, s'il vous plaît! On peut revenir à l'objet de l'amendement. La question que nous débattons actuellement, on pourrait la repréciser... Alors, nous sommes sur un projet d'amendement qui dit: "d'accorder cette aide en tenant compte du fait que les personnes handicapées encourent des coûts supplémentaires pour eux et leur famille pour compenser les déficiences ou les limitations fonctionnelles. "

Mme Harel: Alors, M. le Président, mon amendement est d'autant plus justifié que rien dans ce projet de loi de 134 articles ne concerne explicitement l'aide qui doit être accordée aux personnes handicapées. A l'article 90, paragraphe 7°, tout ce que prévoit la loi, c'est un règlement pour permettre au gouvernement de "prévoir, pour chaque programme d'aide de dernier recours, les montants des prestations spéciales visant à combler certains besoins particuliers et dans quels cas elles sont accordées. " Alors, c'est un pouvoir réglementaire général. Aucune ligne du projet de loi ne traite comme tel de la reconnaissance explicite des besoins des personnes handicapées. Je trouve d'autant plus justifié que cet amendement soit retenu par la commission.

Le ministre va arrêter de prétendre, comme il le faisait d'ailleurs la semaine dernière abondamment, que l'Opposition l'empêchait de faire du bon pour les personnes handicapées. C'est le terme même qu'il utilisait, "personnes handicapées". Eh bien, le projet de loi 37, pour tout de suite, ne prévoit dans aucune de ses dispositions explicites de leur accorder une aide en tenant compte des coûts supplémentaires, pour eux et leur famille, de leur déficience ou de leurs limitations fonctionnelles. Cela prouve bien l'entêtement et l'obstination du ministre qui peut bien se référer à son passé de législateur. S'il savait ce que les collègues pensent de son passé de législateur, il serait un peu plus prudent avant de faire appel à ce passé. C'est évident que c'est simplement par entêtement que le ministre ne veut pas reconnaître et qu'il ne voulait même pas me signaler qu'il n'y avait rien dans son projet de loi, ou bien c'est parce qu'il ne le savait pas! C'est au choix. Ou bien c'est parce qu'il ne le savait pas, mais on peut présumer qu'il le savait et qu'il préférait, finalement, ne pas en convenir parce que, d'une certaine façon, il est bien embarrassé d'avoir à refuser cet amendement qui est maintenant introduit. Il est très embarrassé de s'être engagé dans cette voie et de s'y entêter. Il sait très bien qu'à part les règlements dont on ignore toujours tout ça reste une inconnue. La confirmation que l'aide sera octroyée aux personnes handicapées, ça reste encore une inconnue. Ce sera au bon vouloir. On connaîtra ça dans quelques semaines peut-être en lisant la Gazette officielle; peut-être que oui, peut-être que non. M. le Président, Je pense qu'il est d'autant plus important qu'à ce moment-ci l'amendement introduise à l'article 1 comme objectif d'accorder une aide dans les programmes institués en tenant compte des personnes handicapées.

Dites-moi donc ce que ça aurait coûté au ministre que d'accepter cet amendement. Qu'est-ce que ça lui aurait coûté? Lui qui prétend être ouvert à tous les amendements qui ont du bon sens, il ne viendra pas prétendre que cet amendement n'en a pas. Lui qui prétendait 1 y a quelques jours adopter une loi pour pouvoir leur faire profiter des bonnes choses qu'il prévoyait pour eux, il n'y a même pas un article qui en parle.

M. le Président, c'est extrêmement décevant mais, dans le fond, ce n'est pas si inusité parce que c'est, semble-t-il, l'attitude générale que le ministre adopte à l'égard des lois. C'est une espèce d'obstination, de résignation. C'est bien évident que ce n'est pas de la bonification que le ministre veut faire.

M. Bourbeau: M. le Président, la députée de Maisonneuve en est aux arguments ad hominem mais c'est elle-même, précédemment, qui m'incitait à ne pas le faire. Je lui dirai ceci. D'abord, il était inutile de lui pointer l'article 90. Elle le savait déjà. Donc, sa question était inutile. Elle sait très bien que c'est en vertu de

l'article 90, paragraphe 7°, que nous avons les pouvoirs de prévoir pour chaque programme d'aide de dernier recours les montants des prestations spéciales visant à combler certains besoins particuliers et dans quels cas elles sont accordées. C'est bien évident que pour les besoins spéciaux dont il est question on s'en référera au règlement qui sera rendu public dès qu'il aura été approuvé par le Conseil des ministres.

Ce qui m'étonne un peu dans la démarche obstinée de la députée de Maisonneuve pour tenter de faire passer son amendement c'est qu'il y a une certaine nostalgie dans l'amendement en question ou plutôt c'est une démarche un peu rétrograde. La députée se targue depuis le début de nos travaux de retourner aux sources, au rapport Boucher, par exemple. Elle nous cite abondamment le rapport Boucher depuis le début de nos travaux. Or, justement, qu'est-ce que le rapport Boucher est venu faire en 1963? Il est venu mettre fin à une situation qui prévalait auparavant où nous avions toute une série de lois individuelles qui protégeaient individuellement toute une catégorie d'individus. Nous avions la Loi sur les personnes handicapées, la Loi sur les invalides, la Loi sur les mères nécessiteuses. La députée voudrait maintenant qu'on réinstaure dans le système d'aujourd'hui l'ancien système qu'on a justement aboli parce que insatisfaisant, où on viendrait, dans une loi de portée générale, réinstaurer des régimes spéciaux pour les anciennes catégories qu'on a justement voulu abolir avec le rapport Boucher. Je ne sais pas ce que la députée de Maisonneuve va répondre à ça. Elle ne semble pas très heureuse des remarques que je lui fais parce qu'elle vient de se rendre compte du ridicule de sa proposition.

La députée veut retourner 25 ans en arrière, retourner à une situation qu'on a justement abolie parce que Insatisfaisante, où on avait des lois individuelles qui, chacune à sa façon, tentait de régler des problèmes pour des catégories de citoyens. Avec la Loi sur l'aide sociale, on a justement mis fin à cette cacophonie et on a mis sur pied un système intégré. C'est ce que nous avons aujourd'hui, un système intégré. Je sais que ça ne vous fait pas plaisir que je vous dise ça. Mais, avec vos amendements, vous voulez réinstaurer la sectorisation à travers une loi de portée générale. Nous vous disons que dans la loi nous traitons des assistés sociaux... À ce moment, si on agréait l'amendement de la députée de Maisonneuve, le prochain amendement qui va nous être déposé sera pour tenir compte d'une façon particulière des mères nécessiteuses. D'ailleurs, je suis convaincu que l'amendement est déjà prêt. Après, elle va revenir avec les autres anciennes lois, les aveugles, un autre papillon pour les sourds probablement, toutes les catégories de citoyens qui ont des handicaps vont y passer les unes après les autres.

M. le Président, je pense que j'ai démontré à la députée de Maisonneuve un peu l'inutilité du papillon qu'elle nous présente ou de sa modification et les raisons pour lesquelles nous ne pouvons y souscrire.

Mme Harel: M. le Président, je savais que le ministre était capable de parler en fou, mais, autant que cela, je n'imaginais pas cela possible.

Le Président (M. Bélanger): Excusez-moi, madame, mais les propos sont antiparlementaires. Je vous prie... On n'a à qualifier d'aucune façon. Je pense qu'on est là ce soir pour se respecter et faire avancer le projet de loi.

Mme Harel: Non. M. le Président...

Le Président (M. Bélanger): Sur le sous-amendement, s'il vous plaît.

Mme Harel: Sur le sous-amendement.

Le Président (M. Bélanger): Sur l'amendement, pardon.

Mme Harel: Sur l'amendement, j'aimerais que le ministre reconnaisse que c'est vraiment comme si on parlait pour ne rien dire ici. Cela devient du surréalisme. On nage en plein burlesque. Le ministre introduit les catégories dans ses propres amendements. Il y en a cinq dans ses propres amendements. S'il s'était justement satisfait du rapport Boucher, il se serait satisfait du premier amendement et il aurait accepté notre sous-amendement pour accorder une aide financière de dernier recours aux personnes qui n'ont pas de ressources propres suffisantes pour subvenir à leurs besoins essentiels et à ceux de leur famille, quelle que soit la cause de leurs besoins. Point. Le ministre a battu tous les amendements qu'on a faits pour maintenir les acquis des 25 dernières années. Ce que le ministre fait, c'est qu'il introduit par ses amendements cinq catégories, juste au niveau de ces quatre paragraphes: les personnes qui vont avoir des contraintes sévères à l'emploi, celles qui vont être aptes au travail, celles qui, en étant aptes, sont sur le marché du travail, celles qui vont être aux études et celles qui vont être dans des familles à faible revenu qui ont des enfants sur le marché du travail. Alors, c'est le ministre qui catégorise, et on n'a rien vu encore, cela ne m'étonnerait pas, je le crois capable, qu'il ajoute sans fin à cette catégorisation. C'est lui maintenant qui vient nous parler de cette aide qu'on doit apporter à des personnes qui ont un handicap ou une limitation fonctionnelle et qui ont besoin d'une aide financière pour compenser ce handicap ou cette limitation fonctionnelle.

Ce que le ministre confond - je pense que c'est abusivement, mais cela se peut aussi que ce soit tout simplement parce qu'il y a des catégories qui se mélangent encore pour lui - ce sont les besoins essentiels, les besoins de base, les

besoins ordinaires avec tes besoins spéciaux. Ce que le ministre n'a pas l'air d'avoir encore compris, c'est que les besoins ordinaires, les besoins de base, les besoins essentiels, contrairement à ce qu'il prétend, sont les mêmes pour tout le monde. Qu'on ait des contraintes sévères à l'emploi ou qu'on soit en chômage parce qu'il n'y a pas d'emploi, le coût du loyer et de l'épicerie va être le même pour tout le monde. La différence pour une personne handicapée, c'est que la compensation pour sa limitation fonctionnelle, quel que soit le programme, elle devrait y avoir droit. Qu'elle soit dans une ou l'autre des catégories du ministre, elle devrait y avoir droit. Même lorsqu'elle retourne sur le marché de l'emploi, elle devrait continuer jusqu'à un certain seuil de revenu d'y avoir droit pour la maintenir à l'emploi. C'est cela que le ministre ne comprend pas. Cela va être tellement décevant, de toute façon, l'ensemble de l'examen qu'on conduit présentement parce que, c'est évident, la coquille législative de ce projet de loi est tellement décevante, c'est déjà un recul aux années cinquante, et là le ministre, d'aucune façon, ne va accepter d'améliorer ce qui est déjà passablement avarié. Alors, M. le Président, je vais vous demander d'appeler le vote sur l'amendement.

Le Président (M. Bélanger): Bien. L'amendement de Mme la députée de Maisonneuve se lit comme suit: Ajouter après l'article 1 amendé le paragraphe suivant: "1. 1 d'accorder cette aide en tenant compte du fait que les personnes handicapées encourent des coûts supplémentaires pour eux et leur famille pour compenser les déficiences ou les limitations fonctionnelles. " Est-ce que cet amendement est adopté?

M. Bourbeau: Rejeté.

Mme Harel: Adopté. (18 h 30)

Le Président (M. Bélanger): Je rappelle donc l'article 1 tel qu'amendé. Est-ce que l'article 1 tel qu'amendé est adopté?

M. Bourbeau: Adopté.

Mme Harel: M. le Président, je n'introduirai pas d'autres amendements. Mais, avant que l'on complète l'article 1, j'aimerais vous dire ce que j'en pense. Je relisais la réaction de la CSN à la suite des amendements du ministre disant que ces amendements ne changent en rien les orientations fondamentales de la réforme. "La CSN tient à réitérer son opposition ferme, a déclaré Mme Simard. Le gouvernement maintient la distinction entre bénéficiaires qui modifie entièrement la nature du régime d'aide sociale. Ceci signifie un retour à l'ancienne conception de charité publique représentant en fait un recul important puisque, depuis 1970, ce régime est centré sur la notion de justice sociale. Toute personne jusqu'à maintenant privée de moyens de subsistance a droit à une aide de l'État, quelle que soit la cause de son besoin. " Je veux vous rappeler, M. le Président, que malheureusement nous allons disposer d'un article fondamental parce que le gouvernement, par l'article 1, va changer profondément la nature de notre régime de sécurité du revenu. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Merci M. le ministre.

M. Bourbeau: Seulement pour dire qu'il est bien évident qu'il n'y a pas unanimité totale dans la société à l'égard du projet de réforme de l'aide sociale. Certains groupes s'y opposent encore, quoique la très grande majorité des Québécois semble d'accord avec le projet. Il suffit d'écouter les différents programmes à la radio, de lire les journaux, écouter les commentateurs, lire les éditoriaux pour se rendre compte que, d'une façon générale, la très grande majorité des Québécois sont d'accord avec la réforme et avec les objectifs et la façon dont nous entendons la mettre en vigueur. Je reconnais que certains groupes ne sont pas encore parfaitement d'accord avec les objectifs et V semble que la CSN soit un de ces groupes. J'ai personnellement rencontré Mme Simard et les dirigeants de la CSN. J'ai discuté avec eux et ils m'ont fait valoir leur point de vue. Je continue à penser quand même que la distinction que nous faisons dans le projet de loi entre les aptes et ceux qui ont de sévères contraintes à l'emploi, qu'on appelait les inaptes, est une distinction essentielle qui s'impose dans la société d'aujourd'hui et qu'également l'objectif d'incitation au travail que nous avons inséré est un objectif tout à fait nécessaire et souhaitable dans le contexte de notre société d'aujourd'hui.

Finalement, M. le Président, tout en regrettant que la CSN ne puisse pas partager notre point de vue, je dois dire que, quant à moi, je suis parfaitement à l'aise, et je suis convaincu que mes collègues aussi, avec les objectifs du projet de loi et avec la rédaction même du projet.

Mme Harel: M. le Président, je ne voudrais pas qu'on pense qu'il n'y a que la CSN. Évidemment, la CSD, la même journée... La CSD, qui est habituellement connue pour ses positions assez modérées, faisait connaître le même refus. Le titre du telbec est: La CSD demande le retrait de la réforme de l'aide sociale.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, l'article 1 étant adopté sur division...

Une voix:...

Le Président (M. Bélanger): Je l'ai fait tout à l'heure. Est-ce que l'article 1 tel qu'amendé est adopté? C'est ce que j'ai demandé tout à

l'heure et on m'a dit oui.

M. Bourbeau: Adopté.

Le Président (M. Bélanger): Et Mme la députée de Maisonneuve...

Mme Harel: Sur division.

Le Président (M. Bélanger):... se disait sur division.

M. Bourbeau: C'est un grand moment, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): L'article 1, tel qu'amendé, est adopté sur division. J'appelle l'article 2.

Définitions

L'article 2 se lit comme suit: "Sont des conjoints: "1° les époux qui cohabitent; "2° les personnes vivant maritalement qui sont les père et mère d'un même enfant; "3° les personnes majeures vivant maritalement depuis au moins un an. "Ces personnes continuent d'être des conjoints malgré l'absence temporaire de l'une d'elles. "Pour l'application du programme "Aide aux parents pour leurs revenus de travail", ne sont pas des conjoints, pour une année, les conjoints qui ne l'ont pas été 184 jours consécutifs au cours de l'année. "

Sur cet article 2, M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, j'aimerais donner quelques notes explicatives et proposer un amendement. Cette notion de conjoint, jointe à celle de famille, permet d'établir l'unité de base qui servira dans l'attribution de prestations pour les trois programmes. Elle comporte une différence importante par rapport à la Loi sur l'aide sociale puisque deux personnes vivant maritalement ne seront considérées comme conjoints qu'après une année de vie commune, sauf, bien sûr, si un enfant est né de leur union. Actuellement, elles sont des conjoints dès qu'il y a vie commune. Pour le reste, la définition est substantiellement la même.

Quant au deuxième alinéa qui, comme vous l'avez dit, M. le Président, stipule que ces personnes continuent d'être des conjoints malgré l'absence temporaire de l'une d'elles, cette disposition a pour effet d'empêcher qu'une absence de la résidence en raison du travail, par exemple, ne vienne modifier la composition de la famille pour fin d'attribution des prestations. Finalement, quant au dernier paragraphe de l'article 2, à cause du caractère annuel de la prestation APPORT, la composition de la famille doit être établie pour l'année. La présente disposition permet de le faire à l'égard des personnes dont la situation maritale change dans l'année.

Motion d'amendement M. André Bourbeau

M. le Président, j'aimerais proposer un amendement à l'article 2 visant à remplacer le paragraphe troisième du premier alinéa de l'article 2 par le suivant: "Les personnes majeures qui vivent maritalement et qui ont cohabité pendant des périodes totalisant au moins un an. "

Mme Harel: Est-ce qu'on a cet amendement-là?

M. Bourbeau: Oui, on l'a distribué hier, je crois.

Le Président (M. Bélanger): Et, deuxièmement.

M. Bourbeau: Deuxièmement, M. le Président, j'aimerais remplacer le troisième alinéa de l'article 2 par le suivant: "Pour l'application du programme "Aide aux parents pour leurs revenus de travail", sont des conjoints, pour une année, deux personnes qui ont été conjoints au moins 184 jours consécutifs dans cette année". Il s'agit d'une modification de forme dans ce dernier cas. Dans le cas du premier des deux amendements que j'ai proposés, à la fin du premier volet de l'amendement, il s'agit d'une nouvelle définition de la vie maritale. Présentement, l'exigence d'une année porte sur la vie maritale, c'est-à-dire cohabitation plus secours mutuel. La modification vise à faire porter l'exigence d'une année seulement sur la cohabitation. En plus, il est précisé que les périodes peuvent être fractionnées dans le calcul du délai d'un an. Voilà, M. le Président.

Mme Harel:... M. le Président, il va falloir que le ministre nous fournisse ce qu'il lit ou qu'il recommence en lisant lentement.

Le Président (M. Bélanger): L'amendement vous a été remis, madame.

Mme Harel: Non, non. Ses notes explicatives, il va falloir que...

M. Bourbeau: M. le Président, alors la députée n'a qu'à poser des questions et on va répondre.

Mme Harel: Je vais lui demander qu'il relise les notes qu'il vient de lire.

M. Bourbeau: Je n'ai pas d'objection. Je peux vous parler de l'amendement qui vise à

remplacer le paragraphe troisième du premier alinéa de l'article 2 par le suivant. Si la députée veut prendre le troisième paragraphe de l'article 2 qu'on a Ici. "Sont des conjoints les personnes majeures vivant maritalement depuis au moins un an". Nous allons modifier ça en disant: "Sont des conjoints les personnes majeures qui vivent maritalement et qui ont cohabité pendant des périodes totalisant au moins un an. "

Le députée comprendra qu'il y a deux modifications dans cet article. La première porte sur l'exigence d'une année quant à la vie maritale, c'est-à-dire cohabitation plus secours mutuel. Cette modification vise à faire porter l'exigence d'une année seulement sur la cohabitation et non pas sur le secours mutuel. La deuxième modification porte sur le calcul de l'année. On précise que plusieurs périodes pourront être additionnées dans le calcul du délai d'un an. Il s'agit donc que deux personnes aient cohabité pendant un an, mais non pas nécessairement pendant une seule période; cela pourrait être plusieurs périodes totalisant un an. La députée a-t-elle bien saisi la nuance? Bon.

L'autre amendement était un amendement de forme. Je disais: Remplacer le troisième alinéa de l'article 2 par le suivant. Il s'agit là de l'amendement qui porte sur le programme APPORT. La députée a-t-elle l'amendement en main?

Mme Harel: Oui. Remplacer le troisième alinéa de cet article par le suivant.

M. Bourbeau: Bon, alors c'est un amendement de forme. La forme positive de la nouvelle phraséologie nous semble préférable à la forme négative que nous retrouvions dans la formulation originale. Elle permet une interprétation plus claire de l'article. Je ne voudrais pas que la députée fasse une dépression. Elle a l'air totalement découragée. Prenez votre mal en pitié, on est seulement à l'article 2.

Le Président (M. Bélanger): Y a-t-il d'autres interventions sur cet article 2 et l'amendement proposé?

Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, vous avez compris que cet article 2 était fondamental. Il est au coeur d'un grand débat de société, qui s'appelle la vie maritale. Il est au coeur d'un débat qui se joue ici aussi au Parlement sur le statut de conjoint et sa définition. Au moment même où nous siégeons durant cette session de la présente Législature, nous nous retrouvons devant l'Assemblée avec deux projets de loi dont nous aurons à disposer avant Noël. Un qui porte le numéro 92, je crois, et qui fait référence aux victimes d'accidents d'automobiles et à la loi sur l'indemnisation. L'autre qui porte le numéro 37 et qui fait référence à la loi sur l'aide sociale. Au moment même où nous envisageons cette notion de conjoint, je n'ai pas à vous rappeler, M. le Président, combien contradictoires et nombreuses sont les définitions de conjoint dans les lois sociales du Québec.

Mais le summum de l'incohérence, c'est que le ministre des Transports introduit dans le projet de loi 92 sa définition de conjoint et que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu Introduit dans la loi 37 sa définition de conjoint. Le ministre doit bien se rendre compte là qu'on entre dans un grand débat pas simplement ici en commission, mais un débat qui va certainement avoir des échos la semaine prochaine dans le Parlement, qui est: Comment se fait-il que le gouvernement a deux définitions différentes de conjoints dans deux lois étudiées pendant la même session de la même Législature? Est-ce que c'est sa manière de vouloir harmoniser la définition de conjoints? Est-ce que c'est sa manière de vouloir clarifier la définition de conjoints? Pour le bénéfice de mes collègues de la commission, pour les membres de la commission, j'aimerais leur faire distribuer la définition de conjoint qu'on retrouve au chapitre II de l'indemnisation du dommage corporel dans la loi 92, qui est actuellement étudiée ou qui devrait l'être la semaine prochaine en commission à l'étude article par article. Je pense que la contradiction est tellement grosse, tellement apparente que sur cette base on va devoir travailler sur le fait que la définition de conjoint puisse être différente selon la condition sociale des personnes.

M. le Président, j'aimerais référer les membres de la commission à une excellente étude parue il y a maintenant, mon Dieu, j'allais dire, en décembre 1988, vous voyez combien c'est récent... (18 h 45)

M. Bourbeau: La députée de Maisonneuve vient de sourire, M. le Président. Enfin, on l'a vue sourire.

Mme Harel: Ce n'est pas vous qui me faites sourire, ni votre définition de conjoint.

Le Président (M. Bélanger): Elle sourit souvent.

Mme Harel: Cela dépend à qui.

Le Président (M. Bélanger): Ha, ha. ha!

Mme Harel: Vous allez retrouver dans la revue Justice de décembre 1968 une étude exhaustive, une étude substantielle sur l'ensemble de la définition des conjoints au point de vue, je pense, de toutes les lois du Québec. Vous y retrouvez également une étude assez exhaustive des différences et des ressemblances du point de vue des lois administratives du Québec. Donc, il ne s'agit pas simplement des lois sociales. C'est à la fois l'ensemble du Code civil relativement à l'adoption, à l'assurance-vie, aux contrats, aux

donations entre vifs, au droit à l'héritage, aux droits et obligations des conjoints l'un par rapport à l'autre, aux droits et obligations des parents vis-à-vis de leurs enfants, toujours en matière d'analyse comparative des droits dans le cadre d'une union libre ou dans le cadre du mariage, à la filiation, au nom de famille des enfants, au partage des biens, à la pension alimentaire, à la prestation compensatoire, à la résidence familiale, à la solidarité des dettes, aux accidents du travail, à l'aide juridique, à l'aide sociale, à l'assurance automobile, à l'indemnisation des victimes d'actes criminels, aux prêts et bourses, au Régime de rentes du Québec, à la rente du conjoint survivant, au partage des rentes de retraite, aux allocations familiales, à l'assurance-chômage et à la sécurité de vieillesse. Vous l'avez également du point de vue des chartes québécoise et canadienne et du point de vue des lois canadiennes sur les droits de la personne. Cette étude nous indique qu'on est dû pour une harmonisation de notre définition de conjoint à l'intérieur de nos différentes lois sociales, de nos dispositions de protection et, évidemment, en matière d'harmonisation avec le Code civil.

Alors, je vais vous faire distribuer cette définition de conjoint qu'on retrouve au chapitre I du titre II du projet de loi 92 où la définition de conjoint signifie: l'homme ou la femme qui, à la date de l'accident... "

Le Président (M. Bélanger): Ce n'est pas le mariage, madame. Excusez-moi.

Mme Harel: "... est marié à la victime et cohabite avec elle ou vit maritalement avec la victime et est publiquement représenté comme son conjoint depuis au moins trois ans, ou depuis au moins un an si un enfant est né ou à naître de leur union. " Donc, c'est la même définition que l'on retrouve dans l'ensemble des lois sociales du Québec. Qu'il s'agisse de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile, qu'il s'agisse de la Régie des rentes, qu'il s'agisse donc de la loi sur l'indemnisation en santé et sécurité au travail, pour obtenir un avantage, puisque ce sont là des lois qui se réfèrent plus à des prestations d'assurance, pour obtenir un avantage, pour tirer un bénéfice de sa cohabitation, il faut prouver qu'elle a eu lieu, de commune renommée, maritalement pendant plus de trois ans, sinon aucune prestation d'indemnité n'est versée au conjoint survivant si cette preuve n'est pas démontrée à la satisfaction de la Régie des rentes, à la satisfaction de la CSST, à la satisfaction de la Régie de l'assurance automobile du Québec, si donc la preuve d'une cohabitation de trois ans n'est pas faite.

Pourquoi faudrait-il trois années de cohabitation, au sens du gouvernement, pour obtenir une prestation et simplement une définition différente pour perdre un avantage? Le ministre n'introduit rien de neuf, en pratique, quand il introduit la notion d'un an. Déjà, dans les décisions de la Commission des affaires sociales... Il faut se référer à la Loi sur l'aide sociale annotée par la Commission des services juridiques. C'est un excellent instrument qui nous permet de retrouver l'ensemble de l'illustration jurisprudentielle des décisions de la Commission des affaires sociales. On constate que, dans la pratique, la Commission des affaires sociales considérait la première année comme une année de fréquentations et que, dans la pratique, jamais la commission ne réclamait de trop-perçus ou un remboursement pour une période de moins d'un an. Donc, dans la pratique, déjà, la Commission des affaires sociales, dans l'ensemble de ses décisions, avait créé une sorte de jurisprudence sur cette notion d'une année.

La question est bien plus de savoir si nous devons introduire, dans une loi comme le projet de loi 37, au moment même où nous discutons d'une loi où il y a une autre définition de conjoint, si on doit continuer à créer une cacophonie dans nos lois sociales sur cette question de vie maritale. Est-ce que je peux continuer? Est-ce que je continue?

Le Président (M. Bélanger): Oui, oui, je vous en prie.

Mme Harel: Je fais mes vingt minutes et c'est tout?

Le Président (M. Bélanger): Oui.

Mme Harel: Sinon, je vais présenter un amendement.

Le Président (M. Bélanger): À la fin de vos vingt minutes, si vous voulez présenter un amendement, il n'y a pas de problème, parce qu'un amendement, Mme la députée...

Mme Harel: Alors, je vais introduire mon amendement tout de suite.

Le Président (M. Bélanger): C'est ça. Un amendement vous redonne un droit de parole de vingt minutes pour le présenter.

M. Bourbeau: Ne vous en faites pas, on va vous laisser votre droit de parole, on ne veut pas vous bâillonner.

Mme Harel: Je voudrais surtout que vous m'écoutiez.

M. Bourbeau: Ah! j'écoute.

Mme Harel: Je veux bien comprendre, M. le Président. Si je fais mon amendement, est-ce qu'il va y avoir une alternance ou pas, ou...

Le Président (M. Bélanger): C'est-à-dire que le ministre peut répliquer à chaque intervention...

Mme Harel: Oui, mais les autres députés ministériels, non.

Le Président (M. Bélanger): S'ils le désirent, je ne le sais pas.

Mme Harel: II me reste combien de temps? Neuf? Alors, je compléterai plus tard mon intervention.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le député de Taschereau.

M. Leclerc: Merci, M. le Président. Je suis très sensible au fait que nous signale la députée de Maisonneuve. Elle a raison de dire qu'un bon nombre de lois au Québec traitent différemment les conjoints, sauf que ce qu'elle nous donne comme exemple est le report presque textuel de la loi actuelle sur l'assurance automobile, loi qu'ils ont eux-mêmes adoptée, si je me rappelle bien, en 1977 ou en 1978. Par conséquent, ce sont eux au premier chef qui ont ont provoqué ces différences qu'elle déplore aujourd'hui, que nous déplorons tous ensemble.

Donc, que la députée de Maisonneuve nous démontre que des lois au Québec traitent différemment les conjoints de fait, elle a raison. Qu'elle se serve d'une loi sur l'assurance automobile actuellement débattue à l'Assemblée nationale, qui reprend presque textuellement la Loi sur l'assurance automobile qu'eux-mêmes ont adoptée en 1977 et qui a provoqué une autre façon de traiter les conjoints, puisque l'article 1. 7. bi dit: "conjoints: l'homme et la femme: qui vivent ensemble maritalement et qui au moment de l'accident résidaient ensemble depuis trois ans ou depuis un an si un enfant était issu de leur union... " C'est textuel dans la loi que nous étudions actuellement à l'Assemblée nationale et c'est dans la loi qu'ils ont eux-mêmes étudiée.

Par conséquent, je pense que, bien que nous puissions tous être d'accord pour dire qu'idéalement il faudrait n'avoir qu'une façon de traiter les conjoints, on se rend compte que ce n'est pas un problème qui date d'hier et que, malheureusement, ce n'est pas ici, en commission parlementaire sur l'aide sociale, que nous allons être capables de corriger toutes les notions de conjoint qui sont dans les autres lois et qui ont été adoptées depuis bon nombre d'années par l'Assemblée nationale.

Mme Harel: Je vais corriger celle-là.

M. Leclerc: Vous voulez corriger celle-là? À mon sens, celle-là corrige la précédente que vous avez endurée pendant neuf ans où les gens, du moment qu'ils étaient considérés comme conjoints, du moment qu'ils étaient considérés comme vivant ensemble et se prêtant secours mutuel, eh bien, ils étaient considérés comme conjoints. À la différence que l'article 2 que nous étudions tient pour acquis qu'il nous faut attendre au moins un an avant que ces personnes puissent être considérées comme conjointes.

Mme Harel:...

M. Leclerc: Pardon?

Mme Harel: C'est pire.

M. Leclerc: C'est pire? Ah bon! Vous nous expliquerez pourquoi.

Donc, il m'apparaît intéressant que l'aide sociale ne puisse plus, de façon automatique, dès qu'elle pourra constater que des gens vivent ensemble ou cohabitent, qu'elle ne pourra plus les marier, comme on dit souvent dans le langage de l'aide sociale, à moins que ça ne fasse au moins un an qu'ils vivent ensemble. Par conséquent, ça évitera certaines interprétations quand des personnes peuvent résider ensemble pour une courte période. Cela évitera que des agents de l'aide sociale ou que du personnel du réseau de Travail-Québec puissent interpréter automatiquement cette cohabitation temporaire comme étant de la vie maritale.

Vous savez, M. le Président, que le concept de vie maritale est un de ceux qui provoquent le plus d'appels ou de mécontentements chez les assistés sociaux. Je ne prétends pas que l'article que nous débattons va régler tous les problèmes de vie maritale. Je pense que ça va toujours demeurer une question fort délicate. Il y aura toujours des cas qui ne seront pas si clairs. Mais, à tout le moins, l'article que nous étudions nous assurera qu'il n'y aura aucune interprétation à l'intérieur d'un an. Mais oui, puisque les personnes auront dû cohabiter pendant au moins un an.

M. le Président, c'est ce que j'avais à dire sur l'amendement du ministre à l'article 2.

Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

Mme Harel: S'il n'y en a pas d'autres, M. le Président, je vais demander qu'on m'informe quand je serai à deux ou trois minutes de mon temps.

Malheureusement, M. le député de Taschereau, il y a un amendement qui vient aggraver la situation. L'amendement qu'introduit le ministre a pour effet, imaginez-vous, de totaliser. Cela peut même totaliser les bouts, les portions, les mois, les étés, les fins de semaine passés ensemble. Je vous rappelle, et je vous les lirai tantôt, les décisions de la Commission des affaires sociales qui maintenaient une Interprétation jurisprudentielle voulant que la première année n'était jamais utilisée comme autre chose qu'une année de fréquentations et ne donnait même pas lieu à un remboursement, même lorsqu'il y avait une décision de confirmation de vie maritale.

Donc, dans la réalité, c'est autre chose qu'on introduit présentement, c'est une nouvelle façon de comptabiliser la cohabitation. C'est ça le plus pervers. C'est qu'on va comptabiliser la cohabitation de façon différente. Vous savez que, présentement, devant la Commission des affaires sociales, ça va jusqu'à ne pas prendre en considération les fins de semaine passées ensemble, n'est-ce pas? Parce que c'est à ce degré d'intrusion dans les vies. Il faut bien voir que c'est de cela qu'on parle. La Commission des affaires sociales a déjà décidé que les fins de semaine et les vacances n'étaient pas comptabilisées. L'amendement vient élargir le contrôle qui pourrait se faire parce que l'amendement est bien évident: "et qui ont cohabité pendant des périodes totalisant au moins un an". Donc, elles seront utilisées aux fins du calcul de la cohabitation. Là, il pouvait y avoir des fréquentations. (19 heures)

La question est la suivante: Est-ce que les gens peuvent se fréquenter dans tous les sens que vous imaginez sans pour autant être considérés comme des conjoints, oui ou non? "Se fréquenter" signifiant également se retrouver pour plus de 24 heures, en même temps et au même endroit, sans que ce soit comptabilisé. Quand on introduit un amendement comme celui du ministre, non seulement on introduit une comptabilisation différente de celle qui est faite présentement, mais, en plus, on introduit un certain ordre dans le test de la définition de conjoint.

J'attire l'attention du député de Taschereau et du député de Chambly. Je sais que le député de Chambly, à cause de sa formation juridique, est sensible à ce genre d'argument. Jusqu'à maintenant, la cohabitation est un élément... Je vous lis textuellement la Loi sur l'aide sociale annotée par la Commission des services juridiques. On y cite plusieurs causes: "La cohabitation est un élément essentiel qui doit être démontré avant que l'on apprécie les autres facteurs de vie maritale. En l'absence de preuve prépondérante de cohabitation effective, il ne saurait être question de vie maritale au sens de la Loi sur l'aide sociale - de la loi actuelle. " Mais avec l'amendement du ministre, la vie maritale va devenir un élément sur le même pied que la cohabitation; c'est cela la différence, et c'est fondamental.

Que le ministre m'explique pourquoi il modifie la jurisprudence de la Commission des affaires sociales, qui était déjà assez stricte, convenons-en. Les décisions de la Commission des affaires sociales étaient que, pour qu'il y ait vie maritale, il fallait qu'il y ait cohabitation. Pour qu'il y ait cohabitation, il fallait que le couple se soit installé ensemble, de manière durable, dans une même résidence. J'insiste sur les mots: ensemble, de manière durable, dans une même résidence. Vous allez avoir une définition où les personnes pourront ne plus habiter ensemble et être considérées comme des con- joints.

Une voix: Le gars qui va travailler à la Baie James.

M. Bourbeau: Le gars qui va travailler à Québec.

Une voix: M. le ministre, par exemple.

M. Bourbeau: Oui. Est-ce que la députée veut dire que je ne cohabite pas avec ma femme?

Mme Harel: S'il vous plaît! Franchement! De toute façon, c'est ridicule parce que, à la Baie James, je regrette, personne ne reste plus de quatorze jours sans descendre dans le Sud. Les gens descendent bien quelque part, n'est-ce pas?

M. Bourbeau: Oui.

Mme Harel: II faut qu'ils aient une résidence. Pour avoir un permis de conduire, pour n'importe quel acte de la vie civile, il faut avoir une résidence permanente.

La question est de savoir si on va sophistiquer - c'est cela, finalement - la définition au point d'aller présumer des conjoints en augmentant le filet de façon à pouvoir envelopper le plus de gens possible? Je vous le dis, vous allez vivre avec une définition comme celle-là. Je fais simplement état du tumulte que vous allez provoquer avec une définition comme celle-là, surtout à ce moment-ci.

Comme il ne me reste que trois minutes pour parler sur l'amendement et qu'il y a encore beaucoup de choses à dire, notamment en vertu du Code civil... Il faut quand même que notre droit général serve à l'ensemble des personnes de notre société. Il ne faut quand même pas qu'on exclue des catégories de personnes de ce qu'on considère comme notre droit commun. On y reviendra.

Le Président (M. Bélanger): II vous reste deux minutes, madame.

Mme Harel: M. le Président, j'introduis donc un amendement ou un sous-amendement...

Le Président (M. Bélanger): C'est un sous-amendement.

Mme Harel: Un sous-amendement.

Le Président (M. Bélanger): Elle rit quand elle est joyeuse, elle rit quand ça va bien et, parfois, quand elle fait un mauvais coup.

Mme Harel: Le sous-amendement, évidemment, va consister...

Le Président (M. Bélanger): Vous connaisez la procédure pour un sous-amendement. Il ne doit

pas changer la nature de l'amendement, mais juste l'élargir en ajoutant ou en retranchant des mots. Sinon, ça devient un amendement.

Une voix:...

Le Président (M. Bélanger): Ou il vient le préciser.

Mme Harel: J'aurai une question plus tard pour le ministre concernant les couples homosexuels compte tenu de la définition de conjoint. M. le Président, le sous-amendement - je me fie à vos services pour me dire comment on introduit ça - consisterait à modifier le paragraphe 3° amendé du premier alinéa de l'article 2...

Le Président (M. Bélanger): Jusque-là, ça va bien.

Mme Harel:... par: les personnes majeures qui cohabitent ou qui vivent ensemble maritalement.

Le Président (M. Bélanger): C'est quoi la différence avec celui qu'il y a là?

Mme Harel: II y en a une.

Le Président (M. Bélanger): Je vais vous entendre sur la recevabilité. Est-ce que je peux avoir le texte aussi? Peut-être que ça m'aiderait. La nuance me semble subtile a priori.

M. Leclerc: C'est l'effet de cumul qu'elle veut enlever.

Le Président (M. Bélanger): Pardon?

M. Leclerc: C'est l'effet de cumul qu'elle veut enlever.

Le Président (M. Bélanger): J'ai l'impression que c'est ça, oui. Premièrement, remplacer le paragraphe 3° du premier alinéa... On rédigera, il n'y aura pas de problème. Non.

Mme Harel: Je ne suis pas capable... Je suis trop fatiguée pour faire...

Le Président (M. Bélanger): Je vous comprends très bien. On va suspendre les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 19 h 9)

(Reprise à 19 h 48)

Le Président (M. Bélanger): Si vous vouiez regagner vos places afin que nous reprenions nos travaux. Nous en étions à l'amendement soumis par M. le ministre, et Mme la députée de Maisonneuve avait manifesté...

M. Bourbeau: Est-ce que je pourrais vous demander...

Le Président (M. Bélanger): Oui, M. le ministre.

M. Bourbeau:... de suspendre l'article 2? Nous voudrions regarder de nouveau le libellé de l'article 2 dans l'intention d'apporter peut-être des modifications à nos amendements. Si les députés sont d'accord, on pourrait suspendre l'article 2 et on y reviendra à une prochaine séance.

Le Président (M. Bélanger): On suspend donc l'article 2 et les amendements déposés.

Nous y reviendrons dans une session ultérieure. Y a-t-il consentement là-dessus?

Des voix: Consentement.

Le Président (M. Bélanger): Bien, merci. J'appelle donc l'article 3 - à cette vitesse, on va manquer d'ouvrage: 'Sauf dans les cas déterminés par règlement, sont considérés à la charge de leur père, de leur mère ou, dans les cas prévus par règlement, d'un autre adulte qui y est désigné, lorsqu'ils dépendent de l'une de ces personnes pour leur subsistance: "1° l'enfant mineur qui n'est pas marié ou qui n'est pas père ou mère d'un enfant à sa charge; "2" enfant majeur qui fréquente un établissement d'enseignement et qui n'est pas conjoint ou qui n'est pas père ou mère d'un enfant à sa charge. 'Pour l'application du programme "Aide aux parents pour leurs revenus de travail" un enfant à charge au cours du mois de la demande du prestataire ou de tout mois de la même année postérieur à celui-ci est réputé être un enfant à charge pour l'année entière. "

Sur cet article 3, M. le ministre.

Motion d'amendement M. André Bourbeau

M. Bourbeau: M. le Président, j'ai deux amendements à l'article 3. Le premier amendement vise à remplacer les paragraphes 1° et 2° du premier alinéa de l'article 3 par les suivants: "1° l'enfant mineur qui n'est ni marié ni père ou mère d'un enfant à sa charge; "2° l'enfant majeur qui fréquente un établissement d'enseignement et qui n'est ni le conjoint d'une personne ni père ou mère d'un enfant à sa charge. ' Ce sont des modifications de forme pour éviter l'emploi du mot "ou".

La deuxième modification, M. le Président, consiste à remplacer le deuxième alinéa de l'article 3 par le suivant: "Pour l'application du programme "Aide aux parents pour leurs revenus de travail" un enfant à charge au cours du

premier mois d'admissibilité d'un adulte dans une année ou de tout mois de la même année postérieur à celui-ci est réputé être un enfant à charge pour cette année. " Cette modification est de concordance avec celle de l'article 44 qui permet qu'une demande ait un effet rétroactif dans l'année.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, si je comprends bien, vos amendements ont pour objet de changer la forme et non le contenu pour le premier.

M. Bourbeau: Pour le premier, oui.

Le Président (M. Bélanger): Sur le deuxième amendement, pouvez-vous nous expliquer, s'il vous plaît?

M. Bourbeau: Au sujet de l'amendement, M. le Président?

Le Président (M. Bélanger): Oui, s'il vous plaît!

M. Bourbeau: M. le Président, dans un article qu'on verra plus tard, soit l'article 44, nous allons permettre l'admissibilité au programme APPORT rétroactivement en ce sens qu'une personne qui, au cours d'une année, aurait pu ne pas être admissible au programme APPORT pourra réaliser en fin d'année qu'elle l'aurait été, si elle avait su dans quelles conditions elle l'aurait été. Dans le projet de loi que nous avons devant nous présentement, elle ne pourrait pas être admissible au programme APPORT même si elle constate en fin d'année qu'elle aurait pu l'être. Avec l'amendement que nous allons apporter à l'article 44 - je sais que la députée de Maisonneuve va être contente d'apprendre cela - avec l'amendement que nous apporterons à l'article 44, nous allons permettre cette possibilité d'être admissible rétroactivement. Or, ce que nous faisons à l'article 3, c'est un amendement de concordance pour prévoir l'article 44.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur cet article 3 et l'amendement proposé par M. le ministre?

Mme Harel: Est-ce que le ministre pourrait nous déposer l'amendement de concordance à l'article 44?

Le Président (M. Bélanger): Cela a été fait.

Mme Harel: À l'article 44?

M. Bourbeau: Non, on ne l'a pas déposé.

Mme Harel: Oui, mais on ne pourra pas étudier un amendement à l'article 3 qui est de concordance avec un amendement qu'on n'a pas encore à l'article 44.

M. Bourbeau: Pour la bonne compréhension de nos travaux, M. le Président, on va déposer l'amendement à l'article 44 tout de suite.

Le Président (M. Bélanger): II va être transmis, mais pas déposé.

M. Bourbeau: On va le transmettre.

Le Président (M. Bélanger): On est d'accord pour éviter d'avoir des problèmes de...

M. Bourbeau: Transmettre, c'est cela.

Le Président (M. Bélanger):... pour ne pas s'enfarger trop dans les...

Mme Harel: Alors, pourquoi le ministre n'en profite-t-il pas pour transmettre les amendements s'il veut accélérer nos travaux la semaine prochaine?

M. Bourbeau: Parce que je n'ai rien, M. le Président, qui me laisse penser que la semaine prochaine on sera rendu plus loin qu'à l'article 7. Cela a pris 35 heures pour se rendre à l'article 2. Alors...

Mme Harel: II ne cherche pas à ce qu'on se rende plus loin.

M. Bourbeau: M. le Président, je suis prêt à procéder avec la plus grande célérité possible.

Mme Harel: Jusqu'à quel article nous avez-vous remis les amendements?

Le Président (M. Bélanger): L'article 7.

M. Bourbeau: Jusqu'à l'article 7, M. le Président. Au rythme où on va, on en a pour à peu près six mois.

Mme Harel: C'est ce que vous souhaitez? M. Bourbeau: Non.

Le Président (M. Bélanger): De grâce! Mme la députée de Maisonneuve, vous vouliez réagir à cet...

Mme Harel: Amendement.

Le Président (M. Bélanger): Oui.

Mme Harel: M. le Président, d'abord, je vais essayer de retrouver mon projet de loi. Bon voilà! Merci. Non, ce n'est pas le mien. Je regrette, mais je me retrouve juste dans le mien.

M. le Président, je ne peux pas imaginer que j'aurais perdu mon principal instrument de travail tout annoté.

Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'on

peut déclencher des recherches générales?

Des voix: Ha, ha, ha! Mme Harel: Vous allez suspendre?

Le Président (M. Bélanger): On va suspendre pour quelques instants, s'il vous plaît!

(Suspension de la séance à 19 h 55)

(Reprise à 19 h 56)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! On vous écoute.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Sur cette question, le Conseil du statut de la femme a présenté un avis spécifique concernant l'article 3. Dans cet avis qu'il a transmis à la commission, je crois... L'avis du conseil a-t-il été transmis à la commission? Sur le projet en tant que tel. Je ne parle pas du mémoire déposé sur le document d'orientation, mais de l'avis daté de septembre 1988 qui s'intitule "Commentaires du Conseil du statut de la femme sur le projet de loi 37". Je suis surprise que l'ensemble des membres de la commission n'ait pas copie de ce document public.

À l'article 3, le conseil s'inquiète que cet article ouvre de plus la porte à l'imputation formelle d'une responsabilité financière de la part d'un adulte à l'égard d'un enfant qui n'est pas le sien, puisque l'article 3 permet de prévoir quand un enfant est à la charge d'un autre adulte que son père et sa mère. Est-ce là l'intention du législateur? Si ouf, a-t-on bien mesuré la portée de ces articles? Pour connaître l'intention du législateur, il faut s'en référer à l'article 90, deuxième alinéa, qui donne le pouvoir réglementaire au législateur de décider, en l'absence de liens d'adoption ou de liens consanguins, qu'un enfant est ou n'est pas à la charge d'un adulte. Le conseil s'inquiète parce qu'il considère que, compte tenu de la prolifération des familles monoparentales au Québec présentement et compte tenu des nombreuses études qui démontrent les difficultés que connaissent entre autres les adolescents dans ces familles, l'État doit légiférer avec prudence quand il s'agit de reconstituer des unions. Je le cite: "La perspective d'avoir à assurer rapidement, avant que l'union ait acquis une certaine permanence, la charge d'une adulte et celle d'enfants qui ne sont pas les siens ne peut-elle pas exercer un effet dissuasif auprès d'éventuels conjoints?"

On a quand même une responsabilité sociale à l'égard des lois que l'on adopte afin qu'elles n'aient pas l'effet contraire de celui que l'on recherche. En cette matière, je voudrais vous rappeler que le Code civil du Québec ne recon- naît aucune obligation alimentaire entre conjoints de fait, contrairement aux modifications que l'Ontario a apportées en 1986 au Family Act pour reconnaître l'obligation alimentaire entre conjoints de fait. Nous n'assistons pas à la même volonté politique ici au Québec. Vous savez sans doute, M. le Président, que nous sommes à réformer le Code civil et que le gouvernement a clairement indiqué son Intention de ne pas modifier le droit civil pour obliger entre eux tous les conjoints de fait comme s'ils étaient mariés. D'ailleurs, on l'a bien vu dans tout le dossier du partage du patrimoine familial qui est exclusivement réservé aux séparations lors d'un mariage.

Puisqu'en vertu de la loi il n'y a pas d'obligation alimentaire, comment, à l'égard de l'ami de la mère qui n'est pas le père des enfants, comment le ministre peut-il imposer une obligation alimentaire à laquelle la mère et l'enfant ne pourront pas avoir recours? S'ils se présentent devant les tribunaux, ils vont se faire dire qu'il n'y a aucune disposition dans la loi pour obtenir un tel recours. Il n'y a pas d'obligation alimentaire. Cela, c'est sur le plan juridique.

Sur le plan social, compte tenu de la définition de conjoint, bien qu'elle soit suspendue, mais sur l'aspect de la durée, indépendamment de ce qui sera retenu comme définition, I reste que le projet de loi gouvernemental est de définir comme conjoints des personnes qui, tout au moins, quelle qu'en soit la forme, sont ensemble, cohabitent ou vivent maritalement - on verra - depuis un an. Mais, à partir de cette année, au sens de la Loi sur l'aide sociale. 1 y a une obligation entre conjoints, c'est-à-dire que la chef de famille ne pourra plus être demanderesse d'une prestation d'aide sociale si le revenu de l'ami avec qui elle cohabite est suffisant pour subvenir à son entretien et à celui de ses enfants dont M. n'est pas le père. Je vous rappelle qu'il n'y a eu aucune harmonisation avec les lois fiscales et que cet ami ne pourra pas, en vertu d'un crédit d'impôt, déduire la personne à charge que constitue la mère, puisque seuls les gens mariés ont droit à cette exemption. Finalement, il va avoir toutes les responsabilités sans aucun des avantages que la loi prévoit en matière fiscale. De plus, à l'inverse, évidemment, s'il y a présence d'enfants, selon la Loi sur l'aide sociale, il va être tenu à l'entretien de ces enfants dont il n'est pas le père sans qu'il y ait de recours juridique, en vertu du Code civi, pour l'obliger et sans que ni l'enfant ni la mère ne puissent faire valoir un recours de subsistance. Il y a comme une grande Incohérence.

On ne peut pas parler d'une réforme en matière de sécurité du revenu à ce moment-ci en faisant semblant d'évacuer cette incohérence. On aura beau me dire que nos lois sont actuellement incohérentes, mais on est ici justement pour les corriger, et, en matière de sécurité du revenu, il n'y a pas des réformes à chaque décennie.

Comme on se rappelle bien, la dernière fait suite au rapport Boucher et date d'au moins 20 ans.

Le ministre pense-t-il qu'à l'aube de l'an 2000, avec la précarité des liens conjugaux, quand on sait qu'actuellement 40 % des mariages se soldent par un divorce et quand lui-même cite la prolifération des ménages monoparentaux à l'aide sociale... Puisque ces chefs de famille sont de plus en plus jeunes, quel sort leur réserve-t-il? Celui d'être pour très longtemps sans soutien d'un conjoint, puisque le conjoint doit non seulement soutenir sa nouvelle amie, mais les enfants dont il n'est pas le père, et j'insiste, sans les déductions.

M. le Président, je ne veux pas prendre tout le temps qui m'est imparti. Vous comprendrez que j'arrêterai ici. Je compléterai peut-être un peu plus tard, mais je veux bien connaître l'intention et, pour ce faire, le ministre doit déposer le règlement qu'il entend faire adopter en vertu de l'article 90, deuxième alinéa, sur cette imputation formelle d'une responsabilité financière d'un enfant à un adulte.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Taschereau.

M. Leclerc: M. le Président, effectivement, la députée vous fait part d'un sujet fort intéressant. Comme il s'agit un peu de fiscalité, je pense qu'il ne serait pas de mauvais aloi de citer à ce moment-ci un principe comptable généralement connu selon lequel il doit normalement y avoir un rapprochement entre les produits et les charges. Bref, lorsque vous calculez des dépenses, vous devez aussi tenir compte des entrées de fonds conséquentes. Par conséquent, que des gens aient, en vertu de la loi, des dépenses à effectuer sans avoir les produits, les retours d'impôt ou les exemptions d'impôt s'y rapportant, le moins qu'on puisse dire, c'est que nos régimes ne sont pas harmonisés, mais on peut aussi dire qu'on manque à un principe comptable généralement reconnu, bien clair et bien évident.

Le seul doute que j'ai au moment où on se parle, c'est que je suis loin d'être sûr que nous sommes à la bonne commission parlementaire pour régler ce genre de problème, mais je pense que la députée de Maisonneuve a raison de s'interroger quant aux effets que la loi que nous étudions pourrait avoir sur ce genre de problème. L'expert arrive.

Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur cet amendement?

M. Bourbeau: M. le Président, je voudrais simplement indiquer à la députée de Maisonneuve que l'article 3 qui indique: "sont considérés à la charge de leur père, de leur mère ou, dans les autres cas prévus par règlement, d'un autre adulte", ce texte est le même que dans la loi actuelle qui contient exactement les mêmes mots et qui dit également: "ou, dans les cas prévus par règlement, d'un autre adulte*. Donc, ce sont les mêmes mots.

Dans le règlement actuel que nous entendons reconduire, on dit, à l'article 3, paragraphe d: "est considéré dépendre pour sa subsistance d'un adulte autre que son père ou sa mère l'enfant qui dépend pour sa subsistance d'un frère, d'une soeur, d'un oncle, d'une tante, d'un grand-parent ou d'un adulte lorsque ce dernier en a la garde en vertu d'un jugement d'un tribunal, sauf s'il s'agit d'une famille d'accueil". Ce sont les prescriptions du règlement actuel et nous avons l'intention de les reconduire.

Mme Harel: Est-ce qu'on peut faire une photocopie du règlement?

M. Bourbeau: Oui, sûrement.

Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

Mme Harel: Est-ce que je dois comprendre à ce moment-là, M. le ministre, que vous concevez qu'une allocation pourrait être versée à la mère pour la charge d'enfants, même si son nouveau conjoint peut subvenir à son entretien? Ha, ha!

M. Bourbeau: Pas si les conjoints sont considérés comme des... S'ils vivent maritalement, à ce moment-là, pour nous, c'est une famille.

Mme Harel: Donc, à ce moment-là, dès après un an - c'est ça qu'il faut comprendre - de fréquentations permanentes, durables, assidues avec secours mutuel, le nouvel ami de la mère devient responsable de la charge financière, de l'entretien des enfants dont il n'est pas le père.

M. Bourbeau: Pas de fréquentations, de cohabitation. Il faut qu'il y ait cohabitation pendant au moins un an...

Mme Harel: Ou vie maritale.

M. Bourbeau:... et...

Mme Harel: Et?

M. Bourbeau: Oui.

Mme Harel: C'est parce que dans votre article 2 c'était "ou".

M. Bourbeau: Non. Ce n'est pas "ou", c'est "et vie maritale".

Le Président (M. Bélanger): Cela a été modifié justement pour enlever le "ou".

M. Bourbeau: "... les personnes majeures qui vivent maritalement et qui ont cohabité pendant

des périodes totalisant au moins un an. " C'était notre projet...

Mme Harel: D'accord.

M. Bourbeau: II faut qu'il y ait les deux éléments...

Mme Harel: D'accord.

M. Bourbeau:... la vie maritale et une cohabitation totalisant un an. À ce moment-là, pour nous, il s'agit d'un couple, d'une famille.

Mme Harel: Alors, à ce moment-là, c'est... Quand vous dites que, pour vous, il s'agit d'un couple...

M. Bourbeau: Des conjoints de fait.

Mme Harel:... oui, il s'agit d'un couple, mais s'agit-il pour autant d'imputer au nouvel ami de la mère la charge financière et l'entretien des enfants dont il n'est pas le père?

M. Bourbeau: Pour nous, il s'agit de conjoints de fait, de conjoints qui sont dans la même situation que d'autres conjoints qui sont passés par la mairie ou par l'Église.

Mme Harel: Je comprends qu'il s'agisse de conjoints, ce n'est pas ça l'objet de ma question. II s'agit de conjoints de fait. Je comprends, parce que votre définition, c'est après un an. Ma question c'est: Des conjoints qui auraient passé un acte de mariage seraient conjoints, mais, encore, y aurait-il adoption ou pas de l'enfant? L'enfant n'est pas nécessairement adopté par le nouveau mari de la mère, n'est-ce-pas? Alors, l'enfant reste à la charge de ses père et mère biologiques au sens du Code civil et seuls les parents biologiques qui reconnaissent leur paternité et la maternité ont une obligation à l'égard de l'enfant. Alors, ce n'est pas parce qu'ils seraient passés à la mairie que ça changerait quelque chose sur le plan de la loi. Qu'ils soient conjoints de fait ou qu'ils soient mariés, je crois bien comprendre que l'enfant n'est pas pour autant l'enfant du nouveau mari de la mère, n'est-ce-pas? Alors, en quoi est-ce que le fait d'être conjoint de fait impute au nouvel ami de la mère la charge financière de l'enfant dont il n'est pas le père? Je pense honnêtement, M. le ministre, que ça va être le grand débat sur le thème de la discrimination basée sur la condition sociale des prochaines années, et les prochaines années étant plus immédiates qu'on pense.

M. Bourbeau: M. le Président, le problème, c'est qu'on est dans un système de dernier recours où nous avons là une famille, des gens qui cohabitent, qui vivent maritalement, qui n'ont pas un comportement différent d'une autre famille mariée et qui viennent à l'État pour demander des secours financiers, et je vais répondre à la députée ce que j'ai répondu à des groupes de femmes la semaine dernière: Vous avez deux couples qui vivent sur le même palier du même immeuble, d'abord, ils sont passés à l'Église, ils ont deux enfants...

Mme Harel: De leur union commune?

M. Bourbeau:... le mari travaille au salaire industriel moyen et la femme reste à la maison pour s'occuper des enfants. L'autre couple vit ensemble maritalement depuis des années, se donne le secours mutuel, a tous les attributs d'un ménage, a deux enfants. Le mari travaille au salaire industriel moyen et la femme reste à la maison pour s'occuper des enfants. Deux situations identiques. Pourquoi est-ce qu'on permettrait à la dame du couple qui n'est pas marié, qui n'est pas passé à l'Église, de recevoir 8500 $ par année de l'État, alors que son conjoint a le même salaire que le ménage d'à côté où la femme ne reçoit rien du tout? Qu'est-ce que je vais dire au ménage qui est passé par la mairie pour lui expliquer que madame à côté a droit à 8500 $ de l'État, alors que madame du côté gauche n'y a pas droit? Comment peut-on justifier, pour les couples qui ne vont pas à l'aide sociale, parce que ce sont des couples qui sont passés par la mairie et par l'Église, qu'ils n'y ont pas droit, alors que l'autre y a droit? Cela me paraît tout à fait Inéquitable. (20 h 15)

Mme Harel: Je pense qu'il y a tout un volet qui n'est pas encore venu au champ de conscience du ministre. Cela n'a rien à voir avec la mairie, ni avec l'Église, ni avec les conjoints de fait. Cela a à voir avec les enfants. La question est: Sont-ce là des enfants nés de l'union, de la vie commune? Sont-ce là des enfants nés du père et de la mère? C'est la seule différence, M. le ministre. Regardez votre exemple. Que ce soit l'un ou l'autre des deux exemples, la question fondamentale est la suivante. Le couple dont les enfants sont issus de l'union a une obligation à l'égard de ses enfants et il a une obligation comme conjoint quand il est marié. Il n'en a pas quand ce sont des conjoints de fait. C'est l'état de notre droit. Je vous dis que vous instituez un régime de droit différent du droit commun quand vous prétendez obliger des conjoints de fait entre eux, ce qu'ils ne sont pas en vertu du Code civil. Je vous dis que ce n'est pas impensable qu'ils le deviennent et ce serait peut-être souhaitable qu'ils le soient. D'ailleurs, l'Ontario a introduit de nouvelles dispositions depuis 1986 pour qu'il y ait obligation alimentaire entre conjoints de fait. Ce que je vous dis, c'est que, lorsqu'il y a des enfants issus de l'union commune, je pense bien que c'est réglé dans l'esprit de toute la société qu'il y a une responsabilité financière à l'égard de ses enfants, que l'on soit conjoints ou que l'on ne le soit plus, que l'on soit conjoints mariés ou conjoints de fait, ça n'a

pas d'importance.

Ce n'est pas ce dont je vous parle. Je vous parle de reconstitution d'une nouvelle famille où l'ami de la mère n'est pas le père des enfants. Je vous demande en vertu de quel droit nous lui imputerions la charge financière de ces enfants qui ont un père biologique qui devrait leur verser une pension alimentaire. Je ne comprends pas que l'on maintienne, parce que c'est évident que c'est une discrimination sur la base de la condition sociale... L'ensemble des autres dispositions de nos législations prévoit que, même lorsque la mère se remarie, les enfants peuvent continuer à recevoir des prestations, d'indemnités, par exemple, de la santé et de la sécurité au travail ou de l'assurance automobile. Tandis que, dans le cas des personnes bénéficiant de l'aide sociale, je pense que ce serait s'aveugler que de ne pas constater qu'il y a un problème parce que c'est bien évident que ç'a un effet dissuasif sur la reconstitution des familles. Quelqu'un va dire: Je t'aime beaucoup, mais tes enfants, ce n'est pas évident que je veuille m'en charger. On va attendre qu'ils soient plus grands.

Il n'est pas certain que pour l'ensemble de ce qu'on a comme projet de société ce soit utile que ça reste ainsi. Le Conseil du statut de la femme disait d'ailleurs à ce sujet: La reconnaissance trop hâtive des unions de fait risque de faire passer les femmes responsables de famille monoparentale de la dépendance de l'État à celle d'un conjoint sans leur donner suffisamment la chance de bénéficier des mesures de réinsertion sociale susceptibles de leur procurer une véritable autonomie personnelle. Advenant l'échec de cette union, ces femmes se retrouveront alors de nouveau démunies et dépendantes de l'État. La perspective d'avoir à assurer rapidement, avant que l'union n'ait acquis une certaine permanence - et vous ne me direz pas qu'un an c'est assez - la charge d'enfants qui ne sont pas les siens ne peut-elle pas exercer un effet dissuasif auprès d'éventuels conjoints? Je pense bien que poser la question, c'est évidemment y répondre.

Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

Motion d'amendement

Mme Harel: Alors, je vais présenter un amendement.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: L'amendement se lirait comme suit... Je ne sais pas si c'est tout à fait conforme à la manière dont il faut le faire. En fait, notre amendement consisterait à modifier l'article 3 du projet de loi 37 pour le remplacer par un alinéa qui se lirait comme suit: Sont considérés à la charge de leur père, de leur mère ou d'un autre adulte qui y est désigné en vertu d'un jugement d'un tribunal lorsqu'ils dépendent de l'une de ces personnes pour leur subsistance. Alors, ce serait donc une modification à l'alinéa de l'article 3.

Le Président (M. Bélanger): Est-ce que vous avez la copie? Mme la députée, nous avons déjà un amendement sur la table dont nous devons disposer avant de recevoir le vôtre.

Mme Harel: L'amendement du ministre concerne des paragraphes...

Le Président (M. Bélanger): Oui, cela ne touche pas les mêmes choses, je sais, mais c'est parce que celui-ci est arrivé le premier.

Mme Harel: Oui, peut-être, mais ce n'est pas chronologique, il faut que ce soit selon l'ordre, c'est le premier alinéa.

Le Président (M. Bélanger): Je sais. Dans le fond, vous voulez dire, en termes de chronologie...

Mme Harel: De l'article.

Le Président (M. Bélanger):... dans les faits, on commence avec le début. C'est dans ce sens-là...

Mme Harel: C'est ça.

Le Président (M. Bélanger): Écoutez, pour éviter de faire de grandes recherches de jurisprudence, si on avait le consentement... Je vous explique brièvement. L'amendement proposé par Mme la députée de Maisonneuve touche le premier alinéa, alors que l'amendement du ministre touche les paragraphes 1° et 2° du premier alinéa. Dans le fond, celui de Mme la députée de Maisonneuve, en termes de chronologie, viendrait avant pour une simple question de logique. Si les membres de la commission étaient d'accord, on procéderait à l'amendement de Mme la députée de Maisonneuve, on en disposerait et on continuerait avec celui de M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, vous connaissez ma grande compréhension envers la députée de Maisonneuve. Tout ce qui peut faire...

Le Président (M. Bélanger): Alors, nous avons le consentement.

M. Bourbeau:... avancer les travaux de la commission, M. le Président...

Le Président (M. Bélanger): Bien.

M. Bourbeau:... on est d'accord.

Le Président (M. Bélanger): Donc, on passe

à l'étude de l'amendement proposé par Mme la députée de Maisonneuve. Nous vous écoutons sur votre amendement, madame.

Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, je suis consciente, comme le sont évidemment les députés ministériels, que, sans une harmonisation des lois fiscales et sociales, on ne peut pas véritablement concourir à un projet de soutien, de support à la reconstitution des familles. J'imagine que ça devrait venir du secrétariat à la famille, du ministre délégué à la Famille, mais il va falloir que ça vienne de quelque part cette vision d'ensemble. Je n'en impute pas la responsabilité au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Il n'a pas le privilège d'avoir un ministère horizontal, mais il a des collègues qu'il devrait inciter à se pencher sur cette question fondamentale à l'aube du XXe siècle. Cette question des régimes de sécurité du revenu est la question des pays industrialisés. Il s'agira de savoir comment dispenser les programmes de transfert dans une société où les familles reconstituées seront sans doute bientôt majoritaires.

Alors, M. le Président, l'amendement est à la photocopie. Comme je n'ai pas moi-même de copie, cela m'embarrasse.

Le Président (M. Bélanger): II est rendu à la photocopie. On va suspendre quelques instants, le temps qu'il revienne de la photocopie.

(Suspension de la séance à 20 h 26)

(Reprise à 20 h 27)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Pour véritablement réaliser l'harmonisation qu'on peut souhaiter en ces matières, on peut au moins ne pas ajouter, aggraver, détériorer l'incohérence de la situation actuelle, M. le Président. C'est ce qui nous amène à déposer notre amendement, à savoir que sont considérés à la charge de leur père, de leur mère ou d'un autre adulte désigné en vertu d'un jugement d'un tribunal lorsqu'ils dépendent de l'une de ces personnes pour leur subsistance. Cela signifie essentiellement qu'en matière d'aide sociale la charge financière d'un enfant mineur en ce qui concerne sa subsistance sera dévolue, sauf, évidemment, pour les cas déterminés par règlement, à son père, à sa mère ou à un autre adulte désigné en vertu d'un jugement d'un tribunal. Cela devient d'autant plus important, M. le Président, que d'introduire un amendement à l'article 3 dans le projet de loi vient légiférer sur ce que le ministre nous disait déjà exister dans le règlement. Mais il faut que ce soit très clair qu'on ne peut pas modifier le règlement pour imputer la charge financière d'un enfant à un adulte qui n'est ni son père ni sa mère et qui n'aurait pas été désigné par le jugement d'un tribunal.

Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur cet amendement?

Mme Harel: J'imagine qu'il va falloir introduire à l'article 3 le pouvoir réglementaire qui ne se trouve pas dans notre amendement. Il va falloir l'introduire quand même. Évidemment, l'article 3 au premier alinéa se lirait: Sauf dans les cas déterminés par règlement. Ensuite, il serait modifié par l'amendement.

Le Président (M. Bélanger): Y a-t-il d'autres interventions? M. le député de Chambly.

M. Gérard Latulippe

M. Latulippe: M. le Président, je pense que le problème auquel la députée de Maisonneuve fait référence dans son argumentation depuis le début ne se corrige pas, entre guillemets - parce qu'on verra tout à l'heure que personnellement je ne suis pas d'accord avec ce qu'elle apporte au niveau de l'analyse du problème comme tel - par l'amendement qu'elle veut apporter à l'article 3 dont l'objectif est de restreindre la portée des mots "d'un autre adulte qui y est désigné" par "d'un autre adulte qui y est désigné en vertu d'un jugement d'un tribunal". Je m'explique. La problématique à laquelle elle a fait référence est beaucoup plus présente à l'intérieur de la définition de conjoint, jointe à la définition de la famille que l'on retrouve à l'article 5. Tandis que l'amendement qu'elle veut apporter ici, en ajoutant les mots "en vertu d'un jugement d'un tribunal" a beaucoup plus pour effet de restreindre la portée des mots 'd'un autre adulte qui y est désigné", et je m'explique de deux façons. La première façon, c'est que - avec deux exemples - si, par exemple, c'est un frère ou une soeur qui prend charge de son petit frère ou de sa petite soeur, à ce moment, suivant la définition actuelle contenue à l'article 3, ce pourrait être d'un autre adulte qui y est désigné". Mais ce frère qui prend la charge de son petit frère ou de sa petite soeur serait exclu dans le cas de la définition que suggère Mme la députée de Maisonneuve en ajoutant les mots "en vertu d'un jugement d'un tribunal", de la même façon - et je vous donne le deuxième exemple - que s'il s'agissait de grands parents qui prennent charge de leurs petits-enfants suivant la définition actuelle à l'article 3. C'est un concept qui pourrait être intégré, alors que Mme la députée de Maisonneuve, avec son amendement, restreint l'interprétation et la définition des mots "d'un autre adulte qui y est désigné" de façon à exclure les grands parents qui auraient la charge de leurs petits-enfants. Je pense que ça ne vise

pas à corriger la problématique à laquelle elle s'adresse.

Maintenant, sur la problématique comme telle, rapidement, parce que j'imagine qu'on va y revenir, problématique qu'elle identifie comme étant, par exemple, le cas d'une mère et de son enfant, qui est séparée de fait, légalement, ou qui est divorcée et qui prend vie commune avec une deuxième personne, suivant le jeu des articles 2 et 5, elle nous dit, et je pense qu'elle a raison là-dessus concernant l'interprétation, que le tout, l'ensemble de ce nouveau noyau est considéré suivant le projet de loi comme une famille. Dans un tel cas, si le monsieur, la personne gagne des revenus tels qu'ils disqualifient la famille de recevoir des prestations d'aide sociale, cela équivaut dans les faits à une situation où le nouvel ami de cette dame assume financièrement l'enfant qui n'est pas le sien.

Pour moi, la réponse à cela est double. D'abord, je pense qu'il est évident que, suivant le droit commun, la femme dont le mari est parti, qui est divorcée, gardera toujours un recours contre le véritable père de l'enfant pour subvenir à ses besoins. Indépendamment du concept développé dans la Loi sur l'aide sociale, si le nouvel ami a des revenus substantiels qui font en sorte que la nouvelle famille, entre guillemets, est exclue de l'aide sociale, cela ne libère pas le père de son obligation financière. La mère pourra toujours et devra d'ailleurs réclamer du vrai père la protection financière requise pour subvenir aux besoins de son enfant.

Deuxièmement, il n'est pas rare que le législateur, dans différentes lois, crée des régimes qui, aux fins de ses lois, soient distincts du droit commun, distincts du Code civil. Or, c'est le cas de l'aide sociale pour certaines de ses dispositions, entre autres, dans le cas auquel la députée de Maisonneuve a fait référence. Pourquoi est-ce ainsi et est-ce juste et équitable qu'il en soit ainsi? Pourquoi est-ce ainsi? Parce que, l'aide sociale, tout le monde s'entend pour le dire, que ce soit l'Opposition ou le gouvernement, c'est un régime de dernier recours. Or, si nous étions dans une situation où, dans une nouvelle famille - entre guillemets, pour que mes expressions soient compatibles avec celles de Mme la députée de Maisonneuve - l'un des partenaires a des revenus substantiels qui excluent sa conjointe et son enfant de l'aide sociale, il est normal, dans le cadre d'un régime de dernier recours, que la conjointe et son enfant n'aient pas recours à l'aide sociale; sinon, cela irait à l'encontre du principe même d'un régime de dernier recours. Si l'individu gagnait 25 000 $ ou x milliers de dollars et que, malgré tout, on permettait à la conjointe de faire appel à l'aide sociale - et j'arrive à ma deuxième raison - on arriverait à une situation très inéquitable pour l'ensemble des contribuables, d'une part, et on nierait aussi le concept de régime de dernier recours.

Donc, cette situation ne serait pas équitable pour l'ensemble des contribuables et, deuxièmement, ce ne serait plus un régime de dernier recours. Dans plusieurs autres dispositions de la loi, sous d'autres schèmes, on pourrait faire une brèche importante dans le concept qui est à la base de tout régime d'aide sociale dans nos sociétés industrielles, et, à cause de cela, on ne pourrait pas le faire. Il est même souhaitable que l'on ait instauré un tel régime d'exception par rapport aux règles générales du Code civil.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Oui. C'est un bel effort, mais, franchement, je dois vous le dire, M. le député de Chambly, vous fondez tout cela sur le fait que cette aide de dernier recours permet n'importe quoi, y compris un traitement différent basé sur la condition sociale. Sur quoi repose le traitement différent, sinon sur le fait de demander de l'aide de dernier recours? Et sur quoi repose l'aide de dernier recours, sinon sur le fait d'être sans ressource? Voyez-vous, si la conjointe dont vous parlez dans cette famille reconstituée a un enfant qui n'est pas celui de son nouvel ami n'obtient pas ce qu'il faut pour entretenir son efant, elle n'aura plus aucun recours parce qu'en vertu de nos lois civiles il n'y a pas matière à obligation. Même le ministère ne pourrait pas s'autoriser, comme il prétend le faire en matière de contribution parentale, à envoyer un avis, une sorte de mise en demeure réclamant du nouvel ami l'entretien d'un enfant dont il n'est pas le père.

C'est une construction mentale que vous faites, mais qui n'ouvre à aucun recours en droit. Notre législation sociale a pour fondement les familles stables. C'est comme ça qu'on l'a pensée il y a 25 ans, un peu après la deuxième guerre, quand on a commencé à introduire l'ensemble de nos programmes de transfert. Essentiellement, depuis la fin des années quarante, on l'a introduite dans la perspective d'une société où la famille nucléaire, ce n'était plus la famille... On a introduit d'abord les pensions de vieillesse et les allocations familiales qui reposaient sur la conception de familles stables. Et là, on continue à échafauder au-dessus de cette... C'est comme si on était en train de construire un gratte-ciel sur un terrain vaseux parce que la société a changé complètement.

On n'en est pas à une incohérence près, et c'est ce qui m'inquiète beaucoup. Ce qui m'inquiète beaucoup, c'est le nivellement vers le bas. Par exemple, l'année de cohabitation qu'on retrouvait dans le document d'orientation du ministre Paradis et qu'on retrouve dans le projet de loi a été utilisée dans le budget du ministre des Finances, Gérard D. Levesque, pour fonder une nouvelle disposition qui sera en vigueur dans le prochain rapport d'impôt et qui fait qu'une personne, chef de famille monoparentale, devra, dans le rapport d'impôt, déclarer... Je ne parle

pas simplement des assistées sociales. Au contraire, les personnes chefs de famille monoparentale qui travaillent, dans le rapport d'impôt, et même avant le rapport d'impôt... C'était même dans la déclaration que chaque personne travaillant à l'Assemblée nationale devait remplir. Vous avez dû vous-même en remplir une la semaine dernière pour faire valoir vos exemptions en janvier prochain. Il y avait une clause que vous deviez remplir si vous étiez chef de famille monoparentale, si la cohabitation était de plus ou de moins d'un an. Ça va devenir la règle parce qu'on l'introduit dans notre régime social. Les conséquences vont suivre. C'est un bouleversement qui est créé, comme une secousse sismique. Ça aura des répercussions partout et il y aura des répercussions immédiates dans le rapport d'impôt.

La personne chef de famille qui travaille, après une cohabitation d'un an, ne pourra plus déclarer son enfant au titre d'exemption pour personne à charge, ce qu'elle pouvait faire auparavant, si la cohabitation durait depuis plus d'un an. Si elle ne travaille pas, à l'inverse, son conjoint ne pourra pas réclamer l'exemption pour personne à charge, puisque c'est possible uniquement dans le cas du mariage. Si elle travaille en plus, elle va devoir ajouter à ses revenus de travail la pension alimentaire qui lui est versée comme un revenu de travail, mais, si elle ne travaille pas et qu'elle est à l'aide sociale, elle ne pourra pas considérer une partie, tout au moins, de cette pension qui lui est versée comme un gain admissible. Cela foisonne de contradictions. On n'en est pas à une incohérence près. (20 h 45)

Le problème, c'est: Va-ton en ajouter de nouvelles? Va-t-on bien crisper tout ça, renforcer tout ça et faire en sorte que le noeud ne puisse plus se dénouer. Il n'y a pas de justification à ce que nos lois discriminent sur la base de la condition sociale. Je conçois très bien que l'aide, tant qu'on n'arrivera pas à un crédit d'impôt adulte remboursable, soit une aide de dernier recours qui commande un test de revenu et un test de besoin et que pour tout de suite le test du revenu soit celui des conjoints. Mais la grande question est une question sociale avant d'être une question juridique, d'où l'importance de la définition de conjoints, parce que, considérer comme conjointes des personnes qui cohabitent depuis un an et rendre responsable le nouveau conjoint de la famille reconstituée de la charge financière d'enfants dont il n'est pas le père, je mets au défi quiconque de prétendre ici que cela n'a pas un effet dissuasif sur la reconstitution des familles dans notre société. Malheureusement - on aura peut-être l'occasion de poursuivre la semaine prochaine - Je n'ai pas le dossier ce soir avec moi, mais les coûts économiques et sociaux de la monoparentalité sont énormes. Juste de mémoire, je sais que, lors d'un colloque récent qui a tenu une douzaine de commissions sur des sujets différents, il a été démontré notamment que le problème de la délinquance chez les adolescents était extrêmement important dans les familles monoparentales et que l'absence d'une figure paternelle était un facteur d'une incidence importante. Je pense que le député de Chambly a malheureusement tort de vouloir bâtir la loi à l'aube de l'an 2000 sur une réalité des années cinquante.

Le Président (M. Leclerc): M. le député de Chambly.

M. Latulippe: Je suis un peu et beaucoup en désaccord avec Mme la députée de Maisonneuve lorsqu'elle nous dit que la réforme de l'aide sociale est basée sur le concept de la famille stable - c'est la façon dont elle l'a décrite - c'est-à-dire, j'imagine, de la famille nucléaire. La famille stable...

Mme Harel: Non, non. Ce n'est pas dans ce sens-là. Le conjoint alors.

M. Latulippe: J'ai écrit textuellement ce que que vous avez dit. Vous avez dit que la réforme de l'aide sociale était basée sur le concept de la famille stable. Je l'ai écrit là, mot à mot.

Mme Harel: De relations conjugales stables, M. le député de Chambly, si cela peut vous préciser mieux ma pensée.

M. Latulippe: Vous avez longuement fait référence au concept de la famille des années cinquante. Vous êtes revenue à plusieurs occasions sur le terme famille nucléaire"; vous l'avez vous-même employé. Moi, je pense que, tout au contraire, la loi dans ses définitions mais aussi par ses définitions... Quand on regarde la définition de conjoints, quand on regarde la définition de famille, quand on regarde la définition ou le contexte de la définition qui tourne autour du concept d'enfants à charge, on se rend très rapidement compte que, justement, la complexité - je suis un peu d'accord sur le fait que l'ensemble de ces articles sont complexes - vient beaucoup du fait que l'on tente de s'intéresser aux différentes situations familiales, entre guillemets, nouvelles, autant la famille monoparentale que les différents types de relations entre conjoints.

Donc, on s'est de beaucoup détaché, dans les définitions, du concept de relations familiales stables telles qu'on les vivait dans les années cinquante. Je pense que, bien au contaire, on a tenté dans ces définitions d'adapter la loi aux nouveaux types de relations entre hommes et femmes. Mais plus que cela, les barèmes qui sont dans la loi ou dans la réglementation, les barèmes de prestation, s'adaptent aussi aux nouveaux types de relations familiales, entre guillemets. Vous avez une complexité dans les barèmes qui est due au fait que la société a développé au fil des ans des relations entre

hommes et femmes beaucoup plus complexes qu'il y a 20 ou 30 ans. Donc, je suis en désaccord avec votre postulat de base.

Mme Harel: Qui est quoi déjà?

M. Latulippe: Vous avez dit que la réforme d'aide sociale était basée sur le concept de famille stable. Vous avez après fait référence aux familles nucléaires et à la famille telle qu'on la vivait dans les années cinquante. Vous avez beaucoup développé là-dessus.

Mme Harel: M. le Président.

Le Président (M. Leclerc): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: D'abord, un premier élément. Le député de Chambly a l'air d'avoir oublié que dans l'amendement sont maintenus les mots "sauf dans les cas déterminés par règlement". Donc, c'est évident que l'enfant pourrait dépendre d'un frère, d'une soeur, d'un oncle, d'une tante, d'un grand-parent, puisque ce sont là de toute façon des personnes définies dans le règlement. De toute façon, avant qu'il nous rejoigne, le ministre avait déjà déclaré que c'était son intention de reconduire ce règlement à l'article 90, alinéa 2.

Donc, quant à cette question, c'est évident que ce que l'amendement introduit, c'est que l'adulte, qui est autre que celui décrit dans le règlement... Puisque le ministre vient de nous dire qu'il reconduit le règlement, on tient sa parole pour acquise. Il y aura donc des adultes autres: ceux qui seront définis dans le règlement en vertu de l'article 90, deuxième alinéa, considérés à la charge de leur père, de leur mère. Il nous semble important, bien que je convienne avec le député de Chambly que c'est à l'article 5, deuxième paragraphe, que nous reviendrons sur la notion de famille, il nous semble quand même important de bien préciser à l'article 3, dans le cadre de l'amendement qu'on introduit, que, sauf dans les cas déterminés par règlement, que l'on connaît, qui sont ceux du frère, de la soeur, de l'oncle, de la tante, du grand-parent, l'enfant est considéré comme dépendant pour sa subsistance de son père, de sa mère, ou, s'il s'agit d'un autre adulte, de l'adulte désigné par un jugement du tribunal. Cela nous semble extrêmement important de bien le préciser dans la loi elle-même. C'est le premier élément.

Ensuite le second. Je ne tiens pas tellement à m'amuser sur les concepts avec le député de Chambly, mais il y a une chose qu'il peut consentir à reconnaître, c'est qu'on ne peut plus maintenant confondre famille et mariage. On peut s'entendre que la différence entre les années cinquante et celles qui existent maintenant, ce n'est pas qu'il n'y a plus de famille ni de mariage, c'est qu'il y a beaucoup de familles reconstituées à la suite parfois d'un second mariage ou un troisième mariage.

Alors, malheureusement, la complexité dans les barèmes vient bien plus de l'hypercatégorisa-tion que l'on va retrouver et qui nous ramène aux années cinquante avant le rapport Boucher, des catégories a, b, c, d, e et f, temporaires, moins de douze mois, inaptes, plus de douze mois, etc., qu'elles ne viennent... Je voudrais que le député de Chambly m'écoute, parce que, si on voulait véritablement en arriver à bien subvenir aux besoins des personnes auxquelles on pense d'adresser, ce que l'on conviendrait comme société, c'est que les conjoints se doivent subsistance entre eux. On modifierait en conséquence notre Code civil pour que ce soit une réalité juridique pour tous les conjoints, pas simplement ceux qui sont pauvres, et on conviendrait que dans le cas des enfants, ils sont, comme l'indique le Code civil, à la charge financière en filiation, en termes d'obligation, de leurs parents, père et mère, et, en cas d'absence de revenu versé par l'un ou l'autre ou d'insuffisance de revenu, on conviendrait qu'il y a matière à une allocation enfant qui soit du type de celle qui est examinée, d'ailleurs, en Ontario, mais qui serait versée même dans le cas où la mère n'en reçoit plus, étant entendu qu'elle est dans une situation de cohabitation qui l'amène à partager sa vie et à se faire entretenir, en fait - parlons clairement - par son conjoint. Ce qui est aberrant, c'est de maintenir, dans le cadre de familles reconstituées, en l'absence de véritable recours juridique à l'égard de l'ami de la mère qui n'est pas le père de ses enfants, une charge financière, puisque, si cette charge n'est pas véritablement assumée, il n'y a aucun recours pour la faire respecter. On ne peut pas donner des responsabilités... On ne peut pas soustraire quelqu'un à un droit sans lui donner le recours de faire valoir un autre droit. Il est évident que, présentement, il y a une forme de discrimination dans l'application de nos lois sociales.

Le Président (M. Leclerc): Vous avez terminé, Mme la députée de Maisonneuve?

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Leclerc): Est-ce que M. le député de Chambly...

Mme Harel: Le ministre, le ministre!

Le Président (M. Leclerc):... ou le ministre...

M. Bourbeau: M. le Président, quant à moi, je n'ai rien à ajouter. Le député de Chambly a tellement bien exposé la position gouvernementale précédemment qu'elle est...

Mme Harel: Je vais vous demander de disposer de mon amendement, M. le Président.

Le Président (M. Leclerc): Est-ce que le

député de Chambly désire encore prendre la parole?

M. Latulippe: Oui, seulement un point...

Le Président (M. Leclerc): M. le député de Chambly.

M. Latulippe:... c'est que, quand on regarde le texte de l'article 3, on a les mots: "Sauf dans les cas déterminés par règlement, sont considérés à la charge de leur père, de leur mère ou, dans les cas prévus par règlement... " Donc, l'article est balancé. Dans un cas, c'est "sauf dans les cas déterminés par règlement"; plus loin, c'est "dans les cas prévus par règlement". À la première ligne, le concept qui est développé... "Sauf", c'est exclusif, c'est pour exclure des personnes comme, dans le règlement, on a, au paragraphe e, certains cas, le cas, par exemple, des enfants qui gagnent beaucoup de revenus, qu'on ne considère pas pour ne pas empêcher les parents de recevoir l'aide sociale. Mais plus loin, cela devient inclusif: "dans les cas prévus par règlement"; là, c'est pour ajouter des cas, comme on en parlait tout à l'heure, de frères, de soeurs, de grand-pères et grand-mères. Donc, je pense qu'au contraire, si vous maintenez votre amendement, vous restreignez la portée des cas qui pourraient être inclus plutôt que l'inverse.

Mme Harel: M. le Président, je pense qu'il serait plus sage que nous cessions nos travaux à ce moment-ci. Le député de Chambly a peut-être raison et cela me permettra de revoir l'amendement avant que nous entamions nos travaux la semaine prochaine.

Le Président (M. Leclerc): Bien.

M. Bourbeau: Si jamais on les entame.

Le Président (M. Leclerc): C'est ce que nous souhaitons.

M. Latulippe:... un juge.

Le Président (M. Leclerc): Compte tenu de l'heure et...

M. Bourbeau: Cela va prendre un ordre de la Chambre.

Le Président (M. Leclerc): Compte tenu de l'heure et de l'entente qui a prévalu entre les partis, nous allons ajourner sine die.

(Fin de la séance à 21 heures)

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