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(Dix heures vingt-neuf minutes)
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
je demanderais à chacun de bien vouloir prendre sa place afin que la
commission des affaires sociales puisse procéder à l'étude
détaillée du projet de loi 37, c'est-à-dire la Loi sur la
sécurité du revenu. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a
des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Blackburn
(Chicoutimi) sera remplacée par M. Jolivet (Laviolette), et M. Blais
(Terrebonne), par M. Chevrette (Joliette).
Le Président (M. Bélanger): Très bien. Lors
de l'ajournement des travaux, nous en étions à une motion de Mme
la députée de Maisonneuve qui se lisait comme ceci: II est
proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de
procédure... M. le député de Laviolette, oui.
M. Jolivet: J'aurais une question à vous poser. La semaine
dernière, on s'en souviendra, jeudi passé, il y a des personnes
qui ont été refoulées à l'extérieur sous
prétexte qu'il n'y avait pas suffisamment de place dans la salle de
commission. Je vous avais alors posé certaines questions. Je n'ai pas
encore reçu de réponses. Il me serait difficile de les poser
ailleurs qu'ici, compte tenu que la présidence de l'Assemblée
nationale, dont vous êtes le prolongement ici en commission, si j'allais
les lui poser à l'Assemblée nationale, me redirait:
Écoutez, M. le député, vous n'êtes pas à la
bonne place, c'est à la commission que ces événements se
sont produits, donc, c'est au président de la commission d'y
répondre. Ce n'est pas au président de l'Assemblée
nationale, qui n'a d'aucune façon eu connaissance de ces
événements, de me répondre. Alors, jeudi passé,
avant de quitter, je vous avais mis au courant que je vous poserais des
questions pour savoir si vous aviez fait les vérifications qui
s'imposaient et combien de personnes avaient été refoulées
et, également, combien de personnes avaient même été
empêchées d'entrer à l'Assemblée nationale, compte
tenu du fait qu'on leur avait dit: Écoutez, il n'y a pas suffisamment de
place et vous ne pouvez pas entrer, et qui ont été
obligées de retourner chez elles. Nous avons eu connaissance de ces
faits. C'est pour cela que je vous demande, à vous comme
président, le résultat de l'enquête que vous avez
menée à cet effet. Ma deuxième question viendra ensuite.
Alors, je vais vous laisser la chance de répondre d'abord à cette
première question. Selon votre enquête auprès du service
d'ordre, quel est le nombre de personnes qui ont été
refoulées en dehors de l'enceinte de l'Assemblée nationale et
quelles sont les raisons qu'on leur a données pour qu'elles n'aient
même pas pu entrer dans la salle ici parce qu'on prétendait qu'il
n'y avait pas de place et qu'elles aient été incapables d'entrer
à l'Assemblée nationale?
Le Président (M. Bélanger): Premièrement, on
n'a pas fait de décompte, personne n'a compté combien de
personnes avaient été dans l'impossibilité d'entrer dans
la salle faute de place. On me dit qu'il y avait peut-être une vingtaine
de personnes. Maintenant, formellement les responsables de la
sécurité me garantissent que personne n'a été
empêché d'entrer à l'Assemblée nationale, et pour
cause, il n'y aucun règlement ou motif sur lequel on pourrait s'appuyer,
je pense, pour refuser l'accès à l'Assemblée nationale,
c'est-à-dire au parlement, à des citoyens.
Pour ce qui est de l'usage des salles, ce n'est pas avant le 12 ou le 13
qu'on pourra avoir la salon rouge en haut, si besoin...
M. Jolivet: Je vais revenir sur celle-là, c'est pour ma
deuxième question. Je vous pose la première. Vous
prétendez qu'il n'y a personne qui, à l'entrée à
l'Assemblée nationale, se soit fait dire: Vous ne pouvez pas entrer dans
la salle, donc, vous êtes mieux de retourner chez vous, donc, vous ne
pouvez pas entrer à l'Assemblée nationale. Vous me garantissez
que personne n'a été refoulé sous prétexte qu'il
n'y avait pas de place dans la salle ici.
Le Président (M. Bélanger): Ce sont les
informations qu'on m'a données effectivement. Maintenant, je n'ai rien
constaté. J'étais ici dans la salle comme vous, je ne le sais
pas.
M. Jolivet: La deuxième question a trait, justement,
à la salie, en haut, du Conseil législatif. Vous nous avez dit,
la semaine dernière, que nous ne pouvions pas avoir cette salle, parce
que la priorité était donnée à des auditions
publiques et qu'en conséquence, aujourd'hui, on ne peut pas y aller.
Vous aviez commencé à nous dire que ce ne sera pas avant le 12 ou
13 décembre prochain.
À ma connaissance, il y a beaucoup de personnes qui auraient
aimé participer comme spectateurs à cette commission. C'est le
droit de l'ensemble de la population du Québec qui voudrait bien y
assister. C'est la responsabilité du leader du gouvernement de
déterminer par motion à l'Assemblée nationale les salles
qui sont retenues, les journées d'auditions prévues ou les
journées de commissions pour étude article par article d'un
projet de loi qui sont retenues.
Mais il y a une chose qui doit aussi être
considérée, c'est qu'actuellement, il y a une commission
parlementaire en haut qui tient des
auditions publiques. Cependant, à ma connaissance, il n'y a pas,
au rythme de gens qui vont venir se présenter, beaucoup de personnes qui
vont remplir cette salle comparativement à celle-ci qui est toute petite
pour des gens qui auraient voulu y assister, mais qui ne sont pas venus ce
matin, parce qu'on leur a dit que cela ne servait à rien de venir, que
vous n'aviez pas suffisamment de place dans la salle.
Alors, je vous pose la question. Vous avez une responsabilité
comme président. Vous êtes le prolongement de la
présidence. Vous n'êtes pas soumis, d'une certaine façon,
à des diktats du leader du gouvernement. Vous avez fortes
présentations à faire, j'en suis assuré, pour permettre
à la population du Québec d'assister, si elle le veut, à
une commission comme celle-là, sans intervenir, bien entendu. J'en
conviens avec vous, d'ailleurs. J'en al fait mention, la semaine
dernière, sans aucun rire, sourire ou bien donc de frappement ou de
claquement des mains. Je conviens avec vous que la personne qui se trouve dans
l'assistance comme spectateur n'a pas à intervenir dans le débat
que nous menons et que vous avez le droit et le pouvoir de lui demander de se
retirer si elle n'agissait pas dans ce sens. Ce n'est pas dans ce
sens-là que j'interviens, mais dans le sens de voir de visu les
discussions qui auront lieu autour de cette table. Alors, je comprends mal que
vous nous disiez aujourd'hui que, pour une commission où iI y a
peut-être quatre ou cinq personnes à la fois qui vont se
présenter à la table des témoins, l'on réserve une
grande salle comme celle d'en haut, alors qu'on aurait pu faire l'inverse, les
faire venir ici. Comme on a fait d'ailleurs, et vous êtes sûrement
informé de ces faits, pour la commission de l'éducation à
laquelle j'ai assisté à cette même table où iI y
avait beaucoup de gens Ici avec des témoins qui venaient sur les projets
de loi 106 et 107. À ce moment-là, c'étaient des auditions
publiques qui avaient lieu ici et qui n'avaient pas empêché
d'autres discussions à d'autres tables en haut avec d'autres gens.
C'était une décision du leader qui avait été celte
de confiner dans une petite salle beaucoup de gens - ce que je trouve un peu
anormal - et c'est dans ce sens-là que je vous demande d'intervenir pour
qu'on puisse changer de salle et avoir une salle plus convenable que celle-ci
en termes de capacité de personnes.
Le Président (M. Bélanger): Je vous avais quand
même donné la réponse la semaine dernière si vous
lisez les journaux. D'ailleurs, elle était très explicite. Je
présume qu'elle a sûrement été entendue par tous les
gens de la commission. Il faut savoir que le salon rouge est toujours
réservé en priorité aux auditions publiques et que.
dès qu'il y a auditions publiques, il est forcé de
reconnaître que cela se passe toujours là à moins
d'exceptions, je ne sais pas, si la salle est hors d'usage ou n'importe quoi.
Mais, en règle générale, c'est la façon de
procéder habituelle et c'est comme cela que, lorsque le président
ou l'organisation du bureau de la présidence décide de l'octroi
des salles pour les commissions, ce sont toujours les commissions qui ont des
auditions publiques qui sont au salon rouge. Votre question est aussi
hypothétique. Je regarde ce matin, il y a encore de la place dans la
salle, alors, je ne vois pas pourquoi on prendrait une salle plus grande. Il y
a encore de la place actuellement. Dans la mesure où il y aura de la
place, on accommodera tous les gens. II est évident que, dès que
la salle sera disponible, des démarches ont été faites
dans ce sens, on m'a assuré que notre demande a été
accueillie favorablement... Le problème, c'est que la salle n'est pas
disponible. On ne peut pas faire siéger deux commissions en même
temps dans la même salle. Mais c'est une question qui, pour le moment,
est hypothétique, il y a de la place encore ici.
M. Jolivet: M. le Président, ma question n'est pas
hypothétique dans la mesure où des gens ont décidé
de ne pas venir parce qu effectivement, ils savaient qu'ils seraient
refoulés comme la semaine dernière et qu'on leur dirait
finalement: Cela ne sert à rien d'entrer ici, à
l'Assemblée nationale, vous n'avez pas suffisamment de place, et, en
conséquence, vous allez être obligés de patienter afin
qu'il y ait un roulement de personnes qui entrent et qui sortent de cette
salle. Mais, je vous dis simplement que ce n'est pas mieux non plus, en haut,
pour les auditions publiques. Quand on dit que c'est retenu pour les auditions
publiques, c'est dans la mesure où les auditions publiques attirent
énormément de personnes, ce qui n'est pas le cas actuellement au
Conseil législatif, où le nombre de personnes n'est, par
témoignage, que très peu élevé. C'est simplement,
je le répète ici, une décision du leader de confiner des
personnes qui voient leur survie, dans bien des cas, dans toute la question de
l'aide sociale au Québec, qui ne pourront pas assister de visu, comme il
est normal que ça dort être fait, dans la mesure où I'on
permet d'avoir des salles convenables pour ce faire.
Alors, c'est dans ce sens-là, M. le Président, que
j'intervenais auprès de vous. Je continue toujours à
prétendre la même chose, et je ne voudrais pas que vous deveniez
le bras droit du leader du gouvernement, mais que vous restiez le
président de la commission et, à ce titre-là, responsable
et neutre dans la décision que vous avez à prendre.
Le Président (M. Bélanger): Pour ce matin, il n'y a
pas de problème. Quand le problème se posera, on verra ce qu'on
peut faire. Mais il faut savoir une chose. Le salon rouge est occupé. On
peut discuter toute la journée. Cela ne changera pas le fait qu'il est
occupé et qu'on ne pourra pas le prendre. J'ai entendu vos
réclamations. C'est la deuxième fois. Je vous l'ai dit. J'ai
fait
toutes les démarches qui sont nécessaires. Je les referai,
mais, pour le moment, c'est comme ça. Or, j'appelle donc...
Mme Harel: Juste avant, M. le Président...
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, j'ai fait parvenir au secrétariat de la
commission des copies que j'aimerais voir distribuer à tous les membres
de la commission, dont vous, M. le Président. Je vois qu'il y a des
informations pertinentes qui ont été distribuées aux
membres de la commission. Je crains qu'il y en ait une qui ait
été omise, celle du rapport de mission à Boston en
décembre 1987 sur l'employabllité au Massachusetts et celle qui
permet de voir ce que le ministre a honte de dire...
Une voix:...
Le Président (M. Bélanger): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Mme Harel:... c'est que son projet est conforme au plan mis en
place dans 27 États américains par l'administration Reagan.
Alors, cela va vous permettre de voir que, contrairement à ce que le
ministre prétend, on est bien loin de la Suède qui a un taux de
chômage, à Stockholm, de 1, 7 % avec une politique de plein emploi
mise en place depuis 40 ans.
M. Bourbeau: Est-ce qu'on parle toujours du projet de loi 37 ce
matin ou si on parle de voyage...
Le Président (M. Bélanger): Oui, c'est que Mme la
députée de Maisonneuve voulait nous déposer un
document...
M. Bourbeau:... des vacances à Boston de Mme la
députée de Maisonneuve?
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
Mme la députée, on reçoit le dépôt...
Mme Harel: M. le Président, je m'Inscris en faux contre
les propos du ministre. Il s'agit d'une mission à Boston de hauts
fonctionnaires de son ministère et, il faudrait certainement qu'il
manifeste plus d'intérêt à l'égard de cette
mission.
M. Bourbeau:... apporter une correction encore aux
faussetés de la députée de Maison-neuve.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, on va
entendre Mme la députée de Maisonneuve. On vous entendra par la
suite.
M. Bourbeau: Est-ce qu'on peut lui permettre de dire des
faussetés aussi?
Le Président (M. Bélanger): Vous corrigerez par la
suite, M. le ministre.
Mme Harel: Ce rapport de mission, M. le Président, a
été effectué par Mme Line Poitras, de la Direction des
politiques et des programmes de développement de l'employabilité,
par M. Louis Tremblay, de la Direction de l'évaluation et de la
statistique, et par M. Robert Beauchamp, de la Direction régionale du
réseau Travail-Québec Laurentides-Lanaudière.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, vous
vouliez faire des commentaires?
M. Bourbeau: Seulement pour corriger une autre des nombreuses
inexactitudes que se plaît à prononcer la députée de
Maisonneuve, qui a souvent très peu de respect pour la
réalité des choses.
Mme Harel: M. le Président, s'il vous plaît, j'en
appelle au règlement.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée, on va écouter M. le ministre et on vous donnera
une courte réplique par la suite.
M. Bourbeau: La députée de Maisonneuve affirme sans
ambages que la mission était composée de hauts fonctionnaires du
ministère, alors qu'en réalité, c'étaient des
professionnels du ministère.
M. Jolivet: Des petits fonctionnaires.
M. Bourbeau: Que la députée se permette de dire les
choses telles qu'elles sont. Les hauts fonctionnaires, c'est une chose, les
professionnels, c'est une autre chose.
M. Jolivet: Ce sont des petits fonctionnaires.
M. Bourbeau: Ce sont des professionnels.
Mme Harel: M. le Président...
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve, brièvement, qu'on revienne
à notre débat.
Mme Harel: Je termine, M. le Président, en disant que je
trouve malheureux que le ministre cherche à déprécier
cette mission qui a permis de vérifier la réalisation d'un vrai
programme volontaire de retour à l'emploi en dépréciant
les personnes de son ministère qui l'ont réalisée.
Motion réclamant la tenue de
consultations
particulières et demandant de convoquer
le
Front commun des personnes assistées
sociales du Québec (suite)
La Président (M. Bélanger): Bien. Alors, nous
revenons à l'objet de nos débats. Nous en étions à
une motion de Mme la députée de Maisonneuve qui se lisait comme
ceci: 'II est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles
de procédure, la commission permanente des affaires sociales tienne,
avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi
37, Loi sur la sécurité du revenu, des consultations
particulières quant à tous les articles du dit projet de loi et
qu'à cette fin, elle entende le Front commun des personnes
assistées sociales du Québec. "
Mme la députée de Maisonneuve, il vous restait deux
minutes pour conclure.
Mme Louise Harel (suite)
Mme Harel: Malheureusement, M. le Président, deux minutes
simplement pour Insister sur le caractère punitif qui consisterait
à refuser au front commun de se faire entendre devant la commission. Je
vous rappelle que, dans des circonstances semblables, le ministre de
l'Éducation... M. le Président, pouvez-vous faire interrompre le
volume de son trop élevé?
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, s'N
vous plaît, je vous demanderais que les apartés se fassent plus
discrètement. Même s'ils font partie des règles de notre
commission, comme on le sait, que cela se fasse dans un contexte qui permette
aux travaux de bien se dérouler.
Mme Harel: Je rappelle que présentement, le ministre de
l'Éducation procède à des consultations
particulières et a acquiescé à la demande de l'Opposition,
malgré que le ministre avait déjà, pendant des semaines,
également entendu des rapports sur ces projets préliminaires.
Mais, comme les projets de loi 106 et 107 appellent de nouvelles consultations,
le ministre a procédé et procède au moment même
où l'on se parle. II faut le faire, M. le Président, dans le cas
du projet de loi 37. Il faut entendre le Front commun des personnes
assistées sociales, particulièrement pour ce qu'elles ont
à nous dire sur le type de programme de réinsertion à
l'emploi qu'elles espèrent voir retenu par le gouvernement. Ce sont ces
personnes qui ont le désir le plus intense de cette
réinsertion.
La Président (M. Bélanger): En conclusion, Mme la
députée.
Mme Harel: En conclusion, M. le Président, je pense que
les députés libéraux du comité, qui étaient
prêts à les rencontrer en privé, doivent assumer leurs
responsabilités comme membres d'une commission parlementaire,
reconnaître que le débat doit se faire en public et acquiescer
à cette demande d'entendre le front commun (10 h 45)
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, votre
droit de réplique.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: M. le Président, nous sommes en
présence d'une motion de l'Opposition visant à suspendre les
travaux que nous tenons présentement et à entendre en commission
parlementaire, sur tous les articles du projet de loi, ce qu'on appelle le
Front commun des personnes assistées sociales du Québec. Je
présume qu'après que la commission aura pris une décision
quant à l'opportunité ou non d'entendre le front commun, la
députée de Maisonneuve reviendra avec une nouvelle proposition
pour entendre, cette fois-là, la table de concertation. Après
cela, une fois que la commission aura décidé de ne pas
l'entendre, je présume, entendre chacun des autres groupes. Bref, on va
avoir droit à une litanie pendant des jours et des semaines.
Mme Harel:... s'entendre, M. le Président...
Le Président (M. Bélanger): S il vous plaît,
on va laisser M. le ministre procéder.
Mme Harel: On peut s'entendre sur une liste.
M. Bourbeau: sur des motions de type dilatoire qui n'ont pour but
que de retarder le début des travaux de la commission. Mais je ne veux
pas m'éloigner du sujet puisque l'occasion m'en est donnée.
Est-ce que, oui ou non, il est opportun d'entendre de nouveau ceux qu'on
appelle le front commun des assistés sociaux? Je ne voudrais pas mettre
en cause la représentativité de ceux ou celles qui
prétendent former le front commun des assistés sociaux. Je les ai
rencontrés moi-même à deux reprises, une fois en compagnie
du premier ministre et une autre fois à mon cabinet au ministère.
Nous n'avons pas eu l'occasion, lors de la rencontre privée que J'ai eue
avec eux, de discuter du projet de loi comme tel La réunion avait
été convoquée à ma demande, mais les discussions
n'ont porté justement que sur l'opportunité ou non de tenir une
commission parlementaire publique. Je dirai ceci au sujet de cette demande. Le
principal argument qu'apportent ceux ou celles qui voudraient qu'on tienne une
commission parlementaire, c'est qu'on ne croit pas que le projet de loi que
nous avons déposé est un projet de loi qui soit souhaitable. Dans
les circonstances, on met en cause les principes mêmes de la
réforme et on voudrait mettre de côté le projet de loi pour
le remplacer par une autre loi. Je souligne que l'Assemblée nationale a
déjà adopté le principe du projet de loi 37 et que, si
nous devions, à ce moment-ci,
mettre fin à nos travaux et entendre les organismes ou le front
commun pour discuter du projet de loi 37, ce serait d'une certaine façon
un affront à l'Assemblée nationale qui a déjà
accepté le principe du projet de loi 37. Or, comme il est évident
qu'on met en cause le principe même, le fondement de la loi 37, ce ne
serait pas, je pense, acceptable pour l'Assemblée nationale de tenir des
auditions qui viendraient mettre en doute la légitimité du projet
de loi 37 ou son opportunité, puisque l'Assemblée nationale s'est
déjà prononcée dans une très large majorité
pour le projet de loi 37.
Quant aux modalités du projet de loi 37, nous sommes ici
aujourd'hui pour en discuter. Je souhaite, quant à moi, qu'on passe le
plus tôt possible à l'article 1, mais sans trop me faire
d'illusions, je dois le dire. Je voudrais également dire que la raison
principale pour laquelle nous ne sommes pas d'accord avec la tenue d'auditions
publiques sur la question de la loi 37, c'est que le projet de loi 37 est un
projet de loi que nous considérons comme très Important. Et nous
pensons que ce projet de loi est un projet de loi qui améliore de
façon substantielle te régime qui prévaut à
l'égard des assistés sociaux. C'est un projet de loi qui bonifie
d'une façon importante les prestations des personnes assistées
sociales qui, par exemple, sont dans la catégorie de ceux qu'on appelle
les non-employables ou les inaptes au travail. Le projet de loi vient en aide
à tous ces gens, à toutes ces personnes qui sont certainement
celles qui sont les plus mal prises dans notre société. Celles
qui sont à la fois démunies financièrement et sans
ressources et qui en plus ont de sérieuses contraintes d'ordre
médical et également d'ordre socioprofessionnel.
Donc, en plus de la pauvreté il y a des problèmes de
maladies physiques, mentales ou des conditions très
sévères socioprofeslonnelles. Nous pensons que, puisque le projet
de loi améliore d'une façon Importante les prestations qu'on va
donner à ces personnes, ce n'est pas dans leur intérêt que
la réforme de l'aide sociale soit reportée. Or, une commission
parlementaire aujourd'hui pour entendre des groupes, soit le front commun des
assistés sociaux et d'autres groupes, mettrait en péril
l'adoption du projet de loi pour Noël.
Je voudrais signaler que, lors de ma rencontre avec le front commun des
assistés sociaux, ce front commun m'a très clairement
indiqué qu'il ne pouvait pas se prononcer et témoigner au nom de
la quelque centaine d'organismes qu'il prétend représenter. On
m'a dit en présence de mes adjoints et de mes attachés politiques
au cabinet, qu'il n'est pas question que ces gens-là viennent
témoigner au nom de... On prétend qu'il s'agit d'une centaine de
groupes, chacun de ces groupes ayant son propre point de vue sur la question.
Alors, je ne comprends pas pourquoi on ferait témoigner des gens qui
prétendent ne pas pouvoir s'exprimer au nom de tous ces groupes et qui,
au contraire, réclament qu'on entende tous et chacun des divers groupes
qui formeraient le front commun des bénéficiaires de l'aide
sociale, enfin, que le front commun représenterait, je dis bien
"représenterait", parce que je n'ai pas vu un tel mandat. Alors, dans
ces conditions, on risquerait finalement, d'être obligés
d'entendre, pour donner suite à la demande du front commun, tous les
organismes qu'ils prétendent représenter et, à ce
moment-là, on peut oublier l'adoption de la réforme pour la
mi-décembre.
Nous pensons qu'il n'est pas souhaitable de remettre l'adoption du
projet de loi 37. Tout à l'heure, j'ai parlé des inaptes au
travail qui vont être pénalisés et que dire des jeunes, de
ces dizaines de milliers de jeunes qui reçoivent des allocations
extrêmement basses? Inutile de rappeler que les jeunes de moins de trente
ans - ils ne sont pas tous très jeunes; quand on est rendus à 28
ou 29 ans, on est moins jeunes qu'à 18 ou 19 ans - ne reçoivent,
encore aujourd'hui, qu'une allocation de 178 $ par mois et sont dans une
situation semblable depuis de nombreuses années.
J'aimerais rappeler que les bénéficiaires de l'aide
sociale eux-mêmes ont récemment déploré l'attitude
de l'ancien gouvernement du Parti québécois, de Mme Marois qui a
été nommée d'une façon spécifique dans un
article de journal où on disait qu'elle avait maintenu les
bénéficiaires de l'aide sociale de moins de trente ans dans la
famine pendant toutes les années où elle a été en
charge du ministère de la Main-d'Oeu-vre et de la Sécurité
du revenu. Le gouvernement du Parti québécois n'a rien fait
pendant les neuf ans qu'il a été là pour tenter d'amener
un peu plus d'équité, de justice à l'endroit des jeunes de
moins de 30 ans qui gagnaient autour de 150 $ par mois, à ce
moment-là, et qu'on a laissés crever - selon l'article en
question, selon la déclaration de ce groupe - littéralement de
faim.
Nous arrivons aujourd'hui avec une proposition qui a pour objet
d'accorder la même prestation d'aide sociale au moins de 30 ans qu'au
plus de 30 ans, c'est-à-dire que, plutôt de recevoir une
prestation de 178 $ par mois, l'objectif de la réforme est de les mettre
sur le même pied que les plus de 30 ans. On sait que la prestation de
base sera de 420 $ par mois pour une personne seule. Si le jeune de moins de 30
ans, une fois que la réforme sera en vigueur, demande de participer
à une mesure d'employabilité, ce sera porté à 487 $
par mois et, s'il participe à une mesure, ce sera de 520 $ par mois.
Voilà une mesure positive, qui fait en sorte d'apporter un peu plus
d'équité dans le système. Je ne voudrais pas, quant
à moi, prendre la responsabilité de pénaliser ces jeunes
de moins de 30 ans, en reportant Indéfiniment l'adoption de la
réforme de l'aide sociale.
Que dire des familles monoparentales à qui, avec la
réforme, nous proposons un programme d'allocation logement qui va faire
en sorte
d'accorder aux familles, mais surtout aux familles monoparentales, avec
enfants mineurs, des prestations pour venir compléter leurs besoins de
logement. Nous estimons qu'environ 51 000 familles québécoises
auront accès au Programme allocation logement. 70 % d'entre elles,
c'est-à-dire environ 36 000 familles, sont des familles monoparentales
dont le chef de famille est, la plupart du temps, une femme. Voilà un
autre avantage important qui va coûter beaucoup d'argent au gouvernement,
je dois le dire, et qui va être à l'avantage des familles
québécoises. Est-ce que nous allons également
pénaliser ces familles en retardant davantage leur éventuel
accès au Programme allocation logement. Je pense que tous ces bienfaits,
toutes ces améliorations, toutes ces bonifications dans la
réforme de l'aide sociale méritent qu'on procède avec le
plus de célérité possible et, quant à moi, je ne
tomberai pas dans le panneau de la députée de Maisonneuve qui
voudrait, avec ses mesures dilatoires, retarder l'adoption du projet de loi de
sorte que, en 1989, elle puisse clamer: Le gouvernement n'a pas donné
suite à ses engagements, le gouvernement n'a pas adopté de
réforme de l'aide sociale, le gouvernement n'a pas donné suite
à ses engagements électoraux, pour lesquels il avait
été élu d'ailleurs, soit de faire une réforme de
l'aide sociale basée sur les principes que l'on connaît.
M. le Président, je pense que la proposition de la
députée de Maisonneuve ne va pas dans le sens des meilleurs
intérêts de la société québécoise et
certainement pas, en tout cas, des meilleurs intérêts des
assistés sociaux. Je pense qu'il est important pour les assistés
sociaux que la réforme ait lieu le plus tôt possible et, quant
à moi, je n'ai certainement pas l'intention de voter en faveur de cette
résolution. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
député de Laviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci. M. le Président. Le ministre, en
voulant parler contre la motion, a, comme on dit dans le langage sportif,
"scoré dans ses propres buts". Quand M. dit que c'est de manquer de
politesse envers l'Assemblée nationale...
Mme Harel: C'est un affront.
M. Jolivet:... que c'est un affront qu'on fait à
l'Assemblée nationale, M. le Président, je voudrais lui rappeler
que lorsque j'en parlerai au ministre de l'Education cet après midi,
quand je le verrai à la période de questions. il ne le trouvera
pas drôle. Le ministre de I Éducation a accepté,
après consultation avec l'Opposition, même si le principe des
projets de loi 106 et 107 avait été adopté à
l'Assemblée nationale, de s'entendre sur des modalités de
consultations particulières. Nous, on est prêts à le faire
- le ministre ne nous a même pas posé la question - s'il est
prêt à accepter le principe de consultations particulières,
parce que, là, il dit qu'il s'agit d'auditions publiques. Il faut faire
attention. Des auditions publiques, cela peut être lancé à
tout le monde avec avis dans les journaux, avec demande de mémoires,
avec le temps voulu pour que les gens préparent un mémoire. Si
c'est cela que le ministre entend par la demande de consultations
particulières qu'on fait, il s'est trompé. Ce qu'on lui propose,
c'est que s'il est prêt, ce matin, à accepter le principe, on
s'assoira ensemble, on déterminera et on fera des propositions à
notre leader et lui, au sien, pour dire que sur un laps de temps de X jours, de
telle heure à telle heure.
Étant donné qu'à partir de jeudi prochain on va
même siéger jusqu'à minuit tous les soirs, fort
probablement, puisque le règlement le permet pour les commissions
parlementaires, on peut en entendre des mémoires, on peut discuter avec
les gens qui veulent venir ici et qui seront convoqués d'un commun
accord entre les partis. Mais quand le ministre vient me dire: C'est faire
affront à l'Assemblée nationale que d'agir de même, je vous
dis bien honnêtement que je n'ai en aucune façon cette impression.
Le ministre de l'Éducation, qui a accepté d'entendre,
après une entente avec les membres de l'Opposition, X groupes qui ont
été ensuite nommés à l'Assemblée nationale
dans une motion commune, n'a pas, à mon avis, fait affront à qui
que ce soit. II a dit oui. On a discuté du principe, il a
déposé des amendements qu'il juge majeurs, que nous, de
l'Opposition, on ne juge pas tout à fait majeurs mais, en fait, on lui a
dit: II y a certainement des gens qui ont des choses à dire sur ces
amendements. Cela, c'était avec le ministre de l'Éducation. (11
heures)
On les a entendus la semaine passée. Ensuite, on est
passés à l'étude article par article et ça va
très bien. Cela déboule actuellement l'étude article par
article. Notre collègue, le leader de l'Opposition et
député d'Abitibi-Ouest fait le travail qu'il a à faire,
consciencieusement, et on nous dit même. Je jasais avec M. Gendron ce
matin au déjeuner et il me disait que le ministre avait
déjà accepté 13 amendements venant de l'Opposition. Donc,
c'est une collaboration qui vise à amener de meilleurs amendements et
une meilleure compréhension du projet de loi.
D'un autre côté, le ministre actuel de la Main-d'Oeuvre et
de la Sécurité du revenu nous dit: Écoutez, pour ma part,
je ne veux pas faire affront à l'Assemblée nationale. Je refuse
même de discuter du principe d'entendre des gens ici en consultations
particulières, et je vais même |usqu'à accuser
l'Opposition, en demandant la venue du Front commun des personnes
assistées sociales du Québec, de faire de l'obstruction et je
viens même les accuser de vouloir retarder le
projet de loi pour ensuite se targuer de dire à la population:
Écoutez, le ministre n'est pas capable d'agir. Il n'a même pas
été capable de faire passer son projet de loi, alors qu'on sait
très bien - vous le savez, vous, M. le Président - que ce n'est
pas nous qui sommes responsables des travaux de l'Assemblée nationale.
Si le ministre avait voulu l'amener voilà un mois, on aurait pu l'amener
voilà un mois. Il a décidé de l'amener la semaine
passée. C'est son droit. On sait pourquoi il a procédé de
cette façon. On sait en même temps, M. le Président, qu'on
utilise, comme on l'a fait la semaine passée, de toutes petites salies
pour s'assurer qu'il y ait le moins de monde possible qui vienne aux
auditions.
D'un autre côté, le ministre vient nous dire: Vous savez,
le front commun représente des groupes, mais ne peut pas parler au nom
de tous les groupes. En conséquence, cela va retarder nos travaux si on
entend tout le monde et si on n'est pas capables de s'entendre sur ces
points-là.
D'un autre côté, le ministre ajoute que si l'Opposition
fait de l'obstruction et qu'on n'est pas capables de faire adopter le projet de
loi pour le mois de décembre, il va pouvoir, lui, à son tour, se
pavaner dans l'ensemble du Québec et dire: Éoutez, on avait des
belles choses à vous donner, mais, vous savez, l'Opposition fait
tellement de difficultés qu'on n'a pas pu le faire. C'est donc la faute
de l'Opposition.
Bien, voyons donc! M. le Président, si le ministre a des choses
à donner aux gens, il n'a qu'à prendre la loi actuelle. La loi
actuelle, si je ne m'abuse, à l'article 31, prévoit que le
ministre peut bonifier des choses qu'il veut donner, peut faire des
changements. Bien, voyons donc! Que le ministre ne vienne pas nous faire
croire, dans ces demi-vérités, que ça va être notre
faute. S'il a mal fait son travail, s'il est obligé de reprendre le
travail mal fait d'un autre et s'il se fait dire par... si je me souviens,
c'est Marie Gendron, la responsable jeunesse pour le Parti libéral, qui
leur dit que ça n'a pas de bon sens ce qu'il propose sur des points
majeurs, à ce moment-là, qu'il ne vienne pas en rejeter la faute
sur nous, les membres de l'Opposition. On n'est pas les seuls à
s'opposer au projet de loi, si bonifié soit-il, comme le ministre le
prétend, pour faire en sorte que, finalement, ce soit notre ujte. Ce
n'est pas nous qui avons pris un engagement électoral qui a
été discuté par l'intermédiaire d'un projet de loi
amendant l'ensemble de toute l'aide sociale. C'est eux qui l'ont fait. Donc,
à partir de ce moment-là, ils doivent vivre avec leur
décision, avec l'imbroglio qu'ils ont créé et avec les
difficultés qu'ils se sont créées eux-mêmes.
Or, faire venir des gens qui pourraient leur dire quels sont les dangers
d'adopter le projet de loi tel qu'il est là pour l'ensemble des
personnes qui vivent, non pas parce que c'est leur choix, mais, parfois, c'est
bien plus parce qu'ils y sont obligés, de l'aide sociale et, à ce
moment-là, que ces personnes, aujourd'hui, n'aient pas le droit de
s'exprimer sur des changements... lesquels d'ailleurs font en sorte que ce dont
on a discuté avec le ministre qui l'a précédé et ce
dont on discute aujourd'hui, c'est autre chose mais ce n'est pas mieux.
Les devoirs sont toujours mal faits. Les devoirs sont toujours à
refaire. Beaucoup de monde le dit, dont le front commun. Je pense que le
ministre ne devrait pas s'entêter. Si le ministre dit: Écoutez, je
comprends votre demande comme membres de l'Opposition. À ce
moment-là, je vous accorde un premier principe. On en discute ici,
autour de la table. On prend une demi-heure s'il le faut et on discute du
principe d'entendre les gens en auditions... En fait, on ne devrait pas dire en
audition, publique oui, mais selon une formule prévue par nos
règlements qui est la consultation particulière. On arrête
nos travaux pour ce matin. On s'en va en Chambre cet après-midi et,
à la période prévue à cette fin, celle des motions,
on déclare: Voici la liste des gens qu'on va inviter. Entretemps, ce
matin, une fois qu'on s'est entendus, on avertit déjà ces groupes
qu'on va les entendre et que les auditions débuteront, disons...
laissons une journée de différence pour qu'ils se
préparent à venir ici, à Québec, et on dit:
À partir de jeudi prochain. Comme jeudi prochain c'est le premier
décembre et que le premier décembre nous amènera fort
probablement des auditions de commissions parlementaires à partir de 11
heures, 11 h 30, jusqu'à minuit le soir, avec les intermèdes du
dîner et du souper, je pense, M. le Président, qu'il n'y a rien
là qui pourrait nous en empêcher. Pour ajouter à la demande
de ma collègue la députée de Maison-neuve, porte-parole de
l'Opposition en matière de main-d'oeuvre et de sécurité du
revenu, je proposerais un amendement à sa motion. L'amendement se lirait
comme suit: "La motion de la députée de Maisonneuve est
amendée par l'addition, à la fin de sa motion, des mots "et la
Commission des droits de la personne". "
Motion demandant de convoquer la Commission des droits
de la personne
Le Président (M. Leclerc): Est-ce qu'on peut avoir le
texte de votre amendement, s'il vous plaît? Très bien. Alors, M.
le député de Lavlo-lette, votre amendement est recevable. Vous
avez donc 30 minutes pour nous exposer vos points sur cet amendement.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Nous avons eu beaucoup
de documentation, de la part de la Commission des droits de la personne, sur le
projet de loi tel que présenté, au départ, par le
député de Brome-Missisquoi, l'ancien ministre de la Main-d'Oeuvre
et de la Sécurité du revenu.
Comme commission, Us nous faisaient mention des problèmes et des
Inquiétudes qu'ils avaient face à plusieurs dispositions de ce
projet de loi sur la sécurité du revenu. Depuis le moment
où il y a eu, de la part du nouveau ministre - on s'en souviendra - un
premier ajout, un deuxième ajout, des discussions... enfin beaucoup de
personnes ont eu connaissance que le ministre nous avait fait mention de ses
Intentions de présenter des amendements. Mais, il reste qu'il y a des
inquiétudes qui demeurent et qui, j'en suis assuré, feraient
l'objet de propositions de la part de la Commission des droits de la personne
comme amendements potentiels. Si nous voulons, comme députes de
l'Assemblée nationale, faire notre travail du mieux possible et nous
assurer de ce que cette réforme, dite en profondeur, apportera vraiment
à l'ensemble des personnes vivant de l'aide sociale, il faut entendre la
Commission des droits de la personne, afin de voir, donc, si les nouvelles
argumentations apportées par le ministre ne font pas appel à ce
devoir que nous avons, comme citoyens du Québec et comme
députés en particulier, de préserver les droits de la
personne.
Ma collègue, la députée de Maisonneuve, a
déposé, à l'Assemblée nationale, le questionnaire
que font les personnes qui vont visiter des personnes de l'aide sociale. Et
cela m'inquiète, à savoir que, dans le projet de loi tel que
présenté, on pourrait en arriver à institutionnaliser la
vérification auprès de personnes comme on l'a, semble-t-il,
instaurée.
Or, on sait très bien qu'il faut toujours agir à partir de
plaintes, de doutes quand on fait une vérification auprès d'une
personne, et non pas à partir d'une décision informatisée
où on dit, pour faire peur à tout le monde: Pour s'assurer que
personne ne fraude, on va s'organiser, à partir de maintenant, pour
aller les visiter et on va les visiter de telle et telle façon:
questionnaire auprès des dépanneurs dans le même milieu
où vivent les assistés sociaux, questionnaire auprès des
voisins, vérification de corde à linge, vérification
auprès de parents, d'amis, etc. En fait, on fait une enquête sans
avoir la preuve qu'il y ait eu fraude. A partir de ce moment, il s'agit d'une
sorte d'inquisition.
Vous comprendrez très bien, M. le Président, et je suis
sûr que vous, comme député à l'Assemblée
nationale, vous êtes à même de décrier des formules
comme celles-là ayant pour effet que les gens se sentent accusés
avant même de l'être vraiment. Vous savez, la présomption de
non-culpabilité existe toujours dans notre code. Je ne pense pas quelle
ait été changée. Je ne pense pas qu'au moment où
l'on se parle, une personne puisse être accusée avant même
d'avoir subi quelque procès que ce soit. En ce sens, on a droit à
une forme de respect. Ce que cela implique, la Commission des droits de la
personne pourrait l'exprimer mieux que moi et c'est pour cela que je voudrais
l'entendre sur le respect de la vie privée. Qu'il y ait des con-
trôles, je pense que personne ne sera contre des formules normales de
contrôle II est évident que ce qui risque d'arriver avec le projet
de loi, avec ce contrôle normal du programme de Sécurité du
revenu, quant à son application, c'est que plusieurs dispositions du
projet de loi risquent d'entraîner des Ingérences indues dans la
vie privée des prestataires de l'aide sociale. Ce risque-là, la
Commission des droits de la personne l'a mentionné, notamment la
formulation des articles qui concernent les rapports médicaux et les
pouvoirs des enquêteurs, surtout quand on considère toute la
question qui concerne la vérification de situation de vie maritale.
La Commission des droits de la personne indique qu'on doit - c'est notre
devoir, notre rôle comme députés de l'Assemblée
nationale - s'assurer que la vie privée des individus sort
respectée. Vous vous souvenez fort probablement que la commission avait,
dans le contexte de cette réforme, fait des recommandations. Vous les
retrouvez dans un document, les commentaires de la Commission des droits de la
personne sur le projet de loi sur la sécurité du revenu. Dans le
résumé, on dit ceci: L'examen de l'admissibilité des
prestataires à un programme de sécurité du revenu suppose
nécessairement un certain contrôle. Cependant, le document fait
valoir que l'application de plusieurs dispositions du projet de loi risquent
d'entraîner des ingérences indues dans la vie privée des
prestataires. Celles-ci, ces ingérences, pourraient se produire
particulièrement lors de la vérification - comme je le disais
tout à l'heure - des situations de vie maritale visées par le
projet de loi. En plus, la formulation de certains articles - cela nous
Inquiète parce que cela fait un peu partie de toute la question
décriée par ma collègue, la députée de
Maisonneuve, à l'Assemblée nationale en ce qui concerne les
enquêtes - permet la recherche de renseignements qui ne seraient
strictement pas nécessaires pour constater l'admissibilité d'un
prestataire.
En fait, on considère normalement comme nécessaire la
vérification que fait la personne au Centre Travail-Québec pour
savoir si la personne est admissible ou non: quelles sommes d'argent elle
possède en avoir liquide, en propriété, si elle
possède des automobiles, le prix de celles-ci, quelles
propriétés elle possède, quelles sont en même temps
les propriétés additionnelles qu'elle peut avoir en sa
possession, comme un chalet Est-ce que la personne a des placements7
Elle doit, en fait, sur un papier, donner tous les renseignements utiles
à une décision que doit prendre la personne attitrée au
bureau local du Centre Travail-Québec. Comme première
décision, on regarde et on dit: Oui, elle est admissible, ou non elle
n'est pas admissible. À ce moment là, on arrive à ne
décider que d'une chose, si elle est admissible ou non. Si la personne
s'aperçoit qu'il y a de la part de la personne qui vient de demander de
l'aide sociale des choses qui ne sont pas dites, elle est en droit de faire
enquête et
de vérifier. Donc, on le dit: La formulation de certains articles
permet la recherche de renseignements qui ne seraient pas strictement
nécessaires pour constater l'admissibilité du prestataire. Le
document Insiste également sur le danger que représente l'ampleur
des pouvoirs conférés au vérificateur par le projet de loi
quant au droit au respect de la vie privée des prestataires. (11 h
15)
Je pense, M. le Président, que la Commission des droits de la
personne est en droit de venir nous dire en quoi le projet de loi, même
avec ses amendements, n'assure pas les prestataires de l'aide sociale qu'ils
sont en pleine sécurité au point de vue de leur vie
privée.
On parte dans le document - ce n'est pas le résumé cette
fois- ci de toute la question de la vie maritale. Le concept de conjoint joue
un rôle clé dans l'attribution des prestations d'aide sociale,
puisque celles-ci sont attribuées à des adultes ou a des
familles, ces dernières étant constituées d'adultes avec
enfants ou de conjoints avec ou sans enfants. Or, le projet de loi
définit les conjoints de la façon suivante... À ma
connaissance, vous me rapellerez à l'ordre si Je me trompe, mais je ne
pense pas que le ministre ait fait quelque amendement que ce soit. Du moins, il
n'en a pas déposé, j'attends encore.
M. Bourbeau: Oui, à l'article un. Cela fera votre
affaire.
M. Jolivet: J'espère que le ministre le fera pour nous
déterminer s'il garde toujours dans son esprit la définition
prévue par le projet de loi qui est devant nous. A ce moment-là,
nous serons en droit de nous poser certaines questions, de savoir en quoi le
ministre change son fusil d'épaule quant à la définition
du terme "conjoint" et de voir en quoi maintenant les enquêteurs
spéciaux que le ministre lui-même à l'Assemblée
nationale s'est évertué à appeler "bouboucous" macoutes,
je m'en souviens, il a même répondu dans ce sens-là, ce qui
m'a surpris un peu, mais il en dénotait à ce moment-là
cette connation qu'on connaît des boubous macoutes qui existe et que les
gens vivent, eux, de façon bien directe par l'intervention de ces
personnes qui, des fois, n'agissent pas dans le plein respect des droits de la
personne.
Le projet de loi parle aussi de l'ensemble des conditions de travail des
prestataires de l'aide sociale qui participent à des mesures de
développement d'employabilité. On a vu la façon dont le
ministre a l'intention d'agir par rapport, finalement, à ce qu'on
connaissait, vous en avez probablement eu connaissance vous aussi depuis votre
élection, soit les bons d'emploi. On sait comment cela fonctionnait. On
sait comment l'individu avait la facilité de pouvoir aller chez un
employeur avec ce bon d'emploi faire valoir ses capacités et faire
valoir ses garanties quant au travail qu'il était prêt à
fournir dans des conditions qui devaient respecter l'ensemble des conditions de
travail du milieu où il allait. Alors, le fait de transférer
entre les mains de l'employeur les montants pour embaucher du personnel parmi
les prestataires de l'aide sociale fait en sorte qu'il y a de grands
dangers.
Je pense que la Commission des droits de la personne, les organismes
syndicaux et d'autres personnes aussi devraient être en droit de venir
ici à la commmlssion et de dire les dangers que cela comporte d'en
arriver à faire en sorte que l'on donne à des individus des
conditions autres que celles prévues par convention collective dans un
milieu de travail et qui mettent en péril à ce moment les "jobs"
d'autres personnes syndiquées ou non. Le danger qui existe, c'est donc
qu'un employeur, profitant des circonstances, en arrive à donner des
conditions à une ou des personnes en lui disant: Si tu ne les acceptes
pas, c'est bien dommage, mais je vais avertir les gens de l'aide sociale et tu
seras coupé. Ce sont des exemples, j'en suis assuré, pour
lesquels la Commission des droits de la personne viendra nous dire: Vous allez
mettre en place un système où c'est l'employeur qui
décidera. Si cela ne va pas, prenons une expression bien forte de chez
nous: "Just too bad"! Bonhomme, bonne femme, tu vas voir ton aide sociale
coupée, parce que moi j'avertis tout de suite les gens de l'aide sociale
que tu ne veux pas travailler aux conditions que je t'offre. C'est mettre des
conditions et des pressions sur le dos de personnes qui seront par le fait
même obligées de prendre la "job", sinon elles risqueront de voir
leurs prestations d'aide sociale coupées. On connaît les
conditions dans lesquelles le ministre l'indique et les coupures qui auront
lieu si la personne refuse du travail.
Je ne dis pas qu'il ne doive pas y avoir des conditions qui permettent
aux personnes de retourner au travail et on pourrait parler plutôt de
plein emploi et de politique de plein emploi au lieu de politique d'employeurs.
Des employeurs qui seraient contents, heureux d'avoir une maind'oeuvre comme on
la connaissait dans le temps où on disait qu'au Québec vous avez
une population travaillante, docile et très industrieuse. Dans le
dictionnaire, l'expression "industrieuse" veut dire comme une fourmi qui
travaille et qui ne lâche pas. Dans ce sens-là, on en arriverait
à faire peur aux gens, à les obliger à du travail qui,
normalement, n'aurait pas dû être accompli par eux et, ceci, au
détriment de conditions de vie prévues par la convention
collective.
Si on disait que les conditions dans lesquelles on amène les gens
à aller travailler Iront selon les conventions collectives et, à
la suite d'une entente avec le syndicat, selon les conditions de travail et de
salaire prévues, ce serait peut-être autre chose. Mais, si c'est
en dehors de la convention collective, selon les bons voeux du patron, je pense
qu'on revient à des conditions qu'on a vécues il y a fort
longtemps et que personne ne voudrait voir revivre.
J'avais l'occasion, hier, de profiter de quelques Instants de
répit pour aller voir un film au cinéma à
Trois-Rivières. "Les Tisserands du pouvoir" et je dois vous dire si vous
aviez vu les conditions de vie des jeunes, des personnes qu'il y avait
là... Je ne voudrais pas que ça revienne; je pense que personne
ne cherche que ça revienne.
M. Bourbeau: Franchement!
M. Jolivet: Non, ça se produisait au Québec aussi
dans le temps, M. le Président.
Une voix:... pas dans le film.
M. Jolivet: Non, dans le film, c'est aux États-Unis.
Une voix:...
M. Bourbeau: C'est le retour du Bonhomme Sept Heures.
M. Jolivet: Je voulais simplement vous dire que le système
de peur qui pourrait exister auprès de personnes auxquelles on dirait:
Vous avez l'obligation d'aller travailler, sinon vous verrez votre salaire
coupé, ça pourrait amener des aberrations. Je ne le veux pas et
je ne pense pas que ce soit le choix du ministre. Je ne pense pas vouloir faire
comme le ministre qui criait de l'autre bord de la table tout à l'heure
au Bonhomme Sept Heures. Je vous dis simplement que je voudrais que ces
conditions permettent, aux employeurs de faire travailler les jeunes dans les
mêmes conditions que ceux qui sont employés là,
syndiqués. Donc, dans des conditions où on leur donne la chance
de devenir employables, de devenir capables de sortir de toute cette
mentalité qu'on voudrait leur mettre sur le dos. Ils sont
bénéficiaires de l'aide sociale de père en fils, de
mère en fille. Ce n'est pas vrai quand on considère que,
malheureusement, ceux qui doivent avoir ce dernier recours le font dans des
conditions qu'ils veulent voir disparaître le plus rapidement possible et
dans ces conditions le moins longtemps possible.
La commission dit que le projet de loi soustrait les personnes
participant à des mesures de développement de
l'employabilité aux protections normalement accordées aux
travailleurs par le droit du travail. Ainsi, les prestataires ne peuvent pas
bénéficier des droits reconnus aux ouvriers par le Code du
travail dont celui d'appartenir à un syndicat. De même, les
employeurs ne seront pas tenus de respecter à leur égard les
prescriptions de la Loi sur les normes du travail: salaire minimum, vacances,
heures de travail.
M. le Président, il me semble que la Commission des droits de la
personne serait à même de venir nous dire si les amendements que
le ministre a annoncés justifient le retrait de la crainte qu'elle avait
lorsque le projet de loi initial a été discuté en
commission parlementaire. II me semble que c'est tout à fait logique
qu'on vienne lui assurer que, selon ces nouvelles conditions
présentées, les prestataires pourront, pour un travail
équivalent, recevoir une rémunération équivalente
à celle des autres travailleurs de ces mêmes entreprises, de
l'entreprise dans laquelle ils iraient travailler, par rapport aux
syndiqués qui sont là, et qu'on ne vienne pas utiliser leurs
conditions de bénéficiaires de l'aide sociale pour leur donner
des conditions de vie et de travail qui soient différentes, mais faire
en sorte qu'on respecte là où il n'y a pas de syndicat les normes
minimales de travail quant à leurs conditions de salaire minimun, quant
à leurs conditions de vacances, quant à leurs heures de travail,
quant aux autres conditions de vie à l'intérieur de
l'entreprise.
II me semble que rien ne serait plus facile que de faire comprendre aux
personnes vivant de l'aide sociale que la bonification apportée par le
ministre reçoit l'aval, dans ce cas-là, de la Commission des
droits de la personne. Qu'elle dise oui. Avec ce qui nous a été
dit, ce qui nous est donné comme garantie avec les amendements qui
viennent, nous croyons que nous aurons l'occasion de dire: Oui, le ministre a
fait un bon pas dans la bonne direction et nous retirons notre crainte quant
à ces mesures de développement de l'employabilité en ce
qui regarde les conditions de travail des prestataires qui participent à
ces mesures.
Il me semble qu'il ne serait pas difficile de la part du ministre de
dire: Oui, écoutez, je veux être rassuré. II me semble
qu'être assuré de faire "une bonne job" et pouvoir inviter les
gens à vivre avec ce nouveau projet de loi serait une des conditions que
le ministre devrait rechercher. II me semble que le ministre devrait rechercher
l'aval - condition, je pense, tout à fait normale pour un ministre - de
la part de la Commission des droits de la personne, son soutien, son appui. Il
me semble que le ministre à ce moment-là serait plus sûr de
lui et pourrait, j'en suis assuré, être invité à
procéder aussi bien par les bénéficiaires de l'aide
sociale que par les membres de l'Opposition. C'est cela qu'on cherche et je
suis assuré que le ministre comprend bien la recherche que nous avons ce
matin de l'inviter à se faire appuyer par un organisme aussi important
que la Commission des droits de la personne.
On dit, la commission répète que, si la commission estime
valable l'objectif d'intégration au travail. elle considère
cependant que la réalisation de cet objectif demeure tributaire de la
disponibilité d'emplois stables et convenables. Vous savez: dans le
contexte actuel, si cela se maintenait. Je lisais dans le journal ce matin une
comparaison quant à l'emploi, malgré la crise de 1981. 1982, 1983
- on s'en souvient - que la différence était de 2 % ou de 3 % par
rapport à ce qu'elle est actuellement au Québec par rapport
à l'Ontario. On est à 4, 4 %, même 5 % presque dans
certains cas, de l'emploi au Québec et de l'emploi en Ontario, alors que
c'est près du triple de chômeurs dans la ville de Montréal
par rapport à celle de Toronto. Quand on regarde cela bien comme il
faut, on dit: On vous propose un plan où vous allez trouver de l'emploi.
Mais, des emplois qui sont Inaccessibles, des emplois qui n'existent pas, des
emplois qu'on ne crée pas! Nous sommes dans une ère de
prospérité, nous dit-on de part et d'autre et le ministre des
Finances se plaît à nous le rappeler. Les entrées de fonds
sont bonnes, dit le ministre des Finances, appuyé en cela par le
ministre du Revenu qui va recueillir les fonds. Oui, cela va bien, dit-on. Il y
a pourtant trois fois plus de chômeurs à Montréal
qu'à Toronto. Il y a près de deux fois plus de chômeurs au
Québec qu'en Ontario, quand on considère qu'il y a une
différence de 10 % à 5 % quant à l'emploi au
Québec. On va venir nous dire: Parce que nous mettons des mesures
d'employabilité, c'est maintenant le paradis qu'on vous offre, l'emploi
va être là. Cela n'a pas de bon sens.
On en arrive finalement à se demander ce qui se passe. Où
le ministre vit-il pour en arriver à proposer une telle discussion? Il
dit: Parce que je suis ministre responsable, parce que j'amende le projet de
loi, demain matin les emplois vont être là, ne vous
inquiétez pas! On dit à ce moment-là quasiment à
l'employé: Je t'oblige à aller travailler, mais je ne te garantis
pas qu'il y a un emploi et s'il n'y en a pas et si tu ne veux pas travailler,
je vais couper tes bénéfices d'aide sociale. On donne des emplois
inaccessibles, des emplois qui n'existent pas. Le taux de chômage actuel
vient donc à faire en sorte qu'on est incapables, au gouvernement de
leur garantir des emplois. (11 h 30)
Pour ce faire, on va même jusqu'à leur dire:
Écoutez, nous avons mis un programme sur pied. Ma collègue, la
députée de Maisonneuve, l'a décrié et je l'appuie.
On a devant nous un programme APPORT qui doit tenir compte de l'ensemble et,
finalement, ce programme ne répond pas aux besoins des personnes
assistées sociales et des familles vivant de l'aide sociale. On vient
nous dire que, parce qu'on propose un tel projet de loi, on n'a pas à
s'inquiéter et que tout va être réglé. Non, ce n'est
pas vrai.
Si on me faisait la preuve que l'on recherche le plein emploi, qu'on met
des mesures pour créer le plein emploi, je comprendrais et je suis
sûr que la Commission des droits de la personne viendrait applaudir un
vaste programme de création d'emplois allant vers ce qu'on appelle le
plein emploi. On n'aurait peut-être même pas besoin d'un projet de
loi amendé comme il l'est là pour en arriver à ce que les
gens puissent trouver un emploi. On a mis en place, avec le
fédéral, un programme qui remplace l'ancien programme d'aide
à l'adaptation des travailleurs, le PAAT, qui était
généreux et qui permettait, dans certains secteurs ou zones
difficiles, à des personnes âgées de prendre leur retraite
dans les meilleures conditions: une forme de préretraite après
une année d'assurance-chômage.
Aujourd'hui, avec un programme d'adaptation des travailleurs
âgés, on vient diminuer la tarte et augmenter le nombre de gens
par le fait même. Le ministre le disait lui-même, à la fin
de l'interpellation du vendredi, à des journalistes qui ont
montré cela à la télévision, que, oui, il
était vrai qu'il y avait moins d'argent pour tout le monde parce que
plus de monde y participait. Drôle de phénomène! Au lieu
d'ajouter plus d'argent, d'agrandir la tarte parce qu'on augmente le monde, on
a diminué la tarte et, en plus, on a augmenté le monde à
l'intérieur de telle sorte que beaucoup plus de monde a beaucoup moins
de choses et, là, il répartit. C'est la façon
sociale-démocrate du ministre de répartir la richesse collective.
C'est ça en fait le programme PATA, M. le Président. Le ministre
a beau sourire, il ne peut pas dire le contraire. J'ai même mis le
député de Trois-Rivières au défi de venir avec moi
rencontrer les gens de la Philips qui ont été mis à pied
il y a maintenant près de deux ans et qui se retrouvent actuellement
sans aucune autre ressource que l'aide sociale. Ce n'est pas drôle pour
eux, particulièrement pour les femmes qui se retrouvent dans ces
conditions.
Or, le ministre veut nous faire croire que le projet de loi va apporter
des emplois comme ça. La encore, on connaît, dit la Commission des
droits de la personne, dans la société actuelle, une
discrimination systématique jouant à rencontre notamment des
femmes, des personnes handicapées et des membres des minorités
ethniques lorsqu'ils veulent accéder au marché du travail. La
commission s'interroge même sur les effets du projet de loi et dit
s'inquiéter d'un éventuel accroissement de la pauvreté et
de l'indigence chez les personnes visées par ce projet. Elle termine en
disant qu'il lui apparaît essentiel de rappeler que l'exercice des droits
fondamentaux est lié à des conditions de vie qui assurent aux
individus un minimum matériel suffisant pour échapper aux menaces
quotidiennes de la pauvreté. Avec une telle conclusion, M. le
Président, il me semble, malgré les amendements que le ministre a
l'intention d'apporter, qu'il a dit au monde qu'il nous donnerait ici à
cette commission, qu'on devrait avoir la chance de les discuter. Je vous
rappelle, M. le Président, étant donné qu'il nous dit,
selon lui, que ce sont des amendements majeurs qui viennent corriger des
irritants du projet de loi, qu'à ce moment-là iI fasse comme le
ministre de l'Éducation et qu'il entende la Commission des droits de la
personne et le Front commun des personnes assistées sociales du
Québec et d'autres groupes si nécessaire, à la suite d'une
entente qu'on aura avec lui concernant des consultations
particulières.
M. le Président, j'insiste à nouveau auprès du
ministre. J'espère qu'il entendra la voix de fa
raison et la voix des gens qui veulent I aider à bonifier son
projet de loi au profit de l'ensemble des personnes qui doivent vivre de laide
sociale. Je termine en sachant que d'autres Interviendront dans le sens
d'appeler le ministre à la raison. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Du côté
ministériel, non? Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: M. le Président, je crois comprendre que j'ai
une possibilité d'intervention de dix minutes sur la motion de mon
collègue. J'aimerais à ce moment-ci rappeler l'importance que
revêt la Commission des droits de la personne en regard des travaux que
nous allons entreprendre, soit l'examen article par article du projet de loi
37. Je rappelle que la Commission des droits de la personne a d'ailleurs le
mandat dans sa loi constitutive, en vertu de l'article 67, d'analyser les lois
du Québec qui pourraient être contraires à la charte et de
faire au gouvernement les recommandations appropriées. La Charte des
droits et libertés du Québec - dont nous sommes si fiers à
juste titre - donne à la commission le mandat de promouvoir par toutes
les mesures appropriées les principes contenus dans la charte, ceux de
non-discrimination, en vertu des motifs que nous connaissons - et que je vous
rappelle, M. le Président - de la race, de la couleur, du sexe, de la
grossesse, de l'orientation sexuelle, de l'état civil, de l'âge
sauf dans la mesure prévue par la loi. de la religion, des convictions
politiques, de la langue, de l'origine ethnique ou nationale et - j'insiste -
de la condition sociale et du handicap.
Simplement pour illustrer combien pourrait être utile pour nos
travaux que nous entendions à nouveau la Commission des droits de la
personne, je rappelle qu'elle a cru bon, non seulement de déposer un
mémoire - que nous avons déjà entendu en commission
parlementaire le printemps passé - mais de plus qu'elle a jugé
nécessaire de publier, à la suite du dépôt du projet
de loi 37, des commentaires supplémentaires sur le projet de loi sur la
sécurité du revenu. S'il y avait lieu de trouver une illustra
tion pour justifier la nécessité de reprendre les travaux sur le
projet de loi 37 - contrairement à la prétention que certains
peuvent avoir à cette commission que les travaux sont
complétés parce que nous avons siégé au printemps
passé, nous n'avons pas siégé sur le projet de loi, la
preuve, c'est que la commission dépose des commentaires
supplémentaires en invoquant justement ne pas avoir pu se faire entendre
sur le projet de loi 37, puisqu'il n'était pas déposé au
moment de nos travaux.
Que nous dit la commission? Évidemment, je vais simplement
mentionner quelques unes des modifications que réclame la commission
à I'égard du projet de loi 37. Je ne pourrai pas les
énumérer toutes, j'ai trop peu de temps. Mais, cela va
certainement vous justifier combien il serait important d'entendre la
Commission des droits de la personne qui, je vous le rappelle, a ce mandat de
promouvoir par toutes les mesures appropriées les principes Ce n'est pas
parce que les personnes sont pauvres qu'elles ont moins de droits dans notre
société. Voici ce que la commission nous dit du projet de loi 37,
je vous lis exactement ses termes: La perspective individualiste et
culpabilisante qu'adopte la réforme à l'égard de
l'intégration des prestataires au marché du travail. La
commission souligne l'aspect irréaliste de l'orientation retenue par le
projet de loi, étant donné la situation économique
générale et le taux de chômage élevé, et
rappelle que pour certains groupes cette difficulté à
accéder au travail rémunéré est d autant plus
grande qu'ils subissent les effets de la discrimination.
M. le Président, il serait certainement extrêmement
important de vérifier avec la Commission des droits de la personne
pourquoi elle a acquiescé à la demande que je lui ai transmise II
y a maintenant dix jours de procéder à un examen en profondeur
des mesures de vérification actuellement utilisées auprès
des bénéficiaires de l'aide sociale. Me Jacques Lachapelle,
président de la Commission des droits de la personne, me faisait
parvenir une lettre datée du 22 novembre dernier dans laquelle il
m'avisait du fait que la commission avait l'intention de procéder, en
collaboration avec le Protecteur du citoyen, à cet examen que je lui
demandais à la suite du dépôt du manuel d exercices
d'espionnage et d'inquisition du ministère à l'égard des
personnes assistées sociales. Je vous rappelle cette évaluation
de la conformité réelle qui fait que, à partir d'un
échantillonnage sélectionné au hasard de
bénéficiaires présumés coupables uniquement par le
fait d'être bénéficiaires, le ministère
procède à une première vérification qui.
lorsqu'elle ne donne lieu à aucun soupçon ni indice de fraude ou
d'abus, enclenche malgré tout le processus d'investigation qui
amène les agents Investigateurs, et je cite les termes mêmes du
manuel, 'à initier des contacts avec des tiers, à recueillir des
informations auprès des commerces et des employeurs passés ou
présumés passés. " Je vous rappelle que ce processus a
lieu aveuglément, contrairement aux jugements de cour qui ont toujours
banni l'usage de procédés pour aller à la pêche
à l'information sans que ces dossiers ne comportent d'aucune
façon, préalablement au moment où ils sont
sélectionnés, d'indices de fraude ou de présomption
appuyée par des indices.
Alors, M. le Président, je pense qu'il serait d'autant plus
important d'entendre ce que la commission a à nous dire sur le droit au
respect de la vie privée. Je vous rappelle les commentaires de la
commission au mois de juin dernier disant que l'application de plusieurs
dispositions du projet de loi risquent d'entraîner des
ingéren-
ces indues dans la vie privée des prestataires; ces
dernières pourraient se produire particulièrement lors de la
vérification des situations de vie maritale visées par le projet
de loi. À défaut d'inquiéter le ministre qui a l'air de ne
s'inquiéter de rien, cela devrait inquiéter, en tout cas, ses
collaborateurs et ses collègues ministériels que la commission
puisse être aussi sévère sur le projet de loi.
Je rappelle également les commentaires que la commission faisait
en regard du projet de loi 37 sur les principes d'équité
procédurale. La commission disait ceci et je cite: Le projet de loi
prévoit l'exécution provisoire de toutes les décisions
rendues dans une première étape par l'administration sans
garantir aux personnes visées l'occasion de faire connaître leur
version des faits. Il y aurait lieu d'ajouter au projet de loi, dit la
commission, des dispositions permettant au prestataire de faire valoir ses
représentations avant que la première décision
exécutoire ne soit prise à son sujet.
M. le Président, je rappelle le commentaire, je dirais le plus
virulent à l'égard du projet de loi 37 de la commission des
droits, connue pour son approche professionnelle de ces questions, quand elle
disait: Nous soulignons la nécessité d'insérer dans le
projet de loi une disposition "antidiscriminatoire11 de
portée générale et nous insistons notamment sur les
dangers reliés à la généralisation du recours
à la contribution parentale pour limiter l'accès des personnes
à la sécurité du revenu.
En conclusion, M. le Président, il nous faut certainement
entendre, comme groupe parlementaire, ce que la commission a à nous dire
sur sa déclaration que les dispositions du projet de loi sont
difficilement conciliables avec les droits garantis par la charte, notamment le
droit à la liberté d'association, le droit des conditions de
travail justes et raisonnables et le droit de recevoir, sans discrimination
fondée sur la condition sociale, un salaire égal pour un travail
équivalent.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, s'il
vous plaît.
Mme Harel: En conclusion, M. le Président, ce serait
vraiment ignorer la dictature aveugle de la ligne du parti qui pourrait
justifier que les députés ministériels refusent d'entendre
ce que la Commission des droits de la personne du Québec prétend
avoir à leur dire.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
ministre. (11 h 45)
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: M. le Président, sans vouloir retarder
davantage la commission, j'aimerais dire à la députée de
Maisonneuve et à l'Opposition que nous avons pris connaissance, nous
aussi, de ce que la Commission d'accès à l'information a dit au
cours des dernières semaines, des derniers mois. Nous ne sommes pas
sourds ni aveugles, nous savons lire. Nous avons l'intention de modifier le
projet de loi à certains égards. Je ne dis pas que nous allons
nous rendre à toutes et à chacune des demandes de l'Opposition,
mais nous avons préparé un certain nombre d'amendements qui
tiennent compte des points de vue de l'Opposition officielle et de la
Commission d'accès à l'information. Si la députée
de Maison-neuve veut bien procéder, si tant est que cela peut être
son bon plaisir un de ces jours, à l'étude article par article du
projet de loi, elle pourra prendre connaissance des modifications que nous
entendons apporter au projet de loi.
Tout à l'heure, elle traitait de l'équité
procédurale dont parle la Commission des droits de la personne. Je
m'excuse, tout à l'heure, je disais la Commission d'accès
à l'information, je parlais bien sûr de la Commission des droits
de la personne. Alors, nous avons l'intention de déposer une proposition
d'amendement au projet de loi concernant justement ce point de
l'équité procédurale. Ce que je dis à l'Opposition,
c'est: Procédons le plus rapidement possible à l'étude de
l'article 1 du projet de loi et aux articles suivants et, à mesure que
nous arriverons à ces articles, la députée de Maisonneuve
pourra prendre connaissance des modifications que nous proposons. Maintenant,
si elle a des propositions pour bonifier les articles ou les modifications que
nous-mêmes pourrions apporter, c'est à ce moment-là que les
discussions pourront avoir lieu. Je peux l'assurer que nous allons
considérer avec beaucoup d'intérêt toutes et chacune des
modifications et des propositions qu'elle-même ou quelques-uns ou
quelques-unes de ses collègues voudraient bien apporter. Nous ne sommes
pas fermés; au contraire, notre objectif est d'avoir un projet de loi
qui soit le meilleur possible et nous ne reculerons devant absolument aucune
proposition, ni aucun effort pour tenter de bonifier le projet de loi si tant
est qu'il peut être encore bonifié. Merci.
Mme Harel: M. le Président, est-ce que le ministre
accepterait de répondre à une question?
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, s'il y
a consentement.
M. Bourbeau: Je peux bien répondre à une question,
oui.
Mme Harel: Est-ce que le ministre va déposer les
études juridiques qui ont été réalisées par
le contentieux de son ministère et portant sur la conformité de
la réforme de l'aide sociale avec la Charte des droits de la
personne?
M. Bourbeau: M. le Président, je vais prendre avis de la
question de la députée de Maisonneuve et consulter les
conseillers juridi-
ques sur l'opportunité ou non de rendre publics ces documents. Je
ne voudrais pas m'engager aujourd'hui à rendre publics des documents qui
pourraient être de nature confidentielle. Je ne veux pas fermer la porte
à cette possibilité. Nous allons regarder cela attentivement et
je pourrai lui donner une réponse dans les prochains jours.
Mme Harel: Est-ce qu'on peut espérer une
réponse..
M. Bourbeau: Dans les meilleurs délais.
Mme Harel: Dans les meilleurs délais, est ce à dire
pour cet après-midi?
M. Bourbeau: Je ne peux pas garantir pour cet après-midi,
parce qu'on n'a pas beaucoup de temps pour se rencontrer. Vous savez...
Mme Harel: Demain matin, à dix heures.
M. Bourbeau:... que les périodes de consultation sont
rares, étant donné les horaires très chargés que
nous avons, mais aussitôt que j'aurai eu l'occasion d'en traiter avec nos
gens je pourrai rendre la décision.
Mme Harel: Est-ce que le ministre s'engage à en traiter
dans les plus brefs délais?
M. Bourbeau: Oui, c'est ce que j'ai dit tout à l'heure,
les meilleurs délais.
Mme Harel: Alors, on va...
M. Bourbeau: Je peux changer les mots "les meilleurs" par les
mots " les plus brefs".
Mme Harel:... pouvoir évaluer ce que sont les meilleurs
délais pour le ministre.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Johnson.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais
m'associer et appuyer la motion de mon collègue de Laviolette, celle que
font leur la députée de Maisonneuve et la députée
de Marie-Victorin qui prendra certainement la parole après mol, soit de
pouvoir entendre la Commission des droits de la personne.
Dans les commentaires de la Commission des droits de la personne sur le
projet de loi sur la sécurité du revenu, plusieurs
inquiétudes sont parvenues, j'espère, à ébranler le
ministre Tout à l'heure, le ministre, dans sa réponse à ma
collègue, la députée de Maisonneuve, disait: Nous allons
faire notre possible pour que je répète - le projet de loi soit
le meilleur possible Si tant est qu'il puisse être bonifié, nous
le ferons. Je pense que ce n'est pas une question de bonification, c'est
l'ensemble du projet de loi qui ne fonctionne pas. II faudrait qu'on recommence
à zéro, qu'on efface tout et qu'on recommence
complètement. II y a assez de gens qui l'ont dit, redit et reredit. Je
pense que, si le ministre avait une ouverture d'esprit comparable au nombre de
personnes et d'associations qui ont fait la demande d'une révision
totale et complète du projet de loi 37, à ce moment-là on
pourrait parler d'un projet de loi égal à l'attente des gens qui
le souhaitent. On pourrait même, ensemble, travailler tel que je le
disais jeudi dernier, travailler ensemble et revoir ce que ce projet de loi qui
comporte des pans de murs complets qui vont à l'encontre des droits et
libertés des personnes qui sont obligées, je dis bien qui sont
obligées, aujourd'hui, de vivre sous le seuil de la pauvreté non
pas par choix, mais par obligation.
M. le Président, la Commission des droits de la personne croit
d'abord important de situer la réforme dans son contexte social et
économique. De l'avis de la commission, il est impossible d'aborder
l'étude des problèmes reliés à la
sécurité du revenu sans tenir compte des conditions
socio-économiques qui les influencent. Deux facteurs structurels sont
déterminants à cet égard. Le premier tient à la
situation actuelle de l'emploi. Le ministre peut-il nous dire aujourd'hui que
tous ceux et celles qui se cherchent de l'emploi, parce qu'ils sont
bénéficiaires de l'aide sociale et parce qu'ils sont
obligés s'ils ne veulent pas être coupés de leurs
prestations de se trouver un emploi, le ministre peut il me confirmer
aujourd'hui même que toute personne qui va tenter de se trouver un emploi
aura un emploi aujourd'hui même?
M. le Président, Je pense qu'on pourra, à ce
moment-là, regarder ensemble et voir si cette possibilité est
respectée. On pourra regarder cela ensemble pour voir si c'est correct
ou si ça ne l'est pas. Mais, s'il n'est pas capable de nous prouver
aujourd'hui même que chaque personne qui tentera de se trouver un emploi
en trouvera ou plutôt si le ministre peut le garantir, à ce
moment-là il n'y a pas de problème, on ira plus loin. Je ne pense
pas que le ministre puisse nous confirmer aujourd'hui même qu'il y aura
un emploi pour chacun et chacune de ceux qui aujourd'hui partagent cette
pauvreté. S'il nest pas capable de prouver ça, qu'il nous prouve
donc qu'il est capable d'avancer dans le projet de loi et d'avancer du bon
côté
L'un des axes fondamentaux, disait la commission, de la réforme
envisagée consiste à favoriser l'intégration et la
réintégration des bénéficiaires au marché du
travail. C'est un objectif valabie, bien sûr, mais dont la
réalisation demeure tributaire de la disponibilité d'emplois
stables et convenables Comme le reconnaît le document d'orientation
ministériel, la création d'emplois demeurera toujours le meilleur
moyen pour permettre aux bénéficiaires de l'aide sociale
d'accéder au marché du travail
et d'y revenir quand ils ont perdu un emploi. Mais, il faut qu'il y en
ait des emplois. Le chômage affecte actuellement une personne active sur
dix au Québec. Je ne pense pas que ni le ministre ni son
ministère ni son gouvernement puissent nier cela.
Les statistiques sont là. Une grande partie des emplois
nouvellement créés est de nature précaire ou à
temps partiel. Prétendre faire de l'intégration au marché
du travail une responsabilité purement individuelle nous paraît
faire abstraction de cette triste réalité. Pour les groupes tels
les femmes, les personnes handicapées, les membres des minorités,
le problème de l'intégration au marché du travail est
encore plus aigu du fait d'un second facteur structurel, la discrimination. On
sait l'attitude de méfiance sinon l'hostilité de certains face
aux personnes appartenant à ces groupes. Je pense qu'on ne refera pas le
monde, M. le Président. Il y aura toujours des inégalités
et ce n'est pas en essayant de faire un projet de loi pareil pour tout le monde
qu'on va arriver à une solution meilleure pour une vie meilleure des
gens qui forment le Québec d'aujourd'hui.
Au-delà de ces manifestations individuelles, d'ignorance ou
d'intolérance, il existe aussi sur le marché du travail un
ensemble complet des comportements et de règles en interaction qui
donnent à la discrimination un caractère systématique dont
font état de nombreuses études gouvernementales et
privées. Ces études mettent en lumière la situation
déplorable de certains groupes sur le marché du travail qui tient
à des facteurs complets, davantage d'ordre global que de quelconques
choix individuels. Face à ces problèmes malheureusement bien
réels, le projet de loi adopte une perspective essentiellement
individualiste: viser le développement de l'employabilité est
fort louable, mais cette employabilité n'aura de sens que si elle permet
de déboucher sur des emplois existants et accessibles. Voilà la
question. Exlste-t-il des emplois au moment où on se parle et sont-ils
accessibles à tous ceux et celles qui souhaiteraient avoir un emploi et
vivre avec fierté d'un salaire qui arrive au bout de la semaine et vivre
avec fierté d'avoir du pain et du beurre sur la table pour ceux qui sont
sous leur responsabilité? Existent-ils aujourd'hui ces emplois
multiples, ces emplois accessibles? Voilà le gros point d'interrogation.
Et cela n'existe pas, M. le Président, il faut pour un gouvernement
responsable faire en sorte que ces emplois existent et qu'ils soient
accessibles pour ceux et celles qui sont en mesure de remplir des fonctions ou
un travail qui leur apportera la fierté des leurs et pour
eux-mêmes.
Une politique de sécurité du revenu ne peut rejeter
l'entière responsabilité de l'intégration au marché
du travail sur les individus, sans s'attaquer en même temps aux causes
profondes de la rareté et de l'innaccessibilité des emplois.
Aussi, la perspective individualiste et culpabilisante - c'est un mot qu'il
faudrait peut-être que le ministre réapprenne - adoptée par
le projet de loi 37 nous paraît-elle insatisfaisante, car faussée?
C'est en gardant à l'esprit cette critique que nous analyserons
maintenant le projet de loi à la lumière des principes de la
charte.
M. le Président, la Commission des droits de la personne
s'Inquiète de plusieurs dispositions et elle en a fait état
très clairement et à plusieurs reprises. Le projet de loi sur la
sécurité du revenu que nous étudions présentement a
des iniquités terribles et de façon très importante par
rapport aux gens qui sont bénéficiaires de l'aide sociale. Au
chapitre des droits à l'égalité, la commission estime que,
dans sa forme actuelle, le projet de loi perpétuera indirectement la
discrimination à l'égard des jeunes. D'une part, note la
commission, la parité promise ne sera effective qu'au 1er janvier 1990.
Est-ce la date à laquelle on fera une autre élection sur le dos
des jeunes, en leur promettant l'égalité des prestations et en ne
leur donnant pas, après avoir été élus, ce qu'on
leur avait promis avant l'élection? D'autre part et surtout,
l'application automatique d'une contribution parentale privera une grande
majorité de ces jeunes des prestations entières.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, s'il
vous plaît, madame.
Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. Je n'avais
pas remarqué que j'avais terminé mes dix minutes, mais je
reviendrai, j'ai beaucoup de choses à dire. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme
la députée. Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Excusez. En vertu de
la règle d'alternance, M. le député de
Chambly, auparavant. Je l'avais en note, mais je l'avais oublié,
excusez-moi.
M. Gérard Latulippe
M. Latulippe: Sur la motion, M. le Président, vendredi
dernier, j'ai écouté avec attention les propos de Mme la
députée de Maison-neuve et avec intérêt aussi sur sa
motion qui a été aujourd'hui amendée par le
député de Laviolette pour ajouter la Commission des droits de la
personne dans la liste des personnes à être entendues. Vendredi
dernier, non seulement je l'ai écoutée avec intérêt,
mais je dois vous dire, à ce moment-là, avec une certaine
ouverture. J'ai effectivement noté personnellement tous les motifs qui
ont porté Mme la députée de Maison-neuve à faire
cette motion pour demander que le Front commun, en particulier, soit entendu et
qu'il y ait des consultations particulières mais publiques. Une fois que
l'on regarde l'ensemble
des motifs qu'a soulevés Mme la députée de
Maisonneuve, on se rend compte à la fin qui y a un certain piège,
pour ne pas dire un piège certain, dans sa motion, parce qu'aucun des
motifs qu'elle nous apporte ne tient véritablement parce qu'au fond de
tout ce qu'elle recherche, c'est purement et simplement le retrait du projet de
loi actuel et au fond, l'Opposition et certains groupes en particulier sont
contre les principes de base sous-jacents au projet de loi. Or, à partir
de ce moment-là, il devient tout à fait impossible de tomber dans
le piège de Mme la députée de Maisonneuve. (12 heures)
Je voudrais reprendre les différents arguments qu'elle nous a
apportés vendredi dernier et les sujets sur lesquels elle nous a dit
qu'elle espérait avoir des auditions publiques. Elle nous a parlé
de la politique de plein emploi. Je pense qu'il est souhaitable que,
socialement, on ait un débat public, un jour, sur le plein emploi de
notre société et sur les mesures susceptibles d'accroître
l'emploi et de réduire le chômage, qui est assurément une
tare avec laquelle on vit depuis de nombreuses années. Il est
évident que ce sont là les raisons d'être de nos partis
politiques respectifs. Ces débats se feront dans les mois qui viendront,
se feront même sûrement durant la prochaine campagne
électorale. Mais de vouloir débattre ce sujet-là, lors
d'auditions spécifiques et particulières sur le projet de loi, je
pense que c'est une autre tribune qui est appropriée. D'autant plus
qu'au moment où il y a eu des consultations particulières au
printemps dernier, ces sujets-là ont déjà
été débattus en commission parlementaire.
Le deuxième point qu'a soulevé Mme la
députée de Maisonneuve, c'est qu'il devrait y avoir des
consultations particulières sur les différents articles du projet
de loi et, en particulier, sur les principes qui sont sous-jacents au projet de
loi. Or, cela nous prouve d'une façon claire et nette qu'elle est contre
le projet de loi comme tel et cela nous prouve que, au fond de tout, ce qu'elle
recherche, c'est purement et simplement une mesure dilatoire parce qu'elle
cherche à s'attaquer spécifiquement aux objectifs du projet de
loi et non aux amendements qui ont pu être apportés par le
ministre, la semaine dernière, sur le projet de loi. Cela aurait
été une chose tout à fait différente.
D'ailleurs, Mme la députée de Johnson vient purement et
simplement réitérer, cette même objection fondamentale
visant les objectifs du projet de loi en nous disant tout à l'heure que
c'est l'ensemble du projet de loi qui ne fonctionne pas. Donc, encore
là, c'est une objection de principe et non pas une objection sur les
différents articles du projet de loi parce que, si c'était sur
les différents articles du projet de loi. il est évident que
l'audition en commission parlementaire permettrait à l'Opposition
d'apporter ou de suggérer les amendements requis sur les
différents articles.
Le troisième argument de Mme la députée de
Maisonneuve, c'est le programme de subventions salariales. Je vous avoue
qu'elle a fortement développé ce sujet sur les programmes
d'intégration sur le marché du travail. Encore là,
techniquement, ce n'est pas un programme qui est inclus dans la loi, c'est un
programme qui s'y ajoutera dans les mois qui suivront. Je n'ai aucun doute que
le débat visant l'ensemble des mesures qui seraient les plus
appropriées, y compris celles présentées par le ministre,
pour faciliter l'intégration des assistés sociaux sur le
marché du travail pourra se faire sur plusieurs tribunes. Mais au
printemps dernier, les intervenants en ont parlé dans plusieurs de leurs
mémoires; il ne s'agit pas là d'une mesure qui est introduite
dans la loi elle-même, mais c'est une mesure qui suit la loi, qui la
complète, qui lui donne sa crédibilité. Encore là,
cela nous prouve que l'Opposition est contre le principe même, les bases
mêmes du projet de loi et que ce n'est pas une audition sur des articles
en particulier du projet de loi qui va faire changer l'idée de
l'Opposition sur les principes fondamentaux de la loi.
Donc, compte tenu du fait que ce que recherche l'Opposition est purement
et simplement de remettre à plus tard le projet de loi et non pas tenter
de le bonifier, de l'améliorer, je pense, M. le Président, que,
dans un tel cadre. Il n'est pas souhaitable à cause de cela, et
uniquement à cause de cela, quant à mol, de tenir des
consultations particulières sur les différents articles du projet
de loi. J'ajoute que la demande ne porte pas sur les amendements, mais elle
constitue une opposition de principe au projet de loi, finalement. Les
députés du parti ministériel, qui ont quand même
travaillé depuis longtemps sur le projet de loi, ont toujours dit qu'ils
étaient d'accord avec le principe, mais qu'ils souhaitaient des
amendements sur plusieurs modalités, ce que nous avons obtenu. À
la suite de cela, nous sommes satisfaits des amendements majeurs qui bonifient
le projet de loi. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la
députée de Marie-Victoria.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: M. le Président, j'aimerais reprendre un
peu... Un certain grand philosophe de l'époque, qui s'appelait Alexandre
Dumas, disait que le génie a ses limites, mais que la bêtise n'en
a pas. Effectivement, si nous devons refaire nos devoirs, c'est parce que nous
sommes très conscients que le génie peut avoir ses limites. Peu
Importent les personnes qui sont en place ou en présence, il faut faire
en sorte que la consultation apporte un éclairage toujours des plus
Intéressants et nous permette, à certains égards, de
restreindre cet élément de bêtise qui pourrait très
souvent apparaître au cours de certaines orientations ou discussions. Je
vais
dans le même sens que mes collègues qui ont pris la parole,
afin que le ministre soit plus, éclairé - puisque dans le nouveau
projet de loi il fera beaucoup de nouveaux amendements - et apporte une
dimension nouvelle ou certaines orientations par la réforme
proposée et sur lesquelles les gens sont en droit de s'interroger
à savoir si cela répond le plus adéquatement possible
à leurs besoins. C'est cette façon de faire les choses toujours
dans un sens unilatéral qui fait que les gens sont toujours
laissés pour compte, qu'ils sont un peu révoltés et qu'ils
veulent se faire entendre. Ils manifestent leur mécontentement et sont
obligés de descendre dans la rue pour se faire entendre. Ce n'est pas
à la gloire des gouvernements lorsque, dans la rue, il y a des
manifestations pour dénoncer des attitudes.
Si on revient à la grande manifestation du 15 octobre 1988, au
parc Lafontaine, je pense qu'il y avait plusieurs personnes, à ce
moment-là, qui auraient aimé se faire entendre ou, en tout cas,
pouvoir apprécier le ministre lors d'un échange de vues,
puisqu'ils n'avaient pas pu mettre à profit cet échange important
au moment de l'apport d'un nouveau projet de loi. Justement, il aurait
été intéressant de voir comment il s'aligne par rapport
à ces perspectives, à ces amendements qu'il apporte et de
connaître sa pensée en profondeur. C'est dans une discussion qu'on
peut vraiment connaître l'orientation d'une personne, ses motifs et ses
motivations les plus profondes. Cela ne ment pas, le ton, le rythme. Il y a des
éléments qui ne mentent pas dans un échange de vues ou
dans une conversation. Cela aurait été intéressant pour
ces gens qui devront subir et supporter ces réformes de vérifier
les motifs profonds qui font que le ministre avait peut-être raison ou
avait peut-être tort. Encore là, nous sommes obligés de
dire qu'on a convenu qu'il était préférable d'aller dans
un sens seulement et de faire fi de l'opinion publique ou, en tout cas, de la
bonne majorité de gens qui se sentent pris à partie à
l'intérieur de ce projet de loi.
Tantôt, on parlait de la Ligue des droits et libertés. Ce
n'est pas pour rien que cette association a eu le besoin de mettre sur pied un
numéro spécial uniquement sur la réforme de l'aide
sociale, le projet de loi 37. Les gens aussi avaient décelé
à l'intérieur de ce projet de loi que cela allait un peu trop
loin en ce qui a trait aux droits de la personne et que cela mettait en cause
des droits individuels, notamment en ce qui concerne les femmes. On
considère que la nouvelle réforme mettra les femmes sous tutelle.
Les gens ont dénoncé avec véhémence le nouveau
projet de loi 37. Et, même dans les propositions d'amendement qui seront
déposées incessamment, eux non plus n'ont pas tout à fait
la même opinion que le ministre sur son approche; ils considèrent
que des articles sont très discriminatoires et lèsent les gens
dans leurs droits les plus fondamentaux, c'est-à-dire les droits de la
personne. Ces gens devront maintenant vivre dans un état totalitaire
puisque ce seront des. contrôles présents partout qui mettront en
relation la vie des couples et regarderont les. allées et venues en
laissant supposer que les. gens sont plus des voleurs et des fraudeurs que de
bons citoyens. C'est dommage, dans une société, de
développer une telle attitude. Cela a des effets pervers parce que les
individus deviennent désabusés de leur système, de leurs
institutions et développent effectivement des comportements de
délinquants. C'est tout le monde qui doit faire les frais de telles
attitudes à la suite de ces orientations.
Il y a aussi les avocats de l'aide juridique qui ont joint leur voix
à cette association pour dire que les modifications que réclame
la majeure partie des gens au projet de loi sur la sécurité du
revenu, devraient être entendues. Il devrait encore faire l'objet
d'auditions publiques et permettre au ministre de reprendre sa
réflexion, d'en dégager des préoccupations qui
correspondent vraiment aux besoins des gens les plus démunis et qui sont
aussi les plus indirectement touchés par ce projet de loi 37.
C'est pour aider à mieux comprendre, en fait, les enjeux du
projet de loi 37 qu'on demande des consultations particulières avec
certains groupes. Ce sont des enjeux qui demeureront assez fondamentaux pour
notre société et dont les effets se feront sentir à long
terme. Ce ne sont pas uniquement des choses sur lesquelles nous devrons
reprendre les devoirs. On croit que pour certains reprendre ses devoirs, c'est
exiger des autres ce qu'ils devraient faire et non pas se donner comme mandat
de faire eux-mêmes leurs propres devoirs. Comme nous connaissons le temps
qui nous est imparti pour débattre ce projet de loi, il n'est dans
l'intérêt de personne, finalement, au bout de trois ans de
refaire, encore une fois, l'ensemble des activités et des consultations
pour constater l'échec, tout simplement et tout bonnement. Donc, c'est
dans ce sens que nous demandons au ministre de pouvoir reprendre... Vous savez,
quand on change le titulaire d'un poste, il apporte toujours ses
particularités, sa vision des choses. Chacun fait
référence à ses propres valeurs et assez
particulières. C'est important à ce moment de pouvoir jongler
avec ses valeurs et de les mettre en présence des différentes
personnes.
On me fait signe qu'il ne me reste que doux minutes sur le
sous-amendement présenté par mon collègue qui trouvait
important qu'on tienne compte des demandes formulées par la Ligue des
droits et libertés et aussi des mises en garde qu'avait fait valoir
cette même association. A ce moment-ci, M. le Président,
j'aimerais vous apporter un amendement qui se lirait comme suit: "La motion est
amendée par l'addition à la fin des mots "et le Conseil du statut
de la femme". C'est un sous-amendement, cela?
Une voix: Oui.
Une voix: Bien.
M. Bourbeau: Moi, j'avais gagé sur autre chose. Je ne
pensais pas...
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'on devrait
disposer de l'autre avant de recevoir celui-là?
Mme Vermette: Vous voyez comme on pourrait s'entendre.
Le Président (M. Bélanger): Excusez, Mme la
députée de Marie-Victorin, est-ce un sous-amendement que vous
proposez ou un amendement?
Mme Vermette: C'est un sous-amendement.
Une voix: C'est un amendement à l'amendement.
La Président (M. Bélanger): Si c'est un amendement
à l'amendement, on va d'abord disposer de l'autre amendement avant de
recevoir celui-là parce que là, on va avoir une collision dans le
système. (12 h 15)
L'amendement à la motion de Mme la députée de
Maisonneuve disait: La motion est amendée par l'addition, à la
fin, des mots "et la Commission des droits de la personne". Est-ce que cet
amendement est adopté?
M. Bourbeau: Non, il n'est pas adopté, M. le
Président.
Mme Harel: Est-ce qu'on peut prendre le vote, M. le
Président.
M. Jolivet: On va demander un vote nominal.
Le Président (M. Bélanger): Vous demandez un vote,
oui. C'est sur la proposition d'amendement qui avait été
proposée par le député de Laviolette, si ma mémoire
est bonne. Sur cette proposition, M. le ministre... Bourbeau, de Laporte. Je
cherchais le comté, excusez.
M. Bourbeau: Je me demandais s'il y en avait un autre.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourbeau: Je suis contre, M. le Président.
La Président (M. Bélanger): M. Bélanger
(Laval-des-Rapides). Contre. M. Gervais (L'Assomption). Il n'est pas ici.
Une voix: Absent.
La Président (M. Bélanger): M. Joly (Fabre). M.
Joly: Contre.
Le Présidant (M. Bélanger): M. Laporte (Ste-Marle)
Non.
Une voix: II n'est pas là.
Le Président (M. Bélanger): M. Latulippe
(Chambly).
M. Latulippe: Contre.
Le Président (M. Bélanger): M. Leclerc
(Taschereau)
M. Leclerc: Contre.
La Président (M. Bélanger): Mme Legault
(Deux-Montagnes).
Mme Legault: Contre.
Le Présidant (M. Bélanger): M. Sirros (Laurier)
M. Sirros: Contre.
La Président (M. Bélanger): M. Thuringer
(Notre-Dame-de-Grâce).
M. Thuringer: Contre.
Le Président (M. Bélanger): M. Jolivet
(Laviolette).
M. Jolivet: Pour.
Le Président (M. Bélanger): Mme Harel
(Maisonneuve).
Mme Harel: Pour.
Le Président (M. Bélanger): Mme Vermette
(Marle-Victorin).
Mme Vermette: Pour.
Le Président (M. Bélanger): Madame... Ah! il y
avait trois votes. Donc, l'amendement est rejeté et nous recevons...
Mme Harel: C'est fin encore.
Le Président (M. Bélanger): II y a trois votes.
Vous parlerez de cela à vos leaders qui ont...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): ou à M.
Jolivet qui, à l'époque, a fait la réforme et qui
nous a imposé cela.
M. Jolivet: Non. Je m'excuse, M. le Président...
Le Président (M. Bélanger): Excusez mol, on est
hors d'ordre.
M. Jolivet: Oui, parce que cela c'est une décision de
l'année passée et je n'étais pas sur la
réforme.
Motion demandant de convoquer le Conseil du statut de
la femme
Le Président (M. Bélanger): Nous recevons donc un
amendement de Mme la députée de Marie-Victorin qui se lit comme
suit: La motion est amendée par - excusez, je ne lis pas ma sténo
comme vous - l'addition, à la fin, des mots "et le Conseil du statut de
la femme". C'est recevable.
M. Jolivet: M. le Président, juste avant qu'on commence,
vu que nous devons suspendre à 12 h 30, Je pense, étant
donné qu'il serait peut-être possible de ne pas couper
l'intervention de 30 minutes qui est due à ma collègue, est-ce
qu'on pourrait suspendre à ce moment-ci, jusqu'après la
période de questions comme il est prévu normalement?
Le Président (M. Bélanger): S'il y a consentement.
Est-ce qu'il y a consentement sur la proposition de M. le député
de Laviolette? Consentement. Alors, la commission suspend ses travaux sine die
puisqu'on recevra de nouveaux ordres de la Chambre tout a l'heure.
(Suspension de la séance à 12 h 18)
(Reprise à 15 h 34)
Le Président (M. Bélanger): Si chacun veut bien
reprendre sa place... La commission des affaires sociales se réunit afin
de procéder à l'étude détaillée du projet de
loi 37, c'est-à-dire la Loi sur la sécurité du revenu.
Nous en étions à une proposition d'amendement par Mme la
députée de Marie-Victorin, qui se lisait comme ceci:
La motion est amendée par l'addition, à la fin, des mots
et le Conseil du statut de la femme.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: M. le Président, je vous disais donc qu'il
est Important d'apporter cet amendement, parce que le Conseil du statut de la
femme, vous le savez fort bien, est une instance très reconnue et
très prisée par bon nombre d'organismes comme étant une
source de renseignements des plus au fait des problèmes de la femme en
général et aussi de l'évolution de nos
sociétés.
Il est donc important que nous reflétions un peu ce que veulent
penser ou ce que pensent ces gens du Conseil du statut de la femme, qui sont en
mesure de nous donner une expertise très importante et très
appréciable dans le dossier qui nous concerne à l'heure actuelle,
car les femmes sont fortement prises à partie, à
l'intérieur de ce projet de loi, comme on a pu le constater. Lorsqu'on
parle de tous les contrôles concernant l'état marital du couple,
c'est toujours la femme qui doit faire les frais de cette vérification;
lorsqu'on parle aussi des mères chefs de famille monoparentale qui...
L'égalité des chances pour retourner dans le milieu de travail,
ce sont encore les femmes qui sont les plus pénalisées. Aussi, au
niveau d'emplois Intéressants et bien rémunérés, ce
sont toujours les femmes qui n'ont pas tout à fait ce qu'il faut pour
répondre aux nouvelles exigences du marché du travail;
très souvent. II leur manque aussi une formation adéquate ou les
supports nécessaires pour réintégrer le monde de
l'emploi.
C'est pour ces raisons, qui nous semblent très importantes, qu'il
aurait été essentiel de pouvoir répondre à ce
groupe; mais encore une fois, cela fait partie des décisions du
gouvernement, et du ministre aussi, de passer outre et de continuer
l'étude de son projet de loi, indépendamment des parties qui ont
demandé à être entendues. Ce qui ne nous empêche pas,
quant à nous, de faire valoir leurs principaux points de vue, de faire
valoir leurs réactions face aux nouveaux amendements qui ont
été apportés dans ce projet de loi.
C'est avec intérêt que je vais essayer de démontrer
les préoccupations que ces groupes ont manifestées à
l'intérieur de leur mémoire. Elles ont fait la lecture, elles ont
repris, quant à elles, les femmes qui composent le Conseil du statut de
la femme, la lecture du projet de loi, avec les modifications qui
étaient apportées. Elles ont apporté de nouvelles
orientations. Elles ont apporté aussi de nouveaux points d'interrogation
sur lesquels elles voulaient qu'on s'attarde davantage parce que cela ne
semblait pas clair, en tout cas, quant au devenir des femmes qui vivent de
l'aide sociale et qui sont en recherche d'emploi, ou qui voudraient sortir un
peu de cette trappe de pauvreté et qui voudraient bien, finalement, ne
pas être considérées comme des personnes vivant à
temps plein de l'aide sociale, mais plutôt comme des femmes à
temps plein en recherche d'emploi.
La diminution des personnes dépendantes de l'aide sociale demande
une politique dynamique de création d'emploi. C'est surtout cet aspect
qu'il est très Important de faire ressortir. Evidemment, on peut bien
avoir des programmes, on peut bien inciter les gens au retour au travail, mais
finalement, s'il n'y a pas d'emploi, ce sont de vains espoirs que l'on suscite
chez ces personnes. C'est du découragement. Encore
une fois, ces gens demeurent un peu une partie prenante de tous les
différents objectifs qu'on peut mettre de l'avant. Par contre, ils
restent toujours un peu en retrait et ne peuvent pas participer au
véritable motif, c'est-à-dire avoir un emploi décent qui
répond à leurs véritables besoins.
Donc, le Conseil du statut de la femme a demandé que la politique
d'aide sociale de l'État comporte une garantie de ressources
suffisantes. Ce seraient des questions intéressantes à poser au
ministre si elles pouvaient être entendues mais, évidemment, elles
ne pourront pas être entendues. Donc, savoir écouter... C'est bien
beau tout cela, mais la compétence des gens qui seront là,
combien y aura-t-il de personnes capables d'orienter, de diriger et de mettre
en marche des mesures qui favorisent la réintégration au monde de
l'emploi et qui permettent d'apporter le support aussi important pour
répondre aux nouvelles exigences du marché du travail? Des
encouragements positifs à un emploi parce que, encore là, on se
pose des questions. C'est bien beau de dire: Écoutez, il faut aller
travailler, mais pour beaucoup de gens, ce n'est pas le manque de
volonté qui fait défaut. C'est peut-être parce qu'ils n'ont
pas découvert en eux leurs ressources ou leurs différentes
habiletés ou aptitudes pour tel ou tei emploi plutôt que pour un
autre. Ces gens ont besoin d'être encouragés et encadrés.
Ce qui leur permet, dans la mesure de leurs moyens, de pouvoir accomplir un
travail des plus positifs et des plus rémunérateurs aussi pour
elles. Ce sont encore des questions pour lesquelles on est sans réponse
parce qu'on n'a pas pu avoir de discussion à ce niveau.
On s'en tient encore à des grands éléments de
principe, à de bonnes intentions, à des voeux pieux mais encore
là, cela reste au niveau des intentions. Chez moi, les enfants disent
souvent: "l'enfer est peuplé de gens de bonnes intentions" J'ai
l'impression que du côté du gouvernement, il y en a qui vont avoir
chaud longtemps parce qu'en fin de compte, on rencontre beaucoup plus de bonnes
intentions qu'on retrouve, dans les faits concrets, de véritables
mesures qui favorisent des objectifs supérieurs,
c'est-à-dire la création d'emplois et une politique dynamique
pouvant créer de nouveaux emplois, une juste prise en compte de travail,
de formation de garde d'enfants. Il est bien sûr que si on est pour
l'autonomie financière des femmes, les femmes devront de plus en plus
s'absenter de la maison et elles devront avoir un réseau de garde bien
structuré. Est-ce qu'elles auront la promesse, auront-elles aussi
des avantages qui leur permettront de bénéficier d'un
système de garde adéquat qui leur permettra de pouvoir
travailler, sans être trop préoccupées de l'état de
leurs enfants, de leur santé? On a beau dire que lorsqu'on est au
travail, il faut mettre de côté ses préoccupations d'ordre
familial mais quand on a la responsabilité, l'éducation des
enfants et que nous sommes chefs de famille monoparentale, je pense que cette
responsabilité est deux fois plus lourde et c'est difficile de s'en
dissocier complètement et de ne pas être
préoccupées. C'est là que rentrent en ligne de compte les
garanties de qualité de services qui remettent en cause bien des
attitudes. Il faudrait savoir aussi les possibilités réelles de
formation et de recyclage parce que tout cela est resté flou, ambigu. On
ne sait pas exactement sous quelle perspective tout cela prendra... On est pour
la vertu, bien sûr - et tout le monde est vertueux quand c'est le temps
de parler de la vertu - mais comment appliquer cette même vertu? Cela
c'est une autre chose.
Là encore, on est sans réponse et il aurait
été intéressant d'entendre au moins des indications de la
part du ministre. Quelle façon prendrait cette formation, les
possibilités de formation et de recyclage? Jusqu'à quel point
tout cela est-il possible? Si je regarde, il y a plein d'organismes
communautaires dont l'une des principales fonctions, est au niveau des SEMO,
c'est organiser des gens qui ont des problèmes d'intégration au
niveau de différents milieux d'emplois et qui devront être pris
d'une façon plus particulière. Ces mêmes organismes ont de
la difficulté, ils sont remis en cause très souvent et
même, ils ne répondent plus aux besoins réels. On
déverse nos responsabilités vers les groupes communautaires, par
contre, on ne leur donne aucun support, aucun soutien financier. Au contraire,
on augmente leurs charges de travail et on leur demande de faire "mer et monde"
avec très peu. Alors, les gens disent: Écoutez, quelles sont les
garanties de succès de cette entreprise parce que cela semble vouloir
aller "à la va comme je te pousse"? Ce n'est pas nécessairement
un gage de succès d'une façon comme une autre d'envisager une
telle réforme.
Souvent, lorsque les gens sont mis de côté du monde de
l'emploi, le réintégrer peut apporter une certaine
appréhension, et souvent les gens ont tendance à se
déprécier par rapport à leur valeur, parce qu'on
connaît très bien notre société qui valorise
énormément les individus par rapport à leur statut social,
par rapport à l'emploi qu'ils occupent et très souvent, beaucoup
de gens ont tendance à se dépersonnaliser ou, en tous les cas,
à se donner une vision moins bonne d'eux mêmes à cause de
ces tendances sociales. Alors, on dit que c'est plus que du soutien technique
dont ces gens auraient besoin dans bien des cas ils auraient besoin d'un
soutien moral Ces ressources qui auront à soccuper, qui devront prendre
en main les personnes, auront aussi ce souci de faire en sorte qu'il y ait une
approche psychologique importante qui fait que la personne se sente
valorisée, reprenne suffisamment confiance en elle pour soulever les
défis que comportent l'adaptation et la réintégration au
monde de l'emploi. (15 h 45)
Le Conseil du statut de la femme demande
que les mesures de réinsertion sociale soient mises rapidement
à la disposition des femmes bénéficiaires de l'aide
sociale, et cela sans discrimination d'âge, de statut civil et de
région de résidence. Vous savez fort bien, avec notre
société d'aujourd'hui qui favorise davantage des comportements
d'adulte alors que ce ne sont encore que de jeunes adolescentes qui se
considèrent presque comme des femmes, il arrive malheureusement que,
très jeunes, des femmes se voient bénéficier de l'aide
sociale pour bien des raisons, qui ne sont très souvent que la
résultante de notre société. Ces jeunes femmes ont besoin
d'être prises rapidement en main, d'être aidées, et qu'on
puisse donner toutes les chances possibles à ces catégories,
indépendamment de l'âge, d'être
réinsérées socialement et que ces gens puissent
bénéficier... Qu'on ne fasse pas de discrimination arbitraire
envers les gens qui sont plus susceptibles que d'autres d'être
intégrés au marché du travail. Il arriverait
peut-être que certaines femmes, rendues dans la cinquantaine ou la
quarantaine, pourraient se trouver en difficulté parce qu'on sait que,
très souvent, on recherche davantage des jeunes que des personnes d'un
certain âge. Cela fait peur à bien des groupes de femmes, que de
dire: Écoutez, les femmes qui sont restées depuis longtemps
à la maison, qui n'ont jamais eu de responsabilités, et qui se
retrouvent soit veuves, soit divorcées et qui veulent
réintégrer le marché du travail, ce sont des femmes qui
n'ont pas été habituées à être autonomes au
plan financier, il faut leur apprendre et ce n'est pas facile parce qu'il y a
une insécurité qui s'est installée. Défier cette
insécurité n'est pas toujours chose très facile.
Donc, il y a autant de besoins, quels que soient les groupes
d'âge. Chaque groupe a ses besoins particuliers et Us sont tous aussi
prioritaires les uns que les autres. Quand on regarde actuellement dans notre
société le sort que l'on réserve aux femmes
âgées, c'est triste de considérer que, après avoir
donné tant d'années à l'intérieur de la
société pour s'occuper soit de leur famille, de leurs enfants ou
de bénévolat, elles se retrouvent au troisième âge
sans ressources, pratiquement abandonnées par la société
et sans aucun moyen pour se trouver un emploi convenable qui leur permettrait
de respirer et de penser à avoir des vieux jours heureux. Je pense donc
que c'est très important de considérer tous ces aspects, que ce
soient des jeunes parce qu'elles ont eu trop rapidement a vivre des situations
d'adulte, ou parce que ce sont des gens, à l'autre extrême, plus
âgés. Je pense que chacune, selon son âge, ses besoins,
devrait être prise en considération et que toutes ces femmes
puissent bénéficier de mesures, de dispositions qui leur
permettraient une réinsertion sociale le plus rapidement possible. Il
faut aussi bien tenir compte qu'il y a des régions au Québec plus
favorables à la réinsertion au travail que d'autres. Je pense que
tous les efforts devraient être mis, indépendamment de la
région. Cela aussi, à mon avis, me semble important. Il faudrait
tenir compte de tous ces différents aspects qui font que les femmes
puissent compter sur une souplesse importante dans la réforme, tout en
leur assurant un certain soutien financier, ce qui permettrait de les inciter
à participer à différents programmes.
On pense aussi à une reconnaissance que des encouragements
positifs à l'emploi s'imposent, que la réduction de la prestation
prévue en cas d'emploi soit moins élevée pour inciter
vraiment au travail. Je pense que ce qui arrive, d'une part, c'est qu'on dit
aux gens: Écoutez, essayez de vous trouver de l'emploi. D'autre part, on
devient tellement restrictifs une fois qu'ils se sont trouvé un emploi
et ce sont des salaires si peu rémunérés que cela devient
pratiquement une incitation à quitter son emploi et à rester sur
le bien-être social. Donc, je pense qu'il faudrait être un peu plus
cohérents avec nos mesures d'encouragement et non pas tout simplement
encourager du bout des lèvres, sachant pertinemment que, de toute
façon, peu importent les modifications et les mesures qui seraient
prises par les principaux concernés, il n'y aurait aucune issue, si ce
n'est le découragement et retourner, encore une fois, à l'aide
sociale pour arriver à boucler son budget.
Que la vocation des Services extérieurs de main-d'oeuvre, des
SEMO, j'en parlais tantôt, soit confirmée auprès des femmes
éprouvant des difficultés particulières
d'intégration au marché du travail, je trouve cela très
important. Mais la tendance actuelle est que les SEMO tendent à diminuer
de plus en plus ou, en tout cas, sont exclusivement des fonctions très
spécifiques, ne serait-ce que pour les personnes ayant un handicap
intellectuel ou physique ou de gros problèmes d'adaptation. Quant au
reste, les SEMO ont de la difficulté. On leur coupe leurs ressources. On
leur demande d'être plus productifs dans de plus courts délais,
mais, on leur coupe leurs ressources. Essayez de comprendre quelque chose
à ce sujet. Je trouve très difficile de comprendre la raison qui
sous-tend, en tout cas, cette action de couper des postes à
l'intérieur des SEMO alors qu'on leur demande d'être plus
efficaces et de trouver davantage d'emplois à plus de gens qui leur sont
référés. Il ne sera pas facile de trouver un
mécanisme si, dans la volonté du ministre d'essayer de faire des
économies sur le dos des plus démunis, en fait, ce n'est
finalement qu'un discours du bout des lèvres qu'on entend, M. le
Président. Il n'y a pas de véritable volonté.
Je reviens aux SEMO parce que c'était une façon d'apporter
un service particulier aux gens qui éprouvent vraiment des
problèmes d'un autre ordre, des problèmes d'intégration au
marché du travail, soit, mais à cause d'un vécu qui a
été des plus traumatisants. Qu'on regarde particulièrement
le rôle qu'on veut faire jouer aux organismes communautaires, j'en suis,
mais il faudrait aussi leur donner des ressources suf-
fisantes pour qu'ils puissent jouer pleinement leur rôle ou qu'on
développe suffisamment de ces ressources ou de ces organismes pour
qu'ils puissent répondre véritablement aux besoins de cette
nouvelle réforme. Évidemment, comme on fera miroiter à
plusieurs que l'emploi est possible pour tous, qu'il s'agit d'avoir la
volonté de travailler pour travailler, donc, je pense qu'il serait
important qu'on y mette l'effort nécessaire pour que ces gens ne soient
pas non plus très déçus face à ce nouveau concept
de notre société qu'avec de la bonne volonté, on peut
tout. J'ai l'impression que c'est presque une phrase magique maintenant. C'est
comme si on se croise les deux bras et qu'on attend que tout aille de soi,
qu'il s'agit d'avoir de la bonne volonté et que tout va bien se
passer.
Que les parents inscrits aux mesures de réinsertion sociale
puissent bénéficier de services de garde accessibles sans frais
ou a coût minime. M. le Président, sur cela, j'en al fait la
remarque parce qu'évidemment, quand on est rendu à payer plus
cher en frais de garderie que les salaires qu'on fait par semaine, ce n'est pas
une Incitation des plus intéressantes pour les jeunes femmes et pour les
mères de famille à retourner sur le marché du travail.
C'est ce qui se passe à l'heure actuelle pour plusieurs femmes. Il leur
en coûte beaucoup plus cher par semaine en frais de garde que le salaire
qu'elles sont capables de garder pour elles-mêmes et pour voir aux
différentes dépenses de la maison. Tout cela, c'est dans un cadre
rationnel.
Quand on fait une réforme, il y a évidemment toujours une
Interrelation d'une action à une autre. On a l'impression que, dans la
réforme, on n'a pas regardé tous ces différents
aspects-là, qu'on est arrivés à dire: Oui, si cela existe,
ce sont des problèmes qui pourront exister en cours de route mais,
finalement, on verra à l'usure comment on pourra s'organiser avec tout
cela et on verra comment on apportera certaines modifications. On s'ajustera en
cours de route, tout simplement. C'est facile de s'ajuster quand on a juste
à jouer avec des blocs qu'on peut déplacer ou avec des jetons,
mais quand on est rendus à travailler avec des êtres humains, ce
n'est pas tout à fait de la même façon. Il y a des Impacts
importants et des suites considérables. Cela peut avoir des effets
à long terme, dévastateurs tant sur le plan de la personne
elle-même, sur l'estime qu'elle peut avoir d'elle que sur le respect que
les gens peuvent avoir envers leurs institutions et leur gouvernement.
Je pense qu'il ne faut jamais s'improviser. Dans certains cas,
l'improvisation est dangereuse. Il vaut mieux prendre plus de temps mais
arriver à mettre sur pied un projet de loi qui réponde davantage
aux besoins et aussi à la capacité de s'adapter une fois qu'on
est convaincus que toutes les mesures sont appropriées, qu'elles
fonctionneront convenablement, qu'elles seront en quantité suffisante et
que les ressources auront reçu la formation nécessaire pour
permettre cette politique dynamique d'intégration au monde de l'emploi
et au marché du travail.
Je pense qu'il y a beaucoup de choses qui sont restées en
suspens, si je regarde les recommandations que fait le Conseil du statut de la
femme. Il y en a une bonne douzaine, M. le Président, toutes aussi
intéressantes les unes que les autres, toutes aussi pleines de points
d'interrogation et qui remettent en question, en tout cas, l'ensemble du projet
de loi puisque ce sont des questions qui sont restées sans
réponse et dont on ne sait pas l'application de ces différentes
mesures qui sont mises de l'avant mais pour lesquelles on n'a aucune
réponse en ce qui concerne l'application.
On demande aussi, et c'est le Conseil du statut de la femme qui, tout de
même, est un organisme important dans notre société,
reconnu, on le considère toujours comme des gens qui apportent un
éclairage important, qui suit favorablement l'évolution de nos
sociétés pluralistes. Bien que le conseil ait été
mis de l'avant pour permettre aux femmes de prendre une place active dans notre
société, je pense qu'elles n'en demeurent pas moins ouvertes
à l'ensemble des problèmes de notre société
québécoise. Un autre sujet de préoccupation pour ce groupe
de femmes est que. lorsque les programmes s'adressent au conjoint, que la
prestation de base soit partagée entre eux à part égale.
Je pense que cela va de soi, quant à moi. Je ne vois pas pourquoi elle
ne serait pas partagée d'une façon égale. Je ne vois pas
pourquoi il y en aurait un qui aurait moins et l'autre plus. Je pense que.
quand on forme un couple et que, de toute façon, les deux partagent
d'égal à égal, les relations de couple devraient
être toujours fartes à part égale Ce serait beaucoup mieux
sur le plan de l'harmonie, en tout cas, d'ensemble des couples. Ce serait
peut-être le temps de démontrer, par votre gouvernement, votre
réelle Intention de faire en sorte de respecter le couple et ce principe
d'égalité des chances entre les différents partenaires.
(16 heures)
Dans la politique d'aide sociale, on couvre de façon
satisfaisante les besoins de base ainsi que les besoins particuliers
occasionnés par une grossesse afin qu une prestataire n'encoure pas de
réduction de prestations en raison de sa grossesse. Je sais que
certaines améliorations ont été prévues Au point de
départ, ce n'était pas tellement reluisant pour un gouvernement
qui se targue de mettre de l'avant une politique familiale Les mesures qui
étaient mises de l'avant étaient vraiment en contradiction dans
la première copie, dans le premier jet. Mais II n'en demeure pas moins
aussi que, pour avoir fait une tournée dans certaines régions
plus défavorisées que d'autres, vous constatez à quel
point, effectivement, la pauvreté a un lien direct avec le poids des
bébés prématurés, les malformations et aussi les
problèmes à la naissance. C'est
vraiment prouvé hors de tout doute que, lorsqu'on est en
gestation, il est important d'avoir une alimentation des plus balancées
pour faire en sorte que ni l'enfant ni la mère n'aient de
problèmes. Il devient très difficile à la mère de
se relever de son accouchement et son état de santé est
déficient. Il devient plus difficile pour elle de reprendre le dessus
effectivement, aussi, je pense qu'il est difficile à ce moment-là
de penser à retourner ou intégrer le marché du travail
quand on sait qu'une grossesse mal supportée peut entraîner
énormément de problèmes.
Vivant dans un comté où il y a beaucoup de personnes sur
le bien-être social, particulièrement dans un coin où il y
a beaucoup de pauvreté, je voudrais aussi vous dire qu'il y a un lien
direct entre la pauvreté et la délinquance. Le conseil des
services sociaux de notre région a soulevé, par une étude
des plus Intéressantes, ce lien direct en démontrant hors de tout
doute que les gens qui vivent dans la pauvreté ont beaucoup plus
tendance à des attitudes et des gestes de délinquance, parce
qu'ils sont trop démotivés et qu'ils n'ont plus aucune estime
d'eux et plus rien à perdre.
Compte tenu de ces circonstances, je pense qu'il est important...
Le Président (M. Bélanger): Votre conclusion, Mme
la députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette:... qu'on intervienne auprès de tous ces gens
avec respect et diligence, M. le Président. Il aurait été
heureux aussi qu'on puisse les entendre. Ils auraient eu encore fort à
dire sur le sujet.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme
la députée de Marie-Victorin. Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: M. le Président, je ne sache pas que la
décision est encore prise. Je pense que la commission peut encore
statuer sur l'opportunité d'entendre le Conseil du statut de la femme.
J'aimerais, M. le Président, rappeler au ministre que les motifs qu'il
invoquait ce matin pour accélérer l'adoption du projet de loi
sont complètement puérils. Si tant est qu'il était vrai
que la loi était nécessaire pour améliorer le sort de
certains de nos concitoyens et concitoyennes, ils seraient nombreux à la
réclamer. M. le Président, à part la Chambre de commerce
du Québec et le Conseil du patronat, qui d'autre avez-vous entendu
réclamer l'adoption de ce projet de loi 37 avant Noël?
M. le Président, de toute évidence, c'est un gouvernement
qui est très isolé. Je mets le ministre au défi, d'ici
à la fin de cette commission, de me citer dix organismes ou associations
qui sont venus parmi les 112 présenter des mémoires en commission
parlementaire et qui, publiquement, vont lui réclamer l'adoption du
projet de loi 37. Mais ce que le ministre écarte, ce sont les 55
organismes qui ont demandé, eux, d'être entendus en commission. Et
le député de Chambly, ce matin a fait un bel effort, cet
après-midi, je pense, plutôt ce matin, a fait un bel effort, mais
un effort assez futile. Ce n'est pas pour me faire plaisir à moi, la
députée de Maisonneuve, qu'il doit entendre des organismes. Il
sait très bien que ce que je prône, c'est le retrait du projet de
loi 37. Les organismes, ce n'est pas pour me faire plaisir qu'on doit les
entendre dans un Parlement, c'est parce qu'ils ont des choses à dire et
qu'ils sont représentatifs de courants d'opinion. Le Conseil du statut
de la femme, le ministre ne le sait peut-être pas, cela ne
m'étonne pas, j'ai l'impression que le ministre ne sait pas grand-chose
sur son dossier. J'aurai l'occasion de lui rappeler, à 22 heures, des
passages du rapport du Protecteur du citoyen qu'il a oubliés, ceux qu'il
n'a pas cités immédiatement après ceux qu'il a lus.
J'aimerais lui rappeler que si le Conseil du statut de la femme a
déposé un très volumineux mémoire en commission
parlementaire, ce que nous avons eu l'occasion d'examiner de près, il
s'est aussi senti obligé, au mois de septembre, de déposer un
avis supplémentaire. En septembre 1988. Il n'y a aucun membre de cette
commission, je pense, qui en a pris connaissance. Pourtant, j'aimerais bien
Interroger le ministre sur ce qu'il pense des recommandations du Conseil du
statut de la femme que nous n'avons jamais examinées en regard du projet
de loi 37. Nous ne les avons jamais examinées, malheureusement. J'ai
bien l'impression que la ligne de parti qui encercle les députés
ministériels va nous empêcher, en commission parlementaire,
d'aller plus loin avec les représentantes du Conseil du statut de la
femme en regard de l'étude article par article du projet de loi 37. La
meilleure façon de mener une étude article par article, c'est
d'aller chercher ce que les gens qui ont l'expertise ont à nous
dire.
Alors, M. le Président, cela va me permettre de rappeler que le
Conseil du statut de la femme énonçait que de nouveaux
commentaires devaient être apportés à la proposition
initiale, compte tenu du projet de loi 37. Parmi ces commentaires, le Conseil
du statut de la femme se disait en désaccord, en règle
générale, avec des mesures coercitives ou punitives. Le ministre
a beau dire que je ne lui lis que des extraits des documents, il va se rendre
compte ce soir que l'extrait qu'il a lu n'était pas très conforme
à l'opinion du Protecteur du citoyen. Le conseil continue. À
défaut d'avoir l'intérêt du ministre, j'aimerais bien avoir
celui de ses collègues ministériels. Le conseil donne l'exemple
suivant: En comptant les allocations et les crédits d'impôt
reçus pour son enfant, une responsable de famille monoparentale, ayant
un enfant de six à onze ans, ne consacrant que 275 $ par mois - vous
imaginez, ne consacrant que cela et donc étant en
deçà de la générosité que le ministre
s'apprête à accorder au chef de famille qui consacre plus de 300 $
- au poste logement, devra se satisfaire, pour elle-même et son enfant de
six à onze ans, donc à l'école, de 14, 50 $ par jour pour
combler tous les autres besoins: nourriture, vêtements, soins personnels,
entretien domestique, transport, lecture, loisirs, réparations,
remplacement des appareils électroménagers, mobilier, etc. Si,
pour arriver à joindre les deux bouts, ces deux femmes partagent leur
logement, le chèque mensuel de chacune d'elles sera amputé de 85
$ par mois. C'est toujours devant une telle réalité que nous
sommes à cette date de fin novembre 1988. C'est à des
dispositions d'un projet de loi qui donne des résultats semblables que
le ministre nous invite.
Si le ministre était sérieux, l'allocation de logement ne
va pas jouer pour un logement de 275 $ par mois. Si le ministre était
sérieux, d'abord il commencerait par déposer les amendements
qu'il veut introduire au projet de loi 37. II a très confusément
et vaguement parlé de modifications, mais il n'a même pas le
courage de déposer les amendements qui vont suivre. On apprend cela
bribe par bribe. Aujourd'hui, dans le fond, quand il a fait son intervention,
iI nous en a appris une nouvelle, c'est la suivante: La prestation de base
serait donc de 420 $ par mois, la modification généreuse
consistant à accorder 67 $ simplement pour équivaloir à la
prestation actuelle dans le cas des bénéficiaires qui disent: Je
veux, j'attends, proposez-moi quelque chose, et son gouvernement ne le fera
pas. C'était, certains se le rappelleront, la salle d'attente de ces
mesures d'employabitité. Mais encore là, la nouvelle, c'est que
si on vote le projet de loi, j'ai cru comprendre, ce matin, que la prestation
sera augmentée d'un montant de 100 $ lorsqu'il y a participation
à une mesure. Présentement, la participation à une mesure
augmente le barème de base d'un montant de 100 $.
Même une personne de moins de 30 ans qui n'a pas d'enfant - II
faut bien se rappeler que toutes celles qui en ont bénéficient de
la pleine parité - et qui participe à une mesure comme les
travaux communautaires, obtient le plein barème plus la participation au
titre des besoins spéciaux de 100 $, donc 587 $ au minimum pour les
travaux communautaires et les stages en entreprise.
Et le ministre, ce matin, nous a indiqué que le montant de 100 $
- j'attire l'attention de toutes les personnes, ici - le montant d'allocation
de 100 $ sera versé sur les 420 $ de base et non plus sur les 487 $.
C'est donc une prestation de 520 $ non plus de 587 $ dont va
bénéficier un prestataire qui participe à une mesure.
Alors, ce sont là les propos exacts que le ministre a tenus devant la
commission parlementaire et je le mets au défi de clarifier cette
question maintenant.
M. le Président, bien d'autres aspects ont retenu l'attention du
Conseil du statut de la femme. Évidemment, il va mètre
impossible, dans le laps de temps qui m'est Imparti, d'en parler. Il faudrait
l'entendre, II faudrait l'écouter et notamment sur ce qu'il a à
dire quant aux femmes enceintes durant les premiers mois de la grossesse, quant
aux recommandations qu'il a à faire pour que, dès la production
d'un certificat médical attestant leur état, les femmes enceintes
bénéficient d'une couverture adéquate de leurs besoins de
base comme de leurs besoins spéciaux. Et c'est là, certainement,
un amendement important de manière à reconnaître comme
monoparentale ou comme ayant la responsabilité d'un enfant, une personne
qui le porte, avant même sa naissance, pour lui permettre d'aller
chercher les suppléments vitaminiques qui vont rendre possible de mener
cet enfant à terme.
II y a d'autres dispositions. M. le Président. C'est
au-delà de 30 pages de recommandations, article par article, que le
Conseil du statut de la femme souhaite voir apporter comme modifications au
projet de loi. Évidemment, je note les dispositions du projet de loi 37
extrêmement critiquées concernant la pertinence de retenir la
résidence dans un logement subventionné comme facteur pouvant
influencer le montant de la prestation
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, Mme la
députée de..
Mme Harel: Le ministre va avoir à s'expliquer sur cet
article 90, alinéa 5. Va-t-il y avoir des diminutions des prestations
des bénéficiaires qui ont la possibilité d'habiter un
logement coopératif ou un logement à loyer modique. Le ministre
n'a encore apporté aucun éclaircissement sur cette question.
En conclusion, M. le Président, il me paraît évident
que refuser d'entendre le Conseil du statut de la femme ne peut venir que d'une
vision omnipotente du travail qu'on peut faire ici, ou tout simplement d'une
vision aveugle de la ligne du parti.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie.
D'autres Intervenants? M. le député de Laviolette?
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Oui, M. le Président. Je vous remercie de
m'accorder cette occasion de dire les raisons pour lesquelles on devrait
appuyer la motion faite par ma collègue, la députée de
Marie-victorin, à l'effet d'entendre le Conseil du statut de la
femme.
Vous savez, ma collègue, la députée de Maisonneuve,
faisait mention d'un mémoire que le Conseil du statut de la femme avait
présenté à la commission des affaires sociales sur le
document qui avait fait l'objet de cette politique qui est devant nous, la
sécurité du revenu.
C'était le document qui datait de février
1988. Depuis, on vous en a fait mention, il y a eu des commentaires
additionnels qui ont été donnés par le Conseil du statut
de la femme. Vous vous souviendrez, M. le Président, de la
présidente d'alors, Mme Francine McKenzie, qui nous a quittés et
qui a été remplacée par une personne du nom de Marie
Lavlgne, qui représente le Conseil du statut de la femme et qui, j'en
suis assuré, serait à même, ici, de venir dire aux membres
de la commission que l'opinion du conseil sur des parties essentielles du
projet de loi, n'a aucunement changé, étant donné que,
comme on le disait tout à l'heure, on ne connaît pas les
amendements, sauf les principes que le ministre a annoncés, disant, dans
une déclaration, qu'il avait l'intention de faire tel et tel changement.
(16 h 15)
En réalité, on n'a pas devant nous les amendements que le
ministre aurait pu déposer, nous permettant de faire une étude
attentive du projet de loi. D'ailleurs, je vous rappellerai la
différence entre le ministre qui est devant nous et le ministre de
l'Éducation qui a déposé en vrac tous les amendements
qu'il avait l'intention de faire adopter, en ce qui concerne les projets de loi
106 et 107. Je vous dirai même que le ministre de l'Éducation est
allé plus loin en acceptant une proposition de l'Opposition, à
savoir d'entendre certains organismes dans une consultation
particulière. Or, il me semble qu'il aurait été logique
que les gens du Conseil du statut de la femme, avec leur nouvelle
présidente, Mme Marie Lavigne, puissent venir exprimer au ministre les
raisons pour lesquelles ils voudraient qu'on apporte des amendements majeurs au
projet de loi, s'il devait être adopté, dans le but, donc, de le
rendre plus conforme aux droits et aux intentions que les femmes sont en droit
d'attendre d'un gouvernement qui veut les protéger.
Qu'est-ce qu'on disait dans le document présenté en
février dernier? C'était ceci: 17 recommandations qui nous
rappellent les cinq éléments essentiels d'une politique d'aide
sociale, qui doivent être conservés, assurés. On doit
surtout s'assurer que les règlements, dont on ne connaît pas
encore la teneur, ne viennent pas faire des changements tels que le projet de
loi ne veuille plus rien dire. Donc, je vous rappelle les cinq
éléments: Premièrement, une garantie de ressources
suffisantes; deuxièmement, des encouragements positifs à
l'emploi... Regardez, ici, M. le Président, cela fait
référence à ce que je disais ce matin, quand je parlais de
la motion que j'avais présentée qui disait la même chose,
c'est-à-dire que cela ne sert à rien de mettre en vigueur un
projet de loi comme celui-là si on n'a pas des encouragements positifs
à l'emploi, comme on en a au Massachusetts avec le programme E. T.
Choice qui présente le travail de façon positive et non pas de
façon négative. Le troisième élément que la
nouvelle présidente pourrait nous dire mieux que moi, j'en suis
sûr, c'est une juste prise en considération des coûts en ce
qui concerne le travail, la formation et la garde des enfants. Combien de fois,
dans nos milieux, avons-nous eu des représentations pour des gens -
femmes, en particulier - qui, ayant été sur le marché du
travail, ont fait un retour aux études et qui ont été pris
avec des problèmes de coûts additionnels non comblés. Il me
semble qu'on devrait, dans une politique revalorisant le travail, encourager de
façon positive les femmes à l'emploi. Dans bien des cas, ce sont
des femmes seules s'occupant d'un enfant, donc composant une famille
monoparentale, qui rencontrent des difficultés lorsqu'elles tentent de
sortir du vieux cercle vicieux qui est: Pas d'expérience, pas de
travail; pas de travail, pas d'expérience, ou encore: Difficulté
de retourner sur le marché du travail, donc, par le fait même,
difficulté de sortir de l'aide sociale. Dans bien des cas, ça
signifie tout simplement: aide sociale, assurance-chômage, aide sociale,
assurance-chômage, aide sociale, assurance-chômage. Le
quatrième élément qui devrait exister dans cette politique
d'aide sociale, c'est une réelle possibilité de formation et de
recyclage, pas quelque chose de bidon, pas une formation qui ne permette pas
une réinsertion sur le marche du travail.
Enfin, comme dernier élément de cette politique d'aide
sociale, un soutien technique aussi bien que moral. Combien de fois on
s'aperçoit finalement qu'une petite aide devient importante au point
d'en arriver à permettre à la personne de se sentir moralement
sûre de la décision qu'elle prend et surtout rassurée par
le soutien qu'on accorde! Vous le savez, M. le Président, je suis
sûr que vous avez la même chose dans vos bureaux de comté.
Des gens arrivent à votre bureau en disant: J'ai un gros
problème. Quand vous l'analysez, dans le fond, vous êtes tellement
habitué d'en voir en tant que député que, pour vous, c'est
peut être un petit problème mais il faut le prendre comme la
personne le vit, essayer de lui donner les meilleurs conseils possible et,
finalement, par un petit conseil, à cause de l'habitude que vous avez de
régler certains cas, vous pouvez rendre énormément service
à une personne. Donc, un soutien technique aussi bien que moral pour des
personnes qui ne demandent pas de vivre de l'aide sociale, au contraire, elles
demandent de vivre dans des meilleures conditions et, en conséquence,
avoir un moral qui se tient bien et un moral qui leur permette de passer
à travers les difficultés que la vie parsème devant
elles.
Pour le Conseil du statut de la femme, la réforme devrait de plus
s'inscrire dans une politique plus Imaginative de création d'emplois
dynamiques, et briser le cycle de pauvreté qui engouffre bien des
femmes. La présidente de l'époque voyait, dans la
réduction des abris fiscaux et la mise en place d'un impôt
progressif épargnant les gagne-petit, une façon
intéressante d'assumer les frais de la réforme de même
qu'une
valeur d'équité susceptible d'inciter à l'emploi et
à la productivité. Je suis assuré que la présidente
actuelle pourrait nous le redire avec beaucoup d'insistance et beaucoup
d'exemples qui permettraient, à ce moment, de nous assurer que la loi
soit la meilleure possible. Donc, comme elle le disait, le dépôt
du projet de loi le 11 mai dernier ainsi que l'annonce par le ministre
responsable d'alors, M. Pierre Paradis, des modifications apportées
à la proposition initiale appellent donc de nouveaux commentaires. Et je
terminerai sur ces commentaires, M. le Président, en vous disant: Sans
revenir, dit le Conseil du statut de la femme, sur toutes les dimensions de la
politique, notre analyse portera sur trois thèmes: la garantie des
ressources suffisantes, les mesures favorisant la réinsertion sociale et
le respect des droits. En nous référant, notamment, aux
recommandations déjà élaborées, nous signalerons
les améliorations qui ont été apportées à la
première version du projet...
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet:... nous ferons état des points qui demeurent,
selon nous, problématiques et nous suggérerons des modifications.
Voilà donc les raisons pour lesquelles j'insiste auprès des
collègues du côté ministériel pour qu'on entende le
Conseil du statut de la femme.
Le Président (M. Bélanger): Du côté
ministériel? Non. Alors, je reconnais Mme la députée de
Johnson.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président Je suis
sûre que vous avez deviné que je vais aller dans le même
sens que mes collègues. II est approprié pour moi de vous dire
que ce qu'a apporté comme amendement ma collègue, la
députée de Marie-Victorin, je l'endosse moi aussi, tout comme les
deux autres membres de ma formation politique. Je suis sûre, M. le
Président, qu'après avoir fait mon intervention, vous allez
demander le vote et que le ministre va accéder à notre demande.
Ce seront des éléments convaincants que je vais vous donner
aujourd'hui. Je vais même vous dire, si cela peut vous ébranler,
que, même en ce qui concerne l'Université Laval, on est en train
de mettre en place l'ouverture d'un bureau étudiant pour la condition
féminine. Aussi, ils n'attendent pas que cela leur "claque dans la
face", une histoire comme on est en train de discuter aujourd'hui, ils veulent
se prendre en main. D'ailleurs les étudiants d'aujourd'hui, c'est
très connu, sont très à l'écoute de ce qui se passe
et veulent que la génération montante ait le maximum pour les
aider à faire de leur vie une vie agréable.
Il est Important, M. le Président, de noter que, si nous avions
le privilège d'entendre le
Conseil du statut de (a femme ici en ce qui concerne les interventions
qu'il y aura à faire, je pense qu'il est important autant pour notre
génération qui commence, une génération de cheveux
gris comme moi... et la génération qui nous suivra, M. le
Président, qu'elle ne sort pas aux prises avec des problèmes
aussi fondamentaux qu'est la qualité de la vie des femmes.
Vous savez, M. le Président, ma génération a eu des
difficultés avec des familles peut-être plus nombreuses que celles
qui sont aujourd'hui. On n'avait peut-être pas la possibilité
d'avoir certaines prestations, même si des fois, on en aurait eu bien
besoin; mais, les prestations aujourd'hui existent, les femmes dans le besoin
existent et il y a, heureusement, le Conseil du statut de la femme pour
défendre les Intérêts sort des femmes seules, chefs de
famille monoparentales, soit de toutes les personnes, la gente féminine,
qui en ont besoin. Il est heureux, M. le Président, que nous puissions
nous fier au Conseil du statut de la femme, et M. serait drôlement
important, pour les 52 % de la population que nous formons, nous les femmes du
Québec, que nous puissions avoir la possibilité d'entendre le
Conseil du statut de la femme venir publiquement définir, devant les
membres de la commission parlementaire des affaires sociales, ce qu'il a
proclamé haut et fort depuis que le projet de loi 37 a été
mis de l'avant.
M. le Président, il y a plusieurs recommandations qui ont
été fartes; dans un premier temps, lors de la première
présentation du projet de loi 37, et loin d'abandonner le sujet ou le
dossier en question, le Conseil du statut de la femme a reformulé avec
beaucoup d'autorité - reformulé, dls-je, M. le Président -
les recommandations qu'il souhaiterait que le ministre parrain puisse apporter
à la loi qui est devant nous, sinon la changer tout à fait, si y
a des possibilités. Mais il a des recommandations fort importantes et il
me semble Important d'en faire état ici, en commission
parlementaire.
Dans un premier temps, le Conseil du statut de la femme souhaiterait
qu'une garantie de ressources suffisantes sort apportée à la
politique de l'aide sociale; des encouragements positifs à l'emploi, une
juste prise en compte des coûts de travail, de formation et de garde
d'enfants, des possibilités de formation réelle et de recyclage,
un soutien technique aussi bien que moral soient apportés aux femmes
responsables, chefs de famille monoparentale
M. le Président, avez-vous songé un Instant comment une
femme seule avec deux, trois enfants peut retourner sur le marché du
travail si elle n'a pas I'appui nécessaire en termes de soutien
technique, de formation réelle, de garde d'enfants9 Qu'est-ce
qu'elle fera avec ses enfants9 Est-ce que ce sont les bureaux de
l'aide sociale qui prendront en charge les enfants pendant qu'elle ira se
chercher du travail? Il faut absolument, M. le Président, qu'on se mette
à la place de ces femmes. Comment vont-elles
réagir si elles n'ont pas l'aide et le soutien nécessaires
pour se trouver un emploi, pour simplement ne pas avoir de diminution de ce
maigre revenu - si on peut appeler cela revenu - du maigre chèque qui
lui parvient une fois par mois pour essayer de joindre les deux bouts,
étirer une piastre pour qu'elle en fasse deux au bout de la ligne,
raccommoder le linge des enfants pour qu'il dure plus longtemps?
Comment pouvons-nous réellement, en tant que représentants
des gens qui nous ont donné leur confiance, comment pouvons-nous, M. le
Président, voter une chose comme celle-là? Comment pouvons-nous
oser imposer à ces femmes dans le besoin des contraintes aussi
importantes pour les porter au découragement? Quand tu as deux ou trois
enfants et que tu es tout seul pour réagir devant tout ce qui peut se
passer dans les journées, les semaines où elles ont à
s'occuper des enfants, et avec une maigre ressource, tu ne sais pas, à
la journée même, ce qui t'arrivera, avec deux ou trois
enfants.
M. le Président, je trouve inacceptable, et en tant que femme
députée, cela me touche encore plus... et je souhaiterais
ardemment que le Conseil du statut de la femme soit Ici pour nous aider
à trouver un moyen pertinent, un moyen qui serait adapté aux
besoins réels des femmes, qui pourrait les aider à ce que le
quotidien soit meilleur que pire. Je pense que c'est important de comprendre la
situation. Quand on n'a jamais vécu dans le besoin, c'est difficile de
se mettre dans la peau de ces gens et d'essayer de comprendre ce qu'ils peuvent
vivre quotidiennement, avec tous leurs besoins quotidiens. (16 h 30)
M. le Président, je souhaite ardemment que le ministre accepte de
nous laisser entendre, à nous les membres de la commission
parlementaire, les revendications ou les recommandations du Conseil du statut
de la femme qui a fait ses devoirs et qui est prêt à venir exposer
publiquement ce qu'il souhaiterait voir se passer pour toutes les femmes du
Québec. J'espère, M. le Président, que nous aurons la
possibilité de l'entendre.
Comme deuxième recommandation, que les mesures de
réinsertion sociale soient mises rapidement à la disposition des
femmes bénéficiaires de la politique d'aide sociale et cela, M.
le Président, sans discrimination quant à l'âge, au statut
civil, à la région et à la résidence.
M. le Président, avant que ne se termine le temps qui m'est
alloué pour faire état que je veux que le Conseil du statut de la
femme soit entendu, je voudrais faire un amendement... M. le Président,
il me dérange, là.
Le Président (M. Bélanger): Si vous permettez, Mme
la députée de Johnson, il y a déjà un amendement
sur la table. Alors, il faut d'abord disposer de l'amendement avant de recevoir
le vôtre.
Mme Juneau: Je m'excuse, M. le Président. Je ne suis pas
aussi habile que vous pour...
M. Jolivet: Elle peut l'annoncer.
Le Président (M. Bélanger): Oui, oui. Elle
l'annonce maintenant, comme on l'a fait ce matin. Nous allons disposer de
l'autre amendement et nous vous reviendrons, si vous n'avez pas d'objection.
D'accord?
Mme Juneau: Je m'excuse, M. le Président. Je vous remercie
de me ramener à l'ordre, j'avais oublié de quelle
façon...
Le Président (M. Bélanger): II y a tellement de
procédure dans tout ça.
Mme Juneau: Je vous annonce donc, M. le Président, que,
lorsque nous aurons voté l'amendement de ma collègue de
Marie-Victorin, j'aurai un amendement à apporter. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger) Je vous remercie, Mme la
députée de Johnson. Est-ce qu'il y a d'autres Intervenants sur
l'amendement de Mme la députée de Marie-Victorin?
M. Jolivet: La députée de Deux-Montagnes.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce que cet
amendement est adopté?
M. Jolivet: M. le Président, le vote. Mme Juneau:
Un vote.
Le Président (M. Bélanger): Vote nominal? Bien,
j'appelle le vote. M. Bourbeau (Laporte)?
M. Bourbeau: Contre, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): M. Bélanger
(Laval-des-Rapides)? Contre. M. Laporte (Sainte-Marie)?
M. Laporte: Contre.
Le Président (M. Bélanger): M. Latulippe
(Chambly)?
M. Latulippe: Contre.
Le Président (M. Bélanger): M. Leclerc
(Taschereau)?
M. Leclerc: Contre.
Le Président (M. Bélanger): M. Sirros
(Laurier)?
M. Sirros: Contre.
Le Président (M. Bélanger): M. Thuringer
(Notre-Dame-de-Grâce)? M. Thuringer: Contre.
Le Président (M. Bélanger): M. Jolivet
(Lavlolette)?
M. Jolivet: Je suis pour.
Le Président (M. Bélanger): Mme Harel
(Maisonneuve)?
Mme Harel: Pour.
Le Président (M. Bélanger): Mme Juneau
(Johnson)?
Mme Juneau: Je suis pour, certainement.
Le Président (M. Bélanger): Alors, on aurait trois
droits de vote de votre côté. Donc, l'amendement est
rejeté.
Mme la députée de Johnson, vous aviez manifesté
l'intention de déposer un amendement, alors nous vous écoutons
là-dessus.
Motion demandant de convoquer l'Assemblée des
évêques du Québec
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Je vous remercie, M. le Président. La motion
est amendée par l'addition, à la fin, des mots "et
l'Assemblée des évêques du Québec".
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, c'est
recevable. Vous ave2 trente minutes pour nous présenter votre motion. Je
vous en prie!
Mme Juneau:...
Le Président (M. Bélanger): C'est le prix qui va
avec, madame.
Mme Juneau: Je suis la chanceuse. M. le Président,
ça me fait plaisir de vous présenter cette motion et je suis
sûre qu'elle sera partagée par mes collègues, d'autant
plus, M. le Président, que j'ai le très grand honneur d'avoir
dans ma famille un prêtre, qui est aussi vicaire général du
diocèse de Sherbrooke, avec qui je parle souvent de la prise de position
des évêques dans le dossier que nous discutons aujourd'hui. Si le
ministre accepte de recevoir éventuellement les évêques du
Québec, j'aurai le grand honneur de dire à mon frère que
le ministre a été très réceptif et que ce sont des
hommes fort importants qui ont évalué le dossier
sérieusement Ce sera avec plaisir que je pourrai dire en régions
que le ministre a été très réceptif à mon
amendement et qu'il acceptera avec plaisir de recevoir les évêques
du Québec pour venir Intervenir en faveur, je dis bien, M. le
Président, en faveur des assistés sociaux.
Je lisais un Iivre aujourd'hui dans lequel, entre autres, le cardinal De
Reims déclare: Descendre jusqu'aux petits est le plus sûr moyen
d'égaler les grands. Je pense, M. le Président, que ce Iivre
parle par lui même. Les riches et les puissants croient que les pauvres
sont humbles alors qu'ils ne sont qu'humiliés et ceci, c'est Jules
Renard qui l'a dit. M. le Président, vous comprendrez, que si nous
avions le privilège d'avoir au niveau du Québec cet
éclairage, de l'Assemblée des évêques du
Québec qui, dans un premier manifeste, a déclaré une
dignité menacée, j'en suis, M. le Président, parce qu'on
vient au monde tous égaux finalement; on vient au monde tous pareils,
des hommes et des femmes tous pareils, mais ce n'est pas long que la vie nous
donne des leçons. Dès qu'on commence à prendre de
l'âge un petit peu, on reçoit des leçons qui nous marquent
pour le reste de nos jours, et tout humain qu'on soit, on ne choisit pas
d'être pauvres ou bien nantis. Notre père est venu au monde avant
nous, comme on dit, donc on a les moyens beaucoup plus que d'autres personnes
qui, comme nous, sont venues au monde croyant être égales, et qui
se retrouvent finalement dans la dèche, sans un sou en poche et doivent
recourir à l'aide des autres pour avoir simplement leur pitance pour eux
et leur famille, leurs enfants, leurs conjoints, avoir la dignité de
recevoir le fruit de ce qu'est une journée de travail. Ce n'est pas
possible.
Donc, M. le Président, je pense que ce qu'on est en train de
discuter aujourd'hui, comme le disent les évêques. c'est une
dignité menacée puisqu'on essaie, encore aujourd'hui, de les
priver de l'essentiel c'est-à-dire de leur enlever ce dont ils ont
besoin pour vivre décemment. La dignité menacée, tel que
le dit l'Assemblée des évêques du Québec, se lit
comme suit: Les assistés sociaux sont déjà des citoyens
humiliés - tel que Je vous l'ai dit tout à l'heure - et on n'a
pas décemment le droit de les blâmer et de les harceler par
surcroît. Le comité des affaires sociales de l'Assemblée
des évêques du Québec refait siennes aujourd'hui, ces
paroles prononcées en juin 1986 par son regretté président
Mgr Adolphe Proulx. Nous réitérons notre solidarité avec
les personnes assistées sociales qui sont, pour la plupart,
d'ex-travailleurs et travailleuses à la recherche d'emplois.
M. le Président, Us sont à la recherche d'emploi parce
qu'il n'y a pas suffisamment d'emplois. Est-ce qu'on va le dire assez souvent
et assez de fois pour que le ministre comprenne qu'on n'a pas le droit de les
obliger à se trouver de l'emploi, sinon on leur coupe leur chèque
d'aide sociale. On n'a pas le droit de faire cela en tant que personnes
responsables. II y en a pas d'emplois. Je l'ai dit plus tôt à
cette commission parlementaire. Si le ministre est capable de nous prouver
aujourd'hui même qu'il faut trouver du travail à chacun et
à chacune, nous allons l'aider plutôt que d'essayer de trouver
autre chose. Je
pense que si on trouve des emplois pour tout le monde, on va avoir fait
notre devoir de personnes responsables. Nos soeurs et nos frères font
face au projet de réforme de l'aide sociale actuellement débattu,
à un nouvel épisode qui transforme les victimes du système
économique en présumés coupables. Est-ce que le ministre a
bien saisi ce que j'ai dit? Il transforme les victimes du système
économique en présumés coupables parce qu'il n'y a pas de
travail, parce qu'elles ne sont pas capables de se trouver du travail, parce
que ce sont des gens qui, sans que cela soit leur faute, sont sur l'aide
sociale. Ce ne sont pas des victimes, ce sont des coupables.
Je trouve inacceptable que nous, des gens qui avons reçu la
confiance de nos pairs puisque nous sommes ici pour les représenter,
nous puissions penser qu'une telle chose soit acceptable au point de vue
humain. Ce projet appelé "Pour une politique de sécurité
du revenu" s'inscrit dans une longue suite de mesures et de coupures qui ont eu
pour effet d'éroder les conditions de vie de ces personnes et de les
placer dans une grande insécurité. Surtout, il transforme
radicalement les fondements mêmes de l'aide sociale. En effet, en accord
avec la recommandation du rapport Boucher de 1963, l'aide sociale a
été considérée depuis 1969 comme un droit pour
toute personne démunie, quelle que soit la cause de son indigence. C'est
ce qu'écrit l'Assemblée des évêques du
Québec, M. le Président. Notre société
reconnaissait alors implicitement que la pauvreté avait des causes
économiques et sociales.
Le nouveau projet substitue aux critères du besoin la vieille
distinction entre les aptes et les inaptes et s'articule tout entier autour de
l'incitation au travail qui se révèle, en fait, de la coercition,
réduisant l'indigence à un simple problème individuel.
Sonne-t-il l'heure où l'État ne se reconnaît plus de
responsabilité sociale? C'est la question que les évêques
se posent et que nous nous posons aussi, cela au moment même où,
dans un contexte de concurrence internationale et de rareté d'emploi,
les personnes ont moins de prise sur les décisions qui affectent leurs
conditions de vie. Nous voyons là, une menace de régression
sociale aux conséquences insoupçonnées.
Avec la quasi-totalité des groupes qui sont intervenus en
commission parlementaire déjà, nous voyons dans ce projet un
enjeu social et éthique décisif. Cette politique n'affectera pas
seulement les personnes assistées sociales, mais elle aura un impact sur
l'ensemble du monde travail. Par ailleurs, n'importe qui peut être
touché demain. Cela peut être quelqu'un de votre parenté.
Cela peut être quelqu'un dans votre famille. Cela peut être
quelqu'un de vos voisins, de vos connaissances. Est-ce que vous allez avoir la
même dureté pour traiter ces personnes? Ces voisins, ces amis, ou
ces parents qui vivent aujourd'hui de l'aide sociale avaient souvent, hier, un
emploi stable et bien payé. Aujourd'hui, ils se retrouvent sur le
pavé, sans que cela soit nécessairement leur faute. Est-ce qu'on
va les accabler davantage? C'est cela la question. Est-ce qu'on va les accabler
davantage avec un projet de loi qui ne correspond pas du tout aux attentes et
aux besoins de cette catégorie de personnes qui vivent sous le seuil de
la pauvreté?
Un choix de société s'évalue d'après le sort
fait aux plus pauvres. Les personnes ne valent pas seulement par leur
utilité économique. J'espère que le ministre partage
l'avis des évêques. Notre foi chrétienne, en tout cas, ne
saurait s'accommoder d'une telle conception. Si nous avons remarqué
certaines mesures, à première vue, positives dans le projet
gouvernemental, celles-ci sont bien souvent noyées dans une dynamique
qui engendrera, dans l'ensemble, un appauvrissement et des contrôles
accrus. Par exemple, toutes les personnes assistées sociales verront
leur prestation de base diminuée tant qu'elles n'auront pas fait la
preuve de leur inaptitude. Les femmes, en particulier, seront les plus
touchées, puisqu'elles forment la majorité des personnes
assistées sociales. La réforme ne reconnaît pas le travail
domestique, ni l'éducation des enfants, comme un travail
véritable. Cela me fait penser à l'autre engagement de ce
même gouvernement qui disait que les travailleuses au foyer seraient
participantes à la Régie des rentes du Québec. C'est
encore un autre engagement qui est laissé sur le carreau.
Je reviens au projet de loi. Ce gouvernement, M. le Président, a
pris des engagements vis-à-vis du peuple du Québec et,
après l'élection, il se désengage. C'est ce qu'il a fait
auprès des femmes du Québec et ce qu'il fait auprès des
assistés sociaux. Mais je pense que le peuple va juger aussi. Aux
élections générales c'est lui qui a le tout dernier mot.
On va voir ce que cela va faire. (16 h 45)
La réforme ne reconnaît pas le travail domestique, je l'ai
bien dit tout à l'heure, ni l'éducation des enfants comme un
travail véritable. Pourtant, M. le Président, moi qui ai eu
plusieurs enfants, je pourrais vous dire que j'ai travaillé
jusqu'à 20 heures par jour sans rémunération pendant que
j'étais à la maison avec les enfants. Je peux vous dire que le
travail d'infirmière, d'éducatrice, de gardienne, le travail
quotidien que j'ai fait auprès de mes enfants n'a jamais
été reconnu comme travail ayant de la valeur, comme un travail
véritable. Pourtant, je travaillais autant, sinon plus que ceux qui sont
à l'extérieur de leur maison, sur le marché du travail.
C'est vrai que c'était mon choix. C'est vrai. Mais c'est un choix qui
coûte cher aussi. Je veux dire que tu élèves les enfants,
tu ne reçois rien en retour et tu n'as même pas la reconnaissance
de ce que tu fais.
Ainsi, pour revenir au document des évêques, dès que
l'enfant atteint l'âge de deux ans, la mère est forcée par
des coupures de
prestations de se trouver un emploi avec des frais tels que bon nombre
d'entre elles s'appauvriront au lieu de s'aider. Dès qu'elles vont aller
chercher à l'extérieur un petit montant d'argent, on va le leur
couper sur les prestations d'aide sociale.
Le projet accorde, en théorie, la parité aux jeunes de
moins de 30 ans, mais dans les faits diverses mesures, telles la contribution
alimentaire des parents, la pénalité pour le partage du logement,
viennent chercher par la porte d'en arrière ce qu'ils donnent par la
porte d'en avant. C'est comme quelqu'un qui ne sait pas ce que sa main droite
fait pendant que la main gauche fait autre chose. Il n'est pas au courant de ce
qui se passe.
La société est une. Le sort des personnes les plus
démunies est étroitement tributaire de l'ensemble des politiques
sociales, économiques et fiscales et du traitement accordé aux
autres secteurs de la société. Par exemple, les contraintes
budgétaires qu'on invoque à l'appui du projet de réforme
s'expliquent, au moins en partie, par diverses formes de transfert des
richesses collectives aux secteurs plus fortunés, certains abris fiscaux
inutiles, des évasions fiscales de grande échelle, certaines
subventions discutables. Ces régimes cachés d'assistance sociale
empêchent de récupérer des sommes importantes qu'on
pourrait affecter aux politiques sociales. Par ailleurs, la
déréglementation qui tend à retirer graduellement du monde
des affaires tout contrôle social et étatique, contraste
singulièrement avec le poids des contrôles qu'on veut imposer aux
personnes assistées sociales. Je pense que les personnes qui ont des
entreprises, n'importe quoi, une industrie, ont des abris fiscaux et elles sont
capables de se sortir du trou, comme on dit. Par contre, les gens qui
bénéficient de l'aide sociale n'ont aucune possibilité de
faire certaines évasions fiscales ou quoi que ce soit du genre.
Dès qu'ils travaillent un peu, on leur coupe leurs prestations. Donc,
ils n'ont aucune espèce d'encouragement pour essayer de se trouver
quelque chose. En plus de cela, s'ils ne se trouvent rien, c'est sûr
qu'ils vont être coupés encore plus. Je trouve cela inacceptable.
De tels faits sont révélateurs d'une orientation de
l'économie qui a pour nom néo-libéralisme. Le projet de
réforme sociale se situe nettement dans cette direction.
Dans le projet de réforme, on fait appel à des valeurs qui
ont des résonances chez un grand nombre d'entre nous. On y parle de
travail, de responsabilité et même d'équité pour les
plus pauvres. Mais il ne suffit pas d'en parler pour que le bien commun soit
atteint. On parle d'inciter les pauvres au travail, alors qu'on sait bien que
le nombre d'emplois existants n'est pas suffisant. On parle de
l'épanouissement que procurera le travail, mais sans se
préoccuper des conditions concrètes du marché de l'emploi.
Voyez-vous l'incohérence? L'incitation au travail devient ainsi
abstraite, coupée de la réalité. Elle ne peut profiter
qu'à certaines compagnies qui seront trop heureuses d'avoir une
main-d'oeuvre à bon marché.
Ne pensez-vous pas que des personnes qui ont des entreprises ou des
industries, M. le Président, ne verront pas venir ces pauvres
assistés sociaux qui sont obligés de se trouver un emploi? Ils
vont les voir venir d'avance et ils vont dire: Ou tu prends cela et tu le
prends au prix qu'on va te payer, sinon tu vas être dénoncé
et coupé sur ton chèque d'aide sociale. M. le Président,
cela n'a pas de bon sens. On les oblige à rester au salaire de base en
les traitant de cette façon et on les oblige à accepter n'importe
quoi à n'importe quel coût.
On parle aussi de responsabilité. Nous croyons que chaque
personne est responsable de ses actes devant sa conscience et devant Dieu, mais
quand on se sert de ces termes pour rendre coupables les personnes qui ne
trouvent pas de travail, on risque de tromper la population. L'individu, si
libre sort-il, ne peut porter à lui seul la responsabilité de
toute notre société L'équité n'est pas
l'enrichissement des uns au détriment des autres, ni l'effort de
nivellement par le bas.
Je pense que j'ai le goût de relire cette petite phrase car M. le
ministre était en train de parler avec un proche collaborateur. Je ne
lui en veux pas et je pense que c'est bien correct, mais j'ai peur qu'il n'ait
pas compris, M. le Président, et je trouve que cette phrase-là
est tellement importante: l'équité n'est pas l'enrichissement des
uns au détriment des autres, ni l'effort de nivellement par le bas. Pour
nous, l'équité consiste d'abord et avant tout à aider les
personnes dans le besoin. Dans cette perspective, nous voulons rappeler, avec
de nombreux témoins du milieu québécois, que les personnes
exclues de notre société, celles que l'on classe facilement parmi
les perdantes, nous permettent de voir autrement l'avenir de notre
société. Ces femmes et ces hommes demeurent nos soeurs et nos
frères. Par leur lutte et leurs efforts quotidiens, ils dénoncent
une organisation économique et sociale qui voudrait en faire des objets
interchangeables. Ils refusent ce que nous devons tous et toutes refuser,
à savoir l'érosion de notre dignité et de notre
liberté d'enfants de Dieu.
Nous affirmons donc que la promotion concrète des droits des
personnes assistées sociales doit se faire sur d'autres bases. Le
travail, si important soit-il pour assurer sa subsistance et sa reconnaissance
sociale, n'est pas un absolu. Il doit respecter et développer la
dignité des personnes. La responsabilité devient un leurre si
elle ne permet pas à la liberté de s'exercer et à la
personne de prendre des initiatives. L'équité n'est pas une
excuse pour appauvrir un plus grand nombre de personnes. Elle est une mesure
qui fait de la poursuite des droits humains une priorité. En prenant au
sérieux la parabole du bon Samaritain, il devient
clair qu'il nous appartient de nous faire proches de ceux et celles qui
sont parmi les plus pauvres de notre milieu. Mais comme ce voyageur de Samarie,
il nous faut aussi accepter d'en payer le prix. Heureux êtes-vous, disait
déjà Jésus de Nazareth, à propos du service et de
la justice, si vous mettez cela en pratique. M. le Président, une
société juste assure la meilleure distribution possible des
richesses dans les limites des ressources disponibles et fournit à tous
ses membres, sans exception, les moyens de mener une vie empreinte de
dignité et caractérisée par l'autonomie, la liberté
et la responsabilité.
Si nous analysons la situation à partir de la perspective des
personnes les plus démunies, une conclusion s'impose: la
nécessité de retirer l'actuel projet de réforme de l'aide
sociale. Est-ce que c'est clair cela? Une véritable politique de
sécurité du revenu appelle une reprise de la question sur
d'autres bases. Nous avons retenu, entre autres, certains
éléments déjà formulés par de nombreux
groupes en commission parlementaire. Premièrement, une politique
réelle et créatrice de plein emploi qui devrait conduire à
réévaluer les choix économiques et technologiques
opérés depuis quelques années. Deuxièmement, des
programmes de formation de l'ensemble de la main-d'oeuvre pour faire face aux
nouvelles méthodes de travail. Troisièmement, une réforme
de la fiscalité qui avantage les familles et les personnes à
faible revenu. Pour un gouvernement, M. le Président, qui se targue
d'aider les jeunes familles, je pense qu'il serait important qu'il mette en
application cette troisième résolution: une réforme de la
fiscalité qui avantage les familles et les personnes à faible
revenu. Quatrièmement, une réforme de l'aide sociale basée
sur les besoins réels des personnes et définie en fonction d'un
seuil reconnu de pauvreté.
Des groupes ont dénoncé le fait que le gouvernement
applique déjà certains éléments du projet de
réforme qui, pourtant, n'en est un qu'au stade de l'étude. Vous
comprendrez, M. le Président, qu'on fait référence aux
boubous macoutes qui font la damnation des personnes qui se présentent
un peu partout, qui font des fouilles et qui apeurent des gens qui
reçoivent des prestations. Une telle pratique est évidemment
inacceptable. Avant toute réglementation, l'adoption d'une loi
s'impose.
Les communautés chrétiennes ont une longue tradition de
service et d'engagement pour la justice. Mais nous devons reconnaître que
nous nourissons trop souvent des préjugés à l'égard
des personnes assistées sociales. M. le Président, je vais faire
un arrêt dans l'intervention que je suis en train de faire. Je vais vous
demander en tout honneur, combien d'entre nous, combien de personnes n'ont pas
pensé, à un moment ou à un autre, que les assistés
sociaux sont des gens incapables de faire quoi que ce soit. On entend des
interventions a la légère comme cela, lesquelles, à mon
point de vue, sont courantes et ne devraient pas exister. Souvent, on passe aux
paroles beaucoup trop vite. On ne connaît pas véritablement ce que
vivent ces personnes-là. Je trouve, M. le Président, qu'on a
facilement la critique négative pour en arriver à blâmer
ces personnes-là. Je pense que chacun de nous doit faire un examen de
conscience en ce sens. On prétend qu'elles vivent aux dépens de
l'État alors que, pour la plupart, elles sont victimes d'un
régime économique et social qui n'est pas tendre pour les plus
faibles et les plus petits. Un Samaritain de l'Évangile nous invite
à modifier nos attitudes et nos comportements. Engageons-nous avec ceux
et celles qui s'efforcent de transformer notre société pour la
rendre plus humaine. À cet égard, nous tenons à souligner
le travail positif et indispensable accompli par les divers groupes qui
oeuvrent à la défense et à la promotion des droits des
personnes démunies. M. le Président, est-ce que je peux vous
demander combien il me reste de temps, s'il vous plaît?
Le Président (M. Bélanger): Sept minutes. Mme
Juneau: Sept minutes. Merci beaucoup.
M. Bourbeau: C'est très intéressant de toute
façon.
Mme Juneau: Oui. Je vous remercie, M. le Président.
Ensemble acceptons de nous faire proches des personnes assistées
sociales. Essayons de mieux comprendre les difficultés auxquelles elles
sont confrontées, souvent malgré elles, et appuyons-les de toutes
les façons possibles. N'est-ce pas là emprunter la voie
déjà tracée par le bon Samaritain? Voilà, je vous
ai lu le manifeste, le message du comité des affaires sociales de
l'Assemblée des évêques du Québec. M. le
Président, s'ils ont l'occasion de venir nous éclairer sur leur
évaluation du projet de loi, je suis sûre, qu'en plus de ce
message que je viens de vous livrer qui provient de l'Assemblée des
évêques du Québec, je suis persuadée, M. le
Président, dans cette dignité qui est recherchée par les
évêques du Québec depuis qu'ils ont publié ce
message, qu'ils auront d'autres arguments fort valables et pertinents pour
apporter un éclairage supplémentaire sur ce que nous sommes en
train d'étudier. Je souhaiterais, M. le Président, que le
ministre parrain puisse écouter ce que le message des
évêques vient de nous traduire par mon humble
représentation. J'espère que lui et son gouvernement accepteront
d'emblée de recevoir et d'écouter l'Assemblée des
évêques du Québec pour éclairer les membres de la
commission parlementaire. J'espère qu'ils vont leur permettre de venir
ici faire état de leur considération pour les plus démunis
de la société. Je vous remercie beaucoup, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remer-
cie, Mme la députée de Johnson. Mme la
députée de Maisonneuve. Excusez.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je pense que ma
collègue, la députée de Johnson, a proposé
d'entendre un organisme, en fait un groupe de personnes connues pour leurs
propos généralement modérés sur les
problèmes de notre société, mais qui ont, au cours des
dernières années, à quelques reprises, fermement
défendu les plus démunis de notre société. Je me
rappelle, entre autres, qu'à l'égard du premier ministre Trudeau,
il y a quelques années, au moment d'un message de Noël,
l'Assemblée des évêques avait assez
sévèrement critiqué les mesures qu'il entendait prendre au
moment de la crise économique. Évidemment, il faut tout
simplement se rappeler la récente prise de position sur la question des
heures d'ouverture le dimanche pour constater qu'ils sont présents dans
la problématique de notre société. (17 heures)
Le ministre avait pourtant cru bon de rencontrer, dans sa
stratégie qui consistait à faire croire que des rencontres
privées suffisaient pour lui donner un éclairage - à lui
personnellement - il a rencontré deux représentants des
évêques catholiques et le ministre prétend maintenant que
ce n'est plus nécessaire de le faire. Cependant, à cette
occasion, les représentants des évêques qu'il a
rencontrés avaient une position très ferme et ont fait entendre
au ministre qu'il devait tenir une commission parlementaire pour écouter
les points de vue de toutes les régions du Québec et de tous les
milieux. Ils l'appelaient à une meilleure considération, à
une nouvelle vision à l'égard des problèmes de ceux qui
sont en difficulté dans notre société. Que le ministre ait
pensé les rencontrer en privé, en s'abstenant maintenant de les
rencontrer en public, nous indique bien à quelle sorte
d'opération il procède présentement. Ce qu'on fait
présentement en commission parlementaire est un moindre mal pour le
ministre. Les travaux qu'on poursuit sont un moindre mal.
Finalement, le ministre pense qu'il va éviter un débat
public en refusant d'aller chercher l'éclairage que des gens ont
concernant son projet de loi. Il s'imagine, comme une autruche qui se met la
tête dans le sable, qu'il peut se mettre la tête dans nos motions
en oubliant que partout sur le territoire du Québec, il y a des groupes
et des associations représentatives qui ont de l'influence, qui sont
écoutés et qui lui disent, comme c'est le cas des
évêques: M. le ministre, votre projet de loi, c'est un brouillon,
repensez-le donc, recommencez-le en fonction de nouveaux principes. Avec
ceux-là, on ne va pas jouer à la cachette, on va vous les
énoncer.
Il y a un aspect sur lequel je vais beaucoup insister, c'est celui que
révèle cette déclaration des évêques à
savoir que la politique prévue par le gouvernement n'affectera pas
seulement les personnes assistées sociales, mais elle aura un impact sur
l'ensemble du monde du travail. Les évêques reviennent assez
fréquemment sur cette façon de voir les choses. Incidemment, les
évêques disaient que l'Incitation au travail prévue dans le
projet de loi 37 devient ainsi abstraite, coupée de la
réalité. Je le cite: "Elle ne peut profiter qu'à certaines
compagnies qui seront trop heureuses d'avoir une main-d'oeuvre à bon
marché. "
C'est évident que le ministre, lorsqu'il a été
nommé au poste qu'il occupe maintenant, avait à se
dépêtrer des scénarios qui avaient été
démontrés irréalistes par les études mêmes du
ministère à l'égard de l'élargissement des mesures
d'employabilité. Il faut se rappeler qu'au printemps dernier,
c'était d'un coup de baguette magique que son prédécesseur
allait faire bénéficer 230 000 ménages de ses programmes.
Les propos que tenait son prédécesseur étaient très
flatteurs quant au succès qu'allait remporter le programme APPORT, pour
justement soutenir l'effort de réinsertion à l'emploi des
personnes pauvres et en difficulté qui ont des charges familiales et
dont le salaire minimum n'est pas suffisant par rapport à l'ensemble des
coûts auxquels ils ont à faire face. Cela allait tout seul. APPORT
allait tout régler pour les chargés de famille qui retournaient
sur le marché, et les mesures d'employabilité, cela allait
régler la situation de tout le monde.
Quand le ministre est arrivé à son poste, il s'est rendu
compte que continuer ce discours-là, c'était passer pour Peter
Pan, comme son prédécesseur avait passé. Là, il
s'est mis à la recherche, auprès de ses fonctionnaires -
peut-être pas les hauts, les hauts ont moins d'imagination que les moins
hauts - d'un nouveau gadget, et c'est ça qu'il a trouvé: l'aide
à l'emploi; c'est ça, le nouveau gadget. C'est le nouvel
abracadabra, celui qu'on n'explique pas, mais qui réglera tous les
problèmes. Mais ce nouveau gadget, il était déjà
prévu dans le document Paradis, à peine énoncé,
évidemment, sous le titre de "Grant Diversion" américain,
jusqu'à ce qu'après on apprenne qu'il y avait 27 États
qui, déjà, avaient mis en place ce programme du gouvernement
fédéral de l'administration Reagan; et que ce programme du
gouvernement fédéral de l'administration Reagan, est celui qui
est tant critiqué.
Quand les évêques disent que ça aura un impact, je
pense à Carole, qui a appelé à l'émission,
dimanche, à laquelle participait le député de Chambly.
Finalement, ce dont on se rend compte, c'est l'absence de vision, et
c'est ce qui déçoit le plus. C'est que finalement, ce
ministère-là n'est pas capable d'accoucher d'autre chose que
d'une souris, en matière de formation et en matière d'emploi et
de main-d'oeuvre. C'est un ministère qui se révèle
incapable de faire autre
chose que de jouer avec des ordinateurs pour contrôler les gens.
Parce que de quoi ont-ils accouché? D'un programme qui, au mieux, fera
en sorte que des personnes verront convertir leur prestation en subvention
à l'entreprise. Mais au pire, qu'est-ce que ça aura comme
conséquence? Les travailleurs et les travailleuses non
subventionnés, qui bénéficient de
l'assurance-chômage, qui cherchent un emploi, qui sont à la maison
parce qu'ils viennent de terminer d'élever leur famille ou parce qu'ils
sortent des écoles, comment vont-ils pouvoir se qualifier, en regard de
ceux et celles qui seront livrés comme une sorte de cheptel de
main-d'oeuvre à des entreprises, par la conversion de la prestation en
subvention? Sinon, quelle efficacité aura ce programme-là?
Je fais référence à un programme qui est
performant, dont on vous a donné l'extrait du bilan ce matin, qui est
celui du Massachusetts. Sur quoi repose-t-il? Je vous lis textuellement ce que
les professionnels qui sont allés le vérifier sur place en
disent. On y valorise énormément la clientèle à se
sortir de l'aide sociale, et lui faisant croire à son potentiel et en sa
capacité de réussir, on met en évidence la capacité
d'autonomie de la clientèle. La publicité est essentiellement
orientée vers le développement par le client d'une perception de
gagnant, écrivent les auteurs du rapport. Pensez-vous que c'est vers
ça qu'on s'achemine avec le projet de loi 37, après trois
années de démagogie, de propagande sur la fraude?
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: En conclusion, M. le Président, c'est
certainement légitime que le ministre ne refuse pas, cette fois-ci,
d'entendre la conférence de l'Assemblée des évêques
du Québec, étant donné qu'il a sollicité leur point
de vue et que ces derniers lui ont répondu que c'était en
commission parlementaire qu'ils aimeraient lui parler.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
ministre, en vertu de la règle de l'alternance.
M. Bourbeau: Permettez que je dise quelques mots, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie. M.
André Bourbeau
M. Bourbeau: La députée de Maisonneuve a
souligné avec exactitude et justesse le fait que j'ai rencontré
de très nombreux groupes, dès ma nomination à titre de
responsable, de ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu. Je n'ai pas tenté de m'esquiver ou de m'acquitter de mes
responsabilités en me cachant derrière un bureau et en m'emmurant
à l'intérieur du ministère. Je n'ai pas
hésité à sortir dans la rue, à aller prendre mon
bâton de pèlerin et à aller rencontrer tous ceux qui
avaient quelque chose à dire. J'ai même eu le bonheur de discuter,
à un moment donné, avec la députée de Maisonneuve
elle-même, et nous avons eu des échanges intéressants. Tout
ça dans le but, bien sûr, de me permettre de parfaire,
d'améliorer et de bonifier la réforme de l'aide sociale.
Messeigneurs les évêques, je les ai rencontrés
à mon bureau de comté. Nous avons discuté pendant une
bonne heure et demie et je dois dire que cette rencontre, aussi, a
été extrêmement intéressante et je n'irais
certainement pas pousser l'indélicatesse jusqu'à rendre public le
contenu des discussions que j'ai eues avec nosseigneurs les
évêques.
Il arrive, bien sûr, que des divergences de vues peuvent se faire
jour sur certains aspects des décisions que nous prenons ou des projets
que nous avons, mais cela ne veut pas dire que, d'une façon
générale, tous les gens que j'ai rencontrés, que ce soient
les évêques, les dirigeants du mouvement syndical ou les
dirigeants de la ville de Montréal, étaient en désaccord
avec l'ensemble de toutes les propositions que nous avons faites.
Et depuis ce temps, comme vous le savez, nous avons
singulièrement amélioré le projet de la réforme de
l'aide sociale, de sorte que plusieurs des objections qu'on nous faisait valoir
auparavant ont maintenant été repoussées et à titre
d'exemple, les objections que nous faisaient ou que nous font peut-être,
à l'occasion, encore les familles monoparentales. La
députée de Maisonneuve, tout à l'heure, parlait des
familles monoparentales et je dois dire que, dans la réforme telle
qu'elle est maintenant conçue, nous avons un bilan extrêmement
favorable envers les familles monoparentales et nous améliorons
sensiblement leurs conditions par rapport à ce que nous proposions
auparavant.
Vous savez que le nouveau barème de non-disponibilité qui
met à l'abri les personnes non disponibles, qui les met à l'abri
d'avoir à participer à des mesures d'employabilité ou
d'avoir à se réinsérer dans l'emploi, ce barème est
disponible aux femmes enceintes, par exemple. Il est disponible
également aux mères d'enfants de moins de six ans. Elles peuvent
rester chez elles sans craindre quoi que ce soit puisqu'elles seront
considérées, si elles le veulent bien, comme étant non
disponibles et auront droit au barème indexé en 1989.
Nous avons également, toujours pour les femmes et les chefs de
famille monoparentale, le programme de retour aux études postsecondaires
pour les chefs de famille monoparentale. C'est le seul cas, d'ailleurs, dans le
système actuel, et cela sera reconduit, avec la réforme,
où l'on peut participer à des mesures d'empioyabilité
même si on a plus de 30 ans. Et dans ces programmes, on prend soin des
frais de garde, on
les subventionne jusqu'à un maximum de 10 $ par jour.
Si les chefs de famille monoparentale décident de retourner sur
le marché du travail avec de vrais emplois, ils deviennent
éligibles au programme APPORT et là encore, nous prenons soin des
frais de garde en remboursant 50 % des frais de garde si ces personnes
décident de retourner travailler. Et enfin, en ce qui concerne la
question du logement, nous avons annoncé l'intention du gouvernement de
mettre sur pied le programme d'allocation-logement qui fera
bénéficier au-delà de 51 000 familles
québécoises parmi les plus démunies, d'une allocation leur
permettant de mieux se loger ou de défrayer une partie des coûts
du logement.
Dans ce cas, il a été estimé que 70 % des
bénéficiaires seront encore des familles monoparentales
dirigées par des femmes, dans la plupart des cas. Voilà tout un
ensemble de mesures visant à améliorer le sort de cette
catégorie de la population que sont les familles monoparentales, que ce
soit lors de la grossesse, que ce soit lorsque les enfants ont moins de six
ans, que ce soit lorsque ces personnes décident de participer à
des mesures d'employabilité où l'on rembourse les frais de garde
jusqu'à 10 $ par jour ou que ce soit lorsqu'elles décident de
travailler alors qu'elles deviennent admissibles au programme APPORT et au
remboursement de 50 % des frais de garde.
Je pense qu'on a couvert, avec cela, l'éventail de toutes les
situations dans lesquelles peuvent se retrouver les chefs de famille
monoparentale: la possibilité de se déclarer non disponibles, de
participer au programme de rattrapage, de retour aux études
post-secondaires. Je pense qu'on peut dire d'une façon
générale que le gouvernement se préoccupe au plus haut
point de cette catégorie de citoyens. Bref, M. le Président, il
m'apparaît que la proposition de la députée, qui veut qu'on
convoque nosseigneurs les évêques, pour l'instant, ne nous semble
pas indiquée puisque nous les avons déjà rencontrés
et que nous connaissons l'essentiel de ce qu'ils pourraient venir nous dire en
commission parlementaire. (17 h 15)
Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le ministre.
Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Oui, M. le Président, il me fait aussi
plaisir de prendre la parole et d'apporter des arguments additionnels à
l'amendement que ma collègue de Johnson a présenté
tantôt. Elle a prononcé, en tout cas, un discours important. Les
personnes qui sont exclues de notre société ont besoin de se
faire entendre.
Traditionnellement, dans notre société, le conseil des
évêques a souvent mené des luttes pour cette
catégorie de notre population, parce qu'il est, comme on le
considère, bon pasteur. Il prend sous son aile l'ensemble de ses brebis,
peu importent leurs problèmes. Évidemment, ces personnes un petit
peu plus exclues ont besoin de se faire entendre des personnes qui ont une
visibilité et pour qui il est peut-être plus facile
d'échanger des vues non pas avec de hauts fonctionnaires, mais avec des
membres d'un gouvernement, car nous vivons dans une société a
divers paliers de gouvernement. Je pense que le conseil des
évêques est une forme de gouvernement, si vous me permettez
l'expression, beaucoup plus à caractère apostolique, mais il n'en
demeure pas moins qu'il a un pouvoir direct dans notre société et
qu'il a aussi été longtemps celui qui a orienté les
décisions et les destinées du peuple québécois.
Donc, à beaucoup d'égards et en raison du rôle
qu'ont joué les évêques dans notre société
québécoise, je pense qu'il aurait été important de
travailler non pas dans la clandestinité, comme le fait le ministre avec
les différents groupes, mais d'une façon vraiment très
ouverte, à ciel ouvert. Il aurait été important de pouvoir
participer à cet échange d'idées car, vous le savez, c'est
grâce à ces échanges qu'on arrive toujours à
formuler des idées qui tendent le plus vers la vérité.
C'est dommage, parce qu'en fait le ministre nous prive de certains
renseignements ou de certaines orientations qui peut-être auraient mis un
terme à une partie de nos discussions, n'eut été cet
entêtement à ne pas nous faire participer aux discussions qui se
sont déroulées. Donc, c'est à mots couverts qu'il nous a
laissé entendre que les groupes étaient de commune entente avec
le ministre et que tout semble baigner dans l'huile avec cette réforme
tant annoncée, tant proposée.
J'écoutais tantôt le ministre, lors de son exposé,
qui voulait resituer pour les femmes les modifications qu'il avait
apportées. En fait, le ministre aurait dû, au lieu de nous faire
une démonstration de bonification de son projet de loi, nous dire
simplement que c'était le retour à ce qui existait
déjà. Il n'apporte vraiment aucune nouvelle substance. On remet
tout simplement en place ce qui avait été annoncé. Donc,
ce n'est absolument rien de majeur. La façon dont on avait pris les
décisions était tellement odieuse et grotesque qu'il n'avait
d'autre choix que de reprendre simplement l'exercice et de revenir en
arrière, au départ. C'est un peu l'attitude que le ministre tend
à défendre actuellement en nous laissant croire que c'est tout ce
qu'il peut apporter à cette réforme.
C'est pourquoi, tantôt, on faisait valoir qu'il aurait
été important que les groupes de femmes puissent se faire
entendre, notamment par l'intermédiaire du Conseil du statut de la
femme, et aujourd'hui aussi par le conseil des évêques lequel,
très souvent, doit affronter les misères que doivent subir
certains de nos frères et soeurs parce qu'ils n'ont pas pu, à
cause de leur vécu, apprendre à vivre dans notre
société de travail et qu'ils n'ont pu s'adapter à ces
nouvelles exigences du monde de l'emploi. Par contre, ces gens ont
toujours maintenu une dignité qui leur est propre et c'est cette
dignité qu'on nous demande de reconnaître, avant d'aller plus loin
dans cette réforme, laquelle est vraiment, à quelques
égards, odieuse à l'endroit de ces personnes. Alors, le conseil
des évêques fait un appel pressant au ministre en lui disant: M.
le ministre, refaites vos devoirs, tenez compte des dispositions
d'humanité, de dignité, dans votre réforme, dans vos
amendements, envers des êtres humains qui n'ont pas demandé, pas
plus que d'autres à naître et à vivre une mauvaise fortune,
mais qui doivent malheureusement subir et affronter la société
dans laquelle ils vivent, avec tout ce que cela comporte. Donc, nous disons
qu'il est important d'entendre un groupe aussi responsabilisé dans notre
société et nous croyons, en toute conscience, que ce groupe
aurait pu apporter ces éléments importants qu'on a trop tendance
à oublier lorsqu'on fait partie de gouvernements. Malheureusement, comme
on le dit, gouverner c'est peut-être l'art du possible, mais très
souvent le possible fait abstraction des notions de spiritualité ou
d'équité qui passent par la préoccupation des moins bien
nantis qui sont nos frères et soeurs dans notre
société.
Donc, c'est important de voir les formes que pourraient prendre leurs
recommandations et à quel point ils sont prêts à accepter
la réforme proposée. Ils auraient peut-être apporté
des ajustements importants. Il ne faut pas décrier qu'on aurait
passé à côté; tout simplement, on ne peut pas
toujours tout voir et être au courant de tout ce qui se passe. Il y a
quelquefois des choses qui nous échappent et c'est important de se les
faire rappeler et d'avoir l'humilité d'accepter les choses qui nous
dépassent ou qu'on n'a pu, à cause de nos préoccupations,
reconnaître le contexte dans lequel ces gens doivent vivre. Je pense
qu'actuellement, ce qui ressort un petit peu du texte des évêques,
c'est que les droits des personnes risquent d'être exclus. Pire encore,
on risque aussi de mettre en opposition le monde du travail,
c'est-à-dire de soulever les gagne-petits les uns contre les autres.
À mon avis, c'est très dangereux parce que justement c'est de
l'improvisation, et une improvisation mal orchestrée peut avoir des
effets de cacophonie inestimables, laquelle amènerait en quelque sorte
les uns contre les autres et ce n'est pas là le plus heureux des
mondes.
Donc, des gens à petit salaire pourraient se sentir un peu
menacés par ce qu'on apporte en disant que les gens dans l'industrie
vont préférer transiger davantage avec une main-d'oeuvre qui ne
coûtera pas cher, presque subventionnée par l'État,
plutôt que de prendre une autre main-d'oeuvre payée au salaire
minimum ou un petit peu plus que le salaire minimum. Cela maintiendra aussi les
salaires plus bas et entraînera donc un retard aussi en ce qui concerne
l'augmentation du salaire minimum, parce que cela va avoir des
conséquences à long terme. Ce n'est pas juste pour demain matin;
cela aura des effets à plus long terme et je trouve
incompréhensible qu'on ne s'attaque pas à la question la plus
fondamentale, c'est-à-dire à une stratégie de
développement de l'emploi. C'est cela le véritable
problème. Trouver le moyen de créer de l'emploi et non pas
trouver le moyen qui répond le mieux à une forme d'assistance
sociale, ce qui ferait que les gens, plutôt que de prendre une part
active dans notre société, se sentiront coupables et seront
maintenus dans un état de dépendance. C'est plutôt cette
attitude qui est développée actuellement en disant: Comme bon
gouvernement, comme un bon père de famille, on s'occupe de nos plus
démunis, mais il ne faudrait pas qu'on aille trop loin. On va leur
donner une chance relative de s'en sortir de sorte que ça fasse notre
affaire et que ça fasse l'affaire d'autres personnes,
c'est-à-dire de celles qui sont habituées à s'enrichir sur
le dos des petits. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie Mme la
députée. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le
député de Laviolette?
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Vous auriez pu dire de Joliette, ou
député de Clova. Écoutez, je suis un peu dans une
drôle de position parce qu'au moment où je vous parle, M. le
Président, j'essaie de me placer dans la peau des députés
de l'autre côté et je me dis: Sapristi, qu'est-ce qui se passe? Le
ministre vient de nous dire: Vous n'avez pas à vous inquiéter,
vous les députés ministériels, mes collègues
à l'Assemblée nationale, j'ai vu le monde. Je les ai vus et cela
suffit, croyez-moi. Vous avez dit que vous aviez rencontré les
évêques en privé à votre bureau, et pour vous, cela
vous suffit. En fin de compte, les députés ministériels se
sont fait dire par le ministre: Comme je les ai rencontrés, on n'a pas
besoin de faire ici, à l'Assemblée nationale, une commission
parlementaire dans le but de dire ouvertement, publiquement, ce qui a
été discuté avec le ministre, de connaître la
réaction du ministre, de savoir s'il est sensible à ce que
représente au Québec, l'Assemblée des
évêques, surtout son comité, le Comité des affaires
sociales de l'Assemblée des évêques.
D'un autre côté, le ministre dit: ils sont venus à
mon bureau; ils sont venus me dire cela, je les ai écoutés.
Après cela, ils avaient l'air d'être contents. Je ne comprends
pas, car à la sortie de son bureau, d'après les renseignements
publics que nous avons, les gens qui représentaient l'Assemblée
des évêques ont demandé une commission parlementaire. Ils
ont dit: II faudrait que le ministre vienne nous dire cela en commission
parlementaire. Il faudrait que le ministre vienne écouter ce qu'on a
à dire pour que la discussion soit faite ouvertement, surtout en regard
de ce que les évêques ont fait, de ce que
le clergé a fait dans l'histoire du Québec.
On disait, à l'époque, que les deux personnages importants
d'une municipalité étaient le curé et l'avocat. Ce
n'était pas un notaire, c'était un avocat qui était
important. Il y a une chose certaine, c'est que l'histoire du Québec est
parsemée de ces décisions qui ont été prises et qui
ont fait l'objet de réflexions de la part des curés du
Québec. Or, les curés font part à leurs
évêques des difficultés que vivent leurs ouailles. Je peux
dire cela avec beaucoup d'à-propos compte tenu que dans ma
région, dans la municipalité de Shawinigan, en particulier, il y
a ce qu'on appelle des prêtres qui sont voués au travail
auprès de la population la plus démunie avec le Regroupement pour
la défense des droits des assistés sociaux, le RDDAS, comme on
l'appelle chez nous. Ces gens, comme curés, ont fait valoir
auprès de leurs évêques, auprès du Comité des
affaires sociales de l'Assemblée des évêques, leurs propos
permettant de dire que les assistés sociaux sont - et je le rappelle
comme ils le disaient à l'époque - déjà des
citoyens humiliés et qu'on n'a pas décemment le droit de
blâmer et de harceler. Nous avons donc devant nous des gens qui en voient
de toutes les sortes. Ce sont des personnes qui, comme évêques,
reçoivent de la part de leurs curés, leurs vicaires, leurs
abbés, en fait, les gens qui se trouvent aussi bien dans les
écoles ou ailleurs, peu importe où ils se trouvent, des
revendications au nom des plus démunis.
Le ministre nous dit tout bonnement: Écoutez, je ne veux pas les
entendre. Après s'être fait dire par le ministre: Je les ai
entendus. Cela suffit. Laissez-moi tranquille avec cela. Il faut
procéder, il faut faire adopter la loi, les députés
ministériels ne disent pas un traître mot, ne se rebiffent
même pas pour dire au ministre qu'il leur semble qu'on devrait prendre
une position différente cet après-midi. Comme
députés ministériels, ils devraient dire au ministre: Un
instant! Nous croyons que nous avons le droit comme vous d'être
informés, de connaître, par la bouche même des
évêques, de façon précise, l'avis du Comité
des affaires sociales de l'Assemblée des évêques, qu'ils
puissent venir ici nous dire ouvertement ce qu'ils pensent de la loi qui est
devant nous et de leur poser des questions. Surtout qu'à la fin de la
réunion avec le ministre, ils ont dit: II faudrait qu'il y ait une
commission parlementaire. Il faudrait que le monde s'exprime. Il faudrait qu'on
ait la chance de faire valoir nos points de vue. Le ministre viendrait nous
dire: Non, ce n'est pas nécessaire. J'ai la vérité. Comme
on s'amuserait peut-être à le dire en termes bibliques: "Je suis
la voie, la vérité et la vie. " Avec moi, vous n'avez pas
à vous inquiéter. Vous allez voir, les gens vont avoir mieux. Il
parlait de familles monoparentales. Cela me fait rire, parce que l'expression
que j'ai employée chez moi, c'est qu'après avoir tout
retiré, on redonne ce qu'on avait avant et on a l'impression d'en avoir
donné plus. (17 h 30)
Un exemple bien typique qui s'est passé chez nous. Je vous donne
l'exemple du ministre du Tourisme, à l'époque, !e
député de Maskinongé, qui est actuellement ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Ce ministre vient chez moi,
après avoir pris le pouvoir, et décrète que, dans la ville
de Grand-Mère, il n'est pas question d'avoir de kiosque touristique.
Donc, il ne donne pas d'argent. Pourtant, c'était installé, cela
fonctionnait et il y avait une aide du ministère du Tourisme.
Après un an de sacrifices, de difficultés, voilà que le
ministre s'amène à la Chambre de commerce de Grand-Mère en
grande pompe, avec faste - comme on le connaît - et annonce, applaudi
à tout rompre par le monde, qu'il accordait un financement à ce
kiosque touristique de Grand-Mère. Les gens ne se souvenaient pas que,
un an avant, c'était lui qui avait coupé le programme. Un an
après, il se faisait applaudir.
C'est à peu près la même chose. Le ministre vient
dire: Dans les amendements que j'apporte, de la façon que je les
présente, il va y avoir plus. Je comprends. Après avoir fait peur
au monde, après leur avoir enlevé des choses, il leur dit
maintenant: Je vous remets ce que vous aviez avant. Ce n'est pas un beau geste.
Il y a des gens qui voudraient venir lui dire que même cela n'est pas
suffisant, qu'ils devraient avoir mieux. Pourtant le ministre dit: Non, je ne
veux pas voir ces gens. Je les ai vus, je les ai assez vus. Ils m'ont dit ce
qu'ils pensaient. Cela a été cordial. Je ne vous
révélerai pas ici le contenu de la discussion.
D'ailleurs, ce n'est pas cela qu'on lui demande. On lui demande que les
évêques viennent faire part du contenu de la discussion. Ils
ajoutent même que si le ministre avait l'amabilité - pour ne pas
dire autre chose; ils ne voulaient pas dire la décence, mais
l'amabilité - de leur transmettre les amendements, peut-être que
les députés du côté ministériel auraient la
chance de faire valoir leur point de vue, auraient la chance de parler.
Maintenant, ils ne parlent pas. Ils ne disent rien des possibilités
qu'on a d'écouter les gens. Il me semble que s'il les dévoilait,
les évêques, les autres groupes dont on a parlé tout
à l'heure, le Conseil du statut de la femme, celui que j'ai
présenté, tous auraient la chance de faire valoir leur point de
vue sur toutes les motions qu'on a présentées jusqu'à
maintenant.
M. le Président, le ministre nous dit: Non, il n'en est pas
question. C'est moi, moi seul qui vais les rencontrer, moi seul qui vais
décider et moi seul qui vais défendre le projet de loi. Je ne
veux plus en entendre parler. On en a assez parlé. Je veux aboutir au
plus vite. Je voudrais que, dans les mois qui viennent, on puisse donner les
bonbons, bien enrobés, et dans un an, on donnera la partie
intérieure du bonbon enrobé qui sera comme de l'huile de ricin,
qui ne sera
pas bon à digérer. Les gens n'aimeront pas cela. C'est un
peu ce qu'il est en train de nous proposer.
Je sais que nous sommes à la fin de nos discussions. Vous allez
fort probablement demander qu'on en arrive à voter sur la motion. Je
tiendrais cependant, M. le Président, à vous rappeler que, quand
vous aurez passé cette motion au vote, à moins qu'un
député du côté ministériel ait l'intention de
parler, j'aurai un amendement à vous proposer.
Le Président (M. Bélanger): Bien, M. le
député de Laviolette. Sur la motion d'amendement
présentée par Mme la députée de Johnson, est-ce
qu'il y a d'autres intervenants?
M. Jolivet: Mme la députée de Deux-Montagnes m'a
dit qu'elle voulait parler.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce que cet
amendement est adopté?
M. Bourbeau: Rejeté, M. le Président. M.
Jolivet: On va passer au vote.
Le Président (M. Bélanger): J'appelle donc le vote
nominal. M. Bourbeau (Laporte)?
M. Bourbeau: Contre, M. le Président.
Le Président {M. Bélanger): M. Bélanger
(Laval-des-Rapides), contre.
M. Laporte (Sainte-Marie)?
M. Laporte: Contre.
La Président (M. Bélanger): M. Latulippe
(Chambly)?
M. Latulippe: Contre.
Le Président (M. Bélanger): M. Leclerc
(Taschereau)?
M. Leclerc: Contre.
Le Président (M. Bélanger): Mme Legault
(Deux-Montagnes)?
Mme Legault: Contre.
Le Président (M. Bélanger): M. Sirros
(Laurier)?
M. Sirros: Contre.
Le Président (M. Bélanger): M. Thuringer
(Notre-Dame-de-Grâce)?
M. Thuringer: Contre.
Le Président (M. Bélanger): M. Jolivet
(Laviolette)?
M. Jolivet: II faut que je sois pour. Un pour.
Le Président (M. Bélanger): Mme Harel
(Maisonneuve)?
Mme Harel: Pour.
Le Président (M. Bélanger): Mme Juneau
(Johnson)?
Mme Juneau: Pour.
Le Président (M. Bélanger): Mme Vermette
(Marie-Victorin)? On en comptera trois...
Mme Vermette: Tout à fait pour.
Le Président (M. Bélanger):... par décence,
pour les laisser s'exprimer.
Mme Vermette: Merci!
Le Président (M. Bélanger): Alors, l'amendement est
rejeté. Je reconnais M. le député de Laviolette, qui veut
nous proposer un autre amendement.
Motion demandant de convoquer le Syndicat des
fonctionnaires du Québec
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Oui, M. le Président. Ma motion aurait pour
effet d'amender la motion principale par l'addition à la fin des mots
"et le Syndicat des fonctionnaires du Québec. "
Le Président (M. Bélanger): La motion est
recevable. Vous avez 30 minutes pour parler sur le fond de votre motion.
M. Jolivet: M. le Président, je suis sûr que les
députés du côté gouvernemental ont reçu la
même lettre que moi puisqu'elle était adressée à
chacun des députés. Elle dit: M. Jean-Pierre Jolivet,
député de Laviolette, Assemblée nationale. Objet:
Réforme de l'aide sociale. C'est une lettre récente; elle est du
17 novembre 1988. Elle se lit comme suit - j'en fais mention, M. le
Président, parce qu'il me semble important de l'examiner: "M. le
député, vous aurez incessamment à vous prononcer sur le
projet de réforme de l'aide sociale soumis par le gouvernement. Nous
tenons à vous faire part de notre position à l'égard d'un
tel projet et vous faisons parvenir sous ce pli la position adoptée par
nos instances syndicales à cet égard. Compte tenu que nous
représentons les travailleurs - écoutez bien cela, M. le
Président, je pense que c'est important - et les travailleuses qui
auront charge d'appliquer une
telle réforme, nous estimons qu'il est donc tout naturel que le
gouvernement tienne compte de leurs aspirations. Espérant le tout
à votre entière satisfaction et souhaitant que vous en teniez
compte lors de vos délibérations, tout en étant à
votre entière disposition pour toute information additionnelle, je vous
prie d'agréer, M. le député, l'expression de mes
sentiments les meilleurs. " C'est signé par le président
général, M. Jean-Louis Harguindeguy.
Le texte qui nous est envoyé est une position du Syndicat des
fonctionnaires provinciaux du Québec et a trait, comme je le disais,
à toute la question de la réforme de l'aide sociale. Donc, s'il y
a quelqu'un qui est bien au fait des difficultés d'application d'un tel
projet de loi, c'est bien le syndicat. Ces gens du syndicat, je pense qu'ils
seraient plus en mesure que mol de venir vous l'exprimer de meilleure
façon, mais je vais essayer, comme Us le disaient, d'en tenir compte
dans nos délibérations. Je vais essayer d'être leur
porte-parole, en espérant que le ministre et ses collègues
accepteront que tes personnes viennent le dire ici avec beaucoup
d'à-propos, en apportant aussi beaucoup d'exemples de la vie quotidienne
des gens responsables de l'application de la loi une fois qu'elle est
adoptée.
Il dit: "Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec
représentant, entre autres, les travailleurs et travailleuses qui auront
charge d'appliquer la réforme de l'aide sociale, considère que le
gouvernement, sur cette question, doit revoir sérieusement ses
orientations. - Ce n'est pas le député de Laviolette qui parle,
M. le Président, c'est le syndicat des fonctionnaires. - Cette
révision devrait se faire en respectant le principe fondamental de la
Loi sur l'aide sociale de 1969 voulant qu'une aide soit fournie à toute
personne dans le besoin, quelle que sort la cause du besoin. "
À ce moment-ci je regarderais le texte des
évêques, M. le Président, juste pour vous en faire
mention. Ils disaient eux aussi: "Ce projet, appelé "Pour une politique
de sécurité du revenu", s'inscrit dans une longue suite de
mesures et de coupures qui ont eu pour effet, depuis 1973, d'éroder les
conditions de vie de ces personnes et de les placer dans une grande
insécurité. Surtout, il transforme radicalement les fondements
mêmes de l'aide sociale. En effet, en accord avec la recommandation du
rapport Boucher de 1963, l'aide sociale a été
considérée depuis 1969 comme un droit pour toute personne
démunie, quelle que soit la cause de son indigence. Notre
société reconnaissait alors, implicitement, que la
pauvreté avait des causes économiques et sociales. "
Ce sont les évêques qui parlent et ils disent la même
chose que les fonctionnaires au niveau de l'orientation de cette loi de 1969.
Le syndicat fait d'ailleurs siennes certaines critiques apportées contre
cette réforme par d'autres groupes, notamment à l'égard du
respect des droits de la personne, du niveau des différents
barèmes en regard des clientèles visées et surtout du
caractère inéquitable de la réforme pour certains groupes,
tels que les femmes, les familles monoparentales et les jeunes.
Il me semble que cela n'a pas de bon sens de ne pas les entendre, M. le
Président. Ce sont eux qui tous les jours auront à la faire
valoir cette politique que le ministre veut faire adopter. "À toutes
fins utiles - dit le document du syndicat - l'application d'une telle
réforme ne fait que renforcer le statut de dépendance des femmes,
dépendance tant économique en appliquant le critère de vie
maritale après douze mois de vie commune, que juridique en donnant le
droit au ministre de se substituer aux bénéficiaires,
principalement des femmes dans ces cas. pour la détermination de
pensions alimentaires. "
Ce n'est pas un texte qui date de la discussion qu'on a eue au mois de
février ou au cours de l'été. C'est un texte daté
du 17 novembre 1988, qui parle d'aujourd'hui. Donc, c'est à jour. Ces
gens-là se sont aperçus que, malgré tous les amendements
qu'on aurait pu y apporter, toutes les idées qu'on a pu formuler, il y a
encore des changements importants à y faire.
On dit dans le texte "qu'il s'agit là, dans le cas de la
représentation à la cour par le ministre pour déterminer
la pension alimentaire, d'une atteinte directe à la capacité
juridique des individus et aussi d'une atteinte aux principes de l'autonomie du
système judiciaire". Voilà dans le cas des femmes. Dans le cas
des familles monoparentales, le document dit: "Elles seront fortement
pénalisées par la réforme proposée, non seulement
au point de vue financier mais aussi à travers les difficultés
que pose l'application de certaines mesures d'employabilité qui les
contraint, à toutes fins utiles, à une situation
misérable. Nous citons, à titre d'exemple, la faiblesse des frais
octroyés pour participer aux mesures, le peu de services de garde de
qualité ou la limite de temps permise pour le retour aux études
post-secondaires, ainsi que les critères d'admissibilité à
ces mesures. "
Ce n'est pas n'importe quoi qu'on pose. On pose de ces
difficultés pour les personnes qui devront utiliser certaines mesures
d'employabilité, qu'elles devraient se retrouver quasiment dans des
courses à obstacles. Pour des personnes qui ne sauront pas si, au
prochain tournant, l'obstacle ne sera pas le précipice, si l'obstacle ne
sera pas une dépendance additionnelle, si l'obstacle ne sera pas des
conditions telles que finalement, le refusant, elles se verront coupées
de l'aide apportée. "Le syndicat dénonce aussi - dit le document
- la prétendue parité aux jeunes octroyée par cette
réforme, car l'instrtu... - oh! c'est dur à dire
"l'institutionnalisation"; c'est la même chose qu'avec la
"désinstitutionnalisation"...
Une voix:...
M. Jolivet: Oui, c'est cela.
Le Président (M. Bélanger): C'est Juste
l'inverse.
M. Jolivet: C'est l'inverse. Désinstitution-naiisation?
Vous trouvez que ce n'est pas long, vous?... car l'institutionnalisation de la
dépendance à travers le principe de la contribution parentale ne
fait que les ramener à un statut de mineur, sans aucune autre
reconnaissance de leur droit à l'autonomie financière. Tout cela
pour vous dire que finalement, cela constitue en fait un partage de la
pauvreté et ne fait qu'alourdir le fardeau parental d'une partie de la
population elle-même souvent peu nantie".
Ce qu'on dit finalement, c'est qu'au lieu d'avoir un partage de la
richesse, un partage équitable de ce qu'on disait à
l'époque de Trudeau - une société juste - on en fait
plutôt un partage équitable, mais de la pauvreté, un
partage qui amène les gens de plus en plus à devenir
dépendants de l'État et de moins en moins nantis. Ce que l'on dit
depuis le début, ce gouvernement, M. le Président - d'autres le
disent aussi; le syndicat le dit aussi - a un parti pris favorable envers les
plus nantis. (17 h 45) "La disparité entre les revenus - continue le
document - selon les mesures - rattrapage scolaire versus travaux
communautaires et stages demeurera présente malgré la
réforme". Les jeunes qui participent aux mesures de travaux
communautaires ou de stages en milieu de travail reçoivent un certain
montant de leur employeur, duquel les jeunes qui retournent aux études
sont privés. Il ne semble pas que la réforme corrige cet
état de choses, qui s'appliquera vraisemblablement à toutes et
tous les aptes et qui entraîne une disparité de revenus selon le
type de mesure. On aurait pu ajouter que par la mesure que le ministre voulait
mettre en place, à cause de ce qu'ils ont fait comme promesse
électorale, ce qu'ils ont dit pendant la campagne électorale, ce
qu'on est en train de faire, c'est qu'on applique cette mesure-là
à des gens de 18 à 65 ans. On va, par le fait même, en
arriver à mettre en difficulté certaines personnes.
En fait, au plan social, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec soutient que c'est le sens même de la réforme qui
doit être changé en misant sur une réelle politique de
sécurité du revenu qui assurerait la reconnaissance du principe
du droit de tous les individus à leur autonomie financière et
à un revenu minimum décent. Écoutez, c'est fort. Ce sont
des gens qui, comme organisation syndicale, ont à mettre en place
quotidiennement la politique du ministre, qui ont à appliquer
quotidiennement des décisions sur des demandes faites par des individus,
hommes ou femmes. Le syndicat continue en disant que, comme organisation, il
reconnaît l'importance du travail pour l'autono- mie financière
des individus et il condamne cependant sans équivoque la direction prise
par la réforme en regard de l'incitation au travail et des mesures de
développement de l'employabilité, et ceci à plusieurs
niveaux. D'une part, comme beaucoup l'ont pressenti et dans une certaine mesure
vérifiée, les stages en milieu de travail, comme les travaux
communautaires, ne mènent qu'au développement d'un bassin de
main-d'oeuvre à bon marché, et cela au détriment du
respect des lois du travail existantes et du principe fondamental de la charte
des droits, qui dit: À travail équivalent, salaire
égal.
M. le Président, pour faire comprendre et pour essayer de faire
comprendre aux députés ministériels qui auront à
voter sur cette motion que finalement, dans le fond, ils font fausse route, le
syndicat est en train de leur dire qu'ils font fausse route et qu'ils devraient
- il est encore temps - changer leur fusil d'épaule et vraiment faire en
sorte que, en bout de course, on soit plus équitables et surtout que
l'on vienne vraiment en aide à des gens qui en ont
énormément besoin. Comment, dit le document, le gouvernement
veut-il nous faire croire que ces mesures seront efficaces après la
réforme alors que déjà, aujourd'hui, à peine 17 %
des jeunes y participent et que seulement 50 % de ceux-ci arrivent à se
trouver un emploi à la fin de leur stage? De plus, diverses
enquêtes démontrent que non seulement les mesures ne sont pas
accessibles à beaucoup de prestataires, mais qu'en plus le contenu de
formation est faible ou inexistant.
Si je lis le texte, c'est parce que je crains que le syndicat ne puisse
avoir le choix ou le droit de venir nous le dire. Mais, cela me rappelle les
paroles de ma collègue la députée de Maisonneuve dans bien
des argumentations qu'elle a apportées pour essayer de faire changer le
ministre antérieur, le ministre actuel et les députés
ministériels. À un moment donné, on a pensé qu'on
avait quasiment réussi quand certains députés avaient pris
la file et avaient essayé de faire comprendre des choses au ministre
précédent. On s'est aperçus finalement que, en bout de
course, de bonne foi qu'ils étaient, de bonne foi qu'ils sont encore, je
l'espère, ils se sont laissés un peu embarquer. On a eu quasiment
l'impression qu'ils ont voulu, pour montrer qu'il y avait un gouvernement qui
écoutait le monde, faire l'opposition à l'intérieur du
pouvoir, un peu comme s'ils avaient un gouvernement à 100 % de leur
côté, un peu comme le connaît le Nouveau-Brunswick où
50 députés sur 50 s'y trouvent. C'est un peu comme si les
députés disaient: Écoutez, on va la faire l'Opposition et
on va donner l'impression qu'on veut des changements. Mais, dans le fond, le
document continue en disant: Comment le ministre veut-il nous faire croire
à sa bonne foi alors que les ministères et organismes
gouvernementaux, dont le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, sont les premiers à puiser parmi les
stagiaires pour combler leurs besoins de main-d'oeuvre à
moindre coût, qu'ils ne leur donnent, pour la plupart, aucune
formation et qu'ils les intègrent rarement à leur personnel
après la fin des stages quand 1s ne les congédient pas purement
et simplement s'ils ne répondent pas aux critères de rendement
des employé(e)s réguliers ou régulières?
Certains ministères et organismes vont jusqu'à mettre
à pied ou enlever les postes des employés occasionnels
rémunérés selon les conventions pour les remplacer par des
stagiaires. Là, s) le député de Taschereau, que j'ai le
plaisir d'appeler "mon ineffable député", m'écou-tait, au
lieu de faire des soupers comme 1 le fait, je vais lui donner des exemples
typiques: REXFOR - ce n'est pas vieux, ça, REXFOR - durant
l'été, a engagé, dans un plan avec le ministère de
la main-d'oeuvre, des gens pour aller peinturer les bâtiments dans la
Pépinière des Grandes-Piles. Qu'est-ce qui est arrivé?
J'avais un monsieur de 58 ans qui a été mis à pied. Il ne
lui restait même pas suffisamment de timbres, comme le disent ces gens,
pour avoir droit à l'assurance-chômage. Il a fallu que j'appelle
au ministère. J'ai même écrit au ministre
délégué aux Forêts pour lui donner cette indication.
Je n'ai point réussi à faire comprendre le bon sens parce qu'on
m'a dit: Écoutez, c'est un programme spécial de REXFOR. Et
pourtant, ce qu'on a fait, c'est qu'on a pris des occasionnels sur la liste de
rappel: on les a mis à pied pour engager des gens de l'aide sociale. Je
ne parle pas à travers mon chapeau et le syndicat ne parle pas à
travers son chapeau; c'est ce dont on parle!
On met à pied des gens, on oblige cette personne de 58 ans
à réclamer l'aide sociale, alors que, durant toute sa vie, elle
ne l'a jamais fait. 58 ans! Il lui reste deux ans pour prendre une retraite
anticipée, une préretraite, comme on dit. Puis, là, on va
me faire croire que ce n'est pas vrai? Je vais vous l'emmener, le cas, si vous
vouiez, je vais lui demander la permission de vous donner son nom, si vous
voulez. Il a fallu que je fasse des pieds et des mains, et j'ai finalement
réussi à le faire engager pour deux autres semaines parce que
ça n'avait pas de bon sens, tout le monde le disait, même le
directeur du centre responsable du ministère
délégué aux Forêts. Cela n'a pas de bon sens, c'est
la réalité, ça, puis le syndicat nous le dit!
Bien, c'est ça. On nous parle de la politique de la forêt,
c'est ça. Ce qui est arrivé, c'est qu'on a engagé du
personnel dans un programme qu'on dit "spécial". REXFOR mettait tant
d'argent et, à partir de ça, on engageait du monde pour l'envoyer
à l'intérieur des pépinières gouvernementales! On
les a fait travailler à la place des gens qui étaient des
occasionnels sur la liste de rappel. Puis on a dit à ces gens: II n'y a
pas d'ouvrage. Voyons donc! Les gens sont venus me voir à mon bureau,
ils m'ont dit: M. Jolivet, ça n'a pas de bon sens! On est là et
Ils font la Job qu'on pourrait faire: peinturer, réparer des meubles,
réparer des établis, repiquer des choses. On pouvait faire
ça, nous autres. Ils ont fait un programme spécialement pour les
gens de l'aide sociale pour nous dire ensuite que ce sont des emplois stables,
des emplois permanents. Voyons donc! Puis, après ça, on disait:
Le chômage diminue. Ce n'est pas vrai, le chômage ne diminue pas,
on a juste changé les gens de case.
Donc, le document, à la page 3, indique: L'absence de politique
de sécurité de revenu crédible et surtout l'inexistence
d'une politique de plein emploi font de la réforme de l'aide sociale
proposée un pis-aller visant à colmater les brèches et
à diminuer les coûts pour l'État, sans égard aux
conséquences sur les conditions de vie d'une partie importante de la
population, II faut aussi comprendre qu'à long terme une telle
réforme aura des impacts sur les salariés,
particulièrement dans les secteurs non spécialisés, par la
pression à la baisse exercée sur les salaires. Et ça, M.
le Président, ce que je viens de vous lire, du mot "absence" jusqu'au
mot "salaires", c'est écrit en gras, en grosses lettres, avec un
caractère différent, pour indiquer Justement qu'ils ne parient
pas, eux, à travers leur chapeau et ça vaudrait la peine qu'ils
viennent nous le dire ici. Je le dis souvent à des gens de ville et,
quand je regarde autour de moi, plusieurs sont de La ville de Montréal
ou de la ville de Québec, quelques-uns sont de l'extérieur, dans
des régions; je le dis, vous allez rester "monovalents". Nous, dans les
régions, on va devenir polyvalents. Tous les problèmes, on les a.
Un des problèmes dont je fais mention, je l'ai vécu pas plus tard
qu'aux mois de septembre et octobre derniers. Je pense qu'il faut être
conscients de cela. Ce ne sont pas des gens qui vivent sur la planète
Mars, ils vivent dans nos villes à nous.
Le document ajoute une autre chose: Ces différents exemples
montrent assez bien, même s'il ne s'agit pas d'une analyse exhaustive des
aspects administratifs de la réforme, les nombreux problèmes qui
risquent d'être posés dans le cadre de son application. Là,
dans les pages précédentes, on faisait justement mention de tout
l'ensemble des problèmes qui vont être apportés. On dit: On
constate aussi que la réforme proposée n'apporte strictement
aucun remède à la lourdeur administrative et aux
possibilités d'arbitraire inhérentes à certaines mesures,
mais qu'au contraire, elles les augmentent notamment, par la contribution
parentale, le partage du logement, les notions de "apte" et "inapte",
"disponible", "non disponible", "vie maritale", "employabilité", etc. Il
dit: Somme toute, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec
constate que les objectifs d'équité et d'incitation réelle
au travail ne sont qu'un discours et qu'ils ne pourront être atteints que
par une réforme majeure du projet de réforme. Encore une fols, du
mot "Somme" au mot "réforme", c'est en grosses lettres, en
caractères gras.
Cela indique au ministre qu'il aurait intérêt que ces gens
viennent nous le dire ici et nous donner des exemples concrets des
difficultés qu'ils vivent tous les jours.
Vous savez comment une personne est prise à prendre des
décisions quotidiennement dans le travail qu'elle a à faire. Je
parle souvent avec des gens dans mon milieu, qui travaillent au centre
Travail-Québec local, au sujet des difficultés qu'ils
éprouvent. Ils ont des décisions à prendre et, compte tenu
de l'ambiguïté du règlement ils refusent de les prendre pour
ne pas être accusés de tomber dans l'arbitraire. Ils laissent la
décision à une autre personne. Que fait l'individu qui a fait une
demande? Il doit aller en appel, en révision au niveau régional.
Les gens du niveau régional se réunissent, regardent le dossier
et doivent dire si la décision prise par le fonctionnaire est bonne ou
pas. Dans la majorité des cas, il dit: Oui, elle est bonne. Et
là, on est obligés de dire à nos gens: Allez devant la
Commission des affaires sociales pour faire valoir votre point de vue, ce qui
entraînera un an, un an et demi, deux ans de délais. Dans certains
cas, M. le Président, j'ai dû faire appel à la Commission
des affaires sociales en vertu de la loi qui la gouverne pour dire: Voyez, il y
a une décision qui a été rendue mais, là, vous avez
mis une personne tellement proche de l'indigence qu'il y a danger pour sa
santé et celle de son enfant; je demande que la décision soit
révisée par la Commission des affaires sociales en vertu de
l'article - si je me souviens bien - 24 de la loi qui dit ceci: Dans des cas
extrêmes, la commission peut ordonner le paiement, à des
personnes, de l'aide sociale demandée et en attente de la
décision finale à venir. Ce sont des décisions comme
celle-là que la Commission des affaires sociales doit prendre. On est
obligés actuellement de le faire et c'est anormal qu'on soit
obligés de le faire de cette façon-là.
J'aurai l'occasion, M. le Président, puisque le temps est
écoulé, de revenir à 20 heures pour continuer mon
argumentation en vous donnant un exemple d'une personne qui, comme les
fonctionnaires le disent, a dû subir ces contrecoups et je vous donnerai
la réponse ensuite.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, compte
tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 20
heures.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
(Reprise à 20 h 12)
Le Président (M. Bélanger): La commission des
affaires sociales va reprendre ses travaux afin de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 37, Loi sur la
sécurité du revenu. Nous en étions à une motion
d'amendement présentée par le député de Laviolette
nous disant ceci: "La motion est amendée par l'addition, à la
fin, des mots "et le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec".
M. le député de Laviolette, il vous restait six minutes.
M. Jolivet: Oui, M. le Président. J'étais en train
de dire que j'avais un cas à présenter, des problèmes qui
surgissent au moment où... On le disait, je le répète:
Dans la mesure où plusieurs critères à l'aide sociale font
référence à des caractéristiques qualitatives, une
certaine marge d'arbitraire demeure et est accentuée par la
réforme, notamment à cause du pouvoir discrétionnaire du
ministre. Je vous disais que cela devient difficile pour des fonctionnaires,
hommes ou femmes, d'appliquer des choses comme celles-là dans la mesure
où des décisions doivent être prises et où, souvent
même, des gens n'osent pas les prendre. Cela amène quoi?
Je vous disais que j'avais un cas, une personne qui était
paralysée de la ceinture en descendant, un homme qui avait
travaillé dans des programmes qu'on appelait, à l'époque,
Canada-Travail, qui avait eu de l'aide avec des programmes comme
Chantiers-Québec, en fait, des programmes qui lui permettaient d'agir,
sauf qu'un jour, il a dû arrêter parce qu'il n'avait plus le choix.
Il n'était plus admissible à l'assurance-chômage, il
était donc admissible à l'aide sociale. Le seul problème
qu'il y avait, c'est que les gens dans le milieu avaient décidé,
puisqu'il était en chaise roulante à la suite d'un accident
d'automobile, de faire en sorte qu'il demeure dans des conditions de vie les
meilleures possible. Avec l'école et la commission scolaire
régionale, on avait accepté qu'il soit choisi dans le cadre d'un
programme de construction, à l'école, pour qu'une maison soit
bâtie et adaptée à son handicap.
D'un autre côté, personne ne voulait s'occuper de lui. Il y
a une dame qui avait décidé de s'en occuper et parce qu'elle est
allée demeurer chez lui, on a coupé l'aide sociale de cet homme
en disant: Vous vivez de façon maritale, mon cher monsieur; vous n'avez
plus droit à rien. Le fonctionnaire avait appliqué la loi d'aide
sociale comme il devait l'appliquer dans ces circonstances. Nous avons
demandé une révision au bureau régional: même
réponse. Finalement, on lui a dit: Écoute, cela n'a pas de maudit
bon senst On va t'envoyer à la Commission des affaires sociales et on va
appuyer ta demande. il faut qu'on regarde cela. Cela n'a pas de bon sens. Vivre
maritalement, ceia veut dire qu'il y a autre chose qu'une lune de miel à
se regarder les deux yeux. Donc, le juge qui a eu à décider
à la Commission des affaires sociales a regardé tout l'ensemble
et, finalement, il a dit au monde: Servez-vous donc de votre tête
à un moment donné. Servez-vous de cette capacité de
décider dans des circonstances telles que, finalement, vous allez vous
apercevoir que ce n'est pas une vie maritale qu'il vit. C'est une personne qui
s'en occupe et ce n'est pas un homme, c'est une femme. En plus de cela, on
lui
avait redonné son aide sociale.
Vous imaginez-vous tout ce que la personne a dû subir, parce qu'on
a dû - on n'avait aucun pouvoir, à l'époque, comme
fonctionnaire -appliquer bêtement la Loi sur l'aide sociale? Vous riez!
Même mes collègues rient, parce qu'ils trouvent ça
drôle ou pas drôle, je ne le sais pas. La seule chose que je sais,
c'est que ça n'a pas de bon sens. Mais je dois vous dire que c'est un
événement qu'on a vécu. Vous vous imaginez, dans un
contexte de ce que le ministre appelle lui-même les boubous macoutes, ce
que ça peut apporter comme difficultés?
Je vous dis simplement, M. le Président, que les fonctionnaires
doivent appliquer de façon équitable, à tout le monde, les
normes, les règles qui prévoient l'aide à apporter, en
termes d'aide sociale.
Je dirai donc que ce que les gens de ce syndicat voudraient venir nous
dire, c'est tout simplement qu'ils ont vu, à l'intérieur de ce
projet de loi, des conditions d'application tellement difficiles que la
réforme proposée ne devrait pas être retenue. Il devrait y
avoir des amendements majeurs; comme plusieurs le disent, eux comme d'autres,
on devrait refaire nos devoirs.
Dans ce contexte-là, M. le Président, vous comprendrez
très bien qu'il serait essentiel, urgent même, qu'on invite ces
personnes qui ont ou qui auront à appliquer la réforme de l'aide
sociale, mais qui ont à appliquer actuellement tout le système
d'aide sociale, à venir nous dire les difficultés qu'elles
éprouveront et les raisons pour lesquelles elles croient que nous
devrions sinon apporter des amendements majeurs, au moins remettre encore le
projet de loi sur la table de travail du ministre.
Dans ce sens, je réitère ma position à savoir de
convoquer ici le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
député de Laviolette. Mme la députée de
Maison-neuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. J'aimerais intervenir
sur la motion de mon collègue, le député de Laviolette,
demandant à la commission d'entendre les représentants du
Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec. Je regrette que le
député de Chambly nous ait quittés, il va sans doute nous
rejoindre ce soir; il aurait pu plaider en faveur de cette motion, puisqu'il a
eu à échanger des propos avec M. Harguindeguy, président
du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, à
l'émission de Mme Lamarche, dimanche dernier, au cours de laquelle M.
Harguindeguy a fait part de la position adoptée par son syndicat. Il
insistait beaucoup sur le fait que c'est tout le conseil syndical du Syndicat
des fonctionnaires provinciaux du Québec qui a été
appelé à discuter et à ratifier le projet de prise de
position.
C'est donc une prise de position mûrement réfléchie
et il serait certainement incompréhensible que le ministre vote contre
une telle motion, puisque nous n'avons jamais, malheureusement, eu l'occasion
d'entendre le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec,
puisqu'il ne s'est pas présenté devant la commission
parlementaire, au printemps dernier. C'est une prise de position commune,
crédible, qui est le produit d'une longue réflexion au sein du
Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec. Je pense que c'est
une prise de position qui devrait inquiéter le ministre, puisque ce sont
les personnes chargées de l'application de sa réforme qui
viennent lui dire: M. le ministre, ce ne sont que des discours que vous nous
faites.
Il n'y a pas que le Syndicat des fonctionnaires provinciaux; la ville de
Montréal aussi avait fait part au ministre, au début de
l'automne, de ses réticences à l'égard de bien des
dispositions. Encore hier, M. Blais, l'adjoint de Mme Cousineau, dans une
conférence de presse que j'ai eu l'occasion d'entendre à la radio
à Montréal, faisait part de la désapprobation de la ville
à l'égard de la disposition concernant le partage du logement et
des inquiétudes de la ville à l'égard des programmes de
réinsertion, d'emploi, qui peuvent bouleverser profondément le
marché de l'emploi, selon la ville.
Alors, M. le Président, je rappelle ce que le Syndicat des
fonctionnaires provinciaux considère comme étant... je lis
textuellement: Tout en reconnaissant l'importance du travail pour l'autonomie
de l'individu, le syndicat croit que les objectifs d'incitation au travail et
d'équité ne sont qu'un discours qui n'est jamais traduit dans la
réalité. Le syndicat s'interroge sur l'utilisation qui est faite
des stages en milieu de travail, particulièrement dans la fonction
publique, et considère que le pouvoir de formation de ces stages est
très faible, qu'ils sont accessibles à peu de prestataires et
qu'ils donnent lieu à une formation très faible puisque
très rarement, pour la plupart, les stagiaires... C'est ça, I
fait référence à la main-d'oeuvre et à la
sécurité du revenu. Le ministère de la Main-d'Oeuvre et de
la Sécurité du revenu est le premier à puiser parmi les
stagiaires pour combler les besoins de main-d'oeuvre à coût
moindre, sans donner de formation et sans les intégrer au personnel
à la fin du stage, quand I ne les congédie pas purement et
simplement s'ils ne répondent pas aux critères de rendement des
employés réguliers.
M. le Président, c'est d'autant plus intéressant que les
agents investigateurs, qui ont été les premiers à susciter
mon intérêt à l'égard de ce nouveau programme
appelé 'Évaluation de la conformité réelle", sont
aussi représentés par le Syndicat des fonctionnaires provinciaux
du
Québec. Ce sont eux qui ont été les premiers
à parler d'un système d'inquisition et à bien me faire
comprendre que ce qui était mis en place au ministère ne l'avait
jamais été dans le passé, qu'eux-mêmes avaient
été engagés en vertu de la loi sur les enquêtes et
qu'en vertu de cette loi, ils étaient investis de pouvoirs
d'enquête qui leur permettaient d'être des agents investigateurs
professionnels qui croyaient à une certaine éthique du travail.
Ils se trouvaient maintenant contraints, à cause des nouvelles
directives du ministère, à procéder à partir de
dossiers sélectionnés au hasard pendant que s'accumulaient sur
leur bureau, selon certains, des dossiers où il y avait des
soupçons de fraude, parce qu'ils étaient contraints - je reprends
le terme exact - à procéder à partir d'un
échantillonnage de l'ordre de 200 à 240 noms choisis au hasard
par Québec et transmis dans les régions, sur lesquels devait se
faire l'investigation, pour un total d'environ 3000. Ce n'est pas peu de chose,
ça, 3000 de nos concitoyens qui sont les malheureux gagnants d'une
loterie et qui vont subir une enquête non pas seulement tant
d'eux-mêmes, de leur vie privée... Le ministre rit de ça!
Moi, M. le ministre, je trouve honteux que vous continuiez ce
système.
M. Bourbeau: M. le Président, je ne ris pas de ce qu'elle
dit, je ris des grimaces....
Mme Harel: Vous êtes le seul...
M. Bourbeau:... qu'elle fait en pariant, ce n'est pas la
même chose.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
S'il vous plaît, à l'ordre!
Mme Harel: Je pense bien que le ministre est le seul à
rire avec les fonctionnaires de son cabinet et sans doute ceux qui l'entourent
au ministère, parce que ceux qui sont chargés d'appliquer ces
directives, eux, sont loin de trouver ça plaisant, M. le ministre, puis
ils n'en rient pas du tout. Je voudrais vous rappeler ce qu'en disait justement
le Syndicat des fonctionnaires provinciaux. Il disait ceci: "Plutôt que
de s'en prendre aux agissements de leurs fonctionnaires qui ne font
qu'exécuter des directives très strictes, les ministres auraient
tout intérêt à modifier les règles du jeu qu'ils ont
le pouvoir d'imposer et de modifier. " Le syndicat fait référence
à une lettre adressée aux nouveaux agents visiteurs par le
sous-ministre Jean Pronovost qui écrivait: "Votre travail,
malheureusement, doit aussi se faire dans le tapage et la controverse. " Qu'on
nous permettre de déplorer que cette contreverse soit alimentée
par le gouvernement lui-même.
Ce n'est pas aux agents-enquêteurs, M. le ministre, ce n'est pas
faire l'enquête des enquêteurs qu'on vous demande, c'est de changer
vos directives. C'est de faire en sorte qu'il n'y ait plus ce système
d'inquisition au hasard sur ces personnes qui n'ont finalement contre elles que
d'avoir demandé l'aide de l'État et qui sont, à partir de
cette demande, susceptibles de voir leur entourage et leur voisinage
immédiat, y compris les commerçants comme les dépanneurs
de leur voisinage, y compris les voisins de palier, y compris
d'éventuels présumés employeurs - ce sont là les
termes mêmes du manuel d'exercices qu'on a rendu public - les
agents-enquêteurs sont chargés de recueillir des informations
auprès d'employeurs passés ou de présumés
employeurs sachant qu'un bon nombre de bénéficiaires sont
maintenant sujets à participer à des activités de genre
travaux communautaires, stages en entreprises ou autres. Il est vraisemblable
que leurs voisins les imaginent en train de gagner illégalement des
sommes d'argent et transmettent des informations qui, de prime abord, peuvent
apparaître exactes, mais qui se révèlent fausses du fait
que c'est là même une directive du ministère pour que
certains d'entre eux participent à ces activités. Alors,
évidemment, c'est un système qui est odieux. C'est un
système qui porte atteinte à des dispositions auxquelles tout le
monde devrait avoir droit...
Le Président (M. Bélanger): Madame...
Mme Harel:... celles du respect et de la sauvegarde de la
réputation, de leur vie privée et de leur confidentialité.
C'est absolument inacceptable. Je pense que le ministre vit en vase clos s'il
refuse de comprendre comment il serait important d'entendre le Syndicat des
fonctionnaires provinciaux pour justement pouvoir bonifier ce système
qui doit être complètement modifié.
Le Président (M. Bélanger): On vous remercie, Mme
la députée. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur cet
amendement? M. le ministre.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: M. le Président, vous me permettrez de
profiter de l'occasion qui m'est donnée pour tenter de ramener la
députée de Maisonneuve et peut-être l'Opposition un peu
à la raison en ce qui concerne le dossier, la monture qu'elle a
enfourchée depuis quelques jours et avec laquelle elle pense faire des
miracles, c'est-à-dire le fameux dossier de la conformité
réelle. La députée de Maisonneuve a fait un plat et tout
un boucan avec cette prétendue trouvaille qu'elle a fait.
M. le Président, laissez-moi vous expliquer un peu pourquoi nos
agents, nos enquêteurs sont obligés de procéder dans des
dossiers à des vérifications de conformité. Ceci provient
de l'obligation que nous avons au ministère de s'assurer que nos
dossiers sont bien montés et sont bien menés par nos
vérificateurs. Ce sont
des exigences qui sont Imposées par le Vérificateur
général.
Mme Harel: J'ai communiqué avec le Vérificateur
général, M. le Président...
M. Bourbeau: M. le Président, on m'affirme...
Mme Harel: C'est totalement faux.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
on va laisser le temps de parole au ministre.
M. Bourbeau: On m'affirme, M. le Président, que ce sont
les exigences...
Mme Harel: Bien oui.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
s'il vous plaît! Pas de propos antiparlementaires.
Mme Harel: Aie! Aie!
M. Bourbeau:... générales de vérification
qui font en sorte que les ministères sont obligés d'avoir des
systèmes d'autovérification pour s'assurer que dans les
ministères et le nôtre évidemment, les dossiers sont tous
traités de la même façon et qu'il n'y a pas de
différence dans la façon de traiter les dossiers d'un point de
services à un autre et que nous avons, M. le Président, dans tout
notre réseau des standards et des critères qui sont
appliqués équitablement et partout de façon à
pouvoir le savoir. Il n'y a qu'une chose à faire. C'est de faire des
"spot checks", ou si vous voulez, des vérifications ultérieures.
Alors, ce que nous faisons et c'est pour respecter, je le répète,
les normes du Vérificateur général...
Mme Harel: C'est inexact, M. le ministre.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
on laisse M. le ministre s'exprimer.
M. Bourbeau: M. le Président, c'est pour respecter les
normes...
Mme Harel: C'est faux. (20 h 30)
M. Bourbeau:... imposées par le Vérificateur
général que nous choisissons au hasard, je dis bien au hasard, et
là, il ne s'agit pas de vérifications systématiques comme
l'a déclaré la députée de Maisonneuve, mais de
vérifications faites au hasard. Les dossiers sont choisis au hasard et
font l'objet de contre-expertise de la part de nos enquêteurs pour
s'assurer que les résultats de ces dossiers sont conformes à la
réalité. S'il y a des erreurs, nous tentons de les réduire
au minimum sinon à zéro de façon qu'on puisse affirmer
que, dans tout le réseau Travail-Québec et au ministère,
nous traitons tous les dossiers de la même façon. C'est cela qu'on
appelle le dossier de la conformité réelle. Ce sont des principes
de bonne gestion, d'excellente gestion et toutes les entreprises doivent, si
elle veulent être bien gérées, faire leur
autovérification pour s'assurer que nous traitons tout le monde de la
même façon. Alors, nos enquêteurs, à la demande du
ministère, bien sûr, procèdent à des
vérifications comme celles de dossiers pris au hasard.
Nous n'allons pas nous concentrer dans un secteur donné ou sur
des dossiers qui sont près les uns des autres. Nous les prenons un peu
partout dans chaque région. Nous faisons les contrôles, nos
propres contrôles internes sur nos propres dossiers et les
enquêteurs, après avoir fait ces contrôles, sont en mesure
de nous affirmer dans quelle proportion nos dossiers étaient à
100 % parfaits ou dans quelle proportion il y avait des Inexactitudes. De cette
façon, nous sommes en mesure de pouvoir affirmer que nous traitons notre
clientèle partout à travers tout le réseau
Travail-Québec avec justice, équité, selon les
critères appliqués de la même façon partout à
travers le réseau. Volà l'objectif du dossier de la
conformité réelle et je pense, M. le Président, qu'il
faudrait vraiment être de mauvaise foi pour prétendre que le
ministère ne devrait pas faire ce genre de contrôle. Si nous ne le
faisions pas, nous n'aurions aucune façon de prouver et d'affirmer, en
tous les cas, que nos dossiers sont bien gérés et notre
clientèle traitée partout de la même façon avec les
mêmes critères de justice et d'équité.
Alors, je dis que c'est une procédure qui est essentielle,
normale et qui s'impose dans un environnement qui veut élever la
qualité de la gestion. Je pense qu'au ministère nous avons des
standards très élevés de gestion et c'est pour cette
raison que ce programme existe, M. le Président.
Mme Harel: M. le Président. J'ai moi-même
communiqué avec le Vérificateur général qui m'a dit
qu'il ne fallait surtout pas servir de couverture à des pratiques qu'il
ne peut pas entériner.
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse, Mme la
députée, votre temps de parole est écoulé. Alors,
Mme la députée de Johnson.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Merci, M. le Président. À mon tour de
venir appuyer l'amendement que mon collègue a présenté
tout à l'heure, c'est-à-dire de pouvoir accueillir le Syndicat
des fonctionnaires provinciaux du Québec. Je pense que le Syndicat des
fonctionnaires provinciaux a une large contribution de la part de plusieurs
travailleurs et travailleuses, il me semble important qu'ils aient pris la
peine de s'asseoir et de regarder à fond le projet de loi et qu'ils nous
aient demandé de discuter de la position adoptée
par leurs instances syndicales. C'est eux qui vont avoir à
l'appliquer au niveau des travailleurs et travailleuses puisque vous voulez que
les gens sur l'aide sociale retournent au travail. Donc, s'ils doivent
appliquer la réforme, telle que présentée, je pense qu'il
va de soi que nous devrions d'un commun accord accepter l'amendement pour
qu'ils puissent être entendus et que nous puissions, à notre tour,
recevoir l'éclairage nécessaire de la part du Syndicat des
fonctionnaires provinciaux du Québec.
On nous a demandé - j'imagine qu'on a dû l'envoyer à
tous les membres de la commission parlementaire, je ne suis pas sûre que
les collègues d'en face vont utiliser leur droit de parole pour nous
aider à faire les représentations nécessaires - que le
Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec puisse être
représenté et vienne discuter ici de ce qu'il entend faire et ce
qu'il souhaiterait que le gouvernement en place puisse prendre en
considération ce qu'ils préconisent en faisant
l'évaluation de la réforme du projet de loi de l'aide sociale. Le
Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, représentant
entre autres les travailleurs et travailleuses qui auront charge d'appliquer la
réforme comme je vous l'ai dit tout a l'heure, considère que le
gouvernement, sur cette question, doit revoir sérieusement ses
orientations. Cette révision devrait se faire en respectant le principe
fondamental de la Loi sur l'aide sociale de 1969 voulant qu'une aide soit
fournie à toute personne dans le besoin, quelle que soit la cause du
besoin. Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec fait
d'ailleurs siennes certaines critiques apportées contre cette
réforme par d'autres groupes, notamment à l'égard du
respect des droits de la personne, du niveau des différents
barèmes en regard des clientèles visées et surtout, du
caractère inéquitable de la réforme pour certains groupes
tels que les femmes, les familles monoparentales et les jeunes.
En effet, à toutes fins utiles, l'application d'une telle
réforme ne fait que renforcer le statut de dépendance des femmes,
dépendance tant économique, en appliquant le critère de
vie maritale après douze mois de vie commune, que juridique, en donnant
le droit au ministre de se substituer aux bénéficiaires,
principalement des femmes, dans ce cas, pour la détermination des
pensions alimentaires. Avec la réforme, le ministre pourra se faire
représenter en cour lors de la détermination de la pension
alimentaire. Toute détermination de pension alimentaire, lorsqu'une des
parties reçoit des prestations d'aide sociale, devra d'ailleurs
être approuvée par le ministre. Il s'agit là d'une atteinte
directe à la capacité juridique des individus et aussi d'une
atteinte au principe de l'autonomie du système judiciaire.
Les familles monoparentales, elles aussi, seront fortement
pénalisées par la réforme proposée. Non seulement
au point de vue financier mais aussi à travers les difficultés
que pose l'application de certaines mesures d'employabilité qui les
contraint à toutes fins utiles à une situation misérable.
Ne citons, à titre d'exemple, que la faiblesse des frais octroyés
pour participer aux mesures, le peu de services de garde de qualité ou
la limite de temps permise pour le retour aux études postsecondaires,
ainsi que les critères d'admissibilité à ces mesures. Le
Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec dénonce aussi
la prétendue parité aux jeunes octroyée par cette
réforme car l'institutionnalisation de la dépendance à
travers le principe de la contribution parentale ne fait que les ramener
à un statut de mineurs sans aucune reconnaissance de leurs droits
à l'autonomie financière.
M. le Président, j'ai aussi ici une copie du message inaugural de
mars 1988 qui rappelle certaines choses qu'on avait dites à
l'époque, avant les élections de 1985. Le premier ministre
actuel, M. Robert Bourassa, au centre Paul-Sauvé, le 17 novembre 1985,
avait dit: L'inactivité chez les jeunes frôle 40 %. Lorsque la
situation atteint ainsi l'ampleur d'un drame national, il faut s'y attaquer
tous azimuts. Je ne sais ce qu'il a voulu dire en attaquant tous azimuts, je ne
sais pas s'il voulait leur rentrer dans le corps ou s'U voulait les aider mais,
d'après ce qu'on peut voir aujourd'hui, c'est tous azimuts mais ce n'est
pas ce que les jeunes pensaient que cela serait. C'est tous azimuts le
contraire, on les frappe de partout, on essaie de les avoir par tous les
côtés et on a tout simplement pris leur confiance et puis
après cela, on les frappe de tous bords, tous côtés.
On a dit, à l'époque, le 10 décembre 1987: La
réforme de l'aide sociale, c'est de la poudre aux yeux promise tout au
long de la dernière campagne électorale. Le ministre a finalement
livré la marchandise. Malheureusement, les nombreux espoirs
soulevés par le ministre et tout le gouvernement libérai
s'envolent maintenant en fumée. Loin de donner leur appui, les groupes
et organismes concernés s'inquiètent sérieusement de la
réforme de l'aide sociale présentée par le ministre.
Parité en 1990 seulement. Il faut attendre encore deux ans avant d'en
arriver à une réelle parité de l'aide sociale. Il y aura
certes une augmentation graduelle des montants accordés en 1989, mais ce
n'est qu'en janvier 1990 que le projet de réforme sera appliqué
en totalité, à ce qu'on nous explique. Mais là, comme je
vous ai dit tout à l'heure: Est-ce que ce seront les élections?
Est-ce que ce sera un autre engagement électoral? Je ne sais pas quels
azimuts on frappera, la prochaine fois mais ça promet, si on se fie
à ce qui s'est passé avec le premier engagement.
Il n'en demeure pas moins que les jeunes assistés sociaux devront
attendre encore deux ans pour que soient satisfaits leurs besoins d'un miminum
vital décent. Même les jeunes libéraux s'Inquiètent
de ce long délai. Le gouvernement devra motiver ce délai,
affirmait M. Joël Gauthier, le président de la commission jeunesse
du
PLQ. Réforme incomplète et superficielle. Aucune
réforme de l'aide sociale n'est possible sans une réforme majeure
de la fiscalité et une stratégie bien orchestrée visant
à atteindre le plein emploi. Renouvellement important pour la
très grande majorité des assistés sociaux. La
multiplication des catégories et sous-catégories aptes au
travail, admissibles à des mesures, participant aux mesures non
disponibles, etc., entraînera un contrôle social inégal au
niveau du mode de vie. Rappelons-nous l'expérience des boubous macoutes.
en 1986. Pardon?
Le Président (M. Bélanger): Une minute.
Mme Juneau: Mon Dieu, M. le Président, ça a
passé vite. Est-ce que je peux avoir quelques minutes
supplémentaires?
Le Président (M. Bélanger): Malheureusement.
Mme Juneau: J'avais des choses importantes à dire.
M. Bourbeau: Ne faites pas ça, on va tomber en
dernier.
Le Président (M. Bélanger): II vous reste une
minute, madame.
Mme Juneau: Je m'excuse. En tout cas, cost regrettable que je ne
puisse pas avoir quelques minutes supplémentaires. Vous comprendrez, M.
le Président, l'importance de pouvoir accepter que les syndicats
provinciaux des fonctionnaires puissent être là pour qu'on puisse
les entendre. Je vous remercie.
La Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme
la députée de Johnson. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur
cet amendement? Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Oui, M. le Président. Nous ne sommes pas les
seuls à dénoncer cette réforme, nous ne sommes pas les
seuls à réclamer de nous faire entendre, à cette
commission parlementaire, pour ramener le ministre à la raison, lui
faire comprendre qu'il fait fausse route quant à sa réforme et
qu'elle ne répond pas nécessairement aux vraies attentes mais
bien au contraire, qu'elle passe à côté des vrais
problèmes, c'est-à-dire avoir une politique dynamique de plein
emploi, qui incite l'ensemble des gens à se prendre en main, à
développer une certaine autonomie financière et parvenir à
un régime de vie décent. Encore là, on est obligés
de faire face à une forme beaucoup plus dirigiste.
Mais on comprend que c'est un gouverne- ment dirigiste qu'on a ici,
depuis un certain temps, parce qu'en fin de compte, une fois qu'i a pris une
certaine tangente, on ne peut plus l'arrêter, ça s'en va presque
vers l'infini et finalement, il n'y a aucun point de discussion possible qui
soit admis. C'est comme faire un soliloque, on se parle à
soi-même, on se trouve bon, on se trouve fin, et mon doux qu'on est
heureux; tout va bien dans le meilleur des mondes.
Par contre, ça n'a pas l'air d'etre tout à fait en
harmonie avec les différents groupes et les différents
partenaires, puisqu'il y a des notes qui détonnent un peu et qui sont un
peu discordantes avec le discours du ministre et qui vont complètement
dans une autre tonalité, une autre gamme d'argumentations, qui fait en
sorte qu'on ne s'y retrouve pas quand on lit les mémoires
présentés par les différents groupes qui ont
demandé à revenir se faire entendre, pour faire encore entendre
au ministre que: Mon doux, M. le ministre, ça vous prend du temps avant
de vraiment ajuster votre oreille au véritable diapason des besoins que
font entendre les gens à l'heure actuelle.
Ma foi, on est obligés de vivre, ici au Québec, une grande
inquisition, parce que le ministre a besoin de vérifier son
système. Donc, on pensait devoir faire face à un système
révolutionnaire, avant-gardiste, qui répondait au monde moderne
en évolution, mais on se retrouve presque au Moyen Âge, la grande
Inquisition, ou fin Moyen Âge début Renaissance, à peu
près, où tout le monde devait passer; tous étaient
susceptibles d'être des traîtres, en fait, ils devaient être
châtiés parce qu'ils n'étaient pas selon la croyance du
temps. C'est un peu ça qui se passe avec les assistés sociaux,
à l'heure actuelle. Cela me plaît de dire que vous vous prenez
souvent pour les chevaliers des temps modernes, mais comme les chevaliers du
temps de l'Inquisition, il faut bien le dire; vous avez pas mai l'allure d'un
grand Inquisiteur. (20 h 45)
Je trouve ça un peu dommage qu'on arrive à des attitudes
aussi punitives face à ces gens qui sont, pour la plupart, des gens les
plus vulnérables de la société, ceux qui ont le plus de
difficulté à se défendre, et parce qu'ils sont dans une
situation de précarité, on abuse d'eux Cela devient un
système très abusif.
Vous savez, c'est dans les miteux où les gens ont peur qu'il
arrive occasionnellement, pour une raison ou pour une autre, qu'il y ait des
dénonciations parce que, justement, les gens dégagent une
certaine forme d'intolérance à l'endroit des autres, avec le peu
qu'ils ont, c'est une façon pour eux de se sentir importants. Pour se
sentir importants, ma foi, on prend plaisir, à certaines occasions,
à dénoncer un voisin, pour une raison ou pour une autre, sur de
simples observations. Les plaintes sont souvent non fondées, mais elles
entraînent un travail administratif qui fait que toute la
procédure se
met en marche et, finalement, on discrédite des personnes
inutilement et sans fondement.
C'est un peu ce que le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec dénonçait, cette attitude d'inquisition du
gouvernement qu'on tente de justifier en disant que ce sont des manoeuvres
reconnues à l'intérieur d'un ministère, alors qu'on sait
fort bien que, quand il s'agit des plus petits, on devient toujours très
chatouilleux sur la procédure administrative, mais quand ça
arrive à d'autres niveaux, on peut laisser tomber, on est plus
flexibles, on est moins tatillons. C'est comme si on avait toujours cette
politique de deux poids, deux mesures. Cela dépend de l'importance du
compte en banque ou ça dépend du statut social, par rapport
à un bon nombre de principes dans notre société.
Ce que le Syndicat des fonctionnaires provinciaux dénonce, c'est
une absence totale de sécurité du revenu crédible, et
surtout l'existence d'une politique de plein emploi qui aurait pour effet de
faire comprendre qu'à long terme, une telle réforme aurait des
impacts sur les salariés, particulièrement dans les secteurs non
spécialisés par la pression exercée sur les salaires. On
le sait, on a dit tantôt que ce qui va arriver, c'est
qu'inévitablement il y aura des entrepreneurs, des gens qui voudront
accaparer cette manne, cette main-d'oeuvre à bon marché et,
finalement, leurs préoccupations ne seront sûrement pas de
favoriser une aptitude au travail, de développer des habiletés au
travail, mais beaucoup plus des aptitudes qui vont dans le sens du profit, un
rapport qualité-coût. J'aurais pensé qu'on ne finirait pas
ce siècle, dans le domaine des relations du travail, de la même
manière qu'on l'a commencé, c'est-à-dire avec les
mêmes principes du terrorisme, c'est-à-dire prime au rendement et
le profit envers et contre tous. J'aurais pensé qu'on aurait plus
évolué dans cette attitude sur le plan des relations du travail.
Encore là, il faut croire que les mentalités tardent à
changer et qu'on n'a pas affaire à un gouvernement très
progressiste, évidemment, mais à un gouvernement qui est
plutôt néo-libéraliste, qui est encore axé sur des
façons de faire un peu rétrogrades qui ne présagent pas
une amélioration de la qualité de vie des personnes qui,
malheureusement, ont des difficultés sur le plan
socio-économique.
Le syndicat aurait aimé pouvoir discuter des vrais principes de
base d'une réforme et, malheureusement, on ne leur a pas alloué
le temps nécessaire, on ne pourra les entendre pour discuter de ces
principes de base.
Une voix: M. le Président!
Mme Vermette: M. le Président, j'étais en train de
dire qu'on ne pourra pas entendre le syndicat pour discuter de ce qu'il
considère, quant à lui, un principe de base qui permettrait de
vraiment satisfaire aux besoins essentiels et à des surplus s'ajoutant
selon les besoins par- ticuliers de différentes clientèles. On
remet toujours en cause ce principe de personnes aptes et inaptes avec des
termes qui semblent discriminatoires dans certains cas et qui ne semblent pas
nécessairement toujours répondre aux véritables aptitudes
d'une personne. Avec cette notion d'aptes et d'Inaptes, on aura affaire
à des gens avec des pensées étroites ou qui ont des
préjugés envers certaines catégories de personnes pour que
ces gens se retrouvent en attente continuellement...
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette:... et qu'ils sont toujours laissés dans
l'antichambre. En conclusion, M. le Président, je vous ferai remarquer
qu'il aurait été souhaitable que le Syndicat des fonctionnaires
provinciaux qui est l'un de nos organismes les plus importants et qui s'occupe
des différents niveaux dans l'échelle sociale des travailleurs et
des travailleuses ait pu se faire entendre et dire leur mot. Je vous
remercie.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme
la députée de Marie-Victorin. Est-ce qu'il y a d'autres
interventions sur cet amendement? M. le député de Joliette.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Oui, M. le Président, je voudrais joindre ma
voix a celle de mes collègues pour soutenir que le ministre aurait
avantage à convoquer le Syndicat des fonctionnaires provinciaux. Par
définition le syndicat est là pour la sauvegarde des
intérêts de ses membres et, dans le présent dossier, on a
pu constater depuis le début de la mise en application boubou et bourbo
macoute que, à toutes fins utiles, on forçait des employés
de la fonction publique à accomplir des tâches qui allaient
à l'encontre de la Charte des droits et libertés de la personne,
qui, tout au moins, si on ne veut pas présumer des éventuelles
enquêtes, les faits invoqués prima facie poussent les plus hautes
autorités à procéder à une enquête. Ces
simples gestes en ce qui concerne une responsabilité publique devraient
nous inciter à au moins vouloir entendre les gens concernés. Il
est évident que ces gens sont coincés, lls sont tout à
fait coincés. On leur dit: Écoute, tu fais tel travail. Ils
reçoivent des directives d'un sous-ministre dont je lisais des
dépêches et des communiqués de presse en disant:
Écoutez, votre travail, vous le ferez dans la controverse comme vous
voudrez, mais vous allez le faire! Ils n'ont pas grand choix. On ne leur dit
pas: Si tu penses... On va même plus loin. Je me permettrai une
comparaison. En soupant avec quelqu'un, à la sécurité et
santé au travail, on dit à un individu: Si tu penses que ta
santé est en danger, tu peux arrêter et tu ne seras pas
pénalisé. On donne ce pouvoir à un
travailleur, mais à un fonctionnaire provincial, on dit: Crois ou
meurs, mais fouille. On t'oblige à fouiller même si cela va
à rencontre d'une loi, la Charte des droits et libertés de la
personne. Ce n'est pas grave cela! Vas-y. Non, non, le ministre a
présumé qu'on n'y allait pas, même si les dirigeants et le
Protecteur du citoyen y compris prétendent qu'il faut faire une
enquête si c'est sérieux, que les faits Invoqués
méritent tellement de considération qu'on doit procéder
à une enquête, ce n'est pas grave, fais-le. Tu seras taxé
par qui?
On sait très bien que ces gens, dans la plupart des cas, sont
démunis et que cela va tomber. On va sombrer dans l'oubli et iln'y aura pas de problème. Je trouve cela pas mal dégueulasse
et répugnant de forcer des individus à procéder contre des
droits qui, de prime abord, sont considérés comme
lésés. Mais je pense que cela ne semble pas émouvoir
tellement le ministre. Au contraire, le ministre a décidé que le
poids du nombre devra l'emporter et que sa réforme devra être
appliquée indépendamment des arguments de raison et du fait que
je ne sais pas combien de groupes, je ne me souviens pas du pourcentage, je
crois que c'était 96 % des groupes, qui ont témoigné
devant la Commission des affaires sociales et de la sécurité du
revenu et ils ont tous dit au ministre: Cela n'a pas d'allure, vous brimez des
principes et les droits fondamentaux des personnes.
Non, le gouvernement a décidé d'y aller, même s'il
introduit, entre vous et moi, oes principes tout à fait fous comme
balai. Je prends l'exemple des jeunes libéraux parce que je me souviens
d'être venu écouter les jeunes libéraux qui avaient
témoigné devant la commission et avaient fait une recommandation
au ministre. Ils ont retenu d'ailleurs une recommandation folle comme balai, je
n'en revenais pas: Poursuivez vos parents, les flos! Cela fait tout un concept
de société. Le ministre a sauté là-dessus. Ce sont
des jeunes rouges qui parient. On a introduit cela dans le projet de loi. Le
ministre délégué à la Famille vient d'arriver. Cela
doit l'épater de voir qu'un gouvernement introduit comme concept de vie
familiale la possibilité et les principes sur le plan juridique:
Poursuis tes parents, mon jeune! C'est ce qu'on appelle la nouvelle philosophie
de la famille. D'ailleurs, je ne serais même pas surpris que le ministre
délégué à la Famille soit d'accord avec cela, parce
que le plus grand principe, le premier départ qu'il a vu dans
l'élaboration de la politique familiale, c'est la politique de l'aide
sociale. Donc je ne serais pas surpris qu'il adhère à ce
principe, ce cher ministre. Je l'ai vu dans la loi 34. 34 ou 37, pour lui c'est
du pareil au même. Il y a 3 chiffres qui les différencient. Je
vous avoue que je serais surpris de pouvoir l'interroger Je pense que je me
bidonnerais et vous aussi sur la conception que l'on peut avoir de la notion de
famille.
Donc, M. le Président, l'amendement ou la motion de forme qui
vise à inviter le syndicat des fonctionnaires veut au moins donner la
possibilité à ces gens-là de s'exprimer sur le rôle
qu'ils ont à jouer par rapport au concept qu'ils ont des droits de la
personne. C'est comme structure qu'ils ont le droit de s'exprimer. On ne peut
pas refuser... Je vous avoue qu'il est normal dans des consultations de cette
sorte que l'on fasse venir des gens et que l'on dise: Vous représentez X
personnes. Qu'avez-vous à dire? 1! me semble que vous auriez avantage...
J'ai rencontré personnellement des fonctionnaires. Je vous dis qu'ils ne
sont cas heureux depuis un an d'avoir le titre de boubou macoutes ou de bourbo
macoutes. Pensez-vous qu'ils sont heureux d'aller interroger le
dépanneur du coin pour savoir s'il y a un gars qui va dans le logis d'en
face? Détrompez-vous, ce n'est pas de gaîté de coeur qu'ils
accomplissent ces tâches-là et quand on leur demande comment cela
se fait, ils nous disent: On reçoit les ordres de Québec. C'est
ce qu'ïs nous disent, alors que depuis le début, on nous laisse
croire que c'est à partir d'indices de fraude que l'on poursuit ou que
l'on talonne les individus. Absolument pas. Ils pigent au hasard du "spot
check" comme font les banques. Cela fait toute une société
humaine: on agit avec des humains comme on agit dans les institutions
bancaires; on fait un "spot check" et on regarde si tout est correct à
partir d'un 'spot check*. Ce ne sont pas des farces.
Je sais que pour des comptables de bout de table, ils comprennent ce que
veut dire un "spot check", sauf que sur le plan sociai, il me semble qu'on
commence à faire de l'intrusion quand on a au moins un minimum de
raisons, il n'y a pas un homme ou une femme élue qui accepterait que
l'on commence à fouiller dans sa vie sans qu'on ait d'abord des raisons
de croire qu'il y a fraude ou anomalie de fonctionnement. Pas un n'accepterait
cela sur votre bord. Vous êtes 100 et je suis convaincu qu'il n'y en a
pas un qui accepterait cela. Vous crieriez tous à l'injustice. Vous
diriez: Est-ce effrayant de brimer les droits fondamentaux? Mais parce que ce
sont des gens qui gagnent environ 180 $ par mois, 300 $ ou 400 $, c'est
important de voir. À tout hasard, si on peut en découvrir cinq
même si on fait mal à 100 ou 200, ce n'est pas grave. Je pense. M.
le Président, que c'est tout à fait anormal. C'est d'autant plus
anormal qu'on force des gens légalement constitués en groupe, qui
a des droits fondamentaux, qui est un syndicat, à passer outre aux
droits et libertés de la personne inclus dans une charte. Cela
m'apparaît très sérieux comme problème, comme
malaise et surtout comme précédent. On est en train de former une
société où le concept de la délation prime. (21
heures)
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: II m'apparaît que, sur le plan de la justice,
vous avez un drôle de concept. M. le Président, je vous annonce,
de toute façon,
qu'après le vote sur cet amendement de forme, j'aurai une
proposition formelle à faire.
Le Président (M. Bélanger): Sur cette motion,
est-ce qu'il y a encore des interventions? Est-ce que cette motion, qui se lit
comme suit: L'addition à la fin des mots "et le Syndicat des
fonctionnaires du Québec" est adoptée?
M. Jolivet: Adopté.
M. Bourbeau: Non, elle n'est pas adoptée, M. le
Président.
M. Jolivet: Donc, il y a vote?
Le Président (M. Bélanger): On demande le vote?
Bien. Alors, j'appelle le vote nominal. Avez-vous un crayon, madame? J'en ai un
ici. Cela va. M. le ministre Bourbeau, député de Laporte?
M. Bourbeau: Je suis contre la proposition.
Le Président (M. Bélanger): M. Bélanger
(Laval-des-Rapides), contre. M. Joly (Fabre)?
M. Joly: Contre.
Le Président (M. Bélanger): M. Laporte
(Sainte-Marie)?
M. Laporte: Contre.
Le Président (M. Bélanger): M. Latulippe
(Chambly)?
M. Latulippe: Contre.
Le Président (M. Bélanger): M. Leclerc
(Taschereau)?
M. Leclerc: Contre.
Le Président (M. Bélanger): Mme Legault
(Deux-Montagnes)?
Mme Legault: Contre.
Le Président (M. Bélanger): M. Sirros
(Laurier)?
M. Bourbeau: II n'est pas là.
Le Président (M. Bélanger): M. Thuringer n'est pas
là. M. Jolivet (Lavioiette)?
M. Jolivet: Je suis pour.
Le Président (M. Bélanger): M. Chevrette
(Joliette)?
M. Chevrette: Pour.
Le Président (M. Bélanger): Mme Harel
(Maisonneuve)?
Mme Harel: Pour.
Le Président (M. Bélanger): Mme Juneau
(Johnson)?
Mme Juneau: Pour.
Le Président (M. Bélanger): Mme Vermette
(Marie-Victorin)?
Mme Vermette: Pour.
M. Bourbeau: Ils ont droit à trois votes.
Le Président (M. Bélanger): Ils ont droit à
trois votes, mais quand même, je pense que c'est une question...
Une voix:...
Le Président (M. Bélanger): C'est cela, pour
permettre à chacun d'exprimer quand même son opinion, c'est
Important.
M. Chevrette: Pour votre "gang".
Le Président (M. Bélanger): Oui! La motion
d'amendement est rejetée. M. le député de Joliette, vous
avez manifesté le désir...
Motion demandant de convoquer l'Office des personnes
handicapées
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Oui, M. le Président, je propose que la
motion soit amendée par l'addition à la fin des mots "et l'Office
des personnes handicapées".
Le Président (M. Bélanger): La motion est
recevable.
M. Bourbeau: On pensait que le député, le chef de
l'Opposition, était pour innover, M. le Président. On s'attendait
à une bombe!
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette, vous avez trente minutes pour
présenter votre motion.
M. Chevrette: Vous avez vu la réaction du ministre, M. le
Président, pour vous montrer quelle déférence ce gars peut
avoir vis-à-vis des personnes handicapées, vis-à-vis de
l'Office des personnes handicapées, vis-à-vis de ce groupe de
notre société qui, depuis quelques années, ne demande pas
d'être jugé inapte ou encore, impotent ou invalide; il demande
d'être intégré à la société à
part égaie.
Je me souviens d'avoir rencontré personnel-
foment pendant deux jours, deux bonnes journées des personnes
handicapées qui nous ont expliqué leur conception, le rôle
qu'elles avaient à jouer dans cette société, quelle
était leur place. Je demeure convaincu que ces personnes viendraient
vous expliquer ce qu'elles attendent d'un gouvernement. Elles attendent des
politiques par lesquelles, dans la mesure de leur capacité, elles
peuvent participer à la société. Par exemple, des
amendements aux lois forçant des compagnies à des pourcentages X.
De choisir, par exemple, dans une compagnie de 50 travailleurs et plus, qu'il y
ait au moins une personne handicapée inscrite sur la liste de paie et
qu'elle puisse réaliser des tâches dans la mesure de ses moyens.
C'est ça, l'intégration. C'est ça, leur perception. Ce
n'est pas: Dites-nous, M. le ministre, si je suis apte ou inapte et donnez-moi
un chèque. Ce n'est pas ça. Ce n'est pas du tout ça. C'est
loin d'être ça.
L'autre jour, quand j'ai réussi à venir passer à
peu près une demi-heure ou trois quarts d'heure au début de la
commission, j'ai commencé à parler au ministre et à lui
dire comment ça pouvait être injuste, le concept d'"apte" et
"Inapte' qu'il introduisait, parce qu'il est en train d'Introduire la notion
d'invalidité. Le processus qui est inclus dans la loi, c'est la
définition, à toutes fins utiles, de l'invalidité
partielle ou totale. Cela fait douze ans, à chaque lundi matin, que je
reçois du monde dans mon bureau comme député, 25 ou 30
personnes, le lundi. Un homme se présente et me dit: Monsieur, ça
fait deux crises cardiaques que j'ai et je ne suis plus capable de travailler.
J'étouffe. Je fais de l'angine en plus et je n'ai pas de souffle, je ne
suis plus capable de faire mon job.
On lui dit: Fais ta demande de rente. Il passe devant un paquet de
médecins qui le jugent: on lui fait passer des expertises et on dit: Ah!
Tu pourrais peut-être travailler cinq minutes assis, cinq minutes debout,
ou tu pourrais... Tu es Invalide à 95 %, mais M. reste 5 % où tu
pourrais faire quelque chose. Donc, tu n'es pas apte à recevoir ta
rente. Il faut te donner un travail qui corresponde à tes
capacités. Et là, c'est toute la procédure - deux heures
devant la Commission des affaires sociales, etc. - qui commence. Je pense que
vous vivez cela, si vous faites un peu de bureau de comté. Vous devez
vivre cela. Si vous n'en faites pas, vous ne vivez pas cela. Pour certains
bonshommes, ça leur a pris bien du temps à avoir un bureau de
comté; il y en a qui ont encore des répondeurs automatiques. Mais
certains députés font du bureau de comté et
reçoivent des gens qui leur disent cela.
La notion d'inaptitude dans votre projet de loi va conduire exactement
à ce genre d'aberration. Pour corriger cela, qu'allez-vous faire? Vous
allez purement faire ce que vous avez fait, c'est-à-dire prendre
quelques policiers et les envoyer chez les médecins pour qu'ils disent:
Ça me prend un certificat médical, je suis malade.
Vous allez faire poigner un ou deux médecins qui donnent des
certificats, comme une policière a fait à Montréal; elle a
pris un médecin elle a mimé tous les symptômes d'une
maladie et, de bonne foi, 1 l'a reconnue malade pour quelques Jours. Là,
vous dites: Ah! Les médecins ne sont pas honnêtes! Eh! Cela n'a
pas d'allure! Elle est en parfaite santé, c'est une police! Le
médecin jette donc le discrédit sur le corps médical en
plus. Et là, vous essayez de faire définir ce qu'est
l'inaptitude, avec tout le concept de maladie psychologique, psychosomatique,
de l'interdépendance du physique sur le psychologique et du
psychologique sur le physique et vous allez vous amuser avec cela: apte ou
inapte cest bien sûr.
Pour quelqu'un qui considère les gens comme des robots
mécaniques, je vous concède que vous avez le droit de le faire,
mais à mon point de vue, par exemple, vous manquez le bateau
complètement et vous risquez carrément de ne pas répondre
aux perceptions qu'on doit avoir d'une société. Je pense qu'on
doit multiplier les possibilités d'employabilité, mais qu'on ne
doit pas axer exclusivement les mesures là-dessus quand on sait que 17 %
à peine ont réussi, par ces mesures, à trouver un refuge
au soleil. Ce n'est pas vrai. Vous devriez peut-être, plutôt que
consacrer beaucoup d'énergie à savoir ce qu'est 'être apte'
ou 'inapte", définir ce qu'est l'Intégration de ceux qui sont
handicapés. C'est l'occasion qu'on aurait d'entendre ces
gens-là.
Je vais vous donner un exemple concret: à Joliette, les
handicapés ont demandé l'autorisation à la Régie de
l'assurance automobile, et ils l'ont obtenue, d'ouvrir un comptoir pour donner
les immatriculations. C'est intéressant. Une dizaine de
handicapés ont réussi leur test et sont capables... Certains pas
pour longtemps, mais ils travaillent; ils se sont associés dans un genre
de coopérative et tout. Mais si on leur avait dit au départ:
Selon toute la politique, toi, ma petite fille, ou toi, selon toute ma
politique, mon petit gars, es-tu apte ou inapte au traval? Es-tu invalide,
impotent ou si tu es capable de travai-!er? Écoutez bien...
Malgré cela, une jeune handicapée est venue à mon bureau;
elle pleurait à chaudes larmes parce qu'elle avait été
jugée inapte à occuper ce poste-là dans la
sélection des handicapés. Cela faisait pitié. Cela
démontre jusqu'à quel point la volonté même de ces
personnes-là, ce n'est pas d'être Jugées aptes ou inaptes,
c'est de dire: Je suis capable de faire quelque chose, donnez-moi la chance de
le faire. C'est ce qu'on appelle l'intégration dans la
société à partir du potentiel que j'ai et que je veux
faire valoir.
C'est cela que je trouve dommage dans l'approche que vous avez.
L'approche que vous avez, c'est comme si vous jugiez du monde bon ou pas bon.
Tu es bon pour tout ou tu n'es bon à rien. Comme, des fois, tu es bon
pour quelque chose, mais tu n'es pas bon pour tout, ta seule
façon d'être traité correctement, c'est de te faire
déclarer bon à rien. C'est ça, votre politique, vous ne le
dites pas, mais c'est à ça que ça va conduire sur le plan
concret, sur le plan humain. Vous n'êtes pas capable de faire une
journée de huit heures, vos capacités physiques sont
limitées à deux heures, vous êtes un handicapé; vous
pouvez au moins faire quelque chose pendant deux heures et vous en êtes
fier, ça vous valorise de le faire. Vous lui dites: Non, tu es inapte.
Si tu veux avoir ton chèque, il faut que tu te fasses déclarer
inapte au travail parce que ton petit potentiel de deux heures, il n'est pas
assez bon; il faut que ce soit vite. Vous trouvez ça correct? C'est
ça que vous avez dit aux citoyens quand vous vous êtes fait
élire?
Quand les autobus de handicapés se promenaient d'un comté.
à l'autre pendant les élections... Je me souviens encore du soir
de mon assemblée, à Saint-Ambroise-de-Kildare, à sept
milles de Joliette, quand un autobus de handicapés est arrivé et
les gens ont dit: M. Bou-rassa vient de nous promettre que pour nous, les
handicapés, tous les programmes prévus dans À part...
égale seront appliqués. C'est ça que vous veniez de
leur promettre? Vous leur avez promis l'intégration sociale: que
faites-vous par votre politique? Vous venez d'accentuer le millage que ces gens
avaient fait dans notre société. Je pense qu'ils avaient
sensibilisé à peu près tout ce qui bougeait sur le plan
social au Québec, qu'ils avaient convaincu les gens que leur
intégration était possible; ils avaient vu naître des
projets concrets qui rendaient service à la collectivité et qui
valorisaient beaucoup ces personnes. Là, vous leur dites: Non; t'es bon
ou t'es pas bon.
Dans cette dimension-là, je m'excuse mais vous manquez le bateau.
J'aimerais bien que vous alliez discuter avec ces gens et que vous leur
demandiez s'ils ont vécu des expériences concrètes.
J'aimerais que vous alliez les voir pour discuter avec eux. J'aimerais que vous
rencontriez les accidentés du travail, ceux qui vivent expertise
par-dessus expertise. Je suis allé rencontrer un groupe avec votre
collègue de Berthier, une quarantaine de personnes. J'aurais aimé
que vous écoutiez ce que ces gens nous disaient. Il y a des gens qui
n'ont plus la force physique de travailler et qui sont jugés aptes au
travail par des médecins parce qu'ils n'ont pas une incapacité
totale. Il y a des gens pour qui c'est le contraire, vous le savez. Il y a des
gens qui, psychologiquement, ne sont plus capables mais ont la force physique
nécessaire. Il y a les deux. Que provoquez-vous à ce
moment-là? Vous obligez l'individu qui veut avoir son chèque de
paie à se faire déclarer inapte complètement. C'est
ça.
Je ne vous comprends pas concernant cette notion de "apte" et "inapte".
Vous avez eu des expériences dans le passé; je me souviens
qu'après une enquête, on a reconnu qu'un, deux ou trois
médecins de Montréal étaient les dispensateurs de 30 % ou
40 % des certificats médicaux sur l'île de Montréal. On
avait fait grand état de ça. Les gens disaient: C'est
épouvantable, trois ou quatre médecins seulement ont signé
30 % ou 40 % des certificats! Tout le monde a dit: Ces maudits médecins,
il n'ont donc pas de conscience professionnelle! La police! Et là,
qu'arrive-t-il? Vous allez avoir une réaction exactement Inverse. Il y a
des gens qui vont être malades et les médecins vont les juger
malades, mais ils vont dire: Est-il assez malade pour que je lui prescrive un
arrêt de travail? Si c'était un policier, si c'était une
policière qui vient me tendre un piège? Elle me semble malade,
mais je ne suis pas pour lui dire qu'elle est trop malade, parce que je n'en ai
pas la conviction. Donc, elle n'est pas malade, je ne lui signe pas son
certificat. Est-ce que c'est plus intelligent, sur le plan de la conscience
professionnelle, de créer la psychose du contraire? (21 h 15)
Moi, je pense que c'est faire fausse route. C'est vraiment bâtir
un système, qui, à mon point de vue, n'est pas correct sur le
plan social ni sur le plan humain. Je ne comprends pas que vous ne le
réalisiez pas. Cela fait trois ans au moins que vous faites du bureau de
comté, que vous avez des cas patents le lundi, qu'il y a des gens qui
vous appellent et qui vous disent qu'ils ont maille à partie avec la
CSST. Cela devrait vous servir juste cela. Ce temps-ci, avec les directives qui
ont été données à la CSST sur le plan
administratif, vous savez qu'en première instance, elles sont toutes
refusées, elles sont obligées d'aller toutes en appel, vous le
savez, vous le vivez! Cela ne vous donne-t-il pas un petit
arrière-goût de ce qui peut se passer avec une loi comme celle que
vous voulez passer? Cela ne vous donne-t-il pas le goût de
réfléchir et de dire: C'est vrai que cela peut mener à des
aberrations? Cela ne vous fait-il pas penser qu'il faudrait peut-être
assouplir la loi?
Moi, je vous avoue que je ne vous comprends pas. Instaurer ce genre de
système qui est basé sur la peur ou sur l'impossible. L'autre
jour, j'ai à peine exagéré pour essayer de vous convaincre
quand je vous disais qu'il faut quasiment avoir les deux pieds dans la tombe
pour être jugé invalide au Québec. Je m'excuse mais c'est
cela! J'ai vu des gens subir trois opérations à la colonne
vertébrale. J'ai vu des gens qui avaient fait une crise cardiaque
être jugés aptes. Par contre, s'ils ne sont pas capables de faire
leur journée complète, Ns se font fouter dehors mais ils sont
jugés aptes. S'ils font deux heures, au lieu de huit heures quel
employeur garderait un individu si vous n'avez pas prévu un
système qui pouvait rendre service et ouvrir des portes au travail
à ces gens handicapés qui peuvent travailler une, deux, trois,
quatre, ou cinq heures par jour et qui ne peuvent pas faire une journée
complète? Quelle est leur possibilité? C'est sur cela que je
trouve que vous ne l'avez pas. Pas du tout! Ou bien tu
es apte ou bien tu es inapte. Si tu es apte, fais ton boulot comme tous
les autres et "ferme ta boîte". Là, tu vas recevoir ta paye
normale. Si tu es inapte, on te donnera un chèque assez important. Oui,
on a beaucoup de sympathie pour ceux qui ne peuvent rien faire, mais pour se
faire définir par exemple comme inapte ce sont dorénavant ou
à peu près les règles menant à l'invalidité
et qui ont fait des preuves absolument aberrantes au Québec. Sur cela,
je ne marche pas et je n'accepte pas cela.
Vos mesures dont vous parlez ce n'est plus cela. La personne qui va
être jugée apte mais très "maganée" comme on dit en
bon québécois, il y a un employeur qui va vous dire: Moi, j'ai
besoin de onze personnes. Vous allez lui envoyer la liste. Je ne sais pas
comment vous allez procéder. Si vous procédez comme les boubous
macoutes, vous allez les piger au hasard et vous allez dire: Bang! Ou bien vous
allez procéder par ancienneté de listes, je ne sais pas moi, par
ancienneté d'inscriptions. Vous allez peut-être nous pondre des
merveilles. Je sais que vous êtes capables de toutes les aberrations.
Vous allez sans doute nous catégoriser cela. Celui qui est depuis trois
ans sur le "BS", vous allez juger qu'il faut qu'il débarque "au plus
sacrant" ou qu'il obtienne la plus grosse pénalité au plus vite,
donc, vous allez envoyer son nom.
C'est évident qu'on va avoir à peu près tout le
raffinement des procédures avec vous autres, on s'attend à tout
cela. Seulement à partir de là, l'individu qui va être
ainsi coupé, il n'a même plus d'appel sur son inaptitude ou sur
son aptitude. Il aura été jugé apte ou inapte avec son
handicap. Ce ne sont pas des farces! Ne venez pas dire que c'est un
système juste et équitable. Je me souviens, quand on faisait de
l'arbitrage dans le syndicalisme, une phrase qui m'a toujours frappé.
Quand vous siégez comme arbitre ou comme assesseur, vous rendez votre
jugement selon l'équité et la bonne conscience. Cela voulait tout
dire. Cela voulait dire qu'il y avait place au jugement dans la façon de
rendre ses sentences. J'aimerais que vous m'indiquiez dans votre loi, où
vous faites place à l'équité et à la bonne
conscience. J'aimerais également que vous m'indiquiez où les
handicapés du Québec vont retrouver les principes d'application
de tout le processus de part égale. J'aimerais que vous nous disiez
très clairement et de façon bien précise, quand on
permettra aux travailleurs handicapés de pouvoir s'intégrer au
marché du travail selon leur capacité. J'aimerais que vous nous
disiez où et comment cela va se faire, à partir de quel principe
dans votre propre législature et à partir de quel article.
Je vous avoue très honnêtement que j'ai eu l'impression en
lisant et en relisant cette loi, et en lisant à peu près tout !e
"dipping" de presse qui a entouré les débats sur ce projet de
loi, que cela ressemblait un peu à quelqu'un qui dit: Je vous ai promis
quelque chose; je ne peux pas vous le donner et II faut que je m'arrange pour
vous donner quelque chose, pour éviter l'impression de ne pas vous
l'avoir donné. C'est à peu près cela. Alors que lorsque
vous avez rempli les autobus, vous avez payé les jeunes et que vous les
avez envoyés au centre Paul-Sauvé, vous !es avez fait grimper
dans les rideaux et leur avez donné 5 $ ou 10 $ en sortant de là,
en leur disant: Tu es bien fin, tu es venu. On vous a offert la parité
de l'aide sociale. Il y en a qui ne comprendront jamais de leur vie. Si tu
étais là. cela ne veut rien dire.
M. Leclerc:... de 5 $.
M. Chevrette: Non, c'est parce qu'ils savaient que tu pouvais en
donner aux autres, mais ce n'est pas là l'objet de la discussion.
L'objet de la discussion est que, parmi ces jeunes, il y en a qui ont cru. Ils
n'étaient pas tous naïfs ceux qui étaient là. Il y a
des jeunes qu'on a interrogés ce soir-là, on leur a
demandé: Qu'est-ce qui t'a satisfait le plus? Ils ont dit: On aura la
parité, des chutes qui seront raisonnables, sans condition à
l'époque. Les boubous macoutes n'étaient pas encore... Il n'y
avait pas de contribution parentale à I époque. Il n'y avait pas
de principe pour poursuivre ses parents si cela ne marchait pas. Non,
c'était la parité et sans condition. À part cela, ce que
le PQ avait fait avec ses programmes c'était fou comme balai".
C'était clair. C'était clic et déclic et vous riiez de
nous, je me rappelle. Vous "tiltez" aujourd'hui, vous ne "décliquez"
pas. Vous "tiltez" comme une machine à boules qui ne fonctionne pas.
C'est exactement cela votre affaire, parce que vous êtes en train de
former des frustrés, des gens qui ont cru en votre
honnêteté et je pense aussi que vous êtes en train... C'est
votre chef qui assume ce leadership très mirobolant, si bien que nous,
les hommes et les femmes politiques, sommes à nous demander si avec des
principes comme ceux que défend votre chef, on ne devrait pas avoir
honte d'être en politique.
Cela fait trois fois, et je vous le répète, que votre
chef, selon les tribunes, dit très ouvertement: Vous savez ce que l'on
dit avant et ce que l'on dit après, ce sont deux choses bien
différentes. C'est tout un principe de chef cela. Il l'a dit à
CKAC à 7 h 25 le 21 novembre. Je vous rappelle la date et l'heure, si
vous voulez faire sortir la cassette - vous êtes habitués dans les
cassettes, surtout votre chef - demandez-lui celle-là: le 21 novembre
à 7 h 25, CKAC. Il pensait que Turner passerait; il a dit: Ce n'est pas
tellement grave parce que les discours que l'on fait avant et les discours que
l'on fait après, c'est bien différent.
Une voix: C'est bien libéral.
M. Chevrette: C'est vrai que c'est différent chez vous. Je
pense que la preuve est en train de se faire de plus en plus, c'est un fait.
C'est
vrai qu'il l'a dit, n'essayez pas, si vous ne l'avez pas entendu, c'est
parce que vous ne l'avez pas voulu. Surveillez-le et allez le prendre, et
faites-vous le dire et taper à part cela, parce qu'il y en a pour qui
cela ne sert à rien, ils n'entendent rien et ne comprennent rien. Mais
il reste que je pense qu'il nous faut changer les mentalités au
Québec et vous n'êtes pas partis pour faire cela. Vous êtes
partis tout simplement pour donner l'impression qu'en politique, ce que l'on
dit avant cela n'a pas d'importance, alors que je pourrais prouver longuement
ici, si j'en avais le temps, combien cela a été important pour
nous, pendant nos neuf ans au pouvoir, de respecter les engagements qu'on avait
pris. Je pourrais parler de la langue, de l'assurance automobile, du zonage
agricole, de la loi 125, de la loi 101, etc. puis m'en aller.
Oui on a respecté les engagements qu'on avait pris. Je pourrais
vous tourner de bord et dire: Voici, vous aviez promis les rentes pour les
femmes au foyer. Vous n'avez pas remis... Ici, je regarde, par exemple,
conférence de presse du 4 novembre 1985. Le Parti libéral
s'engage - c'est vous qui pariez - à réviser tout le programme de
l'aide sociale, à abolir les critères de l'âge pour donner
des prestations d'aide sociale. On va tenir compte des aptes et inaptes au
travail, mais pas juste pour les moins de trente ans. Cela, c'étaient
vos engagements et c'était beau. Il n'y avait plus de critères
d'âge, il n'y avait plus de programmes, il n'y avait plus rien.
C'était apte, inapte... et inapte, je vous dis que ce n'était pas
grave. C'était doux, cela.
Aujourd'hui, qu'est-ce que vous leur dites dans votre projet de loi? Je
pourrais continuer dans vos engagements. Vous avez promis aux jeunes un
comité de recyclage, un programme de recyclage-études. Vous avez
promis...
Une voix:...
M. Chevrette: Oh oui! Aux femmes, vous ayez promis la lune et
vous n'avez pas encore livré un quartier, et je pourrais continuer. Cela
a été la même chose pour les personnes âgées.
Des promesses, en voulez-vous, en voilà! 2 000 000 000 $ pour les routes
et les budgets étaient encore inférieurs à 1985 et il n'y
avait pas de problème! Le développement régional,
fabuleux. On est encore en bas de je ne sais combien de millions, ce n'est pas
grave, on promet.
Je vous ai dit l'autre jour qu'on pouvait leurrer du monde un certain
temps, mais on ne pouvait pas leurrer tout le monde tout le temps.
Là-dessus, à mon point de vue, vous faites fausse route
complètement. Vous faites fausse route, parce que vous niez
fondamentalement les droits des personnes, vous niez les droits des groupes et
vous refusez même de les entendre. Le ministre est peut-être
convaincu qu'il a amendé d'une façon aussi substantielle son
projet de loi, et il se peut que naïvement, il le soit, M. le
Président; ceci me surprendrait, mais il arrive parfois, en politique,
qu'on rencontre quelques individus de ce genre pour qui la naïveté
étouffe le jugement. Il arrive que certains individus soient convaincus
de quelque chose, parce qu'ils ne comprennent même pas leurs propres
projets préparés par d'autres.
Mais, ceci dit, je ne crois pas que ce soit le propre du ministre. Il
est quand même notaire et je suppose qu'il est habitué de lire des
textes. Même ses foncionnaires lui en ont donné une tonne. Il me
semble qu'il était capable de faire la distinction entre ce qu'il a
déjà lu et ce qu'il vient de lire et de dire...
M. Bourbeau:...
M. Chevrette: Bien, ce serait bon d'avoir l'appréciation
de ce que les groupes pensent de mes amendements, parce que, quand il a
élaboré ses amendements, son premier réflexe a
été de dire: Je pense que tout le monde va être satisfait.
Ce ne sont pas des farces! Là, j'ai dit "wo", peut-être que ce
n'est pas de la présomption! J'ai pensé que c'était
plutôt de la naïveté et de l'infantilisme - pour utiliser son
expression, parce que ce n'est pas de l'infantilisme - mais j'ai trouvé
que c'était gros, sa perception de pouvoir convaincre tout le monde avec
ses amendements.
D'ailleurs, les réactions ont été à peu
près unanimes. Tout le monde dit que c'est du pareil au même, il y
a quelques sous ajoutés ici et là. Mais, sur les principes,
encore une fois, il faut bien se comprendre, ce n'est pas toujours le signe de
piastre dans une politique. Ce sont les principes que comporte la politique
aussi. J'écoutais quand le ministre disait l'autre jour: On a enfin
réglé la question... pas de la cohabitation mais du partage du
logement, et il donne de l'argent. Oui, il donne au maximum 52 $, alors qu'on
peut se ramasser... et il enlève 85 $. Il est généreux en
"Hérode", ce ministre! C'est un maudit bon gars!
Je comprends, il est plus généreux qu'il l'était,
parce qu'il ne donnait rien et, là, il donne 52 $. Mais, par rapport
à ce qu'il y avait, c'était 85 $. Il lui manque encore 32 $ ou 33
$. De 52 $ à 85 $... je sais compter un peu moi aussi, et je
n'étais pas dans le domaine de l'assurance, mais je suis assuré
que c'est 33 $. Donc, il me semble que le ministre devrait comprendre cela.
C'est vrai qu'on peut leurrer le monde. Il dit: Écoute, je te coupe 400
$. Là, tout le monde panique. Je te donne 300 $, eh! je suis un bon
gars. Mais il me manque encore 100 $. C'est cela, votre politique. (21 h
30)
Je me rappelle encore une expression de votre ancien collègue de
Verdun qui faisait des comparaisons extraordinaires; il ne disait pas: jouer
à l'autruche; il disait: Je vois l'Autriche. Mais là, vous
êtes en train d'essayer de nous démontrer je ne sais pas quoi.
Votre chère Lulu
Caron qui nous disait cela vers 1 h 45 du matin.
Mme Juneau: Ah oui! Elle se cachait la tête dans le
sable.
M. Chevrette: Oui. Je pense que vous êtes en train de
prendre la population québécoise...
Le Président (M. Bélanger): Je n'irais pas
jusque-là.
M. Chevrette:... pour une population naïve; ce n'est pas
vrai que c'est une population naïve. Je suis convaincu présentement
que vous êtes en train de vous démasquer et que la population
n'acceptera pas...
Une voix: Des masques?
M. Chevrette:... démasquer. Vous êtes en train de
montrer votre vrai visage, c'est-à-dire que pour vous, la classe
défavorisée au Québec, compte peu, a peu d'importance. Que
des jeunes tirent le diable par la queue, qu'ils n'aient pas d'argent et qu'ils
soient coupés, ce n'est pas grave. Ce n'est pas grave, non. Qu'on leur
enlève 33 $, qu'on les force à poursuivre leurs parents, ce n'est
pas grave. Que les personnes handicapées aient comme seule alternative
de se faire déclarer inaptes au travail, invalides ou impotents, ce
n'est pas grave. Ce qui compte, c'est de diminuer le déficit sur le dos
des pauvres. C'est à peu près cela, votre réaction. Et je
pense que, tôt ou tard, vous paierez pour cela.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le
député de Joliette. M. le ministre.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Vous me permettrez, M. le Président, de dire
quelques mots au chef de l'Opposition pour lui rappeler que les assistés
sociaux qui tirent le diable par la queue, ce sont les jeunes de 18 à 30
ans que vous avez maintenus dans la famine pendant les neuf ans où vous
avez été au pouvoir avec des prestations de 150 $ par mois et
à qui nous avons promis de relever les prestations au même taux
que les adultes. Peut-être qu'ils n'auront pas 520 $ par mois s'ils ne
participent pas aux mesures d'employabilité, mais au moins, ils
auront droit au barème de base qui est, au départ, de 420 $,
s'ils décident de ne pas participer aux mesures. On peut peut-être
enlever les 85 $ du partage de logement mais 1 en restera pas mal plus que ce
qu'ils ont présentement et que ce que vous aviez permis qu'ils aient
pendant les années où vous étiez au pouvoir; ceci dit pour
le tirage par la queue', M. le chef de l'Opposition.
Pour ce qui est de la partie la plus sérieuse de votre
allocution, je voudrais pour une fois parler un peu de la question de
l'aptitude et de l'inaptitude au travail, et vous faire état que nous
avons l'intention de déposer éventuellement une modification
à l'article 7. Bien sûr, nous y arriverons, si jamais la
députée de Maisonneuve ou l'Opposition décide de commencer
l'étude article par article du projet de loi. Mais bien que l'article 7
précise présentement que, pour être admissible à ce
programme, le client doit présenter un problème observable par un
médecin, c'est-à-dire la production d'un rapport médical.
La définition de l'inaptitude ne se résume pas à l'aspect
médical.
M. Chevrette: Voulez-vous rappeler bénéficiaire,
ceia aurait l'air moins Injurieux, moins commercial?
M. Bourbeau: L'évaluation des contraintes à
l'emploi d'un individu portera...
M. Chevrette:.. client...
M. Bourbeau:... sur un ensemble de facteurs dont l'état
physique ou mental n'en est qu'un, M. le chef de l'Opposition. De plus, la
notion de santé est ici prise au sens large, puisqu'on parlera d'un
état physique ou mental altéré ou déficient, ce qui
Inclut des personnes qui peuvent être en très bonne santé,
mais présenter des déficiences comme, par exemple, la
déficience intellectuelle. Enfin, la durée doit être
vraisemblablement permanente, ce qui, au niveau de l'interprétation
normative, sera précisé comme suit: un état que le
médecin peut anticiper comme devant durer au moins un an. Maintenant, le
dossier d'un client qui demande à être admis au programme Soutien
financier ou qui déclare dans son formulaire de demande initiale qu'il a
une déficience ou bien que son état de santé
l'empêche d'occuper un emploi, sera traité de la façon
suivante: un formulaire de rapport médical lui sera remis et devra
être rempli par son médecin traitant. Deuxièmement, une
entrevue avec son agent permettra par la suite de faire son profil
socioprofessionnel et de connaître ses incapacités, ce qu'on
appelle le rapport complémentaire; dans l'élaboration de ces deux
outils, c'est-à-dire le formulaire de rapport médical et le
rapport complémentaire, le ministère s'efforcera d'utiliser les
concepts et les catégories de la CIDIH, pour le bénéfice
de l'Opposition, il s'agit de la classification internationale des
déficiences, incapacités et handicaps, telle que reconnue par
l'Organisation mondiale de la santé.
M. Chevrette:...
M. Bourbeau: Une fois ces deux rapports complétés,
le dossier du client sera transmis à un comité mutidisciplinaire
régional...
M. Chevrette:...
M. Bourbeau:... qui décidera de l'admissibilité du
client et aura aussi le rôle de suggérer une
référence, pour celui-ci, à une ressource
appropriée dans le réseau de la santé et des services
sociaux.
M. Chevrette: Le gars est découragé; il est rendu
chez lui et il est couché.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
S'il vous plaît!
M. Chevrette: Excusez, M. le Président. Le
Président (M. Bélanger): M. le ministre. M.
Bourbeau:... à une référence... Le Président
(M. Bélanger): S'il vous plaît!
M. Bourbeau:... à une ressource appropriée dans le
réseau de la santé et des services sociaux dans le but de lui
permettre d'entreprendre, s'il y a lieu, un processus de réadaptation et
de diminuer ses contraintes à l'emploi. Je sais que cela peut être
un peu ennuyant mais, pour une fois, vous remarquerez que c'est quand
même sérieux. Si vous écoutiez ce que je dis là,
vous pourriez peut-être comprendre comment on va traiter. Maintenant, M.
le Président, pour le bénéfice des membres de la
commission, j'aimerais donner deux exemples très concrets de gens qui
vont se présenter chez nous, au centre Travail-Québec. Dans le
premier exemple, il s'agit de Marie. Marie a 53 ans. Divorcée depuis
quinze ans, elle vit seule en appartement depuis le départ de ses deux
enfants. Écoutez, vous allez comprendre un peu comment on va traiter le
dossier. Marie a complété une septième année et a
laissé l'école pour prendre soin de ses frères et soeurs
après la mort de sa mère. Au moment de son mariage, elle
travaillait comme aide ménagère et, par la suite, n'a jamais
occupé d'emploi. Marie est bénéficiaire de l'aide sociale
depuis son divorce. Elle souffre d'hypertension et d'anxiété
chronique. Avec l'implantation de la nouvelle loi, le dossier de Marie doit
être revu. Celui-ci ne comportait aucun rapport médical, mais en
remplissant le nouveau formulaire de demande initial, Marie mentionna que son
état de santé l'empêche d'occuper un emploi. L'agent du
centre Travail-Québec qui convoque Marie pour l'évaluation de sa
demande lui remet le formulaire de rapport médical à
compléter par son médecin traitant. Il lui explique la suite de
sa démarche. L'ensemble du dossier de Marie est transmis au
comité régional qui, après analyse, recommande son
admission au programme Soutien financier, c'est-à-dire qu'elle serait
classifiée comme inapte. Les problèmes de santé que
présente Marie ne sont pas suffisants en soi pour la rendre non
employable, mais son âge, allié à son inexpérience
du marché du travail et à sa faible scolarité font en
sorte qu'elle ne pourrait avoir accès à court ou à moyen
terme à des emplois que son état de santé lui permettrait
d'exercer. Compte tenu de l'âge de Marie et de sa faible
scolarité, le comité ne recommande pas de la
référer à un centre de réadaptation.
L'autre cas, ce serait celui de Charles, âgé de 28 ans.
Célibataire, il vivait en appartement avec son père jusqu'au
décès de celui-ci, ce qui l'amène à faire une
demande d'aide sociale. Charles a terminé son secondaire V à
l'âge de 18 ans. Il a été institutionnalisé pour une
psychose maniaco-dépressive pendant deux ans. Il a fait par la suite
quelques rechutes qui l'ont amené à nouveau à
l'hôpital. Il a vécu dans des familles d'accueil et des
appartements supervisés avant de revenir vivre avec son père
à l'âge de 25 ans. Depuis deux ans, sa maladie semble sous
contrôle. Mais, lorsque Charles se présente au centre
Travail-Québec, il déclare sur le formulaire que son état
de santé l'empêche d'occuper un emploi. Le rapport du
médecin traitant mentionne le diagnostic de psychose
maniacodépressive avec traitement au lithium, stabilisée depuis
deux ans. Dans le rapport de l'agent, les principales incapacités de
Charles sont mentionnées: problèmes de concentration et de
persévérance dans l'effort. Le comité régional
recommandera que Charles soit admis au programme Soutien financier,
c'est-à-dire inaptitude, mais suggère que celui-ci soit
référé à un centre d'accueil dans le but de
concevoir pour lui un plan d'intervention tenant compte de ses
incapacités et ayant pour but, à long terme, de diminuer les
contraintes qui le rendent non employable.
J'ai tenu à faire état de ces deux cas, M. le
Président, pour bien préciser à l'Opposition que la
définition d'inaptitude que nous entendons observer et mettre en vigueur
n'est pas une stricte définition d'inaptitude médicale. Il devra
y avoir une condition minimale sur le plan médical, mais nous tiendrons
compte également de la situation de l'individu sur les plans
sociopsychique et socioprofessionnel. On ne peut pas prétendre que nous
ne tiendrons compte que de la situation médicale. Je pense, M. le
Président, que cette définition de l'inaptitude est une
définition beaucoup plus large que celle dont parlait tout à
l'heure le chef de l'Opposition. Elle est aussi beaucoup plus contemporaine, en
ce sens qu'elle tient compte des notions modernes de l'inaptitude. Je
signalerai en terminant, également pour le bénéfice de
l'Opposition, que finalement, la plupart des pays industrialisés
aujourd'hui traitent différemment les inaptes par rapport aux aptes dans
le domaine de l'aide sociale, de l'assistance sociale. Même les provinces
canadiennes font toutes cette distinction. Le Québec retarde sur ce
point, étant la seule province qui ne fait pas cette distinction entre
les inaptes et les aptes, et qui ne traite pas plus généreusement
ses inaptes par rapport à ceux qui sont aptes au travail et parfaitement
capables de
travailler.
M. Chevrette: Permettez-moi, M. le ministre... Je n'ai pas la
chance de venir régulièrement. Je voudrais vous poser une
question concrète.
M. Bourbeau: Je n'y ai pas d'objection.
M. Chevrette: Je ne la nommerai pas, mais j'ai en tête une
personne qui a 54 ans, qui est agent d'aide sociale et qui a à juger du
cas de Marie ou de Chariot. Pour le programme d'aide sociale, vous avez
prévu 1 500 000 000 $. Il est rendu à 1 499 000 000 $ au mois de
janvier ou février. Vous émettez une directive exactement comme
le fait la CSST vis-à-vis des cas d'invalidité. Vous les
considérez tous refusés au premier coup d'oeil. Votre
fonctionnaire qui reçoit des ordres, que fera-t-il?
Mme Harel: II est bon, le ministre.
M. Chevrette: Ce n'est toujours pas vous qui allez juger avec un
clin d'oeil. Ce n'est pas le fonctionnaire de 54 ans qui a des aptitudes
à juger ce qu'est un maniaco-dépressif. Il l'est peut-être
plus que le gars qui se présente parce qu'il a peur de se faire avoir
par...
Le Président (M. Bélanger): Votre question, s'V
vous plaît.
M. Chevrette: Elle est assez claire.
Le Président (M. Bélanger): D'accord. M. le
ministre.
M. Chevrette: Je ne voudrais pas qu'il fasse une
dépression pour y répondre.
M. Bourbeau: M. le Président, je voudrais donner une
réponse à deux volets au chef de l'Opposition.
Premièrement, le budget de l'aide sociale est un budget ouvert. Ce n'est
pas un budget fermé, en ce sens...
M. Chevrette:... très descriptif, voyons.
M. Bourbeau:... M. le Président, que tant qu'il y a des
clients, nous payons, il n'est pas question d'avoir un budget fermé
où nous arrêtons de payer le 15 février parce qu'il n'y a
plus d'argent. Le chef de l'Opposition sait fort bien que le budget de l'aide
sociale est totalement ouvert dans les deux sens. Autrement dit, si cela
coûte plus cher, on paie. Si cela coûte moins cher, il y a des
fonds périmés.
Deuxièmement, la décision ne sera pas prise par votre
agent de l'aide sociale de 24 ans, dans le cas de Chartes ou de Marie. Ce sont
des cas qui ne sont pas évidents au départ et qui seront tous
référés au comité régional. Ce comité
sera constitué d'un médecin spécialisé, d'un
travailleur social également spécialisé et d'un
spécialiste de l'emploi et de la formation de la main-d'oeuvre. Ce
comité aura à juger de chaque cas présenté. Dans le
cas de doute par rapport à des dossiers spécifiques, I pourra
s'adjoindre des consultants ou des experts, au besoin. Les experts pourront
être des travailleurs sociaux, des ergothérapeutes, des
physiotnérapeutes, des psychologues et autres personnes de même
farine. M. le Président, nous entendons aborder cela avec beaucoup de
sérieux. Je sais que !e chef de l'Opposition, même s'il est un peu
tard dans la soirée, reconnaîtra que les réponses que je
lui donne sont sérieuses et crédibles.
Mme Harel: M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Oui. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Je voudrais intervenir sur la motion du chef de
l'Opposition. Je vais d'abord faire un aparté parce que le ministre en a
parlé dans sa réplique à la motion du chef de l'Opposition
quand il a fait état de la parité de la prestation qui va
dorénavant être allouée aux moins de 30 ans.
C'était, je pense, en invoquant l'expression que le chef de l'Opposition
avait évoquée alors que le ministre prétendait que,
dorénavant, les moins de 30 ans seraient traités plus
généreusement. Je veux simplement rappeler au ministre, à
ce stade-ci, que les personnes de moins de 30 ans qui ont charge d'enfants sont
actuellement bénéficiaires de la pleine prestation. Pour celles
qui ne le sont pas, le sort qui les attend, pour 8000 d'entre elles, c'est
d'être totalement exclues de toute allocation. Il y en a certainement
8000 qui vont pâtir de la discrimination cachée. Finalement, c'est
en cachette que se fait cette parité pour les moins de 30 ans. En
cachant des conditions qui vont faire en sorte que 8000 vont être
exclues, 4000 diminuées et tout au plus 4000 qui vont voir l'aide
qu'elles reçoivent actuellement, l'équivalent de l'aide,
maintenue. Ce n'est là, d'aucune façon, un objectif qui devrait
justifier le ministre de prétendre faire adopter le projet de loi
37.
À l'égard de ce dont nous avons parlé ce soir,
compte tenu de la motion du chef de l'Opposition, je pense que le ministre n'a
pas l'air très familier avec ces différentes notions qui sont
l'invalidité, l'inaptitude et le handicap. Ce sont trois notions
totalement distinctes, avec des problématiques différentes. C'est
malheureux que le ministre se prive de l'expertise de l'Office des personnes
handicapées. Le ministre n'a pas eu la chance, comme ses
collègues qui siègent en commission parlementaire, pendant toutes
ces semaines que nous avons passées à entendre les
mémoires, d'avoir une idée plus précise des
problèmes des différentes catégories de citoyens qui sont
démunis.
C'est évident que le ministre, qui fait lecture du merveilleux
monde imaginaire de Walt 'Disney que lui écrivent ses bras droits, je ne
sais plus s'ils sont hauts ou petits fonctionnaires, n'a pas l'air du tout de
savoir que les personnes handicapées sont venues devant la commission
pour demander bien autre chose que ce que l'on trouve dans le projet de loi 37
et, notamment, pour rappeler le paradoxe désarmant pour la personne
handicapée d'une non-reconnaissance de la compensation des coûts
supplémentaires encourus par la déficience ou la limitation
fonctionnelle lorsque la personne intègre le marché du travail.
La revendication des personnes handicapées, ce n'est pas de se faire
déclarer et reconnaître inaptes par un comité de
superexperts, au contraire. Leur revendication, c'est justement de protester
contre le fait que 70 % d'entre elles sont en chômage. Au Québec,
au moment où on se parle, à l'automne 1988, 70 % des personnes
handicapées sont en chômage. Le ministre va leur proposer comme
solution de les faire reconnaître comme inaptes. (21 h 45)
Ce n'est pas de cela qu'elles veulent entendre parler, M. le ministre,
les personnes handicapées. Elles ne veulent pas que vous confondiez
état de santé et handicap. C'est exactement ce qu'elles disaient
d'ailleurs, à savoir que la réforme tombe dans un piège en
associant état de santé et handicap, qui sont deux concepts
faisant référence à des réalités fort
différentes. Ce que les personnes handicapées réclament,
c'est le maintien de la couverture des besoins spéciaux lorsqu'elles
intègrent le marché du travail. C'est cela, la revendication des
personnes handicapées. Le ministre fait référence au
projet de loi 37 et à l'article 7. Visiblement, avec ce qu'il nous a lu
ce soir, cela m'apparaît évident qu'il n'a même pas lu
l'alinéa 1° de l'article 7 du projet de loi qui, justement, dans son
libellé, prévoit qu'il ne suffira pas d'un rapport médical
pour démontrer un état physique ou mental altéré de
façon significative, mais qu'il va falloir un autre test, en vertu de
l'article 7, pour démontrer les possibilités d'occuper un emploi
pour subvenir à ses besoins. C'est là que le bât blesse,
c'est là que le ministre se trouve complètement à
découvert dans les prétentions dont il vient de nous parler.
Les journaux ont titré récemment "Les médecins ont
peur de la police". Le secrétaire général de la
Fédération des médecins omnipraticiens du Québec se
demandait: Faudra-t-il maintenant se méfier de tous nos patients?
Pourquoi, M. le Président? Parce que les médecins sont
préparés à juger l'état physique des personnes,
mais non leur aptitude à l'emploi. Leur état physique. Ils ont eu
une formation, généralement relativement adéquate, pour
juger de l'état physique, mais quand cela suppose d'évaluer si
l'état physique rend la personne inapte à occuper un emploi, ce
n'est plus de l'état physique qu'il est question. C'est de bien autre
chose, c'est le marché de l'emploi lui-même. Est-ce que la
personne, avec ses limitations fonctionnelles, est apte ou non? On peut
toujours prétendre qu'une personne aveugle peut répondre au
téléphone et qu'une personne sourde peut classer des papiers. On
peut prétendre que des paraplégiques dessinent avec leurs
orteils. On peut prétendre aussi que des personnes cancéreuses en
phase terminale continuent à travailler; d'ailleurs on en a connu des
exemples impressionnants dans notre société. Alors, où se
situe l'inaptitude à occuper un emploi pour subvenir à ses
besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille?
Certainement pas dans le handicap. Un handicap ne rend pas inapte à
occuper un emploi. L'inaptitude à occuper un emploi, est-ce que cela se
confond avec l'invalidité? Le test d'invalidité de la
Régie des rentes, quand le ministre parle des autres provinces, il
devrait prendre connaissance des recommandations d'une commission
d'étude ontarienne qui recommande que les invalides soient susceptibles
d'obtenir une indemnisation adéquate et soient retirés du
programme de sécurité du revenu. Il n'y a absolument rien de
modifié par la lecture du texte de l'article 7 que le ministre nous a
faite. L'article 7 porte sur un test d'invalidité consistant à
démontrer l'état physique ou mental altéré de
façon significative mais à démontrer une relation de cause
à effet avec l'incapacité d'occuper un emploi.
En conclusion, M. le Président, le projet de loi 37 ne va
remédier d'aucune façon à cette revendication de
l'ensemble des personnes handicapées au Québec qui
réclament du ministre une véritable politique à part
égaie. Elles ne veulent pas être inaptes, elles veulent être
à part égale dans la société
québécoise. Le ministre pourrait fort bien, en vertu des pouvoirs
qui lui sont conférés, notamment de l'article 31 paragraphe f,
compenser plus généreusement les limites fonctionnelles et les
coûts liés au handicap, maintenir ces besoins spéciaux
après certainement un an d'occupation d'un emploi permanent. Ce serait
là une mesure souhaitable. Mais le ministre va certainement avoir
à démontrer combien grotesque apparaît l'espèce de
château de cartes qu'il est en train de mettre en place...
Le Président (M. Bélanger): En conclusion,
madame.
Mme Harel:... pour juger de l'état d'inaptitude de
quelqu'un.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme
la députée de Maisonneuve. Mme la députée de
Marie-Victorin.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: M. le Président, je ne pourrais, mol non
plus, passer à côté de cette
motion parce que je trouve drôlement important actuellement la
reconnaissance des personnes handicapées. J'ai beaucoup d'admiration
pour cette catégorie de personnes dans notre société qui,
depuis de nombreuses années, luttent constamment pour leur
Intégration dans notre société. C'est ce que nous avons
fait, nous du Parti québécois, lorsque nous avons
favorisé, par une loi-cadre qui s'appelait "À part égale",
l'intégration des personnes handicapées et qui permettait
justement de faire l'évaluation de leurs besoins. À partir de
cette évaluation, on leur faisait un plan de travail qui permettait
à ces personnes, à la mesure de leurs moyens, de pouvoir occuper
un emploi. On favorisait leur Intégration et leur autonomie par le fait
même.
L'organisme la COPHAN, qui représente l'ensemble des organismes
qui s'occupent des personnes handicapées dans quelque domaine que ce
soit - il y a une multitude de handicaps qui existent - avait bien mis en garde
le ministre, lui disant que cette réforme était un net recul pour
l'intégration des personnes handicapées. Elles risquaient
d'être victimes de discrimination de la part des gens qui auront à
évaluer leur aptitude au travail. Plutôt que de développer
un réflexe qui fasse en sorte de les favoriser dans un système
d'emplois, on les maintient davantage sur l'aide sociale. Il est beaucoup plus
facile de les considérer comme étant des inaptes que de les
considérer comme des personnes à capacité partielle dans
certains cas, et à capacité réduite dans d'autres. Mais
compte tenu de leur évaluation, elles resteraient pour compte. Il serait
très difficile pour elles finalement d'accéder à cette
intégration.
M. le Président, il n'y a pas si longtemps des personnes
handicapées ont été obligées de descendre dans la
rue pour faire valoir leurs droits. Comme l'OPHQ fonctionne avec un budget
ouvert, ce même budget ouvert, dit-on, doit s'ouvrir en fonction des
besoins au fur et à mesure que la demande vient au niveau du Conseil du
trésor. Il a fallu que les personnes handicapées descendent dans
la rue pour faire valoir leurs droits, pour qu'on leur donne des budgets
supplémentaires répondant à cette adaptation
matérielle et domiciliaire et favorisant leur intégration. J'ose
croire que c'est réellement un organisme dont la principale
préoccupation est de faire la promotion et de s'occuper exclusivement
des personnes handicapées. Qu'arrivera-t-iI lorsqu'elles seront
mêlées à d'autres personnes dont la préoccupation
sera d'aller au plus rapide, au plus expéditif parce qu'ils seront
débordés par toute la procédure que le ministre a mise de
l'avant tantôt? Ce sera tellement incroyable tous les formulaires que les
gens auront à remplir, les contrôles et les duplicatas de
contrôle face à un paquet d'Intervenants! J'ai l'Impression plus
souvent qu'autrement, comme on connaît actuellement le système,
qu'on coupe de plus en plus dans les services, on coupe du personnel. Donc,
j'ai l'Impression qu'à un moment donné, des gens seront
débordés et ne pourront plus avoir la capacité de
répondre réellement aux besoins et aux attentes des principaux
bénéficiaires.
Je voyais le ministre qui parlait de "clients" tantôt. Je trouve
que c'est un terme tout à fait inapproprié dans le cas des
personnes handicapées. On pourrait au moins les appeller des
"bénéficiaires".
Je trouve qu'actuellement le ministre aurait dû, un peu comme son
collègue, le ministre de l'Éducation qui, au moment de la
réforme des lois 106 et 107 où la COPHAN n'avait Justement pas eu
le temps de se faire entendre d'une façon très substantielle a
demandé de revenir devant la commission pour se faire entendre pour
vraiment défendre le point de vue des personnes handicapées. Je
me souviens d'avoir écrit au ministre pour lui dire que c'était
inacceptable de faire fi des commentaires que pouvait apporter la
Confédération des organismes provinciaux de personnes
handicapées du Québec parce que c'était l'organisme le
plus représentatif et qui compte le plus de membres, et que cet
organisme devait se faire entendre pour défendre les points de vue de la
personne handicapée. Je trouve malheureux qu'encore une fois les
personnes handicapées devront faire les frais d'une telle réforme
et risquer d'y perdre le plus. De plus en plus actuellement, depuis les trois
dernières années, l'intégration des personnes
handicapées, que ce soit dans le domaine social, que ce soit dans le
travail, c'est un net recul à l'heure actuelle. Il est très
difficile pour elles de reprendre le terrain perdu parce qu'on essaie de faire
croire que ce sont des gens invalides, des gens incapables d'assumer des
responsabilités dans la société.
Vous savez, ces gens ont leur fierté et iIs sont prêts
à travailler. Ils ne cherchent qu'une chose: qu'on leur offre un travail
décent à la mesure de leurs moyens. Actuellement, on ne trouve
absolument pas cette volonté de faire en sorte que cette personne
handicapée puisse se trouver décemment un travail qui la
favoriserait dans son autonomie. Je ne crois pas que la réforme telle
que proposée et amendée apporte aussi cette notion d'autonomie.
Au contraire, on met toujours la personne handicapée en situation de
dépendance, lui laissant entendre, lui laissant voir qu'elle a des
particularités et qu'il faut les étudier, faire une analyse en
profondeur de sorte que, de plus en plus, cette personne soit comme un petit
animal sur lequel on n'arrête pas de compiler évaluation
par-dessus évaluation. Je pense qu'elles ont droit, elles aussi, comme
êtres humains...
La Président (M. Bélanger): En conclusion,
madame.
Mme Vermette:... à plus de considération et de
faire que... M. le Président, I n'est pas encore tout à fait 22
heures et j'ai commencé dépassé moins dix. Je vais
terminer. Ce que je
voulais vous dire, M. le Président, c'est que je trouve
inacceptable...
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse, Mme la
députée de Marie-Victorin, c'est que, compte tenu de l'heure, on
va devoir ajourner les travaux, à moins qu'on ait consentement...
Mme Vermette: J'ai terminé, M. le Président. Ce
n'est qu'une seconde.
M. Bourbeau: M. le Président...
Mme Vermette: J'arrivais à ma conclusion.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion
rapidement, s'il vous plaît.
Mme Vermette: Je trouve que la réforme ignore totalement
les principes contenus dans À Part Égale, politique d'ensemble du
gouvernement québécois sur l'intégration sociale des
personnes handicapées et sur la prévention des
déficiences. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme
la députée. Compte tenu de l'heure, la commission des affaires
sociales ajourne ses travaux à demain, le 30 novembre, nous
siégerons de 10 heures à 13 heures dans cette même salle.
Mme la députée de Johnson.
Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. Dans ce cas,
est-ce que je peux vous demander l'ajournement?
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie,
madame, c'est fait. Merci.
Mme Juneau: Merci.
(Fin de la séance à 22 heures)