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(Dix heures onze minutes)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Je demanderais à chacun de bien vouloir prendre place afin que la
commission des affaires sociales puisse procéder à ses
travaux.
La commission des affaires sociales se réunit afin de
procéder à l'étude détaillée du projet de
loi 37, Loi sur la sécurité du revenu. Mme la secrétaire,
est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Blackburn
(Chicoutimi) sera remplacée par M. Jolivet (Lavioiette), M. Blais
(Terrebonne) par M. Chevrette (Joliette) et M. Gervais (L'Assomption) par Mme
Cardinal (Châteauguay).
Le Président (M. Bélanger): Bien, je vous
remercie.
M. Leclerc: M. le Président...
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de...
M. Bourbeau: Taschereau.
Le Président (M. Bélanger):... Taschereau,
excusez!
M. Leclerc: Merci, M. le Président. Une
considération technique avant qu'on puisse commencer nos travaux. On
nous informe qu'au moins quinze personnes sont encore à
l'extérieur de la salle et que quinze autres seraient encore à
l'extérieur du parlement. Je voudrais savoir de votre part s'il sera
possible, dans les meilleurs délais, que l'on puisse tenir nos travaux
au salon rouge, de sorte que tous ceux et celles qui sont
intéressés à suivre nos délibérations
puissent le faire. Je comprends qu'il y a des normes de sécurité
et que la salle que nous avons est réduite, mais il est quand même
dans les habitudes, au parlement, que tous et chacun qui veulent assister
à une commission parlementaire puissent le faire.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, je prends
en considération votre demande. Je vous donne cependant quelques
informations préliminaires, puisque j'ai aussi été
sensible au problème. J'ai demandé des informations au
président de l'Assemblée nationale ou enfin à ceux qui
s'occupent avec les leaders de disposer des salles pour les commissions.
Aujourd'hui, le salon rouge est retenu pour l'Ordre du mérite. C'est un
événement annuel qui nécessite une grande salle à
cause du nombre de personnes qui est impliqué, d'une part, et, la
semaine prochaine, je crois qu'il y a des auditions publiques concernant le
statut professionnel des artistes, ce qui va amener beaucoup de monde, le salon
rouge étant toujours réservé prioritairement aux auditions
publiques. Alors, je pense qu'on pourrait l'avoir à compter du vendredi
2 décembre, à moins qu'il y ait des changements qui surviennent
d'ici ce temps-là. Dès qu'il sera disponible... Soyez
assuré qu'on a fait tous les efforts pour obtenir cette salie.
M. Leclerc: M. !e Président, est-ce qu'il ne serait pas
possible de votre part que vous puissiez entrer en contact avec votre
homologue, le président de la commission de la culture? Je pense que Mme
la députée de Maisonneuve est vice-présidente de la
commission de la culture, elle va sûrement avoir une bonne influence sur
lui, pour voir si, malgré l'habitude et la tradition, il ne serait pas
possible que les auditions de la ministre des Affaires culturelles puissent se
faire ailleurs qu'au salon rouge.
Mme Harel: M. le Président...
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, M. le Président..
Le Président (M. Bélanger): Si vous me permettez,
je vais d'abord lui répondre.
Mme Harel: C'est sur le même sujet.
Le Président (M. Bélanger): D'accord, allez-y
Mme Harel: Peut-être avant de convenir avec le
député de Taschereau d'une façon de procéder,
faudrait-il aussi entendre l'Opposition. Je félicite le
député de Taschereau pour l'intérêt qu'il manifeste
à l'égard de ceux et celles qui veulent assister à nos
travaux. Je pense qu'une des premières décisions à prendre
concerne nos travaux d'aujourd'hui avant de parler de ceux de la semaine
prochaine. Est-il exact qu'il y a des personnes qui sont empêchées
de se présenter, parce qu'il n'y aurait pas de place pour elles
présentement?
Le Président (M. Bélanger): Madame, il y a les
exigences et les normes. Je pense qu'on vous l'a déjà dit
à d'autres commissions au préalable. On a fait à quelques
reprises une mise au point sur cela. ll est clair que, dans Ses salles
d'audition ou dans les salles de commission, on ne peut accepter des gens
debout. Ce matin, on a fait ajouter le maximum de chaises qu'on a pu pour
accommoder le maximum de personnes, mais on ne peut pas aller plus loin que
cela.
M. Jolivet: M. le Président, j'aurais une question
importante.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Est-ce qu'on est en train de nous dire que des gens
sont à l'extérieur et que ces personnes n'ont pas le droit
d'entrer dans le parlement? C'est ce que je comprends.
M. Leclerc: Dans le "il".
M. Jolivet: Écoutez, Je veux avoir la parole du
président. Ce n'est pas la vôtre que je veux avoir.
Le Président (M. Bélanger): Je ne le sais pas.
M. Jolivet: Moi, j'ai cru comprendre du député de
Taschereau que des gens étaient à l'extérieur du parlement
- Je ne veux pas savoir si c'est en dehors ou pas, j'ai dit à
l'extérieur du parlement - et qui n'ont pas le droit d'entrer au
parlement pour quelque raison que ce soit. J'aimerais bien savoir si c'est vrai
ou faux, parce que si c'est vrai cela n'a pas de bon sens. On ne peut pas
empêcher quelqu'un qui veut venir au parlement de venir et, si c'est
cela, là, je vais appeler à l'aide le président de
l'Assemblée nationale au plus vite.
M. Leclerc: M. le Président, c'était pour vous
expliquer les chiffres que m'ont transmis les autorités du service de
sécurité ici. Tout à l'heure on m'a dit qu'il y avait
quinze personnes en attente à la porte qui voulaient entrer et qu'il y
aurait une quinzaine d'autres personnes non encore dans l'édifice du
parlement. On me dit qu'elles étalent dans l'édifice "H". Alors,
probablement étaient-elles en route pour le parlement, mais on ne m'a
pas dit qu'elles étaient dehors. Mais pour arriver à un total de
30 personnes selon ce que les gens de la sécurité m'ont dit,
c'est quinze ici et quinze dans un autre édifice. Peut-être ces
quinze-là sont-elles maintenant rendues à la porte ici, moi, je
ne le sais pas!
Le Président (M. Bélanger): Moi, Je ne le sais
pas.
M. Jolivet: M. le Président, la réponse, ce n'est
pas celle du député de Taschereau. Je peux bien entendre ce qu'il
veut me dire, mais ce n'est pas cela qui m'intéresse, c'est vous qui
êtes le président. Comme président, vous avez l'obligation
de dire s'iI y a des gens qui sont empêchés d'entrer au parlement
et d'aller prendre les mesures nécessaires pour que ces gens soient
à l'Intérieur du parlement, s'ils le désirent et peu
importe où ils se trouvent. Je pense que c'est une décision qui a
déjà été rendue par le président dans
d'autres circonstances. C'est de vous que Je veux avoir une réponse.
Vous irez aux renseignements et vous me donnerez une réponse parce que
cela n'a pas de bon sens!
Le Président (M. Bélanger): Écoutez
là, on marche d'après une hypothèse à ce que je
vois. Vous me dites qu'il semblerait qu'ils soient en route. À ma
connaissance, personne n'a été exclu du parlement et je ne pense
pas qu'au parlement personne ici s'arrogerait le droit d'exclure des gens sous
prétexte qu'on manque de place dans une salle.
M. Jolivet: Mais il me semble que c'est votre devoir, M. le
Président, d'aller aux renseignements, de nous dire si c'est vrai ou si
ce n'est pas vrai et, si c'est vrai, de prendre les mesures qui s'imposent pour
ne pas empêcher les gens d'entrer dans le parlement, parce que ce ne sont
pas des gens dangereux. Ce sont des gens qui ont des représentations
à faire et Us le font bien correctement par leur présence,
purement et simplement.
Nous, nous allons être la voix de ces gens-là. Mais, pour
le moment, je ne voudrais pas que s'installe aujourd'hui une mesure qui
deviendrait permanente et que toutes les fois qu'il y a des décisions
importantes à prendre il y ait une salle toute petite pour recevoir tout
ce monde et qu'après on vienne dire: On les a empêchés
d'entrer au parlement. Je n'acceptera! jamais ça comme
député de l'Assemblée nationale qu'on empêche des
gens d'entrer dans le parlement et que la raison qu'on donne à ces
gens-là soit qu'il y a assez de monde dans la salle qu'on a retenue.
C'est la responsabilité de votre leader de retenir une salle plus
grande. À bien des occasions, on a même changé de salle et
on est même allés dans des salles, comme le salon rouge à
l'époque où on a ouvert les galeries au monde. Je m'en
souviendrai toujours, j'étais moi-même président de ces
commissions parlementaires et l'Opposition s'est toujours Insurgée
contre toute démarche qui aurait pu exister qui aurait eu pour effet
d'empêcher du monde d'entrer, ici, au parlement.
Dans ce sens, M. le Président, c'est de vous que je veux une
réponse. Je veux savoir s'il y a des gens qui, à
l'extérieur, peu importe où iIs se trouvent, au chaud ou au
froid, sont actuellement considérés comme des gens
empêchés d'entrer au parlement. Pour que j'en sois assuré,
avant même de commencer nos travaux, M. le Président, je vous
demande une suspension pour que vous alliez aux renseignements et que vous nous
donniez la réponse. Jamais on ne marchera dans des...
Le Président (M. Bélanger): Premièrement, il
faudrait rétablir les faits. Non, s'il vous plaît! S'il y a encore
des manifestations dans la salle, je la fais évacuer. Vous n'avez le
droit de
manifester d'aucune façon que ce soit. C'est clair dans les
règlements de l'Assemblée nationale. Encore une seule
manifestation et il va y avoir beaucoup de place, je vous le jure, parce qu'on
devra faire expulser. Je veux qu'on se le tienne pour dit. C'est formel. Ce
sont les règles for-melles de l'Assemblée nationale. M. le
député, s'il vous plaît!
Mme Harel: Sur la même question, M. le
Président!
Le Président (M. Bélanger): Un instant! Je vais
répondre à M. le député de Lavioiette et on vous
reconnaîtra par la suite. M. le député, je vous ai
très bien dit tout à l'heure que, si nous n'avons pas le salon
rouge, ce n'est pas parcs que des gens quelque part, des gens d'une
façon malfaisante veulent nous empêcher d'être là.
C'est tout simplement qu'elle est réservée pour un
événement qui amène beaucoup plus de monde et on ne peut
pas amener cet événement ici. Il n'entre pas, d'accord? Pour que
cet événement se tienne, vous savez, on enlève tous les
meubles dans la salle et ça immobilise la salle pour la journée.
Ce n'est pas possible de le faire en quelques minutes.
Je pense que tout le monde convient que c'est raisonnable. Pour les
autres jours, le salon rouge a toujours été
réservé, c'est la tradition, c'est la base même de toutes
les auditions publiques. Ceia se fait toujours au salon rouge parce que,
habituellement, il y plus de monde et on a besoin et du bas et du haut pour
laisser entrer tous les gens, enfin, l'espèce de jubé qu'il y a
en haut, la mezzanine. C'est dans cette perspective-là qu'il est
réservé pour le projet de loi sur le statut professionnel des
artistes la semaine prochaine.
On va faire les démarches nécessaires. On va essayer de
s'entendre dans la mesure où les choses seront possibles, comme on l'a
fait dans le passé, à la même commission d'ailleurs. Si
vous vous rappelez bien, lors des auditions publiques, on s'est battu pieds et
poings pour obtenir de grandes salles pour pouvoir accommoder tout le monde. Je
pense qu'on i'a toujours fait dans un esprit d'accommodation pour tout le
monde, parce qu'on reconnaît que, au niveau de la démocratie, le
parlement est la maison du peuple et le peuple y est toujours le bienvenu. Dans
ce sens-là, on va faire tous les efforts pour que tout le monde soit
accommodé, dans la mesure où nos locaux nous le permettront.
C'est ce qui a été fait jusqu'à maintenant, c'est ce qu'on
va continuer de faire et c'est ce qui a été fait ce matin.
M. Jolivet: M. le Président, étant donné
tout ceia, ma question reste la suivante: Écoutez, des gens sont
à l'extérieur, on est allés vérifier. Dans ces
circonstances, M. le Président, je propose uns suspension. Vous irez
constater les faits et viendrez nous donner votre décision. Si vous
acceptez cela, ce sera plus rapide que d'enclencher un processus de motion
qu'on a le droit de présenter. Je vous dis simplement, M. le
Président, qu'il serait plus simple, à ce moment-là, que
vous ajustiez l'horaire en disant: Je demande une suspension, je vais aller
vérifier au bureau du président et je vous donnerai des raisons.
À ce moment-là, ce serait plus logique que d'enclencher un
processus de motion, ce qu'on va faire, c'est sûr.
Mme Harel: M. !e Président, nous sommes maintenant
informés que des personnes sont actuellement refoulées à
l'entrée du parlement. Nous avons un problème immédiat
à régler. Nous reviendrons sur la question de la semaine
prochaine. Durant la journée d'aujourd'hui ou de demain, nous aurons
certainement le temps et l'occasion de connaître quels seront les
travaux. Je ne voudrais pas, M. le Président, que vous présumiez
que nous n'aurons pas d'auditions publiques à cette commission. De
prendre la décision que le salon rouge est réservé pour
les auditions publiques sur le statut professionnel des artistes, c'est
présumer que nous n'en tiendrons pas. Je ne crois pas qu'à ce
stade-ci de nos travaux nous puissions présumer qu'il n'y aura pas
d'auditions publiques. Par ailleurs, je sais de source maintenant certaine que
des personnes sont refoulées. Alors, je vous demande, M. le
Président, de suspendre pour vérifier et faire en sorte que ces
personnes puissent entrer dans le parlement.
M. Leclerc: M. le Président, sur la même question.
Le parti ministériel est évidemment tout à fait d'accord
pour que toutes les personnes qui veulent avoir accès à
l'intérieur du parlement puissent le faire. Je pense cependant qu'il
vous est possible de procéder aux vérifications tout en
commençant la commission.
Quant à ce que prétend et soutient la
députée de Maisonneuve pour ce qui est des auditions publiques,
évidemment, elle aura le loisir de présenter toutes les motions
qu'elle voudra pour demander à Sa commission de tenir des auditions
publiques. Mais, comme celles sur le statut professionnel des artistes sont
déjà annoncées, on ne peut pas reprocher à la
ministre des Affaires culturelles d'avoir réservé cette
salle.
M. Jolivet: M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): II faut peut-être
corriger une chose. Ce n'est pas la ministre des Affaires culturelles. Toutes
les auditions publiques se font toujours au salon rouge et, puisque cette
commission doit tenir des auditions publiques, elles se feront forcément
au salon rouge. C'est ainsi qu'on procède toujours en ce Parlement et
cela ne va pas changer aujourd'hui. Ce n'est pas une exception pour
pénaliser des gens ou leur enlever des choses. C'est la façon
dont cela fonctionne tout le temps et tout le monde le sait. M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: M. le Président, Je comprends très
bien, sauf qu'aujourd'hui vous êtes devant une commission parlementaire
qui est importante pour l'ensemble des personnes qui sont obligées de
vivre dans des conditions qui ne sont peut-être pas celles qu'elles
désireraient. Dans ce contexte, c'est une décision qui appartient
aussi au leader. Je pense qu'il ne faudrait pas que vous preniez en charge les
responsabilités du leader du gouvernement.
M. le Président, Je m'excuse, j'ai une question de
règlement. Tout à l'heure, on a demandé que personne ne
soft debout. Certaines personnes nous dérangent, Je les entends. Et il y
a des gens qui sont debout. Si vous me permettez, au moins...
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
je demanderais que...
M. Jolivet: Si elles veulent aller parler à
l'extérieur, cela ne me dérangera pas.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous
plaît!
M. Bourbeau: De toute façon, on entend très bien le
député de Laviolette.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous
plaît!
M. Jolivet: Je n'aime pas travailler dans le brouhaha, M. le
ministre.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Laviolette, vous qui avez été
vice-président de la Chambre et qui avez présidé des
commissions, vous savez fort bien que le personnel de soutien peut être
derrière les équipes. Vous avez le vôtre et les
députés ministériels ont le leur. Qu'H y ait de petites
consultations parallèles à l'arrière, c'est...
M. Jolivet: Je n'ai aucune objection.
Le Président (M. Bélanger):... pratique courante en
commission parlementaire.
M. Jolivet: Je n'ai aucune objection.
Le Président (M. Bélanger): Sauf qu'on va leur
demander...
M. Jolivet: Je n'ai aucune objection.
Le Président (M. Bélanger): Je suis d'accord avec
vous. Et on va leur demander que cela se fasse de façon à ne pas
nuire aux travaux.
M. Jolivet: C'est cela.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
si on veut tenir des apartés pour des informations, je vous demanderais
que cela se fasse de façon très discrète. M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: M. le Président, dans ce contexte, vous avez,
je pense, une responsabilité importante de neutralité dans une
décision qui ne vous appartient pas... Vous êtes président
et vous présidez selon les demandes faites par le leader du
gouvernement. Ce n'est pas notre faute si le gouvernement du Québec
actuel, par son leader, a décidé d'embouteiller l'ensemble des
travaux parlementaires de la façon dont il le fait. Mais, nous avons le
droit, comme membres de l'Opposition, de dire que cela n'a pas de bon sens. Que
l'on ait décidé - et c'est une décision qui appartient au
leader - de tenir deux commissions parlementaires en même temps et de tes
faire fonctionner l'une contre l'autre en disant: Écoutez, Je suis
obligé de... Comme président de cette commission, vous n'avez pas
à entrer dans ce débat qu'il appartient à des
députés de l'opposition et du pouvoir de faire. À partir
de cela, je vous demanderais, pour éviter... Je vais le faire si vous ne
me dites pas que vous prenez un moment de suspension sur la question qui a
été posée. Pour le moment, ma collègue, la
députée de Maisonneuve, a dit: On réglera plus tard le
problème des auditions publiques de la semaine prochaine. C'est
d'aujourd'hui que je veux parler et aujourd'hui des gens sont refoulés
à l'extérieur pour des raisons que je ne connais pas et que vous
ne connaissez pas, autres que le manque de places dans la salle. Cela ne me
dérangerait pas si vous disiez qu'on ne peut pas tous les faire entrer
ici. Je le comprendrais. Mais qu'on me dise que ces gens ne peuvent entrer au
parlement, ça m'Inquiète. C'est dans ce sens, M. le
Président, que je demande une suspension.
Si vous ne voulez pas l'accorder et qui y a argumentation, j'en ferai
une motion qu'on discutera. On prendra le temps qu'il faut, mais je vous dis,
M. le Président, que ce n'est pas possible et que vous avez à
protéger tes citoyens du Québec qui ont le droit d'entrer dans
cet établissement, dans le parlement et qui ne peuvent le faire. Dans ce
sens, je suis d'accord avec vous pour dire que les seules personnes qui ont le
droit de manifester sont les gens ici à la table et que ceux qui sont
venus voir nos travaux n'ont pas ce droit. Je fais la même demande que
vous, de ne manifester de quelque façon que ce soit. Nous avons un
travail à faire et nous allons le faire dans des conditions où on
sera sûr que personne n'a été brimé dans ses
droits.
M. le Président, je vous demande un moment de suspension. Prenez
le temps qu'iI faut pour aller consulter le président et les services de
sécurité et pour venir nous donner une réponse; ensuite on
verra.
M. Leclerc: M. le Président, le sens de la
démocratie honore grandement le député de
Laviolette, mais là n'est pas la question. Je viens de faire faire une
vérification, il y a environ trois minutes, et on m'assure qu'il n'y a
personne à la porte.
M. Jolivet: Vous n'avez pas compris.
M. Leclerc: Peut-être que, pour accélérer nos
travaux, le député de Laviolette pourrait demander à l'un
de ses collaborateurs d'aller lui-même vérifier à la porte.
C'est à cent pieds d'ici et il pourra voir si, oui ou non, il y a des
gens à la porte. De demander au président d'envoyer un
émissaire à la porte ne m'apparaît pas la façon la
plus pratique de vérifier si, oui ou non, il y a quelqu'un à la
porte.
Nous, du côté ministériel, nous sommes d'accord avec
l'Opposition que personne ne doit se voir refuser l'accès au parlement,
mais on n'est pas d'accord sur la façon de vérifier. Qu'on aille
vérifier, c'est à cent pieds d'ici, ça va prendre une
minute, mais on n'a pas besoin, pour ce faire, de suspendre nos travaux.
La Président (M. Bélanger): S'ii vous plaît.
On va continuer nos travaux. Toutefois, à la demande du
député de Laviolette, je vais faire des vérifications. Je
trouverais inacceptable que les gens ne soient effectivement pas admis au
parlement. Maintenant, je dois vous dire très humblement que je ne
préside que la commission des affaires sociales. Je ne suis pas
responsable de l'ensemble du parlement et je n'ai pas autorité sur
l'ensemble du parlement. Je pense qu'il faudrait établir les limites de
l'autorité qu'on donne à un président de commission.
Je vais donc m'assurer que les vérifications seront faites et,
s'il y a lieu, s'il se révélait que c'était fondé
que des gens ont été empêchés d'entrer, je ferai les
protestations tes plus véhémentes contre cet état de
choses-là que je trouve inacceptable. De ce pas, je vais envoyer
quelqu'un faire les vérifications tout de suite. Je vais demander
à M. de la sécurité, s'il vous plaît.
Mme Harel: M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Oui.
Mme Harel: J'aimerais que vous nous fassiez rapport, notamment,
du fait que des étudiants adultes, bénéficiaires de l'aide
sociale du centre d'études Jacques-Cartier, ont été
refoulés à la porte et sont repartis à la maison,
s'étant vu refuser l'accès au parlement.
Le Président (M. Bélanger): Je vais
vérifier.
M. Leclerc: M. le Président, étant donné que
ce centre est dans mon comté, vous comprendrez que je partage
l'inquiétude de la députée de Malsonneuve. J'aimerais
effectivement que vous fassiez les vérifications nécessaires. (10
h 30)
Le Président (M. Bélanger): Si vous permettez, on
va commencer les remarques préliminaires. Je m'engage à faire
toutes Ses représentations nécessaires pour avoir toutes les
Informations requises. S'il y a lieu, je vous aviserai des réponses
obtenues dans les meilleurs délais. D'accord?
Nous en sommes donc aux remarques préliminaires. Avant de
débuter, je voudrais juste informer les gens de la salle. Ce n'est pas
parce que je vous prête des intentions ou quoi que ce soit, c'est
simplement un souci de bon fonctionnement de la commission. Quand on est
plusieurs, c'est évident que c'est facile de se laisser emporter ou
d'avoir le goût de manifester. Il faut comprendre qu'au Parlement aucune
forme de manifestation, que ce soit par des toux, applaudissements, rires,
n'est acceptée et n'est acceptable. Les mesures sont très
sévères. Lorsque se produit ce genre d'incident, on doit
expulser. On avertit, mais... Je vous demanderais votre grande collaboration
là-dessus. C'est très important. De part et d'autre, on veut se
respecter, mais je vous demanderais de respecter cette consigne de la
façon la plus impeccable possible. Je vous remercie de votre
collaboration.
Pour les remarques préliminaires, j'appelle donc M. le
ministre.
Remarques préliminaires
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Nous entreprenons
aujourd'hui l'étude article par article du projet de loi sur la
sécurité du revenu. Il s'agit d'une étape cruciale dans le
processus d'adoption de la réforme de l'aide sociale.
Cette commission a entendu le printemps dernier les organismes qui, de
près ou de loin, s'intéressent à la sécurité
du revenu. À la suite de cette vaste consultation, le gouvernement a
apporté plusieurs modifications à l'énoncé initial
de la politique de sécurité du revenu.
Après avoir été assermenté comme ministre de
la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu en juin dernier,
j'ai approfondi mes connaissances de cette politique, des attentes auxquelles
elle doit répondre, des commentaires qu'elle soulève et des
difficultés qu'elle pose. J'ai ensuite entrepris certaines consultations
afin de voir comment nous pourrions améliorer encore, si possible, la
politique de sécurité du revenu et afin d'identifier les
mécanismes qu'il faudrait changer ou mettre en place pour atteindre les
grands objectifs de la réforme de l'aide sociale.
C'est ainsi que j'ai rencontré les représentants du Front
commun des assistés sociaux, de la Confédération des
syndicats nationaux, la CSN, de la Fédération des travailleurs du
Québec, de la ville de Montréal et de l'Assemblée des
évêques du Québec. La politique de sécurité
du
revenu a également fait l'objet de nombreuses discussions au sein
des diverses instances du Parti libéral du Québec.
Mes collègues députés ministériels ont
également pris une part très active à la
préparation des changements apportés à cette politique. Je
tiens Ici à témoigner de leur contribution très positive
à cette politique, et je les en remercie très
sincèrement.
Nous poursuivons trois grands objectifs avec cette réforme.
Premièrement, accorder une aide plus généreuse aux
personnes inaptes au travail en raison d'un handicap physique ou mental d'une
certaine gravité. Deuxièmement, renforcer l'incitation au travail
des personnes capables d'occuper un emploi. Troisièmement, mettre fin
à (a distinction selon l'âge de façon que dorénavant
les personnes de moins de 30 ans aient les mêmes bénéfices
que les personnes âgées de plus de 30 ans. La réflexion que
je me suis imposée et la consultation que j'ai menée sur la
politique de sécurité du revenu ont été
subordonnées au défi de préserver un juste
équilibre entre l'obligation de répondre adéquatement aux
besoins financiers des personnes qui ont recours à la
sécurité du revenu et la nécessité de
préserver l'incitation au travail pour ceux et celles qui ne sont
frappés d'aucun handicap grave.
Nos concitoyens qui, en définitive, jugent les politiques que
nous adoptons ici, acceptent volontiers qu'une partie de leurs impôts
serve à venir en aide aux personnes démunies et que cette aide
soit le reflet de la compassion et de la générosité dont
notre société a fait preuve à maintes occasions. Nos
concitoyens nous exhortent aussi de ne pas instaurer un régime de
sécurité du revenu qui exercerait un pouvoir d'attraction ou qui
tiendrait à Inciter les personnes aptes au travail à abandonner
leur emploi ou à cesser de chercher un travail.
Notre réflexion était aussi guidée par le souci de
respecter les personnes qui dépendent de la sécurité du
revenu ou qui sollicitent l'aide de l'État pour une période plus
ou moins longue. J'ai la responsabilité de voir à ce que, tant
dans les textes de loi et des règlements que dans la manière dont
ils sont appliqués, nous préservions la dignité des
personnes et que nous ne présumions pas de leur mauvaise volonté.
Cette préoccupation m'a amené à proposer au gouvernement
du Québec de réviser les clauses relatives à la
disponibilité à participer à une activité
favorisant l'intégration au travail. L'énoncé initial de
la politique de sécurité du revenu imposait à toute
personne apte au travail une réduction des prestations de l'ordre de 14
% par rapport au régime actuel. Lorsque cette personne aurait
accepté de participer à une mesure d'action positive, elle aurait
vu ses prestations augmenter de 100 $ par mois.
J'ai tenu à changer ces dispositions parce qu'elles semblaient
présumer que le prestataire refuserait de participer à des
programmes visant à améliorer son sort. En vertu des changements
récents que j'ai proposés, toute personne qui s'Inscrit à
la sécurité du revenu sera Invitée à solliciter la
participation à une mesure ou à un programme destiné
à favoriser son intégration ou sa réintégration au
marché du travail. À la suite de cette simple démarche
positive, elle recevra le même niveau de prestation que celui qui est
actuellement offert aux adultes de plus de 30 ans, c'est-à-dire 487 S
par mois pour une personne seule. Lorsqu'elle participera réellement au
programme, sa prestation mensuelle sera alors portée à 520 $. La
même attitude de respect a conduit le gouvernement à accepter la
mise sur pied d'un programme d'aide à l'emploi à l'Intention des
personnes inscrites à la sécurité du revenu. Nous
reconnaissons sans difficulté que les prestataires de la
sécurité du revenu ne sont pas responsables des carences du
marché du travail. I! appartient d'abord au gouvernement de favoriser un
climat de prospérité économique qui ouvrira des
perspectives d'emploi aux chômeurs, ainsi qu'aux clients de l'aide
sociale.
C'est ce à quoi nous nous employons. Entre le 1er janvier 1986 et
le 1er octobre 1988, la création nette d'emplois au Québec s'est
chiffrée à 186 000 emplois. Nous devons aussi créer
à l'Intention des personnes dépendantes de la
sécurité du revenu des programmes souples destinés
à favoriser leur intégration au marché du travail dans les
meilleurs délais. Nous avons donc décidé de sortir des
sentiers battus et de nous servir d'une partie du budget de la
sécurité sociale comme levier pour la création de
véritables emplois. Au lieu de verser passivement des prestations aux
personnes aptes au travail, nous voulons les engager dans des activités
valorisantes pour elles et utiles à la société. C'est
pourquoi nous offrirons aux employeurs publics, privés et
communautaires, qui acceptent d'embaucher des prestataires de la
sécurité du revenu, une subvention couvrant une partie Importante
de leur salaire, voire même la totalité du salaire dans certains
cas, pendant des périodes de 6 à 18 mois.
Respecter quelqu'un, c'est d'abord croire en ses capacités et en
sa volonté de faire oeuvre utile. C'est aussi favoriser son autonomie
par l'emploi s'il est apte au travail. Voilà de quelle façon
notre respect des prestataires de la sécurité du revenu nous
amène à modifier en profondeur la politique de
sécurité du revenu et à changer la dynamique de l'aide
sociale.
Notre réflexion a aussi fait ressortir le besoin d'apporter une
attention particulière au logement. On constate, en effet, que certaines
familles sont contraintes d'affecter au logement une part trop importante de
leur revenu, ce qui les oblige vraisemblablement à rogner sur d'autres
besoins essentiels comme, par exemple, l'alimentation. Le régime actuel
souffre, à cet égard, d'une certaine Iniquité puisqu'il
traite l'ensemble de la clientèle de l'aide sociale sur le même
pied, alors que le coût du logement varie
considérablement d'un ménage à l'autre.
Dorénavant, les familles avec enfants mineurs, dont le coût de
logement dépasse 307 $ à 337 $ par mois, selon la taille du
ménage, recevront, en plus des prestations régulières de
la sécurité du revenu, une allocation logement correspondant
à 75 % du dépassement de ces seuils jusqu'à certaines
limites supérieures. Cette aide profitera à plus de 45 000
familles touchant des prestations de la sécurité du revenu et
à 6000 familles de travailleurs à faible revenu. Plus de 70 % de
ces familles sont monoparentales, dont le chef est, dans la plupart des cas,
une femme. L'allocation logement, c'est une autre manifestation de respect des
clients de la sécurité du revenu et de la diversité de
leur situation.
Nous avons aussi atténué l'importance de la contribution
alimentaire parentale en abolissant la contribution minimaie de 100 $ par mois
imposée è toute personne jugée dépendante de ses
parents au sens de la loi. Nous maintenons le principe de la contribution
alimentaire parentale par souci d'harmonisation avec le régime des
prêts et bourses aux étudiants. Autrement, on se retrouverait dans
la situation insolite où les parents contribueraient davantage au plan
financier pour les enfants étudiants à temps plein qu'à
l'égard de ceux qui dépendent de la sécurité du
revenu. Je demande à l'Opposition officielle, qui s'oppose au principe
de la contribution alimentaire parentale, sur quelle règle
d'équité elle s'appuie pour défendre les traitements
différents qui seraient ainsi imposés aux parents. L'Opposition
officielle aurait souhaité que nous réinvitions tous les
organismes qui se sont déjà fait entendre ici sur la politique de
sécurité du revenu. Ces organismes ont déjà
sensibilisé les membres de cette commission pendant plus de 110 heures
aux divers aspects de la sécurité du revenu.
L'Assemblée nationale, quant à eiie, a consacré
subséquemment huit heures à un débat à l'occasion
de l'adoption de principe du projet de loi 37 concernant la Loi sur la
sécurité du revenu. On a beau être des parlementaires, la
parole ne tient quand même pas lieu d'action. Il faut, à un moment
donné, cesser de plaider et passer à l' action. Ce moment est
maintenant arrivé. L'Opposition officielle a choisi de s'opposer
à la réforme de l'aide sociale. C'est son droit et nous allons
respecter son privilège de faire valoir ses objections. J'ai même
l'intention d'écouter attentivement les commentaires de l'Opposition
officielle et de chercher dans ses critiques les quelques
éléments positifs qui pourraient encore améliorer la Loi
sur la sécurité du revenu. Je répète, ici, la
volonté de notre gouvernement de faire adopter, avant l'ajournement des
fêtes, le projet de ioi 37. J'espère que l'Opposition officielle,
après avoir fait valoir ses objections de principe sur la
sécurité du revenu, nous permettra d'étudier le projet de
loi article par article. Dans le cas contraire, nous devrons comprendre que
l'Opposition officielle entreprend une lutte à finir au projet de loi
sur la sécurité du revenu et nous en tirerons les conclusions qui
s'imposent.
Nous aurons l'occasion, M. le Président, d'étudier la
politique de sécurité du revenu sous toutes ses facettes. Vous
venez qu'il s'agit là d'une réforme complète,
cohérente, équitable et respectueuse des personnes qui doivent
recourir à la sécurité du revenu. Je vous remercie, M. le
Président.
L® Président (M. Bélanger): Merci, M. le ministre. Mme
la députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: M. le Président, voilà que la
fermeté qui fait tant défaut à ce gouvernement dans tant
de dossiers, je n'ai qu'à penser à celui des heures d'affaires,
de l'affichage et autres, cette fermeté, ne voila-t-il pas que le
gouvernement entend maintenant ne la manifester qu'à l'égard des
personnes les plus démunies de notre société. Le ministre
prétend que son gouvernement entend faire adopter un projet de loi dont
nous n'avons pas encore examiné un seul article en date du 24 novembre
1988, avant l'ajournement des fêtes de Noël, lorsqu'il n'a
même pas pu répondre lui-même aux questions qui !ui
étaient posées sur les dates d'application de ces modifications
lors de sa conférence de presse portant sur les modifications qu'il
introduit. Un jour, a-t-il dit, en 1989! Pourquoi cette presse tout à
coup de faire adopter le projet de loi 37 avant l'ajournement de Noël?
D'abord, je veux insister sur le fait que le ministre n'est pas un
gérant de département qui a rencontrer en privé sa
clientèle insatisfaite pour voir s'ii ne pourrait pas améliorer
son produit avarié. La sécurité du revenu, cela suppose un
débat public dans une société. La privatisation de la
consultation à laquelle le ministre s'est livré depuis sa
nomination ne peut d'aucune façon tenir lieu de consultation publique.
Le ministre a fait une liste des organismes qu'il dit avoir rencontrés.
Il ne faudrait pas qu'il abuse de ces rencontres pour prétendre qu'il a
mené une consultation sur le projet de loi 37. Je veux simplement citer
ce qu'fi disait de la rencontre qu'il tenait avec le front commun la semaine
dernière et du communiqué que lui-même a publié en
ce sens que cette rencontre n'a pas permis - je cite - "de s'engager dans une
discussion de fond sur le projet de réforme de l'aide sociale, les
représentantes du front commun ayant tenu à faire porter
l'essentiel des discussions sur l'opportunité de tenir une autre
commission parlementaire sur le sujet. " (10 h 45)
Évidemment, M. le Président, je voudrais lui rappeler que
ce sont là les propos exacts qu'ont tenus les porte-parole de la
Conférence des évêques catholiques également. Le
ministre ne peut pas faire l'économie d'un débat public en
matière de sécurité du revenu. Il a lui-même
rappelé que le programme d'aide sociale concerne 580 000 personnes dans
notre société, hommes, femmes et enfants, que l'on ne peut pas
ici, du revers de la main, décréter des conditions de vie de ces
centaines de milliers de personnes, sans avoir entendu ceux et celles qui ont
à dire des choses sur le projet de loi 37. Il ne faudrait surtout pas
confondre la consultation sur le document d'orientation, puisque le projet de
loi 37 a Introduit des motifs supplémentaires sur lesquels personne
n'avait pu encore se prononcer et que le ministre, par ces modifications, a
introduit à nouveau des motifs supplémentaires de faire valoir
son point de vue en commission.
C'est à un débat public que nous engageons le
gouvernement, et le refus de ce débat public manifeste une faiblesse
évidente dans la défense de ces propositions.
M. le Président, je voudrais Immédiatement rappeler, pour
qu'il ne s'en serve plus, que le gouvernement a tous les pouvoirs
réglementaires pour améliorer le sort et la situation des
catégories de personnes dont il prétend vouloir améliorer
la situation. Je pense, en particulier, aux personnes qu'il juge inaptes. Je
pense également à l'engagement qu'il a contracté à
l'égard des personnes de moins de trente ans. Le gouvernement n'a pas
à se servir d'alibis des personnes qu'il juge inaptes, ni des personnes
de moins de trente ans pour prétendre faire adopter le projet de loi
37.
Il a en main, en vertu de l'article 31, paragraphes e) et f) de la Loi
sur l'aide sociale, tous les pouvoirs qui lui permettent immédiatement
de hausser de 100 $ par mois le barème des personnes
considérées handicapées en vertu des besoins
spéciaux qui leurs sont déjà alloués, comme il peut
Immédiatement, en vertu du paragraphe e), accorder la pleine
parité, remplir la dette d'honneur qu'il a contractée à
l'égard des moins de trente ans, il y a trois ans.
Ces personnes ne doivent pas servir de diversion. C'est puéril de
se servir de ces personnes démunies comme un exercice de diversion.
Elles ne doivent pas servir d'alibi au gouvernement pour camoufler les
intentions autres qui sont introduites par le projet de loi 37. Nous engageons
le gouvernement à utiliser les pouvoirs réglementaires qu'il a
pour immédiatement, sans plus attendre, donner suite à son
engagement à l'égard des moins de trente ans et, sans plus
attendre, donner suite à la compassion qu'il prétend ressentir
à l'égard des personnes inaptes dans notre
société.
J'aimerais également - je pense que ce n'est pas possible
à l'ouverture de nos travaux de passer sous silence tout le dossier des
enquêtes et des vérifications qui sont entreprises à
l'égard des bénéficiaires d'aide sociale sur la simple
présomption qu'ils reçoivent de l'aide -rappeler le dossier de
l'évaluation de la conformité réelle, en signalant au
ministre que j'ai reçu une réponse à la demande que je
formulais à la Commission des droits de la personne.
Je rappelle aux membres de cette commission qu'il se poursuit
présentement au Québec des enquêtes au hasard, sans qu'il
n'y ait aucune présomption de fraude, sans qu'il n'y ait aucune
Information de nature à porter un soupçon sur des personnes qui
sont sélectionnées au hasard, sur la simple présomption
qu'elle sont présumées coupables d'irrégularités
parce que tout simplement bénéficiaires d'un droit qu'on leur
reconnaît, d'une aide de dernier recours. Sur cette simple
présomption, ces personnes sont l'objet d'une Investigation, non pas
simplement d'une vérification, mais d'une Investigation qui conduit les
agents Investigateurs à contacter des tiers du voisinage et de
l'entourage de ces personnes, à obtenir de l'information des commerces
avoisinants comme de leurs employeurs passés ou
présumément passés. Je rappelle que c'est là une
atteinte aux dispositions de la Charte des droits et libertés du
Québec à l'égard de la sauvegarde de la vie privée
des personnes et de leur réputation. La commission des droits m'avise
qu'en collaboration avec le Protecteur du citoyen, elle entend, et je cite:
"Examiner en profondeur la politique actuelle du ministère de ta
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu relative aux mesures de
vérification utilisées auprès des
bénéficiaires de l'aide sociale. Nous espérons ainsi -
m'écrit le président de la Commission des droits et
libertés, Me Lachapelle - pouvoir formuler des critères
précis et équitables qui pourront, à l'avenir, guider le
ministère dans la préparation de nouvelles directives qui soient
conformes aux principes de la Charte des droits et libertés de la
personne. " Je renouvelle au ministre la demande que je lui ai faite la semaine
passée de suspendre ces visites abusives jusqu'à ce que soit
terminé l'examen que la commission des droits et le Protecteur du
citoyen vont mener conjointement.
M. le Président, le projet de loi 37 porte essentiellement sur
trois grands chapitres: Soutien financier, APTE et APPORT. Soutien financier,
le gouvernement n'a aucune raison, je !e répète, de se servir de
ces personnes comme des ailibis pour ne pas immédiatement, en vertu des
pouvoirs réglementaires, leur accorder la hausse des barèmes
qu'il ne prévoit plus leur allouer en un seul versement, mais qu'il
prévoit maitenant échelonner trimestriellement. Alors, M. le
Président, le gouvernement n'a pas à se justifier derrière
l'adoption du projet de loi 37. il n'en a pas besoin pour améliorer la
situation de ces personnes. Le programme APPORT ne doit surtout pas servir de
justification, étant donné son échec retentissant.
À peine 35 % des familles qui devaient présumément
profiter du programme APPORT, selon le discours sur le budget du ministre des
Finances, peuvent actuellement recevoir une allocation, 16 000 familles sur les
44 000 familles qui étaient prévues par le gouvernement dans ce
programme annoncé avec grand fracas pour remplacer le programme
précédent, supposeront inefficace. Le programme
précédent, Ee programme SUPRET introduit en 1979,
bénéficiait à 25 000 ménages, dont 18 000 familles.
Quel échec que le programme APPORT mis en route après la
publication de 1 000 000 de dépliants, après 100 000 appels
téléphoniques d'information et après l'envoi de 53 000
formulaires à des personnes qui sont sur le marché de l'emploi!
Après le retour de 25 000 forrnuiai-res, à peine 16 000 ont pu
percer la muraille de bureaucratie mise en place au ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. C'est une
stratégie perdante. Le ministre ne va certainement pas prétendre
qu'il faut adopter le projet de loi 37 pour légiférer
rétroactivement sur un échec retentissant. Finalement, le dernier
chapitre, celui du programme APTE, le plus controversé et le plus
contesté.
Je rappelle qu'à ce jour 55 personnes et organismes ont
demandé officiellement au secrétariat de la commission à
être entendus dans le cadre du projet de loi 37. Je rappelle que des
organismes que le ministre prétend avoir rencontrés sont sur la
liste des associations et organismes qui demandent à être entendus
et qui réclament un débat public sur cette question.
Il ne s'agit pas de compassion et de générosité, il
s'agit de justice sociale. Depuis l'annonce, il y a un an, du document
d'orientation, nous avons assisté à un effort systématique
de privatisation de la pauvreté. Nous constatons l'aveuglement de ce
gouvernement à l'égard des causes économiques et sociales
du manque d'emploi présentement. 300 000 hommes et femmes sont inscrits
à l'assurance-chômage, au Québec. Et, malgré six
années de croissance économique continue, le taux de
chômage est toujours autour de 10 %. À ces 300 000 hommes et
femmes l\ faut également ajouter 150 000 bénéficiaires de
l'aide sociale, des chômeurs qui recourent à cette forme
d'assistance sociale après avoir épuisé leurs prestations
d'assurance-chômage.
Le gouvernement a une responsabilité à l'égard de
l'emploi. On ne peut parler de politique de sécurité du revenu
sans revenir à cette question fondamentale de l'emploi. Quand je parle
d'emploi, je ne parle pas de travail obligatoire. Je suis indignée - je
le dis comme je le pense - indignée de cette modification soi-disant
nouvelle, introduite par le ministre sous le titre d'aide à l'emploi.
Soi-disant nouvelle parce qu'on la retrouve à la page 33 du document
d'orientation du ministre Paradis, sous le titre américain "The Grant
Diversion". C'est une formule qui a été utilisée et
abandonnée, notamment par l'État du Massachusetts pour la raison
qu'elle était contraire à tous les droits des personnes.
Convertir la prestation d'aide sociale pour l'offrir à des entreprises
qui vont se faire livrer une main-d'uvre comme une marchandise, c'est
totalement indigne de ce qu'une société peut et doit offrir
à ceux et celles qui ont besoin d'aide.
M. le Président, nous pensons que le gouvernement a une
responsabilité à l'égard de l'emploi et de l'incitation
positive au travail. Et que cette incitation doit passer par la
possibilité de conserver une partie substantielle des gains de travail
admissibles pour les personnes bénéficiaires qui pourraient ainsi
se sortir de la trappe de la pauvreté. Nous pensons que cette
réforme doit reposer sur l'engagement de permettre à tout
bénéficiaire de conserver au moins 50 % de ses gains de travail
jusqu'à la combinaison des gains de travail et de la prestation pour
l'équivalent du salaire minimum. Nous sommes dans un système que
nous devons changer. Nous avons besoin d'une vraie réforme. Et cette
réforme doit cesser de supposer hypocritement que ces personnes sont
fainéantes et paresseuses tout en leur refusant la possibilité de
conserver les gains de travail et en les confisquant pour chaque dollar
additionnel gagné à 40 $ par mois pour une personne chef de
famille. (11 heures)
M. le Président, nous pensons que le gouvernement ajoute une
mauvaise solution en introduisant ce que nous appelons du "travail obligatoire"
pour faire diversion au scénario initial qui reposait sur l'obligation
des mesures d'employabilité. Je vous rappelle que le scénario
initiai était d'élargir à 230 000 ménages des
mesures d'employabilité que le gouvernement s'est
révélé incapable d'offrir à ceux et celles des
ménages de moins de 30 ans qui devaient en profiter. Cette
incapacité démontrée d'offrir à plus de 17 % des
ménages de moins de 30 ans seulement ces mesures d'employabilité,
plutôt que d'y répondre sérieusement, le gouvernement fait
de la fuite en avant et s'engage dans une nouvelle formule encore plus
dangereuse parce qu'elle aura un impact certain sur les personnes
déjà salariées, dans des secteurs d'emplois non
spécialisés, non syndiqués et non protégés,.
Le gouvernement fait diversion sans répondre au scénario,
déjà démontré comme étant Illusoire, de ces
mesures d'employabilité élargies à 200 000 ménages
et, sans répondre à l'échec retentissant du programme
APPORT. Le gouvernement fait de la fuite en avant et s'engage dans une solution
pire encore.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: En conclusion, M. le Président, nous pensons,
et je le répète, que le Québec doit s'engager dans une
véritable réforme en matière de sécurité du
revenu qui reposerait non seulement sur un mode de redistribution, mais
essentiellement sur la première distribution du revenu dans une
société, qui est l'emploi et qui permettra à ceux et
celles en attente de justice sociale de trouver certainement matière
à considérer que l'ensemble de la société souhaite
qu'ils sortent de la trappe de la pauvreté. Je vous remercie, M. le
Président.
M. Jean Leclerc
Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la
députée de Maisonneuve.
Du côté ministériel, M. le député de
Taschereau.
M. Leclerc: Merci, M. le Président. Vous me permettrez
tout d'abord de souligner la présence parmi nous de personnes
intéressées à la réforme de l'aide sociale. Et
compte tenu du fait qu'un bon nombre d'entre elles viennent de mon
comté, je voudrais leur souhaiter la plus cordiale bienvenue dans
l'enceinte de l'Assemblée nationale, tout en leur faisant comprendre
que, nous aussi, du côté ministériel trouvons inacceptable
que des gens ne puissent assister à nos travaux et que nous allons tout
faire en notre pouvoir pour que tous ceux et celles intéressés
par nos travaux puissent y assister le plus tôt possible.
M. le Président, le Québec a connu au cours des trois
dernières années un essor économique certain, mais
ressenti de façon différente dans les diverses régions et
les divers comtés du Québec. Je ne vous surprendrai donc pas en
vous disant que le comté de Taschereau n'a pas profité, comme
d'autres comtés, de la relance économique du Québec. Des
raisons à cela, il y en a plusieurs: l'âge de la population, la
sous-scolarisation, le flux de la population qui fait que certaines personnes
qui se dénichent un emploi quittent le comté de Taschereau, alors
que d'autres y viennent parce que certaines municipalités de la
région de Québec refusent malheureusement les HLM que leur
propose le gouvernement, et des personnes en difficulté
financière ont à déménager dans les limites de la
ville de Québec pour avoir un jour accès à un HLM.
Vous comprendrez donc, M. le Président, toute l'attention que
j'ai personnellement portée à la réforme que nous avons
devant nous. Contrairement à la députée de Maisonneuve et
au Parti québécois, j'ai toujours prétendu que les
principes de base de la réforme, la distinction entre apte et inapte et
l'amélioration de l'employabilité étaient sains dans leur
fondement même. J'écoutais tout à l'heure la
députée de Maisonneuve nous dire que nous n'avions aucune raison,
malgré le fait que la loi ne fusse pas encore adoptée, de refuser
d'augmenter les inaptes au travail. Elle accepte et elle est d'accord que nous
devions donner davantage aux inaptes au travail. Mais elle refuse que nous
distinguions les aptes et les inaptes. J'espère qu'au cours de ta
commission parlementaire elle nous dira comment elle nous propose de donner
davantage aux inaptes sans les distinguer des aptes.
En effet, I n'y a pas de façon de donner davantage aux Inaptes
sans bien les identifier, d'où la distinction entre apte et inapte.
Augmenter l'employabHtté des aptes est une mesure qu'aucun
assisté social ne peut refuser sur le fond bien que les modalités
puissent ne pas faire l'unanimité.
M. le Président, maintes fois au cours des dix derniers mois j'ai
fait part de mes craintes, parfois publiquement, plus souvent privément,
au ministre, à son sous-ministre, à ses conseilers et à
mes collègues. Je dois dire que le projet que nous avons devant nous a
été beaucoup modifié depuis sa première
présentation et sans enlever de mérite aux nombreux Intervenants
qui nous ont fait des représentations, le travail Incessant des
députés ministériels membres de la commission a notamment
permis de bonifier ce projet de loi.
J'ai également le goût de vous dire que celui qui vous
parle, et je crois également parler pour mes collègues
ministériels, a l'intention de prendre une part active aux travaux que
nous commençons à l'image de l'implication dont nous avons fait
montre jusqu'à aujourd'hui. Quant à moi, il n'est pas question
d'un dialogue unique entre la critique de l'Opposition et le ministre. Je
représente autant, sinon plus, d'assistés sociaux que la
députée de Maisonneuve. Il n'est pas question que, comme pendant
l'étude des engagements financiers, la députée s'approprie
l'essentiel du temps de parole.
M. le Président, la réforme que nous présentons
aujourd'hui est essentielle. Tous ceux qui sont en contact régulier avec
des assistés sociaux vous diront que la loi actuelle est
dépassée, que la réglementation est
dépassée. À cet égard, nos
prédécesseurs sont bien malvenus de nous faire la morale. Comme
preuve, j'ai avec moi la liste de tous les besoins spéciaux. Un
très grand nombre d'entre eux ont été
révisés pour la dernière fois le 1er janvier 1976. C'est
donc dire que pendant les neuf ans où le Parti québécois a
été au pouvoir, pour un bien grand nombre de besoins
spéciaux, iIs n'ont même pas donné de majoration.
L'Opposition devrait donc faire amende honorable et effectuer
sérieusement l'étude article par article sans nous embêter
avec un ennuyant filibuster. Que l'Opposition laisse la commission travailler
pour améliorer encore cette loi au plus grand bénéfice des
assistés sociaux.
Il y a cependant un certain nombre de faits que nous devons, comme
membres de la commission, admettre avant même de commencer nos travaux.
Il n'y a pas plus de fraudeurs à l'aide sociale qu'ailleurs.
M. Chevrette: Bon. On est heureux de vous l'entendre dire pour la
première fois.
Le Président (M. Bélanger): SI vous plaît!
S'il vous plaît! S'il vous plaît! On respecte le droit de parole de
M. le député de Taschereau.
M. Chevrette:... jamais avide d'avis.
M. Leclerc: M. le Président, dans mon
discours sur l'adoption du principe du projet de ioi, j'ai fait
exactement la même affirmation: il n'y a pas plus de fraudeurs à
l'aide sociale qu'ailleurs, il est malheureux que dans la population circulent
certains préjugés. Ce que j'ai remarqué depuis notamment
trois ans, depuis que je suis à l'Assemblée nationale et que j'en
discute avec des électeurs, des électrices, c'est que la plupart
des gens qui ont les plus grands préjugés envers les
assistés sociaux sont ceux qui, d'une façon un peu amusante,
essaient toutes (es façons pour payer le moins d'impôt possible.
Souvent, ils nous disent que les assistés sociaux profitent du
système et nous avouent cinq ou six minutes plus tard qu'ils n'ont pas
payé d'impôt l'an passé, qu'ils ont un compte de banque aux
Bermudes, etc.
Dans le même ordre d'idées, la députée de
Maisonneuve déplore les vérifications systématiques que
fait le gouvernement. Mais je lui rappellerai qu'en novembre 1985, et comme
vous le savez les élections ont eu lieu le 2 décembre 1985, il y
avait dans mon comté des distributions systématiques de
chèques d'aide sociale de main à main. Comme vérification
systématique, on peut difficilement avoir plus lorsque les
assistés sociaux, plutôt que de leur poster leur chèque,
doivent se rendre un à un le chercher dans un sous-sol d'église.
Je trouve donc très surprenant qu'elle nous reproche de faire des
vérifications systématiques alors que, lorsqu'elle était
au gouvernement, ils faisaient de même.
Un autre état de fait, M. le Président, c'est que personne
ne fait de vie de château à l'aide sociale. Quand on
fréquente les assistés sociaux, quand on les rencontre souvent,
qu'on les rencontre à leurs demeures, on admet rapidement qu'ils ne font
pas de vie de château. Quand on fréquente le même
supermarché qu'eux au début du mois, on s'aperçoit
facilement qu'il y a dans leur panier de provisions plus de spaghetti que de
filet mignon. Je vous dirai qu'on n'en voit pas souvent dans les
supermarchés à ia fin du mois parce qu'ils ont à attendre
leur prochain chèque. Je vous dirai qu'il faut passablement
d'imagination en 1988 pour se débrouiller avec un chèque d'aide
sociale. Heureusement que certains organismes bénévoles, un peu
partout sur le territoire du Québec, les aident dans des moments ou des
fins de mois difficiles.
Un autre état de fait qu'il faut mentionner, c'est que certains
assistés sociaux et certaines personnes, à bon escient, pourront
se demander comment des gens bien payés par l'État comme nous,
les députés, sommes en mesure de les comprendre. À cet
égard, puisque la députée de Maisonneuve gagne plus que
moi, ça ne me gêne pas d'en parler, je vous dirai.
Une voix:...
M. Leclerc: Bien oui, elle est vice-présidente de
commission...
Une voix:... les assistés sociaux.
Le Président (M. Saint-Roch): S'il vous plaît, s'il
vous plaît!
Une voix: I! n'y a pas de sous-ministre plus cher que nous
autres.
Le Présidant (M. Saint-Roch): S'il vous plaît! S'il vous
plaît!
M. Leclerc: Est-ce que j'ai dit quelque chose qui vous a
dérangé?
M. Chevrette:...
Le Président (M. Saint-Roch): S'il vous plaît! On
peut laisser monsieur... S'il vous plaît!
M. Chevrette: Je ne vois pas ia pertinence dans le débat.
Cela ne donne rien au monde qui est assis là.
M. Leclerc: C'est parce que vous ne m'avez pas laissé le
temps de finir.
Le Président (M. Saint-Roch): S'H vous plaît! M. le
député de Joliette, on va respecter votre temps de parole. On
vous demanderait de respecter celui des autres. M. ie député de
Taschereau.
M. Leclerc: Je dirai, d'abord, que bon nombre de
représentants de groupes d'assistés sociaux ne sont pas
eux-mêmes assistés sociaux. Comme je ne mets pas en doute leur
niveau de compréhension des problèmes que vivent les
assistés sociaux et comme je ne mets pas en doute leur
représentativité, j'apprécierais que ma capacité de
compréhension des problèmes que vivent les assistés
sociaux ne soit pas mise en doute.
M. le Président, au printemps dernier, la députée
de Maisonneuve nous avait promis ia position officielle de son parti avant
Pâques.
Une voix:...
M. Leclerc: J'étais là. Ce qu'on lit dans les
journaux d'aujourd'hui, c'est qu'il reste encore à l'intérieur du
Parti québécois et je vous cite ia page A-10 du Soleil: À
trouver au sein du parti un compromis sur Ie cas des assistés sociaux de
18, 19 et 20 ans pour lesquels M. Parizeau et Mme la députée de
Maisonneuve voudraient que soit exigée leur participation à des
activités ou à des programmes; un statut particulier qui a
été rejeté par plusieurs congrès régionaux
du Parti québécois.
Par conséquent, j'espère que nous aurons droit, d'ici
Pâques 1989, à la position officielle, à ia position finale
du Parti québécois sur le dossier de l'aide sociale. Elle est
bien forte sur la critique, ia députée de Maisonneuve, pour
être
membre parlementaire d'un parti qui n'est pas encore tout à fait
branché sur sa position quant à la réforme. Elle reproche
au ministre, elle reproche au gouvernement de faire des consultations qui ne
sont pas publiques. Nous déplorons, d'ailleurs, nous les
députés ministériels, que le front commun des
assistés sociaux n'ait pas daigné nous rencontrer comme convenu
hier à 9 h 30. Nous croyons sincèrement que nous aurions pu avoir
des échanges enrichissants.
La députée de Maisonneuve, dis-je, reproche au
gouvernement de faire des consultations privées. Elle reproche donc au
ministre de ne pas courir les caméras...
Des voix: Ah, ah, ahl
Le Président (M. Saint-Roch): S'il vous plaît!
M. Leclerc:... et quant à elle, je vous avoue que sa
position me surprend un peu parce qu'un hebdo de son comté, il n'y a
quand même pas si longtemps, le 23 octobre...
M. Chevrette: "Ti-kid kodak".
Le Président (M. Saint-Roch): S'il vous plaît! S'N
vous plaît! M. le député de Joliette, s'il vous
plaît.
M. Leclerc: Je citerais: "SCRAP Paradis accuse la
députée Harel de cabotinage. " Je vous en cite un extrait, M. le
Président. C'est écrit par Jean Bérubé. 'C'est
scandaleux, déclarait Patrice Legendre, du comité de coordination
de SCRAP Paradis, Louise Harel, Pauline Marois et les autres péquistes
méprisent les assistés sociaux. Décidément, les
membres de SCRAP Paradis n'ont pas apprécié la présence de
quelques députés du Parti québécois en tête
de file de la manifestation de samedi dernier, nous expliquant que l'actuelle
réforme de l'aide sociale que prône le ministre Bourbeau est en
fait l'application concrète d'un énoncé du livre blanc sur
la fiscalité des particuliers écrit par l'actuel chef de
l'Opposition, M. Jacques Parizeau". (11 h 15)
Nathalie Moreau, dirigeante de SCRAP Paradis, va plus loin: "Durant les
années où le PQ a été au pouvoir, le gouvernement a
tout fait pour appauvrir les plus démunis". L'ancienne ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, Mme Marois,
était aussi visée par les accusations. Selon M. Legendre, elle a
maintenu les jeunes assistés sociaux à moins de 150 $ par mois
durant des années. Selon un membre du service d'ordre de la
manifestation, Mme Harel cherchait toujours à quitter les rangs afin de
se faire remarquer par la télévision. Ce n'est pas la
première fois que Mme Harel est accusée de tenter de
récupérer le travail fait par des groupes populaires. Cependant,
jamais de telles accusations n'avaient été
proférées de manière si ouverte.
M. le Président, oui, il est vrai, le ministre a fait des
rencontres privées. Oui, il est vrai, les membres de la commission
parlementaire, du côté ministériel, ont fait des rencontres
privées. Lorsque nous croyons, comme parlementaires, que nous avons
Intérêt à rencontrer privément les assistés
sociaux ou des groupes représentatifs, ce n'est pas la
députée de Maisonneuve qui nous empêchera de le faire.
En conclusion, si on reconnaît le niveau d'évolution d'un
peuple à la façon dont I traite ses plus démunis, on
reconnaîtra le sérieux d'une Opposition à la façon
non partisane avec laquelle elle traitera le dossier de l'aide sociale, un
programme de dernier recours sur lequel comptent plus de 680 000 de nos
concitoyens et de nos concitoyennes. M. le Président, je vous
remercie.
Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le
député de Taschereau. Je donne la parole, maintenant, au
député de Gouin.
M. Jacques Rochefort
M. Rochefort: Merci, M. le Président. On me permettra d'y
aller d'un certain nombre de commentaires à l'ouverture de ces travaux
Dans un premier temps, je crois qu'il faut être conscients qu'il existe
dans la population un groupe important qui est bourré de
préjugés à l'endroit des gens qui vivent de l'aide
sociale, de préjugés dont ont fait état le
député de Taschereau et un peu la députée de
Maisonneuve tantôt. Je n'ai pas l'intention de les répéter
ici, parce que je considère que ce serait donner une importance
déjà trop grande à ce groupe important qui existe dans
notre population.
Cela dit, le premier problème de la réforme
prétendue de l'aide sociale au Québec est que ceux et celles qui
en sont les Initiateurs, ceux et celles qui en sont les bâtisseurs et
ceux et celles qui l'ont conçue sont, au départ, membres de ce
grand club qui existe au Québec, d'hommes et de femmes bourrés de
préjugés absolument invraisemblables et inadmissibles à
l'endroit des êtres humains qui vivent de l'aide sociale au
Québec. L'actuel gouvernement a accepté, a décidé
d'être le porte-parole de ce club rempli de préjugés
à l'endroit des assistés sociaux Par les actions qu'il a
posées depuis son élection, le 2 décembre 1985, 1 a
contribué à alimenter ces préjugés dans la
population, refusant du même coup d'assumer sa responsabilité
première dans le dossier, à partir du moment où iI
devenait le gouvernement de tous les Québécois. Sa
première responsabilité, eu égard à la
sécurité du revenu, était justement de s'opposer à
ce préjugé, de convaincre les Québécois que ce
préjugé n'est pas fondé, d'assumer des
responsabilités d'État pour un parti politique qui étaient
donc de tuer ces préjugés et plutôt que de les alimenter,
de faire un appel à la solidarité des Québécois
et
des Québécoises à l'endroit de ceux et de celles
pour qui la prospérité ne veut surtout rien dire de concret, et
souvent bien au contraire.
Ce gouvernement a créé une insécurité
complète, grave et profondément inhumaine à l'endroit de
cette population fragile d'hommes et de femmes qui vivent de l'aide sociale,
non seulement par les actions qu'il a posées depuis le 2 décembre
1935... Je fais allusion non seulement à la longue série de
coupures, de désindexation, mais aussi à ces opérations
visant à apposer un stigmate sur le front des assistés sociaux au
Québec, mais aussi à les considérer comme des fraudeurs,
au départ, automatiquement, sans même s'être posé la
question: Qui sont-ils? D'ailleurs, M. le Président, je dois dire que
l'opération boubous macoutes 1 aurait dû les convaincre qu'ils
faisaient fausse route. Quand on regarde les résultats de cette
opération boubous macoutes 1, en termes financiers et en termes de
nombre d'assistés sociaux détectés comme étant des
fraudeurs, Dieu sait que vous l'avez bien menée cette opération
boubous macoutes 1; par rapport à vos objectifs. Elle n'a pas
donné des résultats conformes aux discours et aux
préjugés qui vous animaient et qui vous motivaient dans la mise
sur pied d'une telle opération. Vous auriez donc dû accepter de
conclure que vous vous étiez trompés, qu'ils n'étaient pas
des fraudeurs en quantité industrielle.
Tel n'a pas été le cas, M. le Président. On nous
annonce maintenant qu'on ira avec une deuxième opération qui est
déjà amorcée et qui ira encore plus loin. Alors qu'on a
des chiffres concrets à partir des travaux menés par vos
inspecteurs dans l'opération 1 qui démontraient que vous aviez
fait fausse route, plutôt que de reconnaître cela, vous dites: On
va se caler encore un peu plus, d'autant plus que ce n'est pas à nous
que cela fera mal, ceia fera mal aux assistés sociaux.
M. le Président, les amendements qui nous ont été
présentés cette semaine relèvent d'une part du
modèle devenu traditionnel de l'actuel gouvernement, c'est-à-dire
que, au départ, on explique aux gens qu'on va à peu près
tout couper, et par la suite, après avoir laissé monter la
pression au maximum, on leur explique qu'on va leur donner quelque chose, alors
que dans les faits on vient de leur expliquer qu'on les couperait un peu moins
que ce qu'on avait prévu. C'est le modèle traditionnel suivi dans
bon nombre de dossiers.
Le premier dossier où cela s'est fait, c'est à l'endroit
des artistes, alors qu'on leur avait promis pendant la campagne
électorale 1 % du budget; dès le lendemain de la campagne
électorale, on leur a expliqué que ce que le Trésor
envisageait, c'était plutôt une coupure massive des budgets des
organismes culturels au Québec. Là, par la suite, la ministre est
arrivée en grande victorieuse. Elle avait convaincu le gouvernement de
ne pas couper son budget. Et les gens ont dit: Tant mieux, Ils n'ont pas
coupé notre budget, alors qu'on était partis d'une promesse
visant à le faire passer à 1 % du budget de l'État. C'est
le même scénario dans le dossier de l'aide sociale. Alors qu'on
avait expliqué à tout i© monde qu'on ferait des coupures
très importantes, on leur dit: Maintenant, les coupures seront un peu
moins importantes et on pense que c'est un modèle qui va fonctionner et
que les gens vont applaudir. Ce qui est malheureux, c'est qu'effectivement des
gens ont applaudi. Mais, ne tentez pas de berner les gens. Je m'adresse au
gouvernement évidemment, M. le Président. Qu'il ne tente pas de
berner les gens par de tels modèles; quand ils recevront les premiers
chèques de cette réforme, ils comprendront qu'ils n'ont rien
gagné, bien au contraire. Vous devriez avoir le courage, M. le ministre,
de S'avouer dès maintenant. Les amendements qui ont été
déposés ont pour objectif d'envelopper une mauvaise
réforme, d'arrondir un certain nombre de coins, de dorer la pilule, mais
dans les faits cela ne change pas la réforme. Même si en partie,
c'est venir après coup donner raison - je le répète, en
partie - aux opposants à la réforme qu'on traitait de tous les
noms au moment où ils s'opposaient à la réforme, on
maintient, dans les faits, les fondements d'une mauvaise réforme de
l'aide sociale.
Et que dire d'un gouvernement qui pilote une réforme et qui nous
dit: Vous savez, je ne sais pas quand on va l'appliquer, je ne sais pas comment
on va l'appliquer et je ne sais pas combien cela va nous coûter et
où cela va nous mener. Chose certaine, électoralisme oblige, on
va l'appliquer après les élections parce que c'est cela depuis
deux ou trois semaines qu'on lit dans les journaux. C'est le calendrier
électoral qui est publié. Ce n'est pas le calendrier
d'application de la Loi sur l'aide sociale qui nous est présenté
bout par bout. C'est le calendrier électoral. On fait adopter la
réforme maintenant, donc, on peut dire aux gros clubs de ceux qui sont
remplis de préjugés contre les assistés sociaux en
campagne électorale: Voyez, écoutez, on l'a faite la
réforme, mais on peut aussi dire aux assistés sociaux: On ne l'a
pas appliquée, écoutez, on va regarder cela et après
l'élection on essaiera de voir ce qu'on va faire. C'est à de
i'électoralisme d'un bout à l'autre qu'on assiste
actuellement!
Quant aux programmes de subvention de l'emploi - oui, je vous remercie
M. le ministre - d'abord c'est une grande preuve qu'il n'y a pas de job pour
les assistés sociaux qualifiés aptes au travail par le ministre.
Donc, j'espère que le ministre va retirer ses préjugés
nombreux qu'il a contribué à alimenter, selon lesquels les
assistés sociaux aptes sont des paresseux qui ne veulent pas travailler.
En mettant en place un programme de subvention de création d'emploi, 1
avoue lui-même qu'il n'y a pas de jobs. Donc, ils n'étaient pas
des paresseux, mais on va essayer de mettre en place des programmes pour
pouvoir créer de l'emploi.
Encore là, ce qu'on nous expliqua, c'est qu'on ne sait pas trop
comment cela va fonctionner. On ne sait pas quels types d'emplois on va leur
offrir, combien de temps ça va durer, quelles perspectives de
carrières professionnelles cela pourrait impliquer pour ces gens. Est-ce
que ça va être une carrière d'un mois, de trois mois, de
six mois avec un retour à l'aide sociale d'un an et demi, deux ou trois
ans? On ne le sait pas et je vous dis qu'on ne le saura pas.
Tout ce qu'on sait, c'est que ça pourrait peut-être
s'appeler les petits boulots de Bour-beau, mais pas grand-chose qui puisse
concrètement permettre à quelqu'un pour vrai de retourner sur le
marché du travail avec des perspectives concrètes, solides et
qui... Est-ce que je dérange?
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît! On écoute M. le député de Gouin.
M. Rochefort:... lui permettre d'envisager autre chose à
court, moyen et long termes que l'aide sociale. Finalement, je crois qu'il faut
aussi reconnaître, et je conclurai mon intervention là-dessus en
disant que la réforme de l'aide sociale, de même que les
amendements apportés cette semaine par le ministre eu égard
à son programme de subvention à l'emploi, c'est visiblement
l'aveu d'un échec des politiques économiques de l'actuel
gouvernement au plan social.
Quand le ministre nous disait tantôt - soyons juste - qu'il s'est
créé 160 000 emplois au Québec depuis qu'ils sont au
gouvernement... M. le Président, comment se fait-il que ça n'a
rien changé pour les assistés sociaux dits aptes au travail?
C'est donc dire que, qui dit prospérité économique avec
votre gouvernement, dit prospérité économique pour ceux
qui sont déjà prospères, mais qu'il n'y a aucune
orientation de partage de cette nouvelle prospérité
économique avec un accent prioritaire chez ceux et celles qui en ont le
plus besoin. C'est un échec total de vos politiques économiques
au plan social, incapacité de créer une prospérité
économique qui va profiter à ceux et à celles qui en ont
les premiers et le plus besoin. C'est ça que vous venez nous avouer avec
votre réforme et avec les amendements que vous y avez apportés
cette semaine, M. le Président.
Mais, indépendamment de ça, on va poursuivre la
réforme, on va continuer la réforme et votre galère, ce
n'est pas bien Important. L'important, c'est qu'on puisse dire dans les
discours que cela va bien au Québec, on crée 160 000 jobs. Oui,
mais pour qui? Cela va bien au Québec, l'investissement s'est accru de
X; le taux de croissance économique s'est accru de X, mais pour qui?
À qui cela profite-t-il? C'est essentiellement un problème de
partage de richesse et un problème de partage de l'accroissement de
l'activité économique.
M. le Président, il serait intéressant - j'avais
souligné ça au prédécesseur du ministre, c'est
pareil dans te dossier du libre-échange et je conclurai là-dessus
- de se référer à l'introduction du document Aider la
croissance mondiale produit par le GATT récemment. Je lis simplement la
première phrase de l'introduction. Ce n'est pas signé par le
directeur général actuel du GATT. Ce n'est pas un hasard si cette
brochure s'intitule Aider la croissance mondiale si l'on en est venus,
siècle après siècle, à favoriser le
développement d'un commerce entre les nations, c'est parce que celui-ci
s'est généralement traduit par une élévation du
niveau de vie et de bien-être.
Ma question, M. le Président: Mais pour qui? Quels sont les
engagements que le ministre est en mesure de prendre, dès ce matin, au
nom de son gouvernement? Est-ce que, dans le cadre du libre-échange qui
est de même nature, on assurera que l'accroissement de la richesse qui
doit s'ensuivre sera réparti avec un accent prioritaire et principal
envers ceux et celles qui en ont le plus besoin et que ce ne sera pas une
opération qui visera à rendre plus riches ceux qui le sont
déjà?
Tous ces efforts d'accroissement de l'activité économique
au Québec n'ont de raison d'être que dans la mesure où ils
servent à ceux et celles qui n'en ont pas profité jusqu'à
ce jour. Toute autre façon de partager cet accroissement de la richesse
et de l'activité économique au Québec est une erreur, est
une inutilité en soi. En ce sens, nous attendons beaucoup plus et
beaucoup mieux du ministre, de son équipe et de son gouvernement dans le
dossier de la réforme de l'aide sociale. (11 h 30)
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le
député de Gouln. Je cède maintenant la parole au
député de Chambly.
M. Gérard Latulippa
M. Latulippe: M. le Président, personnellement, je pense
que la réforme de l'aide sociale, telle qu'elle est
présentée aujourd'hui, est non seulement socialement acceptable,
mais surtout socialement souhaitable. Je pense que la députée de
Maisonneuve a dit tout à l'heure que toute réforme de l'aide
sociale devrait avoir comme objectif la justice sociale avant tout parce qu'on
a affaire aux personnes les plus démunies parmi nos concitoyens; 580 000
personnes aujourd'hui au Québec. Mais la vraie question est de savoir si
ce que l'on a aujourd'hui sur la table est une réforme qui est juste
socialement. La réponse que je voudrais apporter à cela c'est que
maintenant je suis profondément convaincu que les éléments
majeurs de cette réforme sont justes socialement et devraient emporter
la confiance de notre société et la confiance aussi des personnes
les plus démunies de notre société. Je comprends
l'inquiétude de ces personnes. Je suis très sensible, comme mes
collègues, à l'Inquiétude
des gens qui, généralement, sont sans voix, sans pouvoir
pour véritablement changer les choses. Pourquoi la réforme
est-elle juste socialement? Regardons les principaux volets de cette
réforme.
Est-il juste socialement que les personnes inaptes au travail,
c'est-à-dire les personnes dont l'état physique ou mental est tel
qu'elles sont incapables, pour une durée vraisemblablement permanente ou
indéfinie, d'occuper un emploi pour subvenir à leurs besoins?
Est-il juste que ces personnes aient une considération
particulière, une considération supérieure à celle
dont elles jouissaient jusqu'à maintenant? Je dois dire, pour ceux qui
l'ignorent, que le livre blanc de M. Parizeau sur la fiscalité
prévoyait pour les personnes inaptes au travail le maintien du programme
actuel d'aide sociale. Le programme présenté aujourd'hui par
notre gouvernement prévoit une considération spéciale, un
traitement distinct pour ces personnes inaptes au travail dont les
barèmes sont augmentés. C'est sûrement un des volets de
cette considération spéciale, c'est-à-dire que ces
personnes-là, le lendemain de l'implantation de la réforme, vont
définitivement recevoir, entre autres, un chèque supérieur
à celui qu'elles reçoivent actuellement. C'est un des volets de
cette considération particulière que ces personnes vont
avoir.
Je dois vous dire que je suis profondément convaincu que les
bénéficiaires de l'aide sociale ne sont pas, mais pas du tout,
des paresseux sociaux. Au contraire, ce sont des gens qui souhaitent, qui
veulent travailler, qui veulent leur autonomie par l'emploi et qui le veulent
profondément. Est-il socialement juste que l'on prévoie un
traitement, une considération particulière pour ces personnes qui
veulent s'en sortir? Quant à moi, je dis: Oui, c'est juste socialement.
Ce qui est injuste socialement, c'est que la proportion de ces personnes ait
augmenté substantiellement.
Le député de Gouin parlait des politiques
économiques du gouvernement libéral. Les politiques
économiques du gouvernement précédent ont fait en sorte
qu'entre 1980 et 1985, 200 000 personnes, qui étaient aptes à
travailler et qui occupaient un emploi, sont devenues des
bénéficiaires de l'aide sociale aptes au travail; 200 000
personnes de plus entre 1980 et 1985 qui sont entrées dans cette
catégorie de personnes aptes. Est-ce qu'on peut dire que les politiques
économiques ont été un succès pour ces personnes
qui sont maintenant au bas de l'échelle? Je dis non. Et il faut, pour
que ce soit juste socialement, que l'on ait une considération
spéciale pour ces personnes et, plus qu'une considération, un
encadrement spécial.
Comment la réforme le fait-elle? De plusieurs façons.
D'abord, vis-à-vis des jeunes, était-il socialement juste
qu'auparavant les jeunes assistés sociaux reçoivent un
chèque différent de celui des personnes considérées
adultes? C'était certainement injuste socialement. La situation actuelle
fait que nous réussissons à respecter l'engagement de la
parité de l'aide sociale pour les jeunes. Les amendements que le
ministre André Bourbeau propose concernant fa contribution alimentaire
rendent aussi cette réforme beaucoup plus juste socialement.
C'était d'ailleurs l'un des éléments que les
députés libéraux de la commission des affaires sociales
demandaient constamment depuis le début de cette réforme. Et
qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que, jusqu'à aujourd'hui,
il y avait une coupure automatique de 100 $ au chapitre de la contribution
alimentaire parentale. Cette coupure automatique et minimale est
désormais abolie. Cela veut dire que, pour les personnes dont les
parents sont des personnes à bas revenu ou des assistés sociaux,
cette coupure n'existera plus. La parité sera totale et
complète.
Mais je ne pouvais pas cautionner l'idée que des parents dont le
revenu était substantiel, 40 000 $, 50 000 $ par année, soient
libérés de toute responsabilité vis-à-vis de leurs
enfants. Je pense que, socialement, ce n'était pas acceptable de
libérer les parents de leurs responsabilités quand lis gagnaient
un revenu substantiel.
Vous me direz: Oui, mais les jeunes qui sont en rupture de famille? Je
vous dis que le projet de loi prévoit que les jeunes en rupture de
famille puissent recevoir l'aide sociale au même titre qu'une personne
adulte, au même titre qu'une personne qui serait dans une situation tout
à fait autre. Donc, justice sociale vis-à-vis des jeunes.
Justice sociale aussi lorsqu'on parle du développement de mesures
d'employabiiité. Les mesures d'employabiiité, je pense que tout
le monde s'entend pour dire qu'elles sont nécessaires puisque le
gouvernement antérieur lui-même a cru en ces mesures
d'employabiiité lorsqu'il était question des jeunes
assistés sociaux. Vous y avez cru. Vous avez implanté certaines
mesures d'employabilité qui, dans certains cas, ont eu plus de
succès que dans d'autres. Comment pouvez-vous faire en sorte qu'une
personne bénéficiaire de l'aide sociale qui veut s'en sortir,
mais qui n'a pas les instruments, les capacités, l'expérience ou
le "know how" pour pouvoir accéder au marché de l'emploi,
devienne employable sinon par des mesures d'employabilité plus
étendues que les mesures actuelles et des mesures plus
appropriées que celles que vous avez développées? C'est
l'instrument privilégié, que ce soient des mesures scolarisantes,
que ce soient des stages en milieu de travail, que ce soient d'autres types de
mesures qui vont faire en sorte que la personne sera plus habile à
travailler. Ne croyez-vous pas qu'une personne qui ne passe pas par ces mesures
d'employabilité soit plus sujette au "cheap labor" qu'une personne qui
se rend employable par des mesures d'employabilité? Selon vous, un
employeur qui va engager quelqu'un qui n'a pas développé cette
employabilité-là, quel salaire va-t-il lui offrir par rapport
à une autre qui, avec un encadrement, aura développé son
employabi-
lité? Je pense qu'il est socialement juste de vouloir mettre
l'accent sur les mesures d'employabilité et d'ajouter dans la loi des
incitatifs, même de nature monétaire, je dis bien des incitatifs
parce qu'avec les derniers amendements du ministre, il n'y a pas de victimes ni
de coupures sur les chèques. Les personnes qui voudront participer
à une mesure d'employabilité et qui y auront accès
recevront un incitatif pécunier. Et avant aujourd'hui, ceux qui
s'inscrivaient pour participer à une mesure et à qui le
gouvernement ne pouvait pas offrir cette mesure d'employabilité,
voyaient effectivement leur chèque coupé par rapport à la
situation actuelle. Nous trouvions cela assurément inacceptable et nous
avons insisté pour changer cette situation. Aujourd'hui, les personnes
qui voudront participer et qui s'inscriront à cette mesure
d'employabilité ne subiront aucune coupure par rapport à la
situation actuelle. Cela dit, le développement des mesures
d'employabilité est aussi socialement acceptable.
Un autre volet de la réforme qui, je pense, est socialement
souhaitable, c'est l'allocation au logement. On sait que la composante
logement, dans le chèque d'aide sociale, ne fait évidemment pas
de distinction eu égard au coût du logement. C'est la même
prestation. Mais vous savez aussi bien que moi que, pour une personne
bénéficiaire de l'aide sociale, pour les ménages sur
l'aide sociale, le coût du logement varie. Il peut être plus
élevé dans un cas et moins élevé dans un autre. La
situation qui prévalait jusqu'à maintenant et pendant des
années sous les gouvernements antérieurs était socialement
inacceptable parce que le coût du logement est une composante variable.
Le ministre, André Bourbeau, apporte un nouveau programme qui accordera
à près de 52 000 familles une somme additionnelle pour leur
logement. Ainsi, selon le coût du logement que les ménages avec
enfants auront à payer, ils pourront solliciter une somme additionnelle
pour compenser en partie le coût du logement qu'ils ont à assumer.
Je pense que personne ne peut dire que cette mesure n'est pas socialement
juste, souhaitable et acceptable.
Un dernier point que je voudrais soulever, M. le Président, c'est
la question de l'emploi. Je suis entièrement d'accord qu'il faille
mettre l'accent sur l'emploi et que cela doit être une priorité.
Cela aurait aussi dû en être une en 1981, en 1982 et en 1983, au
moment où 200 000 nouvelles personnes sont devenues
bénéficiaires de l'aide sociale. Cela aurait aussi dû
être une priorité. Mais cela doit en être une aujourd'hui et
je suis un de ceux qui pensent que le virage social est important et je pousse
fortement pour que mon propre parti le fasse et encore plus rapidement. Mais
par où commençons-nous? Les mesures d'employabilité, ce
n'était certainement pas suffisant. Je pense que, pour une personne qui
a des problèmes d'employabilité, qui éprouve des
difficultés à s'intégrer au marché du travail, ce
n'est pas seulement en créant globalement des emplois et par
l'opération du Saint-Esprit qu'elle va devenir employée. Il faut
qu'on l'aide dans sa démarche personnelle à s'intégrer au
marché du travail. C'est pour ça que je crois que les organismes
communautaires, par exemple, auront un rôle important à jouer dans
cette réforme pour aider la personne à s'intégrer sur le
marché du travail. C'est surtout pour ça que le programme
de...
Une voix:...
M. Latullppe: S'il vous plaît!... le programme de
subvention salariale est aussi un programme important parce que c'est un
programme qui va permettre au-delà de ce qu'on connaît comme
stage, comme type de mesure d'employabilité, de créer de vrais
emplois. Et ce n'est pas suffisant. Il va falloir que les partenaires sociaux
aussi s'impliquent. C'est un projet qui devra emporter l'adhésion des
partenaires sociaux de notre société.
Cette subvention salariale est un pas important pour permettre à
une personne de s'intégrer véritablement au vrai marché du
travail. C'est une subvention qui sera encadrée pour éviter
à ceux que j'appelle les épouvantails à corneilles de
penser que c'est du "cheap labor". (11 h 45)
Une voix:...
M. Latulippe: Non. S'ils sont bien gérés, si y a
implication des partenaires sociaux, on aura fait là un pas en avant
vers une meilleure Intégration sur le marché du travail. Quant
à moi, ça aussi c'est socialement acceptable.
Je termine par les auditions publiques dont a fait état Mme la
députée de Maisonneuve en disant que certains organismes avaient
demandé de nouvelles auditions publiques. Je dois dire, comme mon
collègue de Taschereau, que nous devions, tes députés
libéraux, rencontrer le front commun des assistés sociaux. Cela
nous aurait effectivement fait plaisir de les rencontrer, d'être ouverts
à leurs demandes. Malheureusement, ils ne se sont pas
présentés. C'est leur choix. Quant à nous, nous vouions
continuer à travailler dans le sens d'une meilleure acceptabilité
du projet, sauf que pour les auditions publiques, même si nous avions
été prêts à écouter ce qu'ils disent, je
pense que l'on ne doit pas revenir à une situation où, par des
auditions publiques, on va remettre à nouveau en question les grands
principes de la réforme qui sont socialement acceptables. Nous l'avons
fait une fois. Il y a eu des auditions publiques extensives sur les principes
de la réforme. Je pense qu'il est maintenant temps que l'Opposition
collabore pour faire en sorte que cette réforme soit adoptée le
plus tôt possible pour que les bénéfices qui s'y trouvent
pour les personnes les plus démunies ne soient pas remis à plus
tard par le fait d'un filibuster qui nuirait à l'implantation de ces
mesures socialement acceptables.
M. Chevrette:...
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette, s'il vous plaît.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: M. le Président, je vais commencer par dire
que cela fait deux fois que j'entends, à toutes fins utiles, l'argument
suivant: Parce qu'ils n'ont pas voulu rencontrer le front commun, le groupe
parlementaire libéral, on n'entendra pas en commission parlementaire les
représentants des assistés sociaux.
De grâce, on est dans un Parlement, on ne joue pas à la
cachette. Les auditions des commissions parlementaires sont
précisément faites pour entendre les groupes. Il n'est pas
question d'aller jouer aux hypocrites dans les passages en disant aux gens que
vous êtes d'accord avec eux et que, rendus ici, vous votiez contre.
C'est pour ça que le Parlement existe, pour pouvoir entendre
correctement, ouvertement les gens ici, pour faire un débat public.
C'est ça le lieu qu'inspire le Parlement. Je ne comprends pas
qu'à deux reprises déjà le député de
Taschereau et le député de Chambly aient semblé vouloir
dire: Vous n'avez donc pas été fins, vous ne pouvez pas nous
rencontrer tout seuls. On aurait peut-être des choses, on pourrait
peut-être vous emplir tout seuls alors qu'en public on ne pourrait
peut-être pas. C'est peut-être ce que vous voulez dire. Mais vous
allez parler ouvertement ou soyez assurés qu'on va faire les motions
pour qu'ils soient entendus.
Cela dit, M. le Président, je voudrais dire que je ne suis pas
trop surpris de ce qui se passe parce que, lundi soir, pour la troisième
fois en l'espace de quelques mois, à CKAC, à 19 h 25, vous
pourrez faire sortir les bobines, leur chef, M. Bourassa, disait pour la
troisième fois en peu de temps: Vous savez, les discours avant les
élections et les discours après, c'est bien différent. Il
répondait à Jean Cournoyer qui disait: Oui, mais si Turner
était élu, peut-être qu'on déchirerait l'entente du
libre-échange. Et Bourassa de reprendre: Oui, mais écoutez,
avant, c'est une chose et après, c'est autre chose.
Mais là, on en sait quelque chose de la philosophie
"bourassienne": Avant, on emplit le monde, et après, on fait ce qu'on
veut. C'est exactement ça. Durant la campagne électorale, j'ai vu
certains d'entre vous aller solliciter le vote des assistés.
Le Président (M. Saint-Roch): S'il vous plaît!
M. Chevrette: Je vous ai vus seiner leur vote. Je vous al vus vous
apitoyer sur leur sort. Je vous al vus solliciter ardemment leur vote en disant
que vous vous alliez améliorer leur sort. Je vous ai même vus, Mme
Lavoie-Roux en tête, dire: Ah, que les organismes qui s'occupent de vous
vont avoir des budgets accrus! Cela fait trois ans que leurs budgets sont
gelés. Le député de Chambly vient de dire: Écoutez,
les organismes communautaires vont avoir un grand rôle pour vous
expliquer quelque chose. Oui, des budgets gelés! On est en train de
créer des organismes communautaires qui deviennent des
sous-entrepreneurs du réseau. On gèle effectivement tous les
organismes communautaires qui sont nés de la spontanéité
et des besoins du milieu pour s'occuper du monde.
Il y a 4 000 000 sur 12 000 000, vérifiez vos dossiers si vous ne
les connaissez pas. Je vais continuer, M. le Président, en disant que le
premier geste que ces chers libéraux ont posé après avoir
sollicité votre vote, après vous avoir attendris pour dire qu'ils
seraient bons envers vous, eux autres, a été de désindexer
aux trois mois, pour tous les assistés de l'aide sociale. Cela
représente quoi au bout d'une année? Ce sont plusieurs millions
de dollars qu'on est allé chercher dans les poches des pauvres pour
garder et jouer avec l'argent durant toute l'année au lieu de le donner
aux trois mois aux assistés sociaux. C'est le premier geste. Une
drôle de récompense pour avoir sollicité les votes. M. le
Président, je veux avoir la paix un peu, s'il vous plaît.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
à l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Je vous demanderais
d'écouter l'intervention du député de Joliette
attentivement de part et d'autre.
M. Chevrette: Merci.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous
plaît!
M. Chevrette: Donc, M. le Président, le deuxième
geste aussi, je me souviens, de M. Paradis a été de
réduire les assistés sociaux qui allaient aux études, il a
réduit, il a dit: La prime en septembre pour aller à
l'école, cela n'a pas d'allure, c'est trop haut ça. Je vais vous
faire acheter des petits "running shoes" de seconde classe et un petit habit de
"jogging"...
Des voix:...
M. Chevrette: Non, rappelez-vous, étudiants adultes...
Le Président (M. Bélanger): S'il vous
plaît!
M. Chevrette: Vous ne vous rappelez pas! Étudiez votre
dossier, vous êtes ministre, à part ça. Il n'est pas au
courant.
Le Président (M. Bélanger): S'» vous
plaît! S'il vous piaît! On écoute l'intervention du
député de Joliette.
M. Chevrette: Ce n'est pas des farces, le ministre n'est
même pas au courant de son
dossier. Septembre 1987, M. le ministre. Je comprends que ça ne
fait pas longtemps que vous êtes rendu à la Main-d'Oeuvre et
à la Sécurité du revenu, mais ça ne vous
empêche pas de vous faire "briefer" et lire un peu le passé.
M. Jolivet: II était ministre du conseil.
M. Chevrette: Vous pourriez au moins avoir l'air compétent
dans vos dossiers. C'est M. Paradis qui a fait ça. C'est revenu en
Chambre et ça a fait l'objet d'un débat. Oui, on leur a
vanté plus tard, c'est ça. C'est exactement ce que le
député de Gouin disait. Je vous coupe de 100 $. On coupe rien que
de 75 $. Vous devez être fier. On en a remis 75 $. Bien oui, c'est encore
25 $ de moins. Allez-vous prendre tout le monde pour des Insignifiants tout le
temps? Vous pouvez leurrer un certain nombre de personnes un certain temps,
mais vous ne pouvez pas leurrer tout le monde tout le temps. Ce n'est pas vrai
ça. Votre petit gadget, votre petite procédure, l'attrape-nigaud,
le monde commence à en être conscient.
Ce qui m'horripile le plus, c'est d'entendre parler de justice sociale
et d'équité sociale. Écoutez, après avoir fait
vibrer les coeurs d'à peu près tous les Québécois
sur les moins bien nantis de notre société, après nous
avoir reproché à peu près tous les maux au PQ, vous
êtes arrivé et le premier geste que vous avez posé
vis-à-vis de la classe la plus défavorisée de ta
société a été d'Instaurer un système de
police qui est aux trousses de ce monde-là; aux trousses de gens qui
gagnent 190 $ par mois, des boubou-macoutes. Ils n'ont pas instauré une
police pour aller récupérer des militons et des centaines de
millions d'Impôts non payés. Vous n'avez pas eu une police
spéciale au gouvernement pour aller fouiller dans les livres des
compagnies qui camouflent les Impôts, que je sache. Vous n'avez pas
appelé ça des boubou macoutes s'N y en a eu. Quand on sait qu'il
y a à peu près entre 200000000$ et 300000000$ d'impôts non
récupérés chaque année. Mais
récupérer 7000000$, 8000000$, 10 000000$ pour des moins bien
nantis de notre société, ça urgeait. C'est une commande de
trois, quatre, cinq grands bonzes du Québec qui ont dit: Aïe! Pars
après ça, il y a de l'argent à aller chercher. Ce sont les
moins bien nantis. Cela urgeait. Votre urgence, vous avez réussi et
là vous essayez dans vos discours de dire: Ce n'est plus tout le monde
qui est voleur. Non, mais vous avez tellement bien réussi votre
opération que la majorité des Québécois dans bien
des milieux, et en particulier dans certaines classes de notre
société, ont la conviction que ce sont tous des voleurs. Ce n'est
toujours pas leur faute. C'est ceux qui les ont accrédités. C'est
vous.
Et aujourd'hui que vous voudriez vous démarquer du
résultat de votre action, il est trop tard. Le mal est fait. Vous avez
réussi à faire croire aux gens que l'ensemble des assistés
sociaux, c'étaient des fraudeurs. Je peux vous dire qu'il y a des
bandits cravatés qui ont sacrement plus le tour qu'eux de voler et qu'il
n'y a pas de boubou macoutes après eux Personnellement,
l'opération que vous avez faite, je la trouve dégueulasse,
Inacceptable pour un gouvernement qui a un tantinet de sensibilité sur
le pian social. Je trouve cela tout à fait inacceptable, d'autant que la
vérité n'est pas étalée au grand jour.
J'écoutais le député de Chambly, probablement de bonne
foi, probablement parce qu'I n'a pas encore lu son projet de loi, probablement
parce qu'il n'a entendu que le petit discours du ministre ou encore qu'il a lu
un simple communiqué de presse de son ministre, venir dire: L'allocation
au logement, ça va être formidable. Il ne dit pas que ça va
être coupé de 85 $ à 160 $. Il ne dit pas que ce qu'ils
mettent à la place, ça peut aller jusqu'à 52 $. Il ne dit
pas, encore là, que c'est une perte. Bien non, I essaie de faire
miroiter aux gens qu'I y a là un gain épouvantable, comme ils ont
réussi à faire miroiter aux femmes du Québec, par exempte,
que le remplacement de la prime de disponibilité, ce serait
extraordinaire. Mais pour 1988, iI leur enlève 60 000 000 $ et il ne
leur donne rien. En 1989, là iI va y avoir une prime. Il dit:
Voyez-vous, on vous donne quelque chose en 1989, soyez donc... Écoutez
donc, les filles, ne vous excitez donc pas, on vous donne quelque chose de
formidable. Oui, mais on vient de se payer un an avant dans vos propres poches
par une coupure de la prime de disponibilité. C'est ça que vous
faites avec toutes les catégories de personnes. Il va falloir qu'on
continue à travailler fort pour vous démasquer. De grâce,
n'essayez pas de nous attendrir sur des gestes aussi pernicieux; je trouve
pernicieuses des choses du genre.
J'écoutais le député de Chambly parler de vrais
emplois. D'abord, je ne sais pas s'il sait la différence entre un faux
emploi et un vrai emploi. Il pariait de mesures d'employabiité et I
trouvait ça mirobolant. En 1985, prenez un exemple, les travaux
communautaires, I y en avait 15 477. En 1986-1987, un an après,
c'était passé à 7000, ça diminue, mais I trouve les
mesures d'employablité mirobolantes. Les stages en milieu de travail, 14
000, en 1985-1986; en 1986-1987, ça descend à 9000. Et quand
ça va s'appliquer, ça va être rendu à je ne sais pas
combien, 2000 ou 3000. C'est formidable!
Qu'est-ce qu'I nous dit à part ça? Je vais vous donner un
exemple concret dans mon milieu. Il y a une commande qui se loge pour aller
arracher les dents dans une porcherie. Cela me prend douze assistés
sociaux, parce que ce n'est plus le bon d'emploi pour les jeunes, c'est le bon
d'emploi des employeurs qui s'en vient Donc, l'employeur va dire: Ça
m'en prend douze, à 4, 77 $ l'heure pour arracher les dents des porcs.
Il y en a qui ne sont même pas capables d'entrer dans une porcherie parce
qu'ils étouffent. Bien, iI dit: Va-t-en chez toi, tu ne fais pas
l'affaire. Ou bien: Je ne suis pas capable,
monsieur, de faire la job, j'étouffe, 100 $ de moins! C'est
ça.
Maintenant, on va lui parler d'apte et d'inapte. Il utilise la
même formule pour juger l'inaptitude que celle employée
relativement à la notion d'invalidité. Avez-vous
déjà reçu dans vos bureaux de comté - pas pour les
nouveaux, ça ne fait peut-être pas assez longtemps que vous
êtes là, mais pour les anciens - des gens qui sont en demande
d'invalidité? Vous n'en avez jamais reçu? Vous n'avez jamais su
qu'il fallait quasiment être mort pour venir à bout d'avoir la
rente d'invalidité? Parce qu'ils ont toujours le don de vous dire que
vous avez 5 % de capacité, que vous pourriez faire ça sur le coin
d'un banc deux heures par jour, que vous pouvez travailler deux heures par
jour, donc que vous n'êtes pas invalide. Savez-vous ça? C'est cela
la notion d'aptitude ou d'inaptitude au travail. Vous allez me dire que c'est
la même chose qu'auparavant. Ce n'est pas vrai. SI c'était comme
auparavant, vous le diriez. Vous savez que c'est changé et que
maintenant, c'est exactement comparable à la notion de définition
au test d'invalidité et à ce test d'invalidité, je vous
souhaite bonne chance. Quand on en gagne un par année dans les bureaux
de comté, on est tout heureux parce qu'il faut quasiment être
mort. Il faut que tu aies les deux bras coupés et une jambe
coupée et ils te disent: Tu peux te déplacer dans une chaise
roulante et peut-être qu'avec tes bras artificiels, tu pourrais
répondre au téléphone. Cela n'a pas de maudit bon sens!
C'est ça. Vous riez, c'est parce que vous n'en avez jamais vus dans vos
milieux ruraux, pour les trois quarts d'entre vous, vous êtes dans des
milieux urbains. Vous irez dans les milieux ruraux pour voir qui répond
à ce genre de questions. Ce sont les députés. Je pourrais
vous apporter des cas à la tonne de gens qui sont toujours jugés
aptes au travail et ces pauvres gens ont de la misère à se rendre
dans mon bureau. Est-ce ça qui va être la notion d'aptitude et
d'inaptitude au travail? Vous me faites rire. Vous ne faites pas
sérieux.
Le Président (ML Bélanger):... M. le
député de Joliette, je me dois de vous interrompre.
M. Chevrette: Bien, je reviendrai, même si je n'avais pas
de temps...
Le Président (M. Bélanger): À la suite d'une
entente...
M. Chevrette:... j'annulerai pour venir vous parler un petit peu
dans la face, pour vous réveiller un petit peu.
Le Président (M. Bélanger): C'est ça. Alors,
vous aurez votre droit de parole à la reprise des travaux. Nous
suspendons les travaux sine die.
(Fin de ta séance à 12 heures)
(Reprise à 15 h 41)
Le Président (M. Bélanger): Je demanderai à
chacun de bien vouloir reprendra sa place, s'il vous plaît! La commission
des affaires sociales se réunit afin de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 37, c'est-à-dire
Loi sur la sécurité du revenu. Nous en étions aux
remarques préliminaires. La parole était au député
de Joliette. Nous remettons la parole à M. le député de
Lavioiette.
M. Jolivet: Juste un instant, M. le Président! Je voudrais
excuser le chef de l'Opposition qui est occupé à autre chose, il
croyait que cela pouvait commencer plus tôt que cela, si on avait pu
tenir compte à ce moment-là - on ne le savait pas - de la
discussion qui a eu lieu au début de la séance de
l'Assemblée nationale qui était la décision de Mme la
ministre responsable des garderies. Cette déclaration
ministérielle a grugé du temps. Deuxièmement, vous avez su
des réponses qui ont été apportées à des
questions complémentaires, de telle sorte que l'engagement qu'il avait
pris l'empêche d'être ici. Il s'excuse et demande que l'alternance
jouant, quelqu'un du côté ministériel prenne la parole.
Le Président (M. Bélanger): Je pense que tout le
monde a compris que le député de Joliette étant aussi le
chef de l'Opposition, il arrive que des obligations l'obligent a faire des
choix, peut-être pas toujours faciles. Donc, en vertu de la règle
de l'alternance, la parole appartiendrait à un ministériel. M. le
député de Laurier, vous aviez manifesté l'intention de
prendre la parole. M. le député de Laurier, je vous
écoute.
M. Christos Sirros
M. Sirros: Merci, M. le Président. Je cherchais mes notes
parce qu'il y avait un tas de choses qui ont été dites ce matin
auxquelles j'avais le goût de répondre. Je trouvais qu'il y avait
certaines exagérations qui allaient bien au-delà d'une opposition
raisonnable à un projet de loi qui serait basée sur une
différence fondamentale aux principes qui sous-tendent la loi.
M. le Président, il y a effectivement un projet de réforme
de l'aide sociale qui est mis de l'avant, ici le projet de loi 37. Les
éléments clés, les principes de cette réforme sont
de trois ordres, si je comprends bien le projet de loi, ayant eu à le
suivre de près et de loin bien avant son dépôt ici,
même durant le temps de l'Opposition, où on avait fait - et
j'étais impliqué personnellement - toute la question de la
discrimination faite aux jeunes de moins de trente ans sur le programme d'aide
sociale, un enjeu principal de l'élection. Je trouve que le projet de
loi, dans sa forme actuelle répond à l'engagement qu'on avait
pris. Je peux corn-
prendre que l'Opposition puisse être en désaccord avec
certains principes. Mais, il faudrait quand même regarder de près
sur quoi repose cette opposition, M. te Président. Je suis convaincu,
après avoir écouté la plupart des porte-parole de
l'Opposition, que leur point de vue repose au départ sur une perception
erronée. L'Opposition regarde le programme d'aide sociale comme un
programme de revenu minimum garanti. Le programme d'aide sociale n'est pas un
programme de revenu minimum garanti. Aussi longtemps que l'Opposition
persistera à le voir dans cette perspective, elle sera obligée de
trouver des exagérations pour critiquer les réformes. Ce qui est
mis de l'avant est très conséquent avec ce qu'est le programme
d'aide sociale. Le programme d'aide sociale est un programme de dernier
recours, employant un "mean's test", c'est-à-dire un test de moyenne
pour que les gens aient accès à ce programme. C'est un programme
de dernier recours pour tous ceux qui sont dans l'impossibilité de
subvenir à leurs besoins. (15 h 45)
J'ai été ici depuis sept ans et demi avec Mme la
députée de Maisonneuve et j'avais même incité le
gouvernement précédent à explorer l'instauration d'un
programme de revenu minimum garanti, un programme ou une idée qui a fait
son chemin dans les années soixante-dix et que peut-être, à
ce moment-ci, on devrait, comme société, commencer à
réexaminer. La preuve est là, nous sommes rendus à une
multiplicité de programmes pour une multiplicité de
clientèles avec une multiplicité d'intervenants qui font en sorte
que nous ne sommes pas certains, comme société je dois dire, de
toujours être capables de rejoindre ceux qu'on veut aider de la
manière la plus équitable et sans discrimination aucune.
On a des programmes pour les personnes handicapées, pour les gens
en chômage, des programmes comme l'aide sociale, des programmes de
transfert de toutes sortes et, dans le contexte dans lequel on se trouve, je le
répète, je trouve que le programme mis de l'avant actuellement
est très conséquent avec nos engagements et avec le fondement
même de l'aide sociale. Ce qui est proposé est basé sur le
fait qu'il faut faire une distinction entre les aptes et les inaptes. Encore
une fois, si on considère que le programme d'aide sociale, dans sa
conception, était un programme et est toujours un programme qui voit si
les gens n'ont pas d'autres moyens avant de les accepter, c'est logique de
séparer les aptes des inaptes, parce qu'effectivement le programme est
conçu pour les personnes inaptes au travail, et qu'il est
conséquent et logique d'être plus généreux envers
ces personnes, ce que nous faisons. On sort du même traitement les
personnes qui sont inaptes, on majore la prestation qui leur est donnée
et on règle ainsi le cas des personnes qui ne sont pas capables de
travailler pour subvenir à leurs propres besoins.
Qu'il y ait des questions sur les modalités d'application, sur la
façon de définir apte et inapte, j'en conviens. Je conviens qu'l
puisse y avoir des questions valables, sur la façon de faire cette
distinction et de mettre en application la philosophie au sujet de la
séparation entre les aptes et les inaptes.
Deuxièmement, M. y a présomption que les personnes aptes
au travail veuillent travailler. C'est une présomption, je pense, que
tout le monde partage. Nous sommes aussi d'accord pour dire que, aussi
longtemps que ces gens n'arrivent pas a trouver un travail ou que l'État
n'arrive pas à leur proposer un emploi, ils ne devraient pas être
pénalisés. Il ne devraient pas être pénalisés
parce qu'ils ont moins de 30 ans, par exemple, comme c'est le cas depuis
longtemps, depuis la conception du programme, comme c'était le cas
pendant les neuf ans de pouvoir du gouvernement péquiste qui a
essayé...
J'écoutais le chef de l'Opposition parler de l'esclavage, hier,
mais rappelez-vous les programmes mis de l'avant par le Parti
québécois quand il était au pouvoir et qui, finalement -
si je peux utiliser le même genre de métaphore - traitait les
assistés sociaux comme de petits chiens qui devaient sauter pour avoir
le biscuit qu'était !e programme, pour essayer d'atteindre le niveau de
parité des plus de 30 ans, ce qu'ils ne réussissaient pas. On
leur disait: Si vous retournez à l'école, on va vous donner -
j'oublie les montants - mais ce n'était pas assez pour qu'ils rejoignent
le montant qu'avaient les plus de 30 ans. SI vous retournez à
l'école, si vous faites des travaux communautaires, on va vous donner un
petit bonbon, si vous faites des stages en entreprise, on va bonifier votre
prestation. Au départ, on n'avait jamais, de l'autre côté,
remis en question le fondement de cette discrimination. On disait: On maintient
la prestation à 140 $ ou - encore une fois, j'oublie le montant exact -
et, si les gens de moins de 30 ans veulent améliorer leur sort, on va
leur demander d'aller faire des travaux communautaires, des stages en
entreprise ou de retourner à l'école. On avait également
mis sur pied un programme, je me le rappelle bien, qui s'appelait Bon d'emploi,
puis on disait: On va donner à l'assisté social un petit bon pour
qu'il aille voir l'employeur et lui dise: Si vous m'engagez, vous aurez, comme
employeur, X dollars. C'était un des programmes-vedettes, même un
programme dont plusieurs et nous-mêmes reconnaissions la validité
parce qu'il y avait effectivement environ 50 % des personnes qui
réussissaient à avoir des emplois, et qui réussissaient
à les garder de façon permanente. Ce n'était pas de
l'esclavage à ce moment-là pour le Parti québécois
et aujourd'hui c'est devenu de l'esclavage de subventionner les employeurs qui
vont engager des personnes qui sont sur l'aide sociale pour transformer la
prestation de l'aide sociale en salaire pendant un certain temps.
M. le Président, je trouvais, ce matin, qu'il y avait des
exagérations très fortes surtout au niveau de la prestation qui
est faite aux gens qui
ont entre 18 et 30 ans. Mme la députée de Maisonneuve nous
disait qu'on n'avait pas besoin de la réforme pour aller de l'avant avec
ce genre d'amélioration de la prestation et c'est la preuve que cette
partie de la réforme devrait au moins trouver l'approbation de
l'Opposition parce que ce parti nous demande de faire la même chose avec
un autre moyen.
Mais le gouvernement a décidé d'aller de l'avant avec un
projet de loi qui aurait pour but d'atteindre cet objectif d'abolir la
discrimination parce que, effectivement, c'est un choix politique qu'on fait.
Vous pouvez être en désaccord. Mais c'est un choix politique qu'on
fait de regarder l'ensemble de la question et non pas de procéder
strictement par règlement parce que, effectivement, on ne peut pas
considérer le programme comme un programme de revenu annuel garanti. Ce
n'est pas strictement la question de dire qu'on va bonifier un barème
sans tenir compte du revenu minimum garanti, sans tenir compte de l'aspect
social qui devrait être l'incitation au travail, sans tenir compte de la
volonté des gens de trouver des emplois, etc.
Si les objections que posent les gens se font sur le fait que les
modalités ne sont pas définies encore ou satisfaisantes sachant
combien ce sont des questions valables et c'est peut-être dans ce
sens-là qu'on devrait ici, article par article, regarder la loi dans
cette perspective. Proposez-nous et mettez de l'avant des amendements pour
effectivement nous assurer que le mode d'application de cette réforme
soit balisée de façon qu'elle soit bénéfique.
Jusqu'à maintenant, tout ce que j'ai entendu, ce sont des objections.
Êtes-vous contre le fait que les gens entre 18 et 30 ans auront le
même montant d'argent que les gens qui ont plus de 30 ans?
Êtes-vous contre le fait que les gens qui sont inaptes au travail auront
plus d'argent qu'ils en ont maintenant? Êtes-vous contre le fait qu'il y
ait une attente à ce que les gens cherchent Ses emplois pour pouvoir
maintenir le même niveau de prestations de l'aide sociale et on parle
encore une fois de ceux qui sont aptes au travail? S'il s'agit de baliser les
modalités de révision, par exemple, en cas de refus d'un emploi
avant coupure, etc., c'est une chose et j'en conviens, il y a des questions
valables qu'on peut se poser. Mais êtes-vous contre le fait qu'on demande
à quelqu'un de considérer les emplois qui lui sont offerts? Qu'on
demande aussi à quelqu'un qui est apte au travail de chercher
lui-même un emploi? Si on peut lui garantir qu'aussi longtemps qu'il ne
trouve pas d'emploi convenable, II maintient la prestation qu'il a actuellement
à l'aide sociale, quelle objection avez-vous à ce
moment-là?
M. le Président, ces quelques remarques. Je n'ai pas
réussi à trouver toutes les notes que j'avais prises ce matin
parce qu'il y a d'autres choses que j'oublie qui ont été dites
par le chef de l'Opposition. Je m'en rappelle une. Il y avait toute la question
et le charriage qui a été fait au niveau des subventions
accordées par le ministère de la Santé et des Services
sociaux aux organismes communautaires. Il avait même affirmé que
cela avait été gelé pendant trois ans maintenant. Mais
j'ai des nouvelles, M. le Président, cela fait trois ans que ç'a
été augmenté d'au moins 50 % de tout le budget total, 50 %
d'augmentation au niveau du budget accordé pour le soutien des
organismes communautaires. Vous êtes peut-être en désaccord
avec les choix qu'on a faits par rapport aux secteurs qu'on a
privilégiés, par exemple les centres d'aide aux femmes
violentées, les centres d'hébergement pour les jeunes. On a fait
des choix mais dans leur ensemble, les budgets accordés pour soutenir
les organismes communautaires ont été augmentés de
façon consistante depuis trois ans. Je conviens que vous pouvez
être en désaccord avec plusieurs choix qu'on a faits mais au moins
dites les choses comme elles sont. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Leclerc): Merci M. le
député de Laurier. Mme la députée de Johnson.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: M. le Président. Après avoir entendu
tellement de personnes qui ensemble ont manifesté de façon
négative sur ce projet de loi qui est encore devant nous aujourd'hui
avec de supposées améliorations - je dis bien "supposées",
entre guillemets - qui, à notre point de vue et au point de vue de
toutes les personnes qui sont ici ou qui aimeraient être ici et qui ne
peuvent pas l'être, ne sont pas d'accord avec ce que le ministre a
apporté de neuf ou de remâché ou de rabâché
sur le projet de loi 37. Mme la secrétaire nous a remis à chacun
de nous la liste des personnes et organismes qui ont demandé, encore une
fois, d'être entendus parce que, dans un premier temps, ils avaient
été entendus, mais Us souhaiteraient encore être entendus,
vu qu'il y a eu des changements, parce que c'est une loi très importante
qui va toucher nos plus démunis. Donc, il y a toute une liste de
personnes que la secrétaire de la commission, Mme Lamontagne, nous a
remise. il y a 53 personnes et organismes qui ont demandé d'être
entendus. Je souhaite, M. le Président, que le ministre et son
gouvernement écoutent ceux et celles qui ont des choses à dire
concernant le projet de loi 37. Ce n'est pas simplement ['Opposition qui
manifeste auprès du ministre pour que le projet de loi 37 soit
complètement mis de côté pour finalement reprendre la
politique globale en ce qui a trait à nos plus démunis.
J'ai retrouvé, M. le Président, dans un document, S'ouvrir
à demain, qui est un document de travail du Parti libéral
où on dit à la page 46: "La vraie richesse du Québec,
c'est l'avenir de sa société. " On dit dans une couple de
phrases: "Pour le Parti libéral du Québec, bâtir et faire
évoluer une société, c'est d'abord
et avant tout travailler à favoriser l'épanouissement
individuel et collectif de ceux et celles qui en font partie et qui, ensemble,
forment sa population. " Est-ce que ce qu'il y a d'écrit dans S'ouvrir
à demain du Parti libéral et ce qu'il y a dans l'idée du
ministre parrain de ce projet de loi est la même chose? Est-ce que les
plus démunis de la société font partie de ce demain, de
cette vraie richesse du Québec? Si on en croit ce qu'on a vu et ce qu'on
a entendu, si on en croit ce qu'on a lu dans les journaux, Je ne crois pas que
les plus démunis de la société fassent partie de la vraie
richesse du Québec pour ce qui est du parti que nous avons devant nous.
Mon idée là-dessus, M. le Président, c'est que les devoirs
qui ont été faits ont été mal faits. Ce qu'on dit
dans le livre, S'ouvrir à demain, du Parti libéral, ce qu'ils
écrivent et ce qu'ils font, ce sont deux choses tout à fait
différentes. Je pense que la société est en mesure
aujourd'hui de juger les actes qui se posent beaucoup plus que les choses qui
s'écrivent dans les cahiers et qui sont des voeux pieux qui concernent
seulement une partie de la population, ceux qui sont en mesure de se
défendre.
C'est comme dans le cas des personnes âgées. Ce ne sont pas
elles qui vont venir ici avec des pancartes pour se défendre. Par
contre, elles ont besoin d'aide tout comme les démunis que nous avons
devant nous aujourd'hui ont besoin d'aide. Ce n'est pas en les écrasant
davantage par toutes sortes de manipulations qu'on va venir à faire une
société où tout le monde aura voix au chapitre.
M. le Président, je trouve indigne de la part d'un gouvernement
d'apporter à cette classe de la société des mesures
coercltrves de la façon dont on les amène. Je trouve
indécent aussi qu'on veuille aller de l'avant et passer sur le corps de
ces personnes sans leur laisser la chance de venir se faire entendre ici
à l'Assemblée nationale. Elles en ont le droit. C'est d'elles
qu'on parle et c'est de leur avenir qu'on parle. Elles ont le droit
d'être ici et de se faire entendre. Elles ont aussi le droit de
démontrer à l'ensemble de la société
québécoise que ceux et celles qu'elles ont élus sont en
mesure de les comprendre et de les assister dans leurs besoins.
M. le Président, c'est avec regret, je dirais, que nous sommes
obligés de débattre ce projet de loi ici à
l'Assemblée nationale parce que si le ministre parrain avait fait ce
qu'il aurait dû faire, je pense que c'est ensemble qu'on pourrait tous
appuyer et travailler en vue de bonifier la vie de ces personnes qui sont en
droit de s'attendre qu'on puisse les aider. (16 heures)
Les conditions de vie des assistés sociaux du Québec n'ont
cessé de se détériorer depuis plusieurs années. Les
nombreuses coupures qui ont été effectuées dans le
régime, la rareté toujours croissante des emplois, et leur
accès de plus en plus difficile, font qu'ils sont vraiment des marginaux
de la société. Et c'est, à mon point de vue, la faute du
gouvernement en place qui fait en sorte qu'ils sont rendus à ce
point-là.
M. le Président, quand on dit qu'une société doit
être juste et équitable, I faut penser à tous ceux et
celles qui sont là, et qui seront là demain aussi, quand nous
serons ailleurs. Et à ce compte-là, M. le Président, je
pense que les lois que nous avons à faire ici à
l'Assemblée nationale, doivent être des lois dans lesquelles
chacun et chacune puissent trouver son bénéfice.
Pourtant, lorsqu'on réfléchit au fait que le nombre de
femmes, nommes et enfants condamnés à recourir à l'aide
sociale est passé de 416 000 en 1975 à 650 000 en 1987, et que
pendant la même période le nombre de bénéficiaires
jugés aptes au travail a fait un bond de 256 %, il devient
évident que le problème fondamental n'est pas de les accrocher
à toutes sortes de choses avec les boubous macoutes et autres, c'est
d'essayer de trouver des emplois pour ces gens. Mais on ne peut toujours pas
les punir parce qu'il n'y a pas d'emplois. Ils ne sont pas capables de
travailler parce qu'il n'y a pas d'emplois, ce n'est pas parce qu'ils ne
veulent pas travailler. Si on s'attaquait aux vraies choses, peut-être
qu'on trouverait ensemble des solutions et on serait d'accord de notre
côté pour aider le gouvernement à trouver la bonne voie,
pour que ces gens ne soient pas les oubliés ou les punis de la
société.
Nous sommes d'avis que la réforme de l'aide sociale ne peut se
faire sans une réorganisation sociale, profonde, en vue d'une
société plus juste pour les hommes et les femmes de tout
âge, afin qu'ils puissent vivre décemment comme je vous l'ai dit
tout à l'heure. Je vous dirais, là-dessus, M. le
Président, que je rejoins l'Assemblée des évêques du
Québec qui a fait une sortie pour aider ces personnes qui sont des gens
dans le besoin. Et je suis tout à fait d'accord avec ce que
l'Assemblée des évêques a dit. Elle a sorti son manifeste
Dignité menacée au mois de mai. Si, aujourd'hui, on
questionne encore l'Assemblée des évêques, je pense qu'on
est en mesure de s'apercevoir qu'elle n'a pas changé d'idée sur
ce qui nous est présenté aujourd'hui.
Même si le ministre prétend qu'il a bonifié de
façon Incomparable son projet de loi, vous voyez que vous ne faites
absolument pas l'unanimité autour de cette table, tant à
l'intérieur du parlement qu'à l'extérieur. Un choix de
société s'évalue d'après le sort fait aux plus
pauvres, disait l'Assemblée des évêques. Les personnes ne
valent pas seulement pour leur utilité économique, elles sont des
personnes à part entière, même si elles n'ont pas le moyen
d'être ce que le gouvernement croit, des personnes qui peuvent lui
rapporter.
La société est une ou elle est deux: Les gens qui sont
capables de se défendre et qui en ont les moyens, et les gens qui sont
pauvres et qui en ont besoin. Le sort des personnes les plus
démunies est étroitement tributaire de l'ensemble des
politiques sociales, économiques et fiscales, et du traitement
accordé aux autres secteurs de la société. Et à ce
compte, M. le Président, les contraintes budgétaires qu'on
invoque à l'appui du projet de réforme s'expliquent au moins en
partie par diverses formes de transfert de richesse collective au secteur plus
fortuné: certains abris fiscaux inutiles, des évasions fiscales
de grande échelle, certaines subventions discutables. Ces régimes
cachés d'assistance sociale empêchent de récupérer
des sommes importantes qu'on pourrait affecter aux politiques sociales et
à ces gens.
M. le Président, je ne m'étendrai pas très
longtemps. Je pense que j'ai essayé de bien vous faire comprendre les
besoins des gens les plus démunis et j'espère que lorsqu'on aura
pu, ensemble, essayer de découvrir les meilleurs moyens pour les aider,
que le ministre aura l'ouverture d'esprit nécessaire pour inclure dans
la loi une bonification afin que ces gens-là puissent vivre
décemment. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme
la députée de Johnson et j'invite maintenant M. le
député de Fabre.
M. Jean A. Joly
M. Joly: Merci, M. le Président. À mon tour, au
risque de, peut-être, âtre quelque peu redondant parce qu'en fait
on a tous à parler du même problème, des mêmes
solutions ou des deux combinés et, dans mon cas comme dans le cas de
tous ceux qui ont eu à intervenir et qui interviendront, c'est
sûrement à la lueur de tout ce qu'on a eu à vivre
personnellement en tant qu'individus, ou tout ce qu'on a pu découvrir
à bâtir le projet de loi, je dis bien à bâtir parce
qu'en tant que membre de cette commission parlementaire, je peux assurer la
population que les députés ministériels se sont
Impliqués peut-être plus qu'en temps normal quand on fait partie
d'un gouvernement, parce qu'on avait tendance dans le passé à
accepter sans question aucune, ou du moins pas trop, tout ce qui était
coulé et qui semblait être un peu coulé dans le ciment
comme étant considéré comme une ligne de parti. Chez nous,
les parlementaires ont décidé de faire leur job d'une
façon très sérieuse et de prendre en considération
que lorsqu'on était pour bâtir un projet de société
aussi important que celui d'essayer de redonner à une catégorie
d'individus dans notre population une fierté, soit celle de s'identifier
au travail, je pense qu'on se devait d'y mettre le sérieux qu'on y a mis
et je ne regrette nullement les centaines d'heures qui jusqu'à
maintenant ont été, à mon sens, justifiées comme
implication dans ce projet de loi.
Si on accepte au départ que dans la clientèle de l'aide
sociale il y a exactement deux catégories d'individus, à ce
moment-là, on doit, s! on veut être logiques et conséquents
avec ce qu'on prêche et ce qu'on vit dans chacun de nos comtés,
accepter le principe d'un tel projet de loi. Les deux catégories
auxquelles je fais référence, ce sont les catégories des
aptes et des inaptes. Quand on a compris cela, on a compris qu'il y a une
quantité d'individus qui ne peuvent pas se défendre, ce à
quoi faisait allusion Mme la députée de Johnson. À ce
moment-là, je ne crois pas qu'on puisse être condamnés
parce qu'on veut aider davantage ces gens-là. Ce qu'on fait, et il n'y a
eu absolument aucune hésitation, si ma mémoire est bonne, je
crois qu'on garantit 96 $ de plus par mois pour environ 100 000 personnes. Si
on fait un bref calcul, on parle de 100 000 000 $, que les gens qui sont
considérés comme inaptes auront droit de recevoir. Si on va plus
loin dans notre raisonnement et qu'on dit que la clientèle des aptes,
qui est une clientèle qui a quand même évolué
beaucoup depuis quelques années, est composée de gens qui, quand
ils doivent aller à l'aide sociale, c'est le dernier recours, c'est la
dernière porte, c'est la dernière place où on peut frapper
et dire: Aidez-moi, je suis dans une situation temporaire mais je voudrais, de
moi-même ou avec l'aide du gouvernement et des organismes qui sont mis en
place, trouver des moyens pour m'en sortir. Alors, c'est comme cela que je
regarde la clientèle de l'aide sociale. Deux catégories
d'individus: une qui ne peut pas se défendre parce qu'elle est - excusez
le mot -hypothéquée ou physiquement ou mentalement dans bien des
cas et l'autre partie qui dit: Pour moi, ce n'est que temporaire.
Je vois très mal, M. le Président, qu'on puisse, au moment
où un bénéficaire de l'aide sociale âgé de
18, 19 ans ou peu importe son âge, imaginer un scénario où
à 18 ans on lui remet son premier chèque et à 65 ans on
lui remet son dernier chèque. À ce moment-là, en tant que
parlementaire, si j'étais pour cautionner, pour endosser l'inertie d'un
gouvernement dans ce sens-là, je serais drôlement
malhonnête, intellectuellement, avec moi-même, et je ne pense pas
que je pourrais continuer à siéger ici, m'asseoir avec vous tous
et essayer ensemble de bonifier une orientation, un projet de loi.
Alors si on est d'accord avec ce principe-là, on ne peut pas
être contre ce qui a été annoncé à la
conférence de presse par le ministre, M. Bourbeau, qui a défini,
justement, que le projet de loi était un projet qui, en fait, essayait
de respecter cinq grandes idées. Justement, le dernier recours, comme je
le mentionnais tantôt, apte et inapte. Et le point numéro 3 sur
lequel, moi, j'ai accroché le plus, c'est l'incitation au travail.
Comment voulez-vous qu'on puisse exiger ou souhaiter qu'un
assisté social puisse se qualifier pour un emploi si lui-même ne
se sent pas qualifié et se sait non qualifié? Quel système
est-on en train de mettre de l'avant? C'est
d'essayer de donner aux assistés sociaux le moyen ou les moyens
pour qu'eux, comme à peu près tous les autres travailleurs
potentiels, puissent avoir la possibilité de dire: Moi aussi, j'ai des
chances de décrocher cet emploi-là. C'est ça qu'on est en
train de dire.
On est en train de dire qu'on prendra chaque cas, on l'analysera au
mérite et de là, une fois le diagnostic posé, on sera en
mesure de suggérer à cet assisté social un programme
d'action qui l'amènera à aller chercher les connaissances ou les
qualités nécessaires pour justement pouvoir avoir droit, lui
aussi, à s'Identifier au travail.
Je dis bien le droit de s'identifier au travail parce qu'à mon
sens, travailler c'est un droit, ce n'est pas un privilège. Pourquoi,
aujourd'hui, retrouve-t-on des assistés sociaux qui, au bout d'un
certain temps, décrochent complètement, décrochent
mentalement, ne se donnent plus d'encadrement, ne se donnent plus de
système de vie autre que celui d'être transportés dans le
temps et d'espérer que demain sera mieux qu'aujourd'hui? C'est tout
à fait normal! On ne peut pas être encouragés à
aller dans un système quand on sait que demain ne sera pas meilleur.
Donc, on développe peut-être des habitudes qu'on reproche aux
assistés sociaux et qui ne sont pas toujours justifiées.
On leur reproche, justement, de ne pas être capables de se lever
le matin et d'aller à la recherche d'emploi, et ainsi de suite; on leur
reproche ça. Il y a une certaine catégorie d'individus qui
pensent comme ça. Mais en tant que gouvernement, on a compris qu'on
avait une responsabilité sociale envers ceux qui sont les plus
démunis et ceux qui, normalement, devraient être là
temporairement.
Alors le projet de loi qu'on met de l'avant, M. le Président, est
un projet de loi qui nous amènera à faire en sorte que
tantôt, on pourra regarder les clientèles, au moment où on
les prend, et dire de façon officielle de quelle façon on a
amélioré le mieux-être de cette population-là.
Le quatrième point sur lequel le ministre a insisté
concernait les véritables emplois créés. Si, actuellement,
il se verse au-delà de deux milliards et demi de dollars pour faire en
sorte qu'on puisse donner le minimum vital requis aux assistés sociaux,
il faudrait peut-être considérer ça comme étant un
Investissement dans l'avenir qui, jumelé avec quelques dollars de plus
de la part du privé, amènera les assistés sociaux, eux
aussi, à voir le soleil; faire en sorte qu'eux aussi aspirent à
avoir un peu plus que le salaire minimum.
Si on regarde le système à travers les années et si
on regarde ce qui s'est passé entre 1981 et 1986, où le
système s'est vraiment dégradé, c'est tout simplement
parce que les assistés sociaux, comme n'importe qui qui avait un minimum
au niveau des mathématiques, réalisaient que ce n'était
pas plus payant d'aller travailler que d'aller sur l'aide sociale. Donc, aucun
encouragement. La raison était simple, c'est que le salaire minimum
avait quand même été gelé de 1981 à 1986. Si
on considère notre arrivée au niveau de la scène
provinciale, à la fin de 1985, eh bien, depuis ce temps-là, on a
quand même haussé le salaire minimum, pour commencer à
donner un genre d'incitation à ceux qui sont sur le marché du
travail. (16 h 15)
II faut réaliser, M. le Président, quand on
considère qu'au tout début de 1986, ou à la toute fin de
1985, si on regarde dans la locomotive, ceux qui travaillaient - ce que
j'appelle la locomotive - que vous aviez à peu près 2 800 000
individus sur le marché du travail. Si on regarde dans les petits trains
en arrière, on avait quand même 700 000 assistés sociaux
à ce moment. Si on regarde dans l'autre petit train, on avait quand
même 400 000 chômeurs. On avait 486 000 personnes qui, physiquement
ou intellectuellement, ne pouvaient pas subvenir à leurs propres
besoins, puis il y avait les enfants et nécessairement les personnes
âgées qui étaient dans le système. Si on regarde la
locomotive qui est composée de ceux qui peuvent générer
tous les bénéfices pour ceux qui sont en arrière, à
un moment donné, si les roues glissent trop, parce qu'on prend des gens
de la locomotive et on les met dans les petits trains en arrière,
à ce moment, M. le Président, on s'en va vers la
débandade, on s'en va vers un système qui sera absolument
difficile à renverser.
Aujourd'hui, l'objectif est de faire en sorte que ceux qui sont dans les
petits trains en arrière puissent penser être aussi
l'élément moteur, l'élément locomotive; tout ceci
rattaché à ce que je disais tantôt, le droit au travai, la
fierté de s'identifier au travail, et faire en sorte qu'eux aussi
puissent gagner plus que ce dont on faisait allusion tantôt le minimum,
les miettes. Quand on aura compris cela et qu'on réalisera que
déjà avec les efforts marqués qu'on a pu faire... On a pu
quand même marquer le système de façon tangible, car
aujourd'hui, au lieu d'être 2 800 000 dans la locomotive, on est 3 000
000; au lieu d'être 700 000 comme on était, on est 560 000; au
lieu d'être 400 000 on est 350 000. Quand vous allez dans cette direction
cela veut dire qu'on est sans doute sur la bonne voie. On a un programme global
complet. Tout ceci rassemblé va sûrement être le levier qui
va permettre aux assistés sociaux de découvrir ce qu'il y a
à l'intérieur de cela pour eux C'est comme cela, à mon
avis, que cela va être regardé. Ceux qui manifestent... C'est
normal que quelqu'un manifeste, un système ne peut jamais satisfaire
tout le monde, ne peut jamais sembler complet, mais il y a quand même des
points de départ, et il y a des choses aussi qu'il faut respecter. Si on
peut s'Imaginer cela et si on peut continuer d'essayer d'imager la situation
avec la locomotive et ceux qui sont en arrière, idéalement
essayons de sauter dans la locomotive
et ne partons pas de la locomotive pour sauter en arrière. On a
compris cela en tant que gouvernement. On a compris que si on redonne la
fierté à ces individus de pouvoir travailler, avoir la
capacité de dire: Oui, j'ai la capacité d'offrir mes services, je
ne suis plus un analphabète, je suis en mesure d'aller sur le "board" et
de regarder les emplois offerts. Je suis en mesure de présenter une
offre de service par écrit. C'est là qu'il faut, en tant que
législateurs, en tant que parlementaires, comprendre qu'on a un
rôle extrêmement sérieux et extrêmement important
à jouer. Quand on arrêtera de faire de la
récupération avec une politique aussi importante, quand on
arrêtera de chercher le micro ou la caméra, comme cela a
été fait dans le passé et cela a été si bien
dit ce matin, on aura compris que notre rôle n'est pas strictement
orienté vers soi, en tant qu'individu, pour satisfaire son ego, mais
plutôt pour satisfaire les vrais besoins d'une société...
Quand on aura compris cela, on aura compris que le rôle qu'on joue n'est
pas strictement au niveau de l'individu, au niveau personnel, mais c'est un
rôle pour lequel on a été élus et on a
été capables de faire la distinction entre nos besoins personnels
et les besoins d'une société, telle qu'on la conçoit et
telle qu'on se plaît à S'imaginer.
Le cinquième point sur lequel le ministre a tablé, est
l'aide face au coût du logement, une mesure qui me réjouit
grandement et m'encourage à vous glisser juste un petit mot sur cela,
parce que sachant qu'aujourd'hui quelqu'un qui reçoit un chèque
d'aide sociale dans la grande région de Montréal ou de
Québec et quelqu'un qui reçoit un chèque dans un
comté un peu éloigné, à ce moment-là, je
peux vous dire que le coût des loyers n'est pas le même dans les
grandes régions qu'il peut l'être ailleurs. SI on réussit
à se loger à 350 $ par mois à Montréal et
Québec, dans les grandes régions, et à 250 $ ailleurs, il
y a 100 $ de jeu qui peuvent faire la différence.
On sait aussi qu'il y a actuellement 45 000 familles
bénéficiaires de l'aide sociale qui vont profiter de cette
mesure, ainsi que 6000 familles à faible revenu. Un total de 51 000
familles, M. le Président, va bénéficier de cette mesure.
Alors, si on prend tout ceci en considération, si on sait que la
situation s'est détériorée depuis un bon nombre
d'années et qu'il ne s'est rien fait globalement, si on s'était
contentés de faire comme les prédécesseurs et d'essayer de
régler cela à la pièce, probablement que dans un, deux ou
trois ans, on serait arrivés avec des statistiques qui seraient
sûrement un peu semblables à celles que j'ai mentionnées
tantôt. Mais, on veut aller de l'avant avec un projet global, avec les
cinq grandes idées mises de l'avant par M. le ministre et son
équipe et les parlementaires qui, tous à leur façon, y ont
contribué pendant de nombreuses heures. À ce moment-là, je
dis, M. le Président, que je suis drôlement heureux et fier de
faire partie de cette commission et que tout au long des prochains
débats, je m'engage personnellement, par conviction, à être
présent et à participer. Si, en cours de route, il y a encore des
choses qu'on peut suggérer au ministre, afin d'améliorer cette
mesure, je suis convaincu que celui-ci est drôlement disposé
à continuer à faire la recherche pour que le projet soit une
réussite selon les objectifs qu'on a mis de l'avant.
En terminant, M. le Président, je demande à l'Opposition:
Les avez-vous, les réponses? Où étiez-vous pendant tant
d'années? Où étiez-vous? Tantôt, M. le
député de Laurier a mentionné que vous vouliez
développer une dextérité en ce qui concerne les
assistés sociaux en les faisant sauter sur des bonbons. Là, une
politique claire, nette, franche et précise est établie. Alors,
partant de là, je pense que tout le monde va comprendre sa
responsabilité. En tant que gouvernement, nous prenons notre
responsabilité. Je sais d'avance, M. le Président, que les
assistés sociaux vont s'identifier à ces mesures et
eux-mêmes, à ce moment-là, vont démontrer qu'ils
sont intéressés à s'impliquer, leur bonne volonté
va y être. On va vouloir essayer et on va vouloir aller de l'avant. On va
être en mesure, à ce moment-là, de confirmer que les
mesures qu'on met de l'avant sont des mesures extrêmement
sérieuses et planifiées.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
on respecte. Avez-vous terminé, M. le député de Fabre?
J'invite Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Merci, M. le Président. En fait
d'intervention, ce ne sont pas les gros chars. On a juste entendu parler de
petit train. J'avais plutôt l'impression qu'on avait affaire à
quelqu'un qui avait un train mécanique, un jouet qu'on faisait avancer
et reculer selon ses fantaisies beaucoup plus que la réalité en
présence et que, tout compte fait, on s'en allait plus vers un
déraillement que vers des propos vraiment cohérents.
Une voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît! Je vous en prie.
Mme Vermette: M. le Président, je pense que,
effectivement, on oublie trop souvent la dignité et la fierté.
Elle ne se mesure pas, finalement, selon les personnes en présence, mais
elle est intrinsèque à tout être humain. Peu importe ce
qu'on a dans son assiette, l'endroit où on doit vivre, l'endroit
où on doit s'habiller et la façon dont on doit s'habiller, il
existe toujours des principes fondamentaux pour tout être humain. Ce sont
des principes de dignité et de fierté. Les assistés
sociaux, qui sont mal-
heureusement sous le bras et sous l'aile de l'État pour quelque
raison que ce soft, ont eux aussi leur dignité et leur fierté.
Cela me choque un peu, cette approche paternaliste qu'on a toujours à
l'endroit de ces gens, comme si, parce qu'ils ont eu le malheur d'arriver aux
solutions les plus ultimes qu'on croit dans notre société, c'est
comme si ces gens maintenant ne peuvent pas savoir ce qui est bon pour eux,
comment ils doivent orienter leur vie et, à partir de leur vécu,
ce qui est le plus important pour eux pour les favoriser dans notre
Intégration sociale.
J'ai l'impression, à écouter certains discours, qu'il y a
deux genres d'individus dans notre société. Il y a deux statuts
sociaux. Et on tend de plus en plus à faire en sorte que cette
différence de deux statuts sociaux... Vous savez, I y a un statut social
pour lequel cela fait très chic, bon genre d'avoir l'air un peu d'"aller
comme cela va". Il y a un statut social pour lequel, lorsqu'on est
réellement pris à partie dans cette situation, parce qu'on ne
peut pas finalement s'en sortir, c'est très pénalisant. C'est
regrettable à voir, mais c'est un peu comme cela que cela se passe de
plus en plus dans notre société. On tend de plus en plus à
marginaliser les uns par rapport aux autres. Vous savez, cela fait très
chic dans certains milieux de pouvoir fumer un Joint une fois de temps en
temps. Par contre, on voit des gens qui viennent, eux, de milieux d'aide
sociale; malheureusement, parce que ce sont souvent des adultes qui les ont
entraînés vers certains penchants, ceux-là on les
décrie très fortement. On dit: S'ils sont rendus comme cela,
c'est leur faute. C'est parce qu'ils l'ont voulu. C'est parce que finalement,
s'ils avaient fait des hommes ou des femmes d'eux-mêmes, Us ne seraient
jamais dans cette situation qui est la plus outrageante, ô outrage pour
ces gens qui ont le coeur très faible dans certaines circonstances, mais
dans d'autres ont les deux yeux bien bouchés et ne voient absolument
rien. Donc, on arrive toujours à des genres de propos pour lesquels,
finalement, la vertu est beaucoup plus d'un côté que de l'autre,
mais tout le monde semble pour la vertu en général.
C'est un peu ce qui se passe actuellement quand on parle du projet de
loi 37 et des assistés sociaux. C'est ce qu'on essaie de faire, de
culpabiliser un groupe par rapport à d'autres qui s'imaginent qu'ils
sont des gens bien pensants et, parce qu'eux croient à certain dogme,
qu'ils ont la vérité, on ne peut pas mettre en contradiction ce
dogme. Le dogmatisme a toujours fait peur. À mon avis, il faut avoir de
la flexibilité dans la vie. Il faut savoir s'adapter à
révolution de nos sociétés. Il faut savoir aussi
jusqu'où nos comportements, nos attitudes ont une influence directe sur
les Individus. Le problème que nous avons à l'heure actuelle est
un problème de société qui est en éclatement de
toutes parts, parce que nos comportements et nos attitudes ont drôlement
changé depuis les vingt dernières années.
J'écoutais tantôt l'intervention du député de
Fabre qui essayait de faire croire que le "soleil à cinq cents"
était bon pour tout le monde. J'ose croire qu'il est vrai que le "soleil
à cinq cents" est bon pour tout le monde, mais Je crois, par contre,
qu'il y en a d'autres que cela ne satisfait pas. Ils ont besoin d'une grande
dose de soleil pour les réchauffer. Je pense à tous ceux qui ont
le privilège, à un moment donné, de se permettre, lorsque
cela leur tente, d'aller là où est le soleil, mais il y en a
d'autres qui sont obligés de se contenter de ce "soleil à cinq
cents" parce que c'est le seul soleil qui leur est permis. M. le
Président, on vit dans une société. Ces gens qu'on essaie
de décrier et dont on essaie de dire qu'ils sont arrivés
là parce que ce sont eux qui ont fait leur malheur, qu'ils sont les
artisans de leur propre malheur, on essaie toujours de les culpabiliser, on les
met dans un état de servitude parce qu'ils sont coupables, donc, ils
doivent être serviles face à la société. Cela fait
l'affaire de tout le monde parce que finalement, cela permet d'avoir une bonne
conscience, dire: Tantôt, on va leur donner leur petite sucrerie, mais
chez nous ce soir on pourra s'en aller se coucher bien calmement en se disant
qu'on a fait notre devoir d'État et qu'on leur a donné ce que
nous pensions qui était le plus raisonnable, sans se soucier que ce
n'est pas ce qui est le plus raisonnable qui est important, mais c'est de
savoir comment on fera de ces hommes et de ces femmes des citoyens à
part entière dans une société, quels moyens prendrons-nous
pour que ces hommes et ces femmes puissent apporter à notre
société, ce qu'on est en droit de recevoir d'eux?
Fondamentalement, tous les Individus, dès leur naissance, sont
différents. On a tous aussi des qualités et si on n'a pas la
chance de les faire profiter, évidemment, on ne pourra Jamais les mettre
au profit de l'ensemble de notre collectivité. Nous vivons dans une
société où aujourd'hui, il n'y a aucun doute, nous sommes
sollicités de toutes parts. Nous essayons de vendre le rêve
à tout le monde. On a l'impression que vivre à Hollywood est le
privilège de certains. Je vous dirai que vivre à Hollywood cela
coûte très cher et il faut beaucoup de sous. (16 h 30)
Aujourd'hui ce que l'on essaie de vendre et de véhiculer, c'est
cette société de l'instantané, de facilité,
où on n'a qu'à appuyer sur un bouton et le rêve nous
apparaît au bout de la baguette magique. Mais ces gens que l'on
décrie actuellement ne sont pas les seuls qui vivent cette situation,
qui sont sollicités; eux aussi, comme n'importe qui vivant sur la
même planète que nous, ont des vibrations à certains appels
et ne peuvent pas passer à côté. Vouloir dire que pour eux,
parce que dans leur cas c'est plus punitif que pour les autres qui sont bien
nantis et qui ont eu la chance de vivre dans un autre climat, c'est admissible
et on devrait avoir un comportement beaucoup plus sévère et
punitif parce
qu'ils n'ont pas au la même chance, je n'en suis pas et ne pourrai
jamais accepter une telle philosophie et une telle approche. Je pense que dans
une société équitable, ce n'est pas la façon
d'entreprendre une reforme en profondeur. Quand on parle de
sécurité et d'aide sociale, je ne crois pas que ce soit une
approche digne, quels que soient les gouvernements en présence.
J'écoutais aussi le député de Fabre qui essayait de
faire croire que dans les années quatre-vingt où on était
en crise économique... Je ne sais pas si vous étiez ici ou sous
d'autres soleils peut-être pas à cinq cents, mais plus
prestigieux, dans les années quatre-vingt. Si vous étiez au
Québec et implanté, vous savez la crise économique
à laquelle on a dû faire face, que la situation n'était pas
facile et que compte tenu des circonstances, le Québec avait eu Sa
meilleure performance économique. Cela, vous l'avez passé sous
silence, vous avez fait un peu ce que je disais tantôt avec votre
règle, vous la faites aller à la renverse ou dans les directions
qui vous préoccupent et qui font votre affaire. Mais si vous alitez
jusqu'au bout de votre raisonnement, il faudrait peut-être nous rendre
justice jusqu'à une certaine partie: il faut rendre à
César ce qui est à César. En 1981, nous avons mis des
mesures de l'avant, malgré la situation économique que nous avons
connue, qui sortaient de l'ordinaire et qui permettaient d'entrevoir des jours
meilleurs.
Vous pourriez dire que depuis la sortie de la crise économique,
depuis 1984, on est en pente ascendante sur le plan économique. Ce n'est
pas parce que vous êtes arrivés, ce n'est pas l'instantané
de 1985 qui fait que maintenant tout va bien. Si nous n'avions pas
été prévoyants, cette économie ne serait pas
montée là où elle est à l'heure actuelle et les
bénéfices n'y seraient pas. Mais notre philosophie, qui est celle
de la social-démocratie, était pour le partage de la richesse.
Depuis que vous êtes arrivés au gouvernement, la richesse est
là, le développement économique existe et vous vous...
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
on respecte le...
Mme Vermette:... pétez les bretelles, comme on dit dans
bien des cas, vous partagez cela avec les gens les mieux nantis et vous laissez
sur le carreau ceux qui en ont un peu moins.
C'est votre philosophie, c'est tout à fait la façon dont
vous gouvernez. Je ne peux pas vous en tenir rigueur, parce que vous n'avez
jamais caché vos couleurs et avez toujours démontré que
oui, effectivement, vous étiez là pour favoriser une
majorité de gens bien nantis. C'est su et connu.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
on respecte le droit de parole de Mme la députée de
Marie-Victoria
Mme Vermette: Regardez vos campagnes de financement et regardez
les nôtres, et on pourra dire...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Présidant (M. Bélanger): S'y vous plaît!
S'il vous plaît!
Une voix: À 100 $ le couvert, là...
Mme Vermette:... qui chez nous est capable de payer 100 $ entre
chaque service. Il n'y en a pas. Cela fait 1000 $ parce que ce sont de grands
dîners, très luxueux. Je peux vous dire que chez nous on n'a pas
cette clientèle-là.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous
plaît!
Mme Vermette: Nous en sommes très fiers malgré nos
déboires. Seulement sur le plan financier, dans nos campagnes de
financement, nous en sommes malgré tout très fiers parce que ce
que nous récoltons, ce sont des gens qui ont confiance en nous parce
qu'ils sont convaincus que nous allons très bien les défendre et
les représenter. Oui et je suis très fière quand je vais
chercher mes cartes de membre; je ramasse cela en 0, 25 $, les gens me donnent
5 $ en 0, 25 $. Je trouve cela très honorable.
Une voix: Comment pensez-vous qu'on fait cela?
Le Président (M. Bélanger): S'il vous
plaît!
S'il vous plaît! On respecte le droit de parole de
Mme la députée de Marie-Victorin. S'il vous
plaît!
Mme Vermette: Donc, je vous disais, M. le Président, que
vivre pour vivre et pour vendre Hollywood, cela prend beaucoup de sous. C'est
un gouvernement qui vit toujours dans cette façon très
hollywoodienne de faire les choses. En fait, on a l'impression qu'avec un coup
de baguette magique, les étoiles vont surgir dans le firmament, que tout
va briller et que tout le monde va finalement y trouver son compte.
Une voix: Le meilleur des mondes.
Mme Vermette: Oui, tout est bon pour le meilleur des mondes.
C'est un peu comme ça et on se dit que les gens sont contents, sont
obnubilés par le décor, par l'apparat, mais par contre, lorsqu'on
arrive au contenu, il ne se passe plus rien. Il n'y a plus rien, c'est du vent,
c'est du papier. Les gens sont très déçus, mais
finalement, la supercherie est découverte un peu trop tard. Et les gens
reviennent et disent au gouvernement: Écoutez, vous avez fait miroiter
les plus belles choses et nous sommes en mesure de constater que vous nous avez
leurrés. Vous nous aviez promis, lorsque vous nous parliez, que
vous apporteriez de nouvelles dimensions, que vous prendriez en
considération nos propos et feriez transpirer, dans votre projet de loi,
nos demandes, ce qui nous permettait de croire que nous aurions une vie
beaucoup plus décente. Là, ce qu'ils retrouvent, lorsqu'ils
commencent à scruter un peu ce qui se passe, ce n'est pas tout à
fait ça. Les gens reviennent à la charge pour dire:
Écoutez, ce n'est pas tout à fait ce dont on avait discuté
ensemble et, pour comble de malheur, on ne peut jamais démasquer
l'imposture parce qu'on y va à la pièce au lieu d'avoir le
courage de prendre les groupes dans leur ensemble et de voir sur place la
confrontation entre les groupes, parce qu'on les confond sur une base
très individuelle. Cela encore, c'est la philosophie du Parti
libéral, c'est diviser pour régner, on le sait fort bien, c'est
mettre en opposition des groupes et, pendant ce temps là, ça leur
donne libre cours pour toutes façons de faire et de manigancer.
C'est courant! Depuis un certain temps, en tout cas. Allez voir la
réponse de tous les ministres à l'Assemblée nationale
lorsqu'on pose des questions: Écoutez, on a demandé aux groupes
de se prononcer, nous, nous attendons les réponses. Cela fait trois ans
que vous attendez des réponses! Cela fait trois ans que, quand vous
n'êtes pas en train d'attendre des réponses, vous êtes en
train d'étudier des documents. Ce sont des énoncés
politiques qu'on attend depuis trois ans et on aurait pensé que
c'était une politique qui aurait eu un certain contenu. C'est comme
ça que ça se passe depuis le début, et après on
vient nous dire: Qu'est-ce que vous avez fait quand vous étiez au
gouvernement? Quand on était au gouvernement, on a fait tellement de
choses que les gens étalent essoufflés, n'étaient plus
capables de nous suivre.
Une voix: Ha!
Mme Vermette: Les gens nous ont dit:
Arrêtez, vous tirez sur tout ce qui bouge!
Arrêtez de tirer, on va vous donner un certain repos!
Une voix: Vous êtes fatigués aussi.
Mme Vermette: Oui, effectivement. Ha, ha! Mais, maintenant, les
jeux sont changés. Les gens vous ont donné leur confiance, mais,
aujourd'hui, que faites-vous de leur confiance, par exemple?
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
à l'ordre!
Mme Vermette: Vous vous amusez! Vous jouez au chef de gare, comme
vous l'avez si bien fait tantôt, M. le député de Fabre, et
ça n'apporte aucun bénéfice aux gens de la population qui
avaient mis leur confiance en vous. Vous leurrez les gens et c'est dangereux de
leurrer les gens, parce qu'à un moment donné I y a un seul de
tolérance, quels que soient les individus, et, à un moment
donné, on arrive devant une grosse explosion où l'on se demande
pourquoi I existe tant de mécontentement et pourquoi ça explose
de partout. Ce sera une situation que vous aurez préparée et que
vous aurez mise de l'avant par des attitudes et des prises de décision
politique qui vous appartiennent, parce que, finalement, on arrive toujours
à dire que c'est un choix de gouvernement, que c'est un choix de
politique. Vos politiques, en fin de compte - quelquefois on essaie d'aller en
laissant supposer que le pire va venir, que la politique du pire va s'appliquer
- seront une médecine tellement amère que personne ne pourra
prendre cette potion sans avoir un haut le coeur. Finalement, on arrive
à dire que, la potion étant trop amère, on va y mettre de
l'essence pour adoucir les sucreries. Vous savez fort bien que, en
diététique, ce sont les sucres qui se digèrent le plus
rapidement, qui ne laissent aucune trace.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): S'il vous
plaît!
Une voix: Les biscuits.
Le Président (M. Bélanger): SI vous
plaît!
Mme Vermette: Ce qui veut dire que vous laissez facilement les
gens sur leur faim. Les sucreries sont très bonnes sur le coup...
Une voix:...
Mme Vermette:... mais finalement...
Le Président (M. Bélanger): SI vous
plaît!
Mme Vermette:... ça n'a aucun effet, parce que ça
brûle les énergies très rapidement et que, au contraire,
les gens demeurent sur leur faim. À ce moment-là, vous savez ce
qui arrive? À ventre creux, tête révolutionnaire. C'est un
phénomène qui, à travers les temps, s'est toujours
justifié et qui se justifiera toujours.
On arrive aussi à dire: Comme c'est louable, finalement, le
projet de loi! Il va permettre enfin aux organismes communautaires de jouer
leur véritable rôle. Que c'est extraordinaire! Cela fait longtemps
que les organismes communautaires jouent leur véritable rôle. Les
organismes communautaires, finalement, récupèrent
généralement tout ce qui échappe au système et
c'est pourquoi ils sont si importants actuellement; et I en pousse partout,
c'est parce qu'il échappe plein de choses au système. À
l'heure actuelle, on n'est plus capables de répondre correctement aux
véritables besoins de la population. On dit actuellement aux groupes
communautaires: On va choisir maintenant les groupes communautaires qui font
notre affaire. Dorénavant, les groupes
communautaires devront donner des services, ils devront finalement
être considérés comme une ressource alternative s'ils
veulent avoir des budgets. Autrement, les groupes communautaires ne recevront
plus d'argent, on les gèie. Cela aussi, c'est une philosophie qui
existe. Aux gens qui étaient en train de les baîllonner ils ont
dit: Écoutez, on risque de disparaître complètement. On a
le choix de se faire fermer la gueule, de ne dire aucun mot, sinon, on va
disparaître, on ne recevra plus un sou. C'est cela qu'on administre comme
politique, et c'est ça que votre gouvernement actuel est en train de
faire avec l'ensemble des groupes communautaires.
C'est un peu du terrorisme intellectuel et psychologique qu'on
administre à l'heure actuelle à l'ensemble de la population et
surtout à l'ensemble des groupes communautaires, partout, que ce soit au
niveau des groupes de femmes, de jeunes, de groupes qui s'occupent de la
santé mentais. Et je pourrais justement vous donner un exemple pour
démontrer ce que j'avance. Uniquement chez moi, sur mon territoire, en
ce qui concerne le transport médical pour des personnes justement, qui
ne sont pas nécessairement sur le bien-être social et qui ne sont
pas, non plus, des gens en perte totale d'autonomie, mais elles doivent
recevoir des soins de santé sur une base régulière sinon
elles seraient hospitalisées pour recevoir des soins en
chimiothérapie et en hémodyalise. On coupe cette ressource parce
qu'on trouve que finalement quand un CRSSS doit payer uniquement 15 % de la
dépense que les autres 15 % de la dépense sont payés par
le bénéficiaire et que 70 % de la dépense sont
payés par la Compagnie de transport de la rive sud de Montréal,
ça ne peut pas marcher des ententes de cet ordre. On coupe
complètement et là on dit aux organismes communautaires: Vous
allez jouer votre rôle. Vous allez prendre ce service en main. Que c'est
formidable! On vous trouve bien fins et bien beaux. Je pense qu'on va vous
trouver la clientèle pour mettre à profit votre sens de
dévouement et d'engagement social. Que c'est fantastique de gouverner de
cette façon-là! C'est fantastique, finalement, de louanger les
gens qui s'impliquent bénévolement aiors que, de l'autre
côté, on est en train de tout couper et qu'on les essouffle
continuellement et régulièrement.
Les gens se retournent vers nos bureaux de comté et nous disent:
Écoutez, qu'est-ce qu'on peut faire? On a beau essayer même
d'aller frapper aux cabinets des différents ministères
concernés, on a beaucoup de difficulté. Je ne connais pas tous
les ministères. Je connais davantage celui de la Santé et des
Services sociaux et je vous dis que, pour avoir une réponse à ce
niveau-là, ça prend du temps et du courage. Il faut revenir
très souvent à part cela.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, Mme la
députée de Marie-Victoria
Mme Vermette: Donc, M. le Président, je vous dirai que je
déplore les attitudes, en tout cas, de sépulcre blanchi. Ce n'est
pas de cette façon qu'on va arriver à apporter des
éléments de paix sociale au Québec. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie Mme la
députée de Marie-Victorin. J'invite maintenant le
député de Sainte-Marie.
M. Michel Laporte
M. Laporte: Merci, M. le Président. Avant ds commencer mon
intervention sur ce que je conçois être cette nouvelle conception
qu'on peut attendre du projet de loi sur l'aide sociale, j'en m'en voudrais
peut-être de ne pas revenir plus particulièrement sur certaines
interventions non particulières, mais sur l'ensemble de ce qui a
été dit. On a toujours l'impression que la roue a commencé
à être inventée en 1985, 1976 ou 1981 comme en 1973. En
tout cas, c'est toujours l'impression que ça nous laisse et qu'en ce
sens il demeure inné, et je pense que Mme la députée de
Marie-Victorin y a fait allusion à maintes reprises et plus
particulièrement, je pense, M. le député de Gouin,
prouvant que la social-démocratie existe mais sous un angle de cercle et
avec une queue dessus. (16 h 45)
Une voix: Quoi?
M. Laporte: Avec le cercle du Parti québécois. Je
m'en voudrais de ne pas rappeler qu'on se situe toujours dans un sens de
continuité, tant en ce qui regarde l'éducation, la santé
et les services sociaux comme en ce qui concerne les instances juridiques, que
ce soit l'aide juridique, c'est là. Cela a été aussi un
certain autre gouvernement peut-être, sans nécessairement
l'identifier, qui a pris part à cela, il y a eu par la suite d'autres
projets de loi à forte consonnance sociale, mais cela s'inscrit toujours
dans une continuité. En ce sens, je me rappelle très bien - pour
revenir au sujet ou au propos de notre commission parlementaire qui se trouve
être celle de la réforme de l'aide sociale - mon
prédécesseur dans mon comté. Je pense que vous le
connaissez bien, il s'appelait M. Guy Bisaillon avec qui j'ai eu de nombreux
contacts - parce que Je participais à différents organismes
à la fois de loisir et communautaires - et qui avait
présenté un projet global. Sûrement que Mme la
députée de Maisonneuve va s'en souvenir très bien. J'avais
appelé cela, à cette époque, l'armée volontaire, ou
approximativement. C'était un projet d'ensemble qu'il a beaucoup
propagé et qu'il a essayé de mettre de l'avant. En quoi cela
consistait-il au juste? Il s'agissait de donner une espèce de coup de
barre à la philosophie sous-jacente qu'on avait sur l'aide sociale. Par
la suite, il y a eu sûrement quelques projets qui ont été
mis sur pied et qui continuent encore. On pense aux travaux communautaires qui
ont
été mis de l'avant à cette époque. Qu'on
pense aussi aux différents autres projets qu'on connaît encore
aujourd'hui. Il y a eu des amorces, je pourrais dire plus que des amorces; il y
a eu le livre blanc, qu'on a attendu, sur la fiscalité des particuliers
qui nous donne une très bonne envolée de ce qu'on pourrait dire
ou ce qu'on pourrait connaître en bonne partie aujourd'hui, sur ce qu'on
a sur la table. C'est certain qu'il n'est pas facile de discuter de ce
sujet.
En fin de semaine, à Saint-Louis-de-Gonzague, à une
activité dans mon comté, il y a une personne qui me soulignait
d'ailleurs: C'est incroyable, vous autres, les politiciens, tout ce que vous
pouvez nous faire dire. En ce sens, ce qu'elle me disait, c'est que si tu
revenais me voir à chaque fois pour essayer de m'exprimer cela,
peut-être que j'aurais eu certains arguments. La démocratie veut
qu'on n'ait pas toujours cet exercice d'aller voir chacun des individus pour
leur réclamer cela. On est élus une fois par quatre ans et c'est
sur cette base qu'on essaie d'aller de l'avant tout en conservant nos contacts
réguliers avec nos divers concitoyens.
Les préjugés, puisque je vis depuis ma naissance dans un
quartier où l'on retrouve 4664 familles bénéficiaires de
l'aide sociale, sont fortement enracinés sur plusieurs aspects à
la fois psychologiques et physiologiques. Mais, je ne voudrais pas entrer plus
particulièrement dans les détails, mais voici deux
phénomènes qui les tracent très très bien... Il y a
deux ou trois semaines, dans les journaux, on nous indiquait que, par peur que
certains épiciers, entre autres, ne puissent être payés ou
pour maintenir une certaine forme d'équilibre, la nourriture
était un peu plus chère, en tout cas, dans nos quartiers que dans
certains autres quartiers. C'est la même chose aussi en ce qui concerne
l'encaissement des différents chèques de l'aide sociale. On n'a
qu'à citer ces deux éléments pour voir que cela n'est pas
facile d'essayer d'enlever des préjugés.
Au printemps dernier, j'ai eu à m'asseoir avec plusieurs
personnes sur toute la question des réfugiés parce qu'il y a eu
ce qu'on appelle en bon français, un "back-lash" pour nous dire: Cela
n'a pas de saint bon sens. Vous donnez tout aux autres et nous avons des
problèmes. Qu'est-ce qu'on fait avec cela? Je pense qu'il va y avoir une
certaine forme de détermination et surtout des convictions pour essayer
de rétablir une certaine forme d'équilibre. Sans
nécessairement que cela soit la perfection et cela a été
dit à maintes reprises, c'est un exercice démocratique dans
lequel on s'est installés depuis 1987 avec le dépôt du
rapport de la politique sur la sécurité du revenu, avec l'entente
de, pratiquement, 125 mémoires en commission parlementaire, avec des
discussions Innombrables et Incalculables qu'ont pu avoir tant les gens de ma
formation politique que les gens de l'autre formation et les groupes aussi
intéressés par ce sujet et par les intervenants
économiques. Il y a eu, par M.
Paradis, à cette époque, toute une série, 21 ou 24,
je ne me rappelle pas, de modifications à la suite de la commission
parlementaire. Les plus substantielles ont été
déposées dernièrement.
Assurément, de toutes les discussions que j'ai pu entendre - on
me rectifiera sûrement, je suis persuadé qu'il y en a qui vont le
faire, à tout le moins - ou que j'ai pu saisir, c'est qu'on a
"focussé" et surtout parlé plus spécifiquement d'un des
programmes qui s'appelle le programme APTE, à l'Intérieur de
cette reforme de l'aide sociale. Assurément, au niveau du programme, de
ceux qu'on pourrait classer d'inaptes, on a parlé de deux points
particuliers. Je me souviens très bien de discussions avec des
handicapés où un des représentants qui habite à la
Place Frontenac me disait: Si vous me classez comme inapte parce que je suis
handicapé, je me sens comme retiré de la société.
Il y a eu des modifications, justement, pour dire que cette personne-là
peut être classée inapte et il y aura des programmes
spéciaux. En tout cas!
Principalement les Interventions et les représentations qui ont
été faites tant par des groupes de mon comté que par des
groupes nationaux, ont porté sur le programme APTE, entre autres, plus
particulièrement sur les quatre points dont a fait état en
conférence de presse, cette semaine, le ministre de la Main-d'Oeuvre et
de la Sécurité du revenu.
La commission parlementaire nous permettra sûrement encore
d'approfondir plusieurs aspects qu'on a à l'intérieur de
ça. La seule chose qu'a me serait, je pourrais dire, peut-être
importante d'évoquer, c'est qu'on en parlera. Il y aura sûrement
des positions... pas sûrement, mais il y a beaucoup de positions qui
seront reprises, et des positions qui ne refléteront pas
nécessairement l'ensemble de l'information. On a vécu
dernièrement une campagne électorale où l'on parlait du
libre-échange, et on ne veut pas nécessairement donner l'ensemble
des informations, pour de multiples raisons, cela va de soi. Il y a une
personne qui disait toujours: Moins d'information on pourra donner, plus
longtemps on pourra être réélus; j'ai déjà
entendu ça à plusieurs reprises.
J'essaie toujours de procéder à l'inverse, entre autres
par un envoi que j'ai fait parvenir à l'ensemble de mes commettants
où je demandais: Tous vos commentaires sur la réforme de l'aide
sociale seront, les bienvenus. Je ne vous dirai pas le nombre d'appels que j'ai
eus, c'est quelque chose comme une centaine, à peu près 70
lettres écrites auxquelles j'ai répondu
systématiquement.
Sans pouvoir souligner que c'est représentatif de l'ensemble des
interventions, comme on le disait, nous autres, on est prêts à
faire un effort, soit des gens d'organismes... Nous autres, on est prêts
à faire un effort pour donner une aide à certaines personnes.
On soulignait tantôt, en ce qui concerne les organismes
communautaires, qu'il fallait avoir une certaine forme de reconnaissance. Une
des
reconnaissances - et on partait souvent des préjugés qu'on
a en regard des assistés sociaux, et c'est peut-être un peu vers
ça qu'on peut essayer de tendre - par rapport au programme
proposé, c'est de faire en sorte que des personnes puissent participer
à différents programmes, entre autres, en ce qui concerne les
travaux communautaires, comme des stages en milieu de travail, et puissent
être considérées comme des salariés, ne serait-ce
que ça comme élément psychologique. C'est rapporté,
c'est ramené chaque fois.
Actuellement, ce que je pourrais appeler la souplesse normée des
programmes ne nous permet pas d'essayer de voir ou d'entrevoir cette
avenue-là. Je pense que je peux exprimer que ce seraient
déjà 50 % du pas de fait, en tout cas, au moins ce serait quelque
chose qui pourrait être intéressant
Peut-être en terminant, parce que je ne veux pas prendre plus de
temps qu'il ne faut, on aura l'occasion d'y revenir et d'essayer d'entrer dans
les diverses particularités concernant les objectifs encore plus
généraux sur lesquels on aura encore à se prononcer. Cette
semaine, on a commémoré l'anniversaire du décès de
Kennedy et une de ses expressions favorites était: Ne me demandez pas ce
que je peux faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour moi. C'est
tout.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le
député de Saint-Marie. J'inviterais M. le député de
Uviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: M. le Président, il y a beaucoup de choses qui
ont été dites. Je pense que sur les remarques
préliminaires - à moins qu'il y en ait d'autres, de l'autre
côté, qui veulent parler - j'ai eu connaissance que je serais
probablement le dernier à intervenir.
Je ne pense pas que le travail que j'ai à faire comme
parlementaire doive être basé sur ce que quelqu'un a dit il y a
quelque temps, il y a quelques années, sur ce qu'il a fait, sur ce qu'il
n'a pas fait; je suis ici, ce soir, comme député d'une
circonscription électorale, devant un projet de loi, et c'est de
celui-là que je dois parler.
Je dois me poser certaines questions: Est-ce que je crois que ce que
l'on a devant nous réglera les problèmes auxquels on se
réfère quand on parle de toute la réforme de l'aide
sociale? Je peux me poser des questions, me dire: Est-ce que tout ça n'a
pas dans le fond débuté avec une promesse qui avait
été faite de donner la parité à des
bénéficiaires de l'aide sociale de 18-30 ans, à ceux qui
avaient 30 ans et plus? Je pense qu'il faut partir de cette hypothèse
sinon, quelle est la personne qui est capable de me dire, ici, que ce n'est pas
à cause de cet engagement que j'ai devant moi un projet de loi? S'il
fallait que je respecte cet engage- ment qui a été pris, il
fallait qu'au moment où je l'ai pris je sois conscient de toutes ses
conséquences.
Le chef de l'Opposition disait ce matin que quelqu'un qui est premier
ministre du Québec actuellement a dit sur les ondes: Ce que l'on dit
avant les élections c'est une chose, mais ce qu'on fait après
c'est autre chose. C'est à peu près en ces termes qu'il le disait
pour défendre ce qu'il appelait le libre-échange et la position
de M. Turner. Mais une fois que j'ai dit cela, je me dis: Je suis rendu au
gouvernement, j'ai pris un engagement, il faut que je le respecte. Quelles sont
les conditions qui me permettront de le respecter sans augmenter - parce que
d'autres promesses ont été faites aussi à cette
époque - le déficit, même de le diminuer? De ne pas
augmenter les taxes, donc, par le fait même, de trouver l'argent?
Autrement dit, comment réussirais-je à recycler de l'argent? Cet
argent étant recyclé, me permettant de répondre à
ma promesse aux 18-30 ans, c'est-à-dire la parité. On s'en
souviendra, la promesse de parité disait: Parité sans aucune
condition. Je l'ai entendue, réentendue et ceux qui sont en face de moi
sont certainement capables de l'avoir évaluée depuis trois ans.
J'écoute ce qu'on dit en face de moi. Je ne passe pas mon temps, comme
certains, à signer des lettres, à lire L'Argus,
j'écoute. J'écoute ce que les gens ont à dire pour me
permettre, à ce moment-là, de voir s'il y a moyen ou non d'en
arriver à comprendre l'argumentation de l'autre.
J'en arrive donc, à ce moment-là, à me dire: On a
décidé, à un moment donné, de présenter la
parité qui était, au départ, la parité sans
condition. En cours d'élection, on s'est aperçus que cela
était un peu hasardeux, qu'en conséquence il fallait que je
vérifie mon fusil et que je le change peut-être d'épaule.
On a commencé à parler de certaines conditions et, lorsque je me
suis retrouvé à l'Assemblée nationale devant le fait de
tenir une promesse, aiguillonné par de jeunes libéraux dont c'est
leur droit, et leur sincérité étant là, de demander
qu'on respecte ce principe de parité, j'en suis arrivé à
me faire poser des questions en Chambre par Ses critiques de l'Opposition de
l'époque qui demandaient au ministre: C'était quelle
parité? Vous avez remarqué qu'il n'a jamais répondu
à quelle parité il faisait allusion. Est-ce que c'était
celle qui existait avant les élections, pendant les élections ou
après les élections? La seuie chose que je sais, c'est que
j'appelais cela, quand je m'occupais de négociations dans les secteurs
public et parapubllc sur le pian syndical, du niveiiement par le bas. On a donc
décidé d'en arriver à niveler. On dit: Si je dois donner
la parité pour enlever ce que j'ai promis comme devant être
enlevé, c'est-à-dire une contrainte faite à des jeunes de
18-30 ans, je vais donc dire que tout le monde va avoir le même montant
d'argent de 18 à 65 ans. On pourra dire que je suis allé puiser
dans des textes qu'il y avait
avant, que j'ai même pu aller puiser dans des textes du chef du
Parti québécois actuel. Cela ne me dérange pas du tout
quand vous dites cela, cela me laisse bien froid parce que, finalement, ce qui
est important ce n'est plus maintenant ce qu'il a présenté comme
livre blanc sur la fiscalité, ce n'est pas ce qu'il prétendait
devoir faire dans le passé à savoir, si on s'en souvient bien,
toutes les hypothèses de discussion qu'il y avait sur la table à
ce moment-là; mais je dis, aujourd'hui: Qu'est-ce que j'ai
décidé? J'ai décidé quoi?
Quelle sorte de parité, donc. ai-je donnée? C'est que
maintenant je vais obliger toutes les personnes dites aptes au travail aux
mêmes obligations, que j'aie 55 ans, 18 ans ou 65 ans, pour avoir droit
à des montants d'argent qui soient ceux que j'appelle paritaires. (17
heures)
Quand on regarde les 18-30 ans, on peut parler d'une certaine fausse
parité parce qu'on a parlé de "vraies jobs", cela sous-entendait
qu'il y avait de fausses jobs", sinon on ne dirait pas de "vraies jobs". En
tout cas, selon l'argumentation qu'on me donne en face.
Quand on examine cette fausse parité qui provient de ce qu'on
appelle la contribution parentale, on s'aperçoit qu'il y a
déjà au départ 8000 jeunes qui sont exclus. Il y a 4000
des 18-30 ans qui subissent une diminution et 4000 qui sont maintenus en ce qui
concerne la parité dont vous faites mention.
Donc, l'objectif de supprimer la discrimination dans le système
s'applique à tout le monde, maintenant. Pas la discrimination, mais la
parité, qui peut être aussi considérée comme une
fausse parité quand on la décortique comme II faut. On dit qu'on
donne à du monde la parité, mais quand on examine ce que l'on
exige comme conditions, on en arrive à en exclure, on en arrive à
en retrancher et on n'en maintient que peu.
On dit, à ce moment-là, que c'est du nivellement par le
bas. On sauve de l'argent, on le prend pour donner des réponses à
des engagements pris à l'époque, et on vient nous dire que nous
sommes devant un projet de loi qui va combler l'ensemble des besoins.
On a fait mention, la semaine dernière - Je le donne en exemple
parce que cela s'applique à des gens âgés - du programme
fédéral d'aide à l'adaptation des travailleurs, devenu
aujourd'hui le Programme d'adaptation des travailleurs âgés,
programme fédéral-provincial, qui, lorsqu'on l'examine est
beaucoup moins généreux comparativement à celui qui
existait et qui était payé par le fédéral.
Finalement, par l'intermédiaire de ce programme, on en est venu à
dire: Écoutez, on donne de l'argent à beaucoup de monde, on a
ajouté de l'argent. Moi, je vous le dis et je le répète,
on a pris une tarte qui était donnée à des secteurs
désignés, à des zones désignées. Une fois
qu'on leur a distribué la tarte, on a dit: Maintenant, la tarte va
diminuer et en même temps, on va augmenter le nombre de personnes qui
vont y gruger. On fait en sorte d'amener du monde au seuil de l'aide
sociale.
Ce que le fédéral donnait autrefois, basé sur le
salaire gagné, à un certain pourcentage, et qui leur donnait des
conditions meilleures, on l'a diminué pour en arriver à des
conditions telles qu'aujourd'hui le minimum qui sera donné - 600 $ par
mois - est au seuil de l'aide sociale.
Et on fait des comparaisons. La personne âgée qui vient me
voir dans mon bureau - parce que j'en reçois des gars et des filles dans
mon bureau - et qui me dit: Cela n'a pas de bon sens, Jean-Pierre. Cela n'a pas
de bon sens, car ce que l'on est en train de me dire, c'est que je ferais bien
mieux de me mettre sur l'aide soclaie s'Hs me donnent 600 $ dans le Programme
d'adaptation des travailleurs âgés, que d'être dans le
programme d'aide aux travailleurs âgés.
Parce que finalement, si Je suis à l'aide sociale, j'aurai des
besoins spéciaux et J'aurai des. médicaments gratuits, ce que Je
n'aurai pas avec le PATA. Et à ce moment-là, cela veut dire qu'on
va laisser vivoter des hommes et des femmes de 55 à 60 ans dans les
mêmes circonstances. M. le député de Fabre, prenez bien
note de cela, ce sont des personnes âgées.
Si on était capables de trouver les moyens d'arriver à
faire une réforme qui permettrait de récupérer ces sommes
pour faire une véritable politique de main-d'oeuvre, peut-être
qu'on se parlerait mieux, ce soir. Une politique de main-d'oeuvre justement
pour des personnes âgées qui sont fatiguées de travailler,
pour des raisons diverses, et qui auraient besoin de bénéficier
des mesures d'adaptation des travailleurs âgés. Parce que cela
veut dire quelque chose, adapter du monde. Cela ne veut pas dire de leur donner
un nouveau programme de cours pour leur permettre de changer de job; ce n'est
pas cela que ça veut dire.
Excusez-moi, M. le député de Fabre, je vous parte tout
simplement de personnes âgées. Essayez donc de bien comprendre ce
dont on parle. Moi, quand Je suis dans le textile, chez nous, je sais de quoi
je parle. Moi, quand je suis chez nous, dans les carbures, je sais de quoi Je
parle. Et c'est de ceux-là que je parle. Je les ai rencontrés
vendredi soir dernier. Je vous dis que si on avait un programme d'adaptation
pour permettre à des personnes âgées de prendre une
retraite ou une préretraite méritée, on en arriverait
peut-être à ouvrir des postes pour des jeunes qui cherchent de
l'emploi. À ce moment-là, je ne me demanderais pas: Est-ce que Je
dois créer des petites jobines ici et là? Je vais m'organiser
pour faire ce que le gouvernement doit faire, soit mettre en oeuvre tous les
éléments nécessaires à une véritable
politique de plein emploi. Si l'objectif du gouvernement allait dans ce sens,
s'il y avait un pendant à la loi qui nous est présentée,
peut-être qu'on se poserait les questions de façon
différente.
Quand on écoute le discours qui est fait de l'autre
côté, cela semble être un discours intéressant, un
discours qui pourrait permettre aux gens de conclure: Ils pensent à
nous; ils veulent vraiment notre bien. On se pose de sérieuses questions
lorsqu'on examine l'intérieur de la piSuie dorée.
L'intérieur de la pilule dorée n'est pas si facile à
avaler. Il y a des gens qui l'ont compris. Il y a des gens qui disent que pour
eux, il n'est aucunement question d'avaler une teiie pilule, sans au moins
faire comprendre au gouvernement que la réforme proposée... Les
gens d'en face disent: Qu'on apporte des amendements à l'étude
article par article. Lorsque quelque chose n'est pas bon, ce n'est pas en
apportant des amendements qu'on va le rendre meilleur. Il n'est pas bon
dès le départ. Il est vicié dès le départ,
il faut donc refaire ses devoirs. Cela ne serait pas gênant de dire que
vous n'avez pas trouvé la formule qui permettrait à l'ensemble
des gens de pouvoir vivre convenablement, dans des situations qui soient les
meilleures.
J'avais l'impression, ce matin, que le ministre nous disait qu'il les
avait écoutés, comme d'ailleurs certains députés,
comme le député de Taschereau - celui que j'appelle mon ineffable
ami de Taschereau - comme le député qui l'a suivi, le
député de Chambly, que j'avais trouvé intéressant
lors de la discussion avec des groupes sur toute la question de la
réforme de l'aide sociale. J'ai un peu moins aimé ce matin le
fait qu'il semble rentrer dans les rangs. Il me semble qu'une critique, c'est
bon quelquefois. Tout simplement pour vous dire que lorsqu'on examine tout
cela, on s'aperçoit que ce que le gouvernement voudrait nous dire,
c'est: J'aimerais agir comme M. McKenna, avoir 125 députés - ou
122 actuellement sur 122 - cela me permettrait de faire ma propre Opposition.
Cela ne fonctionne pas comme cela. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
J'espère que le ministre, au lieu de marmonner comme il le fait,
m'écouterà et comprendra ce que j'ai à lui dire.
M. Bourbeau: II y en a qui marmonnent et il y en a qui
bêlent.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
on écoute.
M. Jolivet: Je pense que je n'aurais pas besoin d'élever
le ton...
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
M. le ministre.
M. Jolivet:... pour vous dire que ce n'est pas de cette
façon qu'on doit procéder.
Ce matin, M. le Président, j'ai été insulté
par ce que j'ai vécu Ici, par certaines discussions qui se sont
déroulées à l'Assemblée nationale et que je n'ai
pas voulu rappeler cet après-midi. J'aurais pu le faire comme simple
citoyen du Québec, comme député de l'Assemblée
nationale.
Je ne l'ai pas voulu. Je sais que vous allez devoir me donner une
réponse mardi prochain. Il me semble que cela devient anormal qu'on dise
à des gens: il n'y a pas de place, vous ne viendrez pas. Le gouvernement
a décidé de vous rencontrer en aparté, dans un petit lieu
pour discuter en catimini avec iul. Les membres de la commission parlementaire
- seulement ceux du même côté - sont prêts à
vous rencontrer, vous, les gens du Front commun des personnes assistées
sociales.
À ce moment-là, vous avez le droit de le faire. Ce que je
vous dis, c'est de ne pas venir nous dire que c'est une façon de
consulter les gens, ici, à l'Assemblée nationale. Ici, à
l'Assemblée nationale, c'est devant nous, avec des questions et des
réponses. Quand j'ai l'occasion de faire la tournée de mon
comté - je vais parler de Clova et de Parent - je n'y vais pas tout
seul. J'y vais avec les gens de la MRC. On y va ensemble, on dit le même
message. Plus personne n'est capable de dire: C'est le député qui
a dit cela; ce n'est pas la même chose que je dis. Et finalement on se
chicane. Non. On le fait ensemble. On rencontre ensemble la population qui veut
nous rencontrer. Ensemble, on détermine ce que l'on a à dire.
Mais ici, devant l'Assemblée nationale, ces personnes ont le droit de
venir vous dire qu'iis ne sont pas d'accord avec la réforme
proposée. Ils sont en droit de s'attendre de votre part à une
écoute attentive lorsqu'ils vous diront que peu importe la dorure que
vous allez mettre sur le remède que vous appliquez comme réforme,
cela ne sera toujours qu'une mauvaise réforme. Ce sera une
réforme qui ne répondra pas à cet objectif
recherché par tout le monde.
C'est dans ce sens que j'essaie de parler. J'essaie bien de parler.
C'est tout simplement pour vous dire que nous avons, je pense, les mêmes
idéaux. De queique côté que nous soyons, il faut en arriver
a avoir la meilleure politique. Le député de Laurier pourrait
peut-être en ajouter une - ce n'en est peut-être pas une, mais il
s'agit d'hypothèses qu'il faudra examiner - sur un revenu minimum annuel
garanti, pour éviter d'avoir un bout de pan de mur ici, un bout de pan
de mur là, des programmes par ci, des programmes par là, de
l'aide par ci, de l'aide par là.
Je me souviendrai toujours d'une décision prise par le ministre
du Travail de l'époque - il n'y a pas si longtemps, c'était il y
a trois ans - de fermer tous les Centres Travail-Québec quant à
la main-d'oeuvre. C'est bien beau de dire qu'on va instaurer un programme,
qu'on va mettre des choses en marche et qu'on enlève ce qu'on appelle
les Centres Travail-Québec qui ne donnent plus le service de placement.
On a dit: On va transférer cela au fédéral, mesure qui
nous permet d'épargner de l'argent. On se retrouve au
fédéral et i! n'y en a plus de placement. Il n'y en a plus de
placement. Là-bas on dit, comme le disait le député de
Fabre:
Ailsz-voir sur le "board" s'il y a des jobs. C'est cela qu'on leur
offre. Après cela, on dit: Allez voir dans les usines. Dans les usines,
on leur dit: Écoutez, passez donc par le programme
d'assurance-chômage, passez donc par le programme d'aide sociale.
Finalement, on se retrouve dans une compartimentation où plus personne
ne se retrouve, où une chatte est Incapable de trouver ses petits.
Après cela, on va dire aux assistés sociaux et aux
assistées sociales: Vous avez la responsabilité de vous trouver
des jobs et si vous n'en trouvez pas...
Mme Harel: On va vous punir.
M. Jolivet:... on va vous punir. Autrefois, on avait des
programmes qui permettaient à des gens d'aller se chercher de l'emploi
par le biais du bon d'emploi. On avait donné cela aux jeunes. Le bon
d'emploi permettait aux jeunes d'aller se trouver une job. La rétention
de ces programmes était très Intéressante. Aujourd'hui, ce
qu'on est en train de faire, c'est de donner un bon d'emploi, mais à
l'employeur qui va dire: J'ai besoin de tant de personnes. Viens-t'en. SI tu ne
viens pas, on fera un rapport. Un peu dans la même veine, je me souviens
du temps de l'assurance-chômage alors qu'une personne, pour
différentes raisons - problèmes de transport, problèmes de
toutes sortes - ne pouvait pas aller travailler à telle distance.
L'employeur faisait un rapport et disait: "Ouf de l'assurance-chômage,
plus d'assurance-chômage à cette personne.
Il s'agit de bien considérer l'ensemble des facteurs et de se
demander à quoi servira la réforme de l'aide sociale. Est-ce
qu'elle est là pour répondre à une promesse farfelue que
nous avons faite de pleine parité, peu importe ce qui se passe? Avant
les élections, on a fait croire cela à du monde, et qu'on ne
vienne pas me dire le contraire. J'ai vu des députés
libéraux à l'époque payer des autobus pour amener des
jeunes devant le parlement pour nous dire qu'on avait tort dans nos politiques.
Je les ai vus devant le parlement. Des gens m'ont dit: J'ai embarqué
dans l'autobus parce qui était payé; je n'avais pas de lunch
à payer, j'étais bien tranquille et j'ai un voyage à
Québec pour venir manifester et dire que ce que vous offrez n'a pas de
bon sens. Cela, on l'a vécu. Des députés libéraux
ont payé, par l'intermédiaire de leur...
Une voix:...
M. Jolivet: Non, monsieur, ce n'était pas la campagne de
financement. Non, monsieur. Je sais comment ils ont payé l'ensemble des
autobus. Aujourd'hui, on va venir nous dire que ce n'est pas cela qu'on a
promis à du monde. C'est cela qu'on a promis. On a promis la pleine
parité, sans aucune contrainte. Aujourd'hui, on voudrait leur dire:
Écoutez, ce qu'on a promis dans le temps, ce n'est pas tout à
fait cela qu'on aurait dû vous promettre.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Certainement. En disant aujourd'hui: On vous propose
maintenant un changement à ta réforme de l'aide sociale qui, dans
le fond, est un nivellement par le bas, comme je le disais, pour l'ensemble des
assistées sociaux et des assistées sociales, quel que soit
l'âge, jusqu'à 65 ans.
Le Président (M. Bélanger): Avant de vous entendre,
pour ce qui est des remarques préliminaires, est-ce qu'il y a d'autres
intervenants? Bien. Mme la députée de Malsonneuve.
Mme Harel: M. le Président, j'aimerais, à ce
stade-ci de nos travaux, déposer une motion - à moins qu'il n'y
ait consentement chez les parlementaires membres de la commission - pour tenir
des consultations particulières. Je veux simplement vous rappeler, M. le
Président, l'exercice démocratique qui consiste à entendre
des organismes, des associations ou des personnes sur des documents
d'orientation qui font fréquemment l'objet également de telles
consultations au moment des dépôts de projets de loi. Par exemple,
très récemment, le projet de loi 107 qui, lors de la
première consultation, a permis à autant d'organismes que ceux...
(17 h 15)
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Malsonneuve, avant d'aller sur le fond, on va d'abord
regarder ce que l'on fait avec la motion.
Mme Harel: Donc, il est proposé qu'en vertu de l'article
244...
Le Président (M. Bélanger): S'il vous
plaît!
Mme Harel:... de nos règles de procédure, la
commission permanente des affaires sociales tienne, avant d'entreprendre
l'étude détaPlée du projet de loi 37, Loi sur ta
sécurité du revenu, des consultations particulières quant
à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin, elle
entende d'abord le Front commun des personnes assistées sociales du
Québec.
M. le Président, nous poumons évidemment nous entendre sur
un nombre d'associations qu'il serait certainement très utile d'entendre
en commission.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce que je peux
avoir une copie écrite, Mme la députée?
Mme Harel: Oui.
La Président (M. Bélanger): On va faire faire des
photocopies pour tout le monde.
Mme Harel: D'accord, parfait.
Le Président (M. Bélanger): Non, ce n'est pas
nécessaire de suspendre. La motion est recevabie. C'est connu, il n'y a
pas de problème.
Sur !e fond, j'entendrai d'abord l'auteure de la motion, Mme la
députée de Maisonneuve.
M. Jolivet: M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Lavioiette.
M. Jolivet: Juste avant de commencer, je pense qu'il y a eu
entente, pour que l'on puisse bien se comprendre, que les travaux se terminent
à 17 h 45.
Le Président (M. Bélanger): À 17 h 45
effectivement.
M. Jolivet: Pour les besoins de...
Le Président (M. Bélanger): Pour les horaires
d'avion de part et d'autre. Donc, la motion est recevabie. On s'entend bien.
J'invite la députée de Maisonneuve à nous parler sur le
fond de la motion.
Motion réclamant le tenue de consultations
particulières
Mme Louise Harel
Mme Harel: Très bien, M. le Président. Je dois donc
comprendre que je vais utiliser mon droit de parole, qui est de 30 minutes,
pour plaider et convaincre les députés membres de la commission.
Si tant est que le ministre est prêt immédiatement à
retenir cette consultation particulière, j'aimerais qu'il me l'indique
tout de suite.
Le Président (M. Bélanger): Oui, cela va. Vous avez
droit à 30 minutes.
Mme Harel: Donc, j'interviens. M. le Président, je
voudrais être éloquente à ce moment-ci. J'espère
l'être.
M. Leclerc: Vous avez l'habitude. On vous le dira à la
fin.
Le Président (M. Bélanger): Excusez-moi, madame.
Vous m'aviez adressé une question, je m'excuse, j'ai complètement
manqué...
Mme Harel: Non, pas du tout, je disais simplement à yos
collègues que j'aimerais être éloquente pour essayer de les
convaincre, si tant est que la bonne foi qu'ils ont manifestée au moment
de leur Intervention était fondée, et si tant est qu'ils ne sont
pas liés par la règle du parti à ce moment-ci, je crois
que c'est une occasion que nous avons maintenant de le vérifier.
M. le Président, je pense que chacun de ceux et celles qui ont
assisté à nos travaux au moment de l'étude du document
d'orientation, convient qu'il a eu une grande importance dans la connaissance
que chacun d'eux détient maintenant à l'égard de ce
dossier. Je me réfère simplement aux propos du
député... j'allais dire du député Joly.
M. Joly: Fabre.
Mme Harel: Je sais qu'il ne s'en offusquera pas... du
député de Fabre, qui a dit d'ailleurs très
précisément, que la connaissance personnelle qu'il avait eue de
l'ensembie de ce dossier et de Sa façon dont était vécue
cette réalité lui venait de nos travaux au printemps dernier.
Compte tenu du fait qu'on ne peut pas faire le bonheur des gens au moins
sans les écouter sur ce qu'ils ont à nous dire et à nous
proposer, compte tenu également du fait que ce n'est d'aucune
façon un précédent, c'est une façon
coutumière de travailler dans ce Parlement, je vous rappelle qu'au
même moment où nous procédions à nos consultations
sur le document d'orientation, le ministre de l'Éducation, pendant plus
de temps que nous n'avons siégé, & procédé
à des consultations sur les projets de loi 106 et 107; que, depuis des
semaines, le projet de loi est rappelé en commission parlementaire, et
qu'avant d'en faire l'étude article par article, le ministre de
l'Éducation a accepté une motion du genre de celle que je
dépose et qui l'a été par mon collègue
d'Abitibi-Ouest, le député François Gendron, pour tenir
des consultations publiques qui ont lieu maintenant.
Alors, ce ne serait pas un précédent è tout casser
que de reconnaître que l'éclairage de gens, qui ont des choses
supplémentaires à dire sur un projet de loi sur lequel personne
n'a encore pu se prononcer en commission, n'est pas de trop. Il y a des
organismes, il y a des personnes en autorité, je pense au Front commun
des personnes assistées sociales, en particulier. Il est bien
évident que nous pourrions nous entendre sur une liste relativement
fermée mais qui nous permettrait d'aller chercher l'expertise des
personnes qui ont travaillé, non plus au document d'orientation, mais au
projet de loi. Quand vous pensez que, dans le projet de loi, il y a
au-delà de la moitié des articles qui réfèrent
à des pouvoirs réglementaires, il serait bon d'entendre les
personnes qui auront à vivre les conditions de vie que nous allons
décréter, il serait bon de les entendre! Ce serait même
odieux de refuser de les entendre.
M. le Président, j'aimerais simplement rappeler - parce que
certains collègues membres de cette commission ont rappelé
l'importance que peut avoir une politique de sécurité du revenu,
particulièrement mon collège de Laurier - l'importance que peut
avoir cette politique à ce moment-ci où nous sommes en pleine
efferves-
cence concernant les modifications de l'emploi. Il faut
reconnaître qu'avec les changements technologiques introduits la veille
d'un changement qui ne laissera personne indifférent dans le milieu de
l'emploi, le changement majeur qu'est le libre-échange, il serait
extrêmement Important de tester si la vision introduite par le projet de
loi 37 est bien adéquate en regard des problèmes que vivent les
gens présentement.
Je voudrais d'abord vous rappeler que le rapport Boucher a Introduit en
1969 la première véritable réforme en matière de
sécurité du revenu et que c'est effectivement la vision de cette
réforme que vous allez transformer avec le projet de loi 37.
Contrairement à ce que certains d'entre vous pensent, le rapport
Boucher, en 1969, lorsqu'il y a eu législation, n'accordait pas l'aide
sociale juste aux personnes qui ne pouvaient pas travailler. Le rapport Boucher
disait justement qu'un des problèmes que la province de Québec
vivait était un taux de chômage beaucoup plus élevé
et un nombre de personnes aptes au travail beaucoup plus considérable
que celui des autres provinces. Ce n'est pas récent cela, ce n'est pas
d'hier, ce n'est pas d'il y a quelques années, des années
quatre-vingt, c'était déjà une donnée de base de la
commission Boucher. Ce que la commission Boucher avait pourtant
décidé, c'est que, indépendamment de la cause du besoin,
on devait traiter équitablement les personnes, abolir la
multiciplicité des programmes qui existaient pour les mères
nécessiteuses, pour les veuves, pour les aveugles, reconnaître une
façon de traiter avec égalité, dans
l'équité, et de compenser des besoins ordinaires qui
n'étaient plus comblés.
Je veux insister beaucoup parce que le syndicat des fonctionnaires
provinciaux, qui a aussi quelque chose à dire sur le projet de loi 37,
qui n'a pas pu se prononcer et qui pourtant sera chargé de son
application, rappelait avec raison que le principe fondamental de la Loi sur
l'aide sociale de 1969 voulait qu'une aide soit fournie à toute personne
dans le besoin, quelle que soit la cause du besoin. C'est ce principe
fondamental qui est remis en question par l'approche du projet de loi 37.
Est-ce qu'il faut s'engager dans cette voie-là? Avant de le faire, aussi
certain que vous le soyez, au moins, acceptez d'écouter des gens qui
auront à vivre vos décisions.
Je veux à ce moment-ci vous rappeler qu'à aucun moment le
front commun des personnes assistées sociales ne s'est insurgé
contre une hausse éventuelle de barèmes des besoins
spéciaux. Ce que le front commun dit dans tous les mémoires et
avis qu'il a pu présenter et ce qu'il viendrait sans doute mieux vous
exprimer en regard de l'article 7 du projet de loi, c'est qu'il n'est pas
équivalent. Je vous le rappelle. La définition
d'invalidité contenue à l'article 7 du projet de loi n'est plus
la même que celle qu'on retrouvait dans le document d'orientation.
L'article 7 est beaucoup plus restrictif et beau- coup plus
sévère et introduit le test d'invalidité de la
Régie des rentes du Québec. Ce serait important d'entendre ce que
des gens qui seront concernés auront à dire sur cette
disposition, particulièrement du fait qu'on va modifier en profondeur
cette façon qu'on avait de penser, de compenser les besoins de
subsistance ordinaires.
Je rappelle au ministre qu'il n'a pas à se servir d'un alibi pour
essayer de justifier le projet de loi 37. Il a tous les pouvoirs
réglementaires pour compenser les limites fonctionnelles, pour compenser
les handicaps, pour hausser les besoins spéciaux. L'article 31 f le lui
accorde complètement. Ce n'est pas la distinction entre apte et inapte
qui a été mise en cause devant la commission parlementaire. Cette
distinction donne lieu à un traitement différent des besoins
ordinaires. Cette distinction amène des prestations différentes
pour combler les mêmes besoins de loyer et les mêmes coûts de
logement, les mêmes coûts d'alimentation. Ce que l'on vous dit,
c'est de compenser les difficultés qu'ont des personnes, compte tenu de
leur handicap ou de leur limite fonctionnelle, et vous allez de façon
certaine élargir à un plus grand nombre de personnes la
prétendue générosité que vous allez restreindre
à un nombre beaucoup plus limité de personnes dans le projet de
loi 37 en vertu de l'article 7, à qui vous allez imposer des
démarches humiliantes pour se faire reconnaître comme inaptes.
Ce que vous dites vouloir faire pour les personnes qui souffrent de
difficultés fonctionnelles et de handicaps, faites-le tout de suite, M.
le ministre. Faites-le Immédiatement. Vous avez les pouvoirs de le
faire. Vous n'avez pas besoin de vous servir d'une diversion puérile qui
est celle du projet de !oi 37. Je pense que nous avons Intérêt
à entendre le front commun des personnes assistées sociales pour
ce qu'il représente, une coalition par tout le Québec, dans
toutes les régions du Québec, une coalition qui est certainement
aussi Importante comme partenaire que des organisations que nous
écoutons régulièrement ici durant nos travaux en
commission parlementaire.
Je vous rappelle que l'ensemble des régions du Québec...
Je n'ai pas besoin de rappeler à Mme la députée de
Châteauguay la présence active d'organismes de Châteauguay
à l'intérieur des membres du front commun des personnes
assistées sociales. J'imagine que le député de Taschereau
également est fort conscient de la représentativité du
front commun des personnes assistées sociales du Québec. Je crois
que refuser de les entendre sur ce qu'elles ont à dire en matière
de politique de plein emploi, refuser de les entendre sur ce qu'elles ont
à dire à l'égard du projet de loi 37 dans ses
modalités nouvelles, dans ses modifications sur lesquelles elles n'ont
jamais été consultées... Est-ce que le travail
obligatoire, le "Grant diversion11 américain que vous
proposez dans le cadre du programme d'aide à l'emploi, c'est ce qu'il
nous faut au Québec?
Je vous rappelle que ce programme qui est inspiré du "Work and
Trainîng Program" américain, qui était inspiré des
programmes mis en place par Reagan, a été abandonné dans
un très grand nombre d'États américains,
particulièrement du moins dans un État qui s'appelle le
Massachusetts. (17 h 30) il serait important de savoir ce que le front commun
pense de ces programmes et compte tenu que le ministère a jugé
suffisamment importants ces programmes qui ont performé contrairement
aux vieux programmes désuets, dépassés, que le ministre
propose. Et les fonctionnaires qui accompagnent le ministre l'induisent en
erreur en lui introduisant des programmes qui sont dépassés, iis
le savent très bien. Ils ont envoyé une délégation
qui a fait un rapport au ministère, un rapport substantiel sur
l'expérience positive performante du Massachusetts. Et savez-vous sur
quoi repose cette expérience? D'ailleurs, M. le Président, je
vais vous demander l'autorisation de déposer un document-synthèse
de ce rapport de mission à Boston qui a été conduit par
les fonctionnaires du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu l'an dernier pour que l'ensemble de mes
collègues connaisse à quoi consiste une expérience qui
réussit.
Les principes de base de ce programme s'appellent "ET Choice" et ce
programme essentiellement repose sur la participation volontaire. Au
Massachusetts, on a mis de côté le programme de travail
obligatoire, du "Work and Training Program", parce qu'il ne performait pas et
on a plutôt retenu un programme avec l'objectif de sortir les
bénéficiaires de l'aide sociale rapidement et de la façon
la moins coûteuse, c'est-à-dire, au contraire, excusez-moi, le
programme de "Work and Training Program" de l'administration Reagan, lui se
caractérisait par quatre objectifs, les mêmes qu'on retrouve dans
le programme du ministre. C'est comme si cela avait été
copié.
Le premier objectif du programme de Reagan: sortir les
bénéficiaires de l'aide sociale rapidement et de la façon
la moins coûteuse. Le deuxième objectif: programme obligatoire de
recherches intensives d'emplois de cinq semaines pour tous les
bénéficiaires. Troisième objectif: des
pénalités pour les bénéficiaires refusant de
coopérer à l'une des différentes démarches
proposées, ça c'est le programme de Reagan. C'est ça qui a
été abandonné et c'est ça qui ne marchait pas.
Quatrième objectif: la participation à un programme de recherches
d'emplois. Alors, cela était à l'origine, !e programme qui
ressemble à l'aide à l'emploi, le volet d'aide à l'emploi,
qui a été introduit dans les modifications du ministre et qui va
faire partie du projet de loi 37 sur lequel encore personne n'a pu se
prononcer.
Il serait d'autant plus important d'entendre ce que le front commun a
à dire sur ce programme et sur les types de programmes qu'il
souhaiterait voir retenus par le gouvernement. Pensez-vous que ces gens sont
des gens qui ne souhai- tent pas sortir de leur situation et qui n'ont pas de
propositions à nous faire sur les types de mesures de programmes, sur
l'efficacité de ces programmes qui permettraient et qui seraient
adéquats pour le type de problèmes qui ne sont pas que
personnels, qui sont des problèmes dans des conditions
économiques et sociales dans lesquelles on vit dans notre
société? Je vous rappelle que ça n'existe pas dans un
ailleurs très lointain, comme la Suède où il y a 1, 7 % de
chômage. Cela existe chez nos voisins d'à côté. ll y
a eu un rapport de mission, de fonctionnaires qui sont ailés à
Boston et dans ce rapport, on nous dit qu'à l'exception de l'obligation
pour tout bénéficiaire de s'inscrire dans une séance
d'information, la démarche "ET est essentiellement volontaire.
D'ailleurs, ce caractère volontaire est considéré comme
déterminant par les administrateurs du programme. Cela repose sur
l'analyse des besoins mais contrairement au projet de loi 37, l'analyse est
faite par des agents d'employabilité dont la seule tâche est
l'administration du programme d'employabilité. En ce sens, aucun d'entre
eux n'intervient pour l'attribution de la prestation.
C'est exactement le contraire de ce que propose le projet de loi 37. Une
fois son besoin, son désir, son rêve, son goût
identifiés, le participant est référé au service de
son choix. Le service est acheté; en termes précis, l'argent suit
le client, peu importe où il va. Ce n'est pas à l'entreprise,
bien au contraire, que la subvention va, c'est à la personne. Ce que
vous vous apprêtez à faire est contraire à toutes les
études récentes du Conseil économique du Canada en
matière de programmes de formation pour la préparation du
libre-échange. Le Conseil économique du Canada a clairement
démontré dans ses études qu'il fallait lier les programmes
de formation à la main-d'oeuvre plutôt qu'à l'entreprise et
que le succès des programmes de transition reposait essentiellement sur
la formation des personnes plutôt que sur la subvention aux employeurs.
Vous vous apprêtez à faire exactement le contraire de ce que
l'ensemble des courants éclairés d'opinions considère
être la voie indiquée pour la préparation, le recyclage et
la réintégration au marché de l'emploi. L'objectif du
programme est l'intégration au travail dans le respect des besoins et
des capacités de la personne. Là suit la définition de
tout ce programme. Je ne peux pas croire qu'on va s'engager dans une
étude article par article du projet de loi sans que l'on n'ait pu tester
auprès, entre autres, du front commun, qui est suffisamment
représentatif pour nous faire valoir les conditions de vie dans
lesquelles les gens auront à vivre, ce que vous prétendez
être pour leur mieux. Vous ne pouvez pas faire le bonheur des gens sans
au moins aller tester si ce n'est pas en enfer que vous allez les envoyer.
L'aide à l'emploi est un programme que le ministre a
annoncé comme allant être introduit comme amendement dans le cadre
du projet de
loi 37. Le ministre a introduit quatre modifications. Alors, M. le
député de Taschereau, je n'ai pas besoin de vous dire que ces
modifications, nous les retrouverons; si ce n'est dans la lettre, c'est dans
l'esprit du projet de loi 37. Je vous rappelle que le problème,
justement, c'est que ce projet de loi est vicié dans ses fondements
mêmes. Ce projet repose sur une conception extrêmement punitive,
extrêmement coercitive. Si, depuis six années de croissance
continue, de développement économique, nous retrouvons toujours
autour de 10 % de chômage, c'est qu'il y a un problème de
partage.
Les programmes de transfert. Mon collègue, le
député de Laurier, a parlé d'un programme d'aide de
dernier recours qui ne devrait pas être considéré comme un
programme de revenu minimum. Je veux d'abord rappeler aux membres de cette
commission qui ne le sauraient pas - je ne leur en fais pas grief, ils n'y
étaient pas - que le double barème pour les plus et les moins de
30 ans a été introduit par le gouvernement libérai du
premier ministre Bourassa en 1974. Ce n'était d'aucune façon une
allocation introduite par le Parti québécois. Le double
barème a été introduit par Robert Bourassa. Il l'a
d'ailleurs lui-même reconnu en Chambre, lors d'une période de
questions.
Une voix:... système d'ailleurs.
Mme Harel: C'est finalement le Parti québécois qui
a introduit des programmes et des mesures d'employabilité. Vous avez
dit: Rien n'est fait globalement. Vous n'avez, depuis trois ans, que reconduit
ce qui existait, rien d'autre. Ce que l'on vous dit maintenant, c'est qu'il y a
un problème, M. y a un défi nouveau. Ce défi majeur est le
suivant: pour retrouver une période de prospérité comme
celle qu'on vient de connaître, il faut remonter en 1973, 8 y a quinze
ans; avec la même croissance de l'emploi qu'en 1987, on retrouvait 6, 7 %
de chômage. En 1987, on retrouve 9, 8 % de chômage et vous dites
que cela va bien. Qu'est-ce que cela va être quand cela va se mettre
à ralentir? Vous savez que l'économie est cyclique. Votre premier
ministre le répète assez pour que vous sachiez que simplement
quelques décisions de la Banque du Canada peuvent avoir un impact
important. Si c'est le cas pour vous, imaginez ce que cela a dû
être lorsque les taux d'intérêt étaient à 21 %
et 22 % pour nous.
Oui, il y a des choses qui nous échappent mais, comme
société, il faut au moins se porter garant de ce dont on peut se
rendre responsables. On peut se rendre responsables de programmes de
création d'emplois. Le ministre le sait, votre gouvernement le sait
aussi et le Conseil du trésor plus que d'autres, on assiste maintenant
à un ralentissement économique. Vous savez très bien qu'il
y a eu une augmentation du taux de chômage et que les prévisions
du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu, qui ne peuvent pas être si fausses que cela, sont de la
moitié moins d'emplois créés qu'en 1987, 44 000 au lieu de
80 000; ce sont les chiffres publiés. Quand vous dites que cela va bien
avec 10 % de chômage, qu'est-ce que cela va être quand cela va se
mettre à mal aller? On va se rendre à 12 % ou 13 % et on va y
rester. Après, cela va continuer à 15 % et on va y rester.
Vous ne pouvez pas penser avoir toutes les solutions pour passer
à travers ce qui est un large consensus de groupes d'opinions dans notre
société. Si vous pensez que vous allez passer sur le corps - ce
n'est peut-être pas une bonne expression, c'est juste - si vous pensez
que vous allez faire fi des gens parce qu'ils sont démunis et moins
susceptibles de vous faire du tort électoralement, vous avez tort. Si
vous pensez que vos solutions sont les bonnes, faites au moins le test
auprès du front commun, faites le test auprès des groupes
d'opinions. Vous les pensez les meilleures, vous pensez qu'elles sont
adéquates, qu'elles répondent aux problèmes de l'heure?
Faites le test. Sinon, cela m'apparaît évident que tout cela vous
sert d'alibi. Tout cela vous sert de ligne de parti. Vous avez l'intention,
quoi qu'il en soit, d'adopter d'ici Noël une attitude de fermeté
qui vous fait défaut dans bien d'autres dossiers. Vous avez l'intention
de la maintenir, pensant que cela n'aura pas d'impact électoral; faites
le test. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Bien, alors...
Une voix: Finis ce que tu avais à dire.
Mme Harel: C'est vrai. Je veux faire... Oui.
Une voix: Ouf!
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Tu as encore du temps de parole, épuise-le.
Mme Harel: Très bien. Je remercie mon conseiller parce que
vous savez très bien que j'ai l'intention, certainement durant tous nos
débats, M. le Président, d'intervenir sur le fond. J'ai
été, d'ailleurs, fort surprise de voir aujourd'hui qu'on
s'attaquait à ma personne à défaut de pouvoir contester,
j'imagine, mes arguments. C'est d'ailleurs le député de
Taschereau. Il me faisait grief, en juin dernier, de ne pas déposer une
proposition. Il a rappelé ce grief cet après-midi. Alors, je le
renvoie à cette proposition d'ensemble en matière de
sécurité du revenu que nous avons élaborée durant
l'été et que nous apprécierions pouvoir examiner au moment
où nous allons faire l'étude...
Un» voix: II est moins quart, I faut finir.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
laissez Mme la députée de Maisonneuve.
Une voix: Non, tu n'as pas fini, mais il est moins le quart.
Mme Harel: Alors, M. le Président, je vais demander
l'ajournement de nos travaux. Je n'ai pas exactement terminé mais...
Le Président (M. Bélanger): Compte tenu de l'heure
et de l'entente qui avait été prise entre les partis, nos travaux
sont ajournés. ll vous restera deux minutes, madame. La commission...
S'il vous plaît. Les travaux sont ajournés au mardi 29 novembre,
de 10 heures à midi trente, dans cette même salle. Je vous
souhaite une bonne fin de semaine.
(Fin de la séance à 17 h 46)