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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Poulin):... question posée par la
députée de Maisonneuve au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, le dossier des régimes de retraite et
la situation des retraités et des pré-retraités au
Québec. J'aimerais savoir s'il y a des remplacements.
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M.
Bélanger (Laval-des-Rapides) est remplacé par M. Philibert
(Trois-Rivières), M. Blais (Terrebonne) par M. Paré (Shefford),
Mme Juneau (Johnson) par M. Jolivet (Laviolette). C'est tout.
Le Président (M. Poulin): Je ferai un rappel sur les
règles de l'interpellation. Le député qui a donné
l'avis d'interpellation intervient le premier pendant dix minutes; le ministre
Interpellé intervient ensuite pendant dix minutes. Il y a ensuite
alternance de cinq minutes: un député du groupe de l'Opposition,
le ministre ou un député du groupe formant le gouvernement. Il y
aura à la fin vingt minutes: dix minutes par le ministre et dix minutes
par l'interpellatrice. Mme la députée de Maisonneuve.
Exposé du sujet Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. C'est une occasion que
nous avons souhaitée comme Opposition de faire le bilan de la situation
difficile que vivent les travailleurs et les travailleuses âgés
préretraités parce que licenciés à la suite d'une
fermeture ou soit en difficulté à la suite de ce qu'on a
appelé le scandale des fonds de retraite, c'est-à-dire des
employeurs qui partent avec la caisse des surplus. Nous avons pu obtenir copie
de l'entente intervenue entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du
Québec le 6 octobre dernier concernant le programme d'adaptation pour
les travailleurs âgés. Nous allons immédiatement interroger
le ministre sur cette entente à rabais, sur cette négociation
d'indemnité à la baisse pour des travailleurs et des
travailleuses âgés licenciés au Québec. À
partir de cette entente qui n'avait pas jusqu'à maintenant
été rendue publique mais dont nous consentons au
dépôt, nous avons pu enfin tracer le portrait réel de la
situation qui sera offerte aux travailleurs et aux travailleuses
âgés licenciés à la suite d'une fermeture partielle
ou totale de leur usine.
C'est une conclusion sévère que nous devons tirer ce
matin. Nous sommes à quelques mois de l'entrée en vigueur du
traité du libre-échange, appelé de tous les vux du
premier ministre et du Conseil des ministres, nous a-t-il dit. C'est
également dans un contexte où les gouvernements invitent
l'ensemble de la main-d'oeuvre à accepter de changer d'emploi
fréquemment. On dit maintenant qu'un homme ou une femme doit se
préparer, lors de son entrée sur le marché du travail,
à changer d'emploi tous les dix ans. Au moment où les
gouvernements demandent de la mobilité et exigent de la part des
travailleurs une capacité de recyclage et d'adaptation, c'est
certainement extrêmement inquiétant de constater les conditions
qui seront offertes à ceux parmi eux qui seront victimes d'une perte
d'emploi, à la suite de la fermeture de leur usine.
M. le Président, cette comparaison entre le PATA mis en place
depuis le 6 octobre et le défunt programme d'adaptation pour les
travailleurs qui a été en vigueur rétroactivement à
1978 jusqu'en 1986, nous la faisons à tous égards, tant au niveau
de l'admissibilité même au programme. Auparavant, c'étaient
des secteurs désignés: textile, vêtements, chaussures,
tannage, mais aussi des régions qui l'étaient et, aux dires de
tous les observateurs, la désignation de ces régions donnait
auparavant toute la flexibilité requise pour assurer une couverture
adéquate dans les régions où se produisaient ces
fermetures. Le gouvernement du Québec a signé une entente qui
maintenant laisse totalement discrétionnaires les conditions
d'admissibilité. Des licenciements seront évalués selon
des répercussions sérieuses - imaginez-vous combien cela peut
être discrétionnaire, subjectif et arbitraire - pour un nombre
significatif de travailleurs, en tenant compte de sept considérations.
Des considérations qui peuvent, au fur et à mesure qu'elles sont
appliquées, écarter des indemnités des travailleurs pour
des motifs de mobilité. Je pense, par exemple, à une entreprise
dans mon secteur J. & P. Coats, les bobines de fil, qui a
déménagé, qui a été transférée
à Kingston. Évidemment, comme les travailleurs s'étaient
fait offrir de déménager, ils seraient susceptibles de ne pas
pouvoir profiter de ces indemnités, parce que l'ensemble du Canada
servira de point de référence pour l'octroi de ces
indemnités et pour l'évaluation des possibilités de
réinsertion au marché du travail pour des personnes qui ont
déjà un établissement, un conjoint, des enfants et sont
bien installées depuis des décennies dans une région.
C'est plus grave encore pour ce qui est de l'âge, puisque la
formule antérieure qui permettait la combinaison à la fois de
l'âge et des années de services est mise de côté au
profit de 55 ans seulement. C'est la règle du 80 qui est
écartée pour le nouveau programme. Mais, pire encore, c'est la
confusion qui a été entretenue dans les esprits quand le ministre
a prétendu que le nouveau programme était plus
généreux, parce
que octroyant 70 %, tandis que l'ancien programme n'en octroyait que 60
%. Mais encore faut-il constater qu'on ne parle pas des mêmes choses. Les
70 % ne vaudront que sur l'assurance-chômage que pouvait obtenir le
travailleur, tandis que les 60 % du programme précédent
s'évaluaient sur l'ensemble du salaire gagné. La
différence chiffrée au maximum des prestations possibles avec
PATA représente une perte annuelle de 5376 $ en vertu du nouveau
programme. Cela, c'est calculé sur les indemnités maximums d'un
programme comme de l'autre. Je ne parle pas des indemnités minimums, 600
$, â peine l'équivalent de ce qui est proposé pour les
bénéficiaires de l'aide sociale dans la catégorie
inapte.
Je parle de ceux qui comme, par exemple, les métallos, sont
sujets à des bouleversements technologiques. On sait très bien
que la petite bande perforée fait en une heure le travail qu'un
métallurgiste faisait 8n vingt heures. Eh bien, ces travailleurs qui
gagnaient de bons salaires connaîtront une perte. Je pense, entre autres,
au secteur de l'amiante à Thetford qui a pu bénéficier de
l'ancien programme. S'il fallait qu'il s'applique maintenant, c'est une perte
de revenus annuelle de 5376 $.
Évidemment, M. le Président, Je ne peux pas passer sous
silence l'aspect arbitraire cas par cas, en vous rappelant que, dans l'ancien
programme, il y avait l'Office d'aide à l'adaptation des travailleurs
qui décidait de l'admissibilité. Cet office était
prévu par la loi et des dispositions de la loi déterminaient sa
composition et son mandat. Les travailleurs pouvaient compter sur un
représentant à ce comité formé de cinq personnes,
les employeurs également et une personne neutre complétait le
groupe de cinq, avec deux représentants du gouvernement qui se trouvait
minoritaire à cet office d'aide à l'adaptation qui était
protégé des influences partisanes.
Maintenant, avec le nouveau programme, c'est un comité de
fonctionnaires - deux d'Ottawa et deux de Québec - qui vont s'en
reporter à leur ministre respectif, sujets à toutes les
influences, comme on le sait très bien. Certainement que le pire est
encore à venir, puisqu'il n'y aura pas de droit d'appel. Contrairement
au programme précédent qui donnait dans la loi un droit d'appel
des décisions prises par l'Office d'aide à l'adaptation, il n'y a
plus de droit d'appel quant au comité des fonctionnaires qui est
maintenant formé. Le pire est certainement l'administration même
de ce nouveau régime. Alors là, les gouvernements ont
innové, les deux paliers de gouvernement, qui sont d'ailleurs à
blâmer l'un et l'autre, ont innové en abdiquant leurs
responsabilités pour des raisons doctrinaires parce que rien ne Justifie
le fait de confier, par soumission, à des compagnies d'assurances
privées la gestion de ce programme public. Jusqu'à maintenant, ce
programme avait été à la satisfaction
générale. Je mets le ministre au défi de me citer du
mécontentement qui aurait été exprimé quant
à l'administration du programme précédent par la
Commission canadienne de l'emploi et de l'Immigration.
Ce programme était géré à la satisfaction de
tous; c'est ce programme qui, maintenant, sera l'objet de soumissions.
Vraiment, on assiste là à la première privatisation d'un
programme social et c'est profondément alarmant, d'autant plus que
l'expérience de la gestion des régimes supplémentaires de
retraite ne laisse présager rien de bon pour les travailleurs et
travailleuses du Québec.
M. le Président, j'aurai l'occasion de revenir sur l'ensemble de
la question des régimes de retraite. Je veux, a ce stade-ci, rappeler au
ministre que sa loi 95, c'est trop peu et c'est très tard.
En conclusion, M. le Président, je ne veux pas rappeler les
nombreuses manchettes, j'énumérerai simplement les scandales
connus: Simonds, Singer, Kik Cola, Crédit foncier, Drummond McCall,
Amiante Bell, Beloit, PPG à Beauharnois, Dominion Stores, Forano, United
Stores, Paquet à Québec. Il a fallu tous ce scandales avant que
le gouvernement ne bouge. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Poulin): M. le ministre.
Réponse du ministre M. André
Bourbeau
M. Bourbeau: Oui, M. le Président. C'est avec plaisir que
je participe ce matin à cette interpellation demandée par la
députée de Maisonneuve et qui porte sur les régimes de
retraite et la situation des retraités et des
préretraités.
Comme vous le savez, M. le Président, la question des
régimes de retraite privés a fait couler beaucoup d'encre
dernièrement au Québec. Nous n'avons qu'à penser au cas
des employés des compagnies Singer, Simonds, Kik Cola, pour ne nommer
que ceux-là. La cause principale de ces litiges porte sur le partage du
surplus d'actifs de la caisse de retraite lors de la terminaison totale du
régime de retraite. Les problèmes qu'engendre actuellement la
remise du surplus sont principalement de deux ordres. Les dispositions des
régimes concernant la propriété du surplus sont
contradictoires. Il arrive parfois que l'employeur a unilatéralement
modifié cette disposition pour s'attribuer la propriété
d'un surplus appartenant auparavant aux participants, c'est-à-dire aux
travailleurs. Évidemment, ces derniers croient que ce geste est
illégal. Autant l'employeur que les participants estiment avoir droit au
surplus. Les participants, c'est-à-dire les travailleurs,
considèrent que les cotisations versées au régime,
même s'il existe un excédent, parce qu'ils ont versé ces
cotisations, font partie de leur rémunération. Quant à
l'employeur, parce qu'il assume les risques financiers du régime, il
estime bien sûr que le surplus devrait lui appartenir. La question
est posée, il faudra y répondre, et prochainement.
Durant les derniers mois, un climat d'insécurité s'est
développé eu égard à la propriété de
ces surplus. Selon la loi actuellement en vigueur, les surplus ne peuvent pas
être remis aux participants ou même à l'employeur, sauf en
cas de terminaison totale du régime. Une telle terminaison ne survient
que si l'employeur cesse de verser des cotisations à l'égard de
tous les participants, par exemple lors de la fermeture de l'entreprise.
Si vous me le permettez, M. le Président, j'aimerais
élaborer quelque peu sur les causes du climat actuel entourant cette
question délicate. Sans être exhaustif, les principales causes
peuvent se résumer comme suit. Premièrement, certains
régimes de retraite, malgré de longues périodes de service
des travailleurs, offrent peu de garanties quant à la valeur minimale
des rentes reçues par les participants. Deuxièmement, le retour
du surplus à l'employeur offusque les participants ou les travailleurs
qui reçoivent de faibles montants de rente, en particulier lorsqu'ils
sont convaincus que leurs propres contributions ont servi à la
création de ce surplus. Troisièmement, certains régimes
prévoient que les employeurs peuvent les modifier
unilatéralement. Dans le cas des régimes les plus anciens,
certains ont prévu, pendant une longue période, que le surplus
serait distribué éventuellement aux travailleurs. Au cours des
ans, ces régimes ont fait l'objet d'une modification favorisant
dorénavant l'employeur. Il est superflu d'ajouter qu'un tel geste ne
peut que provoquer des relations tendues entre les parties.
Quatrièmement, les participants manquent d'information sur leur
régime de retraite. Cinquièmement, la publicité entourant
les nombreuses poursuites devant les tribunaux n'est pas de nature à
favoriser la confiance du public à l'égard des régimes de
retraite.
Le malaise est profond. Il exige des interventions immédiates du
gouvernement. En attendant d'arrêter définitivement ses
orientations sur la réforme des régimes de retraite, le
gouvernement a proposé à l'Assemblée nationale d'adopter
un moratoire afin d'interdire les modifications à un régime en ce
qui a trait aux clauses d'appartenance du surplus et ce, pour une
période d'un peu plus d'un an. Le même moratoire vise
également à interdire de verser à l'employeur les surplus
d'actifs. J'ai donc déposé, mardi dernier, en cette Chambre, le
projet de loi 95 afin de modifier en conséquence la Loi sur les
régimes supplémentaires de rentes.
Plus précisément, le moratoire propose les mesures
suivantes: 1° interdiction de modifier un régime de retraite
relativement aux dispositions régissant les droits que peuvent avoir les
parties quant au surplus d'actifs; 2° la Régie des rentes devra
refuser toute modification à un régime qui vise à diviser
une caisse de retraite entre plusieurs régimes si elle est d'avis que la
répartition des actifs de la caisse initiale n'est pas faite au prorata
des droits des participants ou des travailleurs; 3° il sera interdit de
verser une quelconque partie de l'actif de la caisse de retraite à
l'employeur et ce, même si ce dernier y a droit avant le 15 novembre 1988
en vertu d'une clause du régime, d'une décision de la
régie ou d'un jugement d'un tribunal compétent; 4° dans les
cas où ils y ont droit, le surplus d'actifs pourra être
versé aux travailleurs à la terminaison totale du régime
au prorata des droits de tous les participants visés par cette
terminaison; 5° toute personne qui verse des sommes en contravention des
dispositions du projet de loi sera tenue responsable personnellement des sommes
illégalement versées. Dans les cas où l'administrateur du
régime est une corporation, cette responsabilité incombera
solidairement aux membres de son conseil d'administration.
M. le Président, il est bien entendu que ces mesures ne sont que
temporaires et visent à pallier l'insécurité qui s'est
installée récemment dans la société
québécoise au sujet des régimes de rentes privés.
Je suis bien conscient que ces mesures ne peuvent être que temporaires et
qu'un grand ménage de la loi actuelle s'impose. En conséquence,
j'entends proposer à cette Assemblée d'adopter une réforme
en profondeur de la Loi sur les régimes supplémentaires de rentes
et ce, dès la prochaine session. Nous pourrons alors dire, sans nous
tromper, qu'il s'agira d'un grand ménage du printemps. Entretemps, le
moratoire proposé par le projet de loi 95 assurera une accalmie tout en
nous permettant de procéder de façon réfléchie
à l'établissement de nouvelles règles du jeu en
matière de régimes de retraite privés.
L'aide apportée récemment par le gouvernement aux
travailleurs ne se limite pas quand même seulement au projet de loi 95.
Comme vous le savez, M. le Président, chaque année, un certain
nombre de travailleurs québécois sont mis à pied
collectivement. En tant que groupe, les travailleurs âgés sont
particulièrement affectés par ces licenciements qui risquent de
représenter pour eux des pertes d'emplois permanents, sinon le retour
à des emplois bien moins rémunérés.
En reconnaissance de la contribution positive de ces travailleurs
à l'économie du Québec, le gouvernement a mis sur pied,
conjointement avec le gouvernement fédéral, le programme PATA qui
remplace l'ancien programme qu'on appelait le programme PAT. Ce programme, qui
s'adresse aux personnes ayant travaillé pendant au moins 15 ans au cours
des 20 dernières années, contient des mesures qui les incitent
à demeurer actifs sur le marché du travail. Contrairement
à l'ancien programme, qui visait uniquement les secteurs du textile, du
vêtement, du tannage, de la chaussure ainsi que certaines régions
spécifiques, le nouveau programme PATA s'applique au licenciement
de
toutes les industries du secteur privé et des
sociétés d'État à vocation commerciale, peu importe
la nature des activités de l'entreprise. Le programme est d'autant plus
intéressant que son entrée en vigueur sera rétroactive. En
effet, seront pris en considération les licenciements survenus depuis le
18 août 1986 dans les secteurs couverts par l'ancien programme PAT ainsi
que ceux survenus après le 1er Janvier 1988 dans tous les autres
secteurs d'activité. (10 h 30)
Le programme Interviendra d'une manière sélective dans les
cas de licenciements majeurs et permanents dont les répercussions
risquent d'affecter davantage les travailleurs âgés. Les
licenciements seront évalués cas par cas et les critères
d'admissibilité porteront principalement sur la permanence du
licenciement et sur la gravité du bouleversement économique qu'il
entraîne par rapport à la localité, à une
région ou à un secteur d'activité donné, sur la
proportion des travailleurs âgés touchés par le
licenciement et sur les faibles possibilités de réinsertion et de
réemploi qu'auront ces travailleurs âgés. Les travailleurs
admissibles aux prestations du programme devront être âgés
entre 55 et 64 ans lors du licenciement et avoir travaillé 15 ans au
cours des 20 dernières années. La prestation de base offerte
équivaudra à 70 % de la prestation d'assurance-chômage
applicable au salaire régulier gagné au moment du licenciement,
sans toutefois être inférieure à 600 $ par mois.
Comme mesure incitative au retour sur le marché du travail, le
prestataire bénéficiera d'une aide financière du programme
tant que ses revenus personnels n'atteindront pas ceux gagnés au moment
du licenciement et ce, par l'application d'un taux de réduction de 40 %
ne visant que les revenus gagnés, en sus de l'exemption de base
mensuelle de 285 $.
M. le Président, je termine là-dessus. Par ces quelques
remarques d'introduction, je tiens à réitérer ma ferme
intention en tant que ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu de contribuer à l'amélioration
des conditions de retraite et de préretraite de nos travailleurs
québécois. En tant que nouveau titulaire de ce ministère,
j'ai déjà posé des gestes concrets en ce sens et soyez
assuré que j'ai l'intention de continuer dans la même veine.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Poulin): Merci, M. le ministre. M. le
député de Shefford.
Argumentation M. Roger Paré
M. Paré: Merci, M. le Président. Je voudrais parler
des régimes supplémentaires de rentes et je dois dire que c'est
décevant d'entendre le ministre venir reconnaître
qu'effectivement, s'il a décidé de déposer le projet de
loi 95, c'est à cause de l'insécurité qui s'est
installée à la suite d'une dizaine de scandales qui ont
été rendus publics. C'est presque Incroyable qu'on vienne
reconnaître publiquement que, finalement, on n'aurait probablement rien
fait n'eût été le fait qu'il y a eu des scandales comme
celui de Simonds et d'autres qui sont inacceptables. Le ministre vient de dire:
Avec tout ce qui est sorti, l'Insécurité qui s'est
installée et ce qu'on a vu, il fallait réagir, donc on a
déposé le projet de loi 95.
Dans le projet de loi 95, exactement comme dans les autres dossiers de
ce gouvernement, on pelleté la neige par en avant et on va s'enfarger
dedans, mais là cela concerne des travailleurs qui ont perdu leur job.
On n'a pas le droit de faire ça. Les heures d'affaires, on reporte
ça au printemps; régler les suppléments de rentes, on
reporte cela encore au printemps en gelant maintenant. Si le ministre nous
disait: C'est parce que c'est difficile de trouver une solution, bien, s'il
n'est pas capable d'en trouver, qu'il se réfère à ce qui
existait avant qu'il arrive.
En 1985, on avait déposé le projet de loi 58 qui venait
régler le problème, un projet de loi fort étoffé et
qui viendrait régler ces problèmes mais qui aurait surtout
empêché qu'il y ait des victimes comme celles de Simonds. Donc, si
le ministre est obligé de réfléchir encore pendant des
mois, c'est qu'il ne s'est pas préoccupé de ça et qu'il
n'a pas regardé ce qu'il y avait déjà sur la table au
moment où ils sont arrivés au pouvoir. On aurait pu régler
la situation et on aurait pu surtout empêcher qu'il y ait des victimes
aussi nombreuses que celles qu'on connaît présentement. C'est
incroyable qu'on n'ait pas encore légiféré
là-dedans, on est en retard par rapport aux gouvernements voisins,
spécialement l'Ontario avec lequel, souvent, on veut tellement se
comparer.
Maintenant, je veux en revenir à un cas plus spécifique,
mais qui est symptomatique de ce qui s'est passé sur une grande
échelle et qui risque de se reproduire encore plus, sachant qu'un
travailleur sur deux a un régime privé supplémentaire de
rentes. C'est important, c'est plus de 1 000 000 de travailleurs, cela touche
bien du monde. Je veux souligner un cas qui est connu et qui a probablement
déclenché les réactions du gouvernement, c'est le cas de
Simonds à Granby. Il y a là plus d'une centaine de travailleurs,
avec plusieurs années d'ancienneté, qui apprennent qu'ils
n'auront plus d'emploi parce qu'on a fermé l'entreprise le 11 novembre
dernier et qu'en plus on refuse de vendre et même de négocier la
vente d'équipements pour empêcher la reprise des travaux sous une
autre forme par des employeurs. On apprend en plus que les travailleurs ne
seront pas admissibles à PATA ou, en tout cas, pas tout le monde et
difficilement avec tous les critères. Mais en plus, ce qu'on croyait et
ce qu'on était certain d'avoir comme acquis parce que c'était de
l'argent qu'on
avait mis de côté justement pour sa rente, on
s'aperçoit que le "boss" part avec la caisse, 5 600 000 $. Cela n'a
presque pas de bon sens, il part avec la caisse. On s'aperçoit de
ça comme ça, malheureusement, pensant que tout était
acquis, que c'était à nous et qu'il n'y avait pas de danger, ce
qui a comme conséquence que les travailleurs vont avoir une rente de 196
$ par mois au lieu de 677 $. Ils auraient eu trois fois et demie plus de rentes
si, effectivement, ce qu'ils avaient mis sur pied en 1947 avait
été respecté. Là, les gens sont mal pris, on aurait
pu espérer que le ministre vienne régler ce problème avec
le projet de loi 95, mais la réalité est tout autre. C'est un
gel, c'est le gel pour une année du fonds. Je dois dire que c'est mieux
que rien c'est un pas dans la bonne direction, cela vient rassurer pour une
année. Mais lisons ce que cela veut dire, entre autres; je vais
seulement citer deux passages des déclarations du ministre. Dans La
Presse du 11 novembre, pour des cas comme celui-là qui sont devant
la cour, le ministre dit: Ces causes peuvent procéder, le projet de loi
ne statue pas sur la propriété de ces fonds. À
l'émission Le Point, le ministre dit: Bien, effectivement, ces
modifications étaient parfaitement légales, en parlant du fait
que l'employeur part avec la caisse de l'argent qui appartient aux
travailleurs. Le ministre continue plus loin en disant: Écoutez, dans le
cas de Simonds - c'est clair, là - je ne saurais trop dire, il faudrait
attendre ce que diront la cour de justice, les tribunaux.
Donc, est-ce que je suis correct de penser, M. le ministre, que tout ce
qu'apporte le projet de loi 95 pour les travailleurs, la seule aide qu'on
retrouve dans cela, c'est le gel pour une année? Il n'y a pas autre
chose? Et le seul espoir pour les travailleurs de Simonds c'est que la CSN, et
non pas le gouvernement, continue à s'occuper de ces travailleurs et
qu'il y ait un bon avocat qui va permettre de gagner la cause? Finalement,
l'espoir pour les travailleurs c'est la CSN et un bon avocat, parce qu'ils ont
une bonne cause. La loi, tout ce qu'elle vient faire c'est geler. Est-ce qu'il
n'y a pas danger que ce gel pour une année seulement fasse en sorte
d'étirer la cause et qu'à la fin de l'année il y ait
finalement un vide? Ne pourrait-on pas prévoir dans la loi un gel tant
et aussi longtemps que le jugement final dans cette cause ne sera pas
rendu?
Le Président (M. Poulin): Merci, M. le
député. M. le ministre.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: M. le Président, le député de
Shefford tente d'alarmer la population. Il crie au voleur, au filou mais, si le
député considérait le dossier d'une façon tout
à fait calme, il se rendrait compte que les épouvantails qu'il
brandit actuellement n'ont pas de conséquence concrète dans la
réalité parce que justement on a déposé un nouveau
projet de loi. Le député cite toute une série de causes
comme Simonds, etc., en nous disant: C'est épouvantable, le gouvernement
n'a rien fait avant que le feu soit pris à la cabane. Pourtant, quand
vous étiez là vous autres, le Parti québécois, il y
en a eu aussi des cas semblables à celui de Simonds. Je peux vous en
nommer: En 1981, la compagnie Stelco et Bristol Quebec Mining, cela a
été la même chose. L'employeur voulait se sauver avec la
caisse, vous n'avez strictement rien fait. Les employés ont dû
prendre action en cour. En 1984, la cause du syndicat de Paquet à
Québec, vous n'avez absolument pas bougé. Les employés ont
été obligés d'aller en cour pour se défendre. Je
peux vous en nommer d'autres. Newberry Canadian Limited, au cours de la
même période, le jugement fut rendu en 1986 mais la cause a
été entreprise avant. Le premier jugement est intervenu en 1980,
pendant que vous étiez là, et la Cour d'appel a rendu un
jugement. Vous n'avez rien fait. Oui, vous avez fait quelque chose
effectivement. Je dois en toute vérité vous rendre hommage. Vous
avez déposé un projet de loi, mais à la toute fin de votre
régime, dans les derniers mois; vous ne l'avez pas fait adopter. Vous
l'avez déposé et vous n'avez pas eu le temps ou vous n'avez pas
voulu le faire adopter, et le projet de loi est mort au feuilleton. Alors, vous
pouvez nous dire: Au moins, on a fait quelque chose. C'est vrai que vous avez
fait quelque chose, sauf que votre projet de loi ne s'occupait pas des surplus.
Le problème crucial qu'on a présentement, la
propriété des surplus, vous n'y touchiez même pas dans
votre projet de loi, rien, zéro. Alors, cela donne quoi de venir vous
bidonner en nous disant: Nous, on a déposé un projet de loi? Vous
ne touchiez même pas au problème principal qui était les
surplus accumulés. Alors, je pense que venir pavoiser là-dessus,
c'est un peu court.
Le député de Shefford nous dit en parlant du cas de
Simonds: Les patrons se sauvent avec la caisse. Je vous arrête tout de
suite, les patrons ne se sont pas sauvés avec la caisse. Vous savez que
le projet de loi qu'on vient de déposer gèle tous les fonds y
compris les fonds de Simonds et de tous les autres cas qui ont fait la
manchette dans les journaux au cours des derniers mois. Tous ces cas sont
devant les tribunaux et les fiduciaires n'ont déboursé de fonds
dans aucun de ces cas et, à cause du gel que nous imposons, ces surplus
ne seront pas distribués tant que la nouvelle loi que je
déposerai l'an prochain ne sera pas adoptée. Je vous dis tout de
suite que, si jamais la nouvelle loi que nous avons l'intention de faire
adopter n'était pas votée par l'Assemblée nationale avant
la fin du moratoire, on prolongera le moratoire, on prolongera le gel
jusqu'à ce qu'une nouvelle loi soit en vigueur au Québec, de
sorte qu'il n'y aura pas le vide juridique dont vous parliez tantôt.
Bref, je pense que le gouvernement a pris
ses responsabilités et, en tant que nouveau ministre de la
Main-d'Oeuvre, je pense qu'on ne peut pas m'accuser d'avoir tardé. En
l'espace de quatre mois, depuis que J'ai accédé à mes
fonctions, j'ai mis en marche un processus pour réviser la loi actuelle
et en même temps J'ai déposé un projet de loi pour geler
tous les fonds qui sont dans les caisses de retraite, les fonds
excédentaires, bien sûr, les surplus.
Bref, je peux rassurer les travailleurs québécois. La
mesure que nous avons proposée fera qu'effectivement aucun surplus dans
les caisses de retraite ne pourra être distribué à qui que
ce soit tant que la nouvelle loi ne sera pas en vigueur et, si distribution il
y a, ce ne pourra être qu'aux travailleurs et, encore là, au
prorata de leurs crédits de rentes gagnés. Alors, on peut
arrêter de crier au loup, il y a un berger qui s'occupe bien de la
situation.
Le Président (M. Poulin): Merci, M. le ministre. M. le
député de Trois-Rivières.
M. Paul Philibert
M. Philibert: Merci, M. le Président. Effectivement, le
ministre a décrit de façon assez précise les orientations
du gouvernement en ce qui a trait aux régimes supplémentaires de
rentes. Il a parlé, particulièrement, des surplus. Le
député de Shefford nous a parlé des vertus du projet de
loi 58 qui, effectivement, est mort au feuilleton. Comme le ministre !e
signalait tantôt, le projet de loi 58 ne réglait d'aucune
façon les surplus. Ce n'était indiqué d'aucune
façon à l'Intérieur du projet de loi, malgré que
cinq ou six cas, au moins, ont été vécus sous
l'administration de l'ancien gouvernement. Quant à toucher à
cette loi, il y a un autre aspect extrêmement important à
signaler, c'est que le projet de loi 58 passait complètement sous
silence toute la question de la transférabilité. On connaît
l'importance pour les travailleurs d'avoir un fonds de retraite qui puisse les
suivre. Certaines dispositions faisaient en sorte que les travailleurs seraient
encore un peu bernés par une loi qui ne couvrait pas tous les aspects
pour assurer aux travailleurs toute la sécurité en ce qui a trait
à leur retraite.
Ce qui me surprend le plus dans le débat ce matin, c'est
l'intervention de la députée de Maisonneuve, son argumentation
sur le PATA. Elle nous a servi les cinq premières minutes de son
intervention en nous vantant le PAT, l'ancien programme, sur la base que tout
était défini, que tout était encadré dans ce
programme-là et qu'aucune discrétion de gens n'était
possible. Et c'était un programme administré exclusivement par le
gouvernement fédéral. Alors, c'est une députée du
Parti québécois qui a participé activement à la
campagne référendaire, qui à chaque occasion nous sert des
arguments pour dire: Ce que le gouvernement fédéral touche, c'est
mauvais pour les Québécois, c'est mauvais pour les travailleurs,
c'est mauvais pour les femmes, qui vient argumenter pour dire qu'on aurait
dû faire en sorte que le gouvernement fédéral
demeure le maître d'oeuvre dans le dossier des licenciements collectifs.
C'est exactement ce qu'elle nous a dit, parce que c'est ce qui se passait avec
!e PAT. Mais le gouvernement fédérai n'a pas voulu rester le seul
maître d'oeuvre dans le dossier; il a aboli ce programme en août
1986 et, bien sûr, une zone d'insécurité pour les
travailleurs s'est installée parce qu'il fallait maintenant
négocier de nouveaux arrangements avec le gouvernement
fédéral. Mais ce qui est intéressant dans le nouveau
programme, c'est que justement tout n'est pas prévu, tout n'est pas
compartimenté; alors, on pourra faire une analyse objective des
situations qui se présentent, au mérite des situations qui se
présentent et donc considérer les aspects particuliers que
peuvent vivre les travailleurs: ors de licenciements collectifs.
La loi n'est pas limitative dans le sens où le gouvernement du
Québec défraie 37 % des coûts. Ce ne sera pas le cas, mais
tenons pour acquis, pour les fins de la discussion, que le discours alarmiste
du Parti québécois ferait en sorte que des fermetures
d'entreprises se produiraient de façon systématique au
Québec. Le ministre aurait toujours le privilège, et le programme
le reconnaît, d'accepter de valider et de dire: Telle catégorie de
travailleurs, dans tel licenciement, est admissible au programme PATA. (10 h
45)
Donc, il me semble que c'est une amélioration très
substantielle dans la mesure où le gouvernement du Québec
était complètement absent dans l'ancien programme et où,
maintenant, on devient ceux qui vont décider, ceux qui vont être
capables d'écouter les travailleurs et de dire à telle
catégorie de travailleurs: Vous y avez droit, parce que vous vivez telle
ou telle situation, le taux de chômage dans votre région,
l'infrastructure industrielle de la région pourrait être
analysée.
Alors, Mme la députée de Maisonneuve, je vous invite
à réfléchir sérieusement à cet aspect qui
est important pour les travailleurs et les travailleuses
québécois: c'est qu'ils peuvent avoir quelque chose à dire
dans ce programme par l'intermédiaire du gouvernement du
Québec.
Le Président (M. Poulin): Merci. M. le
député. Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. J'invite surtout le
député de Trois-Rivières à ne pas dire le contraire
de la vérité. Je dois lui dire qu'il ne connaît pas son
dossier. C'est le moins qu'on puisse constater quand il prétend aussi
effrontément que le projet de loi 58 ne contenait pas toutes les
dispositions requises en matière de transférabilité. Mais
il a de qui retenir, parce
que son ministre dit aussi n'importe quoi, particulièrement quand
il ne connaît peut-être pas non plus son dossier. On peut le
comprendre, il vient d'arriver dans le secteur. Mais il n'a pas vu que les
dispositions relatives à la gestion paritaire des travailleurs sont
celles-là mêmes qui auraient permis véritablement le
règlement des problèmes que connaissent maintenant ceux qui
voient leur indemnité réduite à presque rien, parce que
leurs employeurs sont partis avec la caisse.
Là, je voudrais rappeler au ministre, concernant cette question
précise, que la situation a beaucoup changé. Si le ministre ne le
sait pas, i va falloir que, ce matin, il se rende compte que le jugement
de la Cour d'appel en 1986 portant sur les United Stores a complètement
modifié la situation paralysant la régie. Alors, je ne comprends
pas que le ministre... Je le comprends dans un sens, il ne connaît pas le
dossier. Il le manifeste bien ici. Mais son prédécesseur, le
ministre Paradis, questionné par l'Opposition sur ce qu'il allait faire
maintenant que la régie était paralysée avec la
décision de la Cour d'appel, avait promis, dès le printemps 1987,
de considérer qu'elle n'avait pas le pouvoir d'interpréter les
dispositions des régimes de rentes, qu'elle pouvait juste les tamponner
lorsque les modifications arrivaient, comme les Journaux le disaient, comme un
bureau de tampons.
C'est ce que la Cour d'appel a plus ou moins décidé en
1986, en retirant à la régie le pouvoir de refuser des
modifications qu'elle pouvait juger inacceptables, parce qu'elles
réduisaient les droits des travailleurs en les privant d'une partie de
la caisse. C'est en 1986 que ça s'est passé. Avant ce jugement,
tout le monde pensait que la régie avait un rôle à jouer.
La régie est paralysée depuis 1986. Le ministre Paradis,
responsable du dossier au printemps 1987, a promis un projet de loi pour
Noël l'an passé. On attend toujours et ça fait un an.
Là, le ministre prétend que ça va être au
printemps. Cela fait deux fois que la Gazette écrit en
éditoriaux que l'élection est pour le mois d'avril. Alors, que le
ministre ne vienne pas prétendre que son gouvernement n'a pas perdu
complètement trois années, alors que toutes les autres
législations provinciales... Et le gouvernement fédéral,
lui, légiférait pour faire son ménage en copiant.
Littéralement, la loi de l'Ontario est copiée sur le projet de
loi 58 qui avait été déposé en cette Chambre.
Qu'est-ce que c'était pour le gouvernement d'avoir la modestie,
l'humilité de s'inspirer de ce qui était considéré
comme étant à l'avant-garde des projets de loi en matière
de régimes supplémentaires de rentes au Canada? Il aurait fallu
que le gouvernement ait une certaine modestie et aussi une certaine
volonté politique. La première année, en 1985-1986, le
gouvernement a décidé que ce n'était pas une
priorité et il a mis ça sur les tablettes. En 1987, le ministre
Paradis a promis un projet de loi pour Noël l'an passé et,
là, le ministre prétend qu'il va le régler l'an prochain,
au printemps. Geler, ce n'est pas régler.
Je rappelle au ministre qu'il doit répondre à des
questions précises, puisque ce n'est pas en gelant simplement... Ce
n'est qu'un sursis, aucune décision n'est prise. Comment se fera la
réparation pour les travailleurs qui auront été
spoliés, pour les sommes qui auront été
détournées, précisément dans le cas dont parlait le
député de Shefford, dans le cas de Simonds, où une partie
des surplus a été utilisée par l'entreprise pour payer ses
cotisations dans deux autres régimes à l'extérieur du
Québec? Alors, le ministre - c'est bien l'occasion ce matin - doit nous
parler de ce qu'il entend faire pour régler le problème, non pas
pour le déplacer. Comment entend-il régler la question? Les
causes sont pendantes devant les tribunaux. Les droits d'appel pourront durer
des années. Entend-il établir son moratoire jusqu'au jugement
final? Entend-il, comme le demandent expressément les métallos,
rendre publique la liste de tous les employeurs ayant déjà
demandé et obtenu la permission de récupérer les surplus,
liste qui est demandée par les métallos pour que les
travailleurs, qui ne le savent même pas encore, sachent que leur surplus
est disparu? A-t-il l'intention de...
Le Président (M. Poulin): Mme la
députée.
Mme Harel:... légiférer pour faire rembourser aux
employés les sommes qui ont été détournées?
Le ministre doit répondre à ces questions et ne pas
prétendre que c'est réglé. Ce n'est pas
réglé, c'est seulement gelé.
Le Président (M. Poulin): Merci, Mme la
députée. M. le ministre.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: M. le Président, j'ai beaucoup de sympathie
pour la députée de Maisonneuve qui est vraiment bien mal prise
ici ce matin. Vous vous souvenez, M. le Président, qu'il y a une dizaine
de jours, quand elle a demandé que je sois convoqué à ce
débat, elle pensait bien qu'elle pourrait prendre le gouvernement en
défaut par rapport à la question des régimes
supplémentaires de rentes. Elle pensait bien avoir trouvé
là un sujet pour mettre le gouvernement mal à l'aise.
Malheureusement pour elle, entre le moment où elle a convoqué ce
débat et le moment où se tient, le gouvernement, dans sa
façon d'agir qu'on connaît, qui agit toujours avec beaucoup de
célérité, a déjà prouvé qu'il avait
non seulement pris connaissance du problème, mais qu'il avait
déjà agi, de sorte que la députée s'est
trouvée prise à faire un débat sur un dossier où le
gouvernement a non seulement promis d'agir, mais pour lequel il a
déjà déposé un projet de loi. On n'a jamais vu une
réponse
aussi fantastique et aussi fulgurante à une préoccupation
de l'Opposition. Celle-ci demande un débat un vendredi et, le mardi
suivant, un projet de loi arrive, qui lui ferme la porte. L'Opposition doit
quand même reconnaître que nous avons agi avec un maximum
d'efficacité dans ce dossier.
Ce matin, en commençant le débat, la députée
nous a dit: II y a deux gros problèmes au Québec, en ce qui me
concerne: la question des régimes supplémentaires de rentes et la
question des travailleurs âgés. Or, il arrive que, concernant ces
deux questions, le dossier du gouvernement et du ministre responsable est
impeccable. Nous avons posé des gestes concrets sur les deux dossiers.
Je ne comprends pas l'Opposition. Il me semble que vous auriez pu essayer de
trouver autre chose. Vous venez nous attaquer sur les deux dossiers où
on est inattaquables. On a déposé un projet de loi pour geler les
surplus dans les fonds de retraite; donc, on règle le problème
jusqu'à ce que la loi définitive soit adoptée et, en ce
qui concerne les travailleurs âgés, nous avons signé une
entente avec le gouvernement fédéral pour prendre soin des
travailleurs âgés qui seront licenciés collectivement.
Cette entente que nous avons signée est meilleure à
certains égards que l'entente qui existait auparavant, parce que
celle-ci ne concernait que certains groupes de travailleurs. Elle était
d'une certaine façon un peu discriminatoire en ce sens qu'elle
protégeait certains travailleurs de l'industrie du vêtement, par
exemple, du textile, de la chaussure dans certaines régions et ne
protégeait pas les autres. On laissait toute une série
d'activités non couvertes, c'était donc discriminatoire. Si on
avait le bonheur de travailler dans les bons secteurs, on pouvait être
protégé. Si on avait le malheur de ne pas être dans ces
secteurs, on n'avait absolument aucune protection. Le nouveau gouvernement
libéral a décidé de protéger tous les travailleurs
sans discrimination. Encore là, je pense que le geste que nous avons
posé répond concrètement aux préoccupations des
travailleurs.
Je dis à la députée de Maisonneuve: Vous auriez pu
vous forcer un peu et trouver autre chose parce que, franchement, les deux
dossiers que vous évoquez, ce sont des dossiers où nous avons
pris nos responsabilités et où nous avons posé des gestes
concrets qui feront en sorte que les citoyens du Québec pourront se
trouver rassurés. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Poulin): Merci, M. le ministre. M. le
député de Shefford, s'il vous plaît.
M. Roger Paré
M. Paré: À la suite des propos du ministre,
heureusement qu'on a demandé un débat, parce qu'on n'aurait
probablement pas encore de projet de loi 96 de déposé. Le
ministre me répondait tantôt que les travailleurs pouvaient dormir
tranquilles, le berger veille. Pendant que le berger veille ou sommeille, les
travailleurs de la Simonds attendent toujours d'avoir des revenus un peu plus
importants en fonction de l'argent qu'ils ont déposé dans leur
fonds de retraite. C'est cela, la réalité des choses. Le ministre
disait tantôt que nous n'avons rien fait. Je vais lui rappeler que,
dès le début des années quatre-vingt, on a sorti un livre
orange - je ne me souviens plus du titre du document - où on allait en
consultation sur les régimes privés et publics de rentes. On
savait très bien qu'il fallait agir là-dedans. Parce qu'on
était conscients de cela, on a déposé le projet de loi
58.
J'ai entendu des choses tantôt. On disait que, dans le projet de
loi 58, on ne s'occupait pas des surplus et de la
transférabilité. Je vais vous lire juste quelques notes
explicatives du projet de loi 58 pour ramener la vérité dans
cette Chambre. Dans les notes explicatives, on dit: "... le droit d'exiger le
transfert de la valeur de ses droits dans un autre régime. " Si ce n'est
pas de la transférabilité, qu'est-ce que c'est? On y retrouve
aussi: "... l'obtention d'informations concernant les droits... " pour tous les
travailleurs. S'il y avait eu cela à la Simonds, aujourd'hui on ne
serait pas ici en train d'en parler. "Le chapitre XI énonce les
conditions à remplir pour terminer totalement ou partiellement un
régime, ainsi que la manière de liquider le régime et
d'acquitter les droits des participants ou bénéficiaires
visés par cette terminaison. " Si ce n'est pas un surplus, qu'est-ce que
c'est? il faut être capable de lire des lois, de l'autre
côté. Si vous n'êtes pas capables, vous viendrez, on va vous
donner des conseils. Le projet de loi 58 a été
déposé. S'il avait été adopté, si on avait
eu l'intention de régler cela, aujourd'hui on ne serait pas dans la
situation où l'on se trouve.
Le ministre disait tantôt: Le député n'a pas besoin
d'avoir peur et les gens peuvent dormir tranquilles, on veille au grain, il n'y
aura pas de vide juridique parce que la loi va venir régler ces cas. Ma
question précise au ministre est la suivante: Est-ce que le projet de
loi qu'il va déposer au printemps va porter sur ce qui est devant les
tribunaux? Est-ce qu'on va régler les dossiers pendants devant les
tribunaux ou si on va laisser les tribunaux décider? Est-ce qu'on a
l'intention de faire en sorte que soit rendue publique au plus vite la liste
des employeurs qui ont obtenu des permissions, comme le disait ma
collègue tantôt? Est-ce qu'on va s'assurer que les employés
qui ont été victimes de sommes détournées seront
remboursés? Ce sont les vraies questions fondamentales et c'est ce qu'il
faut savoir. Donc, ma question, je la répète et j'espère
que le ministre va y répondre correctement, en fonction de ce qu'il a
déjà dit. Ce qui nous inquiète et ce qu'il vient de dire
tantôt, je voudrais que ce soit clair, que nous puissions le savoir,
nous, et surtout les travailleurs. Est-ce
que ce sont Ses tribunaux qui vont décider des causes qui sont
pendantes? Est-ce que tout ce que le ministre a l'intention de faire, c'est de
geler et de statuer pour l'avenir ou s'il a l'intention de régler ces
causes par le projet de loi qu'il va déposer au printemps, en
étant bien sûr de rendre aux travailleurs ce qu'ils ont toujours
cru leur appartenir? C'est fondamental. C'est ce que les gens veulent savoir,
non pas entendre encore juste des belles phrases et entendre descendre le
projet de loi 58 parce qu'il vient de nous. On n'a rien fait depuis ce temps.
On n'a absolument rien fait, on a seulement déposé le projet de
loi 95 qui a pour effet de geler.
Je vous pose une deuxième question. Est-ce que vous avez
l'intention de faire du gel? Si vous ne réglez pas les causes pendantes
par le projet de loi que vous allez déposer au printemps, est-ce que
vous êtes prêt a vous engager à les geler jusqu'à ce
que le jugement final soit rendu? Donc, l'un ou l'autre: ou vous réglez
les causes pendantes par le projet de loi que vous allez déposer ce
printemps, ou vous allez les geler au moins jusqu'à ce que le jugement
final soit rendu de façon qu'on soit sûrs qu'il n'y ait pas de
vide juridique et qu'on règle le problème des travailleurs qui
s'attendent à recevoir l'argent qu'ils ont Investi dans leur fonds de
retraite. C'est clair et net.
Qu'on ne revienne pas dans le passé. Ma collègue l'a dit,
c'est en 1986 que le jugement a été rendu et c'est à ce
moment qu'il fallait agir. On avait déjà le projet de loi 58 de
déposé. Depuis ce temps, on a pris des engagements, mais on n'a
rien réglé. Maintenant, on pousse en avant. Mais comme il y a des
victimes qui attendent des réponses claires, est-ce qu'on peut en avoir
pour elles aujourd'hui? Est-ce que, par le projet de loi du printemps prochain,
on va régler les causes qui sont pendantes devant les tribunaux ou si on
va laisser les tribunaux décider du règlement, décider
pour ces gens et les fonds qui sont gelés pour un certain temps? Et,
est-ce qu'on peut s'attendre à un gel qui sera prolongé jusqu'au
jugement final, si vous ne réglez pas le problème dans votre
projet de loi qui sera déposé au printemps? (11 heures)
Le Président (M. Poulin): Merci, M. le
député de Shefford, M. le ministre.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: M. le Président, il est bien évident
que, si le gouvernement avait été satisfait de la situation
actuelle, il n'aurait pas agi avec autant de célérité pour
décréter un moratoire ou un gel des surplus des fonds de
retraite. Le système actuel nous apparaît indéfendable et
nous avons décidé de modifier la loi actuelle. Et, si nous la
modifions, c'est bien sûr dans le sens de bonifier les droits des
travailleurs et non pas le droit des patrons, puisque ce qu'on reproche au
système actuel, c'est de ne pas bien protéger les droits des
travailleurs.
Maintenant, il ne faudrait pas remplacer un système qui est
excessif par un autre système qui serait encore plus excessif. Autrement
dit, si l'ancien système était biaisé d'une façon
déraisonnable en faveur d'une partie, il ne faudrait pas tomber dans
l'inéquité non plus en faveur d'une autre partie. Il ne faut
quand même pas oublier que ces fonds de retraite sont mis sur pied par
les employeurs, ils ne sont pas obligés de le faire. Il ne faudrait pas
les mettre dans une situation telle, que ça deviendrait impossible pour
eux de mettre sur pied un fonds de retraite. Il faudrait quand même
être réalistes. Alors, je vous dis que, quand un travailleur met
de l'argent dans un fonds de retraite, il a droit à son argent, il a
droit aux intérêts de son argent, il a droit à la
cotisation mise là-dedans par l'employeur. Il faut que l'employeur mette
de l'argent dans le fonds de retraite, ce qui ne s'est pas toujours fait dans
le passé. Il faut que le travailleur ait les retours sur ses
investissements plus sur ceux que l'employeur devrait mettre pour lui. Cela est
très clair.
Ceci dit, bien sûr que les règles qui existaient dans le
passé étalent différentes; on va devoir regarder cela
aussi. Il y a la légalité et il y a aussi la
légitimité. Il y a des situations qui ont existé dans le
passé où on peut sérieusement mettre en doute les gestes
qui ont été posés. Est-ce que ces gestes-là
étaient légaux? Est-ce qu'ils ne l'étaient pas? Les
tribunaux en décideront. Ce n'est pas à nous, comme
législateurs, de venir dire aux tribunaux si les gestes qui ont
été posés dans le passé respectaient la loi ou ne
la respectaient pas. Ce n'est pas au législateur de s'immiscer dans le
processus judiciaire. Cependant, nous devrons quand même tenir compte,
dans la prochaine loi, de la légitimité des gestes qui ont
été posés. Il m'apparaît assez étonnant qu'on
puisse prétendre que les revenus découlant des investissements
des travailleurs n'appartiennent pas à ceux-ci, même pour le
passé. Il y a des cas, cependant - et je tiens à le dire à
l'Opposition - où le patron a peut-être trop mis d'argent. Quand
il y a des surplus, il ne faut pas présumer qu'ils proviennent tous
nécessairement des investissements des travailleurs. Il est possible et
il est certain que, dans certains cas, des employeurs ont mis des
excédents d'argent dans le fonds. Il ne faudrait pas les
pénaliser s'ils ont, à l'occasion, décidé
d'accélérer leurs versements. Si on le fait, si on
pénalise les patrons et qu'on les empêche de retirer des sommes
d'argent qui seraient, après expertise, déterminées comme
étant les leurs, il ne faudrait pas, par la suite, se surprendre que les
patrons ne veulent plus participer à des fonds de retraite. Il va
falloir être équitables, et envers les employés, et envers
les employeurs. Je peux vous assurer que la loi que nous allons déposer
va être équitable envers les employés et aussi envers les
employeurs. Mais nous allons
nous assurer que les employés - et c'est la situation qui leur a
été faite qui justifie notre intervention - aient un juste retour
sur leurs investissements, tant pour le passé que pour le
présent. S'il y a eu des inéquités dans le passé,
le gouvernement va regarder ça avec attention et nous allons tenter,
dans la mesure du possible, de redresser la situation de façon que les
travailleurs puissent considérer qu'ils ont eu un retour satisfaisant
sur leurs investissements.
Le Président (M. Poulin): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Le ministre a-t-il
l'intention d'introduire la gestion paritaire qui est finalement une des
conditions qui permettent une gestion équitable? Avec raison, le
ministre parle d'équité en rappelant qu'il peut y avoir avantage
à exiger des comptabilités distinctes. J'aimerais bien que le
ministre m'écoute à ce moment-ci, parce que je veux
précisément savoir de lui s'il entend exiger une
comptabilité distincte du régime à l'égard des
rendements des cotisations des employés et à l'égard des
rendements des investissements. Le ministre doit précisément
répondre à ceci, parce que ça reste la question de fond:
Entend-il introduire une gestion plus équitable de ces fonds et
entend-il également légiférer en matière de fusion
ou de division des régimes? Je l'ai dit et je le pense
sincèrement, l'Ontario a maintenant le leadership en matière de
développement social; c'est Incroyable de dire ça ici dans ce
salon bleu, mais le Québec, qui a été pendant très
longtemps le leader en matière de développement social, est
évidemment à la remorque. À part Terre-Neuve, je pense
qu'il n'y a que nous qui n'avons pas fait le grand ménage. Ce n'est pas
simplement en termes de développement économique que l'Ontario
nous devance, mais c'est maintenant en matière de développement
social et ce n'est pas que dans le dossier des fonds de retraite, mais dans
celui des fermetures d'usines où le gouvernement actuel manque de
courage politique et dans le dossier de la réforme de l'aide
sociale.
M. le Président, puisque l'Ontario a précisément
décidé, au moment où il y avait ces problèmes de
surplus, de contrôle'' non seulement la terminaison totale, mais les
mouvements de fonds pour ne pas faire détourner ces dispositions par des
mouvements de fonds, de fusion ou de division des régimes, je veux
simplement, ce matin, m'assurer que, dans le projet de loi 95, le ministre a
bien couvert tous ces mouvements possibles de fonds et que les fusions ou les
divisions des régimes sont également assujetties à ces
dispositions. Je veux que le ministre sache qu'il est certainement un de ceux
qui ont réagi, mais il a pris une responsabilité très
limitée, soit simplement celle de se donner du temps. C'est un sursis
qu'il se donne à lui-même et aux travailleurs, aux victimes, mais,
pendant qu'il se donne du temps, il y a des travailleurs de la Singer qui ont
comme fonds de retraite 10 $ par mois. Un monsieur de 75 ans ayant 40 ans de
service reçoit 36, 29 $ par mois. Il y a 382 retraités de la
Singer à Saint-Jean qui ont l'astronomique somme de 47 $ par mois de
pension. Cela veut dire que le ministre, d'une certaine façon, oblige
les travailleurs à contester au plan juridique. Il serait mieux
avisé de légiférer pour les protéger. C'est
extrêmement coûteux et n'oubliez pas que ces personnes, hommes et
femmes âgés, ne vivent pas avec le bénéfice des
montants qu'ils croyaient avoir pour les amener à vivre leurs
années de retraite.
Évidemment, le ministre paie pour l'inertie de son
prédécesseur. Il faut le dire clairement. Il paie pour l'inertie
du ministre Paradis. Mais il n'est pas le seul à en payer le prix; ce
sont les travailleurs et les travailleuses du Québec qui paient le prix
le plus élevé parce que ce prix, c'est celui de leur
pauvreté. J'aimerais, M. le Président, Insister sur le fait que,
si le ministre n'est pas responsable de ces trois années perdues, il est
quand même responsable de l'entente signée à la baisse sur
les prestations pour les travailleurs âgés qui sont
licenciés. C'est lui qui l'a négociée, c'est lui qui l'a
signée et on aura l'occasion d'y revenir lors de la seconde partie de
l'interpellation. Mais on ne peut pas ne pas être sévères
en regard de cette réduction de leur aide financière. Si
quelqu'un est satisfait de cela, c'est certainement le gouvernement, puisqu'il
a ainsi réussi à épargner. Les chiffres sont très
très éloquents; le gouvernement a épargné sur le
dos des travailleurs qui sont victimes de leur licenciement.
Le Président (M. Poulin): Merci, Mme la
députée de Maisonneuve. M. le ministre.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: M. le Président, je tiens à rassurer
les travailleurs du Québec. La députée de Maisonneuve crie
au loup, alors qu'il n'y a aucun problème en vue, en ce qui concerne les
fonds de retraite. Le gel que nous avons imposé touche tous les cas. Il
n'y a pas de cas où l'employeur pourra se sauver avec la caisse; il ne
pourra pas le faire non plus tant que la nouvelle loi ne sera pas
adoptée. Si, par hasard, il arrivait, pour toutes sortes de raisons,
comme, par exemple, un "flibuster" de l'Opposition, que la nouvelle loi ne soit
pas adoptée, nous prolongerons le moratoire tant et aussi longtemps que
la nouvelle loi ne sera pas en vigueur.
Tout à l'heure, la députée de Maisonneuve faisait
état des transferts qu'il pourrait y avoir entre plusieurs
régimes, je la réfère à l'article 1 du projet de
loi que j'ai déposé, qui dit très bien que "La
régie doit, à compter de la même date - c'est-à-dire
le 15 novembre dernier - re-
fuser d'approuver une modification d'un régime si elle est d'avis
qu'elle a pour effet de répartir, autrement qu'au prorata des
crédits de rentes des participants - c'est-à-dire des
travailleurs - l'actif de la caisse de retraite entre plusieurs régimes
auxquels contribue ou contribuera un même employeur". Donc, ce
cas-là aussi est couvert. Il n'y a pas de cas qui n'est pas couvert; les
fonds sont gelés, les excédents des fonds, bien sûr, les
surplus. Il est dit textuellement dans le projet de loi qu'en aucun cas, un
surplus d'actifs ne peut être distribué à l'employeur, et
c'est l'article 3 qui le dit.
Maintenant, les cas de Simonds et de Singer sont couverts par cela;
même si une cour de justice venait dire, au cours de la prochaine
année, que les fonds de Singer et de Simonds appartiennent à
l'employeur, personne ne pourra débourser ces fonds. Le fiduciaire
n'aura pas le droit de débourser ces fonds sous peine d'en
répondre; ces fonds aussi seront gelés tant que la nouvelle loi
ne sera pas en vigueur. Donc, je pense qu'il faut arrêter d'apeurer le
monde, c'est clair, c'est net: Tout est gelé tant que la nouvelle loi ne
sera pas en vigueur. Alors, je prie la députée de l'Opposition
d'arrêter d'alarmer la population. En ce qui concerne ce problème,
c'est réglé.
Je répète à la députée de Maisonneuve
que, sous son ancien gouvernement, alors qu'elle prétend qu'il y avait
un projet de loi qui devait régler cette question, le projet de loi qui
avait été déposé par le Parti
québécois ne réglait pas ce problème, il ne s'y
rapportait même pas. Avant de blâmer mon prédécesseur
ou le gouvernement, il faudrait penser que nous avons dû reprendre le
travail, puisque vous n'aviez même pas pensé à ce
problème. Qu'est-ce que cela aurait donné de voter votre projet
de loi? Aujourd'hui, on serait devant la même situation. Les surplus
créeraient encore le même problème. Vous ne vous
étiez pas préoccupés des surplus, il n'y avait aucun
article dans le projet de loi qui en traitait.
Mme Harel:... la gestion paritaire.
M. Bourbeau: Les gens qui m'entourent présentement et qui
sont des fonctionnaires de la Régie du logement sont clairs
là-dessus: Vous ne vous préoccupiez pas de ce problème. Il
n'y avait rien dans le projet de loi qui en traitait. Il a donc fallu que mon
prédécesseur - je tiens à le défendre parce qu'il
n'est pas vrai qu'il ne s'en est pas occupé - et moi-même, nous
recommencions le travail là-dessus parce qu'il fallait trouver,
évidemment, des solutions permanentes. Le travail est en cours, mais,
compte tenu de la plomberie parlementaire que vous connaissez, il ne m'a pas
été physiquement possible de concevoir et de déposer un
projet de loi à temps, pour le 15 novembre, et je ne pouvais pas non
plus le faire adopter pour le 15 décembre. Donc, dans ces conditions,
nous avons pris la solution la plus responsable, c'est-à-dire
décréter un gel ou un moratoire sur la disposition de tous tes
surplus des fonds de retraite privés jusqu'à ce que nous ayons eu
le temps de préparer, de déposer et de faire adopter un projet de
loi qui va régler, de façon définitive, la question des
surplus. Évidemment, il va également faire un ménage dans
la Loi sur les régimes supplémentaires de rentes, loi qui en
avait bien besoin, il faut le dire.
Le Président (M. Poulin): Merci, M. le ministre. M. le
député de Laviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Joiivet: M. le Président, je ne voudrais pas être
désobligeant envers le ministre, mais, sans insinuer qu'il dit n'importe
quoi, c'est de fonctionnaires de la Régie des rentes dont il est
entouré et non de ceux de la Régie du logement. Mais je voudrais
tout simplement vous rappeler que ce dont vous nous rassurez ce matin, c'est
qu'il y a des gens de Simonds qui vont recevoir 196 $ par mois au lieu de 677 $
et que 382 retraités de Singer vont recevoir 47 $ par mois.
Cela étant dit, je voulais parler de PATA. J'aurais aimé
que le député de Drummond soit ici pour défendre les gens
de Celanese, de Dominion Textile; j'aurais aimé que le
député de Victoria-ville-Arthabaska soit ici pour défendre
les 45 travailleurs qui sont pris avec le programme PATA; j'aurais aimé
que le député de Shawini-gan - Saint-Maurice soit ici aujourd'hui
pour venir parler des ex-gens de Carbure, de CIL, de Dupont et de tous les
autres. On a devant nous, malheureusement, le député de
Trois-Rivières qui est aussi pris avec des problèmes comme
celui-là, mais qui dit à peu près la même chose que
le ministre, c'est-à-dire a peu près n'importe quoi. En ce qui
concerne le programme PAT fédéral, Programme d'aide aux
travailleurs, qui était le programme qui existait, quand nous en avons
demandé la négociation que vous avez terminée une fois
rendus au pouvoir, à la veille de l'élection actuelle,
malgré tous les appels téléphoniques qu'on a pu faire
à votre cabinet et tous ceux qu'on a faits aux organismes
fédéraux responsables, Mme Snellenberg, tout le monde, à
ce niveau, nous a dit: Attendez, attendez, ça s'en vient. (11 h 15)
Alors, on s'est retrouvés avec un programme PAT, lequel programme
est une grosse tarte qui s'appliquait à peu de personnes. On convenait,
effectivement, que cela devrait s'étendre à tout le monde. Par
conséquent, on se serait attendu que ta tarte grossisse. Ce n'est pas
cela, on a rapetissé la tarte et on a mis plus de monde. Donc, il a
fallu mettre des critères restrictifs. Cela a donné comme
résultat qu'actuellement des gens dans des usines à
Grand-Mère, à Shawinigan, à Drummondville et ailleurs dans
notre région, pour parler de ceux-là, se
trouvent dans des conditions telles que leur frère qui est dans
l'ancien programme PAT a des conditions de vie meilleures que si lui
décidait de le prendre dans le PATA.
Tout ça pour vous dire qu'en ce qui concerne les gens dans les
usines, si on prend des critères telle la fermeture complète de
l'usine ou la perte permanente d'un emploi, ou si on regarde en même
temps l'ensemble des personnes qui sont à l'intérieur de ce
programme devant nous il y aura des répercussions sérieuses, de
façon significative, dans le milieu et des gens vont être
laissés de côté par le programme que vous avez
négocié à la baisse, à rabais.
C'est faux de prétendre que le PATA soit meilleur. Les gens dans
notre milieu et, là, je l'additionne à l'argumentation
apportée par le député de Drummond, dans notre propre
région, à des gens avec lesquels il vivait à
l'époque... Il leur a dit: Le programme PATA, par rapport à
l'ancien programme PAT, ne vaut pas de la merde. Je le dis comme tel, M. le
Président, parce que je rapporte ainsi les propos des travailleurs dans
notre milieu et même les propos du député de Drummond. Il y
a le député d'Arthabaska qui est pris avec un problème.
Comment a-t-il réussi à le régler? En demandant au
ministre de lui donner, par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, un montant d'argent, soit 75 000 $, pour
mettre sur pied un comité de recyclage dont le but est d'essayer de
trouver de l'emploi aux gens.
Avec le programme PATA, on va mettre cela entre les mains du secteur
privé, dont le but est de faire de l'argent. Il me semble que c'est
cela, le principe de base de votre façon de voir les choses, vous, du
Parti libéral du Québec, de s'assurer qu'on fasse de l'argent.
Donc, ils vont faire, par la bande, une nouvelle forme de police et des gens de
55 ans et plus vont devoir faire la preuve qu'ils cherchent un emploi parce
que, s'ils ne cherchent pas d'emploi, c'est "out" de service, c'est en dehors.
On dira ce qu'on voudra, mais le risque est là et les gens le disent
comme tel dans le milieu. Allez voir les anciens de Carbure qui ont
été mis à pied et qui n'ont pas été capables
de participer au programme PAT parce qu'il était enlevé, et
n'oubliez pas ce que le député de Trois-Rivières disait
tout à l'heure, le cabinet fédéral pouvait se prononcer
sur des cas comme ceux-là si ce n'était pas inclus dans les
secteurs et les zones désignés. Or, ces gens n'ont pas eu la
chance de travailler à Shawbec. Shawbec a fait faillite
dernièrement. Ces gens-là ont donc droit à PATA, ils y
sont admissibles, mais on étudiera le dossier. Ceux qui, entre-temps,
n'ont pas eu d'ouvrage à Shawbec, qui sont encore en dehors du service
actuellement, n'ont droit ni à PAT par rétroactivité, ni
à PATA comme implication, de telle sorte que ces gens actuellement,
à Shawinigan, ayant eu la chance ou la malchance, selon la façon
qu'on le prend, de ne point travailler depuis 1984, 1985, 1986 en montant, pour
eux autres, c'est "ouf de service. Cela veut dire que ces gens vont vivre
l'indigence. Quand on est habitué de vivre dans une tour d'ivoire, dans
l'opulence, on ne voit plus l'indigence. Ces gens de 55 ans et plus vont vous
poser des questions, ils i'ont déjà fait d'ailleurs, et ils
questionnent vos propres députés qui nous disent en coulisse que
cela ne vaut pas de la merde.
Le Président (M. Poulin): En conclusion, s'il vous
plaît.
M. Jolivet: C'est clair.
Le Président (M. Poulin): Merci, M. le
député de Laviolette. M. le ministre.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: M. le Président, je laisse le
député de Laviolette avec la responsabilité de ses propos.
La population le jugera à ses paroles. Quant à moi, je voudrais
simplement vous dire que le nouveau programme PATA, dont nous avons convenu
avec le gouvernement fédéral, est un programme qui me semble
beaucoup plus équitable que l'ancien programme, en ce sens qu'il couvre
tous les travailleurs du Québec sans exception. On ne fait pas de
catégories spéciales, de privilégiés, comme donc
l'ancien programme qui ne s'appliquait, Je le répète, qu'aux
travailleurs du vêtement, du textile, de la chaussure et du tannage, en
plus de certains secteurs géographiques particuliers; les autres
étaient laissés totalement pour compte.
Je déplore les propos du député de Laviolette qui
disait tout à l'heure que le Québec - ou c'est la
députée de Maisonneu-ve - économise, va économiser.
Est-ce que vous maintenez cela, M. le député de Laviolette et Mme
la députée de Maisonneuve aussi, qu'on va économiser?
C'est très beau, sauf que sous votre règne, avec l'ancien
programme PAT, le Québec ne mettait pas un sou dans le programme:
c'était financé à 100 % par le gouvernement
fédéral. Vous venez de dire qu'on économise. Qui est-ce
qui économisait le plus? C'était vous, vous n'y mettiez pas un
sou. C'était payé à 100 % par le fédérai.
Cela vous surprend, Mme la députée de Maisonneuve. Vous
n'étiez pas au courant, semble-t-il. Alors, vous ne mettiez pas un sou,
c'était un programme fédéral à 100 %. Nous, on va
économiser, alors qu'on va investir 37 000 000 $ dans le nouveau
programme. Vous appelez cela des économies, 37 000 000 $ versus
zéro sou? Il me semble qu'on est un peu plus généreux que
vous ne l'avez été.
En ce qui concerne l'ancien programme qui était financé
à 100 % par le gouvernement fédéral, comme je l'ai dit
tout à l'heure, il privilégiait seulement un certain nombre de
travailleurs. Nous allons maintenant couvrir tous les travailleurs, quels
qu'ils soient. Bien sûr, il n'est pas dit que tous les travailleurs
seront
admis au programme, mais nous allons faire en sorte de tenter d'en
admettre le plus grand nombre. Je peux vous assurer que nous avons fait des
études et des statistiques avant de signer avec le gouvernement
fédéral, quant aux licenciements collectifs au Québec,
quant aux chances que les travailleurs licenciés, collectivement
âgés de 55 ans et plus, ont de pouvoir se replacer sur le
marché du travail. Par exemple, l'expérience qu'on a avec les
statistiques de l'assurance-chômage nous a fait croire, et nous le
croyons sincèrement, que les fonds que nous avons mis de
côté avec le gouvernement fédéral pour le PATA nous
permettront de traiter la plupart des cas qui nous seront
présentés.
Il faut bien comprendre que, lorsqu'une personne est licenciée,
d'abord, elle a le droit d'aller à l'assurance-chômage pendant un
an. Le nouveau programme va évidemment le prévoir. Or, pendant
cette période d'un an à l'assurance-chômage, il n'est pas
dit que tous les travailleurs ne se trouveront pas d'emploi; au contraire, les
statistiques Indiquent qu'un bon nombre d'entre eux réussissent, pendant
l'année, à se trouver un emploi et ce n'est qu'à la fin de
cette année que les travailleurs seront admissibles au PATA. Nous
connaissons les statistiques montrant combien de travailleurs, licenciés
collectivement chaque année au Québec, sont âgés de
plus de 55 ans. Il y en a un certain nombre. Parmi ceux-là, combien ne
se trouveront pas d'emploi pendant la période d'un an où ils
seront à l'assurance-chômage? Nous connaissons également
ces statistiques. Nous avons prévu des fonds pour venir en aide à
ces gens-là et ces fonds-là nous permettent de croire que nous
aurons en main, avec les fonds fédéraux, suffisamment de fonds
pour couvrir la majorité des cas.
Je vous signale que le gouvernement fédéral a quand
même prévu 125 000 000 $ pour trois ans. Alors, si le passé
est garant de l'avenir, le Québec devrait normalement s'accaparer la
part du lion. Nous prévoyons utiliser au moins 70 % des fonds
fédéraux dans ce programme. Sous l'ancien programme PAT, cela a
même été jusqu'en haut de 80 % des fonds qui ont
été utilisés par les Québécois.
Alors, je dis que nous avons des fonds suffisants pour couvrir un
très grand nombre de cas, sinon une majorité. Pourquoi
procédons-nous avec l'entreprise privée? Si on avait suivi la
mentalité socialiste du Parti québécois, on aurait pu
engager encore 350 000 fonctionnaires pour gérer un programme, mais nous
faisons confiance - 350 000, c'est peut-être un peu
exagéré, on pourrait couper un peu - à l'entreprise
privée car on y croit et nous allons procéder par soumissions,
avec des appels d'offres. Lorsque nous aurons terminé un dossier, nous
allons procéder...
Le Président (M. Poulin): En conclusion, s'il vous
plaît!
M. Bourbeau:... par appels d'offres. L'entreprise privée
fera des soumissions et nous allons accorder les rentes au plus bas
soumissionnaire. Il n'y a rien de plus économique que cela. Le
régime est prouvé. Vous l'avez utilisé vous-mêmes
dans d'autres domaines. Donc, je ne vois pas pourquoi vous nous reprocheriez de
demander des soumissions aux gens de l'entreprise privée pour les
rentes. C'est là leur expertise et ils peuvent faire un aussi bon
travail là-dedans qu'un groupe de 200 ou 300 fonctionnaires que l'on
pourrait engager pour faire le travail.
Le Président (M. Poulin): Merci, M. le ministre. Je
voudrais rappeler à chacun des intervenants qu'ils doivent s'adresser
à la présidence.
M. le député de Trois-Rivières.
M. Paul Philibert
M. Philibert: Merci, M. le Président. Pour terminer,
j'aimerais souligner, pour le bénéfice de nos auditeurs et de
l'Opposition, que, lorsque l'on discute d'un programme qui doit s'appliquer
à des licenciements collectifs, on interpelle donc une épreuve
qui arrive à une région ou à une collectivité. Nous
souhaitons tous qu'il en arrive le moins possible. Alors, lorsque nous avons
pris le pouvoir en 1985, nous l'avons pris sur la foi d'engagements très
précis. Nous disions entre autres, que, pour que le Québec se
développe économiquement, il fallait créer un
environnement favorable au développement des entreprises et nous avons
dit que, pour ce faire, il fallait d'abord assurer la stabilité
politique du Québec. Alors, nous avons fait nos devoirs de ce
côté-là et nous en sommes arrivés à une
entente qu'on appelle l'entente du lac Meech. Nous avons également dit
qu'il fallait faire l'assainissement des finances publiques, de telle sorte que
les entrepreneurs, les investisseurs, les gens qui sont créatifs, les
gens qui veulent investir, qui ont foi en l'avenir, retrouvent justement foi en
cet avenir, en regardant le gouvernement et en se satisfaisant d'une
administration rigoureuse des fonds publics, pour en arriver à une
réduction substantielle du déficit, ce que nous avons fait
également.
Partant de là, cela crée un climat qui fait en sorte que
les investisseurs se sentent maintenant en confiance, que les gens veulent
investir, donc, l'environnement nécessaire qu'il fallait pour que les
gens veuillent investir, qu'ils fassent confiance en l'économie du
Québec, qu'ils fassent confiance aux opportunités qu'on peut
avoir au Québec. Nous avons réussi ces trois engagements de fond
pris lors de la dernière campagne électorale.
Nous nous étions engagés, parce que confiants en cette
possibilité de réaliser ces engagements de fond, à faire
en sorte que 80 000 emplois soient créés annuellement. Alors,
depuis 1985, effectivement, 80 000 emplois ont été
créés
au Québec, de telle sorte que nos entreprises se
développent, de telle sorte qu'on est en mesure d'espérer,
aujourd'hui. Je dis aux travailleurs et aux travailleuses qu'effectivement des
programmes comme PATA, il en faudra toujours pour s'assurer qu'advenant le fait
qu'un malheur arrive dans une région on puisse soulager ces travailleurs
et ces travailleuses. Mais je veux quand même leur dire que, compte tenu
de la performance économique du gouvernement du Québec
actuellement, les dangers de fermeture s'éloignent graduellement. Je
pense qu'on peut avoir confiance au Québec dans la mesure où, par
exemple, les dernières constatations sur le plan de la performance des
entreprises, au dernier recensement des entreprises les plus performantes au
Canada, montrent que 50 % des entreprises se retrouvent au Québec.
Ce que je dis, c'est qu'on peut avoir confiance en l'avenir, qu'on peut
avoir confiance et qu'on doit souhaiter que des programmes comme PATA et
d'autres, on n'ait pas à les appliquer parce que l'économie va
rouler à fond de train, parce que les mesures que nous avons mises de
l'avant, tant en ce qui concerne la stabilité politique que l'atteinte
de l'équilibre budgétaire ou l'assainissement des finances
publiques, portent fruit et que nous pouvons avoir confiance en l'avenir.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Poulin): Merci, M. le
député de Trois-Rivières. M. le député de
Laviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: M. le Président, excusez mon expression
typique de chez nous, c'est le bout de la marde. Cela n'a pas de bon sens et le
ministre pourra dire que les gens me regarderont chez moi. Cela ne me
dérange pas, parce que les gens savent que je les défends. Le
député est en train de me dire qu'il n'y a pas 10 % de
chômage au Québec, 9, 9 % par rapport à 5 % en Ontario. Le
député de Trois-Rivières est en train de me dire qu'il n'y
a pas trois fois plus de chômage à Montréal qu'à
Toronto.
Le député de Trois-Rivières est en train de me dire
que tout va bien, que, si on utilise les programmes permettant le recyclage de
la main-d'oeuvre à 80 % ou 85 %, comme le disait le ministre, c'est
parce qu'il y a plus de gens au Québec que partout au Canada qui en ont
besoin et qui sont désespérés dans leur recherche
d'emploi. On va dire: Cela va bien, Mme la marquise; ne vous inquiétez
pas; le feu est pris, mais ce n'est pas grave.
Je mets au défi le député de Trois-Rivières
- qu'il m'écoute au lieu de rire avec le ministre - de venir avec moi,
dans son propre comté, rencontrer les gens de Philips. Le
député de Trois-Rivières était comme le
député Vincent à Trois-Rivières. Il applaudissait:
Bravo, Philips!
Il ferme ses portes, il met ça entre les mains de Novatec et tout
va bien aller. Au moment où on se parle, les gens n'ont plus d'ouvrage.
Là, il va me dire que PATA va s'appliquer pour eux, que PATA va
s'appliquer à tout le monde, aux femmes, en particulier?
Je le mets au défi de rencontrer les syndiqués avec moi et
de leur expliquer ça, de leur dire que PATA va être utile pour
eux, que PATA va leur donner toutes les chances voulues de retrouver de
l'emploi. On applaudissait la fermeture d'une usine, en disant que quelqu'un va
les remplacer, mais cela ne s'est pas fait. Ces gens-là, ils me parlent;
ces gens-là me le disent.
Le député va me dire que tout va bien. J'ai mon voyage!
J'ai mon voyage au nom des travailleurs dans ma région. Venez donc le
demander, dans le cas de Tissus continentaux à Grand-Mère,
à des gens qui travaillaient pour Wabasso à Grand-Mère qui
a fermé, qui ont passé à Tissus continentaux. Sur le
groupe, si j'applique le PATA, j'ai la réponse tout de suite; je l'ai
vérifiée. Ces trois personnes, Jean-Paul Lacombe, Normand
Marchand et André Laperrière, trois personnes âgées
de 55 ans et plus en vertu du programme, ne seront pas admissibles à
PATA, parce que trois emplois sur soixante, ça ne dérange pas
l'économie de Grand-Mère qui va bien à d'autres niveaux.
Donc, ils n'auront rien. (11 h 30)
Ces gens-là... Son frère est à côté
dans l'usine; il a eu droit à PAT dans des conditions normales et lui,
il n'y aura pas droit. Vous dites que cela va bien, vous autres? Je vais vous
nommer les gens de Carbure actuellement qui sont sans emploi, sur
l'assurance-chômage. C'est fini: aide sociale. Cela va bien? Le
député de Saint-Maurice n'est même pas là pour les
défendre.
Vous allez me dire, pour les gens qui sont à Celanese, dans le
bout de Drummond, quand le député de Drummond lui-même qui
a travaillé là dit que cela ne vaut pas de la marde, que cela va
bien? Un instant! Moi, c'est de cela que je viens parler aujourd'hui. Le
ministre rit. Les gens ne votent pas cela à la télévision,
mais moi je vais le dire. Il rit et il va dire que c'est parce que je parle
fort. Oui, je parle fort. Chez moi, les gens me connaissent comme cela, les
gens me connaissent pour défendre les gens les plus indigents. Ces gens
ont besoin qu'un député s'occupe d'eux. Qu'on ne vienne pas
flagorner ici à l'Assemblée nationale, dire la même chose
que le ministre et applaudir à tout rompre à des bêtises
qui sont dites. Nous avions une tarte très grosse qui s'appliquait
à un ensemble d'individus qui, malheureusement, n'était pas
suffisante et on voulait l'élargir. On pensait tous qu'en
élargissant le nombre de personnes, on élargirait la tarte. Ce
n'est pas cela qui se produit. On élargit le monde, on se vante de
l'avoir élargi et, pendant ce temps, on diminue.
Quand j'ai rencontré le ministre de Cotret, parce que, moi, je
défends les gens de ma
région, cette semaine, mardi matin, à son bureau pour
régler le cas de Carbure, j'ai fait mention de ces problèmes qui
existaient et les gens de Carbure ont applaudi. Le président du
comité de recyclage, l'ancien maire de Shawinigan, Dominique Grenier, a
dit qu'il fallait corriger cette injustice.
Le Québec va-t-il accepter, si le gouvernement
fédéral embarque, d'embarquer lui aussi? C'est un cas
exceptionnel qu'il va falloir regarder. Il semblerait que ce n'est pas le seul
parce que, dans le comté du ministre de Cotret, il y en a aussi. On me
dit: Tout va bien. Le PATA, mes chers amis, c'est extraordinaire. C'est faux!
Les travailleurs le savent, les travailleurs de Satexil à
Grand-Mère m'ont dit qu'ils attendaient d'avoir un recours par le PATA.
Ils se trouvent dépourvus aujourd'hui parce qu'ils disent: Ce que
j'aurai comme résultat, que ce soit le bien-être social et
l'assurance-chômage, c'est l'indigence pour moi. Après avoir
travaillé dans une usine pendant 25 ou 30 ans, je vais me permettre
maintenant de mettre ma famille en péril pour cela? Non, merci! Le "non,
merci" du référendum que vous nous avez servi, je vous le sers
aujourd'hui. Cela dessert les gens les plus démunis de la
société. À vivre dans une tour d'ivoire avec l'opulence
qui nous entoure, on ne s'aperçoit pas de l'indigent qui vit en bas de
la tour. Je veux faire mention de cela aujourd'hui, M. le Président.
C'est de cela que je veux parler. Les gens de ma région sauront bien me
juger sur la défense de leurs intérêts, ce que le
gouvernement actuel ne fait pas sur leur propre dos.
Le Président (M. Poulin): Merci, M. le député.
J'inviterais maintenant M. le ministre ainsi que Mme la députée
de Maisonneuve à exercer leur dernier temps de parole, soit dix minutes.
M. le ministre.
Conclusions M. André Bourbeau
M. Bourbeau: M. le Président, nous en sommes
déjà à la conclusion de cette interpellation du vendredi.
En guise d'introduction à mon exposé, permettez-moi, M. le
Président, de vous rappeler que la Loi sur les régimes
supplémentaires de rentes encadre depuis 1965 l'établissement et
le fonctionnement des régimes de retraite pour lesquels les employeurs
et les employés du secteur privé versent des contributions. La
création de tels régimes est laissée à l'initiative
des parties, sous réserve des normes de fonctionnement de la loi et des
droits minimaux dont elle dipose, notamment en ce qui a trait à la rente
différée et à l'ajournement de la rente de retraite. La
Régie des rentes du Québec veille à l'enregistrement de
ces régimes, à l'approbation de leur modification et, de
manière générale, à la surveillance de ces
régimes afin qu'ils demeurent, bien sûr, confor- mes à la
loi.
Plusieurs d'entre eux peuvent avoir été établis
avant l'entrée en vigueur de la loi actuelle, en 1965; d'autres peuvent
viser des participants à travers plusieurs provinces du Canada et, de ce
fait, ils peuvent être assujettis à différentes lois plus
ou moins équivalentes entre elles. Depuis quelques années, le
gouvernement du Canada ainsi que ceux de plusieurs provinces canadiennes, y
compris celui du Québec, ont amorcé de vastes réformes des
régimes de retraite. Cette consultation a entraîné un
consensus national sur les modifications à apporter aux normes
existantes dans les lois régissant les régimes de retraite
privés.
Plusieurs de ces gouvernements, notamment ceux du Canada et de
l'Ontario, ont adopté de nouvelles lois afin de concrétiser cette
réforme. Quant à nous, nous définissons actuellement nos
orientations à cet égard. Le fruit de cette réflexion
devrait aboutir au dépôt d'un projet de loi devant cette
Assemblée le printemps prochain.
Parallèlement à l'établissement des orientations de
la réforme québécoise des régimes de retraite, un
climat de méfiance et d'insécurité s'est
développé, eu égard à la propriété
des excédents d'actifs déterminée lors de la terminaison
totale d'un régime. Comme je le mentionnais précédemment,
la situation a atteint son paroxysme au cours des derniers mois. Le
gouvernement a pris ses responsabilités et est intervenu par le biais du
projet de loi 95 déposé cette semaine devant cette
Assemblée. Cette intervention du gouvernement fut accueillie avec
enthousiasme par la majorité des intervenants et des observateurs.
Permettez-moi, M. le Président, de citer - si vous voulez bien -
quelques réactions au dépôt de ce projet de loi. Mme
Monique Simard, vice-présidente de la CSN, se réjouissait du fait
que "le gel des surplus protégera les plus démunis, ceux qui, par
exemple, n'ont pas derrière eux des organisations syndicales". De plus,
elle ajoutait ces commentaires: "On n'est pas fâché du tout de
cette décision. On a beaucoup insisté auprès du ministre
sur l'urgence d'agir. Je pense qu'on a bien argumenté. " Autre
réaction, Me Marcel Rivest, un avocat qui, pour le compte des
Métallos (FTQ), défend les intérêts des
salariés dans des contestations d'attribution de surplus, déclare
qu'à son avis "le gel des surplus est une excellente décision".
Il en va de même des éditorialistes qui se déclarent
satisfaits de l'intervention gouvernementale.
M. Jean Francoeur, éditorialiste du Devoir, déclarait le
12 novembre: "Ainsi donc, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu du Québec s'attaquera à la
refonte de la Loi sur les régimes supplémentaires de retraite. Un
projet de loi en ce sens sera déposé à la reprise des
travaux de l'Assemblée nationale, en mars prochain. C'est une nouvelle
qui réjouira tous ceux qui appellent de leurs voeux une
réponse
attendue depuis trop longtemps. En même temps, M. Bourbeau annonce
qu'il déposera mardi un projet de loi ayant pour objet de bloquer tous
les surplus qui garnissent les caisses de retraite administrées par les
employeurs. Le moratoire annoncé par M. Bourbeau ne peut avoir qu'un
sens: le ministre s'apprête à modifier les règles du |eu et
veut prévenir d'ici là tout mouvement de caisse inspiré
par la panique". Et de continuer M. Francoeur: "Le débat toujours
très émotif sur l'utHisation par les employeurs des surplus de
leur régime de retraite est relativement récent. C'est que le
phénomène des surplus est lui-même nouveau. Durant les
années soixante-dix, les caisses étaient
généralement déficitaires et la responsabilité de
les renflouer appartenait aux employeurs qui ont dû resserrer leurs
calculs actuariels. "
Quant à M. Jean-Jacques Samson, du journal Le Soleil, dans
son éditorial du 15 novembre dernier, il déclare: "Le ministre de
la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, M. André
Bourbeau, s'apprête à mettre fin à des injustices
inacceptables dont étaient victimes des travailleurs
québécois. "Le monde du travail a sensiblement
évolué depuis 20 ans et le travailleur moyen peut s'attendre
à changer d'emploi à trois ou quatre reprises au moins durant sa
vie active. Les gouvernements et les entreprises encouragent fortement la
mobilité de la main-d'oeuvre, son recyclage et son adaptation constante.
Mais la non-transférabilité des fonds de pension est souvent un
désincitatif, et pour cause. Notre population vieillit
démesurément vite et les besoins des personnes âgées
exercent une pression toujours plus grande sur les finances publiques. "
Comme vous pouvez le constater, M. le Président, tous sont
unanimes à féliciter le gouvernement d'avoir agi promptement pour
défendre les intérêts des travailleurs
québécois. Cependant, il faut bien comprendre que le projet de
loi 95 se veut une mesure temporaire. Je suis bien conscient que cela ne peut
être suffisant à long terme. Il faut procéder à une
réforme en profondeur de la loi qui régit actuellement les
régimes de retraite privés. Cette loi datant de 1965 est rendue
vétuste et ne répond plus aux besoins des travailleurs
québécois.
Au cours des dernières années, bien des lacunes ont
été constatées au sujet des régimes
complémentaires de rentes. Des questions se sont posées tels
l'adhésion au régime par un plus grand nombre de travailleurs,
l'établissement d'un taux d'intérêt minimum sur les
cotisations des participants, le droit accéléré à
l'acquisition de la rente de retraite, la fixation d'une cotisation patronale
minimale, l'établissement d'une prestation de décès, la
possibilité de prendre une retraite anticipée, la
transférabilité des régimes de retraite d'une compagnie
à l'autre et l'attribution des surplus d'actifs de la caisse de retraite
lors de la terminaison du régime. Toutes ces questions feront l'objet de
réflexions au cours des prochains mois. La réforme des
régimes privés de retraite visera plus particulièrement
à instaurer de nouveaux droits accordés aux participants,
à améliorer les droits minimaux accordés par la
législation actuelle, à définir de nouvelles exigences
concernant le financement des régimes, à encadrer les retours de
surplus et à revoir les règles régissant les
investissements de la caisse de retraite. Si l'on pouvait se faire une image de
l'état actuel de la loi, on pourrait dire sans se tromper qu'elle
s'inscrit dans la même lignée que cet ancien rituel qui voulait
qu'on remette une montre en or comme remerciement pour loyauté à
un travailleur ayant donné de 20 à 25 années de sa vie au
service d'une même entreprise. Je suis d'avis que les travailleurs ont
droit à un meilleur traitement et qu'aujourd'hui on considère un
fonds de retraite, non pas comme une récompense pour de longs et loyaux
services, mais plutôt comme un droit découlant de salaires
différés. Je puis vous assurer que la réforme s'inscrira
dans un contexte moderne et qu'elle tiendra compte des réalités
actuelles de la main-d'oeuvre québécoise. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Poulin): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. L'Opposition ne tient
pas deux discours. Nous avons appelé de tous nos voeux ce geste qui
consiste à geler le mouvement des surplus des caisses de retraite et
nous mettons le ministre au défi d'appeler, dès la semaine
prochaine, ce projet de loi 95 de façon que nous consentions à
une accélération des travaux pour qu'il soit mis en vigueur le
plus rapidement possible.
Je veux rappeler au ministre qu'il n'a pas répondu à la
question essentielle, pour ceux-là même qu'il a cités, du
mouvement syndical. Est-il en faveur d'une gestion paritaire des régimes
supplémentaires de rentes? Je veux, à cet égard-là,
lui rappeler que c'est certain que font consensus maintenant toutes ces
dispositions relatives à la transférabilité, relatives
à l'abaissement des conditions d'acquisition, 30 ans d'âge et deux
années de participation, relatives à la protection des conjoints
survivants, relatives à l'indexation - il faudra connaître la
formule que le ministre prévoit quant à l'indexation des
crédits de rentes - et relatives à bien d'autres
dispositions.
Je veux également lui souligner que les fonctionnaires qui
l'entourent présentement sont ceux-là même qui
s'enorgueillissaient, qui étaient si fiers du projet de loi 58 qui,
disaient-lis à l'époque, positionnait le Québec à
l'avant-garde de l'ensemble des législations. Et ces mêmes
fonctionnaires à l'époque considéraient que la protection
était étanche en matière de surplus.
Alors, je serais très surprise que ces mêmes fonctionnaires
viennent prétendre au ministre qu'il n'en est plus question maintenant,
compte tenu que les dispositions d'obliger les employeurs à informer les
travailleurs et travailleuses avant d'apporter des modifications et à
introduire une gestion paritaire permettaient de prévoir une
équité dans la disposition des surplus des régimes.
Le ministre l'a évoqué, la situation a atteint son
paroxysme il y a quelques mois, a-t-il dit. Mais il faut qu'il prenne acte que
le problème s'est aggravé depuis la décision de la Cour
d'appel en 1986 et il faut qu'il prenne acte que le Québec a maintenant
un rattrapage à faire. Et ce retard, c'est unanime, l'ensemble de
ceux-là même qu'il a cités le reproche au gouvernement.
C'est unanimement que Mme Monique Simard, que M. Jean-Jacques Samson, que M.
Rivest, des Métallos, ont reproché au gouvernement le retard
accumulé.
Je veux simplement continuer la lecture qu'il faisait de
l'éditorial de M. Samson. Il a évidemment évité ce
passage qui dit: "Le Québec aurait dû procéder depuis
longtemps à ces correctifs, parallèlement à l'adoption
d'une législation plus serrée sur les fermetures "sauvages"
d'entreprises. Seul le courage politique a manqué. Il ne fait d'ailleurs
que suivre actuellement le sillon du gouvernement fédéral et des
gouvernements de l'Ontario et de l'Alberta. " Le ministre aurait eu
intérêt à continuer la lecture de l'éditorial de M.
Samson. Il aurait également intérêt à prendre acte
de ce qui lui est demandé par Me Rivest, le conseiller, et par
Clément Godbout, le président des Métallos, de rendre
publique la liste des employeurs ayant demandé et obtenu de la
régie la permission de récupérer les surplus de leurs
régimes de retraite depuis les dix dernières années. Il
aurait également intérêt à indiquer comment il
allait assurer les employés du remboursement des sommes
détournées.
M. le Président, je veux citer Mme Simard parce que le ministre
aurait intérêt à relire les propos de Mme Simard qui
mentionnait, en parlant de la réforme du gouvernement
précédent, que "c'était une réforme en profondeur
qui allait dans le bon sens. Le gouvernement libéral pourrait même
repartir en s'appuyant sur le même projet. " Voilà donc,
unanimement, je pense, les propos de ceux et celles qui ont appelé le
gouvernement à plus de courage politique dans ce dossier. Le
gouvernement sera le dernier à légiférer; espérons
qu'il s'inspirera de ce qu'il y a de meilleur dans les dispositions
adoptées chez nos voisins.
J'aimerais en terminant rappeler au gouvernement que les travailleurs ne
sont pas vraiment rassurés. Je pense à ceux de Simonds qui
continueront toujours de recevoir 196 $ par mois plutôt que les 677 $
auxquels ils auraient droit; à ceux de Singer, 387 retraités qui
vont continuer de recevoir exactement 47 $ par mois. Ils sont
y simplement assurés que leur problème est reporté.
C'est à plus qu'on doit s'attendre du gouvernement. Je parle du
gouvernement parce que le ministre est finalement obligé d'essayer de
réparer tant bien que mal l'incurie de son prédécesseur et
des trois années qui ont été perdues.
Mais je veux à nouveau, par ailleurs, reprocher au ministre, et
je voudrais terminer là-dessus, M. le Président,
l'insécurité de revenus, l'insécurité qui est
dorénavant introduite pour les travailleurs âgés
licenciés. Je pèse bien les mots pour que le ministre me
comprenne bien. Le Québec a signé une entente à rabais. Le
Québec a accepté de conclure avec Ottawa une entente qui aura un
effet direct, celui de réduire la protection financière
jusque-là accordée aux travailleurs et travailleuses
âgés qui perdaient leur emploi en raison de la fermeture de leur
usine. C'est évident. Ce l'est au chapitre des prestations, c'est 5376 $
de moins annuellement que recevront maintenant les travailleurs qui
participeront au nouveau programme en regard de l'ancien, s'ils avaient droit
au maximum. Mais c'est évident à l'égard des montants
investis; c'est évident que l'ensemble des 350 000 000 $... Et
là, je rappelle au député de Trois-Rivières que,
malheureusement, la croissance persistante d'un taux de chômage
élevé au Québec, malgré cinq années
continues de croissance économique, est vraiment très alarmante.
Si le gouvernement considère que ça va bien avec 10 % de
chômage, qu'est-ce que ça va être quand ça va se
mettre à ralentir et à mal aller? 12 % ou 15 %?
C'est évident qu'au moment où se maintiennent des
fermetures, c'est 16 000 travailleurs et travailleuses, depuis trois
années, qui ont perdu définitivement, de façon permanente
leur emploi à cause d'une fermeture, et c'est 50 000 avis qui ont
été transmis au ministère du Travail en matière de
fermetures partielles ou totales. Eh bien, le gouvernement a signé une
entente à rabais. S'il y a eu 80 % - le chiffre du ministre est de 80 %,
mais précisément c'est 83 % - des sommes qui ont
été versées au Québec, c'est parce que les
licenciements collectifs, sans espoir de replacement, sont plus nombreux que
partout ailleurs, il n'y a aucun Indice qui permettait au gouvernement de
prévoir que ça pourrait s'améliorer. .
Dans la situation, ce que le gouvernement a signé, c'est une
entente de 125 000 000 $ du gouvernement fédéral sur trois ans.
Quand on constate que le gouvernement fédéral avait
dépensé 300 000 000 $ uniquement au Québec sur quatre ans,
quand on pense - ce sont les chiffres qui m'ont été transmis par
le fédéral - que, pour l'année 1987 - c'est une
année où le programme était suspendu mais où les
versements continuaient pour les pensions payées pour les années
antérieures - donc, que pour l'année 1987 c'est 90 000 000 $.
Seulement pour l'année 1987. C'est 90 000 000 $ que le
fédéral a consacrés au Québec à des
indemnités, à de
l'aide versée à des travailleurs. Pour l'année
1986, c'est 80 000 000 $. Seulement pour 1986. Le gouvernement
québécois a signé une entente de trois ans pendant
lesquels le fédéral va débourser 125 000 000 $.
Québec a beau y mettre 37 000 000 $, c'est beaucoup moins que ce que les
travailleurs âgés licenciés ont pu obtenir en quatre
années. C'est un règlement à rabais annoncé une
journée après le déclenchement des élections
fédérales.
Si c'est ça les mesures de transition que le gouvernement du
Québec prévoit dans cette période de bouleversements
technologiques, mais aussi de restructuration industrielle, c'est
extrêmement alarmant. C'est évidemment d'autant plus alarmant que,
sans raison, de "mal administration", la gestion de ce programme public sera
pour la première fois confiée à des compagnies
d'assurances privées qui vont soumissionner en ayant la perspective
d'écarter le plus possible les travailleurs du bénéfice de
ces pensions. Cela a fait dire à beaucoup d'intervenants que les
travailleurs âgés licenciés devenaient des créances
douteuses qui étaient transférées à des compagnies
de récupération.
À tous égards, c'est décevant. Je vous dis que
c'est très décevant. Moi, je suis députée dans un
secteur économique qui est en bouleversement, qui est en
restructuration. C'est extrêmement décevant pour l'est de
Montréal parce que c'est évident qu'avec raison les travailleurs
se sentant inquiets, cela va crisper tous les changements, toutes les
restructurations Industrielles qui auraient pu être envisagées.
Les travailleurs âgés vont évidemment le plus possible
refuser les modifications qui pourraient être apportées ou les
modernisations qui vont se faire à leurs dépens. Je vous
remercie, M. le Président.
Une voix: Bravo!
Le Président (M. Poulin): Merci, Mme la
députée. La commission, ayant rempli son mandat, ajourne ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à 11 h 52)