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Version finale

33rd Legislature, 2nd Session
(March 8, 1988 au August 9, 1989)

Wednesday, June 22, 1988 - Vol. 30 N° 31

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi 34 - Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives


Journal des débats

 

(Dix heures huit minutes)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des affaires sociales reprend ses travaux afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 34, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives.

Est-ce qu'il y a des remplacements ce matin, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Blais (Terrebonne) sera remplacé par M. Claveau (Ungava), Mme Harel (Maisonneuve) par Mme Blackburn (Chicoutimi) et Mme Juneau (Johnson) par M. Jolivet (Laviolette).

Le Président (M. Bélanger): Merci. Nous en étions hier à un amendement à l'article 149. 27.

Est-ce qu'il y a des remarques préalables aux travaux?

M. Chevrette: Oui.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Je suggérerais à M. le ministre, avant qu'on commence nos travaux ce matin, de présenter un bilan sur l'ensemble de la loi, à savoir comment il la perçoit au moment où l'on se parle. Après, il me fera plaisir de faire de même. Après, vous jugerez, M. le Président, si cela vaut la peine qu'on reste écrasés ici bien longtemps.

Le Président (M. Bélanger): Lourde décision au président!

M. Dutil: M. le Président, je pense que ce serait la bonne façon de procéder. Est-ce que j'aurai le droit de répliquer après l'intervention du chef de l'Opposition?

M. Chevrette: Cela, M. le ministre, je vous avoue qu'on a toujours un droit de réplique. On peut se relancer, c'est par l'alternance.

Le Président (M. Bélanger): La coutume veut que le ministre ait toujours le dernier droit de parole.

M. Chevrette: Je pourrai peut-être le lui laisser au moment où je quitterai.

Bilan

M. Robert Dutil M. Dutil: M. le Président, la situation, je pense, est bien connue. Nous avons travaillé depuis maintenant plus de deux semaines en commission parlementaire sur ce projet de loi et le nombre d'heures doit dépasser maintenant les 40 heures. L'on sait, parce que l'Opposition l'a annoncé hier, que, passé minuit, nous n'aurions pas le consentement de l'Opposition pour adopter le projet de loi à cette session-ci. Devant cette situation, il m'apparaît difficile de continuer nos travaux pour l'instant, étant donné les énormes différends, en plus, qui nous opposent et l'état d'avancement du projet de loi ne nous permet certainement pas, même si nous le souhaiterions, de l'adopter article par article d'ici à 13 heures, cet après-midi.

Quoi qu'il en sort, selon ma compréhension, selon ce que je comprends de l'Opposition quant à son consentement pour l'adoption, de toute façon, même si nous avions une adoption article par article, il ne serait pas question d'adopter le projet de loi ce printemps-ci. Nous avons donc passé 38 heures en étude, il y a eu 14 heures de consultation, pour un total de 52 heures. C'est une somme appréciable, mais cela n'a pas permis de résorber les différends qui sont encore importants et qui vont faire en sorte que nos travaux devront se poursuivre ultérieurement. Quant à la date de poursuite, ce sera certainement, à mon point de vue, à l'intersession. Je n'ai pas de précision à apporter pour l'instant.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Joliette.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Ce fut bref. Je pense que le ministre sera beaucoup plus long dans sa réplique, parce que j'ai l'intention d'en dire un peu plus long.

Tout d'abord, M. le Président, je vous rappellerai que le projet de loi a été déposé le 12 mai et que ce n'est que vers le 8 juin qu'on a appelé ce projet de loi en commission parlementaire pour audiences publiques. Ce projet de loi a provoqué, je dirais, à l'exception du RETAQ, une quasi-unanimité pour le report de cette loi considérée comme un peu mal foutue par l'ensemble des groupes. Sur le principe, tout le monde est pour la vertu et la tarte aux pommes, mais, sur le contenu même du projet de loi, ils avaient tous des réticences, y compris les planificateurs en santé, les CRSSS, qui demandaient l'élaboration d'une politique préalable à l'adoption d'un projet de loi.

Je rappellerai également que les omnipraticiens et les médecins d'Urgences-santé étaient énormément déçus du peu d'attrait de cette loi et du peu de souci quant à la qualité des services de santé et des services sociaux. On sentait dans ce projet de loi, disaient-ils, une

préoccupation exclusive pour le matériel roulant, mais presque rien pour la qualité des soins, pour les nonnes minimales de contrôle de la qualité. On a aussi remarqué que des syndiqués de la FTQ étaient concernés, ainsi que des travailleurs qui exigeaient le report parce qu'ils voyaient là une machination, pour ne pas dire plus, conduisant à un monopole éventuel dans le domaine des services préhospitaliers d'urgence. Ils s'y opposaient et ils demandaient même le report dans des télégrammes au premier ministre, au ministre délégué à la Santé et au chef de l'Opposition.

Je dirais que les infirmières étaient inquiètes et presque tout le monde était inquiet de ce projet de loi qui, au dire de plusieurs, était un projet de loi négocié et non pas un projet de loi qui dégage un consensus entre toutes les parties. Il ressemblait beaucoup plus à un projet de loi négocié et axé exclusivement en fonction de la crainte de vivre un problème de relations du travail ou, encore, il constituait un compromis vis-à-vis d'un groupe de pression.

Le contemu du projet de loi lui-même ne pose pas tellement de problèmes, je pense, quant à la création de la corporation, même si l'Opposition a voté contre le fait qu'on y mette un p. -d. g. Je pense que l'Opposition a fait un excellent travail pour ce qui regarde le conseil d'administration; mon père dirait: Un maudit beau travail. À force de parler et à force d'essayer de convaincre le ministre, trois jours plus tard, devant notre ténacité, il s'est rendu à la raison, il a accepté de revenir sur sa décision, il a déposé des amendements et il a carrément accepté une représentativité plus directe des groupes.

Là-dessus, je dois le féliciter, tardivement mais correctement, simplement, d'une façon humble, de s'être rendu à l'argumentation de l'Opposition qui lui avait fait la démonstration pendant de longues minutes, de longues heures que le gouvernement, à toutes fins utiles, nommait tous les représentants au conseil d'administration et ce n'était pas là l'objectif. Le ministre s'est rendu à notre demande et a amélioré sensiblement la situation pour ce qui regarde la composition du conseil d'administration.

Le ministre a également dû se rendre à l'évidence, après de longs discours de notre part, qu'il fallait qu'il introduise dans le projet de loi la notion de contrôle de la qualité, d'établisse-ment de normes minimales, de standards minimaux. Je dois lui dire merci, au nom de l'Opposition, d'avoir reconnu que le projet de loi n'était conçu, à toutes fins utiles, que pour Montréal, sans souci de la qualité mais beaucoup plus du matériel roulant. C'était à peu près sa préoccupation. Je pense qu'en regardant les articles de la Loi sur la protection de la santé publique et de la loi constituante des services de santé et des services sociaux il a compris qu'il lui fallait, pour être crédible, puisqu'il avait lui- même, lors du discours de deuxième lecture, parlé de l'amélioration de la qualité des services... Donc, le ministre a présenté des amendements qui, somme toute, sont perfectibles mais qui, au moins, représentent un pas en avant dans le contrôle et l'établissement de normes et le contrôle de services de qualité.

Ce qui m'avait frappé dans ce projet de loi - d'ailleurs, toute l'argumentation du ministre se situait en dehors du projet de loi. Il partait de 825 heures de perfectionnement, mais ce n'était pas inclus dans la loi. Les 40 000 000 S nécessaires pour sept ans n'étaient même pas décidés au Trésor. Je ne pense pas que le ministre avait le corridor suffisamment large pour continuer à parler de ce sujet avant de passer au Conseil du trésor ou au Conseil des ministres.

Toujours est-il que sur la qualité, M. le Président, l'Opposition a réussi à arracher au ministre, c'est le cas de le dire, des amendements de fond sur le contrôle des services qualitatifs. Je pense que, comme parlementaires, nous devons tous nous réjouir d'avoir amené un ministre, peut-être au-delà des consensus qui ont été pris à l'extérieur, des compromis qui auraient pu être faits à l'extérieur, à se pencher sur la qualité. En tout cas, je lui dis merci pour cette partie.

Pour ce qui est du souci des régions, là, je n'ai pas de félicitations à lui faire. Il va falloir d'ailleurs, s'il veut assurer une cohérence entre son discours de deuxième lecture et ses discours lors de l'étude article par article... Je pense que le ministre a manqué une belle occasion de démontrer sa volonté d'instaurer au niveau des régions un service préhospitalier de soins de qualité. Là-dessus, vous aurez remarqué que, malgré les discussions, malgré le fait que moi-même, critique de l'Opposition, j'aie consenti à des démarches, des heures de travail supplémentaires pour venir à bout de trouver un terrain d'entente, afin d'avoir une assise intéressante pour le contrôle de la qualité des services en région, force nous est d'admettre notre déception - je ne dirai pas agressivité, parce que c'est beaucoup plus de la déception profonde - de voir que le ministre n'a même pas accepté de consentir une seule ressource. Parce que vous avez battu, vous avez défait hier un amendement proposant la nomination d'un commissaire et vous aviez défait auparavant une petite régie de trois personnes pour I ensemble du Québec. Ce sont des citoyens à part entière, tout comme les autres citoyens du Québec.

Vous n'avez même pas daigné accepter un amendement pour la nomination d'un commissaire, ce qui m'apparaît bien être le reflet d'une conception que vous vous faites des régions, à savoir que parce qu'on est plus tolérant en région, parce qu'on fait moins de bruit, parce qu'on hurle moins, parce que les moyens de pression, pour utiliser exactement une expression du ministre, font moins mal en région qu'à

Montréal... Pourtant, on n'est pas à proximité des institutions comme à Montréal, on n'est pas à proximité des établissements comme à Montréal. Pourtant, vous savez ce qui est arrivé, quel sort on a réservé à la position de l'Opposition visant à améliorer la qualité des services en région, à faire en sorte qu'il y ait un contrôle qualitatif également en région. On n'aura même pas consenti une ressource de l'État pour au moins donner l'impression qu'on avait un tantinet de sensibilité vis-à-vis de ce beau monde.

Quant au principe de l'indemnité pour Montréal, je continue et je persiste à croire encore ce matin que le ministre n'a absolument pas compris - ou il a trop bien compris et il n'a pas le mandat pour le faire - qu'il ne pouvait pas décemment étatiser hypocritement. Quand on étatise un service, quand on enlève, quand on change la nature d'une entreprise, il est bien évident, M. le Président, qu'on se doit de payer la facture. Cela s'est toujours fait. Il n'y a pas un gouvernement, il n'y a pas un ministère qui s'approprie - même pas le tout, cela pourrait être une partie - une partie d'un bien, d'une propriété privée. Un commerce, c'est une propriété privée, surtout un commerce axé sur des permis qui ont été payés. C'est tout à fait inconcevable que le ministre ait changé profondément la nature même de l'entreprise et n'ait pas encore, au moment où on se parle, pris de décision quant aux indemnités à payer alors qu'il change la nature d'une entreprise.

Cela me paraît un autre principe fondamental sur lequel l'Opposition a crié fort. On a crié fort au point que plusieurs personnes du RETAQ nous ont dit qu'on défendait les "boss" - imaginez-vous! - et qu'ils nous avaient donné la caisse électorale. Je n'en connais pas un maudit dans la salle ici qui ait donné une "cenne" au financement d'un parti politique. Ce n'est pas pour cela. On ne s'est pas battu pour défendre des "boss", on s'est battu pour que justice soit faite, même aux syndiqués de la FTQ qui sont du monde aussi. On s'est battu parce qu'on croyait à ce qu'ils nous demandaient et on s'est battu pour des principes. Quel que soit le "boss", quelle que soit la couleur politique du "boss", quand on modifie la nature même de la propriété, quand on se permet d'aller empiéter sur le terrain d'un autre sans le dédommager, on ne va même pas dans le sens le plus élémentaire du respect de la propriété.

Quand on sait que des compagnies comme Bell Canada, Gaz Métropolitain ou Hydro-Québec, pour passer sur ton terrain te paient une indemnité pour ce qu'on appelle une servitude, sans en abuser - elles viennent peut-être une fois par quinze ans surveiller un poteau - et elles te dédommagent, je trouve cela, indépendamment de la couleur politique... Je conseillerais au ministre, s'il ne me croit pas, d'aller demander l'allégeance des propriétaires. Il va peut-être s'apercevoir qu'il avait la majorité chez eux et qu'on était très faible chez eux, nous autres. Ce n'est pas pour cela qu'on les a défendus, c'est parce qu'on croit fondamentalement au principe qu'ils appuient et que nous, on appuie. On croit au droit de propriété privée qui est un droit inaliénable, inscrit dans tout notre droit et même dans les conventions internationales, je le rappelle au ministre. Et je suis persuadé que, lorsqu'ils auront la chance de réfléchir un tant soit peu en groupe, eux dont la philosophie est la privatisation, ils vont rougir un peu plus quand ils vont penser à ce qu'ils ont essayé de faire là-dedans. C'est contraire à leur philosophie même de gestion. C'est contraire au respect du droit de la propriété. Le ministre, au moment où l'on se parle, à quelques heures de l'ajournement, n'a même pas le mandat de présenter une proposition qui pourrait même accrocher les gens.

Donc, pour tous ces motifs, il est bien évident que je ne me garrocherai pas avec des bouts de papier, avec la vitesse de l'éclair, pour adopter un projet de loi qui ne rendrait même pas service au gouvernement. Encore ce matin, je me suis permis de lire une lettre pour me convaincre de ce qui arriverait. Vous savez, quand quelqu'un se présente devant moi et dit: "Si tu ne veux pas le faire, voici ce que je vais te faire et, tant que tu ne l'auras pas fait, je vais le faire"... Vous lirez la lettre de Mario Cotton, si cela peut tous vous convaincre, qui que vous soyez, à Mme Thérèse Lavoie-Roux. Vous allez comprendre un petit peu dans quel état d'esprit, moi, personnellement, comme exministre d'abord, mais aussi comme parlementaire, je ne peux accepter que le chantage soit la règle en usage dans une société dite civilisée, que le chantage soit la seule norme pour gagner des points. D'autant plus, M. le Président, que si vous m'aviez prouvé qu'il y avait urgence à adopter le projet de loi 34 j'aurais été plus sensible. J'aurais peut-être demandé au ministre de convoquer un Conseil des ministres spécial pour aller se chercher un mandat. Mais quand les gens du RETAQ, eux-mêmes assis devant nous, nous disaient "il n'y a aucun lien entre la négociation et l'adoption du projet de loi 34", j'ai demandé au ministre: M. le ministre, est-ce qu'il y a un lien entre le projet de loi 34 et la négociation en cours? M. le ministre m'a répondu, je pense de très bonne foi: "II n'y a aucun lien. "

Quelle est donc l'urgence, comme parlementaires, de se garrocher? Cela presse? Le feu va prendre dans Montréal, si on n'adopte pas le projet de loi 34? Je m'excuse, s'il y avait eu urgence en la demeure et si cela avait été d'une importance capitale pour le contenu des conditions de travail... Mais ce n'est pas cela; c'est Jean-François Munn qui est leur porte-parole, un ex-membre de la CSN et du Conseil du trésor. C'est Lamarche qui va être le prochain p. -d. g. Il semble que la sécurité se rapproche pas mal. Il faudrait qu'on fasse confiance a ces gens-là pour la négociation. Mais dire, par exemple: Demain matin, si je n'ai pas le projet de loi 34, bien je

fais la grève... Eh bien, mon oeil! Mon oeil! Le ministre et le gouvernement pourront prendre les moyens qui s'imposent, mais, à mon point de vue, on doit légiférer en toute quiétude, préparer un projet de loi qui a de l'allure, se rasseoir avec les intervenants, M. le ministre, je pense que c'est important, dégager un consensus. La meilleure législation, c'est quand cela vient coiffer un consensus. Une législation ne vient pas coiffer un compromis avec un seul groupe dans une société. Une législation doit venir coiffer un consensus généralisé ou, au moins, un consensus majoritaire des intervenants.

Dans le présent cas, cette législation irait exactement à rencontre de ce qu'est une loi. Elle irait à l"encontre d'un consensus majoritairement contre. Elle ne viendrait que satisfaire un groupe. Je pense qu'il faut avoir assez de colonne vertébrale, comme parlementaires, pour ne pas l'accepter. Moi-même, j'ai trouvé cela - je vous le dis très honnêtement - très désagréable de travailler dans un climat, dans un contexte où, chaque minute, les rumeurs nous disaient: II va y avoir une grève demain matin si vous ne le passez pas. Écoutez une minute! C'est contraire à l'esprit même du climat de travail pour un législateur. C'est de prendre, d'une certaine manière, le Parlement en otage, ce qui est tout à fait à l'opposé de l'article 55 de la Loi sur l'Assemblée nationale, paragraphe 10.

À plus forte raison quand ils prennent les usagers en otage, c'est là qu'on devrait se raidir davantage et ne pas plier, parce que si on plie une fois, cela lui permettra d'ajouter seulement un paragraphe de plus dans sa lettre à Mme Lavoie-Roux: Nous avons fait des moyens de pression administratifs et nous les y avons amenés. On aura l'air, devant l'histoire, d'une "gang" de crétins, de fous, de sans colonne, de mollusques, qui n'ont pas réalisé qu'ils avaient un devoir fondamental à jouer devant l'ensemble des citoyens du Québec. Dans le respect de tous les groupes impliqués, c'est ma position ce matin. J'ai le regret de vous dire qu'il est impossible, à l'heure actuelle, d'en arriver à la conclusion de l'adoption article par article de ce projet de loi, c'est clair.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre. M. Robert Dutil

M. Dutil: Alors, M. le Président, le chef de l'Opposition a donné son point de vue sur plusieurs sujets que nous avons débattus et sur lesquels nous ne sommes pas d'accord. Je veux revenir sur certains d'entre eux, c'est fondamental, c'est important, plus particulièrement sur celui des régions. Le débat sur les régions n'a pas fait un grand débat, si on regarde l'ensemble des heures qui ont été passées en commission parlementaire, mais, hier, on s'est aperçu que le débat a tourné autour de ce que pourrait être le contrôle - ce que préconisait l'Opposition, c'était une régie ou un commissaire - beaucoup plus que sur notre volonté exprimée dans le projet de loi quant à l'instauration de centrales de coordination.

L'annonce - et je ne peux les dissocier, personnellement - qu'a faite le gouvernement de la réforme qu'il entend mettre en place n'est pas nécessairement touchée par le projet de loi, mais elle est fort importante pour les régions. Je parle en particulier de la stabilité de l'emploi et du rehaussement de la formation. Il y a deux ans et demi, nous n'avons pas pris le système ambulancier dans les régions plus fort qu'il ne l'est aujourd'hui. Nous l'avons pris comme il l'était, pour des raisons historiques - et je ne veux pas revenir sur le passé - mais nous l'avons pris comme il était. Je viens d'une région et je sais comment le transport ambulancier était dans les régions: à certains endroits, de qualité très correcte, à d'autres endroits, de qualité très médiocre et très pénible. (10 h 30)

Je conçois, avec le nombre d'intervenants qui sont impliqués là-dedans, qu'il y ait une résistance au changement quand on annonce une réforme de cette importance, d'autant plus que, justement, le climat des relations du travail a apporté beaucoup de méfiance entre les parties, c'est-à-dire les détenteurs de permis et les employés particulièrement. Cela rend les choses difficiles à faire comprendre parce qu'il y a eu beaucoup de confusion dans la perception des discussions que nous avions. Mais nous avons décidé d'aller de l'avant dans une réforme qui améliorera, au premier égard, la qualité du service en région. C'est ce que nous avons décidé et c'est ce qui n'a pas été compris de la part de l'Opposition. Je comprends qu'on a eu des discussions, qu'on aura des discussions et que ces discussions-là sont importantes pour comprendre les concepts.

Je suis heureux de voir que le chef de l'Opposition a reconnu, contrairement à ce que mentionnait le député de Laviolette, que le ministre était capable de discuter, de comprendre et de demander si nécessaire. Je suis heureux de constater cela. Il le reconnaît et c'est important. C'est ce que j'ai toujours fait dans tous les travaux que j'ai faits. La question la plus importante n'est pas de savoir qui aura tort ou raison. C'est de savoir quel projet de loi nous aurons et si ce projet de loi, pour la qualité des services préhospitaliers, pour ce qui le concerne ici, sera adéquat?

Le chef de l'Opposition a mentionné aussi un autre point fort important dans nos discussions, c'est-à-dire les pressions qui étaient exercées, lors de nos discussions. Je reviens là-dessus parce que, lundi matin, à la suite d'une proposition du chef de l'Opposition que je n'ai pas hésité à accepter et que j'ai réitérée au cours de la journée, nous avons décidé de suspendre nos travaux justement parce qu'il y avait des moyens de pression. Et, quand le chef

de l'Opposition dit que nous ne résistons pas à des moyens de pression indus, je pense que nous avons fait la preuve cette journée-là qu'il était inacceptable et intolérable - ce sont les deux mots qu'il a prononcés... Il m'a demandé mon opinion là-dessus et il a ajouté légal"; à ce moment-là, je pensais qu'il y avait eu illégalité. Je dois dire que, selon les vérifications que nous faisons, il ne semble pas que cela ait été le cas, mais il n'en demeure pas moins inacceptable et intolérable que, pour accélérer le processus de législation, surtout dans un domaine où la santé et la sécurité de la population peuvent être mises en danger, on utilise des moyens de pression. C'est pourquoi nous avons accepté de suspendre nos travaux jusqu'à ce que les services en entier soient rétablis sur le terrain. Et cela a fait que nous avons perdu une importante journée de discussion pour le progrès de nos travaux.

Quant aux indemnités, je renvoie le chef de l'Opposition les parlementaires, ici, et tous les gens qui nous écoutent, aux procès-verbaux, où je n'ai jamais dit que s'il y avait expropriation il n'était pas question d'y avoir des indemnités. Ce que j'ai posé comme question, c'est: Quel est l'ordre de changement, la nature? Quel est l'ordre de changement de rentabilité des entreprises? Nous cheminions dans ce dossier-là et nous n'avons pas eu le temps d'aborder cette question. Ce matin, le chef de l'Opposition a dit que je ne déposais pas les amendements parce que nous n'en avions pas. Ce n'est pas le cas. Je ne dépose pas d'amendements parce qu'il est inutile d'en déposer puisque nous n'avons pas, à ce moment-ci, la possibilité, je pense, d'en discuter plus avant. Lors de la reprise de nos travaux, nous pourrons, au fur et à mesure que se développera la situation et que les travaux de la commission se poursuivront, je le souhaite, dans l'intersession, faire les amendements qui pourraient sembler appropriés. Mais de nous accuser de vouloir faire une expropriation sans indemnités, c'est faux.

Quant à la province, je pense que les amendements qui ont été apportés ont démontré notre volonté de laisser l'entreprise privée avec une sécurité la plus importante possible dans le secteur du transport ambulancier. Quant à Montréal, évidemment, la situation se présente sous un jour différent et difficile. À Montréal, on vit, depuis de nombreuses années, une situation qui est pénible pour l'ensemble des intervenants et nous pensons sincèrement que le projet de loi pourrait amener non seulement une meilleure coordination, mais également des diminutions de tensions importantes dans le système.

M. le Président, le report de notre projet de loi à l'automne ne nous empêchera pas de poser certains gestes qui peuvent l'être en toute légalité en dehors du projet de loi. Je pense, entre autres, là où le climat sera favorable, à la stabilisation de l'emploi. Cela n'empêchera pas de continuer à travailler avec la même ardeur que nous le faisons actuellement pour mettre en place les modèles de formation et pour s'assurer que les échéances que nous avons déjà annoncées soient respectées. Cela retardera probablement, potentiellement, vraisemblablement, toutefois, les projets pilotes quant aux centrales de coordination.

J'aurais souhaité que nous puissions y travailler dès maintenant, mais c'est reporté à cet automne. C'est une échéance qui est reportée. Mais le report de l'échéance - et c'est ce qu'il est important de comprendre - ne met pas en cause la réforme que nous avons annoncée. Il la retarde. Nous aurons des discussions à l'intersession. Nous ferons les bonifications en collaboration avec l'Opposition, si nécessaire, et après discussion. C'est cela le processus parlementaire.

Le processus parlementaire, s'il était clair qu'aucune bonification, aucune modification n'est jamais apportée à un projet de loi, serait une farce monumentale. Le processus parlementaire de l'étude article par article, c'est justement pour permettre le débat, pour voir, par le choc des idées, jusqu'où on peut bonifier un projet de loi, jusqu'où on peut améliorer les choses ensemble, de façon honnête, je dirais d'une façon, autant que faire se peut, la moins partisane possible. Le chef de l'Opposition a dit que la plupart des groupes étaient contre la réforme. Je le réfère à la consultation particulière où la plupart des groupes, bien que craignant un changement, voulant s'assurer que certaines modalités du changement soient respectées, émettant quelques réserves sur le projet de loi, nous ont dit qu'une réforme était nécessaire, que c'est dans ce sens-là qu'il fallait aller.

C'est évident qu'en consultation particulière, M. le Président, les groupes n'insistent pas, durant l'heure dont ils disposent, sur les points sur lesquels ils sont d'accord, même si cela représente la majorité d'un projet de loi, mais ils insistent sur ce qu'ils estiment être ses faiblesses. C'est ça, une consultation particulière, c'est pour vérifier ce que les groupes estiment être une faiblesse. De ce côté-là, je pense que nous avons également apporté, durant le débat de 52 heures que nous avons eu, plusieurs correctifs quant aux modalités.

Voilà pour notre opinion. Nous nous rejoignons sur un point important: la législation doit se faire en toute quiétude, sans moyens de pression indus, surtout pour la santé et la sécurité de la population. Je pense qu'on doit faire appel au bon sens qui est l'apanage de la majorité des gens qui oeuvrent dans le système de transport ambulancier. Ce n'est pas en mettant la santé et la sécurité de la population en jeu qu'il y aura des choses à gagner au plan législatif. Ce n'est pas un moyen acceptable ni un moyen tolérable. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Merci.

Dans la mesure où vous acceptez que M. le ministre puisse répliquer après, à la fin, M. le député.

M. Chevrette: Oui, oui, il n'y a pas de problème. Je voudrais faire deux ou trois remarques à la suite de celles qu'a faites le ministre et il pourra répondre, je le permets. Ce n'est pas à moi à le permettre, c'est à vous de lui donner le droit de parole.

Le Président (M. Bélanger): Non, mais c'était pour vous en informer.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Premièrement, M. le Président, je pense qu'on doit souligner certaines erreurs dans la démarche de ce projet de loi. J'ai l'impression qu'on a quand même manqué le bateau pour une semaine ou quinze jours de législation. Ce projet de loi a été déposé le 12 mai et il est arrivé en consultation, je pense, le 8 ou le 9 juin. C'est l'un des motifs pour lesquels on n'a pas réussi à boucler la boucle sur l'ensemble du projet.

Deuxièmement, il est évident que le consensus est difficile à faire, même chez les libéraux, ne nous leurrons-pas, sur un projet de loi aussi fondamental qui met des principes en cause - en tout cas en discussion. On a assisté ici à des débats quand le député de Chambly, par exemple, a montré ses réticences quant au droit de propriété ou quand Mme la députée de Deux-Montagnes a dit qu'elle se sentait mal à l'aise au point où elle a dit faire confiance à son ministre et qu'elle est allée se rasseoir toute mal. Ce n'est toujours pas parce qu'elle était trop à l'aise avec ce projet de loi. Combien de députés libéraux nous disaient, dans les couloirs: Ce projet de loi est mal foutu pour ce qui regarde certains points. Les uns, c'était pour la région parce qu'ils disaient: Oui, ma région est démunie. D'autres disaient: C'est pour l'indemnité.

Je pense qu'il y a eu véritablement, dans les deux formations politiques, M. le ministre, des discussions profondes sur certains principes fondamentaux. C'est ce qui explique que la démarche ne puisse pas être aussi rapide quand, de part et d'autre, il y a des discussions de fond sur des principes fondamentaux à l'intérieur même des formations politiques qui se réunissent en caucus spécial pour étudier un projet de loi. Ce n'est pas le cas quand il s'agit de projets de loi... Vous avez tenu au moins deux caucus pour parler seulement de ça. Hier, à 14 heures, si vous n'en avez pas parlé, il y en a qui m'ont menti et il y en a d'autres qui m'ont également menti quand vous vous êtes réunis la semaine passée à 18 heures.

Je comprends que c'était difficile pour le ministre qui, théoriquement - et je veux bien faire comprendre ça aux gens de la presse qui écoutent - avait tous les moyens légaux et parlementaires pour procéder à l'adoption de la loi. Le ministre, exactement comme son collègue, le ministre du Tourisme, l'a fait en haut, avec le poids du nombre, aurait très bien pu faire adopter sa loi. Cela aurait pris, un, deux, trois, bingo! après que les règles furent suspendues ou la motion de clôture. Il aurait très bien pu procéder à l'adoption de son projet de loi.

Donc, la conclusion, c'est que, si le projet de loi n'est pas adopté, c'est plus profond, c'est au-delà de la capacité physique parce que la capacité physique, le gouvernement en place, avec 99 députés, bientôt 101 en Chambre, n'a aucune raison pour dire: Mon projet de loi n'a pas été adopté parce que l'Opposition a parlé longtemps. Le projet de loi n'a pas été adopté parce que le gouvernement a jugé qu'il n'utiliserait pas le poids du nombre pour faire adopter cette loi. Je pense qu'il est important que tous les gens comprennent que, sur la possibilité théorique, le gouvernement avait tous les moyens de faire adopter ce projet de loi, toute la capacité; malgré tout le travail qu'on aurait pu faire, on aurait pu nous imposer le bâillon.

Je crois qu'il est sage de la part du ministre d'avoir laissé la discussion libre sur un projet de loi aussi fondamental, aussi important pour la collectivité, d'autant plus que le ministre savait très bien qu'il n'y avait pas d'urgence à agir et que, du fait de prendre le temps qu'il faut pour discuter à fond ce projet de loi, on ne mettait rien en péril.

Je voudrais parler dans le même sens que le ministre à la fin. On gagne beaucoup plus à respecter le processus démocratique qu'à le braver. Quand on brave le processus démocratique pour ses seules fins personnelles, il y a danger que cela retourne contre soi. Personnellement, j'inviterais ceux et celles qui auraient le goût, par frustration mais non pas par raison... À court terme, du fait que le projet de loi ne soit pas adopté aujourd'hui, il n'y a personne qui perd un cent sur son chèque de paie, il n'y a pas un patient qui se verra plus mal traité demain matin, il n'y a pas un technicien qui sera brimé demain matin en laissant aux parlementaires le temps de faire un travail sérieux, consciencieux pour trouver, si possible, un consensus majoritaire, comme le disait le ministre.

J'inviterais aussi, comme le ministre l'a fait de façon plus subtile que moi peut-être, ceux et celles qui seraient tentés de se payer une dose de défoulement à analyser d'abord les gains et les pertes à court terme des gestes qu'on pose et des obligations qu'engendrent de tels gestes de la part de l'État.

Quant à nous de l'Opposition, M. le ministre, je dois vous assurer qu'on collaborera avec le gouvernement pour que les usagers ne soient affectés en rien, quelles que soient les décisions que vous prendrez.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

J'en conclus que nous en sommes au terme. Avant de clôturer les travaux de la commission, je voudrais d'abord remercier... Si vous me permettez, M. le député de Joliette, je voudrais d'abord remercier tous les députés, les parlementaires des deux formations qui ont participé au débat. Même si le débat était très émotif et que la fatigue de fin de session échauffe parfois les esprits, je dois vous remercier pour l'excellente collaboration que vous avez donnée à la présidence dans le sens où les débats se sont toujours déroulés d'une façon très acceptable dans l'enceinte de ce Parlement, et même fort respectueuse de chacune des personnes. Dans ce sens, je vous en remercie.

Je voudrais remercier aussi tout le personnel qui nous entoure. On oublie souvent qu'à une commission parlementaire il y a les parlementaires, mais il y a une série de personnes, comme Mme Harvey, comme le personnel technique, comme les pages, Mme la secrétaire, qui font un travail colossal. Une commission, c'est un gros appareil, et je présume, selon ce qu'on a laissé entendre tout à l'heure, que nous nous retrouverons au mois d'août sur le même sujet. J'espère qu'on pourra continuer nos travaux avec la même qualité de débat. Je vous remercie, je souhaite de bonnes vacances à ceux qui prennent des vacances et la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 10 h 46)

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