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(Onze heures trente-six minutes)
Le Président (M. Bélanger): Bonjour. La commission
des affaires sociales se réunit afin de procéder à des
consultations particulières et tenir des auditions publiques dans le
cadre du projet de loi 34, Loi modifiant la Loi sur les services de
santé et les services sociaux et d'autres dispositions
législatives. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La secrétaire: Oui, M. le Président. M. Blais
(Terrebonne) est remplacé par M. Garon (Lévis) et Mme Blackburn
(Chicoutimi) remplacera Mme Harel (Maisonneuve).
Le Président (M. Bélanger): Bien, est-ce qu'il y a
d'autres remplacements? Non. J'appelle donc à la table des
témoins le groupe des médecins d'Urgences-santé qui sera
représenté par le Dr Mathias Kalinas, médecin
coordon-nateur à Urgences-santé, le Dr Alexandre Preker,
médecin d'Urgences-santé et le Dr Lambert Farand, médecin
d'Urgences-santé. Vous avez un maximum de vingt minutes pour
présenter votre point de vue et il y aura quarante minutes de discussion
avec les parlementaires. Je vous prierais, d'une part, d'identifier votre
porte-parole et à chaque fois qu'on posera une question à l'un
d'entre vous de bien vous identifier pour les fins de transcription au
Journal des débats. Je vous prie de commencer.
Médecins d'Urgences-santé
M. Kalinas (Mathias): Bien, je vais me présenter. Je suis
Mathias Kalinas, médecin coordonnateur. A ma droite, c'est le Dr
Alexandre Preker, médecin d'Urgences-santé, qui m'accompagne pour
répondre aux questions d'ordre économique et organisationnel
à cause de son expertise dans ce domaine et, à ma gauche, le Dr
Lambert Farand, qui a une expertise plus particulièrement dans le tri
des appels, la répartition et l'utilisation des outils informatiques. Il
répondra à d'éventuelles questions dans ce domaine. Il est
également médecin à Urgences-santé. Ceci dit,
j'aimerais remercier la commission parlementaire de nous inviter à
exposer nos vues. Vous avez reçu un document résumant notre
position. Je n'ai pas l'intention de le lire, d'une part, parce que vous l'avez
tous et, d'autre part, parce qu'on ne respectera pas les instructions du
président de faire cela en moins de vingt minutes.
Nous nous réjouissons de cette consultation parce que nous avons
déjà, à plusieurs reprises, notamment au cours de la
tournée ministérielle en janvier 1988, fait état de nos
préoccupations vis-à-vis de l'évolution du système
de soins préhospitaliers au Québec et fait état de notre
désir de contribuer de façon constructive à cet effort
qu'on considère extrêmement important de réformer et de
structurer de façon plus cohérente un tel système.
On pense avoir une certaine expertise particulière à
divers titres, d'une part à titre de cliniciens. Notre capacité
d'analyser éventuellement le bénéfice et les
inconvénients de certaines interventions en préhospitalier s'est
développé au cours des années. C'est une expérience
relativement unique car les systèmes dotés de médecins
dans ce domaine sont relativement rares avec la notable exception de la France
évidemment.
Deuxièmement, à titre d'experts, parce que plusieurs des
médecins qui sont impliqués dans le système n'ont pas
limité leur intérêt au travail proprement dit mais à
l'analyse des diverses facettes du système faisant appel souvent, pour
plusieurs d'entre eux, à des compétences qu'ils détenaient
en outre ou en dehors du cadre de la médecine d'urgence. Les principaux
domaines où on a développé des outils sont
l'évaluation de la qualité des soins, l'utilisation d'outils
informatiques permettant d'assurer un soutien efficace du traitement des appels
et même de la répartition de processus de réaction en cas
de catastrophe, de l'introduction de nouvelles technologies. C'est un domaine
ou un élément important que je me permets de souligner, et
évidemment la formation non seulement des médecins
eux-mêmes qui doivent s'adapter de plus en plus à ce milieu
particulier de travail mais également notre participation dans les
programmes de formation s'adressant aux techniciens ambulanciers avec lesquels
on travaille tous les jours en équipe.
Troisièmement, à titre de gestionnaires, comme vous le
savez tous à cause de l'entente particulière dans le cadre de
laquelle on oeuvre, on a eu un rôle de gestionnaires et dans les quelques
dernières années, on a eu l'occasion de s'impliquer pas mal
à Urgences-santé dans la gestion et d'y acquérir une
expertise. On pense que, dans le cadre d'une restructuration, la
productivité d'une telle implication pourrait cependant être plus
grande. Il est souvent arrivé que des travaux assez importants n'aient
pu être utilisés à leur pleine valeur au cours des
années.
Enfin, à titre d'agents de liaison, parce que évidemment
nous connaissons les gens qui oeuvrent dans les salles d'urgences, nous
connaissons les associations qui les représentent et nous estimons qu'il
est important que la réaction médicale, en cas d'urgence, soit
continue. Elle commence en préhospitalier, elle se continue à
l'hôpital et on a également cherché et réussi
à établir un réseau conséquent de contacts
internationaux pour pouvoir comparer ce qu'on faisait, ce que les autres font,
aller chercher leurs bonnes idées et éventuellement leur
transmettre
tes nôtres.
Avant de se consacrer à la discussion de quelques articles sur
lesquels on aimerait faire des commentaires, on va souligner trois points de
vue philosophiques qui, à notre sens, sont importants. Le premier, c'est
que le projet de loi de même que les rapports qui ont été
préparés, parlent de transport ambulancier. Dans
l'expérience de tous les systèmes préhospitaliers, les
intervenants sur le terrain savent qu'au-delà de l'unique fonction de
transport il y a, dans les faits, et il doit y avoir une composante de soins
dont la qualité d'ailleurs mérite de s'améliorer
passablement. Nous recommandons donc, à ce chapitre-là, que
partout dans le projet de loi l'expression "transport ambulancier" qui,
à notre sens, ne reflète pas la qualité, soit
remplacée par "système de soins préhospitaliers" qui est
plus réaliste.
Deuxième commentaire d'ordre philosophique ou
général, nous estimons qu'un système
québécois de soins préhospitaliers va nécessiter
une forme de contrôle central, contrôle qui vise la qualité
professionnelle des services rendus à la population, contrôle qui
vise les facettes opérationnelles et qu'on fait de façon efficace
et, enfin, contrôle administratif. Aux fins d'un tel contrôle par
les diverses organisations, nous estimons qu'il est essentiel qu'il y ait des
normes nationales minimales imposées aux systèmes de façon
que les gens connaissent les objectifs fixés et de façon qu'une
instance au ministère soit apte, non seulement avec une participation
médicale, à établir de telles normes mais également
à en vérifier l'application et à s'assurer que les
citoyens québécois aient accès à des services
préhospitaliers de qualité garantie si on veut. Nous recommandons
donc que le ministère de la Santé et des Services sociaux
établisse une instance centrale chargée, avec l'apport d'experts
incluant un médecin, d'instituer des normes minimales nationales de
fonctionnement du système de soins préhospitaliers et
d'évaluer la performance de l'ensemble de ce système par rapport
aux normes susdites.
Un dernier petit commentaire d'ordre général avant de
passer à quelques recommandations sur les articles, c'est qu'on ne peut
passer sous silence le fait qu'on a laissé de côté la
question de la gratuité des soins dans le préhospitalier.
J'aimerais souligner - on ne fait pas de recommandations ce ne sont pas nos
affaires - mais j'aimerais quand même souligner que le fait qu'il y a des
segments de la population qui n'ont pas accès de façon gratuite
à ces soins à côté d'autres segments qui y ont
accès mais parfois avec des démarches humiliantes, comme par
exemple montrer sa carte de bien-être social pour obtenir un transport
gratuit, fait en sorte que notre garantie d'accessibilité à un
service universel est discutable. C'est une remarque qui ne fait pas l'objet de
recommandations.
Maintenant on va passer très rapidement aux quelques
recommandations que nous avons avant de passer à la région du
Montréal métropolitain et d'Urgences-santé qu'on
connaît mieux. Une remarque pour l'ensemble des systèmes
québécois, le projet de loi ne fait pas obligation aux divers
systèmes d'avoir ce qu'on appelle, partout dans les pays
développés, le contrôle médical mais un
contrôle professionnel de la qualité clinique des soins rendus;
puisqu'il s'agit d'un système de soins, il faut en contrôler la
qualité. Nous recommandons que, pour chaque système, il y ait
obligation de se doter des services de ce qu'on a appelé un
médecin coordonnateur par analogie, d'un système permettant
d'avoir une évaluation médicale, de faire des protocoles,
d'assister les intervenants dans le choix des adaptations à donner aux
normes centrales nationales sur le triage, les appels, les conseils
téléphoniques, la répartition, les services, les
protocoles de soins cliniques, les systèmes d'évaluation de la
qualité des actes, etc.
Si on passe au Montréal métropolitain, on va faire des
remarques sur quelques articles seulement où notre apport semble
peut-être plus significatif. Une remarque à l'article 149.4, sur
la définition de la zone géographique. On se demande si, au point
de vue fonctionnel, considérer seulement le Montréal
métropolitain reflète bien le fonctionnement du système de
santé qui, en fait, englobe en réalité l'ensemble de la
région métropolitaine où la population est
concentrée. Je fais allusion aux populations de haute densité de
l'extrême nord de la rive sud et de l'extrême sud de la rive
nord.
Ensuite, l'article 149.5 a plusieurs éléments. Il y a
l'élément 1 où l'on parle encore de transport ambulancier,
comme à l'élément 2, plutôt que de soins
préhospitaliers. On se permet d'insister encore sur cette notion. Au
point 2, l'accès à des services de santé pourrait
être qualifié d'un accès efficace à des services de
santé appropriés. Les systèmes devraient avoir la
responsabilité d'orienter les patients vers la ressource la plus apte
à leur donner des soins de qualité.
Quatrièmement, on aimerait faire la remarque qu'au point 4, le
système d'information proposé semble assez rudimentaire. Les
données opérationnelles plus détaillées permettant
d'analyser l'efficience opérationnelle de même que les
données cliniques permettant d'évaluer l'efficacité seront
également requises au sein d'un tel réseau.
Au point 5 où on parle des détournements, on estime que
les abus possibles de l'usage de cette politique par des centres hospitaliers
devraient être évités et l'on suggère de continuer
dans l'axe des mesures actuelles qui ont été
édictées il y a environ deux ans par Mme la ministre et qui
visent à responsabiliser les hôpitaux plutôt que de leur
permettre de "dumper" le trop plein plus loin. Plus loin, on a un petit
problème. Cela finit à l'article 5 et il y
a une phrase, à notre avis extrêmement dangereuse, qui dit
que le système peut exploiter des services médicaux de soins
préhospitaliers. Nous recommandons que la corporation exploite un
système de soins médicaux préhospitaliers d'urgence. Donc,
qu'on maintienne de façon explicite l'accès actuel pour la
population.
Je passe sur quelques points moins essentiels que vous pourrez lire.
J'aimerais maintenant faire des remarques concernant l'article 149.16 qui parle
du pouvoir donné à des municipalités d'exploiter des
systèmes de transport ambulancier. Nous estimons qu'il y a là un
danger, du moins dans la région montréalaise. Il est sûr
qu'on peut rattacher un système à une municipalité
peut-être en régions mais là je parle de la région
montréalaise comme l'article. En brisant le monopole de la corporation
proposé, on ouvre la voie, à notre avis d'une part, à des
services de qualité inégale, selon des sous-régions qui
peuvent malheureusement être parfois des régions un peu plus
privilégiées que d'autres qui pourront se payer des services
d'appoint. Cela nous fait peur. De la même façon, la notion de
contrôle sur la qualité, sur l'application des éventuelles
normes nationales dans de tels systèmes satellites n'est pas assez
garantie pour nous rassurer outre les difficultés administratives que
deux paliers différents peuvent créer.
Avant de conclure rapidement pour vous permettre de poser vos questions,
une petite remarque sur les articles concernant les coûts. Nous estimons
que la méthode de calculs des coûts devrait tenir compte de
nombreux coûts indirects et notamment des coûts absorbés par
les patients.
En conclusion, nous souhaitons réitérer notre appui
à cette heureuse initiative de réorganisation du système
québécois de soins préhospitaliers. Nous espérons
que les quelques commentaires ci-haut vous permettront d'ajuster la loi afin
qu'au-delà d'une réorganisation administrative, notamment en ce
qui concerne les ressources humaines, cette loi permette de réaliser son
plein potentiel soit la garantie de soins préhospitaliers d'urgence de
qualité contrôlée pour l'ensemble de la population,
merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
ministre.
M. Dutil: Merci beaucoup de votre présentation. Quelques
points sur lesquels, toutefois, j'aimerais avoir davantage d'opinions ou
d'éclaircissements. Le premier point, la formation des techniciens
ambulanciers. Nous avons annoncé le 2 mars dernier que nous
désirions la rehausser à 825 heures. Alors il y a des
commentaires, de diverses sources, à savoir que ce serait soit trop,
soit insuffisant. J'aimerais que vous nous donniez votre opinion
là-dessus.
M. Kalinas: Oui, je vais la donner moi-même.
Premièrement, la notion - ce n'est pas inclus dans la loi c'est pour
cela qu'il n'y avait pas de commentaires à cet effet - qu'on commente
beaucoup dans l'un des documents en annexe, la notion d'augmenter la formation
des techniciens ambulanciers est excellente. Nous participons, d'ailleurs il y
a des médecins d'Urgences-santé qui participent à
l'organisation du contenu du programme actuel. Pour répondre à la
question: Est-ce que c'est trop, est-ce que ce n'est pas assez, il y a un
éventail, qui va d'un minimum requis et d'un minimum absolu qui est
situé au-dessous de 825 heures, sans lequel quelqu'un ne pourrait
absolument pas travailler sans des notions de base de réanimation,
d'assistance en cas de traumatologie, de désastre. Cependant, la
qualité de ce travail-là serait présumément
inférieure à celle de quelqu'un de mieux formé. D'autre
part, la nature des soutiens, en termes professionnels, à donner
à ces gens-là serait proportionnellement plus
élevée puisqu'il faudrait assurer dans de tels systèmes
une surveillance plus grande.
À l'autre extrême de l'éventail, vous avez la notion
de paramedic, de gens superformés dont la formation est souvent de
l'ordre de 1500 à 2000 heures. C'est cher, c'est utilisé beaucoup
aux États-Unis, mais cela ne soustrait pas les systèmes à
l'utilisation de médecins pour fins de contrôle. Cela pose le
problème d'une reconnaissance professionnelle, cela pose le
problème de maintenir ces gens en contact avec suffisamment de cas pour
maintenir un niveau de compétence. Le choix du 825 heures a
été, à mon avis, un compromis entre deux extrêmes et
également un choix politique fondé sur l'unicité de la
"job" de techniciens ambulanciers. Vous savez que souvent, dans d'autres
contextes, il y a deux catégories ou même plus de techniciens
ambulanciers, mais au moins deux catégories. Une catégorie de
base moins formée avec une deuxième vague d'interventions dans
une deuxième catégorie. On a fait le choix d'avoir une
catégorie homogène avec une formation égale pour tous. Je
n'ai pas à juger ce choix-là mais je peux vous garantir que les
médecins d'Urgences-santé vont participer de façon
très active à essayer, premièrement, de s'assurer que
cette formation soit extrêmement pratique, qu'elle soit liée
directement aux objectifs de soins sur la route et, deuxièmement,
qu'elle soit offerte avec l'appui du plus grand nombre de médecins
possible.
M. Outil: Quand vous nous dites que vous n'avez pas à
juger de ce choix-là, je vous demande quand même un jugement. Vous
êtes médecin, vous avez participé, je pense, à la
consultation là-dessus. Est-ce que je peux conclure que vous estimez que
c'est un compromis acceptable et...
M. Kalinas: C'est un compromis qui peut doter le Québec de
très bons services de santé préhospitaliers. La seule
réserve que j'aurais
serait que dans les réglons éloignées, au
début, est-ce qu'on ne pourrait pas avoir une étape
intermédiaire parce que le temps de former tout le monde à 825
heures peut être assez long? Je pense que vous aviez mentionné
cinq à sept ans.
M. Dutil: Alors c'est pour la période de transition que
vous voyez des difficultés.
M. Kalinas: C'est cela. M. Dutil: D'accord.
M. Kalinas: Je pense qu'on peut identifier à
l'intérieur des 825 heures certainement un noyau qui est plus essentiel
et plus pressant que le reste de façon à ne pas se faire mal dans
la période de transition.
M. Dutil: Un autre sujet qui a été abordé
hier et qui est abordé fréquemment, c'est le triage. On sait
qu'actuellement les infirmières préconisent le maintien
intégral du triage tel qu'il est fait actuellement alors qu'il y a des
questionnements qui nous viennent d'autres groupes qui disent que le triage a
certains inconvénients au niveau du temps-réponse. J'aimerais
avoir votre opinion là-dessus.
M. Kalinas: C'est bien. Je vais laisser le Dr Lambert Farand
répondre parce que c'est le domaine de son expertise.
Le Président (M. Bélanger): Dr Farand.
M. Farand (Lambert): Mon nom est Lambert Farand. Donc, au niveau
du triage, il y a eu plusieurs critiques qui ont été
formulées en particulier dans le rapport SECOR et dans les
études qui ont été faites préliminairement au
projet de loi. Il faut identifier les facteurs de performance, comment on
évalue la performance au niveau du triage et puis, ce que le triage peut
représenter. Il est certain que, dans l'état actuel des choses,
il y a certaines lacunes au niveau de la performance du triage qui ont
été identifiées mais qui n'ont pas été
mesurées d'une façon très précise.
Dans un premier temps, ce que nous suggérons comme approche,
c'est l'évaluation rigoureuse du processus de triage tel qu'il est fait
à Urgences-santé. À cet effet, nous avons obtenu la
collaboration du Groupe de recherche Interdisciplinaire en santé de
l'Université de Montréal sous la direction du professeur
Con-tandriopoulos et nous voulons entreprendre à l'automne, si possible
cet été, une évaluation systématique de la
performance.
Si on. parle d'indicateurs, qu'est-ce que cela donne au fond le triage?
Vous ayez mentionné les notions de délais. Il est certain que
l'évaluation de l'appel doit être faite dans le délai le
plus court possible puisque, pour quelqu'un qui est dans un état
d'urgence, le temps compte et l'arrivée du véhicule peut avoir un
effet sur la santé de cette personne. Donc, les délais
d'évaluation sont importants. On doit tenter de les minimiser. (12
heures)
D'autre part, il y a une notion de qualité et de décision.
On parle de spécificité, de sensibilité. Pour vous donner
un ordre de grandeur, Urgences-santé reçoit 1000 appels par jour.
De ces 1000 appels, actuellement, environ 300 à 350 reçoivent une
ambulance ou un médecin ou les deux. Il y a donc pour les 1000 appels
reçus, 650 appels qui ne reçoivent aucun véhicule. On peut
imaginer la conséquence de la suppression pure et simple du triage et du
questionnaire aux patients. Ces 1000 appels recevraient automatiquement,
puisqu'ils auraient appelé à Urgences-santé, l'envoi d'une
ambulance et la conséquence immédiate serait que le
système serait tellement saturé qu'il manquerait d'ambulances, si
on regarde le nombre d'ambulances dans l'état actuel ou même si on
l'augmentait un peu, de sorte que les gens qui seraient en situation
réelle d'urgence ne pourraient pas avoir d'ambulance. Donc, en voulant
augmenter l'accès de la population aux services ambulanciers, en
diminuant le tri des appels, la conséquence serait, au contraire, de
priver les patients qui ont vraiment besoin d'une ambulance d'une façon
très rapide, du service.
Il existe donc un compromis entre la sensibilité absolue qui
équivaudrait à envoyer une ambulance à tout le monde et la
spécificité absolue qui équivaudrait à n'envoyer
d'ambulance à personne. Il y a donc une difficulté à ce
niveau-là.
Maintenant du point de vue administratif, il y a des solutions d'ordre
administratif qui seraient susceptibles d'améliorer le problème.
Premièrement, un système par exemple de préalerte qui est
employé dans certaines villes où, dès l'arrivée
d'un appel, une ressource est immédiatement envoyée sans
questionnaire autre que l'adresse de façon que si l'appel, à la
suite d'un questionnement supplémentaire, s'avère urgent, la
ressource part très rapidement. Donc, on minimise le délai
d'intervention mais, par la suite, une évaluation
téléphonique plus approfondie lorsque les ressources sont
déjà en direction, permet a ce moment-là, si l'appel ne
s'avère pas urgent, d'éliminer simplement l'envoi d'une ressource
et de donner des conseils aux patients ou de maintenir cet envoi de ressource
et même d'ajouter des ressources, par exemple, lorsque le patient aurait
besoin de l'ajout d'un médecin. On peut imaginer qu'une ambulance est
mise en direction et que, si le cas s'avère extrêmement urgent, on
peut ajouter un médecin, par exemple dans le cas d'un infarctus. Si le
cas s'avère peu urgent, s'il s'agit d'une demande d'information, la
ressource peut être éliminée.
Il y a aussi une solution au niveau de la formation des intervenants:
qui fait le triage?
Actuellement, des infirmières font le triage, elles ont une
expérience dans ce domaine et elles ont été formées
pour le faire. Le problème se situe plutôt au niveau de
l'évaluation précise de la performance. L'évaluation de la
performance de chaque individu qui fait le tri n'est pas faite et c'est quelque
chose qu'il faudrait absolument corriger, déterminer les objectifs de
performance et les outils qui pourraient être mis en place pour les
atteindre. J'ai fait un peu le tour de la question.
M. Dutil: Cela va, mon temps est...
M. Kalinas: Je vais ajouter juste un petit commentaire. On
propose de faire une évaluation chiffrée, on aura besoin d'une
quantité de tri pour ne pas gérer à trop haut coût
nos appels mais déterminer quelle sorte de tri et comment on peut le
limiter au maximum; c'est ce qu'on se propose de mesurer. Vous aviez le
résumé du projet proposé dans vos chemises lorsqu'elles
ont été distribuées.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Merci, messieurs, pour la présentation. Je
voudrais revenir immédiatement sur la formation. Est-ce que je me
trompe, Dr Kalinas, du fait que cela dépend de la conception qu'on se
fait du travail bien spécifique d'un technicien par rapport aux
supervisions qu'ils ont pour qu'on puisse définir un nombre d'heures de
cours? En d'autres mots, pour être très clair, si j'instaure un
système de contrôle médical, par exemple, ou infirmier ou
para médic au-dessus d'un technicien, je pourrais être moins
exigeant dépendant du système de structure de contrôle que
je me donne.
M. Kalinas: Oui. Si vous avez un système à doux
paliers, vous aurez relativement un petit nombre de gens très
formés qui vont contrôler relativement un grand nombre de gens
moins formés. Cependant, si vous avez un certain nombre de plus, vous
formez les gens de la base, par exemple si vous comparez, je ne sais pas, si on
avait un modèle théorique qui comparerait 400 heures à 800
heures, le nombre de gens plus formés dont vous auriez besoin dans un
système à 800 heures sera moins grand. En d'autres mots, si on
prend l'exemple d'Urgences-santé avec des techniciens plus
formés, il est possible que sur la route, en termes d'application de
techniques, on ait besoin d'un peu moins de médecins dans cinq à
sept ans et qu'ayant besoin d'un peu moins de médecins, on
épargne de cette façon-là. Ils seraient limités
à des situations de contrôle. Je pense que c'est difficile de
répondre de façon spécifique à votre question, non
pas parce que je tourne autour du pot mais parce que cela dépend d'un
équilibre entre ce qu'on investit au niveau du technicien ambulancier
qui actuellement, en dehors de Montréal, est le seul intervenant au
chevet du patient.
Il est entendu que la notion d'amener un autre intervenant au chevet du
patient en dehors de Montréal va être difficile. C'est une
question qui serait possible, on pourrait jouer avec la fraction, par exemple,
dans un système comme Montréal. Mais en dehors de
Montréal, je doute que l'introduction d'un deuxième palier, sauf
peut-être dans les grandes villes, soit rentable. Je pense que cela
devrait procéder par palier et par évaluation. C'est sûr
que le nombre d'heures déterminé actuellement est relativement
arbitraire et ne correspond pas à une mesure de l'efficience. Combien on
gagne en compétence entre la 600e et la 800e heure comparativement
à ce que l'on a gagné entre la 400e et la 600e heure, cela se
mesurerait théoriquement. On pourrait donner ce mandat aux gens qui
forment pour relier la formation à la performance. Mais cela est
théorique.
M. Chevrette: Mais il y a des spécialistes, si ma
mémoire ne me trompe pas, à Sherbrooke qui sont chargés
précisément d'évaluer, à partir d'un système
qu'on désire, le nombre d'heures exigible pour un cours de
perfectionnement ou de formation. Est-ce que le ministre a fait appel à
ces spécialistes?
M. Dutil: M. le Président, comme je vous ai
mentionné hier, une consultation a été faite dans tout le
Québec sur le service avant même que je sois responsable du
dossier et cette consultation était terminée, je pense, au moment
où je suis devenu responsable. Pour répondre
précisément à la question, les gens de Sherbrooke ont
été consultés, selon ma mémoire. On me confirme que
oui.
M. Chevrette: Les spécialistes de Sherbrooke. Merci.
Quelle est la plus grande lacune sur la qualité du contrôle
même des services? Si je vous demandais brutalement sans chercher de
détours et sans patiner politiquement, ce n'est pas votre rôle,
quelle est la plus grave lacune de ce projet de loi en termes de qualité
de soins?
M. Kalinas: Bon, je vais répondre à votre question
initiale sans aller sur la patinoire. La lacune du contrôle au
Québec, je ne parle pas du projet de loi mais du contrôle de la
qualité des soins préhospitaliers, c'est l'absence de collecte de
données et d'analyse des données. Actuellement, les interventions
sont faites, elles ne sont pas documentées et une fois qu'on demande aux
gens de remplir un dossier, de documenter les actions, on devrait avoir un
système. C'est pour cela qu'on propose des normes et un contrôle
dans chaque système. On devrait revoir la qualité des
interventions, avoir des mécanismes où un certain nombre
d'interventions est revu entre les intervenants et les experts chargés
d'évaluation. Donc, la plus
grande lacune du système, c'est l'absence d'un système
d'information débouchant dans un système d'évaluation.
M. Chevrette: L'absence de standard de qualité minimale ne
vous étonne pas?
M. Kalinas: L'absence de standard de qualité minimaie,
à mon sens, peut faire mal. Je crois que ce serait utile que le
ministère ait le mandat d'imposer des normes centrales et que ces normes
puissent être modulées tel qu'on l'a recommandé dans les
systèmes régionaux avec une structure professionnelle dans chaque
région. Je ne pense pas que cela soit en contradiction avec le projet de
loi. Je pense que c'est plus en termes d'addition d'un mandat que je vois
cela.
M. Chevrette: Vous vous inquiétez sur le mode de
nomination d'un de vos représentants au conseil. Vous favorisez,
semble-t-il, le mode électif.
M. Kalinas: C'est une question qu'on a posée. On remarque
que cela n'est pas précisé.
M. Chevrette: Auriez-vous peur que le ministre vous en impose un
que vous n'aimeriez pas, quoi?
M. Kalinas: Je pense que le syndicat passe plus tard ce soir. Le
FMOQ va vous répondre, j'imagine.
M. Chevrette: Mais vous, comme groupe à l'interne,
qu'est-ce que vous aimeriez?
M. Kalinas: On aime toujours mieux élire notre propre
représentant.
M. Chevrette: Bon, cela pourrait faire l'objet d'un bon
amendement au projet de loi. Cela l'améliorerait, selon vous?
M. Kalinas: Bien sûr.
M. Chevrette: Bon, on va le faire, je vous le promets. Donc, s'Hs
le battent, vous saurez qui sont les méchants. Puis si vous voulez
gagner, vous ferez appel au nombre. Vous faites une recommandation
également à l'effet d'obliger les régions à
présenter un plan. Est-ce à dire que vous concluez que le projet
de loi 34 ne crée pas formellement, à ce moment-là, une
obligation d'établir un service de qualité en régions
puisque vous demandez de changer "peut" par "doit"?
M. Kalinas: Nous nous référons au libellé du
projet qui, je crois, dit "peut" au lieu de "doit". Nous, on propose de dire
"doit" plutôt que "peut". Pour être cohérent avec les
propositions qu'on avait déjà faites à la tournée,
on disait: On pense que ce qui est essentiel, c'est qu'il y ait des normes
nationales. Pour avoir des normes nationales, il faut que chaque région
soit tenue d'offrir les mêmes normes à tout le monde. Pour les
offrir, il va falloir qu'il y art une instance qui les offre. Je pense que ce
n'est pas plus compliqué que ceia.
Le Président (M. Bélanger): Dernière
question, M. le député de Joliette.
M. Chevrette: Pardon.
Le Président (M. Bélanger): Une dernière
question.
M. Chevrette: On se reprendra. Je vais finir la mienne. Je dois
vous dire que je suis d'accord avec vous mais pas pour les mêmes raisons
et on va le présenter comme amendement aussi. La raison pour nous, c'est
de permettre au ministre d'être cohérent avec son discours parce
qu'il se targue de vouloir instaurer partout au Québec des soins de
qualité.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Gouin.
M. Rochefort: Merci, M. le Président. Première
question, vous soulevez la question de l'absence de gratuité universelle
du service ambulancier préhospitalier à Urgences-santé.
Compte tenu de la position que vous occupez dans le système, est-ce que
vous seriez en mesure de préciser un peu votre pensée? Je
comprends au niveau des principes, qui ne sont pas des principes de la
planète Mars, très concrets auxquels j'adhère sans
problème, mais j'aimerais que vous alliez un peu plus loin. Est-ce que
vous avez été en mesure d'observer concrètement que
l'absence de gratuité cause des problèmes d'accessibilité
à un certain nombre de personnes au service préhospitalier
ambulancier?
M. Kalinas: Si vous permettez, je vais demander au Dr Preker de
répondre à cette question qui est plus dans son domaine.
M. Preker (Alexandre): Oui. premièrement, j'aimerais bien
préciser que, je pense, depuis 1978 et aussi depuis 1968, les
médecins au Canada ont une habitude maintenant de traiter toutes les
personnes également. On ne pense pas aux moyens ni à la
capacité de payer pour le service qu'on rend. Pour ceux qui travaillent
dans le système de transport préhospitalier cela crée des
conflits parce que maintenant il faut demander au patient s'il est capable de
payer, si c'est une personne survie par le bien-être social, si c'est une
personne âgée qui a les services gratuits et cela affecte un peu
la façon dont on réagit dans le service préhospitalier,
à plusieurs niveaux.
Premièrement, au niveau du tri et au niveau de la
réception des appels, ceia devient un
problème à savoir si on doit avoir une ambulance qui
coûterait 90 $ ou si vous avez les moyens, peut-être serait-il plus
prudent pour vous de prendre seulement un taxi parce que vous pouvez vous
rendre à l'hôpital avec un taxi au coût de 5 $. Alors c'est
une question très importante pour les bénéficiaires,
surtout pour ceux qui sont marginaux, c'est-à-dire qui ne
bénéficient pas de l'aide sociale, mais, en même temps, ce
sont ceux qui ont beaucoup de problèmes de santé et qui ont
besoin de transport à plusieurs reprises. (12 h 15)
Deuxièmement, lorsqu'on arrive sur place pour transporter la
personne, les mêmes questions se posent. Est-ce que vous êtes
capable de payer le transport ou est-ce qu'on devrait vous conseiller
maintenant, parce qu'on peut prendre avec vous un petit risque puisque vous
êtes quand même dans un état stable, de prendre le taxi si
vous n'êtes pas capable de payer vous-même. Ce qu'on fait c'est
qu'on donne un service à double tranchant: un pour ceux qui sont
capables de payer et l'autre pour ceux qui ont l'aide sociale ou qui sont des
personnes âgées. On peut dire: Parce que vous êtes couverts,
on peut vous donner un transport ambulancier pour un petit bobo, même si
vous n'avez pas besoin d'un transport ambulancier, mais, vous, vous y avez
droit parce que vous avez appelé l'ambulance, que vous êtes
couverts et que vous n'avez pas de problèmes financiers. Par contre,
pour une autre personne qui peut courir un risque et qui n'a vraiment pas le
moyen de payer 90 $ pour l'ambulance, il faut réfléchir.
Peut-être que pour cette personne, cela peut être très
important de ne pas prendre 90 $ pour payer ce transport en ambulance et qu'il
est préférable de l'envoyer par taxi.
M. Rochefort: Donc, si je comprends bien, tout cela se
déroule alors que la personne est en urgence médicale et avant
l'intervention.
M. Preker: La réponse est oui.
M. Rochefort: Espérons qu'il y aura des suites dans le
projet de loi 34, je pense que c'est assez convaincant. Je voudrais aborder une
autre question compte tenu du peu de temps qu'on a à notre disposition
avec vous. Je vais commencer par une autre question sur le même sujet.
Quels sont les critères d'embauché des médecins à
Urgences-santé? À partir de quoi un médecin voit-il ses
services retenus par Urgences-santé plutôt qu'un autre?
M. Kalinas: D'accord. Il y a eu une évolution. Vous savez
qu'à l'origine il y avait des compagnies de véhicules
privés qui employaient des médecins avec des
antécédents variés, mais sans nécessairement un
intérêt particulier pour la médecine d'urgence puisqu'il
s'agissait d'un système de visites médicales à domicile et
non pas d'urgence nécessairement. Lorsque l'État a
embarqué et qu'Urgences-santé a commencé, on a
assisté au développement de normes essayant de faire en sorte
qu'une proportion sans cesse croissante de ces médecins ait un
intérêt et une formation particulière en médecine
d'urgence, c'est-à-dire que l'idéal serait que les gens qui
s'occupent régulièrement des patients dans les salles d'urgences
soient les mêmes que dans les voitures: à mi-temps dans les salles
d'urgences et à mi-temps sur nos véhicules.
Ce sont généralement des omnipraticiens consacrant
quasiment la totalité de leur formation et de leur temps à
l'urgence et suivant régulièrement des cours, des congrès,
etc. Il y a eu une évolution du nombre de corps de garde effectué
par cet animal plus désirable qui était d'environ 40 % à
50 % il y a quatre ans, quand je suis entré dans le système, mais
qui est maintenant de l'ordre de 82 % ou 83 % du personnel médical. Une
évolution parallèle a fait que les certificats avancés en
réanimation sont maintenant détenus par quasiment tout le monde
versus moins de 50 % et en traumatologie, on a plus que doublé
également la formation de nos gens. Cela, c'est pour les critères
d'embauché. Le marché actuel, tu sais le jeune médecin
agressif qui s'en va dans la salle d'urgences, est soumis à des
contraintes.
On est en compétition quand même d'emploi avec les salles
d'urgences. Donc on est pas toujours en position très forte de refus, on
n'a pas deux postulants pour chaque job. Donc, il y a toujours le marché
qui influe sur votre capacité d'imposer des critères plus
élevés. L'autre chose, c'est que vous n'ignorez pas que la
promotion qu'on a cette année de médecins ne sera pas suivie
d'une promotion l'an prochain. Quel genre de claque est-ce que cela va donner,
l'an prochain, dans la charnière? C'est une situation qu'on suit avec
intérêt. On espère pouvoir faire en sorte que cela ait un
effet favorable, parce que cela va nous forcer à monter de 80 % à
100 % le pourcentage de gens qui correspond à notre profil. Donc, cela
aide théoriquement, sauf qu'il y a une année où cela va
forcer.
M. Rochefort: Quand vous dites qu'il y a compétition sur
le marché que vous font les salles d'urgences des établissements
hospitaliers, quels sont les moyens qui pourraient mieux vous positionner dans
cette compétition de recrutement de médecins qui acceptent de se
concentrer - on n'appellera pas cela une spécialisation compte tenu du
débat que vous connaissez à la corporation - mais disons qui
accepte de se concentrer dans cette pratique?
M. Kalinas: Je pense...
M. Rochefort: Est-ce une question d'argent? A quel niveau...
M. Kalinas: Honnêtement, indirectement
seulement, je pense que oui on pourrait mettre des investissements plus
grands. Par exemple, si on finançait les formations obligatoires dans
les spécialités de réanimation, c'est sûr que cela
aiderait. Cependant, je vais reprendre le terme de stabilisation d'emploi,
c'est au niveau de la garantie qu'on puisse faire carrière dans ce
système-là. Avec tout le processus qui s'est passé,
actuellement, les gens viennent pour une couple d'années, mais comme on
se demande s'H y a vraiment un désir... On mentionnait à
l'article 149.6 qu'il devrait y en avoir un qui dise: Urgences-santé, la
corporation exploite un système de services médicaux d'urgence
préhospitaliers, par opposition à seulement mettre une
possibilité dans un alinéa. Je pense qu'N y a un "commitment"
d'avoir un tel service dans les années à venir et de le
développer sur une base compétitive parce qu'on est capables, par
ailleurs, paradoxalement, d'aller dans les ligues majeures chercher le
Congrès mondial de médecine d'urgence. Le secteur de la recherche
a progressé beaucoup, mais pour asseoir tout cela, cela prend la
certitude que tu en as quand même encore pour quelques années et
que ce n'est pas une espèce de Hong Kong qui va se vider quand la Chine
va-Le Président (M. Bélanger): Oui, M. le ministre.
M. Rochefort: Juste une dernière question, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Très rapidement
à la largesse de la présidence, M. le député de
Gouin.
M. Rochefort: Oui, vous êtes bien bon. Est-ce qu'il y a des
amendements précis ou des dispositions législatives
précises qui pourraient être apportés au projet de loi 34,
qui favoriseraient une plus grande capacité de recrutement de
médecins et qui correspondraient aux critères qui sont les
vôtres et est-ce que vous voulez qu'ils aillent de plus en plus dans ce
sens-là?
M. Kalinas: Oui, la transformation du "peut exploiter un service
- de médecins...
M. Rochefort: Donc, en termes de garantie de profil de
carrière...
M. Kaiinas: ...en une garantie de devoir le faire. Ce qui
permettrait d'offrir aux gens une carrière. Je pense que le reste
relève plus de la négociation d'une entente. À partir de
cette assise, on peut imaginer dans la négociation entre le
ministère et la fédération l'inclusion de certains
critères, par exemple, qui favoriseraient les gens qui sont plus
impliqués, qui favoriseraient les gens qui donnent plus qu'un certain
nombre d'heures par semaine, pour qu'ils soient, donc, nettement
favorisés. À ce moment, si vous favorisez des gens
impliqués, vous créez un noyau beaucoup plus stable et vous
diminuez le "turn over".
Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le
député de Gouin. M. le ministre.
M. Dutil: Oui, vous avez parlé tout à l'heure de
changer le terme "transport d'ambulance" ou service même d'ambulance par
"préhospitalier d'urgence". J'aimerais que vous explicitiez davantage ce
que vous vouliez dire, ce que vous entendez par un système
préhospitalier d'urgence et ses diverses composantes.
M. Kalinas: Oui, on propose de transformer cela en l'expression
"système de soins préhospitaliers d'urgence", parce qu'à
notre sens, le transport n'est qu'une composante de ce système qui
commence à l'appel, qui passe par le traitement de l'appel, par la
répartition, par les soins accordés par d'éventuels
intervenants sur place et, ensuite, par un transport ambulancier, le cas
échéant, pas toujours. Il y a des cas qui sont vus, des gens qui
sont vus par les médecins qui, finalement, ne nécessitent pas de
transport et, même parfois dans des cas vus par le technicien
ambulancier, vont déterminer qu'en régions, ils ne transportent
pas nécessairement tout le monde. Il y a donc soins sur place, ensuite
transport, ensuite évaluation, recherche et tout cela. Pour nous, le
terme transport ambulancier" réfère à une étape
mécanique précise du processus mais je pense que c'est, d'une
certaine façon, ne pas respecter les techniciens ambulanciers en disant
qu'ils font du transport parce que leurs fonctions principales, c'est du
personnel soignant. Ce sont des gens qui soignent des patients et, pour
continuer les soins qu'ils ont commencé à leur prodiguer, les
amènent à une institution capable de continuer ces soins. Je
pense que le transport est un terme qui s'applique juste à une phase de
l'affaire. Dans le document gris, on passe à travers tout le
processus.
M. Dutil: Et une autre question. Tout à l'heure, vous avez
parlé de la formation en régions. J'ai cru comprendre et
j'aimerais que vous le confirmiez, si c'est le cas, que la formation en
régions a des chances d'être plus importante que la formation dans
les centres urbains où il y a des ressources médicales plus
rapides. Vous sembliez dire qu'étant donné que le technicien
ambulancier est plus longtemps seul avec le patient, je vous dis cela parce que
ce qui se passe actuellement, c'est le contraire, c'est-à-dire qu'en
régions la formation est moindre et les gens qui font carrière
comme techniciens ambulanciers sont moins nombreux puisqu'on sait qu'il y a
beaucoup de disponibilité des gens qui font cela à titre de
second travail.
M. Kalinas: Vous avez raison dans votre
interprétation. C'est vrai de beaucoup de métiers,
remarquez. Je ne pense pas que cela soit unique ou particulier au transport
ambulancier. Je pense que le soutien spécialisé en
régions, en général, dans le domaine médical
peut-être aussi dans d'autres domaines, n'est pas aussi fort. Par
conséquent, les gens doivent prendre sur eux une responsabilité
plus large et, paradoxalement, ce sont souvent les gens moins formés. Je
pense que, de la même façon, les omnipraticiens en régions
feront beaucoup de tâches qui, à Montréal, seront
effectuées par des spécialistes. C'est une
réalité.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le
ministre. M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Vous vous inquiétez beaucoup du fait qu'on
puisse donner un système privilégié à certaines
municipalités bien nanties. Vous demandez même de retirer
l'article de loi. Est-ce que c'est uniquement à cause du principe que
vous défendez qui est l'égalité, l'universalité des
soins, où s'il y a d'autres motifs?
M. Kalinas: Non, ce n'est pas uniquement à cause du
principe d'égalité quoique ce principe-là, pour nous, on y
adhère beaucoup. L'efficience d'un système à plusieurs
têtes pose des problèmes disons de coordination,
d'évaluation du respect des standards et éventuellement de
conflits organisationnels parce que si vous relevez d'une instance municipale,
d'une part, et d'une corporation, d'autre part, moi je pense qu'on cherche le
trouble. J'ai peur, il y a un vécu en dessous de cela dans la
région montréalaise et je pense que, pour assurer des services
égaux et surtout contrôler de façon homogène, on n'a
pas avantage à voir des petites républiques indépendantes
se développer.
M. Chevrette: Concernant le triage, donc vous venez de nous
fournir un autre amendement selon l'abrogation de cet article parce qu'on
partage votre point de vue. Maintenant le triage, quelles seraient les
conséquences de l'abandon complet du triage sur les urgences et sur le
service ambulancier lui-même ou le service préhospitalier?
M. Farand: Mon nom est Lambert Farand. L'abandon, si on
l'imaginait immédiat. Par exemple, si une directive était
donnée à Urgences-santé demain d'abandonner le triage et
d'envoyer une ambulance, à tout le monde qui appelle, cela serait
castastrophique. Cela équivaudrait à éliminer les services
ambulanciers à Montréal. À toutes fins utiles, la
saturation du nombre d'ambulances serait immédiate. Cela prendrait
quelques minutes et toutes les ambulances seraient occupées, ce qui fait
que tous les gens qui auraient de véritables urgences ne pourraient pas
avoir de soins. Évidemment c'est une situation un peu utopique parce que
si on imagine de réduire d'une façon réaliste le triage,
cela ne sera pas à la suite d'une directive visant à
l'interrompre d'un jour à l'autre.
Certaines modifications peuvent être faites, par exemple, le
système de préalerte dont je parlais. Deuxièmement, la
possibilité d'avoir deux numéros différents où les
gens puissent avoir accès à de l'information, d'une part, et,
d'autre part, avoir accès au système 911 pour les ambulances,
laissant un peu au public la possibilité de décider s'il veut de
l'information sur un problème de santé ou s'il veut avoir une
ambulance. La qualité du questionnaire et sa rapidité peuvent
aussi être modifiées. Mais, si la question est la suppression
immmédiate, pure et simple du triage, on ne peut imaginer que cela
puisse se faire. Cela serait catastrophique étant donné que le
système serait immédiatement saturé, à moins qu'on
ne décide de quintupler le nombre d'ambulances, ce qui, je pense, ne
serait pas réaliste non plus et donnerait simplement lieu à des
abus et à une surconsommation des services.
M. Chevrette: Je vous remercie infiniment d'avoir
témoigné et de nous avoir fourni des explications. Je pense que
votre expertise professionnelle nous permettra de convaincre le ministre d'y
aller mollo sur certains plans, en particulier en ce qui regarde les standards
minimaux de qualité exigés partout au Québec, de faire en
sorte que l'équité dans les services ambulanciers soit
donnée - cela m'intéresse beaucoup de travailler sur ce plan -
et, troisièmement, également, de faire en sorte qu'on puisse
conserver les acquis rentables du système actuel.
Je pense en particulier au triage. On peut améliorer des choses,
mais de là à mettre de côté des systèmes qui
ont déjà fait quand même certaines preuves positives, cela
m'apparaîtrait aussi une aberration. Tout en étant convaincu que
cela serait la catastrophe, je pense qu'on n'a pas le droit d'accepter de
remettre en question les acquis fondamentaux d'un système qui a quand
même fait ses preuves. Si on veut améliorer davantage le
système, on aurait une suggestion à faire au ministre, en temps
et lieu. Merci messieurs.
Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le
député de Joliette. M. le ministre, en conclusion.
M. Dutil: M. le Président. J'apprécie beaucoup le
mémoire qui a été présenté par les
médecins ce matin et l'appui qu'ils donnent, en principe, au projet de
loi. Je pense que ce qui se dégage, ce n'est pas un désaccord
avec le projet de loi, c'est un accord, avec des bonifications à
apporter. Je ne pense pas me tromper dans cette interprétation. Ce qui
se dégage également en ce qui concerne le triage c'est qu'il
pourrait sans doute y avoir des bonifications à apporter, mais qu'il
faut y aller prudemment. D'y aller prudem-
ment cela ne veut pas dire de refuser de regarder le système, de
refuser de voir de quelle façon on pourrait l'aménager pour un
mieux-être et pour un plus grand service.
Je ne pense pas, non plus, me tromper dans l'interprétation que
je fais et je l'apprécie d'autant plus qu'on semble vouloir, de l'autre
côté, nous donner comme intention d'abolir le triage; cela n'a
jamais été le cas, ce n'est pas ce qui a été dit.
On va dans le sens de ce qui a été présenté ce
matin à savoir qu'on pense que dans le triage, il y a des choses qui
méritent d'être vérifiées et qu'il y a
peut-être des choses qui méritent d'être
reconsidérées. Mais cela ne veut pas dire du tout, M. le
Président, comme on le laisse entendre de l'autre côté, que
le triage serait éventuellement aboli sans aucune étude et d'une
façon sauvage, ce n'est pas le cas du tout et je tenais à le
préciser. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Alors la commission des
Affaires sociales remercie les médecins d'Urgences-santé pour
leur témoignage et appelle à la table des témoins la
Confédération des syndicats nationaux qui sera
représentée par M. Gérard Larose, président de la
Confédération des syndicats nationaux; M. Mario Cotton,
président du Rassemblement des employés techniciens d'ambulances
du Québec, porte-parole à la table provinciale des syndicats
ambulanciers CSN et vice-président de la FAS du secteur privé;
Mme Marie-Claude Chartier, présidente du personnel de
répartiteurs et de bureau et Mme Catherine Loumède,
présidente de la Fédération des affaires sociales. Alors
on va suspendre une minute, si vous permettez
(Suspension de la séance à 12 h 35 minutes)
(Reprise à 12 h 38)
Le Président (M. Bélanger): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous allons reprendre les travaux. Alors, vous avez 20 minutes fermes
pour présenter votre mémoire et je vous prierais, chaque fois que
vous avez à intervenir, de bien vouloir vous identifier pour les fins du
Journal des débats afin que soient bien transcrits vos noms.
Je vous prierais aussi d'identifier votre porte-parole, de
présenter vos collègues et de procéder à la lecture
de votre mémoire.
M. Larose (Gérald): Merci, M. le Président. Je ne
veux pas vous chicaner, mais mon nom est Gérald. Gérard
étant l'ancien vérificateur, ce n'est pas un déshonneur
pour moi.
Le Président (M. Bélanger): Mais on devrait le
savoir, on n'a pas d'excuse.
Confédération des syndicats nationaux
M. Larose: Je vous présente ceux qui m'accompagnent.
À ma gauche, Catherine Loumède, présidente de la
Fédération des affaires sociales, secteur dans lequel sont
intégrés les services ambulanciers; à ma droite, Mario
Cotton, président du Rassemblement des employés techniciens et
techniciennes, ambulanciers et ambulancières du Québec et
Marie-Claude Chartier, présidente du Syndicat des répartiteurs et
des répart itrices.
Le plus simple c'est peut-être que l'on prenne connaissance du
mémoire et, tel que prévu, cela devait entrer dans le temps qui
nous est alloué. Or, la CSN veut d'abord souligner sa satisfaction du
fait que le projet de loi 34 inscrit dans la loi le respect des droits des
travailleuses et des travailleurs pour lesquels un changement d'employeur est
prévu. Les emplois de tous, syndiqués et non-syndiqués
sont protégés. L'existence des syndicats, quelles que soient
leurs affiliations, est reconnue. Les conventions collectives sont maintenues.
Nous sommes loin de la reconnaissance des principes, de l'injustice encore vive
et encore meurtrissante qui a été faite aux travailleuses et aux
travailleurs du Manoir Richelieu. D'ailleurs, le gouvernement s'est
appliqué à reconduire l'article 45 dans l'ensemble des
transactions dans lesquelles nous avons été impliqués. Ce
comportement respectueux des droits fondamentaux des travailleuses et des
travailleurs qu'empruntent le ministre et le gouvernement mérite
d'être souligné et salué.
Cela dit, le projet de loi 34, tel que rédigé, est encore
bien loin des objectifs qu'avaient proposés la CSN et ses syndicats
affiliés. Malgré ce qu'ont pu écrire certains
éditorialistes, récemment travestis en propagandistes, les
propositions de la CSN établissaient: 1. la gratuite de tous les
services préhospitaliers d'urgence et du transport ambulancier; 2. la
création d'une régie provinciale qui obligerait à
l'uniformisation des services et effectuerait la surveillance des services en
plus d'uniformiser la réception et la répartition des appels; 3.
la disparition complète de tous les intérêts privés;
4. l'intégration de toutes les techniciennes et de tous les techniciens
ambulanciers, des répar-titrices et des répartiteurs et de tous
les employés de bureau et employés de soutien du Québec au
secteur ambulancier; 5. l'élargissement à toutes les
régions du Québec de l'utilisation des médecins d'urgence
par leur intégration à Montréal et Québec et par
radiocommunication en régions; 6. la création immédiate
dans toutes les régions d'organismes publics chargés de la
répartition des appels et la constitution simultanée d'une
centrale provinciale de répartition des appels; 7. l'augmentation
immédiate de la formation minimale des techniciennes et des techniciens
ambulanciers à 1230 heures et, 8. la constitution dans toutes les zones
de services d'horaires de travail prévoyant minimalement une
couverture de 24 heures sur 24.
Depuis maintenant un quart de siècle, le Québec s'est
doté d'un des régimes de santé parmi les plus avantageux
et les moins coûteux au monde. Ce régime universel, gratuit et
accessible réunit encore aujourd'hui un très large consensus
national.
La population du Québec est vigilante et très sensible
à toute atteinte permanente à l'intégrité des
services et toute réduction est sévèrement
critiquée. La résistance aux coupures budgétaires et
l'irritation vite exprimée lors des engorgements des salles d'urgence
à Montréal sont révélatrices de la
préoccupation constante de la population à l'égard des
services de santé.
Il est normal et compréhensible que toutes les
Québécoises et tous les Québécois soient fiers de
leur système de santé. Contrairement à d'autres provinces
canadiennes, nous ne connaissons pas "l'extra-billing" ou les
dépassements de frais et, contrairement aux États-Unis, nous
n'abandonnons pas autour de 10 % de notre population sans soins hospitaliers ou
médicaux et cela pourtant à des coûts, aux
États-Unis, qui sont supérieurs aux coûts du Canada et du
Québec, soit l'équivalent de 11 % du produit national brut pour
les États-Unis contre 8 % pour le Canada.
On conçoit généralement que l'ensemble des soins de
la santé constituent un tout indissociable. Au cours de
l'évolution du système de santé et en fonction des besoins
exprimés par la population se sont ajoutés aux soins de
santé, les soins de gériatrie, d'enfance inadaptée, des
services sociaux spécialisés, des centres locaux de services
communautaires, etc.
Ce système forme un ensemble cohérent et efficace des
services de santé et des services sociaux. Accident historique ou
anachronisme inexpliqué, les services préhospitaliers d'urgence
et le transport ambulancier, pendant toute cette évolution, sont
demeurés en marge, sous l'emprise de l'entreprise privée.
Pourtant, c'est l'un des pivots essentiels d'une médecine et de soins
adéquats.
Les citoyens acceptent que, franchie la porte de l'urgence d'un
hôpital, le gouvernement investisse pour sauver la vie d'un patient des
sommes considérables en ressources humaines, en formation, en
compétence, en qualité de soins et en équipement
médical, technologique ou mécanique. Pourtant, un infarctus, un
épisode aigu de l'évolution d'une maladie, un polytraumatisme,
une fracture, une hémorragie massive ne deviennent pas urgents
qu'après l'admission à l'hôpital!
Le projet de loi 34 et la réforme proposée par le ministre
en mars de cette année, s'ils ne répondent pas à toutes
les attentes de la CSN, méritent néanmoins d'être
appuyés puisqu'ils apportent des changements profonds aux services
préhospitaliers d'urgence et au transport ambulancier. Le projet de loi
et la réforme tendent à substituer au fonctionnement
déficient actuel une logique différente qui est la
préoccupation principale des services de santé au Québec:
la quantité, la qualité et l'efficience des services.
Nous voulons rappeler certaines étapes de cette réforme,
que trop de commentateurs ont voulu obstinément présenter comme
spontanée et improvisée.
C'est en août 1985 que Me Pierre Marois rendait au ministre des
Affaires sociales du Québec de l'époque, l'honorable Guy
Chevrette, un rapport documenté dans lequel il affirmait ceci, à
propos de la nécessité d'une formation plus poussée et
obligatoire, souhaitée et demandée par tous les intervenants: "Le
tribunal ne peut certes pas se substituer au gouvernement du Québec;
c'est à lui ultimement qu'il revient de décider de la nature et
du type de soins préhospitaliers... mais le tribunal, étant bien
au fait, par la preuve, de la situation, ne saurait assez insister sur
l'urgence pour le gouvernement de prendre une telle décision."
C'est en mai 1986 que Me Richard Drouin rendait au ministre du Travail,
l'honorable Pierre Paradis, un rapport aussi documenté dans lequel il
affirmait ceci: "II nous apparaît de plus en plus évident et
clair, dans la conjoncture actuelle, qu'une centrale téléphonique
de répartition des appels répondrait à un besoin
grandissant des deux territoires visés - la rive sud et la rive nord de
Montréal. Cet élément, ainsi que la séparation des
sommes d'argent destinées aux propriétaires ambulanciers en deux
fonds, dont l'un relèverait exclusivement du propriétaire
ambulancier et l'autre, affecté à la rémunération
des employés administré avec la collaboration du CRSSS,
contribuerait à rationaliser le système, tant au chapitre des
services offerts qu'à celui de la rémunération des
employés."
En novembre 1987, le groupe SECOR, sous la responsabilité de M.
Claude Forget, lui aussi ancien ministre des Affaires sociales, constatait
notamment que le lien entre la tarification et les coûts du service
ambulancier est de moins en moins apparent; que Montréal apparaît
comme une région privilégiée; que de plus en plus
d'intervenants revendiquent une plus grande formation; et qu'il existe un
manque de planification et de coordination entre les hôpitaux et les
compagnies ambulancières.
À ces rapports, on doit ajouter les rapports Tremblay I et II,
celui de 1981 et celui de 1987, produits par M. Gilles Tremblay, du
ministère des Transports, et qui démontrent la
nécessité, pour assurer une saine gestion des fonds publics, de
réévaluer la tarification et de mieux mesurer les coûts
réels d'opération et les profits consentis aux entreprises.
Il importe aussi de rappeler une décision de la Commission des
affaires sociales qui décidait, à regret, de remettre les permis
à la compagnie Ambulances Robert, alors que pèsent contre son
propriétaire plus de 800 chefs d'accusations de fraude et contre qui
pesaient également des allégations très graves de
déficience des services
et d'agressions de toutes sortes contre les employés et les
bénéficiaires. La commission constatait que la ministre de la
Santé et des Services sociaux n'avait pas le pouvoir de révoquer
un permis sauf pour le seul motif inscrit au règlement de la loi, soit
"avoir été reconnu coupable d'une fraude".
Le projet de loi 34 s'attaque de front à ces graves
déficiences du système et, à ces chapitres, propose des
modifications qui vont certainement et clairement améliorer la
quantité, la qualité et l'efficience des services
préhospitaliers d'urgence et de transport ambulancier offerts à
la population. 1. D'abord, parce que la formation des techniciennes et des
techniciens ambulanciers sera portée à 825 heures. La CSN estime
qu'il faudra éventuellement réévaluer ce niveau de
formation, mais il s'agit déjà d'une amélioration sensible
et réaliste qui influencera la qualité des services. 2. Les fonds
salaires et les fonds des véhicules seront séparés par
budget dans toutes les régions et par l'intégration des
techniciens ambulanciers à Montréal. Cela satisfait une des
principales recommandations du médiateur Drouin. De plus, comme l'avait
constaté le groupe SECOR, l'imprécision de l'entente avec la CSAQ
au chapitre des subventions salaires rendait incertain le versement de ces
salaires aux techniciens ambulanciers, ce qui avait un effet direct sur la
disponibilité des services. De son côté, Me André
Comtois, procureur de la CSAQ, a été plus précis à
l'ouverture du congrès de la corporation, le 26 mai dernier, lorsqu'il a
reconnu devant les congressistes que le laxisme dans l'utilisation du fonds
salaires était une des principales causes du projet de loi 34. La
garantie et la surveillance qu'apporte le projet de loi 34 sur le versement et
l'utilisation du fonds salaires ne peuvent qu'avoir un effet
bénéfique sur la disponibilité des techniciennes et
techniciens ambulanciers et, en conséquence directe, sur les services
à la population. 3. La centralisation des appels dans toutes les
régions et leur gestion par des organismes soumis à la puissance
publique vont soustraire les appels de détresse à des retards
injustifiables et inqualifiables que leur faisaient subir les
propriétaires afin de ne pas avantager un concurrent. 4.
L'intégration à Montréal des techniciennes et des
techniciens ambulanciers à Urgences-santé contribuera grandement
à réduire les zones de frictions qui s'étaient
développées entre un organisme qui visait de meilleurs soins et
des compagnies qui recherchaient un plus grand profit. Il importe de rappeler,
à ce chapitre, que tous les affrontements et tous les conflits qui ont
provoqué le recours à des moyens de pression administratifs ont
eu pour cause, tantôt le refus des employeurs de reconnaître les
accréditations syndicales, tantôt le refus des employeurs de
fournir des véhicules sécuritaires ou de l'équipement
adéquat, tantôt la recherche par les employeurs d'une
réévaluation des tarifs, tantôt le refus par les employeurs
de signer les conventions collectives qui résultaient des accords
d'arbitrage ou de médiation, tantôt l'exigence des employeurs que
la répartition équitable des employés ait
préséance sur les horaires de travail, donc les conditions de vie
de leurs salariés, etc. 5. Les modifications à la Loi sur la
protection de la santé publique qui donnent à la puissance
publique l'autorité de juger sur la qualité des services offerts
permettra d'éviter les situations saugrenues et inacceptables que nous
avons vécues chez les Ambulances Robert et que les travailleuses et
travailleurs paient encore aujourd'hui de la perte de leur emploi.
Ces modifications, citées plus haut, sont parmi les plus
importantes du projet de loi.
Certes, les chevaliers de l'entreprise privée pleurnichent parce
qu'ils ne pourront plus maximiser leurs profits par une diminution de
l'équipement, par une utilisation insalubre du matériel, par la
mise en circulation de véhicules non sanitaires et surtout, par le
détournement pur et simple de l'argent qui leur avait été
confié pour payer les salaires et aussi assurer les services.
Encore faut-H être prudent lorsqu'on utilise le terme "entreprise
privée". Il s'agit d'entreprises qui exploitent un marché captif,
sous licence, dont les tarifs sont déterminés par l'État
et dont la presque totalité - 80 % en régions, 100 % à
Montréal - des coûts sont refilés à l'État.
Il s'agit donc d'entreprises qui fonctionnent sans concurrent, sans risque et
en marge des règles de l'économie de marché. Vouloir les
faire passer pour des capitalistes, dans ces conditions, relève
davantage de la mystification que de l'économie. Dans la
réalité, les propriétaires d'ambulances du Québec
ressemblent davantage à des administrateurs de magasins
subventionnés de l'Union soviétique réclamant le soutien
de l'État qu'à de quelconques capitalistes!
À tout événement, voici qu'ils réclament une
indemnisation parce qu'ils n'auraient plus la possibilité de
réaliser un profit sur les salaires et l'équipement
médical. Ils prétendent être ainsi expropriés.
La CSN veut faire remarquer au ministre et au gouvernement que les
propriétaires n'ont pas tout à fait fait la charité dans
le passé et que la société ne leur doit rien, et que le
projet de 101 34 donne aux actuels détenteurs de permis le
privilège de se faire reconnaître gratuitement deux tours au
bâton, deux priorités sur tout autre compétiteur
éventuel. Le premier privilège, en soumettant une proposition a
la corporation après avoir reçu un cahier des charges; le second
privilège, en se substituant à la plus basse soumission.
Toute indemnisation à la suite d'une expropriation exige la
rupture de tous liens de
droit. Or, si le gouvernement entretenait l'idée inavouée
d'indemniser les titulaires actuels de permis, ce qui serait injustifié
selon nous, le ministre devrait dès maintenant modifier son projet de
loi pour retirer - vous changez le mot - ces deux principes qu'il
reconnaît aux détenteurs actuels de permis par l'article
149.19.
De plus, si le ministre tarde à utiliser son privilège
ministériel prévu à l'article 149.27 pour appliquer ce
mécanisme à d'autres régions qu'à celle de la
région métropolitaine de Montréal, pourquoi ne
procéderait-il pas immédiatement à l'attribution de permis
à la demande de toute personne qui répond aux exigences? Pourquoi
imposer un contingentement qu'utilisent ensuite les propriétaires pour
faire chanter le gouvernement? Il nous semble que les permis ainsi
multipliés serviraient à établir une véritable
concurrence dans une économie de marché.
Le ministre doit aller de l'avant avec sa réforme. Outre les
propriétaires qui cherchent à réaliser une dernière
spoliation des fonds publics, outre le Conseil du patronat du Québec,
les Chambres de commerce et autres officines de propagande simpliste, la
réforme et le projet de loi 34 répondent à des besoins
réels de la population.
La CSN ne donne pas un mandat en blanc au ministre et au gouvernement,
nous surveillerons l'application de la réforme, nous devrons nous
assurer que les acquis soient tout au moins maintenus lors des protocoles de
transfert, nous examinerons attentivement le comportement de la Corporation
d'Urgences-santé de la région métropolitaine de
Montréal, nous étudierons les alternatives qui seront
proposées en régions, nous revendiquerons l'augmentation de la
formation pour tout le personnel lorsque la première étape de 825
heures sera franchie, nous exigerons des normes de véhicules
sécuritaires, des installations et des équipements
adéquats, nous proposerons à nouveau de nouvelles méthodes
opérationnelles, de nouvelles structures lorsqu'elles seront devenues
nécessaires. Nous savons, M. le ministre, Mmes et MM. les
députés, que nos manières sont parfois brusques et nos
moyens parfois percutants, mais des travailleuses et travailleurs qui, tous les
jours, en équipe, reçoivent des appels de détresse,
orientent les véhicules disponibles et interviennent auprès des
personnes malades, blessées, mourantes parfois, n'ont souvent pas le
goût d'entendre longuement des arguments spécieux et de combattre
des pratiques douteuses.
Le projet de loi 34 reçoit un large appui auprès des
travailleuses et travailleurs. Il faut en profiter pour modifier et
améliorer la main-d'oeuvre et ainsi garantir de meilleurs services
à la population du Québec. Ce sont les objectifs que nous
poursuivons.
Le Président (M. Bélanger): Alors, nous vous
remercions, M. Larose. M. le ministre.
M. Dutil: Alors, un des sujets qui ne sont pas abordés
dans votre mémoire, dont vous avez entendu parler tout à l'heure
et dont on a parlé hier également, c'est en ce qui concerne le
triage; il y a plusieurs possibilités à ce sujet; il y a
plusieurs façons de présenter le triage. J'aimerais
connaître, de votre côté, votre opinion quant au triage des
appels à Urgences-santé.
M. Larose: Effectivement, c'est un débat qui a
précédé l'étude du projet de loi 34, qui va
vraisemblablement la suivre aussi. Je demanderais peut-être à
Mario, dans un premier temps, de donner la position.
M. Cotton (Mario): Naturellement, à vivre tous les jours
les problèmes qu'un triage aussi serré qui existe à
Urgences-santé nous occasionne, on pense qu'il faut absolument aller de
l'avant dans la révision de ce mode de triage. Avant la naissance
d'Urgences-santé, il existait une autre organisation dont
Urgences-santé est née de ses cendres, où il y avait un
triage minimal. Il faut qu'il y ait un triage minimal pour tout appel, mais
quelque chose qui se fait en 30 ou 45 secondes pour envoyer des effectifs sur
les lieux.
Urgences-santé a travesti son mandat initial, qui était
d'envoyer des effectifs d'urgence sur les lieux et non pas de faire de la
médecine au téléphone, comme cela se produit aujourd'hui.
C'est, en moyenne, au minimum trois minutes, à l'interne, le traitement
de la prise d'appel, alors qu'on pourrait faire cela en 30 ou 45 secondes. On a
vu parfois l'infirmière parler au téléphone avec des
patients pendant 10 ou 15 minutes parce que la ou le patient âgé,
ou la personne qui a de la difficulté à s'exprimer, n'est pas
capable de dire ce qu'elle a. Tant et aussi longtemps qu'on n'a pas un
aperçu exact de ce qu'a le bénéficiaire, on est au
téléphone avec lui ou on le transfère au médecin
qui, lui, recommence la demande d'information auprès du
bénéficiaire.
Tantôt, j'écoutais le docteur Farand parler. On disait que
sur 1000 appels, il y en avait 350 où on envoyait des effectifs.
Effectivement, cela prendrait énormément d'ambulances et on les
mobiliserait toutes si on ne faisait pas de triage.
Au début de l'existence d'Urgences-santé, cette pratique
n'existait pas parce qu'on avait peut-être 400 ou 450 appels. Mais
maintenant chez Urgences-santé, étant donné qu'on a
accepté toutes sortes d'entrées, de demandes
téléphoniques, où on n'a pas précisé le
rôle d'Urgences-santé, qui était d'envoyer des effectifs
d'urgence sur les lieux, quelqu'un qui veut avoir une pharmacie de nuit appelle
à Urgences-santé; quelqu'un qui veut avoir un dentiste les fins
de semaine appelle à Urgences-santé. C'est le reste des 650
appels. Avant, ces éléments étaient traités par les
CLSC et les salles d'urgence des hôpitaux. Il faudra peut-être
avoir un
système d'informations médicales, mais qui ne
relève pas d'un système d'urgences médicales. Il faut
dissocier cela, parce qu'on n'a pas à traiter 650 appels pour des
informations médicales, pour savoir où est le dentiste. Pour
nous, c'est évident parce qu'on rencontre des patients qui ont
été obligés d'attendre ou de téléphoner
à trois ou quatre reprises à Urgences-santé pour avoir des
effectifs médicaux sur les lieux. Encore II y a une couple de semaines,
on voyait le cas d'une demoiselle qui était intoxiquée à
l'oxyde de carbone dans sa maison. Ça lui a pris cinq ou six appels
avant d'avoir une ambulance à domicile parce qu'elle ne
réussissait pas à s'exprimer, elle était intoxiquée
au gaz. Je peux vous dire, uniquement dans ma famille personnelle, qu'à
trois reprises, on a refusé d'envoyer une ambulance a la suite du triage
médical; pourtant, c'étaient des patients qui
nécessitaient d'être transportés, qui ont été
obligés d'être transportés dans des véhicules
privés. Au moment où les pointes d'appels augmentent, vers 13
heures, comme par hasard, le triage devient très serré pour
diminuer le nombre d'ambulances qu'on envoie sur les lieux. À certains
moments donnés dans la journée, c'est bon d'avoir un triage de
telle façon et, dans la nuit, d'avoir un triage d'une autre
façon. Cela ne tient pas debout. On le vit tous les jours. Il y a des
patients qui en meurent, mais on ne sera jamais capables de le quantifier,
parce qu'il n'y a personne au bout de la ligne ou on camoufle ce qui se passe.
(13 heures)
M. Dutil: L'autre point, et le débat est ouvert
là-dessus, l'Opposition prétend que la loi 34 va établir
deux systèmes de qualité dans la province. La prétention
que nous avons, nous, c'est qu'actuellement il existe deux systèmes de
qualité dans la province et que la loi 34 va justement venir rectifier
ce fait dans l'ensemble de la province. J'aimerais avoir votre opinion
là-dessus.
Le Président (M. Bélanger): Étant
donné l'heure, est-ce que j'ai consentement pour qu'on poursuive
jusqu'à 13 h 30? Consentement, merci.
M. Larose: II est évident que notre proposition serait
qu'on puisse, d'une seule frappe, rendre opérationnel sur l'ensemble du
territoire ce qui le sera pour Montréal. Si on pouvait le faire comme
cela, on serait bien contents. On affirme, nous, qu'il va falloir
établir sur l'ensemble du territoire la même qualité et la
même quantité de services. Pour y arriver, la loi 34 nous donne
les mécanismes. On trouve qu'il y a là un pas important. C'est ce
que nous avons souligné. Il ne faudra pas que cela tataouine trop
longtemps. On voudrait que l'objectif soit atteint.
M. Cotton: En complément, effectivement, il existe
actuellement deux systèmes, celui de la région 6-A qui est
Montréal et Laval et tout de suite à l'extérieur des ponts
de Laval et de
Montréal, c'est un autre système. Vous dites que c'est
l'Opposition qui vous en accuse aujourd'hui, mais c'est l'Opposition qui a
créé, lorsque M. Lazure était ministre, en faisant mourir
tranquillement Télémédic, ce deuxième
système. Nous voulons aller beaucoup plus loin dans la réforme du
système ambulancier, mais nous sommes conscients que techniquement,
aujourd'hui, si on parle seulement d'un système de communication
provinciale pour que les ambulances puissent être rejointes dans chacun
des secteurs, dans toute la province, cela prend une planification de base. Il
faut prendre le temps technique pour installer les radios dans les ambulances.
Cela ne se fera pas demain matin. Le seul endroit où c'est prêt
actuellement, c'est Montréal, parce qu'on est techniquement plus
avancés.
M. Dutil: Donc on peut conclure que vous estimez que le
système de Montréal est plus performant et de meilleure
qualité que sur le reste du territoire déjà, actuellement,
et qu'H est ainsi depuis que M. Lazure a été ministre de la
Santé et des Services sociaux.
M. Cotton: Effectivement.
M. Dutil: Comment concevez-vous l'encadrement professionnel des
techniciens ambulanciers ou l'aspect de la supervision médicale en
regard de la qualité des soins?
M. Cotton: Pourriez-vous répéter, s'il vous
plaît?
M. Dutil: Comment concevez-vous l'encadrement professionnel des
techniciens quant à la qualité des soins, ou l'encadrement
médical quant à la qualité des soins?
M. Cotton: Encore là, à Montréal, c'est
beaucoup plus simple de le faire directement à partir des
médecins qui sont en notre compagnie tous les jours. A
l'extérieur il faudrait réussir, soit avec les
départements de santé communautaire ou avec les médecins
des salles d'urgence, à développer un comité
régional, dans chacune des régions pour vérifier la
qualité des soins qui sont donnés et la pénétration
et le maintien du niveau de formation des techniciens ambulanciers.
Actuellement, il n'y a aucun suivi. On n'est pas capables de vérifier si
le travail est bien fait, nulle part au Québec, à
Montréal, de façon très sporadique parce qu'un
médecin va relever... Il y a de la formation professionnelle en cours
d'emploi tous les jours, quand on travaille avec un médecin à ses
côtés, on devient plus professionnels automatiquement. Par la
force des choses, le niveau de qualité est supérieur. Ce n'est
pas parce que les gens sont moins bons en province, loin de là, mais
parce que les gens n'ont pas eu la chance d'avoir de la formation, d'avoir un
encadrement professionnel comme on a à Montréal.
M. Dutil: J'ai une autre question, M. le Président. Quant
à la formation, vous préconisez 1230 heures. Vous le mentionnez
dans votre mémoire. Nous avons dit le 2 mars dernier que nous irions,
d'ici cinq à sept ans, à 825 heures. Est-ce que vous estimez
réaliste - le président de la centrale a abordé le point
tout à l'heure - d'aller à 1230 heures dans un délai qui
serait plus court que ce délai, étant donné que les
techniciens ambulanciers continueront à travailler tout en se
perfectionnant?
M. Cotton: Nous pensons, pour avoir fait des calculs, qu'il est
possible d'augmenter à 1230 heures, ce qui est le niveau d'attestation
d'études collégiales mais, comme on le précise dans notre
mémoire, c'est une étape. Ce qu'on recherche en fin de compte,
c'est la formation paramédicale, et non pas, comme j'ai entendu
tantôt, deux classes de techniciens ambulanciers. On est contre cette
pratique et pour des raisons évidentes, parce que cela ferait en sorte
qu'à certaines heures, à certains moments de la journée ou
à certains endroits au Québec, on aurait le droit d'avoir tel
niveau de qualité de services comparativement à certaines autres
heures où on aurait la chance d'avoir un paramedic.
Cela a aussi une autre incidence que j'ai constatée, après
avoir été travailler à Toronto pendant une semaine
où il y a ce système, c'est que les techniciens ambulanciers se
sentent démotivés. Les techniciens ambulanciers qui ont la
formation de base se sentent démotivés lorsqu'ils
répondent aux appels et de plus en plus laissent aller les soins de base
et l'évaluation primaire du bénéficiaire. Lorsqu'ils
rencontrent un bénéficiaire qui nécessite peu de soins ou
seulement une surveillance médicale, ils font marcher le patient:
Couche-toi sur la civière tout seul ou bien descends jusqu'à
l'ambulance. Contrairement à d'autres cas où ils rencontrent un
bénéficiaire qui a besoin de soins avancés, bien
là, ils ne font encore rien parce qu'ils prennent le
téléphone et appellent les paramedics. Cela a l'effet de diminuer
la quantité de soins de base donnés par les gens qui ont une
formation de base, parce qu'ils se sentent snobés par ceux qui ont une
formation avancée.
M. Dutil: Vous ne considérez pas que 1230 heures, c'est
une formation de paramedic? Encore là, il y a de la confusion. Les
paramedics, pour certains, c'est 1200 heures, pour d'autres, c'est 2000
heures.
M. Cotton: La formation paramédicale, dans notre
conception, c'est 2500 heures, et on est loin de là. On pourra se
reparler de cela dans une dizaine d'années. Mais aujourd'hui, on est
conscients et on a accepté l'étape des 825 heures qu'on trouve un
pas important, parce que c'est une question de chiffres, c'est une question de
temps. Avant de passer à 1230, il faut passer par le chiffre 825, comme
on a passé à 150 et à 336.
M. Dutil: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. Cotton, vous avez
été consulté à combien de reprises sur le projet de
loi?
M. Cotton: On a eu une consultation au mois de janvier alors
qu'on a déposé notre mémoire de 500 pages au
ministère, qui est très différent de ce qu'on retrouve
dans le projet de loi. On a à ce moment-là déposé
notre révision comme techniciens ambulanciers; d'ailleurs, cela s'est
fait à une table provinciale où toutes les régions du
Québec étaient représentées par les
présidents régionaux et cela a été notre
révision qui était très différente de ce qu'on
retrouve aujourd'hui. Mais après avoir analysé ce qui est offert
aujourd'hui, on pense qu'il y a des éléments nécessaires
pour pousser dans le futur vers un avenir intéressant pour une
qualité de soins professionnels, une meilleure qualité.
M. Chevrette: Est-ce que vous avez rencontré le ministre
personnellement pour lui expliquer votre point de vue?
M. Cotton: II y a deux semaines, j'ai demandé de
rencontrer le ministre. On l'a rencontré pour lui dire que nous autres,
on y tenait au projet de loi. Cela s'est limité à cela.
M. Chevrette: Est-ce que vous avez rencontré le
sous-ministre?
M. Cotton: Comme on vous a rencontré aussi.
M. Chevrette: Oui, cela m'a fait plaisir. Des voix: Ha,
ha, ha!
M. Chevrette: Je savais que tu les rencontrais le lendemain.
M. Cotton: Non, c'est avant.
M. Chevrette: Oui. Cela ne m'aurait pas surpris. Mais tu m'avais
dit le lendemain... Ceci dit, est-ce que vous avez rencontré le
sous-ministre de la Santé avant la parution de la loi?
M. Cotton: On l'a rencontré au mois de...
M. Chevrette: Le 2 mars, est-ce que cela se peut?
M. Cotton: Non.
M. Chevrette: M. Lamarche et vous-même?
M. Cotton: Non, on n'a pas rencontré le ministre.
Personnellement, je l'ai vu deux fois. Je l'ai vu une fois au mois d'octobre ou
novembre, parce que les négociations, qui étaient entreprises,
bloquaient. Il y a eu la parution du rapport SECOR. C'est à ce sujet
qu'on a rencontré le ministre, sur le rapport SECOR. Le 2 mars,
c'était l'annonce de la loi. Nous, on avait des assemblées
générales cette journée-là. On n'a pas
rencontré le ministre.
M. Chevrette: Est-ce que vous maintenez aujourd'hui qu'on vous a
promis la loi pour le 1er juillet?
M. Cotton: Pardon?
M. Chevrette: Est-ce que vous maintenez encore aujourd'hui, parce
que vous m'avez déjà dit qu'il vous fallait la loi, qu'on vous
l'avait promise pour le 1er juillet?
M. Cotton: On ne nous a jamais promis la loi pour le 1er juillet.
On nous a dit que la loi arriverait pour le printemps et on espère que
cela va venir, parce qu'il est important d'aller de l'avant dans la refonte du
système ambulancier, que ce ne soit pas renvoyé aux calendes
grecques ni à l'automne. On pense que c'est très important que
cela passe immédiatement, parce qu'il y aura d'énormes
conséquences si ce n'est pas fait.
M. Chevrette: Mais quelle est l'importance capitale pour vous
qu'elle soit adoptée pour le 1er juillet?
M. Cotton: Premièrement, relativement aux centrales de
répartition régionale, en annonçant la réforme, le
ministre parlait de trois ans avant l'installation de ces centrales. Lors de la
présentation de notre mémoire, nous avions évaluer
à un an au minimum une étude technique sur le terrain. Donc, on
reporterait encore une fois d'un an et demi, à cause de l'hiver, la mise
en place de ces centrales. C'est l'élément de base, parce que
pour être capable de communiquer, pour empêcher que les appels
soient retardés dans les compagnies privées, il faut avoir une
centrale de répartition pour que les gens puissent
téléphoner à un numéro unique dans chacune des
régions du Québec. C'est à partir de là que va
commencer à se créer une qualité de soins et une
qualité de services. Techniquement, il faut absolument que ce soit en
place.
M. Chevrette: Est-ce qu'on vous a promis qu'il y aurait des
centrales dans chaque région, sur demande ou imposées par le
ministre?
M. Cotton: On n'a pas dit que ce serait imposé ou sur
demande. Ce qu'on sait - je l'ai lu dans les Journaux et j'y ai appris que la
réforme était annoncée - c'est que dans chacune des
régions, d'ici à trois ans, il y aurait une centrale de
répartition et de réception des appels. Cela veut dire qu'il y a
un système de communication qui va s'installer avec les
véhicules. Il y aurait deux zones pilotes où on irait un peu plus
de l'avant dans une réorganisation du territoire C'est ce que j'ai
entendu et que je sais.
M. Chevrette: Est-ce que le 1er juillet n'a pas aussi une
incidence par rapport à la négociation en cours?
M. Cotton: Je ne vous comprends pas.
M. Chevrette: Est-ce que votre hâte ou votre empressement
à avoir le projet de loi présentement n'est pas aussi une
question de négociation de votre contrat collectif ou du renouvellement
de votre contrat collectif?
M. Cotton: Je dois vous dire que la négociation de la
convention collective est commencée depuis le mois d'octobre. On a
suspendu la négociation à ce moment-là, parce que le
gouvernement nous disait qu'à cause de la sortie du rapport SECOR, il y
aurait une réforme du système ambulancier. Il y a une
réforme du système ambulancier. C'est certain que si on parte
d'une réorganisation du travail, cela a des incidences à
l'intérieur d'un projet de convention. On a recommencé la
négociation à la fin d'avril et actuellement, on est rendu
à une dizaine de jours dans les négociations, et cela va
relativement bien. Cela ne sera pas terminé pour le 1er juillet; cela
sera terminé quand tout le monde sera prêt et qu'on arrivera au
bout ensemble. Si cela ne débouche pas ou si on arrive pas à une
conclusion par la discussion, vous nous connaissez, on va y arriver
autrement.
M. Chevrette: Des moyens administratifs.
M. Cotton: Toujours. Vous en savez quelque chose. Vous avez
négocié une nuit de Noël.
M. Chevrette: Je ne le souhaite pas aux autres.
M. Larose: On avait trouvé un règlement. M.
Chevrette: Oui, oui.
M. Larose: II ne devrait pas y avoir de honte parce qu'un...
M. Chevrette: Non, je n'ai pas honte d'avoir
réglé.
M. Larose: Non, mais...
M. Chevrette: J'avais honte de certains gestes qui ont
été posés, par exemple.
M. Larose: Non, mais...
M. Chevrette: Déguisé en Père Noël pour
aller ramasser les morts, je n'ai pas trouvé cela drôle.
M. Larose: II ne devrait pas y avoir de honte à ce qu'une
organisation syndicale se préoccupe de l'établissement d'un
service public, accessible et gratuit pour la population. Je pense que c'est
une responsabilité sociale que toutes les organisations devraient avoir.
Il me semble que pour connaître votre passé, vous devriez partager
ce travail.
M. Chevrette: Je partage tous règlements, bien sûr,
qui sont faits dans des normes de civilisation. Je n'ai pas honte d'avoir
réglé le conflit non plus, même si le ministre essaie de me
rabrouer avec cela. Pas du tout. Ce que j'essaie de vous faire dire et vous
n'êtes pas obligé de me le dire, c'est bien évident...
M. Larose: Non.
M. Chevrette: Je sais que vous ne me le direz pas.
M. Larose: On évite de dire ce qu'on ne veut pas dire.
M. Chevrette: C'est pour cela que je ne m'acharnerai pas
très très longtemps. Je vais plutôt vous poser une question
directe. Il semble y avoir une inimitié, pour ne pas dire une haine
maladive, entre entrepreneurs et syndicats. Dans tous les échanges, on
sent une agressivité épouvantable de part et d'autre. Je vais
même vous citer un cas dans votre propre mémoire. Dans votre
mémoire actuel, vous allez jusqu'à dire au gouvernement et au
ministre: Vous ne devez même pas indemniser ces gars. Alors que vous avez
présenté un petit document intitulé "Dépenses
totales d'opération et en immobilisation", advenant le cas que vous
étatisiez... Vous vous rappelez ce document?
M. Larose: Cela fait partie de notre mémoire. (13 h
15)
M. Chevrette: Cela fait partie de votre mémoire. Vous vous
rappellerez sans doute la page 310. À la page 310, vous évaluez
l'achat de nouvelles ambulances à 100 000 $ chacune. Ce doit être
le modèle KK je-ne-sais-pas-quoi, je ne connais pas cela, pas Cotton,
KK, et vous écrivez "dépenses extraordinaires initiales
attribuables à l'indemnisation des compagnies privées de
transport ambulancier appelées à disparaître - 22 430 000
$". Comment conciliez-vous l'évaluation que vous faisiez à
l'époque pour demander l'étatisation avec votre paragraphe dans
votre mémoire qui dit: Faites donc pas cela?
M. Cotton: Cela nous a arraché le coeur d'écrire
cela.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Pourriez-vous faire un petit effort pour me
répondre?
M. Cotton: Oui, je peux faire un effort pour vous
répondre. C'est parce qu'à ce moment-là, on proposait une
réforme complète du système ambulancier, pas une
réforme à la pièce où on laisse encore les
propriétaires dans le décor, parce que ce sont eux qui ont
crié tout le temps pour ne pas être étatisés. Le
projet de loi ne les étatise pas, loin de là, parce qu'en
conservant une partie de l'opération, ils vont encore enfarger le
système. Pour nous autres, ils ont pigé assez dans le pot, sur le
dos de la qualité des services, et sur notre dos à nous autres,
parce que là où on était capable de les serrer quand on
négociait rive sud - rive nord, on aurait perçu des
rétroactivités sur du salaire qui n'était pas versé
- cela allait jusqu'à 25 000 $ dans certains cas - sur du salaire pas
versé parce qu'il le mettait dans leurs poches. À
Montréal, bien, je vous montrerais la flotte d'ambulances qui sont
tenues par des vis à bois, c'est assez évident. La direction
d'Urgences-santé avait établi une norme, pas par des
professionnels, mais elle a essayé d'écrire quelque chose. S'il y
avait eu des entrepreneurs le moindrement intelligents, comme il y en a eu
certains qui ont accepté de fonctionner professionnellement - parce
qu'ils ne sont pas tous dans le même bain - ces ambulances ne seraient
jamais apparues dans la qualité où elles le sont actuellement
à Montréal.
M. Chevrette: Mais, M. Cotton, vous ne pensez pas que vous
généralisez à partir d'un, deux ou trois? Si les
employeurs faisaient la même chose, généralisaient à
partir des cas exceptionnels des ambulanciers? Je vais vous donner un exemple
concret. Vous avez des techniciens qui sont allés voir une entreprise
qui oeuvre depuis 57 ans dans le transport ambulancier au Québec, lis
ont dit: Si tu ne règles pas à Montréal, on te ferme
à Québec, on te ferme à Trois-Rivières et on te
ferme un peu partout. Cela, c'est du chantage. Le gars est obligé de
cacher ses ambulances. Vous négociez vous-même
présentement, avec M. Lamarche comme intermédiaire, auprès
de cette compagnie pour essayer de régler le cas. Voulez-vous me dire si
ce n'est pas du charriage un peu sur les deux bords, cela, pour être
objectif? Je parle de Lépine Ambulances. Ce ne sont pas des bandits.
Cela fait 57 ans qu'ils oeuvrent dans le système. Six transmissions dans
une semaine? Vous ne pensez pas que si vous commencez à charrier sur
tout l'ensemble, qu'ils ne peuvent pas généraliser eux aussi
à partir de trois, quatre "gorlots" que vous pouvez avoir?
M. Cotton: M. Chevrette, les "goriots", je ne sais pas où
ils sont.
M. Chevrette: II peut y en avoir des deux bords.
M. Cotton: Oui. Il y a eu cette semaine sept heures de rencontre
avec la compagnie et je peux vous dire qu'il y a des gérants de cette
compagnie qui sont partis dans leurs petits souliers, parce que la compagnie
semble s'être rendu compte qu'elle se faisait jouer des tours par leurs
gérants, que ce n'était pas sur le dos des gars, contrairement
à ce que vous venez d'affirmer. On attend une réponse depuis
avant-hier, une réponse qui était censée arriver hier
matin sur un règlement. On n'a pas encore eu de réponse de cette
compagnie qui est là depuis 57 ans. On attend toujours.
M. Chevrette: Trouvez-vous normal, indépendamment du fait
que vous pourriez avoir raison sur des griefs, que cela se solde par du bris de
matériel d'une façon aussi évidente?
M. Cotton: M. Chevrette, je viens de vous dire tantôt que
la flotte d'ambulances qu'ils ont achetée de Jean Lacelle à
Montréal, c'était une flotte finie. C'est une flotte qui
était tellement de mauvaise qualité que même M. Germain
Lépine a reconnu l'avoir achetée sans la voir. M. Lacelle avait
signé un affidavit selon lequel la flotte était A1, et pourtant,
aujourd'hui, le groupe Lépine poursuit Jean Lacelle pour 350 000 $.
parce que la flotte était finie. Aujourd'hui, faire supporter l'odieux
d'avoir des véhicules qui se brisent en cours d'exploitation, des
véhicules d'urgence, par des techniciens ambulanciers parce qu'ils ont
dans leurs mains des véhicules qui sont finis... Je vais vous donner un
exemple. Ils ont changé une lame de suspension pour une lame neuve. Il y
a cinq lames en dessous du véhicule et les autres sont usées. La
charge du véhicule est trop lourde pour le châssis. Deux jours
après, le même véhicule revenait parce qu'il y avait deux
autres lames qui étaient faibles en dessous et qui se sont
brisées, parce que la nouvelle lame faisait plier les deux autres. Pour
ce qui est des freins, la compagnie conçoit que le véhicule est
mal équilibré, que les freins s'usent toujours du
côté droit. Ils sont obligés de changer les freins à
tous les trois ou quatre jours. La compagnie Lépine nous a dit: Si on
savait vers quelle norme on s'en va, ou si le projet de loi était
adopté, il faudrait absolument qu'on ait la nouvelle norme, qu'on sache
vers quelle sorte de véhicule on s'en va, parce qu'on changerait la
flotte demain matin.
M. Chevrette: Quel rôle M. Lamarche joue-t-il dans cette
négociation?
M. Cotton: M. Lamarche n'est pas dans cette
négociation.
M. Chevrette: Est-ce qu'il n'est pas allé avec vous,
est-ce qu'il n'est pas intervenu auprès de la compagnie Lépine en
votre nom?
M. Cotton: Bien je sais que M. Lamarche accompagnait le
ministère cette semaine quand on a eu une rencontre. On a demandé
une rencontre parce que justement on essayait de nous faire passer sur le dos
les bris de transmissions. On a demandé au gouvernement d'être
présent lors de cette rencontre où on expliquerait devant les
gens du ministère ce qui s'est passé. Je peux vous dire que la
compagnie Lépine et Cloutier a perdu la face là-dedans.
M. Chevrette: Mais comme vous avez été...
M. Cotton: M. Lamarche n'était pas avec nous. M. Lamarche
était avec le ministère.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Comme vous avez toujours été pour
l'étatisation complète du système ambulancier, à
Montréal en tout cas, et même dans le reste de la province, votre
mémoire est explicite, comment pouvez-vous ne pas l'exiger
complètement? Si c'est en si mauvais état que cela,
l'indemnisation ne sera pas grosse. Et vous reconnaissez vous-même qu'il
y a certains permis qui ont coûté au propriétaire 1 000 000
$ ou plutôt 100 000 $ le permis. Est-ce que vous ne reconnaissez pas cela
comme un droit, un droit Inaliénable, un droit qu'on reconnaît
dans le continent nord-américain, soit le droit d'indemniser à sa
juste valeur - je ne parle pas de payer un véhicule 100 000 $ s'il en
vaut 10 000 $ - et conforme à l'esprit et à la logique de ce que
vous avez toujours réclamé, c'est-à-dire
l'étatisation complète? Quelle est cette volte-face?
M. Larose: Une volte-face! Ce qu'on vous dit, c'est que notre
préoccupation, ce ne sont pas les "springs", et ce ne sont pas les
"clutches". Ce n'est pas cela. Notre préoccupation, c'est le service
ambulancier. Qu'il soit intégré, parce que c'est un service
névralgique dans la société. Que cela devienne un
véritable service accessible à tout le monde. Ce faisant, sans
être un expert, je pense effectivement que si l'étatisation
était "coast to coast", "mur à mur", ce serait plus
économique. D'accord? Si, pour arriver au service public tout de suite,
la tôle doit être laissée aux entreprises, bien qu'on laisse
la tôle aux entreprises! Ce qu'on souligne, par exemple, c'est qu'on
trouve que pour des capitalistes, ils aiment bien profiter d'un autre
régime au plan économique. La tôle, pourquoi
n'envoyons-nous pas cela tout de go en offres publiques et que le meilleur
gagne9 Qu'on
renouvelle les offres de temps à autre et que le meilleur
gagne.
M. Chevrette: Mais à ce moment-là vous
reconnaissez, M. Larose, que l'individu qui viendrait d'acheter un permis en
vue de se bâtir une entreprise privée, qui aurait payé 100
000 $ par exemple le permis, ou qui vient d'investir 2 000 000 $ dans les
véhicules, si on faisait cela, qu'il aurait au moins droit à une
certaine forme d'indemnité, sans charrier - je ne dis pas de donner ce
que cela ne vaut pas, je parle d'une compensation juste et raisonnable - selon
des principes les plus élémentaires en droit d'indemniser
d'après des évaluations professionnelles. Ne pensez-vous pas que
cela est admissible?
M. Larose: Écoutez, dans ce club, les gens ont plusieurs
règles. S'ils veulent quitter, ils peuvent le faire. Moi, les
règles que je connais, c'est que si tu fermes boutique, tu fermes
boutique, et que si tu as fait ton argent, tu as fait ton argent. Tu n'as fait
la charité à personne, personne ne leur doit rien. Mais si dans
vos règles, dans les règles de l'État, il y a
effectivement expropriation quand il y a étatisation mur à mur,
bien qu'on y aille avec ce que cela vaut. D'après ce qu'on me dit il n'y
a pas là...
M. Chevrette: Mais... M. Larose: II n'y a pas
là...
M. Chevrette: Je prends un exemple. La CSN a une imprimerie. Elle
a investi dans de la machinerie pour son imprimerie et elle est "tannée"
supposément de se faire voler.
M. Larose: Les assurances vont payer.
M. Chevrette: Oui. Mais elle garde son imprimerie. Le
gouvernement passe une loi et dit: Dorénavant, je te paie un logement et
c'est tout. Tu ne travailleras plus avec tes machines. C'est nous qui allons
les utiliser, on va juste te payer un loyer.
M. Larose: Puis, ils nous imprimeraient...
M. Chevrette: Je connais un dénommé Gérald
Larose...
M. Larose: Ils nous imprimeraient cela gratis?
M. Chevrette: ...qui crierait à l'injustice.
M. Larose: Ils nous imprimeraient cela gratis? D'accord.
M. Chevrette: Non, non.
M. Larose: Demain matin.
M. Chevrette: Ifs ne vous imprimeraient pas cela gratis. Vous
avez investi, vous avez des redevances, vous avez des obligations. Je comprends
que c'est philosophique, mais c'est une philosophie... M. Larose, il n'y a pas
une loi qui s'est votée ici, à l'Assemblée nationale,
où, lorsqu'on a permis à quelqu'un d'immobiliser, on ne lui
permet pas d'avoir une juste compensation. Est-ce que vous niez cela?
M. Larose: Non, je ne nie pas cela. Je ne nie pas cela.
M. Chevrette: Comment se fait-il que vous n'adhérez pas au
principe qu'il y ait au moins une juste... Vous auriez votre principe
d'étatisation complète dont vous rêvez!
M. Larose: Ils sont encore là. Le projet de loi leur donne
même deux tours gratis pour s'essayer.
M. Chevrette: Bien oui, mais vous voulez les sortir à tout
prix.
M. Larose: Non, non. Non, non.
M. Chevrette: Vous ne pensez pas que le ministre...
M. Larose: Nous, on est prêts à s'accommoder de ce
qu'il y a dans la loi, avec les deux tours gratis, même si on trouve que
c'est un peu gros, mais si le système s'accommode de cela! Le
système capitaliste, on travaille là-dedans itou; on
négocie régulièrement avec du monde qui est
là-dedans. Si cela fait leur affaire, deux tours gratis, et s'ils
peuvent en avoir un troisième sans être "strike out", disons que
cela sera un régime de privilégiés. On est d'accord avec
cela, si cela nous donne le régime public. Nous, ce qu'on vise, ce sont
les citoyens, le service public et une qualité professionnelle du
service. Un point, c'est tout.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Thuringer: Merci, M. le Président. Je suis
frappé par le fait qu'on a parlé justement de climat de travail,
qui est vraiment, au fond, un service pour le public. Vous mentionnez dans
votre mémoire, à la page 7, que le fait que les employés
seront intégrés à Urgences-santé va
déjà améliorer beaucoup le service. Par contre, les outils
et tout l'approvisionnement, c'est dans une autre structure. Comment voyez-vous
que cela va améliorer le fonctionnement pour le public en fin de compte?
Est-ce qu'il n'y aura pas encore beaucoup d'occasions de frictions?
M. Cotton: Premièrement, il faut com-
prendre qu'H faut des règlements pour l'équipement. Il
faut de nouvelles normes garantissant des véhicules de qualité et
des équipements de qualité, en quantité suffisante, quand
on en a besoin. Parce que la différence entre tel type de planche
d'immobilisation et un autre type de système d'immobilisation, pour un
patient qui a une fracture de la colonne vertébrale, c'est que le
patient va rester paraplégique pour le reste de ses jours ou il ne le
sera pas. C'est aussi simple que cela. D'avoir des collets cervicaux en "foam"
mou ou des collets cervicaux rigides pour des incarcérations, la
différence, c'est que quelqu'un va être paraplégique pour
le reste de ses jours.
L'intégration du personnel à Montréal à
Urgences-santé, c'est une chose essentielle, parce que, pour avoir
vécu tous les comités tripartites qu'on avait inscrits au
décret qui avait été adopté en 1984, on a
constaté que la seule préoccupation des propriétaires
était: Comment cela coûte et qui va payer? Jamais, jamais, en
aucun temps, les propriétaires se sont dit: Bien oui, c'est important
pour la sécurité des techniciens ou pour la
sécurité de la population; c'est important pour la qualité
de service. Au contraire. On a vu apparaître à Montréal des
systèmes de nettoyage de draps domestiques dans des compagnies qui
avaient un flot d'appels qui dépasse celui de n'importe quelle compagnie
au Québec. Au lieu d'envoyer nettoyer les draps chez des gens
compétents qui ont des systèmes de désinfection de draps
souillés par des liquides corporels contagieux, ils les mettent dans une
machine à laver domestique, avec du savon bleu en poudre pas cher; Hs
les brassent là-dedans, à l'eau froide, s'il vous plaît,
puis après, ils les plient et, envoyé par la, on retourne sur
l'ambulance avec cela. Quant aux masques à oxygène, à
Montréal, on est à peu près la seule place - il y a
sûrement d'autres compagnies qui les changent - mais la grande pratique
du système ambulancier au Québec, c'est que tant que
l'élastique est bon, les masques sont bons.
Des voix: Oh!
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Cotton: La grande pratique pour les masques à
oxygène, c'est: Nettoie-les, parce que cela coûte 2,35 $. Ils
nettoient les masques ou ils en ont dans leurs réserves, mais ils en
donnent un ou deux pour faire des transports aux techniciens ambulanciers. Ils
doivent les utiliser sur te tas, ils ne peuvent pas en avoir plus. Ce sont ces
gens qu'on a rencontrés au cours des dernières années.
À Montréal on avait un autre problème en plus. Lorsque des
directives étaient émises par Urgences-santé, elles
l'étaient par le biais du contrat que le propriétaire avait avec
Urgences-santé, et les personnes qui administraient le travail sur la
route, qui étaient des cadres d'Urgences-santé, n'étaient
pas liés du tout avec ceux qui font le travail, qui sont les techniciens
ambulanciers, parce que c'étaient des gens qui étaient dans une
autre organisation qui n'était pas la compagnie où on
travaillait.
Le Président (M. Bélanger): Compte tenu du temps,
nous en sommes aux conclusions. M. le député de Joliette, est-ce
que vous avez un dernier commentaire?
M. Chevrette: Je voudrais constater une chose, M. le
Président. Je pense que dans les circonstances, quand on sent où
en est rendu le climat entre les deux parties, qu'un changement de structure
n'influencerait pas grand-chose, si ce n'est de passer à une
étatisation complète ou bien de ne pas essayer de camoufler une
étatisation partielle. Ou encore, si on permet une certaine forme de
cohabitation, il n'y aurait pas d'autre choix que de faire une enquête
publique sur les comportements. Je suis convaincu qu'à ce
moment-là, on pourrait de part et d'autre trouver les malaises profonds
et faire en sorte qu'on puisse améliorer véritablement le
système.
Je voudrais vous remercier pour votre mémoire. Nous allons
travailler très sérieusement à apporter les amendements
qui s'imposent. Je suis content de voir que la négociation n'est pas
liée à la loi, de sorte qu'on pourra faire un travail très
sérieux comme parlementaires. Il n'y a donc pas urgence en la
demeure.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Dutil: Je vous remercie beaucoup de votre présence et
de la façon dont vous avez exprimé vos opinions. Cela nous permet
de dégager plusieurs points. Le premier, c'est que le système
peut évoluer sans qu'on fasse une révolution, alors que
l'Opposition semble privilégier que l'on fasse tout l'un ou tout
l'autre, c'est-à-dire l'étatisation complète ou rien du
tout, et que l'on poursuive des études et des consultations qui ont
déjà été faites en très grand nombre.
J'apprécie également que nous ayons parlé du triage et que
vous confirmiez qu'un triage minimal est absolument nécessaire et qu'une
étude là-dessus, pour voir de quelle façon on peut en
faire la réforme, est nécessaire, contrairement, encore une fois,
à ce qui est véhiculé par l'Opposition, à savoir
que vous préconisiez l'abandon total de tout triage. L'autre mise au
point, fort importante à mon avis qui a été faite ce matin
par vous, c'est qu'il existe actuellement deux systèmes quant à
la qualité du service, c'est-à-dire Montréal et les
régions, et que les anciens gouvernements ne se sont pas
préoccupés beaucoup du travail dans les régions,
contrairement à la prétention qui est faite depuis que nous avons
commencé ce débat, à savoir que ce serait la loi 34 qui
établirait deux systèmes, alors qu'il n'y a pas deux
systèmes actuellement. Je pense que cela apporte bon nombre
d'éclaircissements au débat et que
cela enlève beaucoup de confusion dans les divers concepts qui
ont été présentés. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): La commission des
affaires sociales remercie la Confédération des syndicats
nationaux et suspend ses travaux jusqu'à 15 heures, alors que nous
recevrons la Corporation des services d'ambulances du Québec.
(Suspension de la séance à 13 h 35)
(Reprisée 15 h 13)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La commission des affaires sociales se réunit afin de
procéder à des consultations particulières et de tenir des
auditions publiques dans le cadre du projet de loi 34, c'est-à-dire la
Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux
et d'autres dispositions législatives. Nous recevrons cet
après-midi la Corporation des services d'ambulance du Québec,
l'Union des employés de service, local 298 de la FTQ et la
Conférence des conseils régionaux de la santé et des
services sociaux. À cet effet, comme nous devions suspendre à 17
heures, est-ce qu'il y a consentement pour qu'à 17 heures nous puissions
recevoir la Conférence des conseils régionaux?
M. Chevrette: 17 h 15 à 18 h 15. On va essayer de
respecter les heures des groupes.
Le Président (M. Bélanger): Oui. Si on avait
commencé à 15 heures, on aurait fini à 18 heures.
M. Chevrette: Bien oui, je comprends.
M. Dutil: C'est quinze minutes de plus, M. le
Président.
M. Chevrette: Moins d'historique et plus de questions
directes.
Le Président (M. Bélanger): Vous croyez? Alors,
j'invite donc à la table des témoins la Corporation des services
d'ambulance du Québec qui sera représentée par M. Antoine
Fabi, le président, par Me André Comtois, conseiller juridique et
par M. Claude Larose. Alors, si le porte-parole de votre groupe veut
s'identifier et présenter ses collègues. Vous avez un maximum de
20 minutes pour présenter votre position. Alors, je vous prierais de
procéder.
Corporation des services d'ambulance du
Québec
M. Fabi (Antoine): Merci, M. le Président.
Mon nom est Antoine Fabi, tel que vous l'avez dit; je suis
accompagné de Me Comtois et de M. Claude Larose. M. le Président,
M. le ministre, M. le chef de l'Opposition, mesdames et messieurs de la
commission, nous nous présentons ici devant vous à trois titres:
évidemment, comme Corporation des services d'ambulance qui regroupe des
PME, en fait 90 % des PME ambulancières au Québec, dont 80 % de
nos membres sont aussi techniciens ambulanciers, et évidemment comme
citoyens aussi, pour regarder le système dans son ensemble.
Dans nos trois rôles, nos préoccupations de base sont la
qualité des services à la population et l'efficacité du
système ambulancier à un coût raisonnable. Nous avons
abordé le problème sous l'angle de la qualité de services
essentiellement parce que, somme toute, hors Montréal, il n'y a pas de
problème grave de relations de travail comme on en retrouve à
Montréal, en tout cas, pour le moment. Évidemment, pour ce qui
est de Montréal je pense que Me Tremblay a fait hier, un exposé
assez juste de la situation. On se demande quels sont les problèmes de
fond, les problèmes de qualité hors Montréal. Bien
sûr, le système est perfectible, mais dans sa structure, quels
sont les problèmes fondamentaux de qualité hors Montréal?
Après vérification avec les CRSSS, les seules plaintes concernent
presque uniquement la tarification que les usagers trouvent parfois trop
chère. Après vérification auprès des fonctionnaires
du ministère à qui on a demandé s'il y avait des plaintes,
on ne nous a rien rapporté. On l'a même demandé au ministre
à maintes reprises. On aimerait déposer, avec votre permission,
M. le Président, des évaluations de services qu'on a pu ramasser
en une journée, vous nous excuserez, en raison du court délai de
convocation - si on pouvait déposer, Me Comtois - des évaluations
de services qui correspondent peut-être à 10 % des entreprises au
Québec, celles qui ont pu se rendre ici et les ramasser entre-temps. Ces
évaluations et ces lettres de félicitations, je pense qu'elles
témoignent clairement du taux de satisfaction de la population, en
n'oubliant pas cependant que le système est hautement perfectible.
Tout au long du processus de réforme, depuis octobre 1987, nous
avons coopéré pleinement avec le ministère de la
Santé. À la suite du rapport SECOR, nous avons produit notre
rapport dont vous trouverez copie à la fin de notre mémoire,
où on faisait des recommandations précises sur ce qu'est la
qualité du service. Ces recommandations, nous les maintenons. Elles sont
toujours valables, quant à nous. Malheureusement, elles ne se
reflètent pas dans le projet de loi. Nos recommandations étaient
essentiellement axées sur le service, la qualité du service
à la population. Qualité du service à la population qui
s'est améliorée au cours des années, et à laquelle
les propriétaires ont largement contribué. D'un système
artisanal, nous en sommes rendus à un système structuré,
réglementé, et de meilleure
qualité. Nous avons appuyé les objectifs de la
réorganisation de M. Dutil car, évidemment, le système est
perfectible, et ce, à plusieurs points de vue. Nous avons môme
proposé des recommandations précises qui venaient de nos membres,
après une tournée provinciale où nous avons
consulté 100 % de nos membres, qui vivent dans ces services, 365 jours
par année, 24 heures par jour, et qui en sont responsables.
Notre compréhension du projet de loi 34 va un peu dans le
même sens que celle exprimée par les éditorialistes, par le
Conseil du patronat, la Chambre de commerce, celle exprimée par Me
Tremblay et môme, en partie, par M. Lamarche et par certains
fonctionnaires. À Montréal, on dissocle les employés, on
les scinde carrément des opérations et on les envole à ta
corporation d'Urgences-santé. Hors Montréal cependant, on
recrée Urgences-santé dans la forme dans laquelle on veut
l'abolir présentement à Montréal. La forme actuelle du
système ambulancier, la PME ambulancière, comment
fonctionne-t-elle? Bien, ce n'est pas tellement compliqué, elle
fonctionne comme toute PME. Elle assure toutes les fonctions de direction
d'entreprise, la gestion du personnel, les achats, la supervision et
l'organisation, à un coût minime, comme le notait de façon
éloquente le rapport SECOR. Parce qu'il faut bien le dire, tel que
relevé dans le rapport SECOR, que notre coût per capita est
beaucoup moins élevé que la moyenne canadienne et correspond
à la moitié de celui de l'Ontario. On pense que c'est
révélateur, on pense que c'est un témoignage de notre
efficience et de notre efficacité. Notre service est adapté aux
régions et nous sommes aussi contrôlés par le
ministère de la Santé et les CRSSS, ce qui est normal.
La réforme comme telle. Au printemps 1987, le ministère a
commandé le rapport SECOR, étape 1. A la page 8 de notre
mémoire, on retrouve les principales constatations de la firme SECOR.
L'industrie est régionalisée et repose principalement sur
l'entreprise privée; Montréal et les autres régions ont
développé des organisations fort différentes en
matière de transport ambulancier; les ressources, l'utilisation de ces
ressources, le temps réponse et les coûts varient selon le volume
de transport; en dépit d'une croissance rapide, les dépenses
gouvernementales per capita sont moins élevées au Québec
que la moyenne canadienne et presque seulement la moitié de celles de
l'Ontario; le taux de roulement élevé de la main-d'uvre,
surtout en milieu rural, témoigne d'un malaise dans l'industrie
ambulancière; de plus en plus d'intervenants revendiquent une plus
grande formation pour évidemment améliorer la qualité du
service.
Évidemment, il a posé un diagnostic, ce rapport SECOR,
parce qu'il a analysé le système ambulancier dans son ensemble.
J'attire principalement votre attention sur le diagnostic no 5 en haut de la
page 10 de notre mémoire.
Le rapport soulignait que "l'extension progressive du mandat
d'Urgences-santé, eu égard à la gestion même des
services ambulanciers, est une source de confusion - et là vous nous
excuserez, il manque un mot - et mine la crédibilité des
Intervenants". Ce qui nous inquiè te dans le projet de loi 34, c'est que
cette même critique va évidemment devoir se poser, on va faire le
môme diagnostic dans deux ans, si le projet de loi 34, tel qu'il est
libellé, devait se concrétiser. Le rapport SECOR avait
envisagé quatre solutions: conserver le modèle existant et
augmenter les fonds disponibles, notamment pour les frais de gestion et pour la
stabilisation de la main-d'oeuvre; redéfinir les zones, une seule
entreprise par zone sur une base de franchise, développer un
système dont les opérations sont partagées entre
l'État, les municipalités et les entreprises privées; et
finalement, instaurer un système de transport ambulancier public.
Cependant, le rapport SECOR fait de sérieuses mises en garde et
je cite, au bas de la page 10 de notre document. "Le présent document
est un rapport d'étape. SECOR s'est engagée à formuler des
options quant à des modèles alternatifs d'organisation du
transport ambulancier au Québec. La sélection et la validation de
ces modèles doivent être fartes en deuxième phase."
On n'a jamais vu la deuxième phase. On ne sait pas pourquoi. On
pense qu'avec une réforme de cette ampleur, il aurait dû y avoir
une deuxième phase, parce que si vous nous demandiez quels sont les
coûts exacts de ce qu'on pense être les répercussions du
projet de loi 34, c'est difficile à dire. On sait que cela va être
plus cher, mais pour mettre un chiffre précis, ce n'est pas faisable,
cela n'a pas été validé par les auteurs mêmes qui
ont entrepris la réforme.
On parle aussi, dans le projet de loi, d'étendre à des
zones limitrophes. Or, il se trouve qu'une des mises en garde aussi du rapport
SECOR, qui est le fondement même de la réforme, notait qu'il n'y
avait pas eu d'analyse pour ces régions limitrophes, et que cela devait
être fait en deuxième phase. Encore là, on ne comprend pas
que la deuxième phase n'ait pas eu lieu.
Nous constatons dans le projet de loi que les postulats de base ne s'y
retrouvent pas. Ce n'est pas vrai qu'on va régler un problème de
relations de travail d'une façon évidente comme cela à
Montréal. Dans le projet de loi, il n'est nullement fait question de la
stabilité de la main-d'oeuvre. On ne parle, on ne traite nullement de la
qualité du service, de formation, de rationalisation en fonction d'une
qualité de service. On ne se propose pas ici de reprendre article par
article, cela a été fait amplement hier - on pourra y revenir
sous le mode des questions - mais on attire particulièrement votre
attention sur l'article 149.4. Pourquoi des zones limitrophes, quand on ne sait
même pas comment va marcher le nouveau système à
Montréal, si jamais il était adopté? Évidemment
SECOR avait
relevé qu'on n'avait pas fait d'études pour les zones
limitrophes. On se demande encore - en haut de la page 15 de notre rapport -
pourquoi quand le diagnostic de SECOR indique que "l'extension progressive du
mandat d'Urgences-santé, eu égard à la gestion même
des services ambulanciers, est une source de confusion et mine la
crédibilité des intervenants", on recrée des
mini-Urgences-santé avec le projet de loi 34? On exporte finalement le
système de Montréal hors de Montréal.
Quand on parle de contrats de service d'ambulance - nous sommes aussi en
négociation avec le ministère de la Santé et des Services
sociaux - dans les contrats qu'on nous propose, le service d'ambulance n'assume
plus les horaires, ne détermine plus les points de service, ne
procède plus à la réception et à l'acheminement des
appels. On décrit même ces centrales de coordination comme
étant les administrations du transport ambulancier. On se pose de
sérieuses questions face aux constats de qualité qu'on vous a
déposés tantôt, quoique le système est perfectible,
comme on l'a dit.
L'article 149. 28. Le pouvoir de l'organisme de conclure des contrats
est facultatif. Il peut conclure, il peut ne pas conclure. Il peut conclure ce
qu'il veut, finalement. Pourquoi étendre au Québec entier les
problèmes de relations de travail qu'on a vécus à
Montréal? Au contraire, on pense qu'il faut les résoudre.
Vous avez déjà en place des moyens de contrôle: la
loi, le ministère de la Santé et des Services sociaux et les
CRSSS. Pourquoi créer de nouveaux organismes dont les coûts vont
peut-être être difficiles à prévoir? SECOR identifie
ces organismes comme une source de problèmes. Les syndicats
négocient déjà comme si cet organisme était
déjà en place. Les employés en province se voient comme
des fonctionnaires de l'État et les syndicats demandent le droit de
négocier l'organisation du travail.
Alors, en conclusion, le projet de loi 34, dans sa version actuelle et
sa philosophie, aurait des conséquences désastreuses pour le
système ambulancier au Québec. Il tasse du revers de la main,
dans un premier temps, la PME ambulancière à Montréal et
ce, sans compensation. Il abolit Urgences-santé à Montréal
d'une main, mais la recrée partout au Québec, de l'autre. Il met
dans une situation non viable la PME régionale de l'ambulance partout au
Québec, en la déstabilisant carrément. On parle de
stabilisation du personnel et on déstabilise la PME. Il
dépersonnalise les relations de travail partout au Québec, donc,
indirectement, la qualité. Il ne tient pas compte des réels
besoins de la population en termes de rapidité, de qualité et de
connaissance du milieu. Il donne les bases et crée des conditions
idéales pour une rapide étatisation du service partout en
province. Les entreprises qui n'obtiendront pas de contrat disparaîtront
et, dans plusieurs cas, feront face à des faillites. Il donne la
clé du système ambulan- cier au RETAQ, avec toutes les
conséquences que ceci peut entraîner. Il ne répond
absolument pas aux objectifs de la réforme. Il n'améliore en rien
le niveau de service; au contraire, il le dépersonnalise et le
déresponsabilise partout au Québec. Il ne traite pas de
stabilisation de la main-d'oeuvre en région. Il ne favorise en rien la
rationalisation des coûts en regard d'une qualité de service. Au
contraire, il fonctionnarise tout l'appareil ambulancier en l'alourdissant. Il
n'améliore en rien le système de contrôle en créant
des Urgences-santé partout; tout en déresponsabilisant, il ne
prévoit aucun mécanisme de contrôle sur la
qualité.
Alors, nos recommandations immédiates - tantôt, on pourra
voir les recommandations plus précises en ce qui concerne la
qualité de service - comme réactions, à trois ou quatre
jours d'avis, sont les suivantes. On demande le retrait immédiat du
projet de loi 34. Nous recommandons le maintien de la notion des permis comme
condition d'exercice d'une entreprise ambulancière. Ce n'est pas
compliqué et on ne se le cachera pas. Un permis, c'est un
intérêt pour une entreprise. Quand on est intéressé
à garder quelque chose, on se conforme à des lois et à des
règlements. Si cela constitue une valeur pour une entreprise, on est
intéressé à se conformer aux lois et règlements qui
régissent l'obtention et le maintien de ces permis.
Nous recommandons, dans le but d'augmenter la qualité du service
à la population, l'injection immédiate de fonds
supplémentaires pour la stabilisation de l'emploi dans l'ensemble des
régions du Québec et non seulement dans les zones
subventionnées. Il y a un besoin.
Nous recommandons, dans le but d'augmenter la qualité du service
à la population, l'injection immédiate de fonds
supplémentaires pour la stabilisation des entreprises dans l'ensemble
des régions du Québec.
Nous recommandons, dans le but d'augmenter la qualité du service
à la population, que le MSSS crée des incitatifs à la
création de centrales privées de répartition d'appels
régionaux afin de pouvoir maintenir le lien d'emploi et de saines
relations de travail. (15 h 30)
Par contre, nous recommandons, si le ministre persiste dans sa
volonté de faire adopter le projet de loi 34 avant la fin de la
présente session, que la loi contienne au moins des dispositions
prévoyant l'étatisation officielle à laquelle nous nous
opposons cependant. Au moins qu'il y ait indemnisation pour toutes les
entreprises que nous représentons à la Corporation des services
d'ambulance du Québec, selon ce que pourraient proposer des
données fournies par un comité de trois évaluateurs dont
deux seraient nommés par les parties, le ministère et nous, et le
président serait nommé par les deux premiers.
C'est une réaction vive et immédiate. On pourra voir
tantôt ce que l'on entend précisément par des moyens
précis pour augmenter la
qualité du service. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Merci, monsieur. Alors,
M. le ministre.
M. Dutil: J'aimerais savoir de quelle façon vous
organiseriez les centrales de coordination en tenant compte d'un objectif que
nous avons déjà énoncé, à savoir que nous
souhaitons avoir un numéro unique concernant l'ensemble des urgences sur
tout le territoire et on sait que techniquement maintenant c'est possible. On
parie du 911 pour bien se comprendre. Et que ce numéro unique, entre
autres, serve non seulement les services ambulanciers, mais également
les autres services d'urgences, particulièrement les pompiers et la
police.
M. Fabi: Évidemment, à l'égard du principe
du numéro unique, H faut bien distinguer la centrale 911 d'une centrale
de coordination ou de répartition des appels. Le 911, pardonnez-moi
l'expression, c'est un "switchboard". Vous avez le 911, duquel vous allez
référer ensuite les appels soit à la police, aux pompiers,
à l'ambulance ou aux trois dans certains cas. En-dessous du 911, il doit
y avoir une centrale de coordination, une centrale de répartition des
appels, formée d'un regroupement de propriétaires pour maintenir
le lien d'emploi. On l'a mentloné dans nos recommandations qu'on vous a
fartes cet hiver à la suite de la parution du rapport SECOR. On
encourage les ministères à créer des incitatifs au
regroupement pour des centrales de répartition qui améliorerait
la répartition des véhicules sur le terrain et donnerait une
meilleure idée d'ensemble d'une région. C'est en gros le cadre
dans lequel on verrait très bien que cela fonctionne et il y a eu
unanimité de nos membres là-dessus. Évidemment dans
certaines régions, peut-être pour des considérations de
coûts et géographiques, cela ne pourrait pas s'appliquer.
M. Dutil: À savoir?
M. Fabi: Cela pourrait être, par exemple, une trop grande
distance entre deux transporteurs ambulanciers.
M. Dutil: Donc, à ce moment-là de quelle
façon cela pourrait-ii fonctionner? Est-ce que, par exemple, comme
hypothèse, on pourrait avoir ce que vous appeliez le "switchboard" du
911 qui ferait également la répartition d'ambulances parce que le
territoire est trop grand et qu'on ne peut pas avoir deux groupes de personnes
qui sont là 24 heures par jour, parce qu'on sait que dans les centrales
911 les gens sont là 24 heures par jour et que c'est nécessaire
également dans les centrales de coordination des ambulances?
M. Fabi: Quand on a rencontré les gens de Bell Canada pour
se renseigner au sujet du 911, premièrement on nous a dit qu'il y avait
des régions où ce serait presque impratiquable à moins
d'avoir des coûts astronomiques per capita. Dans ce cas-là, c'est
la diffusion d'un numéro de téléphone... Et d'ailleurs il
ne faut pas se le cacher, en Ontario il y a seulement 80 % du territoire qui
sont couverts par des centrales téléphoniques et il y a plusieurs
années qu'ils ont essayé de l'implanter Alors, il y a des
difficultés qui peuvent apparaître, mais dans la majorité
des cas, on pense que cela peut répondre à un objectif de
centralisation des appels et de "dispatch".
M. Dutil: Vous avez effleuré le problème de
formation qui effectivement n'est pas contenu dans le projet de loi, sauf que
nous avons annoncé notre intention de l'augmenter jusqu'à 825
heures. J'aimerais quand même obtenir votre opinion là-dessus
même si pour l'instant ce n'est pas directement relié au projet de
loi.
M. Fabi: En ce qui concerne la formation, on est d'accord avec un
objectif de formation augmenté. D'ailleurs, on l'a demandé dans
le mémoire qu'on vous avait déposé l'hiver dernier. On
avait prévu une modalité différente tout simplement pour
une question pratique de gestion de personnel, pour ne pas vider nos
entreprises temporairement des techniciens ambulanciers qui iraient finalement
suivre le cours. On avait dit dans un premier temps, dans un plan de cinq ans:
un minimum de 350 heures pour tout le monde et ensuite on réoriente le
contenu et la direction du cours à la lumière de
l'expérience et on monte un cours collégial. C'est ce que l'on
avait recommandé. Maintenant que vous parlez de 825 heures en sept ans,
d'accord, mais je crois qu'il faudrait bien planifier les besoins en
main-d'oeuvre pour ne pas drainer les entreprises. On a des problèmes
graves en régions parce qu'on n'est pas capables de verser des salaires
suffisants dans les régions. Il faudra que ce soit articulé en
fonction d'une rémunération. Évidemment, les 825 heures en
tant que telles, cela nous satisfait. Cependant, il faudrait établir les
modalités clairement.
M. Dutil: Ce qui vous inquiète, si je comprends bien,
c'est la période de transition étant donné que cela peut
avoir comme effet de drainer la main-d'oeuvre...
M. Fabi: C'est exact.
M. Dutil: ...s'il n'y a pas en même temps stabilisation de
l'emploi.
M. Fabi: C'est exact.
M. Dutil: Vous parliez tout à l'heure de stabilisation de
l'emploi en dehors des zones subventionnées, c'est-à-dire sur
tout le territoire. Vous voulez dire là où c'est jugé
nécessaire pour maintenir la main-d'oeuvre qui serait de plus en
plus qualifiée.
M. Fabi: Évidemment. Cela va de soi. M. Dutil: Sur
place. M. Fabi: Oui.
M. Dutil: Vous ne manifestez pas d'objections et vous croyez que
c'est nécessaire d'avoir une perméabilité des zones. C'est
ce que je déduis de. votre commentaire de tout à l'heure lorsque
vous parliez d'un regroupement de propriétaires pour une centrale de
coordination. C'est implicite. Je pense que c'est le cas. J'aimerais que vous
le confirmiez ou non, si ce n'est pas le cas.
M. Fabi: Vous parlez d'un champ exclusif ou non de
mobilité des véhicules?
M. Dutil: Je veux dire qu'advenant le cas où il y aurait
un regroupement de zones, que ce soit par les propriétaires ou
autrement, c'est une autre hypothèse, implicitement cela voudrait dire
qu'il y aurait possibilité de perméabilité des zones,
qu'il pourrait y avoir un propriétaire qui aille dans la zone d'un autre
sur demande en fonction des besoins identifiés par la centrale de
coordination, si je comprends bien.
M. Fabi: Oui. Évidemment, les zones appartiendraient comme
avant à... Il y aurait des territoires définis. Mais
aussitôt qu'il y aurait un véhicule qui sortirait de cette
zone-là - c'est cela la nécessité d'une centrale de
coordination - l'autre véhicule irait effectivement dans la zone
à découvert. Cela diminuerait les temps-réponses et
améliorer la qualité du service, absolument.
M. Dutil: D'accord.
M. Fabi: C'est un des avantages d'une centrale.
M. Dutil: Vous dites qu'on recrée en régions le
modèle de Montréal. Le point que vous soulevez, est-ce seulement
de savoir qui dirigera la centrale de coordination, parce que vous estimez
quand même qu'une centrale de coordination est nécessaire?
M. Fabi: Absolument. On estime que dans la majorité des
cas, une centrale de coordination est un plus pour la qualité du
service.
M. Dutil: Donc, si les centrales de coordination maintenaient le
lien d'emploi, ce que vous avez soulevé tout à l'heure, avec les
propriétaires, c'est-à-dire qu'elles étaient
contrôlées par les propriétaires d'ambulances, on pourrait
dire que vous estimez que ce n'est pas le modèle de Montréal, que
le lien d'emploi est maintenu et donc, que le risque que vous souleviez d'aller
vers l'étatisation n'existerait plus. J'exclus le problème de la
soumission publique pour l'instant.
M. Fabi: Évidemment, si vous avez des centrales de
coordination qui résultent de regroupements de propriétaires,
vous aurez un lien direct d'emploi et vous aurez des relations de travail
beaucoup plus saines parce que vous n'avez pas de tierce personne qui vient
intervenir dans des relations de travail.
M. Dutil: Donc, cela ne créerait pas à ce
moment-là ce que vous craignez, soit le modèle de
Montréal. L'autre point que je soulève, c'est la soumission
publique que vous considérez comme étant inappropriée. Je
le mentionne parce qu'on parle souvent, et c'est assez confus,
d'étatisation et de soumission publique, avec un trait d'union entre les
deux, un peu comme on a parié dans le passé d'autres choses avec
des traits d'union, qui n'avaient aucun rapport entre eux. À mon avis,
il n'y a pas de rapport entre ces deux termes-là, mais...
M. Chevrette:... M. Dutil: Pardon?
M. Chevrette: Vous me faites penser à une machine à
boules qui "tilte".
Des voix: Ha, ha, ha! M. Dutil: M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
M. le ministre, continuez votre intervention. Je demanderais qu'on respecte le
temps de parole de M. le ministre.
M. Chevrette: ...tenez-vous en donc à votre texte.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
M. le ministre, continuez.
M. Dutil: Je voudrais comprendre, M. le Président. En tout
cas, je ne comprends pas.
M. Chevrette: Je vous l'expliquerai.
M. Dutil: II doit y avoir des nuances qu'on ne comprend pas.
Excusez-nous, messieurs. On essaie de vous accueillir le mieux possible, mais
il arrive ces petits imprévus-là à l'occasion.
Une voix: Cela nous arrive aussi.
M. Dutil: Est-ce que vous pourriez nous dire les raisons qui,
à votre avis, justifient de ne pas du tout employer les appels d'offres
publics?
M. Fabi: Oui, c'est clair dans notre tête qu'on ne doit pas
employer des appels d'offres publics et voici pourquoi. Premièrement, un
permis a une valeur pour une entreprise. En fait, cela représente la
possibilité d'avenir d'une PME, parce que ce n'est pas un marché
libre comme une entreprise de lavage de planchers ou des choses comme cela.
D'accord? Il n'y a pas 1000 véhicules. Deuxièmement, c'est un
domaine où il doit y avoir beaucoup de stabilité. On parle de
personnel ambulancier stabilisé. Ce serait beau, ça, si on allait
en appels d'offres pour un contrat et que celui qui offrirait le plus bas
puisse être technicien chez nous. J'en aurais à moins cher. C'est
certain que je vais en avoir à moins cher, sauf que Je n'aurai plus
d'expertise, par exemple. On reconnaît la nécessité de
stabiliser la main-d'oeuvre pour avoir une implication régionale, une
connaissance du territoire, une connaissance de sa clientèle. C'est la
même chose pour une entreprise. Aussi, le permis va laisser des
Incitatifs, pour des gens sérieux, de rester dans le domaine. S'il y en
a qui ne se conforment pas à la loi et à la
réglementation, à ce moment-là, ils perdent leur permis.
C'est un gage de qualité pour vous autres.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Merci, M. le Président. C'est la
première fois en douze ans de vie politique que Je vois des
représentants de 150 entreprises privées venir parler sur un tel
ton à un ministre issu de l'entreprise privée et dont la
philosophie de son propre gouvernement est la privatisation. C'est la
première fois en douze ans que je vois cela. Il faut croire qu'on n'est
pas au bout des surprises ici.
Cela dit, je suis tout à fait surpris qu'on veuille
étatiser hypocritement, par la bande, en ne payant pas normalement ce
qu'on fait quand on étatise. On a eu des étatisations au
Québec. Il y a eu Hydro-Québec, les mines d'amiante et la
raffinerie de sucre à Saint-Hilaire. Ils vont plus loin que cela, ils
paient encore les taxes; ils l'ont privatisée et ils paient encore les
taxes, comme gouvernement pour quelque chose qu'ils ont privatisé.
On a vu étatiser Marine industrie à Noël pour pouvoir
fermer les chantiers par la suite. On a compris la "game" après. Mais on
ne comprend pas encore votre "game". Je connais des gens qui ont acheté
un permis de 100 000 $, dernièrement, qui ont investi quelque 1 000 000
$ tout dernièrement. Ils doivent planifier des remboursements de dettes
d'immobilisation, bien sûr, sur une période X. Et là, ils
ne savent plus quoi faire. On leur dit: Tu seras locateur; tu auras
priorité pour t'Inscrire à tes chiffres, mais je ne te donne pas
nécessairement un contrat. Ce sera un nouveau conseil d'administration
où vous ne serez même pas partie prenante, il y aura seulement un
seul représentant qui aura à juger s'ils vous prennent ou s'ils
ne vous prennent pas. J'appelle cela étatiser hypocritement,
personnellement. Il me semble que dans tout régime...
On ne conteste pas nécessairement le régime. C'est bien
sûr que si je demandais à Gérald Larose, il me dirait:
À bas le capitalisme! Mais dans tout régime où on accepte
que l'entreprise privée oeuvre et travaille, on accepte, quand on
enlève le fondement même de l'entreprise, une indemnité
juste et équitable. Je ne dis pas de vous payer ce que vous ne
méritez pas. Je ne dis pas de vous payer un véhicule 40 000 $
s'il en vaut 10 000 $; je ne vous dis pas non plus de vous donner 300 000 $ le
permis si cela en vaut 50 000 $, moyenne généralement
observée. Mais sur le principe même d'un homme d'affaires, issu
d'un monde d'affaires, qui doit supposément gérer comme un
"businessman", cela me surprend énormément, je dois vous
l'avouer, qu'on n'introduise pas cela. D'autant plus que cela ne dérange
pas la CSN, ce qu'elle veut, c'est un service public. C'est clair. Pour autant
qu'ils aient leur service public, ils seraient d'accord.
Je ne comprends pas la logique du ministre, effectivement, aucune
logique, lui qui est issu du monde des affaires, du secteur privé, qu'il
ne comprenne pas que la moindre honnêteté intellectuelle, le
moindre respect des normes minimales des droits. En droit, quand tu as un gain
qui t'appartient, tu as le droit, si on te l'enlève, de te faire
Indemniser. J'ai fait cela comme ministre du Loisir. Quand je donnais un bail
à un pourvoyeur, je disais: Tu as un bail de neuf ans, immobilise, si tu
veux. Si tu fais tout croche, j'ai le droit de t'enlever ton permis, mais j'ai
l'obligation, si tu as immobilisé, de t'indemniser. On fait cela pour un
pourvoyeur en plein bois, pour des camps en bois rond. C'est le Parlement qui a
voté cela à l'unanimité. Les libéraux
étalent d'accord avec cela. Ils me disaient: Comment vas-tu marcher dans
ton indemnité, Chevrette? Surveille-toi et arrange-toi pour indemniser
correctement. La première chance qu'ils ont pour mettre le grappin sur
l'entreprise privée, pas seulement sur une, cinq ou six, mais sur cent
cinquante d'une "shot", et peut-être plus; là, les principes des
"businessmen" viennent de tomber. L'agence Provigo vient de se comporter
différemment. Je ne comprends pas, moi non plus, c'est un fait. Je
comprends votre désarroi là dessus. J'ai la conviction quo vous
n'auriez pas grand-chose à dire, entre vous et moi, si le gouvernement
décidait de rendre public tout le service ambulancier. Il dirait: Je
l'étatise et c'est final, messieurs, sauf qu'il y aura un tribunal
spécialisé pour juger de l'indemnité ou encore, cela peut
être la formule que vous suggérez: Tu choisis ton
évaluateur, lui choisit le sien et les deux s'en choisissent un. Cela
peut être cela. (15 h 45)
S'il a trop peur que cela coûte cher, il pourrait même fixer
certaines balises: le coût du permis, plus la valeur d'évaluation
du véhicule. Ce sont des choses que des "businessmen" sont
supposés connaître bien plus que moi. Vous n'avez rien de cela et
vous avez effectivement raison de vous inquiéter.
Je suis également content que vous y alliez d'une façon
positive sur l'amélioration de la qualité des services, parce
qu'on vous reproche souvent d'avoir la pédale sur le frein, soi-disant
parce que vous voulez faire des profits. Je trouve que comme groupe, le fait de
vous exprimer sur la qualité, qualité qu'il faut
améliorer, n'importe où on est d'accord avec cela. D'ailleurs, il
y avait des pas de franchis. Je me souviens des gens qui avaient chialé
après le décret parce que les travailleurs du RETAQ ne
travaillaient qu'à des salaires ridicules, mais ceux qui avaient eu 64 %
d'une "shot" d'augmentation sont passés d'aucune exigence d'heures de
perfectionnement à 350. Ils peuvent bien rire de moi par après.
En pleine crise économique, 64 % d'augmentation, c'est un saut assez
prestigieux par rapport à d'autres secteurs qui étaient au
salaire minimum et qui ont eu seulement 4 %. On regarde cela
concrètement.
Une voix:...
M. Chevrette: Pardon? De quoi vous vous mêlez?
Le Président (M. Bélanger): C'était une
remarque.
M. Chevrette: Vous n'êtes pas supposé être un
président neutre?
Le Président (M. Bélanger): Continuez, je vous en
prie.
M. Chevrette: Je vous remercie. M. le Président, je me
reprendrai. Je demanderai au Président de s'en tenir à son
rôle de président. Je n'aime pas être interrompu quand je
m'exprime. Je n'ai jamais dérangé personne, sauf...
Le Président (M. Bélanger): L'incident est
clos.
M. Chevrette: ...quand quelqu'un m'attaque, je me défends.
Je ne suis pas le genre de poule mouillée pour me faire plumer sans
qu'on m'ébouillante. S'il a quelque chose d'intelligent à dire,
qu'il le dise.
M. Dutil: Je ne veux pas vous interrompre, M. le
député.
M. Chevrette: Vous n'avez rien à dire.
Le Président (M. Bélanger): Si vous voulez
continuer, M. le député de Joliette. L'incident est clos.
M. Chevrette: Qui est-ce qui grogne?
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette, je vous en prie, l'incident est clos, on
continue.
M. Chevrette: C'est vous qui en êtes à
l'origine.
Le Président (M. Bélanger): J'en suis le
responsable et je vous en fais mes plates excuses. Maintenant on continue.
M. Chevrette: Merci. Première question, M. le
Président: Est-ce que vous avez été consultés
formellement sur le projet de loi?
M. Fabi: En aucun temps on a été consultés
pour le projet de loi.
M. Chevrette: Ni par le ministre, ni par le sous-ministre?
M. Fabi: Ni directement, ni indirectement.
M. Chevrette: Est-ce que M. Lamarche vous a rencontré
depuis qu'il est nommé p.-d.g.?
M. Fabi: D'aucune façon, c'était la première
fois que je le voyais hier.
M. Chevrette: Est-ce que vous avez été
consultés par exemple sur le nombre d'heures de perfectionnement?
M. Fabi: De formation? Non. En ce qui concerne les 825 heures,
nous avions établi une recommandation en deux temps, comme je l'ai
exposé tantôt: 350 heures pour cinq ans et un cours
collégial après. Mais les 825 heures comme telles, non, et
d'ailleurs...
M. Chevrette: Le ministre nous a dit hier qu'il avait
contacté tous les groupes, qu'il avait scruté les reins et les
coeurs de tous les groupes et à plusieurs reprises, pas lui
nécessairement, mais son équipe. Vous maintenez aujourd'hui que
vous n'avez jamais été consulté?
M. Fabi: Pas sur l'élaboration du programme de 825 heures,
en aucune façon.
M. Chevrette: Sur les modalités du projet de loi?
M. Fabi: Non.
M. Chevrette: II y en a qui mentent quelque part.
M. Fabi: On a pris connaissance du projet de loi un vendredi
13.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: On peut passer à un autre, pour tout de
suite.
Le Président (M. Laporte): Merci. M. le
député de Chambly.
M. Latulippe: Je n'ai pas changé de comté.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Laporte): À vous la parole.
M. Latulippe: M. Fabi, vous avez mentionné qu'il n'y avait
pas de problèmes de relation de travail en régions?
M. Fabi: il y en a beaucoup moins qu'à Montréal et
évidemment il y en a à certains endroits comme dans plusieurs
PME, mais pas à outrance, d'une façon qui dépasserait la
moyenne, si on veut.
M. Latulippe: Quels sont les problèmes de relations de
travail les plus aigus que vous avez vécus en régions?
M. Fabi: Je peux peut-être laisser Me Comtois
répondre à cela, parce que c'est lui qui s'est
particulièrement occupé du dossier.
M. Comtois (André): Si je peux me permettre, depuis la
dernière ronde de négociations dans la zone 06-C, la rive sud
immédiate de Montréal, les problèmes se sont
réglés dans la majorité des cas. Il y a eu des griefs, des
discussions, des refus d'établir des horaires, etc., mais cela a
été réglé à mesure et il n'y a jamais eu de
menaces d'interruption. À une couple de reprises, dans certaines
régions, il y a eu des menaces d'interruption de service et il a fallu
intervenir et, dans certains cas, faire intervenir le ministère assez
rapidement. Mais dans la majorité des cas, les problèmes se sont
réglés d'une façon...
M. Latulippe: Donc, si vous ne voyez pas de
problèmes...
M. Comtois: Je veux dire que le projet de loi, pour nous, ne
vient pas régler un problème de relations de travail, en tout
cas, pas à l'extérieur de Montréal.
M. Latulippe: Bon.
M. Comtois: II y a peut-être un problème à
Montréal, mais, pour nous...
M. Latulippe: Mais si vous n'avez pas de problèmes
particuliers de relations de travail, à l'extérieur de
Montréal, comme vous le dites, vous n'avez pas non plus de
recommandation spécifique à faire pour améliorer la
qualité des relations de travail?
M. Comtois: Pour ce qui est des relations de travail, je vais
vous dire bien franchement qu'il y avait une recommandation, à la fois
dans le premier rapport qui a été soumis et dans celui-ci. Il est
évident qu'en fin de compte, il va falloir mettre de nouveaux fonds dans
le système pour essayer de stabiliser la main-d'oeuvre, tout simplement
pour ce qui est du personnel qui est sur appel et qui gagne, dans certains cas,
zéro, et dans d'autres cas, comme dans les zones subventionnées,
qui vont recevoir 1 $ l'heure pour être de garde une fin de semaine
complète. Je pense que tout le monde s'entend sur ce point-là. Le
ministre en est conscient, ainsi que les syndicats et les propriétaires.
Cela simplifierait de beaucoup la gestion du personnel et cela stabiliserait le
personnel. C'est, à toutes fins utiles, la seule recommandation.
M. Latulippe: Quant au projet de loi, il ne change en rien le
régime des relations de travail?
M. Comtois: Quant à nous, non, sauf si à un moment
donné, des organismes prennent en charge les horaires, les points de
service et les contrats-budgets qui nous sont proposés actuellement,
l'administration du transport ambulancier. Là, cela va changer les
relations de travail. Actuellement, dans les négociations, comme M. Fabi
disait tout à l'heure, c'est qu'il est évident, la CSN l'a dit,
M. Lamarche l'a dit hier, on l'a entendu ce matin, pour eux, les centrales de
répartition qui vont enlever toute la prise d'appels, donc tout le
contrôle sur les véhicules, est chose faite. Mais plus loin que
cela, pour eux aussi, la question des organismes, s'est fait dans deux cas et
pour les autres, ce ne sera pas long. Alors, actuellement, l'ensemble de toute
la négociation est fait en tenant compte du fait que cela est
déjà là et c'est en place. Ce sont des négociations
où toute la structure des relations de travail qui nous est
proposée, même si ce sont des entreprises individuelles,
séparées, c'est celle du réseau social, dans un premier
temps, quant à son contenu, et quant à sa forme et son
fonctionnement, ce sont des structures régionales. Alors le
Lac-Saint-Jean, c'est un employeur, à toutes fins utiles.
M. Latulippe: Vous avez justement mentionné...
M. Comtois: II y a un deuxième point, M. Latulippe, c'est
qu'il y a aussi une demande extrêmement importante qui est sur la table.
Ce n'est pas la première fois que la CSN la fait, ni la première
fois pour d'autres syndicats, mais c'est le droit de négocier
l'organisation du travail. Le droit de négocier l'organisation du
travail, si vous connaissez un peu l'ampleur de
cela, ce sont les horaires, les plages, la question du jour et de la
nuit, s'il y a des équipes ou s'il n'y en a pas, les points de service,
les procédures-terrains, etc. C'est tout ce qui touche au travail des
gens.
À partir du moment où cela va être sur la table,
cela va commencer à se négocier. Il va y avoir un organisme qui,
dans le fond, va faire la même chose. Si vous regardez le projet de loi
tel qu'il est actuellement, quand on parle d'organismes à l'article
149.27, en partant, on parle d'horaires des points de service à
déterminer des contrats-budgets, on nous propose d'administrer le
transport ambulancier. Additionnez tout cela et vous venez de dissocier
effectivement les employés. Vous retombez dans le modèle
d'Ur-gences-santé et c'est cela qu'on ne comprend pas.
M. Latulippe: Mais il...
M. Comtois: On essaie de régler le problème des
relations de travail en coupant la tête d'Urgences-santé, en
dissociant les deux siamois qui s'appellent CRSSS et Urgences-santé. On
coupe entre les deux, parfait. On remplace la tête du bébé
d'à côté qui est Urgences-santé, mais on la
recrée ailleurs par le projet de loi. Pourquoi? C'est le problème
qu'on a.
M. Latulippe: Vous dites aussi qu'il manque d'argent dans le
système. Est-ce que vous nous dites que le gouvernement ne vous paie pas
à vous suffisamment pour faire fonctionner votre système
adéquatement? Est-ce cela que vous dites?
M. Fabi: II en manque à plusieurs points de vue, comme je
l'ai dit tantôt, notamment au plan de la stabilité de la
main-d'oeuvre, avoir du personnel intéressé
financièrement, et aussi pour les entreprises.
M. Latulippe: Ma question est la suivante: Ce que vous verse
l'État, parce que vous négociez avec l'État, est-ce un
taux horaire ou est-ce...
M. Fabi: C'est par appel en régions et, à
Montréal c'est au taux horaire.
M. Latulippe: Par appel, un taux par appel. Vous prétendez
que ce taux par appel n'est pas suffisant pour faire fonctionner vos
entreprises.
M. Fabi: Cela dépend. Il faut bien comprendre une chose
là-dedans. Si je vous dis que je travaille gratuitement à faire
de la réponse téléphonique dans une zone de campagne, il
est évident que je ne montre pas de dépenses dans ma structure
financière. Je réponds tout seul et je ne me paie rien. Est-ce
que, par le fait même, je viens de prouver que je n'ai pas besoin
d'argent en ne me payant pas? Ce n'est pas cela qu'on dit. Ce qu'on dit, c'est
que dans plusieurs régions, il y a un manque d'argent parce qu'il n'y
aucune compensation pour la réponse téléphonique.
M. Latulippe: En d'autres termes, vous souhaiteriez que le
coût par appel soit plus élevé.
M. Fabi: Oui. D'ailleurs, on avait entrepris des
négociations là-dessus qui ont...
M. Latulippe: Et c'est une des négociations difficiles
parce qu'elles se font dans un cadre fermé, d'un à un. Est-ce
exact?
M. Fabi: Oui. On est en train de regarder l'approche de contrats
à budget qui pourrait compenser ces choses-là, mais l'avancement
n'est pas rendu à un point tel que...
M. Latulippe: Ne croyez-vous pas alors que, dans un
système où il y aurait des appels d'offres publics, où
différentes entreprises feraient des appels, que les entreprises qui le
feront ne le feront pas à un coût qui leur soit profitable et que
l'État en bout de route... Cela ne sera plus une négociation
fermée et que pas une entreprise ne va négocier à des taux
où elles ne feraient pas de profit et à ce moment-là, dans
un système d'appels d'offres publics, vous en profitiez?
M. Fabi: Je ne peux pas être d'accord avec cela, parce que
trop souvent on a vu des entreprises se casser le cou dans différents
domaines. Je suis aussi dans d'autres domaines de l'entreprise privée et
je peux vous en parler longtemps. Cela va bien quand un marché est libre
et vaste, c'est-à-dire que si je n'obtiens pas le contrat de lavage de
planchers ici, je peux l'obtenir dans un édifice à
côté. Pour l'ambulance, il faut que je change de ville, je n'ai
plus de connaissance du milieu, je ne suis même pas apte à faire
un appel d'offres. Je vais l'être financièrement, peut-être
que j'aurai les garanties financières, ces choses-là, mais je
n'aurai aucune connaissance du milieu.
M. Latulippe: En passant d'un système de permis à
un système d'appels d'offres publics, est-ce que vous croyez que vous
auriez droit à une indemnité?
M. Fabi: Certainement, parce qu'on change les règles du
jeu en cours de route et voici les implications pour nos entreprises. On a mis
au point des structures permanentes, c'est-à-dire qu'on a des
infrastructures administratives, des immobilisations et des choix de
carrière qui, quand on est entrés dans le système
étaient les règles du jeu. On les change. Donc,
nécessairement, il doit y avoir juste indemnisation. Ceux qui voudront,
pardonnez-moi l'expression, jouer
la "game" après, c'est une autre paire de manches.
M. Latulippe: Je ne parle pas en termes de chiffres...
M. Fabi: Non, d'accord.
M. Latulippe:... parce qu'on ne négociera pas ici, mais
à quel type d'indemnité prétendez-vous avoir droit en
passant d'un système de permis à un système d'appels
d'offres publics?
M. Fabi: Cela reste à être envisagé, parce
que cela nous arrive et on n'a pas eu le temps de faire de hautes études
là-dessus. Cela pourrait, par exemple, tenir compte, entre autres, du
nombre de permis, de l'historique de la compagnie, depuis combien de temps elle
est en affaires, quelle est l'implication des gens en place, du nombre de
transports et des infrastructures. Ce sont toutes des variantes, des structures
évidemment physiques et des investissements que cette compagnie a
faits.
M. Latulippe: Dernière question. Il y a un point que j'ai
de la difficulté à saisir là-dessus et qui est
différent à Montréal d'en régions. À
Montréal, l'intégrité de l'entreprise est violée,
excusez l'expression, en ce sens qu'on prend les employés et on les
enlève à l'entreprise, ce qui peut être une expropriation
déguisée. En régions, l'intégrité de votre
entreprise n'est pas violée. Alors, normalement, quand on exproprie, on
a une indemnité qui est juste et raisonnable et ce sont des droits de
base dans notre société démocratique.
M. Fabi: Écoutez...
M. Latulippe: Je ne comprends pas qu'en régions, vu que ce
n'est pas le même système qu'à Montréal, vous
demandiez la même chose qu'à Montréal.
M. Fabi: C'est encore pire de ne pas obtenir un contrat que de se
faire enlever ses employés. Écoutez, je suis comptable
agréé de formation. La première chose que j'ai sue, c'est
que la plus grande valeur d'une entreprise, c'est la qualité et la
cohésion de son personnel. Quand on lui enlève cela, on vient de
lui enlever 90 % de ce qu'elle est. Alors si cela ce n'est pas une
étatisation, je m'excuse.
Le Président (M. Laporte): M. le député de
Gouin.
M. Rochefort: Oui. J'ai quelques questions, M. le
Président. Je vais revenir à des questions que vous a
adressées le ministre et tenter d'être un peu plus précis.
Est-ce que j'ai bien compris, d'une réponse que vous faisiez à
une question du ministre, que vous croyez qu'il serait possible pour un certain
nombre d'entreprises de s'associer et de constituer une centrale de
coordination des appels et de répartition des services ambulanciers. (16
heures)
M. Fabi: Absolument et, même, on en a la conviction
absolue.
M. Rochefort: Dans les deux types de région? Comprenez-moi
bien; on oublie Montréal. Quand je parle des deux types de région
qui restent, je parle des régions très éloignées,
avec beaucoup de distance, mais je pense aussi à des régions
comme 06-C et 06-B.
M. Fabi: Parlons, dans un premier temps, où c'est
faisable, du premier constat, où il y a un besoin et où cela peut
se faire. Et même que...
M. Rochefort: Je veux juste qu'on se comprenne bien Je ne parle
pas en soi. Je parle où cela peut se faire d'asseoir des
propriétaires ambulanciers différents, d'entreprises
différentes. C'est à cela que je me réfère quand je
dis: Est-ce que c'est possible?
M. Fabi: Oui, et je vais vous le démontrer. M. Larose,
à ma droite, va vous l'expliquer. Il y en a une qui fonctionne avec
d'autres intervenants du milieu. M. Larose, si vous voulez bien expliquer.
M. Larose (Claude): Comme c'est là, dans l'Outaouais, on a
déjà instauré une centrale de répartition.
M. Rochefort: Avec combien d'entreprises?
M. Larose: II y a cinq entreprises dans l'Outaouais.
M. Rochefort: De taille égale ou très...
M. Larose: Non. Disons que je suis à Hull-Gatineau-Aylmer.
Je fais 70 % des transports ambulanciers et il y a quatre petites entreprises
autour. Comme c'est là, présentement, j'en "dispatche" ou
répartis une. Les autres sont intéressées, mais il faut de
l'argent. Premièrement, pour avoir une centrale de répartition,
il faut des communications. Quand on parle de distances de 100 milles, cela
coûte de l'argent. C'est cela le problème. On a trouvé une
façon de le faire à des coûts moindres. Cela fonctionne,
mais ce n'est pas le système parfait pour un service d'urgence.
M. Rochefort: Cela m'amène à poser une question. Je
ne veux pas négocier le projet de loi; ce n'est pas mon rôle et je
ne suis pas sûr que c'est cela qu'il faut faire maintenant. Au
départ, je comprends que vous nous dites: On veut le retrait pur et
simple du projet de loi 34. J'ai le goût de vous poser la question
suivante.
D'abord, on met de côté les dispositions
montréalaises. Deuxièmement, on dit: II y a abolition de cette
notion d'appels d'offres publics contenue dans le projet de loi 34; donc, on
maintient le statu quo quant au fonctionnement par permis.
Troisièmement, on met en place, dans le projet de loi, une orientation
qui dit: Voilà ce que l'État souhaite voir établi partout
au Québec, les centrales de coordination, etc., et voici,
deuxièmement, le cadre dans lequel on veut que cela se fasse, donc en
termes de qualité, de contrôle sur les coûts, d'obligations
qui seraient faites aux entreprises vis-à-vis du CRSSS de la
région concernée ou du ministère de la Santé et des
Services sociaux, mais que l'on respecte cette notion que c'est quand
même l'entreprise privée qui pourrait le faire. Est-ce qu'avec un
certain nombre d'ajustements de cette nature au projet de loi, vous maintenez
qu'il vaut mieux pas de projet de loi 34?
M. Fabi: C'est à peu près ça que cela veut
dire. C'est-à-dire, pas de projet de loi, si on l'amende à ce
point, c'est-à-dire que c'est l'entreprise privée qui devient
l'organisme de coordination...
M. Rochefort: Mais dans un cadre réglementaire rigide.
M. Fabi: Oui, avec la notion de permis. Je pense
particulièrement à cela pour ces deux éléments.
Écoutez, ça se regarde sérieusement, c'est bien
sûr.
M. Rochefort: Je vous pose une dernière question, juste
pour m'amuser un peu. Est-ce que vous croyez que cela correspondrait mieux aux
orientations véhiculées par l'actuel gouvernement au cours de la
dernière campagne électorale?
M. Fabi: C'est clair. Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Laporte): Est-ce que vous avez
terminé, M. le député de Gouin?
M. Rochefort: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Laporte): Merci. M. le chef de
l'Opposition.
M. Chevrette: Non, c'est à lui. C'est en alternance.
M. Rochefort: II va réagir maintenant. M. Chevrette:
C'est à lui quand même.
M. Dutil: Oui. Il nous reste à peu près onze
minutes. On a commencé quinze minutes en retard.
Le Président (M. Laporte): M. le chef de l'Opposition, des
questions?
M. Chevrette: C'est en alternance. C'est à lui.
M. Dutil: C'est moi qui parlerai. De toute façon, je n'ai
pas tellement de questions. Je voulais simplement préciser concernant la
demande du chef de l'Opposition tout à l'heure, au sujet de la rencontre
avec M. Lamarche, qu'il est évident que vous n'avez pas et que vous
n'allez pas rencontrer M. Lamarche, puisqu'il est responsable à
Montréal et exclusivement à Montréal. Je voulais apporter
cette précision importante. Il y a un point que vous n'avez pas
soulevé ici, mais qui l'a été dans les discussions que
nous avons eues et que vous avez eues avec mes fonctionnaires et qui est
probablement dans votre mémoire. C'est celui qui concerne les
municipalités et leur intervention dans le système. J'aimerais
que vous le précisiez pour la commission.
M. Fabi: Évidemment, une municipalité a le droit de
faire un service d'ambulances. D'ailleurs, on a des membres qui sont des
municipalités. Ce qu'on trouve inacceptable dans le projet de loi en ce
qui concerne les municipalités, c'est que de la façon dont c'est
libellé, il semble que n'importe quelle municipalité qui demande
le service l'obtient. Là-dessus, on ne peut pas être d'accord avec
cette chose. Je vais parler de l'Acte d'ambulance de l'Ontario par lequel,
lorsqu'une municipalité demande de donner la prestation du service
d'ambulance à ses citoyens, elle doit, dans un premier temps,
démontrer qu'elle offre un meilleur service que l'entreprise qui est
là présentement et, dans tous les cas, elle doit
dédommager l'entreprise.
M. Dutil: Cela va, M. le Président.
Le Président (M. Laporte): M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Le perfectionnement
qui est prévu au projet de loi 34, qui est de 825 heures, je suppose
que, dans bien des cas, cela va être sur le temps de travail. Est-ce que,
jusqu'à maintenant, on vous a offert une table de négociation? La
rétribution des frais, parce que je suppose... Je pense que c'est un peu
normal, parce que, dans toutes les conventions des secteurs public et
parapublic, le perfectionnement est payé par l'employeur, en
l'occurrence l'État, le CLSC, le CSS. Est-ce qu'on vous a fait l'offre
de payer entièrement pour les frais de scolarité
engendrés, bien sûr, par des substitutions de travail?
M. Fabi: À cet effet-là, je pense que Me Comtois
est dans le dossier...
M. Comtois: Non, il n'y a eu aucune offre de payer les
coûts, sauf que je pense qu'il va de soi... D'alleurs, la dernière
convention collective, qui est toujours en vigueur, par exemple dans la
région 06-C, prévoit que si une formation supplémentaire
était exigée par un organisme gouvernemental ou était
décrétée, par exemple par le CRSSS ou par le MSSS,
à ce moment-là, cela se ferait entièrement aux frais de
l'organisme qui prendrait cette décision. Il est évident que dans
la dynamique actuelle de la convention collective, à moins qu'ils
décident de réajuster le fonds salarial ou de créer un
fonds salarial spécial pour la formation, il n'y a aucune entreprise au
Québec qui peut dire: J'envoie tel et tel employé pendant trois
semaines, tous frais payés, pour suivre un cours de technicien
ambulancier, il n'y a rien...
M. Chevrette: Vous avez affirmé...
M. Comtois:... dans la tarification qui prévoit cela, de
toute façon.
M. Chevrette: Est-ce que cela fait partie de la "négo" que
vous êtes en train de faire avec le ministère?
M. Comtois: Évidemment, il y a des demandes des parties
syndicales sur la formation qui traitent des modalités, etc. mais
jusqu'à présent on n'a pas abordé ce sujet. Cela fait
partie, évidemment, du mandat financier qui devra être
négocié aussi avec M. Gobeil, pas par nous, mais par le
porte-parole nommé par le gouvernement.
M. Chevrette: L'autre question... Vous avez affirmé au
départ que le projet de loi 34 n'améliorait en rien les services,
surtout en régions. J'aimerais que vous précisiez puisque, par la
suite, vous avez dit que s'il y avait un soutien financier accru pour mettre
sur pied une centrale de coordination, etc., cela pourrait être un peu
mieux. Ai-je bien compris que vous craignez la création d'OSBL en
régions?
M. Comtois: Oui. Je peux me permettre de répondre
là-dessus. L'histoire, M. Chevrette - je pense que vous en êtes un
des auteurs, en partie, ou un des acteurs, à l'intérieur - nous a
démontré que lorsque tu ouvres la porte à la CSN,
généralement elle entre dedans. Je ne la blâme pas. Si on
ouvre une porte, généralement c'est pour entrer dedans. Hier, Guy
Tremblay a fait l'historique de Montréal et |e pense que ce qu'il dit,
dans le fond, c'est vrai. La CSN a un pouvoir de négociation; elle a des
moyens de persuasion, entre guillemets, ou, comme le dit M. Cotton, des moyens
pudiquement appelés administratifs et chaque fois qu'elle les a
utilisés, elle a eu ce qu'elle voulait. Cela s'est fait en 1984 et en
1985 à Montréal. En 1986, on nous a dit de régler et que
le ministère paierait. Évidemment, là c'étaient MM.
Cotton et Lamar- che qui étaient arrivés dans le dossier, en
remplacement des présidents de syndicats qui étaient là et
avec lesquels on négociait depuis presque douze mois, à ce
moment-là. Ensuite, il y a eu l'ultimatum de la CSN à l'automne
avec la question de l'étatisation, la question de la table centrale, la
question des tables de négociation payées et tout ce que vous
voulez qui va avec. Il y a eu te dépôt du rapport SECOR. À
la fin de l'ultimatum, évidemment, il y a eu ta déclaration de M.
Dutil. Par la suite, on a même eu un M. Cantin qui s'est permis d'essayer
de nous enlever carrément le droit de négociation, le droit
d'être porte-parole et de mener nos négociations à la table
et M. Dutil a dû intervenir pour nous redonner le droit de
négociation, parce que la lettre de M. Cantin, qui nous a
été transmise il y a à peu près un mois, nous
indiquait carrément qu'il y avait un porte-parole pour la table centrale
et qu'il s'appelait Jean-François Munn... Oui, je l'ai dans les
dossiers.
C'est évident, on lit le projet de loi, on voit à
l'intérieur la question des organismes qui sont possibles. Il est
évident que les organismes y étaient indiqués à la
demande du ministre. Mais à la demande du ministre, qu'est-ce que les
syndicats ont fait jusqu'à maintenant? Ils s'arrangent pour qu'il y ait
une demande au ministre et qu'il y ait assez de pression pour que le ministre
soit obligé de répondre à la demande. On va se ramasser
à court ou à moyen terme avec le même système que le
projet de loi semble vouloir éliminer à Montréal ou, tout
au moins, essayer de contrôler et on va créer des monstres
à trois têtes un peu partout. Pour donner quoi et pour changer
quoi? S'il y avait un problème essentiellement de relations de travail
et que personne n'était plus capable de se parler ou s'il y avait un
problème de qualité dégueulasse dans toute la population,
dans tout le Québec, je pourrais peut-être comprendre qu'on prenne
une voie comme celle-là. Mais ce qu'on a déposé tout
à l'heure, on a ramassé cela en moins de douze heures. Ce sont
les évaluations de services et ce sont les citoyens qui les ont faites -
ce n'est pas la CSN - celles-là et ce ne sont pas les
propriétaires non plus. Elles sont signées, elles sont
étendues, vous en avez de la Gaspésie, du Lac-Saint-Jean, de
l'Abitibi, de partout. C'est là qu'on ne comprend pas et qu'on ne suit
plus. J'ai une copie de la lettre ici, monsieur...
M. Chevrette: Pourriez-vous la déposer, s'il vous
plaît?
Le Président (M. Laporte): Voulez-vous la fournir à
titre d'information aux membres de la commission?
M. Chevrette: J'aimerais en prendre connaissance si vous me
gardez une minute pour interroger.
Le Président (M. Laporte): II vous reste trois minutes, M.
le le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Ma question s'adresserait au ministre: Comment
peut-on, sans un cadre législatif, décréter de mettre de
côté les autorités dûment mentionnées en vertu
du Code du travail pour négocier?
Le Président (M. Laporte): M. le ministre.
M. Dutil: M. le Président, les employeurs sont à la
table de négociation actuellement et ont droit de parole.
M. Chevrette: Mais est-ce qu'il y a quand même un
porte-parole unique à la table, même si c'est une
présence?
M. Comtois: Non, on a effectivement... Lorsque je dis que M.
Dutil a dû intervenir, c'est que M. Cantin, dans un premier temps, l'a
dit verbalement, il y a un seul porte-parole qui est Jean-François Munn,
l'ancien sous-ministre des Affaires sociales et, à ce moment-là,
évidemment, on a sursauté; on lui a demandé de le
confirmer par écrit et il l'a effectivement confirmé par
écrit. On s'est adressés à ce moment-là à M.
Dutil ainsi qu'à M. Paradis au ministère du Travail pour leur
dire: Écoutez, ce sont des entreprises qu'on représente, on
demande le droit de parole, on a accepté la table commune de
négociation pour des fins d'efficacité et pour éviter un
paquet de problèmes et de négociations multiples dans toute la
province, sauf qu'il y a une limite et la limite est effectivement la question
qu'on n'ait plus le droit de parler. Je dois ajouter que M. Dutil, de
façon quand même assez rapide, a rétabli la situation et a
corrigé par lettre dans les jours qui ont suivi notre intervention.
M. Chevrette: Est-ce que vous avez cette
lettre-réponse?
M. Comtois: Oui, je pense que nous devons l'avoir
également dans notre dossier.
M. Chevrette: Est-ce que vous pourriez la déposer pour
l'information des membres de la commission?
Le Président (M. Laporte): En guise de conclusion, si vous
voulez bien, M. le le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Dommage qu'on n'ait pas plus de temps. Vous voulez
parler?
M. Fabi: Je voudrais juste ajouter une note à la fin. En
tout cas, j'aurais aimé qu'on puisse parler plus amplement de
qualité. J'aimerais cela... Je pense que c'est important. On a fait une
tournée provinciale et on a rencontré tous nos gens pour faire
des recommandations sur la qualité des services et on maintient ces
recommandations. Vous les retrouvez, dans un deuxième temps, dans notre
document. Je vous prierais de le lire. Il y a des trucs d'entreprises
privées qui ne coûtent pas cher là-dedans où il y a
vraiment une amélioration sensible de la qualité des
services.
Le Président (M. Laporte): Merci, M. Fabi. M. le chef de
l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, tout en reconnaissant que
c'est le pouvoir de l'État de décider du jour ou de la
façon de faire dans le domaine de la santé et des services
sociaux, je pense qu'il est aussi du devoir de l'État de respecter les
principes les plus élémentaires dans ses transactions avec les
gens. Entre vous et moi, il y a des gens à qui cela fait peut-être
un an, mais j'en connais à qui cela fait 57 ans, de père en fils,
qu'ils fonctionnent dans ce domaine. Je suis extrêmement
désolé. Cela n'enlève rien aux syndiqués dont
l'objectif est d'avoir une centralisation des services, que les services
deviennent publics, surtout à Montréal. Cela n'enlève
absolument rien. Je ne comprends pas cet entêtement et cette obstination
à ne pas reconnaître les principes les plus
élémentaires du traitement d'affaires, et je le
répète, je suis d'autant plus stupéfait que la philosophie
même du gouvernement libéral, c'est la privatisation, et c'est une
gestion d'hommes d'affaires qui nie les principes les plus
élémentaires de traitement d'affaires dans ce projet de loi. Cela
me surprend énormément.
Quant à nous, nous allons sans doute apporter des amendements
pour qu'au moins justice soit faite. Nous allons tenter d'améliorer le
projet de loi si jamais le ministre s'entête à vouloir l'adopter.
Nous avons déjà beaucoup d'amendements de prêts qui
tiendront compte des remarques que vous avez faites, que d'autres ont faites,
que les médecins ont faites et que les syndiqués ont faites
jusqu'à maintenant. Nous allons tenter, en tout cas, de faire en sorte
que les principes les plus élémentaires en droit et en
reconnaissance du droit de propriété soient reconnus et le droit
de propriété, cela veut dire ce que représente le permis,
la possibilité qu'un permis donne, ce qu'est l'immobilisation en termes
de véhicules, d'appareils, etc. Je vous avoue que, venant de
l'Opposition, cela peut vous paraître drôle que ces principes
soient débattus. Vous ne vous attendiez sûrement pas, il y a 24
mois, à avoir à expliquer à des hommes d'affaires ce
qu'ils doivent faire correctement et honnêtement en affaires. Mais cela
arrive, ça. Il y a de ces désenchantements. Il y a des cycles en
politique... Quoi? Je vous fatigue?
Le Président (M. Laporte): Non, absolument pas, M. le chef
de l'Opposition. Je veux simplement vous rappeler que...
M. Chevrette: Excusez-moi. C'est parce que je trouvais que cela
faisait mal. J'ai pensé que vous m'arrêteriez. Je vais
m'arrêter.
Le Président (M. Laporte): Loin de moi cette intention, M.
le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Ils ont compris ce que je voulais dire.
Le Président (M. Laporte): M. le ministre.
M. Dutil: Cela nous a fait plaisir de vous accueillir. Je retire
de la conversation que nous venons d'avoir depuis une heure que les points que
vous trouvez inacceptables, vous, dans le projet de loi, sont que la notion de
permis soit changée par des contrats en appels d'offres publics, que le
contrôle des centrales de coordination ne soit pas réservé
aux propriétaires d'ambulances et que les municipalités puissent
s'ingérer et venir tasser des propriétaires sans indemnisation.
Est-ce que je résume bien les points qui vous apparaissent cruciaux dans
le mémoire que vous avez présenté et lors des
interventions que vous avez faites?
M. Fabi: Ce sont effectivement les principaux points et aussi
l'indemnisation dans le cas...
M. Dutil: Bien sûr.
M. Fabi:... d'entreprises qui seront étatisées.
M. Dutil: Merci.
M. Fabi: Merci.
Le Président (M. Laporte): La commission tient à
remercier la Corporation des services d'ambulance du Québec pour la
présentation de son mémoire.
J'inviterais maintenant l'Union des employés de service, local
298, de la FTQ, à bien vouloir se présenter en avant. Les
représentants sont Me Louis Duval, M. Gilles Séguin, M. Michel
Long-pré, M. Dominique Vanesse ainsi que M. Michel McKinnon.
La commission suspend ses travaux 60 secondes.
(Suspension de la séance à 16 h 20)
(Reprise 16 h 23)
Le Président (M. Laporte): Â l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission reprend ses travaux. On invite les membres à bien
vouloir prendre place.
Pendant que les membres s'installent, rappelons brièvement la
procédure concernant la consultation particulière. Les
représentants de l'Union des employés de service, local 298, de
la FTQ, ont 20 minutes pour présenter leur mémoire, cette
présentation sera suivie d'une discussion de 40 minutes avec les
parlementaires de la commission.
J'inviterais le porte-parole de l'Union des employés de service,
local 298, de la FTQ, à bien vouloir s'identifier ainsi qu'à
présenter les personnes qui l'accompagnent pour les fins du Journal
des débats. Vous avez la parole.
Union des employés de service, local 298,
FTQ
M. Duval (Louis): M. le Président. M. le ministre, M. le
chef de l'Opposition. Mon nom est Louis Duval. Sur l'avis de
présentation, il est fait mention de l'Union des employés de
service. Il faudrait que vous ajoutiez local 298 affilié à la
FTQ. Dans ce domaine, il y a deux syndicats de l'Union des employés de
service...
Le Président (M. Laporte): C'est ce qu'on avait
mentionné d'ailleurs, Me Duval.
M. Duval: Pardon?
Le Président (M. Laporte): Local 298.
M. Duval: Pendant que je parlais avec mon député,
je n'ai peut-être pas entendu ce que vous avez dit.
Je suis accompagné, à ma gauche, de Michel McKinnon, un
représentant de l'Union; à mon extrême gauche, de Michel
Longpré, qui est à l'emploi d'une entreprise d'ambulanciers de
Saint-Jean; à ma droite, de Dominique Vanesse, qui est également
un officier de notre syndicat à l'emploi d'une autre entreprise
d'ambulanciers; à ma droite immédiate, de mon confrère M.
Gilles Séguin, qui est également un officier du syndicat à
l'emploi d'une entreprise d'ambulanciers.
M. le Président, M. le ministre, M. le chef de l'Opposition,
globalement nous avons en tête que ce projet de loi est
prématuré. Nous faisons une relation avec le travail qui est fart
globalement au ministère de la Santé et des Services sociaux.
Nous avons été beaucoup préoccupés, au cours des
derniers mois et même des dernières années, par le travail
qui a été fait par la commission Rochon. Nous avons
rédigé des mémoires au nom de notre syndicat, mais
à l'intérieur de la structure FTQ, au cours des derniers mois en
particulier. Nous avons évidemment lu avec intérêt le
rapport de la commission Rochon. Ce n'est pas là que nous trouverions
toute l'Inspiration qui pouvait présider à la rédaction du
projet de loi 34, bien sûr, mais considérant le fait que Mme la
ministre de la Santé et des Services sociaux avait, depuis un certain
nombre de mois, annoncé une tournée à l'échelle
provinciale, ce qu'elle fait présentement, et que nous avons, dans les
sept ou huit régions
où nous avons des membres, participé activement à
la tournée de la ministre, nous trouvons un peu prématuré
que ce projet de loi ait été déposé à la
mi-mai alors que la tournée de la ministre est en cours. Il me semble
qu'il aurait pu y avoir un délai et un peu de communications entre les
intervenants à la tête du ministère pour qu'on puisse
profiter de ces derniers renseignements, de ces dernières communications
avec la population.
Sur le fond du projet de loi lui-même, cela nous apparaît
également prématuré. Je ne sais pas si j'emploie un terme
poli. Il y en a qui ont demandé carrément le retrait du projet de
loi. Moi, je parle plutôt du caractère prématuré du
projet de loi. On va voir d'un peu plus près ce que cela signifie pour
nous.
À l'article 149.4, il est question du territoire du
Montréal métropolitain. Il y a, bien sûr, à la fin
du paragraphe, un petit bout de texte qui, mine de rien, parle de tout
territoire limitrophe déterminé par le ministre. Cela a
attiré notre attention avec beaucoup d'intérêt parce que
cela peut ne vouloir rien dire, mais cela peut en même temps vouloir tout
dire des véritables intentions du ministre en cette matière. Pour
nous, si c'est vraiment le territoire du Montréal métropolitain,
on peut se satisfaire que ce soit le territoire 6-A, le 6-E, les îles de
Laval, de Montréal. Le Montréal métropolitain, à la
limite, de façon très restrictive, on pourrait dire que c'est
Montréal-Laval. À ce moment-là, que veut dire tout
territoire limitrophe qui pourrait être déterminé par le
ministre? L'essentiel de ma communication cet après-midi, je le fais
à titre de citoyen, mais tout à l'heure je vais mettre mon
chapeau d'officier syndical et vous entretenir, peut-être en fin de
discussion, de mes préoccupations comme officier d'un syndicat quand on
parle de territoire limitrophe.
J'ai dit tout à l'heure que nous étions, à l'Union
des employés de service, local 298, à peine 298 membres, mais
nous sommes dans une phase ascendante. Nous étions beaucoup moins que
cela il y a un an, il y a deux ans. Si nous continuons a faire le recrutement,
faire notre travail de syndicat, au fond, dans ce domaine, en recrutant
essentiellement des non-syndiqués, je ne voudrais pas le faire, bien
sûr, pour mes amis de la CSN. Je vous ai dit que j'étais
représentant d'un syndicat affilié à la FTQ et nous
représentons des membres de huit régions, c'est-à-dire
l'Abititi, la Côte-Nord, l'Outaouais, Québec, un peu dans la
région de la Montérégie. Cela veut dire à
l'échelle de la province.
Si c'est pour être limitrophe à un moment donné,
à la discrétion du ministre, et qu'à un moment
donné il va me bouffer, par exemple, la Montérégie, wo!
S'il dit: cela me plairait de décider que 6-C s'en aille dans un
territoire limitrophe, il vient de m'en bouffer une partie. À ce
moment-là, s'il m'en bouffe, moi je voudrais bien pouvoir savoir s'il a
l'intention de le faire prochainement parce que j'aurai quelque chose à
dire sur la corporation. Si, effectivement, c'est pour être
Montréal, à ce moment-là on n'a rien à dire sur la
présence des trois personnes représentant les salariés.
Mais si c'est pour être limitrophe, vraiment limitrophe, et qu'à
court terme on s'en fait bouffer, je voudrais bien avoir le droit de dire: Oui,
mais sur les trois, je pourrais peut-être avoir un représentant
d'un syndicat FTQ au conseil d'administration.
Globalement, notre perception - c'est le fond de notre pensée -
c'est que les devoirs que le ministère, pour ne pas dire le ministre, a
faits ne paraissent pas dans le projet de loi. Montréal, c'est une chose
avec sa corporation. Le reste de la province, c'est beaucoup plus ambigu. On va
y revenir un peu plus tard. C'est beaucoup plus ambigu parce que le conseil
régional va faire des travaux, va faire un plan. Le ministre devra
choisir un organisme ou un CH qui aura la responsabilité de la
coordination. Mais pourquoi ne le savons-nous pas immédiatement? Quelle
est la vision réelle du ministère en cette matière?
Pourquoi le ministre ne nous dit-il pas: C'est cela que je veux faire en
régions? Il ne peut pas le dire, sans doute parce que les devoirs ne
sont pas faits, ou il ne veut pas le dire pour d'autres motifs, mais nous ne le
savons pas. Nous ne savons pas ce qui retient le ministre de passer, dans le
projet de loi, sa véritable intention pour ce qui est de la province,
hors de Montréal. Donc, sur cet aspect, je pense que le projet de loi
est pour le moins prématuré parce qu'on ne voit pas vraiment
quelle est la véritable intention du ministère quant aux
régions en dehors de Montréal.
Donc, j'ai mentionné mon interrogation concernant le
Montréal métropolitain. Si c'est Montréal et Laval, d'une
part, et le reste de la province, d'autre part, cela crée deux zones,
deux sortes de citoyens au Québec. Je ne pense pas qu'il soit dans
l'intérêt d'un gouvernement de quelque façon de
créer par lui-même des citoyens de première et de seconde
zones. Au moins, si on pouvait trouver des équités d'une
région à l'autre, dire: Vous avez eu cela, l'autre région
a eu cela, cela s'équivaut à peu près. Il n'est pas
nécessaire que le patron, le "pattern" soit absolument le même
dans toute la province, mais en système de santé, nous avons un
régime qui permet les mêmes soins, la même qualité de
soins où que tu sois, comme citoyen, au Québec.
Je sais bien que, dans le rapport de la commission Rochon, il y a des
possibilités de décentralisation, mais disons qu'on n'ira pas
trop loin sur cette voie parce que cela nous amène un peu en dehors de
notre propos. Ce que je veux dire, c'est que pour ce qui est de la province,
nous sommes habitués à avoir des normes générales
dont l'application procède selon les mêmes principes. Dans ce
cas-ci, nous ne retrouvons pas cela. Nous ne retrouvons pas ce\a parce qu'il y
a un régime particulier pour Montréal et un régime
particulier pour les autres régions. C'est sûr que
quand le ministre, au début de mars, a annoncé la
réforme en matière de service ambulancier, nous avons applaudi.
Nous avons applaudi et nous avons fait une communication dans tes journaux.
Évidemment, elle a paru à la page 14 d'un journal de 15 pages,
mais it reste que sur le fond de la question, nous étions d'accord avec
les grandes orientations. Mais aujourd'hui, nous ne retrouvons pas la
même inspiration dans le projet de loi 34. Nous ne retrouvons pas, dans
le projet de loi 34, deux mois et demi après, les promesses
lancées au début de mars. La stabilisation du personnel par
exemple, les expériences pilotes qui, effectivement, et là mes
collègues avec moi vont commencer à grafigner un peu à un
moment donné parce qu'Us vivent ces choses; Hs ont eu à
travailler dans la préparation du projet de convention et Hs ont eu
effectivement à penser aux difficultés d'application et aux
solutions possibles. À un moment donné, par les questions que
vous aurez à poser tout à l'heure, vous allez voir que ce sont
des gens qui sont au courant du secteur beaucoup plus que je ne peux
l'être, parce qu'ils vivent carrément, dans le quotidien, ce
qu'est le travail en régions. Donc, pour tâcher de faire une
intervention un peu cohérente, il y a une possibilité de diverses
classes de citoyens par le genre de projet de lof qui est sur la table. Comme
je l'ai dit tout à l'heure, des annonces avaient été
faites, des appétits avaient été développés
chez nos membres par les interventions du ministère au début de
mars lorsqu'il devait annoncer la grande politique, mais nous ne retrouvons pas
ces éléments dans le projet de loi.
Je pense que ce serait peut-être l'occasion pour mon
collègue, M. Gilles Séguin, à ma droite, de vous
entretenir des problèmes réels qui sont vécus dans les
réglons concernant la qualité des soins qui sont fournis aux
divers citoyens. C'est un exemple. L'Outaouais vit des problèmes
particuliers. C'est sûr qu'on pourrait demander à chacune des
personnes qui travaillent en régions de donner des illustrations des
problèmes vécus dans leur région. Mon collègue vit
ces problèmes dans la région de l'Outaouais, dans des
régions limitrophes de l'Ontario. Il pourrait peut-être vous dire
un mot sur les situations vécues par les ambulanciers et les citoyens de
cette région. Gilles, veux-tu dire un petit mot là-dessus?
M. Séguin (Gilles): Oui. Je ne voudrais pas
répéter ce qu'on a déjà mentionné au mois de
février, à Montréal, lors de la rencontre avec les
représentants du ministère avant l'annonce du 2 mars. Mais en
voyant le projet de loi, je me sens obligé, à ce point, d'en
répéter certaines lignes parce qu'on a l'impression que personne
n'a pris de note, ou que le message n'a pas passé du tout. Pourtant, je
pense que nos éléments étaient clairs. C'est ce qu'on nous
a d'ailleurs répété après la présentation:
C'est clair, c'est concis, cela se tient debout. Mais il ne semble pas que cela
transparaisse dans ce projet de loi. On pariait tantôt de qualité
de service. Je pense qu'on peut s'entendre sur le fait que tout le monde veut
une qualité de service. Encore là, faut-il se poser la question:
Est-ce que ce service, même s'il est bon, je pense qu'on peut
reconnaître que, dans l'ensemble, dans toutes les régions du
Québec, le système n'est pas si mauvais que ceia, mais je pose
surtout la question: Le service est-il adéquat? Vous savez, si on me
donne une charrue avec des boeufs, je vais probablement être capable de
vous donner le meilleur de mon chariot ou le meilleur de mes animaux Mais si je
ne suis pas capable de me rendre plus vite sur l'appel, si je ne suis pas
capable d'avoir plus de chariots à ma disposition, c'est bien dommage,
mais je vais vous donner le meilleur service dont je suis capable.
Actuellement, je pense qu'on demande aux ambulanciers et ambulancières
de la province de donner déjà pas mal de ce qu'ils ont la
possibilité de donner. Je pense qu'il y a moyen de prouver assez
facilement que les gens sont vraiment intéressés. Pour rester
dans le domaine à 1 $ l'heure, il faut être vraiment
intéressé et vraiment y croire et, surtout, croire en l'avenir
d'une carrière possible éventuellement.
Moi, je pose surtout la question: Le service est-H adéquat? C'est
certain qu'il va falloir se la poser. On a demandé à plusieurs
reprises d'établir des normes pour assurer une qualité, assurer
une continuité dans chacune des régions et assurer un service
adéquat, évidemment, pour la personne étendue par terre
dans la rue. Je pense que c'est cette personne qu'on doit viser principalement.
Évidemment, se rattacheront à cela tous les avantages que nous,
il faut l'admettre, comme salariés, pourrions gagner, comme les
propriétaires font la demande également de leur
côté. Mais je pense que cela va venir. Cela va de soi. Si on garde
le système pauvre, évidemment, nous aussi, nous serons pauvres.
Moi, comme citoyen et comme bénéficiaire potentiel d'un service
ambulancier, je dis que j'aimerais que l'ambulance soit là à
temps, dans un délai raisonnable. La loi actuelle parie de 30 minutes.
Alors, il faut se poser la question, dans un milieu urbain d'où je viens
comme Hull, qui est une région limitrophe, collée pour ne pas
dire presque englobée par la région de la capitale nationale, au
nombre d'appels qu'on peut faire dans une journée et à la
population qu'on a, avoir une ambulance la nuit pour 200 000 habitants... On
exclut les touristes et les gens de l'Ontario qui viennent se
récréer du côté du Québec car là sont
les parcs et les chalets, je pense qu'on n'est pas sérieux. Je pense
qu'on n'est pas honnête envers soi et envers la population. Mol, je me
sens mal à l'aise d'expliquer cela aux gens chez nous: Écoutez,
madame, on ne peut pas venir plus vite, on n'en a rien qu'une cette nuit et
elle est partie à Ottawa, à l'Hôpital
général, c'est bien dommage, la prochaine, on espère en
trouver une. Je pense que c'est vraiment se leurrer que de parier de
qualité de
service dans ces conditions. Évidemment, on pourrait sortir
d'autres exemples, mais je pense que j'ai pas besoin d'aller trop loin
là-dessus.
M. Duval: On va y revenir tout à l'heure. Un
élément qui avait frappé notre imagination et qui
était, au fond, un élément du texte communiqué par
le ministère au début de mars, était, en plus de la
stabilisation de la main-d'oeuvre - on y reviendra tout à l'heure -
l'implantation de centrales de coordination. Bon. C'est là-dessus qu'il
devait y avoir des projets pilotes. Il est évident que les projets
pilotes n'ayant pas encore eu lieu - je ne sais pas s'ils s'en viennent, mais
en tout cas, on ne peut pas dire qu'ils ont eu lieu - on ne peut pas
dégager de cette expérience des façons de vivre pour
l'avenir. La façon d'établir un plan rationnel de l'organisation
du système ambulancier dans une région, cela se fait par
expérience et, à partir de cette expérience, on peut voir
le genre de concertation qui peut se faire d'employeur à employeur.
Je vous ai entendu tout à l'heure poser des questions à
des employeurs, à savoir s'ils avaient la possibilité de se
concerter pour établir une action commune dans une région. Encore
faudrait-il qu'il y ait de la part du ministère des orientations quant
au territoire visé. Tant qu'on ne fait pas appel formellement à
la bonne volonté et à la concertation des intervenants du milieu,
on ne peut pas tirer de conclusions. De là l'urgence, à mon avis,
de la mise sur pied de ces projets pilotes pour qu'on puisse tirer des
conclusions en ces matières, mais cela n'a pas été fait.
En conséquence, on ne peut pas tirer de conclusions.
La stabilisation de la main-d'oeuvre en régions, est-ce que mon
confrère McKinnon aurait des choses à dire là-dessus?
M. McKinnon (Michel): Certainement. Du côté de la
stabilisation de la main-d'oeuvre en régions, je pense que c'est
extrêmement important. Lorsqu'on a pris connaissance, le 2 mars dernier,
du communiqué venant du cabinet du ministre, à savoir les
politiques d'intention... On avait effectivement travaillé très
fort du côté du ministère, j'en suis certain, et du
côté du rapport SECOR. On s'est retrouvés avec quelques
feuillets qui traitaient de politiques d'intention. Pour vous renouveler la
mémoire, il y avait seulement deux feuillets. J'en ai quelques
exemplaires pour ceux qui voudront en avoir. Il y avait à
l'intérieur une rémunération différente pour la
stabilisation d'emplois. On en parlait ouvertement, c'était très
clair aussi. On parlait de mise sur pied de centrales de coordination, mais on
pariait aussi de décisions gouvernementales au sujet du rapport
ambulancier au Québec. La première page du deuxième
document avait trois paragraphes ou trois volets. Le deuxième volet
parlait de l'organisation sur l'île de Montréal, et de
l'agglomération métropolitaine, bien sûr. On parlait aussi
du reste de la province dans le troisième volet. Je pense qu'on a
peut-être omis d'enlever "dans le restant de la province" pour dire "le
restant à la province", s'il en reste. J'ai l'impression, en lisant le
projet de loi 34... On se rend bien compte que c'est le restant des miettes que
les travailleurs et travailleuses de la province vont recevoir.
Je trouve extrêmement malheureux de voir cette situation. Nous,
à la FTQ, nous dénonçons très ouvertement cette
situation pour tous les salariés de la province, incluant ceux de nos
centrales syndicales qui, semble-t-il, sont oubliés en cours de route.
Il y a une certaine centrale syndicale qui travaille presque uniquement pour
les gens de la région de Montréal et qui oublie souvent
d'émettre des commentaires et de tenir ses promesses lorsqu'elle
syndique les gens dans la province, à l'extérieur de la
région de Montréal. Nous, de ce côté, nous ne
faisons pas de promesses, mais nous disons, que nous dénonçons
ouvertement cette situation. Nous dénonçons aussi le manque de
clarté du côté du projet, à savoir qu'on retrouve
sept, huit ou dix pages dans le projet de loi 34 qui traitent uniquement de la
corporation, la fameuse grosse corporation de Montréal et du territoire
limitrophe et, comme par hasard, trois quarts de page traitent du reste de la
province. C'est pour cela que je dis qu'on devrait appeler cela "le restant
dans la province", si jamais il en reste.
M. Duval: M. le Président, est-ce que nous avons encore
quelques minutes pour notre présentation?
Le Président (M. Bélanger): Normalement, ce serait
terminé, mais si vous voulez conclure très brièvement.
M. Duval: Si vous me donnez deux minutes... Le
Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Duval: ...pour qu'on puisse passer... J'ai posé une
question dans la première partie de mon intervention, à 149.27,
lorsqu'il est question du plan préparé par le conseil
régional. J'espère qu'aujourd'hui nous pourrons obtenir quelques
explications sur l'organisme mentionné à l'article 149.27: quel
genre d'organisme serait visé dans l'esprit du ministre? (16 h 45)
Quant à la possibilité de confier à un CH la
responsabilité de la coordination, nous pensons qu'il s'agit d'un
organisme qui serait carrément en conflit d'intérêts, dans
ce sens que ce serait l'occasion rêvée de n'accueillir dans son
établissement que les beaux cas et de se les faire référer
par les ambulanciers sous sa responsabilité.
En particulier, les articles 13, 14 et 15 du projet de loi traitent
d'une protection des salariés qui passe du conseil régional
à la
corporation Urgences-santé. On ne voit pas la même garantie
pour les salariés en régions qui pourraient subir le même
sort.
Avant de terminer, ]e voudrais clarifier mon intervention concernant la
question - quand Je mets mon chapeau d'officier syndical et quand on parie du
territoire limitrophe... Je pense que si l'article 149.4 devait se
développer et permettre d'agrandir le territoire visé
initialement par le projet de loi, cela aurait pour effet, par le biais de
l'application de l'article 45 du Code du travail - et cela, sans
interprétation d'aucune façon par la Cour suprême, H ne
s'agit pas de se cacher derrière cela - de créer, à
l'intérieur de la corporation en question, le monopole syndical ad vitam
aeternam. Si effectivement, on se retrouve, en grossissant et en grossissant la
corporation de territoires limitrophes, on pourra reparler, en l'an 2050, de la
possibilité que les 2000 ou 2500 salariés, éventuellement,
de cette corporation qui couvrirait l'ensemble de la province puissent un jour
changer d'allégeance.
C'est à peu près impossible d'établir - bien,
impossible, il n'y a rien d'impossible ici-bas - mais il serait très
difficile d'obtenir un changement d'allégeance, alors que tout le
système syndical dans le domaine des affaires sociales est basé
sur la pluralité: monopole à l'intérieur d'un
établissement, mais système d'établissement par
établissement où les salariés - on l'a vu au moment de la
dernière période ouverte - d'un établissement peuvent
changer d'allégeance régulièrement. Dans le secteur des
affaires sociales, c'est aux trois ans. Dans ce cas-ci, si la corporation
devait s'agrandir et s'agrandir, oublions cela, il n'y aura jamais
d'alternative syndicale, et c'est tenir en otage 1800, 2000, 2200 ou 2500, je
ne sais pas quelle sera la masse, le nombre de salariés,
éventuellement... C'est de tenir en otage un groupe important de
salariés avec à peu près l'impossibilité de changer
d'allégeance à des périodes fixes.
Merci, M. le Président, de m'avoir permis ces quelques
commentaires supplémentaires en dehors de la période qui m'avait
été accordée.
Le Président (M. Bélanger): M. Duval, merci. M. le
ministre.
M. Dutil: Merci de votre présentation. Je comprends que
vous avez une inquiétude sur l'article qui concerne les territoires
limitrophes. Je vais vous mentionner, d'ores et déjà, qu'il n'a
pas été question, qu'il n'a jamais été question et
qu'il ne sera pas question qu'il y ait une seule corporation dans la province
de Québec. Ce serait irréaliste d'envisager un tel
modèle.
Pour répondre à une remarque que vous avez faite,
également, concernant l'imprécision quant au choix de l'organisme
ou le centre hospitalier et la raison pour laquelle nous avons fait cela, c'est
que nous savons très bien qu'il y a des particularismes régionaux
à respecter. Le service ambulancier s'est développé d'une
façon bien différente d'une région à l'autre. Il y
a un long historique. Ce qui nous importe, c'est d'avoir une qualité de
service qui soit d'un standard le plus élevé possible et le plus
égal possible dans la province, quelle que soit la formule ou la
structure. Hier, je soulevais cette question. En province, actuellement, il y a
des entreprises privées, on le sait. Il y a également des
organismes sans but lucratif et une coopérative. Je l'ai
mentionné hier et je le répète. Ce sont des structures
différentes qui fonctionnent. Il ne s'agit pas pour nous d'être
dogmatiques et de dire: La seule qui peut fonctionner, c'est cette
façon-là. Pour nous, ce qui est important, c'est de s'assurer
qu'il y aura des rehaussements de formation et que, dans chacune des
régions du Québec, l'on puisse avoir la même formation.
C'est de s'assurer également - vous l'avez soulevé tout à
l'heure - qu'il y aura de la stabilité d'emplois.
Quant aux conflits d'intérêts possibles des CH, je dois
vous mentionner que, dans certaines régions, H est possible que les
CRSSS nous suggèrent que ce soit le CH qui fasse la coordination pour
une raison bien simple, c'est qu'il n'y a pas d'autre endroit où on peut
aménager le service d'une façon correcte, parce qu'H n'y a pas
d'autre CH dans une région qui peut être très
étendue.
M. Duval: Mais les CLSC, M. le ministre.
M. Dutil: En tout cas, c'est un organisme, le CLSC, il n'y a pas
d'exclusion de notre part. Il n'y a pas d'exclusion de quelque organisme que ce
soit. Ce que nous souhaitons, c'est que la région nous dise ce qu'elle
envisage comme organisme pour faire cette coordination.
Vous avez soulevé l'importance des centrales de coordination. Je
pense qu'on est d'accord là-dessus. Des centrales de coordination
deviennent nécessaires. Vous avez soulevé la question des projets
pilotes. Évidemment, on attend l'adoption du projet de loi avant de nous
lancer dans les projets pilotes de façon, le plus rapidement possible,
à avoir des expériences de centrales de coordination qui vont
nous permettre de voir de quelle façon, avec le vécu qu'on aura,
on peut établir en régions ces centrales et les étendre
graduellement le plus rapidement possible à l'ensemble de la
province.
Maintenant, vous, dans une des consultations qui ont été
faites, vous avez parié du filtrage et vous avez mentionné que
vous étiez contre le fait d'avoir du filtrage. On sait que c'est un
sujet qui va, entre autres, être débattu tout à l'heure par
les infirmiers et infirmières qui vont venir présenter leur
mémoire et qui...
M. Duval: Excusez-moi, M. le ministre, vous parlez de quoi
lorsque vous pariez de filtrage?
M. Dutil: Je parie du filtrage des appels, le
triage des appels.
M. Duval: Ah! D'accord.
M. Dutil: Dans la consultation qui avait été faite
à votre endroit, vous aviez soulevé cette question et j'aimerais
que vous donniez plus de précisions là-dessus.
M. Duval: M. Séguin va répondre
là-dessus.
M. Séguin (Gilles): Je pense que ce qui avait
été mentionné aux gens du ministère à la
rencontre du mois de février, c'est que dans le cadre de ces centrales
de répartition et de coordination des appels, on concevait des
ambulanciers et des ambulancières qui s'occuperaient de la
réponse téléphonique à tous les niveaux.
D'ailleurs, M. Larose, de la corporation, en a parlé un peu
tantôt. À Hull, l'ensemble des répartiteurs et
répartitrices sont des techniciens ambulanciers qui travaillent sur la
route actuellement. Je pense que le service qui est rendu, avec les moyens
qu'on a, est très efficace. Or, à ce niveau, nous n'embarquons
pas dans le même "pattern" de la région de Montréal
où on a des infirmières - et, là, on ne leur enlève
rien - qui répondent au téléphone. On dit que, pour ce que
cela coûte, est-ce vraiment nécessaire?
L'argument qui avait été donné par les gens du
ministère à ce moment était que quelqu'un qui
possède un diplôme d'infirmière, répondre à
un appel téléphonique peut donner beaucoup plus d'information
technique sur la dose de médicaments, sur les soins à domicile,
sur plein de choses. Nous disons que le service d'ambulance n'est pas un
service de référence médicale, mais bien un service
d'urgence. Lorsque la personne aura une question à laquelle le
répartiteur ou la répartitrice ne pourra pas répondre
parce ce sera trop technique, il sera simple à ce moment-là -
à moins que ce soit une urgence, évidemment, on enverra un
véhicule à ce moment-là - de référer la
personne aux personnes qui ont déjà été
engagées pour répondre à ces questions,
c'est-à-dire le personnel des centres hospitaliers et le personnel des
CLSC.
Je pense qu'on ne doit pas dédoubler une structure. En fait,
c'est protéger les emplois des ambulanciers et ambulancières qui
ne pourront pas pour un problème X, soit médical ou autre,
exercer leur profession sur la route. Alors, cela leur donne un choix d'emploi.
Vous comprendrez que, dans le domaine ambulancier, on veut s'assurer de la
possibilité d'une carrière éventuelle, d'en faire sa vie
vraiment alors qu'à l'heure actuelle, en dehors des zones urbaines, cela
devient très difficile. Pour quelqu'un qui se ferait mal au travail, au
lieu de rester chez lui ou chez elle à ne rien faire, pourrait profiter
d'un emploi de répartiteur, ou quelqu'un qui avance en âge. Je
pense que c'est compréhensible. Lorsqu'on regarde le système
ambulancier, on veut qu'il nous appartienne; on veut que les ambulanciers et
ambulancières puissent travailler dans différents corps
d'emploi.
À l'heure actuelle, on est très limités dans nos
corps d'emploi, on est même limités dans notre corps d'emploi de
technicien ambulancier étant donné toutes les contraintes qui
sont imposées de fait par les salaires et par les conditions qui y sont
reliées. Il faut vraiment, pour nous en tout cas et je pense qu'au
ministère, si je me souviens bien, on nous avait répondu à
ce moment-là: Vous nous avez prouvé avec vos arguments que cela
avait du sens et on ne peut pas faire autrement que de mettre les ambulanciers
et ambulancières là où ce sera possible.
Évidemment, si vous affichez des postes et qu'il n'y a pas
d'ambulanciers et d'ambulancières qui postulent ces postes, il faudra
aviser. Mais je pense que le "pattern" de Montréal dans ce cas-ci ne
devrait pas s'appliquer à l'ensemble de la province. Je comprends qu'il
y a des acquis à Montréal. Il s'agira de travailler avec cela,
mais je pense qu'il faut vraiment commencer à regarder ce qui doit se
passer en régions. On parie de projets pilotes. S'il y a un projet de
loi qui aurait dû être présenté et que, nous
attendions, c'est bien un projet de loi concernant les régions et non
pas un projet de loi concernant Montréal qui a déjà une
structure, qui a déjà des fonds doublement importants per capita
par rapport au reste des autres régions du Québec. Je pense que
nous sommes très déçus à ce moment-ci, et nos
membres aussi. Nous avons clairement identifié des problèmes
à régler et le ministère était d'accord avec nous
sur la stabilisation de l'emploi en régions, la qualité de
service, mais rien de cela n'est annoncé. Au contraire, on dit: On va
régler Montréal en premier et, ensuite, on regardera ce qui se
passe en province. Je pense que cela fait longtemps qu'on vous explique ce qui
se passe en province. Il va falloir à un moment donné se pencher
là-dessus avant même de changer de peau à Montréal.
On change de peau, tant mieux si c'est mieux et tant pis si c'est mal, mais
nous avons une priorité très claire: le service dans le reste de
la province.
M. Dutil: Je pense que de ce côté, on a une
interprétation différente du projet de loi. Le projet de loi
permet aux régions, entre autres choses, d'avoir des centrales de
coordination. Cela était un des objets importants de la
réforme.
Quant à la stabilisation de l'emploi et de la formation, vous ne
les retrouverez pas dans le projet de loi, effectivement. Cela ne veut pas dire
qu'elles ne seront pas faites. Ce sont des réformes annoncées,
mais ce n'est pas par la législation que nous allons procéder. Le
travail est commencé au niveau de la formation.
Cela m'amène à vous poser la question sur la formation.
Tout le monde n'a pas la même opinion sur la quantité d'heures de
formation nécessaire. J'aimerais avoir votre réaction
là-
dessus. Certains préconisent jusqu'à 2000 heures, d'autres
trouvent que 825 heures, c'est trop.
M. Du va I: M. Séguin est bien placé pour
répondre à cela, M. le ministre.
M. Séguin (Gilles): Encore là, je me
répète un peu par rapport à ce qu'on a dit au mois de
février. Nous, notre position là-dessus, évidemment, au
moment où, en 1985, on a établi le Comité inter-CRSSS sur
la formation ambulancière, nous pouvons dire que ce dossier a
avancé assez vite par rapport aux autres dossiers du ministère
étant donné que ce n'est pas directement le ministère qui
s'en est préoccupé. Il y avait un comité de formé
là-dessus et il a présenté un projet... Pardon?
M. Chevrette: J'ai fait une farce. J'ai dit que c'est pour cela
que c'est allé vite, ce n'est pas le ministère qui s'en est
occupé.
M. Séguin (Gilles): Ha, ha, ha! Si vous voulez! Alors,
à ce moment-là, on peut dire qu'on n'a pas été
consultés lors de cette élaboration de projet. Nous recommandions
que ce soit un programme de niveau collégial. Évidemment, il y a
différents programmes au niveau collégial. On nous a
suggéré une attestation d'études collégiales d'un
an qui est un programme intensif pour les gens en cours d'emploi qui
désirent changer de carrière et à qui on donne la
possibilité d'avoir un diplôme d'études collégiales
à l'intérieur d'un an, sans mettre tous les
à-côtés de cours qui ne sont pas directement reliés
à l'emploi. Là-dessus, on était d'accord. On était
d'accord avec un cours de 825 heures de formation théorique et,
évidemment, des heures de stage en milieu de travail,
c'est-à-dire dans un véhicule ambulancier, et des stages dans un
centre hospitalier. Je pense que dans le domaine clinique, ce qu'on a surtout
prononcé à ce moment-là comme discours, c'est que les
séances cliniques à l'intérieur d'un hôpital
étaient très importantes pour les ambulanciers et
ambulancières afin de visualiser les problèmes qu'ils vont
rencontrer. Vous comprendrez qu'en milieu rural, lorsqu'on fait un appel par
semaine, cela va nous prendre énormément de temps, si seulement
on en a l'occasion, pour faire face à un cas qui est plus rare. Cela
nous donne la chance en peu de temps d'acquérir beaucoup
d'expérience et de nous sécuriser dans notre corps d'emploi.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je voudrais tout
d'abord vous féliciter pour le souci régional que vous avez.
Effectivement, comme gouvernants on est portés à régler
les problèmes là où cela jappe, là où cela
crie le plus fort. On oublie qu'H y a des gens qui sont des contribuables au
même titre que les autres des grands centres, et qu'ils ont droit
à une équité dans les services de santé et je pense
que celui-là en est un. Le service préhospitalier est un service
auquel on a droit... J'ai été renversé d'apprendre qu'H y
a seulement une ambulance pour la région de Hull la nuit. Je vous avoue
que je ne savais pas cela, je l'apprends.
Une voix: Ne vous plaignez pas.
M. Chevrette: Je trouve cela aberrant, épouvantable,
inconcevable.
M. Duval: On me souffle que ce n'est pas juste là.
M. Chevrette: Cela, je n'en doute pas. Je dois vous dire en tout
cas que le souci que vous avez de tirer en faveur des régions, je suis
même un régionaliste moi-même et je considère que
vous avez absolument raison de penser que l'équité ne se fait pas
malheureusement.
Il y a un point sur lequel je suis en désaccord avec votre
mémoire, c'est sur le triage. C'est peut-être parce que
précisément vous n'êtes pas à Montréal, mais
moi, on m'a convaincu de l'importance à Montréal, à cause
du service de counselling qui se fait, d'information soutenue, etc. Quand on me
dit qu'il y a 1000 appels par jour, s'il fallait qu'à chaque "call"
à Montréal, on envoie une ambulance sur place, il faudrait
tripler ou quadrupler le nombre d'ambulances. Je ne sais pas ce qui arriverait
dans les salles d'urgence. Ils ont beau avoir une infirmière qui fait
une présélection des patients, ce serait terrible. (17
heures)
D'autre part, il faut dire qu'en régions, l'habitude n'est pas
créée. Donc, effectivement, le service pourrait être un peu
différent, parce qu'en régions, tu n'as pas le choix c'est ton
CLSC ou ton centre hospitalier par le fart que ce genre de structure ou d'OSBL
- appelez le comme vous voudrez - n'existe pas.
D'autre part, je pense que, par exemple, si une région comme
Québec se dotait d'un OSBL ou encore la rive sud - la
Montérégie, c'est grand, c'est presque aussi grand que Laval
quand on regarde l'explosion démographique en Monté-régie
- je ne suis pas sûr qu'il ne devrait pas y avoir de tri également
dans ces gros endroits-là. Mais dans le milieu dit semi-rural,
semi-urbain, comme ma région ou d'autres, je conçois que les
structures en place, les CLSC et les CH, peuvent répondre à la
partie triage, comme vous l'avez dit.
Pour ce qui est de la formation, je trouve intéressante la
suggestion par le biais des cégeps. Je trouve cela intéressant.
Je voudrais également vous questionner sur un point. Vous semblez
attacher beaucoup d'importance à la structure syndicale et je le
comprends. On a toujours peur d'être gobés, d'être
avalés par le plus gros.
M. Duval: ...gobé des fois.
M. Chevrette: Je ne fais pas de jeu de mots quand je dis que vous
avez peur d'être avalés par le plus gros.
M. Duval: Jonas!
M. Chevrette: Dans la loi 45, le Code du travail, c'est vrai
qu'on le précise. Mais il y a un principe de droit qui dit que tu ne
peux pas faire indirectement ce que tu n'as pas le droit de faire directement,
à moins que le ministre décide d'un cadre de négociation
différent. Tant et aussi longtemps que le gouvernement n'a pas fait son
lit dans une loi-cadre de négociations, chaque propriétaire et
chaque syndicat demeurent avec tous leurs droits, même si on peut tenter,
par la bande, d'effacer cela comme le sous-ministre Cantin à essayer de
le faire à une table unique.
Je pense qu'il a fallu se rendre à l'évidence. Les
ministres ont bien compris que, n'ayant pas de projet de loi-cadre comme la loi
37 sur la fonction publique et parapublique, il est obligé de dire:
Endurez-les, au moins. Il doit avoir dit cela, je ne sais pas. Je ne connais
pas leurs discussions. Mais entre petits frères rouges, ils doivent se
parler à peu près comme cela.
Je voudrais savoir... Pardon?
M. Dutil: Je me parlais.
M. Chevrette: Qui est indécent?
M. Dutil: De dire ce que vous venez de dire.
M. Chevrette: Les petits frères rouges? Parfois, c'est
indécent de présenter des papiers comme vous les
présentez. Ma question est la suivante: Vous craignez que par les
territoires limitrophes le gouvernement en arrive à grossir une
corporation.
M. Duval: Cela m'apparaît clair, parce que le jour
où...
M. Chevrette: Comment conciliez-vous que dans le projet de loi 34
il peut, il ne doit pas, il peut en ce qui concerne les régions - c'est
ce qui vous fait dire qu'il y a des miettes probablement - y avoir un OSBL, par
exemple? Comment pouvez-vous avoir la crainte d'une seule superstructure?
M. Duval: Cela m'apparaît simple dans le sens suivant: les
régions 06-E et 06-A sont couvertes par le projet de loi, semble-t-il,
d'une façon claire. Le ministre décide de joindre 06-C à
06-E et 06-A. Cela va bien de parler en sigles - j'ai la carte devant moi -
c'est la Montérégie. La Montérégie, c'est une
grosse bouchée; cela va jusqu'à la frontière des
États-
Unis et c'est près de Montréal. C'est sur la rive sud de
Montréal. On décide, à un moment donné que le temps
est venu, on joint cela à fa corporation Urgences-santé du
Montréal métropolitain. J'ai le droit de le faire, la loi 34 me
le donne.
À ce moment-là, les entreprises qui sont absorbées
vont tomber sous le régime de la corporation en question. Les employeurs
deviendront, j'imagine, des locateurs et le personnel va s'en aller à
l'emploi de la corporation. Là, c'est évident et c'est clair dans
ma tête que c'est la loi 45 qui s'applique et, à court terme, tu
t'en vas vers un vote général à l'unité.
Évidemment, tu ramasses peut-être 200 ambulanciers contre 800 ou
900. Ils sont absorbés. Au revoir et merci! On s'en va maintenant
à la région 05; c'est l'Estrie deux ans plus tard.
C'est encore le même "pattern". Les employeurs deviennent des
locateurs d'ambulances; les employés s'en vont à l'emploi de la
corporation générale et, encore là, un petit vote. On
passe, on grossit la corporation, on peut faire cela à l'échelle
de la province. Cela, c'est tout à fait légal.
M. Chevrette: Oui.
M. Duval: Tout à fait légal.
M. Chevrette: Oui. Me permettez-vous de sourire? Dans le sens
suivant, M. Duval...
M. Duval: Oui.
M. Chevrette: J'ai fait la commission Cliche en 1974. La CSN
accusait la FTQ de vouloir le monopole dans la construction et prêchait
pour le pluralisme syndical.
M. Duval: Ah! C'était-y beau!
M. Chevrette: Aujourd'hui, c'est exactement à l'inverse
qu'on assiste.
M. Duval: Non, mais...
M. Chevrette: La CSN veut avoir le monopole des ambulanciers et
la FTQ crie pour le pluralisme.
M. Duval: Mais la CSN n'a jamais caché qu'elle voulait le
monopole des affaires sociales.
M. Chevrette: La FTQ ne s'en cachait pas non plus dans la
construction...
M. Duval: Ils ne s'en cachaient pas dans la construction non
plus. Mais est-ce que c'est le gouvernement qui décide de
l'intérêt des citoyens ou de l'équité parmi les
citoyens? Il est placé pour faire un lit. Il fait le lit et il pourra
ramasser les résultats éventuellement. Mais, là-dedans,
cela m'apparaît clair, la mécanique est
simple, elle n'est même pas contestable. Elle est en application
avec le code actuel. On ne peut même pas dire: J'attends la
décision de la Cour suprême. Non. C'est simple. C'est clair. C'est
ce qui s'en vient si, effectivement, le ministre décide de trop
"limitropher" là-dedans.
M. Chevrette: M. Cotton, ce matin, nous a dit que la
qualité des services de l'équipement faisait pitié chez
beaucoup de propriétaires. Dans votre cas, est-ce que vous observez la
même chose?
M. Duval: M. Dominique Vanesse aurait quelques mots à dire
là-dessus.
M. Chevrette: Est-ce qu'il y a un nommé McKinnon à
la table?
M. Duval: II est là. Il est à ma gauche.
M. Chevrette: C'est parce que j'ai mis la main sur une des
lettres que vous avez écrites. Je vais vous en parler après.
M. Duval: Ah!
M. Vanesse (Dominique): Je pense que oui parce que les
propriétaires disent toujours... Premièrement, quand on veut de
l'équipement, on nous répond: Le gouvernement ne nous donne pas
d'argent et je ne peux pas vous en donner. Or, vous savez très bien que
votre propriétaire fait tant de voyages par année, qu'il y a tant
d'argent qui a été donné pour le personnel. Parfois, le
montant d'argent précis qui devait aller au personnel n'a pas
été versé au personnel. Cela marche toujours avec les
menaces. Les patrons disent toujours: Si le gouvernement me donne, je vous
donne. Mais là, le gouvernement ne veut pas dire ce qu'il veut donner.
Par exemple, si on prend le cas de chez nous, le propriétaire est
censé changer les véhicules. Il achète des
véhicules et il les annule parce que le projet de loi 34 s'en vient et
il nous dit: Je ne sais pas ce que le gouvernement va me donner. On continue
à travailler...
M. Chevrette: Mais si vous étiez propriétaire dans
la conjoncture actuelle, vous achèteriez-vous une flotte?
M. Vanesse: Je pense qu'il y a un minimum d'équipement
à avoir quand même. Quand vous dites que vous travaillez encore
aujourd'hui avec des planches pour faire des gouttières, c'est
démodé ça. Il y a des modèles qui coûtent
moins cher que ça. Quand vous dites que vous travaillez avec des
planches dorsales en bois dans les voitures d'aujourd'hui, quand on sait
très bien que les voitures aujourd'hui n'ont plus des longs
sièges mais bien des sièges moulés, cela va très
mal. Qui paie? C'est encore la population. Ce que nous demandons c'est pour
donner un meilleur service à la population.
M. Chevrette: Mais n'y a-t-il pas un système
d'accréditation annuel des véhicules?
M. Vanesse: II y a des normes mais les normes...
M. Chevrette: Comme pour les autobus scolaires, par exemple?
M. Vanesse: II y a un livre de normes. Il y a des
propriétaires qui étaient là à ce moment-là.
Si vous regardez, même dans les normes, juste en passant, II y a un point
qui me frappe énormément, on dit que cela prend des planchers
antidérapants. Dieu sait que nous n'avons pas des planchers
antidérapants; on cire les planchers plutôt. Ce qui fait
que...
M. Chevrette: M. McKinnon, vous, vous vous plaignez de la
saleté, de la contamination. Vous vous plaignez des masques à
oxygène. Il y a une phrase qui me fait réfléchir dans
votre lettre. Je ne sais pas qui m'a donné cela mais c'est écrit
ceci: En terminant, il serait déplorable que vous preniez cet avis
à la légère car l'état lamentable des lieux de
travail, où vous séquestrez quotidiennement - vous y allez fort -
vos employés, ferait sûrement plaisir à plusieurs
journalistes et photographes. Ceci pourrait faire la une d'une édition
quotidienne au sujet d'un syndicat qui a su si gentiment alimenter ces
derniers, par le passé, au sujet de ce genre de problèmes.
C'est mystérieux, ça. J'aimerais que vous m'expliquiez
cela. C'est adressé à la Centrale paramédicale de la
rive-sud.
M. McKinnon: Évidemment, on a seulement une heure pour
discuter et on pourrait peut-être discuter de plusieurs
propriétaires ambulanciers, bien sûr. C'est un parmi tant
d'autres. On a quand même des messages à passer ici aujourd'hui et
je ne voudrais pas tomber dans un débat quelconque pour analyser, entre
autres, la coop de la rive-sud autant qu'un autre employeur comme tel. Ce sont
des gens qui sont particulièrement traités d'une façon
différente. C'est une accréditation qu'on a là; je pense
que c'est sur une base interne que cela a été discuté ou
que cela a été envoyé bien sûr. Je ne crois pas que
cela devrait être le moment de discuter particulièrement de ce
cas-là.
M. Chevrette: Oui, mais si...
M. McKinnon: Je pourrais évidemment en discuter, bien
sûr...
M. Chevrette: J'aimerais savoir ce que vous voulez dire d'abord;
c'est adressé à Louis Laber-ge et à Gérald Larose
et il n'a pas l'air d'y avoir grande cachette dans cela.
M. McKinnon: C'est bien évident parce que c'est...
M. Chevrette: Moi, je ne connais pas les coops; je ne connais
rien dans cela. L'Union des employés de service, c'est vous autres, je
suppose.
M. McKinnon: Cela ressemble à cela.
M. Chevrette: C'est adressé à Jacques Blain,
président de la Centrale paramédicale rive sud.
M. McKinnon: D'accord, c'est...
M. Chevrette: ...boulevard Taschereau,
Longueuil.
M. McKinnon: D'accord, c'est un genre de coopérative qui
s'est formée dans la région de Longueuil et qui appartient
à plusieurs travailleurs sous forme de parts sociales, bien sûr,
et qui a comme président M. Blain. Et, à l'intérieur de
cet établissement, il y avait des problèmes internes auxquels on
s'est arrêtés, la lettre a suivi, avec des copies à qui de
droit, bien sûr.
M. Chevrette: Est-ce que ces situations sont
généralisées dans l'ensemble des unités syndicales
que vous représentez?
M. McKinnon: Chez nous, généralement, non. On ne
tolère pas une situation semblable et quel que soit le
propriétaire ou l'arrière-garde du propriétaire, on
dénonce ouvertement cette situation et on ne se gêne pas pour
cela. Généralement, les travailleurs et les travailleuses ne
subissent pas de pareilles conditions de travail; quand on peut retrouver de
pareilles conditions de travail chez des gens qui sont syndiqués chez
nous, on ne se gêne pas pour dénoncer et pour essayer de corriger
la situation en tant que telle.
M. Chevrette: D'accord. Concernant le fait que vous demandiez de
reprendre ou de refaire le travail, à toutes fins utiles, puisque vous
demandez le retrait, sur quel aspect proprement dit aimeriez-vous voir le
ministre changer d'avis? Quand vous dites que c'est en régions, comment
verriez-vous cela, vous autres?
M. Duval: M. le chef de l'Opposition, je ne peux pas faire les
devoirs du ministre, sauf que quand je lis le projet de loi...
M. Chevrette: Non, mais vous pouvez nous aider à faire le
nôtre parce qu'on peut lui suggérer des amendements.
M. Duval: Oui, mais il a choisi de présenter ce projet de
loi d'une certaine façon. Nous, quand nous lisons ce projet de loi en ce
qui concerne le fonctionnement des régions, nous estimons que nous n'en
avons pas pour notre argent en ce sens qu'on ne voit pas où il s'en va
précisément. Certaines choses avaient été
annoncées, je ne peux pas vous dire, cela est plus... La stabilisation
du personnel, c'est important, on représente un syndicat. Comment
vont-ils organiser les centrales dans les régions? Il devait y avoir des
projets pilotes, il n'y en a pas; il ne peut pas donner ce qu'il n'a pas.
J'imagine qu'à un moment donné, il a besoin de temps pour faire
jaillir l'inspiration qui lui permettra de rédiger un texte, qu'on
pourra lire, pour voir vraiment où il s'en va. C'est pour cela qu'on dit
que c'est prématuré, quant à l'aspect des régions.
Mais si, effectivement, le ministre décide de continuer avec ce
projet-là et de rester avec les valeurs qu'il a mises dans le projet,
nous allons vivre avec cela; on est des citoyens comme les autres, on est
soumis à ces lois-là. Mais je ne peux pas lui dire: Cela est plus
important. Au fond, c'est toute la réflexion qui, à mon sens, a
été faite sans doute, mais qui ne transpire pas du projet de
loi.
M. Chevrette: À part la stabilité du personnel,
qu'est-ce qu'on vous avait annoncé et que vous ne retrouvez pas dans le
projet de loi?
M. Duval: C'étaient essentiellement les deux
éléments. Michel. (17 h 15)
M. McKinnon: D'accord. Pour ce qui est de la stabilisation
d'emploi, ce qui peut se rattacher définitivement à cela et un
peu en concertation avec Gilles sur la discussion de la formation et de
l'acceptation en principe du système de formation, semble-t-il, on
serait favorables à cette formation ou le total de formation de 825
heures. Je pense qu'il serait important d'intéresser les gens
concernés, les employés, les salariés. Quand on parle de
825 heures et quand on leur explique un peu le contenu du document, du futur
document ou du futur programme de formation, la première chose qu'on
nous dit, c'est: Nous serions bien prêts a en faire une carrière
sauf qu'au lieu de travailler à 1 $ l'heure, 168 heures par semaine, je
ne sais pas si quelqu'un chez vous pourrait travailler sur cette base à
168 $ bruts par semaine. Ce ne sont pas des farces, mais on vit cette situation
autant dans la région de Charlevoix que dans certaines régions de
la Côte-Nord et qu'en Abitibi, etc., les zones dites
défavorisées reconnues par le ministre et par le ministère
aussi, les zones en difficulté qu'on appelle. Les zones en
difficulté, à l'heure actuelle, je pense que le temps presse de
s'arrêter sérieusement dans les prochains jours et dans les
prochaines semaines, pour stabiliser l'emploi à l'intérieur de
ces zones de façon à garder nos ambulanciers et à les
intéresser sur place. Dans la région de Charlevoix, actuellement,
on a des régions à zones découvertes, malheureusement,
dans certaines circonstances. Pourquoi?
M. Chevrette: Mais les augmentations consenties en 1985 avec une
directive formelle - c'est peut-être M. Langlois qui pourrait nous
répondre - mais qui devaient aller expressément a la
main-d'uvre, cela n'a pas été fait? Comment se fait-il
qu'on n'a pas retrouvé cela?
M. McKinnon: Cela a été fait en
général. Bien sûr, dans des régions assez
particulières, cela a été peut-être un peu
biaisé, sauf qu'on paie les gens à taux horaire autant sur
l'échelle de la CSAQ que sur l'échelle Marois selon les
régions et l'intégration qui a été faite. Mais il y
a certaines régions où le fonds salaire ne permet pas aux
employeurs de fournir les sommes en question pour les payer à taux
horaire. Donc, les payer à taux horaire devient énormément
difficile compte tenu des circonstances. Par exemple, l'île-aux-Coudres
peut avoir environ 34 voyages par année. Donc, on ne peut pas retrouver
un fonds salaire de façon à avoir une condition adéquate
de travail pour en faire une carrière; à ce moment-là, les
gens sont dans des zones dites défavorisées. Dans bien des
régions, autant dans la région de Lacolle, etc., partout en
province on retrouve cette difficulté. La difficulté c'est le
fameux fonds salaire, ce sont les sommes qui devraient rentrer plus mais ne
peuvent pas rentrer compte tenu des circonstances, par rapport aussi aux
subventions, etc., ce qui fait qu'il y a des régions qui s'en viennent
de plus en plus à découvert.
Vous comprendrez très bien qu'à 1 $ l'heure je
préférerais aller travailler comme préposé dans un
centre d'accueil à 8 $ l'heure ou comme commis dans un magasin à
5, 75 $ ou 6 $ ou 6, 25 $ l'heure pour gagner ma vie raisonnablement. Qu'on
garantisse des choses par le programme de formation, c'est bien, mais qu'on
garantisse aussi par le biais d'une sécurité d'emploi ou d'une
sécurité salariale à ces gens en leur disant:
Écoute, temporairement la piastre l'heure de disponibilité
étant donné que tu fais partie d'une zone dite
subventionnée, défavorisée ou démunie, il y a une
possibilité d'avoir 3 $ l'heure d'ici à ce qu'on arrive avec une
centrale de coordination avec des fonds salaire et avec des subventions
beaucoup plus raisonnables. À ce moment-là on pourrait
peut-être intéresser les gens. Mais les gens nous envoient la main
pour nous dire: Bonjour, merci beaucoup! Nous avons été
intéressés pendant des années, nous avons des attentes
à travers le projet de loi 34 et les gens, les salariés vont
être extrêmement déçus de savoir que dans le projet
de loi 34, avec les intentions aussi du ministère du 2 mars dernier, il
n'y a presque rien d'avancé et, malheureusement, nous perdons de
très bons ambulanciers qui pourraient faire une carrière.
On retrouvera de plus en plus des régions démunies. C'est
pour cela que je m'amusais à dire, à certaines personnes du
ministère: N'allez pas dans la région de Charlevoix, ou n'allez
pas dans telle et telle région durant l'été, si vous avez
un accident, vous allez crever le long du chemin tout simplement parce qu'il
n'y aura pas d'ambulanciers disponibles ou les ambulanciers auront à
partir de très loin afin de secourir les gens en question. Donc, c'est
extrêmement malheureux. C'est la situation autant de la FTQ que d'autres
travailleurs de nos centrales syndicales. On fait face à une situation
malheureuse actuellement et nous déplorons cela. On devrait au moins
essayer de boucher les trous temporairement pour dire: Écoute, on garde
nos emplois actuellement, on intéresse nos salariés et voici le
programme de formation qui va faire en sorte que maintenant, au lieu d'avoir un
petit 3 $ l'heure de disponibilité, au lieu de 1 $, tu vas
peut-être avoir la possibilité d'avoir 12 $, 14 $ ou 15 $ l'heure
selon l'échelon. Je pense que le problème on ne le prend pas
à la source évidemment au moment où l'on se parle et le
problème est là, il est flagrant. Les travailleurs et les
travailleuses vont se tanner et se tannent actuellement. Soit qu'on se retrouve
peut-être avec des moyens de pression ou des manques de
disponibilité ou les gens quitteront tout simplement l'emploi.
M. Duval: C'est une chose de dire aux citoyens: Notre plan
d'action est là, il est complet, il couvre la province; on a cela, cela,
cela. On a nos points de repère. Cependant, comme société,
on n'est pas capables de se le payer. C'est une chose de dire cela au monde,
mais c'est une autre chose de dire: On règle pour Montréal et on
ne règle pas pour l'ensemble de la province et étouffez-vous avec
cela. Il me semble que les gens pourraient comprendre qu'on a ou qu'on n'a pas,
selon les priorités du gouvernement de l'époque, pour faire tel
changement dans la société. C'est sûr que cela coûte
de l'argent. La stabilisation, l'organisation des pôles d'appels, cela
coûte des sous parce que tu touches à des choses, tu suscites des
appétits, tu dis: II faut changer et améliorer. Jusqu'à
quelle masse salariale peut-on aller comme société? On n'en a pas
entendu parler beaucoup. On s'en vient en négociation à court
terme, mais on sent confusément qu'il n'y a pas de masse salariale
à tout casser dans la société du Québec. Les
citoyens peuvent comprendre cela. Là, on le passe par le biais un
peu.
M. Chevrette: Je voudrais vous remercier de votre mémoire,
mon temps est écoulé. Je voudrais vous dire que j'apprécie
énormément votre souci, votre volonté de venir en aide aux
régions. Je pense qu'effectivement il y a des situations aberrantes,
d'autant plus qu'on n'est plus en période de crise économique; on
est quand même en période de prospérité
économique et on pourrait espérer une meilleure
répartition de la richesse collective au Québec, d'autant plus
que, que tu sois en Gaspésie, sur la Basse-Côte-Nord, à
Joliette ou en Abitibi, tu paies les mêmes impôts qu'à
Montréal.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Dutil: Alors, M. le Président, ce qui ressort, je
pense, du mémoire qui a été présenté, c'est
qu'il y a un certain malentendu sur ce qu'est le projet de loi et sur la
réforme que nous avons annoncée. Il y a une décision du
Conseil des ministres concernant la stabilisation de l'emploi qui nous
apparaît primordiale. Ce que je veux dire là-dessus, c'est que
c'est notre intention et nous allons mettre en place cette réforme au
point de vue de la stabilisation de l'emploi. Il y a aussi un malentendu
lorsqu'on parlait de 1 $ l'heure, tout à l'heure. Il faut bien se
rappeler, pour bien comprendre, que c'est 1 $ par heure de disponibilité
et non pas par heure de travail.
Dans la décision du Conseil des ministres qui a été
rendue publique, le modèle qui est privilégié dans les
zones a un seul véhicule, c'est celui qu'on appelle le modèle dit
des "Parcs", c'est-à-dire 40 heures de travail, 168 heures de
disponibilité; c'est-à-dire que vous êtes payés pour
faire 40 heures et vous êtes toute la semaine en disponiblité.
Maintenant, pour ce qui est des zones qui ont plus d'un véhicule, la
formule de stabilisation de l'emploi n'a pas été
déterminée et elle reste à trouver. Il est clair et
évident que l'on part d'un système qui ne rendait pas justice aux
régions et que nous allons faire un système qui va leur rendre
justice. C'est cela qu'il faut bien comprendre. Le système, on l'a pris
dans l'état où il était, c'est-à-dire un
système pas mal performant pour ce qui est de Montréal et un
système difficile à "manager" dans la province, parce que
justement il y avait cet aspect d'obligation de disponibilité et
d'impossibilité de gagner sa vie comme technicien ambulancier hors des
grands centres urbains.
Vous ne retrouverez pas cela dans le projet de loi, ce n'est pas son
objectif, c'est l'objectif de la réforme. Les morceaux du
casse-tête se mettent en place de façon à arriver à
atteindre les objectifs que vous vous fixez et que nous nous fixons
également, moi entre autres, en tant que ministre qui vient d'une
région et qui vit ces problèmes. Je vous remercie de votre apport
et de m'avoir permis de soulever ce malentendu et de vous dire que la
réforme est là et qu'elle va se faire.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, la
commission des affaires sociales remercie l'Union des employés de
service du local 298 de la FTQ et ses représentants. Elle invite
à la table des témoins la Conférence des conseils
régionaux de la santé et des services sociaux qui sera
représentée par Mme Hélène Morais, Michel
Léger, Claude Boisjoli, Gilles Laplante et Mme Géraldine Hutton.
Pendant qu'on fait le changement, on va suspendre pour cinq minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 30)
(Reprise à 17 h 36)
Le Président (M. Bélanger): Je demanderais à
chacun de bien vouloir prendre sa place pour que nous recevions nos prochains
invités, la Conférence des conseils régionaux de la
santé et des services sociaux.
À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous
plaît! S'il vous plaît, on demanderait le silence.
Nous recevons présentement la Conférence des conseils
régionaux de la santé et des services sociaux qui sera
représentée par Mme Hélène Morais, directrice
générale de la Conférence des conseils régionaux,
M. Michel Léger, premier vice-président et directeur du CRSSS
Laurentides-Lanaudière, M. Claude Boisjoli, directeur
général du CRSSS de la Côte-Nord et Mme Géraldine
Hutton, directrice générale du CRSSS de l'Outaouais. Vous avez un
maximum de vingt minutes pour présenter votre point de vue. Je vous
prierais, avant de commencer, de bien vouloir identifier vos collègues
et votre porte-parole et, à chaque fois que vous aurez une intervention
à faire, si vous pouvez y penser, de bien vouloir dire votre nom avant,
ceci pour les fins de transcription du Journal des débats. Alors,
je vous prierais donc de commencer. Merci.
Conférence des conseils régionaux de la
santé et des services sociaux
M. Léger (Michel): Merci, M. le Président. M. le
ministre, Mmes les députées, MM. les députés. Je
vais vous présenter dans l'ordre la délégation. Je suis
Michel Léger, premier vice-président de la Conférence,
à ma gauche Mme Hutton, directrice générale du CRSSS de
l'Outaouais, immédiatement à ma droite, Mme Hélène
Morais, directrice générale de la Conférence des conseils
régionaux, M. Gilles Laplante, président du Conseil
d'administration du CRSSS de la Montérégie et M. Claude Boisjoli,
directeur général du CRSSS de la Côte-Nord.
M. le Président, c'est un peu évidemment à la
dernière minute que nous avons ramassé les idées que nous
avions sur le projet de loi 34. Bien entendu, nous allons nous arrêter
aux grandes orientations plutôt qu'article par article. Dans ce
sens-là, j'aimerais vous rappeler l'intérêt, bien
sûr, de la Conférence des conseils régionaux compte tenu
des préoccupations générales en matière de
santé globale de la population, également des
spécificités des régions, nos préoccupations
centrales en matière d'accessibilité, d'universalité et de
qualité des services rendus aux populations de nos différents
territoires, également l'aspect de l'utilisation la plus rationnelle des
ressources qui sont mises à la disposition du réseau de la
santé et des services sociaux.
En introduction, on se rappellera que c'est dans les années
1974-1975 que les conseils
régionaux ont mis le pied dans l'étrier du transport
ambulancier notamment pour les zones plus défavorisées. Par la
suite, c'est en 1985 que la décentralisation d'un certain nombre de
responsabilités s'est faite de façon claire vers les conseils
régionaux, de certaines parties de mandats qui étaient
jusqu'alors faits de façon centrale vue de Québec. Ces
expériences ont permis à chacun des conseils régionaux de
s'interroger sur la qualité des services du transport ambulancier, sur
les problèmes d'accessibilité, d'équité intra et
interrégionale, des problèmes et de l'importance d'une plus
grande rationalisation des ressources dans le transport ambulancier, des
problèmes majeurs de stabilité d'emploi dans certaines zones de
la province, des problèmes importants et des manques de formation du
personnel amené à faire les transports ambulanciers,
également de l'importance capitale de l'intégration des services
ambulanciers avec l'ensemble du réseau de la santé et des
services sociaux dans chacune des régions du Québec. De plus, il
est certain que la syndicalisation que nous avons connue depuis les
dernières années est venue modifier les différentes
règles du jeu et a pris un peu au dépourvu toutes les
différentes instances, y compris le ministère, les conseils
régionaux, les propriétaires et les employés
eux-mêmes, et qu'il a fallu improviser, dans certains cas, de nouvelles
règles du jeu et de nouvelles façons de fonctionner.
L'ensemble de ces événements majeurs a incité le
ministère et les conseils régionaux à entreprendre
conjointement une démarche visant à circonscrire les
problèmes, à identifier des avenues et des solutions et à
trouver un certain nombre de moyens pour en arriver finalement à une
volonté collective de réforme du transport ambulancier;
après, il y a eu le projet de loi 34. Nous devons d'emblée dire
que nous souscrivons aux objectifs sous-jacents au projet de loi 34, dans le
sens où on retrouve la préoccupation de rejoindre les objectifs
que nous avons fixés conjointement avec le ministère de la
Santé et des Services sociaux. Les objectifs, quant à nous, nous
apparaissent bons, clairs et nous y souscrivons. Dans la loi, nous retrouvons
également un certain nombre de moyens qui, examinés par les
conseils régionaux, nous apparaissent pertinents.
En tout premier lieu, à l'égard de l'aspect du plan de
coordination devant être élaboré par chacune des
régions, bien sûr, on souhaiterait que ce soit seulement si le
ministre ou ia ministre le demande, mais que dans chaque région ce soit
obligatoire qu'il y ait un plan. Donc, le plan de coordination est un outil
intéressant, un bon moyen. Il y a aussi l'aspect d'un organisme qui
coordonne les appels. On trouve cela également intéressant chaque
fois où c'est possible. Il y a, bien sûr, des situations ou des
problèmes technologiques qui nous amèneront, à un moment
donné, a peut-être nuancer nos aspirations. Mais l'organisme qui
coordonne les appels est un moyen auquel nous souscrivons également.
L'aspect du contrat remplaçant les anciennes notions de permis nous
apparaissent également un moyen des plus intéressants vu qu'il
permettrait d'avoir des mandats clairs pour l'instance qui sera responsable...
avec le lien contractuel et qu'il permettrait également, selon nous, de
stabiliser de façon intéressante les services. Il y a aussi les
aspects d'une meilleure répartition entre la notion de salaire et la
notion d'exploitation de l'entreprise. Ce sont donc des bons objectifs et des
bons moyens.
Par contre, nous devons constater que la loi, à plusieurs
égards, n'est pas tout à fait claire. D'une façon
générale, nous constatons que la délimitation des
responsabilités et des pouvoirs, les interactions et les
mécanismes de contrôle entre les différentes instances
gagneraient grandement à être réexaminés compte tenu
de duplications, d'"overlapping" des différentes responsabilités
ou autres qui, dans la vie quotidienne, par la suite, après l'adoption
de la loi, risqueront sans aucun doute de créer un certain nombre de
confusions. De plus, au plan des intentions quant à l'étatisation
ou la privatisation, nous avons de la difficulté à voir les
intentions claires du ministre. Une autre constatation d'ordre global que nous
aimerions souligner, c'est le fait que la loi laisse des possibilités
importantes de faire ou de ne pas faire des choses. Chacun peut voir dans cette
loi la possibilité de rencontrer certaines de leurs attentes et les
conseils régionaux ont toujours tenu le discours qu'il était
important d'avoir une politique claire avant de s'embarquer dans une loi. Car
quand la loi arrive et que les orientations et la politique ne sont pas
suffisamment claires, chacun, dans l'application, tire toujours la couverte et,
dans la coordination, nous risquons par la suite de rencontrer les
difficultés que, de temps en temps, on a voulu éviter en allant
rapidement à la promulgation d'une loi.
En terminant, nous avons participé de façon intensive
à la tournée de Mme Lavoie-Roux concernant les suivis et les
différentes analyses des recommandations du rapport Rochon et nous nous
inquiétons d'un possible manque de concordance entre des
décisions qui pourraient venir par la suite et les décisions qui
seraient prises plus rapidement dans le cadre de la présente loi.
À moins d'être obligé de refaire du "patchage" par la
suite, une fois que les différents rôles et responsabilités
des futures instances régionales, peu importe le nom qu'elles porteront,
nous pensons qu'elles devront avoir une responsabilité claire à
l'intérieur du mécanisme du transport ambulancier et en ce sens,
nous pensons qu'il doit y avoir une concordance majeure et nous souhaitons que
le gouvernement dans sa sagesse pense à cette question importante.
Voilà, M. le Président, les grandes lignes de notre
intervention. Nous préférons prendre plus de temps pour les
échanges de points de
vue.
Le Président (M. Bélanger): Très bien.
Merci, M. Léger. M. le ministre.
M. Dutil: J'aimerais vous demander comment vous voyez le
rôle des CRSSS dans l'organisation du transport ambulancier et tout ce
qui concerne le préhospitalier d'urgence.
M. Léger: Sur cette question, Mme Hutton.
Mme Hutton (Géraldine): À l'égard des
rôles des conseils régionaux, il est certain que, pour nous, quand
on parle de services préhospitaliers d'urgence, on parle d'une
intégration de tout ce qui touche les aspects des services à
partir des lieux de l'appel comme tel, c'est-à-dire que les intervenants
dans les régions éloignées peuvent être
également des voisins, voisines, ainsi de suite. Entre autres, une
implication de la part de la population avant que les techniciens ambulanciers
arrivent sur place. Et on va plus loin: Donc, une implication du conseil
régional pour aller chercher la population, pour coordonner sur une base
assez précise tout ce qui touche les services ambulanciers et,
naturellement, les services rendus dans les urgences des centres hospitaliers.
C'est certain que nous croyons que nous, les conseils régionaux, avons
le même mandat que tous les autres services et également le mandat
de nous assurer que la programmation en ce qui concerne les services
ambulanciers est également adéquate.
M. Dutil: Vous avez participé à
l'élaboration du rehaussement de la formation, de la
détermination de ce niveau de formation. On a eu l'occasion d'en parler,
mais je pense que, pour les membres de la commission ce serait
intéressant puisque c'est un sujet qui est revenu souvent que vous nous
disiez, si le nombre de 825 heures est un nombre adéquat. J'aimerais que
vous rappeliez un peu le processus pour déterminer ce niveau et les
raisons de votre appui à ce chiffre de 825 heures.
M. Léger: D'accord. Là-dessus, je repasserai la
parole à Mme Hutton.
Mme Hutton: C'est certain que depuis deux ans nous avons
travaillé avec le ministère de la Santé et des Services
sociaux et avec des compagnies d'ambulance, certains techniciens ambulanciers
et avec les cégeps dans l'optique de vouloir augmenter
considérablement la formation des ambulanciers. En ce qui concerne les
850 heures, il est certain que nous avons participé au cahier des
charges en collaboration avec tous les intervenants du milieu et avec les
cégeps. Au sujet de la situation dans les régions, j'aimerais
parler des régions plus éloignées, le premier intervenant
est très important parce que, quelquefois, à partir de la prise
en charge du client, cela peut prendre jusqu'à 30 minutes, 50 minutes et
quelquefois une heure avant que le client soit rendu au centre hospitalier, il
est certain qu'il faut avoir la formation nécessaire pour stabiliser
l'état du client.
M. Dutil: Au sujet du triage en régions et non pas
à Montréal, j'aimerais également que vous nous donniez
votre position là-dessus et les raisons qui la motivent.
M. Léger: M. le ministre, là-dessus, je vais passer
la parole à M. Claude Boisjoli, de la Côte-Nord.
M. Boisjoli (Claude): Enfin, je ne possède pas très
bien le dossier du triage en ville, mais si je prends ma région,
à titre d'exemple, il y a un service d'ambulance par territoire de CLSC
à peu près. Il est évident qu'il n'y a pas de triage.
À l'égard des appels qui sont faits présentement,
évidemment, si la coordination est faite par un établissement,
cela va permettre de pouvoir répondre s'il y a des cas qui sont
reliés davantage à de l'information ou autre, mais
présentement les appels sont faits directement aux entreprises. Quand il
y a un appel fait directement à l'entreprise ambulancière, ce
n'est sûrement pas pour demander de l'information sur les services de
santé. C'est parce que les gens croient qu'il y a une urgence. Alors, le
déplacement se fait immédiatement. Mais il n'y a pas de volume et
de niveau qui permettraient de faire une distinction entre ce qui est de
l'information, ce qui est de l'ordre de rassurer, de donner des informations
sur ce qui se passe ou de la prise en charge des urgences. Quand ils ont besoin
d'informations ou d'être rassurés, les gens s'adressent
directement au CLSC, au centre hospitalier ou au centre de santé et,
pour les urgences, directement à l'entreprise. Je ne sais pas dans les
régions où il y a plus de volume.
M. Léger: Pour compléter, je vais passer à
une région intermédiaire, l'Outaouais.
Mme Hutton: Pour nous, en ce qui concerne la région de
l'Outaouais, il n'y a pas de triage qui se fait autrement que par une
orientation, naturellement, pour ce qui est des répartiteurs en ce qui
concerne certains clients qui peuvent être plus importants que d'autres.
Donc, c'est un triage très rapide. Il n'y a pas de système, on
peut dire, comme Info Santé, comme vous avez à Québec ou
à Montréal. C'est certain que si on regarde l'optimum, je vais
probalement plus loin que ce qui se fait simplement même à
Québec et à Montréal, parce que je crois qu'il y a
également une nécessité d'avoir un triage pour ce qui est
d'Info Santé mais pas pour les appels d'urgence comme tels. Je pense que
les appels d'urgence peuvent être triés très rapidement par
une répartition rapide et, s'il y a des informa-
tions ou des suivis à faire avec le client, cela devrait
être enlevé aux répartiteurs et envoyé dans un autre
système téléphonique qui peut donner des informations plus
concrètes, nettes et précises en ce qui concerne l'information ou
les conseils de santé. Je vais également plus loin, parce que je
crois que j'ai des expériences dans d'autres provinces aussi. Il y a un
autre aspect qui, je pense, ne se fait pas non plus dans la province de
Québec, c'est un autre système d'information qui peut être
utilisé si jamais il y a des problèmes plus spécifiques
comme des désastres ou des situations plus graves.
M. Dutil: Quelle est votre opinion en ce qui concerne le
numéro unique d'urgence, que vous connaissez sans doute, le
numéro 911, qui est actuellement à Montréal et qui est
à certains autres endroits, mais qui n'est pas dans l'ensemble de la
province?
M. Léger: Mme Hutton?
Mme Hutton: Pour nous, en ce qui concerne les conseils
régionaux, c'est certain qu'il faut avoir un numéro unique avec
trois chiffres. Ce serait idéal de l'avoir à travers le
Québec. Cela va prendre, naturellement, des années, beaucoup
d'implication budgétaire et également beaucoup de collaboration
avec les municipalités et les autres instances qui peuvent être
impliquées davantage en ce qui concerne le 911. C'est très
dispendieux. C'est certain que c'est une situation idéale, pour ce qui
est du 911. Absolument. Mais, le 911 a beaucoup de sous-systèmes. C'est
certain que si on parle de mettre en place un système 911, par exemple,
dans la région de l'Outaouais, il faut avoir d'autres
sous-systèmes en marche, entre autres une centrale de répartition
au chapitre des ambulances et au chapitre des autres secteurs
d'activité, comme les corps policiers et ainsi de suite.
M. Dutil: Mais est-ce que vous estimez possible, dans une
centrale de coordination, dans une centrale de réception d'appels 911,
d'avoir la répartition sur place des ambulances en même temps, au
même endroit, étant donné, justement, que c'est un
système dispendieux et qu'il y a déjà là du
personnel qui, si on le formait mieux, non seulement pourrait répondre
au 911, mais également faire la répartition?
Mme Hutton: Je peux répondre. Vous pouvez avoir le
système de répartition, absolument, pour ce qui est du
système ambulancier, à l'intérieur du 911. Là
où vous ne pouvez pas en avoir... où vous avez besoin des
sous-systèmes, c'est certainement quand des appels plus dramatiques
à faire, au plan d'un système de désastres comme tel, et
quand vous avez des clients qui ont besoin d'autres services, comme
l'écoute téléphonique pour les cas de psychiatrie, etc.,
où il faut avoir des sous-systèmes en place également pour
ce qui est des services santé.
M. Dutil: Vous nous avez donné une opinion,
également, en ce qui concerne la perméabilité des zones,
c'est-à-dire que les zones puissent être traversées par les
ambulances d'une autre zone à certains moments donnés. Est-ce que
vous pourriez expliquer davantage votre point de vue là-dessus?
M. Léger: Mme Hutton? Sur la perméabilité
des zones, présentement, il est clair que les difficultés en ce
qui concerne les zones - je prends le territoire Laurentides -
Lanaudière, - font en sorte que nous n'avons pas toujours le
positionnement le plus idéal des différents véhicules pour
avoir le meilleur temps-réponse possible. Donc, dans ce sens-là,
le concept de zones, tel qu'il est présentement connu, limite
énormément l'organisation optimal d'un service de distribution
efficace pour pouvoir repositionner des véhicules au fur et à
mesure que des véhicules se déplacent pour répondre
à différents systèmes. À ce moment-là, on a
bien sûr intérêt à ce que ce soit plus
perméable là-dessus. M. Boisjoli.
M. Boisjoli: Évidemment, dans une région comme
celle que je représente, la Côte-Nord, c'est une condition presque
essentielle que les zones soient perméables, compte tenu des distances
qu'il y a à parcourir. Quand il y a un véhicule dans une zone
ambulancière, qui a 60 milles de longueur à couvrir, 30 minutes
de chaque côté, et qu'il est absent pour aller transférer
un patient hors de la région, il faut absolument qu'un véhicule
d'une autre zone puisse entrer s'il y avait un appel d'urgence. En ce
sens-là, il faut qu'il y ait de la perméabilité. Dans la
pratique, cela se fait dans une région comme la nôtre.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Tout d'abord, je
voudrais vous remercier d'être ici, j'ai eu peur que vous n'y soyez pas,
vous l'avez sans doute su. Je considérais qu'il était primordial
que les CRSSS, chargés de la planification dés services en
régions, puissent s'exprimer sur ce projet de loi.
D'abord, ma première question, je voudrais vous demander ceci: En
tant que conférence, avez-vous été consultée sur
ledit projet de loi qui est déposé devant nous?
M. Léger: Notre conférence comme telle? M.
Chevrette: Oui.
M. Léger: Non. On a travaillé de façon
importante aux différents travaux au moment où on a posé
le diagnostic et on a regardé les
objectifs à poursuivre. Mais sur le projet de loi comme tel,
non.
M. Chevrette: Pourriez-vous expliciter quand vous dites que vous
n'êtes pas d'accord avec le fait que le projet de loi paraisse aussi vite
et que vous auriez préféré une politique?
M. Léger: C'est une position que nous avons toujours
tenue, dans le sens où pour nous il est important - c'est d'ailleurs
l'ensemble des commentaires que nous avons faits dans le cadre de la
consultation de la commission Rochon. Et nous avons fait, tout
dernièrement, dans chacune des régions, les mêmes
commentaires à Mme Lavoie-Roux - et nous croyons qu'il appartient, de
façon claire, au ministère de la Santé et des Services
sociaux de donner les grands axes par ses politiques. On observe que le
gouvernement le fait de plus en plus. Rappelons-nous, encore la semaine
dernière, les orientations de Mme Lavoie-Roux en matière des
services aux personnes présentant une déficience intellectuelle.
Rappelons-nous également, en santé mentale, les orientations
d'une politique qui devrait être imminente aussi.
Donc, dans ce sens-là, nous observons que chaque fois qu'il y a
des orientations claires du ministère, par la suite, que ce soient des
lois, des circulaires, des directives ou autres, l'ensemble du réseau
est beaucoup plus facile à coordonner. C'est notre
responsabilité, comme instance régionale, de faire "cette job"
sur le terrain en régions. Donc, dans ce sens-là, notre position
demeure toujours la même. C'est de dire: Même par rapport au
transport ambulancier, il est important qu'on sache, de façon claire,
les grandes orientations et qu'après les différents
éléments d'une mécanique de répartition des
pouvoirs ou autres que peuvent être la présente loi ou autres,
vont être beaucoup mieux vécus et fa loi sera beaucoup plus
harmonieuse dans son application. Le travail des différents intervenants
va pouvoir être, à ce moment-là, beaucoup plus
efficace.
M. Chevrette: Est-ce que vous considérez votre rôle,
comme CRSSS en ce qui concerne une région, comme étant aussi
celui de défenseur des intérêts de la région? Je
prends un exemple: tantôt, le local 298, je pense, affilié
à la FTQ, est venu dire qu'il avait l'impression, parce qu'il avait
syndiqué surtout des gens des régions, que dans certaines
régions, c'était épouvantable. Il donnait en exemple votre
région, Mme Hutton, Hull, où il y a un véhicule
d'ambulancier la nuit. Considérez-vous comme CRSSS, que ce soit
acceptable, une situation comme cela dans votre région? Sinon, quelles
sont les démarches que vous avez faites pour améliorer la
situation? (18 heures)
M. Léger: Pour ce qui est des principes, je pense qu'il
est clair, je l'ai dit dans mon introduction, que notre responsabilité
comme conseil régional en termes d'analyse et de défense des
besoins, des aspects de qualité de services, d'accessibilité,
d'équités intrarégionales et interrégionales du
point de vue de l'accessibilité ou autres est notre préoccupation
quotidienne et constante.
En ce sens, nous avons d'ailleurs fait beaucoup de travaux de
rationalisation et de meilleure accessibilité des services du transport
ambulancier. La seul chose qu'il y a, c'est qu'on l'a fait avec les outils qui
existaient à l'époque dans une décentralisation à
moitié de certains pouvoirs dont certains étaient encore
restés aux centrales. D'autres étaient en régions mais
avec des poignées plus ou moins efficaces. Donc, dans ce sens, on a fait
le plus avec le type d'outils que nous avions. Nous sommes, pour rejoindre la
question de tout à l'heure, d'accord avec l'importance d'un projet de
loi, pour avancer de façon significative et donner aux
différentes instances des possibilités, des pouvoirs et des
poignées pour pouvoir intervenir en fonction de la répartition
des rôles et des fonctions. Donc, on est d'accord là-dessus.
Maintenant, on dit qu'il y a peut-être présentement un certain
nombre de trous dans le projet de loi.
M. Chevrette: Entre autres, pourriez-vous m'indiquer les
trous?
Mme Hutton: J'aimerais peut-être répondre
directement à M. Chevrette. C'est effectivement...
M. Chevrette: Mais retenez la question que je viens de poser. Je
ne veux pas oublier les trous.
Mme Hutton: En ce qui concerne la première question - la
deuxième, je vais y répondre également - à savoir
si le conseil régional trouve cela positif qu'il y ait seulement une
ambulance dans la région de l'Outaouais pour la nuit, par exemple, c'est
certain que nous n'acceptons pas cela du tout. Effectivement, je peux vous dire
qu'on travaille en collaboration avec des intervenants pour essayer
d'améliorer la situation. Mais je peux vous dire également...
M. Chevrette: Je m'excuse, Mme Hutton. Mme Hutton:
Oui?
M. Chevrette: Je vous arrête, j'ai mal compris. J'ai
compris que vous trouviez cela positif.
Mme Hutton: Non, je ne trouve pas cela positif du tout.
M. Chevrette: Ah, excusez! Je m'excuse.
Mme Hutton: On travaille positivement pour
améliorer la situation. Mais je peux vous dire également
que, dans la même région du Québec, l'Outaouais, nous avons
certaines sous-régions où il n'y a pas de médecins la nuit
et certaines régions où, dans les centres d'accueil, nous ne
pouvons même pas constater un décès durant la nuit. Donc,
cela veut dire qu'il n'y a pas de services adéquats dans d'autres
services de santé et de services sociaux également.
Pour répondre à votre question concernant les trous comme
tels, pour ce qui est du projet de loi, je pense qu'il y a certains aspects en
ce qui concerne la corporation à Montréal où on voit qu'il
y a peut-être un manque de contrôle de la part du ministère.
On fait un peu le parallèle avec la Régie de l'assurance-maladie.
Peut-être que ce n'est pas une régie, la corporation, et que ce
n'est pas identifié comme une régie comme telle, mais on
considère que cette corporation a beaucoup plus de pouvoirs dans
certains aspects que la régie.
Je vais vous dire exactement pourquoi. Pour ce qui est de certains
articles de la Régie de I assurance-maladie, vous avez, par exemple, la
capacité, comme ministre de gérer les emprunts. Entre autres, la
régie ne peut pas faire un emprunt sans que cela passe par le ministre
ou le gouvernement. À la régie, vous avez une nomination par le
ministre ou une partie de la corporation pour le conseil d'administration
où il y a des sous-ministres qui sont là d'office. Vous avez le
contrôle également à la Régie de l'assurance-maladie
pour tout ce qui touche les immobilisations.
On regarde également, pour ce qui est des établissements
dans la loi sur la santé et les services sociaux, la capacité du
ministre de faire des enquêtes où, par exemple, il y a une tutelle
si c'est nécessaire. Nous pensons que pour cette corporation, il devrait
y avoir plus de contrôle et la capacité de donner des directives,
soit de la part du gouvernement ou du ministre.
En ce qui concerne les autres secteurs, on voit certains trous
également, où, par exemple, pour ce qui est de l'aspect de
permis, l'émission ou la suspension des permis, à ce moment-ci,
les conseils régionaux ont le pouvoir d'émettre des permis et le
ministre a le pouvoir de les suspendre. On pense que les conseils
régionaux peuvent être impliqués davantage dans ce dossier.
Et il y a certains autres articles, où, quand on parie de la
planification et de la définition de l'organisme régional, je ne
pense pas que personne, dans certaines organisations en place, sache exactement
ce qu'est la définition de cet organisme à l'égard des
régions.
M. Chevrette: Vous vous êtes interrogés sur la
notion d'étatisation par rapport à la notion de
privatisation...
M. Léger: Nous avons mentionné tout à
l'heure que le projet de loi n'avait pas l'air d'être clair par rapport
à cela. C'est-à-dire qu'on peut soit laisser tout cela tel quel,
soit étatiser. Les options sont donc possibles. Quant à nous,
là-dessus, on pense qu'il y a une place claire pour le privé,
mais il faut encadrer l'ensemble de ces transporteurs dans une bonne
organisation régionale.
M. Chevrette: Ce qui m'a toujours horripilé un peu, et je
vous l'ai dit très ouvertement lors de votre colloque, je pense que
c'était au Château Mirabel; quand on parie supposément
d'améliorations possibles en région, on commence toujours par
régler ceux qui sont mieux nantis. Mais je vous rappelle qu'à la
conférence des CRSSS, ou, à tout le moins, notre CRSSS, je pense
bien que c'était partagé par l'ensemble des CRSSS du
Québec, on disait qu'on devait d'abord, au plus sacrant, la plus grande
urgence au Québec, rétablir un équilibre entre les sommes
d'argent dépensées en régions avant même de penser
à décentraliser. Parce que s'ils décentralisaient les
sommes actuelles, les inéquités demeureraient. Est-ce une
position qui est soutenue par l'ensemble des CRSSS appartenant à la
conférence?
M. Léger: Sur l'aspect de l'équité, à
tous les niveaux, c'est une position unanime des conseils régionaux dans
le sens où c'est un objectif obligatoire à viser sur le biais de
l'accessibilité de chacun des citoyens et citoyennes du Québec
aux différents services, y compris le transport ambulancier. La
Conférence des conseils régionaux travaille de façon
importante avec le ministère de la Santé et des Services sociaux
pour avoir les mécanismes de planrfica tion et d'allocations
budgétaires qui corrigeraient les inéquités entre les
régions et les sous-régions, d'ailleurs. Oui, c'est donc une
position très unanime des conseils régionaux en matière
d'équité.
M. Chevrette: À supposer que Mme Lavoie-Roux ne se soit
pas assise sur le rapport Rochon et qu'elle veuille l'appliquer, dans le cadre
d'une véritable décentralisation avec un correctif au
départ des enveloppes budgétaires de chacune des régions,
en tenant compte d'une foule de facteurs bien identifiés et
identifiables, ne croyez-vous pas que toute la question du transport
ambulancier, puisqu'il faut se reporter au projet de loi 34, ne devrait pas
faire l'objet précisément d'une décision à
l'égard d'une région plutôt que d'importer un modèle
uniforme à l'ensemble des régions?
M. Léger: Vous savez que ce type de discours est toujours
tenu par chacun des CRSSS et par la Conférence des CRSSS,
c'est-à-dire que l'on pense que les spécificités
régionales, ne seraient-ce que les dispositions géographiques et
territoriales, tout l'aspect historique, culturel, les mentalités de
chacune des régions font que les modèles ne doivent pas
être de type tapis mur à
mur dans tout le Québec. Dans ce sens, on fait attention de ne
pas mêler les aspects d'équité et les aspects de la
décentralisation. Il appartient de façon claire à un
niveau central de s'assurer de l'équité interrégionale. Il
n'est pas possible à chacun des conseils régionaux, si ce n'est
en dehors de le rappeler de façon quotidienne au gouvernement, que ce
n'est pas "la job" des conseils régionaux de faire de
l'équité interrégionale. C'est la responsabilité
première du ministère.
Mais en termes de décentralisation, je pense que c'est de plus en
plus clair. Je pense que toute personne qui fait le tour du Québec et
qui va dans chacune des régions sait qu'à partir du moment
où les gens des régions ont les outils et les instances pour
prendre des décisions et adapter les outils au fonctionnement et
à la culture de chacune des régions, ils ont des chances de
rendre des services plus directement appropriés aux besoins de la
population.
M. Chevrette: Mis à part le manque de services, parce
qu'on voit qu'il manque de l'argent dans le transport ambulancier en
régions, quel est le type de la qualité des services qui se
donnent présentement? Oublions Montréal qui a une structure
à part, est-ce que la qualité est acceptable, compte tenu des
ressources?
M. Léger: Mme Hutton.
Mme Hutton: Je vais répondre. Quant à la
qualité de service, je dirais qu'elle est acceptable. Par contre,
l'accessibilité des services n'est pas acceptable. Quant à la
qualité...
M. Chevrette: C'est dû à quoi? Manque de ressources,
manque de véhicules, manque d'employés, manque de quoi?
Mme Hutton: L'accessiblité est due effectivement au manque
de ressources; manque de disponibilité quant aux équipements et
aux véhicules également.
M. Chevrette: Vous n'êtes pas sans savoir que les
propriétaires considèrent que c'est une forme
d'étatisation que vous avez qualifiée vous-mêmes - c'est
pour cela que j'aboutis là-dessus, je ne serais jamais abouti
là-dessus avec un CRSSS, mais là vous m'avez ouvert la porte -
vous dites que c'est non pas déguisé, mais vous avez
utilisé un mot... Ce n'est pas clair si c'est une privatisation ou une
étatisation. C'est d'ailleurs à peu près ce que tout le
monde dit: ce n'est pas trop clair. Ce que je voudrais savoir:
considérez-vous que ce soit un droit inaliénable, dans un cas
d'étatisation, d'y accoler le droit d'indemnisation?
M. Léger: C'est...
M. Chevrette: Pas pire comme question!
M. Léger: Je vais tâcher de commencer par
éviter la question pour tâcher d'y arriver.
M. Chevrette: Oui, mais ne faites pas votre politicien,
répondez. Ne faites pas votre ministre là! Parce que c'est eux
qui répondent; nous, on questionne.
M. Léger: Je pense que les différents gouvernements
comme tels ont des lois et des instances pour trancher ce type de débat.
Je pense qu'il y a déjà des dispositions très claires pour
pouvoir répondre à ces questions, notamment en ce qui concerne
les permis.
M. Chevrette: À Lanaudière, on répond plus
carré que cela d'habitude.
M. Léger: Oui.
M. Chevrette: Et vous venez de là.
M. Léger: D'accord.
M. Chevrette: Envoyez donc.
M. Léger: Je vais passer la parole à Mme Hutton et,
après, je vais répondre.
Mme Hutton: Moi, je vais répondre plus directement en tant
que femme anglophone autochtone, je pense qu'il est nécessaire, si
effectivement un gouvernement veut faire une étatisation, qu'il y ait
une indemnité pour des gens. De toute façon, à
Montréal, en ce qui concerne les taxis, la ville de Montréal est
en train d'acheter des permis de taxi. Donc, je peux vous donner un exemple
comme tel.
J'aimerais peut-être vous dire une autre chose, par exemple. Pour
nous, dans les conseils régionaux, on est prêts à
travailler avec des organisations de notre réseau au niveau du transport
ambulancier et des transporteurs ambulanciers privés. On peut vous dire
que, dans certaines régions, dans le transport ambulancier privé,
il y a une qualité et un souci de service de ces transporteurs. Je pense
qu'ils sont des PME autant que les PME de nos établissements comme tels.
Je ne pense pas que nous ayons, comme conseils régionaux et comme
gouvernement, à donner toutes les capacités de soutenir les PME
non plus dans le travail qu'elles font avec les clientèles de notre
réseau.
M. Chevrette: Avez-vous trouvé un élément
additionnel?
M. Léger: Non. Je voulais vous dire clairement que, de la
même façon que dans nos conventions collectives, à partir
du moment où l'on veut modifier notre structure d'emploi, on a des
dispositions pour faire des mises à pied, accorder des primes de
séparation, etc. Donc, dans tous nos mécanismes de
collectivité, on a
déjà ces choses-là. C'est pour cela que je disais
que toutes ces choses-là sont déjà dans d'autres
sphères déjà réglées. Donc, ce n'est pas le
fond de la question.
Ce qui est beaucoup plus important pour nous dans la région de
Laurentides-Lanaudière, par exemple, c'est de dire: On pense
actuellement qu'avec les transporteurs qui sont là, on est capables de
faire collectivement, si les responsabilités sont clairement
déterminées au ministère, aux conseils régionaux,
à l'organisme, une fois qu'on saura mieux ce que c'est et que l'on aura
déterminé bien clairement ce qu'étaient les contrats.
À ce moment-là, on pense évidemment que le secteur
privé a sa place, et on n'a pas besoin de se poser la question par
rapport à racheter ou non. Les fois où cela n'ira pas avec
certaines personnes, à ce moment-là, on utilisera ce qu'on fart
dans d'autres secteurs, que ce soit dans le monde syndical, au niveau des
cadres ou au niveau de la fermeture de certaines choses, on donnera des
indemnisations. (18 h 15)
M. Chevrette: Vous êtes ici pour donner votre opinion sur
un projet de loi qui, pour Montréal, est clair. Il n'y a personne qui
conteste cette partie. On fait de ce service un service public, et non plus
privé. Mais dans la même loi que vous avez lue, vous savez
toujours bien que ce pouvoir, ou ce droit dit naturel, que vous semblez vouloir
exprimer n'est pas dans le projet de loi 34. C'est pour cela que je vous le
demande. Mais Mme Hutton a été très claire.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Dutil: Si je comprends bien, le chef de l'Opposition vient de
vous décerner un certificat honorifique de politicien, M.
Léger... C'est une blague. Quant à la stabilisation, vous avez
des problèmes avec cela. On a vu tout à l'heure une
présentation de représentants de la FTO, en particulier, qui
disaient qu'ils étaient déçus de ce côté,
alors que je pense avoir été clair, le 2 mars dernier, lorsque le
gouvernement par ma bouche a annoncé la réforme qu'il
préconisait et, particulièrement, en ce qui a trait à la
stabilisation. Pouvez-vous nous dire comment vous la voyez, la stabilisation?
Tout à l'heure, on parlait d'une ambulance dans une zone de 200 milles.
Cela veut donc dire qu'il y a quelque chose là qui fait qu'on n'a pas de
services suffisants. Mais c'est quoi un service suffisant en réglons,
à votre point de vue? C'est quoi de la stabilisation en
régions?
M. Léger: Mme Hutton, sur la stabilisation.
Mme Hutton: En ce qui a trait à la stabilisation en
régions, nous souscrivons également sur les aspects d'avoir des
transporteurs ambulanciers, c'est-à-dire des ambulanciers sur un quart
de travail dans certaines zones, sur une base stable. Pour nous, c'est la
stabilisation également. Il est certain que pour faire cela, il faut
payer ces techniciens à un prix adéquat pour l'année
1988-1989 comme telle. Je peux vous parier de certaines régions de
l'Outaouais, par exemple, et du Parc de La Vérendrye dont on est
responsables en partie. Il faut absolument avoir du personnel 24 heures par
jour, avec des véhicules ambulanciers disponibles 24 heures par jour. Il
y a d'autres sous-régions où c'est certain que si c'est une
question de transport entre 30, 50 et 60 minutes vers un centre hospitalier, il
faut avoir des ambulances prêtes à répondre aux appels
beaucoup plus rapidement que ce qui est écrit par rapport à la
loi sur la santé publique, 30 minutes. Cela veut dire 30 minutes plus 50
minutes, cela égale quoi? Très peu pour le
bénéficiaire.
M. Dutil: Vous avez parlé de la situation dans le Parc de
La Vérendrye où une ambulance est là à temps plein,
avec la formule dont vous parliez, le quart de travail: 40 heures de travail,
168 heures de disponibilité. À votre avis, est-ce que ce
modèle est applicable dans les zones à faible densité, et
jusqu'où doit-on aller avec ce modèle? Quel autre modèle
pourrait être appliqué dans des zones intermédiaires,
c'est-à-dire qui n'ont pas la densité urbaine que nous
connaissons, mais qui n'ont pas, non plus, la très faible densité
que l'on retrouve dans les parcs?
Mme Hutton: Mme Hutton. Je peux parler par rapport aux faibles
densités. Je pense qu'il est nécessaire, effectivement, d'avoir
du personnel rémunéré et du personnel sur place.
Personnellement, en ce qui concerne la région de l'Outaouais, je suis
pour une zone plutôt urbaine et une zone où toutes les autres
zones sont plutôt à faible densité. En ce qui concerne les
zones intermédiaires, je laisserai la parole à une autre
personne. Mais effectivement, en ce qui a trait aux zones à faible
densité, il faut avoir la stabilisation d'emploi et des employés
disponibles en tout temps parce qu'ils sont les premiers intervenants.
M. Boisjoli: Ce qui est vécu dans notre région,
à ce niveau, je dirais pour avoir une certaine stabilité
d'emploi, il y a une question de revenu. Il faudrait que les
disponibilités financières ne le soient pas uniquement en
fonction du volume de transports effectués. Présentement, la
situation vécue depuis plusieurs années, est qu'on a formé
un nombre incroyable de techniciens ambulanciers. C'est un personnel qui est
continuellement renouvelé parce qu'il n'y a pas là un revenu
suffisant qui permet à des gens d'y gagner leur vie sur une base
permanente. Je pense qu'il y a là un élément majeur. Quant
aux zones a faible densité, nous avons hâte qu'une solution sort
trouvée parce que nous avons un secteur de notre région qui n'est
pas du tout couvert, la route 389, entre Baie-Comeau et
Manic 5 et, bientôt, Gagnon et Fermont. Fer-mont, disons, car
Gagnon n'existe plus. Cette zone, cette route n'est actuellement pas couverte
par le transport ambulancier, si ce n'est à partir de Baie-Comeau. Donc,
un délai important avant d'atteindre les gens, s'il y a un accident.
M. Dutil: Tout à l'heure, le chef de l'Opposition a mis le
focus sur les trous qu'il pouvait y avoir dans la loi. Mais, si je me rappelle
bien votre début d'exposé, vous étiez d'accord avec les
objectifs et vous trouviez les moyens permanents. Est-ce qu'on peut conclure
qu'il y a quand même un bon nombre de trous qui sont bouchés avec
le projet de loi et avec la décision qui a été prise par
le Conseil des ministres le 2 mars, lorsqu'elle sera appliquée?
M. Léger: Sur les objectifs et sur les moyens, on s'est
prononcés. Quand on a parlé de trous et d'inviter à un
réexamen d'un bon nombre d'articles, c'est qu'il y a, selon nous, des
trous quant à l'aspect de la répartition des pouvoirs entre le
ministère, les conseils régionaux et les organismes qui sont
à définir ou trop instables en termes de définition. Dans
les aspects de certaines responsabilités qui se chevauchent, on pense
qu'il y a besoin de réexaminer cela sinon, sur le terrain, on risque
d'avoir des tiraillages à droite et à gauche. Dans certains
pouvoirs et mécanismes de contrôle, Mme Hutton vous a
signalé que, pour Montréal, il y avait des trous très
clairs en termes des possibilités de contrôle, que ce soit de
l'instance centrale du ministère ou des responsabilités du
conseil régional dans certaines matières. Mais demain matin, en
ce qui concerne les organismes comme tels, il y a sûrement des
inquiétudes à savoir comment on va réussir, que ce soit de
façon centrale par le ministère ou par le conseil régional
ou par ce qu'on appellera l'instance régionale après la
commission Rochon, voire comment on pourra aller contrôler ces
organismes, une fois qu'on leur aura donné un certain mandat, s'il n'y a
aucune possibilité d'aller intervenir sur certains objets, tout en leur
laissant, bien sûr, toute l'autonomie requise pour faire une excellente
gestion des choses qu'ils ont à faire. Il y a, à un moment
donné, des mécanismes de contrôle qui doivent être
prévus de façon claire dans la loi. Donc, dans ce sens-là,
on dit: Oui, il y a des trous importants.
Mme Morais (Hélène): Si vous permettez -
Hélène Morais - que je complète là-dessus. Quand on
affirme qu'il est important, dans l'amélioration des services
ambulanciers, d'apporter des changements pour une meilleure
accessibilité, une meilleure équité, quand on partage la
volonté du ministère ou du gouvernement d'avoir des
modèles d'organisation différents, on croit que ceci peut
être réalisé à la condition que, sur le terrain, il
y ait aussi des organisations, des instances qui ont des rôles et des
pouvoirs qui sont clairs. Il y a aussi une autre condition: que le
ministère ait aussi des orientations, des politiques et des rôles
clairs en interrelation avec les rôles des instances sur le terrain.
M. La plante (Gilles): Je voudrais, pour ce qui est de la
Montérégie, montrer comment des rôles imprécis nous
ont menés dans un cul-de-sac. En ce qui concerne les permis, ne sachant
plus quoi faire à un moment donné face à un transporteur,
nous avons été sollicités fortement à enlever le
permis et, après des vérifications légales, nous nous
sommes rendu compte que nous n'avions aucun pouvoir. Nous avons remis cette
fonction même au ministère. Le ministère a tenté,
lui, de façon légale, d'intervenir et il n'a pas réussi.
Alors, quand il n'y a pas de mandat clair ni de pouvoir clair, ce sont
effectivement des culs-de-sac pour tout le monde, et le travail de coordination
que chacun des CRSSS a à faire ne peut pas être
effectué.
Le Président (M. Bélanger): Alors... Mme
Hutton:...
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie,
madame.
Mme Hutton: J'aimerais aussi indiquer, pour ce qui est de la loi,
si on peut parler d'un retardement, je ne pense que cela créerait une
grosse problématique. Comme on a dit, en ce qui concerne le projet de
loi, quand on parle des trous, des trous sont là, effectivement. Aussi
quand on parle de définition, quand on parle d'une mission au chapitre
de cette corporation centrale, ce n'est pas dans la loi. Est-ce que cela
devrait plutôt être dans une politique? À ce
moment-là, c'est pourquoi on veut mettre la loi après la
politique.
Le Président (M. Bélanger): Bien. C'est le temps
que nous avions à notre disposition. Si M. le...
M. Chevrette: Oui, j'ai deux minutes?
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Chevrette: On m'a dit que j'avais deux minutes.
Le Président (M. Bélanger): Oui.
M. Chevrette: Merci. Je retiens d'abord que vous
considérez la loi prématurée parce que non
précédée d'une politique claire et précise, des
orientations précises du ministère et que, de plus, sans
politique, il est bien évident que cette loi est loin d'être
précise. Il y a une kyrielle de questions ou de trous que j'ai
appelés qui surgissent, parce qu'on ne connaît pas la politi-
que précisément du ministère.
Je retiens que sur des principes ou des revendications de plusieurs
groupes, vous êtes en accord avec eux, et que vous voulez
l'équité régionale avec une décentralisation
certaine, mais correction de l'équité avant. Je vous
remercie.
L* Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Dutil: Je retiens que vous souscrivez aux objectifs de la loi,
que vous avez trouvé les moyens pertinents de la loi.
Une voix: Les deux solitudes.
M. Dutil: Que, bien sûr, vous n'êtes pas Ici pour
vous attarder sur le bien, mais sur les faiblesses et que, donc, vous avez
consacré plus de temps aux faiblesses qu'au bien. Bien sûr, c'est
le but des commissions parlementaires, ne voulant pas dire par là que le
bien ne dépasse pas le mal dans ce projet de loi. Merci.
Le Président (M. Bélanger): La commission des
affaires sociales...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): ...remercie la
Conférence des conseils régionaux de la santé et
des services sociaux pour sa participation, et suspend ses travaux
jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 27)
(Reprise à 20 h 10)
Le Président (M. Laporte): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Pour une deuxième fois, j'invite les membres de la commission
à bien vouloir prendre siège afin que reprennent les travaux de
la commission sur les consultations particulières concernant les
auditions publiques dans le cadre du projet de loi 34, Loi modifiant la Loi sur
les services de santé, les services sociaux et d'autres dispositions
législatives.
Je demande aux représentants de la Fédération des
infirmières et infirmiers du Québec de bien vouloir prendre
place. La fédération est représentée par Mmes
Jennie Skene, Michèle Poirier, Monique Allie et Diane Inkell. Je vous
souhaite la bienvenue, tout en vous réitérant très
brièvement la procédure que la commission entend suivre: vous
avez vingt minutes pour la présentation de votre mémoire et, par
la suite, il y aura 40 minutes de discussion entre les parlementaires de la
commission. Pour les fins d'enregistrement des débats, je demanderais
à la porte-parole de bien vouloir s'identifier, ainsi que les autres
personnes qui l'accompagnent. Je vous cède la parole.
Fédération des infirmières et
infirmiers du Québec
Mme Skene (Jennie): Jennie Skene. Je suis vice-présidente
à la Fédération des infirmières et infirmiers du
Québec. Je suis accompagnée de trois personnes: Mme Diane Inkell,
présidente de l'unité locale des infirmières à
Urgences-santé; Mme Michèle Poirier, vice-présidente
à l'Alliance des infirmières de Montréal, le syndicat aux
sections en place; Mme Monique Allie, conseillère syndicale à
l'établissement.
Je vais commencer la présentation par un court texte qui a
été préparé par les infirmières
d'Urgences-santé auquel, bien sûr, on ajoutera II nous fera
plaisir de répondre aux questions de la commission.
Les infirmières d'Urgences-santé, A va sans dire - et on
ne serait pas là autrement - s'interrogent vivement sur leur avenir et
sur l'avenir des services préhospitaliers d'urgence à
Montréal. Depuis le dépôt du projet de loi 34, presque tout
le débat et toutes les interventions se sont faits sur la question du
transport ambulancier et du transfert des techniciens ambulanciers à la
nouvelle corporation d'Urgences-santé de la région
Montréal métro. Cela peut se comprendre puisque l'essentiel de ce
projet de loi traite de cette question. Pourtant, bien que le transport
ambulancier représente une des responsabilités majeures
d'Urgences-santé, son mandat et son rôle ont, jusqu'ici,
débordé ie simple transport des malades.
Près de 65 infirmières travaillent présentement
à Urgences-santé. Elles reçoivent, 24 heures par jour,
sept jours par semaine, les appels des citoyens qui sont ou croient être
en situation d'urgence. Par leur compétence, leur expertise et les
données transmises par l'appelant, elles confirment ou infirment sur le
champ si la situation en est une d'urgence majeure. Si l'urgence est
confirmée, les ressources sont envoyées immédiatement,
ambulance ou médecin, pendant que l'infirmière demeure en
communication avec l'appelant afin de lui indiquer comment prodiguer les
premiers soins essentiels à la stabilisation de l'état du patient
jusqu'à l'arrivée des ressources. Ainsi, la stabilisation des
fonctions vitales commence au moment de l'appel et non seulement à
l'arrivée du médecin ou de l'ambulance sur les lieux Ces
premières minutes sont souvent déterminantes lors de situations
d'urgence.
Les conseils-nursing donnés dans les autres cas sont aussi une
forme de stabilisation d'une situation qui, bien que moins urgente,
nécessite une intervention ponctuelle en attendant que le
bénéficiaire puisse consulter. Les infirmières
contribuent, depuis les débuts d'Urgences-santé en
décembre 1981, à faire connaître et à orienter la
population vers les autres ressources du réseau, que ce soient des CLSC
ou des cliniques. Plusieurs appels reçus s'avèrent être des
demandes d'information ou de conseils nursing, sans
qu'il y ait nécessité immédiate ou
ultérieure de consultation médicale. Ainsi, le triage des appels
contribue au désengorgement des urgences. Info-santé et triage
sont donc deux éléments indissociables des services
d'Urgences-santé, le transport ambulancier n'étant qu'un
élément ou une phase d'un ensemble préhospitalier
cohérent.
Un système à améliorer. Loin de nous l'idée
qu'il n'y ait pas place à l'amélioration. Une des lacunes
importantes du système actuel est l'absence d'une réelle
coordination des urgences. La coordination devrait être basée non
seulement sur la quantité d'ambulances acheminées dans un centre
hospitalier, mais également sur la lourdeur du cas a être
transporté. Ceci assurerait un fonctionnement efficace des ressources
d'urgence disponibles, faciliterait l'accès et offrirait à la
population un service de qualité optimale. Cette centrale de
coordination aurait dû être le principal outil mis à la
disposition des établissements pour faire en sorte que le système
régional de coordination des urgences puisse atteindre efficacement ses
objectifs qui sont de désengorger les salles d'urgence et d'acheminer le
patient vers le centre hospitalier qui répondra le mieux à ses
besoins.
Un reproche qui est souvent servi face au fonctionnement actuel
d'Urgences-santé, c'est le temps de réponse. Pour plusieurs, le
délai de réponse des ambulances pourrait être
diminué en éliminant le triage fait par les infirmières et
en accordant de façon systématique une ambulance à chaque
appel logé à Urgences-santé. On parlera tout à
l'heure des délais avec un système désuet.
Cela nous paraît une conclusion simpliste car il y a d'autres
composantes à cette problématique. En effet, les
éléments qui influencent le temps de réponse sont
multiples et ce n'est pas en éliminant le triage qu'on réglera la
question, au contraire.
Les statistiques d'Urgences-santé démontrent que seulement
25 % des appels nécessitent vraiment un transport par ambulance et que,
même dans ces proportions, nous sommes souvent à court de
véhicules. Quelle serait la situation si 100 % des appels devaient
recevoir une ambulance? Il est clair que le temps de réponse serait
encore beaucoup plus long par manque de ressources disponibles, à moins
évidemment d'augmenter le nombre d'ambulances et de techniciens d'au
moins 75 %. Mais alors, nous pouvons facilement imaginer les coûts
supplémentaires et l'accroissement de l'engorgement des salles
d'urgence. Aurait-on pour autant amélioré les services à
la population?
Optimiser la qualité des soins à la population devrait
être le but premier d'un système de soins préhospitaliers
d'urgence. Les interventions réalisées par les infirmières
à Urgences-santé constituent un service rendu à la
population dont l'objectif se résume à trois points: fournir au
public le soutien professionnel nécessaire en période d'urgence,
utiliser la compétence des infirmières pour favoriser le meilleur
usage des ressources du réseau, fournir à la population un
service d'information nursing préliminaire au réseau
institutionnel. Jusqu'ici, plusieurs comportements, réponses et
décisions nous font craindre que cette approche d'un appel, une
ressource vise notre élimination. Bien que les besoins soient criants et
que le personnel en place soit au bord de l'épuisement à cause de
la quantité de travail effectué en temps supplémentaire,
il y a eu une directive du ministère de cesser toute embauche et
d'annuler tout affichage de poste. À la suite des pressions que les
infirmières d'Urgences-santé ont exercées, on a
levé cette interdiction.
Nous avons interrogé le gouvernement sur ses intentions face
à notre rôle au sein de la nouvelle structure. On nous informe que
c'est la nouvelle corporation qui décidera de l'avenir des
infirmières et des services donnés par Urgences-santé. Une
telle réponse nous inquiète encore plus. Comment le gouvernement
peut-il remettre entre les mains d'un organisme indépendant, sans mandat
vraiment précis, le choix des services de santé à offrir
à la population du Québec? En effet, en examinant attentivement
le projet de loi, on ne voit aucune garantie du maintien des services
d'information et d'éducation, de conseil-nursing, d'évaluation
par le biais du triage et de soutien à la population dispensés
par Urgences-santé, bien au contraire. On a pu le vérifier lors
de rencontres qu'on a eues avec différents représentants du
gouvernement. Serait-on en train d'oublier l'aspect santé du service
pour n'en faire qu'un transport? Les infirmières croient en ce qu'elles
font depuis près de sept ans, et estiment de leur devoir d'informer la
population du service qu'elles donnent et des conséquences
néfastes que l'arrêt d'un tel service pourrait
entraîner.
On a été à même de constater que le projet de
loi cernait dans son entier et presque exclusivement le problème du
transport ambulancier de la grande région de Montréal. On n'est
absolument pas en désaccord avec le fait que le gouvernement
décide de nationaliser un des services de santé. À notre
avis, la santé au Québec est du ressort plein et total du
gouvernement. Ce qu'on trouve un peu incohérent, c'est que là
où on commence, c'est à l'endroit où les services
étaient les meilleurs sur le territoire québécois, et les
plus facilement accessibles.
Une autre question qu'on se pose: pourquoi une corporation plutôt
qu'un organisme réellement gouvernemental? Les gens
d'Urgences-santé continueront, comme ils le font actuellement, de
travailler en lien direct avec tous les établissements de la
région métropolitaine de Montréal. On veut en faire un
organisme para, pseudo ou, en tout cas, accolé au réseau sans
vraiment l'intégrer, avec des salariés qui s'y retrouveront ayant
deux types de conditions de travail.
Le projet de loi ne garantit pas non plus le maintien des services
actuels. Je vous disais qu'on a pu le vérifier, que ce soit en
inter-
rogeant le sous-ministre, M. Cantin, que ce soit en interrogeant M. le
ministre Dutil, que ce soit en interrogeant le futur pseudo nouveau p.-d.g.
d'une corporation qui n'existe pas encore. Dans tous les cas, la réponse
a été: On verra après coup ce que la corporation pense des
services de triage effectués par les infirmières. On va
peut-être créer un comité pour regarder. À notre
avis, le gouvernement a un rôle à jouer dans le domaine de la
santé au Québec et ce n'est pas en déléguant de
cette manière qu'on va améliorer les services.
Il y a aussi l'aspect des services préhospitaliers versus
l'engorgement des urgences. Quand on parte de services préhospitaliers,
on ne se limite pas uniquement à parler de transporter vers un
établissement de santé des gens qui ont besoin de ce
service-là. Je pense qu'on parle de services beaucoup plus larges qui
rejoignent un ensemble et qui devraient être disponibles à la
population de Montréal comme à la population des autres
régions du Québec, en tenant compte, bien sûr, des
disponibilités de ressources différentes et des distances
différentes. Mais ce qu'on comprend c'est qu'un service
préhospitalier, ce n'est pas pour demain et ce n'est pas le projet de
loi qui est présentement sur la table qui va l'assurer.
Je vous disais qu'on parlerait aussi un peu du temps de réponse
quand une infirmière reçoit un appel à
Urgences-santé. On prend l'appel, on questionne l'individu qui parle et,
à partir des informations qui nous sont fournies, on décide ou
non d'envoyer immédiatement une ressource. Il y a effectivement un temps
qui s'écoule entre le moment où on prend l'appel - et on reste
toujours en ligne, je vous le précise - et le moment où on
remplit un petit papier, une petite requête de service qu'on met
derrière soi et où on appuie sur un petit bouton qui actionne une
cloche. Parce que le merveilleux système à Urgences-santé
ne fonctionne ni par téléphone, ni par informatique, mais par les
services d'un individu qui n'a que ses deux jambes et qui vient chercher le
petit papier, quand H n'est pas déjà en route pour aller en
porter un autre, et qui l'apporte au répartiteur pour, justement, qu'on
puisse envoyer une ressource. Depuis les débuts d'Urgences-santé,
on parle d'informatiser le service. Je pense que, quand on veut réduire
des temps d'appel, on commence aussi par donner des outils aux individus qui en
sont responsables.
Je pense que nous allons cesser notre petite présentation. On va
plutôt répondre aux questions et apporter les précisions
qui s'imposent.
Le Président (M. Laporte): Merci, de votre
présentation. M. le ministre.
M. Dutil: Dans le projet de loi spécifiquement, qu'est-ce
que vous aimeriez voir modifier? Parce que là vous avez soulevé
les problèmes que vous voyez. Mais, vous avez certainement des remarques
à faire précisément sur le projet de loi.
Mme Skene: À la page 6, à l'article 1495 on dit que
la corporation a pour but d'organiser et de coordonner dans son territoire le
transport ambulancier". À notre avis, c'est ramener à une
dimension simpliste tous les services préhospitaliers d'urgence. Il nous
semblerait que, quand on parle d'un réseau comme celui de la
santé, on puisse, à tout le moins, intégrer le transport
ambulancier dans des services plus larges d'urgence
préhospitalière.
Dans le même article, malgré ce qui y est dit
"d'administrer un service préhospitalier, de recevoir les appels de
personnes ou d'établissements", il n'y a aucune garantie, à notre
avis, que la population de Montréal continuera de recevoir les services
qu'elle a. On ne part pas des services actuels pour les améliorer. Quant
à cela, H n'y a rien. On a lu le projet de loi, je vous dirais d'une
couverture a l'autre, pour essayer de trouver quelque chose pour se raccrocher
et cela n'est pas mentionné non plus.
On a regardé aussi la composition de la corporation, les membres
nommés par le gouvernement. Il y a des gens qui sont nommément
désignés. On voit qu'il y aura trois salariés membres de
la corporation. On a demandé, lors d'autres rencontres, quelle pourrait
être cette composition, qui va faire le choix, comment et à partir
de quels critères. Comme les infirmières sont les seules
intervenantes à faire le triage, on s'est questionné très
sérieusement sur la composition du conseil de la corporation.
Bien sûr, il y a beaucoup d'autres petits éléments,
mais qui touchent beaucoup plus les relations de travail. Je vous parlais tout
à l'heure de deux types de salariés, les anciens et les nouveaux.
Les anciens n'auront pas droit d'être relocalisés s'ils perdent
leur emploi dans le réseau des affaires sociales. On spécifie
qu'il y aura des transferts de congés de maladie et de jours de
vacances, mais on a besoin d'avoir un bon protocole de transfert si on veut
s'assurer que les salariés ne se retrouvent pas dans une situation comme
celle qui a eu lieu au Manoir Richelieu. On apprend, quand on négocie
des conventions collectives, entre autres, ou quand on participe à des
commissions, que lorsqu'on fait une enumeration, ce qui n'est pas dedans n'est
pas là.
Quand on parle de sécurité d'emploi, je vous dirai que
pour les infirmières on ne se casse pas la tête pour demain matin.
Où est-ce qu'on serait? Il y a une pénurie. Je pense que les
infirmières d'Urgences-santé aiment leur travail mais savent
très bien qu'elles peuvent être relocalisées et que ce
n'est pas l'emploi qui manque. C'est parce qu'elles sont convaincues de
l'utilité des services qu'elles rendent à la population qu'on est
ici aujourd'hui.
Quant à nous, l'essentiel des modifications vise les conditions
de travail qui seront réservées aux nouveaux salariés et,
bien sûr, la
reconnaissance des services préhospitaliers comme étant le
but de la corporation plutôt que le transport.
Le Président (M. Laporte): M. le ministre.
M. Dutil: Quant à la couverture du transfert, si je
comprends bien, vous estimez que l'article 19, à la page 16, ne serait
pas suffisant. Si c'est le cas, à votre avis qu'est-ce qui devrait
être ajouté?
Mme Skene: Je vous dirai que ce n'est pas uniquement l'article
19. Quand on regarde l'article 14, on lit qu'il y aura un protocole. Donc, il
faudra tout prévoir dans le protocole, il ne faudra rien oublier. On se
rend compte qu'on nous assure de préserver les réserves de
congés de maladie, de vacances accumulées et ce qui
détermine le classement et l'ancienneté des salariés. Vous
savez qu'une convention collective ne se limite pas à ces clauses. Il y
a des conditions qui existent déjà et on n'est pas certains
qu'elles vont continuer d'exister.
À l'article 19, du même titre, on dit que les conventions
collectives vont continuer de s'appliquer dans la mesure où elles sont
applicables. Une convention collective qui a été
négociée, signée par deux parties, ce n'est pas parce que
le nom change en haut que les obligations qui y sont prévues
disparaissent. À notre avis, les conditions de travail qui sont
régies par la convention collective sont applicables, quel que soit
l'employeur. Cela inquiète les infirmières
d'Urgences-santé.
M. Dutil: Ce que vous souhaitez c'est que ces articles soient
resserrés...
Mme Skene: Certainement.
M. Dutil: ...pour vous garantir une meilleure protection. On est
en consultation actuellement. On verra lors de l'étude article par
article.
Tout à l'heure, vous avez donné des statistiques en disant
qu'il y a 25 % des appels qui entraînent un transport, donc 75 % qui
n'entraînent pas un transport, et vous avez parlé du triage. Je
voudrais mentionner que vous êtes le dixième groupe, je pense, que
l'on reçoit et qu'un seul de ces groupes a mentionné qu'il ne
fallait pas faire de triage. C'est un groupe qui était moins
concerné puisqu'il ne travaillait qu'en dehors de la région de
Montréal. Les huit autres, puisque vous êtes le dixième,
ont mentionné qu'il était nécessaire de faire un triage.
Là où il y a eu des différences, c'est sur l'accent. De ce
côté, je pense qu'il est important de le préciser, ce n'est
pas le triage qui est remis en question mais la vérification de
certaines choses. Je pense qu'il est important de parler
particulièrement de ce que les gens du CRSSS de Montréal qui sont
venus ont dit: Nous croyons de façon empirique que le système en
place est le plus performant.
Il y aurait lieu de le prouver d'une façon chiffrée, de
façon plus avant et, si c'est le cas, cela permettra dé maintenir
le système.
Je me devais de vous donner ces informations parce que j'ai toujours
mentionné, lorsque je vous ai rencontrée et lorsque j'ai
rencontré les autres, que je n'avais pas les évidences concernant
le temps de réponse, les arguments apportés par ceux qui
parlaient non pas d'éliminer le triage mais de le diminuer,
étaient corrects, pas plus que je n'avais les évidences dans
l'autre sens. J'aurais aimé apporter la réponse mais cela ne
ressortait pas dans un sens ou dans l'autre. (20 h 30)
À notre connaisssance, la situation concernant le temps
supplémentaire dure depuis assez longtemps. Ce n'est pas un
phénomène nouveau, qui vient d'apparaître à la suite
de l'annonce et de la transition. À quoi est dû votre point de
vue? Est-ce parce qu'on devra tout simplement augmenter le nombre
d'infirmières ou parce qu'il est nécessaire, pour diverses
raisons, qu'il se fasse du temps supplémentaire quel que soit le nombre
d'infirmières?
Mme Skene: Non, il n'est pas nécessaire qu'il se fasse du
temps supplémentaire. Quand la structure d'emploi est
équilibrée, je pense que le temps supplémentaire est
l'exception. Quand des infirmières d'Urgences-santé doivent faire
deux, trois ou quatre quarts de travail en temps supplémentaire, on
admettra qu'il y a un problème d'effectifs et de volume de travail. Le
problème des dernières semaines a été
accentué par le fait du moratoire des affichages de postes vacants,
où on s'est retrouvés avec trois postes de nuit vacants sur six
que des infirmières qui faisaient d'autres quarts de travail ont, bien
sûr, dû combler. Comme organisation syndicale, vous ne nous
entendrez jamais défendre le fait qu'on doive presque obliger des
individus de faire du temps supplémentaire pour boucler les
nécessités du service. C'est clair. Notre objectif, c'est que les
gens travaillent et aient une charge de travail raisonnable; quand on a une
charge de travail raisonnable, en général, on est capables de
donner le meilleur en termes de qualité.
M. Dutil: Vous avez parlé tout à l'heure d'un
système préhospitalier. Comment définissez-vous le
système préhospttalier d'urgence par rapport au système
ambulancier?
Mme Skene: Je pense que c'est un ensemble de mesures; une des
mesures d'un système préhospitalier d'urgence pourrait être
un type d'information santé qui soit vraiment accessible à
l'ensemble de la population du territoire québécois. Je ne parle
pas de la région de Québec ou de celle de Montréal qui
sont des grands centres urbains, mais de l'ensemble du territoire du
Québec. Un très grand nombre de consultations se font parce que
les gens n'ont pas d'autre
possibilité d'avoir de l'information. Le premier
élément d'un choix intelligent, c'est de pouvoir donner de
l'information à la population.
Un deuxième élément qui, je pense, existe
déjà dans la région de Montréal concerne les
individus qui ont à faire une éducation de la population, parce
que je dirais que le triage n'est pas toujours populaire auprès de la
population. On se rend compte que, quand quelqu'un s'est tordu la cheville,
qu'il appelle au bout de la ligne pour avoir une ambulance et qu'on lui dit de
prendre un taxi, l'individu qui a mal à sa cheville n'est pas content.
Donc il y a une éducation à faire par le biais, justement, de
cette information et c'est ce que font présentement les
infirmières d'Urgences-santé. Mais, en termes de volume, bien
sûr, on privilégie les gens qui ont un réel problème
particulier.
Quand on parle de formation accrue du personnel, que ce soient des
techniciens d'ambulance ou autres, je pense que tout le monde s'entendra pour
dire qu'une meilleure formation accroîtra la qualité des services
et permettra des interventions mieux articulées de tout le
réseau. Je pense aussi que, dans certains milieux, dans certains pays ou
dans certaines provinces, il y a des ressources spécialisées
à bord des ambulances. C'est un système qu'on devra
peut-être explorer, sur lequel on ne s'est pas particulièrement
penché parce que le projet de toi n'allait pas nécessairement
aussi loin, mais qui méritera qu'on s'y attarde. Je suis une
infirmière d'urgence et on reçoit souvent des gens au bout de
leur sang ou des gens qui ont fait un arrêt cardiaque il y a dix, quinze
ou vingt minutes et qui sont, à toutes fins utiles, morts ou moribonds
et, quand on réussit à les maintenir en vie dans des situations
qui ne sont pas toujours... ils ne retrouvent pas nécessairement toutes
leurs facultés.
Un vrai système préhospitalier d'urgence pourrait aussi,
dans les milieux où c'est possible - et là je comprends que ce
n'est sûrement pas possible à 150 milles du seul centre
hospitalier et que cela ne servirait peut-être pas à grand-chose,
mais, dans nos centres urbains qui sont suffisamment populeux, c'est possible -
Intégrer ce type de services qui consisterait à commencer
à faire les manoeuvres nécessaires sur les lieux d'un accident ou
sur les lieux d'un arrêt cardiaque; je pense que cela devrait faire
partie d'un système préhospitalier. Mais, si on veut vraiment
développer cette approche au Québec, cela nécessitera
sûrement quelques autres consultations et un approfondissement du sujet
qui n'a été sollicité, jusqu'à maintenant, ni par
les infirmières d'Urgences-santé ni par la
Fédération.
Le Président (M. Laporte): M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je ne sais pas quet
nième groupe vous êtes...
M. Dutil: Le dixième.
M. Chevrette: Sur les dix groupes qui ont défilé
devant nous jusqu'à maintenant, il y a un seul groupe qui, sans
réserve, sans aucune nuance, appuie le projet de loi. Pour les autres,
ou bien on demande le retrait - c'est le cas du local 298 de la FTQ - ou bien
on fait des nuances majeures comme les CRSSS qui demandent, par exemple, que ce
soit précédé d'une politique pour savoir où l'on
s'en va. Il va de soi que les propriétaires sans droit d'indemnisation
ne peuvent accepter une affaire comme cela, c'est inacceptable. Mais vous venez
confirmer le courant général qui s'inscrit en faux contre le
projet de loi parce qu'il n'est pas clair. Des gens vont jusqu'à
prétendre que c'est parce que - là-dessus, vous venez de
confirmer ce que j'ai entendu à plusieurs reprises - ce projet de loi
n'est conçu qu'en fonction du règlement d'un problème de
transport à un seul endroit.
L'argument fondamental du ministre pour vendre son projet de loi, ce
sont les 850 heures de cours qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi. C'est
en dehors, c'est le seul argument qu'il a essayé de vendre:
l'amélioration du réseau par les 850 heures, ce que personne ne
nie, mais ce n'est pas dans le projet de loi. Pardon?
Une voix: C'est 825.
M. Chevrette: C'est 825 heures, bon, j'étais
généreux, je vous pensais meilleurs que cela, je vous en donnais
25. C'est le seul argument et il n'est pas dans la loi pour que le ministre
vende sa loi. Je vais vous poser une question: Comme groupe, avez-vous
été consultés?
Mme Skene: On n'a pas été consultés. Les
rencontres qu'on a eues, on les a demandées. C'est clair.
M. Chevrette: Le sous-ministre n'est pas allé à la
cabane à sucre avec vous autres pour vous consulter?
Mme Skene: Nous avons demandé à rencontrer le
sous-ministre.
M. Chevrette: Avant ou après la parution du projet de
loi?
Mme Skene: Une semaine avant sa parution.
M. Chevrette: Vous avez fait valoir vos points de vue à ce
moment-là.
Mme Skene: Absolument!
M. Chevrette: Est-ce que vous vous reconnaissez?
Mme Skene: Pas vraiment.
M. Chevrette: Sur la question du triage - allons-y
carrément, vous avez une expérience de sept ans - vous avez
parlé d'un impact qui serait catastrophique - j'allais dire pour
mère Teresa, mais ce serait manquer de respect envers Mme Lavoie-Roux -
pour la ministre de la Santé et des Services sociaux, ce serait
l'encombrement des urgences que vous soulignez. Vous avez ajouté un
élément sur lequel j'aimerais que vous donniez plus de
précisions, soit le manque d'ambulances même dans le contexte d'un
triage. Est-il exact qu'on vous demande d'être plus sévères
à certaines heures de pointe sur le triage?
Mme Inkell (Diane): Je peux peut-être donner plus de
précisions là-dessus, je suis là depuis sept ans.
Effectivement, souvent, vers 9 heures le matin, on nous demande d'être
encore plus serré sur le triage parce que les transports entre les
différents établissements se font en même temps et,
à ce moment-là, c'est de notre côté qu'on doit
resserrer.
M. Chevrette: Qui vous donne les ordres?
Mme Inkell: Les ordres nous viennent de l'assistante, de nos
cadres...
M. Chevrette: Qui, elle, les prend d'un autre, je suppose?
Mme Inkell: Qui, elle, les prend du service de la
répartition qui est censé être au courant des effectifs sur
le terrain.
M. Chevrette: Est-ce que vous avez mentionné un nombre?
Cela prendrait des véhicules... Est-ce que j'ai bien compris quand vous
avez dit que cela prendrait peut-être jusqu'à 75 % de plus
d'effectifs? Est-ce cela que vous avez dit?
Mme Inkell: C'est ce qu'on a mentionné, parce qu'avec le
triage, on envoie une ressource sur quatre, sur cinq environ par jour. Donc,
sans triage, il faut multiplier le nombre d'effectifs, parce que même
avec un triage, on manque d'ambulances.
M. Chevrette: Actuellement, combien avez-vous de véhicules
sur le terrain, 85?
Mme Inkell: Environ. M. Chevrette: Environ? Mme Inkell:
Oui.
M. Chevrette: Je voudrais savoir au sujet de la qualité
des soins, parce que vous semblez adopter la ligne des médecins, si je
peux me permettre, qui prétendent qu'on ne devrait pas appeler cela
transport ambulancier seulement, mais système de soins
préhospitaliers. Est-ce que c'est cela qui justifie votre avancé
en disant que le ministre, dans son projet de loi, ne fait, à toutes
fins utiles, que régler la question du transport, point? Si je voulais
refléter un peu plus tout ce qu'on m'a dit, tout ce que j'ai entendu,
est-ce que je me tromperais si je disais que c'est un projet de loi qui vient
régler le cas d'une seule catégorie de travailleurs?
Mme Skene: Je pense que c'est votre interprétation. Si
vous dites qu'on règle le transport ambulancier, à notre avis,
c'est ce qu'on règle. Si on parie de services préhospitaliers, ce
qui devrait être l'objectif du projet de loi, en intégrant bien
sûr le transport ambulancier, on ne peut pas s'en passer. Je pense que le
travail doit être fait, et bien fait. Notre objectif n'est pas de nier
l'importance du transport ambulancier. Mais le transport ambulancier n'est pas
une fin en soi. Le système de santé a des objectifs à
atteindre et devrait comporter un système préhospitalier à
l'intérieur duquel le transport ambulancier est très important.
Mais c'est un système d'ensemble. On ne détache pas le contexte
qu'on vit actuellement dans les hôpitaux du Québec. Celui qu'on
vit à Montréal, à Québec et dans les centres
urbains quant aux engorgements d'urgences, je ne pense pas qu'on puisse le
détacher ni du transport ambulancier, ni du fait qu'il y a un triage qui
s'effectue présentement dans la région de Montréal.
Je suis infirmière d'urgence depuis 17 ans dans la région
de Québec. Mais on est comme tout le monde. Dans la région de
Québec, c'est le débordement à tout coup, ou presque. Je
suis infirmière à l'hôpital de l'Enfant-Jésus
à Québec, donc pas la plus petite urgence à Québec
non plus. Et on voit régulièrement, parce qu'il n'y a pas de
triage d'appels qui se fait à Québec, des gens qui nous arrivent
en ambulance pour une grippe parce qu'ils pensent qu'ils vont passer plus vite.
Je les comprends. Quand il faut attendre des heures et des heures. Alors ce
qu'on fait, c'est qu'on les assoit dans une chaise et on les envoie à la
clinique externe. Il y en a qui nous arrivent en ambulance avec un orteil
cassé. Ce qui veut dire que cela ne doit pas être si
différent que cela à Montréal et à Québec.
C'est pour cela que les infirmières qui font le triage disent qu'il y a
trois appels sur quatre, quatre appels sur cinq qui ne nécessitent pas
l'envoi de ressources. On ne prétend pas qu'on fait la meilleure
évaluation dans 100 % des cas. On peut se tromper. Tout le monde peut se
tromper. Les gens qui sont ici, autour de la table, aussi.
M. Chevrette: II y a quelqu'un qui s'est trompé
hier...
Mme Skene: Et on pense qu'il y a des erreurs dans le projet de
loi.
M. Chevrette:.... il a envoyé à la morgue quelqu'un
qui vivait.
Mme Skene: J'ai déjà vu cela ailleurs aussi.
M. Chevrette: Je voudrais vous rappeler ce que M. Cotton a dit ce
matin. Il a dit que le triage devait être revu et, en cela, il
répétait exactement ce que M. Lamarche avait dit. Je voudrais
savoir s'il est exact que cela vous prend trois, quatre minutes, parfois plus
que cela? Des fois vous devez consulter, cela prend six, sept minutes avant que
cela ne parte de chez vous. Est-ce que cela est exact? Ou, quelle est la
moyenne?
Mme Inkell: Je peux répondre à cela. Je ne suis pas
surprise de l'intervention de M. Cotton, il...
M. Chevrette: Bien moi, j'étais surpris. Je pensais que
vous étiez plus vîtes que cela.
Mme Inkell: Non, je ne suis pas surprise parce qu'on n'est pas
vites. Je ne suis pas surprise parce qu'il l'a dit souvent. Je pense que quand
la situation est vraiment urgente, on l'évalue très rapidement
pour l'envoi des ressources. C'est bien clair que lorsque la situation n'est
pas si évidente que cela, on se doit de poser des questions pour envoyer
la meilleure ressource possible. Mais je pense que si on parle de vraie
urgence... Parce que, comme on le disait dans notre document, les gens qui
appellent sont, soit en situation d'urgence ou se croient en situation
d'urgence. Donc, je pense qu'il y a une nuance à faire. Et les
infirmières d'Urgences-santé font cette nuance pour l'envoi des
meilleures ressources. Donc, M. Chevrette, le temps de réponse que vous
mentionnez de six, sept minutes avant de prendre une décision, je ne le
connais pas. Je travaille à temps plein. Peut-être que c'est
durant des jours où je ne suis pas (à. Je pense qu'une minute,
deux minutes, maximum pour évaluer une situation d'urgence et l'envoi de
ressources...
M. Chevrette: Mais est-ce que M. Cotton... Il me semble qu'il a
mentionné 4, 37 minutes pour la moyenne.
Mme Inkell: II a peut-être des statistiques qu'on n'a
pas.
M. Chevrette: Faites-vous partie d'Urgences-santé? Est-ce
que vous savez si Urgences-santé a fait des moyennes? A calculé
des temps? A fait des expertises? A compilé des statistiques?
Êtes-vous au courant de cela?
(20 h 45)
Mme Inkell: Par rapport au temps de réponse? Il y a des
statistiques qui souvent sont gardées entre les mains des cadres ou com-
muniquées à quelqu'un qu'on ne connaît pas.
M. Chevrette: Vous l'évaluez à deux minutes ou
à peu près.
Mme Inkell: Le temps qu'on prenne une décision.
M. Chevrette: Donc, quand il nous dira quelque chose, on coupera
en deux.
Mme Inkell: Comme Mme Skene le disait, notre décision est
prise, mais ensuite if y a notre petite fiche qui fonctionne d'une façon
archaïque avant qu'on vienne la chercher. On revendique cela depuis sept
ans.
M. Chevrette: Le ministre vous a dit que les clauses de
sécurité d'emploi sont assez serrées. Si j'ai bien
compris, seuls ceux qui étaient sur la liste obtiendront cette
sécurité. C'est cela qui est écrit. Ce n'est pas moi qui
l'ai écrit. C'est pour cela que je ne suis pas en mesure de
répondre avec autant d'assurance que le ministre. Mais, en
français, quand on dit "seuls ceux qui sont incrits", cela peut vouloir
dire qu'il y en a qui ne le sont pas. Je suppose que vous avez
interprété cela de la même façon que moi.
Mme Skene: C'est comme cela qu'on interprète cela
habituellement. On ne fait pas d'énu-mération et on dit que le
protocole prévoira tout, mais à partir du moment où on
fait une énumération et que certains éléments n'y
sont pas, II est possible de penser que quelqu'un de vicieux pourrait
l'utiliser à d'autres fins que celles prévues. Je ne veux pas
présumer que cela a été fait sciemment.
M. Chevrette: Ou quelqu'un qui ne croit pas à votre
rôle.
Mme Skene: Pardon?
M. Chevrette: Ou quelqu'un qui ne croit pas ou peu à votre
rôle.
Mme Skene: Cela se pourrait.
M. Chevrette: Là-dessus, je peux vous garantir qu'on va
présenter un amendement formel pour améliorer cet article. Quant
au discours, le ministre a dit qu'il n'était pas question de jouer avec
la sécurité d'emploi des gens. Donc, on va lui donner la chance
de passer aux actes et que la fin de son discours soit cohérente avec
les actes. Comme Opposition, nous aurons un amendement à proposer
là-dessus d'une façon très précise.
Une autre question peut-être. Combien ai-je de temps? Cela
fonctionne?
Le Président (M. Laporte): II faut peut-être
suivre la règle de l'alternance, M. le chef de l'Opposition. M.
le député de Chambly.
M. Latulippe: Madame, à la gauche, vous êtes
madame?
Mme Skene: Mme Skene.
M. Latulippe: Tout à l'heure, en parlant de M. Lamarche,
vous avez dit le futur pseudo p.-d.g. Pourquoi?
Mme Skene: II n'y a pas de corporation, mais il y a un p.-d.g. de
quelque chose qui n'existe pas. C'est juste cela. Cela ne vise pas M. Lamarche.
Cela vise le titre qu'on lui a donné avant même que la corporation
ne soit créée.
M. Latulippe: Est-ce que vous ou une de vous a été
témoin, quand même témoin parce que ce ne sont pas les
infirmières en particulier, des problèmes importants de relations
de travail chez les techniciens ambulanciers qu'il y a eu depuis un certain
nombre d'années à Montréal?
Mme Skene: Je vais laisser Diane vous répondre.
Mme Inkell: Je pense que oui. J'ai été
témoin de difficultés dans les relations de travail.
M. Latulippe: Oui. Est-ce que ces problèmes ont
amené des problèmes sérieux sur la qualité des
services?
Mme Inkell: Je dois vous dire qu'au moment des
négociations, dans les moments très serrés, ils ont connu
des négociations où effectivement les moyens de pression
devenaient un peu lourds et pouvaient altérer la qualité des
services à la population. Oui.
M. Latulippe: Quand vous dites un peu lourds, que voulez-vous
dire par cela?
Mme Inkell: Bien, on n'avait presque pas d'ambulances. C'est bien
beau de recevoir les appels. Notre décision peut être d'envoyer
une ambulance, mais on n'en a pas.
M. Latulippe: Pour quelles raisons y a-t-il eu tant de
problèmes de relations de travail?
Mme Inkell: II faudrait le demander aux concernés.
M. Latulippe: Non, mais selon votre opinion, parce que vous avez
été témoin de cela jusqu'à un certain point sans y
être partie.
Mme Skene: Je dirais qu'il y a sûrement eu un
problème lié au fait qu'il y a une multitude d'employeurs. On ne
peut pas se cacher le fait que des gens soient appelés à
travailler ensemble et relèvent d'une multitude d'employeurs peut amener
des problèmes. Les luttes que font les travailleurs ne sont pas
nécessairement gratuites. C'est parce qu'on veut améliorer des
choses. Les techniciens ambulanciers avaient sûrement des conditions de
travail à améliorer.
M. Latulippe: À votre connaissance, est-ce que cela
arrivait souvent qu'il y ait du vandalisme?
Mme Inkell: Nous n'avons jamais été témoins
de cas de vandalisme.
M. Latulippe: Je ne vous demande pas si vous avez
été témoins, parce que vous auriez probablement
été appelés comme témoin à la cour. Je vous
demande si effectivement vous avez eu connaissance qu'il y en a eu.
Mme Inkell: On avait "ouï-dire" qu'il y avait
vandalisme.
M. Latulippe: Avez-vous pu voir des véhicules sur lesquels
il y avait eu vandalisme?
Mme Inkell: Non.
M. Latulippe: Pensez-vous que la loi va avoir un effet sur la
qualité des relations de travail?
Mme Skene: Je pense que c'est un objectif que tout le monde doit
souhaiter.
M. Latulippe: Ce n'est pas ma question. Je vous demande si vous
pensez effectivement que cela va avoir un effet sur la qualité des
relations de travail?
Mme Skene: Dans le cas des infirmières, changer
d'employeur, passer du CRSSS à un autre groupe, je ne vois pas ce que
cela pourra changer.
M. Latulippe: Et pour les techniciens ambulanciers?
Mme Skene: Je vous dis qu'à partir du moment où on
n'est plus avec dix ou douze employeurs, je pense que cela peut aider aux
relations de travail. Cela aura sûrement un impact. Quand il n'y a pas
plusieurs intervenants dans un dossier, en général, les choses
sont plus claires; on sait à quoi s'attendre.
M. Latulippe: Vous, vous dites que c'est uniquement la
multiplicité des employeurs qui cause un problème de relations de
travail?
Mme Skene: Je vous dirais, si je faisais le tour des
hôpitaux du Québec avec lesquels la Fédération des
infirmières entretient des rela-
fions harmonieuses et, dans d'autres cas, très pénibles,
que les individus qui sont en place ont un rôle à jouer qui est
important pour les relations de travail.
M. Latulippe: Je ne parle pas de votre cas. Je parle de ce que
vous avez vu à Montréal, en particulier, chez les techniciens
ambulanciers. Est-ce que c'est uniquement la multiplicité des employeurs
qui a causé les problèmes?
Mme Skene: Je ne peux vraiment pas faire d'évaluation
là-dessus; ce serait vraiment un jugement de valeur sur des
ouï-dire ou des cancans qui se promènent dans les journaux.
Le Président (M. Laporte): M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Je passe, moi aussi.
Le Président (M. Laporte): M. le député de
Fabre.
M. Joly: Merci, M. le Président. On voit que les
années se suivent et ne se ressemblent pas. On a parlé de cabanes
à sucre. Il y en a qui ont certains privilèges. On a
également parlé de passer des nuits de Noël avec des
intéressés. Alors, c'est pour cela que ce n'est pas toujours un
party. Mais, il y a peut-être des endroits où D peut sembler
propice de discuter de certaines choses.
M. Chevrette: II faudrait lui demander où il s'en
va...
Le Président (M. Laporte): On vous remercie de votre
collaboration.
M. Joly: Vous avez parlé d'un rôle à jouer et
je pense que le vôtre est très important à mon sens. Je
pense que personne ne peut nier cela, mais souvent on regarde le produit fini.
On n'a pas souvent les connaissances pour savoir qui fart quoi. Vous avez quand
même expliqué assez clairement ce que vous avez à vivre et
tout cela. C'est souvent révélateur pour nous. Vous avez
touché un aspect sur lequel j'aimerais revenir qui est
l'éducation que vous avez à faire auprès du grand
public.
C'est certain, pour que vous réussissez en faire en sorte qu'il y
ait trois cas sur quatre qui n'aient pas à se rendre à l'urgence,
que vous avez à faire une éducation quelconque. Vous avez
à convaincre des gens qu'il y a d'autres moyens que l'urgence, que
l'ambulance. Est-ce que vous verriez qu'on devrait aller aussi loin qu'une
campagne de publicité pour promouvoir, si vous voulez, le moment
où on devrait appeler Urgences-santé? Vous avez quand même
donné des exemples, un orteil cassé ou une grippe qui aboutit
à l'urgence. Cela fait sourire, mais, si c'est cela qui est la
vérité, qui est la réalité, c'est certain qu'il y a
peut-être un pas de plus à faire. J'aimerais vous entendre parler
sur cela.
Mme Inkell: Sur ce que vous touchez, une campagne de
publicité, on demande au conseil régional depuis notre existence,
depuis sept ans, de faire connaître à la population comment on
fonctionne et que, quand elle appelle Urgences-santé, ce sont des
infirmières qui répondent. Si on pense s'adresser à des
téléphonistes réceptionnistes, c'est différent que
si on sait qu'il y a une infirmière au bout de la ligne. Au
départ, je pense que nous avons de la crédibilité; on est
vite réassurés et on nous explique rapidement le
problème.
La campagne de publicité n'a pas été faite depuis
sept ans. Cela, ce n'est pas parce qu'on ne l'a pas demandée. Je pense
qu'il y a une part d'éducation qui commence là. Pourquoi cela n'a
pas été fait? Les réponses qu'on nous donnait, c'est qu'on
avait peur qu'on utilise trop le système, s'il était connu que
c'étaient des infirmières qui étaient au bout de la ligne.
C'est la réponse des communications au conseil régional.
M. Joly: Est-ce que vous avez envisagé un type particulier
de campagne, par exemple, un dépliant dans une enveloppe de
chèque de paie ou d'allocation familiale, ainsi de suite?
Mme Inkell: On avait envisagé une structure de
communication. Mais, à partir du moment où notre employeur ne
veut pas, ce n'est pas nous qui avons le budget pour la communication.
M. Joly: Non, mais vous aviez déjà fait des
suggestions?
Mme Inkell: Oui.
M. Joly: Vous étiez conscientes qu'il y avait de quoi
à faire, mais en plus vous aviez apporté des suggestions.
Mme Inkell: Oui. M. Joly: Merci bien.
Le Président (M. Laporte): Merci, M. le
député de Fabre. Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Mesdames. Tout
à l'heure, je pense que Mme Skene nous disait qu'elle travaille dans la
région de Québec. Je dois dire qu'après avoir lu le projet
de loi et assisté à quelques comparutions d'organismes ici,
l'impression générale que je retiens comme étant le
problème le plus urgent, c'est que les problèmes en
matière de transport ambulancier seraient davantage dans les
régions, alors que celui qu'on a choisi de régler est celui de
Montréal. Est-ce que j'erre ou ma perception est-elle faussée,
parce que je viens d'une région,
le comté de Chicoutimi? Mais vous qui êtes de
Québec, quelle est votre perception?
Mme Skene: Je pense que le transport ambulancier à
Montréal n'est pas le moins bon du Québec. Au contraire. Les
ressources étant disponibles, les distances étant plus petites,
les hôpitaux et les établissements étant de beaucoup plus
nombreux, il faut être réaliste: les centres comme
Montréal, Québec et Sherbrooke, les grands centres ont des
ressources qui ne sont pas offertes au reste de la population du Québec.
Quand on parle d'accessibilité, il est clair qu'il y a des
régions nettement défavorisées, tant au plan des services
préhospitaliers qu'au plan des services hospitaliers tout court. En
matière d'accessibilité, le territoire québécois,
si quelqu'un réussit à le faire "fouler", cela va régler
bien des problèmes pour tout le monde. Mais il est là et je pense
que cela mériterait qu'on s'y attarde d'une façon plus
importante.
Plusieurs intervenants du réseau de la santé ont
été un peu déçus de ce que la commission Rochon ne
propose pas de solutions à certaines inégalités ou, en
tout cas, de solutions aux problèmes d'engorgement des urgences qui sont
plus particulièrement vécus dans les régions urbaines,
mais qui sont aussi problématiques pour les gens qui arrivent de
l'extérieur. Quand on transfère quelqu'un des
Îles-de-la-Madeleine à l'Hôpital de l'Enfant-Jésus
à Québec, parce qu'il a un problème
cérébral, il va attendre à la clinique d'urgence de la
même manière que le voisin d'à côté de
l'hôpital. Donc, l'accessibilité aux services n'est pas totale. Le
réseau a besoin d'ajustements majeurs, mais au-delà des services
préhospitaliers. C'est un réseau qui est surchargé, qui
manque de ressources. Je ne pense pas que régler le problème des
ambulances va régler le problème des établissements de
santé.
Mme Blackburn: Si je vous interprète bien, l'urgence
n'aurait pas été de déposer un projet de loi sur les
services ambulanciers dans la région de Montréal, mais bien un
projet de loi qui aurait davantage apporté de solutions à la fois
pour les services préhospitaliers comme pour les services d'urgence,
c'est-à-dire aux services de transport ambulancier dans les
régions en particulier.
Mme Skene: Oui. Je pense que, si on veut un système
cohérent et si on le traite à la pièce, cela va bloquer
quelque part.
Mme Blackburn: L'impression que cela me laisse, probablement
à tort, est qu'on a proposé des solutions à ceux qui
criaient le plus fort. Les régions n'ont pas crié assez fort,
d'après ce que je comprends.
Mme Skene: C'est souvent leur problème.
Mme Blackburn: Dans un tout autre ordre d'idée, on estime
à 850 heures le temps nécessaire pour former un bon technicien
ambulancier. Selon vous...
Une voix: 825 heures.
Mme Blackburn: Oui, 825 heures. C'est vrai, parce qu'on est
généreux par rapport à l'hypothèse avancée
par le ministre. Il y en a qui parlent de 1200 heures ou de 2000 heures. C'est
très variable. Mais, selon vous, est-ce suffisant? Ne pourrait-on pas
s'interroger sur l'éventualité que la formation la plus
adéquate, au moins pour un des membres de l'équipe, pourrait
être une formation équivalente à celle des techniques
infirmières?
Mme Skene: Je pense que cela dépend toujours de ce qu'on
veut faire effectuer par nos techniciens en ambulance. Si on veut que ces gens
fassent du transport, qu'ils soient capables de placer quelqu'un
adéquatement sur une civière, de le sortir d'un fossé ou
autres, peut-être que 825 heures sont suffisantes. Je pense que, si on
veut aller au-delà et donner des services d'urgence sur place avant le
départ, il faudra aller plus loin. Il faudra prolonger cette formation
ou il faudra ajouter des ressources plus spécialisées. Je pense
que tout le monde est bien conscient que le choix à 825 heures, c'est
mieux qu'à 200 heures, mais 2000 heures seraient encore mieux. Je pense
que cela dépend toujours du rôle qu'on veut faire jouer à
chacun.
Pour être médecin, cela prend telle formation. Pour
être infirmière, cela prend telle autre. Si on veut que quelqu'un
ne fasse que du transport, on ne lui donnera pas la même formation. Mais
si on veut aller plus loin dans les services, il est clair qu'il faut augmenter
la formation.
Mme Blackburn: D'après ce que je comprends, les exigences
sont beaucoup moins grandes que celles qu'on a à l'endroit des
travailleurs en mécanique automobile. M. le Président, j'aurais
terminé.
Le Président (M. Laporte): Après brève
consultation et avec l'autorisation du ministre et, j'imagine, le chef de
l'Opposition, on va autoriser le député de Duplessis à
poser des questions à nos invitées.
M. Perron: Merci, M. le Président. J'ai seulement une
question à poser qui pourrait peut-être amener des sous-questions
par la suite. D'abord, je voudrais vous remercier pour les réponses
brèves que vous donnez. Hier soir, on a eu l'occasion, en tant que
membres de l'Opposition, d'avoir des questions courtes, mais des
réponses fleuves de la part de M. Lamarche et cela ne faisait pas trop
notre affaire, cela grugeait le temps. Après cela, on a
été obligés d'allonger son temps, je pense que tout le
monde
l'a su.
Mme Blackburn: II a dû prendre leçon de M. Ryan.
M. Perron: De mémoire, hier soir, entre 20 heures et 22
heures, quelqu'un était assis sur l'une des chaises que vous occupez
actuellement et a mentionné que, dans le cas du triage, en tenant compte
que c'est une évaluation qui se fait par téléphone, les
techniciens - et là, je mets cela entre guillemets parce qu'il est
possible que je me trompe parce qu'on n'a pas les galées - seraient plus
en mesure de recevoir un appel, d'aller à telle place et de faire une
évaluation pour savoir si, oui ou non, on devrait appeler une ambulance.
Que pensez-vous de cette hypothèse?
Mme Skene: Je pense que c'est présumer que 825 heures,
cela va faire une infirmière ou un médecin.
Des voix: Ha, ha, hal
M. Perron: Madame, votre réponse est courte et elle va
dans le sens de ce que je pense aussi. Je ne pense pas qu'un technicien puisse
aller aussi loin qu'une infirmière même s'il a 825, 850 ou
même 1200 heures. On sait les heures pendant lesquelles les
infirmières diplômées doivent étudier et qu'elles
doivent passer à travers toutes sortes de dédales avant d'en
arriver là. Alors, là-dessus, je le concède très
bien. C'est tout, M. le Président.
Le Président (M. Laporte): M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Merci.
Le Président (M. Laporte): Vous avez deux minutes, M. le
chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Pardon? Merci.
Le Président (M. Laporte): C'est bien cela.
M. Chevrette: Mesdames, je n'ai pas d'autres questions, mais je
vais faire un commentaire. Je voudrais vous dire que je vais apporter un autre
amendement au projet de loi. L'amendement sera le suivant: Que votre groupe
professionnel soit considéré comme indispensable au conseil
d'administration au sein des trois de la "corpo". Je considère qu'on
aurait dû vous l'offrir avant même que vous ne le demandiez. Si on
veut que le personnel participe, s'intègre - je pense qu'on le permet
dans les hôpitaux - je ne verrais pas pourquoi on ne le permettrait pas
dans le domaine d'un transport, d'un système ou d'un service
"préhospitalier".
Je pense que vous avez un rôle important à jouer. Si on
veut véritablement enlever l'image que ce projet de loi n'a
été bâti que pour une catégorie du personnel, on va
sûrement accéder à notre demande d'amendement à
l'effet que vous ayiez le droit de participer pleinement en fonction de vos
qualifications professionnelles.
Je voudrais vous remercier pour votre langage clair - pardon? Non, je
n'ai pas besoin de vos lumières - et également pour votre
franchise dans votre témoignage et, également, pour la dimension
de services préhospitaliers que vous donnez. Vous ne vous arrêtez
pas à de simples observations de fonctionnement pour régler vos
propres problèmes personnels. Vous faites une critique de la valeur du
système lui-même. Je vous en remercie et je vous en
félicite.
Le Président (M. Laporte): Merci, M. le chef de
l'Opposition. M. le ministre.
M. Dutil: En terminant, seulement quelques remarques pour
rappeler que M. Lamarche n'est pas p.-d.g., il est conseiller-cadre
actuellement parce que, bien sûr, la corporation n'est pas formée.
Bien que M. Lamarche soit pressenti pour être président-directeur
général pour au moins une année - plus tard on verra -
actuellement, ce n'est pas le cas. Sur le plan juridique, je pense qu'il est
important de le préciser pour éviter que l'Opposition ne
véhicule des choses qui ne sont pas tout à fait exactes.
D'ailleurs, j'en profite pour mentionner qu'hier, on a trouvé, de
l'autre côté, que M. Lamarche prenait du temps pour
répondre et c'est pourquoi nous avions convenu qu'il reviendrait
à la fin de la soirée pour continuer les démarches, mais
l'Opposition a préféré entendre un autre groupe et
laisser...
M. Chevrette: ...d'entendre ce qu'il voulait répondre.
M. Dutil: En terminant, la réforme que nous
préconisons, contrairement à ce que laisse sous-entendre
l'Opposition encore une fois, est justement une réforme qui a de plus
grands rebondissements et de plus grands retentissements au niveau de la
qualité dans les régions quant à la stabilisation,
à la formation et à la coordination des appels. Ceci dit, je vous
remercie de votre présence. Effectivement, les réponses ont
été claires, brèves, précises et vous pouvez
être assurées que nous tiendrons compte de votre
présentation, lorsque nous en arriverons à des modifications au
projet de loi et à l'adoption. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le ministre.
La commission tient à remercier les représentantes de la
Fédération des infirmières et infirmiers du Québec
pour la présentation de leur mémoire et j'inviterais à
s'avancer le Regroupement des propriétaires d'ambulances de la
région Laurentides-Lanaudière, représenté par
M. Michel Crevier, M. René Goyer ainsi que par M. Jean-Pierre
Guillemette.
La commission suspend ses travaux pour soixante secondes.
(Suspension de la séance à 21 h 6)
(Reprise à 21 h 11)
Le Président (M. Laporte): La commission reprend ses
travaux. On inviterait les personnes et les membres de la commission à
prendre siège.
La commission souhaite la bienvenue aux représentants du
Regroupement des propriétaires d'ambulances de la région
Laurentides-Lanaudière en leur rappelant brièvement la
procédure que la commission suit depuis le début de ses travaux,
c'est-à-dire de vous permettre, pour les 20 premières minutes, de
faire la présentation de votre mémoire pour, par la suite,
discuter avec les parlementaires pendant une période de 40 minutes. Aux
fins de l'enregistrement des débats, on vous demanderait de bien vouloir
vous identifier, chacun des membres qui sont ici à l'avant. La parole
est à vous.
Regroupement des propriétaires d'ambulances de
la région Laurentides-Lanaudière
M. Guillemette (Jean-Paul): Alors, M. le Président,
Jean-Paul Guillemette, CRI, porte-parole du groupe des transporteurs
ambulanciers des Laurentides-Lanaudière. M. Michel Crevier...
Le Président (M. Laporte): M. Crevier, oui.
M. Guillemette: ...président des Ambulances Crevier. M.
René Goyer, président des Ambulances Goyer.
M. le Président, M. le ministre, M. le chef de l'Opposition Mmes
et MM. les députés, nous vous remercions premièrement de
nous avoir invités à vous transmettre nos préoccupations
concernant la réorganisation du système ambulancier au
Québec. Je voudrais, à ce moment-ci, essayer de commencer sur une
note un peu plus positive. Depuis quelques jours, on voit, dans les journaux du
Québec, des réactions syndicales qui frisent, jusqu'à un
certain point, certains éléments de démagogie. Il va sans
dire que, pour un ensemble de transporteurs, M. le Président, qui a pris
le beau risque de vouloir travailler positivement, lors de la vague de
syndicalisation de 1984, 1985 et 1986, le préjugé favorable, dont
les transporteurs ont dû préalablement se convaincre, en prend
tout un coup.
Historiquement, nous voudrions vous rappeler assez brièvement
que, lors de la négociation de 1985-1986, ce groupe d'entreprises en
était à ses premières armes face à la
syndicalisation et a dû réagir rapidement dans un cadre difficile.
On nous disait, à cette époque, au ministère des affaires
sociales: Soyez positifs, soyez des entreprises qui prennent leur destin en
main. Les entreprises que je représente ont vite compris qu'il fallait
se doter d'une philosophie de relations du ' travail au-delà de
l'affrontement, en tenant compte, à part certaines entreprises
multinationales ou nationales de grande envergure, qu'on se voyait mal partir
en guerre contre la machine que je considère l'une des plus puissantes
au Québec.
Or, de bonne foi, les négociations ont commencé. Cela a
été ardu, mais cela a bien été, comme les
entreprises avaient décidé d'oublier certains principes
concernant leur réticence face aux syndicats pour pouvoir s'asseoir,
discuter véritablement avec eux et en arriver à une entente au
prélable. Le cadre normatif s'est fait de façon assez rapide, vu
les circonstances, mais, lorsqu'est arrivée la question salariale, ce
fut un peu plus difficile et même ardu.
Vous savez, M. le Président, que dans ce dossier l'agent payeur,
on nous le dit assez souvent, c'est l'Etat. Alors, c'était
drôlement difficile pour les entreprises d'établir des quarts de
travail 24 heures par jour, quand les syndicats demandaient ce genre
d'orientation, quand ils avaient pour but à l'époque de
créer des planchers d'emploi. Bref, il y a eu, à ce
moment-là, un règlement concernant la création du fonds
salaire versus le fonds d'exploitation de l'entreprise. Pendant la
période où il y a eu également la médiation de Me
Richard Drouin et pendant le règlement qui a suivi, le ministère,
le RETAC et le médiateur donnaient la position de ces entreprises comme
étant celle d'entreprises qui voulaient aller de l'avant et qui
étaient prêtes à prendre le risque de faire un "deal"
syndical dans le sens où on s'asseoit, on règle nos
problèmes et on est positif. L'attitude des transporteurs, il faut
l'avouer, en a donc été une de consultation et de concertation
et, pendant la durée de la convention collective qui se termine le 15
août, ces transporteurs ont vécu un climat de relations de travail
qui peut être qualifié de très sain dans les circonstances
d'une première négociation et qu'on doit vivre avec une
première convention collective.
Pourtant, je vais juste rappeler ici les propos du p.-d.g. de
Montréal, je ne vais pas vous entretenir trop longtemps de cela.
Lorsqu'on regarde les journaux, un peu partout ce matin on parle
énormément du fonds salaire. Le fonds salaire ce n'est pas une
réalité de 1988-1989, cela existait en 1986. Les entreprises que
je représente n'ont pas joué de magouilles à
l'intérieur du fonds salaire, en ce qui me concerne, et je suis
persuadé que la plupart des entreprises syndiquées au
Québec ont été positives dans l'application du fonds
salaire. C'est pour cela que nous voulions faire cette mise au point.
Il est arrivé par la suite le rapport Tremblay II et le rapport
SECOR. Bien sûr, le rapport
SECOR démontre un certain nombre d'éléments et face
à cela, conscients de l'importance de cette étude et sans aucune
résistance de la part des transporteurs, il y a eu la
présentation d'un document que j'ai remis à la commission et qui
s'appelle: le rapport Forget, L'entreprise dans le transport ambulancier, un
choix.
Vous verrez que le 2 mars 1988 est arrivée l'annonce par M. le
ministre de la réorganisation du système du transport
ambulancier, dont les principaux termes ou encore la principale toHe de fond
est la formation et la stabilisation de la main-d'oeuvre et l'implantation de
la centrale de coordination. Or, conscients de l'évolution dans laquelle
nous sommes, nous avons remis, le 19 janvier 1988, ce rapport. Nous l'avons
expliqué aux fonctionnaires du ministère. Je voudrais, à
ce moment-ci, retenir votre attention en vous lisant le préambule:
Notre groupe de la région 16-B) Laurentides - Lanaudière,
a pris connaissance du rapport Forget et, conscient de l'état actuel de
la situation du transport ambulancier, principalement dans notre région,
vous soumet ses réflexions sur l'ensemble des points et
problématiques décrits dans le rapport SECOR.
Nous n'avons pas la prétention de solutionner tous les
problèmes du transport ambulancier de façon unilatérale.
Au contraire, notre orientation et nos suggestions doivent être
planifiées en fonction des besoins de la population. Je pense, encore
dans le cadre positif que je vous démontre depuis le début, que,
contrairement aux positions syndicales, nous sommes devant une orientation -
c'était le 19 janvier - très positive des transporteurs pour
changer et faire évoluer de façon telle à améliorer
le système.
M. le Président, notre objectif vise esen-tieilement la
qualité des services. Je pense qu'il n'y a pas que la RETAQ, l'organisme
syndical CSN, qui peut parler de qualité des services. Les transporteurs
aussi sont conscients de cela. Ils sont conscients, également, qu'ils
doivent apporter des correctifs. Donc, afin d'obtenir de meilleurs
résultats, il nous faut de façon cohérente éliminer
les irritants et planifier l'entreprise de façon à optimaliser la
gestion des ressources en fonction des besoins et à canaliser les
efforts des intervenants afin de réaliser l'objectif.
En l'absence d'une politique d'encadrement, les entreprises
ambulancières ont été, depuis de nombreuses années,
confrontées à des réalités problématiques
qui, malgré leurs efforts, ne pouvaient dégager les solutions qui
s'imposaient. Nous devons mettre nos efforts afin de minimiser les
résistances de notre part face aux changements et développer une
attitude positive envers les intervenants. Devant cette volonté de
changement, le ministère de la Santé et des Services sociaux -
c'était un voeu qu'on a exprimé au mois de janvier 1988 et
j'attire votre attention là-dessus, sur ce qui est pour nous notre toile
de fond, soit que l'entreprise privée va demeurer ou n'existera plus -
devrait avoir un préjugé favorable envers l'entreprise
privée et de ce fait, diriger ses efforts afin de démystifier
l'image négative du secteur privé dans le transport
ambulancier.
Je pense qu'on doit se pencher, à ce moment-ci, sur une
réflexion, pour savoir si le projet de loi 34 vient absolument placer
les entreprises comme des agents, des intervenants de première ligne
dans le transport ambulancier au Québec.
Moi, M. le Président, j'en doute, non pas sur la profondeur de
vos philosophies de réforme, M. le ministre, mais sur l'approche et sur
les intentions qui sont, à mon sens, dépourvues d'une certaine
clarté quant aux philosophies qu'on connaît de la part des
centrales syndicales, prioritairement la CSN.
Je voudrais passer rapidement sur le document pour avoir quelques
minutes pour parier du projet de loi 34. Vous comprendrez que 20 minutes en ce
qui me concerne - parfois, je parie trop et parfois pas assez, mais, ce soir,
j'ai envie de parier. Vous allez retrouver, dans le document, les grandes
orientations dont on a traité. Ce ne sont pas, M. le ministre, des
intentions pieuses, mais des engagements d'orientation. Les entreprises d'une
région donnée étaient prêtes à s'asseoir avec
les intervenants de cette région pour travailler à
améliorer, selon ce qu'on pense dans certains milieux à tort ou
à raison, mais de façon justifiée dans l'ensemble, les
approches différentes d'exploiter un service d'ambulance.
On parie de priorisation des cas d'urgence. Trop souvent, on accusait
les entreprises de ne pas être capables de prioriser les cas d'urgence,
parce que c'était plus payant, disaient les syndicats, de faire des
transferts interétablissements. On a voulu, dans notre approche, dire
clairement qu'un service d'ambulance est là pour des cas d'urgence,
"first". Deuxièmement, il est là pour faire du transport
interétablissement et le transport interétablissement se planifie
avec les gens concernés, c'est-à-dire avec les centres d'accueil,
les hôpitaux, etc.
La centralisation régionale de la prise d'appel. Je vous rappelle
que c'était le 19 janvier 1988. Sur cela, vous me permettrez deux
minutes pour vous lire le texte intégralement. Afin d'améliorer
le contrôle, l'accessibilité, le temps de réponse - ce qui
est extrêmement important - une centralisation régionale de la
prise d'appel est indispensable. L'intégration des zones par un
regroupement des entreprises facilitera les modalités de fonctionnement
- il n'y a pas de cassage de bras, c'est la volonté de onze entreprises
regroupées sous neuf propriétaires - l'évaluation des
coûts d'Implantation, les modalités d'opération. La mise en
place d'une ou de plusieurs centrales régionales est assujettie à
des conditions géographiques et technologiques Or, il faudrait regarder
cela. La pierre angulaire d'une réorganisation régionale ne peut
se réaliser
qu'en centralisant la prise d'appel. Je pense que c'est une
volonté qui va plus loin que les intentions. Je vous dirais
là-dessus qu'en 1986 avec la CSN on a parlé avec Me Richard
Drouin de centrales de répartition. À ce moment-là, je
pense bien que ni nous ni le ministère n'étions prêts
à aller là-dedans immédiatement. Nous avions même
suggéré à Me Drouin, qui trouvait cela acceptable à
l'époque et qui l'avait indiqué dans son rapport, de commencer
à travailler sur cela un an ou un an et demi afin de prendre le temps de
l'organiser.
À ce sujet, les entreprises sont unanimes à vouloir
instaurer une centrale de répartition avec la participation du secteur
public. C'est bien évident que, selon la tarification actuelle, tout le
monde "mange" de l'argent à faire de la répartition. Je peux vous
donner tout de suite, rapidement, l'exemple des Ambulances Goyer qui, cette
année, ont déboursé plus de 200 000 $ pour l'implantation
d'une centrale pour répartir environ 12 000 appels. Alors, vous
considérerez que, sans subventions adéquates ni révision
de la tarification, cela ne peut pas se faire. En passant, quand viendra le
temps des contrats à budget, on va se parler et je suis persuadé
qu'on va s'entendre. Il y a moyen que tout le monde vive là-dedans. (21
h 30)
À considérer, cela facilite à la population
l'accès au service ambulancier, améliore le temps de
réponse, etc. Vous avez tous les objectifs. Nous avons aussi
parlé de la formation professionnelle et de l'aspect
économique.
Sur l'aspect économique de ce que j'appelle la stabilité
de la main-d'oeuvre, on va faire une équation rapide. Prenez l'exemple
des zones subventionnées de un et deux véhicules. Il y a des
zones de cinq, six ou huit véhicules. À l'heure actuelle, le
fonctionnement est facile à comprendre. On fonctionne à partir
des transports qu'on a et on instaure des quarts de travail. Là
où ce n'est pas autofinancé, vous remettez de l'argent
là-dedans et vous essayez de l'autofinancer, c'est-à-dire que
vous le financez pour que l'entreprise réussisse à vivre avec.
Or, dans l'aspect économique d'une réorganisation du
système ambulancier, qu'on le veuille ou non, il reste une chose
importante: cela prend de l'argent. Demain matin, prenez les mêmes
régions, implantez un système du type de celui qui existe
à Montréal ou autrement, appelons-le sous un autre chapeau ou peu
importe, il va falloir que le ministère injecte énormément
d'argent là-dedans. Donc, si c'est faisable pour un OSBL qui prendrait
la main-d'oeuvre et qui laisserait la tôle dans les régions - on
va revenir là-dessus tantôt si vous me donnez le temps...
Le Président (M. Laporte): D'ailleurs, là-dessus,
je veux simplement vous rappeler qu'il reste une minute à votre temps de
parole.
M. Guillemette: Ah, mon Dieu! On va aller vite
là-dessus.
Le Président (M. Laporte): On va le laisser continuer un
peu.
M. Dutil: Je donnerais mon consentement, M. le Président,
pour continuer s'il le désire.
Le Président (M. Laporte): En y allant le plus
brièvement possible pour l'énumération de vos
différents critères.
M. Guillemette: On va essayer de raccourcir, M. le
Président. Merci, M. le ministre, d'avoir donné votre
consentement ainsi que M. le chef de l'Opposition. Ce qu'il est important de
souligner, c'est que dans n'importe quel système où on parle de
stabilisation de la main-d'oeuvre, celle-ci ne peut être obtenue qu'en
injectant des sommes importantes et ce n'est pas avec le nombre de transports
que les entreprises font actuellement qu'elles peuvent y arriver. Cela va
prendre de l'argent, peu importe le système.
À "protocole d'intervention", on vous a même fait une
évaluation qui peut, à quelques dizaines de milliers de dollars,
en mettant une planification organisationnelle en face d'une planification des
véhicules entre le groupe, en ouvrant les territoires, être
quantifiée de façon globale à quelque 100 000 $
près. Cela prendrait une couple de millions supplémentaires
la-dedans pour vraiment avoir quelque chose qui se tienne debout,
c'est-à-dire du monde qu'on n'ait plus besoin de convoquer sur appel
pour faire un transport et qui est payé deux heures pour sa sortie et
qui fait 300, 350 heures, quelquefois 340 et 250 heures de mise en
disponibilité dans la zone découverte, ce qui ne peut plus
fonctionner en 1988. Donc, si on veut parler de stabilité de la
main-d'oeuvre, il faut parler d'argent. Mol, Je me souviens que, quand on a
fait une stabilité de la main-d'oeuvre et que j'étais partie
prenante avec mon client dans le parc - ce qu'on a appelé la zone de
parcs - on a constaté que, dans cette zone, cette
particularité-là, cela prenait le type d'engagement auquel le
ministère a consenti pour avoir une efficacité et faire en sorte
de maintenir un service adéquat.
Évidemment, on réitère fortement que l'entreprise
privée doit faire état d'un énoncé précis de
votre part, M. le ministre, parce qu'il est important de rassurer les
entreprises à l'heure actuelle.
Rapidement, sur les points les plus importants à mon sens du
projet de loi 34, malgré qu'on pourrait l'éplucher davantage.
Dans le cadre actuel où vous présentez votre projet de loi 34 et
sous sa forme telle que présentée, cela veut dire ceci: à
l'article 149.4, les territoires limitrophes, ce n'est pas compliqué.
Actuellement, les travailleurs dans Laurentides-Lanaudière ont
déjà un objectif et une orientation tellement précise
qu'au mois de septembre, eux - on peut
se tromper de quelques mois - ces gens-là seront sous la tutelle
de l'OSBL, la corporation d'Urgences-santé de Montréal. Et, bien
plus que cela, ils nous ont déterminé les zones de
Saint-Eustache, Sainte-Thérèse, Bois-des-Filion, Sainte-Marthe,
Deux-Montagnes, la ville de Lorraine, Repentigny, Terrebonne, la ligne de
l'autoroute 640. Il est bien évident que les objectifs visés par
l'OSBL de Montréal sont d'étendre ses tentacules à ces
territoires limitrophes. Quand on parle de territoires limitrophes, on sait ce
que cela veut dire, on n'a pas besoin du petit Larousse pour savoir cela.
Donc, aucune entreprise du groupe que je représente ne veut,
demain matin, se retrouver sous la bannière d'un territoire qui
s'appellerait la corporation d'Urgences-santé de Montréal. Et on
s'en va allègrement vers cela. La conséquence de cela, dans
l'optique où ces entreprises-là auraient signé un contrat
à budget, on se retrouverait dans la situation où le p. -d. g.
dirait aux entreprises: Écoutez, je suis d'accord pour respecter vos
contrats à budget, dans la limite, mais ne me parlez pas d'en renouveler
un autre. C'est bien évident, je n'aurai pas, de façon
bicéphale, deux organisations différentes. Une dont les
travailleurs sont là, mais que la tentacule est allée regrouper
par le biais d'une coordination des appels alors qu'on a agrandi les
territoires. Or, ces entreprises-là tomberaient sous le joug du contrat
de location de véhicules. On deviendrait des Tilden".
Le Président (M. Laporte): Excusez-moi! En conclusion.
M. Guillemette: En conclusion, 149. 5, si vous me permettez,
concernant la corporation qui peut se substituer du jour au lendemain aux
compagnies d'ambulances et aux compagnies existantes...
M. Dutil: Je suggère...
Le Président (M. Laporte): M. le ministre.
M. Dutil:... que M. Guillemette continue sur mon temps, si le
chef de l'Opposition est d'accord. Il répond à des questions que
je poserais.
M. Chevrette: Je n'ai pas d'objection.
Le Président (M. Laporte): Tout en observant...
M. Chevrette: Je vais être poli à cette heure.
Le Président (M. Laporte):... M. le ministre, qu'il y a
des membres de la commission qui ont demandé à prendre la parole.
C'est pour cela que j'essaie de tenir compte de l'équilibre en donnant
la parole. À vous la parole.
M. Guillemette: Alors, rapidement, M. le Président.
Composition des membres de la corporation. Alors, il est bien évident,
si vous avez à l'autre bout une décision à prendre et si
l'Assemblée nationale adopte le projet de loi, j'espère qu'on
aura l'obligation de respecter l'entreprise privée au point de l'inviter
à faire partie du conseil d'administration de l'OSBL au môme titre
que les salariés. C'est indispensable, parce qu'on n'est pas à
Montréal où on semble vouloir séparer les deux morceaux,
parce que les entreprises continueraient à être des entreprises
qui administrent du personnel. Donc, il est tout à fait normal que, si
votre projet de loi est adopté, on puisse prévoir cette
disposition-là dans son principe.
Dans le même contexte, on vous demande de bien vouloir revoir et
dissocier le rôle du directeur général de celui du
président du conseil d'administration. Rapidement là-dessus, je
relève juste une expression de M. Lamarche, le p. -d. g. de
Montréal, lorsqu'il dit: C'est indispensable.... Si ma mémoire
est bonne, je ne veux pas l'interpréter ou lui faire dire des choses
qu'il n'a pas dites. Il dit: Je suis mieux d'être p. -d. g. - c'est
à peu près cela - parce qu'il va falloir que j'aille parler
à du monde demain matin et ce sont mes salariés et, si je ne suis
pas p. -d. g. ce sera le président du conseil d'administration qui va
aller vendre les philosophies et les orientations et qui va dire au monde:
Faites votre job?. Ne faites pas de grève. Donnez-moi une chance pendant
cinq ans. Donc, on comprend cela. C'est légitime. Sauf que c'est
tellement légitime, M. le Président, que dans les régions,
si jamais vous continuez dans ce sens et que vous désirez apporter des
amendements à votre projet de loi et qu'il n'y a pas moyen de faire
autrement, on n'a pas le choix. S'abstenir est aussi pire que d'aller trop
loin. Nous essayons de vous dire que si vous avancez, faites au moins en sorte
que le p. -d. g. ne soit pas la même personne dans les régions,
parce que c'est diamétralement opposé en termes de fonctions,
croyez-moi. Parfois, je n'aurais pas voulu être p. -d. g., lorsque
j'étais d. g.
À l'article 149. 15, évidemment, c'est la même
chose. Dans le contexte du projet de loi actuel, l'OSBL, l'organisme, peu
importe, que ce soit le CRSSS ou l'organisme d'établissement, peut
intervenir et dire: On va donner à certaines entreprises le soin de
négocier avec vous des contrats de location de véhicules. Il y a
tout le problème des soumissions qui, à mon sens, est loin
d'être clair. Il ne respecte pas un objectif généralement
reconnu dans un secteur d'activité comme celui-là, celui de
l'ancienneté d'entreprise. Je ne vois pas comment une entreprise qui
exerce depuis plusieurs années peut accepter facilement d'aller en appel
d'offres. Que ce soit une coop ou quelque chose du genre, je n'ai rien contre,
sauf que c'est plus facile pour un regroupement, une coop, d'aller en appel
d'ofrres à des prix beaucoup plus bas. C'est une chose.
Deuxièmement, on connaît le jeu de ces appels qui peut
être dangereux lorsqu'on ne reconnaît pas le principe de
l'ancienneté des entreprises déjà en place. Je me dis
qu'il faut au moins faire en sorte que cela ne s'applique pas aux entreprises
déjà en place au moins au 1er avril 1988. Laissons-les
tranquilles, laissons-les aller. Elles vont subir les changements, elles vont
s'intégrer et par la suite, elles vont pouvoir continuer à
être en affaires au moins.
Le Président (M. Laporte): M. Guillemette.
M. Guillemette: Oui. Alors, je termine en disant que,
d'après l'ensemble des interventions, M. le ministre, je compte beaucoup
sur vous pour rétablir que l'entreprise privée a certainement une
place dans le transport ambulancier et qu'on doive l'affirmer de façon
très claire, parce que ce n'est plus possible de continuer comme cela.
On a beau faire les efforts qu'on veut et qu'on peut, selon les orientations
que la CSN a mentionnées ici même, on ne verra jamais le bout du
tunnel, et ce sera toujours à recommencer. On a certainement un choix de
société à faire, on a un choix d'organisation à
faire en termes de transport ambulancier par rapport à celui qu'on va
favoriser comme intervenant. Il s'agit d'étatiser, et on ne veut pas
être étatisés. On vous le dit tout de suite. On ne veut pas
faire de l'argent avec cela, on ne veut pas. On veut rester en affaires et on
veut travailler là-dedans. Si ce n'est pas possible de le faire, on
verra ce qu'on fera à la suite de cela.
Le Président (M. Laporte): Merci. M. le ministre.
M. Dutil: Étant donné que j'avais laissé de
mon temps pour l'intervention de M. Guillemette, je pense que c'est le droit de
parole du leader de l'Opposition à moins qu'il me laisse...
Le Président (M. Laporte): M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, quand le ministre a offert
de son temps à deux reprises, mon collègue de Lévis, me
faisait la remarque suivante que j'ai trouvée assez bonne. Il a dit: Au
lieu de leur donner du temps, il pourrait peut-être leur donner de
l'argent. Il prendrait moins de temps à parler et il serait correct.
M. Dutil: On peut faire cela avec le député de
Lévis en Chambre.
M. Chevrette: Vous avez osé passer votre tour. Vous allez
être obligé d'attendre votre tour pour faire votre farce.
Le Président (M. Laporte): S'il vous plaît! S'il
vous plaît! Est-ce que ce serait possible... M. le ministre!
M. Dutil: Je voulais dire donner de l'argent au
député de Lévis pour qu'il parle moins longtemps.
Le Président (M. Laporte): M. le ministre! M. le ministre!
M. le chef de l'Opposition, est-ce que ce serait possible d'être...
M. Chevrette: D'être sérieux?
Le Président (M. Laporte): Ce n'est aucunement une
question de sérieux. Il s'agit de respecter nos invités et de
bien vouloir leur adresser les questions, s'il vous plaît. Merci. (21 h
45)
M. Chevrette: On peut respecter quand même les
invités en lançant une bonne boutade.
Cela étant dit, messieurs, je vous dis que je suis convaincu que
le ministre, dans son for intérieur, doit avoir hâte à la
fin. Il doit avoir hâte d'entendre le Dr Richer, c'est le dernier. Je
suis persuadé qu'il a commencé à réfléchir,
lui, un Beauceron, né du secteur privé, se faire enguirlander
depuis deux jours sur un projet de loi qui n'est accepté que par un seul
groupe. J'ai l'intuition que ce n'est même pas lui qui a
décidé de la forme et du fond du projet de loi, qu'il est
même sur le point de convoquer certains d'entre vous ce soir pour vous
parler d'amendements possibles. Je suis convaincu qu'un gars ne peut, pendant
deux jours, rester insensible à une démonstration claire, sans
équivoque et évidente. Je suis persuadé que si le ministre
veut un tant soit peu son projet de loi, il est conscient, au moment où
l'on se parle, qu'il doit aller vers des compromis sérieux et des
amendements de fond. Si c'est ce qu'il fait, je l'assure d'ores et
déjà de mon concours. L'Opposition n'est pas là pour
bloquer pour le plaisir de bloquer, mais elle n'est pas là non plus, par
exemple, pour niaiser inutilement. C'est clair. Si on est incapable de le
ramener à la raison, soyez assurés qu'il trouvera le temps long.
Mais s'il est prêt à se pencher très sérieusement
sur des compromis de fond, je l'assure que ma formation politique
collaborera.
J'aurais passablement de questions à vous poser, mais je les ai
posées au groupe de Montréal et à votre
fédération cet après-midi. Si cela peut rassurer le
ministre, j'ai aussi convoqué du monde après. S'il veut faire
comme moi, il a bien beau. Je pense que tout le monde a avantage, dans ce
milieu, à trouver une solution. Une solution qui ne fera pas fi
cependant des problèmes fondamentaux, une solution qui répondra
véritablement aux problèmes que vit ce milieu mais qui respectera
les droits fondamentaux. Je voudrais citer un cas individuel. Cet
après-midi, un jeune de 35 ans - j'appelle ça un jeune parce que
je suis vieux - me disait qu'il a tout investi il y a à peine sept mois
dans une corporation ambulancière et, mon Dieu, à quoi est-il
acculé? Un autre me dit: J'ai une seule ambulance. Mon
revenu est de 29 000 $ par année et en vertu de la convention, un
de mes salariés recevra 25 000 $. Qu'est-ce qui va m'arrlver à
moi? Môme si vous l'achetiez à 60 000 $, cela lui donne 6000 $ par
année avec un placement, mais avec un maudit bon placement à part
ça. À 6000 $ par année, il va vivre gras le gars, à
45 ou 50 ans! On ne peut faire fi du droit fondamental à l'indemnisation
quand on se fait enlever son gagne-pain, son fonds de commerce; c'est
carrément faire fr du droit de propriété et, venant
lui-même de l'entreprise privée, le ministre ne peut accepter
ça. Je suis sûr qu'il va se faire renier partout dans la Beauce;
tous les Beaucerons vont...
Une voix: L'amener en ambulance.
M. Chevrette: ...le considérer comme un
renégat.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Ils vont lui fournir l'ambulance.
M. Chevrette: J'ai travaillé un an avec le juge Cliche qui
venait de Saint-Joseph-de-Beauce, et je vous avoue que je ne peux concevoir que
le ministre ne fasse pas à peu près ce que je pense qu'il devrait
faire dès ce soir.
Sur le droit de propriété, que voulez-vous, je ne peux
vous interroger puisque je suis d'accord avec vous. D'autant plus que
même la CSN, qui se disait en désaccord, a pris la peine de
l'évaluer - 22 000 000 $, dans son propre livre, je l'ai vu. C'est par
rancoeur que M. Larose s'est choqué un peu et qu'il a fait le dur; cela
m'a d'ailleurs beaucoup impressionné dans les passages. Mais dans le fin
fond, qu'est-ce que cela enlève à M. Larose que son service soit
étatisé à Montréal et que l'entreprise
privée soit respectée dans les principes fondamentaux? Je ne vois
pas ce que cela lui enlève. Son "deal" peut-être conclu,
peut-être pas avec le ministre, mais peut-être au bunker de l'autre
côté de la rue, je ne le sais. En tout cas, cela semble haut. Pour
que le ministre nous apporte une affaire de même, c'est sûrement
venu de haut. Cela arrive parfois qu'un premier ministre s'écarte un
peu, fasse un compromis avec un chef syndical, se retrouve mal pris et dise
à son ministre: Vends-le à cette heure je suis mal pris.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Ça sent ça. Je comprends que cela
peut faire rire le ministre, mais je vous garantis que je le saurai bien dans
six mois. J'en reverrai peut-être parmi vous et je leur dirai: C'est bien
cela qui est arrivé. C'est arrivé aux environs de février.
Il y a eu une rencontre où deux "deal" ont été faits. On
peut en mettre, mais il y a du vrai, même si j'essaie de romancer,
à la fois dans ce qui s'est passé, mais aussi surtout dans ce qui
devrait se passer. Là-dessus, ce n'est pas du roman. Je pense que le
ministre devrait prendre ses responsabilités immédiatement,
commencer à rédiger les amendements dans le sens des consensus
qui se sont dégagés des dix ou onze groupes qui sont
passés ce soir et avant les médecins. J'ai lu le document du Dr
Richer qui va arriver après et lui aussi apporte des amendements
très pratiques. On le connaît d'ailleurs le Dr Richer, il est
toujours pratique. Le ministre va se ramasser avec quoi? Il va se ramasser avec
un seul groupe qui l'appuie sans réserve. Imaginez! Un seul groupe qui
l'appuie sans réserve! J'ose espérer que ce n'est pas eux qui ont
rédigé le projet de loi, parce que cela sent véritablement
drôle. Je suis obligé de le dire comme je le pense. Je sais qu'on
sera accusés de n'importe quoi, mais si on arrivait à un
consensus où la CSN y trouve son compte, où on respecte les
droits des individus, mais où l'accent est mis par exemple sur le
contrôle de la qualité des soins... Cela veut dire que si c'est
mis sur le contrôle de la qualité des soins, on va permettre aux
régions également... On ne mettra pas tous nos ufs dans le
même panier, à un seul endroit qui a déjà un
système passablement chromé, mais on va tenir compte des endroits
où il y a une défaillance - une ambulance de nuit! Il y a une
dame dans la salie qui me racontait tantôt que s'il n'y a pas de
versements, elle va encore perdre ses employés. Écoutez, c'est
sérieux. On a le droit, qu'on demeure à Saint-Donat, à
Saint-Jovite ou sur la Côte-Nord, à un service de qualité
minimum. S'il faut mettre l'accent là-dessus, on va le mettre, surtout
dans une période, comme dirait le ministre des Finances, où on
traverse des années de vaches grasses. Je trouve qu'elles ne donnent pas
trop de lait, pour des années de vaches grasses.
Donc, il me paraît qu'il y a effectivement des choix de
société à faire, comme l'a dit le porte-parole du groupe
Laurentides-Lanaudière. J'ai encore espoir, au moment où je vous
parle, de ne pas être obligé de travailler pour le "fun" et pour
rien, mais de travailler correctement pour bâtir quelque chose de solide.
Je vous remercie.
Le Président (M. Laporte): Mme la députée de
Deux-Montagnes avait demandé la parole. Mme la
députée.
Mme Legault: Merci, M. le Président. Tout d'abord, je
voudrais saluer M. Goyer qui est de la région de Deux-Montagnes et le
féliciter pour le bon travail qu'il fait dans ma région. M. Goyer
offre ce service depuis plusieurs années, et je vous avoue qu'en tant
que députée, je n'ai jamais eu une plainte et en tant que
citoyenne, c'est encore la même chose. Je n'ai jamais entendu dire par
quiconque qu'on se plaignait du service ambulancier dirigé par M. Goyer,
mais...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Legault: ...cela lui coûte cher. Je peux vous dire que
ce sont des gens qui ont investi énormément.
J'aimerais connaître, soit de la part de M. Crevier, de M. Goyer
ou de M. Guillemette, les inquiétudes des entreprises privées,
celle de M. Crevier ou celles de M. Goyer face à ce projet de loi.
M. Guillemette: Le danger, c'est qu'à moyen terme - le
moyen terme, pour nous, c'est quelques années... Je vais répondre
rapidement. Je veux juste dire ceci: II faut faire de la réorganisation
du système ambulancier quelque chose de vrai au Québec. Ce n'est
pas là-dessus qu'on bloque, ce n'est pas sur la réforme ni sur
les priorités que le ministre a données. On a
démontré positivement - il n'y a pas que la CSN qui est capable
d'aider le ministre à faire une réforme - que nous aussi, on est
capables. On est capables de travailler pour trouver un compromis acceptable
quelque part. Pour répondre à votre question
précisément, ce qu'on ne veut pas, c'est que dans deux ans, trois
ans, - et cela circule dans tout le Québec - on se retrouve dans la
situation de Montréal, si on ne met pas un frein définitif et que
le projet de loi n'est pas clair là-dessus. Je vous le dis, M. le
ministre, Mme la députée, c'est ce qui va arriver. Et je ne suis
pas dans le secret des dieux. Sauf que ma petite expérience me dit qu'on
est rendus à un point tel qu'il faut arrêter le train une fois
pour toutes, sinon laissons-le passer. Il n'y aura pas de retour
là-dessus. C'est cela le danger pour l'entreprise privée.
Vous parliez de M. Goyer. Juste pour répondre rapidement, cette
année, il a investi 1 000 000 $ pour acheter des ambulances. C'est tout
ce que je veux vous dire. M. Crevier est dans le domaine des ambulances depuis
plusieurs années. Il fait son métier par amour. Ce n'est pas
parce qu'il fait de l'argent avec cela, il ne fait pas un cent. Qu'est-ce que
vous voulez que je vous dise? Il y a encore du monde de même au
Québec. Tandis que la RETAQ dit: Les "meters" des procureurs vont vite,
de l'autre bord de la table. Les "meters" des propriétaires ne vont pas
vite eux, parce qu'ils sont au neutre ce temps-ci.
Or, c'est tout un problème de fond. Il faut absolument qu'on
situe les parties une fois pour toutes. C'est tout. Qu'on dise clairement si on
a notre place ou si on ne l'a pas. Écoutez, on s'est
évertués à démontrer depuis 1986 qu'on était
de bonnes entreprises ambulancières. M. Cotton l'a dit partout au
Québec. Le ministère a dit partout que mes entreprises ont
été l'exemple au Québec, sans disgracier qui que ce soit
d'ailleurs. Sauf qu'on a travaillé fort pour arriver où on est.
Et on ne veut pas reculer là-dessus. Les autres entreprises font leur
possible pour cheminer. Chacun a sa façon de faire. Chacun a ses
orientations. Chacun n'a pas la même vision des choses dans la
philosophie des entreprises. Et nous, nous avons celle-là. Donc, on veut
continuer. On veut être progressifs dans le système. On veut qu'au
Québec on arrête de traiter les entreprises ambulancières
de bandits. Je suis tanné de l'entendre. Je suis tanné. Il me
semble qu'on devrait changer de disque un petit peu, tourner la page. On veut
travailler positivement. Qu'on nous donne la chance de le faire, M. le
ministre. C'est juste cela et vous connaissez ma pensée
là-dessus. Et soyez assuré de l'appui total de mon groupe dans
votre réforme concernant des principes touchant la qualité des
services.
Le Président (M. Laporte): Merci. Brièvement, Mme
la députée de Deux-Montagnes.
Mme Legault: Merci M. Guillemette de m'avoir
éclairée. Merci beaucoup.
Le Président (M. Laporte): M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Je voudrais vous dire qu'on a peut-être
manqué le bateau un petit peu. Si on avait amené chaque
ambulancier qui correspondait à chaque siège de
député, on aurait peut-être eu beaucoup d'appuis. Comme
vous l'avez vu, cela commence. Mme la députée de Deux-Montagnes
vient de dire que vous êtes bons. Comment peut-elle maintenant travailler
contre vous?
Une voix: Maintenant qu'elle est éclairée.
M. Chevrette: Je regarde le député de
Trois-Rivières de l'autre bord qui a fait un bout de chemin dans votre
sens. J'ai écouté le député de Chambly hier qui a
défendu le droit de propriété.
Une voix: Le député de Trois-Rivières est en
conflit d'intérêts.
M. Chevrette: S'ils continuent... Vous ne voulez pas en ajouter
trois autres? On pourrait en écouter trois ou quatre et on aurait la
majorité.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: On pourrait vous voter cela
immédiatement.
Le Président (M. Laporte): M. le député de
Chambly.
M. Latulippe: M. Goyer. M. Goyer (René): Oui.
M. Latulippe: ...Dites-moi, combien de membres avez-vous?
M. Goyer: Actuellement, je devrais en avoir
entre 75 et 80.
M. Latulippe: Pouvez-vous me dire quelle taille peuvent avoir ces
entreprises?
M. Goyer: J'ai onze véhicules et cinq points de
service.
M. Latulippe: Et les autres? L'autre monsieur au centre.
M....
M. Crevier (Michel): M. Crevier.
M. Guillemette: Moi, je n'ai pas d'ambulance.
M. Latulippe: En générai, pour les membres de votre
corporation. Quelle est la taille de ces entreprises? Rapidement.
M. Guillemette: Rapidement, cela varie d'une à douze
ambulances. Le nombre minimal de transports va de 300, à deux reprises,
l'autre à 600, à 1000 et plus, jusqu'à 3000, 4000, 5000,
12 000. (22 heures)
M. Latulippe: Si on applique la loi telle qu'elle est faite, en
particulier, si on passe d'un système de permis à un
système de d'appels d'offres pouvez-vous m'expliquer quel effet cela va
avoir sur vos petites entreprises, sur les gars qui les exploitent?
M. Crevier: J'aimerais répondre à cette question.
Je suis situé à Sainte-Adèle. J'ai une entreprise et deux
véhicules. Je ne fais pas beaucoup de transports, 1000 transports
à deux véhicules, mais étant donné qu'il n'y a
aucun hôpital dans ma région précise, je suis obligé
d'avoir deux véhicules pour assurer un service.
Cela fait onze ans que je suis là. Je peux dire que je me suis
dévoué beaucoup pour amener le service au point où il en
est. Ou jour au lendemain, on fait des appels d'offres. Arrive un gros
promoteur qui dit: Tiens, j'aimerais cela avoir cette affaire. Comme il a les
moyens, il offre plus bas que le plus bas où je peux aller logiquement.
À ce que j'ai mis pendant onze ans, bonjour, merci! On n'a aucune
garantie sur ce qu'on a travaillé à bâtir jusqu'à
aujourd'hui.
M. Latulippe: Et que va-t-il vous arriver? M. Crevier:
Pardon?
M. Latulippe: À la suite de cela, que va-t-il vous
arriver? Vous allez perdre votre entreprise?
M. Crevier: Je n'ai rien. Rien, rien, rien.
M. Latulippe: Considérez-vous que vous avez droit à
être indemnisé?
M. Crevier: Oui. Personnellement, oui. Si je fais l'historique,
quand j'ai pris mon territoire, cela fait déjà plusieurs
années qu'il n'y avait aucun service ambulancier dans cette
région, parce que cette région était calculée comme
étant non rentable. Personne ne voulait aller s'y établir. Le
CRSSS de la région, comme je voulais établir un service
d'ambulances, m'a demandé: Irais-tu t'installer là-bas? J'ai
regardé cela, et j'ai dit: Je vais y aller. Après onze ans, j'ai
réussi à en venir où je suis. J'ai deux véhicules.
Cela fonctionne kif kif, sur le bord de la ligne, mais cela fonctionne. On
m'oblige à avoir deux véhicules parce qu'a n'y a pas
d'hôpital dans ma région. Ce n'est pas moi qui ai
décidé cela. Il n'y a pas d'hôpital dans ma région,
donc si j'ai un véhicule qui part, c'est pour un minimum de deux
heures.
M. Latulippe: Est-ce que cette inquiétude pour les petits
propriétaires de perdre leur entreprise est générale parmi
vos membres?
M. Crevier: Oui, parce qu'on a de l'investissement. Nous avons
même des véhicules à changer. On se demande si on va
investir, car demain matin, on ne l'aura peut-être plus. Dans quoi je
vais m'engager?
M. Latulippe: Je pense que vous avez clairement
répondu.
Le Président (M. Laporte): Merci. Oui? Vous allez ajouter
quelque chose?
M. Guillemette: Je veux juste répondre à M.
Latulippe.
Le Président (M. Laporte): Brièvement, M.
Guillemette. M. le chef de l'Opposition? Oui, vous vouliez ajouter quelque
chose, M. Guillemette?
M. Guillemette: Juste quelques secondes pour dire au
député, M. Latulippe, que les entreprises, à la suite de
l'orientation du ministère concernant les contrats à budget, sont
dans une situation où elles ne peuvent pas à l'heure actuelle,
compte tenu du contexte qui se dégage, aller plus loin. Sauf que dans un
premier temps, cette approche nous semble extrêmement
intéressante. Cela va justement permettre aux petites entreprises, M.
Latulippe, de pouvoir commencer à respirer et à vivre au
Québec dans le domaine ambulancier. Cette étape va être
importante.
Cela va être d'autant plus intéressant si on peut amender
le projet et faire en sorte de sécuriser les petites entreprises, comme
les grosses, comme les moyennes. À l'intérieur de cela, on est
capables de mettre des balises et des dents, si une entreprise n'offre pas la
qualité de services voulue. Je ne vous demande pas de garder des
entreprises à vie, mais de faire en
sorte qu'on se donne des mécanismes, à l'intérieur
de nos systèmes, pour que, si le propriétaire n'exerce pas selon
la loi, n'exerce pas selon les prérogatives du contrat, selon les
dispositions du contrat, on le "sacre" dehors. On n'est pas là pour
protéger des entreprises qui ne font pas leur job. Ce qu'on veut, c'est
protéger les entreprises qui font leur job.
Je le dis 'd'ailleurs dans le document. On ne veut pas l'entreprise
privée à n'importe quel prix. On veut participer à mettre
sur pied un système valable et on veut être
considérés comme étant un intervenant de première
ligne. On ne rejette pas l'idée que les autres intervenants soient aussi
à la même table que nous. On est capables de se parler et on est
capables d'avancer. Mais pour cela, on a besoin d'une volonté politique
de reconnaître l'entreprise privée de façon
définitive. C'est cela qu'on veut. Après, on va continuer
à travailler de façon positive, comme on l'a fait et comme
l'ensemble des entreprises au Québec le font. Donnons la chance aux
entreprises au Québec de pouvoir penser qu'on a éclairci une fois
pour toutes un problème qui existe depuis trois ans, où on se
fait rabrouer les oreilles. C'est rendu que les gérants de banque ont de
la misère à prêter des fonds de commerce à nos
entreprises, M. Latulip-pe, pour la bonne raison qu'on dit: Mais pourquoi je te
prêtais de l'argent? On dit partout que demain matin, tu ne seras
peut-être plus là. Sur quoi vais-je me payer avec un
véhicule? Il y a des tas de situations comme celle-là. On ne veut
pas une réforme déguisée pour continuer à dire: On
a été progressifs, on a marché dans le système. On
est beaux et on est fins. On les a eus dans le détour; on leur en a fait
une belle passe. Ce n'est pas cela qu'on veut. Moi, je ne veux pas cela non
plus.
Le Président (M. Laporte): Merci.
M. Guillemette: On n'a pas été aussi loin pour en
arriver là. On veut que cela marche.
Le Président (M. Laporte): Merci. M. le chef de
l'Opposition.
M. Chevrette: Oui. Je voudrais faire une nuance à ce
moment-ci, parce qu'il y a deux sujets de discussion sur la table, en fait. Il
ne faudrait peut-être pas les mêler. Dans le cas où on
crée un OSBL et qu'on rapatrie les employés au complet et qu'ils
deviennent, à toutes fins utiles, des salariés du parapublic, je
pense qu'il faut faire l'étatisation complète, et non,
hypocritement, garder les locateurs de tôle. Mais si on ne crée
pas d'OSBL, je suis d'accord avec vous, il ne faut pas étouffer pendant
trois ou quatre ans des propriétaires privés qui ont une
main-d'oeuvre qu'ils veulent garder en plus, et qui doit recevoir des salaires
décents. Je pense que ce sont deux sujets bien distincts quand on les
traite.
Il faut traiter, dans un premier temps, la décision
ministérielle de créer un OSBL à Montréal,
d'enlever tout pouvoir, tout droit de parole, et de faire des appels d'offres
publics, comme le disait le député de Chambly. Je pense que cela
m'apparatt être un job fait à moitié.
Dans l'autre cas, si on accepte uniquement de faire des projets pilotes,
on ne doit pas pour autant laisser des gens à 1 $ l'heure pendant 168
heures, et obliger la région de Hull à n'avoir qu'une seule
ambulance de nuit. On doit avoir un service de qualité de l'entreprise
privée qu'on décide de garder, tant et aussi longtemps qu'on ne
crée par d'OSBL C'est ainsi que j'interprète les mémoires,
c'est ainsi que j'interprète l'argumentation qui a eu lieu ici pendant
deux jours et jusqu'à maintenant.
Il ne faudrait pas oublier que dans les amendements profonds à
apporter, II faut tenir compte de ces deux dimensions. C'est une chose de
créer un OSBL et d'enlever toute autorité. Cela en est une autre
de garder l'entreprise privée et de lui donner les moyens de respirer.
C'est sur ces deux fronts que l'Opposition va travailler très
sérieusement au chapitre des amendements au projet de loi, à
compter de demain midi.
Le Président (M. Laporte): M. le ministre.
M. Dutil: Oui. Un point important a été
apporté tout à l'heure par M. Guillemette. Je vais le relever,
bien que ce soit un peu en dehors du sujet, en dehors du contexte. C'est le
qualificatif de "bandit" que vous avez mentionné. Il est important de
préciser qu'aucun membre de l'Assemblée nationale n'a jamais dit
cela, ni d'un côté ni de l'autre. Je sais d'où ça
vient. Mais ce n'est pas notre opinion, ni d'un côté ni de l'autre
de la Chambre; je pense que c'est très clair. Que ce soit
véhiculé par des gens dans le public ou dans le réseau,
c'est une chose qui peut exister et sur laquelle nous n'avons aucun
contrôle, vous le comprenez bien. De toute façon, ce qu'on dit des
politiciens est en général pas tellement plus agréable, si
cela peut vous permettre de vous consoler de ce que certains peuvent dire de
vous. Ce que le député de Lévis peut dire de moi, ce que
je peux dire de lui à certaines occasions, n'est peut-être pas
plus agréable.
M. Garon: Dans votre cas, vous avez tort.
M. Dutil: Dans mon cas, j'ai tort. Ha, ha, ha! De toute
façon, tout à l'heure, quand le député de
Lévis disait qu'il serait bien mieux de vous donner de l'argent pour que
vous parliez moins longtemps, ce que je voulais préconiser,
c'était de faire la même chose avec lui en Chambre.
M. Chevrette: II vient de se reprendre.
Le Président (M. Laporte): M. le ministre! M. le
ministre!
M. Dutil: Excusez-moi, M. le Président. Je m'excuse de cet
aparté.
Le Président (M. Laporte): Merci.
M. Dutil: Une autre chose que je tiens à
démêler, tout en comprenant très bien votre argumentation -
je pense qu'elle a été très bien présentée
par vous, de même que par les deux autres groupes de propriétaires
- c'est au sujet des appels d'offres publics. Je fais une distinction quand
même entre entreprise privée - étatisation et entreprise
privée - appels d'offres publics. Je retiens votre argumentation, je
comprends la nécessité de stabilité de l'entreprise. Vous
comprenez, j'en suis certain, le problème du gouvernement qui est le
principal client et qui veut aussi s'assurer, dans une négociation avec
les entreprises, d'avoir le juste prix, ce qui est normal aussi. Je pense que
notre temps est écoulé, qu'on est en conclusion, M. Le
Président?
Le Président (M. Laporte): M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Non, tu peux conclure.
Le Président (M. Laporte): Oui, M. le ministre.
M. Dutil: Oui, j'avais compris que le chef de l'Opposition avait
conclu tout à l'heure. Alors, je conclus également en disant que
nous recevons votre mémoire. Vous pouvez être assurés que
tous les mémoires qui ont été présentés ici,
bien que je n'aie pas la même interprétation de ce qui a
été dit par les autres intervenants et par vous que l'Opposition,
qui dit qu'un seul mémoire appuie le projet de loi... Je pense que cela
a été beaucoup plus positif jusqu'à maintenant que ce qu'a
mentionné l'Opposition. J'apprécie votre présence,
j'apprécie votre mémoire et soyez assurés que nous en
tiendrons compte.
Le Président (M. Laporte): Merci. M. le ministre. La
commission des affaires sociales remercie le Regroupement des
propriétaires d'ambulances de la région
Laurentides-Lanaudière pour la présentation de son
mémoire, et nous invitons actuellement la Fédération des
médecins omnipraticiens du Québec à bien vouloir
s'avancer, le Dr Clément Richer, président, le Dr Rénald
Dutil, premier vice-président ainsi que Me François Chapados,
conseiller juridique.
La commission suspend ses travaux pour cent vingt secondes.
(Suspension de la séance à 22 h 13)
(Reprise à 22 h 17)
Le Président (M. Laporte): La commission reprend ses
travaux. On inviterait les parlementaires à bien vouloir prendre leur
siège. Je rappellerais brièvement aux représentants de la
Fédération des médecins omnipraticiens du Québec la
procédure qui nous gouverne pour cette consultation particulière
sur le projet de loi 34, à savoir que nous disposons d'un temps limite
de 60 minutes. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre
mémoire et 40 minutes de discussion avec les parlementaires. Aux fins de
l'enregistrement des débats, le porte-parole voudra bien s'identifier et
identifier les collègues avec qui il est actuellement. Donc, la parole
est à vous.
Fédération des médecins
omnipraticiens du Québec
M. Richer (Clément): Merci, M. le Président. Alors,
à mon extrême droite, le Dr Georges Boileau, qui est directeur des
communications à la Fédération des médecins
omnipraticiens du Québec; le Dr Rénald Dutil, qui vient de la
Beauce, qui est premier vice-président de la fédération et
qui est aussi, je ne dirais pas le petit cousin du ministre, mais le
président de l'Association des médecins omnipraticiens de
Montréal, où oeuvre le CCUS, comme vous le savez; Me
François Chapados, qui est connu universellement, je pense bien, de la
plupart des membres ici, c'est notre conseiller juridique. Je suis
Clément Richer, le président de la fédération.
M. le Président, M. le ministre, M. le chef de l'Opposition, Mmes
et MM. les membres de la commission parlementaire, je vous remercie de nous
recevoir, même s'il est tard. En fait, je pense qu'il est aussi tard pour
vous que pour nous, mais on va essayer de faire pour le mieux dans les
circonstances. J'ai présenté un mémoire aux membres de la
commission sur lequel je ne veux pas revenir sauf, peut-être, sur un
article. Je vais vous faire des commentaires d'ordre général sur
le projet de loi 34 qui, quant à nous, doit viser un certain nombre
d'objectifs. On en a décelé quatre. Ce n'est pas exclusif, mais
je vais essayer de réfléchir rapidement sur ces objectifs qu'on
croit percevoir dans le projet de loi. Tout d'abord, on pense que ce projet de
loi veut régir, dans tout le Québec, le système du
transport ambulancier, créer possiblement diverses centrales de
coordination et accorder une importance plus grande, si vous voulez, à
une meilleure formation en matière de transport ambulancier. Pour nous,
c'est une amélioration par rapport au statu quo. Donc, à cet
égard, le projet de loi 34 est un plus.
Deuxième objectif. Dans l'agglomération
montréalaise, je pense bien que le projet de loi ne voudrait pas
provoquer une discontinuité dans les services assurés
actuellement par le système
d'urgences préhospitalières qui existe à
Montréal. Bien sûr, je pense que tout le monde veut
améliorer ce système. On a certaines interrogations. La
première: le projet de loi est silencieux sur le maintien du
système de triage. Je pense que tout le monde vise à sauver du
temps d'intervention; on parle de gagner de deux minutes à deux minutes
à demie sur le temps d'intervention. Comme médecin qui ai fait de
l'urgence pendant 25 ans, je peux vous dire que c'est important ces deux
minutes. La "golden hour", c'est vraiment important! Mais on se dit alors que,
si pour gagner ces deux minutes, on entreprend d'instaurer un système
qui va faire qu'il y aura une ambulance pour un appel, il se peut que
théoriquement on gagne deux minutes, mais il se peut que cela alourdisse
considérablement le système qui va devoir disposer d'une flotte
d'ambulances très lourde forcément. Montréal a
actuellement 150-175 visites par jour, mais a 1000 appels par jour. Donc, si on
dit: Un appel, une ambulance, il va falloir que cela soit 1000 ambulances,
alors qu'actuellement, c'est de 150 à 175 ambulances. Vous voyez la
proportion, le ratio entre les deux.
Bien sûr, on améliorerait sans doute la qualité de
services vis-à-vis des patients, la rapidité d'intervention, mais
quelle serait cette sorte d'intervention? Est-ce que cela va gagner du temps?
Pas nécessairement, parce que les ambulances seraient peut-être
occupées ailleurs quand on en aurait vraiment besoin pour un cas lourd;
les médecins ne seraient peut-être pas toujours présents
puisqu'on aurait un "dispatching" augmenté; et cela provoquerait
possiblement une espèce d'engorgement des urgences hospitalières.
D'où, voyons-nous, un certain intérêt à maintenir le
triage actuel pour les urgences, avec des médecins qui sont la comme
conseillers, si vous voulez, pour donner leur expertise aux médecins de
service. Les infirmières, on a pu en faire la preuve, ont acquis une
compétence certaine dans ce dossier.
Pour gagner du temps cependant - l'un des objectifs que poursuit le
projet de loi - il y aurait peut-être lieu de repenser certainement les
arbres de décisions. Les arbres de décisions, c'est
l'espèce de protocole de questions qu'on doit demander, les
infirmières et nous, comme médecins, quand un patient nous
appelle: Docteur, j'ai mal dans la poitrine, je ne me sens pas bien. Qu'est-ce
que je dois faire? À ce moment-là, on pose un certain nombre de
questions pour essayer de déterminer si c'est uniquement une douleur
costale ou s'il y a des dangers qu'il y ait une douleur cardiaque ou un
infarctus plus important. Pour nous, il est donc important que cet ordre de
triage existe, mais qu'il soit le plus léger possible. Il y a donc des
possibilités de l'alléger pour gagner du temps.
Deuxièmement, je pense qu'il faut s'assurer que le médecin
soit présent rapidement, dans un système d'urgences
préhospitalières, pour intervenir dans le cas où il a
besoin de donner des soins pour stabiliser l'état du patient avant qu'il
soit hospitalisé.
Troisièmement, il est aussi important d'articuler ce
système de soins préhospitaliers d'urgences avec un transport
ambulancier adéquat.
Quant au troisième objectif qu'il nous semble percevoir dans le
projet de loi, c'est qu'en dehors de Montréal, on veut prévoir
pour les régions la possibilité de dispenser des services autres
que le service de transport ambulancier, par exemple, les services
médicaux. En général, la profession médicale - les
médecins que nous sommes, appelés à dispenser des soins -
est d'accord avec cet objectif. On veut tout simplement tenter de
préciser quel serait le rôle du médecin dans un tel
système et quelle serait la portée des ententes conclues en vertu
de l'article 19 de la Loi sur l'assurance-maladie.
Le quatrième objectif que semble viser le projet de loi en est un
d'amélioration de la qualité des soins. On perçoit
déjà qu'avec une meilleure formation des techniciens
ambulanciers, qui passe à quelque chose comme 825 heures, il en
résultera certainement une amélioration très
appréciable de la qualité des soins. Le technicien ambulancier et
le médecin forment une équipe. Et les deux, c'est comme si vous
aviez Guy Lafleur et Jean Béliveau - enfin, je suis à
Québec ici, peut-être que je devrais citer d'autres noms - mais si
vous avez deux bons joueurs sur la même ligne; c'est sûr que vous
allez "scorer" davantage. Nous pensons que si on améliore l'un des
intervenants, et l'autre, c'est son devoir de le faire comme médecin,
l'équipe étant meilleure, on devrait produire une meilleure
qualité de soins. De sorte que ce n'est pas un objectif pieux, quant
à nous, c'est un objectif qui semblerait se réaliser par le
projet de loi.
Notre mémoire vous a déjà été
distribué. Je n'y reviens pas, sauf sur un point, M. le
Président. La corporation qui serait formée en vertu de ce projet
de loi est une corporation sans but lucratif mais qui n'est pas un
établissement au sens de la loi. Ce n'est pas un hôpital, ce n'est
pas un CLSC, ce n'est pas un centre d'accueil. C'est cela un
établissement, au sens de la loi, qui régit donc nos ententes. Si
ce n'est pas un établissement au sens de la loi, il faudrait
prévoir une structure à l'intérieur de cela qui soit comme
un conseil de médecins et de dentistes qu'on a dans un hôpital.
Pourquoi? Parce que nous sommes un groupe de 150 à 175 médecins,
plus ou moins, qui travaillons à l'intérieur de cela - je prends
le CCUS à Montréal, tel qu'il existe, c'est un exemple connu.
Pour régir de 150 à 175 médecins, point n'est besoin de
vous dire qu'il est utile d'avoir un organisme qui coiffe cela, formé de
pairs. Pourquoi? Premièrement, pour surveiller la qualité de
l'acte, la confidentialité des dossiers, surveiller la formation des
médecins la liste de garde, les règles, les normes. Je pense
qu'une entité comme cela est essentielle au bon fonctionnement d'un tel
système. Cela
prend l'équivalent, si vous voulez, d'un conseil de
médecins et de dentistes, l'équivalent d'un chef de
département ou d'un président de conseil de médecins et de
dentistes pour s'assurer que les services sont distribués avec soin.
Dans le système actuel - cela est bien dit dans notre
première entente qui est signée depuis 1981 - les médecins
ont consenti en fait à ce qu'il y ait un système organisé
de dispensation de visites médicales d'urgence, hors
établissements, donc, préhospitalières, auquel ils ont
voulu collaborer pour l'améliorer et pour faire un peu le contrepoids
à ce qui existait dans ce temps-là, soit les visites
médicales organisées par toutes sortes de compagnies. SI vous
voulez, on a consenti à laisser la partie gouvernementale organiser ce
système, en y collaborant. En contrepartie, on a aussi consenti à
s'abstenir d'organiser un système parallèle, parce qu'il y avait
des garanties dans le système. De sorte qu'on dit que ces garanties
doivent être actuellement incorporées à la loi pour
s'assurer qu'il y ait un organisme, un comité ou un conseil, peu importe
le nom qu'on lui donnera, qui assume le rôle de garantir ou d'agir, de
façon analogue à un conseil de médecins dans un
établissement actuellement. Voilà les commentaires que je voulais
vous faire. Le Dr Boily me fait remarquer de faire inscrire le mémoire
au procès-verbal de la commission, je le mentionne. C'étaient un
peu les quelques commentaires rapides que je voulais faire pour donner la
chance peut-être, à la période de questions, de faire
ressortir les points que vous souhaiteriez aborder avec nous.
Le Président (M. Laporte): On tient à vous
remercier et à vous préciser que votre mémoire est
déjà enregistré auprès de la commission. M. le
ministre.
M. Dutil (Beauce-Sud): Merci de votre présentation. Je
vais vous dire tout de suite que vous n'avez aucune crainte à
évoquer le nom de Jean Béliveau et de Guy Lafleur à
Québec; ce sont deux gars de Québec. Ils ont joué à
Montréal, par hasard. Le système de triage dont vous avez
parlé tout à l'heure, il est important de le soulever à
nouveau et de bien faîre ressortir la question, puisque vous l'avez
mentionnée, de l'heure, qui est très importante. La "golden hour"
est très importante dans les cas d'extrême urgence. Mais il y a un
compromis à faire entre pas de tri du tout et le tri qui est celui que
nous connaissons actuellement. Ce que vous préconisez, si j'ai bien
compris, c'est un allégement du tri tel qu'il se fait actuellement ou au
moins une étude pour voir s'il y aurait lieu de l'alléger de
sorte que ce que l'on peut regagner en temps, on le regagne, sans augmenter
nécessairement les ressources sur le terrain. Est-ce que j'ai bien
interprété vos paroles? (22 h 30)
M. Richer: Oui, peut-être que mon collègue,
Rénald Dutil, pourra compléter. Je pense que le tri est
nécessaire, parce que, sinon, on va dépenser, au sens vraiment
littéral du mot, des énergies considérables, pas
uniquement en termes d'investissements économiques - si c'était
rien que cela, c'est déjà important, mais on pourrait en discuter
- mais en termes d'investissements intellectuels et de livrer une sorte de
médecine qui n'est pas nécessaire.
On ne peut pas dire qu'on aspire comme société, à
moins qu'on soit timbrés, à livrer de la médecine de
cabinet à domicile. Ce n'est pas cela qu'on veut faire. Je pense qu'on
ne veut pas transporter Eaton dans chacune des maisons. On est encore capables
d'aller acheter sa chemise chez Eaton. C'est la même chose pour un
service médical. On est encore capables de le requérir en cabinet
du médecin, là où il doit être donné
normalement, sauf que, dans une société comme la nôtre, on
doit aussi être capables d'offrir des services d'urgence hors
établissement, pas uniquement préhospitaliers, si vous
voulez.
Ce que je veux dire là-dedans, c'est qu'on peut concevoir que des
patients nous appellent, disons, à quelque heure du jour que ce soit,
pour un bébé qui fait 103 ou 104 de température. Pour la
patiente ou le patient qui nous appelle, c'est une urgence. On le comprend
très bien et notre devoir de système bien organisé, c'est
de répondre à cette urgence-là, soit en lui donnant les
conseils qu'il faut au téléphone et en lui demandant de nous
rappeler si cela n'allait pas bien plus tard ou, deuxièmement, en lui
offrant des services professionnels à domicile pour aller voir sur place
l'objet de son appel, aller le vérifier.
Une fois sur place, de deux choses l'une, ou le bébé qui
fait 104 de température est un cas d'hospitalisation ou c'est un cas
d'otite banal qui mérite un traitement d'urgence qui est donné.
C'est cela que je qualifie d'urgence hors établissement. Donc, ce n'est
pas un service d'urgence préhospitalier; il n'aurait jamais eu besoin
d'être hospitalisé. Sauf que, si on dit: Un appel, une ambulance,
on va se rendre plus vite. La mère va appeler; l'ambuiance va y aller.
Elle va prendre le bébé et elle va l'apporter à
l'hôpital. Il va avoir le même traitement. Je ne pense pas que cela
diminue la qualité des soins, loin de là, je pense que cela
alourdirait le système indûment.
On doit être capables de fournir: premièrement, l'appui
scientifique voulu pour que le patient qui appelle se sente en confiance;
deuxièmement, s'il faut se rendre sur place, parce qu'il a plus à
faire que de faire un simple diagnostic par téléphone, parce que
ce n'est pas évident, on y va; troisièmement, sur place, on juge,
ou il a besoin de l'hospitalisation et, là, le système peut la
lui fournir ou il n'en a pas besoin et on le traite à domicile. C'est
peut-être la façon la plus économique de traiter, en
général, des cas qu'on peut appeler des urgences.
M. Dutil (Beauce-Sud): La question du triage fait l'objet,
malgré que ce ne soit pas écrit dans le projet de loi, de
discussion ici.
Chacun, de part et d'autre, nous avons demandé l'opinion des
divers intervenants à ce sujet-là. Pour faire cette
vérification d'allégement éventuel, si nécessaire,
vous procéderiez comment? Par une étude? Par une
vérification sur place? Par un chercheur? De quelle façon
procéderiez-vous?
M. Dutil (Rénald): Bien, voici. Je pense qu'une
étude peut être faite. Il y a d'ailleurs un projet de recherche
qui a été proposé par Urgences-santé et le Groupe
de recherche interdisciplinaire en santé de l'Université de
Montréal, projet de recherche qui porte sur la prise d'appels de
façon à voir comment on peut optimiser ce système et
réduire les erreurs de décision.
Or, ce projet de recherche est prévu pour les prochains mois. Les
conclusions de cette étude seraient apportées vers le mois de
mars 1989, si je me souviens bien. Il m'apparaitrait important de
s'arrêter à une telle étude, puisque, tel que le disait le
Dr Richer, aucun tri m'appa-râît peu réaliste lorsqu'on
connaît bien toute la problématique d'un système pour une
ville comme Montréal, d'une part.
D'autre part, le temps-réponse actuel est un peu long entre la
réception de l'appel et l'affectation de la ressource. Il y a
sûrement lieu de réduire ce temps-réponse de quelque deux
minutes qui sont très importantes. Or, comment le réduire? Je ne
pense pas qu'on puisse y aller à peu près. Urgences-santé
existe déjà depuis près de six ans et ce qu'on appelle les
arbres de décision, c'est-à-dire le processus par laquel on
arrive à prendre une décision d'affecter une ressource ou pas,
ont donné lieu à de nombreuses études, à de
nombreuses expérimentations, à beaucoup d'évaluation. On a
donc un processus qui est actuellement assez sophistiqué, où les
erreurs de décision sont réduites au minimum. Le temps requis
pour prendre une décision est un peu trop long. Comment le
réduire? À cause, justement, de toute la difficulté de ce
processus, je pense qu'il faut procéder à une étude. Le
projet de recherche qui a été proposé par
Urgences-santé et le GRIS de l'Université de Montréal
paraît opportun à ce moment-ci.
M. Dutil (Beauce-Sud): D'accord. Merci pour votre réponse
là-dessus. Quant à la formation, vous en avez parlé un peu
tout à l'heure. Vous avez soulevé que les 825 heures
étaient une amélioration. Encore là, certains
préconiseraient d'aller jusqu'à ce qu'on appelle les paramedics,
bien que ce terme ne soit pas toujours le même de la bouche de l'un ou de
l'autre. On parle, pour certains, d'une formation de 1200 heures et, pour
d'autres, d'une formation de 2500 heures. On voit qu'il y a une grande marge
dans la définition. Quelle est votre opinion sur le choix que nous
faisons des 825 heures par rapport à ceux qui préconiseraient
d'aller à une formation beaucoup plus élevée que
celle-ci?
M. Richer: II est très difficile de répondre
à cette question d'une façon adéquate, M. le ministre.
Cependant, je peux vous dire que 825 heures sont quatre fois mieux que 200
heures. Probablement que 1650 heures seraient deux fois mieux que 825 heures.
Ce que je veux vous dire là-dessus, c'est que plus l'intervenant qui va
être à ma droite dans une ambulance ou à ma gauche - peu
importe, selon l'endroit où je me trouverai - va être
qualifié pour intervenir avec moi, pour essayer de ranimer un patient,
plus je vais sentir que l'équipe que je forme avec le technicien
ambulancier est forte. Si on devait en arriver à une formation de 2500
heures, ce ne sont certainement pas les médecins qui s'opposeraient
à cela. Je pense que le médecin aura toujours sa place dans une
ambulance, dans un cas d'urgence préhospitalière. Il aura sa
place avec la personne la plus qualifiée possible à
côté de lui. Je pense que c'est la meilleure qualité de
service que l'on peut produire.
Je sais bien que cela semble utopique parfois. On ne peut pas toujours
avoir l'hôpital Notre-Dame à côté d'un blessé,
au coin de Peel et Sainte-Catherine, mais si on peut tenter d'améliorer
un système, je pense que c'est en améliorant la formation des
intervenants à l'intérieur de ce système qu'on y
parviendra.
M. Dutil (Beauce-Sud): II y a maintenant un autre problème
qui est soulevé et une autre critique qui a été
apportée, c'est que, si on donnait une formation aussi
élevée que celle de 1600 ou de 2000 heures au personnel
technicien ambulancier - supposons que ce soit réaliste de le faire dans
un délai raisonnable - il y a tout le problème de la
délégation des actes médicaux. J'aimerais bien vous
entendre là-dessus parce qu'on sent qu'il y a de la résistance du
côté des médecins, même lorsqu'une formation est
assez avancée sur le plan des techniciens ambulanciers, donc davantage
vers le paramedic, à accorder la possibilité de
déléguer des actes médicaux.
M. Richer: Oui. On a eu l'occasion de parler beaucoup, devant la
commission Rochon, de la délégation des actes. Vous savez, M. le
ministre, que ce ne sont pas les médecins qui ont le plus de
problèmes à déléguer des actes à d'autres.
Ce sont ceux à qui on délègue qui ont de la misère
à les déléguer à d'autres. Je comprends cela. La
loi est d'ailleurs faite comme cela. Je pense que les avocats vont le
comprendre mieux que moi - moi, je suis juste un médecin - mais les
pouvoirs délégués ne se délèguent que
très mal. C'est la même chose en médecine. Cela fait 30 ans
que je pratique la médecine et cela fait 30 ans que je n'ai pas de
problème à déléguer. Quand je fais de l'urgence et
que je prescris un pansement à tel brûlé, je ne le fais
jamais, heureusement, parce que je me rends compte d'ailleurs que
l'infirmière les fait beaucoup mieux que moi. On a été
habitués à travailler dans une équipe où on
délègue tout,
spontanément; on est sur place pour les déléguer.
Mais il est bien difficile de déléguer pour tout le temps une
sorte d'acte dont on ne pourrait pas vérifier le résultat. Si
c'est ce que vous vouiez dire, bien sûr que cela pourrait occasionner
certains problèmes. D'ailleurs partout, à ma connaissance,
où il y a des paramedics qui travaillent seuls, en apparence, à
l'écran de télévision à Los Angeles, ils sont
toujours reliés - comme vous le voyez vous-mêmes peut-être -
par téléphone. Dès qu'il y a un gros problème de
choc, ils disent: Docteur - je ne sais pas qui est de garde à
l'hôpital général du bout à Los Angeles - et
celui-ci dit: Oui. Bien sûr. Tu mets un sérum. Tu mets un
soluté. Tu ouvres les deux veines, tu mets un cathéter dans la
trachée et tu aspires un petit peu l'estomac parce qu'il a pris des
barbituriques, etc. Mais il y a toujours quelqu'un qui est le promoteur de la
délégation de ces actes. On ne peut pas dire: Je vous
délègue en permanence la pratique de la médecine. Cela ne
pourrait pas se faire, bien sûr, même à un paramedic.
Le seul à qui je pourrais déléguer la pratique de
la médecine, parce que c'est la loi médicale qui est faites comme
cela, c'est à un autre médecin. Autrement, je veux travailler en
accord avec un coéquipier, le mieux formé possible, fût-il
une infirmière, d'ailleurs c'est nous qui avons insisté pour
avoir des infirmières à Urgences-santé et c'est nous qui
insistons aussi pour avoir les coéquipiers les mieux formés
possible afin de travailler avec une meilleure qualité pour donner des
soins aux patients. Sauf que si vous me demandez indirectement: Est-ce qu'on
peut remplacer le médecin par un paramedic, ma réponse est
claire, c'est non parce que je pense qu'on doit faire partie, comme capitaine,
de l'équipe de base pour donner ces soins-là aux patients, en
urgence.
M. Dutil (Beauce-Sud): Pour terminer, seulement afin de voir
si...
Le Président (M. Laporte): Oui, M. le ministre.
M. Dutil (Beauce-Sud):... je comprends bien. Autrement dit, s'il
n'y a pas ce qu'on appelle la télémétrie,
c'est-à-dire le contact entre l'hôpital et un médecin,
parce que le médecin ne peut pas être au même endroit que le
technicien ambulancier, même s'il est paramedic, en tout temps, vous
considérez que la formation de paramedic ne serait pas utile, parce
qu'il ne pourrait pas faire ce qu'il a appris, puisqu'il n'est pas
supervisé par un médecin.
M. Richer: Je pense bien que, généralement, les
paramedics agissent toujours sous supervision médicale. Je pense que
c'est normal; exactement comme nous, dans un hôpital, on agit toujours
sous supervision de nos pairs. Il n'y a jamais rien qui se fait dans un ciel
éthéré sans rendre de comptes à personne. C'est un
peu comme un ministre, il doit être sous la supervision de quelqu'un. On
est tous interreliés à un organisme ou à un
système. Ce que je veux dire, c'est qu'au fond, si on peut avoir la
personne la plus compétente possible dans un système
donné, mieux vaut donner la chance à ce système
d'éclore. Oui.
M. Dutil (Beauce-Sud): Sous la surveillance de l'Opposition, je
vous assure que ce n'est pas toujours drôle.
M. Richer: Oui, c'est ce que je pensais.
Le Président (M. Laporte): M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Dr Richer, vous pouvez respirer, nous autres, on
n'est pas en tutelle.
Je voudrais vous poser une question. Ce matin, les médecins
d'Urgences-santé ont témoigné et ils nous ont parlé
d'un manque dans le projet de loi qui était celui de l'absence d'une
obligation de fixer des standards minimaux de qualité. Faites-vous la
même observation qu'eux? Avez-vous pu observer que, dans le projet de loi
actuel, aucune obligation n'est faite quant à la fixation de standards
minimaux de qualité?
M. Richer: Je peux parler, M. le chef de l'Opposition, des
standards de qualité médicaux. C'est pour cela que j'ai
insisté tellement sur l'un des articles - je ne voulais par revenir sur
la lecture de notre mémoire, vous l'avez en votre possession - qui
m'apparaît important, c'est d'instaurer une structure, de permettre la
formation d'une structure à l'intérieur de quelque service de
coordination d'urgence que ce soit, une structure médicale,
l'équivalent d'un conseil de médecins dans un hôpital parce
que c'est cette structure qui va s'assurer de la qualité des soins et de
la surveillance des pairs.
Je vous entendais tout à l'heure citer l'exemple du patient ou de
la patiente qui, ce matin ou hier, avait été
déclaré mort par un médecin d'Urgences-santé. Ce
sont des incidents, bien sûr, qui sont possibles. Je ne lancerais pas la
pierre trop facilement parce que j'ai vu des personnes intoxiquées aux
barbituriques et ce n'est pas toujours facile de ne pas méprendre cela
avec la mort. D'ailleurs, j'ai déjà vu, à la
télévision, des députés qui dormaient pendant les
allocutions d'autres députés et je me disais: À vrai dire,
je les déclarerais quasiment morts, tu sais...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Richer: C'est pour vous dire que ce n'est pas toujours facile,
comme médecin, de poser des diagnostics précis. Ceci dit - il
faut bien essayer de se réveiller à cette heure-ci - je pense
qu'on doit se donner tous les moyens
quand même pour s'assurer de la qualité de l'acte. Pour
nous, les médecins, le meilleur moyen, c'est une organisation de pairs,
parce qu'il n'y a rien de plus sévère que des pairs. Cela, vous
allez peut-être sourire, mais je vous assure que c'est vrai. Je pense que
chacun de vous qui avez l'occasion d'être jugé par d'autres pairs
- là, je parle à une assemblée qui peut l'éprouver
facilement... Je pense que c'est vrai. On est souvent plus
sévères pour les gens qui exercent le même métier,
entre guillemets, que nous et c'est une assurance de qualité. Quand on
ne sera plus capable, comme groupe professionnel, de vous assurer de cette
qualité, vous aurez très certainement, comme l'Assemblée
nationale, à prendre des décisions sérieuses à
notre propos.
M. Chevrette: ...Ce n'est pas que je veuille vous mettre en
contradiction, mais j'essaie de faire... Je sais qu'ils sont de votre groupe,
c'est quasiment un appui que vous venez leur donner, à toutes fins
utiles, ou qu'eux vous ont donné ce matin. Mais, là, je ne
voudrais surtout pas discuter de qui appuie qui. (22 h 45)
II y avait une nuance, en ce qui concerne la nomination du
médecin d'Urgences-santé, par rapport à la proposition que
vous faites dans votre mémoire. Dans votre mémoire, c'est:
après consultation avec votre organisme, alors que les médecins,
ce matin, disaient: une élection entre nous, de notre
représentant, si ma mémoire est fidèle. On a eu assez de
groupes, mais il me semble bien qu'ils ont proposé cela - parce qu'on
n'a pas les galées - que ce soit après élection entre eux.
Comment considérez-vous cela?
M. Richer: On n'en a pas discuté à vrai dire avec
eux, mais je pense qu'un organisme à but non lucratif n'est pas un
organisme politique d'abord; c'est un organisme qui a une vocation visant
à administrer quelque chose. Donc, je ne sais pas si je
procéderais nécessairement par élection de quelqu'un
là-dessus. Je pense qu'un organisme politique, comme l'Assemblée
nationale ou la fédération à un autre palier,
procède par des élections, c'est normal. Donc, on est imputables
de ce qu'on fait devant les gens qui nous élisent. Cependant, pour avoir
un conseil d'administration dans un organisme, je ne pense pas,
nécessairement, que ce soit indiqué d'avoir des gens qui sont
élus. D'ailleurs, si je me fie à l'expérience qu'on a eue
avec les conseils d'administration des hôpitaux, où il y avait des
gens qui étaient élus pour représenter une partie de la
population sur ce conseil d'administration, je pense que cela n'a pas atteint
les objectifs voulus. De sorte que je me dis que le processus
démocratique qui fait qu'on élit nos représentants
à un niveau donné n'est pas toujours le meilleur, c'est selon la
vocation de l'organisme qui est créé, si vous voulez, en
l'occurrence par le projet de loi 34.
Maintenant, c'est une opinion que je vous donne là à
brûle-pourpoint. Bien sûr, on est prêts à en
rediscuter avec les gens d'Urgences-santé. Je ne penserais pas qu'on en
arrive à se chicaner très fort là-dessus.
M. Chevrette: Maintenant, M. Richer, on sait que, dans le domaine
de la santé et des services sociaux, en règle
générale, on procède toujours... Comme structure, on a un
conseil d'administration avec un président, avec un directeur
général et des cadres intermédiaires, etc. Dans le
présent projet de loi, sans qu'on ait eu d'explication encore de la part
du ministre, parce qu'on en est aux auditions et non pas de la discussion de
fond sur chacun des articles, on assiste à la nomination d'un p.-d.g. Il
faut dire que c'est un peu hors de l'ordinaire, il l'est par anticipation,
parce que juridiquement, la corporation n'existe pas encore.
Que pensez-vous d'une nouvelle structure où on a un p.-d.g. au
lieu d'une direction générale qui relève d'un conseil
d'administration et d'un président autonome, au-dessus de la structure
administrative comme telle ou executive? Je ne vous ai pas prévenu de
celle-là, j'aurais aimé vous le dire avant...
M. Richer: Non! En fait, vous parlez à un p.-d.g., M.
Chevrette, donc je ne peux pas...
M. Chevrette: Oui, mais vous êtes considéré
comme un syndicat.
M. Richer: Oui.
M. Chevrette: Ce n'est pas du tout la même formule que dans
le domaine...
M. Richer: Oui.
M. Chevrette: J'ai pris la peine de dire: "dans le domaine de la
santé".
M. Richer: Oui.
M. Chevrette: En général, je parle de structures
non pas hiérarchiques mais de services dans le domaine de la
santé.
M. Richer: C'est sûr que c'est une formule
particulière. Quel en sera le mérite? Je ne le sais pas. C'est la
première fois que j'expérimente cela, sauf qu'en soi, cela ne
m'effraie pas plus que cela. L'important là-dedans, c'est que le conseil
d'administration, dont ce p.-d.g. présidera les destinées, soit
un conseil qui se tienne et qu'il soit représentatif de
l'éventail de la société proche que cela doit
représenter. Si ceci est respecté, cela ne m'inquiéterait
pas plus de travailler avec un p.-d.g. qu'avec un d.g. et un président,
en soi. C'est une formule que je n'ai pas encore expérimentée; je
suis prêt à lui donner une chance. On verra à en faire
l'autop-sle, puisque je suis médecin, dans quelques
années, si ce n'est pas viable.
M. Chevrette: êtes-vous favorable à la
représentativité des différents corps de travail au sein
du conseil d'administration?
M. Richer: Différents corps de travail?
M. Chevrette: Par exemple, il y a des infirmières dans la
boîte: Est-ce que c'est normal qu'il y ait une infirmière si on
dit qu'il y a trois membres de la corporation? Est-ce que c'est normal, par
exemple, qu'il y ait un cadre intermédiaire, une infirmière, un
technicien-ambulancier - puisque le médecin, c'est déjà
réglé, au moins, par la loi? Est-ce que vous trouvez normal que
les corps de travail ou les groupes professionnels, peu importe l'expression -
à cette heure-là, vous me pardonnerez les synonymes - soient
représentatifs de ce qui existe dans la boîte?
M. Richer: En tout cas, je ne trouve pas cela anormal. Je pense
bien que, si un organisme qui est un organisme, essentiellement, de services,
comme vous I'ave2 mentionné...
M. Chevrette: Vous comprendrez que je suis en train de me faire
appuyer dans mes éventuels amendements. Je suis aussi franc que cela, je
vous le dis.
M. Richer: Un organisme qui donne essentiellement des services,
dont c'est la vocation, comme celui-là, à mon avis, il n'est pas
anormal de penser qu'il y ait des représentants de ceux qui fournissent
ces services-là. Mais je ne dirais pas que c'est exclusif. Il pourrait
également y avoir des représentants de ceux qui reçoivent
les services, de sorte qu'il y ait une certaine pondération. Cela
m'apparaît logique que des gens qui donnent des services soient
représentés au conseil d'administration. Cela m'apparaît
également logique que des gens qui reçoivent ces services y
soient représentés.
M. Chevrette: Donc, vous seriez également pour les
usagers.
M. Richer: Oui, si on peut trouver une formule, cependant, qui
soit attrayante pour les usagers. Je ne reproche rien à la formule
actuelle que je vois dans les hôpitaux, mais je constate qu'elle n'a pas
été productive comme on voulait qu'elle le soit. C'est sans doute
la faute de ceux qui ont pensé cette formule. Ce n'est pas grave; je ne
porte pas un jugement de valeur, je constate. Mais je pense qu'on devrait
s'employer à en trouver une meilleure pour que les gens qui vont se
présenter, être élus ou être nommés là
soient vraiment des gens intéressés à représenter
le milieu pour lequel ils sont nommés ou élus, peu importe, parce
que, sinon, on en arrive à une espèce de
désintéressement et, qu'ils soient p. -d. g. ou d. g., c'est
là qu'une seule personne mène, parce que son niveau d'information
est tellement supérieur à tout ce que les autres peuvent avoir
que, finalement, il est tout seul à pouvoir diriger la boîte.
Alors, moi, c'est ce que j'ai constaté dans ma courte vie au sein
de ces conseils d'administration où les gens, parce qu'ils
n'étaient pas assez sensibilisés à l'importance de leur
rôle - nous aussi, on a des mea culpa à se faire peut-être -
ne le jouaient pas parfaitement bien. Ils auraient probablement voulu avoir de
meilleurs outils pour donner un meilleur rendement à ce point de
vue-là. Par conséquent, je pense que les gens qui donnent les
services devraient être là, je pense que les gens qui
reçoivent les services devraient être là et je pense, en
même temps, qu'on doit imaginer une formule pour que tout le monde sache
pourquoi il est là.
M. Chevrette: Si vous aviez à suggérer, comme corps
médical, une amélioration, en ce qui concerne les services ou les
soins préhospitaliers, d'abord sur la suggestion de changer cela, au
lieu d'appeler cela transport ambulancier, d'appeler cela soins
préhospitaliers ou services préhospitaliers, est-ce que cela vous
sourit?
M. Richer: En fait, c'est cela dans les faits. Dans notre
entente, cela a toujours été ça. Ce sont des services
d'urgence à domicile ou préhospitaliers. Pour le public, c'est
peut-être un nom bien long. C'est devenu Urgences-santé et cela a
été le nom qui a été retenu. Mais, pour nous, le
nom en soit importe peu. La réalité, c'est que je pense que le
meilleur système là-dedans, c'est un service d'urgence à
domicile et préhospitalier. Cela dit, est-ce qu'on pourrait trouver un
acronyme très court pour faire que ce soit popularisé dans la
population? C'est possible, mais le nom ne m'effraie pas du tout. Je pense que
c'est la réalité.
M. Chevrette: Connaissant bien Urgences-santé,
actuellement, à Montréal, quelles sont les lacunes que vous
pourriez souligner qui méritent d'être rapidement
corrigées, du point de vue médical?
M. Dutil (Rénald): Ce n'est pas facile de répondre
à cette question, puisque c'est un système dont la qualité
est actuellement reconnue par à peu près tous les intervenants
dans le dossier. M. Forget, dans son rapport, reconnaissait d'ailleurs la
qualité du système d'Urgences-santé, d'une part. Il y a
certainement lieu de revoir toute la structure administrative du système
qui, ma foi, est un peu lourde. On est sympathiques aux recommandations qu'on a
vues dans le rapport SECOR, comme, entre autres, d'alléger la structure
administrative du système. Elle est lourde et elle est coûteuse.
Il y a sûrement lieu d'évaluer cela.
Le temps-réponse, on vous l'a souligné tout
à l'heure, je pense que des études doivent être
faites pour tenter de réduire davantage le temps-réponse et
arriver avec un temps-réponse qui soit à peu près celui de
la ville de Toronto, par exemple, où on a un temps-réponse
d'environ six minutes. Mais en ce qui concerne la qualité des soins, la
structure médicale actuelle, qui a été instituée
par l'entente particulière d'Urgences-santé, permet de faire une
bonne évaluation de la qualité des soins. Encore une fois, je
pense que tout le monde reconnaît que, malgré les
difficultés du début, malgré les crises de croissance
qu'on a connues dans ce système au cours des années 1982 et 1983,
actuellement, la population de Montréal bénéficie d'un
excellent système d'Urgences-santé.
M. Chevrette: Cela ne vous surpend pas, lorsqu'on a une structure
qui assure un service d'excellente qualité, qu'on arrive avec un projet
de loi pour changer cela? Au lieu d'arriver avec des modifications
administratives...
M. Richer: Oui, cela nous surpend un peu, M. le chef de
l'Opposition.
M. Chevrette: Bon. Enfin! Moi aussi, je vous écoutais et
je trouvais que cela allait assez bien que je me suis dit: Qu'est-ce qui lui
prend à ce gars-là?
M. Richer: Non, c'est pourquoi on tient à ce que l'essence
de cette structure soit maintenue dans quelque autre système que ce
soit. Les personnes politiques ont des décisions à prendre, qu'il
ne nous appartient pas de prendre. Évidemment, on peut les discuter. On
peut les contester. On peut en dire toutes sortes de choses, mais ce n'est pas
à nous de prendre ces décisions. La constatation que fait le Dr
Dutil, dont je suis solidaire, parce que cela nous a aussi un petit peu
surpris, c'est que le système de services d'urgence
préhospitaliers fonctionne bien à Montréal. Il est
perfectible; on se dit, bien sûr, qu'on pourrait s'employer à le
perfectionner, à le rendre encore plus malléable, plus souple
pour un meilleur usage pour la population. Ceci dit, si les autorités
politiques veulent changer la structure administrative, cela ne nous concerne
pas, pourvu que la structure médicale à l'intérieur de
cela reste similaire, puisque, jusqu'à maintenant, elle semble donner un
bon rendement à la population.
M. Chevrette: Pour ma part, je ne suis pas nécessairement
seulement surpris, mais je suis inquiet, parce que, lorsqu'on change une
structure et qu'on déplace le rapport de forces ou les influences de
décision, les postes stratégiques de décision, cela
m'inquiète. Parce qu'un système peut changer complètement
d'orientation, dépen-damment de la composition qu'on veut faire du
nouvel organisme. Cela peut être une façon de vouloir en arriver
à des modifications, peut-être pas dans la tête du ministre,
mais la résultante pourrait être, par exemple, que cela prenne une
toute autre orientation en fonction des intérêts exclusifs d'un
groupe, si on brise le rapport de forces ou l'équilibre des forces qui
existaient sur la structure antérieure et qui donnait des
résultats fort appréciables, comme vous le dites. Ne jugez-vous
pas que c'est également un danger, après avoir regardé un
peu la composition?
M. Richer: Oui. Effectivement, quand on touche à quelque
chose qui va bien, il y a certains risques. Mais je me dis que les personnes
politiques en place sont quand même conscientes de ces risques. Il y a
probablement autant d'électeurs à Montréal qu'en Beauce...
Je pense qu'on ne détruit pas quelque chose pour le détruire, on
doit certainement tenter de vouloir l'améliorer. Les gens en jugeront
dans quelques années.
M. Chevrette: Oui, mais c'était plutôt un
commentaire. Vous savez comment je suis fait. Je vous connais. Je savais que
vous donneriez le vôtre aussi, avec un petit peu plus de patinage que
d'habitude là-dessus. Mais, personnellement, M. Richer, vous savez
pertinemment que le danger - et ce n'est pas moi qui invente les rumeurs et ce
qui s'est dit ouvertement - c'est que cette modification à la loi est
arrivée purement et simplement pour satisfaire à un
préalable à une négociation avec un groupe. Cela a
été dit, écrit et affirmé. Si cela a
été fait en fonction d'un préalable à une
négociation, avec des commentaires aussi élogieux que ceux que
vous faites et que d'autres ont faits sur la qualité des services,
malgré les imperfections, mais il n'y a pas un système parfait.
En arriver à une composition où un p.-d.g., par anticipation,
était le principal conseiller d'un groupe ou trois groupes d'une
corporation viennent s'ajouter à ce p.-d.g. sans définir les
corps de travail, les corps professionnels qui y assistaient... Parce que cela
peut être des nominations exclusivement politiques et non pas des choix
de groupe. Je peux bien dire: Suggère-m'en quatre pour que je puisse
nommer exactement celui que tel groupe veut, c'est cela qui m'inquiète.
C'était plutôt un commentaire interrogatif que je vous faisais
parce que si tel était le cas, c'est regrettable, mais on
rétrograderait, dans un secteur où on avait franchi des pas de
géant en mettant sur pied Urgences-santé, et on pourrait biaiser
l'orientation fondamentale de base qui était une qualité de soin
avec une supervision professionnelle et médicale. C'est un commentaire
que je voulais faire. À moins que vous n'ayiez des commentaires à
la suite de mon commentaire, ne vous gênez pas.
M. Richer: J'entends votre commentaire, M. Chevrette.
M. Chevrette: Le Dr Dutil, cela lui tentait de répondre.
Il n'a pas osé. Je vous remercie, messieurs. Personnellement, je
considère que le mémoire va nous aider à apporter quelques
bons amendements et surtout à nous fournir l'argumentation pour en
apporter.
Le Président (M. Laporte): Merci, M. le chef de
l'Opposition. M. le ministre.
M. Dutil (Beauce-Sud): Est-ce que cela complète les
questions de l'Opposition, M. le Président?
M. Chevrette: Cela dépend de ce que vous allez dire. S'il
me reste du temps.
M. Dutil (Beauce-Sud): Non, mais je...
M. Chevrette: Je ne ferme jamais la porte quand il me reste du
temps.
M. Dutil (Beauce-Sud): M. le Président, j'irais en
conclusion.
Le Président (M. Laporte): M. le ministre.
M. Dutil (Beauce-Sud): Alors, je tiens à remercier le Dr
Richer et le Dr Dutil et je tiens à préciser en terminant que le
Dr Dutil et moi n'avons aucun lien de parenté. Je pense que c'est bien
important.
M. Chevrette: Vous auriez peut-être pu dire que vous en
aviez, cela aurait peut-être remonté la famille.
Le Président (M. Laporte): On fait juste m'indiquer que
j'ai l'autorisation des membres de la commission pour dépasser
vingt-trois heures. On vous remercie. M. le ministre.
M. Dutil (Beauce-Sud): Merci de votre présence. De toute
façon, de quelque façon que je présentais cela, comme
parent ou non, cela aurait certainement amené une réplique
différente de la part de l'Opposition. Mais je termine en disant que ces
audiences se sont déroulées d'une très belle façon,
en général. Les autres également. On a entendu depuis hier
douze mémoires, douze interventions et on a pris la peine, de part et
d'autre, il faut le dire, d'écouter et de regarder l'ensemble des
aspects. Plusieurs points nébuleux ont été, à mon
avis, éclaircis, et cela nous aidera certainement dans notre travail de
finalisation du projet de loi, de discussion article par article, dès
demain. Merci.
Le Président (M. Laporte): Merci. Avant de remercier la
fédération, je dois simplement souligner au Dr Richer que
l'ensemble des membres de la commission a été très
attentif aux propos qui ont été soulignés ici et la
commission tient à remercier la Fédération des
médecins omnipraticiens du Québec et ses représentants
pour la présentation de leur mémoire. Pour terminer, aux fins de
les rendre publics et pour les faire valoir comme s'ils les avaient lus
complètement, on dépose les mémoires des organismes qui en
ont fait parvenir dans le cas du présent mandat, mais qui n'ont pas
été entendus par la commission à savoir, le Conseil du
patronat du Québec et la Chambre de commerce de Québec. La
commission ayant complété...
M. Chevrette: Une question technique.
Le Président (M. Bélanger): Oui, M. le chef de
l'Opposition.
M. Chevrette: Comme le Dr Richer n'a pas lu son mémoire au
complet, est-ce qu'il est inscrit également au procès-verbal si
je comprends bien?
Le Président (M. Bélanger): Oui. M. Chevrette:
Parfait.
Le Président (M. Bélanger): La commission, ayant
complété son mandat de consultations particulières sur son
projet de loi 34, ajourne ses travaux sine die. Merci.
(Fin de la séance 23 h 4)