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(Onze heures dix-neuf minutes)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission prend place. Nous allons procéder
à une consultation générale et tenir des auditions
publiques afin d'étudier le document intitulé: "Pour une
politique de sécurité du revenu".
Ce matin, nous recevons comme premier intervenant à la table des
témoins, M. Bernard Fortin. Auparavant, est-ce qu'il y a des
remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gervais
(L'Assomption) sera remplacé par M. Polak (Sainte-Anne).
Le Président (M. Bélanger): Bien, je vous remercie.
Alors, je demanderais à M. Fortin de s'approcher de la barre des
témoins, s'il vous plaît, de la table des témoins, excusez!
Non, à l'arrière... Je m'excuse, j'aurais dû vous... Prenez
place. Je vous explique un peu nos règles de procédure. Vous avez
un maximum de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire ou
de son résumé ou de votre exposé. Par la suite, il y a une
période de discussion avec les parlementaires. Je vous prierais donc, M.
Bernard Fortin de vous identifier et de procéder à la
présentation de votre mémoire. Je vous remercie. Si vous le
permettez, un instant, une question de procédure. M. le ministre.
Discussion sur les travaux en cours
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce n'est pas une question de
procédure, c'est une question d'échange de renseignements
additionnels. Hier matin, nous avons eu avec Mme la députée de
Maisonneuve un échange portant sur une étude au ministère
qui nous a été présentée comme répondant
à la question que nous avait posée l'Opposition officielle
concernant l'évaluation des mesures des divers programmes
d'employabilité. Après recherche, nous avons mis la main sur
ladite étude. Il s'agit d'une étude qui examiné
plutôt le fonctionnement interne et les opinions des agents
d'employabilité dans le ministère, au lieu de fournir des
résultats comme tels. Ce n'est pas une réponse complète et
satisfaisante aux questions qui nous ont été posées par
l'Opposition. Cela donne la réponse de l'agent d'employabilité,
mais non la réponse des taux, des résultats et de l'attitude du
bénéficiaire. On attend encore cette réponse
complète et finale que nous entendons vous soumettre concernant les
bénéficiaires. Maintenant, si vous désirez
qu'officiellement l'autre vous soit transmise, je n'ai aucune objection. Il
s'agit d'un document public au ministère, d'une publication du mi-
nistère.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. C'est donc le premier
volet qui porte sur le point de vue des agents de développement de
l'employabi- lité.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est exact.
Mme Harel: Le deuxième devrait normalement porter sur les
bénéficiaires et le troisième sur une synthèse et
les orientations. Quand le ministre entend-il déposer ces informations
essentielles qui, je le rappelle, M. le Président, auraient dû,
avant même le début de nos travaux, être connues? Le
ministre nous a parlé hier du 15 avril?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est la date que mes
fonctionnaires m'ont communiquée quant à la disponibilité
du rapport final sur l'évaluation des programmes.
Mme Harel: C'est la date de la disponibilité du rapport
final. Le ministre entend-il immédiatement le faire connaître aux
membres de la commission, à l'Assemblée?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Possiblement à
l'Assemblée. Je n'entends pas garder cette étude en
réserve. À la première occasion, on peut convenir du mode,
la communiquer soit à la commission des affaires sociales, soit à
l'Assemblée nationale par dépôt, s'il y a consentement. La
mécanique reste à être décidée, mais
l'important, c'est qu'elle soit accessible, connue et publique.
Mme Harel: Alors, le plus rapidement possible. Le 15, c'est un
vendredi?
Le Président (M. Bélanger): Oui.
Mme Harel: Donc, cela pourrait être
communiqué...
Le Président (M. Bélanger): ...communiqué
à
Mme...
Mme Harel: ...Lamontagne...
Le Président (M. Bélanger): ...au secrétaire
de la commission qui pourra la transmettre à Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Le ministre sera-t-il présent en Chambre la
semaine de la reprise de nos travaux,
le 12 avril?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a une possibilité que
le ministre n'y soit pas.
Mme Harel: Disons que j'aimerais bien pouvoir planifier notre
rentrée parlementaire, et son absence me déconcerterait, mais
surtout...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On a quand même passé
six semaines ensemble...
Mme Harel:... disons me déstabiliserait...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je sais que vous vous attachez
rapidement.
Des voix: Ha, ha. ha!
Mme Harel: Son absence déstabiliserait mon calendrier.
Dois-je comprendre qu'il pourrait être absent et qu'il le sera en fait?
Il n'y a pas de secret.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II n'y a pas non plus de certitude
quant à l'absence. Les fonctions de ministre du Travail appellent
à une disponibilité de tous les instants.
Mme Harel: Mais sera-t-il en Chambre durant la période de
questions, disons pour parler franc?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Depuis deux ans et demi, depuis
que je suis ministre, j'ai manqué peut-être deux ou trois
périodes de questions. Je fais l'impossible pour être toujours
présent. Lorsque l'absence est inévitable, les porte-parole de
l'Opposition dans les dossiers de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et du Travail sont généralement
avisés.
Mme Harel: Oui, mais là, prévoit-il être
en... ?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je prévois actuellement,
selon le contexte, une possibilité d'absence pendant trois jours.
Mme Harel: Une possibilité d'absence de la Chambre?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): De la Chambre.
Mme Harel: À la période des questions? M.
Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.
Mme Harel: Alors. M. le Président, le ministre dit que
cette étude sera disponible le 15. Peut-il s'engager à ce que,
dès le 15, elle nous soit transmise?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Moi, je peux m'engager dès
le moment où je l'aurai. Je le répète pour être bien
clair, mes fonctionnaires m'ont dit que, toutes choses étant normales,
on pourrait me remettre l'étude, le 15. C'est la date qu'on m'a
donnée. Si je l'ai te 15, je prendrai connaissance de l'étude et
je la rendrai disponible au public à la première occasion. Si
elle m'est acheminée avant, j'entends faire la même chose et, si
elle m'est acheminée après, j'entends faire la même
chose.
Je pense que la réponse que je transmets à l'Opposition
est celle que j'ai obtenue des fonctionnaires du ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
Mme Harel: M. le Président, je voudrais seulement rappeler
au ministre qu'il est anormal qu'on n'ait pas ces chiffres au moment où
on termine notre sixième semaine de travaux; c'est cela qui est anormal
d'abord. Il est absolument invraisemblable qu'on ait à étudier
une réforme qui étend et élargit à 243 000
ménages des mesures d'employabilité qui, selon les
démonstrations faites ici, n'ont même pas pu être offertes
aux moins de 30 ans. Qu'on n'ait pas ces chiffres-là, c'est ce qui est
anormal. Alors, que...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je ne
critiquerai pas les opinions de l'Opposition. Hier, ce qui était
anormal, c'est que je n'aie pas l'étude à laquelle Mme la
députée de Maisonneuve faisait référence.
Après vérification, je l'ai obtenue, j'en ai pris connaissance.
Ce n'était pas une étude qui répondait aux questions. Ce
qui est normal, c'est que, dans les meilleurs délais, la commission
obtienne le maximum d'informations précises. Ce qui serait anormal,
c'est que le ministre communique des informations partielles,
incomplètes ou incorrectes.
Ce qu'on m'indique au ministère, c'est que, comme ministre,
j'aurais accès à des informations compilées de
façon finale aux alentours du 15. Ce que j'indique, c'est que je les
rendrai publiques. Je ne peux pas faire plus. J'ai passé les commandes
à la machine le plus rapidement possible. Je crois que, dans ce dossier,
entre autres, la machine a fait des efforts pour les produire et continue de
les faire, et peut-être que, lorsqu'elle obtiendra le résultat, la
qualité des résultats compensera pour la longueur de
l'attente.
Mme Harel: M. le Président, si le ministre me le permet,
je lui poserai une autre question concernant nos travaux parlementaires,
notamment, à l'égard du projet de loi sur le programme APPORT. On
sait que la loi sur le programme SUPRET a été adopté le 30
mai 1979.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je peux peut-être vous
donner un éclaircissement dès le début. Dans la
programmation actuelle, le projet
de loi qui concerne APPORT est inclus dans le projet de loi sur la
politique de sécurité du revenu. Il s'agit d'un tout. C'est
peut-être la réponse que vous cherchiez.
Mme Harel: Quand entendez-vous déposer ce projet de
loi?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Normalement, la commission
parlementaire devrait mettre fin à ses travaux aujourd'hui. Je dis bien
normalement. Nous entendons prendre le temps qu'il faut pour procéder
aux analyses qui découleront et des travaux de l'actuelle commission
parlementaire et d'autres consultations que le gouvernement entend mener.
Dès que le gouvernement aura pris les décisions difficiles qui
s'imposeront quant à plusieurs modalités de la politique de la
sécurité du revenu, elles seront rendues publiques. Par la suite,
il y aura le dépôt d'un projet de loi. Comme c'était
indiqué dans le discours inaugural du début de la session.
Mme Harel: Oui, mais il ne faudrait pas prétendre que le
discours inaugural indiquait qu'il y aurait un dépôt de projet de
loi durant la présente session. En fait, c'est durant la
Législature.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Exactement. Mme Harel:
Là, c'est une information...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, mais si vous me demandez s'il
y aura dépôt ou adoption d'un projet de loi pendant la
présente session dans un échéancier qui est vraisemblable,
il pourrait possiblement y avoir dépôt. Mais pour son adoption
d'ici au mois de juin, il faudrait qu'on obtienne de la part de l'Opposition
des consentements, une collaboration qui ne nous ont pas été
complètement manifestés jusqu'au moment où nous nous
parlons.
Mme Harel: Heureusement que le ministre connaît
l'expression "euphémisme", parce qu'il l'utilise évidemment
abondamment. Le moins qu'on puisse dire, c'est que, si le projet de loi va dans
le sens du document gouvernemental déposé en décembre
dernier, ces consentements vont lui faire totalement défaut. Donc, le
ministre entend déposer un projet de loi global, dit-il, dans lequel le
programme APPORT serait intégré?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Serait une des composantes.
Mme Harel: Une des composantes. Mais il s'agira de projets de loi
séparés ou d'un seul projet de loi?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): De la façon dont nous le
concevons présentement, il s'agirait d'un projet de loi sur une
politique de sécurité du revenu à plusieurs voJets, dont
un de ces volets serait le programme APPORT.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Auditions
Le Président (M. Bélanger): J'inviterais maintenant
notre invité, M. Bernard Fortin, à procéder à la
présentation de son mémoire.
M. Bernard Fortin
M. Fortin (Bernard): Merci, M. le Président.
Je suis professeur au Département d'économique de
l'Université Laval. C'est à titre purement individuel que je fais
cette présentation.
Tout projet de réforme de la sécurité du revenu
doit faire face à des dilemmes très douloureux, car il doit
arbitrer entre des objectifs éminemment souhaitables, mais souvent
conflictuels. Par nature, de telles réformes soulèvent la
controverse, car les pondérations accordées aux objectifs varient
entre les individus et les groupes de pression. En conséquence, ces
derniers auront tendance à privilégier les objectifs sur lesquels
ils accordent plus de poids en ignorant ou en minimisant les impacts
délétères des propositions sur les autres objectifs. Une
politisation excessive des débats me paraît malsain pour la
démocratie dans la mesure où certains groupes de pression ont
plus de pouvoirs que d'autres pour orienter l'information transmise aux
médias et influencer la nature même des choix politiques. Je
tenterai donc de présenter une analyse plutôt technique du projet
de réforme de la sécurité du revenu.
Je mettrai d'abord l'accent sur les objectifs de toute politique de
sécurité du revenu et j'analyserai ensuite la réforme
proposée en évaluant de façon qualitative l'impact de
certaines de ces propositions sur ses différents objectifs. À mon
avis, c'est grâce à une meilleure appréciation des effets
de la réforme sur les enjeux en présence qu'il est possible de
porter un jugement plus éclairé sur le bien-fondé de ces
différentes dispositions. Libre ensuite à chacun d'accorder les
poids qu'il souhaite à ces enjeux. Sans prétendre à
l'exhaustivité, on peut identifier six enjeux fondamentaux de toute
politique de sécurité du revenu.
Premièrement, le caractère adéquat du soutien.
L'objectif premier de la sécurité du revenu, du moins dans la
dimension de l'assistance sociale, est de soutenir de façon
adéquate le revenu des personnes les plus démunies de la
société.
Deuxième objectif, l'équité des barèmes
selon les caractéristiques des bénéficiaires. Ceci
signifie que le traitement devrait tenir compte des besoins
différenciés des prestataires de façon à tenir
compte de leur situation particulière: aptitude au travail, structure
familiale, traitement
des actifs.
Troisièmement, la capacité du programme à
réagir rapidement au changement de revenu. Les prestations doivent
être disponibles de façon raisonnablement rapide afin d'aider
adéquatement les personnes qui ont à subir des réductions
imprévues de revenu.
Quatrièmement, les effets non désirés des
prestations et de leur financement sur les comportements. Il s'agit ici de
minimiser les effets pervers du programme sur les comportements individuels,
tels que l'incitation au travail, la structure familiale, la migration, la
formation, le travail au noir, etc.
Cinquièmement, responsabilité des personnes. Les
programmes de sécurité du revenu devraient encourager les
personnes aptes au travail à se prendre en main financièrement,
à réduire leur taux de dépendance à l'aide sociale
et à s'adapter aux perspectives économiques. À mon avis,
il existe une vaste majorité de personnes qui acceptent cet objectif au
Québec.
Sixièmement, simplicité et coût administratif. Les
dispositions des programmes devraient être aussi simples et aussi faciles
à administrer que le permettent les autres objectifs visés.
À l'égard de ces objectifs, la situation actuelle prête le
flanc à de nombreuses critiques qui reflètent en partie les
conflits existants entre ces derniers.
Je tenterai de montrer comment la réforme proposée vise
à modifier le programme de façon à mieux atteindre
certains de ses objectifs, mais parfois au détriment de certains autres.
Premier objectif, le caractère adéquat du soutien. On reproche
souvent au programme d'aide sociale d'offrir une structure de prestations
inadéquate en comparaison de certains seuils de pauvreté. Je ne
veux pas ici me lancer dans un débat quant au choix du niveau
désirable des prestations. Je ferai cependant les remarques
suivantes:
A) Le choix de la structure des barèmes ne peut être
déterminé objectivement et dépend essentiellement de
jugements de valeur. Ceci se manifeste d'ailleurs par l'existence au Canada de
plusieurs organismes définissant des seuils de pauvreté de
façon très différente. Ce qui conduit à des niveaux
souvent très variables des taux de pauvreté. Ainsi, selon le
Conseil canadien de développement social, 24,7 % des familles se
trouvaient en deçà du seuil de pauvreté en 1979, tandis
que, pour la même année, 13 % des familles vivaient sous le seuil
de faible revenu établi par Statistique Canada. En somme, la
définition de la pauvreté est loin de faire
l'unanimité.
B) L'ajustement des barèmes à certains seuils de
pauvreté peut engendrer des coûts très élevés
pour la société, par exemple, si l'on fixe le niveau du
barème à 50 % du revenu moyen par habitant et qu'on suppose que
le gouvernement finance ce barème et ces autres dépenses à
l'aide d'un impôt proportionnel, le taux d'impôt choisi devrait
être d'environ 65 %. Un tel taux serait difficilement acceptable
politiquement. De plus, il serait susceptible d'affecter la
compétitivité de l'économie québécoise, de
réduire l'emploi et l'épargne et d'encourager le travail au
noir.
Ainsi, selon certaines de mes analyses, une hausse d'une unité de
pourcentage des taux marginaux d'imposition engendre une baisse de
l'équivalent de 10 000 à 15 000 emplois au Québec.
Celle-ci s'explique en partie du fait que le Québec est une petite
économie ouverte extrêmement concurrencée de
l'extérieur, de sorte que, chaque fois que les taux s'accroissent, il en
résulte une hausse des coûts de la main-d'oeuvre. Par
conséquent, la production et l'emploi s'ajustent à la baisse,
puisqu'il est difficile de faire porter aux consommateurs le fardeau de la taxe
par une hausse des prix, en raison de la concurrence étrangère
très forte, du moins dans plusieurs secteurs exposés de
l'économie.
Qu'on me comprenne bien, je ne dis pas que l'on doive empêcher un
ajustement à la hausse des barèmes, j'affirme simplement que cet
objectif entre en conflit avec d'autres objectifs et, en particulier, avec
celui de minimiser les effets dynamiques des programmes sur les comportements
des individus et des entreprises. Il y a donc des arbitrages douloureux
à effectuer.
Deuxième objectif: l'équité des barèmes
selon les caractéristiques. Il est désirable que la structure des
barèmes reflète la structure des besoins des différents
bénéficiaires. Le problème, bien sûr, est
d'identifier ces besoins différenciés, sans que les coûts
administratifs soient prohibitifs. Ainsi, certains individus souffrent d'une
pauvreté transitoire, alors que d'autres sont des pauvres permanents. Le
degré d'aptitude au travail peut aussi varier selon les
bénéficiaires. À mon avis, la réforme constitue un
pas en avant vers une plus grande équité des barèmes,
selon les caractéristiques, pour les raisons suivantes:
premièrement, abolition de la distinction fondée sur l'âge
des personnes; deuxièmement, distinction dans les barèmes
après neuf mois entre les bénéficiaires employables qui
refusent de participer aux mesures d'employabi-lité et ceux qui
acceptent d'y participer, troisièmement distinction plus adéquate
entre les barèmes des aptes et des inaptes.
Dans ce cas, j'aurais cependant une remarque à apporter.
J'aimerais que l'on porte une attention particulière à la
définition de la non-employabilité servant à accorder aux
prestataires le barème offert par le programme de soutien financier.
Dès qu'il existe un écart de barème appréciable
entre les aptes et les inaptes, ceci peut engendrer de sérieuses
incitations à la fraude, en particulier lorsque ce statut n'est pas
contrôlé très rigoureusement par des experts du
gouvernement. Je fais ici référence aux cas mis en
évidence dans le livre blanc sur la fiscalité, où on
constate que le taux d'aptitude au travail était de plus de 50 % pour
les personnes seules
bénéficiaires de l'aide sociale de 29 ans et chutait
à 30 % pour les personnes seules de 32 ans. La raison s'explique en
partie du fait de la présence d'un écart de presque du simple au
triple entre les barèmes des aptes et des inaptes en bas de 30 ans,
écart qui disparaît au-delà de 30 ans. La mise sur pied de
comités médicaux ou multidisciplinaires choisis par le
gouvernement peut cependant engendrer une hausse appréciable des
coûts dont on doit tenir compte dans le choix du contrôle
administratif.
Troisième objectif: la capacité de réagir
rapidement au changement de revenu. L'un des intérêts du programme
APPORT, en remplacement du SUPRET, est de permettre aux prestataires qui
retournent sur le marché du travail de bénéficier d'une
"supplementation" de son revenu de travail très rapidement,
c'est-à-dire à partir du mois suivant la confirmation de son
admissibilité. À l'opposé, le SUPRET réagissait
très lentement aux changements de revenu, puisque la prestation
n'était calculée qu'une fois par année, lors du rapport
d'impôt, et sur la base du revenu de l'année
précédente. Cette disposition du programme APPORT me paraît
particulièrement souhaitable.
Quatrièmement: Les effets non désirés du programme
sur les comportements. Tout programme social est susceptible d'engendrer des
modifications non désirées dans les comportements, dans la mesure
où les individus s'ajustent de façon à accroître le
montant des prestations qui leur sont versées ou de façon
à réduire leur contribution au financement de ces prestations.
L'une des critiques les plus sérieuses qu'on ait apportée au
programme d'aide sociale, dans sa forme actuelle, est qu'elle condamne
plusieurs prestataires à une sorte de trappe de pauvreté.
Celle-ci provient de ce que les bénéficiaires font souvent face
à des taux de taxation implicites de l'ordre de 75 % à 100 %, en
raison de la réduction de leur prestation qu'ils ont à subir avec
la hausse de leur revenu de travail. Ces taux font en sorte que le taux de
salaire effectif de l'individu est souvent très inférieur au
salaire minimum.
En somme, pour certains prestataires, l'aide sociale peut devenir,
à long terme, ce que j'ai qualifié de cadeau empoisonné.
L'individu qui a peu d'incitations financières à s'en sortir
peut, dans certains cas, devenir un prestataire de longue durée à
l'aide sociale. Les qualifications acquises sur le marché du travail ont
alors tendance à se déprécier, de sorte. que son niveau
d'employabilité s'en trouve réduit considérablement. On
observe dans les faits que la probabilité de quitter l'aide sociale a
tendance à diminuer très sensiblement avec la durée de
séjour dans ce programme.
Les résultats empiriques que j'ai obtenus, il y a quelques
années, sur l'évolution de la clientèle à l'aide
sociale sembient montrer que ces effets "désincitatifs" sont plus
importants dans le cas de certaines catégories de bénéfi-
ciaires que dans d'autres, en particulier les chefs de famille monoparentale
et, dans une moindre mesure, les chefs de famille biparentale, en particulier
les moins de 30 ans.
Ainsi, selon mon analyse, une hausse de 10 % des barèmes
entraînerait à long terme une hausse de plus de 10 % de la
clientèle des familles monoparentales. On doit remarquer ici que
l'impact des barèmes sur cette clientèle provient aussi de ce que
j'appellerais la trappe de monoparentalité. Celle-ci provient du fait
que le chef de famille monoparentale a souvent peu d'incitation à se
marier ou à vivre une union de fait déclarée, dans la
mesure où il perd ses prestations si le revenu du conjoint est
suffisant. J'ai calculé que cette taxe au mariage, entre guillemets,
pourrait être de l'ordre de 30 % si le conjoint potentiel gagne le revenu
salarial moyen au Québec. Ce facteur constitue probablement une des
causes, mais sûrement pas la seule, de la croissance
phénoménale de la monoparentalité au Québec et
ailleurs où il existe ce type de programme.
Par ailleurs, la présence de ces taux confiscatoires, qui
affectent nos plus démunis, a pour effet d'inciter un pourcentage
élevé des prestataires à travailler au noir de
façon à boucler leur budget. Selon une enquête
effectuée par Pierre Frechette et moi-même, de l'Université
Laval, sur un échantillon aléatoire de 2164 personnes de 18 ans
et plus, dans la grande région de Québec, pour 1985, plus de 30 %
des prestataires de l'aide sociale de l'enquête - à peu
près 100 - ont rapporté avoir effectué du travail non
déclaré au gouvernement. Ces personnes avaient travaillé
pendant l'année pour un nombre d'heures moyen équivalent à
12 semaines de 40 heures. En somme, ces taux implicites de taxation encouragent
fortement le travail au noir.
Les études américaines sur les expériences de
revenu minimum garanti confirment que ces programmes ont pour effet de
réduire l'incitation au travail officiel, c'est-à-dire sur les
marchés réguliers. Selon les estimations, l'introduction de ces
programmes aurait eu pour effet de réduire le travail offert aux
participants de sexe masculin de 3 % à 8 %, celui des femmes chefs de
famille monoparentale de 11 % à 30 % et des femmes mariées de 3 %
à 50 %. Donc, il y a une très grande variabilité des
résultats. On ne connaît pas avec précision les estimations
et ces estimations dépendent en particulier du taux des barèmes
et des taux de taxation implicites retenus. On a souvent - c'est important, je
pense - suggéré, depuis le rapport Castonguay-Nepveu d'ajuster le
salaire minimum de façon à encourager financièrement les
bénéficiaires à se trouver un emploi. (M h 45)
Selon mes résultats, une hausse du salaire minimum, loin de
réduire la clientèle à l'aide sociale, aurait pour effet,
du moins à long terme, de l'accroître, en raison de son impact
négatif
sur l'incitation des entreprises à embaucher des travailleurs
faiblement qualifiés à la suite d'une hausse des coûts
salariaux. Je dois remarquer cependant que, maintenant, à cause de la
réduction importante du salaire minimum relativement au salaire moyen
dans l'économie québécoise, cet effet est probablement
beaucoup plus faible. On est en train de réestimer ces résultats.
Le coût de la main-d'oeuvre, au Québec, constitue en fait l'un des
éléments clés que retiennent les entreprises dans la
décision de s'installer ici plutôt qu'ailleurs et d'adopter une
technologie plus ou moins intensive en milieu de travail. Empiriquement, ceci
est particulièrement vrai dans le cas de travailleurs faiblement
qualifiés, comme ceux que l'on retrouve souvent à l'aide sociale,
en raison de la forte "substituabilité" observée entre le travail
faiblement qualifié et le capital pour ce type de main-d'oeuvre.
Si la hausse du salaire minimum ne constitue pas une solution
adéquate au problème de la trappe de pauvreté, la solution
qui semble s'imposer est donc de réduire les taux marginaux implicites.
Or, rien n'est en fait aussi simple et ce, pour deux raisons.
Premièrement, la réduction de ces taux a pour effet de hausser
les seuils d'allocation nuls du programme. Ainsi, si le barème de base
est de 8000 $ par année, dans le cas d'une famille monoparentale avec un
enfant, approximativement, une réduction du taux de taxation implicite
de 100 % à 50 % fera hausser le seuil d'allocation nul du programme de
8000 $ à 16 000 $. Donc, tous ceux qui ont moins de 16 000 $ deviendront
admissibles au programme. Ceci a pour effet, bien sûr, de hausser les
coûts financiers du programme et donc de pousser le gouvernement à
accroître les taux d'imposition afin de financer ces dépenses
additionnelles, ce qui peut engendrer des réductions d'emploi et des
coûts d'inefficacité.
En somme, si on réduit les taux de taxation implicite chez les
faibles revenus, très souvent on est obligé de hausser les taux
de taxation explicites dans la courbe de l'impôt chez les personnes
à revenu plus élevé pour financer cette réduction
des taux. Il faut comparer l'impact différencié sur
l'économie, d'une part, avec la baisse des taux implicites et, d'autre
part, avec la hausse des taux explicites. En second lieu, la hausse des seuils
d'allocation nuls, en rendant certains travailleurs à faible revenu
admissibles au programme, peut les "désinciter" au travail.
En somme, l'impact d'une réduction des taux implicites sur
l'incitation au travail est indéterminé et constitue une question
purement empirique. Dans une étude américaine récente, un
spécialiste de la question arrivait à la conclusion qu'un taux
implicite d'environ 60 % était désirable pour minimiser les
effets "désincitatifs" au travail dans l'ensemble de la population.
À son avis, une baisse du taux en deçà de 60 % pourrait
compromettre sérieusement les incitations au travail de l'ensemble de la
collectivité parce que cela rend certains travailleurs, qui
n'étaient pas admissibles avant, admissibles au programme; ce qui peut
engendrer une réduction des incitations au travail. Par ailleurs, il
peut y avoir un lien d'équité parce que cela permet de lutter
contre la pauvreté chez les travailleurs à faible revenu.
À cet égard, on peut se demander si le taux de taxation
implicite obtenu en combinant le programme APPORT et le programme d'aide
sociale réformée, qui est de l'ordre de 53 % à 55 %
au-delà de certaines exemptions pour certaines catégories de
bénéficiaires avec enfants, ne serait pas trop réduit. Il
y a lieu aussi de se demander s'il ne serait pas désirable de rendre le
programme APPORT accessible aux prestataires sans enfant, de façon
à introduire des incitations financières au travail pour cette
catégorie d'individus. Les coûts financiers d'une telle option
devraient cependant être analysés de façon rigoureuse.
Quoi qu'il en soit, les problèmes associés à la
réduction des taux de taxation implicites dans le but de stimuler les
incitations au travail des prestataires ont conduit plusieurs pays ou
régions, incluant donc le Québec, à envisager
l'introduction de pénalités dans les niveaux de prestations
versées, dans le cas où les bénéficiaires aptes au
travail refusent de participer à des mesures d'employabilité.
L'idée me paraît a priori fort intéressante. Il importe
cependant d'évaluer de façon rigoureuse l'efficacité des
différentes mesures envisagées. C'est une question cependant
très difficile sur le plan méthodologique et aux
États-Unis il commence seulement à y avoir certaines
études là-dessus. A priori, on devrait s'attendre cependant
à ce que les mesures telles que les stages en entreprise soient souvent
les plus efficaces pour accroître l'employabilité des
bénéficiaires...
Le Président (M. Bélanger): M. Fortin, je me vois
dans l'obligation de vous demander de conclure très rapidement, s'il
vous plaît!
M. Fortin (Bernard): II me reste une page. Je termine.... car
elles permettent en général d'offrir une formation productive et
directement applicable au marché du travail. Par ailleurs, on doit
s'interroger sur l'à-propos de programmes tels que le rattrapage
scolaire, dans le cas de bénéficiaires de plus de 40 ans. La
généralisation de ces différentes mesures sur une grande
échelle soulève aussi des questions quant à la
capacité de notre système scolaire et de notre économie
d'absorber, du moins, à court terme, une clientèle
potentiellement importante. Ces interrogations poussent à la prudence
quant à une utilisation rapide et très large de ces mesures.
À cet égard, ne serait-il pas souhaitable d'arrimer une telle
politique à une plus grande déréglementation du
marché du travail au Québec, de façon à en
accroître la flexibilité et les capacités d'ajustement? Il
importe de plus
d'évaluer les incitations qu'ont les prestataires
impliqués à participer à ces mesures. À mon avis,
un écart entre les barèmes de ceux qui acceptent et de ceux qui
refusent d'y participer me semble dans la réforme trop faible pour
susciter un fort intérêt financier à la participation. Les
expériences américaines à cet égard se
caractérisent par des écarts de barèmes beaucoup plus
prononcés.
Dernier point, simplicité et coût administratif. L'un des
inconvénients majeurs de la réforme est d'introduire un
système fort complexe à comprendre et dont les coûts
administratifs peuvent devenir rapidement élevés. En partie, ceci
est inhérent à toute réforme de titre "workfare", si vous
me permettez cet anglicisme. Cependant, il y aurait lieu à mon avis de
modifier certaines des propositions de façon à permettre une plus
grande simplicité et une économie administrative. À titre
d'exemple, je crois qu'il y aurait avantage à regrouper certaines
catégories. Ainsi, la distinction entre les prestataires de moins de
neuf mois et de plus de neuf mois dans le programme APTE pourrait être
abolie. Ceci aurait pour effet d'inciter le prestataire à participer
à des mesures d'employabilité dès les premiers mois de
présence sur le programme. Dans un même temps, je me demande si
une mise en application très rigoureuse de l'admissibilité
fondée sur la recherche active d'emploi chez les prestataires aptes qui
ne participent pas aux mesures d'employabilité ne serait pas tout aussi
incitative au travail que les mesures d'employabilité tout en
étant moins coûteuse à administrer. Malgré ces
réserves et ces interrogations sur les modalités d'application du
programme APTE, celui-ci me paraît contenir des éléments de
réforme qui peuvent conduire à une amélioration des
incitations au travail, à une hausse de l'employabilité et
à une responsabilité accrue du bénéficiaire par
rapport à son autonomie financière.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais replacer mes notes de
cours.
Vous me permettrez de vous remercier, M. Fortin, pour votre comparution
devant cette commission parlementaire. Vous êtes le 107e groupe ou
individu que nous entendons. Sans doute à cause de votre profession ou
de votre formation, vous nous amenez un éclairage qui, jusqu'à ce
jour, ne nous a été procuré par aucun autre des
intervenants, en tout cas, en ce qui concerne plusieurs points.
Parmi les points que vous avez touchés et qui suscitent des
questions, le premier touche la question du salaire minimum. Vous avez
parlé des effets négatifs et positifs du salaire minimum. C'est
une question à laquelle je me suis particulièrement
intéressé à mon arrivée au ministère,
à la fin de 1985 ou au début de 1986. J'ai pu prendre
connaissance d'études économi- ques qui auraient dû inciter
le gouvernement à ne pas prendre de décision allant dans le sens
d'une hausse du salaire minimum. J'ai continué à suivre le
dossier de très près et ces études pour l'année
1987 allaient un peu dans le même sens.
Maintenant, vous connaissez l'état du dossier. Le gouvernement a
décidé pour ces deux années de hausses du salaire minimum
beaucoup plus importantes que l'augmentation du coût de la vie, de
hausses du salaire minimum plus importantes que l'augmentation en pourcentage
du taux du salaire industriel moyen au Québec. Au moment où nous
nous parlons, les seuls effets négatifs qui m'ont été
rapportés - remarquez qu'il y en a peut-être d'autres - ont
strictement trait à l'abolition de la discrimination sur l'âge. On
m'indique qu'il y aurait eu possiblement une certaine perte d'emplois pour les
16-18 ans, mais qu'ailleurs les effets négatifs ne sont pas
perceptibles. J'aimerais vous entendre sur ce phénomène.
M. Fortin (Bernard): En ce qui concerne le salaire minimum, je
pense que celui-ci, comme toute politique gouvernementale, a des avantages et
des coûts, et il faut être bien conscient de ces avantages et des
coûts, avant de prendre une décision en ce qui concerne la hausse
du salaire minimum.
Les avantages du salaire minimum, c'est, bien sûr, de
protéger certains travailleurs de façon à ce qu'ils
puissent obtenir des salaires décents sur le marché du travail et
de façon à réduire aussi l'exploitation que peuvent subir
certains travailleurs dans certains marchés. Effectivement, je pense que
le salaire minimum peut avoir engendré des gains sociaux importants pour
certains travailleurs qui peuvent continuer à conserver leur emploi tout
en ayant des salaires plus élevés.
Par ailleurs, le salaire minimum de personnes qui ne trouvent pas
d'emploi parce que les coûts de la main-d'oeuvre sont augmentés
par le salaire minimum, c'est zéro, parce qu'ils ne trouvent pas
d'emploi. Leur salaire minimum, ce n'est pas 4,65 $ ou 5 $, c'est zéro.
Alors, il est bien conscient du fait que, lorsqu'on hausse le salaire minimum,
cela peut avoir pour effet d'inciter les entreprises à être plus
hésitantes à embaucher les travailleurs, particulièrement
les travailleurs faiblement qualifies. La sensibilité des entreprises au
coût de la main-d'oeuvre ne doit pas être sous-estimée au
Québec, parce qu'on vit dans un environnement concurrentiel
extrêmement fort et aussi parce qu'il est souvent possible de substituer
au travailleur faiblement spécialisé des travailleurs plus
spécialisés ou encore une machinerie, une production plus
intensive en capital. Donc, c'est important, lorsqu'on analyse l'impact du
salaire minimum, de tenir compte de cette réduction potentielle
d'emploi.
Les études empiriques montrent cependant que l'impact du salaire
minimum augmente avec
le niveau du salaire minimum, le niveau relatif du salaire minimum.
Lorsque le salaire minimum est relativement faible, son impact est relativement
peu important sur l'emploi. Ceci est clair parce que, lorsque le salaire
minimum est faible, il y a très peu de personnes dont la
productivité est inférieure au salaire minimum. Donc, le taux de
couverture a tendance à être réduit. Donc, il est important
d'en tenir compte.
Dans mon analyse, j'arrivais à la conclusion, en ce qui concerne
l'aide sociale, la clientèle de l'aide sociale, qu'une hausse de salaire
minimum, dans les premiers trimestres, engendrait effectivement une sortie de
la clientèle, à cause justement de cet effet d'incitation au
travail qu'engendre le salaire minimum. Mais au bout de quatre ou cinq
trimestres, la réduction de la clientèle était
compensée par un refoulement de la clientèle vers l'aide sociale
dans la mesure où, justement, la hausse du salaire minimum, à
long terme, a pour effet de réduire les incitations des entreprises
à embaucher des travailleurs. Parfois, l'ajustement se fait par du temps
partiel plutôt que du temps plein, par exemple. Les travailleurs trouvent
des emplois, mais, au lieu d'en trouver à temps plein, ils en trouvent
à temps partiel, ou ce sont des emplois temporaires plutôt que des
emplois permanents.
Mon résultat empirique, à cette époque -il faudrait
le réactualiser - c'était que, à long terme, au bout de
cinq ou six trimestres, une hausse de 10 % du salaire minimum entraînait
une hausse de la clientèle de l'aide sociale de l'ordre de, je pense, 6
%. Et, encore une fois, au début, la clientèle baissait, mais
à long terme elle se mettait à augmenter parce que l'effet de la
réduction de l'emploi pour ces travailleurs était plus forte que
l'effet d'incitation au travail qu'engendrait la hausse du salaire minimum. (12
heures)
Par ailleurs, je dois, bien sûr, souligner le fait qu'on ne
connaît pas avec précision l'impact du salaire minimum sur
l'emploi. C'est discuté; il y a beaucoup de variabilité dans les
estimations. Mais je pense qu'il y a un certain consensus, chez les
économistes en tout cas, sur le fait que le salaire minimum a pour effet
de réduire l'emploi, mais l'importance de cet effet varie d'une
étude à l'autre. Le salaire minimum peut avoir d'autres effets
aussi dont on doit tenir compte. Parfois, la hausse du salaire minimum incite
au travail au noir, dans la mesure où les individus et les employeurs
sont incités à contourner la réglementation pour embaucher
un travailleur au chômage à un salaire plus faible que le salaire
minimum.
Parfois, la hausse du salaire minimum incite les entreprises à
réduire les avantages sociaux, de façon à conserver un
niveau de coût de main-d'oeuvre s'ajustant à la hausse du salaire
minimum. Des études empiriques ont montré que la hausse du
salaire minimum semble avoir pour effet de réduire les congés,
les vacances, etc., payés par l'entreprise, de sorte que l'entreprise a
tendance à s'ajuster Cet ajustement a pour effet de réduire
l'impact de la hausse du salaire minimum sur l'emploi. Il y a d'autres effets
aussi qui ont été analysés par les économistes.
En ce qui concerne l'impact de la hausse du salaire minimum sur les
incitations qu'ont les entreprises à former leurs travailleurs, souvent,
ce qui se passe, c'est que quand le travailleur entre dans une entreprise et
qu'il est en cours de formation, il y a des salaires plus faibles dans la
période de formation en cours d'emploi, ce qui lui permet ensuite, avec
la hausse de sa formation, d'obtenir des salaires plus élevés,
souvent au-delà du salaire minimum. Mais ceci est possible dans la
mesure où le travailleur peut payer en partie par une baisse de son
salaire une hausse future de son salaire qui va lui être accordée
dans la mesure où sa productivité devient accrue, en raison du
fait que sa productivité sur le marché du travail s'est accrue
avec la formation.
Donc, les conclusions que je peux tirer de tout cela, c'est que,
actuellement, le salaire minimum au Québec est approximativement
égal à ce qui est observé ailleurs et parfois même,
je pense, inférieur à ce qui est observé dans certaines
provinces, relativement au salaire moyen. Il y a eu effectivement un effort
depuis la fin des années soixante-dix. On a gelé le salaire
minimum en valeur absolue et la hausse des salaires, dans l'ensemble de
l'économie, a fait baisser le salaire relatif et, à mon avis, a
été un effet de création d'emplois chez certaines
catégories de travailleurs défavorisés. Il ne faudrait pas
reprendre une politique de hausse exagérée du salaire minimum,
qui pourrait effectivement, encore une fois, constituer un cadeau
empoisonné pour les travailleurs à faible revenu, dans la mesure
où ceux-ci peuvent souffrir d'une réduction de leur
employabilité sur le marché du travail. Effectivement, on peut se
demander, d'ailleurs... Ce qui est intéressant pour le travailleur,
c'est son revenu annuel. Ce n'est pas son taux de salaire. Si la hausse du taux
de salaire de l'individu entraîne une baisse de ses heures
travaillées dans l'année, de sorte que son revenu annuel de
travail diminue, il est Gros-Jean comme devant, le diable se mord la queue
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai une deuxième question,
qui touche le premier des six objectifs que vous nous avez décrit,
c'est-à-dire le caractère adéquat du soutien. Sur le
caractère adéquat du soutien, vous nous avez dit qu'il s'agissait
là d'une donnée qui n'est pas objective, mais qui est de
caractère subjectif. Vous avez donné, à titre d'exemple,
le Conseil canadien du développement social en 1979, qui
prétendait que 24,7 % des familles canadiennes n'atteignaient pas le
seuil de pauvreté, alors que si on prenait les travailleurs à
faible revenu, suivant Statistique Canada, c'était 13 %.
Vous avez parlé d'ajustement, en pourcentage, en parlant d'un
taux d'impôt à 65 %
dans le but d'effectuer des ajustements possibles. Vous avez dit, et
c'est là-dessus que porte ma question: l'ajustement de 1 % affecte la
création ou la perte d'emplois, de l'ordre de 10 000 à 15 000
emplois. Est-ce qu'il s'agit de l'ajustement sur le plan du seuil de la
pauvreté ou du taux d'imposition, et de quelle façon vous reliez
bien concrètement les deux?
M. Fortin (Bernard): Pardon?
Mme Harel: Vous parliez du taux moyen.
M. Fortin (Bernard): Je parle du taux marginal.
Mme Harel: Oui, moyen.
M. Fortin (Bernard): De la hausse des taux marginaux et des taux
moyens, parce que si tous les taux marginaux augmentent, le taux moyen va
augmenter aussi.
Mme Harel: C'est cela.
M. Fortin (Bernard): Ici, quand je parle de la hausse des taux
marginaux, je parle des taux marginaux de l'impôt sur le revenu. On peut
se demander quel est le mécanisme économique par lequel des
hausses de taux marginaux d'impôt peuvent engendrer des réductions
de l'emploi au Québec. L'analyse est la suivante. Si le gouvernement
hausse les taux marginaux d'impôt, les travailleurs vont subir des
baisses de leur salaire réel, net d'impôt. Leur salaire net
d'impôt aura tendance à baisser. Et la baisse de ce salaire net
d'impôt va engendrer des pressions de la part de ces travailleurs
à exiger des salaires bruts d'impôt plus élevés pour
compenser, du moins en partie, dans la mesure où ils le peuvent, la
réduction de leur salaire net d'impôt. Et, dans là mesure
où ces hausses salariales brutes sont données, sont offertes
à ces travailleurs, et les entreprises sont... Je m'excuse...
Le Président (M. Leclerc): Cela va, vous pouvez continuer.
Vous pouvez y aller.
M. Fortin (Bernard): ...je peux continuer? Le Président
(M. Leclerc): Oui.
M. Fortin (Bernard): ...et, dans la mesure où la hausse de
ces salaires bruts engendre une hausse des coûts de la main-d'oeuvre pour
les entreprises, celles-ci deviennent moins compétitives sur le plan de
l'économie mondiale. Ici c'est très important de noter qu'on vit
dans une situation de mondialisation des marchés où les capitaux
deviennent de plus en plus mobiles entre les différentes régions.
Et l'un des facteurs importants - ce n'est pas le seul - qui incite les
entreprises à s'installer au Québec plutôt qu'ailleurs, ce
sont les coûts de la main-d'oeuvre. Si les hausses de taux marginaux
engendrent des hausses de coût de la main-d'oeuvre, cela réduit la
compétitivité des entreprises québécoises et donc
leur production diminue: ils sont moins compétitifs et souvent ils ne
peuvent pas faire hausser les prix parce que, s'ils haussent les prix, ils
refilent la facture au consommateur; ils vont perdre; les consommateurs vont
acheter à l'extérieur par les importations - c'est souvent le
cas. De sorte que cette hausse des salaires, des coûts de la
main-d'oeuvre, engendre donc une réduction de la
compétitivité qui réduit la production et qui
réduit l'emploi des travailleurs. Ceci, c'est le premier
phénomène.
Et, bien sûr, c'est plus vrai à long terme qu'à
court terme. Et si je parle de 10 000 à 15 000 emplois, c'est sur un
horizon d'à peu près cinq ans. Dans un horizon de court terme,
effectivement, l'ajustement est beaucoup plus lent. Cela prend du temps avant
que l'ajustement ne se fasse. Mais, compte tenu des résultats empiriques
sur les sensibilités de réaction des entreprises et des
travailleurs, on peut se donner une certaine fourchette de l'impact de la
hausse des taux marginaux sur l'emploi au Québec.
Et le deuxième facteur, c'est que, même si la
compétitivité n'est pas affectée, même si la
production de l'entreprise n'est pas affectée, la hausse des coûts
marginaux qui engendrent une hausse des coûts salariaux relativement au
coût du capital incite les entreprises à s'adapter de façon
à utiliser une technologie plus intensive en capital. Cet
effet-là aussi s'ajoute - c'est ce qu'on appelle, en économique,
un effet de substitution - à l'effet de compétitivité pour
réduire l'emploi. Bien sûr, ces effets, encore une fois, ce sont
des effets de long terme et non pas des effets de court terme.
De plus, on doit noter que, quand je parle de réduction d'emploi,
je ne parle pas nécessairement de réduction de jobs, je parle de
réduction d'équivalents à l'emploi, c'est-à-dire
d'heures-p&rsonnes. De sorte qu'il peut y avoir une réduction
d'emploi en heures de travail plutôt qu'en nombre de travailleurs.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ... Cela va en vertu des
règles de l'alternance.
Le Président (M. Leclerc): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président.
M. Fortin, j'exprime un peu le regret que nous n'ayons pas le texte de
votre présentation verbale. Cela facilite tellement l'échange. Je
ne vous en fait pas grief parce que c'est, d'une certaine façon,
à remarquer que vous êtes venu devant cette commission de votre
propre initiative - vous êtes universitaire à Laval, je crois - et
il est assez rare que des universitaires soient, disons, des
personnes-ressources, sans que leurs services aient été retenus
pour utiliser un euphémisme. Donc, cela dénote
l'intérêt que
représentent ces questions pour vous, à titre de citoyen,
dois-je comprendre, à titre d'économiste, mais aussi à
titre de citoyen, parce que vos travaux comme économiste pourraient se
résumer à des cours que vous donnez à l'université
ou des publications que vous faites. Mais vous prenez la peine de venir
exprimer votre point de vue et je pense que c'est certainement à
souligner.
Nous avons eu l'occasion d'examiner un certain nombre de questions.
Comme le ministre le signalait, cette question des taux "confis-catoires" - je
reprends vos propos - a à peine été
ébauchée, esquissée durant nos six semaines de commission.
Sur la question des barèmes, de l'ajustement des barèmes à
certains seuils de pauvreté, de l'équité des
barèmes, d'une certaine façon, je crois que vous-même, vous
allez admettre que là n'est pas essentiellement votre expertise. Par
exemple, en ce sens, je veux vous rappeler que ce n'est pas simplement un
jugement de valeur subjectif et même l'Association des manufacturiers qui
vous a précédé est venue présenter un
mémoire dans lequel elle convenait que l'ajustement des barèmes
devait se faire, d'une certaine façon, en fonction de l'évolution
des coûts des besoins essentiels. Les barèmes seraient
certainement différents si tant est que... Par exemple, cela ne peut pas
être totalement étranger, puisque c'est un programme de dernier
recours. La question est: Faut-il remettre en question le fait que ce soit un
programme de dernier recours, puisqu'il y avait un contrat de
société sur le fait qu'il devait y avoir un programme de dernier
recours? Mais ce programme ne peut pas être le même quand, par
exemple, dans l'espace d'à peine quelques années, les coûts
de logement ont été haussés de façon
complètement astronomique, de sorte que, présentement, pour un
seul studio à Montréal, c'est 287 $, selon la
Société centrale d'hypothèques et de logement, et je crois
qu'un logement avec une chambre est de 380 $, etc. Alors, cela ne peut pas ne
pas être pris en considération, puisqu'on est venu devant la
commission démontrer et illustrer que simplement le coût du
logement et de l'alimentation ont connu des hausses tellement astronomiques que
l'état de subsistance minimale est même mis en cause. Donc, tout
cela est relatif.
Le jugement de valeur dépend, au fond, de la mesure où la
société entend ne pas abandonner un certain nombre de ses membres
à l'incapacité de se loger et de se nourrir, ce qui a comme
effet, évidemment... Là, il y a une toute autre dimension - je
comprends très bien que vous ne puissiez pas l'aborder - qui consiste
à évaluer les coûts économiques de la
pauvreté en termes de médication, d'hospitalisation, de
sous-éducation, de malnutrition, de mortalité, de
longévité réduite, de mortalité plus grande
à la naissance, de poids insuffisant pour les bébés,
etc.
Il y a également des coûts qu'on ne peut pas ignorer comme
société, parce que, si on les ignore au ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, ils vont rebondir
à la Santé et Services sociaux, etc. Ils vont rebondir
également en termes de coûts d'analphabétisation,
étant donné que les 36 % de familles analphabètes ont des
chances de reproduire un certain nombre de générations qui ne
seront pas nécessairement des champions à l'école et qui
peuvent avoir des problèmes qui se perpétuent, etc.
Cette dimension étant dite, on reprend la question fondamentale
que vous traitez, celle des effets non désirés sur les
comportements. Cela, c'est certainement extrêmement important. Par
ailleurs, ce n'est pas parce qu'il y a eu une hausse du salaire minimum qu'il y
a eu une hausse de plus de 100 000 ménages aptes "sur l'aide sociale" de
1981 à 1983, je crois. C'est plus ou moins 100 000 ménages de
1981 à 1983 qui se sont ajoutés.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La hausse est survenue plus
à compter de 1983.
Mme Harel: 1983?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, à cause...
Mme Harel: Les effets...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ..des effets de la crise... Il y a
52 semaines d'assurance-chômage et, après, c'est l'aide
sociale.
Mme Harel: C'est cela. Mais c'est quand même...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est à partir de 1983 que
cela... (12 h 15)
Mme Harel: ...très considérable. Je ne veux pas du
tout induire de relation de cause à effet, mais c'est au moment
où le salaire minimum subissait une sorte de statu quo qui l'amenait,
d'une façon, à être réduit en regard du salaire
moyen que la hausse du nombre de ménages aptes a été
connue à la Main-d'oeuvre. C'est au moment, finalement, où le
salaire a commencé à progresser qu'il y a eu non seulement une
stabilisation mais une diminution.
Vous savez que j'apprends d'une certaine façon à essayer
de me méfier des relations qu'on fait entre les choses parce qu'on
pourrait les faire, notamment, en essayant de prouver que cela a des effets.
Donc, d'où vient le fait que, tout à coup, il y a eu cette
progression phénoménale de ménages aptes sur l'aide
sociale? Cela ne viendrait-il pas aussi du côté de la structure de
l'emploi, des changements technologiques, des mutations, etc? Comment s'assurer
- et là, je pense que votre contribution est très importante -
que le passage des programmes de transfert à des revenus de travail
soient suffisamment
incitatifs pour que cela puisse amener des personnes à accepter
des emplois occasionnels, saisonniers ou partiels, qui sont décevants
par rapport aux emplois réguliers qu'ils ont déjà connus?
Il ne faut pas oublier cela.
Peut-être y a-t-il deux façons. La première serait
de les mettre dans la misère, de manière qu'ils acceptent
n'importe quoi. Cela existe. Pour ma part, pour avoir visité le
Brésil, l'Argentine, le Mexique et l'Afrique, je sais que c'est une des
façons qui fait qu'il n'y a pas de programme de transfert. Donc, le
cireur de souliers, ou peu importe, celui qui vend de la gomme, etc., se fait
un gain de travail, finalement, mais ce n'est pas tout à fait la voie
dans laquelle veut s'engager notre société. C'est pourquoi il
faut plutôt chercher du côté, un peu comme vous le faites,
des avantages à gagner pour que, comme l'a déjà
écrit un éditorialiste, sur une échelle, le premier
barreau du programme de transfert ne soit pas trop éloigné ou
trop haut du huitième qui serait un gain de travail qui pourrait
être combiné. C'est donc toute la question des taux
d'imposition.
Avant de l'aborder, j'aimerais savoir ce que vous entendez par
déréglementation du marché du travail. Vous avez un peu
conclu votre exposé en disant que toute cette réforme devrait
s'accompagner d'une déréglementation du marché du travail.
Qu'entendez-vous par là?
M. Fortin (Bernard): En fait, si on regarde la
réglementation du marché du travail au Québec, il y a 28
lois qui affectent la réglementation sur le marché du travail. Je
ne veux pas toutes les nommer, mais ce qui est certain, c'est qu'il y a des
avantages à certaines réglementations. Parfois aussi, certaines
réglementations protègent certains types de travailleurs au
détriment d'autres travailleurs. Par exemple, on sait qu'au
Québec la réglementation favorise relativement la syndical
isation par rapport aux États-Unis ou ailleurs. Cela a des avantages.
Cela protège certains travailleurs assez spécialisés parce
que vous savez que la syndical isation se retrouve surtout chez les
travailleurs moyennement spécialisés - en tout cas, très
peu chez les faiblement spécialisés. Cela désavantage
cette syndicalisation. Mais cela a pour effet souvent d'introduire des
rigidités sur le marché du travail, des inflexibilités qui
font que ce sont les travailleurs les plus démunis ou les travailleurs
qui ne sont pas syndiqués qui en subissent les conséquences et
qui ont de la difficulté à se trouver de l'emploi en raison de
ces réglementations.
Mme Harel: Parmi ces 28 lois, il doit certainement y avoir celle
sur le retrait préventif pour la travailleuse enceinte ou pour celle qui
allaite, celle sur le congé de maternité, celle sur la
santé et la sécurité du travail, etc. J'imagine qu'elles
font partie de ce que notre société a considéré
comme étant une sorte de contrat de société avec ceux qui
travaillent. Est-ce dans ces lois que vous aimeriez que l'État
déréglemente?
M. Fortin (Bernard): En fait, je veux tout simplement qu'on soit
conscient des conflits d'objectifs, c'est-à-dire que, lorsqu'on
décide d'offrir des congés de maternité payés, cela
a des coûts en termes d'emplois et on n'en parle pas souvent.
Je ne suis pas nécessairement contre une telle politique.
Cependant, je me fais souvent l'avocat du diable dans la mesure où on
regarde souvent... Les individus ont deux mains. On regarde souvent une seule
main, mais il faut regarder l'autre main également.
Mme Harel: C'est intéressant.
M. Fortin (Bernard): II est important, à mon avis, de
considérer l'ensemble de l'impact des politiques de
réglementation sur le marché du travail. J'avoue que ce n'est pas
ma spécialisation. C'est pour cela que je ne veux pas entrer trop dans
les détails. Ce que je peux dire cependant, c'est que les entreprises
sont très sensibles à cette réglementation. Une
réglementation excessive peut avoir des impacts
délétères sur l'emploi. Je ne veux pas en conclure qu'il
faut abolir toute forme de réglementation au Québec. Il faut bien
me comprendre. Je veux tout simplement mettre l'accent sur certains effets
pervers de certains types de réglementation, qu'on n'analyse pas en
général, parce que ceux qui y gagnent sont souvent des groupes de
pression très bien représentés et ceux qui perdent sont
souvent des personnes mal représentées. La démocratie a
des avantages et aussi des désavantages. Certains désavantages
c'est que certaines personnes - ce qu'on appelle la majorité silencieuse
- qui ont relativement peut d'intérêt à se manifester ont
tendance, parfois, à perdre par rapport à des groupes de pression
bien organisés et qui savent bien vociférer sur le marché
poiitique.
Mme Harel: C'est intéressant, mais il peut aussi y avoir
des effets pervers à l'absence de certaines réglementations. Je
pense à l'effet pervers que connaît la société
québécoise sur le plan démographique, avec une chute du
taux de natalité qui peut, en grande partie, s'expliquer du fait de
l'absence de protection pour le retour au travail, de l'absence de
congés de maternité rémunérés dans le
secteur privé. Donc, vous me dites, et vous avez raison, il faut
envisager l'ensemble des objectifs pour bien se rendre compte qu'il n'y a pas
de conflits.
M. Fortin (Bernard): Exactement.
Mme Harel: Là-dessus, vous avez raison. On peut avoir une
primauté en regard de certains objectifs.
M. Fortin (Bernard): Les pondérations qu'on accorde aux
différents objectifs, je n'ai rien à dire là-dessus comme
économiste. Tout ce que je veux souligner, c'est qu'il faut analyser
tous les effets des politiques. Il faut regarder ce qui se fait ailleurs aussi.
Si on déréglemente... Je pense à l'exemple de la France
où c'est très difficile pour les entreprises de mettre des
travailleurs à pied, parce qu'il y a des primes salariales très
importantes. Cela a des avantages pour la société. Cela
protège certains types de travailleurs. Mais cela peut avoir pour effet
de réduire l'emploi. Les entreprises, en particulier les entreprises
multinationales, établies en France, quand la demande augmente pour
leurs biens et services, au lieu de produire en France, vont produire en
Espagne ou ailleurs de façon à contourner la
réglementation. Cela réduit l'emploi pour les travailleurs. Les
travailleurs qui perdent sont souvent les travailleurs faiblement
spécialisés. Ceux qui gagnent avec ce type de
réglementation, ce sont parfois des travailleurs bien
protégés, qui ont un beau "kit" chromé. Ceux qui perdent,
ce sont les travailleurs qui ne trouvent pas d'emploi parce que les entreprises
vont produire en Espagne ou ailleurs au Brésil, à cause d'une
réglementation excessive. La réglementation doit aussi être
compétitive par rapport à celle des autres régions. Dans
une période de mondialisation des marchés, de
libre-échange, etc. ce sont des facteurs dont on doit tenir compte dans
les politiques. Mais je suis tout à fait d'accord avec vous, je ne
m'oppose pas à ces politiques. Il s'agit tout simplement d'apporter un
éclairage sur les différents conflits entre ces objectifs.
Mme Harel: Quand on regarde les salaires moyens réels des
travailleurs, il faut convenir que cela a régressé depuis sept
ans. J'ai en main cette étude rendue publique par le journal La
Presse qui démontrait que les travailleurs avaient connu des baisses
de salaires; donc, il y avait eu une sorte d'ajustement. Quand vous nous pariez
de cette économie exposée à la concurrence, ce sont les
travailleurs qui en ont fait les frais, d'une certaine façon, ceux qui
sont sur le marché de l'emploi, en termes de baisse de salaire, de
diminution de l'emploi dans certains secteurs lucratifs, comme la fabrication,
au profit de secteurs comme les services qui le sont beaucoup moins et qui ne
s'adressent pas nécessairement au même type de personne. On voit
que les femmes, à ce moment-là, accèdent plus facilement
que les hommes de 40 ans et plus à ce genre d'emploi.
Il y a tout ce conflit de penser que ceux qui sont mal
représentés pourraient être libérés du joug
de la protection sociale ou de la sécurité du revenu dont
d'autres bénéficient. En fait, c'est un autre débat que je
ne voudrais pas nécessairement faire malgré que la grande
question est: Est-ce que le plein emploi est généré par
une augmentation de l'offre d'em- plois? Est-ce que c'est parce qu'il y a une
augmentation de l'offre que pour autant, dans.. Ce n'est pas simplement, comme
vous allez peut-être me répondre, à cause de la
rigidité des lois Mais est-ce que cela n'est pas aussi relié au
fait que l'offre d'emplois est actuellement tributaire aussi des changements
technologiques? Est-ce qu'il n'y a pas là une sorte de dimension
vraiment importante? Est-ce qu'on ne doit pas, à ce moment-là, se
tourner carrément, vers la création d'emplois socialement utiles,
qui soient différents de ce qu'on concevait jusqu'à maintenant
comme du vrai travail, mais qui donne un statut de travailleur aux personnes
qui l'exercent? Je pense au domaine des soins complémentaires aux
personnes âgées, par exemple, des services de garde, des travaux
en matière d'environnement, de la foresterie, etc. Beaucoup de groupes
qui sont venus ici ont invité l'État, pas à gérer
lui-même ces sortes de programmes, mais à les subventionner,
à les permettre et à permettre ce genre de programmes, non plus
sous forme de transfert, mais sous forme de création d'emplois,
même si ce sont là des emplois à un revenu minimum, mais
qui donne un vrai statut de travailleur et qui, quand même, permet de
vivre sans contrôle social. Que serait votre réaction en regard de
ces propositions nombreuses qui sont venues durant toute la commission?
M. Fortin (Bernard): D'abord, je veux souligner le fait que dans
mes résultats empiriques, la variable la plus importante, je pense, qui
affecte la clientèle de l'aide sociale, c'est le taux de chômage.
Ce taux de chômage est celui des hommes adultes dont les variations
reflètent bien la conjoncture économique. Entre
parenthèses, quand vous parliez tantôt de la causalité que
je faisais, ces études sont des études multicausales. Je veux
dire qu'il n'y a pas seulement une cause à l'évolution de la
clientèle de l'aide sociale, il y a une multitude de causes et on
essaie, selon la disponibilité des données aussi, de tenir compte
de toutes ces causes et d'analyser l'impact différencié de
chacune des causes sur la clientèle. Donc, répondant rapidement
à votre argument de tout à l'heure, effectivement, il peut y
avoir une situation où on a à la fois une baisse du salaire
minimum et une conjoncture économique très défavorable.
L'effet net est une hausse de la clientèle parce que l'effet de la
réduction du salaire minimum est plus que compensé par l'impact
de la hausse du taux de chômage. On peut dire, à ce
moment-là, simplement que, s'il n'y avait pas eu une baisse du taux de
chômage, l'impact aurait possiblement été encore plus fort.
C'est en termes relatifs qu'il faut donc s'exprimer dans ces conditions.
Effectivement, nos résultats confirment aussi que plusieurs
prestataires de l'aide sociale sont rationnés sur le marché du
travail. Ils ne trouvent pas d'emploi. Il y en a beaucoup. Effectivement, ce
n'est pas nécessairement par une incitation à offrir de l'emploi
qu'il va y
avoir une création automatique d'emplois à court terme.
Encore une fois, ma perspective lorsque j'analyse les réformes
structurelles de la sécurité du revenu, mon analyse est plus
à long terme qu'une analyse de court terme. Lorsqu'on parle
deflexi...
Mme Harel: À long terme, c'est combien d'années
pour vous?
M. Fortin (Bernard): Je parle de quatre à cinq ans.
Mme Harel: Long terme? Long terme, c'est quatre à cinq
ans?
M. Fortin (Bernard): Moyen terme, si vous voulez.
Mme Harel: D'accord.
M. Fortin (Bernard): C'est une question empirique ce moyen terme
ou ce long terme. Cela dépend des vitesses d'ajustement. Cela peut
être plus long, cela peut être plus court. Cela va dépendre
des marchés. Les ajustements sont graduels, en d'autres mots. Sur le
marché du travail, les ajustements ne sont pas instantanés et
cela prend un certain temps avant que les ajustements se fassent.
En conséquence, lorsque les travailleurs ont des incitations plus
fortes à entrer sur le marché du travail, cela prend un certain
temps pour que ces effets se fassent sentir. Mais encore une fois, il ne faut
pas sous-estimer l'impact de la réduction des coûts salariaux sur
la création d'emplois. Je pense que, encore une fois, si les
travailleurs... Que se passe-t-il lorsque les travailleurs sont plus
incités à entrer sur le marché du travail? En fait, ce qui
se passe, c'est qu'ils sont plus prêts qu'auparavant à accepter
des emplois à des salaires un peu plus faibles. Le problème c'est
que le salaire minimum qui va insister un prestataire de l'aide sociale
à entrer sur le marché du travail va dépendre du
barème de l'aide sociale; plus le barème est élevé,
plus ce salaire d'entrée sur le marché du travail a tendance
à augmenter - les études empiriques semblent corroborer cela - et
en plus de cela, même chose pour le taux implicite de taxation. Plus le
taux implicite de taxation est élevé, plus le salaire
d'entrée sur le marché du travail a tendance à
augmenter.
En conséquence, lorsqu'on baisse le taux de taxation implicite
à l'aide sociale, pour les prestataires cela a pour effet de
réduire le salaire minimum en deçà duquel ils
n'accepteront pas d'emplois. Remarquez que leur salaire incluant la
supplementation peut-être à ce moment plus élevé
même si leur salaire brut sur le marché du travail est plus
faible, la supplementation peut hausser leurs revenus annuels. La baisse du
salaire minimum auquel ils vont accepter un emploi, dans le cas des aptes au
travail, a pour effet d'inciter les entreprises à les embaucher,
peut-être pas à court terme parce qu'il y a certaines entreprises
qui sont rationnées sur le marché du travail, mais possiblement
à long terme. Les études empiriques semblent montrer que,
effectivement, l'effet est graduel mais, au bout d'un certain nombre
d'années, l'effet se fait sentir de façon
considérable.
Le Président (M. Leclerc): Alors, je m'excuse, notre temps
est écoulé. Mme la députée de Maisonneuve en
conclusion, à moins que...
Mme Harel: C'est vraiment en conclusion parce que, avec M.
Fortin, il y aurait tellement d'autres choses à discuter sur la
monoparentalité, sur justement cette question des taux marginaux
d'imposition et peut-être sur la nécessité d'aller vraiment
dans une nouvelle voie en matière de programmes de transfert. Vous
savez, j'ai bien de la misère dans un sens à accepter d'une
certaine façon votre logique. C'est vrai que s'il n'y avait aucun
transfert les gens accepteraient n'importe quoi, à la limite. Je veux
dire qu'on n'a pas besoin d'études empiriques pour savoir que s'ils
n'ont rien ils vont accepter n'importe quoi et ils vont même
quêter.
M. Fortin (Bernard): Madame, je ne parle pas des barèmes,
je parle du taux implicite de taxation.
Mme Harel: Ah! Ah! D'accord.
M. Fortin (Bernard): Je suis comme vous tout à fait
sensible à la pauvreté. J'ai été au Brésil,
moi aussi. J'ai été complètement abasourdi par la
situation de la pauvreté. À mon avis, abolir l'aide sociale
serait criminel pour l'économie québécoise. Ce dont je
parle c'est de la réduction des taux implicites de taxation pour inciter
les gens et pour introduire des incitations financières à rentrer
sur le marché du travail.
Mme Harel: Alors, je termine simplement en disant que sur cela on
peut se rejoindre. Le problème, c'est le revenu au seuil; par exemple,
en diminuant le taux implicite de taxation, c'est le fait, comme vous le
mentionniez, qu'il y a un élargissement à un très grand
nombre de personnes des programmes de transfert et que peut-être il faut
aller dans la voie d'un crédit d'impôt remboursable, ce qui ne
nous permet pas d'échanger sur cela, mais qui pourrait permettre
d'examiner tout au moins une autre façon de combiner l'incitation au
travail et le programme de transfert.
M. Fortin (Bernard): Un crédit d'impôt remboursable,
c'est une autre façon de réduire les taux marginaux. '
Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Leclerc): Oui, M. le ministre en
conclusion.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, j'aimerais remercier le
professeur Fortin. Vous avez commencé votre exposé en nous disant
qu'il s'agissait de dilemmes douloureux. Je pense que tout au long de
l'exposé vous avez mis cet aspect en relief. Vous avez attiré
notre attention... ou vous nous avez invités à évaluer,
chaque fois que nous adoptons une mesure, ses éléments ou ses
effets qui peuvent paraître positifs, et également à
être bien conscients de la possibilité d'effets pervers. Je pense
que c'est une obligation que nous avons lorsque nous arrêtons des
décisions et que vous nous le rappeliez est quelque chose de sage. Vous
avez également indiqué au tout début de votre
exposé qu'il fallait, dans ce type de dilemmes douloureux, éviter
de politiser le débat et tenter d'être le plus rationnel possible
dans ces évaluations que nous avons à faire. Pour cette approche
qui était, je le souligne, différente de l'ensemble des
mémoires que nous avons entendus, pour avoir pris votre temps pour le
faire, au nom de la commission et au nom du gouvernement du Québec, nous
vous remercions pour cette contribution aux travaux de la commission
parlementaire.
Le Président (M. Leclerc): M. Fortin, au nom de la
commission, je voudrais à mon tour vous remercier. Est-ce que vous avez
quelque chose à ajouter?
M. Fortin (Bernard): C'est simplement pour dire à Mme
Harel que le mémoire serait déposé au début de
la...
Mme Harel: Cela va être utile.
Le Président (M. Leclerc): On vous remercie. M. Fortin,
encore une fois, au nom de la commission, nous vous remercions de vous
être déplacé pour nous rencontrer. Je suspends, deux
minutes, le temps de permettre au Mouvement socialiste de s'installer à
la table.
(Suspension de la séance à 12 h 34)
(Reprisée 12 h 36)
Le Président (M. Bélanger): A l'ordre, s'il vous
plaît! Je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa
place.
Nous recevons présentement à la table des témoins
le Mouvement socialiste, représenté par M. Germain Gauvin, Mme
Thérèse Spénard et M. Réal Caron.
Je vous explique nos règles de procédure. Vous avez 20
minutes ferme pour la présentation de votre mémoire et par la
suite, une période de discussion avec les parlementaires. Je vous
prierais, chaque fois que vous avez à prendre la parole, que ce soit
pour répondre à une question ou pour donner une complément
d'information, de bien vouloir vous identifier, ceci pour les fins de
transcription au Journal des débats. Si vous voulez bien
identifier votre porte-parole, présenter votre équipe, nous
écouterons votre mémoire par la suite. Je vous remercie.
Mouvement socialiste
M. Gauvin (Germain): M. le Président, d'abord bonjour
ainsi qu'aux membres de la commission. Nous remercions cette commission de nous
entendre.
Je me permets de vous présenter les gens qui m'accompagnent.
À ma droite, M Réal Caron, enseignant au centre Jacques-Cartier
et à ma gauche, Mme Thérèse Spénard,
assistée sociale qui vit à
Sainte-Sophie-de-Lotbinière.
Avant de passer au contenu du mémoire que nous vous
présentons, nous aimerions signaler ou déplorer le fait que cette
commission n'ait pas été télédiffusée. Il
nous semble que pour 1988 ce n'est pas justifiable de ne pas permettre à
l'ensemble de la population de pouvoir suivre les débats de cette
commission. Il nous semble que nous avons d'autant plus raison que le sondage
dont nous a parlé le ministre confirme effectivement le fait que la
population sur tout ce projet de réforme est très mal
informée. D'ailleurs, je ne pense même pas que ce sondage pusse
être pertinent au débat actuel. Donc, comme le temps est
réduit, je passe directement au contenu.
Au Mouvement socialiste, nous disons qu'on est contre cette distinction
qu'on entend faire dans le projet entre gens jugés aptes ou inaptes
à recevoir de l'aide sociale. Cette distinction semble pour nous nier la
notion de base du droit des personnes à l'aide sociale. Si vous vous
référez à l'histoire, c'est de hautes luttes effectivement
qu'on a conquis dans les années soixante ce principe qui devait
normalement guider pour l'allocation de l'aide à accorder aux gens qui
ont besoin de l'aide sociale pour vivre. Désormais, si nous suivons
l'analyse du document, ce sera à partir d'un calcul mathématique
effectué à partir du salaire le plus bas chez les travailleurs
qu'on accordera l'aide aux assistés sociaux du Québec. Cela, peu
importe si les besoins vitaux sont comblés ou non. Le guide maintenant,
c'est cette formule de calcul. Ce que les intentions du gouvernement nous
signalent, c'est que le calcul qui est fait cherche à appauvrir
l'ensemble des gens qui sont au bien-être social. Également, le
gouvernement tente de nous dire que cela incitera les gens à chercher
à retourner sur le marché du travail. Je ne pense pas que les
gens qui vivent à l'heure actuelle de l'aide sociale soient des gens, en
tout cas, à mon avis, paresseux. On voit très bien que la courbe
de l'aide sociale est intimement liée à celle du taux de
chômage. Cette nouvelle façon de faire
maintenant, de calculer l'aide sociale tiendra à l'avenir compte
beaucoup plus de la loi du marché que des critères humains.
Finalement, le grand objectif recherché par cette réforme est
d'augmenter la productivité des entreprises, de baisser le coût de
production, pour ainsi dire, d'inscrire l'entreprise québécoise
dans la dynamique de la concurrence mondiale et également
d'accroître la concurrence des entreprises du Québec.
Nous sommes effectivement d'accord avec le fait qu'il doit y avoir
réforme de l'aide sociale. Cette réforme, nous pensons qu'elle
doit être faite en fonction de l'équité beaucoup plus qu'en
fonction de la loi du marché. Nous trouvons inacceptable à
l'heure actuelle qu'au Québec, pays que l'on dit démocratique,
libre et riche, il y ait plus de 700 000 personnes qui doivent vivre de l'aide
sociale. Nous n'avons pas de solution miracle à faire connaître au
gouvernement. Toutefois, pour ce qui est de la discrimination que l'on fait
à l'heure actuelle aux moins de 30 ans, nous pensons que, dès
maintenant, on doit faire disparaître cette discrimination. C'est
possible. L'État a les moyens à l'heure actuelle de
répondre à cette demande. Nous ne pouvons penser également
cette politique de l'aide sociale sans tenir compte du plein emploi. Il nous
semble que les deux sont inséparables. Ici aussi, il n'y a pas de
solution toute faite; il y a toutefois des choix politiques et
économiques qui peuvent favoriser davantage la création
d'emplois. Donc, on doit opter pour des politiques qui la favorisent. Par
exemple, pourquoi ne pas penser à la diminution du temps de travail?
Cela est possible en 1988. Avoir une politique de vacances comme aussi penser
à une politique du temps supplémentaire, etc. L'effet
également de cette politique sur les femmes sera effectivement aussi
désastreux. Mme Spénard va vous glisser un mot sur cela.
Mme Spénard (Thérèse): En premier, je
voulais vous parler des coupures que subissent les assistés sociaux et
je dois vous dire que je les subis fortement. Je ne dirai pas sous quel
gouvernement je les subis, point a la ligne. Je trouve qu'il y a eu beaucoup de
coupures en ce qui concerne les besoins spéciaux et pour moi cela est
anormal. Il n'y a même pas eu d'augmentation. Mon chèque avant
augmentait aux trois mois et de façon très minime, mais il
était quand même augmenté, ce qui fait qu'on avait un gain
quelque part. Là, on dit: Bon, pour des raisons valables, on
l'ôte. Je me souviens à un moment donné que tous les
travailleurs des secteurs public et parapublic ont dit: La coupure de 20 % que
vous nous imposez, cela n'a pas de sens. Cela n'a pas de sens, cela servira...
Là, le gouvernement a dit: Cela va servir aux pauvres assistés
sociaux. J'attends encore mon rattrapage de 21 % en passant. Je ne sais pas si
un jour on va avoir le rattrapage des 20 % perdus, parce que les 20 % devaient
nous aider quelque part.
On a perdu l'indexation aux trois mois, mais je n'ai pas
été indexée plus que cela, 4 % par année seulement
pour nous et encore souvent c'est en bas de cela. Moi, je suis en plus
épileptique; donc, j'ai des contraintes pour le marché du
travail, pas parce que je ne veux pas, mais il y a beaucoup de contraintes
parce que je suis classée dans les inaptes. Quand j'ai lu le document,
je me suis dit: Est-ce que je vais être déclarée apte ou
inapte au travail? C'est tellement vague l'expression de ce qu'est un inapte
que j'ai des fortes craintes. Je dois vous dire que cela fait peur.
L'année passée, pour les fameux projets qui existaient,
entre autres, le rattrapage scolaire, il me manquait l'anglais, secondaire V.
Donc, j'ai dit: Pourquoi pas? Je vais y aller et c'était
réellement pour terminer mon secondaire V. J'ai vécu ce que
c'était un rattrapage et je suis en milieu rural. Ce n'est pas possible
que quelqu'un par exemple, qui est rendu au secondaire II, termine un
secondaire V; puis s'il le finit, c'est réellement parce qu'il est en
bas de 30 ans. Le monoparental n'ira pas dans ces programmes-là, tout
simplement parce qu'il n'a aucun moyen d'y aller.
Moi je ne conduis pas, je n'ai pas d'auto. Je suis à huit milles
de toute polyvalente, il n'y a aucune garderie et en plus c'était le
soir. Donc, je commençais mon cours à quatre heures et je
revenais à dix heures et demie chez nous. Heureusement que j'avais ma
mère chez nous qui gardait.
Mais il y en a qui devaient faire garder à l'extérieur.
Donc, un enfant qui va à l'école, qui a sept ans, tu
l'amènes chez la gardienne vers 3 h 30, tu le reprends vers 11 heures et
le lendemain matin tu l'envoies à l'école. On dit: L'enfant a des
problèmes à l'école. C'est peut-être volontaire
quelque part. Peut-être qu'il y a... Vous savez quand on dit: Les
problèmes familiaux sont souvent chez les pauvres... Mais ce sont toutes
des conditions dont on n'a pas le choix, avec lesquelles on est "poignes". Et
c'est très difficile.
Quand j'ai eu terminé mon secondaire V, on m'a dit:
Peut-être que tu pourrais aller dans d'autres domaines, parce que j'ai de
la gueule, je sais lire, puis je suis capable de comprendre et d'analyser des
affaires. Mais quand tu regardes ce que c'est que le postsecondaire, je me suis
dit: cela ne donne rien. Les deux premières années, on peut
t'aider; la troisième année, tu iras voir les prêts et
bourses. Les prêts et bourses, quand tu sais le nombre de temps que le
monde attend, cela ne m'intéresse pas. Et pour nous autres, le
cégep, eh bien! c'est à une heure, avant d'en trouver un. Est-ce
que je vais vendre ma maison pour m'en aller rester en ville? Je n'ai rien
trouvé d'intelligent au niveau rural; absolument rien.
Maintenant le programme. On dit: dénatalité au
Québec. Donc, les femmes enceintes, alentour du sixième ou du
septième mois ne seront plus
considérées aptes, disponibles. On réduit leurs
prestations. Des enfants malades, il y en a déjà beaucoup; il va
y en avoir encore plus. Je pense qu'il va y en avoir drôlement plus.
Avant, on avait le droit au moins de rester avec notre enfant jusqu'à
six ans. Là, cela "droppe" à deux ans. Sur le marché du
travail, il n'y a pas plus de place pour nous autres. J'aimerais savoir
où je vais me retrouver, moi. J'aimerais bien cela qu'on me le dise, si
quelqu'un a une réponse.
Et aux femmes, surtout dans APPORT, par exemple, et aussi dans le
programme APTE, on nous dit, entre autres: monoparentale qui partage son loyer,
bien, là elle aura une bonne "drop". Pourquoi ne couperait-elle pas son
loyer, elle le partage? Un loyer, qu'il soit partagé ou non... Si par
exemple une monoparentale avec un enfant et une autre monoparentale avec un
enfant habitent ensemble, elles vont prendre un loyer deux fois plus grand;
donc, le prix va aussi être là. On dit: elle ne peut pas
économiser ce montant-là... Elle ne l'économise pas; le
loyer, il faut qu'elle le prenne plus grand.
Moi, ce que je déplore énormément, c'est que j'ai
vu beaucoup de coupures au niveau de la Santé et des Services sociaux,
au niveau des employés de ce domaine-là. Et par qui on veut les
remplacer? Rattrapage, travaux communautaires. Stage en milieu de travail:
très rare. Travaux communautaires: on offre beaucoup cela. Les
auxiliaires familiales: Bon, pourquoi cela existerait? Quelqu'un qui est
syndiqué quelque part, on est aussi bien de le faire disparaître
pour mettre un assisté social. Cela coûte bien moins cher au
gouvernement. Ce n'est pas vrai qu'il n'y a pas d'argent. Moi je dis: il y en a
quelque part; quand on veut en trouver on en trouve. Et on en trouve surtout
quand c'est le temps de se donner des augmentations salariales.
Moi, en tout cas, je ne vois pas ce que m'apportera la réforme,
sauf des coupures supplémentaires et des abus de pouvoir du gouvernement
envers ma personne. Mes droits, en tant qu'individu, je n'en ai pas. En ce
moment, j'en ai très peu, avec les boubous macoutes; mais là je
n'en aurai plus du tout.
Tantôt j'écoutais Mme Harel qui parlait du Brésil et
de l'Argentine. Si c'est cela qui s'en vient au Québec, la
réforme entière, je pense que je serais peut-être mieux
là-bas. Je saurais à quoi m'en tenir. Alors que là on nous
dit: On te donne un petit chèque pour vivre... Mais tous les
contrôles qu'H y a en arrière! Des boubous macoutes, je vais vous
dire que j'en ai subi sur le dos. Puis la seule façon de m'en
démerder, excusez le ternie, c'est de me prendre un avocat à
l'Aide juridique et poursuivre pour prouver que cette personne-là ne
fait pas sa "job". Comment se fait-il qu'il n'y a pas de contrôle pour
vérifier que les agents font leur "job"? Pourquoi je serais
mariée seulement... on va me considérer conjointe de fait
à partir du douzième mois seulement? Quand cela fera un an,
M.
Paradis me bénira. Le pape va me bénir, je vais être
correcte, je vais être mariée. Moi, je trouve que j'ai le droit de
vivre avec qui je veux, et cela ne regarde pas du tout ni le ministre ni
personne d'autre. C'est tout ce que j'avais à dire.
M. Caron (Réal): Réal Caron. Aux membres de la
commission, je tiens à signaler que mon occupation de formateur en
mathématiques au Centre d'éducation des adultes Jacques-Cartier,
de la Commission des écoles catholiques de Québec, me met en
contact depuis quelques années quotidiennement avec des assistés
sociaux. Deuxièmement, ma formation en génie et en sociologie
politique, deux choses qui n'ont pas l'habitude de cohabiter, fait en sorte que
ce dont je vais parler va être plus une vision sociologique de l'aide
sociale, une vision qui est moins à la mode, qu'on aime peut-être
moins entendre que les visions économiques, mais qui est une vision
quand même importante de l'aide sociale.
La première chose qui me frappe depuis quelques années
dans mon contact quotidien avec les assistés sociaux, c'est la
marginalité dans laquelle ce qu'on appelle parfois le peuple du
bien-être social - ce n'est quand même pas loin de 10 % de la
population du Québec avec les dépendants - vit et a l'impression
de vivre. Cela veut dire que les gens qui sont bénéficiaires de
l'aide sociale se sentent marginaux, marginalisés, et ils sont marginaux
et marginalisés dans la société. Cela veut dire qu'ils
sont dans la marge de la société. Qu'est-ce que cela veut dire?
Cela veut dire qu'ils sont dedans, mais qu'ils ne sont pas tout à fait
dedans. Ce n'est pas seulement une image.
Le fait que les gens ont tendance à avoir des comportements qu'on
associe parfois à des problèmes sociaux ou parfois à de la
délinquance, toute une image projetée sur des assistées
sociales et des assistés sociaux, est due à la situation que la
société leur fait en bonne partie Peut-être pas totalement,
mais en bonne partie. Et, entre autres, les contrôles sociaux qu'on leur
impose. Je ne connais pas beaucoup de groupes qui accepteraient de subir les
contrôles sociaux auxquels sont contraints les assistés sociaux.
Si les médecins étaient tracassés par le fisc de la
façon dont les assistés sociaux sont tracassés et
contrôlés, cela fait longtemps qu'on en aurait entendu beaucoup
plus parler et que la réaction aurait été forte. Ce
groupe-là n'a pas beaucoup de poids social et comme il est un peu dans
la marge de la société, et qu'H n'est pas beaucoup
représenté politiquement, le poids de ses revendications est
beaucoup moins écouté que celui d'autres groupes. Cela, les gens
le ressentent au plan individuel et leur perception de la politique est
plutôt négative, pour ne pas dire très négative.
Il nous semble, à un certain nombre de personnes qui
interviennent dans ces milieux-là, que, si on veut donner la chance aux
assistées
sociales et aux assistés sociaux de prendre leur place dans la
société et de jouer leur rôle et d'être des citoyens
et des citoyennes à part entière, il ne faut pas seulement parler
d'insertion professionnelle des assistées sociales et des
assistés sociaux, mais il faut aussi parler de leur insertion sociale.
Cette dimension est très peu présente dans le document
d'orientation. J'ai été surpris de l'évolution de ces
dernières années, où à une certaine époque
il se parlait beaucoup plus d'insertion sociale et professionnelle des jeunes
assistées sociales et assistés sociaux, alors qu'on glisse
tranquillement pas vite seulement vers l'insertion professionnelle. C'est
insuffisant, l'insertion professionnelle, pour des gens qui ont aussi besoin
d'insertion sociale, de mesures de soutien.
Or, on ne peut pas seulement envoyer les gens comme cela à la
recherche d'emploi ou avec des mesures largement insuffisantes. Les
résultats risquent de ne pas être aussi probants que ne le
souhaiterait toute analyse économique, il faut aussi accompagner cela de
mesures sociales. En ce sens il me semble que les programmes de
développement de l'employabilité ne reçoivent pas les
ressources qu'ils devraient recevoir. Ils ne sont pas accessibles à tout
le monde, ces programmes. J'ai hâte, moi aussi, de voir les études
d'évaluation pour les lire à ce propos, mais ce n'est pas vrai
que les programmes de développement de l'employabilité sont
suffisamment accessibles et que les ressources qui devraient leur être
consacrées sont suffisantes. Cela est important. Le ministre nous dit,
dans sa réforme: On va offrir des programmes de développement de
l'employabilité, mais si les places ne sont pas disponibles... Je lisais
dans Le Soleil de samedi dernier, en analysant les crédits
budgétaires qui ont été déposés la semaine
dernière par le président du Conseil du trésor, qu'ils
annoncent, pour 1988-1989, une compression budgétaire de 23 100 000 $
à l'éducation des adultes dans les commissions scolaires.
Je ne sais pas si vous savez ce que cela veut dire? Mais cela veut dire
à peu près 20 %, en tout cas, pas loin de 20 % du budget de
l'année précédente. Alors, d'un côté, le
ministre dit: Nous allons offrir des programmes de développement de
l'employabilité; de l'autre, le président du Conseil du
trésor serre la vis, pour ne pas dire met la hache dans
l'éducation des adultes où, à ma connaissance, le
rattrapage scolaire se pratique. Le rattrapage scolaire est pratiqué
à l'éducation des adultes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur le plan technique, c'est
acheté par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
M. Caron: Qu'est-ce qui est acheté?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le cours; on le finance.
M. Caron: Oui, il est acheté.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Donc, il faut regarder les budgets
du ministère de la Main-d'Oeuvre et la Sécurité du
revenu.
M. Caron: Oui, mais vous êtes un seul et même
gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.
M. Caron: Votre réforme va impliquer des coûts pour
d'autres ministères. Si les règles budgétaires du
ministère de l'Éducation viennent contrecarrer ce qui s'annonce
dans la réforme, on peut poser des questions. Si jamais il y a une
harmonisation - à ce moment-là, il est trop facile de se lancer
d'un ministère à l'autre - il s'agira de voir quels sont les
budgets disponibles pour ces mesures.
M. le ministre, je vous rappelle également que, dans les
mêmes crédits budgétaires, il est annoncé que les
commissions scolaires vont diminuer de 1,5 % les ressources de professionnels
non enseignants, conseillers en orientation, orthopédagogues, etc. Mon
Dieu, s'il y a quelque chose dont on a besoin dans les centres
d'éducation des adultes, c'est bien des ressources professionnelles.
Tout cela pour dire que, lors de la commission parlementaire, vous avez,
à quelques reprises, émis le voeu d'avoir des suggestions
à propos de certains programmes comme le rattrapage scolaire.
Permettez-moi de vous en faire quelques-unes. En premier lieu, il me semble
évident que des choses comme les montants de fournitures scolaires
devraient revenir de façon claire et nette au niveau où elles
étaient il y a deux ans, c'est-à-dire 500 $. Oui, mais il y a eu
des coupures de faites. Il y a eu une confusion qui faisait beaucoup de
confusions, qui faisait qu'à la CECQ les élèves ont subi
une coupure assez importante du matériel disponible et pas juste les
élèves, mais aussi les commissions scolaires.
Je vous signale également que, pour les programmes de
développement de l'employabilité, je vois très mal comment
les gens qui participent à un programme de développement de
l'employabilité vont être capables d'aller chercher des revenus de
travail de 80 $ par mois. À moins que je ne me trompe, à la page
- ce ne sera pas long, cela se réfère un peu à voire
tableau - à la page 29 du document d'orientation, il est prévu
des exemptions pour gains de travail de 80 $.
La majorité des élèves qui s'engagent dans le
rattrapage scolaire ont des responsabilités parentales et souvent sont
chefs de famille monoparentale. Il est carrément illusoire de penser que
ces gens vont pouvoir aller chercher un revenu de travail de 80 $ par mois, en
plus de leurs responsabilités parentales ou familiales et de leur
participation aux mesures de develop-
pement de l'employabilité. C'est, à mon avis, poursuivre
des objectifs contradictoires.
Le dernier élément, et on pourra toujours y revenir lors
des discussions... J'attirerais votre attention sur ce qu'on appelle la
post-scolarisation. Lors du dépôt du projet de loi 3 sous l'ancien
gouvernement, il y avait des mesures de prévues pour la
postscolarisation des gens, c'est-à-dire pour les aider une fois qu'on a
scolarisé certaines clientèles, à s'intégrer sur le
marché du travail.
Le projet de loi 3 a été retiré, parce qu'il
était non constitutionnel selon la Cour suprême. Votre
collègue de l'Éducation revient avec le projet de loi 107 et
j'espère qu'il sera tenu compte de ces dimensions, parce que c'est
très important de ne pas seulement scolariser les gens, mais de les
aider encore à s'insérer socialement et professionnellement.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion.
M. Gauvin (Germain): En conclusion, M. le Président, je
vais vous faire part brièvement des recommandations que le mouvement
fait à propos de cette réforme. (13 heures)
Le Président (M. Bélanger): ...le temps qu'il
faut.
M. Gauvin (Germain): Brièvement. Afin d'éliminer la
discrimination faite aux femmes, qu'on mette en place un réseau de
garderies universel et gratuit; que l'on verse également des prestations
qui tiennent compte de la responsabilité familiale; que l'on offre aux
femmes désirant retourner à l'école des conditions et des
programmes adaptés à leurs besoins et à leurs
réalités propres: rattrapage scolaire, alphabétisation,
perfectionnement et recyclage pour victimes de mises à pied et
changements technologiques; que l'on accorde de fortes allocations familiales
ayant un caractère universel et imposable qui seraient perçues
par les prestataires comme de l'aide en sus de leurs prestations.
Également, que l'on accorde immédiatement la parité
de l'aide sociale aux moins de 30 ans; que l'on reconnaisse le droit à
l'autonomie financière des personnes et mette en place une politique de
sécurité du revenu qui soit conséquente; que l'on
garantisse aux personnes vivant de l'aide sociale le respect intégral de
leur vie privée, c'est une question importante; que l'on hausse le
salaire minimum et l'ajuste au coût de la vie. Contrairement à
l'intervention précédente, nous souhaitons enrichir les gens et
non les appauvrir. Donc, que l'on hausse le salaire minimum; il semblerait que
cela va de soi Que l'on opte pour une politique de plein emploi pensée
en fonction des intérêts des personnes, qui respecte les
conditions minimales de travail et qui assure un emploi de qualité
à un salaire décent à chacun et à chacune.
Finalement, que l'on mette fin aux abris fiscaux des entreprises et des riches,
et qu'on élabore des politiques fiscales qui rétablissent
à de plus justes proportions le fardeau des particuliers et des
entreprises.
En tout cas, il nous semble qu'une politique de sécurité
du revenu doit viser à lutter contre la pauvreté. Quand je
regarde les intentions du gouvernement, il semble que ce ne soit pas le sens
où on entend aller.
Le Président (M. Bélanger): Merci M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. M. le Président, vous
me permettrez de remercier le Mouvement socialiste pour son mémoire
écrit et pour sa présentation devant la commission parlementaire.
Je salue son président, M Germain Gauvin, également M. Caron qui
en est membre ainsi que Mme Spénard, que j'avais l'avantage de
connaître par le biais des médias électroniques et
écrits, mais que je n'avais jamais eu l'occasion de rencontrer
personnellement.
Peut-être une petite mise au point, pour commencer, avec M. Caron.
J'ai hoché de la tête - je ne suis peut-être pas
censé faire cela - tantôt, lorsque vous avez parlé de la
question des budgets de l'Éducation. Je comprends l'approche que vous
avez eue eu égard à certaines lectures que vous avez faites des
crédits soit du ministère de l'Éducation sort du
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science. Je tiens
à vous assurer que cela n'affecte d'aucune façon les
bénéficiaires de l'aide sociale quant aux programmes
administrés par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu. L'administration gouvernementale est ainsi
construite que, lorsque le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu décide de programmes de rattrapage
scolaire ou d'études postsecondaires pour les chefs de famille
monoparentale, entre autres, le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu défraie complètement les
coûts de ces cours de la location de salles, des salaires des
enseignants, etc.
Donc, si vous aviez trouvé au ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu des diminutions de
budget quant à ces programmes, vous pourriez déduire ce que vous
en avez déduit. Mais au ministère de l'Éducation, ce sont
des budgets attribués finalement à une clientèle qui n'est
pas la même que celle de l'aide sociale. C'était simplement la
précision que je voulais faire sur le plan de la comptabilité
administrative, de ce qu'on appelle souvent des tracasseries
administratives.
Il y a une question ou un angle pris par M Gauvin dans sa
présentation qui n'est pas celui que plusieurs organismes ont pris
devant cette commission parlementaire. Vous êtes peut-être le
deuxième ou le troisième à nous parler directement, dans
le mémoire et de façon verbale, de la question du
libre-échange. Vous l'abordez sous un
angle nouveau. J'aurai donc des questions un petit peu plus
précises à vous adresser concernant les effets du
libre-échange.
Vous dites dans votre mémoire: "S'il y a libre-échange, il
y a de fortes chances que le salaire minimum soit réduit pour être
au même niveau que celui des États-Unis; donc, l'aide sociale sera
aussi à la baisse". D'où tirez-vous vos sources d'information
quant au salaire minimum des États-Unis?
M. Gauvin (Germain): Je ne peux pas vous le dire exactement, mais
le salaire minimum aux États-Unis, on le retrouve réparti dans
chacun des États, si je ne me trompe. Il me semble, en tout cas, qu'il
n'y a pas si longtemps, il était à 3,80 $ environ.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai demandé de
vérifier, bien qu'on soit sur l'heure du midi, parce que...
M. Gauvin (Germain): ...et en tout cas, à ma connaissance,
c'est inégal, d'un État à l'autre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est une donnée que je
vérifie régulièrement. Il y a un salaire
généralement par État et il y a également le
salaire minimum fédéral. C'est la même structure finalement
qu'au Canada, où vous avez un salaire minimum fédéral et
des salaires minimaux établis province par province. Chaque fois que
j'ai eu l'occasion de le vérifier, je pense pouvoir affirmer - j'attends
les chiffres détaillés - que le salaire minimum du Québec
est actuellement légèrement inférieur au salaire minimum
fédéral aux États-Unis et qu'il est également
inférieur au salaire minimum des États américains qui nous
affectent le plus sur le plan de la concurrence, c'est-à-dire les
États de la Nouvelle-Angleterre. Je le dis sous toutes réserves,
mais les dernières vérifications que j'ai faites à ce
sujet datent de trois à quatre mois, à moins qu'il n'y ait eu des
changements, que je demande de vérifier. Donc, si c'était le cas,
je ne peux pas voir comment le libre-échange pourrait avoir cet effet
que vous mentionnez sur le salaire minimum et, par conséquent, sur la
question, affecter les barèmes de l'aide sociale par l'interrelation
entre les salaires des bas salariés.
M. Gauvin (Germain): Je vais également vérifier,
moi aussi. Il y a autre chose, aussi. En tout cas, c'est ce qu'on nous dit. Les
recherches nous disent que les coûts sociaux des entreprises ne sont pas
les mêmes qu'ici. Donc, cela aura possiblement des conséquences
sur la compétitivité, si vous voulez, de l'entreprise
québécoise par rapport à l'entreprise américaine.
D'où, effectivement, dans la perspective du libre-échange, de
fortes chances que l'on ait une diminution des normes minimales de travail et
peut-être également du salaire minimum - là, je ne suis pas
sûr; en tout cas, on vérifiera - mais sûrement des normes
minimales de travail. Je vous dis ceci...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quant aux coûts sociaux - je
pense que c'est un angle intéressant également - on sait qu'une
composante importante de ces coûts sociaux relève des coûts
de la santé.
M. Gauvin (Germain): Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On sait que le
système...
M. Gauvin (Germain): ...de l'éducation.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...de santé
américain est complètement différent du système de
santé canadien ou même québécois, mais lorsque l'on
constate les coûts des deux systèmes et qu'on les compare en
fonction de la donnée qui est sans doute la plus valable, la richesse
industrielle ou le produit intérieur brut, la proportion des coûts
que nous consacrons ici à la santé, au Québec, face au
produit intérieur brut, dans un système plus universel et plus
accessible que le système américain, est quand même
inférieure à la proportion que les Américains doivent
consacrer à leurs programmes de santé. Donc, à ce
niveau-là aussi, tant que cette proportion demeure inférieure ou
égale, j'ai de la misère à trouver
l'accélération vers le haut. Je ne sais pas si vous disposez des
mêmes données qu'on m'a communiquées à cet
effet.
M. Gauvin (Germain): En tout cas, mes sources étaient la
lecture des journaux, moi aussi.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais peut-être les citer
par coeur. Je pense qu'il y a une différence de 2 % entre la proportion
du produit intérieur brut que nous consacrons à nos services de
santé et la proportion que les Américains y consacrent. Je pense
que, sous toutes réserves, aux États-Unis, c'est entre 12 % et 13
% et, au Québec et au Canada, on serait aux alentours de 10 %, ce qui
leur occasionne des coûts.
M. Gauvin (Germain): Oui, allez-y Réal.
M. Caron: Permettez-moi, M. le ministre, et membres de la
commission de vous signaler que le contexte qui est en train de naître
des accords sur le libre-échange entre le Canada et les
États-Unis accentuerait la concurrence économique entre
régions économiques, qu'on parle de provinces ou zones
d'État, et exercerait probablement une pression relative à la
baisse sur le salaire minimum dans le sens où, récemment, le
premier ministre du Québec et celui de l'Ontario se sont relativement
entendus, ainsi que
vous et votre collègue ontarien, pour harmoniser les hausses du
salaire minimum au Québec et en Ontario.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce sont des ententes
ponctuelles.
M. Caron: Oui, mais on peut penser que le contexte
économique et politique découlant du libre-échange
pourrait amener le gouvernement du Québec à porter beaucoup trop
de considération au salaire minimum dans les régions
économiques voisines quand on sait que...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est chez nous, c'est mon
comté.
M. Caron: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Les régions
économiques voisines. Je suis frontalier avec le Vermont.
M. Caron: Je sais. On peut cependant constater à propos du
salaire minimum qu'il y a sept ou huit ans II y avait approximativement 200 000
à 250 000 personnes rémunérées au salaire minimum.
Or, après que celui-ci eut été gelé pendant cinq
ans, d'octobre 1981 à octobre 1986, il restait tout au plus 100 000
personnes rémunérées. Il y avait eu une baisse
substantielle du nombre de personnes rémunérées au salaire
minimum parce que simplement le marché était en train de rendre
caduc le niveau du salaire minimum. Aussi, quand on compare certains indices
depuis une dizaine d'années, le salaire minimum, les prestations d'aide
sociale, le coût de la vie, et c'était révélé
dans le mémoire de la Centrale de l'enseignement du Québec que je
vais reprendre: L'aide sociale, la rémunération hebdomadaire
moyenne et l'indice des prix à la consommation avaient monté
d'environ 75 % à 80 %. Cela se ressemblait pas mal. Le salaire minimum
de 27 %.
Nous ne sommes pas loin de penser au Mouvement socialiste qu'une forte
incitation à entrer sur le marché du travail serait de continuer
à hausser le salaire minimum, parce qu'il est un peu surprenant dans une
société riche que le salaire minimum ne permette pas à un
individu seul d'atteindre le seuil de la pauvreté tel qu'à peu
près défini par le Sénat canadien, le Conseil canadien du
développement social et ses organismes, Statistique Canada. C'est un peu
inquiétant, pour ne pas dire plus qu'inquiétant, pour une
organisation comme la nôtre et pour toute une série de groupes
dans la société que le salaire minimum oscille souvent entre 70 %
et 80 % du seuil de la pauvreté. On voit le contexte de
libre-échange comme apportant des pressions à la baisse relative
du salaire minimum.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez raison lorsque vous
placez votre analyse... et les chiffres que vous citez sont dans un cadre assez
précis et sont exacts dans le cadre où vous les situez. Je sais
que souvent les changements de politique ou de gouvernement ne sont pas
perçus lorsqu'on les prend sur une période de temps assez
étendue, mais je vous indiquerai que, pour l'année 1987, le
salaire minimum a connu une hausse à rattrapage, si je peux utiliser
l'expression, partiel même de 8,75 %, que l'aide sociale a connu une
hausse de 4,1 % et qu'au même moment les gens qui étaient
organisés pour négocier des conventions collectives, les
travailleurs les mieux organisés, ont obtenu en moyenne des
augmentations de 3,7 % et que le salaire hebdomadaire moyen a augmenté
de 2,1 % Donc, en 1987, il y a eu, si on peut exprimer cela ainsi, une
espèce de rattrapage pour les gens à l'aide sociale et surtout au
salaire minimum, et les indications que j'ai pour 1988, bien qu'elles ne soient
pas complètement compilées, vont dans le même sens. Je ne
dis pas que ce rattrapage est complété, mais j'attire seulement
votre attention sur l'orientation ou la direction que cela prend. Mais votre
analyse que vous avez faite sur une période plus longue est
également juste. En vertu de la règle de l'alternance...
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve. (13 h 15)
Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
vous accueillir M. Gauvin, M. Caron et Mme Spénard du Mouvement
socialiste. Pour peut-être continuer l'échange de propos qui vient
d'avoir lieu avec le ministre, il faut qu'il constate, comme nous le constatons
aussi, que le rattrapage ne s'est fait qu'à la baisse, compte tenu de
l'abolition de l'indexation trimestrielle de l'aide sociale. Ces chiffres qu'il
vient de nous communiquer à l'instant même permettent de voir une
hausse du salaire minimum, mais finalement supérieure en regard de
l'aide sociale parce qu'il y a eu l'abolition de l'indexation C'est certain
que, tel qu'il posait le problème au début de la commission... Je
suis en train simplement de parcourir à nouveau son discours d'ouverture
et dans son discours d'ouverture, essentiellement, il posait la question
suivante et que je vais vous relire. "Les prestataires d'aide sociale,
même en participant aux mesures d'employabilité à raison de
20 heures par semaine, doivent-ils recevoir un revenu disponible
supérieur aux salariés travaillant au salaire minimum? Nous
croyons que non." C'était donc la réponse qu'il donnait à
ce moment-là. Le gouvernement soutient qu'il est important d'encourager
toute personne à intégrer ou à réintégrer le
marché du travail et que, pour ce faire, l'aide sociale doit comporter
des éléments incitant au travail à temps plein
Au début de nos premières semaines de commission, de
façon régulière, je dirais à chaque
présentation de mémoire, le ministre posait la question: Faut-il
un écart entre le
salaire minimum et le transfert, le chèque, si vous voulez? Il
concluait toujours, comme il l'avait fait dans son discours d'ouverture, qu'il
fallait une incitation; donc, que cette incitation devait se faire, entre
autres, en comportant des éléments incitant au travail et qu'une
partie de ces éléments, c'était l'écart, le
maintien de l'écart; c'est comme cela qu'il l'appelait. Cette question
n'est plus posée depuis quelques semaines. Ce n'est pas simplement, je
dirais, depuis la date de la publication du sondage. J'imagine qu'il a dû
connaître les résultats du sondage avant qu'il les dépose
ici devant la commission.
Ce qui est assez étonnant, c'est que malgré le fait qu'on
puisse le chicaner sur l'usage abusif du sondage d'opinions, comme si
c'était un sondage d'intentions de vote en redistribuant les
indécis... C'est cela, finalement, qui est le plus ironique, c'est de
redistribuer les indécis comme si c'étaient des intentions de
vote qui allaient finir par s'empiler dans une boîte de votes; des
indécis, ce sont de indécis; donc, on ne peut pas les
redistribuer. Indépendamment de cela, il reste que malgré des
questions biaisées, parce qu'il y a, dans la formulation même, des
questions biaisées à leur face même... Si je peux retrouver
le sondage, cela va me permettre de vous lire surtout cette question et la
réponse de la société québécoise concernant
le salaire minimum. Je ne sais pas si vous en avez pris connaissance. C'est
intéressant et je suis certaine que cela a étonné le
ministre; cela a étonné une partie de l'opinion publique. La
question, c'était la suivante: Gains et permis de travail. Si les
assistés sociaux peuvent gagner un certain revenu de travail sans se
faire couper leur aide sociale, le montant par mois de leurs prestations et de
leur revenu de travail doit-il être égal, plus élevé
ou moins élevé que le salaire minimum? Plus élevé,
27 %, égal, 56 %, pour un total de 82 %; et moins élevé,
10 % avec seulement 6 % d'indécis.
C'est quand même révélateur. Je pense, M. Caron, que
vous nous rappelez - je pense que vous êtes le premier qui en parlez
devant cette commission - une vérité qui s'impose pour une
opinion publique qui cherche l'équité dans tout cela. Vous nous
rappelez ceci. C'est vrai que c'est inquiétant une société
où le salaire minimum ne permet pas à une personne seule de
combler ses besoins dits essentiels jusqu'au seuil de pauvreté.
Là, on peut concevoir, par exemple, toute une politique familiale
où les allocations et les crédits d'impôt d'enfants
viennent s'ajouter au salaire minimum pour compenser les charges familiales,
mais quand le salaire minimum ne permet pas à une personne seule de
satisfaire ses besoins considérés comme étant au seuil de
pauvreté - pas ceux du Conseil canadien, mais de Statistique Canada - je
crois, M. Caron, que vous avez vraiment raison de nous rappeler cette
réalité.
Évidemment, combler les besoins, à ce moment-là,
cela voudrait dire un salaire minimum à environ 6 $ en 1988. La grande
question - vous étiez là au moment où l'économiste
Fortin présentait son mémoire - c'est: quel effet pervers ou
impact cela peut avoir? Est-ce qu'au minimum on ne pourrait pas souhaiter que
le programme SUPRET, pas dans sa forme actuelle, mais dans
l'amélioration qui pourrait en être apportée,
c'est-à-dire avec un remboursement mensuel, quand le programme s'adresse
à des travailleurs seuls, qui ne peuvent plus bénéficier
de programme de supplément de revenu, de bonification... Est-ce qu'au
moins on ne pourrait pas s'attendre, jusqu'à ce que le salaire minimum
rejoigne le niveau du seuil de la pauvreté, que l'État donne un
supplément au revenu de travail au moins pour les personnes seules
puisqu'il entend le faire pour les familles avec enfants? Je veux rappeler au
ministre que les chiffres qui nous ont déjà été
transmis par le ministère des Finances et que nous avons pu
étudier concernant le programme APPORT - il nous fera plaisir de vous
les remettre à la fin de notre discussion - révèlent que
les familles monoparentales auront finalement moins d'intérêt
qu'elles n'en ont dans le programme SUPRET, malgré que cela leur sera
remis chaque mois.
C'est donc dire, finalement, que c'est seulement pour les couples avec
enfant et quand la femme reste à la maison que l'État accepte de
faire un pas en avant pour donner un supplément au revenu de travail. Je
ne sais pas si vous avez examiné toute cette question du
supplément au revenu de travail.
M. Gauvin (Germain): Effectivement, on a regardé cette
question. Il nous semble qu'il est possible pour l'État
québécois de combler la différence à ce niveau. On
pense également qu'on pourrait avoir un salaire minimum autour de 6 $ ou
6,25 $. On nous a dit tantôt que cela pouvait avoir des effets
néfastes au point de faire faire fermer les boutiques, mais je ne suis
pas tout à fait convaincu de cela. De toute façon, pour un revenu
décent pour chacune des personnes, on ne peut pas, à notre avis,
tout au moins, descendre au-dessous du salaire minimum. Je sais, entre autres,
que les gens du front commun demandaient autour de 70 % à la commission
parlementaire. Nous disons non. On ne peut accepter quelque chose au-dessous du
seuil de pauvreté. C'est un principe qui ne se défend pas. Nous
avons regardé cela de cette façon. On accorde à toutes et
à tous au moins l'équivalent du salaire minimum.
Mme Harel: Évidemment, il faut voir qu'il s'agissait de
l'équivalent du salaire minimum par l'addition d'un revenu de transfert
et de gain de travail. C'est ce que la population a répondu à la
question posée. La population considérait que, lorsqu'il y avait
gain de travail pour une personne assistée sociale, ce gain de travail
devait lui permettre d'avoir un revenu équivalent au salaire minimum, en
combinant son programme de
transfert et son gain de travail. Présentement, dans la
réforme, le gain de travail exempté permet d'atteindre les
besoins essentiels reconnus par le ministère, mais qui ne sont plus
couverts pour les personnes aptes. Dans la mécanique, les besoins
essentiels ne sont reconnus que pour les personnes inaptes. Les besoins
essentiels ne sont plus couverts pour les personnes aptes; ils le deviennent
par l'addition des gains de travail et de la prestation. Au-delà des
besoins essentiels, chaque dollar additionnel gagné est automatiquement
déduit, ce qui amène à conclure que ce programme d'aide
sociale est certainement celui où le taux d'imposition est à 100
% le plus élevé.
La population semble dire que les gains devraient pouvoir s'additionner
jusqu'à concurrence de l'équivalent du salaire minimum. Je pense
bien que c'est la leçon qu'on peut tirer. Il n'y a pas beaucoup d'autres
leçons. Je vais vous lire le genre de questions posées; il y en a
deux, mais l'une porte sur une question assez controversée, la
distinction entre aptes et inaptes, pas tant la distinction que l'attribution
de barèmes différents selon la catégorie aptes et inaptes.
On peut comprendre qu'il y art une catégorisation pour prioriser des
clientèles à qui on offre des besoins spéciaux, aux
personnes handicapées qui ont des besoins spéciaux, à qui
on offre des mesures particulières, sachant que leur longue absence du
marché du travail peut devenir un fardeau à porter. On peut, non
pas à des fins de barèmes différents, mais à des
fins de programmes différents, différencier la clientèle.
C'est une autre chose que de distinguer pour couvrir des besoins essentiels de
façon différente. Et la question était la suivante:
"J'aimerais savoir si vous êtes totalement d'accord, plutôt
d'accord, plutôt en désaccord ou totalement en désaccord
avec les opinions suivantes que l'on entend parfois?" La question étant:
"Les gens capables de travailler qui ne font pas d'effort pour chercher un
emploi devraient recevoir moins d'aide sociale que présentement". Je ne
sais pas si vous comprenez que la question telle que formulée,
évidemment, indique la réponse. Là on parle de gens qui ne
font pas d'effort pour chercher un emploi. Alors, cela fart allusion aux gens
que l'on considère habituellement comme paresseux. M. Caron, vous
avez...
M. Caron: D'ailleurs, je ne sais pas si M. le ministre a eu
l'occasion d'entendre André Bernard, polrticologue à
l'Université de Montréal, qui disait que le sondage n'apportait
pas beaucoup d'éclairage sur la réforme comme telle parce qu'il
ne portait pas sur la réforme, mais qu'il portait sur des attitudes
générales que les gens ont face au travail ou à l'emploi.
Et M. Bernard concluait que nous sommes tous pour la vertu et contre...
Une voix: Le vice.
M. Caron: ...en fin de compte, le vice. André Bernard
considérait le sondage SORECOM comme non pertinent. Tout ce que ce
sondage indiquait de pertinent, c'est que la réforme est
méconnue. Alors, c'est peut-être la seule conclusion valable qu'on
peut tirer de ce sondage.
J'aimerais revenir, peut-être pas sur APPORT, parce que, au fond,
l'idéal serait de tendre à ce qu'un programme comme APPORT
n'existe pas et que le salaire minimum couvre les besoins vitaux des individus,
mais j'aimerais attirer l'attention du ministre sur une question. Dans le
centre où j'enseigne, il existe beaucoup de mécontentement face
à l'éventuelle coupure de 115 $ pour cohabitation. C'est de loin
la mesure qui fait le plus jaser quand on conçoit que les
assistées sociales et les assistés sociaux, par
débrouillardise, cohabitent souvent ensemble et que cette
mesure-là - et on le voyait un peu lors d'un reportage à
l'émission "Le Point", lundi de cette semaine - risque d'amener beaucoup
de perdants chez les moins de 30 ans. Et je serais surpris, en tout cas, je ne
suis pas sûr que, quand les chiffres seront connus, quand les calculs
seront faits, il va y avoir un énorme pourcentage des jeunes de moins de
30 ans qui vont avoir droit à la parité. Je serais surpris, une
fois qu'on aura déduit les questions de contribution alimentaire et les
questions de cohabitation, M. le ministre, que le pourcentage des jeunes qui
auront droit à une parité pleine et entière dépasse
50 %. Je serais surpris.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On a remis un tableau
là-dessus à l'Opposition.
Mme Harel: M. le Président, nous avons les tableaux, et
cela me fera plaisir de vous en remettre des copies. Cela permet finalement -
j'avais pensé le faire peut-être à la clôture de la
commission - de constater qu'effectivement 78 % des personnes seules de moins
de 30 ans qui n'ont pas la parité actuellement vont être
touchées, soit par la contribution parentale, sort par le partage du
logement, soit par le test du revenu. Ce sont 78 % des personnes seules qui
n'ont pas la parité qui vont connaître une réduction en
regard des plus de 30 ans qui, elles aussi, évidemment, n'auront plus
nécessairement le même niveau de prestations.
Il me reste relativement peu de temps. J'aimerais juste vous indiquer
que dans le sondage vous avez vraiment raison quand vous vous
référez au fait que cela porte plus sur des attitudes
générales parce que la question sur le partage du logement se
lisait comme suit: "Le gouvernement considère que deux conjoints vivant
dans le même logement font une économie et en tient compte dans le
calcul de leurs prestations. D'après vous, le gouvernement devrait-il
appliquer la même formule aux gens qui vivent ensemble sans être
conjoints?" Et, en lisant cette question, l'impression qu'elle laisse, c'est
que ce sont des gens qui vivent maritale-
ment. Ils vivent ensemble. Dans notre société, partager un
logement et vivre ensemble, ce n'est pas la même chose. On dit de deux
personnes qui ne sont pas nécessairement mariées qu'elles vivent
ensemble. Vivre ensemble a la signification d'être conjoints de fait. Et
c'est l'impression qui est laissée par la formulation même de la
question. Donc, il y a des personnes qui vivent ensemble et qui ne sont pas
traitées comme d'autres qui vivent ensemble, les deux étant
conjoints de fait. Je veux simplement vous l'indiquer parce que la formulation
même de la question peut laisser à désirer.
Évidemment, le ministre va me dire qu'il n'en est pas responsable, mais
le sondage a quand même coûté 25 000 $. Avant de faire le
droit, j'ai fait la sociologie. La question des sondages m'intéresse
énormément. Je lui offre ceci: Le prochain sondage qu'il voudra
faire, j'aimerais beaucoup être associée à la
rédaction des questions. Je pense qu'on pourrait avoir...
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, Mme la
députée.
Mme Harel: ...des conditions de plus grande
crédibilité et objectivité. Mon Dieu, la conclusion, je
vais vous la laisser. Je vais la laisser au Mouvement socialiste. Mme
Spénard, j'aurais souhaité qu'on puisse parler de la question des
visites à domicile, etc. Cette commission m'a appris une chose.
J'espère que vous allez la répéter. Il faut faire campagne
pour que les plaintes soient portées auprès du Protecteur du
citoyen. C'est une façon que j'ai comprise dans la commission qui
consiste à pouvoir immédiatement mettre l'éclairage sur
des comportements. J'ai encore d'autres exemples aujourd'hui, des exemples
récents, des enquêtes très récentes du Protecteur du
citoyen, pas avant Noël, mais des mois de janvier et février. Je
pense qu'il vous faut entreprendre une grande campagne au Québec pour
inviter toutes les personnes qui se sentent lésées à
immédiatement porter plainte auprès du Protecteur du citoyen pour
réclamer le rétablissement de leurs droits.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Strictement pour réagir
brièvement aux commentaires de Mme la députée de
Maisonneuve sur la question des sondages. J'ai su qu'elle avait eu l'avantage
de connaître les résultats d'un sondage. Je ne sais pas si c'est
commandité par le Parti québécois ou par quelqu'un
d'autre, il y a quelques mois. Je ne sais pas si elle a participé
à la...
Mme Harel: Ce ne sont pas des fonds publics.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, je ne vous dis pas que ce
sont des fonds publics. Je vous dis que, si vous voulez le rendre public et
nous faire bénéficier...
Mme Harel: Vous voulez qu'on échange nos sondages.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...des résultats que vous
avez obtenus, nous pourrons évaluer les questions, etc. C'est simplement
dans l'esprit d'amener le maximum d'éclairage possible, étant
donné que vous disposez de renseignements dont, semble-t-il, nous ne
disposons pas.
Quand à la question du professeur Caron, le partage du logement,
les statistiques qu'on va vous remettre tantôt vont vous indiquer que,
sur les quelque 50 000 jeunes qui seraient touchés par cette mesure, il
y a déjà 33 000 jeunes qui résident chez leurs parents.
C'est une proportion déjà très élevée et, au
moment où nous nous parlons, la notion de partage du logement s'applique
pour des gens qui résident chez des parents. Ce h'est pas une nouvelle
notion qui est amenée à l'aide sociale. Elle est élargie,
mais elle existait pour des gens qui...
Mme Harel: ...sauf ceux qui n'ont pas la parité.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. Cela
va.
Mme Harel: D'accord. Elle ne s'appliquait pas.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ceux qui n'ont pas la
parité ne sont pas affectés, mais ceux qui l'ont le sont. Donc,
ceux qui l'auront le seront. Ce n'est pas plus compliqué que cela. Vous
en avez 4672 - ce sont les chiffres de mars 1987 - qui ne partagent pas de
logement - donc, on tient pour acquis qu'ils n'en partagent pas - et il y en a
11 437 qui en partagent. À peu près 10 % partagent un logement,
au moment où nous nous parlons, ailleurs que chez leurs parents. Je
pense que c'est cette statistique-là qu'il faut retenir. Je prends bonne
note des inquiétudes que vous avez manifestées. Ce n'est pas en
votre nom personnel, c'est au nom des gens qui fréquentent l'institution
où vous êtes.
Je voudrais, en terminant, vous remercier de votre collaboration et des
suggestions que vous avez faites sur le plan de l'éducation. À M.
le président, M. Gauvin, je vous indique que j'ai reçu pendant
que nous discutions...
Une voix: Je suis curieux.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...les taux de salaire minimum aux
États-Unis et au Canada. Cela me fera plaisir de vous en remettre une
copie. Cela confirme essentiellement ce que je vous disais, à savoir que
le Québec se situe, selon la façon dont on l'analyse,
généralement
pariant, au-dessus des taux en application dans les États
limitrophes américains: le Maine, le New Hampshire, le Vermont, le
Massachusetts, le Connecticut, New York, le New Jersey et le Rhode Island. Ce
sont les États avec qui nous sommes le plus en concurrence sur le plan
de la proximité. Mme Spénard, je vous remercie également
pour votre contribution à nos travaux.
Le Président (M. Bélanger): La commission des
affaires sociales remercie le Mouvement socialiste et invite à la table
des témoins Mme Louise Létourneau, du mouvement
Équitas.
Nous suspendons les travaux pour une minute.
(Suspension de la séance à 13 h 35)
(Reprisée 13 h 36)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Je prierais tout le monde de vouloir reprendre sa place et je
demanderais à Mme Louise Létourneau de bien vouloir prendre place
à la table des témoins pour que la commission reprenne ses
auditions, s'il vous plaît. Bonjour, Mme Létourneau. Je vous
informe que vous avez 30 minutes, c'est-à-dire qu'il y a une enveloppe
globale de 30 minutes, donc 10 minutes pour votre présentation et 20
minutes de discussions avec les parlementaires.
Je vous prierais donc de présenter la personne qui vous
accompagne. Vous pouvez vous asseoir. Cela va être plus facile pour le
micro aussi.
Mme Louise Létourneau (Équitas)
Mme Létourneau (Louise): Est-ce qu'on pourrait faire un
essai, s'il vous plaît, pour voir si cela fonctionne d'ici? Je
préfère être debout, si cela ne cause pas
d'inconvénient.
Le Président (M. Bélanger): II n'y a pas de
problème si vous voulez rester debout. C'est à votre
convenance.
Mme Létourneau: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Vous avez donc 10
minutes pour votre présentation - on va être assez strict sur le
temps - par la suite, l'échange et on procédera. Si vous voulez
présenter votre compagne et procéder à la
présentation de votre mémoire, nous vous écoutons.
Mme Létourneau: Ma fille, Suzanne Létourneau.
Moi-même, je me nomme Mme Joseph-Wilfrid Létourneau. Je salue non
seulement M. le ministre Paradis mais vous-même, M. le Président,
le distingué le chef de l'Opposition et je m'étonne si, à
l'oeil, je ne retrouve pas 17 personnes, tel que le document me porte à
le croire. Est-ce qu'on pourrait, avant de commencer et d'embarquer dans mon
temps, déterminer combien du nombre cinq péquistes et treize
libéraux sont ici?
Le Président (M. Bélanger): C'est que vous avez la
partie ministérielle à ma droite, c'est-à-dire à
votre gauche, et l'Opposition à ma gauche, c'est-à-dire à
votre droite.
Mme Létourneau: Vous comprendrez, M. le Président,
ainsi que M. le ministre et le chef de l'Opposition que lorsqu'on doit
déduire 100 $ du salaire d'un député qui n'est pas
là et qui s'est fait inscrire comme une personne
intéressée à entendre les mémoires qu'on aurait
lieu de déterminer...
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse, madame,
c'est parce que cela ne fonctionne pas comme cela. Je pense qu'on vous a
induite en erreur. Il n'y a pas de 100 $ de déduits ou de donnés.
Cela fait partie du travail des députés, mais il y en a qui
siègent présentement en Chambre et il y en a qui siègent
à d'autres commissions. Il faut se répartir le travail.
Mme Létourneau: C'est ce que je voulais savoir, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): C'est
particulièrement vrai dans le cas de l'Opposition; ils sont 20 et ils
ont un travail énorme à ce chapitre. Alors...
Mme Létourneau: Alors, je commence. Mon mémoire est
différent de tous les autres mémoires qui vont être
présentés ici, parce que moi je suis comme vous, comme M.
Paradis, comme les députés, une personne instruite. J'ai des
lettres en deux langues, j'ai 30 années dans un contexte
parallèle en droit, je suis une personne débrouillarde,
courageuse, intelligente et je vous laisse le soin de déterminer les
autres qualités que je m'attribue de justesse. Donc, c'est très
inquiétant qu'avec 30 années d'expérience dans des
domaines où je pourrais très adéquatement gagner ma vie et
où j'écris, moi, mes propres textes... Je n'ai pas un groupe de
fonctionnaires, soit au gouvernement fédéral, qui s'asseoit
secrètement avec les fonctionnaires du gouvernement provincial, qui
griffonnent leur petite idée, qui ne rime pas du tout avec la
réalité, et ensuite on sort un document qui me fait tellement
pitié que la seule chose que je trouve là-dedans, c'est l'article
633 du Code civil. Je rappelle à cette distinguée réunion
d'individus qui nous représente que lorsque j'ai parlé
publiquement à CJAD, à M. le ministre Paradis, l'an dernier,
c'est moi qui ai sorti le thème que nous avons dans nos familles la
responsabilité de prendre soin des nôtres. Ce n'est pas une
responsabilité de l'État. Si M. le ministre est
intervenu personnellement dans cela, non seulement je l'en
félicite, mais je l'encourage à prendre le soin
d'entériner les autres propositions que j'ai faites, nommément:
que, dans les HLM, où les gens sont favorisés à plusieurs
milliers de dollars par année, vous avez le loyer subventionné,
l'eau chaude, l'électricité, les appareils ménagers, le
concierge, le stationnement, le déblaiement de la neige et que sais-je
encore? Donc, quand on est dans un piètre état d'indigence et
qu'on habite là, on a des bénéfices qui amèneraient
"a class-action suit". J'en ai discuté pendant trois heures encore hier,
avant de descendre ici, de sorte que je pense que vous mettez l'État
presque en péril en discriminant de cette façon et,
naturellement, aucun intervenant ici ne vous le dira.
Donc, c'est avec tout le respect que j'attire votre attention en
personne, hommes et femmes, éduqués tel que je le suis
moi-même sur cet aspect de la loi. Ayant identifié d'où
viennent les problèmes, il faudrait maintenant avoir des solutions. Je
ne sais pas comment il se fait que vous entendiez constamment les mêmes
statistiques et les mêmes jérémiades sans jamais avoir une
solution. Quant à moi, je ne peux plus entendre du tout, et je vous le
dis en toute humilité, mais avec gros bon sens, ce qu'on fait en
Ontario, dans le reste du Canada ou aux États-Unis. Il faut que nous,
nous démontrions aux gens que, quand on parle français, on a non
seulement la tête sur les épaules, mais on a quelque chose dans la
tête. Alors, je vous suggère que votre propre mémoire... et
j'ai lu une boîte de documents grosse comme ça en provenance du
gouvernement fédéral; j'en ai lu autant dans tous les autres
domaines. J'ai lu les documents clés que vous avez vous-mêmes lus:
Conseil du patronat, aide juridique, psychiatres, psychologues, médecins
omnipraticiens et autres, Parti québécois, Parti libéral
du côté des jeunes, et patati et patata; cela m'a donné
zéro. C'était du pareil au même.
Je ne dis pas cela pour critiquer. Je le dis parce qu'il n'y a pas de
"leadership" ici. Quand on veut faire une réforme - et "réforme"
veut dire clairement améliorer - on commence par la tête. Dans le
document du "Canada's Assistance Plan" qui a certainement inspiré le
document de l'aide juridique, on constate, premièrement, que selon la
volonté divine, il semblerait y avoir un quart des individus qui n'iront
jamais nulle part. Mais là où vous vous trompez, et c'est
là la bonne nouvelle, c'est que, sans ces gens-là, il n'y aurait
pas de médecins, psychologues, psychiatres, notaires,
arpenteurs-géomètres, et mettons-en, qui, eux, font une
très grosse vie. Il n'y a pas de parlementaires, de ministre de la
Main-d'Oeuvre ou de ministre du bien-être social sans pauvres; sans eux,
vous ne pouvez pas vivre. Il faut toutes sortes de choses pour ces
gens-là parce que l'État parasite et les surmonnayés
parasites vivent de ces pauvres. C'est une chose.
Deuxièmement, il faut vous rendre à l'évidence que,
quand vous avez 95 000 $ par année et toute une force de soutien,
secrétaire, bureau à Montréal, à Québec et
Dieu sait quoi encore, et que vous travaillez techniquement durant quelques
heures par année, lorsqu'on compare cela aux autres, je ne comprends pas
pourquoi vos enfants me collent à moi leurs frais de dentiste
jusqu'à l'âge de 15 ans. Payez-les vous-mêmes! S'il vous
plaît, débarquez du bien-être social! Tant qu'on vous aura
sur notre dos, on ne pourra pas vivre.
Je ne me mets pas dans la catégorie du bien-être social. Je
crie au secours en ce jeudi saint, car après le calvaire de 30
années, de grâce, ne me crucifiez plus! Je suis habile. Quand vous
avez détruit mes meubles, mes vêtements, que vous avez
caché mon mari durant neuf ans avec ma petite fille qui était
resplendissante de santé, j'ai dormi dans ma voiture et j'ai
fréquenté 42 chambres. Je ne vous ai jamais demandé un
centime et j'en suis presque morte. Quand je suis arrivée et que ma
fille qui était pour décéder d'une lésion au coeur
et qu'elle tient toujours, j'ai été forcée d'accepter 70 $
par mois. Il m'a fallu neuf ans pour avoir un lit; je dormais par terre. Une
femme de mon calibre avec un enfant comme cela, une femme pure et bonne qui ne
cohabite pas... La cohabitation me donne envie de crier. Je ne veux plus
entendre qu'un concubin untel ou autre marginal qui n'a ni coeur, ni honneur,
ni moralité, qui ne croit en rien, exige de gens travaillants comme moi
des bénéfices auxquels il n'a aucun droit. On va le cataloguer
pour ce qu'il est. Vous faites une petite erreur quand tout le monde crie: Ah!
regarde donc le ministre, comme il est terrible! Il n'est pas terrible. Quand
on connaît la loi comme je la connais depuis 30 ans et que la plupart
d'entre vous, vous êtes soit trop jeunes ou dans d'autres domaines pour
le vivre comme je l'ai vécu, il y avait dans les lois que vous pouvez
relever l'article 6 qui décrivait les débiles, !es
infortunés, les impotents, les personnes souffrant de
cécité ou de n'importe quelle autre chose affreuse,
cataloguées dans l'article 6.
L'article 8 de l'ancienne loi, et je l'ai avec moi, disait clairement
que n'importe qui, pour ne pas risquer de tomber dans la dèche, pouvait
faire appel à l'État pour améliorer sa situation. C'est
plein de bon sens. Il payait des taxes et ne pouvait pas survivre. Il devait
faire cela, autrement il serait décédé. S'il
décède et qu'il est indigent, qu'allez-vous faire? Vous allez
l'enterrer. On n'est pas pour le laisser pourrir là, n'est-ce pas?
Le Président (M. Bélanger): Je vous demanderais de
conclure, s'il vous plaît, madame.
Mme Létoumeau: M. le Président, je vous remercie de
reconnaître que 30 années de problèmes et un mémoire
différent amènent M. le Président à m'inviter
à conclure. J'aimerais bien
conclure. Si vous ne commencez pas par changer votre propre personnel,
généralement unilingue, abusif, ignorant, incapable d'apprendre
la loi... et j'ai cité des fraudes de 350 000 $ d'un monsieur et aucun
de vos individus ne va l'accepter. Pourquoi? Comment se fait-il que sa
concubine que j'ai dénoncée reçoit un chèque d'aide
sociale? Elle a 31 ans, belle comme une image, forte comme un boeuf. Elle dort
toute la journée, elle cohabite et elle ne paie même pas son
loyer. Donc, ses petites dépenses sont payées par son petit
chèque d'aide sociale. Il n'y a pas une personne chez vous qui va le
prendre.
Quand on va à la police avec un mandat d'arrêt pour refus
de pourvoir, et M. le ministre le sait, mes documents sont devant la commission
MacDonald, la commission Prévost, la commission Keable, au
ministère de la Justice... Quand je suis allée demander de l'aide
au ministère de la Justice, j'ai été frappée,
jetée au fond d'un ascenseur et le ministre a trouvé que je dois
être expulsée. J'espère, M. le Président, que vous
ne ferez pas la même chose aujourd'hui et que vous me permettrez de
prendre quelques minutes sur les 20 minutes qui restent.
Je peux vous assurer que si vous voyez le problème
autrement...
Le Président (M. Bélanger): Si vous le permettez un
instant. Vous pouvez continuer. Cela réduit d'autant la période
de questions. C'est simplement cela. Maintenant, je pense que j'ai l'accord des
deux côtés. Vous pouvez continuer, libre à vous.
Mme Létourneau: Vous êtes des plus aimables parce
que je pense que cela en vaudrait la peine.
Une des solutions qui me paraît réaliste et
entérinable est la suivante. Je m'excuse d'aller vite parce que je
souffre des poumons. J'ai eu cinq fois une pneumonie à force de vivre
avec peu ou pas de chaleur. Cela fait des années qu'on m'a volé
mon poêle, mon "frigidaire", tous mes meubles. Je fais un rapport
à la ville, je vais voir M. Doré trois fois, je me plains,
j'identifie le juge qui a 2000 $ d'une extorsion, je me plains à la
Banque Royale qui, pendant 18 ans, à la demande de Jérôme
Choquette, a retenu 6000 $ de l'extorsion sans jamais me payer un centime
d'intérêt. Ils me doivent à peu près 60 000 $. Je
négocie pour l'avoir.
Je ne sais plus où donner de la tête. Je suis à
l'article de la mort. Ne vous trompez pas sur ce petit personnage tout
astiqué qui vient ici toute propre, toute désireuse de vous
instruire et sans aucun moyen. Cela me coûte à peu près 7 $
par minute pour le privilège de venir vous instruire sur des choses que
vous devriez savoir mieux que moi si vos interlocuteurs avaient des
solutions.
Je propose ceci: La taxe foncière résidentielle, il faut
cesser de la percevoir chez des gens qui ont payé leur modeste demeure
et qui n'ont pas les moyens. Autrement, vous tombez dans un état
fasciste où vous n'êtes jamais propriétaires de quoi que ce
soit. Cela ne peut pas vous faire mal à vous techniquement,
financièrement Mais avec l'intérêt que je
décèle sur certains visages, il me semble que vous allez
être sensible à cela.
Deuxièmement, d'après les petites études que je
fais, parce que je suis modestement recherchiste de mon côté, il
semblerait qu'environ 2000 $ de denrées alimentaires sont
envoyées dans le Grand-Nord annuellement aux autochtones, soit les
Indiens, soit les Inuit, et que cela comprend des produits laitiers, du boeuf,
des céréales, etc. Pourquoi ne peut-on pas donner cela pour
combler la différence qui existe pour les personnes à
l'extérieur des HLM?
Troisièmement, ne serait-il pas rentable et souhaitable de
constater que, si vous n'accordez pas Hydro-Québec gratuitement et que
vous continuez des développements que moi j'estime non seulement
coûteux, parce qu'Hydro-Québec est le troisième ou
quatrième plus gros emprunteur sur les marchés mondiaux, si vous
continuez ces folies du genre Baie-James, tout ce que vous allez faire, c'est
détruire chez les Indiens à qui on a volé le pays, le peu
de nature qui nous reste ici pendant qu'on pollue constamment? Vous avez aussi
les immigrés illégaux et les immigrés illettrés. On
a déjà 600 000 illettrés d'après ce qu'on nous dit.
En parlant au sénateur Gigantes, il y a environ trois semaines, il m'a
affirmé qu'avec neuf années d'instruction une personne est
qualifiée comme illettrée.
Je vous pose la question, cher monsieur, combien d'années avaient
Galilée ou Molière ou Shakespeare ou Newton? Il faut quand
même regarder ce qu'on fait. Quand M. Ryan publie en page 3 du Devoir,
le 7 août 1967, que la gendarmerie entre chez nous pour me tuer,
essaie de me précipiter avec ma petite fille par-dessus le balcon, et
que j'ai enregistré tout cela parce que je cherche à
exécuter un mandat d'arrêt C'est un acte criminel. Selon l'article
50 du Code de procédure civile, il y a le mépris de cour, et dans
le Code criminel, vous qui êtes avocat, il y a toutes sortes de
prévisions. Je veux bien croire que les avocats ne pleuvent pas dans nos
Législatures aujourd'hui et depuis les années soixante on les a
exclus. Mais les gens qui paient des taxes et qui viennent ici sont quand
même du monde instruit. Il ne faut pas être avocat pour comprendre
cela.
Mais quand on est avocat en plus, est-ce que son propre droit de
pratique en plus n'est pas en péril, quand on ne respecte pas,
premièrement, son serment d'office comme avocat, quand on tolère
que ses confrères qui s'asseoient avec vous dans une Législature
sont des gens qui devraient être en accusation. Je cite l'avocat Auguste
Choquette lorsqu'il était avec M Serge Bélair; il a dit
clairement, après que mon avocat du temps, Me Jean-Paul Lamoureux,
maintenant retraité, que le ministre Choquette tomberait de
sa position. N'est-ce pas le cas pour M. Marx qui est parfaitement au
courant de cela? Comment peut-on délier, premièrement,
l'administration de la justice du domaine de la main-d'oeuvre ou du domaine
social parce que votre article 12 de votre fameux petit pamphlet, qui est un
bijou, exige qu'on fasse a, b, c, d, e, f, g? Essayez de le faire! Vous ne
pouvez pas ester en justice. Vous dépensez au-delà de 60 000 000
$ sur l'aide juridique. J'ai donné un mémoire en 1972 devant ce
distingué auditoire du temps où je démontrais que
c'était seulement une façon d'employer les avocats les moins
doués.
D'autres du même acabit se présentent en politique. Eux
aussi n'ont pas l'obligation de gagner leur croûte en ayant leur propre
étude et autres. Je ne vise nullement M. le distingué ministre de
la Main-d'Oeuvre. Bien au contraire. Alors, quand on a des obligations en
droit, et qu'on ne peut pas les remplir, où allons-nous, messieurs? Il y
a aussi, et personne n'en parle, dans votre fameuse Loi sur l'aide sociale dont
j'ai les copies ici, des "provisions" qui gouvernent vos employés. Ils
sont passibles d'emprisonnement. Ils sont passibles d'amendes s'ils donnent de
l'aide sociale aux gens qui n'en ont pas besoin ou qui n'en auraient pas besoin
si leur époux prenait soin d'elles... Moi, je ne comprends pas pourquoi,
et je vous donnerai la documentation qui est déjà chez Me
Jean-Paul Dupré du temps et son prédécesseur, où
mon époux est caché d'année en année par la police,
par le maire de Montréal, par les ministres ici et où nous, on
est assommés, mis sur la voie publique, on nous enlève tous nos
vêtements, tous nos meubles et on nous laisse crever sur la voie
publique.
On nous dit: Si vous ne cédez pas vos originaux, on vous laisse
mourir. J'ai dit: Je vais mourir. Je ne veux pas mourir. J'aurai 65 ans le 29
juin de cette année, je ne peux pas payer 550 $ pour me faire
incinérer. Je n'ai pas le goût de le faire maintenant. Si je vous
parle de sorte que je ne pleure pas, parce que j'ai une certaine
intensité, je vous le dis, je dois aller très vite parce qu'il
n'y a pas de temps, je veux sensibiliser non seulement vos coeurs, mais vos
têtes, du fait qu'ici vous avez une personne qui a pris au-delà de
100 $ pour venir vous voir parce que le "input" que vous avez est
faussé. Il faut changer les règles du jeu. Il faut clairement
déterminer qu'on a besoin d'une investigation. Vous avez aussi la
Commission des droits et libertés. À quoi servent toutes ces
choses, sauf pour contester? Je vous demande en tout respect: de grâce,
abolissez vos postes d'ombudsman, vos conseils de la femme, abolissez vos
postes de droit et démontrez que vous êtes sincères, parce
qu'on ne peut parvenir à vous parler dans un délai normal sans
courir après notre souffle. J'ai remarqué que les contestataires
qui disent toujours la même chose ont tout leur temps, eux. Mais, moi qui
suis victime et capable, je n'en ai pas. Donc, pourquoi ne pas dire au groupe
qu'il y a ici: Écoutez, madame, vous avez peut-être des choses
à dire? Si vous le disiez moins vite et si vous aviez une documentation,
cela nous aiderait davantage. Inscrivez-moi pour témoigner devant la
Législature comme la Commission des droits et libertés de la
personne le permet et, moi, je vous promets que, quelle que soit la chose que
vous m'avez faite, quel que soit l'individu qui l'a faite, je vous
gracierai.
Nous sommes à la fête de Pâques. Même Barabbas
a été libéré, quoiqu'on ait crucifié le
Christ. Je n'ai pas la prétention de marcher dans l'ombre du Christ,
mais je le prends comme un individu qui m'a donné l'exemple que j'ai
toujours essayé de suivre. Et si vous m'aidez aujourd'hui, je vais
restaurer la propriété que la ville a saccagée aussi
récemment qu'il y a huit jours. Il y a une prévision de 1500 $
dans la loi pour sinistre, mais les personnes à votre emploi, pauvre M.
Paradis, pensent qu'un sinistre est un feu. Je suis certaine que les
distingués membres ici ont une éducation suffisante pour savoir
que ce n'est pas le cas. Si, dans la loi, il y a plus de 1 000 000 000 $ "and
this one billion dollars comes from the Federal Government, how can you make
such a poor usage of this billion dollars while all you are doing is creating
more poors?"
Il faut être fou dans la province de Québec pour satisfaire
les exigences ministérielles: il faut un certificat médical si
j'ai une écharde au doigt, il faut une ambulance, il faut que je sois
déprimée, il faut que je prenne du Valium... Il y a aussi le
problème de drogue. Pourquoi ne pas démontrer à
l'Amérique du Nord, puisque c'est le thème de Jessie Jackson,
c'est le thème de Mme Reagan, c'est le thème du président
des États-Unis... Au nom de Dieu, donnez-le leur gratuitement,
invitez-les à s'inscrire comme vous avez fait pour les marginaux qui
étaient des immigrés et voyez à sortir de vos têtes
et de vos coeurs tout ce que je sais, moi, qui y est. Ne soyez pas à
votre tour déprimés, soyez à votre tour combatifs,
courageux et "statesmen" et ne vous faites plus prendre au piège. Moi,
j'entends la même chanson depuis les années soixante où les
barbus drogués arrivaient et c'était du "gna, gna, gna" - il faut
arrêter le "gna, gna, gna".
L'État ne fonctionne pas, il ne peut pas fonctionner parce qu'il
y a des ententes intergouvernementales, des ententes monétaires
internationales. Quand j'en ai parlé avec M. Eric Kierans à CJAD,
M. Kierans m'a dit: Vous avez raison, madame. C'est quand même
édifiant. Notre dollar flottait à 1,20 $ quand ils ont
décidé par une machination que vous connaissez bien mieux que moi
de l'abaisser tout simplement en fonction de PAmerican currency". Qu'est-ce
qu'on a, nous autres? Est-ce qu'on n'est pas capables de construire des
voitures? Pourquoi ne voit-on pas pour la création d'emplois une tout
autre idée? À la baie James, pauvre M. Bourassa, s'il
n'était pas enfermé dans sa tourelle et trop bien dans sa peau,
il comprendrait une chose: au
XXe siècle, toutes les voitures circulant dans la
périphérie de notre belle province devraient porter non seulement
l'étiquette de "belle province" et oublier "Je me souviens" parce qu'ils
ne se souviennent de rien.
Alors remettons dans ces mêmes voitures, que ce soit des voitures
du gouvernement ou des taxis ou toutes les voitures qui ne sortent pas de la
périphérie, du... comme on fait au Brésil et comme on fart
dans d'autres endroits. C'est moi qui ai parrainé l'idée pour les
voitures d'Hydro-Québec qui fonctionnent avec le gaz naturel. Enlevons
le sucre qu'on destine à l'alcool et autres choses et faisons quelque
chose d'utile. Là, vous auriez des emplois comme on en crée
à Saint-Hilaire depuis plus d'un an et demi. Ah! oui, cela existe, cher
monsieur. Si on ne vous l'a pas dit, demandez aux chers journalistes qui
s'occupent toujours de l'Iran, d'Israël ou d'outremer, parce que c'est
beaucoup plus facile que de s'occuper de nous autres. Arrêtons de voir ce
qui arrive ailleurs, regardons la loi. On a une Législature ici qui fait
la loi. Vous ne le faites pas pour nous assommer, vous n'êtes pas des
médiocres ou des méchants, vous ne vous assoyez pas la nuit pour
comploter sur la façon de nous détruire. Vous y arrivez, parce
qu'il n'y a pas d'"input". Vous êtes débordés, vous lisez
trop de documents, vous faites trop de choses. Alors, s'il vous plaît,
penchez-vous sur les choses que je vous dis et réglez notre
problème si vous ne voulez pas régler ceux de tous les autres ou
de l'État. (14 heures)
Je vous demande, cher M. Paradis et j'espère que vous y
acquiescerez, un poste. "You want to give jobs, give me one" Personne ne peut
faire aussi bien que moi avec l'expertise que j'ai acquise pendant 30
années de souffrances intenses; personne ne peut mieux vous renseigner
ni mieux identifier les Vianney Jut ras ou les Mme Leduc de votre propre
bureau: 873-5757; quand on les appelle, on n'a que des abus, des
téléphones fermés, des cris et quand on va au bureau du
sous-ministre, on nous abuse, on nous injure. Quand on vous parle ou qu'on vous
écrit, on n'obtient pas de réponse à nos lettres. Ni les
Mme Nicole Dussault qui devraient être radiées du Barreau et
congédiées parce qu'avec des documents qui ont coûté
125 $ pour les renseigner sur des actes criminels non seulement commis par les
Ryan et - je regrette de le dire - M. Bourassa et, accidentellement et non pas
par exprès, par vous-même, je vous donne à ce moment-ci le
bénéfice du doute, mais dans les dix jours, ce doute va
disparaître.
Et je vais voir si on ne peut pas dans un livre, que j'ai très
peu en mémoire, parce que je ne les mets pas en compétition avec
vous autres, mais j'en ai une pléiade. J'ai fait expédier cela
ici et ils sont disparus mystérieusement. J'ai décidé
qu'un si bon travail manuscrit devrait être mis dans un livre et je vais
le publier. Le livre va s'intituler: Le vrai visage du Québec.
Cela va aussi démontrer ce que cela donne de parler français.
Le français est une langue "imparlable". Premièrement, si Dieu ne
nous a pas doués d'un minimum de 130, intellectuellement parlant, on ne
peut pas, d'abord, le parler et, deuxièmement, l'écrire. Si vous
avez le moindre doute, regardez vos propres instituteurs ici à Laval qui
écrivent des livres qui n'ont pas d'allure parce qu'ils ne sont pas
capables de manipuler leur propre langue. Vous parlez quand même votre
langue, et c'est partiellement la mienne, mais je vous invite à savoir
que, dans vos écoles, vous devez également apprendre la langue de
vos concitoyens dans notre beau pays de sorte que vous puissiez naviguer, non
pas parce qu'il y a de la technologie, ce n'est pas la technologie qui fait
marcher l'affaire, c'est le Québec! La plus belle des provinces,
à mon humble avis, avec les meilleurs gens, avec les gens les plus
généreux et probablement les plus réalistes. Ne tombons
pas dans le piège de la technologie, de l'indifférence ou de
"computers" où les machines font marcher les gens. On ne veut pas que
l'asile soit mené par les fous et on ne veut pas devenir fous pour le
mener.
Je vous demande en tout respect, s'il vous plaît, de me donner
cette chance qui m'est absolument obligatoire de venir en commission
parlementaire, parrainée par un député, sur la Ligue des
droits de l'homme, avec des documents bien identifiés pour corriger ces
choses-là et nettoyer nos tribunaux.
Quand le juge Yves Mayrand a extorqué pour 2000 $ et qu'il est
dégommé, parce que je le dénonce au juge Guy Guérin
de la Cour des sessions de la paix, je ne comprends pas comment H se fart que
cet homme est encore là. Je ne comprends pas non plus pourquoi les
avocats de la couronne ont pu tirer la langue à toute la province, la
détenir en otage et faire des menaces, alors que s'ils avaient
été en Ontario, selon les dires mêmes d'un ex-avocat de la
couronne, Me Audet, chacun aurait été congédié. Si
l'Opposition péquiste - et honnêtement, c'est à vous que je
fais appel - H est évident que le gouvernement libéral, non pas
parce qu'il est méchant, mais parce qu'il est omnipotent, croit qu'il
est là par droit divin... On a presque vu pleurer M. Bourassa pour y
être, on a vu M. Garneau tout étonné de ne pouvoir obtenir
ce qu'il voulait et on le voit continuellement; ils sont là par le droit
du Seigneur. Si vous voulez avoir un peu d'humilité du côté
des libéraux, travaillez avec vos confrères péquistes et
que les péquistes disent: On se lève debout, nous, non pas parce
qu'on parle français, non pas parce qu'on veut s'arracher le pouvoir,
mais parce qu'en travaillant ensemble pour représenter les
différents comtés où, mon propre député, M.
Boulerice, a fermé les portes depuis toujours, où ses petits
amis, dont bon nombre d'homosexuels viennent défoncer chez nous...
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse,
madame. Il ne faudrait pas faire de personnalité comme cela ici.
Je m'excuse.
Mme Létourneau: Je m'excuse, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Non, madame, nous
devons respecter tout le monde. Tenez-vous en à votre texte et aux
propos de la commission qui sont sur la réforme de l'aide sociale. Je
vous demande de ne vous en tenir qu'à cela. Le reste est inacceptable
ici.
Mme Létourneau: Merci. Je constate, et je m'en excuse, M.
le Président, que vous ne voulez pas entendre des faits, même
vécus. Donc, je vais vous les écrire, mais cela n'enlève
rien à la vérité de ce que j'alllègue. Quand ces
gens-là défoncent chez nous, ils défoncent chez nous!
Quand j'appelle la police, je n'ai pas de protection! Pourtant, je suis
taxée pour cela! Alors, je vous prie - et je l'ai dit à M. le
ministre à CJAD - et M. Paradis m'a donné le ruban. Je vous
invite vous... Quand les gens gagnent assez d'argent pour payer le
médecin, ils sont quand même louables. Je vous suggère
respectueusement que, lorsque vous allez voir le médecin, vous ne le
payez pas. Les gens paient leurs livres ou leur transport - et je vous ouvre
une parenthèse - vous ne donnez pas...
Le Président (M. Bélanger): Madame, les 30 minutes
sont écoulées. Je vous demanderais de conclure très
brièvement, s'il vous plaît.
Mme Létourneau: D'accord, je m'incline. Très
brièvement, ajoutons tout simplement que pour chercher du travail il
faut se déménager quelque part. Donnez-leur donc une carte s'il
vous plaît de sorte qu'ils puissent aller en autobus et n'oubliez pas la
confidentialité. Vous °tes là à étaler, du
médecin au pharmacien, la pauvreté de quelqu'un. J'ai
été combien de fois sollicitée, non pas parce que je suis
belle, je m'excuse si j'en ris, mais parce que je suis indigente. Vous n'avez
pas idée combien de médiocres m'offriront à moi ou
à ma fille exquise une porte de sortie du fait qu'ils savent qu'on est
là. Je me sens profondément humiliée. Je suis
rabaissée outrageusement à un degré de misère qui
est inacceptable pour un cheval ou un chien. Je suis une petite fille du
Québec qui vient d'une famille, des deux côtés, qui n'avait
jamais fait autre chose que de bien travailler. Je suis d'une famille de
lieutenant-gouverneur. Je suis d'une famille qui était très forte
en droit, en médecine et en lettres. Et constatez que si, moi, je
n'arrive à rien, que vont faire les autres qui n'ont ni ma formation, ni
ma capacité de venir ici et vous supplier de me donner ce qui est
à moi de plein droit. Merci pour votre gentillesse.
Le Président (M. Bélanger): Merci, madame. Alors,
il n'y aura pas de période de questions puisque les 30 minutes ont
été écoulées. J'appellerais à la
table...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je voudrais quand même
remercier...
Mme Létourneau: Vous m'avez entendue pendant 25
minutes.
Le Président (M. Bélanger): Non, j'ai un
chronomètre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je peux peut-être
profiter... Moi, je voudrais...
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse. Il y a un
chronomètre et une personne neutre qui l'a fait.
Mme Létourneau: Je m'incline. Merci beaucoup.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce qu'on peut vous remercier
de votre présence et dire qu'on a pris bonne note de vos propos?
Malgré tout ce que vous avez dénoncé du système,
vous avez quand même pris la peine de nous dire que la province de
Québec était quand même la plus belle et la plus
généreuse.
Mme Létourneau: Oui, c'est vrai.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pour ce témoignage...
Mme Létourneau: J'apprécie que vous le
reconnaissiez mais je vous demande une dernière chose à mon tour.
Me rencontreriez-vous privé-ment pour que, sans être
obligée d'étaler sur la place publique notre petite lessive
collective ou individuelle, on puisse quand même faire quelque chose pour
la nettoyer et vivre en paix comme vous le faites, M. Paradis?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je fais du bureau de comté,
tous les samedis. Je vais voir si on ne peut pas arranger quelque chose
pour..
Mme Létourneau: En faites-vous samedi prochain?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je fais cela samedi-ci encore.
Mme Létourneau: Vous allez me trouver fine comme il n'y en
a pas. Je ne suis pas toujours obligée de me contraindre à une
période de 30 minutes. Merci tout le monde quand même et bon
succès.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Bonjour.
J'invite à la table des témoins, M. Gerard
Kaashk. Bonjour, M. Kaashk. J'espère que je prononce
bien votre nom.
M. Gerard Kaashoek
M. Kaashoek (Gerard): Oui, vous l'avez. That is close enough. You
can hear me?
Le Président (M. Bélanger): It is clear enough. You
have ten minutes for your presentation. And, after, we will have a question
period with the MNA's. If you want to start right now.
M. Kaashoek: Okay. Thank you. Using the fiche on parental
contribution, the fiche on the APPORT Program and using the fiche on the
"barèmes" in order to clarify certain vague statements in the Position
Paper, I discovered that the whole employment incentive concept of the Position
Paper, that is to say the Employment Incentive Program and the PWA Program, are
based on two things: first, harmonization with the loans and bursaries system
in which students receiving loans and bursaries are expected to work a limited
number of hours in order to meet basic needs; second, harmonization of basic
needs with income tax exemptions.
This means two things: first, if this reform goes through, we can say
goodbye to social aid as a last resort. Second thing, it is no wonder that the
Position Paper's idea of powerful work incentive, which is supposedly based on
minimum wage income, is, in fact, all screwed up and can be ripped apart
analytically. This is why my recommendations for the reconstruction of the
Employment Incentive Program are the exact opposite of the Position Paper's
proposals.
I wish to draw the attention of this commission to my chart, the
positive work incentive chart which is on the last page of either of the two
documents containing my recommendations. My chart is to be contrasted with the
chart behind Mr. Paradis, that is the chart on page 27 of the Position
Paper.
Mr. Paradis says that the minimum wage income of 689 $, actually 4, 55 $
per hour for a 35-hour work week, works out to $685. I do not know where the
extra 4 $ come from. Note the minimum wage income for a 37, 5-hour work week
and for a 40-hour work week. By the way, add 2 $ to 783 $, plus all currently
recognized special needs, and you get social aid benefits plus all advantages
related to the Social Aid Program for unemptoyables. 560 $ a month is basic
long-term needs or essential needs as calculated in table number I of fiche
number 10. Going down lower, note the present system for 1989: 503 $. Still
farther down, we have the basic benefits scale for employables: 405 $ a month.
What are we supposed to compare 405 $ a month to, Mr. Paradis? To 560 $ a
month, to minimum wage income for a 35-hour work week, to minimum wage for a
40-hour work week.
Notice the gap on Mr. Paradis'chart, the gap of 155 $ a month between
long-term needs and the benefit rate. This gap amounts to 28 % of basic needs
and has the name: "job income exemption". It also has another name: "powerful
work incentive". How is this gap to be filled?With odd jobs? If
someone is on a dead-end employability program next year, he gets 520 $ a
month. Where is the minimum wage, Mr. Paradis? 520 $ a month is 40 $ less than
your own calculation of essential needs.
For a participant on a dead-end program who is allowed 600 $ a month,
this works out to about 44, 1 working hours per week or 3, 16 $ per hour. Where
is the minimum wage, Mr. Paradis? For most people on the Employment Incentive
Program, any total income earned in excess of 560 $ a month will be taxed away
at an effective marginal taxation rate of 100 %. Where is the minimum wage, Mr.
Paradis?
For recipients subjected to the APTE Program, c'est-à-dire Action
punitive pour le travail et l'emploi, who are supposed to do without special
needs allowances as do ordinary low-income working households, where is the
minimum wage, Mr. Paradis? And I have to point out something else. It is point
number 7 of the document which I submitted called the "Positive work incentive"
document. Point number 7: The PWA Program is the Government's own evidence that
minimum wage is not enough, at least, for families.
In fact, PWA benefits are based on income tax exemptions dependent on
family size and not on minimum wage earnings. Furthermore, maximum benefits are
granted at income levels which clearly exceed the minimum wage income for a
35-hour work week. A household with only one income, that of a 35-hour work
week at minimum wage, is relatively penalized. Let us take the least
embarrassing example, that of a single parent with one dependent child. If this
parent works 35 hours per week at the minimum wage then presumably, the total
monthly income would be 951 $ from table III. (14 h 15)
This includes benefits for child care. If this same parent works 37, 5
hours per week at the minimum wage, then, from table IV, total work income and
total benefits add up to 13, 189 $ a year or 1099 $ a month. Two and half extra
hours work per week at the minimum wage translates into 148 $ a month. The more
you earn, the more you get. If this same parent, presumably on the El Program,
earns only 150 $ a month, then using table IV and the internal documents, and
excluding child care expenses, we calculate an annual loss of 1251 $ from PWA,
or minus 104 $. Is this the Government's idea of employment incentive? We see
that every aspect of the Government's PWA Program contredicts its own theory of
employment incentive set at the minimum wage.
Those figures for the PWA Program are for
1988. I want to point out that for 1989, the figures will be even
crazier because maximum PWA benefits will be granted at a salary income level
equal to that of income tax exemptions, equal to that of recognized needs. In
1989, for a single parent with one dependent child, this will be 840 $ a month,
10 080 $ per year. This works out to 195 $ a week or 4, 88 $ an hour for a
40-hour work week, 42, 9 hours per week at the minimum wage. In 1990, it will
be even farther off. Fiche no 10, table II says the essential needs for a
single parent child will be 873 $ a month, 203 $ a week for 44, 6 hours work
per week at the minimum wage or 5, 750 $ for a 40-hour work week.
My most important recommendation is this: The basic benefit rate for
employables must be increased to 560 $ a month to ensure personal survival. The
allowable level of job income exemption should be 129 $ a month, in order to be
a positive work incentive. That still leaves a gap of almost 100 $ a month
between total monthly income allowed to an employable and minimum wage income
for a 40-hour work week.
In other words, by the Government's own calculations, 560 $ a month is
an extremely low level of income and leaves a lot of room for a positive work
incentive. Now, do I have any time left? I would like to pose...
Le Président (M. Bélanger): You have just one
minute left.
M. Kaashoek: I have one minute more.
Le Président (M. Bélanger): Yes. One more
minute.
M. Kaashoek: Okay. I would like to ask Mr. Paradis two questions.
I would like...
Le Président (M. Bélanger): Be brief, please.
M. Kaashoek: Very briefly.
Le Président (M. Bélanger): Please.
M. Kaashoek: The first question is: What percentage of social aid
clients who complete an employability enhancement measure actually get a
permanent full-time job? I want a figure. I want a number. I want a statistic.
The second question: The population of Québec is greater than... The
population of Ontario is greater than that of Québec. Yet, your own
internal document, fiche 16, says that in June 1986, Québec had 404 707
households receiving social aid, whereas in Ontario, they had only 261 200. Why
is that in Québec? There are 55 % more households depending on social
aid benefits than in Ontario. I would like to know your answer and I would like
to know the real reason. Thank you.
Le Président (M. Bélanger): Thank you. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Yes. I would like to thank Mr.
Kaashoek for the presentation, both manuscript and oral presentation. We are
tackling a problem that is not a simple problem. The number of people on
welfare has increased between the 1986 figures that you have mentioned up to
the middle of 1988. We are using before this Commission the March 1987
statistics. At that time, we had a clientele of 400 000 households on welfare,
whose only source of income was welfare payments.
M. Kaashoek: What I really want to know is the comparison between
Québec and Ontario? I mean...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): I am going to try to get it for
the month of February or, if it is available, the month of March. All I can
tell you is that since March 1986 the number of welfare recipients has been
decreasing in the Province of Québec at the same time as the
unemployment level was decreasing. In Ontario, unemployment has been steadily
decreasing too, but they are faced with this new phenomenon that their level of
welfare recipients is now on the rise. With an unemployed level of
approximately 5 %, their number of welfare people is going up. So, what do
we... Yes?
M. Kaashoek: Excuse me. I was going to say, maybe it is because
the economy is improving and more welfare recipients are starting to look for a
job and therefore, when Statistics Canada takes a survey of the unemployment
rate, there are more of them now counted as being unemployed because they are
looking for work.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Well...
M. Kaashoek: Do you know how the unemployment rate is
calculated?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Yes. A lot of people make the
mistake of adding the unemployed people with welfare recipients and it is a
basic mistake, but the unemployed is calculated through surveys.
M. Kaashoek: Yes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): They phone people and they ask
them if they are looking for a job.
M. Kaashoek: Right.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): That is the way it is done.
Yes.
M. Kaashoek: Right.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): But coming back to your specific
question, December 1987 is the last statistic I have to compare between
Québec and Ontario. In December 1987, the percentage of unemployed was
9, 6 % in Québec, in Ontario, it was 5 %. The households depending on
welfare were at 355 336 in Québec. At the same time, there were 283 902
in Ontario. So, if we compare the level we had in March 1985 for both
provinces, right now we are at 83, 7 % in December 1987 in Québec and in
Ontario, it is at 107, 1 %. So, while Québec is decreasing, Ontario is
increasing. That is quite a strange phenomenon because their level of
unemployed is 5 % while our level of unemployed, if we go back to December
1987, is 9, 6 %.
So, we figure that people are left aside of economic growth. They do not
participate in the economic growth because sometimes they do not have the
possibility to participate. If you are a person who is a functional illiterate,
it is very hard for you to find a job. If you have not terminated your
secondary school, it is very hard for you to apply for a job where they ask you
for your secondary diploma before they give you the permission to apply, and if
you have no previous job experience, it is very hard to apply for a job when
they require job experience. So, we are looking at that phenomenon very closely
but our first conclusion is that some people are left aside from economic
growth and we cannot afford, as a society, to leave them aside.
M. Kaashoek: Yes. I agree with that but I also wish to note that
you did not, as yet, answer my first question and I do not think that this
problem is going to be solved by cutting welfare rates 20 % and forcing people
to go and take a limited number of dead-end employability programs.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): I do not want to argue with your
interpretation of the numbers. Everybody has a fair right to his own
interpretation of numbers. If we go back to those 400 000 people who were on
welfare in March 1987, our analysis of the situation is that about 100 000 of
them would be eligible for the Income Support Program. Our feeling, unless you
can spot a miscalculation, is that they would get an annual increase on their
checks of approximately 1000 $ and that the additional total cost for that
program would be 100 000 000 $.
M. Kaashoek: That is not going to do me any good.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): That is not going to?
M. Kaashoek: That is not going to do me any good.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Okay
M. Kaashoek: Welfare, right now, will not even pay a buspass, so
that I can look for a job.
And you want to cut the rates another 20 %. You think...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Well...
M. Kaashoek: I mean, it is just putting people in a worse
situation...
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... if you...
M. Kaashoek: I mean, people do not want to be on welfare,
generally speaking.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): I do not want to ask you specific
questions about your own case, I am just trying to give you the picture of
those who will be on the Income Support Program, those who will be on the
Employment Incentive Program. If you participate in a measure to take away
barriers that prevent you from getting a job that you want to get, a regular
job, in your case, you will most certainly get an increase of what you are
getting now.
M. Kaashoek: Yes. According to your figures, it is not too
impressive though.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): I am not saying that the increase
is impressive. I am, in no way, saying that. I am just saying that it will be
an increase, but that I also have to take into consideration the level of the
minimum wage, because...
M. Kaashoek: But you are thinking about work incentive and the
minimum wage is based only on the desire to implement a punitive work
incentive. That thing will not work and will not be accepted.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Well, if you look at your
situation and you participate in a measure, we believe it is an incentive that
we give you. You seem to be looking at it the other way around, that if you do
not participate, it is a punitive attitude. You can look at it both ways and
nobody can argue with the way you choose to look at it, but one will tell you
that if you participate, it is an incentive; if you do not participate, you
know, it is not an incentive. I do not think we can get out of that
argument.
M. Kaashoek: Well, anything that would increase anybody's
employment chances would be an incentive, but I do not think it has to be
forced on them in a punitive fashion.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): But we still have to keep the
incentive in there.
Le President (M. Bélanger): In conclusion.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): He does it to me too. Mr.
President... Okay, Mme Harel.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Thank you. Merci.
M. Kaashoek: Je demande à l'Opposition de parler
lentement.
Mme Harel: Très bien.
Le Président (M. Bélanger): Vous comprenez bien le
français, il n'y a pas de problème?
M. Kaashoek: Oui, oui. Je pense que oui.
Mme Harel: I would like to thank you for your presence another
time here. I had the chance to discuss with you when you came the first
time.
En écoutant les discussions avec le ministre, j'ai à
nouveau compris que, pour le ministre, les lacunes étaient
individuelles.
M. Kaashoek: Oui, oui.
Mme Harel: Et pour vous, comme pour la très grande
majorité des personnes qui sont venues devant la commission, la
première lacune, c'est l'absence d'emplois pour des personnes qui
voudraient pouvoir travailler...
M. Kaashoek: Oui.
Mme Harel: ...et qui en expriment le désir. Vous
représentez... Que vous soyez venu une deuxième fois, pour moi,
c'est un indice que vous croyez en nos travaux, que vous croyez que vos
expériences peuvent être prises en considération dans les
travaux de la commission, que vous pouvez être écouté et
non pas seulement entendu.
M. Kaashoek: Oui.
Mme Harel: J'espère que le ministre va cesser d'avoir
cette certitude que les lacunes individuelles sont plus importantes parce que
lui-même se contredit.
M. Kaashoek: Oui.
(14 h 30)
Mme Harel: II parle d'une diminution du nombre d'assistés
sociaux que le Québec connaît parce qu'il y a une création
d'emplois. Donc, lui-même doit reconnaître que, lorsqu'il y a une
création d'emplois, il y a diminution de l'aide sociale. Le
problème, c'est qu'il y a quand même un taux de chômage de
10 %, un taux trop élevé pour avoir la possibilité
d'offrir véritablement des emplois dans toutes les régions du
Québec.
M. Kaashoek: There is also the problem of hidden unemployment. An
economist told me that total unemployment, actual unemployment could be twice
as high as the official unemployment rate. But the other thing about Mr.
Paradis' program is that he does not want anybody to work or to even have a
part-time job. 560 $ a month, 100 % taxed all the way, it is discouraging
people from working.
Mme Harel: C'est vraiment un aspect intéressant parce que,
finalement, la question, c'est entre un travail à temps plein qu'il est
difficile de penser occuper et un travail pour combler des besoins essentiels
reconnus, mais qui ne le sont plus pour les personnes aptes, pourquoi ne pas
encourager une vraie incitation au travail en permettant aux personnes de
garder une partie des gains d'emploi, une partie du revenu...
M. Kaashoek: Look at my chart, Mr. Paradis!
Mme Harel: Le ministre vous a parlé du salaire minimum,
mais dans son sondage il a bien vu que la population pense que les
assistés sociaux devraient pouvoir gagner jusqu'au salaire minimum en
additionnant leurs prestations. C'est le résultat de l'opinion.
M. Kaashoek: Je voudrais faire un petit commentaire. The way the
"barèmes" are calculated for employable persons, as you have noticed, is
that they recognized that needs are equal to long-term needs and the
"barèmes" cover only one part of the long-term needs and the recognized
needs. Right there, just from the way the thing is calculated, it is a punitive
work incentive in that it is going to force people into any kind of
under-the-table-employment, any kind of cheap labour situation in anything just
to survive. That is the thing that gets me, you know. I just cannot agree with
your concept, of what you think work incentive is, Mr. Paradis. I just cannot.
You have got a minimum wage for 35 hours a week. Most the people working for
the minimum wage do not work 35 hours a week, they work 40 hours a week. Most
jobs pay more than the minimum wage anyway, full time. I am sorry if I am
taking up too much of the Opposition's time.
Mme Harel: No problem. M. le Président, je vais remercier
M. Kaashoek d'avoir cru en nos institutions, en espérant qu'il aura eu
raison. Je vous remercie.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): I would like to thank you, Mr.
Kaashoek, for your presentation, especially the angle that you have taken,
which is the incitation to work. You have told us to be careful or very careful
not to deter the people from work and you have drawn our
attention to the aspect of part-time work or shared-work. That is an
aspect that has also been tackled by a couple of other organizations who came
before us and we believe it is an important aspect.
What we are proposing, we believe, is better than what exists; maybe an
even better proposition can be envisaged. As long as it gives hope and betters
the "employabilité" and creates job opportunities for the people who are
on welfare, we will not save any effort to get that goal and we believe that
your contribution to this Commission is a very positive one. Thank you very
much.
M. Kaashoek: Thank you. Can I ask just one short one?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Okay.
M. Kaashoek: You still did not answer my first question. About
what percentage of social aid clients completing employability enhancement
measure actually get a permanent full-time job? Do you have an answer to
that?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): It varies from one program to
another. It was our first subject of discussion this morning around the table.
These figures, program per program, will be made public. I was informed by the
public servants that they will be given to me around the 15th of April and they
will then be made public. I will take a special note and send you a personal
copy.
M. Kaashoek: Thank you very much.
Le Président (M. Bélanger): La commission des
affaires sociales thanks you very much for you participation. You came here
twice, so we appreciate it. Maintenant, nous passons au dépôt des
mémoires.
Nous passons donc à l'étape des remarques finales. Je
demanderais donc à Mme la députée de Maisonneuve, critique
officielle, de s'exprimer. Vous avez dix minutes.
Remarques finales Mme Louise Harel
Mme Harel: M. le Président, c'est très court. Je
vais d'abord saisir l'occasion pour vous remercier comme président de
cette assemblée. Je ne sais pas si nous serons dans les annales, mais
certainement six semaines de commission parlementaire, avec une présence
aussi importante de groupes et d'organismes dans notre société,
il est évident que, pour moi, ce fut là une expérience
extrêmement importante sur le plan parlementaire et sur le plan
personnel. Merci pour votre amabilité. Celle de Mme Lamontagne
également. Je ne voudrais passer sous silence la présence de M.
Sohet. M. Sohet a suivi avec une assiduité absolument exemplaire tous
nos travaux II faudrait quasiment souhaiter qu'il nous fasse ses commentaires
à la clôture de cette commission.
J'aimerais également simplement rappeler qu'au tout début
de nos travaux je m'étais engagée, lorsque les groupes qui se
présentaient devant nous nous apportaient des points de vue qui les
caractérisaient et nous permettaient de mieux comprendre comment remplir
un cahier noir. J'en suis à mon troisième cahier et je pense
qu'il y a là ce qu'on appelle parfois, peut-être abusivement mais
avec raison, le vécu qui nous a été exprimé par des
personnes sur le tragique de leur situation. Nous avons certainement, à
la clôture des travaux de notre commission, une meilleure connaissance
des problèmes, une meilleure connaissance des conséquences aussi,
décrites comme dramatiques sur la vie de centaines de milliers de nos
concitoyens que pourrait avoir la réforme telle que proposée.
J'espère que cette meilleure connaissance des problèmes, qui a
contredit les certitudes du ministre à l'égard de ses solutions,
pourra permettre d'élaborer de meilleures solutions que celles qui sont
contenues dans sa proposition.
M. le Président, je rappelle ce que le ministre disait lors de
l'ouverture de nos travaux, et je le cite: "Nous n'hésiterons pas
à apporter toute modification qui respectera - disait-il cependant - les
grands principes d'orientation, sort d'accorder la parité aux moins de
30 ans, de traiter plus équitablement les plus démunis de notre
société et d'inciter les prestataires considérés
aptes à intégrer ou réintégrer le marché du
travail." M. le Président, cette commission a permis de prendre
connaissance, d'une part, que ces grands principes étaient totalement
mis en échec par la proposition elle-même. La parité aux
moins de 30 ans: Sur les 46 645 personnes seules de moins de 30 ans qui n'ont
pas la parité actuellement, 36 396 seront touchées, soit par la
contribution parentale ou par la coupure du partage du logement. On peut en
conclure que 78 % ne recevront pas la parité promise par le ministre. Ce
sont là des chiffres, M. le Président, qui sont hors de toute
critique, puisque c'est à partir des données fournies par le
ministre et son ministère.
Deuxième grand principe: Le traitement plus équitable des
plus démunis de notre société. M. le Président, il
a été tellement souvent démontré que le traitement
sera plus injuste pour des centaines de milliers de familles, de personnes
seules et d'enfants en refusant dorénavant de couvrir leurs besoins
pourtant reconnus comme essentiels par le ministère. C'est de 1000 $
à 2000 $ par année, selon les catégories, qui seront
dorénavant déduits des besoins essentiels reconnus mais non
comblés.
Également, la logique antifamiliale qui dictait des choix de vie
aux femmes pauvres a évidemment été longuement
démontrée devant
cette commission. Je rappelle rapidement que, parmi les mesures les plus
odieuses, les réductions de 43 $ et de 24 $ par mois qui frappent soit
une femme enceinte de plus de six mois ou des personnes malades et des
personnes qui ont la garde d'un enfant de moins de deux ans viennent illustrer
très éloquemment cette logique antifamiliale de même que le
mépris des tâches parentales considérant la
réduction de 99 $ par mois lorsqu'une femme chef de famille qui voudrait
continuer à assumer l'éducation d'un enfant de plus de deux ans
refuse de participer aux mesures et également une réduction de 53
$ par mois lorsqu'elle a deux enfants.
Cela faisait se demander devant cette commission au Conseil
d'intervention pour l'accès des femmes au travail si dorénavant
celles qui sont idendifiées aujourd'hui comme une charge pour
l'État et la société sont aussi déchargées
d'enfants avec tout ce que cela implique d'énergies données et de
présence quotidienne gratuite.
M. le Président, c'est donc une situation antifamiliale injuste
qui, sous prétexte d'allouer des revenus plus adéquats pour les
personnes inaptes risque de les voir confinées à un statut
d'inemployables permanents. Je rappelle le piège bienveillant
dénoncé par les organisations de personnes handicapées et
celles qui représentent des personnes ayant des difficultés sur
le plan de la santé mentale, de vouloir les distinguer dans des
catégories aptes et inaptes, ce piège vivement
dénoncé quant à la crainte de voir ces personnes
confinées dans ce statut de non employables et certainement encore dans
cette crainte de les voir ignorées de l'intégration sur le
marché du travail qui doit être comme un objectif poursuivi.
Je ne voudrais pas que nous terminions nos travaux sans rappeler au
ministre que le troisième principe dont il avait parlé, soit
celui d'inciter les prestataires considérés aptes à
intégrer ou réintégrer le marché du travail, est
totalement battu en brèche par sa propre réforme. Je veux
invoquer tous les faits qui ont été démontrés
devant cette commission sur l'effet confiscatoire des taux d'imposition qui
viendront gruger les revenus qui permettraient à ces personnes de sortir
de la trappe de pauvreté.
Les exemptions prévues dans la réforme pour gain de
travail, exemptions qui indiquent la partie des besoins essentiels non couverts
par l'État, qui sont exactement les mêmes chez les couples avec ou
sans enfant seront, au-delà des besoins essentiels, réduites de 1
$ de prestation pour chaque 1 $ gagné, ce qui veut dire clairement des
diminutions significatives de la prestation de base pour toutes les personnes
considérées aptes qui chercheront à améliorer leur
situation. Un taux de réduction des prestations de 100 % qui va
"désinciter" les bénéficiaires de l'aide sociale à
retourner sur le marché de l'emploi et qui va maintenir la trappe de
pauvreté.
M. le Président, je rappelle que le program- me tel que
proposé par le ministre reste donc celui dont le taux marginal de
réduction des prestations est le plus élevé, soit 100 $ du
revenu de travail pour chaque dollar additionnel gagné dans le programme
APTE. Pour le programme APPORT, les données recueillies auprès du
ministère des Finances ont permis d'illustrer amplement le peu
d'intérêt financier des femmes chefs de famille monoparentale,
pourtant bénéficiaires des allocations du programme APPORT,
à réaliser des revenus d'emploi.
M. le Président, je ne pourrais pas terminer sans rappeler ni
sans récuser toute prétention de justifier l'actuelle
réforme par une quelconque filiation au livre blanc sur la
fiscalité des particuliers.
Je voudrais rappeler ce que le livre blanc considérait comme le
postulat de base, à savoir l'intégration des régimes
d'imposition et de transfert de manière à orienter la
réforme de la fiscalité des particuliers vers une plus grande
justice fiscale. Les moyens qui étaient envisagés étaient
totalement absents de la réforme proposée, soit celui de
réduire le taux marginal implicite de taxation des travailleurs à
faible revenu et des personnes déclarées aptes à un taux
de 50 % du revenu gagné et le second moyen qui consistait à
permettre aux bénéficiaires de participer à des
activités qui favorisent leur réinsertion sur le marché du
travail.
À cet égard, j'aimerais également rappeler que deux
conditions préalables étaient mentionnées comme devant
être réalisées avant de procéder à quelque
réforme. Je rappelle au ministre que les mesures de relèvement de
l'employabilité envisagées dans le livre blanc et
déjà prévues en 1984 étaient
considérées - et je cite - "constituer des expériences
pilotes dont les résultats devront être analysés avant
d'aller plus loin dans la réforme du régime de transfert".
M. le Président, je voudrais vous rappeler qu'à la
clôture de cette commission, nous n'avons toujours pas en main les
résultats de ces mesures d'employabilité, mais nous savons que le
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ne peut
pas transformer d'un coup de baguette magique l'incapacité actuelle et
démontrée devant la commission de son ministère à
offrir les programmes aux moins de 30 ans en une capacité d'accueil
illimitée et en un élargissement, comme prétend le faire
sa réforme. On ne peut pas baser une réforme sur un échec
de l'offre des mesures d'employabilité actuellement vécues par
les moins de 30 ans.
Je termine en rappelant également une seconde condition portant
cette fois sur la capacité d'absorption des bénéficiaires
qui était également contenue dans le livre blanc et qui disait
ceci: "Ce virage, s'il doit avoir lieu, ne saurait être entrepris que
graduellement et devrait tenir compte des conditions du marché du
travail et de la capacité des programmes de réinsertion
d'absorber tes personnes qui veulent y
participer. Le gouvernement et le ministre ont choisi de procéder
sur la voie de l'extension des mesures d'employabilité destinées
aux moins de 30 ans à 243 000 nouveaux ménages en l'absence de
toute étude des résultats jusqu'à maintenant obtenus, avec
un taux actuel de participation des moins de 30 ans qui est estimé selon
tous les observateurs à plus ou moins 20 %, malgré l'incitation
financière à doubler la prestation et en l'absence
également de toute garantie gouvernementale sérieuse et effective
de pouvoir offrir les mesures.
En conclusion, M. le Président, le ministre doit retirer son
projet de réforme et donner suite aux représentations de
l'ensemble des groupes qui sont intervenus devant cette commission pour
préparer une véritable politique de sécurité du
revenu dans toutes ses composantes familiales, fiscales et, évidemment,
économiques quant à la création d'emplois. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la
députée de Maisonneuve. M. le ministre.
M. Pierre Paradis
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, alors que
nous sommes appelés à clôturer cette commission
parlementaire où plus d'une centaine d'individus ou d'organismes sont
venus nous entretenir sur le document "Pour une politique de
sécurité du revenu", il nous paraît intéressant de
profiter de l'occasion que vous nous accordez pour tracer brièvement un
bilan de ces auditions publiques.
D'abord, contrairement à ce qu'a prétendu Mme la
députée de Maisonneuve, à savoir que plus de 80 % des
mémoires présentés à la commission parlementaire
des affaires sociales sont totalement contre la proposition gouvernementale, il
nous paraît que la réalité est tout autre. Après 19
séances de travail, nous pouvons constater que les interventions ont,
sans exception, fait ressortir un ou des éléments qu'ils
considéraient positifs. Des intervenants se sont dits favorables
à l'ensemble du projet de politique. D'autres nous ont donné leur
appui à un, deux ou trois volets de la politique. Très rares sont
ceux qui ont dénoncé de façon catégorique les trois
programmes proposés.
Deuxièmement, un consensus se dégage des propos tenus par
les différents intervenants, soit celui de réformer en profondeur
le système actuel de l'aide sociale. En effet, tous sont unanimes pour
dire que le présent système ne répond plus aux besoins de
la clientèle qui, répétons-le, est constituée dans
une forte proportion, soit les trois quarts, de bénéficiaires
considérés aptes au travail.
Les éléments soulevés en commission parlementaire,
qui ont suscité de la part des membres de l'Opposition et de certains
inter- venants des critiques qualifiées des plus sévères,
nous pouvons les résumer comme suit l'établissement dans le
calcul des prestations de la contribution parentale; la notion de partage de
logement; la participation à des mesures de développement de
l'employabilité pour les bénéficiaires dont l'enfant est
âgé de plus de deux ans; le manque d'harmonisation de nos
programmes avec ceux du gouvernement fédéral; le manque de
disponibilité quant aux places offertes dans les mesures
d'employabilité et les problèmes reliés à
l'accessibilité aux cours de français langue seconde.
Au chapitre de ces éléments, la commission parlementaire
et le sondage SORECOM nous fournissent des suggestions sur lesquelles nous nous
devrons de réfléchir sérieusement Comme je l'ai
mentionné, chaque fois qu'il m'a été possible de le faire,
nous entendons demeurer fermes sur les grands principes de base de la
politique, soit d'accorder la parité, de traiter plus
équitablement les plus démunis et d'inciter les personnes
considérées aptes à intégrer ou à
réintégrer le marché du travail
Quant aux éléments sous-jacents à ces principes,
j'entreprends, à compter d'aujourd'hui, une réflexion qui me
conduira à proposer des amendements à la politique. Tout au cours
de cette période de cogitation, j'aurai à tenir compte des
suggestions émises par mes collègues députés, des
attentes de la population en général dans ce domaine, des
commentaires reçus en commission parlementaire par les intervenants
venus nous exposer leurs opinions et des engagements électoraux du Parti
libéral du Québec.
Enfin, je garderai constamment à l'esprit un principe qui me
tient particulièrement à coeur, soit celui de fournir tous les
moyens de formation et de développement de l'employabilité aux
bénéficiaires de l'aide sociale afin qu'ils aient, eux aussi, la
chance d'avoir accès au marché du travail. D'ailleurs, à
ce chapitre, c'est avec plaisir que je peux vous annoncer aujourd'hui qu'une
entente est intervenue entre le gouvernement du Québec et le
gouvernement fédéral afin de permettre une participation encore
plus large des bénéficiaires de l'aide sociale à des
mesures d'employabilité. Ainsi, à compter de son entrée en
vigueur, soit demain, le 1er avril 1988, cette entente prévoit que pour
l'année financière 1988-1989, le gouvernement
fédéral injectera 62 000 000 $ dans les mesures de
développement de l'employabilité par le biais des programmes
fédéraux, à savoir Développement de l'emploi,
Intégration professionnelle et Formation sur mesure en
établissement. Si l'on ajoute les 62 000 000 $ que nous entendons
dépenser, en tant que gouvernement du Québec, dans nos programmes
de développement de l'employabilité, le montant global de 124 000
000 $ qui sera destiné exclusivement aux bénéficiaires de
l'aide sociale constitue un pas important dans l'atteinte de notre objectif qui
est de mettre à la disposition de notre clientèle le maximum de
moyens
visant l'intégration ou la réintégration au
marché du travail.
Ainsi, si l'on compare les 59 000 000 $ que le gouvernement du
Québec avait dépensé en 1987-1988 dans des programmes
d'employabilité, les 124 000 000 $ injectés par les deux paliers
de gouvernement pour l'année 1988-1989 reflètent, sans aucun
doute, notre ferme intention de faciliter la participation d'un nombre
grandissant de clients de l'aide sociale à ces programmes, intention qui
reçoit par cette entente un appui non équivoque du gouvernement
fédéral.
En conclusion, je terminerai mon intervention là-dessus, je
remercie, d'une façon toute spéciale, les députés
ministériels qui ont accompli un travail extraordinaire tout au cours de
ces auditions publiques. Leur présence remarquable, leur forte
participation et leur intérêt soutenu ont grandement
contribué au déroulement des travaux de cette commission.
Je tiens également à remercier Mme la
députée de Maisonneuve pour son assiduité. Il n'a
sûrement pas toujours été facile d'assurer une telle
présence au cours des six dernières semaines, alors que, dans la
majorité du temps, elle se retrouvait seule.
Merci également à toutes celles et à tous ceux qui
se sont présentés devant nous et qui, grâce à leur
intervention, auront permis un débat ouvert, franc, direct et
démocratique sur la politique de la sécurité du
revenu.
Je voudrais également remercier le personnel de soutien qui a
rendu service à tous les parlementaires autour de cette table, les
fonctionnaires du ministère, le secrétariat de la commission, les
gens qui sont préposés au service de sécurité et de
transcription, qui auront toutes ces choses à transcrire, de
façon à bien compléter le petit livre noir de Mme la
députée de Maisonneuve.
À vous, M. le Président, en terminant, mes plus
sincères remerciements pour la façon diplomatique et courtoise
avec laquelle vous avez conduit des travaux qui ont été, pour
tous et chacun, exigeants mais combien enrichissants. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le
ministre.
Mme Harel: M. le Président, vous allez me permettre de
m'associer aux propos du ministre en ce qui concerne les députés
ministériels et les recherchistes qui ont durant tous nos travaux
très assidûment participé à ce que nous soyons
encore plus efficaces. Alors, je veux les remercier également.
Le Président (M. Bélanger): Je voudrais souligner
aussi que la commission des affaires sociales siège depuis le 5 janvier
et que, sur 48 jours ouvrables, on a siégé 41 jours. Les gens ici
ont entendu 179 mémoires sur deux mandats différents, sans
compter les journées d'auditions et l'étude article par article
de la Loi sur la politique de la famille, la loi 94. Donc, c'est une somme
importante de travail et je dois signaler qu'en aucun moment nous n'avons eu
des problèmes de quorum, ce qui m'apparaît exceptionnel et tout
à l'honneur des gens qui ont été constamment
présents et qui ont manifesté beaucoup
d'intérêt.
Dépôt de mémoires
II nous reste un dernier acte à poser. Alors, pour les rendre
publics et pour valoir comme si ici récités au long, je
dépose les mémoires des personnes et organismes qui ont fait
parvenir un mémoire dans le cadre de la présente consultation et
qui n'ont pas été entendus par la commission, à savoir:
l'Action communautaire alternative Estrie, l'Association coopérative
d'économie familiale de l'Estrie et Service budgétaire populaire
de l'Estrie, l'Association des personnes handicapées visuelles de la
région 02 inc., l'Association pour la défense des droits sociaux
de Laval (ADDS Laval), M. Michel Brissonnet, le Carrefour communautaire de
Rosemont l'En-tre-gens inc., la Chambre des notaires du Québec, M.
Louis-Paul Claveau, la Clinique communautaire de Pointe Saint-Charles, Combat
pour le respect de la vie et de l'écologie, la Commission des droits de
la personne, le Garde-manger pour tous inc., le Groupe des jeunes mères
de Pointe Saint-Chartes, M. Guy Héroux, M. Roger Lemoine, l'Ordre des
infirmières et des infirmiers du Québec, le Programme
économique de Pointe Saint-Charles, le Regroupement des organismes
jeunesse suivants: Centre de placement spécialisé du Portage
inc., Action Emploi Papineau inc., La Relance, Atelier de réadaptation
au travail inc., le Regroupement populaire du KRTB, le réseau d'appui
aux familles monoparentales de l'Estrie, le Service de pastorale sociale du
diocèse de Sherbrooke, M. Gilles Vachon, et The Women with few options,
Lachine Coalition Affiliate.
Là-dessus, la commission ayant accompli son mandat, ajourne ses
travaux sine die. Merci beaucoup et bonnes vacances.
(Fin de la séance à 14 h 58)