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(Quinze heures dix minutes)
Le Président (M. Bélanger): La commission des
affaires sociales se réunit aux fins de procéder à une
consultation générale et de tenir des auditions publiques afin
d'étudier le document intitulé "Pour une politique de
sécurité du revenu". Nous avons quorum; il n'y a pas de
problème. Est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Non, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve, il n'y a pas de remplacement? Bien. Pas
de déclarations préliminaires? Rien?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, je vous
en prie.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Strictement sur le plan des
échanges d'information avec Mme la députée de Maisonneuve.
Concernant la proportion des ménages qui partagent un logement -
peut-être que cela ne répond pas complètement à la
question de Mme la députée -nous sommes à faire des
projections sur le nombre d'individus à cause de la non-application du
critère aux gens qui seraient admissibles au soutien financier, qui
verraient cette mesure qui ne serait plus applicable et combien la verraient en
ajout. Mais, maintenant, en fonction de la clientèle pour mars 1987, 78
439 chefs de famille se voyaient, au moment où on se parlait en mars
1987, appliquer le partage du logement. J'ai le tableau; il est
subdivisé selon le type de ménage.
Mme Harel: M. le Président, avant qu'on entreprenne nos
travaux pour cette dernière semaine, j'aimerais vérifier
auprès du ministre si c'est bien cette semaine que nous allons obtenir
les statistiques de participation aux mesures, d'employabilité pour les
moins de 30 ans.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai vérifié ce
matin au ministère. Peut-être demain ou, au plus tard,
mercredi.
Mme Harel: II s'agira non seulement des statistiques de
participation aux mesures, mais, dans le cas du rattrapage scolaire, de leur
terminaison, parce qu'on peut regarder les statistiques de participation aux
mesures en termes quantitatifs seulement, du nombre de personnes inscrites,
mais aussi en termes de celles qui ont terminé, celles qui sont
retournées sur le marché du travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Exactement. Cela ne concerne pas
strictement le nombre de participants. Il y a une évaluation du taux de
succès, etc., combien ont complété - parce que, dans
quelques cas, sur le plan rattrapage scolaire, il y a plus d'une année
à compléter -combien ont obtenu le diplôme et combien,
après l'obtention du diplôme, ont pu obtenir un emploi sur le
marché du travail. Et pas simplement dans le cas de rattrapage scolaire,
cela s'applique également dans les autres mesures.
Mme Harel: Nous les aurons à quel moment cette
semaine?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Peut-être demain si j'ai la
version finale sur mon bureau ce soir ou, au plus tard, mercredi. C'est ce
qu'on m'a dit ce matin, parce que c'est la première question que j'ai
posée sachant qu'elle vous tenait tellement à coeur.
Mme Harel: Mais je pense qu'elle tient à coeur de bien du
monde, puisque l'ensemble de la réforme repose sur des données
qu'on n'a pas encore.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela ne vous a pas
empêchée de la critiquer jusqu'ici.
Le Président (M. Bélanger): Si vous
permettez...
Mme Harel: Cela ne vous a pas empêché de la
proposer.
Le Président (M. Bélanger): Si vous permettez, nous
allons inviter à la table des témoins le premier groupe, soit
l'Association des manufacturiers canadiens - division du Québec, qui
sera représentée par Me Louise Fecteau, M. Jean Burton, M.
Jacques Beauchamp et Mme Lucie Dumas.
Alors, bonjour. Je vous explique un peu nos règles de
procédure. Vous avez 20 minutes fermes pour présenter votre
mémoire. Par la suite, il y aura une période d'échanges
avec les parlementaires, sur votre mémoire. Je vous prierais, à
chaque fois que vous devez prendre la parole soit pour répondre aux
questions ou pour interroger M. le ministre ou Mme la députée de
Maisonneuve ou tout autre député de la commission, de bien
vouloir donner vos noms auparavant. C'est pour les fins de la transcription au
Journal des débats.
Je prierais le porte-parole de s'identifier, de présenter les
membres qui l'accompagnent et de bien vouloir procéder à la
lecture du mémoire. Merci.
Association des manufacturiers canadiens - division du
Québec
Mme Fecteau (Louise): Je vous remercie, M. le Président.
Je me nomme Louise Fecteau. Je suis la responsable de l'Association des
manufacturiers canadiens - division du Québec. À ma droite, mon
collègue de travail, M. Jean Burton, qui est le directeur des ressources
humaines; à ma gauche, M. Jacques Beauchamp, qui est le
secrétaire corporatif de CIP - CI.P. - pour les fins de l'enregistrement
parce qu'on m'a déjà téléphoné parce qu'on
ne comprenait pas ce que c'était.
Ceci dit, la division québécoise de l'association se
réjouit de la démarche dans laquelle le gouvernement s'est
engagé en vue de réviser le régime de
sécurité du revenu et entend s'y associer de près. Parce
que cette démarche établit une interaction entre le
système d'assistance sociale et le marché du travail et qu'elle
influence des coûts qui grèvent déjà notre
économie, l'orientation proposée touche, croyons-nous,
également les entreprises.
Dans le cadre de ses mandats, l'association s'intéresse de
près à l'élaboration ou à la révision des
politiques gouvernementales qui sont susceptibles d'affecter le
caractère concurrentiel des manufacturiers et, de façon
générale, leur réussite. C'est pourquoi nous avons cru bon
de vous présenter un mémoire.
Au cours des dernières années, nous avons participé
à des débats publics majeurs pour y faire valoir le point de vue
des manufacturiers. Qu'il s'agisse alors de libre-échange,
d'assurance-chômage, de fiscalité ou de santé et de
sécurité du travail, nous avons mis de l'avant des principes qui
tiennent compte des conditions essentielles au développement d'un
secteur manufacturier fort, tout en respectant les intérêts des
divers groupes en présence.
Dans ses différentes représentations concernant les
programmes sociaux, notre association a dans le passé insisté,
entre autres, sur le lien étroit entre le niveau de l'emploi et celui de
la productivité des entreprises et la nécessité d'en tenir
compte dans toute stratégie de développement de main-d'oeuvre ou
de soutien à l'emploi.
Également, l'équilibre à établir ou à
maintenir entre la justice sociale et le rendement économique. La
nécessité aussi d'une plus grande sélectivité des
programmes de sécurité du revenu et d'une redistribution des
fonds publics qui leur sont consacrés en vue d'une efficacité
accrue. Et enfin, la rationalisation et l'harmonisation des programmes de
main-d'uvre administrés par des organismes ou des paliers
gouvernementaux différents.
Notre intervention dans le présent débat sur le
système de sécurité sociale à mettre en place au
Québec reflète ces préoccupations et s'appuie sur la
communication régulière que nous entretenons avec nos membres et
sur les travaux de nos spécialistes des questions socio-économi-
ques. Nous souhaitons donc que ce mémoire contribuera à enrichir
les discussions et à favoriser la formation d'une opinion
éclairée qui prenne en considération l'ensemble des
facteurs touchés.
Notre approche dans ce dossier a été de considérer
cette réforme comme devant s'insérer dans les efforts auxquels
font face actuellement les manufacturiers. Les changements importants du
marché, du commerce, de la technologie et des ressources imposent
à notre industrie des changements majeurs dont dépendent
d'ailleurs leurs niveaux de productivité, de compétitivité
et d'emploi.
En ce sens, la réforme, selon nous, doit être active et
innovatrice. Plutôt que de prendre en charge le
bénéficiaire, le système doit avoir pour objectif de
faciliter le retour à l'autonomie de ceux qui sont capables de
travailler et faire preuve de souplesse et d'audace dans les moyens mis de
l'avant, les méthodes traditionnelles s'étant
révélées jusqu'ici insuffisantes.
C'est donc sous cet angle que notre association aborde le présent
projet de politique. Nous n'entendons pas, à cette étape, nous
arrêter aux modalités techniques ni aux coûts des programmes
proposés. Nous laissons aux spécialistes et aux groupes
concernés le soin d'analyser les barèmes des prestations, les
exemptions, les allocations et les mesures fiscales proposées. De
même, nous n'avons pas l'intention de nous attarder à des
spéculations sur les coûts de la réforme ou du nouveau
régime.
Il serait en effet tout à fait irréaliste, selon nous, de
vouloir apporter une solution à la crise vers laquelle nous nous
dirigeons sans y consentir un investissement à moyen terme. Sur ce plan,
nous tenons d'ailleurs à écarter le préjugé selon
lequel des changements sont nécessaires parce que les
Québécois paient plus cher que les autres pour la
sécurité sociale et que la réforme doit d'abord viser
à réduire les coûts. À nos yeux, le véritable
problème se situe plutôt au niveau des besoins plus
élevés en tant que sécurité du revenu de la
population québécoise. C'est là qu'il faut intervenir.
Les stratégies retenues dans le document touchent directement les
manufacturiers. Elles doivent être orientées en fonction des
priorités du marché et leurs répercussions
prévisibles sur les entreprises devront être soigneusement
analysées. Ce n'est qu'à cette condition que le nouveau
système de la sécurité sociale pourra atteindre ses
objectifs. C'est en ce sens que l'association a analysé l'orientation
proposée pour la politique de sécurité du revenu et
qu'elle a préparé le présent mémoire.
Lorsqu'on examine maintenant le document d'orientation et les programmes
proposés, soit le programme de soutien financier, c'est-à-dire
pour la clientèle non employable, le programme APTE pour les personnes
dites employables et le programme APPORT pour les travailleurs à faible
revenu, nous croyons que ces programmes sont
eux-mêmes bien structurés, soit en fonction de '
clientèles et de besoins distincts et ceci constitue un début de
solution aux difficultés du régime actuel.
Nous aurions cependant souhaité une analyse plus complète
de la situation actuelle et de ses causes et ainsi une meilleure compilation du
nombre total de bénéficiaires de l'aide sociale en
parallèle avec celui des chômeurs et de la population active. Ces
données nous permettraient de mieux mesurer l'objectif global
d'intégration ou de réinsertion sur le marché du travail
des participants à tous les programmes dont c'est l'objet. De
même, elles nous permettraient de mesurer la stabilité ou la
précarité des emplois et de vérifier la mobilité
à l'intérieur des groupes considérés. Cependant,
nous ne croyons pas que ces données ou l'absence de ces données
mettent en cause la qualité des politiques proposées. Elles en
limitent tout de même la portée. Dans cette optique nous ne
saurions trop insister pour que des analyses socio-économiques
poussées viennent compléter le présent projet de
politique.
Mis à part maintenant les programmes proposés,
différents éléments ont retenu notre attention. L'un d'eux
concerne l'universalité du régime et la sélectivité
des programmes. La proposition de distinguer les clientèles et de leur
offrir des solutions adaptées à leur situation
particulière nous apparaît justifiée, tout en nous
réjouissant de voir la discrimination fondée sur l'âge des
bénéficiaires corrigée. Nous appuyons donc la
création de catégories distinctes auxquelles s'appliquent des
programmes différents. Nous appuyons de même
l'élargissement du régime aux travailleurs à faible revenu
grâce à un programme distinct qui apporte aux personnes ayant un
ou des enfants à charge un supplément à leur revenu de
travail.
Un autre élément est celui du soutien aux
bénéficiaires incapables de travailler. La plus grande
générosité du régime envers les personnes
incapables de travailler s'inscrit directement dans notre préoccupation
d'une meilleure allocation des ressources. Elle permettra de répondre de
façon plus adéquate aux besoins de base de personnes
démunies qui n'ont d'autre recours que l'aide sociale pour y subvenir.
Nous souhaitons cependant voir mieux préciser la définition
relativement large des situations qui établissent l'incapacité
totale de travailler d'un bénéficiaire. De même, il nous
apparaît essentiel qu'elle soit distinguée clairement de la
non-disponibilité et surtout de l'absence de qualifications.
Par ailleurs, nous croyons que la responsabilité des
médecins traitants des bénéficiaires de l'aide sociale ne
devrait pas dépasser le domaine médical et que l'administration
au programme de soutien financier doit rester une décision à
caractère administratif, même si elle s'appuie sur le dossier
médical.
Un autre élément est celui du lien avec le marché
de l'emploi. Le succès des programmes de développement de
l'employabilité et d'intégration au marché du travail
exige une collaboration étroite avec les dirigeants d'entreprises. Les
compétences acquises doivent correspondre à celles qui sont en
demande dans l'industrie et c'est elle qui est la mieux placée pour
identifier les priorités du marché. La formation la plus efficace
se fait actuellement en milieu de travail et les employeurs en assument plus de
80 % des coûts, qu'il s'agisse de programmes d'apprentissage ou de
formation sur le tas. Dans ce contexte, il ne faut pas voir des solutions comme
le bon d'emploi ou des subventions comme la panacée aux problèmes
de placement de personnel peu ou pas qualifié.
Il ne faudrait pas non plus limiter à sa seule dimension sociale
le problème d'employa-bilité des bénéficiaires des
programmes. Sa solution passe, en effet, par une reconnaissance de
l'environnement socio-économique dans lequel oeuvrent les entreprises et
dont il faut tenir compte.
Dans la même optique, notre association exprime sa
réticence à toute règle qui viendrait établir une
relation directe entre l'évolution du montant des prestations d'aide
sociale et celle du salaire minimum. Tout en adhérant au principe selon
lequel le salaire minimum doit être supérieur aux prestations
d'aide sociale, afin de favoriser une incitation additionnelle au travail, nous
rejetons le principe d'un écart fixe préétabli entre les
deux. Il est clair pour nous que le premier doit continuer à
évoluer en fonction des lois du marché et de la concurrence,
alors que les autres sont liées à l'évolution du
coût des besoins de base.
Un autre élément est celui de la recherche de solutions
innovatrices. Nous aurions aimé que le document d'orientation soit
davantage innovateur en termes de programmes ou de moyens de soutien à
l'emploi. De nombreuses solutions d'aménagement différent du
temps du travail pourraient ainsi être explorées
systématiquement, entre autres, les congés-éducation pour
les travailleurs, les années sabbatiques avec traitement
différé, la refonte des congés parentaux, la retraite
hâtive, le travail à temps partagé, celui à temps
partiel et les emplois en surnuméraire.
De même, on pourrait envisager de reconnaître une fois pour
toutes comme travail la production de certaines personnes qui ne font pas
partie de la population active, par exemple diverses activités à
caractère communautaire.
Le renouvellement de la main-d'oeuvre. Parmi les solutions innovatrices
à mettre en place, nous aimerions souligner particulièrement ici
l'intérêt de la création de programmes en vue de
rationaliser le renouvellement de la main-d'oeuvre. Dans le cadre des
programmes de maintien et de développement de l'employabilité
proposés dans le nouveau régime, le gouvernement pourrait
explorer la possibilité de soutenir la rationalisation du renouvellement
de main-
d'oeuvre grâce, par exemple, à des programmes combinant le
travail à temps partagé et la retraite progressive.
Comme autre élément, il s'agit de la rationalisation des
programmes de soutien à l'emploi. En tant que partenaire de ces
organismes et payeurs également, les employeurs encouragent le
décloisonnement de l'administration des programmes de soutien de
l'emploi confiés à divers organismes publics. Ceci faciliterait
une plus grande efficacité, une allocation plus rationnelle des
ressources et une élimination du gaspillage. Je tiens à souligner
plus particulièrement sur ce plan l'intérêt du programme de
planification de l'emploi mis en place depuis 1986 par Emploi Canada et offert
également déjà aux assistés sociaux. Les mesures
qu'il met de l'avant comprennent: le développement de l'emploi, le
développement des collectivités, l'intégration
professionnelle, le programme relatif aux pénuries de main-d'oeuvre, le
programme d'acquisition de compétences et le programme d'aide à
l'innovation. Près de 400 000 000 $ ont été
consacrés à la planification de l'emploi au Québec en 1987
et 1988. Plus de la moitié de ce montant s'est appliquée au
programme de développement de l'emploi. Nous ne saurions trop insister
sur la nécessité de concertation et de rationalisation des
programmes proposés dans le cadre de la réforme avec de tels
programmes.
Enfin, comme autre élément et presque le dernier, c'est
l'harmonisation avec la fiscalité. Notre association souscrit par
ailleurs à l'har-monisatioh de la fiscalité avec les programmes
de transfert et à l'élimination de l'impôt pour les
travailleurs à faible revenu qui toucheront un supplément de
revenu dans le cadre du nouveau programme APPORT. En augmentant le revenu
disponible, cette mesure constitue pour eux un incitatif significatif, qui
contribuera à améliorer les relations du travail et à
augmenter la stabilité de la main-d'oeuvre.
Enfin, un élément qui touche la souplesse de
l'administration, le document d'orientation proposé par le ministre
insiste sur la régionalisation des services et sur la volonté du
gouvernement de miser sur la créativité et le dynamisme des
milieux. Nous nous rallions pleinement à cette approche qui ne peut que
favoriser tant l'innovation que le réalisme des solutions qui seront
mises de l'avant. En contrepartie, cependant, des moyens judicieux
d'évaluation devront être mis en place pour mesurer les
résultats et reconnaître les solutions les plus efficaces. C'est
là une condition essentielle à la réorientation des
politiques et des programmes pour qu'ils correspondent toujours davantage
à la réalité de l'industrie.
En conclusion, le dossier de la sécurité du revenu est
important. Par ses répercussions tant sociales qu'économiques, il
constitue pour le Québec un des défis les plus
déterminants des prochaines années. Notre capacité de
subvenir équitablement aux besoins des plus démunis et de
permettre à ceux qui en sont capables d'acquérir ou de retrouver
leur autonomie et leur indépendance financière conditionnera en
effet, en grande partie, notre développement socio-économique. Je
vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Merci, madame. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aimerais remercier l'Association
des manufacturiers canadiens autant pour le mémoire écrit que
pour la présentation verbale qui en a été faite. Dans un
premier temps, vous me permettrez de résumer encore une fois l'ampleur
du défi qui se pose à la société
québécoise dans cet important dossier. À partir des
statistiques du mois de mars 1987, nous avions à l'aide sociale quelque
400 000 ménages qui ne devaient compter comme seule source de revenu que
sur le chèque mensuel de l'aide sociale.
Parmi cette clientèle, quelque 25 % ou 100 000 ménages
seraient admissibles au programme Soutien financier. Il s'agit de personnes
incapables de travailler ou, en tout cas, lorsqu'elles sont productives elles
sont non compétitives sur le marché à cause d'un handicap
physique ou mental important.
Quant aux 300 000 autres chefs de ménage qu'on dit aptes au
travail, ils ou elles ont à surmonter des barrières importantes
avant de pouvoir accéder à un emploi. Il y a 36 % de ces quelque
300 000 chefs de ménage qui sont composés d'analphabètes
fonctionnels. Pratiquement parlant, cela veut dire que ces personnes ne peuvent
même pas prendre connaissance d'une offre d'emploi par écrit.
Quelque 60 % de la clientèle n'a pas terminé son cours
secondaire. Pratiquement parlant, cela veut dire que dans toutes les
entreprises qui exigent, avant de pouvoir poser sa candidature, la
détention d'un diplôme d'études secondaires, pour ces
personnes, c'est l'impossibilité de poser leur candidature à un
emploi. Quelque 40 % de cette clientèle n'a aucune expérience de
travail antérieur reconnue. Vous pouvez comprendre, à partir de
ces quelques statistiques, l'ampleur du défi qui se pose à la
société québécoise. Mais, avant de procéder
à l'analyse des points que vous avez soulevés dans votre
mémoire, et peut-être de déborder légèrement,
dans un premier temps, je souhaiterais que vous nous fassiez, devant cette
commission, une présentation un peu plus détaillée de
l'Association des manufacturiers canadiens. Ce que l'on retrouve à la
page 1 de votre mémoire, c'est que vos membres exercent leurs
activités dans l'ensemble des secteurs industriels, qu'au total leurs
activités génèrent 75 % de la production
manufacturière globale du Québec. Disons qu'on connaît un
peu mieux peut-être les chambres de commerce, le Conseil du patronat est
déjà venu devant nous. Sur le plan patronal, pouvez-vous
nous donner une image un peu plus précise de votre association?
(15 h 30)
Mme Fecteau: Effectivement, nous ne représentons que le
secteur manufacturier, mais nous avons des membres de tous les secteurs,
c'est-à-dire, par exemple, le papier, le textile, les mines. Donc, nos
membres ne proviennent que du secteur manufacturier et ceci compose 75 % de la
capacité manufacturière québécoise. Il est bien
évident que nous représentons à la fois la grande, la
moyenne et la petite entreprise. C'est pourquoi nous avons un si haut taux de
représentativité. Lorsqu'on a des membres, comme celui à
ma droite, il est évident que beaucoup d'emplois se retrouvent chez CIP
et ce faisant, cela augmente de beaucoup la représentativité de
notre association. Cependant, la majorité de nos membres sont quand
même issus de la petite et moyenne entreprise puisque l'économie
du Québec est composée essentiellement de petites et moyennes
entreprises.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous traitez dans votre
mémoire de la question de l'aptitude au travail et vous suggérez
au gouvernement que l'admissibilité au programme Soutien financier soit
de ressort administratif plutôt que médical.
Mme Fecteau: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Nous avons eu, devant cette
commission, des représentations à savoir que l'approche se
devrait d'être bio-psychosociale, que, possiblement, on aurait avantage
à faire déterminer le statut de l'individu par un comité
multidisciplinaire. J'aimerais que vous nous précisiez votre point de
vue sur ce sujet.
Mme Fecteau: Comme c'est le bébé de mon
collègue de droite, je vais lui refiler la parole. Il faut bien que je
le fasse parler un peu.
M. Burton (Jean): Jean Burton. Ce que nous avons voulu souligner
au gouvernement là-dessus, c'est que la décision de
reconnaître ou non une personne comme étant apte ou inapte au
travail est une décision qui relève à la fois d'un volet
administratif, soit parce qu'on a un programme à administrer, mais aussi
de l'aspect médical puisqu'un certain nombre des critères sont de
nature médicale.
Ce qu'on voudrait éviter à tout prix, c'est qu'on demande
à la profession médicale d'assurer, et à elle seule, la
décision prise à savoir si une personne est apte ou non au
travail. On ne voudrait pas, par exemple, se retrouver dans la même
situation où l'on est actuellement avec la Loi sur les accidents du
travail et les maladies professionnelles où l'omnipraticien doit
décider s'il y a un lien entre une lésion et un accident du
travail alors qu'il ne connaît même pas la réalité de
l'entreprise d'où provient le travailleur accidenté. On ne
voudrait pas que, avec le régime d'assistance sociale, le médecin
décide si la personne est administrativement admissible ou non. On est
tout à fait conscients, cependant, que dans un nombre important de cas
le volet médical constitue un volet important à considérer
et l'idée d'avoir un comité ou un ensemble de personnes qui sont
des professionnelles, chacune dans son domaine, qui examine la question, statue
sur l'admissibilité... Mais, pour nous, c'est une décision qui
est administrative d'admettre ou non un bénéficiaire, et ce n'est
pas une décision carrément ou strictement médicale.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va. Sur la question des
programmes d'employabilité, vous dites dans votre texte: "Nous insistons
sur la nécessité d'une collaboration étroite avec les
employeurs pour établir l'orientation des programmes de maintien et de
développement de l'employabilité. De même, nous insistons
sur le respect des besoins du marché dans l'application de ces
programmes." De quelle façon voyez-vous l'intervention des commissions
de formation professionnelle face à l'énoncé que l'on
retrouve dans votre mémoire?
Mme Fecteau: D'une part, je pense qu'il faudrait établir
une certaine forme de consultation avec ces employeurs puisque ce sont eux qui
sont concernés. De quelle façon instaurer cette consultation? Je
pense que le gouvernement du Québec, que ce soit par le biais du
ministère de l'Éducation ou autrement, a déjà
commencé à consulter. Il y a quand même de la formation qui
se fait actuellement dans les entreprises. Cette formation ne sort pas de nulle
part. Je pense à la formation sur mesure. Ce sont des programmes qui
viennent du gouvernement et cette formation se fait en concertation avec le
gouvernement et l'entreprise. Donc, c'est sûrement une forme de
consultation. Maintenant, Jean, est-ce que vous auriez quelque chose à
ajouter?
M. Burton: Oui, j'ajouterai que, déjà, à la
commission de formation professionnelle, il existe des comités
techniques et le ministère de l'Éducation a aussi suivi la
même voie avec la réforme de la formation professionnelle au
niveau secondaire, en formant des comités techniques. Ces comités
techniques regroupent un certain nombre de représentants de
l'entreprise.
Quand on veut former des travailleurs pour des fonctions
spécifiques, je pense que lorsqu'on dit, nous, que l'entreprise doit y
être associée, un de ces moyens, c'est par le biais de ces
comités techniques où on précise quelles sont les
qualifications et les qualités qu'on attend des employés qu'on
sera intéressé, par la suite, à embaucher.
C'est un des moyens qui fonctionne déjà actuellement et
c'est une des voies qui devrait être privilégiée et
peut-être étendue dans la réforme dont on parle
présentement.
Le Président (M. Bélanger): Mme Fecteau.
Mme Fecteau: D'autres secteurs, comme le secteur du meuble, par
exemple, exercent déjà une bonne emprise sur la formation des
employés dans ce secteur par l'Association des fabricants de meubles.
Donc, c'est encore un autre exemple qui démontre une concertation entre
le gouvernement et le secteur visé.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Un peu en dehors du cadre de nos
travaux - on sait que les fins de semaine interrompent
généralement les sessions de la commission - je prenais
connaissance, en fin de semaine, de mon "clipping" de presse de la
région chez nous. Dans un journal qu'on appelle Le Richelieu
agricole, il y a un titre qui m'a frappé en plein milieu de cette
commission parlementaire: Main-d'uvre agricole, on anticipe
déjà une grave * pénurie dans la région. Cela sent
la pénurie, voire même la catastrophe du côté de la
main-d'oeuvre agricole. Les producteurs maraîchers, entre autres, sont
extrêmement nerveux. Il en va de même pour les producteurs de
fraises et de pommes qui anticipent déjà des problèmes
sérieux, sans oublier les conserveurs - c'est peut-être là
que je rejoins l'Association des manufacturiers canadiens, je ne sais pas si
ces gens-là sont membres chez vous ou non - et tous les petits
producteurs qui auront besoin de travailleurs dans les mois qui viennent. Au
bureau du Service de la main-d'oeuvre agricole du Canada à
Saint-Hyacinthe, on reconnaît d'emblée que la situation est
inquiétante et que de graves problèmes sont à
prévoir. Bref, on avoue sans détour que la pénurie de
main-d'oeuvre agricole sera nettement plus importante que l'an dernier.
Le directeur du bureau - c'est là où j'ai peut-être
une question un peu plus précise à vous adresser - dit et je le
cite tel que rapporté dans le journal: "Le pire ennemi des producteurs
en cause, l'assurance-chômage et le bien-être social. M. Desgranges
est d'ailleurs le premier à le reconnaître. Comme plusieurs, il
dit espérer que des changements seront apportés à ces
programmes, afin d'inciter les gens sans travail à accepter ce genre
d'emploi".
Je vais vous poser la question comme elle m'est venue à la
lecture de cet article. Il y a des problèmes de
préemployabilité; il y a des problèmes
d'employabilité. Quelles suggestions avez-vous à nous
présenter de façon que, d'un côté, on n'ait pas des
gens qui sont bénéficiaires de l'aide sociale et, de l'autre
côté, des entreprises ou des producteurs, dans certains cas, qui
manquent strictement de main-d'oeuvre pour effectuer des travaux qu'il faut
effectuer dans des périodes données? Qu'est-ce qui ne va pas dans
nos programmes actuellement?
Mme Fecteau: Évidemment, M. le ministre, vous parlez
d'emplois saisonniers. Plus tôt, vous me posiez la question: Est-ce que
ces gens sont membres chez vous? Je ne le croirais pas. Quand je regarde le
secteur manufacturier, c'est un secteur qui ne crée pas tellement
d'emplois actuellement. Des 100 000 emplois qui ont été
créés dans l'année qui vient de s'écouler, on dit
toujours, d'après une étude de l'OCDE, que deux emplois sur trois
dépendent directement ou indirectement du secteur manufacturier, bien
que, dans le secteur manufacturier lui-même directement, on ne
crée plus tellement d'emplois. Cependant, il faut un secteur
manufacturier très fort pour avoir un secteur de services très
fort. Ce pourquoi on crée des emplois aujourd'hui, c'est parce que
l'économie est stable et que le secteur manufacturier est très
fort. Plus particulièrement pour le secteur manufacturier, ce sont
surtout des emplois où on demande une formation adéquate. On
demande de plus en plus une formation adéquate.
Donc, je ne sais pas si les gens dont vous parlez qui
bénéficient actuellement soit de l'assurance-chômage ou de
l'aide sociale et qui ne sont pas incités à prendre ces emplois
saisonniers répondraient à l'heure actuelle aux emplois
créés dans le secteur manufacturier. Ce sont surtout des emplois
qui, comme je le disais, demandent de la formation. Ce sont surtout des
emplois, en tout cas, qui demandent de savoir lire, de savoir écrire et
même plus que cela, surtout avec les changements technologiques qui sont
effectués. Évidemment, cela ne répond pas à votre
question: Comment allons-nous faire pour les inciter? Mais je crois que la
réforme que vous proposez, justement, où on définit les
gens qui sont employables et ceux qui ne le sont pas... Parmi ceux qui sont
employables, on distingue également ceux qui sont non disponibles. Ces
gens qui sont employables, on les incite par des cours de formation. Je pense
que c'est une façon de faire qui va permettre à ces gens de
retourner sur le marché du travail. Je pense également au
programme APPORT, où les parents et les enfants pourront se permettre
d'avoir un supplément de revenu. Je pense également que ce sera
une mesure incitatrice qui va faire que ces gens vont rester au travail.
Je ne sais pas si mes collègues ont des choses à ajouter.
Sûrement. M. Jean Burton ou Jacques.
M. Beauchamp (Jacques): Disons que le seul point que je voudrais
ajouter - je ne sais pas si l'AMC a une position officielle sur la question -
est celui-ci: II est évident que si le fait de travailler dans une
entreprise agricole payait 100 000 $ par année, il n'y aurait
peut-être pas de problème, mais, d'un autre côté, la
tomate coûterait cher à la fin. Je pense que ce sont des
distorsions dans le système économique. Jusqu'à un certain
point, on peut les corriger par des communications entre les deux parties, mais
il restera toujours un certain nombre de distorsions dans le système
économique qui feront qu'au cours d'une certaine période...
Actuellement, si
vous recherchez un comptable à Montréal, vous aurez des
difficultés à engager des comptables parce qu'ils sont
très en demande et vous ne pouvez pas en engager. À un moment
donné, ce seront les avocats et à un autre moment, ce sera autre
chose.
Une voix: Je ne sais pas si on va voir cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez... Oui.
Le Président (M. Bélanger): M. Burton, s'il vous
plaît.
M. Burton: Très brièvement. Le genre d'emploi
auquel vous faites référence, entre autres, dans les cueillettes,
a été fait il y a quelques années par des
spécialistes. Parce que j'ai travaillé dans la région de
Frelighsburg et les gens faisaient la cueillette de la pomme à
Frelighsburg, mais ils faisaient la cueillette du tabac dans la région
de Joliette et ils faisaient la cueillette des concombres en Ontario.
Finalement, ces cueilleurs font tout le Canada. Mais ce sont des gens qui, sans
être des spécialistes, font cela presque à longueur
d'année. Ils descendent même en Californie et aux
États-Unis. Ils le faisaient jusqu'au moment où les
frontières se ferment un peu. De plus, ce sont des gens qui sont
payés à la pièce. Ils sont payés à la
quantité cueillie. Ce n'est donc pas très payant pour quelqu'un
qui ne l'a jamais fait que de se lancer dans ce marché. C'est quand
même un très bon exemple où on a une inadéquation
entre des besoins en main-d'oeuvre et un bassin qui n'est peut-être pas
prêt à se lancer dans la cueillette, parce que malgré tout
c'est payé à la quantité recueillie. Ce n'est donc pas
très rémunérateur pour quelqu'un qui ne l'a jamais
fait.
Par contre, là-dessus, j'aimerais peut-être proposer qu'au
lieu d'avoir un système qui est tout à fait universel la notion
de régionalisation qu'on a vu apparaître dans le projet est dans
ma perception une régionalisation au niveau administratif. Mais il y
aurait peut-être moyen de régionaliser aussi au chapitre des
réalités économiques. Par exemple, dans des cas où
on a des besoins spécifiques en main-d'oeuvre, que l'on puisse adapter
peut-être le programme pour reconnaître cette
réalité. Si on a huit ou dix semaines d'emploi dans la
région pour faire la cueillette de fraises ou de pommes, peut-être
devrait-on reconnaître cette réalité et permettre à
des gens de ne pas perdre complètement leur acquis. Donc, pour moi, la
régionalisation va plus loin que la simple administration du programme
par des bureaux régionaux. Cela va aussi vers la reconnaissance de
réalités économiques qui ont un caractère
régional. On pourrait le faire pour la pêche aux
Îles-de-la-Madeleine. La saison de la pêche au homard dure huit
semaines, soit du 10 mai au 10 juillet. C'est un peu la
(,■ même chose dans les différentes régions du
Québec.
La régionalisation nous permettrait peut-être d'avoir un
système un peu plus souple pour reconnaître ces besoins et les
bassins de main-d'oeuvre disponibles.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci. En vertu de l'alternance,
M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je veux souhaiter la
bienvenue à Me Fecteau ainsi qu'aux personnes qui l'accompagnent, soit
MM. Burton et Beauchamp. Dans le passé, j'ai eu l'occasion
d'apprécier la contribution de l'association des manufacturiers. Je sais
que l'association est devenue, au fil des dernières années, un
partenaire majeur pour les gouvernements qui se sont succédé.
J'apprécie que l'association, dans ses positions, mette de
côté une sorte de simplisme qui est maintenant révolu en
matière de lois du marché. (15 h 45)
Vous avez dit dans votre mémoire, essentiellement, qu'il fallait
maintenir un écart, sans qu'il soit pour autant
prédéterminé, entre le salaire minimum et les prestations.
Mais vous avez préalablement défini qu'il fallait que le salaire
minimum soit supérieur aux prestations d'aide sociale. Donc,
l'écart, même s'il n'est pas prédéterminé,
vous le voyez à la baisse. Vous pensez par ailleurs que les prestations
doivent évoluer, elles, en fonction du coût des besoins de base -
ce sont là les termes mêmes du mémoire - tandis que le
salaire minimum doit évoluer en fonction des lois du marché et de
la concurrence, comme deux poussées différentes, l'une qui serait
plutôt par en bas et l'autre qui serait plutôt par en haut.
Si on reprend les coûts des besoins de base, on a mis en preuve
ici devant cette commission que simplement le coût du logement à
Montréal, pour le mois d'octobre 1987 - donc, les chiffres les plus
récents de la Société canadienne d'hypothèques et
de logement - était de l'ordre de 502 $ pour un logement avec deux
chambres à coucher, de 380 $ pour un avec une chambre et de 576 $ pour
un avec trois chambres. Quand on sait que le salaire minimum est à 689 $
par mois, si tant est que l'on ait besoin, à cause de la taille de la
famille, de deux chambres, vous comprendrez qu'à 502 $ il ne reste pas
grand-chose pour l'alimentation. On est venus ici, un certain nombre de
groupes, nous chiffrer les coûts économiques de la pauvreté
pour la société, en termes d'hospitalisation, de
médicalisation, de sous-éducation, de sous-alimentation.
La grande question qui se pose est: Dans quelle mesure les besoins de
base... Ce sont les coûts des besoins de base qui ont augmenté. Il
y a vingt ans, on pouvait vivre avec un salaire
minimum d'un dollar l'heure. Quel est maintenant le coût d'un
salaire minimum qui permettrait de faire vivre une famille? Parlons en fonction
des besoins de base. Je ne sais pas si vous les avez déjà
chiffrés, mais ils l'ont été par différents seuils:
Statistique Canada, le Conseil canadien de développement social. Vous le
savez, juste pour une personne seule, on dit à Statistique Canada qui
n'est pas le Conseil canadien de développement social et qui est donc
bien en deçà, que les besoins de base à Montréal
seraient de 999 $ par mois. Donc, 300 $ de plus que le salaire minimum pour une
personne seule. Le problème des écarts se pose parce que cela
coûte très cher pour vivre. Comment voyez-vous, d'une certaine
façon, qu'on puisse socialement gérer ces écarts qui vont
en s'aggravant?
Mme Fecteau: C'est pourquoi nous avons mis ce
paragraphe-là. À plusieurs reprises, dans le document de M.
Paradis, on fait référence justement au salaire minimum et
à une certaine relation avec l'évolution du montant des
prestations d'aide sociale. Je pense qu'une lacune du système, Mme la
députée, est celle qui fait en sorte que ce n'est pas incitant
pour certaines personnes d'aller travailler. Ce n'est pas incitant d'aller
travailler et de recevoir le salaire minimum.
Ce faisant, je pense que c'est tout à fait approprié. Cela
ne remet pas en cause les coûts de base des personnes vivant soit de
l'aide sociale ou autrement. Il faut donner un certain incitatif à ces
personnes. Je pense que la réforme le démontre ou essaie de
corriger les lacunes du système. Nous croyons que, si on établit
révolution du montant des prestations d'aide sociale avec celle du
salaire minimum, à chaque fois qu'on va augmenter les prestations d'aide
sociale, il va falloir augmenter le salaire minimum. Et à chaque fois
qu'on va augmenter le salaire minimum, il va falloir augmenter les prestations
d'aide sociale.
Au fond, ce sont les mêmes répercussions qui ont cours
aujourd'hui. À chaque fois qu'on augmente le salaire minimum, on doit
également augmenter les autres salaires, parallèlement.
Mme Harel: Je pense qu'on peut peut-être s'entendre
immédiatement sur l'utilité d'un salaire minimum qui soit
concurrentiel par rapport aux voisins des deux côtés et du Sud
également. Disons qu'on s'entend là-dessus, mais je reprends
parce que j'aimerais bien qu'on puisse, d'une certaine façon, penser
comme vous que l'incitation est suffisante dans le projet.
On a eu du ministère des Finances les taux marginaux implicites
de taxation dans le cadre du programme APPORT et dans le cadre des autres
programmes, par exemple, pour une femme chef de famille monoparentale d'un
enfant de moins de six ans. Ce sont là des données que vous
connaissez sans doute, mais je vous rappelle que 55 % de la clientèle
adulte à l'aide sociale est de sexe féminin. 55 %? 52 %. C'est
possible parce que ce sont là les chiffres du Conseil du statut de la
femme, mais il est possible que ce ne soient pas les statistiques des derniers
mois. Et, près de la moitié sont responsables d'enfants, soit 47
%, et une prestataire, une femme sur trois, est âgée de 45 ans et
plus et 40 % ou presque n'ont pas complété une septième
année. On a donc des portraits de cette nature-là. Une jeune
femme, par exemple, qui est chef de famille avec un enfant de moins de six ans
et qui peut actuellement recevoir en allocation l'équivalent de 9 634 $
par année, avec le programme - ce sont les données du
ministère des Finances en date de février - si elle a un revenu
de travail de 2000 $, il y a le taux marginal qui est de 96 %, le taux moyen
devient de 96 % également, son gain annuel sera de 67 $ et son gain
mensuel de 5,58 $. C'est avec un revenu de travail de 2000 $. Avec un revenu de
travail de 4000 $, les taux marginaux passent à 90 % et les taux moyens
à 93 %, le gain annuel devient de 263 $ et le gain mensuel de 21,91 $.
Je vais peut-être demander à la secrétaire de vous en faire
circuler des copies. Ceci, tout simplement pour vous illustrer que l'incitation
positive... Je crois que vous favorisez, vous préconisez une incitation
positive. Une incitation positive, dites-vous, parce qu'il y a un programme qui
s'adresse aux personnes inaptes. On reviendra, si vous voulez, sur cet
aspect-là.
Mais prenons le programme qui s'adresse aux personnes aptes et le
programme APPORT. Est-ce que l'incitation positive est suffisante? Je pense que
c'est une question que l'on peut se poser. Parce que dans le document
d'orientation l'incitation est plutôt négative. Il s'agit de
baisser les prestations et de mettre littéralement plus de gens dans la
misère en se disant qu'ils vont aller plus facilement se chercher un
montant. Parce que ces personnes-là voient leurs prestations diminuer
selon les coûts de base. Mais j'aimerais vous entendre sur les montants
qu'elles peuvent aller chercher. Le maximum d'exemption pour gain de travail de
la catégorie, si vous voulez, maximale est de 155 $ par mois. Cela
s'applique à la catégorie du refus de participer. 155 $ par mois
c'est le maximum. Au-delà de ce montant de 155 $ par mois, vous savez
sans doute que chaque dollar additionnel gagné est déduit
à 100 % du programme de transfert, sauf APPORT. Mais dans APPORT les
chiffres que je vous citais révèlent des difficultés que
le ministre connaît et j'espère qu'il va pouvoir les régler
avec son collègue des Finances. Mais on verra après
Pâques.
Prenons le programme APTE. Je questionnais le livreur de La Presse
chez moi qui me disait faire à peu près 60 $ par semaine. Il
avait, évidemment, comme il m'a dit, une grande "run" et il mettait
plusieurs heures à faire sa distribution. Vous voyez, 60 $ pour une
semaine, c'est de loin supérieur à ce que la proposition
permettrait même pour un couple biparental. Parce que
155 $ c'est pour un couple biparental avec des enfants. Est-ce que
l'incitation positive est suffisante et est-ce qu'elle est... Par exemple,
prenons le cas de la cueillette que le ministre vient de nous expliquer. Quel
est l'avantage de l'incitation positive puisque, après les premiers 155
$ gagnes pour le mois, il n'y a plus aucune incitation puisque chaque dollar va
être nécessairement déduit du chèque mensuel? Et,
à la rigueur, il peut même y avoir une désincitation parce
que le mois d'après, avec tous les contrôles avec lesquels on est
maintenant familiers étant donné qu'on nous les a
expliqués pendant cinq semaines, il est possible que la personne ait
beaucoup de difficultés à retrouver son niveau de
prestations.
Alors, je vous pose la question de nouveau. Est-ce que l'incitation
positive est adéquate?
Mme Fecteau: Vous posiez la question: Est-ce que les prestations
sont intéressantes? Si vous avez remarqué, Mme Harel, dans notre
mémoire, nous avons cru bon de laisser aux spécialistes le soin
d'analyser si les barèmes des prestations et les exemptions, allocations
et mesures fiscales proposés étaient corrects ou pas ou
étaient adéquats. Maintenant, on pense véritablement -
c'est comme cela, d'ailleurs, qu'on a élaboré ce mémoire -
on croit que la structure même proposée par le gouvernement dans
cette politique permet une incitation au travail. Cependant, c'est surtout dans
la recherche de solutions innovatrices qu'on aimerait que la politique soit
davantage peaufinée. Quand on pense à reconnaître comme
travail la production de certaines personnes qui ne font pas partie de la
population active, par exemple, diverses activités à
caractère communautaire, c'est sûrement une excellente
façon. Vous le savez, Mme Harel, dans les centres de femmes battues et
dans les garderies, il y a un tas de gens qui travaillent à titre
gratuit et qui bénéficient de l'aide sociale. Je trouverais cela
gênant de déterminer que ces gens-là, du jour au lendemain,
ne sont pas disponibles dans la catégorie des gens employables. Ils ne
sont pas disponibles, par exemple, pour des cours de formation ou autres.
J'aimerais qu'on reconnaisse comme travail, nous aimerions qu'on reconnaisse
comme travail l'emploi de ces gens-là. C'est évident que, dans
les garderies, on a besoin de gens. C'est évident que, dans les centres
de femmes battues, on a également besoin de main-d'oeuvre. Il n'y a pas
d'argent. Les gouvernements ont peu ou pas d'argent encore. Le fait de
reconnaître le travail de ces gens-là et de leur permettre de
recevoir de l'aide sociale, c'est sûrement une mesure innovatrice et
incitative. D'autres solutions que l'on préconise nous permettent de
croire que la politique du gouvernement devrait être approfondie dans ce
sens-là. C'est dans ce sens-là que nous croyons qu'il y aura des
incitatifs pour que les gens aillent sur le marché du travail ou gardent
leur emploi. C'est évident que c'est également un choix de
société quand on pense que le salaire minimum, ce sont les lois
du marché. Ce n'est pas du tout la même chose en ce qui a trait
à l'aide sociale. Ce sont deux entités complètement
différentes.
Mme Harel: C'est très intéressant, ce qu'on
retrouve dans votre mémoire. C'est innovateur, d'ailleurs. Je crois que
vous êtes le premier groupe d'employeurs à faire...
Mme Fecteau: On est toujours innovateurs.
Mme Harel: ...cette recommandation d'envisager de
reconnaître le travail de certaines personnes qui ne font pas
actuellement partie de la population active comme étant un travail
socialement utile et reconnu comme tel.
Mme Fecteau: C'est sûrement une façon moins
coûteuse pour nos gouvernements...
Mme Harel: C'est très intéressant.
Mme Fecteau: ...que de fournir de l'argent. C'est une
façon déguisée, à mon avis, et beaucoup moins
coûteuse et tout à fait extraordinaire parce que ces
gens-ià, quand on les regarde, ils feraient des heures incroyables. Ils
ne comptabilisent pas leurs heures. Ils travaillent avec amour. En tout cas,
chapeau!
Mme Harel: Oui, M. Burton, sur cette question.
M. Burton: Je voudrais simplement ajouter qu'il y a même
des programmes qui sont mis de l'avant par le gouvernement, comme le maintien
au foyer des personnes âgées, qui ne peuvent réussir
qu'avec la collaboration des personnes bénévoles. Il n'y a aucun
moyen, il n'y a aucun budget. On propose de considérer ces personnes
comme étant, de fait, à l'emploi, étant au travail,
même si elles ne sont pas rémunérées.
Je veux simplement finir sur le lien entre le salaire minimum et les
prestations d'aide sociale. La seule raison pour laquelle on l'a
mentionné ici, c'est qu'on voudrait éviter à tout prix
qu'on maintienne un écart prédéterminé, qu'on dise
que le salaire minimum sera toujours de 5 $ ou 10 $, qu'on mette un
écart prédéterminé justement parce que ces deux
réalités évoluent dans le temps en fonction de
considérations économiques qui n'ont pas de lien direct entre
elles. C'est cette précaution qu'on a voulu souligner dans notre
mémoire, d'être prudent. C'est bien évident que ce sont
deux réalités qui, finalement, se recoupent puisque, très
souvent, les gens qui sont payés au salaire minimum sont aussi sous le
seuil de la pauvreté. Ce sont des réalités qui se
recoupent, mais ce sont deux barèmes qui, entre eux, ont des
connotations qui sont tellement différentes qu'il faut être
prudent lorsqu'on les relie l'un à l'autre.
(16 heures)
Mme Harel: Autant il a été ici évoqué
qu'il apparaissait utile de reconnaître comme travail la production de
"socialement utile", par exemple, dans des travaux complémentaires,
autant il a également été recommandé que les
personnes soient reconnues comme des travailleurs et, à ce titre, soient
rémunérées comme travailleurs. Le niveau de
rémunération peut se discuter, mais de manière que ces
personnes n'aient plus l'étiquette d'assistée sociale qui, pour
toutes celles qui sont venues en la portant, est une étiquette lourde et
très très difficile à porter. On nous faisait valoir que,
dans la mesure du possible, comme il y a vingt ans le Québec avait
convenu que des emplois dans des secteurs qui avaient traditionnellement
été surtout occupés par des communautés religieuses
et autres deviennent de vrais emplois avec de vrais travailleurs, il serait
peut-être possible, dans des secteurs complémentaires, sans que ce
soit l'État, des fonctionnaires ou des travailleurs étatiques,
mais, dans des secteurs communautaires, qu'il y ait là aussi un vrai
travail et de vrais travailleurs rémunérés.
Mme Fecteau: Cela fait justement des gens qui acquièrent
une certaine expérience de travail reconnue à l'avenir. Alors, je
pense que ce volet est extrêmement intéressant.
Mme Harel: J'ai l'impression que, dans votre mémoire, vous
êtes au fait des défis de l'emploi qui se posent actuellement. Le
ministre n'a pas repris ce qu'il dit habituellement, à savoir que cela a
été une année record, ce que tous les gens savent. Mais
autant ils le savent, autant ils sont aussi conscients que cette année
record, ce qui est record, c'est un taux de création d'emplois aussi
élevé avec un maintien du chômage aussi élevé
et que, dans une période, disons, à moyen terme, d'un certain
ralentissement... Parce que l'année record de 1973 où on avait
connu un tel taux de création d'emplois a donné lieu à un
chômage d'environ 7 % et malgré tout, cette année cela
oscille autour des 10 %.
On se rend compte que les nouveaux pauvres sont des gens qui auraient
très bien pu s'en sortir à une autre époque, mais qui en
grande partie, à cause des changements et des bouleversements que
connaît l'entreprise et des bouleversements du marché que
connaissent aussi les travailleurs, sont des gens qui s'en sortent moins bien.
C'est la raison pour laquelle cette question du salaire minimum est vitale:
Quelle est l'incitation positive pour que les gens n'aient pas le goût de
se faire déclarer inaptes, pour qu'ils ne soient pas dans les salles
d'attente des médecins pour se faire déclarer inaptes en allant
chercher des avantages? Il faut qu'il y ait des avantages à être
apte et on devrait, comme société, plutôt se tourner vers
les avantages d'être apte. Je regardais le sondage que le ministre
rendait public vendredi dernier où la population disait, à 56 %,
que les programmes et les mesures d'employabilité devraient donner
l'équivalent du salaire minimum. Je me suis dit que c'est une mesure
favorable à être apte et disponible.
Dans votre mémoire, vous nous faites valoir... Et j'aimerais
aborder cette question, peut-être avant que le président ne me
dise que j'enfreins le règlement faute de temps, du
décloisonnement de l'administration des programmes. Je sais que vous
avez beaucoup étudié cette question de la rationalisation, en
matière de formation particulièrement, je pense. Est-ce que vous
avez là des recommandations à faire?
Mme Fecteau: Je pense que cela appuie ce que mon collègue,
Jean Burton, a dit tout à l'heure, à savoir que chaque
région a ses particularités et ses besoins. On disait
tantôt qu'il y avait des emplois saisonniers créés dans
certaines régions. Donc, le fait de décloisonner permet justement
de tenir compte des besoins des différentes régions et, de ce
fait, je pense, permet une réforme ou des programmes qui seront beaucoup
plus efficaces.
Il serait difficile de gérer des programmes de Montréal
pour des territoires comme l'Abitibi-Témiscamingue et, d'ailleurs, je
verrais mal qu'on le fasse. Donc, ce décloisonnement va dans cette
direction. Quant à l'harmonisation, il y a plusieurs programmes
actuellement, Emploi-Québec, Emploi-Canada, tout le monde entre chez les
employeurs; Emploi-Canada est plus offrante; il est moins offrant, plus
intéressant. Donc, qu'il y ait une certaine harmonisation à la
formation sur mesure. J'entends dire à tous les jours: Ah!
Administrativement, dans ces programmes-là, c'est Québec qui
tiraille. D'autres vont dire: Non, non, c'est le gouvernement canadien et,
finalement, il y a là de l'argent très intéressant pour
les entreprises et on est incapable d'aller le chercher. Pourquoi? Parce qu'il
y a une guerre entre les administrations des gouvernements. Enfin, une guerre,
il faut le dire vite, mais c'est difficile à administrer. Il faut donc
que cette harmonisation se fasse. On pense que c'est l'efficacité
même qui résultera des programmes.
Mme Harel: Si M. le Président me permet juste une
dernière question. Est-ce qu'il y a une crainte qu'une concurrence
déloyale s'installe, par exemple, avec l'éventualité de
programmes qui permettraient d'engager en deçà des règles
du marché, en deçà des normes, des personnes
bénéficiaires de l'aide sociale, bien en deçà du
salaire minimum chez certains employeurs, d'autres étant plutôt
liées par des conventions ne le leur permettant pas? Cette crainte
s'est-elle exprimée dans vos rangs?
Mme Fecteau: Non, pas vraiment, mais ce sont des exercices qui se
font à chaque fois, de toute façon N'importe quelle structure,
n'importe quel régime, il y a toujours une pratique déloyale, ou
une pratique parallèle qui s'installe, qu'on
regarde l'industrie de la construction, qu'on regarde l'industrie du
transport. Chaque fois qu'on établit des règles, il se trouve
toujours des gens qui ne suivent pas les règles ou qui trouvent les
moyens d'en profiter autrement. Ce n'est pas une crainte qui a suscité
notre attention parce que nous autres, on tient pour acquis que tout le monde
va suivre le système ou la structure qui est imposée. On n'a pas
de contrôle sur ceux qui ne la suivent pas. Est-ce que mes
collègues ont des choses à ajouter?
Mme Harel: Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Quelques questions
additionnelles qui touchent... C'est heureux que Mme la députée
de Maisonneuve ait repris là l'échange. C'est là où
j'étais rendu, c'est ce que j'avais entamé avec vous, Toute la
question de l'incitation au travail. On sait qu'en vertu du système
d'aide sociale, actuellement, un individu peut gagner jusqu'à 25 $ par
mois de plus que ses prestations d'aide sociale, et je parle d'une personne
seule. Après ses 25 $, il tombe dans un taux d'imposition de 100 %. Ce
que la réforme propose pour le même individu -et je sais que c'est
peut-être trop loin sur le tableau - ...
Mme Fecteau: J'ai de bons yeux.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...cela varie entre 155 $ dans le
cas de quelqu'un qui ne participe pas et 80 $ dans le cas de quelqu'un qui
participe. On pourrait peut-être faire davantage, mais là on
rejoindrait rapidement le salaire minimum. Notre crainte, et j'emprunte les
mots de Mme la députée de Maisonneuve, il faut que les gens
soient incités à demeurer ou à se prévaloir de leur
aptitude au travail, mais le gouvernement prétend qu'il faut
également que les gens soient incités à intégrer le
marché du travail. Considérez-vous que l'incitation que nous
donnons, à la suite de votre expérience, votre connaissance du
milieu du travail ou des individus, est suffisante ou est-ce qu'on devrait
l'augmenter?
Mme Fecteau: Encore là, M. le ministre, on a bien pris
soin de dire que les barèmes de prestations, les exemptions, les
allocations et les mesures fiscales, on ne voulait pas se positionner
là-dessus. Cependant, ce pourquoi on a appuyé votre politique,
c'est parce que la politique vient distinguer les gens qui sont employables des
gens qui ne sont pas employables. Les gens qui ne sont pas employables, on leur
en donne davantage. On l'a dit souvent, je me souviens, devant la commission
MacDonald: Donnons à ceux qui en ont le plus besoin de l'argent. Donc,
c'est une meilleure redistribution. Dans votre programme APTE, vous distinguez
là, vous donnez des incitations, vous offrez de la formation. On ne sait
pas encore quelle sorte de formation, quelle sorte de programme. Mais il nous
apparaissait comme évident que c'était là une proposition,
une politique qui était plaisante, encourageante et incitative.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va. Sur le salaire minimum,
et je vais faire le pont...
Mme Fecteau: Oui, le lien avec le salaire minimum.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous mentionnez dans votre
mémoire, et je pense que c'est M. Burton qui le disait: Nous exprimons
notre réticence à toute règle qui établirait un
écart fixe entre les prestations de sécurité sociale et le
salaire minimum et y assujettirait ainsi l'évolution de ce salaire. Nous
vous indiquons immédiatement que nous nous sommes commis dans la
politique de sécurité du revenu à indexer annuellement au
coût de la vie les prestations du programme Soutien financier. Quant aux
prestations du programme APTE, l'ajustement des barèmes et prestations,
je vous réfère à la page 42 de la politique de
sécurité du revenu: Les barèmes et prestations seront
ajustés par le gouvernement en fonction des paramètres tels que
le salaire minimum, l'incitation au travail, l'évolution du coût
de la vie, etc.
Cette approche vous paraît-elle aller en direction contraire de ce
que vous exprimez ou est-ce qu'il y a mariage possible entre cette approche et
ce que vous avez exprimé dans votre mémoire?
M. Burton: II y a certainement un mariage possible. Ce qu'on
voulait bien préciser et ce dont on voulait s'assurer, c'est que, comme
il y a certainement des pressions à la hausse pour augmenter les
prestations de l'aide sociale, puisque, comme on a dit tout à l'heure,
les besoins de base augmentent, il est certain que pour satisfaire ces besoins
les prestations sont à la hausse au niveau de l'aide sociale, on ne
voulait pas qu'il y ait des pressions dans le même sens, au même
moment et avec le même quantum au niveau du salaire minimum. On ne
voulait pas que ces deux réalités évoluent en vases
communicants. Effectivement, comme vous le dites, les prestations d'aide
sociale, avec l'indexation qu'on leur fera subir, vont tenir compte d'un
ensemble de réalités, dont le niveau du salaire minimum. Cela
nous paraît tout à fait correspondre à notre
préoccupation. Mais on voulait être certains qu'on ne l'oublie
pas.
Je voulais souligner une chose, si vous me permettez, M. le ministre. Il
n'y a pas que la question de coût au niveau de l'incitation. Ce qui est
important au niveau de l'incitation pour que les gens réintègrent
le marché du travail, c'est le réalisme des programmes, c'est la
probabilité réelle qu'une fois qu'on aura passé à
travers six
ou neuf mois de formation on a des chances réelles d'occuper un
emploi. Cela joue autant, sinon plus, que l'écart qu'on a pour aller
chercher des prestations ou un salaire minimum. Dans ce sens-là, c'est
pour cela qu'on a insisté autant aussi sur les mesures innovatrices. Il
y a des moyens de pénétrer le marché du travail qui est
relativement hermétique pour des gens qui n'y ont pas été
récemment, qui y retournent ou qui n'ont jamais
pénétré le milieu du travail. Dans notre mémoire,
à la page 9, on liste un ensemble de possibilités
d'intégrer le marché de l'emploi par le biais de temps partiel,
de temps partagé, mais on essaie d'innover à ce niveau-là.
On le souligne déjà, le gouvernement pourrait faire des efforts
intéressants en aménageant les régimes publics
d'assurance-chômage et de Régie des rentes du Québec pour
reconnaître que le travail à temps partiel est aussi admissible
à ces régimes-là, ce qui ne l'est pas. Il y a quand
même une portion au niveau du gouvernement pour reconnaître ces
emplois, leur donner une valeur réelle, mais cela permettrait aussi
à des gens de pénétrer le milieu du travail et, pour nous,
c'est aussi important que le salaire qu'ils vont aller gagner, cette
possibilité réelle de se trouver un emploi
rémunérateur. Il faut chercher au niveau des moyens.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le président m'indique
que mon temps est terminé. Je vous dirai qu'au niveau des moyens nous
administrons au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu un programme d'aménagement
concerté du temps de travail, qu'on en est à la troisième
année d'expérimentation et que nous avons trouvé, et chez
le monde des travailleurs organisés et chez le monde patronal
organisé, plus de résistance que nous n'en escomptions au
début. Nous avons dû ajouter encore davantage à nos
incitatifs monétaires pour inciter nos grands partenaires, dont la
collaboration est indispensable, à fonctionner dans le cadre desdits
programmes.
Mme Fecteau: Je vous dirai là-dessus, M. le ministre, que
nous sommes peut-être la seule association, mais nous sommes prêts
à collaborer. Non seulement cela, on leur a
téléphoné et on est au comité. Je pense qu'il n'y a
pas beaucoup d'argent dans ce programme actuellement. C'est peut-être
pour cela qu'il ne va pas tellement de l'avant.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La première année
où je suis arrivé il avait été mis sur pied par
l'ancien gouvernement. J'ai dû périmer au moins les deux tiers des
budgets parce qu'il n'y avait pas suffisamment d'entreprises qui voulaient s'en
prévaloir. Au moment où l'on se parle, nous avons augmenté
le budget pour l'année en cours.
Nous souhaitons être capables de le dépenser. On me dit
qu'il y a 10 contrats qui touchent 70 emplois présentement et qu'il y a
13 autres contrats sur le point d'être signés pour 150
emplois.
Mme Fecteau: De toute façon, nous sommes pour des
solutions novatrices. Avec des politiques comme celles-là, nous n'avons
pas peur de siéger aux comités, de faire valoir ce qu'on a envie
de dire et de rallier également des idées à nos
idées et à celles des manufacturiers que nous
représentons. C'est ce qui nous distingue des autres associations: nous
ne représentons que le secteur manufacturier. Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. Burton, très
rapidement. Le temps est écoulé.
M. Burton: Simplement sur ce programme de partage du temps de
travail. Effectivement, je fais partie du comité. Ce qu'on
reçoit, c'est un appel par année pour nous dire: Cela s'en vient,
ne vous inquiétez pas, on est encore là.
Le gros problème là-dedans, c'est que les entreprises
seraient peut-être prêtes à reconnaître du partage de
temps de travail, sauf que pour les régimes d'assurance collective, les
régimes de fonds de retraite, les régimes publics de rentes,
entre autres, l'effort n'a pas été fait pour reconnaître le
temps partagé comme étant du vrai travail. Nous voulons que le
temps partagé soit payé à temps partagé,
évidemment, mais aussi que, s'il y a des moyens de reconnaître ce
travail, on le fasse. Il y a un énorme effort à faire de la part
du gouvernement.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve, si vous voulez remercier nos
invités.
Mme Harel: C'était très intéressant. Je veux
vous remercier. Vraiment, je vous le dis très sincèrement, je
pense que cela a été un des mémoires du secteur patronal
le plus intéressant.
Mme Fecteau: Je m'en réjouis tout autant.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui...
Mme Harel: M. Burton, je dois vous dire juste en passant, je
m'excuse auprès du ministre...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pas de problème. Cela
va.
Mme Harel: II me semble que c'est un des premiers
mémoires... Quel groupe? Quatre-vingt-sixième?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quatre-
vingt-neuvième.
Le Président (M. Bélanger):
Quatre-vingt-neuvième. (16 h 15)
Mme Harel: Quatre-vingt-neuvième. Et c'est la
première fois, malgré tout, que l'on nous décrit le type
de solution d'aménagement du temps de travail qui pourrait être
utilisé. Il me semble que le ministre aurait intérêt
à vous consulter un peu plus.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, en
conclusion.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme la députée de
Maisonneuve, le ministre rêverait de les voir siéger dans un
organisme pour consulter le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu. Il y a d'ailleurs un projet de loi qui est
devant l'Assemblée nationale. Peut-être qu'un jour on aura
l'occasion de le débattre ensemble. Je tiendrais quand même
à vous remercier pour vos approches innovatrices, bien que vous soyez le
89e mémoire, comme cela a été souligné.
Je retiens parmi les suggestions nouvelles que vous nous avez
apportées celle de toute la question de la reconnaissance du travail
effectué dans des endroits névralgiques de la
société, indispensables aujourd'hui où cette
reconnaissance n'existe absolument pas. J'ai également bien noté,
en plus des formules innovatrices, toute la question de l'harmonisation de nos
programmes avec le gouvernement fédéral.
Je vous dirai que, depuis deux ans, en ce qui concerne, entre autres, le
placement et certains programmes dans le cadre de la stratégie nationale
de l'emploi dont nous ne contrôlons pas actuellement tous les leviers, en
tout cas, en ce qui concerne la pénurie de main-d'oeuvre et
l'acquisition de compétences, nous avons fait des efforts
d'harmonisation. Je saisis bien de votre message que ces efforts d'harmonistion
devraient se poursuivre dans les autres volets de notre politique avec le
gouvernement fédéral. Je vous remercie beaucoup de votre
collaboration aux travaux de la commission.
Le Président (M. Bélanger): La commission des
affaires sociales remercie l'Association des manufucturiers canadiens, division
du Québec, et invite à la table des témoins le groupe
Action travail des femmes du Québec. Ce groupe sera
représenté par Mme Liza Novak et Mme Ginette Martel. Je les prie
de bien vouloir prendre place. Nous recevons à la table des
témoins, si vous permettez, le groupe Action travail des femmes du
Québec, représenté par Mme Liza Novak et Mme Ginette
Martel.
Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20
minutes fermes pour présenter votre mémoire et, ensuite, il y
aura une période d'échanges avec les parlementaires. Je vous
prierais, chaque fois que vous prendrez la parole, de bien vouloir donner votre
nom au préalable. C'est pour les fins de l'enregistrement du Journal
des débats. Si vous voulez vous identifier et procéder
à la présentation de votre mémoire, nous sommes tout
ouïe.
Action travail des femmes
Mme Martel (Ginette): Ginette Martel, d'Action travail des
femmes.
Mme Novak (Liza): Liza Novak.
Mme Martel: Je vais faire la lecture de notre mémoire qui
s'intitule "Paradis en enfer: les femmes n'embarquent pas dans cette
galère!". Je vais présenter tout d'abord l'organisme Action
travail des femmes. Action travail des femmes est un organisme sans but
lucratif qui, depuis 1976, aide les femmes à la recherche d'un emploi
à intégrer le marché du travail dans les secteurs d'emploi
col bleu dits non traditionnels. À Action travail des femmes, nous
mettons l'accent sur les métiers non spécialisés
traditionnellement réservés aux hommes parce que ces emplois
offrent généralement des salaires de 12 $ à 15 $ l'heure,
des conditions de travail décentes et la sécurité
d'emploi, tandis que la majorité des emplois plus accessibles aux femmes
sont peu rémunérateurs, le salaire frôlant habituellement
le salaire minimum, et offrent de piètres conditions de travail.
La poursuite de nos objectifs nous a permis de développer une
solide connaissance du marché du travail et nous a amenées
à identifier des obstacles auquels les femmes sont confrontées
lorsqu'elles veulent accéder à des emplois offrant
rémunération et conditions de travail décentes. Le premier
obstacle est sans aucun doute le peu d'emplois payants actuellement disponibles
sur le marché du travail et le deuxième, mais non le moindre, la
résistance des milieux traditionnellement masculins à l'embauche
des femmes.
Connaissant les difficultés qu'ont les femmes à sortir de
la pauvreté, Action travail des femmes n'a pas hésité
à défendre leur droit à l'égalité sur le
marché du travail. En 1979, Action travail des femmes déposait la
fameuse plainte de discrimination contre le Canadien national, plainte qui a
abouti, en 1984, à l'imposition du premier programme d'accès
à l'égalité au pays. Le jugement du Tribunal des droits de
la personne fixant, notamment, un quota d'embauché de 25 %
jusqu'à ce que les femmes soient 13 % des employés a
été entériné par la Cour suprême du Canada le
25 juin 1987. De plus, nous sommes intervenus à plusieurs commissions
parlementaires afin de réclamer des amendements à la Charte des
droits et libertés et un règlement permettant l'implantation de
programmes d'accès à l'égalité au
Québec.
Nos interventions et nos pressions ont finalement porté fruit
quand ce règlement est
entré en vigueur le 1er septembre 1986. Plusieurs de nos
démarches auprès des employeurs en vue d'aider les femmes a
obtenir des emplois non traditionnels ont eu des effets très positifs.
Par exemple, c'est à la suite de nos interventions que la
Société de transport de la Communauté urbaine de
Montréal adoptait en juin dernier un programme d'accès à
l'égalité fixant un quota d'embauché de 40 % pour les
femmes au poste de chauffeur d'autobus.
Les femmes veulent des emplois décents. À Action travail
des femmes, nous offrons nos services aux femmes à la recherche d'un
emploi ou qui sont aux prises avec des problèmes de discrimination en
emploi. Notre clientèle est très représentative de
l'ensemble des femmes sans emploi de la région de Montréal.
Chaque année, entre 400 et 600 femmes bénéficient de nos
services et participent à nos séances d'information sur le
marché du travail. Plus du tiers de ces femmes sont chefs de famille et
ont des enfants à charge, et la grande majorité d'entre elles
vivent de l'aide sociale ou de l'assurance-chômage. Toutes ces femmes
sont à la recherche d'un emploi stable et rémunérateur
leur permettant de vivre et de faire vivre leurs enfants dans des conditions
décentes. Lorsqu'elles sonnent à la porte d'Action travail des
femmes, ces femmes n'en sont pas à leur première démarche
de recherche d'emploi. La plupart, en effet, ont déjà sans
résultat visité à maintes reprises leurs centres d'emploi
du Canada et du Québec, épluché quotidiennement les
annonces classées des journaux, participé à des programmes
gouvernementaux tels que la recherche active d'emploi et les stages en
entreprise. Notons aussi que les femmes qui viennent à nos
séances d'information ont des niveaux de scolarité variés,
secondaire, collégial ou universitaire, et qu'elles se retrouvent
ensemble à se chercher un travail, peu importe le niveau de
scolarité.
Les femmes qui viennent à Action travail des femmes ne
choisissent pas l'aide sociale. Elles y sont confinées par l'actuel
marché du travail qui ne leur offre que des emplois précaires,
sous-payés, ne suffisant pas à combler leurs besoins essentiels
ni ceux de leurs enfants, lorsqu'elles sont chefs de famille. Ces femmes
deviennent bénéficiaires de l'aide sociale après avoir
épuisé leurs prestations d'assurance-chômage, si elles y
ont eu droit, ou à la suite d'un divorce ou d'une séparation qui
les laisse financièrement démunies, avec souvent à leur
charge de jeunes enfants.
Nous savons, à Action travail des femmes, que les emplois payants
sont rares. Selon Statistique Canada, le salaire moyen hebdomadaire des
travailleurs et des travailleuses canadiens et canadiennes est passé de
331,94 $, en 1979, à 325,48 $, en 1986. Toujours selon les mêmes
sources et pour la même période, le secteur manufacturier, le
secteur offrant une rémunération élevée, a
bénéficié de hausses de rémunération et de
productivité qui se sont cependant traduites par la perte de 142 000
emplois. Les emplois peu rémunérateurs ont de leur
côté augmenté de façon significative. Au Canada, 652
000 nouveaux emplois ont été créés entre 1979 et
1986 dans le secteur des services socioculturels, commerciaux et personnels. Si
ce secteur d'emploi a augmenté ses effectifs, la
rémunération, elle, y a subi une baisse plus qu'alarmante
puisqu'elle est passée de 291,47 $ par semaine, en 1979, à 275.33
$ par semaine, en 1986. Notons que cette dernière
rémunération touche plus du tiers des travailleuses canadiennes
et des travailleurs canadiens et qu'elle est la plus basse au Canada. Ajoutons
que ces 652 000 nouveaux emplois reviennent en réalité à
198 $ par semaine, puisqu'ils sont en partie rémunérés par
la réduction de la masse salariale dans l'ensemble du secteur. En plus
d'offrir des salaires à peine plus élevés que le salaire
minimum, ces emplois sont très peu touchés par la
syndicalisation.
Que nous réserve l'avenir? Le marché du travail
offrira-t-il aux femmes des emplois leur permettant de sortir de la
pauvreté? Nous constatons que les dix occupations qui contribueraient le
plus à la croissance des emplois au Canada entre 1986 et 1995, selon
l'étude intitulée "Emplois-avenir: perspectives professionnelles
jusqu'à 1995", et qui porte sur les conditions actuelles et futures du
marché du travail au Canada, étude publiée par Emploi et
Immigration Canada, ces dix occupations, dis-je, sont toutes peu
rémunératrices puisqu'elles procurent des salaires à peine
plus élevés que le salaire minimum. Ces emplois sont
déjà majoritairement occupés par des femmes: vente au
détail, secrétariat, emplois de bureau, restauration,
enseignement au niveau primaire. Les femmes veulent travailler, mais pas
à n'importe quel prix. C'est pourquoi elles revendiquent une politique
réelle de création d'emplois, axée sur le
développement des services publics, sociaux et communautaires. Les
femmes veulent des emplois rémunérateurs, offrant de bonnes
conditions de travail. Elles n'ont rien à faire de mesures, telle la
réforme de l'aide sociale proposée par le ministre Paradis, qui
visent leur appauvrissement et n'ont pour seul but que d'élargir le
bassin de main-d'oeuvre bon marché au profit de l'entreprise
privée. Les femmes que nous représentons sont bien
décidées à ne pas embarquer dans cette galère.
Mme Novak: Liza Novak. Une réforme qui oblige les femmes
à choisir entre deux pauvretés. Le gouvernement du Québec
s'apprête à modifier la Loi sur l'aide sociale qui,
présentement, répond de façon inadéquate aux
besoins des femmes qui vivent une situation de pauvreté croissante.
Cependant, la nouvelle politique de réforme proposée par le
gouvernement, si elle est adoptée, aura pour effet d'appauvrir encore
davantage les femmes, d'accroître leur instabilité
financière et d'empêcher leur autonomie.
Distinction entre apte et inapte au travail.
La nouvelle politique précise deux catégories distinctes
d'assistés sociaux et d'assistées sociales, basées sur
l'employabilité, entre guillemets, c'est-à-dire la
capacité d'intégrer le marché du travail, soit les
catégories "apte" et "inapte". Les femmes qui ont recours à
l'aide sociale doivent pouvoir subvenir à leurs besoins essentiels, tels
l'hébergement, la nourriture, l'habillement, le transport, les
garderies, les soins de santé, etc., qu'elles soient aptes ou inaptes au
travail. Une telle distinction a un effet discriminatoire envers les femmes et
va à rencontre des articles 15 et 28 de la charte canadienne et des
articles 1 et 45 de la Charte des droits et libertés du
Québec.
L'État doit assurer aux femmes une sécurité de
revenu adéquate en fonction de ces besoins, qui sont les mêmes
pour toutes les femmes puisqu'elles vivent une situation de pauvreté
commune, et non en fonction de leur employabi-lité. De plus, par une
telle distinction, les femmes handicapées, qui sont confrontées
à une double discrimination par rapport au marché du travail, se
retrouveront davantage isolées du reste de la société et
des autres femmes qui subissent aussi la discrimination sexuelle et raciale en
emploi. Notons ici que les associations de femmes handicapées
revendiquent l'intégration des handicapés dans la
société et cette réforme propose une marginalisation.
Alors, nous sommes contre et elles sont contre cette forme de
marginalisation.
Nous refusons d'être ainsi isolées et divisées, et
n'acceptons pas que le gouvernement se serve du prétexte de
l'employabilité pour se décharger de sa responsabilité
d'assurer une sécurité financière adéquate à
toutes les femmes qui en ont besoin et cela, sans distinction. La
création de deux catégories distinctes d'assistés sociaux
et d'assistées sociales basées sur l'aptitude et l'inaptitude au
travail est inutile, tout en étant administrativement
coûteuse.
Le programme Actions positives pour le travail et l'emploi,
c'est-à-dire le programme APTE. Ce programme vise spécifiquement
les assistés sociaux et assistées sociales
considérés comme aptes au travail, ce qui comprend la
majorité des femmes vivant de l'aide sociale. Par ce programme, le
gouvernement laisse croire qu'il existe une abondance d'emplois et que les
mesures de maintien et de développement de l'employabilité qui
nous seront imposées aboutiront inévitablement à
l'insertion permanente des assistés sociaux dans le marché du
travail.
Or, l'expérience d'Action travail des femmes, dont la
clientèle est représentative des femmes assistées
sociales, démontre bien le contraire. Tel que nous en avons fait
état dans notre introduction, ce n'est pas par manque de volonté
ou de capacité au travail que les femmes se retrouvent à l'aide
sociale, mais bien à cause du manque d'emplois stables et bien
rémunérés disponibles sur le marché du travail.
Quand il y a des emplois, notamment, dans le secteur non traditionnel, les
femmes y sont discriminées et n'ont pas accès à ces
emplois. C'est le seul secteur, à l'heure actuelle, qui permet à
un nombre suffisant de femmes d'accéder à des emplois qui paient
entre 12 $ et 14 $ l'heure et elles sont exclues de ce secteur. (16 h 30)
Ce problème est aussi le résultat de changements profonds
survenus dans la structure du marché du travail du fait de
l'introduction de nouvelles technologies, notamment dans le secteur des
services et le secteur manufacturier, et du fait de coupures bugétaires
massives dans le secteur public. Or, le gouvernement tente de masquer les
causes réelles de la pauvreté et de la dépendance
économique des femmes afin de se décharger de sa
responsabilité d'y remédier. Au lieu d'investir dans la
création d'emplois permanents répondant aux besoins financiers et
sociaux de la population, le gouvernement préfère investir dans
un programme qui fournit aux entreprises une main-d'oeuvre à rabais pour
une courte période. En effet, les bons d'emploi, les stages
subventionnés en entreprise, la conversion des prestations d'aide
sociale en subventions salariales ne garantissent absolument pas l'obtention
d'un emploi régulier par la suite.
De plus, le programme vise à fournir une main-d'oeuvre gratuite,
c'est-à-dire bénévole, au secteur des services sociaux et
communautaires. C'est d'ailleurs ce secteur traditionnellement financé
par l'État qui, par suite de coupures budgétaires massives, a
fait perdre le plus d'emplois aux femmes. Finalement, ce programme, qui
comporte des mesures répressives de contrôle qui sont toujours
coûteuses, force les femmes à accepter des emplois instables et
sous-payés sous peine de subir une diminution de leurs prestations
d'aide sociale. Les femmes devront donc choisir entre deux pauvretés et
c'est inacceptable.
Mme Martel: Pour que les femmes bénéficient d'un
revenu décent et pour que leur autonomie financière soit reconnue
et respectée, nous demandons que le gouvernement abolisse les programmes
et mesures incitant au retour au travail contenus dans la réforme de
l'aide sociale et qu'il crée plutôt une politique de plein emploi
axée sur le développement des services publics, sociaux et
communautaires tels les services de garde, de santé et des emplois
liés à la protection de l'environnement. Que toute personne
puisse bénéficier d'une sécurité financière
suffisante en cas de besoin, sans distinction d'âge, d'aptitude ou
d'inaptitude au travail, conformément aux articles 15 et 28 de la charte
canadienne et à l'article 45 de la charte québécoise. Que
les allocations d'aide sociale soient augmentées pour atteindre au
minimum le seuil de pauvreté. Que les femmes ne soient pas tenues de
réclamer une pension alimentaire de leur ex-conjoint avant de pouvoir
bénéficier d'allocation d'aide sociale, ce oui est aussi
discriminatoire, selon nous, envers les femmes. Que la vie privée
des femmes soit respectée et que, dans ce sens, elles puissent
bénéficier de leurs pleines allocations si elles choisissent de
partager leur habitation conformément à l'article 5 de la Charte
des droits et libertés de la personne du Québec. Que les femmes
bénéficiaires de l'aide sociale puissent accéder
gratuitement à une formation de leur choix tout en recevant leurs
allocations. Que le gouvernement permette aux femmes d'accéder à
des emplois stables et rémunérateurs en appliquant des mesures
telles que les programmes d'accès à l'égalité et en
imposant l'obligation contractuelle aux entreprises qui
bénéficient de contrats ou de toute autre forme d'aide de
l'État.
Au lieu de signer avec Hyundai une entente permettant d'embaucher
à rabais 200 assistés sociaux, pourquoi le gouvernement
n'impose-t-il pas à cette compagnie l'obligation contractuelle qui
permettrait aux femmes d'accéder à de vrais emplois,
c'est-à-dire des emplois payants et offrant de bonnes conditions de
travail? Action travail des femmes et la Coalition des femmes pour
l'accès à l'égalité, qui regroupent 170 groupes de
la province, réclament l'application ferme et efficace de l'obligation
contractuelle depuis 1985. On l'ajoute à la suite d'un article paru dans
Le Devoir. Notre mémoire était déjà
rédigé à ce moment-là.
Le Président (M. Thuringer): Merci. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiens à remercier Action
travail des femmes du Québec et ses porte-parole. Étant
donné que vous étiez dans la salle, j'avais un peu
décidé de ne pas tracer le portrait de la clientèle de
laide sociale tel qu'on le retrouvait en mars 1987. Mais, étant
donné que vous nous demandez d'abolir les programmes de formation, je
décide quand même de dresser ce portrait-là, parce que
c'est une demande importante que vous adressez au gouvernement du
Québec.
En mars 1987, la clientèle de l'aide sociale était
composée de quelque 400 000 ménages dont 25 %, soit 100 000,
étaient considérés comme admissibles au programme Soutien
financier parce qu'il s'agissait de personnes incapables de subvenir à
leurs besoins pour une longue période de temps. Quelle est la situation
des 300 000 autres chefs de ménage dits aptes au travail? Ou quelle
était leur situation? Elle n'a pas beaucoup évolué. 36 %
de ces chefs de ménage sont considérés comme
analphabètes fonctionnels, et ce n'est pas tellement facile de se
trouver un emploi dans la société québécoise quand
vous êtes caractérisé comme analphabète fonctionnel.
60 % de cette clientèle n'a pas terminé son cours secondaire. On
sait combien d'entreprises, d'institutions exigent la détention d'un
diplôme d'études secondaires avant d'avoir la possibilité
de poser sa candidature pour peut-être obtenir un emploi. 40 % - il
s'agit dans cette dernière statistique de femmes principalement - de
cette clientèle n'a pas d'expérience de travail reconnue dans la
société québécoise et on sait combien d'entreprises
et d'institutions exigent cette reconnaissance de travail. Face à cette
description de la clientèle à l'aide sociale et à votre
demande d'abolir les programmes de formation, je suis un peu pris par surprise.
Il n'y a pas eu de demande comme telle - vous êtes le 90e groupe - de ne
pas miser sur l'employabilité. Plusieurs groupes nous ont
demandé, comme vous le faites d'ailleurs, de miser sur le plein emploi,
mais personne ne nous a demandé de ne pas augmenter la formation ou
l'employabilité des individus qui sont bénéficiaires de
l'aide sociale.
Je vous laisserai tout le temps de répondre, mais dans un premier
temps, j'aimerais, un peu comme l'Association des manufacturiers canadiens l'a
fait, que vous nous décriviez - vous avez souligné dans votre
présentation votre action qui a été la plus
rapportée dans les médias, la fameuse cause du Canadien national
- quels sont les autres types d'action que vous menez au nom des femmes qui
sont membres chez vous, quelle clientèle vous rejoignez et dans quelles
régions.
Mme Martel: On rejoint des femmes qui sont de la région de
Montréal parce que la plupart des femmes n'ont pas de voiture. On
rencontre aussi les employeurs pour essayer de trouver des emplois aux femmes,
des emplois payants. Je pense que c'est quand même assez clair dans notre
mémoire. On a fait des pressions auprès de la ville de
Montréal pour qu'il y ait deux banques de candidature, une pour les
femmes et une pour les hommes, pour que les femmes aient accès aux
emplois de cols bleus qui sont des métiers d'entretien. Ces emplois ne
sont pas accessibles aux femmes. On n'a pas besoin de faire des études
à tout casser pour le voir. C'est le genre de travail qu'on fait. Les
femmes qui viennent à nos séances d'information participent aux
pressions. Ce sont les femmes qui rencontrent les élus, entre autres, de
la ville de Montréal.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que ces femmes sont, dans
la majorité des cas, parce que vous travaillez à améliorer
leurs conditions de travail, à ce qu'elles aient accès à
des emplois traditionnellement dévolus à l'autre sexe, si je peux
utiliser l'expression...
Mme Martel: Parce que payants, parce que les femmes se retrouvent
toujours dans des emplois de services à 4,50 $ l'heure.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'essaie de mesurer la composante
de votre organisation. S'agit-il plus de femmes qui sont déjà sur
le marché du travail, des femmes qui ont déjà
été sur le marché du travail, mais qui sont
considérées présentement comme prestataires de
l'assurance-chômage parce qu'elles ont perdu un emploi, ou de
femmes qui sont bénéficiaires de l'aide sociale et dans quelle
proportion, si vous l'avez?
Mme Martel: On ne tient pas vraiment de... Les femmes sont sans
emploi. Donc, on connaît le marché du travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.
Mme Martel: De plus en plus, les emplois sont précaires.
Si on prend les femmes qui occupaient traditionnellement des emplois de bureau,
secteur traditionnellement féminin, début des années
quatre-vingt, beaucoup de femmes ont perdu leur emploi ou se sont
retrouvées à travailler à temps partiel devant un
écran cathodique ou, quand elles travaillaient dans le secteur
manufacturier, c'était dans le textile où, là aussi, les
changements technologiques ont eu un impact assez prononcé. Ces femmes
se sont retrouvées, travaillant de moins en moins, au chômage. On
appelle cela, nous, la spirale déclinante. Quand les femmes viennent
nous voir, elles se demandent si c'est elles qui ne sont pas fines, qui ne sont
pas belles ou qui ne sont pas formées, s'il y a quelque chose qui ne
fonctionne pas, comment il se fait qu'elles ne se trouvent pas "une job". Eh
bien, nous autres, on leur explique qu'il y a effectivement beaucoup de
chômage.
Alors, ces femmes se retrouvent au chômage. Ce n'est pas long
avant de perdre pied et de se retrouver à l'aide sociale. Avec toute la
volonté du monde, quand on réussit à se retrouver un
emploi, c'est pour une période de trois ou quatre mois. Tant mieux si on
peut retourner au chômage, mais cela descend et on reste à l'aide
sociale.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est justement là
où je tente de trouver le lien qui doit absolument, à notre avis
- vous avez le droit de différer d'opinion ou d'avis avec le
gouvernement - exister entre l'employabilité d'une personne et une
politique de plein emploi. Sur le plan de l'emploi - Mme la
députée de Maison-neuve me reprochait de ne pas avoir cité
les chiffres tantôt - je vais profiter de l'occasion pour le faire. Il
s'est créé, et je pense que c'est connu, quelque 104 000 emplois
l'an passé au Québec. De ces emplois, 99 000 était
à temps plein.
Ce qui m'a surpris en tant que ministre, c'est que, selon les
statistiques suivantes, les femmes sont les grandes gagnantes de cette
progression puisqu'elles ont accaparé 70 % des nouveaux emplois. On en
avait une petite idée; cela se dessinait tout au long de l'année,
statistique mensuelle après statistique mensuelle. On ajoutait que les
femmes de 45 à 64 ans ont connu la hausse la plus spectaculaire avec une
croissance de 13,6 %. Je vous dirai que ce phénomène-là,
on ne l'avait pas vu venir comme société. On s'aperçoit
que c'est un nouveau phénomène dans la société
québécoise. Mais on se rend compte, malgré le fait qu'il y
a de plus en plus d'emplois et que le chômage a diminué l'an
passé de 2 %, qu'il y a, en marge de cette société, une
proportion importante d'individus et de femmes qui ne participent pas à
la croissance économique, qui sont marginalisés et laissés
de côté. Lorsqu'on analyse le portrait de la clientèle
à l'aide sociale, on se rend compte de carences importantes chez
l'individu sur le plan d'une scolarisation, même pas poussée, de
base. Sur le plan d'un fonctionnement - et je l'ai mentionné - lorsqu'on
se retrouve avec 36 % d'analphabètes, on a comme société
des problèmes importants.
J'essaie d'associer votre suggestion ou votre proposition de politique
de plein emploi à votre proposition qui consiste à dire non aux
programmes de formation. J'ai de la difficulté à faire le lien
entre les deux, et je vous le dis comme je le vois.
Mme Novak: Vous avez beaucoup d'éléments dans votre
interrogation. Je vais commencer par la question de la formation. Il n'est pas
question d'abolir la formation, aucunement. C'est de ne pas la rendre
obligatoire, c'est-à-dire que les gens puissent continuer de se former
sans perdre de prestations. Là-dessus, je pense qu'on s'est
peut-être mal compris. C'est le droit d'aller se former sans être
pénalisé que nous réclamons.
L'autre chose, pour vous donner un exemple, la ville de Montréal
et la STCUM, il y a un certain temps, embauchaient. La Société de
transport de la Communauté urbaine de Montréal recrutait pour les
postes de chauffeurs et d'entretien, et la ville de Montréal avait aussi
annoncé une embauche prévoyant 300 postes pour le printemps. Nous
avons fait paraître une très petite annonce dans les journaux. On
recevait, pendant une semaine et même plus, 200 appels par jour de femmes
et on annonçait que ces emplois payaient entre 12 $ et 14 $ l'heure.
L'exigence pour le poste d'entretien à la ville de Montréal est
de savoir lire, écrire, parler français et compter. L'exigence de
chauffeur d'autobus est de posséder un permis de conduire depuis cinq
ans. C'étaient des critères accessibles et les femmes sont
très intéressées par ce genre d'emploi.
Vous dites qu'une masse d'emplois a été
créée. On sait que les femmes seraient intéressées
et on aimerait connaître le salaire offert pour ces emplois
créés et où trouver ces emplois. S'ils existent, nous
sommes en mesure de vous fournir la main-d'oeuvre féminine pour ces
emplois. On aimerait savoir où sont ces jobs, quels sont ces jobs, le
salaire et les conditions de travail des emplois que vous venez de citer.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La seule place où je
pourrais donner un salaire très
précis, c'est dans l'industrie de la construction parce que c'est
décrété uniformément pour tout le Québec,
mais, de février 1987 à février 1988, pour avoir les
dernières statistiques dont on dispose au gouvernement, il s'est
créé dans le secteur manufacturier 43 000 emplois; dans le
secteur des services, 24 000; dans la construction, 21 000; finances,
assurances et affaires immobilières, 21 000. (16 h 45)
Le seul secteur où je pourrais vous donner
précisément le taux de salaire, c'est celui de la construction
parce qu'en raison du décret c'est le seul où le taux de salaire
soit uniforme pour tout le Québec. Sans avoir fait la
vérification, je présume qu'il n'y a pas beaucoup
d'éléments féminins dans des emplois traditionnellement
reconnus dans le domaine de la construction comme étant ceux des hommes,
bien que certains emplois commencent, au moment où l'on se parle,
à être occupés par des femmes, mais c'est très
embryonnaire comme percée au moment où l'on se parle.
Mme Novak: La majorité des assistés sociaux sont
des femmes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela correspond exactement aux
proportions de la population. Vous avez une population qui est composée
à 52 % de femmes et à 48 % d'hommes, grosso modo, et vous avez
à l'aide sociale la traduction à peu près exacte de ce
pourcentage, 52 % de la clientèle de l'aide sociale est de sexe
féminin et 48 % de la clientèle de l'aide sociale est de sexe
masculin. Il n'y a pas de distorsion importante. Là où on
retrouve des particularités qui sont quand même importantes, c'est
sur la question des chefs de famille monoparentale. On a à peu
près, à l'aide sociale, 78 000 chefs de famille monoparentale et,
dans une proportion supérieure à 95 %, il s'agit là de
femmes.
Mme Novak: Je pense que notre position est claire
là-dessus. Les femmes sont très prêtes à travailler
s'il y a des jobs qui paient assez bien.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Un autre élément que
vous avez abordé et qui a été abordé par d'autres
groupes représentant des femmes devant cette commission, les pensions
alimentaires. Vous nous dites: II n'appartient pas à la femme de la
réclamer et plusieurs groupes nous ont fait état que la femme
souvent n'est pas en situation, pratiquement parlant, de réclamer sa
pension alimentaire. Seriez-vous d'opinion que cette responsabilité
incombe au gouvernement ou qu'il y aurait lieu de ne pas toucher à ce
dossier?
Mme Novak: Je crois que déjà le gouvernement a un
service qui existe pour les femmes, pour qu'elles puissent forcer le mari
à donner la pension alimentaire à la cour. Vous me dites que non?
Il y a un service qui existe où les femmes peuvent aller, à la
cour...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pas automatique.
Mme Novak: ...au palais de justice...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Si la femme se rend,
etc.
Mme Novak: Lorsqu'il y a eu un jugement pour une pension
alimentaire et que le mari ne la donne pas, il y a un service au gouvernement,
au palais de justice, où elle peut aller pour obtenir cette pension
alimentaire. L'expérience de ces femmes, c'est qu'elles ont beaucoup de
difficultés, même avec le service qui existe à l'heure
actuelle. Je me demande comment le gouvernement va aller chercher la pension
alimentaire des femmes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Avez-vous regardé du
côté, entre autres, du Manitoba, où on vit
l'expérience présentement, pour voir les résultats que
cela donne dans cette province, et quelles sont les réactions de votre
organisme?
Mme Novak: Disons que notre expertise est surtout au niveau de la
discrimination systémi-que. Si j'ai des connaissances là-dessus,
c'est parce que les femmes nous disent d'où vient leur situation de
pauvreté. On ne pense pas que le fait d'obtenir ces pensions
alimentaires du mari soit le dossier prioritaire pour sortir les femmes de leur
pauvreté.
M. Paradis (Brome-Missisquoi)-' Je vais peut-être tomber
strictement dans le domaine de votre expertise. Il y a des programmes
d'accès à l'égalité qui ont été
signés avec certaines entreprises privées, il y a un certain
temps, et d'autres tout récemment. On peut mentionner les exemples de
Canadair, des caisses pop, de Culinar. Plus récemment,
Québécor, Domtar, Provigo, SICO, Ultramar, la FTQ, Alliance
Standard. De quelle façon cela répond-il à vos exigences
ou à vos demandes? D'après vous, les expériences
sont-elles positives, concluantes ou trop embryonnaires pour que vous puissiez
en tirer certaines conclusions?
Mme Novak: On surveille de très près les
entreprises qui ont obtenu des subventions du gouvernement, 50 000 $ chacune.
Maintenant, je ne sais pas, il y en a eu dix au mois de mai dernier, en 1987,
qui ont obtenu 50 000 $ chacune pour mettre sur pied un programme
d'accès à l'égalité ou faire des analyses de leur
effectif en vue de mettre sur pied un programme d'accès à
l'égalité et, maintenant vous venez d'annoncer d'autres
entreprises. Il s'agit de programmes volontaires sans aucun moyen de
vérification ni de contrôle. Il n'y a rien qui
oblige ces entreprises à vraiment mettre sur pied de vrais
programmes d'accès à l'égalité. Ce sont des
programmes volontaires, c'est-à-dire que ce sont des sommes qu'elles ont
reçues pour faire une analyse de leurs effectif en vue d'implanter un
programme. Il n'y a rien dans le contrat qui les oblige. Par rapport à
cela, nous savons qu'elles se sont engagées sur une période de
deux ans à fournir des rapports et des statistiques sur leur analyse.
Cela ne crée pas de jobs pour les femmes qui en ont besoin tout de
suite. Mis à part cela, nous savons que Gaz Métropolitain, par
exemple, se sert des fonds publics, de ces 50 000 $ pour retarder l'embauche
des femmes dans les emplois col bleu. Alors, nous voulons que le gouvernement
investisse un montant identique à celui qui a été
donné assez librement aux employeurs, un montant équivalent,
c'est-à-dire 1 333 000 $, pour que les organismes de femmes n'aient pas
à avoir de bénévoles pour fonctionner. Le
bénévolat ne paie pas nos factures. Nous avons besoin de vrais
salaires, des salaires décents, et de bonnes conditions de travail.
Alors, si le gouvernement est prêt, ce serait notre revendication par
rapport à ce projet pilote et à cette expérience
pilote.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aurais une question
additionnelle. Je ne sais pas s'il me reste du temps, M. le
Président?
Le Président (M. Thuringer): Deux minutes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je comprends votre revendication;
vous l'avez même chiffrée assez précisément. Est-ce
que je me trompe en disant que votre évaluation comme telle de ces
programmes, vous ne la qualifiez pas de positive?
Mme Novak: À moins que ces entreprises ne nous
présentent des chiffres nous disant combien d'emplois ils ont
créés, nous pourrons commenter, mais, à l'heure actuelle,
on sait qu'à Gaz Métropolitain aucun emploi n'a été
créé et cela fait déjà un an. Pour les neuf autres
entreprises qui ont eu des subventions en mai dernier, on n'a aucune
donnée là-dessus. Si on peut nous donner des chiffres exacts sur
le nombre d'emplois qui ont été créés, nous
pourrons commenter à ce moment, mais on ne croit pas qu'il y en a
eu.
Le Président (M. Thuringer): Merci. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup
d'intérêt, parce que c'est un des mémoires, celui d'Action
travail des femmes du Québec, que nous avons reçu presque
dès le début des travaux... Je l'ai beaucoup utilisé parce
qu'il est succinct, mais il va au coeur du problème qui est, entre
autres, que le travail disponible ne permet plus nécessairement un
revenu décent.
Durant nos travaux, j'ai eu l'occasion de citer à l'occasion les
chiffres que vous nous citez dans votre mémoire sur l'étude
"Emplois-Avenir; perspectives professionnelles jusqu'à 1995". Mme Novak
et Mme Martel, je crois qu'à cause de l'expertise que vous avez en
matière de retour à l'emploi, la contribution que vous apportez
aujourd'hui devant la commission est très importante.
Tantôt, j'aimerais vous entendre parler de formation. Le ministre
a fait état des carences - je reprends ses propos - en termes de,
formation. Vous parliez tantôt de femmes qui vont à Action travail
et qui ont soit un cours collégial, l'université ou un secondaire
qui n'est pas complété. C'est sûr que c'est de bonne
guerre, mais c'est un fait que le ministre parle d'une chose, des
problèmes des personnes, mais propose une autre chose. Il n'y a pas de
qualifications professionnelles ni de formation professionnelle dans les
mesures d'employabilité qu'il propose. C'est de terminer un cours
général, un secondaire. Les chiffres que nous avons
présentement révèlent que c'est une faible participation,
peut-être de l'ordre de 20 %, aux mesures qui auraient été
le fait des moins de 30 ans à qui elles étaient offertes.
Pourtant, il y avait possibilité de doubler, ou presque, la
prestation.
Donc, beaucoup de groupes qui sont venus, qui vous ont
précédées où vous êtes assises maintenant,
ont dit: On fait part des difficultés de contingentement, des
difficultés de budget qui ont fait que très souvent les personnes
de moins de 30 ans qui voulaient participer à un stage devaient en
trouver un elles-mêmes et aller le faire entériner, et
c'était très rarement offert par les centres
Travail-Québec. Mais cela, c'est un autre problème.
Si on reprend, vous, qu'est-ce que vous verriez comme mesures offertes
en matière de formation? Je comprends que vous nous disiez: Qu'on
abolisse les programmes et les mesures incitatives au profit d'autre chose
et au profit, entre autres, d'une politique de plein emploi, mais j'imagine
aussi au profit d'une politique de formation. J'aimerais vous entendre parler,
par exemple, de votre expérience avec la Commission de formation
professionnelle, la CFP, à Montréal. J'aimerais vous entendre
là-dessus.
Demain, la FTQ va venir devant la commission et, dans son
mémoire, la FTQ fait une sorte d'évaluation de l'absence de
travail disponible. Notamment, elle a évalué, que les 104 000
emplois créés cette année, en 1987, l'ont
été surtout pour absorber un taux d'activité plus
élevé, mais que, comme tel, il y aurait eu, selon elle, 15 000
emplois offerts véritablement à des chômeurs, si on tient
pour acquis que le taux d'activité, notamment, des jeunes qui
accédaient au marché du travail ou des femmes qui y retournaient
ont pu absorber ces nouveaux emplois. La FTQ évalue à 500 000
emplois par année ce qu'il faudrait pour véritablement faire
diminuer le chômage. Enfin, demain, on regardera
cela avec eux, mais, vous, vous proposez la création d'emplois
dans le développement de services publics socio-communautaires, tels les
services de garde, de santé, etc. Ce serait intéressant de vous
entendre là-dessus: Quelles sortes d'emploi? Qui devrait les
gérer? Est-ce que c'est l'État ou est-ce que ce doit être
le secteur communautaire? Est-ce que cela peut être les
municipalités? C'est un peu autour de cela. Comment voyez-vous la
gestion de ces nouveaux emplois qui pourraient être
générés?
Votre mémoire nous permet certainement de toucher du doigt un
problème de fond qui est non seulement l'absence de travail disponible,
mais lorsqu'il y a travail disponible, il n'y a pas nécessairement
revenu décent. Quand je vous entendais tantôt, Mme Martel, je
pensais à cette ex-travailleuse des Biscuits David qui est venue me voir
lundi matin dernier, qui est chef de famille avec un enfant adolescent de
quinze ans et un autre enfant qui est d'âge scolaire et qui ne
réussit pas, depuis la fermeture des Biscuits David, à trouver un
emploi qui soit au-delà de ce qu'elle reçoit comme prestations
d'aide sociale, étant donné le niveau qu'elle avait auparavant,
parce qu'elle était aux Biscuits David depuis presque 17 ans.
C'était un emploi syndiqué avec des conditions de travail de
protection. On calculait avec elle le programme APPORT, le fait qu'elle n'ait
pas de frais de garde, le fait qu'elle ne puisse pas en
bénéficier. C'était à peine ce qui pouvait lui en
coûter pour se déplacer.
Je me demande si vous avez un point de vue sur les gains de travail qui
devraient être permis, exemptés de toute diminution du
chèque, des gains qui devraient être disponibles ou qu'il devrait
être possible d'additionner ou de combiner pour que ce soit une
incitation réelle. Vous voyez, c'est assez...
Mme Novak: On retient trois éléments de votre
intervention. La première, c'est ce qui touche à la formation. M.
Paradis, je n'ai pas trop élaboré là-dessus. Je me suis
embarquée dans autre chose. Alors, je vais répondre. La
réforme propose une espèce de plan individualisé pour
chaque assisté social selon lequel on évaluerait ses besoins en
termes de formation, de lacunes et tout cela par rapport aux besoins du
marché du travail et ce qui est offert.
En termes très simplistes, les femmes ont une tête sur les
épaules. Elles ne sont pas stupides. Elles savent, quand on le leur
explique, quels sont les emplois qui existent, ceux qui existent à
l'heure actuelle. Celles qui n'ont pas leur secondaire ou à qui il
manque une certaine scolarité, elles se rendent compte que, pour
accéder à un emploi, et pour changer leur situation, il faut
qu'elles aillent... Elles n'ont pas besoin de l'agent du bien-être social
pour leur dire de retourner aux études. Le problème, comme vous
l'avez dit, c'est que le retour aux études a d'autres implications quant
au coût et aux responsabilités familiales, et on ne voudrait pas
qu'elles soient pénalisées parce qu'elles décident de
retourner aux études Elles savent elles-mêmes où elles
doivent aller et ce dont elles ont besoin. (17 heures)
L'autre chose, c'est que les prévisions qu'on nous fait
souvent... Au bureau, nous avons un livre qui a à peu près deux
pouces d'épais sur les cours subventionnés du gouvernement.
Certains de ces cours sont gérés par le Centre de formation
professionnelle. On regarde ces cours. Les femmes nous demandent: Quels cours
devrais-je suivre pour accéder à un emploi? Nous ne pouvons leur
proposer aucun cours. Il y a peut-être deux cours au maximum que nous
pourrions leur proposer et qui vont les mener à des emplois sûrs
ou pour lesquels elles auraient de bonnes chances, parce que la certitude
n'existe pas dans le marché du travail. Le marché du travail est
en transformation ainsi que les prédictions. À un moment
donné, il y a eu des annonces de montants d'argent investis par
l'État dans le traitement des eaux. Les femmes sont allées se
former. Après qu'elles furent formées, on a arrêté
d'investir dans le traitement des eaux. Maintenant, on a de belles centrales
sans employés qui ne fonctionnent pas et des femmes formées qui
n'ont pas de job. C'est la même chose dans l'aéronautique. En
termes de prévision quant à la formation, on conçoit mal
qu'un fonctionnaire de l'État puisse dire à une femme quel sera
son plan de carrière et qu'il va mener certainement à "une job".
C'est ridicule et ce n'est pas possible avec l'instabilité et les
changements actuels.
Mme Harel: À Action travail des femmes, quelles sont vos
relations avec la Commission de formation professionnelle? Pouvez-vous nous en
parler?
Mme Novak: Elles sont bonnes dans le sens qu'on n'en a pas sur
une base continue, mais, quand il y a des cours susceptibles
d'intéresser les femmes, comme le cours de montage d'installation de
chauffage au gaz pour que les femmes puissent accéder à un emploi
à Gaz Métropolitain, mais se trouver discriminées à
la porte de l'employeur... Elles suivent les cours et, après cela, elles
vont sur le marché du travail, et elles sont bloquées
là.
Mme Martel: Ce qui se passe souvent, quand les femmes se battent
pour avoir des emplois dans des milieux traditionnellement masculins, c'est
qu'il y a une hausse de critères, on appelle cela l'effet rose. On va
nous demander de la formation. Vous serez formée pendant huit ou neuf
mois. Finalement, vous n'avez pas plus "la job". Mais la formation que pouvait
donner Gaz Métropolitain, il la donne.
Mme Novak: En plus, c'est une formation...
Mme Martel: II faut faire attention à la formation pour
certains emplois.
Mme Harel: Est-ce qu'on exigeait un niveau secondaire à
Gaz Métropolitain?
Mme Novak: Disons que l'emploi en question est celui de
préposé au service. Il y a des hommes qui n'ont pas leur
diplôme de fins d'études secondaires et qui effectuent le travail.
Maintenant, on commence à exiger un DEC, non pas en
électrotechnique, mais quelque chose comme électricité et
tuyauterie, une combinaison comme celle-là. Combien de femmes ont ce
cours? Ce cours est-il vraiment nécessaire pour occuper l'emploi,
surtout que l'employeur donne une formation payée au tarif de la
convention collective, soit 14 $ l'heure pendant un an, pour acquérir ce
métier? C'est ce genre d'emploi dont les femmes ont besoin. C'est ce
genre d'emploi qui va les inciter à sortir de leur situation
d'assistées sociales.
Mme Harel: Mais vous illustrez bien un des problèmes que
plusieurs groupes sont venus nous démontrer en commission parlementaire.
C'est que l'employabilité, quand la concurrence est très forte
pour un emploi, s'il y a 50 candidats ou candidates, il y a quelque chose comme
une diminution de l'employabilité parce que l'employeur va pouvoir
demander, la prochaine fois, après un secondaire V, un DEC.
Éventuellement, cela fait que les exigences augmentent. Quelqu'un a dit:
Finalement, c'est comme monter un escalier roulant qui descend. Plus quelqu'un
le monte, plus il descend, d'une certaine façon, à cause de la
concurrence pour le peu d'emplois.
Mme Novak: Oui. C'est comme cela que les femmes le ressentent
aussi et c'est comme cela qu'on le vit. Pour les chauffeurs d'autobus, par
exemple, on demandait à un moment donné une neuvième
année. Il n'y avait pas tellement d'exigences comme telles, sauf de
posséder un permis de conduire. Aussitôt que les femmes ont
commencé à accéder à ce poste et qu'il a
commencé à être ouvert aux femmes, on a commencé
à exiger cinq ans d'expérience sur un véhicule commercial.
Combien de femmes ont cinq ans de ce genre d'expérience, pensez-vous?
C'était juste au moment où le syndicat et l'employeur
négociaient des réductions d'heures pour les chauffeurs
d'autobus, créant ainsi plus d'une centaine d'emplois que les femmes
n'ont pas pu avoir parce qu'à ce moment la compagnie a haussé les
critères. Vous voyez ce qui se passe dans la réalité quant
à l'accès à des emplois qui sont décents pour les
femmes.
Mme Harel: Est-ce que vous pouvez élaborer, si tant est
que vous avez pu réfléchir, sur toute la question de
l'incitation? Je comprends que pour vous, l'employabilité, il faut
d'abord que ce soit une démarche volontaire. La forma- tion, par
exemple, il faut que ce soit une démarche personnelle et volontaire pour
qu'elle réussisse.
Mme Novak: Elle n'est pas obligée. C'est du travail. C'est
en étant conscient de la réalité du marché du
travail qu'on entreprend des démarches. Ce n'est pas en ayant un
fonctionnaire, un agent du bien-être social pour nous dire qu'il faudrait
aller dans cette direction. Nous, on n'y croit pas à cette
méthode. Ce n'est pas une méthode qui va aboutir à un
emploi. On le sait, il n'y a même pas assez d'emplois de toute
façon.
Mme Harel: Le document, peut-être que je simplifie un peu,
mais je ne pense pas caricaturer en disant que la proposition gouvernementale
est d'échapper à la trappe de pauvreté en diminuant la
prestation, d'une certaine façon, comme si cela allait avoir une
incitation positive.
Mme Martel: Ce qui est drôle là-dedans, c'est que
dans la réforme on nous dit qu'il va y avoir des programmes de
formation, d'incitation au travail et que cela mènera toujours à
un emploi. Nous, on sait que quand on est à l'aide sociale, les emplois
ne sont pas là. C'est juste ce qu'on dit, finalement.
Quand on regarde le fameux graphique du programme APTE, bing! tu reviens
sur le marché du travail. Mais qu'est-ce que tu as comme emploi? Un
emploi à temps partiel, précaire, qui dure deux ou trois mois,
c'est ce qu'on dit.
Mme Harel: Quand vous parlez de la création d'emplois dans
votre mémoire, vous dites: tels les services de garde de santé,
des emplois liés à la protection de l'environnment. Vous les
voyez générés par l'État? Gérés aussi
ou simplement subventionnés?
Mme Martel: Nous sommes pour l'universalisation des programmes
sociaux. Les femmes sont les premières usagères des services
sociaux, en plus d'être les premières travailleuses. C'est un
secteur où les femmes étaient très présentes et le
sont encore, et qui offrent de bons salaires et une sécurité
d'emploi. Mais à la suite des coupures on se souvient de ce qui s'est
passé en 1982, les femmes ont comme qui dirait pris le bord. On est
encore en train de rattraper cela, malheureusement. Cela ne va pas en
s'améliorant non plus. Les femmes font, comme elles le disent, la ligne
à l'urgence et, en plus, "ma job" de préposée aux
bénéficiares que j'avais, je ne l'ai plus. Il y a un
problème.
Mme Harel: Présentement, parmi - ce sont les statistiques
de 1987 - les 104 000 emplois créés, 23 000 au Québec
l'auraient été par les gouvernements fédéral et
provincial, dans le secteur public. Ce sont les chiffres fournis par le
ministre. Évidemment, c'est peut-être l'indice
qu'il y a là beaucoup d'emplois occasionnels. Je pense bien que
toute la population n'a pas le sentiment qu'il s'est créé des
emplois permanents dans le secteur public. Enfin, il faudrait voir.
Un des problèmes, c'est que, si l'État utilise l'argent
qui est actuellement utilisé... On reprend votre exemple: ce sont
particulièrement les femmes qui font des tâches communautaires qui
ne sont pas rémunérées, qui ne sont pas reconnues comme du
travail rémunéré. S'il y avait une reconnaissance de ce
travail et une rémunération qui allait de pair, à ce
moment, par exemple, le régime d'assistance publique du Canada, le
RAPC... Vous savez sans doute que le régime d'assistance publique du
Canada finance 50 % de la prestation d'aide sociale. Si la prestation
était utilisée pour faire un travail à titre de
travailleuse, sans l'étiquette de l'aide sociale, la contribution, la
rémunération pourrait être entièrement à la
charge du seul État québécois.
Je ne sais pas si vous avez déjà eu l'occasion d'examiner
toute la question de l'harmonisation du développement de l'emploi dans
les services comme l'environnement. L'environnement, vous en parliez sans doute
en termes d'assainissement ou de grands travaux parce que plusieurs groupes qui
sont venus devant la commission ont fortement recommandé, par exemple,
dans certaines régions, des travaux dans la foresterie ou des travaux le
long des berges du Saint-Laurent. Mais, évidemment, ce seraient
là des travaux qui seraient entièrement à la charge de
l'État québécois. Je veux simplement qu'on prenne
conscience qu'il y a une sorte d'effet pervers présentement à
maintenir des gens à l'aide sociale en raison du seul fait qu'il y a une
partie du chèque qui est payée par Ottawa.
Mme Martel: L'État aussi prend des contrats de
sous-traitance. Je crois que plusieurs ministères font affaires avec des
agences de placement au lieu de créer de vrais emplois. Nous, c'est ce
que nous voulons. Nous voulons de vrais jobs. Des projets, c'est bien beau,
mais qu'est-ce que cela donne à long terme?
Mme Harel: Oui, mais des vrais jobs, vous-mêmes, et c'est
tellement éloquent, vous citez les chiffres de la perte d'emplois dans
le secteur manufacturier. C'est d'ailleurs une drôle de circonstance que
vous soyez immédiatement après l'association des
manufacturiers.
Mme Martel: Oui, on a trouvé cela drôle nous
aussi.
Mme Harel: Vos chiffres, surtout le tableau... Dans votre
mémoire, le tableau à la dernière page, j'invite le
ministre à examiner ce tableau en date de novembre 1987 où,
notamment, vous faites valoir que les emplois ont augmenté dans le
domaine des services, mais qu'ils ont diminué dans le domaine de la
fabrica tion. Quand vous dites: Des vrais jobs, je voudrais juste savoir ce que
vous entendez par là. Voulez-vous dire de vrais jobs comme il en
existait dans le domaine de la fabrication et qui sont maintenant
remplacés par de nouvelles technologies? Ou voulez-vous qu'on
considère comme de vrais jobs des activités qui, jusqu'à
maintenant, ne l'ont pas été? Je ne sais pas si on se
comprend.
Mme Martel: Oui, on se comprend. C'est qu'il y a bien du stock.
Évidemment, nous ne voulons pas des jobs à 4,55 $ l'heure. Les
femmes à l'aide sociale avec des enfants... Vous décidez de
retourner travailler. Qu'est-ce qui arrive? Il faut payer la carte de
métro, évidemment, 30 $ par mois. Il faut s'habiller. Il faut
partir travailler. L'autre affaire, ce sont les garderies. Qu'est-ce que vous
faites? Vous arrivez tout juste à mettre votre enfant à la
garderie. Qu'est-ce qui vous reste au bout de la semaine? Qu'est-ce qui vous
reste au bout du mois? D'après ce que les femmes nous disent, c'est
à peu près 3 $. Le paquet de cigarettes est à 3,35 $. Il
ne reste vraiment pas grand-chose.
Donc, on veut des emplois payants, à temps plein. Bien sûr,
on aimerait que notre travail soit reconnu. Donc, quand on partait des
programmes d'accès à l'égalité tout à
l'heure, que le gouvernement investisse aussi dans des groupes de femmes.
Pourquoi pas les garderies? Pourquoi est-ce qu'on aurait à payer pour
nos enfants? Surtout qu'on se retrouve de plus en plus chefs de famille.
Pourquoi est-ce qu'on ne travaillerait pas dans des garderies à des
salaires décents et qu'en même temps on y mettrait nos enfants?
Génération d'emplois, etc. Nous attendons les propositions aussi.
Nous sommes prêtes à participer, à avoir des idées
et tout cela sur le plein emploi axé sur le développement
communautaire. Là, c'était sur...
Mme Harel: C'est d'autant plus intéressant que dans les
garderies c'est à frais partagés. C'est un programme ou c'est
cinquante-cinquante. Alors, même de vrais jobs avec un vrai salaire se
trouvent à être partagés moitié-moitié. Cela
vaut la peine!
Mme Martel: Oui. Sauf que dans les...
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, Mme la
députée.
Mme Novak: Je suis d'accord, mais on sait que les salaires des
travailleuses dans les garderies sont minables. Alors, on demande non seulement
d'augmenter les garderies, les soins et les services qui aident la population,
mais aussi les emplois dans ces services-là.
Le Président (M. Bélanger): Si vous voulez
remercier le groupe, Mme la députée?
Mme Harel: Je vais remercier Action travail des femmes du
Québec. Dans le passé, j'ai raté quelques occasions de
vous rencontrer, mais je tenais beaucoup à ce que vous puissiez apporter
toute la contribution que je sais être l'expertise que vous
détenez en matière de réinsertion des femmes dans des
secteurs qui offrent toujours de la résistance. J'ai souvent eu
l'occasion, dans mon quartier, de vous référer des femmes et
d'avoir des contacts avec elles par la suite, notamment certaines qui ont suivi
le cours de camionneur et qui se sont rendu compte qu'elles aimaient cela et
qu'elles étaient capables, même si actuellement elles sont encore
à la recherche d'emplois. Alors, je vous en remercie.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je voudrais me joindre à
Mme la députée de Maisonneuve pour remercier Mme Novak ainsi que
Mme Martel et leur indiquer qu'il se dégage de leur mémoire
quelque chose d'un peu différent des autres mémoires que nous
avons entendus jusqu'à présent. Ce qui se dégage d'un peu
différent, c'est qu'on parle, oui, d'incitation à aller sur le
marché du travail, mais, pour vous, ce n'est pas n'importe quel
marché du travail, si j'ai bien saisi votre argumentation. Je l'ai
noté à un moment donné: pas des jobs à 4,55 $
l'heure - je pourrais traduire - pas des jobs au salaire minimum, mais on veut
des emplois qui soient beaucoup plus valorisants, beaucoup plus secures et
beaucoup plus permanents que des emplois au bas de l'échelle, si vous me
permettez l'expression. C'est ce que je retiens de votre témoignage
devant cette commission parlementaire. Au nom du gouvernement, je vous
remercie.
Le Président (M. Bélanger): La commission des
affaires sociales remercie le groupe Action travail des femmes du Québec
et invite, à la table des témoins, l'Organisation populaire des
droits sociaux de la région de Montréal,
représentée par Mme Aline Laforest, Mme Céline Tremblay et
Mme Gisèle Bérubé. Je les invite donc à la table
des témoins.
Nous suspendons les travaux une minute.
(Suspension de la séance à 17 h 16)
(Reprisée 17 h 18)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La commission des affaires sociales accueille un nouveau groupe, mais,
auparavant, je voudrais, à l'invitation de Mme la députée
de Maisonneuve et de M. le ministre, saluer un groupe d'étudiants du
cégep de Jonquière qui, dans le cadre d'un cours, est venu
assister aux travaux de la commission. Il nous fait plaisir de vous recevoir et
nous souhaitons que cela atteigne pleinement les objectifs que vous poursuiviez
en venant nous rencontrer ici.
Nous recevons, donc, l'Organisation populaire des droits sociaux de la
région de Montréal. Je vous explique rapidement nos règles
de procédure. Vous avez 20 minutes pour faire la présentation de
votre mémoire et, ensuite, il y a une période d'échanges
avec les parlementaires. Je vous prierais, chaque fois que vous devez prendre
la parole, de bien vouloir vous identifier, ceci pour les fins de la
transcription au Journal des débats; nos transcriptrices ne vous
voient pas et ne vous connaissent pas. Je vous inviterais, donc, à vous
identifier, à présenter les gens de votre groupe et votre
mémoire. Je vous remercie.
Organisation populaire des droits sociaux de la
région de Montréal
Mme Bérubé (Gisèle): Merci, M. le
Président. Je vous présente Aline Laforest et Céline
Tremblay.
M. le Président, messieurs et mesdames les commissaires, M. le
ministre, notre organisme, l'Organisation populaire des droits sociaux de la
région de Montréal, l'OPDS-RM, est un regroupement
d'assistés sociaux implanté dans cinq quartiers de
Montréal: centre-sud, Mercier, Montréal-Nord, Saint-Michel et
Hochelaga-Maisonneuve. Nous existons depuis neuf ans. C'est donc dire que nous
avons acquis, au fil des ans, une expertise certaine des besoins et de la
réalité des assistés sociaux montréalais.
Nous sommes une trentaine de bénévoles assistés
sociaux qui avons travaillé à la rédaction ' du
mémoire. Chacune des personnes y a mis son vécu et nous en avons
fait un exercice collectif. Nous ne sommes pas des universitaires, ni des
politiciens et nous ne faisons pas partie du monde des affaires. Nous sommes
des assistés sociaux qui vivons le quotidien de l'aide sociale et qui
aidons d'autres assistés sociaux à améliorer leurs
conditions de vie. Nous sommes des témoins privilégiés de
cette réalité. Le gouvernement aurait un intérêt
certain à nous écouter et à chercher avec nous la solution
pour une réforme juste et équitable.
Les préjugés sont nombreux à notre égard:
parasites, paresseux, fraudeurs, profiteurs et on pourrait facilement allonger
la liste. Pourtant, nous sommes ici trois femmes, Aline Laforest, Céline
Tremblay et moi-même, Gisèle Bérubé, qui n'avons pas
choisi l'aide sociale. Nous sommes des femmes veuves, ou divorcées, qui
avons élevé, à nous trois, huit enfants. Nous totalisons
en plus 24 ans de bénévolat, à raison de trois ou quatre
jours par semaine. Nous ne sommes pas uniques. Nos besoins, nos
intérêts et nos ambitions ressemblent à ceux de la
majorité des personnes.
Le mandat principal de l'OPDS-RM est de défendre les droits et
les intérêts des assistés
sociaux. Pour y parvenir, nous intervenons auprès des bureaux
locaux d'aide sociale lorsque les droits des bénéficiaires sont
lésés ou auprès des instances gouvernementales lorsque
l'enjeu est plus large et qu'il concerne l'ensemble des assistés
sociaux. C'est dans cet esprit qu'il nous semble important aujourd'hui de faire
entendre notre point de vue sur le document d'orientation intitulé "Pour
une politique de sécurité du revenu". Mme Laforest va vous lire
le mémoire.
Mme Laforest (Aline): M. le Président, M. le ministre,
messieurs et mesdames les commissaires, comme vous l'affirmez dans
l'introduction de votre document, "le programme de l'aide sociale est largement
dépassé et inadéquat". Nous sommes également d'avis
que ce programme doit être modifié pour tenir compte de la
réalité de l'emploi et des principes fondamentaux de respect des
droits de la personne.
Les barèmes d'aide sociale sont censés couvrir les besoins
ordinaires d'un ménage. La loi prévoit aussi la couverture des
besoins spéciaux. Cependant, on n'attribue que 12 $ pour l'achat d'une
monture de lunettes. Autre exemple, l'aide sociale alloue 35 $ par enfant pour
couvrir les dépenses encourues au moment de la rentrée scolaire
alors qu'on exige de certains enfants un montant de 50 $ pour l'inscription,
les photocopies, etc. Ce montant ne tient pas compte des vêtements que
les parents doivent acheter, des cahiers ou du matériel didactique.
Les déductions pour revenus de travail n'ont pas
été indexées depuis 1972. En 1986, votre gouvernement
supprimait l'indexation aux trois mois. S'il économisait ainsi quelques
millions, il le faisait au prix de l'appauvrissement de la population
déjà la plus démunie du Québec. Il le fait encore.
Par exemple, une mère de moins de 30 ans reçoit le barème
d'une personne seule apte au travail parce que son enfant est placé en
famille d'accueil. Le centre de services sociaux travaille à la
réinsertion dans sa famille d'origine. De l'autre côté, le
bien-être fait perdre son logement à la mère,
l'empêchant ainsi d'accueillir son enfant. Quelle contradiction!
Vous condamnez les jeunes assistés sociaux à survivre en
marge de la société. Un jeune reçoit 178 $ par . mots
d'aide sociale. Il est inévitable, et cela a été reconnu
par de nombreux intervenants, que l'économie de coûts que vous
effectuez entraîne d'autres coûts sociaux: malnutrition,
itinérance, suicide, prostitution, drogue, problèmes
psychiatriques et le reste. Devant les pressions de plusieurs, vous avez
tenté de faire bonne figure. Cependant, les résultats ne furent
pas ceux que vous aviez escomptés. Bien sûr, les jeunes se sont
inscrits à ces programmes, mais ils n'avaient pas le choix. Ces mesures
permettent aux jeunes d'obtenir la parité des prestations avec les plus
de 30 ans, mais elles introduisent un nouveau concept dans le régime:
pour recevoir l'aide, il ne faut plus seulement y avoir droit, il faut, en
plus, travail- ler pour son obtention. Les travaux communautaires ou les stages
en entreprise ne garantissent pas aux jeunes un emploi.
Le retour aux études permet aux chefs de famille monoparentale de
poursuivre au cégep ou à l'université, mais pour trois
sessions seulement, alors qu'un DEC général en nécessite
quatre et qu'un diplôme technique et un bac en exigent six. Dans ce
programme et dans le rattrapage scolaire, les étudiants sont constamment
harcelés. Tantôt, l'aide sociale leur demande de fournir une
description du programme ou des cours dans lesquels ils sont inscrits,
tantôt on exige une preuve d'inscription, une preuve de
fréquentation; l'horaire des cours de l'étudiant, la liste des
effets et du matériel scolaires, les factures de tout ce qu'ils ont
déboursé, les reçus de gardiennage, etc.
Une étudiante nous avouait qu'elle était
gênée de se présenter au registrariat de son collège
tant elle y était allée souvent pour demander les mêmes
documents qu'elle remettait toujours au même agent d'aide sociale.
À la longue, l'accueil réservé par le personnel des
écoles devenait de moins en moins cordial et avec raison. Ces
tracasseries administratives découragent trop souvent les
étudiants.
Récemment, un de nos locaux s'est vu soumettre le cas d'un homme
voulant s'inscrire à une école de conciergerie. L'école
lui garantissait un emploi à la fin de ses cours. Cet homme s'est vu
refuser l'accès aux cours par le bien-être sous prétexte
que cette école n'était pas reconnue par le ministère de
l'Éducation. Elle est, par ailleurs, subventionnée par le
fédéral. Pourtant, la jurisprudence en cette matière
affirme très clairement qu'aucune directive ne lie ce programme à
la reconnaissance du MEQ. Cette cause est présentement en appel. Dans ce
contexte, que veut dire l'incitation au travail?
Depuis l'arrivée des boubous macoutes, l'ensemble des
assistés sociaux vit sous la menace d'une plainte ou d'une visite
à domicile. Les boubous macoutes sont devenus une machine à
débusquer des fraudeurs, À les croire, la majorité d'entre
nous n'a qu'un but, qu'un seul objectif dans la vie: frauder le régime
d'aide sociale. D'ailleurs, en mai dernier, les journaux annonçaient que
les boubous macoutes avaient relevé 17,1 % de dossiers erronés.
Sur 389 600 ménages inscrits à l'aide sociale en mars 1987, 19
132 ont vu leur dossier annulé, refusé ou modifié à
la baisse à la suite de la visite du boubou macoute. Le pourcentage des
modifications s'établit donc à 4,9 % au lieu des 17,1 %
annoncés. Pourtant, le public a retenu 17 % des assistés sociaux.
Cette pratique s'apparente à une campagne de salissage orchestrée
par le ministère et renforcé par les médias.
Nous n'avons pas choisi de devenir assistés sociaux.
Contrairement à ce que cette campagne a laissé entendre, ce n'est
pas agréable de vivre des prestations d'aide sociale. On ne s'enrichit
pas grâce à elles. On ne va pas en Floride
l'hiver et on ne se promène pas, non plus, en Cadillac. Les
assistés sociaux qui viennent dans nos locaux sont gênés de
leur situation. Ils viennent nous voir en prétextant que c'est pour un
ami, trop honteux d'avouer que c'est pour eux. Les assistés sociaux sont
prêts à tout pour quitter l'aide sociale. Nous voulons participer
au développement de notre société. Le régime d'aide
sociale doit cesser de nous considérer comme des parasites et des
profiteurs. Il doit s'attaquer aux préjugés de la population et
du personnel charge de l'application du régime d'aide sociale.
Actuellement, l'aide sociale est fournie lorsque le requérant a
épuisé tous les autres recours. Elle ne constitue pas un choix,
mais un pis-aller. Si tant de bénéficiaires sont aptes, c'est que
la structure du marché du travail ne peut les accueillir. Le
problème de l'emploi est complexe. Il ne peut se réduire à
une question d'incitation au travail. Lorsqu'une usine ferme ses portes, les
ouvriers ne sautent pas de joie en disant qu'ils en avaient assez de
travailler. Ils se battent tous pour sauver leur emploi.
Vous vous appuyez de plus en plus sur l'initiative privée pour
répondre à des besoins que vous preniez en charge auparavant. Les
mesures de maintien à domicile ou de services de garde en milieu
familial en sont de bons exemples. Vous avez remis de nombreuses
sociétés d'État au secteur privé. Dans le
même esprit, la générosité populaire est mise
à l'épreuve plus d'une fois durant l'année. Des "barres"
de chocolat en passant par les loteries de toutes sortes et par les nombreux
téléthons, la population est constamment sollicitée pour
pallier la baisse de financement des organismes par le gouvernement. Vous vous
donnez bonne conscience en parrainant ces événements. Pourtant,
sans volonté politique de changement, ces organismes sont
condamnés à dépendre entièrement de la
générosité des Québécois. En 1979, 2 700 000
personnes auraient effectué 374 000 000 d'heures de travail
bénévole estimées à 1 900 000 000 $. Avec les
coupures effectuées dans les services sociaux par votre gouvernement,
rien n'indique que ces taux aient diminué. Au contraire.
Vous affirmez qu'on devrait réserver des traitements
différents aux aptes et aux inaptes au travail. Et pourquoi donc? Ces
deux catégories d'assistés sociaux sont sur le bien-être
parce qu'ils ont épuisé les autres recours. Être apte au
travail n'équivaut pas au travail en lui-même. Pourquoi
pénaliser des gens parce qu'ils subissent les contrecoups de la crise et
de la modification de la structure de l'emploi? Dans la même logique,
est-ce qu'on forcera bientôt les femmes à prendre époux
sous prétexte qu'en le faisant elles quitteraient l'aide sociale? Est-ce
qu'on ies classera en épousables ou non épousables? Est-ce qu'on
leur donnera des barèmes différents selon la catégorie
à laquelle elles appartiendront?
Vous semblez considérer que "les besoins d'un
bénéficiaire permanent diffère de ceux d'un prestataire
passager". Les besoins du bénéficiaire, qu'ils soient à
court, à moyen ou à long terme, sont tous vitaux. On a eu beau
classer l'ameublement dans les besoins à long terme, il n'en demeure pas
moins que, si le frigidaire flanche, il est essentiel de le réparer et
ce, peu importe si l'on est assisté social depuis longtemps ou depuis
peu. Vous classez le transport dans les besoins à long terme. Est-ce
à dire que vous évaluez que nous nous déplaçons si
rarement pour aller chercher de l'emploi? Il faut être logique. (17 h
30)
Pourquoi établir les barèmes d'aide sociale à
partir des carences du budget des travailleurs les plus démunis? Ces
montants sont insuffisants, puisque vous les augmentez par différents
programmes.
Le programme APTE abaisserait l'ensemble des barèmes. Nous vivons
déjà dans une situation financière très fragile,
dépendant des aléas de la vie courante. Nous devons
réaliser des tours de force, démontrer un grand courage pour
survivre et compter sur l'appui d'organismes de charité. Certains
sourient à cette affirmation reprenant à leur compte les
clichés des fraudeurs de l'aide sociale. Mais ce que nous exprimons par
la force et le courage, c'est la capacité d'apprêter les
pâtes de mille et une façons, de ratisser le quartier pour courir
les "spéciaux" ou réparer les vêtements que l'on
transmettra du premier enfant au dernier.
Les seuils de pauvreté n'ont pas été
inventés par le caprice d'un travailleur social en mal de changer le
monde. Peu importent les méthodes de calcul, les barèmes d'aide
sociale se retrouvent toujours en dessous. Créer autant de
catégories est injuste. Admissible à des mesures, participant,
non disponible, neuf premiers mois ou refus, sans compter les différents
niveaux pour les couples, autant de catégories qui deviendront autant de
barèmes.
La personne assistée sociale, apte au travail, devra
forcément réaliser des gains de travail pour atteindre le minimum
vital. Votre option d'une grille de besoins essentiels et sa classification est
très discutable. Comment concevoir que le transport et les loisirs
soient des besoins à long terme? Le transport est un
élément capital dans la recherche d'un emploi. Quant aux loisirs,
si farfelu que cela puisse apparaître aux bien-pensants, c'est un moyen
d'éviter l'augmentation des coûts sociaux.
On entend souvent les gens se demander: Comment les assistés
sociaux peuvent-ils réclamer des vacances alors qu'ils ne travaillent
pas? Sachez que survivre est un travail à temps plein et cela conduit
à la détérioration de la santé physique et mentale.
Combien de nos jeunes font de mauvais coups parce qu'ils n'ont pas accès
à des activités de loisir gratuites?
Une grande place sera laissée à l'arbitraire d'un
fonctionnaire pour la classification et le cheminement de la personne. C'est le
même
individu qui applique la loi aujourd'hui qui, demain,
amélioré par la formation, dirigera la mise en oeuvre de la
réforme. C'est cette même personne qui dit aux assistés
sociaux d'aller en révision pour ne pas changer sa décision, tout
en admettant son erreur. C'est cet homme qui fait prendre un numéro
à une bénéficiaire seule dans une salle d'attente ou qui
demande à une autre le secret de son administration mensuelle.
En 1989, si une personne seule perd son emploi, elle recevrait de l'aide
sociale 4860 $ et, si elle est non disponible, ses revenus s'établiront
à 5520 $. Ajouter à cela des gains hypothétiques de
travail de 155 $ ou 100 $ par mois, c'est présumer d'une
possibilité. Comment vivre avec ce montant quand le coût moyen
d'un 4Vè pièces (avec services) à Montréal
s'élevait à 441 $ par mois en 1987? Une famille de deux adultes
et deux enfants devrait dépenser 5068,80 $ par année pour se
nourrir adéquatement. Ses besoins sont supérieurs à ce qui
est prévu par la réforme.
Le ministre parle d'économie d'échelle
réalisée lorsqu'il y a partage de logement. En ce sens, il met de
l'avant une coupure de 115 $. Partager son logement, c'est tenter de survivre.
On ne s'enrichit pas. On n'économise pas. On parvient tout simplement
à payer son loyer et à rencontrer certaines dépenses.
Partager son logement, c'est vivre l'entraide et la solidarité que le
ministre prône abondamment.
La société rend nos enfants majeurs à dix-huit ans.
Elle doit être conséquente. Leurs choix ne doivent pas avoir de
répercussions sur la famille. Apporter de l'aide à une personne
se fait naturellement et dans un climat sain. Le Code civil ou une autre loi
peut toujours contraindre quelqu'un au secours mutuel. Mais si c'est contre sa
volonté, cela s'effectuera avec des répercussions néfastes
sur la famille. Les vrais perdants seront les familles à revenus moyens
et modestes et les jeunes adultes qu'on retournera à leur famille.
L'État n'a plus affaire dans les chambres à coucher. Avec
l'annonce de la réforme est arrivée aussi la promesse de
régler le harcèlement dont les femmes sont victimes.
"L'État n'a plus affaire dans les chambres à coucher", titraient
les journaux. Établir après un an de cohabitation une
entité familiale, c'est s'infiltrer dans la vie privée des
individus, s'ingérer dans leurs motifs de cohabitation et
présumer de leur vie affective. Le chambreur habitant chez une
bénéficiaire de l'aide sociale deviendra, après un an, le
conjoint de madame et devra prendre en charge les enfants de cette
dernière. Cette situation créera des perturbations chez les
femmes et leurs enfants. Dans votre esprit, l'homme est le pourvoyeur et tout
dépend de son bon vouloir. Pour nous, une femme a droit à sa vie
affective comme elle a droit à son autonomie financière. Si
l'homme et la femme ne se reconnaissent pas comme conjoints, personne ne doit
créer en leur nom et à leur place une entité familiale.
Une réforme de la fiscalité s'impose nécessairement.
L'incitation au travail demeure le noeud de votre réforme. Les
assistés sociaux ne manquent pas d'incitation au travail, ils manquent
de revenus. Dans certaines situations et à certaines conditions, ils
s'appauvrissent lors d'un retour au travail. Des femmes chefs de famille qui
avaient tenté l'expérience se sont retrouvées parfois
plusieurs semaines sans revenus. Par ailleurs, une participante à un
programme l'avait abandonné en cours de route, compte tenu de son
état de santé et de la perturbation de son jeune fils et elle a
été coupée de 50 $ par mois pendant six mois. On jugeait
qu'elle n'avait pas démontré une motivation adéquate. Nous
avons dû porter cette cause en appel pour qu'elle obtienne, finalement,
un remboursement de l'aide sociale. Elle s'était inscrite de son plein
gré. Elle voulait s'en sortir. Ces expériences donnent à
réfléchir.
Le travail demeure le moyen de se réaliser pleinement. Lors de
sessions que nous organisons sur la Loi sur l'aide sociale et qui ont rejoint
plus de 2000 personnes assistées sociales, les assistés sociaux
expriment toujours un rêve à réaliser. Plus de 90 %
rêvent de quitter l'aide sociale et de se trouver un emploi. Certains
souhaitaient même avoir des oreillers, un manteau d'hiver ou une paire de
chaussures pour leur enfant. Les gens vivent toujours la honte et cachent le
fait qu'ils perçoivent des prestations d'aide sociale.
Vous ne devez pas subventionner un employeur qui ne garantit pas des
emplois permanents. Ceci doit se réaliser dans le respect des droits des
travailleurs déjà à l'emploi et dans le respect des lois
existantes protégeant le travail.
Nous sommes en désaccord avec l'idée de distinguer deux
catégories d'assistés sociaux. Cependant, puisque cela constitue
la base de votre argumentation, nous en discuterons comme si elles allaient
être maintenues. Le soutien financier s'adresse aux assistés
sociaux inaptes au travail pour des raisons de santé. D'autres gens sont
inaptes au travail: les non-disponibles. Bien que leur inaptitude soit
temporaire, elle n'en demeure pas moins réelle. Lorsqu'on
élève un enfant de moins de deux ans...
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
madame, je vous demanderais de conclure puisque le temps est
écoulé, malheureusement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Peut-être que nous
pourrions...
Mme Harel: Consentement.
Le Président (M. Bélanger): Consentement. Avez-vous
fait la lecture complète de votre texte?
Mme Laforest: Non. disons au'il me reste
quatre pages.
Le Président (M. Bélanger): Oui. Alors, si vous
voulez y aller rapidement, avec le consentement des deux côtés, on
va vous écouter.
Mme Laforest: Très bien. Je disais donc qu'éduquer
un enfant ou en porter un, c'est investir dans le développement futur de
notre société. Cela devrait être reconnu par une
intégration au programme Soutien financier. Les femmes devraient avoir
la possibilité de rester à la maison pour éduquer leurs
enfants ou de les confier à une garderie, si elles en ont envie.
Vous placez les personnes âgées de plus de 55 ans dans la
catégorie des non disponibles. Ces personnes ne sont pas temporairement
inaptes au travail. Elles ne peuvent plus s'insérer dans le
marché du travail. On les juge trop âgées. Ces personnes ne
se retrouveront pas d'emploi à court ou à moyen terme et ce, peu
importe si elles s'inscrivent à des mesures. La société
les élimine tout simplement. On ne leur demande pas leur avis. Elles
devraient bénéficier des mêmes mesures que les gens qui
seront inscrits au programme Soutien financier, en reconnaissance du travail,
salarié ou non, qu'elles ont effectué par le passé.
D'un autre côté, les personnes éprouvant
temporairement des problèmes de santé sont non disponibles et
inemployables. Vous exigez d'elles un certificat médical
délivré par un professionnel dûment autorisé,
contrôlant ainsi leur inaptitude. Elle est aussi patente que celle de la
clientèle du programme Soutien financier. Elle est seulement
limitée dans le temps.
Selon nous, ce programme devrait s'élargir à tous les
ménages prestataires d'aide sociale. L'aide doit continuer d'être
versée, peu importe la cause du besoin. L'aptitude ou l'inaptitude au
travail ne doivent pas être des critères d'établissement
des barèmes. Seule l'absence de ressources financières doit
compter.
En conclusion, nous adhérons à la volonté de votre
gouvernement de réformer la Loi sur l'aide sociale. Nous sommes d'accord
avec votre intention d'aider les citoyens en difficulté, de redonner de
l'espoir aux jeunes et de mettre fin aux changements à la
pièce.
Le régime d'aide sociale est dépassé. Il n'est pas
adapté aux besoins et aux attentes des bénéficiaires. Sa
réforme doit d'abord garantir à l'ensemble des prestataires un
revenu adéquat et la couverture de l'ensemble de leurs besoins. Elle
doit aussi permettre aux enfants de ne pas subir les contrecoups de la
situation difficile vécue par la famille. De plus, elle doit faciliter
la réintégration des bénéficiaires sur le
marché du travail.
Une politique de sécurité du revenu doit s'ajuster au
marché du travail. Sans création d'emplois, aucune mesure mise de
l'avant dans la réforme ne peut être soutenue. Le noeud n'est pas
l'incitation au travail, mais l'émergence d'une vraie politique de plein
emploi et une réforme de la fiscalité. De plus, instaurer un
régime sur la base de punitions ou de contraintes s'avère
inacceptable. Chacun sait que ce moyen demeure aléatoire.
L'annonce d'une nouvelle réforme de l'aide sociale a
été précédée par une vaste campagne du
gouvernement pour discréditer les assistés sociaux. Les
assistés sociaux sont des hommes et des femmes ayant perdu leur emploi
à la suite d'une fermeture d'usine ou de l'avènement d'une
technologie plus développée. Ce sont aussi des personnes
physiquement ou moralement malades, pour une période plus ou moins
longue. Ce sont des femmes chefs de famille préoccupées de
l'éducation de leurs enfants et souhaitant à tout prix leur
éviter l'aide sociale. Ces enfants n'ont pas choisi leur condition
sociale et sont entrés dans la vie porteurs de tous les espoirs. Les
femmes travailleuses au foyer ont consacré une partie importante de
leurs énergies à assurer un bien-être à leur
famille. Ménagères, éducatrices, psychologues,
infirmières, économistes, autant de métiers qu'elles ont
accomplis sans être rémunérées.
Quant aux jeunes bénéficiaires, ils auront à long
terme obtenu la parité: c'est l'ensemble des bénéficiaires
qui les rejoindra. Un gouvernement conscient des répercussions sociales
de cette réalité aurait dû jouer son rôle en leur
offrant un avenir moins sombre.
En conséquence, nous demandons un revenu de base acceptable sans
discrimination, quelle que soit la cause du besoin, atteignant 70 % du seuil de
pauvreté; des gains de travail rejoignant le seuil de pauvreté
sans coupure, ni imposition; qu'aucun adulte ne dépende
financièrement d'autres personnes; que notre dignité et notre vie
privée soient respectées; un réseau de santé et de
services sociaux adéquat, gratuit et universel; de vrais emplois avec un
salaire décent, respectant les normes du travail et le droit à la
syndicalisation; l'indexation régulière du salaire minimum et des
barèmes des programmes de sécurité du revenu; une grille
de besoins essentiels correspondant à l'ensemble des sommes
déboursées par une famille pour la couverture de ses
dépenses; qu'aucune coupure ne soit effectuée dans le cas de
partage de logement; que la notion de conjoint soit définie par le
mariage, la naissance d'enfants communs ou la reconnaissance par les individus
eux-mêmes d'une entité familiale; une réforme de la
fiscalité transformant, entre autres, les exemptions d'impôt en
crédits d'impôt pour tout adulte de 18 ans et plus; qu'aucune
distinction ne soit faite entre les aptes et les inaptes et aucune
sous-catégorie non plus; que le gouvernement reconnaisse la
compétence des professionnels de la santé puisqu'il
contrôle lui-même leur droit de pratique; que l'élaboration
du plan d'action personnalisé soit vraiment basée sur le
consentement mutuel, tel que promis par le ministre; que le programme APPORT
rejoigne l'ensemble des travailleurs à
faibles revenus; que la commission parlementaire reprenne à son
compte l'ensemble de nos demandes afin de diminuer le plus possible les
inéquités sociales; que le ministre procède
énergique-ment à la transformation de son projet de
réforme afin de recevoir l'appui total des bénéficiaires,
des intervenants et de la population en général, meilleur gage de
réussite d'une politique de sécurité du revenu.
Le Président (M. Bélanger): Merci, madame. M. le
ministre
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je
tiendrais à remercier l'Organisation popufarre des droits sociaux de la
région de Montréal, ainsi que ses porte-parole, Mmes
Bérubé, Laforest et Tremblay. Vous nous aviez mis en garde ou
prévenus que votre mémoire était le fruit d'une
concertation de gens qui possédaient le vécu de l'aide sociale.
Je tiens à vous féliciter pour la qualité du
mémoire. Il s'agit d'un mémoire qui est très bien
construit. J'ajouterai qu'il a été très bien
articulé de vive voix devant cette commission parlementaire et qu'il a
même été présenté avec - et je le dis
positivement - une certaine fierté.
Dans un premier temps, vous me permettrez de vous adresser quelques
questions sur votre organisation comme telle. Vous en parlez un peu à la
page 2 de votre mémoire. Dès le début vous dites que vous
existez depuis neuf ans et que votre objectif est de "défendre les
droits et les intérêts des assistés sociaux". Est-ce que
vous vous occupez exclusivement des assistés sociaux ou est-ce que vous
vous occupez également d'autres défavorisés, qu'il
s'agisse de prestataires d'assurance-chômage, de travailleurs ou
travailleuses au salaire minimum ou même de non-recensés, parce
qu'il y a des gens qui ne bénéficient d'aucun programme comme tel
dans la société? (17 h 45)
Mme Laforest: Non. L'Organisation populaire des droits sociaux
rejoint uniquement les assistés sociaux de la région de
Montréal.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous nous adressez en terminant,
et vous venez de conclure là-dessus, 17 recommandations. Le temps ne me
permet pas de vérifier avec vous chacune de ces recommandations. J'ai
quelques précisions à vous demander et je vais tenter d'y aller
à la pièce.
La deuxième recommandation que vous nous adressez concerne les
gains de travail: "des gains de travail rejoignant le seuil de pauvreté
sans coupure ni imposition". Est-ce que je dois comprendre que votre
recommandation vise à permettre des gains de travail qui seraient
supérieurs au salaire minimum si quelqu'un à l'aide sociale y
ajoute soit sa mesure de participation, soit des gains de travail
exemptés d'imposition?
Mme Laforest: Quand on parle d'une recommandation de ce
type-là, c'est clair que, pour nous, il n'est plus question d'avoir
l'étiquette d'assisté social. D'accord? On veut que cette
mesure-là s'étende aussi à tous les travailleurs au
salaire minimum ou en bas du salaire minimum.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord Cela va. Vous joignez les
deux propositions, c'est-à-dire que personne ne soit
imposé...
Mme Laforest: Ne devrait avoir un revenu...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): dans la société tant
que le seuil minimum de pauvreté n'a pas été atteint.
Indépendance financière. "Qu'aucun adulte ne
dépende financièrement d'autres personnes." Vous rejoignez
là au moins deux notions ou deux critères: la question de la
cellule familiale et la question, qui nous intéresse et sur laquelle se
sont prononcés plusieurs organismes en commission parlementaire, de la
contribution alimentaire parentale du type de celle que l'on retrouve dans le
système de prêts et bourses aux étudiants. J'ai
déjà eu l'occasion d'indiquer devant cette commission que c'est
la présence de cette notion dans le système de prêts et
bourses aux étudiants qui nous force à l'introduire dans la
politique de sécurité du revenu. Ma question est la suivante. Je
n'ai pas de problème, si cette notion-là n'existe pas dans le
système prêts et bourses, à ne pas l'incorporer dans une
politique de sécurité du revenu. Mais si elle est présente
dans le régime de prêts et bourses aux étudiants, est-ce
que vous ne considérez pas qu'il y a là un risque d'inciter
certains jeunes à quitter leurs études postsecondaires -
où ils sont admissibles à des prêts, sort dit en passant,
les trois quarts du temps, mais pas à des bourses - pour devenir des
prestataires de l'aide sociale avec la parité?
Mme Laforest: Votre question n'est pas claire. J'aimerais que
vous me la répétiez.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Je ne prétends
pas qu'elle le soit. Il existe, dans le système de prêts et
bourses aux étudiants, une contribution alimentaire parentale. On prend
la même notion et on l'applique à l'aide sociale afin de ne pas
inciter les jeunes à quitter leurs études postsecondaires pour
devenir des prestataires de l'aide sociale. Notre prétention au
ministère, c'est que, si on n'a pas cette contribution alimentaire
parentale, l'aide sociale va être beaucoup plus généreuse.
Cela va donner, grosso modo, 4000 $ par année, alors que le
régime de prêts et bourses aux étudiants donne 1700 $. Ma
question précise: N'y a-t-il pas un risque, si on n'a pas cette
contribution alimentaire parentale dans l'aide sociale, d'inciter
financièrement des étudiants qui en ont besoin à quitter
leurs études postsecondaires et à devenir
des bénéficiaires de l'aide sociale?
Mme Laforest: Ce qu'on vous apporte, c'est notre vécu et
personne d'autre que nous n'est mieux placé pour parler de l'aide
sociale. Ce ne sont pas nos enfants qui se rendent dans les cours de niveau
collégial ou universitaire parce qu'on n'en a pas les moyens. Même
si de nos enfants arrivent à atteindre le niveau collégial ou
universitaire, ils doivent étudier à temps plein et aussi
pratiquement travailler à temps plein pour arriver, même s'ils
demandent un prêt-bourse. Ils sont obligés aussi de travailler
pour arriver à étudier au niveau collégial ou
universitaire. On n'a pas les moyens de les faire instruire, de leur payer
cela. Comment peut-on avoir les moyens de garder nos jeunes de 18 ans et plus,
de leur venir en aide, de contribuer à les faire vivre?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais vous poser une question
directe, si vous me le permettez, et vous êtes libre de répondre
parce que je ne veux pas tomber dans des cas personnels devant la commission.
Vous avez indiqué qu'à vous trois, si ma mémoire est
fidèle, parce que je ne l'ai pas noté, vous aviez sept ou
huit...
Mme Laforest: Huit.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...enfants. Est-ce qu'il y en a
parmi vos enfants qui se sont rendus aux études postsecondaires, qui ont
continué après leur secondaire?
Mme Laforest: Je pourrais vous répondre et je vais
probablement aussi vous répondre. Ce n'est pas nous qui sommes
visées. Nous, on vient ici pour expliquer la situation des
assistés sociaux. Bien sûr, j'ai des enfants et j'en ai qui se
sont rendus au collégial, mais ils ont dû abandonner après
la deuxième session et aller sur le marché du travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Parce que les prêts et
bourses ne suffisaient pas à les maintenir?
Mme Laforest: Bien non, effectivement. C'est cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La septième recommandation
que vous nous adressez: "l'indexation régulière du salaire
minimum et des barèmes". Je vous dirai que, s'il avait fallu qu'une
telle politique existe lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, j'aurais
été un peu mal pris. S'il avait fallu indexer le salaire minimum
au coût de la vie depuis les deux dernières années, il ne
serait pas passé de 4 $ à 4,55 $. Il serait peut-être
à 4,25 $ ou à 4,30 $. N'y a-t-il pas là une certaine
garantie qu'on ne sautera pas d'année, d'une part, mais, en
contrepartie, un certain risque de ne pas permettre d'effectuer des rattrapages
qui sont importants? Présentement, au gouvernement, nous sommes d'avis
qu'il reste du rattrapage à effectuer et, s'il fallait que le salaire
minimum soit indexé au coût de la vie, on aurait l'impression que
ce rattrapage ne pourrait pas s'effectuer.
Mme Laforest: Écoutez! Nous ne sommes pas des
économistes, ni des politiciens. Tout ce que je peux vous
répondre, c'est que, finalement, si nous disons: On ne peut pas
réformer la Loi sur l'aide sociale sans faire une réforme de la
fiscalité, pour moi tout est là. On a dit tantôt qu'on
voulait, par exemple, "des gains rejoignant le seuil de pauvreté sans
coupure, ni imposition". On parle de façon générale. On
parle des assistés sociaux, on parle du petit travailleur. Pour vivre
décemment dans notre société, il faut, quand même,
avoir le nécessaire, le minimum vital. Il faut, au moins, que ce qu'on a
pour vivre puisse couvrir le coût réel des besoins essentiels, ce
qui n'est pas le cas actuellement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'en aurais plusieurs autres,
mais, avant d'alterner, il y a une question sur laquelle vous avez
insisté dans votre mémoire et verbalement, soit la notion de
conjoint: "que la notion de conjoint soit définie par le mariage, la
naissance d'enfants ou par les individus eux-mêmes". J'insiste sur le
fait que nous tenons compte des deux premiers facteurs, soit lorsqu'il y a
mariage ou naissance d'enfants, et que nous ajoutons la question des 12 mois au
lieu de dire, comme c'est le cas actuellement, immédiatement lorsque
c'est constaté.
Certains organismes rejettent cette définition; d'autres nous
disent qu'ils y voient une amélioration et ils nous suggèrent
d'améliorer davantage en changeant les 12 mois par 36 mois pour
rejoindre la notion qui existe en Ontario. Est-ce que votre idée,
à vous, c'est d'abandonner complètement cette définition
ou iriez-vous dans le sens d'une bonification à la bonification que nous
apportons?
Mme Laforest: C'est tout bonnement de l'abolir. On n'a pas le
goût de se faire dire qu'on est une entité familiale quand on ne
l'a pas décidé nous-mêmes, que ce soit après 12 mois
ou après 3 ans. Par exemple, si j'ai un chambreur chez moi, je n'ai pas
du tout le goût de dire que je vis en couple avec ce monsieur. Je ne vis
pas en couple avec ce monsieur-là qui, après 3 ans, deviendra par
le fait même mon conjoint et sera obligé de me faire vivre et je
perdrai toute mon autonomie. Dans ce sens-là, je ne vois pas qui peut
décider pour moi d'une entité familiale.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Donc, vous favoriseriez l'approche
strictement individuelle du barème ou de la prestation de l'aide sociale
sans tenir compte des liens entre les individus.
Mme Laforest: C'est cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Cela va pour le moment.
Je reviendrai tantôt.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait vraiment
plaisir de vous accueillir à la commission parlementaire. J'ai le
privilège d'avoir l'OPDS installée, même si vos services
sont offerts à l'ensemble de la population de Montréal, sur la
rue LaSalle dans mon quartier. J'ai aussi eu le privilège de vous
connaître et de connaître le travail que vous faites et les
services que vous rendez à mes concitoyennes et à mes
concitoyens.
Si vous me le permettez, je vais d'abord vous dire que votre
mémoire est très substantiel. À tous égards, je
souscris à l'idée qu'il est très bien
préparé et il permet certainement de faire cet échange de
fond avec vous sur des questions qui sont majeures. Je veux laisser un peu de
temps - je vais demander au président qu'il m'avertisse - pour que mon
collègue de Saint-Jacques, qui, je pense, a aussi des communications
fréquentes avec vous, puisse également vous poser des questions
sur la question du logement.
Moi, j'aimerais bien aborder la question de la vie maritale, un peu
continuer là où le ministre a laissé. Est-il possible
d'envisager que tout ne repose que sur une base individuelle s'il n'y a pas de
réforme fiscale? Je pense que c'est un peu la question de fond.
Tantôt, vous disiez avec raison, je pense: II n'y a pas de vrai
changement en matière de sécurité du revenu, s'il n'y a
pas de réforme fiscale. En effet, aussi absurde que cela puisse
être de penser que quelqu'un va être tenu, du fait d'avoir des
relations sexuelles - disons les choses comme elles sont - à
l'obligation à l'égard des enfants qui ne sont pas les siens,
parce que très souvent, d'une certaine façon, il va
hériter de son amie, qui est la mère, d'enfants qui ne sont pas
les siens, en plus de cela, si tant est qu'il travaille, il ne pourra pas
même utiliser l'exemption personnelle de base de conjoint que les couples
mariés vont utiliser. Finalement, c'est évident - c'est ce qu'on
sait - de fait, que cela empêche des relations durables entre les
couples. Il arrive que c'est des relations intermittentes, mais cela
éloigne la vie affective sur une base plus permanente.
Par ailleurs, je ne sais pas comment vous réagissez à
l'idée que, si on ne modifie rien, il pourrait arriver, par exemple,
qu'en l'absence d'enfants des personnes, que ce soit hommes ou femmes, sachant
que c'est peut-être plus fréquent dans un cas que dans l'autre,
puissent cohabiter avec des professionnels, par exemple - je ne veux pas parler
de députés ou n'importe - qui auraient des salaires, des revenus
très élevés, mais qui seraient au même moment
conjointes bénéficiaires d'aide sociale.
Non, ce n'est pas absurde. C'est-à-dire que, d'une certaine
façon, il y a peut-être des changements profonds à faire en
matière de fiscalité pour que la fiscalité repose sur les
individus. Vous citez dans votre mémoire des études faites sur
les crédits d'impôt pour toute personne adulte de 18 ans et plus,
indépendamment du revenu familial. Mais là on change toute la
structure sociale, ce qui fait que la personne à haut revenu, le
professionnel, va, à ce moment-là, avoir moins d'exemptions,
disons, que celles qui actuellement pourraient lui profiter, mais tout le monde
va avoir un certain seuil minimal, y compris sa conjointe de fait.
En dehors de changements comme ceux-là, c'est difficile. C'est
pour cela que la Ligue des droits et libertés, qui a, pourtant, fait un
travail extraordinaire en matière de vie maritale, est venue ici
recommander non pas simplement qu'on adopte les mêmes règlements
qu'en Ontario, mais qu'on adopte la même longueur de temps qu'on retrouve
dans les lois québécoises, c'est-à-dire trois ans. Ce sont
là, finalement, les dispositions de la Régie des rentes, de la
Régie de l'assurance automobile, de la CSST; quand on veut avoir un
avantage dans le cas de la mort de son conjoint et qu'on veut se faire
considérer comme ex-conjointe, on ne peut pas recevoir de
bénéfices si cela ne fait pas trois ans. Ce que la ligue plaide,
c'est qu'on ne peut pas, non plus, en recevoir les inconvénients parce
que, dans le cas des avantages, cela prend trois ans et, dans le cas des
inconvénients, cela ne prendrait qu'un an.
C'est un peu toute cette question qui n'est pas simple. Quand vous dites
que c'est un chambreur, disons après trois ans, il y a toute la question
à ce moment-là de la preuve. J'ai un cas présentement.
C'est un cas assez pathétique. C'est le cas d'une femme assistée
sociale qui était mariée à un homme violent, alcoolique,
qui a été condamné pour voies de fait contre elle et qui
se retrouve chez sa mère avec ses trois enfants, menacée de
perdre les enfants parce qu'elle a loué un logement, mais n'est pas
capable de le meubler. Et on lui dit: Si tu ne le meubles pas, on va te retirer
tes enfants. Elle va faire toutes les démarches pour avoir du
financement pour acheter des meubles de seconde main, pour tout acheter
usagé, mais ne trouve nulle part un financement, ni chez le marchand, ni
à la caisse populaire. Elle emprunte de son "chum" un montant d'argent
et là le ciel va lui tomber sur la tête. À partir de cela,
la preuve va s'accumuler contre elle qu'elle est une | fraudeuse et cela ira
jusqu'à la Cour des sessions de la paix qui conclura qu'elle est une
criminelle, cela le 16 mars dernier, malgré que la Commission des
affaires sociales en aura décidé autrement, elle. Cela vous
montre le problème: comment faire la preuve que c'est un chambreur, si
l'agent a un parti pris contre? Moi, ce que
j'aimerais savoir, vu votre expérience... (18 heures)
Le Président (M. Bélanger): Si vous le permettez,
Mme la députée de Maisonneuve...
Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Bélanger): ...compte tenu de
l'heure, est-ce qu'on a l'autorisation de continuer les travaux?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je n'ai pas d'objection.
Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Bélanger): Oui. Merci.
Mme Harel: J'aimerais, compte tenu de ce que vous avez comme
expérience, avoir des exemples concrets de personnes qui auraient
vécu des difficultés réelles avec toute cette question de
vie maritale ou encore de personnes qui auraient tenté de s'en sortir
d'une façon ou d'une autre, qui auraient tenté d'améliorer
leur sort et qui, finalement, auraient été comme
rattrapées par le fait que s'en sortir, ce n'est pas possible quand on
est bénéficiaire de l'aide sociale.
Mme Tremblay (Céline): Céline Tremblay. Par
exemple, il y a Céline, 54 ans, un enfant. Elle a travaillé
pendant 13 ans dans une pharmacie. Après un arrêt de travail
à la suite de la naissance de son fils et une longue maladie, deux
anévrismes au cerveau, sans oublier une séparation, elle est
devenue assistée sociale.
Elle a terminé son secondaire en cours du soir pour tenter de
quitter l'aide sociale. Par la suite, elle s'est inscrite au Centre de
main-d'oeuvre du Canada pour suivre un cours d'auxiliaire familiale.
Après trois ans d'attente, elle a commencé à suivre son
cours à raison de cinq jours par semaine, deux heures et demie de
voyagement par jour et deux ou trois heures d'études par soir, sans
oublier les fins de semaine avec un nombre impressionnant d'heures
d'études et de travaux.
Le stress était constant. Elle a abandonné au bout de
quatre semaines, complètement épuisée. Le directeur du
cours a reconnu, à ce moment, que la situation était invivable
puisque le cours aurait dû se donner sur une période d'un an et
qu'on le donnait en six mois. Cette personne avait même fait des demandes
d'emploi dans des pharmacies en proposant aux employeurs de travailler
gratuitement pendant les trois premiers mois parce qu'elle voulait quitter
l'aide sociale.
Il y a aussi Pierrette, 31 ans, deux enfants, 11 et 12 ans. Elle
reçoit 724 $ par mois d'aide sociale, plus les allocations familiales.
Elle habite dans un 4 1/2 pièces. Ses deux enfants, un garçon et
une fille, partagent la même chambre.
Pour se loger, loyer, électricité et chauffage, elle
débourse 410 $ par mois. Il lui reste à peine 394 $ pour la
nourriture, l'entretien ménager, les soins personnels, les frais
scolaires, l'habillement, l'ameublement, les loisirs, la pharmacie, les
assurances et le transport. Elle partage son temps entre du
bénévolat qu'elle fait depuis cinq ans, l'éducation de ses
enfants qu'elle assume seule et la recherche constante de diminuer ses
dépenses pour pouvoir survivre avec sa famille.
Il y a Marie aussi, 57 ans, qui habite le même immeuble que sa
fille. Pour lui rendre service, elle garde son petit-fils pendant que celle-ci
travaille. En retour, sa fille lui fournit des repas. L'aide sociale
considère les repas comme un revenu de travail et l'a coupée de
85 $ par mois. Elle ne faisait cela que pour rendre service. Quand des
personnes s'entraident, le bien-être les pénalise.
Aline, 55 ans, veuve, cinq enfants. Elle fait du bénévolat
depuis quinze ans. Tout en élevant sa famille, elle a toujours
tenté de quitter l'aide sociale. Avec sa 7e année d'école,
elle a suivi un cours au cégep qu'elle a réussi et, ensuite, elle
s'est inscrite en travail social à l'UQAM à un autre cours.
Puisqu'elle se sent incapable d'en suivre plus que quatre, elle assume seule le
paiement de ses cours, entre 50 $ et 80 $. À ce rythme, au moment de sa
retraite, elle aura son diplôme en poche. C'est une personne disponible,
active et motivée. Elle veut travailler, mais sur la base de la
reconnaissance de son expérience et de ses compétences.
Il y a aussi Lisette qui a suivi un stage de 20 semaines et qui est
restée ensuite deux mois sans revenus puisqu'elle attendait son
assurance-chômage. Elle est finalement revenue sur l'aide sociale plus
pauvre et avec le sentiment d'avoir échoué. Il y a encore
Ghislaine avec trois enfants, cinq ans de bénévolat, qui a
quitté l'aide sociale pour habiter avec son ami. L'aide sociale l'a
mariée comme bien d'autres. Elle est complètement
dépendante de celui-ci, plus pauvre qu'avant et ne sachant pas trop quoi
faire pour s'en sortir. Je termine avec Marcel, 61 ans, 56 métiers 56
misères, qui a tenté désespérément de se
retrouver un emploi. Il fait du bénévolat depuis 15 ans et il
prend soin de sa mère aveugle âgée de 85 ans qu'il garde
avec lui.
En conclusion, Lisette, Aline, Marie, Ghislaine, Céline,
Pierrette, Marie-Jeanne et Marcel sont des personnes qui ressemblent à
l'ensemble des assistés sociaux. Selon les statistiques de M. le
ministre, nous sommes considérés tantôt
analphabètes, tantôt non scolarisés et tantôt sans
expérience de travail. Nous, les personnes assistées sociales,
possédons bien plus d'acquis et de possibilités qu'on ne veut
bien nous en reconnaître. La réforme proposée ne
règle rien et va seulement nous appauvrir encore plus. Nous refusons le
catasplasme sur la jambe de bois. Nous voulons vivre dans la dignité.
Merci.
Mme Harel: Je ne sais pas combien de temps il me reste, M. le
Président.
Une voix: Cinq minutes.
Mme Harel: II reste cinq minutes. J'aurais aimé vous
entendre parler des équivalences puisque, avec raison, vous faites
valoir que ce n'est pas parce qu'on a une 7e année, si on est une femme
qui a pris de l'expérience durant toute sa vie, qu'on n'a pas, disons,
de possibilité d'avoir des équivalences bien plus grandes qu'on
ne l'imagine. J'aurais aimé vous entendre aussi parler de la campagne de
salissage. Vous en avez parlé en utilisant ce mot-là. Vous faites
valoir - c'est la première fois que je voyais les chiffres - qu'il y a
eu 4,9 % de dossiers annulés, refusés ou modifiés en
regard de 389 600 ménages. Est-ce que ce sont là des chiffres que
le ministre peut confirmer? Il aura du temps, en tout cas, pour les contredire
et, s'il ne les contredit pas, on va tenir pour acquis que ce que vous dites
est vrai. Je vais passer la parole à mon collègue de
Saint-Jacques.
M. Boulerice: Brièvement, sur le salissage, effectivement,
il y avait les boubous macoutes qui se promenaient pour débusquer ces
honteux qui, potentiellement, fraudaient l'aide sociale, quand on sait fort
bien qu'on n'en a pas envoyé pour ceux qui pratiquent l'évasion
fiscale. Ceux-là, justement, n'entrent pas dans la notion de salissage.
On dit: Eux autres, ils sont "wise".
Sur la question du logement, vous avez mentionné 441 $ pour un
logement de 4 1/2 pièces. Je pense que vous convenez avec moi que c'est
peut-être cela dans Hochelaga-Maisonneuve, mais vos collègues du
centre-sud - je vois Jeannette, etc. - vont vous dire que, dans notre coin,
c'est rendu bien plus cher que cela. Comme il n'y a plus de logements sociaux
qui se construisent ou, du moins, que c'est au compte-gouttes, que tout ce
qu'il y a actuellement, c'est du condo, etc., en bas de 500 $, on ne s'en tire
pas. Je lisais votre annexe 2: Un "beau logement", pour moi, ce n'est pas un
luxe dans ce pays-là quand on regarde uniquement les conditions
climatiques.
Êtes-vous capable d'expliquer au ministre que partager un
appartement avec une personne de sexe différent, lui qui voudrait
absolument que ce soit votre conjoint ou votre conjointe, ou bien pratiquer la
solidarité comme deux mères de famille monoparentale peuvent le
faire, ce n'est pas frauder l'aide sociale, c'est la condition essentielle pour
avoir un logement convenable et décent? Sinon, on va se retrouver dans
un taudis sur la rue Saint-Hubert où on brûle après un
incendie, comme c'est arrivé il y a un mois et demi. Êtes-vous
capable de lui expliquer cela?
Mme Laforest: Nous trouvons cette mesure inacceptable, d'aller
couper pour le partage d'un logement quand on connaît le coût moyen
des logements, que ce soit à Montréal ou ailleurs. Nous parlons
de Montréal parce que c'est Montréal qu'on connaît. Quand
tu partages un logement, ce n'est pas pour faire de l'argent. Si tu ne le
partages pas, automatiquement, tu ne peux pas payer le loyer que le
propriétaire te demande. Et là, faut s'entendre, ce n'est pas
pour des logements de luxe, n'est-ce pas? C'est vraiment dans des quartiers
ouvriers ou des taudis à Montréal qu'on paie 441 $ par mois pour
un 4 1/2 pièces.
Ce qui est encore pire et plus inacceptable, c'est que même
là on parle de pénaliser ceux qui vont demeurer dans les HLM ou
dans les coopératives d'habitation. Là aussi, on va couper parce
qu'on va considérer que c'est un revenu qu'ils ont s'ils ont la chance
de demeurer dans un HLM ou dans une coopérative d'habitation. Alors,
où est notre possibilité de nous en sortir? On ne la voit pas
d'une autre façon que de partager un logement avec une amie ou une autre
femme chef de famille ou d'avoir un chambreur. C'est la seule
possibilité pour nous d'arriver à payer notre loyer.
M. Boulerice: Je regarde votre annexe 2. Cela a été
fait par un agent d'aide sociale C'est écrit: "Chère madame", je
vous envoie cette formule ci-jointe pour établir votre budget pour un
mois. Étant donné votre situation familiale, adulte plus quatre
enfants, et votre mère qui demeure chez vous, de plus, que vous avez un
beau logement et que vous semblez vivre très aisément, j'aimerais
connaître, entre guillemets, "le secret" de votre administration
mensuelle. Je veux le tout bien complété - entre
parenthèses, il n'est pas fort en français, il a oublié
son accent - et signé avant le 20 juin 1986 afin d'éviter -
encore un accent qui manque, mais ce n'est pas grave - suspension de votre
aide." Recevez-vous souvent des lettres aussi méprisantes et terroristes
que celle-là?
Mme Laforest: Cela vient d'un agent d'un bureau d'aide sociale
dans Montréal-Nord, là où on a un de nos locaux. C'est
très fréquent que les agents demandent: c'est quoi le secret de
votre administration? Quand on leur dit qu'on paie, par exemple, environ 400 $
de loyer par mois et qu'on touche un chèque d'aide sociale de 500 $, ils
nous disent: C'est quoi le secret de votre administration? Voulez-vous nous
dire quel est le secret de votre administration? Alors, comme on n'arrive pas
à se trouver un loyer à meilleur compte, tout de suite on nous
soupçonne d'avoir un "chum", d'avoir un conjoint, on soupçonne
nos enfants de nous faire des cadeaux en argent pour combler ce qui manque pour
les fins de mois. Quand on parle de cette campagne de salissage, c'est tout
cela qu'on vit depuis l'avènement des boubous macoutes.
M. Boulerice: Les boubous macoutes, cela finit par être
chassé du pouvoir. Alors, ne vous
inquiétez pas.
Le Président (M. Thuringer): Merci, M. le
député de Saint-Jacques. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président,
strictement pour situer un peu le contexte et revenir aux propositions qui ont
été faites par le groupe, je dirais à Mme la
députée de Maisonneuve que tous les chiffres dans les 90
mémoires qu'on a entendus qui n'ont pas fait l'objet de discussions ne
sont pas nécessairement des chiffres que soit vous acceptiez ou que l'on
accepte. Je pense que les chiffres qu'on a eu la possibilité de discuter
et sur lesquels on a eu des possibilités de s'entendre sont des chiffres
qui peuvent être acceptés, mais que généraliser
cette règle pourrait être, à partir de l'ensemble des
mémoires que nous avons eus, un terrain un peu glissant.
Mme Harel: Ceux-là, vous les contredisez ou vous les
confirmez?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si on nous les achemine de
façon précise, on peut les comparer avec les chiffres qui sont au
ministère. Si vous voulez une expertise là-dessus, cela me fera
plaisir de fournir une expertise sur les chiffres.
La douzième recommandation qui est très importante - elle
est une des recommandations à la base de la politique comme telle -
concerne la catégorisation de la clientèle. C'est à la
page 37 de votre mémoire. Vous dites: "Qu'aucune distinction ne soit
faite entre les aptes et les inaptes et aucune sous-catégorie, non
plus." Vous insistez ailleurs dans votre mémoire sur le fait que les
besoins des personnes qui sont à l'aide sociale pour une longue
durée ne sont pas différents des besoins des gens qui sont
là pour une période moins longue.
Je vais vous poser la question à partir de votre
expérience dans votre vécu quotidien. On me dit au
ministère que les besoins d'une personne sur l'aide sociale pour une
longue ou très longue durée varient des besoins d'une personne de
passage à l'aide sociale. On me donne des exemples aussi pratiques que
renouveler des coutelleries, des meubles, etc., des biens qui ont une certaine
durabilité, qu'une personne qui est de passage n'a pas besoin de
renouveler. J'aimerais vous entendre à partir de votre expérience
sur cet énoncé.
Mme Laforest: Attendez un peu. C'est à quelle page? (18 h
15)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Page 37. Vous l'avez repris
tantôt de façon verbale. Vous l'avez dit tantôt, lors de la
lecture du mémoire, que les besoins ne variaient pas pour une personne
qui était à l'aide sociale. C'était l'idée
maîtresse.
Mme Laforest: "Qu'aucune distinction ne soit faite entre les..."
Oui, pour nous, c'est fondamental parce que l'aide sociale doit répondre
aux besoins des personnes qui en font la demande. On dit que, quand on arrive
sur l'aide sociale, c'est parce qu'on n'a aucune autre ressource
financière. Pour nous, quel qu'en soit le besoin, il ne devrait pas y
avoir de catégories. Quand vous parlez de retourner les assistés
sociaux sur le marché du travail, pour nous, ce n'est pas
réintégrer le marché du travail de toujours porter
l'étiquette d'assisté social, comme le disait Mme Harel
tantôt. On va la porter tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas un
travail permanent et qu'on ne sera pas considérés comme des
travailleurs à part entière. Je Dense bien que M. le ministre n'a
pas inventé les boutons à quatre trous quand il a pensé
à inciter les assistés sociaux à retourner sur le
marché du travail. Il y a longtemps qu'on pense à y retourner. On
n'avait pas besoin de se faire dire d'y retourner; il y a longtemps qu'on veut
se sortir de l'aide sociale. Ce sont les moyens qui manquent pour le faire.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Justement, quant aux moyens, votre
quatorzième recommandation stipule que "l'élaboration du plan
d'action personnalisé soit vraiment basée sur le consentement
mutuel". Je retiens que vous parlez d'un plan d'action personnalisé et
que vous rejoignez la nouvelle approche que l'on propose dans la politique de
sécurité du revenu. Tantôt, M. le Président
m'indique de faire cela vite, Mme Tremblay, je pense, parlait des
caractéristiques selon les statistiques, des gens
considérés comme des analphabètes fonctionnels, des autres
qui n'ont pas complété leur secondaire, etc. Ce n'est pas le cas;
on a eu, la semaine passée, mercredi ou jeudi soir, devant cette
commission quelqu'un qui représentait les bénéficiaires de
l'aide sociale détenteurs de diplômes universitaires. Il y en a de
toutes les catégories et de toutes les sortes.
Cette approche personnalisée, c'est celle que nous
préconisons. Est-ce que vous avez des objections a ce qu'on maintienne
dans la politique de sécurité du revenu cette approche qui tient
compte chez chaque individu de son potentiel et de ses carences, de ce qui fait
en sorte qu'il a de la difficulté à rejoindre le marché du
travail, finalement, ou que le marché du travail a de la
difficulté à le rejoindre?
Mme Laforest: On n'a rien contre le fait que ce soit basé
sur le consentement mutuel. On dit que cela devrait être ainsi, mais
est-ce que ce sera ça, étant donné que ce sont les
mêmes personnes, les mêmes fonctionnaires qu'il y a actuellement
à l'aide sociale qui auront la formation pour orienter chaque individu
d'une certaine façon? Si ce sont les mêmes agents qui nous
répondent aujourd'hui, cela ne nous donne pas confiance, je le
regrette.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si j'ai le consentement, car mon
temps est terminé, Mme la députée de Maisonneuve, les
agents avec qui vous faites affaire comme organisme, est-ce que ce sont
généralement des employés du gouvernement du Québec
ou des employés de la ville de Montréal?
Mme Laforest: Je pense bien que Montréal...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): L'administration à
Montréal, l'émission des chèques...
Mme Laforest: Mais les agents d'aide sociale de Montréal
ne sont pas différents des agents d'aide sociale en régions,
à Québec du ailleurs.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.
Mme Laforest: Les boubous macoutes de Montréal
n'étaient pas différents des boubous macoutes qu'il y avait
à...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, ha, ha, ha!
Mme Laforest: Je regrette!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Oui, la réponse, dans
les deux cas, Mme Laforest, est différente parce que la ville de
Montréal administre le programme d'aide sociale, tant dans sa
distribution de chèques que dans ses mesures de contrôle. C'est
à partir de l'administration de la ville de Montréal que cela
s'effectue, alors que, partout ailleurs au Québec, c'est à partir
d'employés du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, autant pour la distribution des
chèques que pour les mesures de contrôle.
Mme Laforest: Mais il doit sûrement y avoir
possibilité que ces agents-là à Montréal aient la
même formation que les agents en régions ou ailleurs. En tout cas,
je trouverais cela épouvantable si on avait quelque chose d'autre chez
nous.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je peux vous donner un petit
exemple. À Montréal, pour fins d'enrichissement personnel, il n'y
a jamais eu cessation complète des visites à domicile. La ville
de Montréal a toujours maintenu des équipes d'agents visiteurs,
tandis que, ailleurs en province, cela n'a pas toujours été le
cas. Je vous donne cela à titre d'information. Ce sont deux
administrations complètement différentes sur le plan de l'aide
sociale.
Mme Laforest: À ce qu'on nous dit, et c'est arrivé
jeudi dernier, un agent d'un bureau local de Montréal-Nord a dit
à une dame: On te donne rendez-vous. Il faut qu'on te voie pour un plan
de relèvement. La dame a un enfant de quatre ans. Alors, elle a dit: II
n'y a pas de problème.
Tant que mon enfant n'a pas six ans, vous ne pouvez pas m'obliger. Et
l'agent a dit: Oui, madame, c'est déjà en vigueur. Il a plus de
deux ans et vous allez y aller, sur le marché du travail. Il lui a sorti
une explication: apparemment, il y aurait le "bill" 12. La dame nous a
appelées et nous avons dit: C'est quoi, cela, le "bill" 12? On ne
connaît pas le "bill" 12.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ni moi.
Mme Laforest: Alors, si on commence à mettre cela en
application à Montréal, je me dis: Formez vos agents d'aide
sociale à Montréal comme vous formez ceux des régions.
Le Président (M. Thuringer): Mme la députée
de Maisonneuve.
Mme Harel: Oui. Je vais vous remercier parce qu'il ne me reste
plus de temps. Je remercie l'OPDS. Je remercie Mme Tremblay, Mme
Bérubé, Mme Laforest. Je vous rappelé
qu'indépendamment des personnes c'est souvent l'incompatibilité
des fonctions qui empêchera des plans d'action personnalisés.
Qu'ils soient municipaux ou québécois, ces fonctionnaires qui
sont là ont des charges très lourdes: 400 dossiers; même
les meilleurs, imaginez-vous, à Montréal, parfois c'est 500
dossiers. Ce qui a été mis en cause, c'est
l'incompatibilité entre la fonction de contrôle et la fonction de
support. Cela ne peut pas se retrouver dans la même personne. Par
exemple, moi, je suis dans l'Opposition; alors, je ne peux pas à la fois
être à sa place et à ma place et lui, non plus. C'est
difficile. La prétention, c'est de leur faire jouer ces deux
rôles. Les deux rôles ne peuvent pas aller ensemble; il y en a un
qui va complètement l'emporter sur l'autre, puis penser le contraire,
c'est se faire accroire des affaires. Je vous remercie.
Le Président (M. Thuringer): Merci. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais conclure comme j'avais
commencé, en vous remerciant pour l'échange et en vous
réitérant que, sur le plan de la construction et de
l'argumentation, votre mémoire était un des plus
intéressants que cette commission ait entendus. Merci.
Le Président (M. Thuringer): Au nom de la commission,
j'aimerais remercier Mme Laforest, Mme Tremblay et Mme Bérubé.
Merci.
Je demande le consentement de la commission pour changer l'horaire et
immédiatement inviter the Anti-Poverty Group of Verdun à
s'approcher de la table. On suspend pour une minute.
(Suspension à 18 h 23)
(Reprise 18 h 25)
Le Président (M. Thuringer): On va entendre le
Anti-Poverty Group of Verdun. Est-ce que vous pouvez présenter les
membres et le porte-parole? Would you please introduce yourself and also your
members? I think you are aware of the basic procedures. You have 20 minutes to
present and then 20 minutes on both sides for questions.
The Anti-Poverty Group of Verdun
Mme Capponi (Sandra): My name is Sandra Capponi. I am here with
the Anti-Poverty Group of Verdun. To my right is Claudette Côté.
To my left is Stan Earie and to his left is Maurice Richard.
Mme Côté (Claudette): I would like to submit general
comments. The income security policy makes poverty good business for it insures
indirect financing of proprietors, merchants, institutions which otherwise
would require direct contributions from the government and benefit the
government also in terms of tax returns.
It maintains a relative social peace without, of course, ending crimes
which are also part of the economic structures just as are handicaped persons
of any nature and welfare recipients. In this instance, this means that what
welfare recipients receive with one hand is handed out by the other for a piece
meal existence. What it means also is that the government is pretending to be
doing something about a stagnant situation which is perpetuating itself. What
does high finance care about a few pennies moving here and there? What it is?
Only agitation in one sector of the economy to justify a few jobs. What
it means to those of the bottom of the social pyramid is another matter,
however. Individuals are rigidly contained within the structures at the bottom
of the scale because of lack of earnings of an institutionalized society to
compensate the lack of capitals from within as well as from without. Such
closely knitted and heavy structures allow very little possibilities for
individual nor do they incite individual initiative. An example are the now
florishing community services which are an extension allowed by the exhausting
structures. It also creates a few jobs. However, once integrated into the
system, they are in place for a long time and will require users to justify
their existence. This means strategies, which is a polish term for trickeries,
being set up for their upkeep.
The poor are also kept in the lowest strata not only because of the
reasons already mentioned but because of lack of education, of information,
because of a so-called "natural milieu" which leads to mental ghettos and
alienation, though no-fault of their own, except that they were born into
it.
This instance, the measures under the income security policy, condemn
more specifically those who are categorized as employables to go around in
circles with little possibilities to brighten their daily life. In other words,
bordering on poverty does not generate much incitement nor interest, it ensues,
for those who are considered unemployables, that they cannot count on more than
what the employables and other bordering categories will allow. It also leads
some to claim an handicap when they are in good health. Those who think it is
an exit towards a life of leisure and beer drinking parties are very
ill-advised, whatever the publicity may be. It is, on the contrary, to be
branded and captive in Dante's Inferno for a life of miseries. I would
not recommend it to anyone.
And to go one step further, does human dignity and rights limit
themselves to bread and soup in daily life? Or eating the remains of someone
else's leftovers in garbage cans, sharing the meals of cats and dogs or
competing with birds over a piece of bread on the sidewalk around the street
during the night or at early hours to hide one's misery? I think human dignity
and rights are capitalized on but really died with those who invented them.
Through the years, numerous recommendations have been put forth by
representatives of welfare recipients, anti-poverty groups and labor
representatives, all very meaningful, but to this day not much has been done to
change the situation. What does remain? A lot of briefs in files, a lot of
empty words and a mere few sense here and there to be recuperated along the way
which make a few feel good temporarily for their efforts towards equity.
M. Richard (Maurice): Poverty is as widespread today as it was
centuries ago. Increased crime rates, overcrowded prisons, higher rates of
suicide among the young, more complex problems of mental health, the poor
quality of nourishment, these are about a few of the costs of poverty in Canada
in 1988, and more specifically in our own "belle province de
Québec".
In Verdun, where I have resided for one year, generally around the 15th
of every month, the soup kitchens start filling up, culminating in capacity
crowds by the 30th or 31st, just before the next welfare cheque arrives. I have
been on welfare for two years and I know all about it. I eat regularly at St.
Wilbrod's church due to my lack of funds for a proper food budget. And then, to
top it all of, the Verdun office introduces the unbelievably drastic measures
of delaying payment to the welfare recipients up to five days past to due
date.
Mr. Paradis' office has repeatedly denied any responsability for the
problem of poverty by maintaining the very deaceitful attitude that it is the
poor themselves who are responsible for their plight. Nowhere in the reform
paper is there any notion of the government's own
accountability to the welfare recipients. The opposite is rather the
case where the welfare recipient is all accountable to the government. This
brings to mind the biblical account of David fighting Goliath with a slingshot.
The two sides are unequal. The same is true of the welfare recipient versus the
Government machine However, the inherent injustices in the system of social
welfare can and must be redressed. I challenge those members of the Government
present here tonight to look more closely at the inequities of the welfare
sytem and I urge them to reexamine, modify, change, indeed cancel, if need be,
this proposal.
In Verdun, where the Douglas psychiatric hospital is the main industry,
I would like to focus more closely on the problem of the psychiatrized and the
ex-psychiatric patients. Having had personal experience myself with problems of
depression and poor mental health, I am very sensitive to the needs of the
welfare recipients with a history of mental health problems. With the move
towards desinstitutiona-lization on the part of psychiatric institutions, I am
in a position to see how improperly and unadequately such a policy has been
implemented over the last decade or so. People are put on the street with
little or no support services from the Government's out care system.
Furthermore, I maintain that the creation of categories of "apte" and "inapte"
in the welfare system is a discriminatory act which violates the Canadian chart
of human rights. What would be the criteria to determine who is "apte" and
"inapte"? Nowhere in the proposed reform is this information ever spelled out.
Which Government sociologist has come up with the idea of further
stratification within the lower class into those capable and those incapable of
working? Once again, we see poor little David pitted again Giant Goliath in his
struggle for survival. Poverty is a vicious circle and the poor, because of
fear and ignorance, have great difficulty escaping from their poverty. Does
this Government really wish to improve their lot? Is the Government planning to
set up a kind of paramilitary Government appointing a Government selected body
of doctors who will act as judges in the macabre scenario which has recently
emerged in the médias with the need of medical certificates by the
"inaptes"?
The Government is very clever when it comes to using the médias
for political ends. This whole program of "aptes" and "inaptes" seems ludicrous
to me and the Government's strategy doomed to failure. Has the governmental
bureaucratic machine become so unmanageable, so intricate and so cumbersome
that it must now perpetuate the myth of efficiency through the proliferation of
new categories of social classes?
All of this has the frightening overtones of the class-struggle dialetic
of marxist-leninist philosophy. The Government is playing the callous game
which ultimately leads to further complications rather than simplifying the
whole welfare structure. As it now stands, Government policies are formulated
at the top of Government bureaucracy with little or no respect for any kind of
a consultative process nor for truly democratic structure of social welfare.
Does this kind of unbalanced and monolithic power structure not put into
question the motives of our elect representatives of Government? Whose
interests come first? The interest of maintaining the power structure of the
wealthy and securely employees at all cost or the interest of the poor? I
really believe that the poor are very low on this Government list of
priorities. Whose is really favored to win the fight? Little David or big bad
Goliath? Obviously, as the system now operates, it is Goliath.
M. Earle (Stan): The proposed policy of this Government will
never, never meet very legitimate needs of welfare people nor low income
families. All three programs reduce benefits of every person on welfare
regardless.
Mr Paradis, your bureaucrats, yourself, and the majority of this
commission have the effrontery and the unmitigated gall to tell me and every
other welfare person that we must live in the future with less money than we
receive today. The fact that this situation exists indicates the Government
inability to solve economic and social problems by not consulting with the
people directly affected by the need for any social reform. Your Government has
approved an increase in Hydro rates further burdening the welfare people and
low income families. This Government, along with those past, has without
hesitation advanced millions to various companies, while refusing 500 people in
Verdun their March cheque. This is an example of the hypocrisy and politicians'
lack of responsibility and insensitivity to the real needs of people, the real
world occupied with poor people who need jobs.
What training does this Government proposes for us over 55? There is
little opportunity of being hired, due to age, along with pension limitations
and many other discriminitory factors. I would work for 40 hours a week with
stabilised work and adequate wages, providing my rent is stabilised at 100 $
per month, including heat with taxes paid, in order that there would be money
left for normal living needs, including shoe repairs, clothing, food, utensil
replacement, and other basic needs, plus medication, hair cuts, dental work,
etc. Welfare people have not chosen to be poor. The Government have forced
thousands into poverty by the punitive unrealistic benefits which locked them
into Government control systems presently in force.
Welfare people are victims of sad social aid disaster. This Government
has damaged the well-being of people who cannot live with impossible starvation
creating measures of welfare. We demand this Government acknowledge that
welfare people are continually held in hostage
by all banks, business, Bell, Gas Métropolitain,
Hydro-Québec, etc., along with society in general who believes the
propaganda issued by this and past Governments that all welfare people are beer
drinking, TV watching bums, who refuse to contribute to society or pay taxes.
Also be assured that two welfare people living together do not have any money
deposited in a Swiss Bank.
The fact that we have few solutions glaring by points out the need for
honest, willing and meaningful dialogue with this and past Governments to
recognize the basic needs of Quebec-kers. Let alone those on welfare. You
question our questions and ignore a request to be heard prior to implementing
reforms wich will further devastate all those who are already devastated by
Government indifference and insensitivity to human rights. Past and present
Governments purposely perpetuate poverty, providing permanent positions to
public and parapublic personnel who should be painstakingly pondering the plate
of the poor rather than penalize us permanently with the Paradis program
presented to the public this past legislative period, prompting and promoting
protest throughout this Province particularly from the poor.
Is the mythical democratic process so fragile it feels threatened with
the need to allow petitioners only one third of an hour, while Government
requires two thirds of an hour to think out its responses to questions posed,
further placing those into a position unequal to comprehend? Why are there no
poor people on this Commission? Since certain politicians have cheated and been
caught, are all politicians labelled cheats and bums as are those on
welfare?
Mme Capponi: Rather than enter into further discussion, and
rather than voice recommendations that have already been heard, and which seem
to fall upon deaf ears, we have decided to use this last 5 minutes of our
20-minute presentation for much needed silent reflexion followed by a brief
prayer. We invite the members of this Commission to join us.
Le Président (M. Thuringer): In consultation, what we are
saying actually, if you have any other comments to make, fine, because you have
six more minutes to exchange.
Mme Capponi: God, we pray for ourselves, the poor and oppressed,
that we have the wisdom to show compassion for the members of this Commission
who, caught are merely carrying out the much broader agenda of this province's
Government, an agenda that gives the wants of the rich priority over the needs
of the poor. We ask that their minds and hearts be opened so that they begin to
know the terrible injustices that they are complicité in. Help them to
know that what they do to us through such deshuma- nization, they are indeed
ultimately doing it to their own selves.
We pray that their eyes be opened so that they might see the homeless
ones who huddle with newspapers in doorways or over hot airvents in a desperate
attempt to fight off the bitter cold, the broken ones who fill our psychiatric
wards or die from want in our streets, the bitter ones who stole to eat and are
now filling our prisons. We ask that their ears be opened so that they hear the
anguish of mothers not able to feed their children and who then must suffer the
indignity of begging for food at soup kitchens and food banks. We pray for
those who, because of no ressources, have no voice here at these hearings.
Please God be with us as we attempt to speak for them too.
We pray that the members of this Commission have the courage to give
this policy its due with all its frightening and tragic ramifications and that
they will speak honestly and openly to it in their recommendations. We pray for
hope and justice in this time of despair. We pray for those who govern this
province that they have the wisdom, intelligence, courage and compassion to use
this time to begin to set an example to the rest of this country and, perhaps,
the rest of the world having more just responsible and sane economic order.
Amen!
Le Président (M. Thuringer): Thank you. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): I would like to thank the
Anti-Poverty Group of Verdun and their speak people, to welcome back Miss
Capponi - you were here with another group before, I do not recall which one
but from the same area - Mr. Earle, Mr. Richard and Mr. Côté.
Une voix: Madame.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): The Government has a choice. I
think I have made that choice public before. The choice is to mail each month a
certain amount of money that we can discuss to people who are in needs to make
sure that their basic needs are supplemented and to forget about those people,
to park them aside from the rest of the society.
In March 1987, we had in the Province of Québec 400 000 people
who were in charge of a household and who had as their only source of income
the monthly welfare cheque. Among those people, approximately one quarter of
them, 100 000, would be eligible for Income Support Program. The other 300 000,
we say in the French vocabulary - it does not translate as well in
English - that they are able to work, "aptes au travail". We know for a fact
that it is not so true that even if they want to work there are a lot of
barriers between themselves as individuals and the market place. We know
that
36 % of those people responsible for one household, 36 % of those 300
000 people are functionnally illiterate. That is not so easy to find a job when
you have such a barrier to go over. (18 h 45)
We know that 60 % of them have not finished their secondary school. We
know that when you do not have that as a prerequisite you are often even
forbidden to apply on a regular job and we also know that 40 % of the people
who are on welfare and considered able to work never had any recognized work
experience and most employers ask for previous work experience.
So we have quite a challenge in front of us and to tackle it we need the
cooperation and collaboration of the employers' representatives, of the union's
representatives and of the social groups within the community, which brings me
to a question that I address to most organizations that come in front of us:
Your organization operates in the Verdun territory. The president told me it
was even reaching his own riding. Who is your clientele? Are they mainly
welfare beneficiaries or unemployment insurance beneficiaries or low income
earners?
Mme Capponi: From all those categories.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): And how many do you reach in a
year or in a month, whatever figures you have available?
Mme Capponi: This is a fairly newly formed group. Poor people,
particularly in the anglophone sector, have not had the opportunity to organize
themselves in the past decade, primarely because of a serious lack of
resources. I just learned today that ADDS was not able to present here at the
hearings for lack of money to travel here to Quebec City. It has cost these two
organizations from NDG and Verdun almost 1000 $ to prepare, just in terms of
transportation, photocopies and documentation. There have been no resources
available to these organizations outside of church funding.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): When you say relatively new, does
it mean that you started to operate as an organization last year?
Mme Capponi: We formed as a group in the middle of January of
this year and have strong support throughout the community of Verdun. I believe
you have in front of you letters of endorsement from all the churches in the
Verdun area as well as from Ville-Marie social services.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Yes, I do. They were distributed
around the table. Which brings me to the three programs in front of us under
the new policy that is proposed. I would start, if you allow me, with the
financial support program which is aimed at approximately 100 000 people who
are considered to be on welfare for a very long time.
We have had from various organizations mainly two reserves about the
program and the two reserves were the following: Do not "étiquetez" or
brand unemployable people for life and park them aside the system and offer
them adapted training program which takes into consideration their productivity
but their lack of competitiveness on the market.
I see that you have many other objections, but just for a matter of
setting the record straight, "contribution alimentaire parentale"...
Mme Capponi: I understand.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ... does not apply to that program
neither does the sharing of rent. So, those elements, to set the record
straight...
Mme Capponi: You say that the sharing of accommodations is not
penalized for those individuals. At the moment, if those individuals are
considered a couple, it represents a 325 $ a month loss.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): At this moment, it does apply
under the present system. What I am saying is that, under the system that we
are proposing for the financial support program, it does not apply, because we
do not want to go against the desinstitutionalization policy of the Government
right now.
Mme Capponi: After a twelve month period, a couple is considered
as such, and if you look at your benefit levels in your own policy paper, it
represents a 325 $ a month loss.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): We do not talk about the same
program. You are talking about the El program...
Mme Capponi: No, I am talking about the Financial Support
program. When two individuals are considered a couple, it means a draw of
benefits totalling 325 $ after their first year of sharing accommodations.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sharing of accommodations does not
apply to the Financial Support program. I think we have to get the...
Mme Capponi: No, it is in the determining of those two
individuals as being a couple as experienced.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): O. K. When you are determining if
people are a couple, you have a choice to make when you are building up a
policy. You can choose to tackle it as individuals, if you allow me, or as a
family unit. And the choice that the Government has made in presenting this
document is to choose the family
unit proposal, which has some disadvantages but which also has some
advantages. The balance when we tip both in our head tips in front of
family.
From the support letters that you have got, I was interested by the one
of the Centre des services sociaux Ville-Marie which is signed by Jacqueline
Redmond. She insists, in the second paragraph of that letter, on the importance
of the family unit, which must be carefully considered. Our prétentions
is that, if we do not have that family aspect into it, nobody is going to be a
family on welfare. Everybody is going to say "I am an individual living with
another individual. There is no family unit over here". We do not, for the
moment, share that idea unless you can convince us of the contrary. Should we
completely forget about the family unit?
Mme Capponi: I do not think that the consideration of the family
should be at the expenses of those who are individuals. Your document
constantly refers to the need for autonomy. One can hardly be autonomist when
enforced dependency is highly dangerous. Presently, when one considers the
amount of violence in their home, the numbers of children and young adults who
were being abused in their home, spouses, it just becomes a rather dangerous
element of your policy of enforced dependency again.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): So you have more, how would I say,
more reserve about our Financial Support program even ff it adds about 1000
$...
Mme Capponi: You pride yourself on the generosity of this
program, Mr Paradis, but the reality is that if we had not lost the indexation
of welfare payments we would have been receiving in 1990 more money that you
are proposing under this program. And how you have determined these levels of
benefits is beyond me. It has no relationship to what our needs are, none
whatsoever.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): To my knowledge, as far as I know,
unless you can indicate me the contrary, welfare cheques are indexed annually.
They were...
Mme Capponi: They used to be indexed trimestrially but because of
their loss.... If we look at the loss of indexation, over this couple of years,
what you are proposing for your Financial Support program in fact represents a
13 $ a month loss for an individual, not increased benefits, as well there has
been a loss to the indexation of family allowances. Those monies are also taken
into account in this province in calculating social aid benefits.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excuse me, the loss of
desindexation of family allowances?
Mme Capponi: That is right. Almost two years ago. It was also a
loss.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Did you hear that?
Mme Capponi: You speak of education or training program. You
speak of illiteracy rates. I mean educational programs like you were proposing
are a wonderful idea. Certainly any individual who would wish to educate
further themselves should never be prevented from doing so. But let us not
confuse the needs for that kind of education or training and the absence of
available real jobs.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Yes, but see. We have a dilemma
there. Your proposition seems to be: Until the jobs are there, forget about the
people. The way the Government has decided to tackle the dilemma is going both
ways at it. Create full permanent jobs at the rythm for the last two years and
create full employment and at the same time do not park aside from the society
an important percentage of the population that will never benefit from any
growth because they cannot fit the market force.
So what we are trying to do is to go at full employment and, at the same
time, not forget behind the train, if I can use the expression, an important
part of the population which, when it is left outside, is parked for the rest
of their life outside the system. Do you agree with that approach?
Mme Capponi: I would like to see proof of this full employment
policy that you claim. It is certainly not addressed within your document. In
fact, your document seems to rely heavily upon the benevolence of the industry
to provide jobs, and very likely at starvation wages.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Full employment can happen over a
change of minutes in vocabulary, but, in society, it happens when a Government
can put together the political stability, the fiscal incentives, the job
training programs, the concertation between the unions and managements and all
those elements which work towards full employment. Unless you have another
definition of full employment, it is through a series of measures. Every
decision taken at every level of the Government has to be aimed at creating
more employment, and this is what we are pretending that we have been doing for
two years, with relative success, and which we would like to keep on doing.
But, at the same time, even if we do that, if we do not tackle the
deficiencies and characteristics of people who are left behind the system, they
will never benefit from that growth.
You do not seem to agree...
Mme Capponi: Again, the programs should be available and open to
individuals who choose to enter into them. Individuals should not be coerced
into them and, again, if we look at the plate of the single parent mother who
is forced to leave her children alone because no provision has been made for
day-care, to pursue such education or workfare programs, as well, your internal
document addresses... I would like to see proof, Mr. Paradis, of the number of
jobs created by this Government.
The number of programs in your internal document, that you are putting
forward and still not yet committing yourself to, it totalizes approximately 63
000 and, yet, there are over 250 000 who are considered able to work. What are
those individuals going to do? There is a ceiling in your internal document of
just over 63 000.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): I am sorry. We have to disagree
with such a proposition. We have not established or put a ceiling. As far as
job creation is considered, I think that you could have an opportunity to
verify if it is working for the population of Quebec on every monthly statement
of Statistic Canada which shows how many people have entered the workforce, how
many people have lost jobs, etc. I think those are very interesting statistics
which shows us that there is a great deal of work left to do, but that some
work has been done and that it is currently going the right way, unless you
have other...
Mme Capponi: I do not think one needs to be an economist to know
how misleading those statistics can be and how many of those positions are
seasonal work, low-paid, dead-end positions that go nowhere.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): So your point of view is that the
jobs which were created last year in Québec are low-paid, low-quality,
part-time and that we are not going, as a society, in the right way,
economically speaking?
Mme Capponi: Yes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Okay. Thank you.
Le Président (M. Thuringer): Mme la députée
de Maisonneuve.
Mme Harel: Thank you. I would like to welcome you. I am very
sorry that I am not able to speak English very well, to converse seriously with
you, Mrs. Capponi. I think that you understand French. Is this true?
Mme Capponi: That is right.
Mme Harel: Perhaps Mrs. Côté can translate for me?
Yes?
Mme Côté: Oui.
Mme Harel: O.K. Je crois qu'il y a deux questions importantes. La
première est sur la famille. Le ministre a parlé de cette lettre
du Centre de services sociaux Ville-Marie dans laquelle on lui recommande...
(19 heures)
Mme Côté: Excusez-moi. Ne parlez pas trop de
façon que je puisse le lui dire en anglais, car je ne veux pas me perdre
dans les dédales de...
Mme Harel: Sur la question...
Mme Côté: Si vous pouviez parier un peu moins vite
que je puisse traduire; ensuite, vous pourrez continuer, si cela vous
convient.
Mme Harel: Très bien. Sur la question de la
définition de la famille, le ministre a reçu une lettre du Centre
de services sociaux Ville-Marie...
Une voix:...
Mme Harel: C'est la lettre qui a été
distribuée?
Une voix: Oui.
Mme Harel: Je ne l'ai peut-être pas eue. Je ne le sais
plus. Ah, ce sont les appuis, les lettres d'appui. Dans cette lettre que j'ai,
il semble qu'on suggère, on recommande que "the importance of the family
as a unit must be carefully considered". Et le ministre dit être
favorable à cette recommandation. La question, c'est de savoir ce qu'est
l'assistance de l'Etat. Je crois que sa proposition, c'est une assistance quand
il y a échec. Quand il y a échec pour que l'État mette les
enfants en foyer d'accueil ou quand il y a échec, parce que la
contribution parentale n'est pas versée et qu'il y aura une clause de
dénuement total. Dans la proposition du ministre, pour un jeune de 18
ans et plus, il pourra invoquer le dénuement total...
Une voix:...
Mme Harel: La clause de dénuement total.
M. Boulerice: I guess that what my colleague wants to say is that
the minister point of view is: Collapse. Then we will help you.
Mme Harel: Yes. En fait, d'une certaine façon, la famille
n'est pas soutenue quand elle réussit, mais seulement quand elle
échoue. Vous avez eu cet appui du Centre de services sociaux
Ville-Marie. Est-ce que vous avez une idée de la
politique familiale? Est-ce que vous avez à lui recommander une
autre conception de la politique familiale? J'aimerais beaucoup que vous nous
parliez de la situation à Verdun. Durant le mois de mars, vous avez
distribué des formulaires. Je ne les comprends pas. C'est
indiqué: Manna Verdun. Qu'est-ce que c'est? J'aimerais que vous nous
expliquiez pourquoi vous avez distribué ces formulaires.
Mme Capponi: If I might address the idea of family and I do
realize I am aware of a family policy which is up for discussion, after looking
at this policy paper from this ministry, it strikes me that the family is a
wonderful idea if you can afford it. As a single parent mother who has brought
up two children on social welfare, with social welfare being my only income, I
am well aware of how the welfare system has failed the family to date and
certainly the regressive measures within this policy are going to just be
disastrous particularly for single parent families. I mentioned child abuse.
The head of Youth Protection made public statements, I think just six months
ago, concerning the backlog of cases of seriously abused children and then not
having the means to provide the necessary support or alternatives to the
situation and one asked: Who are the people most at risk? Who is this target?
Which is the population that ought to be targetted? It was the single parent
mother, the young single parent mother with young children living on a limited
income. It is well-known that, when one looks at the Youth Protection Act, any
family who is on welfare as their only source of income, those children are
immediately at risk. In Verdun, quite recently, cheques were not issued. It was
the 1st of March. Women and children were informed that, if they had no food in
the house, they had to go to the local food bank. And that their landlords
could wait for the rent. Landlords, when waiting too frequently for rent
cheques can ask for an eviction.
The food provided for individuals on welfare at the local food bank is
usely enough to carry you through a day, a day and a half at best. The ministry
is shifting responsability over to those organizations and those organizations
cannot begin to meet the need that is out there. Ville-Marie social services
center is overloaded with cases where they have to provide emergency funds for
families, women and young children, so that they cannot survive because their
benefits have been cut off suddenly and because of the length of time involved
in going to review in appeal boards.
We have two cases of pregnant women in Verdun quite recently who both
has not received cheques for a number of months when their cases went to
review. And even though they ultimately had their money reinstated on what did
they live on the interm? Is that how the ministry regards families, children?
Why the rate paid to foster families to provide for children is higher than the
amount to the natural parent? How often do children end up in foster homes
because the natural parents have not had the money to provide adequately for
those children?
Children are going to school every day hungry. It is absolutely
impossible to meet school rents and provide adequately for your children. The
policy addresses parental contribution. Welfare families who have children who
are young adults have not been able to keep them home with them because of the
way welfare rates are structured.
Mr. Paradis, you promise parity for our youth, and what has been put
forward in this document nowhere resembles parity. Once you look at the hidden
losses, the benefits cuts either because of the parental contribution or
because of the sharing of an accommodation, those youth will be receiving
approximately the same that they have been over the past few years. Certainly
this does nothing to uphold family. It is to the detriment of the family and it
has always been. But this is far, far worst.
Mme Harel: Est-ce que vous avez eu l'occasion de discuter de ces
questions avec votre député? Oui, oui, je sais.
Mme Capponi: Yes. Stan is going to talk about Manna. He is also
working at the local food bank.
M. Earle: Excuse me. I do not know who was questioning the reason
for presenting the documentation from Manna ever done. I believe that most of
you have a copy in front of you there. There is one from Denise Roy; in the
bottom left hand corner, it states that she will receive her cheque in two
weeks and the form, the requisition is dated March 7. My question to the
commission is: How was this woman supposed to live without her money? I spoke
of her the week after and she still had not received her welfare cheque. She
came back the following week after the March 7. The other form submitted is to
point up the inconsistency of the system, and Richard Choquette, these names
are confidential, but the form is signed STQ Verdun... No name, no stamp,
nothing. It could have been filled out by anybody. This is an example of the
work that is put out by the welfare office in Verdun. Being on welfare and
being connected with the office of Verdun, the attitude of the personnel is
beyond reason. I do not know what else I can say regarding the Manna of Verdun
outside the fact... We have had an increase in the past three weeks of people
coming for food. On Friday, as a matter of fact, we had 21 visits and, on last
Wednesday, we had 20 odd people coming in, 20 odd people coming in with
requisition. So, I can see at the grass roots level that people need the
support not only of the welfare system, but they are
having to rely on the community. This was pointed out previously that
the government is shifting the responsibility via the Verdun office in
particular, to the community when the cheques are not arrived. I ask the
members of the Commission: How would they feel experiencing what I am
witnessing at the community level?
Mme Harel: Je vous remercie. M. le Président, je vais
passer la parole à mon collègue de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Just one comment and I will go for a question.
First, I am glad you are here. Last August, we had a Parliamentary Commission
on Housing and many groups came from NDG, Westmount, Côte-Saint-Luc, all
those West parts of Montreal, and it was killing that kind of folklore image we
have that, if you are anglophone, you know, you are Upper Grosvenor Road type,
which is not true. I think we all have the same social needs. So, your
participation is important. When you said that you hope that those who are
speakless should have a voice here, I guess that you are kind of depreciating
you own work, that you are really speaking for them and you are doing it
good.
A second comment. The minister keeps on saying that government has to
make choices. When I first seated in this Parliament, in December 1985, the
first law I was asked to vote was a decrease of 2000 $ for those whose income
was more than 80 000 $ and 200 $ for those who were earning 20 000 $ a year, a
quarter a week, as a reduction. He is right, government makes choices. You have
to make the right ones and that is the track they were going in.
My colleague asked you if you met your MNA who is the strongest man in
government after the Prime Minister. It is the President of the Treasury Board.
What was his stand on your position? I am talking about Mr. Gobeil.
M. Earle: Up to day, we have not had an opportunity to contact
Mr. Gobeil, but I propose to do this when I get back to Verdun because I am
aware of the need for him to be aware of what is going on in his community. For
Verdun in particular, there are two MNAs because of the ridings. I have not
untill now been able to procure an electoral map in order to plan communicating
with both, Max Polak and Mr. Gobeil. But I can assure you that that will be
done in the very near future to let them know what the situation is in their
particular ridings.
M. Boulerice: My second question. I was talking to you about the
Housing Parliamentary Commission. I am very preoccupied about housing. I will
ask you, as I did for the group who previously spoke here: Can you, please,
help us explaining the minister that sharing an apartment is the only way to
get a decent apartment in your area?
Mme Capponi: It is the only possibility for survival.
M. Boulerice: The only.. (19 h 15)
Mme Capponi: We have 10 000 homeless in our city. Those numbers
are going to climb drastically once this reform becomes a reality. A CMAC study
this past year shows the average rents for every area of the city and the
majority of our benefits are going towards just maintaining shelter costs.
I have a question too for Mr. Paradis How is it that, prior to the
consultation period, before any training has been done, welfare agents are
presently referring to themselves as socio-economic aid agents? Letters are
being issued from Travail-Québec offices asking welfare recipients to
come in for an interview with a socio-economic aid agent, and these individuals
have not yet received any training. I would also like to know what kind of
training they will receive in order to be able to determine who is able and who
is not able to work. I would like more information on the kind of contractual
agreements that welfare recipients will be coerced into signing and, again, the
various elements of this reform which were put into place prior to this
consultation period, like the budgeting for the PWA program.
Le Président (M. Thuringer): M. le député de
Saint-Jacques, est-ce que...
M. Boulerice: Oh! I am giving my time to the minister because the
question is so important.
Le Président (M. Thuringer): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): What you have talked to me about
is a matter of vocabulary. "Agent d'aide socio-économique" is a
vocabulary which has been used in the department every since I have become
minister. I cannot tell you how long the appellation was used previously.
With respect to your other questions, as far as I know - and I stand to
be corrected, you are in the field, so you might show me some applications of
the reform that you already have in the field - we have not started to apply
the welfare reform and we do not have the legal authority to do so without
presenting a Bill in the House, putting the Bill through the different steps
and finally getting the sanction of the Lieutenant Governor. That is the way we
proceed. I cannot see in the field, and I go to my riding office every
Saturday, what measures have been implemented. If I try to get a program for
someone 30 years old and over, they tell me: Wait until after the reform. If I
ask for someone who lives with an handicaped person and I see their cheques cut
by 85 $ and I stand against
that, they tell be: Wait until after the reform. I get the same
treatment as any other MNA who asks for this information.
So, as far as I know, from treating cases in my riding and from being
the minister responsible for the file, the reform has not been applied. Unless
there is an exception in Verdun.
M. Richard (Maurice): It has been applied in Verdun, because I
have already been classified as "inapte". I was told by my agent that I was
classified as "inapte" and that I needed a medical certificate to prove that I
was "inapte". So it has already been applied.
Mme Capponi: There have been many internal changes. We were
informed, the Coalition for the Rights of Welfare Recipients, with the Verdun
office, as well as Mr. McNichol for the Montreal area, the regional director...
We are aware of the fact that many internal changes have been going on in terms
of staff, which clientele they will deal with, whether those individuals are
"aptes" or "inaptes", in terms of certain directives like the issueing of these
letters requesting welfare recipients to come in for interviews with
socio-economic aid agents. As well, the PWA program, how is it that that
program was implemented prior to this consultation?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): The Parental Wage Assistance
program is a different program in our "jargon", our vocabulary. It is what you
could call a budgetary measure which was announced by the Finance minister in
his Budget speach almost a year ago. What we are receiving in front of this
Commission is not a complaint that it is already in application, but, on the
contrary, why it is not fully in application yet. As all budgetary measures,
they can go into force before being sanctioned by legislative approval, but
that is the only program which was in the budget; the two others are what you
could call regular programs.
Mme Capponi: And this program drags all of the working poor who
wish to apply for such a subsidy into the welfare system, and subject to most
of those oppressive measures your internal document addresses the single parent
particularly who becomes targeted where the parental wage assistance program is
concerned. Also, all they hidden loss through the taxation and what will be
considered income. There are very many elements. Our brief addresses some of
what we are able to determine out of the vague presentation within your
position paper. But certainly we know for a fact that many organizations have
addressed the weak elements of this program, particularly inlight of the
abolishment of SUPRET program.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): I do... Oups!
I am on your time.
M. Boulerice: O. K. I guess that she is up for an answer. We
might have one, one day.
Le Président (M. Thuringer): M. le député de
Saint-Jacques.
M. Boulerice: Mrs. Capponi, during your intervention you
mentioned that being a foster parent makes you really better off than keeping
your own child. Could you...
Mme Capponi: The amounts of money provided for people who foster
children, the calculations that are determined in terms of what that child's
needs are... I know we are near of what the welfare family receives for that
same child. I do not know precisely what the rates are. That is a well known
fact. That is not to say that what the foster parent receives is sufficient
either, because it is usually not. It is well known the welfare rates, as they
exist, are less than 50 %, either 50 % below the poverty line. Many mothers who
are not able to provide adequately for their children have a serious mental
health problem as a result. I mean the fact that people cannot survive on that
income level leads to all sorts of other social problems that are even more of
a financial burden on this province, in terms of health care, etc.
Le Président (M. Thuringer): Terminé? Tout le temps
est écoulé.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Just a complement of answer. I
have only a French version here but it will also be available or it is
available in English. The program with the details came out, we are spending a
lot of energy to make it - the Parental Wage Assistance program - known to the
clientele.
Up to now, we have received only a few negative comments about it. One
of them is that it only applies where children are present. It does not apply
to all individuals. We have also had complaints that the "arrimage" or the
joint with the fiscaiity was not thoroughly done. As far as the second
complaint we had, we have been working on it and we believe that we can make it
completely "harmonisé" with the fiscaiity. As far as the first complaint
is concerned, we still are aiming, at households were child or children are
present, to give them an incitation to go back on the work force by
supplementing their income and by paying part of the kindergarten or day-care
fee.
Mme Capponi:... approximately half the cost of the day-care,
which is totally insufficient.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Exactly. A hundred percent is
always better but when you
start... Right now, it is zero. So, it goes from zero to 50 %. What you
are suggesting is that it should goto 100 %.
Le Président (M. Thuringer): Mme la députée
de Maisonneuve, en conclusion.
Mme Harel: Oui. I would like to thank you for your brief. Je
crois que vous avez une expérience très importante à
Montréal dans la défense des personnes pauvres. Je crois que
votre contribution ici ce soir était très importante. Je vous
remercie.
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... Anti-Poverty Group of Verdun,
to their speak people, Mrs. Capponi, Mr. Earle, Mr. Richard and Mrs.
Côté. Thank you very much for your presentation.
Le Président (M. Thuringer): On behalf of the commission,
I would like to also thank you for coming here making your presentation.
J'aimerais aussi signaler maintenant que la commission ajourne ses
travaux au mardi 29 mars à 10 heures à la salle du Conseil
législatif. Merci.
(Fin de la séance à 19 h 25)