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Version finale

33rd Legislature, 2nd Session
(March 8, 1988 au August 9, 1989)

Monday, March 28, 1988 - Vol. 30 N° 11

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le document intitulé 'Pour une politique de sécurité du revenu'


Journal des débats

 

(Quinze heures dix minutes)

Le Président (M. Bélanger): La commission des affaires sociales se réunit aux fins de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques afin d'étudier le document intitulé "Pour une politique de sécurité du revenu". Nous avons quorum; il n'y a pas de problème. Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve, il n'y a pas de remplacement? Bien. Pas de déclarations préliminaires? Rien?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, je vous en prie.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Strictement sur le plan des échanges d'information avec Mme la députée de Maisonneuve. Concernant la proportion des ménages qui partagent un logement - peut-être que cela ne répond pas complètement à la question de Mme la députée -nous sommes à faire des projections sur le nombre d'individus à cause de la non-application du critère aux gens qui seraient admissibles au soutien financier, qui verraient cette mesure qui ne serait plus applicable et combien la verraient en ajout. Mais, maintenant, en fonction de la clientèle pour mars 1987, 78 439 chefs de famille se voyaient, au moment où on se parlait en mars 1987, appliquer le partage du logement. J'ai le tableau; il est subdivisé selon le type de ménage.

Mme Harel: M. le Président, avant qu'on entreprenne nos travaux pour cette dernière semaine, j'aimerais vérifier auprès du ministre si c'est bien cette semaine que nous allons obtenir les statistiques de participation aux mesures, d'employabilité pour les moins de 30 ans.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai vérifié ce matin au ministère. Peut-être demain ou, au plus tard, mercredi.

Mme Harel: II s'agira non seulement des statistiques de participation aux mesures, mais, dans le cas du rattrapage scolaire, de leur terminaison, parce qu'on peut regarder les statistiques de participation aux mesures en termes quantitatifs seulement, du nombre de personnes inscrites, mais aussi en termes de celles qui ont terminé, celles qui sont retournées sur le marché du travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Exactement. Cela ne concerne pas strictement le nombre de participants. Il y a une évaluation du taux de succès, etc., combien ont complété - parce que, dans quelques cas, sur le plan rattrapage scolaire, il y a plus d'une année à compléter -combien ont obtenu le diplôme et combien, après l'obtention du diplôme, ont pu obtenir un emploi sur le marché du travail. Et pas simplement dans le cas de rattrapage scolaire, cela s'applique également dans les autres mesures.

Mme Harel: Nous les aurons à quel moment cette semaine?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Peut-être demain si j'ai la version finale sur mon bureau ce soir ou, au plus tard, mercredi. C'est ce qu'on m'a dit ce matin, parce que c'est la première question que j'ai posée sachant qu'elle vous tenait tellement à coeur.

Mme Harel: Mais je pense qu'elle tient à coeur de bien du monde, puisque l'ensemble de la réforme repose sur des données qu'on n'a pas encore.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela ne vous a pas empêchée de la critiquer jusqu'ici.

Le Président (M. Bélanger): Si vous permettez...

Mme Harel: Cela ne vous a pas empêché de la proposer.

Le Président (M. Bélanger): Si vous permettez, nous allons inviter à la table des témoins le premier groupe, soit l'Association des manufacturiers canadiens - division du Québec, qui sera représentée par Me Louise Fecteau, M. Jean Burton, M. Jacques Beauchamp et Mme Lucie Dumas.

Alors, bonjour. Je vous explique un peu nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes fermes pour présenter votre mémoire. Par la suite, il y aura une période d'échanges avec les parlementaires, sur votre mémoire. Je vous prierais, à chaque fois que vous devez prendre la parole soit pour répondre aux questions ou pour interroger M. le ministre ou Mme la députée de Maisonneuve ou tout autre député de la commission, de bien vouloir donner vos noms auparavant. C'est pour les fins de la transcription au Journal des débats.

Je prierais le porte-parole de s'identifier, de présenter les membres qui l'accompagnent et de bien vouloir procéder à la lecture du mémoire. Merci.

Association des manufacturiers canadiens - division du Québec

Mme Fecteau (Louise): Je vous remercie, M. le Président. Je me nomme Louise Fecteau. Je suis la responsable de l'Association des manufacturiers canadiens - division du Québec. À ma droite, mon collègue de travail, M. Jean Burton, qui est le directeur des ressources humaines; à ma gauche, M. Jacques Beauchamp, qui est le secrétaire corporatif de CIP - CI.P. - pour les fins de l'enregistrement parce qu'on m'a déjà téléphoné parce qu'on ne comprenait pas ce que c'était.

Ceci dit, la division québécoise de l'association se réjouit de la démarche dans laquelle le gouvernement s'est engagé en vue de réviser le régime de sécurité du revenu et entend s'y associer de près. Parce que cette démarche établit une interaction entre le système d'assistance sociale et le marché du travail et qu'elle influence des coûts qui grèvent déjà notre économie, l'orientation proposée touche, croyons-nous, également les entreprises.

Dans le cadre de ses mandats, l'association s'intéresse de près à l'élaboration ou à la révision des politiques gouvernementales qui sont susceptibles d'affecter le caractère concurrentiel des manufacturiers et, de façon générale, leur réussite. C'est pourquoi nous avons cru bon de vous présenter un mémoire.

Au cours des dernières années, nous avons participé à des débats publics majeurs pour y faire valoir le point de vue des manufacturiers. Qu'il s'agisse alors de libre-échange, d'assurance-chômage, de fiscalité ou de santé et de sécurité du travail, nous avons mis de l'avant des principes qui tiennent compte des conditions essentielles au développement d'un secteur manufacturier fort, tout en respectant les intérêts des divers groupes en présence.

Dans ses différentes représentations concernant les programmes sociaux, notre association a dans le passé insisté, entre autres, sur le lien étroit entre le niveau de l'emploi et celui de la productivité des entreprises et la nécessité d'en tenir compte dans toute stratégie de développement de main-d'oeuvre ou de soutien à l'emploi.

Également, l'équilibre à établir ou à maintenir entre la justice sociale et le rendement économique. La nécessité aussi d'une plus grande sélectivité des programmes de sécurité du revenu et d'une redistribution des fonds publics qui leur sont consacrés en vue d'une efficacité accrue. Et enfin, la rationalisation et l'harmonisation des programmes de main-d'œuvre administrés par des organismes ou des paliers gouvernementaux différents.

Notre intervention dans le présent débat sur le système de sécurité sociale à mettre en place au Québec reflète ces préoccupations et s'appuie sur la communication régulière que nous entretenons avec nos membres et sur les travaux de nos spécialistes des questions socio-économi- ques. Nous souhaitons donc que ce mémoire contribuera à enrichir les discussions et à favoriser la formation d'une opinion éclairée qui prenne en considération l'ensemble des facteurs touchés.

Notre approche dans ce dossier a été de considérer cette réforme comme devant s'insérer dans les efforts auxquels font face actuellement les manufacturiers. Les changements importants du marché, du commerce, de la technologie et des ressources imposent à notre industrie des changements majeurs dont dépendent d'ailleurs leurs niveaux de productivité, de compétitivité et d'emploi.

En ce sens, la réforme, selon nous, doit être active et innovatrice. Plutôt que de prendre en charge le bénéficiaire, le système doit avoir pour objectif de faciliter le retour à l'autonomie de ceux qui sont capables de travailler et faire preuve de souplesse et d'audace dans les moyens mis de l'avant, les méthodes traditionnelles s'étant révélées jusqu'ici insuffisantes.

C'est donc sous cet angle que notre association aborde le présent projet de politique. Nous n'entendons pas, à cette étape, nous arrêter aux modalités techniques ni aux coûts des programmes proposés. Nous laissons aux spécialistes et aux groupes concernés le soin d'analyser les barèmes des prestations, les exemptions, les allocations et les mesures fiscales proposées. De même, nous n'avons pas l'intention de nous attarder à des spéculations sur les coûts de la réforme ou du nouveau régime.

Il serait en effet tout à fait irréaliste, selon nous, de vouloir apporter une solution à la crise vers laquelle nous nous dirigeons sans y consentir un investissement à moyen terme. Sur ce plan, nous tenons d'ailleurs à écarter le préjugé selon lequel des changements sont nécessaires parce que les Québécois paient plus cher que les autres pour la sécurité sociale et que la réforme doit d'abord viser à réduire les coûts. À nos yeux, le véritable problème se situe plutôt au niveau des besoins plus élevés en tant que sécurité du revenu de la population québécoise. C'est là qu'il faut intervenir.

Les stratégies retenues dans le document touchent directement les manufacturiers. Elles doivent être orientées en fonction des priorités du marché et leurs répercussions prévisibles sur les entreprises devront être soigneusement analysées. Ce n'est qu'à cette condition que le nouveau système de la sécurité sociale pourra atteindre ses objectifs. C'est en ce sens que l'association a analysé l'orientation proposée pour la politique de sécurité du revenu et qu'elle a préparé le présent mémoire.

Lorsqu'on examine maintenant le document d'orientation et les programmes proposés, soit le programme de soutien financier, c'est-à-dire pour la clientèle non employable, le programme APTE pour les personnes dites employables et le programme APPORT pour les travailleurs à faible revenu, nous croyons que ces programmes sont

eux-mêmes bien structurés, soit en fonction de ' clientèles et de besoins distincts et ceci constitue un début de solution aux difficultés du régime actuel.

Nous aurions cependant souhaité une analyse plus complète de la situation actuelle et de ses causes et ainsi une meilleure compilation du nombre total de bénéficiaires de l'aide sociale en parallèle avec celui des chômeurs et de la population active. Ces données nous permettraient de mieux mesurer l'objectif global d'intégration ou de réinsertion sur le marché du travail des participants à tous les programmes dont c'est l'objet. De même, elles nous permettraient de mesurer la stabilité ou la précarité des emplois et de vérifier la mobilité à l'intérieur des groupes considérés. Cependant, nous ne croyons pas que ces données ou l'absence de ces données mettent en cause la qualité des politiques proposées. Elles en limitent tout de même la portée. Dans cette optique nous ne saurions trop insister pour que des analyses socio-économiques poussées viennent compléter le présent projet de politique.

Mis à part maintenant les programmes proposés, différents éléments ont retenu notre attention. L'un d'eux concerne l'universalité du régime et la sélectivité des programmes. La proposition de distinguer les clientèles et de leur offrir des solutions adaptées à leur situation particulière nous apparaît justifiée, tout en nous réjouissant de voir la discrimination fondée sur l'âge des bénéficiaires corrigée. Nous appuyons donc la création de catégories distinctes auxquelles s'appliquent des programmes différents. Nous appuyons de même l'élargissement du régime aux travailleurs à faible revenu grâce à un programme distinct qui apporte aux personnes ayant un ou des enfants à charge un supplément à leur revenu de travail.

Un autre élément est celui du soutien aux bénéficiaires incapables de travailler. La plus grande générosité du régime envers les personnes incapables de travailler s'inscrit directement dans notre préoccupation d'une meilleure allocation des ressources. Elle permettra de répondre de façon plus adéquate aux besoins de base de personnes démunies qui n'ont d'autre recours que l'aide sociale pour y subvenir. Nous souhaitons cependant voir mieux préciser la définition relativement large des situations qui établissent l'incapacité totale de travailler d'un bénéficiaire. De même, il nous apparaît essentiel qu'elle soit distinguée clairement de la non-disponibilité et surtout de l'absence de qualifications.

Par ailleurs, nous croyons que la responsabilité des médecins traitants des bénéficiaires de l'aide sociale ne devrait pas dépasser le domaine médical et que l'administration au programme de soutien financier doit rester une décision à caractère administratif, même si elle s'appuie sur le dossier médical.

Un autre élément est celui du lien avec le marché de l'emploi. Le succès des programmes de développement de l'employabilité et d'intégration au marché du travail exige une collaboration étroite avec les dirigeants d'entreprises. Les compétences acquises doivent correspondre à celles qui sont en demande dans l'industrie et c'est elle qui est la mieux placée pour identifier les priorités du marché. La formation la plus efficace se fait actuellement en milieu de travail et les employeurs en assument plus de 80 % des coûts, qu'il s'agisse de programmes d'apprentissage ou de formation sur le tas. Dans ce contexte, il ne faut pas voir des solutions comme le bon d'emploi ou des subventions comme la panacée aux problèmes de placement de personnel peu ou pas qualifié.

Il ne faudrait pas non plus limiter à sa seule dimension sociale le problème d'employa-bilité des bénéficiaires des programmes. Sa solution passe, en effet, par une reconnaissance de l'environnement socio-économique dans lequel oeuvrent les entreprises et dont il faut tenir compte.

Dans la même optique, notre association exprime sa réticence à toute règle qui viendrait établir une relation directe entre l'évolution du montant des prestations d'aide sociale et celle du salaire minimum. Tout en adhérant au principe selon lequel le salaire minimum doit être supérieur aux prestations d'aide sociale, afin de favoriser une incitation additionnelle au travail, nous rejetons le principe d'un écart fixe préétabli entre les deux. Il est clair pour nous que le premier doit continuer à évoluer en fonction des lois du marché et de la concurrence, alors que les autres sont liées à l'évolution du coût des besoins de base.

Un autre élément est celui de la recherche de solutions innovatrices. Nous aurions aimé que le document d'orientation soit davantage innovateur en termes de programmes ou de moyens de soutien à l'emploi. De nombreuses solutions d'aménagement différent du temps du travail pourraient ainsi être explorées systématiquement, entre autres, les congés-éducation pour les travailleurs, les années sabbatiques avec traitement différé, la refonte des congés parentaux, la retraite hâtive, le travail à temps partagé, celui à temps partiel et les emplois en surnuméraire.

De même, on pourrait envisager de reconnaître une fois pour toutes comme travail la production de certaines personnes qui ne font pas partie de la population active, par exemple diverses activités à caractère communautaire.

Le renouvellement de la main-d'oeuvre. Parmi les solutions innovatrices à mettre en place, nous aimerions souligner particulièrement ici l'intérêt de la création de programmes en vue de rationaliser le renouvellement de la main-d'oeuvre. Dans le cadre des programmes de maintien et de développement de l'employabilité proposés dans le nouveau régime, le gouvernement pourrait explorer la possibilité de soutenir la rationalisation du renouvellement de main-

d'oeuvre grâce, par exemple, à des programmes combinant le travail à temps partagé et la retraite progressive.

Comme autre élément, il s'agit de la rationalisation des programmes de soutien à l'emploi. En tant que partenaire de ces organismes et payeurs également, les employeurs encouragent le décloisonnement de l'administration des programmes de soutien de l'emploi confiés à divers organismes publics. Ceci faciliterait une plus grande efficacité, une allocation plus rationnelle des ressources et une élimination du gaspillage. Je tiens à souligner plus particulièrement sur ce plan l'intérêt du programme de planification de l'emploi mis en place depuis 1986 par Emploi Canada et offert également déjà aux assistés sociaux. Les mesures qu'il met de l'avant comprennent: le développement de l'emploi, le développement des collectivités, l'intégration professionnelle, le programme relatif aux pénuries de main-d'oeuvre, le programme d'acquisition de compétences et le programme d'aide à l'innovation. Près de 400 000 000 $ ont été consacrés à la planification de l'emploi au Québec en 1987 et 1988. Plus de la moitié de ce montant s'est appliquée au programme de développement de l'emploi. Nous ne saurions trop insister sur la nécessité de concertation et de rationalisation des programmes proposés dans le cadre de la réforme avec de tels programmes.

Enfin, comme autre élément et presque le dernier, c'est l'harmonisation avec la fiscalité. Notre association souscrit par ailleurs à l'har-monisatioh de la fiscalité avec les programmes de transfert et à l'élimination de l'impôt pour les travailleurs à faible revenu qui toucheront un supplément de revenu dans le cadre du nouveau programme APPORT. En augmentant le revenu disponible, cette mesure constitue pour eux un incitatif significatif, qui contribuera à améliorer les relations du travail et à augmenter la stabilité de la main-d'oeuvre.

Enfin, un élément qui touche la souplesse de l'administration, le document d'orientation proposé par le ministre insiste sur la régionalisation des services et sur la volonté du gouvernement de miser sur la créativité et le dynamisme des milieux. Nous nous rallions pleinement à cette approche qui ne peut que favoriser tant l'innovation que le réalisme des solutions qui seront mises de l'avant. En contrepartie, cependant, des moyens judicieux d'évaluation devront être mis en place pour mesurer les résultats et reconnaître les solutions les plus efficaces. C'est là une condition essentielle à la réorientation des politiques et des programmes pour qu'ils correspondent toujours davantage à la réalité de l'industrie.

En conclusion, le dossier de la sécurité du revenu est important. Par ses répercussions tant sociales qu'économiques, il constitue pour le Québec un des défis les plus déterminants des prochaines années. Notre capacité de subvenir équitablement aux besoins des plus démunis et de permettre à ceux qui en sont capables d'acquérir ou de retrouver leur autonomie et leur indépendance financière conditionnera en effet, en grande partie, notre développement socio-économique. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Merci, madame. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aimerais remercier l'Association des manufacturiers canadiens autant pour le mémoire écrit que pour la présentation verbale qui en a été faite. Dans un premier temps, vous me permettrez de résumer encore une fois l'ampleur du défi qui se pose à la société québécoise dans cet important dossier. À partir des statistiques du mois de mars 1987, nous avions à l'aide sociale quelque 400 000 ménages qui ne devaient compter comme seule source de revenu que sur le chèque mensuel de l'aide sociale.

Parmi cette clientèle, quelque 25 % ou 100 000 ménages seraient admissibles au programme Soutien financier. Il s'agit de personnes incapables de travailler ou, en tout cas, lorsqu'elles sont productives elles sont non compétitives sur le marché à cause d'un handicap physique ou mental important.

Quant aux 300 000 autres chefs de ménage qu'on dit aptes au travail, ils ou elles ont à surmonter des barrières importantes avant de pouvoir accéder à un emploi. Il y a 36 % de ces quelque 300 000 chefs de ménage qui sont composés d'analphabètes fonctionnels. Pratiquement parlant, cela veut dire que ces personnes ne peuvent même pas prendre connaissance d'une offre d'emploi par écrit.

Quelque 60 % de la clientèle n'a pas terminé son cours secondaire. Pratiquement parlant, cela veut dire que dans toutes les entreprises qui exigent, avant de pouvoir poser sa candidature, la détention d'un diplôme d'études secondaires, pour ces personnes, c'est l'impossibilité de poser leur candidature à un emploi. Quelque 40 % de cette clientèle n'a aucune expérience de travail antérieur reconnue. Vous pouvez comprendre, à partir de ces quelques statistiques, l'ampleur du défi qui se pose à la société québécoise. Mais, avant de procéder à l'analyse des points que vous avez soulevés dans votre mémoire, et peut-être de déborder légèrement, dans un premier temps, je souhaiterais que vous nous fassiez, devant cette commission, une présentation un peu plus détaillée de l'Association des manufacturiers canadiens. Ce que l'on retrouve à la page 1 de votre mémoire, c'est que vos membres exercent leurs activités dans l'ensemble des secteurs industriels, qu'au total leurs activités génèrent 75 % de la production manufacturière globale du Québec. Disons qu'on connaît un peu mieux peut-être les chambres de commerce, le Conseil du patronat est déjà venu devant nous. Sur le plan patronal, pouvez-vous

nous donner une image un peu plus précise de votre association? (15 h 30)

Mme Fecteau: Effectivement, nous ne représentons que le secteur manufacturier, mais nous avons des membres de tous les secteurs, c'est-à-dire, par exemple, le papier, le textile, les mines. Donc, nos membres ne proviennent que du secteur manufacturier et ceci compose 75 % de la capacité manufacturière québécoise. Il est bien évident que nous représentons à la fois la grande, la moyenne et la petite entreprise. C'est pourquoi nous avons un si haut taux de représentativité. Lorsqu'on a des membres, comme celui à ma droite, il est évident que beaucoup d'emplois se retrouvent chez CIP et ce faisant, cela augmente de beaucoup la représentativité de notre association. Cependant, la majorité de nos membres sont quand même issus de la petite et moyenne entreprise puisque l'économie du Québec est composée essentiellement de petites et moyennes entreprises.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous traitez dans votre mémoire de la question de l'aptitude au travail et vous suggérez au gouvernement que l'admissibilité au programme Soutien financier soit de ressort administratif plutôt que médical.

Mme Fecteau: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Nous avons eu, devant cette commission, des représentations à savoir que l'approche se devrait d'être bio-psychosociale, que, possiblement, on aurait avantage à faire déterminer le statut de l'individu par un comité multidisciplinaire. J'aimerais que vous nous précisiez votre point de vue sur ce sujet.

Mme Fecteau: Comme c'est le bébé de mon collègue de droite, je vais lui refiler la parole. Il faut bien que je le fasse parler un peu.

M. Burton (Jean): Jean Burton. Ce que nous avons voulu souligner au gouvernement là-dessus, c'est que la décision de reconnaître ou non une personne comme étant apte ou inapte au travail est une décision qui relève à la fois d'un volet administratif, soit parce qu'on a un programme à administrer, mais aussi de l'aspect médical puisqu'un certain nombre des critères sont de nature médicale.

Ce qu'on voudrait éviter à tout prix, c'est qu'on demande à la profession médicale d'assurer, et à elle seule, la décision prise à savoir si une personne est apte ou non au travail. On ne voudrait pas, par exemple, se retrouver dans la même situation où l'on est actuellement avec la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles où l'omnipraticien doit décider s'il y a un lien entre une lésion et un accident du travail alors qu'il ne connaît même pas la réalité de l'entreprise d'où provient le travailleur accidenté. On ne voudrait pas que, avec le régime d'assistance sociale, le médecin décide si la personne est administrativement admissible ou non. On est tout à fait conscients, cependant, que dans un nombre important de cas le volet médical constitue un volet important à considérer et l'idée d'avoir un comité ou un ensemble de personnes qui sont des professionnelles, chacune dans son domaine, qui examine la question, statue sur l'admissibilité... Mais, pour nous, c'est une décision qui est administrative d'admettre ou non un bénéficiaire, et ce n'est pas une décision carrément ou strictement médicale.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va. Sur la question des programmes d'employabilité, vous dites dans votre texte: "Nous insistons sur la nécessité d'une collaboration étroite avec les employeurs pour établir l'orientation des programmes de maintien et de développement de l'employabilité. De même, nous insistons sur le respect des besoins du marché dans l'application de ces programmes." De quelle façon voyez-vous l'intervention des commissions de formation professionnelle face à l'énoncé que l'on retrouve dans votre mémoire?

Mme Fecteau: D'une part, je pense qu'il faudrait établir une certaine forme de consultation avec ces employeurs puisque ce sont eux qui sont concernés. De quelle façon instaurer cette consultation? Je pense que le gouvernement du Québec, que ce soit par le biais du ministère de l'Éducation ou autrement, a déjà commencé à consulter. Il y a quand même de la formation qui se fait actuellement dans les entreprises. Cette formation ne sort pas de nulle part. Je pense à la formation sur mesure. Ce sont des programmes qui viennent du gouvernement et cette formation se fait en concertation avec le gouvernement et l'entreprise. Donc, c'est sûrement une forme de consultation. Maintenant, Jean, est-ce que vous auriez quelque chose à ajouter?

M. Burton: Oui, j'ajouterai que, déjà, à la commission de formation professionnelle, il existe des comités techniques et le ministère de l'Éducation a aussi suivi la même voie avec la réforme de la formation professionnelle au niveau secondaire, en formant des comités techniques. Ces comités techniques regroupent un certain nombre de représentants de l'entreprise.

Quand on veut former des travailleurs pour des fonctions spécifiques, je pense que lorsqu'on dit, nous, que l'entreprise doit y être associée, un de ces moyens, c'est par le biais de ces comités techniques où on précise quelles sont les qualifications et les qualités qu'on attend des employés qu'on sera intéressé, par la suite, à embaucher.

C'est un des moyens qui fonctionne déjà actuellement et c'est une des voies qui devrait être privilégiée et peut-être étendue dans la réforme dont on parle présentement.

Le Président (M. Bélanger): Mme Fecteau.

Mme Fecteau: D'autres secteurs, comme le secteur du meuble, par exemple, exercent déjà une bonne emprise sur la formation des employés dans ce secteur par l'Association des fabricants de meubles. Donc, c'est encore un autre exemple qui démontre une concertation entre le gouvernement et le secteur visé.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Un peu en dehors du cadre de nos travaux - on sait que les fins de semaine interrompent généralement les sessions de la commission - je prenais connaissance, en fin de semaine, de mon "clipping" de presse de la région chez nous. Dans un journal qu'on appelle Le Richelieu agricole, il y a un titre qui m'a frappé en plein milieu de cette commission parlementaire: Main-d'œuvre agricole, on anticipe déjà une grave * pénurie dans la région. Cela sent la pénurie, voire même la catastrophe du côté de la main-d'oeuvre agricole. Les producteurs maraîchers, entre autres, sont extrêmement nerveux. Il en va de même pour les producteurs de fraises et de pommes qui anticipent déjà des problèmes sérieux, sans oublier les conserveurs - c'est peut-être là que je rejoins l'Association des manufacturiers canadiens, je ne sais pas si ces gens-là sont membres chez vous ou non - et tous les petits producteurs qui auront besoin de travailleurs dans les mois qui viennent. Au bureau du Service de la main-d'oeuvre agricole du Canada à Saint-Hyacinthe, on reconnaît d'emblée que la situation est inquiétante et que de graves problèmes sont à prévoir. Bref, on avoue sans détour que la pénurie de main-d'oeuvre agricole sera nettement plus importante que l'an dernier.

Le directeur du bureau - c'est là où j'ai peut-être une question un peu plus précise à vous adresser - dit et je le cite tel que rapporté dans le journal: "Le pire ennemi des producteurs en cause, l'assurance-chômage et le bien-être social. M. Desgranges est d'ailleurs le premier à le reconnaître. Comme plusieurs, il dit espérer que des changements seront apportés à ces programmes, afin d'inciter les gens sans travail à accepter ce genre d'emploi".

Je vais vous poser la question comme elle m'est venue à la lecture de cet article. Il y a des problèmes de préemployabilité; il y a des problèmes d'employabilité. Quelles suggestions avez-vous à nous présenter de façon que, d'un côté, on n'ait pas des gens qui sont bénéficiaires de l'aide sociale et, de l'autre côté, des entreprises ou des producteurs, dans certains cas, qui manquent strictement de main-d'oeuvre pour effectuer des travaux qu'il faut effectuer dans des périodes données? Qu'est-ce qui ne va pas dans nos programmes actuellement?

Mme Fecteau: Évidemment, M. le ministre, vous parlez d'emplois saisonniers. Plus tôt, vous me posiez la question: Est-ce que ces gens sont membres chez vous? Je ne le croirais pas. Quand je regarde le secteur manufacturier, c'est un secteur qui ne crée pas tellement d'emplois actuellement. Des 100 000 emplois qui ont été créés dans l'année qui vient de s'écouler, on dit toujours, d'après une étude de l'OCDE, que deux emplois sur trois dépendent directement ou indirectement du secteur manufacturier, bien que, dans le secteur manufacturier lui-même directement, on ne crée plus tellement d'emplois. Cependant, il faut un secteur manufacturier très fort pour avoir un secteur de services très fort. Ce pourquoi on crée des emplois aujourd'hui, c'est parce que l'économie est stable et que le secteur manufacturier est très fort. Plus particulièrement pour le secteur manufacturier, ce sont surtout des emplois où on demande une formation adéquate. On demande de plus en plus une formation adéquate.

Donc, je ne sais pas si les gens dont vous parlez qui bénéficient actuellement soit de l'assurance-chômage ou de l'aide sociale et qui ne sont pas incités à prendre ces emplois saisonniers répondraient à l'heure actuelle aux emplois créés dans le secteur manufacturier. Ce sont surtout des emplois qui, comme je le disais, demandent de la formation. Ce sont surtout des emplois, en tout cas, qui demandent de savoir lire, de savoir écrire et même plus que cela, surtout avec les changements technologiques qui sont effectués. Évidemment, cela ne répond pas à votre question: Comment allons-nous faire pour les inciter? Mais je crois que la réforme que vous proposez, justement, où on définit les gens qui sont employables et ceux qui ne le sont pas... Parmi ceux qui sont employables, on distingue également ceux qui sont non disponibles. Ces gens qui sont employables, on les incite par des cours de formation. Je pense que c'est une façon de faire qui va permettre à ces gens de retourner sur le marché du travail. Je pense également au programme APPORT, où les parents et les enfants pourront se permettre d'avoir un supplément de revenu. Je pense également que ce sera une mesure incitatrice qui va faire que ces gens vont rester au travail.

Je ne sais pas si mes collègues ont des choses à ajouter. Sûrement. M. Jean Burton ou Jacques.

M. Beauchamp (Jacques): Disons que le seul point que je voudrais ajouter - je ne sais pas si l'AMC a une position officielle sur la question - est celui-ci: II est évident que si le fait de travailler dans une entreprise agricole payait 100 000 $ par année, il n'y aurait peut-être pas de problème, mais, d'un autre côté, la tomate coûterait cher à la fin. Je pense que ce sont des distorsions dans le système économique. Jusqu'à un certain point, on peut les corriger par des communications entre les deux parties, mais il restera toujours un certain nombre de distorsions dans le système économique qui feront qu'au cours d'une certaine période... Actuellement, si

vous recherchez un comptable à Montréal, vous aurez des difficultés à engager des comptables parce qu'ils sont très en demande et vous ne pouvez pas en engager. À un moment donné, ce seront les avocats et à un autre moment, ce sera autre chose.

Une voix: Je ne sais pas si on va voir cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez... Oui.

Le Président (M. Bélanger): M. Burton, s'il vous plaît.

M. Burton: Très brièvement. Le genre d'emploi auquel vous faites référence, entre autres, dans les cueillettes, a été fait il y a quelques années par des spécialistes. Parce que j'ai travaillé dans la région de Frelighsburg et les gens faisaient la cueillette de la pomme à Frelighsburg, mais ils faisaient la cueillette du tabac dans la région de Joliette et ils faisaient la cueillette des concombres en Ontario. Finalement, ces cueilleurs font tout le Canada. Mais ce sont des gens qui, sans être des spécialistes, font cela presque à longueur d'année. Ils descendent même en Californie et aux États-Unis. Ils le faisaient jusqu'au moment où les frontières se ferment un peu. De plus, ce sont des gens qui sont payés à la pièce. Ils sont payés à la quantité cueillie. Ce n'est donc pas très payant pour quelqu'un qui ne l'a jamais fait que de se lancer dans ce marché. C'est quand même un très bon exemple où on a une inadéquation entre des besoins en main-d'oeuvre et un bassin qui n'est peut-être pas prêt à se lancer dans la cueillette, parce que malgré tout c'est payé à la quantité recueillie. Ce n'est donc pas très rémunérateur pour quelqu'un qui ne l'a jamais fait.

Par contre, là-dessus, j'aimerais peut-être proposer qu'au lieu d'avoir un système qui est tout à fait universel la notion de régionalisation qu'on a vu apparaître dans le projet est dans ma perception une régionalisation au niveau administratif. Mais il y aurait peut-être moyen de régionaliser aussi au chapitre des réalités économiques. Par exemple, dans des cas où on a des besoins spécifiques en main-d'oeuvre, que l'on puisse adapter peut-être le programme pour reconnaître cette réalité. Si on a huit ou dix semaines d'emploi dans la région pour faire la cueillette de fraises ou de pommes, peut-être devrait-on reconnaître cette réalité et permettre à des gens de ne pas perdre complètement leur acquis. Donc, pour moi, la régionalisation va plus loin que la simple administration du programme par des bureaux régionaux. Cela va aussi vers la reconnaissance de réalités économiques qui ont un caractère régional. On pourrait le faire pour la pêche aux Îles-de-la-Madeleine. La saison de la pêche au homard dure huit semaines, soit du 10 mai au 10 juillet. C'est un peu la

(,■ même chose dans les différentes régions du Québec.

La régionalisation nous permettrait peut-être d'avoir un système un peu plus souple pour reconnaître ces besoins et les bassins de main-d'oeuvre disponibles.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci. En vertu de l'alternance, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je veux souhaiter la bienvenue à Me Fecteau ainsi qu'aux personnes qui l'accompagnent, soit MM. Burton et Beauchamp. Dans le passé, j'ai eu l'occasion d'apprécier la contribution de l'association des manufacturiers. Je sais que l'association est devenue, au fil des dernières années, un partenaire majeur pour les gouvernements qui se sont succédé. J'apprécie que l'association, dans ses positions, mette de côté une sorte de simplisme qui est maintenant révolu en matière de lois du marché. (15 h 45)

Vous avez dit dans votre mémoire, essentiellement, qu'il fallait maintenir un écart, sans qu'il soit pour autant prédéterminé, entre le salaire minimum et les prestations. Mais vous avez préalablement défini qu'il fallait que le salaire minimum soit supérieur aux prestations d'aide sociale. Donc, l'écart, même s'il n'est pas prédéterminé, vous le voyez à la baisse. Vous pensez par ailleurs que les prestations doivent évoluer, elles, en fonction du coût des besoins de base - ce sont là les termes mêmes du mémoire - tandis que le salaire minimum doit évoluer en fonction des lois du marché et de la concurrence, comme deux poussées différentes, l'une qui serait plutôt par en bas et l'autre qui serait plutôt par en haut.

Si on reprend les coûts des besoins de base, on a mis en preuve ici devant cette commission que simplement le coût du logement à Montréal, pour le mois d'octobre 1987 - donc, les chiffres les plus récents de la Société canadienne d'hypothèques et de logement - était de l'ordre de 502 $ pour un logement avec deux chambres à coucher, de 380 $ pour un avec une chambre et de 576 $ pour un avec trois chambres. Quand on sait que le salaire minimum est à 689 $ par mois, si tant est que l'on ait besoin, à cause de la taille de la famille, de deux chambres, vous comprendrez qu'à 502 $ il ne reste pas grand-chose pour l'alimentation. On est venus ici, un certain nombre de groupes, nous chiffrer les coûts économiques de la pauvreté pour la société, en termes d'hospitalisation, de médicalisation, de sous-éducation, de sous-alimentation.

La grande question qui se pose est: Dans quelle mesure les besoins de base... Ce sont les coûts des besoins de base qui ont augmenté. Il y a vingt ans, on pouvait vivre avec un salaire

minimum d'un dollar l'heure. Quel est maintenant le coût d'un salaire minimum qui permettrait de faire vivre une famille? Parlons en fonction des besoins de base. Je ne sais pas si vous les avez déjà chiffrés, mais ils l'ont été par différents seuils: Statistique Canada, le Conseil canadien de développement social. Vous le savez, juste pour une personne seule, on dit à Statistique Canada qui n'est pas le Conseil canadien de développement social et qui est donc bien en deçà, que les besoins de base à Montréal seraient de 999 $ par mois. Donc, 300 $ de plus que le salaire minimum pour une personne seule. Le problème des écarts se pose parce que cela coûte très cher pour vivre. Comment voyez-vous, d'une certaine façon, qu'on puisse socialement gérer ces écarts qui vont en s'aggravant?

Mme Fecteau: C'est pourquoi nous avons mis ce paragraphe-là. À plusieurs reprises, dans le document de M. Paradis, on fait référence justement au salaire minimum et à une certaine relation avec l'évolution du montant des prestations d'aide sociale. Je pense qu'une lacune du système, Mme la députée, est celle qui fait en sorte que ce n'est pas incitant pour certaines personnes d'aller travailler. Ce n'est pas incitant d'aller travailler et de recevoir le salaire minimum.

Ce faisant, je pense que c'est tout à fait approprié. Cela ne remet pas en cause les coûts de base des personnes vivant soit de l'aide sociale ou autrement. Il faut donner un certain incitatif à ces personnes. Je pense que la réforme le démontre ou essaie de corriger les lacunes du système. Nous croyons que, si on établit révolution du montant des prestations d'aide sociale avec celle du salaire minimum, à chaque fois qu'on va augmenter les prestations d'aide sociale, il va falloir augmenter le salaire minimum. Et à chaque fois qu'on va augmenter le salaire minimum, il va falloir augmenter les prestations d'aide sociale.

Au fond, ce sont les mêmes répercussions qui ont cours aujourd'hui. À chaque fois qu'on augmente le salaire minimum, on doit également augmenter les autres salaires, parallèlement.

Mme Harel: Je pense qu'on peut peut-être s'entendre immédiatement sur l'utilité d'un salaire minimum qui soit concurrentiel par rapport aux voisins des deux côtés et du Sud également. Disons qu'on s'entend là-dessus, mais je reprends parce que j'aimerais bien qu'on puisse, d'une certaine façon, penser comme vous que l'incitation est suffisante dans le projet.

On a eu du ministère des Finances les taux marginaux implicites de taxation dans le cadre du programme APPORT et dans le cadre des autres programmes, par exemple, pour une femme chef de famille monoparentale d'un enfant de moins de six ans. Ce sont là des données que vous connaissez sans doute, mais je vous rappelle que 55 % de la clientèle adulte à l'aide sociale est de sexe féminin. 55 %? 52 %. C'est possible parce que ce sont là les chiffres du Conseil du statut de la femme, mais il est possible que ce ne soient pas les statistiques des derniers mois. Et, près de la moitié sont responsables d'enfants, soit 47 %, et une prestataire, une femme sur trois, est âgée de 45 ans et plus et 40 % ou presque n'ont pas complété une septième année. On a donc des portraits de cette nature-là. Une jeune femme, par exemple, qui est chef de famille avec un enfant de moins de six ans et qui peut actuellement recevoir en allocation l'équivalent de 9 634 $ par année, avec le programme - ce sont les données du ministère des Finances en date de février - si elle a un revenu de travail de 2000 $, il y a le taux marginal qui est de 96 %, le taux moyen devient de 96 % également, son gain annuel sera de 67 $ et son gain mensuel de 5,58 $. C'est avec un revenu de travail de 2000 $. Avec un revenu de travail de 4000 $, les taux marginaux passent à 90 % et les taux moyens à 93 %, le gain annuel devient de 263 $ et le gain mensuel de 21,91 $. Je vais peut-être demander à la secrétaire de vous en faire circuler des copies. Ceci, tout simplement pour vous illustrer que l'incitation positive... Je crois que vous favorisez, vous préconisez une incitation positive. Une incitation positive, dites-vous, parce qu'il y a un programme qui s'adresse aux personnes inaptes. On reviendra, si vous voulez, sur cet aspect-là.

Mais prenons le programme qui s'adresse aux personnes aptes et le programme APPORT. Est-ce que l'incitation positive est suffisante? Je pense que c'est une question que l'on peut se poser. Parce que dans le document d'orientation l'incitation est plutôt négative. Il s'agit de baisser les prestations et de mettre littéralement plus de gens dans la misère en se disant qu'ils vont aller plus facilement se chercher un montant. Parce que ces personnes-là voient leurs prestations diminuer selon les coûts de base. Mais j'aimerais vous entendre sur les montants qu'elles peuvent aller chercher. Le maximum d'exemption pour gain de travail de la catégorie, si vous voulez, maximale est de 155 $ par mois. Cela s'applique à la catégorie du refus de participer. 155 $ par mois c'est le maximum. Au-delà de ce montant de 155 $ par mois, vous savez sans doute que chaque dollar additionnel gagné est déduit à 100 % du programme de transfert, sauf APPORT. Mais dans APPORT les chiffres que je vous citais révèlent des difficultés que le ministre connaît et j'espère qu'il va pouvoir les régler avec son collègue des Finances. Mais on verra après Pâques.

Prenons le programme APTE. Je questionnais le livreur de La Presse chez moi qui me disait faire à peu près 60 $ par semaine. Il avait, évidemment, comme il m'a dit, une grande "run" et il mettait plusieurs heures à faire sa distribution. Vous voyez, 60 $ pour une semaine, c'est de loin supérieur à ce que la proposition permettrait même pour un couple biparental. Parce que

155 $ c'est pour un couple biparental avec des enfants. Est-ce que l'incitation positive est suffisante et est-ce qu'elle est... Par exemple, prenons le cas de la cueillette que le ministre vient de nous expliquer. Quel est l'avantage de l'incitation positive puisque, après les premiers 155 $ gagnes pour le mois, il n'y a plus aucune incitation puisque chaque dollar va être nécessairement déduit du chèque mensuel? Et, à la rigueur, il peut même y avoir une désincitation parce que le mois d'après, avec tous les contrôles avec lesquels on est maintenant familiers étant donné qu'on nous les a expliqués pendant cinq semaines, il est possible que la personne ait beaucoup de difficultés à retrouver son niveau de prestations.

Alors, je vous pose la question de nouveau. Est-ce que l'incitation positive est adéquate?

Mme Fecteau: Vous posiez la question: Est-ce que les prestations sont intéressantes? Si vous avez remarqué, Mme Harel, dans notre mémoire, nous avons cru bon de laisser aux spécialistes le soin d'analyser si les barèmes des prestations et les exemptions, allocations et mesures fiscales proposés étaient corrects ou pas ou étaient adéquats. Maintenant, on pense véritablement - c'est comme cela, d'ailleurs, qu'on a élaboré ce mémoire - on croit que la structure même proposée par le gouvernement dans cette politique permet une incitation au travail. Cependant, c'est surtout dans la recherche de solutions innovatrices qu'on aimerait que la politique soit davantage peaufinée. Quand on pense à reconnaître comme travail la production de certaines personnes qui ne font pas partie de la population active, par exemple, diverses activités à caractère communautaire, c'est sûrement une excellente façon. Vous le savez, Mme Harel, dans les centres de femmes battues et dans les garderies, il y a un tas de gens qui travaillent à titre gratuit et qui bénéficient de l'aide sociale. Je trouverais cela gênant de déterminer que ces gens-là, du jour au lendemain, ne sont pas disponibles dans la catégorie des gens employables. Ils ne sont pas disponibles, par exemple, pour des cours de formation ou autres. J'aimerais qu'on reconnaisse comme travail, nous aimerions qu'on reconnaisse comme travail l'emploi de ces gens-là. C'est évident que, dans les garderies, on a besoin de gens. C'est évident que, dans les centres de femmes battues, on a également besoin de main-d'oeuvre. Il n'y a pas d'argent. Les gouvernements ont peu ou pas d'argent encore. Le fait de reconnaître le travail de ces gens-là et de leur permettre de recevoir de l'aide sociale, c'est sûrement une mesure innovatrice et incitative. D'autres solutions que l'on préconise nous permettent de croire que la politique du gouvernement devrait être approfondie dans ce sens-là. C'est dans ce sens-là que nous croyons qu'il y aura des incitatifs pour que les gens aillent sur le marché du travail ou gardent leur emploi. C'est évident que c'est également un choix de société quand on pense que le salaire minimum, ce sont les lois du marché. Ce n'est pas du tout la même chose en ce qui a trait à l'aide sociale. Ce sont deux entités complètement différentes.

Mme Harel: C'est très intéressant, ce qu'on retrouve dans votre mémoire. C'est innovateur, d'ailleurs. Je crois que vous êtes le premier groupe d'employeurs à faire...

Mme Fecteau: On est toujours innovateurs.

Mme Harel: ...cette recommandation d'envisager de reconnaître le travail de certaines personnes qui ne font pas actuellement partie de la population active comme étant un travail socialement utile et reconnu comme tel.

Mme Fecteau: C'est sûrement une façon moins coûteuse pour nos gouvernements...

Mme Harel: C'est très intéressant.

Mme Fecteau: ...que de fournir de l'argent. C'est une façon déguisée, à mon avis, et beaucoup moins coûteuse et tout à fait extraordinaire parce que ces gens-ià, quand on les regarde, ils feraient des heures incroyables. Ils ne comptabilisent pas leurs heures. Ils travaillent avec amour. En tout cas, chapeau!

Mme Harel: Oui, M. Burton, sur cette question.

M. Burton: Je voudrais simplement ajouter qu'il y a même des programmes qui sont mis de l'avant par le gouvernement, comme le maintien au foyer des personnes âgées, qui ne peuvent réussir qu'avec la collaboration des personnes bénévoles. Il n'y a aucun moyen, il n'y a aucun budget. On propose de considérer ces personnes comme étant, de fait, à l'emploi, étant au travail, même si elles ne sont pas rémunérées.

Je veux simplement finir sur le lien entre le salaire minimum et les prestations d'aide sociale. La seule raison pour laquelle on l'a mentionné ici, c'est qu'on voudrait éviter à tout prix qu'on maintienne un écart prédéterminé, qu'on dise que le salaire minimum sera toujours de 5 $ ou 10 $, qu'on mette un écart prédéterminé justement parce que ces deux réalités évoluent dans le temps en fonction de considérations économiques qui n'ont pas de lien direct entre elles. C'est cette précaution qu'on a voulu souligner dans notre mémoire, d'être prudent. C'est bien évident que ce sont deux réalités qui, finalement, se recoupent puisque, très souvent, les gens qui sont payés au salaire minimum sont aussi sous le seuil de la pauvreté. Ce sont des réalités qui se recoupent, mais ce sont deux barèmes qui, entre eux, ont des connotations qui sont tellement différentes qu'il faut être prudent lorsqu'on les relie l'un à l'autre.

(16 heures)

Mme Harel: Autant il a été ici évoqué qu'il apparaissait utile de reconnaître comme travail la production de "socialement utile", par exemple, dans des travaux complémentaires, autant il a également été recommandé que les personnes soient reconnues comme des travailleurs et, à ce titre, soient rémunérées comme travailleurs. Le niveau de rémunération peut se discuter, mais de manière que ces personnes n'aient plus l'étiquette d'assistée sociale qui, pour toutes celles qui sont venues en la portant, est une étiquette lourde et très très difficile à porter. On nous faisait valoir que, dans la mesure du possible, comme il y a vingt ans le Québec avait convenu que des emplois dans des secteurs qui avaient traditionnellement été surtout occupés par des communautés religieuses et autres deviennent de vrais emplois avec de vrais travailleurs, il serait peut-être possible, dans des secteurs complémentaires, sans que ce soit l'État, des fonctionnaires ou des travailleurs étatiques, mais, dans des secteurs communautaires, qu'il y ait là aussi un vrai travail et de vrais travailleurs rémunérés.

Mme Fecteau: Cela fait justement des gens qui acquièrent une certaine expérience de travail reconnue à l'avenir. Alors, je pense que ce volet est extrêmement intéressant.

Mme Harel: J'ai l'impression que, dans votre mémoire, vous êtes au fait des défis de l'emploi qui se posent actuellement. Le ministre n'a pas repris ce qu'il dit habituellement, à savoir que cela a été une année record, ce que tous les gens savent. Mais autant ils le savent, autant ils sont aussi conscients que cette année record, ce qui est record, c'est un taux de création d'emplois aussi élevé avec un maintien du chômage aussi élevé et que, dans une période, disons, à moyen terme, d'un certain ralentissement... Parce que l'année record de 1973 où on avait connu un tel taux de création d'emplois a donné lieu à un chômage d'environ 7 % et malgré tout, cette année cela oscille autour des 10 %.

On se rend compte que les nouveaux pauvres sont des gens qui auraient très bien pu s'en sortir à une autre époque, mais qui en grande partie, à cause des changements et des bouleversements que connaît l'entreprise et des bouleversements du marché que connaissent aussi les travailleurs, sont des gens qui s'en sortent moins bien. C'est la raison pour laquelle cette question du salaire minimum est vitale: Quelle est l'incitation positive pour que les gens n'aient pas le goût de se faire déclarer inaptes, pour qu'ils ne soient pas dans les salles d'attente des médecins pour se faire déclarer inaptes en allant chercher des avantages? Il faut qu'il y ait des avantages à être apte et on devrait, comme société, plutôt se tourner vers les avantages d'être apte. Je regardais le sondage que le ministre rendait public vendredi dernier où la population disait, à 56 %, que les programmes et les mesures d'employabilité devraient donner l'équivalent du salaire minimum. Je me suis dit que c'est une mesure favorable à être apte et disponible.

Dans votre mémoire, vous nous faites valoir... Et j'aimerais aborder cette question, peut-être avant que le président ne me dise que j'enfreins le règlement faute de temps, du décloisonnement de l'administration des programmes. Je sais que vous avez beaucoup étudié cette question de la rationalisation, en matière de formation particulièrement, je pense. Est-ce que vous avez là des recommandations à faire?

Mme Fecteau: Je pense que cela appuie ce que mon collègue, Jean Burton, a dit tout à l'heure, à savoir que chaque région a ses particularités et ses besoins. On disait tantôt qu'il y avait des emplois saisonniers créés dans certaines régions. Donc, le fait de décloisonner permet justement de tenir compte des besoins des différentes régions et, de ce fait, je pense, permet une réforme ou des programmes qui seront beaucoup plus efficaces.

Il serait difficile de gérer des programmes de Montréal pour des territoires comme l'Abitibi-Témiscamingue et, d'ailleurs, je verrais mal qu'on le fasse. Donc, ce décloisonnement va dans cette direction. Quant à l'harmonisation, il y a plusieurs programmes actuellement, Emploi-Québec, Emploi-Canada, tout le monde entre chez les employeurs; Emploi-Canada est plus offrante; il est moins offrant, plus intéressant. Donc, qu'il y ait une certaine harmonisation à la formation sur mesure. J'entends dire à tous les jours: Ah! Administrativement, dans ces programmes-là, c'est Québec qui tiraille. D'autres vont dire: Non, non, c'est le gouvernement canadien et, finalement, il y a là de l'argent très intéressant pour les entreprises et on est incapable d'aller le chercher. Pourquoi? Parce qu'il y a une guerre entre les administrations des gouvernements. Enfin, une guerre, il faut le dire vite, mais c'est difficile à administrer. Il faut donc que cette harmonisation se fasse. On pense que c'est l'efficacité même qui résultera des programmes.

Mme Harel: Si M. le Président me permet juste une dernière question. Est-ce qu'il y a une crainte qu'une concurrence déloyale s'installe, par exemple, avec l'éventualité de programmes qui permettraient d'engager en deçà des règles du marché, en deçà des normes, des personnes bénéficiaires de l'aide sociale, bien en deçà du salaire minimum chez certains employeurs, d'autres étant plutôt liées par des conventions ne le leur permettant pas? Cette crainte s'est-elle exprimée dans vos rangs?

Mme Fecteau: Non, pas vraiment, mais ce sont des exercices qui se font à chaque fois, de toute façon N'importe quelle structure, n'importe quel régime, il y a toujours une pratique déloyale, ou une pratique parallèle qui s'installe, qu'on

regarde l'industrie de la construction, qu'on regarde l'industrie du transport. Chaque fois qu'on établit des règles, il se trouve toujours des gens qui ne suivent pas les règles ou qui trouvent les moyens d'en profiter autrement. Ce n'est pas une crainte qui a suscité notre attention parce que nous autres, on tient pour acquis que tout le monde va suivre le système ou la structure qui est imposée. On n'a pas de contrôle sur ceux qui ne la suivent pas. Est-ce que mes collègues ont des choses à ajouter?

Mme Harel: Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Quelques questions additionnelles qui touchent... C'est heureux que Mme la députée de Maisonneuve ait repris là l'échange. C'est là où j'étais rendu, c'est ce que j'avais entamé avec vous, Toute la question de l'incitation au travail. On sait qu'en vertu du système d'aide sociale, actuellement, un individu peut gagner jusqu'à 25 $ par mois de plus que ses prestations d'aide sociale, et je parle d'une personne seule. Après ses 25 $, il tombe dans un taux d'imposition de 100 %. Ce que la réforme propose pour le même individu -et je sais que c'est peut-être trop loin sur le tableau - ...

Mme Fecteau: J'ai de bons yeux.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...cela varie entre 155 $ dans le cas de quelqu'un qui ne participe pas et 80 $ dans le cas de quelqu'un qui participe. On pourrait peut-être faire davantage, mais là on rejoindrait rapidement le salaire minimum. Notre crainte, et j'emprunte les mots de Mme la députée de Maisonneuve, il faut que les gens soient incités à demeurer ou à se prévaloir de leur aptitude au travail, mais le gouvernement prétend qu'il faut également que les gens soient incités à intégrer le marché du travail. Considérez-vous que l'incitation que nous donnons, à la suite de votre expérience, votre connaissance du milieu du travail ou des individus, est suffisante ou est-ce qu'on devrait l'augmenter?

Mme Fecteau: Encore là, M. le ministre, on a bien pris soin de dire que les barèmes de prestations, les exemptions, les allocations et les mesures fiscales, on ne voulait pas se positionner là-dessus. Cependant, ce pourquoi on a appuyé votre politique, c'est parce que la politique vient distinguer les gens qui sont employables des gens qui ne sont pas employables. Les gens qui ne sont pas employables, on leur en donne davantage. On l'a dit souvent, je me souviens, devant la commission MacDonald: Donnons à ceux qui en ont le plus besoin de l'argent. Donc, c'est une meilleure redistribution. Dans votre programme APTE, vous distinguez là, vous donnez des incitations, vous offrez de la formation. On ne sait pas encore quelle sorte de formation, quelle sorte de programme. Mais il nous apparaissait comme évident que c'était là une proposition, une politique qui était plaisante, encourageante et incitative.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va. Sur le salaire minimum, et je vais faire le pont...

Mme Fecteau: Oui, le lien avec le salaire minimum.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous mentionnez dans votre mémoire, et je pense que c'est M. Burton qui le disait: Nous exprimons notre réticence à toute règle qui établirait un écart fixe entre les prestations de sécurité sociale et le salaire minimum et y assujettirait ainsi l'évolution de ce salaire. Nous vous indiquons immédiatement que nous nous sommes commis dans la politique de sécurité du revenu à indexer annuellement au coût de la vie les prestations du programme Soutien financier. Quant aux prestations du programme APTE, l'ajustement des barèmes et prestations, je vous réfère à la page 42 de la politique de sécurité du revenu: Les barèmes et prestations seront ajustés par le gouvernement en fonction des paramètres tels que le salaire minimum, l'incitation au travail, l'évolution du coût de la vie, etc.

Cette approche vous paraît-elle aller en direction contraire de ce que vous exprimez ou est-ce qu'il y a mariage possible entre cette approche et ce que vous avez exprimé dans votre mémoire?

M. Burton: II y a certainement un mariage possible. Ce qu'on voulait bien préciser et ce dont on voulait s'assurer, c'est que, comme il y a certainement des pressions à la hausse pour augmenter les prestations de l'aide sociale, puisque, comme on a dit tout à l'heure, les besoins de base augmentent, il est certain que pour satisfaire ces besoins les prestations sont à la hausse au niveau de l'aide sociale, on ne voulait pas qu'il y ait des pressions dans le même sens, au même moment et avec le même quantum au niveau du salaire minimum. On ne voulait pas que ces deux réalités évoluent en vases communicants. Effectivement, comme vous le dites, les prestations d'aide sociale, avec l'indexation qu'on leur fera subir, vont tenir compte d'un ensemble de réalités, dont le niveau du salaire minimum. Cela nous paraît tout à fait correspondre à notre préoccupation. Mais on voulait être certains qu'on ne l'oublie pas.

Je voulais souligner une chose, si vous me permettez, M. le ministre. Il n'y a pas que la question de coût au niveau de l'incitation. Ce qui est important au niveau de l'incitation pour que les gens réintègrent le marché du travail, c'est le réalisme des programmes, c'est la probabilité réelle qu'une fois qu'on aura passé à travers six

ou neuf mois de formation on a des chances réelles d'occuper un emploi. Cela joue autant, sinon plus, que l'écart qu'on a pour aller chercher des prestations ou un salaire minimum. Dans ce sens-là, c'est pour cela qu'on a insisté autant aussi sur les mesures innovatrices. Il y a des moyens de pénétrer le marché du travail qui est relativement hermétique pour des gens qui n'y ont pas été récemment, qui y retournent ou qui n'ont jamais pénétré le milieu du travail. Dans notre mémoire, à la page 9, on liste un ensemble de possibilités d'intégrer le marché de l'emploi par le biais de temps partiel, de temps partagé, mais on essaie d'innover à ce niveau-là. On le souligne déjà, le gouvernement pourrait faire des efforts intéressants en aménageant les régimes publics d'assurance-chômage et de Régie des rentes du Québec pour reconnaître que le travail à temps partiel est aussi admissible à ces régimes-là, ce qui ne l'est pas. Il y a quand même une portion au niveau du gouvernement pour reconnaître ces emplois, leur donner une valeur réelle, mais cela permettrait aussi à des gens de pénétrer le milieu du travail et, pour nous, c'est aussi important que le salaire qu'ils vont aller gagner, cette possibilité réelle de se trouver un emploi rémunérateur. Il faut chercher au niveau des moyens.

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le président m'indique que mon temps est terminé. Je vous dirai qu'au niveau des moyens nous administrons au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu un programme d'aménagement concerté du temps de travail, qu'on en est à la troisième année d'expérimentation et que nous avons trouvé, et chez le monde des travailleurs organisés et chez le monde patronal organisé, plus de résistance que nous n'en escomptions au début. Nous avons dû ajouter encore davantage à nos incitatifs monétaires pour inciter nos grands partenaires, dont la collaboration est indispensable, à fonctionner dans le cadre desdits programmes.

Mme Fecteau: Je vous dirai là-dessus, M. le ministre, que nous sommes peut-être la seule association, mais nous sommes prêts à collaborer. Non seulement cela, on leur a téléphoné et on est au comité. Je pense qu'il n'y a pas beaucoup d'argent dans ce programme actuellement. C'est peut-être pour cela qu'il ne va pas tellement de l'avant.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La première année où je suis arrivé il avait été mis sur pied par l'ancien gouvernement. J'ai dû périmer au moins les deux tiers des budgets parce qu'il n'y avait pas suffisamment d'entreprises qui voulaient s'en prévaloir. Au moment où l'on se parle, nous avons augmenté le budget pour l'année en cours.

Nous souhaitons être capables de le dépenser. On me dit qu'il y a 10 contrats qui touchent 70 emplois présentement et qu'il y a 13 autres contrats sur le point d'être signés pour 150 emplois.

Mme Fecteau: De toute façon, nous sommes pour des solutions novatrices. Avec des politiques comme celles-là, nous n'avons pas peur de siéger aux comités, de faire valoir ce qu'on a envie de dire et de rallier également des idées à nos idées et à celles des manufacturiers que nous représentons. C'est ce qui nous distingue des autres associations: nous ne représentons que le secteur manufacturier. Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. Burton, très rapidement. Le temps est écoulé.

M. Burton: Simplement sur ce programme de partage du temps de travail. Effectivement, je fais partie du comité. Ce qu'on reçoit, c'est un appel par année pour nous dire: Cela s'en vient, ne vous inquiétez pas, on est encore là.

Le gros problème là-dedans, c'est que les entreprises seraient peut-être prêtes à reconnaître du partage de temps de travail, sauf que pour les régimes d'assurance collective, les régimes de fonds de retraite, les régimes publics de rentes, entre autres, l'effort n'a pas été fait pour reconnaître le temps partagé comme étant du vrai travail. Nous voulons que le temps partagé soit payé à temps partagé, évidemment, mais aussi que, s'il y a des moyens de reconnaître ce travail, on le fasse. Il y a un énorme effort à faire de la part du gouvernement.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve, si vous voulez remercier nos invités.

Mme Harel: C'était très intéressant. Je veux vous remercier. Vraiment, je vous le dis très sincèrement, je pense que cela a été un des mémoires du secteur patronal le plus intéressant.

Mme Fecteau: Je m'en réjouis tout autant.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui...

Mme Harel: M. Burton, je dois vous dire juste en passant, je m'excuse auprès du ministre...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pas de problème. Cela va.

Mme Harel: II me semble que c'est un des premiers mémoires... Quel groupe? Quatre-vingt-sixième?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quatre-

vingt-neuvième.

Le Président (M. Bélanger): Quatre-vingt-neuvième. (16 h 15)

Mme Harel: Quatre-vingt-neuvième. Et c'est la première fois, malgré tout, que l'on nous décrit le type de solution d'aménagement du temps de travail qui pourrait être utilisé. Il me semble que le ministre aurait intérêt à vous consulter un peu plus.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, en conclusion.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme la députée de Maisonneuve, le ministre rêverait de les voir siéger dans un organisme pour consulter le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Il y a d'ailleurs un projet de loi qui est devant l'Assemblée nationale. Peut-être qu'un jour on aura l'occasion de le débattre ensemble. Je tiendrais quand même à vous remercier pour vos approches innovatrices, bien que vous soyez le 89e mémoire, comme cela a été souligné.

Je retiens parmi les suggestions nouvelles que vous nous avez apportées celle de toute la question de la reconnaissance du travail effectué dans des endroits névralgiques de la société, indispensables aujourd'hui où cette reconnaissance n'existe absolument pas. J'ai également bien noté, en plus des formules innovatrices, toute la question de l'harmonisation de nos programmes avec le gouvernement fédéral.

Je vous dirai que, depuis deux ans, en ce qui concerne, entre autres, le placement et certains programmes dans le cadre de la stratégie nationale de l'emploi dont nous ne contrôlons pas actuellement tous les leviers, en tout cas, en ce qui concerne la pénurie de main-d'oeuvre et l'acquisition de compétences, nous avons fait des efforts d'harmonisation. Je saisis bien de votre message que ces efforts d'harmonistion devraient se poursuivre dans les autres volets de notre politique avec le gouvernement fédéral. Je vous remercie beaucoup de votre collaboration aux travaux de la commission.

Le Président (M. Bélanger): La commission des affaires sociales remercie l'Association des manufucturiers canadiens, division du Québec, et invite à la table des témoins le groupe Action travail des femmes du Québec. Ce groupe sera représenté par Mme Liza Novak et Mme Ginette Martel. Je les prie de bien vouloir prendre place. Nous recevons à la table des témoins, si vous permettez, le groupe Action travail des femmes du Québec, représenté par Mme Liza Novak et Mme Ginette Martel.

Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes fermes pour présenter votre mémoire et, ensuite, il y aura une période d'échanges avec les parlementaires. Je vous prierais, chaque fois que vous prendrez la parole, de bien vouloir donner votre nom au préalable. C'est pour les fins de l'enregistrement du Journal des débats. Si vous voulez vous identifier et procéder à la présentation de votre mémoire, nous sommes tout ouïe.

Action travail des femmes

Mme Martel (Ginette): Ginette Martel, d'Action travail des femmes.

Mme Novak (Liza): Liza Novak.

Mme Martel: Je vais faire la lecture de notre mémoire qui s'intitule "Paradis en enfer: les femmes n'embarquent pas dans cette galère!". Je vais présenter tout d'abord l'organisme Action travail des femmes. Action travail des femmes est un organisme sans but lucratif qui, depuis 1976, aide les femmes à la recherche d'un emploi à intégrer le marché du travail dans les secteurs d'emploi col bleu dits non traditionnels. À Action travail des femmes, nous mettons l'accent sur les métiers non spécialisés traditionnellement réservés aux hommes parce que ces emplois offrent généralement des salaires de 12 $ à 15 $ l'heure, des conditions de travail décentes et la sécurité d'emploi, tandis que la majorité des emplois plus accessibles aux femmes sont peu rémunérateurs, le salaire frôlant habituellement le salaire minimum, et offrent de piètres conditions de travail.

La poursuite de nos objectifs nous a permis de développer une solide connaissance du marché du travail et nous a amenées à identifier des obstacles auquels les femmes sont confrontées lorsqu'elles veulent accéder à des emplois offrant rémunération et conditions de travail décentes. Le premier obstacle est sans aucun doute le peu d'emplois payants actuellement disponibles sur le marché du travail et le deuxième, mais non le moindre, la résistance des milieux traditionnellement masculins à l'embauche des femmes.

Connaissant les difficultés qu'ont les femmes à sortir de la pauvreté, Action travail des femmes n'a pas hésité à défendre leur droit à l'égalité sur le marché du travail. En 1979, Action travail des femmes déposait la fameuse plainte de discrimination contre le Canadien national, plainte qui a abouti, en 1984, à l'imposition du premier programme d'accès à l'égalité au pays. Le jugement du Tribunal des droits de la personne fixant, notamment, un quota d'embauché de 25 % jusqu'à ce que les femmes soient 13 % des employés a été entériné par la Cour suprême du Canada le 25 juin 1987. De plus, nous sommes intervenus à plusieurs commissions parlementaires afin de réclamer des amendements à la Charte des droits et libertés et un règlement permettant l'implantation de programmes d'accès à l'égalité au Québec.

Nos interventions et nos pressions ont finalement porté fruit quand ce règlement est

entré en vigueur le 1er septembre 1986. Plusieurs de nos démarches auprès des employeurs en vue d'aider les femmes a obtenir des emplois non traditionnels ont eu des effets très positifs. Par exemple, c'est à la suite de nos interventions que la Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal adoptait en juin dernier un programme d'accès à l'égalité fixant un quota d'embauché de 40 % pour les femmes au poste de chauffeur d'autobus.

Les femmes veulent des emplois décents. À Action travail des femmes, nous offrons nos services aux femmes à la recherche d'un emploi ou qui sont aux prises avec des problèmes de discrimination en emploi. Notre clientèle est très représentative de l'ensemble des femmes sans emploi de la région de Montréal. Chaque année, entre 400 et 600 femmes bénéficient de nos services et participent à nos séances d'information sur le marché du travail. Plus du tiers de ces femmes sont chefs de famille et ont des enfants à charge, et la grande majorité d'entre elles vivent de l'aide sociale ou de l'assurance-chômage. Toutes ces femmes sont à la recherche d'un emploi stable et rémunérateur leur permettant de vivre et de faire vivre leurs enfants dans des conditions décentes. Lorsqu'elles sonnent à la porte d'Action travail des femmes, ces femmes n'en sont pas à leur première démarche de recherche d'emploi. La plupart, en effet, ont déjà sans résultat visité à maintes reprises leurs centres d'emploi du Canada et du Québec, épluché quotidiennement les annonces classées des journaux, participé à des programmes gouvernementaux tels que la recherche active d'emploi et les stages en entreprise. Notons aussi que les femmes qui viennent à nos séances d'information ont des niveaux de scolarité variés, secondaire, collégial ou universitaire, et qu'elles se retrouvent ensemble à se chercher un travail, peu importe le niveau de scolarité.

Les femmes qui viennent à Action travail des femmes ne choisissent pas l'aide sociale. Elles y sont confinées par l'actuel marché du travail qui ne leur offre que des emplois précaires, sous-payés, ne suffisant pas à combler leurs besoins essentiels ni ceux de leurs enfants, lorsqu'elles sont chefs de famille. Ces femmes deviennent bénéficiaires de l'aide sociale après avoir épuisé leurs prestations d'assurance-chômage, si elles y ont eu droit, ou à la suite d'un divorce ou d'une séparation qui les laisse financièrement démunies, avec souvent à leur charge de jeunes enfants.

Nous savons, à Action travail des femmes, que les emplois payants sont rares. Selon Statistique Canada, le salaire moyen hebdomadaire des travailleurs et des travailleuses canadiens et canadiennes est passé de 331,94 $, en 1979, à 325,48 $, en 1986. Toujours selon les mêmes sources et pour la même période, le secteur manufacturier, le secteur offrant une rémunération élevée, a bénéficié de hausses de rémunération et de productivité qui se sont cependant traduites par la perte de 142 000 emplois. Les emplois peu rémunérateurs ont de leur côté augmenté de façon significative. Au Canada, 652 000 nouveaux emplois ont été créés entre 1979 et 1986 dans le secteur des services socioculturels, commerciaux et personnels. Si ce secteur d'emploi a augmenté ses effectifs, la rémunération, elle, y a subi une baisse plus qu'alarmante puisqu'elle est passée de 291,47 $ par semaine, en 1979, à 275.33 $ par semaine, en 1986. Notons que cette dernière rémunération touche plus du tiers des travailleuses canadiennes et des travailleurs canadiens et qu'elle est la plus basse au Canada. Ajoutons que ces 652 000 nouveaux emplois reviennent en réalité à 198 $ par semaine, puisqu'ils sont en partie rémunérés par la réduction de la masse salariale dans l'ensemble du secteur. En plus d'offrir des salaires à peine plus élevés que le salaire minimum, ces emplois sont très peu touchés par la syndicalisation.

Que nous réserve l'avenir? Le marché du travail offrira-t-il aux femmes des emplois leur permettant de sortir de la pauvreté? Nous constatons que les dix occupations qui contribueraient le plus à la croissance des emplois au Canada entre 1986 et 1995, selon l'étude intitulée "Emplois-avenir: perspectives professionnelles jusqu'à 1995", et qui porte sur les conditions actuelles et futures du marché du travail au Canada, étude publiée par Emploi et Immigration Canada, ces dix occupations, dis-je, sont toutes peu rémunératrices puisqu'elles procurent des salaires à peine plus élevés que le salaire minimum. Ces emplois sont déjà majoritairement occupés par des femmes: vente au détail, secrétariat, emplois de bureau, restauration, enseignement au niveau primaire. Les femmes veulent travailler, mais pas à n'importe quel prix. C'est pourquoi elles revendiquent une politique réelle de création d'emplois, axée sur le développement des services publics, sociaux et communautaires. Les femmes veulent des emplois rémunérateurs, offrant de bonnes conditions de travail. Elles n'ont rien à faire de mesures, telle la réforme de l'aide sociale proposée par le ministre Paradis, qui visent leur appauvrissement et n'ont pour seul but que d'élargir le bassin de main-d'oeuvre bon marché au profit de l'entreprise privée. Les femmes que nous représentons sont bien décidées à ne pas embarquer dans cette galère.

Mme Novak: Liza Novak. Une réforme qui oblige les femmes à choisir entre deux pauvretés. Le gouvernement du Québec s'apprête à modifier la Loi sur l'aide sociale qui, présentement, répond de façon inadéquate aux besoins des femmes qui vivent une situation de pauvreté croissante. Cependant, la nouvelle politique de réforme proposée par le gouvernement, si elle est adoptée, aura pour effet d'appauvrir encore davantage les femmes, d'accroître leur instabilité financière et d'empêcher leur autonomie.

Distinction entre apte et inapte au travail.

La nouvelle politique précise deux catégories distinctes d'assistés sociaux et d'assistées sociales, basées sur l'employabilité, entre guillemets, c'est-à-dire la capacité d'intégrer le marché du travail, soit les catégories "apte" et "inapte". Les femmes qui ont recours à l'aide sociale doivent pouvoir subvenir à leurs besoins essentiels, tels l'hébergement, la nourriture, l'habillement, le transport, les garderies, les soins de santé, etc., qu'elles soient aptes ou inaptes au travail. Une telle distinction a un effet discriminatoire envers les femmes et va à rencontre des articles 15 et 28 de la charte canadienne et des articles 1 et 45 de la Charte des droits et libertés du Québec.

L'État doit assurer aux femmes une sécurité de revenu adéquate en fonction de ces besoins, qui sont les mêmes pour toutes les femmes puisqu'elles vivent une situation de pauvreté commune, et non en fonction de leur employabi-lité. De plus, par une telle distinction, les femmes handicapées, qui sont confrontées à une double discrimination par rapport au marché du travail, se retrouveront davantage isolées du reste de la société et des autres femmes qui subissent aussi la discrimination sexuelle et raciale en emploi. Notons ici que les associations de femmes handicapées revendiquent l'intégration des handicapés dans la société et cette réforme propose une marginalisation. Alors, nous sommes contre et elles sont contre cette forme de marginalisation.

Nous refusons d'être ainsi isolées et divisées, et n'acceptons pas que le gouvernement se serve du prétexte de l'employabilité pour se décharger de sa responsabilité d'assurer une sécurité financière adéquate à toutes les femmes qui en ont besoin et cela, sans distinction. La création de deux catégories distinctes d'assistés sociaux et d'assistées sociales basées sur l'aptitude et l'inaptitude au travail est inutile, tout en étant administrativement coûteuse.

Le programme Actions positives pour le travail et l'emploi, c'est-à-dire le programme APTE. Ce programme vise spécifiquement les assistés sociaux et assistées sociales considérés comme aptes au travail, ce qui comprend la majorité des femmes vivant de l'aide sociale. Par ce programme, le gouvernement laisse croire qu'il existe une abondance d'emplois et que les mesures de maintien et de développement de l'employabilité qui nous seront imposées aboutiront inévitablement à l'insertion permanente des assistés sociaux dans le marché du travail.

Or, l'expérience d'Action travail des femmes, dont la clientèle est représentative des femmes assistées sociales, démontre bien le contraire. Tel que nous en avons fait état dans notre introduction, ce n'est pas par manque de volonté ou de capacité au travail que les femmes se retrouvent à l'aide sociale, mais bien à cause du manque d'emplois stables et bien rémunérés disponibles sur le marché du travail. Quand il y a des emplois, notamment, dans le secteur non traditionnel, les femmes y sont discriminées et n'ont pas accès à ces emplois. C'est le seul secteur, à l'heure actuelle, qui permet à un nombre suffisant de femmes d'accéder à des emplois qui paient entre 12 $ et 14 $ l'heure et elles sont exclues de ce secteur. (16 h 30)

Ce problème est aussi le résultat de changements profonds survenus dans la structure du marché du travail du fait de l'introduction de nouvelles technologies, notamment dans le secteur des services et le secteur manufacturier, et du fait de coupures bugétaires massives dans le secteur public. Or, le gouvernement tente de masquer les causes réelles de la pauvreté et de la dépendance économique des femmes afin de se décharger de sa responsabilité d'y remédier. Au lieu d'investir dans la création d'emplois permanents répondant aux besoins financiers et sociaux de la population, le gouvernement préfère investir dans un programme qui fournit aux entreprises une main-d'oeuvre à rabais pour une courte période. En effet, les bons d'emploi, les stages subventionnés en entreprise, la conversion des prestations d'aide sociale en subventions salariales ne garantissent absolument pas l'obtention d'un emploi régulier par la suite.

De plus, le programme vise à fournir une main-d'oeuvre gratuite, c'est-à-dire bénévole, au secteur des services sociaux et communautaires. C'est d'ailleurs ce secteur traditionnellement financé par l'État qui, par suite de coupures budgétaires massives, a fait perdre le plus d'emplois aux femmes. Finalement, ce programme, qui comporte des mesures répressives de contrôle qui sont toujours coûteuses, force les femmes à accepter des emplois instables et sous-payés sous peine de subir une diminution de leurs prestations d'aide sociale. Les femmes devront donc choisir entre deux pauvretés et c'est inacceptable.

Mme Martel: Pour que les femmes bénéficient d'un revenu décent et pour que leur autonomie financière soit reconnue et respectée, nous demandons que le gouvernement abolisse les programmes et mesures incitant au retour au travail contenus dans la réforme de l'aide sociale et qu'il crée plutôt une politique de plein emploi axée sur le développement des services publics, sociaux et communautaires tels les services de garde, de santé et des emplois liés à la protection de l'environnement. Que toute personne puisse bénéficier d'une sécurité financière suffisante en cas de besoin, sans distinction d'âge, d'aptitude ou d'inaptitude au travail, conformément aux articles 15 et 28 de la charte canadienne et à l'article 45 de la charte québécoise. Que les allocations d'aide sociale soient augmentées pour atteindre au minimum le seuil de pauvreté. Que les femmes ne soient pas tenues de réclamer une pension alimentaire de leur ex-conjoint avant de pouvoir bénéficier d'allocation d'aide sociale, ce oui est aussi

discriminatoire, selon nous, envers les femmes. Que la vie privée des femmes soit respectée et que, dans ce sens, elles puissent bénéficier de leurs pleines allocations si elles choisissent de partager leur habitation conformément à l'article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Que les femmes bénéficiaires de l'aide sociale puissent accéder gratuitement à une formation de leur choix tout en recevant leurs allocations. Que le gouvernement permette aux femmes d'accéder à des emplois stables et rémunérateurs en appliquant des mesures telles que les programmes d'accès à l'égalité et en imposant l'obligation contractuelle aux entreprises qui bénéficient de contrats ou de toute autre forme d'aide de l'État.

Au lieu de signer avec Hyundai une entente permettant d'embaucher à rabais 200 assistés sociaux, pourquoi le gouvernement n'impose-t-il pas à cette compagnie l'obligation contractuelle qui permettrait aux femmes d'accéder à de vrais emplois, c'est-à-dire des emplois payants et offrant de bonnes conditions de travail? Action travail des femmes et la Coalition des femmes pour l'accès à l'égalité, qui regroupent 170 groupes de la province, réclament l'application ferme et efficace de l'obligation contractuelle depuis 1985. On l'ajoute à la suite d'un article paru dans Le Devoir. Notre mémoire était déjà rédigé à ce moment-là.

Le Président (M. Thuringer): Merci. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiens à remercier Action travail des femmes du Québec et ses porte-parole. Étant donné que vous étiez dans la salle, j'avais un peu décidé de ne pas tracer le portrait de la clientèle de laide sociale tel qu'on le retrouvait en mars 1987. Mais, étant donné que vous nous demandez d'abolir les programmes de formation, je décide quand même de dresser ce portrait-là, parce que c'est une demande importante que vous adressez au gouvernement du Québec.

En mars 1987, la clientèle de l'aide sociale était composée de quelque 400 000 ménages dont 25 %, soit 100 000, étaient considérés comme admissibles au programme Soutien financier parce qu'il s'agissait de personnes incapables de subvenir à leurs besoins pour une longue période de temps. Quelle est la situation des 300 000 autres chefs de ménage dits aptes au travail? Ou quelle était leur situation? Elle n'a pas beaucoup évolué. 36 % de ces chefs de ménage sont considérés comme analphabètes fonctionnels, et ce n'est pas tellement facile de se trouver un emploi dans la société québécoise quand vous êtes caractérisé comme analphabète fonctionnel. 60 % de cette clientèle n'a pas terminé son cours secondaire. On sait combien d'entreprises, d'institutions exigent la détention d'un diplôme d'études secondaires avant d'avoir la possibilité de poser sa candidature pour peut-être obtenir un emploi. 40 % - il s'agit dans cette dernière statistique de femmes principalement - de cette clientèle n'a pas d'expérience de travail reconnue dans la société québécoise et on sait combien d'entreprises et d'institutions exigent cette reconnaissance de travail. Face à cette description de la clientèle à l'aide sociale et à votre demande d'abolir les programmes de formation, je suis un peu pris par surprise. Il n'y a pas eu de demande comme telle - vous êtes le 90e groupe - de ne pas miser sur l'employabilité. Plusieurs groupes nous ont demandé, comme vous le faites d'ailleurs, de miser sur le plein emploi, mais personne ne nous a demandé de ne pas augmenter la formation ou l'employabilité des individus qui sont bénéficiaires de l'aide sociale.

Je vous laisserai tout le temps de répondre, mais dans un premier temps, j'aimerais, un peu comme l'Association des manufacturiers canadiens l'a fait, que vous nous décriviez - vous avez souligné dans votre présentation votre action qui a été la plus rapportée dans les médias, la fameuse cause du Canadien national - quels sont les autres types d'action que vous menez au nom des femmes qui sont membres chez vous, quelle clientèle vous rejoignez et dans quelles régions.

Mme Martel: On rejoint des femmes qui sont de la région de Montréal parce que la plupart des femmes n'ont pas de voiture. On rencontre aussi les employeurs pour essayer de trouver des emplois aux femmes, des emplois payants. Je pense que c'est quand même assez clair dans notre mémoire. On a fait des pressions auprès de la ville de Montréal pour qu'il y ait deux banques de candidature, une pour les femmes et une pour les hommes, pour que les femmes aient accès aux emplois de cols bleus qui sont des métiers d'entretien. Ces emplois ne sont pas accessibles aux femmes. On n'a pas besoin de faire des études à tout casser pour le voir. C'est le genre de travail qu'on fait. Les femmes qui viennent à nos séances d'information participent aux pressions. Ce sont les femmes qui rencontrent les élus, entre autres, de la ville de Montréal.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que ces femmes sont, dans la majorité des cas, parce que vous travaillez à améliorer leurs conditions de travail, à ce qu'elles aient accès à des emplois traditionnellement dévolus à l'autre sexe, si je peux utiliser l'expression...

Mme Martel: Parce que payants, parce que les femmes se retrouvent toujours dans des emplois de services à 4,50 $ l'heure.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'essaie de mesurer la composante de votre organisation. S'agit-il plus de femmes qui sont déjà sur le marché du travail, des femmes qui ont déjà été sur le marché du travail, mais qui sont considérées présentement comme prestataires de

l'assurance-chômage parce qu'elles ont perdu un emploi, ou de femmes qui sont bénéficiaires de l'aide sociale et dans quelle proportion, si vous l'avez?

Mme Martel: On ne tient pas vraiment de... Les femmes sont sans emploi. Donc, on connaît le marché du travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.

Mme Martel: De plus en plus, les emplois sont précaires. Si on prend les femmes qui occupaient traditionnellement des emplois de bureau, secteur traditionnellement féminin, début des années quatre-vingt, beaucoup de femmes ont perdu leur emploi ou se sont retrouvées à travailler à temps partiel devant un écran cathodique ou, quand elles travaillaient dans le secteur manufacturier, c'était dans le textile où, là aussi, les changements technologiques ont eu un impact assez prononcé. Ces femmes se sont retrouvées, travaillant de moins en moins, au chômage. On appelle cela, nous, la spirale déclinante. Quand les femmes viennent nous voir, elles se demandent si c'est elles qui ne sont pas fines, qui ne sont pas belles ou qui ne sont pas formées, s'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas, comment il se fait qu'elles ne se trouvent pas "une job". Eh bien, nous autres, on leur explique qu'il y a effectivement beaucoup de chômage.

Alors, ces femmes se retrouvent au chômage. Ce n'est pas long avant de perdre pied et de se retrouver à l'aide sociale. Avec toute la volonté du monde, quand on réussit à se retrouver un emploi, c'est pour une période de trois ou quatre mois. Tant mieux si on peut retourner au chômage, mais cela descend et on reste à l'aide sociale.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est justement là où je tente de trouver le lien qui doit absolument, à notre avis - vous avez le droit de différer d'opinion ou d'avis avec le gouvernement - exister entre l'employabilité d'une personne et une politique de plein emploi. Sur le plan de l'emploi - Mme la députée de Maison-neuve me reprochait de ne pas avoir cité les chiffres tantôt - je vais profiter de l'occasion pour le faire. Il s'est créé, et je pense que c'est connu, quelque 104 000 emplois l'an passé au Québec. De ces emplois, 99 000 était à temps plein.

Ce qui m'a surpris en tant que ministre, c'est que, selon les statistiques suivantes, les femmes sont les grandes gagnantes de cette progression puisqu'elles ont accaparé 70 % des nouveaux emplois. On en avait une petite idée; cela se dessinait tout au long de l'année, statistique mensuelle après statistique mensuelle. On ajoutait que les femmes de 45 à 64 ans ont connu la hausse la plus spectaculaire avec une croissance de 13,6 %. Je vous dirai que ce phénomène-là, on ne l'avait pas vu venir comme société. On s'aperçoit que c'est un nouveau phénomène dans la société québécoise. Mais on se rend compte, malgré le fait qu'il y a de plus en plus d'emplois et que le chômage a diminué l'an passé de 2 %, qu'il y a, en marge de cette société, une proportion importante d'individus et de femmes qui ne participent pas à la croissance économique, qui sont marginalisés et laissés de côté. Lorsqu'on analyse le portrait de la clientèle à l'aide sociale, on se rend compte de carences importantes chez l'individu sur le plan d'une scolarisation, même pas poussée, de base. Sur le plan d'un fonctionnement - et je l'ai mentionné - lorsqu'on se retrouve avec 36 % d'analphabètes, on a comme société des problèmes importants.

J'essaie d'associer votre suggestion ou votre proposition de politique de plein emploi à votre proposition qui consiste à dire non aux programmes de formation. J'ai de la difficulté à faire le lien entre les deux, et je vous le dis comme je le vois.

Mme Novak: Vous avez beaucoup d'éléments dans votre interrogation. Je vais commencer par la question de la formation. Il n'est pas question d'abolir la formation, aucunement. C'est de ne pas la rendre obligatoire, c'est-à-dire que les gens puissent continuer de se former sans perdre de prestations. Là-dessus, je pense qu'on s'est peut-être mal compris. C'est le droit d'aller se former sans être pénalisé que nous réclamons.

L'autre chose, pour vous donner un exemple, la ville de Montréal et la STCUM, il y a un certain temps, embauchaient. La Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal recrutait pour les postes de chauffeurs et d'entretien, et la ville de Montréal avait aussi annoncé une embauche prévoyant 300 postes pour le printemps. Nous avons fait paraître une très petite annonce dans les journaux. On recevait, pendant une semaine et même plus, 200 appels par jour de femmes et on annonçait que ces emplois payaient entre 12 $ et 14 $ l'heure. L'exigence pour le poste d'entretien à la ville de Montréal est de savoir lire, écrire, parler français et compter. L'exigence de chauffeur d'autobus est de posséder un permis de conduire depuis cinq ans. C'étaient des critères accessibles et les femmes sont très intéressées par ce genre d'emploi.

Vous dites qu'une masse d'emplois a été créée. On sait que les femmes seraient intéressées et on aimerait connaître le salaire offert pour ces emplois créés et où trouver ces emplois. S'ils existent, nous sommes en mesure de vous fournir la main-d'oeuvre féminine pour ces emplois. On aimerait savoir où sont ces jobs, quels sont ces jobs, le salaire et les conditions de travail des emplois que vous venez de citer.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La seule place où je pourrais donner un salaire très

précis, c'est dans l'industrie de la construction parce que c'est décrété uniformément pour tout le Québec, mais, de février 1987 à février 1988, pour avoir les dernières statistiques dont on dispose au gouvernement, il s'est créé dans le secteur manufacturier 43 000 emplois; dans le secteur des services, 24 000; dans la construction, 21 000; finances, assurances et affaires immobilières, 21 000. (16 h 45)

Le seul secteur où je pourrais vous donner précisément le taux de salaire, c'est celui de la construction parce qu'en raison du décret c'est le seul où le taux de salaire soit uniforme pour tout le Québec. Sans avoir fait la vérification, je présume qu'il n'y a pas beaucoup d'éléments féminins dans des emplois traditionnellement reconnus dans le domaine de la construction comme étant ceux des hommes, bien que certains emplois commencent, au moment où l'on se parle, à être occupés par des femmes, mais c'est très embryonnaire comme percée au moment où l'on se parle.

Mme Novak: La majorité des assistés sociaux sont des femmes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela correspond exactement aux proportions de la population. Vous avez une population qui est composée à 52 % de femmes et à 48 % d'hommes, grosso modo, et vous avez à l'aide sociale la traduction à peu près exacte de ce pourcentage, 52 % de la clientèle de l'aide sociale est de sexe féminin et 48 % de la clientèle de l'aide sociale est de sexe masculin. Il n'y a pas de distorsion importante. Là où on retrouve des particularités qui sont quand même importantes, c'est sur la question des chefs de famille monoparentale. On a à peu près, à l'aide sociale, 78 000 chefs de famille monoparentale et, dans une proportion supérieure à 95 %, il s'agit là de femmes.

Mme Novak: Je pense que notre position est claire là-dessus. Les femmes sont très prêtes à travailler s'il y a des jobs qui paient assez bien.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Un autre élément que vous avez abordé et qui a été abordé par d'autres groupes représentant des femmes devant cette commission, les pensions alimentaires. Vous nous dites: II n'appartient pas à la femme de la réclamer et plusieurs groupes nous ont fait état que la femme souvent n'est pas en situation, pratiquement parlant, de réclamer sa pension alimentaire. Seriez-vous d'opinion que cette responsabilité incombe au gouvernement ou qu'il y aurait lieu de ne pas toucher à ce dossier?

Mme Novak: Je crois que déjà le gouvernement a un service qui existe pour les femmes, pour qu'elles puissent forcer le mari à donner la pension alimentaire à la cour. Vous me dites que non? Il y a un service qui existe où les femmes peuvent aller, à la cour...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pas automatique.

Mme Novak: ...au palais de justice...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Si la femme se rend, etc.

Mme Novak: Lorsqu'il y a eu un jugement pour une pension alimentaire et que le mari ne la donne pas, il y a un service au gouvernement, au palais de justice, où elle peut aller pour obtenir cette pension alimentaire. L'expérience de ces femmes, c'est qu'elles ont beaucoup de difficultés, même avec le service qui existe à l'heure actuelle. Je me demande comment le gouvernement va aller chercher la pension alimentaire des femmes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Avez-vous regardé du côté, entre autres, du Manitoba, où on vit l'expérience présentement, pour voir les résultats que cela donne dans cette province, et quelles sont les réactions de votre organisme?

Mme Novak: Disons que notre expertise est surtout au niveau de la discrimination systémi-que. Si j'ai des connaissances là-dessus, c'est parce que les femmes nous disent d'où vient leur situation de pauvreté. On ne pense pas que le fait d'obtenir ces pensions alimentaires du mari soit le dossier prioritaire pour sortir les femmes de leur pauvreté.

M. Paradis (Brome-Missisquoi)-' Je vais peut-être tomber strictement dans le domaine de votre expertise. Il y a des programmes d'accès à l'égalité qui ont été signés avec certaines entreprises privées, il y a un certain temps, et d'autres tout récemment. On peut mentionner les exemples de Canadair, des caisses pop, de Culinar. Plus récemment, Québécor, Domtar, Provigo, SICO, Ultramar, la FTQ, Alliance Standard. De quelle façon cela répond-il à vos exigences ou à vos demandes? D'après vous, les expériences sont-elles positives, concluantes ou trop embryonnaires pour que vous puissiez en tirer certaines conclusions?

Mme Novak: On surveille de très près les entreprises qui ont obtenu des subventions du gouvernement, 50 000 $ chacune. Maintenant, je ne sais pas, il y en a eu dix au mois de mai dernier, en 1987, qui ont obtenu 50 000 $ chacune pour mettre sur pied un programme d'accès à l'égalité ou faire des analyses de leur effectif en vue de mettre sur pied un programme d'accès à l'égalité et, maintenant vous venez d'annoncer d'autres entreprises. Il s'agit de programmes volontaires sans aucun moyen de vérification ni de contrôle. Il n'y a rien qui

oblige ces entreprises à vraiment mettre sur pied de vrais programmes d'accès à l'égalité. Ce sont des programmes volontaires, c'est-à-dire que ce sont des sommes qu'elles ont reçues pour faire une analyse de leurs effectif en vue d'implanter un programme. Il n'y a rien dans le contrat qui les oblige. Par rapport à cela, nous savons qu'elles se sont engagées sur une période de deux ans à fournir des rapports et des statistiques sur leur analyse. Cela ne crée pas de jobs pour les femmes qui en ont besoin tout de suite. Mis à part cela, nous savons que Gaz Métropolitain, par exemple, se sert des fonds publics, de ces 50 000 $ pour retarder l'embauche des femmes dans les emplois col bleu. Alors, nous voulons que le gouvernement investisse un montant identique à celui qui a été donné assez librement aux employeurs, un montant équivalent, c'est-à-dire 1 333 000 $, pour que les organismes de femmes n'aient pas à avoir de bénévoles pour fonctionner. Le bénévolat ne paie pas nos factures. Nous avons besoin de vrais salaires, des salaires décents, et de bonnes conditions de travail. Alors, si le gouvernement est prêt, ce serait notre revendication par rapport à ce projet pilote et à cette expérience pilote.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aurais une question additionnelle. Je ne sais pas s'il me reste du temps, M. le Président?

Le Président (M. Thuringer): Deux minutes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je comprends votre revendication; vous l'avez même chiffrée assez précisément. Est-ce que je me trompe en disant que votre évaluation comme telle de ces programmes, vous ne la qualifiez pas de positive?

Mme Novak: À moins que ces entreprises ne nous présentent des chiffres nous disant combien d'emplois ils ont créés, nous pourrons commenter, mais, à l'heure actuelle, on sait qu'à Gaz Métropolitain aucun emploi n'a été créé et cela fait déjà un an. Pour les neuf autres entreprises qui ont eu des subventions en mai dernier, on n'a aucune donnée là-dessus. Si on peut nous donner des chiffres exacts sur le nombre d'emplois qui ont été créés, nous pourrons commenter à ce moment, mais on ne croit pas qu'il y en a eu.

Le Président (M. Thuringer): Merci. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup d'intérêt, parce que c'est un des mémoires, celui d'Action travail des femmes du Québec, que nous avons reçu presque dès le début des travaux... Je l'ai beaucoup utilisé parce qu'il est succinct, mais il va au coeur du problème qui est, entre autres, que le travail disponible ne permet plus nécessairement un revenu décent.

Durant nos travaux, j'ai eu l'occasion de citer à l'occasion les chiffres que vous nous citez dans votre mémoire sur l'étude "Emplois-Avenir; perspectives professionnelles jusqu'à 1995". Mme Novak et Mme Martel, je crois qu'à cause de l'expertise que vous avez en matière de retour à l'emploi, la contribution que vous apportez aujourd'hui devant la commission est très importante.

Tantôt, j'aimerais vous entendre parler de formation. Le ministre a fait état des carences - je reprends ses propos - en termes de, formation. Vous parliez tantôt de femmes qui vont à Action travail et qui ont soit un cours collégial, l'université ou un secondaire qui n'est pas complété. C'est sûr que c'est de bonne guerre, mais c'est un fait que le ministre parle d'une chose, des problèmes des personnes, mais propose une autre chose. Il n'y a pas de qualifications professionnelles ni de formation professionnelle dans les mesures d'employabilité qu'il propose. C'est de terminer un cours général, un secondaire. Les chiffres que nous avons présentement révèlent que c'est une faible participation, peut-être de l'ordre de 20 %, aux mesures qui auraient été le fait des moins de 30 ans à qui elles étaient offertes. Pourtant, il y avait possibilité de doubler, ou presque, la prestation.

Donc, beaucoup de groupes qui sont venus, qui vous ont précédées où vous êtes assises maintenant, ont dit: On fait part des difficultés de contingentement, des difficultés de budget qui ont fait que très souvent les personnes de moins de 30 ans qui voulaient participer à un stage devaient en trouver un elles-mêmes et aller le faire entériner, et c'était très rarement offert par les centres Travail-Québec. Mais cela, c'est un autre problème.

Si on reprend, vous, qu'est-ce que vous verriez comme mesures offertes en matière de formation? Je comprends que vous nous disiez: Qu'on abolisse les programmes et les mesures incitatives au profit d'autre chose et au profit, entre autres, d'une politique de plein emploi, mais j'imagine aussi au profit d'une politique de formation. J'aimerais vous entendre parler, par exemple, de votre expérience avec la Commission de formation professionnelle, la CFP, à Montréal. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Demain, la FTQ va venir devant la commission et, dans son mémoire, la FTQ fait une sorte d'évaluation de l'absence de travail disponible. Notamment, elle a évalué, que les 104 000 emplois créés cette année, en 1987, l'ont été surtout pour absorber un taux d'activité plus élevé, mais que, comme tel, il y aurait eu, selon elle, 15 000 emplois offerts véritablement à des chômeurs, si on tient pour acquis que le taux d'activité, notamment, des jeunes qui accédaient au marché du travail ou des femmes qui y retournaient ont pu absorber ces nouveaux emplois. La FTQ évalue à 500 000 emplois par année ce qu'il faudrait pour véritablement faire diminuer le chômage. Enfin, demain, on regardera

cela avec eux, mais, vous, vous proposez la création d'emplois dans le développement de services publics socio-communautaires, tels les services de garde, de santé, etc. Ce serait intéressant de vous entendre là-dessus: Quelles sortes d'emploi? Qui devrait les gérer? Est-ce que c'est l'État ou est-ce que ce doit être le secteur communautaire? Est-ce que cela peut être les municipalités? C'est un peu autour de cela. Comment voyez-vous la gestion de ces nouveaux emplois qui pourraient être générés?

Votre mémoire nous permet certainement de toucher du doigt un problème de fond qui est non seulement l'absence de travail disponible, mais lorsqu'il y a travail disponible, il n'y a pas nécessairement revenu décent. Quand je vous entendais tantôt, Mme Martel, je pensais à cette ex-travailleuse des Biscuits David qui est venue me voir lundi matin dernier, qui est chef de famille avec un enfant adolescent de quinze ans et un autre enfant qui est d'âge scolaire et qui ne réussit pas, depuis la fermeture des Biscuits David, à trouver un emploi qui soit au-delà de ce qu'elle reçoit comme prestations d'aide sociale, étant donné le niveau qu'elle avait auparavant, parce qu'elle était aux Biscuits David depuis presque 17 ans. C'était un emploi syndiqué avec des conditions de travail de protection. On calculait avec elle le programme APPORT, le fait qu'elle n'ait pas de frais de garde, le fait qu'elle ne puisse pas en bénéficier. C'était à peine ce qui pouvait lui en coûter pour se déplacer.

Je me demande si vous avez un point de vue sur les gains de travail qui devraient être permis, exemptés de toute diminution du chèque, des gains qui devraient être disponibles ou qu'il devrait être possible d'additionner ou de combiner pour que ce soit une incitation réelle. Vous voyez, c'est assez...

Mme Novak: On retient trois éléments de votre intervention. La première, c'est ce qui touche à la formation. M. Paradis, je n'ai pas trop élaboré là-dessus. Je me suis embarquée dans autre chose. Alors, je vais répondre. La réforme propose une espèce de plan individualisé pour chaque assisté social selon lequel on évaluerait ses besoins en termes de formation, de lacunes et tout cela par rapport aux besoins du marché du travail et ce qui est offert.

En termes très simplistes, les femmes ont une tête sur les épaules. Elles ne sont pas stupides. Elles savent, quand on le leur explique, quels sont les emplois qui existent, ceux qui existent à l'heure actuelle. Celles qui n'ont pas leur secondaire ou à qui il manque une certaine scolarité, elles se rendent compte que, pour accéder à un emploi, et pour changer leur situation, il faut qu'elles aillent... Elles n'ont pas besoin de l'agent du bien-être social pour leur dire de retourner aux études. Le problème, comme vous l'avez dit, c'est que le retour aux études a d'autres implications quant au coût et aux responsabilités familiales, et on ne voudrait pas qu'elles soient pénalisées parce qu'elles décident de retourner aux études Elles savent elles-mêmes où elles doivent aller et ce dont elles ont besoin. (17 heures)

L'autre chose, c'est que les prévisions qu'on nous fait souvent... Au bureau, nous avons un livre qui a à peu près deux pouces d'épais sur les cours subventionnés du gouvernement. Certains de ces cours sont gérés par le Centre de formation professionnelle. On regarde ces cours. Les femmes nous demandent: Quels cours devrais-je suivre pour accéder à un emploi? Nous ne pouvons leur proposer aucun cours. Il y a peut-être deux cours au maximum que nous pourrions leur proposer et qui vont les mener à des emplois sûrs ou pour lesquels elles auraient de bonnes chances, parce que la certitude n'existe pas dans le marché du travail. Le marché du travail est en transformation ainsi que les prédictions. À un moment donné, il y a eu des annonces de montants d'argent investis par l'État dans le traitement des eaux. Les femmes sont allées se former. Après qu'elles furent formées, on a arrêté d'investir dans le traitement des eaux. Maintenant, on a de belles centrales sans employés qui ne fonctionnent pas et des femmes formées qui n'ont pas de job. C'est la même chose dans l'aéronautique. En termes de prévision quant à la formation, on conçoit mal qu'un fonctionnaire de l'État puisse dire à une femme quel sera son plan de carrière et qu'il va mener certainement à "une job". C'est ridicule et ce n'est pas possible avec l'instabilité et les changements actuels.

Mme Harel: À Action travail des femmes, quelles sont vos relations avec la Commission de formation professionnelle? Pouvez-vous nous en parler?

Mme Novak: Elles sont bonnes dans le sens qu'on n'en a pas sur une base continue, mais, quand il y a des cours susceptibles d'intéresser les femmes, comme le cours de montage d'installation de chauffage au gaz pour que les femmes puissent accéder à un emploi à Gaz Métropolitain, mais se trouver discriminées à la porte de l'employeur... Elles suivent les cours et, après cela, elles vont sur le marché du travail, et elles sont bloquées là.

Mme Martel: Ce qui se passe souvent, quand les femmes se battent pour avoir des emplois dans des milieux traditionnellement masculins, c'est qu'il y a une hausse de critères, on appelle cela l'effet rose. On va nous demander de la formation. Vous serez formée pendant huit ou neuf mois. Finalement, vous n'avez pas plus "la job". Mais la formation que pouvait donner Gaz Métropolitain, il la donne.

Mme Novak: En plus, c'est une formation...

Mme Martel: II faut faire attention à la formation pour certains emplois.

Mme Harel: Est-ce qu'on exigeait un niveau secondaire à Gaz Métropolitain?

Mme Novak: Disons que l'emploi en question est celui de préposé au service. Il y a des hommes qui n'ont pas leur diplôme de fins d'études secondaires et qui effectuent le travail. Maintenant, on commence à exiger un DEC, non pas en électrotechnique, mais quelque chose comme électricité et tuyauterie, une combinaison comme celle-là. Combien de femmes ont ce cours? Ce cours est-il vraiment nécessaire pour occuper l'emploi, surtout que l'employeur donne une formation payée au tarif de la convention collective, soit 14 $ l'heure pendant un an, pour acquérir ce métier? C'est ce genre d'emploi dont les femmes ont besoin. C'est ce genre d'emploi qui va les inciter à sortir de leur situation d'assistées sociales.

Mme Harel: Mais vous illustrez bien un des problèmes que plusieurs groupes sont venus nous démontrer en commission parlementaire. C'est que l'employabilité, quand la concurrence est très forte pour un emploi, s'il y a 50 candidats ou candidates, il y a quelque chose comme une diminution de l'employabilité parce que l'employeur va pouvoir demander, la prochaine fois, après un secondaire V, un DEC. Éventuellement, cela fait que les exigences augmentent. Quelqu'un a dit: Finalement, c'est comme monter un escalier roulant qui descend. Plus quelqu'un le monte, plus il descend, d'une certaine façon, à cause de la concurrence pour le peu d'emplois.

Mme Novak: Oui. C'est comme cela que les femmes le ressentent aussi et c'est comme cela qu'on le vit. Pour les chauffeurs d'autobus, par exemple, on demandait à un moment donné une neuvième année. Il n'y avait pas tellement d'exigences comme telles, sauf de posséder un permis de conduire. Aussitôt que les femmes ont commencé à accéder à ce poste et qu'il a commencé à être ouvert aux femmes, on a commencé à exiger cinq ans d'expérience sur un véhicule commercial. Combien de femmes ont cinq ans de ce genre d'expérience, pensez-vous? C'était juste au moment où le syndicat et l'employeur négociaient des réductions d'heures pour les chauffeurs d'autobus, créant ainsi plus d'une centaine d'emplois que les femmes n'ont pas pu avoir parce qu'à ce moment la compagnie a haussé les critères. Vous voyez ce qui se passe dans la réalité quant à l'accès à des emplois qui sont décents pour les femmes.

Mme Harel: Est-ce que vous pouvez élaborer, si tant est que vous avez pu réfléchir, sur toute la question de l'incitation? Je comprends que pour vous, l'employabilité, il faut d'abord que ce soit une démarche volontaire. La forma- tion, par exemple, il faut que ce soit une démarche personnelle et volontaire pour qu'elle réussisse.

Mme Novak: Elle n'est pas obligée. C'est du travail. C'est en étant conscient de la réalité du marché du travail qu'on entreprend des démarches. Ce n'est pas en ayant un fonctionnaire, un agent du bien-être social pour nous dire qu'il faudrait aller dans cette direction. Nous, on n'y croit pas à cette méthode. Ce n'est pas une méthode qui va aboutir à un emploi. On le sait, il n'y a même pas assez d'emplois de toute façon.

Mme Harel: Le document, peut-être que je simplifie un peu, mais je ne pense pas caricaturer en disant que la proposition gouvernementale est d'échapper à la trappe de pauvreté en diminuant la prestation, d'une certaine façon, comme si cela allait avoir une incitation positive.

Mme Martel: Ce qui est drôle là-dedans, c'est que dans la réforme on nous dit qu'il va y avoir des programmes de formation, d'incitation au travail et que cela mènera toujours à un emploi. Nous, on sait que quand on est à l'aide sociale, les emplois ne sont pas là. C'est juste ce qu'on dit, finalement.

Quand on regarde le fameux graphique du programme APTE, bing! tu reviens sur le marché du travail. Mais qu'est-ce que tu as comme emploi? Un emploi à temps partiel, précaire, qui dure deux ou trois mois, c'est ce qu'on dit.

Mme Harel: Quand vous parlez de la création d'emplois dans votre mémoire, vous dites: tels les services de garde de santé, des emplois liés à la protection de l'environnment. Vous les voyez générés par l'État? Gérés aussi ou simplement subventionnés?

Mme Martel: Nous sommes pour l'universalisation des programmes sociaux. Les femmes sont les premières usagères des services sociaux, en plus d'être les premières travailleuses. C'est un secteur où les femmes étaient très présentes et le sont encore, et qui offrent de bons salaires et une sécurité d'emploi. Mais à la suite des coupures on se souvient de ce qui s'est passé en 1982, les femmes ont comme qui dirait pris le bord. On est encore en train de rattraper cela, malheureusement. Cela ne va pas en s'améliorant non plus. Les femmes font, comme elles le disent, la ligne à l'urgence et, en plus, "ma job" de préposée aux bénéficiares que j'avais, je ne l'ai plus. Il y a un problème.

Mme Harel: Présentement, parmi - ce sont les statistiques de 1987 - les 104 000 emplois créés, 23 000 au Québec l'auraient été par les gouvernements fédéral et provincial, dans le secteur public. Ce sont les chiffres fournis par le ministre. Évidemment, c'est peut-être l'indice

qu'il y a là beaucoup d'emplois occasionnels. Je pense bien que toute la population n'a pas le sentiment qu'il s'est créé des emplois permanents dans le secteur public. Enfin, il faudrait voir.

Un des problèmes, c'est que, si l'État utilise l'argent qui est actuellement utilisé... On reprend votre exemple: ce sont particulièrement les femmes qui font des tâches communautaires qui ne sont pas rémunérées, qui ne sont pas reconnues comme du travail rémunéré. S'il y avait une reconnaissance de ce travail et une rémunération qui allait de pair, à ce moment, par exemple, le régime d'assistance publique du Canada, le RAPC... Vous savez sans doute que le régime d'assistance publique du Canada finance 50 % de la prestation d'aide sociale. Si la prestation était utilisée pour faire un travail à titre de travailleuse, sans l'étiquette de l'aide sociale, la contribution, la rémunération pourrait être entièrement à la charge du seul État québécois.

Je ne sais pas si vous avez déjà eu l'occasion d'examiner toute la question de l'harmonisation du développement de l'emploi dans les services comme l'environnement. L'environnement, vous en parliez sans doute en termes d'assainissement ou de grands travaux parce que plusieurs groupes qui sont venus devant la commission ont fortement recommandé, par exemple, dans certaines régions, des travaux dans la foresterie ou des travaux le long des berges du Saint-Laurent. Mais, évidemment, ce seraient là des travaux qui seraient entièrement à la charge de l'État québécois. Je veux simplement qu'on prenne conscience qu'il y a une sorte d'effet pervers présentement à maintenir des gens à l'aide sociale en raison du seul fait qu'il y a une partie du chèque qui est payée par Ottawa.

Mme Martel: L'État aussi prend des contrats de sous-traitance. Je crois que plusieurs ministères font affaires avec des agences de placement au lieu de créer de vrais emplois. Nous, c'est ce que nous voulons. Nous voulons de vrais jobs. Des projets, c'est bien beau, mais qu'est-ce que cela donne à long terme?

Mme Harel: Oui, mais des vrais jobs, vous-mêmes, et c'est tellement éloquent, vous citez les chiffres de la perte d'emplois dans le secteur manufacturier. C'est d'ailleurs une drôle de circonstance que vous soyez immédiatement après l'association des manufacturiers.

Mme Martel: Oui, on a trouvé cela drôle nous aussi.

Mme Harel: Vos chiffres, surtout le tableau... Dans votre mémoire, le tableau à la dernière page, j'invite le ministre à examiner ce tableau en date de novembre 1987 où, notamment, vous faites valoir que les emplois ont augmenté dans le domaine des services, mais qu'ils ont diminué dans le domaine de la fabrica tion. Quand vous dites: Des vrais jobs, je voudrais juste savoir ce que vous entendez par là. Voulez-vous dire de vrais jobs comme il en existait dans le domaine de la fabrication et qui sont maintenant remplacés par de nouvelles technologies? Ou voulez-vous qu'on considère comme de vrais jobs des activités qui, jusqu'à maintenant, ne l'ont pas été? Je ne sais pas si on se comprend.

Mme Martel: Oui, on se comprend. C'est qu'il y a bien du stock. Évidemment, nous ne voulons pas des jobs à 4,55 $ l'heure. Les femmes à l'aide sociale avec des enfants... Vous décidez de retourner travailler. Qu'est-ce qui arrive? Il faut payer la carte de métro, évidemment, 30 $ par mois. Il faut s'habiller. Il faut partir travailler. L'autre affaire, ce sont les garderies. Qu'est-ce que vous faites? Vous arrivez tout juste à mettre votre enfant à la garderie. Qu'est-ce qui vous reste au bout de la semaine? Qu'est-ce qui vous reste au bout du mois? D'après ce que les femmes nous disent, c'est à peu près 3 $. Le paquet de cigarettes est à 3,35 $. Il ne reste vraiment pas grand-chose.

Donc, on veut des emplois payants, à temps plein. Bien sûr, on aimerait que notre travail soit reconnu. Donc, quand on partait des programmes d'accès à l'égalité tout à l'heure, que le gouvernement investisse aussi dans des groupes de femmes. Pourquoi pas les garderies? Pourquoi est-ce qu'on aurait à payer pour nos enfants? Surtout qu'on se retrouve de plus en plus chefs de famille. Pourquoi est-ce qu'on ne travaillerait pas dans des garderies à des salaires décents et qu'en même temps on y mettrait nos enfants? Génération d'emplois, etc. Nous attendons les propositions aussi. Nous sommes prêtes à participer, à avoir des idées et tout cela sur le plein emploi axé sur le développement communautaire. Là, c'était sur...

Mme Harel: C'est d'autant plus intéressant que dans les garderies c'est à frais partagés. C'est un programme ou c'est cinquante-cinquante. Alors, même de vrais jobs avec un vrai salaire se trouvent à être partagés moitié-moitié. Cela vaut la peine!

Mme Martel: Oui. Sauf que dans les...

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, Mme la députée.

Mme Novak: Je suis d'accord, mais on sait que les salaires des travailleuses dans les garderies sont minables. Alors, on demande non seulement d'augmenter les garderies, les soins et les services qui aident la population, mais aussi les emplois dans ces services-là.

Le Président (M. Bélanger): Si vous voulez remercier le groupe, Mme la députée?

Mme Harel: Je vais remercier Action travail des femmes du Québec. Dans le passé, j'ai raté quelques occasions de vous rencontrer, mais je tenais beaucoup à ce que vous puissiez apporter toute la contribution que je sais être l'expertise que vous détenez en matière de réinsertion des femmes dans des secteurs qui offrent toujours de la résistance. J'ai souvent eu l'occasion, dans mon quartier, de vous référer des femmes et d'avoir des contacts avec elles par la suite, notamment certaines qui ont suivi le cours de camionneur et qui se sont rendu compte qu'elles aimaient cela et qu'elles étaient capables, même si actuellement elles sont encore à la recherche d'emplois. Alors, je vous en remercie.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je voudrais me joindre à Mme la députée de Maisonneuve pour remercier Mme Novak ainsi que Mme Martel et leur indiquer qu'il se dégage de leur mémoire quelque chose d'un peu différent des autres mémoires que nous avons entendus jusqu'à présent. Ce qui se dégage d'un peu différent, c'est qu'on parle, oui, d'incitation à aller sur le marché du travail, mais, pour vous, ce n'est pas n'importe quel marché du travail, si j'ai bien saisi votre argumentation. Je l'ai noté à un moment donné: pas des jobs à 4,55 $ l'heure - je pourrais traduire - pas des jobs au salaire minimum, mais on veut des emplois qui soient beaucoup plus valorisants, beaucoup plus secures et beaucoup plus permanents que des emplois au bas de l'échelle, si vous me permettez l'expression. C'est ce que je retiens de votre témoignage devant cette commission parlementaire. Au nom du gouvernement, je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): La commission des affaires sociales remercie le groupe Action travail des femmes du Québec et invite, à la table des témoins, l'Organisation populaire des droits sociaux de la région de Montréal, représentée par Mme Aline Laforest, Mme Céline Tremblay et Mme Gisèle Bérubé. Je les invite donc à la table des témoins.

Nous suspendons les travaux une minute.

(Suspension de la séance à 17 h 16)

(Reprisée 17 h 18)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des affaires sociales accueille un nouveau groupe, mais, auparavant, je voudrais, à l'invitation de Mme la députée de Maisonneuve et de M. le ministre, saluer un groupe d'étudiants du cégep de Jonquière qui, dans le cadre d'un cours, est venu assister aux travaux de la commission. Il nous fait plaisir de vous recevoir et nous souhaitons que cela atteigne pleinement les objectifs que vous poursuiviez en venant nous rencontrer ici.

Nous recevons, donc, l'Organisation populaire des droits sociaux de la région de Montréal. Je vous explique rapidement nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire et, ensuite, il y a une période d'échanges avec les parlementaires. Je vous prierais, chaque fois que vous devez prendre la parole, de bien vouloir vous identifier, ceci pour les fins de la transcription au Journal des débats; nos transcriptrices ne vous voient pas et ne vous connaissent pas. Je vous inviterais, donc, à vous identifier, à présenter les gens de votre groupe et votre mémoire. Je vous remercie.

Organisation populaire des droits sociaux de la région de Montréal

Mme Bérubé (Gisèle): Merci, M. le Président. Je vous présente Aline Laforest et Céline Tremblay.

M. le Président, messieurs et mesdames les commissaires, M. le ministre, notre organisme, l'Organisation populaire des droits sociaux de la région de Montréal, l'OPDS-RM, est un regroupement d'assistés sociaux implanté dans cinq quartiers de Montréal: centre-sud, Mercier, Montréal-Nord, Saint-Michel et Hochelaga-Maisonneuve. Nous existons depuis neuf ans. C'est donc dire que nous avons acquis, au fil des ans, une expertise certaine des besoins et de la réalité des assistés sociaux montréalais.

Nous sommes une trentaine de bénévoles assistés sociaux qui avons travaillé à la rédaction ' du mémoire. Chacune des personnes y a mis son vécu et nous en avons fait un exercice collectif. Nous ne sommes pas des universitaires, ni des politiciens et nous ne faisons pas partie du monde des affaires. Nous sommes des assistés sociaux qui vivons le quotidien de l'aide sociale et qui aidons d'autres assistés sociaux à améliorer leurs conditions de vie. Nous sommes des témoins privilégiés de cette réalité. Le gouvernement aurait un intérêt certain à nous écouter et à chercher avec nous la solution pour une réforme juste et équitable.

Les préjugés sont nombreux à notre égard: parasites, paresseux, fraudeurs, profiteurs et on pourrait facilement allonger la liste. Pourtant, nous sommes ici trois femmes, Aline Laforest, Céline Tremblay et moi-même, Gisèle Bérubé, qui n'avons pas choisi l'aide sociale. Nous sommes des femmes veuves, ou divorcées, qui avons élevé, à nous trois, huit enfants. Nous totalisons en plus 24 ans de bénévolat, à raison de trois ou quatre jours par semaine. Nous ne sommes pas uniques. Nos besoins, nos intérêts et nos ambitions ressemblent à ceux de la majorité des personnes.

Le mandat principal de l'OPDS-RM est de défendre les droits et les intérêts des assistés

sociaux. Pour y parvenir, nous intervenons auprès des bureaux locaux d'aide sociale lorsque les droits des bénéficiaires sont lésés ou auprès des instances gouvernementales lorsque l'enjeu est plus large et qu'il concerne l'ensemble des assistés sociaux. C'est dans cet esprit qu'il nous semble important aujourd'hui de faire entendre notre point de vue sur le document d'orientation intitulé "Pour une politique de sécurité du revenu". Mme Laforest va vous lire le mémoire.

Mme Laforest (Aline): M. le Président, M. le ministre, messieurs et mesdames les commissaires, comme vous l'affirmez dans l'introduction de votre document, "le programme de l'aide sociale est largement dépassé et inadéquat". Nous sommes également d'avis que ce programme doit être modifié pour tenir compte de la réalité de l'emploi et des principes fondamentaux de respect des droits de la personne.

Les barèmes d'aide sociale sont censés couvrir les besoins ordinaires d'un ménage. La loi prévoit aussi la couverture des besoins spéciaux. Cependant, on n'attribue que 12 $ pour l'achat d'une monture de lunettes. Autre exemple, l'aide sociale alloue 35 $ par enfant pour couvrir les dépenses encourues au moment de la rentrée scolaire alors qu'on exige de certains enfants un montant de 50 $ pour l'inscription, les photocopies, etc. Ce montant ne tient pas compte des vêtements que les parents doivent acheter, des cahiers ou du matériel didactique.

Les déductions pour revenus de travail n'ont pas été indexées depuis 1972. En 1986, votre gouvernement supprimait l'indexation aux trois mois. S'il économisait ainsi quelques millions, il le faisait au prix de l'appauvrissement de la population déjà la plus démunie du Québec. Il le fait encore. Par exemple, une mère de moins de 30 ans reçoit le barème d'une personne seule apte au travail parce que son enfant est placé en famille d'accueil. Le centre de services sociaux travaille à la réinsertion dans sa famille d'origine. De l'autre côté, le bien-être fait perdre son logement à la mère, l'empêchant ainsi d'accueillir son enfant. Quelle contradiction!

Vous condamnez les jeunes assistés sociaux à survivre en marge de la société. Un jeune reçoit 178 $ par . mots d'aide sociale. Il est inévitable, et cela a été reconnu par de nombreux intervenants, que l'économie de coûts que vous effectuez entraîne d'autres coûts sociaux: malnutrition, itinérance, suicide, prostitution, drogue, problèmes psychiatriques et le reste. Devant les pressions de plusieurs, vous avez tenté de faire bonne figure. Cependant, les résultats ne furent pas ceux que vous aviez escomptés. Bien sûr, les jeunes se sont inscrits à ces programmes, mais ils n'avaient pas le choix. Ces mesures permettent aux jeunes d'obtenir la parité des prestations avec les plus de 30 ans, mais elles introduisent un nouveau concept dans le régime: pour recevoir l'aide, il ne faut plus seulement y avoir droit, il faut, en plus, travail- ler pour son obtention. Les travaux communautaires ou les stages en entreprise ne garantissent pas aux jeunes un emploi.

Le retour aux études permet aux chefs de famille monoparentale de poursuivre au cégep ou à l'université, mais pour trois sessions seulement, alors qu'un DEC général en nécessite quatre et qu'un diplôme technique et un bac en exigent six. Dans ce programme et dans le rattrapage scolaire, les étudiants sont constamment harcelés. Tantôt, l'aide sociale leur demande de fournir une description du programme ou des cours dans lesquels ils sont inscrits, tantôt on exige une preuve d'inscription, une preuve de fréquentation; l'horaire des cours de l'étudiant, la liste des effets et du matériel scolaires, les factures de tout ce qu'ils ont déboursé, les reçus de gardiennage, etc.

Une étudiante nous avouait qu'elle était gênée de se présenter au registrariat de son collège tant elle y était allée souvent pour demander les mêmes documents qu'elle remettait toujours au même agent d'aide sociale. À la longue, l'accueil réservé par le personnel des écoles devenait de moins en moins cordial et avec raison. Ces tracasseries administratives découragent trop souvent les étudiants.

Récemment, un de nos locaux s'est vu soumettre le cas d'un homme voulant s'inscrire à une école de conciergerie. L'école lui garantissait un emploi à la fin de ses cours. Cet homme s'est vu refuser l'accès aux cours par le bien-être sous prétexte que cette école n'était pas reconnue par le ministère de l'Éducation. Elle est, par ailleurs, subventionnée par le fédéral. Pourtant, la jurisprudence en cette matière affirme très clairement qu'aucune directive ne lie ce programme à la reconnaissance du MEQ. Cette cause est présentement en appel. Dans ce contexte, que veut dire l'incitation au travail?

Depuis l'arrivée des boubous macoutes, l'ensemble des assistés sociaux vit sous la menace d'une plainte ou d'une visite à domicile. Les boubous macoutes sont devenus une machine à débusquer des fraudeurs, À les croire, la majorité d'entre nous n'a qu'un but, qu'un seul objectif dans la vie: frauder le régime d'aide sociale. D'ailleurs, en mai dernier, les journaux annonçaient que les boubous macoutes avaient relevé 17,1 % de dossiers erronés. Sur 389 600 ménages inscrits à l'aide sociale en mars 1987, 19 132 ont vu leur dossier annulé, refusé ou modifié à la baisse à la suite de la visite du boubou macoute. Le pourcentage des modifications s'établit donc à 4,9 % au lieu des 17,1 % annoncés. Pourtant, le public a retenu 17 % des assistés sociaux. Cette pratique s'apparente à une campagne de salissage orchestrée par le ministère et renforcé par les médias.

Nous n'avons pas choisi de devenir assistés sociaux. Contrairement à ce que cette campagne a laissé entendre, ce n'est pas agréable de vivre des prestations d'aide sociale. On ne s'enrichit pas grâce à elles. On ne va pas en Floride

l'hiver et on ne se promène pas, non plus, en Cadillac. Les assistés sociaux qui viennent dans nos locaux sont gênés de leur situation. Ils viennent nous voir en prétextant que c'est pour un ami, trop honteux d'avouer que c'est pour eux. Les assistés sociaux sont prêts à tout pour quitter l'aide sociale. Nous voulons participer au développement de notre société. Le régime d'aide sociale doit cesser de nous considérer comme des parasites et des profiteurs. Il doit s'attaquer aux préjugés de la population et du personnel charge de l'application du régime d'aide sociale.

Actuellement, l'aide sociale est fournie lorsque le requérant a épuisé tous les autres recours. Elle ne constitue pas un choix, mais un pis-aller. Si tant de bénéficiaires sont aptes, c'est que la structure du marché du travail ne peut les accueillir. Le problème de l'emploi est complexe. Il ne peut se réduire à une question d'incitation au travail. Lorsqu'une usine ferme ses portes, les ouvriers ne sautent pas de joie en disant qu'ils en avaient assez de travailler. Ils se battent tous pour sauver leur emploi.

Vous vous appuyez de plus en plus sur l'initiative privée pour répondre à des besoins que vous preniez en charge auparavant. Les mesures de maintien à domicile ou de services de garde en milieu familial en sont de bons exemples. Vous avez remis de nombreuses sociétés d'État au secteur privé. Dans le même esprit, la générosité populaire est mise à l'épreuve plus d'une fois durant l'année. Des "barres" de chocolat en passant par les loteries de toutes sortes et par les nombreux téléthons, la population est constamment sollicitée pour pallier la baisse de financement des organismes par le gouvernement. Vous vous donnez bonne conscience en parrainant ces événements. Pourtant, sans volonté politique de changement, ces organismes sont condamnés à dépendre entièrement de la générosité des Québécois. En 1979, 2 700 000 personnes auraient effectué 374 000 000 d'heures de travail bénévole estimées à 1 900 000 000 $. Avec les coupures effectuées dans les services sociaux par votre gouvernement, rien n'indique que ces taux aient diminué. Au contraire.

Vous affirmez qu'on devrait réserver des traitements différents aux aptes et aux inaptes au travail. Et pourquoi donc? Ces deux catégories d'assistés sociaux sont sur le bien-être parce qu'ils ont épuisé les autres recours. Être apte au travail n'équivaut pas au travail en lui-même. Pourquoi pénaliser des gens parce qu'ils subissent les contrecoups de la crise et de la modification de la structure de l'emploi? Dans la même logique, est-ce qu'on forcera bientôt les femmes à prendre époux sous prétexte qu'en le faisant elles quitteraient l'aide sociale? Est-ce qu'on ies classera en épousables ou non épousables? Est-ce qu'on leur donnera des barèmes différents selon la catégorie à laquelle elles appartiendront?

Vous semblez considérer que "les besoins d'un bénéficiaire permanent diffère de ceux d'un prestataire passager". Les besoins du bénéficiaire, qu'ils soient à court, à moyen ou à long terme, sont tous vitaux. On a eu beau classer l'ameublement dans les besoins à long terme, il n'en demeure pas moins que, si le frigidaire flanche, il est essentiel de le réparer et ce, peu importe si l'on est assisté social depuis longtemps ou depuis peu. Vous classez le transport dans les besoins à long terme. Est-ce à dire que vous évaluez que nous nous déplaçons si rarement pour aller chercher de l'emploi? Il faut être logique. (17 h 30)

Pourquoi établir les barèmes d'aide sociale à partir des carences du budget des travailleurs les plus démunis? Ces montants sont insuffisants, puisque vous les augmentez par différents programmes.

Le programme APTE abaisserait l'ensemble des barèmes. Nous vivons déjà dans une situation financière très fragile, dépendant des aléas de la vie courante. Nous devons réaliser des tours de force, démontrer un grand courage pour survivre et compter sur l'appui d'organismes de charité. Certains sourient à cette affirmation reprenant à leur compte les clichés des fraudeurs de l'aide sociale. Mais ce que nous exprimons par la force et le courage, c'est la capacité d'apprêter les pâtes de mille et une façons, de ratisser le quartier pour courir les "spéciaux" ou réparer les vêtements que l'on transmettra du premier enfant au dernier.

Les seuils de pauvreté n'ont pas été inventés par le caprice d'un travailleur social en mal de changer le monde. Peu importent les méthodes de calcul, les barèmes d'aide sociale se retrouvent toujours en dessous. Créer autant de catégories est injuste. Admissible à des mesures, participant, non disponible, neuf premiers mois ou refus, sans compter les différents niveaux pour les couples, autant de catégories qui deviendront autant de barèmes.

La personne assistée sociale, apte au travail, devra forcément réaliser des gains de travail pour atteindre le minimum vital. Votre option d'une grille de besoins essentiels et sa classification est très discutable. Comment concevoir que le transport et les loisirs soient des besoins à long terme? Le transport est un élément capital dans la recherche d'un emploi. Quant aux loisirs, si farfelu que cela puisse apparaître aux bien-pensants, c'est un moyen d'éviter l'augmentation des coûts sociaux.

On entend souvent les gens se demander: Comment les assistés sociaux peuvent-ils réclamer des vacances alors qu'ils ne travaillent pas? Sachez que survivre est un travail à temps plein et cela conduit à la détérioration de la santé physique et mentale. Combien de nos jeunes font de mauvais coups parce qu'ils n'ont pas accès à des activités de loisir gratuites?

Une grande place sera laissée à l'arbitraire d'un fonctionnaire pour la classification et le cheminement de la personne. C'est le même

individu qui applique la loi aujourd'hui qui, demain, amélioré par la formation, dirigera la mise en oeuvre de la réforme. C'est cette même personne qui dit aux assistés sociaux d'aller en révision pour ne pas changer sa décision, tout en admettant son erreur. C'est cet homme qui fait prendre un numéro à une bénéficiaire seule dans une salle d'attente ou qui demande à une autre le secret de son administration mensuelle.

En 1989, si une personne seule perd son emploi, elle recevrait de l'aide sociale 4860 $ et, si elle est non disponible, ses revenus s'établiront à 5520 $. Ajouter à cela des gains hypothétiques de travail de 155 $ ou 100 $ par mois, c'est présumer d'une possibilité. Comment vivre avec ce montant quand le coût moyen d'un 4Vè pièces (avec services) à Montréal s'élevait à 441 $ par mois en 1987? Une famille de deux adultes et deux enfants devrait dépenser 5068,80 $ par année pour se nourrir adéquatement. Ses besoins sont supérieurs à ce qui est prévu par la réforme.

Le ministre parle d'économie d'échelle réalisée lorsqu'il y a partage de logement. En ce sens, il met de l'avant une coupure de 115 $. Partager son logement, c'est tenter de survivre. On ne s'enrichit pas. On n'économise pas. On parvient tout simplement à payer son loyer et à rencontrer certaines dépenses. Partager son logement, c'est vivre l'entraide et la solidarité que le ministre prône abondamment.

La société rend nos enfants majeurs à dix-huit ans. Elle doit être conséquente. Leurs choix ne doivent pas avoir de répercussions sur la famille. Apporter de l'aide à une personne se fait naturellement et dans un climat sain. Le Code civil ou une autre loi peut toujours contraindre quelqu'un au secours mutuel. Mais si c'est contre sa volonté, cela s'effectuera avec des répercussions néfastes sur la famille. Les vrais perdants seront les familles à revenus moyens et modestes et les jeunes adultes qu'on retournera à leur famille.

L'État n'a plus affaire dans les chambres à coucher. Avec l'annonce de la réforme est arrivée aussi la promesse de régler le harcèlement dont les femmes sont victimes. "L'État n'a plus affaire dans les chambres à coucher", titraient les journaux. Établir après un an de cohabitation une entité familiale, c'est s'infiltrer dans la vie privée des individus, s'ingérer dans leurs motifs de cohabitation et présumer de leur vie affective. Le chambreur habitant chez une bénéficiaire de l'aide sociale deviendra, après un an, le conjoint de madame et devra prendre en charge les enfants de cette dernière. Cette situation créera des perturbations chez les femmes et leurs enfants. Dans votre esprit, l'homme est le pourvoyeur et tout dépend de son bon vouloir. Pour nous, une femme a droit à sa vie affective comme elle a droit à son autonomie financière. Si l'homme et la femme ne se reconnaissent pas comme conjoints, personne ne doit créer en leur nom et à leur place une entité familiale. Une réforme de la fiscalité s'impose nécessairement.

L'incitation au travail demeure le noeud de votre réforme. Les assistés sociaux ne manquent pas d'incitation au travail, ils manquent de revenus. Dans certaines situations et à certaines conditions, ils s'appauvrissent lors d'un retour au travail. Des femmes chefs de famille qui avaient tenté l'expérience se sont retrouvées parfois plusieurs semaines sans revenus. Par ailleurs, une participante à un programme l'avait abandonné en cours de route, compte tenu de son état de santé et de la perturbation de son jeune fils et elle a été coupée de 50 $ par mois pendant six mois. On jugeait qu'elle n'avait pas démontré une motivation adéquate. Nous avons dû porter cette cause en appel pour qu'elle obtienne, finalement, un remboursement de l'aide sociale. Elle s'était inscrite de son plein gré. Elle voulait s'en sortir. Ces expériences donnent à réfléchir.

Le travail demeure le moyen de se réaliser pleinement. Lors de sessions que nous organisons sur la Loi sur l'aide sociale et qui ont rejoint plus de 2000 personnes assistées sociales, les assistés sociaux expriment toujours un rêve à réaliser. Plus de 90 % rêvent de quitter l'aide sociale et de se trouver un emploi. Certains souhaitaient même avoir des oreillers, un manteau d'hiver ou une paire de chaussures pour leur enfant. Les gens vivent toujours la honte et cachent le fait qu'ils perçoivent des prestations d'aide sociale.

Vous ne devez pas subventionner un employeur qui ne garantit pas des emplois permanents. Ceci doit se réaliser dans le respect des droits des travailleurs déjà à l'emploi et dans le respect des lois existantes protégeant le travail.

Nous sommes en désaccord avec l'idée de distinguer deux catégories d'assistés sociaux. Cependant, puisque cela constitue la base de votre argumentation, nous en discuterons comme si elles allaient être maintenues. Le soutien financier s'adresse aux assistés sociaux inaptes au travail pour des raisons de santé. D'autres gens sont inaptes au travail: les non-disponibles. Bien que leur inaptitude soit temporaire, elle n'en demeure pas moins réelle. Lorsqu'on élève un enfant de moins de deux ans...

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît, madame, je vous demanderais de conclure puisque le temps est écoulé, malheureusement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Peut-être que nous pourrions...

Mme Harel: Consentement.

Le Président (M. Bélanger): Consentement. Avez-vous fait la lecture complète de votre texte?

Mme Laforest: Non. disons au'il me reste

quatre pages.

Le Président (M. Bélanger): Oui. Alors, si vous voulez y aller rapidement, avec le consentement des deux côtés, on va vous écouter.

Mme Laforest: Très bien. Je disais donc qu'éduquer un enfant ou en porter un, c'est investir dans le développement futur de notre société. Cela devrait être reconnu par une intégration au programme Soutien financier. Les femmes devraient avoir la possibilité de rester à la maison pour éduquer leurs enfants ou de les confier à une garderie, si elles en ont envie.

Vous placez les personnes âgées de plus de 55 ans dans la catégorie des non disponibles. Ces personnes ne sont pas temporairement inaptes au travail. Elles ne peuvent plus s'insérer dans le marché du travail. On les juge trop âgées. Ces personnes ne se retrouveront pas d'emploi à court ou à moyen terme et ce, peu importe si elles s'inscrivent à des mesures. La société les élimine tout simplement. On ne leur demande pas leur avis. Elles devraient bénéficier des mêmes mesures que les gens qui seront inscrits au programme Soutien financier, en reconnaissance du travail, salarié ou non, qu'elles ont effectué par le passé.

D'un autre côté, les personnes éprouvant temporairement des problèmes de santé sont non disponibles et inemployables. Vous exigez d'elles un certificat médical délivré par un professionnel dûment autorisé, contrôlant ainsi leur inaptitude. Elle est aussi patente que celle de la clientèle du programme Soutien financier. Elle est seulement limitée dans le temps.

Selon nous, ce programme devrait s'élargir à tous les ménages prestataires d'aide sociale. L'aide doit continuer d'être versée, peu importe la cause du besoin. L'aptitude ou l'inaptitude au travail ne doivent pas être des critères d'établissement des barèmes. Seule l'absence de ressources financières doit compter.

En conclusion, nous adhérons à la volonté de votre gouvernement de réformer la Loi sur l'aide sociale. Nous sommes d'accord avec votre intention d'aider les citoyens en difficulté, de redonner de l'espoir aux jeunes et de mettre fin aux changements à la pièce.

Le régime d'aide sociale est dépassé. Il n'est pas adapté aux besoins et aux attentes des bénéficiaires. Sa réforme doit d'abord garantir à l'ensemble des prestataires un revenu adéquat et la couverture de l'ensemble de leurs besoins. Elle doit aussi permettre aux enfants de ne pas subir les contrecoups de la situation difficile vécue par la famille. De plus, elle doit faciliter la réintégration des bénéficiaires sur le marché du travail.

Une politique de sécurité du revenu doit s'ajuster au marché du travail. Sans création d'emplois, aucune mesure mise de l'avant dans la réforme ne peut être soutenue. Le noeud n'est pas l'incitation au travail, mais l'émergence d'une vraie politique de plein emploi et une réforme de la fiscalité. De plus, instaurer un régime sur la base de punitions ou de contraintes s'avère inacceptable. Chacun sait que ce moyen demeure aléatoire.

L'annonce d'une nouvelle réforme de l'aide sociale a été précédée par une vaste campagne du gouvernement pour discréditer les assistés sociaux. Les assistés sociaux sont des hommes et des femmes ayant perdu leur emploi à la suite d'une fermeture d'usine ou de l'avènement d'une technologie plus développée. Ce sont aussi des personnes physiquement ou moralement malades, pour une période plus ou moins longue. Ce sont des femmes chefs de famille préoccupées de l'éducation de leurs enfants et souhaitant à tout prix leur éviter l'aide sociale. Ces enfants n'ont pas choisi leur condition sociale et sont entrés dans la vie porteurs de tous les espoirs. Les femmes travailleuses au foyer ont consacré une partie importante de leurs énergies à assurer un bien-être à leur famille. Ménagères, éducatrices, psychologues, infirmières, économistes, autant de métiers qu'elles ont accomplis sans être rémunérées.

Quant aux jeunes bénéficiaires, ils auront à long terme obtenu la parité: c'est l'ensemble des bénéficiaires qui les rejoindra. Un gouvernement conscient des répercussions sociales de cette réalité aurait dû jouer son rôle en leur offrant un avenir moins sombre.

En conséquence, nous demandons un revenu de base acceptable sans discrimination, quelle que soit la cause du besoin, atteignant 70 % du seuil de pauvreté; des gains de travail rejoignant le seuil de pauvreté sans coupure, ni imposition; qu'aucun adulte ne dépende financièrement d'autres personnes; que notre dignité et notre vie privée soient respectées; un réseau de santé et de services sociaux adéquat, gratuit et universel; de vrais emplois avec un salaire décent, respectant les normes du travail et le droit à la syndicalisation; l'indexation régulière du salaire minimum et des barèmes des programmes de sécurité du revenu; une grille de besoins essentiels correspondant à l'ensemble des sommes déboursées par une famille pour la couverture de ses dépenses; qu'aucune coupure ne soit effectuée dans le cas de partage de logement; que la notion de conjoint soit définie par le mariage, la naissance d'enfants communs ou la reconnaissance par les individus eux-mêmes d'une entité familiale; une réforme de la fiscalité transformant, entre autres, les exemptions d'impôt en crédits d'impôt pour tout adulte de 18 ans et plus; qu'aucune distinction ne soit faite entre les aptes et les inaptes et aucune sous-catégorie non plus; que le gouvernement reconnaisse la compétence des professionnels de la santé puisqu'il contrôle lui-même leur droit de pratique; que l'élaboration du plan d'action personnalisé soit vraiment basée sur le consentement mutuel, tel que promis par le ministre; que le programme APPORT rejoigne l'ensemble des travailleurs à

faibles revenus; que la commission parlementaire reprenne à son compte l'ensemble de nos demandes afin de diminuer le plus possible les inéquités sociales; que le ministre procède énergique-ment à la transformation de son projet de réforme afin de recevoir l'appui total des bénéficiaires, des intervenants et de la population en général, meilleur gage de réussite d'une politique de sécurité du revenu.

Le Président (M. Bélanger): Merci, madame. M. le ministre

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je tiendrais à remercier l'Organisation popufarre des droits sociaux de la région de Montréal, ainsi que ses porte-parole, Mmes Bérubé, Laforest et Tremblay. Vous nous aviez mis en garde ou prévenus que votre mémoire était le fruit d'une concertation de gens qui possédaient le vécu de l'aide sociale. Je tiens à vous féliciter pour la qualité du mémoire. Il s'agit d'un mémoire qui est très bien construit. J'ajouterai qu'il a été très bien articulé de vive voix devant cette commission parlementaire et qu'il a même été présenté avec - et je le dis positivement - une certaine fierté.

Dans un premier temps, vous me permettrez de vous adresser quelques questions sur votre organisation comme telle. Vous en parlez un peu à la page 2 de votre mémoire. Dès le début vous dites que vous existez depuis neuf ans et que votre objectif est de "défendre les droits et les intérêts des assistés sociaux". Est-ce que vous vous occupez exclusivement des assistés sociaux ou est-ce que vous vous occupez également d'autres défavorisés, qu'il s'agisse de prestataires d'assurance-chômage, de travailleurs ou travailleuses au salaire minimum ou même de non-recensés, parce qu'il y a des gens qui ne bénéficient d'aucun programme comme tel dans la société? (17 h 45)

Mme Laforest: Non. L'Organisation populaire des droits sociaux rejoint uniquement les assistés sociaux de la région de Montréal.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous nous adressez en terminant, et vous venez de conclure là-dessus, 17 recommandations. Le temps ne me permet pas de vérifier avec vous chacune de ces recommandations. J'ai quelques précisions à vous demander et je vais tenter d'y aller à la pièce.

La deuxième recommandation que vous nous adressez concerne les gains de travail: "des gains de travail rejoignant le seuil de pauvreté sans coupure ni imposition". Est-ce que je dois comprendre que votre recommandation vise à permettre des gains de travail qui seraient supérieurs au salaire minimum si quelqu'un à l'aide sociale y ajoute soit sa mesure de participation, soit des gains de travail exemptés d'imposition?

Mme Laforest: Quand on parle d'une recommandation de ce type-là, c'est clair que, pour nous, il n'est plus question d'avoir l'étiquette d'assisté social. D'accord? On veut que cette mesure-là s'étende aussi à tous les travailleurs au salaire minimum ou en bas du salaire minimum.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord Cela va. Vous joignez les deux propositions, c'est-à-dire que personne ne soit imposé...

Mme Laforest: Ne devrait avoir un revenu...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): dans la société tant que le seuil minimum de pauvreté n'a pas été atteint.

Indépendance financière. "Qu'aucun adulte ne dépende financièrement d'autres personnes." Vous rejoignez là au moins deux notions ou deux critères: la question de la cellule familiale et la question, qui nous intéresse et sur laquelle se sont prononcés plusieurs organismes en commission parlementaire, de la contribution alimentaire parentale du type de celle que l'on retrouve dans le système de prêts et bourses aux étudiants. J'ai déjà eu l'occasion d'indiquer devant cette commission que c'est la présence de cette notion dans le système de prêts et bourses aux étudiants qui nous force à l'introduire dans la politique de sécurité du revenu. Ma question est la suivante. Je n'ai pas de problème, si cette notion-là n'existe pas dans le système prêts et bourses, à ne pas l'incorporer dans une politique de sécurité du revenu. Mais si elle est présente dans le régime de prêts et bourses aux étudiants, est-ce que vous ne considérez pas qu'il y a là un risque d'inciter certains jeunes à quitter leurs études postsecondaires - où ils sont admissibles à des prêts, sort dit en passant, les trois quarts du temps, mais pas à des bourses - pour devenir des prestataires de l'aide sociale avec la parité?

Mme Laforest: Votre question n'est pas claire. J'aimerais que vous me la répétiez.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Je ne prétends pas qu'elle le soit. Il existe, dans le système de prêts et bourses aux étudiants, une contribution alimentaire parentale. On prend la même notion et on l'applique à l'aide sociale afin de ne pas inciter les jeunes à quitter leurs études postsecondaires pour devenir des prestataires de l'aide sociale. Notre prétention au ministère, c'est que, si on n'a pas cette contribution alimentaire parentale, l'aide sociale va être beaucoup plus généreuse. Cela va donner, grosso modo, 4000 $ par année, alors que le régime de prêts et bourses aux étudiants donne 1700 $. Ma question précise: N'y a-t-il pas un risque, si on n'a pas cette contribution alimentaire parentale dans l'aide sociale, d'inciter financièrement des étudiants qui en ont besoin à quitter leurs études postsecondaires et à devenir

des bénéficiaires de l'aide sociale?

Mme Laforest: Ce qu'on vous apporte, c'est notre vécu et personne d'autre que nous n'est mieux placé pour parler de l'aide sociale. Ce ne sont pas nos enfants qui se rendent dans les cours de niveau collégial ou universitaire parce qu'on n'en a pas les moyens. Même si de nos enfants arrivent à atteindre le niveau collégial ou universitaire, ils doivent étudier à temps plein et aussi pratiquement travailler à temps plein pour arriver, même s'ils demandent un prêt-bourse. Ils sont obligés aussi de travailler pour arriver à étudier au niveau collégial ou universitaire. On n'a pas les moyens de les faire instruire, de leur payer cela. Comment peut-on avoir les moyens de garder nos jeunes de 18 ans et plus, de leur venir en aide, de contribuer à les faire vivre?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais vous poser une question directe, si vous me le permettez, et vous êtes libre de répondre parce que je ne veux pas tomber dans des cas personnels devant la commission. Vous avez indiqué qu'à vous trois, si ma mémoire est fidèle, parce que je ne l'ai pas noté, vous aviez sept ou huit...

Mme Laforest: Huit.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...enfants. Est-ce qu'il y en a parmi vos enfants qui se sont rendus aux études postsecondaires, qui ont continué après leur secondaire?

Mme Laforest: Je pourrais vous répondre et je vais probablement aussi vous répondre. Ce n'est pas nous qui sommes visées. Nous, on vient ici pour expliquer la situation des assistés sociaux. Bien sûr, j'ai des enfants et j'en ai qui se sont rendus au collégial, mais ils ont dû abandonner après la deuxième session et aller sur le marché du travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Parce que les prêts et bourses ne suffisaient pas à les maintenir?

Mme Laforest: Bien non, effectivement. C'est cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La septième recommandation que vous nous adressez: "l'indexation régulière du salaire minimum et des barèmes". Je vous dirai que, s'il avait fallu qu'une telle politique existe lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, j'aurais été un peu mal pris. S'il avait fallu indexer le salaire minimum au coût de la vie depuis les deux dernières années, il ne serait pas passé de 4 $ à 4,55 $. Il serait peut-être à 4,25 $ ou à 4,30 $. N'y a-t-il pas là une certaine garantie qu'on ne sautera pas d'année, d'une part, mais, en contrepartie, un certain risque de ne pas permettre d'effectuer des rattrapages qui sont importants? Présentement, au gouvernement, nous sommes d'avis qu'il reste du rattrapage à effectuer et, s'il fallait que le salaire minimum soit indexé au coût de la vie, on aurait l'impression que ce rattrapage ne pourrait pas s'effectuer.

Mme Laforest: Écoutez! Nous ne sommes pas des économistes, ni des politiciens. Tout ce que je peux vous répondre, c'est que, finalement, si nous disons: On ne peut pas réformer la Loi sur l'aide sociale sans faire une réforme de la fiscalité, pour moi tout est là. On a dit tantôt qu'on voulait, par exemple, "des gains rejoignant le seuil de pauvreté sans coupure, ni imposition". On parle de façon générale. On parle des assistés sociaux, on parle du petit travailleur. Pour vivre décemment dans notre société, il faut, quand même, avoir le nécessaire, le minimum vital. Il faut, au moins, que ce qu'on a pour vivre puisse couvrir le coût réel des besoins essentiels, ce qui n'est pas le cas actuellement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'en aurais plusieurs autres, mais, avant d'alterner, il y a une question sur laquelle vous avez insisté dans votre mémoire et verbalement, soit la notion de conjoint: "que la notion de conjoint soit définie par le mariage, la naissance d'enfants ou par les individus eux-mêmes". J'insiste sur le fait que nous tenons compte des deux premiers facteurs, soit lorsqu'il y a mariage ou naissance d'enfants, et que nous ajoutons la question des 12 mois au lieu de dire, comme c'est le cas actuellement, immédiatement lorsque c'est constaté.

Certains organismes rejettent cette définition; d'autres nous disent qu'ils y voient une amélioration et ils nous suggèrent d'améliorer davantage en changeant les 12 mois par 36 mois pour rejoindre la notion qui existe en Ontario. Est-ce que votre idée, à vous, c'est d'abandonner complètement cette définition ou iriez-vous dans le sens d'une bonification à la bonification que nous apportons?

Mme Laforest: C'est tout bonnement de l'abolir. On n'a pas le goût de se faire dire qu'on est une entité familiale quand on ne l'a pas décidé nous-mêmes, que ce soit après 12 mois ou après 3 ans. Par exemple, si j'ai un chambreur chez moi, je n'ai pas du tout le goût de dire que je vis en couple avec ce monsieur. Je ne vis pas en couple avec ce monsieur-là qui, après 3 ans, deviendra par le fait même mon conjoint et sera obligé de me faire vivre et je perdrai toute mon autonomie. Dans ce sens-là, je ne vois pas qui peut décider pour moi d'une entité familiale.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Donc, vous favoriseriez l'approche strictement individuelle du barème ou de la prestation de l'aide sociale sans tenir compte des liens entre les individus.

Mme Laforest: C'est cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Cela va pour le moment. Je reviendrai tantôt.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait vraiment plaisir de vous accueillir à la commission parlementaire. J'ai le privilège d'avoir l'OPDS installée, même si vos services sont offerts à l'ensemble de la population de Montréal, sur la rue LaSalle dans mon quartier. J'ai aussi eu le privilège de vous connaître et de connaître le travail que vous faites et les services que vous rendez à mes concitoyennes et à mes concitoyens.

Si vous me le permettez, je vais d'abord vous dire que votre mémoire est très substantiel. À tous égards, je souscris à l'idée qu'il est très bien préparé et il permet certainement de faire cet échange de fond avec vous sur des questions qui sont majeures. Je veux laisser un peu de temps - je vais demander au président qu'il m'avertisse - pour que mon collègue de Saint-Jacques, qui, je pense, a aussi des communications fréquentes avec vous, puisse également vous poser des questions sur la question du logement.

Moi, j'aimerais bien aborder la question de la vie maritale, un peu continuer là où le ministre a laissé. Est-il possible d'envisager que tout ne repose que sur une base individuelle s'il n'y a pas de réforme fiscale? Je pense que c'est un peu la question de fond. Tantôt, vous disiez avec raison, je pense: II n'y a pas de vrai changement en matière de sécurité du revenu, s'il n'y a pas de réforme fiscale. En effet, aussi absurde que cela puisse être de penser que quelqu'un va être tenu, du fait d'avoir des relations sexuelles - disons les choses comme elles sont - à l'obligation à l'égard des enfants qui ne sont pas les siens, parce que très souvent, d'une certaine façon, il va hériter de son amie, qui est la mère, d'enfants qui ne sont pas les siens, en plus de cela, si tant est qu'il travaille, il ne pourra pas même utiliser l'exemption personnelle de base de conjoint que les couples mariés vont utiliser. Finalement, c'est évident - c'est ce qu'on sait - de fait, que cela empêche des relations durables entre les couples. Il arrive que c'est des relations intermittentes, mais cela éloigne la vie affective sur une base plus permanente.

Par ailleurs, je ne sais pas comment vous réagissez à l'idée que, si on ne modifie rien, il pourrait arriver, par exemple, qu'en l'absence d'enfants des personnes, que ce soit hommes ou femmes, sachant que c'est peut-être plus fréquent dans un cas que dans l'autre, puissent cohabiter avec des professionnels, par exemple - je ne veux pas parler de députés ou n'importe - qui auraient des salaires, des revenus très élevés, mais qui seraient au même moment conjointes bénéficiaires d'aide sociale.

Non, ce n'est pas absurde. C'est-à-dire que, d'une certaine façon, il y a peut-être des changements profonds à faire en matière de fiscalité pour que la fiscalité repose sur les individus. Vous citez dans votre mémoire des études faites sur les crédits d'impôt pour toute personne adulte de 18 ans et plus, indépendamment du revenu familial. Mais là on change toute la structure sociale, ce qui fait que la personne à haut revenu, le professionnel, va, à ce moment-là, avoir moins d'exemptions, disons, que celles qui actuellement pourraient lui profiter, mais tout le monde va avoir un certain seuil minimal, y compris sa conjointe de fait.

En dehors de changements comme ceux-là, c'est difficile. C'est pour cela que la Ligue des droits et libertés, qui a, pourtant, fait un travail extraordinaire en matière de vie maritale, est venue ici recommander non pas simplement qu'on adopte les mêmes règlements qu'en Ontario, mais qu'on adopte la même longueur de temps qu'on retrouve dans les lois québécoises, c'est-à-dire trois ans. Ce sont là, finalement, les dispositions de la Régie des rentes, de la Régie de l'assurance automobile, de la CSST; quand on veut avoir un avantage dans le cas de la mort de son conjoint et qu'on veut se faire considérer comme ex-conjointe, on ne peut pas recevoir de bénéfices si cela ne fait pas trois ans. Ce que la ligue plaide, c'est qu'on ne peut pas, non plus, en recevoir les inconvénients parce que, dans le cas des avantages, cela prend trois ans et, dans le cas des inconvénients, cela ne prendrait qu'un an.

C'est un peu toute cette question qui n'est pas simple. Quand vous dites que c'est un chambreur, disons après trois ans, il y a toute la question à ce moment-là de la preuve. J'ai un cas présentement. C'est un cas assez pathétique. C'est le cas d'une femme assistée sociale qui était mariée à un homme violent, alcoolique, qui a été condamné pour voies de fait contre elle et qui se retrouve chez sa mère avec ses trois enfants, menacée de perdre les enfants parce qu'elle a loué un logement, mais n'est pas capable de le meubler. Et on lui dit: Si tu ne le meubles pas, on va te retirer tes enfants. Elle va faire toutes les démarches pour avoir du financement pour acheter des meubles de seconde main, pour tout acheter usagé, mais ne trouve nulle part un financement, ni chez le marchand, ni à la caisse populaire. Elle emprunte de son "chum" un montant d'argent et là le ciel va lui tomber sur la tête. À partir de cela, la preuve va s'accumuler contre elle qu'elle est une | fraudeuse et cela ira jusqu'à la Cour des sessions de la paix qui conclura qu'elle est une criminelle, cela le 16 mars dernier, malgré que la Commission des affaires sociales en aura décidé autrement, elle. Cela vous montre le problème: comment faire la preuve que c'est un chambreur, si l'agent a un parti pris contre? Moi, ce que

j'aimerais savoir, vu votre expérience... (18 heures)

Le Président (M. Bélanger): Si vous le permettez, Mme la députée de Maisonneuve...

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Bélanger): ...compte tenu de l'heure, est-ce qu'on a l'autorisation de continuer les travaux?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je n'ai pas d'objection.

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Bélanger): Oui. Merci.

Mme Harel: J'aimerais, compte tenu de ce que vous avez comme expérience, avoir des exemples concrets de personnes qui auraient vécu des difficultés réelles avec toute cette question de vie maritale ou encore de personnes qui auraient tenté de s'en sortir d'une façon ou d'une autre, qui auraient tenté d'améliorer leur sort et qui, finalement, auraient été comme rattrapées par le fait que s'en sortir, ce n'est pas possible quand on est bénéficiaire de l'aide sociale.

Mme Tremblay (Céline): Céline Tremblay. Par exemple, il y a Céline, 54 ans, un enfant. Elle a travaillé pendant 13 ans dans une pharmacie. Après un arrêt de travail à la suite de la naissance de son fils et une longue maladie, deux anévrismes au cerveau, sans oublier une séparation, elle est devenue assistée sociale.

Elle a terminé son secondaire en cours du soir pour tenter de quitter l'aide sociale. Par la suite, elle s'est inscrite au Centre de main-d'oeuvre du Canada pour suivre un cours d'auxiliaire familiale. Après trois ans d'attente, elle a commencé à suivre son cours à raison de cinq jours par semaine, deux heures et demie de voyagement par jour et deux ou trois heures d'études par soir, sans oublier les fins de semaine avec un nombre impressionnant d'heures d'études et de travaux.

Le stress était constant. Elle a abandonné au bout de quatre semaines, complètement épuisée. Le directeur du cours a reconnu, à ce moment, que la situation était invivable puisque le cours aurait dû se donner sur une période d'un an et qu'on le donnait en six mois. Cette personne avait même fait des demandes d'emploi dans des pharmacies en proposant aux employeurs de travailler gratuitement pendant les trois premiers mois parce qu'elle voulait quitter l'aide sociale.

Il y a aussi Pierrette, 31 ans, deux enfants, 11 et 12 ans. Elle reçoit 724 $ par mois d'aide sociale, plus les allocations familiales. Elle habite dans un 4 1/2 pièces. Ses deux enfants, un garçon et une fille, partagent la même chambre.

Pour se loger, loyer, électricité et chauffage, elle débourse 410 $ par mois. Il lui reste à peine 394 $ pour la nourriture, l'entretien ménager, les soins personnels, les frais scolaires, l'habillement, l'ameublement, les loisirs, la pharmacie, les assurances et le transport. Elle partage son temps entre du bénévolat qu'elle fait depuis cinq ans, l'éducation de ses enfants qu'elle assume seule et la recherche constante de diminuer ses dépenses pour pouvoir survivre avec sa famille.

Il y a Marie aussi, 57 ans, qui habite le même immeuble que sa fille. Pour lui rendre service, elle garde son petit-fils pendant que celle-ci travaille. En retour, sa fille lui fournit des repas. L'aide sociale considère les repas comme un revenu de travail et l'a coupée de 85 $ par mois. Elle ne faisait cela que pour rendre service. Quand des personnes s'entraident, le bien-être les pénalise.

Aline, 55 ans, veuve, cinq enfants. Elle fait du bénévolat depuis quinze ans. Tout en élevant sa famille, elle a toujours tenté de quitter l'aide sociale. Avec sa 7e année d'école, elle a suivi un cours au cégep qu'elle a réussi et, ensuite, elle s'est inscrite en travail social à l'UQAM à un autre cours. Puisqu'elle se sent incapable d'en suivre plus que quatre, elle assume seule le paiement de ses cours, entre 50 $ et 80 $. À ce rythme, au moment de sa retraite, elle aura son diplôme en poche. C'est une personne disponible, active et motivée. Elle veut travailler, mais sur la base de la reconnaissance de son expérience et de ses compétences.

Il y a aussi Lisette qui a suivi un stage de 20 semaines et qui est restée ensuite deux mois sans revenus puisqu'elle attendait son assurance-chômage. Elle est finalement revenue sur l'aide sociale plus pauvre et avec le sentiment d'avoir échoué. Il y a encore Ghislaine avec trois enfants, cinq ans de bénévolat, qui a quitté l'aide sociale pour habiter avec son ami. L'aide sociale l'a mariée comme bien d'autres. Elle est complètement dépendante de celui-ci, plus pauvre qu'avant et ne sachant pas trop quoi faire pour s'en sortir. Je termine avec Marcel, 61 ans, 56 métiers 56 misères, qui a tenté désespérément de se retrouver un emploi. Il fait du bénévolat depuis 15 ans et il prend soin de sa mère aveugle âgée de 85 ans qu'il garde avec lui.

En conclusion, Lisette, Aline, Marie, Ghislaine, Céline, Pierrette, Marie-Jeanne et Marcel sont des personnes qui ressemblent à l'ensemble des assistés sociaux. Selon les statistiques de M. le ministre, nous sommes considérés tantôt analphabètes, tantôt non scolarisés et tantôt sans expérience de travail. Nous, les personnes assistées sociales, possédons bien plus d'acquis et de possibilités qu'on ne veut bien nous en reconnaître. La réforme proposée ne règle rien et va seulement nous appauvrir encore plus. Nous refusons le catasplasme sur la jambe de bois. Nous voulons vivre dans la dignité. Merci.

Mme Harel: Je ne sais pas combien de temps il me reste, M. le Président.

Une voix: Cinq minutes.

Mme Harel: II reste cinq minutes. J'aurais aimé vous entendre parler des équivalences puisque, avec raison, vous faites valoir que ce n'est pas parce qu'on a une 7e année, si on est une femme qui a pris de l'expérience durant toute sa vie, qu'on n'a pas, disons, de possibilité d'avoir des équivalences bien plus grandes qu'on ne l'imagine. J'aurais aimé vous entendre aussi parler de la campagne de salissage. Vous en avez parlé en utilisant ce mot-là. Vous faites valoir - c'est la première fois que je voyais les chiffres - qu'il y a eu 4,9 % de dossiers annulés, refusés ou modifiés en regard de 389 600 ménages. Est-ce que ce sont là des chiffres que le ministre peut confirmer? Il aura du temps, en tout cas, pour les contredire et, s'il ne les contredit pas, on va tenir pour acquis que ce que vous dites est vrai. Je vais passer la parole à mon collègue de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Brièvement, sur le salissage, effectivement, il y avait les boubous macoutes qui se promenaient pour débusquer ces honteux qui, potentiellement, fraudaient l'aide sociale, quand on sait fort bien qu'on n'en a pas envoyé pour ceux qui pratiquent l'évasion fiscale. Ceux-là, justement, n'entrent pas dans la notion de salissage. On dit: Eux autres, ils sont "wise".

Sur la question du logement, vous avez mentionné 441 $ pour un logement de 4 1/2 pièces. Je pense que vous convenez avec moi que c'est peut-être cela dans Hochelaga-Maisonneuve, mais vos collègues du centre-sud - je vois Jeannette, etc. - vont vous dire que, dans notre coin, c'est rendu bien plus cher que cela. Comme il n'y a plus de logements sociaux qui se construisent ou, du moins, que c'est au compte-gouttes, que tout ce qu'il y a actuellement, c'est du condo, etc., en bas de 500 $, on ne s'en tire pas. Je lisais votre annexe 2: Un "beau logement", pour moi, ce n'est pas un luxe dans ce pays-là quand on regarde uniquement les conditions climatiques.

Êtes-vous capable d'expliquer au ministre que partager un appartement avec une personne de sexe différent, lui qui voudrait absolument que ce soit votre conjoint ou votre conjointe, ou bien pratiquer la solidarité comme deux mères de famille monoparentale peuvent le faire, ce n'est pas frauder l'aide sociale, c'est la condition essentielle pour avoir un logement convenable et décent? Sinon, on va se retrouver dans un taudis sur la rue Saint-Hubert où on brûle après un incendie, comme c'est arrivé il y a un mois et demi. Êtes-vous capable de lui expliquer cela?

Mme Laforest: Nous trouvons cette mesure inacceptable, d'aller couper pour le partage d'un logement quand on connaît le coût moyen des logements, que ce soit à Montréal ou ailleurs. Nous parlons de Montréal parce que c'est Montréal qu'on connaît. Quand tu partages un logement, ce n'est pas pour faire de l'argent. Si tu ne le partages pas, automatiquement, tu ne peux pas payer le loyer que le propriétaire te demande. Et là, faut s'entendre, ce n'est pas pour des logements de luxe, n'est-ce pas? C'est vraiment dans des quartiers ouvriers ou des taudis à Montréal qu'on paie 441 $ par mois pour un 4 1/2 pièces.

Ce qui est encore pire et plus inacceptable, c'est que même là on parle de pénaliser ceux qui vont demeurer dans les HLM ou dans les coopératives d'habitation. Là aussi, on va couper parce qu'on va considérer que c'est un revenu qu'ils ont s'ils ont la chance de demeurer dans un HLM ou dans une coopérative d'habitation. Alors, où est notre possibilité de nous en sortir? On ne la voit pas d'une autre façon que de partager un logement avec une amie ou une autre femme chef de famille ou d'avoir un chambreur. C'est la seule possibilité pour nous d'arriver à payer notre loyer.

M. Boulerice: Je regarde votre annexe 2. Cela a été fait par un agent d'aide sociale C'est écrit: "Chère madame", je vous envoie cette formule ci-jointe pour établir votre budget pour un mois. Étant donné votre situation familiale, adulte plus quatre enfants, et votre mère qui demeure chez vous, de plus, que vous avez un beau logement et que vous semblez vivre très aisément, j'aimerais connaître, entre guillemets, "le secret" de votre administration mensuelle. Je veux le tout bien complété - entre parenthèses, il n'est pas fort en français, il a oublié son accent - et signé avant le 20 juin 1986 afin d'éviter - encore un accent qui manque, mais ce n'est pas grave - suspension de votre aide." Recevez-vous souvent des lettres aussi méprisantes et terroristes que celle-là?

Mme Laforest: Cela vient d'un agent d'un bureau d'aide sociale dans Montréal-Nord, là où on a un de nos locaux. C'est très fréquent que les agents demandent: c'est quoi le secret de votre administration? Quand on leur dit qu'on paie, par exemple, environ 400 $ de loyer par mois et qu'on touche un chèque d'aide sociale de 500 $, ils nous disent: C'est quoi le secret de votre administration? Voulez-vous nous dire quel est le secret de votre administration? Alors, comme on n'arrive pas à se trouver un loyer à meilleur compte, tout de suite on nous soupçonne d'avoir un "chum", d'avoir un conjoint, on soupçonne nos enfants de nous faire des cadeaux en argent pour combler ce qui manque pour les fins de mois. Quand on parle de cette campagne de salissage, c'est tout cela qu'on vit depuis l'avènement des boubous macoutes.

M. Boulerice: Les boubous macoutes, cela finit par être chassé du pouvoir. Alors, ne vous

inquiétez pas.

Le Président (M. Thuringer): Merci, M. le député de Saint-Jacques. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, strictement pour situer un peu le contexte et revenir aux propositions qui ont été faites par le groupe, je dirais à Mme la députée de Maisonneuve que tous les chiffres dans les 90 mémoires qu'on a entendus qui n'ont pas fait l'objet de discussions ne sont pas nécessairement des chiffres que soit vous acceptiez ou que l'on accepte. Je pense que les chiffres qu'on a eu la possibilité de discuter et sur lesquels on a eu des possibilités de s'entendre sont des chiffres qui peuvent être acceptés, mais que généraliser cette règle pourrait être, à partir de l'ensemble des mémoires que nous avons eus, un terrain un peu glissant.

Mme Harel: Ceux-là, vous les contredisez ou vous les confirmez?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si on nous les achemine de façon précise, on peut les comparer avec les chiffres qui sont au ministère. Si vous voulez une expertise là-dessus, cela me fera plaisir de fournir une expertise sur les chiffres.

La douzième recommandation qui est très importante - elle est une des recommandations à la base de la politique comme telle - concerne la catégorisation de la clientèle. C'est à la page 37 de votre mémoire. Vous dites: "Qu'aucune distinction ne soit faite entre les aptes et les inaptes et aucune sous-catégorie, non plus." Vous insistez ailleurs dans votre mémoire sur le fait que les besoins des personnes qui sont à l'aide sociale pour une longue durée ne sont pas différents des besoins des gens qui sont là pour une période moins longue.

Je vais vous poser la question à partir de votre expérience dans votre vécu quotidien. On me dit au ministère que les besoins d'une personne sur l'aide sociale pour une longue ou très longue durée varient des besoins d'une personne de passage à l'aide sociale. On me donne des exemples aussi pratiques que renouveler des coutelleries, des meubles, etc., des biens qui ont une certaine durabilité, qu'une personne qui est de passage n'a pas besoin de renouveler. J'aimerais vous entendre à partir de votre expérience sur cet énoncé.

Mme Laforest: Attendez un peu. C'est à quelle page? (18 h 15)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Page 37. Vous l'avez repris tantôt de façon verbale. Vous l'avez dit tantôt, lors de la lecture du mémoire, que les besoins ne variaient pas pour une personne qui était à l'aide sociale. C'était l'idée maîtresse.

Mme Laforest: "Qu'aucune distinction ne soit faite entre les..." Oui, pour nous, c'est fondamental parce que l'aide sociale doit répondre aux besoins des personnes qui en font la demande. On dit que, quand on arrive sur l'aide sociale, c'est parce qu'on n'a aucune autre ressource financière. Pour nous, quel qu'en soit le besoin, il ne devrait pas y avoir de catégories. Quand vous parlez de retourner les assistés sociaux sur le marché du travail, pour nous, ce n'est pas réintégrer le marché du travail de toujours porter l'étiquette d'assisté social, comme le disait Mme Harel tantôt. On va la porter tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas un travail permanent et qu'on ne sera pas considérés comme des travailleurs à part entière. Je Dense bien que M. le ministre n'a pas inventé les boutons à quatre trous quand il a pensé à inciter les assistés sociaux à retourner sur le marché du travail. Il y a longtemps qu'on pense à y retourner. On n'avait pas besoin de se faire dire d'y retourner; il y a longtemps qu'on veut se sortir de l'aide sociale. Ce sont les moyens qui manquent pour le faire.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Justement, quant aux moyens, votre quatorzième recommandation stipule que "l'élaboration du plan d'action personnalisé soit vraiment basée sur le consentement mutuel". Je retiens que vous parlez d'un plan d'action personnalisé et que vous rejoignez la nouvelle approche que l'on propose dans la politique de sécurité du revenu. Tantôt, M. le Président m'indique de faire cela vite, Mme Tremblay, je pense, parlait des caractéristiques selon les statistiques, des gens considérés comme des analphabètes fonctionnels, des autres qui n'ont pas complété leur secondaire, etc. Ce n'est pas le cas; on a eu, la semaine passée, mercredi ou jeudi soir, devant cette commission quelqu'un qui représentait les bénéficiaires de l'aide sociale détenteurs de diplômes universitaires. Il y en a de toutes les catégories et de toutes les sortes.

Cette approche personnalisée, c'est celle que nous préconisons. Est-ce que vous avez des objections a ce qu'on maintienne dans la politique de sécurité du revenu cette approche qui tient compte chez chaque individu de son potentiel et de ses carences, de ce qui fait en sorte qu'il a de la difficulté à rejoindre le marché du travail, finalement, ou que le marché du travail a de la difficulté à le rejoindre?

Mme Laforest: On n'a rien contre le fait que ce soit basé sur le consentement mutuel. On dit que cela devrait être ainsi, mais est-ce que ce sera ça, étant donné que ce sont les mêmes personnes, les mêmes fonctionnaires qu'il y a actuellement à l'aide sociale qui auront la formation pour orienter chaque individu d'une certaine façon? Si ce sont les mêmes agents qui nous répondent aujourd'hui, cela ne nous donne pas confiance, je le regrette.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si j'ai le consentement, car mon temps est terminé, Mme la députée de Maisonneuve, les agents avec qui vous faites affaire comme organisme, est-ce que ce sont généralement des employés du gouvernement du Québec ou des employés de la ville de Montréal?

Mme Laforest: Je pense bien que Montréal...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): L'administration à Montréal, l'émission des chèques...

Mme Laforest: Mais les agents d'aide sociale de Montréal ne sont pas différents des agents d'aide sociale en régions, à Québec du ailleurs.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.

Mme Laforest: Les boubous macoutes de Montréal n'étaient pas différents des boubous macoutes qu'il y avait à...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, ha, ha, ha!

Mme Laforest: Je regrette!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Oui, la réponse, dans les deux cas, Mme Laforest, est différente parce que la ville de Montréal administre le programme d'aide sociale, tant dans sa distribution de chèques que dans ses mesures de contrôle. C'est à partir de l'administration de la ville de Montréal que cela s'effectue, alors que, partout ailleurs au Québec, c'est à partir d'employés du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, autant pour la distribution des chèques que pour les mesures de contrôle.

Mme Laforest: Mais il doit sûrement y avoir possibilité que ces agents-là à Montréal aient la même formation que les agents en régions ou ailleurs. En tout cas, je trouverais cela épouvantable si on avait quelque chose d'autre chez nous.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je peux vous donner un petit exemple. À Montréal, pour fins d'enrichissement personnel, il n'y a jamais eu cessation complète des visites à domicile. La ville de Montréal a toujours maintenu des équipes d'agents visiteurs, tandis que, ailleurs en province, cela n'a pas toujours été le cas. Je vous donne cela à titre d'information. Ce sont deux administrations complètement différentes sur le plan de l'aide sociale.

Mme Laforest: À ce qu'on nous dit, et c'est arrivé jeudi dernier, un agent d'un bureau local de Montréal-Nord a dit à une dame: On te donne rendez-vous. Il faut qu'on te voie pour un plan de relèvement. La dame a un enfant de quatre ans. Alors, elle a dit: II n'y a pas de problème.

Tant que mon enfant n'a pas six ans, vous ne pouvez pas m'obliger. Et l'agent a dit: Oui, madame, c'est déjà en vigueur. Il a plus de deux ans et vous allez y aller, sur le marché du travail. Il lui a sorti une explication: apparemment, il y aurait le "bill" 12. La dame nous a appelées et nous avons dit: C'est quoi, cela, le "bill" 12? On ne connaît pas le "bill" 12.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ni moi.

Mme Laforest: Alors, si on commence à mettre cela en application à Montréal, je me dis: Formez vos agents d'aide sociale à Montréal comme vous formez ceux des régions.

Le Président (M. Thuringer): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Oui. Je vais vous remercier parce qu'il ne me reste plus de temps. Je remercie l'OPDS. Je remercie Mme Tremblay, Mme Bérubé, Mme Laforest. Je vous rappelé qu'indépendamment des personnes c'est souvent l'incompatibilité des fonctions qui empêchera des plans d'action personnalisés. Qu'ils soient municipaux ou québécois, ces fonctionnaires qui sont là ont des charges très lourdes: 400 dossiers; même les meilleurs, imaginez-vous, à Montréal, parfois c'est 500 dossiers. Ce qui a été mis en cause, c'est l'incompatibilité entre la fonction de contrôle et la fonction de support. Cela ne peut pas se retrouver dans la même personne. Par exemple, moi, je suis dans l'Opposition; alors, je ne peux pas à la fois être à sa place et à ma place et lui, non plus. C'est difficile. La prétention, c'est de leur faire jouer ces deux rôles. Les deux rôles ne peuvent pas aller ensemble; il y en a un qui va complètement l'emporter sur l'autre, puis penser le contraire, c'est se faire accroire des affaires. Je vous remercie.

Le Président (M. Thuringer): Merci. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais conclure comme j'avais commencé, en vous remerciant pour l'échange et en vous réitérant que, sur le plan de la construction et de l'argumentation, votre mémoire était un des plus intéressants que cette commission ait entendus. Merci.

Le Président (M. Thuringer): Au nom de la commission, j'aimerais remercier Mme Laforest, Mme Tremblay et Mme Bérubé. Merci.

Je demande le consentement de la commission pour changer l'horaire et immédiatement inviter the Anti-Poverty Group of Verdun à s'approcher de la table. On suspend pour une minute.

(Suspension à 18 h 23)

(Reprise 18 h 25)

Le Président (M. Thuringer): On va entendre le Anti-Poverty Group of Verdun. Est-ce que vous pouvez présenter les membres et le porte-parole? Would you please introduce yourself and also your members? I think you are aware of the basic procedures. You have 20 minutes to present and then 20 minutes on both sides for questions.

The Anti-Poverty Group of Verdun

Mme Capponi (Sandra): My name is Sandra Capponi. I am here with the Anti-Poverty Group of Verdun. To my right is Claudette Côté. To my left is Stan Earie and to his left is Maurice Richard.

Mme Côté (Claudette): I would like to submit general comments. The income security policy makes poverty good business for it insures indirect financing of proprietors, merchants, institutions which otherwise would require direct contributions from the government and benefit the government also in terms of tax returns.

It maintains a relative social peace without, of course, ending crimes which are also part of the economic structures just as are handicaped persons of any nature and welfare recipients. In this instance, this means that what welfare recipients receive with one hand is handed out by the other for a piece meal existence. What it means also is that the government is pretending to be doing something about a stagnant situation which is perpetuating itself. What does high finance care about a few pennies moving here and there? What it is? Only agitation in one sector of the • economy to justify a few jobs. What it means to those of the bottom of the social pyramid is another matter, however. Individuals are rigidly contained within the structures at the bottom of the scale because of lack of earnings of an institutionalized society to compensate the lack of capitals from within as well as from without. Such closely knitted and heavy structures allow very little possibilities for individual nor do they incite individual initiative. An example are the now florishing community services which are an extension allowed by the exhausting structures. It also creates a few jobs. However, once integrated into the system, they are in place for a long time and will require users to justify their existence. This means strategies, which is a polish term for trickeries, being set up for their upkeep.

The poor are also kept in the lowest strata not only because of the reasons already mentioned but because of lack of education, of information, because of a so-called "natural milieu" which leads to mental ghettos and alienation, though no-fault of their own, except that they were born into it.

This instance, the measures under the income security policy, condemn more specifically those who are categorized as employables to go around in circles with little possibilities to brighten their daily life. In other words, bordering on poverty does not generate much incitement nor interest, it ensues, for those who are considered unemployables, that they cannot count on more than what the employables and other bordering categories will allow. It also leads some to claim an handicap when they are in good health. Those who think it is an exit towards a life of leisure and beer drinking parties are very ill-advised, whatever the publicity may be. It is, on the contrary, to be branded and captive in Dante's Inferno for a life of miseries. I would not recommend it to anyone.

And to go one step further, does human dignity and rights limit themselves to bread and soup in daily life? Or eating the remains of someone else's leftovers in garbage cans, sharing the meals of cats and dogs or competing with birds over a piece of bread on the sidewalk around the street during the night or at early hours to hide one's misery? I think human dignity and rights are capitalized on but really died with those who invented them. Through the years, numerous recommendations have been put forth by representatives of welfare recipients, anti-poverty groups and labor representatives, all very meaningful, but to this day not much has been done to change the situation. What does remain? A lot of briefs in files, a lot of empty words and a mere few sense here and there to be recuperated along the way which make a few feel good temporarily for their efforts towards equity.

M. Richard (Maurice): Poverty is as widespread today as it was centuries ago. Increased crime rates, overcrowded prisons, higher rates of suicide among the young, more complex problems of mental health, the poor quality of nourishment, these are about a few of the costs of poverty in Canada in 1988, and more specifically in our own "belle province de Québec".

In Verdun, where I have resided for one year, generally around the 15th of every month, the soup kitchens start filling up, culminating in capacity crowds by the 30th or 31st, just before the next welfare cheque arrives. I have been on welfare for two years and I know all about it. I eat regularly at St. Wilbrod's church due to my lack of funds for a proper food budget. And then, to top it all of, the Verdun office introduces the unbelievably drastic measures of delaying payment to the welfare recipients up to five days past to due date.

Mr. Paradis' office has repeatedly denied any responsability for the problem of poverty by maintaining the very deaceitful attitude that it is the poor themselves who are responsible for their plight. Nowhere in the reform paper is there any notion of the government's own

accountability to the welfare recipients. The opposite is rather the case where the welfare recipient is all accountable to the government. This brings to mind the biblical account of David fighting Goliath with a slingshot. The two sides are unequal. The same is true of the welfare recipient versus the Government machine However, the inherent injustices in the system of social welfare can and must be redressed. I challenge those members of the Government present here tonight to look more closely at the inequities of the welfare sytem and I urge them to reexamine, modify, change, indeed cancel, if need be, this proposal.

In Verdun, where the Douglas psychiatric hospital is the main industry, I would like to focus more closely on the problem of the psychiatrized and the ex-psychiatric patients. Having had personal experience myself with problems of depression and poor mental health, I am very sensitive to the needs of the welfare recipients with a history of mental health problems. With the move towards desinstitutiona-lization on the part of psychiatric institutions, I am in a position to see how improperly and unadequately such a policy has been implemented over the last decade or so. People are put on the street with little or no support services from the Government's out care system. Furthermore, I maintain that the creation of categories of "apte" and "inapte" in the welfare system is a discriminatory act which violates the Canadian chart of human rights. What would be the criteria to determine who is "apte" and "inapte"? Nowhere in the proposed reform is this information ever spelled out. Which Government sociologist has come up with the idea of further stratification within the lower class into those capable and those incapable of working? Once again, we see poor little David pitted again Giant Goliath in his struggle for survival. Poverty is a vicious circle and the poor, because of fear and ignorance, have great difficulty escaping from their poverty. Does this Government really wish to improve their lot? Is the Government planning to set up a kind of paramilitary Government appointing a Government selected body of doctors who will act as judges in the macabre scenario which has recently emerged in the médias with the need of medical certificates by the "inaptes"?

The Government is very clever when it comes to using the médias for political ends. This whole program of "aptes" and "inaptes" seems ludicrous to me and the Government's strategy doomed to failure. Has the governmental bureaucratic machine become so unmanageable, so intricate and so cumbersome that it must now perpetuate the myth of efficiency through the proliferation of new categories of social classes?

All of this has the frightening overtones of the class-struggle dialetic of marxist-leninist philosophy. The Government is playing the callous game which ultimately leads to further complications rather than simplifying the whole welfare structure. As it now stands, Government policies are formulated at the top of Government bureaucracy with little or no respect for any kind of a consultative process nor for truly democratic structure of social welfare. Does this kind of unbalanced and monolithic power structure not put into question the motives of our elect representatives of Government? Whose interests come first? The interest of maintaining the power structure of the wealthy and securely employees at all cost or the interest of the poor? I really believe that the poor are very low on this Government list of priorities. Whose is really favored to win the fight? Little David or big bad Goliath? Obviously, as the system now operates, it is Goliath.

M. Earle (Stan): The proposed policy of this Government will never, never meet very legitimate needs of welfare people nor low income families. All three programs reduce benefits of every person on welfare regardless.

Mr Paradis, your bureaucrats, yourself, and the majority of this commission have the effrontery and the unmitigated gall to tell me and every other welfare person that we must live in the future with less money than we receive today. The fact that this situation exists indicates the Government inability to solve economic and social problems by not consulting with the people directly affected by the need for any social reform. Your Government has approved an increase in Hydro rates further burdening the welfare people and low income families. This Government, along with those past, has without hesitation advanced millions to various companies, while refusing 500 people in Verdun their March cheque. This is an example of the hypocrisy and politicians' lack of responsibility and insensitivity to the real needs of people, the real world occupied with poor people who need jobs.

What training does this Government proposes for us over 55? There is little opportunity of being hired, due to age, along with pension limitations and many other discriminitory factors. I would work for 40 hours a week with stabilised work and adequate wages, providing my rent is stabilised at 100 $ per month, including heat with taxes paid, in order that there would be money left for normal living needs, including shoe repairs, clothing, food, utensil replacement, and other basic needs, plus medication, hair cuts, dental work, etc. Welfare people have not chosen to be poor. The Government have forced thousands into poverty by the punitive unrealistic benefits which locked them into Government control systems presently in force.

Welfare people are victims of sad social aid disaster. This Government has damaged the well-being of people who cannot live with impossible starvation creating measures of welfare. We demand this Government acknowledge that welfare people are continually held in hostage

by all banks, business, Bell, Gas Métropolitain, Hydro-Québec, etc., along with society in general who believes the propaganda issued by this and past Governments that all welfare people are beer drinking, TV watching bums, who refuse to contribute to society or pay taxes. Also be assured that two welfare people living together do not have any money deposited in a Swiss Bank.

The fact that we have few solutions glaring by points out the need for honest, willing and meaningful dialogue with this and past Governments to recognize the basic needs of Quebec-kers. Let alone those on welfare. You question our questions and ignore a request to be heard prior to implementing reforms wich will further devastate all those who are already devastated by Government indifference and insensitivity to human rights. Past and present Governments purposely perpetuate poverty, providing permanent positions to public and parapublic personnel who should be painstakingly pondering the plate of the poor rather than penalize us permanently with the Paradis program presented to the public this past legislative period, prompting and promoting protest throughout this Province particularly from the poor.

Is the mythical democratic process so fragile it feels threatened with the need to allow petitioners only one third of an hour, while Government requires two thirds of an hour to think out its responses to questions posed, further placing those into a position unequal to comprehend? Why are there no poor people on this Commission? Since certain politicians have cheated and been caught, are all politicians labelled cheats and bums as are those on welfare?

Mme Capponi: Rather than enter into further discussion, and rather than voice recommendations that have already been heard, and which seem to fall upon deaf ears, we have decided to use this last 5 minutes of our 20-minute presentation for much needed silent reflexion followed by a brief prayer. We invite the members of this Commission to join us.

Le Président (M. Thuringer): In consultation, what we are saying actually, if you have any other comments to make, fine, because you have six more minutes to exchange.

Mme Capponi: God, we pray for ourselves, the poor and oppressed, that we have the wisdom to show compassion for the members of this Commission who, caught are merely carrying out the much broader agenda of this province's Government, an agenda that gives the wants of the rich priority over the needs of the poor. We ask that their minds and hearts be opened so that they begin to know the terrible injustices that they are complicité in. Help them to know that what they do to us through such deshuma- nization, they are indeed ultimately doing it to their own selves.

We pray that their eyes be opened so that they might see the homeless ones who huddle with newspapers in doorways or over hot airvents in a desperate attempt to fight off the bitter cold, the broken ones who fill our psychiatric wards or die from want in our streets, the bitter ones who stole to eat and are now filling our prisons. We ask that their ears be opened so that they hear the anguish of mothers not able to feed their children and who then must suffer the indignity of begging for food at soup kitchens and food banks. We pray for those who, because of no ressources, have no voice here at these hearings. Please God be with us as we attempt to speak for them too.

We pray that the members of this Commission have the courage to give this policy its due with all its frightening and tragic ramifications and that they will speak honestly and openly to it in their recommendations. We pray for hope and justice in this time of despair. We pray for those who govern this province that they have the wisdom, intelligence, courage and compassion to use this time to begin to set an example to the rest of this country and, perhaps, the rest of the world having more just responsible and sane economic order. Amen!

Le Président (M. Thuringer): Thank you. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): I would like to thank the Anti-Poverty Group of Verdun and their speak people, to welcome back Miss Capponi - you were here with another group before, I do not recall which one but from the same area - Mr. Earle, Mr. Richard and Mr. Côté.

Une voix: Madame.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): The Government has a choice. I think I have made that choice public before. The choice is to mail each month a certain amount of money that we can discuss to people who are in needs to make sure that their basic needs are supplemented and to forget about those people, to park them aside from the rest of the society.

In March 1987, we had in the Province of Québec 400 000 people who were in charge of a household and who had as their only source of income the monthly welfare cheque. Among those people, approximately one quarter of them, 100 000, would be eligible for Income Support Program. The other 300 000, we say in the French vocabulary - it does not translate as well in English - that they are able to work, "aptes au travail". We know for a fact that it is not so true that even if they want to work there are a lot of barriers between themselves as individuals and the market place. We know that

36 % of those people responsible for one household, 36 % of those 300 000 people are functionnally illiterate. That is not so easy to find a job when you have such a barrier to go over. (18 h 45)

We know that 60 % of them have not finished their secondary school. We know that when you do not have that as a prerequisite you are often even forbidden to apply on a regular job and we also know that 40 % of the people who are on welfare and considered able to work never had any recognized work experience and most employers ask for previous work experience.

So we have quite a challenge in front of us and to tackle it we need the cooperation and collaboration of the employers' representatives, of the union's representatives and of the social groups within the community, which brings me to a question that I address to most organizations that come in front of us: Your organization operates in the Verdun territory. The president told me it was even reaching his own riding. Who is your clientele? Are they mainly welfare beneficiaries or unemployment insurance beneficiaries or low income earners?

Mme Capponi: From all those categories.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): And how many do you reach in a year or in a month, whatever figures you have available?

Mme Capponi: This is a fairly newly formed group. Poor people, particularly in the anglophone sector, have not had the opportunity to organize themselves in the past decade, primarely because of a serious lack of resources. I just learned today that ADDS was not able to present here at the hearings for lack of money to travel here to Quebec City. It has cost these two organizations from NDG and Verdun almost 1000 $ to prepare, just in terms of transportation, photocopies and documentation. There have been no resources available to these organizations outside of church funding.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): When you say relatively new, does it mean that you started to operate as an organization last year?

Mme Capponi: We formed as a group in the middle of January of this year and have strong support throughout the community of Verdun. I believe you have in front of you letters of endorsement from all the churches in the Verdun area as well as from Ville-Marie social services.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Yes, I do. They were distributed around the table. Which brings me to the three programs in front of us under the new policy that is proposed. I would start, if you allow me, with the financial support program which is aimed at approximately 100 000 people who are considered to be on welfare for a very long time.

We have had from various organizations mainly two reserves about the program and the two reserves were the following: Do not "étiquetez" or brand unemployable people for life and park them aside the system and offer them adapted training program which takes into consideration their productivity but their lack of competitiveness on the market.

I see that you have many other objections, but just for a matter of setting the record straight, "contribution alimentaire parentale"...

Mme Capponi: I understand.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ... does not apply to that program neither does the sharing of rent. So, those elements, to set the record straight...

Mme Capponi: You say that the sharing of accommodations is not penalized for those individuals. At the moment, if those individuals are considered a couple, it represents a 325 $ a month loss.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): At this moment, it does apply under the present system. What I am saying is that, under the system that we are proposing for the financial support program, it does not apply, because we do not want to go against the desinstitutionalization policy of the Government right now.

Mme Capponi: After a twelve month period, a couple is considered as such, and if you look at your benefit levels in your own policy paper, it represents a 325 $ a month loss.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): We do not talk about the same program. You are talking about the El program...

Mme Capponi: No, I am talking about the Financial Support program. When two individuals are considered a couple, it means a draw of benefits totalling 325 $ after their first year of sharing accommodations.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sharing of accommodations does not apply to the Financial Support program. I think we have to get the...

Mme Capponi: No, it is in the determining of those two individuals as being a couple as experienced.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): O. K. When you are determining if people are a couple, you have a choice to make when you are building up a policy. You can choose to tackle it as individuals, if you allow me, or as a family unit. And the choice that the Government has made in presenting this document is to choose the family

unit proposal, which has some disadvantages but which also has some advantages. The balance when we tip both in our head tips in front of family.

From the support letters that you have got, I was interested by the one of the Centre des services sociaux Ville-Marie which is signed by Jacqueline Redmond. She insists, in the second paragraph of that letter, on the importance of the family unit, which must be carefully considered. Our prétentions is that, if we do not have that family aspect into it, nobody is going to be a family on welfare. Everybody is going to say "I am an individual living with another individual. There is no family unit over here". We do not, for the moment, share that idea unless you can convince us of the contrary. Should we completely forget about the family unit?

Mme Capponi: I do not think that the consideration of the family should be at the expenses of those who are individuals. Your document constantly refers to the need for autonomy. One can hardly be autonomist when enforced dependency is highly dangerous. Presently, when one considers the amount of violence in their home, the numbers of children and young adults who were being abused in their home, spouses, it just becomes a rather dangerous element of your policy of enforced dependency again.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): So you have more, how would I say, more reserve about our Financial Support program even ff it adds about 1000 $...

Mme Capponi: You pride yourself on the generosity of this program, Mr Paradis, but the reality is that if we had not lost the indexation of welfare payments we would have been receiving in 1990 more money that you are proposing under this program. And how you have determined these levels of benefits is beyond me. It has no relationship to what our needs are, none whatsoever.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): To my knowledge, as far as I know, unless you can indicate me the contrary, welfare cheques are indexed annually. They were...

Mme Capponi: They used to be indexed trimestrially but because of their loss.... If we look at the loss of indexation, over this couple of years, what you are proposing for your Financial Support program in fact represents a 13 $ a month loss for an individual, not increased benefits, as well there has been a loss to the indexation of family allowances. Those monies are also taken into account in this province in calculating social aid benefits.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excuse me, the loss of desindexation of family allowances?

Mme Capponi: That is right. Almost two years ago. It was also a loss.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Did you hear that?

Mme Capponi: You speak of education or training program. You speak of illiteracy rates. I mean educational programs like you were proposing are a wonderful idea. Certainly any individual who would wish to educate further themselves should never be prevented from doing so. But let us not confuse the needs for that kind of education or training and the absence of available real jobs.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Yes, but see. We have a dilemma there. Your proposition seems to be: Until the jobs are there, forget about the people. The way the Government has decided to tackle the dilemma is going both ways at it. Create full permanent jobs at the rythm for the last two years and create full employment and at the same time do not park aside from the society an important percentage of the population that will never benefit from any growth because they cannot fit the market force.

So what we are trying to do is to go at full employment and, at the same time, not forget behind the train, if I can use the expression, an important part of the population which, when it is left outside, is parked for the rest of their life outside the system. Do you agree with that approach?

Mme Capponi: I would like to see proof of this full employment policy that you claim. It is certainly not addressed within your document. In fact, your document seems to rely heavily upon the benevolence of the industry to provide jobs, and very likely at starvation wages.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Full employment can happen over a change of minutes in vocabulary, but, in society, it happens when a Government can put together the political stability, the fiscal incentives, the job training programs, the concertation between the unions and managements and all those elements which work towards full employment. Unless you have another definition of full employment, it is through a series of measures. Every decision taken at every level of the Government has to be aimed at creating more employment, and this is what we are pretending that we have been doing for two years, with relative success, and which we would like to keep on doing.

But, at the same time, even if we do that, if we do not tackle the deficiencies and characteristics of people who are left behind the system, they will never benefit from that growth.

You do not seem to agree...

Mme Capponi: Again, the programs should be available and open to individuals who choose to enter into them. Individuals should not be coerced into them and, again, if we look at the plate of the single parent mother who is forced to leave her children alone because no provision has been made for day-care, to pursue such education or workfare programs, as well, your internal document addresses... I would like to see proof, Mr. Paradis, of the number of jobs created by this Government.

The number of programs in your internal document, that you are putting forward and still not yet committing yourself to, it totalizes approximately 63 000 and, yet, there are over 250 000 who are considered able to work. What are those individuals going to do? There is a ceiling in your internal document of just over 63 000.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): I am sorry. We have to disagree with such a proposition. We have not established or put a ceiling. As far as job creation is considered, I think that you could have an opportunity to verify if it is working for the population of Quebec on every monthly statement of Statistic Canada which shows how many people have entered the workforce, how many people have lost jobs, etc. I think those are very interesting statistics which shows us that there is a great deal of work left to do, but that some work has been done and that it is currently going the right way, unless you have other...

Mme Capponi: I do not think one needs to be an economist to know how misleading those statistics can be and how many of those positions are seasonal work, low-paid, dead-end positions that go nowhere.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): So your point of view is that the jobs which were created last year in Québec are low-paid, low-quality, part-time and that we are not going, as a society, in the right way, economically speaking?

Mme Capponi: Yes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Okay. Thank you.

Le Président (M. Thuringer): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Thank you. I would like to welcome you. I am very sorry that I am not able to speak English very well, to converse seriously with you, Mrs. Capponi. I think that you understand French. Is this true?

Mme Capponi: That is right.

Mme Harel: Perhaps Mrs. Côté can translate for me? Yes?

Mme Côté: Oui.

Mme Harel: O.K. Je crois qu'il y a deux questions importantes. La première est sur la famille. Le ministre a parlé de cette lettre du Centre de services sociaux Ville-Marie dans laquelle on lui recommande... (19 heures)

Mme Côté: Excusez-moi. Ne parlez pas trop de façon que je puisse le lui dire en anglais, car je ne veux pas me perdre dans les dédales de...

Mme Harel: Sur la question...

Mme Côté: Si vous pouviez parier un peu moins vite que je puisse traduire; ensuite, vous pourrez continuer, si cela vous convient.

Mme Harel: Très bien. Sur la question de la définition de la famille, le ministre a reçu une lettre du Centre de services sociaux Ville-Marie...

Une voix:...

Mme Harel: C'est la lettre qui a été distribuée?

Une voix: Oui.

Mme Harel: Je ne l'ai peut-être pas eue. Je ne le sais plus. Ah, ce sont les appuis, les lettres d'appui. Dans cette lettre que j'ai, il semble qu'on suggère, on recommande que "the importance of the family as a unit must be carefully considered". Et le ministre dit être favorable à cette recommandation. La question, c'est de savoir ce qu'est l'assistance de l'Etat. Je crois que sa proposition, c'est une assistance quand il y a échec. Quand il y a échec pour que l'État mette les enfants en foyer d'accueil ou quand il y a échec, parce que la contribution parentale n'est pas versée et qu'il y aura une clause de dénuement total. Dans la proposition du ministre, pour un jeune de 18 ans et plus, il pourra invoquer le dénuement total...

Une voix:...

Mme Harel: La clause de dénuement total.

M. Boulerice: I guess that what my colleague wants to say is that the minister point of view is: Collapse. Then we will help you.

Mme Harel: Yes. En fait, d'une certaine façon, la famille n'est pas soutenue quand elle réussit, mais seulement quand elle échoue. Vous avez eu cet appui du Centre de services sociaux Ville-Marie. Est-ce que vous avez une idée de la

politique familiale? Est-ce que vous avez à lui recommander une autre conception de la politique familiale? J'aimerais beaucoup que vous nous parliez de la situation à Verdun. Durant le mois de mars, vous avez distribué des formulaires. Je ne les comprends pas. C'est indiqué: Manna Verdun. Qu'est-ce que c'est? J'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi vous avez distribué ces formulaires.

Mme Capponi: If I might address the idea of family and I do realize I am aware of a family policy which is up for discussion, after looking at this policy paper from this ministry, it strikes me that the family is a wonderful idea if you can afford it. As a single parent mother who has brought up two children on social welfare, with social welfare being my only income, I am well aware of how the welfare system has failed the family to date and certainly the regressive measures within this policy are going to just be disastrous particularly for single parent families. I mentioned child abuse. The head of Youth Protection made public statements, I think just six months ago, concerning the backlog of cases of seriously abused children and then not having the means to provide the necessary support or alternatives to the situation and one asked: Who are the people most at risk? Who is this target? Which is the population that ought to be targetted? It was the single parent mother, the young single parent mother with young children living on a limited income. It is well-known that, when one looks at the Youth Protection Act, any family who is on welfare as their only source of income, those children are immediately at risk. In Verdun, quite recently, cheques were not issued. It was the 1st of March. Women and children were informed that, if they had no food in the house, they had to go to the local food bank. And that their landlords could wait for the rent. Landlords, when waiting too frequently for rent cheques can ask for an eviction.

The food provided for individuals on welfare at the local food bank is usely enough to carry you through a day, a day and a half at best. The ministry is shifting responsability over to those organizations and those organizations cannot begin to meet the need that is out there. Ville-Marie social services center is overloaded with cases where they have to provide emergency funds for families, women and young children, so that they cannot survive because their benefits have been cut off suddenly and because of the length of time involved in going to review in appeal boards.

We have two cases of pregnant women in Verdun quite recently who both has not received cheques for a number of months when their cases went to review. And even though they ultimately had their money reinstated on what did they live on the interm? Is that how the ministry regards families, children? Why the rate paid to foster families to provide for children is higher than the amount to the natural parent? How often do children end up in foster homes because the natural parents have not had the money to provide adequately for those children?

Children are going to school every day hungry. It is absolutely impossible to meet school rents and provide adequately for your children. The policy addresses parental contribution. Welfare families who have children who are young adults have not been able to keep them home with them because of the way welfare rates are structured.

Mr. Paradis, you promise parity for our youth, and what has been put forward in this document nowhere resembles parity. Once you look at the hidden losses, the benefits cuts either because of the parental contribution or because of the sharing of an accommodation, those youth will be receiving approximately the same that they have been over the past few years. Certainly this does nothing to uphold family. It is to the detriment of the family and it has always been. But this is far, far worst.

Mme Harel: Est-ce que vous avez eu l'occasion de discuter de ces questions avec votre député? Oui, oui, je sais.

Mme Capponi: Yes. Stan is going to talk about Manna. He is also working at the local food bank.

M. Earle: Excuse me. I do not know who was questioning the reason for presenting the documentation from Manna ever done. I believe that most of you have a copy in front of you there. There is one from Denise Roy; in the bottom left hand corner, it states that she will receive her cheque in two weeks and the form, the requisition is dated March 7. My question to the commission is: How was this woman supposed to live without her money? I spoke of her the week after and she still had not received her welfare cheque. She came back the following week after the March 7. The other form submitted is to point up the inconsistency of the system, and Richard Choquette, these names are confidential, but the form is signed STQ Verdun... No name, no stamp, nothing. It could have been filled out by anybody. This is an example of the work that is put out by the welfare office in Verdun. Being on welfare and being connected with the office of Verdun, the attitude of the personnel is beyond reason. I do not know what else I can say regarding the Manna of Verdun outside the fact... We have had an increase in the past three weeks of people coming for food. On Friday, as a matter of fact, we had 21 visits and, on last Wednesday, we had 20 odd people coming in, 20 odd people coming in with requisition. So, I can see at the grass roots level that people need the support not only of the welfare system, but they are

having to rely on the community. This was pointed out previously that the government is shifting the responsibility via the Verdun office in particular, to the community when the cheques are not arrived. I ask the members of the Commission: How would they feel experiencing what I am witnessing at the community level?

Mme Harel: Je vous remercie. M. le Président, je vais passer la parole à mon collègue de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Just one comment and I will go for a question. First, I am glad you are here. Last August, we had a Parliamentary Commission on Housing and many groups came from NDG, Westmount, Côte-Saint-Luc, all those West parts of Montreal, and it was killing that kind of folklore image we have that, if you are anglophone, you know, you are Upper Grosvenor Road type, which is not true. I think we all have the same social needs. So, your participation is important. When you said that you hope that those who are speakless should have a voice here, I guess that you are kind of depreciating you own work, that you are really speaking for them and you are doing it good.

A second comment. The minister keeps on saying that government has to make choices. When I first seated in this Parliament, in December 1985, the first law I was asked to vote was a decrease of 2000 $ for those whose income was more than 80 000 $ and 200 $ for those who were earning 20 000 $ a year, a quarter a week, as a reduction. He is right, government makes choices. You have to make the right ones and that is the track they were going in.

My colleague asked you if you met your MNA who is the strongest man in government after the Prime Minister. It is the President of the Treasury Board. What was his stand on your position? I am talking about Mr. Gobeil.

M. Earle: Up to day, we have not had an opportunity to contact Mr. Gobeil, but I propose to do this when I get back to Verdun because I am aware of the need for him to be aware of what is going on in his community. For Verdun in particular, there are two MNAs because of the ridings. I have not untill now been able to procure an electoral map in order to plan communicating with both, Max Polak and Mr. Gobeil. But I can assure you that that will be done in the very near future to let them know what the situation is in their particular ridings.

M. Boulerice: My second question. I was talking to you about the Housing Parliamentary Commission. I am very preoccupied about housing. I will ask you, as I did for the group who previously spoke here: Can you, please, help us explaining the minister that sharing an apartment is the only way to get a decent apartment in your area?

Mme Capponi: It is the only possibility for survival.

M. Boulerice: The only.. (19 h 15)

Mme Capponi: We have 10 000 homeless in our city. Those numbers are going to climb drastically once this reform becomes a reality. A CMAC study this past year shows the average rents for every area of the city and the majority of our benefits are going towards just maintaining shelter costs.

I have a question too for Mr. Paradis How is it that, prior to the consultation period, before any training has been done, welfare agents are presently referring to themselves as socio-economic aid agents? Letters are being issued from Travail-Québec offices asking welfare recipients to come in for an interview with a socio-economic aid agent, and these individuals have not yet received any training. I would also like to know what kind of training they will receive in order to be able to determine who is able and who is not able to work. I would like more information on the kind of contractual agreements that welfare recipients will be coerced into signing and, again, the various elements of this reform which were put into place prior to this consultation period, like the budgeting for the PWA program.

Le Président (M. Thuringer): M. le député de Saint-Jacques, est-ce que...

M. Boulerice: Oh! I am giving my time to the minister because the question is so important.

Le Président (M. Thuringer): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): What you have talked to me about is a matter of vocabulary. "Agent d'aide socio-économique" is a vocabulary which has been used in the department every since I have become minister. I cannot tell you how long the appellation was used previously.

With respect to your other questions, as far as I know - and I stand to be corrected, you are in the field, so you might show me some applications of the reform that you already have in the field - we have not started to apply the welfare reform and we do not have the legal authority to do so without presenting a Bill in the House, putting the Bill through the different steps and finally getting the sanction of the Lieutenant Governor. That is the way we proceed. I cannot see in the field, and I go to my riding office every Saturday, what measures have been implemented. If I try to get a program for someone 30 years old and over, they tell me: Wait until after the reform. If I ask for someone who lives with an handicaped person and I see their cheques cut by 85 $ and I stand against

that, they tell be: Wait until after the reform. I get the same treatment as any other MNA who asks for this information.

So, as far as I know, from treating cases in my riding and from being the minister responsible for the file, the reform has not been applied. Unless there is an exception in Verdun.

M. Richard (Maurice): It has been applied in Verdun, because I have already been classified as "inapte". I was told by my agent that I was classified as "inapte" and that I needed a medical certificate to prove that I was "inapte". So it has already been applied.

Mme Capponi: There have been many internal changes. We were informed, the Coalition for the Rights of Welfare Recipients, with the Verdun office, as well as Mr. McNichol for the Montreal area, the regional director... We are aware of the fact that many internal changes have been going on in terms of staff, which clientele they will deal with, whether those individuals are "aptes" or "inaptes", in terms of certain directives like the issueing of these letters requesting welfare recipients to come in for interviews with socio-economic aid agents. As well, the PWA program, how is it that that program was implemented prior to this consultation?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): The Parental Wage Assistance program is a different program in our "jargon", our vocabulary. It is what you could call a budgetary measure which was announced by the Finance minister in his Budget speach almost a year ago. What we are receiving in front of this Commission is not a complaint that it is already in application, but, on the contrary, why it is not fully in application yet. As all budgetary measures, they can go into force before being sanctioned by legislative approval, but that is the only program which was in the budget; the two others are what you could call regular programs.

Mme Capponi: And this program drags all of the working poor who wish to apply for such a subsidy into the welfare system, and subject to most of those oppressive measures your internal document addresses the single parent particularly who becomes targeted where the parental wage assistance program is concerned. Also, all they hidden loss through the taxation and what will be considered income. There are very many elements. Our brief addresses some of what we are able to determine out of the vague presentation within your position paper. But certainly we know for a fact that many organizations have addressed the weak elements of this program, particularly inlight of the abolishment of SUPRET program.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): I do... Oups!

I am on your time.

M. Boulerice: O. K. I guess that she is up for an answer. We might have one, one day.

Le Président (M. Thuringer): M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Mrs. Capponi, during your intervention you mentioned that being a foster parent makes you really better off than keeping your own child. Could you...

Mme Capponi: The amounts of money provided for people who foster children, the calculations that are determined in terms of what that child's needs are... I know we are near of what the welfare family receives for that same child. I do not know precisely what the rates are. That is a well known fact. That is not to say that what the foster parent receives is sufficient either, because it is usually not. It is well known the welfare rates, as they exist, are less than 50 %, either 50 % below the poverty line. Many mothers who are not able to provide adequately for their children have a serious mental health problem as a result. I mean the fact that people cannot survive on that income level leads to all sorts of other social problems that are even more of a financial burden on this province, in terms of health care, etc.

Le Président (M. Thuringer): Terminé? Tout le temps est écoulé.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Just a complement of answer. I have only a French version here but it will also be available or it is available in English. The program with the details came out, we are spending a lot of energy to make it - the Parental Wage Assistance program - known to the clientele.

Up to now, we have received only a few negative comments about it. One of them is that it only applies where children are present. It does not apply to all individuals. We have also had complaints that the "arrimage" or the joint with the fiscaiity was not thoroughly done. As far as the second complaint we had, we have been working on it and we believe that we can make it completely "harmonisé" with the fiscaiity. As far as the first complaint is concerned, we still are aiming, at households were child or children are present, to give them an incitation to go back on the work force by supplementing their income and by paying part of the kindergarten or day-care fee.

Mme Capponi:... approximately half the cost of the day-care, which is totally insufficient.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Exactly. A hundred percent is always better but when you

start... Right now, it is zero. So, it goes from zero to 50 %. What you are suggesting is that it should goto 100 %.

Le Président (M. Thuringer): Mme la députée de Maisonneuve, en conclusion.

Mme Harel: Oui. I would like to thank you for your brief. Je crois que vous avez une expérience très importante à Montréal dans la défense des personnes pauvres. Je crois que votre contribution ici ce soir était très importante. Je vous remercie.

M. Paradis (Brome-Missisquoi):... Anti-Poverty Group of Verdun, to their speak people, Mrs. Capponi, Mr. Earle, Mr. Richard and Mrs. Côté. Thank you very much for your presentation.

Le Président (M. Thuringer): On behalf of the commission, I would like to also thank you for coming here making your presentation.

J'aimerais aussi signaler maintenant que la commission ajourne ses travaux au mardi 29 mars à 10 heures à la salle du Conseil législatif. Merci.

(Fin de la séance à 19 h 25)

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