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(Dix heures huit minutes)
Le Président (M. Kehoe): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je constate qu'il y a quorum et je déclare la séance
ouverte.
La commission des affaires sociales se réunit afin de
procéder à une interpellation, à savoir une question
soulevée par la députée de Maisonneuve et adressée
au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu
concernant l'aide sociale.
Je demande à la secrétaire s'il y a des remplacements.
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Blais
(Terrebonne) sera remplacé par M. Jolivet (Laviolette), Mme Juneau
(Johnson) par M. Paré (Shefford).
Le Président (M. Kehoe): Avant de procéder à
l'interpellation, je devrai mentionner les règles qui nous
régiront. Le député qui a donné l'avis
d'interpellation, soit la députée de Maisonneuve, va commencer
à parler pendant dix minutes; par la suite, le ministre
interpellé intervient pour dix minutes. Ensuite, il y a alternance dans
les interventions: un député du groupe de l'Opposition, le
ministre, un député du groupe formant le gouvernement, un
député de l'Opposition, le ministre, et ainsi de suite. Vingt
minutes avant la fin de la séance, le président va accorder un
dernier droit de parole de dix minutes au ministre et, finalement,
l'interpellant a ensuite une réplique de dix minutes.
Donc, nous allons commencer la séance avec l'intervention de Mme
la députée de Maison-neuve.
Exposé du sujet Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Depuis le début
des travaux de la commission parlementaire, le 22 février dernier, le
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu se croit
artificiellement à l'abri de l'opinion publique, derrière une
litanie de beaux mots et de bons sentiments. La réalité, c'est
que, dorénavant, les besoins essentiels de subsistance minimale,
reconnus comme des besoins de survie par son propre ministère, ne seront
plus couverts pour une grande majorité de nos concitoyens et
concitoyennes sans l'addition de gain de travail fictif. Qu'à cela ne
tienne, selon le ministre, c'est pour mieux les aider à se
responsabiliser. C'est pour leur bien que la société va les
laisser tomber, pour ne pas porter atteinte à leur autonomie et à
leur dignité, pour ne pas les encourager à la paresse.
La présidente de la Fédération des femmes du
Québec, qui témoignait devant la commission, disait, concernant
ce chef-d'oeuvre de bons sentiments: On réaffirme l'intention d'aider,
de redonner de l'espoir aux jeunes. Les mots: générosité,
solution dynamique, outils efficaces, actions concrètes, ainsi que les
mots: dignité, autonomie, justice et équité brillent de
mille feux. Bref, le gouvernement a les mots pour le dire. Le problème,
c'est qu'il ne se donne pas et ne donne pas à la société
les moyens pour le faire. La présidente de la fédération
ajoutait: La plupart de ces mots font partie du vocabulaire courant. Ce sont
là des valeurs auxquelles croit la société, dois-je
ajouter, particulièrement les mots autonomie et incitation au travail.
Pourrions-nous les désavouer? Certes, non. Ce que nous désavouons
cependant, c'est l'utilisation trompeuse qui en est faite. Ainsi parlaient de
nombreux groupes venus témoigner devant la commission.
M. le Président, après avoir alimenté les
préjugés comme le ministre l'a fait depuis deux ans, il ne faut
pas s'étonner que cela donne les résultats que l'on peut
constater dans l'opinion publique actuellement. Je voudrais simplement citer ce
qu'en disait le Protecteur du citoyen lui-même, qui ne peut certes pas
être accusé de partisanerie, dans le rapport annuel qui
était rendu public ici même à l'Assemblée nationale,
en décembre dernier. Il disait, à propos des enquêteurs mis
sur la route par le ministre: L'administration du ministère a vu
souffler un vent de contrôle qui a contribué à instaurer un
climat de suspicion - je cite au texte le Protecteur du citoyen du
Québec - qui s'est traduit par une trop grande
sévérité dans l'appréciation de demandes d'aide. Au
moindre doute, la demande était rejetée, ce qui ne laissait
d'autre choix au demandeur que de se pourvoir en révision. Et on vient
de voir les délais auxquels il pouvait être exposé avant de
recevoir l'aide qui lui était due - due, selon le Protecteur du citoyen.
Ou bien on transmettait la demande aux enquêteurs spéciaux,
d'ailleurs en nombre insuffisant, occasionnant encore ici des délais
additionnels qui pouvaient aller parfois jusqu'à un ou deux mois. Cette
sévérité s'est surtout manifestée dans les cas de
présomption de vie maritale. Là, le protecteur nous cite des cas
d'un caractère odieux qu'on a vu défiler devant la commission
durant tous les travaux.
M. le Président, plus de 130 organismes auront été
entendus durant cette commission. Actuellement, il n'y en a pas loin d'une
centaine. Jusqu'à maintenant, une dizaine à peine auront fait bon
accueil ou un accueil mitigé au projet. Pour tous les autres, qui
regroupent les femmes, les familles, les personnes handicapées, les
syndicats, les églises, les consommateurs, les oeuvres de
charité, la réponse est: Non. Un non
quant au fond même de la réforme. J'omets volontairement
l'aspect le plus odieux du projet, à savoir la baisse de prestations
pour la catégorie dite non disponible: personnes temporairement malades,
baisse de prestations; femmes enceintes de plus de six mois, baisse de
prestations; personnes qui veulent assumer la garde d'enfants de moins de deux
ans; personnes de 55 ans et plus qui refusent de participer aux mesures, baisse
de prestations.
Le premier ministre lui-même, suivi en cela par le ministre
Paradis, à la suite des pressions d'une opinion publique
scandalisée, ont déjà annoncé des modifications
quant à ces aspects que je viens de mentionner.
Mais, M. le Président, le non retentissant de ceux qui
représentent les forces vives et l'espoir de notre
société, ce non, je le rappelle, porte sur le fond même de
la réforme, à savoir la catégorisation entre apte et
inapte, disponible et non disponible, participant et non participant à
des fins de prestations différentes. Je voudrais vous rappeler, M. le
Président, combien cette réforme croule sous le poids du
contrôle social à travers 52 catégories. Un non
retentissant à l'abandon de la couverture des besoins essentiels pour
des personnes présumées aptes à travailler. Un non
retentissant à l'abandon de la notion du seuil de pauvreté
remplacé par un relevé des dépenses des travailleurs parmi
ceux à plus faible revenu, pour ne plus comparer les pauvres avec les
plus pauvres. Un non à la perte d'autonomie des femmes et des jeunes et
leur assistance par l'État en cas exclusif d'échec prouvé
de la famille et de sa démission par un divorce, une séparation
ou un départ. Un non à l'absence des conditions de
réussite d'une véritable politique d'employabilité, un non
au désengagement de l'État à véritablement offrir
ces mesures. Un non à la désincitation à améliorer
ses conditions de vie par une réduction des prestations lors d'un
partage du logement, d'une participation à une coopérative
d'habitation ou d'un logement en HLM.
M. le Président, les audiences de la commission nous auront
permis de constater que cette réforme repose sur l'échec des
mesures gouvernementales. Rappelons que le projet vise à étendre
à plus de 257 000 bénéficiaires des mesures
d'employabilité déjà à l'essai ou qui devaient
s'adresser à près de 82 000 jeunes ménages, de moins de 30
ans. Ces mesures de relèvement de l'employabilité
s'avèrent, M. le Président, être un échec de
participation retentissant. Selon les informations obtenues par la commission,
ces mesures n'auraient été offertes par le ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qu'à un peu plus
de 20 % des ménages de moins de 30 ans.
Malgré des demandes répétées de l'Opposition
depuis des mois, non pas seulement depuis le début de nos travaux, mais
depuis l'automne dernier, le ministre Paradis continue de retarder la
publication des analyses et des évaluations effectuées à
son ministère pour expliquer ces piètres résultats. Il
omet de les publier ou, plus irresponsable, il n'a pas fait procéder
à de telles analyses de ces piètres résultats.
De plusieurs régions du Québec, de nombreux jeunes sont
venus en commission expliquer au ministre les embûches qu'ils ont
dû franchir pour pouvoir devenir stagiaires. À la lumière
des faits qui nous ont été communiqués, des nombreux
témoignages qui ont été recueillis en commission pour
démontrer le fouillis administratif qui règne dans l'application
de ces mesures, nous ne pouvons qu'en conclure à
l'irresponsabilité du gouvernement à vouloir rendre
conditionnelle à tous la pleine prestation d'aide sociale, à
vouloir la rendre conditionnelle à la participation à des mesures
qui ne seront ni disponibles, ni adaptées à leurs besoins.
M. le Président, c'est encore plus inacceptable qu'après
avoir dénoncé ces programmes qui ont été mis en
place par le gouvernement du Parti québécois, le ministre les
impose maintenant sous peine de couper aux personnes une maigre pitance. Sans
s'assurer seulement que ces programmes sont adaptés à des
personnes plus âgées, sans s'assurer qu'ils leur sont disponibles,
sans avoir pris l'assurance que suffisamment de programmes seront prêts,
le ministre entend, sous peine de couper leur maigre pitance, de façon
coercitive, obliger la participation à des programmes qui n'existent
pas.
M. le Président, avec mes collègues qui partagent avec moi
cette responsabilité en matière de sécurité du
revenu, ce matin, nous allons dresser les obstacles qui doivent être
levés pour faciliter la réinsertion à l'emploi de nos
concitoyens et concitoyennes. Nous aurons l'occasion de revenir sur cette
question cruciale qui est l'absence d'investissements dans
l'employabilité que le gouvernement révèle avec la
présente réforme. Je vous remercie.
Le Président (M. Kehoe): Merci, Mme la
députée de Maisonneuve. Je reconnais maintenant le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
Réponse du ministre M. Pierre Paradis
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, vous me
permettrez, en commençant, de souligner la présence à mes
côtés de mon collègue, le député de
Taschereau, ainsi que de mon collègue, le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
Nous sommes réunis ici pour discuter, dans le cadre de cette
interpellation, du régime de l'aide sociale et ce, à la demande
de Mme la députée de Maisonneuve. Du côté
gouvernemental, c'est avec plaisir que nous avons reçu cette demande de
l'Opposition officielle qui nous permettra, encore une fois, d'expliquer la
politique de sécurité du revenu que nous avons
rendue publique au début du mois de décembre dernier.
D'abord, je me permets, M. le Président, de vous rappeler que la
nouvelle politique comprend trois volets spécifiques, soit Soutien
financier, APTE ou Action positive pour le travail et l'emploi et APPORT ou
Aide aux parents pour leurs revenus de travail. Cette politique repose sur des
grands principes tels que d'accorder la parité aux moins de 30 ans, de
traiter plus équitablement les plus démunis de notre
société et d'inciter les prestataires considérés
aptes à intégrer ou à réintégrer le
marché du travail.
On se rappellera, M. le Président, que ces principes avaient
d'ailleurs fait l'objet d'un engagement du Parti libéral du
Québec lors de la dernière campagne électorale. Ainsi,
nous nous étions engagés à réformer le
système social afin que le nouveau programme réponde davantage
aux besoins de la clientèle actuelle. On sait que, lors de l'adoption de
la loi qui régit l'actuel programme d'aide sociale, en 1969, la
clientèle était composée, pour un tiers, de
bénéficiaires considérés aptes au travail.
Aujourd'hui, ce sont les trois quarts de la clientèle qui sont
considérés comme étant aptes au travail.
À la suite de la publication du document, nous avons
suscité la participation de nombreux intervenants
intéressés à ce dossier. Par la suite, une commission
parlementaire a été convoquée. Comme l'indiquait Mme la
députée de Maisonneuve, plus de 125 mémoires ont
été transmis à la commission des affaires sociales qui
siège depuis le 22 février dernier. Dans le cadre de cette
consultation, que nous voulons la plus large possible, et souhaitant obtenir
une opinion éclairée quant aux attentes de la population en
général sur le dossier de l'aide sociale, nous avons donc
décidé d'utiliser, en complément à cette
commission, les services professionnels d'une firme extérieure
spécialisée dans la cueillette et l'analyse d'informations.
En plus de pouvoir tenir compte des suggestions formulées par les
groupes qui ont présenté des mémoires, qui sont intervenus
devant la commission parlementaire, nous pourrons également prendre en
considération les opinions de la population en général que
plusieurs qualifie de majorité silencieuse. La maison SORECOM a donc
réalisé un sondage, entre le 10 et le 15 mars 1988, auprès
de 1194 répondants, ce qui, soulignons-le, produit des résultats
globaux affectés d'une erreur échantillonnale variant de 1,3
à 2,9 points de pourcentage.
Alors que nous étions à mi-chemin des travaux de la
commission parlementaire, déjà, un citoyen sur deux
déclarait avoir vu, lu ou entendu des informations sur la réforme
de l'aide sociale. Parmi ceux qui se disent informés sur la
réforme globale et après répartition des indécis,
58,2 % des personnes interrogées ont indiqué qu'elles sont
favorables à la réforme proposée par le gouvernement,
alors que 41,8 % se disent défavorables. Selon SORECOM cependant, on ne
peut conclure que les citoyens ont une opinion sur la réforme globale,
considérant le fait que 51 % des répondants n'ont pas entendu
parler de la réforme et que, parmi les 48 % qui en ont entendu parler,
34 % se disent indécis ou sans opinion. Il est par contre
intéressant de constater que, lorsque les personnes sont
interrogées sur des composantes de la réforme prises
séparément, moins de 10 % de l'ensemble des citoyens sont
indécis et l'appui aux diverses composantes oscille
généralement entre 60 % et 85 %. SORECOM explique cette situation
par le fait que, et je cite: Les divers témoignages entendus en
commission parlementaire semblent avoir livré aux citoyens une vision
morcelée des enjeux qui les amène à se prononcer sur
chaque morceau sans pouvoir se prononcer sur l'ensemble de la
réforme.
Au chapitre des principes qui sous-tendent la politique de
sécurité du revenu, nous sommes à même de constater
que la population appuie majoritairement la proposition gouvernementale quant
aux éléments servant de toile de fond de cette politique, soit
les principes que j'ai cités précédemment: accorder la
parité, traiter de façon plus équitable les plus
démunis et inciter les prestataires aptes à intégrer ou
à réintégrer le marché du travail.
Quant au premier principe, M. le Président, accorder la
parité, la question posée à la population est la suivante:
d'après vous, les bénéficiaires de l'aide sociale qui ont
moins de 30 ans devraient-ils avoir droit à un montant plus
élevé, égal ou moins élevé que les
assistés sociaux de plus de 30 ans? La population, dans une proportion
de 63 %, estime que les bénéficiaires de moins de 30 ans
devraient avoir droit à un montant égal. Quant à la notion
d'apte-inapte, deux questions ont été posées. La
première: Le gouvernement propose de traiter différemment les
assistés sociaux capables de travailler et les assistés sociaux
incapables de travailler. Croyez-vous que c'est une très bonne, une
bonne, une mauvaise ou une très mauvaise chose de faire cette
différence? 85 % de la population croit qu'il s'agit d'une bonne ou
d'une très bonne chose.
La deuxième question: Une personne inapte, incapable au travail,
et qui risque donc d'être plus longtemps sur l'aide sociale devrait-elle
recevoir plus, autant ou moins d'argent qu'un ou qu'une assistée sociale
apte au travail? 59 % répondent: plus d'argent.
Quant à l'incitation à participer aux mesures de
développement de l'employabilité, la question posée
était la suivante: Le gouvernement songe à inciter les
assistés sociaux à participer à des programmes pour
améliorer leur employabi-lité, c'est-à-dire augmenter
leurs chances de trouver un emploi. D'après vous, les assistés
sociaux qui acceptent de participer à ces programmes devraient-ils
recevoir un certain montant d'argent en plus de leur aide sociale? 67 % de la
population répond oui.
Quant au nombre d'heures par semaine de participation aux mesures, la
question posée était la suivante: Supposons que le gouvernement
songe à donner davantage aux assistés sociaux qui acceptent de
participer à des mesures d'employa-bilité, combien d'heures de
participation le gouvernement devrait-il exiger en retour, en moyenne? Les
citoyens suggèrent 24 heures par semaine.
Quant à l'arrimage entre le salaire minimum et le programme
d'aide sociale, deux questions ont été posées. La
première: Le gouvernement propose que pour 20 heures par semaine de
participation à un programme d'employabilité, l'assisté
social reçoive 100 $ par mois en plus de sa prestation de base.
D'après vous, le total des deux montants doit-il être égal,
plus élevé ou moins élevé que le salaire minimum?
Il y a 56 % de la population favorable à l'égalité avec le
salaire minimum. La deuxième question: Si les assistés sociaux
peuvent gagner un certain revenu de travail sans se faire couper leur aide
sociale, le montant par mois de leur prestation et de leur revenu de travail
doit-il être égal, plus élevé ou moins
élevé que le salaire minimum? Encore une fois, 56 % de la
population souhaite l'égalité avec le salaire minimum.
Outre les principes de base, le questionnaire traitait de
différents éléments qui ont été largement
discutés en commission parlementaire et qui ont d'ailleurs fait l'objet
de plusieurs manchettes dans les médias. Ainsi, au cours des entrevues,
les répondants ont eu à se prononcer sur la contribution
parentale, la participation de la mère ayant un jeune enfant aux mesures
d'employabilité, le partage du logement et l'aide sociale versus le
système de prêts et bourses aux étudiants. Quant à
la contribution parentale, ta question posée était la suivante:
Le régime de prêts et bourses tient compte du revenu des parents
pour déterminer l'aide accordée aux étudiants.
D'après vous, l'État devrait-il, oui ou non, utiliser le
même principe pour calculer l'aide sociale accordée aux jeunes
assistés sociaux? Il y a 60 % de la population qui répond
oui.
Quant au régime de prêts et bourses, versus l'aide sociale,
la question: Certains étudiants d'université et de cégep
ont droit à des montants de prêts et bourses. D'après vous,
les jeunes assistés sociaux devraient-ifs recevoir un montant plus
élevé, égal ou moins élevé que celui que
reçoivent ces étudiants? 48 % de ia population estime que ce
montant devrait être égal, alors que 28 % répond: moins
élevé. Quant à la participation au programme
d'employabilité de la mère d'un jeune enfant - je vais
peut-être prendre un peu plus de temps sur cette question parce qu'elle
était complexe et nous avons obtenu beaucoup de réponses - la
question était la suivante: Si une assistée sociale a un enfant
en bas âge, le gouvernement devrait-il lui demander de participer au
programme d'employabilité si son enfant est âgé de quatre
mois? Oui, 33 %, non, 61 %. Entre quatre mois et un an, oui, 19 %, non, 74 %.
Entre un an et deux ans, oui, 42 %, non, 50 %. Entre trois ans et cinq ans,
oui, 36 %, non, 53 %. Six ans, oui, 73 %, non, 16 %.
Quant au partage du logement chez les jeunes de 18 à 21 ans, les
réponses qui vont dans la direction des propositions gouvernementales
sont respectivement de 67 % et 65 %.
Comme nous l'avons mentionné prédécem-ment, nous
croyons que ces données, tout comme les suggestions recueillies en
commission parlementaire, nous permettent d'obtenir un portrait davantage
éclairé de ce que la population, dans son ensemble, souhaite pour
le programme d'aide sociale. Contrairement à ce que Mme la
députée de Maisonneuve a mentionné, nous ne sommes pas
à l'abri de l'opinion publique.
À la lumière de ces résultats et au terme de nos
travaux en commission parlementaire, nous pourrons donc envisager des
modifications reflétant les suggestions qui nous auront
été émises. Cependant, comme je l'avais mentionné
lors de l'ouverture des travaux de la commission des affaires sociales, nous
vous rappelons que sur le plan des grands principes de base de la politique de
sécurité du revenu, principes qui ont fait l'objet d'engagements
électoraux, nos positions demeurent fermes. (10 h 30)
En conclusion, quant aux principes sous-jacents et au mécanisme
d'application, dans notre esprit, il est évident qu'il faut maintenir
l'ouverture à des bonifications afin que la politique de
sécurité du revenu corresponde davantage aux besoins et aux
attentes des bénéficiaires et de la population dans son ensemble.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Kehoe): Merci, M. le ministre. Nous
allons continuer nos travaux selon l'alternance des interventions et je
reconnais maintenant M. le député de Laviolette.
Argumentation M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. J'aurais
été très surpris, ce matin, si le ministre ne nous avait
pas dit ce qu'il vient de nous dire. Cela m'aurait vraiment surpris. Quel
gouvernement avons-nous devant nous, qui fonctionne à partir de sondages
en donnant de très beaux slogans, en donnant à la population de
très beaux principes, des vertus contre lesquelles on ne peut jamais
s'élever, mais quand on arrive dans les modalités d'application,
quel affreux gouvernement avons-nous devant nous, un gouvernement
sans-coeur!
Sur le plan de la politique familiale, le 9 décembre dernier, on
a fait une très belle présentation d'un énoncé de
politique qui, malheureusement, a été qualifié de vide
de
contenu par tous ceux qui en ont pris connaissance. De plus, on
dépose le projet de loi 94 sur le Conseil de la famille qui, selon
l'ensemble des gens, s'il n'y a pas d'amendement majeur apporté au
projet de loi, sera un organisme néfaste pour la famille au
Québec et tous les organismes familiaux du Québec. Je l'ai dit en
commission parlementaire, la nomination du ministre
délégué à la Famille est un danger majeur parce que
ce gouvernement n'a jamais si mal servi la famille et l'a même
pénalisée.
L'arrivée d'un tel ministre donne l'impression, avec le
dépôt du projet de loi, qu'on va enfin s'occuper de la famille.
Pendant ce temps, le ministre marionnette délégué à
la Famille a près de lui un ministre responsable de la population et de
l'immigration, le premier ministre qui se garde le beau rôle. Pendant ce
temps, qu'est-ce qu'on lait avec nos familles?
La réforme de l'aide sociale qui est devant nous contient un
volet de la politique familiale, nous a dit le ministre
délégué à la Famille. Cela m'inquiète,
surtout qu'il a laissé sous-entendre qu'il était conseillé
par son épouse. J'ai demandé au ministre, la semaine
passée, d'aller revoir son épouse parce que la politique qui est
devant nous n'a pas de bon sens. Cela nous force, simplement à une
analyse sommaire de l'ensemble, à conclure que les mesures de soutien de
la famille qui nous sont présentées n'existent pas. Il n'y a pas
d'aide à la famille. Ce que l'on fait avec le projet qui est devant
nous, c'est qu'on invite presque à l'éclatement de la famille.
C'est seulement en cas d'échec ou de démission de la famille
qu'il y aura de l'aide.
Des exemples typiques: un jeune de 18 ans habite chez ses parents. Sa
prestation de base prévue est de 405 $. Puisqu'il partage le logement
avec sa famille, il y a, au départ, une coupure de 115 $ par mois. Parce
qu'on considère que ses parents - dans le cas que je cite - sont des
personnes sur l'aide sociale, il y a une contribution parentale de 100 $. Nous
voilà revenus à un montant de 190 $ par mois pour un jeune entre
18 et 30 ans. Si, de plus, les parents ne sont pas sur l'aide sociale, mais
sont près de ce qu'on appelle le revenu minimum, qu'est-ce qu'il y a de
plus? Il y a une autre diminution de 100 $ avec un pourcentage du revenu. Nous
voilà donc rendus avec une personne qui, au lieu d'avoir une
contribution parentale de 100 $ par mois, reçoit 100 $ plus un
pourcentage du revenu.
Qu'est-ce qui arrive à un jeune qui a travaillé pendant un
an et demi et qui reçoit de l'assurance-chômage pendant une autre
année? Qu'est-ce qui arrive? S'il ne vit pas dans sa famille durant
cette période, il recevra, à ce moment-là, pleine
prestation, mais s'il vit chez ses parents, la prestation dépendra du
revenu des parents.
Je terminerai - parce que je sais que le temps file - avec toute la
question de l'aide apportée à nos familles monoparentales et aux
personnes qui ont des enfants. C'est encore une fois des coupures. Ma
collègue en a fait mention tout à l'heure. Si la personne
décide de garder son enfant entre deux et six ans, ses prestations
seront coupées et si, entre le moment où elle est sur le point
d'accoucher et jusqu'à la cinquième semaine après
l'accouchement, elle est non disponible, ses prestations seront coupées.
Ce sont des mesures antifamiliales et qui n'inviteront pas les familles
à agir. J'aurais eu beaucoup de choses à dire, même
concernant le budget qui vient de nous être déposé hier,
avec ses coupures additionnelles.
M. le Président, soyez assuré que nous allons, comme
membres de l'Opposition, décrier une politique qui est une fausse
politique de sécurité du revenu.
Le Président (M. Kehoe): Merci, M. le
député. M. le ministre.
M. Pierre Paradis
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Brièvement, M. le
Président, je salue avec plaisir la présence ce matin de mon bon
ami, le député de Laviolet-te, que d'autres
responsabilités avaient tenu à l'écart de la commission
parlementaire sur la réforme de l'aide sociale. J'étais certain
qu'il me parlerait de toute la question du partage du logement chez les
assistés sociaux parce que depuis que je suis ministre - cela devait
être le cas avec celle qui m'a précédé - il
m'écrit régulièrement pour des cas de son comté.
Souvent, il m'apporte ce cas extrêmement grave dans le système
actuel, celui de ia personne considérée incapable de travailler
ou admissible au programme de soutien financier que nous proposons, qui se
doit, par obligation, de partager son logement avec quelqu'un de sa
parenté qui en prend soin, qui lui prête secours et dont la
présence brise un peu cet isolement que connaissent ces personnes qui
sont confinées dans leur appartement ou dans leur résidence.
À raison, le député de Laviolette me signifie ces
cas et avec la loi actuelle et sa réglementation, il n'est pas possible
de ne pas appliquer la notion de partage du logement et on coupe 85 $ du
chèque d'aide sociale de ces gens qui seraient admissibles au programme
Soutien financier en vertu de la réforme. À chaque cas, c'est
avec un pincement au coeur, M. le Président, que ce règlement
doit être appliqué. C'est à la suite de recommandations ou
de suggestions de députés, comme le député de
Laviolette et d'autres députés qui m'avaient fait cette remarque,
que, dans le nouveau programme Soutien financier que nous proposons a la
population du Québec, cette question de partage du logement ne
s'appliquera plus. Nous ne pouvons pas aller à l'encontre de la
politique de désinstitutionnalisa-tion du gouvernement du Québec
et nous croyons que les familles qui prennent soin de personnes
handicapées ne devraient pas être financièrement
pénalisées pour ce faire. Au contraire, elles devraient y
être encouragées financièrement et autrement. C'est la
première partie de la réponse que je souhaitais apporter à
mon bon ami, le députe de Laviolette.
Quant à la deuxième partie de sa question qui touche
l'aspect familial de la politique de sécurité du revenu, combien
d'organismes sont venus nous dire que nous avons pris la mauvaise voie, que
notre notion de ménage à l'aide sociale devrait
complètement être évacuée et que nous devrions
traiter les personnes de façon individuelle, en faisant fi de tout cet
aspect familial? Les propos de ces organismes, à plusieurs reprises, ont
été repris et, si je ne m'abuse, endossés par Mme la
députée de Maisonneuve, la porte-parole de l'Opposition
officielle dans cet important dossier. Je vois qu'il y a là aussi une
différence d'opinion profonde entre le député de
Laviolette et la députée de Maisonneuve.
Au moment où nous nous parlons, nous maintenons dans cette
politique de sécurité du revenu cette approche familiale bien que
des représentations fort pertinentes nous aient été
soumises quant à une approche basée sur une base individuelle.
Mais quand nous sommes au gouvernement, nous ne pouvons, à la fois,
prétendre que notre réforme propose et une approche individuelle
et une approche familiale. Dans l'Opposition, tout est permis et je ne vous en
tiens pas rigueur. Mais lorsque nous sommes de ce côté, nous
devons effectuer des choix et au moment où nous en discutons, le choix
effectué par le gouvernement repose sur la base d'une approche plus
familiale qu'individuelle. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Kehoe): Merci, M. le ministre. Je
reconnais maintenant M. le député de Taschereau.
M. Jean Leclerc
M. Leclerc: Merci, M. le Président. Jusqu'à ce
moment-ci, en commission parlementaire, nous avons rencontré à
peu près 90 groupes qui, de façon majoritaire, ont
dénoncé une situation. Ils ont dénoncé une
situation qui est la situation actuelle que nous a laissée le
précédent gouvernement et qui date, il faut bien le dire, d'une
vingtaine d'années.
La situation actuelle est profondément injuste car elle ne
reconnaît pas les besoins à long terme de la clientèle
inapte qui est, notamment pour des raisons de santé, sur l'aide sociale
depuis un bon nombre d'années et, dans bien des cas, pour encore un bon
nombre d'années. Elle est injuste également parce qu'elle ne
donne pas une incitation suffisante au travail puisque la différence de
revenu entre un ménage avec enfants vivant du salaire minimum et un
ménage identique vivant de prestations d'aide sociale, n'est pas
significative. Voilà où les programmes de Soutien financier et
APPORT trouvent toute leur signification. Soutien financier qui s'adressera
à 25 % de la clientèle inapte et procurera à cette
clientèle une augmentation d'environ 85 $ par mois, à peu
près 1000 $ par an, pour leur permettre justement de couvrir leurs
besoins à long terme. Car, pour cette clientèle qui est sur
l'aide sociale depuis un bon nombre d'années, il n'est pas imposible que
le réfrigérateur fasse défaut, que le
téléviseur fasse défaut et, avec la formule actuelle,
aucun montant n'est prévu pour ce genre de problème puisque l'on
ne couvre que les besoins à court et à moyen terme.
Voilà aussi où le programme APPORT trouve toute sa
signification. Déjà, le gouvernement a prévu 65 000 000 $
de nouvel argent dans les crédits que nous avons déposés
hier en cette Assemblée nationale. Le programme APPORT remplacera le
programme SUPPRET que peu de gens connaissent, que peu de gens utilisent, parce
qu'il aidait les ménages à faible revenu en les
dédommageant, souvent un an et demi après leurs dépenses,
lorsqu'ils faisaient leur rapport d'impôt. Dorénavant, c'est par
des chèques mensuels que ces ménages seront aidés.
Le projet gouvernemental repose sur ces grands principes: augmentation
des revenus pour les inaptes au travail, augmentation de
l'employa-bilité des gens aptes au travail et augmentation des revenus
des ménages avec enfants dont le revenu de travail est faible.
La solution simple, et le ministre l'a souvent
répété, serait de continuer à poster mensuellement
les chèques aux bénéficiaires. La solution que nous avons
retenue comme gouvernement, en présentant notre projet de politique,
propose une vision plus globale de la situation. Nous avons eu, en commission
parlementaire, la position des jeunes péquistes, la position du Parti
québécois de Montréal-Centre, hier soir notamment, et je
dois dire que nous attendons encore la position officielle de l'Opposition en
espérant qu'elle ne contiendra pas l'idée géniale de leur
nouveau chef, M. Parizeau, qui proposait récemment d'exclure les jeunes
de 18, 19 et 20 ans de l'aide sociale, mesure qui, concrètement,
priverait de tout recours 500 jeunes du comté de Taschereau. Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Kehoe): Merci, M. le
député. Je reconnais maintenant Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Lors de l'ouverture de
nos travaux le 22 février dernier, lors de l'ouverture des auditions de
la commission parlementaire, j'avais déploré que le ministre ait
choisi la voie de la désinformation et du double langage pour mener ce
débat fondamental de la sécurité du revenu. La voie du
double langage puisque le document intitulé "Pour une politique de
sécurité du revenu" porte essentiellement sur l'aide sociale, une
sorte de détourne-
ment de projet de sécurité du revenu.
M. le Président, je m'étais interrogée sur le fait
que l'information était filtrée au point où il fallait
compter sur des fuites pour obtenir les véritables chiffres. Il a fallu
que le Front commun des assistées sociales et des assistés
sociaux au Québec rende public un document confidentiel qui nous
permettait d'avoir le véritable tableau des économies que le
gouvernement entendait réaliser avec cette réforme de l'aide
sociale. Je me questionnais sur le fait que le sort de centaines de milliers de
personnes se jouait sur des omissions et qu'aucune analyse n'était
disponible à l'époque - et ne l'est toujours pas - sur les
résultats, je dirais plus que mitigés. (10 h 45)
On peut penser maintenant à ceux des échecs connus de la
participation des moins de 30 ans aux mesures d'employabilité que le
projet, la solution du député de Taschereau, comme il l'appelle,
veut maintenant élargir à près de 280 000 ménages.
Mais, là, il faut ajouter un détournement d'opinion publique. Ce
matin, le ministre nous fait lecture d'un sondage qu'il aurait pu nous
communiquer si tant est qu'il avait voulu sérieusement qu'on puisse
l'examiner.
Mais même si tout cela s'est fait rapidement, cela me permet,
d'une part, de constater que le ministre a voulu se mettre à l'abri
derrière un sondage après avoir alimenté l'opinion
publique, depuis sa nomination, en jetant du discrédit sur des personnes
qui auraient été, selon lui, surtout des fraudeurs. Je me
rappelle, entre autres, la conférence de presse faite par le ministre en
plein mois de juillet dernier ce qui est exceptionnel pendant
l'été, au moment d'une grève appréhendée des
postes, pour jeter le doute sur les bénéficiaires de 6500
chèques non réclamés.
A-t-on vu des rétractations du ministre, alors qu'il sait
maintenant que ce sont les déménagements qui ont
été, comme à chaque année, responsables de cet
état de fait? M. le Président, culpabiliser les personnes qui
vivent de l'assurance-chômage pour un temps, mais surtout de l'aide
sociale, ça ne peut que contribuer à donner bonne conscience
à ceux et celles dont la chance a été meilleure, mais cela
ne change rien à la situation de ceux et celles qui deviennent souvent
plus marginalisés.
Le ministre a dit: Notre politique repose sur des principes, principes
auxquels on peut souscrire. Je veux rappeler au député de
Taschereau que ce n'est pas la situation qui a été
dénoncée. C'est le projet libéral en matière de
sécurité du revenu qui a fait l'objet d'une dénonciation
systématique devant la commission parlementaire, bien que - je pense
qu'on peut en convenir ici même à l'Assemblée - l'ensemble
de la société québécoise attende une vraie
réforme en matière de sécurité du revenu. Cette
vraie réforme en matière de sécurité du revenu ne
repose pas, bien au contraire, sur la multiplication de catégories et de
sous-catégories, ne repose pas sur l'aggravation du niveau de
contrôle social qui a été inégalé en
matière de mode de vie, ne repose pas non plus sur des sondages sur des
questions comme celles que le ministre nous a communiquées.
Entre autres, le ministre nous a fait part de la question suivante:
Accorderiez-vous ou alloueriez-vous plus d'argent pour les personnes qui sont
inaptes que pour celles qui sont aptes à travailler? Il se surprend que
la réponse soit oui. Mais la question du document "Pour une politique de
sécurité du revenu", c'est bien plus: Faut-il pour autant baisser
et mettre dans la misère ceux qui sont sans emploi et sans perspective
d'emploi? Cela a été la question à poser.
Vous savez, ce qui est inconcevable dans ce que propose le ministre,
c'est que pour des familles, pour des enfants, pour des personnes seules
également dont 25 000 femmes de plus de 55 ans, pour des couples sans
enfants dont 70 % ont plus de 45 ans, ça va présager pour tous
ces prestataires une réduction du minimum vital consenti dont, disait le
Conseil du statut de la femme, on peut craindre les conséquences sur les
conditions d'existence de femmes et d'enfants, dont on peut également
évaluer les coûts économiques pour notre
société.
L'Association des hôpitaux du Québec, les médecins
des CLSC, sont venus mettre en garde le gouvernement. La pauvreté,
ça coûte cher en hospitalisation, ça coûte cher en
malnutrition, ça coûte cher en sous-éducation, ça
coûte cher en médication.
Le Président (M. Kehoe): Mme la députée de
Maisonneuve, vous allez avoir la chance de revenir tantôt. M. le
ministre.
M. Pierre Paradis
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous me permettrez, M. le
Président, de remercier les deux derniers intervenants dans l'ordre, M.
le député de Taschereau et Mme la députée de
Maisonneuve, et de répondre aux questions soulevées ou aux
observations mises de l'avant par l'un et l'autre. Le député de
Taschereau a raison de souligner que depuis cinq semaines, un nombre
considérable de groupes représentant des groupes communautaires,
des jeunes assistés sociaux, sont venus devant la commission
parlementaire dénoncer, en grande partie, les situations qu'ils vivent
dans un système qui, dans la majorité des cas, les abandonne
à eux-mêmes, un peu comme l'a signifié le
député de Taschereau, en leur postant un chèque mensuel et
en les marginalisant face au reste de la société qui
connaît du développement économique, de la
prospérité et de la croissance.
Ces gens sont littéralement abandonnés dans le
système actuel et ce sont les témoignages qu'ils sont venus nous
livrer.
M. le député de Taschereau a parlé du
programme Soutien financier et du fait que les prestations pour les
personnes incapables de travailler seront haussées. M. le
Président, nous sommes convaincus, au ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, qu'il s'agit là
d'un geste d'équité qui a trop longtemps tardé à se
manifester. Il est évident - et je pense que Mme la
députée de Maisonneuve partagera l'avis du député
de Taschereau et mon avis sur ce sujet - que les besoins de base d'une personne
qui est - si vous me permettez l'expression - condamnée à l'aide
sociale pour une partie importante de sa vie sont supérieurs aux besoins
de base d'une personne qui n'est que de passage à l'aide sociale. Et, si
vous désirez plus de détails à ce sujet, nous pourrons,
soit à l'étude des crédits, soit à la commission
parlementaire qui se poursuivra dès lundi matin, vous fournir ces
informations quant aux besoins additionnels d'une personne qui est là
à long terme, comparativement à une personne de passage à
l'aide sociale.
Quant au programme APPORT, le député de Taschereau a
également souligné, avec raison, cette nouvelle approche
gouvernementale qui, encore une fois, tient à favoriser la
présence d'enfants dans l'unité familiale. Le programme APPORT
s'appliquera là où il y a des enfants, dans le cas des familles
monoparentales comme dans le cas des couples avec enfants. La clientèle
visée est de quelque 44 000 ménages et 24 000 de ces
ménages sont des familles monoparentales. On ajoutera un incitatif
monétaire aux gains de travail de ces gens de façon à les
inciter à demeurer sur le marché du travail ou à
réintégrer le marché du travail s'ils l'ont
abandonné.
Maintenant, on sait que pour ces gens qui ont des enfants, une des
barrières importantes à l'accès au marché du
travail est toute la question de la garde des enfants. Eh bien, un nouvel
élément de ce programme APPORT, programme d'aide aux parents pour
leurs revenus de travail, fera en sorte que jusqu'à un maximum de 50 %
de ces frais de garde seront remboursés à ces travailleurs et
travailleuses qui sont les bas salariés dans notre
société.
Quant à la proposition de M. Parizeau d'exclure de l'aide sociale
les jeunes de 18, 19 et 20 ans, nous n'avions pas tendance à la retenir,
mais nous avons inclus une question à cet effet dans le sondage SORECOM
et, M. le député de Taschereau, je suis heureux de vous annoncer
que cette idée est rejetée par un pourcentage important de la
population du Québec. 65 % s'y opposent.
Quant aux questions mises de l'avant par Mme la députée,
elles touchaient principalement deux aspects de la politique de
sécurité du revenu. Quant à l'aspect qu'elle dit
être la complexité, le nombre de programmes qui sont offerts, Mme
la députée de Maisonneuve semble reprocher au gouvernement son
approche individualisée, son approche régionalisée. Je
pense que cette approche que nous avons est partagée par son nouveau
chef. On sait qu'elle a eu quelques mésaventures avec M.
Lévesque, avec M. Johnson. J'espère que cela ne commencera pas
immédiatement avec M. Parizeau. Il vient à peine de nous arriver.
Je lui rappellerai que M. Parizeau déclarait à l'occasion de sa
campagne à la...
Une voix: Strip-tease.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...chefferie, de son strip-tease,
ce qui suit. Et je partage l'opinion de M. Parizeau. Disons que cela lui est
arrivé de partager les miennes dans le passé, mais ce coup-ci, je
partage son opinion lorsqu'il dit: "II va falloir mettre l'accent sur ce qui
différencie les gens plutôt que sur les normes bureaucratiques."
Nous considérons là qu'il s'agit d'une approche très
positive.
Quant aux mesures de développement de l'employabilité, Mme
la députée de Maisonneuve, vous avez posé hier
d'excellentes questions au NPD Québec. Êtes-vous pour ou contre
les mesures? Quelles modifications suggérez-vous? Cette question que
vous avez posée au NPD Québec, je souhaiterais que vous y
apportiez des réponses. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Kehoe): Merci, M. le ministre. Je
reconnais maintenant M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Harold Peter Thuringer
M. Thuringer: Merci, M. le Président. J'aimerais aborder
la question des services adaptés. Je pense que le système actuel
traite tout le monde sur le même pied sans égard aux besoins des
personnes. Pourtant, la clientèle de l'aide sociale n'est pas
homogène. Les personnes qui se retrouvent sur ces programmes ont des
caractéristiques spécifiques et des besoins particuliers. Je
pense que c'est à mon tour de tracer un peu le profil que traçait
le ministre. Il suffit de rappeler qu'il y a 300 000 des 400 000 ménages
qui peuvent être considérés aptes au travail. 60 % de ces
personnes aptes au travail n'ont pas complété leur secondaire V;
40 % de ces mêmes personnes n'ont aucune expérience de travail et
36 % sont analphabètes.
Quant aux 100 000 ménages considérés incapables de
subvenir à leurs besoins par leurs propres moyens, ils ne peuvent
peut-être pas concurrencer sur le marché du travail au même
titre que tout le monde, mais on ne peut nier leur capacité de
contribuer à la société. Ils sont, comme l'indiquait
l'Association des centres d'accueil de Québec, productifs, mais non
compétitifs. Je pense que c'est un facteur très important. Comme
ancien travailleur ayant oeuvré avec des personnes handicapées,
je sais combien il est difficile, premièrement, de commencer à se
chercher un emploi, mais, deuxièmement, avec l'attitude du public et
surtout avec les
employeurs qui ont l'impression que cette personne ne peut contribuer.
Je pense que les groupes qui sont venus se faire entendre ont bien
indiqué cette nécessité de prendre cela en main.
Il y a aussi un deuxième facteur qui entre en ligne de compte.
C'est très difficile d'avoir un programme de réinsertion au
travail pour toucher les personnes aux prises avec des problèmes
d'alcoolisme, de toxicomanie ou d'autres problèmes physiques. J'aimerais
aussi souligner un autre élément qui m'a frappé: la
langue. Avec toutes les inaptitudes ou les difficultés que la personne
peut avoir, si une personne ne possède pas soit le français ou
l'anglais, cela la met dans une position difficile. Je pense qu'il faut, dans
notre programme, prendre connaissance de cela et je sais que, en tant que
gouvernement, le ministre est très sensible à cette
situation.
La commission parlementaire nous a, jusqu'à maintenant, permis de
confirmer la nécessité d'aborder la question sous l'angle des
besoins et des situations propres à chaque personne. J'aimerais ici
apporter un autre élément. Si on veut toucher le champ
d'activité, le domaine des services pour les ex-psychiatrisés,
pour des personnes qui, durant une très longue période de temps,
n'ont pas eu d'emploi, qui ont un gros sentiment d'insécurité,
cela va prendre une très forte vigilance de la part des agents
économiques qui travailleront dans ce programme. Là encore, je
pense qu'avec la réforme qu'on a devant nous, le gouvernement va axer
les ressources sur ces personnes, pour que chaque individu, avec ses forces et
ses faiblesses, soit reconnu. C'est par ce biais qu'on va franchir, non
seulement les inaptitudes physiques et mentales, mais qu'on va aussi leur
permettre de prendre leur propre position dans notre société.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Kehoe): Merci, M. le
Jéputé. Je reconnais maintenant M. le député de
Shefford.
M. Roger Paré
M. Paré: Merci, M. le Président. Je vais essayer de
parler vite, parce que pour parler d'un sujet aussi important que le logement
pour les plus démunis, ce n'est pas très long surtout quand on
sait que, depuis les deux dernières années, la situation se
détériore pour les plus démunis à cause de la
spéculation qui profite aux plus riches de la société.
J'aborderai trois points. Le premier concerne les itinérants.
C'était beau d'entendre le discours l'an passé dans le cadre de
l'Année internationale du logement des sans-abris où l'on disait
qu'on voulait les aider et que 1987 était le début d'une
ère pour aider ces gens-là. Ce fut tout à fait le
contraire. Le nombre d'itinérants a augmenté à cause des
décisions qu'a prises le gouvernement libéral, entre autres de
couper les prestations des assistés sociaux davantage et, en plus, de
couper 1500 lits dans les centres d'accueil pour jeunes. Donc, c'était
une clientèle tout à fait prête à devenir des
itinérants et des sans-abri. (11 heures)
Maintenant, qu'est-ce qu'on fait? Est-ce la suite qu'on veut y donner,
c'est-à-dire de couper de 125 $ par mois les prestations des jeunes
assistés sociaux qui veulent essayer de s'en sortir ensemble en gardant
le même logement? S'ils veulent s'aider, s'ils veulent essayer de garder
un peu d'argent et ne pas tout mettre sur le logement pour être capables
de s'en sortir, que fait-on? On les coupe. On s'attaque aux plus jeunes et aux
plus mal pris de la société.
Un deuxième groupe auquel on s'attaque, ce sont les plus
démunis qui sont dans les HLM. C'est presque incroyable. Ce
gouvernement, après avoir diminué de 34 % le nombre de mises en
chantier de HLM par rapport à l'ancien gouvernement, a essayé
finalement de faire de la discrimination à l'égard des femmes
chefs de familles monoparentales par un règlement de sélection
sur les listes d'attente, un règlement discriminatoire. N'ayant pas
réussi ou n'ayant pas vu d'objection, que fait le gouvernement
maintenant par l'entremise du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu? Il veut faire en sorte de faire passer le
pourcentage du revenu consacré au logement de 25 % à environ 50 %
pour les plus démunis, spécialement les femmes chefs de famille
monoparentale, ce qui est tout à fait inacceptable. On veut baser le
calcul non pas sur 25 % des coûts tel que c'est maintenant reconnu et
appliqué, mais on veut plutôt prendre le montant qui est reconnu
comme les besoins essentiels en logement. Cela veut dire presque doubler le
pourcentage d'argent consacré au logement pour les plus démunis
de la société qui sont dans les HLM. Est-ce que c'est cela une
politique d'aide pour les femmes? Est-ce que c'est l'aide que veut apporter le
ministre à l'heure actuelle pour une politique de la famille? 51c'est
cela, c'est inquiétant.
Le troisième point que je veux traiter, c'est un problème
qui est en train de se généraliser, mais qui touche surtout, M.
le ministre, notre région, la Montérégie. C'est le
problème des gens qui ont choisi d'habiter dans les coopératives
d'habitation. Votre gouvernement, en plus de diminuer de 50 % le nombre de
logements coopératifs par rapport à l'ancien gouvernement du
Parti québécois, est en train de mettre la hache dans les groupes
de ressources techniques qui sont là pour promouvoir les
coopératives. Maintenant, on s'attaque, non pas au système
coopératif, non pas aux coopératives en place ou aux
coopératives à venir, mais aux plus démunis qui ont choisi
de vivre en coopérative.
Je pense que vous n'avez rien compris dans le système des loyers
dans les coopératives. Il y a un seul loyer dans les
coopératives, c'est le loyer du contrat. Cela veut dire que les gens
qui
ont décidé d'aller vivre en coopérative, c'est un
choix qu'ils ont fait pour payer moins cher et se garder de l'argent pour
être capables de se payer des études, de s'habiller, d'avoir une
meilleure nutrition. C'est un choix qu'on a fait d'aller vivre dans les
coopératives parce que c'est meilleur marché. Pourquoi c'est
meilleur marché? C'est parce que, contrairement au secteur privé,
il n'y a pas de profit à faire. Comment fait-on aussi pour baisser les
coûts? Les gens participent à l'entretien, à
l'administration. C'est un choix qu'on a fait. Il y a un prix que tout le monde
paie, c'est le prix du sociétaire, du locateur-coopérateur.
Il y a un deuxième prix, vous allez me dire, le prix du bail,
sauf que c'est un prix de pénalité pour ceux qui ne veulent pas
participer. Mais le vrai prix payé, c'est le prix du sociétaire.
Tous ceux qui paient le même prix doivent au moins participer, sinon
c'est injuste. Ce que vous êtes en train de faire, en reconnaissant qu'il
y a deux prix et en voulant faire payer plus cher aux plus démunis, vous
êtes en train de faire en sorte que, dans les coopératives, les
plus riches vont payer un loyer plus bas, et les plus pauvres, les plus
démunis, les assistés sociaux vont payer un loyer
supérieur aux plus riches. C'est inacceptable.
Je vais terminer en vous posant deux questions relativement à
cela. Le ministre a-t-il l'intention de pénaliser les assistés
sociaux dans les HLM en diminuant l'aide financière?
Deuxièmement, le ministre a-t-il l'intention d'imposer aux
assistés sociaux un loyer supérieur aux autres locataires dans
les coopératives d'habitation? Si vous maintenez les décisions
qui sont en train de se prendre, vous allez faire en sorte que les
assistés sociaux vont payer plus cher que les autres pour le même
genre de logement.
Le Président (M. Kehoe): Merci, M. le
député. M. le ministre.
M. Pierre Paradis
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Encore une fois, M. le
Président, mon intervention est précédée de celles
de deux intervenants, mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce que je
resalue, également, mon collègue, le député de
Shefford, mon voisin de comté, que je n'avais pas eu l'occasion de
saluer à l'occasion des audiences sur la réforme de l'aide
sociale, d'autres occupations le retenant ailleurs. Je salue son
intérêt ici, ce matin.
Je commencerai par répondre aux questions ou aux observations qui
m'ont été adressées par le député de
Notre-Dame-de-Grâce qui nous a fait le portrait de cette clientèle
à l'aide sociale. La clientèle, au mois de mars 1987,
était de 400 000 chefs de ménage dont le seul revenu pour vivre,
le seul moyen de subsistance était le chèque de l'aide sociale.
Il y a 25 % de cette clientèle, soit à peu près 100 000
ménages des personnes admissibles au programme Soutien financier qui,
pour une raison ou une autre, ne | peuvent subvenir à leurs besoins de
base et ce pour une période de temps assez prolongée. Il y a 300
000 chefs de ménage dits aptes au travail, mais, comme le disait le
député de Notre-Dame-de-Grâce, avec quel handicap, quelles
barrières à surmonter. On sait que 36 % de ces gens sont des
analphabètes fonctionnels, 60 % n'ont pas terminé leurs
études secondaires, 40 % n'ont aucune expérience
antérieure de travail reconnue.
Cela pose un défi à une société qui ne veut
pas, encore une fois, faire ce que les gouvernements ont fait
précédemment, poster un chèque mensuel à ces gens
et les oublier, en marge du développement économique. M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce a insisté sur des
programmes adaptés pour les gens qui seront admissibles au programme
Soutien financier, des programmes qui tiendront compte de la
productivité de la plupart de ces gens, mais de leurs lacunes sur le
plan de la compétitivité. Je pense que c'est l'Association des
centres d'accueil du Québec qui, à ce sujet, a rendu à la
commission parlementaire un témoignage fort éloquent et fort
précieux. Nous comptons d'ailleurs nous en inspirer pour la
préparation de programmes adaptés à cette clientèle
admissible au programme Soutien financier.
Quant à la question de la langue, oui, la langue de travail au
Québec, c'est le français. Pour les gens des communautés
culturelles, pour les gens issus des milieux autochtones et pour la
communauté anglophone du Québec, particulièrement les
membres les plus pauvres de cette communauté, les plus démunis
financièrement, la question de la langue pose un obstacle additionnel et
il faudra que le gouvernement réponde positivement aux demandes qui lui
ont été adressées soit par Alliance Québec, soit
par les représentants des autochtones, soit par les représentants
des communautés culturelles quant à cet aspect, quant à
fournir l'occasion à ces individus, sur le plan de la formation, de ne
pas avoir cette barrière additionnelle à l'emploi que constitue
l'obligation de parler français, en leur enseignant correctement le
français.
Je prends également bonne note des observations du
député de Notre-Dame-de-Grâce quant aux
ex-psychiatrisés, à la vigilance tout à fait
spéciale que devront avoir les agents d'aide socio-économique. Le
défi est d'une telle ampleur que le ministère devra compter sur
la collaboration des groupes communautaires pour devenir des agents
d'intervention privilégiés dans le milieu et avec les
clientèles.
Quant aux questions posées par mon bon ami le
député de Shefford, quant a sa première question qui
touche les HLM, je le réfère aux commentaires du
vice-président de la Société d'habitation du
Québec, M. Beaulieu, dont j'ai pu prendre connaissance dans les journaux
cette semaine, qui niait l'information véhiculée par le
député de Shefford. Je prends la parole du vice-
président de la Société d'habitation du
Québec, à moins que le député de Shefford n'ait des
indications contraires et que le vice-président de la
Société d'habitation du Québec n'ait induit la population
en erreur.
Quant à la question des coopératives, sa deuxième
question, elle a été soulevée en son absence par Mme la
députée de Maisonneuve en commission parlementaire - vous la lui
aviez sans doute soufflée à l'oreille - qui m'avait alors
transmis une décision de la Commission des affaires sociales. Elle
pourra sans doute vous en remettre une copie. Je vous dirai que le
ministère fait sienne cette décision. Il appert des explications
fournies au moment des auditions devant la Commission des affaires sociales que
le montant fixé au bail doit être perçu comme une sanction
à la non-participation d'un coopérant. La commission ne
considère pas une telle incitation comme un revenu de travail ou un
avantage assimilé à un revenu devant être
comptabilisé quant à l'octroi du montant d'aide sociale. Au
ministère, nous partageons cette opinion. D'ailleurs, dans la pratique,
nous n'avons pas porté cette décision en évocation devant
la Cour supérieure, nous sommes satisfaits de ce jugement et nous
comptons l'appliquer.
Le Président (M. Kehoe): Merci, M. le ministre. Je
reconnais M. le député de Tas-chereau.
M. Jean Leclerc
M. Leclerc: Merci, M. le Président. À la suite des
propos de la députée de Maisonneuve, j'aimerais clarifier un peu
mon intervention. J'ai dit tout à l'heure que les groupes avaient
dénoncé la situation actuelle, ce qui ne les a pas
empêchés - c'était tout à fait leur droit - de
dénoncer aussi certains aspects de notre réforme. C'était
le but de notre commission d'entendre des gens qui n'étaient pas
nécessairement d'accord avec toutes nos positions, mais je ferai
remarquer à Mme la députée de Maisonneuve que, sauf
erreur, je n'ai point entendu de groupes nous dire qu'ils étaient tout
à fait contre le programme Soutien financier, qu'ils étaient tout
à fait contre le programme APPORT. Je pense que nous pouvons quand
même voir là certains consensus se dégager.
Les témoignages des gens sur la situation actuelle - nous en
avons vus beaucoup - je pense que l'Opposition va l'admettre avec moi, certains
de ceux-ci nous ont émus. Il faut admettre que ces témoignages et
ces problèmes qui nous ont été décrits sont le
fruit du régime actuel. Ces témoignages nous ont
démontré que le régime actuel est bien imparfait. Ils nous
ont démontré également, comme je le disais, que la
politique de sécurité du revenu que nous avons
présentée mérite d'être améliorée.
Quand les groupes dénoncent les 35 $ par enfant pour le retour
à l'école, c'est le program- me actuel qui est
dénoncé, programme qui a été administré
pendant neuf ans par nos prédécesseurs qui n'ont pas cru bon de
le changer fondamentalement. Quand le CLSC de la Basse-Ville, hier,
dénonçait le régime actuel qui ne prévoit rien pour
les jeunes mineures enceintes, c'est le programme actuel qui est
dénoncé, programme qui a été administré
pendant neuf ans par nos prédécesseurs. Quand les personnes
âgées de mon comté en centres d'accueil se plaignent que le
montant de 115 $ par mois qu'elles reçoivent comme adultes
hébergés n'est ni augmenté, ni indexé, c'est le
régime actuel qu'elles dénoncent, régime qui a
été administré pendant neuf ans par nos
prédécesseurs. Quand les organismes travaillant auprès des
jeunes nous disent qu'on ne peut pas vivre avec 180 $ par mois et quand ils
nous démontrent tous les problèmes de santé notamment que
cela peut provoquer, c'est la discrimination du régime actuel qu'ils
pointent du doigt, discrimination qui a été tolérée
par nos prédécesseurs pendant neuf ans. Autant de
témoignages nous incitent, comme parlementaires, à mener à
terme notre réforme, en la bonifiant par les témoignages que nous
avons entendus et en espérant que l'Opposition nous présentera sa
position. J'ai bon espoir, à la suite du sondage SORECOM qui
démontre que 65 % de la population est contre le fait de ne pas donner
d'aide sociale aux 18-21 ans, que l'Opposition ne retiendra pas l'idée
de son nouveau chef. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Kehoe): Merci, M. le
député. Je reconnais maintenant Mme la députée de
Marie-Victorin.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Merci, M. le Président. Effectivement, il me
semble que la seule façon de régler les problèmes pour ce
gouvernement, c'est de dire qu'ils ne sont pas responsables de tout ce qui
existe à l'heure actuelle dans la société
québécoise parce qu'il y a eu d'autres gouvernements avant eux et
que, malheureusement, à partir d'eux tout est à recommencer
à zéro. Je pense que c'est une façon peu responsable de
leur part, si je peux retourner les paroles à leur endroit, de tenir de
tels propos. Qu'est-ce que vous voulez? Nous vivons dans une
société en évolution constante et, malheureusement, nous
devons faire face à des problèmes d'ordre psychosocial de plus en
plus importants et imposants, à cause de l'évolution rapide de la
société et de l'éclatement de plusieurs valeurs de notre
société.
Donc, je trouve cela très inconséquent de tenir de tels
propos ou, en tout cas, je comprends pourquoi on en arrive à une
réforme de l'aide sociale qui ne répond en rien aux besoins
réels de notre population.
Plus spécifiquement, j'aimerais parler de la condition
féminine où, il n'y a pas si longtemps,
la ministre déléguée à la Condition
féminine nous disait que l'année 1988 serait l'année pour
les femmes et où il y aurait de grandes réalisations qui
devraient être mises de l'avant pour favoriser l'autonomie
financière des femmes.
À ma grande déception, lorsque j'ai vu la réforme
de l'aide sociale, on ne parle pas des problèmes et des embûches
auxquels doivent faire face les femmes pour atteindre cette autonomie
financière; au contraire, on ne fait que les maintenir de plus en plus
dans une situation de dépendance et de pauvreté. Lorsqu'on sait
que, à l'heure actuelle, le nombre de foyers monoparentaux
assumés par les femmes est de plus en plus phénoménal dans
notre société, je pense que ce ne sont pas des programmes
incitatifs au travail qui vont permettre à ces femmes d'en arriver
à une égalité salariale, de prendre leurs
responsabilités parentales et de fournir les besoins essentiels à
leurs enfants et qui les mettent dans des situations psychosociales dramatiques
qui coûtent très cher, à l'heure actuelle, à
l'État. (11 h 15)
On a qu'à penser à ce qui passe par rapport au
problème de la violence chez les enfants, aux problèmes de la
drogue et de la prostitution chez nos jeunes, parce que, justement, ces femmes
ont besoin de soutien et elles n'en ont pas Qu'on pense au nombre des listes
d'attente à la DPJ, c'est incroyable, c'est un débordement. On ne
sait plus quoi faire avec ces jeunes enfants qui doivent être mis de
famille d'accueil en famille d'accueil à l'heure actuelle.
Est-ce de cette façon qu'on va arriver à faire une
société décente et responsable et produire, finalement, la
relève de demain, à partir de gens qu'on va maintenir à un
seuil de pauvreté tel qu'il sera de plus en plus difficile pour eux de
s'en sortir parce qu'ils n'auront jamais eu de modèles positifs? Ils
n'auront eu que des modèles qui permettront de les maintenir dans un
état de dépendance et dont il sera très difficile pour eux
de s'en sortir. Nous avons vu à quel point la chronicité de la
pauvreté est néfaste dans l'évolution des
sociétés. Très souvent, la plupart des gens nous ont dit:
Ce dont nous avons besoin, non pas qu'on ne veuille pas participer à des
programmes d'employabilité, mais nous voulons, un jour, nous en sortir
de ces programmes et nous voulons des emplois.
Les emplois, malheureusement, et surtout lorsqu'on est une femme, on ne
les trouve pas et surtout les emplois bien rémunérés,
c'est très difficile d'en trouver. Je ne vois pas le moment, l'heure ou
l'occasion où les nombreuses femmes qui sont mères et chefs de
familles monoparentales pourront accéder ou pourront penser
accéder à des emplois qui leur permettront de se prendre en main,
de faire en sorte que leurs enfants aient droit à une éducation
valable et d'avoir des services de garde valables.
Mon principal problème, je regarde la ministre à l'heure
actuelle, dans le nouveau budget, et cela fait partie de vos
responsabilités et de vos prises de décision, qu'est-ce qui va
arriver avec les services de garde pour toutes ces mères que vous allez
obliger à aller travailler à partir du moment où elles
auront des enfants de plus deux ans? Le budget, à l'heure actuelle, ne
permet pas le développement de places en garderie. Au contraire, au lieu
d'augmenter les places.. En 1987-1988, il y avait 6000 places, cette
année, il n'y en aura que 5000 Le budget ne fait qu'augmenter. Non? Il
suit l'augmentation du coût de la vie tout simplement. Quelles sont les
grandes promesses de votre gouvernement? Rien pour les garderies. C'est
essentiel, M. le ministre, si vous voulez que les femmes qui ont des enfants de
plus de deux ans puissent retourner sur le marché du travail pour
retrouver une certaine autonomie, qu'on leur donne les outils
nécessaires et vous n'avez pas prévu cela J'espère que
vous allez tenir compte des conseils de votre ministre, si jamais Mme la
ministre déléguée à la Condition féminine
vous en donne, parce qu'elle est toujours à la remorque des ministres et
elle attend toujours...
Le Président (M. Kehoe): Merci, Mme la
députée.
Mme Vermette: J'espère qu'un jour, vous allez faire en
sorte d'écouter ou de faire des choses en conséquence pour
favoriser l'autonomie et la dignité chez les femmes.
Le Président (M. Kehoe): M. le ministre. M. Pierre
Paradis
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, vous me permettrez, M. le
Président, de remercier et le député de Taschereau et Mme
la députée de Marie-Victorin pour leurs interventions. Je tiens
à souligner que Mme la députée de Marie-Victorin a
participé régulièrement aux travaux de la commission et en
a même été, à une période, la
porte-parole.
Les interventions de Mme la députée de Marie-Victorin vont
un peu dans le même sens que les interventions de celui qui l'a
précédée, le député de Taschereau, qui nous
disait que les gens sont venus en commission dénoncer les lacunes du
système actuel, groupe après groupe. Vous ajoutez et vous
répétez des lacunes qui ont été
dénoncées, lorsque vous parlez de la question de l'intervention
des directeurs de la protection de la jeunesse, de la violence conjugale, des
femmes, etc. Vous ajoutez aux témoignages ou vous reprenez ces
témoignages qui ont eu lieu en commission. Ce sont des situations qui
sont en partie causées par l'application du système d'aide
sociale tel qu'il existe présentement.
Vous nous avez accusés, je pense que c'est de bon jeu, j'ai
déjà été dans l'Opposition aussi, de dire: C'est la
faute du gouvernement antérieur si cela ne fonctionne pas. En partie,
c'est vrai parce que vous avez eu neuf ans pour changer le
système, et vous ne l'avez pas changé. Je vous dirai que,
depuis que je suis ministre responsable, je me sens responsable et je sens que
le gouvernement actuel est responsable, c'est pourquoi nous consacrons autant
d'efforts et d'énergies pour apporter des correctifs à cette
situation. Dans certains cas, nous avons l'occasion de vous remercier pour
votre saine collaboration et, en d'autres cas, certaines des interventions qui
sont faites n'avancent pas nécessairement le débat. Vous traitez
particulièrement de la question féminine à l'aide sociale.
Dans un premier temps, je vous dirai que vous avez raison de traiter de la
question féminine sous l'angle des familles monoparentales. À
l'aide sociale, nous comptons approximativement 80 000 chefs de foyer
monoparental qui n'ont, comme seul revenu, que leur chèque de l'aide
sociale. J'aurais quand même souhaité qu'en plus de
déplorer la situation, vous nous parliez des différentes
suggestions qui ont été amenées en commission
parlementaire. J'aurais souhaité que vous traitiez de la perception par
le gouvernement des pensions alimentaires qui, dans plusieurs cas, sont dus
à ces femmes-là par des individus qui les ont abandonnées
avec leurs enfants. Est-ce que le gouvernement doit percevoir ces contributions
alimentaires et faire en sorte que plusieurs d'entre elles, dans certains cas,
ne soient plus au crochet de l'aide sociale, parce que les gens qui les ont
abandonnées ont des revenus suffisants pour leur permettre de continuer
à vivre dignement avec leurs enfants?
J'aurais souhaité un peu plus de précisions de votre part
sur ce sujet-là. Je sais qu'on aura encore le temps au moment des
crédits et au moment de la commission parlementaire qui va se poursuivre
la semaine prochaine et que, peut-être à cette occasion, vous
allez nous faire bénéficier davantage de l'éclairage que
vous possédez sur le sujet.
Vous avez également traité d'un autre sujet .rès
important dans cette réforme de l'aide sociale: l'obligation qui serait
faite à la femme qui a des enfants âgés de 2 à 6 ans
de participer à des mesures d'employabilité. Je vous dirai que
c'est une question sur laquelle toutes les femmes qui ont comparu devant la
commission des affaires sociales sont intervenues et ont fait valoir leur point
de vue. Il y a essentiellement deux points de vue qui prévalent. Si la
femme est absente du marché du travail pendant une trop longue
période de temps, certaines craignent qu'elle ait beaucoup de
difficulté à y retourner. D'autres pensent qu'il faut à
tout prix et dans toutes les circonstances privilégier la
présence de la mère à la maison lorsque nous y retrouvons
des enfants d'âge préscolaire. La population, dans son ensemble -
ce sont là les chiffres que j'ai livrés à cette commission
à la suite d'un sondage sur le sujet - semble également
partagée et divisée. On sait que le Québec éprouve
présentement, sur le plan de la démographie, des problèmes
qui sont soulevés jour après jour en cette
Chambre autant par le ministre responsable de la politique familiale, le
ministre délégué à la Famille qui a
participé aux travaux de notre commission, que par Mme la ministre
à la Condition féminine, qui a également participé
à notre commission. Je suis de plus en plus incité, et par les
remarques des intervenants, et par les remarques également de mes
collègues ministres et de mes collègues députés,
à proposer des modifications sur cet aspect que l'on retrouve
présentement dans la politique de sécurité du revenu.
Encore là, j'apprécierais recevoir, au cours de l'étude
des crédits ou au cours de la commission parlementaire qui va se
poursuivre, la position très précise de votre formation
politique.
Le Président (M. Kehoe): Merci, M. le ministre. Je
reconnais maintenant M. le député de Taschereau.
M. Jean Leclerc
M. Leclerc: Merci, M. le Président. J'aimerais notamment,
au cours de cette courte intervention, mentionner le rôle tout à
fait exceptionnel des organismes communautaires. Déjà, dans mon
comté, j'étais fort sensibilisé à ces citoyens qui
se dévouent corps et âme auprès des gens les plus
démunis de notre société. La commission parlementaire nous
a permis de voir, de constater toute la vitalité que ces organismes
avaient, avec de très faibles moyens souvent, pour faire avancer les
choses dans la société et pour aider les plus démunis. On
nous a aussi fait part que, de plus en plus, nous pouvions constater un
entrepreneurship communautaire, que, de plus en plus, ces groupes
communautaires étaient prêts à entreprendre, à
mettre de l'avant des projets notamment, des travaux communautaires. Certains
groupes - et il y en a dans mon comté - font de
l'alphabétisation. Tout cela, pour vous dire que je pense qu'il nous
faudra, comme gouvernement, dans notre réforme, associer cas groupes
communautaires pour qu'ils deviennent des partenaires de l'État dans la
mise en place de notre réforme.
Je voudrais dire quelques mots sur les programmes
d'employabilité. On en a beaucoup parlé, on en a beaucoup fait
état et je pense qu'il y a un programme d'employabilité
très fondamental qui est le retour à l'école. On sait que,
maintenant, pour postuler la plupart des postes, un secondaire V est
demandé. On sait que, dans la plupart des occupations, dans la plupart
des emplois qui sont offerts, la personne doit pouvoir lire les directives,
doit pouvoir faire des rapports sur son travail et il est facile de constater
que les personnes qui ont un problème en français ou un
problème sérieux en mathématiques peuvent avoir des
problèmes très graves et sont souvent dans l'impossibilité
de se trouver un emploi. Donc, ce programme Retour à l'école
m'apparait important, notamment, pour permettre à bon nombre de nos
concitoyens de terminer
leur cours secondaire.
Travaux communautaires maintenant. C'est démontré, ce sont
des travaux fort utiles pour la société, notamment dans les
groupes communautaires. J'ai l'exemple du Service amical Basse-Ville de mon
comté qui, en tout temps, a huit à dix stagiaires qui font du
maintien à domicile, qui aident les personnes âgées de mon
comté à demeurer chez elles, à demeurer autonomes. En
discutant avec les responsables du Service amical Basse-Ville, je me suis rendu
compte que, dans la plupart des cas, ces stagiaires étaient capables
ensuite de se trouver du travail comme préposés aux
bénéficiaires, parce que l'expérience que les stagiaires
avaient acquise auprès des personnes âgées était
reconnue par les employeurs, par les centres d'accueil de la région. On
a là un exemple patent de travaux communautaires qui débouchent,
la plupart du temps, sur des emplois et des emplois à temps plein.
Je voudrais aussi, évidemment, parler du programme Stages en
milieu de travail. Stages en milieu de travail, c'est à la fois le
meilleur, sans doute, des programmes d'employabilité, mais aussi le plus
délicat. Le meilleur, parce qu'il permet de déboucher directement
sur un emploi, mais le plus délicat, parce qu'il doit être
balisé, parce qu'il doit être encadré pour éviter
que des stagiaires ne prennent la place de véritables travailleurs, mais
aussi pour s'assurer que le stage contiendra un minimum de formation.
Le ministre a fait état d'un certain nombre d'hypothèses,
notamment de mettre à contribution des commissions de formation
professionnelle. Cela m'apparaît des avenues de solution
intéressantes pour faire en sorte que Stages en milieu de travail
demeure un de nos programmes d'employabilité, permette à un bon
nombre de stagiaires de faire leurs preuves, d'acquérir de
l'expérience, mais nous donne comme gouvernement toute la
sécurité dont nous avons besoin dans ce programme. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Kehoe): Merci, M. le
député. Je reconnais maintenant Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. C'est quand même
assez ironique que le défi de mettre en place les mesures de
relèvement d'employabilité dont vient de parler le
député de Tas-chereau - Travaux communautaires, Rattrapage
scolaire, stages en entreprise, retour aux études postsecondaires pour
des chefs de familles monoparentales - sont là des mesures mises en
place par le gouvernement précédent.
Mais c'est assez ironique de voir le ministre me poser la question,
comme porte-parole de l'Opposition, sur ces mesures que nous avons
nous-mêmes mises en place et sur cet entrepre-neurship communautaire dans
lequel nous avons investi les premiers et dont nous avons pu voir, justement,
les fruits durant nos travaux en commission, en voyant devant nous, au fil des
jours et des semaines, dans l'ensemble des régions du Québec, ces
organisations mises en place pour permettre la réinsertion sociale et
économique des personnes en difficulté.
Ce que nous reprochons à l'actuel gouvernement, c'est sa gestion
à la baisse, c'est sa gestion contingentée qui est faite
actuellement des mesures. Il faut se rappeler tous ces jeunes qui sont venus
nous expliquer comment ils avaient dû eux-mêmes se recruter un
stage pour pouvoir participer et avoir la pleine prestation. Il faut surtout se
rappeler ces organismes qui sont venus nous expliquer combien
fréquemment on leur avait répondu que les budgets étaient
épuisés ou de remplir les formulaires et qu'on allait les
rappeler parce qu'il y avait un contingentement, pour ne pas reconnaître
que c'est l'offre de mesures qui a manqué et non pas la demande de
participation. (11 h 30)
M. le Président, je rassure le ministre immédiatement. La
cohésion du groupe parlementaire de l'Opposition et du président
du parti sur la politique de sécurité du revenu sera
étroite, très étroite. Je suis contente d'informer le
ministre et l'ensemble de mes collègues - s'ils ne le savent pas
déjà - que le caucus a mis sur pied, avec l'accord du
président du parti et de la conseillère au programme, Mme Marois,
connue pour avoir été justement l'instigatrice de ces mesures de
relèvement de l'employabilité, une commission sur la
sécurité du revenu que j'ai le privilège de
présider. J'aurai donc le privilège de faire connaître les
orientations qu'entendent justement adopter l'Opposition et mon parti sur ces
questions.
Le régime actuel est bien imparfait, mais le député
de Taschereau et le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu mentiraient de ne pas reconnaître que ce
que les gens sont venus nous dire en commission, c'est que le gouvernement veut
l'empirer. Et, ce qu'on nous a dit, c'est que le présent est difficile,
mais l'avenir, pour ceux qui sont venus nous voir, apparaît encore plus
tragique avec la proposition gouvernementale.
Et c'est assez ironique, M. le Président, de n'avoir
été informé que ce matin des sondages. Cela ne nous permet
pas, évidemment, de réagir pendant l'interpellation, mais
simplement de faire une lecture pour me rappeler les réponses de
l'opinion publique que nous en donnait le ministre. Je me disais que c'est
comme dans tout sondage, les réponses dépendent souvent des
questions que l'on pose. Et, nécessairement, la question n'a pas
été posée: Voulez-vous que les prestations des uns soient
baissées pour augmenter les prestations des autres? Et ce n'est pas
simplement moi qui le dis. La Commission des services juridiques,
invitée devant la commission, a sérieusement fait part que la
majoration des prestations pour une catégorie prévue, pour
une
des quatre personnes qui sont actuellement bénéficiaires,
allait se faire au détriment de la situation vécue, aurait des
conséquences sur les conditions d'existence des trois personnes sur
quatre qui sont actuellement sur l'aide sociale.
Et je veux mettre en garde l'opinion publique de penser que c'est une
situation que n'ont pas critiquée les personnes handicapées ou
déficientes. La Confédération des organismes provinciaux
des personnes handicapées est venue dire au ministre: Prenez garde.
C'est un piège pour les personnes qui pourraient se voir
confinées de façon permanente à un statut de non
employables ou d'inaptes. Votre réforme, disent-ils, ignore totalement
les principes contenus dans la politique d'ensemble du gouvernement sur
l'intégration sociale des personnes handicapées et la
prévention des déficiences. Et surtout, ce qu'ils ont
rappelé au ministre, c'est qu'avoir un handicap ou une
déficience, ce n'est pas être malade, qu'il y a des obstacles
sociaux qui peuvent être bien plus grands que les déficiences
physiques ou intellectuelles, et qu'il y a une série de mesures - j'y
reviendrai à la fin de notre interpellation, M. le Président -
qui doivent être adoptées, justement pour permettre le maintien
des personnes handicapées sur le marché du travail.
C'est vraiment trop court, M. le Président, définitivement
beaucoup trop court, parce que l'incitation au travail est absente de ce
projet. J'espère que j'aurai l'occasion, en terminant notre
interpellation, de rappeler combien la trappe de pauvreté va se
resserrer encore plus étroitement sur la majorité des
bénéficiaires du Québec et nos concitoyens. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Kehoe): Merci, Mme la
députée. M. le ministre.
M. Pierre Paradis
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Encore une fois, M. le
Président, les règles du jeu font que j'ai à
répondre en cinq minutes à deux intervenants qui prennent cinq
minutes. Et, chaque fois, je tente de résumer le plus rapidement
possible.
Le député de Taschereau a encore une fois mis le doigt sur
une des questions pivots, importantes de cette réforme de la
sécurité du revenu: toute cette collaboration essentielle et
nécessaire avec les groupes communautaires. Je pense que l'Opposition
officielle sera d'accord avec le gouvernement que plusieurs intervenants en
commission parlementaire nous ont manifesté une certaine perception
négative des bureaux, de centres Travail-Québec, j'oserais
même dire une certaine méfiance, à certaines occasions,
face à certains agents dans les bureaux de Travail-Québec, bien
que - je dois le souligner - quelques agents et quelques bureaux ont
reçu des félicitations de la part des groupes qui ont comparu
devant la commission. Je pense qu'il faut rendre à César ce qui
appartient à César et tenter de le rendre le plus justement
possible. Je vous dirai que je pense que la commission a été
sensibilisée à cette nécessaire implication des groupes
communautaires qui peuvent davantage bénéficier de la confiance
des bénéficiaires d'aide sociale, surtout lorsqu'il y a lieu
d'intervenir dans ce qu'on appelle des mesures de
préemployabilité, là où les cas sont plus
difficiles et avant même de pouvoir parler d'une mesure de rattrapage
scolaire, d'un stage en entreprise, de travaux communautaires, il faut
travailler à ce qu'on appelle la préemployabilité de
l'individu, corriger des lacunes importantes sur le plan du comportement et
créer, chez cette personne, l'incitation nécessaire pour profiter
de l'une des mesures, de façon a se retrouver un emploi régulier
dans la société. Sur ce point, vous prendrez bonne note des
propos que le député de Taschereau m'a transmis à partir,
entre autres, d'expériences vécues dans son propre
comté.
Tout comme Mme la députée de Maison-neuve, le
député de Taschereau a également parlé des mesures
d'employabilité comme telles. Je suis content que, ce matin, au moment
de cette interpellation, finalement, enfin, l'Opposition officielle nous dise,
sur le plan des principes, oui aux mesures d'employabilité.
J'entretenais jusqu'à maintenant, à la suite de son intervention
en commission parlementaire, certains doutes. Lorsque certains groupes venaient
nous transmettre des témoignages positifs, entre autres, sur les travaux
communautaires, l'Opposition félicitait ces gens. Lorsque quelqu'un
venait décrier les travaux communautaires dans une autre région,
elle le félicitait également. Ce qui faisait en sorte que, comme
ministre, j'avais de la difficulté à palper ou à saisir,
sur le plan des principes où se situait l'Opposition. Maintenant que
tout le monde semble d'accord, sur le plan des principes, sur le maintien et
même le développement des programmes d'employabilité, je
pense qu'au cours de la poursuite de la commission parlementaire, au cours de
la poursuite de l'étude des crédits, nous pourrons cheminer
davantage sur les problèmes causés par certaines applications
pratiques que certains groupes ont eu raison de souligner et que Mme la
députée de Maisonneuve a eu raison de reprendre.
Lorsqu'un système est habitué à gérer la
distribution de chèques, cela représente tout un défi de
lui demander de devenir un conseiller pour un bénéficaire d'aide
sociale sur le plan de son développement socio-économique.
Lorsqu'on le tente en partie avec strictement une infime minorité de la
clientèle, la mentalité qui s'installe dans le système
perdure comme étant une mentalité de distribution de
chèques. Nous misons sur l'ouverture de ces programmes
d'employabilité à l'ensemble de la clientèle de l'aide
sociale pour former l'ensemble de nos intervenants au ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu de façon que
cette mentalité de dis-
tri buteur de chèques devienne la mentalité accessoire et
que la mentalité principale qui s'installe dans l'ensemble du
réseau des centres Travail-Québec devienne une mentalité
de conseiller et d'agent d'aide socio-économique auprès du
bénéficiaire. Nous savons que, dans certains cas, ce sera trop
demander et c'est là qu'il faut se servir de cet indispensable pivot
entre le centre Travail-Québec et le bénéficiaire comme
tel, soit le groupe communautaire.
Je vous dirai que c'est dans cet esprit que, ce matin, nous accueillons
favorablement cette ouverture d'esprit de l'Opposition officielle, cette
manifestation, en tout cas sur le plan des principes, que l'Opposition
officielle est d'accord avec le gouvernement pour que les principes
d'employabilité soient maintenus, et je ne pense pas exagérer en
disant pour qu'ils soient offerts à des bénéficiaires de
plus 30 ans et que, sur le plan de l'application pratique, on prenne toutes les
mesures et les précautions nécessaires pour assurer un meilleur
fonctionnement. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Kehoe): Merci, M le ministre.
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Harold Peter Thuringer
M. Thuringer: Merci, M. le Président. J'aimerais aborder
la question des ressources communautaires, mais sous un angle un peu
différent. Premièrement, plusieurs groupes qui sont venus
présenter leur mémoire ont éprouvé des
problèmes avec certains bureaux du gouvernement qui existent, qui
fonctionnent mais où il y a beaucoup de choses à
améliorer. Je pense qu'il est fort important que cette réforme
qu'on propose prenne connaissance de cela.
J'ai été fort impressionné par les groupes
communautaires, surtout les groupes à vocation religieuse. Je pense que,
dans le passé, on a laissé cette ressource de côté.
Il n'y a quand même pas juste une affaire, une connaissance, les
paroisses connaissent leurs gens, mais il y a aussi une autre dimension. Je
sais que ce n'est pas chic de parler de religion aujourd'hui, mais il me semble
que c'est important si c'est là, pour ceux qui croient, d'utiliser cet
aspect, surtout au moment où on touche les situations des personnes
handicapées, où on trouve bien des bénévoles, des
parents qui s'impliquent pas mal dans une juste cause. Je pense que si on peut
jumeler les structures et les ressources du gouvernement avec les structures et
les ressources communautaires, avec cette force, on peut bien faire avancer les
réformes qu'on propose.
Il y a une autre chose que j'ai trouvée très valable dans
un sens, c'est une personne qui a proposé le fait que, peut-être,
on peut inciter des individus à lancer une petite affaire. Je sais que
c'est un peu rêver en couleur, peut-être, mais il y a encore des
ressources dans les communautés, aussi avec les PME, même le
Conseil du patronat, on peut engager des ressources et les connaissances qui
sont là, jumelées avec le secteur privé, pour vraiment
inciter des personnes qui ne veulent pas nécessairement travailler pour
un employeur. Peut-être qu'avec un peu d'imagination, on peut faire
quelque chose dans ce domaine.
En concluant, je pense, M. le Président, qu'il est important de
ne pas avoir juste un moyen de dresser cette réforme. Un peu comme pour
les CLSC, dans toute la province, il y a tellement de différences dans
les communautés on doit vraiment saisir cette richesse et cette
créativité Je pense que c'est un défi pour nous, mais,
c'est avec du leadership, je suis sûr qu'on va vraiment atteindre cet
objectif. Merci.
Le Président (M. Kehoe): Merci, M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce. Je reconnais maintenant Mme la
députée de Marie-vïctorin.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Merci, M. le Président. Il y a une notion
que je trouve importante de démontrer, c'est à quel point il y a
un groupe, dans notre collectivité, qui a vraiment contribué
à favoriser leur intégration, ce sont les personnes
handicapées. La première politique a été À
part... égale, où on a favorisé justement
l'intégration des personnes handicapées, sous le gouvernement
péquiste, évidemment, à cette vie, en tout cas, qui tend
le plus possible vers la normalisation. À l'heure actuelle, quand on dit
qu'il faudrait changer nos mentalités et entreprendre finalement la
réforme avec une grande ouverture et qu'il faudrait arrêter
d'être des distributeurs de chèques, j'ai plutôt
l'impression que ce discours, je devrais le retourner au ministre en lui
disant: Attention. Parce que, dans le cas des personnes handicapées,
vous risquez d'être des distributeurs de chèques pour un bon bout
de temps parce qu'il n'y a pas d'incitatif dans votre programme ou, en tout
cas, je n'en vois pas.
Vous m'avez demandé certaines suggestions, en tout cas, et dit
que vous seriez très ouvert. Je pourrais vous dire que, dans le cas des
personnes handicapées, pour la personne qui se considère apte...
Et la plupart, je pense, qui sont venus se faire entendre en commission
parlementaire ont dit: Nous ne voulons pas être considérés
et commencer à être des inaptes ou des aptes. Ce que nous disons,
c'est que, finalement, nous devons avoir des mesures sociales, d'adaptation
sociale. S'il vous plaît, dans votre réforme, pourriez-vous en
tenir compte et faire en sorte qu'on favorise notre intégration par
différents moyens, notamment par des équipements
spécialisés, par des études ergonomiques et par des postes
de travail adaptés, notamment par les adaptations de domicile ou
adaptations de véhicules pour favoriser la mobilisation de ces
personnes?
Finalement, dans votre réforme, on ne trouve rien si ce n'est que
ces gens risquent d'être arbitrairement catalogués comme aptes et
inaptes parce qu'on ne sait pas de quelle façon, selon quelles normes,
quels critères sera fait le classement dans cette catégorie. On a
dit: Attention, des nuances doivent être apportées parce que deux
personnes peuvent avoir la même maladie, le même handicap, mais,
par contre, ne peuvent pas fournir le même effort. Il y a toutes les
variables possibles et impossibles. C'est pourquoi on nous a dit:
Écoutez, nous ne sommes pas tellement favorables à ce genre de
classement ou de normalisation, nous serions beaucoup plus favorables à
cette réelle pensée et cette réelle philosophie qui avait
été développée dans la politique de À
part... égale, c'est-à-dire l'intégration de la personne
handicapée et des moyens, des mesures qui favorisent leur
intégration sociale, surtout sur le plan du travail parce que,
justement, cela favorise leur autonomie. (11 h 45)
M. le ministre, je ne sais pas si vous êtes au courant, mais,
comme ministre du Travail - c'est aussi un ministère dont vous avez la
responsabilité - vous êtes responsable de l'adaptation des
édifices publics pour favoriser l'intégration des personnes
handicapées. Cela fait deux ans et demi que les personnes
handicapées attendent une réponse favorable de votre
ministère pour faciliter l'accès aux édifices publics et
rien n'a encore été fait. Lorsque nous étions au
gouvernement, nous avions réussi à établir un consensus
avec tous les différents partenaires pour permettre justement cette
accessibilité aux édifices publics et absolument rien n'a encore
été fait; nous attendons toujours. J'ai l'impression que vous ne
vous parlez pas, de l'autre côté, entre les différents
ministères. J'ai l'impression que vous avez un ministre
délégué aux personnes handicapées qui n'a pas fait
son boulot. C'est le même ministre qui est responsable de la famille, ce
n'est pas surprenant qu'il ne se passe rien concernant les familles et les
personnes handicapées. C'est le même ministre qui porte ces deux
chapeaux et il ne se passe rien.
Je comprends, vous semblez tout à fait surpris et tout à
fait ébahi d'apprendre que cela fait partie de vos
responsabilités, mais si votre ministre délégué ne
vous en a jamais parlé... Je ne sais pas de quoi vous partez au Conseil
des ministres, mais vous semblez très individualistes, vous n'avez pas
cet esprit global que vous prônez. C'est peut-être bon pour les
autres. Il y a toujours une question de perception dans la vie, à mon
avis. Il faut faire attention.
Je voudrais aussi vous dire que, dans la région 03, plus
particulièrement dans la région de Thetford Mines à
Mont-Joli, les gens réclament depuis un an et demi six conseillers en
main-d'oeuvre pour les personnes handicapées pour les aider à se
trouver un emploi, pour favoriser leur intégration afin qu'elles ne
soient pas continuel- lement mises à part. Elles veulent être
considérées comme des personnes égales dans notre
société et elles demandent de la bonne volonté, de la
bonne foi de la part de votre ministère et dans votre
réforme.
Le Président (M. Kehoe): Merci, Mme la
députée. En conclusion, M. le ministre, vous avez dix
minutes.
Conclusions M. Pierre Paradis
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est très peu pour
répondre aux deux derniers intervenants et pour conclure, vous en
conviendrez, M. le Président. Je pense que le député de
Notre-Dame-de-Grâce m'excusera si je réponds immédiatement
aux commentaires de Mme la députée de Marie-Victorin. Vous l'avez
souligné, c'est la même personne qui est ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et ministre du Travail
responsable du dossier que vous avez mentionné. Je tiens à vous
assurer qu'il y a entre le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et le ministre du Travail une concertation
quotidienne et qu'on se parle.
Je tiens à remercier tous les participants qui ont
consacré des heures et des heures à la commission parlementaire
et à ses travaux préparatoires. Cela inclut, naturellement, les
hommes ou les femmes politiques comme tels, mais également tous leurs
collaborateurs.
Je tenterai de résumer, en huit minutes, là où nous
nous retrouvons, ce matin, dans ce débat très important sur la
réforme de l'aide sociale. La clientèle a diminué, depuis
le mois de mars 1986, de quelque 100 000 personnes qui dépendaient de
l'aide sociale au Québec. Il y a eu de la création d'emplois; sur
le plan administratif, il y a eu une gestion plus consciencieuse. Nous nous
retrouvons donc en ce moment, avec une clientèle approximative de
quelque 600 000 personnes. C'est beaucoup! Les proportions demeurent quand
même les mêmes quant au pourcentage que nous considérons
comme admissible au programme Soutien financier ou au programme APTE.
La réforme, bien qu'elle doive tenir compte de toutes les
possibilités sur le plan économique, c'est-à-dire des
scénarios les plus pessimistes et les plus optimistes, doit quand
même faire montre d'un certain réalisme. Le contexte dans lequel
nous la présentons doit quand même nous amener à une
certaine prudence. On a connu, l'an passé, au Québec une
année record en création d'emplois. Depuis 1973, c'est
l'année où il s'est créé le plus d'emplois
permanents. Il est certain que le gouvernement a comme mission ou politique
essentielle, dans sa poursuite du plein emploi, de maintenir cette
stabilité politique absolument nécessaire pour attirer chez nous
les
investissements qui débouchent dans la création d'emplois
permanents. Le ministère a également l'intention de s'assurer que
les bas salariés de la société continuent de recevoir du
gouvernement une attention particulière et privilégiée. De
1981 à 1985, le salaire minimum n'avait pas bougé d'un seule
cent; il était gelé à 4 $ l'heure. Deux augmentations
successives supérieures à l'augmentation du coût de la vie,
de façon à procéder à un certain rattrapage, ont
été annoncées et sont déjà en application.
Le gouvernement continue à porter à ce dossier une attention tout
à fait particulière, de façon à ne pas marginaliser
dans notre société les bas salariés.
Les trois programmes que nous proposons de façon à nous
assurer que ces 600 000 personnes ne soient pas marginalisées face aux
travailleurs qui profitent de l'essor économique ont été
critiqués en commission parlementaire. Vous avez raison de le
mentionner, Mme la députée de Maisonneuve. Je retiens deux
critiques essentielles quant au programme Soutien financier et je pense
qu'elles ont été reprises par Mme la députée de
Marie-Victorin. Les bénéficiaires ou les
ex-bénéficiaires de Louis-Hippolyte-Lafon-taine, de
Rivière-des-Prairies, de l'Office des personnes handicapées du
Québec, ces groupes nous ont tous dit: Faites très attention de
ne pas étiqueter les gens qui vont bénéficier du programme
Soutien financier. Il y a là un message très clair au
gouvernement que nous prenons en sérieuse considération.
Le deuxième élément, quant au programme Soutien
financier, ces mêmes personnes nous ont dit: Assurez-vous de ne pas
oublier les gens qui seront bénéficiaires du programme Soutien
financier en leur postant un chèque mensuel et en vous libérant
la conscience. Assurez-vous qu'ils ou qu'elles pourront
bénéficier de programmes d'employabilité adaptés
à chaque individu C'est, là aussi, une recommandation que nous
entendons retenir.
Les critiques quant au programme APTE ont été plus
nombreuses parce que le programme APTE est plus complexe. Nous retenons des
éléments de critique quant à la présence de la
mère au foyer dans le cas où nous y retrouvons un enfant en bas
âge. Il y a toute la question des 55 ans et plus également et la
possibilité d'être disponible ou non disponible participant et
également l'arrimage avec le programme PATA que nous sommes en train de
négocier en ce moment avec le gouvernement fédéral. Il y a
la question des clientèles cibles et il y a aussi la question de la
barrière linguistique.
Quant au programme APPORT, là aussi, on nous a demandé
d'assurer une parfaite harmonisation avec la fiscalité. Harmonisation il
y a présentement, mais, comme vous avez eu l'occasion de l'entendre et
de le souligner en commission parlementaire, elle est à parfaire et j'ai
déjà entrepris des démarches auprès de mon
collègue le ministre des Finances de façon qu'elle soit
parfaite.
Mme la députée de Maisonneuve, nous a indiqué, il y
a quelques minutes, qu'elle avait été nommée à la
présidence d'un comité à vocation sociale dans le but de
nous faire des propositions quant à cette réforme de la
sécurité du revenu. Non, ce n'est pas tout à fait... Vous
reviendrez Je ne voudrais pas que cette nomination récente retarde la
présentation de l'orientation qu'elle nous a promise pour Pâques.
Au début de la commission parlementaire, Mme la députée de
Maisonneuve a eu la gentillesse de nous indiquer qu'à Pâques nous
pourrions compter sur la position de l'Opposition officielle, de ses
recommandations et de ses suggestions. Qu'elle signe de son nouveau poste de
présidence, pour lequel je l'en félicite, ou de son titre de
députée de Maisonneuve, critique de l'Opposition officielle en
matière de sécurité du revenu, nous nous annonçons
prêt à recevoir ce document. Je l'invite quand même à
prendre connaissance, peut-être d'un nouveau courant au sein du Parti
québécois, où l'on retrouvait un message important, ce
matin, dans Le Devoir. Le comité des jeunes du Parti
québécois, son nouveau président - on sait malheureusement
et je sais que vous le déplorez, l'ex-présidente a
démissionné - dans un document de réflexion, a
mentionné ce qui suit, et il s'était adressé à
l'actuel président du Parti québécois, M. Parizeau: "Le
vocabulaire utilisé n'est pas renouvelé Social-démocratie,
plein emploi et souveraineté de l'État et concertation
étaient à la mode dans les années soixante-dix. On est
plus près de l'an deux mille. Il faut parler de l'avenir plutôt
que du passé." Je pense que c'est à cela que je vous invite dans
le document que vous vous apprêtez à nous remettre d'ici à
Pâques.
En terminant, M. le Président, j'ai retenu parmi tous les
témoignages qui ont été rendus devant la commission
parlementaire, un autre avis qui n'a pas été repris: la question
de la possibilité de cibler les clientèles. Souvent, les gens ont
insisté sur l'ampleur du défi qui s'oppose à notre
société pour réintégrer un nombre si important de
bénéficiaires de l'aide sociale sur le marché
régulier du travail. Politique qu'il faut harmoniser avec la
création d'emplois effectuée par les divers intervenants et
favorisée par l'ensemble du gouvernement.
Le groupe Centraide a fait part de propositions qui nous semblent tout
à fait intéressantes, pour ne pas dire alléchantes dans
une procédure d'application graduelle des diverses mesures que nous
proposons ou que nous voulons proposer à l'ensemble de la population.
C'est dans ce climat de saine collaboration entre les différents
intervenants, j'oserais même dire, dans la majorité du temps,
entre l'Opposition officielle et le gouvernement, que nous envisageons
poursuivre nos travaux au cours des semaines qui viennent autant en commission
parlementaire qu'à l'étude des crédits. Il y a de nombreux
dossiers, M. le Président, qui touchent les plus démunis de notre
société et pour lesquels il faut davantage
mettre l'accent sur l'apport bénéfique et cons-tructif
qu'on peut y apporter: premièrement, comme individus et,
deuxièmement, comme députés à l'Assemblée
nationale et, troisièmement, comme députés chargés
de responsabilités spéciales soit comme ministre soit comme
critique de l'Opposition soit comme membres de la commission des affaires
sociales.
Je terminerai, M. le Président, en vous indiquant que j'ai
apprécié, la plupart du temps, le comportement de l'ensemble des
collègues et des intervenants en commission parlementaire et je compte
contribuer au maximum pour que ce climat se maintienne jusqu'à ce que
nous en arrivions, si possible, à adopter unanimement, à
l'Assemblée nationale, une politique de sécurité de
revenu. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Kehoe): Merci, M. le ministre. Pour
terminer les travaux, j'accorde le droit de réplique de Mme la
députée de Maison-neuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je dois rappeler au
ministre que je préside un comité qui entend présenter une
vraie réforme en matière de sécurité du revenu
à la population du Québec et que, s'il peut s'en inspirer, ce
sera souhaitable et nous en serons évidemment très satisfaits.
Cette vraie réforme en matière de sécurité du
revenu, nous nous sommes engagés, à la fin des travaux de la
commission parlementaire - ce qui ne veut pas dire nécessairement
vendredi prochain, mais dans les jours qui vont suivre - à la rendre
publique et à la faire connaître en prenant nos
responsabilités comme Opposition.
À l'occasion des travaux de la commission, j'ai souvent eu
l'occasion de rappeler au ministre que nous entendions être une
Opposition responsable et que, à ce titre, nous avions applaudi lorsque
le gouvernement avait haussé le salaire minimum, contrairement à
l'hostilité qui avait été manifestée au moment
où le gouvernement précédent l'avait fait. J'ai tout
simplement pu me rappeler - et je dois le rappeler au ministre, ce matin - une
proposition faite en 1978 par l'Opposition de l'époque invitant un
moratoire pour empêcher la hausse périodique du salaire minimum,
jusqu'à ce que les autres régions de l'Amérique du Nord
nous rejoignent. C'était là la proposition du chef de
l'Opposition de l'époque, le 16 mars 1978. C'était d'ailleurs la
position des candidats, lors de la course à la succession du Parti
libéral, en 1983, notamment du candidat Daniel Johnson, actuel ministre
de l'Industrie et du Commerce qui, lui, considérait que le très
haut niveau du salaire minimum au Québec était une cause de
chômage chez les jeunes. C'était en date du 30 septembre 1983. (12
heures)
Je vous dirai que ce qu'en disait le candidat qui est maintenant
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, ce
n'était pas peu de chose; il disait: "II faut abolir l'argent gratis",
en affirmant que les prestations de bien-être aux jeunes devaient
être productives. "Pour un jeune de 30 ans, 147 $ par mois à ne
rien faire, c'est encore trop." On ne parlait pas des 18-20 ans, mais de ceux
de 30 ans.
Évidemment, M. le Président, nous avons l'intention
d'être une Opposition responsable, qui souscrit chaque fois que c'est
pour améliorer le sort de nos concitoyens. L'avenir, ce n'est
certainement pas de mettre dos à dos la population du Québec, qui
est déjà dans la situation de se retrouver partagée entre
deux groupes. Nous voulons des citoyens et citoyennes qui profitent de plus en
plus du développement économique et social de notre
société et qui considèrent que, pour eux, cela va bien,
sinon que cela va très bien et une fraction qui n'est pas marginale, une
fraction importante. Il y a un autre courant qui fait qu'il y a un nombre
impressionnant de nos concitoyens et concitoyennes qui, eux, au contraire,
considèrent pour eux, cela ne va pas bien, que cela va plutôt mal
et que, pour certains, cela n'a jamais été aussi mal. Et cette
fraction importante est actuellement en état de
sous-développement économique et social.
Le ministre sait... Les échanges que nous avons eus en commission
ont permis de faire le point sur cette question du taux exceptionnel de
croissance des emplois que le Québec a connu en 1987. Un taux
exceptionnel qui a de plus exceptionnel de ne pas avoir véritablement
réduit le chômage. Le chômage oscille encore autour du 10 %,
plus ou moins 9,8 %, plus ou moins 10 %. On aura beau me dire que ce taux a
diminué, ce à quoi on souscrit, mais, en période de
croissance économique, un taux de chômage de 10 %, M. le
Président, qu'est-ce que cela serait s'il commençait à y
avoir du ralentissement? Et, l'inquiétude, c'est d'en rester à ce
seuil-là, qui est très élevé, au moment où
on considère que cela va bien. Qu'est-ce que cela va être quand,
dans un cycle qui, de toute façon, est prévisible, cela va
commencer à ralentir? Et c'est différent des situations
antérieures parce qu'en 1973 lorsqu'il y a eu un taux de croissance de
l'emploi aussi performant que celui qu'on connaît maintenant, le
chômage était à 7 %.
Alors, c'est donc que le chômage est quelque chose qui n'est pas
simplement lié à la volonté des individus de ne pas
travailler. Les nouveaux pauvres, nous a-t-on dit à la commission, sont
des gens qui auraient très bien pu s'en sortir à une autre
époque et qui, à cause des changements technologiques, à
cause des mutations que connaissent les postes de travail présentement,
sont laissés pour compte dans une économie qui, il y a
peut-être vingt ans, leur aurait permis de gagner honorablement leur vie
et celle de leur famille.
C'est à une responsabilité partagée qu'il faut
inviter l'ensemble de la population du Québec. Une responsabilité
partagée à l'égard de
l'ensemble de nos concitoyens sans élaborer des catégories
méritantes qui, elles, pourraient bénéficier de notre
compassion et des catégories pour lesquelles il faudrait plutôt
utiliser des punitions. Quand le ministre demande: À quelle condition
des programmes d'employabilité? À la condition qu'ils soient
positifs. À condition que l'employabilité soit positive et
volontaire. Et non pas un projet, comme dans son document, de mesures punitives
et coercitives et obligatoires. Et je lui rappellerais simplement l'entente
qu'il a signée avec son homologue fédéral et qui a effet
jusqu'en 1989 et qui contient la clause suivante que je vous Us: "Les
bénéficiaires de l'aide sociale ont le libre choix de participer
au programme visé par l'entente. En conséquence, aucun
bénéficiaire n'encourra de sanction s'il refuse de participer ou
s'il cesse de participer à un programme." Il faut comprendre, M. le
Président, que le document d'orientation, qui est devant nous
présentement, contient des catégories pour ceux qui refusent de
participer qui donnent lieu à des baisses de prestations pour des chefs
de famille qui voudraient, par exemple, assumer la garde d'enfants de plus de
deux ans; contient des baisses de prestations également pour les
personnes qui sont admissibles. Le ministre sait très bien, que c'est
là que le bât blesse dans le document d'orientation, dans sa
propre logique, puisque les mesures qu'il prétend offrir de façon
obligatoire ne seraient pas disponibles et prêtes à être
offertes. Il a introduit une catégorie qui s'appelle la catégorie
admissible et c'est une sorte de salle d'attente, d'antichambre, dans laquelle
des milliers de personnes vont se retrouver avec un chèque mensuel
réduit, en attendant et en disant. On est prêt, on veut,
dites-nous quand, pour simplement qu'ils puissent obtenir une pleine
prestation, compte tenu des besoins et de la situation économique
d'indigence dans laquelle ils peuvent se retrouver. Le gouvernement va leur
dire: Attendez; Attendez, avec un niveau de prestation en-dessous de ce qu'on
sait être le minimum pour survivre dans notre société.
J'ai deux remarques. Je pense qu'il ne faut pas passer sous silence le
fait que le ministre a pu induire la population en erreur en prétendant
que le vice-président de la Société d'habitation du
Québec a totalement nié qu'il y aurait une augmentation
éventuelle de loyers dans les HLM pour les familles - je pense en
particulier aux familles monoparentales qui habitent les HLM - puisque le
vice-président de la Société d'habitation du Québec
a plutôt parlé d'une possible introduction graduelle. Il a
parlé d'une augmentation graduelle qui pourrait amener une forte
augmentation des loyers actuellement versés par les familles.
J'aimerais également, M. le Président, très
rapidement, faire état de cette question des pensions alimentaires qui
ne sont pas versées à plusieurs des personnes qui sont
bénéficiaires de l'aide sociale. Il faut également se
rappeler qu'un service de perception qui est à la fois essentiel et
indispensable n'est pas suffisant puisque le jugement sur les pensions
alimentaires est en moyenne de 250 $ par mois. Donc, on comprend qu'elles sont
évidemment bien en-deçà de simplement ce qu'il faut pour
payer un loyer avec une chambre à coucher. C'est évident, M. le
Président, que l'autre problème en est un de
désin-citation, compte tenu que l'État rembourse totalement,
à même les pensions, et que les exconjoints ont la nette
impression de ne pas améliorer le sort de leur famille.
M. le Président, cette réforme qui est devant nous
condamne à la pauvreté. Et le ministre Paradis le sait. C'est un
château de cartes construit sur l'absence d'offres de mesures
d'employabilité. Ce projet repose sur l'échec d'offres des
mesures gouvernementales; il repose essentiellement sur une improvisation. Le
ministre sait très bien qu'on nage en pleine utopie, un peu comme dans
un merveilleux monde imaginaire. Il ne s'agit pas que, d'un coup de baguette
magique, il déclare des gens aptes et des gens inaptes et qu'il les
classifie pour penser que tout sera réglé. Bien au contraire,
cette réforme touche 400 000 êtres humains, qui vont, d'un coup de
baguette magique, être déclarés aptes; des hommes, des
femmes et des enfants qui vivent dans des conditions de vie difficiles. La
société québécoise tout entière ne peut pas
se payer le prix d'une réforme improvisée.
Pour toutes ces raisons, la réforme libérale actuelle doit
être rejetée ou connaître une mutation en profondeur. Je
vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Kehoe): Merci, Mme la
députée.
La commission ayant rempli son mandat, j'ajourne les travaux sine
die.
(Fin de la séance à 12 h 9)