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(Dix heures seize minutes)
Le Président (M. Bélanger): Veuillez prendre vos
places. La commission des affaires sociales se réunit aux fins de
procéder à une consultation générale et de tenir
des auditions publiques afin d'étudier le document intitulé "Pour
une politique de sécurité du revenu". Nous avons le quorum. Mme
la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements ce matin?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gervais
(L'Assomption) sera remplacé par M. Kehoe (Chapleau).
Le Président (M. Bélanger): II n'y a pas d'autres
remplacements?
La Secrétaire: Non, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Nous appelons
à la table des témoins le premier groupe, soit le Réseau
provincial des femmes des communautés culturelles, qui sera
représenté par Mme Fatima Houda-Pépin, qui en est la
coordon-natrice, et par une autre dame qui va s'identifier.
Nos règles de procédure sont les suivantes...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, si vous me
le permettez...
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ... dans les informations, je n'ai
pas eu le temps de les vérifier personnellement, mais on me dit que la
liste des SEMO subventionnés est complète pour douze mois,
à compter du 1er janvier 1988 et qu'elle est structurée par type
de SEMO également.
Le Président (M. Bélanger): Ce sont des
échanges de bons procédés.
Nos règles de procédure sont les suivantes: Vous avez 20
minutes ferme pour présenter votre mémoire, c'est-à-dire
qu'on ne peut pas, à moins d'autorisation, excéder ces 20
minutes. Ensuite, il y a une période de discussion avec les
parlementaires. Chaque fois que vous devrez prendre la parole, s'il vous
plaît bien vouloir vous identifier auparavant pour fins de transcription
au Journal des débats. Je vous prierais donc de vous identifier,
d'une part, et de présenter votre mémoire. Merci.
Réseau provincial des femmes des
communautés culturelles du Québec
Mme Bathalien (Amanthe): Amanthe
Bathalien, membre du Congrès des femmes noires du Canada qui est
membre du Réseau provincial des femmes des communautés
culturelles.
Mme Fernandez (Flora): Mon nom est Flora Fernandez. Je suis aussi
membre du Réseau provincial des femmes des communautés
culturelles du Québec.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Si vous voulez
présenter votre mémoire.
Mme Bathalien: Le Réseau provincial des femmes des
communautés culturelles du Québec est un regroupement de femmes
et d'associations de femmes immigrantes et de femmes appartenant à une
minorité visible du Québec. Notre mémoire sur la politique
de sécurité du revenu fait suite à celui que nous avons
présenté le 2 novembre 1987, à la rencontre annuelle du
gouvernement du Québec et des groupes de femmes sur les femmes et la
fiscalité.
Le Québec compte plus de 250 000 femmes immigrantes. Selon les
données de Statistique Canada les femmes immigrantes
représentaient, en 1981, 55,6 % de la population active et
bénéficiaient de l'assurance-chômage dans une proportion de
6,5 % contre 9,2 % de femmes nées au Canada. Nous ne disposons pas de
statistiques quant aux femmes immigrantes bénéficiaires de l'aide
sociale. Cependant, il est reconnu qu'il s'agit là d'une
clientèle qui profite peu de ce type de transfert.
Ce qui ressort de la réforme de la politique de
sécurité du revenu proposée par le gouvernement du
Québec dans son document d'orientation 1987, c'est que,
premièrement, elle privilégie la notion de famille au lieu de
privilégier celle de l'individu. Dans le cas des femmes des
communautés culturelles, dont plusieurs sont parrainées, cela ne
fait que renforcer leur dépendance vis-à-vis du chef de famille.
Le régime d'exemption d'impôt ne * fera que décourager leur
retour sur le marché du travail. Deuxièmement, elle use de moyens
coercitifs inefficaces pour forcer le retour au travail des assistés
sociaux au lieu d'appliquer des mesures d'incitation positive.
Troisièmement, elle culpabilise les ménages à faible
revenu alors que le vrai problème réside dans l'incapacité
du gouvernement à mettre de l'avant une politique de plein emploi.
Pour ce qui est des recommandations du Réseau provincial des
femmes des communautés culturelles du Québec,
premièrement, les crédits d'impôt. Dans notre
mémoire sur les femmes et la fiscalité, nous avons
recommandé au gouvernement du Québec "de convertir les exemptions
en crédits d'impôt payables à chaque contribuable, ce qui
équivaudrait à un crédit égal à
tous". Nous réitérons cette proposition car elle est
à la base de tout régime fiscal ou de toute politique de
sécurité du revenu qui se veut équitable pour tous les
contribuables, d'autant plus que les crédits d'impôt peuvent
être payés complètement à même les recettes de
l'impôt sur les revenus des particuliers.
Deuxièmement, le concept d'aptitude au travail. Si l'objectif
fondamental du gouvernement, en instituant une distinction entre les aptes et
les inaptes au travail, était d'encourager les prestataires de l'aide
sociale à retourner sur le marché du travail, nous aurions
appuyé l'initiative.
Cependant, il se révèle qu'il s'agit là de mesures
coercitives qui favorisent davantage l'essor d'une bureaucratie coûteuse
au lieu de destiner ces fonds à la création d'emplois. De plus,
les bénéficiaires de l'aide sociale qui tentent de
réintégrer le marché du travail sont
pénalisées dans le régime actuel, dans la mesure où
le gouvernement prélève 100 % des revenus de travail qui
dépassent 50 $. Cette mesure ne fait qu'encourager le travail au noir et
l'exploitation des travailleuses immigrantes dont le statut est
déjà assez précaire. Pour éliminer cette injustice,
il est essentiel d'implanter des mesures d'incitation positive à
l'intégration au marché du travail. Nous proposons donc que les
bénéficiaires de l'aide sociale qui ont un revenu de travail ne
perdent pas l'ensemble de leurs revenus. On pourrait leur prélever
seulement 50 % et ce, progressivement, jusqu'à concurrence du revenu
minimum garanti, lequel sera indexé annuellement par rapport au produit
national brut.
Troisièmement, la formation de la main-d'oeuvre. Malgré la
croissance économique des dernières années, le taux de
chômage se maintient toujours autour de 10 % et plus. Les programmes de
formation destinés à la clientèle des chômeuses et
assistées sociales se révèlent inadéquats et
discriminatoires. Les bénéficiaires sont surexploitées,
dans la mesure où elles ne touchent que 1,50 $ l'heure pour une semaine
de 20 à 30 heures. Si la mesure du crédit d'impôt universel
était appliquée, elle réglerait de fait cette
inégalité. Ce programme contribue de plus à
déstabiliser le marché du travail et à réduire les
salaires. Certains employeurs y trouvent un avantage en recourant aux travaux
communautaires au lieu d'engager du personnel aux salaires et avantages sociaux
réguliers, ce qui va à rencontre de la politique de
création d'emplois tant vantée par le gouvernement.
Étant donné les caractéristiques spécifiques
des femmes des communautés culturelles, nous demandons que les
programmes de création d'emplois et de formation identifient clairement
les femmes des communautés culturelles comme clientèle cible
à favoriser, tant au niveau des programmes de formation qu'au niveau de
l'embauche.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce que vous avez
terminé?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, dans un premier temps, je
tiens à vous remercier pour la présentation de votre
mémoire, autant pour sa présentation écrite que pour sa
présentation verbale. Vous soulignez, dès le début de
votre intervention, le fait que vous possédez des statistiques, bien
qu'elles remontent à 1981, sur le pourcentage de femmes issues des
communautés que vous représentez qui touchent des prestations
d'assurance-chômage versus le pourcentage de femmes nées au Canada
qui en touchent. Je ne sais pas si c'est disponible au ministère, si on
possède les statistiques quant au nombre de femmes issues de vos
communautés culturelles qui bénéficient de l'aide sociale.
Vous avez raison de mentionner que notre sentiment, ou que la perception que
nous partageons, c'est qu'elles seraient là aussi en nombre ou en
pourcentage inférieur à celui des femmes nées au
Québec. Maintenant, si ces statistiques sont disponibles, je vais
profiter de l'occasion pour les communiquer à la commission et vous en
faire part.
Si on replace le problème de la sécurité du revenu
ou de l'aide sociale dans l'ensemble de sa problématique, il s'agit d'un
problème d'envergure qui commande une multitude de solutions. La
clientèle globale de l'aide sociale au Québec, au mois de mars
1987, s'établissait à quelque 400 000 chefs de ménage dont
le seul revenu était l'aide sociale. Suivant les estimations du
ministère, 25 % de cette clientèle, soit 100 000 chefs de
ménage, sont des gens que l'on considère comme incapables de
subvenir à leurs besoins de base pour une durée assez longue. Les
autres 300 000 chefs de ménage, que l'on dit aptes au travail,
révèlent des déficiences qui font en sorte que les
barrières entre eux et le marché du travail sont
déjà très importantes; 36 % de ces 300 000 chefs de
ménage, dits aptes au travail, sont des analphabètes
fonctionnels; 60 %, sur le plan de la scolarisation, n'ont pas terminé
leurs études secondaires et 40 % de ces personnes n'ont aucune
expérience de travail antérieure reconnue. Ce qui pose un
défi de taille sur le plan de lemployabilité II n'est pas certain
que ces personnes, même si elles sont animées de la meilleure
volonté du monde, puissent avoir la possibilité de se
décrocher un emploi ou puissent même avoir la possibilité
de poser leur candidature pour se décrocher un emploi. C'est le
défi auquel le gouvernement veut s'attaquer.
Vous nous référez à votre mémoire du 2
novembre sur la fiscalité. Vous avez raison de le faire parce que cette
politique de sécurité du revenu ne peut pas être construite
ou bâtie en dehors de considérations fiscales. Vous prenez le
problème dans sa dimension que je dirais la plus absolue en disant: II
s'agit d'une approche
familiale plutôt que d'une approche de type individuel, et vous
avez raison. La fiscalité a cette même approche et non seulement
la fiscalité provinciale, mais également la fiscalité
fédérale. On sait que le gouvernement fédéral vient
d'annoncer ses couleurs quant à une réforme fiscale et il ne
semble pas que cette approche que vous préconisez soit suivie. Ce qui
laisse aux provinces canadiennes très peu de liberté d'action
quant à ce choix fondamental. Est-ce qu'on y va en fonction des familles
ou est-ce qu'on y va en fonction des individus? Si vous choisissez un
régime différent de celui du gouvernement fédéral
sur le plan de la fiscalité, vous pouvez vous imaginer ce que cela cause
comme perturbation, strictement dans les programmes de
péréquation et les programmes de transferts.
Ceci dit, vous avez raison de nous accuser ou de nous dire que nous
avons choisi la notion de famille. Vous nous indiquez - et c'est
peut-être là que j'aurais une première question à
vous adresser - dans votre mémoire que nos programmes de formation sont
discriminatoires. Vous semblez les juger ou les attaquer de façon assez
ferme; j'aimerais que vous nous donniez des précisions sur l'analyse que
vous faites de nos programmes de formation, qu'il s'agisse de rattrapage
scolaire, de stages en entreprise, de travaux communautaires ou de retour aux
études postsecondaires pour des chefs de famille monoparentale. Dans le
cas de chacun de ces programmes, quelles sont les lacunes précises que
vous décelez et qui causent des préjudices aux communautés
que vous représentez? La question s'adresse à l'une ou l'autre,
sentez-vous à l'aise.
Mme Fernandez: Par rapport à la formation de la
main-d'oeuvre, c'est surtout que cela va obliger, par rapport au concept
d'encourager la rentrée des personnes sur le marché du travail.
Quand on commence à obliger les gens qui sont aptes au travail à
travailler pour 1,50 $ l'heure, il est sûr que ce n'est pas la meilleure
façon d'aller chercher la formation de la main-d'oeuvre dans le milieu
du travail parce que, présentement, avec toute cette notion, on est en
train de créer d'autres problèmes sur le marché du
travail. Les patrons sont en train de remplacer par des personnes sur le
bien-être social les employés permanents, avec tous les avantages
sociaux. Avec cela, tout le marché du travail, toute la main-d'oeuvre
est en train de descendre dans ces conditions de travail minimales. Donc, il
faudrait...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous me permettez, est-ce que
c'est une appréhension que vous avez ou un constat que vous faites
à la suite d'expériences vécues depuis 1984 dans le
programme de stages en entreprise? Est-ce que vous avez des exemples à
porter à notre attention de programmes soi-disant de formation qui
auraient servi à des fins de production et entraîné les
effets négatifs que vous soulignez?
Mme Fernandez: Évidemment, l'expérience, dans les
différentes compagnies, c'est qu'elles vont opter pour remplacer les
gens lors des remplacements, des congés et toutes ces choses-là
par des gens du bien-être social, ou pendant les vacances, par des gens
payés au salaire minimum, avec une petite marge, au lieu de gens
qu'elles vont vraiment remplacer et payer à temps complet. C'est
arrivé dans la réalité; je n'ai pas ici les
données, mais ce sont des choses qui sont arrivées. Ils sont en
train de remplacer la main-d'oeuvre, les travailleurs à temps complet,
par des expériences de stages en milieu de travail. C'est en train de
créer un vrai problème sur le marché du travail.
Les patrons vont être encouragés, bien sûr, en payant
moins de salaires si on peut former... Évidemment, il y a des gens qui
vont dans les bibliothèques. Ils vont se faire initier aux
bibliothèques, ils travaillent à la réception et tout
cela. À ce moment-là, les patrons n'ont pas à payer une
travailleuse ou un travailleur à temps complet.
M. Paradis (Brdme-Missisquoi): Je vous demande d'être la
plus précise possible parce que, sur le plan des programmes que le
ministère a administrés sous l'ancien gouvernement comme sous
l'actuel, depuis 1984, il semble que le programme ayant obtenu le plus haut
taux de succès, c'est-à-dire qui aurait fait en sorte que les
gens quittent l'aide sociale et deviennent des travailleurs autonomes à
temps plein, etc., ce soit le programme de stages en entreprise.
Je ne pense pas que ce soit la prétention du ministère de
dire qu'il n'y a pas eu de cas comme ceux que vous nous soulignez. Je pense que
ce serait même utopique de prétendre qu'il n'y en a pas eu. Mais
le ministère a la prétention de croire que ce seraient des cas
exceptionnels, etc., et que, dans la majorité des cas, les stages
avaient vraiment ce qu'on appelle un contenu de formation et non pas un contenu
de production et que cela a vraiment servi à la personne, afin
d'améliorer son employabilité et de l'intégrer ou la
réintégrer au marché du travail. Ce sont les informations
qu'on me fournit à titre de ministre. Vous semblez m'en fournir des
contradictoires et je pense que vous avez raison, mais j'aimerais être en
mesure d'analyser l'ampleur du phénomène.
Mme Fernandez: Si vous voulez avoir les noms des compagnies d'une
façon spécifique, je ne les ai pas ici avec moi, mais ce sont
quand même des expériences qui se vivent sur le marché du
travail présentement. On veut remplacer par de la main d'oeuvre moins
coûteuse la main d'oeuvre plus coûteuse. C'est ce qui est en train
de se vivre, c'est sûr, même dans te cas des emplois permanents
présentement. Cela fait
longtemps que les emplois permanents sont de plus en plus
restreints.
M. Paradis (Brome-Missisquoi) Je peux comprendre, dans le cas
d'un emploi dit non spécialisé, lorsque la personne commande un
salaire de 9 $ l'heure, je ne sais pas, et que l'emploi ne requiert pas
beaucoup d'expérience ou de formation, que l'employeur soit tenté
de mettre à la porte cette personne pour pouvoir embaucher quelqu'un
à 4,55 $ l'heure, au salaire minimum. Mais ce n'est pas la même
problématique que nous retrouvons - en tout cas, c'est notre
prétention et on peut être dans l'erreur - dans les stages en
entreprise où on me dit qu'on exige un contenu de formation qui est de
beaucoup supérieur à ce qu'on appelle l'aspect de la production.
Le phénomène que vous mentionnez, s'il existait, serait marginal.
J'essaie de profiter de votre expérience sur le terrain pour me dire:
Non, ce qu'on vous dit, c'est le contraire. Cela a déplacé
plusieurs emplois dans ma communauté et voici où, à peu
près.
Mme Fernandez: Mais tant que se maintiendra le taux de
chômage autour de 10 %, il est certain que les emplois permanents ne
continueront pas d'augmenter. À mesure qu'il y a de la main-d'oeuvre
à bon marché, on va continuer à l'utiliser. Malgré
tout, le taux de chômage demeure à un niveau très
élevé. Ce qui fait que la création d'emplois
n'apparaît nulle part.
M. Paradis (Brome-Missisquoi) Je pense que, sur le plan des
statistiques, sur le plan de la création d'emplois, si on regarde les
douze derniers mois, de février 1987 à février 1988, ce
sont 104 000 nouveaux emplois qui ont été créés au
Québec. Ce sont des emplois nets, c'est-à-dire qu'on a soustrait
les emplois perdus des emplois créés. Il y a 104 000 emplois de
plus au Québec et 99 000 de ces emplois sont à temps plein. Le
taux de chômage, sur une période d'un an ou d'un an et demi, a
diminué de 2 %. Il était à 11 % et il est maintenant
à 9 %.
Mme Fernandez: C'est cela. Cela demeure autour...
M. Paradis (Brome-Missisquoi) Ce n'est pas le plein emploi, loin
de là, mais c'est dans la bonne direction vers le plein emploi.
Mme Fernandez: Je ne nie pas qu'il y a une baisse du taux de
chômage mais il demeure, même avec vos statistiques, autour de 9 %.
En termes macro-économiques, on ne peut pas dire que la création
d'emplois permanents connaît une grande amélioration.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense que c'est encore dans
La Presse de ce matin, mais je ne veux pas citer de travers le
chroniqueur économique Alain Dubuc qui disait que 1987 était,
pour le Québec, la deuxième meilleure année de l'histoire
du Québec en matière de création d'emplois, l'autre
était 1973. Je cite sans avoir l'article.
Mme Fernandez: II ne faut pas oublier que nous sommes encore, en
termes de croissance économique, en ralentissement. Donc, cela s'ajoute
aussi.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai réussi à
obtenir les statistiques pour vos dossiers, pour notre information
également et celle de la commission. On m'indique qu'en décembre
1987 il y avait 24 526 ménages, entre parenthèses, immigrants sur
l'aide sociale, dont 13 917 chefs de ménage étaient des femmes,
soit 56 %.
En vertu de l'alternance...
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
vous accueillir à la commission. C'est un mémoire qui est bref,
mais qui, je pense, va à l'essentiel et qui, à sa lecture
même, permet de comprendre que ce sont là des questions qui ont
retenu votre attention depuis certainement un bon moment. Ce n'est certainement
pas récent, votre analyse des problèmes actuels, parce que
l'éclairage que vous donnez à la proposition du ministre, c'est
un éclairage à partir d'un objectif de justice fiscale.
J'ai été fort intéressée par la
référence que vous faites à votre mémoire sur les
femmes et la fiscalité, lorsque vous recommandez, notamment, de
convertir les exemptions en crédits d'impôt payables à
chaque contribuable, ce qui équivaudrait à un crédit
égal pour tous. J'ai retrouvé la même recommandation
fortement exprimée par l'AFEAS, l'Association féminine
d'éducation et d'action sociale, qui a tenu un congrès, au mois
d'août dernier, qui ne portait que sur cette réforme fiscale
attendue par à peu près tous les groupes de femmes. Je ne savais
pas que ce débat avait eu cours également dans les groupes que
vous représentez. J'apprécierais beaucoup avoir la copie du
mémoire qui portait sur les femmes et la fiscalité.
Mme Fernandez: On l'a joint.
Mme Harel: Sur les femmes et la fiscalité?
Mme Fernandez: II devrait...
Mme Harel: II est ajouté? Je ne l'ai pas avec moi, mais je
vais le regarder.
C'est peut-être ce qui permettrait, comme vous l'exprimez,
d'asseoir une politique de sécurité du revenu sur des bases
solides. Le ministre a éconduit un peu votre recommandation en disant:
II faut que le fédéral le fasse avant
qu'on le fasse et, comme la réforme de M. Wilson ne le fait pas,
nous, il faut oublier cela. C'est un peu ce que j'ai conclu des propos qu'il a
tenus. La question qu'on peut lui renvoyer je ne sais pas si vous y aviez
réfléchi - c'est certainement celle de la
spécificité du Québec. Est-ce que l'affirmation de
spécificité en ce qui concerne le Québec vaut simplement
pour sa langue ou si cela vaut aussi pour ses institutions ou pour des
programmes qui conviendraient mieux au bien-être de sa population?
C'est certainement une question importante parce que, dans vos
recommandations vous avez considéré qu'un des aspects importants
qui allait résulter d'une proposition comme celle-là est le
renforcement de la dépendance vis-à-vis du chef de famille. Il
m'a semblé que c'était là, pour vous, un des aspects
critiques du système actuel qui allait simplement être
renforcé par la réforme et que, dans la mesure où on
voulait corriger cela, il fallait aller du côté d'une
reconnaissance de l'autonomie des personnes. Vous le dites vraiment de
façon brève mais concise, cette autonomie des personnes suppose
une vraie politique de sécurité du revenu basée sur les
individus. J'aimerais savoir si vous avez eu ces discussions depuis longtemps?
Est-ce que vous les avez eues avec d'autres organismes? Comment en
êtes-vous arrivées à cette analyse, à cette
conclusion et à ces recommandations?
Mme Fernandez: Nous avons étudié tous les dossiers
par rapport aux femmes et à la fiscalité. On est allées
chercher des personnes ressources qui nous ont renseignées à
notre réunion régulière. Parmi nous, il y en a qui ont
fait des études en économie et dans différents secteurs.
Donc, on est arrivées à sortir un bref travail comme celui-ci.
Nous sommes convaincues que la fiscalité doit être traitée
en termes d'individus parce que, tant qu'on restera dans la notion de famille,
les femmes continueront à être dépendantes et, comme on le
voit dans la réforme fiscale, les enfants continueront à
être dépendants même après 18 ans. Le concept de la
famille continuera avec tous les problèmes inhérents à
cette situation de dépendance.
Mme Harel: Quand vous avez présenté votre
mémoire, c'était au mois de novembre, je pense?
Mme Fernandez: Oui.
Mme Harel: Vous avez eu l'occasion de le présenter
à ce moment-là avec les autres organismes...
Mme Fernandez: De femmes.
Mme Harel: ...féminins, à des représentants
des ministres du gouvernement.
Mme Fernandez: Oui.
Mme Harel: Quelle a été la réaction?
Mme Fernandez: On n'a pas eu de réaction.
Mme Harel: Aucune?
Mme Fernandez: Non, aucune. On l'a envoyé à tous
les députés, les ministres, mais je pense qu'à ce
moment-là on ne pensait pas que les femmes immigrantes feraient un
tél document. Je veux dire qu'il y a eu ces commentaires dans des
groupes, mais pas de la part des députés.
Mme Harel: Est-ce que les autres groupes de femmes partageaient
la même recommandation que vous?
Mme Fernandez: Oui. Je pense que c'est un consensus au niveau des
groupes de femmes, ce concept d'individu et de crédit d'impôt au
lieu de l'exemption d'impôt et de la famille.
Mme Harel: Dans la mesure où vous ne recevez aucune
réponse ou une réponse de l'ordre de celle que vous avez
reçue ce matin, c'est-à-dire que ce n'est pas possible parce que
le fédéral ne le fera pas, alors on ne le fera pas, qu'est-ce que
vous entendez faire? Avez-vous...
Mme Fernandez: Nous avons un bulletin de communications et, dans
cela, on écrit notre expérience des différents endroits
où on présente notre mémoire. En fin de compte, on dira
quels sont les résultats ou, quand il y a aura de nouvelles
réformes, on va encore faire un petit résumé et dire en
quoi cela nous concerne.
Mme Harel: Pour vous, cette solution apparaît être la
plus partagée actuellement par les groupes de femmes.
Mme Fernandez: Certainement.
Mme Bathalien: Nous n'avons pas de solution en tant que telle. Ce
que nous vouions dire, c'est que nous allons continuer à faire des
représentations partout où on pense qu'on peut nous entendre,
même si nous ne sommes pas écoutées. Nous ne sommes pas les
voix les plus écoutées, mais on va continuer d'essayer de se
faire entendre au moins, en espérant qu'un jour on trouvera des oreilles
un peu plus sympathiques à notre cause.
Mme Harel: Vous savez que les gouvernements, en
général, même ceux qui se prétendent les meilleurs,
sont aveugles, mais ils ne sont pas sourds, c'est-à-dire qu'ils y vont,
comme on dit en québécois, à tâtons, ils y vont au
son. En général, c'est quand le son est très
répandu qu'ils s'apprêtent à rendre service pour le faire
baisser. Il faut, à ce moment-là, apprendre à faire en
sorte aue le son vienne vraiment de
partout de manière qu'un seul émetteur ne puisse pas
être fermé.
Je suis très contente de constater que cette revendication que je
savais être celle de l'AFEAS, de la fédération des femmes
du Québec, est partagée, étudiée et aussi
analysée par le réseau des femmes immigrantes que vous
représentez. J'aimerais que vous m'expliquiez. Dans le mémoire,
dans les considérations générales, vous nous dites qu'en
1981 les femmes immigrantes représentaient 55,6 % de la population
active.
Mme Bathalien: C'est cela. C'étaient les 55,6 % des 250
000 femmes immigrantes qui représentaient...
Mme Harel: D'accord. Donc activement inscrites au marché
du travail. C'est une proportion peut-être plus élevée que
les Québécoises de vieille souche; c'est comme cela qu'on le dit?
Ha, ha, ha! Est-ce une proportion plus élevée?
Mme Fernandez: Oui.
Mme Harel: Donc, les femmes immigrantes sont plus activement sur
le marché du travail.
Mme Fernandez: Oui, mais on n'a pas le choix, en fin de compte,
étant donné notre situation précaire en tant que femmes
parrainées ou avant d'avoir la citoyenneté, il faut absolument
aller chercher n'importe quel emploi. Aussitôt qu'on arrive on commence
tout de suite sur le marché du travail, dans les usines, dans les
hôtels, à faire du travail. On va nécessairement être
en forte proportion sur le marché du travail.
Quant à notre situation familiale, c'est la même situation.
Ce n'est pas seulement notre mari qui va aller sur le marché du travail,
mais nous aussi, pour maintenir notre foyer à un certain niveau de vie.
C'est impossible aujourd'hui de vivre avec le salaire minimum d'une personne,
travaillant dans une usine. Donc, il faut que les deux sortent. Les
problèmes les plus graves qu'on a présentement concernent les
garderies, parce qu'on doit être à 7 heures du matin à
l'usine et que les garderies n'ouvrent pas, quand on réussit à en
avoir. Donc, il y a découragement à aller sur le marché du
travail. Cela passe aussi, sur le plan des ressources, des garderies, au temps
adéquat, à partir de 7 heures du matin jusqu'à 18 heures;
ce sont tous des problèmes que nous vivons très
profondément.
Mme Bathalien: En plus, quand nous parlions tantôt de la
discrimination sur le plan de la formation de la main-d'oeuvre, ce n'est pas
seulement sur le plan de la formation de la main-d'oeuvre. On ne doit pas
oublier que le travailleur immigrant ou la travailleuse immigrante, puisqu'on
parle des femmes immigrantes, n'est pas un travailleur ordinaire. Je ne sais
pas si le ministre considère le travailleur immigrant comme un
travailleur ordinaire. Est-ce que, pour vous, c'est la même chose, le
travailleur immigrant, M. le ministre?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que je peux...
Mme Harel: Certainement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Avec le consentement, je peux
répondre. Il me fallait le consentement.
Mme Bathalien: Ah! Excusez-moi.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En tant que travailleur, oui,
parce que les droits des travailleurs sont les mêmes, qu'on parle des
droits d'association, c'est reconnu par les chartes canadienne et
québécoise, et le Code du travail s'applique à l'ensemble
des travailleurs. Également, quant à l'application de la Loi sur
les normes du travail. Mais je ne suis pas insensible aux difficultés
d'application de la Loi sur les normes du travail, surtout là où
on retrouve des représentantes de vos communautés. Nous faisons,
depuis quelques mois, des efforts spéciaux parce qu'il y avait, à
notre avis, non-application des normes minimales du travail dans beaucoup
d'endroits où on retrouvait des femmes de vos communautés.
Mme Bathalien: Là encore, la travailleuse immigrante est
obligée d'être sur le marché du travail quand on
considère, comme ma collègue vient de le dire, que nous sommes
presque toutes des immigrantes parrainées, donc dépendantes du
parrain pour une période allant jusqu'à dix ans. Pour avoir droit
à l'aide sociale, toutes les démarches que cela prend pour un
bris de parrainage, on n'en a pas souvent l'énergie, c'est beaucoup plus
facile d'aller se faire surexploiter que d'aller faire les démarches qui
s'imposent pour obtenir un bris de parrainage et avoir droit à l'aide
sociale. Donc, c'est une des raisons pour lesquelles on nous retrouve beaucoup
plus sur le marché du travail que les autres femmes nées au
Canada.
En plus - qu'est-ce que j'allais dire - pour ce qui est du travail, on
n'a aucune facilité pour aller travailler comme elle le disait. Tout
à l'heure, vous demandiez des exemples concrets en ce qui concerne la
question de la formation. Moi, j'en ai rencontré plusieurs. On dit qu'on
met l'accent sur la formation quand les gens font des stages en milieu de
travail. Je rencontre plusieurs femmes qui ont eu de la formation et qui
doivent la poursuivre en entreprise. Lorsqu'elles arrivent là, elles
n'ont absolument rien à faire, si ce n'est du classement; ce qu'elles
ont appris dans les cours qu'elles ont suivis au niveau secondaire, elles n'ont
pas du tout l'occasion de l'appliquer. Le salaire est réduit parce
qu'elles ne
bénéficient plus des allocations pour frais de garde, etc.
En tout cas, j'en ai connu quelques-unes qui se sont déprimées
pendant le stage en milieu de travail, alors qu'elles avaient un grand espoir
quand elles suivaient leurs cours. J'en ai rencontré plusieurs qui
vivent des situations comme celles-là, qui n'arrivent pas à se
faire entendre par leur agent pour le leur expliquer. Elles doivent partir
à 6 heures: une femme qui habite Saint-Léonard et qui doit
travailler à Côte-de-Liesse à 8 heures doit quitter son
domicile à 6 heures. À ce moment-là, elle doit laisser ses
enfants seuls parce qu'elle ne trouve personne qui viendrait garder à
partir de 5 heures ou 5 h 30. Quand elle revient le soir, les enfants sont
encore seuls. Cela crée d'autres sortes de problèmes sociaux et
familiaux que ces femmes n'ont pas la possibilité de résoudre.
L'employeur qui est là est bien content d'avoir une employée
à salaire réduit, et il n'est pas du tout disposé à
la garder à la fin de son stage en entreprise. Donc, cela crée
effectivement des problèmes non seulement au plan de l'emploi, mais
aussi d'autres problèmes familiaux et sociaux auxquels elles n'ont pas
les moyens de faire face.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Moi... Mme Harel: Allez-y,
c'est parfait.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tente de découvrir, si
possible, les problèmes qui sont particuliers aux communautés que
vous représentez. Le problème de gardiennage, etc., en est un qui
m'apparaît horizontal, c'est-à-dire qu'il est le même pour
la femme née au Québec qui a de jeunes enfants, etc.
Dans l'aspect des programmes mis de l'avant - vous devez sans doute
partager notre avis - on ne peut pas abandonner les gens sans formation. Au
début, j'ai donné les carences. Est-ce que vous auriez des
suggestions à nous donner, comme ministère, pour obtenir cette
formation qui viserait à réduire les barrières auxquelles
peuvent se buter les membres de vos communautés, surtout les membres
féminins de vos communautés? Oui, le gardiennage en est un, mais
cela en est un qui est horizontal, si je peux utiliser l'expression. Est-ce
qu'il y a des problèmes particuliers qui se posent et auxquels on
devrait travailler? À la Commission des normes du travail, on a, avec
vos communautés, des problèmes particuliers, et on y est
sensibilisés. Est-ce que, dans nos programmes de formation, on devrait
également être sensibilisés à certains autres
aspects?
Mme Bathalien: Même si vous dites que le gardiennage - on
va revenir là-dessus - est un problème horizontal, universel, je
dirais, pour toutes les femmes du Québec, pour nous, cela devient un
problème supplémentaire dans le sens que nous avons quitte nos
pays pour venir travailler au Québec. Nous ne sommes pas venues pour
vivre aux crochets de la société québécoise. Notre
objectif principal était un objectif dé travail. La culture
québécoise ici... Cela fait 18 ans que je suis au Québec
et que je me fais dire: Comment cela se fait-il que vous ayez des jeunes
enfants et que vous soyez sur le marché du travail? Je me fais reprocher
de faire du temps supplémentaire alors que j'ai deux jeunes enfants. La
mère de famille n'est pas une personne qui devrait être sur le
marché du travail. On nous dit que tous les problèmes de nos
enfants sont causés par le fait que leur mère est au travail.
Pour nous, ce serait probablement le contraire parce que nous avons une culture
qui nous dit que toute personne - non pas une femme, non pas un homme - doit
travailler et qu'elle retrouve son épanouissement dans le travail.
Donc, déjà, pour nous, c'est un facteur. On se retrouve
plus isolées dans un pays étranger et inconnu. On n'a pas la
possibilité d'avoir notre famille avec nous, ce qui nous permettrait de
profiter de la présence de gardiens qu'on n'aurait pas besoin de payer
même, parce que tout le monde serait autour et tout le monde pourrait
nous servir de gardiens. Pour nous, c'est déjà un
problème. Quand on est au pays, quelle sorte de travail trouve-t-on? On
doit travailler en usine, dans l'hôtellerie etc., à des heures qui
ne sont pas les heures régulières d'ouverture de 8 heures
à 17 heures. Toutes les garderies ferment à 17 h 30. Après
17 h 30, ce sont des coûts supplémentaires qui ne seront pas
couverts par le plan Bacon. Pour nous, c'est vraiment un problème de
plus, ces heures d'ouverture de garderie. Pour nous, c'est vraiment une
attention particulière.
On aurait pu regarder les centres d'orientation et de formation des
immigrés et comment ils sont organisés pour fournir la vraie
formation requise par la femme immigrante qui vient d'arriver au pays. C'est
quoi le nombre de semaines de formation? C'est quoi la formation qui est
donnée? Comment cela est-il organisé? Qu'est-ce qu'on nous
propose pour aller sur le marché du travail après? Je pense que,
là, il y aurait une grande réflexion à faire pour repenser
les centres d'orientation et de formation des immigrés.
Vous avez aussi parlé, tantôt, du problème de
l'alphabétisation et des analphabètes qui sont
considérés comme aptes au travail. Vous avez reconnu que
c'était un handicap fonctionnel sérieux à l'occupation
d'un emploi. Moi, je connais beaucoup de femmes immigrantes et ce qu'elles font
pour pouvoir acquérir un peu plus d'alphabétisation. Elles vont
travailler le jour et, le soir, elles vont aux cours d'alphabétisation.
Encore une fois, ces femmes viennent de passer huit à neuf heures debout
à travailler et, le soir, elles vont chercher leurs petits, elles les
casent quelque part et elles recommencent pour trois ou quatre heures pour
acquérir un peu d'alphabétisation. Elles voudraient avoir plus de
formation
mais, si elles laissent leur emploi, elles sont pénalisées
par l'assurance-chômage. Elles sont même pénalisées
par l'aide sociale. On leur coupe une partie de leur aide sociale parce
qu'elles ont quitté leur emploi pour aller se faire alphabétiser.
Je ne dis pas que c'est juste pour nous que c'est discriminatoire, mais ce sont
quand même des programmes discriminatoires pour les personnes qui n'ont
pas la possibilité d'occuper un emploi qui aurait pu mieux
répondre a leurs besoins.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, M. le Président. J'allais justement vous
interroger. C'est Mme Jumelle, je crois.
Mme Bathalien: Non, c'est Mme Bathalien. Mme Harel: Oui.
Comment l'épelez-vous? Mme Bathalien: B-a-t-h-a-l-i-e-n.
Mme Harel: Merci, Bathalien, c'est bien cela. Par exemple, est-ce
qu'il y a un obstacle qui se dresse chez les femmes parrainées du fait
qu'elles n'aient pas accès au COFI présentement? Est-ce que ce
problème est en partie réglé avec les cours qui se donnent
dans des classes organisées par le ministère, je crois, des
Communautés culturelles et de l'Immigration à l'égard des
femmes immigrantes?
Mme Bathalien: Elles peuvent aller au cours, mais elles n'ont pas
droit aux allocations.
Mme Harel: Voilà. Elles n'ont pas droit aux allocations.
Il n'y a que les cours qui leur sont disponibles. Faites-vous état des
problèmes relies au parrainage? C'est un des problèmes de fond,
finalement, que cette espèce d'empêchement d'accéder
à une formation en français. J'imagine que, pour vous, Mme
Bathalien, ou pour vos compatriotes, le problème se pose moins puisque
la connaissance du français est usuelle. Non?
Mme Bathalien: Je m'excuse. Nous sommes aussi allophones en
majorité. Quand on dit qu'en Haïti - tout le monde l'a entendu - 85
%, 90 % de la population est analphabète, cela veut dire qu'il y a 90 %
de la population qui ne parle pas français. Ils ont déjà
entendu parler français, mais ils ne savent pas du tout parler
français parce que c'est une langue qu'on apprend à
l'école. Toutes les personnes qui n'ont jamais fréquenté
l'école ne connaissent pas du tout l'usage du français.
Mme Harel: Selon vous, il y a de vos compatriotes qui viennent
s'établir ici et qui ont à faire l'apprentissage du
français?
Mme Bathalien: Absolument, beaucoup. Une grande proportion des
immigrants, à partir de 1973, sont des allophones qui n'ont jamais
appris le français. Nous avons des jeunes qui arrivent ici et qui
fréquentent les classes d'accueil. Il est sûr qu'auparavant on ne
les considérait pas comme tels, mais la réalité, c'est que
nous sommes des allophones.
Mme Harel: C'est donc dire que cet obstacle de la langue est
important, j'imagine. Les groupes anglophones, qui représentent les
personnes défavorisées anglophones de Montréal, sont venus
nous dire qu'il serait souhaitable qu'ils aient accès à des cours
de français langue seconde, justement pour pouvoir accéder
à des emplois qui, souvent, supposent l'usage du français. Est-ce
que c'est le cas également pour les personnes que vous
représentez?
Mme Bathalien: C'est tout à fait le cas pour nos
compatriotes.
Mme Harel: C'est donc dire que, dans un plan
d'employabilité, dans une véritable campagne
d'employabilité, l'une des dimensions spécifiques aux membres des
communautés culturelles ou aux membres de la communauté
anglophone serait non pas simplement un rattrapage scolaire en termes de
formation générale, mais un rattrapage linguistique.
Mme Bathalien: Absolument.
Mme Harel: Je vous remercie. Justement, tantôt, quand vous
m'avez invitée à prendre connaissance du mémoire sur la
fiscalité, vous faites part que, dans la réforme fiscale
fédérale du régime prévue pour 1988, l'exemption de
la personne mariée sera au même niveau que l'exemption personnelle
de base, c'est-à-dire 5280 $ par année. C'est à la page 1,
je crois; oui, c'est cela, dans les fondements de la fiscalité, au
troisième paragraphe du chapitre sur les fondements de la
fiscalité.
Mme Bathalien: Oui.
Mme Harel: J'aurais peut-être dû... Je n'ai pas
encore rempli mon rapport d'impôt, mais je ne me suis pas rendu compte
que la personne mariée va dorénavant avoir une exemption de
personne mariée de même niveau que l'exemption personnelle de
base.
Mme Bathalien: C'est ce qui est prévu.
Mme Harel: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
Mme Harel: Cela va m'être bien utile, non pas pour moi
personnellement, mais pour les démonstrations que je veux faire.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez recueilli
également - et j'en profite pour le souligner - une autre proposition
utile qui nous vient de votre présentation. Vous êtes le premier
groupe des communautés culturelles qui insiste pour rejoindre quelque
chose qui avait été avancé par les communautés
anglophones: que le français étant la langue de travail au
Québec il nous faut le reconnaître dans nos programmes
d'employabilité - et vous l'avez souligné à juste titre,
Mme la députée de Maisonneuve - sinon, cela demeure une
barrière additionnelle au fonctionnement sur le marché du
travail.
Mme. Bathalien: Une barrière très importante.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je crois que tout plan
d'employabilité qui se veut le plus complet possible doit avoir un
élément très articulé sur cet aspect-là.
Vous nous avez également communiqué, sur le plan de l'approche et
de la philosophie de vos communautés quant au travail, des
éléments qui sont extrêmement intéressants. On pense
toujours, lorsque l'on a la responsabilité, que l'on conçoit ou
que l'on applique des politiques, que l'on connaît toujours très
bien tous les clients qui vont être affectés par ces politiques.
Cette commission parlementaire nous permet de constater que, chaque jour - vous
êtes peut-être le 83e ou 84e groupe à se présenter
devant la commission, le 83e -des éléments nouveaux importants
s'ajoutent et, pour cette contribution positive à cette commission
parlementaire, au nom du gouvernement du Québec, je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): La commission des
affaires sociales remercie le Réseau provincial des femmes des
communautés culturelles et invite à la table des témoins
le groupe Café boustifaille, représenté par MM. Michel
Bédard, Sylvain Bendo, Jean-François Simard, Mme Suzanne Thibault
et M. Lucien-Philippe Parent. Si ce groupe...
M. Bédard (Michel): Ce n'est pas "boustifaille", mais
"Boustifable".
Le Président (M. Bélanger): Oh! excusez! Oui,
Boustifable. C'est exactement ce qui est écrit, à part ça.
C'est que je suis parti, je n'ai pas... Je vous remercie de ces corrections.
J'invite donc ce groupe à se présenter à la table des
témoins, s'il vous plaît. S'il vous plaît, je demanderais
à chacun de bien vouloir reprendre sa place.
Bonjour au groupe le Café Boustifable. Je l'ai bien dit cette
fois. Pour vous expliquer un peu nos règles de procédure, vous
avez 20 minutes ferme pour présenter votre mémoire. Par la suite,
il y a une période d'interrogations ou de discussion avec les membres de
la commission.
Vous voulez qu'on suspende une minute? On suspend les travaux pour une
minute, afin de permettre à Mme la députée de...
(Suspension de la séance à 11 h 8)
(Reprise à 11 h 8)
Le Président (M. Bélanger): Bonjour. Je vous
explique donc nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes pour
votre présentation. Il y a la période de discussion par la suite.
Chaque fois, que vous aurez à intervenir, soit dans la période de
discussion ou dans la présentation de votre mémoire, s'il vous
plaît, bien vouloir donner votre nom auparavant pour les fins de la
transcription du Journal des débats. Je vous remercie beaucoup.
Je vous demanderais de vous présenter et de présenter vos
porte-parole. Vous pouvez commencer, nous sommes tout oreilles.
Café Boustifable
M. Bédard (Michel): D'accord. Bonjour. M. Guy
Bélanger, je présume?
Le Président (M. Bélanger): Oui, le
président. M. le ministre et Mme la députée de
Maisonneuve.
M. Bédard: M. le Président, Mme la
députée de Maisonneuve, M. Pierre Paradis et nos copains d'en
face. Est-il nécessaire que je m'approche du microphone ou si on
m'entend bien comme cela?
Le Président (M. Bélanger): On vous entend
très bien comme cela.
M. Bédard: Oui, d'accord. M. Paradis, vous m'entendez
bien?
M. Paradis (Brome-Missisquoi) Très bien.
M. Bédard: Oui, d'accord. Je suis rassuré parce
qu'il y a une mauvaise plume dans les journaux qui disait que vous étiez
sourd.
M. Paradis (Brome-Missisquoi) Je ne l'ai pas lu.
M. Bédard: Non...
Le Président (M. Bélanger): Ce serait plutôt
aveugle.
M. Bédard: On avait pensé vous acheter un appareil
auditif en cadeau mais, là, je suis rassuré.
Il me fait plaisir de vous présenter, à ma gauche, M.
Jean-François Simard, Mme Suzanne
Thibault et, à ma droite, M. Lucien-Philippe
Parent. Ils sont des usagers du café, assistés sociaux de
moins de 30 ans. Je suis Michel
Bédard. J'ai plus de 30 ans. Je suis administrateur
bénévole. Je suis aussi assisté social et j'épouse
entièrement leur cause.
Disons qu'avant que les carottes soient cuites - étant
donné que le Café Boustifable est un restaurant à but non
lucratif - et que le presto saute, on est venus vous dire, M. le ministre -
enfer des jeunes assistés sociaux - qu'on ne vous accorde même pas
quatre fourchettes pour votre réforme. Loin de là, on pourrait
dire que c'est de la petite bière. On est venus réclamer notre
juste part du gâteau. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on n'est pas
dans notre assiette, probablement parce qu'avec 180 $ par mois il est naturel
qu'on ne retrouve rien dans cette foutue assiette. Aujourd'hui, on est
particulièrement heureux de vous avoir sous la dent, M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi) Bien cuit?
M. Bédard: Oui, c'est un "bien cuit". Alors, si vous ne
voulez pas que nous soyons à couteaux tirés, il vous faudra
cracher très bientôt le morceau, c'est-à-dire la
parité de l'aide sociale. Fini pour le court laïus,
résumé du mémoire à saveur culinaire, maintenant
c'est sérieux.
Actuellement, l'incitatif au travail le plus fort, qui habite les jeunes
assistés sociaux et les assistés sociaux en
général, demeure la volonté de ne pas
végéter ou crever de faim avec un revenu d'aide sociale ne
dépassant pas 50 % du seuil de la pauvreté.
Un autre incitatif, celui-là beaucoup moins sombre, réside
dans le fait que toute personne aspire à se rendre utile envers ses
semblables, ce que reconnaît d'ailleurs implicitement le ministre, M.
Paradis, dans son communiqué no 6 émis le 10 décembre, en
présumant que les personnes aptes au travail veulent accéder
à un emploi.
L'incitation au travail étant la pierre d'assise - dans le
document que je vous ai envoyé, j'avais dit la pierre d'achoppement;
c'est une erreur, c'est la pierre d'assise; la pierre d'achoppement, c'est
toute la réforme comme telle - le gouvernement n'a pu trouver mieux,
comme mesure incitative originale, que d'appauvrir davantage les
bénéficiaires, entre guillemets, de l'aide sociale en ne leur
donnant que 405 $ par mois en janvier 1989, comparativement à 497 $
aujourd'hui. Quelle est la logique de pénaliser encore plus durement les
victimes du chômage pour qu'elles se voient forcées de chercher
des emplois qui n'existent pas? Est-ce que chercher des emplois en crée
automatiquement?
Selon les informations gouvernementales véhiculées et
celles qu'on retrouve dans les journaux, il est dit qu'il y a 700 000
assistés sociaux au Québec, c'est énorme, et 300 000
chômeurs. Si on considère les milliers d'autres chômeurs qui
viendront s'ajouter en 1988, comment peut-on envisager remettre tout ce monde
au travail alors que le gouvernement, lui-même libéral,
reconnaît que l'économie québécoise ne pourra
générer que 60 000 nouveaux emplois? Il y a là comme une
capacité, une limite. Beaucoup trop de ces emplois seront non
permanents, à temps partiel ou bidon parce que reliés à
des programmes gouvernementaux du genre prestations d'assurance-chômage
déguisées, article 38.
Présentement, alors que le taux de chômage canadien baisse,
celui du Québec augmente Alors que l'on prévoit, pour
l'été 1988, un taux de chômage étudiant de 2 % en
Ontario, au Québec, il sera de 10 %. Avec 405 $ d'aide sociale par mois,
une fois le loyer payé, comment un affamé sans le sou peut-il
chercher de l'emploi s'il ne peut se vêtir décemment, se
déplacer et obtenir le service téléphonique pour contacter
les employeurs ou, tout simplement, photocopier et expédier ses
résumés? Le ministre de la Main-d'Oeuvre lui-même
reconnaît que pareil montant ne couvre pas les besoins fondamentaux d'un
individu. "Toute société respectueuse des droits humains doit
fournir à ses citoyens la possibilité de se trouver un emploi
rémunérateur", est-il pourtant écrit à la page 23
du document. Si la possibilité de se trouver un emploi
rémunérateur n'est pas fournie avec 405 $ par mois, que dire de
la situation actuelle des jeunes assistés sociaux qui n'ont que 180 $
par mois pour survivre?
À l'une des audiences municipales, tenue en mars 1987, sur les
sans-abri de Montréal, un jeune assisté social disait avoir pris
connaissance d'une loi décrétant que toute personne qui ne porte
pas secours à un individu en détresse est passible de poursuite
pour négligence criminelle. Comment, poursuivait-il, ne peut-on pas
qualifier de négligence criminelle l'indifférence de la
société, via ses gouvernants, à ne pas accorder la
parité de l'aide sociale aux jeunes les plus appauvris du Québec
qui, en subissant quotidiennement de misérables conditions de vie, sont
plongés dans une détresse constante jusqu'à la
trentaine?
Par toute une conjoncture socio-économique et politique, la
société produit le chômage, la pauvreté et la
détresse des jeunes. Les jeunes assistés sociaux sont ceux qui,
plus que quiconque, doivent payer de leur santé mentale et physique
l'incapacité de la société à mettre sa jeunesse
à l'ouvrage.
Selon le rapport du colloque "Jeunes et sans toit", tenu en mai 1986, 40
% de tous les prestataires d'assurance-chômage avaient moins de 30 ans;
en 1980, 40 %. On ne choisit pas d'être en chômage. Entre 1975 et
1980, 43 % de tous les emplois à temps partiel furent occupés par
des jeunes. Les causes de l'appauvrissement des jeunes adultes peuvent prendre
des formes multiples et parfois insoupçonnées: un ex-travailleur
qui occupait un emploi moins de 21 heures par semaine ne peut retirer de
prestations d'assurance-chômage. Or, 43 % de ceux qui ont
des jobs à temps partiel sont des jeunes. Un indigent qui
reçoit 180 $ par mois se voit forcé à l'itinérance
par insuffisance de revenu ou tout simplement pour cause de pénurie de
maisons de chambres ou de logements à partager. Le ministère des
Affaires sociales va même lui couper 65 $, la portion destinée
à l'hébergement. Même qu'il y a beaucoup de jeunes
assistés sociaux qui se verront retirer complètement leur
chèque parce qu'ils n'appartiennent plus à aucun territoire
desservi par un bureau d'aide sociale. Je l'ai déjà vu.
Pas d'expérience, pas de travail et pas de travail, pas
d'expérience. Telle est souvent la réalité des jeunes
diplômés et non diplômés qui sont aussi les victimes
toutes désignées du "last hired, first fired!", Ne pouvant voir
également les institutions financières appuyer leurs projets
solidement bien montés, parce qu'ils ne peuvent naturellement pas
fournir de mise de fonds initiale, beaucoup de ces jeunes
désillusionnés rejoindront le grand groupe des jeunes
assistés sociaux. Avec 180 $ d'aide sociale par mois, il n'est pas
étonnant que les jeunes forment maintenant plus de 25 % des sans-abri
à Montréal.
Ne pouvant plus espérer se faire arrêter pour vagabondage
à dessein d'aller manger et piauler en taule, les jeunes
désoeuvrés se voient forcés à la criminalité
de survie. Le document est basé sur des témoignages qui me
viennent de jeunes assistés sociaux. Ce n'est pas moi qui l'ai pondu.
Nombre de vols perpétrés dans les domiciles ou dans les commerces
sont commis dans le but d'obtenir des biens à receler pour ensuite
acheter de l'épicerie. Ce sont encore des jeunes qui me l'ont dit. Ceux
dont les coups auront rapporté un surplus d'argent se paieront de la
drogue, histoire de fuir momentanément leur triste et sombre
quotidienneté sans issue. Lorsqu'ils seront prisonniers des drogues
fortes, de la poudre blanche, l'achat de leur moyen d'évasion deviendra
le mobile principal des vols subséquents. Quant aux jeunes femmes sans
ressource, pour éviter l'itinérance et survivre, nombre d'entre
elles se verront poussées vers la prostitution, qu'elle soit
déguisée ou non.
Le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les
jeunes d'ici, après les accidents de la route et bon nombre de ces
accidents de la route dissimulent des suicides. Toujours à ce chapitre,
le Québec détient, en Occident, le record peu enviable du plus
haut taux de suicide chez les moins de 30 ans. Comme René me le
mentionnait tantôt, dans Le Soleil d'hier, semble-t-il qu'un article
disait que le nombre de suicides chez les jeunes a augmenté de 400 %.
Selon une étude effectuée en 1982, une augmentation de 1 % du
taux de chômage engendre 318 suicides.
Avec un taux de natalité si faible que le Québec
détient là aussi un bien triste record, c'est croire finalement
que notre société en viendra à escamoter la composante
jeunesse de sa structure.
Une publication du Secrétariat d'État, au
fédéral, rapporte que 50 % de tous les incarcérés
canadiens des centres provinciaux de détention et des centres d'accueil
avaient 24 ans et moins en 1980 et, en 1988, rien ne me dit que cela a
baissé, cela a probablement augmenté. Si l'on devait tenir compte
des 25 à 30 ans, est-ce que cette proportion de jeunes détenus
monterait à 90 %? À la suite de l'Année internationale de
la jeunessse et de celle des sans-abri, si la seule place à offrir
à une trop grande fraction de la génération montante ne se
trouve qu'en prison, l'indifférence de la société à
l'égard de la détresse des jeunes assistés sociaux
n'a-t-elle pas quelque chose de vraiment criminel?
À plus de deux occasions au cours des dernières
années, sept corporations et associations professionnelles des domaines
de la santé et des services sociaux ont vertement demandé au
gouvernement, arguments solides à l'appui, d'accorder sans délai
la parité de l'aide sociale aux jeunes assistés sociaux. Dans
leur vibrant plaidoyer, ces organismes insistaient sur l'urgence d'agir et de
ne pas attendre l'adoption de la réforme de l'aide sociale. Cela urge,
le monde crève de faim maintenant.
Tous les mémoires qui vous ont été
présentés jusqu'à maintenant en commission parlementaire
et qui ont traité du cas des jeunes assistés sociaux vous ont
dit: II faut réaliser le plus rapidement possible la parité de
l'aide sociale. Même le CPQ l'a dit. La commission jeunesse du Parti
libéral et te comité national des jeunes du Parti
québécois se sont même ligués sur ce point. Et la
réforme ne propose d'accorder la parité complète qu'en
1990.
Tous les articles qu'on a pu lire dans les journaux étaient
favorables à la parité de l'aide sociale. Jamais un article n'a
dit: Non, laissez-les crever avec 180 $, C'est déjà beaucoup trop
comme montant d'aide sociale. Finalement, c'est à croire, M. le ministre
Paradis, que vous êtes le seul à penser qu'il ne faudrait pas
précipiter les choses. Si, après avoir entendu toutes ces
représentations éclairées, vous ne réalisez pas la
parité dès le mois de mai 1988 et ce, tout en sachant, parce
qu'on vous prête une intelligence, M. le ministre Paradis, qu'un
assisté social crève de faim ou est porté au suicide avec
seulement 180 $ d'aide sociale, si vous, le savez et que vous n'accordez pas la
parité d'aide sociale, force nous sera de reconnaître en vous le
plus sinistre de tous les criminels de guerre économique.
Sachant qu'il n'y a que la rentabilité économique des
mesures qui puisse toucher le présent gouvernement, nous exigeons la
parité immédiate de l'aide sociale parce que, s'il fallait la
réaliser et comparer à long terme ce que représente cette
dépense pour la société par rapport à l'ensemble
des coûts économiques, médicaux, sociaux et autres
reliés au maintien des jeunes assistés sociaux dans des
conditions misérables de vie, je pense que la saine et
rationnelle gestion des fonds publics serait très avantageusement
servie.
Traitant des raisons qui auraient causé l'augmentation
vertigineuse du nombre des sans-emploi aptes au travail, le document
d'orientation émet l'avis qu'elles sont presque toutes d'ordre
individuel. L'objectif d'une telle affirmation est sans doute de culpabiliser
les concernés quant à leur situation et, ainsi, de mieux leur
faire avaler les mesures indigestes de la réforme. Il est plutôt
simpliste, à notre avis, de prétendre que les sans-emploi sont
victimes d'eux-mêmes, alors qu'ils ne sont aucunement impliqués
dans les causes de la crise économique des années quatre-vingt,
crise qui perdure encore et très sévèrement.
Nous rappelons au ministre Paradis que, dans un dépliant
publié par son ministère en mai 1987, hier, et destiné aux
chefs de famille monoparentale, il est écrit: "que les changements
technologiques et l'avènement de l'informatique rendent les emplois de
plus en plus difficiles à dénicher - non seulement difficiles
à dénicher, mais de plus en plus difficiles à
dénicher - que, dans le contexte économique actuel, les emplois
disponibles sont une denrée rare - c'est sûr - et se trouver un
emploi constitue en soi tout un défi." D'autant plus que, si vous
dites...
Je suis bien prêt à vous l'accorder: il y a 600 000
assistés sociaux, il y a 300 000 chômeurs, 60 000 nouveaux emplois
en perspective à créer, cela fait quand même beaucoup de
gens qui ne trouveront pas leur place dans la société, sur le
marché du travail. On estime que c'est un défi d'autant plus
considérable, se trouver un emploi, que, même si un individu
développe au maximum son employabilité, le jeu de la
compétition des compétences sur le marché du travail, que
ce soit dans les secteurs privé, public ou parapublic, est constamment
faussé par les réseaux informels de relations, dont les
activités sont des plus fébriles lorsque le taux de chômage
est très élevé. À titre d'exemple, le tout premier
numéro de la revue Pare-Chocs, un excellent magazine pour les
contribuables, conclut, dans une étude rigoureusement bien faite, que 50
% des concours reliés aux secteurs public et parapublic sont bidon parce
que les candidats retenus pour les postes sont identifiés avant
même la tenue des entrevues de sélection.
Concernant le volet des stages en milieu de travail, la réforme
telle que proposée, avec ses absences de protection sociale
(assurance-chômage, Régime de rentes, etc.) et ses
non-conformités aux normes du travail (salaire minimum,
sécurité et santé, etc.), entraînera le renvoi de
milliers de travailleurs syndiqués ou non au profit des employeurs des
secteurs privé, public et parapublic, qui exploiteront l'esclavage du
"cheap labour" des assistés sociaux via les programmes d'emplois fictifs
du ministère de la Main-d'Oeuvre. La réforme vise naturellement
et globalement à faire pression à la baisse sur l'ensemble des
salaires et sur les conditions de vie et de travail des travailleurs, ce qui
est en complète contradiction avec une véritable politique
d'incitation au travail. Nous nous opposons à une incitation au travail
par la force et la répression qui produira une sous-catégorie de
travailleurs sans droits, une incitation au travail qui obligera les gens
à faibles revenus à se faire la guerre entre eux pour obtenir les
quelques rares jobs disponibles. La réforme donnera donc lieu à
la création de ghettos d'emplois non valorisants et à bon
marché où seront confinés les assistés sociaux.
Face aux mesures régressives, arbitraires, antifamiliales,
discriminatoires et injustes du document d'orientation, nous nous
élevons avec vigueur et indignation contre une litanie de choses, mais
je vais passer par dessus parce qu'il y a énormément de groupes
qui vous ont dit ce que nous nous vous dirions, on va vous épargner
cela. On tient à vous dire qu'on est particulièrement contre et
qu'on les appuie. On est particulièrement contre le fait qu'un
assisté social admis mais non participant au programme APTE ne puisse
obtenir la hausse des prestations à 600 $ par mois parce que le budget
du volet auquel il est admis est épuisé, parce qu'il n'y a pas
suffisamment de stages en entreprise ou de travaux communautaires à
offrir aux plus exploités de nos concitoyens, ou tout simplement parce
que la fin du calvaire des neuf premiers mois d'obtention d'aide sociale ne
coïncide pas avec le début d'un cours que le
bénéficiaire désirerait prendre ou qui lui serait
imposé par le ministère.
Nous sommes contre le fait de réduire les prestations d'un chef
de famille monoparentale, non disponible aux mesures d'employabilité,
parce qu'il veut s'acquitter de la garde de son nouveau-né de moins de
six mois. Aberration incroyable! Alors que l'avenir de la nation francophone du
Québec est menacé par un taux de natalité
extraordinairement faible, on pénalise ceux et celles qui contribuent
à renverser la vapeur. Dans des conditions économiques souvent
très difficiles, ces chefs de famille monoparentale, des femmes pour
l'immense majorité, ont le courage d'élever seules leurs enfants
après que bon nombre d'entre elles aient été
délaissées par leur mari ou leur compagnon de route. Cette mesure
mesquine n'a d'égale que la petitesse de ceux qui l'ont
présentée et la politique demeure toujours le fief des
hommes.
Le Président (M. Joly): Monsieur, je m'excuse, deux
minutes, s'il vous plaît.
M. Bédard: Oui. Pardon?
Le Président (M. Joly): Deux minutes pour conclure, s'il
vous plaît.
M. Bédard: Ah bon! Est-ce qu'il... Le Président (M.
Joly): Oui?
M. Bédard: ...est possible de prendre cinq minutes de
plus?
Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Joly): Parfait. Les deux
côtés acceptent, il y a consentement.
M. Bédard: Nous sommes contre le fait de
réintroduire la mesure de contribution alimentaire qui utilise les
critères de dépendance ou d'indépendance de façon
à savoir si les parents des assistés sociaux devront assurer la
pleine charge financière de leurs enfants âgés de 18
à 77 ans. Pour être considérés comme
indépendants et obtenir des prestations sans que les parents soient
appelés à contribuer, les jeunes et les moins jeunes
assistés sociaux devront être mariés ou avoir
été mariés, avoir quitté le domicile depuis deux
ans et ne pas avoir étudié, avoir occupé un emploi
régulier pendant deux ans - c'est rare d'en obtenir un pour deux ans -
avoir un ou des enfants à charge ou avoir un diplôme universitaire
de premier cycle. Ces critères contraignent principalement les jeunes
assistés sociaux; il s'agit là d'une mesure discriminatoire qui
écartera des dizaines de milliers de jeunes assistés sociaux de
l'application de la parité.
Si les critères gouvernementaux du programme des prêts et
bourses sont si peu judicieux et réalistes dans l'établissement
de la contribution parentale que plus de 30 % des étudiants devant
obtenir un apport monétaire des parents n'en reçoivent pas du
tout, il est à prévoir, par extension, pour la présente
mesure, que de très nombreux jeunes et moins jeunes assistés
sociaux ne recevront aucune contribution parentale. Cette mesure doit
évidemment être retirée parce qu'elle brimerait aussi les
parents dont les revenus sont sous le seuil de la pauvreté.
Le gouvernement libéral s'appuie sur l'article 633 du Code civil
pour retourner au stade des mineurs des personnes à qui la
société a pourtant donné le droit de vote, symbole le plus
éclatant de l'autonomie civile. Pourquoi, alors, ne pas pousser la
logique jusqu'au bout et obliger les grands-parents dans la dèche
à quêter auprès de leurs enfants et petits-enfants avant de
faire appel aux programmes de supplément de revenu?
Nous sommes contre le fait qu'il y ait diminution de la couverture des
besoins spéciaux des assistés sociaux. Contrairement à ce
que prétend le document d'orientation, les allocations spéciales
versées aux assistés, surtout celles reliées aux soins de
santé, ne diminuent en rien l'incitation au travail. C'est quand un
individu est en santé et rassasié qu'il est incité au
travail. Je saute des pages parce que je coupe.
Le fait que vous ayez commencé à appliquer dès
janvier 1988 certaines mesures de la reforme et ce, avant même la
période de consultation sur le projet de réforme, nous laisse
plutôt perplexes quant au sérieux que vous accordez à la
présente consultation. Plutôt que de vous boycotter, on s'est dit:
On va vous le dire. Dans son tout récent livre vert - mais on va appuyer
les autres moyens de pression, naturellement...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je veux seulement dire à
Mme Harel qu'il y en a plusieurs qui ont décidé de faire comme
vous: au lieu de boycotter, de nous le dire. (11 h 30)
M. Bédard: Oui, c'est sûr. Dans son tout
récent livre vert sur l'aide sociale, le Conseil national du
bien-être social, qui regroupe des experts qui étudient l'aide
sociale, avance qu'il est impossible de décrire seulement avec des mots
l'impact dévastateur des niveaux vertigineusement faibles de
l'assistance sociale actuellement. Ce n'est pas nous, ce sont des experts qui
le disent et qui conseillent le gouvernement fédéral et le projet
de réforme propose de baisser les niveaux de prestation. Encore selon le
rapport des experts qui étudient l'aide sociale au
fédéral, les individus qui tombent actuellement avec 497 $ par
mois, sur l'aide sociale sont condamnés à utiliser chaque instant
de leur vie pour chercher à survivre. Ce n'est pas nous qui le disons,
ce sont eux et on cautionne cela.
Contrairement à ce que vous prétendez, M. le ministre, ce
ne sont pas - c'est important cela - les niveaux de prestation d'aide sociale
qui font problème et qu'il faut absolument, à tout prix, baisser
parce qu'ils sont aussi intéressants que le salaire minimum. Ce n'est
pas cela, M. le ministre. Le problème, c'est que le salaire minimum est
à un niveau abominablement bas et qu'il n'a augmenté que de 0,55
$ en huit ans pour atteindre un maigre et ridicule 4,55 $ l'heure en 1988. Un
nouvel employé, sans expérience, ni qualification, qui travaille
à la ville de Montréal comme émondeur, qui coupe des
branches, gagne 16 $ l'heure. Le salaire minimum, c'est 4,55 $. Je suis content
que la personne qui émonde gagne 16 $ parce qu'avec 16 $ tu peux
déjà commencer à penser à fonder une famille.
Déjà, tu penses avoir le revenu qui peut te permettre cela. Alors
que les indices de croissance économique sont positifs, le pouvoir
d'achat du Canadien moyen a chuté de plus de 11 % en dix ans; celui de
l'assisté social, encore plus. Pour obtenir la parité à
497 pauvres dollars, le jeune assisté social se voit contraint de
travailler 20 heures par semaine à un projet communautaire qui paie 3,96
$ l'heure. C'est moins que le salaire minimum. C'est un salaire d'exploitation.
Au café, il y a des jeunes assistés sociaux qui travaillent et
ils travaillent aussi bien qu'au café d'en face, mais ils ont 3,96 $
l'heure sans pourboire.
En quatre ans seulement, le nombre de comptoirs alimentaires est
passé de 15 à 60 à
Montréal; celui des soupes populaires de 6 à 35. En 1986,
seulement à l'Accueil Bonneau, un de nos rivaux - c'est à la
blague - une soupe populaire parmi 35 - c'est parce qu'on est appelés
à prendre beaucoup d'expansion et c'est très regrettable - on a
servi 191 000 repas comparativement à 91 000 il y a dix ans.
Avec une réforme visant davantage à la pauvreté
maximum garantie qu'au revenu minimum garanti, l'effroyable étendue de
la misère humaine s'étalera au grand jour dans nos rues avec plus
d'acuité. La pauvreté apparente deviendra malheureusement la
curiosité touristique la plus remarquée. J'étais guide
touristique l'an dernier avec des groupes de Français et quand on
sortait de la Place Dupuis, du Holiday Inn, et qu'on voyait cela,
j'étais honteux non pas de voir les itinérants, mais que notre
société produise cela. On en faisait étalage et, moi,
j'étais plutôt gêné par rapport aux Français
à qui j'essayais de montrer les beaux côtés de
Montréal.
Obliger les Québécois les plus démunis à
survivre avec 405 $ d'aide par mois, tout en leur permettant d'aller chercher
155 $ d'un travail inexistant, entraînera une hausse
phénoménale du taux de criminalité de survie et de toutes
ses conséquences fort coûteuses pour la société.
Actuellement, il y a des agressions presque chaque jour au terminus
Henri-Bourassa. La criminalité continue d'augmenter sur le territoire de
la CUM: Femme battue pour une poignée de cents noirs. C'était ce
mois-ci, vous n'avez pas besoin de chercher, demain, vous allez en voir
d'autres. Agression à la station de métro Monk. Recrudescence de
la criminalité, etc. On n'a pas besoin de chercher beaucoup. C'est
souvent sur la même feuille: 300 mises à pied. Ce sont des futurs
assistés sociaux, etc. Je me dis: Si on tape encore plus fort sur les
assistés sociaux, c'est un choix politique. Faute de places dans les
prisons, assisterons-nous à la création d'un ministère des
travaux communautaires forcés?
Disposant de temps, les assistés sociaux s'adonnent souvent, et
bénévolement, à l'organisation de nombreuses
activités profitables à l'ensemble de la collectivité. Il
est étonnant qu'en ce temps où le gouvernement ne jure que par le
désengagement de l'État, la privatisation et la
désinstitutionnalisation on assiste, via l'important volet du programme
communautaire, du programme APTE, à une forme d'institutionnalisation du
bénévolat désormais rémunéré.
À l'instar du Conseil national du bien-être social, dont je
vous parlais tantôt, nous sommes d'avis comme eux, et ils le disent, que
l'aide sociale allouée aux individus et aux familles n'a aucune relation
avec les coûts réels de la vie; que l'aide sociale doit être
augmentée - non pas à 70 %, comme le dit le Front commun des
assistés sociaux, mais à 100 % - au seuil de la pauvreté;
que la parité doit être accordée immédiatement aux
jeunes assistés; que l'argent servant à pourchasser les fraudeurs
de l'aide sociale est inutilement dépensé parce qu'il n'y a pas
vraiment de fraude, comme le prétend le gouvernement du Québec.
Ce n'est pas nous qui le disons, c'est le Conseil national du bien-être
social.
Je termine en vous disant qu'à l'automne 1985, en pleine campagne
électorale, le Parti libéral courtisait la jeunesse
québécoise en affirmant vouloir réaliser la parité
de l'aide sociale dès son accession au pouvoir. Le peu d'empressement
manifesté à ce sujet par le gouvernement, le peu
d'intérêt accordé à l'ensemble du dossier de la
jeunesse québécoise ainsi que les mesures proposées dans
la réforme, à l'égard des jeunes assistés sociaux -
je vous en parlais tantôt - traduisent de façon éclatante
le mépris du gouvernement actuel envers la jeunesse d'ici Vous vous
défendrez tantôt. Ce mépris nous est apparu... Pardon?
Le Président (M. Joly): II ne restera plus de temps.
M. Bédard: D'accord. Un dernier petit paragraphe s'il vous
plaît.
Le Président (M. Joly): Allez.
M. Bédard: Ce mépris nous est apparu scandaleux et
total depuis que le gouvernement a mis sur pied un service digne d'un
régime à la gestapo dont la vicieuse mission est de piéger
les médecins qui pratiquent honnêtement la médecine
préventive et sociale envers les jeunes assistés sociaux dont la
condition détériorée nécessite un certificat
d'inaptitude au travail. Cette dégoûtante manoeuvre politique aura
non seulement contribué à maintenir ou à augmenter le
suicide chez les moins de 30 ans, mais a créé une psychose telle
chez les médecins qu'un grand nombre d'entre eux se refusent à
recevoir des assistés sociaux dans leur cabinet. Et cela, on le sait.
Pour un régime de soins de santé dit universel, c'est
réussi!
À notre restaurant Boustifable, lorsqu'un des jeunes clients
réguliers ne se présente plus au souper, on ne se pose pas la
question à savoir s'il a finalement pu se réinsérer
socialement ou s'il a pu enfin réintégrer le marché du
travail. On se pose la question à savoir: Est-ce qu'il est en prison?
Est-ce qu'il sert de cobaye à Bio-Recherches? Ou s'il est le dernier
suicidé du métro? Étant donné que les
suicidés du métro sont devenus des faits divers, maintenant
ignorés par les médias parce qu'il y en a trop, notre
interrogation reste sans réponse. Ce qui fait peut-être bien votre
affaire. Merci bien.
Les gens à ma gauche et à ma droite seront invités
à discuter avec vous.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Bédard. Je vais
maintenant reconnaître M. le ministre. Il reste environ 20 minutes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela veut
dire 10 minutes chacun.
Le Président (M. Joly): 10 minutes de chaque
côté.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II faut partager de ce
côté-ci. Je tiendrais à vous remercier pour votre
mémoire et même pour sa présentation. Vous avez
commencé par une teinte d'humour et vous êtes tombé dans
des arguments d'une gravité sur le plan social par la suite et vous
l'avez fait en conservant le même ton, ce qui est à votre
honneur.
Je vous dirais que je pourrais discuter avec vous de l'ensemble du
dossier mais, en 10 minutes, je pense que je m'éparpillerais et que je
n'arriverais à absolument rien. Je vais tenter de prendre
peut-être le point sur lequel vous avez martelé davantage: la
question de la parité et la question des jeunes un peu plus dans son
ensemble.
À notre arrivée au gouvernement, on s'est rendu compte que
le fameux salaire minimum, dont vous avez parlé, n'avait pas
été haussé depuis cinq ans; il était
complètement gelé. Vous avez raison de dire qu'il y a eu deux
augmentations en sept ans, dans les deux dernières années, des
augmentations supérieures à l'augmentation des autres salaires
dans la société, généralement parlant, des salaires
de syndiqués etc., et supérieures au coût de la vie, mais
c'était plus que justifié, il y avait du rattrapage à
faire et il demeure du rattrapage à faire parce que cela a
été gelé pendant longtemps.
Le deuxième élément, il y avait de la
discrimination basée sur l'âge dans le salaire minimum et il a
fallu enlever cela également. Ce n'était pas le même tarif
pour les plus jeunes et les plus âgés au salaire minimum. Cela a
été fait assez rapidement, je pense, dans les sept ou huit
premiers mois de l'arrivée du gouvernement.
La question du droit au travail pour les jeunes. Toutes les semaines,
à mon bureau du comté - et je pense que c'était le cas
pour l'ensemble des députés de l'Assemblée nationale - on
retrouvait des jeunes qui avaient terminé leurs études
secondaires, mais qui ne pouvaient pas travailler sur le marché de la
construction parce qu'ils n'avaient pas le fameux permis de travail. Il a fallu
un combat. Cela a pris... L'Opposition a mené un "filibuster" à
l'Assemblée nationale, des manifestations sur la colline parlementaire,
mais on a ouvert le marché du travail en faveur des jeunes.
Vous nous rappelez un autre engagement électoral qui était
très ferme, la parité, et vous avez raison de nous le rappeler
parce que je pense qu'on a été clairs pendant la campagne
électorale et on l'a dit aux jeunes. Mais dans quel contexte peut-on
donner la parité? Vous nous dites: La parité, demain matin, c'est
réglé, bonjour et, M. le ministre, vous cessez d'être un
criminel de guerre et vous devenez quelqu'un qui a fait ce qu'il avait à
faire.
J'aimerais vous dire oui et je peux vous dire que ce n'est pas pour des
raisons budgétaires, au moment où nous nous parions, que nous
avons les discussions que nous avons et que nous avons proposé une
réforme de la sécurité du revenu où nous accordons
la parité. Vous dites: Ce n'est pas une vraie parité, parce qu'il
y a une contribution alimentaire parentale, entre autres. Ce que j'ai à
vous répondre là-dessus, c'est que cette contribution alimentaire
parentale est identique, elle est calquée, elle est la même que
celle que vous retrouvez aux prêts et bourses aux étudiants. Si
elle n'existait pas aux prêts et bourses aux étudiants, je vous
dirais qu'on pourrait envisager, dans le programme de dernier recours qu'on
administre, dans l'aide sociale, de l'enlever.
Si elle est maintenue dans le programme de prêts et bourses aux
étudiants, nous n'avons pas d'autre choix que de l'inclure
jusqu'à ce qu'elle soit enlevée du progamme de prêts et
bourses aux étudiants. Je ne suis pas le seul politicien à parler
ce langage-là. En 1984, il y a un économiste qui était
ministre des Finances, Jacques Parizeau, et qui en a parlé, de cette
fameuse contribution alimentaire parentale, dans un livre blanc sur la
fiscalité. Je ne vous lirai pas le passage. Je vais vous dire, pour vos
fins de consommation et de réflexion, entre deux repas, page 236.
Lisez-le. Il parie de cette attraction qui va occasionner l'abandon des
études postsecondaires par des jeunes pour se retrouver à l'aide
sociale. Cela, c'était sans accorder la parité. Alors, quand vous
accordez la parité, cette incitation devient beaucoup plus forte.
Le nombre de jeunes qui vont être affectés - j'ai fourni
des chiffres à l'Opposition hier - je pourrais vous les
répéter, en vous situant la clientèle de jeunes en bas de
30 ans à l'aide sociale. Depuis janvier 1986 à janvier 1988,
cette clientèle est passée, en faisant des chiffres ronds, de 150
000 à 100 000 jeunes. Parmi ces 100 000 jeunes, il y en a à peu
près 40 000 qui reçoivent la parité pour
différentes raisons, soit qu'ils soient inaptes au travail, qu'il
s'agisse de chefs de famille monoparentale, qu'ils participent à des
mesures, etc. Il reste 35 286 jeunes en bas de 30 ans qui ne reçoivent
pas cette parité-là et qui sont condamnés a avoir un
chèque, comme vous le mentionnez, qui ne couvre pas - je suis d'accord
avec cela - les besoins de base, si on ne considère que la nourriture et
le logement. En introduisant la contribution alimentaire parentale, 17 000
d'entre eux vont avoir la parité complète, 12 000 vont être
exclus de l'aide sociale, 2500 vont voir leurs prestations réduites et
3000, leurs prestations non réduites. C'est le portrait.
Je vous dis que je souhaiterais, peut-être comme d'autres, que
cette contribution alimentaire parentale n'existe pas. Mais tant qu'elle sera
là à l'Éducation, il s'agirait d'un geste irresponsable,
pour le ministre responsable de l'application du programme de dernier recours,
de l'enlever. Ce serait populaire à court terme, mais
ce serait très irresponsable.
Je pense que si cela ne l'avait pas été et si
c'était aussi simple on n'aurait pas retrouvé, chez celle qui m'a
précédé comme ministre responsable de la Main-d'Oeuvre et
de la Sécurité du revenu, Mme Marois, cette réticence
à bouger dans le dossier, on n'aurait pas retrouvé, chez l'ancien
chef du Parti québécois, Pierre-Marc Johnson, les réserves
qu'il a faites quant à une parité qu'on donnerait le lendemain
matin, telle qu'on l'a réclamée, et on n'aurait pas
retrouvé cette réflexion dans Le Devoir de vendredi. Je ne
sais pas si vous avez lu l'article de M. Jean Francoeur, qui critique certains
aspects de la réforme, mais qui, quant à cette parité,
s'exprime comme suit dans Le Devoir de samedi: "L'interrogation peut se
formuler ainsi: Est-il socialement souhaitable de verser à un jeune de
18 ans le plein montant de l'aide sociale sans rien changer des
caractéristiques des programmes actuels? Il n'existe aucune
réponse empirique à cette question. L'hypothèse la plus
courante - on l'entend chuchoter même par des gens qui jugent plus
prudent de s'enfouir la tête dans le sable chaud de la bonne conscience
qui leur sert de philosophie sociale - est que la parité, sans un train
de mesures d'accompagnement, serait un geste irresponsable, une invitation
cynique à abandonner les études pour les uns, à quitter
leur emploi pour les autres et, pour un certain nombre, à cesser toute
recherche d'un revenu de travail. Bref, on pousserait des milliers de jeunes
dans un piège dont on sait qu'il est difficile de sortir."
Je pense que c'est de bien poser le problème auquel nous faisons
face comme responsables et élus du peuple. (11 h 45)
Une voix: Je pensais que vous ne lisiez pas les journaux, M.
Paradis. Au début, quand on vous a dit que vous étiez sourd, vous
avez répondu que vous n'aviez pas lu cela. Vous lisez seulement ce que
vous voulez voir...
Le Président (M. Bélanger): Excusez moi!
Excusez-moi! Vous ne pouvez pas intervenir. Vous avez des porte-parole et des
représentants pour le faire.
M. Paradis (Brome-Missisquoi) Non, je pense...
M. Parent (Lucien-Philippe): M. Paradis, il y a peut-être
quelque chose que vous oubliez. Quand vous dites justement qu'il faudrait
changer les caractéristiques de certains de vos programmes sociaux et
quand vous prenez les jeunes entre 18 et 30 ans, les programmes que vous leur
donnez sont souvent des programmes à caractère scolaire ou qui
concernent l'esprit. Mais il n'y a pas grand-chose qui se passe au niveau des
sports. Vous oubliez que la santé commence beaucoup par la pratique des
sports. Les jeunes qui sont prestataires d'aide sociale sont souvent des jeunes
qui sont psychologiquement et physiquement très menacés. Au
chapitre des ouvertures qui leur sont offertes dans des programmes sportifs ou
des entrées dans les palestres sportives, qu'elles soient universitaires
ou qu'elles soient collégiales, il n'y a absolument rien qui se
fait.
C'est donc dire qu'un jeune qui voudrait participer à un
programme sportif, s'il est sur l'aide sociale, ne pourra pas le faire. S'il
est en mauvaise santé parce qu'il fume beaucoup ou s'il a des
problèmes, comme un jeune de 17 ans que j'ai rencontré encore
hier, et qui me disait qu'il avait des problèmes parce qu'il se piquait.
Il me disait: Si je peux faire du sport, je vais essayer de m'en sortir. Je
vais commencer par cela. Pour les jeunes, le sport est très important.
Et ce n'est pas important seulement pour les jeunes; ça lest aussi pour
les plus âgés, pour les personnes dans la quarantaine, dans la
cinquantaine, etc. Cela retarde le processus du vieillissement. C'est un peu la
meilleure manière de commencer, soit en faisant du sport
régulièrement.
Nous aimerions, la plupart des jeunes Québécois, que vous
apportiez une mesure qui fasse que les gens qui bénéficient de
l'aide sociale reçoivent des laisser-passer gratuits pour les centres
sportifs universitaires, comme celui de l'Université du Québec
à Montréal ou ceux des universités un peu partout au
Québec; que les entrées dans les palestres sportives soient
dorénavant gratuites. C'est-à-dire que s'ils veulent se prendre
en main - ils ont le temps en masse s'ils bénéficient de l'aide
sociale - au moins, qu'ils deviennent physiquement en santé. Car, s'ils
ne peuvent pas se trouver un emploi, le fait de devenir physiquement en
santé leur donnerait beaucoup plus de chances pour que les employeurs
soient intéressés par eux.
Il y a aussi un deuxième point. Je me dis que c'est surtout dans
le domaine de la santé que les jeunes ont besoin d'aide et qu'ils ont
réellement besoin d'aide. Cela concerne la cigarette. Je trouve qu'il y
a beaucoup de jeunes qui ont été influencés par la
publicité de la cigarette, qui ont commencé à fumer
à 15 ans et qui se retrouvent, à 25 ans, avec des
problèmes d'intoxication massive des poumons. M faudrait diminuer cela.
Il y a deux centres qui offrent des mesures pour diminuer la consommation de la
cigarette ou en enlever l'habitude. Il y a l'hôpital Notre-Dame, dans la
métropole où cela coûte quelque 700 $. Et il y a un autre
programme qui se promène d'une entreprise à une autre entreprise,
et qui coûte 145 $ par personne. On rencontre souvent ce problème
chez les jeunes et ils nous disent: Moi, si je pouvais arrêter de fumer
la cigarette! Et ce ne sont pas seulement les jeunes; la plupart des gens
disent cela. Une chose devrait être faite pour arrêter le
désastre que cause la cigarette dans l'esprit des jeunes adolescents et
adolescentes, parce que c'est une drogue qui, d'accord, est minime, mais elle
ouvre
la porte à de grosses drogues.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans ce type de programmes, un peu
dans le sens de l'intervention - c'est M. Parent? - que vous venez de
faire...
M. Parent (Lucien-Philippe): Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...est-ce qu'il y a, encore de la
part de M. Parent ou des autres intervenants, d'autres suggestions pour que les
programmes qui sont mis à la disposition le soient vraiment et
répondent davantage aux goûts ou aux besoins des clientèles
qui fréquentent votre institution?
M. Parent (Lucien-Philippe): Cela va bien au niveau scolaire,
mais cela ne va pas très bien au niveau physique. Cela ne répond
pas aux besoins physiques.
Le Président (M. Bélanger): M. Simard.
M. Simard (Jean-François): À ce sujet, j'ai
travaillé bénévolement dans des centres de
désintoxication. Ce n'était pas pour des problèmes de
cigarette, mais pour des problèmes de drogues et d'alcool. Il y a une
recrudescence du nombre de personnes de moins de 30 ans et même de moins
de 20 ans dans ces centres. C'est phénoménal, la vitesse à
laquelle ce fléau va aujourd'hui. Ces jeunes assistés sociaux,
qui sortent d'une maison de désintoxication ou de thérapie, se
ramassent avec un chèque de 180 $. Il n'y en a pas beaucoup qui arrivent
à survivre avec ce montant. Ils sont obligés de se tourner vers
la criminalité pour avoir une compensation, pour avoir un logement
décent, des vêtements décents, une nourriture
décente, ainsi que des soins médicaux palliatifs pour leurs
problèmes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On me dit que les programmes qui
existent, qui ne sont pas parfaits et qui seront probablement
améliorés, comme les gens en parlent, sont disponibles pour
l'ensemble des jeunes de 18 à 30 ans qui sont en état de
participer. Est-ce qu'à votre connaissance, ou à la connaissance
d'un des porte-parole du groupe, il y a des jeunes qui sont allés dans
les centres Travail-Québec et qui se sont vu refuser l'accès
à ces programmes?
M. Simard: Je n'en ai pas encore entendu parler, mais j'ai connu
beaucoup de ces jeunes qui avaient un problème de drogue et qui, pendant
six mois, ont été ballottés d'un bord à l'autre
dans les cliniques, pour recevoir un certificat médical qui leur
était dû. Je ne sais pas si vous savez ce que cela fait, cinq ans
à se droguer et à vivre dans la rue, mais cela donne de gros
problèmes de santé. Finalement, un médecin voulait bien
signer le certificat médical pour que le jeune ait le minimum requis
rela- tivement à sa situation et, ensuite, il devait suivre plusieurs
ballottements, d'une maison d'accueil à une autre maison de
thérapie.
Il y a près de 10 000 ou 12 000 jeunes à Montréal
qui sont sans abri, sans logement. J'ai su d'un organisme gouvernemental, dont
je ne citerai pas le nom, qu'il y a 50 000 - je dis bien 50 000 - jeunes de
moins de 18 ans qui ne sont pas chez leurs parents et qui sont ballottés
à droite et à gauche parce qu'ils ont fui leur foyer. Ils ne sont
pas recensés par les maisons d'accueil. Je ne sais pas comment ces
jeunes-là vont s'en sortir, mais je sais que lorsqu'un jeune sort d'une
maison de thérapie il en a au moins pour trois mois à se
stabiliser avant de chercher du travail.
Le Président (M. Bélanger): Si vous me permettez
une question: Dans votre chiffre de 50 000, est-ce que vous incluez les jeunes
en famille d'accueil, en centre d'accueil? Vous incluez aussi ces
jeunes-là? Parce que, l'autre jour, un travailleur de rue nous parlait
d'à peu près 15 000 jeunes du type que vous nous mentionnez.
M. Simard: Oui, ils sont inclus.
Le Président (M. Bélanger): D'accord. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je suis
accompagnée du député de Saint-Jacques qui m'avait
parlé du Café Boustifable. Cela m'amène d'ailleurs
à poser une question. Je vous salue, je suis contente de vous accueillir
à la commission. J'avais aussi entendu parler de vous. Vous avez
dû entendre parler de Resto-Pop dans Maison-neuve?
M. Bédard: On fêtera notre premier anniversaire
bientôt, le 19.
Mme Harel: Est-ce que, comme Resto-Pop, un certain nombre des
hommes et des femmes qui sont au café sont aux travaux communautaires?
Vous l'êtes tous.
M. Parent (Lucien-Philippe): Resto-Pop donne surtout le service
à l'heure du midi et Boustifable donne le service au souper.
Mme Harel: Parfait. On verra tantôt comment ce serait
possible, mais je pense qu'il serait souhaitable que vous invitiez le ministre,
avant de quitter la commission. J'imagine que vous aviez l'intention de le
faire.
Une voix: À venir manger.
Mme Harel: Pour qu'il aille justement vous rencontrer...
Une voix: C'est délicieux.
Mme Harel: II viendra diner à Resto-Pop et il ira souper
au café.
Une voix:... une fourchette.
Mme Harel: Sérieusement, est-ce qu'il y en a plusieurs qui
participent à des travaux communautaires? Oui. J'aimerais vous entendre
plus tard. Je vais vous raconter quelque chose. Quand les gens de Resto-Pop
sont venus, ils ont expliqué au ministre que c'était quasiment
impossible d'obtenir des stages pour jeunes par les centres
Travail-Québec. Il faut qu'ils fassent leur propre recrutement, qu'ils
fassent eux-mêmes les contacts, et cet état de fait a
été partagé par l'ensemble des autres organismes qui
faisaient partie de la coalition sur l'alimentation et qui ont confirmé
que, si chacun des groupes, depuis un, deux ou trois ans, n'avait pas
procédé à son propre recrutement et à sa propre
campagne d'information, il n'y aurait quasi personne qui leur aurait
été recommandé par Travail-Québec. Cela a
été l'expérience transmise par le groupe de la coalition
dans Hochelaga-Maison-neuve. D'autres personnes du même groupe ont dit
que cela faisait parfois quelques mois qu'elles avaient fait une demande pour
obtenir des travaux communautaires et qu'elles s'étaient fait
répondre que les fonds étaient épuisés et qu'il
fallait attendre. J'aimerais vous entendre là-dessus, comme j'aimerais
vous entendre sur le fait...
Je vais faire juste une parenthèse. Avec raison, le ministre
citait l'article d'Alain Dubuc, dans La Presse d'aujourd'hui, qui
révélait que la création d'emplois avait été
exceptionnelle en 1987 et que, dans l'histoire, c'était finalement un
record comme celui qu'on avait connu en 1973. Ce qui est intéressant,
par exemple - c'est cela le défi nouveau des temps actuels - c'est qu'en
1973 le taux de chômage avait baissé à 7 %, tandis qu'en
1987, avec ce taux record, le taux de chômage est resté autour de
10 %. C'est le grand défi et il ne vaut pas la peine de jouer à
l'autruche, de dire que cela va bien, que cela va très très bien
et que cela n'a jamais été aussi bien de ce côté-ci,
puisqu'il y a tous les gens qui, l'un après l'autre, se sont
succédé depuis des semaines et qui nous ont dit aussi
sincèrement et avec chiffres à l'appui: Cela va mal et cela n'a
jamais été aussi mal, pour les 10 % de personnes en
chômage; cela va mal et cela n'a jamais été aussi mal pour
ceux et celles qui ont des loyers à payer, loyers qui n'ont jamais
été aussi élevés. C'est une autre
démonstration qui a été faite par rapport aux prix des
loyers qui ont atteint des niveaux records. Le ministre est surpris et il fait
vraiment son étonné quand je dis que, pour des gens, cela n'a
jamais été aussi mal. Il va falloir qu'il accepte que, pour des
gens, cela va plus mal qu'avant, parce que cela coûte plus cher qu'avant
et qu'ils ont moins d'argent qu'avant.
Je reviens à la question de fond. Jusqu'à maintenant, la
distinction était entre les aptes et les inaptes chez les moins de 30
ans. Les inaptes avaient le plein montant, la parité, et les aptes
avaient seulement 180 $. Cela a beaucoup été
décrié. Étonnamment, le ministre applique ce
système à 243 000 nouvelles familles ou nouveaux ménages
en disant qu'il y aura maintenant une distinction entre aptes et inaptes pour
tout le monde. Les inaptes - vous allez me dire que les modalités sont
différentes, mais le principe est le même - vont avoir le plein
montant et leurs besoins reconnus seront couverts, tandis que les aptes, qu'ils
aient moins ou plus de 30 ans, en auront seulement une portion. La preuve a
été faite devant la commission que dans cette catégorie,
où que tu te retrouves, même en participant complètement,
tu recevras moins que ce que tu as maintenant.
Dans votre mémoire, il y a quelque chose de très important
et le ministre le sait et il aimerait peut-être mieux que vous n'en
parliez pas à nouveau. C'est à la page - attendez que je vous
retrouve cela, c'est tellement bien dit - 7, où vous dites: Contre le
fait qu'un assisté social admis, mais non participant, ne puisse obtenir
la hausse de prestations parce que le budget du volet auquel il est admis est
épuisé; parce qu'il manque de stages, etc. C'est une
catégorie qui fait honte, d'une certaine façon, au projet
d'employabilité parce que cela prouve qu'ils ne seront pas capables de
donner les mesures, vu qu'ils font une antichambre, une salle d'attente qui
s'appelle "admissibles sans qu'il y ait la parité".
M. Rainville (Marc-Olivier): Mme Harel.
Mme Harel: Oui.
M. Rainville: ...c'est justement la question...
Mme Harel: Vous, comment vous appelez-vous? Parce que vous
n'étiez pas inscrit.
M. Rainville: Mon nom est Marc-Olivier Rainville, je suis...
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Parfait, Marc. Est-ce Marc? M. Rainville:
Marc-Olivier.
Mme Harel: II y avait Ginette, tantôt, qui n'avait pas
l'air d'être bien contente de ne pas avoir été
présentée.
Une voix:... Mme Harel: Oui.
M. Rainville: Le point que vous soulevez, c'est un peu la
question que posait le ministre.
Vous avez demandé s'il y avait des jeunes qui avaient
été refusés aux centres Travail-Québec.
Effectivement, il y en a plusieurs. On a entendu une de vos
déclarations, il y a une couple de mois, qui disait: Tous les jeunes qui
s'inscriront au programme auront la parité. J'en connais une quinzaine
qui se sont précipités aux centres Travail-Québec, juste
avant Noël, et ils ont été déçus de se faire
dire...
Mme Harel: À CJMS...
M. Rainville: ...ceci: Non, vous n'aurez pas la parité; on
vous inscrit, mais il n'y a pas de place. Alors, ce point est important et mon
collègue l'a soulevé.
Mme Harel: Oui, allez-y. (12 heures)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. Rainville, j'ai
posé la question parce qu'on m'informe au ministère - et j'ai des
budgets chaque année, des crédits, comme on les appelle, et ils
seront déposés aujourd'hui - qu'à chaque année on a
suffisamment d'argent pour pouvoir répondre aux besoins des jeunes de 18
à 30 ans qui se présentent. Depuis deux ans que je suis ministre,
chaque année on retourne au fonds consolidé des sommes qui n'ont
pas été dépensées parce qu'on me dit qu'il n'y a
pas suffisamment de jeunes qui se sont présentés. Vous venez
à la commission...
M. Rainville: Je pense qu'il y a un manque de communication entre
le ministère et les centres Travail-Québec et il faudrait que
vous y voyiez, M. le ministre. Il y a du laxisme sur ce plan-là, ce
n'est pas croyable. Les jeunes sont bien prêts à s'inscrire aux
programmes.
Vous voulez une amélioration...
Mme Harel: C'est majeur, et dites-vous bien que vous n'êtes
pas les premiers à le dire. Ils l'ont dit de Nicolet, de
Trois-Rivières, de Longueuil, de Brossard, d'Hochelaga-Maisonneuve, mais
de se le faire dire aidera, je l'espère, le ministre à
comprendre.
M. Rainville: Je voudrais dire aussi que ce n'est pas assez, un
an, pour ces programmes-là. Des jeunes qui se ramassent pendant un an
avec 480 $ et qui retombent à 180 $ ensuite, j'en connais qui ont
sauté en bas du pont.
Mme Harel: C'est important.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...est-ce que je peux, M.
Rainville...
Mme Harel: Je pourrai avoir un peu de temps après, par
exemple? Allez-y. Parce que mon collègue de Saint-Jacques
voudrait...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...sur le sujet...
Le Président (M. Bélanger): Un instant!
Permettez-moi une seconde, M. le ministre.
Compte tenu de l'heure, est-ce qu'on a le consentement pour
continuer?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.
Le Président (M. Bélanger): Consentement?
Merci.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur l'élément dont
vous parliez, M. Rainville, si vous voulez, pour qu'on ne prenne pas le temps
de tout le monde pendant la commission, après la commission Mme Dussault
de mon cabinet ira vous voir. Je veux savoir quels centres
Travail-Québec n'offrent pas les programmes.
M. Rainville: M. Paradis, on vous a fait une invitation
tantôt à venir au Boustifable. Si vous voulez qu'on continue
à parler, pourquoi ne nous inviteriez-vous pas au Parlementaire à
midi? On va y aller, on est prêt.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Tout simplement...
M. Rainville: On vous suit.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ... pour une raison bien simple.
J'ai une période de questions à 14 heures; je suis
également responsable du ministère du Travail et j'ai quelques
conflits, croyez-le ou non, dont il faut que je m'occupe sur l'heure du
midi.
M. Rainville: Mais on est prêt à aller manger avec
vous, M. Paradis, à votre restaurant des députés. On a
amené nos lunchs, ça ne coûtera p3s cher. On va manger une
soupe avec vous si vous nous invitez.
Le Président (M. Bélanger): Le problème,
c'est que M. le ministre n'y va pas. Il mange son sandwich dans son bureau
à midi. Il est en pénitence.
M. Rainville: Est-ce qu'on va dans son bureau?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Comme à chaque midi. C'est
mon problème. Non, je vous invite quand même, avec Me Dussault,
à rester parce qu'il est important pour nous de savoir quels sont les
centres Travail-Québec qui n'offrent pas les mesures qu'on nous
présente comme étant offertes.
M. Rainville: Payez-vous la traite au restaurant? C'est ça
que vous me dites?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous laisse avec Me
Dussault.
Le Président (M. Bélanger): Sérieusement,
s'il vous plaît!
Mme Harel: Je pense que c'est un élément important.
Je crois comprendre que vous voulez y répondre?
M. Bédard: Non.
Mme Harel: Ce n'est pas là-dessus? Je pense que c'est un
élément extrêmement important car n'oubliez pas qu'en
l'absence de toute analyse des résultats des programmes qui
étaient expérimentaux et malgré des informations qui ne
sont pas contredites, à savoir que seulement 18 % des moins de 30 ans
auraient participé parmi ceux qui, pourtant, avaient une incitation
à doubler leurs prestations, le projet, c'est d'augmenter à 243
000 ménages des mesures qui n'ont pas eu l'air d'avoir fonctionné
avec les 50 000 ménages à qui elles étaient
destinées. Ceux qui viennent disent: Ce n'est pas à cause de
nous, ce n'est pas parce qu'on est paresseux et qu'on voudrait rester chez
nous. C'est parce que ce n'est pas mis en place pour nous recevoir et quand
c'est mis en place, comme le rattrapage scolaire, c'est mal foutu et il y en a
70 % qui quittent parce que c'est un échec personnel de plus, la mise en
place des programmes n'étant pas adéquate. Comprenez à
quel point c'est important, présentement, d'explorer ces
possibilités-là.
Je m'en voudrais de ne pas vous redonner la parole et de ne pas
permettre à mon collègue de Saint-Jacques de vous questionner par
la suite.
M. Bédard: J'aimerais bien entendre André, d'autant
plus que c'est un proche collaborateur de la Boustrfable. Il manifeste beaucoup
de sensibilité pour les jeunes assistés sociaux. Je comprends
très difficilement l'insensibilité des politiciens face à
la grande misère dont souffrent les jeunes assistés sociaux. Je
me dis que c'est peut-être parce que, des fois, on est comme
détaché de la réalité et la misère autour,
on ne la voit pas.
Or, je vais vous sensibiliser à une chose. Je pense que tout le
monde va reconnaître que, dans toutes les grandes familles
élargies, on a au moins un jeune adulte qui mange de la misère
noire à pleine pelle. Ce sont souvent des gens qui ont quitté le
milieu familial. Pourquoi? Parce qu'il se peut fort bien que ça n'aille
pas, que le milieu soit nocif. On sait tous que les politiciens vivent des
situations familiales assez tendues, précaires, etc. Le boucan est
poigne; le taux de divorce est élevé, etc, etc. Je me dis que si
ça ne va pas dans les relations familiales, peut-être que
pour...
Je vous dis sincèrement que j'ai déjà connu la
fille d'un ex-député du Parti libéral et la nièce
d'un ex-député du Parti québécois, qui
étaient assistées sociales et qui se prostituaient pour survivre.
On n'a pas l'idée de cela. Cela ne nous traverse pas l'esprit. Si on ne
peut pas vivre dans sa propre famille parce que c'est trop tendu et qu'il faut
la quitter... Il y a bien des gens qui aiment encore leurs parents et qui ne
les appelleront pas pour leur dire à quel point ils mangent de la
misère noire. Si jamais les parents appellent les enfants et leur
demandent comment ça va, ça va toujours bien, même s'ils
n'ont pas mangé pendant trois semaines. Vous ne saurez jamais si vos
enfants se prostituent ou s'ils ont déjà commis des crimes pour
survivre. Peut-être même que, dans votre famille, il y a un jeune
adulte pour qui cela ne va pas, même si vous pensez que cela va bien.
Mais qui vous dit que votre enfant ne commet pas de crime ou ne se prostitue
pas? Je vous le dis, les deux femmes dont je vous ai parlé, leurs
parents n'en savaient rien. Moi, je ne comprends pas. Je me dis: Comment
laisser autant de dizaines de milliers de jeunes dans une misère comme
celle-ci. Moi, je ne comprends pas. Cela me dépasse.
Le Président (M. Bélanger): M Simard voulait
répondre.
Mme Harel: J'aimerais que mon collègue de Saint-Jacques
intervienne avant qu'on termine.
Le Président (M. Bélanger): Si vous permettez, on
va laisser la parole à M. le député de Saint-Jacques.
Peut-être que cela donnera réponse ou fera écho à
vos questions. Il faut le consentement pour que M. le député de
Saint-Jacques s'adresse à la commission. Consentement? Merci. M. le
député.
M. Boulerice: Michel et vos collègues, pour ce qui est du
mémoire... Le temps nous presse. De toute façon, j'irai vous dire
au Café Bous-tifable, où on mange très bien - eux, ils ont
droit à cinq fourchettes, M. le ministre - tout le bien que j'en pense
et le travail très sérieux que vous avez fait.
La question que j'aimerais poser... Tantôt, on a fait allusion aux
travaux communautaires. M. le ministre disait qu'il y avait même des
crédits qui devenaient périmés puisque cela retournait au
fonds consolidé de la province. Puisque Café Boustifable est un
organisme communautaire, j'aimerais savoir combien il y a eu de demandes, en
fonction des travaux communautaires, qui ont été
présentées et qui ont été acceptées, pour ce
qui est du Café Boustifable.
M. Bédard: Effectivement, il y a des jeunes qui
travaillent dans le cadre du programme des travaux communautaires: les
serveurs, les aides-cuisiniers, et on a un animateur maintenant, qui relevait
avant d'un PDE. Je ne sais pas II y en
a combien?
M. Parent (Lucien-Philippe): Peut-être 25 depuis le
début...
M. Bédard: Mais à savoir combien... moi, je ne suis
pas le coordonnâtes...
M. Boulerice: Non, je le sais.
M. Bédard: ...je suis bénévole. Je suis
déconnecté. Je m'occupe de dossiers qui m'intéressent,
mais je ne savais pas qu'il y en avait qui pouvaient être refusés.
Je ne le savais pas, vous m'apprenez quelque chose.
M. Boulerice: Mais, si je me fie à ce que dit
Lucien-Philippe, il y en a eu 25.
M. Parent (Lucien-Philippe): Environ une vingtaine depuis le
début, depuis un an.
M. Boulerice: Donc, cela renforce votre assertion qui dit que le
fait que ce ne soit que pour un an est un handicap épouvantable. Parce
qu'ils ne sont que pour un an aux travaux communautaires, à moins que je
ne me trompe.
Mme Harel: Le handicap, c'est que, dans le projet du
ministre...
M. Bédard: Justement l'animateur qui s'occupe des travaux
communautaires m'a manifesté son inquiétude hier parce que le
coordonnateur lui aurait dit que c'est renouvelable aux six mois; alors, lui,
il s'interroge: Oui, mais, moi, je pensais que c'était un an; cela me
surprend qu'on puisse remettre en question ma participation au programme chaque
six mois. Je ne sais pas si c'est une mesure interne de gestion de
personnel.
M. Boulerice: Un programme comme celui-ci, d'après vous,
devrait se situer dans combien de temps - là, c'est de six mois en six
mois, semble-t-il; je croyais que c'était un an fixe - pour que ce soit
efficace, qu'il y ait une continuité et qu'il y ait des acquis des
apprentissages. On ne va pas là pour le plaisir...
M. Bédard: Effectivement, trois mois, c'est trop
court.
M. Boulerice: ...On y va parce qu'on en retire quelque chose. Il
faudrait que cela se situe dans combien de temps?
M. Bédard: Moi, je dirais six mois ou un an mais, trois
mois, c'est trop peu.
M. Simard: M. Boulerice, la question que vous posez, c'est que...
Un an, c'est trop court. On ne peut pas dire de combien il faudrait prolonger
ces programmes. On peut dire qu'après un an les jeunes ne sont pas
réinsérés socialement. L'objectif du programme, c'est
peut-être cela, mais la pratique, c'est que les jeunes, après
avoir participé à un programme, retombent à la petite paie
de 180 $ par mois. Je pense qu'on devrait donner aux jeunes qui ont
participé à un programme d'un an, si le programme n'est pas
renouvelable, la grosse paie de 480 $ et ne devrait pas leur enlever, un
acquis. Qu'on leur donne les outils, qu'on leur fasse confiance de
s'insérer socialement, mais cela n'a pas de "mosus" de bon sens de les
habituer à quelque chose pendant un an et, ensuite, de les faire
retomber.
Ces programmes ne devraient pas être limités dans le temps.
Ce ne sont pas de mauvais programmes. On a dit, à une époque, que
c'était du "cheap labour". Je persiste à croire que c'est du
"cheap labour", mais il semble que les jeunes qui commencent, cela leur donne
une expérience. Mais il ne faut pas capitaliser sur le fait qu'ils vont
travailler longtemps pour des petites paies comme celles-là.
Mme Harel: D'accord. Avez-vous... Oui.
M. Bédard: Je voudrais soulever un aspect à
l'intention de M. le ministre. C'est par rapport aux personnes aptes et inaptes
au travail. Il y a naturellement les handicaps physiques, mais il y a aussi les
handicaps mentaux. On sait fort bien que les psychotiques sont absolument
inaptes au travail. Il y a les psychotiques, mais il y aussi ceux qui souffrent
de maladies du comportement, de difficultés relationnelles. Je connais
une assistée sociale que j'ai amenée chez un médecin, une
fois. Je savais pertinemment... Elle a rarement travaillé. C'est simple:
elle a des problèmes de relations avec les gens. Je ne suis pas
psychiatre, mais il ne faut pas plus de deux minutes ou de dix minutes pour
voir qu'elle a des problèmes. Je l'ai amenée chez le
médecin parce que je voulais qu'elle ait la parité des
prestations, parce que je savais qu'elle ne pouvait avoir un emploi. Devant le
médecin, elle était très mal habillée et tout. Elle
avait emprunté à sa soeur un "outfit" comme cela, parce que, pour
elle, aller voir le médecin, c'était une sortie. Les
assistés sociaux ont leur orgueil, quand même. Elle était
comme cela! Devant le médecin, elle a fait une telle
démonstration que jamais on n'aurait pu penser qu'elle était
malade. Je l'ai poussée au pied du mur pour qu'elle "crache" sa vraie
personnalité. Pourquoi? Parce qu'elle ne pouvait pas travailler. Il est
sûr que l'employeur qui engage quelqu'un veut la meilleure
compétence possible. S'il faut que la personne commette une faute,
c'est: Salut, bonjour et merci! La personne se retrouve toujours avec le
même problème! C'est pour cela que, pour les médecins, il
devient difficile d'analyser une personne et de lui donner un certificat
d'inaptitude.
Le Président (M. Bélanger): Le temps est
écoulé des deux côtés, si on veut bien
remercier.
Mme Harel: Je ne voudrais pas que vous partiez d'ici - je
l'espère, en tout cas - découragés et avec l'impression
que vous avez parlé dans le vide. Je ne sais pas quel sera l'écho
du côté du gouvernement, mais depuis quelques années, je
veux vous le souligner, des groupes comme le vôtre et d'autres qui ont
parlé haut ont quand même été chercher l'opinion
publique. Je faisais état, hier, du résultat d'un sondage que
j'ai vu dernièrement où une très forte majorité de
nos concitoyens se disent en faveur de la pleine parité pour les moins
de 30 ans. C'est quand même important. C'est quand même le
résultat, je pense, des efforts que vous avez faits et, aussi, de vos
interventions. Je crois que c'est très important.
Je pense qu'il y a un principe chez les groupes de femmes, qu'on a
beaucoup travaillé sur le plan des modalités, en termes de ce
qu'on appelle la réforme fiscale et la justice fiscale. Je souhaite que,
chez les groupes qui sont composés de jeunes, il puisse y avoir aussi
des études qui soient faites, même s'il faut s'y associer pour
vous transmettre toute l'information. Il y a un principe qu'il faut faire
accepter dans notre société, c'est la reconnaissance de
l'autonomie financière des personnes adultes dès l'âge de
18 ans. Cela vaut pour les étudiants comme pour ceux qui sont inactifs.
Cela vaut pour tout le monde, l'autonomie des personnes adultes à partir
de l'âge de 18 ans.
Quand je dis cela, je pense que cela ne veut pas dire qu'on n'a plus la
responsabilité d'assurer à une personne, par exemple de 18 ou 20
ans, des conditions d'intégration dans la société. Des
conditions d'intégration, cela peut vouloir dire la parité en
participant à des choses. Mais que l'État ne se désengage
pas en disant que la personne aurait la parité si elle participait, mais
en n'offrant pas une vraie participation. Que l'État s'engage à
allouer la parité et que, seul, le défaut de participer puisse la
désengager.
Je vous remercie beaucoup pour votre participation.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiens également à
vous remercier pour votre participation aux travaux de cette commission. Tout
comme la députée de Maisonneuve, qui vous l'a souligné, je
ne pense pas que ce soit en vain. Vous êtes le 84e groupe qui se
présente, mais je pense que c'est le premier groupe dont un des
porte-parole - pour ne parler que des éléments nouveaux, parce
qu'il y en a qui sont répétés nous parle de la
nécessité d'avoir un corps en santé si on veut pouvoir
fonctionner dans les autres éléments de la vie. Aucun des autres
groupes qui sont venus ne nous l'avait souligné, peut-être parce
qu'ils ont souligné autre chose. Vous avez repris des arguments qui ont
été repris par l'ensemble des autres groupes.
C'est la plus importante commission parlementaire - sur le plan de la
durée et sur le plan du contenu également - qui ait eu lieu
depuis deux ans à l'Assemblée nationale du Québec. Je vous
donne mon avis comme je le pense. Vous y avez apporté une contribution
positive. Pour cela, je vous remercie au nom du gouvernement du
Québec.
Une voix: Des fleurs, merci M. le Président!
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
ce n'est pas permis dans cette Assemblée. M. le député de
Saint-Jacques, vous vouliez...
Mme Boulerice: Marc est fidèle à lui-même,
cela, je ne le lui reprocherai pas. Cela fait partie de sa personnalité.
Il y a des gens de Saint-Jacques qui sont francs et verts comme ça.
Il vous a entendu; je souhaite qu'il vous écoute et pour qu'il
vous écoute, en fin de compte, je pense que vous pouvez compter sur
Louise et moi pour le lui rappeler périodiquement.
Une voix: Je ne suis pas inquiet, mais vous...
M. Boulerice: Oui, mais faites attention, parce que la
journée où je vais commencer à embarquer à plein
temps là-dedans, vous risquez de le regretter, cher collègue.
Mais juste pour vous dire que pour ce qui est du Café Bous-tifable, je
ne regrette rien. Je pense que le travail que vous avez fait est merveilleux.
Vous pouvez toujours compter sur le député de Saint-Jacques, et
je me permettrai de souligner aux gens de la commission que votre
mémoire était appuyé par Alerte centre-sud, qui est une
coalition qui regroupe les résidents et résidentes du centre-sud
et 40 des organismes les plus importants de notre petit coin de pays. Donc,
ceux qui seraient tentés de vous considérer comme des deux de
pique, en bon québécois, se mettent un doigt dans l'oeil et
l'autre dans la bouche, j'espère.
Mme Harel: Des hommes de coeur.
M. Boulerice: Ce sont des hommes de coeur.
Le Président (M. Bélanger): Avant de suspendre les
travaux...
Une voix: ...du Québec. Alors, on a tenté de vous
éclairer.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
Je ferai remarquer au député de Saint-Jacques que la commission
ne considère jamais personne
comme un deux de pique. Tous sont sur un pied d'égalité et
reçoivent la même attitude d'écoute.
Étant donné l'heure, la commission suspend ses travaux
jusqu'à 15 heures, c'est-à-dire jusqu'après la
période des questions, parce que cela peut jouer un peu. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 18)
(Reprise à 15 h 28)
Le Président (M. Leclerc): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission des affaires sociales, chargée
d'étudier le document "Pour une politique de sécurité du
revenu", reprend ses travaux.
Puisque le groupe qui devait nous rencontrer à 15 heures s'est
désisté, je voudrais souhaiter la bienvenue aux porte-parole du
CLSC de la basse-ville, à plus forte raison puisque ce sont des gens de
mon comté. Avant de leur laisser la parole, j'aimerais rappeler que nous
avons 20 minutes pour entendre votre mémoire. Ensuite, chacun des partis
politiques aura 20 minutes pour vous poser des questions.
M. Métivier ou M. le président du CLSC, si vous voulez
bien présenter vos partenaires, s'il vous plaît.
CLSC de la basse-ville
M. Laroche (Daniel): Merci, M. le Président. Mon nom est
Daniel Laroche. Je suis président du conseil d'administration. Puisque
le temps de présentation est assez bref, je vais vous présenter
immédiatement, dans l'ordre, les gens qui m'accompagnent: Mme Louise
Vallières, M. André Métivier, directeur
général, et M. Claude Légaré. Mme Vallières
et M. Légaré sont des professionnels du CLSC qui
s'intéressent particulièrement aux questions qui sont
soulevées par le projet de réforme.
M. Métivier vous fera une brève présentation, dans
un premier temps, de la situation sur le territoire de la basse-ville.
Le Président (M. Leclerc): M. Métivier.
M. Métivier (André): II me fait
énormément plaisir, comme directeur général du CLSC
de la basse-ville, de me présenter devant vous, aujourd'hui, en
compagnie des professionnels du CLSC, pour venir débattre, dans le temps
qui nous est alloué, les idées maîtresses qu'on vous a
soumises dans le mémoire qu'on vous a remis il y a quelque temps.
Le CLSC de la basse-ville, vous le savez sans doute, est un
établissement de santé et de services sociaux et communautaires
qui dessert une population que l'on considère comme
particulièrement concernée par le projet de politique sur la
sécurité du revenu. Je pense que vous n'êtes pas sans
savoir, particulièrement vous, M. le Président, que parmi les
caractéristiques sociales et économiques du territoire que nous
desservons à la basse-ville - je parte particulièrement des
quartiers Saint-Roch et Saint-Sauveur - une grande partie de notre population
est composée d'assistés sociaux. Le chômage et la grande
pauvreté constituent un fléau quotidien et chronique que l'on
pourrait appliquer à plusieurs situations que l'on voit quotidiennement
au CLSC et il m'a été donné de voir également,
souvent, des situations que l'on pourrait qualifier de scandaleuses.
La pauvreté qui se vit dans notre territoire est directement - je
pense que vous en conviendrez - associate à une kyrielle de
problèmes de santé et de problèmes sociaux qui limitent
considérablement la portée de notre action quotidienne au
CLSC.
Dans une étude récente portant sur le profil
socio-démographique et sanitaire de notre territoire, le
Département de santé communautaire de l'hôpital du
Saint-Sacrement concluait: "Par son haut^taux de pauvreté, la population
du district de là basse-ville se démarque radicalement des autres
composantes du territoire du Département de santé communautaire".
L'étude rapportait qu'"une telle situation n'est pas sans avoir une
incidence sur l'état de santé des plus démunis".
L'étude continuait en disant que "le faible revenu des habitants les
dirige pour la plupart vers des zones d'habitation modeste - dont la
basse-ville regorge - où la qualité, et parfois la
salubrité, des logements est souvent minimale". L'étude concluait
que les contraintes économiques influençaient
l'épanouissement des individus.
Après quinze ans d'efforts au CLSC de la basse-ville, nous
constatons toujours que les taux d'hospitalisation et de décès -
je donne cela à titre d'exemple - tant chez les jeunes enfants, voire
les bébés, que chez les personnes plus âgées sont
anormalement plus élevés sur notre territoire que les taux
régionaux et même provinciaux. Nous en tirons un constat clair et
bien connu - on ne prétend pas avoir découvert cela ces derniers
temps; je pense que c'est une vérité reconnue - à savoir
qu'il existe un lien direct entre la pauvreté et la santé, le mot
"santé" étant pris ici dans un sens plus large que son sens
habituel. Ce faisant, vous comprendrez que nous ne pourrions souscrire à
une réforme qui, si bien intentionnée soit-elle, aurait comme
conséquence, au contraire de nos attentes, de rabaisser le seuil de la
pauvreté dramatique que nous connaissons déjà dans notre
territoire.
À la basse-ville notre assisté social moyen est plus
âgé; il demeure plus longtemps sur l'aide sociale et fait partie
majoritairement de ménages ayant plus de problèmes que d'autres
à demeurer actifs et à se sortir de l'aide sociale. Beaucoup de
ces gens qui luttent, dans certains cas, pour leur survie - et le mot, pour
plusieurs des cas qu'il nous est donné de voir au CLSC, n'est pas
exagéré - sont des travailleurs déclassés et/ou
marginalisés du marché du travail, accablés par la
pauvreté et les problèmes qui en découlent. Je pourrais
longuement citer ici les problèmes mais, à l'intérieur de
20 minutes, je vous les laisse deviner; on les a fait ressortir dans notre
mémoire.
Au terme de cette introduction, c'est principalement autour de deux
grands thèmes que nous nous sommes penchés en produisant le
mémoire que nous soutenons aujourd'hui et que nous voudrions
développer à l'intérieur de notre présentation
d'une vingtaine de minutes. Le mémoire, d'ailleurs, suit un peu l'ordre
de présentation verbale qu'on veut tenir, à savoir les deux
thèmes qu'on trouve importants de débattre. On ne se
prétend en aucune façon des spécialistes de
l'économie ou des politicologues. C'est davantage au nom de notre
mission sociale et de santé, mais dans le contexte très
particulier de la basse-ville.
Le premier thème. Même si - parce qu'on a bien sûr
étudié à fond le document - on abonde dans le sens de
remettre au travail les assistés sociaux aptes et disponibles,
même si on trouve que c'est une excellente idée, au-delà
même de la question du revenu rattaché à cela, au plan de
leur dignité, on se pose énormément de questions sur le
fait suivant: Est-ce que cette volonté est vraiment réalisable,
compte tenu des caractéristiques de l'économie régionale,
en tout cas tout au moins des caractéristiques qui prévalent dans
la basse-ville de Québec, et compte tenu également de notre
clientèle, qui n'en est pas à ses premières armes dans
l'aide sociale, au sens où je l'expliquais tantôt, que souvent,
cela devient quasiment une situation chronique. Voilà le premier
point.
Le deuxième point. On se demande dans quelle mesure la
réforme va vraiment permettre de corriger - on sait que, lorsqu'on parle
de pauvreté, corriger est un grand mot - pour le moins,
d'améliorer le niveau de pauvreté qui sévit sur notre
territoire.
Alors, on en fait deux points de fond pour lesquels on a prévu
plusieurs illustrations. Sans plus tarder, je passerai la parole à M.
Légaré, à ma droite, qui va nous parier de la question du
travail et du questionnement qu'on a à ce sujet.
Le Président (M. Leclerc): M. Légaré.
M. Légaré (Claude): Merci. Voici ce qui en est
à propos du travail. Nous sommes d'accord avec le fait que le travail
est un droit fondamental pour tout citoyen. C'est un droit fondamental mais, en
même temps, le développement de l'emploi, pour nous, est davantage
une responsabilité collective qu'une responsabilité individuelle.
Si on regarde le territoire de la basse-ville, en se basant sur les
données des centres Travail-Québec, c'est-à-dire des
bureaux de l'aide sociale de Charest et de Saint-Vallier, en décembre,
il y avait, d'après les chiffres que l'on a, autour de 4000 personnes
bénéficiaires de l'aide sociale qui étaient
considérées comme aptes, d'une part.
D'autre part, si on regarde la structure économique
régionale et celle de Québec, on constate que la région de
Québec est fortement centralisée, concentrée dans le
secteur tertiaire, c'est-à-dire le secteur des services, et les plans de
développement qui sont mis de l'avant, soit par le gouvernement
municipal ou encore par le gouvernement provincial tournent davantage autour du
développement de la haute technologie, des services et du tourisme.
En regardant ce développement, d'une part, et, d'autre part, en
regardant le nombre de bénéficiaires considérés
comme aptes sur notre territoire, on se demande comment le gouvernement entend
faire pour intégrer ces personnes aptes au travail dans la basse-ville
dans la structure économique régionale, compte tenu du faible
taux de mobilité de la population de la basse-ville. Des études
ont démontré que les résidents de la basse-ville
étaient très peu mobiles, en termes d'emplois, et avaient une
certaine absence de formation. Alors, on s'interroge à ces deux niveaux
II y a eu évidemment quelques tentatives de faites pour essayer
d'intégrer cette population considérée comme apte et
disponible à du travail. On vous cite dans le mémoire deux
exemples: un dans l'hôtellerie et un autre concernant un projet d'emplois
communautaires qui a été développé par les
années passées. On a pu réaliser qu'il était
passablement difficile d'obtenir les moyens nécessaires pour être
en mesure de permettre à ces gens-là d'avoir un emploi.
L'autre élément concernant le travail sur lequel on s'est
interrogés concerne les mesures de développement de
l'employabilité. Certaines de ces mesures, nous les considérons
comme intéressantes. On pense entre autres au programme SEMO (Service
extérieur de main-d'oeuvre) et au programme de rattrapage scolaire. Par
contre, nous nous interrogeons sur d'autres mesures et, ici, on
réfléchit davantage autour du programme de travaux communautaires
et du programme de stages en milieu de travail - cela vous a déjà
été dit, j'imagine - où il risque d'y avoir une
création de deux classes de travailleurs: des travailleurs qui sont des
salariés réguliers, rémunérés selon les
normes minimales du travail, d'une part, et, d'autre part, ces gens-là
qui sont intégrés à ces mesures-là et qui,
très souvent, sont considérés comme des seconds
travailleurs.
Il y a aussi la notion d'employabilité et les motivations
à travailler. Le seul incitatif qu'on a trouvé dans le projet,
incitatif que l'on voit sur la motivation à travailler, réside
autour de l'argent, c'est-à-dire que si les gens veulent
s'intégrer à des mesures de développement
d'employabilité, ils auront plus d'argent et, s'ils refusent, ils en
auront moins. On s'interroge d'une part, et, d'autre part, on se demande si
tous les bénéficiaires sont intégrés à ces
mesures. Dans la basse-ville, il y en a au-dessus de
4000, on a peur que les services risquent d'être engorgés
fortement et très rapidement.
Le dernier élément, pour ce qui est du travail, concerne
l'aptitude et les décideurs d'aptitude. Ce qu'on voit dans le projet de
réforme, c'est qu'il semble que cela va continuer comme c'était
avant, c'est-à-dire que c'est le médecin qui, finalement, va
donner le diagnostic travail ou le diagnostic de non-travail. À notre
avis, il y a d'autres éléments. L'expertise médicale est
sûrement importante, mais il y a d'autres choses aussi qui peuvent
s'intégrer à l'évaluation de l'aptitude au travail. On ne
retrouve pas d'élément, dans le projet de réforme, qui
nous permette de penser que cela pourrait être intégré.
Alors, pour le travail, cela irait.
M. Métivier: Alors, on va poursuivre sur notre
deuxième thème. On pourra peut-être approfondir, par les
questions, tout à l'heure. Maintenant, sur la question de la
pauvreté, Mme Louise Vallières.
Mme Vallières (Louise): Comme le mentionnait tout à
l'heure M. Métivier, dans le fond, le postulat avec lequel on est parti,
c'est de constater que, dans notre clientèle et notre population,
beaucoup de personnes vivent sous le seuil de pauvreté et dans des
conditions inacceptables. À partir de ce postulat, on a voulu
vérifier comment le projet de politique pouvait tendre à diminuer
cette pauvreté-là.
Dans un premier temps, ce qu'on constate, c'est que la logique du projet
que le ministre présente ne vise pas vraiment à une diminution de
la pauvreté parce que, dans le fond, on oppose deux groupes sociaux qui
sont les familles à faibles revenus et les assistés sociaux. En
voulant protéger le salaire minimum, on pénalise 250 000
ménages en voulant protéger 44 000 familles à faibles
revenus. Donc, on maintiendra dans un état de pauvreté les 250
000 familles dont on fait mention. Pour nous, dans un contexte de lutte
à la pauvreté, cette logique nous apparaît très
discutable et nous aurions souhaité qu'on fasse référence
à une redistribution plus large des richesses collectives.
Dans un deuxième temps, quand on regarde les barèmes de
l'aide sociale qui sont proposés, on trouve aussi très discutable
de baisser des barèmes qui, déjà, étaient
inacceptables pour nous autres et qui maintiennent des gens dans des situations
et des conditions de vie souvent très stressantes et très
pénibles. Nous, on peut voir ces familles-là circuler au CLSC
à la journée longue, avec tous les problèmes que cela
comporte de vivre dans cette situation de pauvreté-là. Ce qu'on
constate, c'est que la nouvelle structure de barèmes fait subir des
pertes monétaires à plusieurs groupes de
bénéficiaires de l'aide sociale. Quand on les compare avec les
barèmes actuels, on peut constater des pertes de 7 % à 23 %. Dans
le fond, on est d'accord avec le principe d'augmenter les prestations pour les
assistés sociaux qui s'inscrivent à des programmes
d'employabilité, mais on est en désaccord avec celui d'abaisser
les barèmes actuels, les seuils actuels, peu importent les
caractéristiques de l'assisté, pour inciter ceux-ci à
participer à des programmes d'employabilité. Il nous semble qu'on
doit calculer les coûts sociaux que peuvent engendrer les baisses de
seuil qui apparaissent dans le projet.
Un autre point qu'on voudrait relever, c'est toute la notion des besoins
spéciaux. Dans le projet, on dit qu'il est temps d'analyser la
pertinence des besoins spéciaux. Pour nous, il nous apparaît loin
de notre pratique et de la réalité des gens qu'on côtoie de
penser que les besoins spéciaux ne couvrent pas des besoins essentiels.
Avec le projet de sécurité du revenu, on voit que 75 % de la
clientèle va voir les allocations coupées pour les besoins
spéciaux. Ce qu'on a le goût de vous demander, c'est: Qui va
payer, par exemple, un déménagement urgent à la suite
d'une crise familiale importante? Qui va payer les frais funéraires des
assistés sociaux? Qui va payer les lunettes dont les enfants peuvent
avoir besoin? En cas de feu, qui aidera les assistés sociaux à se
rééquiper? (15 h 45)
Pour concrétiser davantage nos propos, dans notre mémoire
on a essayé de relever deux genres de clientèle qui, à
notre avis, seront pénalisés fortement par le projet de
politique. D'une part, il y a les familles monoparentales. Je ne veux pas
insister parce que je sais qu'il y a plusieurs groupes qui ont
déjà beaucoup parlé des familles monoparentales, mais ce
dont on se rend compte, c'est que dans un seul des cas les femmes qui
participeront à des mesures d'employabilité pourront voir leurs
prestations augmenter de 82 $ par mois pour avoir travaillé 20 heures
par semaine avec des enfants à trimbaler à travers tout cela.
Dans les autres cas, if va y avoir des pertes, quand on compare les
barèmes actuels avec les barèmes proposés. En plus, on
sait que ces personnes vont voir leurs besoins spéciaux coupés. H
y a toute la question des frais de garde qui reste, je dirais, ombrageuse dans
le projet parce qu'on ne sait pas s'ils vont être payés par les
frais de participation. On ne sait pas non plus si cela va faire partie des
besoins spéciaux. En tout cas, il y a quelque chose qui n'est pas clair
à ce sujet.
En ce qui concerne les femmes enceintes, c'est peut-être une des
clientèles dont on veut parler parce que je pense qu'on n'en a pas
parlé encore beaucoup dans le débat. Ce dont se rend compte,
c'est que les femmes enceintes, en ce qui regarde la clientèle qu'on
reçoit, sont souvent, en milieu défavorisé des
clientèles à risques. Dans plusieurs recherches, on constate
comment une insuffisance alimentaire pendant la grossesse, lorsqu'on pense aux
conditions de vie difficiles qu'elles peuvent vivre, a des incidences sur la
naissance des enfants qui viennent par la
suite. Il y a des incidences au niveau médical et aussi social.
On a essayé de regarder, avec la réforme, ce que cela pourrait
donner pour ces femmes. Ce dont on se rend compte, c'est, d'une part, qu'il y a
coupure des besoins spéciaux, donc, de l'allocation de 20 $ par mois
pour la diète pendant la grossesse et de l'allocation possible pour
l'allaitement, qui font partie des besoins spéciaux.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce n'est pas coupé, c'est
écrit. Je m'excuse de vous interrompre.
Mme Vallières: Vous préciserez mais cela n'est pas
clair dans le projet.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.
Mme Vallières: Dans le fond, ce qu'on pense, c'est que le
soutien à ces familles-là est faible. Peu importe, même si
l'allocation de 20 $ était maintenue, il n'y a aucun montant de
prévu pour préparer la venue de ces enfants-là.
Un autre genre de clientèle encore plus spécifique, c'est
celle des mineures enceintes. Même actuellement, avec le projet de loi,
les mineures enceintes n'ont pas droit au montant sauf au moment de la venue de
l'enfant. Pour nous, comme intervenants, ce que cela pose comme problème
énorme, c'est que souvent ces jeunes mères-là - il y en a
une bonne proportion là-dedans - qui doivent partir de chez elles pour
toutes sortes de raisons, n'ont aucun recours monétaire avant la venue
de leur enfant. Donc, cela rend la préparation de la venue de l'enfant
très difficile. Et on voit souvent beaucoup de cas très
pénibles où les jeunes mères se trimbalent d'une famille
à l'autre, quêtent un peu partout pour pouvoir préparer la
venue de leur enfant. Ce sur quoi on se questionne, c'est en ce qui concerne la
politique familiale versus la politique du projet de sécurité
sociale.
Un dernier point qu'on veut toucher, c'est la notion de conjoint. Il
nous semble que, dans la politique proposée, il y a une large place
encore à l'arbitraire et à la discrimination, quand on parle de
conjoint. On sait aussi que cela pénalise principalement les femmes et,
à notre avis, la politique du projet devrait viser plus à
l'autonomie financière des femmes.
De plus, ce qu'on trouve, c'est qu'en nous indiquant que le profil de la
clientèle a changé beaucoup à l'aide sociale,
c'est-à-dire que le nombre de personnes seules a doublé de 1976
à 1987 et que maintenant on a 63 % des ménages qui sont devenus
des personnes seules, on ne peut que souhaiter que la notion de famille soit
révisée comme unité de base du système que va
devenir le projet de politique de sécurité du revenu.
Alors, moi, j'arrêterais là-dessus.
Le Président (M. Leclerc): Je m'excuse, notre temps est
écoulé. S'il vous reste un intervenant, je peux demander le
consentement pour qu'on puisse continuer.
M. Métivier: On apprécierait pouvoir poursuivre,
pour conclure, sur nos recommandations, peut-être de cinq à sept
minutes.
Le Président (M. Leclerc): Alors, il y a consentement.
M. Laroche: Pour les recommandations, je vais présenter
brièvement les postulats sur lesquels l'établissement s'appuie
pour présenter ses recommandations.
Alors, pour nous, toute société se doit d'assurer à
ses citoyens un revenu minimum décent pour permettre à chacun de
subvenir à ses besoins fondamentaux. Cela implique, il va de soi, le
droit à un emploi convenable pour assurer ce revenu garanti
décent. Cela implique également les programmes sociaux et de
sécurité du revenu qui assurent la continuité du revenu en
cas d'interruption temporaire ou permanente de celui-ci, complètent le
revenu en provenance du travail si celui-ci est insuffisant et assurent
l'accessibilité universelle à certains services, tels la
santé, les services sociaux et l'éducation.
Alors, appuyés sur cette base de postulats qui nous ont servi
à présenter nos recommandations, je demanderais à M.
Métivier, peut-être, de faire un bref résumé des
recommandations qui sont faites.
M. Métivier: Alors le temps nous manque pour approfondir
trop mais, dans notre mémoire, on vous avait soumis plusieurs
recommandations qu'on a cru bon de diviser en quatre sections, à
l'analyse qu'on a faite du mémoire. Alors, je ne lirai pas, pour gagner
du temps, les "considérant" ou les "attendu" qui nous amenaient à
faire ces recommandations-là, je pense que les membres ont dû
prendre connaissance de notre mémoire.
Il y a une première gamme de recommandations qui touchent la
question de l'emploi, parce que, dans le fond, on est bien conscient que
l'emploi pourrait solutionner bien des maux.
Ce qu'on aimerait recommander, c'est que le projet de
sécurité du revenu soit associé à un quelconque
projet de réforme de l'emploi pour permettre vraiment que les
volontés de la réforme puissent se réaliser et se traduire
par des emplois. Ensuite, on pense que le ministère de la Main-d'Oeuvre
et de la Sécurité du revenu devrait s'assurer, en collaboration
avec les ministères plus à vocation économique, de
l'établissement de stratégies de développement de l'emploi
qui tiennent compte d'une meilleure planification économique
régionale. Eu égard au territoire qu'on dessert, on se pose des
questions sur l'employabilité directement dans ce secteur.
On trouve également qu'on devrait favoriser
l'expérimentation et le développement d'un esprit
d'initiative communautaire où les assistés sociaux
pourraient être intégrés à des projets de retour au
travail. On a déjà, au CLSC, parrainé ou été
près de différents projets qui, malheureusement, tergiversent
plus qu'ils n'aboutissent, pour toutes sortes de raisons. On voudrait que les
emplois offerts aux assistés sociaux leur permettent un revenu
décent dans des conditions de travail qui respectent les normes
minimales du travail.
On a également considéré des recommandations
concernant les mesures de développement de l'employabiiité. Ce
qu'on pourrait recommander, c'est que le projet de sécurité du
revenu prévoie des programmes de réintégration au
marché du travail en quantité suffisante et respectant les
besoins des individus; que ces programmes respectent les normes minimales du
travail et qu'ils permettent un véritable accès, finalement,
à des emplois. Ces programmes doivent contenir des incitations positives
aidant à la motivation et contribuant à l'amélioration des
conditions de vie.
On a également des recommandations concernant la lutte à
la pauvreté. Là-dessus, ce qu'on peut dire, c'est qu'on aimerait
beaucoup que le projet de sécurité du revenu s'inscrive dans une
stratégie globale pour diminuer le niveau de pauvreté du
Québec. Mais on parle ici, particulièrement, de notre territoire
qu'on a défini tantôt comme étant très pauvre. On
aimerait que le droit à un revenu de base décent soit
défini en fonction des seuils de pauvreté. On pense que,
même si on est conscient que cela peut créer d'autres types de
problèmes en relation avec les salariés à faibles revenus,
moralement, il n'y a pas d'autres normes que celles-là. Finalement, on
pense que les barèmes devraient être haussés pour respecter
au minimum les besoins qu'on vient de décrire pour nos individus.
On voit, également quelques recommandations qui concernent
peut-être plus les droits fondamentaux et la population qu'on dessert. On
pense que tout individu majeur a le droit d'être autonome, et est capable
de penser et de s'assumer à un moment donné. On pense que tout
individu a à être respecté dans sa vie privée et
dans sa dignité. On considère également le droit que tout
individu a d'être aidé face à ses besoins parce que
même si, souvent, on sait que dans le langage populaire les
assistés sociaux sont souvent taxés de toutes sortes de choses -
on est conscient qu'il y en a peut-être quelques-uns, à travers,
qui abusent du système - notre pratique nous fait dire que c'est une
petite minorité et que, dans l'ensemble, on a affaire à une
classe de la population qui fait pitié et qui a besoin d'aide. On
recommande, expressém#rt, au chapitre des droits, que les prestations
soient basées davantage sur les besoins des individus, qu'il s'agisse
d'hommes, de jeunes ou de femmes, en tenant compte de leurs besoins
spéciaux plutôt que de toujours rattacher cela à la notion
difficile d'application qui est la famille.
Alors, peut-être que M. le président voudrait conclure.
Le Président (M. Leclerc): M. Laroche.
M. Laroche: Très brièvement, je vous remercie. Ces
réflexions qu'on vient de vous présenter, ces recommandations
nous amènent à souhaiter comme établissement et comme
premier dispensateur des services socio-sanitaires sur le territoire de la
basse-ville que le projet de politique de sécurité du revenu
tienne davantage compte des données sur la pauvreté et des
modifications sociales et économiques qui sont survenues au cours des
dernières années, particulièrement sur notre territoire.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Leclerc): Je remercie les
représentants du CLSC de la basse-ville et je cède la parole
à M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Je vous remercie pour votre
mémoire et pour votre présentation verbale. Comme, moi aussi, je
suis un peu encarcané dans le temps, on va tenter de procéder le
plus rapidement possible. Vous avez mentionné qu'une partie importante
de votre clientèle est composée de bénéficiaires de
l'aide sociale. Est-ce que vous pouvez ventiler, même si ce n'est pas au
chiffre près, votre clientèle au CLSC en fonction de
bénéficiaires de l'aide sociale, de prestataires
d'assurance-chômage, de bas salariés et des autres, par la suite?
Est-ce que vous avez ce tableau-là vite fait?
Le Président (M. Leclerc): Mme Vallières.
Mme Vallières: Moi, je dirais que la majorité de la
clientèle qu'on dessert au CLSC est une clientèle qui vit de
l'aide sociale. Il y a des intervenants ici en arrière, mais je pense
qu'on ne se trompe pas en disant cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quand vous dites 80 %, 85 %
à peu près, aussi près que cela?
Mme Vallières: Moi, je dirais..
Une voix: 80 %.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): 80 %?
Mme Vallières: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez touché à
plusieurs sujets dont, à la toute fin de vos recommandations - je pense
que c'est M. Métivier - la question de l'emploi sur le plan
économique et d'une politique que d'autres ont appelée de plein
emploi. Vous êtes allés plus loin que d'autres groupes en
soutenant qu'il devait y avoir interaction entre les ministères, etc. On
vous soumet bien humblement qu'au
cours des deux dernières années et au cours de la
dernière année, cette direction vers le plein emploi a
été prise par le gouvernement du Québec et que,
déjà, sans que les résultats soient satisfaisants pour
tout le monde dans la société, il y a des progrès qui sont
remarquables. Je pense que c'est dans La Presse de ce matin encore
qu'Alain Dubuc mentionnait qu'en termes de création nette d'emplois,
d'emplois pour une fois qui étaient permanents, qui étaient
à temps plein finalement, c'était la deuxième meilleure
année dans toute l'histoire du Québec, l'an passé.
Donc, je vous indique que la question de la stabilité politique,
du climat économique, fiscalité et autres, commence à
porter des fruits qui se matérialisent au Québec par la
création nette d'emploi à des niveaux records. On souhaite que
cela se maintienne et que cette direction vers le plein emploi se maintienne,
mais nous n'ignorons pas qu'il y a des clientèles qui vivent en marge de
ce progrès économique. C'est surtout frappant lorsqu'on se
compare à d'autres sociétés. Si on prend, par exemple, la
province de l'Ontario, où le taux de chômage est de 5 % pour
quasiment parler du plein emploi, parce qu'il s'agit dans ce temps-là de
chômage frictionnel, le nombre d'assistés sociaux augmente parce
que les jeunes n'ont pas les niveaux d'employabilité pour
répondre aux emplois qui sont offerts. Ces gens-là sont
marginalisés.
Au Québec, si on parle de notre clientèle de mars 1987,
400 000 chefs de ménage, sur les 300 000 qu'on dit aptes au travail, on
remarque quand même des carences sur le plan de l'em-ployabilité
qui sont importantes. 36 % des 300 000 chefs de ménage dits aptes au
travail sont des gens qui sont considérés comme étant des
analphabètes fonctionnels. Ce n'est pas facile de se trouver un emploi
lorsque vous êtes un analphabète fonctionnel. 60 % de la
clientèle n'a pas terminé ses études secondaires. 40 % n'a
pas d'expérience de travail antérieur reconnue. Donc, il faut
composer politique de plein emploi avec politique d'employabilité, si on
ne veut pas que ces gens-là vivent en marge d'une croissance
économique. Je pense que, sur le plan philosophique, on n'est pas
tellement loin de ce que vous préconisez. Oui.
M. Métivier: Si vous me permettez une réaction sur
cela, on est conscient que ce n'est pas facile de viser au plein emploi, mais
ce qu'on veut faire ressortir surtout dans l'analyse qu'on fait, c'est
qu'à la basse-ville on est particulièrement pris avec la
clientèle que vous décrivez de gens qui sont inaptes,
peut-être pas au sens du projet, mais inaptes à différents
égards. S'ils ne peuvent pas s'en sortir par la voie de l'emploi, il
leur reste l'aide sociale. Si l'aide sociale ne répond ou ne leur permet
plus de vivre dans des conditions un tant soit peu satisfaisantes, là,
on a un gros problème dans notre territoire. (16 heures)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez, peut-être,
à un niveau que je ne qualifierais pas de moindre ou supérieur,
un problème qui est un peu identique, si je peux faire la comparaison,
à celui de l'est de Montréal. C'est devenu symbolique dans les
dernières élections fédérales, provinciales,
municipales dans l'est de Montréal. Les niveaux de gouvernement se sont
engagés à y attirer de la création d'emplois. Au cours de
deux dernières années, les gouvernements ont réussi. Il
s'est créé plus d'emplois dans l'est de Montréal que dans
les autres secteurs de la grande région métropolitaine, sauf
qu'on n'a peut-être pas visé le milieu de la cible. On a encore
autant de chômeurs et d'assistés sociaux. Les nouveaux emplois
créés ont été occupés par des gens de la
rive nord, de la rive sud ou d'ailleurs, à Montréal. On n'a pas
misé sur l'employabilité des gens qui habitaient ce
secteur-là, et c'est ce qu'on est en train de corriger. On a
annoncé, il y a un mois à peu près, que, dans le but
d'arriver à ce que les nouveaux emplois aillent aux gens qui habitent
là-bas, on investissait massivement dans l'employabilité de ces
gens-là. C'est un projet pilote, je pense, dont on sera en mesure
d'évaluer les résultats, et qui pourra possiblement s'appliquer
à des régions à forte concentration de personnes qui
vivent en marge du développement économique, comme on en retrouve
ailleurs au Québec.
Vous avez abordé, dans votre mémoire, un problème
que personne d'autre n'a soulevé à ce jour et vous êtes
peut-être le 85e groupe à se présenter. Il s'agit de la
question - je pense que c'est Mme Vallières qui y a fait
référence - des mineures enceintes. Vous êtes le premier
groupe qui... On a entendu des remarques sur la question de la présence
des enfants dans le cas des familles monoparentales, des grossesses, etc, mais
mineures enceintes, c'est la première fois que cette
problématique est soulevée devant cette commission. Vous semblez
avoir une expertise ou une expérience sur le sujet. Quelles mesures
préconiseriez-vous pour que le gouvernement n'abandonne pas ces jeunes
femmes mineures et pour lesquelles on n'intervient pas avant l'arrivée
de l'enfant, finalement.
Mme Vallières: Dans le fond, on souhaite que ces jeunes
mères soient reconnues comme admissibles.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): À partir de quand? À
partir du certificat d'attestation de grossesse?
Mme Vallières: Oui, je dirais, au même titre, par
exemple, que les dix-huit ans et plus, quand elles ont un certificat de
grossesse, quoiqu'on ne leur accorde, je pense, que les allocations. Nous
autres, on souhaite davantage parce qu'une mineure enceinte qui ne peut pas
habiter chez elle ni être placée, pour toutes sortes de raisons,
dans le fond, se ramasse dans la rue. Elles sont mineures, elles ne peuvent
même pas louer un logement parce qu'on ne leur permet pas de
signer un bail légalement, ce qui veut dire qu'elles n'ont aucun revenu.
Elles se promènent d'un "chum" à un autre, et il devient
très difficile d'intervenir. On souhaite qu'on leur reconnaisse un
statut, pour leur permettre... Un statut, je dirais, non pas de personne
majeure, mais, en tout cas, quand tu vas avoir un enfant, tu as aussi des
responsabilités auxquelles tu dois faire face. Qu'on leur reconnaisse la
possibilité d'avoir un montant, au sixième mois ou au
septième mois de grossesse pour préparer l'essentiel, avoir un
toit, la possibilité d'avoir un logement, de préparer la venue de
l'enfant, quand on pense à des meubles, à un minimum
d'équipement, etc., et à pouvoir mieux s'alimenter.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On est assez pressés par le
temps, on n'aura pas le temps ensemble de vider la question ici aujourd'hui. Si
vous pouviez - et je vous le demande à titre de service à la
commission et au ministère - nous communiquer vos suggestions pratiques
quant à cette problématique, étant donné que vous
êtes le seul groupe à l'avoir soulevée et que nous ne
disposons pas, présentement, de cette expertise-là, ce serait
apprécié.
Dans un autre ordre d'idées, il y a la question des mesures
d'employabilité telles qu'elles existent présentement, qui
s'appliquent surtout aux 18-30 ans: rattrapage scolaire, stages en milieu de
travail, travaux communautaires et retour aux études postsecondaires
pour les familles monoparentales. Est-ce que vous avez, dans votre secteur, des
difficultés d'application desdites mesures? Je ne vous le demande pas
parce que vous avez parlé du fond des mesures dans votre mémoire,
mais est-ce que les mesures sont disponibles, sont-elles en nombre suffisant
pour répondre aux besoins de la clientèle qui fait appel à
ces services, et est-ce que vous obtenez un bon service des centres
Travail-Québec de votre secteur?
M. Légaré: Ce que l'on sait par rapport à
cela, c'est que les mesures sont... Les gens s'inscrivent dans le cadre des
mesures, dans une proportion de 20 % à 30 %. Ce que l'on sait, d'autre
part, c'est que plusieurs jeunes bénéficiaires de l'aide sociale
résidant sur le territoire de la basse-ville sont plus ou moins enclins
à s'intégrer, dans le cadre de ces mesures, pour les raisons que
l'on énonce dans notre mémoire, à savoir la
non-reconnaissance du statut de travailleur et l'augmentation peu
alléchante des allocations versées aux participants.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais pour le jeune, de
façon pratico pratique aujourd'hui, la parité n'existe pas. Le
chèque qui est expédié au jeune de 18 à 30 ans, dit
apte au travail, est insuffisant pour couvrir ce qu'on appelle les besoins de
base, même si on ne considérait que logement et nourriture. Donc,
il y a un incitatif financier - si je peux utiliser l'expression - qui en est
quasiment un de survie. Le ministère m'informe, comme ministre, que pour
le jeune qui est référé, par un CLSC ou autrement,
à un centre Travail-Québec pour s'inscrire à une mesure,
les fonds et les ressources humaines sont disponibles. Ma question consiste
à savoir, étant donné, entre autres, la concentration
importante chez vous de bénéficiaires de l'aide sociale, si,
lorsque vous référez un jeune au centre Travail-Québec, le
centre est en mesure de répondre - je ne remet pas en question la
qualité, seulement l'aspect qu'il ne crève pas de faim sans la
parité - sur le plan budgétaire et sur le plan des ressources
humaines en offrant un programme à ce jeune, ou si les jeunes subissent
des refus.
Mme Vallières: Selon l'expérience que j'ai à
ce niveau, ce qui pose des problèmes, c'est que les jeunes ne se
retrouvent pas toujours à l'endroit où ils souhaiteraient aller.
C'est, quant au choix ou à la possibilité. Concrètement,
je connais un jeune qui voulait participer au programme de stages en milieu de
travail. C'était un organisme à but non lucratif. On l'a
transféré au programme de travaux communautaires. Ce sont de
telles procédures. L'expérience que j'ai, c'est qu'ils ne peuvent
pas toujours aller là où ils voudraient aller.
L'autre donnée que j'aimerais apporter, c'est la
marginalité de notre clientèle. Même si ce sont des jeunes
qui ont 180 $, on a affaire à une clientèle qui, souvent, est
très décrochée. Leur motivation pour retourner travailler
est très faible, de sorte qu'à la limite ils se fichent des
programmes. On a tout un travail de remotivation à faire avant que ces
jeunes y aient accès.
Ce qu'on dit dans le mémoire c'est que, souvent, ce n'est pas si
alléchant que cela du point de vue financier. Cela pose des
problèmes de motivation.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a plusieurs...
Mme Vallières: Donc, il y a une question d'argent, mais il
y a aussi une question de marginalité. Quand un jeune est
décroché depuis plusieurs années, que souvent il prend de
la "dope", etc., de le remettre sur le marché de l'employabilité,
c'est difficile. C'est une des difficultés qu'on rencontre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a plusieurs groupes
communautaires qui nous ont parlé de mesures de
préemployabilité, à cause des facteurs que vous
décrivez. Ces groupes communautaires nous ont également
indiqué la méfiance de l'assisté social envers le
système dit institutionnalisé et la quasi
nécessité, si on veut réussir dans ce domaine, de passer
par des plateaux de travail ou par des groupes corn-
munautaires. Je voudrais seulement avoir votre point de vue sur cette
approche. Vous êtes aussi institutionnalisés, les CLSC.
M. Légaré: Jusqu'à preuve du contraire, on
fait partie du réseau des affaires sociales. Ce que je voulais ajouter,
tout à l'heure, c'était en ce qui concerne les jeunes à
qui on va offrir le programme de stages en milieu de travail ou encore le
programme de travaux communautaires. D'une part, l'incitatif argent n'est pas
suffisant pour lui. D'autre part, on se fait répondre que le jeune qui
commence n'a pas la motivation suffisante. La motivation argent, dont on vous
parle dans fe mémoire, n'est pas suffisante pour que ce jeune
réintégre ou se réhabilite au travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai une difficulté sur le
plan monétaire. Sur les autres plans, je comprends. La motivation par
l'argent n'est pas une question unidimensionnelle. Elle n'est qu'une des
dimensions par lesquelles on peut le motiver. Lorsqu'on passe de 180 $ à
480 $ et quelques, il y a une motivation qui part de la non-couverture des
besoins de base, dits essentiels, à la couverture des besoins de base
essentiels. Donc argent et besoins de base essentiels sont là. Si vous
me dites que ce n'est pas suffisant, je m'interroge sur la motivation que nous
avons insérée dans la réforme. Si j'en ajoute davantage,
je dépasse le salaire minimum et, là, je provoque la même
réaction que celle qu'a connue le gouvernement entre 1981 et 1985: une
augmentation mensuelle des clientèles de l'aide sociale jusqu'à
un sommet de 715 000 personnes qui en dépendaient.
Le Président (M. Leclerc): M. Légaré.
M. Légaré: Cela leur donne plus d'argent. Ils
passent de 180 $ et il y a la parité avec les plus de 30 ans,
premièrement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans certains cas.
M. Légaré: Dans certains cas, cela peut aller
jusque là.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est cela.
M. Légaré: Lorsque le jeune participe à un
stage en milieu de travail, il se retrouve avec d'autres personnes qui font
exactement le même genre de travail que lui, et qui sont payés au
salaire minimum et plus. Dans le mémoire, lorsqu'on vous parle de
déterminer deux classes de travailleurs, vous en avez une illustration,
d'une part, et... J'ai perdu le fil par rapport à l'autre point.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Seulement avoir cette idée,
pour moi, cela valait la peine, cette notion que, sur le lieu de travail, se
retrouvent deux classes de travailleurs qui font la même chose.
M. Légaré: Maintenant, j'ai retrouvé...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.
M. Légaré: L'autre point concerne l'opposition que
vous faites dans le projet de réforme. Vous basez les barèmes de
l'aide sociale sur la catégorie de la population qui gagne le moins, les
fameux 10 %. Nous avons des difficultés avec cela. Ces 10 %, ce sont les
plus bas. Après eux, ce sont les plus pauvres que les pauvres. Par
rapport à cela, on se dit qu'il y aurait peut-être moyen d'avoir
une redistribution d'une certaine richesse collective en se basant, non pas sur
cette clientèle, mais sur d'autres clientèles
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est le salaire minimum.
M. Légaré: Entre autres. M. le ministre, j'aurais
une dernière remarque à faire. Vous parliez de l'augmentation du
nombre d'emplois, tout à l'heure. Dans la région de
Québec, il y a eu une augmentation - je tiens cela du Bulletin
régional sur le marché du travail - du nombre d'emplois dans la
région de 11 600 au cours de la dernière année. C'est dans
le Bulletin - vous devez l'avoir - sur le marché du travail du 4
février 1988.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On a le même.
M. Légaré: II y a eu une augmentation, mais dans le
Québec-Métro, il y a eu une diminution de 4700 emplois - le
Québec-Métro, c'est-à-dire les villes de Québec,
Sillery, Sainte-Foy, Charlesbourg et Limoilou - si on diminue cela, dune
part... D'autre part, dans le Québec-Centre, il y a eu une prolongation
de la durée de présence sur l'assurance-chômage.
Auparavant, elle était de 23 semaines et, maintenant, elle est de 27
semaines. Cela fait un bassin de population assez important pour lequel il faut
trouver de l'emploi.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais, en même temps, il
y a eu diminution de la population active, ce qui a entraîné une
diminution nette du taux de chômage.
M. Légaré: Oui, mais la proportion a
diminué, par exemple.
Le Président (M. Leclerc): Je m'excuse, M. le ministre,
votre temps est écoulé. Je vais reconnaître Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: Je vous remercie, M. le Président. Au nom de
ma collègue la députée de
Maisonneuve, Louise Harel, qui pilote le dossier depuis le
début... Je la remplace aujourd'hui parce que, malheureusement, elle ne
pouvait pas être présente, non pas parce qu'elle ne trouvait pas
intéressante la présentation de votre mémoire. Au
contraire, je pense qu'elle n'a que de bonnes appréciations à
vous transmettre.
Moi aussi, à sa lecture, je peux vous faire cette
appréciation parce que nous y voyons vraiment le reflet des gens qui
travaillent dans le milieu avec des gens qui sont, comme vous l'avez dit
tantôt, très décrochés, et qui vivent dans la
marginalité depuis bien longtemps. Cette façon d'être, pour
eux, est très difficile à vivre. D'une part, la qualité de
vie n'est pas une chose à laquelle ils sont habitués. D'autre
part, ils sont beaucoup plus habitués à vivre au seuil de la
pauvreté et à côtoyer régulièrement la
pauvreté, ce qui entraîne des conséquences dramatiques
à d'autres niveaux.
Tantôt, M. le ministre disait: Vous savez, ces gens, au fond, si
on augmente trop leurs prestations, ils vont tous vouloir rester sur le
bien-être social, ils ne voudront pas s'en sortir. D'ailleurs cela s'est
déjà produit certaines années. Il oublie que les
années où cela est arrivé - il l'a mentionné
lui-même - les années 1981-1982, il y avait une crise
économique et les prestations d'assurance-chômage avaient
été augmentées considérablement. Je pense que la
notion qu'on a des gens qui reçoivent de l'aide sociale, il faudrait
peut-être la réviser. Les jeunes qui terminent leurs études
et qui sont à la recherche d'un emploi, sont-ils de véritables
assistés sociaux parce qu'ils n'ont pas d'emploi, qu'ils n'ont pas
d'autre façon de s'en sortir ou ne faudrait-il pas les considérer
comme des chômeurs à la recherche d'un emploi? Parce que ce sont
des jeunes qui ont étudié et qui se cherchent un emploi. (16 h
15)
Donc, il y aurait peut-être des notions. En tout cas, il faudrait
revérifier en ce qui concerne les bénéficiaires de l'aide
sociale. On perdrait peut-être certains préjugés qu'on tend
à avoir vis-à-vis de ces personnes-là.
D'autre part, j'aimerais que vous fassiez ressortir davantage cet aspect
que vous avez démontré: la nature de votre clientèle,
c'est-à-dire cette chronicité, et combien il est difficile pour
vous d'arriver à voir des changements d'attitude par rapport au projet
de réforme ou d'employabilité. J'aimerais beaucoup que vous nous
démontriez quelles seraient les attentes de ces personnes et ce qui
favoriserait justement des changements de comportement. Quels seraient les
outils nécessaires, pour des groupes comme le vôtre, pour arriver
à atteindre leurs objectifs, si ce n'est pas que de l'argent,
finalement.
Le Président (M. Leclerc): Mme Vallières.
Mme Vallières: Ce que je pourrais dire là-dessus,
c'est qu'effectivement - et c'est peut- être pour cela qu'on a
travaillé l'aspect de la lutte à la pauvreté - on sait
qu'il y a une portion de notre clientèle qu'il sera très
difficile de remettre sur le marché du travail et qu'une forme de
chronicité importante s'est installée. Sans se le cacher non
plus, quand on disait qu'il y a 6000 personnes aptes ou disponibles au travail,
il faudrait voir si on aura 6000 emplois disponibles à la basse-ville
pour réintégrer ce monde. Donc, c'est pour cela qu'on insiste
beaucoup pour que les barèmes de base couvrent au moins les besoins
essentiels.
C'est pour cela aussi que l'on dit que c'est inacceptable que les
barèmes soient diminués pour inciter les gens à participer
dans le cadre des mesures d'employabilité. C'est un des facteurs qui,
pour nous, est bien important, parce qu'on sait qu'objectivement une bonne
portion de notre clientèle demeurera bénéficiaire de
l'aide sociale pour toutes sortes de raisons. On n'a pas à juger ces
raisons. C'est pour cela qu'on pense que les seuils minimaux doivent être
haussés pour empêcher que ces gens-ià vivent dans des
conditions inacceptables.
Mme Vermette: Est-ce que vous considérez que, finalement,
pour protéger le salaire minimum, c'est acceptable d'avoir une politique
d'aide sociale qui va à la baisse plutôt que de favoriser une
qualité de vie?
Mme Vallières: C'est un des éléments qu'on
présente dans le mémoire. Dans le fond, on oppose deux couches
sociales, alors que pour nous, si on avait inscrit la politique plus dans un
contexte de lutte à la pauvreté, on aurait voulu une
redistribution plus large. Là, c'est comme lorsqu'on enlève
quelque chose à une des catégories sociales, on enlève
à un pour en donner à l'autre. On oppose ces deux
groupes-là, dans le fond. Cela ne permet pas vraiment aux
assistés sociaux de sortir du ghetto de la pauvreté, mais en ce
qui concerne les gains admissibles au travail.
Mme Vermette: Vous avez aussi beaucoup parié des jeunes
mères de famille monoparentale qui semblent beaucoup plus, par cette
réforme, si elle est adoptée, pénalisées qu'autre
chose, surtout parce qu'elles ont charge d'enfants, elles auront une diminution
de leurs prestations. Vous avez plein d'interrogations en ce qui concerne leurs
besoins spéciaux, compte tenu de leur état. Parce que vous
êtes souvent avec cette clientèle, est-ce qu'il y a augmentation
du taux de mortalité chez les enfants ou dans les milieux? Est-ce
qu'actuellement, cela tend à évoluer, ou si c'est assez constant
chez les jeunes enfants? Cela peut être aussi en bas âge, les
bébés naissants.
Mme Vallières: Là-dessus, je pourrais sortir
quelques chiffres qu'on a relevés dans le mémoire. Entre autres,
on estime que les deux tiers
des bébés de petit poids naissent de mères de
milieux défavorisés et que l'insuffisance de poids à la
naissance est associée à une incidence plus grande de
mortalité néonatale. Je n'ai pas de chiffres précis en ce
qui concerne la basse-ville, sauf que de plus en plus de recherches
récentes sortent et elles prouvent les incidences de ces deux
facteurs.
Mme Vermette: Vous avez aussi parlé beaucoup des jeunes
mères qui sont enceintes et qu'il faudrait porter une attention plus
particulière, vers le sixième ou septième mois de
grossesse, pour qu'en fin de compte elles puissent, d'une part, planifier
l'arrivée du bébé et, d'autre part, avoir une alimentation
plus saine. Cela empêcherait justement cet état de fait malheureux
qui coûte très cher à l'État, finalement, parce que
cela fait des enfants qui ont des problèmes de santé et qui
risquent, à leur tour, d'être continuellement pris en charge par
l'État. Donc, ces jeunes mères, actuellement,
bénéficient de quel genre de services pour pallier à cette
situation? Est-ce qu'on leur offre la possibilité de faire face à
leur situation?
Mme Vallières: II n'existe à peu près pas de
ressources. À Québec, il y en a une qui répond bien aux
besoins, sauf qu'elle est limitée. Il faut voir aussi que ce ne sont pas
toutes les adolescentes qui acceptent. Prenons une adolescente qui a
été placée dans des foyers depuis sa tendre enfance. Quand
on lui propose d'aller dans une autre famille ou dans un endroit pour
poursuivre sa grossesse, souvent, elle nous répond: Si vous faites cela,
si vous me placez, je ne viens plus vous voir. Et notre intervention finit
là. Alors il y a à peu près une seule ressource à
Québec qui peut répondre à ce genre de besoins. En dehors
des jeunes mères qui peuvent être assumées
financièrement par leur famille, celles qui ne le peuvent pas, pour
toutes sortes de raisons, famille inadéquate, problèmes de
violence familiale, problèmes de toxicomanie dans la famille, on doit
les retirer et on se retrouve à peu près devant rien. Cela pose
vraiment des problèmes d'intervention importants, et pour elles
aussi.
Mme Vermette: Est-ce que ces jeunes mères sont des
personnes, en général, capables d'occuper un poste de travail
d'une façon assidue et régulière, et qui peuvent
répondre facilement à des programmes d'employabilité?
Est-ce qu'elles ont besoin de plus de soutien?
Mme Vallières: Je dirais que, pour cette
clientèle-là, on tente plutôt de les maintenir en milieu
scolaire, parce que ce sont des mères âgées de 14 à
17 ans. Donc, on essaie plus de les maintenir dans ce millieu, de leur
permettre de poursuivre leurs études en même temps qu'elles
poursuivent leur grossesse.
Mme Vermette: Qu'est-ce qui se passe à ce moment-là
pour ces mères, avec les problèmes du bébé,
finalement, puisqu'elles ont un bébé à leur charge, en
raison des problèmes de garderie?
Mme Vallières: Oui
Mme Vermette: Est-ce qu'il y a suffisamment de garderies et de
places en garderie à l'heure actuelle, à Québec, pour
favoriser ces mères-là? Cela va avec la réforme
Mme Vallières: Je vous dirais que, souvent, ce qu'on voit,
c'est le réseau qui assume ces enfants-là. Parfois, ce sont des
"chums" filles, parfois des tantes. Je dirais que c'est plus le réseau
environnant que les garderies.
Mme Vermette: C'est parce qu'on attend toujours la politique de
la ministre déléguée à la Condition féminine
sur les politiques de garderies, qui est le pendant important de cette
réforme-là. On ne sait toujours pas où on va aller avec
cette politique-là. C'est donc un problème de taille, à
mon avis, pour votre clientèle à l'heure actuelle. Je pense qu'on
a oublié de planifier ce volet-là. On incite les gens à
aller travailler, mais on ne leur donne pas les meilleures conditions pour le
faire Je trouve que c'est important, mais il faut les favoriser un peu aussi,
parce qu'il va y avoir d'autres dépenses. Je pense que c'est à
prendre en considération lorsqu'on fait une réforme. Il faut
accepter de vérifier cela non pas d'une façon linéaire,
mais beaucoup plus en spirale, et vérifier, finalement,
('interconnection des besoins par rapport aux différents
ministères aussi.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Plus à l'horizontal qu'en
spirale.
Mme Vermette: Bien, pas tout à fait. C'est une
façon du ministre de voir les choses, mais chacun a ses limites. Je veux
vous demander ceci aussi: Dans vos recommandations, vous avez demandé
qu'on favorise l'expérimentation et le développement d'un esprit
d'initiative des groupes communautaires. J'aimerais que vous parliez davantage
de cette recommandation-là et que vous m'expliquiez comment, justement,
ces groupes commaunautaires pourraient prendre le leadership.
M. Légaré: Cela peut vouloir dire, entre autres, de
renforcer le réseau d'organismes communautaires qui apportent de
l'entraide, qui font du soutien aux personnes âgées et aux
familles démunies, et de les enrichir autrement. Actuellement, des
jeunes vont travailler à l'intérieur d'organismes comme cela. Ils
ont des allocations pendant un certain temps et, une fois que cela est
terminé, H s'en retournent chez eux et les services demeurent. Cela
pourrait être ainsi d'une part. D'autre part, cela pourrait être
aussi de reconnaître, par des moyens financiers
suffisants, le travail que ce genre d'organismes communautaires fait
dans des milieux défavorisés comme à la basse-ville.
Mme Vermette: Jusqu'à maintenant, plusieurs groupes
communautaires sont venus. À quelques reprises, j'étais
présente et, à chaque fois, tout ce que j'ai entendu de ces
groupes communautaires, c'est que très souvent ils ont eu de la
difficulté à obtenir du financement et à être
reconnus. Est-ce que cette situation existe chez vous?
M. Légaré: C'est tout à fait présent
à la basse-ville. Plusieurs groupes... On rencontre
régulièrement des organismes où il y a, par exemple, deux
permanents. Il y a un permanent qui a été salarié pendant
six mois et, les six mois suivants, il reçoit des prestations de
l'assurance-chômage, ce qui permet à l'autre d'avoir des revenus
pour être capable de tomber... Cette roue tourne et ces organismes
finissent par être capables d'assurer les services en agissant comme
cela. S'ils avaient une reconnaissance, en termes d'argent, du travail qu'ils
font, cela ne ferait qu'améliorer les conditions de vie dans la
basse-ville, entre autres.
Mme Vermette: En ce qui concerne le développement des
mesures d'employabilité, vous avez l'air à considérer
qu'actuellement, ce qui existe dans ces mesures ne permet pas à ces
gens, qui sont à l'intérieur des programmes, d'être
considérés ou d'avoir la chance d'être
intégrés dans le milieu du travail. J'aimerais aussi, par votre
expérience, savoir sur quoi vous vous basez pour dire cela. Vous avez
fait une recommandation qui respecte les normes minimales de travail et qui
permet un véritable accès au marché du travail. Donc,
votre expérience prouve que ce n'est pas tout à fait ce qui est
vécu à l'heure actuelle.
M. Légaré: L'expérience démontre des
choses. Dans un premier temps, elle démontre qu'une fois le programme
terminé, le jeune ne peut pas intégrer l'organisme qui peut avoir
accès à ce programme. Cet organisme n'a pas l'argent pour
l'engager, d'une part, et cela démontre, d'autre part, que les jeunes
qui travaillent à l'intérieur de ces organismes - il est
prévu 20 heures par semaine aussi - très souvent se trouvent
à travailler les cinq jours par semaine pour faire exactement le
même genre de travail que ceux qui sont là et qui sont permanents
pour un salaire qui est beaucoup moindre.
Mme Vermette: Oui?
Mme Vallières: Est-ce que je peux ajouter quelque chose
là-dessus? Ce que je vous dirais aussi, c'est qu'en ce qui concerne les
stages en milieu de travail il faut bien voir aussi que, souvent, cela
devient... Ce n'est pas un emploi permanent qu'ils vont chercher, c'est un
stage et, après cela, ils laissent le stage. C'est dans ce sens qu'on
dit que ce n'est pas sûr que les mesures d'employabilité vont
permettre d'avoir accès à de véritables emplois. L'autre
aspect, c'est de dire, par exemple, que si, dans la basse-ville il y a 6000
personnes considérées comme aptes au travail, dans le projet on
parte beaucoup de mesures d'employabilité, mais est-ce qu'on va en faire
pendant des années? Est-ce qu'il va y avoir, dans la basse-ville, 6000
emplois disponibles pour ces personnes afin de leur permettre d'assumer
vraiment leur autonomie financière? C'est une question qu'on pose.
Est-ce qu'après un programme on va en prendre un autre? Après un
autre, un autre? On n'a pas de réponse.
Mme Vermette: En fait, ce serait une motivation pour les gens de
savoir qu'ils auraient un emploi stable et bien rémunéré.
Ce serait la véritable motivation pour ces personnes. On me dit que mon
temps est terminé. Je vous remercie beaucoup de vous être
prêtés si bien à nos questions.
Le Président (M. Leclerc): Merci, Mme la
députée de Marie-Victorin. Avant de céder la parole au
ministre pour la conclusion, j'aimerais demander le consentement de la
commission puisque notre temps est écoulé, pour que je puisse
poser une question au moins.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Étant donné que vous
faites bien cela, M. le Président.
Le Président (M. Leclerc): Merci. Puisque le CLSC est dans
mon comté, je ne peux pas laisser passer une telle occasion de leur
poser une question. Mais, avant de le faire, je voudrais d'abord les
féliciter pour leur mémoire. On en a reçu 125. On en a
entendu 85, et je peux vous dire que votre mémoire est bien au-dessus de
la moyenne quant au sérieux de son contenu. Évidemment, cela fait
réfléchir la commission et, à plus forte raison, le
député de Taschereau.
Vous avez parlé d'un certain nombre de points. Il y a au moins
quelques points que je voudrais reprendre. Vous avez souligné l'apport
important des SEMO sur votre territoire. Je vois M. Daigneault, en
arrière, et j'en profite simplement pour rappeler au ministre que je
suis en demande pour un SEMO additionnel pour handicapés dans la
région de Québec.
Vous avez aussi parlé de l'entrepreneurship communautaire. Cela
m'apparaît important. Plusieurs groupes avant vous en ont aussi
parié. Le ministre en a pris bonne note et cela m'apparaît
effectivement une bonne façon de faire des stages ou des travaux
communautaires que de les faire à l'intérieur de stages ou de
travaux organisés par des organismes communautaires du coin.
(16 h 30)
Vous avez aussi parlé des problèmes des femmes enceintes
qui ont des bébés de poids plus faible que la moyenne. Vous
m'avez sensibilisé à ce problème-là; je vous avoue
que je suis, là encore, en demande au ministère de la
Santé et des Services sociaux et je sais que M. Sirros, l'adjoint
parlementaire de Mme Lavoie-Roux, en prend bonne note. Actuellement, il y a
deux projets pilotes dans la province: un à Verdun et l'autre à
Matane. Je sais que la ministre étudie les données de ces deux
projets pilotes et, éventuellement, on aura une politique provinciale
qui permettra au CLSC de la basse-ville de mener à bien son projet,
mais, en tout cas, je tenais à vous souligner que je continue de pousser
sur ce même dossier.
Ma question, la voici: Vous avez discuté avec Mme la
députée de Marie-Victorin et avec le ministre du programme APTE.
Je ne veux pas revenir sur la question mais j'aimerais avoir votre opinion sur
le programme Soutien financier. Vous avez mentioné dans votre texte
qu'il y avait, je crois, 1900 - vous m'excuserez parce que Taschereau comprend
aussi une partie de la basse-ville - alors, je me réfère
spécifiquement à votre clientèle, la partie de la
haute-ville, dis-je - personnes inaptes. Par conséquent, j'aimerais
avoir votre avis sur notre programme Soutien financier et votre avis sur le
programme APPORT, qui, contrairement au programme SUPRET actuel, donnait un
revenu supplémentaire aux ménages à faibles revenus, une
fois par année, avec le rapport d'impôt. Le programme APPORT, lui,
va donner, à partir de juillet 1988 - c'est bien cela - un chèque
mensuel aux ménages à faibles revenus.
Une voix: Plus 50 % des frais... M. Laroche: Mme
Vallières.
Le Président (M. Leclerc): Plus 50 % des frais de
gardiennage.
M. Laroche: Mme Vallières a la réponse à
cette question, M. Leclerc.
Le Président (M. Leclerc): Mme Vallières.
Mme Vallières: Ha, ha, ha! Moi, en fonction du programme
Soutien financier, je vous dirais, d'abord, qu'on l'a moins regardé que
les autres. Dans le fond, ce qu'on considère effectivement, c'est la
portion de la clientèle des assistés sociaux qui sera la plus
favorisée, entre guillemets, puisque les barèmes vont être
un peu plus augmentés. Les questions qu'on peut poser, c'est par rapport
aux personnes handicapées, entre autres; dans le fond, je pense qu'il
faudra s'assurer que les personnes handicapées vont pouvoir avoir
accès à une possibilité de travail pour ne pas les
marginaliser davantage.
D'autre part, il y a toute la notion à savoir qui va être
inapte et qui va décider de l'inaptitude et cela, Claude l'a
soulevé. Là aussi, il reste des zones grises à ce
chapitre-là: Qui va déterminer l'inaptitude des gens et à
partir de quels critères? Cela, on peut s'interroger là-dessus.
Je vous dirais que, le danger qu'on peut aussi voir, c'est dans la mesure
où l'incitation à travailler et les barèmes au programme
APTE seront - en tout cas, nous, on le juge - discutables à partir de la
baisse des barèmes, etc. Ce qu'on peut penser, c'est qu'il y a
peut-être des jeunes qui seraient aptes et qui vont tenter de se faire
déclarer inaptes pour pouvoir avoir des montants plus
intéressants. Puis cela, c'est...
Le Président (M. Leclerc): Chose qui se fait
déjà.
Mme Vallières: Oui, et on souhaite des mesures, des
incitations plus marquées pour ceux qui sont aptes, pour leur permettre
vraiment de se réintégrer. Si ces mesures ne sont pas
suffisamment incitatrices, il y a risque que des jeunes veuillent se faire
déclarer inaptes pour avoir un montant plus élevé.
Le Président (M. Leclerc): Je ne voudrais pas abuser du
consentement de la commission, mais je voudrais poser aussi une petite question
sur le programme APPORT.
Mme Vallières: Le programme APPORT, je ne peux pas vous en
parler beaucoup. Je pense que, d'abord, les tableaux n'étaient pas
très précis. Donc... Non, dans le fond, il y a une
reconnaissance, entre autres, des services de garde qui peut être
intéressante, je pense, pour les familles monoparentales, les personnes,
les petites travailleuses qui, souvent, doivent faire garder leurs enfants et
c'est souvent une des portions qui gruge le revenu. En ce sens-là, on
peut reconnaître que c'est intéressant. Maintenant, on pourrait
discuter peut-être de toute la question du salaire minimum, mais je ne
peux quand même pas vous en dire plus long là-dessus.
Le Président (M. Leclerc): C'est, malheureusement, tout le
temps que l'on a et je vais reconnaître M. le ministre en conclusion.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Très brièvement, je
tiens à vous remercier pour votre apport aux travaux de la commission.
Nous avions pris connaissance de votre mémoire écrit. Votre
présentation verbale a fait en sorte que vous insistez sur quelques
points. Je vous rappelle, en terminant, la demande que nous vous avons
adressée quant à une problématique que vous avez
soulevée et pour votre contribution aux travaux de cette commission, au
nom de la commission et au nom du gouvernement du Québec, merci.
Le Président (M. Leclerc): Alors, Mme Vallières, M.
Légaré, M. Métivier, M. Laroche, au nom de la commission,
je vous remercie et je suspends deux minutes, te temps de permettre au Centre
d'amitié autochtone de Montréal de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 36)
(Reprisée 16 h39)
Le Président (M. Leclerc): La commission reprend ses
travaux et souhaite la bienvenue au Centre d'amitié autochtone de
Montréal.
Juste avant de vous céder la parole, je voudrais vous expliquer
notre mode de fonctionnement. Vous avez 20 minutes pour nous faire part de
votre mémoire et, ensuite, chacun des partis politiques aura 20 minutes
pour vous poser des questions.
Alors, je demanderais au porte-parole de bien vouloir présenter
ses collègues pour les fins du Journal des débats.
Centre d'amitié autochtone de
Montréal
Mme Williams (Ida): Thank you very much. I would like to
introduce myself. My name is Ida Williams, I am the executive director of the
Native Friendship Centre of Montreal. To my left I have Lorraine Jacko, a board
member of the Native Friendship Centre of Montreal, and to my right, Josianne
Wanono, assistant director of the Friendship Centre.
If you have any questions afterwards to ask in French, would you direct
them to Josianne, and she will translate for us. Thank you.
One of the main arguments reiterated in the Position Paper entitled
'Towards an Income Security Policy" is the increase in the number of welfare
recipients over the past decade and the fact that they are now younger and stay
on welfare for longer periods of time. Limited attention is paid to the strong
underlying causes, such as the fact that the rate of unemployment has increased
and that there has been little effort placed into creating permanent jobs.
The Native Friendship Centre of Montreal is a nonprofit community
organization, created fourteen years ago to serve and assist Native people
living or in transit in Montreal. The Centre offers various services which are
geared mainly towards helping our clients in need and on low income. In fact, a
large majority of our clients are on welfare. They barely manage to meet their
basic needs and this situation is more intolerable for those under 30. Many of
our clients have to live on the streets because they cannot afford to pay a
rent and are therefore not eligible for welfare benefits. The Native Friendship
Centre of Montreal is presently active in working towards the creation of a
shelter for Native women in Montreal.
There are many barriers to their finding employment, which include lack
of university education, lack of job skills required in a large city and, more
importantly perhaps, is the prejudice and lack of understanding on the part of
potential employers and representatives of social agencies.
Our clients have been unemployed for long periods of time and government
incentive programs will not solve this problem. Our clients are not content
living off of welfare benefits but to change this style of life, there must be
a whole re-education process and there must be jobs available to them.
We wish to submit the following comments and recommendations with regard
to the Position Paper. 1. Categorizing beneficiaries into two groups: those who
are able to work and those who are unable to work. The Position Paper defines
those who are able to work as those with no physical or mental handicap or with
a small to medium one. We find it hard to understand how a welfare agent can
possibly decide whether a handicap is small, medium or severe. The way one
individual copes with his or her handicap is different in every case and it
should not be left to the discrimination of a welfare agent to determine
whether that person can or cannot work.
Furthermore, this categorizing will only brand those considered as
unable to work and will classify them as outcasts of society, a group not to be
bothered with. Mention is made in the Position Paper of government programs
which will be available to them, but it is obvious that once they are
classified as unable to work, the Government will not preoccupy itself with
bettering their lifeskills or contributing to a meaningful life. Increasing
their monthly benefits is a positive move in view of their need for medication
and medical equipment but, alone, can only decrease their sense of worth and
dignity. 2. Parity for all individuals on welfare. The NFCM agrees totally that
individuals under 30 should receive welfare payments equal to those aged 30 and
over. The needs of an individual under 30 are no different than those of a
person over 30.
However, decreasing the monthly payment for individuals aged 30 and over
and for families is totally unfair and unwarranted. Does the Government
actually believe that this form of punishment will help them get - worthwhile
jobs or is the aim to force them into the ranks of the homeless?
Dependence of the Native women on men who can provide for them will
continue to be the norm for many of them, especially for those under 30
receiving 178 $ a month. How can they be expected to pay for their basic needs
and lead an autonomous life? Their perpetual dependence will be
guaranteed and the desire to improve their job skills or continue their
educa-
tion will remain impossible goals.
Furthermore, a large number of Native women on welfare are forced to
leave their children behind, under the care of relatives or foster homes,
because it is unrealistic for them to raise them on the low income they
receive. This forced separation from their children surely does not create the
atmosphere or incentive to re-enter the job market, even if jobs were
available. 3. Need for more flexibility and understanding in assessing claims.
As stated, many Native people in Montreal are forced to stay in shelters. Since
only a few shelters accept to have their clients use their address so as to
enable them to apply for welfare, those shelters are always full, and a place
to stay for the night is not always guaranteed. Many are forced to sleep on the
streets, therefore, jeopardizing their chances of receiving welfare benefits.
Others move from one acquaintance's apartment to another until they can find
someone to share the cost of rent with.
Obviously, welfare agents will not be able to reach them at their
address, because it is only a place to sleep at night. During the day, they
seek familiar surroundings, such as the Friendship Centre where they can find
comfort and respect. Many have had their welfare payments cut because they
could not be reached or have had to wait weeks and months before their claims
could be reactivated. This situation only aggravates the problem of
homelessness and shows absolute disregard for the welfare of our citizens.
Welfare agents should not spy on welfare recipients, as though they are
cheats who prefer to receive government handouts which barely keep them alive.
Greater respect should be shown to them, and welfare agents should advise them
of the time and date of their visit.
Furthermore, in view of the difficulty of finding a place to stay and,
therefore, an address, provision should be made to enable the use of sponsors,
such as the Native Frienship Centre or other organizations, whose address would
be used to receive welfare benefits for a few months, until the individual or
family can find a permanent place of stay.
Understanding of Native people living in Montreal with little or no
income, no family ties, facing constant discrimination, and seeking a refuge in
Native organizations where their culture and traditions are respected, would
enable welfare agents to be more flexible with their rules. A change of
attitude towards Native people and other groups who may face similar
difficulties is essential.
In other words, instead of recommending stricter means of verifying
claims, as is suggested in the Position Paper, the Native Friendship Centre of
Montreal strongly recommends the opposite: a broader, more just and more
flexible means of assessing and verifying claims.
Mme Jacko (Lorraine): 4. Sharing accommodations. It is the
experience of the Native Friendship Centre, from working with welfare
recipients, that the only means of survival for them is to share
accommodations. Even with the combined benefits, they are barely able to pay
for rent and food. Penalizing them for sharing expenses, at a loss of 115 $ per
recipient, totally removes the possibility of covering such costs as
transportation and clothing without which they cannot be expected to look for
work, let alone be hired.
The Native Friendship Centre of Montreal strongly urges the Government
to remove penalties of any kind for recipients sharing accommodations. The
basic needs of two individuals do not change simply by the fact that they are
both receiving social assistance. In fact, recipients needs may be greater
because they lack the support systems, contacts and self-confidence which come
with holding a job. They should be offered every possible assistance to help
them back into the labour force. This assistance should take the form of
financial help, lifeskills education and job offers, rather than the use of
threats and payment cuts. 5. Government incentive programs. Forcing people into
government incentive programs will not solve the problem of unemployment. These
programs tend to benefit employers only, who receive assistance and free labour
from welfare recipients. It is true that they offer some on-the-job training,
but once the program is over, the recipient is still unemployed.
A more positive approach would be able to get a firm commitment from
employers, especially those in the private and parapublic sectors, to hire
welfare recipients in their employ once the program is terminated, unless there
is a serious and irréconciliable problem with the person's job
performance.
The Parental Wage Adjusting Program. The PWA Program is positive in that
it recommends assisting low-income working families financially. It should not,
however, be used as a compensation for staying in the labour force, as if those
on welfare should be punished. In fact, the new proposal suggests a cut in
benefits for families on welfare, instead of taking into consideration the
factors underlying the situation.
The PWA Program is recommendable for those already in the labour force,
who have already established various networks but could certainly benefit from
means of coping with day-care and other work-related expenses. However, it
should not be seen as a form of reward, but as an overdue assistance plan.
Furthermore, and in the same token, parents on welfare need all the support
required to meet their basic needs, provide food, clothing and education for
their children before they can even consider improving their owns skills and
looking for work. Cutting their welfare benefits will threaten their
livelihood, increase the breaking up of the family and
over-crowding the few shelters which do exist. The Native Friendship
Centre of Montreal is strongly opposed to any measure aimed at decreasing the
already low welfare benefits available to families.
Mme Wanono (Josianne): 7. Job Creation Programs. The Government
should concentrate on creating jobs rather than placing beneficiaries into
programs which do not improve their conditions of life or meet their needs. For
if all able welfare recipients are to work, then there must be just as many
jobs available.
Mention is made in the Position Paper of directing beneficiaries into
the forestry and agriculture sectors for work. Obviously, this implies moving
them to rural areas, away from the city. Native people in Montreal are already
removed from their own communities and Native organizations have been striving
to create a familiar surrounding where they can feel at ease. Pushing them to
areas where they will be totally alienated from their culture and traditions is
unacceptable. Furthermore, it would mean dividing families, by forcing one
parent to leave for jobs away from his or her spouse and children. 8. Knowledge
and understanding of Native cultures and the needs of Native people is
compulsory. Welfare agents should become acquainted with Native cultures and
with the specific problems Native people face when coming to the city. In this
way, they would be better equipped to assist Native clients and to evaluate
their case in a fair and just manner.
As well, company employers should be encouraged to hire Native people
and, in view of the fact that they may lack job skills required in large
cities, these employers should be more flexible with their job requirements and
demand only those skills and level of education which are absolutely necessary
to perform the job. 9. Means of voicing complaints and requesting appeals on
the part of welfare recipients. There is, at present, little recourse for
welfare recipients who may wish a review of their claims or who may wish to
submit a complaint. They are left at the mercy of the welfare agent who may, at
times, be disrespectful towards them and lack understanding or patience.
A clear, formal procedure for submitting and hearing complaints or for
reviewing a decision made by an agent which the recipient may deem to be
unfair, should be established. As well, welfare recipients should be informed
of such procedures and of their right to avail themselves of same.
Conclusion. The attitude of the Position Paper is that welfare
recipients are third class citizens, abusing the system, and we should be
incited, through punitive action, to participate in government programs and
temporary jobs from which the benefits derived are so low that no one else
would ever accept them.
Discarding this large segment of society by shoving them into isolated
areas to work, scrutinizing their claim for a need for financial assistance and
enforcing strict measures can only lead to self-deterioration and increase the
rate of homelessness.
The NFCM strongly recommends that the Government focus on job creation
programs which are lasting. An individual or parent should not be shoved around
simply because he or she depends on the State for assistance. Decent, equal
opportunity jobs should be created in the city to accommodate as many people as
possible. Untill that is realized, a welfare recipient has the right to
government assistance, without prejudice.
Since one of the crucial problems faced by Native people in need is that
of homeless-ness - being tosssed from one apartment or shelter to another, and
sleeping on the streets - it is clear to us that, along with a serious and fair
job creation program, the Government should focus on helping people to rent a
decent lodging. This assistance could be in the form of low-cost housing for
individuals and families, or through rent subsidies.
It is time that the Government and its officers change their attitude
and show respect for welfare recipients, as individuals who have the right to a
meaningful existence and who deserve all the suport and attention needed to
help them to regain their self-esteem, sense of worth and independence. Thank
you.
Le Président (M. Leclerc): Is that all? Thank you very
much.
Mme Wanono: That is it.
Le Président (M. Leclerc): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Yes. I would like to thank le
Centre d'amitié autochtone de Montréal and those who have spoken
on behalf of the centre, Mesdames Williams, Jacko and Wanono. I hope the
pronunciation is not too terrible.
I will try to concentrate my questions on subjects that are particular
to the people you serve. First of ail, I would like to know a little bit more
about the activities of the centre on a daily, weekly or monthly basis. How
many people do you service? What kind of service do you bring them? And amongst
your clientele, what is the percentage that has as only source of income
welfare payments?
Mme Williams: Right now, the Native
Friendship Centre of Montreal has six permanent staff persons of which
one is the information referral worker who works directly with the membership
clients. Because Native people are bilingual in Québec, Josianne takes
the French-
speaking Native people and the referral worker takes the
English-speaking. Because there are so many clients, the overload comes to me.
So, there are three of us dealing with these clients. Of our membership
clients, at least 80 % are on welfare. It is a young population; again, at
least 70 % of them are under 30, from 18 to 30. The Native population in
Montreal is very young: average age between 18 to 35 years.
The Friendship Centre offers a variety of activities. We are recognized
as a sociocultural centre providing people with the needs to express themselves
culturally, to create a home-away-from-home atmosphere. We represent all ten
nations in Québec, the majority of them being Inuit, the second being
Cree and the third being Micmac, with the other seven being represented in the
Friendship Centre also.
Of the services we offer, referral and information in counselling is the
most important. We do not have a qualified social worker on staff, we just have
a person who cares very much for the people, as all the staff do, but she is
not a qualified social worker. She provides information to them in completing
welfare forms, unemployment forms, filling out the forms for them because many
of them cannot write English or French. She provides information on low-rent
areas in Montreal, brings them there, provides them with bus tickets if needed
and counselling, encourages them to keep on living, because many of them do not
want to go back home, because there is nothing back home either. They come to
Montreal with a dream, that they are going to make it. And they do not make it.
They are even worse than what they were when they came here. Many of them come
in on Tuesday from the plane, many young women, with some money, and spend it
by Thursday. And they are on the streets Friday, trying to get a bed for Friday
night. It is discouraging. But maybe you want to continue? (17 heures)
Mme Wanono: Among the services, Ida mentioned a lot with regard
to information and referral, but another one is placing people into shelters.
We get at least two or three requests per day for a place to stay for the
night. When it is for a man, it is not so difficult, but when it is for a
woman, it is extremely difficult trying to find a place to stay. We are usually
on the phone for three hours for the same person. Une maison
d'hébergement pour trouver un foyer.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): There is no problem. I
understand.
Mme Wanono: Okay, I am sorry. So, the problem of homelessness is
a very serious one for us. Out of our clientele, I would say about - what? - 30
%, 40 % are homeless.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): You have mentioned that an
important portion of your clientele has welfare as the only source of income.
We know that for those aged 18 to 30 years, it puts on an additional difficulty
because of the very small amount that is paid every month. For them, to
increase that amount... Do you refer some of your clientele to the "centres
Travail-Québec", so they can participate in some of the measures? Do you
have any success, difficulties? How does it work according to your experience,
when you refer them?
Mme Wanono: We have the "travaux communautaires" in our own
organization. So, yes, we do use it. The turnover is incredible. The turnover
of welfare recipients on our "travaux communautaires" grant is incredible,
because it is so obvious that there is no future for them in that. You know, it
is... There are positions that are open, it is for about a year, subject to
renewal but the same recipients cannot renew after a year. And the job, because
there is not sufficient training... There may be some training but you know, in
community organizations, you cannot, when you have a very small staff, spend
too much time on training. So, they do part of the work, but they cannot do too
much without supervision. There are only small parts of the job that they can
do, so the job becomes monotonous for them. And also, they know that after the
program is over, they will be back to where they started. That is extremely
discouraging for them as well. Plus, they have not been prepared to go back to
work. You know, it is easy to say to someone who has been on welfare for ten
years: Hey! I have a job for you and you can make an extra 180 $ a month or 190
$ a month. But they have not been prepared to go back to the work force. They
have not been prepared to get up at eight o'clock in the morning to show up for
nine o'clock, or to show up every day, you know. There are so many things that
you have to prepare someone for who has been so used to being unemployed. And
that is the problem I find also.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Do you find that the people from
the community you represent have additional barriers? Do you feel that the
people you represent have a higher level of analphabetism, that they cannot
write or read? And do you feel that some of them may even have what you call a
language barrier, worse than mine?
Mme Williams: That is the main problem. Of all the Native people
in Québec, it is known that 60 % are anglophone and 40 % are
francophone. Of those in Montreal, we find that 70 % of our members are
anglophone and 30 % are francophone. And those who are francophone do not
speak... Maybe they do not speak French well enough to be in the work force.
So, there again, because of their bad French, they cannot get a
job either.
As for illiteracy, I am not too sure about that. We have never
approached the people. So, I have no statistics on that, but it is known that
many Native people do not have formal education past grade 11 or secondary V.
They are not encouraged to continue to cegep or university or do not feel the
need for it and return to maybe the traditional way of life. But, one's
traditional way of life is maybe not exactly what they want and they come to
the city with no skills at all, not even skills to do a factory job, maybe just
labour, minimal labour.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Amongst the people in your
community in Montreal who have access or recourse to your services, are there
more men or women?
Mme Williams: There were more men maybe three years ago, but now
the population of Native women is growing and has grown fast and they are
young, very young.
Le Président (M. Leclerc): Mme la députée de
Marie-Victorin.
Mme Vermette: In the name of my "formation politique", I will
welcome you. Instead of Mrs. Louise Harel, who is in charge of this field, I
represent Louise Harel. I will say that she is very sad not to be here. I just
want to say that she took care of your "mémoire" and she asked me to
take her place.
Je vais poser mes questions en français, ce sera beaucoup plus
facile pour notre compréhension réciproque.
J'ai pris connaissance de votre mémoire et ce que j'ai compris,
c'est que vous apparteniez à une clientèle assez
particulière et que vous deviez subir des problèmes. Notamment,
beaucoup d'entre vous sont des personnes sans abri et qui se sont
retirées très jeune de leur famille. Elles doivent trouver des
moyens du bord pour essayer de subsister, en fin de compte. Très
souvent, vous êtes la seule ressource. En tout cas, il nous semble que
vous soyez la seule ressource et vous n'avez même pas de professionnel
dans votre équipe, mais des gens de bonne volonté qui apportent
le meilleur d'eux-mêmes, la meilleure compréhension, et qui sont
prêts à apporter une collaboration sans compter pour essayer de
solutionner ces problèmes.
Je vous trouve très courageuses, en tout cas, et je peux vous
dire, du moins, que c'est tout à votre honneur de prendre les
intérêts des personnes que vous représentez et surtout de
travailler dans des conditions très difficiles.
Il y a plusieurs points. J'ai sorti plusieurs choses de votre
mémoire, en ce qui concerne justement la motivation qui inciterait,
finalement, les jeunes à avoir de l'emploi parce que vous mentionnez que
les programmes d'incitation à l'emploi ne sont pas les moyens de
résoudre ces problèmes. C'est à la page 2 de votre
mémoire. Vous avez des gens chez vous qui n'ont pas été
à l'emploi depuis longtemps et qui n'ont pas pu obtenir un emploi. Donc,
cela devient très difficile. Quels seraient les incitatifs qui, selon
vous, favoriseraient l'intégration? C'est par le biais de
l'éducation ou par d'autres biais?
Mme Wanono: Je vais traduire, d'accord? Le Président
(M. Leclerc): Oui.
Mme Wanono: D'accord. Il y a plusieurs choses. Comme on a dit, ce
n'est pas suffisant de forcer les gens à faire partie des programmes,
"government incentive programs". Comment traduisez-vous cela? Les programmes
gouvernementaux qui ont été suggérés dans votre
mémoire. Ce que nous suggérons, puisque le problème...,
c'est que les sans-abri soient au moins garantis d'avoir un logement. Il faut
qu'ils aient un endroit qu'ils puissent appeler leur chez-soi, que cela se
fasse seulement par une aide du gouvernement, disons par le biais des logements
à prix modique, ou d'une subvention gouvernementale, peut-être par
l'aide sociale. Je pense que cela est une des choses les plus importantes,
qu'il y ait un logement pour ces personnes-là.
Deuxièmement, l'éducation. Peut-être pas vraiment
l'éducation, mais une formation au travail et une aide
financière. Pas une aide qui serait coupée ou faisant en sorte
que la personne soit menacée, si elle ne participe pas à un
certain programme, de voir son aide réduite, mais une aide
financière suffisante qui permettrait à cette personne de
subvenir à ses besoins, de se nourrir, de s'habiller proprement pour
pouvoir passer des entrevues. Je pense que la chose la plus importante, c'est
de recréer dans cette personne un sentiment de confiance en soi, parce
que c'est cela qui a été perdu. C'est l'abus, une
détérioration individuelle qui a pris place après
plusieurs années dans la rue. Je pense que, si on s'occupe de ces
affaires-là, on pourra demander à la personne de trouver un
emploi. Je sais que c'est un long processus, mais c'est la seule solution que
je vois.
Mme Vermette: Vous avez parlé, à la page 1, je
crois, des préjugés auxquels elles doivent faire face très
souvent de la part des employeurs; donc, c'est un autre obstacle à
trouver des emplois.
Mme Wanono: Pas seulement de la part des employeurs, mais je
dirais aussi de la part des agents sociaux, au bureau du bien-être social
et au bureau de l'assurance-chômage. Ces préjugés sont
tellement répandus... D'ailleurs, on reçoit toujours des plaintes
au centre d'amitié de nos clients qui nous disent qu'ils ont vu un agent
et que l'agent les a traités de tel et tel ou leur a parlé d'une
façon qui suggère une certaine dis-
crimination.
Mme Vermette: Est-ce que, pour vous, à l'heure actuelle,
les travailleurs sociaux ont déjà des préjugés?
Mme Wanono: Oui, absolument.
Mme Vermette: Vous craignez un petit peu, finalement, qu'ils
jugent de la capacité ou de l'incapacité des gens d'une
façon péjorative ou d'une façon arbitraire?
Mme Wanono: Oui, absolument. D'ailleurs, je vais vous dire...
Vous disiez tout à l'heure qu'on n'était pas des professionnels.
Bien, on a beaucoup d'expérience dans le domaine. Ce qui est le plus
important, c'est surtout que c'est un personnel autochtone, qui comprend les
autochtones. Le centre d'amitié est pour eux comme une maison. Je vous
dirais que nos clients ne feront presque jamais appel aux services qui
existent, parce qu'ils ne sont pas bien dans leur peau quand ils vont
là-bas, parce que les gens ne les comprennent pas, parce qu'il y a une
barrière linguistique, culturelle et autres. Ils préfèrent
venir chez nous, même si on n'est pas des professionnels; au moins, ils
s'y trouvent bien à l'aise et on peut les aider.
Mme Vermette: Donc, vous avez peur d'être victimes de
discrimination, en tout cas, eh ce qui concerne les catégorisations
entre aptes et inaptes et que, finalement, vous puissiez faire les frais de
cette...
Mme Wanono: Oui, absolument. D'ailleurs, dans le document, vous
parlez d'offrir de la formation aux agents sociaux. Même cette formation
ne va pas les rendre psychologues ou psychiatres. Je ne vois vraiment pas
comment ils peuvent déterminer si une personne est capable de travailler
ou pas. Deux personnes qui ont le même handicap, une d'entre elles peut
travailler peut-être, mais l'autre ne le peut pas parce qu'elle n'est pas
arrivée à accepter son handicap. Cela peut être le
même handicap visuellement, l'agent peut voir le même handicap,
mais ce n'est pas le même handicap du tout pour les deux personnes.
Mme Vermette: Est-ce que vous souhaiteriez, compte tenu de votre
situation à l'heure actuelle et compte tenu, finalement, des
possibilités de discrimination, une approche particulière pour le
groupe que vous représentez?
Mme Wanono: Je n'ai pas compris la question.
Mme Vermette: Compte tenu des possibilités de
discrimination à l'endroit, en tout cas, des gens que vous
représentez, les autochtones, en Darticulier...
Mme Wanono: Oui.
Mme Vermette: ...est-ce que vous seriez favorables à une
approche particulière dans ce cas-ci, en ce qui concerne
l'évaluation de vos clientèles comme aptes ou non? (17 h 15)
Mme Wanono: Bien, c'est ce qu'on a suggéré ici. Il
faut que les agents sociaux prennent le temps d'apprendre un peu mieux,
d'acquérir la connaissance des communautés culturelles, des
communautés autochtones et...
Mme Vermette: Avant de s'occuper, finalement, de votre formation,
qu'on se forme davantage...
Mme Wanono: Bien, s'ils vont prendre ces décisions
radicales, je pense qu'ils doivent être assez instruits pour le faire;
sinon, comment vont-ils faire?
Mme Vermette: En fait, sans être instruits, parce qu'ils
peuvent être instruits, mais tout de même avoir une
connaissance...
Mme Wanono: Bien, je parle de l'instruction...
Mme Vermette: ...de la culture... Mme Wanono:
...culturelle. Mme Vermette: ...ou de la...
Mme Wanono: ...je ne parle pas de l'instruction technique.
Mme Vermette: Oui, exactement. Vous avez aussi parlé,
à la page 3 de votre mémoire, je le pense bien, des besoins
spéciaux, je crois, vous avez parlé des besoins plus
spécifiques en ce qui concerne la médication, mais vous dites
qu'eux, en fin de compte, ne sont pas capables de donner un sens à leur
travail, de la dignité...
Mme Wanono: ...qu'ils seraient, entre guillemets, incapables de
travailler, c'est cela?
Mme Vermette: Oui.
Mme Wanono: Ce qu'on dit ici, c'est qu'une fois que le
gouvernement a déterminé qu'il y a une certaine catégorie
de personnes qui ne peuvent pas travailler, même s'il y a des programmes,
nous, on croit qu'ils ne se préoccuperont plus de... Du
côté de l'aide financière, d'accord, parce qu'ils ont
besoin de médicaments et autres, mais du côté de la
formation à l'emploi ou même de s'intéresser à
savoir s'ils peuvent travailler ou pas, je ne pense pas que cela devienne une
préoccupation pour le gouvernement.
Mme Vermette: Vous avez l'impression que tout ce qu'on veut,
c'est essayer de les caser dans des programmes d'emploi parce que, bon, pour
une fois, le problème va être réglé, c'est tout.
Mme Wanono: Bien, pourquoi? Quelle serait l'autre raison alors?
Pourquoi les catégoriserait-on à part, séparément,
si ce n'est pas l'idée, en somme? Je veux dire, pour moi...
Mme Vermette: Pour vous, cela ne fait aucun doute dans votre
tête en tout cas, de toute façon. Donc, vous aimeriez
démontrer une volonté beaucoup plus...
Mme Wanono: Plus ouverte, oui.
Mme Vermette: ...plus ouverte par rapport, justement, aux
programmes d'emploi et que cela ne soit pas considéré comme des
programmes à l'employabilité, mais plus des programmes
vraiment...
Mme Wanono: C'est cela.
Mme Vermette: ...qui favorisent le retour au travail, mais pour
un travail permanent.
Mme Wanono: C'est cela.
Mme Vermette: D'accord. Oui, justement, c'est ce dont vous parlez
à la page 4, en fin de compte. Pour retourner sur le marché du
travail, cela ne semble pas tout à fait facile, même si les "jobs"
sont là. C'est ce que vous dites. Pourquoi, à l'heure actuelle,
avez-vous inscrit cela? Parce que...
Mme Wanono: On discutait ici du cas d'une 'emme qui est
séparée de ses enfants, dont les enfants sont remis à la
charge de la parenté ou d'un foyer, d'accord? Dans ce cas-là, une
femme qui est séparée de ses enfants parce qu'elle ne peut pas
s'occuper d'eux financièrement, je ne pense pas qu'elle pourrait penser
vraiment à participer à un programme pour le retour au travail
tant que ce problème existe. Si le problème émotif existe,
comment peut-on vraiment avoir... C'est la volonté de s'améliorer
et de se former pour le travail.
Mme Vermette: Oui, je comprends très bien votre point de
vue, mais je trouve cela intéressant que vous ayez la chance de
l'expliquer plus en profondeur, parce que cela peut reposer des questions et
c'est ce qui est important, nous sommes ici pour cette raison.
Mme Wanono: Oui.
Mme Vermette: Vous avez dit aussi que vous n'étiez pas
tout à fait d'accord avec une baisse de prestation pour les gens qui
partagent un logement. Si je peux m'exprimer ainsi, je pense que cela fait
partie un petit peu de votre collectivité de vivre en
collectivité, en groupe, donc, en plus d'une pénalité,
c'est toucher même le côté culturel de votre
collectivité.
Mme Wanono: Je vais laisser Ida répondre à cela, je
pense qu'elle pourra le faire mieux que moi.
Mme Williams: Josianne just explained to me. I will speak
slowly.
For Native people, it is a cultural thing. Many of us live with our
immediate family and we have an extended family. You will find many Native
people in Montreal who have their aunt, or their uncle, or their cousins, or
even a third cousin. In a single dwelling, you may find 5 adults and 8
children. It is very common. So, if you have a pair of working parents who
invited their uncle to come to the city to work, but meanwhile, he wants to
receive welfare payments but they already have their cousin living there who is
receiving welfare payments, it becomes very difficult and then these sorking
parents end up supporting the uncle who cannot receive welfare payments. It is
a very common problem for us.
Mme Vermette: Ce qui nous porte à dire qu'on n'a pas
regardé les appréciations, en tout cas, de différentes
natures dans le document qui a été présenté par le
ministre, là on fait appel à une culture et ils vont être
pénalisés quant à la façon même dont ils sont
habitués de vivre et, à mon avis, je trouve cela, en tout cas...
C'est une prise en considération, M. le ministre; peut-être qu'il
faudra faire encore un autre étage pour répondre aux besoins des
différentes personnes parce que, là, vous êtes rendus
à plusieurs paliers, de toute façon. Cela fait une autre approche
qu'on avait un petit peu négligée, qui n'avait pas
été prise en considération parce qu'on n'avait souvent que
l'approche comptable.
À mon avis, vous venez de sortir un élément
très important parce que, effectivement, il y a différentes
façons de vivre, surtout pour des gens qui sont un petit peu
éloignés de leur lieu habituel de vie; ils doivent justement
s'expatrier un petit peu, soit dans les villes où ils ne sont pas
habitués de vivre, et c'est une autre dimension. Donc, c'est tout
à fait naturel et normal que ces gens essaient de se regrouper ou, en
tout cas, de partager. Ce n'est pas toujours partager leur pain blanc, mais,
souvent, c'est partager aussi leur pain noir dans bien des cas, compte tenu de
la situation.
Ce serait intéressant que vous puissiez nous parler davantage et,
si Mme Williams veut expliciter sur le sujet, cela me ferait même
plaisir. Je comprends et je lis très bien l'anglais, mais j'ai plus de
difficulté à m'exprimer.
J'aimerais qu'on puisse faire part à cette commission des
difficultés que vous pouvez éprouver à d'autres niveaux
qu'à celui du logement face à votre situation à cause de
ce qu'on a dit antérieurement. Donc, comment cela se vit-il pour vous
dans le quotidien, les gens qui doivent laisser un port d'attache pour venir
dans les grands centres? Comment se fait l'adaptation, comment se fait
l'accueil de ces gens-la et quels sont les problèmes auxquels ils ont
à faire face?
Mme Wanono: Quelqu'un qui quitte la réserve et qui vient
à Montréal, c'est cela?
Mme Vermette: Oui, ou qui vient s'installer et quelles sont les
misères qu'il doit affronter? Quel est, finalement l'accueil qu'on
favorise?
Mme Williams: I can start with, maybe, talking about one
individual case where unemployment was very high on the Reserve, employment was
seasonal. The person came to Montreal with a grade 10 education hoping to get a
job or to come to the Friendship Centre and somebody there would give them a
job, because they are Native and in this city, there are more jobs. And they
understand too the welfare system, because everybody back home is on the
welfare system. So, they come to Montreal thinking "Well, I can live on welfare
for a little while, and maybe get a job and go on UIC". So they come to
Montreal, they meet a few people, they get their first welfare cheque, and we
have a saying at the Friendship Centre, it is welfare day"! We have more
problems on welfare day than in the rest of the month, because on welfare day,
they go downtown, they may pay their rent, they may buy some food... This is a
single young man I am talking about who might go into a bar with his friends
and party, and maybe he did not pay his rent yet. So the next morning he wakes
up, he does not have his rent money, he does not have anything left of the
180,00 $ that were given to him. He has no food, but he knows he can come back
to the Friendship Centre, because we will help him there. We cannot give him
any money, we can feed him a little bit, but not well enough to stay healthy.
He does not have a place to stay, so he does not wake up early enough to go and
look for a job; he ends up waking later and later every day, and then the next
welfare day comes again, and he does the same thing over and over again. He
cannot find any reason to go out and find a job anymore. He becomes tired and
he does not want to go back home, because there is nothing back home.
Many of the young men who come through the Friendship Centre say that
back home is a dead-end. It is dead at home and it is dead here. And they would
rather be here, because they have more friends. We are all in the same
situation. Well, we try to motivate them, it does not work with all of them.
When we talk about "autochtones", we are all under one roof. We are not. I
nuits are different from Mohawks, Mohawks are different from Micmacs, Micmacs
are very different from Crées. We are all different, have different
traditions, different cultures and sometimes look at things differently too,
amongst ourselves. So, one Nation trying to motivate person from another Nation
does not always work. I am going off track...
Une voix: No, I think it is very good.
Mme Williams: For these young men, coming to Montreal with so
much pride about who they are, and being Native, to see them slowly become
nothing, because we cannot help them, because welfare is nowhere, it goes
nowhere, and we cannot get them off... It is a cycle, and we have known, we
know generations of welfare recipients. Their parents, their grandparents...
Well I do not know, not that far, but their parents were welfare recipients,
they are welfare recipients and it looks like their children may become welfare
recipients. We try to motivate them towards education. If we can get them into
a typing course, and God knows there are enough typists around, and they only
speak English, we try, we give them that much. It is only a small beginning,
and it does not always work, but we try. I do not know if I answered your
question, but it is typical of....
Mme Jacko: I would like to add to what she said that there are
support systems in the Reserve.
Le Président (M. Leclerc): Est-ce que j'ai le
consentement? On m'indique que le temps est terminé. You may...
Mme Jacko: One minute?
Le Président (M. Leclerc): Yes.
Mme Jacko: Okay. I want to add that the support systems do exist
on the Reserve, such as the social services which the bands offer to the Native
people and the education also. Most of the people of all ages whom we get at
the Native Friendship Centre who are passing through, 50 % of all ages are on
welfare, and in Montreal alone, of all ages, 25 % to 30 % are homeless and are
on welfare. These are the ages that we have to deal with every day, and the
effects of this new policy being forced on everybody, not only to the
Natives... The Natives are already suffering. We believe that with this policy,
you are forcing young women to give up their babies, selling them or even
becoming segregated mothers. The suicide rate is very high. Even now, if this
passes, we will get a higher suicide rate than we are dealing with now in
remote areas. Illegal activities are going on,
with the drug pushing and prostitution; they will all increase. The
imprisonment of our people, who are being fined unjustly, will even increase;
the homelessness of all women, men and women. Drinking, drugs, alcool and
prostitution, those will increase. Peddling, stealing and breaking up
families.
You want to talk about motivation? We try to motivate our people, we try
to help them as much as we can. But some of those people, some of those young
people especially cannot go back home because they face verbal abuse, sexual
abuse. Those are the most common problems that we have dealt with in this
province. I hope this policy will not be passed. I care for my people. It will
even degrade them even more. That is what will be happening to them. So, I hope
that you will respect our decision regarding how we feel about our people.
Thank you.
Le Président (M. Leclerc): Merci beaucoup. M. le ministre
en conclusion, s'il vous plaît.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): I would like to thank you for both
your written memoir and your "verbal énoncé". You have drawn our
attention on special problems which are being lived by many different
communities. That was one part of your message.
One question that you raised - and I know I am just supposed to thank
you and I do not have any more time to bring it up to you - the matter of the
cheque being spent quickly, sometimes without the rent being paid and all you
have talked about. Some other organizations are recognized by the Department to
administer in trust the cheques of the beneficiaries to make sure that basic
needs are paid for. Did you have any experience with that previously? Is there
any possibility of that working with the people frequenting your centre? That
will be my last word to you, so once again, many thanks for what you have
brought our attention to.
Mme Williams: We, at the Friendship Centre, have taken these
people's cheques and we have administered them. We have paid their rent, we
bought their food, we gave them spending money daily. Then it came to the point
that there were so many of them, and they were coming up to us everyday saying:
Give me some, give me some. We felt that, if we are going to help our people
grow, we have to stop treating them like babies. It is their responsibility to
spend their money, and if they spend it in one night, yes, we will help, but we
can not treat them like babies and we do not want to.
Le Président (M. Leclerc): Mme la députée de
Marie-Victorin, en conclusion.
Mme Vermette: I will say thank you and I will say my appreciation
because you were very... c'était très émouvant. I will say
it in
French. I think that you opened our minds about your situation and we
have to take care of that. Thank you.
Mme Williams: Thank you.
Le Président (M. Leclerc): Mesdames Wanono, Williams and
Jacko, on behalf of the parliamentary commission on Social affairs, I would
like to thank you very much. Have a safe trip home.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 34)
(Reprise à 20 h 10)
Le Président (M. Kehoe): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission des affaires sociales va reprendre ses travaux. Je
devrais lire le mandat que nous avons...
Des voix: Non, non.
Le Président (M. Kehoe): Je pense que je vais vous
dispenser de la lecture. Je comprends que c'est la première
séance pour la consultation.
Des voix: Non.
Le Président (M. Kehoe): Non. Je demande au prochain
groupe le NDP-Québec, d'approcher, s'il vous plaît,
représenté par...
Des voix: NPD.
Le Président (M. Kehoe): NPD. Pour les fins du Journal
des débats, je demanderai aux personnes de s'identifier, s'il vous
plaît.
NPD-Québec
M. Morin (Roland): Je suis Roland Morin, chef du
NPD-Québec, et je suis accompagné par Pierre Rivard,
vice-président.
Le Président (M. Kehoe): Je vous souhaite la bienvenue. Je
vous demande de présenter votre mémoire. Je tiens à
souligner que les règles du jeu sont que chaque groupe a 20 minutes pour
présenter son mémoire. Après cela, chaque groupe
parlementaire a 20 minutes pour poser des questions et discuter avec vous. Si
vous voulez commencer, M. Morin.
M. Morin: Mon introduction va être très
brève, cela va être de résumer en deux mots ce qu'on pense
du projet de réforme que nous a offert le ministre. En quelques mots on
est contre. C'est aussi simple que cela. Comme on a seulement 20 minutes je
pense que je vais donner à M. Rivard la tâche de lire le
mémoire pour
couper au plus court. Après cela, on sera en mesure,
lui-même et moi-même, si vous voulez, de répondre aux
questions que vous voudriez nous poser.
M. Rivard (Pierre): Bonjour. Je vous en fais la lecture en
espérant que j'entre assez facilement dans les 20 minutes. J'imagine que
vous l'avez eu il n'y a pas très longtemps non plus, c'est pour cela que
j'en fais la lecture.
Le titre qu'on a donné au mémoire, c'est: "Une politique
de main-d'oeuvre inapte". C'est-à-dire qu'on a vu, dans la
réforme du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du revenu, non seulement une politique de sécurité du revenu - on
n'en est pas sûr non plus - mais aussi une politique de main-d'oeuvre
qu'on estime inapte. C'est là-dessus qu'on centre l'intervention.
Lorsqu'on observe le portrait statistique de l'évolution du
programme de l'aide sociale au Québec, deux tableaux nous apparaissent
particulièrement significatifs. D'abord, l'inversion du rapport entre
les clientèles aptes et inaptes au travail. Deuxièmement, le
rajeunissement de cette clientèle et le prolongement de son
séjour à l'aide sociale. Ces données, bien sûr,
n'ont pas échappé à l'actuel gouvernement libéral
qui nous promettait, lors de sa dernière campagne électorale, une
politique en matière de sécurité du revenu qui tienne
compte de ces nouvelles problématiques.
L'attente fut bien longue. Si longue que le gouvernement a bien failli
nous faire croire que la réforme se limiterait à une vaste
opération de visites à domicile qui fut, nous le savons,
largement dénoncée non seulement par les clientèles
concernées, mais aussi par les tristement célèbres boubou
macoutes, indignés qu'on puisse exiger des salariés de
l'État un harcèlement aussi systématique et pernicieux de
bénéficiaires de services publics dans le non-respect de leur vie
privée.
Pour plusieurs Québécoises et Québécois le
message de cette campagne spectaculaire fut capté sans équivoque:
la réduction des coûts devait apparaître au premier plan des
priorités du gouvernement libéral dans l'élaboration d'une
nouvelle politique qui avoue candidement, depuis quelques années, avoir
pour mission première de dégraisser l'État, de
rationaliser ses dépenses, surtout sociales, et de mettre un frein
à ses largesses en responsabilisant les collectivités
bénéficiaires de services et de redonner l'initiative à
l'entreprise privée.
Personne n'est dupe quant à la véritable signification de
ce vocabulaire. Nous savons bien, maintenant, que cela ne signifie nullement la
fin de l'État-providence. Cela veut tout simplement dire que la
providence change de camp. L'État devient de plus en plus le Robin des
Bois des entreprises et de moins en moins celui des démunis. Dans une
économie mondiale aussi durement concurrentielle, les entreprises ont
plus que jamais besoin du secours de l'État: réduction de leur
fardeau fiscal, transfert des dépenses sociales vers les dépenses
de soutien aux entreprises, adaptation des programmes de main-d'oeuvre et des
normes de travail aux contraintes de la concurrence internationale, politique
salariale déflationniste, mais surtout restrictive, politique de
sécurité du revenu qui maintienne la pression vers le bas sur les
revenus et les normes minimales de travail, mécanismes d'incitation au
travail qui font en sorte que de plus en plus de Québécoises et
de Québécois acceptent cet état de fait. Bref, la veuve et
l'orphelin ont changé de visage. Du "Welfare State" au "Workfare State",
nous ne faisons que déplacer la destination de la providence
étatique. L'énoncé politique du gouvernement
libéral en matière de sécurité du revenu se situe
tout à fait dans cette perspective.
Attendre longtemps n'est pas une faute en soi, quand la réflexion
aboutit sur une compréhension plus large et plus
équilibrée d'un phénomène complexe. C'est ce que
nous étions en droit de nous attendre de ce' projet de réforme,
compte tenu de la lenteur dont a fait preuve le ministre de la Main-d'Oeuvre et
de la Sécurité du revenu pour rendre effectifs les engagements
électoraux de son parti. Or, la déception ne peut être que
très grande. La réforme Paradis de l'aide sociale ne fait que
reprendre, prolonger ou institutionnaliser la gestion péquiste de ce
programme. Elle comprend, évidemment, quelques correctifs et ajustements
sur certaines dispositions, notamment les barèmes de prestation en
fonction de l'âge des bénéficiaires jugées
inacceptables. Mais, même là, le résultat est
décevant. Si le gouvernement se propose d'abolir la disparité des
prestations entre les moins et les plus de 30 ans aptes au travail, il
suggère, en contrepartie, l'introduction d'une clause de
dépendance alimentaire des 25 ans et moins envers leurs parents, ce qui
constitue une autre forme de discrimination basée sur l'âge.
Le NPD-Québec rappelle au Parti libéral que le mouvement
étudiant lutte depuis plusieurs années pour l'élimination
de ce statut de dépendance dans le régime des prêts et
bourses, qui nie le droit des jeunes Québécoises et
Québécois à disposer d'un financement public sur une base
autonome. Le NPD-Québec appuie déjà cette revendication et
nous ajoutons dès maintenant notre voix à celle provenant des
groupes de jeunes qui devront maintenant redoubler leur combat pour la
reconnaissance du droit à l'autonomie des jeunes en tant que
bénéficiaires légitimes de services publics.
Le NPD-Québec considère comme inacceptable l'intention du
gouvernement libéral de transposer au programme de l'aide sociale les
dispositions du régime des prêts et bourses qui figent la
dépendance des jeunes envers l'unité familiale et qui, dès
lors, leur refuse le droit démocratique de se constituer de
manière autonome en tant que bénéficiaires de services
publics.
Quant à nous, nous crayons que les programmes de l'aide sociale
et des prêts et bourses ne doivent pas constituer l'occasion de consacrer
une politique familiale qui déresponsabilise l'État et qui
pénalise les jeunes issus de familles où la situation ne
correspond pas aux énoncés de politique du gouvernement. Tout au
moins, l'énoncé de politique du gouvernement libéral
reconnaît qu'il existe un lien entre l'évolution du chômage
chez les jeunes et la progression de la clientèle apte au travail chez
les moins de 30 ans. Autrement dit, il arrive à la conclusion que les
jeunes assistés sociaux et assistées sociales ne sont pas
nécessairement des paresseux et des paresseuses qui refusent de
travailler, mais plutôt des jeunes qui ne parviennent pas, en raison de
la situation économique, à se trouver un emploi. Mais là
s'arrête la qualité de l'analyse. Cette hypothèse d'une
corrélation entre chômage, situation économique et aide
sociale est d'ailleurs reléguée au second plan dans plusieurs
passages du document.
Somme toute, il se dégage deux grandes propositions du document
Paradis. La première, c'est qu'on peut s'attaquer au problème des
jeunes assistés sociaux sur une base individuelle. C'est-à-dire,
au fond, que ce n'est pas la situation économique ou la structure du
marché du travail qui est mésadaptée, mais plutôt la
formation, la compétence, voire les mentalités, les comportements
et les attitudes des assistés sociaux, sinon de la famille
québécoise qui sont mésadaptés à la
situation de l'emploi. Il s'agit, pour le gouvernement, d'intervenir sur la
compétence et l'attitude de chaque individu pour régler leurs
difficultés d'insertion au marché du travail.
La seconde proposition, c'est que le problème fondamental demeure
un problème d'incitation au travail et qu'il s'agit de rendre le travail
salarié plus intéressant pour que la clientèle de l'aide
sociale diminue. Pour y arriver, la réforme Paradis suggère une
double stratégie. Elle vise, par le biais du programme APPORT, à
l'amélioration des revenus des travailleurs faiblement
rémunérés pour les familles avec enfants seulement, ce qui
est une autre discrimination et, simultanément, l'élimination de
la couverture pour les bénéficiaires de l'aide sociale de
certains besoins spéciaux que les travailleurs à faibles revenus
ne peuvent s'offrir, histoire de rendre le programme d'aide sociale moins
alléchant.
Bref, c'est une incitation au travail qui fonctionne en bonne partie -
en partie - par un nivellement vers le bas. À preuve, l'adoption d'une
nouvelle échelle de calcul des dépenses minimales des familles et
des individus. Or. nous croyons qu'on ne peut s'attaquer au problème du
chômage, notamment chez les jeunes, par des mesures qui soulignent la
responsabilité individuelle des chômeurs face à la
situtation de non-emoloi, comme si la structure actuelle du marché de
l'emploi permettait leur insertion. Est-il besoin de rappeler, le document
gouvernemental semblant l'oublier rapidement, que les assistés sociaux
aptes au travail sont d'abord et avant tout des chômeurs et que toute
réforme de l'aide sociale sera inefficace si elle n'est pas liée
à une politique de plein emploi et ce, même lorsqu'il s'agit de
réduire le coût du programme.
Or, cette dimension est évacuée du projet de
réforme Paradis. Le NPD-Québec croit que toute stratégie
de sécurité du revenu doit d'abord passer par une politique
globale et collective de réalisation du plein emploi. Cela veut dire,
notamment, que le droit à un travail social
rémunéré doit être reconnu. En occultant ces
dimensions, la réforme Paradis continue à faire peser sur le dos
des bénéficiaires leur condition de chômeurs qui, dans un
monde marqué par la mondialisation de l'économie et aussi par le
spectre d'une nouvelle récession, leur échappe en bonne
partie.
Si la réforme Paradis se penche sur la question des solutions au
chômage par le biais du relèvement de l'employabilité, elle
relève d'une conception de l'emploi qui n'est sûrement pas la
nôtre. En effet, derrière l'intention de relever
l'employabilité des bénéficiaires de l'aide sociale,
mesure louable en soi, et les propositions qui visent à inciter les
assistés sociaux et les assistées sociales à retourner au
travail, une autre réalité se profile: celle qui constitue, avec
les bénéficiaires de l'aide sociale, une main-d'oeuvre bon
ri&rché, flexible et disponible, contrainte de s'inscrire à
des programmes de travail précaires et mal payés pour obtenir un
barème de prestations qui les rapproche - mais les maintient -
sensiblement sous le seuil de la pauvreté. En fait, l'autre
réalité qui. est tout à fait ignorée par la
réforme Paradis, c'est la structure du marché de l'emploi.
Inciter au travail, c'est très bien. Relever l'employabilité par
la formation, c'est très bien, quoique cette politique apparaisse
contradictoire avec la volonté du gouvernement de hausser fortement les
frais de scolarité et de restreindre ainsi l'accessibilité
à l'éducation pour les jeunes Québécois et
Québécoises. Je renvoie aux déclarations du ministre
Ryan.
Alors, les questions que nous devons poser sont les suivantes: Relever
l'employabilité des assistés sociaux et des assistées
sociales en vue de quel genre d'emplois? Qu'en est-il de l'efficacité
des mesures et programmes qui cherchent à relever cette
employabilité? On sait qu'il y a déjà eu des mesures pour
relever l'employabilité et l'efficacité n'a jamais
été démontrée. C'est ici que le projet
libéral de réforme de l'aide sociale s'inscrit plus que jamais en
continuité avec la gestion péquiste qui prévalait dans les
années quatre-vingt.
Dans la majorité des pays occidentaux, un des symptômes et
à la fois une des solutions à une crise économique qui ne
se résout pas mais qui se camoufle un tant soit peu, c'est
sûrement
la structuration de plus en plus duale du marché du travail.
C'est-à-dire qu'il y a, d'un côté, les travailleuses et
travailleurs salariés qualifiés, bien
rémunérés, jouissant d'avantages sociaux et de conventions
collectives négociées et, bien souvent, d'une permanence
d'emploi. D'un autre côté, se développe d'une
manière fulgurante un nouveau marché du travail constitué
d'emplois temporaires fortement précaires et instables, sans avantages
sociaux ni garanties de réembauche, marqués par une faible
rémunération et le recours permanent à des périodes
variables en durée de prestations d'assurance-chômage, d'aide
sociale et parfois même de prêts et bourses. Je pense qu'on peut
faire allusion à ce qui se passe à l'Université Laval pour
les chargés de cours. C'est un exemple tout à fait
éloquent de cette structuration du marché de l'emploi.
Depuis le début de la crise, nombre d'emplois sont passés
de la première catégorie à la seconde au fur et à
mesure que les retraités et congédiés ont
été remplacés par des jeunes, par l'arrivée
nouvellement massive des femmes sur le marché du travail ou par le
retour de travailleuses et travailleurs temporairement exclus. Aussi, cette
séparation en deux de la structure de l'emploi est devenue de plus en
plus rigide. C'est-à-dire qu'une fois qu'on met les pieds dans l'une ou
l'autre des deux catégories, il est de plus en plus difficile de la
quitter et de moins en moins probable de le faire.
Une étude réalisée en 1986 et 1987 à
l'Université Laval par les professeurs Breton, Létourneau et
Levasseur démontre l'existence de ce phénomène pour une
couche de plus en plus élargie de jeunes Québécois et
Québécoises. En fait, c'est bien de la seconde catégorie
d'emplois qu'il est difficile de se sortir alors que de quitter la
première pour la seconde est plus fréquent. On peut même
affirmer qu'il s'agit là d'une des stratégies d'emploi
appliquées massivement dans les pays occidentaux depuis le début
des années quatre-vingt et très sensiblement au Québec. Le
travail précaire, instable, mal rémunéré avec
périodes de chômage et d'assistance publique constitue pour une
couche sociale de plus en plus large un marché de l'emploi en soi.
Ainsi, l'économie duale - c'est-à-dire à double
catégorie d'emplois séparés rigidement aura permis
à plusieurs entreprises de retrouver, à court terme, une certaine
forme de "concurren-tialité" par rapport à des pays en
développement. Aussi, elle aura permis à un nombre d'entreprises
de profiter de cette dévalorisation de l'emploi et de sa dualisation
aussi bien sur le marché interne qui n'est pas affecté par la
concurrence mondiale. À preuve, la généralisation de ce
phénomène dans le secteur des services publics, notamment -
affectés par les pressions à la baisse intervenues dans les
autres secteurs d'emploi. C'est dire que le gouvernement, par la gestion de son
propre personnel, mais aussi par diverses mesures, comme le gel du salaire
minimum, les programmes d'emploi pour les bénéficiaires de l'aide
sociale favorisant l'embauche à bon marché - je fais
référence autant à la période péquiste
qu'à la période libérale - a joué un rôle
actif dans cette dualisation du marché du travail.
Or, le NPD-Québec s'oppose fermement à cette dualisation
à outrance du marché de l'emploi, surtout lorsqu'on la
présente comme une sortie de crise efficace et inévitable.
D'abord, parce qu'elle se fait à rencontre des droits
démocratiques les plus fondamentaux, ensuite parce qu'elle est tout
autant, sinon plus le résultat de politiques néo-libérales
que de la mondialisation de l'économie, politiques plus imaginatives qui
se révèlent de moins en moins efficaces pour gérer cette
mondialisation de l'économie.
La dualisation de l'économie est une politique
néo-libérale d'emploi, mais sûrement pas une politique de
plein-empoi. Elle se traduit globalement par une réduction de la masse
des revenus qui, malgré l'augmentation du nombre total d'emplois et les
prétendus effets bénéfiques des abris fiscaux et de la
spéculation boursière, déprime l'économie à
moyen et à long terme. C'est ce qui ce passe, en ce moment, aux
États-Unis.
Or, le volet APTE, soit la pierre angulaire de la réforme
Paradis, s'inscrit de plain-pied dans cette perspective de dualisation de
l'économie ainsi que de concert avec des initiatives gouvernementales
qui ont été nécessaires pour permettre son
développement et sa généralisation. Ce volet se compose
d'une série de mesures qui auront pour effet de relever
l'employabilité des assistés sociaux et des assistées
sociales juste au niveau des emplois de la seconde zone seulement,
c'est-à-dire les emplois précaires et mal
rémunérés. Également, il contient une série
de mesures financières qui permettront aux entreprises
d'intégrer, avec de très faibles déboursés, cette
main-d'oeuvre à bon marché.
En fait, la réforme Paradis vient généraliser
à l'ensemble des assistés sociaux et des assistées
sociales aptes au travail ce qui n'était réservé qu'aux
moins de 30 ans sous le régime péquiste. Elle renforce donc la
gestion de l'aide sociale, du moins du coeur du programme, imaginée par
le Parti québécois. C'est-à-dire une série de
mesures qui effectuent un relèvement minimal de l'employabilité
des bénéficiaires de l'aide sociale en les contraignant à
intégrer de manière dépendante la seconde couche du
marché de l'emploi. C'est donc bien plus que de l'incitation au travail.
C'est de la contrainte au travail précaire et mal payé et, par
ricochet, c'est une réforme qui encouragera et renforcera la dualisation
de l'économie.
C'est pourquoi le NPD-Québec rejette le volet APTE de la
réforme Paradis. Ce volet va tout à fait à rencontre d'une
politique de plein emploi. Si les intentions du ministre Paradis peuvent
apparaître louables, ce qui est déjà discutable, celui-ci
doit être conscient des effets
pervers de son énoncé de politique. Il s'agit d'une
politique de sécurité du revenu qui vient institutionnaliser les
carences et les injustices de la structure actuelle du marché de
l'emploi. Si l'intention du ministre Paradis est de relever
l'employabilité des assistés sociaux et des assistées
sociales jusqu'à la première couche d'emplois - le travail stable
et une rémunération moyenne - il nous faut émettre de
sérieuses réserves. Le gouvernement du Parti
québécois n'est jamais parvenu à démontrer
l'efficacité de ses mesures de relèvement de
l'employabilité et la réforme Paradis n'aborde même pas
cette question. Cette efficacité n'est même pas
démontrée à long terme pour les entreprises qui y voient
l'occasion d'une production supplémentaire sans coûts
additionnels, ce qui peut retarder son adaptation aux innovations.
Enfin, à long terme, voire à moyen terme, il y a fort
à parier que la réforme Paradis entraîne une inflation du
coût du programme de l'aide sociale. Nonobstant les volets Soutien
financier et APPORT, où l'augmentation des coûts est acceptable et
raisonnable dans la mesure où elle contribue à améliorer
les conditions de vie des assistés sociaux et assistées sociales
inaptes au travail ainsi que des familles à faibles revenus - il est
déplorable que les célibataires soient oubliés. Soit dit
en passant l'augmentation éventuelle des coûts liés au
volet APTE pourrait être très forte et inacceptable, dans la
mesure où ce volet ne constitue en rien un avancé vers une
politique de plein emploi. Plusieurs s'entendent pour prédire une
récession, voire une nouvelle crise économique, au tournant des
années quatre-vingt-dix, qui pourrait gonfler substantiellement le
nombre de participants au volet APTE, tant quant au nombre d'assistés
sociaux et assistées sociales aptes au travail qu'au nombre
d'entreprises tentées par le recours, en période de crise,
à un tel programme de financement public de la main-d'oeuvre à
bon marché. Le gouvernement pourrait être confronté,
dès la première année d'application complète du
programme, soit en 1990, a un déboursé de beaucoup
supérieur aux 445 000 000 $ prévus en cas d'une participation
à 100 % au programme.
Pour le NPD-Québec, la réforme de l'aide sociale doit
être guidée par des principes de responsabilité sociale.
Une politique de sécurité du revenu exige une véritable
stratégie de plein emploi et la reconnaissance formelle du droit au
travail. Le régime d'aide sociale doit être fondé sur le
droit à un revenu minimum adéquat, et cela, quelle que soit la
cause du besoin d'assistance, sans considération pour l'aptitude ou non
au travail. Le droit à l'autonomie financière de chaque personne
implique la disparition du statut de dépendance pour les jeunes adultes
de 18 ans et plus. Enfin, le régime d'aide sociale doit assurer le
respect des normes minimales de travail, du Code du travail et des chartes des
droits et libertés.
La réforme du régime d'aide sociale doit viser à la
poursuite d'une plus grande solidarité et d'une plus grande justice, et
non pas élargir les inégalités et les disparités en
consacrant quelque infériorité des bénéficiaires
par rapport aux travailleurs et travailleuses. Cette solidarité et cette
justice passent par la réforme du régime fiscal, en vue d'une
plus grande équité et par le maintien de l'universalité
des programmes sociaux.
Le Président (M. Kehoe): Merci, M. Rivard. M. le ministre,
vos commentaires. (20 h 30)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie le NPD-Québec
pour la présentation de son mémoire, ainsi que M. Morin, mais
surtout M. Rivard pour la présentation orale, au moment où on se
parle.
La problématique de l'aide sociale se situe dans un contexte qui
est assez global et qui ne commande pas une solution unidimensionnelle. Si on
se replace dans le contexte de la clientèle que l'on avait à
l'aide sociale en mars 1987, on pouvait dénombrer quelque 400 000 chefs
de ménage dont le seul revenu pour subsister ou vivre était des
prestations d'aide sociale. Le ministère pense qu'il y a à peu
près 25 % de cette clientèle, soit quelque 100 000 chefs de
ménage, qui pourraient être considérés comme
admissibles à l'un des programmes que vous avez mentionnés, le
programme Soutien financier. Quant aux quelque 300 000 autres chefs de
ménage que l'on dit aptes au travail, vous conviendrez avec nous que les
caractéristiques de cette clientèle font en sorte qu'il n'est pas
facile pour ces gens de postuler ou d'obtenir un emploi dans la
société actuelle. 36 % de cette clientèle dite apte au
travail sont considérés comme étant composés de
personnes qui sont des analphabètes fonctionnels. 60 % de cette
clientèle sont composés d'individus qui n'ont pas
complété leurs études secondaires. 40 % de cette
clientèle sont composés de personnes qui n'ont aucune
expérience de travail antérieure reconnue.
Le gouvernement n'a pas le choix. Diverses possibilités s'offrent
à lui: de faire ce que les gouvernements ont traditionnellement fait, de
tenter de se libérer la conscience ou de se justifier socialement en
postant mensuellement un chèque à ces individus et en les
oubliant en marge de la société. Ou le gouvernement peut choisir
d'attaquer le problème sous deux dimensions et je pense que vous avez
souligné les deux dimensions dans votre mémoire: par une
politique qui vise au plein emploi et par l'amélioration des
caractéristiques d'employabilité de ces gens qui risquent de
demeurer en marge de ce plein emploi si les caractéristiques
d'employabilité ne sont pas améliorées.
Je ne vous ferai pas un long résumé de la performance du
Québec en ce qui concerne la création d'emplois au cours des deux
dernières
années, je vais me limiter, si vous le permettez, aux douze
derniers mois: en février 1988, comparé à février
1987, 104 000 nouveaux emplois ont été créés nets,
c'est-à-dire qu'on a soustrait les emplois perdus, etc. La
qualité des emplois: 99 000 de ces emplois étaient des emplois
à plein temps. Le taux de chômage a baissé, durant cette
année, de quelque 2 %. C'est dû à quoi? Bien, c'est
dû à une politique de plein emploi, nous croyons. C'est dû
à un climat politique qui est stable, à des mesures fiscales qui
incitent à l'investissement et à une participation du partenariat
tant syndical que patronal visant à une croissance plus rapide de
l'économie.
Vous vous inquiétez de cette création - vous n'êtes
pas le premier groupe à le faire, je tiens à le souligner - de
deux classes dans la société: les plus riches et les plus
pauvres. Et vous mentionnez, à un moment donné, qu'on
privilégie, comme gouvernement, cette formation de deux classes, entre
autres, en gelant le salaire minimum. Depuis l'arrivée du présent
gouvernement, il y a eu deux hausses du salaire minimum. Je ne dis pas qu'il
n'y avait pas du rattrapage à effectuer et qu'on ne demeure pas en
situation de rattrapage, mais des efforts ont été consentis sur
le plan du rattrapage par les gens de l'aide sociale, les bas salariés,
versus ceux et celles qui, dans la société, jouissent de revenus
supérieurs.
Je pourrais continuer sur le plan philosophique mais je
désirerais, vu qu'on est limité dans le temps - d'autres
députés veulent intervenir - vous adresser une question
spécifique sur un des principes qui est à la base de ce que nous
proposons, le principe de la parité pour les jeunes dont vous avez
traité longuement dans le mémoire que vous nous avez soumis. Vous
connaissez le fonctionnement du système actuel. Vous nous
suggérez une parte automatique. Moi, j'aimerais vous entendre
là-dessus. Vous nous reprochez, entre autres, d'inclure dans notre
parité la question de la contribution alimentaire parentale identique
à celle que l'on retrouve dans le système de prêts et
bourses aux étudiants. Moi, j'aimerais avoir la position de votre
formation politique. Est-ce que, pour vous, si vous aviez la possibilité
de le décider demain matin ou dans les plus brefs délais, ce
serait la parité automatique à tous ces jeunes de 18-30 ans?
M. Morin: Je répondrais immédiatement oui, ayant
dans une autre incarnation, dans une vie alors que j'étais beaucoup plus
jeune, fait un travail dans le domaine social à une époque
où il y avait, justement, responsabilité alimentaire. Si, depuis
cette époque-là, qui remonte à la fin des années
cinquante, les gouvernements qui se sont succédé, qui ont
été d'à peu près toutes les philosophies
politiques, ont jugé bon de ne pas appliquer cela, il devait y avoir des
raisons. Je pense que ce principe-là n'est pas applicable, en termes
pratiques.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quel principe9
M. Morin: Le principe de la responsabilité des parents
envers les assistés sociaux jeunes. La question de la parité, je
ne vois pas pourquoi un jeune de 22 ans pourrait vivre à meilleur compte
qu'une personne de 42 ans. Je parle de personnes égales,
célibataires, hommes ou femmes Je ne vois pas du tout comment cela
serait possible. Je ne vois pas par quel raisonnement on peut justifier d'en
donner moins à celui qui a 25 ans, 22 ans. Cela revient quasiment
à de la discrimination pour des motifs d'âge.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous n'auriez pas, vous, de
réserve ou de crainte sachant que cette contribution alimentaire
parentale existe au moment où nous nous parlons, et on ne parle pas dans
l'abstrait, on parle d'autres mesures et du programme de dernier recours dans
la société. Vous n'auriez pas l'inquiétude, en accordant
la parité automatique, de créer un phénomène
d'attraction pour les jeunes qui sont aux études postsecondaires, pour
un certain nombre d'entre eux ou d'entre elles, en tout cas, de les amener dans
le giron de l'aide sociale, inquiétude qui était
manifestée par M. Parizeau dans son livre blanc sur la fiscalité
et qui a été indirectement manifestée par celle qui m'a
précédé comme ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et également par M. Johnson qui
était chef du Parti québécois.
M. Morin: Moi, je n'ai pas à faire l'apologie des
personnes qui se sont succédé au ministère, ce n'est pas
ma tâche, mais je vous dis ce que j'en pense tout simplement. Je pense
que c'est irréaliste et que c'est forcer ces gens-là à une
précarité telle que vous les découragez totalement de
retourner au travail. Vous avez dit vous-même que pour beaucoup des
assistés sociaux, surtout parmi les plus jeunes, H n'y avait pas
d'éducation, il n'y avait pas de métier, il n'y avait rien. Si
vous aviez offert un programme en vertu duquel il aurait pu y avoir une
certaine sécurité du revenu au moment où ils essaient de
terminer leur secondaire ou même d'avoir accès au cégep, je
dirais: II y a un pas dans le bon sens. Au moins cela les tient en dehors du
marché du travail, d'un marché du travail tout de même
précaire. On a tout de même autour de 8 % de chômage au
Québec encore. Alors, on est loin du plein emploi de ce
côté-là. Je pense que l'objectif d'une
société humanitaire, d'une bonne société, serait
qu'H n'y ait pas de chômage, qu'il n'y ait pas d'assistés sociaux
ou que l'assistance sociale soit seulement pour subvenir aux besoins les plus
dramatiques, les plus graves. Cela est de l'utopie, je le reconnais.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord M.
Morin, vous me permettrez de revenir à la question de la
parité, parce que j'aurais pu, dans mes questions, tenter de brosser un
tableau d'ensemble mais j'ai à peine quelques minutes pour discuter avec
vous. Moi, je vous dirai que je ne pose pas de question sur le principe de la
parité et que je n'ai dans ma tête aucune hésitation sur la
question de la discrimination basée sur l'âge. Si j'en avais eu,
je ne serais pas intervenu en ce qui concerne le salaire minimum comme je l'ai
fait, ni en ce qui concerne l'industrie de la construction comme je l'ai
fait.
Maintenant, je me pose des questions et je pense que ces questions
étaient bien partagées par quelqu'un qui écrivait dans
Le Devoir la semaine passée ce qui suit, et je vous le soumets
pour réflexion: L'interrogation peut se formuler ainsi: Est-il
socialement souhaitable de verser à un jeune de 18 ans le plein montant
de l'aide sociale sans rien changer des caractéristiques du programme
actuel? Il n'existe aucune réponse empirique à cette question.
L'hypothèse la plus courante - on l'entend chuchoter même par des
gens qui jugent plus prudent de s'enfouir la tête dans le sable chaud de
la bonne conscience qui leur sert de philosophie sociale - est que la
parité sans un train de mesures d'accompagnement serait un geste
irresponsable, une invitation cynique à abandonner des études
pour les uns, à quitter leur emploi pour les autres et, pour un certain
nombre, à cesser toute recherche d'un revenu de travail. Bref, on
pousserait des milliers de jeunes dans un piège dont on sait qu'il est
difficile de sortir.
M. Morin: Pierre va vous dire quelque chose sur cela.
M. Rivard (Pierre): Je vous dirais que j'ai de la misère
à croire qu'on puisse penser que les jeunes du Québec sont
intéressés à vivre avec un revenu de 40 % inférieur
au seuil de la pauvreté. Vous vous demandez si le fait d'accorder la
parité, entre autres aux jeunes de 18 à 25 ans, pourrait
entraîner ceux qui étudient dans les programmes postsecondaires
vers le programme d'aide sociale. C'est difficile d'imaginer des personnes qui
font des études postsecondaires se souhaiter un sort comme
celui-là. Le sort de l'aide sociale n'est pas un sort enviable en soi.
Ce n'est pas une politique d'avenir. D'autre part, je ne pense pas que vous
ayez introduit cette clause à cause des étudiants au
postsecondaire, parce que vous savez que la clientèle que vous avez
dans...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je suis obligé de vous
arrêter là-dessus. Je vous dis, comme ministre responsable de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, que si je n'avais pas
cette contrainte des prêts et bourses aux étudiants je me
sentirais totalement libre ou autorisé de ne pas inclure une telle
clause.
M. Rivard (Pierre): Mais c'est la minorité de votre
clientèle, M. Paradis. Vous avez très peu d'assistés
sociaux qui viennent du postsecondaire. En tout cas...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En vertu de la règle de
l'alternance peut-être, Mme la députée de
Maisonneuve.
Le Président (M. Kehoe): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, merci, M. le Président. Il me fait plaisir
de vous souhaiter la bienvenue, à vous, MM. Morin et Rivard. Est-ce que
c'est votre premier passage en commission parlementaire, M. Morin? Je serais
heureuse que ce soit justement à l'occasion de ce débat sur la
sécurité du revenu. Est-ce la première occasion, comme
chef du NPD-Québec, que vous avez de présenter les positions du
parti à l'Assemblée nationale?
M. Morin: Oui.
Mme Harel: Alors, je pense bien que la commission peut vous
souhaiter la plus cordiale des bienvenues. Enfin, je ne vous demanderai pas si
vous avez reçu la même offre que M. Parizeau avait reçue de
la part du premier ministre.
M. Morin: Je l'ai remarqué. J'ai écrit au premier
ministre pour le lui dire, d'ailleurs.
Mme Harel: Ils sont trop bons.
M. Morin: Je me sentais un peu vexé.
Une voix: C'est de la discrimination.
Mme Harel: J'aimerais poursuivre avec vous cette discussion,
notamment sur toute cette question des mesures d'employabiiité et sur
l'absence de toute étude publique sérieuse, actuellement, qui
nous permettrait de vérifier les taux d'échecs qui nous sont
transmis comme étant ceux des programmes d'employabiiité. C'est
une question fondamentale, puisque le ministre entend reconstituer toute une
réforme sur ce que des voix autorisées nous disent un peu
partout; sur cet échec un peu majeur des mesures d'employabiiité;
sur cet échec que bon nombre d'organismes qui vous ont
précédés sont venus souligner au ministre. Je pense en
particulier à la Centrale de l'enseignement du Québec qui est
venue souligner au ministre que les informations qu'elle détenait lui
faisaient constater que 70 % des bénéficiaires qui ont fait cet
effort de s'inscrire au programme de rattrapage scolaire ont connu un
deuxième échec avant la fin et ont dû abandonner. Ce sont
là des chiffres que jamais le ministre n'a, d'une façon
sérieuse, confirmés, malgré qu'il ne les ait jamais
contredits. C'est-à-dire que ce qui n'est pas sérieux,
c'est de ne pas nous communiquer ces chiffres qui sont pourtant le
fondement même de ce qu'est sa réforme.
On va revenir là-dessus, si vous le voulez bien. Peut-être
qu'avant, j'aimerais examiner la question de la parité. Vous nous dites:
Une parité sans condition dès l'âge de la majorité,
alors dès l'âge de 18 ans. Le ministre vous fait valoir des
considérations liées au programme de prêts et bourses qui
contient une clause de contribution parentale. Vous nous faites valoir dans
votre mémoire que, justement, cette contribution parentale est
décriée depuis très longtemps et qu'il y a une
revendication d'autonomie pour une personne adulte dès l'âge de 18
ans, une reconnaissance de son droit à l'autonomie. De toute
façon, en pratique, le ministre a déjà dit devant cette
commission qu'au contraire il apportait 85 % des contributions parentales qui
seraient effectivement versées aux étudiants à qui,
pourtant, on présumait une telle contribution qui alors n'est pas
versée, pour 85 % des étudiants. (20 h 45)
C'est là une sorte de construction bien théorique, parce
qu'on appliquerait à laide sociale une contribution qui n'est pas
versée aux prêts et bourses. Le ministre dit: Si je n'avais pas la
contrainte des prêts et bourses, je me sentirais totalement libre. Je
vous repose la question: Est-ce qu'on serait socialement libre de penser
qu'à partir de l'âge de 18 ans... Je ne le vois pas comme vous,
d'ailleurs, en fonction d'un décrochage des études
collégiales, car s'instruire, comme le dit l'article d'Alain Dubuc de
La Presse, ce n'est peut-être pas s'enrichir, mais au moins c'est
travailler. Et les chiffres sont quand même très éloquents.
Le taux de chômage chez ceux qui avaient fait seulement des études
secondaires était de 13,4 %; il tombe à 7,3 % chez ceux qui ont
fait des études collégiales et à 5,1 % pour les
universitaires. Donc, c'est inversement proportionnel à la formation. Je
prends pour acquis que le gouvernement va donner raison au mouvement
étudiant qui réclame de retirer la contribution parentale ce qui
va, entre autres, donner raison à la commission jeunesse de son
parti.
Je reviens avec une question de fond. Considérons deux jeunes de
18 ou 19 ans qui décident de cohabiter; un jeune homme et une jeune
femme qui ont tous les deux des relations, peut-être pas difficiles, mais
tout simplement un peu tendues avec la famille, comme on les a souvent. Je ne
sais pas si c'a été votre cas, il y a des expériences
qu'on ne va pas révéler ici, mais qui sont fréquentes
à cet âge parce qu'on est à la recherche de sa propre
identité. Alors, si le ministre applique sa propre proposition d'un an
de vie commune avant de considérer qu'il y a vie maritale, ou s'il donne
satisfaction à peu près à tous les groupes de femmes, sans
exception, qui sont venues lui recommander qu'il y ait trois ans de vie commune
avant qu'il y ait présomption de vie maritale... Ces jeunes ont,
à deux, l'équivalent de 1000 $ par mois, c'est-à-dire 12
000 $ par année; 12 000 $ sans que pour autant il y ait quelque
activité à laquelle ils doivent participer. Autant je suis
favorable à ce qu'on retire toute cette question de contribution
parentale, qui est une pure construction fictive qui ne repose plus sur les
relations familiales actuelles, mais qu'il faut appliquer aux prêts et
bourses, autant je me demande si cette parité, socialement
nécessaire - on s'entend là-dessus - ne doit pas aussi être
accompagnée d'une exigence de participation à des
activités communautaires.
M. Morin: Ce n'est pas une question piégée; c'est
une bonne question. Je serais tenté de dire, jusqu'à un certain
point: Pourquoi pas? Si c'était là la seule façon d'y
arriver et si je croyais vraiment tous les dangers qui nous sont exposés
par cette parité, car on semble nous dire que c'est quasiment injuste...
Il faudrait voir exactement de quoi il s'agit; une participation de quelle
façon? Est-ce qu'on les obligerait à retourner à
l'école? Est-ce qu'on les obligerait à faire des travaux
communautaires? Faire quoi au juste? Est-ce qu'on va les rendre responsables,
en les payant? Cela devient de la conscription ou presque. Est-ce qu'on va leur
faire nettoyer le Saint-Laurent? Est-ce qu'on va leur faire faire des
tâches pour améliorer les normes écologiques au
Québec? Qu'est-ce qu'on va faire au juste? Est-ce qu'on va les louer
à l'entreprise privée? C'est la question qui se pose.
Mme Harel: C'est la question que je vous pose.
M. Morin: Je pense que personne, parmi les assistés
sociaux, à moins qu'il n'y ait des vicieux, et j'imagine que cela ne
doit pas être la majorité, ne tient absolument à vivre dans
la misère; je pense que personne n'ambitionne d'être
assisté social.
Mme Harel: M. Morin, de nombreux groupes qui étaient
composés de jeunes et qui travaillaient avec des jeunes sont venus nous
parler de la mésadaptation sociale d'un bon nombre de jeunes, des
conflits familiaux et des familles reconstituées. En 1990, un couple sur
deux, au Québec, sera divorcé; un sur quatre sera remarié
et un sur cinq redivorcé. Il ne faut pas chercher de vice dans ce que je
dis. Il faut juste constater que, socialement, il peut certainement y avoir un
problème à allouer à un couple de jeunes non pas
l'équivalent du salaire minimum, mais l'équivalent du salaire -
je suis en train de tenter de faire un calcul; l'équivalent de 6 $
l'heure environ - qui peut être celui d'un travailleur. Il y a à
peu près 200 000 personnes au Québec qui ont à la fois le
salaire minimum et à peu près...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Jusqu'à 6 $.
Mme Harel: Avec ce travail, ils vont se faire vivre et faire
vivre... En d'autres termes, socialement, n'y a-t-il pas un problème
à ce que la société dise qu'à 18 ans ou à 19
ans, au moment où on est à un âge très souvent
critique et où on a à faire des choix de vie... Il est possible
qu'un peu plus vieux ces choix de vie soient faits et qu'il y en ait qui
choisissent de rater leur vie. Mais lorsqu'on est à la croisée
des choix et des chemins, est-ce qu'il est souhaitable qu'on ait ce type de
mesure sociale?
M. Morin: J'ai de la difficulté à suivre votre
raisonnement. Je pense que les sociologues s'accordent pour dire que la
pauvreté entraîne la pauvreté et qu'il se crée une
espèce de cercle vicieux là-dedans. Il est entendu que si, aux
deux jeunes dont vous me donnez l'exemple, vous donnez un salaire égal
à celui d'un médecin et que vous appelez cela l'aide sociale, ils
ne seront jamais intéressés à travailler. Mais, entre cela
et la pitance qu'on leur donne actuellement, il doit exister quelque part un
juste milieu. Et ce juste milieu, pourquoi ne serait-ce pas que votre jeune
couple de 18 ans, qu'ils soient mariés ou non, mais vivant ensemble, ait
l'équivalent d'un autre couple de 24, de 30 ou de 35 ans qui n'a pas
d'enfant et qui ne peut pas travailler? Pourquoi ne serait-ce pas
l'équivalent?
Et dans le cas des personnes seules, car il ne faut pas oublier que
parmi les assistés sociaux il y a énormément de personnes
seules, les pourcentages sont assez importants. Et je fais abstraction des
familles monoparentales qui sont la plupart du temps dirigées par des
femmes. Pourquoi une personne seule de 18 ans ou de 19 ans pourrait-elle
subsister avec moins d'argent qu'une personne seule de 60 ans? Je ne vois pas
comment on peut arriver à ce raisonnement.
Mme Harel: Le raisonnement, ce n'est pas de leur donner moins, M.
Morin.
M. Morin: Pardon?
Mme Harel: Le raisonnement, ce n'est pas de leur donner moins;
c'est de leur donner tout autant, parce que les besoins sont les mêmes,
mais de s'attendre qu'ils aient un accompagnement, un soutien, un coup de main
qui peut être de toute nature. Aujourd'hui, on est venu nous parler,
notamment, de la nécessité d'offrir du conditionnement physique.
Des gens de jeune âge avaient souvent des problèmes de
santé. C'étaient des gens du comté de Saint-Jacques qui
sont en contact tous les jours avec des jeunes en très grande
difficulté.
M. Morin: II y a des problèmes de santé et il y a
des problèmes de malnutrition. Il est maintenant prouvé que,
même s'ils veulent retourner aux études, s'ils n'ont pas une
certaine sécurité financière et alimentaire, leurs
études seront extrêmement difficiles.
Mme Harel: M. Morin, on parle de gens qui font une
activité, justement. Quand vous me parlez d'études, c'est parce
qu'ils sont...
M. Morin: C'est une activité. Pour moi, c'est une
activité aussi valable que d'aller sur le marché du travail.
Mme Harel: Certainement. De toute façon, c'était
justement une des propositions mises en place par le Parti
québécois, ce rattrapage scolaire. Vous le mentionniez et on va y
revenir, si vous voulez. C'est certainement une activité aussi
importante et aussi valable. Vous nous dites qu'il n'y a pas encore eu
démonstration de l'efficacité des mesures de relèvement de
Pem-ployabilité. Vous dites: La réforme Paradis n'aborde
même pas cette question. Cette efficacité n'est même pas
démontrée à long terme pour les entreprises, etc. Vous
avez des informations, vous avez votre point de vue sur ces mesures
d'employabilité. Vous les préconisez et vous les favorisez, ces
mesures d'employabilité offertes aux moins de 30 ans. Je les rappelle:
travaux communautaires, rattrapage scolaire, stages en entreprise. Pour chacune
de ces mesures, est-ce que vous avez un point de vue? Vous préconisez
leur abandon? Vous préconisez leur maintien, leur développement?
Quel est le point de vue du NPD-Québec là-dessus?
M. Morin: II y a certaines de ces mesures qui ont permis à
des personnes de ne pas bénéficier, pendant un certain temps, de
l'assistance publique ou de l'aide sociale et d'avoir un emploi pendant un
certain temps.
Mme Harel: Je crois qu'on se trompe, M. Morin.
M. Morin: Non. Étant employeur moi-même, je me suis
rendu compte que certaines de ces personnes allaient profiter justement du
programme pour pouvoir changer de dispensateur d'assistance, essayant de passer
pendant un bout de temps à l'assurance-chômage, quitte à
revenir après à l'assistance publique. Parce que, de toute
façon...
Mme Harel: M. Morin, je pense qu'on ne s'est pas bien compris.
Toute personne qui participait aux mesures était toujours un
bénéficiaire de t'aide sociale et ne pouvait justement pas avoir
un statut de travail. Justement, elle ne pouvait ni recevoir de
l'assurance-chômage, ni cotiser à la Régie des rentes. Il
s'agit de mesures d'employabilité pour un bénéficiaire de
l'aide sociale.
M. Morin: Je ne sais pas quels ont été les
résultats. Je n'en ai pas la moindre idée mais,
d'après ce que mon collègue disait tout à l'heure,
les résultats n'ont pas été fracassants à venir
jusqu'à maintenant.
Mme Harel: Non, mais quel est votre point de vue, au
NPD-Québec, concernant ces mesures d'employabilité?
M. Morin: La crainte...
Mme Harel: Vous les abandonneriez? Vous les développeriez?
Vous les maintiendriez? Vous avez un point de vue sur chacune de ces trois
mesures? Vous les abandonneriez en bloc? Il y en a quelques-unes d'entre elles
qui seraient à retenir? Quel est votre point de vue
là-dessus?
M. Rivard (Pierre): J'aurais tendance, en tant que jeune et
connaissant plusieurs jeunes qui ont participé à ces programmes,
à les abandonner grosso modo. Surtout...
Mme Harel: Les trois? Rattrapage scolaire, travaux
communautaires, stages en entreprise.
M. Rivard (Pierre): Stages en entreprise,
particulièrement, parce que plusieurs jeunes se sont plaints
d'être en fait au service d'une entreprise pendant une période X,
pendant une période de huit ou neuf mois par exemple - quoique dans la
réforme Paradis on ne sache pas vraiment combien de temps ces mesures
vont durer - et d'être rejetés par l'entreprise au moment
où la subvention n'était plus disponible. Donc, c'étaient
des mesures très partielles et, souvent, les jeunes n'étaient pas
affectés aux travaux qui avaient été prévus. Ils
devaient faire un stage en entreprise pour améliorer leur formation sur
tel ou tel élément et, bien souvent, ils se rendaient compte que
ce n'était pas la nature du travail qu'ils faisaient. Il y a eu
énormément de critiques par rapport aux stages en entreprise.
En ce qui concerne les travaux communautaires, je pense qu'ils peuvent
avoir une certaine utilité, et il y a des jeunes qui peuvent les trouver
intéressants. Ils ne sont pas à rejeter du revers de la main,
sauf que je me demande si c'est au régime de l'aide sociale de
gérer un programme de travaux communautaires. Peut-être qu'il y
aurait lieu d'en faire un programme particulier, séparé du
régime d'aide sociale, où les jeunes pourraient contribuer d'une
manière très volontaire. Qu'on encourage les jeunes, par exemple,
à former des coopératives qui offriraient des services de travaux
communautaires. Je pense qu'il y a d'autres manières d'envisager la
participation a des programmes comme celui-là. Enfin, je pense qu'il est
moins condamnable, si on veut.
Quant au rattrapage scolaire, comme les jeunes assistés sociaux
sont des jeunes qui, souvent, n'ont pas de formation post-secondaire, et n'ont
même pas terminé leur formation secondaire, je me demande s'il n'y
aurait pas lieu d'élargir - c'est une proposition que les jeunes de
NPD-Québec ont votée et vont essayer de faire entériner au
prochain congrès du parti - d'étendre le régime des
prêts et bourses au niveau secondaire; de permettre à des jeunes
qui ont 17, 18, 19, 20, 21 ans, donc qui ont quitté les études
depuis longtemps et n'ont pas terminé leurs études secondaires,
de jouir du régime de prêts et bourses pour faire leurs
études secondaires.
Mme Harel: À ce moment-là, vous savez certainement
que le régime de prêts et bourses est moins généreux
que l'actuel programme d'aide sociale.
M. Rivard (Pierre): Cela prendrait une réforme du
régime des prêts et bourses, entre autres, pour ce qui est de la
couverture des besoins spéciaux.
Mme Harel: Mais vous savez que présentement, lorsqu'il y a
retour aux études pour terminer le secondaire, il y a une couverture des
besoins qui est de loin supérieure à celle des prêts et
bourses. Alors, ce que vous allez voter, c'est déjà en
application.
M. Rivard (Pierre): Bien...
Mme Harel: Oui, parce que si vous votez une extension des
prêts et bourses au secondaire, cela va donner une diminution.
M. Rivard (Pierre): On prévoit qu'il y ait couverture des
besoins spéciaux à l'intérieur du régime des
prêts et bourses aussi.
Mme Harel: Oui, mais...
M. Rivard (Pierre): Disons que pour nous, les jeunes du NPD, il
est inacceptable que les étudiants n'aient pas d'aide en ce qui concerne
la couverture des besoins spéciaux. (21 heures)
Mme Harel: Pourquoi, alors, changer quatre trente sous pour une
piastre? Parce que, présentement, l'application du régime veut
que, lorsqu'il y a rattrapage scolaire, il y a retour aux études
secondaires, il y a finalement la parité. Et la question est bien plus
de savoir pourquoi ces programmes-là n'ont pas donné les
résultats voulus. La CEQ nous a dit que les conditions dans lesquelles
ces jeunes retournent aux études ne sont pas adéquates, parce
qu'ils ont déjà connu un premier échec, puisqu'ils ont
abandonné avant de terminer, et le retour se fait dans de mauvaises
conditions. C'est sur une base volontaire, le retour aux études, mais il
ne se fait pas dans de bonnes conditions pédagogiques. L'école
est restée la même, donc totalement mésadaptée par
rapport à leurs besoins.
Alors, je vais vous remercier pour cette
discussioné. Je pense, M. le Président, que mon temps est
déjà écoulé.
Le Président (M. Kehoe): Merci, Mme la
députée de Maisonneuve. Je reconnais le député de
Chambly.
M. Latulippe: Alors, je voudrais vous remercier aussi pour votre
mémoire. Je pense qu'il y a des principes auxquels, tous, on
adhère, par exemple, le droit au travail. Mais j'aurais des questions
précises à vous poser, un peu dans la foulée de celles que
Mme la député de Maison-neuve vous a posées. Le profil de
la clientèle à l'aide sociale, on le voit ici, est peu
scolarisé: 36,7 % des bénéficiaires ont huit années
ou moins de scolarité et deux bénéficiaires sur cinq n'ont
aucune expérience de travail. Vous êtes très critique face
aux mesures visant à rehausser l'employabilité. J'aimerais que
vous nous disiez comment vous croyez qu'on peut consacrer le droit au travail
et qu'on puisse finalement aider ces personnes. Une personne, par exemple, qui
a très peu ou qui n'a pas d'expérience de travail, qui souvent
est peu scolarisée, qui peut avoir 30, 35 ans, comment l'aidez-vous,
cette personne-là, à acquérir les qualités requises
ou à acquérir ce qu'il faut pour vraiment s'intégrer au
marché du travail? Concrètement, qu'est ce que vous faites pour
l'aider, cette personne-là?
M. Morin: Question pesante encore une fois.
M. Rivard (Pierre): C'est sûr que ces personnes-là
font face à des problèmes particuliers, mais le document qu'on
présente n'est pas une contre-réforme non plus, du régime
d'aide sociale. En fait, c'est une analyse, quant à nous, de la
philosophie qu'il y a derrière et aussi de certains effets pervers qu'il
peut y avoir. Il y a des objectifs qu'on a qui sont louables, mais il y a aussi
des contre-effets qu'il faut éviter.
En tout cas, nous quand on pense à une politique de plein emploi,
c'est bien évident, en tout cas chez les jeunes au NPD-Québec,
que dans la conjoncture actuelle, ce n'est pas possible de l'imaginer. Cela ne
veut pas dire que chaque personne travaillerait quarante heures par semaine,
par exemple; et cela ne veut pas dire que chaque personne occuperait
nécessairement un emploi bien rémunéré, à
temps plein, etc. Cela passe, quant à nous, par une politique de partage
du travail et de réduction du temps de travail. Je pense qu'on ne peut
pas, ce n'est pas au programme de l'aide sociale, même avec toutes les
mesures de relèvement de l'employabilité qui peuvent être
repensées d'ailleurs... Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas essayer
de relever l'employabilité des bénéficiaires. Cela veut
dire que ce n'est pas à l'aide sociale nécessairement de le
faire. Ce n'est pas une politique de main-d'oeuvre. Je pense qu'il faut avoir,
à côté d'un programme d'aide sociale, une politique globale
de plein emploi qui passe par une réduction du temps de travail, par un
partage du travail et aussi par des politiques de main-d'oeuvre qui cherchent
à relever l'employabilité des personnes qui ont une
employabilité déficiente. Quoique, avec le temps, les
problèmes de main d'oeuvre vont être très différents
au Québec. Les problèmes vont changer, il y a une certaine
clientèle à l'aide sociale qui, vieillissant, ne se renouvellera
pas non plus.
M. Latulippe: Je voudrais, en fait, arriver à la
deuxième partie de votre mémoire, ou à la partie
principale, celle sur le plein emploi. Mais revenons à l'assisté
social qui, vraiment, a des problèmes d'employabilité. On
comprend bien, et on s'entend tous pour dire que l'assisté social
recherche à s'intégrer au travail et que sa plus grande
volonté est de voir son droit au travail respecté. Mais pour
cette personne-là, qui a des problèmes, qui a 30, 35 ans, ou 20
ans, comment faites-vous... Est-ce que vous croyez, par exemple, que les
travaux communautaires peuvent être une façon graduellement
d'amener cette personne-là à apprendre le travail?
M. Rivard (Pierre): Comme je le disais tantôt, beaucoup de
programmes de travaux communautaires ne sont pas arrivés à ces
objectifs-là.
M. Latulippe; Non, mais est-ce que le principe des travaux
communautaires peut être une bonne mesure à
l'employabilité?
M. Rivard (Pierre): Oui, le principe peut être
défendu. C'est-à-dire que tout est dans la gestion du programme,
évidemment, dans le type de travaux qui sont effectués dans le
type d'entreprises qui y participent aussi.
M. Latulippe: Deuxièmement, est-ce que le rattrapage
scolaire par exemple ou l'amélioration de la formation de cette
personne-là, qui a des problèmes, n'est pas une autre
façon d'accroître ses chances de se trouver de l'emploi?
M. Rivard (Pierre): L'éducation en général,
dans son ensemble, pas seulement le rattrapage scolaire, tant pour les
assistés sociaux que pour les non assistés sociaux, est une
excellente façon d'améliorer les chances
d'employabilité.
M. Latulippe: Oui, mais je parle...
M. Rivard (Pierre): C'est clairement démontré par
toutes les études.
M. Latulippe: D'accord. Je parie de cette personne-là. On
va y aller avec des cas concrets. Croyez-vous qu'une meilleure formation ou
des mesures améliorant sa formation vont l'aider à se trouver
un emploi?
M. Rivard (Pierre): La réponse à votre question est
évidente. C'est évident que le problème, le premier
problème des assistés sociaux en est un de formation et un
problème d'éducation. C'est le principal obstacle à leur
insertion sur le marché du travail.
M. Latulippe: Donc...
M. Rivard (Pierre): Ce qu'il y a dans le mémoire, c'est
une critique du mode d'insertion au marché du travail.
M. Latulippe: Je comprends donc que vous êtes d'accord avec
les mesures pour rehausser l'employabilité?
M. Rivard (Pierre): Mais il y a des pièges dans ces
mesures-là. C'est cela qu'on dit. Il faut faire attention aux
pièges qu'il y a là-dedans. Cela consacre une dualité de
l'économie qui se passe au Québec et qui se passe dans tous les
pays occidentaux.
M. Latulippe: On va y arriver, à la dualité de
l'économie.
M. Rivard (Pierre): C'est cela, d'accord.
M. Latulippe: Vous êtes donc d'accord pour dire que les
mesures pour rehausser l'employabilité comme celles dont on a
parlé - oublions leur application - sont bonnes pour aider une personne
à voir son droit au travail respecté?
M. Rivard (Pierre): Oui, pour autant que cela ne soit pas la
condition pour qu'elle ait un plein barème. C'est-à-dire que
c'est très bien qu'il y ait des mesures qui viennent en aide aux
assistés sociaux, mais que cela ne soit pas la condition qui fasse en
sorte qu'ils aient par exemple 100 $ de plus par mois.
M. Latulippe: D'accord. Vous étiez très critique,
en général, face aux mesures d'employa-bilité. J'aimerais
arriver à la deuxième partie. Vous parlez de la politique de
plein emploi et vous parlez, entre autres, de la structuration de plus en plus
duale du marché du travail: d'un côté, les travailleurs et
travailleuses qui sont syndiqués, qui jouissent d'avantages sociaux et
de l'autre, cette deuxième catégorie d'emplois, que vous dites
fort précaires. Quelles sont les mesures précises que vous
préconisez? Parce que vous êtes contre ce dualisme dans le
marché du travail, quelles mesures précises
préconisez-vous pour briser cette dualité à laquelle vous
faites référence?
M. Rivard (Pierre): Très clairement, il n'est pas possible
d'imaginer une rupture de la dualité du marché du travail sans
une politique de réduction du temps de travail, d'aménagement du
temps de travail. Cela, il va falloir que, dans tous les pays occidentaux, on
se le dise une fois pour toutes. C'est un problème qui est global, qui I
est structurel, et qui ne se règle pas nécessairement par
quelques mesures C'est une politique générale
d'aménagement de l'emploi qu'il va falloir faire. Le fart qu'il y art
des personnes qui soient exclues, si on veut, d'emplois qui sont
intéressants, est dû bien souvent au fait que le nombre d'heures
de travail diminue constamment. Ils doivent bifurquer vers d'autres types
d'emplois. C'est un problème, finalement, qui est structurel, qui est
à long terme
Le Président (M. Kehoe): Mme la députée de
Maisonneuve, le mot de la fin.
Mme Harel: Oui, déjà? Il y a, je pense, cette
expression qu'on retrouvait dans un mémoire et qui disait que les
nouveaux pauvres sont des gens qui auraient très bien pu s'en sortir
à une autre époque. Mais, d'une certaine façon, à
cause de tous ces changements que l'on connaît, ces changements dont ils
sont les victimes et non pas les responsables, ils sont devenus des pauvres
Cela engage d'autant plus la responsabilité de la collectivité et
de l'État, puisque ces changements se sont effectués
malgré eux, d'une certaine façon. Je crois que vous avez raison
de penser que les lacunes ne sont pas tout simplement attribuâmes aux
individus. Il y a aussi des changements structurels qui font que les individus
qui s'en sortaient bien il y a peut-être 30 ans ne s'en sortent plus
maintenant. C'est terrible pour certaines personnes de se rendre compte qu'on
leur attribue maintenant ces lacunes car, quand elles sont nées ou
qu'elles ont grandi, elles ne pensaient pas du tout qu'on les leur
reprocherait, d'une certaine façon. Je pense que c'est important que le
NPD-Québec contribue à nos travaux. Et je vous remercie
d'être venus devant la commission.
Le Président (M. Kehoe): M. le ministre
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie également le
NPD-Québec. Je vous dirai que j'ai lu attentivement toute la partie
critique - je ne la critique pas négativement, j'utilise le terme
"critique" - des programmes mis de l'avant que nous proposons. Je vous dirai,
bien honnêtement, que je déplore un peu la brièveté
de l'esquisse de la réforme que vous mettez de l'avant. Je la retrouve
au dernier paragraphe de la page 10 et au premier demi-paragraphe de la page
11. Si vous aviez un éclairage additionnel, à la suite des
discussions que nous avons eues ce soir en commission, que vous
désireriez communiquer à la commission parlementaire ou au
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu,
nous vous invitons à le faire. Sans vous passer d'ordre ou
d'instructions, c'est une porte ouverte pour quelque chose d'un petit peu plus
articulé que ce bas de page.
Je vous remercie de votre contribution.
Mme Harel: On va vous lire dans les journaux.
M. Morin: Vous allez nous lire dans les journaux à
condition que les journaux nous publient. C'est entendu, M. le ministre, qu'on
va continuer nos travaux dans ce sens-là et qu'évidemment au
cours d'une future campagne électorale, on aura sûrement autre
chose à dire de plus étoffé, je l'espère.
Vous admettrez que cela fait seulement deux ans qu'on existe. Notre
programme est étoffé, mais pas tant que cela encore. Mais cela
s'en vient.
Le Président (M. Kehoe): Merci M. Morin, merci M. Rivard,
MM. les représentants du NPD-Québec.
Je demande au prochain organisme de prendre place. À l'ordre,
s'il vous plaît!
Je demande au prochain organisme de prendre place, le Parti
québécois de Montréal-Centre, et je demande au
porte-parole de s'identifier et d'identifier les personnes qui l'accompagnent,
s'il vous plaît.
Parti québécois
Montréal-Centre
M. Bouchard (Pierre): Merci, M. le Président. Je suis
Pierre Bouchard, le président de la région
Montréal-Centre, au Parti québécois. Je suis
accompagné, à ma gauche, de Mme Francine Lalonde, que,
j'espère vous connaissez, ancienne ministre
déléguée à la Condition féminine sous le
gouvernement du Parti québécois. Elle est conseillère
à l'exécutif de Montréal-Centre et la principale
responsable de ce dossier de l'aide sociale et, depuis quelques semaines, elle
est aussi conseillère à l'exécutif national. Je suis
accompagné aussi, à ma droite, de Mme Maude-Pierre Pierre qui est
la présidente de l'association péquiste du comté de
Westmount, qui fait partie de Montréal-Centre. Voilà.
Le Président (M. Kehoe): Bienvenue. Je vous demanderais de
présenter votre mémoire, s'il vous plaît!
M. Bouchard: Merci.
Alors, en introduction, je ne m'étendrai pas très
longtemps pour rappeler un fait qui est de plus en plus admis par tous, celui
de la dualisa-tion de notre société, où, d'un
côté, on retrouve ceux ou celles qui tirent profit de ces
changements dans notre société ou qui réussissent à
maintenir un niveau de vie confortable et, de l'autre, ceux ou celles qui ne
peuvent s'octroyer un minimum décent. Leur lot, c'est l'accès
à des emplois de seconde zone, précaires, ou l'exclusion du
marché du travail.
Ajoutons à cela aussi la transformation des rapports sociaux
qu'on connaît dans notre société, la transformation de la
vie familiale, de la vie de couple.
Deux choix vont s'offrir à nous, dans cette
société. D'abord, il y a celui de démissionner et
d'accepter de vivre dans un environnement où les forts gagnent et les
moins forts, ou moins chanceux, peinent et souffrent. La tâche
principale, lorsqu'on est dans ce genre de vision, c'est alors de les rendre,
ces pauvres, responsables de leur état et d'essayer de minimiser les
coûts sociaux qui en découlent. Ou bien, comme
société, on accepte de travailler intensément à
l'édification d'une société plus juste et plus
respectueuse des droits humains, à l'égalité des chances
et des services indissociables d'une démocratie sociale,
économique et politique. (21 h 15)
Une société démocratique digne de ce nom, n'a point
de cesse qu'elle n'a procuré à tous et à toutes qui le
peuvent et le veulent un emploi décent qui assure un revenu suffisant et
comble les besoins sociaux croissants, c'est l'objet d'une véritable
politique de plein emploi.
À la lecture du document du ministre, nous, du Parti
québécois de Montréal-Centre, rejetons l'ensemble de cette
réforme pour les raisons suivantes: 1° elle ne s'attaque pas
à la cause principale de la pauvreté au Québec, soit la
pénurie d'emplois; 2° implicitement ou explicitement, elle tend
à culpabiliser les prestataires de l'aide sociale et à leur
imputer la responsabilité de leur sort; 3° la réforme
n'assurera pas une assistance qui permettrait de vivre dans une
sécurité et une dignité minimale; 4° la
complexité de la réforme ne peut qu'entraîner un
renforcement sans précédent des contrôles et de l'appareil
administratif dont les coûts supplémentaires seront payés
par les bénéficiaires dits aptes au travail dont les prestations
actuelles seront réduites en 1989. Je cède la parole à Mme
Francine Lalonde qui va nous faire un certain historique de l'aide sociale au
Québec.
Mme Lalonde (Francine): Bonsoir. Nous nous sommes
préoccupés de savoir quelle était l'importance relative du
poids de l'aide sociale au Québec par rapport aux autres provinces du
Canada et de savoir si cette importance, qui est grande, était nouvelle
ou ancienne. Je pense que c'est un sujet qui n'a pas été beaucoup
abordé et qui mérite un minimum d'attention. Alors, vous me
permettrez de reprendre certains éléments.
Le rapport du comité d'étude sur l'assistance publique,
autrement appelé rapport Boucher, du nom de son président, a
signifié en 1963 le passage du régime de charité
privée à celui du droit à une assistance de dernier
recours. La loi de l'assistance publique de 1921 jusqu'à 1960, en
facilitant l'hospitalisation des indigents et leur entretien, consacrait
l'intervention de l'État dans un domaine nouveau, celui des institutions
privées de bienfaisance.
En 1959, le gouvernement du Québec signait avec celui du Canada
un accord rétroactif au 1er juillet 1958. En vertu de cette entente,
le
gouvernement fédéral s'engageait à défrayer
la moitié des sommes versées "aux personnes en chômage qui
sont dans le besoin". C'est intéressant de remarquer cela aujourd'hui,
parce qu'on avait avant les pensions aux mères nécessiteuses, aux
invalides et aux aveugles, mais les personnes en chômage dans le besoin,
donc en chômage prolongé, qui n'avaient pas plus droit à
l'as-surance-chôrnage étaient réduits aux
expédients. Donc, on a cru bon de faire un régime spécial
et le rapport Boucher a ensuite joué, en 1963, un rôle
déterminant, il a influencé, d'ailleurs, l'ensemble du Canada
pour faire en sorte qu'on ne distingue plus entre les deux sortes qu'on avait
identifiées d'abord, entre les deux grands types de personnes qui
avaient des besoins.
Nous avons rappelé la première recommandation du rapport
Boucher qu'on pourrait aujourd'hui résumer en disant une politique de
plein emploi. Le rapport Boucher est un instrument extraordinaire pour tenter
de mesurer le chemin parcouru. Nous rappellerons les chiffres, les analyses et
le sens des solutions qu'il propose.
Nous apprenons qu'en 1961-1962 36,8 % des sommes versées par
Ottawa le sont au Québec. On sait que c'est partagé
moitié-moitié, alors qu'on divise ou qu'on ne divise pas, c'est
36,8 % de toute manière, alors que la population du Québec ne
représente que 28,8 % de la population canadienne. Par contre,
l'Ontario, avec 34,2 % de la population, n'a touché que 21,3 % des
sommes fournies par le gouvernement fédéral.
Qu'en est-il aujourd'hui? Des statistiques de Santé et
Bien-être Canada - très officielles mais après lesquelles
on a dû courir beaucoup - nous apprennent que pour 1985-1986, 38,8 % des
sommes versées par Ottawa le sont au Québec, alors que la
population du Québec ne représente que 25,9 % - ce sont les
extrapolations du MEER - de la population canadienne. L'Ontario, avec 35,9 % de
la population, n'a touché que 25,3 % des sommes fournies par le
gouvernement fédéral.
Des dix provinces canadiennes, Québec est celle où le
rapport entre le pourcentage de la population et la proportion des coûts
totaux de l'aide sociale est le plus élevé. Un graphique à
la fin intitulé "Aide sociale et population par rapport au Canada"
illustre ce fait. Alors, le rapport entre le coût de l'aide sociale et la
population montre que le Québec, au moins dans ce secteur, est largement
en avance. Ce n'est pas un championnat recherché, mais obtenu et
maintenu. il est peut-être intéressant de souligner qu'à
l'annexe IV du document prébudgétaire du 5 mars 1986
présenté par M. Gérard D. Levesque, on fait état
des conséquences de cette situation sur la capacité du
Québec de se payer des services publics. C'est une photocopie
intégrale du texte où on voit que le Québec, en
conséquence de la politique de revenu, est la province qui est la moins
à même de dispenser des services publics autres. Il y a plus. En
1986, la seule ville de Montréal, avec une population deux fois moindre,
compte presque autant de ménages à l'aide sociale que
Terre-Neuve, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Ecosse réunis, soit 88
593 par rapport à 89 819. Ce sont les chiffres de janvier 1987. Inutile
de dire que ces additions - comment dire? - sont impressionnantes et, je pense,
catastrophiques pour tout le monde. Je vais passer brièvement...
Mme Harel: On parle du beau risque. Il a sombré dans le
lac Meech, justement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Bon!
Mme Lalonde: Plus on sera nombreux sur le bateau, mieux ce sera.
Les causes...
Mme Harel: On est juste sur un radeau, pour tout de suite, avec
le gouvernement actuel.
Mme Lalonde: Les causes. M. Boucher estime - je ne vous lirai pas
cela - qu'il y a, premièrement, la mauvaise santé,
deuxièmement, la faiblesse de l'économie québécoise
et, troisièmement, la mentalité. Le sens des solutions
proposées, c'est la résolution un. Il y a un paragraphe que je
vais me permettre de vous lire rapidement: L'interdépendance des
problèmes économiques et sociaux. Je me permets de souligner que
ce texte est d'une actualité brûlante. "Les problèmes de
nature diverse avec lesquels les familles et les individus sont aux prises,
à cause de difficultés d'ordre économique ou social, ne
peuvent être atténués de façon durable que par une
action qui s'attaque à la racine de ces maux - les soulignés sont
de nous - grâce à l'utilisation de moyens efficaces. Les montants
d'assistance sociale versés par l'État à ces individus ou
à ces familles ne seront eux-mêmes réduits ou contenus que
si cette condition fondamentale est respectée. Autrement, quoi qu'on
fasse, il faut s'attendre à ce que te fardeau de l'assistance sociale
pour le reste de la communauté continue à croître
constamment sous une forme ou sous une autre, de façon directe ou
indirecte. Il est tout à fait illusoire de s'imaginer, disait M. Boucher
en 1963, réduire à la longue les budgets d'assistance
financière ou même de les empêcher d'augmenter, en jouant
uniquement sur les taux d'assistance et les conditions
d'admissibilité."
Je sais que vous avez des chiffres différents mais, en 1988, 13 %
de la population totale - non pas des ménages - de la ville de
Montréal vit de l'aide sociale. Alors que Montréal
représente 16 % de la population du Québec, 23 % de tous les
ménages à l'aide sociale - ce sont les chiffres de janvier 1987 -
y vivent. Dans le sud-ouest, 14 942 personnes vivent du BS sur une population
totale de 62 700.
La pauvreté n'est pas un phénomène individuel, mais
social, comme le rappelle l'étude préliminaire du Conseil des
affaires sociales et
de la famille. Le rapport Boucher, déjà, disait cela en
1963. Nous savons que la mauvaise santé, une faiblesse en
mathématique et en français, la délinquance, l'alcoolisme
et la toxicomanie, la mésadaptation, la faiblesse des revenus d'emploi,
le fort taux d'inoccupation sont autant des manifestations que des causes de la
pauvreté sociale.
M. Bouchard: Le deuxième volet de notre mémoire
concerne la fraude que l'on suppose à l'aide sociale. Je laisse le soin
à Mme Maude-Pierre Pierre de nous en parler.
Mme Pierre (Maude-Pierre): La fraude. On commence par une
citation de la commission MacDonald, en 1985: "Les estimations d'abus les plus
élevées sont toutefois de l'ordre de 5 % dans le cas de
l'assistance sociale, un chiffre qui vaut probablement aussi pour
l'assurance-chôma-ge."
La région de Montréal-Centre du Parti
québécois tient à dénoncer l'inqualifiable campagne
de dénigrement du ministre Paradis à l'endroit des citoyennes et
citoyens les plus démunis du Québec. Le même Parti
libéral, qui s'est fait élire en faisant rêver de la
parité des prestations les jeunes femmes et les jeunes hommes vivant de
l'aide sociale, s'est rapidement lancé dans une campagne dont le but
réel ne pouvait être de mettre fin à la fraude, mais
plutôt de préparer une réforme qui allait diminuer le
coût pour l'État sans égard au sort des personnes les plus
démunies.
Qu'il y ait des contrôles, rien de plus normal, que le fait de
faire des contrôles soit l'objet d'une campagne de presse ne peut que
soulever des interrogations sur la fin véritable. Le ministre, en fait,
a encouragé une croyance publique qui fait que tout le monde pense que
les gens qui sont sur l'assistance sociale sont des fraudeurs et sont
responsables de leur sort, sauf que quand les faits ont été
rétablis le ministre ne les a pas aussi réhabilités dans
la même proportion.
L'observation des dernières données publiées sur
révolution des clientèles à l'aide sociale n'est pas non
plus sans surprendre. Un article publié dans la revue Le
marché du travail de décembre 1987 nous apprend que
l'appréciable croissance de l'emploi au Québec entre 1983 et 1985
n'a pas eu d'effet sur l'évolution (espérée à la
baisse) de la clientèle de l'aide sociale apte et disponible au travail.
L'accroissement de la clientèle adulte est dû à la
croissance des adultes aptes et disponibles, puisque ces derniers ont vu leur
effectif augmenter de 54,9 % entre 1981 et 1987, pendant que le nombre
d'adultes inaptes, lui, baissait de 0,5 %. La croissance des adultes aptes et
disponibles au travail a été continue de 1981 à 1985;
puis, cette tendance s'est inversée. En effet la quasi-totalité
de ce repli provient de la diminution du groupe des 18 à 24 ans et,
à un degré moindre, de celui des 25 à 29 ans, diminution
observée depuis 1985 et de façon prononcée en 1986 et
1987".
En somme, M. le ministre, sans le vouloir, aura contribué
à pointer du doigt l'urgence du problème des personnes à
l'aide sociale puisque, malgré ses inspecteurs spéciaux, le
nombre d'adultes aptes et disponibles à l'aide sociale a
augmenté. Quant à la diminution du nombre des moins de 30 ans,
elle est autant liée à une croissance de l'emploi favorable
qu'à la fin de l'arrivée sur le marché du travail des
générations de baby-boom. Mais on ne peut que dénoncer le
fait de ces inquisitions qui, souvent, ont eu pour cible des femmes
vulnérables et humiliées.
M. Bouchard: Dans la même veine, je voudrais aussi
souligner que nous sommes venus quand même aujourd'hui en commission
parlementaire, malgré le fait que certains groupes de la région
de Montréal-Centre aient décidé de ne pas venir en
commission parlementaire à la suite de l'histoire des chèques,
particulièrement dans le quartier de Pointe-Saint-Charles où
plusieurs assistés sociaux ont reçu, au lieu d'un chèque
au début du mois, un petit carton avec un rendez-vous, lesquels
rendez-vous pouvaient aller jusqu'au 8 mars. Quand on sait le drame que cela
peut créer à ces gens-là, je trouve cela carrément
inadmissible. Je tiens ici à vous le dire. On peut imaginer les
pressions que font les propriétaires sur ces gens. Faire des
contrôles soit, mais je crois qu'il y a des façons de demander des
rendez-vous et de ne pas tromper des gens qui attendent un chèque pour
leur dire: Non, tu vas venir, mais seulement dans une semaine en plus de cela.
Surtout qu'on m'a dit qu'on avait vu très peu de fraudeurs
là-dedans. Je pense qu'il y aurait une façon plus
civilisée de traiter ces personnes. Je ferme là-dessus la
parenthèse qui sort un peu - vous comprendrez - de notre mémoire,
considérant que l'événement est récent.
Mme Lalonde, la suite.
Mme Lalonde: Dans cette partie, nous voulons dire que le projet
de réforme dit viser un certain nombre d'objectifs, mais dans la
réalité, avec les mesures qu'il met en place, il risque
d'atteindre des objectifs tout à fait différents. Nous avons
résumé cela en disant: Visa le noir, tua le blanc.
Le premier objectif que nous comprenons, c'est celui d'améliorer
les prestations des personnes reconnues inaptes au travail par le programme
Soutien financier. Nous savons qu'en changeant les barèmes on se trouve
à améliorer les prestations de ces personnes. En
réalité, on reconnaît... Disons que je vais passer vite,
mais tout simplement on leur reconnaît les besoins strictement essentiels
plus 25 $ par mois. Ce qui nous semble important, c'est que, ce faisant, M. le
ministre, vous revenez à la situation qui existait avant le rapport
Boucher. D'après ce qu'on a pu voir, vous revenez en partie à
la
situation qui existait avant le rapport Boucher, situation de laquelle
on a voulu sortir justement à la suite du rapport Boucher. (21 h 30)
Une des questions importantes, c'est que pour distinguer quelles sont
les personnes dites aptes et dites inaptes, il y a une série,
premièrement, de critères qui ne sont pas nécessairement
faciles à établir et, deuxièmement, il y a la question de
savoir qui pourrait décider et à quelle fréquence ces
personnes seraient ou ne seraient pas aptes.
Si on se souvient des drames qu'a causés cette question pour les
moins de 30 ans, on peut imaginer lesquels peuvent être causés
chez les personnes de plus de 30 ans. On sait que, suivant ce qu'on a devant
nous, que nombre de personnes dites aptes au travail, selon les
périodes, se situe autour de 300 000 par rapport à 400 000, parce
que la réforme incite davantage à se faire reconnaître
comme inapte au travail qu'à se faire intégrer à des
programmes d'employabilité. Si on pense que l'incitation est
financière, l'écart qui existe entre quelqu'un qui est non
disponible et qui accepte de faire partie d'un programme d'employabilité
est moindre qu'entre quelqu'un qui est non disponible et qui est inapte au
travail. Alors, si l'indication est l'écart, l'écart est plus
fort à se faire reconnaître comme inapte.
Nous pensons que cela va dans la mauvaise direction parce que même
les personnes qu'on pourrait aisément qualifier d'inaptes veulent, au
lieu qu'on les mette de côté - j'écoutais M. Paradis
tantôt et je le trouvais convaincant -qu'on contribue, dans bien des cas,
qu'on les aide à s'intégrer.
Le Président (M. Kehoe): Madame, pourriez-vous conclure?
Je pense qu'il reste moins d'une minute. On peut prolonger peut-être avec
le consentement, mais...
On est d'accord pour prolonger.
Mme Lalonde: On a fait du travail en tout cas. On vous donne des
conseils.
Pour les aptes au travail, nous trouvons que c'est un appauvrissement
pour toutes les personnes qui ne trouveraient pas de programme
d'employabilité qui leur convient ou, pour une raison ou pour une autre,
qui ne se sentiraient pas capables. Donc, toutes les mesures dépendent
des programmes d'employabilité. Or, notre problème, M. Paradis,
est le suivant: Les jeunes de moins de 30 ans qui avaient - si on retient
l'incitation financière comme critère - une incitation
financière plus grande que celle que les personnes de plus de 30 ans
auront, ces jeunes, en moyenne, ne se sont inscrits au programme que dans une
proportion de 20 %. En tout cas, j'ai vu des chiffres et Hs sont clairs et
nets.
À ce moment-là, je vous dis que, même si je n'avais
pas été de ce côté-ci de la table mais de l'autre,
je me serais interrogée justement sur une mesure qui ne convient
qu'à 20 % des personnes et si on écoute les critiques, on
comprend pourquoi. Le rattrapage scolaire ne convient pas tout le temps parce
que, quand on quitte une école parce qu'elle nous écure, si
vous me permettez l'expression, y retourner, ce n'est pas évident. Les
travaux communautaires, ils ont une durée et après les travaux
communautaires, s'il n'y a pas d'emploi, là encore cela pose des
problèmes. Enfin, les stages: là aussi, il peut y avoir emploi ou
non après. Recherche d'emplois successifs, c'est frustrant. Bref,
temporairement, ces mesures peuvent expliquer qu'on y attache la parité,
mais je pense qu'on ne peut pas dire d'une façon permanente qu'on y
attache la parité. D'ailleurs, ce sont des propos que vous avez tenus,
je me souviens, en décembre 1985; j'étais particulièrement
sensible à cela et il me semble avoir entendu cela à maintes
reprises, l'avoir vu écrit largement.
Alors, je vais passer vite, mais ce qui est important, c'est que les
programmes d'employabilité, quand ils ne convenaient pas à la
majorité des jeunes... Comment penser que ces programmes, sans examen,
sans s'assurer qu'il y en a pour tout le monde, quand on sait que les seules
personnes qui ont de l'expertise pour les mettre en oeuvre sont maintenant
mises à pied - j'en connais personnellement qui vont être
déplacées alors que cela leur a pris un temps important à
prendre de l'expertise - comment penser qu'on peut fonder une diminution des
prestations sur l'exigence de s'embarquer dans ces programmes, alors qu'il
n'est pas du tout évident qu'ils soient adaptés, il n'est pas du
tout évident qu'ils soient disponibles et il n'est pas du tout
évident que les personnes compétentes pour les mettre en oeuvre
vont être là?
Alors, permettez-nous de douter et on pourrait conclure qu'en regardant
seulement les mesures mises en oeuvre l'intention n'est pas de travailler
à l'employabilité, mais de faire en sorte de diminuer les
coûts.
Enfin, pour ce qui est du programme APPORT, il a un grand tort, c'est de
ne s'adresser qu'aux couples avec enfants, attendu que la très grande
majorité des personnes qui sont à l'aide sociale sont des
personnes seules.
Le Président (M. Kehoe): Merci, Mme Lalonde.
M. le ministre. On va commencer la discussion avec les
représentants du Parti québécois.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Je
tiens à remercier le Parti québécois de
Montréal-Centre pour son mémoire écrit ainsi que pour sa
présentation verbale. Je tiens à remercier les porte-parole
également et à souligner la présence d'une ancienne
ministre. Ce sont des responsabilités que l'on occupe tous et chacun
temporairement et, pendant qu'on les occupe, cela nous charge. J'ai beaucoup
de
sympathie pour ceux et celles qui m'ont précédé et
j'espère qu'ils en auront pour moi un jour.
Mme Lalonde: On espère en avoir pour vous aussi.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela étant dit, juste pour
reprendre la fin de votre exposé, Mme Lalonde, vous avez
mentionné que le programme APPORT ne s'appliquait qu'aux couples avec
enfants. J'ai une petite précision. Lorsqu'il y a enfant, il n'est pas
nécessaire qu'il y ait un couple comme tel. Cela s'applique
également...
Mme Lalonde: Aux ménages, je m'excuse.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...aux ménages, là
où il y a présence d'enfants. C'est seulement une
précision.
Mme Lalonde: Oui, je m'excuse.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Étant donné que vous
êtes le premier groupe ou le premier porte-parole à adopter
l'approche que vous avez adoptée sur le plan historique, je pense que
cela vaut la peine qu'on y réplique et qu'on soulève quelques
interrogations.
Vous avez mentionné, à la page 5 de votre mémoire,
que le rapport Boucher joue un rôle déterminant dans
l'établissement du système actuel des droits. Nous maintenons,
sur le plan du document d'orientation que nous proposons, que le rapport
Boucher joue un rôle important. Nous attirons particulièrement
votre attention sur la recommandation 44 du rapport Boucher qui proposait
d'établir une distinction entre l'assistance à court terme et
l'assistance à long terme. Il y avait donc là une certaine
catégorisation, si vous me permettez l'expression.
Vous faites l'historique des chiffres entre 1961 et 1962, vous stipulez
que le Québec a touché 36,8 % des sommes versées par
Ottawa pour une population de 28,8 %, tandis que l'Ontario a touché 21,3
% des sommes pour une population de 34,2 %. Vous avez raison, vos chiffres sont
exacts, sauf que les régimes sont fort différents l'un de
l'autre. Vous me permettrez d'insister sur les différences suivantes: le
programme ontarien pour les aptes est beaucoup moins généreux que
le programme québécois en ce qui concerne les barèmes. Le
programme ontarien distingue entre apte et inapte. Les 18-20 ans sont à
la charge de leurs parents et les aptes sont forcés de faire de la
recherche d'emploi. Si on reprend la comparaison 1986-1987, il y a une petite
correction qui s'impose dans vos chiffres, mais elle est mineure et c'est
strictement pour que vous les ajustiez à l'avenir. Québec, c'est
37,8 % au lieu de 38,8 %. C'est le véritable chiffre - ceia ne change
pas la valeur de la comparaison que vous faites - des sommes-population de 25,9
%, Ontario, 25,3 % des sommes-population, 35,9 %. Mais, encore là,
j'insiste sur les différences entre les deux.
Vous faites une comparaison interprovinciale à la page 7
dé votre mémoire lorsque vous nous référez à
Terre-Neuve, au Nouveau-Brunswick, à la Nouvelle-Ecosse versus la ville
de Montréal. On m'indique que les critères d'admissibilité
dans ces provinces de l'Atlantique sont beaucoup plus sévères que
ceux du Québec et que les aptes au travail ont à prouver au
directeur de l'assistance, dans les municipalités, qu'ils essaient de
façon répétée et continue de trouver un emploi
avant d'être considérés comme admissibles à
l'aide.
Page 13 de votre mémoire - c'est peut-être Mme Pierre /qui
a touché à ce sujet-là plus précisément - on
dit: ..."dénoncer l'inqualifiable campagne de dénigrement", etc.
Je continue de prétendre qu'une saine gestion des fonds publics doit se
faire avec une certaine rigueur administrative, mais tout en respectant les
droits fondamentaux des individus, et que le ministère était
satisfait - autant que je l'étais personnellement - du jugement de la
Cour supérieure concernant les visites à domicile qui a bien
jaugé cet équilibre entre la responsabilité
gouvernementale face à la gestion des fonds publics et le droit du
bénéficiaire au respect de sa vie privée et qu'il fallait,
pour l'agent d'aide socio-économique, il a toujours fallu obtenir
l'autorisation du bénéficiaire avant d'entrer dans sa
résidence privée.
Maintenant, sur le plan des clientèles, on parle d'une hausse
continue des clientèles. Je pense que c'est Mme Pierre,
également, qui a fait référence à cette hausse
continue des clientèles. C'était vrai jusqu'au mois de mars 1986,
si ma mémoire est fidèle. À partir du mois de mars 1986,
la clientèle a diminué à l'aide sociale. Si vous comparez
la clientèle de janvier 1986 à la clientèle de janvier
1988, vous obtenez les chiffres suivants: les personnes qui dépendent de
l'aide sociale au Québec, en janvier 1986, sont au nombre de 690 602, et
les personnes qui dépendent de l'aide sociale en janvier 1988, soit deux
ans plus tard, sont au nombre de 599 400, pour une diminution de 13,2 % ou 91
202. C'est particulièrement révélateur, cette baisse de la
clientèle, chez les jeunes de moins de 30 ans. En janvier 1986, vous
comptiez 147 795 personnes de moins de 30 ans qui dépendaient de l'aide
sociale. En janvier 1988, le nombre était de 106 700, pour une
diminution de 41 095. Donc, toute cette courbe ascendante que vous aviez raison
de souligner, qui est d'ailleurs soulignée dans la proposition de
politique de sécurité du revenu, depuis le mois de mars 1986,
connaît une courbe descendante.
Mme Lalonde: Est-ce que je peux intervenir?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais
j'arrivais avec une question sur les programmes. C'étaient
simplement des précisions parce que cette approche que vous avez prise
est vraiment une nouvelle approche devant la commission et je tenais tout
simplement à apporter ces précisions-là qui sont d'ordre
statistique. Il n'y a pas beaucoup de précisions d'ordre
idéologique. On peut partager des avis différents, mais cela se
chiffre quand même et cela se vérifie à un moment
donné.
Sur le plan des programmes - vous en avez fait état dans votre
mémoire écrit et verbalement - vous les connaissez bien. Moi, je
n'ai pas la prétention de dire que ce sont des programmes qui ont
été créés ou inventés par le gouvernement
actuel. Il y a certaines modifications ou bonifications qui ont
été suggérées par la machine, dans certains cas, et
qui ont été apportées; certaines harmonisations, de
même, avec certains programmes du gouvernement fédéral de
façon qu'il n'y ait pas de compétition entre les systèmes.
Mais, de façon générale, vous semblez porter une critique
assez sévère des programmes que vous avez, dans un certain sens,
mis sur pied. Est-ce que votre critique porte sur la philosophie ou sur
l'idéologie qui sous-tend les programmes ou sur le fonctionnement
pratique des programmes? Je ne sais pas si vous faites la distinction et
j'aimerais que, là-dessus, vous précisiez la pensée de
votre organisme. (21 h 45)
Mme Lalonde: Rapidement, d'abord, sur les régimes
différents, je vais vous dire que j'ai eu la curiosité d'aller
lire dans le répertoire sur les différents régimes et que
c'est bien difficile de dire si ceux-ci sont... Il y a des points qui sont plus
forts d'un côté et d'autres qui sont plus faibles de l'autre,
notamment si vous pensez à l'Ontario où il y a, entre autres,
quant à la possibilité d'être bénéficiaire
d'aide sociale, la possibilité d'avoir des actifs, presque deux fois
plus d'argent liquide, et de l'immobilier. En tout cas, on pourrait
s'interroger pour savoir si vraiment c'est restrictif. En
téléphonant comme individu via Communication-Québec, et en
parlant à des fonctionnaires du provincial et du fédéral,
je me suis fait dire que la définition la plus restrictive des actes
était au Québec, pour quelqu'un qui travaillait à ces
programmes. Alors, il y a moyen de discuter des comparaisons.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...vous pouvez nous indiquer votre
source, on pourra discuter.
Mme Lalonde: Je vais lui demander si je peux vous la dire. Ha,
ha, ha!
Pour ce qui est de la résolution 44, j'en prends note, sauf que,
après le rapport Boucher... Et toute la logique du rapport Boucher
mène à ne pas vraiment distinguer... Mais, là, j'arrive
tout de suite à la baisse de clientèle. La baisse de
clientèle, elle est chez les jeunes. J'ai les chiffres devant moi et, en
1986, pour les 25 à 29 ans la clientèle était de 34 500;
en 1987, de I 34 100. Alors, une baisse de 400. Pour les 30 à 44 ans.
elle était de 104 700 et, en 1987, de 106 600. Alors vos 400 ont
été mangés Pour les 45 à 64 ans, elle était
de 87 200 en 1986 et de 87 500 en 1987. Donc, globalement, à cause de la
baisse des 15 à 24 ans, oui. Pour ce qui est des personnes de 25 ans et
plus, j'ai une photocopie d'un article de la revue Marché du travail,
qui est publiée par votre ministère.
Finalement, à propos des programmes: ils ont forcément
été expérimentaux. Moi, je pense qu'il faut
féliciter Mme Marois pour avoir eu, avec d'autres, le courage, à
l'époque, de faire cela. Cependant, pour en avoir parlé à
Mme Marois, je pense qu'il faut reconnaître, après
expérimentation, que des personnes qui étaient sujettes à
s'impliquer dans ces programmes-là, une majorité ne l'ont pas
fait, malgré une incitation financière qui était
supérieure, et relativement supérieure, à celle que vous
proposez. Si bien que la moindre des choses, M. Paradis, avant d'élargir
des programmes et de rendre le niveau actuel des prestations dépendant
du fait que des personnes s'impliquent ou non dans des programmes, est qu'on
questionne Est-ce qu'ils sont adaptés? Est-ce qu'ils sont suffisants?
Qu'est-ce qu'il faut faire pour les améliorer? Et, en particulier, pour
les personnes...
Écoutez, moi, j'ai travaillé un bon bout de temps avec des
personnes dont les usines où elles travaillaient ont fermé. J'en
ai connu qui ont trouvé deux fois de nouveaux emplois, des travailleurs
spécialisés; trois fois les usines avaient fermé et trois
fois sauvagement. Et le temps passe. Pour un machiniste de 48 ans, s'il n'y a
pas de contrôle numérique, ce n'est pas le retour aux
études... Les travaux communautaires, il faut y penser; ils ne se
construisent pas comme cela. Puis, le retour à l'emploi, il veut bien,
il n'a pas fait autre chose dans sa vie, sauf qu'à un moment
donné il y a la fatigue, la vieillesse qui vient doucement, surtout
quand on a travaillé dur.
Bref, ce qui peut avoir l'air évident pour essayer d'aider les
jeunes, pour les aider sans rendre la parité conditionnelle à ces
travaux-là, c'est une autre chose pour des personnes dont le
vécu, dont l'expérience, dont la préparation est
différente, surtout quand on n'a pas le bagage d'expertise
nécessaire pour les mettre en oeuvre. C'est seulement cela qu'on dit.
Votre intention est d'aider les gens, mais on dit que les instruments ne sont
pas là pour aider les gens. Si vous continuez à mettre le niveau
des prestations qu'il y a aujourd'hui conditionnel à ces programmes et
qu'en réalité ces programmes ne sont ni adaptés, ni
prêts, ni disponibles, la conclusion qu'il faut en tirer, c'est que votre
intérêt véritable - je ne dis pas que c'est votre intention
- n'est pas d'aider les gens à trouver de l'emploi, mais à
économiser, c'est tout.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. En vertu de la règle
de l'alternance...
Le Président (M. Kehoe): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, M. le Président. C'est avec beaucoup de
plaisir - c'est vrai - que je reçois Montréal-Centre, M.
Bouchard, Mme Maude-Pierre Pierre et Francine Lalonde. Je crois que ia
qualité de votre mémoire est certainement appréciée
par tous les membres de la commission. J'ai eu moi-même le plaisir de
présider la région de Montréal-Centre pendant plusieurs
années.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: J'ai toujours le sentiment que cela a
été mes plus belles années. Je suis vraiment contente que,
d'une certaine façon, vous mainteniez cette réputation qu'avait
Montréal-Centre d'aller au fond des choses dans la réflexion
qu'elle offrait à l'époque à son gouvernement et qu'elle
offre maintenant au gouvernement du Québec. Je crois que, dans la
première partie de l'historique que vous faites, le ministre a mis en
cause le fait que, fondamentalement, l'orientation du rapport Boucher
était de mettre fin à tout le fractionnement et à la
multiplicité des programmes épars. Pour avoir relu le rapport
Boucher, je crois qu'il y avait un seul niveau de barèmes. Cela ne
supposait pas pour autant qu'il n'y ait pas de catégories, mais les
catégories n'étaient pas utilisées aux fins de couvrir
différemment les besoins essentiels. Les besoins essentiels sont
fondamentaux et sont les mêmes pour tout le monde. Les besoins de manger,
de se vêtir, de se chauffer et de se loger sont essentiels. Je crois que
les catégories n'étaient utilisées que pour donner la
priorité à des clientèles.
Dernièrement, dans ce qui n'est pas un dépliant mais cette
revue publiée par le Centre justice et foi et qui s'appelle
Relations, je retrouvais un extrait du rapport Boucher. J'ai fait le
test de le faire lire à des personnes, mais en enlevant la
référence au rapport Boucher et la date. Cela disait: "Un
travailleur sur onze se trouve en chômage. La précarité
prolongée de l'emploi est ainsi une des causes les plus puissantes de
l'accroissement de l'assistance." Les personnes à qui je le faisais
lire, sans référence de date, croyaient qu'il s'agissait de la
réalité de maintenant, de 1987. Maintenant, ce n'est même
pas un sur onze, c'est un sur dix. Ce qui est inouï, c'est qu'on nous a
présenté le document du ministre Paradis comme devant
résoudre des problèmes actuels qui n'existaient pas il y a 25
ans, lorsqu'il y a eu cette réforme majeure qui était l'un des
piliers de la Révolution tranquille.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce qu'on pourrait avoir un
bref échange de vue?
Mme Harel: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La clientèle de
l'époque était complètement inversée, en termes
d'aptitude ou d'inaptitude.
Mme Harel: Un travailleur sur onze se trouvait en
chômage.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La qualification des gens qui se
trouvaient en chômage, à l'époque, était que 75 % ou
66 % des gens étaient considérés comme inaptes au
travail.
Mme Harel: Oui. Encore faudrait-il voir quel était le
critère pour les problèmes de santé. Je pense que le
rapport Boucher fait le constat de notre infériorité à
tous égards. Nous étions plus pauvres, plus malades, moins
instruits, etc. Toutes les inégalités sociales se
reflètent évidemment sur les programmes de sécurité
du revenu. D'une certaine façon, le défi nouveau est qu'il y a
maintenant un record de création d'emplois, une performance que les
observateurs économiques les plus chevronnés considèrent
comme un record peu égalé depuis les 20 dernières
années, semble-t-il, sinon en 1973, où un tel niveau de
croissance de l'emploi se trouverait. Mais à l'époque, en 1973,
cela donnait lieu à un taux de chômage d'un peu moins de 7 %,
tandis qu'il est encore autour de 10 % aujourd'hui, avec cette performance que
le gouvernement et le ministre lui-même ne sont pas du tout convaincus de
pouvoir maintenir pour les années à venir.
Votre mémoire apporte certainement des interrogations et,
à la page 3, vous dites: "Culpabiliser les personnes qui vivent de
l'as-surance-chômage pour un temps et de l'aide sociale ensuite ne peut
que contribuer à donner bonne conscience à celles et ceux dont la
chance a été meilleure; elle ne change rien à la situation
de celles et ceux qui deviennent les autres, sinon de les marginaliser
davantage."
C'est certainement fondamental parce que quand vous nous parlez, dans le
mémoire, de toute cette question reliée au discrédit qui a
entouré l'opération d'enquête, il faut simplement lire ce
qu'en dit le Protecteur du citoyen. Et s'il y a quelqu'un qui peut ne pas
être accusé de partisanerie, c'est bien lui. Ce que le Protecteur
du citoyen dit, c'est à en faire dresser les cheveux sur la tête,
quand il dit, dans un langage qui est habituellement administratif: "Ce vent de
contrôle qui a soufflé au ministère a contribué
à instaurer un climat de suspicion qui s'est traduit par une trop grande
sévérité dans l'appréciation de demandes d'aide."
Et, là, on fait état de toutes sortes de problèmes,
notamment de l'article qui stipule que l'aide sociale discontinuée,
suspendue ou réduite de plus de la moitié doit être
rétablie si la décision du bureau de révision n'est pas
intervenue dans les dix jours ouvrables de la demande. Et le Protecteur du
citoyen conclut en disant que plus de la moitié des
décisions sont rendues au-delà de cette période, que les
prestations ne sont pas rétablies et qu'un mécanisme aurait
dû être mis en place pour que l'aide soit rétablie dans le
délai de dix jours. En fait, ce n'est qu'un des exemples, mais je dois
vous dire que ce rapport du Protecteur du citoyen est très
éloquent, d'une certaine façon, sur les règles de
fonctionnement qui certainement ont joué au désavantage complet
des personnes qui sont d'abord punies d'être les victimes du
système actuel. Évidemment, je n'ai pas à vous
répéter combien j'apprécie votre mémoire. J'avais
lu il me semble, j'ai cherché dans le mémoire et je ne retrouve
pas la page, vos propositions en matière de plein emploi. Vous nous
faites part dans ce mémoire de la nécessité... J'ai
pensé que ce serait peut-être utile pour le ministre que vous
expliquiez ce que vous concevez par une politique de plein emploi.
Mme Lalonde: On dit dans le mémoire que les moyens visant
à une politique de plein emploi ne sont pas mystérieux, qu'ils
ont été développés depuis plusieurs années,
surtout dans de petits pays qui ont pu coordonner toutes leurs forces pour
atteindre l'objectif du plein emploi. La volonté politique d'un parti
politique, des syndicats, d'un certain nombre d'entreprises, des groupes
sociaux en a toujours été l'agent principal.
J'écoutais M. Paradis, tantôt, dire qu'il recherche le
plein emploi et j'en suis bien aise. Ce qui est important, encore là,
c'est d'avoir les bons moyens. Bravo pour la création d'emplois! Tout le
monde reconnaît que la conjoncture économique et les moyens mis en
oeuvre avant n'ont pas nui. Cependant, une politique de plein emploi, c'est
beaucoup plus que cela. C'est une politique organisée pour que, dans les
creux conjoncturels, on puisse minimiser les problèmes. (22 heures)
Or, nous venons de vivre une année où, oui, il y a eu 104
000 emplois de créés, mais où nous sommes encore à
un chômage moyen de 10 %. Si on est à la veille d'une
période de ralentissement et de récession, 10 % de chômage
moyen, ce serait partir de bien haut et on risquerait encore de se retrouver
dans des situations extrêmement pénibles. Donc, pour éviter
cela, il faut non seulement des moyens macro économiques -
malheureusement, le Québec ne les contrôle pas tous et on sait
qu'en ce moment le taux de change est évidemment inquiétant -
mais également une série de moyens que le Parti
québécois avait commencé à mettre en oeuvre.
La concertation, cela ne s'improvise pas, cela s'apprend. Quand des
partis sont habitués à se regarder comme chien et chat, cela
prend un bout de temps avant d'apprendre à prendre ensemble des
responsabilités. Or, la concertation, c'est cela. La Table nationale de
l'emploi, vous l'avez abolie et les sommets régionaux n'ont connu qu'un
début également. Pour commencer, vous avez annoncé que
vous ne les tiendriez pas; finalement, sous la pression, vous les avez tenus
Bravo! Ce sont des débuts, il faut continuer.
Quand on pense, maintenant, aux programmes qui étaient
expérimentés, qui sont parmi les instruments d'une politique de
plein emploi, et à toutes ces corporations de développement
économique et communautaire, ce sont des moyens qui permettent d'ajuster
et de faire en sorte qu'on coordonne tous les moyens pour répondre aux
besoins qui sont là, localement et dans les communautés de base.
Ce n'est pas seulement parce que l'économie va bien dans le sens
où les grands indicateurs sont performants.
Vous savez, M. le ministre, vous avez entendu assez de monde
défiler devant vous pour savoir que, si cela va bien pour certaines et
certains, c'est loin d'aller bien pour tout le monde. Or, pour faire en sorte
que cela aille bien pour tout le monde, il n'est pas suffisant de laisser aller
les grands indicateurs, surtout quand on sait qu'ils sont peut-être
à la veille d'éclater comme un thermomètre. Il y a plein
de moyens à mettre en oeuvre: des moyens qui passent par la
concertation, par la recherche de création d'emplois, par exemple, le
reboisement ou les travaux communautaires, mais en termes de création
d'emplois, il ne faut pas seulement mettre en oeuvre des programmes à
durée limitée. Les programmes à durée
limitée, cela va faire comme la salade de programmes qu'on a
déjà eus à plusieurs périodes
Le Président (M. Kehoe): Merci, madame. Compte tenu du
fait qu'il est passé 22 heures, je demande la permission aux membres de
la commission pour continuer nos travaux quelques minutes. Cela prend un
consentement.
Des voix: Oui.
Le Président (M. Kehoe): D'accord. Madame, avez-vous
terminé?
Mme Lalonde: Sur le plein emploi, je peux continuer longtemps. Il
y a une chose que j'aimerais ajouter. Une politique de plein emploi, cela passe
par la prévention des pertes d'emplois, cela passe par le fait que
dès que quelqu'un... Vous êtes à un ministère et
près d'un autre où il y a des choses à faire. J'ai
vécu avec des gens dont les usines où ils travaillaient ont
fermé. J'ai vécu ce que c'est que de bâtir une nouvelle
entreprise. C'est un poème. Quand on peut sauver une entreprise encore
saine ou qui peut être ramenée à la santé, il faut
mettre tous les efforts pour le faire.
Or, disons-nous que dans notre beau pays, ce n'est pas encore le cas; et
quand quelqu'un perd son emploi - là, c'est encore le beau grand pays
"from coast to coast" - et qu'il se retrouve au chômage pour un an, je
pourrais dire que votre programme, par la suite, qui prévoit neuf
mois pour lui donner le temps de s'ajuster et pour l'inciter davantage
en ne lui donnant pas la pleine prestation, cela s'ajoute aux douze mois
précédents. Selon le salaire, les gens prennent, comme on dit en
français, une "drop", en passant de l'assurance-chômage, qui n'est
déjà pas leur salaire, pour tomber, comme on dit, sur l'aide
sociale. Déjà, il y avait douze mois avant. Quand il y a des
choses à faire relativement à l'em-ployabilité, il y a
possibilité de création d'emplois aussi au niveau micro.
En fait, on sait qu'au Québec les plus grands créateurs
d'emplois ont été les petites entreprises, comme nous a appris
l'étude sous la direction de M. Birch de 1974 à 1982, que des
personnes de votre ministère - ce n'était pas sous le coup du
secret - avaient passée en 1985. Ce sont les entreprises de un à
19 employés qui avaient créé au Québec, pendant ces
années-là, le plus d'emplois. Donc, il y a plein de
mécanismes à mettre en oeuvre pour favoriser et
démocratiser l'entrepreneurship, comme je l'avais déjà
dit. Cela suppose un appui, mais un appui dont je ne vois pas l'esprit,
permettez-moi de le dire, dans le programme que vous mettez de l'avant.
Donc, prévention et recherche rapide pour aider les gens, avec un
délai donné, bien sûr, pour qu'ils puissent se retourner,
mais les aider dès ce moment à s'intégrer en formation,
à se créer ou à se trouver un emploi s'il y en a de
disponibles. Quand on en cherche un emploi et qu'il n'y en a pas pour notre
compétence ou notre volonté, on s'écoeure. Et il y a
finalement les grands programmes. Alors, j'arrête, mais je pourrais
continuer. Merci, Mme Harel.
Le Président (M. Kehoe): M. le ministre, en vous rappelant
qu'il vous reste trois minutes de chaque côté, davantage s'il y a
consentement, mais il reste trois minutes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, trois minutes, cela va
m'être suffisant pour dire que je suis pour une politique de plein
emploi. Je pense que je l'ai dit au groupe précédent, et on peut
diverger d'opinion sur certaines méthodes d'application pour rejoindre
le plein emploi. Je pourrais vous dire que, si on avait plus dans le fonds de
solidarité des travailleurs du Québec, ce serait peut-être
là un outil intéressant, aussi avec les autres, etc.,. On
pourrait parler de mécanismes longtemps.
Ce qui m'inquiète, c'est que même lorsqu'on a ce
développement économique et qu'on a cette création
d'emplois, étant donné que les emplois deviennent de plus des
emplois qui exigent un aspect de formation de plus en plus
élevée... J'étais chez IBM, lundi, et ils m'ont dit qu'ils
investissent, aujourd'hui, à peu près 250 000 $ en formation par
travailleur. On peut s'imaginer les investissements que cela commande et que
cela nécessite. À l'intérieur de la compagnie, ils ont une
politique de plein emploi et ils la définissent autrement que vous ne la
définissez; autrement que d'autres gens devant cette commission ne la
définissent et peut-être autrement que je ne la définissais
avant de communiquer avec ces gens-là.
Sans cette nécessaire amélioration de
l'employabilité, est-ce que vous pensez qu'on pourrait l'atteindre, ce
plein emploi? Ou est-ce qu'on laissera en marge de la société ces
bénéficiaires de l'aide sociale qui, sur le plan - vous avez
entendu les statistiques - de l'alphabétisation, ont un cours secondaire
qui n'est pas complété, une expérience antérieure
de travail non reconnue, et risquent toujours de passer à
côté de cette croissance économique? Un peu comme cela se
produit présentement en Ontario, où le taux de chômage est
de 5 %, si on enlève le taux de chômage frictionne!. C'est
quasiment le plein emploi, mais au même moment il y a une augmentation du
nombre de bénéficiaires de l'aide sociale en Ontario.
Mme Lalonde: II y en a dans toutes les grandes villes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On se pose des questions comme
société au Québec. Même en visant au plein emploi,
est-ce qu'on a le droit d'abandonner ces gens-là en marge de la
société?
Mme Lalonde: La réponse, c'est évidemment non. Il
faut aussi s'enlever de la tête le recyclage pour quelqu'un qui a 52 ans
et dont l'usine où il travaillait a fermé. Il y a des personnes
qui en ont le goût, mais il y en a d'autres qui ont appris à
l'oreille, tout le temps, et qui étaient d'extraordinaires travailleurs
dans un domaine, mais ce domaine-là n'est plus requis. Alors, je pense
qu'il y a tout un secteur où on peut créer des emplois qu'on
pourrait dire sociaux, où on pourrait mettre en liaison des besoins
grandissants que les institutions ne sont pas capables de combler, et on
pourrait les valoriser, mais pas avec...
Regardez, M. Paradis, vous donnez 100 $ de plus de prestation pour des
travaux communautaires de 20 heures par semaine; cela fait 80 heures par mois
pour 100 $ de plus. Moi, cela m'inquiète parce qu'il me semble que cela
risque de dévaloriser, justement, le travail communautaire. Or, comme
société, on aurait besoin de créer là de vrais
emplois, parce qu'il y a de vrais besoins que les institutions ne sont pas
capables de combler. Alors, il ne faut pas les laisser de
côté.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On a eu des mémoires
intéressants de gens qui "opéraient", si je peux utiliser
l'expression, des travaux communautaires dans les secteurs d'activité
que vous avez sous-entendus: la santé et le vieillissement de la
population, etc.. Et les résultats d'obtention d'un emploi dans le
système régulier, après, étaient
intéressants chez les gens qui sont venus
témoigner devant cette commission.
Le Président (M. Kehoe): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Si je reprends la
discussion au moment où le ministre la laissait, il s'agissait quand
même de réinsertion, dit-il, à des emplois
réguliers. Mais pourquoi ne pas concevoir ces emplois sociaux comme
étant des emplois réguliers? Et, là, je ne parle pas des
travaux communautaires, parce que cela, c'est le préemploi, mais je
parle d'emplois sociaux réguliers. Cela, c'est autre chose. Je ne sais
pas dans quelle mesure on ne peut pas faire l'hypothèse qu'en Ontario,
justement, la très forte mutation technologique qu'ils connaissent,
étant donné qu'ils peuvent, eux, capitaliser sur l'ensemble des
investissements privés... Parce que c'est absolument
phénoménal comment les investissements privés au Canada
ont été concentrés en Ontario depuis les cinq
dernières années. Je pense qu'il y a un écart qui s'est
élargi.
Mme Lalonde, vous qui connaissez tout, ou presque, de ces
questions-là, peut-être pouvez-vous nous les chiffrer, ces
écarts? Je crois que vous m'avez déjà mentionné que
les écarts vont en s'accroissant, entre le Québec et l'Ontario,
sur le plan des investissements privés. Et il est donc possible que les
nouveaux pauvres en Ontario, qui sont des gens qui auraient très bien pu
s'en sortir à une autre époque, comme je le disais tantôt,
avec des emplois qui disparaissent, des emplois traditionnels, finalement, se
retrouvent sans autre perspective. Et je pense, moi, simplement à la
caisse enregistreuse à fonctions multiples qui fait son "beep"; chaque
fois qu'elle me présente la facture de mes achats, je me dis toujours
qu'en même temps elle fait l'inventaire et elle prépare la liste
des commandes. Cela fait plein de milliers de choses que des personnes
faisaient et elles gagnaient honorablement leur vie, sans pour autant vivre,
disons, dans l'abondance nécessairement.
Disons que cela, c'est le nouveau défi, et je ne vois pas comment
on peut faire pour compenser, sinon par, justement, la création
d'emplois socialement utiles. Si IBM investit 250 000 $ par employé, ils
n'investiront pas dans une personne qui a 52 ans. Je me demande même
s'ils investiraient dans une personne qui en a 41. S'ils investissent 250 000
$, c'est au moins pour 20 ou 25 ans. Ils vont investir chez quelqu'un... Ils
vont essayer que tout cela finisse par rapporter des dividendes. Alors, ce
n'est pas pour quelqu'un qui va partir six ans plus tard. Donc, la question,
c'est: Qu'est-ce que créer des emplois socialement utiles? Ce ne sont
pas simplement des travaux communautaires qui durent un an, qui durent un an
pour la personne et six mois pour le projet. Créer des emplois
socialement utiles, c'est de ne plus bénéficier de l'assistance
sociale et c'est peut-être la seule possibilité qu'on peut
envisager d'utiliser, disons le genre "grant diversion" non par rapport au
secteur privé, pour que cela vienne bouleverser le marché de
l'emploi qui l'est déjà suffisamment, mais qu'on l'utilise dans
le cas d'emplois du secteur public ou parapublic.
Mme Lalonde: C'est bien le sens de mes propos.
Le Président (M. Kehoe): Le mot de la fin, madame, de
votre part, parce que le temps est déjà écoulé. Je
m'excuse.
Mme Harel: Excusez, alors, comme mon temps est
écoulé, est-ce que je peux laisser le mot de la fin aux personnes
qui nous., mon mot de la fin?
Le Président (M. Kehoe): Mme Lalonde, M. Bouchard, le mot
de la fin?
Mme Harel: Mme Pierre.
M. Bouchard: Comme mot de la fin, je crois qu'il faut essayer de
revoir concrètement, au delà des intentions, que, de prime abord,
on est prêts à admettre comme louables, que cette réforme
de l'aide sociale va avoir pour conséquence de creuser encore plus
l'écart entre les gens qui s'en sortent et ceux qui ne s'en sortent pas
Et elle va appeler les gens qui n'en sortent pas à multiplier encore
davantage toutes sortes de possibilités autres que celle d'être
productifs dans notre société, dans le sens où on le
souhaiterait. Je pense réellement qu'on fait fausse route
là-dessus. Entre autres, juste par rapport à la question des
aptes et des inaptes, on va pousser des gens à aller chercher des
solutions qui n'en sont pas. Moi, en tout cas - je vais terminer avec cela - je
gagne ma vie dans le milieu scolaire. Quand je vois des jeunes filles pour qui
la solution, finalement, est d'avoir un enfant pour pouvoir vivre un peu
décemment, cela va corriger leur situation, mais quel sera leur
problème, avec les aptes et les inaptes, demain? Je pense qu'on cherche
à ne rien corriger. On sent, dans le document, une insensibilité
à tout ce phénomène de la pauvreté et on veut,
malheureusement, je crois, confondre employabilité et emploi. Je pense
qu'on fait fausse route dans ce document-là et j'espère qu'il
sera tout simplement retiré, qu'il ne deviendra jamais une
réalité.
Le Président (M. Kehoe): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Nous avons entendu devant
cette commission, depuis le début, et on continue d'entendre
suffisamment d'étalement de cas de misère pour nous convaincre
que le système actuel a des carences et des déficiences que les
gouvernements ont tellement tardé à corriger qu'elles se sont
accentuées. Vous avez mentionné un des effets dans votre
conclusion, bien que nous soyons convaincus que le présent document ne
constitue pas ce qu'on appelle la vérité absolue. On a
déjà indiqué, au tout début de la commission, que
des modifications devraient être apportées, il nous semble qu'il
serait irresponsable pour un gouvernement d'abdiquer devant de telles
responsabilités et de faire en sorte que le système dont on a
hérité comme gouvernement se perpétue. Ce serait là
un prix pour la société qui serait, à notre avis, plus
cher à payer que de prendre un certain risque parce qu'il y a toujours
un risque dans quelque politique sociale que ce soit. En balisant ces
risques-là au maximum, à la suite de l'éclairage que les
gens nous ont apporté en commission parlementaire et également
à l'extérieur de la commission parlementaire, en balisant au
maximum pour éviter de courir un trop grand risque, on apporte un peu
d'espoir et des moyens de s'en sortir à des gens qui, dans la
société, ont été marginalisés et à
qui on s'est contenté de poster mensuellement un chèque par le
passé.
Pour votre contribution à la commission parlementaire, je vous
remercie.
Le Président (M. Kehoe): Merci beaucoup.
La commission ajourne ses travaux au lundi 28 mars, à 15 heures,
dans la salle du Conseil législatif.
Une voix: On a congé demain?
Le Président (M. Kehoe): Attendez une minute.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Kehoe): Je vous rappelle que demain
matin, à 10 heures, à l'Assemblée nationale, il y aura
interpellation du ministre par la députée de Maisonneuve, portant
sur l'aide sociale.
Merci et bonsoir.
(Fin de la séance à 22 h 15)