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Version finale

33rd Legislature, 2nd Session
(March 8, 1988 au August 9, 1989)

Thursday, March 24, 1988 - Vol. 30 N° 9

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le document intitulé 'Pour une politique de sécurité du revenu'


Journal des débats

 

(Dix heures seize minutes)

Le Président (M. Bélanger): Veuillez prendre vos places. La commission des affaires sociales se réunit aux fins de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques afin d'étudier le document intitulé "Pour une politique de sécurité du revenu". Nous avons le quorum. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements ce matin?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gervais (L'Assomption) sera remplacé par M. Kehoe (Chapleau).

Le Président (M. Bélanger): II n'y a pas d'autres remplacements?

La Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Nous appelons à la table des témoins le premier groupe, soit le Réseau provincial des femmes des communautés culturelles, qui sera représenté par Mme Fatima Houda-Pépin, qui en est la coordon-natrice, et par une autre dame qui va s'identifier.

Nos règles de procédure sont les suivantes...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, si vous me le permettez...

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ... dans les informations, je n'ai pas eu le temps de les vérifier personnellement, mais on me dit que la liste des SEMO subventionnés est complète pour douze mois, à compter du 1er janvier 1988 et qu'elle est structurée par type de SEMO également.

Le Président (M. Bélanger): Ce sont des échanges de bons procédés.

Nos règles de procédure sont les suivantes: Vous avez 20 minutes ferme pour présenter votre mémoire, c'est-à-dire qu'on ne peut pas, à moins d'autorisation, excéder ces 20 minutes. Ensuite, il y a une période de discussion avec les parlementaires. Chaque fois que vous devrez prendre la parole, s'il vous plaît bien vouloir vous identifier auparavant pour fins de transcription au Journal des débats. Je vous prierais donc de vous identifier, d'une part, et de présenter votre mémoire. Merci.

Réseau provincial des femmes des communautés culturelles du Québec

Mme Bathalien (Amanthe): Amanthe

Bathalien, membre du Congrès des femmes noires du Canada qui est membre du Réseau provincial des femmes des communautés culturelles.

Mme Fernandez (Flora): Mon nom est Flora Fernandez. Je suis aussi membre du Réseau provincial des femmes des communautés culturelles du Québec.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Si vous voulez présenter votre mémoire.

Mme Bathalien: Le Réseau provincial des femmes des communautés culturelles du Québec est un regroupement de femmes et d'associations de femmes immigrantes et de femmes appartenant à une minorité visible du Québec. Notre mémoire sur la politique de sécurité du revenu fait suite à celui que nous avons présenté le 2 novembre 1987, à la rencontre annuelle du gouvernement du Québec et des groupes de femmes sur les femmes et la fiscalité.

Le Québec compte plus de 250 000 femmes immigrantes. Selon les données de Statistique Canada les femmes immigrantes représentaient, en 1981, 55,6 % de la population active et bénéficiaient de l'assurance-chômage dans une proportion de 6,5 % contre 9,2 % de femmes nées au Canada. Nous ne disposons pas de statistiques quant aux femmes immigrantes bénéficiaires de l'aide sociale. Cependant, il est reconnu qu'il s'agit là d'une clientèle qui profite peu de ce type de transfert.

Ce qui ressort de la réforme de la politique de sécurité du revenu proposée par le gouvernement du Québec dans son document d'orientation 1987, c'est que, premièrement, elle privilégie la notion de famille au lieu de privilégier celle de l'individu. Dans le cas des femmes des communautés culturelles, dont plusieurs sont parrainées, cela ne fait que renforcer leur dépendance vis-à-vis du chef de famille. Le régime d'exemption d'impôt ne * fera que décourager leur retour sur le marché du travail. Deuxièmement, elle use de moyens coercitifs inefficaces pour forcer le retour au travail des assistés sociaux au lieu d'appliquer des mesures d'incitation positive. Troisièmement, elle culpabilise les ménages à faible revenu alors que le vrai problème réside dans l'incapacité du gouvernement à mettre de l'avant une politique de plein emploi.

Pour ce qui est des recommandations du Réseau provincial des femmes des communautés culturelles du Québec, premièrement, les crédits d'impôt. Dans notre mémoire sur les femmes et la fiscalité, nous avons recommandé au gouvernement du Québec "de convertir les exemptions en crédits d'impôt payables à chaque contribuable, ce qui équivaudrait à un crédit égal à

tous". Nous réitérons cette proposition car elle est à la base de tout régime fiscal ou de toute politique de sécurité du revenu qui se veut équitable pour tous les contribuables, d'autant plus que les crédits d'impôt peuvent être payés complètement à même les recettes de l'impôt sur les revenus des particuliers.

Deuxièmement, le concept d'aptitude au travail. Si l'objectif fondamental du gouvernement, en instituant une distinction entre les aptes et les inaptes au travail, était d'encourager les prestataires de l'aide sociale à retourner sur le marché du travail, nous aurions appuyé l'initiative.

Cependant, il se révèle qu'il s'agit là de mesures coercitives qui favorisent davantage l'essor d'une bureaucratie coûteuse au lieu de destiner ces fonds à la création d'emplois. De plus, les bénéficiaires de l'aide sociale qui tentent de réintégrer le marché du travail sont pénalisées dans le régime actuel, dans la mesure où le gouvernement prélève 100 % des revenus de travail qui dépassent 50 $. Cette mesure ne fait qu'encourager le travail au noir et l'exploitation des travailleuses immigrantes dont le statut est déjà assez précaire. Pour éliminer cette injustice, il est essentiel d'implanter des mesures d'incitation positive à l'intégration au marché du travail. Nous proposons donc que les bénéficiaires de l'aide sociale qui ont un revenu de travail ne perdent pas l'ensemble de leurs revenus. On pourrait leur prélever seulement 50 % et ce, progressivement, jusqu'à concurrence du revenu minimum garanti, lequel sera indexé annuellement par rapport au produit national brut.

Troisièmement, la formation de la main-d'oeuvre. Malgré la croissance économique des dernières années, le taux de chômage se maintient toujours autour de 10 % et plus. Les programmes de formation destinés à la clientèle des chômeuses et assistées sociales se révèlent inadéquats et discriminatoires. Les bénéficiaires sont surexploitées, dans la mesure où elles ne touchent que 1,50 $ l'heure pour une semaine de 20 à 30 heures. Si la mesure du crédit d'impôt universel était appliquée, elle réglerait de fait cette inégalité. Ce programme contribue de plus à déstabiliser le marché du travail et à réduire les salaires. Certains employeurs y trouvent un avantage en recourant aux travaux communautaires au lieu d'engager du personnel aux salaires et avantages sociaux réguliers, ce qui va à rencontre de la politique de création d'emplois tant vantée par le gouvernement.

Étant donné les caractéristiques spécifiques des femmes des communautés culturelles, nous demandons que les programmes de création d'emplois et de formation identifient clairement les femmes des communautés culturelles comme clientèle cible à favoriser, tant au niveau des programmes de formation qu'au niveau de l'embauche.

Le Président (M. Bélanger): Est-ce que vous avez terminé?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, dans un premier temps, je tiens à vous remercier pour la présentation de votre mémoire, autant pour sa présentation écrite que pour sa présentation verbale. Vous soulignez, dès le début de votre intervention, le fait que vous possédez des statistiques, bien qu'elles remontent à 1981, sur le pourcentage de femmes issues des communautés que vous représentez qui touchent des prestations d'assurance-chômage versus le pourcentage de femmes nées au Canada qui en touchent. Je ne sais pas si c'est disponible au ministère, si on possède les statistiques quant au nombre de femmes issues de vos communautés culturelles qui bénéficient de l'aide sociale. Vous avez raison de mentionner que notre sentiment, ou que la perception que nous partageons, c'est qu'elles seraient là aussi en nombre ou en pourcentage inférieur à celui des femmes nées au Québec. Maintenant, si ces statistiques sont disponibles, je vais profiter de l'occasion pour les communiquer à la commission et vous en faire part.

Si on replace le problème de la sécurité du revenu ou de l'aide sociale dans l'ensemble de sa problématique, il s'agit d'un problème d'envergure qui commande une multitude de solutions. La clientèle globale de l'aide sociale au Québec, au mois de mars 1987, s'établissait à quelque 400 000 chefs de ménage dont le seul revenu était l'aide sociale. Suivant les estimations du ministère, 25 % de cette clientèle, soit 100 000 chefs de ménage, sont des gens que l'on considère comme incapables de subvenir à leurs besoins de base pour une durée assez longue. Les autres 300 000 chefs de ménage, que l'on dit aptes au travail, révèlent des déficiences qui font en sorte que les barrières entre eux et le marché du travail sont déjà très importantes; 36 % de ces 300 000 chefs de ménage, dits aptes au travail, sont des analphabètes fonctionnels; 60 %, sur le plan de la scolarisation, n'ont pas terminé leurs études secondaires et 40 % de ces personnes n'ont aucune expérience de travail antérieure reconnue. Ce qui pose un défi de taille sur le plan de lemployabilité II n'est pas certain que ces personnes, même si elles sont animées de la meilleure volonté du monde, puissent avoir la possibilité de se décrocher un emploi ou puissent même avoir la possibilité de poser leur candidature pour se décrocher un emploi. C'est le défi auquel le gouvernement veut s'attaquer.

Vous nous référez à votre mémoire du 2 novembre sur la fiscalité. Vous avez raison de le faire parce que cette politique de sécurité du revenu ne peut pas être construite ou bâtie en dehors de considérations fiscales. Vous prenez le problème dans sa dimension que je dirais la plus absolue en disant: II s'agit d'une approche

familiale plutôt que d'une approche de type individuel, et vous avez raison. La fiscalité a cette même approche et non seulement la fiscalité provinciale, mais également la fiscalité fédérale. On sait que le gouvernement fédéral vient d'annoncer ses couleurs quant à une réforme fiscale et il ne semble pas que cette approche que vous préconisez soit suivie. Ce qui laisse aux provinces canadiennes très peu de liberté d'action quant à ce choix fondamental. Est-ce qu'on y va en fonction des familles ou est-ce qu'on y va en fonction des individus? Si vous choisissez un régime différent de celui du gouvernement fédéral sur le plan de la fiscalité, vous pouvez vous imaginer ce que cela cause comme perturbation, strictement dans les programmes de péréquation et les programmes de transferts.

Ceci dit, vous avez raison de nous accuser ou de nous dire que nous avons choisi la notion de famille. Vous nous indiquez - et c'est peut-être là que j'aurais une première question à vous adresser - dans votre mémoire que nos programmes de formation sont discriminatoires. Vous semblez les juger ou les attaquer de façon assez ferme; j'aimerais que vous nous donniez des précisions sur l'analyse que vous faites de nos programmes de formation, qu'il s'agisse de rattrapage scolaire, de stages en entreprise, de travaux communautaires ou de retour aux études postsecondaires pour des chefs de famille monoparentale. Dans le cas de chacun de ces programmes, quelles sont les lacunes précises que vous décelez et qui causent des préjudices aux communautés que vous représentez? La question s'adresse à l'une ou l'autre, sentez-vous à l'aise.

Mme Fernandez: Par rapport à la formation de la main-d'oeuvre, c'est surtout que cela va obliger, par rapport au concept d'encourager la rentrée des personnes sur le marché du travail. Quand on commence à obliger les gens qui sont aptes au travail à travailler pour 1,50 $ l'heure, il est sûr que ce n'est pas la meilleure façon d'aller chercher la formation de la main-d'oeuvre dans le milieu du travail parce que, présentement, avec toute cette notion, on est en train de créer d'autres problèmes sur le marché du travail. Les patrons sont en train de remplacer par des personnes sur le bien-être social les employés permanents, avec tous les avantages sociaux. Avec cela, tout le marché du travail, toute la main-d'oeuvre est en train de descendre dans ces conditions de travail minimales. Donc, il faudrait...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous me permettez, est-ce que c'est une appréhension que vous avez ou un constat que vous faites à la suite d'expériences vécues depuis 1984 dans le programme de stages en entreprise? Est-ce que vous avez des exemples à porter à notre attention de programmes soi-disant de formation qui auraient servi à des fins de production et entraîné les effets négatifs que vous soulignez?

Mme Fernandez: Évidemment, l'expérience, dans les différentes compagnies, c'est qu'elles vont opter pour remplacer les gens lors des remplacements, des congés et toutes ces choses-là par des gens du bien-être social, ou pendant les vacances, par des gens payés au salaire minimum, avec une petite marge, au lieu de gens qu'elles vont vraiment remplacer et payer à temps complet. C'est arrivé dans la réalité; je n'ai pas ici les données, mais ce sont des choses qui sont arrivées. Ils sont en train de remplacer la main-d'oeuvre, les travailleurs à temps complet, par des expériences de stages en milieu de travail. C'est en train de créer un vrai problème sur le marché du travail.

Les patrons vont être encouragés, bien sûr, en payant moins de salaires si on peut former... Évidemment, il y a des gens qui vont dans les bibliothèques. Ils vont se faire initier aux bibliothèques, ils travaillent à la réception et tout cela. À ce moment-là, les patrons n'ont pas à payer une travailleuse ou un travailleur à temps complet.

M. Paradis (Brdme-Missisquoi): Je vous demande d'être la plus précise possible parce que, sur le plan des programmes que le ministère a administrés sous l'ancien gouvernement comme sous l'actuel, depuis 1984, il semble que le programme ayant obtenu le plus haut taux de succès, c'est-à-dire qui aurait fait en sorte que les gens quittent l'aide sociale et deviennent des travailleurs autonomes à temps plein, etc., ce soit le programme de stages en entreprise.

Je ne pense pas que ce soit la prétention du ministère de dire qu'il n'y a pas eu de cas comme ceux que vous nous soulignez. Je pense que ce serait même utopique de prétendre qu'il n'y en a pas eu. Mais le ministère a la prétention de croire que ce seraient des cas exceptionnels, etc., et que, dans la majorité des cas, les stages avaient vraiment ce qu'on appelle un contenu de formation et non pas un contenu de production et que cela a vraiment servi à la personne, afin d'améliorer son employabilité et de l'intégrer ou la réintégrer au marché du travail. Ce sont les informations qu'on me fournit à titre de ministre. Vous semblez m'en fournir des contradictoires et je pense que vous avez raison, mais j'aimerais être en mesure d'analyser l'ampleur du phénomène.

Mme Fernandez: Si vous voulez avoir les noms des compagnies d'une façon spécifique, je ne les ai pas ici avec moi, mais ce sont quand même des expériences qui se vivent sur le marché du travail présentement. On veut remplacer par de la main d'oeuvre moins coûteuse la main d'oeuvre plus coûteuse. C'est ce qui est en train de se vivre, c'est sûr, même dans te cas des emplois permanents présentement. Cela fait

longtemps que les emplois permanents sont de plus en plus restreints.

M. Paradis (Brome-Missisquoi) Je peux comprendre, dans le cas d'un emploi dit non spécialisé, lorsque la personne commande un salaire de 9 $ l'heure, je ne sais pas, et que l'emploi ne requiert pas beaucoup d'expérience ou de formation, que l'employeur soit tenté de mettre à la porte cette personne pour pouvoir embaucher quelqu'un à 4,55 $ l'heure, au salaire minimum. Mais ce n'est pas la même problématique que nous retrouvons - en tout cas, c'est notre prétention et on peut être dans l'erreur - dans les stages en entreprise où on me dit qu'on exige un contenu de formation qui est de beaucoup supérieur à ce qu'on appelle l'aspect de la production. Le phénomène que vous mentionnez, s'il existait, serait marginal. J'essaie de profiter de votre expérience sur le terrain pour me dire: Non, ce qu'on vous dit, c'est le contraire. Cela a déplacé plusieurs emplois dans ma communauté et voici où, à peu près.

Mme Fernandez: Mais tant que se maintiendra le taux de chômage autour de 10 %, il est certain que les emplois permanents ne continueront pas d'augmenter. À mesure qu'il y a de la main-d'oeuvre à bon marché, on va continuer à l'utiliser. Malgré tout, le taux de chômage demeure à un niveau très élevé. Ce qui fait que la création d'emplois n'apparaît nulle part.

M. Paradis (Brome-Missisquoi) Je pense que, sur le plan des statistiques, sur le plan de la création d'emplois, si on regarde les douze derniers mois, de février 1987 à février 1988, ce sont 104 000 nouveaux emplois qui ont été créés au Québec. Ce sont des emplois nets, c'est-à-dire qu'on a soustrait les emplois perdus des emplois créés. Il y a 104 000 emplois de plus au Québec et 99 000 de ces emplois sont à temps plein. Le taux de chômage, sur une période d'un an ou d'un an et demi, a diminué de 2 %. Il était à 11 % et il est maintenant à 9 %.

Mme Fernandez: C'est cela. Cela demeure autour...

M. Paradis (Brome-Missisquoi) Ce n'est pas le plein emploi, loin de là, mais c'est dans la bonne direction vers le plein emploi.

Mme Fernandez: Je ne nie pas qu'il y a une baisse du taux de chômage mais il demeure, même avec vos statistiques, autour de 9 %. En termes macro-économiques, on ne peut pas dire que la création d'emplois permanents connaît une grande amélioration.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense que c'est encore dans La Presse de ce matin, mais je ne veux pas citer de travers le chroniqueur économique Alain Dubuc qui disait que 1987 était, pour le Québec, la deuxième meilleure année de l'histoire du Québec en matière de création d'emplois, l'autre était 1973. Je cite sans avoir l'article.

Mme Fernandez: II ne faut pas oublier que nous sommes encore, en termes de croissance économique, en ralentissement. Donc, cela s'ajoute aussi.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai réussi à obtenir les statistiques pour vos dossiers, pour notre information également et celle de la commission. On m'indique qu'en décembre 1987 il y avait 24 526 ménages, entre parenthèses, immigrants sur l'aide sociale, dont 13 917 chefs de ménage étaient des femmes, soit 56 %.

En vertu de l'alternance...

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de vous accueillir à la commission. C'est un mémoire qui est bref, mais qui, je pense, va à l'essentiel et qui, à sa lecture même, permet de comprendre que ce sont là des questions qui ont retenu votre attention depuis certainement un bon moment. Ce n'est certainement pas récent, votre analyse des problèmes actuels, parce que l'éclairage que vous donnez à la proposition du ministre, c'est un éclairage à partir d'un objectif de justice fiscale.

J'ai été fort intéressée par la référence que vous faites à votre mémoire sur les femmes et la fiscalité, lorsque vous recommandez, notamment, de convertir les exemptions en crédits d'impôt payables à chaque contribuable, ce qui équivaudrait à un crédit égal pour tous. J'ai retrouvé la même recommandation fortement exprimée par l'AFEAS, l'Association féminine d'éducation et d'action sociale, qui a tenu un congrès, au mois d'août dernier, qui ne portait que sur cette réforme fiscale attendue par à peu près tous les groupes de femmes. Je ne savais pas que ce débat avait eu cours également dans les groupes que vous représentez. J'apprécierais beaucoup avoir la copie du mémoire qui portait sur les femmes et la fiscalité.

Mme Fernandez: On l'a joint.

Mme Harel: Sur les femmes et la fiscalité?

Mme Fernandez: II devrait...

Mme Harel: II est ajouté? Je ne l'ai pas avec moi, mais je vais le regarder.

C'est peut-être ce qui permettrait, comme vous l'exprimez, d'asseoir une politique de sécurité du revenu sur des bases solides. Le ministre a éconduit un peu votre recommandation en disant: II faut que le fédéral le fasse avant

qu'on le fasse et, comme la réforme de M. Wilson ne le fait pas, nous, il faut oublier cela. C'est un peu ce que j'ai conclu des propos qu'il a tenus. La question qu'on peut lui renvoyer je ne sais pas si vous y aviez réfléchi - c'est certainement celle de la spécificité du Québec. Est-ce que l'affirmation de spécificité en ce qui concerne le Québec vaut simplement pour sa langue ou si cela vaut aussi pour ses institutions ou pour des programmes qui conviendraient mieux au bien-être de sa population?

C'est certainement une question importante parce que, dans vos recommandations vous avez considéré qu'un des aspects importants qui allait résulter d'une proposition comme celle-là est le renforcement de la dépendance vis-à-vis du chef de famille. Il m'a semblé que c'était là, pour vous, un des aspects critiques du système actuel qui allait simplement être renforcé par la réforme et que, dans la mesure où on voulait corriger cela, il fallait aller du côté d'une reconnaissance de l'autonomie des personnes. Vous le dites vraiment de façon brève mais concise, cette autonomie des personnes suppose une vraie politique de sécurité du revenu basée sur les individus. J'aimerais savoir si vous avez eu ces discussions depuis longtemps? Est-ce que vous les avez eues avec d'autres organismes? Comment en êtes-vous arrivées à cette analyse, à cette conclusion et à ces recommandations?

Mme Fernandez: Nous avons étudié tous les dossiers par rapport aux femmes et à la fiscalité. On est allées chercher des personnes ressources qui nous ont renseignées à notre réunion régulière. Parmi nous, il y en a qui ont fait des études en économie et dans différents secteurs. Donc, on est arrivées à sortir un bref travail comme celui-ci. Nous sommes convaincues que la fiscalité doit être traitée en termes d'individus parce que, tant qu'on restera dans la notion de famille, les femmes continueront à être dépendantes et, comme on le voit dans la réforme fiscale, les enfants continueront à être dépendants même après 18 ans. Le concept de la famille continuera avec tous les problèmes inhérents à cette situation de dépendance.

Mme Harel: Quand vous avez présenté votre mémoire, c'était au mois de novembre, je pense?

Mme Fernandez: Oui.

Mme Harel: Vous avez eu l'occasion de le présenter à ce moment-là avec les autres organismes...

Mme Fernandez: De femmes.

Mme Harel: ...féminins, à des représentants des ministres du gouvernement.

Mme Fernandez: Oui.

Mme Harel: Quelle a été la réaction?

Mme Fernandez: On n'a pas eu de réaction.

Mme Harel: Aucune?

Mme Fernandez: Non, aucune. On l'a envoyé à tous les députés, les ministres, mais je pense qu'à ce moment-là on ne pensait pas que les femmes immigrantes feraient un tél document. Je veux dire qu'il y a eu ces commentaires dans des groupes, mais pas de la part des députés.

Mme Harel: Est-ce que les autres groupes de femmes partageaient la même recommandation que vous?

Mme Fernandez: Oui. Je pense que c'est un consensus au niveau des groupes de femmes, ce concept d'individu et de crédit d'impôt au lieu de l'exemption d'impôt et de la famille.

Mme Harel: Dans la mesure où vous ne recevez aucune réponse ou une réponse de l'ordre de celle que vous avez reçue ce matin, c'est-à-dire que ce n'est pas possible parce que le fédéral ne le fera pas, alors on ne le fera pas, qu'est-ce que vous entendez faire? Avez-vous...

Mme Fernandez: Nous avons un bulletin de communications et, dans cela, on écrit notre expérience des différents endroits où on présente notre mémoire. En fin de compte, on dira quels sont les résultats ou, quand il y a aura de nouvelles réformes, on va encore faire un petit résumé et dire en quoi cela nous concerne.

Mme Harel: Pour vous, cette solution apparaît être la plus partagée actuellement par les groupes de femmes.

Mme Fernandez: Certainement.

Mme Bathalien: Nous n'avons pas de solution en tant que telle. Ce que nous vouions dire, c'est que nous allons continuer à faire des représentations partout où on pense qu'on peut nous entendre, même si nous ne sommes pas écoutées. Nous ne sommes pas les voix les plus écoutées, mais on va continuer d'essayer de se faire entendre au moins, en espérant qu'un jour on trouvera des oreilles un peu plus sympathiques à notre cause.

Mme Harel: Vous savez que les gouvernements, en général, même ceux qui se prétendent les meilleurs, sont aveugles, mais ils ne sont pas sourds, c'est-à-dire qu'ils y vont, comme on dit en québécois, à tâtons, ils y vont au son. En général, c'est quand le son est très répandu qu'ils s'apprêtent à rendre service pour le faire baisser. Il faut, à ce moment-là, apprendre à faire en sorte aue le son vienne vraiment de

partout de manière qu'un seul émetteur ne puisse pas être fermé.

Je suis très contente de constater que cette revendication que je savais être celle de l'AFEAS, de la fédération des femmes du Québec, est partagée, étudiée et aussi analysée par le réseau des femmes immigrantes que vous représentez. J'aimerais que vous m'expliquiez. Dans le mémoire, dans les considérations générales, vous nous dites qu'en 1981 les femmes immigrantes représentaient 55,6 % de la population active.

Mme Bathalien: C'est cela. C'étaient les 55,6 % des 250 000 femmes immigrantes qui représentaient...

Mme Harel: D'accord. Donc activement inscrites au marché du travail. C'est une proportion peut-être plus élevée que les Québécoises de vieille souche; c'est comme cela qu'on le dit? Ha, ha, ha! Est-ce une proportion plus élevée?

Mme Fernandez: Oui.

Mme Harel: Donc, les femmes immigrantes sont plus activement sur le marché du travail.

Mme Fernandez: Oui, mais on n'a pas le choix, en fin de compte, étant donné notre situation précaire en tant que femmes parrainées ou avant d'avoir la citoyenneté, il faut absolument aller chercher n'importe quel emploi. Aussitôt qu'on arrive on commence tout de suite sur le marché du travail, dans les usines, dans les hôtels, à faire du travail. On va nécessairement être en forte proportion sur le marché du travail.

Quant à notre situation familiale, c'est la même situation. Ce n'est pas seulement notre mari qui va aller sur le marché du travail, mais nous aussi, pour maintenir notre foyer à un certain niveau de vie. C'est impossible aujourd'hui de vivre avec le salaire minimum d'une personne, travaillant dans une usine. Donc, il faut que les deux sortent. Les problèmes les plus graves qu'on a présentement concernent les garderies, parce qu'on doit être à 7 heures du matin à l'usine et que les garderies n'ouvrent pas, quand on réussit à en avoir. Donc, il y a découragement à aller sur le marché du travail. Cela passe aussi, sur le plan des ressources, des garderies, au temps adéquat, à partir de 7 heures du matin jusqu'à 18 heures; ce sont tous des problèmes que nous vivons très profondément.

Mme Bathalien: En plus, quand nous parlions tantôt de la discrimination sur le plan de la formation de la main-d'oeuvre, ce n'est pas seulement sur le plan de la formation de la main-d'oeuvre. On ne doit pas oublier que le travailleur immigrant ou la travailleuse immigrante, puisqu'on parle des femmes immigrantes, n'est pas un travailleur ordinaire. Je ne sais pas si le ministre considère le travailleur immigrant comme un travailleur ordinaire. Est-ce que, pour vous, c'est la même chose, le travailleur immigrant, M. le ministre?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que je peux...

Mme Harel: Certainement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Avec le consentement, je peux répondre. Il me fallait le consentement.

Mme Bathalien: Ah! Excusez-moi.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): En tant que travailleur, oui, parce que les droits des travailleurs sont les mêmes, qu'on parle des droits d'association, c'est reconnu par les chartes canadienne et québécoise, et le Code du travail s'applique à l'ensemble des travailleurs. Également, quant à l'application de la Loi sur les normes du travail. Mais je ne suis pas insensible aux difficultés d'application de la Loi sur les normes du travail, surtout là où on retrouve des représentantes de vos communautés. Nous faisons, depuis quelques mois, des efforts spéciaux parce qu'il y avait, à notre avis, non-application des normes minimales du travail dans beaucoup d'endroits où on retrouvait des femmes de vos communautés.

Mme Bathalien: Là encore, la travailleuse immigrante est obligée d'être sur le marché du travail quand on considère, comme ma collègue vient de le dire, que nous sommes presque toutes des immigrantes parrainées, donc dépendantes du parrain pour une période allant jusqu'à dix ans. Pour avoir droit à l'aide sociale, toutes les démarches que cela prend pour un bris de parrainage, on n'en a pas souvent l'énergie, c'est beaucoup plus facile d'aller se faire surexploiter que d'aller faire les démarches qui s'imposent pour obtenir un bris de parrainage et avoir droit à l'aide sociale. Donc, c'est une des raisons pour lesquelles on nous retrouve beaucoup plus sur le marché du travail que les autres femmes nées au Canada.

En plus - qu'est-ce que j'allais dire - pour ce qui est du travail, on n'a aucune facilité pour aller travailler comme elle le disait. Tout à l'heure, vous demandiez des exemples concrets en ce qui concerne la question de la formation. Moi, j'en ai rencontré plusieurs. On dit qu'on met l'accent sur la formation quand les gens font des stages en milieu de travail. Je rencontre plusieurs femmes qui ont eu de la formation et qui doivent la poursuivre en entreprise. Lorsqu'elles arrivent là, elles n'ont absolument rien à faire, si ce n'est du classement; ce qu'elles ont appris dans les cours qu'elles ont suivis au niveau secondaire, elles n'ont pas du tout l'occasion de l'appliquer. Le salaire est réduit parce qu'elles ne

bénéficient plus des allocations pour frais de garde, etc. En tout cas, j'en ai connu quelques-unes qui se sont déprimées pendant le stage en milieu de travail, alors qu'elles avaient un grand espoir quand elles suivaient leurs cours. J'en ai rencontré plusieurs qui vivent des situations comme celles-là, qui n'arrivent pas à se faire entendre par leur agent pour le leur expliquer. Elles doivent partir à 6 heures: une femme qui habite Saint-Léonard et qui doit travailler à Côte-de-Liesse à 8 heures doit quitter son domicile à 6 heures. À ce moment-là, elle doit laisser ses enfants seuls parce qu'elle ne trouve personne qui viendrait garder à partir de 5 heures ou 5 h 30. Quand elle revient le soir, les enfants sont encore seuls. Cela crée d'autres sortes de problèmes sociaux et familiaux que ces femmes n'ont pas la possibilité de résoudre. L'employeur qui est là est bien content d'avoir une employée à salaire réduit, et il n'est pas du tout disposé à la garder à la fin de son stage en entreprise. Donc, cela crée effectivement des problèmes non seulement au plan de l'emploi, mais aussi d'autres problèmes familiaux et sociaux auxquels elles n'ont pas les moyens de faire face.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Moi... Mme Harel: Allez-y, c'est parfait.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tente de découvrir, si possible, les problèmes qui sont particuliers aux communautés que vous représentez. Le problème de gardiennage, etc., en est un qui m'apparaît horizontal, c'est-à-dire qu'il est le même pour la femme née au Québec qui a de jeunes enfants, etc.

Dans l'aspect des programmes mis de l'avant - vous devez sans doute partager notre avis - on ne peut pas abandonner les gens sans formation. Au début, j'ai donné les carences. Est-ce que vous auriez des suggestions à nous donner, comme ministère, pour obtenir cette formation qui viserait à réduire les barrières auxquelles peuvent se buter les membres de vos communautés, surtout les membres féminins de vos communautés? Oui, le gardiennage en est un, mais cela en est un qui est horizontal, si je peux utiliser l'expression. Est-ce qu'il y a des problèmes particuliers qui se posent et auxquels on devrait travailler? À la Commission des normes du travail, on a, avec vos communautés, des problèmes particuliers, et on y est sensibilisés. Est-ce que, dans nos programmes de formation, on devrait également être sensibilisés à certains autres aspects?

Mme Bathalien: Même si vous dites que le gardiennage - on va revenir là-dessus - est un problème horizontal, universel, je dirais, pour toutes les femmes du Québec, pour nous, cela devient un problème supplémentaire dans le sens que nous avons quitte nos pays pour venir travailler au Québec. Nous ne sommes pas venues pour vivre aux crochets de la société québécoise. Notre objectif principal était un objectif dé travail. La culture québécoise ici... Cela fait 18 ans que je suis au Québec et que je me fais dire: Comment cela se fait-il que vous ayez des jeunes enfants et que vous soyez sur le marché du travail? Je me fais reprocher de faire du temps supplémentaire alors que j'ai deux jeunes enfants. La mère de famille n'est pas une personne qui devrait être sur le marché du travail. On nous dit que tous les problèmes de nos enfants sont causés par le fait que leur mère est au travail. Pour nous, ce serait probablement le contraire parce que nous avons une culture qui nous dit que toute personne - non pas une femme, non pas un homme - doit travailler et qu'elle retrouve son épanouissement dans le travail.

Donc, déjà, pour nous, c'est un facteur. On se retrouve plus isolées dans un pays étranger et inconnu. On n'a pas la possibilité d'avoir notre famille avec nous, ce qui nous permettrait de profiter de la présence de gardiens qu'on n'aurait pas besoin de payer même, parce que tout le monde serait autour et tout le monde pourrait nous servir de gardiens. Pour nous, c'est déjà un problème. Quand on est au pays, quelle sorte de travail trouve-t-on? On doit travailler en usine, dans l'hôtellerie etc., à des heures qui ne sont pas les heures régulières d'ouverture de 8 heures à 17 heures. Toutes les garderies ferment à 17 h 30. Après 17 h 30, ce sont des coûts supplémentaires qui ne seront pas couverts par le plan Bacon. Pour nous, c'est vraiment un problème de plus, ces heures d'ouverture de garderie. Pour nous, c'est vraiment une attention particulière.

On aurait pu regarder les centres d'orientation et de formation des immigrés et comment ils sont organisés pour fournir la vraie formation requise par la femme immigrante qui vient d'arriver au pays. C'est quoi le nombre de semaines de formation? C'est quoi la formation qui est donnée? Comment cela est-il organisé? Qu'est-ce qu'on nous propose pour aller sur le marché du travail après? Je pense que, là, il y aurait une grande réflexion à faire pour repenser les centres d'orientation et de formation des immigrés.

Vous avez aussi parlé, tantôt, du problème de l'alphabétisation et des analphabètes qui sont considérés comme aptes au travail. Vous avez reconnu que c'était un handicap fonctionnel sérieux à l'occupation d'un emploi. Moi, je connais beaucoup de femmes immigrantes et ce qu'elles font pour pouvoir acquérir un peu plus d'alphabétisation. Elles vont travailler le jour et, le soir, elles vont aux cours d'alphabétisation. Encore une fois, ces femmes viennent de passer huit à neuf heures debout à travailler et, le soir, elles vont chercher leurs petits, elles les casent quelque part et elles recommencent pour trois ou quatre heures pour acquérir un peu d'alphabétisation. Elles voudraient avoir plus de formation

mais, si elles laissent leur emploi, elles sont pénalisées par l'assurance-chômage. Elles sont même pénalisées par l'aide sociale. On leur coupe une partie de leur aide sociale parce qu'elles ont quitté leur emploi pour aller se faire alphabétiser. Je ne dis pas que c'est juste pour nous que c'est discriminatoire, mais ce sont quand même des programmes discriminatoires pour les personnes qui n'ont pas la possibilité d'occuper un emploi qui aurait pu mieux répondre a leurs besoins.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, M. le Président. J'allais justement vous interroger. C'est Mme Jumelle, je crois.

Mme Bathalien: Non, c'est Mme Bathalien. Mme Harel: Oui. Comment l'épelez-vous? Mme Bathalien: B-a-t-h-a-l-i-e-n.

Mme Harel: Merci, Bathalien, c'est bien cela. Par exemple, est-ce qu'il y a un obstacle qui se dresse chez les femmes parrainées du fait qu'elles n'aient pas accès au COFI présentement? Est-ce que ce problème est en partie réglé avec les cours qui se donnent dans des classes organisées par le ministère, je crois, des Communautés culturelles et de l'Immigration à l'égard des femmes immigrantes?

Mme Bathalien: Elles peuvent aller au cours, mais elles n'ont pas droit aux allocations.

Mme Harel: Voilà. Elles n'ont pas droit aux allocations. Il n'y a que les cours qui leur sont disponibles. Faites-vous état des problèmes relies au parrainage? C'est un des problèmes de fond, finalement, que cette espèce d'empêchement d'accéder à une formation en français. J'imagine que, pour vous, Mme Bathalien, ou pour vos compatriotes, le problème se pose moins puisque la connaissance du français est usuelle. Non?

Mme Bathalien: Je m'excuse. Nous sommes aussi allophones en majorité. Quand on dit qu'en Haïti - tout le monde l'a entendu - 85 %, 90 % de la population est analphabète, cela veut dire qu'il y a 90 % de la population qui ne parle pas français. Ils ont déjà entendu parler français, mais ils ne savent pas du tout parler français parce que c'est une langue qu'on apprend à l'école. Toutes les personnes qui n'ont jamais fréquenté l'école ne connaissent pas du tout l'usage du français.

Mme Harel: Selon vous, il y a de vos compatriotes qui viennent s'établir ici et qui ont à faire l'apprentissage du français?

Mme Bathalien: Absolument, beaucoup. Une grande proportion des immigrants, à partir de 1973, sont des allophones qui n'ont jamais appris le français. Nous avons des jeunes qui arrivent ici et qui fréquentent les classes d'accueil. Il est sûr qu'auparavant on ne les considérait pas comme tels, mais la réalité, c'est que nous sommes des allophones.

Mme Harel: C'est donc dire que cet obstacle de la langue est important, j'imagine. Les groupes anglophones, qui représentent les personnes défavorisées anglophones de Montréal, sont venus nous dire qu'il serait souhaitable qu'ils aient accès à des cours de français langue seconde, justement pour pouvoir accéder à des emplois qui, souvent, supposent l'usage du français. Est-ce que c'est le cas également pour les personnes que vous représentez?

Mme Bathalien: C'est tout à fait le cas pour nos compatriotes.

Mme Harel: C'est donc dire que, dans un plan d'employabilité, dans une véritable campagne d'employabilité, l'une des dimensions spécifiques aux membres des communautés culturelles ou aux membres de la communauté anglophone serait non pas simplement un rattrapage scolaire en termes de formation générale, mais un rattrapage linguistique.

Mme Bathalien: Absolument.

Mme Harel: Je vous remercie. Justement, tantôt, quand vous m'avez invitée à prendre connaissance du mémoire sur la fiscalité, vous faites part que, dans la réforme fiscale fédérale du régime prévue pour 1988, l'exemption de la personne mariée sera au même niveau que l'exemption personnelle de base, c'est-à-dire 5280 $ par année. C'est à la page 1, je crois; oui, c'est cela, dans les fondements de la fiscalité, au troisième paragraphe du chapitre sur les fondements de la fiscalité.

Mme Bathalien: Oui.

Mme Harel: J'aurais peut-être dû... Je n'ai pas encore rempli mon rapport d'impôt, mais je ne me suis pas rendu compte que la personne mariée va dorénavant avoir une exemption de personne mariée de même niveau que l'exemption personnelle de base.

Mme Bathalien: C'est ce qui est prévu.

Mme Harel: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

Mme Harel: Cela va m'être bien utile, non pas pour moi personnellement, mais pour les démonstrations que je veux faire.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez recueilli également - et j'en profite pour le souligner - une autre proposition utile qui nous vient de votre présentation. Vous êtes le premier groupe des communautés culturelles qui insiste pour rejoindre quelque chose qui avait été avancé par les communautés anglophones: que le français étant la langue de travail au Québec il nous faut le reconnaître dans nos programmes d'employabilité - et vous l'avez souligné à juste titre, Mme la députée de Maisonneuve - sinon, cela demeure une barrière additionnelle au fonctionnement sur le marché du travail.

Mme. Bathalien: Une barrière très importante.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je crois que tout plan d'employabilité qui se veut le plus complet possible doit avoir un élément très articulé sur cet aspect-là. Vous nous avez également communiqué, sur le plan de l'approche et de la philosophie de vos communautés quant au travail, des éléments qui sont extrêmement intéressants. On pense toujours, lorsque l'on a la responsabilité, que l'on conçoit ou que l'on applique des politiques, que l'on connaît toujours très bien tous les clients qui vont être affectés par ces politiques. Cette commission parlementaire nous permet de constater que, chaque jour - vous êtes peut-être le 83e ou 84e groupe à se présenter devant la commission, le 83e -des éléments nouveaux importants s'ajoutent et, pour cette contribution positive à cette commission parlementaire, au nom du gouvernement du Québec, je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): La commission des affaires sociales remercie le Réseau provincial des femmes des communautés culturelles et invite à la table des témoins le groupe Café boustifaille, représenté par MM. Michel Bédard, Sylvain Bendo, Jean-François Simard, Mme Suzanne Thibault et M. Lucien-Philippe Parent. Si ce groupe...

M. Bédard (Michel): Ce n'est pas "boustifaille", mais "Boustifable".

Le Président (M. Bélanger): Oh! excusez! Oui, Boustifable. C'est exactement ce qui est écrit, à part ça. C'est que je suis parti, je n'ai pas... Je vous remercie de ces corrections. J'invite donc ce groupe à se présenter à la table des témoins, s'il vous plaît. S'il vous plaît, je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place.

Bonjour au groupe le Café Boustifable. Je l'ai bien dit cette fois. Pour vous expliquer un peu nos règles de procédure, vous avez 20 minutes ferme pour présenter votre mémoire. Par la suite, il y a une période d'interrogations ou de discussion avec les membres de la commission.

Vous voulez qu'on suspende une minute? On suspend les travaux pour une minute, afin de permettre à Mme la députée de...

(Suspension de la séance à 11 h 8)

(Reprise à 11 h 8)

Le Président (M. Bélanger): Bonjour. Je vous explique donc nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes pour votre présentation. Il y a la période de discussion par la suite. Chaque fois, que vous aurez à intervenir, soit dans la période de discussion ou dans la présentation de votre mémoire, s'il vous plaît, bien vouloir donner votre nom auparavant pour les fins de la transcription du Journal des débats. Je vous remercie beaucoup. Je vous demanderais de vous présenter et de présenter vos porte-parole. Vous pouvez commencer, nous sommes tout oreilles.

Café Boustifable

M. Bédard (Michel): D'accord. Bonjour. M. Guy Bélanger, je présume?

Le Président (M. Bélanger): Oui, le président. M. le ministre et Mme la députée de Maisonneuve.

M. Bédard: M. le Président, Mme la députée de Maisonneuve, M. Pierre Paradis et nos copains d'en face. Est-il nécessaire que je m'approche du microphone ou si on m'entend bien comme cela?

Le Président (M. Bélanger): On vous entend très bien comme cela.

M. Bédard: Oui, d'accord. M. Paradis, vous m'entendez bien?

M. Paradis (Brome-Missisquoi) Très bien.

M. Bédard: Oui, d'accord. Je suis rassuré parce qu'il y a une mauvaise plume dans les journaux qui disait que vous étiez sourd.

M. Paradis (Brome-Missisquoi) Je ne l'ai pas lu.

M. Bédard: Non...

Le Président (M. Bélanger): Ce serait plutôt aveugle.

M. Bédard: On avait pensé vous acheter un appareil auditif en cadeau mais, là, je suis rassuré.

Il me fait plaisir de vous présenter, à ma gauche, M. Jean-François Simard, Mme Suzanne

Thibault et, à ma droite, M. Lucien-Philippe

Parent. Ils sont des usagers du café, assistés sociaux de moins de 30 ans. Je suis Michel

Bédard. J'ai plus de 30 ans. Je suis administrateur bénévole. Je suis aussi assisté social et j'épouse entièrement leur cause.

Disons qu'avant que les carottes soient cuites - étant donné que le Café Boustifable est un restaurant à but non lucratif - et que le presto saute, on est venus vous dire, M. le ministre - enfer des jeunes assistés sociaux - qu'on ne vous accorde même pas quatre fourchettes pour votre réforme. Loin de là, on pourrait dire que c'est de la petite bière. On est venus réclamer notre juste part du gâteau. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on n'est pas dans notre assiette, probablement parce qu'avec 180 $ par mois il est naturel qu'on ne retrouve rien dans cette foutue assiette. Aujourd'hui, on est particulièrement heureux de vous avoir sous la dent, M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi) Bien cuit?

M. Bédard: Oui, c'est un "bien cuit". Alors, si vous ne voulez pas que nous soyons à couteaux tirés, il vous faudra cracher très bientôt le morceau, c'est-à-dire la parité de l'aide sociale. Fini pour le court laïus, résumé du mémoire à saveur culinaire, maintenant c'est sérieux.

Actuellement, l'incitatif au travail le plus fort, qui habite les jeunes assistés sociaux et les assistés sociaux en général, demeure la volonté de ne pas végéter ou crever de faim avec un revenu d'aide sociale ne dépassant pas 50 % du seuil de la pauvreté.

Un autre incitatif, celui-là beaucoup moins sombre, réside dans le fait que toute personne aspire à se rendre utile envers ses semblables, ce que reconnaît d'ailleurs implicitement le ministre, M. Paradis, dans son communiqué no 6 émis le 10 décembre, en présumant que les personnes aptes au travail veulent accéder à un emploi.

L'incitation au travail étant la pierre d'assise - dans le document que je vous ai envoyé, j'avais dit la pierre d'achoppement; c'est une erreur, c'est la pierre d'assise; la pierre d'achoppement, c'est toute la réforme comme telle - le gouvernement n'a pu trouver mieux, comme mesure incitative originale, que d'appauvrir davantage les bénéficiaires, entre guillemets, de l'aide sociale en ne leur donnant que 405 $ par mois en janvier 1989, comparativement à 497 $ aujourd'hui. Quelle est la logique de pénaliser encore plus durement les victimes du chômage pour qu'elles se voient forcées de chercher des emplois qui n'existent pas? Est-ce que chercher des emplois en crée automatiquement?

Selon les informations gouvernementales véhiculées et celles qu'on retrouve dans les journaux, il est dit qu'il y a 700 000 assistés sociaux au Québec, c'est énorme, et 300 000 chômeurs. Si on considère les milliers d'autres chômeurs qui viendront s'ajouter en 1988, comment peut-on envisager remettre tout ce monde au travail alors que le gouvernement, lui-même libéral, reconnaît que l'économie québécoise ne pourra générer que 60 000 nouveaux emplois? Il y a là comme une capacité, une limite. Beaucoup trop de ces emplois seront non permanents, à temps partiel ou bidon parce que reliés à des programmes gouvernementaux du genre prestations d'assurance-chômage déguisées, article 38.

Présentement, alors que le taux de chômage canadien baisse, celui du Québec augmente Alors que l'on prévoit, pour l'été 1988, un taux de chômage étudiant de 2 % en Ontario, au Québec, il sera de 10 %. Avec 405 $ d'aide sociale par mois, une fois le loyer payé, comment un affamé sans le sou peut-il chercher de l'emploi s'il ne peut se vêtir décemment, se déplacer et obtenir le service téléphonique pour contacter les employeurs ou, tout simplement, photocopier et expédier ses résumés? Le ministre de la Main-d'Oeuvre lui-même reconnaît que pareil montant ne couvre pas les besoins fondamentaux d'un individu. "Toute société respectueuse des droits humains doit fournir à ses citoyens la possibilité de se trouver un emploi rémunérateur", est-il pourtant écrit à la page 23 du document. Si la possibilité de se trouver un emploi rémunérateur n'est pas fournie avec 405 $ par mois, que dire de la situation actuelle des jeunes assistés sociaux qui n'ont que 180 $ par mois pour survivre?

À l'une des audiences municipales, tenue en mars 1987, sur les sans-abri de Montréal, un jeune assisté social disait avoir pris connaissance d'une loi décrétant que toute personne qui ne porte pas secours à un individu en détresse est passible de poursuite pour négligence criminelle. Comment, poursuivait-il, ne peut-on pas qualifier de négligence criminelle l'indifférence de la société, via ses gouvernants, à ne pas accorder la parité de l'aide sociale aux jeunes les plus appauvris du Québec qui, en subissant quotidiennement de misérables conditions de vie, sont plongés dans une détresse constante jusqu'à la trentaine?

Par toute une conjoncture socio-économique et politique, la société produit le chômage, la pauvreté et la détresse des jeunes. Les jeunes assistés sociaux sont ceux qui, plus que quiconque, doivent payer de leur santé mentale et physique l'incapacité de la société à mettre sa jeunesse à l'ouvrage.

Selon le rapport du colloque "Jeunes et sans toit", tenu en mai 1986, 40 % de tous les prestataires d'assurance-chômage avaient moins de 30 ans; en 1980, 40 %. On ne choisit pas d'être en chômage. Entre 1975 et 1980, 43 % de tous les emplois à temps partiel furent occupés par des jeunes. Les causes de l'appauvrissement des jeunes adultes peuvent prendre des formes multiples et parfois insoupçonnées: un ex-travailleur qui occupait un emploi moins de 21 heures par semaine ne peut retirer de prestations d'assurance-chômage. Or, 43 % de ceux qui ont

des jobs à temps partiel sont des jeunes. Un indigent qui reçoit 180 $ par mois se voit forcé à l'itinérance par insuffisance de revenu ou tout simplement pour cause de pénurie de maisons de chambres ou de logements à partager. Le ministère des Affaires sociales va même lui couper 65 $, la portion destinée à l'hébergement. Même qu'il y a beaucoup de jeunes assistés sociaux qui se verront retirer complètement leur chèque parce qu'ils n'appartiennent plus à aucun territoire desservi par un bureau d'aide sociale. Je l'ai déjà vu.

Pas d'expérience, pas de travail et pas de travail, pas d'expérience. Telle est souvent la réalité des jeunes diplômés et non diplômés qui sont aussi les victimes toutes désignées du "last hired, first fired!", Ne pouvant voir également les institutions financières appuyer leurs projets solidement bien montés, parce qu'ils ne peuvent naturellement pas fournir de mise de fonds initiale, beaucoup de ces jeunes désillusionnés rejoindront le grand groupe des jeunes assistés sociaux. Avec 180 $ d'aide sociale par mois, il n'est pas étonnant que les jeunes forment maintenant plus de 25 % des sans-abri à Montréal.

Ne pouvant plus espérer se faire arrêter pour vagabondage à dessein d'aller manger et piauler en taule, les jeunes désoeuvrés se voient forcés à la criminalité de survie. Le document est basé sur des témoignages qui me viennent de jeunes assistés sociaux. Ce n'est pas moi qui l'ai pondu. Nombre de vols perpétrés dans les domiciles ou dans les commerces sont commis dans le but d'obtenir des biens à receler pour ensuite acheter de l'épicerie. Ce sont encore des jeunes qui me l'ont dit. Ceux dont les coups auront rapporté un surplus d'argent se paieront de la drogue, histoire de fuir momentanément leur triste et sombre quotidienneté sans issue. Lorsqu'ils seront prisonniers des drogues fortes, de la poudre blanche, l'achat de leur moyen d'évasion deviendra le mobile principal des vols subséquents. Quant aux jeunes femmes sans ressource, pour éviter l'itinérance et survivre, nombre d'entre elles se verront poussées vers la prostitution, qu'elle soit déguisée ou non.

Le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les jeunes d'ici, après les accidents de la route et bon nombre de ces accidents de la route dissimulent des suicides. Toujours à ce chapitre, le Québec détient, en Occident, le record peu enviable du plus haut taux de suicide chez les moins de 30 ans. Comme René me le mentionnait tantôt, dans Le Soleil d'hier, semble-t-il qu'un article disait que le nombre de suicides chez les jeunes a augmenté de 400 %. Selon une étude effectuée en 1982, une augmentation de 1 % du taux de chômage engendre 318 suicides.

Avec un taux de natalité si faible que le Québec détient là aussi un bien triste record, c'est croire finalement que notre société en viendra à escamoter la composante jeunesse de sa structure.

Une publication du Secrétariat d'État, au fédéral, rapporte que 50 % de tous les incarcérés canadiens des centres provinciaux de détention et des centres d'accueil avaient 24 ans et moins en 1980 et, en 1988, rien ne me dit que cela a baissé, cela a probablement augmenté. Si l'on devait tenir compte des 25 à 30 ans, est-ce que cette proportion de jeunes détenus monterait à 90 %? À la suite de l'Année internationale de la jeunessse et de celle des sans-abri, si la seule place à offrir à une trop grande fraction de la génération montante ne se trouve qu'en prison, l'indifférence de la société à l'égard de la détresse des jeunes assistés sociaux n'a-t-elle pas quelque chose de vraiment criminel?

À plus de deux occasions au cours des dernières années, sept corporations et associations professionnelles des domaines de la santé et des services sociaux ont vertement demandé au gouvernement, arguments solides à l'appui, d'accorder sans délai la parité de l'aide sociale aux jeunes assistés sociaux. Dans leur vibrant plaidoyer, ces organismes insistaient sur l'urgence d'agir et de ne pas attendre l'adoption de la réforme de l'aide sociale. Cela urge, le monde crève de faim maintenant.

Tous les mémoires qui vous ont été présentés jusqu'à maintenant en commission parlementaire et qui ont traité du cas des jeunes assistés sociaux vous ont dit: II faut réaliser le plus rapidement possible la parité de l'aide sociale. Même le CPQ l'a dit. La commission jeunesse du Parti libéral et te comité national des jeunes du Parti québécois se sont même ligués sur ce point. Et la réforme ne propose d'accorder la parité complète qu'en 1990.

Tous les articles qu'on a pu lire dans les journaux étaient favorables à la parité de l'aide sociale. Jamais un article n'a dit: Non, laissez-les crever avec 180 $, C'est déjà beaucoup trop comme montant d'aide sociale. Finalement, c'est à croire, M. le ministre Paradis, que vous êtes le seul à penser qu'il ne faudrait pas précipiter les choses. Si, après avoir entendu toutes ces représentations éclairées, vous ne réalisez pas la parité dès le mois de mai 1988 et ce, tout en sachant, parce qu'on vous prête une intelligence, M. le ministre Paradis, qu'un assisté social crève de faim ou est porté au suicide avec seulement 180 $ d'aide sociale, si vous, le savez et que vous n'accordez pas la parité d'aide sociale, force nous sera de reconnaître en vous le plus sinistre de tous les criminels de guerre économique.

Sachant qu'il n'y a que la rentabilité économique des mesures qui puisse toucher le présent gouvernement, nous exigeons la parité immédiate de l'aide sociale parce que, s'il fallait la réaliser et comparer à long terme ce que représente cette dépense pour la société par rapport à l'ensemble des coûts économiques, médicaux, sociaux et autres reliés au maintien des jeunes assistés sociaux dans des conditions misérables de vie, je pense que la saine et

rationnelle gestion des fonds publics serait très avantageusement servie.

Traitant des raisons qui auraient causé l'augmentation vertigineuse du nombre des sans-emploi aptes au travail, le document d'orientation émet l'avis qu'elles sont presque toutes d'ordre individuel. L'objectif d'une telle affirmation est sans doute de culpabiliser les concernés quant à leur situation et, ainsi, de mieux leur faire avaler les mesures indigestes de la réforme. Il est plutôt simpliste, à notre avis, de prétendre que les sans-emploi sont victimes d'eux-mêmes, alors qu'ils ne sont aucunement impliqués dans les causes de la crise économique des années quatre-vingt, crise qui perdure encore et très sévèrement.

Nous rappelons au ministre Paradis que, dans un dépliant publié par son ministère en mai 1987, hier, et destiné aux chefs de famille monoparentale, il est écrit: "que les changements technologiques et l'avènement de l'informatique rendent les emplois de plus en plus difficiles à dénicher - non seulement difficiles à dénicher, mais de plus en plus difficiles à dénicher - que, dans le contexte économique actuel, les emplois disponibles sont une denrée rare - c'est sûr - et se trouver un emploi constitue en soi tout un défi." D'autant plus que, si vous dites...

Je suis bien prêt à vous l'accorder: il y a 600 000 assistés sociaux, il y a 300 000 chômeurs, 60 000 nouveaux emplois en perspective à créer, cela fait quand même beaucoup de gens qui ne trouveront pas leur place dans la société, sur le marché du travail. On estime que c'est un défi d'autant plus considérable, se trouver un emploi, que, même si un individu développe au maximum son employabilité, le jeu de la compétition des compétences sur le marché du travail, que ce soit dans les secteurs privé, public ou parapublic, est constamment faussé par les réseaux informels de relations, dont les activités sont des plus fébriles lorsque le taux de chômage est très élevé. À titre d'exemple, le tout premier numéro de la revue Pare-Chocs, un excellent magazine pour les contribuables, conclut, dans une étude rigoureusement bien faite, que 50 % des concours reliés aux secteurs public et parapublic sont bidon parce que les candidats retenus pour les postes sont identifiés avant même la tenue des entrevues de sélection.

Concernant le volet des stages en milieu de travail, la réforme telle que proposée, avec ses absences de protection sociale (assurance-chômage, Régime de rentes, etc.) et ses non-conformités aux normes du travail (salaire minimum, sécurité et santé, etc.), entraînera le renvoi de milliers de travailleurs syndiqués ou non au profit des employeurs des secteurs privé, public et parapublic, qui exploiteront l'esclavage du "cheap labour" des assistés sociaux via les programmes d'emplois fictifs du ministère de la Main-d'Oeuvre. La réforme vise naturellement et globalement à faire pression à la baisse sur l'ensemble des salaires et sur les conditions de vie et de travail des travailleurs, ce qui est en complète contradiction avec une véritable politique d'incitation au travail. Nous nous opposons à une incitation au travail par la force et la répression qui produira une sous-catégorie de travailleurs sans droits, une incitation au travail qui obligera les gens à faibles revenus à se faire la guerre entre eux pour obtenir les quelques rares jobs disponibles. La réforme donnera donc lieu à la création de ghettos d'emplois non valorisants et à bon marché où seront confinés les assistés sociaux.

Face aux mesures régressives, arbitraires, antifamiliales, discriminatoires et injustes du document d'orientation, nous nous élevons avec vigueur et indignation contre une litanie de choses, mais je vais passer par dessus parce qu'il y a énormément de groupes qui vous ont dit ce que nous nous vous dirions, on va vous épargner cela. On tient à vous dire qu'on est particulièrement contre et qu'on les appuie. On est particulièrement contre le fait qu'un assisté social admis mais non participant au programme APTE ne puisse obtenir la hausse des prestations à 600 $ par mois parce que le budget du volet auquel il est admis est épuisé, parce qu'il n'y a pas suffisamment de stages en entreprise ou de travaux communautaires à offrir aux plus exploités de nos concitoyens, ou tout simplement parce que la fin du calvaire des neuf premiers mois d'obtention d'aide sociale ne coïncide pas avec le début d'un cours que le bénéficiaire désirerait prendre ou qui lui serait imposé par le ministère.

Nous sommes contre le fait de réduire les prestations d'un chef de famille monoparentale, non disponible aux mesures d'employabilité, parce qu'il veut s'acquitter de la garde de son nouveau-né de moins de six mois. Aberration incroyable! Alors que l'avenir de la nation francophone du Québec est menacé par un taux de natalité extraordinairement faible, on pénalise ceux et celles qui contribuent à renverser la vapeur. Dans des conditions économiques souvent très difficiles, ces chefs de famille monoparentale, des femmes pour l'immense majorité, ont le courage d'élever seules leurs enfants après que bon nombre d'entre elles aient été délaissées par leur mari ou leur compagnon de route. Cette mesure mesquine n'a d'égale que la petitesse de ceux qui l'ont présentée et la politique demeure toujours le fief des hommes.

Le Président (M. Joly): Monsieur, je m'excuse, deux minutes, s'il vous plaît.

M. Bédard: Oui. Pardon?

Le Président (M. Joly): Deux minutes pour conclure, s'il vous plaît.

M. Bédard: Ah bon! Est-ce qu'il... Le Président (M. Joly): Oui?

M. Bédard: ...est possible de prendre cinq minutes de plus?

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Joly): Parfait. Les deux côtés acceptent, il y a consentement.

M. Bédard: Nous sommes contre le fait de réintroduire la mesure de contribution alimentaire qui utilise les critères de dépendance ou d'indépendance de façon à savoir si les parents des assistés sociaux devront assurer la pleine charge financière de leurs enfants âgés de 18 à 77 ans. Pour être considérés comme indépendants et obtenir des prestations sans que les parents soient appelés à contribuer, les jeunes et les moins jeunes assistés sociaux devront être mariés ou avoir été mariés, avoir quitté le domicile depuis deux ans et ne pas avoir étudié, avoir occupé un emploi régulier pendant deux ans - c'est rare d'en obtenir un pour deux ans - avoir un ou des enfants à charge ou avoir un diplôme universitaire de premier cycle. Ces critères contraignent principalement les jeunes assistés sociaux; il s'agit là d'une mesure discriminatoire qui écartera des dizaines de milliers de jeunes assistés sociaux de l'application de la parité.

Si les critères gouvernementaux du programme des prêts et bourses sont si peu judicieux et réalistes dans l'établissement de la contribution parentale que plus de 30 % des étudiants devant obtenir un apport monétaire des parents n'en reçoivent pas du tout, il est à prévoir, par extension, pour la présente mesure, que de très nombreux jeunes et moins jeunes assistés sociaux ne recevront aucune contribution parentale. Cette mesure doit évidemment être retirée parce qu'elle brimerait aussi les parents dont les revenus sont sous le seuil de la pauvreté.

Le gouvernement libéral s'appuie sur l'article 633 du Code civil pour retourner au stade des mineurs des personnes à qui la société a pourtant donné le droit de vote, symbole le plus éclatant de l'autonomie civile. Pourquoi, alors, ne pas pousser la logique jusqu'au bout et obliger les grands-parents dans la dèche à quêter auprès de leurs enfants et petits-enfants avant de faire appel aux programmes de supplément de revenu?

Nous sommes contre le fait qu'il y ait diminution de la couverture des besoins spéciaux des assistés sociaux. Contrairement à ce que prétend le document d'orientation, les allocations spéciales versées aux assistés, surtout celles reliées aux soins de santé, ne diminuent en rien l'incitation au travail. C'est quand un individu est en santé et rassasié qu'il est incité au travail. Je saute des pages parce que je coupe.

Le fait que vous ayez commencé à appliquer dès janvier 1988 certaines mesures de la reforme et ce, avant même la période de consultation sur le projet de réforme, nous laisse plutôt perplexes quant au sérieux que vous accordez à la présente consultation. Plutôt que de vous boycotter, on s'est dit: On va vous le dire. Dans son tout récent livre vert - mais on va appuyer les autres moyens de pression, naturellement...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je veux seulement dire à Mme Harel qu'il y en a plusieurs qui ont décidé de faire comme vous: au lieu de boycotter, de nous le dire. (11 h 30)

M. Bédard: Oui, c'est sûr. Dans son tout récent livre vert sur l'aide sociale, le Conseil national du bien-être social, qui regroupe des experts qui étudient l'aide sociale, avance qu'il est impossible de décrire seulement avec des mots l'impact dévastateur des niveaux vertigineusement faibles de l'assistance sociale actuellement. Ce n'est pas nous, ce sont des experts qui le disent et qui conseillent le gouvernement fédéral et le projet de réforme propose de baisser les niveaux de prestation. Encore selon le rapport des experts qui étudient l'aide sociale au fédéral, les individus qui tombent actuellement avec 497 $ par mois, sur l'aide sociale sont condamnés à utiliser chaque instant de leur vie pour chercher à survivre. Ce n'est pas nous qui le disons, ce sont eux et on cautionne cela.

Contrairement à ce que vous prétendez, M. le ministre, ce ne sont pas - c'est important cela - les niveaux de prestation d'aide sociale qui font problème et qu'il faut absolument, à tout prix, baisser parce qu'ils sont aussi intéressants que le salaire minimum. Ce n'est pas cela, M. le ministre. Le problème, c'est que le salaire minimum est à un niveau abominablement bas et qu'il n'a augmenté que de 0,55 $ en huit ans pour atteindre un maigre et ridicule 4,55 $ l'heure en 1988. Un nouvel employé, sans expérience, ni qualification, qui travaille à la ville de Montréal comme émondeur, qui coupe des branches, gagne 16 $ l'heure. Le salaire minimum, c'est 4,55 $. Je suis content que la personne qui émonde gagne 16 $ parce qu'avec 16 $ tu peux déjà commencer à penser à fonder une famille. Déjà, tu penses avoir le revenu qui peut te permettre cela. Alors que les indices de croissance économique sont positifs, le pouvoir d'achat du Canadien moyen a chuté de plus de 11 % en dix ans; celui de l'assisté social, encore plus. Pour obtenir la parité à 497 pauvres dollars, le jeune assisté social se voit contraint de travailler 20 heures par semaine à un projet communautaire qui paie 3,96 $ l'heure. C'est moins que le salaire minimum. C'est un salaire d'exploitation. Au café, il y a des jeunes assistés sociaux qui travaillent et ils travaillent aussi bien qu'au café d'en face, mais ils ont 3,96 $ l'heure sans pourboire.

En quatre ans seulement, le nombre de comptoirs alimentaires est passé de 15 à 60 à

Montréal; celui des soupes populaires de 6 à 35. En 1986, seulement à l'Accueil Bonneau, un de nos rivaux - c'est à la blague - une soupe populaire parmi 35 - c'est parce qu'on est appelés à prendre beaucoup d'expansion et c'est très regrettable - on a servi 191 000 repas comparativement à 91 000 il y a dix ans.

Avec une réforme visant davantage à la pauvreté maximum garantie qu'au revenu minimum garanti, l'effroyable étendue de la misère humaine s'étalera au grand jour dans nos rues avec plus d'acuité. La pauvreté apparente deviendra malheureusement la curiosité touristique la plus remarquée. J'étais guide touristique l'an dernier avec des groupes de Français et quand on sortait de la Place Dupuis, du Holiday Inn, et qu'on voyait cela, j'étais honteux non pas de voir les itinérants, mais que notre société produise cela. On en faisait étalage et, moi, j'étais plutôt gêné par rapport aux Français à qui j'essayais de montrer les beaux côtés de Montréal.

Obliger les Québécois les plus démunis à survivre avec 405 $ d'aide par mois, tout en leur permettant d'aller chercher 155 $ d'un travail inexistant, entraînera une hausse phénoménale du taux de criminalité de survie et de toutes ses conséquences fort coûteuses pour la société. Actuellement, il y a des agressions presque chaque jour au terminus Henri-Bourassa. La criminalité continue d'augmenter sur le territoire de la CUM: Femme battue pour une poignée de cents noirs. C'était ce mois-ci, vous n'avez pas besoin de chercher, demain, vous allez en voir d'autres. Agression à la station de métro Monk. Recrudescence de la criminalité, etc. On n'a pas besoin de chercher beaucoup. C'est souvent sur la même feuille: 300 mises à pied. Ce sont des futurs assistés sociaux, etc. Je me dis: Si on tape encore plus fort sur les assistés sociaux, c'est un choix politique. Faute de places dans les prisons, assisterons-nous à la création d'un ministère des travaux communautaires forcés?

Disposant de temps, les assistés sociaux s'adonnent souvent, et bénévolement, à l'organisation de nombreuses activités profitables à l'ensemble de la collectivité. Il est étonnant qu'en ce temps où le gouvernement ne jure que par le désengagement de l'État, la privatisation et la désinstitutionnalisation on assiste, via l'important volet du programme communautaire, du programme APTE, à une forme d'institutionnalisation du bénévolat désormais rémunéré.

À l'instar du Conseil national du bien-être social, dont je vous parlais tantôt, nous sommes d'avis comme eux, et ils le disent, que l'aide sociale allouée aux individus et aux familles n'a aucune relation avec les coûts réels de la vie; que l'aide sociale doit être augmentée - non pas à 70 %, comme le dit le Front commun des assistés sociaux, mais à 100 % - au seuil de la pauvreté; que la parité doit être accordée immédiatement aux jeunes assistés; que l'argent servant à pourchasser les fraudeurs de l'aide sociale est inutilement dépensé parce qu'il n'y a pas vraiment de fraude, comme le prétend le gouvernement du Québec. Ce n'est pas nous qui le disons, c'est le Conseil national du bien-être social.

Je termine en vous disant qu'à l'automne 1985, en pleine campagne électorale, le Parti libéral courtisait la jeunesse québécoise en affirmant vouloir réaliser la parité de l'aide sociale dès son accession au pouvoir. Le peu d'empressement manifesté à ce sujet par le gouvernement, le peu d'intérêt accordé à l'ensemble du dossier de la jeunesse québécoise ainsi que les mesures proposées dans la réforme, à l'égard des jeunes assistés sociaux - je vous en parlais tantôt - traduisent de façon éclatante le mépris du gouvernement actuel envers la jeunesse d'ici Vous vous défendrez tantôt. Ce mépris nous est apparu... Pardon?

Le Président (M. Joly): II ne restera plus de temps.

M. Bédard: D'accord. Un dernier petit paragraphe s'il vous plaît.

Le Président (M. Joly): Allez.

M. Bédard: Ce mépris nous est apparu scandaleux et total depuis que le gouvernement a mis sur pied un service digne d'un régime à la gestapo dont la vicieuse mission est de piéger les médecins qui pratiquent honnêtement la médecine préventive et sociale envers les jeunes assistés sociaux dont la condition détériorée nécessite un certificat d'inaptitude au travail. Cette dégoûtante manoeuvre politique aura non seulement contribué à maintenir ou à augmenter le suicide chez les moins de 30 ans, mais a créé une psychose telle chez les médecins qu'un grand nombre d'entre eux se refusent à recevoir des assistés sociaux dans leur cabinet. Et cela, on le sait. Pour un régime de soins de santé dit universel, c'est réussi!

À notre restaurant Boustifable, lorsqu'un des jeunes clients réguliers ne se présente plus au souper, on ne se pose pas la question à savoir s'il a finalement pu se réinsérer socialement ou s'il a pu enfin réintégrer le marché du travail. On se pose la question à savoir: Est-ce qu'il est en prison? Est-ce qu'il sert de cobaye à Bio-Recherches? Ou s'il est le dernier suicidé du métro? Étant donné que les suicidés du métro sont devenus des faits divers, maintenant ignorés par les médias parce qu'il y en a trop, notre interrogation reste sans réponse. Ce qui fait peut-être bien votre affaire. Merci bien.

Les gens à ma gauche et à ma droite seront invités à discuter avec vous.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Bédard. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre. Il reste environ 20 minutes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela veut

dire 10 minutes chacun.

Le Président (M. Joly): 10 minutes de chaque côté.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II faut partager de ce côté-ci. Je tiendrais à vous remercier pour votre mémoire et même pour sa présentation. Vous avez commencé par une teinte d'humour et vous êtes tombé dans des arguments d'une gravité sur le plan social par la suite et vous l'avez fait en conservant le même ton, ce qui est à votre honneur.

Je vous dirais que je pourrais discuter avec vous de l'ensemble du dossier mais, en 10 minutes, je pense que je m'éparpillerais et que je n'arriverais à absolument rien. Je vais tenter de prendre peut-être le point sur lequel vous avez martelé davantage: la question de la parité et la question des jeunes un peu plus dans son ensemble.

À notre arrivée au gouvernement, on s'est rendu compte que le fameux salaire minimum, dont vous avez parlé, n'avait pas été haussé depuis cinq ans; il était complètement gelé. Vous avez raison de dire qu'il y a eu deux augmentations en sept ans, dans les deux dernières années, des augmentations supérieures à l'augmentation des autres salaires dans la société, généralement parlant, des salaires de syndiqués etc., et supérieures au coût de la vie, mais c'était plus que justifié, il y avait du rattrapage à faire et il demeure du rattrapage à faire parce que cela a été gelé pendant longtemps.

Le deuxième élément, il y avait de la discrimination basée sur l'âge dans le salaire minimum et il a fallu enlever cela également. Ce n'était pas le même tarif pour les plus jeunes et les plus âgés au salaire minimum. Cela a été fait assez rapidement, je pense, dans les sept ou huit premiers mois de l'arrivée du gouvernement.

La question du droit au travail pour les jeunes. Toutes les semaines, à mon bureau du comté - et je pense que c'était le cas pour l'ensemble des députés de l'Assemblée nationale - on retrouvait des jeunes qui avaient terminé leurs études secondaires, mais qui ne pouvaient pas travailler sur le marché de la construction parce qu'ils n'avaient pas le fameux permis de travail. Il a fallu un combat. Cela a pris... L'Opposition a mené un "filibuster" à l'Assemblée nationale, des manifestations sur la colline parlementaire, mais on a ouvert le marché du travail en faveur des jeunes.

Vous nous rappelez un autre engagement électoral qui était très ferme, la parité, et vous avez raison de nous le rappeler parce que je pense qu'on a été clairs pendant la campagne électorale et on l'a dit aux jeunes. Mais dans quel contexte peut-on donner la parité? Vous nous dites: La parité, demain matin, c'est réglé, bonjour et, M. le ministre, vous cessez d'être un criminel de guerre et vous devenez quelqu'un qui a fait ce qu'il avait à faire.

J'aimerais vous dire oui et je peux vous dire que ce n'est pas pour des raisons budgétaires, au moment où nous nous parions, que nous avons les discussions que nous avons et que nous avons proposé une réforme de la sécurité du revenu où nous accordons la parité. Vous dites: Ce n'est pas une vraie parité, parce qu'il y a une contribution alimentaire parentale, entre autres. Ce que j'ai à vous répondre là-dessus, c'est que cette contribution alimentaire parentale est identique, elle est calquée, elle est la même que celle que vous retrouvez aux prêts et bourses aux étudiants. Si elle n'existait pas aux prêts et bourses aux étudiants, je vous dirais qu'on pourrait envisager, dans le programme de dernier recours qu'on administre, dans l'aide sociale, de l'enlever.

Si elle est maintenue dans le programme de prêts et bourses aux étudiants, nous n'avons pas d'autre choix que de l'inclure jusqu'à ce qu'elle soit enlevée du progamme de prêts et bourses aux étudiants. Je ne suis pas le seul politicien à parler ce langage-là. En 1984, il y a un économiste qui était ministre des Finances, Jacques Parizeau, et qui en a parlé, de cette fameuse contribution alimentaire parentale, dans un livre blanc sur la fiscalité. Je ne vous lirai pas le passage. Je vais vous dire, pour vos fins de consommation et de réflexion, entre deux repas, page 236. Lisez-le. Il parie de cette attraction qui va occasionner l'abandon des études postsecondaires par des jeunes pour se retrouver à l'aide sociale. Cela, c'était sans accorder la parité. Alors, quand vous accordez la parité, cette incitation devient beaucoup plus forte.

Le nombre de jeunes qui vont être affectés - j'ai fourni des chiffres à l'Opposition hier - je pourrais vous les répéter, en vous situant la clientèle de jeunes en bas de 30 ans à l'aide sociale. Depuis janvier 1986 à janvier 1988, cette clientèle est passée, en faisant des chiffres ronds, de 150 000 à 100 000 jeunes. Parmi ces 100 000 jeunes, il y en a à peu près 40 000 qui reçoivent la parité pour différentes raisons, soit qu'ils soient inaptes au travail, qu'il s'agisse de chefs de famille monoparentale, qu'ils participent à des mesures, etc. Il reste 35 286 jeunes en bas de 30 ans qui ne reçoivent pas cette parité-là et qui sont condamnés a avoir un chèque, comme vous le mentionnez, qui ne couvre pas - je suis d'accord avec cela - les besoins de base, si on ne considère que la nourriture et le logement. En introduisant la contribution alimentaire parentale, 17 000 d'entre eux vont avoir la parité complète, 12 000 vont être exclus de l'aide sociale, 2500 vont voir leurs prestations réduites et 3000, leurs prestations non réduites. C'est le portrait.

Je vous dis que je souhaiterais, peut-être comme d'autres, que cette contribution alimentaire parentale n'existe pas. Mais tant qu'elle sera là à l'Éducation, il s'agirait d'un geste irresponsable, pour le ministre responsable de l'application du programme de dernier recours, de l'enlever. Ce serait populaire à court terme, mais

ce serait très irresponsable.

Je pense que si cela ne l'avait pas été et si c'était aussi simple on n'aurait pas retrouvé, chez celle qui m'a précédé comme ministre responsable de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, Mme Marois, cette réticence à bouger dans le dossier, on n'aurait pas retrouvé, chez l'ancien chef du Parti québécois, Pierre-Marc Johnson, les réserves qu'il a faites quant à une parité qu'on donnerait le lendemain matin, telle qu'on l'a réclamée, et on n'aurait pas retrouvé cette réflexion dans Le Devoir de vendredi. Je ne sais pas si vous avez lu l'article de M. Jean Francoeur, qui critique certains aspects de la réforme, mais qui, quant à cette parité, s'exprime comme suit dans Le Devoir de samedi: "L'interrogation peut se formuler ainsi: Est-il socialement souhaitable de verser à un jeune de 18 ans le plein montant de l'aide sociale sans rien changer des caractéristiques des programmes actuels? Il n'existe aucune réponse empirique à cette question. L'hypothèse la plus courante - on l'entend chuchoter même par des gens qui jugent plus prudent de s'enfouir la tête dans le sable chaud de la bonne conscience qui leur sert de philosophie sociale - est que la parité, sans un train de mesures d'accompagnement, serait un geste irresponsable, une invitation cynique à abandonner les études pour les uns, à quitter leur emploi pour les autres et, pour un certain nombre, à cesser toute recherche d'un revenu de travail. Bref, on pousserait des milliers de jeunes dans un piège dont on sait qu'il est difficile de sortir."

Je pense que c'est de bien poser le problème auquel nous faisons face comme responsables et élus du peuple. (11 h 45)

Une voix: Je pensais que vous ne lisiez pas les journaux, M. Paradis. Au début, quand on vous a dit que vous étiez sourd, vous avez répondu que vous n'aviez pas lu cela. Vous lisez seulement ce que vous voulez voir...

Le Président (M. Bélanger): Excusez moi! Excusez-moi! Vous ne pouvez pas intervenir. Vous avez des porte-parole et des représentants pour le faire.

M. Paradis (Brome-Missisquoi) Non, je pense...

M. Parent (Lucien-Philippe): M. Paradis, il y a peut-être quelque chose que vous oubliez. Quand vous dites justement qu'il faudrait changer les caractéristiques de certains de vos programmes sociaux et quand vous prenez les jeunes entre 18 et 30 ans, les programmes que vous leur donnez sont souvent des programmes à caractère scolaire ou qui concernent l'esprit. Mais il n'y a pas grand-chose qui se passe au niveau des sports. Vous oubliez que la santé commence beaucoup par la pratique des sports. Les jeunes qui sont prestataires d'aide sociale sont souvent des jeunes qui sont psychologiquement et physiquement très menacés. Au chapitre des ouvertures qui leur sont offertes dans des programmes sportifs ou des entrées dans les palestres sportives, qu'elles soient universitaires ou qu'elles soient collégiales, il n'y a absolument rien qui se fait.

C'est donc dire qu'un jeune qui voudrait participer à un programme sportif, s'il est sur l'aide sociale, ne pourra pas le faire. S'il est en mauvaise santé parce qu'il fume beaucoup ou s'il a des problèmes, comme un jeune de 17 ans que j'ai rencontré encore hier, et qui me disait qu'il avait des problèmes parce qu'il se piquait. Il me disait: Si je peux faire du sport, je vais essayer de m'en sortir. Je vais commencer par cela. Pour les jeunes, le sport est très important. Et ce n'est pas important seulement pour les jeunes; ça lest aussi pour les plus âgés, pour les personnes dans la quarantaine, dans la cinquantaine, etc. Cela retarde le processus du vieillissement. C'est un peu la meilleure manière de commencer, soit en faisant du sport régulièrement.

Nous aimerions, la plupart des jeunes Québécois, que vous apportiez une mesure qui fasse que les gens qui bénéficient de l'aide sociale reçoivent des laisser-passer gratuits pour les centres sportifs universitaires, comme celui de l'Université du Québec à Montréal ou ceux des universités un peu partout au Québec; que les entrées dans les palestres sportives soient dorénavant gratuites. C'est-à-dire que s'ils veulent se prendre en main - ils ont le temps en masse s'ils bénéficient de l'aide sociale - au moins, qu'ils deviennent physiquement en santé. Car, s'ils ne peuvent pas se trouver un emploi, le fait de devenir physiquement en santé leur donnerait beaucoup plus de chances pour que les employeurs soient intéressés par eux.

Il y a aussi un deuxième point. Je me dis que c'est surtout dans le domaine de la santé que les jeunes ont besoin d'aide et qu'ils ont réellement besoin d'aide. Cela concerne la cigarette. Je trouve qu'il y a beaucoup de jeunes qui ont été influencés par la publicité de la cigarette, qui ont commencé à fumer à 15 ans et qui se retrouvent, à 25 ans, avec des problèmes d'intoxication massive des poumons. M faudrait diminuer cela. Il y a deux centres qui offrent des mesures pour diminuer la consommation de la cigarette ou en enlever l'habitude. Il y a l'hôpital Notre-Dame, dans la métropole où cela coûte quelque 700 $. Et il y a un autre programme qui se promène d'une entreprise à une autre entreprise, et qui coûte 145 $ par personne. On rencontre souvent ce problème chez les jeunes et ils nous disent: Moi, si je pouvais arrêter de fumer la cigarette! Et ce ne sont pas seulement les jeunes; la plupart des gens disent cela. Une chose devrait être faite pour arrêter le désastre que cause la cigarette dans l'esprit des jeunes adolescents et adolescentes, parce que c'est une drogue qui, d'accord, est minime, mais elle ouvre

la porte à de grosses drogues.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans ce type de programmes, un peu dans le sens de l'intervention - c'est M. Parent? - que vous venez de faire...

M. Parent (Lucien-Philippe): Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...est-ce qu'il y a, encore de la part de M. Parent ou des autres intervenants, d'autres suggestions pour que les programmes qui sont mis à la disposition le soient vraiment et répondent davantage aux goûts ou aux besoins des clientèles qui fréquentent votre institution?

M. Parent (Lucien-Philippe): Cela va bien au niveau scolaire, mais cela ne va pas très bien au niveau physique. Cela ne répond pas aux besoins physiques.

Le Président (M. Bélanger): M. Simard.

M. Simard (Jean-François): À ce sujet, j'ai travaillé bénévolement dans des centres de désintoxication. Ce n'était pas pour des problèmes de cigarette, mais pour des problèmes de drogues et d'alcool. Il y a une recrudescence du nombre de personnes de moins de 30 ans et même de moins de 20 ans dans ces centres. C'est phénoménal, la vitesse à laquelle ce fléau va aujourd'hui. Ces jeunes assistés sociaux, qui sortent d'une maison de désintoxication ou de thérapie, se ramassent avec un chèque de 180 $. Il n'y en a pas beaucoup qui arrivent à survivre avec ce montant. Ils sont obligés de se tourner vers la criminalité pour avoir une compensation, pour avoir un logement décent, des vêtements décents, une nourriture décente, ainsi que des soins médicaux palliatifs pour leurs problèmes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On me dit que les programmes qui existent, qui ne sont pas parfaits et qui seront probablement améliorés, comme les gens en parlent, sont disponibles pour l'ensemble des jeunes de 18 à 30 ans qui sont en état de participer. Est-ce qu'à votre connaissance, ou à la connaissance d'un des porte-parole du groupe, il y a des jeunes qui sont allés dans les centres Travail-Québec et qui se sont vu refuser l'accès à ces programmes?

M. Simard: Je n'en ai pas encore entendu parler, mais j'ai connu beaucoup de ces jeunes qui avaient un problème de drogue et qui, pendant six mois, ont été ballottés d'un bord à l'autre dans les cliniques, pour recevoir un certificat médical qui leur était dû. Je ne sais pas si vous savez ce que cela fait, cinq ans à se droguer et à vivre dans la rue, mais cela donne de gros problèmes de santé. Finalement, un médecin voulait bien signer le certificat médical pour que le jeune ait le minimum requis rela- tivement à sa situation et, ensuite, il devait suivre plusieurs ballottements, d'une maison d'accueil à une autre maison de thérapie.

Il y a près de 10 000 ou 12 000 jeunes à Montréal qui sont sans abri, sans logement. J'ai su d'un organisme gouvernemental, dont je ne citerai pas le nom, qu'il y a 50 000 - je dis bien 50 000 - jeunes de moins de 18 ans qui ne sont pas chez leurs parents et qui sont ballottés à droite et à gauche parce qu'ils ont fui leur foyer. Ils ne sont pas recensés par les maisons d'accueil. Je ne sais pas comment ces jeunes-là vont s'en sortir, mais je sais que lorsqu'un jeune sort d'une maison de thérapie il en a au moins pour trois mois à se stabiliser avant de chercher du travail.

Le Président (M. Bélanger): Si vous me permettez une question: Dans votre chiffre de 50 000, est-ce que vous incluez les jeunes en famille d'accueil, en centre d'accueil? Vous incluez aussi ces jeunes-là? Parce que, l'autre jour, un travailleur de rue nous parlait d'à peu près 15 000 jeunes du type que vous nous mentionnez.

M. Simard: Oui, ils sont inclus.

Le Président (M. Bélanger): D'accord. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je suis accompagnée du député de Saint-Jacques qui m'avait parlé du Café Boustifable. Cela m'amène d'ailleurs à poser une question. Je vous salue, je suis contente de vous accueillir à la commission. J'avais aussi entendu parler de vous. Vous avez dû entendre parler de Resto-Pop dans Maison-neuve?

M. Bédard: On fêtera notre premier anniversaire bientôt, le 19.

Mme Harel: Est-ce que, comme Resto-Pop, un certain nombre des hommes et des femmes qui sont au café sont aux travaux communautaires? Vous l'êtes tous.

M. Parent (Lucien-Philippe): Resto-Pop donne surtout le service à l'heure du midi et Boustifable donne le service au souper.

Mme Harel: Parfait. On verra tantôt comment ce serait possible, mais je pense qu'il serait souhaitable que vous invitiez le ministre, avant de quitter la commission. J'imagine que vous aviez l'intention de le faire.

Une voix: À venir manger.

Mme Harel: Pour qu'il aille justement vous rencontrer...

Une voix: C'est délicieux.

Mme Harel: II viendra diner à Resto-Pop et il ira souper au café.

Une voix:... une fourchette.

Mme Harel: Sérieusement, est-ce qu'il y en a plusieurs qui participent à des travaux communautaires? Oui. J'aimerais vous entendre plus tard. Je vais vous raconter quelque chose. Quand les gens de Resto-Pop sont venus, ils ont expliqué au ministre que c'était quasiment impossible d'obtenir des stages pour jeunes par les centres Travail-Québec. Il faut qu'ils fassent leur propre recrutement, qu'ils fassent eux-mêmes les contacts, et cet état de fait a été partagé par l'ensemble des autres organismes qui faisaient partie de la coalition sur l'alimentation et qui ont confirmé que, si chacun des groupes, depuis un, deux ou trois ans, n'avait pas procédé à son propre recrutement et à sa propre campagne d'information, il n'y aurait quasi personne qui leur aurait été recommandé par Travail-Québec. Cela a été l'expérience transmise par le groupe de la coalition dans Hochelaga-Maison-neuve. D'autres personnes du même groupe ont dit que cela faisait parfois quelques mois qu'elles avaient fait une demande pour obtenir des travaux communautaires et qu'elles s'étaient fait répondre que les fonds étaient épuisés et qu'il fallait attendre. J'aimerais vous entendre là-dessus, comme j'aimerais vous entendre sur le fait...

Je vais faire juste une parenthèse. Avec raison, le ministre citait l'article d'Alain Dubuc, dans La Presse d'aujourd'hui, qui révélait que la création d'emplois avait été exceptionnelle en 1987 et que, dans l'histoire, c'était finalement un record comme celui qu'on avait connu en 1973. Ce qui est intéressant, par exemple - c'est cela le défi nouveau des temps actuels - c'est qu'en 1973 le taux de chômage avait baissé à 7 %, tandis qu'en 1987, avec ce taux record, le taux de chômage est resté autour de 10 %. C'est le grand défi et il ne vaut pas la peine de jouer à l'autruche, de dire que cela va bien, que cela va très très bien et que cela n'a jamais été aussi bien de ce côté-ci, puisqu'il y a tous les gens qui, l'un après l'autre, se sont succédé depuis des semaines et qui nous ont dit aussi sincèrement et avec chiffres à l'appui: Cela va mal et cela n'a jamais été aussi mal, pour les 10 % de personnes en chômage; cela va mal et cela n'a jamais été aussi mal pour ceux et celles qui ont des loyers à payer, loyers qui n'ont jamais été aussi élevés. C'est une autre démonstration qui a été faite par rapport aux prix des loyers qui ont atteint des niveaux records. Le ministre est surpris et il fait vraiment son étonné quand je dis que, pour des gens, cela n'a jamais été aussi mal. Il va falloir qu'il accepte que, pour des gens, cela va plus mal qu'avant, parce que cela coûte plus cher qu'avant et qu'ils ont moins d'argent qu'avant.

Je reviens à la question de fond. Jusqu'à maintenant, la distinction était entre les aptes et les inaptes chez les moins de 30 ans. Les inaptes avaient le plein montant, la parité, et les aptes avaient seulement 180 $. Cela a beaucoup été décrié. Étonnamment, le ministre applique ce système à 243 000 nouvelles familles ou nouveaux ménages en disant qu'il y aura maintenant une distinction entre aptes et inaptes pour tout le monde. Les inaptes - vous allez me dire que les modalités sont différentes, mais le principe est le même - vont avoir le plein montant et leurs besoins reconnus seront couverts, tandis que les aptes, qu'ils aient moins ou plus de 30 ans, en auront seulement une portion. La preuve a été faite devant la commission que dans cette catégorie, où que tu te retrouves, même en participant complètement, tu recevras moins que ce que tu as maintenant.

Dans votre mémoire, il y a quelque chose de très important et le ministre le sait et il aimerait peut-être mieux que vous n'en parliez pas à nouveau. C'est à la page - attendez que je vous retrouve cela, c'est tellement bien dit - 7, où vous dites: Contre le fait qu'un assisté social admis, mais non participant, ne puisse obtenir la hausse de prestations parce que le budget du volet auquel il est admis est épuisé; parce qu'il manque de stages, etc. C'est une catégorie qui fait honte, d'une certaine façon, au projet d'employabilité parce que cela prouve qu'ils ne seront pas capables de donner les mesures, vu qu'ils font une antichambre, une salle d'attente qui s'appelle "admissibles sans qu'il y ait la parité".

M. Rainville (Marc-Olivier): Mme Harel.

Mme Harel: Oui.

M. Rainville: ...c'est justement la question...

Mme Harel: Vous, comment vous appelez-vous? Parce que vous n'étiez pas inscrit.

M. Rainville: Mon nom est Marc-Olivier Rainville, je suis...

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Parfait, Marc. Est-ce Marc? M. Rainville: Marc-Olivier.

Mme Harel: II y avait Ginette, tantôt, qui n'avait pas l'air d'être bien contente de ne pas avoir été présentée.

Une voix:... Mme Harel: Oui.

M. Rainville: Le point que vous soulevez, c'est un peu la question que posait le ministre.

Vous avez demandé s'il y avait des jeunes qui avaient été refusés aux centres Travail-Québec. Effectivement, il y en a plusieurs. On a entendu une de vos déclarations, il y a une couple de mois, qui disait: Tous les jeunes qui s'inscriront au programme auront la parité. J'en connais une quinzaine qui se sont précipités aux centres Travail-Québec, juste avant Noël, et ils ont été déçus de se faire dire...

Mme Harel: À CJMS...

M. Rainville: ...ceci: Non, vous n'aurez pas la parité; on vous inscrit, mais il n'y a pas de place. Alors, ce point est important et mon collègue l'a soulevé.

Mme Harel: Oui, allez-y. (12 heures)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. Rainville, j'ai posé la question parce qu'on m'informe au ministère - et j'ai des budgets chaque année, des crédits, comme on les appelle, et ils seront déposés aujourd'hui - qu'à chaque année on a suffisamment d'argent pour pouvoir répondre aux besoins des jeunes de 18 à 30 ans qui se présentent. Depuis deux ans que je suis ministre, chaque année on retourne au fonds consolidé des sommes qui n'ont pas été dépensées parce qu'on me dit qu'il n'y a pas suffisamment de jeunes qui se sont présentés. Vous venez à la commission...

M. Rainville: Je pense qu'il y a un manque de communication entre le ministère et les centres Travail-Québec et il faudrait que vous y voyiez, M. le ministre. Il y a du laxisme sur ce plan-là, ce n'est pas croyable. Les jeunes sont bien prêts à s'inscrire aux programmes.

Vous voulez une amélioration...

Mme Harel: C'est majeur, et dites-vous bien que vous n'êtes pas les premiers à le dire. Ils l'ont dit de Nicolet, de Trois-Rivières, de Longueuil, de Brossard, d'Hochelaga-Maisonneuve, mais de se le faire dire aidera, je l'espère, le ministre à comprendre.

M. Rainville: Je voudrais dire aussi que ce n'est pas assez, un an, pour ces programmes-là. Des jeunes qui se ramassent pendant un an avec 480 $ et qui retombent à 180 $ ensuite, j'en connais qui ont sauté en bas du pont.

Mme Harel: C'est important.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...est-ce que je peux, M. Rainville...

Mme Harel: Je pourrai avoir un peu de temps après, par exemple? Allez-y. Parce que mon collègue de Saint-Jacques voudrait...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...sur le sujet...

Le Président (M. Bélanger): Un instant!

Permettez-moi une seconde, M. le ministre.

Compte tenu de l'heure, est-ce qu'on a le consentement pour continuer?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.

Le Président (M. Bélanger): Consentement? Merci.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur l'élément dont vous parliez, M. Rainville, si vous voulez, pour qu'on ne prenne pas le temps de tout le monde pendant la commission, après la commission Mme Dussault de mon cabinet ira vous voir. Je veux savoir quels centres Travail-Québec n'offrent pas les programmes.

M. Rainville: M. Paradis, on vous a fait une invitation tantôt à venir au Boustifable. Si vous voulez qu'on continue à parler, pourquoi ne nous inviteriez-vous pas au Parlementaire à midi? On va y aller, on est prêt.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Tout simplement...

M. Rainville: On vous suit.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ... pour une raison bien simple. J'ai une période de questions à 14 heures; je suis également responsable du ministère du Travail et j'ai quelques conflits, croyez-le ou non, dont il faut que je m'occupe sur l'heure du midi.

M. Rainville: Mais on est prêt à aller manger avec vous, M. Paradis, à votre restaurant des députés. On a amené nos lunchs, ça ne coûtera p3s cher. On va manger une soupe avec vous si vous nous invitez.

Le Président (M. Bélanger): Le problème, c'est que M. le ministre n'y va pas. Il mange son sandwich dans son bureau à midi. Il est en pénitence.

M. Rainville: Est-ce qu'on va dans son bureau?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Comme à chaque midi. C'est mon problème. Non, je vous invite quand même, avec Me Dussault, à rester parce qu'il est important pour nous de savoir quels sont les centres Travail-Québec qui n'offrent pas les mesures qu'on nous présente comme étant offertes.

M. Rainville: Payez-vous la traite au restaurant? C'est ça que vous me dites?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous laisse avec Me Dussault.

Le Président (M. Bélanger): Sérieusement, s'il vous plaît!

Mme Harel: Je pense que c'est un élément important. Je crois comprendre que vous voulez y répondre?

M. Bédard: Non.

Mme Harel: Ce n'est pas là-dessus? Je pense que c'est un élément extrêmement important car n'oubliez pas qu'en l'absence de toute analyse des résultats des programmes qui étaient expérimentaux et malgré des informations qui ne sont pas contredites, à savoir que seulement 18 % des moins de 30 ans auraient participé parmi ceux qui, pourtant, avaient une incitation à doubler leurs prestations, le projet, c'est d'augmenter à 243 000 ménages des mesures qui n'ont pas eu l'air d'avoir fonctionné avec les 50 000 ménages à qui elles étaient destinées. Ceux qui viennent disent: Ce n'est pas à cause de nous, ce n'est pas parce qu'on est paresseux et qu'on voudrait rester chez nous. C'est parce que ce n'est pas mis en place pour nous recevoir et quand c'est mis en place, comme le rattrapage scolaire, c'est mal foutu et il y en a 70 % qui quittent parce que c'est un échec personnel de plus, la mise en place des programmes n'étant pas adéquate. Comprenez à quel point c'est important, présentement, d'explorer ces possibilités-là.

Je m'en voudrais de ne pas vous redonner la parole et de ne pas permettre à mon collègue de Saint-Jacques de vous questionner par la suite.

M. Bédard: J'aimerais bien entendre André, d'autant plus que c'est un proche collaborateur de la Boustrfable. Il manifeste beaucoup de sensibilité pour les jeunes assistés sociaux. Je comprends très difficilement l'insensibilité des politiciens face à la grande misère dont souffrent les jeunes assistés sociaux. Je me dis que c'est peut-être parce que, des fois, on est comme détaché de la réalité et la misère autour, on ne la voit pas.

Or, je vais vous sensibiliser à une chose. Je pense que tout le monde va reconnaître que, dans toutes les grandes familles élargies, on a au moins un jeune adulte qui mange de la misère noire à pleine pelle. Ce sont souvent des gens qui ont quitté le milieu familial. Pourquoi? Parce qu'il se peut fort bien que ça n'aille pas, que le milieu soit nocif. On sait tous que les politiciens vivent des situations familiales assez tendues, précaires, etc. Le boucan est poigne; le taux de divorce est élevé, etc, etc. Je me dis que si ça ne va pas dans les relations familiales, peut-être que pour...

Je vous dis sincèrement que j'ai déjà connu la fille d'un ex-député du Parti libéral et la nièce d'un ex-député du Parti québécois, qui étaient assistées sociales et qui se prostituaient pour survivre. On n'a pas l'idée de cela. Cela ne nous traverse pas l'esprit. Si on ne peut pas vivre dans sa propre famille parce que c'est trop tendu et qu'il faut la quitter... Il y a bien des gens qui aiment encore leurs parents et qui ne les appelleront pas pour leur dire à quel point ils mangent de la misère noire. Si jamais les parents appellent les enfants et leur demandent comment ça va, ça va toujours bien, même s'ils n'ont pas mangé pendant trois semaines. Vous ne saurez jamais si vos enfants se prostituent ou s'ils ont déjà commis des crimes pour survivre. Peut-être même que, dans votre famille, il y a un jeune adulte pour qui cela ne va pas, même si vous pensez que cela va bien. Mais qui vous dit que votre enfant ne commet pas de crime ou ne se prostitue pas? Je vous le dis, les deux femmes dont je vous ai parlé, leurs parents n'en savaient rien. Moi, je ne comprends pas. Je me dis: Comment laisser autant de dizaines de milliers de jeunes dans une misère comme celle-ci. Moi, je ne comprends pas. Cela me dépasse.

Le Président (M. Bélanger): M Simard voulait répondre.

Mme Harel: J'aimerais que mon collègue de Saint-Jacques intervienne avant qu'on termine.

Le Président (M. Bélanger): Si vous permettez, on va laisser la parole à M. le député de Saint-Jacques. Peut-être que cela donnera réponse ou fera écho à vos questions. Il faut le consentement pour que M. le député de Saint-Jacques s'adresse à la commission. Consentement? Merci. M. le député.

M. Boulerice: Michel et vos collègues, pour ce qui est du mémoire... Le temps nous presse. De toute façon, j'irai vous dire au Café Bous-tifable, où on mange très bien - eux, ils ont droit à cinq fourchettes, M. le ministre - tout le bien que j'en pense et le travail très sérieux que vous avez fait.

La question que j'aimerais poser... Tantôt, on a fait allusion aux travaux communautaires. M. le ministre disait qu'il y avait même des crédits qui devenaient périmés puisque cela retournait au fonds consolidé de la province. Puisque Café Boustifable est un organisme communautaire, j'aimerais savoir combien il y a eu de demandes, en fonction des travaux communautaires, qui ont été présentées et qui ont été acceptées, pour ce qui est du Café Boustifable.

M. Bédard: Effectivement, il y a des jeunes qui travaillent dans le cadre du programme des travaux communautaires: les serveurs, les aides-cuisiniers, et on a un animateur maintenant, qui relevait avant d'un PDE. Je ne sais pas II y en

a combien?

M. Parent (Lucien-Philippe): Peut-être 25 depuis le début...

M. Bédard: Mais à savoir combien... moi, je ne suis pas le coordonnâtes...

M. Boulerice: Non, je le sais.

M. Bédard: ...je suis bénévole. Je suis déconnecté. Je m'occupe de dossiers qui m'intéressent, mais je ne savais pas qu'il y en avait qui pouvaient être refusés. Je ne le savais pas, vous m'apprenez quelque chose.

M. Boulerice: Mais, si je me fie à ce que dit Lucien-Philippe, il y en a eu 25.

M. Parent (Lucien-Philippe): Environ une vingtaine depuis le début, depuis un an.

M. Boulerice: Donc, cela renforce votre assertion qui dit que le fait que ce ne soit que pour un an est un handicap épouvantable. Parce qu'ils ne sont que pour un an aux travaux communautaires, à moins que je ne me trompe.

Mme Harel: Le handicap, c'est que, dans le projet du ministre...

M. Bédard: Justement l'animateur qui s'occupe des travaux communautaires m'a manifesté son inquiétude hier parce que le coordonnateur lui aurait dit que c'est renouvelable aux six mois; alors, lui, il s'interroge: Oui, mais, moi, je pensais que c'était un an; cela me surprend qu'on puisse remettre en question ma participation au programme chaque six mois. Je ne sais pas si c'est une mesure interne de gestion de personnel.

M. Boulerice: Un programme comme celui-ci, d'après vous, devrait se situer dans combien de temps - là, c'est de six mois en six mois, semble-t-il; je croyais que c'était un an fixe - pour que ce soit efficace, qu'il y ait une continuité et qu'il y ait des acquis des apprentissages. On ne va pas là pour le plaisir...

M. Bédard: Effectivement, trois mois, c'est trop court.

M. Boulerice: ...On y va parce qu'on en retire quelque chose. Il faudrait que cela se situe dans combien de temps?

M. Bédard: Moi, je dirais six mois ou un an mais, trois mois, c'est trop peu.

M. Simard: M. Boulerice, la question que vous posez, c'est que... Un an, c'est trop court. On ne peut pas dire de combien il faudrait prolonger ces programmes. On peut dire qu'après un an les jeunes ne sont pas réinsérés socialement. L'objectif du programme, c'est peut-être cela, mais la pratique, c'est que les jeunes, après avoir participé à un programme, retombent à la petite paie de 180 $ par mois. Je pense qu'on devrait donner aux jeunes qui ont participé à un programme d'un an, si le programme n'est pas renouvelable, la grosse paie de 480 $ et ne devrait pas leur enlever, un acquis. Qu'on leur donne les outils, qu'on leur fasse confiance de s'insérer socialement, mais cela n'a pas de "mosus" de bon sens de les habituer à quelque chose pendant un an et, ensuite, de les faire retomber.

Ces programmes ne devraient pas être limités dans le temps. Ce ne sont pas de mauvais programmes. On a dit, à une époque, que c'était du "cheap labour". Je persiste à croire que c'est du "cheap labour", mais il semble que les jeunes qui commencent, cela leur donne une expérience. Mais il ne faut pas capitaliser sur le fait qu'ils vont travailler longtemps pour des petites paies comme celles-là.

Mme Harel: D'accord. Avez-vous... Oui.

M. Bédard: Je voudrais soulever un aspect à l'intention de M. le ministre. C'est par rapport aux personnes aptes et inaptes au travail. Il y a naturellement les handicaps physiques, mais il y a aussi les handicaps mentaux. On sait fort bien que les psychotiques sont absolument inaptes au travail. Il y a les psychotiques, mais il y aussi ceux qui souffrent de maladies du comportement, de difficultés relationnelles. Je connais une assistée sociale que j'ai amenée chez un médecin, une fois. Je savais pertinemment... Elle a rarement travaillé. C'est simple: elle a des problèmes de relations avec les gens. Je ne suis pas psychiatre, mais il ne faut pas plus de deux minutes ou de dix minutes pour voir qu'elle a des problèmes. Je l'ai amenée chez le médecin parce que je voulais qu'elle ait la parité des prestations, parce que je savais qu'elle ne pouvait avoir un emploi. Devant le médecin, elle était très mal habillée et tout. Elle avait emprunté à sa soeur un "outfit" comme cela, parce que, pour elle, aller voir le médecin, c'était une sortie. Les assistés sociaux ont leur orgueil, quand même. Elle était comme cela! Devant le médecin, elle a fait une telle démonstration que jamais on n'aurait pu penser qu'elle était malade. Je l'ai poussée au pied du mur pour qu'elle "crache" sa vraie personnalité. Pourquoi? Parce qu'elle ne pouvait pas travailler. Il est sûr que l'employeur qui engage quelqu'un veut la meilleure compétence possible. S'il faut que la personne commette une faute, c'est: Salut, bonjour et merci! La personne se retrouve toujours avec le même problème! C'est pour cela que, pour les médecins, il devient difficile d'analyser une personne et de lui donner un certificat d'inaptitude.

Le Président (M. Bélanger): Le temps est écoulé des deux côtés, si on veut bien remercier.

Mme Harel: Je ne voudrais pas que vous partiez d'ici - je l'espère, en tout cas - découragés et avec l'impression que vous avez parlé dans le vide. Je ne sais pas quel sera l'écho du côté du gouvernement, mais depuis quelques années, je veux vous le souligner, des groupes comme le vôtre et d'autres qui ont parlé haut ont quand même été chercher l'opinion publique. Je faisais état, hier, du résultat d'un sondage que j'ai vu dernièrement où une très forte majorité de nos concitoyens se disent en faveur de la pleine parité pour les moins de 30 ans. C'est quand même important. C'est quand même le résultat, je pense, des efforts que vous avez faits et, aussi, de vos interventions. Je crois que c'est très important.

Je pense qu'il y a un principe chez les groupes de femmes, qu'on a beaucoup travaillé sur le plan des modalités, en termes de ce qu'on appelle la réforme fiscale et la justice fiscale. Je souhaite que, chez les groupes qui sont composés de jeunes, il puisse y avoir aussi des études qui soient faites, même s'il faut s'y associer pour vous transmettre toute l'information. Il y a un principe qu'il faut faire accepter dans notre société, c'est la reconnaissance de l'autonomie financière des personnes adultes dès l'âge de 18 ans. Cela vaut pour les étudiants comme pour ceux qui sont inactifs. Cela vaut pour tout le monde, l'autonomie des personnes adultes à partir de l'âge de 18 ans.

Quand je dis cela, je pense que cela ne veut pas dire qu'on n'a plus la responsabilité d'assurer à une personne, par exemple de 18 ou 20 ans, des conditions d'intégration dans la société. Des conditions d'intégration, cela peut vouloir dire la parité en participant à des choses. Mais que l'État ne se désengage pas en disant que la personne aurait la parité si elle participait, mais en n'offrant pas une vraie participation. Que l'État s'engage à allouer la parité et que, seul, le défaut de participer puisse la désengager.

Je vous remercie beaucoup pour votre participation.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiens également à vous remercier pour votre participation aux travaux de cette commission. Tout comme la députée de Maisonneuve, qui vous l'a souligné, je ne pense pas que ce soit en vain. Vous êtes le 84e groupe qui se présente, mais je pense que c'est le premier groupe dont un des porte-parole - pour ne parler que des éléments nouveaux, parce qu'il y en a qui sont répétés nous parle de la nécessité d'avoir un corps en santé si on veut pouvoir fonctionner dans les autres éléments de la vie. Aucun des autres groupes qui sont venus ne nous l'avait souligné, peut-être parce qu'ils ont souligné autre chose. Vous avez repris des arguments qui ont été repris par l'ensemble des autres groupes.

C'est la plus importante commission parlementaire - sur le plan de la durée et sur le plan du contenu également - qui ait eu lieu depuis deux ans à l'Assemblée nationale du Québec. Je vous donne mon avis comme je le pense. Vous y avez apporté une contribution positive. Pour cela, je vous remercie au nom du gouvernement du Québec.

Une voix: Des fleurs, merci M. le Président!

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît, ce n'est pas permis dans cette Assemblée. M. le député de Saint-Jacques, vous vouliez...

Mme Boulerice: Marc est fidèle à lui-même, cela, je ne le lui reprocherai pas. Cela fait partie de sa personnalité. Il y a des gens de Saint-Jacques qui sont francs et verts comme ça.

Il vous a entendu; je souhaite qu'il vous écoute et pour qu'il vous écoute, en fin de compte, je pense que vous pouvez compter sur Louise et moi pour le lui rappeler périodiquement.

Une voix: Je ne suis pas inquiet, mais vous...

M. Boulerice: Oui, mais faites attention, parce que la journée où je vais commencer à embarquer à plein temps là-dedans, vous risquez de le regretter, cher collègue. Mais juste pour vous dire que pour ce qui est du Café Bous-tifable, je ne regrette rien. Je pense que le travail que vous avez fait est merveilleux. Vous pouvez toujours compter sur le député de Saint-Jacques, et je me permettrai de souligner aux gens de la commission que votre mémoire était appuyé par Alerte centre-sud, qui est une coalition qui regroupe les résidents et résidentes du centre-sud et 40 des organismes les plus importants de notre petit coin de pays. Donc, ceux qui seraient tentés de vous considérer comme des deux de pique, en bon québécois, se mettent un doigt dans l'oeil et l'autre dans la bouche, j'espère.

Mme Harel: Des hommes de coeur.

M. Boulerice: Ce sont des hommes de coeur.

Le Président (M. Bélanger): Avant de suspendre les travaux...

Une voix: ...du Québec. Alors, on a tenté de vous éclairer.

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! Je ferai remarquer au député de Saint-Jacques que la commission ne considère jamais personne

comme un deux de pique. Tous sont sur un pied d'égalité et reçoivent la même attitude d'écoute.

Étant donné l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures, c'est-à-dire jusqu'après la période des questions, parce que cela peut jouer un peu. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 18)

(Reprise à 15 h 28)

Le Président (M. Leclerc): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des affaires sociales, chargée d'étudier le document "Pour une politique de sécurité du revenu", reprend ses travaux.

Puisque le groupe qui devait nous rencontrer à 15 heures s'est désisté, je voudrais souhaiter la bienvenue aux porte-parole du CLSC de la basse-ville, à plus forte raison puisque ce sont des gens de mon comté. Avant de leur laisser la parole, j'aimerais rappeler que nous avons 20 minutes pour entendre votre mémoire. Ensuite, chacun des partis politiques aura 20 minutes pour vous poser des questions.

M. Métivier ou M. le président du CLSC, si vous voulez bien présenter vos partenaires, s'il vous plaît.

CLSC de la basse-ville

M. Laroche (Daniel): Merci, M. le Président. Mon nom est Daniel Laroche. Je suis président du conseil d'administration. Puisque le temps de présentation est assez bref, je vais vous présenter immédiatement, dans l'ordre, les gens qui m'accompagnent: Mme Louise Vallières, M. André Métivier, directeur général, et M. Claude Légaré. Mme Vallières et M. Légaré sont des professionnels du CLSC qui s'intéressent particulièrement aux questions qui sont soulevées par le projet de réforme.

M. Métivier vous fera une brève présentation, dans un premier temps, de la situation sur le territoire de la basse-ville.

Le Président (M. Leclerc): M. Métivier.

M. Métivier (André): II me fait énormément plaisir, comme directeur général du CLSC de la basse-ville, de me présenter devant vous, aujourd'hui, en compagnie des professionnels du CLSC, pour venir débattre, dans le temps qui nous est alloué, les idées maîtresses qu'on vous a soumises dans le mémoire qu'on vous a remis il y a quelque temps.

Le CLSC de la basse-ville, vous le savez sans doute, est un établissement de santé et de services sociaux et communautaires qui dessert une population que l'on considère comme particulièrement concernée par le projet de politique sur la sécurité du revenu. Je pense que vous n'êtes pas sans savoir, particulièrement vous, M. le Président, que parmi les caractéristiques sociales et économiques du territoire que nous desservons à la basse-ville - je parte particulièrement des quartiers Saint-Roch et Saint-Sauveur - une grande partie de notre population est composée d'assistés sociaux. Le chômage et la grande pauvreté constituent un fléau quotidien et chronique que l'on pourrait appliquer à plusieurs situations que l'on voit quotidiennement au CLSC et il m'a été donné de voir également, souvent, des situations que l'on pourrait qualifier de scandaleuses.

La pauvreté qui se vit dans notre territoire est directement - je pense que vous en conviendrez - associate à une kyrielle de problèmes de santé et de problèmes sociaux qui limitent considérablement la portée de notre action quotidienne au CLSC.

Dans une étude récente portant sur le profil socio-démographique et sanitaire de notre territoire, le Département de santé communautaire de l'hôpital du Saint-Sacrement concluait: "Par son haut^taux de pauvreté, la population du district de là basse-ville se démarque radicalement des autres composantes du territoire du Département de santé communautaire". L'étude rapportait qu'"une telle situation n'est pas sans avoir une incidence sur l'état de santé des plus démunis". L'étude continuait en disant que "le faible revenu des habitants les dirige pour la plupart vers des zones d'habitation modeste - dont la basse-ville regorge - où la qualité, et parfois la salubrité, des logements est souvent minimale". L'étude concluait que les contraintes économiques influençaient l'épanouissement des individus.

Après quinze ans d'efforts au CLSC de la basse-ville, nous constatons toujours que les taux d'hospitalisation et de décès - je donne cela à titre d'exemple - tant chez les jeunes enfants, voire les bébés, que chez les personnes plus âgées sont anormalement plus élevés sur notre territoire que les taux régionaux et même provinciaux. Nous en tirons un constat clair et bien connu - on ne prétend pas avoir découvert cela ces derniers temps; je pense que c'est une vérité reconnue - à savoir qu'il existe un lien direct entre la pauvreté et la santé, le mot "santé" étant pris ici dans un sens plus large que son sens habituel. Ce faisant, vous comprendrez que nous ne pourrions souscrire à une réforme qui, si bien intentionnée soit-elle, aurait comme conséquence, au contraire de nos attentes, de rabaisser le seuil de la pauvreté dramatique que nous connaissons déjà dans notre territoire.

À la basse-ville notre assisté social moyen est plus âgé; il demeure plus longtemps sur l'aide sociale et fait partie majoritairement de ménages ayant plus de problèmes que d'autres à demeurer actifs et à se sortir de l'aide sociale. Beaucoup de ces gens qui luttent, dans certains cas, pour leur survie - et le mot, pour plusieurs des cas qu'il nous est donné de voir au CLSC, n'est pas exagéré - sont des travailleurs déclassés et/ou

marginalisés du marché du travail, accablés par la pauvreté et les problèmes qui en découlent. Je pourrais longuement citer ici les problèmes mais, à l'intérieur de 20 minutes, je vous les laisse deviner; on les a fait ressortir dans notre mémoire.

Au terme de cette introduction, c'est principalement autour de deux grands thèmes que nous nous sommes penchés en produisant le mémoire que nous soutenons aujourd'hui et que nous voudrions développer à l'intérieur de notre présentation d'une vingtaine de minutes. Le mémoire, d'ailleurs, suit un peu l'ordre de présentation verbale qu'on veut tenir, à savoir les deux thèmes qu'on trouve importants de débattre. On ne se prétend en aucune façon des spécialistes de l'économie ou des politicologues. C'est davantage au nom de notre mission sociale et de santé, mais dans le contexte très particulier de la basse-ville.

Le premier thème. Même si - parce qu'on a bien sûr étudié à fond le document - on abonde dans le sens de remettre au travail les assistés sociaux aptes et disponibles, même si on trouve que c'est une excellente idée, au-delà même de la question du revenu rattaché à cela, au plan de leur dignité, on se pose énormément de questions sur le fait suivant: Est-ce que cette volonté est vraiment réalisable, compte tenu des caractéristiques de l'économie régionale, en tout cas tout au moins des caractéristiques qui prévalent dans la basse-ville de Québec, et compte tenu également de notre clientèle, qui n'en est pas à ses premières armes dans l'aide sociale, au sens où je l'expliquais tantôt, que souvent, cela devient quasiment une situation chronique. Voilà le premier point.

Le deuxième point. On se demande dans quelle mesure la réforme va vraiment permettre de corriger - on sait que, lorsqu'on parle de pauvreté, corriger est un grand mot - pour le moins, d'améliorer le niveau de pauvreté qui sévit sur notre territoire.

Alors, on en fait deux points de fond pour lesquels on a prévu plusieurs illustrations. Sans plus tarder, je passerai la parole à M. Légaré, à ma droite, qui va nous parier de la question du travail et du questionnement qu'on a à ce sujet.

Le Président (M. Leclerc): M. Légaré.

M. Légaré (Claude): Merci. Voici ce qui en est à propos du travail. Nous sommes d'accord avec le fait que le travail est un droit fondamental pour tout citoyen. C'est un droit fondamental mais, en même temps, le développement de l'emploi, pour nous, est davantage une responsabilité collective qu'une responsabilité individuelle. Si on regarde le territoire de la basse-ville, en se basant sur les données des centres Travail-Québec, c'est-à-dire des bureaux de l'aide sociale de Charest et de Saint-Vallier, en décembre, il y avait, d'après les chiffres que l'on a, autour de 4000 personnes bénéficiaires de l'aide sociale qui étaient considérées comme aptes, d'une part.

D'autre part, si on regarde la structure économique régionale et celle de Québec, on constate que la région de Québec est fortement centralisée, concentrée dans le secteur tertiaire, c'est-à-dire le secteur des services, et les plans de développement qui sont mis de l'avant, soit par le gouvernement municipal ou encore par le gouvernement provincial tournent davantage autour du développement de la haute technologie, des services et du tourisme.

En regardant ce développement, d'une part, et, d'autre part, en regardant le nombre de bénéficiaires considérés comme aptes sur notre territoire, on se demande comment le gouvernement entend faire pour intégrer ces personnes aptes au travail dans la basse-ville dans la structure économique régionale, compte tenu du faible taux de mobilité de la population de la basse-ville. Des études ont démontré que les résidents de la basse-ville étaient très peu mobiles, en termes d'emplois, et avaient une certaine absence de formation. Alors, on s'interroge à ces deux niveaux II y a eu évidemment quelques tentatives de faites pour essayer d'intégrer cette population considérée comme apte et disponible à du travail. On vous cite dans le mémoire deux exemples: un dans l'hôtellerie et un autre concernant un projet d'emplois communautaires qui a été développé par les années passées. On a pu réaliser qu'il était passablement difficile d'obtenir les moyens nécessaires pour être en mesure de permettre à ces gens-là d'avoir un emploi.

L'autre élément concernant le travail sur lequel on s'est interrogés concerne les mesures de développement de l'employabilité. Certaines de ces mesures, nous les considérons comme intéressantes. On pense entre autres au programme SEMO (Service extérieur de main-d'oeuvre) et au programme de rattrapage scolaire. Par contre, nous nous interrogeons sur d'autres mesures et, ici, on réfléchit davantage autour du programme de travaux communautaires et du programme de stages en milieu de travail - cela vous a déjà été dit, j'imagine - où il risque d'y avoir une création de deux classes de travailleurs: des travailleurs qui sont des salariés réguliers, rémunérés selon les normes minimales du travail, d'une part, et, d'autre part, ces gens-là qui sont intégrés à ces mesures-là et qui, très souvent, sont considérés comme des seconds travailleurs.

Il y a aussi la notion d'employabilité et les motivations à travailler. Le seul incitatif qu'on a trouvé dans le projet, incitatif que l'on voit sur la motivation à travailler, réside autour de l'argent, c'est-à-dire que si les gens veulent s'intégrer à des mesures de développement d'employabilité, ils auront plus d'argent et, s'ils refusent, ils en auront moins. On s'interroge d'une part, et, d'autre part, on se demande si tous les bénéficiaires sont intégrés à ces mesures. Dans la basse-ville, il y en a au-dessus de

4000, on a peur que les services risquent d'être engorgés fortement et très rapidement.

Le dernier élément, pour ce qui est du travail, concerne l'aptitude et les décideurs d'aptitude. Ce qu'on voit dans le projet de réforme, c'est qu'il semble que cela va continuer comme c'était avant, c'est-à-dire que c'est le médecin qui, finalement, va donner le diagnostic travail ou le diagnostic de non-travail. À notre avis, il y a d'autres éléments. L'expertise médicale est sûrement importante, mais il y a d'autres choses aussi qui peuvent s'intégrer à l'évaluation de l'aptitude au travail. On ne retrouve pas d'élément, dans le projet de réforme, qui nous permette de penser que cela pourrait être intégré. Alors, pour le travail, cela irait.

M. Métivier: Alors, on va poursuivre sur notre deuxième thème. On pourra peut-être approfondir, par les questions, tout à l'heure. Maintenant, sur la question de la pauvreté, Mme Louise Vallières.

Mme Vallières (Louise): Comme le mentionnait tout à l'heure M. Métivier, dans le fond, le postulat avec lequel on est parti, c'est de constater que, dans notre clientèle et notre population, beaucoup de personnes vivent sous le seuil de pauvreté et dans des conditions inacceptables. À partir de ce postulat, on a voulu vérifier comment le projet de politique pouvait tendre à diminuer cette pauvreté-là.

Dans un premier temps, ce qu'on constate, c'est que la logique du projet que le ministre présente ne vise pas vraiment à une diminution de la pauvreté parce que, dans le fond, on oppose deux groupes sociaux qui sont les familles à faibles revenus et les assistés sociaux. En voulant protéger le salaire minimum, on pénalise 250 000 ménages en voulant protéger 44 000 familles à faibles revenus. Donc, on maintiendra dans un état de pauvreté les 250 000 familles dont on fait mention. Pour nous, dans un contexte de lutte à la pauvreté, cette logique nous apparaît très discutable et nous aurions souhaité qu'on fasse référence à une redistribution plus large des richesses collectives.

Dans un deuxième temps, quand on regarde les barèmes de l'aide sociale qui sont proposés, on trouve aussi très discutable de baisser des barèmes qui, déjà, étaient inacceptables pour nous autres et qui maintiennent des gens dans des situations et des conditions de vie souvent très stressantes et très pénibles. Nous, on peut voir ces familles-là circuler au CLSC à la journée longue, avec tous les problèmes que cela comporte de vivre dans cette situation de pauvreté-là. Ce qu'on constate, c'est que la nouvelle structure de barèmes fait subir des pertes monétaires à plusieurs groupes de bénéficiaires de l'aide sociale. Quand on les compare avec les barèmes actuels, on peut constater des pertes de 7 % à 23 %. Dans le fond, on est d'accord avec le principe d'augmenter les prestations pour les assistés sociaux qui s'inscrivent à des programmes d'employabilité, mais on est en désaccord avec celui d'abaisser les barèmes actuels, les seuils actuels, peu importent les caractéristiques de l'assisté, pour inciter ceux-ci à participer à des programmes d'employabilité. Il nous semble qu'on doit calculer les coûts sociaux que peuvent engendrer les baisses de seuil qui apparaissent dans le projet.

Un autre point qu'on voudrait relever, c'est toute la notion des besoins spéciaux. Dans le projet, on dit qu'il est temps d'analyser la pertinence des besoins spéciaux. Pour nous, il nous apparaît loin de notre pratique et de la réalité des gens qu'on côtoie de penser que les besoins spéciaux ne couvrent pas des besoins essentiels. Avec le projet de sécurité du revenu, on voit que 75 % de la clientèle va voir les allocations coupées pour les besoins spéciaux. Ce qu'on a le goût de vous demander, c'est: Qui va payer, par exemple, un déménagement urgent à la suite d'une crise familiale importante? Qui va payer les frais funéraires des assistés sociaux? Qui va payer les lunettes dont les enfants peuvent avoir besoin? En cas de feu, qui aidera les assistés sociaux à se rééquiper? (15 h 45)

Pour concrétiser davantage nos propos, dans notre mémoire on a essayé de relever deux genres de clientèle qui, à notre avis, seront pénalisés fortement par le projet de politique. D'une part, il y a les familles monoparentales. Je ne veux pas insister parce que je sais qu'il y a plusieurs groupes qui ont déjà beaucoup parlé des familles monoparentales, mais ce dont on se rend compte, c'est que dans un seul des cas les femmes qui participeront à des mesures d'employabilité pourront voir leurs prestations augmenter de 82 $ par mois pour avoir travaillé 20 heures par semaine avec des enfants à trimbaler à travers tout cela. Dans les autres cas, if va y avoir des pertes, quand on compare les barèmes actuels avec les barèmes proposés. En plus, on sait que ces personnes vont voir leurs besoins spéciaux coupés. H y a toute la question des frais de garde qui reste, je dirais, ombrageuse dans le projet parce qu'on ne sait pas s'ils vont être payés par les frais de participation. On ne sait pas non plus si cela va faire partie des besoins spéciaux. En tout cas, il y a quelque chose qui n'est pas clair à ce sujet.

En ce qui concerne les femmes enceintes, c'est peut-être une des clientèles dont on veut parler parce que je pense qu'on n'en a pas parlé encore beaucoup dans le débat. Ce dont se rend compte, c'est que les femmes enceintes, en ce qui regarde la clientèle qu'on reçoit, sont souvent, en milieu défavorisé des clientèles à risques. Dans plusieurs recherches, on constate comment une insuffisance alimentaire pendant la grossesse, lorsqu'on pense aux conditions de vie difficiles qu'elles peuvent vivre, a des incidences sur la naissance des enfants qui viennent par la

suite. Il y a des incidences au niveau médical et aussi social. On a essayé de regarder, avec la réforme, ce que cela pourrait donner pour ces femmes. Ce dont on se rend compte, c'est, d'une part, qu'il y a coupure des besoins spéciaux, donc, de l'allocation de 20 $ par mois pour la diète pendant la grossesse et de l'allocation possible pour l'allaitement, qui font partie des besoins spéciaux.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce n'est pas coupé, c'est écrit. Je m'excuse de vous interrompre.

Mme Vallières: Vous préciserez mais cela n'est pas clair dans le projet.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.

Mme Vallières: Dans le fond, ce qu'on pense, c'est que le soutien à ces familles-là est faible. Peu importe, même si l'allocation de 20 $ était maintenue, il n'y a aucun montant de prévu pour préparer la venue de ces enfants-là.

Un autre genre de clientèle encore plus spécifique, c'est celle des mineures enceintes. Même actuellement, avec le projet de loi, les mineures enceintes n'ont pas droit au montant sauf au moment de la venue de l'enfant. Pour nous, comme intervenants, ce que cela pose comme problème énorme, c'est que souvent ces jeunes mères-là - il y en a une bonne proportion là-dedans - qui doivent partir de chez elles pour toutes sortes de raisons, n'ont aucun recours monétaire avant la venue de leur enfant. Donc, cela rend la préparation de la venue de l'enfant très difficile. Et on voit souvent beaucoup de cas très pénibles où les jeunes mères se trimbalent d'une famille à l'autre, quêtent un peu partout pour pouvoir préparer la venue de leur enfant. Ce sur quoi on se questionne, c'est en ce qui concerne la politique familiale versus la politique du projet de sécurité sociale.

Un dernier point qu'on veut toucher, c'est la notion de conjoint. Il nous semble que, dans la politique proposée, il y a une large place encore à l'arbitraire et à la discrimination, quand on parle de conjoint. On sait aussi que cela pénalise principalement les femmes et, à notre avis, la politique du projet devrait viser plus à l'autonomie financière des femmes.

De plus, ce qu'on trouve, c'est qu'en nous indiquant que le profil de la clientèle a changé beaucoup à l'aide sociale, c'est-à-dire que le nombre de personnes seules a doublé de 1976 à 1987 et que maintenant on a 63 % des ménages qui sont devenus des personnes seules, on ne peut que souhaiter que la notion de famille soit révisée comme unité de base du système que va devenir le projet de politique de sécurité du revenu.

Alors, moi, j'arrêterais là-dessus.

Le Président (M. Leclerc): Je m'excuse, notre temps est écoulé. S'il vous reste un intervenant, je peux demander le consentement pour qu'on puisse continuer.

M. Métivier: On apprécierait pouvoir poursuivre, pour conclure, sur nos recommandations, peut-être de cinq à sept minutes.

Le Président (M. Leclerc): Alors, il y a consentement.

M. Laroche: Pour les recommandations, je vais présenter brièvement les postulats sur lesquels l'établissement s'appuie pour présenter ses recommandations.

Alors, pour nous, toute société se doit d'assurer à ses citoyens un revenu minimum décent pour permettre à chacun de subvenir à ses besoins fondamentaux. Cela implique, il va de soi, le droit à un emploi convenable pour assurer ce revenu garanti décent. Cela implique également les programmes sociaux et de sécurité du revenu qui assurent la continuité du revenu en cas d'interruption temporaire ou permanente de celui-ci, complètent le revenu en provenance du travail si celui-ci est insuffisant et assurent l'accessibilité universelle à certains services, tels la santé, les services sociaux et l'éducation.

Alors, appuyés sur cette base de postulats qui nous ont servi à présenter nos recommandations, je demanderais à M. Métivier, peut-être, de faire un bref résumé des recommandations qui sont faites.

M. Métivier: Alors le temps nous manque pour approfondir trop mais, dans notre mémoire, on vous avait soumis plusieurs recommandations qu'on a cru bon de diviser en quatre sections, à l'analyse qu'on a faite du mémoire. Alors, je ne lirai pas, pour gagner du temps, les "considérant" ou les "attendu" qui nous amenaient à faire ces recommandations-là, je pense que les membres ont dû prendre connaissance de notre mémoire.

Il y a une première gamme de recommandations qui touchent la question de l'emploi, parce que, dans le fond, on est bien conscient que l'emploi pourrait solutionner bien des maux.

Ce qu'on aimerait recommander, c'est que le projet de sécurité du revenu soit associé à un quelconque projet de réforme de l'emploi pour permettre vraiment que les volontés de la réforme puissent se réaliser et se traduire par des emplois. Ensuite, on pense que le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu devrait s'assurer, en collaboration avec les ministères plus à vocation économique, de l'établissement de stratégies de développement de l'emploi qui tiennent compte d'une meilleure planification économique régionale. Eu égard au territoire qu'on dessert, on se pose des questions sur l'employabilité directement dans ce secteur.

On trouve également qu'on devrait favoriser l'expérimentation et le développement d'un esprit

d'initiative communautaire où les assistés sociaux pourraient être intégrés à des projets de retour au travail. On a déjà, au CLSC, parrainé ou été près de différents projets qui, malheureusement, tergiversent plus qu'ils n'aboutissent, pour toutes sortes de raisons. On voudrait que les emplois offerts aux assistés sociaux leur permettent un revenu décent dans des conditions de travail qui respectent les normes minimales du travail.

On a également considéré des recommandations concernant les mesures de développement de l'employabiiité. Ce qu'on pourrait recommander, c'est que le projet de sécurité du revenu prévoie des programmes de réintégration au marché du travail en quantité suffisante et respectant les besoins des individus; que ces programmes respectent les normes minimales du travail et qu'ils permettent un véritable accès, finalement, à des emplois. Ces programmes doivent contenir des incitations positives aidant à la motivation et contribuant à l'amélioration des conditions de vie.

On a également des recommandations concernant la lutte à la pauvreté. Là-dessus, ce qu'on peut dire, c'est qu'on aimerait beaucoup que le projet de sécurité du revenu s'inscrive dans une stratégie globale pour diminuer le niveau de pauvreté du Québec. Mais on parle ici, particulièrement, de notre territoire qu'on a défini tantôt comme étant très pauvre. On aimerait que le droit à un revenu de base décent soit défini en fonction des seuils de pauvreté. On pense que, même si on est conscient que cela peut créer d'autres types de problèmes en relation avec les salariés à faibles revenus, moralement, il n'y a pas d'autres normes que celles-là. Finalement, on pense que les barèmes devraient être haussés pour respecter au minimum les besoins qu'on vient de décrire pour nos individus.

On voit, également quelques recommandations qui concernent peut-être plus les droits fondamentaux et la population qu'on dessert. On pense que tout individu majeur a le droit d'être autonome, et est capable de penser et de s'assumer à un moment donné. On pense que tout individu a à être respecté dans sa vie privée et dans sa dignité. On considère également le droit que tout individu a d'être aidé face à ses besoins parce que même si, souvent, on sait que dans le langage populaire les assistés sociaux sont souvent taxés de toutes sortes de choses - on est conscient qu'il y en a peut-être quelques-uns, à travers, qui abusent du système - notre pratique nous fait dire que c'est une petite minorité et que, dans l'ensemble, on a affaire à une classe de la population qui fait pitié et qui a besoin d'aide. On recommande, expressém#rt, au chapitre des droits, que les prestations soient basées davantage sur les besoins des individus, qu'il s'agisse d'hommes, de jeunes ou de femmes, en tenant compte de leurs besoins spéciaux plutôt que de toujours rattacher cela à la notion difficile d'application qui est la famille.

Alors, peut-être que M. le président voudrait conclure.

Le Président (M. Leclerc): M. Laroche.

M. Laroche: Très brièvement, je vous remercie. Ces réflexions qu'on vient de vous présenter, ces recommandations nous amènent à souhaiter comme établissement et comme premier dispensateur des services socio-sanitaires sur le territoire de la basse-ville que le projet de politique de sécurité du revenu tienne davantage compte des données sur la pauvreté et des modifications sociales et économiques qui sont survenues au cours des dernières années, particulièrement sur notre territoire. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Leclerc): Je remercie les représentants du CLSC de la basse-ville et je cède la parole à M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Je vous remercie pour votre mémoire et pour votre présentation verbale. Comme, moi aussi, je suis un peu encarcané dans le temps, on va tenter de procéder le plus rapidement possible. Vous avez mentionné qu'une partie importante de votre clientèle est composée de bénéficiaires de l'aide sociale. Est-ce que vous pouvez ventiler, même si ce n'est pas au chiffre près, votre clientèle au CLSC en fonction de bénéficiaires de l'aide sociale, de prestataires d'assurance-chômage, de bas salariés et des autres, par la suite? Est-ce que vous avez ce tableau-là vite fait?

Le Président (M. Leclerc): Mme Vallières.

Mme Vallières: Moi, je dirais que la majorité de la clientèle qu'on dessert au CLSC est une clientèle qui vit de l'aide sociale. Il y a des intervenants ici en arrière, mais je pense qu'on ne se trompe pas en disant cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quand vous dites 80 %, 85 % à peu près, aussi près que cela?

Mme Vallières: Moi, je dirais..

Une voix: 80 %.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): 80 %?

Mme Vallières: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez touché à plusieurs sujets dont, à la toute fin de vos recommandations - je pense que c'est M. Métivier - la question de l'emploi sur le plan économique et d'une politique que d'autres ont appelée de plein emploi. Vous êtes allés plus loin que d'autres groupes en soutenant qu'il devait y avoir interaction entre les ministères, etc. On vous soumet bien humblement qu'au

cours des deux dernières années et au cours de la dernière année, cette direction vers le plein emploi a été prise par le gouvernement du Québec et que, déjà, sans que les résultats soient satisfaisants pour tout le monde dans la société, il y a des progrès qui sont remarquables. Je pense que c'est dans La Presse de ce matin encore qu'Alain Dubuc mentionnait qu'en termes de création nette d'emplois, d'emplois pour une fois qui étaient permanents, qui étaient à temps plein finalement, c'était la deuxième meilleure année dans toute l'histoire du Québec, l'an passé.

Donc, je vous indique que la question de la stabilité politique, du climat économique, fiscalité et autres, commence à porter des fruits qui se matérialisent au Québec par la création nette d'emploi à des niveaux records. On souhaite que cela se maintienne et que cette direction vers le plein emploi se maintienne, mais nous n'ignorons pas qu'il y a des clientèles qui vivent en marge de ce progrès économique. C'est surtout frappant lorsqu'on se compare à d'autres sociétés. Si on prend, par exemple, la province de l'Ontario, où le taux de chômage est de 5 % pour quasiment parler du plein emploi, parce qu'il s'agit dans ce temps-là de chômage frictionnel, le nombre d'assistés sociaux augmente parce que les jeunes n'ont pas les niveaux d'employabilité pour répondre aux emplois qui sont offerts. Ces gens-là sont marginalisés.

Au Québec, si on parle de notre clientèle de mars 1987, 400 000 chefs de ménage, sur les 300 000 qu'on dit aptes au travail, on remarque quand même des carences sur le plan de l'em-ployabilité qui sont importantes. 36 % des 300 000 chefs de ménage dits aptes au travail sont des gens qui sont considérés comme étant des analphabètes fonctionnels. Ce n'est pas facile de se trouver un emploi lorsque vous êtes un analphabète fonctionnel. 60 % de la clientèle n'a pas terminé ses études secondaires. 40 % n'a pas d'expérience de travail antérieur reconnue. Donc, il faut composer politique de plein emploi avec politique d'employabilité, si on ne veut pas que ces gens-là vivent en marge d'une croissance économique. Je pense que, sur le plan philosophique, on n'est pas tellement loin de ce que vous préconisez. Oui.

M. Métivier: Si vous me permettez une réaction sur cela, on est conscient que ce n'est pas facile de viser au plein emploi, mais ce qu'on veut faire ressortir surtout dans l'analyse qu'on fait, c'est qu'à la basse-ville on est particulièrement pris avec la clientèle que vous décrivez de gens qui sont inaptes, peut-être pas au sens du projet, mais inaptes à différents égards. S'ils ne peuvent pas s'en sortir par la voie de l'emploi, il leur reste l'aide sociale. Si l'aide sociale ne répond ou ne leur permet plus de vivre dans des conditions un tant soit peu satisfaisantes, là, on a un gros problème dans notre territoire. (16 heures)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez, peut-être, à un niveau que je ne qualifierais pas de moindre ou supérieur, un problème qui est un peu identique, si je peux faire la comparaison, à celui de l'est de Montréal. C'est devenu symbolique dans les dernières élections fédérales, provinciales, municipales dans l'est de Montréal. Les niveaux de gouvernement se sont engagés à y attirer de la création d'emplois. Au cours de deux dernières années, les gouvernements ont réussi. Il s'est créé plus d'emplois dans l'est de Montréal que dans les autres secteurs de la grande région métropolitaine, sauf qu'on n'a peut-être pas visé le milieu de la cible. On a encore autant de chômeurs et d'assistés sociaux. Les nouveaux emplois créés ont été occupés par des gens de la rive nord, de la rive sud ou d'ailleurs, à Montréal. On n'a pas misé sur l'employabilité des gens qui habitaient ce secteur-là, et c'est ce qu'on est en train de corriger. On a annoncé, il y a un mois à peu près, que, dans le but d'arriver à ce que les nouveaux emplois aillent aux gens qui habitent là-bas, on investissait massivement dans l'employabilité de ces gens-là. C'est un projet pilote, je pense, dont on sera en mesure d'évaluer les résultats, et qui pourra possiblement s'appliquer à des régions à forte concentration de personnes qui vivent en marge du développement économique, comme on en retrouve ailleurs au Québec.

Vous avez abordé, dans votre mémoire, un problème que personne d'autre n'a soulevé à ce jour et vous êtes peut-être le 85e groupe à se présenter. Il s'agit de la question - je pense que c'est Mme Vallières qui y a fait référence - des mineures enceintes. Vous êtes le premier groupe qui... On a entendu des remarques sur la question de la présence des enfants dans le cas des familles monoparentales, des grossesses, etc, mais mineures enceintes, c'est la première fois que cette problématique est soulevée devant cette commission. Vous semblez avoir une expertise ou une expérience sur le sujet. Quelles mesures préconiseriez-vous pour que le gouvernement n'abandonne pas ces jeunes femmes mineures et pour lesquelles on n'intervient pas avant l'arrivée de l'enfant, finalement.

Mme Vallières: Dans le fond, on souhaite que ces jeunes mères soient reconnues comme admissibles.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): À partir de quand? À partir du certificat d'attestation de grossesse?

Mme Vallières: Oui, je dirais, au même titre, par exemple, que les dix-huit ans et plus, quand elles ont un certificat de grossesse, quoiqu'on ne leur accorde, je pense, que les allocations. Nous autres, on souhaite davantage parce qu'une mineure enceinte qui ne peut pas habiter chez elle ni être placée, pour toutes sortes de raisons, dans le fond, se ramasse dans la rue. Elles sont mineures, elles ne peuvent

même pas louer un logement parce qu'on ne leur permet pas de signer un bail légalement, ce qui veut dire qu'elles n'ont aucun revenu. Elles se promènent d'un "chum" à un autre, et il devient très difficile d'intervenir. On souhaite qu'on leur reconnaisse un statut, pour leur permettre... Un statut, je dirais, non pas de personne majeure, mais, en tout cas, quand tu vas avoir un enfant, tu as aussi des responsabilités auxquelles tu dois faire face. Qu'on leur reconnaisse la possibilité d'avoir un montant, au sixième mois ou au septième mois de grossesse pour préparer l'essentiel, avoir un toit, la possibilité d'avoir un logement, de préparer la venue de l'enfant, quand on pense à des meubles, à un minimum d'équipement, etc., et à pouvoir mieux s'alimenter.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On est assez pressés par le temps, on n'aura pas le temps ensemble de vider la question ici aujourd'hui. Si vous pouviez - et je vous le demande à titre de service à la commission et au ministère - nous communiquer vos suggestions pratiques quant à cette problématique, étant donné que vous êtes le seul groupe à l'avoir soulevée et que nous ne disposons pas, présentement, de cette expertise-là, ce serait apprécié.

Dans un autre ordre d'idées, il y a la question des mesures d'employabilité telles qu'elles existent présentement, qui s'appliquent surtout aux 18-30 ans: rattrapage scolaire, stages en milieu de travail, travaux communautaires et retour aux études postsecondaires pour les familles monoparentales. Est-ce que vous avez, dans votre secteur, des difficultés d'application desdites mesures? Je ne vous le demande pas parce que vous avez parlé du fond des mesures dans votre mémoire, mais est-ce que les mesures sont disponibles, sont-elles en nombre suffisant pour répondre aux besoins de la clientèle qui fait appel à ces services, et est-ce que vous obtenez un bon service des centres Travail-Québec de votre secteur?

M. Légaré: Ce que l'on sait par rapport à cela, c'est que les mesures sont... Les gens s'inscrivent dans le cadre des mesures, dans une proportion de 20 % à 30 %. Ce que l'on sait, d'autre part, c'est que plusieurs jeunes bénéficiaires de l'aide sociale résidant sur le territoire de la basse-ville sont plus ou moins enclins à s'intégrer, dans le cadre de ces mesures, pour les raisons que l'on énonce dans notre mémoire, à savoir la non-reconnaissance du statut de travailleur et l'augmentation peu alléchante des allocations versées aux participants.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais pour le jeune, de façon pratico pratique aujourd'hui, la parité n'existe pas. Le chèque qui est expédié au jeune de 18 à 30 ans, dit apte au travail, est insuffisant pour couvrir ce qu'on appelle les besoins de base, même si on ne considérait que logement et nourriture. Donc, il y a un incitatif financier - si je peux utiliser l'expression - qui en est quasiment un de survie. Le ministère m'informe, comme ministre, que pour le jeune qui est référé, par un CLSC ou autrement, à un centre Travail-Québec pour s'inscrire à une mesure, les fonds et les ressources humaines sont disponibles. Ma question consiste à savoir, étant donné, entre autres, la concentration importante chez vous de bénéficiaires de l'aide sociale, si, lorsque vous référez un jeune au centre Travail-Québec, le centre est en mesure de répondre - je ne remet pas en question la qualité, seulement l'aspect qu'il ne crève pas de faim sans la parité - sur le plan budgétaire et sur le plan des ressources humaines en offrant un programme à ce jeune, ou si les jeunes subissent des refus.

Mme Vallières: Selon l'expérience que j'ai à ce niveau, ce qui pose des problèmes, c'est que les jeunes ne se retrouvent pas toujours à l'endroit où ils souhaiteraient aller. C'est, quant au choix ou à la possibilité. Concrètement, je connais un jeune qui voulait participer au programme de stages en milieu de travail. C'était un organisme à but non lucratif. On l'a transféré au programme de travaux communautaires. Ce sont de telles procédures. L'expérience que j'ai, c'est qu'ils ne peuvent pas toujours aller là où ils voudraient aller.

L'autre donnée que j'aimerais apporter, c'est la marginalité de notre clientèle. Même si ce sont des jeunes qui ont 180 $, on a affaire à une clientèle qui, souvent, est très décrochée. Leur motivation pour retourner travailler est très faible, de sorte qu'à la limite ils se fichent des programmes. On a tout un travail de remotivation à faire avant que ces jeunes y aient accès.

Ce qu'on dit dans le mémoire c'est que, souvent, ce n'est pas si alléchant que cela du point de vue financier. Cela pose des problèmes de motivation.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a plusieurs...

Mme Vallières: Donc, il y a une question d'argent, mais il y a aussi une question de marginalité. Quand un jeune est décroché depuis plusieurs années, que souvent il prend de la "dope", etc., de le remettre sur le marché de l'employabilité, c'est difficile. C'est une des difficultés qu'on rencontre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a plusieurs groupes communautaires qui nous ont parlé de mesures de préemployabilité, à cause des facteurs que vous décrivez. Ces groupes communautaires nous ont également indiqué la méfiance de l'assisté social envers le système dit institutionnalisé et la quasi nécessité, si on veut réussir dans ce domaine, de passer par des plateaux de travail ou par des groupes corn-

munautaires. Je voudrais seulement avoir votre point de vue sur cette approche. Vous êtes aussi institutionnalisés, les CLSC.

M. Légaré: Jusqu'à preuve du contraire, on fait partie du réseau des affaires sociales. Ce que je voulais ajouter, tout à l'heure, c'était en ce qui concerne les jeunes à qui on va offrir le programme de stages en milieu de travail ou encore le programme de travaux communautaires. D'une part, l'incitatif argent n'est pas suffisant pour lui. D'autre part, on se fait répondre que le jeune qui commence n'a pas la motivation suffisante. La motivation argent, dont on vous parle dans fe mémoire, n'est pas suffisante pour que ce jeune réintégre ou se réhabilite au travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai une difficulté sur le plan monétaire. Sur les autres plans, je comprends. La motivation par l'argent n'est pas une question unidimensionnelle. Elle n'est qu'une des dimensions par lesquelles on peut le motiver. Lorsqu'on passe de 180 $ à 480 $ et quelques, il y a une motivation qui part de la non-couverture des besoins de base, dits essentiels, à la couverture des besoins de base essentiels. Donc argent et besoins de base essentiels sont là. Si vous me dites que ce n'est pas suffisant, je m'interroge sur la motivation que nous avons insérée dans la réforme. Si j'en ajoute davantage, je dépasse le salaire minimum et, là, je provoque la même réaction que celle qu'a connue le gouvernement entre 1981 et 1985: une augmentation mensuelle des clientèles de l'aide sociale jusqu'à un sommet de 715 000 personnes qui en dépendaient.

Le Président (M. Leclerc): M. Légaré.

M. Légaré: Cela leur donne plus d'argent. Ils passent de 180 $ et il y a la parité avec les plus de 30 ans, premièrement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans certains cas.

M. Légaré: Dans certains cas, cela peut aller jusque là.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est cela.

M. Légaré: Lorsque le jeune participe à un stage en milieu de travail, il se retrouve avec d'autres personnes qui font exactement le même genre de travail que lui, et qui sont payés au salaire minimum et plus. Dans le mémoire, lorsqu'on vous parle de déterminer deux classes de travailleurs, vous en avez une illustration, d'une part, et... J'ai perdu le fil par rapport à l'autre point.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Seulement avoir cette idée, pour moi, cela valait la peine, cette notion que, sur le lieu de travail, se retrouvent deux classes de travailleurs qui font la même chose.

M. Légaré: Maintenant, j'ai retrouvé...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.

M. Légaré: L'autre point concerne l'opposition que vous faites dans le projet de réforme. Vous basez les barèmes de l'aide sociale sur la catégorie de la population qui gagne le moins, les fameux 10 %. Nous avons des difficultés avec cela. Ces 10 %, ce sont les plus bas. Après eux, ce sont les plus pauvres que les pauvres. Par rapport à cela, on se dit qu'il y aurait peut-être moyen d'avoir une redistribution d'une certaine richesse collective en se basant, non pas sur cette clientèle, mais sur d'autres clientèles

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est le salaire minimum.

M. Légaré: Entre autres. M. le ministre, j'aurais une dernière remarque à faire. Vous parliez de l'augmentation du nombre d'emplois, tout à l'heure. Dans la région de Québec, il y a eu une augmentation - je tiens cela du Bulletin régional sur le marché du travail - du nombre d'emplois dans la région de 11 600 au cours de la dernière année. C'est dans le Bulletin - vous devez l'avoir - sur le marché du travail du 4 février 1988.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On a le même.

M. Légaré: II y a eu une augmentation, mais dans le Québec-Métro, il y a eu une diminution de 4700 emplois - le Québec-Métro, c'est-à-dire les villes de Québec, Sillery, Sainte-Foy, Charlesbourg et Limoilou - si on diminue cela, dune part... D'autre part, dans le Québec-Centre, il y a eu une prolongation de la durée de présence sur l'assurance-chômage. Auparavant, elle était de 23 semaines et, maintenant, elle est de 27 semaines. Cela fait un bassin de population assez important pour lequel il faut trouver de l'emploi.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais, en même temps, il y a eu diminution de la population active, ce qui a entraîné une diminution nette du taux de chômage.

M. Légaré: Oui, mais la proportion a diminué, par exemple.

Le Président (M. Leclerc): Je m'excuse, M. le ministre, votre temps est écoulé. Je vais reconnaître Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Je vous remercie, M. le Président. Au nom de ma collègue la députée de

Maisonneuve, Louise Harel, qui pilote le dossier depuis le début... Je la remplace aujourd'hui parce que, malheureusement, elle ne pouvait pas être présente, non pas parce qu'elle ne trouvait pas intéressante la présentation de votre mémoire. Au contraire, je pense qu'elle n'a que de bonnes appréciations à vous transmettre.

Moi aussi, à sa lecture, je peux vous faire cette appréciation parce que nous y voyons vraiment le reflet des gens qui travaillent dans le milieu avec des gens qui sont, comme vous l'avez dit tantôt, très décrochés, et qui vivent dans la marginalité depuis bien longtemps. Cette façon d'être, pour eux, est très difficile à vivre. D'une part, la qualité de vie n'est pas une chose à laquelle ils sont habitués. D'autre part, ils sont beaucoup plus habitués à vivre au seuil de la pauvreté et à côtoyer régulièrement la pauvreté, ce qui entraîne des conséquences dramatiques à d'autres niveaux.

Tantôt, M. le ministre disait: Vous savez, ces gens, au fond, si on augmente trop leurs prestations, ils vont tous vouloir rester sur le bien-être social, ils ne voudront pas s'en sortir. D'ailleurs cela s'est déjà produit certaines années. Il oublie que les années où cela est arrivé - il l'a mentionné lui-même - les années 1981-1982, il y avait une crise économique et les prestations d'assurance-chômage avaient été augmentées considérablement. Je pense que la notion qu'on a des gens qui reçoivent de l'aide sociale, il faudrait peut-être la réviser. Les jeunes qui terminent leurs études et qui sont à la recherche d'un emploi, sont-ils de véritables assistés sociaux parce qu'ils n'ont pas d'emploi, qu'ils n'ont pas d'autre façon de s'en sortir ou ne faudrait-il pas les considérer comme des chômeurs à la recherche d'un emploi? Parce que ce sont des jeunes qui ont étudié et qui se cherchent un emploi. (16 h 15)

Donc, il y aurait peut-être des notions. En tout cas, il faudrait revérifier en ce qui concerne les bénéficiaires de l'aide sociale. On perdrait peut-être certains préjugés qu'on tend à avoir vis-à-vis de ces personnes-là.

D'autre part, j'aimerais que vous fassiez ressortir davantage cet aspect que vous avez démontré: la nature de votre clientèle, c'est-à-dire cette chronicité, et combien il est difficile pour vous d'arriver à voir des changements d'attitude par rapport au projet de réforme ou d'employabilité. J'aimerais beaucoup que vous nous démontriez quelles seraient les attentes de ces personnes et ce qui favoriserait justement des changements de comportement. Quels seraient les outils nécessaires, pour des groupes comme le vôtre, pour arriver à atteindre leurs objectifs, si ce n'est pas que de l'argent, finalement.

Le Président (M. Leclerc): Mme Vallières.

Mme Vallières: Ce que je pourrais dire là-dessus, c'est qu'effectivement - et c'est peut- être pour cela qu'on a travaillé l'aspect de la lutte à la pauvreté - on sait qu'il y a une portion de notre clientèle qu'il sera très difficile de remettre sur le marché du travail et qu'une forme de chronicité importante s'est installée. Sans se le cacher non plus, quand on disait qu'il y a 6000 personnes aptes ou disponibles au travail, il faudrait voir si on aura 6000 emplois disponibles à la basse-ville pour réintégrer ce monde. Donc, c'est pour cela qu'on insiste beaucoup pour que les barèmes de base couvrent au moins les besoins essentiels.

C'est pour cela aussi que l'on dit que c'est inacceptable que les barèmes soient diminués pour inciter les gens à participer dans le cadre des mesures d'employabilité. C'est un des facteurs qui, pour nous, est bien important, parce qu'on sait qu'objectivement une bonne portion de notre clientèle demeurera bénéficiaire de l'aide sociale pour toutes sortes de raisons. On n'a pas à juger ces raisons. C'est pour cela qu'on pense que les seuils minimaux doivent être haussés pour empêcher que ces gens-ià vivent dans des conditions inacceptables.

Mme Vermette: Est-ce que vous considérez que, finalement, pour protéger le salaire minimum, c'est acceptable d'avoir une politique d'aide sociale qui va à la baisse plutôt que de favoriser une qualité de vie?

Mme Vallières: C'est un des éléments qu'on présente dans le mémoire. Dans le fond, on oppose deux couches sociales, alors que pour nous, si on avait inscrit la politique plus dans un contexte de lutte à la pauvreté, on aurait voulu une redistribution plus large. Là, c'est comme lorsqu'on enlève quelque chose à une des catégories sociales, on enlève à un pour en donner à l'autre. On oppose ces deux groupes-là, dans le fond. Cela ne permet pas vraiment aux assistés sociaux de sortir du ghetto de la pauvreté, mais en ce qui concerne les gains admissibles au travail.

Mme Vermette: Vous avez aussi beaucoup parié des jeunes mères de famille monoparentale qui semblent beaucoup plus, par cette réforme, si elle est adoptée, pénalisées qu'autre chose, surtout parce qu'elles ont charge d'enfants, elles auront une diminution de leurs prestations. Vous avez plein d'interrogations en ce qui concerne leurs besoins spéciaux, compte tenu de leur état. Parce que vous êtes souvent avec cette clientèle, est-ce qu'il y a augmentation du taux de mortalité chez les enfants ou dans les milieux? Est-ce qu'actuellement, cela tend à évoluer, ou si c'est assez constant chez les jeunes enfants? Cela peut être aussi en bas âge, les bébés naissants.

Mme Vallières: Là-dessus, je pourrais sortir quelques chiffres qu'on a relevés dans le mémoire. Entre autres, on estime que les deux tiers

des bébés de petit poids naissent de mères de milieux défavorisés et que l'insuffisance de poids à la naissance est associée à une incidence plus grande de mortalité néonatale. Je n'ai pas de chiffres précis en ce qui concerne la basse-ville, sauf que de plus en plus de recherches récentes sortent et elles prouvent les incidences de ces deux facteurs.

Mme Vermette: Vous avez aussi parlé beaucoup des jeunes mères qui sont enceintes et qu'il faudrait porter une attention plus particulière, vers le sixième ou septième mois de grossesse, pour qu'en fin de compte elles puissent, d'une part, planifier l'arrivée du bébé et, d'autre part, avoir une alimentation plus saine. Cela empêcherait justement cet état de fait malheureux qui coûte très cher à l'État, finalement, parce que cela fait des enfants qui ont des problèmes de santé et qui risquent, à leur tour, d'être continuellement pris en charge par l'État. Donc, ces jeunes mères, actuellement, bénéficient de quel genre de services pour pallier à cette situation? Est-ce qu'on leur offre la possibilité de faire face à leur situation?

Mme Vallières: II n'existe à peu près pas de ressources. À Québec, il y en a une qui répond bien aux besoins, sauf qu'elle est limitée. Il faut voir aussi que ce ne sont pas toutes les adolescentes qui acceptent. Prenons une adolescente qui a été placée dans des foyers depuis sa tendre enfance. Quand on lui propose d'aller dans une autre famille ou dans un endroit pour poursuivre sa grossesse, souvent, elle nous répond: Si vous faites cela, si vous me placez, je ne viens plus vous voir. Et notre intervention finit là. Alors il y a à peu près une seule ressource à Québec qui peut répondre à ce genre de besoins. En dehors des jeunes mères qui peuvent être assumées financièrement par leur famille, celles qui ne le peuvent pas, pour toutes sortes de raisons, famille inadéquate, problèmes de violence familiale, problèmes de toxicomanie dans la famille, on doit les retirer et on se retrouve à peu près devant rien. Cela pose vraiment des problèmes d'intervention importants, et pour elles aussi.

Mme Vermette: Est-ce que ces jeunes mères sont des personnes, en général, capables d'occuper un poste de travail d'une façon assidue et régulière, et qui peuvent répondre facilement à des programmes d'employabilité? Est-ce qu'elles ont besoin de plus de soutien?

Mme Vallières: Je dirais que, pour cette clientèle-là, on tente plutôt de les maintenir en milieu scolaire, parce que ce sont des mères âgées de 14 à 17 ans. Donc, on essaie plus de les maintenir dans ce millieu, de leur permettre de poursuivre leurs études en même temps qu'elles poursuivent leur grossesse.

Mme Vermette: Qu'est-ce qui se passe à ce moment-là pour ces mères, avec les problèmes du bébé, finalement, puisqu'elles ont un bébé à leur charge, en raison des problèmes de garderie?

Mme Vallières: Oui

Mme Vermette: Est-ce qu'il y a suffisamment de garderies et de places en garderie à l'heure actuelle, à Québec, pour favoriser ces mères-là? Cela va avec la réforme

Mme Vallières: Je vous dirais que, souvent, ce qu'on voit, c'est le réseau qui assume ces enfants-là. Parfois, ce sont des "chums" filles, parfois des tantes. Je dirais que c'est plus le réseau environnant que les garderies.

Mme Vermette: C'est parce qu'on attend toujours la politique de la ministre déléguée à la Condition féminine sur les politiques de garderies, qui est le pendant important de cette réforme-là. On ne sait toujours pas où on va aller avec cette politique-là. C'est donc un problème de taille, à mon avis, pour votre clientèle à l'heure actuelle. Je pense qu'on a oublié de planifier ce volet-là. On incite les gens à aller travailler, mais on ne leur donne pas les meilleures conditions pour le faire Je trouve que c'est important, mais il faut les favoriser un peu aussi, parce qu'il va y avoir d'autres dépenses. Je pense que c'est à prendre en considération lorsqu'on fait une réforme. Il faut accepter de vérifier cela non pas d'une façon linéaire, mais beaucoup plus en spirale, et vérifier, finalement, ('interconnection des besoins par rapport aux différents ministères aussi.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Plus à l'horizontal qu'en spirale.

Mme Vermette: Bien, pas tout à fait. C'est une façon du ministre de voir les choses, mais chacun a ses limites. Je veux vous demander ceci aussi: Dans vos recommandations, vous avez demandé qu'on favorise l'expérimentation et le développement d'un esprit d'initiative des groupes communautaires. J'aimerais que vous parliez davantage de cette recommandation-là et que vous m'expliquiez comment, justement, ces groupes commaunautaires pourraient prendre le leadership.

M. Légaré: Cela peut vouloir dire, entre autres, de renforcer le réseau d'organismes communautaires qui apportent de l'entraide, qui font du soutien aux personnes âgées et aux familles démunies, et de les enrichir autrement. Actuellement, des jeunes vont travailler à l'intérieur d'organismes comme cela. Ils ont des allocations pendant un certain temps et, une fois que cela est terminé, H s'en retournent chez eux et les services demeurent. Cela pourrait être ainsi d'une part. D'autre part, cela pourrait être aussi de reconnaître, par des moyens financiers

suffisants, le travail que ce genre d'organismes communautaires fait dans des milieux défavorisés comme à la basse-ville.

Mme Vermette: Jusqu'à maintenant, plusieurs groupes communautaires sont venus. À quelques reprises, j'étais présente et, à chaque fois, tout ce que j'ai entendu de ces groupes communautaires, c'est que très souvent ils ont eu de la difficulté à obtenir du financement et à être reconnus. Est-ce que cette situation existe chez vous?

M. Légaré: C'est tout à fait présent à la basse-ville. Plusieurs groupes... On rencontre régulièrement des organismes où il y a, par exemple, deux permanents. Il y a un permanent qui a été salarié pendant six mois et, les six mois suivants, il reçoit des prestations de l'assurance-chômage, ce qui permet à l'autre d'avoir des revenus pour être capable de tomber... Cette roue tourne et ces organismes finissent par être capables d'assurer les services en agissant comme cela. S'ils avaient une reconnaissance, en termes d'argent, du travail qu'ils font, cela ne ferait qu'améliorer les conditions de vie dans la basse-ville, entre autres.

Mme Vermette: En ce qui concerne le développement des mesures d'employabilité, vous avez l'air à considérer qu'actuellement, ce qui existe dans ces mesures ne permet pas à ces gens, qui sont à l'intérieur des programmes, d'être considérés ou d'avoir la chance d'être intégrés dans le milieu du travail. J'aimerais aussi, par votre expérience, savoir sur quoi vous vous basez pour dire cela. Vous avez fait une recommandation qui respecte les normes minimales de travail et qui permet un véritable accès au marché du travail. Donc, votre expérience prouve que ce n'est pas tout à fait ce qui est vécu à l'heure actuelle.

M. Légaré: L'expérience démontre des choses. Dans un premier temps, elle démontre qu'une fois le programme terminé, le jeune ne peut pas intégrer l'organisme qui peut avoir accès à ce programme. Cet organisme n'a pas l'argent pour l'engager, d'une part, et cela démontre, d'autre part, que les jeunes qui travaillent à l'intérieur de ces organismes - il est prévu 20 heures par semaine aussi - très souvent se trouvent à travailler les cinq jours par semaine pour faire exactement le même genre de travail que ceux qui sont là et qui sont permanents pour un salaire qui est beaucoup moindre.

Mme Vermette: Oui?

Mme Vallières: Est-ce que je peux ajouter quelque chose là-dessus? Ce que je vous dirais aussi, c'est qu'en ce qui concerne les stages en milieu de travail il faut bien voir aussi que, souvent, cela devient... Ce n'est pas un emploi permanent qu'ils vont chercher, c'est un stage et, après cela, ils laissent le stage. C'est dans ce sens qu'on dit que ce n'est pas sûr que les mesures d'employabilité vont permettre d'avoir accès à de véritables emplois. L'autre aspect, c'est de dire, par exemple, que si, dans la basse-ville il y a 6000 personnes considérées comme aptes au travail, dans le projet on parte beaucoup de mesures d'employabilité, mais est-ce qu'on va en faire pendant des années? Est-ce qu'il va y avoir, dans la basse-ville, 6000 emplois disponibles pour ces personnes afin de leur permettre d'assumer vraiment leur autonomie financière? C'est une question qu'on pose. Est-ce qu'après un programme on va en prendre un autre? Après un autre, un autre? On n'a pas de réponse.

Mme Vermette: En fait, ce serait une motivation pour les gens de savoir qu'ils auraient un emploi stable et bien rémunéré. Ce serait la véritable motivation pour ces personnes. On me dit que mon temps est terminé. Je vous remercie beaucoup de vous être prêtés si bien à nos questions.

Le Président (M. Leclerc): Merci, Mme la députée de Marie-Victorin. Avant de céder la parole au ministre pour la conclusion, j'aimerais demander le consentement de la commission puisque notre temps est écoulé, pour que je puisse poser une question au moins.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Étant donné que vous faites bien cela, M. le Président.

Le Président (M. Leclerc): Merci. Puisque le CLSC est dans mon comté, je ne peux pas laisser passer une telle occasion de leur poser une question. Mais, avant de le faire, je voudrais d'abord les féliciter pour leur mémoire. On en a reçu 125. On en a entendu 85, et je peux vous dire que votre mémoire est bien au-dessus de la moyenne quant au sérieux de son contenu. Évidemment, cela fait réfléchir la commission et, à plus forte raison, le député de Taschereau.

Vous avez parlé d'un certain nombre de points. Il y a au moins quelques points que je voudrais reprendre. Vous avez souligné l'apport important des SEMO sur votre territoire. Je vois M. Daigneault, en arrière, et j'en profite simplement pour rappeler au ministre que je suis en demande pour un SEMO additionnel pour handicapés dans la région de Québec.

Vous avez aussi parlé de l'entrepreneurship communautaire. Cela m'apparaît important. Plusieurs groupes avant vous en ont aussi parié. Le ministre en a pris bonne note et cela m'apparaît effectivement une bonne façon de faire des stages ou des travaux communautaires que de les faire à l'intérieur de stages ou de travaux organisés par des organismes communautaires du coin.

(16 h 30)

Vous avez aussi parlé des problèmes des femmes enceintes qui ont des bébés de poids plus faible que la moyenne. Vous m'avez sensibilisé à ce problème-là; je vous avoue que je suis, là encore, en demande au ministère de la Santé et des Services sociaux et je sais que M. Sirros, l'adjoint parlementaire de Mme Lavoie-Roux, en prend bonne note. Actuellement, il y a deux projets pilotes dans la province: un à Verdun et l'autre à Matane. Je sais que la ministre étudie les données de ces deux projets pilotes et, éventuellement, on aura une politique provinciale qui permettra au CLSC de la basse-ville de mener à bien son projet, mais, en tout cas, je tenais à vous souligner que je continue de pousser sur ce même dossier.

Ma question, la voici: Vous avez discuté avec Mme la députée de Marie-Victorin et avec le ministre du programme APTE. Je ne veux pas revenir sur la question mais j'aimerais avoir votre opinion sur le programme Soutien financier. Vous avez mentioné dans votre texte qu'il y avait, je crois, 1900 - vous m'excuserez parce que Taschereau comprend aussi une partie de la basse-ville - alors, je me réfère spécifiquement à votre clientèle, la partie de la haute-ville, dis-je - personnes inaptes. Par conséquent, j'aimerais avoir votre avis sur notre programme Soutien financier et votre avis sur le programme APPORT, qui, contrairement au programme SUPRET actuel, donnait un revenu supplémentaire aux ménages à faibles revenus, une fois par année, avec le rapport d'impôt. Le programme APPORT, lui, va donner, à partir de juillet 1988 - c'est bien cela - un chèque mensuel aux ménages à faibles revenus.

Une voix: Plus 50 % des frais... M. Laroche: Mme Vallières.

Le Président (M. Leclerc): Plus 50 % des frais de gardiennage.

M. Laroche: Mme Vallières a la réponse à cette question, M. Leclerc.

Le Président (M. Leclerc): Mme Vallières.

Mme Vallières: Ha, ha, ha! Moi, en fonction du programme Soutien financier, je vous dirais, d'abord, qu'on l'a moins regardé que les autres. Dans le fond, ce qu'on considère effectivement, c'est la portion de la clientèle des assistés sociaux qui sera la plus favorisée, entre guillemets, puisque les barèmes vont être un peu plus augmentés. Les questions qu'on peut poser, c'est par rapport aux personnes handicapées, entre autres; dans le fond, je pense qu'il faudra s'assurer que les personnes handicapées vont pouvoir avoir accès à une possibilité de travail pour ne pas les marginaliser davantage.

D'autre part, il y a toute la notion à savoir qui va être inapte et qui va décider de l'inaptitude et cela, Claude l'a soulevé. Là aussi, il reste des zones grises à ce chapitre-là: Qui va déterminer l'inaptitude des gens et à partir de quels critères? Cela, on peut s'interroger là-dessus. Je vous dirais que, le danger qu'on peut aussi voir, c'est dans la mesure où l'incitation à travailler et les barèmes au programme APTE seront - en tout cas, nous, on le juge - discutables à partir de la baisse des barèmes, etc. Ce qu'on peut penser, c'est qu'il y a peut-être des jeunes qui seraient aptes et qui vont tenter de se faire déclarer inaptes pour pouvoir avoir des montants plus intéressants. Puis cela, c'est...

Le Président (M. Leclerc): Chose qui se fait déjà.

Mme Vallières: Oui, et on souhaite des mesures, des incitations plus marquées pour ceux qui sont aptes, pour leur permettre vraiment de se réintégrer. Si ces mesures ne sont pas suffisamment incitatrices, il y a risque que des jeunes veuillent se faire déclarer inaptes pour avoir un montant plus élevé.

Le Président (M. Leclerc): Je ne voudrais pas abuser du consentement de la commission, mais je voudrais poser aussi une petite question sur le programme APPORT.

Mme Vallières: Le programme APPORT, je ne peux pas vous en parler beaucoup. Je pense que, d'abord, les tableaux n'étaient pas très précis. Donc... Non, dans le fond, il y a une reconnaissance, entre autres, des services de garde qui peut être intéressante, je pense, pour les familles monoparentales, les personnes, les petites travailleuses qui, souvent, doivent faire garder leurs enfants et c'est souvent une des portions qui gruge le revenu. En ce sens-là, on peut reconnaître que c'est intéressant. Maintenant, on pourrait discuter peut-être de toute la question du salaire minimum, mais je ne peux quand même pas vous en dire plus long là-dessus.

Le Président (M. Leclerc): C'est, malheureusement, tout le temps que l'on a et je vais reconnaître M. le ministre en conclusion.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Très brièvement, je tiens à vous remercier pour votre apport aux travaux de la commission. Nous avions pris connaissance de votre mémoire écrit. Votre présentation verbale a fait en sorte que vous insistez sur quelques points. Je vous rappelle, en terminant, la demande que nous vous avons adressée quant à une problématique que vous avez soulevée et pour votre contribution aux travaux de cette commission, au nom de la commission et au nom du gouvernement du Québec, merci.

Le Président (M. Leclerc): Alors, Mme Vallières, M. Légaré, M. Métivier, M. Laroche, au nom de la commission, je vous remercie et je suspends deux minutes, te temps de permettre au Centre d'amitié autochtone de Montréal de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 36)

(Reprisée 16 h39)

Le Président (M. Leclerc): La commission reprend ses travaux et souhaite la bienvenue au Centre d'amitié autochtone de Montréal.

Juste avant de vous céder la parole, je voudrais vous expliquer notre mode de fonctionnement. Vous avez 20 minutes pour nous faire part de votre mémoire et, ensuite, chacun des partis politiques aura 20 minutes pour vous poser des questions.

Alors, je demanderais au porte-parole de bien vouloir présenter ses collègues pour les fins du Journal des débats.

Centre d'amitié autochtone de Montréal

Mme Williams (Ida): Thank you very much. I would like to introduce myself. My name is Ida Williams, I am the executive director of the Native Friendship Centre of Montreal. To my left I have Lorraine Jacko, a board member of the Native Friendship Centre of Montreal, and to my right, Josianne Wanono, assistant director of the Friendship Centre.

If you have any questions afterwards to ask in French, would you direct them to Josianne, and she will translate for us. Thank you.

One of the main arguments reiterated in the Position Paper entitled 'Towards an Income Security Policy" is the increase in the number of welfare recipients over the past decade and the fact that they are now younger and stay on welfare for longer periods of time. Limited attention is paid to the strong underlying causes, such as the fact that the rate of unemployment has increased and that there has been little effort placed into creating permanent jobs.

The Native Friendship Centre of Montreal is a nonprofit community organization, created fourteen years ago to serve and assist Native people living or in transit in Montreal. The Centre offers various services which are geared mainly towards helping our clients in need and on low income. In fact, a large majority of our clients are on welfare. They barely manage to meet their basic needs and this situation is more intolerable for those under 30. Many of our clients have to live on the streets because they cannot afford to pay a rent and are therefore not eligible for welfare benefits. The Native Friendship Centre of Montreal is presently active in working towards the creation of a shelter for Native women in Montreal.

There are many barriers to their finding employment, which include lack of university education, lack of job skills required in a large city and, more importantly perhaps, is the prejudice and lack of understanding on the part of potential employers and representatives of social agencies.

Our clients have been unemployed for long periods of time and government incentive programs will not solve this problem. Our clients are not content living off of welfare benefits but to change this style of life, there must be a whole re-education process and there must be jobs available to them.

We wish to submit the following comments and recommendations with regard to the Position Paper. 1. Categorizing beneficiaries into two groups: those who are able to work and those who are unable to work. The Position Paper defines those who are able to work as those with no physical or mental handicap or with a small to medium one. We find it hard to understand how a welfare agent can possibly decide whether a handicap is small, medium or severe. The way one individual copes with his or her handicap is different in every case and it should not be left to the discrimination of a welfare agent to determine whether that person can or cannot work.

Furthermore, this categorizing will only brand those considered as unable to work and will classify them as outcasts of society, a group not to be bothered with. Mention is made in the Position Paper of government programs which will be available to them, but it is obvious that once they are classified as unable to work, the Government will not preoccupy itself with bettering their lifeskills or contributing to a meaningful life. Increasing their monthly benefits is a positive move in view of their need for medication and medical equipment but, alone, can only decrease their sense of worth and dignity. 2. Parity for all individuals on welfare. The NFCM agrees totally that individuals under 30 should receive welfare payments equal to those aged 30 and over. The needs of an individual under 30 are no different than those of a person over 30.

However, decreasing the monthly payment for individuals aged 30 and over and for families is totally unfair and unwarranted. Does the Government actually believe that this form of punishment will help them get - worthwhile jobs or is the aim to force them into the ranks of the homeless?

Dependence of the Native women on men who can provide for them will continue to be the norm for many of them, especially for those under 30 receiving 178 $ a month. How can they be expected to pay for their basic needs and lead an autonomous life? Their perpetual dependence will be guaranteed and the desire to improve their job skills or continue their educa-

tion will remain impossible goals.

Furthermore, a large number of Native women on welfare are forced to leave their children behind, under the care of relatives or foster homes, because it is unrealistic for them to raise them on the low income they receive. This forced separation from their children surely does not create the atmosphere or incentive to re-enter the job market, even if jobs were available. 3. Need for more flexibility and understanding in assessing claims. As stated, many Native people in Montreal are forced to stay in shelters. Since only a few shelters accept to have their clients use their address so as to enable them to apply for welfare, those shelters are always full, and a place to stay for the night is not always guaranteed. Many are forced to sleep on the streets, therefore, jeopardizing their chances of receiving welfare benefits. Others move from one acquaintance's apartment to another until they can find someone to share the cost of rent with.

Obviously, welfare agents will not be able to reach them at their address, because it is only a place to sleep at night. During the day, they seek familiar surroundings, such as the Friendship Centre where they can find comfort and respect. Many have had their welfare payments cut because they could not be reached or have had to wait weeks and months before their claims could be reactivated. This situation only aggravates the problem of homelessness and shows absolute disregard for the welfare of our citizens.

Welfare agents should not spy on welfare recipients, as though they are cheats who prefer to receive government handouts which barely keep them alive. Greater respect should be shown to them, and welfare agents should advise them of the time and date of their visit.

Furthermore, in view of the difficulty of finding a place to stay and, therefore, an address, provision should be made to enable the use of sponsors, such as the Native Frienship Centre or other organizations, whose address would be used to receive welfare benefits for a few months, until the individual or family can find a permanent place of stay.

Understanding of Native people living in Montreal with little or no income, no family ties, facing constant discrimination, and seeking a refuge in Native organizations where their culture and traditions are respected, would enable welfare agents to be more flexible with their rules. A change of attitude towards Native people and other groups who may face similar difficulties is essential.

In other words, instead of recommending stricter means of verifying claims, as is suggested in the Position Paper, the Native Friendship Centre of Montreal strongly recommends the opposite: a broader, more just and more flexible means of assessing and verifying claims.

Mme Jacko (Lorraine): 4. Sharing accommodations. It is the experience of the Native Friendship Centre, from working with welfare recipients, that the only means of survival for them is to share accommodations. Even with the combined benefits, they are barely able to pay for rent and food. Penalizing them for sharing expenses, at a loss of 115 $ per recipient, totally removes the possibility of covering such costs as transportation and clothing without which they cannot be expected to look for work, let alone be hired.

The Native Friendship Centre of Montreal strongly urges the Government to remove penalties of any kind for recipients sharing accommodations. The basic needs of two individuals do not change simply by the fact that they are both receiving social assistance. In fact, recipients needs may be greater because they lack the support systems, contacts and self-confidence which come with holding a job. They should be offered every possible assistance to help them back into the labour force. This assistance should take the form of financial help, lifeskills education and job offers, rather than the use of threats and payment cuts. 5. Government incentive programs. Forcing people into government incentive programs will not solve the problem of unemployment. These programs tend to benefit employers only, who receive assistance and free labour from welfare recipients. It is true that they offer some on-the-job training, but once the program is over, the recipient is still unemployed.

A more positive approach would be able to get a firm commitment from employers, especially those in the private and parapublic sectors, to hire welfare recipients in their employ once the program is terminated, unless there is a serious and irréconciliable problem with the person's job performance.

The Parental Wage Adjusting Program. The PWA Program is positive in that it recommends assisting low-income working families financially. It should not, however, be used as a compensation for staying in the labour force, as if those on welfare should be punished. In fact, the new proposal suggests a cut in benefits for families on welfare, instead of taking into consideration the factors underlying the situation.

The PWA Program is recommendable for those already in the labour force, who have already established various networks but could certainly benefit from means of coping with day-care and other work-related expenses. However, it should not be seen as a form of reward, but as an overdue assistance plan. Furthermore, and in the same token, parents on welfare need all the support required to meet their basic needs, provide food, clothing and education for their children before they can even consider improving their owns skills and looking for work. Cutting their welfare benefits will threaten their livelihood, increase the breaking up of the family and

over-crowding the few shelters which do exist. The Native Friendship Centre of Montreal is strongly opposed to any measure aimed at decreasing the already low welfare benefits available to families.

Mme Wanono (Josianne): 7. Job Creation Programs. The Government should concentrate on creating jobs rather than placing beneficiaries into programs which do not improve their conditions of life or meet their needs. For if all able welfare recipients are to work, then there must be just as many jobs available.

Mention is made in the Position Paper of directing beneficiaries into the forestry and agriculture sectors for work. Obviously, this implies moving them to rural areas, away from the city. Native people in Montreal are already removed from their own communities and Native organizations have been striving to create a familiar surrounding where they can feel at ease. Pushing them to areas where they will be totally alienated from their culture and traditions is unacceptable. Furthermore, it would mean dividing families, by forcing one parent to leave for jobs away from his or her spouse and children. 8. Knowledge and understanding of Native cultures and the needs of Native people is compulsory. Welfare agents should become acquainted with Native cultures and with the specific problems Native people face when coming to the city. In this way, they would be better equipped to assist Native clients and to evaluate their case in a fair and just manner.

As well, company employers should be encouraged to hire Native people and, in view of the fact that they may lack job skills required in large cities, these employers should be more flexible with their job requirements and demand only those skills and level of education which are absolutely necessary to perform the job. 9. Means of voicing complaints and requesting appeals on the part of welfare recipients. There is, at present, little recourse for welfare recipients who may wish a review of their claims or who may wish to submit a complaint. They are left at the mercy of the welfare agent who may, at times, be disrespectful towards them and lack understanding or patience.

A clear, formal procedure for submitting and hearing complaints or for reviewing a decision made by an agent which the recipient may deem to be unfair, should be established. As well, welfare recipients should be informed of such procedures and of their right to avail themselves of same.

Conclusion. The attitude of the Position Paper is that welfare recipients are third class citizens, abusing the system, and we should be incited, through punitive action, to participate in government programs and temporary jobs from which the benefits derived are so low that no one else would ever accept them.

Discarding this large segment of society by shoving them into isolated areas to work, scrutinizing their claim for a need for financial assistance and enforcing strict measures can only lead to self-deterioration and increase the rate of homelessness.

The NFCM strongly recommends that the Government focus on job creation programs which are lasting. An individual or parent should not be shoved around simply because he or she depends on the State for assistance. Decent, equal opportunity jobs should be created in the city to accommodate as many people as possible. Untill that is realized, a welfare recipient has the right to government assistance, without prejudice.

Since one of the crucial problems faced by Native people in need is that of homeless-ness - being tosssed from one apartment or shelter to another, and sleeping on the streets - it is clear to us that, along with a serious and fair job creation program, the Government should focus on helping people to rent a decent lodging. This assistance could be in the form of low-cost housing for individuals and families, or through rent subsidies.

It is time that the Government and its officers change their attitude and show respect for welfare recipients, as individuals who have the right to a meaningful existence and who deserve all the suport and attention needed to help them to regain their self-esteem, sense of worth and independence. Thank you.

Le Président (M. Leclerc): Is that all? Thank you very much.

Mme Wanono: That is it.

Le Président (M. Leclerc): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Yes. I would like to thank le Centre d'amitié autochtone de Montréal and those who have spoken on behalf of the centre, Mesdames Williams, Jacko and Wanono. I hope the pronunciation is not too terrible.

I will try to concentrate my questions on subjects that are particular to the people you serve. First of ail, I would like to know a little bit more about the activities of the centre on a daily, weekly or monthly basis. How many people do you service? What kind of service do you bring them? And amongst your clientele, what is the percentage that has as only source of income welfare payments?

Mme Williams: Right now, the Native

Friendship Centre of Montreal has six permanent staff persons of which one is the information referral worker who works directly with the membership clients. Because Native people are bilingual in Québec, Josianne takes the French-

speaking Native people and the referral worker takes the English-speaking. Because there are so many clients, the overload comes to me. So, there are three of us dealing with these clients. Of our membership clients, at least 80 % are on welfare. It is a young population; again, at least 70 % of them are under 30, from 18 to 30. The Native population in Montreal is very young: average age between 18 to 35 years.

The Friendship Centre offers a variety of activities. We are recognized as a sociocultural centre providing people with the needs to express themselves culturally, to create a home-away-from-home atmosphere. We represent all ten nations in Québec, the majority of them being Inuit, the second being Cree and the third being Micmac, with the other seven being represented in the Friendship Centre also.

Of the services we offer, referral and information in counselling is the most important. We do not have a qualified social worker on staff, we just have a person who cares very much for the people, as all the staff do, but she is not a qualified social worker. She provides information to them in completing welfare forms, unemployment forms, filling out the forms for them because many of them cannot write English or French. She provides information on low-rent areas in Montreal, brings them there, provides them with bus tickets if needed and counselling, encourages them to keep on living, because many of them do not want to go back home, because there is nothing back home either. They come to Montreal with a dream, that they are going to make it. And they do not make it. They are even worse than what they were when they came here. Many of them come in on Tuesday from the plane, many young women, with some money, and spend it by Thursday. And they are on the streets Friday, trying to get a bed for Friday night. It is discouraging. But maybe you want to continue? (17 heures)

Mme Wanono: Among the services, Ida mentioned a lot with regard to information and referral, but another one is placing people into shelters. We get at least two or three requests per day for a place to stay for the night. When it is for a man, it is not so difficult, but when it is for a woman, it is extremely difficult trying to find a place to stay. We are usually on the phone for three hours for the same person. Une maison d'hébergement pour trouver un foyer.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): There is no problem. I understand.

Mme Wanono: Okay, I am sorry. So, the problem of homelessness is a very serious one for us. Out of our clientele, I would say about - what? - 30 %, 40 % are homeless.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): You have mentioned that an important portion of your clientele has welfare as the only source of income. We know that for those aged 18 to 30 years, it puts on an additional difficulty because of the very small amount that is paid every month. For them, to increase that amount... Do you refer some of your clientele to the "centres Travail-Québec", so they can participate in some of the measures? Do you have any success, difficulties? How does it work according to your experience, when you refer them?

Mme Wanono: We have the "travaux communautaires" in our own organization. So, yes, we do use it. The turnover is incredible. The turnover of welfare recipients on our "travaux communautaires" grant is incredible, because it is so obvious that there is no future for them in that. You know, it is... There are positions that are open, it is for about a year, subject to renewal but the same recipients cannot renew after a year. And the job, because there is not sufficient training... There may be some training but you know, in community organizations, you cannot, when you have a very small staff, spend too much time on training. So, they do part of the work, but they cannot do too much without supervision. There are only small parts of the job that they can do, so the job becomes monotonous for them. And also, they know that after the program is over, they will be back to where they started. That is extremely discouraging for them as well. Plus, they have not been prepared to go back to work. You know, it is easy to say to someone who has been on welfare for ten years: Hey! I have a job for you and you can make an extra 180 $ a month or 190 $ a month. But they have not been prepared to go back to the work force. They have not been prepared to get up at eight o'clock in the morning to show up for nine o'clock, or to show up every day, you know. There are so many things that you have to prepare someone for who has been so used to being unemployed. And that is the problem I find also.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Do you find that the people from the community you represent have additional barriers? Do you feel that the people you represent have a higher level of analphabetism, that they cannot write or read? And do you feel that some of them may even have what you call a language barrier, worse than mine?

Mme Williams: That is the main problem. Of all the Native people in Québec, it is known that 60 % are anglophone and 40 % are francophone. Of those in Montreal, we find that 70 % of our members are anglophone and 30 % are francophone. And those who are francophone do not speak... Maybe they do not speak French well enough to be in the work force. So, there again, because of their bad French, they cannot get a

job either.

As for illiteracy, I am not too sure about that. We have never approached the people. So, I have no statistics on that, but it is known that many Native people do not have formal education past grade 11 or secondary V. They are not encouraged to continue to cegep or university or do not feel the need for it and return to maybe the traditional way of life. But, one's traditional way of life is maybe not exactly what they want and they come to the city with no skills at all, not even skills to do a factory job, maybe just labour, minimal labour.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Amongst the people in your community in Montreal who have access or recourse to your services, are there more men or women?

Mme Williams: There were more men maybe three years ago, but now the population of Native women is growing and has grown fast and they are young, very young.

Le Président (M. Leclerc): Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: In the name of my "formation politique", I will welcome you. Instead of Mrs. Louise Harel, who is in charge of this field, I represent Louise Harel. I will say that she is very sad not to be here. I just want to say that she took care of your "mémoire" and she asked me to take her place.

Je vais poser mes questions en français, ce sera beaucoup plus facile pour notre compréhension réciproque.

J'ai pris connaissance de votre mémoire et ce que j'ai compris, c'est que vous apparteniez à une clientèle assez particulière et que vous deviez subir des problèmes. Notamment, beaucoup d'entre vous sont des personnes sans abri et qui se sont retirées très jeune de leur famille. Elles doivent trouver des moyens du bord pour essayer de subsister, en fin de compte. Très souvent, vous êtes la seule ressource. En tout cas, il nous semble que vous soyez la seule ressource et vous n'avez même pas de professionnel dans votre équipe, mais des gens de bonne volonté qui apportent le meilleur d'eux-mêmes, la meilleure compréhension, et qui sont prêts à apporter une collaboration sans compter pour essayer de solutionner ces problèmes.

Je vous trouve très courageuses, en tout cas, et je peux vous dire, du moins, que c'est tout à votre honneur de prendre les intérêts des personnes que vous représentez et surtout de travailler dans des conditions très difficiles.

Il y a plusieurs points. J'ai sorti plusieurs choses de votre mémoire, en ce qui concerne justement la motivation qui inciterait, finalement, les jeunes à avoir de l'emploi parce que vous mentionnez que les programmes d'incitation à l'emploi ne sont pas les moyens de résoudre ces problèmes. C'est à la page 2 de votre mémoire. Vous avez des gens chez vous qui n'ont pas été à l'emploi depuis longtemps et qui n'ont pas pu obtenir un emploi. Donc, cela devient très difficile. Quels seraient les incitatifs qui, selon vous, favoriseraient l'intégration? C'est par le biais de l'éducation ou par d'autres biais?

Mme Wanono: Je vais traduire, d'accord? Le Président (M. Leclerc): Oui.

Mme Wanono: D'accord. Il y a plusieurs choses. Comme on a dit, ce n'est pas suffisant de forcer les gens à faire partie des programmes, "government incentive programs". Comment traduisez-vous cela? Les programmes gouvernementaux qui ont été suggérés dans votre mémoire. Ce que nous suggérons, puisque le problème..., c'est que les sans-abri soient au moins garantis d'avoir un logement. Il faut qu'ils aient un endroit qu'ils puissent appeler leur chez-soi, que cela se fasse seulement par une aide du gouvernement, disons par le biais des logements à prix modique, ou d'une subvention gouvernementale, peut-être par l'aide sociale. Je pense que cela est une des choses les plus importantes, qu'il y ait un logement pour ces personnes-là.

Deuxièmement, l'éducation. Peut-être pas vraiment l'éducation, mais une formation au travail et une aide financière. Pas une aide qui serait coupée ou faisant en sorte que la personne soit menacée, si elle ne participe pas à un certain programme, de voir son aide réduite, mais une aide financière suffisante qui permettrait à cette personne de subvenir à ses besoins, de se nourrir, de s'habiller proprement pour pouvoir passer des entrevues. Je pense que la chose la plus importante, c'est de recréer dans cette personne un sentiment de confiance en soi, parce que c'est cela qui a été perdu. C'est l'abus, une détérioration individuelle qui a pris place après plusieurs années dans la rue. Je pense que, si on s'occupe de ces affaires-là, on pourra demander à la personne de trouver un emploi. Je sais que c'est un long processus, mais c'est la seule solution que je vois.

Mme Vermette: Vous avez parlé, à la page 1, je crois, des préjugés auxquels elles doivent faire face très souvent de la part des employeurs; donc, c'est un autre obstacle à trouver des emplois.

Mme Wanono: Pas seulement de la part des employeurs, mais je dirais aussi de la part des agents sociaux, au bureau du bien-être social et au bureau de l'assurance-chômage. Ces préjugés sont tellement répandus... D'ailleurs, on reçoit toujours des plaintes au centre d'amitié de nos clients qui nous disent qu'ils ont vu un agent et que l'agent les a traités de tel et tel ou leur a parlé d'une façon qui suggère une certaine dis-

crimination.

Mme Vermette: Est-ce que, pour vous, à l'heure actuelle, les travailleurs sociaux ont déjà des préjugés?

Mme Wanono: Oui, absolument.

Mme Vermette: Vous craignez un petit peu, finalement, qu'ils jugent de la capacité ou de l'incapacité des gens d'une façon péjorative ou d'une façon arbitraire?

Mme Wanono: Oui, absolument. D'ailleurs, je vais vous dire... Vous disiez tout à l'heure qu'on n'était pas des professionnels. Bien, on a beaucoup d'expérience dans le domaine. Ce qui est le plus important, c'est surtout que c'est un personnel autochtone, qui comprend les autochtones. Le centre d'amitié est pour eux comme une maison. Je vous dirais que nos clients ne feront presque jamais appel aux services qui existent, parce qu'ils ne sont pas bien dans leur peau quand ils vont là-bas, parce que les gens ne les comprennent pas, parce qu'il y a une barrière linguistique, culturelle et autres. Ils préfèrent venir chez nous, même si on n'est pas des professionnels; au moins, ils s'y trouvent bien à l'aise et on peut les aider.

Mme Vermette: Donc, vous avez peur d'être victimes de discrimination, en tout cas, eh ce qui concerne les catégorisations entre aptes et inaptes et que, finalement, vous puissiez faire les frais de cette...

Mme Wanono: Oui, absolument. D'ailleurs, dans le document, vous parlez d'offrir de la formation aux agents sociaux. Même cette formation ne va pas les rendre psychologues ou psychiatres. Je ne vois vraiment pas comment ils peuvent déterminer si une personne est capable de travailler ou pas. Deux personnes qui ont le même handicap, une d'entre elles peut travailler peut-être, mais l'autre ne le peut pas parce qu'elle n'est pas arrivée à accepter son handicap. Cela peut être le même handicap visuellement, l'agent peut voir le même handicap, mais ce n'est pas le même handicap du tout pour les deux personnes.

Mme Vermette: Est-ce que vous souhaiteriez, compte tenu de votre situation à l'heure actuelle et compte tenu, finalement, des possibilités de discrimination, une approche particulière pour le groupe que vous représentez?

Mme Wanono: Je n'ai pas compris la question.

Mme Vermette: Compte tenu des possibilités de discrimination à l'endroit, en tout cas, des gens que vous représentez, les autochtones, en Darticulier...

Mme Wanono: Oui.

Mme Vermette: ...est-ce que vous seriez favorables à une approche particulière dans ce cas-ci, en ce qui concerne l'évaluation de vos clientèles comme aptes ou non? (17 h 15)

Mme Wanono: Bien, c'est ce qu'on a suggéré ici. Il faut que les agents sociaux prennent le temps d'apprendre un peu mieux, d'acquérir la connaissance des communautés culturelles, des communautés autochtones et...

Mme Vermette: Avant de s'occuper, finalement, de votre formation, qu'on se forme davantage...

Mme Wanono: Bien, s'ils vont prendre ces décisions radicales, je pense qu'ils doivent être assez instruits pour le faire; sinon, comment vont-ils faire?

Mme Vermette: En fait, sans être instruits, parce qu'ils peuvent être instruits, mais tout de même avoir une connaissance...

Mme Wanono: Bien, je parle de l'instruction...

Mme Vermette: ...de la culture... Mme Wanono: ...culturelle. Mme Vermette: ...ou de la...

Mme Wanono: ...je ne parle pas de l'instruction technique.

Mme Vermette: Oui, exactement. Vous avez aussi parlé, à la page 3 de votre mémoire, je le pense bien, des besoins spéciaux, je crois, vous avez parlé des besoins plus spécifiques en ce qui concerne la médication, mais vous dites qu'eux, en fin de compte, ne sont pas capables de donner un sens à leur travail, de la dignité...

Mme Wanono: ...qu'ils seraient, entre guillemets, incapables de travailler, c'est cela?

Mme Vermette: Oui.

Mme Wanono: Ce qu'on dit ici, c'est qu'une fois que le gouvernement a déterminé qu'il y a une certaine catégorie de personnes qui ne peuvent pas travailler, même s'il y a des programmes, nous, on croit qu'ils ne se préoccuperont plus de... Du côté de l'aide financière, d'accord, parce qu'ils ont besoin de médicaments et autres, mais du côté de la formation à l'emploi ou même de s'intéresser à savoir s'ils peuvent travailler ou pas, je ne pense pas que cela devienne une préoccupation pour le gouvernement.

Mme Vermette: Vous avez l'impression que tout ce qu'on veut, c'est essayer de les caser dans des programmes d'emploi parce que, bon, pour une fois, le problème va être réglé, c'est tout.

Mme Wanono: Bien, pourquoi? Quelle serait l'autre raison alors? Pourquoi les catégoriserait-on à part, séparément, si ce n'est pas l'idée, en somme? Je veux dire, pour moi...

Mme Vermette: Pour vous, cela ne fait aucun doute dans votre tête en tout cas, de toute façon. Donc, vous aimeriez démontrer une volonté beaucoup plus...

Mme Wanono: Plus ouverte, oui.

Mme Vermette: ...plus ouverte par rapport, justement, aux programmes d'emploi et que cela ne soit pas considéré comme des programmes à l'employabilité, mais plus des programmes vraiment...

Mme Wanono: C'est cela.

Mme Vermette: ...qui favorisent le retour au travail, mais pour un travail permanent.

Mme Wanono: C'est cela.

Mme Vermette: D'accord. Oui, justement, c'est ce dont vous parlez à la page 4, en fin de compte. Pour retourner sur le marché du travail, cela ne semble pas tout à fait facile, même si les "jobs" sont là. C'est ce que vous dites. Pourquoi, à l'heure actuelle, avez-vous inscrit cela? Parce que...

Mme Wanono: On discutait ici du cas d'une 'emme qui est séparée de ses enfants, dont les enfants sont remis à la charge de la parenté ou d'un foyer, d'accord? Dans ce cas-là, une femme qui est séparée de ses enfants parce qu'elle ne peut pas s'occuper d'eux financièrement, je ne pense pas qu'elle pourrait penser vraiment à participer à un programme pour le retour au travail tant que ce problème existe. Si le problème émotif existe, comment peut-on vraiment avoir... C'est la volonté de s'améliorer et de se former pour le travail.

Mme Vermette: Oui, je comprends très bien votre point de vue, mais je trouve cela intéressant que vous ayez la chance de l'expliquer plus en profondeur, parce que cela peut reposer des questions et c'est ce qui est important, nous sommes ici pour cette raison.

Mme Wanono: Oui.

Mme Vermette: Vous avez dit aussi que vous n'étiez pas tout à fait d'accord avec une baisse de prestation pour les gens qui partagent un logement. Si je peux m'exprimer ainsi, je pense que cela fait partie un petit peu de votre collectivité de vivre en collectivité, en groupe, donc, en plus d'une pénalité, c'est toucher même le côté culturel de votre collectivité.

Mme Wanono: Je vais laisser Ida répondre à cela, je pense qu'elle pourra le faire mieux que moi.

Mme Williams: Josianne just explained to me. I will speak slowly.

For Native people, it is a cultural thing. Many of us live with our immediate family and we have an extended family. You will find many Native people in Montreal who have their aunt, or their uncle, or their cousins, or even a third cousin. In a single dwelling, you may find 5 adults and 8 children. It is very common. So, if you have a pair of working parents who invited their uncle to come to the city to work, but meanwhile, he wants to receive welfare payments but they already have their cousin living there who is receiving welfare payments, it becomes very difficult and then these sorking parents end up supporting the uncle who cannot receive welfare payments. It is a very common problem for us.

Mme Vermette: Ce qui nous porte à dire qu'on n'a pas regardé les appréciations, en tout cas, de différentes natures dans le document qui a été présenté par le ministre, là on fait appel à une culture et ils vont être pénalisés quant à la façon même dont ils sont habitués de vivre et, à mon avis, je trouve cela, en tout cas... C'est une prise en considération, M. le ministre; peut-être qu'il faudra faire encore un autre étage pour répondre aux besoins des différentes personnes parce que, là, vous êtes rendus à plusieurs paliers, de toute façon. Cela fait une autre approche qu'on avait un petit peu négligée, qui n'avait pas été prise en considération parce qu'on n'avait souvent que l'approche comptable.

À mon avis, vous venez de sortir un élément très important parce que, effectivement, il y a différentes façons de vivre, surtout pour des gens qui sont un petit peu éloignés de leur lieu habituel de vie; ils doivent justement s'expatrier un petit peu, soit dans les villes où ils ne sont pas habitués de vivre, et c'est une autre dimension. Donc, c'est tout à fait naturel et normal que ces gens essaient de se regrouper ou, en tout cas, de partager. Ce n'est pas toujours partager leur pain blanc, mais, souvent, c'est partager aussi leur pain noir dans bien des cas, compte tenu de la situation.

Ce serait intéressant que vous puissiez nous parler davantage et, si Mme Williams veut expliciter sur le sujet, cela me ferait même plaisir. Je comprends et je lis très bien l'anglais, mais j'ai plus de difficulté à m'exprimer.

J'aimerais qu'on puisse faire part à cette commission des difficultés que vous pouvez éprouver à d'autres niveaux qu'à celui du logement face à votre situation à cause de ce qu'on a dit antérieurement. Donc, comment cela se vit-il pour vous dans le quotidien, les gens qui doivent laisser un port d'attache pour venir dans les grands centres? Comment se fait l'adaptation, comment se fait l'accueil de ces gens-la et quels sont les problèmes auxquels ils ont à faire face?

Mme Wanono: Quelqu'un qui quitte la réserve et qui vient à Montréal, c'est cela?

Mme Vermette: Oui, ou qui vient s'installer et quelles sont les misères qu'il doit affronter? Quel est, finalement l'accueil qu'on favorise?

Mme Williams: I can start with, maybe, talking about one individual case where unemployment was very high on the Reserve, employment was seasonal. The person came to Montreal with a grade 10 education hoping to get a job or to come to the Friendship Centre and somebody there would give them a job, because they are Native and in this city, there are more jobs. And they understand too the welfare system, because everybody back home is on the welfare system. So, they come to Montreal thinking "Well, I can live on welfare for a little while, and maybe get a job and go on UIC". So they come to Montreal, they meet a few people, they get their first welfare cheque, and we have a saying at the Friendship Centre, it is welfare day"! We have more problems on welfare day than in the rest of the month, because on welfare day, they go downtown, they may pay their rent, they may buy some food... This is a single young man I am talking about who might go into a bar with his friends and party, and maybe he did not pay his rent yet. So the next morning he wakes up, he does not have his rent money, he does not have anything left of the 180,00 $ that were given to him. He has no food, but he knows he can come back to the Friendship Centre, because we will help him there. We cannot give him any money, we can feed him a little bit, but not well enough to stay healthy. He does not have a place to stay, so he does not wake up early enough to go and look for a job; he ends up waking later and later every day, and then the next welfare day comes again, and he does the same thing over and over again. He cannot find any reason to go out and find a job anymore. He becomes tired and he does not want to go back home, because there is nothing back home.

Many of the young men who come through the Friendship Centre say that back home is a dead-end. It is dead at home and it is dead here. And they would rather be here, because they have more friends. We are all in the same situation. Well, we try to motivate them, it does not work with all of them. When we talk about "autochtones", we are all under one roof. We are not. I nuits are different from Mohawks, Mohawks are different from Micmacs, Micmacs are very different from Crées. We are all different, have different traditions, different cultures and sometimes look at things differently too, amongst ourselves. So, one Nation trying to motivate person from another Nation does not always work. I am going off track...

Une voix: No, I think it is very good.

Mme Williams: For these young men, coming to Montreal with so much pride about who they are, and being Native, to see them slowly become nothing, because we cannot help them, because welfare is nowhere, it goes nowhere, and we cannot get them off... It is a cycle, and we have known, we know generations of welfare recipients. Their parents, their grandparents... Well I do not know, not that far, but their parents were welfare recipients, they are welfare recipients and it looks like their children may become welfare recipients. We try to motivate them towards education. If we can get them into a typing course, and God knows there are enough typists around, and they only speak English, we try, we give them that much. It is only a small beginning, and it does not always work, but we try. I do not know if I answered your question, but it is typical of....

Mme Jacko: I would like to add to what she said that there are support systems in the Reserve.

Le Président (M. Leclerc): Est-ce que j'ai le consentement? On m'indique que le temps est terminé. You may...

Mme Jacko: One minute?

Le Président (M. Leclerc): Yes.

Mme Jacko: Okay. I want to add that the support systems do exist on the Reserve, such as the social services which the bands offer to the Native people and the education also. Most of the people of all ages whom we get at the Native Friendship Centre who are passing through, 50 % of all ages are on welfare, and in Montreal alone, of all ages, 25 % to 30 % are homeless and are on welfare. These are the ages that we have to deal with every day, and the effects of this new policy being forced on everybody, not only to the Natives... The Natives are already suffering. We believe that with this policy, you are forcing young women to give up their babies, selling them or even becoming segregated mothers. The suicide rate is very high. Even now, if this passes, we will get a higher suicide rate than we are dealing with now in remote areas. Illegal activities are going on,

with the drug pushing and prostitution; they will all increase. The imprisonment of our people, who are being fined unjustly, will even increase; the homelessness of all women, men and women. Drinking, drugs, alcool and prostitution, those will increase. Peddling, stealing and breaking up families.

You want to talk about motivation? We try to motivate our people, we try to help them as much as we can. But some of those people, some of those young people especially cannot go back home because they face verbal abuse, sexual abuse. Those are the most common problems that we have dealt with in this province. I hope this policy will not be passed. I care for my people. It will even degrade them even more. That is what will be happening to them. So, I hope that you will respect our decision regarding how we feel about our people. Thank you.

Le Président (M. Leclerc): Merci beaucoup. M. le ministre en conclusion, s'il vous plaît.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): I would like to thank you for both your written memoir and your "verbal énoncé". You have drawn our attention on special problems which are being lived by many different communities. That was one part of your message.

One question that you raised - and I know I am just supposed to thank you and I do not have any more time to bring it up to you - the matter of the cheque being spent quickly, sometimes without the rent being paid and all you have talked about. Some other organizations are recognized by the Department to administer in trust the cheques of the beneficiaries to make sure that basic needs are paid for. Did you have any experience with that previously? Is there any possibility of that working with the people frequenting your centre? That will be my last word to you, so once again, many thanks for what you have brought our attention to.

Mme Williams: We, at the Friendship Centre, have taken these people's cheques and we have administered them. We have paid their rent, we bought their food, we gave them spending money daily. Then it came to the point that there were so many of them, and they were coming up to us everyday saying: Give me some, give me some. We felt that, if we are going to help our people grow, we have to stop treating them like babies. It is their responsibility to spend their money, and if they spend it in one night, yes, we will help, but we can not treat them like babies and we do not want to.

Le Président (M. Leclerc): Mme la députée de Marie-Victorin, en conclusion.

Mme Vermette: I will say thank you and I will say my appreciation because you were very... c'était très émouvant. I will say it in

French. I think that you opened our minds about your situation and we have to take care of that. Thank you.

Mme Williams: Thank you.

Le Président (M. Leclerc): Mesdames Wanono, Williams and Jacko, on behalf of the parliamentary commission on Social affairs, I would like to thank you very much. Have a safe trip home.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 34)

(Reprise à 20 h 10)

Le Président (M. Kehoe): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des affaires sociales va reprendre ses travaux. Je devrais lire le mandat que nous avons...

Des voix: Non, non.

Le Président (M. Kehoe): Je pense que je vais vous dispenser de la lecture. Je comprends que c'est la première séance pour la consultation.

Des voix: Non.

Le Président (M. Kehoe): Non. Je demande au prochain groupe le NDP-Québec, d'approcher, s'il vous plaît, représenté par...

Des voix: NPD.

Le Président (M. Kehoe): NPD. Pour les fins du Journal des débats, je demanderai aux personnes de s'identifier, s'il vous plaît.

NPD-Québec

M. Morin (Roland): Je suis Roland Morin, chef du NPD-Québec, et je suis accompagné par Pierre Rivard, vice-président.

Le Président (M. Kehoe): Je vous souhaite la bienvenue. Je vous demande de présenter votre mémoire. Je tiens à souligner que les règles du jeu sont que chaque groupe a 20 minutes pour présenter son mémoire. Après cela, chaque groupe parlementaire a 20 minutes pour poser des questions et discuter avec vous. Si vous voulez commencer, M. Morin.

M. Morin: Mon introduction va être très brève, cela va être de résumer en deux mots ce qu'on pense du projet de réforme que nous a offert le ministre. En quelques mots on est contre. C'est aussi simple que cela. Comme on a seulement 20 minutes je pense que je vais donner à M. Rivard la tâche de lire le mémoire pour

couper au plus court. Après cela, on sera en mesure, lui-même et moi-même, si vous voulez, de répondre aux questions que vous voudriez nous poser.

M. Rivard (Pierre): Bonjour. Je vous en fais la lecture en espérant que j'entre assez facilement dans les 20 minutes. J'imagine que vous l'avez eu il n'y a pas très longtemps non plus, c'est pour cela que j'en fais la lecture.

Le titre qu'on a donné au mémoire, c'est: "Une politique de main-d'oeuvre inapte". C'est-à-dire qu'on a vu, dans la réforme du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, non seulement une politique de sécurité du revenu - on n'en est pas sûr non plus - mais aussi une politique de main-d'oeuvre qu'on estime inapte. C'est là-dessus qu'on centre l'intervention.

Lorsqu'on observe le portrait statistique de l'évolution du programme de l'aide sociale au Québec, deux tableaux nous apparaissent particulièrement significatifs. D'abord, l'inversion du rapport entre les clientèles aptes et inaptes au travail. Deuxièmement, le rajeunissement de cette clientèle et le prolongement de son séjour à l'aide sociale. Ces données, bien sûr, n'ont pas échappé à l'actuel gouvernement libéral qui nous promettait, lors de sa dernière campagne électorale, une politique en matière de sécurité du revenu qui tienne compte de ces nouvelles problématiques.

L'attente fut bien longue. Si longue que le gouvernement a bien failli nous faire croire que la réforme se limiterait à une vaste opération de visites à domicile qui fut, nous le savons, largement dénoncée non seulement par les clientèles concernées, mais aussi par les tristement célèbres boubou macoutes, indignés qu'on puisse exiger des salariés de l'État un harcèlement aussi systématique et pernicieux de bénéficiaires de services publics dans le non-respect de leur vie privée.

Pour plusieurs Québécoises et Québécois le message de cette campagne spectaculaire fut capté sans équivoque: la réduction des coûts devait apparaître au premier plan des priorités du gouvernement libéral dans l'élaboration d'une nouvelle politique qui avoue candidement, depuis quelques années, avoir pour mission première de dégraisser l'État, de rationaliser ses dépenses, surtout sociales, et de mettre un frein à ses largesses en responsabilisant les collectivités bénéficiaires de services et de redonner l'initiative à l'entreprise privée.

Personne n'est dupe quant à la véritable signification de ce vocabulaire. Nous savons bien, maintenant, que cela ne signifie nullement la fin de l'État-providence. Cela veut tout simplement dire que la providence change de camp. L'État devient de plus en plus le Robin des Bois des entreprises et de moins en moins celui des démunis. Dans une économie mondiale aussi durement concurrentielle, les entreprises ont plus que jamais besoin du secours de l'État: réduction de leur fardeau fiscal, transfert des dépenses sociales vers les dépenses de soutien aux entreprises, adaptation des programmes de main-d'oeuvre et des normes de travail aux contraintes de la concurrence internationale, politique salariale déflationniste, mais surtout restrictive, politique de sécurité du revenu qui maintienne la pression vers le bas sur les revenus et les normes minimales de travail, mécanismes d'incitation au travail qui font en sorte que de plus en plus de Québécoises et de Québécois acceptent cet état de fait. Bref, la veuve et l'orphelin ont changé de visage. Du "Welfare State" au "Workfare State", nous ne faisons que déplacer la destination de la providence étatique. L'énoncé politique du gouvernement libéral en matière de sécurité du revenu se situe tout à fait dans cette perspective.

Attendre longtemps n'est pas une faute en soi, quand la réflexion aboutit sur une compréhension plus large et plus équilibrée d'un phénomène complexe. C'est ce que nous étions en droit de nous attendre de ce' projet de réforme, compte tenu de la lenteur dont a fait preuve le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu pour rendre effectifs les engagements électoraux de son parti. Or, la déception ne peut être que très grande. La réforme Paradis de l'aide sociale ne fait que reprendre, prolonger ou institutionnaliser la gestion péquiste de ce programme. Elle comprend, évidemment, quelques correctifs et ajustements sur certaines dispositions, notamment les barèmes de prestation en fonction de l'âge des bénéficiaires jugées inacceptables. Mais, même là, le résultat est décevant. Si le gouvernement se propose d'abolir la disparité des prestations entre les moins et les plus de 30 ans aptes au travail, il suggère, en contrepartie, l'introduction d'une clause de dépendance alimentaire des 25 ans et moins envers leurs parents, ce qui constitue une autre forme de discrimination basée sur l'âge.

Le NPD-Québec rappelle au Parti libéral que le mouvement étudiant lutte depuis plusieurs années pour l'élimination de ce statut de dépendance dans le régime des prêts et bourses, qui nie le droit des jeunes Québécoises et Québécois à disposer d'un financement public sur une base autonome. Le NPD-Québec appuie déjà cette revendication et nous ajoutons dès maintenant notre voix à celle provenant des groupes de jeunes qui devront maintenant redoubler leur combat pour la reconnaissance du droit à l'autonomie des jeunes en tant que bénéficiaires légitimes de services publics.

Le NPD-Québec considère comme inacceptable l'intention du gouvernement libéral de transposer au programme de l'aide sociale les dispositions du régime des prêts et bourses qui figent la dépendance des jeunes envers l'unité familiale et qui, dès lors, leur refuse le droit démocratique de se constituer de manière autonome en tant que bénéficiaires de services

publics.

Quant à nous, nous crayons que les programmes de l'aide sociale et des prêts et bourses ne doivent pas constituer l'occasion de consacrer une politique familiale qui déresponsabilise l'État et qui pénalise les jeunes issus de familles où la situation ne correspond pas aux énoncés de politique du gouvernement. Tout au moins, l'énoncé de politique du gouvernement libéral reconnaît qu'il existe un lien entre l'évolution du chômage chez les jeunes et la progression de la clientèle apte au travail chez les moins de 30 ans. Autrement dit, il arrive à la conclusion que les jeunes assistés sociaux et assistées sociales ne sont pas nécessairement des paresseux et des paresseuses qui refusent de travailler, mais plutôt des jeunes qui ne parviennent pas, en raison de la situation économique, à se trouver un emploi. Mais là s'arrête la qualité de l'analyse. Cette hypothèse d'une corrélation entre chômage, situation économique et aide sociale est d'ailleurs reléguée au second plan dans plusieurs passages du document.

Somme toute, il se dégage deux grandes propositions du document Paradis. La première, c'est qu'on peut s'attaquer au problème des jeunes assistés sociaux sur une base individuelle. C'est-à-dire, au fond, que ce n'est pas la situation économique ou la structure du marché du travail qui est mésadaptée, mais plutôt la formation, la compétence, voire les mentalités, les comportements et les attitudes des assistés sociaux, sinon de la famille québécoise qui sont mésadaptés à la situation de l'emploi. Il s'agit, pour le gouvernement, d'intervenir sur la compétence et l'attitude de chaque individu pour régler leurs difficultés d'insertion au marché du travail.

La seconde proposition, c'est que le problème fondamental demeure un problème d'incitation au travail et qu'il s'agit de rendre le travail salarié plus intéressant pour que la clientèle de l'aide sociale diminue. Pour y arriver, la réforme Paradis suggère une double stratégie. Elle vise, par le biais du programme APPORT, à l'amélioration des revenus des travailleurs faiblement rémunérés pour les familles avec enfants seulement, ce qui est une autre discrimination et, simultanément, l'élimination de la couverture pour les bénéficiaires de l'aide sociale de certains besoins spéciaux que les travailleurs à faibles revenus ne peuvent s'offrir, histoire de rendre le programme d'aide sociale moins alléchant.

Bref, c'est une incitation au travail qui fonctionne en bonne partie - en partie - par un nivellement vers le bas. À preuve, l'adoption d'une nouvelle échelle de calcul des dépenses minimales des familles et des individus. Or. nous croyons qu'on ne peut s'attaquer au problème du chômage, notamment chez les jeunes, par des mesures qui soulignent la responsabilité individuelle des chômeurs face à la situtation de non-emoloi, comme si la structure actuelle du marché de l'emploi permettait leur insertion. Est-il besoin de rappeler, le document gouvernemental semblant l'oublier rapidement, que les assistés sociaux aptes au travail sont d'abord et avant tout des chômeurs et que toute réforme de l'aide sociale sera inefficace si elle n'est pas liée à une politique de plein emploi et ce, même lorsqu'il s'agit de réduire le coût du programme.

Or, cette dimension est évacuée du projet de réforme Paradis. Le NPD-Québec croit que toute stratégie de sécurité du revenu doit d'abord passer par une politique globale et collective de réalisation du plein emploi. Cela veut dire, notamment, que le droit à un travail social rémunéré doit être reconnu. En occultant ces dimensions, la réforme Paradis continue à faire peser sur le dos des bénéficiaires leur condition de chômeurs qui, dans un monde marqué par la mondialisation de l'économie et aussi par le spectre d'une nouvelle récession, leur échappe en bonne partie.

Si la réforme Paradis se penche sur la question des solutions au chômage par le biais du relèvement de l'employabilité, elle relève d'une conception de l'emploi qui n'est sûrement pas la nôtre. En effet, derrière l'intention de relever l'employabilité des bénéficiaires de l'aide sociale, mesure louable en soi, et les propositions qui visent à inciter les assistés sociaux et les assistées sociales à retourner au travail, une autre réalité se profile: celle qui constitue, avec les bénéficiaires de l'aide sociale, une main-d'oeuvre bon ri&rché, flexible et disponible, contrainte de s'inscrire à des programmes de travail précaires et mal payés pour obtenir un barème de prestations qui les rapproche - mais les maintient - sensiblement sous le seuil de la pauvreté. En fait, l'autre réalité qui. est tout à fait ignorée par la réforme Paradis, c'est la structure du marché de l'emploi. Inciter au travail, c'est très bien. Relever l'employabilité par la formation, c'est très bien, quoique cette politique apparaisse contradictoire avec la volonté du gouvernement de hausser fortement les frais de scolarité et de restreindre ainsi l'accessibilité à l'éducation pour les jeunes Québécois et Québécoises. Je renvoie aux déclarations du ministre Ryan.

Alors, les questions que nous devons poser sont les suivantes: Relever l'employabilité des assistés sociaux et des assistées sociales en vue de quel genre d'emplois? Qu'en est-il de l'efficacité des mesures et programmes qui cherchent à relever cette employabilité? On sait qu'il y a déjà eu des mesures pour relever l'employabilité et l'efficacité n'a jamais été démontrée. C'est ici que le projet libéral de réforme de l'aide sociale s'inscrit plus que jamais en continuité avec la gestion péquiste qui prévalait dans les années quatre-vingt.

Dans la majorité des pays occidentaux, un des symptômes et à la fois une des solutions à une crise économique qui ne se résout pas mais qui se camoufle un tant soit peu, c'est sûrement

la structuration de plus en plus duale du marché du travail. C'est-à-dire qu'il y a, d'un côté, les travailleuses et travailleurs salariés qualifiés, bien rémunérés, jouissant d'avantages sociaux et de conventions collectives négociées et, bien souvent, d'une permanence d'emploi. D'un autre côté, se développe d'une manière fulgurante un nouveau marché du travail constitué d'emplois temporaires fortement précaires et instables, sans avantages sociaux ni garanties de réembauche, marqués par une faible rémunération et le recours permanent à des périodes variables en durée de prestations d'assurance-chômage, d'aide sociale et parfois même de prêts et bourses. Je pense qu'on peut faire allusion à ce qui se passe à l'Université Laval pour les chargés de cours. C'est un exemple tout à fait éloquent de cette structuration du marché de l'emploi.

Depuis le début de la crise, nombre d'emplois sont passés de la première catégorie à la seconde au fur et à mesure que les retraités et congédiés ont été remplacés par des jeunes, par l'arrivée nouvellement massive des femmes sur le marché du travail ou par le retour de travailleuses et travailleurs temporairement exclus. Aussi, cette séparation en deux de la structure de l'emploi est devenue de plus en plus rigide. C'est-à-dire qu'une fois qu'on met les pieds dans l'une ou l'autre des deux catégories, il est de plus en plus difficile de la quitter et de moins en moins probable de le faire.

Une étude réalisée en 1986 et 1987 à l'Université Laval par les professeurs Breton, Létourneau et Levasseur démontre l'existence de ce phénomène pour une couche de plus en plus élargie de jeunes Québécois et Québécoises. En fait, c'est bien de la seconde catégorie d'emplois qu'il est difficile de se sortir alors que de quitter la première pour la seconde est plus fréquent. On peut même affirmer qu'il s'agit là d'une des stratégies d'emploi appliquées massivement dans les pays occidentaux depuis le début des années quatre-vingt et très sensiblement au Québec. Le travail précaire, instable, mal rémunéré avec périodes de chômage et d'assistance publique constitue pour une couche sociale de plus en plus large un marché de l'emploi en soi.

Ainsi, l'économie duale - c'est-à-dire à double catégorie d'emplois séparés rigidement aura permis à plusieurs entreprises de retrouver, à court terme, une certaine forme de "concurren-tialité" par rapport à des pays en développement. Aussi, elle aura permis à un nombre d'entreprises de profiter de cette dévalorisation de l'emploi et de sa dualisation aussi bien sur le marché interne qui n'est pas affecté par la concurrence mondiale. À preuve, la généralisation de ce phénomène dans le secteur des services publics, notamment - affectés par les pressions à la baisse intervenues dans les autres secteurs d'emploi. C'est dire que le gouvernement, par la gestion de son propre personnel, mais aussi par diverses mesures, comme le gel du salaire minimum, les programmes d'emploi pour les bénéficiaires de l'aide sociale favorisant l'embauche à bon marché - je fais référence autant à la période péquiste qu'à la période libérale - a joué un rôle actif dans cette dualisation du marché du travail.

Or, le NPD-Québec s'oppose fermement à cette dualisation à outrance du marché de l'emploi, surtout lorsqu'on la présente comme une sortie de crise efficace et inévitable. D'abord, parce qu'elle se fait à rencontre des droits démocratiques les plus fondamentaux, ensuite parce qu'elle est tout autant, sinon plus le résultat de politiques néo-libérales que de la mondialisation de l'économie, politiques plus imaginatives qui se révèlent de moins en moins efficaces pour gérer cette mondialisation de l'économie.

La dualisation de l'économie est une politique néo-libérale d'emploi, mais sûrement pas une politique de plein-empoi. Elle se traduit globalement par une réduction de la masse des revenus qui, malgré l'augmentation du nombre total d'emplois et les prétendus effets bénéfiques des abris fiscaux et de la spéculation boursière, déprime l'économie à moyen et à long terme. C'est ce qui ce passe, en ce moment, aux États-Unis.

Or, le volet APTE, soit la pierre angulaire de la réforme Paradis, s'inscrit de plain-pied dans cette perspective de dualisation de l'économie ainsi que de concert avec des initiatives gouvernementales qui ont été nécessaires pour permettre son développement et sa généralisation. Ce volet se compose d'une série de mesures qui auront pour effet de relever l'employabilité des assistés sociaux et des assistées sociales juste au niveau des emplois de la seconde zone seulement, c'est-à-dire les emplois précaires et mal rémunérés. Également, il contient une série de mesures financières qui permettront aux entreprises d'intégrer, avec de très faibles déboursés, cette main-d'oeuvre à bon marché.

En fait, la réforme Paradis vient généraliser à l'ensemble des assistés sociaux et des assistées sociales aptes au travail ce qui n'était réservé qu'aux moins de 30 ans sous le régime péquiste. Elle renforce donc la gestion de l'aide sociale, du moins du coeur du programme, imaginée par le Parti québécois. C'est-à-dire une série de mesures qui effectuent un relèvement minimal de l'employabilité des bénéficiaires de l'aide sociale en les contraignant à intégrer de manière dépendante la seconde couche du marché de l'emploi. C'est donc bien plus que de l'incitation au travail. C'est de la contrainte au travail précaire et mal payé et, par ricochet, c'est une réforme qui encouragera et renforcera la dualisation de l'économie.

C'est pourquoi le NPD-Québec rejette le volet APTE de la réforme Paradis. Ce volet va tout à fait à rencontre d'une politique de plein emploi. Si les intentions du ministre Paradis peuvent apparaître louables, ce qui est déjà discutable, celui-ci doit être conscient des effets

pervers de son énoncé de politique. Il s'agit d'une politique de sécurité du revenu qui vient institutionnaliser les carences et les injustices de la structure actuelle du marché de l'emploi. Si l'intention du ministre Paradis est de relever l'employabilité des assistés sociaux et des assistées sociales jusqu'à la première couche d'emplois - le travail stable et une rémunération moyenne - il nous faut émettre de sérieuses réserves. Le gouvernement du Parti québécois n'est jamais parvenu à démontrer l'efficacité de ses mesures de relèvement de l'employabilité et la réforme Paradis n'aborde même pas cette question. Cette efficacité n'est même pas démontrée à long terme pour les entreprises qui y voient l'occasion d'une production supplémentaire sans coûts additionnels, ce qui peut retarder son adaptation aux innovations.

Enfin, à long terme, voire à moyen terme, il y a fort à parier que la réforme Paradis entraîne une inflation du coût du programme de l'aide sociale. Nonobstant les volets Soutien financier et APPORT, où l'augmentation des coûts est acceptable et raisonnable dans la mesure où elle contribue à améliorer les conditions de vie des assistés sociaux et assistées sociales inaptes au travail ainsi que des familles à faibles revenus - il est déplorable que les célibataires soient oubliés. Soit dit en passant l'augmentation éventuelle des coûts liés au volet APTE pourrait être très forte et inacceptable, dans la mesure où ce volet ne constitue en rien un avancé vers une politique de plein emploi. Plusieurs s'entendent pour prédire une récession, voire une nouvelle crise économique, au tournant des années quatre-vingt-dix, qui pourrait gonfler substantiellement le nombre de participants au volet APTE, tant quant au nombre d'assistés sociaux et assistées sociales aptes au travail qu'au nombre d'entreprises tentées par le recours, en période de crise, à un tel programme de financement public de la main-d'oeuvre à bon marché. Le gouvernement pourrait être confronté, dès la première année d'application complète du programme, soit en 1990, a un déboursé de beaucoup supérieur aux 445 000 000 $ prévus en cas d'une participation à 100 % au programme.

Pour le NPD-Québec, la réforme de l'aide sociale doit être guidée par des principes de responsabilité sociale. Une politique de sécurité du revenu exige une véritable stratégie de plein emploi et la reconnaissance formelle du droit au travail. Le régime d'aide sociale doit être fondé sur le droit à un revenu minimum adéquat, et cela, quelle que soit la cause du besoin d'assistance, sans considération pour l'aptitude ou non au travail. Le droit à l'autonomie financière de chaque personne implique la disparition du statut de dépendance pour les jeunes adultes de 18 ans et plus. Enfin, le régime d'aide sociale doit assurer le respect des normes minimales de travail, du Code du travail et des chartes des droits et libertés.

La réforme du régime d'aide sociale doit viser à la poursuite d'une plus grande solidarité et d'une plus grande justice, et non pas élargir les inégalités et les disparités en consacrant quelque infériorité des bénéficiaires par rapport aux travailleurs et travailleuses. Cette solidarité et cette justice passent par la réforme du régime fiscal, en vue d'une plus grande équité et par le maintien de l'universalité des programmes sociaux.

Le Président (M. Kehoe): Merci, M. Rivard. M. le ministre, vos commentaires. (20 h 30)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie le NPD-Québec pour la présentation de son mémoire, ainsi que M. Morin, mais surtout M. Rivard pour la présentation orale, au moment où on se parle.

La problématique de l'aide sociale se situe dans un contexte qui est assez global et qui ne commande pas une solution unidimensionnelle. Si on se replace dans le contexte de la clientèle que l'on avait à l'aide sociale en mars 1987, on pouvait dénombrer quelque 400 000 chefs de ménage dont le seul revenu pour subsister ou vivre était des prestations d'aide sociale. Le ministère pense qu'il y a à peu près 25 % de cette clientèle, soit quelque 100 000 chefs de ménage, qui pourraient être considérés comme admissibles à l'un des programmes que vous avez mentionnés, le programme Soutien financier. Quant aux quelque 300 000 autres chefs de ménage que l'on dit aptes au travail, vous conviendrez avec nous que les caractéristiques de cette clientèle font en sorte qu'il n'est pas facile pour ces gens de postuler ou d'obtenir un emploi dans la société actuelle. 36 % de cette clientèle dite apte au travail sont considérés comme étant composés de personnes qui sont des analphabètes fonctionnels. 60 % de cette clientèle sont composés d'individus qui n'ont pas complété leurs études secondaires. 40 % de cette clientèle sont composés de personnes qui n'ont aucune expérience de travail antérieure reconnue.

Le gouvernement n'a pas le choix. Diverses possibilités s'offrent à lui: de faire ce que les gouvernements ont traditionnellement fait, de tenter de se libérer la conscience ou de se justifier socialement en postant mensuellement un chèque à ces individus et en les oubliant en marge de la société. Ou le gouvernement peut choisir d'attaquer le problème sous deux dimensions et je pense que vous avez souligné les deux dimensions dans votre mémoire: par une politique qui vise au plein emploi et par l'amélioration des caractéristiques d'employabilité de ces gens qui risquent de demeurer en marge de ce plein emploi si les caractéristiques d'employabilité ne sont pas améliorées.

Je ne vous ferai pas un long résumé de la performance du Québec en ce qui concerne la création d'emplois au cours des deux dernières

années, je vais me limiter, si vous le permettez, aux douze derniers mois: en février 1988, comparé à février 1987, 104 000 nouveaux emplois ont été créés nets, c'est-à-dire qu'on a soustrait les emplois perdus, etc. La qualité des emplois: 99 000 de ces emplois étaient des emplois à plein temps. Le taux de chômage a baissé, durant cette année, de quelque 2 %. C'est dû à quoi? Bien, c'est dû à une politique de plein emploi, nous croyons. C'est dû à un climat politique qui est stable, à des mesures fiscales qui incitent à l'investissement et à une participation du partenariat tant syndical que patronal visant à une croissance plus rapide de l'économie.

Vous vous inquiétez de cette création - vous n'êtes pas le premier groupe à le faire, je tiens à le souligner - de deux classes dans la société: les plus riches et les plus pauvres. Et vous mentionnez, à un moment donné, qu'on privilégie, comme gouvernement, cette formation de deux classes, entre autres, en gelant le salaire minimum. Depuis l'arrivée du présent gouvernement, il y a eu deux hausses du salaire minimum. Je ne dis pas qu'il n'y avait pas du rattrapage à effectuer et qu'on ne demeure pas en situation de rattrapage, mais des efforts ont été consentis sur le plan du rattrapage par les gens de l'aide sociale, les bas salariés, versus ceux et celles qui, dans la société, jouissent de revenus supérieurs.

Je pourrais continuer sur le plan philosophique mais je désirerais, vu qu'on est limité dans le temps - d'autres députés veulent intervenir - vous adresser une question spécifique sur un des principes qui est à la base de ce que nous proposons, le principe de la parité pour les jeunes dont vous avez traité longuement dans le mémoire que vous nous avez soumis. Vous connaissez le fonctionnement du système actuel. Vous nous suggérez une parte automatique. Moi, j'aimerais vous entendre là-dessus. Vous nous reprochez, entre autres, d'inclure dans notre parité la question de la contribution alimentaire parentale identique à celle que l'on retrouve dans le système de prêts et bourses aux étudiants. Moi, j'aimerais avoir la position de votre formation politique. Est-ce que, pour vous, si vous aviez la possibilité de le décider demain matin ou dans les plus brefs délais, ce serait la parité automatique à tous ces jeunes de 18-30 ans?

M. Morin: Je répondrais immédiatement oui, ayant dans une autre incarnation, dans une vie alors que j'étais beaucoup plus jeune, fait un travail dans le domaine social à une époque où il y avait, justement, responsabilité alimentaire. Si, depuis cette époque-là, qui remonte à la fin des années cinquante, les gouvernements qui se sont succédé, qui ont été d'à peu près toutes les philosophies politiques, ont jugé bon de ne pas appliquer cela, il devait y avoir des raisons. Je pense que ce principe-là n'est pas applicable, en termes pratiques.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quel principe9

M. Morin: Le principe de la responsabilité des parents envers les assistés sociaux jeunes. La question de la parité, je ne vois pas pourquoi un jeune de 22 ans pourrait vivre à meilleur compte qu'une personne de 42 ans. Je parle de personnes égales, célibataires, hommes ou femmes Je ne vois pas du tout comment cela serait possible. Je ne vois pas par quel raisonnement on peut justifier d'en donner moins à celui qui a 25 ans, 22 ans. Cela revient quasiment à de la discrimination pour des motifs d'âge.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous n'auriez pas, vous, de réserve ou de crainte sachant que cette contribution alimentaire parentale existe au moment où nous nous parlons, et on ne parle pas dans l'abstrait, on parle d'autres mesures et du programme de dernier recours dans la société. Vous n'auriez pas l'inquiétude, en accordant la parité automatique, de créer un phénomène d'attraction pour les jeunes qui sont aux études postsecondaires, pour un certain nombre d'entre eux ou d'entre elles, en tout cas, de les amener dans le giron de l'aide sociale, inquiétude qui était manifestée par M. Parizeau dans son livre blanc sur la fiscalité et qui a été indirectement manifestée par celle qui m'a précédé comme ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et également par M. Johnson qui était chef du Parti québécois.

M. Morin: Moi, je n'ai pas à faire l'apologie des personnes qui se sont succédé au ministère, ce n'est pas ma tâche, mais je vous dis ce que j'en pense tout simplement. Je pense que c'est irréaliste et que c'est forcer ces gens-là à une précarité telle que vous les découragez totalement de retourner au travail. Vous avez dit vous-même que pour beaucoup des assistés sociaux, surtout parmi les plus jeunes, H n'y avait pas d'éducation, il n'y avait pas de métier, il n'y avait rien. Si vous aviez offert un programme en vertu duquel il aurait pu y avoir une certaine sécurité du revenu au moment où ils essaient de terminer leur secondaire ou même d'avoir accès au cégep, je dirais: II y a un pas dans le bon sens. Au moins cela les tient en dehors du marché du travail, d'un marché du travail tout de même précaire. On a tout de même autour de 8 % de chômage au Québec encore. Alors, on est loin du plein emploi de ce côté-là. Je pense que l'objectif d'une société humanitaire, d'une bonne société, serait qu'H n'y ait pas de chômage, qu'il n'y ait pas d'assistés sociaux ou que l'assistance sociale soit seulement pour subvenir aux besoins les plus dramatiques, les plus graves. Cela est de l'utopie, je le reconnais.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord M.

Morin, vous me permettrez de revenir à la question de la parité, parce que j'aurais pu, dans mes questions, tenter de brosser un tableau d'ensemble mais j'ai à peine quelques minutes pour discuter avec vous. Moi, je vous dirai que je ne pose pas de question sur le principe de la parité et que je n'ai dans ma tête aucune hésitation sur la question de la discrimination basée sur l'âge. Si j'en avais eu, je ne serais pas intervenu en ce qui concerne le salaire minimum comme je l'ai fait, ni en ce qui concerne l'industrie de la construction comme je l'ai fait.

Maintenant, je me pose des questions et je pense que ces questions étaient bien partagées par quelqu'un qui écrivait dans Le Devoir la semaine passée ce qui suit, et je vous le soumets pour réflexion: L'interrogation peut se formuler ainsi: Est-il socialement souhaitable de verser à un jeune de 18 ans le plein montant de l'aide sociale sans rien changer des caractéristiques du programme actuel? Il n'existe aucune réponse empirique à cette question. L'hypothèse la plus courante - on l'entend chuchoter même par des gens qui jugent plus prudent de s'enfouir la tête dans le sable chaud de la bonne conscience qui leur sert de philosophie sociale - est que la parité sans un train de mesures d'accompagnement serait un geste irresponsable, une invitation cynique à abandonner des études pour les uns, à quitter leur emploi pour les autres et, pour un certain nombre, à cesser toute recherche d'un revenu de travail. Bref, on pousserait des milliers de jeunes dans un piège dont on sait qu'il est difficile de sortir.

M. Morin: Pierre va vous dire quelque chose sur cela.

M. Rivard (Pierre): Je vous dirais que j'ai de la misère à croire qu'on puisse penser que les jeunes du Québec sont intéressés à vivre avec un revenu de 40 % inférieur au seuil de la pauvreté. Vous vous demandez si le fait d'accorder la parité, entre autres aux jeunes de 18 à 25 ans, pourrait entraîner ceux qui étudient dans les programmes postsecondaires vers le programme d'aide sociale. C'est difficile d'imaginer des personnes qui font des études postsecondaires se souhaiter un sort comme celui-là. Le sort de l'aide sociale n'est pas un sort enviable en soi. Ce n'est pas une politique d'avenir. D'autre part, je ne pense pas que vous ayez introduit cette clause à cause des étudiants au postsecondaire, parce que vous savez que la clientèle que vous avez dans...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je suis obligé de vous arrêter là-dessus. Je vous dis, comme ministre responsable de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, que si je n'avais pas cette contrainte des prêts et bourses aux étudiants je me sentirais totalement libre ou autorisé de ne pas inclure une telle clause.

M. Rivard (Pierre): Mais c'est la minorité de votre clientèle, M. Paradis. Vous avez très peu d'assistés sociaux qui viennent du postsecondaire. En tout cas...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): En vertu de la règle de l'alternance peut-être, Mme la députée de Maisonneuve.

Le Président (M. Kehoe): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, merci, M. le Président. Il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue, à vous, MM. Morin et Rivard. Est-ce que c'est votre premier passage en commission parlementaire, M. Morin? Je serais heureuse que ce soit justement à l'occasion de ce débat sur la sécurité du revenu. Est-ce la première occasion, comme chef du NPD-Québec, que vous avez de présenter les positions du parti à l'Assemblée nationale?

M. Morin: Oui.

Mme Harel: Alors, je pense bien que la commission peut vous souhaiter la plus cordiale des bienvenues. Enfin, je ne vous demanderai pas si vous avez reçu la même offre que M. Parizeau avait reçue de la part du premier ministre.

M. Morin: Je l'ai remarqué. J'ai écrit au premier ministre pour le lui dire, d'ailleurs.

Mme Harel: Ils sont trop bons.

M. Morin: Je me sentais un peu vexé.

Une voix: C'est de la discrimination.

Mme Harel: J'aimerais poursuivre avec vous cette discussion, notamment sur toute cette question des mesures d'employabiiité et sur l'absence de toute étude publique sérieuse, actuellement, qui nous permettrait de vérifier les taux d'échecs qui nous sont transmis comme étant ceux des programmes d'employabiiité. C'est une question fondamentale, puisque le ministre entend reconstituer toute une réforme sur ce que des voix autorisées nous disent un peu partout; sur cet échec un peu majeur des mesures d'employabiiité; sur cet échec que bon nombre d'organismes qui vous ont précédés sont venus souligner au ministre. Je pense en particulier à la Centrale de l'enseignement du Québec qui est venue souligner au ministre que les informations qu'elle détenait lui faisaient constater que 70 % des bénéficiaires qui ont fait cet effort de s'inscrire au programme de rattrapage scolaire ont connu un deuxième échec avant la fin et ont dû abandonner. Ce sont là des chiffres que jamais le ministre n'a, d'une façon sérieuse, confirmés, malgré qu'il ne les ait jamais contredits. C'est-à-dire que ce qui n'est pas sérieux,

c'est de ne pas nous communiquer ces chiffres qui sont pourtant le fondement même de ce qu'est sa réforme.

On va revenir là-dessus, si vous le voulez bien. Peut-être qu'avant, j'aimerais examiner la question de la parité. Vous nous dites: Une parité sans condition dès l'âge de la majorité, alors dès l'âge de 18 ans. Le ministre vous fait valoir des considérations liées au programme de prêts et bourses qui contient une clause de contribution parentale. Vous nous faites valoir dans votre mémoire que, justement, cette contribution parentale est décriée depuis très longtemps et qu'il y a une revendication d'autonomie pour une personne adulte dès l'âge de 18 ans, une reconnaissance de son droit à l'autonomie. De toute façon, en pratique, le ministre a déjà dit devant cette commission qu'au contraire il apportait 85 % des contributions parentales qui seraient effectivement versées aux étudiants à qui, pourtant, on présumait une telle contribution qui alors n'est pas versée, pour 85 % des étudiants. (20 h 45)

C'est là une sorte de construction bien théorique, parce qu'on appliquerait à laide sociale une contribution qui n'est pas versée aux prêts et bourses. Le ministre dit: Si je n'avais pas la contrainte des prêts et bourses, je me sentirais totalement libre. Je vous repose la question: Est-ce qu'on serait socialement libre de penser qu'à partir de l'âge de 18 ans... Je ne le vois pas comme vous, d'ailleurs, en fonction d'un décrochage des études collégiales, car s'instruire, comme le dit l'article d'Alain Dubuc de La Presse, ce n'est peut-être pas s'enrichir, mais au moins c'est travailler. Et les chiffres sont quand même très éloquents. Le taux de chômage chez ceux qui avaient fait seulement des études secondaires était de 13,4 %; il tombe à 7,3 % chez ceux qui ont fait des études collégiales et à 5,1 % pour les universitaires. Donc, c'est inversement proportionnel à la formation. Je prends pour acquis que le gouvernement va donner raison au mouvement étudiant qui réclame de retirer la contribution parentale ce qui va, entre autres, donner raison à la commission jeunesse de son parti.

Je reviens avec une question de fond. Considérons deux jeunes de 18 ou 19 ans qui décident de cohabiter; un jeune homme et une jeune femme qui ont tous les deux des relations, peut-être pas difficiles, mais tout simplement un peu tendues avec la famille, comme on les a souvent. Je ne sais pas si c'a été votre cas, il y a des expériences qu'on ne va pas révéler ici, mais qui sont fréquentes à cet âge parce qu'on est à la recherche de sa propre identité. Alors, si le ministre applique sa propre proposition d'un an de vie commune avant de considérer qu'il y a vie maritale, ou s'il donne satisfaction à peu près à tous les groupes de femmes, sans exception, qui sont venues lui recommander qu'il y ait trois ans de vie commune avant qu'il y ait présomption de vie maritale... Ces jeunes ont, à deux, l'équivalent de 1000 $ par mois, c'est-à-dire 12 000 $ par année; 12 000 $ sans que pour autant il y ait quelque activité à laquelle ils doivent participer. Autant je suis favorable à ce qu'on retire toute cette question de contribution parentale, qui est une pure construction fictive qui ne repose plus sur les relations familiales actuelles, mais qu'il faut appliquer aux prêts et bourses, autant je me demande si cette parité, socialement nécessaire - on s'entend là-dessus - ne doit pas aussi être accompagnée d'une exigence de participation à des activités communautaires.

M. Morin: Ce n'est pas une question piégée; c'est une bonne question. Je serais tenté de dire, jusqu'à un certain point: Pourquoi pas? Si c'était là la seule façon d'y arriver et si je croyais vraiment tous les dangers qui nous sont exposés par cette parité, car on semble nous dire que c'est quasiment injuste... Il faudrait voir exactement de quoi il s'agit; une participation de quelle façon? Est-ce qu'on les obligerait à retourner à l'école? Est-ce qu'on les obligerait à faire des travaux communautaires? Faire quoi au juste? Est-ce qu'on va les rendre responsables, en les payant? Cela devient de la conscription ou presque. Est-ce qu'on va leur faire nettoyer le Saint-Laurent? Est-ce qu'on va leur faire faire des tâches pour améliorer les normes écologiques au Québec? Qu'est-ce qu'on va faire au juste? Est-ce qu'on va les louer à l'entreprise privée? C'est la question qui se pose.

Mme Harel: C'est la question que je vous pose.

M. Morin: Je pense que personne, parmi les assistés sociaux, à moins qu'il n'y ait des vicieux, et j'imagine que cela ne doit pas être la majorité, ne tient absolument à vivre dans la misère; je pense que personne n'ambitionne d'être assisté social.

Mme Harel: M. Morin, de nombreux groupes qui étaient composés de jeunes et qui travaillaient avec des jeunes sont venus nous parler de la mésadaptation sociale d'un bon nombre de jeunes, des conflits familiaux et des familles reconstituées. En 1990, un couple sur deux, au Québec, sera divorcé; un sur quatre sera remarié et un sur cinq redivorcé. Il ne faut pas chercher de vice dans ce que je dis. Il faut juste constater que, socialement, il peut certainement y avoir un problème à allouer à un couple de jeunes non pas l'équivalent du salaire minimum, mais l'équivalent du salaire - je suis en train de tenter de faire un calcul; l'équivalent de 6 $ l'heure environ - qui peut être celui d'un travailleur. Il y a à peu près 200 000 personnes au Québec qui ont à la fois le salaire minimum et à peu près...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Jusqu'à 6 $.

Mme Harel: Avec ce travail, ils vont se faire vivre et faire vivre... En d'autres termes, socialement, n'y a-t-il pas un problème à ce que la société dise qu'à 18 ans ou à 19 ans, au moment où on est à un âge très souvent critique et où on a à faire des choix de vie... Il est possible qu'un peu plus vieux ces choix de vie soient faits et qu'il y en ait qui choisissent de rater leur vie. Mais lorsqu'on est à la croisée des choix et des chemins, est-ce qu'il est souhaitable qu'on ait ce type de mesure sociale?

M. Morin: J'ai de la difficulté à suivre votre raisonnement. Je pense que les sociologues s'accordent pour dire que la pauvreté entraîne la pauvreté et qu'il se crée une espèce de cercle vicieux là-dedans. Il est entendu que si, aux deux jeunes dont vous me donnez l'exemple, vous donnez un salaire égal à celui d'un médecin et que vous appelez cela l'aide sociale, ils ne seront jamais intéressés à travailler. Mais, entre cela et la pitance qu'on leur donne actuellement, il doit exister quelque part un juste milieu. Et ce juste milieu, pourquoi ne serait-ce pas que votre jeune couple de 18 ans, qu'ils soient mariés ou non, mais vivant ensemble, ait l'équivalent d'un autre couple de 24, de 30 ou de 35 ans qui n'a pas d'enfant et qui ne peut pas travailler? Pourquoi ne serait-ce pas l'équivalent?

Et dans le cas des personnes seules, car il ne faut pas oublier que parmi les assistés sociaux il y a énormément de personnes seules, les pourcentages sont assez importants. Et je fais abstraction des familles monoparentales qui sont la plupart du temps dirigées par des femmes. Pourquoi une personne seule de 18 ans ou de 19 ans pourrait-elle subsister avec moins d'argent qu'une personne seule de 60 ans? Je ne vois pas comment on peut arriver à ce raisonnement.

Mme Harel: Le raisonnement, ce n'est pas de leur donner moins, M. Morin.

M. Morin: Pardon?

Mme Harel: Le raisonnement, ce n'est pas de leur donner moins; c'est de leur donner tout autant, parce que les besoins sont les mêmes, mais de s'attendre qu'ils aient un accompagnement, un soutien, un coup de main qui peut être de toute nature. Aujourd'hui, on est venu nous parler, notamment, de la nécessité d'offrir du conditionnement physique. Des gens de jeune âge avaient souvent des problèmes de santé. C'étaient des gens du comté de Saint-Jacques qui sont en contact tous les jours avec des jeunes en très grande difficulté.

M. Morin: II y a des problèmes de santé et il y a des problèmes de malnutrition. Il est maintenant prouvé que, même s'ils veulent retourner aux études, s'ils n'ont pas une certaine sécurité financière et alimentaire, leurs études seront extrêmement difficiles.

Mme Harel: M. Morin, on parle de gens qui font une activité, justement. Quand vous me parlez d'études, c'est parce qu'ils sont...

M. Morin: C'est une activité. Pour moi, c'est une activité aussi valable que d'aller sur le marché du travail.

Mme Harel: Certainement. De toute façon, c'était justement une des propositions mises en place par le Parti québécois, ce rattrapage scolaire. Vous le mentionniez et on va y revenir, si vous voulez. C'est certainement une activité aussi importante et aussi valable. Vous nous dites qu'il n'y a pas encore eu démonstration de l'efficacité des mesures de relèvement de Pem-ployabilité. Vous dites: La réforme Paradis n'aborde même pas cette question. Cette efficacité n'est même pas démontrée à long terme pour les entreprises, etc. Vous avez des informations, vous avez votre point de vue sur ces mesures d'employabilité. Vous les préconisez et vous les favorisez, ces mesures d'employabilité offertes aux moins de 30 ans. Je les rappelle: travaux communautaires, rattrapage scolaire, stages en entreprise. Pour chacune de ces mesures, est-ce que vous avez un point de vue? Vous préconisez leur abandon? Vous préconisez leur maintien, leur développement? Quel est le point de vue du NPD-Québec là-dessus?

M. Morin: II y a certaines de ces mesures qui ont permis à des personnes de ne pas bénéficier, pendant un certain temps, de l'assistance publique ou de l'aide sociale et d'avoir un emploi pendant un certain temps.

Mme Harel: Je crois qu'on se trompe, M. Morin.

M. Morin: Non. Étant employeur moi-même, je me suis rendu compte que certaines de ces personnes allaient profiter justement du programme pour pouvoir changer de dispensateur d'assistance, essayant de passer pendant un bout de temps à l'assurance-chômage, quitte à revenir après à l'assistance publique. Parce que, de toute façon...

Mme Harel: M. Morin, je pense qu'on ne s'est pas bien compris. Toute personne qui participait aux mesures était toujours un bénéficiaire de t'aide sociale et ne pouvait justement pas avoir un statut de travail. Justement, elle ne pouvait ni recevoir de l'assurance-chômage, ni cotiser à la Régie des rentes. Il s'agit de mesures d'employabilité pour un bénéficiaire de l'aide sociale.

M. Morin: Je ne sais pas quels ont été les résultats. Je n'en ai pas la moindre idée mais,

d'après ce que mon collègue disait tout à l'heure, les résultats n'ont pas été fracassants à venir jusqu'à maintenant.

Mme Harel: Non, mais quel est votre point de vue, au NPD-Québec, concernant ces mesures d'employabilité?

M. Morin: La crainte...

Mme Harel: Vous les abandonneriez? Vous les développeriez? Vous les maintiendriez? Vous avez un point de vue sur chacune de ces trois mesures? Vous les abandonneriez en bloc? Il y en a quelques-unes d'entre elles qui seraient à retenir? Quel est votre point de vue là-dessus?

M. Rivard (Pierre): J'aurais tendance, en tant que jeune et connaissant plusieurs jeunes qui ont participé à ces programmes, à les abandonner grosso modo. Surtout...

Mme Harel: Les trois? Rattrapage scolaire, travaux communautaires, stages en entreprise.

M. Rivard (Pierre): Stages en entreprise, particulièrement, parce que plusieurs jeunes se sont plaints d'être en fait au service d'une entreprise pendant une période X, pendant une période de huit ou neuf mois par exemple - quoique dans la réforme Paradis on ne sache pas vraiment combien de temps ces mesures vont durer - et d'être rejetés par l'entreprise au moment où la subvention n'était plus disponible. Donc, c'étaient des mesures très partielles et, souvent, les jeunes n'étaient pas affectés aux travaux qui avaient été prévus. Ils devaient faire un stage en entreprise pour améliorer leur formation sur tel ou tel élément et, bien souvent, ils se rendaient compte que ce n'était pas la nature du travail qu'ils faisaient. Il y a eu énormément de critiques par rapport aux stages en entreprise.

En ce qui concerne les travaux communautaires, je pense qu'ils peuvent avoir une certaine utilité, et il y a des jeunes qui peuvent les trouver intéressants. Ils ne sont pas à rejeter du revers de la main, sauf que je me demande si c'est au régime de l'aide sociale de gérer un programme de travaux communautaires. Peut-être qu'il y aurait lieu d'en faire un programme particulier, séparé du régime d'aide sociale, où les jeunes pourraient contribuer d'une manière très volontaire. Qu'on encourage les jeunes, par exemple, à former des coopératives qui offriraient des services de travaux communautaires. Je pense qu'il y a d'autres manières d'envisager la participation a des programmes comme celui-là. Enfin, je pense qu'il est moins condamnable, si on veut.

Quant au rattrapage scolaire, comme les jeunes assistés sociaux sont des jeunes qui, souvent, n'ont pas de formation post-secondaire, et n'ont même pas terminé leur formation secondaire, je me demande s'il n'y aurait pas lieu d'élargir - c'est une proposition que les jeunes de NPD-Québec ont votée et vont essayer de faire entériner au prochain congrès du parti - d'étendre le régime des prêts et bourses au niveau secondaire; de permettre à des jeunes qui ont 17, 18, 19, 20, 21 ans, donc qui ont quitté les études depuis longtemps et n'ont pas terminé leurs études secondaires, de jouir du régime de prêts et bourses pour faire leurs études secondaires.

Mme Harel: À ce moment-là, vous savez certainement que le régime de prêts et bourses est moins généreux que l'actuel programme d'aide sociale.

M. Rivard (Pierre): Cela prendrait une réforme du régime des prêts et bourses, entre autres, pour ce qui est de la couverture des besoins spéciaux.

Mme Harel: Mais vous savez que présentement, lorsqu'il y a retour aux études pour terminer le secondaire, il y a une couverture des besoins qui est de loin supérieure à celle des prêts et bourses. Alors, ce que vous allez voter, c'est déjà en application.

M. Rivard (Pierre): Bien...

Mme Harel: Oui, parce que si vous votez une extension des prêts et bourses au secondaire, cela va donner une diminution.

M. Rivard (Pierre): On prévoit qu'il y ait couverture des besoins spéciaux à l'intérieur du régime des prêts et bourses aussi.

Mme Harel: Oui, mais...

M. Rivard (Pierre): Disons que pour nous, les jeunes du NPD, il est inacceptable que les étudiants n'aient pas d'aide en ce qui concerne la couverture des besoins spéciaux. (21 heures)

Mme Harel: Pourquoi, alors, changer quatre trente sous pour une piastre? Parce que, présentement, l'application du régime veut que, lorsqu'il y a rattrapage scolaire, il y a retour aux études secondaires, il y a finalement la parité. Et la question est bien plus de savoir pourquoi ces programmes-là n'ont pas donné les résultats voulus. La CEQ nous a dit que les conditions dans lesquelles ces jeunes retournent aux études ne sont pas adéquates, parce qu'ils ont déjà connu un premier échec, puisqu'ils ont abandonné avant de terminer, et le retour se fait dans de mauvaises conditions. C'est sur une base volontaire, le retour aux études, mais il ne se fait pas dans de bonnes conditions pédagogiques. L'école est restée la même, donc totalement mésadaptée par rapport à leurs besoins.

Alors, je vais vous remercier pour cette

discussioné. Je pense, M. le Président, que mon temps est déjà écoulé.

Le Président (M. Kehoe): Merci, Mme la députée de Maisonneuve. Je reconnais le député de Chambly.

M. Latulippe: Alors, je voudrais vous remercier aussi pour votre mémoire. Je pense qu'il y a des principes auxquels, tous, on adhère, par exemple, le droit au travail. Mais j'aurais des questions précises à vous poser, un peu dans la foulée de celles que Mme la député de Maison-neuve vous a posées. Le profil de la clientèle à l'aide sociale, on le voit ici, est peu scolarisé: 36,7 % des bénéficiaires ont huit années ou moins de scolarité et deux bénéficiaires sur cinq n'ont aucune expérience de travail. Vous êtes très critique face aux mesures visant à rehausser l'employabilité. J'aimerais que vous nous disiez comment vous croyez qu'on peut consacrer le droit au travail et qu'on puisse finalement aider ces personnes. Une personne, par exemple, qui a très peu ou qui n'a pas d'expérience de travail, qui souvent est peu scolarisée, qui peut avoir 30, 35 ans, comment l'aidez-vous, cette personne-là, à acquérir les qualités requises ou à acquérir ce qu'il faut pour vraiment s'intégrer au marché du travail? Concrètement, qu'est ce que vous faites pour l'aider, cette personne-là?

M. Morin: Question pesante encore une fois.

M. Rivard (Pierre): C'est sûr que ces personnes-là font face à des problèmes particuliers, mais le document qu'on présente n'est pas une contre-réforme non plus, du régime d'aide sociale. En fait, c'est une analyse, quant à nous, de la philosophie qu'il y a derrière et aussi de certains effets pervers qu'il peut y avoir. Il y a des objectifs qu'on a qui sont louables, mais il y a aussi des contre-effets qu'il faut éviter.

En tout cas, nous quand on pense à une politique de plein emploi, c'est bien évident, en tout cas chez les jeunes au NPD-Québec, que dans la conjoncture actuelle, ce n'est pas possible de l'imaginer. Cela ne veut pas dire que chaque personne travaillerait quarante heures par semaine, par exemple; et cela ne veut pas dire que chaque personne occuperait nécessairement un emploi bien rémunéré, à temps plein, etc. Cela passe, quant à nous, par une politique de partage du travail et de réduction du temps de travail. Je pense qu'on ne peut pas, ce n'est pas au programme de l'aide sociale, même avec toutes les mesures de relèvement de l'employabilité qui peuvent être repensées d'ailleurs... Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas essayer de relever l'employabilité des bénéficiaires. Cela veut dire que ce n'est pas à l'aide sociale nécessairement de le faire. Ce n'est pas une politique de main-d'oeuvre. Je pense qu'il faut avoir, à côté d'un programme d'aide sociale, une politique globale de plein emploi qui passe par une réduction du temps de travail, par un partage du travail et aussi par des politiques de main-d'oeuvre qui cherchent à relever l'employabilité des personnes qui ont une employabilité déficiente. Quoique, avec le temps, les problèmes de main d'oeuvre vont être très différents au Québec. Les problèmes vont changer, il y a une certaine clientèle à l'aide sociale qui, vieillissant, ne se renouvellera pas non plus.

M. Latulippe: Je voudrais, en fait, arriver à la deuxième partie de votre mémoire, ou à la partie principale, celle sur le plein emploi. Mais revenons à l'assisté social qui, vraiment, a des problèmes d'employabilité. On comprend bien, et on s'entend tous pour dire que l'assisté social recherche à s'intégrer au travail et que sa plus grande volonté est de voir son droit au travail respecté. Mais pour cette personne-là, qui a des problèmes, qui a 30, 35 ans, ou 20 ans, comment faites-vous... Est-ce que vous croyez, par exemple, que les travaux communautaires peuvent être une façon graduellement d'amener cette personne-là à apprendre le travail?

M. Rivard (Pierre): Comme je le disais tantôt, beaucoup de programmes de travaux communautaires ne sont pas arrivés à ces objectifs-là.

M. Latulippe; Non, mais est-ce que le principe des travaux communautaires peut être une bonne mesure à l'employabilité?

M. Rivard (Pierre): Oui, le principe peut être défendu. C'est-à-dire que tout est dans la gestion du programme, évidemment, dans le type de travaux qui sont effectués dans le type d'entreprises qui y participent aussi.

M. Latulippe: Deuxièmement, est-ce que le rattrapage scolaire par exemple ou l'amélioration de la formation de cette personne-là, qui a des problèmes, n'est pas une autre façon d'accroître ses chances de se trouver de l'emploi?

M. Rivard (Pierre): L'éducation en général, dans son ensemble, pas seulement le rattrapage scolaire, tant pour les assistés sociaux que pour les non assistés sociaux, est une excellente façon d'améliorer les chances d'employabilité.

M. Latulippe: Oui, mais je parle...

M. Rivard (Pierre): C'est clairement démontré par toutes les études.

M. Latulippe: D'accord. Je parie de cette personne-là. On va y aller avec des cas concrets. Croyez-vous qu'une meilleure formation ou des mesures améliorant sa formation vont l'aider à se trouver un emploi?

M. Rivard (Pierre): La réponse à votre question est évidente. C'est évident que le problème, le premier problème des assistés sociaux en est un de formation et un problème d'éducation. C'est le principal obstacle à leur insertion sur le marché du travail.

M. Latulippe: Donc...

M. Rivard (Pierre): Ce qu'il y a dans le mémoire, c'est une critique du mode d'insertion au marché du travail.

M. Latulippe: Je comprends donc que vous êtes d'accord avec les mesures pour rehausser l'employabilité?

M. Rivard (Pierre): Mais il y a des pièges dans ces mesures-là. C'est cela qu'on dit. Il faut faire attention aux pièges qu'il y a là-dedans. Cela consacre une dualité de l'économie qui se passe au Québec et qui se passe dans tous les pays occidentaux.

M. Latulippe: On va y arriver, à la dualité de l'économie.

M. Rivard (Pierre): C'est cela, d'accord.

M. Latulippe: Vous êtes donc d'accord pour dire que les mesures pour rehausser l'employabilité comme celles dont on a parlé - oublions leur application - sont bonnes pour aider une personne à voir son droit au travail respecté?

M. Rivard (Pierre): Oui, pour autant que cela ne soit pas la condition pour qu'elle ait un plein barème. C'est-à-dire que c'est très bien qu'il y ait des mesures qui viennent en aide aux assistés sociaux, mais que cela ne soit pas la condition qui fasse en sorte qu'ils aient par exemple 100 $ de plus par mois.

M. Latulippe: D'accord. Vous étiez très critique, en général, face aux mesures d'employa-bilité. J'aimerais arriver à la deuxième partie. Vous parlez de la politique de plein emploi et vous parlez, entre autres, de la structuration de plus en plus duale du marché du travail: d'un côté, les travailleurs et travailleuses qui sont syndiqués, qui jouissent d'avantages sociaux et de l'autre, cette deuxième catégorie d'emplois, que vous dites fort précaires. Quelles sont les mesures précises que vous préconisez? Parce que vous êtes contre ce dualisme dans le marché du travail, quelles mesures précises préconisez-vous pour briser cette dualité à laquelle vous faites référence?

M. Rivard (Pierre): Très clairement, il n'est pas possible d'imaginer une rupture de la dualité du marché du travail sans une politique de réduction du temps de travail, d'aménagement du temps de travail. Cela, il va falloir que, dans tous les pays occidentaux, on se le dise une fois pour toutes. C'est un problème qui est global, qui I est structurel, et qui ne se règle pas nécessairement par quelques mesures C'est une politique générale d'aménagement de l'emploi qu'il va falloir faire. Le fart qu'il y art des personnes qui soient exclues, si on veut, d'emplois qui sont intéressants, est dû bien souvent au fait que le nombre d'heures de travail diminue constamment. Ils doivent bifurquer vers d'autres types d'emplois. C'est un problème, finalement, qui est structurel, qui est à long terme

Le Président (M. Kehoe): Mme la députée de Maisonneuve, le mot de la fin.

Mme Harel: Oui, déjà? Il y a, je pense, cette expression qu'on retrouvait dans un mémoire et qui disait que les nouveaux pauvres sont des gens qui auraient très bien pu s'en sortir à une autre époque. Mais, d'une certaine façon, à cause de tous ces changements que l'on connaît, ces changements dont ils sont les victimes et non pas les responsables, ils sont devenus des pauvres Cela engage d'autant plus la responsabilité de la collectivité et de l'État, puisque ces changements se sont effectués malgré eux, d'une certaine façon. Je crois que vous avez raison de penser que les lacunes ne sont pas tout simplement attribuâmes aux individus. Il y a aussi des changements structurels qui font que les individus qui s'en sortaient bien il y a peut-être 30 ans ne s'en sortent plus maintenant. C'est terrible pour certaines personnes de se rendre compte qu'on leur attribue maintenant ces lacunes car, quand elles sont nées ou qu'elles ont grandi, elles ne pensaient pas du tout qu'on les leur reprocherait, d'une certaine façon. Je pense que c'est important que le NPD-Québec contribue à nos travaux. Et je vous remercie d'être venus devant la commission.

Le Président (M. Kehoe): M. le ministre

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie également le NPD-Québec. Je vous dirai que j'ai lu attentivement toute la partie critique - je ne la critique pas négativement, j'utilise le terme "critique" - des programmes mis de l'avant que nous proposons. Je vous dirai, bien honnêtement, que je déplore un peu la brièveté de l'esquisse de la réforme que vous mettez de l'avant. Je la retrouve au dernier paragraphe de la page 10 et au premier demi-paragraphe de la page 11. Si vous aviez un éclairage additionnel, à la suite des discussions que nous avons eues ce soir en commission, que vous désireriez communiquer à la commission parlementaire ou au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, nous vous invitons à le faire. Sans vous passer d'ordre ou d'instructions, c'est une porte ouverte pour quelque chose d'un petit peu plus articulé que ce bas de page.

Je vous remercie de votre contribution.

Mme Harel: On va vous lire dans les journaux.

M. Morin: Vous allez nous lire dans les journaux à condition que les journaux nous publient. C'est entendu, M. le ministre, qu'on va continuer nos travaux dans ce sens-là et qu'évidemment au cours d'une future campagne électorale, on aura sûrement autre chose à dire de plus étoffé, je l'espère.

Vous admettrez que cela fait seulement deux ans qu'on existe. Notre programme est étoffé, mais pas tant que cela encore. Mais cela s'en vient.

Le Président (M. Kehoe): Merci M. Morin, merci M. Rivard, MM. les représentants du NPD-Québec.

Je demande au prochain organisme de prendre place. À l'ordre, s'il vous plaît!

Je demande au prochain organisme de prendre place, le Parti québécois de Montréal-Centre, et je demande au porte-parole de s'identifier et d'identifier les personnes qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Parti québécois Montréal-Centre

M. Bouchard (Pierre): Merci, M. le Président. Je suis Pierre Bouchard, le président de la région Montréal-Centre, au Parti québécois. Je suis accompagné, à ma gauche, de Mme Francine Lalonde, que, j'espère vous connaissez, ancienne ministre déléguée à la Condition féminine sous le gouvernement du Parti québécois. Elle est conseillère à l'exécutif de Montréal-Centre et la principale responsable de ce dossier de l'aide sociale et, depuis quelques semaines, elle est aussi conseillère à l'exécutif national. Je suis accompagné aussi, à ma droite, de Mme Maude-Pierre Pierre qui est la présidente de l'association péquiste du comté de Westmount, qui fait partie de Montréal-Centre. Voilà.

Le Président (M. Kehoe): Bienvenue. Je vous demanderais de présenter votre mémoire, s'il vous plaît!

M. Bouchard: Merci.

Alors, en introduction, je ne m'étendrai pas très longtemps pour rappeler un fait qui est de plus en plus admis par tous, celui de la dualisa-tion de notre société, où, d'un côté, on retrouve ceux ou celles qui tirent profit de ces changements dans notre société ou qui réussissent à maintenir un niveau de vie confortable et, de l'autre, ceux ou celles qui ne peuvent s'octroyer un minimum décent. Leur lot, c'est l'accès à des emplois de seconde zone, précaires, ou l'exclusion du marché du travail.

Ajoutons à cela aussi la transformation des rapports sociaux qu'on connaît dans notre société, la transformation de la vie familiale, de la vie de couple.

Deux choix vont s'offrir à nous, dans cette société. D'abord, il y a celui de démissionner et d'accepter de vivre dans un environnement où les forts gagnent et les moins forts, ou moins chanceux, peinent et souffrent. La tâche principale, lorsqu'on est dans ce genre de vision, c'est alors de les rendre, ces pauvres, responsables de leur état et d'essayer de minimiser les coûts sociaux qui en découlent. Ou bien, comme société, on accepte de travailler intensément à l'édification d'une société plus juste et plus respectueuse des droits humains, à l'égalité des chances et des services indissociables d'une démocratie sociale, économique et politique. (21 h 15)

Une société démocratique digne de ce nom, n'a point de cesse qu'elle n'a procuré à tous et à toutes qui le peuvent et le veulent un emploi décent qui assure un revenu suffisant et comble les besoins sociaux croissants, c'est l'objet d'une véritable politique de plein emploi.

À la lecture du document du ministre, nous, du Parti québécois de Montréal-Centre, rejetons l'ensemble de cette réforme pour les raisons suivantes: 1° elle ne s'attaque pas à la cause principale de la pauvreté au Québec, soit la pénurie d'emplois; 2° implicitement ou explicitement, elle tend à culpabiliser les prestataires de l'aide sociale et à leur imputer la responsabilité de leur sort; 3° la réforme n'assurera pas une assistance qui permettrait de vivre dans une sécurité et une dignité minimale; 4° la complexité de la réforme ne peut qu'entraîner un renforcement sans précédent des contrôles et de l'appareil administratif dont les coûts supplémentaires seront payés par les bénéficiaires dits aptes au travail dont les prestations actuelles seront réduites en 1989. Je cède la parole à Mme Francine Lalonde qui va nous faire un certain historique de l'aide sociale au Québec.

Mme Lalonde (Francine): Bonsoir. Nous nous sommes préoccupés de savoir quelle était l'importance relative du poids de l'aide sociale au Québec par rapport aux autres provinces du Canada et de savoir si cette importance, qui est grande, était nouvelle ou ancienne. Je pense que c'est un sujet qui n'a pas été beaucoup abordé et qui mérite un minimum d'attention. Alors, vous me permettrez de reprendre certains éléments.

Le rapport du comité d'étude sur l'assistance publique, autrement appelé rapport Boucher, du nom de son président, a signifié en 1963 le passage du régime de charité privée à celui du droit à une assistance de dernier recours. La loi de l'assistance publique de 1921 jusqu'à 1960, en facilitant l'hospitalisation des indigents et leur entretien, consacrait l'intervention de l'État dans un domaine nouveau, celui des institutions privées de bienfaisance.

En 1959, le gouvernement du Québec signait avec celui du Canada un accord rétroactif au 1er juillet 1958. En vertu de cette entente, le

gouvernement fédéral s'engageait à défrayer la moitié des sommes versées "aux personnes en chômage qui sont dans le besoin". C'est intéressant de remarquer cela aujourd'hui, parce qu'on avait avant les pensions aux mères nécessiteuses, aux invalides et aux aveugles, mais les personnes en chômage dans le besoin, donc en chômage prolongé, qui n'avaient pas plus droit à l'as-surance-chôrnage étaient réduits aux expédients. Donc, on a cru bon de faire un régime spécial et le rapport Boucher a ensuite joué, en 1963, un rôle déterminant, il a influencé, d'ailleurs, l'ensemble du Canada pour faire en sorte qu'on ne distingue plus entre les deux sortes qu'on avait identifiées d'abord, entre les deux grands types de personnes qui avaient des besoins.

Nous avons rappelé la première recommandation du rapport Boucher qu'on pourrait aujourd'hui résumer en disant une politique de plein emploi. Le rapport Boucher est un instrument extraordinaire pour tenter de mesurer le chemin parcouru. Nous rappellerons les chiffres, les analyses et le sens des solutions qu'il propose.

Nous apprenons qu'en 1961-1962 36,8 % des sommes versées par Ottawa le sont au Québec. On sait que c'est partagé moitié-moitié, alors qu'on divise ou qu'on ne divise pas, c'est 36,8 % de toute manière, alors que la population du Québec ne représente que 28,8 % de la population canadienne. Par contre, l'Ontario, avec 34,2 % de la population, n'a touché que 21,3 % des sommes fournies par le gouvernement fédéral.

Qu'en est-il aujourd'hui? Des statistiques de Santé et Bien-être Canada - très officielles mais après lesquelles on a dû courir beaucoup - nous apprennent que pour 1985-1986, 38,8 % des sommes versées par Ottawa le sont au Québec, alors que la population du Québec ne représente que 25,9 % - ce sont les extrapolations du MEER - de la population canadienne. L'Ontario, avec 35,9 % de la population, n'a touché que 25,3 % des sommes fournies par le gouvernement fédéral.

Des dix provinces canadiennes, Québec est celle où le rapport entre le pourcentage de la population et la proportion des coûts totaux de l'aide sociale est le plus élevé. Un graphique à la fin intitulé "Aide sociale et population par rapport au Canada" illustre ce fait. Alors, le rapport entre le coût de l'aide sociale et la population montre que le Québec, au moins dans ce secteur, est largement en avance. Ce n'est pas un championnat recherché, mais obtenu et maintenu. il est peut-être intéressant de souligner qu'à l'annexe IV du document prébudgétaire du 5 mars 1986 présenté par M. Gérard D. Levesque, on fait état des conséquences de cette situation sur la capacité du Québec de se payer des services publics. C'est une photocopie intégrale du texte où on voit que le Québec, en conséquence de la politique de revenu, est la province qui est la moins à même de dispenser des services publics autres. Il y a plus. En 1986, la seule ville de Montréal, avec une population deux fois moindre, compte presque autant de ménages à l'aide sociale que Terre-Neuve, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Ecosse réunis, soit 88 593 par rapport à 89 819. Ce sont les chiffres de janvier 1987. Inutile de dire que ces additions - comment dire? - sont impressionnantes et, je pense, catastrophiques pour tout le monde. Je vais passer brièvement...

Mme Harel: On parle du beau risque. Il a sombré dans le lac Meech, justement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Bon!

Mme Lalonde: Plus on sera nombreux sur le bateau, mieux ce sera. Les causes...

Mme Harel: On est juste sur un radeau, pour tout de suite, avec le gouvernement actuel.

Mme Lalonde: Les causes. M. Boucher estime - je ne vous lirai pas cela - qu'il y a, premièrement, la mauvaise santé, deuxièmement, la faiblesse de l'économie québécoise et, troisièmement, la mentalité. Le sens des solutions proposées, c'est la résolution un. Il y a un paragraphe que je vais me permettre de vous lire rapidement: L'interdépendance des problèmes économiques et sociaux. Je me permets de souligner que ce texte est d'une actualité brûlante. "Les problèmes de nature diverse avec lesquels les familles et les individus sont aux prises, à cause de difficultés d'ordre économique ou social, ne peuvent être atténués de façon durable que par une action qui s'attaque à la racine de ces maux - les soulignés sont de nous - grâce à l'utilisation de moyens efficaces. Les montants d'assistance sociale versés par l'État à ces individus ou à ces familles ne seront eux-mêmes réduits ou contenus que si cette condition fondamentale est respectée. Autrement, quoi qu'on fasse, il faut s'attendre à ce que te fardeau de l'assistance sociale pour le reste de la communauté continue à croître constamment sous une forme ou sous une autre, de façon directe ou indirecte. Il est tout à fait illusoire de s'imaginer, disait M. Boucher en 1963, réduire à la longue les budgets d'assistance financière ou même de les empêcher d'augmenter, en jouant uniquement sur les taux d'assistance et les conditions d'admissibilité."

Je sais que vous avez des chiffres différents mais, en 1988, 13 % de la population totale - non pas des ménages - de la ville de Montréal vit de l'aide sociale. Alors que Montréal représente 16 % de la population du Québec, 23 % de tous les ménages à l'aide sociale - ce sont les chiffres de janvier 1987 - y vivent. Dans le sud-ouest, 14 942 personnes vivent du BS sur une population totale de 62 700.

La pauvreté n'est pas un phénomène individuel, mais social, comme le rappelle l'étude préliminaire du Conseil des affaires sociales et

de la famille. Le rapport Boucher, déjà, disait cela en 1963. Nous savons que la mauvaise santé, une faiblesse en mathématique et en français, la délinquance, l'alcoolisme et la toxicomanie, la mésadaptation, la faiblesse des revenus d'emploi, le fort taux d'inoccupation sont autant des manifestations que des causes de la pauvreté sociale.

M. Bouchard: Le deuxième volet de notre mémoire concerne la fraude que l'on suppose à l'aide sociale. Je laisse le soin à Mme Maude-Pierre Pierre de nous en parler.

Mme Pierre (Maude-Pierre): La fraude. On commence par une citation de la commission MacDonald, en 1985: "Les estimations d'abus les plus élevées sont toutefois de l'ordre de 5 % dans le cas de l'assistance sociale, un chiffre qui vaut probablement aussi pour l'assurance-chôma-ge."

La région de Montréal-Centre du Parti québécois tient à dénoncer l'inqualifiable campagne de dénigrement du ministre Paradis à l'endroit des citoyennes et citoyens les plus démunis du Québec. Le même Parti libéral, qui s'est fait élire en faisant rêver de la parité des prestations les jeunes femmes et les jeunes hommes vivant de l'aide sociale, s'est rapidement lancé dans une campagne dont le but réel ne pouvait être de mettre fin à la fraude, mais plutôt de préparer une réforme qui allait diminuer le coût pour l'État sans égard au sort des personnes les plus démunies.

Qu'il y ait des contrôles, rien de plus normal, que le fait de faire des contrôles soit l'objet d'une campagne de presse ne peut que soulever des interrogations sur la fin véritable. Le ministre, en fait, a encouragé une croyance publique qui fait que tout le monde pense que les gens qui sont sur l'assistance sociale sont des fraudeurs et sont responsables de leur sort, sauf que quand les faits ont été rétablis le ministre ne les a pas aussi réhabilités dans la même proportion.

L'observation des dernières données publiées sur révolution des clientèles à l'aide sociale n'est pas non plus sans surprendre. Un article publié dans la revue Le marché du travail de décembre 1987 nous apprend que l'appréciable croissance de l'emploi au Québec entre 1983 et 1985 n'a pas eu d'effet sur l'évolution (espérée à la baisse) de la clientèle de l'aide sociale apte et disponible au travail. L'accroissement de la clientèle adulte est dû à la croissance des adultes aptes et disponibles, puisque ces derniers ont vu leur effectif augmenter de 54,9 % entre 1981 et 1987, pendant que le nombre d'adultes inaptes, lui, baissait de 0,5 %. La croissance des adultes aptes et disponibles au travail a été continue de 1981 à 1985; puis, cette tendance s'est inversée. En effet la quasi-totalité de ce repli provient de la diminution du groupe des 18 à 24 ans et, à un degré moindre, de celui des 25 à 29 ans, diminution observée depuis 1985 et de façon prononcée en 1986 et 1987".

En somme, M. le ministre, sans le vouloir, aura contribué à pointer du doigt l'urgence du problème des personnes à l'aide sociale puisque, malgré ses inspecteurs spéciaux, le nombre d'adultes aptes et disponibles à l'aide sociale a augmenté. Quant à la diminution du nombre des moins de 30 ans, elle est autant liée à une croissance de l'emploi favorable qu'à la fin de l'arrivée sur le marché du travail des générations de baby-boom. Mais on ne peut que dénoncer le fait de ces inquisitions qui, souvent, ont eu pour cible des femmes vulnérables et humiliées.

M. Bouchard: Dans la même veine, je voudrais aussi souligner que nous sommes venus quand même aujourd'hui en commission parlementaire, malgré le fait que certains groupes de la région de Montréal-Centre aient décidé de ne pas venir en commission parlementaire à la suite de l'histoire des chèques, particulièrement dans le quartier de Pointe-Saint-Charles où plusieurs assistés sociaux ont reçu, au lieu d'un chèque au début du mois, un petit carton avec un rendez-vous, lesquels rendez-vous pouvaient aller jusqu'au 8 mars. Quand on sait le drame que cela peut créer à ces gens-là, je trouve cela carrément inadmissible. Je tiens ici à vous le dire. On peut imaginer les pressions que font les propriétaires sur ces gens. Faire des contrôles soit, mais je crois qu'il y a des façons de demander des rendez-vous et de ne pas tromper des gens qui attendent un chèque pour leur dire: Non, tu vas venir, mais seulement dans une semaine en plus de cela. Surtout qu'on m'a dit qu'on avait vu très peu de fraudeurs là-dedans. Je pense qu'il y aurait une façon plus civilisée de traiter ces personnes. Je ferme là-dessus la parenthèse qui sort un peu - vous comprendrez - de notre mémoire, considérant que l'événement est récent.

Mme Lalonde, la suite.

Mme Lalonde: Dans cette partie, nous voulons dire que le projet de réforme dit viser un certain nombre d'objectifs, mais dans la réalité, avec les mesures qu'il met en place, il risque d'atteindre des objectifs tout à fait différents. Nous avons résumé cela en disant: Visa le noir, tua le blanc.

Le premier objectif que nous comprenons, c'est celui d'améliorer les prestations des personnes reconnues inaptes au travail par le programme Soutien financier. Nous savons qu'en changeant les barèmes on se trouve à améliorer les prestations de ces personnes. En réalité, on reconnaît... Disons que je vais passer vite, mais tout simplement on leur reconnaît les besoins strictement essentiels plus 25 $ par mois. Ce qui nous semble important, c'est que, ce faisant, M. le ministre, vous revenez à la situation qui existait avant le rapport Boucher. D'après ce qu'on a pu voir, vous revenez en partie à la

situation qui existait avant le rapport Boucher, situation de laquelle on a voulu sortir justement à la suite du rapport Boucher. (21 h 30)

Une des questions importantes, c'est que pour distinguer quelles sont les personnes dites aptes et dites inaptes, il y a une série, premièrement, de critères qui ne sont pas nécessairement faciles à établir et, deuxièmement, il y a la question de savoir qui pourrait décider et à quelle fréquence ces personnes seraient ou ne seraient pas aptes.

Si on se souvient des drames qu'a causés cette question pour les moins de 30 ans, on peut imaginer lesquels peuvent être causés chez les personnes de plus de 30 ans. On sait que, suivant ce qu'on a devant nous, que nombre de personnes dites aptes au travail, selon les périodes, se situe autour de 300 000 par rapport à 400 000, parce que la réforme incite davantage à se faire reconnaître comme inapte au travail qu'à se faire intégrer à des programmes d'employabilité. Si on pense que l'incitation est financière, l'écart qui existe entre quelqu'un qui est non disponible et qui accepte de faire partie d'un programme d'employabilité est moindre qu'entre quelqu'un qui est non disponible et qui est inapte au travail. Alors, si l'indication est l'écart, l'écart est plus fort à se faire reconnaître comme inapte.

Nous pensons que cela va dans la mauvaise direction parce que même les personnes qu'on pourrait aisément qualifier d'inaptes veulent, au lieu qu'on les mette de côté - j'écoutais M. Paradis tantôt et je le trouvais convaincant -qu'on contribue, dans bien des cas, qu'on les aide à s'intégrer.

Le Président (M. Kehoe): Madame, pourriez-vous conclure? Je pense qu'il reste moins d'une minute. On peut prolonger peut-être avec le consentement, mais...

On est d'accord pour prolonger.

Mme Lalonde: On a fait du travail en tout cas. On vous donne des conseils.

Pour les aptes au travail, nous trouvons que c'est un appauvrissement pour toutes les personnes qui ne trouveraient pas de programme d'employabilité qui leur convient ou, pour une raison ou pour une autre, qui ne se sentiraient pas capables. Donc, toutes les mesures dépendent des programmes d'employabilité. Or, notre problème, M. Paradis, est le suivant: Les jeunes de moins de 30 ans qui avaient - si on retient l'incitation financière comme critère - une incitation financière plus grande que celle que les personnes de plus de 30 ans auront, ces jeunes, en moyenne, ne se sont inscrits au programme que dans une proportion de 20 %. En tout cas, j'ai vu des chiffres et Hs sont clairs et nets.

À ce moment-là, je vous dis que, même si je n'avais pas été de ce côté-ci de la table mais de l'autre, je me serais interrogée justement sur une mesure qui ne convient qu'à 20 % des personnes et si on écoute les critiques, on comprend pourquoi. Le rattrapage scolaire ne convient pas tout le temps parce que, quand on quitte une école parce qu'elle nous écœure, si vous me permettez l'expression, y retourner, ce n'est pas évident. Les travaux communautaires, ils ont une durée et après les travaux communautaires, s'il n'y a pas d'emploi, là encore cela pose des problèmes. Enfin, les stages: là aussi, il peut y avoir emploi ou non après. Recherche d'emplois successifs, c'est frustrant. Bref, temporairement, ces mesures peuvent expliquer qu'on y attache la parité, mais je pense qu'on ne peut pas dire d'une façon permanente qu'on y attache la parité. D'ailleurs, ce sont des propos que vous avez tenus, je me souviens, en décembre 1985; j'étais particulièrement sensible à cela et il me semble avoir entendu cela à maintes reprises, l'avoir vu écrit largement.

Alors, je vais passer vite, mais ce qui est important, c'est que les programmes d'employabilité, quand ils ne convenaient pas à la majorité des jeunes... Comment penser que ces programmes, sans examen, sans s'assurer qu'il y en a pour tout le monde, quand on sait que les seules personnes qui ont de l'expertise pour les mettre en oeuvre sont maintenant mises à pied - j'en connais personnellement qui vont être déplacées alors que cela leur a pris un temps important à prendre de l'expertise - comment penser qu'on peut fonder une diminution des prestations sur l'exigence de s'embarquer dans ces programmes, alors qu'il n'est pas du tout évident qu'ils soient adaptés, il n'est pas du tout évident qu'ils soient disponibles et il n'est pas du tout évident que les personnes compétentes pour les mettre en oeuvre vont être là?

Alors, permettez-nous de douter et on pourrait conclure qu'en regardant seulement les mesures mises en oeuvre l'intention n'est pas de travailler à l'employabilité, mais de faire en sorte de diminuer les coûts.

Enfin, pour ce qui est du programme APPORT, il a un grand tort, c'est de ne s'adresser qu'aux couples avec enfants, attendu que la très grande majorité des personnes qui sont à l'aide sociale sont des personnes seules.

Le Président (M. Kehoe): Merci, Mme Lalonde.

M. le ministre. On va commencer la discussion avec les représentants du Parti québécois.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Je tiens à remercier le Parti québécois de Montréal-Centre pour son mémoire écrit ainsi que pour sa présentation verbale. Je tiens à remercier les porte-parole également et à souligner la présence d'une ancienne ministre. Ce sont des responsabilités que l'on occupe tous et chacun temporairement et, pendant qu'on les occupe, cela nous charge. J'ai beaucoup de

sympathie pour ceux et celles qui m'ont précédé et j'espère qu'ils en auront pour moi un jour.

Mme Lalonde: On espère en avoir pour vous aussi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela étant dit, juste pour reprendre la fin de votre exposé, Mme Lalonde, vous avez mentionné que le programme APPORT ne s'appliquait qu'aux couples avec enfants. J'ai une petite précision. Lorsqu'il y a enfant, il n'est pas nécessaire qu'il y ait un couple comme tel. Cela s'applique également...

Mme Lalonde: Aux ménages, je m'excuse.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...aux ménages, là où il y a présence d'enfants. C'est seulement une précision.

Mme Lalonde: Oui, je m'excuse.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Étant donné que vous êtes le premier groupe ou le premier porte-parole à adopter l'approche que vous avez adoptée sur le plan historique, je pense que cela vaut la peine qu'on y réplique et qu'on soulève quelques interrogations.

Vous avez mentionné, à la page 5 de votre mémoire, que le rapport Boucher joue un rôle déterminant dans l'établissement du système actuel des droits. Nous maintenons, sur le plan du document d'orientation que nous proposons, que le rapport Boucher joue un rôle important. Nous attirons particulièrement votre attention sur la recommandation 44 du rapport Boucher qui proposait d'établir une distinction entre l'assistance à court terme et l'assistance à long terme. Il y avait donc là une certaine catégorisation, si vous me permettez l'expression.

Vous faites l'historique des chiffres entre 1961 et 1962, vous stipulez que le Québec a touché 36,8 % des sommes versées par Ottawa pour une population de 28,8 %, tandis que l'Ontario a touché 21,3 % des sommes pour une population de 34,2 %. Vous avez raison, vos chiffres sont exacts, sauf que les régimes sont fort différents l'un de l'autre. Vous me permettrez d'insister sur les différences suivantes: le programme ontarien pour les aptes est beaucoup moins généreux que le programme québécois en ce qui concerne les barèmes. Le programme ontarien distingue entre apte et inapte. Les 18-20 ans sont à la charge de leurs parents et les aptes sont forcés de faire de la recherche d'emploi. Si on reprend la comparaison 1986-1987, il y a une petite correction qui s'impose dans vos chiffres, mais elle est mineure et c'est strictement pour que vous les ajustiez à l'avenir. Québec, c'est 37,8 % au lieu de 38,8 %. C'est le véritable chiffre - ceia ne change pas la valeur de la comparaison que vous faites - des sommes-population de 25,9 %, Ontario, 25,3 % des sommes-population, 35,9 %. Mais, encore là, j'insiste sur les différences entre les deux.

Vous faites une comparaison interprovinciale à la page 7 dé votre mémoire lorsque vous nous référez à Terre-Neuve, au Nouveau-Brunswick, à la Nouvelle-Ecosse versus la ville de Montréal. On m'indique que les critères d'admissibilité dans ces provinces de l'Atlantique sont beaucoup plus sévères que ceux du Québec et que les aptes au travail ont à prouver au directeur de l'assistance, dans les municipalités, qu'ils essaient de façon répétée et continue de trouver un emploi avant d'être considérés comme admissibles à l'aide.

Page 13 de votre mémoire - c'est peut-être Mme Pierre /qui a touché à ce sujet-là plus précisément - on dit: ..."dénoncer l'inqualifiable campagne de dénigrement", etc. Je continue de prétendre qu'une saine gestion des fonds publics doit se faire avec une certaine rigueur administrative, mais tout en respectant les droits fondamentaux des individus, et que le ministère était satisfait - autant que je l'étais personnellement - du jugement de la Cour supérieure concernant les visites à domicile qui a bien jaugé cet équilibre entre la responsabilité gouvernementale face à la gestion des fonds publics et le droit du bénéficiaire au respect de sa vie privée et qu'il fallait, pour l'agent d'aide socio-économique, il a toujours fallu obtenir l'autorisation du bénéficiaire avant d'entrer dans sa résidence privée.

Maintenant, sur le plan des clientèles, on parle d'une hausse continue des clientèles. Je pense que c'est Mme Pierre, également, qui a fait référence à cette hausse continue des clientèles. C'était vrai jusqu'au mois de mars 1986, si ma mémoire est fidèle. À partir du mois de mars 1986, la clientèle a diminué à l'aide sociale. Si vous comparez la clientèle de janvier 1986 à la clientèle de janvier 1988, vous obtenez les chiffres suivants: les personnes qui dépendent de l'aide sociale au Québec, en janvier 1986, sont au nombre de 690 602, et les personnes qui dépendent de l'aide sociale en janvier 1988, soit deux ans plus tard, sont au nombre de 599 400, pour une diminution de 13,2 % ou 91 202. C'est particulièrement révélateur, cette baisse de la clientèle, chez les jeunes de moins de 30 ans. En janvier 1986, vous comptiez 147 795 personnes de moins de 30 ans qui dépendaient de l'aide sociale. En janvier 1988, le nombre était de 106 700, pour une diminution de 41 095. Donc, toute cette courbe ascendante que vous aviez raison de souligner, qui est d'ailleurs soulignée dans la proposition de politique de sécurité du revenu, depuis le mois de mars 1986, connaît une courbe descendante.

Mme Lalonde: Est-ce que je peux intervenir?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais

j'arrivais avec une question sur les programmes. C'étaient simplement des précisions parce que cette approche que vous avez prise est vraiment une nouvelle approche devant la commission et je tenais tout simplement à apporter ces précisions-là qui sont d'ordre statistique. Il n'y a pas beaucoup de précisions d'ordre idéologique. On peut partager des avis différents, mais cela se chiffre quand même et cela se vérifie à un moment donné.

Sur le plan des programmes - vous en avez fait état dans votre mémoire écrit et verbalement - vous les connaissez bien. Moi, je n'ai pas la prétention de dire que ce sont des programmes qui ont été créés ou inventés par le gouvernement actuel. Il y a certaines modifications ou bonifications qui ont été suggérées par la machine, dans certains cas, et qui ont été apportées; certaines harmonisations, de même, avec certains programmes du gouvernement fédéral de façon qu'il n'y ait pas de compétition entre les systèmes. Mais, de façon générale, vous semblez porter une critique assez sévère des programmes que vous avez, dans un certain sens, mis sur pied. Est-ce que votre critique porte sur la philosophie ou sur l'idéologie qui sous-tend les programmes ou sur le fonctionnement pratique des programmes? Je ne sais pas si vous faites la distinction et j'aimerais que, là-dessus, vous précisiez la pensée de votre organisme. (21 h 45)

Mme Lalonde: Rapidement, d'abord, sur les régimes différents, je vais vous dire que j'ai eu la curiosité d'aller lire dans le répertoire sur les différents régimes et que c'est bien difficile de dire si ceux-ci sont... Il y a des points qui sont plus forts d'un côté et d'autres qui sont plus faibles de l'autre, notamment si vous pensez à l'Ontario où il y a, entre autres, quant à la possibilité d'être bénéficiaire d'aide sociale, la possibilité d'avoir des actifs, presque deux fois plus d'argent liquide, et de l'immobilier. En tout cas, on pourrait s'interroger pour savoir si vraiment c'est restrictif. En téléphonant comme individu via Communication-Québec, et en parlant à des fonctionnaires du provincial et du fédéral, je me suis fait dire que la définition la plus restrictive des actes était au Québec, pour quelqu'un qui travaillait à ces programmes. Alors, il y a moyen de discuter des comparaisons.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...vous pouvez nous indiquer votre source, on pourra discuter.

Mme Lalonde: Je vais lui demander si je peux vous la dire. Ha, ha, ha!

Pour ce qui est de la résolution 44, j'en prends note, sauf que, après le rapport Boucher... Et toute la logique du rapport Boucher mène à ne pas vraiment distinguer... Mais, là, j'arrive tout de suite à la baisse de clientèle. La baisse de clientèle, elle est chez les jeunes. J'ai les chiffres devant moi et, en 1986, pour les 25 à 29 ans la clientèle était de 34 500; en 1987, de I 34 100. Alors, une baisse de 400. Pour les 30 à 44 ans. elle était de 104 700 et, en 1987, de 106 600. Alors vos 400 ont été mangés Pour les 45 à 64 ans, elle était de 87 200 en 1986 et de 87 500 en 1987. Donc, globalement, à cause de la baisse des 15 à 24 ans, oui. Pour ce qui est des personnes de 25 ans et plus, j'ai une photocopie d'un article de la revue Marché du travail, qui est publiée par votre ministère.

Finalement, à propos des programmes: ils ont forcément été expérimentaux. Moi, je pense qu'il faut féliciter Mme Marois pour avoir eu, avec d'autres, le courage, à l'époque, de faire cela. Cependant, pour en avoir parlé à Mme Marois, je pense qu'il faut reconnaître, après expérimentation, que des personnes qui étaient sujettes à s'impliquer dans ces programmes-là, une majorité ne l'ont pas fait, malgré une incitation financière qui était supérieure, et relativement supérieure, à celle que vous proposez. Si bien que la moindre des choses, M. Paradis, avant d'élargir des programmes et de rendre le niveau actuel des prestations dépendant du fait que des personnes s'impliquent ou non dans des programmes, est qu'on questionne Est-ce qu'ils sont adaptés? Est-ce qu'ils sont suffisants? Qu'est-ce qu'il faut faire pour les améliorer? Et, en particulier, pour les personnes...

Écoutez, moi, j'ai travaillé un bon bout de temps avec des personnes dont les usines où elles travaillaient ont fermé. J'en ai connu qui ont trouvé deux fois de nouveaux emplois, des travailleurs spécialisés; trois fois les usines avaient fermé et trois fois sauvagement. Et le temps passe. Pour un machiniste de 48 ans, s'il n'y a pas de contrôle numérique, ce n'est pas le retour aux études... Les travaux communautaires, il faut y penser; ils ne se construisent pas comme cela. Puis, le retour à l'emploi, il veut bien, il n'a pas fait autre chose dans sa vie, sauf qu'à un moment donné il y a la fatigue, la vieillesse qui vient doucement, surtout quand on a travaillé dur.

Bref, ce qui peut avoir l'air évident pour essayer d'aider les jeunes, pour les aider sans rendre la parité conditionnelle à ces travaux-là, c'est une autre chose pour des personnes dont le vécu, dont l'expérience, dont la préparation est différente, surtout quand on n'a pas le bagage d'expertise nécessaire pour les mettre en oeuvre. C'est seulement cela qu'on dit. Votre intention est d'aider les gens, mais on dit que les instruments ne sont pas là pour aider les gens. Si vous continuez à mettre le niveau des prestations qu'il y a aujourd'hui conditionnel à ces programmes et qu'en réalité ces programmes ne sont ni adaptés, ni prêts, ni disponibles, la conclusion qu'il faut en tirer, c'est que votre intérêt véritable - je ne dis pas que c'est votre intention - n'est pas d'aider les gens à trouver de l'emploi, mais à économiser, c'est tout.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. En vertu de la règle de l'alternance...

Le Président (M. Kehoe): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, M. le Président. C'est avec beaucoup de plaisir - c'est vrai - que je reçois Montréal-Centre, M. Bouchard, Mme Maude-Pierre Pierre et Francine Lalonde. Je crois que ia qualité de votre mémoire est certainement appréciée par tous les membres de la commission. J'ai eu moi-même le plaisir de présider la région de Montréal-Centre pendant plusieurs années.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: J'ai toujours le sentiment que cela a été mes plus belles années. Je suis vraiment contente que, d'une certaine façon, vous mainteniez cette réputation qu'avait Montréal-Centre d'aller au fond des choses dans la réflexion qu'elle offrait à l'époque à son gouvernement et qu'elle offre maintenant au gouvernement du Québec. Je crois que, dans la première partie de l'historique que vous faites, le ministre a mis en cause le fait que, fondamentalement, l'orientation du rapport Boucher était de mettre fin à tout le fractionnement et à la multiplicité des programmes épars. Pour avoir relu le rapport Boucher, je crois qu'il y avait un seul niveau de barèmes. Cela ne supposait pas pour autant qu'il n'y ait pas de catégories, mais les catégories n'étaient pas utilisées aux fins de couvrir différemment les besoins essentiels. Les besoins essentiels sont fondamentaux et sont les mêmes pour tout le monde. Les besoins de manger, de se vêtir, de se chauffer et de se loger sont essentiels. Je crois que les catégories n'étaient utilisées que pour donner la priorité à des clientèles.

Dernièrement, dans ce qui n'est pas un dépliant mais cette revue publiée par le Centre justice et foi et qui s'appelle Relations, je retrouvais un extrait du rapport Boucher. J'ai fait le test de le faire lire à des personnes, mais en enlevant la référence au rapport Boucher et la date. Cela disait: "Un travailleur sur onze se trouve en chômage. La précarité prolongée de l'emploi est ainsi une des causes les plus puissantes de l'accroissement de l'assistance." Les personnes à qui je le faisais lire, sans référence de date, croyaient qu'il s'agissait de la réalité de maintenant, de 1987. Maintenant, ce n'est même pas un sur onze, c'est un sur dix. Ce qui est inouï, c'est qu'on nous a présenté le document du ministre Paradis comme devant résoudre des problèmes actuels qui n'existaient pas il y a 25 ans, lorsqu'il y a eu cette réforme majeure qui était l'un des piliers de la Révolution tranquille.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce qu'on pourrait avoir un bref échange de vue?

Mme Harel: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La clientèle de l'époque était complètement inversée, en termes d'aptitude ou d'inaptitude.

Mme Harel: Un travailleur sur onze se trouvait en chômage.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La qualification des gens qui se trouvaient en chômage, à l'époque, était que 75 % ou 66 % des gens étaient considérés comme inaptes au travail.

Mme Harel: Oui. Encore faudrait-il voir quel était le critère pour les problèmes de santé. Je pense que le rapport Boucher fait le constat de notre infériorité à tous égards. Nous étions plus pauvres, plus malades, moins instruits, etc. Toutes les inégalités sociales se reflètent évidemment sur les programmes de sécurité du revenu. D'une certaine façon, le défi nouveau est qu'il y a maintenant un record de création d'emplois, une performance que les observateurs économiques les plus chevronnés considèrent comme un record peu égalé depuis les 20 dernières années, semble-t-il, sinon en 1973, où un tel niveau de croissance de l'emploi se trouverait. Mais à l'époque, en 1973, cela donnait lieu à un taux de chômage d'un peu moins de 7 %, tandis qu'il est encore autour de 10 % aujourd'hui, avec cette performance que le gouvernement et le ministre lui-même ne sont pas du tout convaincus de pouvoir maintenir pour les années à venir.

Votre mémoire apporte certainement des interrogations et, à la page 3, vous dites: "Culpabiliser les personnes qui vivent de l'as-surance-chômage pour un temps et de l'aide sociale ensuite ne peut que contribuer à donner bonne conscience à celles et ceux dont la chance a été meilleure; elle ne change rien à la situation de celles et ceux qui deviennent les autres, sinon de les marginaliser davantage."

C'est certainement fondamental parce que quand vous nous parlez, dans le mémoire, de toute cette question reliée au discrédit qui a entouré l'opération d'enquête, il faut simplement lire ce qu'en dit le Protecteur du citoyen. Et s'il y a quelqu'un qui peut ne pas être accusé de partisanerie, c'est bien lui. Ce que le Protecteur du citoyen dit, c'est à en faire dresser les cheveux sur la tête, quand il dit, dans un langage qui est habituellement administratif: "Ce vent de contrôle qui a soufflé au ministère a contribué à instaurer un climat de suspicion qui s'est traduit par une trop grande sévérité dans l'appréciation de demandes d'aide." Et, là, on fait état de toutes sortes de problèmes, notamment de l'article qui stipule que l'aide sociale discontinuée, suspendue ou réduite de plus de la moitié doit être rétablie si la décision du bureau de révision n'est pas intervenue dans les dix jours ouvrables de la demande. Et le Protecteur du

citoyen conclut en disant que plus de la moitié des décisions sont rendues au-delà de cette période, que les prestations ne sont pas rétablies et qu'un mécanisme aurait dû être mis en place pour que l'aide soit rétablie dans le délai de dix jours. En fait, ce n'est qu'un des exemples, mais je dois vous dire que ce rapport du Protecteur du citoyen est très éloquent, d'une certaine façon, sur les règles de fonctionnement qui certainement ont joué au désavantage complet des personnes qui sont d'abord punies d'être les victimes du système actuel. Évidemment, je n'ai pas à vous répéter combien j'apprécie votre mémoire. J'avais lu il me semble, j'ai cherché dans le mémoire et je ne retrouve pas la page, vos propositions en matière de plein emploi. Vous nous faites part dans ce mémoire de la nécessité... J'ai pensé que ce serait peut-être utile pour le ministre que vous expliquiez ce que vous concevez par une politique de plein emploi.

Mme Lalonde: On dit dans le mémoire que les moyens visant à une politique de plein emploi ne sont pas mystérieux, qu'ils ont été développés depuis plusieurs années, surtout dans de petits pays qui ont pu coordonner toutes leurs forces pour atteindre l'objectif du plein emploi. La volonté politique d'un parti politique, des syndicats, d'un certain nombre d'entreprises, des groupes sociaux en a toujours été l'agent principal.

J'écoutais M. Paradis, tantôt, dire qu'il recherche le plein emploi et j'en suis bien aise. Ce qui est important, encore là, c'est d'avoir les bons moyens. Bravo pour la création d'emplois! Tout le monde reconnaît que la conjoncture économique et les moyens mis en oeuvre avant n'ont pas nui. Cependant, une politique de plein emploi, c'est beaucoup plus que cela. C'est une politique organisée pour que, dans les creux conjoncturels, on puisse minimiser les problèmes. (22 heures)

Or, nous venons de vivre une année où, oui, il y a eu 104 000 emplois de créés, mais où nous sommes encore à un chômage moyen de 10 %. Si on est à la veille d'une période de ralentissement et de récession, 10 % de chômage moyen, ce serait partir de bien haut et on risquerait encore de se retrouver dans des situations extrêmement pénibles. Donc, pour éviter cela, il faut non seulement des moyens macro économiques - malheureusement, le Québec ne les contrôle pas tous et on sait qu'en ce moment le taux de change est évidemment inquiétant - mais également une série de moyens que le Parti québécois avait commencé à mettre en oeuvre.

La concertation, cela ne s'improvise pas, cela s'apprend. Quand des partis sont habitués à se regarder comme chien et chat, cela prend un bout de temps avant d'apprendre à prendre ensemble des responsabilités. Or, la concertation, c'est cela. La Table nationale de l'emploi, vous l'avez abolie et les sommets régionaux n'ont connu qu'un début également. Pour commencer, vous avez annoncé que vous ne les tiendriez pas; finalement, sous la pression, vous les avez tenus Bravo! Ce sont des débuts, il faut continuer.

Quand on pense, maintenant, aux programmes qui étaient expérimentés, qui sont parmi les instruments d'une politique de plein emploi, et à toutes ces corporations de développement économique et communautaire, ce sont des moyens qui permettent d'ajuster et de faire en sorte qu'on coordonne tous les moyens pour répondre aux besoins qui sont là, localement et dans les communautés de base. Ce n'est pas seulement parce que l'économie va bien dans le sens où les grands indicateurs sont performants.

Vous savez, M. le ministre, vous avez entendu assez de monde défiler devant vous pour savoir que, si cela va bien pour certaines et certains, c'est loin d'aller bien pour tout le monde. Or, pour faire en sorte que cela aille bien pour tout le monde, il n'est pas suffisant de laisser aller les grands indicateurs, surtout quand on sait qu'ils sont peut-être à la veille d'éclater comme un thermomètre. Il y a plein de moyens à mettre en oeuvre: des moyens qui passent par la concertation, par la recherche de création d'emplois, par exemple, le reboisement ou les travaux communautaires, mais en termes de création d'emplois, il ne faut pas seulement mettre en oeuvre des programmes à durée limitée. Les programmes à durée limitée, cela va faire comme la salade de programmes qu'on a déjà eus à plusieurs périodes

Le Président (M. Kehoe): Merci, madame. Compte tenu du fait qu'il est passé 22 heures, je demande la permission aux membres de la commission pour continuer nos travaux quelques minutes. Cela prend un consentement.

Des voix: Oui.

Le Président (M. Kehoe): D'accord. Madame, avez-vous terminé?

Mme Lalonde: Sur le plein emploi, je peux continuer longtemps. Il y a une chose que j'aimerais ajouter. Une politique de plein emploi, cela passe par la prévention des pertes d'emplois, cela passe par le fait que dès que quelqu'un... Vous êtes à un ministère et près d'un autre où il y a des choses à faire. J'ai vécu avec des gens dont les usines où ils travaillaient ont fermé. J'ai vécu ce que c'est que de bâtir une nouvelle entreprise. C'est un poème. Quand on peut sauver une entreprise encore saine ou qui peut être ramenée à la santé, il faut mettre tous les efforts pour le faire.

Or, disons-nous que dans notre beau pays, ce n'est pas encore le cas; et quand quelqu'un perd son emploi - là, c'est encore le beau grand pays "from coast to coast" - et qu'il se retrouve au chômage pour un an, je pourrais dire que votre programme, par la suite, qui prévoit neuf

mois pour lui donner le temps de s'ajuster et pour l'inciter davantage en ne lui donnant pas la pleine prestation, cela s'ajoute aux douze mois précédents. Selon le salaire, les gens prennent, comme on dit en français, une "drop", en passant de l'assurance-chômage, qui n'est déjà pas leur salaire, pour tomber, comme on dit, sur l'aide sociale. Déjà, il y avait douze mois avant. Quand il y a des choses à faire relativement à l'em-ployabilité, il y a possibilité de création d'emplois aussi au niveau micro.

En fait, on sait qu'au Québec les plus grands créateurs d'emplois ont été les petites entreprises, comme nous a appris l'étude sous la direction de M. Birch de 1974 à 1982, que des personnes de votre ministère - ce n'était pas sous le coup du secret - avaient passée en 1985. Ce sont les entreprises de un à 19 employés qui avaient créé au Québec, pendant ces années-là, le plus d'emplois. Donc, il y a plein de mécanismes à mettre en oeuvre pour favoriser et démocratiser l'entrepreneurship, comme je l'avais déjà dit. Cela suppose un appui, mais un appui dont je ne vois pas l'esprit, permettez-moi de le dire, dans le programme que vous mettez de l'avant.

Donc, prévention et recherche rapide pour aider les gens, avec un délai donné, bien sûr, pour qu'ils puissent se retourner, mais les aider dès ce moment à s'intégrer en formation, à se créer ou à se trouver un emploi s'il y en a de disponibles. Quand on en cherche un emploi et qu'il n'y en a pas pour notre compétence ou notre volonté, on s'écoeure. Et il y a finalement les grands programmes. Alors, j'arrête, mais je pourrais continuer. Merci, Mme Harel.

Le Président (M. Kehoe): M. le ministre, en vous rappelant qu'il vous reste trois minutes de chaque côté, davantage s'il y a consentement, mais il reste trois minutes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, trois minutes, cela va m'être suffisant pour dire que je suis pour une politique de plein emploi. Je pense que je l'ai dit au groupe précédent, et on peut diverger d'opinion sur certaines méthodes d'application pour rejoindre le plein emploi. Je pourrais vous dire que, si on avait plus dans le fonds de solidarité des travailleurs du Québec, ce serait peut-être là un outil intéressant, aussi avec les autres, etc.,. On pourrait parler de mécanismes longtemps.

Ce qui m'inquiète, c'est que même lorsqu'on a ce développement économique et qu'on a cette création d'emplois, étant donné que les emplois deviennent de plus des emplois qui exigent un aspect de formation de plus en plus élevée... J'étais chez IBM, lundi, et ils m'ont dit qu'ils investissent, aujourd'hui, à peu près 250 000 $ en formation par travailleur. On peut s'imaginer les investissements que cela commande et que cela nécessite. À l'intérieur de la compagnie, ils ont une politique de plein emploi et ils la définissent autrement que vous ne la définissez; autrement que d'autres gens devant cette commission ne la définissent et peut-être autrement que je ne la définissais avant de communiquer avec ces gens-là.

Sans cette nécessaire amélioration de l'employabilité, est-ce que vous pensez qu'on pourrait l'atteindre, ce plein emploi? Ou est-ce qu'on laissera en marge de la société ces bénéficiaires de l'aide sociale qui, sur le plan - vous avez entendu les statistiques - de l'alphabétisation, ont un cours secondaire qui n'est pas complété, une expérience antérieure de travail non reconnue, et risquent toujours de passer à côté de cette croissance économique? Un peu comme cela se produit présentement en Ontario, où le taux de chômage est de 5 %, si on enlève le taux de chômage frictionne!. C'est quasiment le plein emploi, mais au même moment il y a une augmentation du nombre de bénéficiaires de l'aide sociale en Ontario.

Mme Lalonde: II y en a dans toutes les grandes villes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On se pose des questions comme société au Québec. Même en visant au plein emploi, est-ce qu'on a le droit d'abandonner ces gens-là en marge de la société?

Mme Lalonde: La réponse, c'est évidemment non. Il faut aussi s'enlever de la tête le recyclage pour quelqu'un qui a 52 ans et dont l'usine où il travaillait a fermé. Il y a des personnes qui en ont le goût, mais il y en a d'autres qui ont appris à l'oreille, tout le temps, et qui étaient d'extraordinaires travailleurs dans un domaine, mais ce domaine-là n'est plus requis. Alors, je pense qu'il y a tout un secteur où on peut créer des emplois qu'on pourrait dire sociaux, où on pourrait mettre en liaison des besoins grandissants que les institutions ne sont pas capables de combler, et on pourrait les valoriser, mais pas avec...

Regardez, M. Paradis, vous donnez 100 $ de plus de prestation pour des travaux communautaires de 20 heures par semaine; cela fait 80 heures par mois pour 100 $ de plus. Moi, cela m'inquiète parce qu'il me semble que cela risque de dévaloriser, justement, le travail communautaire. Or, comme société, on aurait besoin de créer là de vrais emplois, parce qu'il y a de vrais besoins que les institutions ne sont pas capables de combler. Alors, il ne faut pas les laisser de côté.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On a eu des mémoires intéressants de gens qui "opéraient", si je peux utiliser l'expression, des travaux communautaires dans les secteurs d'activité que vous avez sous-entendus: la santé et le vieillissement de la population, etc.. Et les résultats d'obtention d'un emploi dans le système régulier, après, étaient intéressants chez les gens qui sont venus

témoigner devant cette commission.

Le Président (M. Kehoe): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Si je reprends la discussion au moment où le ministre la laissait, il s'agissait quand même de réinsertion, dit-il, à des emplois réguliers. Mais pourquoi ne pas concevoir ces emplois sociaux comme étant des emplois réguliers? Et, là, je ne parle pas des travaux communautaires, parce que cela, c'est le préemploi, mais je parle d'emplois sociaux réguliers. Cela, c'est autre chose. Je ne sais pas dans quelle mesure on ne peut pas faire l'hypothèse qu'en Ontario, justement, la très forte mutation technologique qu'ils connaissent, étant donné qu'ils peuvent, eux, capitaliser sur l'ensemble des investissements privés... Parce que c'est absolument phénoménal comment les investissements privés au Canada ont été concentrés en Ontario depuis les cinq dernières années. Je pense qu'il y a un écart qui s'est élargi.

Mme Lalonde, vous qui connaissez tout, ou presque, de ces questions-là, peut-être pouvez-vous nous les chiffrer, ces écarts? Je crois que vous m'avez déjà mentionné que les écarts vont en s'accroissant, entre le Québec et l'Ontario, sur le plan des investissements privés. Et il est donc possible que les nouveaux pauvres en Ontario, qui sont des gens qui auraient très bien pu s'en sortir à une autre époque, comme je le disais tantôt, avec des emplois qui disparaissent, des emplois traditionnels, finalement, se retrouvent sans autre perspective. Et je pense, moi, simplement à la caisse enregistreuse à fonctions multiples qui fait son "beep"; chaque fois qu'elle me présente la facture de mes achats, je me dis toujours qu'en même temps elle fait l'inventaire et elle prépare la liste des commandes. Cela fait plein de milliers de choses que des personnes faisaient et elles gagnaient honorablement leur vie, sans pour autant vivre, disons, dans l'abondance nécessairement.

Disons que cela, c'est le nouveau défi, et je ne vois pas comment on peut faire pour compenser, sinon par, justement, la création d'emplois socialement utiles. Si IBM investit 250 000 $ par employé, ils n'investiront pas dans une personne qui a 52 ans. Je me demande même s'ils investiraient dans une personne qui en a 41. S'ils investissent 250 000 $, c'est au moins pour 20 ou 25 ans. Ils vont investir chez quelqu'un... Ils vont essayer que tout cela finisse par rapporter des dividendes. Alors, ce n'est pas pour quelqu'un qui va partir six ans plus tard. Donc, la question, c'est: Qu'est-ce que créer des emplois socialement utiles? Ce ne sont pas simplement des travaux communautaires qui durent un an, qui durent un an pour la personne et six mois pour le projet. Créer des emplois socialement utiles, c'est de ne plus bénéficier de l'assistance sociale et c'est peut-être la seule possibilité qu'on peut envisager d'utiliser, disons le genre "grant diversion" non par rapport au secteur privé, pour que cela vienne bouleverser le marché de l'emploi qui l'est déjà suffisamment, mais qu'on l'utilise dans le cas d'emplois du secteur public ou parapublic.

Mme Lalonde: C'est bien le sens de mes propos.

Le Président (M. Kehoe): Le mot de la fin, madame, de votre part, parce que le temps est déjà écoulé. Je m'excuse.

Mme Harel: Excusez, alors, comme mon temps est écoulé, est-ce que je peux laisser le mot de la fin aux personnes qui nous., mon mot de la fin?

Le Président (M. Kehoe): Mme Lalonde, M. Bouchard, le mot de la fin?

Mme Harel: Mme Pierre.

M. Bouchard: Comme mot de la fin, je crois qu'il faut essayer de revoir concrètement, au delà des intentions, que, de prime abord, on est prêts à admettre comme louables, que cette réforme de l'aide sociale va avoir pour conséquence de creuser encore plus l'écart entre les gens qui s'en sortent et ceux qui ne s'en sortent pas Et elle va appeler les gens qui n'en sortent pas à multiplier encore davantage toutes sortes de possibilités autres que celle d'être productifs dans notre société, dans le sens où on le souhaiterait. Je pense réellement qu'on fait fausse route là-dessus. Entre autres, juste par rapport à la question des aptes et des inaptes, on va pousser des gens à aller chercher des solutions qui n'en sont pas. Moi, en tout cas - je vais terminer avec cela - je gagne ma vie dans le milieu scolaire. Quand je vois des jeunes filles pour qui la solution, finalement, est d'avoir un enfant pour pouvoir vivre un peu décemment, cela va corriger leur situation, mais quel sera leur problème, avec les aptes et les inaptes, demain? Je pense qu'on cherche à ne rien corriger. On sent, dans le document, une insensibilité à tout ce phénomène de la pauvreté et on veut, malheureusement, je crois, confondre employabilité et emploi. Je pense qu'on fait fausse route dans ce document-là et j'espère qu'il sera tout simplement retiré, qu'il ne deviendra jamais une réalité.

Le Président (M. Kehoe): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Nous avons entendu devant cette commission, depuis le début, et on continue d'entendre suffisamment d'étalement de cas de misère pour nous convaincre que le système actuel a des carences et des déficiences que les gouvernements ont tellement tardé à corriger qu'elles se sont

accentuées. Vous avez mentionné un des effets dans votre conclusion, bien que nous soyons convaincus que le présent document ne constitue pas ce qu'on appelle la vérité absolue. On a déjà indiqué, au tout début de la commission, que des modifications devraient être apportées, il nous semble qu'il serait irresponsable pour un gouvernement d'abdiquer devant de telles responsabilités et de faire en sorte que le système dont on a hérité comme gouvernement se perpétue. Ce serait là un prix pour la société qui serait, à notre avis, plus cher à payer que de prendre un certain risque parce qu'il y a toujours un risque dans quelque politique sociale que ce soit. En balisant ces risques-là au maximum, à la suite de l'éclairage que les gens nous ont apporté en commission parlementaire et également à l'extérieur de la commission parlementaire, en balisant au maximum pour éviter de courir un trop grand risque, on apporte un peu d'espoir et des moyens de s'en sortir à des gens qui, dans la société, ont été marginalisés et à qui on s'est contenté de poster mensuellement un chèque par le passé.

Pour votre contribution à la commission parlementaire, je vous remercie.

Le Président (M. Kehoe): Merci beaucoup.

La commission ajourne ses travaux au lundi 28 mars, à 15 heures, dans la salle du Conseil législatif.

Une voix: On a congé demain?

Le Président (M. Kehoe): Attendez une minute.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Kehoe): Je vous rappelle que demain matin, à 10 heures, à l'Assemblée nationale, il y aura interpellation du ministre par la députée de Maisonneuve, portant sur l'aide sociale.

Merci et bonsoir.

(Fin de la séance à 22 h 15)

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