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(Dix heures onze minutes)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission des affaires sociales se réunit afin de
procéder à une consultation générale et de tenir
des auditions publiques, afin d'étudier le document intitulé
"Pour une politique de sécurité du revenu." Est-ce qu'il y a des
remplacements prévus ce matin, Mme la secrétaire?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gervais
(L'Assomption) sera remplacé par M. Polak (Sainte-Anne), Mme Juneau
(Johnson), par Mme Blackburn (Chicoutimi).
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, bienvenue
à nos deux nouvelles recrues.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
Mme Harel: Vous nous faites plaisir d'être des
nôtres, M. le député de Laurier.
M. Sirros: Vous vous ennuyiez de moi, Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Je ne vous vois plus depuis que vous êtes au
gouvernement.
Le Président (M. Bélanger): II y était hier,
madame.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La causa causans de cette
commission, le responsable des engagements.
Le Président (M. Bélanger): Bien. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans l'échange
d'information...
Le Président (M. Bélanger): S'il vous
plaît!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...dans les demandes de
renseignements qui proviennent de part et d'autre, il me fait plaisir de
continuer à contribuer à cet éclairage absolument
nécessaire à la commission en fournissant à la commission,
et plus spécialement à Mme la députée de
Maisonneuve, le tableau concernant la contribution alimentaire parentale et les
clientèles visées et révolution entre les mois de mars
1987 et décembre 1987. De plus, l'information que vous m'aviez
communiquée hier concernant le numéro d'une cause à la
Commission des affaires so- ciales, le numéro était incomplet, ce
qui me pose des problèmes pour avoir accès à la
décision. Si vous aviez l'obligeance, strictement, de me
compléter le numéro, cela faciliterait mes recherches.
Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le ministre.
Donc, nous appelons à la table des témoins le premier groupe
à venir nous présenter un mémoire, soit Alliance
Québec, qui sera représenté par M. Royal Orr et M. Michael
O'Keefe. Je vous invite à prendre place.
Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez vingt
minutes ferme pour la présentation de votre mémoire ou son
résumé. Par la suite, il y a une période d'échanges
avec les parlementaires sur le contenu de votre mémoire. Je vous
prierai, d'une part, de vous identifier et de bien vouloir procéder
à la présentation de votre mémoire.
Un instant. Auparavant, Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Je m'excuse auprès de nos invités...
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
Mme Harel: ...mais, M. le Président, je crois comprendre
que j'aurais le jugement de la Commission des affaires sociales. C'était
le dossier de la commission que j'ai transmis au ministre et non pas le dossier
de la requérante. C'est peut-être ce qu'il a pu confondre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai tenté de l'obtenir ce
matin et j'ai eu de la difficulté.
Mme Harel: Peut-être qu'à ce moment-ci on peut
demander à la secrétaire de la commisison d'en faire des copies
pour les membres de la commission.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excellent.
Le Président (M. Bélanger): D'accord. Merci. Vous
pouvez donc procéder.
Alliance Québec
M. Orr (Royal): Merci, M. le Président. Je m'appelle Royal
Orr, je suis président d'Alliance Québec. À mes
côtés, c'est Michael O'Keefe qui est responsable des dossiers qui
touchent les services gouvernementaux à Alliance Québec.
Je vais commencer avec quelques commentaires. Je vais respecter les
vingt minutes, évidemment.
Alliance Québec est heureuse de profiter de cette occasion, M. le
Président, de formuler ses
commentaires sur le sujet très important qu'est la politique de
sécurité du revenu. Les réformes proposées par le
ministre soulèvent de nombreuses questions qui préoccupent ceux
que nous représentons, c'est-à-dire la communauté
d'expression anglaise du Québec, qui compte approximativement 800 000
membres.
Notre communauté est très diversifiée,
composée de gens d'origines ethniques et religieuses aussi nombreuses
que différentes. Nous constituons une communauté linguistique
unie par la langue anglaise. La communauté d'expression anglaise du
Québec est présente, en nombre important, dans chaque
région de la province, de la Gaspésie aux Cantons de l'Est, de la
Basse-Côte-Nord à l'Outaouais. Notre communauté
présente aussi une forte diversité socio-économique; en
dépit des mythes qui subsistent encore, des proportions importantes de
Québécois d'expression anglaise sont économiquement
défavorisées et souffrent de chômage chronique. Pour ces
gens, qui sont les membres les plus vulnérables de notre
communauté, les programmes offerts par le ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu sont d'une importance
capitale.
Tout changement apporté à la politique de
sécurité du revenu doit tenir compte des besoins de notre
communauté. Le gouvernement a la responsabilité d'assurer que les
services soient disponibles également à tous les
bénéficiaires. Notre mémoire portera sur trois sujets
précis de préoccupation.
En premier lieu, on note un manque critique de services disponibles en
anglais aux bénéficiaires de l'aide sociale
considérés comme pouvant obtenir un emploi. Les réformes
proposées, qui relient les prestations d'aide sociale à la
participation aux programmes d'amélioration des chances d'emploi, ne
viennent que compliquer ce problème. Il est essentiel que les services
du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu soient davantage disponibles.
En second lieu, le manque de compétences linguistiques en
français constitue un obstacle sérieux à l'emploi pour de
nombreux Québécois d'expression anglaise. En dépit de ce
fait, les programmes offerts par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de
la Sécurité du revenu ne comportent pas de formation en
français langue seconde. À quoi sert-il de donner une formation
à l'emploi à une personne unilingue anglaise, si cette personne
ne peut obtenir un emploi parce qu'elle ne connaît pas le
français? Pour qu'on puisse prendre au sérieux les efforts du
ministère en vue d'accroître la possibilité que les
prestataires d'aide sociale obtiennent un emploi, ces efforts ne doivent pas
passer sous silence le fait que la non-connaissance du français
constitue un énorme obstacle à l'emploi pour bon nombre des
membres défavorisés de notre communauté.
En troisième lieu, aucune réforme concernant la
sécurité du revenu ne peut laisser de côté le fait
que les Québécois d'expression anglaise et les communautés
culturelles continuent à être sérieusement
sous-représentés au sein de la fonction publique provinciale.
Comment le gouvernement peut-il s'attendre à répondre
efficacement aux besoins des Québécois si la fonction publique ne
reflète pas la diversité de notre société? La
question de la participation des minorités et celle de la
disponibilité des services sont intimement liées. Toute
réforme qui ne tiendra pas compte du besoin d'accroître la
représentation des minorités échouera.
On doit se pencher sur ces trois questions, c'est-à-dire la
disponibilité et la qualité des services en anglais, la formation
en langue seconde et la sous-représentation. Si on laisse de
côté les besoins particuliers des membres de notre
communauté, on remet sérieusement en question la pertinence et
l'équité des réformes proposées.
The "raison d'être" of a government is to serve all its citizens.
In a pluralistic society like Québec, this means that governments must
ensure that they are able to respond adequately to the needs of members of
diverse linguistic and cultural communities. Alliance Québec believes
that English-speaking Quebecers should receive services from their provincial
government in English.
Nous remarquons que, dans son projet de réforme de l'aide
sociale, le ministre reconnaît que les programmes orientés vers
les personnes pouvant obtenir un emploi doivent être, et je cite:
"...suffisamment larges, souples et adaptables pour répondre à
des besoins diversifiés", et je cite encore: "...adaptés aux
problèmes particuliers à certaines clientèles". Il est
toutefois étonnant qu'on ne retrouve aucune mention du fait que les
programmes doivent aussi être conçus en fonction des besoins
linguistiques précis des bénéficiaires. Le projet du
ministre n'aborde cette question en aucune façon. La clientèle
desservie par le ministère n'est pas homogène linguistique-ment
ni culturellement. Cette réalité sociale doit être reconnue
et des services doivent être mis en oeuvre pour répondre
équitablement aux besoins des bénéficiaires.
Alliance Québec est, depuis quelque temps, au courant du manque
critique de programmes disponibles en anglais pour aider les sans-emploi
chroniques. L'année dernière, Alliance Québec a entrepris,
de concert avec Communication-Québec, une étude en profondeur sur
les services gouvernementaux provinciaux offerts à la communauté
d'expression anglaise de Montréal. L'un des problèmes les plus
importants s'est révélé être l'obtention de services
de la part des organismes du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
Étant donné l'absence de services en anglais offerts par
le ministère, d'autres organismes de notre communauté ont
tenté de combler les lacunes en cette matière. Cependant, la
demande pour ces services est souvent plus grande que les ressources
disponibles. Les réactions qui nous
ont été transmises par le réseau des associations
régionales et des chapitres d'Alliance Québec dans toute la
province démontrent aussi qu'il existe un sérieux manque de
services. Ces groupes ont dû servir d'intermédiaires entre le
gouvernement provincial et les bénéficiaires d'expression
anglaise, chose qui n'aurait pas dû être nécessaire.
Ce manque de services en anglais cause particulièrement
préjudice à notre communauté, étant donné
l'orientation des réformes proposées par le ministre. En vertu
des réformes proposées, les niveaux des prestations seront
liés à la participation à des programmes de formation
à l'emploi et à des programmes d'amélioration des chances
d'emploi. Si des programmes adéquats ne sont pas disponibles pour les
prestataires d'expression anglaise, ces personnes subiront une discrimination
non intentionnelle et seront financièrement pénalisées
à cause d'une situation qui est hors de leur contrôle.
Les réformes proposent également de transformer le
rôle de l'agent d'aide socio-économique en celui d'un conseiller
personnel pour les bénéficiaires en mesure d'obtenir un emploi.
Ce genre de services ne peut réussir que si les agents d'aide sont en
mesure d'établir de bonnes relations avec la clientèle qu'ils
desservent. Ces relations dépendent, en retour, d'une communication
efficace entre l'agent et le bénéficiaire. La langue fait sans
nul doute partie intégrante d'une communication efficace. Il est donc
clair qu'il faut faire des efforts en vue d'élargir la
disponibilité des programmes et services conçus pour
répondre aux besoins des membres de notre communauté et des
autres communautés minoritaires. Le besoin se montre
particulièrement urgent à l'extérieur de l'île de
Montréal car les services en anglais sont particulièrement peu
nombreux en périphérie. En l'absence de telles mesures, notre
communauté sera, en comparaison aux autres, désavantagée
par les réformes proposées.
Il faut maintenant aborder un aspect primordial de la
disponibilité des services en anglais. De nombreux membres de notre
communauté vivent dans la pauvreté. Seulement à
Montréal, 17 % de la communauté d'expression anglaise vivent sous
le seuil de la pauvreté; c'est selon les statistiques de 1981. Dans les
régions périphériques, des membres des communautés
de la Basse-Côte-Nord à la vallée du Saint-Maurice vivent
dans une situation économique difficile. Il est donc clair qu'une
importante proportion de Québécois d'expression anglaise sera
touchée par la réforme de la sécurité du revenu.
Ces besoins doivent être pris en considération.
Les réformes de la sécurité sociale
proposées par le ministre, tout au moins en ce qui concerne les
personnes considérées comme pouvant obtenir un emploi, portent
sur l'amélioration des compétences pour l'emploi. Au
Québec, la connaissance du français est une compétence
indispensable pour l'emploi. Il est donc étonnant que les programmes
offerts par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu ne comportent pas de formation en
français langue seconde autre que le très faible pourcentage
offert dans le cadre des programmes tels que le Rattrapage scolaire et le
Retour aux études postsecondaires pour les chefs de famille
monoparentale. Il est en fait ironique que le gouvernement appuie fortement la
formation en français langue seconde pour les nouveaux immigrants, par
l'intermédiaire des centres COFI, et n'aide pourtant pas les
résidents d'expression anglaise du Québec qui reçoivent
des prestations d'aide sociale à acquérir les compétences
linguistiques nécessaires pour qu'ils réintègrent la
main-d'oeuvre active.
The Minister's proposals offer nothing to improve the situation of
unilingual English adults receiving welfare. What hope can the Minister offer a
unilingual English-speaking person? We cannot afford to simply write off such
individuals. The government has an obligation to help them acquire the language
skills necessary for employment in today's Québec.
Il est donc évident que les bénéficiaires de l'aide
sociale d'expression anglaise ont des besoins uniques que le gouvernement ne
peut oublier s'il désire réellement réduire l'état
de dépendance de ces personnes. L'accès à une formation en
français langue seconde subventionnée par le gouvernement doit
être élargi de façon à inclure non seulement les
immigrants récemment arrivés, mais aussi tous les
résidents québécois qui ont besoin de cette formation.
Nous ne pouvons permettre que des personnes qui ne ' sont pas qualifiées
pour les programmes existants soient laissées de côté.
En outre, les personnes qui ont besoin d'une formation en
français langue seconde doivent recevoir un appui financier pour couvrir
les coûts qu'elles encourent pendant qu'elles suivent cette formation. Il
ne sert pas à grand-chose d'élargir l'accès aux programmes
linguistiques si les personnes qui en ont le plus besoin ne peuvent y
participer parce qu'elles n'en ont pas les moyens. Tel est
particulièrement le cas des personnes ayant des enfants à leur
charge.
Dans une société démocratique, la fonction publique
devrait refléter la diversité de la société qu'elle
dessert. Voilà qui signifie que les membres des divers secteurs de la
population devraient être représentés adéquatement
au sein de la fonction publique. Une représentation équitable
assure que le gouvernement est sensible aux besoins des diverses
communautés et dispose des ressources nécessaires pour
répondre à ces besoins.
Les Québécois d'expression anglaise et les
communautés minoritaires demeurent gravement
sous-représentés au sein de la fonction publique
québécoise. Bien que les Québécois d'expression
anglaise représentent approximativement 11 % de la population, ils ne
constituent que moins de 1 % de la fonction publique provinciale. Au sein
du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du revenu, seulement 85 employés sur 3300 proviennent des
communautés minoritaires, même si ces dernières
représentent 20 % de la population.
These statistics clearly demonstrate the inadequacy of existing measures
to promote minority participation. Although successive governments have
recognized the problem, their actions have fallen short of their promises. As
early as 1972, studies showed that English-speaking Quebecers comprised less
than 1 % of the public service. And that underrepresentation persists even
today. This situation will not change until there is enough political will in
the government to make this issue a priority in all ministries.
Les effets de la sous-représentation sont tout
particulièrement graves dans un ministère comme celui de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, qui offre des services
de première ligne à certaines des personnes les plus
vulnérables de notre société. Étant donné
l'orientation des projets de réforme du ministre, les effets
préjudiciables de la sous-représentation sont susceptibles de
devenir encore plus sérieux parce que, comme nous l'avons noté
plus haut, les agents d'aide socio-économique devront assurer le
rôle d'apporter et je cite: "...un soutien personnalisé à
tous les bénéficiaires employables ainsi qu'une gamme
variée de services..." Il s'agira d'un service de renseignement sur le
marché du travail, d'une collaboration avec les
bénéficiaires en vue de préparer un plan
d'amélioration des chances d'emploi et de conseils donnés aux
bénéficiaires jusqu'à ce qu'ils réintègrent
le marché du travail. Cette approche plus personnalisée ne pourra
réussir que si les personnes qui offrent les services sont conscientes
des besoins particuliers de leur clientèle. Il est peu probable qu'on en
arrive à bien connaître les besoins des minorités si les
membres des divers groupes linguistiques et culturels ne sont pas
représentés au sein de la fonction publique.
Dans ses propositions le ministre souligne également qu'"...il
sera nécessaire de développer des relations permanentes avec les
ressources du milieu afin d'inciter la communauté à jouer un
rôle important pour faciliter l'intégration des
bénéficiaires au marché du travail." Encore une fois, ce
genre de relations ne peut s'établir que si les membres de la fonction
publique sont conscients des ressources existant au sein de la population en
général. Cette prise de conscience sera facilitée si des
membres des diverses communautés linguistiques et culturelles font
partie des effectifs de la fonction publique.
Il est par conséquent évident que la question de la
représentation et celle de la qualité des services sont
intimement reliées. Notre société ne peut espérer
tirer pleinement avantage du vaste éventail de connaissances et
d'expériences offert par le pluralisme si sa fonction publique ne
reflète pas la réalité démographique. Le
gouvernement doit s'engager à enlever les obstacles à la
participation des minorités.
En conclusion, Alliance Québec désire remercier la
commission parlementaire de lui avoir donné l'occasion de formuler ses
commentaires sur les réformes proposées par le ministre telles
que présentées dans "Pour une politique de la
sécurité du revenu". Comme le ministre le déclarait dans
son document, les bénéficiaires des programmes de soutien du
revenu ont des besoins considérables et diversifiés. Alliance
Québec a tenté de souligner les besoins particuliers de la
communauté d'expression anglaise et formule quelques recommandations qui
sont incluses dans le mémoire.
La mise en oeuvre de ces recommandations représente une
étape essentielle en vue de s'assurer que les intérêts de
la communauté d'expression anglaise soient pris en considération
dans le cadre de la réforme de l'aide sociale. Alliance Québec a
toujours cru que la justice sociale est le premier devoir du gouvernement. Si
le gouvernement ne réussit pas à répondre aux
intérêts des membres les plus démunis de notre
communauté, son indifférence ne fera qu'engendrer l'injustice.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je tiens
à remercier Alliance Québec et son président, M. Orr, et
son directeur des services des programmes gouvernementaux, M. O'Keefe, pour la
qualité du mémoire écrit ainsi que pour la
présentation orale qu'ils nous ont faite. (10 h 30)
J'ai l'intention de reprendre au début de cette journée le
portrait typique, qu'il soit francophone ou anglophone, de l'assisté
social - on m'indique que les caractéristiques fondamentales ne varient
pas comme telles - pour ensuite revenir spécifiquement à la
question qui vous intéresse davantage et sur laquelle vous avez
insisté. Le portrait de l'assisté social, tel qu'on l'a
décrit en mars 1987: au niveau du nombre, environ 400 000 personnes
responsables de ménage dépendaient, comme seul moyen de
subsistance, de l'aide sociale. Parmi ces 400 000 ménages, environ 100
000 sont condamnés à l'aide sociale à cause de carences
inhérentes qui font en sorte que, pour une très longue
période, ces personnes ne peuvent subvenir à leurs besoins. Les
75 %, les autres 300 000 ménages dits aptes au travail, "able to work",
est-ce que ces personnes sont vraiment capables de travailler? On sait que 36 %
de ces personnes sont des analphabètes fonctionnels, en français
comme en anglais, elles ne peuvent fonctionner. 60 % n'ont pas terminé
leur cours secondaire. On sait qu'il s'agit d'une exigence quasi universelle
pour
avoir la possibilité de postuler un emploi aujourd'hui. 40 %
n'ont pas d'expérience reconnue de travail. C'est le portrait.
Vous indiquez que la minorité anglophone peut subir des
préjudices additionnels. J'endosse votre point de vue, et pas seulement
à Montréal. Je représente une circonscription
électorale où, parmi la minorité anglophone, il y a des
pauvres, et ils sont, dans un certain sens, plus pauvres que les pauvres
francophones parce qu'ils ou elles n'ont pas accès aux services
gouvernementaux parce qu'ils ou elles ne les connaissent pas et que ces
services-là ne sont pas accessibles à ces gens.
Je vous indiquerai que l'un des débats qui est devenu un
débat public, entre autres dans l'Estrie, au cours des dernières
années touchait particulièrement les personnes âgées
de langue anglaise. Lorsque le gouvernement précédent a
publié la liste des services qui leur étaient offerts et
disponibles, ce qu'on a appelé le "Guide des aînés",
il a été publié dans une seule langue, ce qui faisait
en sorte qu'on ne donnait même pas l'information sur les services
accessibles aux gens qui en avaient le plus besoin dans la communauté
anglophone. Je ne vous dirai pas que ce que nous vous présentons ou ce
que nous faisons au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu est parfait, loin de là! Il y a, comme
vous le soulignez, beaucoup d'amélioration à apporter. Mais, si
on peut qualifier les intentions gouvernementales, je vous indiquerai que le
document d'orientation "Pour une politique de sécurité du revenu"
a été produit en même temps et je dirais de la même
façon dans sa version française et dans sa version anglaise
'Towards an Income Security Policy", de façon à donner la
même information, à rejoindre le plus possible les deux
communautés. Même là, on se rend compte que la
pénétration a peut-être été meilleure au
moment où on se parle chez la communauté francophone que chez la
communauté anglophone. Les témoignages de certains groupes
anglophones entendus devant cette commission nous ont
révélé une certaine méconnaissance même des
faits. Et je ne blâme pas les gens de la communauté anglophone,
nous n'avons peut-être pas réussi encore à
pénétrer suffisamment cette communauté quant aux services
que nous mettons à leur disposition.
Vous avez donc raison de parler de disponibilité ou de nous
recommander de prendre les mesures pour s'assurer d'une disponibilité
des services en anglais auprès des plus démunis qui sont de
langue anglophone. Généralement, ces gens-là sont
unilingues anglophones. Ils ont moins progressé dans le bilinguisme que
les gens qui sont plus munis de moyens financiers.
La familiarisation aux ressources existantes. Vous avez raison
d'insister pour dire que, là aussi, le ministère a un rôle
à jouer. Mais tout comme il existe une certaine méfiance de la
clientèle envers le réseau Travail-Québec, c'est une
double méfiance lorsque vous êtes une personne unilingue
anglophone défavorisée financièrement. Là, il nous
faudra miser absolument sur les groupes communautaires et obtenir absolument
leur collaboration si nous voulons avoir quelque chance de succès. C'est
doublement vrai dans la communauté anglophone.
J'aurais une question précise à vous adresser qui me vient
de la lecture, entre autres, de la page 8 de votre mémoire. Vous dites
que les normes minimales nécessaires avant que des programmes puissent
être offerts aux groupes minoritaires doivent être
abaissées. C'est au paragraphe c, à la page 8 de vos conclusions.
"Les exigences minimales concernant le nombre de personnes et les ressources
disponibles nécessaires avant que des programmes puissent être
offerts aux groupes minoritaires doivent être rabaissées." Je ne
saisis pas bien ce que vous voulez dire.
M. Orr: Nous parlons de programmes comme le Rattrapage scolaire,
par exemple, où nous utilisons des ressources des commissions scolaires
pour rendre des services. Il y a de temps en temps des problèmes,
surtout dans les régions éloignées de Montréal
où il est impossible de trouver assez de participants pour offrir des
programmes. Peut-être serait-il nécessaire de regarder dans
certaines circonstances et dans certaines régions la possibilité
que les exigences soient un peu moindres que celles qui existent dans les
programmes pour les francophones. C'est donc de ce type de programmes que nous
parlons ici. Je pense que c'est dans la région des Cantons de l'Est
qu'il existe des programmes de rattrapage scolaire. Il y a aussi des
régions comme la Gaspésie. Mais, dans d'autres régions, il
devient difficile, voire impossible, d'offrir ces services au sein des
commissions scolaires parce que, normalement, c'est un problème
d'exigences minimales.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quand vous parlez de
critères - et je veux bien vous saisir - vous parlez de critères
strictement basés sur le nombre?
M. Orr: Pour la plupart, oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pour la plupart. Cela va. J'ai des
demandes pressantes de limiter mes interventions dans le temps, le
député de Notre-Dame-de-Grâce, le député de
Sainte-Anne, etc., les députés ministériels veulent avoir
la possibilité de vous adresser des questions. Donc, en vertu de la
règle de l'alternance...
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
saluer MM. Orr et O'Keefe. Nous avons reçu différents groupes ici
à la commis-
sion, depuis le début de nos travaux, et nous en sommes à
la cinquième semaine d'audiences depuis le 22 février dernier.
C'est quand même intéressant parce qu'après une
cinquième semaine nous entendons des points de vue qui ont
déjà été exprimés et je dois dire que, pour
avoir reçu de nombreux groupes anglophones à la commission, qui
ont exprimé des inquiétudes, c'est la première fois qu'on
entend la recommandation, que vous placez en première position, à
l'effet d'élargir la disponibilité des services en anglais
offerts par le ministère.
L'ensemble des organismes d'expression anglaise qui sont venus devant
nous, qu'ils soient du quartier Notre-Dame-de-Grâce ou du quartier
Côte-des-Neiges - je pense, entre autres, au groupe de personnes
handicapées de Côte-des-Neiges qui était
représenté ici par une des leurs - faisaient grief d'une
sous-représentation des agents handicapés qui comprennent bien le
problème des personnes qui ont un handicap au sein des bureaux de l'aide
sociale. Je pense au groupe Genesis, entre autres, qui est venu ici. Je pense
également au Groupe Anti-Poverty de Notre-Dame-de-Grâce. Je pense
au groupe de Pointe-Saint-Charles également. Enfin, ils sont tous venus
devant la commission et ils n'ont jamais signalé un problème de
disponibilité des services en anglais eu égard à une
demande qui leur avait été faite dans un bureau d'aide sociale.
Je crois qu'aucun d'eux n'a même mentionné ce problème.
Le YMCA l'a beaucoup mentionné, et c'est intéressant, M.
Orr, parce qu'il nous a fait prendre conscience de la nécessité
de l'apprentissage du français langue seconde. Ces gens ont beaucoup
parlé de cela. Ils ont beaucoup parlé de la difficulté et
de l'inquiétude qu'ils ont, d'une certaine façon, du fait qu'ils
n'ont pas accès à ces programmes de français langue
seconde. Je crois que c'était quasi unanime. Je crois que c'était
aussi un aspect vraiment important. Je dirais même qu'il est pour eux
vraiment prioritaire parce que la question de la disponibilité des
services en anglais n'a pas été mentionnée par ceux qui
représentent les défavorisés de la communauté
anglophone.
J'aimerais savoir, concernant cette recommandation, si vous avez eu des
représentations. D'où viennent-elles? Quels sont les organismes,
les groupes ou les personnes qui vous ont fait des représentations? Y
a-t-il des difficultés sérieuses qui n'ont d'aucune façon
jusqu'à maintenant été démontrées ou
illustrées devant la commission?
M. Onr: Pour commencer, Mme Harel, il faut dire que,
premièrement, comme nous l'avons dit dans notre mémoire, nous
avons fait une étude avec Communication-Québec sur la
disponibilité des services en anglais. Dans cette étude, il a
été démontré que le ministère de la
Main-d'Oeu-vre et de la Sécurité du revenu est un des
ministères avec les pires problèmes dans la fonction publique en
ce qui concerne les services au public en anglais.
Mme Harel: De quel ordre sont les problèmes?
M. Orr: Vous pouvez peut-être parler de cela, M.
O'Keefe.
M. O'Keefe (Michael): Absolument. Ils sont de plusieurs genres,
cela dépend de l'agence en particulier. Cela commence avec la
qualité de la langue parlée; il y a des problèmes de
sensibilité aux problèmes particuliers de ceux qui sont d'origine
anglophone. Il y a beaucoup de problèmes. C'était quasi unanime.
Je dois admettre que j'ai parlé avec les groupes que vous avez
cités, le YMCA et d'autres à Montréal. C'est en effet eux
qui m'ont parlé de cela en premier. Je crois que cela répond un
peu à votre question.
Mme Harel: Non. Pas vraiment. Ce qui est étonnant, c'est
qu'ils ne nous en aient pas parlé et qu'ils n'aient pas saisi cette
occasion qui est assez unique, autant dans leur mémoire écrit que
dans leur présentation orale, de nous en parler, d'une part. D'autre
part, tous par ailleurs, anglophones comme francophones, nous ont parlé
de la mauvaise relation d'aide qu'ils reçoivent dans les bureaux d'aide
sociale. Ils ne l'attribuent pas nécessairement...
M. O'Keefe: Oui, mais...
Mme Harel: Tous ceux qui représentent des personnes
défavorisées...
M. O'Keefe: Madame...
Mme Harel: Tous ceux qui représentent des personnes
défavorisées, évidemment, les corporations
professionnelles qui sont venues devant nous et les autres, n'ont pas tenu ce
langage-là, ils n'ont pas cette clientèle.
M. O'Keefe: Je peux vous donner...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président.
Mme Harel: Ceux et celles qui représentent des groupes
défavorisés nous ont dit...
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: ...sans pour autant charger les agents d'aide sociale
comme étant responsables. Mais ils ont fait valoir qu'ils ne pouvaient
seulement avoir les services qu'entre 8 h 30 et 9 h 30 le matin, exclusivement
une heure par jour, que les autres heures de la journée, les agents sont
sur la route, que cette heure qui est allouée - qu'on soit francophone
ou anglopho-
ne - c'est une heure qui est réservée à des
milliers de personnes qui, toutes en même temps, essayent de rejoindre
leur agent. Chaque agent a une moyenne de 400 dossiers. Toutes ces
considérations rendent difficile... Mais personne ne nous a
mentionné avoir eu une difficulté à obtenir un service en
langue anglaise.
M. Orr: Madame, je peux vous donner une copie de l'étude
qui a été faite. Les critères pour évaluer la
qualité des services, la disponibilité des services avaient
été établis par Communication-Québec avec nous.
Nous serons heureux de vous en donner copie. Deuxièmement, il faut dire
que tous les groupes que vous avez mentionnés viennent de la
région de Montréal. On n'a pas parlé des autres
régions. Troisièmement, il faut dire que le ministère
suggère la possibilité d'élargir énormément
les services qui sont donnés par les ministères. Si vous parlez
des agents qui agissent comme conseillers, vraiment, il devient de plus en plus
important que ces services soient rendus dans la langue comprise par les
prestataires. Je ne sais pas ce qui a été dit à votre
commission avant, mais tout ce que je peux vous donner, ce sont les
statistiques, les études, ce que nous avons comme témoignage de
cette réalité.
Mme Harel: M. le Président, je pense que, oui, cela serait
très apprécié que vous puissiez les fournir à la
secrétaire de la commission, pour le bénéfice de tous les
membres de la commission. Vous semblez faire une réserve en ce qui
concerne Montréal. Vous nous dites que les groupes qui sont venus devant
la commission étaient des groupes de la communauté anglophone de
Montréal. Faites-vous une réserve concernant ce que vous
considérez être les difficultés d'obtention des services en
anglais ailleurs, sauf à Montréal, ou si, pour vous, les
problèmes sont les mêmes à Montréal qu'ailleurs?
M. Orr: Ce sont les mêmes. C'est une question de
degré. Nous sommes en train de faire la même sorte d'étude
en Gaspésie. On n'a pas encore les résultats de cette
étude. Nos organismes dans les régions, nos associations et nos
chapitres dans toute la province nous ont dit, en répondant à ce
que nous avons préparé pour présenter comme
mémoire, que ces problèmes existent. Je pense que le ministre a
déjà noté une situation de cette réalité
dans sa circonscription. Donc, je n'ai pas les mêmes sortes de
statistiques pour les régions hors de Montréal, maintenant. Tous
les gens qui nous parlent de cette question suggèrent que le manque de
service est presque total en dehors de Montréal. (10 h 45)
Mme Harel: Sur cette question-là, j'aimerais beaucoup vous
entendre sur les mesures que vous recommandez au ministre. Vous lui donnez
finalement le mandat de prendre des mesures visant à élargir la
disponibilité des services en anglais offerts par ces organismes.
Quelles sont les mesures que vous envisagez?
M. Orr: Écoutez, c'est un peu comme la situation avec la
loi 142. C'est nécessaire que les ministères établissent
des programmes, des plans pour rendre les services. Cela exigera
évidemment la nécessité pour tous les fonctionnaires
d'être capables de donner chacun des services dans la langue anglaise.
Tout ce que cela requiert, c'est une analyse des besoins d'une région,
selon la population, selon les statistiques, et de développer dans le
plan d'embauché les façons de s'assurer qu'il existe au moins des
services de base.
Mme Harel: Ai-je bien compris? Avez-vous vraiment dit que vous
conceviez qu'il faudrait qu'on l'exige cela de tous les fonctionnaires?
M. Orr: Non, non. J'ai carrément dit l'autre chose.
Mme Harel: Ah! C'est le contraire.
M. Orr: Au contraire, on n'exigera jamais cela. Il faut faire
l'analyse, développer la façon de rendre lés services de
base dans une région et ensuite assurer qu'une permanence rende ces
services. Si ce sont des francophones bilingues ou des anglophones bilingues ou
qui d'autre, cela ne vaut rien, mais il faut finalement avoir la
capacité de rendre ces services.
Deuxièmement, je pense que cette question est intimement
liée au problème de la sous-représentation des
minorités dans la fonction publique et surtout au ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Si le gouvernement
implante des programmes d'accès à l'égalité, non
seulement pour les communautés culturelles, mais pour les groupes
linguistiques défavorisés dans la fonction publique, je crois que
cela aidera dans le processus de développer la capacité de rendre
les services dans les langues minoritaires.
Mme Harel: Dans les langues minoritaires?
M. Orr: Dans la langue minoritaire.
Mme Harel: La langue? J'ai compris les langues minoritaires.
M. Orr: Quand je dis cela, c'est la langue anglaise
évidemment, mais je pense bien que, dans une région comme
Montréal, il est peut-être nécessaire de regarder la
possibilité de répondre aussi dans les autres langues. Comme
Québécois, nous savons qu'il est de plus en plus
nécessaire que nous soyons capables d'accueillir et de rendre aux
Néo-Québécois des services de première ligne, mais,
premièrement, nous sommes préoccupés du manque de services
en anglais. Évidemment, c'est la communauté que nous
représentons.
Mme Harel: Justement, M. Orr, il ne faudrait pas confondre la
souhaitable représentation des communautés culturelles au sein
des bureaux de la fonction publique et le fait que la langue d'usage est le
français. Vous disiez à juste titre que la communauté
linguistique unie par la langue anglaise était composée de gens
d'origines ethnique et religieuse aussi nombreuses que différentes.
C'est le cas également pour la communauté linguistique unie par
la langue française qui est également composée de gens
d'origines ethnique et religieuse différentes.
M. Orr: Évidemment.
Mme Harel: Donc, il peut être souhaitable que ces
communautés culturelles soient représentées, mais cela
n'indique pas pour autant qu'elles le sont en langue anglaise. Ces
communautés culturelles devraient augmenter leur niveau de
représentation, mais les services peuvent aussi être offerts en
langue française, sauf que...
M. Orr: II n'est pas question... Il faut être très
clair. Alliance Québec n'a jamais exigé que tous les
fonctionnaires provinciaux aient le droit de travailler en anglais. Nous
parlons de la disponibilité des services aux citoyens tout simplement.
Nous acceptons que la langue du travail au sein du gouvernement et au sein des
ministères soit et continue d'être le français.
Deuxièmement, il faut noter, si nous devons discuter de toute
cette question de l'accès à l'égalité, qu'il y a un
élément linguistique dans le projet d'encourager la participation
des minorités culturelles aussi, parce qu'il y a un bon nombre de
communautés, comme la communauté noire de Montréal, pour
lesquelles il y a non seulement la barrière de la couleur, mais aussi la
barrière linguistique. Donc, toutes ces questions de la
représentation des minorités sont...
Mme Harel: Justement, vous parlez de la communauté noire
de Montréal comme ayant une barrière linguistique, mais elle est
en grande partie aussi composée de personnes d'origine
haïtienne.
M. Orr: Non, non. Je parle de la communauté noire
anglophone. Elle est assez nombreuse. Elle représente...
Mme Harel: Ah, bon! D'accord. Il ne faut pas parler de la
communauté noire comme étant nécessairement
anglophone.
M. Orr: Non, elle représente 100 000 personnes à
Montréal.
Mme Harel: Mais la communauté haïtienne
également est très importante.
M. Orr: Madame, ce n'est pas la question
Tout ce que je dis, c'est que bon nombre de
Noirs au Québec ont un problème de barrière
linguistique aussi pour l'accès.
Mme Harel: Alors, il faut souhaiter sans doute que, à la
suite de cette recommandation, qui a été reprise par tous les
groupes membres de la communauté anglophone qui sont venus devant nous,
voulant qu'il puisse y avoir un accès élargi à des cours
de français langue seconde, ces cours puissent être
prioritairement offerts à des communautés qui y ont peu
d'accès à la communauté francophone, notamment la
communauté noire anglophone de Montréal, ce qui peut juste
permettre de mieux harmoniser les relations de l'ensemble des
Montréalais entre eux.
M. Orr: La disponibilité des cours.
Mme Harel: Tantôt, le ministre mentionnait qu'il sentait
une sorte de méconnaissance de la part des groupes anglophones qui sont
venus devant nous présenter leurs points de vue. Je sentais beaucoup
d'hostilité de la part de ces groupes à l'égard de son
projet, plus que de la méconnaissance, d'une certaine façon. Je
voulais simplement lui signaler qu'il avait fait rendre public, en fait, en
langue anglaise son projet de réforme et que j'avais eu le plaisir de le
faire parvenir à l'ensemble des groupes représentant des
personnes défavorisées à Montréal, également
en langue anglaise, de manière qu'elles aient immédiatement
accès à cette information qui les concernait au premier chef.
Vous avez raison de dire qu'il y a des pauvres parmi la
communauté de langue anglaise de Montréal Cet écart sous
le seuil de la pauvreté est vécu avec autant de problèmes
et d'adversité, que l'on soit anglophone ou francophone. Il faut
reconnaître évidemment que l'écart de 17 % que vous
mentionnez est le double pour la communauté francophone à
Montréal qui vit sous le seuil de la pauvreté.
Indépendamment des statistiques, je pense que les réalités
qui sont vécues par les personnes sont douloureuses. Il faut se rappeler
que Montréal qui représente 15 % de la population - je parle de
la population de la vHIe de Montréal - du Québec compte pourtant
37 % des familles bénéficiaires de l'aide sociale. Ces propos
étaient ceux du maire de Montréal cette semaine et je les ai
vérifiés et la ville de Montréal... Le ministre prend
parfois en considération la banlieue, c'est-à-dire l'île de
Montréal et l'île-Jésus. La banlieue de Montréal et
l'île-Jésus font partie des classes moyennes supérieures
qui ne comptent pas un très grand nombre de familles
bénéficiaires de l'aide sociale.
Donc, Montréal, à proprement parler, est la ville
où, dans certains quartiers, l'espérance de
vie est de neuf années inférieure. Je pense très
clairement - et ce n'est pas caricaturer de le dire - que, à
Saint-Henri, l'espérance de vie est de neuf années
inférieure à l'espérance de vie dans le quartier Westmount
et que, en regard de l'espérance de vie en pleine activité, sans
restriction d'activités, la différence est de quatorze
années. Il en va ainsi pour un certain nombre de statistiques, notamment
sur le poids insuffisant des bébés à la naissance, sur la
mortalité infantile et autres. Des écarts qui sont de l'ordre de
l'invraisemblable, des écarts où, dans certains territoires de la
ville de Montréal, le taux de périnatalité est celui des
pays Scandinaves tandis que, dans certains autres quartiers, il est celui de
l'Amérique latine. Ces écarts se vivent dans la même ville.
Vous faites bien de nous rappeler qu'ils sont aussi vécus par des
membres de la communauté anglophone de Montréal.
M. Orr: Si je peux répondre, évidemment, nous
parlons des membres les plus défavorisés et les plus
démunis de nos communautés et nous essayons de développer
un système pour répondre aux besoins de ces gens. Donc, je pense
que nous sommes ici parce que nous considérons que c'est une chance, une
occasion pour vraiment trouver le meilleur système pour rendre des
services de qualité à ces gens-là.
Mme Harel: Ce que, je vous le répète, on nous
réclamait en premier lieu, c'était l'accès à des
cours de français langue seconde.
M. le Président, par l'alternance, je voudrais peut-être
permettre au...
Le Président (M. Bélanger): Oui. M. le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: Merci, M. le Président. Très rapidement
parce que le temps est limité et le député de
Notre-Dame-de-Grâce voudrait aussi poser une question. Je vais d'abord
rectifier une remarque faite par la députée de Maisonneuve. Je
représente le comté de Sainte-Anne où, à
Pointe-Saint-Charles, il y a une forte proportion de gens de langue anglaise.
Je suis très content, premièrement, que le mémoire
d'Alliance Québec fasse référence justement au fait qu'on
retrouve la pauvreté parmi les anglophones, les francophones et les
autres. Mais le fait que d'autres groupes soient venus ici, le YMCA et l'autre
jour, par exemple, un groupe de langue anglaise, le Columbia House, et qu'ils
n'aient pas fait allusion à ce problème additionnel de la langue
anglaise, ne veut pas dire du tout qu'ils ne soient pas conscients de ce
problème. Ils en sont très conscients sauf qu'ils ont seulement
20 minutes pour faire la représentation des mémoires. Les gens
ont parlé du contenu du document du ministre Paradis et non pas de cet
aspect. Je peux vous assurer que cet aspect que vous avez soulevé existe
clairement. Tous ces groupes sont très conscients de cela, contrairement
à ce que la députée de Maisonneuve vient de dire.
Vous avez parlé de la formation en langue seconde. Parmi les
jeunes qui sont de langue anglaise, avez-vous constaté que ce
problème n'existe pratiquement plus, mais que c'est plutôt devenu
un problème pour ceux qui sont vraiment unilingues anglais, disons, pour
les personnes beaucoup plus âgées?
M. Orr: II faut dire que, s'il existe des jeunes
analphabètes, on peut croire qu'il existe aussi des jeunes unilingues.
La réalité, c'est que, bien que nous ayons amélioré
les programmes de français comme langue seconde dans nos écoles,
il n'existe pas vraiment des ressources adéquates de la part du
ministère de l'Éducation pour vraiment développer des
programmes enrichis ou des programmes d'immersion pour assurer une connaissance
et une capacité adéquates de la langue française. Donc, la
réalité, c'est que des gens qui ont 30 ans et plus, comme moi,
ont suivi des cours qui étaient loin d'être suffisants. Pour les
jeunes qui sont maintenant dans les programmes, les programmes sont mieux
développés et mieux donnés par les professeurs.
Finalement, il faut dire que les programmes qui existent actuellement dans nos
écoles ne sont pas une garantie d'une connaissance adéquate pour
le milieu de travail, chez nos jeunes. Comme vous le savez, chez les jeunes
pauvres, normalement, il existe beaucoup de choses qui les empêchent de
vraiment profiter de l'éducation qui est disponible. Je pense que cela
va continuer comme problème, mais cela doit être donné non
seulement par la voie des programmes de formation en langue seconde pour les
adultes, mais aussi par les autres ressources aux niveaux primaire et
secondaire. Donc, c'est finalement une question de participation des
anglophones à la vie publique du Québec. Nous acceptons, comme
communauté, que cette participation soit faite majoritairement en
français et nous croyons que c'est la responsabilité du
gouvernement de donner des ressources nécessaires à la
communauté pour réaliser ce projet.
M. Polak: M. le Président, je m'arrête parce qu'il
ne reste plus de temps. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Bien, merci. Je vais
céder la parole à Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: À la députée de Chicoutimi, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Chicoutimi, je vous en prie.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Concernant les
données que vous nous mentionnez quant à la qualité des
services qui sont offerts aux communautés anglophones,
particuliè-
rement ici, il s'agit de celles qui sont défavorisées,
vous nous dites qu'à Montréal il n'y a pas vraiment de
problème...
M. Orr: Non, il y a un problème, mais c'est plus
problématique ailleurs.
Mme Blackburn: Mais les problèmes ne sont pas majeurs
à Montréal, vous dites que c'est plus problématique...
M. Orr: Les problèmes sont majeurs. Ils sont majeurs dans
toute la province.
Mme Blackburn: M. le Président, je n'ai pas eu
l'impression que M. Orr nous a fait une large démonstration qu'il y
avait des problèmes majeurs dans l'île de Montréal. Ma
question est la suivante et j'aurais tendance à partager votre avis en
ce sens que probablement, à l'extérieur de IHe de
Montréal, il est peut-être un peu plus difficile de trouver des
services bilingues. Là, vous citez deux régions en particulier en
parlant des régions périphériques. Cela met un peu loin la
périphérie, vous parlez de la Basse-Côte-Nord et de la
vallée de la Saint-Maurice. Sur la Basse-Côte-Nord, ce sont
surtout les autochtones, je pense, qui sont unilingues anglais dans cette
région..
M. Orr: Non.
Mme Blackburn: Je voudrais, pour pouvoir - M. le
Président, vous allez me laisser terminer ma question - mesurer
l'ampleur du phénomène, que vous me donniez la proportion des
anglophones qui vivent de l'assistance sociale à l'extérieur de
Montréal. Je pense que la grande concentration est à
Montréal. Je voudrais savoir ce que cela donne, par exemple, je ne
parlerai pas de ma région parce qu'il y en a peu au
Saguenay-Lac-Saint-Jean, mais sur la Basse-Côte-Nord, je sais que ce sont
particulièrement les autochtones et, comme on les retrouve
également autour du lac Mistassini, dans le...
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, Mme la
députée de Chicoutimi, le temps est écoulé.
Mme Blackburn: Alors, je voudrais savoir ce que cela
représente. Ensuite, une deuxième question touchant la taille des
groupes requis par les commissions scolaires, les collèges ou les
universités pour offrir des services éducatifs ou une formation
professionnelle. Vous savez que le problème existe dès que vous
sortez des grands centres. Il existe non pas seulement pour les anglophones, il
existe pour nos jeunes francophones également et pour toute la
communauté. C'est la question de la formation ou de l'accès
à la formation qui ne tient pas compte de la densité de
population. C'est le problème et je dirais qu'il est universel.
(11 heures)
Je voudrais savoir ce que représente dans les faits, de
façon concrète - je voudrais que vous puissiez me le chiffrer -
la pauvreté chez les anglophones dans les régions en dehors
de
Montréal. Vous n'avez pas dû dire cela comme cela, à
peu près.
M. Orr: Je n'ai pas de chiffres exacts, peut-être que le
ministère pourrait nous donner des chiffres.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On pourra vous les fournir.
M. Orr: Je vais vous dire que la communauté anglophone
dans les régions autres que Montréal représente à
peu près 200 000 personnes. Dans les régions comme celle de la
Basse-Côte-Nord, elle représente 80 % de la population. Dans les
autres régions, évidemment, comme dans les Cantons de l'Est,
c'est à peu près 9 % ou 10 % de la population. Cela varie
énormément. Je crois que, comme vous l'avez
suggéré, cela exige une analyse très précise, non
seulement du nombre d'anglophones, mais aussi du nombre de prestataires pour
décider quel est le niveau de service qui est nécessaire dans
telle ou telle région. Peut-être que le ministère peut nous
aider dans cela. C'est du principe que nous discutons ici, du principe de
rendre des services. Nous ne disons pas qu'il existe une formule magique pour
décider quel est le service qui doit être donné et
où il doit être donné. C'est une analyse qui doit
être faite.
À votre deuxième question, tout ce que je peux vous dire,
c'est que cela existe comme problème; nous savons que cela existe. Ce
que je peux faire, c'est de communiquer avec les commissions scolaires afin de
vous faire un petit bilan des programmes de rattrapage scolaire, par exemple,
et des autres programmes qui existent au sein de ces commissions scolaires.
C'est noté, selon nous, par un bon nombre de commissions scolaires et de
regroupements populaires que c'est un problème, mais je ne peux pas vous
répondre exactement quel est précisément le
problème. Je peux vous préparer un bilan et vous envoyer cela
dans un bref délai.
Mme Blackburn: M. le Président, ce que je comprends...
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse, madame, le
temps est vraiment écoulé. Il reste quelques minutes pour la
formation parlementaire...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): S'il y avait consentement... Je
serais prêt, si c'était bref, parce que c'est la première
présence...
Mme Blackburn: Oui?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...de Mme la députée
en commission.
Le Président (M. Bélanger): Alors, il y a
consentement. Merci.
Mme Blackburn: C'est très bref. En fait, c'est plus un
commentaire parce que...
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
Mme Blackburn: ...ce que je comprends de votre mémoire,
c'est que vos recommandations ne reposent pas sur une connaissance fine de la
situation qui vous aurait amenés à faire des recommandations. Ce
que vous dites simplement, c'est qu'il y a potentiellement un problème;
on nous en a parlé; les commissions scolaires nous en ont
parié...
M. Orr: Madame, il existe...
Mme Blackburn: ...mais vous n'avez pas de donnée
concrète vous permettant...
M. Orr: II existe un problème, selon nos regroupements
populaires.
Mme Blackburn: ...de mesurer, de façon précise,
l'ampleur du phénomène. C'est ce que je dis...
M. Orr: Madame...
Mme Blackburn: ...c'est ce que j'ai cru comprendre.
M. Orr: ...comme vous le savez, le gouvernement du Québec,
anciennement, n'était pas si préoccupé de la situation de
la communauté anglophone, donc, il manque des études sur les
questions qui touchent notre communauté. Nous avons des réactions
de nos groupes populaires dans les régions et des commissions scolaires
qui disent qu'il y a vraiment un problème. Si vous me demandez si j'ai
un bilan que je peux vous donner immédiatement, non. Le ministre a
même dit qu'il existe un problème. Il existe des problèmes
énormes par rapport aux services. Je vous dis que nous avons une
étude faite avec Communication-Québec qui démontre cela
clairement pour Montréal; nous sommes en train de compléter une
étude du même genre pour la Gaspésie. Je pourrai vous
donner cela aussitôt que ce sera prêt. Je peux vous faire un bilan
sur la situation en ce qui a trait aux programmes, comme le rattrapage
scolaire, qui existent dans les régions. Le principe, je pense qu'il est
bel et bien accepté. Votre collègue a déjà
suggéré qu'il y a un bon nombre de groupes qui sont venus pour
vous dire qu'il existe des problèmes, soit le manque de programmes de
français comme langue seconde. Par exemple, j'ai des chiffres pour
indiquer qu'il manque des services à Montréal; j'ai des
indications de nos regroupements dans le sens qu'il existe des problèmes
dans les autres régions aussi. Si cela vous laisse croire que nous
n'avons pas vraiment des statistiques précises pour faire nos
suggestions, c'est votre opinion, mais je crois que nous avons bel et bien fait
les recherches pour présenter les préoccupations d'un groupe
communautaire devant la commission parlementaire.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Thuringer: Merci, M. le Président. J'aimerais
féliciter les représentants d'Alliance Québec pour leur
mémoire et la façon dont ils expliquent leurs points de vue. Je
dois dire aussi que cette question de la langue a été
soulevée ici par les groupes francophones et anglophones. Je pense que
c'est un problème, une autre dimension qu'il faut ajouter à la
formation de toutes ies personnes qui veulent réintégrer le
marché du travail.
J'aimerais aussi faire un autre commentaire, M. le Président,
pour éclairer un peu la perception de la députée de
Maisonneuve. Il est vrai que le NDG Anti-Poverty et d'autres n'ont pas
parlé des services disponibles en langue anglaise ou en d'autres
langues. C'est parce qu'ils ont beaucoup de préoccupations d'abord
avec...
Mme Harel: La réforme. Ha, ha!
M. Thuringer: Oui, c'est vrai. C'est bien clair. Mais il est
sûr que les groupes culturels qui parlent anglais, les personnes
âgées et d'autres, non seulement dans mon comté, mais
ailleurs, cela les préoccupe beaucoup, et même dans l'Est de
Montréal. Je pense que c'est très important, c'est une dimension
où il y a beaucoup de craintes chez les groupes communautaires.
I would like to head an area, Mr. President, that touches the fact that
there is not enough representation of English-speaking and cultural groups in
government and community services. That is something that has been encouraged
by our government that certainly encourages it. I would like to know, from
Alliance Quebec's stand point, what are some other things specifically that can
be done not only by the government but also by community groups to make that a
reality because I think that is a key factor.
The second is... I think I will leave that because the timing does not
permit...
M. Orr: Mr. Thuringer, we have concentrated on working with the
Minister of Justice and with Mr. Gobeil, the Treasury Board Minister, to
encourage them to put in place a programme d'accès à
l'égalité. What is that in English? Affirmative Action Program.
We think that it is going to require that kind of focus effort on the part of
the government to really regulate the
situation. I mean that kind of level of participation indicates systemic
discrimination and traditionally in North America and another places, systemic
discrimination has been dealt with by the Affirmative Action Program. It is
going to take that kind of things.
On your other point about the involvment of community groups, obviously
part of the problems seems to be that English-speaking people for whatever
reason do not feel that there is a place for them in the public services. And
they are underrepresented not only in the public services but in the banks of
names that the public services go to look for potential candidates. This has to
be a comprehensive approach that includes getting out to the community,
conveying the informations of the communities, telling the communities
basically that there is a chance for employment and that there is a special
program that is ongoing to try and get up those levels of participation.
So there is no simple or easy answer but there is a lot of models for
Affirmative Action Program that have been put in place in other places. I know
the government, through some of its ministries, is looking at these kinds of
programs and all we can do is encourage them to move as quickly as they can.
That being said, I think if there is any new initiative of any special hiring
going on, for example, in connection with this sort of a program of the
development at these sorts of new services, that the ministry responsible has
to be very conscious that this is a particularly good opportunity to try to
make sure that the minorities are well represented.
M. Thuringer: Est-ce que je peux...?
Le Président (M. Bélanger): Rapidement
M. Thuringer: Brièvement, M. le Président. Il y a
un autre aspect, c'est l'agent économique, ce sera très important
la personne qui sera en contact avec les pauvres de la région. Des
représentants sont venus nous dire que les groupes communautaires
peuvent peut-être fournir ce service. Si ce n'est pas
nécessairement au gouvernement, on peut acheter des services. C'est
peut-être un moyen, que dans certains quartiers, des groupes
communautaires anglophones puissent jouer le rôle d'agents,
jumelés avec le gouvernement. Je me demande si vous êtes d'accord
grosso modo ou...
M. Orr: Nous soutenons une telle idée parce que,
finalement, la tradition du bénévolat est assez importante dans
notre communauté, la tradition des groupes communautaires qui
travaillent avec le gouvernement pour aider les réformes et le
développement social et économique. Donc, je crois qu'il est
important de continuer à reconnaître la présence et
l'efficacité de ces groupes là où ils existent. Il faut
noter, en même temps, que ces regroupements n'existent pas dans beaucoup
de régions, mais où ils existent, où ils ont
déjà indiqué qu'ils sont capables de gérer de tels
programmes, selon moi, c'est la meilleure façon de s'assurer non
seulement que les services soient rendus, mais qu'ils soient perçus
comme disponibles par la population dans une région.
M. Thuringer: D'accord. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la
députée de Maisonneuve, si vous voulez remercier nos
invités.
Mme Harel: Oui, rapidement, M. le Président, je veux
remercier MM. Orr et O'Keefe. Je trouve intéressant le point de vue que
vous apportez malgré que je considère toujours que, si
c'était un problème majeur, la disponibilité des services
en anglais, à défaut de le dire à cause du peu de temps
imparti, on aurait pu certainement l'écrire dans les mémoires. Je
crois qu'aucun mémoire ne contient cette recommandation écrite.
Je veux simplement vous remercier pour votre présence. Je crois qu'il
est important que vous veniez devant nous avec l'expertise que vous avez.
J'allais dire cette expertise avec maintenant le fait que vous émettez
également des reçus pour subvention ou pour don de
charité. Je ne sais pas si cela a quelque chose à voir avec votre
expertise, mais j'imagine que c'est plus avec les groupes communautaires
défavorisés que vous avez votre expertise en matière de
"défavorisation". Je vous remercie pour votre présence.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre
M. Orr: S'il vous plaît, M. le Président.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En terminant, j'aimerais remercier
Alliance Québec et ses porte-parole. Je voudrais vous indiquer que vous
avez parlé ce matin au nom de quelque 29 600 chefs de ménage,
dont le seul revenu est l'aide sociale et qui nous demandent, au
ministère, de communiquer avec eux en langue anglaise. Cela
représente 8,4 % de notre clientèle au ministère. Je n'ai
pas les proportions régionales devant moi, mais je m'engage à les
trouver au ministère et à les communiquer à la commission
ainsi qu'à vous faire parvenir également cette information de
façon que, sur une base régionale, on ait encore plus d'outils
statistiques pour articuler le dossier.
Ce que je retiens, c'est qu'une personne qui est à l'aide sociale
et qui se cherche un emploi dans la société a de multiples
barrières à franchir. Une des caractéristiques sur
lesquelles on a insisté depuis le début de la commission est le
facteur de l'isolement. Lorsque nous nous retrouvons dans la langue de la
minorité, dans une société, nous nous trouvons
désavantagés sur le
plan financier et les autres. On se retrouve donc doublement
isolés. Le ministère portera une attention particulière
afin que cette barrière de l'isolement tombe pour tout le monde. Une
attention particulière sur le plan linguistique sera également
portée pour le bénéfice de ces quelque 30 000 chefs de
ménage de langue anglaise. Merci beaucoup de votre contribution aux
travaux de la commission.
Le Président (M. Bélanger): La commission des
affaires sociales remercie le groupe Alliance Québec et j'appelle
maintenant, à la table des témoins, la Centrale de l'enseignement
du Québec, qui sera représentée par M. Raymond Johnston,
Mme Rosette Côté, M. Richard Lan-glois, M. Christian Payeur et M.
Daniel Lachance.
Nous saluons donc les représentants de la Centrale de
l'enseignement du Québec. Je vous explique nos règles de
fonctionnement. Vous avez 20 minutes fermes pour présenter votre
mémoire ou son résumé. Par la suite, il y aura une
période d'échanges avec les membres de la commission. Auparavant,
simple question de procédure, je voudrais vous demander d'identifier
d'abord votre porte-parole et les membres de votre équipe et, à
chaque fois que vous ferez une intervention, si c'était possible, de
donner votre nom pour les fins de transcription du Journal des
débats. Je vous remercie et vous prie de commencer.
Centrale de l'enseignement du Québec
M. Johnston (Raymond): Merci, M. le Président. Je suis
Raymond Johnston, vice-président de la CEQ. Au cas où tout le
monde chercherait Mme Rosette Côté, elle ne s'est pas
déguisée en homme; elle a dû se décommander à
la dernière minute à cause d'autres engagements. (11 h 15)
Les personnes qui m'accompagnent sont, à ma droite,
Marc-André Lemay, employé-conseil à la centrale, qui
s'occupe particulièrement des dossiers sociaux; Christian Payeur,
immédiatement à ma gauche, également
employé-conseil à la centrale, attaché à la
recherche; à l'extrême gauche, pour des fins physiques, Daniel
Lachance, président de la Fédération du personnel de
soutien affilié.
Je vais essayer, M. le Président, M. le ministre et Mme la
responsable, pour l'Opposition, de ce dossier, de vous présenter
sommairement l'essence de notre intervention. Et MM. les membres de la
commission; je m'excuse d'avoir négligé les autres membres de la
commission. Je voudrais essayer de vous présenter, d'abord, le sens de
notre intervention, notre intérêt, et résumer l'essentiel
de nos propos.
Vous savez sans doute que notre organisation est principalement
implantée dans le secteur de l'éducation et, récemment, un
peu plus dans le secteur de la santé et des services sociaux. Nous
représentons du monde dans d'autres secteurs, mais l'enracinement
principal de la centrale, dans le secteur de l'éducation, et la
préoccupation générale et permanente de notre
organisation, de la centrale, de ses syndicats et de ses membres, à
rechercher des conditions qui permettent l'égalité des chances en
éducation ont amené notre organisation, en plus de ses autres
volets de préoccupation, à s'intéresser de façon
particulière à ce dossier. Nos membres sont conscients que
rechercher la réduction des inégalités à
l'école est un objectif louable. Il y a certaines possibilités
d'avancer sur ce terrain, mais, si on ne travaille à la réduction
des inégalités qu'en milieu scolaire, on est confrontés,
à l'entrée des étudiants dans le domaine scolaire, avec
des inégalités sociales déjà acquises et qui
deviennent, jusqu'à un certain point, non seulement un handicap pour ces
jeunes pendant qu'ils sont à l'école, mais probablement aussi,
dans la mesure où ce n'est pas contré pendant la période
de l'évolution scolaire, un handicap permanent pour une bonne partie de
leur vie.
On est aussi interpelés comme organisation syndicale, du fait que
la réforme proposée par le ministre risque d'avoir un impact,
à notre point vue, assez important sur l'emploi, les conditions de
travail et les acquis de la syndicalisation. Donc, ce sont là les deux
pôles d'entrée de nos préoccupations à
l'égard de ce dossier puisque, tout le monde le sait fort probablement,
notre organisation ne regroupe pas beaucoup d'assistés sociaux et
d'assistées sociales.
Cependant, si je peux me le permettre dans cette phase introductive, je
voudrais vous citer un petit bout de texte qui me semble un peu
révélateur du rôle que le mouvement syndical se doit de
jouer à l'égard de ces questions. Je vais vous lire ce petit
paragraphe: Si les pauvres ont un porte-parole en Amérique, ce
rôle appartient au mouvement ouvrier. Les syndicats ont leur
idéologie. Ils sont directement intéressés. Ils savent que
cette réserve de main-d'oeuvre à bon marché,
inorganisée, est une menace aux conditions de travail et de salaire dans
l'économie tout entière. C'est pourquoi bien des programmes
législatifs émanant des syndicats expriment les besoins des
pauvres.
Ce n'est pas une citation tirée d'un ouvrage de Karl Marx, c'est
tiré de la page 47 d'un ouvrage écrit par MM. Jean Hétu et
Herbert Marx, à l'époque où ils étaient tous deux
professeurs d'université, Droit et pauvreté au Québec.
Si je prends le temps de rappeler cela, c'est que cela me semble pertinent
dans le débat.
Ce qui frappe au premier titre, quand on essaie de situer le
débat sur la sécurité du revenu et la réforme de
l'aide sociale dans une perspective un peu plus globable, c'est la façon
dont le problème est posé, de façon
générale. Nous avons le sentiment qu'il s'agit, sur la base des
études qui ont déjà été
réalisées, d'un procès inégal et incomplet.
Inégal et incomplet puisqu'on met en procès, à ce
moment-ci, un régime de
sécurité du revenu ou d'aide sociale qui est dirigé
vers les plus démunis de la société sans mettre en
parallèle le régime caché d'aide sociale dirigé
vers les mieux nantis et les entreprises dans la société.
Je vous soulignerai au passage, M. le ministre, l'intérêt
de la publication récente du professeur Denis Fortin, que nous avons
d'ailleurs contribué à éditer, qui met en relief que, si,
au Canada, on investit environ 8 000 000 000 $ actuellement, le gouvernement
fédéral et les gouvernements provinciaux réunis, dans
l'aide sociale proprement dite, il y aurait, d'après les projections
qu'il établit, quelque 60 000 000 000 $ de la part du gouvernement
fédéral seulement qui seraient dirigés vers les mieux
nantis et les entreprises au Canada. Le rapport Nielsen, qui avait
été commandé par le gouvernement conservateur,
révélait une partie de ce régime caché d'aide
sociale envers les mieux nantis par son étude sur les dépenses
fiscales. Il y a d'autres travaux qui ont été
réalisés par des journalistes et des chercheurs qui vont dans le
même sens aussi. Je voudrais signaler que, avant de poursuivre un
débat sur une question qui va fondamentalement toucher la question de la
répartition de la richesse, il y aurait peut-être
intérêt à ce que le gouvernement du Québec commande
aussi des études, et les rende publiques, sur tous les aspects de sa
politique qui constituent sa tranche du régime caché d'aide
sociale dirigé vers les mieux nantis et les entreprises, et là
sans exclure tout le volet des dépenses fiscales. Dans un contexte
où le monde aurait, d'un côté, ce qui va vers les plus
démunis, d'un autre côté, ce qui va vers les mieux nantis
et les entreprises, probablement qu'on pourrait se trouver dans un
régime de procès un peu plus global sur la répartition de
la richesse dans la société et probablement que là il y
aurait certaines choses qui s'éclaireraient.
Je veux vous souligner aussi que, quant à nous, après
avoir pris connaissance du document d'orientation, nous considérons que,
après la publication du rapport Boucher et la loi générale
qui en a résulté, le retour à la fragmentation des
assistés sociaux en aptes et inaptes, disponibles et non disponibles, et
toutes les sous-catégories qu'on peut déceler à travers le
projet, selon la durée du besoin, que ce retour à la
fragmentation, selon nous, constitue un recul important en regard des
progrès qui avaient été réalisés à la
suite du rapport Boucher, en termes d'unification du régime d'aide
sociale au Québec. Cela risque aussi de provoquer la remontée de
certains effets discriminatoires dans les comportements des employeurs qui vont
trouver, dans ces distinctions-là, des motifs pour justifier un certain
nombre de leurs attitudes actuelles. Un deuxième élément
sur lequel je voudrais revenir - cela a été souligné par
beaucoup de groupes - c'est la parité pour les jeunes. On l'a
cherchée. On l'a cherchée de façon sérieuse et on a
découvert, M. le ministre, qu'elle n'existait pas dans votre projet. On
s'interroge aussi sur la stratégie globale qui inspire actuellement
l'ensemble des politiques gouvernementales et on se demande si on n'est pas en
train de poser une pièce de plus, une pièce importante, mais une
pièce de plus, dans une certaine forme de stratégie
d'appauvrissement et de marginalisation. Je vais essayer de vous
démontrer un peu notre analyse.
D'abord, les critères de base proposés en ce qui a trait
aux prestations de l'aide sociale: réfère au dernier
décile dans la rémunération pour calculer les besoins et
exclure un certain nombre de besoins qui ne sont pas considérés
comme essentiels, mais qui sont pourtant essentiels à l'aube du 21e
siècle, comme le transport, le droit à des activités
sociales et à des activités socioculturelles, etc., pour sortir
de l'isolement et de la marginalisation. Tout cela est exclu des
considérations actuelles. La volonté du gouvernement de maintenir
aussi un écart significatif entre les prestations d'aide sociale et le
salaire minimum. Ce n'est pas en soi un critère à rejeter de
façon absolue^ Le vrai problème, M. le ministre, c'est que, alors
que l'indice des prix à la consommation, de 1978 à 1986,
augmentait d'environ 80 %, le salaire minimum n'était relevé que
de 27%. Il y a eu un ralentissement de l'augmentation de 1978 à 1981.
Après cela il y a eu un gel de 1981 à 1985. Tout récemment
il y a eu un relèvement significatif - parce que ces montants, pour le
monde cela veut dire un peu plus d'argent - en deux s phases successives. Mais
cela ne permet pas, de toute façon, de rétablir
l'équilibre entre le salaire minimum et l'évolution de la
rémunération hebdomadaire moyenne depuis 1978. On est très
loin de cela.
L'auteur que je vous citais tantôt nous indique, à un
endroit dans son ouvrage, qu'il devrait y avoir un salaire minimum légal
qui corresponde au moins à 60 % de la rémunération moyenne
observée. Lui, il pose cela comme étant un jalon essentiel de la
lutte contre la pauvreté. Ce que nous contestons donc ce n'est pas le
fait de garder un écart entre les prestations d'aide sociale et le
salaire minimum, mais c'est l'approche suivante. Le salaire minimum ayant
décliné en valeur absolue depuis 1978 à ce point, on s'en
sert, à cause de l'effet de tassement déjà
réalisé, pour garder à un niveau largement
inférieur à cela les prestations d'aide sociale. Pour les
travailleurs et les travailleuses les moins bien rémunérés
et pour ceux qui sont exclus du marché du travail on combine des
facteurs d'appauvrissement qui nous apparaissent inacceptables.
Les autres éléments qui nous apparaissent significatifs
d'une espèce de stratégie d'appauvrissement et de marginalisation
sont les choix qui sont faits progressivement au plan de la diminution des
services publics en santé et en services sociaux - cela a des effets
directs sur les pauvres de la société - la
désinstitution-nalisation qui s'opère dans plusieurs secteurs et
crée, en plus, une marge substantielle de sans-
abri, particulièrement dans la région de Montréal
et dans les centres urbains; la réduction des investissements dans le
logement social, où on va plutôt subventionner des logements
privés; le fait qu'on aille vers une forme de diminution et de
déplacement des services d'éducation. Les gens qu'on identifie
dans le réseau de l'éducation comme étant en
difficulté d'adaptation et d'apprentissage - je ne parle pas de
handicapés physiques - proviennent pour la plupart de milieux
défavorisés. Or, ce qu'on vit présentement c'est une
diminution dramatique des services dirigés vers cette clientèle.
Cela ne peut pas ne pas avoir pour effet de maintenir et d'élargir le
cercle de pauvreté. (11 h 30)
De la même façon, les politiques gouvernementales
actuellement en voie d'application en matière d'enseignement
professionnel nous semblent réduire l'accessibilité, au niveau
secondaire, à un régime d'option large, accessibilité
immédiate pour les clientèles. Cela facilite jusqu'à un
certain point une forme de décrochage scolaire et les problèmes
qui en découlent.
Je pourrais aussi mentionner la difficulté de procéder,
comme il est préconisé dans certains milieux, à
l'intégration jeunes-adultes dans l'enseignement professionnel. Cela va
générer aussi des difficultés de même nature.
Ajoutons à cela la diminution des services éducatifs autres que
l'enseignement, comme les services professionnels des psychologues, des
orthopédagogues, des conseillers en orientation et autres. À tous
les niveaux du réseau scolaire, on voit qu'il y a là des
problèmes importants.
Donc, il y a un déplacement actuellement des priorités
partant des moins biens nantis et allant vers les plus favorisés, et ce,
même à l'intérieur du réseau scolaire. C'est
inquiétant et cela s'ajoute à une croissance des écoles
privées et à certaines réductions des efforts au plan de
l'alphabétisation. Il me reste deux minutes.
Le Président (M. Leclerc): Si vous pouvez...
M. Johnston: Je vais essayer de compléter rapidement, M.
le Président, en allant...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Y a-t-il consentement, si vous
avez besoin de poursuivre un peu?
Le Président (M. Leclerc): Alors, il y a consentement.
M. Johnston: II y a consentement, vous êtes bien gentils.
On voit aussi dans le projet, M. le ministre, une stratégie de
conscription sans espoir, et j'insiste sur le terme "sans espoir", dans
l'approche qui apparaît au document d'orientation quand on lie le projet
aux autres politiques gouvernementales. D'une part, le gouvernement
réduit l'emploi dans les services des secteurs public et parapublic.
D'autre part, il réduit en même temps les services qui sont
destinés aux plus défavorisés. Il vise à rendre un
peu chaque prestataire responsable de son chômage alors qu'il sait - les
courbes le démontrent - qu'il y a une augmentation du nombre de
prestataires; de l'aide sociale lorsqu'il y a une augmentation significative du
chômage. Le gouvernement abandonne en quelque sorte son intervention
directe au plan de l'emploi, et son intervention directe dans la gestion
économique au Québec. Tout ce qu'il propose, ce sont des mesures
de maintien et de développement de l'employabilité qui ne
comportent, à tous égards, aucune espèce de garantie pour
le prestataire, si ce n'est de recevoir des prestations pendant le temps qu'il
est engagé dans ces programmes.
Notre lecture des programmes comme les travaux communautaires et les
stages en milieu de travail, tels que définis, nous oblige à les
identifier comme des mesures contre-productives pour l'emploi; elles sont
même potentiellement destructrices de possibilités de
création d'emplois. Le nombre de personnes augmentera dans ce genre
d'activité avec les mesures qui sont proposées, mais elles auront
nécessairement une forte pression à la baisse sur les conditions
des personnes qui oeuvrent comme salariés dans les secteurs où
ces personnes-là vont aller travailler, tout en chagrinant, M. le
ministre, la portée des unités d'accréditation, quand on
connaît les batailles que le mouvement syndical a été
obligé de faire dans le passé pour obtenir la reconnaissance
syndicale et la couverture, par des certificats d'accréditation de
l'ensemble des personnes qui travaillaient dans une entreprise.
Au plan du. retour aux études, nous considérons - il y a
plusieurs études qui le démontrent, d'ailleurs - que les gens qui
ont une formation insuffisante, et qui souvent n'ont pas de diplôme, sont
très rapidement marginalisés par rapport au marché du
travail, surtout dans les périodes de haut taux de chômage. Et on
ne peut pas prétendre qu'il est faible quand il oscille encore autour de
9 %. M. Marx et M. Hétu écrivaient en 1974 qu'à 6 %
c'était déjà dramatique. On est à 9 % en 1988,
officiellement.
Mais ce que nous n'acceptons pas dans les programmes actuels de retour
aux études, c'est qu'on impose une différenciation des
prestations comme mesure incitative, qu'on vive le fouillis administratif dans
l'organisation et la gestion de ces cours, et qu'il n'y ait pas de
véritables mesures concrètes d'aide au retour aux études,
si ce n'est que quelques garanties d'allocations pour les services de garde.
Mais il n'y a pas de service direct et complémentaire pour assister le
retour aux études. Il n'y a pas, par exemple, de garderies dans les
centres où les gens vont aller suivre leurs cours. Il n'y a pas
d'arrangement des horaires et des activités qui tiendrait compte des
conditions particulières de ces clientèles. Il n'y a pas de
développement de programmes et de pédagogie adaptée non
plus. Force nous est de
constater qu'il n'y a même pas de possibilité, à
l'intérieur du réseau scolaire, pour une véritable
approche globale de cette question, puisqu'il semble que la gestion de
l'ensemble de ces cours échappe plus ou moins à l'ensemble de la
structure scolaire.
Nous prétendons, M. le ministre, qu'il faut briser le cercle
infernal de la pauvreté. Et pour briser le cercle de la pauvreté,
il faut faire des choix, des choix substantiels, des choix qui vont
probablement amener des gens qui gagnent plus dans la société,
des gens qui ont des moyens substantiels dans la société,
à faire une contribution plus grande pour être capable d'assurer
le minimum.
Il faut également faire des choix qui feraient en sorte que les
travailleuses et les travailleurs qui ne sont pas encore marginalisés,
par rapport au marché de l'emploi, aient les possibilités de
vivre décemment avec le salaire minimum auquel ils sont souvent
résignés. Il faut donc être capable d'agir sur le
relèvement des conditions socio-économiques des pauvres au
Québec. Mais, en même temps, il faut être capable de
favoriser l'égalité des chances en éducation, il faut
être capable d'adapter les services de santé et les services
sociaux pour les clientèles particulières dont on parle
aujourd'hui, il faut être capable de s'attaquer à
l'analphabétisme fonctionnel beaucoup plus qu'on le fait
présentement, et H faut être capable de développer une
démarche, en matière d'alphabétisation, qui combine des
approches institutionnelles avec des approches qui ne sont pas
institutionnelles.
Il faut également être capable de développer des
instruments de relèvement du niveau socioculturel, dans les quartiers
où il y a des poches de pauvreté importantes, même en
dehors du réseau scolaire. Finalement, il faut trouver des moyens,
par-delà ce que je viens de dire, pour assurer une distribution un peu
plus équitable de la richesse dans la société, en prenant
pour acquis que le premier niveau de la répartition de la richesse est
habituellement le travail.
Il faut donc que le gouvernement s'engage dans une perspective de
développement de l'emploi au point de rechercher activement le plein
emploi. Il faut aussi que le gouvernement établisse un cadre qui
permette aux travailleurs et aux travailleuses, le cas échéant,
d'espérer améliorer leurs conditions de travail, donc, faciliter
l'accès à la syndicalisation. Il faut aussi des programmes qui
permettent même aux gens qui sont au travail, mais qui n'ont pas les
qualifications qui leur permettraient une espèce de polyvalence dans les
coups durs qui s'en viennent, de pouvoir accéder facilement à des
programmes de formation qui les rendent moins vulnérables aux chocs que
peuvent subir les entreprises. Nous savons tous, M. le ministre, qu'avec la
perspective joyeuse d'un accord de libre-échange il y aura des
coûts qui seront supportés par les travailleuses et les
travailleurs dans plusieurs secteurs. Il faut donc que l'État s'engage
à jouer un rôle moteur, un rôle actif et non pas seulement
incitatif, seulement facilita-teur, au plan de l'économie et de
l'organisation des équipements collectifs.
Pour conclure, M. le Président, nous ne partageons pas les
approches préconisées par le document d'orientation. Notre
mémoire conclut sur quelques orientations que, comme plusieurs autres
groupes au Québec, nous retenons comme devant être la base logique
d'articulation d'un régime de sécurité du revenu qui
tienne compte du fait qu'une politique de sécurité du revenu, ce
n'est pas une solution globale en soi, mais c'est une pièce dans un
ensemble. Cette pièce ne peut jouer son rôle de façon
adéquate que dans la mesure où toutes les autres pièces
sont présentes et jouent leur rôle de façon significative
et efficace dans l'ensemble global qui est présenté. Nous vous
invitons donc, selon la formule traditionnelle des enseignants et des
enseignantes, à essayer de refaire le devoir, M. le ministre, dans une
perspective différente, plus tournée ou plus inspirée par
un préjugé favorable aux assistées sociales et
assistés sociaux et aux travailleuses et travailleurs du Québec.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Leclerc): Je vous remercie, M. Johnston.
Je cède la parole à M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On m'indique que, par suite de
notre consentement, il nous reste 15 minutes de chaque côté dour
essayer de créer une espèce d'interaction. . Cela va. Je vais
tenter d'en venir immédiatement à l'essentiel.
Vous connaissez bien le profil de notre clientèle. Vous avez
parlé d'analphabétisation: à l'aide sociale, 36 % de la
clientèle dite apte au travail est composée
d'analphabètes; 60 % des assistés sociaux dits aptes au travail
n'ont pas terminé leurs études secondaires; 40 % n'ont aucune
expérience de travail reconnue. Cela pose des difficultés
énormes.
Je vous dirai tout de suite que, du point de vue du fond,
l'argumentation que vous nous avez servie sur le salaire minimum est
complètement fondée. Mais, quel que soit le ministre du Travail -
parce que ce n'est pas le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu qui est responsable de ce dossier, c'est
plutôt le ministre du Travail - quel que soit le ministre du Travail qui
serait entré en fonction en décembre 1985, le rattrapage qu'il y
avait à effectuer était énorme. Je ne vous dirai pas qu'il
est accompli au moment où nous nous parlons, loin de là.
Cependant, je vous dirai qu'à partir des statistiques de 1987 il est
sérieusement amorcé. En 1987, le salaire minimum a
été augmenté de 8,75 %; les augmentations des
barèmes d'aide sociale: 4,1 %; l'ensemble des conventions collectives au
Québec: 3,7 %; le salaire hebdomadaire moyen: 2,1 %. On a donc
enclenché un rattrapage qui est loin d'être terminé et sur
lequel, au gouvernement, nous
avons la préoccupation de continuer à travailler, mais ce
que vous avez dit du salaire minimum entre 1976 et 1985 est exact. (11 h
45)
Vous me permettrez, à ce moment-ci, pour que l'on puisse bien se
comprendre - parce que vous avez indiqué à la toute fin qu'une
politique de sécurité du revenu, cela faisait partie d'un
ensemble, et vous avez raison - de corriger une impression que je partageais
avec vous jusqu'à ce que je prenne connaissance des dernières
stastis-tiques relative à la création d'emplois dans le secteur
public. La revue "Le marché du travail" de février 1988, à
la page 87, nous enseigne ce qui suit: "Dans la même veine,
l'administration publique aura créé 11 000 postes (5,6 %) l'an
dernier, une croissance somme toute surprenante si on considère qu'elle
provient en majeure partie de l'administration provinciale avec 7000 postes."
Il s'agit là des dernières statistiques disponibles. L'auteur dit
que c'est surprenant; j'ai été moi-même surpris et je vous
communique la surprise. Je vais demander des précisions à mon
collègue.
M. Johnston: Ce serait intéressant si vous pouviez avoir
la ventilation, parce que vu de notre côté de la barricade, si on
peut employer cette expression, cela a tout l'air que c'est le
phénomène contraire qui se produit. Il y a probablement des
développements dans certains secteurs où il y a des services qui
ont été développés depuis quelques années,
mais ce que l'on sent partout dans les secteurs où il y avait
déjà une implication de notre centrale, c'est qu'il y a eu des
diminutions très significatives.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous le communique et je vous
cite la source. Je vais tenter de mon côté également
d'avoir une ventilation, comme vous...
M. Johnston: II faudrait peut-être aussi voir quel est le
pourcentage d'emplois à statut précaire.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II ne doit pas être
élevé parce que, sur les quelque 100 000 emplois
créés l'an passé, plus de 95 % étaient à
temps plein.
Mme Harel: Précaire ne veut pas dire temps partiel...
occasionnels.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excusez-moi, occasionnels. Mais
occasionnel veut dire à temps partiel.
Mme Harel: 100 %.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aimerais traiter avec vous de
toute la question d'apte et d'inapte, parce que nous sommes d'avis, au
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu,
que nous ne mettons pas en question le principe de base, mais que les besoins
d'une personne qui est condamnée, si je peux utiliser l'expression,
à l'aide sociale pour une très longue période sont
supérieurs aux besoins d'une personne qui est de passage à l'aide
sociale. C'est quelque chose qu'on a réussi, au ministère,
après des années d'expérience, à chiffrer: que
quelqu'un qui demeure très longtemps à l'aide sociale, ses
besoins de ressources, sur le plan strictement financier, sont
supérieurs à ceux de quelqu'un qui est de passage. Cela se
comprend aisément.
J'aimerais également parler, parce que cela vous touche de plus
près, de toute la question de la contribution alimentaire parentale et
faire la comparaison de quelle façon elle joue dans le système de
l'enseignement supérieur, des études collégiales et
universitaires, et pourquoi, considérant cette existence à ce
niveau, nous considérons que nous n'avons pas le choix au
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu,
mais que, si cette contribution n'existait pas dans le système de
l'éducation, nous aurions le choix d'une décision politique quant
à l'éliminer d'une politique de...
M. Johnston: Vous pariez du lien entre les prestations d'aide
sociale et le régime des prêts et bourses?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Exactement. J'aimerais traiter
d'un paquet d'éléments avec vous, mais je vais tenter d'approcher
celui où vous m'avez semblé le plus critique - on est ici pour
cela et on n'a pas beaucoup de temps à notre disposition. Toute la
question du programme de rattrapage scolaire, où vous êtes, si
vous me passez l'expression, concernés plus directement.
M. Johnston: Et consternés.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est pour cela que je l'approche.
J'ai des statistiques sur les décrocheurs au niveau secondaire, qui me
proviennent du ministère de l'Éducation et, malheur! comme
ministre responsable de la Sécurité du revenu, vous l'avez
indiqué, c'est une clientèle qui a un fort taux de risques de se
retrouver chez nous. Selon les statistiques dont je dispose pour l'année
1985-1986, le pourcentage de ceux qui n'ont pas terminé le secondaire:
27,6 %.
Au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du revenu, on se dit: On va mettre en place des programmes de rattrapage
scolaire, de façon à donner à ces jeunes la
possibilité de compléter leur cours secondaire. C'est l'objectif.
Sur le plan de l'objectif, je n'ai pas trop de difficulté, parce que je
suis conscient de cette nécessité que, dans plusieurs cas, pour
avoir la possibilité de poser sa candidature à un emploi, c'est
une exigence minimum.
Sur le plan des moyens, je suis tout aussi
inquiet que vous, parce qu'on m'indique au ministère que le
programme de réinsertion qui fonctionne, entre parenthèses, moins
bien que les autres, c'est le programme de rattrapage scolaire. Comme ministre,
est-ce que je peux prendre quelqu'un qui a décroché d'un
système scolaire, au niveau secondaire, et le réintégrer
dans ce même système? Je me dis que mes risques d'échec
pourraient - peut-être que les statistiques me le
révéleront également - être très forts que
cela décroche encore une fois, si cela a décroché dans les
mêmes conditions.
J'aimerais que vous soyez très explicites sur les critiques que
vous avez à adresser au système, tel qu'il existe, sur le plan du
rattrapage scolaire. J'aimerais entendre vos propositions sur le plan des
objectifs et si possible sur le plan des moyens quant à avoir un
programme ou à mettre en place un programme pour ces gens qui ont
décroché du système, qui se retrouvent à l'aide
sociale et à qui on veut donner ou fournir les moyens d'avoir une chance
de détenir un diplôme d'études secondaires dans la
société.
M. Johnston: Je voudrais d'abord signaler que si vous avez
tendance à regarder le niveau de décrochage parce que vous pensez
avoir une responsabilité qui s'en vient presque automatiquement, nous,
nous sommes aussi confrontés, non seulement à la façon
dont on va traiter les gens qui ont déjà
décroché...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On va traiter ceux-là pour
ne pas...
M. Johnston: ...mais comment faire en sorte que cela ne
décroche pas. Je vous dirai que, s'il y avait un dossier... Si ce
dossier pouvait être d'intérêt suffisant un jour pour
qu'à la fois le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et le ministre de l'Éducation soient
disposés à entreprendre des discussions ouvertes avec nous sur
l'ensemble du phénomène du décrocheur et des mesures
à mettre en place, on serait sûrement intéressé
à le faire.
Cela étant dit, revenons à la question que vous
posiez.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous pouvez traiter en
même temps de la causa causans...
M. Johnston: Oui, mais je pense qu'avec le temps dont on dispose
cela va être difficile, d'autant plus que je n'ai pas l'habitude de me
laisser emporter et de garrocher rapidement les phrases. Je prends le temps de
mesurer mes affaires. Il me semble que cela paraît.
Je voudrais toucher trois éléments au moins qu'on a
déjà abordés, que j'ai abordés succinctement
tantôt. Il y a une difficulté, d'abord, administrative.
Jusqu'à quel point peut-on demander aux agents du ministère de la
Main- d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu de gérer le
profil éducatif des prestataires de l'aide sociale? Première
question. Deuxième question. Jusqu'à quel point peut-on arriver
à une approche globale - je parle toujours d'administration et de
gestion - et intégrée d'éducation pour les
décrocheurs, les assistées sociales et les assistés
sociaux, entre autres, s'il n'y a pas une responsabilité établie
à l'intérieur du réseau scolaire, si c'est toujours
géré en marge ou presque en marge du réseau scolaire?
Jusqu'à quel point peut-on arriver à améliorer les
conditions de succès quand, d'une part, on voit le nombre de jeunes par
formateur augmenter de façon significative, quand on voit la
précarité des gens qui accomplissent ces travaux de formation
auprès des jeunes, quand on voit l'absence de services professionnels
spécialisés affectés particulièrement à ce
type d'enseignement quand on voit aussi l'absence de ressources
matérielles? Les volumes, le matériel audio-visuel, les
bibliothèques, il n'y a rien dans les centres où on reçoit
un certain nombre de ces gens. Il n'y a rien pour créer un environnement
éducatif stimulant d'aucune nature, même pour des
décrocheurs défavorisés de nature; dans la perspective de
les raccrocher, on ne fait même pas d'efforts supplémentaires sur
le plan de l'équipement des établissements.
Nous pensons qu'il faut faire une adaptation de la pédagogie.
Cela prend une pédagogie plus appropriée qui n'est pas
nécessairement calquée sur l'approche pédagogique
appliquée aux gens qui retournent sur une base volontaire à
l'éducation aux adultes pour parfaire leur formation et qui n'en ont pas
un urgent besoin, qui vont là pour leur culture personnelle dans
certains cas ou en vue d'ouvrir des perspectives pour plus tard. Ces gens sont
en situation d'échec, et il faut trouver une pédagogie qui ne les
rende pas responsables d'un nouvel échec scolaire. Donc, l'approche
micro-programmée de l'éducation aux adultes où les gens
sont jugés sur la base d'atteinte d'objectifs très pointus et qui
constitue presque un cheminement personnel sans véritable recours aux
ressources collectives, on pense que c'est les replacer de nouveau dans une
situation de culpabilisation à l'égard de leurs
difficultés de cheminement. Si on est sérieux il faut que le
retour aux études puisse se faire en vue d'atteindre une formation
terminale, donc que minimalement les gens finissent leur cours secondaire
à travers cela, qu'ils le finissent dans un contexte où on tient
compte de leur âge, d'une part, et qu'on évite de recréer
par d'autres moyens une forme de marginalisation de ces jeunes parce qu'on les
introduirait dans des groupes soit réguliers, soit d'adultes plus
fonctionnels, dans certains cours de formation professionnelle. Finalement,
j'ajouterai qu'il y . aurait avantage aussi à regarder les mesures de
soutien concret dans les établissements.
Le Président (M. Leclerc): M. Johnston, je
m'excuse, j'ai la délicate tâche de gérer le temps.
Comme le temps du ministre est écoulé depuis déjà
un bon moment, est-ce que Mme la députée de Maisonneuve s'oppose
à ce qu'on continue sur son temps, ou peut-être veut-elle, d'ores
et déjà, poser ses questions?
Mme Harel: Cela veut dire qu'on a terminé l'échange
avec le ministre, déjà?
Le Président (M. Leclerc): On a dépassé
même.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous allez avoir le dernier mot
encore.
M. Johnston: On pourra se reprendre.
Mme Harel: Je dois vous dire que je vais quand même lui
laisser quelques minutes, parce que j'aimerais qu'il puisse répondre. ,
Vous savez que, depuis le début des travaux, à chaque occasion ou
presque, le ministre rappelle la composition de la clientèle des
bénéficiaires de l'aide sociale. Quand on relit le rapport
Boucher, on se rend compte, d'une certaine façon, que cela n'a pas
changé. Je relisais dernièrement, par exemple, cette phrase: "Un
travailleur sur onze se trouve en chômage. La précarité
prolongée de l'emploi est ainsi l'une des causes les plus puissantes de
l'accroissement de l'assistance à domicile." On pourrait penser que
c'est écrit maintenant. Non, cela a été écrit en
1963. (12 heures)
II y a une réalité - je ne pense pas que notre discussion
porte là-dessus même si elle est importante - c'est qu'il y a, par
ailleurs, 33 % des bénéficiaires qui ont terminé leur
secondaire; non seulement ils ont terminé leur secondaire, mais ils ont
souvent des formations professionnelle ou générale. Ces 33 % -
c'est quand même un sur trois - pour eux, il n'y a rien du tout,
puisqu'il n'y a d'aucune façon un projet de qualification
professionnelle, de formation; il n'y a pas non plus dans la période...
Les nombreux groupes qui vous ont précédé sont venus nous
dire: C'est durant la période de chômage que l'énergie de
la personne est le plus mobilisée, que la motivation est la plus forte
pour ne pas tomber sur l'aide sociale. C'est pendant ces 52 semaines, comme
souvent c'est pendant les neuf premiers mois de l'aide sociale, qu'il y a le
plus de motivation à aller chercher une formation ou à faire de
nouveaux apprentissages. Il faut savoir que la proposition écarte
totalement ces périodes qui seraient les plus
bénéfiques.
Revenons sur cette clientèle, deux sur trois, qui aurait besoin
des services que vous dispensez. Dois-je comprendre, d'abord, qu'il n'y a pas
de discussion ouverte, actuellement en cours, avec le ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ou avec le
ministère de l'Éducation? Je le dis vraiment sérieusement.
Il n'y a pas de discussions qui sont en cours actuellement ou qui l'ont
été sur toute cette question du rattrapage scolaire? Je veux
savoir: Est-ce qu'il y a un plan de campagne de scolarisation et
d'alphabétisation en voie de préparation? Avez-vous
été contactés? Êtes-vous partie prenante?
M. Johnston: Nous n'avons pas été contactés.
Les discussions que nous avons eues avec le personnel du ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu n'ont pas porté
sur cette dimension en particulier. On cherchait plutôt à
connaître notre avis sur les façons de réaliser, de
manière un peu plus concrète, l'implantation des programmes de
travaux communautaires et de stages en milieu de travail dans les secteurs
où nous étions implantés comme organisation syndicale. Il
faut une ouverture de collaboration sur toute la question du rattrapage
scolaire, une ouverture large parce que, comme je le mentionnais au ministre
tantôt, je ne pense pas qu'on puisse espérer pouvoir régler
cela seulement avec le ministre du Travail ou seulement avec le ministre de
l'Éducation, compte tenu du parallélisme des structures. Il
faudrait vraiment que ce soit sur une base interministérielle qu'on
puisse aborder cette question.
Mme Harel: M. Johnston et les personnes qui vous accompagnent,
est-ce que je dois comprendre que, par exemple, vous êtes
informés, ce matin, que, parmi les mesures utilisées, une de
celles dont le taux de réussite a été le plus faible
était le rattrapage scolaire? C'est la première nouvelle qui vous
en est communiquée par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu?
M. Johnston: On savait cela par des rapports qui ont
été publies.
Mme Harel: Par vos rapports?
M. Johnston: Par des rapports qui ont été
publiés.
Mme Harel: Alors, ce sont des rapports qui s'intitulent... Est-ce
que ce sont des rapports qui sont disponibles?
M. Lemay (Marc-André): Oui, oui, au ministère.
M. Johnston: Cela a été publié par le
gouvernement du Québec; en tout cas, c'est comme cela que c'est
libellé...
Une voix: M. Charbonneau...
M. Johnston: ...Étude d'évaluation sur les mesures
de relance, rattrapage scolaire, les motifs de sortie des jeunes
bénéficiaires de l'aide sociale, synthèse. C'est le
titre.
Mme Harel: Cela date de 1985, est-ce cela? C'était au tout
début de l'expérimentation.
Une voix: Novembre 1985.
Mme Harel: Voilà! Cela c'est l'autre problème. Les
mesures ont été mises en place à la fin de 1984 ou au
début de 1985, et les seules analyses que l'on ait sont celles qui
datent d'à peine quelques mois après les mesures. Nous sommes en
1988. Je répète la question: Est-ce que, par exemple, les
dernières années... Je vous avoue ma surprise, je vais vous
expliquer pourquoi. C'est que nous avons appris, au cours de nos travaux, que
seulement 18 % des moins de 30 ans auraient participé aux mesures - pour
l'ensemble - et nous savons que le taux de participation le plus
élevé a été pour le rattrapage scolaire. Donc, si
en plus c'est la mesure où le taux d'échec est le plus fort,
qu'est-ce qu'on doit en conclure? Il y a un chiffre auquel je ne prêtais
pas foi, mais qui a maintes fois été mentionné; c'est
qu'il y a 70 % ou environ 70 % de bénéficiaires qui ne terminent
pas une fois le rattrapage entrepris. Peut-on penser qu'un chiffre aussi
élevé d'échecs est réel? Qu'est-ce qu'on doit
envisager, comme société, sur le plan de ce que devrait
être un plan de campagne de scolarisation, un plan de campagne
d'alphabétisation? Vous savez, il faut que je vous dise que, depuis le
début de nos travaux, je dis au ministre chaque fois qu'il en parle:
Quand la CEQ sera ici, on va bien voir si vos intentions de donner suite
à vos bons sentiments sont réelles. Cela fait au moins la
cinquantième fois qu'il parle des analphabètes et des personnes
sous-scolarisées. Alors, il ne faut pas seulement en parier, il faut
trouver les moyens pour corriger.
M. Johnston: Je voudrais d'abord, si vous me le permettez,
céder la parole à M. Christian Payeur, qui voudrait revenir sur
un élément de votre première intervention.
M. Payeur (Christian): J'aimerais intervenir à propos des
diplômés qui se retrouvent en chômage et, ultimement, sur
l'aide sociale. Je pense que tout le monde admet que le problème majeur,
c'est sans doute les gens qui n'obtiennent pas de diplôme et qui se
retrouvent dans une situation d'analphabétisme. Mais il faut quand
même admettre qu'une portion non négligeable est composée
de gens qui ont des diplômes, mais qui se retrouvent ultimement,
après une période prolongée de chômage, en situation
de demander l'aide sociale. Donc, sur ce premier élément, il
devient de plus en plus évident qu'il faut éviter des
diplômes que j'appellerais non crédibles. Il y a des
sous-diplômes, tant au secondaire qu'au collégial, qui ne sont
vraisemblablement pas reconnus sur le marché du travail par les
employeurs. On peut avoir deux positions là-dessus: juger cela
malheureux et dire, par exemple, qu'au lieu d'avoir des attestations
d'études collégiales, il faut viser le DEC, ou on peut dire,
faisons une campagne pour mettre en valeur ces diplômes-là, pour
démontrer la qualification réelle de ces gens-là. Donc,
ces diplômes mettent en relief une première partie du
problème, que la formation qui doit être obtenue par les jeunes
doit être une formation réellement qualifiante et qui correspond
à un diplôme reconnu.
L'autre élément est peut-être plus secondaire, mais
je voudrais soumettre au ministre un élément qui pourrait tout au
moins réduire le nombre des diplômés qui se retrouvent en
situation problématique. Il y a dans les collèges et les
universités des services de main-d'uvre offerts aux finissantes et
aux finissants mais, dans nos polyvalentes, le seul service qui peut exister,
c'est la bonne volonté des enseignantes et des enseignants, et les
mesures informelles ou, à l'occasion, des projets ad hoc qui ne durent
que le temps du projet et qui ne se poursuivent pas vraiment. Nous pensons que
si on développait, à l'adresse des finissantes et des finissants
des polyvalentes en formation professionnelle, une approche spécifique
et des services spécifiques pour aménager le lien entre
l'école et l'emploi dans cette période stratégique de la
vie de ces jeunes qui se retrouvent devant une situation du marché du
travail qui n'est pas comme celle devant laquelle se retrouvaient les jeunes
des années soixante, mais une situation nettement plus
problématique, nettement plus difficile... Elles et ils n'ont pas
souvent l'approche pour ce faire; c'est beaucoup plus difficile qu'auparavant.
Donc, les jeunes qui ont le plus de difficulté à s'insérer
sur le marché du travail, les finissants diplômés en
^formation professionnelle, notamment du secondaire, sont les jeunes qui ont le
moins de services de main-d'oeuvre à la fin de leurs études. Je
pense que c'est une responsabilité qui... Sans solutionner l'ensemble du
problème, cela pourrait tout au moins, peut-être, le
réduire.
Le Président (M. Leclerc): Merci, M. Payeur. Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci.
Le Président (M. Leclerc): Oh! Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Mon autre question, c'était: comment mettre sur
pied ce plan de scolarisation et d'alphabétisation dont le ministre ne '
parie que devant la commission, mais dont vous n'avez pas l'air d'avoir
été informés?
M. Johnston: Nous n'avons pas été saisis de ses
intentions concernant ces volets en particulier de façon plus
particulière que ce qui apparaît dans le document d'orientation.
Donc, si le ministre a des annonces à faire quant à des
contenus, nous sommes prêts à analyser cela et à
réagir à cela. Par ailleurs, et il faut être clair
là-dessus, dans le réseau de l'éducation, il y a
déjà des compressions très importantes dans les sommes qui
sont allouées aux organismes communautaires qui font du travail
d'alphabétisation auprès des analphabètes fonctionnels et
qui ^ jouent un rôle, en quelque sorte, de transition ou de
charnière entre l'isolement de ces gens et le réseau des
établissements de l'éducation, qui les sortent un peu et leur
font voir un peu de lueur au bout du tunnel et, à partir de ça,
le monde réussit, à des pourcentages variables, à se
réintégrer dans un programme de formation plus
institutionnel.
Mais il y a des coupures très importantes. Cette année,
nous avons été sollicités de façon
régulière par des groupes qui étaient dans le complet
dénuement pour répondre non pas à des clientèles
qu'ils avaient sollicitées, mais à des clientèles qui se
présentaient avec des besoins criants et pour lesquels il n'y avait
absolument pas de disponibilité financière pour organiser une
amprce de formation. Dans au moins un cas, à Pointe-Saint-Charles, on a
même conclu une entente avec un groupe, dans laquelle la centrale et un
affilié se sbnt engagés financièrement au soutien d'au
moins un groupe. On s'est également engagé à collaborer
avec eux à l'évaluation de leur fonctionnement et aux mesures
qu'il faudrait éventuellement développer pour permettre que cette
partie de rôle non institutionnel puisse aussi inspirer l'approche un peu
plus institutionnelle au plan de l'alphabétisation et trouver un
corridor qui permette de tenir compte de ces deux pistes possibles.
Nous serions intéressés, effectivement, à regarder
de façon plus attentive la stratégie globale en matière
d'alphabétisation, parce que non seulement c'est important pour la
clientèle adulte, mais c'est important pour les jeunes. Les jeunes qui
sont élevés dans les milieux analphabètes
orésentent aussi des difficultés de fonctionnement quand ils se
présentent en milieu scolaire. Ils n'ont pas souvent la chance de voir
un journal ou une revue à l'intérieur de leur domicile. Les
seules choses qu'ils peuvent se mettre sous les yeux, ce sont les circulaires
du quartier, de façon générale. Cela ne fait pas des
milieux qui favorisent beaucoup une capacité d'apprentissage chez les
jeunes. C'est un autre angle de lutte contre la pauvreté, si on est
capable d'intervenir auprès des adultes dans la perspective d'aider les
jeunes dans leur cheminement.
Il y a deux pôles. Il y a les adultes, d'une part, qui
acquièrent une autonomie à travers ça, mais il y a
également de meilleures possibilités pour les jeunes de pouvoir
avoir accès à une forme de succès à travers leur
profil scolaire.
Le Président (M. Leclerc): Merci, M. Johnston. Je sais que
Mme la députée de Chicou-timi avait des questions, mais, comme le
temps de l'Opposition est écoulé, je vais demander s'il y a
consentement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, c'est vrai.
Le Président (M. Lecierc): Consentement. Je vous demande
d'être le plus brefs possible dans vos réponses, s'il vous
plaît.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
Je dois dire que vous avez fait un exposé magistral qui nous
permet de mieux saisir l'ensemble de la situation, en nous rappelant,
toutefois, qu'au sein de votre groupe vous n'avez pas de
bénéficiaires de l'aide sociale. Mais il est rassurant qu'au
Québec les grandes organisations syndicales participent aux grands
débats de société. Plusieurs de nos politiques sociales se
sont inspirées précisément de vos réflexions.
Ce dossier est - le ministre l'a fait remarquer à quelques
reprises - un dossier complexe, qui touche à quasiment tous les aspects
d'un gouvernement, allant de la fiscalité et de l'éducation
à la scolarisation, au plein emploi et à la formation. C'est vrai
que c'est complexe, et cela demande une approche beaucoup plus
intégrée que ces approches parcellaires avec lesquelles on se
retrouve. (12 h 15)
Je pense qu'il faut poursuivre deux objectifs fondamentaux, et
simultanément. Aussi longtemps qu'on n'aura pas accepté d'entrer
dans cette approche, on maintiendra ou on continuera à avoir des
problèmes au Québec. Les deux approches sont les suivantes: il
s'agit à la fois de relever l'employabilité, les conditions de
vie, les conditions de travail et l'emploi, d'un côté, et, ce que
j'appelle "fermer le robinet", enfin, prendre un certain nombre de mesures qui
viennent, sinon empêcher le décrochage, le limiter. Ce sont des
mesures qui sont prises beaucoup plus tôt, dans une intervention beaucoup
plus hâtive et précoce, et qui touchent à la fois les
affaires sociales et l'éducation. Aussi longtemps qu'on n'aura pas pris
ces mesures concrètes, on aura toujours des jeunes qui viendront,
grossir le lot des assistés sociaux. Je pense que c'est le défi
devant lequel on est placés. Parce que les enfants des assistés
sociaux sont ce qu'on appelle des enfants à hauts risques de
décrochage. Vous l'avez également noté.
Par ailleurs, l'absence de concertation - je pense qu'on peut le dire
comme cela - ou de politique, ou de vision d'ensemble du problème fait
que, par exemple, à l'Éducation, on a coupé dans les
groupes d'alphabétisation. On a coupé dans les programmes des
OVEP. Vous savez que la pauvreté affecte non seulement les personnes
déjà pauvres, mais je dirais que cela affecte de façon
dramatique les personnes qui s'occupent des personnes pauvres. Il faut avoir
visité quelques lieux de services des groupes d'alphabétisation,
par exemple, pour constater la pauvreté, quasiment l'indigence des lieux
dans
lesquels ils se retrouvent parce qu'ils ne sont pas à même
d'investir dans des locaux à peu près décents. La
pauvreté amène la pauvreté et le système finit par
la produire. Aussi longtemps qu'on n'aura pas réglé cela à
sa source, on aura des problèmes.
Pour parler des programmes touchant le relèvement du niveau
d'employabilité, il se pose un certain nombre de problèmes. J'ai
parlé des OVEP. J'ai parlé aussi d'une nouvelle tendance au
ministère de l'Éducation, actuellement, à intégrer
dans les mêmes salles de cours, dans les mêmes classes, des jeunes
et des adultes. Hier, le ministre me disait: On n'a pas trop de
problèmes parce qu'on a essayé cela auprès des agents de
bureau. Cela a l'air de bien fonctionner. Il est certain que de placer une
jeune fille de quinze ans, qui est en train de se former comme
secrétaire, avec une autre de 22, 23, 24, 25 ou même 30 ans, c'est
moins problématique que de placer ensemble des gens en mécanique
ou dans des secteurs un peu plus lourds où on aura de sérieux
problèmes, je pense.
Je me demandais si vous aviez, dans votre réflexion,
échafaudé ce qui pourrait être un ensemble de mesures plus
concrètes qui viendraient nous aider à limiter le nombre de
décrocheurs. Vous nous avez livré une partie de votre
réflexion par rapport aux corrections apportées en ce qui a trait
à ceux qui ont décroché et leur retour aux études,
mais, par rapport à ces nouvelles politiques et particulièrement
aux ressources alternatives, les moyens qui leur sont fournis sont finalement
l'outil le plus efficace pour ramener tranquillement les gens dans la
structure.
L'autre volet de la question concerne les effets de cette
intégration des jeunes et des adultes dans les groupes de formation
professionnelle.
Le Président (M. Leclerc): Très brièvement,
s'il vous plaît, M. Johnston. Notre temps est déjà
écoulé.
M. Johnston: Oui, M. le Président. Sur le
phénomène du décrochage, il y a déjà un
certain nombre d'analyses qui ont déjà été
produites par la centrale. La réflexion est toujours à
compléter quant aux mesures à mettre en place. Naturellement, il
y aurait sûrement une actualisation des analyses à refaire
là-dessus.
Quant à la question de l'intégration jeunes-adultes, le
ministre de l'Éducation, à l'époque où il
était le porte-parole de l'Opposition en matière
d'éducation, soutenait avec nous qu'on ne pouvait pas procéder
à une opération purement mécanique en remplissant des
salles de cours avec des gens qui ont des besoins différents. Je me
rappelle des représentations que nous avions faites, autour du projet de
loi 3, qui visaient en particulier à assurer, à
l'intérieur du projet de loi 3, le droit à l'éducation aux
adultes en tenant compte des besoins spécifiques des clientèles
adultes. Si je me souviens bien, et je crois bien me souvenir, le ministre
actuel de l'Éducation était, à ce moment-là,
d'accord avec nous sur le fait que c'était vraiment à la fois
illusoire, impensable et antiproductif de procéder à
l'intégration jeunes-adultes à la fois dans les cours de
formation générale et dans les cours de formation
professionnelle. Je pense bien que, s'il pouvait retracer ses petits carnets de
notes favoris, il pourrait se rappeler ses positions.
Le Président (M. Leclerc): Merci, M. Johnston.
Je reconnais Mme la députée de Maison-neuve, en
conclusion.
Mme Harel: Pour terminer? Le Président (M. Leclerc):
Oui
Mme Harel: Ce fut bien court, d'une certaine façon,
certainement beaucoup trop court en regard de l'importance vitale de cette
question. Depuis le début des travaux, je me dis que c'est un peu une
sorte de nouvelle Révolution tranquille à laquelle il faudrait
associer, finalement, l'ensemble des Québécois, en1
ces matières Je me rappelle les études que vous citiez, sur le
décrochage notamment, qui révélaient que, tous les
indicateurs mis à part, tout autre indicateur bien étudié,
c'était essentiellement lié à la sous-scolarisation ou
à la scolarisation des mères et, donc, qu'investir dans la
scolarisation des femmes chefs de familles monoparentales ou biparentales,
c'est, d'une certaine façon, investir aussi auprès des enfants,
tout cela étant intimement lié. Ce que je souhaite beaucoup,,
c'est que vous continuiez d'interpeller les décideurs dans notre
société sur cette absence d'égalité des chances
actuellement en éducation. Je vous remercie.
Le Président (M. Leclerc): Merci, Mme la
députée de Maisonneuve. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. J'aimerais remercier la
Centrale de l'enseignement du Québec et ses porte-parole, M. Johnston,
M. Payeur également, pour une suggestion, une proposition constructive,
et les autres membres qui ont participé à la rédaction
d'un mémoire de qualité, pour le temps, le' talent, les efforts
et les énergies que vous lui avez consacrés. Au nom du
gouvernement du Québec, merci.
Le Président (M. Leclerc): Alors, M. Lemay, M. Johnston,
M. Payeur et M. Lachance, au nom de la commission, je voudrais vous remercier
et vous souhaiter un bon retour à la maison.
Nous allons suspendre la séance une minute, le temps de laisser
le soin aux représentants de l'Office des personnes handicapées
de s'installer.
Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 24)
(Reprise à 12 h 25)
Le Président (M. Leclerc): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Que chacun veuille bien regagner sa place, s'il vous plaît!
La commission reprend ses travaux et je voudrais, au nom de la
commission, souhaiter la bienvenue à l'Office des personnes
handicapées du Québec. M. Mercure, vous avez l'habitude de telles
commissions. Vous savez que vous avez 20 minutes pour nous faire part de votre
mémoire ou de vos commentaires et, ensuite, chacune des formations
politiques a 20 minutes pour réagir ou vous poser des questions. Alors,
je vous demanderais, avant de commencer votre mémoire, de bien vouloir
présenter les personnes qui vous accompagnent, pour les fins du
Journal des débats.
Office des personnes handicapées du
Québec
M. Mercure (Paul): M. le Président, mesdames, messieurs
les membres de la commission parlementaire, je voudrais, tout d'abord,
remercier les membres de la commission des affaires sociales de l'occasion qui
est offerte à l'Office des personnes handicapées du Québec
de faire connaître son opinion sur le projet de politique de
sécurité' du revenu rendu public par M. le ministre, Pierre
Paradis.
Mon nom est Paul Mercure, j'occupe la fonction de
président-directeur général de l'Office des personnes
handicapées du Québec et je voudrais présenter les
personnes qui m'accompagnent. À ma gauche, Mme Lucille Bargiel, qui est
membre du conseil d'administration et de l'exécutif de l'Office des
personnes handicapées du Québec; à ma droite
immédiate, Mme Anne Hébert, qui est, à titre provisoire
responsable de la Direction de la recherche, de la coordination provinciale et
de la planification de l'Office des personnes handicapées du
Québec; à la droite de Mme Hébert, Mme Danielle
Cornellier, agente de recherche dans la même direction.
Tout d'abord, je voudrais souligner brièvement que l'office a
reçu le mandat de veiller à la coordination des services
dispensés aux personnes handicapées, de promouvoir leurs
intérêts, de les informer et de les conseiller. Ainsi, en juillet
1986, le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du revenu invitait l'Office des personnes handicapées à faire
connaître son opinion sur l'actuel régime d'aide sociale. Lors de
sa réunion du 29 août 1986, le conseil d'administration de
l'office énonçait ses orientations dans un mémoire sur la
réforme de la Loi sur l'aide sociale, document dont vous avez
reçu copie.
De façon générale, l'office constate que le projet
"Pour une politique de sécurité du revenu" tient compte d'une
bonne partie des questions soulevées dans ce mémoire. Notamment,
il manifeste une volonté de garantir aux personnes handicapées un
niveau minimum de prestations pour favoriser l'intégration sociale et le
maintien dans leur milieu de vie naturel.
Ce document amorce également une ouverture pour faciliter
l'intégration au travail des personnes handicapées admissibles au
Soutien financier. L'accès pour ces personnes (sans contraintes, ni
pénalité) aux mesures de développement de
l'employabilité, tout en maintenant le niveau des prestations et
l'accès à la carte-santé, peut constituer le début
d'un cheminement vers l'autonomie financière.
Par contre, l'OPHQ croit que certains aspects de la politique de
sécurité du revenu ne sont pas suffisamment définis et
pourraient risquer de compromettre cette ouverture.
Je vais maintenant porter à votre attention quatre aspects
où des modifications nous paraissent essentielles. Ce sont les notions
d'employabilité et de non-employabilité, les services
adaptés, en troisième lieu, la définition des besoins
spéciaux et, finalement, la contribution parentale.
Sur le premier point, soit l'employabilité et la
non-employabilité, la notion de non-employabilité proposée
dans ' la politique de sécurité n'est pas très explicite.
La notion d'invalidité est basée sur des critères
médicaux seulement et ne tient pas compte suffisamment, en tout cas dans
le texte, des critères d'ordres professionnel et social. Ceci pourrait
avoir des conséquences pour l'ensemble des personnes handicapées
si on les considérait comme non employables.
Aussi, l'office souligne l'importance de l'utilisation de la
Classification internationale des déficiences, incapacités et
handicaps. Ce cadre de référence permet d'identifier une
clientèle cible admissible à des services appropriés
à ses besoins. Il contribue également à statuer sur
l'employabilité et la non-employabilité des personnes
handicapées, en identifiant les incapacités et les situations de
handicap que ces personnes peuvent rencontrer au travail.
L'office a toujours souligné l'importance de définir le
concept d'aptitude au travail selon une approche fonctionnelle en tenant compte
des déficiences, des limitations fonctionnelles et du handicap. L'OPHQ
considère également que l'évaluation des capacités
professionnelles devrait être confiée à une équipe
multidisciplinaire pour éviter la prise en compte uniquement des
critères médicaux.
Le mandat de cette équipe régionale serait d'offrir, sur
une base locale, des services en évaluation des capacités
fonctionnelles, en analyse de tâches, en adaptation du milieu de travail
et en orientation professionnelle. Cette équipe pourrait être
formée à partir des spécialistes en orientation
professionnelle, ergonomie, ergothérapie, évaluation des
capacités de travail, psychologie et psychologie industrielle, etc. Il
est essentiel également que ces spécialistes aient
une bonne connaissance pratique de l'entreprise.
Le second point que je voudrais souligner, ce sont les services
adaptés. Selon le projet de politique de sécurité du
revenu, les centres Travail-Québec offriraient aux personnes non
employables des services adaptés qui s'attaqueront à d'autres
problèmes qui accompagnent trop souvent l'absence de ressources. On n'y
retrouve pas de référence aux besoins particuliers des personnes
handicapées. Par exemple, elles peuvent avoir besoin de ressources
résidentielles, de services de maintien à domicile, de transport
adapté, etc. D'autres personnes souhaitant éventuellement
intégrer le marché du travail peuvent demander des services
d'adaptation ou de réadaptation afin de développer leur potentiel
fonctionnel. Elles peuvent également avoir besoin de services
spécialisés de formation de base ou professionnelle.
Pour répondre à ces besoins, qui ne sont pas toujours
directement reliés avec la politique de sécurité du
revenu, l'office préconise l'utilisation du plan de services. Celui-ci
est un outil d'évaluation des besoins, de planification et de
coordination des services individuels qui facilite l'intégration sociale
et professionnelle de la personne. Le plan de services peut être
décomposé en plan d'intervention, dépendant des
différents besoins de la personne.
Ainsi, dès l'étude de l'admissibilité à
l'aide financière, le personnel des centres Travail-Québec
devrait vérifier s'il y a ou non un plan de services auprès de la
personne handicapée ou de son mandataire. Lorsque nécessaire, le
personnel des centres Travail-Québec devrait diriger la personne
handicapée vers une ressource appropriée pour offrir le soutien
à l'élaboration ou à la coordination de l'ensemble du plan
de services.
Le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du revenu, par sa mission, doit également s'impliquer lorsque la
personne handicapée souhaite intégrer le marché du
travail, c'est-à-dire dans le plan d'intervention en intégration
au travail. Aussi, le personnel du centre Travail-Québec devrait
collaborer à l'élaboration ou à la poursuite de la
réalisation du plan d'intervention en intégration au travail, qui
est appelé plan individualisé. On est bien heureux que cette
approche individuelle ait été retenue dans la politique. Cette
approche a l'avantage de tenir compte, dès l'admissibilité au
programme, que ce soit le programme Soutien financier ou le programme APTE, des
besoins spécifiques des personnes handicapées.
Enfin, les mesures légères de soutien à l'emploi et
de développement de l'employabilité prévues pour les
prestataires employables ne font pas l'objet d'adaptation aux
caractéristiques des personnes handicapées
considérées comme employables. L'office préconise
d'adapter, lorsque nécessaire, les mesures de soutien à l'emploi
et de développement de l'employabilité dispensées par les
centres Travail-Québec. Ces mesures sont: l'auto-évaluation, la
méthode dynamique de recherche d'emploi, la formation Individuelle,
l'alternance formation-travail, les activités de services
communautaires, ainsi que les subventions salariales de type bon d'emploi. Ces
mesures doivent être adaptées pour satisfaire plus
adéquatement les besoins des personnes handicapées.
Un mot sur le modèle "Grant diversion". Au chapitre des mesures
de développement de l'employabilité, la politique de
sécurité du revenu propose l'utilisation du modèle
américain "Grant diversion". Celui-ci offrirait la possibilité de
convertir la prestation en subvention salariale. Cette formule serait offerte
aux prestataires moins qualifiés. On dit, dans la politique, que cela
toucherait les personnes handicapées en particulier. On donne comme
exemple les personnes handicapées. Ce modèle serait
complété par de la formation adaptée. Dans la forme
proposée, l'OPHQ ne voit pas d'avantages particuliers à
l'application du modèle américain "Grant diversion".
En effet, si le but du modèle est de réaliser une
intégration au travail souple et graduelle par le biais d'une formation
adaptée en entreprise, l'OPHQ ne voit pas l'avantage d'une formule de
soutien financier différente pour les personnes moins qualifiées,
en particulier pour les personnes handicapées. Il est déjà
prévu, dans les mesures de développement de
l'employabilité, une formule "alternance travail-formation" par des
stages en entreprise. Les participants à ces mesures demeurent
prestataires de l'aide financière et voient le niveau de leurs
prestations haussé par l'ajout d'une allocation de participation.
Aussi, on voudrait faire allusion au programme actuellement
administré par l'office, le programme Contrat d'intégration au
travail, qui est actuellement en discussion avec le ministère en vue
d'une prise en charge éventuelle. C'est un programme qui, à notre
point de vue, est très adapté et déjà
utilisé et peut être plus complet que le modèle
américain.
Les besoins spéciaux: C'est le troisième point que je
voulais soulever. Dans le projet de politique de sécurité du
revenu, la couverture des besoins spéciaux n'est que partiellement
définie. La carte-santé couvrira les besoins médicaux
courants et certaines aides techniques qui servent à pallier les
déficiences et les incapacités des personnes. Il n'est pas fait
mention des besoins spécifiques des personnes handicapées.
L'office énumère l'ensemble de ces besoins dans le mémoire
déposé l'an dernier sur la réforme de l'aide sociale. Nous
portons à votre attention plus particulièrement les besoins
reliés à l'accès et au retour sur le marché du
travail.
Toute personne en recherche d'emploi peut avoir des besoins
généraux tels que le coût des déplacements pour
effectuer des recherches d'emploi, le coût des vêtements de travail
et des
outils pour exercer son métier. En plus de ces besoins
généraux, les personnes handicapées ou les employeurs
envisageant l'emploi des personnes handicapées peuvent avoir des besoins
spécifiques reliés à l'accès et au maintien en
emploi dans l'entreprise, par exemple: les coûts reliés à
l'accessibilité des lieux, à l'adaptation d'un poste de travail,
à la période d'intégration en emploi,
L'office recommande que les besoins généraux et
spécifiques reliés à l'accès et au maintien en
emploi soient considérés comme des besoins spéciaux dans
le cadre de la politique de sécurité ' du revenu. De plus, l'OPHQ
recommande que la couverture de ces besoins spéciaux soit
également assurée pour les personnes handicapées
participant à des mesures de développement de
l'employabilité.
Un mot maintenant sur la contribution parentale. La politique de
sécurité du revenu veut introduire "le principe d'une
contribution alimentaire parentale qui viendra dorénavant influencer
l'admissibilité ou, le cas échéant, le montant de l'aide
versée aux personnes seules considérées
dépendantes".
L'introduction de ce principe peut avoir des conséquences
négatives pour certaines personnes handicapées présentant
moins d'autonomie ou demandant davantage d'encadrement et de soutien de la part
de leur entourage. Comme vous l'avez vu dans le premier point que j'ai
soulevé, on ne veut en aucune façon que les personnes
handicapées soient automatiquement classées comme non
employables. Pour. cette raison, il apparaît important de regarder, pour
les personnes handicapées, l'effet que pourrait avoir la prise en compte
du revenu des parents.
En effet, suivant le mouvement de normalisation, "les parents ont de
plus en plus choisi de garder leur enfant handicapé". Conscients de
l'importance du milieu familial pour l'autonomie de leur enfant, ces parents
déploient beaucoup d'énergie pour assumer leur rôle.
Cependant, ils ne reçoivent pas ou peu de soutien pour y arriver.
Dans la situation actuelle, on retrouve, d'un côté, les
familles d'accueil qui sont rémunérées afin de soutenir la
valeur des services qu'elles dispensent. Les coûts d'hébergement
en famille d'accueil peuvent varier autour de 10 000$ pour une personne
handicapée.
Si l'enfant ou l'adulte handicapé est hébergé en
centre d'accueil, l'État débourse annuellement des montants
excédant 35 000 $. L'adulte est admissible à l'aide sociale au
niveau prévu pour couvrir les besoins d'une personne seule
hébergée en famille d'accueil ou en centre d'accueil.
D'autre part, la famille de l'enfant handicapé peut compter sur
une allocation familiale supplémentaire, de 85 $ par mois. Lorsque cet
enfant atteint 18 ans, la famille cesse de recevoir cette aide. Dans ces
conditions, les parents doivent parfois se résoudre à un
placement en centre d'accueil ou en famille d'accueil, faute de soutien
approprié. Pourtant, pour ces personnes handicapées, la famille
est la ressource la plus économique. Le maintien dans la famille offre
des conditions de vie normalisantes et facilite l'intégration sociale de
ces personnes.
L'OPHQ considère que l'État doit également apporter
un soutien financier aux personnes handicapées qui continuent à
vivre chez leurs parents parce qu'elles demandent davantage de soutien et
d'encadrement de la part de leur entourage. On pense que l'abandon de l'aide,
dans ces cas de personnes employables, pourrait avoir une conséquence
importante sur la responsabilisation des parents. Aussi, l'office recommande
que la prestation d'aide financière aux personnes handicapées
reconnues dépendantes ne soit pas réduite en fonction d'une
contribution alimentaire fondée sur les revenus des parents.
En conclusion, très rapidement, une politique de
sécurité du revenu doit respecter les droits des personnes
handicapées et tenir compte de leur problématique
spécifique. Notre mémoire sur la réforme de l'aide sociale
énonce les orientations de l'office dans ce domaine. Le projet de
politique de sécurité du revenu manifeste la volonté de
l'État de considérer ces orientations. Afin que cette politique
en favorise véritablement la mise en oeuvre, l'office considère
que les aspects soulevés devant cette commission parlementaire devraient
faire l'objet de modifications.
L'OPHQ et le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu ont participé et participent encore
à différents groupes de travail conjoints concernant
l'intégration au travail des personnes handicapées. C'est
pourquoi, en terminant, l'office assure le ministre de son entière
collaboration afin de préciser davantage, dans la politique de
sécurité du revenu, les éléments mentionnés
précédemment. Merci.
Le Président (M. Bélanger): On vous remercie de
votre excellente présentation. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Je
remercie l'Office des personnes handicapées du Québec. Je pense
que c'est la première fois que le président utilise l'expression
excellente présentation. La qualifié du mémoire - je pense
que cela s'adresse peut-être davantage à Mme Cornellier, je sais
que vous l'avez fait en collaboration, mais elle en est la rédactrice -
nous a impressionnés au ministère: c'est fouillé, et la
profondeur de l'étude vous attire, de la part de celui qui vous parle,
des compliments. C'est l'aspect positif.
L'aspect négatif, c'est que, lorsque c'est aussi fouillé,
il faut apporter une attention toute particulière aux recommandations
qui en découlent. J'ai tenté de soutirer les principales
recommandations et je suis un peu "encarcané" par le temps. Je ne peux
pas les reprendre toutes. Je vais vous faire des commentaires sur
celle qui a trait à la classification internationale. C'est une
suggestion qui, sur le plan des déficiences, incapacités et
handicaps, nous apparaît très intéressante. Vous êtes
le premier groupe, bien que vous ne soyez pas le premier qui représente
cette clientèle de l'aide sociale, à vous présenter devant
la commission et à nous suggérer cette classification. Nous
allons faire des vérifications auprès des autres groupes
intéressés également. Si vous avez la chance de nous
court-circuiter et de les embarquer dans la même recommandation, vous
pouvez le faire. (12 h 45)
Pour la question de l'équipe multidiscipli-naire, vous endossez
des demandes qui nous ont été adressées par d'autres
groupes. Nous avons maintenant des représentations, entre autres, de la
Fédération des médecins omnipraticiens et du
Collège des médecins, qui nous posent une certaine
problématique sur le plan pratique quant à la
confidentialité de certains aspects du dossier entre le médecin
traitant et son client. Sans le dire aussi carrément que je le dis, les
médecins nous ont laissé sentir qu'ils ne pourraient participer
à ces comités multidisciplinaires aussi ouvertement qu'ils
pourraient le souhaiter, à cause de cet aspect de la
confidentialité. Si vous aviez là des recommandations un peu plus
précises à nous adresser, vous seriez bienvenus de les faire.
Sur la question des besoins spéciaux des personnes, vous
rejoignez les représentations d'autres groupes. Vous êtes,
cependant, le premier à dire - et je pense que vous avez bien
saisi le point, que - dans le programme Soutien financier, il n'y avait ni
partage du logement, ni contribution alimentaire parentale, mais
qu'étant donné cette présomption d'aptitude envers toute
personne, une personne handicapée pourrait choisir strictement le
programme APTE et, à ce moment-là, elle se verrait
affectée par les deux éléments que vous avez
soulignés. Vous avez complètement raison. Nous allons
vérifier les modifications qu'il y a lieu d'apporter à ce propos,
de façon à ne pas aller a l'encontre de la politique de
désinstitutionnalisation du ministère de la Santé et des
Services sociaux et de façon à ne pas décourager les
parents, entre autres, ou les familles, si je peux utiliser l'expression, qui
ont opté pour l'entraide et à conserver dans un milieu, comme
vous l'avez mentionné, le plus naturel possible, la personne qui est
affectée par un handicap.
Je vais aller vers ce que vous avez critiqué un peu plus
fortement: l'approche "Grant diversion". Vous nous avez adressé des
remarques à cet effet. Je vous dirai que d'autres groupes, qui
représentaient une partie de la même clientèle que vous
représentez, ont semblé plutôt intéressés par
cette approche "Grant diversion", en plaidant que, la personne étant
productive, mais non compétitive, ils voyaient d'un bon il cette
proposition gouvernementale de supplémenter cet aspect compétitif
par l'approche "Grant diver- sion". Vous ne semblez pas partager ce point de
vue. J'aimerais vous entendre un peu plus précisément sur cet
élément.
M. Mercure: Je pense que la question vient surtout du fait que
l'office, par son contrat d'intégration au travail dans le cadre d'une
entente tripartite entre l'employé, l'employeur et l'office, contrat qui
est, d'ailleurs, actuellement en discussion dans le projet de transfert des
programmes, a acquis une expertise sur la possibilité de payer pendant
une certaine période une partie du salaire à l'employeur. Cela ne
se fait pas dans le sens que c'est une allocation sociale, mais cela se fait
dans le cadre d'un programme particulier qui est, quand même, en vigueur
et qui a été utile à plusieurs milliers de personnes au
cours des dernières années. On pense que c'est dans ce
domaine-là qu'il faut oeuvrer, mais je vais demander, quand même,
à Mme Hébert de donner plus de précisions quant aux
différentes approches.
Mme Hébert (Anne): En fait, nos commentaires sur le
modèle "Grant diversion" tenaient à l'importance de distinguer
deux aspects de la problématique pour favoriser l'intégration au
travail des personnes handicapées, soit la dimension de la
période de pré-emploi, plus la formation et l'apprentissage, et
la problématique de l'accès et du maintien au travail. On n'avait
pas de précisions quant au domaine où s'appliquait le
modèle "Grant diversion": celui de la formation ou celui de
l'accès et du maintien au travail. Nous, on disait: L'objectif du
contrat d'intégration au travail, dont M. Mercure vient de parler, est
l'accès et le maintien sur le marché du travail. Donc, il existe
déjà un programme adapté pour les personnes
handicapées.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je m'excuse de vous
interrompre.
Mme Hébert: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si je vous précise que,
dans notre intention, c'était au niveau de la formation...
Mme Hébert: La formation.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...est-ce que cela aide?
Mme Hébert: Déjà, pour nous, c'est une
information intéressante. On se posait cette question-là, et on
voulait avoir cette précision-là. Mais on se demandait
également si, pour la formation, H existait déjà des
programmes d'alternance travail-formation et si l'adaptation de ces programmes
ne serait pas une mesure suffisante pour répondre aux besoins des
personnes handicapées.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ma brève expérience,
qui n'est pas aussi profonde que celle que vous avez sans doute dans le
domaine, m'enseigne que plus on a de programmes, plus on peut répondre
aux besoins de la personne. C'est-à-dire qu'un seul programme ne peut
avoir la prétention de bien répondre à la
problématique d'une clientèle qui est diversifiée
finalement, car, bien qu'on place le libelle "handicapé", cette
clientèle-là est fortement diversifiée. Plutôt que
de soustraire le nombre ou les modalités des programmes, il s'agit
peut-être d'y ajouter plus de souplesse et plus de façons
d'intervenir.
M. Mercure: Notre hésitation n'est pas du tout sur le fait
que l'État ne devrait pas s'impliquer, mais on dit qu'il y a des
programmes actuellement qui eixstent et on se demande s'ils ne sont pas '
suffisants. Ils le sont déjà, en ce qui concerne le contrat
d'intégration au travail, mais ce n'est pas du tout... Il ne faudrait
pas comprendre qu'on n'est pas d'accord sur la question de contribution au
salaire. Au contraire, on pense que, dans certains cas, cette approche
d'intégration au travail et de formation est une approche qui est
même très valable.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir
également, avec ma collègue de Marie-Victorin, qui est
porte-parole en matière des dossiers des personnes handicapées,
de vous souhaiter la bienvenue.
J'ai pris connaissance de votre mémoire avec
intérêt. Je me rendais compte, par les réponses que le
ministre vous faisait, que de nouvelles pièces seront ajoutées au
labyrinthe. Il y avait déjà plus de 42 catégories dans les
programmes, sans compter le programme APPORT. Là, on aura, en plus, les
catégories des personnes handicapées qui ne sont pas inaptes,
mais qui pourraient se voir dispenser du partage du logement et de la
contribution parentale. Ce seraient d'autres catégories qui seraient
ajoutées. C'est ce que la confédération des organismes
représentant les personnes handicapées est venue dire au
ministre, que, c'est-à-dire fondamentalement, l'aspect de fond en cause
est celui d'une classification qui sert à l'établissement de
prestations différentes. Et, dans la mesure où cette
classification entraîne des situations qui sont spécifiques,
puisqu'on ne reconnaît évidemment plus les besoins essentiels pour
un certain nombre de personnes, il faut alors ajouter celles qu'on
reconnaît un peu, celles qu'on reconnaît totalement, celles dont on
n'en reconnaît que quelques-uns, etc. Là, cela devient un
échafaud absolument inextricable. Hélène ne retrouverait
pas... ses chats? Ses chattes?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Une chatte n'y retrouverait pas
ses chatons.
Mme Harel: Ah bon! Cela en est décourageant, d'une
certaine façon, parce que je vous comprends, mais je comprends
très bien la logique. Vous vous situez comme un office
représentant des personnes handicapées et vous venez dire au
ministre qu'il ne faut pas faire la confusion entre handicap et inaptitude,
qu'on petit être handicapé et, pourtant, en très bonne
santé. D'ailleurs, la Coalition des organismes provinciaux de personnes
handicapées est venue dire au ministre qu'il y a des obstacles sociaux
qui peuvent être bien plus grands que des déficiences physiques ou
intellectuelles. À partir de là, vous dites qu'il va falloir
trouver des critères pour juger dé cette inaptitude. Il y a un
critère que vous proposez et qui est très logique, mais,
évidemment, d'autres viennent nous parler d'autres critères.
Toutes les corporations professionnelles viennent dire qu'il ne faut pas que ce
soit seulement médical, mais aussi biopsy-chosocial. Donc, des
psychologues sont venus dire qu'ils devaient aussi participer, avec les
médecins, à l'évaluation. Les conseillers d'orientation
ont dit: Si les psychologues sont là, on veut y être. Vous ajoutez
les ergonomes, les ergothérapeutes, les conseillers en évaluation
des capacités, mais je comprends parce que, quand on part de cette
logique du labyrinthe, c'est vers là qu'on s'oriente. Et d'autres
viennent nous dire: Oui, et en plus de cela c'est évolutif. Il faut que,
de façon régulière, on puisse reprendre cette
évaluation de l'inaptitude, une fois par année, deux fois?
D'autres viennent dire: Oui, et une fois qu'elle est prise, la décision,
il faut qu'on puisse en appeler. Alors, là, il y a les avocats qui
disent: Oui, et il faut qu'il y ait des mécanismes d'appel, etc. Et on
est en train de monter une sorte de système monstrueux d'interventions
professionnelles qui sont logiques, dans cette logique de la marginalisation,
une sorte d'échafaudage pour juger d'une personne inapte, en n oubliant
pas que la logique va être - puisqu'il y a plein d'avantages à se
faire considérer inapte - de chercher à en être, d'une
certaine façon, puisqu'à partir de ce statut et de cette
étiquette d'inapte vous allez être tranquille et vous allez
pouvoir vivre avec quelqu'un qui ne l'est pas et partager votre logement, sans
être l'objet de contrôle, non plus de réductions et
tout.
Dans cette logique, vous dites que lès personnes
handicapées ne sont pas inaptes, mais qu'il ne faut pas
décourager les familles qui ont opté pour l'entraide. D'autres
groupes familiaux viennent dire la même chose au ministre, pour des
jeunes qui sont plutôt en mésadaptation sociale: II ne faut pas
décourager les familles qui les reçoivent non plus, etc.
Je vous comprends, mais c'est le point de départ, la
prémisse, le postulat du ministre qui est, d'une certaine façon,
à remettre en question.
La semaine dernière, la Commission des services juridiques est
venue devant nous et nous a déposé un mémoire qui disait
ceci: "Nous espérons - c'est la Commission des services juridiques qui
énonce ce qui suit - que le scénario prévalant
actuellement a l'Office des personnes handicapées ne se
répète pas pour les prestataires d'aide sociale. On sait qu'en
vertu de l'article 49 de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes
handicapées (LR.Q.c.E-20.1) l'OPHQ voit à l'élaboration
d'un plan de services pour toute personne déclarée admissible
à un tel plan. Or, l'OPHQ néglige de se conformer à cet
article et refuse par la suite des demandes d'aide matérielle
déposées par les personnes handicapées sous
prétexte qu'aucun plan de services n'a été
élaboré! (articles 52 et 53 de la loi.) Ce genre de fouillis
administratif est à craindre à l'aide sociale."
Et là, la commission disait au ministre que la possibilité
de mettre sur pied des plans d'action personnalisés, comme vous le
mentionnez, pour les bénéficiaires de l'aide sociale existe
déjà dans la loi actuelle et ne semble pas mise en oeuvre non
plus.
Le barème de prestations, s'il est adopté tel que
proposé, sera tellement complexe que, dit la commission: Nous craignons
que les agents soient occupés à comptabiliser les prestations
versables à chaque prestataire à chaque mois, et qu'il ne leur
reste que peu de temps pour fournir informations et conseils aux
prestataires.
J'aimerais vraiment profiter de votre présence, puisque cela a
été dit devant cette commission, pour que vous nous donniez des
explications là-dessus.
M. Mercure: Je vais brièvement faire allusion à ce
que la Commission des services juridiques a soulevé et qui a aussi
été soulevé dans le rapport annuel de la commission, soit
le fait que, à cause d'une difficulté juridique, la Commission
juridique des affaires sociales a juridiction et sur la nature des services sur
les montants alloués par l'office, pour autant que les besoins soient
inclus dans un plan de services. C'est un problème juridique et il y a
eu, à plusieurs reprises, des cas qui, à la Commission des
affaires sociales, ont été déboutés, parce que la
commission a elle-même considéré qu'elle n'avait pas
juridiction, étant donné que les besoins dont il était
question n'étaient pas dans le plan de services et que l'Office des
personnes handicapées a seule juridiction sur le contenu du plan de
services. C'était un problème juridique.
Il ne faudrait pas que la même chose arrive si jamais on utilisait
abondamment les plans individualisés, parce que, s'il y avait vraiment
un droit d'appel, il faudrait qu'il porte non seulement sur la nature de la
réponse, mais également sur l'évaluation des besoins.
Maintenant, quant au fouillis dont vous parlez, je pense que l'équipe
multidisciplinaire... Et on pense qu'il est bien évident que
l'intégration au travail et le fait d'être apte ou inapte à
entrer sur le marché du travail n'est pas une question médicale.
Je pense que c'est évident. (13 heures)
II y a énormément de situations dans lesquelles il n'y a
pas de problème médical proprement dit, mais où une
personne n'est pas apte au marché du travail. Donc, c'est pour ça
que c'est essentiel d'avoir une autre approche. Nous suggérons que la
décision ne soit pas prise sur des questions médicales, des
questions de diagnostic ou sur des questions de déficience proprement
dites, mais qu'elle soit davantage basée sur les limitations
fonctionnelles qui découlent d'une déficience. Il est bien
reconnu que des personnes peuvent avoir une même déficience et, au
plan médical, être classées de la même façon,
mais des limitations fonctionnelles très différentes
résultant de ces déficiences parce qu'à d'autres
égards ce sont des individus très différents.
Il y a aussi la question des handicaps, c'est-à-dire des
barrières sociales dans l'entreprise, qui peuvent être très
différents. Ce ne sont pas des questions sur lesquelles les
médecins ont une expertise particulière. Que les médecins
interviennent, disons, quand on tient ce genre de langage, cela se comprend,
parce qu'ils ont été à certains égards les seuls
professionnels à pouvoir dire si quelqu'un était apte au travail
ou pas, pendant quelle période et pour quelles raisons. Ils
désirent conserver ce privilège, mais je pense que la
façon d'éviter le fouillis, c'est d'avoir des équipes
multidisciplinaires ad hoc. Quand on énumère des professions
comme cela, on ne prétend pas que tous ces professionnels doivent
être dans la même équipe pour étudier un cas, mais
ils doivent être disponibles dépendamment des situations
individuelles de la personne.
Il ne s'agit donc pas d'avoir dix professionnels autour d'une table
mais, dépendamment de la circonstance dans laquelle la personne
évolue et de l'emploi en question, d'utiliser les professions qu'il faut
pour évaluer les obstacles à l'emploi d'une façon
adéquate. Il y a aujourd'hui beaucoup de documentation sur la
façon de définir la capacité au travail d'une personne. Je
pense qu'il faut l'utiliser et utiliser les connaissances nouvelles dans ces
domaines si l'on veut vraiment, d'une façon adéquate, distinguer
l'emploi et le non-emploi. Quant à d'autres...
Mme Harel: Est-ce qu'on doit prendre...
Le Président
(M. Bélanger): Excusez-moi.
Compte tenu de l'heure, est-ce que j'ai le consentement pour que l'on
poursuive les travaux?
Des voix: Oui.
Le Président (M. Bélanger): .Merci
Mme Harel: Allez-y, M. Mercure.
M. Mercure: Je voulais dire que, quant à une autre
question à savoir que les familles des personnes handicapées
pourraient être fortement désincitées à continuer
à soutenir la personne handicapée dans le cas des personnes aptes
au travail où leur, contribution parentale entrerait en ligne de compte,
je pense qu'il est vrai qu'il y a une certaine complication, que l'objectif
d'un système simple est très bon, mais qu'il faut qu'il y ait
quand même une prise en considération des situations
réelles. Je pense que, dans le cas des personnes handicapées,
c'est très réel. Il y a deux écueils à
éviter: classer toutes les personnes handicapées comme non
employables; nous sommes vraiment contre cela, de même que les
associations de personnes handicapées et, d'un autre côté,
vraiment désjnciter les familles à continuer de jouer leur
rôle de soutien qui, dans plusieurs cas, est très
nécessaire et, à d'autres égards, aussi nécessaire
que l'employabilité. Cela nous paraît très négatif.
Je pense que, sur ce point, il faudra tenir compte de ces deux questions:
Mme Harel: C'est vraiment intéressant parce que, d'une
certaine façon, quand vous parlez des obstacles à l'emploi, vous
en parlez en termes de limitation fonctionnelle des personnes, mais vous en
parlez aussi en termes d'obstacles qui se dressent dans le marché de
l'emploi lui-même. C'est aussi en matière de volume d'emplois
qu'on vient nous parler, parce que les obstacles à l'emploi peuvent
également se trouver en termes de manque d'emplois. Les personnes
handicapées en sont souvent les plus grandes victimes, mais il demeure
qu'avec un taux de chômage d'environ 10 % il y a aussi un obstacle
à l'emploi qui est le marché du travail lui-même.
Je crois bien comprendre votre point de vue qui souhaite qu'il y ait une
utilisation, entre autres, de la grille sur les limitations fonctionnelles.
Évidemment, cette grille ne peut pas suffire à elle seule,
puisque d'autres critères seront aussi considérés, par
exemple, les critères de santé si tant est que soit maintenue
cette distinction ou cette catégorisation parce qu'alors ce ne serait
pas pour des personnes qui ont un handicap ou une déficience. Cela
pourrait être pour des personnes qui, par exemple, sont atteintes de
cancer ou de choses comme celle-là. Donc, à ce moment-là,
il n'est pas évident que les critères de limitation fonctionnelle
soient simplement utilisés, il faut qu'il y ait d'autres critères
qui le soient. Et, non pas par nonchalance, mais tout simplement par la
pression des choses, les médecins dans tout le Québec ou les
équipes multidisciplinaires qui auront, en l'occurrence, à les
évaluer, pourront être tentés malgré tout, lorsqu'il
y a handicap, à considérer la personne comme ayant des
difficultés d'employabilité. N'oubliez pas que tout cela est
relié à la notion d'employabilité. Puis on est venu nous
expliquer abondamment que, s'il y a une trop grande concurrence sur le
marché de l'emploi, 50 personnes pour un poste, par exemple, en soi,
cela a une conséquence de déqualification de
l'employabilité. La personne peut avoir un cégep, mais si ces 50
personnes qui se présentent ont un diplôme de premier cycle,
à ce moment-là son diplôme de cégep est
déqualifié et son employabilité est réduite. Donc,
l'employabilité, c'est une notion très évolutive. Cela
dépend du marché de l'emploi; cela dépend aussi de la
demande et de l'offre, d'une certaine façon. C'est, finalement,
applicable un peu à l'ensemble des bénéficiaires de l'aide
sociale.
C'est peut-être important, avant de se quitter, de revenir sur la
question très importante que vous êtes un des premiers groupes
à avoir distinguée, soit celle du préemploi, de ta
période comme telle d'accès a l'intégration à
l'emploi, et vous souhaitez le maintien des besoins spéciaux. Beaucoup
de groupes de personnes handicapées sont venus nous dire: Ce qui nous
manque le plus, c'est la couverture des besoins spéciaux lorsqu'il y a
retour sur le marché de l'emploi. C'est peut-être ce qui les
désincite le plus à retourner sur le marché de l'emploi.
D'autre part, j'admets comme vous qu'il y a beaucoup de confusion dans le
document "Grant diversion", mais je crois comprendre qu'il ne peut s'appliquer
que dans les milieux de travail qui offrent d'utiliser "Grant diversion" en
conformité avec les lois du travail, dont la Loi sur le salaire minimum.
Nécessairement, "Grant diversion" ne s'appliquerait que lorsqu'il y a
respect des lois du travail et de la Loi sur le salaire minimum.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La Loi sur les normes du travail
et s'il y a convention collective, le respect de la convention.
Mme Harel: De la convention, des décrets ou du salaire
minimum.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le respect du marché normal
du travail.
Mme Harel: Alors, dans ce contexte-là, c'est vraiment dans
une autre dimension que serait utilisée, "Grant diversion". Ce ne serait
plus dans la perspective d'être un assisté social.
M. Mercure: Avant de laisser la parole à Mme Hébert
sur la question de "Grant diversion", je voudrais revenir sur la question de la
classification internationale des déficiences, des incapacités et
des handicaps. Cette approche est une approche recommandée par
l'Organisation mondiale de la santé et prend absolument en
considération toutes les questions médicales. Ce qui est
important, c'est qu'elle distingue, dans l'analyse du processus de l'apparition
du handicap, les causes qui sont très souvent médicales, mais pas
uniquement médicales, elle distingue la
déficience qui, elle, est très souvent médicale,
mais les limitations fonctionnelles qui résultent de la
déficience et les handicaps qui sont des barrières sociales sont
des questions dans lesquelles le médical est très peu important.
Mais le médical est pris en compte dans cette approche qui est
très développée, très documentée et qui
provient de l'Organisation mondiale de la santé.
Quant au dernier aspect de la question, peut-être que Mme
Hébert pourrait le préciser davantage.
Mme Hébert: Juste une information supplémentaire
peut-être: cette classification a un autre titre. On l'appelle la
classification sur les conséquences des maladies. Donc on part des
maladies et on examine toutes les conséquences à
différents degrés. Les maladies seraient une forme de cas... Il
faut les situer par rapport aux causes et aux déficiences, mais c'est
vraiment dans l'optique de regarder les conséquences des maladies. Donc,
on a aussi la préoccupation des aspects médicaux dans cette
classification.
Mme Harel: Merci. Malgré le fait que l'Organisation
mondiale de la santé ait quand même une définition - c'est
ce que la corporation des médecins nous a rappelé - qui ne porte
pas sur la maladie, mais sur la santé, donc sur un état
général de bien-être physique et mental, elle peut
distinguer l'aptitude de l'inaptitude, en regard d'une évaluation
générale de la personne.
M. Mercure: Comme vous le dites aussi, il y a tout l'autre aspect
et il y a beaucoup d'autres questions qui ne sont pas médicales,
d'aucune façon, qui concernent la compétence, l'étude et
la qualification à bien d'autres égards et qui touchent la
non-employabilité.
Mme Hébert: Peut-être une autre information. La
qualification internationale des déficiences, incapacités et
handicaps est une suite de la qualification internationale des maladies. Cela
ne part pas du concept plus global de la santé, mais bien de celui des
maladies.
Je n'ai pas très bien compris la question ou les interrogations
autour du modèle "Grant diversion", mais...
Mme Harel: Parce que vous le croyez moins bénéfique
pour les personnes que vous représentez qu'un stage en entreprise. J'ai
cru comprendre que vous considériez que, dans le stage, il y avait des
besoins spéciaux que vous ne retrouviez pas dans le projet de "Grant
diversion".
Mme Hébert: C'est-à-dire qu'on a voulu d'abord
faire la distinction entre la dimension de l'accès au travail et du
maintien au travail et l'aspect de la formation.
Mme Harel: Oui.
Mme Hébert: Pour ce qui est de l'aspect de la formation,
on disait peut-être qu'il y avait des formules actuelles qui pourraient
être adoptées et qui se rapprocheraient du modèle "Grant
diversion". On comprend qu'il se situe au plan de la formation.
Mme Harel: D'accord. Vous voyez mon étonnement.
Mme Hébert: D'accord. Mais ce que j'ai compris tout
à l'heure, personne ...
Mme Harel: D'accord. Allez-y. Excusez-moi.
Mme Hébert: On a peut-être encore des interrogations
sur le modèle, à savoir si les prestations du modèle
"Grant diversion" seront basées sur la productivité de la
personne ou sur un montant fixe. Ce sont des précisions qu'on aimerait
avoir comparativement au contrat d'intégration au travail qui, lui,
concerne l'accès et le maintien au marché du travail.
Mme Harel: En fait, je vais terminer là-dessus...
Le Président (M. Bélanger): C'est tout le temps
dont on disposait.
Mme Harel: ...M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Si vous voulez
remercier le groupe, Mme la députée de Maison-neuve.
Mme Harel: Oui. En fait, votre mémoire m'apporte d'autres
questions...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: ...mais on aura l'occasion d'y revenir. Vous parlez
d'un comité avec le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu. C'est vraiment intéressant de voir
qu'il y aurait des formules qui apporteraient un soutien à l'employeur
pour compenser les coûts d'accès, d'intégration et de
maintien. Cela m'apparaît peut-être plus intéressant dans
cette voie avec les besoins spéciaux lorsqu'il y a réinsertion
sur le marché de l'emploi. La combinaison de ces deux formules
m'apparaît peut-être davantage être la voie d'avenir pour les
personnes qui ont des déficiences ou un handicap que la formule "Grant
diversion", mais on aura l'occasion de revenir là-dessus.
Le Président (M. Bélanger): Merci M le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui En terminant et avant de vous
remercier, ie veux
citer quelqu'un qui, en parlant des programmes sociaux du Québec
dernièrement, disait: II va falloir mettre l'accent sur ce qui
différencie les gens plutôt que sur les normes bureaucratiques. Je
pense que c'est là, dans le cas de la clientèle que vous
représentez devant nous, l'orientation que vous préconisez et que
nous entendons suivre.
Je remercie le président de l'office, mais également
toutes les collaboratrices qui ont participé à la
rédaction de ce mémoire. Quant aux questions additionnelles qui
ont été soulevées, nous allons nous assurer que le contact
soit maintenu entre l'Office des personnes handicapées du Québec
et le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu pour la contribution positive que vous avez faite à cette
commission.
Au nom du gouvernement du Québec, je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): La commission des
affaires sociales remercie l'Office des personnes handicapées du
Québec et suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. En principe,
nous ajournons sine die. Les ordres de la Chambre sont donnés à
13 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 14)
(Reprise à 16 h 42)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Bonjour. La commission des affaires sociales se réunit afin de
procéder à une consultation générale et tenir des
auditions publiques afin d'étudier le document intitulé: "Pour
une politique de sécurité du revenu. "
Nous recevons à la table des témoins un premier groupe, la
Maison sous les arbres, qui sera représenté par M. Michel
Hébert, Mme Francine Dorion et Mme Lucie Brunet.
Or, je vous explique nos règles de procédure. Vous avez 20
minutes fermes pour présenter votre mémoire et ensuite, il y a
une période d'échanges avec les parlementaires. Je vous prierais,
à chaque fois que vous voudrez répondre à une question
durant la discussion avec les parlementaires, de bien vouloir donner votre nom
pour les fins de la transcription du Journal des débats.
Dans un deuxième temps, je voudrais que vous identifiiez votre
porte-parole, que vous présentiez vos autres représentants et que
vous procédiez à la présentation de votre mémoire.
Merci.
Maison sous les arbres
M. Leblanc (Mario): Bonjour, M. le Président, M. le
ministre, messieurs et mesdames les députés. Il y a eu changement
des participants,, pour la Maison sous les arbres. Je suis Mario Leblanc. Je
suis président du conseil d'administration de la Maison sous les arbres.
Je suis accompagné aujourd'hui par Lucie Brunet ainsi que par Michel
Hébert qui sont deux résidents, deux usagers des services de la
Maison sous les arbres. La Maison sous les arbres est une ressource alternative
en santé mentale. Nous intervenons, à Châteauguay, depuis
plus de six ans auprès de personnes qui ont connu ou qui connaissent des
difficultés d'ordre émotionnel ou psychiatrique. Ce sont des gens
qui, pour 1a plupart, ont été en département de
psychiatrie, qui ont fait un ou quelques séjours en département
de psychiatrie dans les centres- hospitaliers.
Cela en fait une clientèle qui est marquée par le
diagnostic psychiatrique, par l'étiquette psychiatrique. Ce sont des
gens qui, par ce marquage-là, si l'on peut dire, connaissent beaucoup
d'obstacles, des obstacles sérieux en ce qui concerne la prise
d'autonomie individuelle, la prise en charge de soi-même, prise en charge
à laquelle la Maison sous les arbres croit, ainsi que le rapport et le
document d'orientation du ministère.
Le Président (M. Bélanger): Pourriez-vous redonner
votre nom, s'il vous plaît?
M. Leblanc: C'est Mario Leblanc.
Le Président (M. Bélanger): Leblanc.
M. Leblanc: Oui.
Le Président (M. Bélanger): J'avais compris
Brunet.
M. Leblanc: Avant que le mémoire soit
présenté à la commission par ces deux usagers de la Maison
sous les arbres, j'aimerais faire quelques petits commentaires pour
présenter un peu la Maison sous les arbres. Enfin, je l'ai fait un peu
au départ. Je veux également dire que c'est un organisme qui a
treize places d'hébergement. Elle a aussi une clientèle de
l'extérieur qui vient tous les jours - enfin, quatre à cinq jours
par semaine - en vue de recevoir de l'aide, du soutien, des appuis dans son
processus de réinsertion sociale et, éventuellement,
professionnelle. Pour la très grande majorité, ce sont des
bénéficiaires de l'aide sociale. À ce moment-là, on
comprend que les orientations du ministère les intéressent
particulièrement.
La Maison sous les arbres croit à l'autonomie des individus qui
utilisent ses services et leur fait confiance. Aussi, c'est leur
mémoire. Ce n'est pas le mémoire de la Maison sous les arbres,
mais c'est le mémoire des résidents, des usagers de la Maison
sous les arbres qui en ont fait la discussion et qui ont fait la
préparation du rapport. En plus, aujourd'hui, ils
délèguent deux de leurs représentants qui vont vous
présenter le mémoire.
Le Président (M. Bélanger): Merci.
M. Hébert (Michel): Mon nom est Michel Hébert.
Chances égale? En tant que représentants de membres d'une
ressource et prestataires de l'aide sociale, il nous semblait impérieux
d'intervenir dans le débat portant sur une politique de
sécurité du revenu. Après lecture et étude
approfondie du document d'orientation, les idées et les valeurs qui y
sont véhiculées nous apparurent tendancieuses.
L'énoncé laisse croire que l'individu est, en grande partie, seul
responsable de sa situation. Nous ne retrouvons nulle part une quelconque
étude ou réflexion portant sur la pauvreté. On semble
croire que tout individu est égal ou plutôt qu'il n'existe que la
notion de handicap de la santé comme principe d'inégalité.
Pourtant, combien d'études ont été effectuées pour
démontrer que la pauvreté culturelle et sociale d'un milieu
entraîne également une pauvreté financière.
Serait-on en train de dire qu'un assisté social de Brossard est
égal à un assisté social de Chibougamau? Une telle
allégation démontre bien le peu de souci des
énoncés faits par le ministère des affaires sociales qui,
à la suite d'une étude statistique, démontrait que
l'âge de mortalité dans Notre-Dame-de-Grâce était de
douze ans supérieur à celui de Pointe-Saint-Charles.
Il est aussi urgent qu'à l'intérieur d'une politique du
revenu on tienne compte que toute hausse de la crise économique
entraîne une hausse de 2 % de la clientèle en santé
mentale. Il est étonnant de constater le silence sur les conditions de
pauvreté au Québec, lorsqu'on y constate une hausse importante au
chapitre des maladies mentales et du taux de suicide.
Le pouvoir discrétionnaire. Dans une deuxième
étape, nous trouvons que l'énoncé du projet de politique
laisse place à un pouvoir discrétionnaire, lequel s'est toujours
révélé désastreux et sans merci pour les plus
démunis. L'énoncé de politique fait
régulièrement miroiter le spectre de la coupure pour un
quelconque refus de participer au plan d'incitation au marché du
travail, en ce qui a trait aux aptes. Pour ceux du soutien financier, cela
signifiera-t-il qu'ils se verront imposer un certain plan de services? Ou,
encore, le refus d'une approche médicale ou d'un lieu de
résidence entraînera-t-il une coupure? Nous nous interrogeons
également sur la démarche à suivre par un
bénéficiaire de l'aide sociale qui aura été
jugé et condamné à une coupure. Pourra-t-il en appeler?
Nous ne retrouvons qu'un mince paragraphe sur la notion d'en appeler des
décisions prises. S'agira-t-il de mesures ne comportant aucun droit
d'appel, ce qui renforcerait l'a priori selon lequel tout assisté social
est considéré comme citoyen de dernière zone?
Au sujet du programme de soutien financier dont la clientèle est
concernée par nos ressources, nous comprenons mal qu'encore une fois
nous laissions aux psychiatres la décision d'un pronostic, alors que
l'on remet de plus en plus en question la notion scientifique d'un tel
diagnostic.
Mme Brunet (Lucie): Lucie Brunet. Quand la maladie mentale
devient payante. Comme membres d'une ressource alternative en santé
mentale, nous nous interrogeons grandement sur la philosophie qui a
inspiré le ministère dans la conception d'un tel projet. Quant
à nous, nous reprochons à ce dernier de ne pas se soucier de
l'état de précarité dans lequel il plonge ses
prestataires. Afin de permettre aux moins de 30 ans d'obtenir la parité,
le ministère se propose de niveler tout le monde vers le bas. De plus,
il rend la maladie mentale payante. Un projet qui a la prétention de
vouloir inciter les gens à un retour au travail ne devrait pas, selon
nous, rendre la maladie payante. Il devient avantageux pour tout
Québécois de se prévaloir d'une maladie telle que la
schizophrénie, la manie, etc., afin de recevoir un maximum de prime, un
droit de cohabitation et une possibilité, non une obligation, de
participer à un programme d'emploi.
Je voudrais vous dire, mesdames et messieurs, que cela fait trois ans
que je suis une usagère de la Maison sous les arbres. J'ai
terminé un bac en animation et je suis à la recherche d'un emploi
dans le moment. Je suis impliquée dans mon milieu social, je suis
bénévole tous les midis dans une maison de jeunes de mon
quartier. Alors, c'est très tentant pour moi, avec la politique que vous
nous suggérez, de choisir un dossier psychiatrique assez large; cela
fait trois fois que je vais à l'hôpital psychiatrique. On me dit
qu'avec l'étiquette à tendance schizophrénique il serait
facile pour moi d'oublier tous ces efforts qui font que je me rends là
les midis, que je fais de la recherche d'emploi, que je termine des
études. Ce serait facile pour moi de dire: Je prends mon dossier avec
une maladie et je prends le gros chèque qui vient avec cela. Je pense
que c'est un choix que personne ne voudrait avoir à faire. Je
reprends.
Mais combien hypothéqué sera l'individu qui aura
reçu cette étiquette? Qui voudra d'un individu ayant subi une
altération de sa personnalité et été
déclaré inemployable? Comment peut-on croire qu'après une
telle description l'individu puisse se trouver un quelconque fonctionnaire
missionnaire l'aidant à se trouver un quelconque employeur charitable?
Croit-on au miracle? Une telle mesure accroîtra davantage le fossé
de la réinsertion sociale pour cette clientèle.
L'expérience du travail pour cette clientèle a
été explorée et réussie à l'intérieur
même de notre ressource. On a travaillé plusieurs durant un
été à un projet que la ressource a mis sur pied.
C'était une cantine de patates frites. Je pense que les gens sont
capables de travailler par moment. Il est bien évident que, pour les
promoteurs du projet, ils ne misaient nullement sur la
schizophrénie des individus, mais sur un potentiel résiduel.
Solidarité pour qui ou contre qui. Tout au long de ce projet,
vous semblez insister sur la notion de solidarité, mais permettez-nous
de nous interroger: la solidarité face à qui et contre qui?
Contre celui qui, par malheur, a eu recours à un secours direct?
Solidarité ou individualité? Il sera dorénavant interdit
de partager un logement sans être pénalisé.
Solidarité ou division? Il sera interdit à un inapte de partager
un logement avec un apte sans être également
pénalisé.
Beaucoup trop d'improvisations se retrouvent dans cette loi. Il s'agit
pour nous bien plus de divisions que de liens de solidarité.
Déjà, les divisions entre les aptes et les inaptes favorisent
beaucoup la maladie et entraîneront peut-être bien des gens
à quêter un certain diagnostic. Il faut, selon nous, ne pas avoir
vécu de près cette inégalité des prestations entre
un jeune de 18 ans apte et un inapte pour miser sur une telle mesure.
De par le vécu de notre ressource, nous avons été
à même de constater l'impact d'une telle division sur
l'état de la santé mentale de ces derniers. La course
effrénée aux papiers médicaux payés à coup
de tentatives de suicide ou encore le refuge dans la délinquance ne
semblent pas éliminés par un tel projet; bien au contraire! En ce
qui concerne les aptes non disponibles, c'est-à-dire tous nos membres en
dépression nerveuse, ils se verront dans l'obligation de courir
après un certificat médical mensuellement. Nous comprenons mal la
logique financière qui en appelle à la réduction des
dépenses d'un ministère par l'accroissement des dépenses
d'un autre ministère. Nous comprenons mal l'incohérence entre
deux ministères desservant souvent la même clientèle.
Nous nous expliquons. Dernièrement, le MSSS semblait, par son
projet de politique en santé mentale, décloisonner l'intervention
dans le champ de la santé mentale, alors que votre ministère,
lui, n'en réfère qu'au pouvoir médical. Par une telle
mesure, il nous semble dangereux, à ce stade, de "surmédicaliser"
et de "chroniciser" tous les gens aptes mais non disponibles pour des raisons
de troubles émotifs.
Au chapitre des solidarités, il en est une que nous trouvons
honteuse. Il s'agit de la fameuse solidarité alimentaire. Comment un
gouvernement peut-il demander à une société où la
notion même de famille est à refaire d'assumer une
solidarité alimentaire? Il serait malheureux qu'une telle mesure soit
appliquée. Ceci signifierait, pour la plupart d'entre nous, que nous
serions obligés de vivre dans une famille qui a été
l'essence même de nos problèmes. Il s'agirait en fait de nous
condamner à vivre notre vie avec un père ou un frère
incestueux, avec une mère marâtre ou un père alcoolique.
A-t-on le droit, lorsque l'on prétend vouloir "maintenir des acquis et
surtout améliorer sous plusieurs aspects leur situation", d'ignorer de
telles dynamiques au nom d'une économie financière? ,
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
ministre.
Excusez-moi, il y avait la conclusion. J'avais sauté une page de
mon texte.
M. Hébert: En guise de conclusion, nous aimerions rappeler
au gouvernement, et nous osons croire qu'il ne verra pas en nous des
"paranoïas", qu'il s'agit d'un projet ne visant qu'à marginaliser
davantage les bénéficiaires.
Une politique de sécurité du revenu, quant à nous,
devrait tenir compte des changements sociaux tels l'éclatement de la
famille, la technologie, etc., pour ensuite déboucher sur des mesures
respectant plus les disparités et comportant moins de mesures
coercitives. Le présent projet constitue pour nous une série de
mesures coercitives permettant dans l'immédiat une certaine
économie qui, à moyen terme, nous coûtera très
cher.
Le coût s'établira à deux niveaux. Le coût
social: la fin des liens de solidarité, puisque la cohabitation est
interdite et que nous faisons une division avec gains financiers entre les
inaptes et les aptes. Le coût financier: augmentation des formulaires
médicaux. Et, finalement, un régime à 54 niveaux et plus
qui exigera combien de "surveillants" afin d'éviter la fraude et non pas
dans le but de l'efficacité du programme.
Nous nous joignons donc au Regroupement provincial des ressources
alternatives et nous demandons que ce document demeure un essai et que l'on
établisse une vraie politique de sécurité du revenu en
tenant compte des réalités sociales, soit la famille, la
pauvreté, et les handicapés.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je veux remercier la Maison
sous les arbres de son mémoire et de sa présention orale, ainsi
que ses porte-parole. J'aurais quelques précisions, dans un premier
temps, à demander à M. Leblanc qui a fait la présentation
de la maison. Vous avez parlé de treize places d'hébergement.
Est-ce que votre clientèle est composée strictement de gens que
vous hébergez, ou est-ce que vous offrez également une ressource
de jour?
M. Leblanc: Oui, il y a effectivement les deux services. Il y a
treize places à l'interne. Il y a aussi des gens de la région, de
la ville de ' Châteauguay qui viennent en activités de jour.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez mentionné que la
grande majorité de votre clientèle était composée
de bénéficiaires de l'aide sociale. Quelles, sont les
caractéristiques de la minorité de la clientèle?
M. Leblanc: À vrai dire, les gens qui sont
résidents sont tous, à ma connaissance,
bénéficiaires. Il peut y avoir et il y a eu des personnes, comme
des conjointes dont le mari travaillait - c'était à l'externe,
particulièrement - qui n'étaient pas bénéficiaires
de l'aide sociale. Il y a eu des gens, et encore actuellement, qui utilisent
les services à l'occasion et qui ont un revenu d'emploi aussi. C'est
selon la situation de chaque individu; ce sont surtout ces situations-là
ou encore une femme dont le conjoint travaillerait. Je ne vois pas tellement...
Il y a peut-être des cas de pension. Il faudrait que j'aille voir. De
toute façon, en tant que président, je n'ai pas les chiffres sous
la main.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que vous offrez le service
de reinsertion sur le marché du travail ou est-ce que votre service
touche strictement à ce qu'on appelle la
pré-employabilité?
M. Leblanc: Oui. En fait la Maison sous les arbres a fait des
expériences de réinsertion sur le marché du travail;
particulièrement lorsqu'on a parié de cantines, c'était
sur des terrains de camping. On a eu jusqu'à deux cantines et
c'étaient les usagers de la Maison sous les arbres qui les tenaient
durant l'été. On a eu ce genre d'expérience.
Actuellement, on a un plateau de travail à l'interne, soit la
fabrication de chandelles décoratives avec un petit entrepreneur local.
C'est une activité de \a, maison. Il n'y a pas de revenus.
En ce qui concerne le marché du travail, à
l'extérieur, la Maison sous les arbres est en relation avec un SEMO qui
travaille en rapport avec cette clientèle. C'est le principal lien. Il y
a aussi des gens qui retournent à des emplois sans passer par le SEMO,
parce qu'ils peuvent retourner à leur emploi après une certaine
période.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Les gens qui transitent par chez
vous demeurent combien de temps en moyenne? Est-ce qu'ils y reviennent de
façon sporadique par la suite?
M. Leblanc: Les durées sont variables. On pourrait parler
d'une moyenne; cela serait probablement autour de huit mois. Il faut regarder
les écarts types, tout cela. Il peut y avoir des personnes qui restent
quatre ou cinq mois. Des personnes sont restées plus d'un an, un an et
deux ou trois mois. D'autres personnes sont revenues, mais c'est plutôt
rare. Il y en a quelques-unes qui sont revenues.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Les personnes qui n'ont plus
recours à vos services, mais qui ont transité par chez vous,
est-ce que, dans la majorité des cas, elles retournent sur le
marché du travail? Est-ce que vous avez un certain suivi qui est
effectué?
M. Leblanc: Peut-être que les usagers le sauraient plus que
moi. Je ne pense pas que la majorité retourne sur le marché du
travail quand elle quitte la Maison sous les arbres. Il y a un certain
pourcentage, sans être 50 %, ce qui est quand même respectable, qui
le fait. Il y a certaines personnes qui sont retournées en milieu
hospitalier. Il y a des gens qui s'en vont en appartement et qui restent
bénéficiaires de l'aide sociale. C'est probablement la plus
grosse partie de la clientèle. Déjà, la Maison sous les
arbres leur permet de connaître des gens et de partager un logement. (17
heures)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Peut-être que ma prochaine
question s'adressserait à M. Hébert, je ne le sais pas.
Sentez-vous libres, si vous voulez y répondre l'un ou l'autre des
usagers. Vous dites à la page 2 de votre mémoire: "Serait-on en
train de dire qu'un assisté social de Brossard est égal à
un assisté social de Chibougamau?" Vous voulez dire quoi exactement
quand vous dites cela? On peut comprendre que, dans un centre urbain, les
besoins soient différents de ceux dans un milieu régional
éloigné, si on parle de Chibougamau. Je ne comprends pas
l'essence de ce que vous voulez toucher par cette affirmation.
M. Hébert: C'est cela. Cela a été dit dans
"Santélogique". Un article a paru qui disait qu'entre les milieux de
Brossard et de Chibougamau c'était une différence. À
Brossard, c'est sûr que c'est un milieu favorisé, riche, avec
plusieurs ressources, tandis qu'à Chibougamau ou à
Pointe-Saint-Charles... C'est une différence.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord, vous voulez parler des
ressources des ministères qui sont mises à la disposition des
assistés sociaux dans un certain milieu. Vous ne voulez pas parier des
besoins...
M. Hébert: Les besoins sont là aussi, cela
englobe.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous le dis comme cela, il y a
des représentations. On est peut-être rendu tout près du
80e groupe que l'on entend. Les besoins peuvent varier - le 79e, bon. On nous
dit, par exemple, qu'en milieu urbain le loyer va être souvent plus
important, mais qu'en milieu rural cela prend pratiquement, pour utiliser une
expression qui a été réutilisée, une "minoune" pour
le transport, etc., et l'on finit, sur le plan des besoins, à en arriver
à quelque chose de comparable.
M. Hébert: Non, ce n'est pas sur ce point qu'on voyait
cela, mais surtout pour les assistés sociaux.
Mme Brunet: Est-ce que je peux m'exprimer?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.
Mme Brunet: Notre point de vue, on l'explique un peu au
paragraphe précédent. Est-ce que vous pensez que les chances d'un
individu sont les mêmes selon le milieu? On aurait pu donner l'exemple de
Saint-Henri ou de Laval. Par exemple, moi, je viens de Laval. Il y a des gens
que je côtoie à la Maison sous les arbres qui viennent d'un milieu
défavorisé de Montréal. Est-ce que leurs chances sont
égales aux miennes, moi qui viens d'un autre milieu? Mon père
était professionnel. J'ai eu la chance d'aller à
l'université. Lui, par exemple, celui auquel je pense, il a de la
misère à s'exprimer, il a de la misère à parler,
son langage n'est pas cohérent; est-ce que ses chances sont les
mêmes? C'est ce qu'on veut expliquer dans cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Là, on traite, sur un plan
individuel, de ce qu'on appelle chez nous, dans un langage savant,
l'employabi-lité de l'individu. Face au marché potentiel du
travail, quelles sont ses forces et ses carences? Nous sommes conscients que
cela varie d'un individu à l'autre. Je pense que cela rejoint un peu ce
que vous disiez.
M. le Président m'indique qu'il me reste trois minutes. Je vais
céder, en vertu de l'alternance, la parole à Mme la
députée de Maison-neuve, quitte à vous revenir sur la
question du droit d'appel et ces choses-là dont vous traitez dans votre
mémoire.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, il me fait
plaisir de vous souhaiter également la bienvenue à la commission.
Malgré le fait, comme le signalait le ministre, que nous en sommes
à notre 5e semaine d'audiences et que vous êtes le 79e groupe, la
présentation de votre mémoire a un aspect très singulier.
Il y a une singularité par rapport à tous ceux qu'on a
reçus jusqu'à maintenant. Je voulais, entre autres, le signaler
à Mme Brunet. Il m'est arrivé à maintes reprises de
signaler l'effet pervers que cette classification entre aptes et inaptes
pouvait avoir et j'ai essayé de signaler au ministre les
conséquences fâcheuses d'être sous une médication,
parce qu'on considère qu'il y a là un problème. Je pense
qu'on peut considérer dans notre société que c'est un
problème quand on est en inactivité, puisque le travail, d'une
certaine façon... Il y a un vieil adage qui dit: Le travail, c'est la
santé. Là encore, faut-il s'entendre sur ce qu'est un travail et
sur la différence entre un emploi et un travail. Il y a plein de choses
comme celles-là, vu que les femmes ont beaucoup travaillé, ellss,
et qu'on a toujours pensé qu'elles n'avaient pas d'ouvrage; cela compte
quand même.
Dans votre mémoire, vous disiez ceci: "II devient avantageux pour
tout Québécois de se prévaloir d'une maladie, telle que la
schizophrénie, la manie, etc. - des personnes qui vous ont
précédés auraient pu remplacer les exemples que vous nous
donnez par un handicap, une déficience; d'autres auraient pu, enfin,
remplacer cela par vraiment beaucoup de choses - afin de recevoir un maximum de
prime, un droit de cohabitation et une possibilité, non une obligation,
de participer à un programme d'emploi." Et c'est dit simplement, mais
c'est sans doute la première fois que je vois aussi clairement
exprimé ce que, en langage compliqué, d'autres avaient dit avant
vous. Je vais vous lire une phrase qui dit exactement la même chose, elle
se trouve dans le livre blanc sur la fiscalité des particuliers de 1984
qui disait: Dès qu'un programme de transfert applique une
pénalité - alors, cela veut dire à la baisse - ou accorde
un traitement plus favorable à un groupe particulier de
bénéficiaires, selon qu'il répond ou non à des
critères précis, exemple: état de santé, mode de
référence, niveau de revenu, il crée par le fait
même une incitation financière à la fraude.
Autrement dit, ce que cela créé, c'est une incitation
à se faire considérer comme inapte, et c'est même la
tentation qu'auront les députés dans leur bureau de comté,
quand ils recevront des personnes en difficultés, de leur dire: Eh bien,
je vais essayer de vous faire déclarer inapte. Et, là, il y aura
tout autour de cela des professionnels et il finira par y avoir des
enquêteurs de la Sûreté du Québec qui iront
vérifier si les professionnels ont raison de déclarer qu'une
telle personne est inapte, etc. C'est un immense... Moi, je vois cela comme un
immense, on appelle cela un "build-up", une immense construction, comme un jeu
Lego mais mal parti, puisque le point de départ consiste à
vouloir finalement distinguer les gens afin de leur donner des moyens de
subsistance différents.
Mme Brunet: Quand vous exprimez votre pensée au ministre,
peut-être que lui se réfère à ce qui a
été découvert dans la dernière étude, au
fait qu'il y a beaucoup de gens qui sont aptes au travail qui sont à
l'aide sociale, et puis, il peut mal vous comprendre ou, disons, avoir de la
difficulté à voir le positif de ce que vous apportez. Mais, moi,
je pense qu'il faudrait opter dans le sens de vous écouter, dans le sens
qu'on pourrait ajouter, multiplier les moyens pour que les gens puissent se
trouver du travail s'ils sont aptes, en tenant compte que souvent les gens
à l'aide sociale veulent travailler. Par exemple, moi, j'ai plus de 30
ans, j'ai 31 ans, et je n'ai pas le moyen d'avoir un stage en milieu de
travail. Je veux dire, j'ai ma seule force de travail pour me chercher de
l'emploi, ma seule force personnelle, si je peux dire. À ce
moment-là, il faudrait plus de projets pour les gens de plus de 30 ans,
beaucoup de moyens. Il faut multiplier l'aide que les gens peuvent avoir, qui
sont à l'aide sociale.
Mme Harel: Évidemment, avec la proposition du ministre,
les plus de 30 ans vont pouvoir participer aux mesures comme les stages en
entreprise ou les travaux communautaires ou vont pouvoir faire un retour comme
les familles monoparentales pouvaient le faire. Jusqu'à maintenant, if y
avait une entente entre le Québec et le fédéral, avec
Ottawa, de façon à partager les coûts pour les moins de 30
ans et pour les familles monoparentales. Mais cela devait toujours se faire et
cela doit encore, en vertu de l'entente, qui d'ailleurs n'est pas signée
par le ministre... Cela m'étonne, parce que le ministre
fédéral l'a signée, mais je ne vois pas la signature du
ministre Paradis sur cette entente-là. Cela doit toujours se faire sur
une base volontaire, c'est cela la condition de l'entente
fédérale-provinciale. Est-ce qu'on peut savoir?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, c'est signé.
Mme Harel: C'est signé. Ah bon! C'est parce que...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est peut-être la
photocopie.
Mme Harel: Ah, c'est simplement la photocopie. Non, ce n'est pas
la signature qui m'inquiétait, c'est le fait que cela devienne
obligatoire maintenant. Je me demandais si son homologue fédéral
avait accepté de changer le caractère, parce que c'était
jusqu'en 1989 cette entente-là, et c'est sur une base de participation
volontaire. Comme vous, Mme Brunet, vous dites que vous aimeriez cela et je
pense qu'il y en a beaucoup qui aimeraient cela. Mais, justement, il
paraît que les chances de succès n'existeraient, selon toutes les
personnes qui vous ont précédée là où vous
êtes assise, que lorsqu'il y a ce caractère volontaire, quand
quelqu'un dit: Je suis prêt. Avant cela, mettons il y a trois ans,
peut-être que vous-même vous n'auriez pas eu le goût de dire:
Je suis prête. Et, quand on veut rentrer de force dans la gorge de
quelqu'un de l'huile de ricin, cela peut avoir tendance à, disons, ne
pas porter les effets qu'on souhaiterait.
Alors, dans votre mémoire, il y a une autre chose qui est
vraiment simplement exprimée, mais éloquemment exprimée.
Vous allez me dire que c'est l'oeuf de Colomb, mais, dans le fond, vous dites
dans votre mémoire: Nous, nous avons vécu la différence
entre les aptes et les inaptes chez les moins de 30 ans dans notre propre
maison et, là, nous allons continuer à la vivre. Mais, entre les
aptes et les inaptes, quelle que soit la catégorie d'âge, la
distinction va rester la même, parce que, dans un cas comme maintenant,
ils auront droit à la pleine subsistance et, dans l'autre cas, ils n'y
auront plus droit. Je pense qu'est clairement exprimé ce qui crée
la plus grande difficulté du document, finalement.
Je ne sais pas, ce serait peut-être intéressant pour nous
de savoir dans quelle mesure les personnes lorsqu'elles viennent à la
Maison sous les arbres ont déjà eu des expériences de
travail. Vous avez dit, dans votre mémoire - cela m'a beaucoup surprise,
c'est la première fois, et je ne sais pas où vous avez
trouvé ces chiffres, cela m'intéresserait de le savoir - que,
chaque fois qu'il y a une hausse de la crise économique, cela
entraîne une hausse de 2 % de la clientèle en santé
mentale. C'est à la page 2 de votre mémoire. Est-ce qu'il serait
possible d'avoir vos sources? Dans la mesure où je pourrais vous citer,
je pense que cela pourrait être intéressant.
M. Hébert: Cela a été pris à
l'émission Repères de janvier 1984.
Mme Harel: À l'émission Repères? C'est une
émission de télévision, j'imagine Malheureusement, on n'a
pas beaucoup le temps, même de regarder le Téléjournal. Par
qui cela était-il dit? Par un médecin, par un...
M. Hébert: Par des médecins.
Mme Harel: D'accord. Il y a une incidence directe sur le
chômage et la fragilité de l'équilibre personnel. Est-ce
que c'est le cas chez les personnes qui habitent à la Maison sous les
arbres?
Mme Brunet: Le cas de? Est-ce que vous pouvez
préciser?
Mme Harel: Est-ce que le fait d'être en chômage ou le
fait d'être sans emploi a été un facteur de
déséquilibre?
M. Leblanc: C'est une variable difficile à vérifier
sur une courte échelle. Il serait difficile de dire
précisément que c'est le seul facteur. ; D'ailleurs, il y a
sûrement des mémoires qui ont parlé de facteurs
biopsychosociaux, etc.
J'aimerais revenir sur un autre point de votre intervention, lorsqu'il
était question de fraude et de la possibilité que des personnes
se retrouvant avec des prestations diminuées essaient d'obtenir une voie
de passage vers le programme de soutien financier. Tout le document est
fondé sur l'incitation au travail en ce qui concerne les aptes; c'est
une valeur de base dans le document. Ce que nous disons - en ce qui nous
concerne, enfin - ce que le mémoire dit et ce que les résidents
ont dit, c'est que cette structure, qui crée un programme de soutien et
qui a créé un programme APTE, incite - je le dirai très
brusquement comme le mémoire qui est assez direct - peut-être
à la crise psychotique ou à la maladie mentale. Je ne dis pas que
c'est de la fraude. La maladie mentale, ce sont des mécanismes
très subtils, très sournois qui font que, lorsqu'il y a des
pressions sur l'individu, sur le métabolisme humain, vous pouvez aboutir
à la
crise parce que vous êtes aptes. Par ailleurs, ces gens veulent
rester aptes, mais ils vont possiblement aller vers la voie du soutien
financier, et cela va les inciter à la maladie plutôt qu'au
travail.
Mme Harel: Je pense comprendre. Je suis d'une modestie totale en
matière de santé et sur tous ces aspects. En fait, je n'ai jamais
vraiment pu avoir l'occasion d'en bien comprendre tous les mécanismes,
mais je crois comprendre ce que vous nous dites. C'est que, d'une certaine
façon, malgré le discours qui veut un retour au travail, mais qui
ne tient pas compte des obstacles qui se dressent sur le chemin du retour au
travail, la réalité va faire que les personnes vont ressentir
beaucoup de culpabilité et vont vouloir se faire reconnaître comme
inaptes pour, au fond, être reposées des attentes qu'elles ne
peuvent pas remplir.
M. Leblanc: Vont le vouloir ou vont le devenir, et pas
nécessairement consciemment.
M. Hébert: Mais je peux dire que certaines personnes le
sont déjà. On est déjà étiqueté dans
ce genre. Concernant l'incitation au milieu de travail - je suis à la
recherche de travail présentement - quand je me fais dire par un patron
qui me rappelle au bout de deux ou trois jours: C'est impossible, vous avez un
dossier médical très chargé en psychiatrie; et il vient
directement du bureau de l'aide sociale...
Mme Harel: Vous vous êtes fait dire cela.
M. Hébert: Oui. Je vais sûrement écrire une
lettre.
Mme Harel: Mais là vous le dites. Le ministre est
là, je pense que cela vaut le coup de le lui dire.
M. Hébert: Ce sont des choses qui, je crois, vont nous
inciter à rester tels que nous sommes.
Mme Harel: Lui permettez-vous de nous expliquer les faits?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Bien oui!
Mme Harel: Comment les faits se sont-ils
présentés?
M. Hébert: J'ai fait des demandes d'emploi à
plusieurs endroits, entre autres, dans un restaurant, une grosse chaîne
de Montréal. Ces gens m'ont dit: Tu as l'emploi, on va te rappeler lundi
pour te donner les détails. Le lundi...
Mme Harel: Avez-vous mentionné que vous étiez
bénéficiaire de l'aide sociale? (17 h 15)
M. Hébert: Avec le temps qui s'est écoulé
entre l'arrêt de travail et... Mme Harel: D'accord.
M. Hébert: Ils ont dit: Où est-ce que tu
étais? Mais, ils étaient d'accord sur ce point-là. Cela
fait quand même quatre mois que je suis bénéficiaire de
l'aide sociale, et je cherche du travail. Ils ont dit: II n'y a pas de
problème là-dessus, avec tout ce que tu as dans ton curriculum
vitae, il n'y a pas de problème. Alors, quand j'ai rappelé le
lundi, parce qu'il ne m'a pas rappelé, je me suis fait dire: Tu as un
dossier psychiatrique très chargé, on ne peut pas t'engager.
Où ont-ils été prendre cela? À l'aide
sociale, qu'ils ont dit.
Mme Harel: II vous a dit à l'aide sociale, le monsieur
du... Qui était-ce? C'était un employé du restaurant ou
c'était le...
M. Hébert: C'était un gérant adjoint ou un
gérant quelconque de la chaîne de restaurants.
Puis, j'ai eu une entrevue avec une personne en stages en milieu de
travail et je lui ai expliqué ce qui s'était passé et elle
m'a dit: Cela se peut qu'il y ait des erreurs qui se laissent aller comme
cela.
Mme Harel: C'était un agent de l'aide sociale qui vous a
dit cela?
M. Hébert: Oui, un agent de l'aide sociale. Elle m'a dit:
Cela se peut qu'il y ait des sorties de même. Je lui ai dit: C'est
supposé être confidentiel.
Mme Harel: Bon, de toute façon, je pense que, sur des
questions comme celles-là, c'est peut-être mieux - mais c'est
important - que vous poursuiviez avec les personnes qui accompagnent le
ministre, mais j'aimerais bien que vous nous teniez au courant des
résultats qui surviendront. Est-ce que la personne qui vous a
répondu au restaurant aurait pu le dire en méconnaissance de
cause, pour se débarrasser de vous ou pensez-vous que c'est en
connaissance de cause?
M. Hébert: C'est en connaissance de cause. C'est qu'il
fallait qu'il l'apprenne de quelque part. Personne ne le savait. Il a dit qu'il
a été chercher des références quelque part.
Mme Harel: Aviez-vous donné des références
vous-même?
M. Hébert: Oui, j'ai donné des
références, mais ce ne sont pas les ex-employeurs qui ont fait
cela. Ils n'étaient pas au courant. C'est seulement la Maison sous les
arbres et puis il y a mes parents, mais aucune de ces...
Mme Harel: De ces sources-là qui... M. Hébert:
Non.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je vais retenir la suggestion
de Mme la députée de Maisonneuve. Je vais mettre à votre
disposition Mme Dussautt, Me Dussault, de mon cabinet, et je vous prie de lui
livrer en toute confiance les faits, de façon que nous puissions faire
les vérifications qui s'imposent. Nous tiendrons, si vous nous y
autorisez, parce qu'il s'agit là aussi de renseignements nominatifs - je
ne voudrais pas commettre une infraction - la commission informée du
résultat de cette démarche.
Maintenant, moi, j'aurais une question rapide, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a toute la question des
besoins des gens qui sont de passage à l'aide sociale et des besoins des
personnes qui sont à l'aide sociale pour une longue durée.
L'expérience au ministère nous enseigne qu'il y a une
différence dans les besoins de base des gens qui sont là pour une
longue durée et des gens qui sont strictement de passage, soit pour une
courte durée ou pour une durée moyenne.
C'est pourquoi vous retrouverez entre les barèmes du programme de
soutien financier et les barèmes du programme APTE une différence
qu'on généralise à peu près à 25 $ par mois.
Présentement, dans le cas des moins de 30 ans, de 18 à 30 ans,
pour obtenir la parité, la différence est supérieure
à 300 $ par mois. Est-ce que vous ne croyez pas, concernant le niveau
d'incitation - je peux reconnaître qu'il va quand même exister,
qu'il existe toujours un phénomène d'incitation, lorsqu'il y a un
barème plus élevé que l'autre - lorsque vous parlez de 25
$ par mois contre 300 $ par mois, qu'il n'y a pas là une diminution
incroyable de l'incitation, sur le plan financier?
M. Leblanc: En fait, c'est évident que, si une personne se
trouve dans une situation où elle n'a plus d'autre choix que de livrer
sa force de travail au premier venu, c'est sûr que c'est très
incitatif.
Je ne sais pas si j'ai bien compris votre question, mais je comprends
que l'écart de 300 $, c'est un écart qui est pensé,
imaginé, comme étant un écart incitatif? Non,
j'espère que non.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je n'ai pas mis sur pied le
système qui comprend cet écart de 300 $. Je l'administre comme
ministre responsable. J'en suis présentement responsable et je me dis
qu'avec 178 $ il n'y a pas moyen de couvrir les besoins de base, essentiels,
nécessaires, même si on ne considère que la nourriture et
le logement. On s'entend?
À ce moment-là, en participant à une mesure, on
obtient ce qu'on appelle la parité, sauf dans quelques cas, le
rattrapage scolaire, etc. L'incitation est de plus de 300 $ et l'incitation
n'est pas seulement financière, elle te permet de couvrir tes besoins de
base, essentiels; elle est énorme, cette incitation, au moment où
l'on se parle.
Dans ce cas-là, on propose, la différence entre les
barèmes du programme APTE, si on se tient sur le plan financier, et ceux
du programme Soutien financier - Soutien financier s'applique à des gens
qui sont sur laide sociale pour une longue durée; APTE aux gens qui sont
de passage à l'aide sociale - soit 25 $ par mois Est-ce qu'on peut
raisonnablement comparer sur le plan de l'incitation financière la
différence de 25 $ à celle de 300 $?
M. Leblanc: II me semble que, présenté de cette
façon, c'est bien évident qu'il y a une incitation qui est plus
forte. S'il s'agit de commenter le programme actuel, c'est assez clair qu'il
n'y a personne qui veut de ce programme. C'est bien certain, je comprends que
ce n'est pas votre gouvernement qui a mis ce programme sur pied.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On en est responsable.
Mme Brunet: Quand vous parlez des gens qui sont là
à long terme ou à court terme, j'ai saisi quelque chose, je
pense. D'abord, je peux vous dire que cela ne fait pas dix ans que je suis
à l'aide sociale mais la première fois que j'en ai
bénéficié, c'était il y a dix ans. Je ne pouvais
pas prévoir que je le serais pendant dix ans. C'est dur de savoir, au
moment où on l'est, ce qui va nous arriver dans la vie. On ne le sait
pas toujours. Mais cela voudrait dire aussi, de la manière que j'ai
saisi cela, que, moi, comme cela fait trois ans que je suis à l'aide
sociale je ne serais pas directement considérée apte, alors
qu'une personne qui l'est pour une période de...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce n'est pas strictement une
question de durée. Ce que les gens perçoivent mal, et je pense
que c'est une question de perception, c'est qu'on a beaucoup de roulement de la
clientèle à l'aide sociale. Les gens pensent que c'est toujours
la même clientèle qui est à l'aide sociale, alors que,
pendant les neuf premiers mois, 40 % de notre clientèle se trouve par
elle-même de l'emploi ou va vers les mesures de rattrapage, etc. On a
là aussi des statistiques. Les sorties sont importantes à
l'intérieur des 18 ou 24 premiers mois et la clientèle qui y
demeure plus de 24 mois est vraiment une clientèle minoritaire. Les
gens
perçoivent cela autrement. Ils pensent qu'un assisté
social passe sa vie à l'aide sociale. C'est un renouvellement de
clientèle que l'on a.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve, si vous voulez remercier nos
invités.
Mme Harel: Oui, certainement.
Je veux les remercier du fond du coeur d'être venus devant la
commission. Je crois que votre témoignage est important. Cela va me
permettre aussi de juste rappeler au ministre que la discrimination en fonction
de l'âge a été introduite par l'actuel premier ministre
lorsqu'il était premier ministre en 1974. C'était la
première fois que cela était introduit dans la Loi sur l'aide
sociale. Il faut certainement souhaiter qu'il y ait une approche
différente en matière de sécurité du revenu, mais
une approche qui ne soit pas non plus discriminatoire pour l'ensemble des
personnes qui, elles, ont plus de 30 ans. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je veux juste vous rappeler que,
de 1976 à 1985, le gouvernement du Québec était le
gouvernement du Parti québécois et que nous entendons nous
attaquer à ce problème qui place dans une situation intenable les
gens qui ont à vivre avec 178 $. Je retiens ce que vous m'avez dit au
début, M. Leblanc, que votre mémoire a fait l'objet de
discussions de groupes entre les usagers de la maison et qu'il est le fruit et
le produit des sentiments exprimés par les gens qui sont des usagers de
la maison. C'est dans ce sens qu'il nous a été
présenté et verbalement et par écrit, et pour votre
contribution aux travaux de la commission, au nom du gouvernement du
Québec, je vous dis merci.
Le Président (M. Bélanger): Nous remercions le
groupe la Maison sous les arbres et nous appelons à la table des
témoins l'Association des centres de services sociaux du Québec
qui sera représentée par M. Maurice Sammut, Mme Lise Denis, M.
Marc Sénéchal et M. Claude Lancop.
Vous connaissez nos règles de procédure. On est
obligé de marcher d'une façon un petit peu
accélérée, puisque le temps nous est malheureusement
manquant, pour ne pas dire déficient. Alors, je vous invite sans plus
tarder à présenter votre équipe, d'une part, et votre
mémoire.
Association des centres de services sociaux du
Québec
M. Sammut (Maurice): Alors, je vous présente Mme Lise
Denis, qui est notre directrice générale à l'Association
des centres de services sociaux du Québec, ainsi que M. Claude Lancop,
qui est un des permanents à l'association, et M. Marc
Sénéchal, qui est directeur général du CSS de
l'Outaouais et membre du conseil d'administration de l'assosiation.
Moi-même, Maurice Sammut, je suis président du conseil
d'administration du Centre de services sociaux de l'Estrie et également
président de l'Association des centres de services sociaux du
Québec. Alors, 79 mémoires plus loin, quatre semaines plus tard,
l'originalité... On va tenter de vous décrire notre position avec
notre vue d'angle.
M. le Président, M. le ministre, MM. et Mmes les commissaires, je
tiens, au nom de l'Association des centres de services sociaux du
Québec, à vous remercier de nous recevoir, nous permettant ainsi
de vous faire part de nos commentaires, critiques et recommandations concernant
le projet de réforme de l'aide sociale. Cette intervention se veut une
appréciation de cette réforme, faite sous l'angle de la vision
des centres de services sociaux ainsi qu'au nom de nos
bénéficiaires qui se retrouvent, dans une forte proportion, parmi
les plus démunis de notre société. Il n'est certes pas
facile de redéfinir un programme qui, à la fois, garantira
à chacun un minimum vital de revenus, qui maintiendra des incitations au
travail, qui sera équitable envers les travailleurs et travailleuses
à bas revenus, qui favorisera l'autonomie des personnes et qui tiendra
compte de la multiplicité des situations familiales et individuelles.
Cela, nous en convenons.
Considérant que nous ne sommes point des spécialistes en
revenu, nous n'avons pas la prétention de vous dire ce qui devrait
être fait. Notre apport se veut un constat ou l'idée d'une
amélioration. Nous souscrivons avec vous à l'objectif de
favoriser par différents moyens le plus de personnes possible pour
qu'elles puissent être disponibles à l'emploi. Mais
qu'adviendrait-il si, tout à coup, cette même médecine
fonctionnait? Y aura-il des emplois pour ces 257 000 ménages?
Qu'adviendra-il des nouvelles personnes motivées sans possibilité
d'emploi? Une nouvelle déception? Toutes ces questions ont ou auront une
incidence très importante sur le vécu de nos
bénéficiaires actuels et futurs. Pour certains, la santé
se détériorera, pour d'autres, c'est le bien-être
psychosocial qui ne va plus et c'est probablement la famille qui absorbera le
contrecoup encore une fois. Est-ce là l'aboutissement voulu de la
pression positive créée au départ sur la personne?
Je vais maintenant laisser le soin à Mme Denis de vous situer nos
recommandations.
Mme Denis (Lise): Bonjour. Moi, au lieu de lire le
mémoire, je vais essayer de vous résumer de la façon la
plus succincte possible les éléments essentiels de ce que
l'association a communiqué par écrit. Dans le fond, il y a trois
préoccupations qui sont les nôtres et que nous voulons vous
traduire: un certain nombre de commentaires sur le programme APTE, un
certain
nombre de commentaires sur des clientèles plus spécifiques
et, finalement, un problème qui n'est pas couvert pas le projet de
réforme, mais qui, pour nous, est majeur, soit les prestations pour les
parents dont les enfants sont placés. Je pense que là-dessus on a
quelque chose dont on souhaiterait pouvoir jaser avec les membres de la
commission.
En ce qui concerne le programme APTE d'abord, voici les commentaires
qu'on souhaite faire. On évalue le niveau de prestations, qui est
identifié dans la proposition qui est là, comme très bas.
Il nous semble que cela risque de mettre en péril la santé et
l'équilibre des personnes qui en bénéficieront. Il
s'agira, à notre point de vue, d'une baisse pour plusieurs personnes. Il
nous semble que tout projet de réforme devrait s'assurer dès le
point de départ qu'aucun bénéficiaire ne recevra à
l'avenir un revenu plus bas que ce qu'il a déjà. Il nous semble
aussi qu'un niveau de prestation aussi bas est de nature à favoriser
l'émergence de plus de problèmes sociaux. (17 h 30)
Autre commentaire sur le programme APTE. On tient aussi pour acquis que,
finalement, chaque personne ou famille peut, pour compléter sa
prestation, aller se chercher un revenu d'emploi. On pense qu'il y a là
une forme d'illusion, parce qu'il n'y a pas nécessairement la
disponibilité d'emploi ou de travail, même à temps partiel,
pour répondre à l'ensemble de ces besoins-là. On pose
même la question: À combien de personnes sera-ton en mesure
d'offrir des mesures d'employabilité ou des mesures d'emploi?
Réellement, à quel niveau pourra-t-on situer ce genre de mesures?
Combien de clientèles pourra-t-on toucher?
Une chose aussi nous apparaît importante à souligner, tant
dans la distinction qu'on fait entre apte et inapte qu'à
l'intérieur même du programme APTE dans l'identification des
non-disponibles, il nous semble qu'il doit y avoir dans cette évaluation
qui nous semble très difficile l'apport d'autres dimensions
qu'uniquement une dimension médicale. On pense que les intervenants
sociaux devraient être mis à contribution, lorsqu'il s'agit
d'évaluer si une personne est incapable, de façon temporaire, par
exemple, d'assumer un emploi. Donc, il devrait y avoir évaluation par
des intervenants psychosociaux au lieu de couvrir uniquement la dimension
médicale. On pense aussi, en ce qui concerne le programme APTE, que la
période d'attente de neuf mois ne devrait pas s'appliquer à
l'ensemble. On pense qu'il y a des gens qui, soit parce qu'ils ont
été à la recherche d'un emploi pendant longtemps, soit
parce que ce sont des jeunes, devraient pouvoir sauter cette période.
Elle nous apparaît inutile dans ces cas-là.
Finalement, on a trouvé très généreux en ce
qui concerne le programme APTE, l'idée qu'il devrait y avoir un apport
plus grand des services sociaux dans l'accompagnement des
bénéficiaires.
On pense que, s'il y a un accroissement de la demande en services
sociaux, il devrait y avoir un accroissement des ressources en
conséquence. On pourra y revenir tantôt avec les questions. On
pensait notamment à toute la clientèle des 18 à 30 ans
pour laquelle les services sociaux... Par exemple, nous, aux CSS, nous ne nous
occupons plus de la clientèle des enfants à partir de 18 ans. Il
y a une espèce de vacuum des services disponibles pour les personnes
entre 18 et 30 ans. Ce sont les commentaires au sujet du programme APTE.
Rapidement, en ce qui regarde les clientèles. En ce qui regarde
les femmes, on pense que les femmes qui ont un enfant, et cela jusqu'à
l'âge de cinq ans, ne devraient pas voir leurs prestations
diminuées si elles ne sont pas inscrites dans les mesures
rémunérées. En ce qui regarde les personnes de plus de 55
ans, on pense que ces personnes devraient être admissibles au programme
de soutien. On devrait les rendre admissibles au programme de soutien. En ce
qui concerne les jeunes, on pense qu'il y a là, je dirais, une fausse
parité. C'est un peu le titre qu'on a donné dans notre
mémoire. Il ne nous semble pas que le problème de discrimination
soit vraiment réglé. On a plutôt l'impression qu'on a
minimisé ou qu'on a diminué l'accès des jeunes aux
programmes d'aide sociale. De fait, il y aura peu de jeunes de moins de 21 ans
qui auront accès au programme, sauf s'ils sont membres d'une famille
dont le revenu est très bas. Entre 21 et 25 ans, si on a bien compris -
je vais vous donner un peu notre compréhension et ce qu'on a
indiqué dans le mémoire - on trouve qu'il y aura là une
multitude de situations générant souvent des injustices. Par
exemple, celui qui aura fait une demande d'aide sociale à 18 ans sera
admissible à une pleine prestation à 21 ans. Celui qui fera sa
demande à 20 ans, parce qu'il complétait ses études, sera
admissible à 23 ans. Où est la logique? Autre exemple: celui qui
aura travaillé un an et demi et reçu de l'assurance-chômage
pendant un an sera admissible à une pleine prestation s'il ne vivait pas
chez ses parents pendant cette période. Dans le cas contraire, sa
prestation dépendra du niveau de revenu de ses parents. Il nous semble y
avoir là une série de situations qui ne sont pas
nécessairement cohérentes ou équitables pour ces
bénéficiaires. Au-delà de ces aspects, pour les jeunes, il
nous semble que - on est en mesure de témoigner d'un ensemble de
situations - si, à 18 ans, le jeune n'est plus chez lui, ne souhaite pas
y retourner, a peut-être fugué et si les parents ne peuvent pas ou
ne souhaitent pas non plus subvenir à ses besoins, ce sont des
situations qu'il faut accepter de regarder et qui nous faisaient nous
interroger sur la parité telle qu'elle est décrite. On se disait
- et c'est une suggestion qui est dans le mémoire - qu'il y a
peut-être un âge pivot et que 21 ans est un âge qui
s'harmonise mieux avec d'autres types de mesures, les prêts et bourses ou
au plan fiscal.
Si on devait passer une règle pour l'âge, 21 ans nous
semble être plus approprié.
Maintenant, les clientèles plus spécifiques. L'aspect sur
lequel il nous apparaît important de vous parier, ce sont vraiment les
bénéficiaires d'aide sociale qui sont des parents dont les
enfants sont placés. De la façon que cela fonctionne à
l'heure actuelle, après trois mois, lorsque l'enfant est placé,
les parents voient leurs prestations d'aide sociale diminuées en
conséquence. Or, cela ne tient pas .compte... Ce n'est pas une critique
de la réforme, on n'en parle pas dans la réforme, mais cela nous
semble un sujet qu'il faut regarder. Cela ne tient pas compte de la perspective
de réinsertion. Depuis plusieurs années, les efforts qui sont
faits avec les enfants sont tels qu'ils ont comme objectif d'essayer quand
c'est possible de ramener l'enfant dans la famille. Pour que les parents
puissent éventuellement reprendre leur enfant, il faut qu'ils soient
capables, par exemple, la fin de semaine, de recevoir leur enfant, il faut
qu'ils en soient capables à la période des fêtes. Il ne
faut pas qu'ils soient dans l'obligation de déménager et d'aller
se chercher un logement plus petit. Ils ont aussi un certain nombre de frais
fixes auxquels ils doivent continuer de faire face. Alors, on se dit qu'il y a
là une incohérence entre l'objectif ou la politique, telle qu'on
la connaît maintenant, et les objectifs sociaux poursuivis pour les
enfants placés. Il nous semble que cela devrait être revu et qu'il
devrait y avoir un effort de fait pour ces personnes-la dans la réforme
de l'aide sociale.
Il ne faut jamais oublier que dans ce dossier les parents qui sont
bénéficiaires d'aide sociale non seulement voient leurs
prestations diminuées, mais aussi leurs allocations familiales
enlevées, puisqu'elles sont remises comme contribution parentale. Alors,
il y a comme une double pénalité et ces parents ont de la
difficulté à réaliser un projet de réinsertion.
C'est ^■sut-être l'aspect qui est le plus particulier chez nous,
mais qui nous semble essentiel à ce moment-ci. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez touché à
plusieurs points. Je tiens à vous remercier de votre rapport. En
réplique à la conversation que j'ai eue dernièrement avec
M. Sammut, pour débuter, une politique de plein emploi, oui, cela se
situe dans un contexte global de stabilité politique, de croissance
économique, d'investissements, d'ouverture sur le plan du droit à
l'emploi, etc. Les statistiques sur la création d'emplois des deux
dernières années continuent à être positives, bien
que, avant que Mme la députée de Maisonneuve le mentionne, il y a
toujours possibilité de crise et de perte d'emploi. Mais, si on jauge ou
si on analyse la démographie québécoise des entrées
sur le marché du travail en fonction de la création d'emplois
dans le contexte économique que nous connaissons présentement,
c'est une orientation vers laquelle le Québec se dirige, le plein
emploi.
Maintenant, est-ce qu'on attend le plein emploi avant d'investir dans
i'employabilité des gens dits aptes au travail, mais qui
éprouvent des carences incroyables sur le plan de
l'alphabétisation, sur le plan de la scolarisation et sur le plan de
l'expérience de travail? Je pense qu'il faut, en même temps que
l'on mise sur le plein emploi, viser également à
I'employabilité de ces gens que l'on dit aptes au travail, mais qui ne
sont pas dans la possibilité de se procurer un emploi demain matin
à cause de ces carences. Si on ne vise pas les deux
éléments en même temps, on manque le bateau, parce qu'on
viserait le plein emploi et ces gens-là seraient laissés en marge
de la société à cause de ces carences. C'est un peu ce qui
se produit en Ontario présentement. Vous avez un taux de chômage
aux alentours de 5 %. C'est quasiment du plein emploi parce que le
chômage est "frictionne!", mais vous avez une augmentation du nombre de
bénéficiaires de l'aide sociale au même moment, parce que
ces gens-là sont en marge de cette croissance et ne partagent pas cette
croissance et cette richesse.
Mme Denis nous parle, et je vais tenter d'y aller rapidement, des
barèmes. Je vous réfère à la page 29.
Habituellement, j'ai un tableau en arrière quand on est au salon rouge,
mais je ne l'ai pas dans cette pièce-ci. Mme la députée de
Maisonneuve en a deux. À la page 29... Habituellement, j'ai deux
tableaux.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous réfère
à la page 29 de la politique de sécurité du revenu. Comme
ministre, si je veux préserver l'incitation au travail dans une
politique de sécurité du revenu, j'ai un élément
sur lequel nous travaillons depuis deux ans comme gouvernement, qui s'appelle
le salaire minimum. Du rattrapage a été effectué, mais il
y a encore du rattrapage à effectuer. J'ai là un problème.
Si vous pouvez, à l'intérieur de ce salaire minimum, m'aider
à réaménager ces barèmes, je suis réceptif.
Mais, si je les rends plus lucratifs que le salaire minimum, le nombre de mes
assistés sociaux risque de monter etc.
Les revenus d'emplois. C'est vrai que tout le monde ne les obtiendra
pas, mais on considère que c'est une amélioration par rapport
à la situation actuelle. Pour l'individu, présentement,
après un gain de 25 $, c'est de la taxation à 100 %. Sans
régler complètement le problème, nous considérons
qu'en haussant les plafonds, il s'agit d'une amélioration.
Sur le plan des mesures, nous comptons en offrir à tous ceux qui
en veulent. Maintenant, sur le plan de la responsabilité, est-ce que la
responsabilité ou le fardeau sera sur les épaules
de l'assisté social ou sur les épaules de la machine
gouvernementale? C'est une question qui demeure à déterminer et
qui est importante, autant sur le plan financier que sur les autres plans.
Sur l'aspect médical uniquement, vous avez raison, plusieurs
organismes nous ont fait des représentations demandant de
considérer l'ensemble des facettes de l'individu et pas seulement
l'aspect médical. Sur la période de neuf mois et prévoir
des clientèles précises, vous avez également raison, c'est
une suggestion que nous retenons. Sur le vacuum des services sociaux pour les
18 à 30 ans. Vous avez également là raison. Si on applique
les programmes, on se rend compte qu'à partir de 18 ans on manque de
ressources.
La clientèle des femmes. Vous nous dites: les enfants
jusqu'à cinq ans. L'expression utilisée ou consacrée en
commission depuis le début peut-être: âge
préscolaire. Je ne sais pas si elle vous va, mais ce sont les
représentations que l'on reçoit.
Les 55 ans et plus. Vous êtes l'un des premiers groupes qui en
traitez, bien qu'on soit au 80e. Vous nous demandez les barèmes du
Soutien financier. S'il y a eu d'autres demandes, elles allaient dans le sens
qu'il n'y ait pas de diminution par rapport au système actuel.
Maintenant, les envoyer au Soutien financier pose tout le problème des
mesures d'employabilité du programme APTE adapté. Sur le plan de
la complication, ce ne sera pas simple.
Les jeunes, fausse parité. On va - s'y attarder quelques minutes.
Ce matin, on a communiqué les chiffres sur les clientèles
à Mme la députée de Maisonneuve. Les derniers chiffres
qu'on a rendus publics sont ceux de décembre 1987: 35 286 jeunes. De ce
nombre, 17 046 seraient considérés comme complètement
indépendants; 12 606 seraient exclus; 2583 verraient leurs prestations
réduites une fois la parité accordée, mais non pas en
fonction de ce qu'ils ont présentement, et 3051 ne seraient pas
réduits. Je suis d'accord avec vous, on serait beaucoup mieux avec une
parité sans contribution alimentaire parentale. Je pense que, sur le
fond, il n'y a aucun problème pour celui qui vous parle, sauf que cette
contribution alimentaire parentale, vous l'avez souligné, on la retrouve
aux prêts et bourses aux étudiants. Lorsqu'un individu a le choix
entre un prêt autour de 1700 $, 1800 $ - un prêt - et l'aide
sociale qui, une fois la parité accordée, sera autour de 4000 $
par année, non pas un prêt, mais de l'argent non remboursable,
nous sommes d'avis pour le moment, au ministère de la Main-d'Oeuvre et
de la Sécurité du revenu, que le phénomène
d'attraction, qui ferait que les jeunes, spécialement s'ils viennent de
milieux défavorisés sur le plan financier, seraient
incités à quitter les études pour se retrouver à
l'aide sociale, serait important. La situation idéale serait sans doute
celle où on ne retrouverait ni aux prêts et bourses aux
étudiants, ni à l'aide sociale le fameux phénomène
de la contribution alimentaire parentale Si cela devait arriver aux prêts
et bourses aux étudiants, le ministère serait disposé
à enlever cette notion de contribution alimentaire parentale. (17 h
45)
L'âge pivot. Vous nous avez fait une suggestion, une proposition.
Nous avons retrouvé cet âge pivot dans le livre blanc sur la
fiscalité rendu public en 1984. Nous l'avons retrouvé dans des
déclarations de M. Parizeau également, dernièrement. C'est
peut-être une proposition intéressante mais cela aurait pour effet
d'exclure quelque 30 000 jeunes de l'aide sociale. Donc, c'est un
pensez-y-bien.
L'enfant placé. Vous avez complètement raison, cela ne
dépend pas strictement de la politique de sécurité du
revenu. Je vous dirais qu'au ministère nous sommes passablement
avancés et que le dossier est présentement devant les
dernières instances décisionnelles pour régler ce
problème.
J'ai un autre point que j'aimerais vous soumettre. Des gens sont venus
devant cette commission et nous ont dit: C'est plus intéressant pour un
parent qui est à l'aide sociale de placer son enfant que de le garder
à la maison. Vos politiques de placement, si on les compare aux
barèmes d'aide sociale avec présence d'un enfant à la
maison, sont complètement démesurés. Vous risquez
là un incitatif de brisure familiale. Comment réagissez-vous?
Mme Denis: Vous dites qu'il serait plus intéressant pour
un bénéficiaire que son enfant soit placé plutôt que
de l'avoir avec lui. C'est ce qui a été expliqué J'essaie
de voir comment.
Mme Harel: C'est beaucoup plus avantageux économiquement,
financièrement, de garder les enfants des autres que les siens
propres.
Mme Denis: Ah! c'est autre chose.
Le Président (M. Bélanger): Le problème des
familles d'accueil, c'est autre chose.
Mme Denis: Si on se place du point de vue du parent dont l'enfant
est placé, c'est une chose. Si on se place du point de vue d'une
ressource qui accueille un enfant, à des fins de placement, cette
ressource est financée en effet. Ces revenus sont
considérés comme des compensations et non pas des revenus...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Des gains de travail.
Mme Denis: ...aux fins de l'impôt. Ces ressources sont
compensées, soit les familles d'accueil et éventuellement,
d'autres types de ressources intermédiaires mais, ici, on parle de
ressources de type familial. Ce sont les familles
d'accueil. Elles ont donc un barème par jour, dans le cas des
enfants, plus des primes au moment où il y a des services
spéciaux à offrir à des enfants. Quand on parle d'enfants
handicapés, on parle d'enfants qui ont des problèmes. Sans avoir
de besoins spéciaux, ils ont une prime moyenne de 12 $ ou 14 $ par jour
à peu près. En effet, la famille d'accueil a ce genre de revenu.
Quand on dit un revenu, il faut bien voir que c'est une compensation pour les
services. La famille héberge l'enfant, elle est disponible 24 heures par
jour, elle le nourrit, elle l'habille. Dans le fond, elle le fait vivre. Elle
le fait sortir, sauf dans le cadre d'un projet de réinsertion où
l'enfant retourne chez ses parents, par exemple, une fois une fin de semaine
sur deux. C'est la famille d'accueil qui assume l'ensemble des besoins de
l'enfant. C'est pour cela que c'est considéré comme une
compensation et non pas comme un revenu.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Des représentations qui
m'ont été faites sans m'empêcher de dormir - cela
m'inquiète - selon lesquelles les familles bénéficiaires
de l'aide sociale auraient, sur le plan financier, avantage à abandonner
leur enfant dans le système ou au système, que le système
replace leur enfant dans une autre famille et, pour cette famille, de garder
l'enfant d'une autre famille.
M. Lancop (Claude): Dans ce sens-là, bien sûr.
Mme Denis: Dans ce sens, je pourrais comprendre...
M. Lancop: Bien sûr. Ils auraient avantage, parce que
même si, en plaçant leur enfant, ils ont une diminution de l'aide
sociale, ils ont, par ailleurs, une compensation qui reste quand même...
La moyenne se situe autour de 9 $ ou 10 $, multiplié par 30 jours, 300 $
par mois, ce n'est rien d'extraordinaire. Mais, étant donné que
c'est un revenu net d'une certaine façon plus ce qu'il resterait de
l'aide sociale, c'est sûr que cela serait plus avantageux
financièrement que de garder leur enfant, parce qu'il y aurait deux
sortes de prestations, non imposables, qui viendraient... Mais je ne sais pas
dans quel contexte un tel commentaire peut être mis de l'avant.
Mme Denis: II y a quelque chose qui est techniquement difficile
dans une telle situation, puisque famille d'accueil doit être
accréditée par le centre de services sociaux. Je vois mal comment
une ressource famille d'accueil dont l'enfant serait placé, parce qu'il
est en protection, parce qu'il est en problème grave, serait
accréditée pour recevoir celui du voisin. Je ne dis pas que c'est
impossible. Il est possible que cela puisse se produire, mais cela me
semblerait très à la marge.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On tente de mesurer l'ampleur du
phénomène, s'il existe, et de vérifier comment on peut
mettre en place, si cela n'existe pas déjà, si le
phénomène est important, des barrières de façon
à ne pas favoriser l'émergence d'un tel système dans notre
société. C'est là le sens des questions que je vous
pose.
Mme Denis: L'accréditation en est une.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): L'accréditation est...
Mme Denis: ...pourrait être une barrière.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
député de Maisonneuve.
Une voix: Peut-être un complément, excusez.
M. Sénéchal (Marc): C'est un peu sur le même
dossier dont parlait Mme Denis. Il pourrait arriver quelques cas où il y
ait une permutation d'enfants, mais c'est complètement contraire
à toute notion ou décence professionnelle. Si une famille ne peut
pas garder ses propres enfants, elle ne peut sûrement pas en garder
d'autres.
Mme Harel: Je vais vous donner le cas que j'ai donné au
ministre d'un veuf à l'aide sociale qui avait avec lui ses quatre
enfants et qui n'arrivait manifestement pas. Vous savez sûrement que la
prestation s'arrête après le deuxième. Elle ne couvre pas
le troisième ni le quatrième. Au BSS de l'Est, ils lui ont
recommandé de mettre ses deux enfants en foyer d'accueil, ce qui a
été fait. Comme il avait encore des difficultés, compte
tenu de ce que vous savez sans doute et de ce qui a été
illustré ici devant la commission, du coût astronomique des loyers
dans la ville de Montréal, il lui a ensuite été
proposé de prendre deux enfants en foyer d'accueil. Il a
été reconnu comme foyer d'accueil. Je ne dis pas cela pour vous
blâmer. Je ne dis pas cela pour blâmer les services sociaux. Je dis
cela parce que l'État n'accorde assistance aux femmes, aux jeunes et aux
familles - mais parlons des femmes et des jeunes - que lorsqu'il y a
échec prouvé, dans le cas d'une séparation, d'un divorce.
Dorénavant, l'État va accorder assistance aux jeunes lorsqu'il y
aura échec prouvé de sa relation familiale, lorsqu'il pourra
prouver que sa famille ne l'entretient pas, ne le soutient pas, ne le supporte
pas, qu'il a été mis à la porte. Faudra-t-il, un rapport
de police? Il faut prouver l'échec. L'ensemble de notre système
repose essentiellement sur l'échec. S'il y a entraide, à ce
moment, l'État se dégage, mais, s'il y a abdication des
responsabilités, là, l'État intervient. C'est cela, je
crois, qui est un des effets pervers de ce système qui va être
aggravé...
Je ne sais pas, est-ce que c'est à mon tour, M. le
Président?
Le Président (M. Bélanger): Oui. Des voix:
Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): Cela allait bien.
C'était sur votre temps.
Mme Harel: Enfin... Vous avez posé une question au
ministre. Je crois que c'est une question importante. À combien de
personnes le ministère sera-t-il en mesure d'offrir les mesures
d'employabilité? Je crois que c'est une question qui doit être
parmi celles qui, j'imagine, l'angoissent un peu, compte tenu des
témoignages de personnes de moins de 30 ans qui sont venues expliquer
combien il leur a fallu multiplier les démarches personnelles pour
pouvoir participer à des mesures, en prenant l'initiative d'aller se
faire entériner des relations déjà entreprises avec des
travaux communautaires ou des stages en entreprise. Je pense que cela est une
question de fond.
Tantôt, vous pariiez - et j'aimerais revenir sur cette question -
de l'employabilité. Je ne veux pas être polémiste, mais je
pense qu'un des problèmes révélés par les
échanges en commission, c'est que, justement, il n'y a pas dans ce
document un investissement dans l'employabilité. Ce matin, la CEQ vous a
précédés et a manifestement témoigné du fait
qu'il n'y a aucune conversation même entreprise avec le ministère,
que ce soit l'Éducation ou la Main-d'Oeuvre, pour mettre en place un
plan de campagne de scolarisation ou d'alphabétisation. Que, bien au
contraire, on assiste dans le milieu de l'éducation, à des
coupures dans les réseaux, notamment d'OVEP, qui offraient...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...une augmentation pour
l'alphabétisation dans les OVEP.
Mme Harel: ...augmentation pour l'alphabétisation.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ... dans les OVEP.
Mme Harel: II y a, par ailleurs, des coupures - je pense que
c'est de 20 000 000 $ - au chapitre de l'éducation des adultes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, c'est un titre de
journal qui n'a pas été repris.
Mme Harel: De toute façon, manifestement, c'est "business
as usual". Si tant est qu'il y a vraiment une volonté politique
d'investir dans l'employabilité, donc de hausser le niveau de
scolarité, etc., pour tout de suite, on ne le voit pas. Je ne sais pas
si, demain, dans les crédits, on pourra le vérifier, mais, pour
tout de suite, on voit très bien que cette volonté reste dans le
domaine des discours. On n'a pas encore vraiment vu les résultats.
Vous parliez de la question de l'âge préscolaire. Cet
échange depuis cinq semaines m'amène à penser, comme de
nombreux groupes, qu'il faut sans doute, d'abord... J'aimerais vous entendre
là-dessus. Pensez-vous qu'une classification doit donner lieu à
des prestations différentes? Beaucoup de groupes sont venus nous dire
oui à la catégorie, de manière à cibler des groupes
prioritaires, par exemple, les chefs de famille monoparentale, pour leur offrir
un appui plus adéquat, mais non, et cela a été un non
retentissant de la majorité des groupes, à ce que cette
classification donne lieu à des prestations différentes. Vous
disiez dans votre mémoire: C'est un programme de dernier recours qui
arrive en fin de piste, souvent, dans un processus pénible
d'appauvrissement. Là, toute la question est: Quand vous intervenez sur
la question de l'âge, cinq ans, par exemple, pour décréter
qu'à cet âge-là une femme chef de famille monoparentale
doit participer aux mesures, sinon, la pénalité ou la sanction
est une baisse de prestation - cela, je pense que c'est une question
importante, n'est-ce pas? - est-ce que, dans tous les cas, on peut
décréter cela comme cela? Par exemple, s'il y a un deuil, une
séparation ou un divorce qui vient de se produire, au moment où
les enfants ont quatre ou cinq ans et même six ans, au moment où,
par exemple, il y a hébergement en maison d'hébergement pour
femmes violentées ou n'importe, est-ce qu'on peut
décréter, parce que l'enfant a cinq ans, qu'il faut qu'il y ait
participation à la mesure? J'aimerais vous entendre
là-dessus.
Cela m'a étonné aussi que vous ayez, d'une certaine
façon, aussi rapidement réglé la question des jeunes de
plus de 18 ans, des adultes, en fait, de plus de 18 ans à la recherche
d'autonomie. Est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux envisager un système
où l'État se met sur les épaules la responsabilité
de les faire participer à des mesures, mais en leur offrant un niveau de
subsistance? J'ai vu dernièrement des sondages, et c'est très
majoritaire dans l'opinion publique québécoise qu'il y ait un
traitement de pleine subsistance pour les personnes qui ont 18 ans et plus.
C'est considéré comme l'âge de la majorité où
l'ensemble des personnes doivent être traitées sur un pied
d'égalité.
Est-ce que vous concevez que la question des prêts et bourses,
quand on sait que 85 % de la contribution parentale dans le programme des
prêts et bourses n'est pas versée... Est-ce que ce n'est pas tout
à fait fictif et théorique que d'invoquer cette contribution
parentale aux prêts et bourses pour la justifier à l'aide
sociale?
Mme Denis: Je vais reprendre quelques dimensions. Il y a
peut-être d'autres collègues qui souhaiteraient compléter.
C'est sûr que, nous,
dans le mémoire, on a surtout regardé la question des
barèmes trop bas. Je vais relier cela à un commentaire du
ministre Paradis tantôt, quand il disait: II ne faut pas ramener les
barèmes à un niveau où on va se trouver à aller
rejoindre le seuil du salaire minimum.
Une voix: En haut.
Mme Denis: En haut. Moi, ce que j'ai compris en lisant la
politique, c'est qu'on parlait très peu de familles qui étaient
au salaire minimum. Si je regarde le programme APPORT...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): 125 000 à 140 000 familles
au salaire minimum.
Mme Denis: Tant que cela?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, oui.
Mme Denis: Quand je regardais le programme APPORT, mais là
peut-être que j'avais besoin d'éclaircissements, quand je
regardais dans le programme APPORT les familles qui pouvaient être
admissibles au programme...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): 44 000.
Mme Denis: 44 000. Cela me faisait dire, finalement, qu'au
salaire minimum comme tel, il n'y a peut-être pas autant de gens qu'on
peut le penser à prime abord.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que je peux?
Mme Harel: Oui, oui, c'est intéressant.
Mme Denis: Oui, cela va aider à comprendre parce que je
pense que...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Lorsque l'on hausse le salaire
minimum, on grossit, finalement, la banque de personnes qui dépendent du
salaire minimum. Quand nous sommes arrivés au gouvernement, nous avons
procédé à deux augmentations du salaire minimum et,
à l'époque, c'était entre 100 000 et 125 000, la
première fois, et maintenant on m'indique que c'est plutôt 140 000
à 150 000 personnes qui, comme moyen de subsistance, comme gain de
travail, ont le salaire minimum.
Maintenant, pour essayer de faire la comparaison avec le programme
APPORT où nous disons qu'il y a 44 000 ménages avec enfants qui
seraient admissibles, dont 24 000 chefs de famille monoparentale, on pourrait
présumer, à partir de ces chiffres-là, que les autres sont
des couples sans enfant ou des personnes seules dans la société.
(18 heures)
Mme Denis: D'accord, tout à fait, mais la question, pour
nous autres, elle se posait, c'est:
Est-ce qu'il y a vraiment, est-ce que c'est aussi important, en termes
de volume, de ne pas dépasser, oui, mais de se rapprocher du salaire
minimum? Est-ce que cela a un tel impact? C'est un peu cela la question. Pour
les familles, ce qu'on constatait, c'est qu'avec le programme APPORT, de toute
façon, il y a une différence. Elle s'établit
automatiquement, pour les familles à tout le moins, avec ce
programme-là. Et c'est à partir de là que l'on se posait
la question, sur le barème de base. Le sentiment qu'on avait,
au-delà de l'aspect économique, c'est aussi que le barème
de base, comme principe, devait non seulement être en bas, mais qu'il
devait y avoir un écart significatif, ou le plus significatif
possible.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Idéalement.
Mme Denis: En conséquence, on se demandait si
d'était vraiment si important. Les 44 000 familles, qui, elles, ont
l'équivalent du salaire minimal, vont de toute façon
bénéficier du programme APPORT et, donc, l'écart n'est
plus le même, il est plus grand.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Là où il y a
présence d'enfants.
Mme Denis: Là où il y a présence d'enfants,
l'écart est plus grand. C'est un peu autour de ces paramètres
qu'on raisonnait sur la question des barèmes, plus sur le contenu de ces
barèmes que sur, je dirais, l'équité dans le fait d'en
avoir pour une catégorie et d'en avoir de moins élevés
pour d'autres. Globalement, les barèmes de base nous semblent
très bas pour subvenir à des besoins essentiels.
Mme Harel: C'est une question d'équité horizontale
et i! y a toute la question que vous abordez de la stratégie pour
"supplémenter" le salaire minimum.
Mme Denis: Oui.
Mme Harel: C'est-à-dire toute la stratégie de
bonification du salaire minimum par des programmes qui peuvent le bonifier.
Mme Denis: Cela, effectivement, nous semblait un aspect moins
réaliste. C'est un peu pour cela qu'on posait la question: Combien de
personnes, parmi les gens qui vont se retrouver dans le programme APTE,
pourront de fait bénéficier de mesures et pourront, de fait
aussi, être capables de trouver un emploi? S'il n'y a pas ces
possibilités, je pense qu'on est dans une situation où notre
cycle de la pauvreté, on va l'entretenir.
Quant à la question des 18 ans et plus que je voulais reprendre
rapidement, il est certain, quand on suggère 21 ans, que c'est plus un
souci de concordance qu'un objectif fondamental.
Je pense que, fondamentalement, tout le monde va être d'accord
pour dire que, idéalement, on devrait être dans la situation
où un individu de 18 ans est autonome. Il est tellement autonome qu'H
n'est plus couvert par la Loi sur la protection de la jeunesse, entre autres,
il quitte la famille d'accueil où il est et, bien souvent, ce sont
ceux-là qui se retrouvent après cela, au bien-être
social.
Idéalement, on dit oui, mais on dit que, si on est dans une
situation où il faut, effectivement, qu'il y ait une orientation
différente, on pense que 21 ans est peut-être moins dramatique et
je dis que c'est plus un souci de concordance dans ce sens que vraiment un
objectif d'équité.
Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme la
députée, si vous voulez remercier nos invités.
Mme Harel: Oui. Je ne sais pas, M. Sammut, vous aviez
peut-être quelque chose?
M. Sammut: Quand on prenait l'incitatif du départ,
à savoir cette idée d'incitatif que les gens arrivent finalement
à mener des programmes d'employabilité et à se retrouver
un emploi, cet incitatif qui peut devenir, à un moment donné, une
pression, je pense que la prudence qu'on voulait appporter, c'est que cette
même pression-là, effectivement sur les épaules de
quelqu'un qui n'avait pas nécessairement le goût de se trouver un
emploi, n'avait pas nécessairement le goût d'embarquer dans ce
concept de société, pour lui, cela peut être une pression
jugée possiblement intéressante. Pour celui qui est en
démarche de se chercher un emploi, pour celui qui a fait les mêmes
démarches pour essayer de le trouver, qui veut le trouver, cette
pression supplémentaire, dite "incitative", devient très
pénible et c'est là que, possiblement, avec la
compréhension qu'il en a... Ce n'est pas dire: Effectivement, c'est une
aide incitative pour m'aider à trouver un emploi. Je ne crois pas que
cela soit comme cela et c'est là que cela devient une pression qui va se
véhiculer dans la famille et qui fait émerger la pression
ailleurs. Alors, c'était l'idée de départ et on y souscrit
pleinement. Mais, s'il n'y a pas un emploi à l'autre bout pour celui qui
enfin est motivé à se trouver de l'emploi, toute cette pression
va sortir quelque part.
Le Président (M. Bélanger): Si vous voulez
remercier nos invités, Madame.
Mme Harel: J'imagine que vous avez pris connaissance - j'aurais
beaucoup aimé vous en parler - du rapport annuel 1986-1987 de la
Commission des affaires sociales. En fait, c'est son rapport sur les
décisions qui sont prises et qui concernent justement le retour au foyer
d'enfants placés en famille d'accueil ou en centre d'accueil et les
recommandations qui en sont faites, j'imagine que le ministre en a
également pris connaissance. La Commission des affaires sociales, qui a
à juger des cas en appel, recommande très fortement qu'il y ait
des ressources pour assumer les frais de subsistance au moment où il y a
visite, même si cela est temporaire. Alors, cela renforce finalement ce
que vous recommandez à la commission.
Je vais peut-être seulement terminer, M. le Président, en
vous disant que la Commission des services juridiques est venue devant notre
commission parlementaire présenter un mémoire qui, entre autres,
nous soumettait un tableau des situations où les ménages
perdaient avec la réforme, même en participant pleinement aux
mesures. Je vais vous laisser sur cela. Elle a fait un petit calcul qui
présumait que, si les gains de travail fictifs additionnés au
barème à la baisse pour combler les besoins reconnus, mais non
couverts, si tant est que ces gains étaient véritablement
réalisés par les 286 622 prestataires aptes au travail, ce serait
56 331 emplois qu'il faudrait simplement pour leur permettre de maintenir leur
niveau de prestations comme il l'est présentement. Cela ne comprend pas
les emplois à créer pour leur permettre d'améliorer leur
situation. Alors, vous vous rendez compte, c'est cela finalement, si vous le
voulez, le plafond au-dessus duquel... Il est pas mal bas, le plafond sur
lequel ils vont finir par se cogner la tête. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, en vous remerciant. Je tiens
à vous dire que je partage l'opinion de Mme la députée de
Maisonneuve en ce sens que le plafond est pas mal bas. Nous avons
hérité après un gel du salaire minimum, je pense, pendant
cinq longues années, d'un plafond...
Mme Harel: Je suis en train de colliger les oppositions qui
venaient quand on le haussait Vous allez trouver cela intéressant.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...qui était très
bas. Nous avons effectué un certain rattrapage au cours des deux
dernières années. Je vous dirai que le gouvernement continue avec
les partenaires socio-économiques à tenter de le relever encore
davantage, c'est l'élan sur lequel nous sommes. Maintenant, je tiendrais
à vous indiquer, en ce qui concerne le sujet que vous avez amené
hors réforme, qu'on tente d'accélérer le dossier de
façon à régler - pas pour votre bénéfice,
mais pour le bénéfice de votre clientèle - le
problème que vous nous avez soulevé. J'aurais aimé que le
temps nous permette de discuter de toute la question des pensions alimentaires,
de la perception des pensions alimentaires et des effets possibles sur une
partie de votre clientèle. On aura peut-être une autre occasion
pour le reprendre, on en a eu avec d'autres groupes. Je terminerai en vous
remerciant pour la qualité de votre mémoire et
la qualité de la présentation orale que vous avez faite.
Vous avez su souligner les traits forts et, surtout, insister sur les
corrections qu'il faut apporter à cette politique si nous voulons
qu'elle rende vraiment des services bénéfiques aux citoyens
auxquels elle est destinée pour cette contribution. Au nom du
gouvernement du Québec, je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission
des affaires sociales remercie l'Association des centres de services sociaux du
Québec et suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 9)
(Reprise à 20 h 7)
Le Président (M. Bélanger): La commission des
affaires sociales reprend ses travaux afin de procéder à une
consultation générale et de tenir des auditions publiques afin
d'étudier le document intitulé "Pour une politique de
sécurité du revenu".
Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, M. le Président, si vous me le permettez,
peut-être qu'avant que nous recevions le prochain groupe, je souhaiterais
faire connaître au ministre que les statistiques de révolution des
clientèles touchées en ce qui concerne la contribution
alimentaire parentale qu'il m'a remises ce matin, je souhaiterais qu'elles
puissent être complétées par les informations qui
concernent le partage du logement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le même tableau sur partage
du logement.
Mme Harel: Oui, c'est cela. En d'autres termes, c'est quand
même intéressant, pour nous, de comprendre que 108 000
ménages sur l'aide sociale ont moins de 30 ans, que 47 000 n'ont pas la
parité, 51 %, je crois donc, près de la moitié, qui du
fait d'être des ménages avec enfants, soit monoparental ou
biparental...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ou des participants dans des
programmes d'employabilité.
Mme Harel: ...ou des participants dans des programmes. Serait-il
possible d'avoir la ventilation des ménages biparentaux, monoparentaux,
et participants aux programmes?
Une voix: J'en prends note. Cela va compléter mon
souper.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si c'est disponible, vous allez
l'avoir.
Mme Harel: Cela permettrait d'avoir un tableau complet, à
ce moment-là, et de chiffrer nos propositions.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ah! D'accord. Si c'est pour une
noble cause.
Le Président (M. Bélanger): Ce sont toujours de
nobles causes, M. le ministre. Alors, donc...
Mme Harel: Les chiffres sont toujours assez lourds, par
exemple.
Le Président (M. Bélanger): Nous recevons, ce soir,
l'Association québécoise pour les droits des retraités et
préretraités, L'AQDR, représentée par Mme Yvette
Brunet et par M. André Corneau.
Il me fait plaisir de vous recevoir. Je vous explique un peu nos
règles de procédure. Vous avez 20 minutes ferme pour
présenter votre mémoire ou son résumé, tout
dépend de la façon dont vous voudrez le présenter. Par la
suite, il y aura une période d'échange avec les parlementaires,
le tout pour une enveloppe globale d'une heure.
Je vous prierais donc, avant de débuter... Là, il n'y aura
pas de problème; on a deux personnes de sexe différent; je
présume qu'on va reconnaître les voix en bas. Habituellement, on
vous demande de vous identifier auparavant pour les fins de la transcription du
Journal des débats. Alors, M. Corneau, vous n'aurez pas de
problème.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Prenez votre voix grave.
Le Président (M. Bélanger): Si vous prenez votre
grosse voix, vous allez être correct. Excusez-nous, mais c'est notre
quatre-vingt-unième mémoire, on est un peu...
Alors, je vous en prie, si vous voulez débuter.
Association québécoise pour les droits
des retraités et préretraités (AQDR)
Mme Brunet: Bonsoir M. le ministre, bonsoir MM. les
députés et mesdames. Je me retrouve en pays de connaissance. J'ai
rencontré M. Bélanger à plusieurs reprises dans son
comté. J'ai aussi rencontré dernièrement M. Laporte, dans
son comté, non pas pour les mêmes besoins et les mêmes
choses, pour des choses très différentes, mais je peux vous dire
que nous avons été très bien accueillis.
Je sais que nous avons présenté notre mémoire
à la dernière minute et je sais aussi qu'on a eu la chance, je
dirais, d'être convoqués très peu de temps après la
présentation de notre mémoire et je vous en remercie.
J'ai pensé ne pas faire la lecture complète du
mémoire que nous vous présentons, même si vous n'avez
peut-être pas eu le temps de le lire.
Alors, ma façon de procéder, c'est de lire certains
extraits du mémoire et j'aurai à faire certaines remarques.
Dans un premier temps, je voudrais vous présenter l'association
dont je fais partie. J'en suis la présidente. L'AQDR existe depuis
bientôt dix ans. Elle regroupe en tout environ 10 000 membres dans tout
le Québec et nous avons 40 sections. Quand M. le Président nous a
présentés, il a oublié de dire que nous sommes une
association pas seulement de droits, mais de défense de droits. Ce qui
est très important. Les droits tout seuls cela ne veut rien dire, mais
la défense des droits, cela veut dire quelque chose.
Si nous sommes ici ce soir, c'est parce qu'à plusieurs reprises,
je dirais, j'ai rencontré Mme la ministre déléguée
à la Condition féminine, dans différentes occasions
où elle regroupait des femmes, dans des centres de femmes, des centres
d'hébergement, des centres de femmes battues et tout, et jamais on ne
faisait de cas de la condition des femmes de 50 ans et plus. Je dirais qu'on ne
nous convoquait jamais. C'est comme si la vie des femmes s'arrêtait
à 50 ans, qu'il y avait des problèmes avant, mais qu'il n'y en
avait pas après. Malheureusement, il y a de gros problèmes et
spécialement des problèmes de pauvreté. Alors, à
force d'intervenir, dans ces rencontres avec Mme la ministre
déléguée à la Condition féminine, un jour,
il n'y a pas très longtemps, j'ai reçu une lettre nous demandant
de présenter un mémoire parce qu'elle aimerait beaucoup qu'on
soit entendus en commission. Et elle me dit, dans la lettre: Si vous ne
présentez pas de mémoire, vous ne pourrez pas être
entendus. En tout cas, c'est comme cela que cela a été
écrit. Alors, on s'est empressés d'écrire un
mémoire, connaissant la situation financière déplorable
des femmes de 50 ans et plus.
Si on insiste particulièrement sur le sort fait aux femmes de
plus de 50 ans, c'est que très peu de gens ou d'organismes se sont
prononcés, mais c'est surtout à cause de notre expertise sur ce
sujet, grâce à notre intervention auprès des
préretraités, en particulier, dans le cadre d'un colloque que
nous avons organisé et qui s'intitulait "À 50 ans, qu'est-ce que
tu deviens?". À ce colloque, il y avait au moins 300 femmes.
D'après nous, tous les efforts concernant la mise en place et
l'application des programmes de formation, de développement de
l'employabilité et d'incitation à l'embauche ne prendront
vraiment leur sens que dans la mesure où les usagers de ces programmes
pourront espérer obtenir un emploi stable, satisfaisant et
rémunérateur au terme de leur cheminement. En ce sens, le
meilleur incitatif, en ce qui concerne le retour au travail des sans-emploi,
demeure la création d'emplois en nombre suffisant.
J'ajouterais là-dessus que l'on sait qu'il manque des emplois
présentement et que beaucoup de compagnies incitent fortement - je pense
que tout le monde comprend ce que je veux dire quand je dis que les compagnies
incitent fortement - les employés de plus de 50 ans à prendre
leur retraite. Je pense qu'il est important de tenir compte de la situation
actuelle, de ce qui se passe dans les compagnies, dans les usines et dans les
manufactures. Les femmes autant que les hommes sont touchées
actuellement parce qu'il y a toute une technologie qui est en train de se
développer et les compagnies s'informatisent et se robotisent. Alors,
qui partent les premiers? Ce sont ceux qui ont 50 ans et plus. (20 h 15)
Dans notre association, présentement, il y a beaucoup d'hommes
qui ont 53 ans, 55 ans et qui ont pris leur retraite, parce que cela faisait 40
ans qu'ils travaillaient, ils étaient très fatigués, parce
que la compagnie leur offrait une compensation financière et ils l'ont
acceptée. Mais cela ne veut pas toujours dire qu'ils partent et qu'ils
sont à l'aise. Il faut comprendre que, quand on arrête de
contribuer à un régime de retraite et au Régime de rentes
à 53 ans, on diminue le taux... Je pense que cela vaut autant pour les
hommes que pour les femmes. Penser que les hommes ou les femmes vont se trouver
un travail, c'est être complètement en dehors de la
réalité, ce n'est pas possible. On donne les emplois aux jeunes,
on n'a rien contre cela. Les jeunes ont aussi le droit de travailler. Les
compagnies sont bien plus portées à donner des jobs aux jeunes
que de continuer à garder les personnes, qui sont en fin de compte,
fatiguées de travailler.
Le deuxième facteur très important pour nous, ce sont les
changements au sein de la cellule familiale. Il y a une augmentation effarante
du nombre de familles monoparentales depuis dix ans. On le sait aussi. La
majorité vit avec un revenu équivalant ou sous le seuil de la
pauvreté. Il y a de très bons documents qui sortent de
Santé et Bien-être social du gouvernement fédéral.
Là-dessus, on dit que les femmes, aujourd'hui, à 35 ans chefs de
famille monoparentales vont être pauvres toute leur vie. Ce n'est pas
l'AQDR qui détermine cela, ce sont des gens qui ont fait des recherches,
qui savent très bien quelle est la situation présentement. Il y a
aussi d'autres facteurs, comme le mouvement d'urbanisation, les changements de
mentalité, qui ont éliminé tout le réseau d'appui
et d'entraide dont a besoin la cellule familiale.
J'aimerais vous lire ce que "Femmes et pauvreté", de Santé
et Bien-être Canada, dit: "Si les experts dans le domaine de la
pauvreté s'étaient arrêtés au nombre
prédominant de femmes parmi les pauvres au Canada, ils auraient pu
découvrir, il y a longtemps, une des principales causes de la
pauvreté, soit qu'on inculque à la moitié de la
population, dès sa tendre enfance, l'idée que l'autre
moitié répondra toujours à ses besoins d'ordre
financier... Pourtant, si le pourvoyeur manque à l'appel, s'esquive ou
meurt, on s'attend tout à coup à ce que les femmes subviennent
seules à leurs besoins et à
ceux de leur famille."
J'aimerais vous relater un tout petit fait. Un jour, en 1983, on a
parcouru la province pour rencontrer nos membres. On a fait, à partir de
ce que les membres ont écrit ou dessiné, ce qu'on a appelé
notre "expo manifeste". Il y a beaucoup de femmes dans les associations. On le
sait, elles vivent plus longtemps que les hommes. Les hommes, après la
retraite, restent chez eux. Je ne sais ce qu'ils font, mais on pense qu'ils
regardent la télévision et boivent de la bière. C'est ce
qu'on pense qu'ils font. Mais les femmes se retrouvent dans les
associations.
On avait fait dessiner ces femmes. Une femme avait fait une très
belle affiche et elle avait écrit sur cette affiche: Punie d'être
restée au foyer. Parce qu'elle se retrouvait sans le sou, parce qu'elle
était restée à la maison, parce que son mari l'avait
laissée, parce qu'elle avait quatre enfants à continuer à
élever, selon elle, elle était punie parce qu'elle avait fait, ce
qu'on appelait dans le temps, son devoir.
Que ce soit parce qu'elles se séparent, parce qu'elles demeurent
célibataires ou à cause d'un décès, 75 % des femmes
canadiennes vont se retrouver seules pour subvenir à leurs besoins alors
qu'on les a éduquées comme devant orienter leur vie vers la
famille. Plus les femmes vieillissent et plus ce phénomène risque
de leur arriver, entre autres, parce que ces femmes vivent plus longtemps que
les hommes.
J'irais aux recommandations de l'AQDR que je vais vous lire
intégralement. Que la nouvelle politique de sécurité du
revenu s'accompagne d'une politique de plein emploi afin d'assurer, au terme de
leur démarche, aux bénéficiaires des emplois stables,
satisfaisants ou rémunérateurs.
Que tous les bénéficiaires, quelle que soit leur
catégorie, aient droit à un seuil de revenu garanti pour couvrir
leurs besoins à court et à long termes. Ce seuil devrait
être établi en fonction d'une évaluation globale des
besoins réels des bénéficiaires en se basant sur des
données budgétaires telles que celles calculées par le
Dispensaire diététique de Montréal.
Nous sommes d'accord avec le principe de garder un certain écart
entre les salaires les plus bas dans la société et l'aide
sociale. Comme ce principe ne doit pas nous mener à une économie
de survie pour les assistés sociaux, nous recommandons que le salaire
minimum soit augmenté, que le législateur utilise
différentes mesures à sa disposition pour bonifier le salaire
minimum, par exemple, des mesures fiscales, pour l'élever au-dessus du
seuil de la pauvreté.
Que toute personne adulte et admissible à des prestations d'aide
sociale reçoive le même montant peu importe son âge ou sa
situation filiale ou parentale.
Qu'aucune coupure ne soit effectuée dans le cas de partage du
logement ou dans le cas de bénéficiaires vivant en HLM.
En ce qui concerne en particulier les femmes de 50 ans et plus, pour
elles et pour tous les bénéficiaires désirant retourner
sur le marché du travail, que cette démarche soit volontaire et
bonifiée financièrement. Que soient mis sur pied des programmes
d'employabilité, de formation, d'éducation, de recyclage ou de
stages en milieu de travail. Tous ces programmes devront être
adaptés aux besoins des femmes de 50 ans et plus pour permettre aux
femmes qui choisissent volontairement le retour au travail d'avoir le soutien
nécessaire pour réussir dans leur démarche.
Même si les deux prochaines recommandations que je vais vous lire
relèvent du fédéral, je veux vous les lire.
Que les femmes vivant dans la pauvreté aient accès
à leur pension de vieillesse dès l'âge de 60 ans. Nous
savons que plusieurs pays d'Europe accordent la pension aux femmes à 60
ans parce que les femmes sont pauvres.
Que les femmes séparées, divorcées,
célibataires aient accès à l'allocation au conjoint, comme
cela a été accepté pour les veufs et les veuves, à
60 ans.
Que le travail des femmes, en particulier dans le maintien à
domicile, soit reconnu et rémunéré sur le même
principe que les familles d'accueil.
Vous savez certains d'entre vous, j'imagine, ce qui se passe
actuellement dans le maintien à domicile, l'hospitalisation,
l'institutionnalisation, et tout ce qu'on voudra qui finit par "on". On
retourne le plus tôt possible les patients à la maison et, encore
une fois, ce sont les femmes qui en prennent soin. Je tiens à dire
quelques mots là-dessus parce que pour moi c'est d'une importance
capitale. C'est sûr qu'on veut économiser en retournant les
malades à la maison. Dans tous les documents que je lis,
présentement, qu'ils soient faits par le gouvernement provincial, par le
gouvernement fédéral, par les chercheurs, on parle toujours de la
famille.
Je regrette, ce n'est pas la famille qui prend soin des malades; ce sont
les femmes dans la famille. C'est bien différent. Ces femmes qui n'ont
jamais rien eu à elles, ni d'argent, ni de reconnaissance de leur
travail au foyer, se retrouvent, encore une fois, à se sentir coupables,
sans argent et se font dire: Prenez soin des malades, vous êtes
là, on a besoin de cela; la société a besoin de cela. Je
tiens à vous dire que c'est un retour 40 ans en arrière. Quand on
parle de maintien à domicile - je vais reprendre la recommandation qu'on
fait - que le travail des femmes en particulier dans le maintien à
domicile soit reconnu et rémunéré sur le même
principe que les familles d'accueil.
À plus long terme et de manière préventive pour
éviter aux femmes et aux femmes vieillissantes de tomber dans une
pauvreté institutionnalisée, on devra favoriser par des mesures
concrètes l'égalité dans les conditions d'apprentissage,
sur le marché du travail et dans le mariage.
Alors, en conclusion, même si nous croyons
nécessaire une réforme de la Loi sur l'aide sociale, nous
sommes obligés de rejeter la réforme proposée car la
proposition actuelle nous apparaît discriminatoire et appauvrissante.
En ce qui concerne les femmes de 50 ans et plus, la réforme nous
apparaît particulièrement odieuse, car elle nie tout le rôle
social et familial que ces femmes ont tenu. De plus, on les force à un
retour au travail fortement irréaliste compte tenu des conditions
individuelles et de la réalité du marché du travail. Si
les femmes n'adoptent pas cette option, elles se retrouvent encore plus
pauvres, si c'est possible de dire plus pauvres! Quand on pense que ces
femmes-là reçoivent un revenu entre 6000 $ et 7000 $ par
année. On leur demande, dans le discours, de se prendre en charge, de
rester autonomes, de continuer à vivre chez elles, d'être bien, de
faire partie de la société, je me demande qui d'entre nous
pourrait faire cela avec 6500 $ ou 7000 $ par année.
Nous ne pouvons admettre que le gouvernement économise sur le dos
des plus pauvres de notre société. Nous dénonçons
aussi le peu de considération et de connaissance réelle dont fait
preuve le gouvernement envers les femmes de 50 ans et plus. En effet, nulle
part dans le document d'orientation on ne fait allusion à la situation
concrète et difficile dans laquelle se retrouvent ces femmes et, en
prime, on propose de réduire leurs revenus quand, après 55 ans,
ces femmes choisissent de se déclarer non disponibles aux programmes
proposés.
Le gouvernement semble oublier qu'il a des responsabilités
sociales envers ses citoyens en regard de la redistribution de la richesse
collective, en particulier envers les plus démunis.
Je vais dire quelque chose que vous avez sûrement entendu, M. le
ministre: Ce n'est pas le paradis pour les femmes. Je dirais que c'est
même scandaleux ce que vivent les femmes actuellement. Et ce sont huit
femmes sur dix au Québec. On est combien ici? C'est la femme de
quelques-uns qui sont ici ou la mère, ou la soeur, ou la belle-soeur.
Alors, je pense que je vous ai dit l'essentiel et je suis prête à
répondre à vos questions.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie,
madame. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie l'Association
québécoise pour les droits des retraités et
préretraités pour son mémoire ainsi que pour la
présentation verbale. Mme Brunet nous a fait le portrait de
l'association. Rapidement, j'aurais peut-être quelques questions
additionnelles de façon à préciser certains des objectifs
ou la composition même de l'organisme. Vous dites que vous
représentez 10 000 membres. D'après vos estimations, combien de
ces membres vivent de prestations de l'aide sociale?
Mme Brunet: Je vous dirais aue nos mem- bres sont principalement
des femmes et je vous dirais que c'est 50 % de ces femmes qui
bénéfi- i cient de l'aide sociale. Mais je tiens à
vous dire, ' M. le ministre, que c'est très difficile de les identifier,
parce que les femmes sont fières. Je pense que c'est important de le
dire. Je dois vous dire qu'il y a des gens avec qui je fais des entrevues, qui
font des recherches et constatent la pauvreté des femmes. Ils disent:
Comment cela se fait-il qu'on ne sache pas cela? On ne le sait . pas parce que
les femmes ne le disent pas. Les femmes sont fières et s'arrangent pour
que cela ne paraisse pas.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense que vous avez raison de
le mentionner. J'ai peut-être seulement huit ans d'expérience de
bureau de comté, les fins de semaine et, lorsque les femmes de 50, 55
ans et plus nous arrivent au bureau de comté et qu'elles sont dans cet
état, qu'elles ont été abandonnées, etc., elles
disent: M. le député, quel programme? Là, tu fais le tour
de tous les programmes dans tous les catalogues gouvernementaux et tu arrives
à l'inévitable programme de l'aide sociale parce qu'il n'y en a
pas d'autre qui s'applique.
Mme Brunet: C'est cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et lorsque tu mentionnes
l'inévitable programme de l'aide sociale, leur première
réaction est de dire non.
Mme Brunet: C'est cela, c'est exactement cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela prend de la persuasion avant
de dire: C'est cela ou c'est rien. Dans ce sens-là...
Mme Brunet: Est-ce que vous savez pourquoi elles refusent cela?
,
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, cela peut être...
Mme Brunet: Parce que, si elles disent qu'elles ont des
prestations de l'aide sociale, elles passent pour être des sans-dessein,
des "pas d'allure", parce qu'elles n'ont pas réussi à
économiser.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est peut-être un des
facteurs, mais je sens chez elles une espèce de fierté à
dire: Je suis capable de gagner ma vie sans avoir recours à cela.
Mme Brunet: Oui, oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne sais pas si c'est une fausse
impression que j'ai, mais...
Mme Brunet: Oui, parce que c'est honteux
pour elles de recevoir des prestations. (20 h 30)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aimerais traiter de politique de
plein emploi, de seuil de faible revenu, de salaire minimum, de tous ces
éléments-là avec vous. Mais j'ai eu l'occasion d'en
traiter avec plusieurs groupes et je veux peut-être défricher un
peu, ce qui m'amène à me poser la question sur vos
représentations dans le cadre d'une politique d'aide sociale. Moi, je ne
suis pas surpris de ce que je retrouve dans le mémoire. Je m'y
attendais. Je suis surpris de ce que je ne retrouve pas dans le mémoire.
Je me serais attendu que les gens qui prennent la défense des
préretraités et des retraités me parlent d'un programme
qui s'appelait PAT, qui s'appelle PATA, qui était autrefois au
fédéral avec lequel on est en négociations
présentement et qui s'avère, pour ces gens-là, quelque
chose de beaucoup mieux que l'aide sociale. Je me serais attendu
également que l'on me parle de toute la question de la perception des
pensions alimentaires parce que, quand ces personnes-là ou ces femmes
que vous me mentionnez sont abandonnées, il y a quelquefois des
conjoints qui s'en tirent assez bien. Que vous n'en parliez pas me surprend
parce que, quel que soit le régime, quelles que soient les bonifications
qu'on apporte ou qu'on pourrait apporter au programme actuel j'ai l'impression,
surtout avec les femmes de 50 ans et plus que vous représentez, qu'on va
toujours avoir cette réaction de dire: II n'y a pas autre chose que vous
pouvez m'offrir? Et j'aimerais vous entendre sur ces deux aspects et
peut-être sur un troisième, pendant que j'ai la parole. Vous avez
mentionné le chiffre de 50 ans. Dans la politique, et cela touche la
politique comme telle, on a arrêté un programme spécial qui
est peut-être à bonifier mais, on y a choisi le chiffre de 55 ans.
Je vous dirais que c'est à la suite de nombreuses discussions.
J'aimerais savoir pourquoi vous prenez le chiffre de 50 ans. Je suis libre de
vous dire, après cela, pourquoi on a arrêté cela à
55 ans. Ce sont les trois questions que je vous poserais en
débutant.
Mme Brunet: D'accord. Alors, la première question, le
programme dont vous me parlez, c'est un retour au travail n'est-ce pas? Il
s'agit des retraités qui, avec le programme PATA dont vous parlez,
peuvent avoir...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est un programme qui s'assimile
davantage à l'assurance sociale. Cela s'adresse à des
travailleurs congédiés...
Mme Brunet: Oui, c'est cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...ou licenciés
collectivement. Cela s'apparente beaucoup plus à ce qu'on appelle, dans
le jargon, l'assurance sociale qu'à l'assistance sociale. Et pour ces
travailleurs-là, pour ceux et celles oui en ont
bénéficié dans le passé, c'est quelque chose de
beaucoup plus valorisant...
Mme Brunet: Oui. Mais cela, cela s'adresse seulement à des
compagnies, à des gens qui travaillent dans des compagnies qui ont
fermé. C'est ce programme-là uniquement...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Où il y a licenciement
collectif.
Mme Brunet: Oui, oui, c'est cela.
M. Corneau (André): C'est cela. Cela n'existe plus
cela.
Mme Brunet: Non, puis c'est un programme fédéral
cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'était jusque...
Mme Brunet: Mais c'était.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Au moment où l'on se parie,
ce n'est plus un programme...
M. Corneau: C'est cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...ni provincial ni
fédéral; il a pris fin en août 1986.
M. Corneau: D'accord. Mme Brunet: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais, entre 1984 et 1986,
c'était un programme financé à 100 % par le gouvernement
fédéral et qui s'appliquait au secteur fragile ou...
M. Corneau: Secteur mou.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...mou de l'industrie.
Mme Brunet: Oui, oui, c'est cela. M. Corneau: C'est
cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a des négociations qui
sont entamées depuis deux ans; on tente de l'universaliser à tous
les secteurs. Mais pour qu'il s'adresse aux travailleurs âgés, qui
ont tant d'années d'ancienneté dans l'entreprise, et c'est vous
qui avez fait allusion au fait que ce sont les premiers travailleurs
abandonnés, licenciés collectivement...
Mme Brunet: Oui, oui, oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne sais pas...
Mme Brunet: Mais là, vous me parlez d'un programme qui
n'existe plus. Alors, je ne suis pas capable de répondre
là-dessus précisément, parce qu'il n'existe plus. Mais ce
que je peux vous dire, par exemple, c'est que ce soit un homme ou une femme qui
ait commencé à travailler dans une usine à l'âge de
quinze ans, quel que soit l'endroit, puis que cela fasse quarante ans qu'ils
travaillent, pensez-vous qu'ils ont envie de retourner travailler?
Sérieusement, pensez-vous cela? Quarante ans de travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le programme dont je vous parlais,
au niveau fédéral, est justement un programme qui concerne la
problématique que vous soulevez et par rapport auquel on subit des
pressions d'à peu près tout le monde. Présentement, tous
les travailleurs âgés et licenciés collectivement, vont
voir leur député, dans chacun des comtés, pour faire en
sorte que le nouveau programme soK appliqué le plus rapidement possible.
Et mon interrogation portait là-dessus: Pourquoi ce programme est-il
absent? C'était tout simplement la question que j'avais sur vos
représentations.
Mme Brunet: En tout cas, je vous ai répondu: C'est absent
parce que cela n'existe plus. Puis, deuxièmement, j'ai eu des appels
téléphoniques, je ne sais pas, de gens de Radio-Canada, parce
qu'ils voulaient que je leur donne un nom de retraité qui était
fâché de prendre sa retraite. Il n'y a pas à dire, on en a
dans notre groupe; et je vais dans des compagnies donner des témoignages
de retraite et jamais je n'ai rencontré un homme qui a dit: Je ne suis
pas content de prendre ma retraite. Ils sont, pour la plupart, très
heureux. Je ne vous dis pas qu'il n'y en a pas qui veulent continuer à
travailler. Cela dépend toujours du travail qu'ils ont fait. Cela
dépend toujours de l'emploi qu'ils ont eu avant.
Une voix: Qu'est-ce que Louise dit? Mme Brunet: Je n'ai
pas compris.
Mme Harel: C'est quand les hommes reviennent à la maison
que les femmes veulent en sortir.
Une voix: Oui, cela...
Mme Brunet: Cela, c'est une autre affaire. Ah, ah, ah! On
pourrait en parler longuement.
Une voix:...
Mme Brunet: Oui, oui, c'est cela. C'est en plein cela. Je vous
remercie de l'avoir dit, moi, je n'aurais pas osé!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La question de la pension
alimentaire, maintenant.
Mme Brunet: Pardon?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La question de la pension
alimentaire, maintenant.
Mme Brunet: Bien, la pension alimentaire, c'est une autre
affaire. Les femmes de 50-55 ans qui se retrouvent toutes seules,
séparées, divorcées, n'ont souvent plus d'enfants à
la maison. La pension qu'elles peuvent avoir, puis moi, j'en connais,
même si elles la reçoivent, elles ne reçoivent pas
grand-chose. Supposons qu'elles reçoivent 50 $ par semaine, ce qui
fait.. Ah bien oui! Écoutez, connaissez-vous le pourcentage des pensions
alimentaires qui sont vraiment payées? Parce que les femmes ne veulent
pas les avoir, premièrement, parce qu'elles ne veulent pas être
dépendantes. C'est une des raisons.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Justement, on a eu des
représentations devant cette commission.
Mme Brunet: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On retrouve présentement,
à l'aide sociale, près de 80 000 femmes chefs de familles
monoparentales qui ne reçoivent aucune pension alimentaire. On a eu des
représentations faisant état des difficultés que vous
mentionnez, mais invitant le gouvernement à une perception des pensions
alimentaires et à verser à cette femme sa pension
alimentaire.
Mme Brunet: Qu'il trouve des moyens d'obliger, d'une certaine
façon, le conjoint à payer la pension alimentaire, mais vous
savez que ce n'est pas simple non plus aujourd'hui. L'homme se retrouve
parfois, avec deux pensions à payer et une troisième famille
à entretenir et là, cela se brasse d'un bord et de l'autre.
Finalement, il ne lui reste plus un cent, puis il n'est plus capable de payer.
Là, il dit: Je n'ai pas d'argent. C'est cela qui est au bout de la
ligne.
M. le ministre, je ne vous dis pas que les solutions sont simples. Je ne
vous dis pas cela. Je sais que c'est compliqué. Je suis dans le domaine
et je connais la question, je vous dirais, de A à Z et je sais que ce
n'est pas simple Ce que l'on vit, ce n'est pas simple. La famille, aujourd'hui,
ce n'est plus la famille que c'était, comme je l'ai dit tantôt.
N'essayons pas de faire accroire, dans des documents, que la famille doit
être responsable. La famille dans un cas sur trois, il n'y en a plus.
Arrêtons de penser que c'est là qu'on va trouver des solutions, ce
n'est pas vrai.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez parlé de plein
emploi et je vais vous citer que le gouvernement a travaillé au cours
des dernières années à mettre en place un cadre de
stabilité politique propice à l'investissement. Cela a
donné déjà certains résultats dans le sens d'une
Doli-
tique de plein emploi. De février 1987 à février
1988, les dernières statistiques disponibles, il s'est
créé plus de 104 000 emplois au Québec. 99 000 de ces
emplois étaient des emplois à temps plein. Sur les 100 000
emplois créés l'an passé - et je veux le partager avec
vous, parce qu'on est dans une société qui évolue
rapidement, il faut être attentifs aux changements sociaux et
économiques qui se produisent - sur ces 101 000 emplois qui ont
été créés l'an passé au Québec, on
m'indique que 70 % de ces emplois nouveaux sont allés aux femmes. Cela
m'a déjà surpris comme proportion, mais là où j'ai
encaissé une surprise encore plus grande, c'est lorsqu'on m'indique que
ce sont les femmes de 45 à 64 ans qui ont connu la hausse la plus
spectaculaire de ces emplois avec 32 000 postes.
Mme Brunet: Mais là-dessus...
Mme Harel: Sur 104 000?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur 101 000.
Mme Brunet: Mais, là-dessus, M. le ministre, vous allez
reconnaître avec moi que les emplois que ces femmes-là ont eus, il
reste que ce sont, la plupart du temps, des emplois à temps partiel,
avec aucun avantage social pour beaucoup.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Là où j'ai une
difficulté, c'est que la quasi-totalité de ces emplois sont des
emplois à temps plein: plus de 95 %. Donc, j'ai de la difficulté
à m'imaginer qu'ils peuvent être à temps partiel, ces
quelque 30 000 emplois. C'est une impossibilité statistique. Je vous le
dis, j'ai été surpris.
Mme Brunet: Tant mieux! mais il n'en reste pas moins que ces
emplois pour les femmes sont encore moins bien rémunérés
que pour les hommes et que les femmes ne contribuent pas, la plupart du temps,
à un régime de retraite.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce qui nous apparaît face
aux statistiques que vous mentionnez, c'est que la femme qui a aujourd'hui 50
ou 55 ans et plus n'a pas, dans une grande majorité des cas...
Mme Brunet: Jamais.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...participé pendant sa vie
à un régime de retraite. Ce qui fait en sorte qu'elle ne l'a pas.
Mais, de plus en plus, la femme occupant une place sur le marché du
travail...
Mme Brunet: C'est sûr!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...participe au Régime de
rentes normal, avec les contributions normales, etc., ce qui fera en sorte que
le problème va s'amenuiser avec le temps. Mais cela ne règle pas
le problème des femmes qui étaient dans le bureau de comté
samedi passé...
Mme Brunet: C'est cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...qui y seront samedi prochain et
le samedi suivant.
Mme Brunet: Dans quinze ans, c'est sûr que les femmes de 40
ans qui travaillent vont se retrouver encore en grand nombre sur le
marché du travail et auront possiblement contribué à un
régime de rentes. Mais, maintenant, ce soir, à cette heure...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, samedi passé et samedi
prochain.
Mme Brunet: C'est cela. Nous connaissons des femmes qui, la
troisième semaine, si leurs enfants n'étaient pas là pour
leur apporter à manger, n'auraient rien. C'est cela, la
réalité. Je trouve ignoble que des femmes qui ont donné
leur vie, surtout celles de cette génération-là, qui se
sont sacrifiées... Je ne dirai pas qu'elles ont été
niaiseuses, mais elles en mangent un coup aujourd'hui pour s'être
dévouées et avoir donné leur santé et, dans
certains cas, je dirais leur vie. Elles sont malades, elles n'ont pas d'argent,
c'est l'isolement. Elles vont voir le médecin et le médecin les
bourre de pilules parce qu'il ne sait quoi faire avec elles. On a un dossier
épais comme cela, on a fait une recherche sur la
surmédicalisation des femmes, c'est effrayant!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II me reste un peu de temps. En
vertu de la règle de l'alternance, ce sera Mme la députée
de Maison-neuve et on revient ensuite.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, merci, M. le Président. Cela me fait
plaisir de vous accueillir, Mme Brunet, ainsi que M. Corneau qui vous
accompagne. Est-ce qu'il y a maintenant un comité de condition masculine
à l'AQDR? Non?
M. Corneau: On n'a pas besoin de comité pour se
défendre, Mme la députée.
Mme Harel: Ha, ha, ha! Ce n'était pas si
antiréglementaire, vous savez, Mme Brunet, ma remarque de tantôt
parce qu'une part...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On teste la présidence.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Non. C'est intéressant parce que, d'une part,
vous parliez d'expérience en
disant que vous avez circulé dans différentes entreprises
pour donner des sessions de formation sur la retraite et que vous aviez
constaté, par expérience, qu'en général les hommes
- di-siez-vous - étaient très contents de prendre leur
retraite.
Mme Brunet: Oui.
Mme Harel: J'imagine que c'est d'une préretraite dont il
est question pour les 50...
Mme Brunet: Oui. Au moment où je les rencontre, ils vont
vers la retraite dans six mois environ.
Mme Harel: Donc, ils ont 55 ans, 60 ans, 65 ans?
Mme Brunet: Ils sont plus jeunes que cela. Mme Harel:
Encore plus jeunes que cela?
Mme Brunet: 52, 53 ans, c'est ce que j'ai dit tantôt.
Mme Harel: Imaginez! Mme Brunet, au moment où vous
constatez cette expérience... J'imagine que, sans avoir un
échantillonnage scientifique, c'est une expérience que vous vivez
présentement..
Mme Brunet: C'est tangible, je les écoute.
Mme Harel: ...et qui est significative. À ce même
moment, il y a ce phénomène dont le ministre vous a parlé,
le retour sur le marché du travail des femmes de 45 à 64 ans.
Actuellement, c'est un phénomène qui intéresse beaucoup et
qui étonne énormément toutes les personnes
s'inté-ressant à cette question. Évidemment, ce qui serait
intéressant, c'est d'abord de savoir dans quelle catégorie
d'âge plus précise est-ce. Est-ce que ce sont les 44-55 ans, chez
les femmes, qui retournent sur le marché du travail, ou les 55-64 ans?
Cela a l'air de rien, mais une décennie, cela fait une
différence.
Mme Brunet: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On peut l'avoir.
Mme Harel: On peut l'avoir? Ce serait intéressant, je
pense, pour nous permettre de peut-être mieux comprendre le
phénomène.
Quand la présidente du Conseil du statut de la femme est venue
devant la commission, elle a notamment chiffré le nombre de femmes de 55
à 64 ans bénéficiaires de l'aide sociale. Elle a
parlé de 25 000 femmes de 55 à 64 ans, actuellement, qui sont des
femmes seules et bénéficiaires de l'aide sociale.
Mme Brunet: Oui.
Mme Harel: D'autre part, quand un autre organisme est venu - je
pense que c'est Solidarité populaire Québec - il a parlé
des couples sans enfants. Il a fait état que 70 % des couples sans
enfants sont constitués de personnes de plus de 45 ans dont le conjoint
a été victime d'une fermeture de poste ou d'une fermeture d'usine
et dont la conjointe a le plus souvent une expérience du marché
du travail. Je ne sais pas s'il y a une adéquation entre le fait que les
hommes entrent en chômage ou, tout au moins, à l'âge de la
retraite beaucoup plus jeunes et l'absence de revenu, à ce
moment-là, et l'arrivée plus massive des femmes. Je ne sais pas
s'il y a une adéquation, mais c'est sûr qu'il y a un
phénomène. Le phénomène est peut-être
à chercher du côté du type d'emplois créés.
(20 h 45)
Les travailleurs du chantier naval de Vickers, à Montréal,
qui ont 48 ans d'âge moyen - même s'il y a des fils qui travaillent
là, il faut que les pères soient âgés - maintenant
qu'ils sont sans emploi sont sur l'aide sociale pour une bonne partie d'entre
eux. Ils attendent désespérément, ils viennent me voir
régulièrement, d'ailleurs, au bureau. Ils sont juste en face de
mon bureau. Ils traversent la rue et viennent me demander des nouvelles.
J'appelle le ministre dans son comté. À ce moment-là,
quelle réaction ont-ils? Ce n'est pas nécessairement de retourner
sur le marché de l'emploi, qui est très concurrent. Les emplois
qui s'ouvrent sont dans les services, sont dans des domaines qui sont parfois
plus considérés comme ouverts aux femmes. C'est peut-être
un phénomène dont il faut analyser plus attentivement tous les
effets. Est-ce à dire que ce sont les hommes qui vont commencer à
devenir pauvres, compte tenu du type d'emplois créés?
Mme Brunet: Peut-être, mais on n'en est pas là.
Mme Harel: On n'en est pas là. Je suis certaine que l'AQDR
va se porter à la défense de leurs droits tout autant.
Mme Brunet: Oui. Même moi, avec autant de vigueur que je
défends les femmes, je dirais.
Mme Harel: J'en suis sûre, Mme Brunet. Vous avez
rappelé dans votre mémoire un fait important. Les femmes qui
travaillent gagnent seulement 0,60 $ pour chaque dollar gagné par un
homme. L'écart est toujours de 40 %.
Mme Brunet: C'est cela.
Mme Harel: C'est encore récent. C'est le 8 mars, ce sont
encore des chiffres récents. Est-ce que c'est parce que les salaires
sont moindres que les femmes sont plus embauchées? Il faudrait
vérifier s'il n'y a pas là aussi un indice qui serait une
explication.
Mme Brunet: C'est la même chose que quand on incite
fortement - je ne dis jamais qu'on renvoie - un homme de 53 ans ou 55 ans
à prendre sa retraite. Il y a aussi une question d'argent. Lui a un bien
gros salaire, rendu à la fin. Le jeune qui commence n'a pas ce salaire.
Ces temps-ci, il y a une masse de gens qui vont à la retraite chaque
année, une masse d'homme qui prennent leur retraite chaque année,
parce que c'est plus payant pour les compagnies de leur donner une compensation
de départ que de les garder à un salaire de 45 000 $ par
année quand ils vont embaucher un jeune peut-être à 20 000
$.
Mme Harel: Mme Brunet, c'est d'autant plus vrai qu'il y a une
nouvelle combinaison. Auparavant, l'expérience, l'expertise manuelle
pouvait compenser l'absence de vitalité, sauf que maintenant, avec les
changements technologiques, souvent les entreprises préfèrent
investir dans un jeune qui n'a pas trop de formation, mais qu'ils vont pouvoir
former...
Mme Brunet: C'est cela, aussi.
Mme Harel: ...à de nouveaux postes de travail,
plutôt que d'investir dans une personne plus âgée, quelle
que soit son expérience. Cela doit jouer aussi.
Vous avez dit que des femmes que vous rencontriez dans le cadre des
activités de l'AQDR avaient une sorte de réserve à
signaler qu'elles étaient bénéficiaires...
Mme Brunet: Une pudeur, je dirais, oui.
Mme Harel: ...parce qu'elles étaient
considérées ou pensaient être considérées
comme sans dessein, n'ayant pas d'allure. Vous avez dit: C'est honteux pour
elles de recevoir des prestations.
Mme Brunet: C'est comme cela qu'elles le perçoivent. Je
connais des filles qui ont 35 ans - je ne connais pas les conditions - dont les
mères veulent que personne ne soit au courant qu'elles reçoivent
de l'aide sociale et leurs filles vont chercher le chèque pour
elles.
Mme Harel: II y a des groupes qui vous ont
précédés, qui représentaient des jeunes, qui
représentaient des familles ou des femmes et qui ont dit que ce
sentiment de réprobation avait augmenté au cours des
dernières années avec une sorte de suspicion créée
par les enquêtes, les déclarations du ministre sur les fraudes
à l'aide sociale. Tout cela avait jeté un sentiment d'opprobre.
Est-ce que c'est l'impression que vous en avez également?
Mme Brunet: Oui. Sûrement.
Mme Harel: Vous avez l'impression que cela a eu des effets?
J'aimerais que vous parliez au ministre des effets qui ont pu être
vécus par...
Mme Brunet: Ce que je peux dire là-dessus, c'est que
justement quand il y a eu les visites des personnes qui allaient voir ce qui se
passait dans les maisons, des femmes ont eu des problèmes parce qu'il y
avait un homme.
Mme Harel: Même des femmes de... Je dis même, je ne
devrais pas dire même.
Mme Brunet: Oui. Des femmes de 50 ans.
Mme Harel: On a toujours l'impression que la vie maritale, c'est
pour les jeunes femmes.
Mme Brunet: Les femmes qui sont séparées à
50 ans, pourquoi se priveraient-elles de la vie, avec tout ce que cela
comprend, la sexualité, et tout et tout? Pourquoi? On n'est pas des
vieilles femmes à 50 ans. Je regrette. On n'est plus en 1925, où
c'était des femmes qui étaient vieilles, parce que la vie
n'était pas ce qu'elle est aujourd'hui. On a évolué,
heureusement. Mais moi, je vous assure que j'ai plus de 50 ans, j'ai entre 55
et 60 ans, et ce n'est pas une vieille femme que vous avez devant vous, je vous
l'assure. Je ne suis pas la seule.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est la même chose pour les
hommes.
Une voix: On pourrait laisser M. Corneau témoigner
ià-dessus.
Mme Harel: Mme Brunet, à votre connaissance, y a-t-il des
personnes membres de l'AQDR qui auraient eu des visites des boubous
macou-tes...
Mme Brunet: Plusieurs, plusieurs.
Mme Harel: ... et qui ont eu des problèmes pour
présomption de vie maritale?
Mme Brunet: Absolument. On en a beaucoup et ce n'est pas pour
rien que je suis ici, aujourd'hui. C'est justement pour défendre ces
femmes. Je trouve que c'est bien important. Ce sont des femmes qui, finalement,
vivent une vie normale. C'est comme si, parce qu'elles reçoivent des
prestations d'aide sociale, elles n'ont plus droit à ceci, elles n'ont
plus droit à cela. En tout cas, tout doit être exclu de ce qui
fait partie de la vie, finalement.
Mme Harel: J'aurai peut-être une autre occasion d'attirer
l'attention du ministre sur une cause vraiment... J'ai pris connaissance de
cela tout dernièrement. Cela s'est passé dans la
région de Kamouraska. Il s'agit d'une présomption de vie
maritale où la Commission des affaires sociales en appel avait pourtant
accueilli l'appel de la chef de famille assistée sociale voulant que ses
prestations soient reconduites parce qu'il n'y avait pas vie maritale et le
ministère est allé devant la Cour des sessions de la paix,
après la décision de la Commission des affaires sociales, donc,
devant une cour criminelle, pour invoquer la vie maritale. Je vais avoir
l'occasion de reparler au ministre du cas de Jacinthe Caron.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...je vous dis cela sous toute
réserve.
Mme Harel: Mme Caron, elle, voudrait qu'on en parle.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est correct. Si elle veut qu'on
en parle, ça va.
Mme Harel: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est juste parce que, parfois, il
y a des renseignements nominatifs.
Mme Harel: Oui, oui. Non seulement elle veut qu'on en parle, mais
Mme Caron, cela a été la grande épreuve de sa vie
d'être traînée comme une criminelle à la Cour des
sessions de la paix par le ministère parce que le ministère en a
appelé de la décision de la Commission des affaires sociales, qui
lui donnait raison et qui considérait...
Mme Brunet: Parce qu'il y avait présomption de vie
maritale.
Mme Harel: Parce qu'il y avait présomption de vie maritale
et la Commission des affaires sociales a décidé avec preuves
à l'appui...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous dis sous toute
réserve que, si la décision de la Commission des affaires
sociales est déjà rendue...
Mme Harel: Elle était rendue et le ministère est
allé en appel devant la Cour des sessions de la paix.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela risque d'être une cause
qui a été...
Mme Harel: Jugée.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...enclenchée, si vous me
permettez l'expression, avant notre arrivée. Non?
Mme Harel: Non. Cela a été enclenché
après...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela a été aussi
rapide que cela?
Mme Harel: Non seulement cela a été
enclenché après, c'est que le drame...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Habituellement, ils prennent deux
ans.
Mme Harel: C'est que le drame - c'est d'autant plus pernicieux -
c'est que mon prédécesseur comme porte-parole de l'Opposition en
matière de Main-d'Oeuvre et de Sécurité du revenu en avait
parlé au ministre. Le ministre l'avait invité à
transmettre toutes les coordonnées de la personne, à la suite de
quoi il y a eu poursuite au criminel. L'impression que la personne a, c'est
que, quand on transmet des informations, elles peuvent jouer contre les
personnes. De toute façon, j'y reviendrai avec le ministre après
nos travaux.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, je pense que je ne laisserai
pas planer des doutes comme cela. En ce qui concerne les poursuites au
criminel, je n'ai, comme ministre responsable, ni de près ni de loin -
cela doit être une expression que vous connaissez bien - à me
prononcer sur ces éléments. Ces décisions sont prises
généralement par le ministère de la Justice après
étude du dossier par un procureur de la couronne. Je ne suis ni
consulté...
Mme Harel: Les plaintes, au ministère de la Justice,
pensez-vous que le ministère de la Justice va comme cela à
l'improviste porter des plaintes?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, il y a analyse par le
procureur de la couronne.
Mme Harel: II faut qu'il y ait un dossier qui ' a
été déposé. Le dossier vient du bureau local de
l'aide sociale.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II n'est donc pas passé par
mon bureau.
M. Harel: Non, mais le bureau local de l'aide sociale le fait,
semble-t-il, selon la prétention des personnes qui sont de bonne foi
là-dedans, parce que la personne en avait appelé directement par
le biais de l'Opposition au ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Voyons donc! Si c'est le cas, on
va regarder très attentivement, madame, parce que cela ne vient pas
de...
Mme Harel: Imaginez-vous, à ce moment, que les personnes
qui font valoir leurs droits sont punies.
Mme Brunet: C'est cela. Le moins qu'on
puisse dire, c'est qu'on est dans une société qui a
évolué, mais qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire
de ce côté. J'aimerais, avant...
Mme Harel: II y a du chemin à faire sur la reconnaissance
de l'autonomie des femmes, c'est cela, et sur la reconnaissance...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Là-dessus, on m'apporte des
précisions. On me dit que, règle générale, lorsque
les enquêtes se font, elles sont parallèles. Vous avez
l'enquête du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu qui peut déboucher sur la Commission
des affaires sociales. Le ministère du Solliciteur général
ou de la Justice fait ses propres enquêtes, a ses propres dossiers, et il
débouche sur la Cour des sessions de la paix. Cependant, il ne peut pas
y avoir appel de la Commission des affaires sociales devant la Cour des
sessions de la paix.
Mme Harel: C'est cela, absolument.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est une impossibilité
juridique, ce que vous mentionnez.
Mme Harel: Ce qui est absolument incroyable...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est impossible. Ce n'est pas
incroyable.
Mme Harel: ...c'est qu'il y a eu une décision de la
Commission des affaires sociales...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a eu appel devant la Cour des
sessions de la paix?
Mme Harel: Non. Il y a eu une décision de la Commission
des affaires sociales et c'est après cette décision de la
Commission des affaires sociales qu'il y a eu poursuite au criminel devant la
Cour des sessions de la paix. Je ne dis pas qu'il y a une relation entre les
deux.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. Cela explique deux
réseaux parallèles complètement.
Mme Harel: Oui, mais c'est impossible.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): L'un est administratif et l'autre
est pénal.
Mme Harel: M. le ministre, c'est impossible. C'est impossible que
ce soit la Pentecôte ou une cigogne qui ait mis sur le bureau du
procureur de la couronne un dossier de vie maritale. Il faut que le dossier ait
été monté par le bureau de l'aide sociale.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, pas absolument.
Mme Brunet: Si vous me le permettez, il me reste à peu
près...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. Excusez-moi.
Le Président (M. Bélanger): Si vous le permettez,
on va écouter Mme Brunet. Elle a peut-être une bonne
explication.
Mme Brunet: L'horloge est devant moi. Il me reste à peine
trois minutes et je veux en profiter.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez raison. On vole votre
temps. Ce doit être mes trois minutes à moi, à part
cela.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): Allez-y, Mme
Brunet.
Mme Brunet: Je ne sais pas si je vous ai donné le chiffre,
mais je veux vous le répéter parce que j'ai le nombre de femmes
chefs de ménage de 50 à 65 ans qui reçoivent des
prestations d'aide sociale: 45 000 femmes.
Mme Harel: De 50 à...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): De 50 à 65 ans.
Mme Brunet: Entre 50 et 65 ans.
Mme Harel: Qui reçoivent des prestations d'aide
sociale.
Mme Brunet: C'est un chiffre que j'ai eu d'un fonctionnaire qui
travaille là-dessus.
Mme Harel: C'est possible dans la mesure où elles sont
à la fois chefs de famille ou personnes seules ou la combinaison des
deux.
Mme Brunet: Non, celles-là sont chefs de
ménage.
Mme Harel: Oui, d'accord, mais un ménage, Mme Brunet, ce
peut être autant une personne seule qu'une famille.
Mme Brunet: Ah! D'accord.
Mme Harel: Un ménage, cela ne correspond pas à la
famille. D'accord?
Mme Brunet: En tout cas, c'est 45 000 femmes quand
même.
Mme Harel: Oui.
Mme Brunet: Cela ne change pas.
Mme Harel: Ces 45 000 femmes ont soit un statut de personne
seule, soit un statut, si vous voulez, de chef de famille. D'accord?
Mme Brunet: D'accord.
Mme Harel: J'ai une dernière question concernant le
mémoire que vous présentez. J'imagine - et cela peut être
utile pour la défense des droits et les revendications que fait l'AQDR -
que vous apprenez que, parmi les engagements fermes que le présent
gouvernement avait publiquement fait connaître, il y a un engagement qui
s'adresse aux femmes de 60 ans et plus. J'ai été surprise de voir
que, dans votre mémoire, vous nous recommandiez que des programmes qui
concernent le fédéral, puisque dans le cas de l'engagement
ferme...
Mme Brunet: L'intégration des femmes au RRQ.
Mme Harel: Oui, mais il y en avait un autre, Mme Brunet.
Mme Brunet: Oui?
Mme Harel: Un autre très important qui a été
rappelé, d'ailleurs, par leur comité de suivi. Cet engagement
s'adresse aux femmes de 60 ans qui sont non pas veuves, parce que les veuves
ont déjà l'avantage d'avoir le supplément de revenu
garanti à partir de 60 ans...
Mme Brunet: Du fédéral.
Mme Harel: Oui, du fédéral. L'engagement ferme du
Parti libéral, non pas la promesse, mais un engagement, c'est que les
femmes de 60 ans et plus au Québec qui sont soit divorcées,
célibataires ou séparées, en fait qui ont un autre statut
que veuves et qui sont sans revenu, obtiennent l'équivalent du
supplément de revenu sous forme d'assistance sociale. C'était
là un engagement ferme durant la campagne électorale et je crois
qu'il faut le rappeler. C'est un engagement qu'ils ne doivent pas oublier
puisque cet engagement, ils l'ont pris publiquement, ils l'ont pris en
connaissance de cause.
Mme Brunet: Mais le supplément de revenu garanti, cela
vient du fédéral.
Mme Harel: Oui. Leur engagement, c'est de compenser au plan de
l'aide sociale l'équivalent du supplément pour les femmes de 60
ans et plus. Si vous voulez, je vous ferai envoyer cet engagement. On en a
copie. Je m'engage à vous le faire parvenir. On va être deux
à leur en reparler. (21 heures)
Mme Brunet: D'accord. Je voulais aussi répondre à
ce que M. le ministre a dit tantôt. Comment se fait-il - cela
achève - qu'on constate que les femmes autour de 50 ans ont tendance
à retourner sur le marché du travail? Vous aussi l'avez dit. Je
vous dirai que pour les femmes, pour plusieurs, mais pas toutes, quand le mari
revient à la maison, cela devient très compliqué. Alors,
une des solutions pour les femmes, c'est de retourner travailler. Merci de
m'avoir écoutée.
Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme la
députée de Maisonneuve, si vous voulez remercier nos
invités.
Mme Harel: Oui. Je vais remercier Mme
Brunet et M. Corneau. Mme Brunet sait quelle relation étroite
j'entretiens avec l'AQDR d'Ho-chelaga-Maisonneuve...
Mme Brunet: Oui.
Mme Harel: ...quel travail exceptionnel l'association
réalise dans le quartier. Je sais aussi quel exemple vous avez
été lorsque vous avez mené la bataille contre la
désindexation.
Mme Brunet: Je comprends donc!
Mme Harel: C'est un exemple qui est repris beaucoup par
l'ensemble des groupes qui participent à la mobilisation contre le
projet du ministre Paradis en disant: Si les personnes âgées ont
réussi, nous aussi, on peut réussir. Je vous remercie.
Mme Brunet: Cela veut dire que, quand l'AQDR décide de
défendre les droits, elle va jusqu'au bout; c'est ce que cela veut
dire.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme Brunet, je sais, après
avoir entendu votre témoignage devant cette commission parlementaire,
que vous ne souhaitez pas le maintien du régime actuel pour les femmes
de 50 ans. Vous ne voulez pas que les députés que vous visitez
dans leur comté aient ces mêmes réponses à apporter.
Vous ne souhaitez certainement pas la même définition de vie
maritale Vous avez parlé de cet aspect du dossier et vous souhaitez des
modifications sur cet aspect-là. Vous nous suggérez des
bonifications à apporter à la politique de sécurité
du revenu, nous en tiendrons compte. Pour votre contribution posititive
à cette commission parlementaire, au nom du gouvernement du
Québec, nous vous remercions.
Mme Brunet: J'ajouterais, M. le ministre, que ce que je souhaite
le plus, c'est que ces femmes-là - je l'ai dit et je le
répète - après une vie de labeur, de sacrifices et
d'abnégation, réussissent à manger tous les jours et
à avoir une vie décente et puissent recevoir leurs enfants chez
elles, ce à quoi elles tiennent beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission
des affaires sociales remercie l'Association québécoise pour les
droits de retraités et préretraités, l'AQDR, et ses
porte-parole, Mme Brunet et M. Corneau.
J'invite à la table des témoins M. François Salvas.
Bonsoir, M. Salvas. Il nous fait plaisir de vous recevoir. Vous connaissez nos
règles de procédure. Vous avez 20 minutes pour présenter
votre mémoire et, par la suite, il y aura une période
d'échanges avec les parlementaires. C'est votre première fois en
commission parlementaire?
M. Salvas (François): Oui, c'est la première fois
que je passe ici ou ailleurs en commission parlementaire.
Le Président (M. Bélanger): Pas de problème,
on vous souhaite... Prenez tout votre temps. Allez-y calmement. C'est moins
pire que le dentiste, je vous le garantis.
M. François Salvas
M. Salvas: C'est-à-dire, il faut peut-être avoir
autant de dents au départ. Celui que je représente, c'est
moi-même. En réalité, je représente peut-être
aussi, de manière informelle, des gens qu'on peut appeler des gens
éduqués à l'aide sociale. Messieurs dames qui ont
parlé avant moi ont parlé du fait que certaines personnes avaient
peut-être de la difficulté à accepter le fait d'être
à l'aide sociale. J'imagine qu'en ce qui concerne les
éduqués à l'aide sociale - quand je parle des
éduqués, c'est-à-dire les personnes qui ont un
degré de scolarité supérieur, par exemple qui ont un
diplôme universitaire, qui, à la suite de malchance
personnelle...
J'aimerais, s'il vous plaît, M. le Président, faire un
rappel à l'ordre. Il y a des gens ici qui parlent à ma gauche,
cela me fatigue remarquablement. À mon avis, ce n'est pas tout à
fait leur droit de procéder ainsi.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
je demanderais aux gens de respecter le droit de parole de M. Salvas.
M. Salvas: Alors, c'est ce que je mentionnais. J'espère
que vous n'allez pas recommencer! Prenez votre place, s'il vous
plaît!
Le Président (M. Bélanger): M. Salvas, ce n'est pas
à vous de faire respecter l'ordre ici, quand même!
M. Salvas: Bien, si vous ne le faites pas...
Le Président (M. Bélanger): Présentez votre
mémoire. On ne peut pas empêcher les gens de faire en coulisse les
discussions qu'ils ont à faire. Adressez-vous à la commission. On
vous écoute et on vous écoute avec toute l'attention possible.
S'il vous plaît, procédez.
M. Salvas: D'accord. Procédons.
Ce que les gens qui ont passé avant ont dit, c'est que
c'était difficile, pour certaines personnes, d'accepter le fait
d'être bénéficiaires de l'aide sociale. Une dame, en
particulier, a parlé de gens qui, quand ils rencontrent un agent d'aide
sociale, M. le ministre ou quelqu'un dans un bureau de comté, ont de la
difficulté à accepter le fait qu'on leur dise que le seul plan
disponible est le plan d'aide sociale. On imagine vraiment que ces
gens-là, en général, sont des gens sans instruction, ce
qui est tout à fait leur droit, mais, en ce qui concerne les gens qui,
à la suite de difficultés personnelles, par exemple, sont
obligés de s'en remettre à l'aide sociale pendant des
périodes assez étendues, j'imagine, en toute logique, bien que je
ne veuille en aucune manière faire de discrimination à
l'égard de ceux qui auraient moins d'instruction, que d'un simple point
de vue psychologique c'est plus difficile à accepter d'être
pendant une période assez étendue bénéficiaire de
l'aide sociale quand on a un diplôme universitaire. C'est un peu le point
de vue de départ que j'ai à soumettre.
Par ailleurs, si j'ai un point de vue à émettre, un point
de vue général, c'est que les bénéficiaires de
l'aide sociale auraient peut-être davantage de facilité à
réintégrer le marché du travail si la structure de l'aide
sociale était davantage logique. Quand je parle je
\a structure de l'aide sociale, je parle de la structure de l'aide
sociale telle qu'elle existe présentement, pas nécessairement
telle qu'elle est présentée dans le document d'orientation. En
d'autres termes, les bénéficiaires de l'aide sociale qui sont
instruits ont peut-être des difficultés que j'appellerais logiques
à réintégrer la société à partir des
lois actuelles de l'aide sociale parce que ces lois-là sont illogiques
et que, d'une certaine façon, des diplômés de
l'université sont des gens qui, par définition, sont logiques par
leur formation, par leur tempérament, par l'ensemble de leurs acquis
académiques. Ils voient ce qui se passe, avec la loi, en ce qui concerne
les exemptions pour fins de travail à chaque mois, par exemple, ce qui
est complètement illogique. Non seulement la loi elle-même, dans
son fonctionnement intrinsèque, les retient de s'assimiler au
marché du travail, mais, dans le fait qu'elle manque de logique, on
dirait que cela les retient de réintégrer le marché du
travail.
En ce qui concerne cette façon de procéder, j'ai
l'impression que ces bénéficiaires de l'aide sociale, vu qu'ils
auraient quand même assez de facilité à
réintégrer le marché du travail, ne le font pas non
seulement en vertu de cette raison, mais aussi en raison du fait que
l'illogisme de cette loi les dispense de réintégrer le
marché du travail en utilisant le subterfuge du travail à temps
partiel. J'entendais, par exemple, les intervenants précédents
parler contre le travail à temps partiel. Moi, j'ai un point de vue
complètement différent. Le travail à temps partiel
est ce qui permet à bien des gens de réintégrer
graduellement le travail régulier. J'entendais aussi une remarque, je
crois que c'est de M. le premier ministre, qui disait que, si le Québec
avait des efforts à faire, c'était justement en matière de
travail à temps partiel, où la situation est peut-être la
plus aiguë de toutes les provinces du Canada. Je crois que les
statistiques démontrent que le Québec est en dernière
place en matière de travail à temps partiel, dans tout le Canada
alors que le travail à temps plein augmente quand même, et le
travail a temps partiel baisse. Les spécialistes de la question semblent
indiquer qu'une des voies d'avenir en matière de développement du
marché du travail, c'est le travail à temps partiel.
En ce qui concerne le document d'orientation, il y a quelque chose
d'intéressant qui a été aussi mentionné par les
intervenants précédents et qui est, à mon avis, tout
à fait dépourvu de pertinence. C'est la critique contre les
programmes, en particulier le programme APTE, qui donnerait beaucoup de
pauvreté aux gens en les obligeant à régresser à
quelque chose comme 405 $ par mois.
Ce qu'il faut comprendre, d'après moi, dans le programme APTE -
et cela s'inscrit dans la logique de ce que j'ai dit depuis le début et
c'est, je l'espère, une critique positive - c'est, ce que je lis, par
exemple, à la page 25, et je cite: "À titre d'exemple, en 1989,
une personne pourra recevoir 405 $ et le couple avec deux enfants, 807 $. Des
exemptions pour gains de travail de 155 $, (personne seule) et de 205 $,
(couple avec deux enfants) seront permises pour assurer à ces
ménages la couverture de leurs besoins de long terme".
En d'autres termes, quelque chose qui n'a pas été
mentionné par les précédents intervenants, c'est que,
quand le ministère, dans le programme APTE, donne 405 $ à des
assistés sociaux, à des personnes qui viennent de s'inscrire
à l'aide sociale, contrairement à la loi actuelle, le ministre
leur permet également d'amasser un revenu de 155 $ par mois, ce qui me
semble très intéressant, parce qu'à l'heure actuelle c'est
50 $ par mois ou une peccadille du genre. Le paiement de transfert n'est plus
de 405 $. Le paiement de transfert, pendant les neuf premiers mois - je vais
faire le calcul, 405 $ plus 155 $, cela fait quelque chose comme 560 $ - est de
560 $, et c'est écrit en toutes lettres à la page 25:
"L'exemption pour revenus de travail fait partie de l'allocation."
Maintenant, je reviens à la première observation que j'ai
faite. Les assistés sociaux que je représente de manière
informelle, qui sont des diplômés universitaires, trouvent que
c'est illogique. Personnellement, j'ai une critique positive à formuler
à l'égard de cette façon de faire. Cependant, je vois une
difficulté. C'est peut-être une critique de nature sociale plus
que de nature économique. Il ne faut pas s'imaginer, évidemment,
que les assistés sociaux diplômés universitaires qui, par
mégarde, à la suite d'une malchance, se retrouvent dans une telle
situation continuent de vivre dans les milieux luxueux où ils
étaient auparavant. Malgré eux, ils rejoignent des milieux
pauvres, maisons de chambres, etc., où ils finissent par savoir de quoi
il en retourne - des choses qu'on n'apprend pas à l'université -
quand on est à l'aide sociale.
Une des choses qui frappent, c'est que les assistés sociaux, en
général, vivent dans un climat - et c'est peut-être ce qui,
de manière générale, entache l'aide sociale, du moins je
parle de la loi telle qu'elle s'applique actuellement - de fraude beaucoup plus
que de honte. Du matin au soir, la principale préoccupation des
assistés sociaux, c'est la fraude. Avec des exemptions pour fins de
travail aussi ridicules que 50 $, la principale préoccupation des
assistés sociaux, c'est de savoir comment ils peuvent frauder afin de
pouvoir se faire un pécule qui va pouvoir leur servir surtout à
la fin du mois.
Maintenant, avec 155 $, c'est peut-être plus intéressant.
Évidemment, il y a l'inflation et toutes sortes de facteurs, mais ce qui
risque de se produire, d'après moi, c'est que les assistés
sociaux, d'après ce que j'ai comme expérience de cette situation
et de ce milieu, avec 155 $, n'en auront pas assez et vont avoir tendance
à aller au-dessus de 155 $, faire 160 $, 200 $, etc. Ou bien, au
contraire, certains autres assistés sociaux qui, eux, auraient
plutôt tendance à être défaitistes, ne feront rien,
vont croire - et semble-t-il que c'est une position largement répandue -
que les 405 $, cela s'arrête là et que les 155 $ ne font pas
partie du paiement de transfert. C'est la thèse que ces gens-là
vont stagner dans leur défaitisme et puis vont trouver cela comique de
se plaindre.
En ce qui me concerne, j'ai fait une sorte de nouveau schéma.
Dans le mémoire que j'ai expédié à la commission,
il y avait un schéma. J'en ai fait un nouveau. Je peux, peut-être,
demander à monsieur... Est-ce que vous pouvez le passer, parce que c'est
quelque chose de neuf? Est-ce que vous vous occupez de ces questions?
Une voix: Non.
M. Salvas: Non, d'accord. J'aurais cru. (21 h 15)
Le Président (M. Bélanger): Vous désirez
quoi? Ah, d'accord.
M. Salvas: Mademoiselle, j'ai un nouveau schéma à
montrer, pour deux personnes. La thèse que l'on peut formuler à
partir de ces observations c'est que, puisque le montant fait partie du
paiement de transfert, aussi bien qu'il y ait une structure de contrôle
qui s'applique à cela. Autrement dit, c'est comme si l'État
donnait 155 $, mais, si une personne en prend 200 $, c'est comme si
l'État en donnait 200 $, selon cette logique. Par exemple, ce qui est
dit à une
page quelconque que je devrais retrouver à propos du taux
marginal implicite, s'il y a quelque chose d'implicite c'est aussi le fait que
le gouvernement doit contrôler les sommes que les individus font. Par
exemple, je dis que dans la loi actuelle les gens reçoivent un
chèque d'aide sociale, puis ont droit à l'exemption de 50 $.
Bien, ces 50 $ ce n'est pas comme dans le document d'orientation, ce n'est pas
quelque chose d'aussi stylisé que dans le document d'orientation
où on dit: 155 $. Les 50 $ d'exemption qui existent dans la loi actuelle
c'est quelque chose comme... Je peux l'expliquer de cette manière: les
gens reçoivent leur chèque d'aide sociale et dans les premiers
100 $ ils ont le droit de garder 50 $.
M. le ministre, ce n'est pas quelque chose comme: vous avez droit
à 155 $, c'est quelque chose de beaucoup plus compliqué.
Expédiez-nous combien vous avez fait et là-dessus on va faire un
calcul compliqué pour faire en sorte que le mois prochain on va vous
retenir tant et puis vous allez avoir droit de garder tant. Autrement dit,
c'est en quelque sorte un impôt de 50 % qui s'applique sur un montant
déclaré. Évidemment, aussi bien vous dire que la plupart
des gens ne le déclarent pas. Mais, sans jouer le naïf - je regarde
seulement la loi telle qu'elle est, et cela fait partie de la partie
Inférieure du schéma - c'est ce que j'appellerais un taux
d'impôt de 50 %, un taux standard. L'impôt perçu sous forme
de retenue sur le chèque le mois suivant c'est 50 $, puis la somme que
l'invidivu peut garder, c'est 50 $. Donc, ce n'est pas, 50 $, une permission
stricte au début du mois. Ce que le document d'orientation dit ensuite,
et il faudrait le citer de manière explicite si j'avais la page... Ici,
je l'ai, le taux marginal implicite de taxation, et je cite, est
constitué, d'une part, du taux marginal de taxation, c'est-à-dire
de la part prise par l'État pour chaque tranche de 1000 $
supplémentaires gagnés, et, d'autre part, du taux narginal de
réduction de transfert.
Cela semble assez compliqué mais le schéma essaie de
montrer de quoi il s'agit. Au-dessus des 100 $ sur lesquels 50 % sont
enlevés, il reste 50 $ le mois suivant. C'est simplement 100 %. C'est un
taux marginal implicite de 100 %. C'est ce que le document dit et je suis tout
à fait d'accord.
Ce que je propose, d'une part, chez les assistés sociaux qui sont
défaitistes, il va y avoir des pleurs: On n'a que 405 $, alors qu'il y a
beaucoup de possibilités. Le premier ministre dit lui-même que
c'est le champ, dans le domaine du travail, le plus à explorer, le
domaine du temps partiel. Il y a une possibilité de les motiver et par
ailleurs, chez ceux qui ont tendance à frauder, il y aurait une
possibilité de les contrôler et ceci avec quelque chose que je
propose. En tout bien, tout honneur, en réponse à ces
façons de faire complètement illogiques parce que cela ne
favorise la réinsertion sociale de personne... Il y aurait la même
chose que celle proposée dans le document d'orientation, mais
stratifiée d'une autre façon, par exemple, à la fin du
mois l'assisté social peut garder 50 $ sans avoir à
déclarer quoi que ce soit; c'est un premier palier. Ces 50 $
correspondent aux 50 $ de l'impôt standard actuel. On va dire qu'au lieu
d'être 155 $ c'est 150 $. Cela fera un chiffre un peu plus rond. Les 50 $
initiaux, la première strate, c'est quelque chose que l'assisté
social pourrait amasser sans avoir à en déclarer la source de
quelque manière que ce soit et, dans la deuxième strate, qui
correspond actuellement à un taux marginal implicite de taxation de 100
%, eh bien... Supposez que l'assisté social déclare cette
somme-la. Si l'assisté social fait, par exemple, 150 $, est-ce que les
gens qui font les 50 $ initiaux n'ont rien a déclarer? C'est une
façon de les dispenser de faire du verbiage inutile. Mais ceux qui
arrivent au-dessus de 50 $, 51 $ à 150 $, par exemple, devraient se
prévaloir d'une caractéristique qui s'ajouterait aux
caractéristiques préconisées par le document
d'orientation, qui serait quelque chose comme le supplément de revenu
garanti.
Autrement dit, si l'assisté social est capable de prouver par des
documents, des pièces justificatives qu'il fait un montant de 150 $ par
mois - on parle du travail à temps partiel, par exemple - et qu'il en
fait mention à son agent d'aide sociale, la possibilité
existerait qu'en récompense, et aussi comme mesure de contrôle
éventuelle, il reçoive quelque chose comme un supplément
de revenu garanti. Un peu comme c'est préconisé dans un autre
volet du brillant document, le volet APPORT, qu'il reçoit un
supplément de revenu garanti, mais un supplément qui serait
moindre, évidemment, que celui de ceux qui travaillent à temps
complet, une somme qui a l'air ridicule pour les gens qui reçoivent un
salaire standard mais qui est une motivation intéressante en ce qui
concerne les assistés sociaux- n'importe lequel montant, peut-être
25 $ par mois, c'est presque symbolique.
En oe qui concerne les assistés sociaux, ils en sont presque
à 25 $ près.
Cependant, même si c'est symbolique, cela peut aider à
motiver certaines personnes...
Le Président (M. Bélanger): En conclusion.
M. Salvas: ...et puis, en conclusion, cela peut aider, par ailleurs,
à effectuer des contrôles, justement en raison du fait que,
puisque le paiement de transfert - la citation à la page 25 le
démontre bien - est maintenant composé non seulement d'un
chèque mais aussi d'une sorte d'autotaxation de l'assisté social
qui en travaillant va faire 150 $, s'autotaxe de manière à
compléter le paiement de transfert jusqu'à 600 $... L'État
doit contrôler parce que les fraudeurs, qui eux vont en faire 700 $ ou
800 $, c'est comme si l'État leur donnait ces 200 $
supplémentaires. Qu'est-ce que l'État peut dire, en quoi
l'État peut-il justifier le fait de donner
par exemple 800 $ à un assisté social qui en
mériterait 500 $?
Mais puisque maintenant l'assisté social, comme le document le
préconise, est d'une certaine manière l'artisan du paiement de
transfert au moins pour le tiers de celui-ci, si l'État est juste, il
doit contrôler de façon que les fraudeurs ne reçoivent pas
des sommes de l'État supplémentaires à ce que seraient
celles en ce qui concerne toutes les autres personnes. Et je crois que ce
supplément de revenu garanti minime donné chaque mois à
des individus qui déclareraient un montant, disons de 150 $, peut aider
à la fois à contrôler et, en ce qui concerne la motivation,
à motiver les gens qui seraient peut-être un peu
défaitistes.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je veux remercier M. Salvas
de son mémoire et de son témoignage devant la commission, de
même que pour le document additionnel que vous nous avez distribué
et sur lequel mes questions porteront essentiellement, parce que cela
résume un peu la philosophie et la pensée que l'on retrouve dans
votre mémoire écrit.
Je vais oublier toute la partie d'avant la réforme parce que vous
aviez bien compris et bien décrit de quelle façon fonctionne le
système actuel avec un taux implicite d'imposition à 100 % comme
vous le mentionnez, lorsque c'est supérieur à 25 $. Tombons dans
votre proposition...
M. Salvas: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...à gauche de la feuille,
si vous le permettez. Vous indiquez qu'à la fin du mois toute somme de X
dollars au-dessus des 50 $ initiaux doit être déclarée;
quand cette somme X est de 100 $, une prime est reçue le mois suivant,
à la condition de procurer une preuve écrite en provenance d'un
employeur. À la fin du mois, tout revenu de 50 $ ou moins peut demeurer
à l'assisté social sans déclaration.
M. Salvas: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur le plan du fonctionnement,
l'aide sociale ne vérifierait même plus, lorsque c'est 50 $ et
moins, s'il y a gain de travail à temps partiel.
M. Salvas: Oui, en principe.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En pratique cela serait cela.
M. Salvas: En pratique également.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si c'est supérieur à
50 $, à ce moment-là on n'aurait pas de taux implicite de
taxation, on laisserait les 50 $ à la personne à condition
qu'elle nous l'ait déclaré le mois précédent?
M. Salvas: Si c'est au-dessus de 50 $... Je vais revenir sur les
premiers 50 $. Selon l'esprit du document d'orientation, cela serait une somme
forfaitaire, exactement comme vous dites, ou le ministère, que, par
exemple, les assistés sociaux ont droit a 155 $. Il ne dit pas: Les
assistés sociaux ont droit à 50 % de la première tranche
de... C'est le cas à l'heure actuelle, c'est compliqué et
démotivant, 1° parce que c'est compliqué; 2° parce que,
de toute manière, à quoi cela sert de faire 100 $ quand on s'en
fait arracher 50 $ le mois suivant sous forme de retenue sur le prochain
chèque, si on a le malheur de le déclarer?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On s'en fait arracher 75 $ sur 100
$.
M. Salvas: Pardon?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On s'en fait arracher 75 sur 100
$.
M. Salvas: Oui, je sais, j'ai dit que j'arrondissais les
chiffres. C'est encore pire de toute manière.
Ce n'est pas le taux marginal implicite, c'est le taux standard. Le taux
marginal, c'est le taux au-dessus d'une première strate de revenu. Le
taux marginal est de 100 % de toute manière. Le taux standard, vous
dites que c'est 75 $, je l'ai arrondi à 50 $. D'accord. Je vais le
réexpliquer d'une manière rapide. L'assisté social - je
vais prendre des chiffres ronds de manière à ne pas compliquer la
situation - reçoit son chèque, il a fait 100 $ d'une
manière ou d'une autre et le déclare - ce qui est loin
d'être le cas de tous les assistés sociaux - mais un brave le
déclare le premier mois parce que c'est le premier mois. Il y a toujours
un commencement. En toutes choses le meilleur est le commencement. Il inscrit
100 $. Le ministère lui en enlève 50 %. C'est le taux standard,
non pas le taux marginal, on y arrive. Il enlève 50 $, non pas qu'il va
le chercher, mais le mois suivant son chèque est diminué de 50 $.
S'il fait 150 $, les 50 $ au-dessus de 100 $ vont être à 100 %,
ils vont être enlevés au complet. C'est le taux marginal implicite
de 100 %.
Pour répondre à votre question, dans ce schéma, je
préconise le fait suivant: Les premiers 50 $, rien n'aurait à
être déclaré là-dessus. Si quelqu'un ne le
déclare pas, tant pis. On suppose qu'il le fait. Si cela est de 51 $
à 150 $, il doit le déclarer et il a intérêt
à le déclarer S'il le déclare, le mois suivant, au lieu de
se le faire enlever comme dans le régime actuel, il recevrait un
supplément de revenu d'à peu près 25 $, ce qui correspond
à la logique du programme APPORT. Cela permettrait plusieurs
façons de
procéder. Cela permettrait au moins de la motivation chez les
gens qui sont démotivés. Cela serait une motivation
supplémentaire et inversement, chez les fraudeurs, cela donnerait une
structure de contrôle. Les 50 $ qui ne sont pas contrôlés au
départ, puisque les assistés sociaux auraient tendance à
vouloir avoir le supplément de revenu, le gouvernement se rattraperait
amplement en ce qui concerne la tranche de 50 $ à 150 $. Les gens
voulant avoir le supplément le déclarerait. C'est un peu ce que
je préconise, dans une volonté de rendre le document un peu plus
logique.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous remercie de ces
précisions. En vertu de la règle de l'alternance.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve. (21 h 30)
Mme Harel: Merci, M. le Président. En vous
écoutant, M. Salvas, cela m'a fait penser à l'éditorial
paru dans Le Devoir, le troisième article du 18 mars 1988 par M.
Francoeur. M. Jean Francoeur, qui est un éditorialiste du Devoir,
a entrepris une longue analyse de la réforme le 16 mars, il a
écrit un second article le 17 et il a terminé le 18. Il
écrivait ceci, qui me faisait penser un peu à ce que vous
proposez. Il disait: "L'image qui vient à l'esprit est celle d'un
escalier. La réforme aménage une première marche (un peu
basse, il est vrai) mais ne touche pas à la deuxième qui, elle,
n'a pas moins de huit pieds de haut! On aurait besoin d'un solide escabeau."
J'ai pensé que c'était tout en votre honneur de chercher à
rapprocher la deuxième marche. Je vois un peu votre contribution ce soir
comme un effort pour essayer d'installer une deuxième marche.
M. Salvas: Permettre en tout cas à quelques menuisiers de
l'installer, s'ils en ont le bon vouloir.
Mme Harel: Parce que la première marche, c'est finalement
celle des barèmes.
M. Salvas: Pardon?
Mme Harel: Celle des prestations, celle des allocations.
M. Salvas: Oui, l'assistance sociale de base, oui.
Mme Harel: Parce que, comme le disait le même
éditorialiste, il arrive qu'avec l'application de chacun des principes
les barèmes descendent successivement de plusieurs crans, si bien qu'au
bout du processus le niveau de prestation de base d'à peu près
toutes les personnes inscrites à l'aide sociale est réduit et
c'est ainsi que, suprême inconvénient, la parité
conçue comme mesure d'équité ne devient réalisable
que dans l'appauvrissement de chacun. C'est vraiment bien dit. Vous n'avez pas
compris?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je cherche le lien...
Mme Harel: C'est complexe, par exemple. Vous l'avez dit aussi que
c'était complexe.
M. Salvas: C'est-à-dire que plus on monte dans
l'échelle, plus on en descend.
Mme Harel: II y a d'ailleurs un groupe qui est venu ici qui
disait que la réforme consistait à demander a des personnes de
monter un escalier roulant qui descendait.
M. Salvas: C'est cela, oui. Si j'ose...
Mme Harel: C'est une autre image autour de...
M. Salvas: ...compléter vos remarquables propos, c'est
comme l'escalier roulant à l'Université de Montréal que
certaines personnes descendent, puisque de toute manière je
représente les diplômés assistés sociaux, si j'ose
m'exprimer ainsi... C'est qu'à l'Université de Montréal il
y a un très long escalier roulant que les gens montent parfois, que les
gens descendent parfois, surtout en temps de carnaval. C'est un peu la
même chose. Maintenant, ce n'est pas tout à fait logique. Ce que
j'essaie de faire, c'est un peu par volonté de trouver une solution non
pas seulement à un problème personnel, mais à un
problème que j'ai rencontré à quelques reprises, et puis
aussi par volonté peut-être représentative des
universitaires quels qu'ils soient, à plus forte raison des
universitaires assistés sociaux de trouver la logique quelque part.
Comme il n'y a pas de logique là-dedans, j'essaie, en autant que
possible, humblement, d'ajouter un élément et qui à mon
point de vue, selon ce que Mme Harel vient de dire, permettrait d'ajouter un
peu de logique.
Mme Harel: M. Salvas, je vous trouve bien généreux
de qualifier mes propos de remarquables parce que ce soir je voudrais vous
dire...
M. Salvas: Ce ne sont pas les vôtres, ce sont ceux de M.
Francoeur. Je veux dire par là...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: J'aime mieux cela.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Je veux vous dire que ce soir, après la
cinquième semaine, je ne sais plus trop
combien de séances, je me sens particulièrement,
peut-être un peu fatiguée. Je voulais juste vérifier avec
vous. Êtes-vous membre d'organisations, d'associations qui discutent de
ces questions? Êtes-vous de la ville de Québec?
M. Salvas: Non, je suis de Montréal.
Mme Harel: Vous êtes de Montréal et vous avez
monté à Québec pour nous rencontrer.
M. Salvas: Oui.
Mme Harel: Et avez-vous suivi nos travaux jusqu'à
maintenant?
M. Salvas: Par les médias, évidemment. Mme
Harel: Lesquels? Par les écrits.
M. Salvas: Oui. Puis, au début, quand c'étaient des
groupes glorieux comme le Conseil du patronat, c'était
télédiffusé. Il y avait quelques minutes dans le
Téléjournal.
Mme Harel: C'est à ce moment que vous avez
décidé de venir devant nous?
M. Salvas: Cela aurait été impossible, Mme Harel,
puisqu'à ce moment, si je l'avais décidé, selon les
technicités, j'aurais été refusé.
Mme Harel: C'est juste. Alors, c'est au moment où cela a
été rendu public...
M. Salvas: Quand les journaux ont publié les annonces
selon lesquelles il y aurait commission parlementaire.
Mme Harel: C'est au moment où vous avez vu la publication,
le 23 décembre?
M. Salvas: À peu près à cette date.
Mme Harel: C'est bien cela. Cela a été
publié le 23 décembre. Vous êtes vigilant, M. Salvas.
M. Salvas: II y a à peu près 160 groupes qui sont
vigilants aussi.
Mme Harel: Oui, mais vous avez été aidé un
peu. Je vous avais aidé un peu.
M. Salvas: C'est vous-même qui nous le dites dans un
document que vous nous avez expédié par la poste.
Mme Harel: Pardon?
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Excusez-moi.
M. Salvas: Vous nous avez expédié par la poste un
document dans lequel vous énumérez les groupes qui, le 23
décembre, ont décidé de participer par vigilance,
j'imagine...
Mme Harel: Est-ce que je vous ai écrit? M. Salvas:
...à ladite commission. Pardon?
Mme Harel: Vous ai-je écrit? Oui, sûrement, parce
que vous étiez sur la liste de Mme Lamon-tagne.
M. Salvas: Oui, justement.
Mme Harel: Ah, très bien. C'est cela, je vous ai connu,
j'ai pu vous identifier après...
M. Salvas: C'est là que j'ai su que j'étais parmi
les contre, ce qui n'est pas tout à fait le cas. Je ne suis pas contre
le document d'orientation.
Mme Harel: Non, je m'en rends compte. Des voix: Ha!
Ha!
Mme Harel: Puis, je suis contente. Cela va peut-être
permettre au ministre d'aller plus à fond et peut-être de mettre
une équipe de fonctionnaires pour pouvoir explorer votre
proposition.
M. Salvas: Ce serait intéressant.
Mme Harel: Je vais vous remercier d'être venu à
Québec. Est-ce que vous retournez à Montréal ce soir?
M. Salvas: Oui, j'ai un billet pour le retour.
Mme Harel: Merci pour cet effort.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Salvas, je vous indiquerai que
ce que vous proposez s'apparente beaucoup plus à la fiscalité, si
je peux utiliser l'expression, le lien qu'il y a à faire entre la
réforme de la sécurité du revenu et l'harmonisation
essentielle et nécessaire qu'il nous faut faire avec la
fiscalité. C'est pourquoi le document - je leur dois bien cela - je vais
l'envoyer au ministère des Finances pour que les fonctionnaires de ce
ministère tentent de l'harmoniser avec notre politique de
sécurité du revenu. Je vous dirai également que vous
êtes le seul, à moins d'erreur, car plus de 80 groupes ou
individus...
Le Président (M. Bélanger): 82
M. Paradis (Brome-Missisquoi): 82e Vous êtes le seul qui
avez représenté jusqu'à présent
devant nous ou qui nous a fait part des préoccupations des
diplômés sur l'aide sociale. On a souvent parlé des
analphabètes à l'aide sociale, des gens qui n'avaient pas
terminé leur secondaire, des gens qui n'avaient aucune expérience
antérieure de travail. Je pense que, dans aucune de mes
présentations, je n'avais mentionné cette question des
diplômés de l'université qu'on retrouvait à l'aide
sociale.
M. Salvas: Oui, c'est possible.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est une nouvelle dimension que
vous nous apportez.
M. Salvas: Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): La commission des
affaires sociales remercie M. Salvas et ajourne ses travaux jusqu'à
demain, 10 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau. Alors, dans la
même salle, demain, 10 heures. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 21 h 37)