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Version finale

33rd Legislature, 2nd Session
(March 8, 1988 au August 9, 1989)

Wednesday, March 23, 1988 - Vol. 30 N° 8

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le document intitulé 'Pour une politique de sécurité du revenu'


Journal des débats

 

(Dix heures onze minutes)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques, afin d'étudier le document intitulé "Pour une politique de sécurité du revenu." Est-ce qu'il y a des remplacements prévus ce matin, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gervais (L'Assomption) sera remplacé par M. Polak (Sainte-Anne), Mme Juneau (Johnson), par Mme Blackburn (Chicoutimi).

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, bienvenue à nos deux nouvelles recrues.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

Mme Harel: Vous nous faites plaisir d'être des nôtres, M. le député de Laurier.

M. Sirros: Vous vous ennuyiez de moi, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Je ne vous vois plus depuis que vous êtes au gouvernement.

Le Président (M. Bélanger): II y était hier, madame.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La causa causans de cette commission, le responsable des engagements.

Le Président (M. Bélanger): Bien. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans l'échange d'information...

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...dans les demandes de renseignements qui proviennent de part et d'autre, il me fait plaisir de continuer à contribuer à cet éclairage absolument nécessaire à la commission en fournissant à la commission, et plus spécialement à Mme la députée de Maisonneuve, le tableau concernant la contribution alimentaire parentale et les clientèles visées et révolution entre les mois de mars 1987 et décembre 1987. De plus, l'information que vous m'aviez communiquée hier concernant le numéro d'une cause à la Commission des affaires so- ciales, le numéro était incomplet, ce qui me pose des problèmes pour avoir accès à la décision. Si vous aviez l'obligeance, strictement, de me compléter le numéro, cela faciliterait mes recherches.

Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le ministre. Donc, nous appelons à la table des témoins le premier groupe à venir nous présenter un mémoire, soit Alliance Québec, qui sera représenté par M. Royal Orr et M. Michael O'Keefe. Je vous invite à prendre place.

Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez vingt minutes ferme pour la présentation de votre mémoire ou son résumé. Par la suite, il y a une période d'échanges avec les parlementaires sur le contenu de votre mémoire. Je vous prierai, d'une part, de vous identifier et de bien vouloir procéder à la présentation de votre mémoire.

Un instant. Auparavant, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Je m'excuse auprès de nos invités...

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

Mme Harel: ...mais, M. le Président, je crois comprendre que j'aurais le jugement de la Commission des affaires sociales. C'était le dossier de la commission que j'ai transmis au ministre et non pas le dossier de la requérante. C'est peut-être ce qu'il a pu confondre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai tenté de l'obtenir ce matin et j'ai eu de la difficulté.

Mme Harel: Peut-être qu'à ce moment-ci on peut demander à la secrétaire de la commisison d'en faire des copies pour les membres de la commission.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excellent.

Le Président (M. Bélanger): D'accord. Merci. Vous pouvez donc procéder.

Alliance Québec

M. Orr (Royal): Merci, M. le Président. Je m'appelle Royal Orr, je suis président d'Alliance Québec. À mes côtés, c'est Michael O'Keefe qui est responsable des dossiers qui touchent les services gouvernementaux à Alliance Québec.

Je vais commencer avec quelques commentaires. Je vais respecter les vingt minutes, évidemment.

Alliance Québec est heureuse de profiter de cette occasion, M. le Président, de formuler ses

commentaires sur le sujet très important qu'est la politique de sécurité du revenu. Les réformes proposées par le ministre soulèvent de nombreuses questions qui préoccupent ceux que nous représentons, c'est-à-dire la communauté d'expression anglaise du Québec, qui compte approximativement 800 000 membres.

Notre communauté est très diversifiée, composée de gens d'origines ethniques et religieuses aussi nombreuses que différentes. Nous constituons une communauté linguistique unie par la langue anglaise. La communauté d'expression anglaise du Québec est présente, en nombre important, dans chaque région de la province, de la Gaspésie aux Cantons de l'Est, de la Basse-Côte-Nord à l'Outaouais. Notre communauté présente aussi une forte diversité socio-économique; en dépit des mythes qui subsistent encore, des proportions importantes de Québécois d'expression anglaise sont économiquement défavorisées et souffrent de chômage chronique. Pour ces gens, qui sont les membres les plus vulnérables de notre communauté, les programmes offerts par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu sont d'une importance capitale.

Tout changement apporté à la politique de sécurité du revenu doit tenir compte des besoins de notre communauté. Le gouvernement a la responsabilité d'assurer que les services soient disponibles également à tous les bénéficiaires. Notre mémoire portera sur trois sujets précis de préoccupation.

En premier lieu, on note un manque critique de services disponibles en anglais aux bénéficiaires de l'aide sociale considérés comme pouvant obtenir un emploi. Les réformes proposées, qui relient les prestations d'aide sociale à la participation aux programmes d'amélioration des chances d'emploi, ne viennent que compliquer ce problème. Il est essentiel que les services du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu soient davantage disponibles.

En second lieu, le manque de compétences linguistiques en français constitue un obstacle sérieux à l'emploi pour de nombreux Québécois d'expression anglaise. En dépit de ce fait, les programmes offerts par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ne comportent pas de formation en français langue seconde. À quoi sert-il de donner une formation à l'emploi à une personne unilingue anglaise, si cette personne ne peut obtenir un emploi parce qu'elle ne connaît pas le français? Pour qu'on puisse prendre au sérieux les efforts du ministère en vue d'accroître la possibilité que les prestataires d'aide sociale obtiennent un emploi, ces efforts ne doivent pas passer sous silence le fait que la non-connaissance du français constitue un énorme obstacle à l'emploi pour bon nombre des membres défavorisés de notre communauté.

En troisième lieu, aucune réforme concernant la sécurité du revenu ne peut laisser de côté le fait que les Québécois d'expression anglaise et les communautés culturelles continuent à être sérieusement sous-représentés au sein de la fonction publique provinciale. Comment le gouvernement peut-il s'attendre à répondre efficacement aux besoins des Québécois si la fonction publique ne reflète pas la diversité de notre société? La question de la participation des minorités et celle de la disponibilité des services sont intimement liées. Toute réforme qui ne tiendra pas compte du besoin d'accroître la représentation des minorités échouera.

On doit se pencher sur ces trois questions, c'est-à-dire la disponibilité et la qualité des services en anglais, la formation en langue seconde et la sous-représentation. Si on laisse de côté les besoins particuliers des membres de notre communauté, on remet sérieusement en question la pertinence et l'équité des réformes proposées.

The "raison d'être" of a government is to serve all its citizens. In a pluralistic society like Québec, this means that governments must ensure that they are able to respond adequately to the needs of members of diverse linguistic and cultural communities. Alliance Québec believes that English-speaking Quebecers should receive services from their provincial government in English.

Nous remarquons que, dans son projet de réforme de l'aide sociale, le ministre reconnaît que les programmes orientés vers les personnes pouvant obtenir un emploi doivent être, et je cite: "...suffisamment larges, souples et adaptables pour répondre à des besoins diversifiés", et je cite encore: "...adaptés aux problèmes particuliers à certaines clientèles". Il est toutefois étonnant qu'on ne retrouve aucune mention du fait que les programmes doivent aussi être conçus en fonction des besoins linguistiques précis des bénéficiaires. Le projet du ministre n'aborde cette question en aucune façon. La clientèle desservie par le ministère n'est pas homogène linguistique-ment ni culturellement. Cette réalité sociale doit être reconnue et des services doivent être mis en oeuvre pour répondre équitablement aux besoins des bénéficiaires.

Alliance Québec est, depuis quelque temps, au courant du manque critique de programmes disponibles en anglais pour aider les sans-emploi chroniques. L'année dernière, Alliance Québec a entrepris, de concert avec Communication-Québec, une étude en profondeur sur les services gouvernementaux provinciaux offerts à la communauté d'expression anglaise de Montréal. L'un des problèmes les plus importants s'est révélé être l'obtention de services de la part des organismes du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Étant donné l'absence de services en anglais offerts par le ministère, d'autres organismes de notre communauté ont tenté de combler les lacunes en cette matière. Cependant, la demande pour ces services est souvent plus grande que les ressources disponibles. Les réactions qui nous

ont été transmises par le réseau des associations régionales et des chapitres d'Alliance Québec dans toute la province démontrent aussi qu'il existe un sérieux manque de services. Ces groupes ont dû servir d'intermédiaires entre le gouvernement provincial et les bénéficiaires d'expression anglaise, chose qui n'aurait pas dû être nécessaire.

Ce manque de services en anglais cause particulièrement préjudice à notre communauté, étant donné l'orientation des réformes proposées par le ministre. En vertu des réformes proposées, les niveaux des prestations seront liés à la participation à des programmes de formation à l'emploi et à des programmes d'amélioration des chances d'emploi. Si des programmes adéquats ne sont pas disponibles pour les prestataires d'expression anglaise, ces personnes subiront une discrimination non intentionnelle et seront financièrement pénalisées à cause d'une situation qui est hors de leur contrôle.

Les réformes proposent également de transformer le rôle de l'agent d'aide socio-économique en celui d'un conseiller personnel pour les bénéficiaires en mesure d'obtenir un emploi. Ce genre de services ne peut réussir que si les agents d'aide sont en mesure d'établir de bonnes relations avec la clientèle qu'ils desservent. Ces relations dépendent, en retour, d'une communication efficace entre l'agent et le bénéficiaire. La langue fait sans nul doute partie intégrante d'une communication efficace. Il est donc clair qu'il faut faire des efforts en vue d'élargir la disponibilité des programmes et services conçus pour répondre aux besoins des membres de notre communauté et des autres communautés minoritaires. Le besoin se montre particulièrement urgent à l'extérieur de l'île de Montréal car les services en anglais sont particulièrement peu nombreux en périphérie. En l'absence de telles mesures, notre communauté sera, en comparaison aux autres, désavantagée par les réformes proposées.

Il faut maintenant aborder un aspect primordial de la disponibilité des services en anglais. De nombreux membres de notre communauté vivent dans la pauvreté. Seulement à Montréal, 17 % de la communauté d'expression anglaise vivent sous le seuil de la pauvreté; c'est selon les statistiques de 1981. Dans les régions périphériques, des membres des communautés de la Basse-Côte-Nord à la vallée du Saint-Maurice vivent dans une situation économique difficile. Il est donc clair qu'une importante proportion de Québécois d'expression anglaise sera touchée par la réforme de la sécurité du revenu. Ces besoins doivent être pris en considération.

Les réformes de la sécurité sociale proposées par le ministre, tout au moins en ce qui concerne les personnes considérées comme pouvant obtenir un emploi, portent sur l'amélioration des compétences pour l'emploi. Au Québec, la connaissance du français est une compétence indispensable pour l'emploi. Il est donc étonnant que les programmes offerts par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ne comportent pas de formation en français langue seconde autre que le très faible pourcentage offert dans le cadre des programmes tels que le Rattrapage scolaire et le Retour aux études postsecondaires pour les chefs de famille monoparentale. Il est en fait ironique que le gouvernement appuie fortement la formation en français langue seconde pour les nouveaux immigrants, par l'intermédiaire des centres COFI, et n'aide pourtant pas les résidents d'expression anglaise du Québec qui reçoivent des prestations d'aide sociale à acquérir les compétences linguistiques nécessaires pour qu'ils réintègrent la main-d'oeuvre active.

The Minister's proposals offer nothing to improve the situation of unilingual English adults receiving welfare. What hope can the Minister offer a unilingual English-speaking person? We cannot afford to simply write off such individuals. The government has an obligation to help them acquire the language skills necessary for employment in today's Québec.

Il est donc évident que les bénéficiaires de l'aide sociale d'expression anglaise ont des besoins uniques que le gouvernement ne peut oublier s'il désire réellement réduire l'état de dépendance de ces personnes. L'accès à une formation en français langue seconde subventionnée par le gouvernement doit être élargi de façon à inclure non seulement les immigrants récemment arrivés, mais aussi tous les résidents québécois qui ont besoin de cette formation. Nous ne pouvons permettre que des personnes qui ne ' sont pas qualifiées pour les programmes existants soient laissées de côté.

En outre, les personnes qui ont besoin d'une formation en français langue seconde doivent recevoir un appui financier pour couvrir les coûts qu'elles encourent pendant qu'elles suivent cette formation. Il ne sert pas à grand-chose d'élargir l'accès aux programmes linguistiques si les personnes qui en ont le plus besoin ne peuvent y participer parce qu'elles n'en ont pas les moyens. Tel est particulièrement le cas des personnes ayant des enfants à leur charge.

Dans une société démocratique, la fonction publique devrait refléter la diversité de la société qu'elle dessert. Voilà qui signifie que les membres des divers secteurs de la population devraient être représentés adéquatement au sein de la fonction publique. Une représentation équitable assure que le gouvernement est sensible aux besoins des diverses communautés et dispose des ressources nécessaires pour répondre à ces besoins.

Les Québécois d'expression anglaise et les communautés minoritaires demeurent gravement sous-représentés au sein de la fonction publique québécoise. Bien que les Québécois d'expression anglaise représentent approximativement 11 % de la population, ils ne constituent que moins de 1 % de la fonction publique provinciale. Au sein

du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, seulement 85 employés sur 3300 proviennent des communautés minoritaires, même si ces dernières représentent 20 % de la population.

These statistics clearly demonstrate the inadequacy of existing measures to promote minority participation. Although successive governments have recognized the problem, their actions have fallen short of their promises. As early as 1972, studies showed that English-speaking Quebecers comprised less than 1 % of the public service. And that underrepresentation persists even today. This situation will not change until there is enough political will in the government to make this issue a priority in all ministries.

Les effets de la sous-représentation sont tout particulièrement graves dans un ministère comme celui de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, qui offre des services de première ligne à certaines des personnes les plus vulnérables de notre société. Étant donné l'orientation des projets de réforme du ministre, les effets préjudiciables de la sous-représentation sont susceptibles de devenir encore plus sérieux parce que, comme nous l'avons noté plus haut, les agents d'aide socio-économique devront assurer le rôle d'apporter et je cite: "...un soutien personnalisé à tous les bénéficiaires employables ainsi qu'une gamme variée de services..." Il s'agira d'un service de renseignement sur le marché du travail, d'une collaboration avec les bénéficiaires en vue de préparer un plan d'amélioration des chances d'emploi et de conseils donnés aux bénéficiaires jusqu'à ce qu'ils réintègrent le marché du travail. Cette approche plus personnalisée ne pourra réussir que si les personnes qui offrent les services sont conscientes des besoins particuliers de leur clientèle. Il est peu probable qu'on en arrive à bien connaître les besoins des minorités si les membres des divers groupes linguistiques et culturels ne sont pas représentés au sein de la fonction publique.

Dans ses propositions le ministre souligne également qu'"...il sera nécessaire de développer des relations permanentes avec les ressources du milieu afin d'inciter la communauté à jouer un rôle important pour faciliter l'intégration des bénéficiaires au marché du travail." Encore une fois, ce genre de relations ne peut s'établir que si les membres de la fonction publique sont conscients des ressources existant au sein de la population en général. Cette prise de conscience sera facilitée si des membres des diverses communautés linguistiques et culturelles font partie des effectifs de la fonction publique.

Il est par conséquent évident que la question de la représentation et celle de la qualité des services sont intimement reliées. Notre société ne peut espérer tirer pleinement avantage du vaste éventail de connaissances et d'expériences offert par le pluralisme si sa fonction publique ne reflète pas la réalité démographique. Le gouvernement doit s'engager à enlever les obstacles à la participation des minorités.

En conclusion, Alliance Québec désire remercier la commission parlementaire de lui avoir donné l'occasion de formuler ses commentaires sur les réformes proposées par le ministre telles que présentées dans "Pour une politique de la sécurité du revenu". Comme le ministre le déclarait dans son document, les bénéficiaires des programmes de soutien du revenu ont des besoins considérables et diversifiés. Alliance Québec a tenté de souligner les besoins particuliers de la communauté d'expression anglaise et formule quelques recommandations qui sont incluses dans le mémoire.

La mise en oeuvre de ces recommandations représente une étape essentielle en vue de s'assurer que les intérêts de la communauté d'expression anglaise soient pris en considération dans le cadre de la réforme de l'aide sociale. Alliance Québec a toujours cru que la justice sociale est le premier devoir du gouvernement. Si le gouvernement ne réussit pas à répondre aux intérêts des membres les plus démunis de notre communauté, son indifférence ne fera qu'engendrer l'injustice. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je tiens à remercier Alliance Québec et son président, M. Orr, et son directeur des services des programmes gouvernementaux, M. O'Keefe, pour la qualité du mémoire écrit ainsi que pour la présentation orale qu'ils nous ont faite. (10 h 30)

J'ai l'intention de reprendre au début de cette journée le portrait typique, qu'il soit francophone ou anglophone, de l'assisté social - on m'indique que les caractéristiques fondamentales ne varient pas comme telles - pour ensuite revenir spécifiquement à la question qui vous intéresse davantage et sur laquelle vous avez insisté. Le portrait de l'assisté social, tel qu'on l'a décrit en mars 1987: au niveau du nombre, environ 400 000 personnes responsables de ménage dépendaient, comme seul moyen de subsistance, de l'aide sociale. Parmi ces 400 000 ménages, environ 100 000 sont condamnés à l'aide sociale à cause de carences inhérentes qui font en sorte que, pour une très longue période, ces personnes ne peuvent subvenir à leurs besoins. Les 75 %, les autres 300 000 ménages dits aptes au travail, "able to work", est-ce que ces personnes sont vraiment capables de travailler? On sait que 36 % de ces personnes sont des analphabètes fonctionnels, en français comme en anglais, elles ne peuvent fonctionner. 60 % n'ont pas terminé leur cours secondaire. On sait qu'il s'agit d'une exigence quasi universelle pour

avoir la possibilité de postuler un emploi aujourd'hui. 40 % n'ont pas d'expérience reconnue de travail. C'est le portrait.

Vous indiquez que la minorité anglophone peut subir des préjudices additionnels. J'endosse votre point de vue, et pas seulement à Montréal. Je représente une circonscription électorale où, parmi la minorité anglophone, il y a des pauvres, et ils sont, dans un certain sens, plus pauvres que les pauvres francophones parce qu'ils ou elles n'ont pas accès aux services gouvernementaux parce qu'ils ou elles ne les connaissent pas et que ces services-là ne sont pas accessibles à ces gens.

Je vous indiquerai que l'un des débats qui est devenu un débat public, entre autres dans l'Estrie, au cours des dernières années touchait particulièrement les personnes âgées de langue anglaise. Lorsque le gouvernement précédent a publié la liste des services qui leur étaient offerts et disponibles, ce qu'on a appelé le "Guide des aînés", il a été publié dans une seule langue, ce qui faisait en sorte qu'on ne donnait même pas l'information sur les services accessibles aux gens qui en avaient le plus besoin dans la communauté anglophone. Je ne vous dirai pas que ce que nous vous présentons ou ce que nous faisons au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu est parfait, loin de là! Il y a, comme vous le soulignez, beaucoup d'amélioration à apporter. Mais, si on peut qualifier les intentions gouvernementales, je vous indiquerai que le document d'orientation "Pour une politique de sécurité du revenu" a été produit en même temps et je dirais de la même façon dans sa version française et dans sa version anglaise 'Towards an Income Security Policy", de façon à donner la même information, à rejoindre le plus possible les deux communautés. Même là, on se rend compte que la pénétration a peut-être été meilleure au moment où on se parle chez la communauté francophone que chez la communauté anglophone. Les témoignages de certains groupes anglophones entendus devant cette commission nous ont révélé une certaine méconnaissance même des faits. Et je ne blâme pas les gens de la communauté anglophone, nous n'avons peut-être pas réussi encore à pénétrer suffisamment cette communauté quant aux services que nous mettons à leur disposition.

Vous avez donc raison de parler de disponibilité ou de nous recommander de prendre les mesures pour s'assurer d'une disponibilité des services en anglais auprès des plus démunis qui sont de langue anglophone. Généralement, ces gens-là sont unilingues anglophones. Ils ont moins progressé dans le bilinguisme que les gens qui sont plus munis de moyens financiers.

La familiarisation aux ressources existantes. Vous avez raison d'insister pour dire que, là aussi, le ministère a un rôle à jouer. Mais tout comme il existe une certaine méfiance de la clientèle envers le réseau Travail-Québec, c'est une double méfiance lorsque vous êtes une personne unilingue anglophone défavorisée financièrement. Là, il nous faudra miser absolument sur les groupes communautaires et obtenir absolument leur collaboration si nous voulons avoir quelque chance de succès. C'est doublement vrai dans la communauté anglophone.

J'aurais une question précise à vous adresser qui me vient de la lecture, entre autres, de la page 8 de votre mémoire. Vous dites que les normes minimales nécessaires avant que des programmes puissent être offerts aux groupes minoritaires doivent être abaissées. C'est au paragraphe c, à la page 8 de vos conclusions. "Les exigences minimales concernant le nombre de personnes et les ressources disponibles nécessaires avant que des programmes puissent être offerts aux groupes minoritaires doivent être rabaissées." Je ne saisis pas bien ce que vous voulez dire.

M. Orr: Nous parlons de programmes comme le Rattrapage scolaire, par exemple, où nous utilisons des ressources des commissions scolaires pour rendre des services. Il y a de temps en temps des problèmes, surtout dans les régions éloignées de Montréal où il est impossible de trouver assez de participants pour offrir des programmes. Peut-être serait-il nécessaire de regarder dans certaines circonstances et dans certaines régions la possibilité que les exigences soient un peu moindres que celles qui existent dans les programmes pour les francophones. C'est donc de ce type de programmes que nous parlons ici. Je pense que c'est dans la région des Cantons de l'Est qu'il existe des programmes de rattrapage scolaire. Il y a aussi des régions comme la Gaspésie. Mais, dans d'autres régions, il devient difficile, voire impossible, d'offrir ces services au sein des commissions scolaires parce que, normalement, c'est un problème d'exigences minimales.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quand vous parlez de critères - et je veux bien vous saisir - vous parlez de critères strictement basés sur le nombre?

M. Orr: Pour la plupart, oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pour la plupart. Cela va. J'ai des demandes pressantes de limiter mes interventions dans le temps, le député de Notre-Dame-de-Grâce, le député de Sainte-Anne, etc., les députés ministériels veulent avoir la possibilité de vous adresser des questions. Donc, en vertu de la règle de l'alternance...

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de saluer MM. Orr et O'Keefe. Nous avons reçu différents groupes ici à la commis-

sion, depuis le début de nos travaux, et nous en sommes à la cinquième semaine d'audiences depuis le 22 février dernier. C'est quand même intéressant parce qu'après une cinquième semaine nous entendons des points de vue qui ont déjà été exprimés et je dois dire que, pour avoir reçu de nombreux groupes anglophones à la commission, qui ont exprimé des inquiétudes, c'est la première fois qu'on entend la recommandation, que vous placez en première position, à l'effet d'élargir la disponibilité des services en anglais offerts par le ministère.

L'ensemble des organismes d'expression anglaise qui sont venus devant nous, qu'ils soient du quartier Notre-Dame-de-Grâce ou du quartier Côte-des-Neiges - je pense, entre autres, au groupe de personnes handicapées de Côte-des-Neiges qui était représenté ici par une des leurs - faisaient grief d'une sous-représentation des agents handicapés qui comprennent bien le problème des personnes qui ont un handicap au sein des bureaux de l'aide sociale. Je pense au groupe Genesis, entre autres, qui est venu ici. Je pense également au Groupe Anti-Poverty de Notre-Dame-de-Grâce. Je pense au groupe de Pointe-Saint-Charles également. Enfin, ils sont tous venus devant la commission et ils n'ont jamais signalé un problème de disponibilité des services en anglais eu égard à une demande qui leur avait été faite dans un bureau d'aide sociale. Je crois qu'aucun d'eux n'a même mentionné ce problème.

Le YMCA l'a beaucoup mentionné, et c'est intéressant, M. Orr, parce qu'il nous a fait prendre conscience de la nécessité de l'apprentissage du français langue seconde. Ces gens ont beaucoup parlé de cela. Ils ont beaucoup parlé de la difficulté et de l'inquiétude qu'ils ont, d'une certaine façon, du fait qu'ils n'ont pas accès à ces programmes de français langue seconde. Je crois que c'était quasi unanime. Je crois que c'était aussi un aspect vraiment important. Je dirais même qu'il est pour eux vraiment prioritaire parce que la question de la disponibilité des services en anglais n'a pas été mentionnée par ceux qui représentent les défavorisés de la communauté anglophone.

J'aimerais savoir, concernant cette recommandation, si vous avez eu des représentations. D'où viennent-elles? Quels sont les organismes, les groupes ou les personnes qui vous ont fait des représentations? Y a-t-il des difficultés sérieuses qui n'ont d'aucune façon jusqu'à maintenant été démontrées ou illustrées devant la commission?

M. Onr: Pour commencer, Mme Harel, il faut dire que, premièrement, comme nous l'avons dit dans notre mémoire, nous avons fait une étude avec Communication-Québec sur la disponibilité des services en anglais. Dans cette étude, il a été démontré que le ministère de la Main-d'Oeu-vre et de la Sécurité du revenu est un des ministères avec les pires problèmes dans la fonction publique en ce qui concerne les services au public en anglais.

Mme Harel: De quel ordre sont les problèmes?

M. Orr: Vous pouvez peut-être parler de cela, M. O'Keefe.

M. O'Keefe (Michael): Absolument. Ils sont de plusieurs genres, cela dépend de l'agence en particulier. Cela commence avec la qualité de la langue parlée; il y a des problèmes de sensibilité aux problèmes particuliers de ceux qui sont d'origine anglophone. Il y a beaucoup de problèmes. C'était quasi unanime. Je dois admettre que j'ai parlé avec les groupes que vous avez cités, le YMCA et d'autres à Montréal. C'est en effet eux qui m'ont parlé de cela en premier. Je crois que cela répond un peu à votre question.

Mme Harel: Non. Pas vraiment. Ce qui est étonnant, c'est qu'ils ne nous en aient pas parlé et qu'ils n'aient pas saisi cette occasion qui est assez unique, autant dans leur mémoire écrit que dans leur présentation orale, de nous en parler, d'une part. D'autre part, tous par ailleurs, anglophones comme francophones, nous ont parlé de la mauvaise relation d'aide qu'ils reçoivent dans les bureaux d'aide sociale. Ils ne l'attribuent pas nécessairement...

M. O'Keefe: Oui, mais...

Mme Harel: Tous ceux qui représentent des personnes défavorisées...

M. O'Keefe: Madame...

Mme Harel: Tous ceux qui représentent des personnes défavorisées, évidemment, les corporations professionnelles qui sont venues devant nous et les autres, n'ont pas tenu ce langage-là, ils n'ont pas cette clientèle.

M. O'Keefe: Je peux vous donner...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président.

Mme Harel: Ceux et celles qui représentent des groupes défavorisés nous ont dit...

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: ...sans pour autant charger les agents d'aide sociale comme étant responsables. Mais ils ont fait valoir qu'ils ne pouvaient seulement avoir les services qu'entre 8 h 30 et 9 h 30 le matin, exclusivement une heure par jour, que les autres heures de la journée, les agents sont sur la route, que cette heure qui est allouée - qu'on soit francophone ou anglopho-

ne - c'est une heure qui est réservée à des milliers de personnes qui, toutes en même temps, essayent de rejoindre leur agent. Chaque agent a une moyenne de 400 dossiers. Toutes ces considérations rendent difficile... Mais personne ne nous a mentionné avoir eu une difficulté à obtenir un service en langue anglaise.

M. Orr: Madame, je peux vous donner une copie de l'étude qui a été faite. Les critères pour évaluer la qualité des services, la disponibilité des services avaient été établis par Communication-Québec avec nous. Nous serons heureux de vous en donner copie. Deuxièmement, il faut dire que tous les groupes que vous avez mentionnés viennent de la région de Montréal. On n'a pas parlé des autres régions. Troisièmement, il faut dire que le ministère suggère la possibilité d'élargir énormément les services qui sont donnés par les ministères. Si vous parlez des agents qui agissent comme conseillers, vraiment, il devient de plus en plus important que ces services soient rendus dans la langue comprise par les prestataires. Je ne sais pas ce qui a été dit à votre commission avant, mais tout ce que je peux vous donner, ce sont les statistiques, les études, ce que nous avons comme témoignage de cette réalité.

Mme Harel: M. le Président, je pense que, oui, cela serait très apprécié que vous puissiez les fournir à la secrétaire de la commission, pour le bénéfice de tous les membres de la commission. Vous semblez faire une réserve en ce qui concerne Montréal. Vous nous dites que les groupes qui sont venus devant la commission étaient des groupes de la communauté anglophone de Montréal. Faites-vous une réserve concernant ce que vous considérez être les difficultés d'obtention des services en anglais ailleurs, sauf à Montréal, ou si, pour vous, les problèmes sont les mêmes à Montréal qu'ailleurs?

M. Orr: Ce sont les mêmes. C'est une question de degré. Nous sommes en train de faire la même sorte d'étude en Gaspésie. On n'a pas encore les résultats de cette étude. Nos organismes dans les régions, nos associations et nos chapitres dans toute la province nous ont dit, en répondant à ce que nous avons préparé pour présenter comme mémoire, que ces problèmes existent. Je pense que le ministre a déjà noté une situation de cette réalité dans sa circonscription. Donc, je n'ai pas les mêmes sortes de statistiques pour les régions hors de Montréal, maintenant. Tous les gens qui nous parlent de cette question suggèrent que le manque de service est presque total en dehors de Montréal. (10 h 45)

Mme Harel: Sur cette question-là, j'aimerais beaucoup vous entendre sur les mesures que vous recommandez au ministre. Vous lui donnez finalement le mandat de prendre des mesures visant à élargir la disponibilité des services en anglais offerts par ces organismes. Quelles sont les mesures que vous envisagez?

M. Orr: Écoutez, c'est un peu comme la situation avec la loi 142. C'est nécessaire que les ministères établissent des programmes, des plans pour rendre les services. Cela exigera évidemment la nécessité pour tous les fonctionnaires d'être capables de donner chacun des services dans la langue anglaise. Tout ce que cela requiert, c'est une analyse des besoins d'une région, selon la population, selon les statistiques, et de développer dans le plan d'embauché les façons de s'assurer qu'il existe au moins des services de base.

Mme Harel: Ai-je bien compris? Avez-vous vraiment dit que vous conceviez qu'il faudrait qu'on l'exige cela de tous les fonctionnaires?

M. Orr: Non, non. J'ai carrément dit l'autre chose.

Mme Harel: Ah! C'est le contraire.

M. Orr: Au contraire, on n'exigera jamais cela. Il faut faire l'analyse, développer la façon de rendre lés services de base dans une région et ensuite assurer qu'une permanence rende ces services. Si ce sont des francophones bilingues ou des anglophones bilingues ou qui d'autre, cela ne vaut rien, mais il faut finalement avoir la capacité de rendre ces services.

Deuxièmement, je pense que cette question est intimement liée au problème de la sous-représentation des minorités dans la fonction publique et surtout au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Si le gouvernement implante des programmes d'accès à l'égalité, non seulement pour les communautés culturelles, mais pour les groupes linguistiques défavorisés dans la fonction publique, je crois que cela aidera dans le processus de développer la capacité de rendre les services dans les langues minoritaires.

Mme Harel: Dans les langues minoritaires?

M. Orr: Dans la langue minoritaire.

Mme Harel: La langue? J'ai compris les langues minoritaires.

M. Orr: Quand je dis cela, c'est la langue anglaise évidemment, mais je pense bien que, dans une région comme Montréal, il est peut-être nécessaire de regarder la possibilité de répondre aussi dans les autres langues. Comme Québécois, nous savons qu'il est de plus en plus nécessaire que nous soyons capables d'accueillir et de rendre aux Néo-Québécois des services de première ligne, mais, premièrement, nous sommes préoccupés du manque de services en anglais. Évidemment, c'est la communauté que nous

représentons.

Mme Harel: Justement, M. Orr, il ne faudrait pas confondre la souhaitable représentation des communautés culturelles au sein des bureaux de la fonction publique et le fait que la langue d'usage est le français. Vous disiez à juste titre que la communauté linguistique unie par la langue anglaise était composée de gens d'origines ethnique et religieuse aussi nombreuses que différentes. C'est le cas également pour la communauté linguistique unie par la langue française qui est également composée de gens d'origines ethnique et religieuse différentes.

M. Orr: Évidemment.

Mme Harel: Donc, il peut être souhaitable que ces communautés culturelles soient représentées, mais cela n'indique pas pour autant qu'elles le sont en langue anglaise. Ces communautés culturelles devraient augmenter leur niveau de représentation, mais les services peuvent aussi être offerts en langue française, sauf que...

M. Orr: II n'est pas question... Il faut être très clair. Alliance Québec n'a jamais exigé que tous les fonctionnaires provinciaux aient le droit de travailler en anglais. Nous parlons de la disponibilité des services aux citoyens tout simplement. Nous acceptons que la langue du travail au sein du gouvernement et au sein des ministères soit et continue d'être le français.

Deuxièmement, il faut noter, si nous devons discuter de toute cette question de l'accès à l'égalité, qu'il y a un élément linguistique dans le projet d'encourager la participation des minorités culturelles aussi, parce qu'il y a un bon nombre de communautés, comme la communauté noire de Montréal, pour lesquelles il y a non seulement la barrière de la couleur, mais aussi la barrière linguistique. Donc, toutes ces questions de la représentation des minorités sont...

Mme Harel: Justement, vous parlez de la communauté noire de Montréal comme ayant une barrière linguistique, mais elle est en grande partie aussi composée de personnes d'origine haïtienne.

M. Orr: Non, non. Je parle de la communauté noire anglophone. Elle est assez nombreuse. Elle représente...

Mme Harel: Ah, bon! D'accord. Il ne faut pas parler de la communauté noire comme étant nécessairement anglophone.

M. Orr: Non, elle représente 100 000 personnes à Montréal.

Mme Harel: Mais la communauté haïtienne également est très importante.

M. Orr: Madame, ce n'est pas la question

Tout ce que je dis, c'est que bon nombre de

Noirs au Québec ont un problème de barrière linguistique aussi pour l'accès.

Mme Harel: Alors, il faut souhaiter sans doute que, à la suite de cette recommandation, qui a été reprise par tous les groupes membres de la communauté anglophone qui sont venus devant nous, voulant qu'il puisse y avoir un accès élargi à des cours de français langue seconde, ces cours puissent être prioritairement offerts à des communautés qui y ont peu d'accès à la communauté francophone, notamment la communauté noire anglophone de Montréal, ce qui peut juste permettre de mieux harmoniser les relations de l'ensemble des Montréalais entre eux.

M. Orr: La disponibilité des cours.

Mme Harel: Tantôt, le ministre mentionnait qu'il sentait une sorte de méconnaissance de la part des groupes anglophones qui sont venus devant nous présenter leurs points de vue. Je sentais beaucoup d'hostilité de la part de ces groupes à l'égard de son projet, plus que de la méconnaissance, d'une certaine façon. Je voulais simplement lui signaler qu'il avait fait rendre public, en fait, en langue anglaise son projet de réforme et que j'avais eu le plaisir de le faire parvenir à l'ensemble des groupes représentant des personnes défavorisées à Montréal, également en langue anglaise, de manière qu'elles aient immédiatement accès à cette information qui les concernait au premier chef.

Vous avez raison de dire qu'il y a des pauvres parmi la communauté de langue anglaise de Montréal Cet écart sous le seuil de la pauvreté est vécu avec autant de problèmes et d'adversité, que l'on soit anglophone ou francophone. Il faut reconnaître évidemment que l'écart de 17 % que vous mentionnez est le double pour la communauté francophone à Montréal qui vit sous le seuil de la pauvreté. Indépendamment des statistiques, je pense que les réalités qui sont vécues par les personnes sont douloureuses. Il faut se rappeler que Montréal qui représente 15 % de la population - je parle de la population de la vHIe de Montréal - du Québec compte pourtant 37 % des familles bénéficiaires de l'aide sociale. Ces propos étaient ceux du maire de Montréal cette semaine et je les ai vérifiés et la ville de Montréal... Le ministre prend parfois en considération la banlieue, c'est-à-dire l'île de Montréal et l'île-Jésus. La banlieue de Montréal et l'île-Jésus font partie des classes moyennes supérieures qui ne comptent pas un très grand nombre de familles bénéficiaires de l'aide sociale.

Donc, Montréal, à proprement parler, est la ville où, dans certains quartiers, l'espérance de

vie est de neuf années inférieure. Je pense très clairement - et ce n'est pas caricaturer de le dire - que, à Saint-Henri, l'espérance de vie est de neuf années inférieure à l'espérance de vie dans le quartier Westmount et que, en regard de l'espérance de vie en pleine activité, sans restriction d'activités, la différence est de quatorze années. Il en va ainsi pour un certain nombre de statistiques, notamment sur le poids insuffisant des bébés à la naissance, sur la mortalité infantile et autres. Des écarts qui sont de l'ordre de l'invraisemblable, des écarts où, dans certains territoires de la ville de Montréal, le taux de périnatalité est celui des pays Scandinaves tandis que, dans certains autres quartiers, il est celui de l'Amérique latine. Ces écarts se vivent dans la même ville. Vous faites bien de nous rappeler qu'ils sont aussi vécus par des membres de la communauté anglophone de Montréal.

M. Orr: Si je peux répondre, évidemment, nous parlons des membres les plus défavorisés et les plus démunis de nos communautés et nous essayons de développer un système pour répondre aux besoins de ces gens. Donc, je pense que nous sommes ici parce que nous considérons que c'est une chance, une occasion pour vraiment trouver le meilleur système pour rendre des services de qualité à ces gens-là.

Mme Harel: Ce que, je vous le répète, on nous réclamait en premier lieu, c'était l'accès à des cours de français langue seconde.

M. le Président, par l'alternance, je voudrais peut-être permettre au...

Le Président (M. Bélanger): Oui. M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci, M. le Président. Très rapidement parce que le temps est limité et le député de Notre-Dame-de-Grâce voudrait aussi poser une question. Je vais d'abord rectifier une remarque faite par la députée de Maisonneuve. Je représente le comté de Sainte-Anne où, à Pointe-Saint-Charles, il y a une forte proportion de gens de langue anglaise. Je suis très content, premièrement, que le mémoire d'Alliance Québec fasse référence justement au fait qu'on retrouve la pauvreté parmi les anglophones, les francophones et les autres. Mais le fait que d'autres groupes soient venus ici, le YMCA et l'autre jour, par exemple, un groupe de langue anglaise, le Columbia House, et qu'ils n'aient pas fait allusion à ce problème additionnel de la langue anglaise, ne veut pas dire du tout qu'ils ne soient pas conscients de ce problème. Ils en sont très conscients sauf qu'ils ont seulement 20 minutes pour faire la représentation des mémoires. Les gens ont parlé du contenu du document du ministre Paradis et non pas de cet aspect. Je peux vous assurer que cet aspect que vous avez soulevé existe clairement. Tous ces groupes sont très conscients de cela, contrairement à ce que la députée de Maisonneuve vient de dire.

Vous avez parlé de la formation en langue seconde. Parmi les jeunes qui sont de langue anglaise, avez-vous constaté que ce problème n'existe pratiquement plus, mais que c'est plutôt devenu un problème pour ceux qui sont vraiment unilingues anglais, disons, pour les personnes beaucoup plus âgées?

M. Orr: II faut dire que, s'il existe des jeunes analphabètes, on peut croire qu'il existe aussi des jeunes unilingues. La réalité, c'est que, bien que nous ayons amélioré les programmes de français comme langue seconde dans nos écoles, il n'existe pas vraiment des ressources adéquates de la part du ministère de l'Éducation pour vraiment développer des programmes enrichis ou des programmes d'immersion pour assurer une connaissance et une capacité adéquates de la langue française. Donc, la réalité, c'est que des gens qui ont 30 ans et plus, comme moi, ont suivi des cours qui étaient loin d'être suffisants. Pour les jeunes qui sont maintenant dans les programmes, les programmes sont mieux développés et mieux donnés par les professeurs. Finalement, il faut dire que les programmes qui existent actuellement dans nos écoles ne sont pas une garantie d'une connaissance adéquate pour le milieu de travail, chez nos jeunes. Comme vous le savez, chez les jeunes pauvres, normalement, il existe beaucoup de choses qui les empêchent de vraiment profiter de l'éducation qui est disponible. Je pense que cela va continuer comme problème, mais cela doit être donné non seulement par la voie des programmes de formation en langue seconde pour les adultes, mais aussi par les autres ressources aux niveaux primaire et secondaire. Donc, c'est finalement une question de participation des anglophones à la vie publique du Québec. Nous acceptons, comme communauté, que cette participation soit faite majoritairement en français et nous croyons que c'est la responsabilité du gouvernement de donner des ressources nécessaires à la communauté pour réaliser ce projet.

M. Polak: M. le Président, je m'arrête parce qu'il ne reste plus de temps. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Bien, merci. Je vais céder la parole à Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: À la députée de Chicoutimi, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Chicoutimi, je vous en prie.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Concernant les données que vous nous mentionnez quant à la qualité des services qui sont offerts aux communautés anglophones, particuliè-

rement ici, il s'agit de celles qui sont défavorisées, vous nous dites qu'à Montréal il n'y a pas vraiment de problème...

M. Orr: Non, il y a un problème, mais c'est plus problématique ailleurs.

Mme Blackburn: Mais les problèmes ne sont pas majeurs à Montréal, vous dites que c'est plus problématique...

M. Orr: Les problèmes sont majeurs. Ils sont majeurs dans toute la province.

Mme Blackburn: M. le Président, je n'ai pas eu l'impression que M. Orr nous a fait une large démonstration qu'il y avait des problèmes majeurs dans l'île de Montréal. Ma question est la suivante et j'aurais tendance à partager votre avis en ce sens que probablement, à l'extérieur de IHe de Montréal, il est peut-être un peu plus difficile de trouver des services bilingues. Là, vous citez deux régions en particulier en parlant des régions périphériques. Cela met un peu loin la périphérie, vous parlez de la Basse-Côte-Nord et de la vallée de la Saint-Maurice. Sur la Basse-Côte-Nord, ce sont surtout les autochtones, je pense, qui sont unilingues anglais dans cette région..

M. Orr: Non.

Mme Blackburn: Je voudrais, pour pouvoir - M. le Président, vous allez me laisser terminer ma question - mesurer l'ampleur du phénomène, que vous me donniez la proportion des anglophones qui vivent de l'assistance sociale à l'extérieur de Montréal. Je pense que la grande concentration est à Montréal. Je voudrais savoir ce que cela donne, par exemple, je ne parlerai pas de ma région parce qu'il y en a peu au Saguenay-Lac-Saint-Jean, mais sur la Basse-Côte-Nord, je sais que ce sont particulièrement les autochtones et, comme on les retrouve également autour du lac Mistassini, dans le...

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, Mme la députée de Chicoutimi, le temps est écoulé.

Mme Blackburn: Alors, je voudrais savoir ce que cela représente. Ensuite, une deuxième question touchant la taille des groupes requis par les commissions scolaires, les collèges ou les universités pour offrir des services éducatifs ou une formation professionnelle. Vous savez que le problème existe dès que vous sortez des grands centres. Il existe non pas seulement pour les anglophones, il existe pour nos jeunes francophones également et pour toute la communauté. C'est la question de la formation ou de l'accès à la formation qui ne tient pas compte de la densité de population. C'est le problème et je dirais qu'il est universel.

(11 heures)

Je voudrais savoir ce que représente dans les faits, de façon concrète - je voudrais que vous puissiez me le chiffrer - la pauvreté chez les anglophones dans les régions en dehors de

Montréal. Vous n'avez pas dû dire cela comme cela, à peu près.

M. Orr: Je n'ai pas de chiffres exacts, peut-être que le ministère pourrait nous donner des chiffres.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On pourra vous les fournir.

M. Orr: Je vais vous dire que la communauté anglophone dans les régions autres que Montréal représente à peu près 200 000 personnes. Dans les régions comme celle de la Basse-Côte-Nord, elle représente 80 % de la population. Dans les autres régions, évidemment, comme dans les Cantons de l'Est, c'est à peu près 9 % ou 10 % de la population. Cela varie énormément. Je crois que, comme vous l'avez suggéré, cela exige une analyse très précise, non seulement du nombre d'anglophones, mais aussi du nombre de prestataires pour décider quel est le niveau de service qui est nécessaire dans telle ou telle région. Peut-être que le ministère peut nous aider dans cela. C'est du principe que nous discutons ici, du principe de rendre des services. Nous ne disons pas qu'il existe une formule magique pour décider quel est le service qui doit être donné et où il doit être donné. C'est une analyse qui doit être faite.

À votre deuxième question, tout ce que je peux vous dire, c'est que cela existe comme problème; nous savons que cela existe. Ce que je peux faire, c'est de communiquer avec les commissions scolaires afin de vous faire un petit bilan des programmes de rattrapage scolaire, par exemple, et des autres programmes qui existent au sein de ces commissions scolaires. C'est noté, selon nous, par un bon nombre de commissions scolaires et de regroupements populaires que c'est un problème, mais je ne peux pas vous répondre exactement quel est précisément le problème. Je peux vous préparer un bilan et vous envoyer cela dans un bref délai.

Mme Blackburn: M. le Président, ce que je comprends...

Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse, madame, le temps est vraiment écoulé. Il reste quelques minutes pour la formation parlementaire...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): S'il y avait consentement... Je serais prêt, si c'était bref, parce que c'est la première présence...

Mme Blackburn: Oui?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...de Mme la députée en commission.

Le Président (M. Bélanger): Alors, il y a consentement. Merci.

Mme Blackburn: C'est très bref. En fait, c'est plus un commentaire parce que...

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

Mme Blackburn: ...ce que je comprends de votre mémoire, c'est que vos recommandations ne reposent pas sur une connaissance fine de la situation qui vous aurait amenés à faire des recommandations. Ce que vous dites simplement, c'est qu'il y a potentiellement un problème; on nous en a parlé; les commissions scolaires nous en ont parié...

M. Orr: Madame, il existe...

Mme Blackburn: ...mais vous n'avez pas de donnée concrète vous permettant...

M. Orr: II existe un problème, selon nos regroupements populaires.

Mme Blackburn: ...de mesurer, de façon précise, l'ampleur du phénomène. C'est ce que je dis...

M. Orr: Madame...

Mme Blackburn: ...c'est ce que j'ai cru comprendre.

M. Orr: ...comme vous le savez, le gouvernement du Québec, anciennement, n'était pas si préoccupé de la situation de la communauté anglophone, donc, il manque des études sur les questions qui touchent notre communauté. Nous avons des réactions de nos groupes populaires dans les régions et des commissions scolaires qui disent qu'il y a vraiment un problème. Si vous me demandez si j'ai un bilan que je peux vous donner immédiatement, non. Le ministre a même dit qu'il existe un problème. Il existe des problèmes énormes par rapport aux services. Je vous dis que nous avons une étude faite avec Communication-Québec qui démontre cela clairement pour Montréal; nous sommes en train de compléter une étude du même genre pour la Gaspésie. Je pourrai vous donner cela aussitôt que ce sera prêt. Je peux vous faire un bilan sur la situation en ce qui a trait aux programmes, comme le rattrapage scolaire, qui existent dans les régions. Le principe, je pense qu'il est bel et bien accepté. Votre collègue a déjà suggéré qu'il y a un bon nombre de groupes qui sont venus pour vous dire qu'il existe des problèmes, soit le manque de programmes de français comme langue seconde. Par exemple, j'ai des chiffres pour indiquer qu'il manque des services à Montréal; j'ai des indications de nos regroupements dans le sens qu'il existe des problèmes dans les autres régions aussi. Si cela vous laisse croire que nous n'avons pas vraiment des statistiques précises pour faire nos suggestions, c'est votre opinion, mais je crois que nous avons bel et bien fait les recherches pour présenter les préoccupations d'un groupe communautaire devant la commission parlementaire.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Thuringer: Merci, M. le Président. J'aimerais féliciter les représentants d'Alliance Québec pour leur mémoire et la façon dont ils expliquent leurs points de vue. Je dois dire aussi que cette question de la langue a été soulevée ici par les groupes francophones et anglophones. Je pense que c'est un problème, une autre dimension qu'il faut ajouter à la formation de toutes ies personnes qui veulent réintégrer le marché du travail.

J'aimerais aussi faire un autre commentaire, M. le Président, pour éclairer un peu la perception de la députée de Maisonneuve. Il est vrai que le NDG Anti-Poverty et d'autres n'ont pas parlé des services disponibles en langue anglaise ou en d'autres langues. C'est parce qu'ils ont beaucoup de préoccupations d'abord avec...

Mme Harel: La réforme. Ha, ha!

M. Thuringer: Oui, c'est vrai. C'est bien clair. Mais il est sûr que les groupes culturels qui parlent anglais, les personnes âgées et d'autres, non seulement dans mon comté, mais ailleurs, cela les préoccupe beaucoup, et même dans l'Est de Montréal. Je pense que c'est très important, c'est une dimension où il y a beaucoup de craintes chez les groupes communautaires.

I would like to head an area, Mr. President, that touches the fact that there is not enough representation of English-speaking and cultural groups in government and community services. That is something that has been encouraged by our government that certainly encourages it. I would like to know, from Alliance Quebec's stand point, what are some other things specifically that can be done not only by the government but also by community groups to make that a reality because I think that is a key factor.

The second is... I think I will leave that because the timing does not permit...

M. Orr: Mr. Thuringer, we have concentrated on working with the Minister of Justice and with Mr. Gobeil, the Treasury Board Minister, to encourage them to put in place a programme d'accès à l'égalité. What is that in English? Affirmative Action Program. We think that it is going to require that kind of focus effort on the part of the government to really regulate the

situation. I mean that kind of level of participation indicates systemic discrimination and traditionally in North America and another places, systemic discrimination has been dealt with by the Affirmative Action Program. It is going to take that kind of things.

On your other point about the involvment of community groups, obviously part of the problems seems to be that English-speaking people for whatever reason do not feel that there is a place for them in the public services. And they are underrepresented not only in the public services but in the banks of names that the public services go to look for potential candidates. This has to be a comprehensive approach that includes getting out to the community, conveying the informations of the communities, telling the communities basically that there is a chance for employment and that there is a special program that is ongoing to try and get up those levels of participation.

So there is no simple or easy answer but there is a lot of models for Affirmative Action Program that have been put in place in other places. I know the government, through some of its ministries, is looking at these kinds of programs and all we can do is encourage them to move as quickly as they can. That being said, I think if there is any new initiative of any special hiring going on, for example, in connection with this sort of a program of the development at these sorts of new services, that the ministry responsible has to be very conscious that this is a particularly good opportunity to try to make sure that the minorities are well represented.

M. Thuringer: Est-ce que je peux...?

Le Président (M. Bélanger): Rapidement

M. Thuringer: Brièvement, M. le Président. Il y a un autre aspect, c'est l'agent économique, ce sera très important la personne qui sera en contact avec les pauvres de la région. Des représentants sont venus nous dire que les groupes communautaires peuvent peut-être fournir ce service. Si ce n'est pas nécessairement au gouvernement, on peut acheter des services. C'est peut-être un moyen, que dans certains quartiers, des groupes communautaires anglophones puissent jouer le rôle d'agents, jumelés avec le gouvernement. Je me demande si vous êtes d'accord grosso modo ou...

M. Orr: Nous soutenons une telle idée parce que, finalement, la tradition du bénévolat est assez importante dans notre communauté, la tradition des groupes communautaires qui travaillent avec le gouvernement pour aider les réformes et le développement social et économique. Donc, je crois qu'il est important de continuer à reconnaître la présence et l'efficacité de ces groupes là où ils existent. Il faut noter, en même temps, que ces regroupements n'existent pas dans beaucoup de régions, mais où ils existent, où ils ont déjà indiqué qu'ils sont capables de gérer de tels programmes, selon moi, c'est la meilleure façon de s'assurer non seulement que les services soient rendus, mais qu'ils soient perçus comme disponibles par la population dans une région.

M. Thuringer: D'accord. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la députée de Maisonneuve, si vous voulez remercier nos invités.

Mme Harel: Oui, rapidement, M. le Président, je veux remercier MM. Orr et O'Keefe. Je trouve intéressant le point de vue que vous apportez malgré que je considère toujours que, si c'était un problème majeur, la disponibilité des services en anglais, à défaut de le dire à cause du peu de temps imparti, on aurait pu certainement l'écrire dans les mémoires. Je crois qu'aucun mémoire ne contient cette recommandation écrite. Je veux simplement vous remercier pour votre présence. Je crois qu'il est important que vous veniez devant nous avec l'expertise que vous avez. J'allais dire cette expertise avec maintenant le fait que vous émettez également des reçus pour subvention ou pour don de charité. Je ne sais pas si cela a quelque chose à voir avec votre expertise, mais j'imagine que c'est plus avec les groupes communautaires défavorisés que vous avez votre expertise en matière de "défavorisation". Je vous remercie pour votre présence.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre

M. Orr: S'il vous plaît, M. le Président.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): En terminant, j'aimerais remercier Alliance Québec et ses porte-parole. Je voudrais vous indiquer que vous avez parlé ce matin au nom de quelque 29 600 chefs de ménage, dont le seul revenu est l'aide sociale et qui nous demandent, au ministère, de communiquer avec eux en langue anglaise. Cela représente 8,4 % de notre clientèle au ministère. Je n'ai pas les proportions régionales devant moi, mais je m'engage à les trouver au ministère et à les communiquer à la commission ainsi qu'à vous faire parvenir également cette information de façon que, sur une base régionale, on ait encore plus d'outils statistiques pour articuler le dossier.

Ce que je retiens, c'est qu'une personne qui est à l'aide sociale et qui se cherche un emploi dans la société a de multiples barrières à franchir. Une des caractéristiques sur lesquelles on a insisté depuis le début de la commission est le facteur de l'isolement. Lorsque nous nous retrouvons dans la langue de la minorité, dans une société, nous nous trouvons désavantagés sur le

plan financier et les autres. On se retrouve donc doublement isolés. Le ministère portera une attention particulière afin que cette barrière de l'isolement tombe pour tout le monde. Une attention particulière sur le plan linguistique sera également portée pour le bénéfice de ces quelque 30 000 chefs de ménage de langue anglaise. Merci beaucoup de votre contribution aux travaux de la commission.

Le Président (M. Bélanger): La commission des affaires sociales remercie le groupe Alliance Québec et j'appelle maintenant, à la table des témoins, la Centrale de l'enseignement du Québec, qui sera représentée par M. Raymond Johnston, Mme Rosette Côté, M. Richard Lan-glois, M. Christian Payeur et M. Daniel Lachance.

Nous saluons donc les représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec. Je vous explique nos règles de fonctionnement. Vous avez 20 minutes fermes pour présenter votre mémoire ou son résumé. Par la suite, il y aura une période d'échanges avec les membres de la commission. Auparavant, simple question de procédure, je voudrais vous demander d'identifier d'abord votre porte-parole et les membres de votre équipe et, à chaque fois que vous ferez une intervention, si c'était possible, de donner votre nom pour les fins de transcription du Journal des débats. Je vous remercie et vous prie de commencer.

Centrale de l'enseignement du Québec

M. Johnston (Raymond): Merci, M. le Président. Je suis Raymond Johnston, vice-président de la CEQ. Au cas où tout le monde chercherait Mme Rosette Côté, elle ne s'est pas déguisée en homme; elle a dû se décommander à la dernière minute à cause d'autres engagements. (11 h 15)

Les personnes qui m'accompagnent sont, à ma droite, Marc-André Lemay, employé-conseil à la centrale, qui s'occupe particulièrement des dossiers sociaux; Christian Payeur, immédiatement à ma gauche, également employé-conseil à la centrale, attaché à la recherche; à l'extrême gauche, pour des fins physiques, Daniel Lachance, président de la Fédération du personnel de soutien affilié.

Je vais essayer, M. le Président, M. le ministre et Mme la responsable, pour l'Opposition, de ce dossier, de vous présenter sommairement l'essence de notre intervention. Et MM. les membres de la commission; je m'excuse d'avoir négligé les autres membres de la commission. Je voudrais essayer de vous présenter, d'abord, le sens de notre intervention, notre intérêt, et résumer l'essentiel de nos propos.

Vous savez sans doute que notre organisation est principalement implantée dans le secteur de l'éducation et, récemment, un peu plus dans le secteur de la santé et des services sociaux. Nous représentons du monde dans d'autres secteurs, mais l'enracinement principal de la centrale, dans le secteur de l'éducation, et la préoccupation générale et permanente de notre organisation, de la centrale, de ses syndicats et de ses membres, à rechercher des conditions qui permettent l'égalité des chances en éducation ont amené notre organisation, en plus de ses autres volets de préoccupation, à s'intéresser de façon particulière à ce dossier. Nos membres sont conscients que rechercher la réduction des inégalités à l'école est un objectif louable. Il y a certaines possibilités d'avancer sur ce terrain, mais, si on ne travaille à la réduction des inégalités qu'en milieu scolaire, on est confrontés, à l'entrée des étudiants dans le domaine scolaire, avec des inégalités sociales déjà acquises et qui deviennent, jusqu'à un certain point, non seulement un handicap pour ces jeunes pendant qu'ils sont à l'école, mais probablement aussi, dans la mesure où ce n'est pas contré pendant la période de l'évolution scolaire, un handicap permanent pour une bonne partie de leur vie.

On est aussi interpelés comme organisation syndicale, du fait que la réforme proposée par le ministre risque d'avoir un impact, à notre point vue, assez important sur l'emploi, les conditions de travail et les acquis de la syndicalisation. Donc, ce sont là les deux pôles d'entrée de nos préoccupations à l'égard de ce dossier puisque, tout le monde le sait fort probablement, notre organisation ne regroupe pas beaucoup d'assistés sociaux et d'assistées sociales.

Cependant, si je peux me le permettre dans cette phase introductive, je voudrais vous citer un petit bout de texte qui me semble un peu révélateur du rôle que le mouvement syndical se doit de jouer à l'égard de ces questions. Je vais vous lire ce petit paragraphe: Si les pauvres ont un porte-parole en Amérique, ce rôle appartient au mouvement ouvrier. Les syndicats ont leur idéologie. Ils sont directement intéressés. Ils savent que cette réserve de main-d'oeuvre à bon marché, inorganisée, est une menace aux conditions de travail et de salaire dans l'économie tout entière. C'est pourquoi bien des programmes législatifs émanant des syndicats expriment les besoins des pauvres.

Ce n'est pas une citation tirée d'un ouvrage de Karl Marx, c'est tiré de la page 47 d'un ouvrage écrit par MM. Jean Hétu et Herbert Marx, à l'époque où ils étaient tous deux professeurs d'université, Droit et pauvreté au Québec. Si je prends le temps de rappeler cela, c'est que cela me semble pertinent dans le débat.

Ce qui frappe au premier titre, quand on essaie de situer le débat sur la sécurité du revenu et la réforme de l'aide sociale dans une perspective un peu plus globable, c'est la façon dont le problème est posé, de façon générale. Nous avons le sentiment qu'il s'agit, sur la base des études qui ont déjà été réalisées, d'un procès inégal et incomplet. Inégal et incomplet puisqu'on met en procès, à ce moment-ci, un régime de

sécurité du revenu ou d'aide sociale qui est dirigé vers les plus démunis de la société sans mettre en parallèle le régime caché d'aide sociale dirigé vers les mieux nantis et les entreprises dans la société.

Je vous soulignerai au passage, M. le ministre, l'intérêt de la publication récente du professeur Denis Fortin, que nous avons d'ailleurs contribué à éditer, qui met en relief que, si, au Canada, on investit environ 8 000 000 000 $ actuellement, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux réunis, dans l'aide sociale proprement dite, il y aurait, d'après les projections qu'il établit, quelque 60 000 000 000 $ de la part du gouvernement fédéral seulement qui seraient dirigés vers les mieux nantis et les entreprises au Canada. Le rapport Nielsen, qui avait été commandé par le gouvernement conservateur, révélait une partie de ce régime caché d'aide sociale envers les mieux nantis par son étude sur les dépenses fiscales. Il y a d'autres travaux qui ont été réalisés par des journalistes et des chercheurs qui vont dans le même sens aussi. Je voudrais signaler que, avant de poursuivre un débat sur une question qui va fondamentalement toucher la question de la répartition de la richesse, il y aurait peut-être intérêt à ce que le gouvernement du Québec commande aussi des études, et les rende publiques, sur tous les aspects de sa politique qui constituent sa tranche du régime caché d'aide sociale dirigé vers les mieux nantis et les entreprises, et là sans exclure tout le volet des dépenses fiscales. Dans un contexte où le monde aurait, d'un côté, ce qui va vers les plus démunis, d'un autre côté, ce qui va vers les mieux nantis et les entreprises, probablement qu'on pourrait se trouver dans un régime de procès un peu plus global sur la répartition de la richesse dans la société et probablement que là il y aurait certaines choses qui s'éclaireraient.

Je veux vous souligner aussi que, quant à nous, après avoir pris connaissance du document d'orientation, nous considérons que, après la publication du rapport Boucher et la loi générale qui en a résulté, le retour à la fragmentation des assistés sociaux en aptes et inaptes, disponibles et non disponibles, et toutes les sous-catégories qu'on peut déceler à travers le projet, selon la durée du besoin, que ce retour à la fragmentation, selon nous, constitue un recul important en regard des progrès qui avaient été réalisés à la suite du rapport Boucher, en termes d'unification du régime d'aide sociale au Québec. Cela risque aussi de provoquer la remontée de certains effets discriminatoires dans les comportements des employeurs qui vont trouver, dans ces distinctions-là, des motifs pour justifier un certain nombre de leurs attitudes actuelles. Un deuxième élément sur lequel je voudrais revenir - cela a été souligné par beaucoup de groupes - c'est la parité pour les jeunes. On l'a cherchée. On l'a cherchée de façon sérieuse et on a découvert, M. le ministre, qu'elle n'existait pas dans votre projet. On s'interroge aussi sur la stratégie globale qui inspire actuellement l'ensemble des politiques gouvernementales et on se demande si on n'est pas en train de poser une pièce de plus, une pièce importante, mais une pièce de plus, dans une certaine forme de stratégie d'appauvrissement et de marginalisation. Je vais essayer de vous démontrer un peu notre analyse.

D'abord, les critères de base proposés en ce qui a trait aux prestations de l'aide sociale: réfère au dernier décile dans la rémunération pour calculer les besoins et exclure un certain nombre de besoins qui ne sont pas considérés comme essentiels, mais qui sont pourtant essentiels à l'aube du 21e siècle, comme le transport, le droit à des activités sociales et à des activités socioculturelles, etc., pour sortir de l'isolement et de la marginalisation. Tout cela est exclu des considérations actuelles. La volonté du gouvernement de maintenir aussi un écart significatif entre les prestations d'aide sociale et le salaire minimum. Ce n'est pas en soi un critère à rejeter de façon absolue^ Le vrai problème, M. le ministre, c'est que, alors que l'indice des prix à la consommation, de 1978 à 1986, augmentait d'environ 80 %, le salaire minimum n'était relevé que de 27%. Il y a eu un ralentissement de l'augmentation de 1978 à 1981. Après cela il y a eu un gel de 1981 à 1985. Tout récemment il y a eu un relèvement significatif - parce que ces montants, pour le monde cela veut dire un peu plus d'argent - en deux s phases successives. Mais cela ne permet pas, de toute façon, de rétablir l'équilibre entre le salaire minimum et l'évolution de la rémunération hebdomadaire moyenne depuis 1978. On est très loin de cela.

L'auteur que je vous citais tantôt nous indique, à un endroit dans son ouvrage, qu'il devrait y avoir un salaire minimum légal qui corresponde au moins à 60 % de la rémunération moyenne observée. Lui, il pose cela comme étant un jalon essentiel de la lutte contre la pauvreté. Ce que nous contestons donc ce n'est pas le fait de garder un écart entre les prestations d'aide sociale et le salaire minimum, mais c'est l'approche suivante. Le salaire minimum ayant décliné en valeur absolue depuis 1978 à ce point, on s'en sert, à cause de l'effet de tassement déjà réalisé, pour garder à un niveau largement inférieur à cela les prestations d'aide sociale. Pour les travailleurs et les travailleuses les moins bien rémunérés et pour ceux qui sont exclus du marché du travail on combine des facteurs d'appauvrissement qui nous apparaissent inacceptables.

Les autres éléments qui nous apparaissent significatifs d'une espèce de stratégie d'appauvrissement et de marginalisation sont les choix qui sont faits progressivement au plan de la diminution des services publics en santé et en services sociaux - cela a des effets directs sur les pauvres de la société - la désinstitution-nalisation qui s'opère dans plusieurs secteurs et crée, en plus, une marge substantielle de sans-

abri, particulièrement dans la région de Montréal et dans les centres urbains; la réduction des investissements dans le logement social, où on va plutôt subventionner des logements privés; le fait qu'on aille vers une forme de diminution et de déplacement des services d'éducation. Les gens qu'on identifie dans le réseau de l'éducation comme étant en difficulté d'adaptation et d'apprentissage - je ne parle pas de handicapés physiques - proviennent pour la plupart de milieux défavorisés. Or, ce qu'on vit présentement c'est une diminution dramatique des services dirigés vers cette clientèle. Cela ne peut pas ne pas avoir pour effet de maintenir et d'élargir le cercle de pauvreté. (11 h 30)

De la même façon, les politiques gouvernementales actuellement en voie d'application en matière d'enseignement professionnel nous semblent réduire l'accessibilité, au niveau secondaire, à un régime d'option large, accessibilité immédiate pour les clientèles. Cela facilite jusqu'à un certain point une forme de décrochage scolaire et les problèmes qui en découlent.

Je pourrais aussi mentionner la difficulté de procéder, comme il est préconisé dans certains milieux, à l'intégration jeunes-adultes dans l'enseignement professionnel. Cela va générer aussi des difficultés de même nature. Ajoutons à cela la diminution des services éducatifs autres que l'enseignement, comme les services professionnels des psychologues, des orthopédagogues, des conseillers en orientation et autres. À tous les niveaux du réseau scolaire, on voit qu'il y a là des problèmes importants.

Donc, il y a un déplacement actuellement des priorités partant des moins biens nantis et allant vers les plus favorisés, et ce, même à l'intérieur du réseau scolaire. C'est inquiétant et cela s'ajoute à une croissance des écoles privées et à certaines réductions des efforts au plan de l'alphabétisation. Il me reste deux minutes.

Le Président (M. Leclerc): Si vous pouvez...

M. Johnston: Je vais essayer de compléter rapidement, M. le Président, en allant...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Y a-t-il consentement, si vous avez besoin de poursuivre un peu?

Le Président (M. Leclerc): Alors, il y a consentement.

M. Johnston: II y a consentement, vous êtes bien gentils. On voit aussi dans le projet, M. le ministre, une stratégie de conscription sans espoir, et j'insiste sur le terme "sans espoir", dans l'approche qui apparaît au document d'orientation quand on lie le projet aux autres politiques gouvernementales. D'une part, le gouvernement réduit l'emploi dans les services des secteurs public et parapublic. D'autre part, il réduit en même temps les services qui sont destinés aux plus défavorisés. Il vise à rendre un peu chaque prestataire responsable de son chômage alors qu'il sait - les courbes le démontrent - qu'il y a une augmentation du nombre de prestataires; de l'aide sociale lorsqu'il y a une augmentation significative du chômage. Le gouvernement abandonne en quelque sorte son intervention directe au plan de l'emploi, et son intervention directe dans la gestion économique au Québec. Tout ce qu'il propose, ce sont des mesures de maintien et de développement de l'employabilité qui ne comportent, à tous égards, aucune espèce de garantie pour le prestataire, si ce n'est de recevoir des prestations pendant le temps qu'il est engagé dans ces programmes.

Notre lecture des programmes comme les travaux communautaires et les stages en milieu de travail, tels que définis, nous oblige à les identifier comme des mesures contre-productives pour l'emploi; elles sont même potentiellement destructrices de possibilités de création d'emplois. Le nombre de personnes augmentera dans ce genre d'activité avec les mesures qui sont proposées, mais elles auront nécessairement une forte pression à la baisse sur les conditions des personnes qui oeuvrent comme salariés dans les secteurs où ces personnes-là vont aller travailler, tout en chagrinant, M. le ministre, la portée des unités d'accréditation, quand on connaît les batailles que le mouvement syndical a été obligé de faire dans le passé pour obtenir la reconnaissance syndicale et la couverture, par des certificats d'accréditation de l'ensemble des personnes qui travaillaient dans une entreprise.

Au plan du. retour aux études, nous considérons - il y a plusieurs études qui le démontrent, d'ailleurs - que les gens qui ont une formation insuffisante, et qui souvent n'ont pas de diplôme, sont très rapidement marginalisés par rapport au marché du travail, surtout dans les périodes de haut taux de chômage. Et on ne peut pas prétendre qu'il est faible quand il oscille encore autour de 9 %. M. Marx et M. Hétu écrivaient en 1974 qu'à 6 % c'était déjà dramatique. On est à 9 % en 1988, officiellement.

Mais ce que nous n'acceptons pas dans les programmes actuels de retour aux études, c'est qu'on impose une différenciation des prestations comme mesure incitative, qu'on vive le fouillis administratif dans l'organisation et la gestion de ces cours, et qu'il n'y ait pas de véritables mesures concrètes d'aide au retour aux études, si ce n'est que quelques garanties d'allocations pour les services de garde. Mais il n'y a pas de service direct et complémentaire pour assister le retour aux études. Il n'y a pas, par exemple, de garderies dans les centres où les gens vont aller suivre leurs cours. Il n'y a pas d'arrangement des horaires et des activités qui tiendrait compte des conditions particulières de ces clientèles. Il n'y a pas de développement de programmes et de pédagogie adaptée non plus. Force nous est de

constater qu'il n'y a même pas de possibilité, à l'intérieur du réseau scolaire, pour une véritable approche globale de cette question, puisqu'il semble que la gestion de l'ensemble de ces cours échappe plus ou moins à l'ensemble de la structure scolaire.

Nous prétendons, M. le ministre, qu'il faut briser le cercle infernal de la pauvreté. Et pour briser le cercle de la pauvreté, il faut faire des choix, des choix substantiels, des choix qui vont probablement amener des gens qui gagnent plus dans la société, des gens qui ont des moyens substantiels dans la société, à faire une contribution plus grande pour être capable d'assurer le minimum.

Il faut également faire des choix qui feraient en sorte que les travailleuses et les travailleurs qui ne sont pas encore marginalisés, par rapport au marché de l'emploi, aient les possibilités de vivre décemment avec le salaire minimum auquel ils sont souvent résignés. Il faut donc être capable d'agir sur le relèvement des conditions socio-économiques des pauvres au Québec. Mais, en même temps, il faut être capable de favoriser l'égalité des chances en éducation, il faut être capable d'adapter les services de santé et les services sociaux pour les clientèles particulières dont on parle aujourd'hui, il faut être capable de s'attaquer à l'analphabétisme fonctionnel beaucoup plus qu'on le fait présentement, et H faut être capable de développer une démarche, en matière d'alphabétisation, qui combine des approches institutionnelles avec des approches qui ne sont pas institutionnelles.

Il faut également être capable de développer des instruments de relèvement du niveau socioculturel, dans les quartiers où il y a des poches de pauvreté importantes, même en dehors du réseau scolaire. Finalement, il faut trouver des moyens, par-delà ce que je viens de dire, pour assurer une distribution un peu plus équitable de la richesse dans la société, en prenant pour acquis que le premier niveau de la répartition de la richesse est habituellement le travail.

Il faut donc que le gouvernement s'engage dans une perspective de développement de l'emploi au point de rechercher activement le plein emploi. Il faut aussi que le gouvernement établisse un cadre qui permette aux travailleurs et aux travailleuses, le cas échéant, d'espérer améliorer leurs conditions de travail, donc, faciliter l'accès à la syndicalisation. Il faut aussi des programmes qui permettent même aux gens qui sont au travail, mais qui n'ont pas les qualifications qui leur permettraient une espèce de polyvalence dans les coups durs qui s'en viennent, de pouvoir accéder facilement à des programmes de formation qui les rendent moins vulnérables aux chocs que peuvent subir les entreprises. Nous savons tous, M. le ministre, qu'avec la perspective joyeuse d'un accord de libre-échange il y aura des coûts qui seront supportés par les travailleuses et les travailleurs dans plusieurs secteurs. Il faut donc que l'État s'engage à jouer un rôle moteur, un rôle actif et non pas seulement incitatif, seulement facilita-teur, au plan de l'économie et de l'organisation des équipements collectifs.

Pour conclure, M. le Président, nous ne partageons pas les approches préconisées par le document d'orientation. Notre mémoire conclut sur quelques orientations que, comme plusieurs autres groupes au Québec, nous retenons comme devant être la base logique d'articulation d'un régime de sécurité du revenu qui tienne compte du fait qu'une politique de sécurité du revenu, ce n'est pas une solution globale en soi, mais c'est une pièce dans un ensemble. Cette pièce ne peut jouer son rôle de façon adéquate que dans la mesure où toutes les autres pièces sont présentes et jouent leur rôle de façon significative et efficace dans l'ensemble global qui est présenté. Nous vous invitons donc, selon la formule traditionnelle des enseignants et des enseignantes, à essayer de refaire le devoir, M. le ministre, dans une perspective différente, plus tournée ou plus inspirée par un préjugé favorable aux assistées sociales et assistés sociaux et aux travailleuses et travailleurs du Québec. Merci beaucoup.

Le Président (M. Leclerc): Je vous remercie, M. Johnston. Je cède la parole à M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On m'indique que, par suite de notre consentement, il nous reste 15 minutes de chaque côté dour essayer de créer une espèce d'interaction. . Cela va. Je vais tenter d'en venir immédiatement à l'essentiel.

Vous connaissez bien le profil de notre clientèle. Vous avez parlé d'analphabétisation: à l'aide sociale, 36 % de la clientèle dite apte au travail est composée d'analphabètes; 60 % des assistés sociaux dits aptes au travail n'ont pas terminé leurs études secondaires; 40 % n'ont aucune expérience de travail reconnue. Cela pose des difficultés énormes.

Je vous dirai tout de suite que, du point de vue du fond, l'argumentation que vous nous avez servie sur le salaire minimum est complètement fondée. Mais, quel que soit le ministre du Travail - parce que ce n'est pas le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui est responsable de ce dossier, c'est plutôt le ministre du Travail - quel que soit le ministre du Travail qui serait entré en fonction en décembre 1985, le rattrapage qu'il y avait à effectuer était énorme. Je ne vous dirai pas qu'il est accompli au moment où nous nous parlons, loin de là. Cependant, je vous dirai qu'à partir des statistiques de 1987 il est sérieusement amorcé. En 1987, le salaire minimum a été augmenté de 8,75 %; les augmentations des barèmes d'aide sociale: 4,1 %; l'ensemble des conventions collectives au Québec: 3,7 %; le salaire hebdomadaire moyen: 2,1 %. On a donc enclenché un rattrapage qui est loin d'être terminé et sur lequel, au gouvernement, nous

avons la préoccupation de continuer à travailler, mais ce que vous avez dit du salaire minimum entre 1976 et 1985 est exact. (11 h 45)

Vous me permettrez, à ce moment-ci, pour que l'on puisse bien se comprendre - parce que vous avez indiqué à la toute fin qu'une politique de sécurité du revenu, cela faisait partie d'un ensemble, et vous avez raison - de corriger une impression que je partageais avec vous jusqu'à ce que je prenne connaissance des dernières stastis-tiques relative à la création d'emplois dans le secteur public. La revue "Le marché du travail" de février 1988, à la page 87, nous enseigne ce qui suit: "Dans la même veine, l'administration publique aura créé 11 000 postes (5,6 %) l'an dernier, une croissance somme toute surprenante si on considère qu'elle provient en majeure partie de l'administration provinciale avec 7000 postes." Il s'agit là des dernières statistiques disponibles. L'auteur dit que c'est surprenant; j'ai été moi-même surpris et je vous communique la surprise. Je vais demander des précisions à mon collègue.

M. Johnston: Ce serait intéressant si vous pouviez avoir la ventilation, parce que vu de notre côté de la barricade, si on peut employer cette expression, cela a tout l'air que c'est le phénomène contraire qui se produit. Il y a probablement des développements dans certains secteurs où il y a des services qui ont été développés depuis quelques années, mais ce que l'on sent partout dans les secteurs où il y avait déjà une implication de notre centrale, c'est qu'il y a eu des diminutions très significatives.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous le communique et je vous cite la source. Je vais tenter de mon côté également d'avoir une ventilation, comme vous...

M. Johnston: II faudrait peut-être aussi voir quel est le pourcentage d'emplois à statut précaire.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II ne doit pas être élevé parce que, sur les quelque 100 000 emplois créés l'an passé, plus de 95 % étaient à temps plein.

Mme Harel: Précaire ne veut pas dire temps partiel... occasionnels.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excusez-moi, occasionnels. Mais occasionnel veut dire à temps partiel.

Mme Harel: 100 %.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aimerais traiter avec vous de toute la question d'apte et d'inapte, parce que nous sommes d'avis, au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, que nous ne mettons pas en question le principe de base, mais que les besoins d'une personne qui est condamnée, si je peux utiliser l'expression, à l'aide sociale pour une très longue période sont supérieurs aux besoins d'une personne qui est de passage à l'aide sociale. C'est quelque chose qu'on a réussi, au ministère, après des années d'expérience, à chiffrer: que quelqu'un qui demeure très longtemps à l'aide sociale, ses besoins de ressources, sur le plan strictement financier, sont supérieurs à ceux de quelqu'un qui est de passage. Cela se comprend aisément.

J'aimerais également parler, parce que cela vous touche de plus près, de toute la question de la contribution alimentaire parentale et faire la comparaison de quelle façon elle joue dans le système de l'enseignement supérieur, des études collégiales et universitaires, et pourquoi, considérant cette existence à ce niveau, nous considérons que nous n'avons pas le choix au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, mais que, si cette contribution n'existait pas dans le système de l'éducation, nous aurions le choix d'une décision politique quant à l'éliminer d'une politique de...

M. Johnston: Vous pariez du lien entre les prestations d'aide sociale et le régime des prêts et bourses?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Exactement. J'aimerais traiter d'un paquet d'éléments avec vous, mais je vais tenter d'approcher celui où vous m'avez semblé le plus critique - on est ici pour cela et on n'a pas beaucoup de temps à notre disposition. Toute la question du programme de rattrapage scolaire, où vous êtes, si vous me passez l'expression, concernés plus directement.

M. Johnston: Et consternés.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est pour cela que je l'approche. J'ai des statistiques sur les décrocheurs au niveau secondaire, qui me proviennent du ministère de l'Éducation et, malheur! comme ministre responsable de la Sécurité du revenu, vous l'avez indiqué, c'est une clientèle qui a un fort taux de risques de se retrouver chez nous. Selon les statistiques dont je dispose pour l'année 1985-1986, le pourcentage de ceux qui n'ont pas terminé le secondaire: 27,6 %.

Au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, on se dit: On va mettre en place des programmes de rattrapage scolaire, de façon à donner à ces jeunes la possibilité de compléter leur cours secondaire. C'est l'objectif. Sur le plan de l'objectif, je n'ai pas trop de difficulté, parce que je suis conscient de cette nécessité que, dans plusieurs cas, pour avoir la possibilité de poser sa candidature à un emploi, c'est une exigence minimum.

Sur le plan des moyens, je suis tout aussi

inquiet que vous, parce qu'on m'indique au ministère que le programme de réinsertion qui fonctionne, entre parenthèses, moins bien que les autres, c'est le programme de rattrapage scolaire. Comme ministre, est-ce que je peux prendre quelqu'un qui a décroché d'un système scolaire, au niveau secondaire, et le réintégrer dans ce même système? Je me dis que mes risques d'échec pourraient - peut-être que les statistiques me le révéleront également - être très forts que cela décroche encore une fois, si cela a décroché dans les mêmes conditions.

J'aimerais que vous soyez très explicites sur les critiques que vous avez à adresser au système, tel qu'il existe, sur le plan du rattrapage scolaire. J'aimerais entendre vos propositions sur le plan des objectifs et si possible sur le plan des moyens quant à avoir un programme ou à mettre en place un programme pour ces gens qui ont décroché du système, qui se retrouvent à l'aide sociale et à qui on veut donner ou fournir les moyens d'avoir une chance de détenir un diplôme d'études secondaires dans la société.

M. Johnston: Je voudrais d'abord signaler que si vous avez tendance à regarder le niveau de décrochage parce que vous pensez avoir une responsabilité qui s'en vient presque automatiquement, nous, nous sommes aussi confrontés, non seulement à la façon dont on va traiter les gens qui ont déjà décroché...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On va traiter ceux-là pour ne pas...

M. Johnston: ...mais comment faire en sorte que cela ne décroche pas. Je vous dirai que, s'il y avait un dossier... Si ce dossier pouvait être d'intérêt suffisant un jour pour qu'à la fois le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et le ministre de l'Éducation soient disposés à entreprendre des discussions ouvertes avec nous sur l'ensemble du phénomène du décrocheur et des mesures à mettre en place, on serait sûrement intéressé à le faire.

Cela étant dit, revenons à la question que vous posiez.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous pouvez traiter en même temps de la causa causans...

M. Johnston: Oui, mais je pense qu'avec le temps dont on dispose cela va être difficile, d'autant plus que je n'ai pas l'habitude de me laisser emporter et de garrocher rapidement les phrases. Je prends le temps de mesurer mes affaires. Il me semble que cela paraît.

Je voudrais toucher trois éléments au moins qu'on a déjà abordés, que j'ai abordés succinctement tantôt. Il y a une difficulté, d'abord, administrative. Jusqu'à quel point peut-on demander aux agents du ministère de la Main- d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu de gérer le profil éducatif des prestataires de l'aide sociale? Première question. Deuxième question. Jusqu'à quel point peut-on arriver à une approche globale - je parle toujours d'administration et de gestion - et intégrée d'éducation pour les décrocheurs, les assistées sociales et les assistés sociaux, entre autres, s'il n'y a pas une responsabilité établie à l'intérieur du réseau scolaire, si c'est toujours géré en marge ou presque en marge du réseau scolaire? Jusqu'à quel point peut-on arriver à améliorer les conditions de succès quand, d'une part, on voit le nombre de jeunes par formateur augmenter de façon significative, quand on voit la précarité des gens qui accomplissent ces travaux de formation auprès des jeunes, quand on voit l'absence de services professionnels spécialisés affectés particulièrement à ce type d'enseignement quand on voit aussi l'absence de ressources matérielles? Les volumes, le matériel audio-visuel, les bibliothèques, il n'y a rien dans les centres où on reçoit un certain nombre de ces gens. Il n'y a rien pour créer un environnement éducatif stimulant d'aucune nature, même pour des décrocheurs défavorisés de nature; dans la perspective de les raccrocher, on ne fait même pas d'efforts supplémentaires sur le plan de l'équipement des établissements.

Nous pensons qu'il faut faire une adaptation de la pédagogie. Cela prend une pédagogie plus appropriée qui n'est pas nécessairement calquée sur l'approche pédagogique appliquée aux gens qui retournent sur une base volontaire à l'éducation aux adultes pour parfaire leur formation et qui n'en ont pas un urgent besoin, qui vont là pour leur culture personnelle dans certains cas ou en vue d'ouvrir des perspectives pour plus tard. Ces gens sont en situation d'échec, et il faut trouver une pédagogie qui ne les rende pas responsables d'un nouvel échec scolaire. Donc, l'approche micro-programmée de l'éducation aux adultes où les gens sont jugés sur la base d'atteinte d'objectifs très pointus et qui constitue presque un cheminement personnel sans véritable recours aux ressources collectives, on pense que c'est les replacer de nouveau dans une situation de culpabilisation à l'égard de leurs difficultés de cheminement. Si on est sérieux il faut que le retour aux études puisse se faire en vue d'atteindre une formation terminale, donc que minimalement les gens finissent leur cours secondaire à travers cela, qu'ils le finissent dans un contexte où on tient compte de leur âge, d'une part, et qu'on évite de recréer par d'autres moyens une forme de marginalisation de ces jeunes parce qu'on les introduirait dans des groupes soit réguliers, soit d'adultes plus fonctionnels, dans certains cours de formation professionnelle. Finalement, j'ajouterai qu'il y . aurait avantage aussi à regarder les mesures de soutien concret dans les établissements.

Le Président (M. Leclerc): M. Johnston, je

m'excuse, j'ai la délicate tâche de gérer le temps. Comme le temps du ministre est écoulé depuis déjà un bon moment, est-ce que Mme la députée de Maisonneuve s'oppose à ce qu'on continue sur son temps, ou peut-être veut-elle, d'ores et déjà, poser ses questions?

Mme Harel: Cela veut dire qu'on a terminé l'échange avec le ministre, déjà?

Le Président (M. Leclerc): On a dépassé même.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous allez avoir le dernier mot encore.

M. Johnston: On pourra se reprendre.

Mme Harel: Je dois vous dire que je vais quand même lui laisser quelques minutes, parce que j'aimerais qu'il puisse répondre. , Vous savez que, depuis le début des travaux, à chaque occasion ou presque, le ministre rappelle la composition de la clientèle des bénéficiaires de l'aide sociale. Quand on relit le rapport Boucher, on se rend compte, d'une certaine façon, que cela n'a pas changé. Je relisais dernièrement, par exemple, cette phrase: "Un travailleur sur onze se trouve en chômage. La précarité prolongée de l'emploi est ainsi l'une des causes les plus puissantes de l'accroissement de l'assistance à domicile." On pourrait penser que c'est écrit maintenant. Non, cela a été écrit en 1963. (12 heures)

II y a une réalité - je ne pense pas que notre discussion porte là-dessus même si elle est importante - c'est qu'il y a, par ailleurs, 33 % des bénéficiaires qui ont terminé leur secondaire; non seulement ils ont terminé leur secondaire, mais ils ont souvent des formations professionnelle ou générale. Ces 33 % - c'est quand même un sur trois - pour eux, il n'y a rien du tout, puisqu'il n'y a d'aucune façon un projet de qualification professionnelle, de formation; il n'y a pas non plus dans la période... Les nombreux groupes qui vous ont précédé sont venus nous dire: C'est durant la période de chômage que l'énergie de la personne est le plus mobilisée, que la motivation est la plus forte pour ne pas tomber sur l'aide sociale. C'est pendant ces 52 semaines, comme souvent c'est pendant les neuf premiers mois de l'aide sociale, qu'il y a le plus de motivation à aller chercher une formation ou à faire de nouveaux apprentissages. Il faut savoir que la proposition écarte totalement ces périodes qui seraient les plus bénéfiques.

Revenons sur cette clientèle, deux sur trois, qui aurait besoin des services que vous dispensez. Dois-je comprendre, d'abord, qu'il n'y a pas de discussion ouverte, actuellement en cours, avec le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ou avec le ministère de l'Éducation? Je le dis vraiment sérieusement. Il n'y a pas de discussions qui sont en cours actuellement ou qui l'ont été sur toute cette question du rattrapage scolaire? Je veux savoir: Est-ce qu'il y a un plan de campagne de scolarisation et d'alphabétisation en voie de préparation? Avez-vous été contactés? Êtes-vous partie prenante?

M. Johnston: Nous n'avons pas été contactés. Les discussions que nous avons eues avec le personnel du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu n'ont pas porté sur cette dimension en particulier. On cherchait plutôt à connaître notre avis sur les façons de réaliser, de manière un peu plus concrète, l'implantation des programmes de travaux communautaires et de stages en milieu de travail dans les secteurs où nous étions implantés comme organisation syndicale. Il faut une ouverture de collaboration sur toute la question du rattrapage scolaire, une ouverture large parce que, comme je le mentionnais au ministre tantôt, je ne pense pas qu'on puisse espérer pouvoir régler cela seulement avec le ministre du Travail ou seulement avec le ministre de l'Éducation, compte tenu du parallélisme des structures. Il faudrait vraiment que ce soit sur une base interministérielle qu'on puisse aborder cette question.

Mme Harel: M. Johnston et les personnes qui vous accompagnent, est-ce que je dois comprendre que, par exemple, vous êtes informés, ce matin, que, parmi les mesures utilisées, une de celles dont le taux de réussite a été le plus faible était le rattrapage scolaire? C'est la première nouvelle qui vous en est communiquée par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu?

M. Johnston: On savait cela par des rapports qui ont été publies.

Mme Harel: Par vos rapports?

M. Johnston: Par des rapports qui ont été publiés.

Mme Harel: Alors, ce sont des rapports qui s'intitulent... Est-ce que ce sont des rapports qui sont disponibles?

M. Lemay (Marc-André): Oui, oui, au ministère.

M. Johnston: Cela a été publié par le gouvernement du Québec; en tout cas, c'est comme cela que c'est libellé...

Une voix: M. Charbonneau...

M. Johnston: ...Étude d'évaluation sur les mesures de relance, rattrapage scolaire, les motifs de sortie des jeunes bénéficiaires de l'aide sociale, synthèse. C'est le titre.

Mme Harel: Cela date de 1985, est-ce cela? C'était au tout début de l'expérimentation.

Une voix: Novembre 1985.

Mme Harel: Voilà! Cela c'est l'autre problème. Les mesures ont été mises en place à la fin de 1984 ou au début de 1985, et les seules analyses que l'on ait sont celles qui datent d'à peine quelques mois après les mesures. Nous sommes en 1988. Je répète la question: Est-ce que, par exemple, les dernières années... Je vous avoue ma surprise, je vais vous expliquer pourquoi. C'est que nous avons appris, au cours de nos travaux, que seulement 18 % des moins de 30 ans auraient participé aux mesures - pour l'ensemble - et nous savons que le taux de participation le plus élevé a été pour le rattrapage scolaire. Donc, si en plus c'est la mesure où le taux d'échec est le plus fort, qu'est-ce qu'on doit en conclure? Il y a un chiffre auquel je ne prêtais pas foi, mais qui a maintes fois été mentionné; c'est qu'il y a 70 % ou environ 70 % de bénéficiaires qui ne terminent pas une fois le rattrapage entrepris. Peut-on penser qu'un chiffre aussi élevé d'échecs est réel? Qu'est-ce qu'on doit envisager, comme société, sur le plan de ce que devrait être un plan de campagne de scolarisation, un plan de campagne d'alphabétisation? Vous savez, il faut que je vous dise que, depuis le début de nos travaux, je dis au ministre chaque fois qu'il en parle: Quand la CEQ sera ici, on va bien voir si vos intentions de donner suite à vos bons sentiments sont réelles. Cela fait au moins la cinquantième fois qu'il parle des analphabètes et des personnes sous-scolarisées. Alors, il ne faut pas seulement en parier, il faut trouver les moyens pour corriger.

M. Johnston: Je voudrais d'abord, si vous me le permettez, céder la parole à M. Christian Payeur, qui voudrait revenir sur un élément de votre première intervention.

M. Payeur (Christian): J'aimerais intervenir à propos des diplômés qui se retrouvent en chômage et, ultimement, sur l'aide sociale. Je pense que tout le monde admet que le problème majeur, c'est sans doute les gens qui n'obtiennent pas de diplôme et qui se retrouvent dans une situation d'analphabétisme. Mais il faut quand même admettre qu'une portion non négligeable est composée de gens qui ont des diplômes, mais qui se retrouvent ultimement, après une période prolongée de chômage, en situation de demander l'aide sociale. Donc, sur ce premier élément, il devient de plus en plus évident qu'il faut éviter des diplômes que j'appellerais non crédibles. Il y a des sous-diplômes, tant au secondaire qu'au collégial, qui ne sont vraisemblablement pas reconnus sur le marché du travail par les employeurs. On peut avoir deux positions là-dessus: juger cela malheureux et dire, par exemple, qu'au lieu d'avoir des attestations d'études collégiales, il faut viser le DEC, ou on peut dire, faisons une campagne pour mettre en valeur ces diplômes-là, pour démontrer la qualification réelle de ces gens-là. Donc, ces diplômes mettent en relief une première partie du problème, que la formation qui doit être obtenue par les jeunes doit être une formation réellement qualifiante et qui correspond à un diplôme reconnu.

L'autre élément est peut-être plus secondaire, mais je voudrais soumettre au ministre un élément qui pourrait tout au moins réduire le nombre des diplômés qui se retrouvent en situation problématique. Il y a dans les collèges et les universités des services de main-d'œuvre offerts aux finissantes et aux finissants mais, dans nos polyvalentes, le seul service qui peut exister, c'est la bonne volonté des enseignantes et des enseignants, et les mesures informelles ou, à l'occasion, des projets ad hoc qui ne durent que le temps du projet et qui ne se poursuivent pas vraiment. Nous pensons que si on développait, à l'adresse des finissantes et des finissants des polyvalentes en formation professionnelle, une approche spécifique et des services spécifiques pour aménager le lien entre l'école et l'emploi dans cette période stratégique de la vie de ces jeunes qui se retrouvent devant une situation du marché du travail qui n'est pas comme celle devant laquelle se retrouvaient les jeunes des années soixante, mais une situation nettement plus problématique, nettement plus difficile... Elles et ils n'ont pas souvent l'approche pour ce faire; c'est beaucoup plus difficile qu'auparavant. Donc, les jeunes qui ont le plus de difficulté à s'insérer sur le marché du travail, les finissants diplômés en ^formation professionnelle, notamment du secondaire, sont les jeunes qui ont le moins de services de main-d'oeuvre à la fin de leurs études. Je pense que c'est une responsabilité qui... Sans solutionner l'ensemble du problème, cela pourrait tout au moins, peut-être, le réduire.

Le Président (M. Leclerc): Merci, M. Payeur. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci.

Le Président (M. Leclerc): Oh! Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Mon autre question, c'était: comment mettre sur pied ce plan de scolarisation et d'alphabétisation dont le ministre ne ' parie que devant la commission, mais dont vous n'avez pas l'air d'avoir été informés?

M. Johnston: Nous n'avons pas été saisis de ses intentions concernant ces volets en particulier de façon plus particulière que ce qui apparaît dans le document d'orientation. Donc, si le ministre a des annonces à faire quant à des

contenus, nous sommes prêts à analyser cela et à réagir à cela. Par ailleurs, et il faut être clair là-dessus, dans le réseau de l'éducation, il y a déjà des compressions très importantes dans les sommes qui sont allouées aux organismes communautaires qui font du travail d'alphabétisation auprès des analphabètes fonctionnels et qui ^ jouent un rôle, en quelque sorte, de transition ou de charnière entre l'isolement de ces gens et le réseau des établissements de l'éducation, qui les sortent un peu et leur font voir un peu de lueur au bout du tunnel et, à partir de ça, le monde réussit, à des pourcentages variables, à se réintégrer dans un programme de formation plus institutionnel.

Mais il y a des coupures très importantes. Cette année, nous avons été sollicités de façon régulière par des groupes qui étaient dans le complet dénuement pour répondre non pas à des clientèles qu'ils avaient sollicitées, mais à des clientèles qui se présentaient avec des besoins criants et pour lesquels il n'y avait absolument pas de disponibilité financière pour organiser une amprce de formation. Dans au moins un cas, à Pointe-Saint-Charles, on a même conclu une entente avec un groupe, dans laquelle la centrale et un affilié se sbnt engagés financièrement au soutien d'au moins un groupe. On s'est également engagé à collaborer avec eux à l'évaluation de leur fonctionnement et aux mesures qu'il faudrait éventuellement développer pour permettre que cette partie de rôle non institutionnel puisse aussi inspirer l'approche un peu plus institutionnelle au plan de l'alphabétisation et trouver un corridor qui permette de tenir compte de ces deux pistes possibles.

Nous serions intéressés, effectivement, à regarder de façon plus attentive la stratégie globale en matière d'alphabétisation, parce que non seulement c'est important pour la clientèle adulte, mais c'est important pour les jeunes. Les jeunes qui sont élevés dans les milieux analphabètes orésentent aussi des difficultés de fonctionnement quand ils se présentent en milieu scolaire. Ils n'ont pas souvent la chance de voir un journal ou une revue à l'intérieur de leur domicile. Les seules choses qu'ils peuvent se mettre sous les yeux, ce sont les circulaires du quartier, de façon générale. Cela ne fait pas des milieux qui favorisent beaucoup une capacité d'apprentissage chez les jeunes. C'est un autre angle de lutte contre la pauvreté, si on est capable d'intervenir auprès des adultes dans la perspective d'aider les jeunes dans leur cheminement.

Il y a deux pôles. Il y a les adultes, d'une part, qui acquièrent une autonomie à travers ça, mais il y a également de meilleures possibilités pour les jeunes de pouvoir avoir accès à une forme de succès à travers leur profil scolaire.

Le Président (M. Leclerc): Merci, M. Johnston. Je sais que Mme la députée de Chicou-timi avait des questions, mais, comme le temps de l'Opposition est écoulé, je vais demander s'il y a consentement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, c'est vrai.

Le Président (M. Lecierc): Consentement. Je vous demande d'être le plus brefs possible dans vos réponses, s'il vous plaît.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

Je dois dire que vous avez fait un exposé magistral qui nous permet de mieux saisir l'ensemble de la situation, en nous rappelant, toutefois, qu'au sein de votre groupe vous n'avez pas de bénéficiaires de l'aide sociale. Mais il est rassurant qu'au Québec les grandes organisations syndicales participent aux grands débats de société. Plusieurs de nos politiques sociales se sont inspirées précisément de vos réflexions.

Ce dossier est - le ministre l'a fait remarquer à quelques reprises - un dossier complexe, qui touche à quasiment tous les aspects d'un gouvernement, allant de la fiscalité et de l'éducation à la scolarisation, au plein emploi et à la formation. C'est vrai que c'est complexe, et cela demande une approche beaucoup plus intégrée que ces approches parcellaires avec lesquelles on se retrouve. (12 h 15)

Je pense qu'il faut poursuivre deux objectifs fondamentaux, et simultanément. Aussi longtemps qu'on n'aura pas accepté d'entrer dans cette approche, on maintiendra ou on continuera à avoir des problèmes au Québec. Les deux approches sont les suivantes: il s'agit à la fois de relever l'employabilité, les conditions de vie, les conditions de travail et l'emploi, d'un côté, et, ce que j'appelle "fermer le robinet", enfin, prendre un certain nombre de mesures qui viennent, sinon empêcher le décrochage, le limiter. Ce sont des mesures qui sont prises beaucoup plus tôt, dans une intervention beaucoup plus hâtive et précoce, et qui touchent à la fois les affaires sociales et l'éducation. Aussi longtemps qu'on n'aura pas pris ces mesures concrètes, on aura toujours des jeunes qui viendront, grossir le lot des assistés sociaux. Je pense que c'est le défi devant lequel on est placés. Parce que les enfants des assistés sociaux sont ce qu'on appelle des enfants à hauts risques de décrochage. Vous l'avez également noté.

Par ailleurs, l'absence de concertation - je pense qu'on peut le dire comme cela - ou de politique, ou de vision d'ensemble du problème fait que, par exemple, à l'Éducation, on a coupé dans les groupes d'alphabétisation. On a coupé dans les programmes des OVEP. Vous savez que la pauvreté affecte non seulement les personnes déjà pauvres, mais je dirais que cela affecte de façon dramatique les personnes qui s'occupent des personnes pauvres. Il faut avoir visité quelques lieux de services des groupes d'alphabétisation, par exemple, pour constater la pauvreté, quasiment l'indigence des lieux dans

lesquels ils se retrouvent parce qu'ils ne sont pas à même d'investir dans des locaux à peu près décents. La pauvreté amène la pauvreté et le système finit par la produire. Aussi longtemps qu'on n'aura pas réglé cela à sa source, on aura des problèmes.

Pour parler des programmes touchant le relèvement du niveau d'employabilité, il se pose un certain nombre de problèmes. J'ai parlé des OVEP. J'ai parlé aussi d'une nouvelle tendance au ministère de l'Éducation, actuellement, à intégrer dans les mêmes salles de cours, dans les mêmes classes, des jeunes et des adultes. Hier, le ministre me disait: On n'a pas trop de problèmes parce qu'on a essayé cela auprès des agents de bureau. Cela a l'air de bien fonctionner. Il est certain que de placer une jeune fille de quinze ans, qui est en train de se former comme secrétaire, avec une autre de 22, 23, 24, 25 ou même 30 ans, c'est moins problématique que de placer ensemble des gens en mécanique ou dans des secteurs un peu plus lourds où on aura de sérieux problèmes, je pense.

Je me demandais si vous aviez, dans votre réflexion, échafaudé ce qui pourrait être un ensemble de mesures plus concrètes qui viendraient nous aider à limiter le nombre de décrocheurs. Vous nous avez livré une partie de votre réflexion par rapport aux corrections apportées en ce qui a trait à ceux qui ont décroché et leur retour aux études, mais, par rapport à ces nouvelles politiques et particulièrement aux ressources alternatives, les moyens qui leur sont fournis sont finalement l'outil le plus efficace pour ramener tranquillement les gens dans la structure.

L'autre volet de la question concerne les effets de cette intégration des jeunes et des adultes dans les groupes de formation professionnelle.

Le Président (M. Leclerc): Très brièvement, s'il vous plaît, M. Johnston. Notre temps est déjà écoulé.

M. Johnston: Oui, M. le Président. Sur le phénomène du décrochage, il y a déjà un certain nombre d'analyses qui ont déjà été produites par la centrale. La réflexion est toujours à compléter quant aux mesures à mettre en place. Naturellement, il y aurait sûrement une actualisation des analyses à refaire là-dessus.

Quant à la question de l'intégration jeunes-adultes, le ministre de l'Éducation, à l'époque où il était le porte-parole de l'Opposition en matière d'éducation, soutenait avec nous qu'on ne pouvait pas procéder à une opération purement mécanique en remplissant des salles de cours avec des gens qui ont des besoins différents. Je me rappelle des représentations que nous avions faites, autour du projet de loi 3, qui visaient en particulier à assurer, à l'intérieur du projet de loi 3, le droit à l'éducation aux adultes en tenant compte des besoins spécifiques des clientèles adultes. Si je me souviens bien, et je crois bien me souvenir, le ministre actuel de l'Éducation était, à ce moment-là, d'accord avec nous sur le fait que c'était vraiment à la fois illusoire, impensable et antiproductif de procéder à l'intégration jeunes-adultes à la fois dans les cours de formation générale et dans les cours de formation professionnelle. Je pense bien que, s'il pouvait retracer ses petits carnets de notes favoris, il pourrait se rappeler ses positions.

Le Président (M. Leclerc): Merci, M. Johnston.

Je reconnais Mme la députée de Maison-neuve, en conclusion.

Mme Harel: Pour terminer? Le Président (M. Leclerc): Oui

Mme Harel: Ce fut bien court, d'une certaine façon, certainement beaucoup trop court en regard de l'importance vitale de cette question. Depuis le début des travaux, je me dis que c'est un peu une sorte de nouvelle Révolution tranquille à laquelle il faudrait associer, finalement, l'ensemble des Québécois, en1 ces matières Je me rappelle les études que vous citiez, sur le décrochage notamment, qui révélaient que, tous les indicateurs mis à part, tout autre indicateur bien étudié, c'était essentiellement lié à la sous-scolarisation ou à la scolarisation des mères et, donc, qu'investir dans la scolarisation des femmes chefs de familles monoparentales ou biparentales, c'est, d'une certaine façon, investir aussi auprès des enfants, tout cela étant intimement lié. Ce que je souhaite beaucoup,, c'est que vous continuiez d'interpeller les décideurs dans notre société sur cette absence d'égalité des chances actuellement en éducation. Je vous remercie.

Le Président (M. Leclerc): Merci, Mme la députée de Maisonneuve. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. J'aimerais remercier la Centrale de l'enseignement du Québec et ses porte-parole, M. Johnston, M. Payeur également, pour une suggestion, une proposition constructive, et les autres membres qui ont participé à la rédaction d'un mémoire de qualité, pour le temps, le' talent, les efforts et les énergies que vous lui avez consacrés. Au nom du gouvernement du Québec, merci.

Le Président (M. Leclerc): Alors, M. Lemay, M. Johnston, M. Payeur et M. Lachance, au nom de la commission, je voudrais vous remercier et vous souhaiter un bon retour à la maison.

Nous allons suspendre la séance une minute, le temps de laisser le soin aux représentants de l'Office des personnes handicapées de s'installer.

Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 24)

(Reprise à 12 h 25)

Le Président (M. Leclerc): À l'ordre, s'il vous plaît!

Que chacun veuille bien regagner sa place, s'il vous plaît!

La commission reprend ses travaux et je voudrais, au nom de la commission, souhaiter la bienvenue à l'Office des personnes handicapées du Québec. M. Mercure, vous avez l'habitude de telles commissions. Vous savez que vous avez 20 minutes pour nous faire part de votre mémoire ou de vos commentaires et, ensuite, chacune des formations politiques a 20 minutes pour réagir ou vous poser des questions. Alors, je vous demanderais, avant de commencer votre mémoire, de bien vouloir présenter les personnes qui vous accompagnent, pour les fins du Journal des débats.

Office des personnes handicapées du Québec

M. Mercure (Paul): M. le Président, mesdames, messieurs les membres de la commission parlementaire, je voudrais, tout d'abord, remercier les membres de la commission des affaires sociales de l'occasion qui est offerte à l'Office des personnes handicapées du Québec de faire connaître son opinion sur le projet de politique de sécurité' du revenu rendu public par M. le ministre, Pierre Paradis.

Mon nom est Paul Mercure, j'occupe la fonction de président-directeur général de l'Office des personnes handicapées du Québec et je voudrais présenter les personnes qui m'accompagnent. À ma gauche, Mme Lucille Bargiel, qui est membre du conseil d'administration et de l'exécutif de l'Office des personnes handicapées du Québec; à ma droite immédiate, Mme Anne Hébert, qui est, à titre provisoire responsable de la Direction de la recherche, de la coordination provinciale et de la planification de l'Office des personnes handicapées du Québec; à la droite de Mme Hébert, Mme Danielle Cornellier, agente de recherche dans la même direction.

Tout d'abord, je voudrais souligner brièvement que l'office a reçu le mandat de veiller à la coordination des services dispensés aux personnes handicapées, de promouvoir leurs intérêts, de les informer et de les conseiller. Ainsi, en juillet 1986, le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu invitait l'Office des personnes handicapées à faire connaître son opinion sur l'actuel régime d'aide sociale. Lors de sa réunion du 29 août 1986, le conseil d'administration de l'office énonçait ses orientations dans un mémoire sur la réforme de la Loi sur l'aide sociale, document dont vous avez reçu copie.

De façon générale, l'office constate que le projet "Pour une politique de sécurité du revenu" tient compte d'une bonne partie des questions soulevées dans ce mémoire. Notamment, il manifeste une volonté de garantir aux personnes handicapées un niveau minimum de prestations pour favoriser l'intégration sociale et le maintien dans leur milieu de vie naturel.

Ce document amorce également une ouverture pour faciliter l'intégration au travail des personnes handicapées admissibles au Soutien financier. L'accès pour ces personnes (sans contraintes, ni pénalité) aux mesures de développement de l'employabilité, tout en maintenant le niveau des prestations et l'accès à la carte-santé, peut constituer le début d'un cheminement vers l'autonomie financière.

Par contre, l'OPHQ croit que certains aspects de la politique de sécurité du revenu ne sont pas suffisamment définis et pourraient risquer de compromettre cette ouverture.

Je vais maintenant porter à votre attention quatre aspects où des modifications nous paraissent essentielles. Ce sont les notions d'employabilité et de non-employabilité, les services adaptés, en troisième lieu, la définition des besoins spéciaux et, finalement, la contribution parentale.

Sur le premier point, soit l'employabilité et la non-employabilité, la notion de non-employabilité proposée dans ' la politique de sécurité n'est pas très explicite. La notion d'invalidité est basée sur des critères médicaux seulement et ne tient pas compte suffisamment, en tout cas dans le texte, des critères d'ordres professionnel et social. Ceci pourrait avoir des conséquences pour l'ensemble des personnes handicapées si on les considérait comme non employables.

Aussi, l'office souligne l'importance de l'utilisation de la Classification internationale des déficiences, incapacités et handicaps. Ce cadre de référence permet d'identifier une clientèle cible admissible à des services appropriés à ses besoins. Il contribue également à statuer sur l'employabilité et la non-employabilité des personnes handicapées, en identifiant les incapacités et les situations de handicap que ces personnes peuvent rencontrer au travail.

L'office a toujours souligné l'importance de définir le concept d'aptitude au travail selon une approche fonctionnelle en tenant compte des déficiences, des limitations fonctionnelles et du handicap. L'OPHQ considère également que l'évaluation des capacités professionnelles devrait être confiée à une équipe multidisciplinaire pour éviter la prise en compte uniquement des critères médicaux.

Le mandat de cette équipe régionale serait d'offrir, sur une base locale, des services en évaluation des capacités fonctionnelles, en analyse de tâches, en adaptation du milieu de travail et en orientation professionnelle. Cette équipe pourrait être formée à partir des spécialistes en orientation professionnelle, ergonomie, ergothérapie, évaluation des capacités de travail, psychologie et psychologie industrielle, etc. Il est essentiel également que ces spécialistes aient

une bonne connaissance pratique de l'entreprise.

Le second point que je voudrais souligner, ce sont les services adaptés. Selon le projet de politique de sécurité du revenu, les centres Travail-Québec offriraient aux personnes non employables des services adaptés qui s'attaqueront à d'autres problèmes qui accompagnent trop souvent l'absence de ressources. On n'y retrouve pas de référence aux besoins particuliers des personnes handicapées. Par exemple, elles peuvent avoir besoin de ressources résidentielles, de services de maintien à domicile, de transport adapté, etc. D'autres personnes souhaitant éventuellement intégrer le marché du travail peuvent demander des services d'adaptation ou de réadaptation afin de développer leur potentiel fonctionnel. Elles peuvent également avoir besoin de services spécialisés de formation de base ou professionnelle.

Pour répondre à ces besoins, qui ne sont pas toujours directement reliés avec la politique de sécurité du revenu, l'office préconise l'utilisation du plan de services. Celui-ci est un outil d'évaluation des besoins, de planification et de coordination des services individuels qui facilite l'intégration sociale et professionnelle de la personne. Le plan de services peut être décomposé en plan d'intervention, dépendant des différents besoins de la personne.

Ainsi, dès l'étude de l'admissibilité à l'aide financière, le personnel des centres Travail-Québec devrait vérifier s'il y a ou non un plan de services auprès de la personne handicapée ou de son mandataire. Lorsque nécessaire, le personnel des centres Travail-Québec devrait diriger la personne handicapée vers une ressource appropriée pour offrir le soutien à l'élaboration ou à la coordination de l'ensemble du plan de services.

Le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, par sa mission, doit également s'impliquer lorsque la personne handicapée souhaite intégrer le marché du travail, c'est-à-dire dans le plan d'intervention en intégration au travail. Aussi, le personnel du centre Travail-Québec devrait collaborer à l'élaboration ou à la poursuite de la réalisation du plan d'intervention en intégration au travail, qui est appelé plan individualisé. On est bien heureux que cette approche individuelle ait été retenue dans la politique. Cette approche a l'avantage de tenir compte, dès l'admissibilité au programme, que ce soit le programme Soutien financier ou le programme APTE, des besoins spécifiques des personnes handicapées.

Enfin, les mesures légères de soutien à l'emploi et de développement de l'employabilité prévues pour les prestataires employables ne font pas l'objet d'adaptation aux caractéristiques des personnes handicapées considérées comme employables. L'office préconise d'adapter, lorsque nécessaire, les mesures de soutien à l'emploi et de développement de l'employabilité dispensées par les centres Travail-Québec. Ces mesures sont: l'auto-évaluation, la méthode dynamique de recherche d'emploi, la formation Individuelle, l'alternance formation-travail, les activités de services communautaires, ainsi que les subventions salariales de type bon d'emploi. Ces mesures doivent être adaptées pour satisfaire plus adéquatement les besoins des personnes handicapées.

Un mot sur le modèle "Grant diversion". Au chapitre des mesures de développement de l'employabilité, la politique de sécurité du revenu propose l'utilisation du modèle américain "Grant diversion". Celui-ci offrirait la possibilité de convertir la prestation en subvention salariale. Cette formule serait offerte aux prestataires moins qualifiés. On dit, dans la politique, que cela toucherait les personnes handicapées en particulier. On donne comme exemple les personnes handicapées. Ce modèle serait complété par de la formation adaptée. Dans la forme proposée, l'OPHQ ne voit pas d'avantages particuliers à l'application du modèle américain "Grant diversion".

En effet, si le but du modèle est de réaliser une intégration au travail souple et graduelle par le biais d'une formation adaptée en entreprise, l'OPHQ ne voit pas l'avantage d'une formule de soutien financier différente pour les personnes moins qualifiées, en particulier pour les personnes handicapées. Il est déjà prévu, dans les mesures de développement de l'employabilité, une formule "alternance travail-formation" par des stages en entreprise. Les participants à ces mesures demeurent prestataires de l'aide financière et voient le niveau de leurs prestations haussé par l'ajout d'une allocation de participation.

Aussi, on voudrait faire allusion au programme actuellement administré par l'office, le programme Contrat d'intégration au travail, qui est actuellement en discussion avec le ministère en vue d'une prise en charge éventuelle. C'est un programme qui, à notre point de vue, est très adapté et déjà utilisé et peut être plus complet que le modèle américain.

Les besoins spéciaux: C'est le troisième point que je voulais soulever. Dans le projet de politique de sécurité du revenu, la couverture des besoins spéciaux n'est que partiellement définie. La carte-santé couvrira les besoins médicaux courants et certaines aides techniques qui servent à pallier les déficiences et les incapacités des personnes. Il n'est pas fait mention des besoins spécifiques des personnes handicapées. L'office énumère l'ensemble de ces besoins dans le mémoire déposé l'an dernier sur la réforme de l'aide sociale. Nous portons à votre attention plus particulièrement les besoins reliés à l'accès et au retour sur le marché du travail.

Toute personne en recherche d'emploi peut avoir des besoins généraux tels que le coût des déplacements pour effectuer des recherches d'emploi, le coût des vêtements de travail et des

outils pour exercer son métier. En plus de ces besoins généraux, les personnes handicapées ou les employeurs envisageant l'emploi des personnes handicapées peuvent avoir des besoins spécifiques reliés à l'accès et au maintien en emploi dans l'entreprise, par exemple: les coûts reliés à l'accessibilité des lieux, à l'adaptation d'un poste de travail, à la période d'intégration en emploi,

L'office recommande que les besoins généraux et spécifiques reliés à l'accès et au maintien en emploi soient considérés comme des besoins spéciaux dans le cadre de la politique de sécurité ' du revenu. De plus, l'OPHQ recommande que la couverture de ces besoins spéciaux soit également assurée pour les personnes handicapées participant à des mesures de développement de l'employabilité.

Un mot maintenant sur la contribution parentale. La politique de sécurité du revenu veut introduire "le principe d'une contribution alimentaire parentale qui viendra dorénavant influencer l'admissibilité ou, le cas échéant, le montant de l'aide versée aux personnes seules considérées dépendantes".

L'introduction de ce principe peut avoir des conséquences négatives pour certaines personnes handicapées présentant moins d'autonomie ou demandant davantage d'encadrement et de soutien de la part de leur entourage. Comme vous l'avez vu dans le premier point que j'ai soulevé, on ne veut en aucune façon que les personnes handicapées soient automatiquement classées comme non employables. Pour. cette raison, il apparaît important de regarder, pour les personnes handicapées, l'effet que pourrait avoir la prise en compte du revenu des parents.

En effet, suivant le mouvement de normalisation, "les parents ont de plus en plus choisi de garder leur enfant handicapé". Conscients de l'importance du milieu familial pour l'autonomie de leur enfant, ces parents déploient beaucoup d'énergie pour assumer leur rôle. Cependant, ils ne reçoivent pas ou peu de soutien pour y arriver.

Dans la situation actuelle, on retrouve, d'un côté, les familles d'accueil qui sont rémunérées afin de soutenir la valeur des services qu'elles dispensent. Les coûts d'hébergement en famille d'accueil peuvent varier autour de 10 000$ pour une personne handicapée.

Si l'enfant ou l'adulte handicapé est hébergé en centre d'accueil, l'État débourse annuellement des montants excédant 35 000 $. L'adulte est admissible à l'aide sociale au niveau prévu pour couvrir les besoins d'une personne seule hébergée en famille d'accueil ou en centre d'accueil.

D'autre part, la famille de l'enfant handicapé peut compter sur une allocation familiale supplémentaire, de 85 $ par mois. Lorsque cet enfant atteint 18 ans, la famille cesse de recevoir cette aide. Dans ces conditions, les parents doivent parfois se résoudre à un placement en centre d'accueil ou en famille d'accueil, faute de soutien approprié. Pourtant, pour ces personnes handicapées, la famille est la ressource la plus économique. Le maintien dans la famille offre des conditions de vie normalisantes et facilite l'intégration sociale de ces personnes.

L'OPHQ considère que l'État doit également apporter un soutien financier aux personnes handicapées qui continuent à vivre chez leurs parents parce qu'elles demandent davantage de soutien et d'encadrement de la part de leur entourage. On pense que l'abandon de l'aide, dans ces cas de personnes employables, pourrait avoir une conséquence importante sur la responsabilisation des parents. Aussi, l'office recommande que la prestation d'aide financière aux personnes handicapées reconnues dépendantes ne soit pas réduite en fonction d'une contribution alimentaire fondée sur les revenus des parents.

En conclusion, très rapidement, une politique de sécurité du revenu doit respecter les droits des personnes handicapées et tenir compte de leur problématique spécifique. Notre mémoire sur la réforme de l'aide sociale énonce les orientations de l'office dans ce domaine. Le projet de politique de sécurité du revenu manifeste la volonté de l'État de considérer ces orientations. Afin que cette politique en favorise véritablement la mise en oeuvre, l'office considère que les aspects soulevés devant cette commission parlementaire devraient faire l'objet de modifications.

L'OPHQ et le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ont participé et participent encore à différents groupes de travail conjoints concernant l'intégration au travail des personnes handicapées. C'est pourquoi, en terminant, l'office assure le ministre de son entière collaboration afin de préciser davantage, dans la politique de sécurité du revenu, les éléments mentionnés précédemment. Merci.

Le Président (M. Bélanger): On vous remercie de votre excellente présentation. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Je remercie l'Office des personnes handicapées du Québec. Je pense que c'est la première fois que le président utilise l'expression excellente présentation. La qualifié du mémoire - je pense que cela s'adresse peut-être davantage à Mme Cornellier, je sais que vous l'avez fait en collaboration, mais elle en est la rédactrice - nous a impressionnés au ministère: c'est fouillé, et la profondeur de l'étude vous attire, de la part de celui qui vous parle, des compliments. C'est l'aspect positif.

L'aspect négatif, c'est que, lorsque c'est aussi fouillé, il faut apporter une attention toute particulière aux recommandations qui en découlent. J'ai tenté de soutirer les principales recommandations et je suis un peu "encarcané" par le temps. Je ne peux pas les reprendre toutes. Je vais vous faire des commentaires sur

celle qui a trait à la classification internationale. C'est une suggestion qui, sur le plan des déficiences, incapacités et handicaps, nous apparaît très intéressante. Vous êtes le premier groupe, bien que vous ne soyez pas le premier qui représente cette clientèle de l'aide sociale, à vous présenter devant la commission et à nous suggérer cette classification. Nous allons faire des vérifications auprès des autres groupes intéressés également. Si vous avez la chance de nous court-circuiter et de les embarquer dans la même recommandation, vous pouvez le faire. (12 h 45)

Pour la question de l'équipe multidiscipli-naire, vous endossez des demandes qui nous ont été adressées par d'autres groupes. Nous avons maintenant des représentations, entre autres, de la Fédération des médecins omnipraticiens et du Collège des médecins, qui nous posent une certaine problématique sur le plan pratique quant à la confidentialité de certains aspects du dossier entre le médecin traitant et son client. Sans le dire aussi carrément que je le dis, les médecins nous ont laissé sentir qu'ils ne pourraient participer à ces comités multidisciplinaires aussi ouvertement qu'ils pourraient le souhaiter, à cause de cet aspect de la confidentialité. Si vous aviez là des recommandations un peu plus précises à nous adresser, vous seriez bienvenus de les faire.

Sur la question des besoins spéciaux des personnes, vous rejoignez les représentations d'autres groupes. Vous êtes, cependant, le premier à dire - et je pense que vous avez bien saisi le point, que - dans le programme Soutien financier, il n'y avait ni partage du logement, ni contribution alimentaire parentale, mais qu'étant donné cette présomption d'aptitude envers toute personne, une personne handicapée pourrait choisir strictement le programme APTE et, à ce moment-là, elle se verrait affectée par les deux éléments que vous avez soulignés. Vous avez complètement raison. Nous allons vérifier les modifications qu'il y a lieu d'apporter à ce propos, de façon à ne pas aller a l'encontre de la politique de désinstitutionnalisation du ministère de la Santé et des Services sociaux et de façon à ne pas décourager les parents, entre autres, ou les familles, si je peux utiliser l'expression, qui ont opté pour l'entraide et à conserver dans un milieu, comme vous l'avez mentionné, le plus naturel possible, la personne qui est affectée par un handicap.

Je vais aller vers ce que vous avez critiqué un peu plus fortement: l'approche "Grant diversion". Vous nous avez adressé des remarques à cet effet. Je vous dirai que d'autres groupes, qui représentaient une partie de la même clientèle que vous représentez, ont semblé plutôt intéressés par cette approche "Grant diversion", en plaidant que, la personne étant productive, mais non compétitive, ils voyaient d'un bon œil cette proposition gouvernementale de supplémenter cet aspect compétitif par l'approche "Grant diver- sion". Vous ne semblez pas partager ce point de vue. J'aimerais vous entendre un peu plus précisément sur cet élément.

M. Mercure: Je pense que la question vient surtout du fait que l'office, par son contrat d'intégration au travail dans le cadre d'une entente tripartite entre l'employé, l'employeur et l'office, contrat qui est, d'ailleurs, actuellement en discussion dans le projet de transfert des programmes, a acquis une expertise sur la possibilité de payer pendant une certaine période une partie du salaire à l'employeur. Cela ne se fait pas dans le sens que c'est une allocation sociale, mais cela se fait dans le cadre d'un programme particulier qui est, quand même, en vigueur et qui a été utile à plusieurs milliers de personnes au cours des dernières années. On pense que c'est dans ce domaine-là qu'il faut oeuvrer, mais je vais demander, quand même, à Mme Hébert de donner plus de précisions quant aux différentes approches.

Mme Hébert (Anne): En fait, nos commentaires sur le modèle "Grant diversion" tenaient à l'importance de distinguer deux aspects de la problématique pour favoriser l'intégration au travail des personnes handicapées, soit la dimension de la période de pré-emploi, plus la formation et l'apprentissage, et la problématique de l'accès et du maintien au travail. On n'avait pas de précisions quant au domaine où s'appliquait le modèle "Grant diversion": celui de la formation ou celui de l'accès et du maintien au travail. Nous, on disait: L'objectif du contrat d'intégration au travail, dont M. Mercure vient de parler, est l'accès et le maintien sur le marché du travail. Donc, il existe déjà un programme adapté pour les personnes handicapées.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je m'excuse de vous interrompre.

Mme Hébert: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si je vous précise que, dans notre intention, c'était au niveau de la formation...

Mme Hébert: La formation.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...est-ce que cela aide?

Mme Hébert: Déjà, pour nous, c'est une information intéressante. On se posait cette question-là, et on voulait avoir cette précision-là. Mais on se demandait également si, pour la formation, H existait déjà des programmes d'alternance travail-formation et si l'adaptation de ces programmes ne serait pas une mesure suffisante pour répondre aux besoins des personnes handicapées.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ma brève expérience, qui n'est pas aussi profonde que celle que vous avez sans doute dans le domaine, m'enseigne que plus on a de programmes, plus on peut répondre aux besoins de la personne. C'est-à-dire qu'un seul programme ne peut avoir la prétention de bien répondre à la problématique d'une clientèle qui est diversifiée finalement, car, bien qu'on place le libelle "handicapé", cette clientèle-là est fortement diversifiée. Plutôt que de soustraire le nombre ou les modalités des programmes, il s'agit peut-être d'y ajouter plus de souplesse et plus de façons d'intervenir.

M. Mercure: Notre hésitation n'est pas du tout sur le fait que l'État ne devrait pas s'impliquer, mais on dit qu'il y a des programmes actuellement qui eixstent et on se demande s'ils ne sont pas ' suffisants. Ils le sont déjà, en ce qui concerne le contrat d'intégration au travail, mais ce n'est pas du tout... Il ne faudrait pas comprendre qu'on n'est pas d'accord sur la question de contribution au salaire. Au contraire, on pense que, dans certains cas, cette approche d'intégration au travail et de formation est une approche qui est même très valable.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir également, avec ma collègue de Marie-Victorin, qui est porte-parole en matière des dossiers des personnes handicapées, de vous souhaiter la bienvenue.

J'ai pris connaissance de votre mémoire avec intérêt. Je me rendais compte, par les réponses que le ministre vous faisait, que de nouvelles pièces seront ajoutées au labyrinthe. Il y avait déjà plus de 42 catégories dans les programmes, sans compter le programme APPORT. Là, on aura, en plus, les catégories des personnes handicapées qui ne sont pas inaptes, mais qui pourraient se voir dispenser du partage du logement et de la contribution parentale. Ce seraient d'autres catégories qui seraient ajoutées. C'est ce que la confédération des organismes représentant les personnes handicapées est venue dire au ministre, que, c'est-à-dire fondamentalement, l'aspect de fond en cause est celui d'une classification qui sert à l'établissement de prestations différentes. Et, dans la mesure où cette classification entraîne des situations qui sont spécifiques, puisqu'on ne reconnaît évidemment plus les besoins essentiels pour un certain nombre de personnes, il faut alors ajouter celles qu'on reconnaît un peu, celles qu'on reconnaît totalement, celles dont on n'en reconnaît que quelques-uns, etc. Là, cela devient un échafaud absolument inextricable. Hélène ne retrouverait pas... ses chats? Ses chattes?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Une chatte n'y retrouverait pas ses chatons.

Mme Harel: Ah bon! Cela en est décourageant, d'une certaine façon, parce que je vous comprends, mais je comprends très bien la logique. Vous vous situez comme un office représentant des personnes handicapées et vous venez dire au ministre qu'il ne faut pas faire la confusion entre handicap et inaptitude, qu'on petit être handicapé et, pourtant, en très bonne santé. D'ailleurs, la Coalition des organismes provinciaux de personnes handicapées est venue dire au ministre qu'il y a des obstacles sociaux qui peuvent être bien plus grands que des déficiences physiques ou intellectuelles. À partir de là, vous dites qu'il va falloir trouver des critères pour juger dé cette inaptitude. Il y a un critère que vous proposez et qui est très logique, mais, évidemment, d'autres viennent nous parler d'autres critères. Toutes les corporations professionnelles viennent dire qu'il ne faut pas que ce soit seulement médical, mais aussi biopsy-chosocial. Donc, des psychologues sont venus dire qu'ils devaient aussi participer, avec les médecins, à l'évaluation. Les conseillers d'orientation ont dit: Si les psychologues sont là, on veut y être. Vous ajoutez les ergonomes, les ergothérapeutes, les conseillers en évaluation des capacités, mais je comprends parce que, quand on part de cette logique du labyrinthe, c'est vers là qu'on s'oriente. Et d'autres viennent nous dire: Oui, et en plus de cela c'est évolutif. Il faut que, de façon régulière, on puisse reprendre cette évaluation de l'inaptitude, une fois par année, deux fois? D'autres viennent dire: Oui, et une fois qu'elle est prise, la décision, il faut qu'on puisse en appeler. Alors, là, il y a les avocats qui disent: Oui, et il faut qu'il y ait des mécanismes d'appel, etc. Et on est en train de monter une sorte de système monstrueux d'interventions professionnelles qui sont logiques, dans cette logique de la marginalisation, une sorte d'échafaudage pour juger d'une personne inapte, en n oubliant pas que la logique va être - puisqu'il y a plein d'avantages à se faire considérer inapte - de chercher à en être, d'une certaine façon, puisqu'à partir de ce statut et de cette étiquette d'inapte vous allez être tranquille et vous allez pouvoir vivre avec quelqu'un qui ne l'est pas et partager votre logement, sans être l'objet de contrôle, non plus de réductions et tout.

Dans cette logique, vous dites que lès personnes handicapées ne sont pas inaptes, mais qu'il ne faut pas décourager les familles qui ont opté pour l'entraide. D'autres groupes familiaux viennent dire la même chose au ministre, pour des jeunes qui sont plutôt en mésadaptation sociale: II ne faut pas décourager les familles qui les reçoivent non plus, etc.

Je vous comprends, mais c'est le point de départ, la prémisse, le postulat du ministre qui est, d'une certaine façon, à remettre en question.

La semaine dernière, la Commission des services juridiques est venue devant nous et nous a déposé un mémoire qui disait ceci: "Nous espérons - c'est la Commission des services juridiques qui énonce ce qui suit - que le scénario prévalant actuellement a l'Office des personnes handicapées ne se répète pas pour les prestataires d'aide sociale. On sait qu'en vertu de l'article 49 de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées (LR.Q.c.E-20.1) l'OPHQ voit à l'élaboration d'un plan de services pour toute personne déclarée admissible à un tel plan. Or, l'OPHQ néglige de se conformer à cet article et refuse par la suite des demandes d'aide matérielle déposées par les personnes handicapées sous prétexte qu'aucun plan de services n'a été élaboré! (articles 52 et 53 de la loi.) Ce genre de fouillis administratif est à craindre à l'aide sociale."

Et là, la commission disait au ministre que la possibilité de mettre sur pied des plans d'action personnalisés, comme vous le mentionnez, pour les bénéficiaires de l'aide sociale existe déjà dans la loi actuelle et ne semble pas mise en oeuvre non plus.

Le barème de prestations, s'il est adopté tel que proposé, sera tellement complexe que, dit la commission: Nous craignons que les agents soient occupés à comptabiliser les prestations versables à chaque prestataire à chaque mois, et qu'il ne leur reste que peu de temps pour fournir informations et conseils aux prestataires.

J'aimerais vraiment profiter de votre présence, puisque cela a été dit devant cette commission, pour que vous nous donniez des explications là-dessus.

M. Mercure: Je vais brièvement faire allusion à ce que la Commission des services juridiques a soulevé et qui a aussi été soulevé dans le rapport annuel de la commission, soit le fait que, à cause d'une difficulté juridique, la Commission juridique des affaires sociales a juridiction et sur la nature des services sur les montants alloués par l'office, pour autant que les besoins soient inclus dans un plan de services. C'est un problème juridique et il y a eu, à plusieurs reprises, des cas qui, à la Commission des affaires sociales, ont été déboutés, parce que la commission a elle-même considéré qu'elle n'avait pas juridiction, étant donné que les besoins dont il était question n'étaient pas dans le plan de services et que l'Office des personnes handicapées a seule juridiction sur le contenu du plan de services. C'était un problème juridique.

Il ne faudrait pas que la même chose arrive si jamais on utilisait abondamment les plans individualisés, parce que, s'il y avait vraiment un droit d'appel, il faudrait qu'il porte non seulement sur la nature de la réponse, mais également sur l'évaluation des besoins. Maintenant, quant au fouillis dont vous parlez, je pense que l'équipe multidisciplinaire... Et on pense qu'il est bien évident que l'intégration au travail et le fait d'être apte ou inapte à entrer sur le marché du travail n'est pas une question médicale. Je pense que c'est évident. (13 heures)

II y a énormément de situations dans lesquelles il n'y a pas de problème médical proprement dit, mais où une personne n'est pas apte au marché du travail. Donc, c'est pour ça que c'est essentiel d'avoir une autre approche. Nous suggérons que la décision ne soit pas prise sur des questions médicales, des questions de diagnostic ou sur des questions de déficience proprement dites, mais qu'elle soit davantage basée sur les limitations fonctionnelles qui découlent d'une déficience. Il est bien reconnu que des personnes peuvent avoir une même déficience et, au plan médical, être classées de la même façon, mais des limitations fonctionnelles très différentes résultant de ces déficiences parce qu'à d'autres égards ce sont des individus très différents.

Il y a aussi la question des handicaps, c'est-à-dire des barrières sociales dans l'entreprise, qui peuvent être très différents. Ce ne sont pas des questions sur lesquelles les médecins ont une expertise particulière. Que les médecins interviennent, disons, quand on tient ce genre de langage, cela se comprend, parce qu'ils ont été à certains égards les seuls professionnels à pouvoir dire si quelqu'un était apte au travail ou pas, pendant quelle période et pour quelles raisons. Ils désirent conserver ce privilège, mais je pense que la façon d'éviter le fouillis, c'est d'avoir des équipes multidisciplinaires ad hoc. Quand on énumère des professions comme cela, on ne prétend pas que tous ces professionnels doivent être dans la même équipe pour étudier un cas, mais ils doivent être disponibles dépendamment des situations individuelles de la personne.

Il ne s'agit donc pas d'avoir dix professionnels autour d'une table mais, dépendamment de la circonstance dans laquelle la personne évolue et de l'emploi en question, d'utiliser les professions qu'il faut pour évaluer les obstacles à l'emploi d'une façon adéquate. Il y a aujourd'hui beaucoup de documentation sur la façon de définir la capacité au travail d'une personne. Je pense qu'il faut l'utiliser et utiliser les connaissances nouvelles dans ces domaines si l'on veut vraiment, d'une façon adéquate, distinguer l'emploi et le non-emploi. Quant à d'autres...

Mme Harel: Est-ce qu'on doit prendre...

Le Président (M. Bélanger): Excusez-moi.

Compte tenu de l'heure, est-ce que j'ai le consentement pour que l'on poursuive les travaux?

Des voix: Oui.

Le Président (M. Bélanger): .Merci

Mme Harel: Allez-y, M. Mercure.

M. Mercure: Je voulais dire que, quant à une autre question à savoir que les familles des personnes handicapées pourraient être fortement désincitées à continuer à soutenir la personne handicapée dans le cas des personnes aptes au travail où leur, contribution parentale entrerait en ligne de compte, je pense qu'il est vrai qu'il y a une certaine complication, que l'objectif d'un système simple est très bon, mais qu'il faut qu'il y ait quand même une prise en considération des situations réelles. Je pense que, dans le cas des personnes handicapées, c'est très réel. Il y a deux écueils à éviter: classer toutes les personnes handicapées comme non employables; nous sommes vraiment contre cela, de même que les associations de personnes handicapées et, d'un autre côté, vraiment désjnciter les familles à continuer de jouer leur rôle de soutien qui, dans plusieurs cas, est très nécessaire et, à d'autres égards, aussi nécessaire que l'employabilité. Cela nous paraît très négatif. Je pense que, sur ce point, il faudra tenir compte de ces deux questions:

Mme Harel: C'est vraiment intéressant parce que, d'une certaine façon, quand vous parlez des obstacles à l'emploi, vous en parlez en termes de limitation fonctionnelle des personnes, mais vous en parlez aussi en termes d'obstacles qui se dressent dans le marché de l'emploi lui-même. C'est aussi en matière de volume d'emplois qu'on vient nous parler, parce que les obstacles à l'emploi peuvent également se trouver en termes de manque d'emplois. Les personnes handicapées en sont souvent les plus grandes victimes, mais il demeure qu'avec un taux de chômage d'environ 10 % il y a aussi un obstacle à l'emploi qui est le marché du travail lui-même.

Je crois bien comprendre votre point de vue qui souhaite qu'il y ait une utilisation, entre autres, de la grille sur les limitations fonctionnelles. Évidemment, cette grille ne peut pas suffire à elle seule, puisque d'autres critères seront aussi considérés, par exemple, les critères de santé si tant est que soit maintenue cette distinction ou cette catégorisation parce qu'alors ce ne serait pas pour des personnes qui ont un handicap ou une déficience. Cela pourrait être pour des personnes qui, par exemple, sont atteintes de cancer ou de choses comme celle-là. Donc, à ce moment-là, il n'est pas évident que les critères de limitation fonctionnelle soient simplement utilisés, il faut qu'il y ait d'autres critères qui le soient. Et, non pas par nonchalance, mais tout simplement par la pression des choses, les médecins dans tout le Québec ou les équipes multidisciplinaires qui auront, en l'occurrence, à les évaluer, pourront être tentés malgré tout, lorsqu'il y a handicap, à considérer la personne comme ayant des difficultés d'employabilité. N'oubliez pas que tout cela est relié à la notion d'employabilité. Puis on est venu nous expliquer abondamment que, s'il y a une trop grande concurrence sur le marché de l'emploi, 50 personnes pour un poste, par exemple, en soi, cela a une conséquence de déqualification de l'employabilité. La personne peut avoir un cégep, mais si ces 50 personnes qui se présentent ont un diplôme de premier cycle, à ce moment-là son diplôme de cégep est déqualifié et son employabilité est réduite. Donc, l'employabilité, c'est une notion très évolutive. Cela dépend du marché de l'emploi; cela dépend aussi de la demande et de l'offre, d'une certaine façon. C'est, finalement, applicable un peu à l'ensemble des bénéficiaires de l'aide sociale.

C'est peut-être important, avant de se quitter, de revenir sur la question très importante que vous êtes un des premiers groupes à avoir distinguée, soit celle du préemploi, de ta période comme telle d'accès a l'intégration à l'emploi, et vous souhaitez le maintien des besoins spéciaux. Beaucoup de groupes de personnes handicapées sont venus nous dire: Ce qui nous manque le plus, c'est la couverture des besoins spéciaux lorsqu'il y a retour sur le marché de l'emploi. C'est peut-être ce qui les désincite le plus à retourner sur le marché de l'emploi. D'autre part, j'admets comme vous qu'il y a beaucoup de confusion dans le document "Grant diversion", mais je crois comprendre qu'il ne peut s'appliquer que dans les milieux de travail qui offrent d'utiliser "Grant diversion" en conformité avec les lois du travail, dont la Loi sur le salaire minimum. Nécessairement, "Grant diversion" ne s'appliquerait que lorsqu'il y a respect des lois du travail et de la Loi sur le salaire minimum.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La Loi sur les normes du travail et s'il y a convention collective, le respect de la convention.

Mme Harel: De la convention, des décrets ou du salaire minimum.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le respect du marché normal du travail.

Mme Harel: Alors, dans ce contexte-là, c'est vraiment dans une autre dimension que serait utilisée, "Grant diversion". Ce ne serait plus dans la perspective d'être un assisté social.

M. Mercure: Avant de laisser la parole à Mme Hébert sur la question de "Grant diversion", je voudrais revenir sur la question de la classification internationale des déficiences, des incapacités et des handicaps. Cette approche est une approche recommandée par l'Organisation mondiale de la santé et prend absolument en considération toutes les questions médicales. Ce qui est important, c'est qu'elle distingue, dans l'analyse du processus de l'apparition du handicap, les causes qui sont très souvent médicales, mais pas uniquement médicales, elle distingue la

déficience qui, elle, est très souvent médicale, mais les limitations fonctionnelles qui résultent de la déficience et les handicaps qui sont des barrières sociales sont des questions dans lesquelles le médical est très peu important. Mais le médical est pris en compte dans cette approche qui est très développée, très documentée et qui provient de l'Organisation mondiale de la santé.

Quant au dernier aspect de la question, peut-être que Mme Hébert pourrait le préciser davantage.

Mme Hébert: Juste une information supplémentaire peut-être: cette classification a un autre titre. On l'appelle la classification sur les conséquences des maladies. Donc on part des maladies et on examine toutes les conséquences à différents degrés. Les maladies seraient une forme de cas... Il faut les situer par rapport aux causes et aux déficiences, mais c'est vraiment dans l'optique de regarder les conséquences des maladies. Donc, on a aussi la préoccupation des aspects médicaux dans cette classification.

Mme Harel: Merci. Malgré le fait que l'Organisation mondiale de la santé ait quand même une définition - c'est ce que la corporation des médecins nous a rappelé - qui ne porte pas sur la maladie, mais sur la santé, donc sur un état général de bien-être physique et mental, elle peut distinguer l'aptitude de l'inaptitude, en regard d'une évaluation générale de la personne.

M. Mercure: Comme vous le dites aussi, il y a tout l'autre aspect et il y a beaucoup d'autres questions qui ne sont pas médicales, d'aucune façon, qui concernent la compétence, l'étude et la qualification à bien d'autres égards et qui touchent la non-employabilité.

Mme Hébert: Peut-être une autre information. La qualification internationale des déficiences, incapacités et handicaps est une suite de la qualification internationale des maladies. Cela ne part pas du concept plus global de la santé, mais bien de celui des maladies.

Je n'ai pas très bien compris la question ou les interrogations autour du modèle "Grant diversion", mais...

Mme Harel: Parce que vous le croyez moins bénéfique pour les personnes que vous représentez qu'un stage en entreprise. J'ai cru comprendre que vous considériez que, dans le stage, il y avait des besoins spéciaux que vous ne retrouviez pas dans le projet de "Grant diversion".

Mme Hébert: C'est-à-dire qu'on a voulu d'abord faire la distinction entre la dimension de l'accès au travail et du maintien au travail et l'aspect de la formation.

Mme Harel: Oui.

Mme Hébert: Pour ce qui est de l'aspect de la formation, on disait peut-être qu'il y avait des formules actuelles qui pourraient être adoptées et qui se rapprocheraient du modèle "Grant diversion". On comprend qu'il se situe au plan de la formation.

Mme Harel: D'accord. Vous voyez mon étonnement.

Mme Hébert: D'accord. Mais ce que j'ai compris tout à l'heure, personne ...

Mme Harel: D'accord. Allez-y. Excusez-moi.

Mme Hébert: On a peut-être encore des interrogations sur le modèle, à savoir si les prestations du modèle "Grant diversion" seront basées sur la productivité de la personne ou sur un montant fixe. Ce sont des précisions qu'on aimerait avoir comparativement au contrat d'intégration au travail qui, lui, concerne l'accès et le maintien au marché du travail.

Mme Harel: En fait, je vais terminer là-dessus...

Le Président (M. Bélanger): C'est tout le temps dont on disposait.

Mme Harel: ...M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Si vous voulez remercier le groupe, Mme la députée de Maison-neuve.

Mme Harel: Oui. En fait, votre mémoire m'apporte d'autres questions...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: ...mais on aura l'occasion d'y revenir. Vous parlez d'un comité avec le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. C'est vraiment intéressant de voir qu'il y aurait des formules qui apporteraient un soutien à l'employeur pour compenser les coûts d'accès, d'intégration et de maintien. Cela m'apparaît peut-être plus intéressant dans cette voie avec les besoins spéciaux lorsqu'il y a réinsertion sur le marché de l'emploi. La combinaison de ces deux formules m'apparaît peut-être davantage être la voie d'avenir pour les personnes qui ont des déficiences ou un handicap que la formule "Grant diversion", mais on aura l'occasion de revenir là-dessus.

Le Président (M. Bélanger): Merci M le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui En terminant et avant de vous remercier, ie veux

citer quelqu'un qui, en parlant des programmes sociaux du Québec dernièrement, disait: II va falloir mettre l'accent sur ce qui différencie les gens plutôt que sur les normes bureaucratiques. Je pense que c'est là, dans le cas de la clientèle que vous représentez devant nous, l'orientation que vous préconisez et que nous entendons suivre.

Je remercie le président de l'office, mais également toutes les collaboratrices qui ont participé à la rédaction de ce mémoire. Quant aux questions additionnelles qui ont été soulevées, nous allons nous assurer que le contact soit maintenu entre l'Office des personnes handicapées du Québec et le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu pour la contribution positive que vous avez faite à cette commission.

Au nom du gouvernement du Québec, je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): La commission des affaires sociales remercie l'Office des personnes handicapées du Québec et suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. En principe, nous ajournons sine die. Les ordres de la Chambre sont donnés à 13 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 14)

(Reprise à 16 h 42)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

Bonjour. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques afin d'étudier le document intitulé: "Pour une politique de sécurité du revenu. "

Nous recevons à la table des témoins un premier groupe, la Maison sous les arbres, qui sera représenté par M. Michel Hébert, Mme Francine Dorion et Mme Lucie Brunet.

Or, je vous explique nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes fermes pour présenter votre mémoire et ensuite, il y a une période d'échanges avec les parlementaires. Je vous prierais, à chaque fois que vous voudrez répondre à une question durant la discussion avec les parlementaires, de bien vouloir donner votre nom pour les fins de la transcription du Journal des débats.

Dans un deuxième temps, je voudrais que vous identifiiez votre porte-parole, que vous présentiez vos autres représentants et que vous procédiez à la présentation de votre mémoire. Merci.

Maison sous les arbres

M. Leblanc (Mario): Bonjour, M. le Président, M. le ministre, messieurs et mesdames les députés. Il y a eu changement des participants,, pour la Maison sous les arbres. Je suis Mario Leblanc. Je suis président du conseil d'administration de la Maison sous les arbres. Je suis accompagné aujourd'hui par Lucie Brunet ainsi que par Michel Hébert qui sont deux résidents, deux usagers des services de la Maison sous les arbres. La Maison sous les arbres est une ressource alternative en santé mentale. Nous intervenons, à Châteauguay, depuis plus de six ans auprès de personnes qui ont connu ou qui connaissent des difficultés d'ordre émotionnel ou psychiatrique. Ce sont des gens qui, pour 1a plupart, ont été en département de psychiatrie, qui ont fait un ou quelques séjours en département de psychiatrie dans les centres- hospitaliers.

Cela en fait une clientèle qui est marquée par le diagnostic psychiatrique, par l'étiquette psychiatrique. Ce sont des gens qui, par ce marquage-là, si l'on peut dire, connaissent beaucoup d'obstacles, des obstacles sérieux en ce qui concerne la prise d'autonomie individuelle, la prise en charge de soi-même, prise en charge à laquelle la Maison sous les arbres croit, ainsi que le rapport et le document d'orientation du ministère.

Le Président (M. Bélanger): Pourriez-vous redonner votre nom, s'il vous plaît?

M. Leblanc: C'est Mario Leblanc.

Le Président (M. Bélanger): Leblanc.

M. Leblanc: Oui.

Le Président (M. Bélanger): J'avais compris Brunet.

M. Leblanc: Avant que le mémoire soit présenté à la commission par ces deux usagers de la Maison sous les arbres, j'aimerais faire quelques petits commentaires pour présenter un peu la Maison sous les arbres. Enfin, je l'ai fait un peu au départ. Je veux également dire que c'est un organisme qui a treize places d'hébergement. Elle a aussi une clientèle de l'extérieur qui vient tous les jours - enfin, quatre à cinq jours par semaine - en vue de recevoir de l'aide, du soutien, des appuis dans son processus de réinsertion sociale et, éventuellement, professionnelle. Pour la très grande majorité, ce sont des bénéficiaires de l'aide sociale. À ce moment-là, on comprend que les orientations du ministère les intéressent particulièrement.

La Maison sous les arbres croit à l'autonomie des individus qui utilisent ses services et leur fait confiance. Aussi, c'est leur mémoire. Ce n'est pas le mémoire de la Maison sous les arbres, mais c'est le mémoire des résidents, des usagers de la Maison sous les arbres qui en ont fait la discussion et qui ont fait la préparation du rapport. En plus, aujourd'hui, ils délèguent deux de leurs représentants qui vont vous présenter le mémoire.

Le Président (M. Bélanger): Merci.

M. Hébert (Michel): Mon nom est Michel Hébert. Chances égale? En tant que représentants de membres d'une ressource et prestataires de l'aide sociale, il nous semblait impérieux d'intervenir dans le débat portant sur une politique de sécurité du revenu. Après lecture et étude approfondie du document d'orientation, les idées et les valeurs qui y sont véhiculées nous apparurent tendancieuses. L'énoncé laisse croire que l'individu est, en grande partie, seul responsable de sa situation. Nous ne retrouvons nulle part une quelconque étude ou réflexion portant sur la pauvreté. On semble croire que tout individu est égal ou plutôt qu'il n'existe que la notion de handicap de la santé comme principe d'inégalité. Pourtant, combien d'études ont été effectuées pour démontrer que la pauvreté culturelle et sociale d'un milieu entraîne également une pauvreté financière. Serait-on en train de dire qu'un assisté social de Brossard est égal à un assisté social de Chibougamau? Une telle allégation démontre bien le peu de souci des énoncés faits par le ministère des affaires sociales qui, à la suite d'une étude statistique, démontrait que l'âge de mortalité dans Notre-Dame-de-Grâce était de douze ans supérieur à celui de Pointe-Saint-Charles.

Il est aussi urgent qu'à l'intérieur d'une politique du revenu on tienne compte que toute hausse de la crise économique entraîne une hausse de 2 % de la clientèle en santé mentale. Il est étonnant de constater le silence sur les conditions de pauvreté au Québec, lorsqu'on y constate une hausse importante au chapitre des maladies mentales et du taux de suicide.

Le pouvoir discrétionnaire. Dans une deuxième étape, nous trouvons que l'énoncé du projet de politique laisse place à un pouvoir discrétionnaire, lequel s'est toujours révélé désastreux et sans merci pour les plus démunis. L'énoncé de politique fait régulièrement miroiter le spectre de la coupure pour un quelconque refus de participer au plan d'incitation au marché du travail, en ce qui a trait aux aptes. Pour ceux du soutien financier, cela signifiera-t-il qu'ils se verront imposer un certain plan de services? Ou, encore, le refus d'une approche médicale ou d'un lieu de résidence entraînera-t-il une coupure? Nous nous interrogeons également sur la démarche à suivre par un bénéficiaire de l'aide sociale qui aura été jugé et condamné à une coupure. Pourra-t-il en appeler? Nous ne retrouvons qu'un mince paragraphe sur la notion d'en appeler des décisions prises. S'agira-t-il de mesures ne comportant aucun droit d'appel, ce qui renforcerait l'a priori selon lequel tout assisté social est considéré comme citoyen de dernière zone?

Au sujet du programme de soutien financier dont la clientèle est concernée par nos ressources, nous comprenons mal qu'encore une fois nous laissions aux psychiatres la décision d'un pronostic, alors que l'on remet de plus en plus en question la notion scientifique d'un tel diagnostic.

Mme Brunet (Lucie): Lucie Brunet. Quand la maladie mentale devient payante. Comme membres d'une ressource alternative en santé mentale, nous nous interrogeons grandement sur la philosophie qui a inspiré le ministère dans la conception d'un tel projet. Quant à nous, nous reprochons à ce dernier de ne pas se soucier de l'état de précarité dans lequel il plonge ses prestataires. Afin de permettre aux moins de 30 ans d'obtenir la parité, le ministère se propose de niveler tout le monde vers le bas. De plus, il rend la maladie mentale payante. Un projet qui a la prétention de vouloir inciter les gens à un retour au travail ne devrait pas, selon nous, rendre la maladie payante. Il devient avantageux pour tout Québécois de se prévaloir d'une maladie telle que la schizophrénie, la manie, etc., afin de recevoir un maximum de prime, un droit de cohabitation et une possibilité, non une obligation, de participer à un programme d'emploi.

Je voudrais vous dire, mesdames et messieurs, que cela fait trois ans que je suis une usagère de la Maison sous les arbres. J'ai terminé un bac en animation et je suis à la recherche d'un emploi dans le moment. Je suis impliquée dans mon milieu social, je suis bénévole tous les midis dans une maison de jeunes de mon quartier. Alors, c'est très tentant pour moi, avec la politique que vous nous suggérez, de choisir un dossier psychiatrique assez large; cela fait trois fois que je vais à l'hôpital psychiatrique. On me dit qu'avec l'étiquette à tendance schizophrénique il serait facile pour moi d'oublier tous ces efforts qui font que je me rends là les midis, que je fais de la recherche d'emploi, que je termine des études. Ce serait facile pour moi de dire: Je prends mon dossier avec une maladie et je prends le gros chèque qui vient avec cela. Je pense que c'est un choix que personne ne voudrait avoir à faire. Je reprends.

Mais combien hypothéqué sera l'individu qui aura reçu cette étiquette? Qui voudra d'un individu ayant subi une altération de sa personnalité et été déclaré inemployable? Comment peut-on croire qu'après une telle description l'individu puisse se trouver un quelconque fonctionnaire missionnaire l'aidant à se trouver un quelconque employeur charitable? Croit-on au miracle? Une telle mesure accroîtra davantage le fossé de la réinsertion sociale pour cette clientèle.

L'expérience du travail pour cette clientèle a été explorée et réussie à l'intérieur même de notre ressource. On a travaillé plusieurs durant un été à un projet que la ressource a mis sur pied. C'était une cantine de patates frites. Je pense que les gens sont capables de travailler par moment. Il est bien évident que, pour les

promoteurs du projet, ils ne misaient nullement sur la schizophrénie des individus, mais sur un potentiel résiduel.

Solidarité pour qui ou contre qui. Tout au long de ce projet, vous semblez insister sur la notion de solidarité, mais permettez-nous de nous interroger: la solidarité face à qui et contre qui? Contre celui qui, par malheur, a eu recours à un secours direct? Solidarité ou individualité? Il sera dorénavant interdit de partager un logement sans être pénalisé. Solidarité ou division? Il sera interdit à un inapte de partager un logement avec un apte sans être également pénalisé.

Beaucoup trop d'improvisations se retrouvent dans cette loi. Il s'agit pour nous bien plus de divisions que de liens de solidarité. Déjà, les divisions entre les aptes et les inaptes favorisent beaucoup la maladie et entraîneront peut-être bien des gens à quêter un certain diagnostic. Il faut, selon nous, ne pas avoir vécu de près cette inégalité des prestations entre un jeune de 18 ans apte et un inapte pour miser sur une telle mesure.

De par le vécu de notre ressource, nous avons été à même de constater l'impact d'une telle division sur l'état de la santé mentale de ces derniers. La course effrénée aux papiers médicaux payés à coup de tentatives de suicide ou encore le refuge dans la délinquance ne semblent pas éliminés par un tel projet; bien au contraire! En ce qui concerne les aptes non disponibles, c'est-à-dire tous nos membres en dépression nerveuse, ils se verront dans l'obligation de courir après un certificat médical mensuellement. Nous comprenons mal la logique financière qui en appelle à la réduction des dépenses d'un ministère par l'accroissement des dépenses d'un autre ministère. Nous comprenons mal l'incohérence entre deux ministères desservant souvent la même clientèle.

Nous nous expliquons. Dernièrement, le MSSS semblait, par son projet de politique en santé mentale, décloisonner l'intervention dans le champ de la santé mentale, alors que votre ministère, lui, n'en réfère qu'au pouvoir médical. Par une telle mesure, il nous semble dangereux, à ce stade, de "surmédicaliser" et de "chroniciser" tous les gens aptes mais non disponibles pour des raisons de troubles émotifs.

Au chapitre des solidarités, il en est une que nous trouvons honteuse. Il s'agit de la fameuse solidarité alimentaire. Comment un gouvernement peut-il demander à une société où la notion même de famille est à refaire d'assumer une solidarité alimentaire? Il serait malheureux qu'une telle mesure soit appliquée. Ceci signifierait, pour la plupart d'entre nous, que nous serions obligés de vivre dans une famille qui a été l'essence même de nos problèmes. Il s'agirait en fait de nous condamner à vivre notre vie avec un père ou un frère incestueux, avec une mère marâtre ou un père alcoolique. A-t-on le droit, lorsque l'on prétend vouloir "maintenir des acquis et surtout améliorer sous plusieurs aspects leur situation", d'ignorer de telles dynamiques au nom d'une économie financière? ,

Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le ministre.

Excusez-moi, il y avait la conclusion. J'avais sauté une page de mon texte.

M. Hébert: En guise de conclusion, nous aimerions rappeler au gouvernement, et nous osons croire qu'il ne verra pas en nous des "paranoïas", qu'il s'agit d'un projet ne visant qu'à marginaliser davantage les bénéficiaires.

Une politique de sécurité du revenu, quant à nous, devrait tenir compte des changements sociaux tels l'éclatement de la famille, la technologie, etc., pour ensuite déboucher sur des mesures respectant plus les disparités et comportant moins de mesures coercitives. Le présent projet constitue pour nous une série de mesures coercitives permettant dans l'immédiat une certaine économie qui, à moyen terme, nous coûtera très cher.

Le coût s'établira à deux niveaux. Le coût social: la fin des liens de solidarité, puisque la cohabitation est interdite et que nous faisons une division avec gains financiers entre les inaptes et les aptes. Le coût financier: augmentation des formulaires médicaux. Et, finalement, un régime à 54 niveaux et plus qui exigera combien de "surveillants" afin d'éviter la fraude et non pas dans le but de l'efficacité du programme.

Nous nous joignons donc au Regroupement provincial des ressources alternatives et nous demandons que ce document demeure un essai et que l'on établisse une vraie politique de sécurité du revenu en tenant compte des réalités sociales, soit la famille, la pauvreté, et les handicapés.

Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je veux remercier la Maison sous les arbres de son mémoire et de sa présention orale, ainsi que ses porte-parole. J'aurais quelques précisions, dans un premier temps, à demander à M. Leblanc qui a fait la présentation de la maison. Vous avez parlé de treize places d'hébergement. Est-ce que votre clientèle est composée strictement de gens que vous hébergez, ou est-ce que vous offrez également une ressource de jour?

M. Leblanc: Oui, il y a effectivement les deux services. Il y a treize places à l'interne. Il y a aussi des gens de la région, de la ville de ' Châteauguay qui viennent en activités de jour.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez mentionné que la grande majorité de votre clientèle était composée de bénéficiaires de l'aide sociale. Quelles, sont les caractéristiques de la minorité de la clientèle?

M. Leblanc: À vrai dire, les gens qui sont résidents sont tous, à ma connaissance, bénéficiaires. Il peut y avoir et il y a eu des personnes, comme des conjointes dont le mari travaillait - c'était à l'externe, particulièrement - qui n'étaient pas bénéficiaires de l'aide sociale. Il y a eu des gens, et encore actuellement, qui utilisent les services à l'occasion et qui ont un revenu d'emploi aussi. C'est selon la situation de chaque individu; ce sont surtout ces situations-là ou encore une femme dont le conjoint travaillerait. Je ne vois pas tellement... Il y a peut-être des cas de pension. Il faudrait que j'aille voir. De toute façon, en tant que président, je n'ai pas les chiffres sous la main.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que vous offrez le service de reinsertion sur le marché du travail ou est-ce que votre service touche strictement à ce qu'on appelle la pré-employabilité?

M. Leblanc: Oui. En fait la Maison sous les arbres a fait des expériences de réinsertion sur le marché du travail; particulièrement lorsqu'on a parié de cantines, c'était sur des terrains de camping. On a eu jusqu'à deux cantines et c'étaient les usagers de la Maison sous les arbres qui les tenaient durant l'été. On a eu ce genre d'expérience.

Actuellement, on a un plateau de travail à l'interne, soit la fabrication de chandelles décoratives avec un petit entrepreneur local. C'est une activité de \a, maison. Il n'y a pas de revenus.

En ce qui concerne le marché du travail, à l'extérieur, la Maison sous les arbres est en relation avec un SEMO qui travaille en rapport avec cette clientèle. C'est le principal lien. Il y a aussi des gens qui retournent à des emplois sans passer par le SEMO, parce qu'ils peuvent retourner à leur emploi après une certaine période.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Les gens qui transitent par chez vous demeurent combien de temps en moyenne? Est-ce qu'ils y reviennent de façon sporadique par la suite?

M. Leblanc: Les durées sont variables. On pourrait parler d'une moyenne; cela serait probablement autour de huit mois. Il faut regarder les écarts types, tout cela. Il peut y avoir des personnes qui restent quatre ou cinq mois. Des personnes sont restées plus d'un an, un an et deux ou trois mois. D'autres personnes sont revenues, mais c'est plutôt rare. Il y en a quelques-unes qui sont revenues.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Les personnes qui n'ont plus recours à vos services, mais qui ont transité par chez vous, est-ce que, dans la majorité des cas, elles retournent sur le marché du travail? Est-ce que vous avez un certain suivi qui est effectué?

M. Leblanc: Peut-être que les usagers le sauraient plus que moi. Je ne pense pas que la majorité retourne sur le marché du travail quand elle quitte la Maison sous les arbres. Il y a un certain pourcentage, sans être 50 %, ce qui est quand même respectable, qui le fait. Il y a certaines personnes qui sont retournées en milieu hospitalier. Il y a des gens qui s'en vont en appartement et qui restent bénéficiaires de l'aide sociale. C'est probablement la plus grosse partie de la clientèle. Déjà, la Maison sous les arbres leur permet de connaître des gens et de partager un logement. (17 heures)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Peut-être que ma prochaine question s'adressserait à M. Hébert, je ne le sais pas. Sentez-vous libres, si vous voulez y répondre l'un ou l'autre des usagers. Vous dites à la page 2 de votre mémoire: "Serait-on en train de dire qu'un assisté social de Brossard est égal à un assisté social de Chibougamau?" Vous voulez dire quoi exactement quand vous dites cela? On peut comprendre que, dans un centre urbain, les besoins soient différents de ceux dans un milieu régional éloigné, si on parle de Chibougamau. Je ne comprends pas l'essence de ce que vous voulez toucher par cette affirmation.

M. Hébert: C'est cela. Cela a été dit dans "Santélogique". Un article a paru qui disait qu'entre les milieux de Brossard et de Chibougamau c'était une différence. À Brossard, c'est sûr que c'est un milieu favorisé, riche, avec plusieurs ressources, tandis qu'à Chibougamau ou à Pointe-Saint-Charles... C'est une différence.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord, vous voulez parler des ressources des ministères qui sont mises à la disposition des assistés sociaux dans un certain milieu. Vous ne voulez pas parier des besoins...

M. Hébert: Les besoins sont là aussi, cela englobe.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous le dis comme cela, il y a des représentations. On est peut-être rendu tout près du 80e groupe que l'on entend. Les besoins peuvent varier - le 79e, bon. On nous dit, par exemple, qu'en milieu urbain le loyer va être souvent plus important, mais qu'en milieu rural cela prend pratiquement, pour utiliser une expression qui a été réutilisée, une "minoune" pour le transport, etc., et l'on finit, sur le plan des besoins, à en arriver à quelque chose de comparable.

M. Hébert: Non, ce n'est pas sur ce point qu'on voyait cela, mais surtout pour les assistés sociaux.

Mme Brunet: Est-ce que je peux m'exprimer?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.

Mme Brunet: Notre point de vue, on l'explique un peu au paragraphe précédent. Est-ce que vous pensez que les chances d'un individu sont les mêmes selon le milieu? On aurait pu donner l'exemple de Saint-Henri ou de Laval. Par exemple, moi, je viens de Laval. Il y a des gens que je côtoie à la Maison sous les arbres qui viennent d'un milieu défavorisé de Montréal. Est-ce que leurs chances sont égales aux miennes, moi qui viens d'un autre milieu? Mon père était professionnel. J'ai eu la chance d'aller à l'université. Lui, par exemple, celui auquel je pense, il a de la misère à s'exprimer, il a de la misère à parler, son langage n'est pas cohérent; est-ce que ses chances sont les mêmes? C'est ce qu'on veut expliquer dans cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Là, on traite, sur un plan individuel, de ce qu'on appelle chez nous, dans un langage savant, l'employabi-lité de l'individu. Face au marché potentiel du travail, quelles sont ses forces et ses carences? Nous sommes conscients que cela varie d'un individu à l'autre. Je pense que cela rejoint un peu ce que vous disiez.

M. le Président m'indique qu'il me reste trois minutes. Je vais céder, en vertu de l'alternance, la parole à Mme la députée de Maison-neuve, quitte à vous revenir sur la question du droit d'appel et ces choses-là dont vous traitez dans votre mémoire.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir de vous souhaiter également la bienvenue à la commission. Malgré le fait, comme le signalait le ministre, que nous en sommes à notre 5e semaine d'audiences et que vous êtes le 79e groupe, la présentation de votre mémoire a un aspect très singulier. Il y a une singularité par rapport à tous ceux qu'on a reçus jusqu'à maintenant. Je voulais, entre autres, le signaler à Mme Brunet. Il m'est arrivé à maintes reprises de signaler l'effet pervers que cette classification entre aptes et inaptes pouvait avoir et j'ai essayé de signaler au ministre les conséquences fâcheuses d'être sous une médication, parce qu'on considère qu'il y a là un problème. Je pense qu'on peut considérer dans notre société que c'est un problème quand on est en inactivité, puisque le travail, d'une certaine façon... Il y a un vieil adage qui dit: Le travail, c'est la santé. Là encore, faut-il s'entendre sur ce qu'est un travail et sur la différence entre un emploi et un travail. Il y a plein de choses comme celles-là, vu que les femmes ont beaucoup travaillé, ellss, et qu'on a toujours pensé qu'elles n'avaient pas d'ouvrage; cela compte quand même.

Dans votre mémoire, vous disiez ceci: "II devient avantageux pour tout Québécois de se prévaloir d'une maladie, telle que la schizophrénie, la manie, etc. - des personnes qui vous ont précédés auraient pu remplacer les exemples que vous nous donnez par un handicap, une déficience; d'autres auraient pu, enfin, remplacer cela par vraiment beaucoup de choses - afin de recevoir un maximum de prime, un droit de cohabitation et une possibilité, non une obligation, de participer à un programme d'emploi." Et c'est dit simplement, mais c'est sans doute la première fois que je vois aussi clairement exprimé ce que, en langage compliqué, d'autres avaient dit avant vous. Je vais vous lire une phrase qui dit exactement la même chose, elle se trouve dans le livre blanc sur la fiscalité des particuliers de 1984 qui disait: Dès qu'un programme de transfert applique une pénalité - alors, cela veut dire à la baisse - ou accorde un traitement plus favorable à un groupe particulier de bénéficiaires, selon qu'il répond ou non à des critères précis, exemple: état de santé, mode de référence, niveau de revenu, il crée par le fait même une incitation financière à la fraude.

Autrement dit, ce que cela créé, c'est une incitation à se faire considérer comme inapte, et c'est même la tentation qu'auront les députés dans leur bureau de comté, quand ils recevront des personnes en difficultés, de leur dire: Eh bien, je vais essayer de vous faire déclarer inapte. Et, là, il y aura tout autour de cela des professionnels et il finira par y avoir des enquêteurs de la Sûreté du Québec qui iront vérifier si les professionnels ont raison de déclarer qu'une telle personne est inapte, etc. C'est un immense... Moi, je vois cela comme un immense, on appelle cela un "build-up", une immense construction, comme un jeu Lego mais mal parti, puisque le point de départ consiste à vouloir finalement distinguer les gens afin de leur donner des moyens de subsistance différents.

Mme Brunet: Quand vous exprimez votre pensée au ministre, peut-être que lui se réfère à ce qui a été découvert dans la dernière étude, au fait qu'il y a beaucoup de gens qui sont aptes au travail qui sont à l'aide sociale, et puis, il peut mal vous comprendre ou, disons, avoir de la difficulté à voir le positif de ce que vous apportez. Mais, moi, je pense qu'il faudrait opter dans le sens de vous écouter, dans le sens qu'on pourrait ajouter, multiplier les moyens pour que les gens puissent se trouver du travail s'ils sont aptes, en tenant compte que souvent les gens à l'aide sociale veulent travailler. Par exemple, moi, j'ai plus de 30 ans, j'ai 31 ans, et je n'ai pas le moyen d'avoir un stage en milieu de travail. Je veux dire, j'ai ma seule force de travail pour me chercher de l'emploi, ma seule force personnelle, si je peux dire. À ce moment-là, il faudrait plus de projets pour les gens de plus de 30 ans, beaucoup de moyens. Il faut multiplier l'aide que les gens peuvent avoir, qui sont à l'aide sociale.

Mme Harel: Évidemment, avec la proposition du ministre, les plus de 30 ans vont pouvoir participer aux mesures comme les stages en entreprise ou les travaux communautaires ou vont pouvoir faire un retour comme les familles monoparentales pouvaient le faire. Jusqu'à maintenant, if y avait une entente entre le Québec et le fédéral, avec Ottawa, de façon à partager les coûts pour les moins de 30 ans et pour les familles monoparentales. Mais cela devait toujours se faire et cela doit encore, en vertu de l'entente, qui d'ailleurs n'est pas signée par le ministre... Cela m'étonne, parce que le ministre fédéral l'a signée, mais je ne vois pas la signature du ministre Paradis sur cette entente-là. Cela doit toujours se faire sur une base volontaire, c'est cela la condition de l'entente fédérale-provinciale. Est-ce qu'on peut savoir?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, c'est signé.

Mme Harel: C'est signé. Ah bon! C'est parce que...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est peut-être la photocopie.

Mme Harel: Ah, c'est simplement la photocopie. Non, ce n'est pas la signature qui m'inquiétait, c'est le fait que cela devienne obligatoire maintenant. Je me demandais si son homologue fédéral avait accepté de changer le caractère, parce que c'était jusqu'en 1989 cette entente-là, et c'est sur une base de participation volontaire. Comme vous, Mme Brunet, vous dites que vous aimeriez cela et je pense qu'il y en a beaucoup qui aimeraient cela. Mais, justement, il paraît que les chances de succès n'existeraient, selon toutes les personnes qui vous ont précédée là où vous êtes assise, que lorsqu'il y a ce caractère volontaire, quand quelqu'un dit: Je suis prêt. Avant cela, mettons il y a trois ans, peut-être que vous-même vous n'auriez pas eu le goût de dire: Je suis prête. Et, quand on veut rentrer de force dans la gorge de quelqu'un de l'huile de ricin, cela peut avoir tendance à, disons, ne pas porter les effets qu'on souhaiterait.

Alors, dans votre mémoire, il y a une autre chose qui est vraiment simplement exprimée, mais éloquemment exprimée. Vous allez me dire que c'est l'oeuf de Colomb, mais, dans le fond, vous dites dans votre mémoire: Nous, nous avons vécu la différence entre les aptes et les inaptes chez les moins de 30 ans dans notre propre maison et, là, nous allons continuer à la vivre. Mais, entre les aptes et les inaptes, quelle que soit la catégorie d'âge, la distinction va rester la même, parce que, dans un cas comme maintenant, ils auront droit à la pleine subsistance et, dans l'autre cas, ils n'y auront plus droit. Je pense qu'est clairement exprimé ce qui crée la plus grande difficulté du document, finalement.

Je ne sais pas, ce serait peut-être intéressant pour nous de savoir dans quelle mesure les personnes lorsqu'elles viennent à la Maison sous les arbres ont déjà eu des expériences de travail. Vous avez dit, dans votre mémoire - cela m'a beaucoup surprise, c'est la première fois, et je ne sais pas où vous avez trouvé ces chiffres, cela m'intéresserait de le savoir - que, chaque fois qu'il y a une hausse de la crise économique, cela entraîne une hausse de 2 % de la clientèle en santé mentale. C'est à la page 2 de votre mémoire. Est-ce qu'il serait possible d'avoir vos sources? Dans la mesure où je pourrais vous citer, je pense que cela pourrait être intéressant.

M. Hébert: Cela a été pris à l'émission Repères de janvier 1984.

Mme Harel: À l'émission Repères? C'est une émission de télévision, j'imagine Malheureusement, on n'a pas beaucoup le temps, même de regarder le Téléjournal. Par qui cela était-il dit? Par un médecin, par un...

M. Hébert: Par des médecins.

Mme Harel: D'accord. Il y a une incidence directe sur le chômage et la fragilité de l'équilibre personnel. Est-ce que c'est le cas chez les personnes qui habitent à la Maison sous les arbres?

Mme Brunet: Le cas de? Est-ce que vous pouvez préciser?

Mme Harel: Est-ce que le fait d'être en chômage ou le fait d'être sans emploi a été un facteur de déséquilibre?

M. Leblanc: C'est une variable difficile à vérifier sur une courte échelle. Il serait difficile de dire précisément que c'est le seul facteur. ; D'ailleurs, il y a sûrement des mémoires qui ont parlé de facteurs biopsychosociaux, etc.

J'aimerais revenir sur un autre point de votre intervention, lorsqu'il était question de fraude et de la possibilité que des personnes se retrouvant avec des prestations diminuées essaient d'obtenir une voie de passage vers le programme de soutien financier. Tout le document est fondé sur l'incitation au travail en ce qui concerne les aptes; c'est une valeur de base dans le document. Ce que nous disons - en ce qui nous concerne, enfin - ce que le mémoire dit et ce que les résidents ont dit, c'est que cette structure, qui crée un programme de soutien et qui a créé un programme APTE, incite - je le dirai très brusquement comme le mémoire qui est assez direct - peut-être à la crise psychotique ou à la maladie mentale. Je ne dis pas que c'est de la fraude. La maladie mentale, ce sont des mécanismes très subtils, très sournois qui font que, lorsqu'il y a des pressions sur l'individu, sur le métabolisme humain, vous pouvez aboutir à la

crise parce que vous êtes aptes. Par ailleurs, ces gens veulent rester aptes, mais ils vont possiblement aller vers la voie du soutien financier, et cela va les inciter à la maladie plutôt qu'au travail.

Mme Harel: Je pense comprendre. Je suis d'une modestie totale en matière de santé et sur tous ces aspects. En fait, je n'ai jamais vraiment pu avoir l'occasion d'en bien comprendre tous les mécanismes, mais je crois comprendre ce que vous nous dites. C'est que, d'une certaine façon, malgré le discours qui veut un retour au travail, mais qui ne tient pas compte des obstacles qui se dressent sur le chemin du retour au travail, la réalité va faire que les personnes vont ressentir beaucoup de culpabilité et vont vouloir se faire reconnaître comme inaptes pour, au fond, être reposées des attentes qu'elles ne peuvent pas remplir.

M. Leblanc: Vont le vouloir ou vont le devenir, et pas nécessairement consciemment.

M. Hébert: Mais je peux dire que certaines personnes le sont déjà. On est déjà étiqueté dans ce genre. Concernant l'incitation au milieu de travail - je suis à la recherche de travail présentement - quand je me fais dire par un patron qui me rappelle au bout de deux ou trois jours: C'est impossible, vous avez un dossier médical très chargé en psychiatrie; et il vient directement du bureau de l'aide sociale...

Mme Harel: Vous vous êtes fait dire cela.

M. Hébert: Oui. Je vais sûrement écrire une lettre.

Mme Harel: Mais là vous le dites. Le ministre est là, je pense que cela vaut le coup de le lui dire.

M. Hébert: Ce sont des choses qui, je crois, vont nous inciter à rester tels que nous sommes.

Mme Harel: Lui permettez-vous de nous expliquer les faits?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Bien oui!

Mme Harel: Comment les faits se sont-ils présentés?

M. Hébert: J'ai fait des demandes d'emploi à plusieurs endroits, entre autres, dans un restaurant, une grosse chaîne de Montréal. Ces gens m'ont dit: Tu as l'emploi, on va te rappeler lundi pour te donner les détails. Le lundi...

Mme Harel: Avez-vous mentionné que vous étiez bénéficiaire de l'aide sociale? (17 h 15)

M. Hébert: Avec le temps qui s'est écoulé entre l'arrêt de travail et... Mme Harel: D'accord.

M. Hébert: Ils ont dit: Où est-ce que tu étais? Mais, ils étaient d'accord sur ce point-là. Cela fait quand même quatre mois que je suis bénéficiaire de l'aide sociale, et je cherche du travail. Ils ont dit: II n'y a pas de problème là-dessus, avec tout ce que tu as dans ton curriculum vitae, il n'y a pas de problème. Alors, quand j'ai rappelé le lundi, parce qu'il ne m'a pas rappelé, je me suis fait dire: Tu as un dossier psychiatrique très chargé, on ne peut pas t'engager.

Où ont-ils été prendre cela? À l'aide sociale, qu'ils ont dit.

Mme Harel: II vous a dit à l'aide sociale, le monsieur du... Qui était-ce? C'était un employé du restaurant ou c'était le...

M. Hébert: C'était un gérant adjoint ou un gérant quelconque de la chaîne de restaurants.

Puis, j'ai eu une entrevue avec une personne en stages en milieu de travail et je lui ai expliqué ce qui s'était passé et elle m'a dit: Cela se peut qu'il y ait des erreurs qui se laissent aller comme cela.

Mme Harel: C'était un agent de l'aide sociale qui vous a dit cela?

M. Hébert: Oui, un agent de l'aide sociale. Elle m'a dit: Cela se peut qu'il y ait des sorties de même. Je lui ai dit: C'est supposé être confidentiel.

Mme Harel: Bon, de toute façon, je pense que, sur des questions comme celles-là, c'est peut-être mieux - mais c'est important - que vous poursuiviez avec les personnes qui accompagnent le ministre, mais j'aimerais bien que vous nous teniez au courant des résultats qui surviendront. Est-ce que la personne qui vous a répondu au restaurant aurait pu le dire en méconnaissance de cause, pour se débarrasser de vous ou pensez-vous que c'est en connaissance de cause?

M. Hébert: C'est en connaissance de cause. C'est qu'il fallait qu'il l'apprenne de quelque part. Personne ne le savait. Il a dit qu'il a été chercher des références quelque part.

Mme Harel: Aviez-vous donné des références vous-même?

M. Hébert: Oui, j'ai donné des références, mais ce ne sont pas les ex-employeurs qui ont fait cela. Ils n'étaient pas au courant. C'est seulement la Maison sous les arbres et puis il y a mes parents, mais aucune de ces...

Mme Harel: De ces sources-là qui... M. Hébert: Non.

Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je vais retenir la suggestion de Mme la députée de Maisonneuve. Je vais mettre à votre disposition Mme Dussautt, Me Dussault, de mon cabinet, et je vous prie de lui livrer en toute confiance les faits, de façon que nous puissions faire les vérifications qui s'imposent. Nous tiendrons, si vous nous y autorisez, parce qu'il s'agit là aussi de renseignements nominatifs - je ne voudrais pas commettre une infraction - la commission informée du résultat de cette démarche.

Maintenant, moi, j'aurais une question rapide, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a toute la question des besoins des gens qui sont de passage à l'aide sociale et des besoins des personnes qui sont à l'aide sociale pour une longue durée. L'expérience au ministère nous enseigne qu'il y a une différence dans les besoins de base des gens qui sont là pour une longue durée et des gens qui sont strictement de passage, soit pour une courte durée ou pour une durée moyenne.

C'est pourquoi vous retrouverez entre les barèmes du programme de soutien financier et les barèmes du programme APTE une différence qu'on généralise à peu près à 25 $ par mois. Présentement, dans le cas des moins de 30 ans, de 18 à 30 ans, pour obtenir la parité, la différence est supérieure à 300 $ par mois. Est-ce que vous ne croyez pas, concernant le niveau d'incitation - je peux reconnaître qu'il va quand même exister, qu'il existe toujours un phénomène d'incitation, lorsqu'il y a un barème plus élevé que l'autre - lorsque vous parlez de 25 $ par mois contre 300 $ par mois, qu'il n'y a pas là une diminution incroyable de l'incitation, sur le plan financier?

M. Leblanc: En fait, c'est évident que, si une personne se trouve dans une situation où elle n'a plus d'autre choix que de livrer sa force de travail au premier venu, c'est sûr que c'est très incitatif.

Je ne sais pas si j'ai bien compris votre question, mais je comprends que l'écart de 300 $, c'est un écart qui est pensé, imaginé, comme étant un écart incitatif? Non, j'espère que non.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je n'ai pas mis sur pied le système qui comprend cet écart de 300 $. Je l'administre comme ministre responsable. J'en suis présentement responsable et je me dis qu'avec 178 $ il n'y a pas moyen de couvrir les besoins de base, essentiels, nécessaires, même si on ne considère que la nourriture et le logement. On s'entend?

À ce moment-là, en participant à une mesure, on obtient ce qu'on appelle la parité, sauf dans quelques cas, le rattrapage scolaire, etc. L'incitation est de plus de 300 $ et l'incitation n'est pas seulement financière, elle te permet de couvrir tes besoins de base, essentiels; elle est énorme, cette incitation, au moment où l'on se parle.

Dans ce cas-là, on propose, la différence entre les barèmes du programme APTE, si on se tient sur le plan financier, et ceux du programme Soutien financier - Soutien financier s'applique à des gens qui sont sur laide sociale pour une longue durée; APTE aux gens qui sont de passage à l'aide sociale - soit 25 $ par mois Est-ce qu'on peut raisonnablement comparer sur le plan de l'incitation financière la différence de 25 $ à celle de 300 $?

M. Leblanc: II me semble que, présenté de cette façon, c'est bien évident qu'il y a une incitation qui est plus forte. S'il s'agit de commenter le programme actuel, c'est assez clair qu'il n'y a personne qui veut de ce programme. C'est bien certain, je comprends que ce n'est pas votre gouvernement qui a mis ce programme sur pied.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On en est responsable.

Mme Brunet: Quand vous parlez des gens qui sont là à long terme ou à court terme, j'ai saisi quelque chose, je pense. D'abord, je peux vous dire que cela ne fait pas dix ans que je suis à l'aide sociale mais la première fois que j'en ai bénéficié, c'était il y a dix ans. Je ne pouvais pas prévoir que je le serais pendant dix ans. C'est dur de savoir, au moment où on l'est, ce qui va nous arriver dans la vie. On ne le sait pas toujours. Mais cela voudrait dire aussi, de la manière que j'ai saisi cela, que, moi, comme cela fait trois ans que je suis à l'aide sociale je ne serais pas directement considérée apte, alors qu'une personne qui l'est pour une période de...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce n'est pas strictement une question de durée. Ce que les gens perçoivent mal, et je pense que c'est une question de perception, c'est qu'on a beaucoup de roulement de la clientèle à l'aide sociale. Les gens pensent que c'est toujours la même clientèle qui est à l'aide sociale, alors que, pendant les neuf premiers mois, 40 % de notre clientèle se trouve par elle-même de l'emploi ou va vers les mesures de rattrapage, etc. On a là aussi des statistiques. Les sorties sont importantes à l'intérieur des 18 ou 24 premiers mois et la clientèle qui y demeure plus de 24 mois est vraiment une clientèle minoritaire. Les gens

perçoivent cela autrement. Ils pensent qu'un assisté social passe sa vie à l'aide sociale. C'est un renouvellement de clientèle que l'on a.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve, si vous voulez remercier nos invités.

Mme Harel: Oui, certainement.

Je veux les remercier du fond du coeur d'être venus devant la commission. Je crois que votre témoignage est important. Cela va me permettre aussi de juste rappeler au ministre que la discrimination en fonction de l'âge a été introduite par l'actuel premier ministre lorsqu'il était premier ministre en 1974. C'était la première fois que cela était introduit dans la Loi sur l'aide sociale. Il faut certainement souhaiter qu'il y ait une approche différente en matière de sécurité du revenu, mais une approche qui ne soit pas non plus discriminatoire pour l'ensemble des personnes qui, elles, ont plus de 30 ans. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je veux juste vous rappeler que, de 1976 à 1985, le gouvernement du Québec était le gouvernement du Parti québécois et que nous entendons nous attaquer à ce problème qui place dans une situation intenable les gens qui ont à vivre avec 178 $. Je retiens ce que vous m'avez dit au début, M. Leblanc, que votre mémoire a fait l'objet de discussions de groupes entre les usagers de la maison et qu'il est le fruit et le produit des sentiments exprimés par les gens qui sont des usagers de la maison. C'est dans ce sens qu'il nous a été présenté et verbalement et par écrit, et pour votre contribution aux travaux de la commission, au nom du gouvernement du Québec, je vous dis merci.

Le Président (M. Bélanger): Nous remercions le groupe la Maison sous les arbres et nous appelons à la table des témoins l'Association des centres de services sociaux du Québec qui sera représentée par M. Maurice Sammut, Mme Lise Denis, M. Marc Sénéchal et M. Claude Lancop.

Vous connaissez nos règles de procédure. On est obligé de marcher d'une façon un petit peu accélérée, puisque le temps nous est malheureusement manquant, pour ne pas dire déficient. Alors, je vous invite sans plus tarder à présenter votre équipe, d'une part, et votre mémoire.

Association des centres de services sociaux du Québec

M. Sammut (Maurice): Alors, je vous présente Mme Lise Denis, qui est notre directrice générale à l'Association des centres de services sociaux du Québec, ainsi que M. Claude Lancop, qui est un des permanents à l'association, et M. Marc Sénéchal, qui est directeur général du CSS de l'Outaouais et membre du conseil d'administration de l'assosiation. Moi-même, Maurice Sammut, je suis président du conseil d'administration du Centre de services sociaux de l'Estrie et également président de l'Association des centres de services sociaux du Québec. Alors, 79 mémoires plus loin, quatre semaines plus tard, l'originalité... On va tenter de vous décrire notre position avec notre vue d'angle.

M. le Président, M. le ministre, MM. et Mmes les commissaires, je tiens, au nom de l'Association des centres de services sociaux du Québec, à vous remercier de nous recevoir, nous permettant ainsi de vous faire part de nos commentaires, critiques et recommandations concernant le projet de réforme de l'aide sociale. Cette intervention se veut une appréciation de cette réforme, faite sous l'angle de la vision des centres de services sociaux ainsi qu'au nom de nos bénéficiaires qui se retrouvent, dans une forte proportion, parmi les plus démunis de notre société. Il n'est certes pas facile de redéfinir un programme qui, à la fois, garantira à chacun un minimum vital de revenus, qui maintiendra des incitations au travail, qui sera équitable envers les travailleurs et travailleuses à bas revenus, qui favorisera l'autonomie des personnes et qui tiendra compte de la multiplicité des situations familiales et individuelles. Cela, nous en convenons.

Considérant que nous ne sommes point des spécialistes en revenu, nous n'avons pas la prétention de vous dire ce qui devrait être fait. Notre apport se veut un constat ou l'idée d'une amélioration. Nous souscrivons avec vous à l'objectif de favoriser par différents moyens le plus de personnes possible pour qu'elles puissent être disponibles à l'emploi. Mais qu'adviendrait-il si, tout à coup, cette même médecine fonctionnait? Y aura-il des emplois pour ces 257 000 ménages? Qu'adviendra-il des nouvelles personnes motivées sans possibilité d'emploi? Une nouvelle déception? Toutes ces questions ont ou auront une incidence très importante sur le vécu de nos bénéficiaires actuels et futurs. Pour certains, la santé se détériorera, pour d'autres, c'est le bien-être psychosocial qui ne va plus et c'est probablement la famille qui absorbera le contrecoup encore une fois. Est-ce là l'aboutissement voulu de la pression positive créée au départ sur la personne?

Je vais maintenant laisser le soin à Mme Denis de vous situer nos recommandations.

Mme Denis (Lise): Bonjour. Moi, au lieu de lire le mémoire, je vais essayer de vous résumer de la façon la plus succincte possible les éléments essentiels de ce que l'association a communiqué par écrit. Dans le fond, il y a trois préoccupations qui sont les nôtres et que nous voulons vous traduire: un certain nombre de commentaires sur le programme APTE, un certain

nombre de commentaires sur des clientèles plus spécifiques et, finalement, un problème qui n'est pas couvert pas le projet de réforme, mais qui, pour nous, est majeur, soit les prestations pour les parents dont les enfants sont placés. Je pense que là-dessus on a quelque chose dont on souhaiterait pouvoir jaser avec les membres de la commission.

En ce qui concerne le programme APTE d'abord, voici les commentaires qu'on souhaite faire. On évalue le niveau de prestations, qui est identifié dans la proposition qui est là, comme très bas. Il nous semble que cela risque de mettre en péril la santé et l'équilibre des personnes qui en bénéficieront. Il s'agira, à notre point de vue, d'une baisse pour plusieurs personnes. Il nous semble que tout projet de réforme devrait s'assurer dès le point de départ qu'aucun bénéficiaire ne recevra à l'avenir un revenu plus bas que ce qu'il a déjà. Il nous semble aussi qu'un niveau de prestation aussi bas est de nature à favoriser l'émergence de plus de problèmes sociaux. (17 h 30)

Autre commentaire sur le programme APTE. On tient aussi pour acquis que, finalement, chaque personne ou famille peut, pour compléter sa prestation, aller se chercher un revenu d'emploi. On pense qu'il y a là une forme d'illusion, parce qu'il n'y a pas nécessairement la disponibilité d'emploi ou de travail, même à temps partiel, pour répondre à l'ensemble de ces besoins-là. On pose même la question: À combien de personnes sera-ton en mesure d'offrir des mesures d'employabilité ou des mesures d'emploi? Réellement, à quel niveau pourra-t-on situer ce genre de mesures? Combien de clientèles pourra-t-on toucher?

Une chose aussi nous apparaît importante à souligner, tant dans la distinction qu'on fait entre apte et inapte qu'à l'intérieur même du programme APTE dans l'identification des non-disponibles, il nous semble qu'il doit y avoir dans cette évaluation qui nous semble très difficile l'apport d'autres dimensions qu'uniquement une dimension médicale. On pense que les intervenants sociaux devraient être mis à contribution, lorsqu'il s'agit d'évaluer si une personne est incapable, de façon temporaire, par exemple, d'assumer un emploi. Donc, il devrait y avoir évaluation par des intervenants psychosociaux au lieu de couvrir uniquement la dimension médicale. On pense aussi, en ce qui concerne le programme APTE, que la période d'attente de neuf mois ne devrait pas s'appliquer à l'ensemble. On pense qu'il y a des gens qui, soit parce qu'ils ont été à la recherche d'un emploi pendant longtemps, soit parce que ce sont des jeunes, devraient pouvoir sauter cette période. Elle nous apparaît inutile dans ces cas-là.

Finalement, on a trouvé très généreux en ce qui concerne le programme APTE, l'idée qu'il devrait y avoir un apport plus grand des services sociaux dans l'accompagnement des bénéficiaires.

On pense que, s'il y a un accroissement de la demande en services sociaux, il devrait y avoir un accroissement des ressources en conséquence. On pourra y revenir tantôt avec les questions. On pensait notamment à toute la clientèle des 18 à 30 ans pour laquelle les services sociaux... Par exemple, nous, aux CSS, nous ne nous occupons plus de la clientèle des enfants à partir de 18 ans. Il y a une espèce de vacuum des services disponibles pour les personnes entre 18 et 30 ans. Ce sont les commentaires au sujet du programme APTE.

Rapidement, en ce qui regarde les clientèles. En ce qui regarde les femmes, on pense que les femmes qui ont un enfant, et cela jusqu'à l'âge de cinq ans, ne devraient pas voir leurs prestations diminuées si elles ne sont pas inscrites dans les mesures rémunérées. En ce qui regarde les personnes de plus de 55 ans, on pense que ces personnes devraient être admissibles au programme de soutien. On devrait les rendre admissibles au programme de soutien. En ce qui concerne les jeunes, on pense qu'il y a là, je dirais, une fausse parité. C'est un peu le titre qu'on a donné dans notre mémoire. Il ne nous semble pas que le problème de discrimination soit vraiment réglé. On a plutôt l'impression qu'on a minimisé ou qu'on a diminué l'accès des jeunes aux programmes d'aide sociale. De fait, il y aura peu de jeunes de moins de 21 ans qui auront accès au programme, sauf s'ils sont membres d'une famille dont le revenu est très bas. Entre 21 et 25 ans, si on a bien compris - je vais vous donner un peu notre compréhension et ce qu'on a indiqué dans le mémoire - on trouve qu'il y aura là une multitude de situations générant souvent des injustices. Par exemple, celui qui aura fait une demande d'aide sociale à 18 ans sera admissible à une pleine prestation à 21 ans. Celui qui fera sa demande à 20 ans, parce qu'il complétait ses études, sera admissible à 23 ans. Où est la logique? Autre exemple: celui qui aura travaillé un an et demi et reçu de l'assurance-chômage pendant un an sera admissible à une pleine prestation s'il ne vivait pas chez ses parents pendant cette période. Dans le cas contraire, sa prestation dépendra du niveau de revenu de ses parents. Il nous semble y avoir là une série de situations qui ne sont pas nécessairement cohérentes ou équitables pour ces bénéficiaires. Au-delà de ces aspects, pour les jeunes, il nous semble que - on est en mesure de témoigner d'un ensemble de situations - si, à 18 ans, le jeune n'est plus chez lui, ne souhaite pas y retourner, a peut-être fugué et si les parents ne peuvent pas ou ne souhaitent pas non plus subvenir à ses besoins, ce sont des situations qu'il faut accepter de regarder et qui nous faisaient nous interroger sur la parité telle qu'elle est décrite. On se disait - et c'est une suggestion qui est dans le mémoire - qu'il y a peut-être un âge pivot et que 21 ans est un âge qui s'harmonise mieux avec d'autres types de mesures, les prêts et bourses ou au plan fiscal.

Si on devait passer une règle pour l'âge, 21 ans nous semble être plus approprié.

Maintenant, les clientèles plus spécifiques. L'aspect sur lequel il nous apparaît important de vous parier, ce sont vraiment les bénéficiaires d'aide sociale qui sont des parents dont les enfants sont placés. De la façon que cela fonctionne à l'heure actuelle, après trois mois, lorsque l'enfant est placé, les parents voient leurs prestations d'aide sociale diminuées en conséquence. Or, cela ne tient pas .compte... Ce n'est pas une critique de la réforme, on n'en parle pas dans la réforme, mais cela nous semble un sujet qu'il faut regarder. Cela ne tient pas compte de la perspective de réinsertion. Depuis plusieurs années, les efforts qui sont faits avec les enfants sont tels qu'ils ont comme objectif d'essayer quand c'est possible de ramener l'enfant dans la famille. Pour que les parents puissent éventuellement reprendre leur enfant, il faut qu'ils soient capables, par exemple, la fin de semaine, de recevoir leur enfant, il faut qu'ils en soient capables à la période des fêtes. Il ne faut pas qu'ils soient dans l'obligation de déménager et d'aller se chercher un logement plus petit. Ils ont aussi un certain nombre de frais fixes auxquels ils doivent continuer de faire face. Alors, on se dit qu'il y a là une incohérence entre l'objectif ou la politique, telle qu'on la connaît maintenant, et les objectifs sociaux poursuivis pour les enfants placés. Il nous semble que cela devrait être revu et qu'il devrait y avoir un effort de fait pour ces personnes-la dans la réforme de l'aide sociale.

Il ne faut jamais oublier que dans ce dossier les parents qui sont bénéficiaires d'aide sociale non seulement voient leurs prestations diminuées, mais aussi leurs allocations familiales enlevées, puisqu'elles sont remises comme contribution parentale. Alors, il y a comme une double pénalité et ces parents ont de la difficulté à réaliser un projet de réinsertion. C'est ^■sut-être l'aspect qui est le plus particulier chez nous, mais qui nous semble essentiel à ce moment-ci. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez touché à plusieurs points. Je tiens à vous remercier de votre rapport. En réplique à la conversation que j'ai eue dernièrement avec M. Sammut, pour débuter, une politique de plein emploi, oui, cela se situe dans un contexte global de stabilité politique, de croissance économique, d'investissements, d'ouverture sur le plan du droit à l'emploi, etc. Les statistiques sur la création d'emplois des deux dernières années continuent à être positives, bien que, avant que Mme la députée de Maisonneuve le mentionne, il y a toujours possibilité de crise et de perte d'emploi. Mais, si on jauge ou si on analyse la démographie québécoise des entrées sur le marché du travail en fonction de la création d'emplois dans le contexte économique que nous connaissons présentement, c'est une orientation vers laquelle le Québec se dirige, le plein emploi.

Maintenant, est-ce qu'on attend le plein emploi avant d'investir dans i'employabilité des gens dits aptes au travail, mais qui éprouvent des carences incroyables sur le plan de l'alphabétisation, sur le plan de la scolarisation et sur le plan de l'expérience de travail? Je pense qu'il faut, en même temps que l'on mise sur le plein emploi, viser également à I'employabilité de ces gens que l'on dit aptes au travail, mais qui ne sont pas dans la possibilité de se procurer un emploi demain matin à cause de ces carences. Si on ne vise pas les deux éléments en même temps, on manque le bateau, parce qu'on viserait le plein emploi et ces gens-là seraient laissés en marge de la société à cause de ces carences. C'est un peu ce qui se produit en Ontario présentement. Vous avez un taux de chômage aux alentours de 5 %. C'est quasiment du plein emploi parce que le chômage est "frictionne!", mais vous avez une augmentation du nombre de bénéficiaires de l'aide sociale au même moment, parce que ces gens-là sont en marge de cette croissance et ne partagent pas cette croissance et cette richesse.

Mme Denis nous parle, et je vais tenter d'y aller rapidement, des barèmes. Je vous réfère à la page 29. Habituellement, j'ai un tableau en arrière quand on est au salon rouge, mais je ne l'ai pas dans cette pièce-ci. Mme la députée de Maisonneuve en a deux. À la page 29... Habituellement, j'ai deux tableaux.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous réfère à la page 29 de la politique de sécurité du revenu. Comme ministre, si je veux préserver l'incitation au travail dans une politique de sécurité du revenu, j'ai un élément sur lequel nous travaillons depuis deux ans comme gouvernement, qui s'appelle le salaire minimum. Du rattrapage a été effectué, mais il y a encore du rattrapage à effectuer. J'ai là un problème. Si vous pouvez, à l'intérieur de ce salaire minimum, m'aider à réaménager ces barèmes, je suis réceptif. Mais, si je les rends plus lucratifs que le salaire minimum, le nombre de mes assistés sociaux risque de monter etc.

Les revenus d'emplois. C'est vrai que tout le monde ne les obtiendra pas, mais on considère que c'est une amélioration par rapport à la situation actuelle. Pour l'individu, présentement, après un gain de 25 $, c'est de la taxation à 100 %. Sans régler complètement le problème, nous considérons qu'en haussant les plafonds, il s'agit d'une amélioration.

Sur le plan des mesures, nous comptons en offrir à tous ceux qui en veulent. Maintenant, sur le plan de la responsabilité, est-ce que la responsabilité ou le fardeau sera sur les épaules

de l'assisté social ou sur les épaules de la machine gouvernementale? C'est une question qui demeure à déterminer et qui est importante, autant sur le plan financier que sur les autres plans.

Sur l'aspect médical uniquement, vous avez raison, plusieurs organismes nous ont fait des représentations demandant de considérer l'ensemble des facettes de l'individu et pas seulement l'aspect médical. Sur la période de neuf mois et prévoir des clientèles précises, vous avez également raison, c'est une suggestion que nous retenons. Sur le vacuum des services sociaux pour les 18 à 30 ans. Vous avez également là raison. Si on applique les programmes, on se rend compte qu'à partir de 18 ans on manque de ressources.

La clientèle des femmes. Vous nous dites: les enfants jusqu'à cinq ans. L'expression utilisée ou consacrée en commission depuis le début peut-être: âge préscolaire. Je ne sais pas si elle vous va, mais ce sont les représentations que l'on reçoit.

Les 55 ans et plus. Vous êtes l'un des premiers groupes qui en traitez, bien qu'on soit au 80e. Vous nous demandez les barèmes du Soutien financier. S'il y a eu d'autres demandes, elles allaient dans le sens qu'il n'y ait pas de diminution par rapport au système actuel. Maintenant, les envoyer au Soutien financier pose tout le problème des mesures d'employabilité du programme APTE adapté. Sur le plan de la complication, ce ne sera pas simple.

Les jeunes, fausse parité. On va - s'y attarder quelques minutes. Ce matin, on a communiqué les chiffres sur les clientèles à Mme la députée de Maisonneuve. Les derniers chiffres qu'on a rendus publics sont ceux de décembre 1987: 35 286 jeunes. De ce nombre, 17 046 seraient considérés comme complètement indépendants; 12 606 seraient exclus; 2583 verraient leurs prestations réduites une fois la parité accordée, mais non pas en fonction de ce qu'ils ont présentement, et 3051 ne seraient pas réduits. Je suis d'accord avec vous, on serait beaucoup mieux avec une parité sans contribution alimentaire parentale. Je pense que, sur le fond, il n'y a aucun problème pour celui qui vous parle, sauf que cette contribution alimentaire parentale, vous l'avez souligné, on la retrouve aux prêts et bourses aux étudiants. Lorsqu'un individu a le choix entre un prêt autour de 1700 $, 1800 $ - un prêt - et l'aide sociale qui, une fois la parité accordée, sera autour de 4000 $ par année, non pas un prêt, mais de l'argent non remboursable, nous sommes d'avis pour le moment, au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, que le phénomène d'attraction, qui ferait que les jeunes, spécialement s'ils viennent de milieux défavorisés sur le plan financier, seraient incités à quitter les études pour se retrouver à l'aide sociale, serait important. La situation idéale serait sans doute celle où on ne retrouverait ni aux prêts et bourses aux étudiants, ni à l'aide sociale le fameux phénomène de la contribution alimentaire parentale Si cela devait arriver aux prêts et bourses aux étudiants, le ministère serait disposé à enlever cette notion de contribution alimentaire parentale. (17 h 45)

L'âge pivot. Vous nous avez fait une suggestion, une proposition. Nous avons retrouvé cet âge pivot dans le livre blanc sur la fiscalité rendu public en 1984. Nous l'avons retrouvé dans des déclarations de M. Parizeau également, dernièrement. C'est peut-être une proposition intéressante mais cela aurait pour effet d'exclure quelque 30 000 jeunes de l'aide sociale. Donc, c'est un pensez-y-bien.

L'enfant placé. Vous avez complètement raison, cela ne dépend pas strictement de la politique de sécurité du revenu. Je vous dirais qu'au ministère nous sommes passablement avancés et que le dossier est présentement devant les dernières instances décisionnelles pour régler ce problème.

J'ai un autre point que j'aimerais vous soumettre. Des gens sont venus devant cette commission et nous ont dit: C'est plus intéressant pour un parent qui est à l'aide sociale de placer son enfant que de le garder à la maison. Vos politiques de placement, si on les compare aux barèmes d'aide sociale avec présence d'un enfant à la maison, sont complètement démesurés. Vous risquez là un incitatif de brisure familiale. Comment réagissez-vous?

Mme Denis: Vous dites qu'il serait plus intéressant pour un bénéficiaire que son enfant soit placé plutôt que de l'avoir avec lui. C'est ce qui a été expliqué J'essaie de voir comment.

Mme Harel: C'est beaucoup plus avantageux économiquement, financièrement, de garder les enfants des autres que les siens propres.

Mme Denis: Ah! c'est autre chose.

Le Président (M. Bélanger): Le problème des familles d'accueil, c'est autre chose.

Mme Denis: Si on se place du point de vue du parent dont l'enfant est placé, c'est une chose. Si on se place du point de vue d'une ressource qui accueille un enfant, à des fins de placement, cette ressource est financée en effet. Ces revenus sont considérés comme des compensations et non pas des revenus...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Des gains de travail.

Mme Denis: ...aux fins de l'impôt. Ces ressources sont compensées, soit les familles d'accueil et éventuellement, d'autres types de ressources intermédiaires mais, ici, on parle de ressources de type familial. Ce sont les familles

d'accueil. Elles ont donc un barème par jour, dans le cas des enfants, plus des primes au moment où il y a des services spéciaux à offrir à des enfants. Quand on parle d'enfants handicapés, on parle d'enfants qui ont des problèmes. Sans avoir de besoins spéciaux, ils ont une prime moyenne de 12 $ ou 14 $ par jour à peu près. En effet, la famille d'accueil a ce genre de revenu. Quand on dit un revenu, il faut bien voir que c'est une compensation pour les services. La famille héberge l'enfant, elle est disponible 24 heures par jour, elle le nourrit, elle l'habille. Dans le fond, elle le fait vivre. Elle le fait sortir, sauf dans le cadre d'un projet de réinsertion où l'enfant retourne chez ses parents, par exemple, une fois une fin de semaine sur deux. C'est la famille d'accueil qui assume l'ensemble des besoins de l'enfant. C'est pour cela que c'est considéré comme une compensation et non pas comme un revenu.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Des représentations qui m'ont été faites sans m'empêcher de dormir - cela m'inquiète - selon lesquelles les familles bénéficiaires de l'aide sociale auraient, sur le plan financier, avantage à abandonner leur enfant dans le système ou au système, que le système replace leur enfant dans une autre famille et, pour cette famille, de garder l'enfant d'une autre famille.

M. Lancop (Claude): Dans ce sens-là, bien sûr.

Mme Denis: Dans ce sens, je pourrais comprendre...

M. Lancop: Bien sûr. Ils auraient avantage, parce que même si, en plaçant leur enfant, ils ont une diminution de l'aide sociale, ils ont, par ailleurs, une compensation qui reste quand même... La moyenne se situe autour de 9 $ ou 10 $, multiplié par 30 jours, 300 $ par mois, ce n'est rien d'extraordinaire. Mais, étant donné que c'est un revenu net d'une certaine façon plus ce qu'il resterait de l'aide sociale, c'est sûr que cela serait plus avantageux financièrement que de garder leur enfant, parce qu'il y aurait deux sortes de prestations, non imposables, qui viendraient... Mais je ne sais pas dans quel contexte un tel commentaire peut être mis de l'avant.

Mme Denis: II y a quelque chose qui est techniquement difficile dans une telle situation, puisque famille d'accueil doit être accréditée par le centre de services sociaux. Je vois mal comment une ressource famille d'accueil dont l'enfant serait placé, parce qu'il est en protection, parce qu'il est en problème grave, serait accréditée pour recevoir celui du voisin. Je ne dis pas que c'est impossible. Il est possible que cela puisse se produire, mais cela me semblerait très à la marge.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On tente de mesurer l'ampleur du phénomène, s'il existe, et de vérifier comment on peut mettre en place, si cela n'existe pas déjà, si le phénomène est important, des barrières de façon à ne pas favoriser l'émergence d'un tel système dans notre société. C'est là le sens des questions que je vous pose.

Mme Denis: L'accréditation en est une.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): L'accréditation est...

Mme Denis: ...pourrait être une barrière.

Le Président (M. Bélanger): Mme la député de Maisonneuve.

Une voix: Peut-être un complément, excusez.

M. Sénéchal (Marc): C'est un peu sur le même dossier dont parlait Mme Denis. Il pourrait arriver quelques cas où il y ait une permutation d'enfants, mais c'est complètement contraire à toute notion ou décence professionnelle. Si une famille ne peut pas garder ses propres enfants, elle ne peut sûrement pas en garder d'autres.

Mme Harel: Je vais vous donner le cas que j'ai donné au ministre d'un veuf à l'aide sociale qui avait avec lui ses quatre enfants et qui n'arrivait manifestement pas. Vous savez sûrement que la prestation s'arrête après le deuxième. Elle ne couvre pas le troisième ni le quatrième. Au BSS de l'Est, ils lui ont recommandé de mettre ses deux enfants en foyer d'accueil, ce qui a été fait. Comme il avait encore des difficultés, compte tenu de ce que vous savez sans doute et de ce qui a été illustré ici devant la commission, du coût astronomique des loyers dans la ville de Montréal, il lui a ensuite été proposé de prendre deux enfants en foyer d'accueil. Il a été reconnu comme foyer d'accueil. Je ne dis pas cela pour vous blâmer. Je ne dis pas cela pour blâmer les services sociaux. Je dis cela parce que l'État n'accorde assistance aux femmes, aux jeunes et aux familles - mais parlons des femmes et des jeunes - que lorsqu'il y a échec prouvé, dans le cas d'une séparation, d'un divorce. Dorénavant, l'État va accorder assistance aux jeunes lorsqu'il y aura échec prouvé de sa relation familiale, lorsqu'il pourra prouver que sa famille ne l'entretient pas, ne le soutient pas, ne le supporte pas, qu'il a été mis à la porte. Faudra-t-il, un rapport de police? Il faut prouver l'échec. L'ensemble de notre système repose essentiellement sur l'échec. S'il y a entraide, à ce moment, l'État se dégage, mais, s'il y a abdication des responsabilités, là, l'État intervient. C'est cela, je crois, qui est un des effets pervers de ce système qui va être aggravé...

Je ne sais pas, est-ce que c'est à mon tour, M. le Président?

Le Président (M. Bélanger): Oui. Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bélanger): Cela allait bien. C'était sur votre temps.

Mme Harel: Enfin... Vous avez posé une question au ministre. Je crois que c'est une question importante. À combien de personnes le ministère sera-t-il en mesure d'offrir les mesures d'employabilité? Je crois que c'est une question qui doit être parmi celles qui, j'imagine, l'angoissent un peu, compte tenu des témoignages de personnes de moins de 30 ans qui sont venues expliquer combien il leur a fallu multiplier les démarches personnelles pour pouvoir participer à des mesures, en prenant l'initiative d'aller se faire entériner des relations déjà entreprises avec des travaux communautaires ou des stages en entreprise. Je pense que cela est une question de fond.

Tantôt, vous pariiez - et j'aimerais revenir sur cette question - de l'employabilité. Je ne veux pas être polémiste, mais je pense qu'un des problèmes révélés par les échanges en commission, c'est que, justement, il n'y a pas dans ce document un investissement dans l'employabilité. Ce matin, la CEQ vous a précédés et a manifestement témoigné du fait qu'il n'y a aucune conversation même entreprise avec le ministère, que ce soit l'Éducation ou la Main-d'Oeuvre, pour mettre en place un plan de campagne de scolarisation ou d'alphabétisation. Que, bien au contraire, on assiste dans le milieu de l'éducation, à des coupures dans les réseaux, notamment d'OVEP, qui offraient...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...une augmentation pour l'alphabétisation dans les OVEP.

Mme Harel: ...augmentation pour l'alphabétisation.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ... dans les OVEP.

Mme Harel: II y a, par ailleurs, des coupures - je pense que c'est de 20 000 000 $ - au chapitre de l'éducation des adultes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, c'est un titre de journal qui n'a pas été repris.

Mme Harel: De toute façon, manifestement, c'est "business as usual". Si tant est qu'il y a vraiment une volonté politique d'investir dans l'employabilité, donc de hausser le niveau de scolarité, etc., pour tout de suite, on ne le voit pas. Je ne sais pas si, demain, dans les crédits, on pourra le vérifier, mais, pour tout de suite, on voit très bien que cette volonté reste dans le domaine des discours. On n'a pas encore vraiment vu les résultats.

Vous parliez de la question de l'âge préscolaire. Cet échange depuis cinq semaines m'amène à penser, comme de nombreux groupes, qu'il faut sans doute, d'abord... J'aimerais vous entendre là-dessus. Pensez-vous qu'une classification doit donner lieu à des prestations différentes? Beaucoup de groupes sont venus nous dire oui à la catégorie, de manière à cibler des groupes prioritaires, par exemple, les chefs de famille monoparentale, pour leur offrir un appui plus adéquat, mais non, et cela a été un non retentissant de la majorité des groupes, à ce que cette classification donne lieu à des prestations différentes. Vous disiez dans votre mémoire: C'est un programme de dernier recours qui arrive en fin de piste, souvent, dans un processus pénible d'appauvrissement. Là, toute la question est: Quand vous intervenez sur la question de l'âge, cinq ans, par exemple, pour décréter qu'à cet âge-là une femme chef de famille monoparentale doit participer aux mesures, sinon, la pénalité ou la sanction est une baisse de prestation - cela, je pense que c'est une question importante, n'est-ce pas? - est-ce que, dans tous les cas, on peut décréter cela comme cela? Par exemple, s'il y a un deuil, une séparation ou un divorce qui vient de se produire, au moment où les enfants ont quatre ou cinq ans et même six ans, au moment où, par exemple, il y a hébergement en maison d'hébergement pour femmes violentées ou n'importe, est-ce qu'on peut décréter, parce que l'enfant a cinq ans, qu'il faut qu'il y ait participation à la mesure? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Cela m'a étonné aussi que vous ayez, d'une certaine façon, aussi rapidement réglé la question des jeunes de plus de 18 ans, des adultes, en fait, de plus de 18 ans à la recherche d'autonomie. Est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux envisager un système où l'État se met sur les épaules la responsabilité de les faire participer à des mesures, mais en leur offrant un niveau de subsistance? J'ai vu dernièrement des sondages, et c'est très majoritaire dans l'opinion publique québécoise qu'il y ait un traitement de pleine subsistance pour les personnes qui ont 18 ans et plus. C'est considéré comme l'âge de la majorité où l'ensemble des personnes doivent être traitées sur un pied d'égalité.

Est-ce que vous concevez que la question des prêts et bourses, quand on sait que 85 % de la contribution parentale dans le programme des prêts et bourses n'est pas versée... Est-ce que ce n'est pas tout à fait fictif et théorique que d'invoquer cette contribution parentale aux prêts et bourses pour la justifier à l'aide sociale?

Mme Denis: Je vais reprendre quelques dimensions. Il y a peut-être d'autres collègues qui souhaiteraient compléter. C'est sûr que, nous,

dans le mémoire, on a surtout regardé la question des barèmes trop bas. Je vais relier cela à un commentaire du ministre Paradis tantôt, quand il disait: II ne faut pas ramener les barèmes à un niveau où on va se trouver à aller rejoindre le seuil du salaire minimum.

Une voix: En haut.

Mme Denis: En haut. Moi, ce que j'ai compris en lisant la politique, c'est qu'on parlait très peu de familles qui étaient au salaire minimum. Si je regarde le programme APPORT...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): 125 000 à 140 000 familles au salaire minimum.

Mme Denis: Tant que cela?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, oui.

Mme Denis: Quand je regardais le programme APPORT, mais là peut-être que j'avais besoin d'éclaircissements, quand je regardais dans le programme APPORT les familles qui pouvaient être admissibles au programme...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): 44 000.

Mme Denis: 44 000. Cela me faisait dire, finalement, qu'au salaire minimum comme tel, il n'y a peut-être pas autant de gens qu'on peut le penser à prime abord.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que je peux?

Mme Harel: Oui, oui, c'est intéressant.

Mme Denis: Oui, cela va aider à comprendre parce que je pense que...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Lorsque l'on hausse le salaire minimum, on grossit, finalement, la banque de personnes qui dépendent du salaire minimum. Quand nous sommes arrivés au gouvernement, nous avons procédé à deux augmentations du salaire minimum et, à l'époque, c'était entre 100 000 et 125 000, la première fois, et maintenant on m'indique que c'est plutôt 140 000 à 150 000 personnes qui, comme moyen de subsistance, comme gain de travail, ont le salaire minimum.

Maintenant, pour essayer de faire la comparaison avec le programme APPORT où nous disons qu'il y a 44 000 ménages avec enfants qui seraient admissibles, dont 24 000 chefs de famille monoparentale, on pourrait présumer, à partir de ces chiffres-là, que les autres sont des couples sans enfant ou des personnes seules dans la société. (18 heures)

Mme Denis: D'accord, tout à fait, mais la question, pour nous autres, elle se posait, c'est:

Est-ce qu'il y a vraiment, est-ce que c'est aussi important, en termes de volume, de ne pas dépasser, oui, mais de se rapprocher du salaire minimum? Est-ce que cela a un tel impact? C'est un peu cela la question. Pour les familles, ce qu'on constatait, c'est qu'avec le programme APPORT, de toute façon, il y a une différence. Elle s'établit automatiquement, pour les familles à tout le moins, avec ce programme-là. Et c'est à partir de là que l'on se posait la question, sur le barème de base. Le sentiment qu'on avait, au-delà de l'aspect économique, c'est aussi que le barème de base, comme principe, devait non seulement être en bas, mais qu'il devait y avoir un écart significatif, ou le plus significatif possible.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Idéalement.

Mme Denis: En conséquence, on se demandait si d'était vraiment si important. Les 44 000 familles, qui, elles, ont l'équivalent du salaire minimal, vont de toute façon bénéficier du programme APPORT et, donc, l'écart n'est plus le même, il est plus grand.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Là où il y a présence d'enfants.

Mme Denis: Là où il y a présence d'enfants, l'écart est plus grand. C'est un peu autour de ces paramètres qu'on raisonnait sur la question des barèmes, plus sur le contenu de ces barèmes que sur, je dirais, l'équité dans le fait d'en avoir pour une catégorie et d'en avoir de moins élevés pour d'autres. Globalement, les barèmes de base nous semblent très bas pour subvenir à des besoins essentiels.

Mme Harel: C'est une question d'équité horizontale et i! y a toute la question que vous abordez de la stratégie pour "supplémenter" le salaire minimum.

Mme Denis: Oui.

Mme Harel: C'est-à-dire toute la stratégie de bonification du salaire minimum par des programmes qui peuvent le bonifier.

Mme Denis: Cela, effectivement, nous semblait un aspect moins réaliste. C'est un peu pour cela qu'on posait la question: Combien de personnes, parmi les gens qui vont se retrouver dans le programme APTE, pourront de fait bénéficier de mesures et pourront, de fait aussi, être capables de trouver un emploi? S'il n'y a pas ces possibilités, je pense qu'on est dans une situation où notre cycle de la pauvreté, on va l'entretenir.

Quant à la question des 18 ans et plus que je voulais reprendre rapidement, il est certain, quand on suggère 21 ans, que c'est plus un souci de concordance qu'un objectif fondamental.

Je pense que, fondamentalement, tout le monde va être d'accord pour dire que, idéalement, on devrait être dans la situation où un individu de 18 ans est autonome. Il est tellement autonome qu'H n'est plus couvert par la Loi sur la protection de la jeunesse, entre autres, il quitte la famille d'accueil où il est et, bien souvent, ce sont ceux-là qui se retrouvent après cela, au bien-être social.

Idéalement, on dit oui, mais on dit que, si on est dans une situation où il faut, effectivement, qu'il y ait une orientation différente, on pense que 21 ans est peut-être moins dramatique et je dis que c'est plus un souci de concordance dans ce sens que vraiment un objectif d'équité.

Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme la députée, si vous voulez remercier nos invités.

Mme Harel: Oui. Je ne sais pas, M. Sammut, vous aviez peut-être quelque chose?

M. Sammut: Quand on prenait l'incitatif du départ, à savoir cette idée d'incitatif que les gens arrivent finalement à mener des programmes d'employabilité et à se retrouver un emploi, cet incitatif qui peut devenir, à un moment donné, une pression, je pense que la prudence qu'on voulait appporter, c'est que cette même pression-là, effectivement sur les épaules de quelqu'un qui n'avait pas nécessairement le goût de se trouver un emploi, n'avait pas nécessairement le goût d'embarquer dans ce concept de société, pour lui, cela peut être une pression jugée possiblement intéressante. Pour celui qui est en démarche de se chercher un emploi, pour celui qui a fait les mêmes démarches pour essayer de le trouver, qui veut le trouver, cette pression supplémentaire, dite "incitative", devient très pénible et c'est là que, possiblement, avec la compréhension qu'il en a... Ce n'est pas dire: Effectivement, c'est une aide incitative pour m'aider à trouver un emploi. Je ne crois pas que cela soit comme cela et c'est là que cela devient une pression qui va se véhiculer dans la famille et qui fait émerger la pression ailleurs. Alors, c'était l'idée de départ et on y souscrit pleinement. Mais, s'il n'y a pas un emploi à l'autre bout pour celui qui enfin est motivé à se trouver de l'emploi, toute cette pression va sortir quelque part.

Le Président (M. Bélanger): Si vous voulez remercier nos invités, Madame.

Mme Harel: J'imagine que vous avez pris connaissance - j'aurais beaucoup aimé vous en parler - du rapport annuel 1986-1987 de la Commission des affaires sociales. En fait, c'est son rapport sur les décisions qui sont prises et qui concernent justement le retour au foyer d'enfants placés en famille d'accueil ou en centre d'accueil et les recommandations qui en sont faites, j'imagine que le ministre en a également pris connaissance. La Commission des affaires sociales, qui a à juger des cas en appel, recommande très fortement qu'il y ait des ressources pour assumer les frais de subsistance au moment où il y a visite, même si cela est temporaire. Alors, cela renforce finalement ce que vous recommandez à la commission.

Je vais peut-être seulement terminer, M. le Président, en vous disant que la Commission des services juridiques est venue devant notre commission parlementaire présenter un mémoire qui, entre autres, nous soumettait un tableau des situations où les ménages perdaient avec la réforme, même en participant pleinement aux mesures. Je vais vous laisser sur cela. Elle a fait un petit calcul qui présumait que, si les gains de travail fictifs additionnés au barème à la baisse pour combler les besoins reconnus, mais non couverts, si tant est que ces gains étaient véritablement réalisés par les 286 622 prestataires aptes au travail, ce serait 56 331 emplois qu'il faudrait simplement pour leur permettre de maintenir leur niveau de prestations comme il l'est présentement. Cela ne comprend pas les emplois à créer pour leur permettre d'améliorer leur situation. Alors, vous vous rendez compte, c'est cela finalement, si vous le voulez, le plafond au-dessus duquel... Il est pas mal bas, le plafond sur lequel ils vont finir par se cogner la tête. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, en vous remerciant. Je tiens à vous dire que je partage l'opinion de Mme la députée de Maisonneuve en ce sens que le plafond est pas mal bas. Nous avons hérité après un gel du salaire minimum, je pense, pendant cinq longues années, d'un plafond...

Mme Harel: Je suis en train de colliger les oppositions qui venaient quand on le haussait Vous allez trouver cela intéressant.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...qui était très bas. Nous avons effectué un certain rattrapage au cours des deux dernières années. Je vous dirai que le gouvernement continue avec les partenaires socio-économiques à tenter de le relever encore davantage, c'est l'élan sur lequel nous sommes. Maintenant, je tiendrais à vous indiquer, en ce qui concerne le sujet que vous avez amené hors réforme, qu'on tente d'accélérer le dossier de façon à régler - pas pour votre bénéfice, mais pour le bénéfice de votre clientèle - le problème que vous nous avez soulevé. J'aurais aimé que le temps nous permette de discuter de toute la question des pensions alimentaires, de la perception des pensions alimentaires et des effets possibles sur une partie de votre clientèle. On aura peut-être une autre occasion pour le reprendre, on en a eu avec d'autres groupes. Je terminerai en vous remerciant pour la qualité de votre mémoire et

la qualité de la présentation orale que vous avez faite. Vous avez su souligner les traits forts et, surtout, insister sur les corrections qu'il faut apporter à cette politique si nous voulons qu'elle rende vraiment des services bénéfiques aux citoyens auxquels elle est destinée pour cette contribution. Au nom du gouvernement du Québec, je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission des affaires sociales remercie l'Association des centres de services sociaux du Québec et suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 9)

(Reprise à 20 h 7)

Le Président (M. Bélanger): La commission des affaires sociales reprend ses travaux afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques afin d'étudier le document intitulé "Pour une politique de sécurité du revenu".

Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, M. le Président, si vous me le permettez, peut-être qu'avant que nous recevions le prochain groupe, je souhaiterais faire connaître au ministre que les statistiques de révolution des clientèles touchées en ce qui concerne la contribution alimentaire parentale qu'il m'a remises ce matin, je souhaiterais qu'elles puissent être complétées par les informations qui concernent le partage du logement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le même tableau sur partage du logement.

Mme Harel: Oui, c'est cela. En d'autres termes, c'est quand même intéressant, pour nous, de comprendre que 108 000 ménages sur l'aide sociale ont moins de 30 ans, que 47 000 n'ont pas la parité, 51 %, je crois donc, près de la moitié, qui du fait d'être des ménages avec enfants, soit monoparental ou biparental...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ou des participants dans des programmes d'employabilité.

Mme Harel: ...ou des participants dans des programmes. Serait-il possible d'avoir la ventilation des ménages biparentaux, monoparentaux, et participants aux programmes?

Une voix: J'en prends note. Cela va compléter mon souper.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si c'est disponible, vous allez l'avoir.

Mme Harel: Cela permettrait d'avoir un tableau complet, à ce moment-là, et de chiffrer nos propositions.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ah! D'accord. Si c'est pour une noble cause.

Le Président (M. Bélanger): Ce sont toujours de nobles causes, M. le ministre. Alors, donc...

Mme Harel: Les chiffres sont toujours assez lourds, par exemple.

Le Président (M. Bélanger): Nous recevons, ce soir, l'Association québécoise pour les droits des retraités et préretraités, L'AQDR, représentée par Mme Yvette Brunet et par M. André Corneau.

Il me fait plaisir de vous recevoir. Je vous explique un peu nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes ferme pour présenter votre mémoire ou son résumé, tout dépend de la façon dont vous voudrez le présenter. Par la suite, il y aura une période d'échange avec les parlementaires, le tout pour une enveloppe globale d'une heure.

Je vous prierais donc, avant de débuter... Là, il n'y aura pas de problème; on a deux personnes de sexe différent; je présume qu'on va reconnaître les voix en bas. Habituellement, on vous demande de vous identifier auparavant pour les fins de la transcription du Journal des débats. Alors, M. Corneau, vous n'aurez pas de problème.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Prenez votre voix grave.

Le Président (M. Bélanger): Si vous prenez votre grosse voix, vous allez être correct. Excusez-nous, mais c'est notre quatre-vingt-unième mémoire, on est un peu...

Alors, je vous en prie, si vous voulez débuter.

Association québécoise pour les droits des retraités et préretraités (AQDR)

Mme Brunet: Bonsoir M. le ministre, bonsoir MM. les députés et mesdames. Je me retrouve en pays de connaissance. J'ai rencontré M. Bélanger à plusieurs reprises dans son comté. J'ai aussi rencontré dernièrement M. Laporte, dans son comté, non pas pour les mêmes besoins et les mêmes choses, pour des choses très différentes, mais je peux vous dire que nous avons été très bien accueillis.

Je sais que nous avons présenté notre mémoire à la dernière minute et je sais aussi qu'on a eu la chance, je dirais, d'être convoqués très peu de temps après la présentation de notre mémoire et je vous en remercie.

J'ai pensé ne pas faire la lecture complète du mémoire que nous vous présentons, même si vous n'avez peut-être pas eu le temps de le lire.

Alors, ma façon de procéder, c'est de lire certains extraits du mémoire et j'aurai à faire certaines remarques.

Dans un premier temps, je voudrais vous présenter l'association dont je fais partie. J'en suis la présidente. L'AQDR existe depuis bientôt dix ans. Elle regroupe en tout environ 10 000 membres dans tout le Québec et nous avons 40 sections. Quand M. le Président nous a présentés, il a oublié de dire que nous sommes une association pas seulement de droits, mais de défense de droits. Ce qui est très important. Les droits tout seuls cela ne veut rien dire, mais la défense des droits, cela veut dire quelque chose.

Si nous sommes ici ce soir, c'est parce qu'à plusieurs reprises, je dirais, j'ai rencontré Mme la ministre déléguée à la Condition féminine, dans différentes occasions où elle regroupait des femmes, dans des centres de femmes, des centres d'hébergement, des centres de femmes battues et tout, et jamais on ne faisait de cas de la condition des femmes de 50 ans et plus. Je dirais qu'on ne nous convoquait jamais. C'est comme si la vie des femmes s'arrêtait à 50 ans, qu'il y avait des problèmes avant, mais qu'il n'y en avait pas après. Malheureusement, il y a de gros problèmes et spécialement des problèmes de pauvreté. Alors, à force d'intervenir, dans ces rencontres avec Mme la ministre déléguée à la Condition féminine, un jour, il n'y a pas très longtemps, j'ai reçu une lettre nous demandant de présenter un mémoire parce qu'elle aimerait beaucoup qu'on soit entendus en commission. Et elle me dit, dans la lettre: Si vous ne présentez pas de mémoire, vous ne pourrez pas être entendus. En tout cas, c'est comme cela que cela a été écrit. Alors, on s'est empressés d'écrire un mémoire, connaissant la situation financière déplorable des femmes de 50 ans et plus.

Si on insiste particulièrement sur le sort fait aux femmes de plus de 50 ans, c'est que très peu de gens ou d'organismes se sont prononcés, mais c'est surtout à cause de notre expertise sur ce sujet, grâce à notre intervention auprès des préretraités, en particulier, dans le cadre d'un colloque que nous avons organisé et qui s'intitulait "À 50 ans, qu'est-ce que tu deviens?". À ce colloque, il y avait au moins 300 femmes.

D'après nous, tous les efforts concernant la mise en place et l'application des programmes de formation, de développement de l'employabilité et d'incitation à l'embauche ne prendront vraiment leur sens que dans la mesure où les usagers de ces programmes pourront espérer obtenir un emploi stable, satisfaisant et rémunérateur au terme de leur cheminement. En ce sens, le meilleur incitatif, en ce qui concerne le retour au travail des sans-emploi, demeure la création d'emplois en nombre suffisant.

J'ajouterais là-dessus que l'on sait qu'il manque des emplois présentement et que beaucoup de compagnies incitent fortement - je pense que tout le monde comprend ce que je veux dire quand je dis que les compagnies incitent fortement - les employés de plus de 50 ans à prendre leur retraite. Je pense qu'il est important de tenir compte de la situation actuelle, de ce qui se passe dans les compagnies, dans les usines et dans les manufactures. Les femmes autant que les hommes sont touchées actuellement parce qu'il y a toute une technologie qui est en train de se développer et les compagnies s'informatisent et se robotisent. Alors, qui partent les premiers? Ce sont ceux qui ont 50 ans et plus. (20 h 15)

Dans notre association, présentement, il y a beaucoup d'hommes qui ont 53 ans, 55 ans et qui ont pris leur retraite, parce que cela faisait 40 ans qu'ils travaillaient, ils étaient très fatigués, parce que la compagnie leur offrait une compensation financière et ils l'ont acceptée. Mais cela ne veut pas toujours dire qu'ils partent et qu'ils sont à l'aise. Il faut comprendre que, quand on arrête de contribuer à un régime de retraite et au Régime de rentes à 53 ans, on diminue le taux... Je pense que cela vaut autant pour les hommes que pour les femmes. Penser que les hommes ou les femmes vont se trouver un travail, c'est être complètement en dehors de la réalité, ce n'est pas possible. On donne les emplois aux jeunes, on n'a rien contre cela. Les jeunes ont aussi le droit de travailler. Les compagnies sont bien plus portées à donner des jobs aux jeunes que de continuer à garder les personnes, qui sont en fin de compte, fatiguées de travailler.

Le deuxième facteur très important pour nous, ce sont les changements au sein de la cellule familiale. Il y a une augmentation effarante du nombre de familles monoparentales depuis dix ans. On le sait aussi. La majorité vit avec un revenu équivalant ou sous le seuil de la pauvreté. Il y a de très bons documents qui sortent de Santé et Bien-être social du gouvernement fédéral. Là-dessus, on dit que les femmes, aujourd'hui, à 35 ans chefs de famille monoparentales vont être pauvres toute leur vie. Ce n'est pas l'AQDR qui détermine cela, ce sont des gens qui ont fait des recherches, qui savent très bien quelle est la situation présentement. Il y a aussi d'autres facteurs, comme le mouvement d'urbanisation, les changements de mentalité, qui ont éliminé tout le réseau d'appui et d'entraide dont a besoin la cellule familiale.

J'aimerais vous lire ce que "Femmes et pauvreté", de Santé et Bien-être Canada, dit: "Si les experts dans le domaine de la pauvreté s'étaient arrêtés au nombre prédominant de femmes parmi les pauvres au Canada, ils auraient pu découvrir, il y a longtemps, une des principales causes de la pauvreté, soit qu'on inculque à la moitié de la population, dès sa tendre enfance, l'idée que l'autre moitié répondra toujours à ses besoins d'ordre financier... Pourtant, si le pourvoyeur manque à l'appel, s'esquive ou meurt, on s'attend tout à coup à ce que les femmes subviennent seules à leurs besoins et à

ceux de leur famille."

J'aimerais vous relater un tout petit fait. Un jour, en 1983, on a parcouru la province pour rencontrer nos membres. On a fait, à partir de ce que les membres ont écrit ou dessiné, ce qu'on a appelé notre "expo manifeste". Il y a beaucoup de femmes dans les associations. On le sait, elles vivent plus longtemps que les hommes. Les hommes, après la retraite, restent chez eux. Je ne sais ce qu'ils font, mais on pense qu'ils regardent la télévision et boivent de la bière. C'est ce qu'on pense qu'ils font. Mais les femmes se retrouvent dans les associations.

On avait fait dessiner ces femmes. Une femme avait fait une très belle affiche et elle avait écrit sur cette affiche: Punie d'être restée au foyer. Parce qu'elle se retrouvait sans le sou, parce qu'elle était restée à la maison, parce que son mari l'avait laissée, parce qu'elle avait quatre enfants à continuer à élever, selon elle, elle était punie parce qu'elle avait fait, ce qu'on appelait dans le temps, son devoir.

Que ce soit parce qu'elles se séparent, parce qu'elles demeurent célibataires ou à cause d'un décès, 75 % des femmes canadiennes vont se retrouver seules pour subvenir à leurs besoins alors qu'on les a éduquées comme devant orienter leur vie vers la famille. Plus les femmes vieillissent et plus ce phénomène risque de leur arriver, entre autres, parce que ces femmes vivent plus longtemps que les hommes.

J'irais aux recommandations de l'AQDR que je vais vous lire intégralement. Que la nouvelle politique de sécurité du revenu s'accompagne d'une politique de plein emploi afin d'assurer, au terme de leur démarche, aux bénéficiaires des emplois stables, satisfaisants ou rémunérateurs.

Que tous les bénéficiaires, quelle que soit leur catégorie, aient droit à un seuil de revenu garanti pour couvrir leurs besoins à court et à long termes. Ce seuil devrait être établi en fonction d'une évaluation globale des besoins réels des bénéficiaires en se basant sur des données budgétaires telles que celles calculées par le Dispensaire diététique de Montréal.

Nous sommes d'accord avec le principe de garder un certain écart entre les salaires les plus bas dans la société et l'aide sociale. Comme ce principe ne doit pas nous mener à une économie de survie pour les assistés sociaux, nous recommandons que le salaire minimum soit augmenté, que le législateur utilise différentes mesures à sa disposition pour bonifier le salaire minimum, par exemple, des mesures fiscales, pour l'élever au-dessus du seuil de la pauvreté.

Que toute personne adulte et admissible à des prestations d'aide sociale reçoive le même montant peu importe son âge ou sa situation filiale ou parentale.

Qu'aucune coupure ne soit effectuée dans le cas de partage du logement ou dans le cas de bénéficiaires vivant en HLM.

En ce qui concerne en particulier les femmes de 50 ans et plus, pour elles et pour tous les bénéficiaires désirant retourner sur le marché du travail, que cette démarche soit volontaire et bonifiée financièrement. Que soient mis sur pied des programmes d'employabilité, de formation, d'éducation, de recyclage ou de stages en milieu de travail. Tous ces programmes devront être adaptés aux besoins des femmes de 50 ans et plus pour permettre aux femmes qui choisissent volontairement le retour au travail d'avoir le soutien nécessaire pour réussir dans leur démarche.

Même si les deux prochaines recommandations que je vais vous lire relèvent du fédéral, je veux vous les lire.

Que les femmes vivant dans la pauvreté aient accès à leur pension de vieillesse dès l'âge de 60 ans. Nous savons que plusieurs pays d'Europe accordent la pension aux femmes à 60 ans parce que les femmes sont pauvres.

Que les femmes séparées, divorcées, célibataires aient accès à l'allocation au conjoint, comme cela a été accepté pour les veufs et les veuves, à 60 ans.

Que le travail des femmes, en particulier dans le maintien à domicile, soit reconnu et rémunéré sur le même principe que les familles d'accueil.

Vous savez certains d'entre vous, j'imagine, ce qui se passe actuellement dans le maintien à domicile, l'hospitalisation, l'institutionnalisation, et tout ce qu'on voudra qui finit par "on". On retourne le plus tôt possible les patients à la maison et, encore une fois, ce sont les femmes qui en prennent soin. Je tiens à dire quelques mots là-dessus parce que pour moi c'est d'une importance capitale. C'est sûr qu'on veut économiser en retournant les malades à la maison. Dans tous les documents que je lis, présentement, qu'ils soient faits par le gouvernement provincial, par le gouvernement fédéral, par les chercheurs, on parle toujours de la famille.

Je regrette, ce n'est pas la famille qui prend soin des malades; ce sont les femmes dans la famille. C'est bien différent. Ces femmes qui n'ont jamais rien eu à elles, ni d'argent, ni de reconnaissance de leur travail au foyer, se retrouvent, encore une fois, à se sentir coupables, sans argent et se font dire: Prenez soin des malades, vous êtes là, on a besoin de cela; la société a besoin de cela. Je tiens à vous dire que c'est un retour 40 ans en arrière. Quand on parle de maintien à domicile - je vais reprendre la recommandation qu'on fait - que le travail des femmes en particulier dans le maintien à domicile soit reconnu et rémunéré sur le même principe que les familles d'accueil.

À plus long terme et de manière préventive pour éviter aux femmes et aux femmes vieillissantes de tomber dans une pauvreté institutionnalisée, on devra favoriser par des mesures concrètes l'égalité dans les conditions d'apprentissage, sur le marché du travail et dans le mariage.

Alors, en conclusion, même si nous croyons

nécessaire une réforme de la Loi sur l'aide sociale, nous sommes obligés de rejeter la réforme proposée car la proposition actuelle nous apparaît discriminatoire et appauvrissante.

En ce qui concerne les femmes de 50 ans et plus, la réforme nous apparaît particulièrement odieuse, car elle nie tout le rôle social et familial que ces femmes ont tenu. De plus, on les force à un retour au travail fortement irréaliste compte tenu des conditions individuelles et de la réalité du marché du travail. Si les femmes n'adoptent pas cette option, elles se retrouvent encore plus pauvres, si c'est possible de dire plus pauvres! Quand on pense que ces femmes-là reçoivent un revenu entre 6000 $ et 7000 $ par année. On leur demande, dans le discours, de se prendre en charge, de rester autonomes, de continuer à vivre chez elles, d'être bien, de faire partie de la société, je me demande qui d'entre nous pourrait faire cela avec 6500 $ ou 7000 $ par année.

Nous ne pouvons admettre que le gouvernement économise sur le dos des plus pauvres de notre société. Nous dénonçons aussi le peu de considération et de connaissance réelle dont fait preuve le gouvernement envers les femmes de 50 ans et plus. En effet, nulle part dans le document d'orientation on ne fait allusion à la situation concrète et difficile dans laquelle se retrouvent ces femmes et, en prime, on propose de réduire leurs revenus quand, après 55 ans, ces femmes choisissent de se déclarer non disponibles aux programmes proposés.

Le gouvernement semble oublier qu'il a des responsabilités sociales envers ses citoyens en regard de la redistribution de la richesse collective, en particulier envers les plus démunis.

Je vais dire quelque chose que vous avez sûrement entendu, M. le ministre: Ce n'est pas le paradis pour les femmes. Je dirais que c'est même scandaleux ce que vivent les femmes actuellement. Et ce sont huit femmes sur dix au Québec. On est combien ici? C'est la femme de quelques-uns qui sont ici ou la mère, ou la soeur, ou la belle-soeur. Alors, je pense que je vous ai dit l'essentiel et je suis prête à répondre à vos questions.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, madame. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie l'Association québécoise pour les droits des retraités et préretraités pour son mémoire ainsi que pour la présentation verbale. Mme Brunet nous a fait le portrait de l'association. Rapidement, j'aurais peut-être quelques questions additionnelles de façon à préciser certains des objectifs ou la composition même de l'organisme. Vous dites que vous représentez 10 000 membres. D'après vos estimations, combien de ces membres vivent de prestations de l'aide sociale?

Mme Brunet: Je vous dirais aue nos mem- bres sont principalement des femmes et je vous dirais que c'est 50 % de ces femmes qui bénéfi- i cient de l'aide sociale. Mais je tiens à vous dire, ' M. le ministre, que c'est très difficile de les identifier, parce que les femmes sont fières. Je pense que c'est important de le dire. Je dois vous dire qu'il y a des gens avec qui je fais des entrevues, qui font des recherches et constatent la pauvreté des femmes. Ils disent: Comment cela se fait-il qu'on ne sache pas cela? On ne le sait . pas parce que les femmes ne le disent pas. Les femmes sont fières et s'arrangent pour que cela ne paraisse pas.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense que vous avez raison de le mentionner. J'ai peut-être seulement huit ans d'expérience de bureau de comté, les fins de semaine et, lorsque les femmes de 50, 55 ans et plus nous arrivent au bureau de comté et qu'elles sont dans cet état, qu'elles ont été abandonnées, etc., elles disent: M. le député, quel programme? Là, tu fais le tour de tous les programmes dans tous les catalogues gouvernementaux et tu arrives à l'inévitable programme de l'aide sociale parce qu'il n'y en a pas d'autre qui s'applique.

Mme Brunet: C'est cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et lorsque tu mentionnes l'inévitable programme de l'aide sociale, leur première réaction est de dire non.

Mme Brunet: C'est cela, c'est exactement cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela prend de la persuasion avant de dire: C'est cela ou c'est rien. Dans ce sens-là...

Mme Brunet: Est-ce que vous savez pourquoi elles refusent cela? ,

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, cela peut être...

Mme Brunet: Parce que, si elles disent qu'elles ont des prestations de l'aide sociale, elles passent pour être des sans-dessein, des "pas d'allure", parce qu'elles n'ont pas réussi à économiser.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est peut-être un des facteurs, mais je sens chez elles une espèce de fierté à dire: Je suis capable de gagner ma vie sans avoir recours à cela.

Mme Brunet: Oui, oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne sais pas si c'est une fausse impression que j'ai, mais...

Mme Brunet: Oui, parce que c'est honteux

pour elles de recevoir des prestations. (20 h 30)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aimerais traiter de politique de plein emploi, de seuil de faible revenu, de salaire minimum, de tous ces éléments-là avec vous. Mais j'ai eu l'occasion d'en traiter avec plusieurs groupes et je veux peut-être défricher un peu, ce qui m'amène à me poser la question sur vos représentations dans le cadre d'une politique d'aide sociale. Moi, je ne suis pas surpris de ce que je retrouve dans le mémoire. Je m'y attendais. Je suis surpris de ce que je ne retrouve pas dans le mémoire. Je me serais attendu que les gens qui prennent la défense des préretraités et des retraités me parlent d'un programme qui s'appelait PAT, qui s'appelle PATA, qui était autrefois au fédéral avec lequel on est en négociations présentement et qui s'avère, pour ces gens-là, quelque chose de beaucoup mieux que l'aide sociale. Je me serais attendu également que l'on me parle de toute la question de la perception des pensions alimentaires parce que, quand ces personnes-là ou ces femmes que vous me mentionnez sont abandonnées, il y a quelquefois des conjoints qui s'en tirent assez bien. Que vous n'en parliez pas me surprend parce que, quel que soit le régime, quelles que soient les bonifications qu'on apporte ou qu'on pourrait apporter au programme actuel j'ai l'impression, surtout avec les femmes de 50 ans et plus que vous représentez, qu'on va toujours avoir cette réaction de dire: II n'y a pas autre chose que vous pouvez m'offrir? Et j'aimerais vous entendre sur ces deux aspects et peut-être sur un troisième, pendant que j'ai la parole. Vous avez mentionné le chiffre de 50 ans. Dans la politique, et cela touche la politique comme telle, on a arrêté un programme spécial qui est peut-être à bonifier mais, on y a choisi le chiffre de 55 ans. Je vous dirais que c'est à la suite de nombreuses discussions. J'aimerais savoir pourquoi vous prenez le chiffre de 50 ans. Je suis libre de vous dire, après cela, pourquoi on a arrêté cela à 55 ans. Ce sont les trois questions que je vous poserais en débutant.

Mme Brunet: D'accord. Alors, la première question, le programme dont vous me parlez, c'est un retour au travail n'est-ce pas? Il s'agit des retraités qui, avec le programme PATA dont vous parlez, peuvent avoir...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est un programme qui s'assimile davantage à l'assurance sociale. Cela s'adresse à des travailleurs congédiés...

Mme Brunet: Oui, c'est cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...ou licenciés collectivement. Cela s'apparente beaucoup plus à ce qu'on appelle, dans le jargon, l'assurance sociale qu'à l'assistance sociale. Et pour ces travailleurs-là, pour ceux et celles oui en ont bénéficié dans le passé, c'est quelque chose de beaucoup plus valorisant...

Mme Brunet: Oui. Mais cela, cela s'adresse seulement à des compagnies, à des gens qui travaillent dans des compagnies qui ont fermé. C'est ce programme-là uniquement...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Où il y a licenciement collectif.

Mme Brunet: Oui, oui, c'est cela.

M. Corneau (André): C'est cela. Cela n'existe plus cela.

Mme Brunet: Non, puis c'est un programme fédéral cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'était jusque...

Mme Brunet: Mais c'était.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Au moment où l'on se parie, ce n'est plus un programme...

M. Corneau: C'est cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...ni provincial ni fédéral; il a pris fin en août 1986.

M. Corneau: D'accord. Mme Brunet: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais, entre 1984 et 1986, c'était un programme financé à 100 % par le gouvernement fédéral et qui s'appliquait au secteur fragile ou...

M. Corneau: Secteur mou.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...mou de l'industrie.

Mme Brunet: Oui, oui, c'est cela. M. Corneau: C'est cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a des négociations qui sont entamées depuis deux ans; on tente de l'universaliser à tous les secteurs. Mais pour qu'il s'adresse aux travailleurs âgés, qui ont tant d'années d'ancienneté dans l'entreprise, et c'est vous qui avez fait allusion au fait que ce sont les premiers travailleurs abandonnés, licenciés collectivement...

Mme Brunet: Oui, oui, oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne sais pas...

Mme Brunet: Mais là, vous me parlez d'un programme qui n'existe plus. Alors, je ne suis pas capable de répondre là-dessus précisément, parce qu'il n'existe plus. Mais ce que je peux vous dire, par exemple, c'est que ce soit un homme ou une femme qui ait commencé à travailler dans une usine à l'âge de quinze ans, quel que soit l'endroit, puis que cela fasse quarante ans qu'ils travaillent, pensez-vous qu'ils ont envie de retourner travailler? Sérieusement, pensez-vous cela? Quarante ans de travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le programme dont je vous parlais, au niveau fédéral, est justement un programme qui concerne la problématique que vous soulevez et par rapport auquel on subit des pressions d'à peu près tout le monde. Présentement, tous les travailleurs âgés et licenciés collectivement, vont voir leur député, dans chacun des comtés, pour faire en sorte que le nouveau programme soK appliqué le plus rapidement possible. Et mon interrogation portait là-dessus: Pourquoi ce programme est-il absent? C'était tout simplement la question que j'avais sur vos représentations.

Mme Brunet: En tout cas, je vous ai répondu: C'est absent parce que cela n'existe plus. Puis, deuxièmement, j'ai eu des appels téléphoniques, je ne sais pas, de gens de Radio-Canada, parce qu'ils voulaient que je leur donne un nom de retraité qui était fâché de prendre sa retraite. Il n'y a pas à dire, on en a dans notre groupe; et je vais dans des compagnies donner des témoignages de retraite et jamais je n'ai rencontré un homme qui a dit: Je ne suis pas content de prendre ma retraite. Ils sont, pour la plupart, très heureux. Je ne vous dis pas qu'il n'y en a pas qui veulent continuer à travailler. Cela dépend toujours du travail qu'ils ont fait. Cela dépend toujours de l'emploi qu'ils ont eu avant.

Une voix: Qu'est-ce que Louise dit? Mme Brunet: Je n'ai pas compris.

Mme Harel: C'est quand les hommes reviennent à la maison que les femmes veulent en sortir.

Une voix: Oui, cela...

Mme Brunet: Cela, c'est une autre affaire. Ah, ah, ah! On pourrait en parler longuement.

Une voix:...

Mme Brunet: Oui, oui, c'est cela. C'est en plein cela. Je vous remercie de l'avoir dit, moi, je n'aurais pas osé!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La question de la pension alimentaire, maintenant.

Mme Brunet: Pardon?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La question de la pension alimentaire, maintenant.

Mme Brunet: Bien, la pension alimentaire, c'est une autre affaire. Les femmes de 50-55 ans qui se retrouvent toutes seules, séparées, divorcées, n'ont souvent plus d'enfants à la maison. La pension qu'elles peuvent avoir, puis moi, j'en connais, même si elles la reçoivent, elles ne reçoivent pas grand-chose. Supposons qu'elles reçoivent 50 $ par semaine, ce qui fait.. Ah bien oui! Écoutez, connaissez-vous le pourcentage des pensions alimentaires qui sont vraiment payées? Parce que les femmes ne veulent pas les avoir, premièrement, parce qu'elles ne veulent pas être dépendantes. C'est une des raisons.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Justement, on a eu des représentations devant cette commission.

Mme Brunet: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On retrouve présentement, à l'aide sociale, près de 80 000 femmes chefs de familles monoparentales qui ne reçoivent aucune pension alimentaire. On a eu des représentations faisant état des difficultés que vous mentionnez, mais invitant le gouvernement à une perception des pensions alimentaires et à verser à cette femme sa pension alimentaire.

Mme Brunet: Qu'il trouve des moyens d'obliger, d'une certaine façon, le conjoint à payer la pension alimentaire, mais vous savez que ce n'est pas simple non plus aujourd'hui. L'homme se retrouve parfois, avec deux pensions à payer et une troisième famille à entretenir et là, cela se brasse d'un bord et de l'autre. Finalement, il ne lui reste plus un cent, puis il n'est plus capable de payer. Là, il dit: Je n'ai pas d'argent. C'est cela qui est au bout de la ligne.

M. le ministre, je ne vous dis pas que les solutions sont simples. Je ne vous dis pas cela. Je sais que c'est compliqué. Je suis dans le domaine et je connais la question, je vous dirais, de A à Z et je sais que ce n'est pas simple Ce que l'on vit, ce n'est pas simple. La famille, aujourd'hui, ce n'est plus la famille que c'était, comme je l'ai dit tantôt. N'essayons pas de faire accroire, dans des documents, que la famille doit être responsable. La famille dans un cas sur trois, il n'y en a plus. Arrêtons de penser que c'est là qu'on va trouver des solutions, ce n'est pas vrai.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez parlé de plein emploi et je vais vous citer que le gouvernement a travaillé au cours des dernières années à mettre en place un cadre de stabilité politique propice à l'investissement. Cela a donné déjà certains résultats dans le sens d'une Doli-

tique de plein emploi. De février 1987 à février 1988, les dernières statistiques disponibles, il s'est créé plus de 104 000 emplois au Québec. 99 000 de ces emplois étaient des emplois à temps plein. Sur les 100 000 emplois créés l'an passé - et je veux le partager avec vous, parce qu'on est dans une société qui évolue rapidement, il faut être attentifs aux changements sociaux et économiques qui se produisent - sur ces 101 000 emplois qui ont été créés l'an passé au Québec, on m'indique que 70 % de ces emplois nouveaux sont allés aux femmes. Cela m'a déjà surpris comme proportion, mais là où j'ai encaissé une surprise encore plus grande, c'est lorsqu'on m'indique que ce sont les femmes de 45 à 64 ans qui ont connu la hausse la plus spectaculaire de ces emplois avec 32 000 postes.

Mme Brunet: Mais là-dessus...

Mme Harel: Sur 104 000?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur 101 000.

Mme Brunet: Mais, là-dessus, M. le ministre, vous allez reconnaître avec moi que les emplois que ces femmes-là ont eus, il reste que ce sont, la plupart du temps, des emplois à temps partiel, avec aucun avantage social pour beaucoup.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Là où j'ai une difficulté, c'est que la quasi-totalité de ces emplois sont des emplois à temps plein: plus de 95 %. Donc, j'ai de la difficulté à m'imaginer qu'ils peuvent être à temps partiel, ces quelque 30 000 emplois. C'est une impossibilité statistique. Je vous le dis, j'ai été surpris.

Mme Brunet: Tant mieux! mais il n'en reste pas moins que ces emplois pour les femmes sont encore moins bien rémunérés que pour les hommes et que les femmes ne contribuent pas, la plupart du temps, à un régime de retraite.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce qui nous apparaît face aux statistiques que vous mentionnez, c'est que la femme qui a aujourd'hui 50 ou 55 ans et plus n'a pas, dans une grande majorité des cas...

Mme Brunet: Jamais.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...participé pendant sa vie à un régime de retraite. Ce qui fait en sorte qu'elle ne l'a pas. Mais, de plus en plus, la femme occupant une place sur le marché du travail...

Mme Brunet: C'est sûr!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...participe au Régime de rentes normal, avec les contributions normales, etc., ce qui fera en sorte que le problème va s'amenuiser avec le temps. Mais cela ne règle pas le problème des femmes qui étaient dans le bureau de comté samedi passé...

Mme Brunet: C'est cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...qui y seront samedi prochain et le samedi suivant.

Mme Brunet: Dans quinze ans, c'est sûr que les femmes de 40 ans qui travaillent vont se retrouver encore en grand nombre sur le marché du travail et auront possiblement contribué à un régime de rentes. Mais, maintenant, ce soir, à cette heure...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, samedi passé et samedi prochain.

Mme Brunet: C'est cela. Nous connaissons des femmes qui, la troisième semaine, si leurs enfants n'étaient pas là pour leur apporter à manger, n'auraient rien. C'est cela, la réalité. Je trouve ignoble que des femmes qui ont donné leur vie, surtout celles de cette génération-là, qui se sont sacrifiées... Je ne dirai pas qu'elles ont été niaiseuses, mais elles en mangent un coup aujourd'hui pour s'être dévouées et avoir donné leur santé et, dans certains cas, je dirais leur vie. Elles sont malades, elles n'ont pas d'argent, c'est l'isolement. Elles vont voir le médecin et le médecin les bourre de pilules parce qu'il ne sait quoi faire avec elles. On a un dossier épais comme cela, on a fait une recherche sur la surmédicalisation des femmes, c'est effrayant!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II me reste un peu de temps. En vertu de la règle de l'alternance, ce sera Mme la députée de Maison-neuve et on revient ensuite.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, merci, M. le Président. Cela me fait plaisir de vous accueillir, Mme Brunet, ainsi que M. Corneau qui vous accompagne. Est-ce qu'il y a maintenant un comité de condition masculine à l'AQDR? Non?

M. Corneau: On n'a pas besoin de comité pour se défendre, Mme la députée.

Mme Harel: Ha, ha, ha! Ce n'était pas si antiréglementaire, vous savez, Mme Brunet, ma remarque de tantôt parce qu'une part...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On teste la présidence.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Non. C'est intéressant parce que, d'une part, vous parliez d'expérience en

disant que vous avez circulé dans différentes entreprises pour donner des sessions de formation sur la retraite et que vous aviez constaté, par expérience, qu'en général les hommes - di-siez-vous - étaient très contents de prendre leur retraite.

Mme Brunet: Oui.

Mme Harel: J'imagine que c'est d'une préretraite dont il est question pour les 50...

Mme Brunet: Oui. Au moment où je les rencontre, ils vont vers la retraite dans six mois environ.

Mme Harel: Donc, ils ont 55 ans, 60 ans, 65 ans?

Mme Brunet: Ils sont plus jeunes que cela. Mme Harel: Encore plus jeunes que cela?

Mme Brunet: 52, 53 ans, c'est ce que j'ai dit tantôt.

Mme Harel: Imaginez! Mme Brunet, au moment où vous constatez cette expérience... J'imagine que, sans avoir un échantillonnage scientifique, c'est une expérience que vous vivez présentement..

Mme Brunet: C'est tangible, je les écoute.

Mme Harel: ...et qui est significative. À ce même moment, il y a ce phénomène dont le ministre vous a parlé, le retour sur le marché du travail des femmes de 45 à 64 ans. Actuellement, c'est un phénomène qui intéresse beaucoup et qui étonne énormément toutes les personnes s'inté-ressant à cette question. Évidemment, ce qui serait intéressant, c'est d'abord de savoir dans quelle catégorie d'âge plus précise est-ce. Est-ce que ce sont les 44-55 ans, chez les femmes, qui retournent sur le marché du travail, ou les 55-64 ans? Cela a l'air de rien, mais une décennie, cela fait une différence.

Mme Brunet: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On peut l'avoir.

Mme Harel: On peut l'avoir? Ce serait intéressant, je pense, pour nous permettre de peut-être mieux comprendre le phénomène.

Quand la présidente du Conseil du statut de la femme est venue devant la commission, elle a notamment chiffré le nombre de femmes de 55 à 64 ans bénéficiaires de l'aide sociale. Elle a parlé de 25 000 femmes de 55 à 64 ans, actuellement, qui sont des femmes seules et bénéficiaires de l'aide sociale.

Mme Brunet: Oui.

Mme Harel: D'autre part, quand un autre organisme est venu - je pense que c'est Solidarité populaire Québec - il a parlé des couples sans enfants. Il a fait état que 70 % des couples sans enfants sont constitués de personnes de plus de 45 ans dont le conjoint a été victime d'une fermeture de poste ou d'une fermeture d'usine et dont la conjointe a le plus souvent une expérience du marché du travail. Je ne sais pas s'il y a une adéquation entre le fait que les hommes entrent en chômage ou, tout au moins, à l'âge de la retraite beaucoup plus jeunes et l'absence de revenu, à ce moment-là, et l'arrivée plus massive des femmes. Je ne sais pas s'il y a une adéquation, mais c'est sûr qu'il y a un phénomène. Le phénomène est peut-être à chercher du côté du type d'emplois créés. (20 h 45)

Les travailleurs du chantier naval de Vickers, à Montréal, qui ont 48 ans d'âge moyen - même s'il y a des fils qui travaillent là, il faut que les pères soient âgés - maintenant qu'ils sont sans emploi sont sur l'aide sociale pour une bonne partie d'entre eux. Ils attendent désespérément, ils viennent me voir régulièrement, d'ailleurs, au bureau. Ils sont juste en face de mon bureau. Ils traversent la rue et viennent me demander des nouvelles. J'appelle le ministre dans son comté. À ce moment-là, quelle réaction ont-ils? Ce n'est pas nécessairement de retourner sur le marché de l'emploi, qui est très concurrent. Les emplois qui s'ouvrent sont dans les services, sont dans des domaines qui sont parfois plus considérés comme ouverts aux femmes. C'est peut-être un phénomène dont il faut analyser plus attentivement tous les effets. Est-ce à dire que ce sont les hommes qui vont commencer à devenir pauvres, compte tenu du type d'emplois créés?

Mme Brunet: Peut-être, mais on n'en est pas là.

Mme Harel: On n'en est pas là. Je suis certaine que l'AQDR va se porter à la défense de leurs droits tout autant.

Mme Brunet: Oui. Même moi, avec autant de vigueur que je défends les femmes, je dirais.

Mme Harel: J'en suis sûre, Mme Brunet. Vous avez rappelé dans votre mémoire un fait important. Les femmes qui travaillent gagnent seulement 0,60 $ pour chaque dollar gagné par un homme. L'écart est toujours de 40 %.

Mme Brunet: C'est cela.

Mme Harel: C'est encore récent. C'est le 8 mars, ce sont encore des chiffres récents. Est-ce que c'est parce que les salaires sont moindres que les femmes sont plus embauchées? Il faudrait

vérifier s'il n'y a pas là aussi un indice qui serait une explication.

Mme Brunet: C'est la même chose que quand on incite fortement - je ne dis jamais qu'on renvoie - un homme de 53 ans ou 55 ans à prendre sa retraite. Il y a aussi une question d'argent. Lui a un bien gros salaire, rendu à la fin. Le jeune qui commence n'a pas ce salaire. Ces temps-ci, il y a une masse de gens qui vont à la retraite chaque année, une masse d'homme qui prennent leur retraite chaque année, parce que c'est plus payant pour les compagnies de leur donner une compensation de départ que de les garder à un salaire de 45 000 $ par année quand ils vont embaucher un jeune peut-être à 20 000 $.

Mme Harel: Mme Brunet, c'est d'autant plus vrai qu'il y a une nouvelle combinaison. Auparavant, l'expérience, l'expertise manuelle pouvait compenser l'absence de vitalité, sauf que maintenant, avec les changements technologiques, souvent les entreprises préfèrent investir dans un jeune qui n'a pas trop de formation, mais qu'ils vont pouvoir former...

Mme Brunet: C'est cela, aussi.

Mme Harel: ...à de nouveaux postes de travail, plutôt que d'investir dans une personne plus âgée, quelle que soit son expérience. Cela doit jouer aussi.

Vous avez dit que des femmes que vous rencontriez dans le cadre des activités de l'AQDR avaient une sorte de réserve à signaler qu'elles étaient bénéficiaires...

Mme Brunet: Une pudeur, je dirais, oui.

Mme Harel: ...parce qu'elles étaient considérées ou pensaient être considérées comme sans dessein, n'ayant pas d'allure. Vous avez dit: C'est honteux pour elles de recevoir des prestations.

Mme Brunet: C'est comme cela qu'elles le perçoivent. Je connais des filles qui ont 35 ans - je ne connais pas les conditions - dont les mères veulent que personne ne soit au courant qu'elles reçoivent de l'aide sociale et leurs filles vont chercher le chèque pour elles.

Mme Harel: II y a des groupes qui vous ont précédés, qui représentaient des jeunes, qui représentaient des familles ou des femmes et qui ont dit que ce sentiment de réprobation avait augmenté au cours des dernières années avec une sorte de suspicion créée par les enquêtes, les déclarations du ministre sur les fraudes à l'aide sociale. Tout cela avait jeté un sentiment d'opprobre. Est-ce que c'est l'impression que vous en avez également?

Mme Brunet: Oui. Sûrement.

Mme Harel: Vous avez l'impression que cela a eu des effets? J'aimerais que vous parliez au ministre des effets qui ont pu être vécus par...

Mme Brunet: Ce que je peux dire là-dessus, c'est que justement quand il y a eu les visites des personnes qui allaient voir ce qui se passait dans les maisons, des femmes ont eu des problèmes parce qu'il y avait un homme.

Mme Harel: Même des femmes de... Je dis même, je ne devrais pas dire même.

Mme Brunet: Oui. Des femmes de 50 ans.

Mme Harel: On a toujours l'impression que la vie maritale, c'est pour les jeunes femmes.

Mme Brunet: Les femmes qui sont séparées à 50 ans, pourquoi se priveraient-elles de la vie, avec tout ce que cela comprend, la sexualité, et tout et tout? Pourquoi? On n'est pas des vieilles femmes à 50 ans. Je regrette. On n'est plus en 1925, où c'était des femmes qui étaient vieilles, parce que la vie n'était pas ce qu'elle est aujourd'hui. On a évolué, heureusement. Mais moi, je vous assure que j'ai plus de 50 ans, j'ai entre 55 et 60 ans, et ce n'est pas une vieille femme que vous avez devant vous, je vous l'assure. Je ne suis pas la seule.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est la même chose pour les hommes.

Une voix: On pourrait laisser M. Corneau témoigner ià-dessus.

Mme Harel: Mme Brunet, à votre connaissance, y a-t-il des personnes membres de l'AQDR qui auraient eu des visites des boubous macou-tes...

Mme Brunet: Plusieurs, plusieurs.

Mme Harel: ... et qui ont eu des problèmes pour présomption de vie maritale?

Mme Brunet: Absolument. On en a beaucoup et ce n'est pas pour rien que je suis ici, aujourd'hui. C'est justement pour défendre ces femmes. Je trouve que c'est bien important. Ce sont des femmes qui, finalement, vivent une vie normale. C'est comme si, parce qu'elles reçoivent des prestations d'aide sociale, elles n'ont plus droit à ceci, elles n'ont plus droit à cela. En tout cas, tout doit être exclu de ce qui fait partie de la vie, finalement.

Mme Harel: J'aurai peut-être une autre occasion d'attirer l'attention du ministre sur une cause vraiment... J'ai pris connaissance de cela tout dernièrement. Cela s'est passé dans la

région de Kamouraska. Il s'agit d'une présomption de vie maritale où la Commission des affaires sociales en appel avait pourtant accueilli l'appel de la chef de famille assistée sociale voulant que ses prestations soient reconduites parce qu'il n'y avait pas vie maritale et le ministère est allé devant la Cour des sessions de la paix, après la décision de la Commission des affaires sociales, donc, devant une cour criminelle, pour invoquer la vie maritale. Je vais avoir l'occasion de reparler au ministre du cas de Jacinthe Caron.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...je vous dis cela sous toute réserve.

Mme Harel: Mme Caron, elle, voudrait qu'on en parle.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est correct. Si elle veut qu'on en parle, ça va.

Mme Harel: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est juste parce que, parfois, il y a des renseignements nominatifs.

Mme Harel: Oui, oui. Non seulement elle veut qu'on en parle, mais Mme Caron, cela a été la grande épreuve de sa vie d'être traînée comme une criminelle à la Cour des sessions de la paix par le ministère parce que le ministère en a appelé de la décision de la Commission des affaires sociales, qui lui donnait raison et qui considérait...

Mme Brunet: Parce qu'il y avait présomption de vie maritale.

Mme Harel: Parce qu'il y avait présomption de vie maritale et la Commission des affaires sociales a décidé avec preuves à l'appui...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous dis sous toute réserve que, si la décision de la Commission des affaires sociales est déjà rendue...

Mme Harel: Elle était rendue et le ministère est allé en appel devant la Cour des sessions de la paix.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela risque d'être une cause qui a été...

Mme Harel: Jugée.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...enclenchée, si vous me permettez l'expression, avant notre arrivée. Non?

Mme Harel: Non. Cela a été enclenché après...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela a été aussi rapide que cela?

Mme Harel: Non seulement cela a été enclenché après, c'est que le drame...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Habituellement, ils prennent deux ans.

Mme Harel: C'est que le drame - c'est d'autant plus pernicieux - c'est que mon prédécesseur comme porte-parole de l'Opposition en matière de Main-d'Oeuvre et de Sécurité du revenu en avait parlé au ministre. Le ministre l'avait invité à transmettre toutes les coordonnées de la personne, à la suite de quoi il y a eu poursuite au criminel. L'impression que la personne a, c'est que, quand on transmet des informations, elles peuvent jouer contre les personnes. De toute façon, j'y reviendrai avec le ministre après nos travaux.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, je pense que je ne laisserai pas planer des doutes comme cela. En ce qui concerne les poursuites au criminel, je n'ai, comme ministre responsable, ni de près ni de loin - cela doit être une expression que vous connaissez bien - à me prononcer sur ces éléments. Ces décisions sont prises généralement par le ministère de la Justice après étude du dossier par un procureur de la couronne. Je ne suis ni consulté...

Mme Harel: Les plaintes, au ministère de la Justice, pensez-vous que le ministère de la Justice va comme cela à l'improviste porter des plaintes?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, il y a analyse par le procureur de la couronne.

Mme Harel: II faut qu'il y ait un dossier qui ' a été déposé. Le dossier vient du bureau local de l'aide sociale.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II n'est donc pas passé par mon bureau.

M. Harel: Non, mais le bureau local de l'aide sociale le fait, semble-t-il, selon la prétention des personnes qui sont de bonne foi là-dedans, parce que la personne en avait appelé directement par le biais de l'Opposition au ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Voyons donc! Si c'est le cas, on va regarder très attentivement, madame, parce que cela ne vient pas de...

Mme Harel: Imaginez-vous, à ce moment, que les personnes qui font valoir leurs droits sont punies.

Mme Brunet: C'est cela. Le moins qu'on

puisse dire, c'est qu'on est dans une société qui a évolué, mais qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire de ce côté. J'aimerais, avant...

Mme Harel: II y a du chemin à faire sur la reconnaissance de l'autonomie des femmes, c'est cela, et sur la reconnaissance...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Là-dessus, on m'apporte des précisions. On me dit que, règle générale, lorsque les enquêtes se font, elles sont parallèles. Vous avez l'enquête du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui peut déboucher sur la Commission des affaires sociales. Le ministère du Solliciteur général ou de la Justice fait ses propres enquêtes, a ses propres dossiers, et il débouche sur la Cour des sessions de la paix. Cependant, il ne peut pas y avoir appel de la Commission des affaires sociales devant la Cour des sessions de la paix.

Mme Harel: C'est cela, absolument.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est une impossibilité juridique, ce que vous mentionnez.

Mme Harel: Ce qui est absolument incroyable...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est impossible. Ce n'est pas incroyable.

Mme Harel: ...c'est qu'il y a eu une décision de la Commission des affaires sociales...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a eu appel devant la Cour des sessions de la paix?

Mme Harel: Non. Il y a eu une décision de la Commission des affaires sociales et c'est après cette décision de la Commission des affaires sociales qu'il y a eu poursuite au criminel devant la Cour des sessions de la paix. Je ne dis pas qu'il y a une relation entre les deux.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. Cela explique deux réseaux parallèles complètement.

Mme Harel: Oui, mais c'est impossible.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): L'un est administratif et l'autre est pénal.

Mme Harel: M. le ministre, c'est impossible. C'est impossible que ce soit la Pentecôte ou une cigogne qui ait mis sur le bureau du procureur de la couronne un dossier de vie maritale. Il faut que le dossier ait été monté par le bureau de l'aide sociale.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, pas absolument.

Mme Brunet: Si vous me le permettez, il me reste à peu près...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. Excusez-moi.

Le Président (M. Bélanger): Si vous le permettez, on va écouter Mme Brunet. Elle a peut-être une bonne explication.

Mme Brunet: L'horloge est devant moi. Il me reste à peine trois minutes et je veux en profiter.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez raison. On vole votre temps. Ce doit être mes trois minutes à moi, à part cela.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bélanger): Allez-y, Mme Brunet.

Mme Brunet: Je ne sais pas si je vous ai donné le chiffre, mais je veux vous le répéter parce que j'ai le nombre de femmes chefs de ménage de 50 à 65 ans qui reçoivent des prestations d'aide sociale: 45 000 femmes.

Mme Harel: De 50 à...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): De 50 à 65 ans.

Mme Brunet: Entre 50 et 65 ans.

Mme Harel: Qui reçoivent des prestations d'aide sociale.

Mme Brunet: C'est un chiffre que j'ai eu d'un fonctionnaire qui travaille là-dessus.

Mme Harel: C'est possible dans la mesure où elles sont à la fois chefs de famille ou personnes seules ou la combinaison des deux.

Mme Brunet: Non, celles-là sont chefs de ménage.

Mme Harel: Oui, d'accord, mais un ménage, Mme Brunet, ce peut être autant une personne seule qu'une famille.

Mme Brunet: Ah! D'accord.

Mme Harel: Un ménage, cela ne correspond pas à la famille. D'accord?

Mme Brunet: En tout cas, c'est 45 000 femmes quand même.

Mme Harel: Oui.

Mme Brunet: Cela ne change pas.

Mme Harel: Ces 45 000 femmes ont soit un statut de personne seule, soit un statut, si vous voulez, de chef de famille. D'accord?

Mme Brunet: D'accord.

Mme Harel: J'ai une dernière question concernant le mémoire que vous présentez. J'imagine - et cela peut être utile pour la défense des droits et les revendications que fait l'AQDR - que vous apprenez que, parmi les engagements fermes que le présent gouvernement avait publiquement fait connaître, il y a un engagement qui s'adresse aux femmes de 60 ans et plus. J'ai été surprise de voir que, dans votre mémoire, vous nous recommandiez que des programmes qui concernent le fédéral, puisque dans le cas de l'engagement ferme...

Mme Brunet: L'intégration des femmes au RRQ.

Mme Harel: Oui, mais il y en avait un autre, Mme Brunet.

Mme Brunet: Oui?

Mme Harel: Un autre très important qui a été rappelé, d'ailleurs, par leur comité de suivi. Cet engagement s'adresse aux femmes de 60 ans qui sont non pas veuves, parce que les veuves ont déjà l'avantage d'avoir le supplément de revenu garanti à partir de 60 ans...

Mme Brunet: Du fédéral.

Mme Harel: Oui, du fédéral. L'engagement ferme du Parti libéral, non pas la promesse, mais un engagement, c'est que les femmes de 60 ans et plus au Québec qui sont soit divorcées, célibataires ou séparées, en fait qui ont un autre statut que veuves et qui sont sans revenu, obtiennent l'équivalent du supplément de revenu sous forme d'assistance sociale. C'était là un engagement ferme durant la campagne électorale et je crois qu'il faut le rappeler. C'est un engagement qu'ils ne doivent pas oublier puisque cet engagement, ils l'ont pris publiquement, ils l'ont pris en connaissance de cause.

Mme Brunet: Mais le supplément de revenu garanti, cela vient du fédéral.

Mme Harel: Oui. Leur engagement, c'est de compenser au plan de l'aide sociale l'équivalent du supplément pour les femmes de 60 ans et plus. Si vous voulez, je vous ferai envoyer cet engagement. On en a copie. Je m'engage à vous le faire parvenir. On va être deux à leur en reparler. (21 heures)

Mme Brunet: D'accord. Je voulais aussi répondre à ce que M. le ministre a dit tantôt. Comment se fait-il - cela achève - qu'on constate que les femmes autour de 50 ans ont tendance à retourner sur le marché du travail? Vous aussi l'avez dit. Je vous dirai que pour les femmes, pour plusieurs, mais pas toutes, quand le mari revient à la maison, cela devient très compliqué. Alors, une des solutions pour les femmes, c'est de retourner travailler. Merci de m'avoir écoutée.

Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme la députée de Maisonneuve, si vous voulez remercier nos invités.

Mme Harel: Oui. Je vais remercier Mme

Brunet et M. Corneau. Mme Brunet sait quelle relation étroite j'entretiens avec l'AQDR d'Ho-chelaga-Maisonneuve...

Mme Brunet: Oui.

Mme Harel: ...quel travail exceptionnel l'association réalise dans le quartier. Je sais aussi quel exemple vous avez été lorsque vous avez mené la bataille contre la désindexation.

Mme Brunet: Je comprends donc!

Mme Harel: C'est un exemple qui est repris beaucoup par l'ensemble des groupes qui participent à la mobilisation contre le projet du ministre Paradis en disant: Si les personnes âgées ont réussi, nous aussi, on peut réussir. Je vous remercie.

Mme Brunet: Cela veut dire que, quand l'AQDR décide de défendre les droits, elle va jusqu'au bout; c'est ce que cela veut dire.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme Brunet, je sais, après avoir entendu votre témoignage devant cette commission parlementaire, que vous ne souhaitez pas le maintien du régime actuel pour les femmes de 50 ans. Vous ne voulez pas que les députés que vous visitez dans leur comté aient ces mêmes réponses à apporter. Vous ne souhaitez certainement pas la même définition de vie maritale Vous avez parlé de cet aspect du dossier et vous souhaitez des modifications sur cet aspect-là. Vous nous suggérez des bonifications à apporter à la politique de sécurité du revenu, nous en tiendrons compte. Pour votre contribution posititive à cette commission parlementaire, au nom du gouvernement du Québec, nous vous remercions.

Mme Brunet: J'ajouterais, M. le ministre, que ce que je souhaite le plus, c'est que ces femmes-là - je l'ai dit et je le répète - après une vie de labeur, de sacrifices et d'abnégation, réussissent à manger tous les jours et à avoir une vie décente et puissent recevoir leurs enfants chez elles, ce à quoi elles tiennent beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission des affaires sociales remercie l'Association québécoise pour les droits de retraités et préretraités, l'AQDR, et ses porte-parole, Mme Brunet et M. Corneau.

J'invite à la table des témoins M. François Salvas. Bonsoir, M. Salvas. Il nous fait plaisir de vous recevoir. Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et, par la suite, il y aura une période d'échanges avec les parlementaires. C'est votre première fois en commission parlementaire?

M. Salvas (François): Oui, c'est la première fois que je passe ici ou ailleurs en commission parlementaire.

Le Président (M. Bélanger): Pas de problème, on vous souhaite... Prenez tout votre temps. Allez-y calmement. C'est moins pire que le dentiste, je vous le garantis.

M. François Salvas

M. Salvas: C'est-à-dire, il faut peut-être avoir autant de dents au départ. Celui que je représente, c'est moi-même. En réalité, je représente peut-être aussi, de manière informelle, des gens qu'on peut appeler des gens éduqués à l'aide sociale. Messieurs dames qui ont parlé avant moi ont parlé du fait que certaines personnes avaient peut-être de la difficulté à accepter le fait d'être à l'aide sociale. J'imagine qu'en ce qui concerne les éduqués à l'aide sociale - quand je parle des éduqués, c'est-à-dire les personnes qui ont un degré de scolarité supérieur, par exemple qui ont un diplôme universitaire, qui, à la suite de malchance personnelle...

J'aimerais, s'il vous plaît, M. le Président, faire un rappel à l'ordre. Il y a des gens ici qui parlent à ma gauche, cela me fatigue remarquablement. À mon avis, ce n'est pas tout à fait leur droit de procéder ainsi.

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît, je demanderais aux gens de respecter le droit de parole de M. Salvas.

M. Salvas: Alors, c'est ce que je mentionnais. J'espère que vous n'allez pas recommencer! Prenez votre place, s'il vous plaît!

Le Président (M. Bélanger): M. Salvas, ce n'est pas à vous de faire respecter l'ordre ici, quand même!

M. Salvas: Bien, si vous ne le faites pas...

Le Président (M. Bélanger): Présentez votre mémoire. On ne peut pas empêcher les gens de faire en coulisse les discussions qu'ils ont à faire. Adressez-vous à la commission. On vous écoute et on vous écoute avec toute l'attention possible. S'il vous plaît, procédez.

M. Salvas: D'accord. Procédons.

Ce que les gens qui ont passé avant ont dit, c'est que c'était difficile, pour certaines personnes, d'accepter le fait d'être bénéficiaires de l'aide sociale. Une dame, en particulier, a parlé de gens qui, quand ils rencontrent un agent d'aide sociale, M. le ministre ou quelqu'un dans un bureau de comté, ont de la difficulté à accepter le fait qu'on leur dise que le seul plan disponible est le plan d'aide sociale. On imagine vraiment que ces gens-là, en général, sont des gens sans instruction, ce qui est tout à fait leur droit, mais, en ce qui concerne les gens qui, à la suite de difficultés personnelles, par exemple, sont obligés de s'en remettre à l'aide sociale pendant des périodes assez étendues, j'imagine, en toute logique, bien que je ne veuille en aucune manière faire de discrimination à l'égard de ceux qui auraient moins d'instruction, que d'un simple point de vue psychologique c'est plus difficile à accepter d'être pendant une période assez étendue bénéficiaire de l'aide sociale quand on a un diplôme universitaire. C'est un peu le point de vue de départ que j'ai à soumettre.

Par ailleurs, si j'ai un point de vue à émettre, un point de vue général, c'est que les bénéficiaires de l'aide sociale auraient peut-être davantage de facilité à réintégrer le marché du travail si la structure de l'aide sociale était davantage logique. Quand je parle je \a structure de l'aide sociale, je parle de la structure de l'aide sociale telle qu'elle existe présentement, pas nécessairement telle qu'elle est présentée dans le document d'orientation. En d'autres termes, les bénéficiaires de l'aide sociale qui sont instruits ont peut-être des difficultés que j'appellerais logiques à réintégrer la société à partir des lois actuelles de l'aide sociale parce que ces lois-là sont illogiques et que, d'une certaine façon, des diplômés de l'université sont des gens qui, par définition, sont logiques par leur formation, par leur tempérament, par l'ensemble de leurs acquis académiques. Ils voient ce qui se passe, avec la loi, en ce qui concerne les exemptions pour fins de travail à chaque mois, par exemple, ce qui est complètement illogique. Non seulement la loi elle-même, dans son fonctionnement intrinsèque, les retient de s'assimiler au marché du travail, mais, dans le fait qu'elle manque de logique, on dirait que cela les retient de réintégrer le marché du travail.

En ce qui concerne cette façon de procéder, j'ai l'impression que ces bénéficiaires de l'aide sociale, vu qu'ils auraient quand même assez de facilité à réintégrer le marché du travail, ne le font pas non seulement en vertu de cette raison, mais aussi en raison du fait que l'illogisme de cette loi les dispense de réintégrer le marché du travail en utilisant le subterfuge du travail à temps partiel. J'entendais, par exemple, les intervenants précédents parler contre le travail à temps partiel. Moi, j'ai un point de vue

complètement différent. Le travail à temps partiel est ce qui permet à bien des gens de réintégrer graduellement le travail régulier. J'entendais aussi une remarque, je crois que c'est de M. le premier ministre, qui disait que, si le Québec avait des efforts à faire, c'était justement en matière de travail à temps partiel, où la situation est peut-être la plus aiguë de toutes les provinces du Canada. Je crois que les statistiques démontrent que le Québec est en dernière place en matière de travail à temps partiel, dans tout le Canada alors que le travail à temps plein augmente quand même, et le travail a temps partiel baisse. Les spécialistes de la question semblent indiquer qu'une des voies d'avenir en matière de développement du marché du travail, c'est le travail à temps partiel.

En ce qui concerne le document d'orientation, il y a quelque chose d'intéressant qui a été aussi mentionné par les intervenants précédents et qui est, à mon avis, tout à fait dépourvu de pertinence. C'est la critique contre les programmes, en particulier le programme APTE, qui donnerait beaucoup de pauvreté aux gens en les obligeant à régresser à quelque chose comme 405 $ par mois.

Ce qu'il faut comprendre, d'après moi, dans le programme APTE - et cela s'inscrit dans la logique de ce que j'ai dit depuis le début et c'est, je l'espère, une critique positive - c'est, ce que je lis, par exemple, à la page 25, et je cite: "À titre d'exemple, en 1989, une personne pourra recevoir 405 $ et le couple avec deux enfants, 807 $. Des exemptions pour gains de travail de 155 $, (personne seule) et de 205 $, (couple avec deux enfants) seront permises pour assurer à ces ménages la couverture de leurs besoins de long terme".

En d'autres termes, quelque chose qui n'a pas été mentionné par les précédents intervenants, c'est que, quand le ministère, dans le programme APTE, donne 405 $ à des assistés sociaux, à des personnes qui viennent de s'inscrire à l'aide sociale, contrairement à la loi actuelle, le ministre leur permet également d'amasser un revenu de 155 $ par mois, ce qui me semble très intéressant, parce qu'à l'heure actuelle c'est 50 $ par mois ou une peccadille du genre. Le paiement de transfert n'est plus de 405 $. Le paiement de transfert, pendant les neuf premiers mois - je vais faire le calcul, 405 $ plus 155 $, cela fait quelque chose comme 560 $ - est de 560 $, et c'est écrit en toutes lettres à la page 25: "L'exemption pour revenus de travail fait partie de l'allocation."

Maintenant, je reviens à la première observation que j'ai faite. Les assistés sociaux que je représente de manière informelle, qui sont des diplômés universitaires, trouvent que c'est illogique. Personnellement, j'ai une critique positive à formuler à l'égard de cette façon de faire. Cependant, je vois une difficulté. C'est peut-être une critique de nature sociale plus que de nature économique. Il ne faut pas s'imaginer, évidemment, que les assistés sociaux diplômés universitaires qui, par mégarde, à la suite d'une malchance, se retrouvent dans une telle situation continuent de vivre dans les milieux luxueux où ils étaient auparavant. Malgré eux, ils rejoignent des milieux pauvres, maisons de chambres, etc., où ils finissent par savoir de quoi il en retourne - des choses qu'on n'apprend pas à l'université - quand on est à l'aide sociale.

Une des choses qui frappent, c'est que les assistés sociaux, en général, vivent dans un climat - et c'est peut-être ce qui, de manière générale, entache l'aide sociale, du moins je parle de la loi telle qu'elle s'applique actuellement - de fraude beaucoup plus que de honte. Du matin au soir, la principale préoccupation des assistés sociaux, c'est la fraude. Avec des exemptions pour fins de travail aussi ridicules que 50 $, la principale préoccupation des assistés sociaux, c'est de savoir comment ils peuvent frauder afin de pouvoir se faire un pécule qui va pouvoir leur servir surtout à la fin du mois.

Maintenant, avec 155 $, c'est peut-être plus intéressant. Évidemment, il y a l'inflation et toutes sortes de facteurs, mais ce qui risque de se produire, d'après moi, c'est que les assistés sociaux, d'après ce que j'ai comme expérience de cette situation et de ce milieu, avec 155 $, n'en auront pas assez et vont avoir tendance à aller au-dessus de 155 $, faire 160 $, 200 $, etc. Ou bien, au contraire, certains autres assistés sociaux qui, eux, auraient plutôt tendance à être défaitistes, ne feront rien, vont croire - et semble-t-il que c'est une position largement répandue - que les 405 $, cela s'arrête là et que les 155 $ ne font pas partie du paiement de transfert. C'est la thèse que ces gens-là vont stagner dans leur défaitisme et puis vont trouver cela comique de se plaindre.

En ce qui me concerne, j'ai fait une sorte de nouveau schéma. Dans le mémoire que j'ai expédié à la commission, il y avait un schéma. J'en ai fait un nouveau. Je peux, peut-être, demander à monsieur... Est-ce que vous pouvez le passer, parce que c'est quelque chose de neuf? Est-ce que vous vous occupez de ces questions?

Une voix: Non.

M. Salvas: Non, d'accord. J'aurais cru. (21 h 15)

Le Président (M. Bélanger): Vous désirez quoi? Ah, d'accord.

M. Salvas: Mademoiselle, j'ai un nouveau schéma à montrer, pour deux personnes. La thèse que l'on peut formuler à partir de ces observations c'est que, puisque le montant fait partie du paiement de transfert, aussi bien qu'il y ait une structure de contrôle qui s'applique à cela. Autrement dit, c'est comme si l'État donnait 155 $, mais, si une personne en prend 200 $, c'est comme si l'État en donnait 200 $, selon cette logique. Par exemple, ce qui est dit à une

page quelconque que je devrais retrouver à propos du taux marginal implicite, s'il y a quelque chose d'implicite c'est aussi le fait que le gouvernement doit contrôler les sommes que les individus font. Par exemple, je dis que dans la loi actuelle les gens reçoivent un chèque d'aide sociale, puis ont droit à l'exemption de 50 $. Bien, ces 50 $ ce n'est pas comme dans le document d'orientation, ce n'est pas quelque chose d'aussi stylisé que dans le document d'orientation où on dit: 155 $. Les 50 $ d'exemption qui existent dans la loi actuelle c'est quelque chose comme... Je peux l'expliquer de cette manière: les gens reçoivent leur chèque d'aide sociale et dans les premiers 100 $ ils ont le droit de garder 50 $.

M. le ministre, ce n'est pas quelque chose comme: vous avez droit à 155 $, c'est quelque chose de beaucoup plus compliqué. Expédiez-nous combien vous avez fait et là-dessus on va faire un calcul compliqué pour faire en sorte que le mois prochain on va vous retenir tant et puis vous allez avoir droit de garder tant. Autrement dit, c'est en quelque sorte un impôt de 50 % qui s'applique sur un montant déclaré. Évidemment, aussi bien vous dire que la plupart des gens ne le déclarent pas. Mais, sans jouer le naïf - je regarde seulement la loi telle qu'elle est, et cela fait partie de la partie Inférieure du schéma - c'est ce que j'appellerais un taux d'impôt de 50 %, un taux standard. L'impôt perçu sous forme de retenue sur le chèque le mois suivant c'est 50 $, puis la somme que l'invidivu peut garder, c'est 50 $. Donc, ce n'est pas, 50 $, une permission stricte au début du mois. Ce que le document d'orientation dit ensuite, et il faudrait le citer de manière explicite si j'avais la page... Ici, je l'ai, le taux marginal implicite de taxation, et je cite, est constitué, d'une part, du taux marginal de taxation, c'est-à-dire de la part prise par l'État pour chaque tranche de 1000 $ supplémentaires gagnés, et, d'autre part, du taux narginal de réduction de transfert.

Cela semble assez compliqué mais le schéma essaie de montrer de quoi il s'agit. Au-dessus des 100 $ sur lesquels 50 % sont enlevés, il reste 50 $ le mois suivant. C'est simplement 100 %. C'est un taux marginal implicite de 100 %. C'est ce que le document dit et je suis tout à fait d'accord.

Ce que je propose, d'une part, chez les assistés sociaux qui sont défaitistes, il va y avoir des pleurs: On n'a que 405 $, alors qu'il y a beaucoup de possibilités. Le premier ministre dit lui-même que c'est le champ, dans le domaine du travail, le plus à explorer, le domaine du temps partiel. Il y a une possibilité de les motiver et par ailleurs, chez ceux qui ont tendance à frauder, il y aurait une possibilité de les contrôler et ceci avec quelque chose que je propose. En tout bien, tout honneur, en réponse à ces façons de faire complètement illogiques parce que cela ne favorise la réinsertion sociale de personne... Il y aurait la même chose que celle proposée dans le document d'orientation, mais stratifiée d'une autre façon, par exemple, à la fin du mois l'assisté social peut garder 50 $ sans avoir à déclarer quoi que ce soit; c'est un premier palier. Ces 50 $ correspondent aux 50 $ de l'impôt standard actuel. On va dire qu'au lieu d'être 155 $ c'est 150 $. Cela fera un chiffre un peu plus rond. Les 50 $ initiaux, la première strate, c'est quelque chose que l'assisté social pourrait amasser sans avoir à en déclarer la source de quelque manière que ce soit et, dans la deuxième strate, qui correspond actuellement à un taux marginal implicite de taxation de 100 %, eh bien... Supposez que l'assisté social déclare cette somme-la. Si l'assisté social fait, par exemple, 150 $, est-ce que les gens qui font les 50 $ initiaux n'ont rien a déclarer? C'est une façon de les dispenser de faire du verbiage inutile. Mais ceux qui arrivent au-dessus de 50 $, 51 $ à 150 $, par exemple, devraient se prévaloir d'une caractéristique qui s'ajouterait aux caractéristiques préconisées par le document d'orientation, qui serait quelque chose comme le supplément de revenu garanti.

Autrement dit, si l'assisté social est capable de prouver par des documents, des pièces justificatives qu'il fait un montant de 150 $ par mois - on parle du travail à temps partiel, par exemple - et qu'il en fait mention à son agent d'aide sociale, la possibilité existerait qu'en récompense, et aussi comme mesure de contrôle éventuelle, il reçoive quelque chose comme un supplément de revenu garanti. Un peu comme c'est préconisé dans un autre volet du brillant document, le volet APPORT, qu'il reçoit un supplément de revenu garanti, mais un supplément qui serait moindre, évidemment, que celui de ceux qui travaillent à temps complet, une somme qui a l'air ridicule pour les gens qui reçoivent un salaire standard mais qui est une motivation intéressante en ce qui concerne les assistés sociaux- n'importe lequel montant, peut-être 25 $ par mois, c'est presque symbolique.

En oe qui concerne les assistés sociaux, ils en sont presque à 25 $ près.

Cependant, même si c'est symbolique, cela peut aider à motiver certaines personnes...

Le Président (M. Bélanger): En conclusion.

M. Salvas: ...et puis, en conclusion, cela peut aider, par ailleurs, à effectuer des contrôles, justement en raison du fait que, puisque le paiement de transfert - la citation à la page 25 le démontre bien - est maintenant composé non seulement d'un chèque mais aussi d'une sorte d'autotaxation de l'assisté social qui en travaillant va faire 150 $, s'autotaxe de manière à compléter le paiement de transfert jusqu'à 600 $... L'État doit contrôler parce que les fraudeurs, qui eux vont en faire 700 $ ou 800 $, c'est comme si l'État leur donnait ces 200 $ supplémentaires. Qu'est-ce que l'État peut dire, en quoi l'État peut-il justifier le fait de donner

par exemple 800 $ à un assisté social qui en mériterait 500 $?

Mais puisque maintenant l'assisté social, comme le document le préconise, est d'une certaine manière l'artisan du paiement de transfert au moins pour le tiers de celui-ci, si l'État est juste, il doit contrôler de façon que les fraudeurs ne reçoivent pas des sommes de l'État supplémentaires à ce que seraient celles en ce qui concerne toutes les autres personnes. Et je crois que ce supplément de revenu garanti minime donné chaque mois à des individus qui déclareraient un montant, disons de 150 $, peut aider à la fois à contrôler et, en ce qui concerne la motivation, à motiver les gens qui seraient peut-être un peu défaitistes.

Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je veux remercier M. Salvas de son mémoire et de son témoignage devant la commission, de même que pour le document additionnel que vous nous avez distribué et sur lequel mes questions porteront essentiellement, parce que cela résume un peu la philosophie et la pensée que l'on retrouve dans votre mémoire écrit.

Je vais oublier toute la partie d'avant la réforme parce que vous aviez bien compris et bien décrit de quelle façon fonctionne le système actuel avec un taux implicite d'imposition à 100 % comme vous le mentionnez, lorsque c'est supérieur à 25 $. Tombons dans votre proposition...

M. Salvas: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...à gauche de la feuille, si vous le permettez. Vous indiquez qu'à la fin du mois toute somme de X dollars au-dessus des 50 $ initiaux doit être déclarée; quand cette somme X est de 100 $, une prime est reçue le mois suivant, à la condition de procurer une preuve écrite en provenance d'un employeur. À la fin du mois, tout revenu de 50 $ ou moins peut demeurer à l'assisté social sans déclaration.

M. Salvas: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur le plan du fonctionnement, l'aide sociale ne vérifierait même plus, lorsque c'est 50 $ et moins, s'il y a gain de travail à temps partiel.

M. Salvas: Oui, en principe.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): En pratique cela serait cela.

M. Salvas: En pratique également.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si c'est supérieur à 50 $, à ce moment-là on n'aurait pas de taux implicite de taxation, on laisserait les 50 $ à la personne à condition qu'elle nous l'ait déclaré le mois précédent?

M. Salvas: Si c'est au-dessus de 50 $... Je vais revenir sur les premiers 50 $. Selon l'esprit du document d'orientation, cela serait une somme forfaitaire, exactement comme vous dites, ou le ministère, que, par exemple, les assistés sociaux ont droit a 155 $. Il ne dit pas: Les assistés sociaux ont droit à 50 % de la première tranche de... C'est le cas à l'heure actuelle, c'est compliqué et démotivant, 1° parce que c'est compliqué; 2° parce que, de toute manière, à quoi cela sert de faire 100 $ quand on s'en fait arracher 50 $ le mois suivant sous forme de retenue sur le prochain chèque, si on a le malheur de le déclarer?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On s'en fait arracher 75 $ sur 100 $.

M. Salvas: Pardon?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On s'en fait arracher 75 sur 100 $.

M. Salvas: Oui, je sais, j'ai dit que j'arrondissais les chiffres. C'est encore pire de toute manière.

Ce n'est pas le taux marginal implicite, c'est le taux standard. Le taux marginal, c'est le taux au-dessus d'une première strate de revenu. Le taux marginal est de 100 % de toute manière. Le taux standard, vous dites que c'est 75 $, je l'ai arrondi à 50 $. D'accord. Je vais le réexpliquer d'une manière rapide. L'assisté social - je vais prendre des chiffres ronds de manière à ne pas compliquer la situation - reçoit son chèque, il a fait 100 $ d'une manière ou d'une autre et le déclare - ce qui est loin d'être le cas de tous les assistés sociaux - mais un brave le déclare le premier mois parce que c'est le premier mois. Il y a toujours un commencement. En toutes choses le meilleur est le commencement. Il inscrit 100 $. Le ministère lui en enlève 50 %. C'est le taux standard, non pas le taux marginal, on y arrive. Il enlève 50 $, non pas qu'il va le chercher, mais le mois suivant son chèque est diminué de 50 $. S'il fait 150 $, les 50 $ au-dessus de 100 $ vont être à 100 %, ils vont être enlevés au complet. C'est le taux marginal implicite de 100 %.

Pour répondre à votre question, dans ce schéma, je préconise le fait suivant: Les premiers 50 $, rien n'aurait à être déclaré là-dessus. Si quelqu'un ne le déclare pas, tant pis. On suppose qu'il le fait. Si cela est de 51 $ à 150 $, il doit le déclarer et il a intérêt à le déclarer S'il le déclare, le mois suivant, au lieu de se le faire enlever comme dans le régime actuel, il recevrait un supplément de revenu d'à peu près 25 $, ce qui correspond à la logique du programme APPORT. Cela permettrait plusieurs façons de

procéder. Cela permettrait au moins de la motivation chez les gens qui sont démotivés. Cela serait une motivation supplémentaire et inversement, chez les fraudeurs, cela donnerait une structure de contrôle. Les 50 $ qui ne sont pas contrôlés au départ, puisque les assistés sociaux auraient tendance à vouloir avoir le supplément de revenu, le gouvernement se rattraperait amplement en ce qui concerne la tranche de 50 $ à 150 $. Les gens voulant avoir le supplément le déclarerait. C'est un peu ce que je préconise, dans une volonté de rendre le document un peu plus logique.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous remercie de ces précisions. En vertu de la règle de l'alternance.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve. (21 h 30)

Mme Harel: Merci, M. le Président. En vous écoutant, M. Salvas, cela m'a fait penser à l'éditorial paru dans Le Devoir, le troisième article du 18 mars 1988 par M. Francoeur. M. Jean Francoeur, qui est un éditorialiste du Devoir, a entrepris une longue analyse de la réforme le 16 mars, il a écrit un second article le 17 et il a terminé le 18. Il écrivait ceci, qui me faisait penser un peu à ce que vous proposez. Il disait: "L'image qui vient à l'esprit est celle d'un escalier. La réforme aménage une première marche (un peu basse, il est vrai) mais ne touche pas à la deuxième qui, elle, n'a pas moins de huit pieds de haut! On aurait besoin d'un solide escabeau." J'ai pensé que c'était tout en votre honneur de chercher à rapprocher la deuxième marche. Je vois un peu votre contribution ce soir comme un effort pour essayer d'installer une deuxième marche.

M. Salvas: Permettre en tout cas à quelques menuisiers de l'installer, s'ils en ont le bon vouloir.

Mme Harel: Parce que la première marche, c'est finalement celle des barèmes.

M. Salvas: Pardon?

Mme Harel: Celle des prestations, celle des allocations.

M. Salvas: Oui, l'assistance sociale de base, oui.

Mme Harel: Parce que, comme le disait le même éditorialiste, il arrive qu'avec l'application de chacun des principes les barèmes descendent successivement de plusieurs crans, si bien qu'au bout du processus le niveau de prestation de base d'à peu près toutes les personnes inscrites à l'aide sociale est réduit et c'est ainsi que, suprême inconvénient, la parité conçue comme mesure d'équité ne devient réalisable que dans l'appauvrissement de chacun. C'est vraiment bien dit. Vous n'avez pas compris?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je cherche le lien...

Mme Harel: C'est complexe, par exemple. Vous l'avez dit aussi que c'était complexe.

M. Salvas: C'est-à-dire que plus on monte dans l'échelle, plus on en descend.

Mme Harel: II y a d'ailleurs un groupe qui est venu ici qui disait que la réforme consistait à demander a des personnes de monter un escalier roulant qui descendait.

M. Salvas: C'est cela, oui. Si j'ose...

Mme Harel: C'est une autre image autour de...

M. Salvas: ...compléter vos remarquables propos, c'est comme l'escalier roulant à l'Université de Montréal que certaines personnes descendent, puisque de toute manière je représente les diplômés assistés sociaux, si j'ose m'exprimer ainsi... C'est qu'à l'Université de Montréal il y a un très long escalier roulant que les gens montent parfois, que les gens descendent parfois, surtout en temps de carnaval. C'est un peu la même chose. Maintenant, ce n'est pas tout à fait logique. Ce que j'essaie de faire, c'est un peu par volonté de trouver une solution non pas seulement à un problème personnel, mais à un problème que j'ai rencontré à quelques reprises, et puis aussi par volonté peut-être représentative des universitaires quels qu'ils soient, à plus forte raison des universitaires assistés sociaux de trouver la logique quelque part.

Comme il n'y a pas de logique là-dedans, j'essaie, en autant que possible, humblement, d'ajouter un élément et qui à mon point de vue, selon ce que Mme Harel vient de dire, permettrait d'ajouter un peu de logique.

Mme Harel: M. Salvas, je vous trouve bien généreux de qualifier mes propos de remarquables parce que ce soir je voudrais vous dire...

M. Salvas: Ce ne sont pas les vôtres, ce sont ceux de M. Francoeur. Je veux dire par là...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: J'aime mieux cela.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Je veux vous dire que ce soir, après la cinquième semaine, je ne sais plus trop

combien de séances, je me sens particulièrement, peut-être un peu fatiguée. Je voulais juste vérifier avec vous. Êtes-vous membre d'organisations, d'associations qui discutent de ces questions? Êtes-vous de la ville de Québec?

M. Salvas: Non, je suis de Montréal.

Mme Harel: Vous êtes de Montréal et vous avez monté à Québec pour nous rencontrer.

M. Salvas: Oui.

Mme Harel: Et avez-vous suivi nos travaux jusqu'à maintenant?

M. Salvas: Par les médias, évidemment. Mme Harel: Lesquels? Par les écrits.

M. Salvas: Oui. Puis, au début, quand c'étaient des groupes glorieux comme le Conseil du patronat, c'était télédiffusé. Il y avait quelques minutes dans le Téléjournal.

Mme Harel: C'est à ce moment que vous avez décidé de venir devant nous?

M. Salvas: Cela aurait été impossible, Mme Harel, puisqu'à ce moment, si je l'avais décidé, selon les technicités, j'aurais été refusé.

Mme Harel: C'est juste. Alors, c'est au moment où cela a été rendu public...

M. Salvas: Quand les journaux ont publié les annonces selon lesquelles il y aurait commission parlementaire.

Mme Harel: C'est au moment où vous avez vu la publication, le 23 décembre?

M. Salvas: À peu près à cette date.

Mme Harel: C'est bien cela. Cela a été publié le 23 décembre. Vous êtes vigilant, M. Salvas.

M. Salvas: II y a à peu près 160 groupes qui sont vigilants aussi.

Mme Harel: Oui, mais vous avez été aidé un peu. Je vous avais aidé un peu.

M. Salvas: C'est vous-même qui nous le dites dans un document que vous nous avez expédié par la poste.

Mme Harel: Pardon?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Excusez-moi.

M. Salvas: Vous nous avez expédié par la poste un document dans lequel vous énumérez les groupes qui, le 23 décembre, ont décidé de participer par vigilance, j'imagine...

Mme Harel: Est-ce que je vous ai écrit? M. Salvas: ...à ladite commission. Pardon?

Mme Harel: Vous ai-je écrit? Oui, sûrement, parce que vous étiez sur la liste de Mme Lamon-tagne.

M. Salvas: Oui, justement.

Mme Harel: Ah, très bien. C'est cela, je vous ai connu, j'ai pu vous identifier après...

M. Salvas: C'est là que j'ai su que j'étais parmi les contre, ce qui n'est pas tout à fait le cas. Je ne suis pas contre le document d'orientation.

Mme Harel: Non, je m'en rends compte. Des voix: Ha! Ha!

Mme Harel: Puis, je suis contente. Cela va peut-être permettre au ministre d'aller plus à fond et peut-être de mettre une équipe de fonctionnaires pour pouvoir explorer votre proposition.

M. Salvas: Ce serait intéressant.

Mme Harel: Je vais vous remercier d'être venu à Québec. Est-ce que vous retournez à Montréal ce soir?

M. Salvas: Oui, j'ai un billet pour le retour.

Mme Harel: Merci pour cet effort.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Salvas, je vous indiquerai que ce que vous proposez s'apparente beaucoup plus à la fiscalité, si je peux utiliser l'expression, le lien qu'il y a à faire entre la réforme de la sécurité du revenu et l'harmonisation essentielle et nécessaire qu'il nous faut faire avec la fiscalité. C'est pourquoi le document - je leur dois bien cela - je vais l'envoyer au ministère des Finances pour que les fonctionnaires de ce ministère tentent de l'harmoniser avec notre politique de sécurité du revenu. Je vous dirai également que vous êtes le seul, à moins d'erreur, car plus de 80 groupes ou individus...

Le Président (M. Bélanger): 82

M. Paradis (Brome-Missisquoi): 82e Vous êtes le seul qui avez représenté jusqu'à présent

devant nous ou qui nous a fait part des préoccupations des diplômés sur l'aide sociale. On a souvent parlé des analphabètes à l'aide sociale, des gens qui n'avaient pas terminé leur secondaire, des gens qui n'avaient aucune expérience antérieure de travail. Je pense que, dans aucune de mes présentations, je n'avais mentionné cette question des diplômés de l'université qu'on retrouvait à l'aide sociale.

M. Salvas: Oui, c'est possible.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est une nouvelle dimension que vous nous apportez.

M. Salvas: Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): La commission des affaires sociales remercie M. Salvas et ajourne ses travaux jusqu'à demain, 10 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau. Alors, dans la même salle, demain, 10 heures. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 21 h 37)

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