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(Quinze heures douze minutes)
Le Président (M. Laporte): À l'ordre, s'il vous
plaît! Les travaux de la commission recommencent. J'aimerais seulement
rappeler le mandat de la commission qui est de procéder à une
consultation générale et de tenir des auditions publiques afin
d'étudier le document intitulé: "Pour une politique de
sécurité du revenu". Y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Joly
(Fabre) sera remplacé par M. Poulin (Chauveau).
Organisation des travaux
Le Président (M. Laporte): Merci. J'inviterais les
représentantes du Regroupement des assistés sociaux
d'Hébertville, Mme Carmen Deschênes et Mme Marie-Marthe Bouchard,
à bien vouloir s'avancer ici, juste devant moi. C'est cela.
Je voudrais vous rappeler brièvement la procédure que la
commission suit. Vous avez 20 minutes pour faire la présentation de
votre mémoire. Par la suite, il y a aura échanges avec les
parlementaires pendant 40 minutes, dont 20 minutes au parti ministériel
et 20 minutes au parti de l'Opposition.
Très brièvement, nous vous remercions d'avoir
accepté cette invitation et nous vous prions de bien vouloir
commencer.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Laporte): Oui, Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Si les invitées me le permettent, juste une
petite seconde pour rappeler au ministre que je le remercie pour le document
qui vient de son ministère. J'attendais et j'attends encore des chiffres
plus complets portant sur des thèmes différents. Nous en sommes
à notre cinquième semaine - est-ce bien cela, Mme Lamontagne? -
de commission, à notre douzième séance, à notre
soixante-neuvième organisme, malgré que ce soit toujours aussi
intéressant. Le ministre - je pense que c'était au moment
où on examinait le mémoire du vingt-septième organisme - a
promis qu'il déposerait ici, en commission, des chiffres dont on a
absolument besoin pour comprendre la situation. Si tant était que ces
chiffres seraient prêts, comme on semble le signaler, et seraient
déjà en sa possession, je ne peux pas comprendre qu'il ne les
dépose pas. Qu'attendez-vous, M. le ministre?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On pense être en mesure
d'avoir possiblement, quant à toutes les questions que vous avez
posées, l'ensemble des réponses au courant de cette semaine.
Mme Harel: D'ici la fin de la semaine?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'ici la fin de la semaine.
Mme Harel: C'est-à-dire avant jeudi?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne sais pas. Je ne veux pas
entrer dans les dates, mais il y a certains documents qui...
Mme Harel: Parlons du document concernant les moins de 30 ans, de
leur taux de participation aux différents programmes. Ce document doit
comprendre aussi normalement l'incidence du partage du logement et de la
contribution parentale sur le nombre des moins de 30 ans en les
catégorisant, de manière à pouvoir...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...identifier qui va...
Mme Harel: C'est cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Les statistiques...
Mme Harel: Avoir en main les chiffres qui vont nous permettre
d'avoir une...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Progressivement, voici ce que je
peux faire.
Mme Harel: ...vue véritable de la situation.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je peux vérifier et vous
les déposer de façon progressive, si vous ne désirez pas
attendre d'avoir la totalité au cours de la semaine. À mesure
qu'ils sont prêts, je peux les déposer ici. Il y en a un ce matin
qui semblait être prêt. Je pourrai vous le communiquer demain.
Le Président (M. Laporte): Nous prenons bonne note que
vous fournirez à la commission l'ensemble des informations qui
pourraient être utiles à l'avancement de ses travaux.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Finalement, toutes les questions
que vous avez posées devraient obtenir des réponses
écrites d'ici la fin de la présente semaine.
Le Président (M. Laporte): Est-ce que la
députée de Maisonneuve a des informations supplémentaires
à demander aux membres de la
commission?
Mme Harel: Je pense que le député de Sainte-Marie
avait quand même manifesté son intérêt - j'ai pu le
lire dans les journaux de vendredi dernier - concernant le partage du logement.
Il doit avoir aussi hâte que moi, il doit être aussi impatient que
moi d'obtenir les chiffres qui vont lui permettre d'identifier combien de
bénéficiaires vont être victimes de cette mesure.
Le Président (M. Laporte): Je n'ai pas à
interpréter vos paroles et j'imagine que, de même, vous laisserez
à la présidence et au député de Sainte-Marie le
soin de pouvoir s'expliquer plus longuement. Est-ce qu'il y a d'autres
informations que les membres de la commission aimeraient obtenir? Si non, je
voudrais souhaiter la bienvenue au Regroupement des assistés sociaux
d'Hébertville qui est devant nous actuellement, tout en demandant
à ses représentantes de bien vouloir s'identifier au début
pour les fins de l'enregistrement, lorsqu'elles prendront la parole. La parole
est à vous.
Auditions
Regroupement des assistés sociaux
d'Hébertville
Mme Deschênes (Carmen): Carmen Deschênes,
Notre-Dame-d'Hébertville, Lac-Saint-Jean. Je suis prête à
commencer.
Le Président (M. Laporte): Qui vous accompagne?
Mme Bouchard (Marie-Marthe): Marie-Marthe Bouchard,
Notre-Dame-d'Hébertville, Lac-Saint-Jean.
Mme Deschênes: En prenant connaissance de certains
documents sur la réforme de l'aide sociale du gouvernement, il est
facile de constater que rien n'a été fait ni pensé pour
les jeunes et la famille, comme semble le laisser croire le ministre Paradis
dans le document d'orientation "Pour une politique de sécurité du
revenu".
La réforme de l'aide sociale et le programme APTE ne tiennent pas
compte du travail d'une femme à la maison. La reconnaissance de la place
d'une mère près d'un enfant est limitée à deux ans.
Est-ce qu'un enfant arrête de vivre à deux ans? Pourtant, c'est
à partir de cet âge qu'il demande de plus en plus une
présence, une surveillance presque sans répit. Le travail
à la maison augmente et les besoins grandissent avec les enfants.
Quand arrive l'âge scolaire, principalement au primaire, ces
enfants redemandent encore plus d'attention, car bien souvent la mère de
famille devient professeur. On ferme les écoles secondaires pour les
centraliser, sans tenir compte des difficultés des parents qui n'ont
aucune sécurité d'emploi, risquant, peut-être, de se
retrouver un jour ou l'autre à l'aide sociale. Quand il est question de
fermeture d'écoles, même si les parents s'opposent à une
telle fermeture, ils n'ont pratiquement jamais gain de cause. Les parents qui
se retrouvent aujourd'hui à l'aide sociale en paient la note avec une
qualité de vie inhumaine. En surplus, il ne faut pas oublier qu'incombe
à la mère de famille la lourde tâche de boucler un budget
déjà sous le seuil de la pauvreté.
Le gouvernement, dans sa politique de sécurité du revenu
et sa réforme de l'aide sociale qui se veut une amélioration du
traitement des jeunes et qui vient favoriser l'aide aux parents pour leurs
revenus de travail, n'a rien d'incitatif pour la famille, puisqu'il ne
reconnaît que deux enfants aux assistés sociaux. Le
troisième et les autres n'ont pas le droit de vivre quand, pour une
raison ou une autre, les parents se retrouvent à l'aide sociale.
Où est la justice du gouvernement quand les enfants d'assistés
sociaux doivent dîner a l'école et que les parents sont dans
l'obligation de débourser tous les matins douze à seize dollars,
sinon plus, pour le dîner des enfants? Pourquoi seulement deux ont-ils
besoin de nourriture et de vêtements?
Le ministre Paradis, en voulant appliquer sa réforme de l'aide
sociale et classer tous les assistés sociaux aptes au travail sans
reconnaître les exigences d'une famille, agit d'une façon
inacceptable, puisqu'il ne laisse pas le libre choix aux femmes qui auront
à subir un double emploi quand bien souvent la santé ne permet
pas un tel surplus de travail.
De plus, même si une femme a travaillé depuis un certain
nombre d'années à la maison et malgré l'expérience
acquise, M. le ministre n'est-il pas bien informé que l'employeur ne
reconnaît pas le travail fait à la maison? Par conséquent,
les salaires proposés et les conditions de travail ne valent pas le
déplacement.
Le ministre Paradis est-il informé ou renseigné sur le
fait que, pour éplucher des pommes de terre dans un restaurant,
simplement avec un couteau, on demande de I expérience dans la
restauration? Même si une femme a donné quarante ans de travail
à la maison, sans jamais manquer de travail, on ne lui reconnaît
pas cette expérience.
Il est inacceptable que le ministre Paradis inscrive masssivement les
femmes mères de famille au programme APTE sans laisser le libre choix.
Il faut tout de même être réaliste. Les gains de travail ne
sont pas tellement encourageants pour un double travail, puisque celui à
la maison restera toujours à faire. Personne parmi ces femmes ne pourra
se payer une femme de ménage.
Messieurs, mesdames du gouvernement, quand vous rentrez à la
maison, avant de nasser
à table devant un bon repas, est-ce que vous vous souciez qu'il y
a au Québec 100 000 familles pauvres qui sont mal nourries et mal
logées?
Pourtant, lorsqu'il a été question de voter une
augmentation de salaire aux députés, aux ministres et au premier
ministre, personne n'a riposté. On n'a pas entendu dire qu'il s'agissait
de deniers publics ou qu'il fallait tenir compte du déficit
québécois. Mais, quand il s'agit des assistés sociaux, on
ne sait que faire, que dire, quoi inventer en publicité de toutes sortes
pour rabaisser au plus bas niveau un groupe de gens de notre
société d'aujourd'hui qui ont déjà
été des travailleurs et qui le sont encore. Il ne suffit que
d'avoir du travail, avec des salaires, pour être en mesure de vivre.
Le ministre Paradis a tendance à garder de plus en plus la
vieille idée que les assistés sociaux ne veulent rien tenter pour
s'en sortir. Il semble bien que cette notion est encore bien vivace, même
chez des gens bien informés.
Mme Bouchard: Une vie de couple sans distraction. Si l'on regarde
du côté de la vie de couple des assistés sociaux, on a
tendance à croire que démuni veut dire simplement mal logé
et mal nourri. Mais est-il possible de pénétrer dans chaque foyer
et de constater qu'il y a d'autres besoins tout aussi grands et tout aussi
importants?
Avons-nous déjà pensé que le
tête-à-tête dans la vie d'un couple est très
important? Les rencontres avec des amis, le partage des goûts et les
échanges deviennent un besoin. Inutile de dire que la
télévision est le divertissement des pauvres. Est-ce une
nécessité pour les plus démunis de se vêtir, d'avoir
des loisirs et de pourvoir aux imprévus?
Devant les problèmes qui ne cessent de s'aggraver, la vie de
couple est menacée, car le terrain devient propice aux petites
querelles. Les problèmes deviennent de plus en plus gros, si gros que
l'amour seul peut permettre de ne pas laisser de crevasses quand les heures
sont longues où rien ne brille à l'horizon. Imaginons un couple,
24 heures sur 24, enfermé entre les quatre murs d'un logement, à
chercher des solutions sans réponse à ses problèmes. Cela
attaque les nerfs de temps à autre.
Les difficultés des assistés sociaux sont à un
point tel qu'il leur arrive même d'être trop pauvres pour aller
travailler. Si on nous offre un travail d'environ deux semaines et qu'il faut
alors se déplacer sur une distance de quinze milles, il faudra au
préalable renouveler sa plaque d'auto, le permis de conduire, les
assurances pour l'auto, acheter de l'essence, puisque les détaillants
n'acceptent pas de faire crédit aux assistés sociaux. Un point de
plus qui s'ajoute aux préjugés en les traitant comme un monde
à part.
Perdre son emploi, devenir assisté social et perdre son nom. Il
faut toujours bien être conscient et voir les choses telles qu'elles sont
et telles qu'elles se présentent. Une personne qui travaille à un
salaire normal possède une maison, une auto bien passable, voire
même récente et, bien d'autres choses encore. Mais voilà,
un beau jour plus d'emploi! Un an est bien vite passé.
L'assurance-chômage s'écoule et la perte d'un emploi n'est pas
facile à accepter. Du jour au lendemain, on devient un assisté
social. Là, plus aucun droit de posséder des acquis sans que l'on
soit puni pour avoir déjà été un travailleur.
L'espoir de redevenir un travailleur devient un tourment sans fin. Les
responsabilités d'une famille, où bien souvent le souffle manque
pour joindre les deux bouts, ne donnent rien d'autre que d'accumuler et
d'augmenter les problèmes.
Présentement, sommes-nous en mesure de pouvoir déterminer
avec justesse que de rendre aptes au travail tous les assistés sociaux
est la solution miracle pour régler tous les problèmes?
Il faut penser que le marché du travail n'est pas toujours facile
pour certains. Les petites municipalités ne sont pas non pius
équipées pour offrir tous les emplois nécessaires, quand
on pense à l'absence d'un système de garderies et de transport et
que les assistés sociaux n'ont pas d'auto ou que celles-ci sont
tellement "minounes" que personne n'ose s'aventurer trop loin. La femme
elle-même est encore plus défavorisée, car son accès
au travail n'est pas priviligié pour différentes raisons. Le
désir peut être extrêmement grand, mais cela n'est pas
accessible en toute liberté.
Mme Deschênes: Voilà, mesdames et messieurs,
à quoi ressemble le quotidien d'un assisté social et voilà
comment on perd son nom du moment que l'on devient assisté social.
Quand les gouvernements ont eu besoin des jeunes pour gagner leurs
élections, on a avancé l'âge majeur de 21 ans à 18
ans. À partir de là, les jeunes ont pris la place qui leur
appartenait et nous avons évolué avec le temps. Ils sont
là pour la relève, mais de moins en moins nombreux seront-ils si
rien n'est fait à court terme pour encourager ces jeunes à fonder
un foyer et à avoir des enfants.
Le gouvernement d'aujourd'hui, avec la refonte de l'aide sociale telle
que présentée, semble dire que les enfants des assistés
sociaux sont embarrassants et que tous les jeunes de 18 ans à 30 ans le
sont encore plus.
M le ministre, quand vous aviez cet âge, disons entre 20 et 30
ans, vous étiez peut-être marié et sans doute aviez-vous
déjà des enfants. Les jeunes d'aujourd'hui ont les mêmes
ambitions que vous à cette époque pas si lointaine, sauf que le
coût de la vie a plus que triplé et que les emplois ont
diminué. Depuis 20 ans qu'on utilise les jeunes pour gagner des
élections, on profite de cette main-d'oeuvre à bon marché
et les travaux communautaires le démontrent bien. Faut-il souligner, M.
le ministre, que le jeune assisté social, même si ce n'est que
pour un travail de quelques heures, doit se préoccuper du
transport? Car, bien souvent, il est obligé de se déplacer
sur une distance de 20 milles pour courir les occasions quand le
déplacement n'est pas centré, de quoi décourager un jeune
qui a le coeur de travailler.
M. le ministre croit peut-être qu'il donne la lune à ces
jeunes, alors qu'il verse 170 $ par mois. Il y a là à peine les
petites dépenses de fin de semaine d'un mois courant et peut-être
un seul vêtement de temps à autre. Si ces jeunes ont la chance
d'obtenir un emploi temporaire, ils penseront à l'achat d'une
automobile, car ces jeunes vivent dans l'espoir, mais à quel prix. Il y
a le cours de conduite obligatoire, le permis de conduire, l'achat de l'auto
qui demandera beaucoup de réparations, les plaques d'immatriculation,
les assurances, sans compter l'essence et le reste. Que reste-t-il à ces
jeunes qui ne peuvent pas tous compter sur leurs parents? Il y a 40 000 de ces
jeunes.
M. le ministre, dans la réforme de l'aide sociale quand il est
question d'abolir l'aide sociale pour les jeunes de 18 à 25 ans, cela
signifie-t-il que vous n'avez plus besoin du vote de ces jeunes pour gagner vos
prochaines élections? Si oui, vous avez du travail à temps
plein!
Est-ce nécessaire de rappeler que, même de nos jours, il y
a encore des familles de quatre à sept enfants qui, même avec un
revenu modeste, ne seront pas en mesure de répondre favorablement aux
besoins de leurs jeunes de 18 ans et plus, et encore moins quand ils ne seront
plus que deux?
M. le ministre, pourquoi les assistés sociaux, les gens à
faible revenu doivent-ils déployer tant d'efforts pour n'obtenir que des
miettes de l'ordre de 4, 5 %, alors que, pour vous du gouvernement, il devenait
urgent de vous accorder des augmentations de 21 % avant même la
période des fêtes? (15 h 30)
Nous vous recommandons: la reconnaissance du travail de la femme au
foyer; le libre choix du travail à l'extérieur du foyer;
l'augmentation des barèmes de l'aide sociale pour les femmes ayant plus
de deux enfants, y compris l'allocation scolaire; la reconnaissance que les
assistés sociaux ont déjà été des
travailleurs et qu'ils le sont encore; des emplois plus décents pour
vivre dans la dignité simplement et humainement; le minimum vital
à 70 % du seuil de la pauvreté; des gains permis jusqu'au seuil
de la pauvreté sans impôt; les revenus basés sur l'individu
avec ou sans enfant à charge; l'augmentation du salaire minimum; la
parité aux jeunes de moins de 30 ans; l'émission des
chèques aux 15 jours; la reconnaissance que les assistés sociaux
ont déjà été des travailleurs et qu'ils ont le
droit d'avoir des acquis autant que les chômeurs. Merci.
Le Président (M. Laporte): Nous tenons à vous
remercier pour votre présentation.
Nous passons maintenant à la période de questions.
J'aimerais préciser, pour le bénéfice des membres de la
commission, l'expérience qui a été vécue ces
dernières semaines. S'il y avait possibilité, pour le bon
déroulement de la commission, pour une bonne partie, de faire les
adresses de la fin à l'intérieur de l'enveloppe de temps qui vous
est impartie, cela faciliterait les travaux et aiderait les membres de la
commission à respecter l'horaire que nous avons.
M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. nous avons pris note de vos
remarques, M. le Président.
Dans un premier temps, vous me permettrez de remercier le regroupement
pour la qualité de son mémoire. Mme la députée de
Maisonneuve a indiqué que vous étiez le soixante neuvième
groupe, cela n'enlève rien a la qualité des arguments que vous
avez avancés, et par écrit et verbalement. La commission
parlementaire débute une nouvelle semaine d'auditions II es! toujours
à propos de rappeler quelle est cette fameuse clientèle que l'on
retrouve à l'aide sociale ou que l'on retrouvait, si on utilise le
dénombrement de mars 1987.
Tout près de 400 000 chefs de menage au Québec n'avaient,
à cette époque - heureusement, cela a diminué depuis ce
temps - pour seul moyen de subsistance que le chèque de l'aide sociale.
Parmi ces 400 000 chefs de ménage au Québec, environ 100 000 sont
considérés comme incapables, étant affectés d'un
handicap, de subvenir à leurs besoins de base sur une longue
période; soit 25 % de la clientèle.
Mais quelle est cette autre clientèle dite apte au travail? Les
300 000 autres chefs de ménage, on les dit aptes au travail, mais est-ce
qu'ils peuvent, demain matin, comme vous l'avez si justement souligné
dans votre mémoire, se trouver un emploi? Cette
clientèle-là est composée de 36 % d'individus que l'on
considère comme étant des analphabètes fonctionnels, 60 %
de cette clientèle dite apte au travail n'a pas terminé son cours
secondaire et 40 % de cette même clientèle n'a aucune
expérience de travail reconnue, soit comme ayant occupé un
emploi. Votre exemple de la dame, dans le cas de l'emploi pour éplucher
des patates est très valable et très vrai. C'est un exemple que
vous pouvez nous donner à répétition devant cette
commission.
Le gouvernement a le choix dans une telle situation. Abandonner ces gens
a leur sort en se libérant la conscience, comme les gouvernements l'ont
fait dans le passé, et en mettant à la poste un chèque
mensuel en se disant: Bon, on a fait ce qu'on avait à faire envers ces
gens. Ou le gouvernement peut, avec la collaboration des groupes communautaires
comme le vôtre, avec la collaboration du patronat, des syndicats, de tout
ce qui bouge dans la société, relever le défi et tenter
d'améliorer l'employabilité de ces gens-
là - pour ceux et celles qui ont le talent de le faire,
compléter leur cours secondaire; pour ceux et celles qui ont d'autres
talents, participer à d'autres types de mesures - de façon que
ces gens ne soient pas marginalisés dans la société. C'est
le débat que nous avons présentement et dans lequel nous nous
retrouvons.
Vous nous arrivez comme représentant les gens
d'Hébertville. Moi, j'ai une petite note et je voudrais préciser
si les informations qu'on m'a communiquées sont exactes ou si elles sont
suffisantes quant à l'action dans le milieu de votre groupe. Moi, on me
dit que, comme moyen d'action chez vous, dans votre communauté, vous
avez un vestiaire public, vous faites des démarches pour obtenir de la
nourriture, vous redistribuez cette nourriture aux personnes
défavorisées du milieu, et on me dit également que vous
rejoignez mensuellement de 200 à 300 personnes de votre milieu.
S'agit-il là essentiellement des activités que vous menez ou si
est-ce plus complet que cela?
Mme Deschênes: Ce sont des services qu'on offre. Combien
disiez-vous?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est 200 à 300.
Mme Deschênes: Par mois, c'est environ 200 à 300,
cela dépend. Nous autres, une paroisse s'est ajoutée encore la
semaine dernière, nous desservons 21 paroisses autour du lac Saint-Jean;
ce qui fait au total quelque 180 familles défavorisées. On est
sûr que ce sont des assistés sociaux.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quand vous me dites cela,
rendez-vous des services aussi à des gens qui bénéficient
de l'assurance-chômage ou à des gens qui sont de bas
salariés au salaire minimum?
Mme Deschênes: Non. Disons qu'il n'y en a pas qui se sont
présentés. C'est sûr que, s'il en venait, on ne les
rejetterait pas non plus.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais la totalité de votre
clientèle, ce sont des...
Mme Deschênes: À l'heure actuelle, oui. ce sont des
assistés sociaux.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela fait combien de temps que
vous fonctionnez dans le milieu?
Mme Deschênes: Cela a été fondé en
1984, mais on est dans une municipalité très petite. Nous avions
un grand manque de locaux. Là, cela fait deux ans - cela va faire deux
ans - qu'on a des locaux. Avant, cela se faisait chez moi dans ma demeure.
Disons que ce n'était pas aussi facile. Je ne sais pas si vous savez ce
que c'est que de descendre des caisses de nourriture dans une cave et de les
remonter. Quand même, à l'heure actuelle, on a encore un
problème de locaux. Cela ne le règle pas pareil, parce que c'est
trop petit.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Avez-vous de la permanence, si je
peux utiliser l'expression, des permanents...
Mme Deschênes: On a de la "permanence" en
bénévolat.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Mais il n'y a
personne...
Mme Deschênes: Mais c'est fantastique ce qui se fait.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II n'y a personne de
rémunéré dans...
Mme Deschênes: Non, personne.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Avez-vous des travaux
communautaires ou des choses du genre?
Mme Deschênes: Oui, on a un projet de travaux
communautaires. On a une personne qui vient d'Alma, parce que, disons
qu'à Hébertville cela fait trop longtemps que le programme existe
et il n'y avait plus de filles admissibles pour venir travailler au local. On a
réussi à en prendre une d'Alma. Elle vient travailler au local,
elle doit faire de 15 à 20 milles pour se déplacer et cela ne lui
donne même pas les 100 $ de plus par mois. Elle a 23 ans et elle est en
train de perdre ses yeux; elle ne voit presque plus d'un oeil et l'autre
commence à être affecté. Alors, ce n'est pas tellement
payant pour elle. Mais on voit quand même que les jeunes ont à
coeur de travailler.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez soulevé deux
points que j'aimerais aborder plus spécifiquement avec vous: la question
qui rejoint un peu la disponibilité de la femme à la maison et
les enfants en bas âge...
Mme Deschênes: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...et la question des jeunes. Je
vais peut-être commencer à l'inverse de l'ordre où vous me
les avez soumises. Vous m'avez parlé du...
Mme Deschênes: Je les ai pris un peu plus vieux et,
à la longue, je les ai rajeunis.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Bon. Je vais commencer par les
plus jeunes. Vous avez mentionné à un moment donné dans
votre mémoire ceci: Vous ne devez plus en avoir besoin
électoralement, parce que les jeunes de 18 à 25 ans, vous
les éliminez, si je peux...
Mme Deschênes: Bien oui, c'est quasiment ce que cela veut
dire, M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Bien là, moi, j'ai un
problème avec cela.
Mme Deschênes: Oui, lequel?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais vous dire pourquoi. Nous
prétendons accorder la parité aux jeunes de 18 à 30 ans et
on a ajouté une contribution alimentaire parentale pour se comparer aux
prêts et bourses aux étudiants et pour ne pas que cela devienne
plus payant d'être à l'aide sociale et inciter nos jeunes à
quitter...
Mme Deschênes: Mais vous n'avez pas besoin d'avoir peur.
À l'aide sociale, aucun ne va se ramasser de l'argent.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non. À 178 $, comme
vous l'avez dit, ou à environ 180 $, il n'y a pas de danger.
Mme Deschênes: Non.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quand on accorde la parité,
on s'en va vers un minimum, même durant les neuf premiers mois
proposés, en haut de 400 $ et, là, il y a un petit risque. Mais,
quand vous avez parlé d'exclusion, je me suis dit: Elles se sont
peut-être mélangées, parce qu'un autre politicien a
parlé d'exclusion. Il y a une semaine et demie, M. Parizeau a fait une
déclaration à savoir que tous les jeunes de 18, 19 et 20 ans
devraient être exclus de l'aide sociale complètement. Pas un sou!
Pas de contributions alimentaires parentales! Cela ferait 30 000 jeunes de
moins à l'aide sociale. Je me dis: Est-ce que les gens dans le champ,
confondent cette déclaration de M. Parizeau avec ce que l'on propose? Je
voulais seulement clarifier cela comme il faut. Nous proposons la parité
pour les jeunes de 18 à 30 ans, mais avec une contribution alimentaire
parentale de façon qu'ils ne quittent pas les études pour s'en
aller à l'aide sociale qui ne sera plus à 180 $ par mois, comme
vous le disiez, qui suffisent à peine pour les petites
dépenses...
Mme Deschênes: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...mais qui va être
paritaire avec les autres. La déclaration de M. Parizeau qui veut
exclure, lui, tous ceux qui ont 18, 19 et 20 ans de l'aide sociale, cela
sortirait 30 000 jeunes de l'aide sociale d'un coup sec. Je voulais seulement
qu'il n'y ait pas de confusion là-dedans entre nous.
Mme Deschênes: Non, je ne peux pas dire qu'il y en a. Cela
dépend du montant que les parents auront, hé? Après cela,
je vous dirais bien que j'avais deux garçons...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord
Mme Deschênes: Quand mon mari travaillait, disons qu'il
avait un bon salaire. C'était un travailleur de la construction. On en
avait assez besoin qu'on n'aurait pas été capables de donner de
l'argent à nos enfants pour sortir. Aujourd'hui, on se ramasse à
l'aide sociale. Ce n'est pas voulu. Je peux vous apporter les preuves qu'on se
cherche de l'ouvrage et que ce n'est pas facile. J'ai deux lettres: une de la
municipalité et une autre du centre de main-d'oeuvre, que je voudrais
bien vous montrer, parce que c'était mon intention À ce
moment-là, on n'aurait pas été capables de donner de
l'argent à nos enfants et encore moins aujourd'hui en étant
bénéficiaires de l'aide sociale. Cela fera bientôt sept ans
que mon mari ne travaille pas On a une vieille maison qu'on a
rénovée et, si on n'avait pas eu nos enfants, avec leur argent
pour garder, je pense qu'on ne l'aurait plus, notre maison Ils gardaient
à 0,25 $ l'heure pour mettre du manger sur la table.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord Si je comprends bien,
vous êtes pour la parité pour les jeunes.
Mme Deschênes: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous ne seriez pas d'accord avec
cela, qu'on exclue les jeunes de 18, 19 et 20 ans de l'aide sociale, comme M.
Parizeau le propose, et vous avez des réserves quant à la
contribution alimentaire parentale.
Mme Deschênes: Cela dépend du salaire que les
parents gagnent. Mais je vous dis que, même avec 21 000 $ ou 23 000 $, je
ne vois pas comment un couple va s'en sortir avec un montant comme ça.
Même s'ils ont des jeunes, les jeunes ne seront pas capables de leur
donner de l'argent.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord Donc, il ne faudrait pas
les exclure, les jeunes de 18, 19 et 20 ans, d'un coup sec, comme ça
Mme Deschênes: Bien non
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce serait faire une erreur,
d'après vous.
Mme Deschênes: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Donc, on va essayer d'envoyer le
message à qui de droit. Maintenant, quant à la contribution
alimentaire parentale, pensez-vous qu'elle devrait être la même ou
différente de celle qu'ils ont aux prêts
et bourses aux étudiants?
Mme Deschênes: Disons que les prêts et bourses, on
n'a jamais été assez argentés pour avoir affaire à
ça. Là-dessus, ce serait plutôt ma...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.
Mme Deschênes: Parce que les miens n'étaient pas
assez intelligents pour se rendre à l'université.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce n'est pas une question
d'intelligence, se rendre à l'université, je pense. Est-ce que
voulez compléter sur...
Mme Deschênes: Es-tu bonne pour répondre?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Avez-vous vécu
l'expérience avec les prêts et bourses aux étudiants, ou
connaissez-vous quelqu'un qui l'a vécue de près?
Mme Bouchard: Disons que, pour moi, les prêts et bourses,
ce n'est pas encore arrivé, mais ça va commencer l'automne
prochain.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II arrive à
l'âge.
Mme Bouchard: Mon premier garçon s'en va au cégep.
J'ai quatre enfants et mon premier s'en va au cégep l'automne prochain.
C'est là que je vois - ou que je ne vois pas - qu'on est six à la
maison, et je ne sais pas comment on va faire pour lui payer ses études.
Mon mari ne travaille pas; il est bénéficiaire de l'aide sociale.
C'est pour ça que je dis que...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Avez-vous vérifié
s'il était admissible aux prêts et bourses aux étudiants,
votre premier qui va aller aux études collégiales?
Mme Bouchard: Non, pas encore, parce que je n'ai pas eu la...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Les formules pour tout ça
encore. Cela va, d'accord.
Mme Bouchard: Je n'ai pas eu assez d'information à ce
sujet encore.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le deuxième
élément que vous avez touché, c'est toute la question de
la femme au foyer, de la reconnaissance de la valeur du travail qu'elle
effectue et de sa présence auprès des enfants jusqu'à, au
moins, l'âge préscolaire. Votre mémoire est peut-être
le soixante-neuvième. Je n'ai pas le décompte
mathématique, mais je pense que tous ceux et toutes celles qui ont
touché à cette question nous ont pratiquement recommandé
soit le maintien du statu quo en ce qui concerne cette situation, soit
l'amélioration ou la bonification de la situation actuelle, en
considérant le travail que la femme fait au foyer, jusqu'au moment
où l'enfant atteigne l'âge scolaire, comme une mesure de
participation ou que leur travail soit reconnu comme tel. Est-ce que c'est dans
ce sens que vos propos ou vos représentations vont?
Mme Bouchard: Si je vous disais que, lorsqu'un enfant commence
l'école, c'est encore là, pour la mère un mosus de surplus
d'ouvrage. Quand arrive l'heure de la vaisselle, il faut qu'elle montre les
leçons. Si elle a deux, trois ou quatre enfants et qu'elle est
obligée de les aider, je vous dis qu'en plus, si elle travaille,
dès qu'elle arrive chez elle, il va falloir qu'elle montre les
leçons à ses enfants.
Son travail reste là. Il n'y en a pas un qui saute dessus. Le
lendemain matin, ça demande encore de la mangeaille et ça devient
compliqué quand il n'y a pas d'argent. Quand même que tu vas
travailler, avec les projets de travaux communautaires comme vous en avez
aujourd'hui, c'est le plus beau programme niaiseux qu'il ne peut pas y
avoir.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais insister pour vous
questionner sur le fonctionnement de Travaux communautaires chez vous, parce
qu'on a eu d'autres personnes qui sont venues d'autres milieux nous dire
qu'elles avaient connu, dans le cadre de Travaux communautaires, des
expériences qui les ont enrichies comme promoteurs, qui ont fait en
sorte que la majorité des participants se sont trouvé des emplois
à temps plein lorsqu'ils sont sortis, et qui ont fait en sorte que les
gens qui ont reçu des services, je pense surtout à des cas de
personnes âgées, si je me souviens bien des témoignages
devant la commission... Donc, dans leur cas, leur analyse était
complètement différente de la vôtre.
Cela ne veut pas dire que, dans votre cas, vous n'avez pas raison.
Pouvez-nous nous décrire quel type de travaux communautaires vous avez
chez vous et qui vous amènent à les qualifier comme vous l'avez
fait? (15 h 45)
Mme Deschênes: Je ne peux pas vous dire que ce n'est pas
bon à notre local. Cela donne un petit surplus par mois pour
quelques-uns. Mais prenez la personne qui part d'Alma pour venir, c'est parce
qu'elle veut travailler. Elle est couturière, elle vient à notre
local et fait ce qu'on a à faire. Il faut que nous nous financions de
temps en temps, même si nous sommes des organismes. Elle coud pour nous
financer. Les autres s'occupent du linge et s'occupent de recevoir les gens. On
a un petit jeune homme qui passe la balayeuse, vide les poubelles et les
met au chemin.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez combien de participants
dans ce...
Mme Deschênes: On en a trois.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Trois, d'accord.
Mme Deschênes: Imaginez-vous, de trois à quatre
heures par jour... Celle qui vient d'Alma fait deux jours entiers pour
éliminer le transport. Cela serait bien plus intéressant s'ils
avaient des salaires pour être capables de vivre, qu'ils puissent venir
travailler et avoir un salaire à la fin de la semaine. C'est sûr
que nous n'aurons pas de subvention pour les organismes, car nous ne sommes pas
des créateurs d'emploi.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que c'est votre
première expérience de Travaux communautaires? Est-ce que c'est
la première fois que vous avez un projet dans lequel vous
êtes...
Mme Deschênes: De Travaux commautaires? Oui. On en a eu un
autre plus intelligent que celui-là, par exemple.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Comment s'appelait-il?
Mme Deschênes: C'était de la création
d'emplois. Il était tellement intelligent... Pour avoir droit à
l'assurance-chômage, il faut travailler vingt semaines. Le projet
était de seize semaines. Quand ils partaient, après le projet,
où allaient-ils? Ils étaient dehors, "rembarques sur le BS". Moi,
je ne pouvais pas travailler. Mon mari ne travaille pas depuis six ans et je
n'étais pas admissible pour travailler au projet. Cela faisait six ans
que je présentais des projets avec espoir. Je n'ai pas une santé
très forte, non plus, je n'ai pas la santé pour laver des
planchers, des plafonds et des murs.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pourquoi vous disaient-ils que
vous n'étiez pas admissible
Mme Deschênes: Parce que l'organisme est à but non
lucratif. Je suis membre du conseil d'administration de l'organisme. Quand je
présentais les projets... Oui, oui. Quand je présentais les
projets, je me disais: Au pis aller, si je ne peux pas travailler, on n'a pas
besoin de deux emplois, un suffit, mon mari pourra sûrement travailler au
pis aller et on pourra vivre. Il n'a pas été accepté non
plus, parce que c'était mon mari. Il aurait fallu que je le mette
dehors. Je l'aime trop, donc, je le garde.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Gardez le. Cela va pour le moment;
en vertu de la règle de l'alternance, Mme la
députée...
Le Président (M. Laporte): On pourrait peut être
souligner, avant de donner la parole à Mme la députée de
Maisonneuve, que, conformément à une décision qui a
été rendue ici antérieurement sur la
télédiffusion des débats à la commission
parlementaire, chacun des médias a la possibilité, au
début des travaux, de faire des prises de vue. Par la suite, on demande
toujours aux cameramen comme aux autres médias - c'est ce dont on
m'informe en ce moment... Lorsque les travaux ne sont pas
télédiffusés, qu'il n'y a pas eu d'autorisation à
cet effet, une permission est accordée aux médias afin de leur
permettre de prendre des parties de film ou des séquences au
début de la séance. Il faut permettre aux témoins de
s'exprimer dans la plus grande liberté et la plus grande aisance. En
conséquence, les cameramen ne peuvent filmer l'ensemble des travaux de
la commission. C'est simplement un bref rappel que je voulais faire avant le
début de l'intervention de Mme la députée de
Maison-neuve.
Mme la députée de Maisonneuve
Mme Harel: Mme Deschênes, je pense que vous seriez
plutôt d'accord, vous, que la télévision vous enregistre et
que l'ensemble de l'opinion publique sache ce que vous vouliez dire.
Mme Deschênes: Oui, parce que, quand une personne vit une
situation, c'est pareil ailleurs. ce sont les mêmes problèmes
qu'on vit dans toutes les familles.
Mme Harel: Alors, quand on dit que c'est en pleine
liberté, c'est pour ne pas réduire la pleine liberté des
personnes qui viennent devant vous. Je pense qu'au contraire c'est plutôt
assez malvenu, cette décision qui a été prise de ne pas
permettre la télédiffusion et nos travaux...
Mme Deschênes: Oui
Mme Harel: ...si tant est qu'il n'y avait pas
télédiffusion, tout au moins, ne pas permettre à des
postes qui voulaient le faire...
Le Président (M. Laporte): Mme la députée de
Maisonneuve, si vous le permettez, sans nécessairement entrer dans un
débat de procédure, je suis persuadé que...
Mme Harel: Pourquoi est ce que je vais vous le permettre, M. le
Président?
Le Président (M. Laporte): C'est simplement pour vous
rappeler que c'est une décision qui a déjà
été rendue antérieurement, des us et coutumes et je
Mme Harel: C'est une décision qui a déjà
été rendue antérieurement et que je conteste
toujours. Je pense avoir toujours la possibilité, tout au cours
de nos travaux, jusqu'à la fin de nos travaux, de le
répéter.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Question de règlement.
Le Président (M. Laporte): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II faut établir, devant les
gens qui sont ici, qu'il y avait eu une demande unanime de la commission pour
que les travaux soient télédiffusés. Moi aussi, j'aimerais
contester la décision sauf que cela fait sept ans que je suis ici et
à chaque fois que j'ai voulu contester la décision d'un
président de commission, on m'a dit: II y a des procédures
prévues au règlement, tu n'as qu'à t'en prévaloir.
J'aimerais faire de beaux discours aussi, M. le Président...
Mme Harel: M. le Président...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...et aller en appel.
Mme ,Harel: Cela, M. le Président, j'espère que ce
n'est pas du temps que le ministre va me gruger sur le temps de ma formation
politique.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, c'est seulement pour vous
dire que la demande de télédiffusion était unanime et si
vous désirez, Mme Harel, que l'on conteste conjointement...
Mme Harel: Alors, Mme Bouchard.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...je suis prêt à
contester conjointement.
Mme Harel: Mmes Deschênes et Bouchard, juste pour conclure.
C'est le président de l'Assemblée nationale qui a
décidé. Moi, j'avais contesté par écrit cette
décision et il a décidé que c'était la
télédiffusion des travaux et, s'il n'y avait pas de
télédiffusion des travaux, en l'occurrence comme ce
n'était pas possible, que les télévisions privées
ne pouvaient pas venir, si elles le souhaitaient, filmer pendant que les gens
nous parlaient.
Mme Deschênes: J'aimerais vous dire de ne pas rester
surpris parce que les assistés sociaux sont la classe la plus basse de
toutes. Il ne faut pas que cela aille à la télévision. Il
ne faut pas que les gens sachent qu'on est là.
Mme Harel: Mais cela vient quand même, Mmes Deschênes
et Bouchard. Je suis contente que vous soyez là. Je me rappelle,
à la fin de janvier, il me semble que c'est un des premiers
mémoires qui nous sont arrivés. Vous avez fait cela quasiment
dans les tourtières du Jour de l'an. Il me semble que vous nous l'avez
fait parvenir dès...
Mme Deschênes: Le tout début. Mme Harel: ...le
tout début.
Mme Deschênes: Justement, j'ai travaillé tout le
temps de la période des fêtes. Je n'ai pas arrêté.
Les fêtes, c'est minime.
Mme Harel: Je me rappelle, je crois que c'est le premier des
mémoires que j'ai lus. Cela m'intéressait de voir que cela venait
d'Hébert-ville. J'ai pensé que, d'une certaine façon,
comme les alouettes, vous annonciez... Comme les alouettes annoncent le
printemps, vous, vous annonciez qu'il allait y avoir, dans tout le
Québec, beaucoup de protestations contre le projet du ministre Paradis,
puisque cela venait de Lac-Saint-Jean, cela venait d'un comité. Vous
étiez déjà très bien informés. Vous aviez
donc dû avoir toute l'information. Je me suis donc dit: II va y avoir une
levée de boucliers que le ministre ne pouvait même pas imaginer
avant Noël, mais dont il se rend compte maintenant.
Tantôt vous disiez: On n'est pas toujours bien couverts, nous, les
assistés sociaux. Je pense que la commission parlementaire, elle, est
bien couverte. Comme c'est la première occasion que l'on a de se parler
depuis la fin de nos travaux, la semaine passée, je veux simplement dire
au ministre le message qui m'a été dit durant toute la fin de
semaine, par plein de monde, y compris quelques journalistes de la
région de Montréal: Le ministre, est-ce qu'il continue à
rire du monde comme cela en prenant tout le temps des séances de chaque
groupe pour leur raconter de quoi sont composés les
bénéficiaires de l'aide sociale?
On m'a dit de lui communiquer que c'était une sorte de gramophone
avec un disque usé. Pour les gens qui lisent les journaux au
Québec, cela fait cinq semaines qu'ils l'ont lu abondamment. Il n'est
même plus noté, le ministre, parce qu'il n'a rien d'autre à
dire que ce qu'il dit depuis cinq semaines et que tout le monde sait. Les gens
m'ont dit de lui faire le message que c'est su. Maintenant, on attend les
solutions. Ce sont surtout les solutions, dans son document, qui sont
contestées. C'est là-dessus qu'il devrait s'expliquer.
Mme Deschênes: Par exemple, Mme la députée,
j'aimerais lui faire une offre, au ministre Paradis. Qu'il vive trois mois avec
mon chèque de bien-être et moi, je vais prendre le sien pendant
trois mois. Lui, ce sera son chèque de paie, et moi, je vais lui donner
mon bien-être. Avec cela, je vais être capable de me faire une
épicerie, au moins.
Mme Harel: Mme Deschênes et Mme Bouchard, si vous me
permettez, on va examiner la question des jeunes.
Mme Deschênes: Oui.
Mme Harel: Tantôt, le ministre voulait faire son fin-fin en
vous parlant de M. Parizeau. Vous avez dû le penser. C'était de la
politique politicienne.
Mme Deschênes: Oui, oui.
Mme Harel: Le ministre sait très bien que ce qui
était proposé, ce n'est pas tout à fait ce dont il vous a
parlé. Ce qui était proposé, c'est que, pour les 18-20
ans, ce soit selon les revenus des parents. Je ne vous en parle pas pour vous
dire que je suis d'accord avec cela, je vous en parle pour vous dire que c'est
ce que proposait M. Parizeau, quand il était ministre des Finances.
Est-ce une bonne idée, pour avoir relu sa proposition? Ce dont on
peut se rendre compte, c'est qu'à 18 ans, quand on est adulte, on ne
devrait plus être sur le rapport d'impôt de ses parents parce que,
ce qu'il proposait, c'est que, selon le revenu, il y ait une exemption pour
enfant à charge. Je ne sais pas si, de ce temps-ci, vous avez vu le
rapport d'impôt. Avez-vous pris connaissance...
Mme Deschênes: II est malaisé à remplir, le
nôtre, hé?
Mme Harel: Très.
Mme Deschênes: Vous devez le savoir aussi.
Mme Harel: Oui. Très malaisé, Mme Deschênes,
et, plus encore, un des observateurs les plus chevronnés, M. Dubuc,
écrit dans La Presse: C'est bien plus compliqué de faire
un rapport d'impôt quand on n'a rien que quand on en a trop. Et c'est
tellement vrai que plein d'annexés... Et je suis en train d'en faire le
décompte pour le montrer aux journalistes d'ici. Les annexes, c'est
quand on n'a rien qu'il faut les remplir. Quand on a beaucoup, on peut
s'abstenir.
Mme Deschênes: Je voudrais vous dire un petit secret
là-dessus: Quand on se présente à l'aide sociale, on forme
un couple. Un homme et une femme qui restent ensemble, on est un couple. On ne
peut pas avoir l'aide sociale de la personne toute seule, seulement mon mari,
mais quand on nous envoie le petit T-4, ce n'est même pas ton
numéro d'assurance sociale qui est écrit, c'est ton petit
numéro de BS avec ta date de naissance. Ils savent quand tu es
né. Ils nous séparent: il y en a un qui a la moitié du
chèque et l'autre a l'autre moitié. Cela fait qu'on est
égal. C'est ce que je me demande: Comment se fait-il que, sur le rapport
d'impôt, il faut se séparer, puis on n'a même pas de rapport
d'impôt à faire?
Mme Harel: Faites-vous votre crédit d'impôt, par
exemple, pour le crédit de taxes de vente?
Mme Deschênes: Oui.
Mme Harel: Maintenant, au contraire, c'est quand vous avez
beaucoup de biens que vous en avez moins, puis quand vous n'en avez plus qu'il
vous faut faire des rapports d'impôts qui n'en finissent plus.
Mme Deschênes: Oui, c'est cela.
Mme Harel: Je voudrais simplement vous dire ceci concernant les
jeunes. M. le ministre faisait son fin-fin en vous parlant de M. Parizeau. La
question est: Est-ce qu'il vaut mieux en arriver à une fiscalité
individuelle et à une aide sociale individuelle?
Mme Deschênes: Oui.
Mme Harel: J'imagine que vous avez l'air d'avoir des idées
sur la question des couples ou la question des personnes seules.
Mme Deschênes: Oui. Cela réglerait bien des
problèmes par individu.
Mme Harel: C'est-à-dire que vous
préféreriez, par exemple, même en étant un
couple...
Mme Deschênes: Oui, c'est cela.
Mme Harel: Vous êtes mariée depuis des
années, je pense?
Mme Deschênes: Oui.
Mme Harel: Vous préféreriez que chacun ait son
chèque...
Mme Deschênes: Oui, c'est cela.
Mme Harel: ...et que ce chèque soit à votre
nom?
Mme Deschênes: Oui.
Mme Harel: C'est une des recommandations qui sont faites, entre
autres, par le front commun, par le Conseil du statut de la femme, par de
nombreux groupes qui recommandent, à ce moment-là, que l'on voie
totalement différemment la conception et le modèle que l'on se
fait jusqu'à maintenant de la famille. Finalement, quand on regarde
l'aide sociale, on se rend compte que c'est un peu comme la fiscalité.
Le modèle de la fiscalité, c'est que c'est bien plus
généreux quand vous êtes conjoints de fait que quand vous
êtes mariés.
Mme Deschênes: On se punit quasiment
parce qu'on est mariés.
Mme Harel: Dans la fiscalité et à l'aide sociale,
deux personnes seules ont ensemble plus qu'un couple.
Mme Deschênes: C'est cela.
Mme Harel: Ce qui fait que l'État est entré dans
les chambres à coucher, surtout depuis deux ans...
Mme Deschênes: Oui.
Mme Harel: ...pour essayer de réunifier ce qui n'avait pas
été décidé par les gens qui n'avaient pas
conclu...
Mme Deschênes: Aussi, il y a une affaire qui est
insupportable: Une personne qui reçoit de i'assurance-cnômage,
elle va faire une petite "binerie", elle essaie de poigner deux ou trois
petites "jobs", il n'y en a pas un qui va parler. Si un assisté social
se présente avec quelque chose, là tout de suite...
Mme Harel: Vous voulez dire que la pression du milieu, de
l'opinion publique est défavorable?
Mme Deschênes: Oui.
Mme Harel: Est-ce que cela va en augmentant? Pensez-vous que,
toute la question des enquêtes et de ce dont le ministre a parlé
depuis deux ans, cela a changé ou que c'est le même état
d'esprit qu'il y avait avant?
Mme Deschênes: Cela a empiré même. Ceux qui
ont des belles "jobs", ils nous regardent encore bien moins, mais ils
surveillent s'il y en a un qui fait une petite vesse de travers.
Mme Harel: Mais vous, Mme Deschênes, avez-vous l'impression
que cela s'applique à vous aussi?
Mme Deschênes: Oui. C'est à tout le monde. Cette
pression-là on la reçoit tous.
Mme Harel: Par ailleurs, vous êtes quelqu'un de connu et,
j'imagine, d'apprécié à Hébertville, pour le
travail que vous faites, votre dévouement.
Mme Deschênes: Non, c'est un déshonneur de dire
qu'il y a des assistés sociaux.
Mme Harel: Mais vous, en tant que personne à
Hébertville, les gens connaissent votre dévouement, et ils vous
en sont reconnaissants? Quelle est leur attitude à votre égard?
(16 heures)
Mme Deschênes: A notre égard, on est un
déshonneur. Je vous le dis, on a de la misère à percer. On
n'est pas capables d'avoir l'appui de la municipalité pour avoir des
locaux, et on n'est pas capables d'avoir l'appui de la caisse populaire pour
avoir un prêt pour acheter une maison pour se loger, en tout cas, pour
offrir nos services dans une ambiance... Mais là on est empilés.
J'aimerais que vous voyiez cela.
Mme Harel: L'organisme, le regroupement? Mme
Deschênes: Oui.
Mme Harel: Vous avez de la difficulté, comme regroupement,
à aller chercher de l'appui dans le milieu?
Mme Deschênes: Oui. Parce que c'est un déshonneur
que d'être des assistés sociaux. Et c'est cela que je ne supporte
pas. Aujourd'hui, c'est le rêve de ma vie de dire quelque chose en dehors
des quatre murs de ma maison, pour être entendue et dire qu'on a des
besoins! C'est le temps que cela change! Mais pour mieux et pas pour pire!
Mme Harel: Vous avez parlé, tantôt, des jeunes, des
jeunes femmes surtout qui étaient allées travailler avec vous au
regroupement pour des travaux communautaires.
Mme Deschênes: On a des femmes. On a mon mari qui fait
autant de bénévolat que moi, à 100 %. Je suis là le
matin à neuf heures. On dîne là. Mon mari vient me trouver.
Il y a des soirs qu'on soupe là et qu'on part de là à onze
heures.
Mme Harel: Les jeunes personnes qui sont allées pour les
travaux communautaires, est-ce que c'étaient surtout des femmes ou
des...
Mme Deschênes: On a deux femmes et un jeune homme.
Mme Harel: Un jeune homme. Vous aviez d'abord dit qu'il y en
avait d'Hébertville, mais là...
Mme Deschênes: Oui. Mme Harel: ...comme... Mme
Deschênes: C'est cela.
Mme Harel: ...ils avaient terminé leur année...
Mme Deschênes: Oui.
Mme Harel: ...il fallait aller les chercher ailleurs.
Mme Deschênes: Ailleurs.
Mme Harel: Que sont devenues ces personnes qui avaient fait les
travaux communautaires?
Mme Deschênes: Disons qu'elles travaillent encore à
des travaux communautaires. Cela va se terminer en octobre. C'est pour un
an.
Mme Harel: Qu'est-ce qu'il y a comme entreprises à
Hébertville?
Mme Deschênes: II n'y en a pas... Mme Harel: Comme
jobs?
Mme Deschênes: ...en général. C'est une
petite municipalité, ce n'est pas une ville. On se trouve à
être une paroisse voisine de Québec. On est en banlieue.
Mme Harel: De quoi les gens vivent-ils?
Mme Deschênes: Ce sont surtout des agriculteurs. Et il y a
Alcan.
Mme Harel: Est-ce qu'il y en a plusieurs qui vont à Alcan?
Alcan n'embauche plus là.
Mme Deschênes: Non, elle n'en prend plus. Mais ce sont
surtout des agriculteurs.
Mme Harel: Les bénéficiaires de l'aide sociale
sont-ils en général des familles ou des jeunes...
Mme Deschênes: Ce sont des familles, des familles
monoparentales. On a quelques jeunes. Mais il y en a encore, vous savez...
C'est gênant de dire qu'on est un assisté social parce qu'on sait
qu'on n'est pas accepté. Il y en a encore, dans notre milieu même,
de ces gens-là, dans notre paroisse, qui ne se sont pas encore
décidés à venir.
Mme Harel: Qui sont encore anonymes? Mme Deschênes:
C'est cela.
Mme Harel: Dites-moi, est-ce que... Vous avez parié des
dîners, des lunchs et de la fermeture de l'école secondaire...
Mme Deschênes: Oui.
Mme Harel: ...pour quelle raison? Cela a l'air de vous
préoccuper beaucoup.
Mme Deschênes: Cela a commencé avec les petites
écoles de rang. On a commencé par fermer les petites
écoles de rang. Je viens de là, moi, d'une petite école de
rang. En passant, j'ai deux ans et demi d'études. Cela fait que j'ai une
belle grosse instruction! Mais, en tout cas, disons que je me débrouille
assez bien parce qu'avec ma gueule je ne fais pas de faute. Je dis
peut-être des choses que je ne devrais pas dire, mais personne ne les
voit, en tout cas. Quand même ils les voient, partout où je me
suis adressée, j'ai toujours eu une réponse. J'ai même
déjà écrit au ministre Paradis.
Mme Harel: Avez-vous eu une réponse?
Mme Deschênes: Non, lui, il ne m'a pas comprise, par
exemple. Il m'aurait peut-être comprise quand il était dans
l'Opposition.
Mme Harel: II est devenu plus sourd. Mme Deschênes:
Oui.
Mme Harel: Si j'ai bien compris votre mémoire, ce qui est
pour vous un tracas, c'est que les enfants doivent manger à
l'école...
Mme Deschênes: Oui, c'est cela.
Mme Harel: Vous voulez dire qu'ils peuvent apporter leur
repas.
Mme Deschênes: Oui, c'est cela.
Mme Harel: Et vous pensez que c'est plus coûteux?
Mme Deschênes: Quand les miens sont allés à
Aima, ce n'était pas mêlant, ils ne mangeaient pas le midi parce
que je ne pouvais par leur donner d'argent. Cela coûtait 4 $.
Mme Harel: Vous voulez dire le repas chaud.
Mme Deschênes: Oui, un repas chaud ou... Mme Harel:
Un repas convenable.
Mme Deschênes: ...pour dîner à l'école.
Un repas convenable. Comment voulez-vous faire des sandwichs? Toujours des
sandwichs aux oeufs? On sait que les repas des assistés sociaux sont
composés à 95 % d'oeufs. Je vous dis que leur donner des
sandwichs aux oeufs pour dîner quand ils savent qu'en entrant le soir ils
vont peut-être manger des crêpes... Encore pour faire des
crêpes... On dit que c'est le repas le plus niaiseux, mais cela prend de
la graisse et il y a des fois qu'on n'en a même pas de la mosus de
graisse!
Mme Harel: En vertu de l'alternance, je vais...
Mme Deschênes: C'est dur de donner des crêpes dans
des lunchs, pour dîner.
Le Président (M. Laporte): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Combien de
temps me reste-t-il?
Le Président (M. Laporte): Combien reste-t-il de temps aux
diverses formations?
Une voix: Quatre.
Le Président (M. Laporte): Quatre pour M. le ministre
et... Merci. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais tenter, madame, de nous
replacer un petit peu dans le débat parce que, d'un côté
comme de l'autre de la table, on s'accuse souvent de choses et cela fait partie
du jeu politique. Mais il y a des éléments qui transcendent le
jeu politique.
On ne peut pas accuser un gouvernement, un ministre ou un
député de l'Assemblée nationale de tenter de
véhiculer une fausse image de l'assisté social et, en même
temps, l'inviter à se taire sur cette véritable image, comme l'a
fait Mme la députée de Maisonneuve.
Je pense qu'il existe dans la société de fausses
perceptions des assistés sociaux et l'une des façons de
rétablir ces perceptions, est d'en donner le vrai portrait à la
population. Tant que ce vrai portrait n'a pas pénétré, je
pense que le devoir d'un membre de l'Assemblée nationale, d'un ministre
et d'un gouvernement est de répéter ce message. Il n'y a pas
beaucoup de gens, dans la société, qui pensent que les
assistés sociaux ne se trouvent pas d'emploi à cause des carences
qu'on a mentionnées tantôt: la question de
l'alphabétisation, la question de la scolarisation et la question de
l'expérience antérieure de travail. Beaucoup de gens pensent que
les assistés sociaux ne sont généralement pas des
analphabètes, des gens qui ont besoin d'une scolarisation plus
poussée ou qui n'ont pas d'expérience antérieure de
travail. Je pense qu'il est de notre devoir, à vous dans votre
communauté, auprès de la mairie et des autres gens de la
municipalité, à Mme la députée de Maison-neuve dans
sa communauté et au ministre... Et qu'on souhaite me bâillonner
là-dessus lorsque je décris le portrait de l'assisté
social dans le but de dire que ce n'est pas facile pour cette
personne-là de se trouver un emploi, que dans certains cas c'est
impossible... Quand Alcan publie des offres d'emplois chez vous, est-ce qu'elle
exige au moins un secondaire?
Mme Bouchard: Elle demande l'équivalent d'un secondaire
V.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): L'équivalent d'un
secondaire V? Elle demande au moins cela. C'est impossible pour un
assisté social chez vous qui n'a pas son secondaire V de solliciter un
emploi même si cette personne veut aller travailler chez Alcan.
Tantôt, dans votre exposé du début, vous parliez de
la dame qui voulait aller travailler à éplucher des patates.
Mme Deschênes: C'est moi.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ah, bon! C'est vous, en plus de
ça.
Mme Deschênes: Vous l'avez. Elle est en face de vous.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Bon.
Mme Deschênes: Quand mon mari a arrêté de
travailler, je me suis dit: Je ne suis pas capable de laver des murs parce que
ma santé ne me le permet pas. Mais j'ai dit: "Câline",
éplucher des patates avec des couteaux, cela fait 40 ans que j'en
épluche, je suis capable. Je téléphone; on me demande:
Avez-vous de l'expérience? Je lui dis: Ça fait 40 ans que
j'épluche des patates. Elle me demande: Avez-vous déjà
travaillé dans des restaurants? Je lui ai dit: Non, mais je cuisine
à la maison depuis 40 ans. Cela ne comptait pas. On raccroche le
téléphone. Alors, j'ai dit: Envoie, Carmen! Assois-toi à
table et écris! C'est là que j'ai continué à fonder
l'association.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Écoutez, madame, ce que je
vous dis...
Mme Deschênes: On s'appelle les Gens oubliés de
Notre-Dame-d'Hébertville. Disons que le Regroupement des assistés
sociaux est un petit à-côté. Ce sont les Gens
oubliés parce que c'est vrai qu'on est oubliés, nous, les
assistés sociaux.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce que je vous dis, c'est que je
vais continuer à répéter votre message et je vais
peut-être ajouter votre exemple qui m'a frappé: Avez-vous une
expérience antérieure? Je vais dire: La dame d'Hébertville
à qui on a demandé une expérience antérieure de
travail a dit: J'en ai, mais elle n'est pas reconnue parce que j'ai
travaillé à la maison toute ma vie.
Je ne me tairai pas; je vais continuer à le répéter
au grand dam de ceux et celles qui ont une fausse image. Ils apprendront
à vivre avec la véritable image. Quant aux jeunes, par exemple,
madame, de 18, 19 ou 20 ans, c'est une autre altercation à laquelle vous
avez assisté; je ne sais pas ce qui s'est passé en fin de
semaine, j'ai appris, en lisant le livre blanc de M. Parizeau sur la
fiscalité, bien des choses là-dedans.
J'ai également suivi la campagne et le couronnement qui s'est
terminé la semaine passée et j'ai appris, il y a dix ou quinze
jours, que ce que M. Parizeau souhaiterait, c'est d'exclure les jeunes de 18,
19 et 20 ans de l'aide sociale. Je ne l'invente pas. Je l'ai pris dans une
entrevue qu'il a donnée au Soleil, aux journalistes Michel David
et André Forgues, à moins qu'ils n'aient également rien
compris. On a fait les projections
et cela exclut 30 000 jeunes.
On est contre cela. Quand Mme la députée de Maisonneuve
m'accuse de ne pas vous dire la vérité...
Mme Deschênes: Oui, mais vous étiez capable de le
faire aussi bien. Prouvez-leur que vous faites aussi bien qu'eux.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pire!
Mme Deschênes: C'est tout. Faites mieux pour voir. Essayez
d'améliorer notre situation. Prenez des jeunes; mes enfants ne sont pas
allés au cégep et à l'université. En tout cas, ils
ont quand même fini leurs études. J'en ai un qui est sorti
cuisinier...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quand vous dites qu'ils ont fini
leurs études, c'est le secondaire technique, ces choses-là?
Mme Deschênes: Oui, c'est cela, avec leur cours.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.
Mme Deschênes: J'en ai un qui est cuisinier. En cuisine, le
salaire minimum n'est pas tellement élevé. Ce n'est pas dans
notre place qu'il aurait été capable de se trouver un emploi.
Alors, il fallait qu'il aille à Aima. Là, il ne lui restait
absolument rien. Il s'était acheté une "minoune", comme c'est
bien spécifié dans le mémoire, mais, à un moment
donné, la "minoune" demande des réparations et il n'est pas
capable. Là, il dit: Je vais changer de métier parce que, dans
son cours de cuisine, il y avait autre chose aussi; il y avait la boucherie. Il
a postulé un emploi dans un abattoir et il est rendu là.
Savez-vous qu'on le demandait à une heure et demie de chez nous pour
aller travailler? Cela lui prenait de vingt minutes à une demi-heure
pour monter travailler à Saint-Coeur-de-Marie, pour finir à 16
heures. Est-ce que cela vaut la peine? Il a dit: En tout cas, je vais y aller;
cela va prouver que je veux travailler. Aujourd'hui, il est collé
là, mais il l'a gagné en liti", par exemple. On n'était
pas capables de l'aider, on n'était même pas capables de vivre
dans la maison.
Le Président (M. Laporte): Je m'excuse, M. le ministre. Le
temps étant malheureusement écoulé...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Juste pour une information.
À l'abattoir, combien est-il payé?
Mme Deschênes: Eh bien, maintenant, il est parti de chez
nous...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Rapidement.
Mme Deschênes: ...je ne m'informe pas de ses salaires, mais
il n'a pas tellement encore.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord
Le Président (M. Laporte): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, vous savez, demain matin
à 11 heures, je pense, la CEQ, la Centrale de l'enseignement du
Québec, va venir présenter son mémoire devant la
commission. D'une certaine façon, je pense que cela va être une
minute de vérité parce que le ministre me fait tellement penser -
je ne sais pas si vous vous rappelez les litanies de la Fête-Dieu, dans
le temps des grandes processions...
Mme Deschênes: Oui.
Mme Harel: ...où vous invoquiez tous les problèmes
du monde en disant: Ora pro nobis, sans avoir aucun moyen de trouver les
solutions.
Mme Deschênes: Je peux même les lui chanter, parce
que je me le rappelle.
Mme Harel: C'est exactement cela qu'il fait. Une sorte de litanie
qu'il continue. D'abord, il y a des faits dont il doit tenir compte et dont il
ne parle jamais. Il y a 33,5 % des bénéficiaires qui ont
complété leur secondaire, qui l'ont déjà
terminé totalement; cela veut dire un sur trois. À eux et
à elles, que propose-t-il comme qualification professionnelle? Que leur
propose-t-il comme plan de formation professionnelle? Un véritable
accès à de la vraie formation: il n'en parle pas.
Mme Deschênes: Non.
Mme Harel: Ceux dont il parle... Que fait-il pour qu'il y ait un
vrai plan de campagne de scolarisation pour l'autre tiers qui est en
difficulté d'analphabétisme? Il n'en parle pas. Oui, c'est grave
et c'est assez grave qu'on ne peut pas juste répéter cela, mine
de rien, sans mettre sur la table un plan de scolarisation. Savez-vous ce qui
se passe, Mme Deschênes et Mme Bouchard? Le ministère de
l'Éducation a même annoncé une réduction de ses
crédits au chapitre de l'éducation des adultes.
Vous comprenez qu'à un moment donné cela devient... On a
l'impression que le ministre vit dans un monde complètement imaginaire
et que, dans ce monde, les solutions vont venir comme par magie. C'est une
sorte de Pentecôte qui va s'installer. On ne sait pas comment cela va se
passer. Entre-temps, il y a un problème qu'il pourrait régler,
celui de l'équivalence des femmes. On retrouve cela dans votre
mémoire.
Mme Deschênes: Oui
Mme Harel: L'équivalence de l'expérience. Vous en
avez parlé dans votre mémoire. J'ai rencontré, en fin de
semaine, une dame qui me disait avoir été famille d'accueil avec
des enfants difficiles qu'elle a même adoptés, avoir mis sur pied
la garderie en milieu scolaire de son école, avoir mis sur pied le
comité de parents et n'avoir jamais pu se faire embaucher, non pas comme
directrice de la garderie, mais comme simple employée, parce que la
commission scolaire lui a dit: On regrette beaucoup...
Mme Deschênes: II faut être formé.
Mme Harel:... vous ne l'avez pas. Alors, pourquoi ne pas pousser
le dossier des équivalences scolaires, notamment, à
l'égard de l'expérience que les femmes ont acquise, qui est une
expérience considérable très souvent? C'est l'autre
aspect. Vous comprenez, avec l'expérience que vous avez, c'est certain
qu'il n'est pas dit qu'il n'y aurait pas lieu d'aller vous chercher des
équivalences. Les équivalences, on ne sait pas trop ce que cela
donnerait, mais cela pourrait être intéressant pour vous.
Mme Deschênes: II n'a pas pensé non plus - il a
pensé au monde de la ville aussi - que, dans les municipalités,
il n'y a absolument rien. Il n'y a rien.
Mme Harel: Vous voulez dire rien comme formation.
Mme Deschênes: Quand bien même je dirais: Demain
matin, je veux travailler... Dans notre municipalité, c'est impossible
pour une femme de travailler à part que d'aller travailler dans les
maisons privées. Il faut que tu te déplaces vers Alma, et de
l'emploi il n'y en a pas, et il n'y en aura pas plus l'année prochaine,
et il n'y en aura pas plus en 1989, quand la réforme de l'aide sociale
arrivera.
Mme Harel: Par exemple, voudriez-vous pouvoir vous faire
reconnaître des équivalences en termes d'expérience?
Mme Deschênes: C'est cela, et qu'il y ait des choses aussi
d'organisées...
Mme Harel: Est-ce que vous pouvez aller
présentement...
Mme Deschênes:... pour les paroisses.
Mme Harel:... à la commission scolaire? Pouvez-vous aller
présentement suivre des cours?
Mme Deschênes: Pas à Hébertville. Il faut
aller à Alma.
Mme Bouchard: II faut toujours se déplacer.
Mme Deschênes: II faut toujours se déplacer.
Mme Bouchard: II faut toujours se déplacer, tout le temps,
tout le temps. Même nos jeunes, s'ils veulent travailler, il faut qu'ils
se déplacent à l'extérieur.
Mme Deschênes: ils ne pensent pas à cela du tout, du
tout.
Mme Harel: Le bureau d'aide sociale est-il... Mme
Deschênes: II est à Alma. Mme Harel: À Alma.
Mme Bouchard: II est à Alma. Encore là, il faut se
déplacer.
Mme Deschênes: Là, tu ne marches que par
numéros encore, et si tu n'as pas de rendez-vous, tu ne peux pas passer.
Quand bien même tu irais... J'ai une lettre ici, justement des centres de
main-d'oeuvre, et je veux vous la montrer. C'est mon mari qui a demandé
un emploi depuis l'année passée. Il y avait la construction d'un
centre communautaire à Hébertville. On a dit: De l'ouvrage
proche. C'est de la construction, et mon mari avait toutes ses cartes. Il est
allé donner son nom au centre de main-d'oeuvre et, au centre de
main-d'oeuvre, les gens ne savaient même pas encore qu'il y avait une
construction d'annoncée quand il est arrivé. Il a donné
son nom. Là, depuis le mois de juin qu'on attendait. Il a donné
son nom à la municipalité. Cela a été remis de mois
en mois à aller virer jusqu'au mois de février. Au mois de
février, deux appels de la municipalité pour avoir les
renseignements. L'espoir était rendu au bout. On a dit: Enfin, on va
être capables de manger. Mais, au bout de quelques jours, je n'avais pas
eu de nouvelles. J'ai téléphoné à la
municipalité et ont m'a dit qu'il n'avait pas été choisi,
qu'il y en avait trop. (16 h 15)
Mme Harel: Voulez-vous lire la lettre?
Mme Deschênes: J'aimerais autant vous la donner. Je peux
vous la laisser en cadeau. "La présente a pour but de vous confirmer que
M. Jean-Marc Deschênes s'était bien inscrit à la
municipalité d'Hébertville de même qu'au centre d'emploi du
Canada pour travailler sur un programme de PDE du gouvernement
fédéral. "Cependant, M. Deschênes ne fut pas retenu lors de
la sélection effectuée par le conseil. Le nombre imposant de
candidats ayant postulé pour ces emplois a malheureusement conduit le
conseil municipal à mettre de côté certaines personnes qui
possédaient tout de même du bon potentiel. "Espérant ces
renseignements à votre entière satisfaction, veuillez me croire,
monsieur, madame... "
C'est Sylvain Lemay, notre secrétaire-trésorier.
Mme Harel: C'était un programme-Le Président (M.
Laporte): Malheureusement, Mme la députée de
Maisonneuve...
Mme Harel: ...c'était un programme
fédéral.
Le Président (M. Laporte): ...le temps est
terminé.
Mme Harel: C'est cela? C'est un programme PDE.
Mme Deschênes: Oui, mais cela ne fait rien. C'était
de l'emploi qu'on espérait et qu'on mûrissait.
Mme Harel: Bien sûr.
Le Président (M. Laporte): Malheureusement, le temps est
écoulé.
Au nom des membres de la commission, j'aimerais remercier le
Regroupement des assistés sociaux d'Hébertville pour la
présentation de leur mémoire, tout en leur souhaitant un bon
retour dans leur région. Merci beaucoup.
J'aimerais inviter maintenant les représentants de la Maison des
jeunes Saint-Jean-Baptiste à bien vouloir s'avancer.
La commission suspend pour une minute et quart.
Maison des jeunes Saint-Jean-Baptiste
Nous tenons à souhaiter la bienvenue aux représentants de
la Maison des jeunes Saint-Jean-Baptiste inc. Par la présente,
j'aimerais vous réitérer très brièvement la
procédure de la commission. Vous étiez présents lorsque je
mentionnais le mandat de la commission. Vous avez 20 minutes pour la
présentation de votre mémoire. Par la suite, il y aura 40 minutes
d'échanges avec les parlementaires.
J'inviterais le porte-parole, à tout le moins, à bien
vouloir s'identifier et, par la suite, chacune des personnes qui
l'accompagnent. La parole est à vous.
M. McKay (Sandy): C'est parfait Bienvenue et bonjour. Cela va
être une présentation collective, ce qui fait que cela va changer
de côté vite. Le bonhomme à la lumière,
j'espère qu'il va être bon pour suivre.
Je me présente. Je suis Sandy McKay. Je suis responsable du
projet 16-22 ans au sein de la Maison des jeunes Saint-Jean-Baptiste.
...À gauche...
Mme Lavoie (Raymonde): Je suis Raymonde Lavoie. Cela fait sept
ans que je travaille comme animatrice à la Maison des jeunes
Saint-Jean-
Baptiste.
Mme Partarrieu (Viviane): Je suis Viviane Partarrieu. Je suis
présidente du conseil d'administration de la Maison des jeunes
Saint-Jean-Baptiste.
M. Trépanier (Vincent): Je suis Vincent
Trépanier. Je suis animateur contractuel pour le moment à
la Maison des jeunes Saint-Jean-Baptiste.
M. Morel (Jean-Louis): Je suis Jean-Louis Morel, de la Maison des
jeunes Saint-Jean-Baptiste, travailleur.
M. Roy (Stéphane): Je suis Stéphane Roy Je suis en
stage en milieu de travail à la Maison des jeunes
Saint-Jean-Baptiste.
Le Président (M. Laporte): Merci.
M. McKay: La façon dont on veut procéder, c'est
simplement qu'au lieu de lire le texte que vous avez tous en main on va
procéder au résumé. Ensuite, chacun de nous va
présenter un petit discours très court, une présentation
pour vous donner une idée très claire de ce qu'on peut
représenter.
Le Président (M. Laporte): Vous avez toute la
liberté pour la présentation de vos exposés.
M. McKay: Parfait. Pour commencer, je pense qu'il est important
de souligner la présentation de Mmes Deschênes et Bouchard. Ce
n'était pas seulement poignant, pertinent, mais je pense
qu'elles-mêmes ont démontré clairement jusqu'à quel
point ce n'est pas vrai que, parce qu'on est bénéficiaire d'aide
sociale, on n'est pas intelligent.
La question qui vient à nos têtes, c'est comment peut-on
proposer une réforme où ces personnes seront
pénalisées après avoir travaillé des années
et avoir élevé une famille dans des conditions, parfois,
épouvantables? Comment peut-on prévoir une réforme
où elles seront coupées? On pourrait revenir à cette
question à la fin.
Pour commencer, c'est Raymonde qui va vous expliquer un peu notre
travail.
Mme Lavoie: Le projet de la Maison des jeunes existe depuis plus
de dix ans et nous travaillons également dans un HLM. Nous avons une
salle. Le projet s'adresse à des jeunes de 12 à 18 ans. On ouvre
du mardi au samedi, de 14 heures à 22 heures et, les fins de semaine,
jusqu'à 23 heures. C'est un endroit où les jeunes ont un
sentiment d'appartenance, parce qu'ils participent, ils s'impliquent, à
l'intérieur de la maison. Cela s'adresse à des garçons et
à des filles. Nos objectifs sont l'autonomie des jeunes et leur prise en
charge par eux-mêmes, ce qui
fait que tout ce qu'on fait comme activité, c'est pour qu'ils
arrivent à être autonomes. La situation physique: on est dans le
quartier Saint-Jean-Baptiste et la salle est au HLM de Bour-lamaque. La
majorité des familles sont des familles sur le bien-être
social.
Pour atteindre nos objectifs, on a différentes activités.
On fait des fins de semaine de groupes à la campagne, où il y a
partage des tâches - de bouffe, de vaisselle, de ménage - et des
discussions. Ensuite, il y a différents ateliers qui se donnent à
la Maison des jeunes: l'atelier de menuiserie, de musique, de vidéo, de
cuir. On fait beaucoup d'autofinancement aussi pour avoir des projets
spéciaux avec les jeunes, parce qu'on paie toujours la moitié des
activités pour leur permettre d'y assister.
On intervient beaucoup également; on vient en situation d'aide.
Ce qui différencie notre travail de celui des travailleurs sociaux,
c'est qu'on est en lien direct avec les jeunes et partout: dans la rue,
à l'école, à la maison, dans les familles
également. On aide beaucoup les familles monoparentales. Dans la
majorité des cas, ce sont des femmes qui sont seules avec leurs jeunes.
Notre disponibilité est très large. À chaque fois qu'un
problème se présente, on est disponible pour aider. Par exemple,
les problèmes de suicide, d'inceste, de drogue, de prostitution, les
problèmes de communication avec les parents, les problèmes
à l'école. On les appuie tout le temps et on est toujours
présent auprès des jeunes et des parents.
Nous sommes en mesure de parler des problèmes que vivent les
jeunes sur le bien-être social, parce qu'on les côtoie
quotidiennement. Ce qui nous inquiète aussi beaucoup, c'est que nous
risquons de nous ramasser sur le BS également, parce qu'à chaque
année on doit refaire nos demandes de subvention et chercher de l'argent
pour continuer. Il y a beaucoup de bénévoles qui travaillent
également avec nous.
En tout cas, vous me poserez des questions si vous voulez en savoir
plus. Je pense que j'ai fait un peu le tour de dix ans.
M. McKay: Maintenant, c'est Vincent qui vous donnera le
résumé du mémoire qu'on a déposé.
M. Trépanier: Pour préparer notre mémoire,
d'abord, l'analyse qu'on a faite du document d'orientation "Pour une politique
de sécurité du revenu", cela a été d'essayer de
comparer les différentes réformes à des cas concrets,
à des gens qui existent, pour voir dans quelle mesure ça
affecterait vraiment leur vie. Finalement, il y a des gens qui vont
témoigner là-dessus. Cela nous a amenés à proposer
certaines corrections à des situations qu'on trouve inacceptables.
Pour commencer, l'indépendance des personnes. Nous exigeons que
les trois mesures: responsabilités parentales, partage des logements et
responsabilités solidaires des conjoints soient retirées et que
l'indépendance des personnes à partir de 18 ans soit
réaffirmée.
Le travail au foyer. Cela rejoint un peu les groupes qui
témoignaient avant nous. Nous exigeons que le travail au foyer soit
reconnu, que les parents aient droit aux prestations maximaies de l'aide
sociale et que les démarches qu'ils ou elles entreprennent pour entrer
sur le marché du travail ou retourner aux études s'effectuent sur
une base volontaire et soient soutenues par l'État.
Les besoins spéciaux. Nous exigeons que les besoins
spéciaux soient maintenus et que les montants alloués soient
conformes à la réalité. On a ajouté: surtout dans
le cas des enterrements, parce que cela a l'air que les
bénéficiaires d'aide sociale n'ont même pas les moyens de
mourir.
Stages en milieu de travail. Nous demandons que les stages en milieu de
travail soient associés à l'obligation de l'employeur de garder
les personnes avec salaire pour une période minimum de deux ans. Il est
illogique et discriminatoire que les personnes admissibles à un
programme et désireuses de s'y inscrire, mais qui ne peuvent le faire,
reçoivent des prestations moindres que les personnes participant
à de tels programmes. Pour corriger cette situation, nous demandons
à l'État de s'engager à fournir un stage à toute
personne qui s'inscrit dans le programme APTE ou à lui payer les
mêmes montants que la personne qui participe déjà.
En ce qui concerne le rattrapage scolaire, nous demandons que le
gouvernement du Québec s'engage à fournir toutes les ressources
scolaires nécessaires pour répondre à ces besoins
nouveaux. Nous demandons que les cours aux adultes favorisent une approche
globale intégrée et comprehensive du vécu des
bénéficiaires, de leurs besoins spécifiques, et que les
professeurs soient choisis en fonction de cette approche.
La parité. Nous exigeons que le gouvernement accorde
immédiatement la parité pour les moins de 30 ans et ceci aux
barèmes en vigueur avec indexation.
Pour terminer, le projet de réforme a été
préparé sans aucune véritable consultation populaire.
Donc, nous demandons qu'après le dépôt de la Loi sur l'aide
sociale à l'Assemblée nationale soit tenue une vraie consultation
populaire, sur une base régionale.
M. McKay: Maintenant, Jean-Louis va vous raconter sa vie, en deux
minutes.
M. Morel: Je suis allé à l'école comme tout
le monde. À l'école secondaire, j'ai suivi jusqu'en secondaire
IV, et cela allait très bien. À un moment donné, je me
suis dit: Tout le monde va dans les mêmes branches, et, moi, ce que je
voulais faire, c'était plus aller dans la construction, ce que je
voulais faire, c'était un métier professionnel. Donc, je suis
sorti du secondaire IV pour redescendre en secondaire I. J'ai tout
repris pour suivre le métier de briqueleur maçon. J'ai
fait cela pendant quatre ans. Je suis reparti du secondaire I, mais
professionnel I, II, III, IV. Puis, je suis sorti. On suit tout le cours et
tout le long, c'est la romance: Tu vas avoir tes cartes et tu vas travailler
plus tard. Cela a bien été dans mon cas. Je suis sorti avec mon
diplôme. J'ai fait un stage en construction. L'employeur était
prêt à me garder parce qu'il n'y avait pas beaucoup de jeunes dans
ce métier. À trois reprises, on a fait les démarches pour
obtenir mes cartes d'apprenti. À trois reprises, cela a
été négatif de la part de l'Office de la construction; on
disait qu'il n'y avait pas d'ouvrage. J'avais l'emploi déjà, mais
cela a été bloqué carrément. L'employeur a dû
me congédier à cause de cela. Dans le métier que j'avais,
c'était la même histoire pour la plupart des gens qui ont suivi le
cours, sauf pour ceux dont le père était déjà
briqueleur.
La question que je pose est celle-ci. Pourquoi ne pas m'avoir
donné mes cartes d'apprenti? Je pouvais travailler, j'avais la chance,
j'avais l'employeur qui était là pour me soutenir. Comment
voulez-vous qu'on soit stimulé à suivre des cours professionnels
quand on est toujours face à des situations de refus et de blocage?
Quand ce n'est pas de la part du patron, c'est de la part du gouvernement?
Est-ce la faute des jeunes ou celles du système s'il n'y a pas de
travail?
Il y a aussi présentement des usines de chaussures qui sont
fermées pour au moins trois semaines ou peut-être plus. Je connais
des gens qui travaillent là. Avec le libre-échange, c'est une
tout autre histoire: l'usine est fermée complètement pour trois
semaines ou plus. Tout le monde se retrouve mis à pied. Ce sont toujours
des cas comme cela.
Moi, après mon stage, je me suis retrouvé sur le
bien-être social. Quand j'étudiais, je travaillais en plus dans un
restaurant pour arriver, payer mes petites sorties et tout cela. J'ai fait mon
bout, je pense.
M. McKay: Jean-Louis il représente la première
génération des jeunes chez nous. La deuxième
génération devait être représentée par
Stéphane Paradis, qui est malheureusement à l'école, en
travail scolaire. Le problème vécu par Stéphane et
certains autres chez nous, que ce soit Graig, Jeff et d'autres, c'est qu'ils
font le cours professionnel court ou long, mais ils sont repoussés au
primaire à cause du français. C'est très bien de vouloir
améliorer le français. Qu'est-ce que cela veut dire
concrètement pour des jeunes en cours professionnel court, qui ont de 18
à 21 ans, donc qui sont admissibles à l'aide sociale? C'est
qu'ils sont repoussés, vous pouvez le vérifier, au primaire
à cause du français à peu près comme le mien. Cela
c'est la deuxième génération actuellement, chez nous,
c'est le problème qu'ils vivent et pourquoi ils sont sur l'aide
sociale.
(16 h 30)
Nous allons passer à Stéphane Roy qui va nous parler plus
spécifiquement des stages en milieu de travail.
M. Roy: Je suis en stage à la Maison des jeunes et
j'aimerais qu'on améliore les stages pour que le gouvernement exige que
l'employeur, à la fin du stage, offre un emploi de deux ans avec un bon
d'emploi. Présentement, de la façon que cela fonctionne, le jeune
est en stage pendant un an. Après, il se trouve à revenir sur le
bien-être à 178 $. Je pense qu'on devrait donner la
possibilité... En plus, le jeune n'a pas la possibilité de faire
un autre stage. Tu as un an et c'est fini. Le jeune se retrouve encore sur le
BS, sans emploi. Je pense que ce genre de stage n'est pas bon pour le jeune.
C'est mieux pour l'employeur, parce qu'il donne moins de salaire. Bien des
fois, on a de la misère à avoir ce qu'on veut, notre paye.
Le jeune, en plus, quand il sort de là, il est obligé de
se trouver une "job" comme plongeur. Moi, cela ne me valorise pas trop d'aller
travailler comme plongeur. Je pense qu'on n'est pas supposé laisser un
jeune dans une situation pareille.
Il y a une expérience que je suis en train de vivre
présentement. J'habite un 3 1/2 pièces avec deux amis parce que
je ne suis pas capable de me payer un appartement tout seul. Avec la
réforme que vous proposez, je perdrais 115 $ par mois parce que j'habite
avec deux amis. On ne serait pas supposé enlever 115 $ à un jeune
qui se débrouille à sa façon à lui, pour payer
moins cher de loyer.
Le jeune n'est pas incité à se lancer dans la vie pour
devenir plus autonome. En s'en allant, il est perdant, on lui enlève 115
$. Le jeune va demeurer chez sa mère. Comme je ne suis pas trop
intéressé à demeurer chez mes parents, à cause des
conditions de vie qu'il peut y avoir... Avec la réforme que vous
proposez, ce n'est pas très intéressant. Je perdrais 115 $.
Pensez-vous que...
On ne devrait pas toucher au bien-être social d'un jeune qui se
débrouille pour payer moins cher. Cela n'a pas de bon sens.
J'espère que vous allez retenir ce que je viens de dire. C'est
important. La situation est dramatique pour les jeunes au Québec. Quand
on vit des problèmes de survie, on se retrouve seul à les
affronter. Merci.
M. McKay: On va passer à notre présidente, Viviane
Partarrieu.
Mme Partarrieu: Depuis six mois, je travaille à temps
partiel, c'est-à-dire sur appel. Vu que j'ai un enfant, j'ai droit
à un montant de 45 $ de plus par mois. Si je travaille, disons, un jour
par mois, je peux rentrer dans mon argent, mais, quand on travaille cinq, six
jours, des fois sept, huit, à ce moment-là, mes 45 $ ne sont
plus là. J'emprunte encore en plus sur mon chèque d'aide
sociale. Ce qui fait que j'ai encore moins que ceux qui sont réellement
sur le bien-être social. Je voudrais savoir depuis combien de temps cela
n'a pas été indexé au coût de la vie, le fameux
supplément. Je pense que cela doit faire plus d'une dizaine
d'années, à peu près. Tout augmente. Les transports en
commun aussi ont augmenté. Mais cela n'a jamais bougé. C'est
tout.
M. McKay: Excellent, Viviane. En plus d'être
présidente de notre CA, elle est mère de trois enfants, en plus
de faire le travail qu'elle fait, dans un hôtel ici en bas de la
côte. Je veux souligner son travail auprès de nous, à
soutenir les démarches qu'on fait. On la remercie
énormément.
Savez-vous que si jamais elle laissait savoir au bien-être social
qu'elle faisait trop de bénévolat, dans le cadre d'un projet,
elle pourrait se faire sévèrement réprimandée?
Parce qu'elle fait trop de bénévolat et qu'elle n'a pas
nécessairement le droit. Pour terminer, on va passer à Vincent,
qui va parler de...
Une voix: ...contribution alimentaire.
M. Trépanier: Moi, j'ai une formation en
électronique appliquée aux micro-ordinateurs. Je n'ai pas
reçu mon DEC. Il me manque un cours de français et un cours de
philo. Présentement, je n'ai pas le temps de les faire non plus, ce qui
fait que je n'ai pas réussi à me trouver un emploi permanent dans
ce domaine. Je travaille à contrat, d'un bord et de l'autre.
Présentement, je suis à contrat avec la Maison des jeunes et cela
ne va pas vraiment dans le sens de ma formation non plus.
Pour le moment, cela va, j'ai des contrats. Mais si à un moment
donné je me retrouve sur l'aide sociale, avec ma situation, avec la
réforme, mes parents auraient une contribution alimentaire à
payer. Mon père est à la retraite. Il a quand même une
maison à payer. Je me vois très mal arriver et lui annoncer qu'il
a un montant à payer parce que je n'ai pas réussi à me
trouver de l'ouvrage. Je ne vois pas non plus pourquoi, lui, il aurait un
montant à payer là-dessus.
M. McKay: Pour le moment, cela termine nos présentations.
Juste une question avant de se lancer dans la période de questions. On a
réussi à avoir des informations du bureau du ministre Paradis en
rapport avec les chiffres. C'est Mme Dussault qui nous a répondu. Je ne
sais pas si elle est là. Je souligne que c'est après trois appels
téléphoniques très difficiles desquels on n'a pas eu
satisfaction que l'on est finalement tombé sur Mme Dussault, qui
était très coopérative et qui nous a donné de
très bonnes informations, claires et précises. Elles ont
été bien appréciées. Si le bureau de l'aide sociale
est aussi difficile d'accès que vos bureaux, M. le ministre, vous
comprenez les problèmes que peuvent vivre les
bénéficiaires de l'aide sociale quand ils
téléphonent au bureau. Alors, chapeau à Mme Dussault.
Selon les chiffres du mois de novembre, on aura 46 000 personnes de
moins de 30 ans à 188 $ par mois. C'est vrai, c'est ce qu'on avait dit.
Seulement 18 % sont dans des programmes. Mais c'est 18 % de l'ensemble des 115
000 personnes de moins de 30 ans qui sont bénéficiaires de l'aide
sociale: il y a 21 000 personnes qui sont dans les programmes. Alors, où
passent toutes les autres personnes? Il y a une différence de 30 000
personnes, des jeunes qui ne sont pas dans les programmes et qui sont à
188 $. Avec Mme Dussault on a eu une bonne discussion et elle m'a
répondu que ce sont des personnes au foyer. C'est possible qu'une partie
d'entre elles soient au foyer, mais il y en a un bon nombre qui ne sont pas au
foyer, qui veulent travailler et qui veulent entrer dans les programmes. Ce que
Stéphane n'a pas souligné, c'est qu'il est resté un an et
demi à attendre avant d'entrer dans le programme Stage en milieu de
travail. Il est entré seulement quand il est arrivé au bureau de
l'aide sociale ici à Québec, dans un grand centre, avec son
employeur. Alors, on a de la difficulté à comprendre et à
accepter que toute personne, tout jeune de moins de 30 ans qui désire
travailler dans un programme puisse le faire aujourd'hui. C'est simplement cela
avant d'entrer dans la période de questions.
Le Président (M. Laporte): Merci bien.
M. McKay: Une question de procédure, M. le
Président.
Le Président (M. Laporte): Oui.
M. McKay: On revient avec une conclusion?
Le Président (M. Laporte): Pour vous expliquer
brièvement, vous avez 20 minutes pour la présentation et, lors de
l'échange avec les membres de la commission, vous pouvez, à
l'intérieur du délai qui vous est imparti, faire valoir
l'ensemble des arguments que vous avez.
M. McKay: Parfait.
Le Président (M. Laporte): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie la Maison des jeunes
Saint-Jean-Baptiste inc. et pour son mémoire écrit et pour ses
témoignages concrets qui nous décrivent une situation avec
laquelle les gens pour qui vous oeuvrez sont aux prises dans leur quotidien. Ce
n'est pas à la demande de Mme la députée de Maisonneuve,
mais je ne vous brosserai pas le tableau de l'assisté social. Vous
étiez présents dans la salle et vous le possédez bien.
J'ai quelques questions précises, dans un
premier temps, sur le fonctionnement de votre organisme. J'ai
retrouvé deux données: le projet 16-22 ans dans votre maison des
jeunes et j'ai également, à moins que mon oreille m'ait trahi un
peu, compris que vous vous occupiez des jeunes de 12 à 18 ans. C'est
quoi exactement, pour que j'en possède bien l'image, votre
clientèle chez vous?
Mme Lavoie: La maison que les jeunes fréquentent - parce
que c'est un lieu de rencontre et un lieu où les jeunes peuvent
organiser des activités - s'adresse aux jeunes de 12 à 18 ans.
Mais on aide les jeunes, on a un projet qui s'appelle Logis autonome pour les
jeunes de 16 à 22 ans qui veulent être autonomes, avoir leur
chambre ou leur appartement. Alors, on a ce projet-là pour les aider
à avoir... C'est une maison d'hébergement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Depuis combien de temps
oeuvrez-vous?
Mme Lavoie: La maison des jeunes oeuvre depuis 1976.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Depuis 1976. Donc, vous avez une
bonne profondeur d'expertise, si vous me permettez le commentaire.
Mme Lavoie: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aimerais... Oui, M. McKay.
M. McKay: Normalement, une maison de jeunes c'est pour les jeunes
de 12 à 18 ans. Chez nous, la politique est que, si le jeune, homme ou
femme, désire s'impliquer et faire une démarche positive, il
reste membre en acceptant de prendre des responsabilités. Il y a deux
dossiers dans lesquels nous nous sommes impliqués beaucoup depuis 1978,
soit celui du rattrapage scolaire et, maintenant, toute la question du
logement. Parce que vous pouvez comprendre qu'avec 188 $ la question du
logement est critique. Dans un quartier comme le nôtre, à la haute
ville... Saint-Jean-Baptiste, c'est un quartier qui était dit populaire,
mais cela a changé, c'est sûr. Les loyers, vous pouvez
imaginer...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aimerais m'étendre
davantage, mais je pense que je suis un peu comme vous, encarcané par le
temps. Il y a des révélations qui m'ont - je le dirai le plus
modestement possible - stupéfait. Je ne mets pas en doute ce que vous
m'avez dit, mais mes questions vont s'adresser à M. Morel. Toute la
question de la construction, votre ascenseur de haut en bas dans le secondaire,
le choix de votre orientation et vos demandes auprès de l'Office de la
construction du Québec. Cela m'a surpris parce que là il y a
conjugaison et de mes respon- sabilités comme ministre du Travail, d'un
côté, et comme ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, de l'autre côté, et cela semble
être un dossier catastrophique à première vue.
Quand avez-vous fait vos demandes auprès de...? Quand,
finalement, avez-vous terminé votre cours secondaire en
construction?
M. Morel: Je suis sorti de l'école en 1980. M. Paradis
(Brome-Missisquoi): D'accord.
M. Morel: J'ai fait un stage au mois de juin, avant la fin de
l'école. J'ai fait un stage de trois semaines sur un chantier de
construction au complexe Saint-Amable, ici, tout près. Pendant mes trois
semaines, l'employeur m'a dit: Bon, tu es pas pire. J'aimerais bien cela te
garder. Il n'y a plus de jeunes dans ce métier-là. C'est la
relève...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais tu n'avais pas le droit.
M. Morel: II a dit: On va faire la démarche ensemble pour
sortir les cartes. Parce qu'il fallait qu'il me garantisse un certain nombre
d'heures. Il me les a garanties et...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et tu n'as pas eu de carte.
M. Morel: ...à trois reprises...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que vous vous êtes
ré, ré, ré, ré-essayé au cours de
l'été passé?
M. Morel: Au cours de l'été passé? Non.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.
M. Morel: Mais je me suis essayé à nouveau en
1983.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais vous dire que cela me
soulage un peu que ce que vous m'avez décrit comme situation ne soit pas
survenue au cours de l'été passé. Parce que le
gouvernement a changé la loi dans la construction. L'Office de la
construction a été remplacé par une Commission de la
construction du Québec et un des objectifs visés par la loi
était de permettre à des jeunes comme vous d'avoir accès
aux métiers de la construction. Vous avez complètement raison de
décrier le système. Vous n'aviez pas droit au travail dans ce
système-là. On l'a changé. Maintenant, on m'a
informé, comme ministre, que tous les jeunes diplômés de
l'an passé y ont eu accès. Et, dans le métier que vous
mentionnez - je le cite presque par coeur - briqueteur, il y a des
pénuries. Je pense qu'il n'y a pas une région au Québec
où
on en a suffisamment. Je ne veux pas m'étirer sur votre cas. Ce
que je vous incite à faire... Je pense que les bassins sont, dans
chacune des régions, en bas de 10 %. Vous y avez droit aujourd'hui,
grâce à une loi qui a été adoptée sur
division, si je me souviens bien, à l'Assemblée nationale, en
décembre de l'an passé. Cela vous donne votre droit au travail
dans ce domaine-là. C'est un domaine, si vous le trouvez
intéressant, où il y a pénurie et où vous rendriez
service à la société, si cela fait encore votre affaire.
Maintenant, si vous aviez des difficultés, je vous prierais de m'en
tenir informé, mais normalement, si le système administratif
fonctionne bien, depuis le mois de juin cette année, les
difficultés que vous avez décrites n'existent plus et c'est pour
cela que j'ai un petit peu sursauté quand vous m'avez décrit
cette expérience-là. Mais elle était vrai de 1978 à
1986. La situation que vous avez décrite a été
vécue par plusieurs jeunes au Québec.
La deuxième question - et j'espère que cela va être
aussi facile dans ce cas-là, mais j'en doute - s'adresse à Mme la
présidente. Vous m'avez décrit une situation que je n'ai pas
complètement saisie. J'ai saisi que vous travaillez à temps
partiel...
Mme Partarrieu: Oui.
(16 h 45)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...c'est la question des 45 $ que
je n'ai pas complètement saisie. Vous avez fait illusion, à un
moment donné, à un montant de 45 $, soit pour des frais de
garderie ou pour quelque chose. Je n'ai pas bien saisi sur le plan technique
votre...
Mme Partarrieu: Non, c'est un supplément qu'on a le droit
de gagner en étant sur le bien-être social.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Les 40 $ par famille
plus 5 $ pour l'enfant.
Mme Partarrieu: Plus 5 $ par enfant.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Parce que rien ne vous
est remboursé, au moment où on se parle, quand vous travaillez
sur le marché du travail comme tel.
Mme Partarrieu: Non.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On parle des exemptions des gains
de travail. Ce que la réforme propose, c'est de haussera 140 $...
M. McKay: 140 $.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le minimum, c'est 100 $ par mois;
le hausser de...
M. McKay: 140 $, pour une femme seule avec enfant; 140 $.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En tout cas, cela vous donnerait
une marge additionnelle de 95 $. Sans prétendre que c'est parfait,
disons qu'il s'agit là d'une des bonifications que nous tentons
d'apporter. De plus - et je ne sais pas si vous l'avez vérifié
dans votre cas personnel - si vous devenez admissible au programme APPORT, il y
a possibilité de couvrir jusqu'à 50 % des frais de gardiennage,
quel que soit le mode que vous choisissez.
Mme Partarrieu: Oui, mais elle a plus de deux ans. Elle est
rendue à onze ans. Je ne suis pas prête quand même, à
la laisser seule à onze ans, de 8 heures le matin à 17 heures le
soir. Je ne paie pas une gardienne à temps complet, mais je paie
quelqu'un pour la surveiller un petit peu. Je ne peux pas la laisser toute la
journée toute seule vu que je travaille les fins de semaine surtout.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Surtout les fins de semaine?
Mme Partarrieu: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que vous avez
vérifié si vous étiez admissible, dans le cadre du
programme APPORT, entre autres, au supplément de revenu?
Mme Partarrieu: Je ne suis pas au courant de cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous ne l'avez pas
vérifié? D'accord, cela va.
M. McKay: On va la mettre au courant, mais elle ne travaille que
de petites heures en vue d'avoir une place dans un grand hôtel ici. Par
contre, sous la réforme, elle tombera au barème minimum auquel on
ajoutera l'argent qu'elle va gagner jusqu'à équivalence de 140
$.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce qu'il faut comprendre, c'est
qu'il y a passage entre le programme APTE et le programme APPORT. Lorsqu'il y a
participation sur le marché du travail, même si c'est à
temps partiel, et qu'un minimum est gagné, le programme APPORT entre en
supplément du programme APTE et c'est ce qui est important de
vérifier pour avoir son portrait exact, et pour voir si on sera ou non
avantagé. Si on ne regarde pas le programme APPORT, il se peut qu'on se
pense désavantagé, mais, lorsqu'il y a revenu de travail minimum,
le programme APPORT embarque et, à ce moment-là, on peut passer
d'une situation de désavantagé à une situation
d'avantagé. Je le souligne comme cela, tout simplement.
En vertu de la règle de l'alternance, peut-être Mme la
députée de Maisonneuve?
Le Président (M. Laporte): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Certainement, M. le Président. J'ai
assisté à la présentation de votre mémoire avec
beaucoup d'intérêt. Je trouve qu'il va nous amener à un
échange extrêmement intéressant, parce que votre
mémoire va au coeur de Popé-rationalisation" de la
réforme. Je pense que vous êtes vraiment allés à
l'essentiel. Par exemple, à la page 7, une des recommandations que l'on
retrouve, et je la lis, est la suivante: "Nous exigeons que ces trois mesures -
et là vous faites référence à la dépendance
auprès des parents, soit la contribution parentale, le partage du
logement et la responsabilité des conjoints - soient retirées et
que le principe de l'indépendance des personnes de plus de 18 ans soit
réaffirmé." J'aimerais beaucoup qu'on reparte de cette
recommandation que vous faites.
De nombreux groupes se sont présentés devant la
commission. Entre autres la Ligue des droits et libertés a fait tout un
travail sur la question du statut marital. Ils sont venus devant la commission
et ils ont exposé le fait que les barèmes d'aide sociale sont
actuellement plus avantageux, économiquement, pour des adultes
considérés comme des personnes seules. Ils ont, par exemple,
établi que deux personnes seules reçoivent présentement
466 $ fois deux, soit 932 $ et que, un couple ou l'entité qui forme un
couple - cela ne veut pas nécessairement dire marié, mais ce qui
est présumé l'être - reçoit 741 $; que la
différence est de 191 $ et donc que les efforts ont été
investis de manière à présumer le plus possible que des
personnes vivant en couple, tout au moins quand elles sont de sexe
différent, de manière, dit-on au ministère et
répète le ministre, à ne pas être inéquitable
à l'égard des couples.
Tantôt, j'entendais le ministre dire qu'il y avait eu une mauvaise
perception de la part de la population. Il faut dire que cette mauvaise
perception a été beaucoup alimentée avec les
enquêtes. D'ailleurs, j'aimerais savoir - puisque vous vivez dans le
quartier Saint-Jean-Baptiste, qui est un peu l'équivalent du quartier
dans lequel je vis a Montréal - si vous avez l'impression que cette
perception, ces perceptions fausses ont été aggravées par
toute la question des enquêtes, toute la question de la vie maritale, si
cela vous a été rapporté, si l'expérience
vécue vous a été communiquée.
Tantôt, - j'ai juste ton nom, c'est M. Roy - vous disiez je pense
que vous étiez trois à habiter ensemble. Donc, c'est chacun de
vous qui perdriez 115 $.
M. Roy: Non, c'est juste moi qui suis bénéficiaire
de l'aide sociale présentement.
Mme Harel: Alors, ce ne serait que toi, à ce
moment-là, qui perdrait. Tes deux autres compagnons ou compagnes
travaillent. C'est cela? M. Roy: Oui.
Mme Harel: Mais imagine des cas qui se sont
présentés devant la commission où il y a finalement trois
jeunes qui s'entraident en partageant un logement; pour chacun cela veut dire
un montant de 115 $. Donc, cela peut vouloir dire, à la limite, 445 $ en
moins pour le mois. Oui, vous vouliez...
M. McKay: Je voudrais souligner, concernant les amis dont
Stéphane parle - les trois vivent ensemble - que les deux autres sont un
livreur de poulet, et justement il a livré du poulet au bureau de M.
Paradis, il y a quelques semaines et le deuxième - on est bien
informé, nous autres - c'est un aide-cuisinier dans un restaurant. Donc,
ce sont de très petits travailleurs, susceptibles d'être
bénéficiaires de l'aide sociale un jour. Ils risquent de perdre
445 $ avec la réforme.
Mme Harel: J'ai l'impression que le coeur de tout le débat
que la société doit faire sur cette question de
sécurité du revenu, il est sur la question de considérer
ou de ne pas considérer des personnes comme indépendantes. Parce
qu'après cela c'est comme un échaffaudage et, si on le construit
sur un terrain argileux, quoi que l'on fasse il enfoncera. Par exemple,
après cela, tous les autres programmes, même ceux qui partent des
intentions les plus généreuses, comme APPORT, pour les personnes
qui vont sur le marché du travail, les chiffres révèlent
qu'APPORT va décourager le travail de la deuxième personne, la
femme mariée en fait, puisque les chiffres de subventions d'APPORT vont
faire en sorte que, tout calculé, ce deuxième travail ne sera pas
vraiment assez bénéfique pour être
réalisé.
Tout est centré sur le revenu familial. Là où il
n'y a pas de famille, il faut comme en recomposer une. Alors, là, par
exemple, où deux chefs de famille monoparentale et les enfants habitent
ensemble pour pouvoir s'entraider, ou là où des personnes seules,
des jeunes ou des personnes âgées qui n'ont pas encore 65 ans,
mettons à 58 ans, qui sont veuves habitent ensemble, on va reconstituer
l'équivalent des personnes qui habitent ensemble, et le moyen
trouvé sera le partage du logement de façon que la
réduction vienne faire l'équivalent de ce qu'un couple recevrait
s'ils étaient considérés comme un couple, si vous
voulez.
Quelle que soit leur orientation sexuelle, ils vont de toute
façon être présumés comme étant
réduits parce que partageant un logement. C'est cela la logique, si vous
voulez, le "rationnel", comme on dit, qui fait que cela a été
introduit. Donc, votre recommandation est extrêmement importante parce
que par rapport à cette recommandation de baser l'ensemble de notre
politique
sur l'indépendance des personnes à partir de 18 ans,
à partir du moment où c'est retenu, c'est tout à fait une
autre logique qui est appliquée. Mais, si cela ne l'est pas, il ne faut
pas s'étonner que cela s'en aille tout croche. Ce que j'aimerais
beaucoup, c'est de vous entendre par rapport à la page 11.
Peut-être rappeler ce que vous dites et peut-être vous expliquer
quand vous dites: "La distinction actuelle qui est maintenue dans la
réforme entre "admissible" et "participant" est discriminatoire. Pour
être logique, l'État doit s'engager à fournir un stage
à toute personne qui s'inscrit dans le programme APTE ou lui payer les
mêmes montants que la personne qui travaille déjà." C'est
la catégorie "admissible". C'est la plus incompréhensible, parce
que c'est celle où quelqu'un dit: Je veux, mais quand, où,
comment? et où l'État dit: Attends. Et attends en étant
coupé à ce moment-là. Vous avez dit que vous -
Stéphane, je crois, ou vous, M. Trépanier, je pense. Je ne sais
pas si... C'est vous qui avez tardé à obtenir un stage? .
M/Trépanier: Non, c'est Stéphane. I
Mme Harel: Ah, c'est vous. Je pense que c'est vous, M. McKay, qui
avez dit qu'il avait fallu qu'il vienne à Québec pour pouvoir
obtenir, avec son propre employeur... Quels ont été les
démêlés, les difficultés pour obtenir... C'est un
stage en milieu de travail ou ce sont des travaux communautaires?
M. McKay: C'est un stage en milieu de travail. C'est le premier
qu'on a chez nous. On n'a jamais accepté cela. C'est une grande
occasion. On annonce que pour la première fois on a un stage. On est
contre cela. Par contre, c'est un stage où on s'engage, M. le ministre,
à accepter M. Roy sur un bon d'emploi. C'est un engagement de deux ans
et demi pour nous. C'est la seule condition sous laquelle on l'accepte. On vous
défie de faire de même, dans le sens d'accepter un stage seulement
quand il y a un bon d'emploi. Cela va?
Mme Harel: Et M. Roy peut-il nous expliquer toutes les
difficultés qu'il a rencontrées pour obtenir son stage?
M. Roy: C'est cela. Cela me tentait de travailler. Je restais
chez ma mère. Alors, j'avais 170 $ par mois avant. Cela ne
m'intéressait pas de rester à 170 $ par mois. Cela
m'intéressait d'aller travailler et d'avoir un peu plus d'argent, mais
les "jobs" sont dures à trouver. Comme je l'ai dit tantôt, une
"job" de plongeur, cela ne m'intéresse pas. J'ai été voir
mon agent.
Mme Harel: Où cela? Ici à Québec?
M. Roy. Oui. Sur la rue Saint-Jean - 50, rue Saint-Jean. Je suis
allé voir mon agent.
J'avais entendu dire que des stages se donnaient à la SPA cet
été. J'ai été pour en avoir un mais mon agent m'a
dit que je n'étais pas admissible parce que cela ne faisait pas partie
de ce bureau. Il aurait fallu que je demeure dans le secteur de la SPA pour
avoir droit à ce stage. Cela m'a enragé un peu. Je lui ai dit: En
tout cas, essayez de faire quelque chose. Je m'en suis retourné. Je suis
allé voir à la Maison des jeunes. Je me tenais là. Cela
fait cinq ans que je me tiens là. Je lui ai demandé s'ils
seraient prêts à me prendre en stage. Ils ont dit qu'ils
étaient d'accord. Alors, je suis retourné voir mon agent. Je lui
ai dit: J'ai trouvé un employeur, faites pour que j'aie mon stage. Ils
ont dit: OK, on va tout faire, on va demander à l'employeur qu'il nous
appelle et qu'il nous dise ce qui va se passer. En fin de compte, je l'ai eu et
j'en suis bien content.
Mme Harel: Alors quand tu es allé, tu es allé avec
la proposition de l'employeur. Mais la première fois que tu es
allé et que ton agent t'a dit: Ce n'est pas possible avec la SPA, est-ce
qu'elle t'a proposé autre chose?
M. Roy: De retourner à l'école. Mme Harel:
De retourner à l'école? M. Roy: Oui.
Mme Harel: De terminer ton secondaire? Et elle n'avait pas de
travaux communautaires ou de stages à te proposer?
M. Roy: Non.
Mme Harel: Lui as-tu demandé si elle avait quelque chose
à te proposer?
M. Roy: Oui, je lui ai demandé. Je lui ait dit: N'y
aurait-il pas autre chose? Elle a dit: Non, pour le moment, il n'y a rien.
Mais, de toute façon, la première chose que nos agents nous
proposent quand on va les voir c'est de retourner à l'école. Mais
moi, aller à l'école pour apprendre quelque chose je n'aime pas
cela. J'aime mieux travailler et apprendre en travaillant. Je trouve que c'est
mieux en pratique qu'en théorie.
Mme Harel: Lui avais-tu expliqué cela quand tu es
allé la voir?
M. Roy: Oui, je lui ai dit.
Mme Harel: Et qu'a-t-elle répondu?
M. Roy: Elle a dit: Je vais essayer de faire quelque chose, mais
pour l'instant il n'y a rien. Quand j'ai vu qu'il n'y avait rien, je savais que
cela prendrait peut-être un an avant qu'elle ne m'appelle.
Mme Harel: Est-ce qu'il y a longtemps de cela?
M. Roy: Cela fait six mois. Mme Harel: Cela fait six mois?
M. Roy: Oui.
Mme Harel: Cela veut dire que c'était à l'automne
dernier. Alors, il s'agit de s'interroger sur la possibilité
d'étendre cette mesure aux 243 000 ménages, n'est-ce pas? Si
même pour une personne à Québec... Remarquez que ce n'est
pas juste à Québec. Les groupes qui vous ont
précédés nous ont dit que c'était comme cela
à Nicolet, à Trois-Rivières, à Longueuil et
à Brossard. Vous avez quelque chose à dire là-dessus,
McKay?
M. McKay: Oui. C'est vraiment sur la question des stages. On a
une certaine expérience du moment qu'on fart beaucoup de travail de rue
qui fait qu'on a un contact avec des jeunes qui sont en stage et qui,
après un an, n'ont plus accès, ou après deux ans il y a
une limite. Après cela, ils n'ont plus accès au stage. Cela est
certain.
Nous savons aussi que, depuis quelque temps, il y a une réponse
au bureau de l'aide sociale dans laquelle ils disent aux jeunes: Les stages
sont finis, allez chercher du travail, et au plus vite, sorter de l'aide
sociale. On sait cela parce qu'on vit la situation qu'il vit. On sent une
espèce de rage depuis quelque temps, les programmes sont finis, il y a
des coupures partout et on dit: Trouvez donc du travail.
Un autre exemple...
Mme Harel: Cela vous a été rapporté, M.
McKay?
M. McKay: Oui, oui. Un jeune de 20 ans qui travaillait pour les
soeurs Blanches, ici en bas de la côte, au carré d'Youville. Il
préparait les soupers communautaires. Il a été là
un an. Il était reconnu et aimé par les soeurs. Cela allait bien,
mais son stage s'est terminé. Plus question de stage. On lui a
répondu, au même bureau - et cela, c'est un bureau très
gentil sur la rue Salaberry parce qu'il y en a d'autres qui sont beaucoup plus
sévères que cela, sur la rue Saint-Vallier, par exemple: Va
chercher un travail au plus sacrant, Daniel, parce que c'est fini pour toi.
Mme Harel: Parce qu'il avait complété son
stage?
M. McKay: Une année de stage chez les soeurs Blanches,
ici, au souper populaire.
Mme Harel: C'était comme un stage en milieu de travail ou
c'étaient des travaux communautaires?
M. McKay: Stage en milieu de travail. Mme Harel: En milieu
de travail.
M. McKay: Oui. (17 heures)
Mme Harel: Vous avez parlé de L'Islet dans votre
mémoire, à la page 10 je crois. C'est une expérience qui
semble avoir été assez malheureuse, celle de la "shop" de couture
dans le comté de L'Islet où des jeunes ont été
engagés pour remplacer des travailleurs à temps plein. Est-ce
qu'il y a quelqu'un du groupe qui a vécu cette expérience? Cela
vous avait-il été rapporté par des jeunes qui vont
à la maison?
M. McKay: Cela nous a été rapporté par des
jeunes qui vivent dans ce coin-là. C'est un vrai cas. C'était en
1985, à une "shop" de jeans à L'Islet. Je pense que le centre de
main-d'uvre a été obligé d'intervenir pour
arrêter ce qui se passait. C'était trop gênant.
Mais un autre exemple plus pertinent, c'est celui de la compagnie Alex
Coulombe, ici, où un stage a été fait en 1985 avec
quatorze ou quinze jeunes qui ont tous quitté après quelques
semaines à cause du type de travail qu'ils devaient faire et parce
qu'ils n'avaient aucune formation. C'est chez Alex Coulombe, ici, à
Québec.
Quand le jeune retourne au bureau de l'aide sociale et qu'il dit: Je
n'accepte pas ce travail-là, c'est carrément de l'exploitation,
je n'ai aucune formation, qu'est-ce que l'agent répond? Tu n'as pas le
choix, mon cher bonhomme, tu vas continuer. Souvent, c'est la réponse.
Parfois, on peut tomber sur un agent qui est sympathique et qui n'a pas d'ordre
d'en arrière de serrer la vis, mais je pense que c'est plutôt
rare.
Vérifiez donc ce cas avec Alex Coulombe: quatorze jeunes. Ils ont
duré environ cinq semaines. Au lieu d'apprendre à faire marcher
la machine d'embouteillage, ils lavaient les caisses; ils faisaient marcher des
machines, des grosses "lifts", et tout ça.
Mme Harel: Vous avez dit dans votre mémoire que vous
recommandiez, en général, aux jeunes à la Maison des
jeunes Saint-Jean-Baptiste, de retourner compléter leurs études.
Vous donnez quelques exemples de jeunes qui, en partant avec le programme
Rattrapage scolaire, ont terminé leur cours universitaire, je crois.
M. McKay: Oui.
Mme Harel: Et ce sont là des jeunes qui allaient
fréquemment à la maison et qui ont bénéficié
du programme Rattrapage scolaire, c'est ça?
M. McKay: Oui, dans les premiers temps de
ce programme-là.
Mme Harel: Dans quelles conditions cela s'est-il fait? Dans
quelles conditions est-ce que des projets... On sait que, pour vous, l'une des
conditions du stage, c'est qu'il faut qu'il y ait un engagement de l'employeur
de garder le stagiaire. Mais les conditions de rattrapage scolaire... Vous
parlez aussi du vécu dans lequel on doit prendre en considération
les jeunes qui ont décroché précédemment. Alors,
peut-être pouvez-vous nous parler des conditions dans lesquelles doit
s'effectuer ce retour à l'école.
M. McKay: Nous faisons une espèce de suivi avec les jeunes
qui retournent aux études. On a parlé tantôt du
problème d'un jeune qui a 18 ou 19 ans et qui est repoussé au
niveau primaire, en français. C'est assez dégradant et difficile.
C'est une question d'humilité et de dignité. Donc, tout de suite,
il a besoin d'attention, parce qu'il va s'écoeurer et va laisser tomber.
C'est fondamental d'apprendre à parler français. La peur et la
crainte... Et la question qu'on pose, c'est: Est-ce qu'ils vont être
contingentés? Qu'est-ce qui va arriver quand il y aura 50 000 personnes
qui arriveront en rattrapage scolaire, parce qu'elles y sont obligées
pour avoir un minimum d'aide sociale? Est-ce qu'on va sortir des
crédits, des millions de dollars nécessaires pour assurer un
enseignement de qualité?
Moi, j'ai eu l'expérience d'un rattrapage scolaire cette
année. J'ai vu ce que c'était; de l'éducation, de la
pédagogie individuelle. Cela coûte de l'argent. Ce ne sont pas des
classes magistrales. Ce sont des classes où le professeur, s'il y a un
nombre raisonnable d'étudiants, va donner une attention
spécifique et un suivi spécifique.
Il y a tout un système. Maintenant, il y a un cours donné
spécialement à une des écoles de décrocheurs, ici,
où quinze femmes avec enfants ont ce type d'attention. Je devine, et je
peux parier, qu'elles vont aller loin dans leurs études, parce que ce
système de rattrapage scolaire ne doit pas simplement viser le
Secondaire V, pour ainsi être diplômé pour aller laver la
vaisselle. Cela peut et cela doit viser l'accès à
l'éducation collégiale et universitaire. L'expérience
qu'on a vécue avec des femmes... Mais il faut remarquer que
c'étaient des femmes avec de jeunes enfants, celles qui étaient
dans le programme spécial qui existe au niveau de l'aide sociale, et
elles avaient accès à la première année. Cela a
donné des résultats. Elles avaient accès à la
garderie. Savez-vous où la plupart sont rendues? En travail social.
Elles vont devenir des agentes de bien-être social. Chapeau!
Mme Harel: Malheureusement, les agents ne sont pas des
travailleurs sociaux, en général. Mais on en
bénéficierait si la formation était certainement
haussée. C'est Mme Partarrieu, je crois?
Mme Partarrieu: Oui.
Mme Harel: C'est bien cela? C'est sûr que votre situation
est peut-être un peu difficile. Vous êtes chef de famille avec
trois enfants.
Mme Partarrieu: Non, il ne m'en reste qu'une, les autres sont
majeurs.
Mme Harel: Actuellement, vous avez un revenu qui est
régulier.
Mme Partarrieu: Non, ce n'est pas régulier, c'est sur
appel. Je peux travailler un jour dans le mois comme je peux travailler huit
jours. Quelquefois, je ne travaille pas. Ce n'est pas régulier.
Mme Harel: D'accord. Le problème avec le programme APPORT,
dont le ministre parlait tantôt, c'est qu'il y aurait un écart
dans les revenus de travail, en ce sens que la personne ne pourra
bénéficier du programme que si elle gagne plus de 3700 $ par
année. Le programme APTE permet, au maximum, de gagner 2460 $. C'est
comme s'il allait ne rien avoir entre les deux.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela ne porte pas à
conséquence. Si vous voulez une précision...
Mme Harel: À cause de SUPRET?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. Pour cette année, cela
ne porte pas à conséquence parce que APTE n'est pas en vigueur,
mais pour l'an prochain et les années ultérieures, vous avez
raison de le souligner, il y a là un trou qu'il faut ajuster avec la
fiscalité.
Mme Harel: Le problème c'est que pour obtenir un gain de
155 $ - cela peut aller jusqu'à 155 $ - par mois, à ce
moment-là il faut être dans la catégorie Refus de
participer. Dans la catégorie Refus de participer, pour une chef de
famille avec un enfant, avec le système indexé - ce sont les
chiffres de 1989 - cela serait 684 $ en 1989. Ces 684 $ deviennent 585 $. Il y
a une perte mensuelle de 99 $ sur le chèque pour pouvoir aller chercher
les 155 $ de revenu d'emploi. Ce revenu d'emploi, c'est parfois, comme vous le
dites, plus incertain que le chèque mensuel. C'est ce que j'ai retenu de
vos propos. C'est avoir le goût de travailler, parce qu'il n'est pas
sûr que cela soit nécessairement plus rentable.
Mme Partarrieu: Non, ce n'est pas plus rentable, mais j'ai espoir
de pouvoir travailler à temps plein à un moment donné, si
cela ne prend pas trop de temps. Je ne suis pas bien encouragée à
travailler.
Mme Harel: Ou!, parce que cela vous ferait 56 $. Si on
réduit de 155 $, si on diminue de 99 $ sur le chèque en 1989,
c'est un total de 56 $ pour le mois que vous donneraient tous les
déplacements pour faire le maximum de gains permis à l'emploi.
Au-delà de ces 56 $, chaque dollar gagné est
nécessairement déduit sur le chèque. C'est le plus haut
taux d'imposition qu'on puisse imaginer, le taux d'imposition qui frappe
totalement tout gain d'une personne qui reçoit de l'aide sociale. C'est
la trappe de pauvreté. C'est là qu'elle se situe. Si vous voulez
en faire un peu plus, vous en perdez de l'autre côté.
Le Président (M. Laporte): ...M. McKay, en soulignant que
le temps est malheureusement écoulé. M. McKay.
M. McKay: En plus, c'est la réception qu'elle va avoir
à son bureau d'aide sociale quand ils vont apprendre qu'elle accepte du
travail. Avec la réforme, est-ce qu'elle sera reçue avec:
Bonjour, bienvenue, nous sommes très contents pour vous et on veut que
vous continuiez. On va être patients pendant des années en
attentant que vous trouviez un travail à l'Auberge des Gouverneurs
à plein temps, etc.? Je ne crois pas. C'est ce qui est très
décourageant dans cette réforme.
Mme Harel, vous avez parlé tantôt de la mauvaise perception
des jeunes depuis les boubous macoutes. Je tiens à terminer avec le
moins d'agressivité possible en disant que le HLM où nous
travaillons, ce sont des appartements à loyer modique avec 200 familles.
Les ravages faits par l'opération boubous macoutes, les
dénonciations faites, le vécu avec lequel nous travaillons, la
tension qui existe dans ce bloc d'appartements à la suite de
l'opération boubous macoutes, c'est écoeurant et sans
dignité.
Le Président (M. Laporte): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Thuringer: Merci, M. le Président. On a eu, dans un
autre type de réunion, l'occasion de rencontrer Mme Lavoie et M. Morel,
et je suis bien impressionné par le travail qu'ils font et aussi par
l'engagement personnel que vous apportez. Je trouve aussi fort
intéressants les commentaires que vous avez faits, surtout dans un
domaine qui me préoccupe beaucoup. Il y a un certain nombre
d'années... Je pense que c'est M. McKay qui a parlé d'une
question de niveau de langue qui a posé des problèmes. Est-ce que
vous pouvez...
M. McKay: Je ne comprends pas la question.
M. Thuringer: La question concerne, je pense, la formation des
stagiaires, si j'ai bien compris. À un moment donné, le niveau de
connaissance de la langue française était... Est-ce que vous
pouvez me parler un peu de cela?
M. McKay: La plupart de nos jeunes sont en professionnel court ou
long, dans des écoles de métiers. Jusqu'à il y a deux ans,
je crois, ce n'était pas obligatoire d'avoir des cours de
français ni de mathématiques. C'était intensif dans le
métier. Mais maintenant, depuis deux ans. ils sont obligés de
passer leur examen de niveau secondaire V en français. La
majorité sont repoussés. Ils sont chez nous. Ils sont
repoussés au niveau de la fin du primaire en français et en
mathématiques, ce qui fait que le défi de se scolariser devient
énorme. L'importance dans le rattrapage scolaire, c'est qu'il n'y ait
pas de limite. Pour ces jeunes, ils reprennent leurs études depuis le
début. C'est la vérité.
M. Thuringer: Cela pose bien des problèmes. Cela doit
être pas mal décourageant pour les jeunes.
M. McKay: Le problème, c'est l'âge. Pour le moment,
nous, on les incite à rester aux études. Ils vivent cet obstacle
et ils lâchent. Mais ils vont revenir à 20 ans, 19 ans. Mais,
s'ils ne sont pas admissibles au bien-être social, ils n'ont pas
accès aux programmes. Qu'est-ce qui se passe avec ceux qui sont
coupés à 18 ou 20 ans?
Je veux souligner que l'idée de couper les jeunes de 18 ou 20 ans
est basée sur un mythe. Le mythe c'est que parce qu'une famille a
beaucoup d'argent, cela va très bien dans les relations adultes-jeunes
adolescents. Ce qui n'est pas le cas. Si ce jeune n'a pas accès aux
mêmes possibilités que d'autres jeunes... Ce n'est pas parce qu'il
vient de Sillery, Ancienne-Lorette ou d'autres milieux qu'il doit être
pénalisé et ne pas avoir accès. C'est intéressant,
c'est rentable financièrement pour l'État. C'est rentable en
termes d'argent, parce que c'est ce qui stimule le monde d'aujourd'hui. Au
pouvoir, c'est l'argent. Ce jeune, s'il est frustré à 18 ou 20
ans, il va être bénéficiaire de l'aide sociale pendant des
années.
Le Président (M. Laporte): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je veux strictement rappeler
à M. McKay que la proposition que les jeunes de 18 ou 20 ans ne
reçoivent aucune aide sociale ne vient pas du gouvernement. Elle vient
de quelqu'un d'autre que j'ai nommé tantôt. Je pense que le
modèle sur lequel c'est calqué - je fais peut-être de
l'extrapolation et je le dis avec prudence - c'est l'Ontario. En Ontario, vous
n'avez pas droit à l'aide sociale avant l'âge de 21 ans. C'est
peut-être là qu'on a voulu, pour ceux qui en ont
parlé...
Oui, M. McKay?
M. McKay: Oui, mais, M. Paradis, cela adonne bien, vendredi
dernier, j'étais en Ontario.
Je suis allé au bureau du bien-être social. De 18 à
21 ans, on a droit à l'aide sociale, comme n'importe quelle personne,
sauf si on reste chez des parents. Dans ce cas, il y un dossier qui s'ouvre.
Une travailleuse sociale fait enquête pour déterminer les besoins
de la famille et ceux du jeune. Dès l'âge de 16 ans, il peut avoir
l'aide sociale, si c'est déterminé. Mais de 18 à 21 ans,
s'il est en dehors de chez lui, il y a droit. Il n'a qu'à faire une
demande.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va. J'aurais des questions
à poser à Mme Lavoie, qui a parlé tantôt d'une
certaine part d'autofinancement de votre maison. C'est dans quel
pourcentage?
Mme Lavoie: ...pourcentage...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): À peu près?
Mme Lavoie: Je ne sais pas... Ce n'est pas beaucoup.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En bas de 10 %?
Mme Lavoie: Je peux parler... En autofinancement, on
réussit à se ramasser environ 1500 $ à 2000 $ par
année, en faisant des lave-autos, en vendant du chocolat, en faisant des
bercethons, en faisant du porte-à-porte dans les quartiers et dans nos
familles. C'est ce qu'on fait sauf qu'on ne veut pas mettre toutes nos
énergies là-dessus parce que les jeunes ont besoin de monde.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans vos clientèles, est-ce
que vous avez une clientèle composée de bas salariés et de
chômeurs? Est-ce que c'est exclusivement une clientèle de gens qui
dépendent de l'aide sociale?
Mme Lavoie: La majorité sont des gens sur le
bien-être social. Il n'y en a que quelques-uns dont les parents
travaillent. La majorité sont des familles monoparentales.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous n'avez pas tellement de
chômeurs? (17 h 15)
Mme Lavoie: Non, pas tellement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): De travailleurs au salaire minimum
non plus?
Mme Lavoie: Non.
M. McKay: Mais le salaire minimum, ceux qui travaillent comme
plongeurs sont au saiaire minimum et même en bas du minimum. Le salaire
minimum n'est pas respecté à être plongeur.
Mme Lavoie: Mais la majorité des parents sont des familles
monoparentales.
M. McKay: Oui.
Mme Lavoie: Elles sont sur le BS.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est M. Trépanier qui a
parlé des stages en milieu de travail. J'ai retenu deux
éléments sur la critique que l'on adresse aux stages tels qu'ils
existent présentement. J'ai marqué: qualité du stage et
longueur du stage. Est-ce que les stages offerts présentement sont des
stages qui, sur le plan de la qualité, ne répondent pas, dans
à peu près tout ce que vous avez vu comme exemples, à ce
dont vous vous attendez du contenu formation?
M. Roy: Pouvez-vous reposer la question?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Les expériences de
stages en milieu de travail, il est censé théoriquement avoir ce
qu'on appelle un contenu formation, c'est-à-dire que tu es censé
apprendre quelque chose comme individu plus qu'un contenu production,
c'est-à-dire le travail de produire des choses à la chaîne,
des expériences que tu as vécues personnellement ou dont tu as eu
connaissance chez les gens que tu connais. Est-ce que ce contenu formation,
apprentissage était présent ou s'il s'agissait plus de production
à la chaîne?
M. Roy: Dans mon cas, c'est plus une formation qu'un travail.
À la Maison des jeunes, on n'exploite pas le monde. Ils m'encouragent
à avoir une formation et non à travailler au noir, comme on
dit.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur la longueur du stage, est-ce
que tu penses que, dans ton cas ou dans les autres cas que tu connais, un stage
de douze mois c'est suffisant, c'est trop long ou c'est trop court?
M. Roy: Un stage de douze mois, c'est suffisant, sauf qu'il
faudrait avoir un emploi sûr après. Comme on le disait
tantôt: un emploi de deux ans tout de suite après, avec un
contrat. Le jeune finit son stage, il retombe sur le bien-être et il faut
qu'il se retrouve un job comme plongeur. Comme je le disais tantôt, ce
n'est pas intéressant pour moi de travailler comme plongeur.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous êtes combien
présentement en stage en milieu de travail à la maison?
M. Roy: Je suis le seul pour l'instant.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La question s'adresse à M.
McKay: Est-ce que vous avez l'intention de répéter cette
expérience avec d'autres jeunes?
M. McKay: C'est une question très chaude et politique,
dans le sens que nous essayons d'être le plus honnêtes et
intègres possible dans les démarches que l'on fait. Nous sommes
contre ces stages aussi longtemps que ça ne débouche pas sur
quelque chose de concret et à long terme pour les jeunes. On ne sait
pas, on verra ce que vous voulez faire avec la réforme, avec tout ce qui
se passe... Dans le cadre d'une formation solide qui aboutit sur un travail, ce
serait malhonnête de notre part face à nos jeunes...
Stéphane, c'est parce qu'il nous a donné un maudit cas de
conscience parce que cela fait des années que l'on dit: Si on a des
demandes en masse, par téléphone et autres, parce qu'ils
cherchent des employeurs... On dit: On ne peut pas. Cela ne donne rien, on ne
peut pas. Par contre, sur la condition d'un bon d'emploi, on va y aller cette
fois-ci, en espérant que cela tombera dans un contexte plus global
où il y aura des bons d'emploi pour tout le monde.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Il y a la question de servir
de plateau de travail. Si - et je dis bien si - les programmes sur te plan
formation avaient des contenus comme tels et qui débouchent, est-ce
qu'un groupe comme le vôtre accepterait de participer dans le cadre d'un
programme de ce type-là, amélioré, ou si le gouvernement
devrait se passer de vos services et continuer à tenter de les
administrer strictement à partir des centres Travail-Québec?
M. McKay: Cela, M. Paradis, serait une longue discussion chez
nous. Alors, on verra ce que vous ferez avec le projet de réforme qui
est sur la table, et après on va en discuter chez nous avec les
jeunes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur le plan des programmes, il y a
différentes façons pour un gouvernement d'aborder la question. Le
gouvernement peut arriver et dire: Voici ce que mes technocrates,
fonctionnaires ou politiciens...
Le Président (M. Laporte): En conclusion, M. le ministre,
s'il vous plaît!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...ont pondu. On vous demande si
vous embarquez. L'autre façon de dire: On entreprend une discussion et
on vous demande quelles sont vos suggestions quant à
l'amélioration des programmes existants et à la création
de nouveaux programmes. Quelle est votre réponse?
M. McKay: C'est simple. On verra ce qu'on offrira comme revenu
décent minimum dans le cadre de la réforme sur la table et
après on viendra discuter des programmes étape par étape.
Il faut assurer un revenu décent minimum, qui n'est pas dans le cadre de
cette réforme-là, avant de discuter des programmes. Après
avoir acquis cela - parce que je pense qu'on va l'acquérir facilement,
j'espère que oui - on viendra discuter le besoin de formation de nos
jeunes, qui reste un problème dans lequel on est impliqués. Cela
fait cinq ou six ans qu'on discute du rattrapage scolaire, et on est
impliqués dans ce dossier avec les personnes qui étaient
là avant vous, et on va continuer à l'être parce que c'est
notre rôle, notre devoir, et on va continuer à remplir ce
rôle face à nos jeunes et à nos familles, mais étape
par étape.
Le Président (M. Laporte): On tient... La
commission...
M. McKay: Excusez-moi, M. le Président, juste..
Le Président (M. Laporte): Brièvement, oui.
M. McKay: ...en guise de conclusion. On veut déposer
à M. le ministre une série de questions - on sait qu'il n'aura
pas le temps d'y répondre aujourd'hui - qui peut résumer un peu
où s'en vont les choses, parce qu'on vit beaucoup d'inquiétudes
par rapport a cela. Alors, officiellement... Et, si possible, on prendra deux
minutes pour lire les questions. Est-ce possible, M. le Président?
Le Président (M. Laporte): Malheureusement, je pense que
la meilleure procédure sera par le biais du secrétariat pour
qu'on puisse en prendre copie et la remettre aux personnes concernées,
membres de la commission et, par la suite, voir à l'acheminer à
l'intérieur de cela.
M. McKay: Mais, M. le ministre, est-ce que vous vous engagez
à répondre aux questions?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je souhaite
généralement prendre connaissance des questions Je suis un peu
comme vous: étape par étape.
Mme Harel: S'il y a consentement du ministre, on peut en prendre
connaissance.
M. McKay: On va les déposer.
Le Président (M. Laporte): D'accord. Avec le consentement
des deux partis, si vous voulez faire lecture brièvement de...
Mme Harel: De vos questions.
Le Président (M. Laporte): ...de vos questions.
M. McKay: Les questions, mais on va vous donner...
Le Président (M. Laporte): Tout en comprenant très
bien qu'on les prend sous forme de réserve et que par la suite le
débat sera clos.
M. Mckay: Oui, oui, alors...
Le Président (M. Laporte): Très brièvement,
merci.
M. McKay: ...c'est Vincent qui lira la première
question.
M. Trépanier: À son congrès, le 28
février, le Parti libéral du Québec a rejeté le
principe de contribution alimentaire obligatoire dans le programme des
prêts et bourses. Un peu plus tard, en entrevue à Radio-Canada, le
29 février, M. Bourassa affirmait que son gouvernement respecte toujours
les décisions prises démocratiquement par ses militants et
militantes et qu'il reverrait la notion de contribution alimentaire. À
la lumière de ces événements et en tant que ministre du
gouvernement libéral, M. Paradis, serez-vous conséquent avec les
décisions de votre parti et retirerez-vous de votre réforme le
principe de la contribution alimentaire obligatoire?
M. McKay: Stéphane.
M. Roy: M. le ministre, nous vous demandons de rendre publics les
chiffres précis, fournis par votre ministère, de la Commission de
formation professionnelle sur le nombre de stages en milieu de travail, la
qualité de la formation de ces stages, combien de stagiaires
réussissent à trouver un emploi permanent et le nombre de jeunes
qui attendent pour participer à un stage, et ce, depuis combien de mois.
Notre corporation de la Maison des jeunes Saint-Jean-Baptiste accepte des
stages en milieu de travail seulement lorsque cela aboutit à un bon
d'emploi de deux ans pour le jeune travailleur ou la jeune travailleuse.
M. le ministre, êtes-vous prêt à vous engager
à une politique semblable pour tout employeur, c'est-à-dire un
bon d'emploi garanti et obligatoire de la part de l'employeur pour toute
personne en stage dans le milieu de travail?
M. McKay: Viviane.
Mme Partarrieu: M. le ministre, vous engagez-vous, dès
aujourd'hui, à rendre publique, dans les plus brefs délais, une
liste complète des besoins spéciaux qui seront
éliminés dans le cadre de votre réforme, que ce soit pour
les aptes participants, participantes ou non participants, non
participantes?
M. Morel: La distinction entre aptes et inaptes, et la
distinction entre admissibles et participants ou participantes sont
discriminatoires. M. le ministre, est-ce que vous et votre gouvernement, vous
engagez à fournir les crédits nécessaires pour obtenir des
places à l'intérieur des programmes pour toute personne qui en
fait la demande, c'est-à-dire ne pas contingenter les programmes comme
c'est le cas actuellement?
Mme Lavoie: M. le ministre, pensez-vous sincèrement que
nos enfants, à partir de deux ans, n'ont plus besoin de leur mère
qui les éduque au foyer; que c'est plus valorisant de faire du
ménage dans nos beaux hôtels de Québec et, avec nos maigres
salaires, payer une personne qui gardera nos enfants? Ainsi, dans quel sens
votre réforme encourage-t-elle nos familles à faible revenu
à avoir des enfants pour assurer la relève au Québec?
M. Morel: Des 125 mémoires qui sont et qui seront
présentés dans le cadre de cette commission, plus de 80 % sont
contre votre projet de réforme. M. le ministre, nous demandons un revenu
décent pour tous les Québécois. Sans doute cette
tâche nécessitera-t-elle pour vous et votre gouvernement une
longue période de réflexion. Entre-temps, 45 000 jeunes de 30 ans
et moins survivent avec 187 $ par mois. Le problème a été
maintes fois soulevé dans les médias et a fait l'objet de
nombreuses représentations de la part du public et des groupes
concernés, y compris la Commission jeunesse du Parti libéral,
livre vert, page 13. Êtes-vous d'accord, M. le ministre, pour
répondre aux requêtes de la majorité des groupes que vous
avez entendus, en instaurant la parité pour les moins de 30 ans et ce,
sans baisse, sans condition et le plus tôt possible?
Le Président (M. Laporte): La commission tient...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, maintenant
que je les ai vues, je m'engage à y répondre.
Le Président (M. Laporte): Merci, M. le ministre.
Je tiens à remercier les représentants de la Maison des
jeunes Saint-Jean-Baptiste pour la présentation de leur
mémoire.
J'invite The Action Committee of Disabled Persons à bien vouloir
se présenter en avant. M. Burkhard Gburek.
On suspend pour une minute.
Le Président (M. Thuringer): Nous reprenons nos travaux.
Bienvenue à The Action Committee of Disabled Persons,
Côte-des-Neiges. Est-ce que vous pourriez vous présenter tous les
deux? Merci.
Mme Harel: M. le Président, si le groupe me le permet, je
veux simplement prendre l'occasion qui m'est donnée pour vérifier
avec le ministre s'il entend convoquer à nouveau la commission
parlementaire au mois de mai prochain. Peut-être peut-on demander
à la secrétaire de la commission si elle a reçu une
demande de la ville de
Montréal pour faire entendre son désaccord sur de nombreux
aspects de la réforme, ici, devant la commission.
La Secrétaire: Pour le moment, je n'ai pas encore
reçu une telle demande. ( 17 h 30)
Mme Harel: La ville de Montréal n'a pas du tout
communiqué avec quiconque de la commission parlementaire?
La Secrétaire: Non.
Mme Harel: M. le ministre, je ne sais pas si vous avez pris
connaissance de l'article paru dans Le Devoir de samedi dernier, le 19
mars, à savoir que la ville entendait exprimer son désaccord sur
de nombreux aspects de la réforme en se présentant à la
commission parlementaire qui devrait se tenir en mai prochain. Je me demandais,
compte tenu des négociations qui se poursuivent entre la ville et
Québec sur l'administration du programme, s'il avait été
résolu qu'il y ait à nouveau une commission parlementaire en
mai.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Lorsque je l'ai lu dans le
journal, j'ai fait comme vous. C'étaient les premières nouvelles
que j'en avais.
Le Président (M. Thuringer): Bon. On va procéder.
Merci.
The Côte-des-Neiges Action Committee of Disabled
Persons
M. Gburek (Burkhard): M. le Président de la commission, M.
le ministre Paradis, messieurs et mesdames les membres de l'Assemblée
nationale, bonsoir. Mon nom est Burkhard Gburek et je travaille comme agent de
liaison pour le Comité d'action des personnes handicapées de
Côte-des-Neiges. Je veux vous présenter M. Frederic Hazan qui va
prendre des notes pour moi, parce que j'ai un problème auditif et je lui
ai demandé d'écrire les questions que vous aurez après. Je
suis le seul représentant de notre comité présent ce soir
parce que des problèmes de transport et de logement pour les membres
handicapés de notre comité ont empêché les autres
membres de venir aujourd'hui. Par exemple, la coordonnatrice de notre
comité est atteinte d'un handicap qui s'appelle dystonie. Elle n'est pas
capable physiquement le même jour de voyager et de faire une
présentation. Prenez en considération que notre comité
cherche toujours le financement régulier. Notre comité
était incapable d'envoyer plus d'une personne, ce soir. Je pense que,
pour l'avenir, ce serait préférable que les groupes
handicapés soient invités à faire leur présentation
plus tôt dans la journée. Votre compréhension serait
appréciée.
Maintenant, je vais juste faire un bref commentaire sur notre
comité. Le Comité d'ac- tion des personnes handicapées de
Côte-des-Neiges existe depuis trois ans. Le but de ce comité est
de promouvoir et de défendre les droits des personnes handicapées
dans le domaine de l'accessibilité aux transports, aux loisirs et au
logement et cela, à des prix abordables. Aussi, notre comité a
comme but d'aider toutes les personnes handicapées à vivre
à part égale. Nous pensons que nos membres, qui sont toutes des
personnes handicapées, sont capables de contribuer à la
société canadienne et québécoise, même si
parfois ils ont besoin de plus de temps pour atteindre leur but. Alors,
j'espère que le gouvernement québécois fera tout pour
aider les personnes handicapées à avoir les mêmes
opportunités que les autres citoyens québécois.
Je vais maintenant lire le mémoire que notre comité a
fait. C'est un mémoire en anglais. Je vais le présenter en
anglais et je vais faire les commentaires à part.
M. Hazan (Frederic): II a de très gros problèmes
à parler le français. C'est pour cela que je suis là pour
lui donner un coup de main. Même son discours, il l'a écrit en
anglais et c'est moi qui l'ai traduit en français.
Le Président (M. Thuringer): Allez-y.
M. Gburek: O. K. The C. D. N Action Committee of Disabled Persons
has been informed by the City of Montreal that a committee has been established
to study the Income Security Policy, recently introduced by the Québec
Minister of Manpower and Income Security, Mr Paradis. The recommendations of
the committee will determine the city's position on the reforms policy which
the city will then address during the provincial hearing schedwed to begin
February 22, 1988.
The Action Committee of Disabled Persons is a group of disabled
residents residing in Côte-des-Neiges. Our group provides varied
information, including welfare rights, advocacy and referrals to other
available resources in the community. Aside from the above services, the C. D.
N. Action Committee of Disabled Persons also addresses such problems as
accessible and affordable housing, equal opportunity in attaining employment,
etc.
Historical background. In 1971, the Quebec's Castonguay and Nepveu
report acknowledged that: 1) handicapped (persons) were not recognized as
full-fledged citizens; 2) the handicapped (persons) endured very low standards
of living; 3) there was no access to the labour market.
Although today there are different opinions as to how much real change
has occurred in this area, we would all agree that the majority of disabled
persons are still among the people with lowest standards of living in our
society.
At different times, social reforms dealing with overall social
conditions in Québec mentioned disabled persons; as well in recent
years
attempts have been made to create social integration of disabled persons
in educational, employment and social milieu, but integration and is advocates
have found environmental and attitudinal difficulties.
The position paper Towards an Income Security" appears oblivious to
these realities. If the spirit of this paper is reflected in the language used
as "les personnes invalides", on page 11, we can be assured that history as
mentioned in the above Castonguay-Nepveu report will undoubtedly repeat the
injustice and demeaning treatment of our community. "Les invalides" mirrors
socio-economic images of disabled persons as being incapable of
self-supporting, as inferiors and as people who deserve pity. It leans towards
a patronizing overview of disabled persons.
This image in turn translates itself in the application of the policy in
unintentional systematic discrimination. The focus of unintentional
discrimination avoids having to discern what was in the heart or mind of the
person accused of discriminating. Intent motivation are no longer the
key-factors in determining the existence of discrimination. Rather, it is the
harmful effect that a program, policy or practice may have on a group of
individuals, which becomes important."
I would like to add them: Implication that when disabled persons enter
social welfare, they will most likely not only need to prove that they are
indeed unable to work, but they must degrade themselves to stating that it is
for health reasons rather than for lack of access to work force. A lot of times
a person who is handicapped wants to work and is able to work but, because of
the lack of physical access to a building or an employer not willing to hire
handicapped persons, because of prejudice saying that this person might not be
able to perform the job, might be sick more often, just because of these
prejudices, the handicapped do not have equal access to the job force.
Implication, as I said before, that when disabled persons enter social
welfare, they will most likely not only need to prove that they are indeed
unable to work, but they have to degrade themselves and say: Hey! This is for
health reasons. But this is not the truth. They also need to prove that they
are capable of working if they want to participate in the Work Incentive
Program. Whereas it may not be intentional discrimination, the policy tends to
create subgroups of persons without understanding individual needs of persons
with disabilities. 1) Our group agrees with the position paper that, as a
result of social and economic changes in Québec, Quebec's policy on
Income Security is in need of reforms. 2) However, we strongly disagree with
this statement: The Financial Support Program is designed for households where
one of the consorts is, or for people who are, suffering from a significantly
irregular state of mental and physical health likely to persist for a
relatively long period and consequently unable to meet their needs." This
statement puts all disabled persons in the unemployable category, further
promoting the continuation of discrimination. We believe that cases should be
treated on an individual basis. We should not create a definition and say: Ail
handicapped are going to be put in this category. This statement appears to
categorize all people with disabilities, such as paraplegics, like myself, in
the unemployable category, therefore continuing to advocate discrimination
based on mental and physical disabilities.
This definition does not reflect realities of the unemployment situation
of disabled persons. We believe that this definition should be eliminated and
that each case should be treated individually when determining the category
which she or he will be placed in. One must take into account: a) disabled
persons who are able and/or wish to work; b) disabled persons who may be
physically able to work but for lack of appropriate support services, such as
home care, transportation, within the time frame required by employers, will be
unable to work; c) disabled persons whom for lack of education cannot find work
that they can do for a required period of time which would permit adequate
finances; d) disabled persons who cannot work for physical, mental or
intellectual disabilities. 3) We disagree with the provision for a $ 100 per
month job income exemption. This exemption, we feel, is useless to persons who
are declared unemployable and will not be able to obtain work for physical,
mental or environmental reasons. All other types of job income would further
encourage cheap labour. What we are saying in this particular point is that if
the person has been declared unemployable, then, it is unrealistic and there is
a contradiction somewhere to say: We are allowing you to earn $ 100 per month.
But if you cannot work, it does not make sense. If I cannot work, then, why are
you saying suddenly that I am allowed to earn $ 100? It is very unlikely,
because of a physical or a mental handicap that I would then be able to earn
these $ 100. 4) There is no clear provision in this paper regarding the amount
provided for special needs. As well, special needs subsidies have not been
indexed in proportion to the to rising costs of living nor to the amount that
the regular cheques have been indexed. Thus, the actual funds for special
needs, at present, are insufficient. We propose full indexation of all special
needs.
Just to cite a couple of examples: the $100 special needs for a
paraplegic, for the last few years, has not been indexed. As a result, the
paraplegics who have medical supplies to buy today are not receiving a fair
value. There is also, for example, people who are hearing impaired. The actual
cost of batteries at present
is $ 5.50 per month. That is for a set of twelve batteries. The
Québec welfare system allows 3,50 $ per month, also for a set of
batteries. What is not realized is that these twelve batteries often do not
last the entire month. So they are actually spending somewhere in the
neighbourhood of 8 $ to 9 $ a month, when they are only receiving 3,50 $.
In the section on Employment Incentive program, the paper mentions
disabled persons as an example of persons with "exceptional difficulties" and
it attempts to shift the responsability of resolving the problems by referring
them into the SEMO programs. In so doing, the policy paper further segregates
disabled persons from the rest of society. It assumes that the responsibility
of high unemployment among the disabled persons is related to some faults of
their own. In recent years, we have seen the SEMO'S agencies, which are
separate forms of employment agencies, perform some positive work in placing
disabled persons in the job markets, however these are not able to eliminate
the real problems, for example, architectural, technical, attitudinal barriers
in the place of work, nor can these better the job skill, educational level of
the said group. Data available tell us that between 80 % to 90 % of disabled
persons are presently unemployed. (17 h 45)
One of the ironic points of this position paper is that although it
claims that it is aimed at assisting the unemployable, it creates a double bind
situation for everybody who applies for social assistance. In its applications
the policy implies that it will use a means test tp determine if one is to be
placed under the employable or unemployable category. Whereas the able-bodied
persons must prove that they are unemployable to get full benefits, the
disabled persons must prove that they are capable of working in order to be
eligible to inter the Employment Incentive program. Due to the vagueness of
this paper, it is unclear if disabled persons who qualify for this program will
still be eligible for special benefits or for the health care card.
The paper implies that the socio-economic agents will be empowered to
determine who is and who is not unemployable. Due to the lack of clear
selective mechanisms to determine these, there is room for yet another
arbitrary definition of "disabled persons" and "deserving poors".
We feel that one of the major problems with this paper is that
socio-economic agents, first of all, are not properly qualified to make these
judgments. We also feel that they are being given too much power in making such
decisions. We know as a fact, right now, that there are very few disabled
socio-economic agents. We would like to see, first of all, that more disabled
persons are not only hired as socio-economic agents, but within the government.
O.k.?
But, certainly, if somebody is going to make a decision about whether a
disabled person can work or not, at least, the disabled community should
somehow be involved in deciding. We are proposing, rather than having one
person who decides if this person can work or not that a group or a committee
decides if a person can work or not. And it is imperative to have disabled
persons on this committee. I saw it from the recommendation...
Le Président (M. Thuringer): Just excuse me, sir. You have
about two minutes left. Maybe in the discussion following.. We all have seen
the brief, but maybe if you want to bring together a little bit and summarize
in conclusion, is that possible?
M. Gburek: O.K.
M. Hazan: Vous voulez poser vos questions tout de suite?
Le Président (M. Thuringer): II peut continuer. Les deux
côtés ont donné leur consentement pour qu'il continue.
M. Hazan: Pas de problèmes, continuez. Continue, but just
make it brief.
M. Gburek: There are just two more pages. I saw
Côte-des-Neiges it from the recommendations made in other sections of
this report. The Action Committee of Disabled Persons reminds the ministry that
at present the government uses an arbitrary list of what it is considers as
di-sabilitries. That list is and has been inaccurate and often missed some
newly diagnosed or less well known disabilities such as dystonia. This has
created difficulties for the individuals involved. Recommendation: That
whatever mechanism will be used to determine the unemployable, it must be one
whereby individual cases be looked at by a committee, as I just mentioned, and
not be left to the power and subjectivity of one person - in this case a
socio-economic agent - who may or may not be qualified to understand such
things as mental or physical disabilities and the details of it, nor must it be
an arbitrany list such as the present one. We recommend that individual
consumers be involved in these procedures, be it through hearing or as members
of a committee.
In this paper, the government implies that it wishes to improve the
standard of living of the unemployable. We commend the government's intentions.
However, it must: a) as stated on page 3 of our report index special benefits
to the real costs as of 1988, b) recognize disabilities expenses of non medical
or technical nature. For example, persons using a wheelchair may consume more
clothing due to wheelchair formats. Persons with most forms of neurological
disabilities that have difficulties walking, because their feet scrape, will
consume more shoes r
year. Persons whose body size does not meet commercial sizes must, like
in the example of the shoes, endure the cost of two pairs of shoes. Blind
persons who have a guide-dog will need to endure the cost of food and care for
that dog.
We propose: a) hiriing a respectable number of disabled persons as
socio-economic agents; b) greater consultation with consumers; c) recognizing
that unemployability is not always related to health reasons, that is, for some
disabled persons, it may be a combination of health, environmental and
attitudinal realities. That despite health reasons, some individuals may wish
to attempt to become employable on part time basis and thus this choice should
be accommodated.
We also recommend, very strongly, that the Personalized Action Plan be
implemented in the first 9 months cycle, in order to best assist and be of
utmost support to the individual who will need to understand the employability
profile. As well it will permit the individual who is still of good self-esteem
to maximize his motivation and interest to continue to search for a job.
We must recognize that, in the last decade, job opportunities have
become fewer and the unemployment of all has increased dramatically; this has
contributed to lowering of individuals self-esteem and consequently her or his
chances to find work.
We emphasize that wages of individuals must be in tune with standards of
living to ensure that the poverty cycle does not continue to increase.
Last, we demand that spouses of unemployable persons not be penalized as
implied in the paper: social assistance is reduced of the employable spouse or
the person that shares accommodations with an unemployable person. This is
economically and socially unjust and will further build gaps between
people.
We believe that, especially with the high cost of housing today, it is
very important to allow people on welfare to have an opportunity - by sharing
an apartment, for example, - to have a half-way decent living that they can eat
for the entire month. We know, for example, that in Montreal the rents have
increased enormously and that it is sometimes very difficult. Especially if you
are handicapped, you need apartments with elevators. The minute you have an
elevator in an apartment, you have a higher cost and most of the time if you
are looking for a 400 $ apartment, it is just not affordable to have food the
rest of the month.
I would just like to close. We have a couple of questions on our
committee, coming out of your report, which were not clear and we would like to
have those answered. First of all, in the matter of health care cards: Which
goods and services will the health care card include? Will home care, personal
care, etc., now provided by the CLSC be provided for by this card to social aid
recipients?
We contest this as being discriminatory on the ground that these
individuals may be given inferior goods and services which affect their health,
well-being and personal security. We demand a clearer statement as to what
goods and services will be provided. We would like to have an assurance, for
example, that with this health care card, if you present it, you will be
getting equal service and not a second rate service. Thank you very much.
Le Président (M. Thuringer): Thank you very much. Avant de
procéder, il faudrait demander le consentement de la commission pour
poursuivre au-delà de 18 heures. Merci. Consentement.
Mme Harel: Consentement.
Le Président (M. Thuringer): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): I would like to thank the Action
Committee of Disabled Persons of Côte-des-Neiges and their
representatives, Mr Gburek, for the presentation and Mr Hazan, for the
assistance in the presentation.
I would like, first to know a little bit more about your group, your
organization. How long has it been established? To how many people does it
render services? And, what is the situation of those people? Are they, most of
them, on welfare, are some of them low income earners? What is the clientele
that you mender services to in Montreal? You can answer right away, I
guess.
M. Gburek: Our committee started, three years ago, as a result of
a research project made by the present co-ordinator whose name is Maria
Burelle. She found that in the Côte-des-Neiges area there was a large
number of disabled residents. O.K.? In the last survey that we have done, there
were a minimum of approximately 400 to 500 disabled persons. We are talking of
different disabled and we found that there were no services, very poor services
and very little accessibility to public buildings, for example, to the medical
buildings, these kinds of things, the essential services. We found that
grouping ourselves together and pushing for these services would effect a
quicker change.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): What are your sources of financing
for your group to be able to give those services to the community?
M. Gburek: At present, we have received the Canada Job
Development program for six months, for 50 000 $. I have just received, this
past week, word from Mr Fortier's office that he will be giving us some form of
aid. We have not received the letter yet as to the amount or anything. We are
presently making applications
to all the different agencies that are available. We have made an
application to the CRSSS-MM and, hopefully, we would receive some positive
answers. (18 heures)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): You have mentioned in your brief,
I think it's on page 2, that "Disabled persons - I am reading from the second
paragraph - are still among the people with lowest standards of living in our
society. " So you are telling us practically that disabled people have, even
financially speaking, greater needs than able people to be able to survive. Am
I reading you correctly? O. K.
We have that part of the problem, O. K. ? When we try, as government or
you try as an organization to involve your disabled people in job activities,
you need specific programs for them. You cannot use the same programs that you
use for so-called able people and, without adjustment, offer them to the people
you represent. Do you agree that we need a different approach with the disabled
people as far as their formation is concerned?
M. Gburek: What I believe, I do not think that the disabled
should get special treatment, as per se. What I believe is that the disabled
should be allowed to achieve equally as you or as anybody else in this room.
OK? For example, in my case, I have had an accident twelve years ago and I
returned to university after that. When I went to university, I needed to have
buildings accessible. That was my special need. If another person who's blind,
for example, need a note taker, that should be provided. I am not saying to
pamper the disabled. I am saying: Give them the opportunity to achieve equally.
Just because a person is physically disabled does not mean that there is
something wrong with his brain. Just because they are physically disabled that
does not mean that they cannot go to university. It does not mean that they
cannot work. OK?
What the Québec and the Canadian governments have to do is to
make the buildings accessible, number one that we can get into the buildings,
that we can apply for the jobs, that we can go to the universities to learn. I
will give you a very good example of somethings that go on in Montréal
or in Québec. They have a ramp, for example, at a bank; they do not
clean it in the winter. The persons cannot go to do their banking. That sounds
serious. What is even more serious, this winter, when I applied for this
particular position, I had to go to the Manpower Center on Ferrier, which has a
giant beautifully built ramp. It had not been cleaned all winter, there was
four feet of snow. I had to get somebody to bring me up the stairs. Now, I have
been out twelve years in a wheelchair and I have learned to accept these
things. I am not shy. But what happens is when a person is newly disabled as I
know from passed experience, you become withdrawn. If I would have seen that
twelve years ago, I would have gone back home and I would not have applied for
the job and I would not have gotten the job.
What I am saying is just because there is a ramp there that does not
always mean that you are thinking of disabled. To think of the disabled, it is
a daily process. We are not asking anything special. I am sure you have heard
of the term "à part égale", which means we want to be treated
equally. We pay taxes like everybody else. We have our faults like everybody
else. We are humans like everybody else. We just want to be able to contribute
to Québec's society.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): We had a group here, the other
night, who represented disabled persons, too. And they said: The people we
represent are usually productive people, but they have a problem on the regular
job market about being competitive, the problem that you have raised in your
brief that an employer might give advantage to the person who is more
competitive than the other one. And one of the suggestions they have made to
the commission was to supplement that competitive aspect of the disabled
persons so they get an equal chance on the job market.
How would you react to such a proposition?
M. Gburek: If I understand the question correctly, thinking to
this report, I am not saying that it is a negative report, I am saying it has
faults, Specially like right now, we have still a fairly high unemployment
rate. When you have two people qualified for a job, at present, what the
employer would do is take the non disabled person. With this particular
program, specially the way you have worded the definition for the
unemployables, what we believe is going to happen is that: if I would go on
welfare and I would come in front of the socio-economic agent, he would see me
as disabled. He would look at your report and he would say: You are
unemployable. He would not look at the fact that I have a university degree.
First, he would look at my physical disability, number one. Now, ideally, my
disability would not come into play and he would look at my university degree
and say: Yes, we can do something with you. We can get you back into working.
But the prejudices that occur unfortunately are preventing the disabled from
gaining this employment, even his chance to employment.
The impression that I get what will happen is that, if I word to want to
go into the Employment Incentive program, I would be at the bottom of the list
rather than at the top of the list of people being hired, you see? If I am on
welfare, for myself, I would not want to stay there. First of all, let's face
it, the amount of money that you get per month, you are not going to buy a
Cadillac on it. I have always been a person, I feel, I have to contribute. I
am
sure that I am not the only disabled person like that. But if I am not
given an equal chance to get to this point... You see, the disabled people,
they need that little extra help because of the prejudices that society has at
present.
I mean, upon till last year, this is one of the achievements of our
committee, it was written, in the jury duty, that people with physical
handicaps could not serve on a jury. When we read this, we made a
representation to the Minister of Justice asking for a change in the wording,
because it promoted discrimination, because these are old laws, a lot of times
they do not take into account changes in society. But this just illustrates
some of the prejudices that we have to face everyday.
I push down the street and there is this mother walking with her child
and the child looks at me or the child wants to have my chair and the mother
would pull her away as if I'm somebody with a disease. You see? These are
prejudices, O.K.? What happened is that you might not think that an employer
has these things in the back of their minds, but it is unbelievable the amount
of obstacles that a disabled faces in attaining employement.
The building where we rented our office base does not have an accessible
washroom. We want to make it accessible. We have to fight for it. When we
approached the owner of the building, who happens to be a doctor, the first
question he asked was: Could you not have the person be put into a smaller
wheelchair rather than enlarging the door? He was an elderly gentleman and he
did not understand the needs of the disabled. But this kind of little problems
illustrate the general attitude that the people have towards disabled. In order
for us to be able to benefit from this program, people out there would not have
to be prejudiced against us. So, what we are saying is: If we are to benefit
from this program, we are going to need a little extra help in here. We are
going to need something extra to say, for example, to the disabled people who
are able to work, that they are going to be given at least equal consideration
when jobs open up within this welfare program.
Le Président (M. Thuringer): M. le ministre, j'aimerais
céder...
Mme Harel: Oui, M. le Président. Je vous remercie. M.
Gburek et vous, M. Hazan, vous travaillez régulièrement avec le
comité des personnes handicapées de Côte-des-Neiges.
M. Hazan: Vous vous adressez à moi? Mme Harel:
Oui.
M. Hazan: Non, je l'ai accompagné aujourd'hui parce qu'il
n'avait personne pour l'accompagner et il m'a dit que, s'il ne venait pas
aujourd'hui, ce serait annulé et ce ne serait pas reporté.
Mme Harel: Ce ne serait pas...
M. Hazan: ...renouvelé. Je l'ai accompagné ici.
Comme il ne parle pas bien le français, je l'ai aidé dans son
"speech". Cela me fait plaisir. Cela ne me dérange pas.
Mme Harel: Êtes-vous un membre actif au sein du
comité?
M. Hazan: Non. C'est un bon ami, à moi.
Mme Harel: Avez-vous étudié avec M. Gburek?
M. Hazan: Non.
Mme Harel: C'est intéressant, parce que, comme il a
poursuivi ses études à l'université, il est possible qu'il
ait fait là des contacts. Je trouve extrêmement
intéressante, notamment, une des recommandations que l'on retrouve
à la page 9, la première d'ailleurs, qui dit: "Hiring a
respectable number of disabled persons as socio-economic agents". Est-ce qu'il
y a plusieurs agents actuellement, à la connaissance de M. Gburek, qui
ont un handicap et qui travaillent dans les bureaux?
M. Hazan: Ils sont exactement quatre.
Mme Harel: Vous voulez dire quatre à
Côte-des-Neiges, au comité?
M. Gburek: Nous sommes quatre qui travaillons au projet. Nous
sommes toutes des personnes handicapées. (18 h 15)
Mme Harel: Et, à votre connaissance, est-ce qu'il y a des
agents d'aide sociale, dans les bureaux d'aide sociale, qui sont des personnes
handicapées?
M. Hazan: À ma connaissance?
Mme Harel: À la connaissance de M. Gburek.
M. Gburek: Au centre d'emploi, je ne connais personne qui ait un
handicap. Pas du tout.
M. Hazan: C'est pour cela que la rampe n'est pas...
M. Gburek: La rampe est là pour faciliter l'accès
aux handicapés. Mais je suis allé là une couple de fois et
je n'ai jamais vu une personne handicapée travailler là.
Peut-être y a-t-il une personne avec un problème de
surdité, quelque chose qu'on ne peut pas voir. Mais un handicap
physique, une personne aveugle ou en fauteuil
roulant ou avec des béquilles, je n'ai pas vu cela.
Mme Harel: C'est au centre d'emploi. Vous voulez dire au centre
fédéral, au centre d'emploi du Canada? Est-ce que dans les
bureaux d'aide sociale, à la connaissance de M. Gburek, là
où il y a des agents d'aide sociale, il y a des personnes qui ont un
handicap?
M. Gburek: II n'y a personne d'handicapé qui travaille au
bureau de l'aide sociale de Côte-des-Neiges. Je peux peut-être
mentionner un petit problème. Une de nos membres handicapés va
suivre des traitements en physiothérapie chaque jour. Maintenant, son
agent du bien-être social lui a dit qu'ils vont couper ses prestations
parce qu'ils ne la trouvent pas chez elle quand ils viennent la visiter.
D'accord? Ils ont essayé de rejoindre cette dame une couple de fois,
chez elle mais parce qu'elle suit des traitements de physiothérapie
presque toute la journée dans un centre de réadaptation, c'est
sûr qu'elle n'est pas là. L'agent a dit: Puisque tu n'es pas
là, c'est peut-être parce que tu travailles. Cette personne a
aussi des problèmes émotionnels et cela lui fait très mal.
C'est juste un cas qui montre que, s'il n'y a pas d'agent handicapé pour
comprendre exactement la vie des handicapés, ils vont prendre des
décisions qui ne sont pas bonnes pour les handicapés.
Mme Harel: Dans le cas que vous nous citez, une fois que l'agent
a obtenu la confirmation qu'il s'agissait bien de traitements
phsysio-thérapeutiques, est-ce qu'il a maintenu la pleine prestation
à la personne?
M. Gburek: Même si elle l'a déjà dit à
l'agent, jusqu'à maintenant, il n'a pas dit exactement ce qu'il va
faire. La personne a très peur de son agent parce qu'elle ne sait pas si
un jour prochain elle sera privée de l'aide sociale ou non.
Mme Harel: Elle se sent menacée. M. Gburek: C'est
de l'insécurité.
Mme Harel: Elle se sent menacée parce qu'elle est sous
traitement. Elle a confirmé, par écrit peut-être, qu'elle
avait des traitements et, malgré tout, elle se sent menacée.
M. Gburek: Tout cela a déjà été fait.
Elle a mentionné qu'elle avait reçu une lettre du centre de
réadaptation. Elle n'a pas encore reçu une réponse absolue
lui disant: Oui, vous continuez à recevoir votre aide sociale.
Mme Harel: Cela fait combien de temps?
M. Gburek: Elle l'aura peut-être reçue dans une
couple de semaines, mais c'est de l'insécurité pour elle,
entre-temps. C'est très difficile. Cette situation
d'insécurité dure depuis plus de deux mois.
Mme Harel: Si elle suit des traitements
physiothérapeutiques, est-ce à cause d'un handicap permanent ou
à la suite d'un accident récent?
M. Gburek: C'est pour un handicap physique causé par son
arthrite. Elle a des problèmes à marcher et elle a reçu
des traitements dans les os pour l'aider à marcher. Elle a aussi des
douleurs dans les jambes à cause de l'arthrite et la thérapie est
supposée l'aider.
Mme Harel: Est-ce que vous avez fait des représentations
auprès de la ville de Montréal qui annonçait l'embauche de
300 nouveaux fonctionnaires pour administrer le programme de
sécurité du revenu du ministre? La ville disait avoir ses propres
critères d'embauché, ne pas s'engager à prendre à
son service les fonctionnaires actuellement affectés au programme. Quant
aux critères d'embauché, est-ce que vous avez pu vérifier,
ou allez-vous le faire, auprès de la ville de Montréal ou
auprès du ministre pour savoir si le ministre recommandera à la
ville d'avoir comme critère d'embaucher un pourcentage de personnes qui
ont un handicap?
M. Gburek: Je pense seulement, comme je l'ai dit tout à
l'heure dans la présentation, qu'il est très important pour les
handicapés d'avoir un emploi. L'emploi, pour les handicapés,
c'est très important aussi au plan émotionnel. S'ils travaillent,
ils savent qu'ils contribuent à la société
québécoise. Je pense que toute personne, handicapée ou
non, veut contribuer.
Il y a des postes disponibles, spécialement au gouvernement, qui
pourraient être comblés par les handicapés. Il y a des
personnes handicapées qualifiées pour faire ce travail. Alors, je
pense que, même si le gouvernement a déjà fait un peu de
progrès en ce sens, il devrait prendre plus d'initiatives pour trouver
du travail pour les personnes handicapées qui sont
qualifiées.
Mme Harel: Une dernière question...
M. Gburek: C'est une chose très importante. Je ne veux pas
qu'on donne du travail à une personne handicapée seulement parce
qu'elle est handicapée. Je dis que, si une personne handicapée
est qualifiée et qu'une autre personne est qualifiée, pour le
moment, on devrait donner l'avantage à la personne handicapée.
C'est la même chose qu'on a faite pour les femmes parce qu'elles ont des
besoins spéciaux. Si le gouvernement n'agit pas... If the government
does not act by example, the private sector employer wHI not follow and the
handicapped will never be employed.
M. Hazan: Deux petits mots pour vous expliquer quelque chose
parce que je crois qu'il a de la difficulté. À ce que j'ai
compris, ce qu'il veut dire exactement par émotionnel, c'est que les
gens qui ne sont pas handicapés peuvent se réveiller le matin,
vers 8 heures et demie, 9 heures, et aller faire dix, quinze demandes d'emploi,
tandis qu'eux doivent appeler un taxi spécial quatre heures à
l'avance pour l'avoir à telle heure. C'est par la STCUM. S'ils ne font
qu'une demande par jour et qu'ils sont refusés, cela les déprime
déjà. Une personne qui n'est pas handicapée, elle, pourra
se rattraper, aller chercher le deuxième, le troisième, le
quatrième emploi, jusqu'à ce qu'elle ait sa "job". C'est ce qu'il
veut vous dire exactement.
Mme Harel: Je vous remercie de vous être
déplacés. Je souhaite que cet effort que vous avez fait devant la
commission porte fruit, et que vos recommandations soient entendues et
retenues, notamment celles qui concernent l'engagement de personnes
handicapées. Je crois qu'à l'occasion d'une réforme, qui
devrait être différente de celle-là, mais qui s'impose
également, il devrait y avoir embauche de personnel nouveau. Ce serait
l'occasion de faire de la place à des personnes handicapées dans
les bureaux. Je vous remercie.
Le Président (M. Thuringer): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Peut-être brièvement.
You have mentioned, M. Gburek, that you would like to contribute. I can assure
you that you have contributed very positively to the work of this commission.
À M. Hazan, merci de l'avoir accompagné. Je souhaite à
tout le monde des amis comme vous.
M. Hazan: C'est moi qui vous remercie.
Le Président (M. Thuringer): J'aimerais aussi remercier
The Côte-des-Neiges Action Committee of Disabled Persons. La commission
suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 28)
(Reprise à 20 h 17)
Le Président (M. Laporte): À l'ordre, s'il vous
plaît! MM. les membres de la commission, je vous prie de bien vouloir
prendre place!
Une voix: Mesdames aussi.
Le Président (M. Laporte): MM. et Mmes de la commission.
Merci, M. le ministre, de me rappeler à l'ordre. La commission reprend
ses travaux afin de continuer sa consultation générale et de
tenir des auditions publiques afin d'étudier \e document intitulé
"Pour une politique de sécurité du revenu".
Coalition sur l'alimentation dans
Hochelaga-Maisonneuve
En tout premier lieu, j'aimerais souhaiter la bienvenue à
Québec aux membres de la Coalition sur l'alimentation dans
Hochelaga-Maisonneuve et leur rappeler brièvement la procédure
à suivre en ce qui concerne la commission parlementaire qui, d'une part,
vous laisse vingt minutes pour la présentation de votre mémoire
pour que, d'autre part, nous puissions, pendant quarante minutes, avoir un
échange avec les membres de la commission.
Pour l'enregistrement des débats, je vous demanderais de bien
vouloir, tant le porte-parole que les membres qui l'accompagnent, vous
identifier et, par la suite, faire la présentation de votre
mémoire. La parole est à vous.
M. Primeau (Jean-Robert): M. le Président, M. le ministre,
Mmes et MM. les députés, nous tenons à vous remercier de
l'occasion que vous nous donnez de venir ce soir vous présenter notre
mémoire et notre point de vue sur le document d'orientation
intitulé Tour une politique de sécurité du revenu". La
Coalition sur l'alimentation dans Hochelaga-Maisonneuve est un regroupement de
dix organismes du quartier Hochelaga-Maisonneuve qui a été mise
sur pied en mai 1987 pour faire face aux difficultés
socio-économiques de notre population soulignées par de
nombreuses informations fusant de toutes parts dans le quartier et indiquant
une incapacité des groupes de répondre à tous les besoins.
J'aimerais souligner que notre coalition n'a pas de charte. Elle est
composée de représentants et représentantes le plus
souvent responsables d'organismes communautaires et dûment
mandatés par leur groupe pour favoriser une action sur l'alimentation.
La coalition a une existence publique et fonctionne par consensus.
Je voudrais vous présenter les personnes qui m'accompagnent ce
soir et qui sont membres de la coalition. Vous avez, à ma gauche, Mme
Lucie Lépine, directrice du Carrefour familial Hochelaga; à sa
gauche, Mme Johanne Dupuis, travailleuse sociale à la Marie Debout, qui
est un centre de femmes; à l'extrême gauche, Mme
Hélène Whiting, présidente du Comptoir alimentaire de
rencontres, de références et d'entraide. À ma droite, vous
avez Mme Annie Vidal, directrice générale du Resto-Pop et,
à droite, Mme Louise Lépine, nutritionniste au CLSC
Hochelaga-Maisonneuve. Pour ma part, mon nom est Jean-Robert Primeau et je suis
secrétaire de la coalition.
Comme vous n'êtes pas, tous et toutes familiers avec le territoire
où nous intervenons, je vous informe que le quartier
Hochelaga-Maisonneuve est un quartier urbain du sud-est de Montréal qui
comprend 47 000 résidents et résidentes. Les personnes qui
dépendent de l'aide
sociale y sont au nombre d'environ 12 000. Les prestataires
d'assurance-chômage sont plus de 4000. En incluant les personnes
âgées, on considère que près de 50 % de la
population vit sous le seuil de la pauvreté. Selon une enquête
effectuée par la Société canadienne d'hypothèques
et de logement en octobre 1987, les prix moyens des logements étaient
les suivants dans notre quartier: 287 $ pour un studio, 380 $ pour un logement
d'une chambre, 502 $ pour deux chambres et 576 $ pour trois chambres. Pendant
la période couverte par l'enquête, d'avril à octobre 1987,
les prix d'un loyer de trois chambres ont grimpé de 20 % dans
Hochelaga-Maison-neuve. Les prix des loyers de deux et trois chambres sont
d'environ 9 % plus élevés que dans le Montréal
métropolitain. Ces quelques données prouvent à
l'évidence que les prestataires d'aide sociale doivent se priver de
manger pour avoir un toit et se vêtir. Elles font aussi comprendre
pourquoi les organismes du milieu reçoivent de plus en plus de personnes
qui ne peuvent pas s'alimenter tous les jours du mois, ni en qualité ni
en quantité. Dans notre mémoire, nous soulignons que le
ménage québécois moyen a dépensé 26 % de ses
revenus pour l'alimentation en 1987. Pour se maintenir en santé, les
ménages récipiendaires de l'aide sociale devaient consacrer de 40
% à 55 % de leurs revenus pour la nourriture et ce, sans aucune
gâterie ni repas des fêtes. S'H y en a dans la salle qui sont
allés prendre leur souper à deux personnes au restaurant du
Hilton, il vous en a coûté environ ce qui est recommandé
pour un adulte pour tout un mois et ceci, encore une fois, pour une
alimentation minimale si on veut rester en santé.
Quand on sait que le coût des loyers gruge 50 % des revenus de
plusieurs ménages, on comprend vite qu'on doive se priver de manger pour
s'habiller, payer le téléphone, etc. Le pourcentage des
bébés de petit poids à la naissance était de 9,7 %
en 1981 dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, alors qu'il était de 6 %
en Chine en 1982. Une des causes identifiées de ce
phénomène est le fait que les mères manquent de nourriture
trop souvent et trop longtemps. Un sondage fait en octobre 1987 dans une
école primaire de notre quartier révèle que 10 % des
enfants se présentent en classe sans rien dans le ventre. Quand on a
entre 18 et 30 ans et qu'on reçoit le minimum d'aide sociale, on en est
souvent réduit à la mendicité ou à la
criminalité. Les conséquences de cette situation, dont on
pourrait énumérer les faits encore longtemps, sont une plus
grande incidence de maladies physiques et mentales qui coûtent
énormément cher à la société et qui privent
les personnes de s'épanouir et de contribuer au développement de
cette société. On dirait que cette réforme a
été élaborée isolément sans tenir compte des
coûts à moyen et long termes pour les autres ministères et
la société tout entière. Les bébés trop
petit poids risqueront d'avoir divers handicaps dès leurs premiers jours
et coûteront très cher à la société. On sait,
par exemple, qu'un patient en unité postnatale spécialisée
coûte environ 1000 $ par jour. C'est chez ces enfants qu'on retrouve le
plus haut taux de mortalité et de handicaps majeurs. Le manque de
nourriture crée des tensions dans beaucoup de familles, tensions qui
peuvent aboutir à des actes violents. Les femmes écopent souvent
les premières du manque de nourriture. Quand un enfant doit sauter un
repas, cela fait déjà plusieurs repas que la mère n'a pas
mangés.
Nous croyons qu'il ne procède pas d'une saine gestion des
affaires publiques de ne pas tenir compte des conséquences à long
terme de la pauvreté. Nous croyons que des correctifs importants
devraient être apportés à cette réforme pour qu'elle
n'aggrave pas, dans plusieurs cas, des problèmes de pauvreté
contre lesquels nous luttons.
La pyramide des besoins, de Maslow, maintenant très largement
connue, présente une hiérarchie des besoins humains. Au bas de la
pyramide, on retrouve les besoins de première nécessité.
Maslow nous démontre comment l'humain, dans le développement de
soi, doit combler les besoins primaires avant d'être en mesure
d'accéder aux autres niveaux. C'est l'image la plus significative que
nous ayons trouvée pour expliquer notre vision du projet de
réforme. On va à l'encontre de l'analyse que Maslow fait de la
nature humaine si on pense que les personnes vont être en mesure de
réintégrer le marché du travail si leurs besoins
essentiels ne sont pas satisfaits. Nous croyons que plusieurs des
barèmes proposés ne permettent pas cette satisfaction. D'autres
l'ont peut-être dit avant nous, mais nous croyons important de le
réitérer, la parité pour les jeunes de 18 à 30 ans
ne saurait être retardée sans l'approfondissement de
conséquences graves pour plusieurs de ces jeunes: prostitution,
polytoxicomanie, itiné-rance, etc.
Je vais maintenant céder la parole à Mme Lucie
Lépine, du Carrefour familial Hochelaga, qui va nous donner d'autres
exemples qui viennent du vécu de cette personne à
l'intérieur d'un groupe dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Lépine (Lucie): Le Carrefour familial Hochelaga
accueille quelque 500 familles par année; 80 % de ces familles sont des
familles monoparentales dont la femme est responsable. Dans notre organisme
circulent, chaque année, des milliers de personnes
bénéficiaires de l'aide sociale ou à très modeste
revenu. Comme nous voulions rejoindre les familles les plus démunies,
les plus isolées, depuis cinq ans notre organisme fait
systématiquement du porte à porte dans les rues du quartier, non
par intérêt politique, mais pour devenir si près des gens
qu'ils fassent part de la situation réelle. Les exemples suivants vont
peut-être vous sembler un peu sensationnels. Nous aurions pensé la
même chose si notre
organisme ne s'était pas déplacé pour voir.
Ce que nous avons vu? Nous avons vu des hommes qui ont perdu leur emploi
à cause de nombreuses fermetures d'usines et qui se sentent
dévalorisés. Nous avons vu des femmes, mères de famille,
considérées comme non compétentes pour travailler dans une
garderie. Nous avons vu des femmes très isolées parce qu'elles
n'ont pas l'argent nécessaire pour faire garder les enfants. Des
personnes qui paniquent lorsque le chèque d'aide sociale retarde d'une
journée. Nous essayons de nous imaginer la situation lorsqu'il y aura
coupures, enquêtes, 53 catégories; la réforme voulait, nous
a-ton dit, simplifier. Nous avons vu des gens qui font le tour des poubelles,
des adolescents, des adolescentes qui ont toujours faim et qui prennent dans le
réfrigérateur les derniers repas du mois, des familles où
les enfants mangent à tour de rôle, des enfants qui piquent des
contenants de caramel, de confiture, de biscuits dans les épiceries et
les restaurants, des femmes qui se partagent les restes à la fin du
mois, une femme qui cache la nourriture dans la neige pour répartir
l'épicerie durant tout le mois, une autre qui cache la nourriture dans
le haut de l'armoire pendant qu'elle prend son bain afin d'éviter que
les enfants mangent pendant ce temps-là, un cadenas sur la porte du
réfrigérateur. Nous l'avons vu.
Vous comprendrez pourquoi une telle réforme qui ne tient pas
compte des besoins, nous inquiète. Les conséquences de mauvaises
conditions économiques sont déjà très
désastreuses: culpabilité des mères, honte,
dépression, dévalorisation personnelle, isolement, tension dans
les familles lorsqu'un adolescent ou une adolescente prend, le soir, le repas
du lendemain, tension à cause du regroupement des familles dans des
logements étroits, ce qui entraîne querelles et violence. Les
familles se regroupent parce qu'elles ne parviennent pas à boucler leur
budget. Nous comprenons mal pourquoi les familles seraient
pénélisées pour ces contraintes. Exploitation. Une femme
qui fait la vaisselle dans un restaurant toute la journée pour son repas
du midi. Renforcement des préjugés vis-à-vis des
assistés sociaux. Pourtant, l'expérience nous démontre que
les bénéficiaires de l'aide sociale ne sont pas des paresseux.
Ils sont plutôt très actifs: 70 bénévoles
soutiennent le Carrefour familial Hochelaga avec quelques permanents à
salaire très modeste. Je n'oserais pas dire le salaire des permanents de
peur de faire rougir les députés qui seraient trop sensibles. Des
femmes se regroupent pour faire des achats et des repas économiques.
Ce ne sont là que quelques exemples. Alors, pourquoi ne pas tenir
compte de ces besoins dans la réforme? Pourquoi vouloir
économiser sur le dos des plus faibles économiquement? Est-ce une
véritable économie? Pourquoi ne pas tenir compte des seuils de
pauvreté? Pourquoi remettre à l'individu la responsabilité
de l'emploi? Pourquoi une incitation négative à l'emploi?
Pourquoi ne pas soutenir les groupes qui incitent, de façon positive et
graduée, le retour sur le marché du travail? Des conditions de
vie décentes ne sont-elles pas la meilleure façon d'inciter les
gens au travail? Où sont les emplois pour les femmes peu
scolarisées? Quels types d'emploi? Et pour quand? (20 h 30)
Le projet nous inquiète. Un langage économique qui ne
tient pas compte des conditions de vie nous heurte. Nous aurions applaudi
à une politique du plein emploi, à une incitation positive au
travail.
M. Primeau: Si vous le permettez, M. le Président,
j'aimerais céder la parole à Mme Louise Lépine, qui est
nutritionniste au CLSC Hochelaga-Maisonneuve et qui va présenter des
exemples de budgets. Je voudrais souligner que Mme Lépine a
préparé un document qui a été remis à la
secrétaire de la commission.
Mme Lépine (Louise): Nous ne disposons pas des ressources
humaines et financières de votre ministère, M. Paradis, mais nous
avons tenu à vous démontrer, chiffres à l'appui, que les
barèmes proposés dans votre document d'orientation sont gravement
insuffisants et que les participants à la majorité de vos
programmes ne pourront pas se nourrir adéquatement, la nourriture
étant le seul poste compressible de leur budget. Nous avons
utilisé les enquêtes sur les immeubles locatifs de la SCHL dans
Hochelaga-Maisonneuve, en octobre 1987, et les budgets de subsistance et de
confort minimum du Dispensaire diététique de Montréal, de
1987, ces budgets étant les seuls qui soient utiles, à notre
avis. En effet, nous croyons essentiel que les barèmes soient
fondés sur les besoins et non sur les dépenses des plus pauvres.
Leurs dépenses ne peuvent pas répondre à leurs besoins
minimums.
En première page du document, vous constaterez la
frugalité du budget. Je vous fais noter tout de suite que ce qu'on
appelle les loisirs et la récréation représentent 10 $ au
total pour un adulte. Cela veut donc dire qu'une femme ne peut même pas
aller au cinéma, une fois dans le mois, si elle doit faire garder ses
enfants pour se distraire.
Voyons donc rapidement quelques exemples de budgets. Le crédit
d'impôt foncier n'y apparaît pas parce que nous ne disposions pas
des données moyennes à ce sujet pour notre quartier. Alors, nous
avons calculé les revenus potentiels de travail de 155 $ au programme
APTE dans les neuf premiers mois, mais nous croyons que, quand on recherche un
emploi, on doit le faire à temps plein et que, quand on est mal nourri,
on n'a pas l'énergie pour faire des heures supplémentaires; 155 $
représentent, par exemple, 77 heures et demie de gardiennage,
c'est-à-dire 15 soirs d'un peu plus de 5 heures chacun.
Alors, voyons les budgets. Un premier
exemple: une femme et son garçon de onze ans,
bénéficiant du programme APTE pendant les neuf premiers mois.
J'ai utilisé le budget de confort minimum parce que l'enfant va à
l'école et parce que la mère devrait être en recherche
intensive d'emploi. Ses revenus sont de 655,39 $; ses dépenses de 889,14
$, soit un déficit de 233,75 $. Deuxième exemple: une femme avec
un adolescent de 17 ans et une adolescente de 14 ans bénéficiant
du programme APTE, toujours pendant les neuf premiers mois: revenus de 856,83
$, dépenses de 1270,22 $; un déficit de 413,39 $.
Troisième exemple: deux adultes non disponibles, une femme enceinte de
sept mois et un homme convalescent à la suite d'une intervention
chirurgicale bénéficiant du programme APTE. Au budget de
subsistance, le plus petit, j'ai ajouté le téléphone et
des billets d'autobus parce que, quand on est malade ou enceinte, on doit aller
chez le médecin, à la clinique ou à l'hôpital. On
obtient des revenus de 720 $, des dépenses de 795,16 $ et un
déficit de 75,16 $. Nous n'avons même pas ajouté ici le
coût des vêtements et des meubles requis pour le futur
bébé, mais nous savons que cette recherche de biens essentiels
est un grand facteur de stress chez les femmes enceintes pauvres et contribue
à la naissance de bébés de petit poids. En effet, le
stress à lui seul empêche l'utilisation maximum des aliments,
même s'ils étaient de bonne qualité et suffisants. Enfin,
un quatrième exemple du programme APTE pendant les neuf premiers mois:
un homme seul, avec un revenu de 405 $; des dépenses de 596,66 $ et un
déficit de 191,66 $.
Enfin, j'aimerais vous souligner qu'on demande toujours aux
assistés sociaux d'être d'excellents administrateurs. Qui d'entre
nous, dans cette salle, est obligé comme eux de savoir exactement
combien il peut dépenser pour manger et combien de jours il mangera dans
le mois? Enfin, pour ma part, je dois m'assurer que mes clients ont l'argent
nécessaire avant de leur donner certaines informations sur
l'alimentation saine. Sinon, je ne ferai qu'augmenter leur sentiment de
culpabilité et d'incompétence face à leur famille. Je vous
remercie.
M. Primeau: Je voudrais terminer par une série de
questions auxquelles nous trouvons qu'il est impératif de
répondre. Comment va-t-on faire pour créer des emplois en nombre
suffisant pour les 286 622 ménages aptes et les 300 000 chômeurs
et chômeuses au Québec? S'il va en coûter 7 500 000 000 $
pour créer 40 000 emplois à la Baie James, l'État va-t-il
injecter 112 500 000 000 $ pour en créer 600 000? Nous ne posons pas
cette question sur le ton de l'insolence, mais sur celui de
l'inquiétude.
Quels seront les coûts sociaux de cette réforme si, comme
nous l'estimons, elle va appauvrir de larges blocs de la population? Quels
seront, dans cinq, dix, quinze ou vingt ans, les coûts sociaux d'une
réforme qui va accentuer les problèmes de santé physique
et de santé mentale d'une bonne partie de la population?
Comment va-t-on faire pour créer des emplois permettant à
leurs détenteurs de vivre dignement, c'est-à-dire des emplois non
précaires, des emplois permanents? Est-ce que l'emploi qu'un individu
détenait pourra être maintenu, une fois son programme
terminé? Est-ce que ces emplois vont tenir compte des capacités,
des expériences et des formations des futurs travailleurs? Quelles
seront les conséquences de l'arrivée de travailleurs et de
travailleuses que l'employeur n'aura pas à payer dans les petites
entreprises non syndiquées? Va-t-on, comme société, voir
augmenter le nombre de chômeurs et de chômeuses pour compenser le
placement d'assistés sociaux et d'assistées sociales? Va-t-il y
avoir suffisamment de garderies pour les enfants des femmes ou des hommes qui
ne seront plus disponibles pour les garder? Les barèmes sont
plafonnés à des situations familiales où il y a deux
enfants. Comment les familles qui en ont quatre se débrouilleront-elles?
Nous connaissons des femmes, à l'aide sociale, qui sont
retournées aux études, mais qui ont des horaires antifamiliaux;
de 15 h 30 à 22 h 30 par exemple. Quel est ou quel sera l'effet sur les
enfants de l'absence des parents pour le repas du soir et pour les devoirs
scolaires? Il est démontré que l'intérêt et le
support des parents sont essentiels au succès scolaire des enfants. Or,
les enfants des milieux socio-économiques défavorisés sont
ceux qui ont le plus de difficultés. Ne va-t-on pas aggraver ce
problème?
Le gouvernement va-t-il reconnaître la contribution majeure des
organismes communautaires pour aider les personnes à
réintégrer graduellement le marché du travail? Cette
reconnaissance se traduira-t-elle par un soutien financier approprié? Ce
n'est là, mesdames et messieurs de l'Assemblée nationale, qu'un
faible échantillonnage des questions que cette réforme
soulève pour nous.
En terminant, nous voudrions vous dire que, si vous avez des doutes
quant à la situation des familles que nous décrivons, nous sommes
prêts à accueillir une délégation de la commission
dans notre quartier. Nous pourrions vous faire rencontrer des familles qui
vivent les problèmes et qui s'attendent à mieux d'une
réforme de l'aide sociale. Merci.
Le Président (M. Laporte): Merci, M. Primeau. Je vais
maintenant céder la parole à M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous me permettrez de remercier la
coalition, dans un premier temps, pour son mémoire écrit, sa
présentation orale ainsi que l'information additionnelle qui nous a
été distribuée ce soir.
Vous me permettrez, en ce début de soirée - bien que vous
soyez plus que notre 70e groupe, vous êtes notre premier ce soir - de
partager avec vous le profil de l'assisté social au
Québec, tel qu'on le retrouvait en mars 1987. Pour une
clientèle de tout près de 400 000 bénéficiaires de
l'aide sociale, on prétendait à l'époque que 25 % de la
clientèle, soit quelque 100 000 ménages, était
considérée comme incapable de subvenir à ses besoins sur
une période régulière, et on parle des besoins de
base.
On parlait de 300 000 chefs de ménage aptes au travail. Mais
aptes au travail dans quelles conditions ou avec quelles barrières
à franchir? Je pense que vous les connaissez aussi bien que les membres
de la commission, mais globalement et peut-être pour vous permettre de
constater qu'on retrouve ailleurs aussi, en province, des problèmes qui
peuvent être communs, bien qu'il y ait des différences de
région en région: sur le plan de l'alphabétisation, on
considère que 36 % de la clientèle est composée
d'analphabètes fonctionnels, et vous savez quelles difficultés
éprouvent ces gens pour se trouver un emploi, même pour prendre
connaissance de l'offre d'emploi; 60 % de cette clientèle n'a pas
terminé son cours secondaire et on sait combien d'entreprises exigent
aujourd'hui de détenir un diplôme d'études secondaires pour
pouvoir poser sa candidature à un emploi; 40 % de la clientèle
n'a aucune expérience de travail reconnue; je dis bien reconnue parce
qu'il s'agit, dans la majorité des cas, des femmes qui ont
peut-être une expérience de travail, mais qui n'est pas reconnue
au sens commun du marché du travail.
Dans ce contexte, le gouvernement a des choix à faire et des
décisions à prendre. Le gouvernement peut faire comme il l'a fait
traditionnellement, soit poster un chèque mensuel et abandonner les gens
en marge du développement économique. Si vous n'investissez pas
dans l'employabilité de ces gens, ils vont demeurer à
perpétuité en marge de tout développement
économique qui peut se produire au Québec. C'est un peu ce que
nous tentons avec le programme APTE. On pourrait parler du programme Soutien
financier; on en a parlé avec des groupes dont la clientèle
était composée plus spécifiquement de gens admissibles
à ce programme. On pourrait parler du programme APPORT; je pense qu'il y
a des gens chez vous qui y seraient admissibles. Mais les critiques ont surtout
porté sur le programme APTE: Actions positives pour le travail et
l'emploi.
Avant de vous poser des questions spécifiques, j'aimerais - parce
que je suis désavantagé ce soir, je ne vous connais pas aussi
bien que celle qui est en avant de moi - avoir quelques renseignements
additionnels, peut-être en commençant par Mme Lucie Lépine,
quant au fonctionnement du Carrefour familial Hochelaga. Vous m'avez
expliqué brièvement que 70 bénévoles y
travaillaient. De quelle façon est-il financé? Combien de
personnes rejoint-il dans votre milieu? Depuis combien de temps
opère-t-il?
Mme Lépine (Lucie): Le carrefour familial existe depuis
onze ans. Votre autre question, c'était...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Combien de personnes
rejoint-il?
Mme Lépine (Lucie): II rejoint environ 500 familles par
année. Cela veut dire des milliers de personnes: hommes, femmes et
enfants. Comme je l'ai dit, la plupart sont bénéficiaires de
l'aide sociale ont de très modestes revenus.
Comment est-on soutenu? On l'est très peu. Vous disiez
tantôt que les femmes et leur expérience étaient
très peu reconnues sur le marché du travail. Je pense que les
organismes communautaires sont aussi très peu reconnus. On vit de dons
et de subventions qui sont toujours très chancelants d'une année
à l'autre, et il y a des coupures. C'est pour cela qu'on a besoin de
beaucoup de bénévoles et même les permanents sont presque
bénévoles.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Combien avez-vous de permanents
presque bénévoles?
Mme Lépine (Lucie): Disons l'équivalent de cinq
parce qu'il y en a qui travaillent dix heures, quinze heures, et le reste.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Vous avez parlé
d'une clientèle composée surtout de personnes qui vivent de
l'aide sociale. Combien en avez-vous, si vous le savez, grosso modo qui vivent
de l'aide sociale? Combien vivent de l'assurance-chômage, si c'est le
cas? Et combien de bas salariés avez-vous, si c'est le cas?
Mme Lépine (Lucie): En pourcentage?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, si vous l'avez.
Mme Lépine (Lucie): Je pense qu'au carrefour famillial il
y a environ 70 % de femmes chefs de famille bénéficiaires de
l'aide sociale.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Avec ou sans enfants?
Mme Lépine (Lucie): Avec enfants.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.
Mme Lépine (Lucie): Disons que la famille type, c'est une
femme, âgée de 18 à 35 ans, avec deux enfants.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.
Mme Lépine (Lucie): Et il y a 20 % de chômeurs et 10
% de très petits salariés. C'est la clientèle du
carrefour.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le temps va me manquer, mais si
vous pouvez le passer en
réponse à des questions, j'aurais sans doute des
informations un peu semblables à demander aux dirigeants de Resto-Pop,
de Marie Debout, etc. Pouvez-vous me les donner rapidement?
Mme Vidal (Annie): Le Resto-Pop fonctionne depuis trois ans. Nous
formons des jeunes qui sont à l'aide sociale. Nous travaillons à
les intégrer au travail par le biais des travaux communautaires. Nous
servons 150 repas par jour à la population du quartier Hochelaga, des
repas préparés à partir d'aliments
récupérés.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Combien avez-vous de
participants?
Mme Vidal: II y a 27 travailleurs dont 20 jeunes entre 18 et 30
ans, en travaux communautaires et en stages en entreprise.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Depuis combien de temps est-ce que
cela fonctionne?
Mme Vidal: Depuis trois ans. (20 h 45)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Faites-vous un certain suivi des
gens qui participent à vos travaux communautaires pour savoir si...
Mme Vidal: Nous faisons un suivi certain.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est mieux qu'un certain suivi.
Et qu'arrive-t-il à ces gens lorsqu'ils terminent leur stage ou leurs
travaux communautaires chez vous?
Mme Vidal: Nous travaillons principalement avec la
première génération de jeunes qui ont été
élevés sur le bien-être social. Nous travaillons donc avec
des jeunes qui n'ont aucune projection vers l'avenir, qui n'ont aucun
métier et qui ont en moyenne un secondaire 2. Nous avons donc tout
à reconstruire à cause des conditions dans lesquelles ils ont
vécu, sur le bien-être social.
Les conséquences? Quand on travaille avec eux, c'est une "job"
à temps plein, c'est-à-dire que nous avons cinq permanents dont
la principale "job" est l'encadrement de ces personnes. Le résultat que
cela donne, c'est que ce travail dure un an. Il y a effectivement des
résultats: une remotivation au retour aux études, à
travailler, à essayer... Les conditions dans lesquelles nous faisons ce
travail à peu près les mêmes que celles du carrefour
familial puisque, principalement pour les travaux communautaires, il n'y a
aucun support quant à la formation qu'on donne, c'est-à-dire
qu'on donne cette formation parce qu'on le veut bien. On pourrait aussi ne pas
la donner et utiliser ces personnes comme "cheap labor" dans une entreprise. Ce
qui nous inquiète, nous, particulièrement dans cette
réforme, c'est que vous parlez de développer
l'employabilité. On applaudit à cela parce qu'on en est bien
cons- cients, on le vit depuis trois ans, sauf qu'on ne sait pas ce que c'est,
comment vous allez l'encadrer ni ce que vous allez mettre là-dedans.
D'autre part, on se pose d'autres questions, c'est-à-dire que, nous,
nous faisons notre propre recrutement. Pourquoi? Parce que vos services ne sont
pas capables de nous référer des gens et c'est nous qui allons
chercher les gens pour travailler à ces travaux communautaires,
c'est-à-dire que les services qui existent à l'heure actuelle,
qui sont minimes par rapport à ce qui devrait exister selon la
réforme, n'offrent même pas ces services aux gens qui voudraient y
participer.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Me permettez-vous de vous
interrompre là-dessus et de vous demander des applications pratiques de
ce que vous venez de dire? Je comprends que vous procédiez à
votre propre recrutement et que le service de Travail-Québec ne soit pas
adéquat, mais avez-vous - comment dirais-je - épuisé ou
vous êtes-vous vous-mêmes épuisés à
requérir ces services de Travail-Québec?
Mme Vidal: Dans les premières années. Après
un an, on ne s'en est plus occupés.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Donc, il y a trois ans, vous vous
en êtes occupés. Racontez-nous comment cela s'est
passé.
Mme Vidal: D'accord. Par exemple, dans un contrat, quand on va
chercher un programme de travaux communautaires, on dit: Pas de
problème. Le centre Travail-Québec va vous référer
du monde; parfait! Nous, nous avons 20 postes, ce qui est énorme, par
rapport à d'autres programmes. On attend. Rien ne se présente. Ce
que je veux dire, c'est que, très souvent, les services qui existent,
d'abord, les gens ne s'y réfèrent pas, c'est-à-dire qu'on
n'a pas spontanément confiance dans les centres Travail-Québec et
ce n'est pas la première place où on va aller pour se trouver une
"job". Ensuite, les personnes qui y travaillaient ne connaissaient pas
nécessairement ces programmes. Imaginez-vous, il y a deux sortes de
programmes actuellement, principalement, les stages en entreprise et les
travaux communautaires pour les...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Les 18-30...
Mme Vidal: Oui, c'est ça, pour les 18-30 ans. La plupart
des fonctionnaires ne sont pas au courant. Cela a pris deux ans avant qu'ils
sachent ce que c'était et ils sont encore moins capables de convaincre
les jeunes d'y participer.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous faites affaires ou vous
faisiez affaires avec quel centre Travail-Québec, juste, pour mon
information?
Mme Vidal: On a fait affaires avec plusieurs
parce que cela s'est transformé, cela a changé. Je ne
voudrais pas...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non.
Mme Vidal: Je pense que ce n'est pas seulement notre cas. En tout
cas, on connaît plus la situation de la région
métropolitaine. C'est le cas de la plupart des projets...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Nous sommes ici pour cela.
Mme Vidal: ...dans Hochelaga-Maisonneuve.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Imaginez-vous que, si vous ne nous
le dites pas, on ne le saura pas. Finalement, moi, je peux le dire, pour la
région chez nous parce que je fais du bureau de comté, mais je
n'en fais pas dans Hochelaga-Maisonneuve; c'est quelqu'un d'autre qui fait
cela. Il y a trois ans, il n'y a eu aucune plainte à l'Assemblée
nationale sur le mauvais fonctionnement du centre Travail-Québec de
votre coin. J'étais là et je ne me souviens pas de plaintes.
Mme Vidal: Parce que, nous, nous sommes habitués à
nous organiser par nos propres moyens. À ce moment, on s'est
organisés en fonction de cela. C'est le moindre dé nos
problèmes, ça.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous réussissez votre
recrutement quand même.
Mme Vidal: Oui, c'est nous-mêmes qui le faisons à ce
moment.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Le taux de
succès, les gens qui terminent soit le stage en entreprise ou les
travaux communautaires chez vous... Moi, je qualifierais de succès le
fait qu'ils se trouvent un emploi raisonnable ou qu'ils retrouvent cette
motivation de poursuivre leurs études, de compléter leurs
études. Quel pourcentage...
Mme Vidal: Parlons plutôt de motivation... M. Paradis
(Brome-Missisquoi): D'accord.
Mme Vidal: ...parce que se trouver une "job", ce n'est pas aussi
évident et ce ne serait pas un critère de réussite pour
notre travail. Les "jobs" à trouver ne dépendent plus de nous,
à ce moment-là; alors, parlons plutôt de motivation.
La motivation, on pourrait dire que cela peut être de 80 %, sauf
que leur problème, c'est "ensuite". De chez nous ne sortent pas des
cuisiniers trois étoiles. Nous, on est un service de première
ligne. On réapprend simplement au monde à travailler. On a
adapté l'éducation sur le tas.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que la durée du
stage, qui est fixée présentement à un an, vous
apparaît trop courte, adéquate ou trop longue, dans certains
cas?
Mme Vidal: II faudrait parler principalement des gens qu'on
rejoint. Pour nous, elle est trop courte parce que la question... On part de
très loin et il y a non seulement un encadrement aux plans pratique,
technique, mais il y a un suivi personnel qui doit être fait. C'est la
reconstruction d'une personne qu'on doit faire et, un an, c'est très
court. D'autre part, il y a les conditions dans lesquelles les personnes le
font et, aussi, le soutien au groupe qui est inadéquat.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que, depuis trois ans,
malgré le système en place, vous avez eu des périodes
d'inactivité causées par le manque de soutien à votre
groupe ou si, malgré tous les obstacles qui s'érigeaient, vous
avez réussi à maintenir une vitesse de croisière?
Mme Vidal: Si on y a réussi, ce n'est pas parce que les
problèmes n'ont pas été là...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord, à bout de
bras.
Mme Vidal: ...c'est principalement parce que le groupe est
composé à 100 % de personnes qui ont été sur le
bien-être ou qui le sont encore et parce que, pour elles, c'est une
question de survie de pouvoir sortir du bien-être, de travailler à
la création de leur propre emploi. C'est pour cela que le groupe a
survécu. Le manque d'argent, on y a passé partout, quoi. Ce n'est
pas le soutien du gouvernement qui nous a sauvés, c'est la
volonté des personnes de s'en sortir.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci. En vertu de ia règle
de l'alternance, Mme la députée de Maisonneuve.
Le Président (M. Laporte): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, c'est d'autant
plus intéressant que j'ai l'impression que cela va permettre au ministre
de mieux comprendre la réalité d'un quartier urbain ouvrier du
bas de la ville comme le nôtre. Je pense que c'est intéressant
qu'il comprenne que, lorsqu'un projet comme Resto-Pop a été mis
sur pied, il l'a été, d'une certaine façon, envers et
contre la structure institutionnelle. J'aimerais que vous puissiez expliquer
les difficultés qui se sont présentées, notamment avec le
milieu institutionnel, la résistance que vous avez affrontée dans
le milieu institutionnel, de même... Vous, Mme Dupuis - en fait,
d'habitude, je vous appelle par vos prénoms - j'aimerais bien que vous
expliquiez au ministre les difficultés que
vous avez pour obtenir un projet de travaux communautaires. Des groupes
sont venus ici - il les connaît - d'autres régions et il a
été surpris d'apprendre qu'ailleurs cela se passait comme cela.
Il a réglé le problème pour ailleurs. Peut-être
qu'en lui expliquant le vôtre, il pourra régler les
problèmes pour le bas de la ville. C'est depuis le mois de septembre,
finalement, que vous attendez, je pense. Peut-être pourriez-vous nous
expliquer tout de suite.
Mme Dupuis (Johanne): Oui. Je pourrais vous présenter un
petit peu ce qu'est la Marie Debout. La Marie Debout, c'est un centre de jour
pour les femmes. On fait de l'accueil et de la référence pour les
femmes et on intervient aussi - cela est assez particulier par rapport aux 80
centres de femmes qui existent au Québec - auprès des enfants par
le biais d'une école primaire dans le quartier. Le profil de
l'école, c'est qu'il y a 750 enfants et il y en a 350 qui ont un dossier
ouvert avec la travailleuse sociale qui est là deux jours par
semaine.
La Marie Debout, ce sont quatre permanentes; cela existe depuis six ans.
Les permanentes travaillent à des projets de création d'emplois
temporaires, des articles 38, des développement de l'emploi, une petite
période avec les subventions du MAS, un article 38, un
développement de l'emploi. Cela fait six ans qu'on existe comme cela. On
rejoint à peu près 500 femmes par année, soit que les
femmes se présentent à la Marie Debout, mais on a aussi beaucoup
d'interventions téléphoniques de femmes qui sont en
dépression ou qui sont en situation de crise.
On fait aussi de l'intervention familiale auprès de familles qui
vivent des situations très difficiles. Il y a des personnes qui nous
sont référées par la direction de l'école. On fait
un suivi de ces familles. On intervient aussi auprès des enfants par le
biais d'ateliers de prévention de la violence. Voilà un peu le
portrait de la Marie Debout.
Mme Harel: Oui, oui. Mme Dupuis, concernant vos projets de
travaux communautaires?
Mme Dupuis: Pour les projets communautaires, cette année,
on a décidé d'ouvrir une halte-garderie parce que le profil de la
clientèle, c'étaient des femmes entre 35 et 60 ans. On se posait
la question: Pourquoi n'a-t-on pas des femmes plus jeunes? La réponse,
c'était que les femmes n'avaient pas l'argent pour faire garder les
enfants à la maison, donc elles ne se permettaient pas de sortir et de
venir à Marie Debout. Il est difficile de suivre une session de
relations parents-enfants de dix semaines quand le "flo" est à
côté de toi. Elles ne se permettaient pas de venir aux
activités. On a décidé de mettre sur pied une
halte-garderie pendant les activités.
J'ai appelé au Programme de travaux communautaires et on m'a dit
qu'il n'y avait plus de budget disponible, que je pouvais envoyer un
formulaire, mais qu'on ne savait pas trop quand je pourrais avoir des personnes
pour travailler à la halte-garderie de la Marie Debout. C'est ce qui
s'est produit il y a un mois.
Mme Harel: Je ne sais pas s'il serait possible d'examiner... Chic
Resto-Pop est en exploitation depuis quand exactement?
Mme Vidal: Depuis novembre 1985. Mme Harel: Novembre 1984.
Mme Vidal: 1984, c'est cela.
Mme Harel: C'était au départ des travaux
communautaires.
Mme Vidal: Oui. On a débuté en même temps que
le Programme de travaux communautaires et on a existé à cause de
cela.
Mme Harel: Oui, je me rappelle bien. Vous aviez eu, des
problèmes avec entre autres, le CRSSS. Ce serait peut-être
important d'en parler.
Mme Vidal: On a eu principalement deux sortes de
problèmes. D'une part, c'est la non-confiance parce qu'on était
un organisme non parrainé, composé uniquement d'assistés
sociaux et d'assistées sociales. Horreur! Cela ne pouvait pas marcher.
On a fait face, et cela a fonctionné. D'autre part, l'autre
problème, c'est le stage ne durant qu'un an, des personnes sont venues
annoncer aux stagiaires qu'après un an cela allait être fini,
qu'il allait falloir qu'ils se retrouvent sur le marché du travail,
etc., et puis sans aucune préparation - on était à nos
tout débuts à ce moment-là - et cela a causé du
découragement chez les gens. Les gens pensaient avoir trouvé une
"job" enfin! On expliquait que cela ne durait qu'un an, qu'ils allaient se
trouver face au même problème ensuite. Je pense qu'il ne s'agit
pas seulement de mettre des stages sur pied, mais aussi de mettre une
articulation autour de cela. Après avoir encadré quelqu'un
pendant un an, l'avoir bien protégé, lui avoir montré tout
cela, il faut aussi lui montrer comment on retourne dans la jungle du
marché du travail et ce qu'on fait.
Mme Harel: Terminé? Mme Vidal: Oui.
Mme Harel: En vertu de la règle de l'alternance,
j'aimerais qu'on puisse revenir aux questions du ministre et je reviendrai avec
vous par la suite. l| vous reste encore du temps? Il reste cinq minutes pour le
ministre. Il ne me reste que cinq minutes à moi aussi?
Le Président (M. Laporte): Non... (21 heures)
Mme Harel: Ah bon! Je pense qu'il serait intéressant,
surtout avec le "holding"... J'appelle cela le "holding". C'est un
véritable holding maintenant, le Chic Resto-Pop. Vous parliez des 150
repas par jour, mais peut-être faut-il rappeler que toutes les
écoles primaires du quartier, sans exception, comptent une
majorité d'enfants qui viennent de familles monoparentales. Il n'y a
plus une seule école primaire dans le quartier où une
majorité d'enfants seraient de famille, disons, de modèle
traditionnel. Donc, cela veut dire que le modèle en vigueur est le
modèle monoparental... je pense, sans me tromper.
Vous avez des expériences intéressantes, notamment avec
les femmes enceintes. Ici, souvent, on a entendu parler du Dispensaire
diététique, mais le dispensaire n'opère pas dans notre
quartier. Peut-être pouvez-vous expliquer quelles sont les
activités que vous faites et parler de la cuisine collective? Que je
sache, il y a tout le problème de la sous-alimentation. Je pense que
cela serait important d'en entendre parler.
Mme Lépine (Louise): Vous avez raison de mentionner que le
Dispensaire diététique de Montréal, pour les gens de notre
quartier, est très, très loin. Il est situé en
arrière du Forum. Grâce au Chic Resto-Pop, on a trouvé un
autre moyen d'aider les femmes à se nourrir davantage.
Mme Harel: Vous dites très loin. Les gens des
régions éloignées s'imaginent qu'à Montréal
on est tous à côté les uns des autres. Peut-être que
ce serait important d'expliquer ce qu'est la non-mobilité à
Montréal.
Mme Lépine (Louise): Quand je vous disais très
loin, c'était peut-être un peu à la blague. C'est
relativement proche: en métro, c'est en ligne directe. Mais il y a des
gens qui sont dans notre quartier et qui n'en sortent jamais, qui ne savent pas
comment fonctionne le métro, qui prennent l'autobus, mais il ne faut pas
qu'ils en prennent plusieurs l'un après l'autre, car cela devient trop
compliqué.
Nous savons - nous l'avons dit dans notre mémoire et nous l'avons
répété encore ce soir - que c'est vital pour les femmes
enceintes de bien se nourrir. On leur offre des conditions très
avantageuses: avoir un repas complet et nutritif, cinq jours par semaine, au
Resto-Pop, pendant toute la durée de leur grossesse, si elles veulent
bien venir. Le service continue aussi quatre mois après qu'elles ont
accouché. C'est notre petit dispensaire pour les femmes enceintes avec,
évidemment, tout le suivi psychosocial qui entoure cette
démarche.
Mme Harel: Postnatal, parce que c'est quatre mois après
l'accouchement. Elles peuvent venir avec le bébé. Il y a des
activités aussi.
Mme Lépine (Louise): Oui, c'est cela.
Mme Harel: C'est bien. Est-ce que la coalition a des projets
comme tels à réaliser pour les mois qui viennent?
M. Primeau: II y en aurait beaucoup. Entre autres, cette
année, on a obtenu une subvention de 10 000 litres de lait de la
Fédération des producteurs de lait du Québec. On essaie de
voir comment prolonger cela et multiplier cela pour l'année prochaine.
Cela, c'est une chose. Une autre...
Mme Harel: À part le lait qui est distribué dans
les écoles?
M. Primeau: C'est à part, c'est en plus. C'est
distribué dans les groupes actuellement, au Resto-Pop, au carrefour,
dans les groupes qui composent la coalition. On est en pourparlers. Le
Resto-Pop est dans l'ouest du quartier; il y a aussi des besoins dans la partie
est du quartier. C'est vraiment à l'état de projet encore, mais
on est en pourparlers avec des personnes dans l'est pour mettre sur pied une
cuisine communautaire qui serait un peu l'équivalent du Resto-Pop, mais
pour la partie est du quartier.
Il y a un projet qui s'appelle le CARRE. Ce n'est plus un projet parce
que c'est commencé. C'est une structure où les gens vont pouvoir
venir travailler, s'organiser, s'entraider, développer leurs
capacités, et qui utilise le biais de l'alimentation. Il est difficile
de faire participer les gens quand ils ont faim, quand ils ont des
problèmes causés par cette situation. Le CARRE se cherche
actuellement des locaux. Il a des locaux temporaires. Il se cherche des moyens
pour fonctionner. Je pourrais en nommer d'autres. Si on faisait le tour de
chacun des organismes de la coalition, on verrait qu'il y a des projets qui
sont en marche. Mais on manque d'argent pour les mettre en marche, les faire
démarrer.
Mme Harel: Est-ce que le problème de l'alimentation...
Tantôt, vous disiez: Cela peut sembler sensationnaliste. Mais vous
êtes tous des intervenants. Vous êtes au CLSC, vous, M. Primeau.
Les chiffres de 10 000 personnes qui ont été
dévoilés dans les journaux, cela a donné lieu à de
gros titres; 10 000 personnes qui, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, ont
des problèmes d'alimentation. C'est pour vous une réalité
qui est perceptible. C'est une réalité que vous avez pu chiffrer,
que vous avez évaluée en fonction d'indicateurs qui seraient
lesquels?
M. Primeau: Si on regarde l'ensemble des groupes qui,
actuellement, font du dépannage et apportent de l'aide alimentaire, si
on prend l'ensemble du réseau Saint-Vincent-de-Paul dont certains
distribuent même des paniers alimentaires, si on regarde...
Mme Harel: Les paniers alimentaires du
CARRE sont distribués pas seulement à Noël, ils sont
distribués aux fins de mois, c'est cela?
M. Primeau: C'est cela.
Mme Harel: Ils sont actuellement distribués?
M. Primeau: Par le CARRE?
Mme Harel: Oui.
M. Primeau: Oui. C'est un peu une estimation à partir du
nombre de gens qui sont à l'aide sociale présentement dans le
quartier en regardant les budgets, en regardant, par exemple, les gens qui sont
venus chercher des paniers de Noël au CARRE, à Noël 1986, il y
a eu 600 familles qui ont reçu des paniers. Il y a un sondage qui a
été fait auprès de ces familles pour voir ce
qu'étaient leurs besoins, comment ils arrivaient à se
débrouiller. La plupart nous ont dit: Quand on coupe, on coupe dans les
aliments. C'est un peu à partir de cela qu'on a extrapolé et,
à partir de la connaissance sensible qu'on a du milieu, ce ne sont pas
10 000 personnes que l'on retrouve au coin des rues, qui jonchent les rues,
mais on estime qu'il y a 10 000 personnes qui, à un moment donné
dans le mois, ne se nourrissent pas suffisamment.
Mme Harel: J'ai le café Ozanam à côté
de mon bureau et je suis à même de voir, chaque jour, d'où
je suis, des files de personnes sur le trottoir qui attendent d'entrer pour
avoir leur repas. Tantôt, vous nous avez donné des chiffres
très éloquents. Je vous en remercie, ils sont très
à jour finalement ces chiffres, suite de la SCHL du coût des
loyers, de la cherté des loyers dans le quartier.
Par alternance, je vais laisser parler le ministre et je reviendrai sur
cette question.
Le Président (M. Laporte): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Il me reste cinq minutes. Je
vais tenter de faire cela rapidement. En ce qui concerne l'alimentation, je
comprends le type d'action que vous menez, mais est-ce que ce type d'action
inclut ce qu'on appelle, ou ce qui a déjà été
appelé devant cette commission, de l'information sur la façon de
se nourrir le mieux possible à partir des disponibilités
budgétaires, de l'information que j'appelle qualitative sur ce qu'on
mange? On s'est fait dire par des groupes qui connaissaient cela aussi que ce
n'est pas nécessairement l'argent qui règle tous les
problèmes dans ce domaine-là et qu'il y aurait des
députés qui se nourriraient mal et pas par manque d'argent.
Est-ce que l'information est véhiculée et par quel moyen?
Mme Vidal: II y a un projet qui existe au Resto-Pop qui est la
cuisine collective. Le principe, c'est le regroupement de personnes, de
familles, qui accorderont un budget de 75 $ par mois et, à partir de
cela, vont apprendre à planifier, à faire leurs repas d'une
façon équilibrée. Elles vont préparer, pour 75 $
par mois, des repas pour environ trois personnes une fois par jour.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cette information vous vient
d'où?
Mme Vidal: D'où elle vient? Cette information, nous
l'avons d'abord par l'expertise de ces femmes et par l'expertise et les
connaissances de Mme Louise Lépine qui travaille avec nous. D'autre
part, je voudrais souligner que ce n'est pas seulement une question de mauvaise
alimentation, c'est une question de sous-alimentation qui est prioritaire dans
le quartier. Principalement, au Resto-Pop, on peut le voir
régulièrement. Quand vous voyez des enfants de cinq à huit
ans qui viennent en cachette prendre des repas au Resto-Pop, quand normalement
on ne doit pas accepter les enfants sans les parents, des enfants qui arrivent
sans souliers... Le Pakistan, ce n'est pas si loin que cela. Ce n'est pas
seulement l'éducation, c'est la sous-alimentation.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La question visait strictement...
Cet élément-là avait été apporté par
d'autres groupes qui nous ont parlé d'alimentation et je voulais
être certain que chez vous cela se faisait.
J'aurais une dernière question parce que mes cinq minutes vont
s'épuiser également. Mme Dupuis, vous avez terminé avec
Mme la députée de Maisonneuve très rapidement et vous en
étiez à une réponse du centre Travail-Québec de
votre coin où on vous aurait dit, il y a un mois: Pour les Travaux
communautaires, il n'y a plus d'argent, ou quelque chose du genre.
Mme Dupuis: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aimerais obtenir des
précisions un peu sur ce qui vous est arrivé. Quand avez-vous
fait votre demande?
Mme Dupuis: II y a environ un mois, on m'a dit: On va vous
envoyer les formulaires, mais il n'y a pas présentement de fonds
disponibles pour les projets communautaires et on ne sait pas quand on aura des
fonds pour cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Avez-vous déjà eu
dans le passé le même type de réponse?
Mme Dupuis: Non, on n'a jamais fait affaires avec les Travaux
communautaires avant.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Il y a peut-être
Mme Vidal qui a déjà fait affaires avec les Travaux
communautaires. Est-ce que vous avez déjà eu ce type de
réponse quant au
manque de fonds? Mme Vidal: Oui. M. Paradis
(Brome-Missisquoi): Quand?
Mme Vidal: L'année passée, nous avons
été coupés de 24 à 7 postes parce qu'il n'y avait
plus de fonds, en septembre 1986.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En septembre 1986. Et vous
êtes dans le même centre Travail-Québec?
Mme Vidal: Oui.
Mme Dupuis: Cela doit. On est dans le même quartier.
Mme Harel: Pas vraiment, non. Parce que c'est le centre
Travail-Québec sur Sherbrooke...
Mme Vidal: Ah oui!
Mme Harel:... avec la Marie Debout et le centre
Travail-Québec sur Sainte-Catherine...
Mme Vidal: Oui, mais cela ne dépend pas, de toute
façon, du centre Travail-Québec parce qu'on ne demande pas les
projets au centre Travail-Québec, on demande...
Mme Harel: Ah! Vous les demandez au centre de services
sociaux...
Mme Vidal:... les projets directement au ministère.
Mme Dupuis: Ce sont les Travaux communautaires.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous les demandez au
ministère de la Santé et des Services sociaux,
Mme Vidal: Au CRSSS. C'est cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et est-ce que vous avez fait un
suivi de votre demande aux Travaux communautaires. On vous a dit: Pas tout de
suite. Mais dans combien de temps? Est-ce qu'on vous a donné des
indications?
Mme Dupuis: Non, on ne m'a pas donné d'indication. On m'a
seulement dit qu'il n'y avait pas de fonds disponibles et de présenter
un projet. Et là, on est allé présenter le projet pour une
halte-garderie à la Marie Debout. Mais on n'a pas eu de nouvelles. J'ai
laissé mon nom pour des travaux communautaires.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans un premier temps, on vous a
dit: II n'y a pas d'argent. Dans un deuxième temps, on vous a dit de
présenter un projet?
Mme Dupuis: On m'a dit: Je vais vous envoyer les formulaires -
qu'on a reçus à peu près une semaine après -
présentez-les et, quand on aura de l'argent, on vous répondra
à ce moment-là.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et quand avez-vous
présenté vos formulaires?
Mme Dupuis: On les a reçus il y a à peu près
deux semaines. On les présente pour une halte-garderie.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.
Le Président (M. Laporte): Mme la députée de
Maisonneuve?
Mme Harel: Je souhaiterais que, à une occasion que le
ministre aura d'être à Montréal, il aille dîner au
Resto-Pop. Ce serait vraiment une bonne idée.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, madame.
Mme Harel: Je trouve que ce serait vraiment une bonne
idée. D'abord, cela va beaucoup l'étonner de voir ce que cela a
pu devenir, finalement. Avez-vous toujours votre système de
traiteur?
Mme Vidal: Nous avons mis sur pied deux petites entreprises dont
un service de traiteur et une entreprise d'entretien ménager pour
créer des emplois pour les jeunes qui avaient reçu une formation
là.
Mme Harel: Avez-vous toujours votre projet de cuisine sous
vide...
Mme Vidal: Oui.
Mme Harel:... avec le fédéral?
Mme Vidal: Notre projet, qui doit se concrétiser cette
année, c'est la préparation de mets préparés avec
livraison pour les personnes âgées.
Mme Harel: C'est vraiment quelque chose d'absolument... Moi,
évidemment, vous savez comme je suis emballée de voir que cela
s'est consolidé au fil des années. Cela sert aussi de lieu de
rassemblement. Je crois que c'est chez vous que le front commun des 163 groupes
a lancé le projet Justice et équité pour les femmes
assistées sociales?
Mme Vidal: Oui, c'est bien cela.
Mme Harel: C'est bien cela. La question du partage du logement.
Je pense qu'on ne peut pas
se quitter... Vous êtes une coalition sur l'alimentation, mais ce
que vous avez réussi à faire comprendre aux intervenants
montréalais... Je lisais d'ailleurs dans les journaux cette semaine que,
si Montréal représente 15 % de la population du Québec,
elle compte 40 % des familles assistées sociales du Québec. Vous
avez réussi à faire comprendre que c'est le coût du
logement qui est en grande partie responsable de la sous-alimentation, puisque
c'est une dépense fixe et que cette dépense-là on n'y peut
rien. Cela vaut pour le chauffage. Cela vaut pour
l'électricité.
J'aimerais, avant qu'on se quitte, que vous nous parliez de la question
du partage du logement et des conséquences que cela peut avoir. Vous
avez parlé des logements exigus. Je pense que c'est vous, Mme
Lépine, qui avez parlé des logements exigus qui sont
partagés souvent par des familles monoparentales. Je crois que c'est une
réalité dont il faudrait faire part à la commission.
Mme Lépine (Lucie): Oui, mais je pense que de plus en plus
de familles se regroupent parce que, justement, elles n'arrivent pas à
boucler leur budget.
Mme Harel: Un peu comme nos parents le faisaient après la
deuxième guerre, parce qu'il n'y avait pas de logement?
Mme Lépine (Lucie): C'est cela.
Mme Harel: Parce qu'ils n'ont pas d'argent.
Mme Lépine (Lucie): Parce qu'ils n'ont pas d'argent.
Alors, on comprend mal pourquoi les familles seraient pénalisées.
Elles le font justement parce qu'elles n'arrivent pas. Ce sont des contraintes,
parce que ce n'est agréable pour personne d'être obligé de
s'entasser dans des logements qui sont trop étroits. Cela entraîne
de la violence, du stress, et le reste. Alors, les familles le font justement
pour réussir à manger quelques repas de plus à la fin du
mois.
Une voix: C'est une preuve de débrouillardise. (21 h
15)
Mme Lépine (Lucie): Tantôt, on demandait des
exemples montrant que les gens n'arrivent pas à la fin du mois. Le
Carrefour familial, on n'est pas la Saint-Vincent-de-Paul, on est un groupe
d'éducation, mais on rend service à un groupe de la
Saint-Vincent-de-Paul qui n'a pas de local et on prend les appels. Je pense
qu'on aurait dû noter le nombre d'appels qu'on a reçus les deux
dernières semaines. C'est aberrant. Cela veut dire que les gens ont
beaucoup recours à la Saint-Vincent-de-Paul, durant les dernières
semaines pour venir à bout d'avoir quelques repas.
Mme Harel: Certains ici peuvent penser:
Mais si c'est si cher que cela, pourquoi ne s'en vont-ils pas
ailleurs?
Mme Lépine (Lucie): Ce sont des choses qui arrivent aussi.
Il y a des gens qui vont rester chez leur soeur, en banlieue ou ailleurs,
où cela coûte un peu moins cher. Je pense que, dans le quartier,
il y a aussi des familles qui se déplacent et qui vont ailleurs.
Le Président (M. Laporte): Oui, Mme Lépine, je
crois que vous vouliez ajouter quelque chose.
Mme Harel: Non, vous pouvez y aller.
Le Président (M. Laporte): Non, Mme Lépine a
demandé la parole.
Mme Harel: Ah! Excusez-moi.
Mme Dupuis: Je voudrais seulement ajouter quelque chose.
Le Président (M. Laporte): Pas Mme Lépine, Mme
Oupuis, excusez-moi.
Mme Dupuis: II y a de la gentrification qui se fait dans certains
secteurs du quartier comme les secteurs de la rue Moreau. Les logements y sont
plus détériorés, les propriétaires demandent un
loyer moins cher, mais les conditions de logement sont vraiment insalubres. Il
y a même des maisons, dans ce quartier, qui n'ont pas de système
de chauffage intégré. Les personnes chauffent avec le fourneau
ouvert. Il n'y a pas de baignoire. Les conditions de logement sont vraiment
dégueulasses. C'est ce qui se passe. Les gens se déplacent, mais
dans certains secteurs du quartier.
Mme Harel: Évidemment, il y a eu la construction de HLM et
de coopératives. Je crois qu'on est le quartier où il y a le plus
grand nombre de logements coopératifs. Combien y en a-t-il maintenant?
Presque 500 logements, 480 logements coopératifs dans notre secteur?
Mme Dupuis: Je pense que c'est l'un des secteurs de
Montréal où il y a le plus de logements coopératifs. Mais
la liste d'attente pour être dans une coopérative d'habitation est
assez impressionnante.
Mme Harel: Certains peuvent se demander: Est-ce que ces
coopératives sont habitées par des personnes à faible
revenu? Selon votre expérience, dans notre quartier, le type de logement
coopératif... Je pense que vous y avez travaillé, M. Primeau, au
moment du dixième anniversaire. Non, c'est avec l'association des
locataires.
M. Primeau: Non, je n'ai pas été dans le...
Mme Harel: Non, pas directement non plus.
Mme Dupuis: Je peux parler un peu des coopératives.
Le Président (M. Laporte): Je veux simplement vous
rappeler que le temps est écoulé pour vous permettre de terminer
la question.
Mme Harel: Quelques-uns d'entre vous avez peut-être un
pourcentage de personnes à faible revenu qui habitent les
coopératives. Avez-vous des chiffres là-dessus?
Mme Dupuis: Ce que je peux dire des coopératives
d'habitation puisque j'en fais partie, c'est qu'au début, quand on a
créé les coopératives, elles étaient accessibles
aux assistés sociaux, sauf que là, le prix des loyers dans les
coopératives n'est pas abordable quand on n'a pas l'aide de dernier
recours et c'est environ 15 % des gens qui font partie des coopératives
qui peuvent embarquer dans ce programme. Donc, quand tu vas dans une
coopérative d'habitation où on t'offre un quatre et demi à
400 $ par mois, tu ne peux pas te le payer. Alors, ce sont les gens à
revenu moyen qui ont plus accès aux coopératives d'habitation
dans le quartier.
Mme Harel: Je vous remercie.
Le Président (M. Laporte): La commission...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Exceptionnellement, M. le
Président, il s'agit d'un groupe du comté de Mme la
députée. Je pense qu'on devrait prendre une minute chacun pour
les remercier, même si on va à rencontre de vos directives.
Le Président (M. Laporte): J'imagine qu'il y a
consentement des partis. Je vais laisser à Mme la députée
de Maisonneuve le soin de faire les adresses de...
Mme Harel: Je pensais à vous et je me disais: En plus,
c'est un lundi soir. Pour savoir ce que chacun de vos groupes
représentait dans le quartier, je pense qu'autant on peut expliquer le
volume des problèmes, autant aussi il faut reconnaître le
très haut niveau d'implication, d'engagement, de participation et
d'organisation communautaires. Je dis souvent qu'il y a autant d'organisations
que de problèmes, ce qui fait qu'il y en a beaucoup. Mais cela nous
permet d'être un quartier qui, malgré tous ses problèmes,
n'est pas en désintégration. Je vous en remercie.
Le Président (M. Laporte): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pour la qualité de votre
présentation qui est sans doute égale à la qualité
de votre implication dans le milieu et au nom des bénéficiaires
que vous desservez, je vous dis merci.
Le Président (M. Laporte): Avec la même latitude,
vous me permettrez sûrement de vous remercier pour la présentation
de votre mémoire, mais aussi pour avoir eu l'occasion de nous rencontrer
à plusieurs reprises, étant donné le rapprochement des
divers comtés, de vous féliciter pour le travail que vous
effectuez dans ces quartiers. Je tenais à vous remercier encore pour la
présentation du mémoire de votre coalition tout en vous
souhaitant un bon voyage de retour à Montréal. Je vous remercie
bien.
J'aimerais demander au Programme action-revitalisation
Hochelaga-Maisonneuve, à M. Desrosiers ainsi qu'à M. Goulet, de
bien vouloir s'approcher. La commission suspend ses travaux deux petites
minutes.
(Suspension de la séance à 21 h 21)
(Reprise à 21 h 24)
Le Président (M. Laporte): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je voudrais souhaiter la bienvenue à M. Desrosiers et M. Goulet
du PARHM. Vous m'avez entendu tantôt rappeler brièvement que vous
avez 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire pour, par la
suite, avoir un échange de 40 minutes avec les parlementaires. Pour les
fins d'identification, j'aimerais que vous puissiez vous présenter et,
par la suite, faire la présentation de votre mémoire. Je vous
remercie.
Programme action-revitalisation
Hochelaga-Maisonneuve
M. Desrosiers (Gaétan): Merci. M. le Président. M.
le ministre, Mmes, MM. de la commission, mon nom est Gaétan Desrosiers
du PARHM, Programme action-revitalisation Hochelaga-Maisonneuve. Je suis
accompagné de M. Gilles Goulet qui est responsable de notre
comité "Employé habilité", comité financé,
entre parenthèses, par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
Permettez-moi de vous remercier, au nom du conseil d'administration du
PARHM, de nous accorder quelque temps pour exposer notre mémoire. Le
PARHM est une corporation de développement économique et
communautaire qui couvre le territoire sud-est de Montréal, là
où on retrouve près de 11 000 bénéficiaires de
l'aide sociale considérés aptes et disponibles au travail. Le
PARHM s'est fixé un double mandat: stimuler la création d'emplois
stables par un ensemble de services à l'entreprise et assurer
l'accessibilité de ces emplois nouveaux à la main-d'oeuvre sans
emploi de la région. À cet effet, le PARHM a regroupé
l'ensemble des organismes institution-
nels et communautaires intervenant dans le domaine du
développement de l'employabilité, de la formation et du placement
de la main-d'uvre locale.
Un plan d'action a été récemment adopté qui
vise, d'une part, à mieux cerner les besoins des sans-emploi en ce qui
concerne leur insertion ou leur réinsertion professionnelle, d'autre
part, à promouvoir les compétences de cette main-d'oeuvre et
à inciter les employeurs locaux à privilégier l'embauche
locale. Le PARHM souhaite aujourd'hui faire connaître son point de vue
sur le document d'orientation soumis par le ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et proposer un certain
nombre de recommandations. Nous devons cependant souligner que ce
mémoire s'attarde plus particulièrement au deuxième volet
de la réforme, soit le programme APTE.
Nous aimerions, dans un premier temps, nous pencher sur un certain
nombre de principes qui se dégagent du document d'orientation.
La réforme propose aux bénéficiaires de l'aide
sociale âgés de moins de 30 ans une nette amélioration de
leur condition économique. Nous croyons que cet aspect de la nouvelle
politique est bénéfique et stimulera les jeunes dans leurs
démarches en vue d'intégrer ou de réintégrer le
marché du travail.
La nouvelle politique de sécurité du revenu, pour
être pleinement justifiée et efficace, doit s'accompagner d'une
ferme intention de la part du gouvernement d'oeuvrer à la mise en place
d'une politique de plein emploi.
Il nous semble que le meilleur incitatif en ce qui concerne le retour
sur le marché du travail des sans-emploi demeure la création
d'emplois en nombre suffisant.
Tous les efforts concernant la mise en place et l'application de
programmes de formation, de développement de l'employabilité et
d'incitation à l'embauche prendront vraiment leur sens dans la mesure
où les usagers de ces programmes peuvent espérer obtenir un
emploi stable, satisfaisant et rémunérateur au terme de leur
cheminement.
L'importance d'une politique de plein emploi est éloquente quand
on examine la situation de la région est de Montréal. Depuis
quelques années déjà, le nombre des sans-emploi oscille
autour de 30 000, alors que la création d'emplois stables ne
dépasse pas quelques milliers par année. De plus, nous devons
souligner qu'actuellement des milliers d'emplois sont précaires à
cause de la situation difficile de certaines entreprises.
La nouvelle politique est proposée au moment où nous
profitons d'une conjoncture économique favorable. Toutefois, elle ne
doit pas se justifier par cette conjoncture actuelle. Qu'adviendrait-il, en
effet, si nous devions, au Québec, subir les contrecoups d'une
période de récession plus ou moins profonde, plus ou moins
prolongée? Une telle hypothèse ne doit pas être
écartée. Nous prenons à témoin l'est de
Montréal où des grandes entreprises ont procédé
à des licenciements définitifs à l'automne de 1987 et en
janvier 1988. Il nous semblerait utopique de viser le développement de
l'employabilité des bénéficiaires aptes et disponibles au
travail dans une situation où leur rang risquerait de grossir de
façon dramatique et le marché de l'emploi irait en se
rétrécissant. De plus, un appauvrissement général
de la société conduirait, selon la nouvelle structure de
barèmes proposée, à un appauvrissement des
bénéficiaires de l'aide sociale, ce qui nous semble inacceptable,
car une grande pauvreté engendre des maux sociaux
(sous-éducation, santé physique et mentale déficiente,
délinquance) dont les coûts sont élevés.
Il nous apparaît primordial que tous les
bénéficiaires, quels que soient leur âge et leur
catégorie, aient droit à un seuil de revenu acceptable, qui
couvre l'ensemble de leurs besoins à court et à long terme. Ce
principe est d'autant plus important que les personnes qui
bénéficient de l'aide sociale subissent une situation non
désirée, dont elles ne doivent pas porter la
responsabilité, et qui les place dans une situation délicate qui
nécessite un soutien particulier.
Les barèmes actuels indexés, basés sur la
méthode reconnue du budget établi d'après les
données du Dispensaire diététique de Montréal,
devraient s'appliquer à toutes les catégories de
bénéficiaires. À partir de ce seuil de revenu acceptable,
ceux et celles qui participent aux mesures propres au développement de
l'employabilité devraient recevoir des allocations
supplémentaires, incitatives et nécessaires.
La catégorisation des bénéficiaires peut sembler
utile pour élaborer des programmes adaptés à leurs
besoins. Il nous semble, toutefois, extrêmement difficile d'appliquer
avec exactitude la notion d'aptitude au travail telle qu'elle est
présentée dans le document d'orientation. Aussi, selon les
barèmes proposés par la nouvelle politique, les
bénéficiaires jugés non disponibles en regard des
programmes de développement de l'employabilité nous semblent
pénalisés malgré les raisons valables qui peuvent
justifier leur situation.
En ce qui concerne les bénéficiaires
considérés aptes au travail, la nouvelle politique propose de
considérer deux périodes distinctes: une première
période de neuf mois consacrée à la recherche intensive
d'un emploi serait assortie de mesures légales et adéquates;
après les neuf premiers mois, le bénéficiaire serait
soutenu par des mesures plus spécifiques de maintien ou de
développement de l'employabilité en participant à l'un ou
l'autre des programmes offerts.
Nous nous questionnons sur la pertinence d'attendre neuf mois avant
d'offrir à tout bénéficiaire qui le désire le plein
soutien financier et technique dont il a besoin. Faut-H rappeler qu'un individu
qui dépose une demande d'aide sociale ou bien n'a jamais ou peu
travaillé,
ou a quitté le marché de l'emploi depuis
déjà un an? Dans quelle mesure une personne qui a cherché
activement à réintégrer le marche du travail depuis douze
mois aurait-elle plus de possibilités de se trouver un emploi sans un
soutien actif, sans les neuf premiers mois qui suivent?
Nous désirons, enfin, attirer votre attention sur les programmes
de développement de l'em-ployabilité et sur les ressources qui y
sont affectées. Le document d'orientation ne mentionne que d'une
façon succincte les mesures propres au développement de
l'employabilité. Or, la nature, la qualité et la diversité
des programmes, leur pertinence en regard des besoins des clientèles,
sont essentielles pour garantir le succès des objectifs visés qui
sont au coeur de la réforme. Ainsi, les coûts et les ressources
qui y seront affectés ne sont pas indiqués dans le document.
Dans le sud-est de Montréal, plusieurs organismes oeuvrent au
développement de l'employabilité et de la réinsertion
professionnelle des sans-emploi. L'expérience de ces organismes et la
démarche du PARHM montrent qu'il s'agit là d'un type
d'intervention complexe qui exige beaucoup de souplesse et de patience. Il doit
s'appuyer sur une volonté marquée de concertation de tous les
agents de développement économiques et sociaux. À ce
titre, nous aimerions souligner l'importance, dans une telle démarche,
de la complicité des employeurs. L'entreprise créatrice d'emplois
doit marquer sa volonté de permettre à des
bénéficiaires de l'aide sociale d'intégrer le monde du
travail en leur offrant le soutien nécessaire.
Quelques recommandations. Dans la foulée des commentaires qui
précèdent, nous désirons formuler à la commission
des affaires sociales quelques recommandations sur la réforme.
Que la nouvelle politique de sécurité du revenu
s'accompagne d'une politique de plein emploi afin d'assurer aux
bénéficiaires, au terme de leurs démarches, des emplois
stables, satisfaisants et rémunérateurs.
Que tous les bénéficiaires, quelle que soit leur
catégorie, aient droit à un seuil de revenu garanti pour couvrir
leurs besoins à court ou à long terme. Ce seuil devrait
être établi en fonction d'une évaluation globale des
besoins réels des bénéficiaires, en se basant sur les
données budgétaires telles que celles calculées par le
Dispensaire diététique de Montréal.
Qu'à partir de ce seuil garanti les prestataires, à qui
seront reconnus des besoins vitaux spéciaux, tels les handicapés
physiques Ou mentaux et ceux qui participent au programme de
développement de l'employabilité, se voient accorder des
suppléments incitatifs.
Que le ministère assure la mise en place de programmes de
développement de l'employabilité adaptés aux besoins des
clientèles visées et du marché du travail, ainsi que les
ressources nécessaires à leur apfUication.
Que ces programmes fassent preuve de souplesse, qu'ils soient novateurs
et qu'ils reposent sur les ressources du milieu, institutions, organismes et
entreprises.
Que soient reconnus et soutenus les organismes du milieu qui oeuvrent au
développement de l'employabilité et au placement des sans-emploi
et qui font la preuve de leur efficacité dans ce domaine.
Que soit encouragée et soutenue la concertation des agents de
développement socio-économique du milieu afin de maximiser la
réinsertion professionnelle des sans-emploi.
Que les employeurs et les entreprises soient stimulés à
oeuvrer à la réinsertion sur le marché du travail des
bénéficiaires de l'aide sociale. À ce sujet, nous
encourageons le ministère à étudier sérieusement la
possibilité de recourir au système "Grant diversion"
américain ou à tout autre programme, tel le crédit
d'impôt à la création d'emploi nette et à l'embauche
locale.
Qu'en ce qui concerne le secteur est de la région de
Montréal, le gouvernement donne suite aux recommandations contenues dans
le rapport du Comité pour la relance de l'économie et de
l'emploi, le CREEEM, en particulier sur les mesures suivantes concernant la
main-d'oeuvre: un fonds spécial de formation à l'intention de la
main-d'oeuvre des entreprises engagées dans la mise en place de
restructuration ou de diversification des entreprises; des mesures
particulières pour favoriser l'embauche des résidents de l'est
par les entreprises qui créent de l'emploi dans l'est.
Nous espérons que ce court mémoire répond aux
attentes de la commission et qu'il apporte un éclairage suffisant sur
nos préoccupations en regard de l'action du PARHM et de la situation
particulière de l'est de Montréal.
Pour relancer de façon significative l'emploi dans l'Est de
Montréal, une concertation permanente, jumelée à une
volonté d'agir et de se prendre en main s'avère
indispensable.
Nous espérons que la réforme proposée par le
ministère saura appuyer la démarche en cours et le travail
effectué depuis des années par les organismes du milieu oeuvrant
au niveau de la formation, de l'employabilité, de l'insertion et de la
réinsertion professionnelle.
La réforme se doit d'être essentiellement motivante et
incitative pour les bénéficiaires qui ont besoin d'un support
financier et technique adéquat dans une période difficile de leur
vie.
Avant de terminer, j'aimerais souligner que la recommandation qui touche
le CREEEM a été depuis annoncée par le gouvernement ces
derniers mois.
Le Président (M. Laporte): Je vous remercie de votre
présentation.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiens également à
vous remercier, et de votre mémoire écrit et de votre
présentation verbale. Comme
vous l'avez vous-même mentionné, certaines parties du
mémoire, dans ses conclusions, ont déjà reçu une
réponse favorable du gouvernement. Peut-être dans l'intention
d'accorder des réponses favorables à d'autres
éléments de votre mémoire, j'aurais quelques questions
précises à vous adresser. Dans un premier temps, vous me
permettrez d'indiquer que l'est de Montréal représente bien ce
défi de l'employabilité. On se souviendra de la dernière
campagne électorale fédérale, de la dernière
campagne électorale provinciale et de la dernière campagne
électorale municipale où l'ensemble des gouvernements se sont
engagés moralement et par écrit, dans certains cas, à
créer dans l'est de Montréal - c'est quasiment devenu un symbole
politique - des emplois. On constate, quelque deux ans après l'ensemble
de ces engagements électoraux, qu'effectivement, il s'est
créé plus d'emplois - je parle de création nette d'emplois
malgré les pertes de l'est de Montréal - que dans le reste de la
grande région métropolitaine.
On constate également que le gouvernement n'a peut-être pas
visé le milieu de la cible. Il demeure qu'il y a autant
d'assistés sociaux et autant de chômeurs dans l'est de
Montréal, et que les emplois qui ont été
créés, on me dit que, dans la majorité des cas, ils ont
été occupés par des gens qui provenaient d'autres
régions de Montréal, de la rive sud ou de la rive nord. Donc, il
fallait que le gouvernement ait comme cible l'amélioration de
l'employabilité des gens de l'est de Montréal pour qu'ils
profitent des nouveaux emplois créés chez eux.
Ce qui m'amène à vos recommandations, à la page 9:
Que la nouvelle politique de sécurité du revenu s'accompagne
d'une politique de plein emploi afin d'assurer aux bénéficiaires,
au terme de leur démarche des emplois stables, satisfaisants et
rémunérateurs. Le gouvernement prétend qu'une politique de
plein emploi s'accompagne d'une stabilité politique, de certitudes
économiques, d'incitatifs fiscaux, et d'un climat social. On
prétend également que, sans employa-bilité, le plein
emploi devient quelque chose d'utopique ou d'irréaliste. Il y a des gens
en commission qui nous disent: Attendez d'avoir le plein emploi et après
cela, vous investirez dans l'employabilité. D'autres nous disent:
Investissez immédiatement dans l'employabilité en vue d'avoir le
plein emploi.
Votre définition d'une politique de plein emploi touche quoi,
exactement?
M. Desrosiers: Justement, je dirais que c'est une médiane
à ce que vous venez de dire. Je dirais plutôt que c'est un vase
communicant. Vous venez de dire qu'il y a des gens qui disent:
Commençons par l'employabilité, commençons par le plein
emploi. Moi, je dirais: Commençons par les deux plutôt. Ce doit
être un incitatif.
Nous, ce qu'on a constaté en travaillant avec des assistés
sociaux, c'est que, s'il semble que cela puisse déboucher sur un emploi,
c'est un incitatif majeur. Il ne faut pas sentir que les gens sont dans un
cul-de-sac. Tantôt, vous avez souligné qu'il y avait eu beaucoup
de création d'emplois dans l'est. Je ne doute pas de cela. Mais il y a
eu également beaucoup de déplacements d'emplois dans
Rh/ière-des-Prairies et dans Pointe-aux-Trembles. C'est surtout
l'installation de ces entreprises dans le parc industriel de
Pointe-aux-Trembles qui a donné naissance à du
déplacement, à de la rétention, mais également
à de la création d'emplois mais qui sont complètement dans
une poche qui est beaucoup plus à l'aise que le sud-est de
Montréal. Cela répond peut-être en partie à
l'interrogation que, nous aussi, nous nous sommes posée
dernièrement, quand on a vu qu'il se créait de l'emploi dans une
partie de l'est.
C'est pour cela qu'on souligne dans notre rapport d'inciter les
employeurs à faire confiance aux assistés sociaux
également. Ce côté nous apparaît primordial.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On parle, dans votre paragraphe 2
- je n'en ferai pas la lecture parce que je suis un peu encarcané, moi
aussi, par le temps qu'on m'accorde - d'un seuil de revenu garanti pour couvrir
les besoins à court ou à long terme. Il y a deux méthodes
qui ont principalement fait l'objet des discussions devant la commission: les
besoins tels qu'établis par le Dispensaire diététique de
Montréal ou les dépenses de consommation des travailleurs
à faible revenu, le premier ou le dernier, dépendant où on
se place, les 10 % de Statistique Canada.
Comment voyez-vous les prestations d'aide sociale versus le salaire
minimum? Avec participation dans une mesure d'employabilité, est-ce que
les prestations d'aide sociale doivent être inférieures,
égales ou supérieures au salaire minimum?
M. Desrosiers: Elles doivent être égales au salaire
minimum. Si le salaire minimum est calculé à partir d'un revenu
minimal pour vivre dans la société, on préconise que les
prestations d'aide sociale devraient rejoindre le salaire minimum.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais poser une question et je
ne conteste pas votre opinion, je la respecte avec tout le professionnalisme
avec lequel vous me la donnez. Ne craignez-vous pas que, si les prestations
d'aide sociale sont égales au salaire minimum, l'on vive comme
expérience un peu ce qui s'est vécu en d'autres endroits en
Amérique du Nord - pour ne pas le nommer, l'État de New York -
où, finalement, les gens se créent une espèce de
sous-système d'emplois et passent leur vie sur des programmes
d'employabilité jusqu'à la retraite s'il n'y a pas cet incitatif
entre le salaire minimum et les prestations?
M. Desrosiers: Malheureusement, je n'ai pas l'expertise de ce qui
s'est passé à New York. Il faut dire que notre démarche se
veut beaucoup plus une démarche de concertation et de mobilisation de
l'est et, comme vous le disiez tantôt, ce que l'on veut réellement
changer dans l'est, c'est une image négative. C'est pour cela qu'on
essaie de trouver, avec le peu de moyens qu'on a, des solutions à court
et à moyen terme. Une des choses dont on se rend compte, c'est qu'une
partie de la population est dans un état de pauvreté et de
dépendance incroyable. C'est pour cela qu'on n'a quand même pas
l'expertise, au PARHM, pour faire une analyse de chiffres et de débats
de comparaison. À tout le moins, ce qu'on se dit, c'est qu'il faut que
ce soit un minimum vital. Que ce soit 10 % de moins ou égal, si le
salaire minimum, c'est le minimum vital, je dis oui au salaire minimum dans le
cas de l'assisté social.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans la troisième
recommandation, finalement, je ne ferai pas la lecture des paragraphes a, b, c,
d et e, on parle d'une implication du milieu à partir des groupes
communautaires jusqu'aux travailleurs et aux employeurs des entreprises. Est-ce
que vous favoriseriez une accréditation des groupes communautaires?
J'explique un peu ce que le gouvernement pourrait proposer que les groupes
communautaires qui oeuvrent dans le quartier où vous oeuvrez
également soient accrédités par le ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu comme un agent
d'intervention, et qu'ils puissent, dans le cadre des programmes mis à
leur disposition, devenir les interlocuteurs privilégiés entre le
ministère et sa population.
M. Desrosiers: J'irais jusque-là à tout le moins.
La réforme... Déjà que, par l'expérience que l'on
vit au comité "Employé habilité", on se rend compte que,
s'il n'y a pas un intervenant entre l'institution et l'assisté social,
il n'y a rien à faire, c'est un leurre d'arriver en contact avec
l'assisté social. C'est pour cela que l'on préconise une
mobilisation de cette forme. Actuellement, le comité "Employé
habilité" auquel on travaille regroupe 25 intervenants, autant syndicaux
qu'institutionnels, que groupes communautaires et autres. Je crois que ces
gens-là devraient avoir un rôle primordial dans une réforme
comme cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va pour le moment. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Laporte): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Je vous salue, M. Desrosiers et M. Goulet. M. Goulet,
vous êtes toujours l'adjoint, je crois, au directeur
général de la CECM; c'est bien le cas? Ce n'est pas à ce
titre-là que vous siégez au comité "Employé
habilité"?
M. Goulet (Gilles): Non.
Mme Harel: Vous y siégez comme ancien directeur du CLSC
Hochelaga-Maisonneuve. Non plus? Comme personne-ressource?
M. Goulet: Entre autres, mais je pense que c'est davantage par
mon implication et mon engagement dans le milieu. Je ne représente ni la
CECM, ni le CLSC.
Mme Harel: Je le conçois. Vous ne représentez pas
l'institutionnel.
M. Goulet: Non, pas du tout. Mme Harel: Pas du tout.
M. Goulet: C'est à titre de coordonnateur du comité
"Employé habilité" que je suis ici ce soir. (21 h 45)
Mme Harel: D'ailleurs, c'était là le pari le plus
important qu'a remporté PARHM, de réussir, dans un milieu du bas
de la ville, à faire travailler ensemble des milieux qui avaient
été, on peut dire, historiquement antagoniques: le milieu de la
très grande entreprise... Je pense entre autres à Bombardier,
à Hershey's ou à Johnson & Johnson. Je crois que leurs
dirigeants participent au comité ou sont actifs au sein du PARHM.
M. Desrosiers: Ils sont actifs dans les conseils d'administration
et ils sont actifs dans un de nos autres comités également.
Mme Harel: Alors, il y a là des dirigeants de très
hauts niveaux en même temps que des gens du milieu communautaire et des
gens du milieu des affaires professionnelles et commerciales. Disons que
c'était comme la quadrature du cercle, d'une certaine façon.
C'est certainement ce qui a donné au PARHM la crédibilité
et la légitimité qu'il a maintenant et la consolidation de cet
appui venant d'un peu tous les milieux.
Dans votre mémoire, vous nous rappelez notamment qu'il y a un
coût relié à l'appauvrissement et que ce coût se
calcule aussi en termes économiques, que le coût de la
sous-éducation, que le coût de la santé physique, que le
coût de la santé mentale et de la délinquance se calculent
également. Ce n'est pas simplement en renvoyant des gens dans la
marginalité comme si c'étaient des exceptions à la
règle qu'on peut jauger ce qui se passe dans notre
société. Il y a là des coûts importants pour les 30
000 personnes. Vous nous rappelez d'ailleurs que, quelles que soient les
créations d'emplois, il y a toujours plus ou moins 30 000 personnes qui
sont en inactivité. C'est une question à laquelle je ne
sais pas si vous pouvez répondre mieux que tous les organismes
avec lesquels j'ai communiqué un peu, y compris l'OPDQ dans la
région de Montréal. Ils ne sont pas capables de me dire
exactement quelle a été la création nette d'emplois dans
l'est. Je ne sais si vous avez eu l'occasion de vous pencher sur cette
question, parce qu'ils considèrent qu'il y a eu beaucoup de transferts,
des transferts de zones plus vétustés le long de l'avenue du Parc
et autres dans le centre-ville vers les parcs industriels ouverts à
Pointe-aux-Trembles et Rivière-des-Prairies et que ces transferts ont
consolidé et permis parfois une création d'emplois, mais
relativement peu importante en regard des grands licenciements qu'on vient de
connaître encore dernièrement. Est-ce que vous avez eu des
chiffres là-dessus?
M. Desrosiers: Non. Nous n'avons pas de chiffres précis.
Nous aussi, nous avons des impressions. Mais, par contre, on a peut-être
certains bras sur le terrain. Si je prends l'exemple du parc Moreau, qui est
pratiquement rempli à pleine capacité, il y a eu très peu
de création d'emplois. Ce sont des imprimeries qui sont parties, soit de
la ville de Saint-Laurent ou du comté de M. Laporte et qui se sont
rapprochées dans le parc Moreau, par exemple, l'imprimerie Paradis.
Quant au parc de ...
Mme Harel: Vous faites de la rétention quand même,
à Montréal, parce que, sinon, on s'en allait vers des parcs
industriels sur la rive sud...
M. Desrosiers: Cela a quand même un effet
d'entraînement positif.
Mme Harel: ...ou à Anjou.
M. Desrosiers:... ne serait-ce que sur les commerces
environnants.
Mme Harel: Mais ce n'est pas nécessairement... C'est
cela.
M. Desrosiers: De fa création nette. Non.
Mme Harel: De la création nette. Vous menez
présentement des actions en regard de l'employabilité. Vous avez
parlé du comité. C'est impressionnant. C'est vous, M. Goulet, je
pense, qui le présidez. Il y a au-delà de 22 personnes qui y
participent avec de nombreux dirigeants d'entreprises et des gens du milieu
communautaire.
Vous avez, je pense, confié à une maison de
psycho-éducation, je ne sais trop, le soin de faire des recherches.
J'aimerais que vous nous en partiez, que vous nous fassiez part des premiers
résultats obtenus et de ceux que vous attendez. Je crois que ce sont
là des recherches extrêmement importantes sur la question de
l'employabilité et elles devraient être fournies, d'ailleurs. aux
gens de la commission.
M. Goulet: D'abord, je vais peut-être me permettre de vous
parler un petit peu de la composition du comité "Employé
habilité". On en parle depuis tout à l'heure. Il y a
effectivement 22 personnes qui siègent au comité "Employé
habilité". Il y a des représentants du monde syndical et du monde
des affaires, des représentants des réseaux institutionnels et du
réseau communautaire. Et ce qu'on a réalisé, dans le fond,
à ce comité-là, c'est qu'il y avait un urgent besoin
d'asseoir tout ce beau monde autour d'une table. Cela a été le
premier des constats. Il existe une pléthore de programmes
rattachés à l'employabilité, que ce soit au provincial, au
fédéral ou dans les groupes communautaires. Déjà,
le premier constat que l'on fait, c'est qu'il y a un net besoin de faire un peu
de ménage là-dedans, de clarifier les rôles et les
responsabilités et de rendre plus explicitement accessibles et visibles
ces programmes aux personnes concernées. Quant à nous, on s'est
donné un plan d'action. Dans ce plan d'action, il y a un premier volet;
cela ressemble un peu au mandat donné au bureau consultatif sur
l'employabilité, dans le cadre des mesures adressées à
l'est de Montréal.
Ce qu'on voulait, dans un premier temps, c'était de savoir qui
étaient ces 32 000 personnes, les 10 000 chômeurs et les 22 000
assistés sociaux, en gros. Qui sont-ils? Quel est le profil
d'employabilité de ces personnes-là? C'était donc une
démarche de connaissance de la clientèle, avant de mettre en
place un certain nombre de mesures pour faciliter l'employabilité, tant
en termes de réinsertion sociale qu'en termes de réinsertion
professionnelle. On a confié au Centre de psycho-éducation de
l'Université de Montréal le mandat de tenter de rencontrer de ces
personnes afin de bien identifier les conditions dont elles ont besoin pour
favoriser et faciliter leur réinsertion. Entre autres, la
première difficulté qu'on a rencontrée...
J'écoutais Mme Vidal tout à l'heure et, assez curieusement, on a
vécu la même chose. Je me disais que, sur 32 000 personnes, ce
serait très facile d'aller en chercher une centaine, mais on a eu toutes
les difficultés du monde à en recruter 40. Là-dessus, je
dois dire que, même s'il y a une table de concertation, on a eu certaines
difficultés à faire débloquer la collaboration du
réseau institutionnel.
Mme Harel: Y compris le centre Travail-Québec!
M. Goulet: Le centre Travail-Québec aussi bien que le
centre d'emploi et d'immigration du Canada, pour toutes sortes de bonnes
raisons.
Mme Harel: Quelles sont les raisons?
M. Goulet: Le respect de la confidentialité
des données plus particulièrement. On pensait qu'il y
avait moyen de rejoindre au moins une centaine de personnes, mais finalement
nos 40 personnes, on a réussi à les rejoindre davantage par le
biais des groupes communautaires qui sont en contact vraiment très
direct avec elles et c'est grâce à eux qu'on a réussi
à les rejoindre. Là, on les a rencontrées par petit groupe
pour tenter d'identifier leurs besoins. Ce qui en ressort - je ne veux pas
faire une longue histoire, on pourrait déposer éventuellement le
dossier - c'est principalement le besoin, et je pense que cela a dû
être dit ici en commission, de briser l'isolement de ces personnes.
Les groupes que nous avons rencontrés sont composés de
gens qui sont aux prises avec des problèmes sérieux de
santé et de santé mentale, d'équilibre au niveau de la
santé mentale. Ce que ça nous amène à
inférer en termes de mesures, c'est que, si on veut penser à
l'employabilité, il y a d'abord une espèce de démarche de
préem-ployabilité à faire avec ces gens-là pour
leur permettre de retrouver... Cela peut se faire en collaboration avec les
institutions; je pensais au CLSC où j'ai déjà
été directeur général et au centre de crise qu'on a
mis sur pied dans le temps avec Mme Lavoie-Roux. Il y a des collaborations
à aller chercher là pour favoriser la réinstauration de
cet équilibre dans la santé mentale. Après, on pourra
mettre en place des mesures d'employabilité proprement dites. Donc,
c'est pour cela que je parle de réinsertion sociale et de
réinsertion professionnelle.
Ce qui s'est également dégagé...
Mme Harel: II va falloir que vous me parliez aussi de la
Commission de formation professionnelle.
M. Goulet: D'accord. Ce qui s'est également
dégagé, c'est le souhait d'une mesure qu'on pense essayer de
mettre en place, je ne sais pas trop comment. C'est une espèce de mesure
comme SOS Suicide, un SOS Emploi. Ce serait, pour une personne qui perd son
emploi, qui ne sait pas trop où s'adresser, qui est perdue et
paniquée un tout petit peu, une espèce de lieu où elle
pourrait communiquer rapidement, et un lieu où on pourrait faire de
l'accueil et donner des références.
Les jeunes nous ont également dit qu'ils souhaitent un genre de
lieu un peu différent du réseau institutionnel qu'on trouve
froid, bureaucratique et qui est débordé. Je ne veux pas porter
un jugement négatif là-dessus, mais on nous dit souvent que cela
tient plus à la qualité de la personne qui nous accueille qu'au
réseau proprement dit de services. Cela m'amène à penser
qu'il y aurait peut-être lieu, si ce n'est pas fait déjà,
de penser à toute une série de mesures. On parle d'ajouter du
personnel dans le projet pour favoriser l'employabilité. Je pense qu'il
y aurait d'abord une sensibilisation et une formation à donner à
tout le personnel qui travaille à l'accueil, dans les centres
Travail-Québec. Je ne peux pas parler pour le fédéral,
mais ce qu'on a déploré essentiellement, c'est la froideur
bureaucratique des personnes qui accueillent dans les centres
Travail-Québec.
Mme Harel: C'est sûr. Par ailleurs, compte tenu du nombre
de dossiers - on dit dans nos circonscriptions que c'est au-delà de 500
ou 550 dossiers par agent - la froideur est certainement inversement
proportionnelle au volume. Cela doit quand même jouer sur les relations,
d'une certaine façon. Cela dépend quelle est l'attente que le
milieu ou l'employeur a à l'égard de la performance. Je ne pense
pas que l'attente soit en termes de relation d'aide, mais plus en termes de
volume de dossiers traités. Cela doit quand même jouer beaucoup,
quelles que soient les bonnes dispositions des personnes.
M. Goulet: Oui. Tout cela s'explique. Ce sont simplement les
perceptions qui nous ont été exprimées telles qu'elles
sont vécues par les personnes que l'on a rencontrées.
C'est là un premier volet. Je passe rapidement à l'autre,
qui m'apparait tout aussi important parce qu'il est complémentaire. On
entreprend maintenant la même démarche auprès d'une
cinquantaine d'entreprises. C'est sensiblement la même, avec un canevas
semblable d'entrevues, de rencontres avec les responsables de ces entreprises,
afin de vérifier auprès d'eux quelle perception ils ont de la
main-d'oeuvre dans le sud-est, les besoins de main-d'oeuvre ressentis, le
profil de la main-d'oeuvre attendue et de tenter avec eux également
d'identifier s'il y a des besoins ou si on prévoit soit de l'expansion,
soit du développement, et, si on prévoit de la création
d'emplois, d'essayer de s'entendre avec eux pour tenter de développer
des mécanismes qui permettraient aux personnes qu'on a
identifiées, qui sont à la recherche d'un emploi, avec les
conditions d'employabilité, de faire en sorte qu'on puisse faire
l'arrimage entre les besoins de l'entreprise et les besoins exprimés par
la main-d'oeuvre.
Le Président (M. Laporte): J'imagine qu'on a le
consentement des membres de la commission pour dépasser 22 heures.
Mme Harel: Oui, certainement. Le Président (M.
Laporte): Merci.
Mme Harel: Alors, il me reste seulement sept minutes. M. Goulet,
M. Desrosiers, vous comprendrez que j'aimerais en plus vous entendre parler du
fonds spécial de formation. Dans les recommandations du CREEEM, il y
avait le fonds spécial de formation. Le ministre a annoncé 12 000
000 $ sur une période de trois ans. Y a-t-il déjà des
mesures mises en place pour ropérationnalisation" de ce fonds de
formation à
l'intention de la main-d'oeuvre locale? Quelles sont les relations
actuellement entretenues avec la Commission de formation professionnelle qui
est très loin?
D'autre part, la recommandation du CREEEM concernant les mesures
particulières pour favoriser l'embauche des résidents de l'est
par les entreprises qui créent les emplois. Vous nous rappelez la
recommandation d'un crédit d'impôt a l'embauche locale lors de la
création nette d'emplois. "Grant diversion". Je suis surprise que vous
nous le proposiez. Cela a été très décrié
par les groupes qui vous ont précédés parce que cela ne
permet pas à quelqu'un de quitter l'étiquette d'assisté
social". Finalement, du moment que les gens acceptent quasiment de travailler
pour un peu plus que l'aide sociale, mais du moment qu'ils n'en sont plus... Le
fait de continuer à en être est une sorte d'état de
dévalorisation à tel point qu'un emploi exercé avec cette
étiquette n'est pas une vraie "job". Je ne sais pas comment vous
perceviez ce projet de "Grant diversion" américain.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je m'excuse. J'aurais
peut-être une précision à apporter, Mme la
députée de Maisonneuve. Je n'ai pas le même... quand je
l'ai, je me sens à l'aise, quand cela a été bien
critiqué, je le dis comme tel, mais "Grant diversion" n'a pas fait
l'objet de critiques comme telles, parce que "Grant diversion" sort quelqu'un
de l'aide sociale. Il y a peut-être là...
Mme Harel: Oui. Je fais plutôt référence au
groupe de Québec qui est venu nous...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Parce que "Grant diversion" sort
une personne de l'aide sociale. Elle travaille et, par l'entremise de
l'entreprise, on transforme ses prestations d'aide sociale en salaire. À
ce moment-là...
Mme Harel: Mais elle est toujours sous le contrôle d'un
bureau d'aide sociale. Elle a toujours ses formulaires. Elle est toujours un
assisté social.
M. Desrosiers: Sur ce point, je peux répondre. Nous, ce
que nous trouvions intéressant, c'était le modèle. En ce
qui nous concerne, cela ressemble un peu à un crédit
d'impôt déguisé, mais jusqu'à un certain point, car
on n'ose pas l'appeler comme cela. C'est sûr que si c'est pour conserver
un chapeau d'assisté social, on n'est pas favorable à cela. Mais
si c'est réellement pour aider une entreprise à engager quelqu'un
et le sortir de l'aide sociale, pour qu'il travaille et se
réinsère dans le marché du travail, c'est cette vision
qu'on partage.
Mme Harel: D'accord. Mais il y a des choses à clarifier.
Je me rappelle un groupe de Québec dont la porte-parole était une
femme exceptionnelle, une infirmière psychiatre, très connue de
M. Leclerc, qui l'a félicitée à maintes reprises,
d'ailleurs, pour sa bonne collaboration.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Elle a félicité M.
Leclerc aussi.
Mme Harel: Oui, oui. C'est cela. Oui. C'était mutuel.
C'est le député de Taschereau.
M. Desrosiers: On ne se connaissait pas, M. Leclerc. (22
heures)
Mme Harel: C'est important, parce que je pense que cela peut
créer de la confusion. C'est évident qu'il faudrait que ce soit
un emploi payé au moins au salaire, disons, légal et non pas
simplement quelqu'un qui est embauché avec ses...
M. Desrosiers: Non, non. Écoutez...
Mme Harel: ... ses prestations d'aide sociale, comme
assisté social.
M. Desrosiers: Non, non. On a même pris la peine de
souligner que pour nous...
Mme Harel: D'accord.
M. Desrosiers: ... l'assisté social devrait avoir,
à tout le moins, l'équivalent à peu près d'un
salaire minimum. Naturellement, s'il retourne travailler en entreprise, ce
n'est pas du "cheap labour". C'est très clair.
Mme Harel: En l'occurrence, vous dites, et c'est peut-être
intéressant: Pourquoi ne pas envisager, à ce moment, de verser ce
qui serait l'équivalent? On verse presque 165 000 000 $ dans l'est, je
pense, en assurance-chômage et en aide sociale. Pourquoi ne pas essayer
des projets qui verseraient l'équivalent à des employeurs qui
offriraient de vrais jobs?
M. Desrosiers: En ce qui concerne notre territoire, ce qu'on se
dit, nous, c'est qu'il y en a tellement qu'on aimerait essayer
différents projets, différentes techniques pour avancer, pour
donner des chances aux assistés sociaux de réintégrer le
marché du travail.
Mme Harel: Qui sélectionnerait de tels projets pour bien
s'assurer qu'ils ne soient pas les victimes, finalement, d'emplois
sous-classés, dévalorisés? Qui pourrait faire en sorte
qu'il y ait un certain encadrement?
M. Desrosiers: Nous, écoutez, on n'a pas
poussé...
Mme Harel: Vous allez dire vous, peut-être?
M. Desrosiers: Non, on va être plus modeste, disons.
Mme Harel: Pourquoi pas?
M. Desrosiers: Justement, cela m'amène peut-être
à parler d'une certaine vision qu'on peut avoir. On cherche de
l'information plus précise sur le bureau consultatif qui va être
formé très bientôt, qui concerne l'est de Montréal.
On sait que Mme Michèle Jean, je pense, pilote le dossier. Bon. On a
appris, parce qu'il y a des gens de la CFP qui siègent auprès de
nous, entre autres, qu'il va y avoir douze ou treize postes, je crois.
Peut-être que certaines mesures concernant l'est, autant celles qu'on
vient d'énumérer que d'autres, sur l'aide sociale pourraient
être, dans un premier temps... On pourrait demander au bureau consultatif
de donner des avis sur certaines politiques concernant l'est pour voir comment
certaines mesures pourraient s'appliquer avant d'aller trop loin, autant d'un
bord que de l'autre, dans une démarche de réforme de l'aide
sociale ou de politique d'incitation à retourner sur le marché du
travail.
Mme Harel: Avez-vous été contactés, au
PARHM, pour faire partie du comité consultatif?
M. Desrosiers: On n'a pas été contactés pour
en faire partie. On a été contactés pour savoir quels sont
tous les groupes qui travaillent à l'employabilité, y compris
nous-mêmes. Personne, je crois, n'a été
présenté comme tel. Mais on sent que notre nom circule. On n'a
pas plus d'information.
Mme Harel: À la Commission de formation professionnelle,
dites-moi un peu comment les choses vont se passer. Ces gens sont censés
engager un adjoint au directeur général qui va s'occuper de
l'est. Comment sera l'arrimage avec le PARHM?
M. Desrosiers: Gilles pourra compléter. On a
commencé... Le Centre de formation professionnelle siégeait
à notre comité "employé habilité".
Mme Harel: Commission? Oui, c'est cela. Oui.
M. Desrosiers: ... siégeant au comité
"employé habilité". Depuis les annonces, l'intervenant a
changé. On a constaté, depuis les annonces du bureau consultatif
et tout cela, un rapprochement assez positif de la Commission de formation
professionnelle. Jusqu'où cela peut aller? Je crois que le
représentant a pu voir que notre travail était réellement
assez impliqué sur le terrain...
Mme Harel: II me reste juste une minute. J'aimerais que vous me
disiez votre évaluation du travail de la Commission de formation
professionnelle dans l'est. Je ne veux pas que ce soit une évaluation de
ce que vous pensez d'elle.
Mais, est-ce que les gens que vous avez contactés,
l'enquête qui est menée, par exemple, savent ce qu'est la
Commission de formation professionnelle? Fait-on appel à ses
services?
M. Desrosiers: Non. Il n'y a personne, je l'avoue, qui semble la
connaître beaucoup. Même nous. Disons que c'est à travailler
avec elle qu'on apprend à la connaître. C'est une grande
méconnue, je trouve, dans l'est, cette commission.
Le Président (M. Laporte): Le temps est malheureusement
écoulé. M. le ministre.
Mme Harel: M. Goulet voulait peut-être dire quelque chose,
si vous me permettez.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, allez-y. M. Goulet:
Non, cela va.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur le temps écoulé
de Mme la députée, pas sur mon temps!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aurais quelques
précisions a vous demander, non pas dans le nouvel encadrement qui vous
est proposé, mais dans ce que vous avez vécu dans le
passé, par rapport a la Commission de formation professionnelle. Ma
question est bien directe, bien simple: Sentiez-vous que dans le milieu dans
lequel vous oeuvrez maintenant, la Commission de formation professionnelle
était présente et active?
M. Desrosiers: En ce qui concerne PARHM, je réponds non.
Par contre, lorsqu'on a mis sur pied le comité, on a demandé
à la commission de siéger. Elle a accepté, mais on n'a
jamais senti que c'était une présence qui avait un suivi
constant. Elle participait. À part cela, non.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous pose la question parce que
j'ai senti que, quand le milieu nous a réclamé un directeur
adjoint au directeur général, c'est parce qu'il sentait que
c'était un outil qui ne servait pas aux fins auxquelles il devait servir
dans le passé. Est-ce que j'ai tort ou raison dans cette
interprétation que j'ai faite de cet aspect du dossier?
M. Desrosiers: Est-ce que vous pouvez répéter votre
interprétation?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Lorsqu'on nous a demandé de
nommer un adjoint au directeur responsable de votre région et du
programme spécial qui était mis sur pied, j'ai eu l'impression
qu'on me disait: La Commission de formation professionnelle n'a pas fait chez
nous, dans le passé, le travail qu'elle devait y faire.
Peut-être qu'en l'impliquant plus directement avec quelqu'un de
responsable et ayant l'autorité, ce travail va être
effectué. C'est ce que j'ai senti. Est-ce que j'ai eu un bon
"feeling"?
M. Desrosiers: C'est peut-être un bon "feeling", mais pour
exposer plus précisément ce qu'on peut ressentir dans l'est
vis-à-vis des outils... Le ministre Johnson a annoncé - comme
vous le savez sûrement - quelques millions pour l'est avec une
énorme table de concertation. On a été surpris de voir
qu'en parallèle il y avait un bureau consultatif avec la CFP d'un
côté. La crainte, c'est qu'on aimerait beaucoup qu'il y ait un
arrimage de tout cela. La réputation de la CFP dans l'est, c'est
effectivement quelque chose d'éloigné, qui est à part. Je
trouve que les dernières annonces ont un peu confirmé cela. Au
niveau de la formation, on n'a pas précisé encore -
peut-être que cela va venir - que cela faisait partie de la table de
concertation de l'est qui est annoncée par Montréal et
Québec. On crée un bureau consultatif, sans trop savoir quelle
est la relation avec la table de concertation. Cela a semé la même
appréhension.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Donc, on est parti - si on peut
aller rapidement - de l'appréhension: "je ne vois pas le rôle que
la CFP était supposée y jouer", à, maintenant qu'il y a eu
rapprochement de la CFP, l'appréhension: "comment on va arrimer cela
avec la table de concertation?"
M. Desrosiers: Oui. C'est cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous dirai que, sur le plan de
l'employabilité, j'avais pris la peine - c'était aussi un peu par
obligation - de tout lire ce que vous avez pu produire comme document et comme
demande au ministère avant d'arrêter les décisions qui vous
ont été annoncées dernièrement. Je vous dirai
également qu'on mise beaucoup sur votre implication et la
réussite de ce que vous avez entrepris. Je vous dirai encore que
l'approche très pratique que vous avez développée, en
évaluant 1° la clientèle et ses besoins, 2° les
entreprises et leur cheminement, est une approche qui peut paraître bien
simple mais, lorsqu'elle n'est pas au dossier, on peut commettre beaucoup
d'erreurs. Lorsque de telles données sont consignées au dossier,
ce n'est pas une garantie qu'on va viser juste, mais c'est une garantie qu'on
va être au moins quelque part dans la cible. Il s'agit, pour le
ministère, d'une expérience-pilote. Est-ce que cette
expérience va être répétée ailleurs, dans
d'autres régions qui subissent un petit peu le même sort que la
région de l'est de Montréal? Cela dépend de la
qualité du travail que vous allez accomplir. Je sais que vous êtes
des gens responsables et que vous avez envie de réaliser
professionnellement les choses dans lesquelles vous vous êtes
engagés, mais je vous dirai qu'au ministère on a besoin de cette
collaboration que vous nous avez offerte.
Au sujet du comité consultatif dont on parlait tantôt, je
tiens à vous dire que la qualité de votre approche va inciter le
ministère à retenir pour le comité consultatif, je ne
dirai pas les deux candidatures, parce qu'il ne faut pas placer dans les
comités des gens qui proviennent nécessairement des mêmes
groupes d'action... Il s'agit d'en choisir une des deux. Une des deux
candidatures sera retenue pour le comité consultatif comme tel. Cela
vous donnera un tremplin de plus pour faire fonctionner ce que vous avez
entrepris comme projet.
Je n'ai pas de question précise à vous adresser à
ce moment-ci. Mais si vous aviez, de votre côté, des remarques
précises à m'adresser, c'est le moment propice de le faire sans
intermédiaire. Cela s'adresse possiblement plus à M. Goulet
qu'à M. Desrosiers, que je n'ai pas eu l'occasion d'interroger.
Le Président (M. Laporte): M. Goulet.
M. Goulet: Je suis simplement très heureux d'apprendre que
quelqu'un du PARHM siégera au bureau consultatif. Vous posiez des
questions tout à l'heure au sujet de la perception qu'on pouvait avoir
de la CFP. Assez curieusement, à la dernière rencontre du
comité de l'employabilité, le représentant de la CFP a
été beaucoup plus actif. Il est arrivé avec des
propositions beaucoup plus pratiques et qui allaient plus dans le sens de la
planification qui avait été mise sur pied par notre
comité. Donc, il y a un rapprochement. Je suis très content,
très heureux d'apprendre qu'il y a une volonté réelle de
faire jouer à la CFP son rôle. Si on est obligés
nous-mêmes, avec peu de moyens, d'entreprendre une démarche pour
une meilleure connaissance de la clientèle à desservir, il me
semble que cela aurait pu être fait et que cela entre dans les
attributions de la CFP, sauf qu'on l'a entrepris. Je suis très heureux
maintenant de réaliser... Aux dernières rencontres -
Gaétan peut le confirmer - le représentant de la CFP est
arrivé et j'avais l'impression qu'il avait des mandats beaucoup plus
clairs.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous dirai également
qu'au cours de votre expérience, il peut survenir des moments où
il peut vous sembler, à tort ou à raison, que la volonté
gouvernementale n'est pas aussi articulée, aussi présente qu'elle
devrait l'être. Dans ces cas, compte tenu de l'importance du
projet-pilote que vous avez constitué, je vous invite à nous en
faire part directement.
Une des voies les plus directes pour nous atteindre, lorsque vous avez
épuisé toutes vos ressources à l'intérieur de la
machine - parce que c'est là qu'il faut d'abord travailler - ce sont les
membres de l'Assemblée nationale qui représentent vos
circonscriptions électorales.
d'un côté comme de l'autre, du parti au pouvoir comme du
parti de l'Opposition. Étant donné la rapidité avec
laquelle ces messages peuvent être véhiculés, je vous
incite à profiter de la présence des députés pour
les acheminer; cela me vient rapidement, habituellement, lorsque c'est
acheminé par les députés. C'est une autre avenue que je
vous suggère d'employer; pas d'en abuser mais d'employer, après
avoir utilisé la machine.
Le Président (M. Laporte): On vous remercie. Avez-vous
autre chose à ajouter, M. Desrosiers? Je vous remercie de la
présentation de votre mémoire. Comme je sais pertinemment que
vous venez pratiquement juste d'arriver et que vous retournez directement
à Montréal, je vais vous souhaiter un bon voyage. Nos
remerciements au nom de la commission pour la présentation de votre
mémoire.
Je rappelle aux membres de la commission que la commission se
réunira le 22 mars, de 10 heures à midi trente, dans cette salle,
afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi 94,
Loi sur le Conseil de la famille.
Je déclare les travaux de la commission ajournés sine die.
Merci.
(Fin de la séance à 22 h 14)